1 DROIT DES CONTRATS
Le mot obligation a un double sens. De manière générale, il désigne tout ce que l’ordre juridique commande à une personne. Ex : obligation de rouler à droite en France Juridiquement, la notion d’obligation a un sens plus étroit et désigne un lien de droit entre deux personnes en vertu duquel l’une d’entre elles, le créancier, peut exiger de l’autre, le débiteur, une prestation ou une abstention : c’est un droit de créance (droit personnel). Le droit des obligations repose sur la distinction entre faits et actes juridiques. Les actes juridiques sont des manifestations de volonté accomplies en vue de produire certains effets de droit. Ex : contrat, testament Les faits juridiques sont des évènements quelconques qui produisent des effets juridiques qui n’ont pas été directement voulus par les intéressés. Le fait juridique peut être volontaire ou involontaire. Ex : un accident de la route oblige celui qui est en faute à indemniser la victime Les obligations peuvent être classées en fonction de leur objet •
Obligations de donner : le débiteur s’engage à transférer la propriété d’un bien lui appartenant au créancier
Ex : vente, donation •
Obligation de faire : le débiteur s’engage à accomplir une prestation au profit du créancier
Ex : un garagiste s’engage à réparer un véhicule •
Obligation de ne pas faire : le débiteur s’engage à ne pas faire quelque chose
Ex : obligation de non concurrence Les obligations peuvent également se classer en obligations de résultat ou de moyens. •
Obligation de résultat : le débiteur s’engage à atteindre un résultat déterminé. Il n’aura exécuté son obligation que si le résultat est atteint.
Ex : rembourser une dette à date fixe ; transporter quelque chose
2 •
Obligation de moyens : le débiteur s’engage à mettre tous les moyens en œuvre pour parvenir à un résultat déterminé
Ex : le médecin s’engage à faire son possible afin de guérir le malade L’intérêt pratique de cette distinction réside essentiellement sur le terrain de la preuve car l’inexécution d’une obligation de résultat permet de présumer la faute du débiteur alors que celle-ci doit être prouvée par le créancier s’il s’agit d’une obligation de moyens. Une obligation peut donc être créée par un concours de volontés : ce sera le contrat. Mais certaines obligations peuvent exister sans convention : c’est le cas des délits et quasi-délits civils. TITRE I. LE CONTRAT Le contrat est défini par l’art. 1101 c. civ. comme « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Les auteurs qui inspirèrent le code civil (Domat, Pothier) ainsi que ses rédacteurs fondaient le contrat sur la théorie de l’autonomie de la volonté : le contrat repose sur la volonté de ceux qui s’engagent. La théorie de l’autonomie de la volonté a décliné à l’époque moderne car elle aboutissait parfois à des conséquences injustes (liberté qui asservit dans les relations de travail). Ce déclin est notamment du au développement de l’ordre public, par lequel l’Etat intervient dans le domaine économique. Ex : le législateur peut imposer la conclusion d’un contrat (assurance auto), imposer le contenu du contrat (bail commercial), interdire certaines clauses (clauses abusives)… Les contrats peuvent être classés en plusieurs catégories selon leur objet. Contrat synallagmatique et contrat unilatéral (art. 1102 et 1103 c. civ.) : le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres. Chacune des parties a le double rôle de créancier et de débiteur (Ex : Vente). Le contrat est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement de la part de ces dernières. Ex : donation
3 •
Contrat commutatif et contrat aléatoire (art. 1104 c. civ.) : un contrat est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à donner ou à faire quelque chose qui est considérée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne ou de ce qu’on fait pour elle.
Ex : vente Le contrat est aléatoire lorsque les avantages ou les pertes qui en résulteront dépendent d’un évènement incertain. Ex : assurance, loterie, vente avec rente viagère •
Contrat à titre gratuit et contrat à titre onéreux (art. 1105 et 1106 c. civ.) : Le contrat est à titre gratuit lorsqu’une seule partie procure un avantage à l’autre.
Ex : donation, prêt sans intérêt Le contrat est à titre onéreux lorsqu’il oblige chacune des parties à donner ou à faire quelque chose. Il y a une contrepartie qui n’est pas forcément pécuniaire (troc). Ex : vente, bail •
Contrat à exécution instantanée et contrat à exécution successive : un contrat est à exécution instantanée lorsqu’il donne naissance à des obligations susceptibles d’être exécutées en un seul instant.
Ex : vente Le contrat est à exécution successive lorsque l’exécution des obligations s’échelonne dans le temps. Ex : bail, contrat de travail Les contrats peuvent également être classés selon leur mode de formation. •
Contrat d’adhésion et contrat de gré à gré : le contrat est d’adhésion lorsque les obligations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties et ne peuvent être librement discutées.
Ex : contrat d’abonnement, transport SNCF Le contrat est de gré à gré lorsque chacune des parties peut négocier les clauses du contrat. Ex : vente •
Contrat consensuel, solennel et réel : le contrat consensuel est celui qui se conclut par le seul accord des volontés, sans qu’aucune forme ne soit exigée.
4 Ex : vente Le contrat solennel est celui pour la validité duquel la loi exige une forme particulière, notamment un écrit, authentique ou sous seing-privé. Ex : donation, mariage, CDD Le contrat réel est celui qui, pour sa formation, nécessite non seulement l’accord des parties mais également la remise d’une chose au débiteur. Ex : gage, prêt, dépôt Pour produire tous ses effets, le contrat doit respecter certaines règles de formation. CHAPITRE I. LA FORMATION DU CONTRAT Pour être valable, le contrat doit respecter certaines conditions. A défaut , il est nul. SECTION I. CONDITIONS DE FORMATION L’art. 1108 c. civ. dispose que le contrat doit respecter 4 conditions de formation : le consentement, la capacité, l’objet et la cause. I.
LE CONSENTEMENT
Le consentement est formé par la rencontre de l’offre et de l’acceptation. L’offre est la proposition de contracter. Elle doit être précise, c’est-à-dire qu’elle doit indiquer les éléments essentiels du contrat (chose, prix, …). Elle doit également être ferme, c’està-dire qu’elle doit indiquer la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. L’offre peut être adressée à une personne déterminée ou au public. Ex : exposition de marchandises avec un prix ; être au volant d’un taxi sur un emplacement réservé… L’offre assortie d’un délai doit être maintenue jusqu’à l’expiration de ce délai. L’offre qui n’est pas assortie d’un délai ne peut être révoquée avant l’écoulement d’un délai « raisonnable » qui permette à un éventuel acceptant de manifester son intention. En cas de litige, le juge appréciera en fonction des usages.
5 L’acceptation est l’expression du destinataire de l’offre de conclure aux conditions prévues dans l’offre. L’acceptation peut être expresse ou tacite. Ex : à la suite de l’offre d’un acheteur, le vendeur livre les marchandises Le silence ne suffit toutefois pas pour caractériser l’acceptation. Ex : une personne qui a laissé sans réponse une lettre par laquelle son banquier l’informait qu’il l’avait portée sur la liste de souscription à des actions dont il assurait le placement n’est pas obligée comme souscripteur : Cass. Civ., 25 mai 1870, Grands arrêts n° 84. L’acceptation n’est valable que lorsqu’elle a été portée à la connaissance de l’offrant. Le problème se pose lorsque les parties ne sont pas présentes simultanément. Deux théories peuvent alors s’appliquer : •
théorie de l’émission : le contrat est formé au moment et au lieu où intervient l’acceptation
•
théorie de la réception : le contrat est formé au moment et au lieu où l’offrant connaît l’acceptation
La Cour de cassation s’est prononcée pour la théorie de la réception. Le consentement est une opération psychologique qui suppose l’aptitude à comprendre et à décider. Il ne peut engager celui qui l’a émis que s’il est libre et éclairé. Or, ce consentement peut être vicié de différentes façons. A/ LES VICES DU CONSENTEMENT L’art. 1109 c. civ. cite 3 vices du consentement. 1°) L’erreur Elle consiste dans l’idée fausse que se fait un contractant d’un élément du contrat. L’art. 1110 c. civ. ne mentionne que deux sortes d’erreur : l’erreur sur la substance et l‘erreur sur la personne. L’art. 1110 c. civ. dispose que l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle concerne la substance même de la chose qui en est l’objet ou la personne du contractant lorsque la considération de cette personne est la cause principale de la convention. Par substance de la chose, il faut entendre qualités substantielles,
6 c’est-à-dire les qualités essentielles pour celui qui acquiert la chose. L’erreur est considérée comme portant sur la substance lorsqu’elle est telle que sans elle, l’une des parties n’aurait pas contracté. Cela peut viser l’origine de la chose, son authenticité, son utilisation, etc. Ex :
erreur
sur
l’authenticité
d’un
tableau
(affaire
Poussin),
terrain
non
constructible… Il faut tenir compte des mobiles qui ont animé les cocontractants (mobile déterminant). L’erreur sur la personne n’est une cause de nullité que si elle a été déterminante du consentement. Elle ne se rencontre que dans les contrats conclus intuitu personae (souvent à titre gratuit, mandat, ouverture de crédit). Ex : erreur sur l’identité de la personne ; mariage avec un ancien bagnard Pour pouvoir être invoquée, l’erreur doit être excusable. Le caractère excusable de l’erreur s’apprécie en fonction des circonstances de la cause, de l’âge, de l’expérience et de la profession du demandeur en nullité. Ex : est inexcusable l’erreur d’un architecte sur la constructibilité d’un terrain ; un employeur qui ne vérifie pas le CV d’un candidat qu’il embauche… La preuve de l’erreur est à la charge de la partie qui prétend que son consentement a été vicié. La nullité est relative, c’est-à-dire qu’elle ne peut être invoquée que par celui qui en est victime et doit être demandée dans les 5 ans. 2°) Le dol Ce sont toutes les manœuvres intentionnelles d’un contractant qui ont déterminé l’autre partie à conclure le contrat. Ex : garagiste qui trafique le compteur kilométrique d’une voiture ; dissimulation du fait qu’elle a été accidentée… Aux manœuvres, la JP assimile le mensonge et le silence. Ex : mensonge sur le confort d’une villa louée ; dissimulation par le vendeur d’une maison de l’installation prochaine d’une porcherie à proximité… Les manœuvres doivent avoir été volontairement exercées dans le but de tromper l’autre contractant. Le dol n’est une cause de nullité que s’il émane du cocontractant. S’il émane d’un tiers, il ne donnera lieu qu’à des DI.
7 Le dol doit avoir été déterminant du consentement, c’est-à-dire que sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il se distingue du dol incident, c’està-dire que l’autre partie aurait contracté, mais à des conditions différentes. Le dol incident ne donne lieu qu’à des DI. 3°) La violence Il y a violence lorsqu’une personne contracte sous la menace. La notion de violence englobe toutes les formes de menace. Elle peut être physique (coups, séquestration) ou morale (chantage). Elle peut s’exercer à l’encontre du contractant lui-même ou de ses proches. La violence s’apprécie en tenant compte de l’âge, du sexe et de la condition des personnes. Pour être cause de nullité, la violence doit être injuste, c’est-à-dire illégitime. C’est toujours le cas lorsque l’auteur de la violence a recours à des voies de fait. En revanche, l’emploi de voies de droit ne constitue pas une violence et ne peut motiver l’annulation de la convention qui en est la suite car ce n’est que l’exercice d’un droit. Ex : un débiteur accepte de vendre ses biens pour éviter les poursuites de ses créanciers ; l’employé indélicat qui signe une reconnaissance de dette pour la somme qu’il a détournée sous la menace de poursuites pénales De même, la crainte révèrentielle d’un enfant envers ses parents ne constitue pas une violence cause de nullité. Ex : ne constitue pas une violence l’influence ordinaire d’une femme sur son mari : Cass. Civ. 3ème, 3 juin 1959, Bull. civ. III, n° 276. A la différence du dol, la violence peut émaner d’un tiers. La JP a reconnu que la violence pouvait parfois émaner non pas d’une personne mais d’un évènement. Ex : paiement excessif à un remorqueur pour sauver un navire en difficulté ; vente de biens par les juifs à très bas prix en raison des persécutions dont ils étaient l’objet pendant la 2ème guerre mondiale B/ L’INSANITE D’ESPRIT Tout en étant juridiquement capable, une personne peut être hors d’état de se rendre compte de la portée de ses actes et donc ne pas émettre un véritable consentement.
8 Ex : personne dont les facultés sont durablement altérées mais qui n’a fait l’objet d’aucune protection (maladie); personne dont les facultés sont temporairement altérées (drogue, alcool) Aucune volonté réelle ne ressortant de leur déclaration, il y a absence de consentement. Toutefois, lorsque le consentement émane d’une personne qui jouit d’une pleine capacité juridique, la santé mentale est présumée. C’est donc à celui qui demande la nullité pour insanité d’esprit de prouver que le consentement faisait défaut. Selon l’art. 489 c. civ., un acte juridique est annulable faute de consentement lorsqu’il a été conçu sous l’emprise d’un trouble mental. Le trouble en question doit être d’ordre psychique. La volonté de l’auteur de l’acte doit être atteinte dans l’un des deux éléments essentiels qui composent le consentement : la lucidité (aptitude à comprendre) et la volonté (aptitude à se décider). Le trouble mental doit être suffisamment grave pour entraîner la nullité de l’acte. C’est aux juges du fond qu’il appartient d’apprécier la gravité du trouble mental invoqué. Le trouble doit exister au moment de l’acte. En raison de la difficulté de la preuve, le juge se contente de la démonstration de l’état d’insanité d’esprit à l’époque où le contrat a été conclu (preuve par tous moyens). Le défendeur peut également prouver que le demandeur était alors dans un intervalle de lucidité. II.
LA CAPACITE
La capacité est l’aptitude d’une personne à être titulaire de droits et d’obligations et à les exercer elle-même. L’art. 1123 c. civ. dispose que toute personne peut contracter si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi. La capacité est la règle et l’incapacité l’exception. La capacité se compose de deux éléments : •
Capacité de jouissance : aptitude à être titulaire de droits
•
Capacité d’exercice : aptitude à exercer soi-même les droits dont on est titulaire
La capacité d’une personne peut être atteinte dans l’une ou l’autre de ces composantes.
9 Il y a incapacité de jouissance lorsqu’une personne est privée d’un droit : il ne peut l’exercer et personne ne peut le faire pour lui. Ces incapacité sont toujours spéciales : elles ne portent que sur certains droits. Ex : privation des droits civiques, inéligibilité… Il y a incapacité d’exercice lorsqu’une personne est titulaire de droits mais ne peut les exercer elle-même. C’est une autre personne qui agit en son nom et à sa place ou l’assiste pour certains actes. Ce sont les incapacités les plus fréquentes. Un incapable ne peut, en principe, conclure de contrats. Il existe deux grandes catégories d’incapables. •
Les mineurs non émancipés, qui ne peuvent contracter que par l’intermédiaire de leur représentant légal. Le mineur dispose toutefois d’une capacité réduite pour les actes de la vie courante, c’est-à-dire ceux que l’usage autorise à accomplir seul en raison de son âge ou de leur caractère modeste (art. 389-3 et 450 c. civ.).
Ex : ne constituent pas des actes de la vie courante l’achat d’une voiture, l’ouverture d’un compte bancaire… •
Les majeurs protégés, qui voient leur incapacité plus ou moins étendue selon la gravité de leur état.
La tutelle est un régime de représentation générale La curatelle est un régime d’assistance spéciale (pour certains actes seulement) La sauvegarde de justice est un régime de protection temporaire (les actes ne peuvent être annulés que s’ils sont lésionnaires ou excessifs). Les incapacités d’exercice sont en principe sanctionnées par la nullité relative. L’action peut être exercée par l’incapable lorsqu’il a recouvré la capacité ou par ses représentants légaux. III.
L’OBJET
Selon l’art. 1126 c. civ., tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, à faire ou à ne pas faire. C’est ce sur quoi porte le contrat. A/ CARACTERES DE L’OBJET
10 L’objet du contrat doit présenter 3 caractères essentiels.
1°) L’objet doit être certain Une chose qui n’existe pas ou n’existe plus ne peut en principe être l’objet d’un contrat. L’art. 1130 c. civ. prévoit cependant que des choses futures peuvent être l’objet d’une obligation. Ex : vente d’immeuble à construire Les parties peuvent également conclure une convention aléatoire dont on n’est pas sûr que l’objet se rèalisera. Si la chose vient à ne pas exister, le contrat est caduc. Ex : vente d’une récolte à venir 2°) L’objet doit être déterminé ou déterminable Lorsque le contrat est relatif à un bien matériel, la détermination de l’objet peut prendre deux formes : •
l’objet est un corps certain : il est alors déterminé
Ex : telle maison, tel meuble… •
l’objet est une chose de genre ou fongible (blé, huile) : elle doit être déterminée dans son espèce et dans sa quantité
Ex : kilos, sacs, mètres… 3°) L’objet doit être licite Selon l’art. 1128 c. civ., il n’y a que les choses qui sont dans le commerce juridique qui peuvent être l’objet de conventions. Certaines choses sont hors du commerce en raison des nécessités de l’ordre public. Ex : biens du domaine public, stupéfiants, substances vénéneuses, produits contrefaits…
11 D’autres choses sont hors du commerce en raison de leur caractère personnel. Ainsi, le corps humain ne peut faire l’objet de conventions. L’art. 16-5 c. civ. dispose que les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits, sont nulles. Ex : convention de mère porteuse, vente d’organes…
B/ LA LESION Dans les contrats à titre onéreux, la question se pose de savoir s’il est nécessaire qu’il y ait une équivalence entre ce que chacun reçoit et fournit pour que le contrat soit valable. La lésion est le préjudice résultant, pour l’une des parties aux contrat, d’un défaut d’équivalence entre ce qu’elle donne et ce qu’elle reçoit. Selon le principe d’autonomie de la volonté, la lésion n’est pas une cause de nullité des contrats. Elle peut toutefois être une cause de rescision dans certains cas prévus par la loi : •
pour les actes conclus par des mineurs ou des majeurs protégés
•
pour un vendeur d’immeuble en cas de lésion de plus des 7/12 de la valeur du bien (art. 1674 c. civ.)
•
pour les copartageants, en cas de lésion de plus du ¼ (art. 887 c. civ.)
IV.
LA CAUSE
L’art. 1131 c. civ. précise que l’obligation sans cause, sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir d’effet. La doctrine distingue la cause objective et la cause subjective. A/ LA CAUSE OBJECTIVE Egalement appelée cause de l’obligation, c’est un mobile abstrait, toujours le même pour un même type de contrat. Dans le contrat synallagmatique, l’obligation de chaque partie a pour cause celle de l’autre.
12 Ex : dans la vente, le vendeur s’engage à transférer la propriété du bien parce que l’acheteur s’engage à payer le prix. Les deux obligations se servent mutuellement de cause car il y a interdépendance. Dans les contrats unilatéraux réels, la cause de l’obligation de l’une des parties est la remise de la chose lors de la formation du contrat. Ex : dans le contrat de prêt, la cause de l’obligation de restitution de l’emprunteur est la remise de la chose par le prêteur Dans les contrats à titre gratuit, la cause de l’obligation est l’intention libérale. Ex : dans le contrat de donation, la cause de l’obligation du donateur de transférer la propriété est sa volonté de faire une libéralité au donataire Cette conception objective de la cause permet d’apprécier l’existence ou l’absence de celle-ci dans un contrat. B/ LA CAUSE SUBJECTIVE Egalement appelée cause du contrat, c’est le mobile concret qui a conduit les parties à conclure le contrat. Cette cause varie pour chaque contrat mais ne doit pas être contraire à la loi, à l’ordre public et aux bonnes mœurs. La jurisprudence invoque souvent l’illicéité de la cause en se référant au motif déterminant poursuivi par la partie concernée. Ex : un père n’ayant pu reconnaître un enfant adultérin à l’époque où cela était interdit (avant la loi du 3 janvier 1972), il lui transmet par testament une partie de ses biens (quotité disponible). S’il apparaissait dans l’acte que la personne à qui il remet ses biens était un enfant adultérin, la libéralité était nulle pour cause immorale. De même, les libéralités faites à un concubin sont nulles si elles ont pour cause impulsive et déterminante la formation, le maintien ou la reprise de relations immorales. Dans un arrêt du 3 février 1999, la Cour de cassation a opéré un revirement de JP et semble admettre que n’est pas contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la relation adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire : Cass. Civ. 1ère, 3 février 1999. SECTION II. SANCTION DES CONDITIONS DE FORMATION
13 L’absence d’une condition de formation du contrat est sanctionnée par la nullité. On distingue deux catégories de nullité mais leurs effets sont identiques. Nullité absolue : il manque un élément fondamental du contrat, qui porte atteinte à l’intérêt général. Il s’agit des cas les plus graves. Ex : objet ou cause illicites La nullité absolue peut être exercée par toute personne ayant un intérêt à agir pendant 5 ans (art. 2262 c. civ.). Le juge peut relever d’office la nullité absolue d’un contrat. Nullité relative : seul l’intérêt de l’une des parties au contrat est atteint. La nullité ne peut alors être demandée que par cette partie. Ex : vice du consentement, lésion L’action en nullité relative peut être exercée pendant 5 ans à compter de la découverte du vice. Les effets de la nullité absolue et relative sont identiques. L’acte annulé disparaît rétroactivement, c’est-à-dire qu’il est censé n’avoir jamais existé. Les parties doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. Les restitutions soulèvent parfois des difficultés pratiques car le bien doit être restitué dans l’état où il se trouvait au jour du contrat. Ex : l’acquéreur devra supporter le coût de la remise en état d’un véhicule vendu neuf et dont la vente a été annulée Si le bien a été détruit, la restitution s’opère en valeur au jour du contrat. La nullité doit être distinguée de notions voisines telles que la résolution ou la résiliation. Résolution : un contrat est résolu lorsqu’il a été valablement formé mais que l’une des parties n’exécute pas son obligation. La résolution a les mêmes effets que la nullité. Résiliation : concerne les contrats à exécution successive. Le contrat n’est anéanti que pour l’avenir. Ex : contrat de bail, contrat de travail… CHAPITRE II. LES EFFETS DU CONTRAT Le contrat a la fois un effet obligatoire et un effet relatif.
14 SECTION I. LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT L’art. 1134 c. civ. dispose que les conventions légalement formées tiennent loi à ceux qui les ont faites. Chaque partie doit exécuter son obligation telle qu’elle a été prévue au contrat et de bonne foi. Le contrat est irrévocable et ne peut plus être changé sauf accord de toutes les parties concernées. Le législateur permet parfois à une partie de résilier unilatéralement le contrat à condition de respecter un délai de préavis. Ex : dans les contrats à durée indéterminée, cela s’explique par le fait qu’une personne ne peut s’engager de manière perpétuelle. Le législateur accorde également parfois un droit de repentir à l’un des contractants. Ex : délai de rétractation de 7 jours pour revenir sur une vente à domicile Le contrat lui-même peut prévoir la possibilité de se dégager du lien contractuel par volonté unilatérale. Ex : clause de résiliation dans un contrat à exécution successive ; clause de dédit moyennant le paiement d’une certaine somme dans une vente avec arrhes Hormis ces cas, le contrat ne peut être modifié à la demande d’une seule partie notamment parce que les conditions initiales ont fortement évolué. Si rien n’a été prévu, le contrat devra s’appliquer tel qu’il a été conclu (pas de théorie de l’imprévision). SECTION II. L’EFFET RELATIF DU CONTRAT L’art. 1165 c. civ. dispose que le contrat n’a d’effets qu’entre les parties contractantes et qu’il ne peut ni nuire ni profiter aux tiers. Il existe deux exceptions à l’effet relatif des contrats. I.
LA STIPULATION POUR AUTRUI
La stipulation pour autrui est une opération triangulaire qui réunit un stipulant, un promettant et un bénéficiaire (art. 1121 c. civ.). Les parties à l’acte sont le stipulant (celui qui obtient l’engagement du débiteur) et le promettant (celui qui s’engage à fournir une prestation). Le tiers bénéficiaire n’est pas présent lors de la conclusion du contrat mais bénéficiera néanmoins de celui-ci.
15 Ex : contrat d’assurance décès, conventions collectives Le bénéficiaire doit être déterminé ou déterminable. Ex : conjoint, enfants nés ou à naître Le stipulant peut révoquer la stipulation tant que le tiers bénéficiaire n’a pas accepté. L’acceptation n’est soumise à aucune condition de forme et peut être tacite. Ex : dans une double assurance décès souscrite par deux époux, chacun accepte tacitement sa désignation par l’autre, qui ne peut ensuite changer de bénéficiaire. Une fois qu’il a accepté, le bénéficiaire dispose d’un droit direct contre le promettant pour obtenir l’exécution de la prestation promise. II.
LA PROMESSE DE PORTE FORT
Une personne s’engage envers une autre à ce qu’un tiers fasse quelque chose pour elle. Ex : un acheteur traite avec un seul indivisaire pour l’acquisition d’un bien indivis. Il lui demandera de se porter fort de la ratification de la vente par les autres. Si le tiers accepte de s’engager, il est alors rétroactivement lié au jour de la promesse et le promettant est libéré de toute obligation. Si le tiers refuse de s’engager, le contrat n’est pas formé et le bénéficiaire de la promesse pourra obtenir un dédommagement de la part du promettant. Le tiers n’est jamais lié par la promesse. Ne pas confondre la promesse de porte fort avec la promesse de bons offices, dans laquelle une personne s’engage à faire tout son possible pour obtenir l’engagement d’un tiers (obligation de moyens) alors que le porte fort promet cet engagement (obligation de résultat). CHAPITRE III. L’INEXECUTION DU CONTRAT Le contrat ayant force obligatoire, son inexécution entraîne une sanction : c’est la responsabilité contractuelle. Lorsque le contrat est synallagmatique, son inexécution a des conséquences particulières. SECTION I. LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
16 Elle est engagée lorsque le débiteur ne respecte pas l’obligation qu’il a souscrite. L’inexécution de l’obligation peut résulter d’un défaut d’exécution, d’une mauvaise exécution ou d’un retard dans l’exécution (art. 1147 c. civ.). Le défaut d’exécution, total ou partiel, donne lieu à des DI compensatoires. Le retard (mora) dans l’exécution donne lieu à des DI moratoires si le retard a causé un préjudice au créancier. L’exécution défectueuse de l’obligation est assimilée à une inexécution. Il existe un régime légal de responsabilité contractuelle qui peut subir des aménagements conventionnels.
I.
LE
REGIME
LEGAL
DE
LA
RESPONSABILITE
CONTRACTUELLE A/ LE DROIT A REPARATION Pour que le débiteur de l’obligation soit déclaré responsable, il faut la réunion de trois éléments : une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux. 1°) La faute contractuelle Pour que la responsabilité du débiteur soit engagée, il faut prouver l’inexécution du contrat. La preuve de la faute diffère selon que l’on est en présence d’une obligation de moyens ou de résultat. Lorsque l’obligation est de moyens, le créancier doit prouver que son débiteur n’a pas fait tout son possible pour obtenir le résultat escompté. Si l’obligation est de résultat, il suffit de prouver que le résultat n’est pas atteint. Le débiteur ne peut s’exonérer qu’en démontrant qu’il a été empêché d’exécuter l’obligation pour une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. La cause étrangère la plus couramment invoquée est la force majeure. Celle-ci doit remplir trois conditions pour que le débiteur soit dégagé de sa responsabilité : •
elle doit être imprévisible, c’est-à-dire que l’évènement ne pouvait pas être prévu par le débiteur lors de la conclusion du contrat
17 •
elle doit être irrésistible, c’est-à-dire qu’aucun moyen ne pouvait être mis en œuvre pour exécuter l’obligation. Il n’y a pas de force majeure si l’exécution est simplement plus difficile ou plus onéreuse.
•
Elle doit être extérieure au débiteur, ainsi qu’aux moyens matériels et humains auxquels il recourt pour exécuter le contrat.
Ex : ne constitue pas une cause extérieure à l’entreprise le fait que les membres de l’équipage d’un navire en conflit avec l’armateur se soient rendus maîtres du bâtiment 2°) Le dommage Le dommage revendiqué par le créancier peut être de 3 sortes : •
matériel (atteinte portée aux biens) Ex : non entretien d’un matériel
•
corporel (atteinte portée à l’intégrité physique) Ex : blessures lors d’un contrat de transport)
•
moral (atteinte portée à des sentiments) Ex : DI accordés à une actrice qui reprochait au directeur d’un théâtre de ne pas avoir employé sur l’affiche la présentant les caractères de la grosseur prévue au contrat : T. Com. Seine, 20 février 1932, GP 1932, I, 895.
Selon l’art. 1150 c. civ., le débiteur n’est tenu que du dommage prévisible lors de la conclusion du contrat. C’est la quotité du dommage et non sa cause qui doit être prévisible. Ex : le conservateur d’un musée envoie par container des biens (tableaux, meubles) à restaurer sans indication particulière. En cas de perte, le transporteur ne devra indemniser que ce qui lui a été annoncé et non la valeur réelle des objets transportés. Celui qui s’engage doit connaître la valeur de la chose qui est l’objet du contrat. 3°) Le lien de causalité L’art. 1151 c. civ. dispose que les DI ne doivent comprendre que ce qui est la suite immédiate et directe de l’inexécution de l’obligation. Le problème se pose lorsque le dommage a plusieurs causes. Deux théories ont été défendues :
18 •
théorie de l’équivalence des conditions : toutes les causes sont supposées avoir participé de manière équivalente au dommage
•
théorie de la cause adéquate : parmi les causes qui ont produit un évènement, certaines sont prépondérantes car, sans elles, le dommage ne se serait jamais produit. Les autres ne sont que secondaires car même sans elles, il est possible que le dommage se serait tout de même produit.
Ex : j’achète des champignons chez un épicier et il s’avère que certains d’entre eux sont toxiques et provoquent un choc qui me rend gravement malade, m’empêchant de travailler pendant plusieurs semaines. Cet arrêt forcé entraîne des difficultés financières m’empêchant de payer mes créanciers qui saisissent mes biens. Le dommage direct est ici la maladie et l’arrêt de travail. Le vendeur n’aura pas en revanche à indemniser le reste du dommage car d’autres évènements auraient pu m’empêcher de payer mes créanciers et aboutir à une saisie. B/ LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT A REPARATION Elle se fait en deux étapes. 1°) La mise en demeure C’est l’acte par lequel un créancier demande à son débiteur d’exécuter son obligation avant d’engager sa responsabilité. La mise en demeure peut se faire par sommation (acte d’huissier) ou par lettre dès lors qu’elle contient une interpellation suffisante. Lorsque l’obligation a pour objet un corps certain, la mise en demeure met la chose aux risques du débiteur (art. 1138 c. civ.). La mise en demeure permet également au créancier d’obtenir des DI en raison de l’inexécution de l’obligation. La Cour de cassation a récemment distingué deux cas : •
la mise en demeure reste obligatoire en cas de retard dans l’exécution de l’obligation du contrat, pour obtenir des DI moratoires
•
elle n’est plus indispensable en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution du contrat, pour obtenir des DI compensatoires car ceux-ci seraient dus de plein droit : Cass. ch. mixte, 6 juillet 2007, Château Moulin de Soubeyran
19 2°) L’évaluation des dommages-intérêts C’est au juge d’évaluer le montant des DI. La réparation du dommage doit être intégrale mais ne doit pas le dépasser. Les DI doivent comprendre la réparation du dommage matériel et moral s’il y a lieu. Pour évaluer le préjudice matériel, on doit tenir compte du gain manqué (lucrum cessans) et de la perte subie (damnum emergens). Ex : un artiste engagé ne fait pas la représentation prévue. L’entrepreneur de spectacles pourra lui réclamer les dépenses faites en vue du spectacle (publicité, location de salle = damnum emergens) et le bénéfice net qui aurait été réalisé si la représentation avait eu lieu (lucrum cessans). Les intérêts au taux légal sont dus à compter de la mise en demeure. En cas de condamnation, le taux de l’intérêt légal est majoré de 5 points à l’expiration du délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire. Les parties peuvent prévoir un intérêt conventionnel en cas d’inexécution, dès lors qu’il n’est pas usuraire. II.
AMENAGEMENTS
CONVENTIONNELS
A
LA
RESPONSABILITE CONTRACTUELLE Les parties peuvent modifier le régime de la responsabilité grâce à plusieurs types de clauses relatives à l’intensité de la responsabilité. Les moins fréquentes sont les clauses extensives de responsabilité, dont la validité est généralement admise. Le plus souvent, les clauses diminuent ou suppriment la responsabilité du débiteur. Les parties peuvent également prévoir des clauses pénales. A/ LES CLAUSES EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE Ces clauses prévoient que le débiteur de l’obligation ne sera pas responsable et ne devra pas de DI en cas d’inexécution. De telles clauses sont en principe valables sauf dans certains cas : •
en cas de dommages causés à l’intégrité physique du créancier (annexe à l’art. L 132-1 c. conso.)
20 •
en cas de transport terrestre de marchandises
•
en cas de dépôt hôtelier
•
dans une vente conclue entre un professionnel et un consommateur est abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non professionnel en cas de manquement par le professionnel à l’une de ses obligations.
B/ LES CLAUSES LIMITATIVES DE RESPONSABILITE Ce sont des clauses qui reconnaissent la responsabilité mais fixent le montant maximum des DI qui pourront être versés. Ex : en cas de perte d’un colis, le transporteur ne sera tenu de verser qu’une certaine somme Ces clauses sont valables mais la JP exige que la somme prévue ne soit pas insignifiante. De telles clauses ne peuvent être utilisées dans les mêmes cas que les clauses exonératoires de responsabilité. C/ LES CLAUSES PENALES La clause pénale est celle par laquelle les contractants fixent forfaitairement les DI dus en cas d’inexécution du contrat. Elle se caractérise par trois éléments : •
elle sanctionne une inexécution
•
elle tient lieu de DI, d’où plusieurs conséquences : -
le débiteur n’est tenu à la clause pénale que s’il peut être condamné à des DI, c’est-à-dire s’il a été mis en demeure et si l’inexécution lui est imputable
-
le créancier peut, s’il le préfère, poursuivre l’exécution de l’obligation en nature mais il ne pourra plus réclamer la clause pénale
•
la clause pénale est un forfait, c’est-à-dire que les contractants ont fixé de manière définitive le montant des DI en cas d’inexécution. Ce forfait peut être inférieur au préjudice subi mais il lui est le plus souvent supérieur, la clause pénale jouant alors un rôle comminatoire incitant le débiteur à exécuter. Les
21 clauses pénales sont en principe valables. Il ne peut être alloué au créancier une somme plus forte ou moindre (art. 1152 c. civ.). SECTION II. REGLES SPECIALES A L’INEXECUTION DES CONTRATS SYNALLAGMATIQUES Les contrats synallagmatiques donnent naissance à des obligations réciproques et interdépendantes. Il en résulte trois conséquences : •
les obligations des parties devant être exécutées simultanément , une partie peut suspendre l’exécution de son obligation tant que l’autre partie n’exécute pas la sienne : c’est l’exception d’inexécution
•
si l’un des contractants n’exécute pas son obligation, l’autre peut demander la résolution du contrat : c’est la résolution pour inexécution
•
si un contractant ne peut exécuter son obligation en raison d’un évènement indépendant de sa volonté, l’autre se trouve libéré de son obligation : c’est la théorie des risques.
I.
L’EXCEPTION D’INEXECUTION
C’est le droit qu’a chaque partie à un contrat synallagmatique de refuser d’exécuter son obligation tant que l’autre partie n’a pas exécuté la sienne. L’exception d’inexécution est provisoire : soit les parties exécutent leurs obligations, soit on a recours à la résolution pour inexécution. L’exceptio non adimpleti contractus ne peut jouer que dans les rapports donnant naissance à des obligations interdépendantes dont l’exécution doit être simultanée. Elle ne peut pas jouer entre deux personnes qui sont respectivement créancières l’une de l’autre mais dont les obligations ne sont pas interdépendantes. Ex : un bailleur devient débiteur de son locataire en raison d’un emprunt sans rapport avec le contrat de bail. Le locataire ne peut suspendre le paiement du loyer au motif que le bailleur ne lui rembourse pas la somme empruntée. Les obligations devant être exécutées simultanément, l’exception d’inexécution est écartée lorsque l’un des contractants a accordé un délai à l’autre pour exécuter son obligation.
22 Ex : vente à crédit : le vendeur ne peut refuser de livrer la chose s’il n’a pas été payé Certains usages peuvent imposer à l’un des contractants d’exécuter son obligation le premier, le privant ainsi d’invoquer l’exception d’inexécution. Ex : hôtelier, restaurateur L’exception d’inexécution n’est en principe soumise à aucune demande en justice, ni même à une mise en demeure, sauf textes particuliers. Ex : l’assureur doit mettre en demeure et la garantie ne peut être suspendue que 30 jours après la mise en demeure L’exception suspend l’exécution de l’obligation de celui qui l’invoque mais le contrat subsiste.
II.
LA RESOLUTION POUR INEXECUTION
Lorsque l’un des contractants n’exécute pas son obligation, l’autre partie a une option : poursuivre l’exécution forcée ou demander la résolution du contrat avec des DI. La résolution entraîne la disparition rétroactive du contrat. Elle a en principe un caractère judiciaire mais l’intervention du juge peut être écartée par la volonté des parties. A/ LA RESOLUTION JUDICIAIRE L’art. 1184 c. civ. dispose que la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des parties ne satisferait pas à son engagement. Pour que la résolution soit obtenue, il doit y avoir inexécution de l’obligation du débiteur, même si celle-ci n’est pas fautive. Ex : force majeure Pour pouvoir être prononcée, la résolution doit être demandée en justice. Le juge vérifie si les conditions relatives à l’inexécution sont réunies mais il peut prendre d’autres mesures s’il refuse de la prononcer. Ex : accorder un délai de grâce de 2 ans maximum au débiteur (art. 1244-1 c. civ.)
23 B/ LA RESOLUTION CONVENTIONNELLE Egalement nommée pacte commissoire. Les parties peuvent prévoir, par une clause particulière du contrat, que celui-ci sera résolu de plein droit en fonction de tel ou tel évènement. La résolution ne peut jamais être invoquée par le débiteur (il ne peut opposer sa propre inexécution), mais doit être soulevée par le créancier de l’obligation inexécutée. Le rôle du juge est de vérifier que la clause n’est pas ambiguë et qu’elle n’est pas soulevée par un créancier de mauvaise foi. Ex : un bailleur qui ne délivre pas les quittances délibérément ne peut bénéficier de la clause résolutoire pour retard de paiement de la part des locataires, ces retards étant dus au fait qu’ils ne pouvaient récupérer les allocations logement en raison de l’absence de quittances. La mise en demeure n’est pas nécessaire pour faire jouer la clause résolutoire. III.
LA THEORIE DES RISQUES
On l’applique lorsque l’inexécution est due à un cas de force majeure. En principe, l’impossibilité d’exécuter son obligation libère le débiteur sans qu’il engage sa responsabilité envers le créancier. Elle met fin à son obligation sans donner lieu à des DI (art. 1302 c. civ.). La règle res perit debitori signifie que le débiteur supporte le risque de perte de la chose. Ex : une personne contracte avec une agence de voyages pour un séjour que la survenance d’un cyclone rend impossible. Le client n’aura rien à payer et l’agence devra éventuellement rembourser les sommes perçues. Dans les contrats translatifs de propriété (vente, donation), les risques sont supportés par le propriétaire. Ex : la chose vendue périt par cas de force majeure avant d’avoir été livrée à l’acheteur : celui-ci, bien que n’ayant rien reçu, est tenu de payer le prix au vendeur Cette règle ne s’applique pas dans certains cas : •
lorsque le transfert de propriété est retardé par une clause de réserve de propriété
24 •
chaque fois que
l’obligation porte sur une
chose de genre dont
l’individualisation doit se réaliser plus tard •
lorsque l’obligation est contractée sous condition suspensive
Ex : une personne achète un appartement à Paris le 1 er juin sous condition d’obtenir sa mutation dans la région parisienne avant le 1 er septembre. Si la chose est détruite avant la réalisation de la condition, les risques sont pour le vendeur car, tant que la condition ne se réalise pas, il reste propriétaire de la chose.
TITRE II. LE CONTRAT DE VENTE Selon l’art. 1582 c. civ., la vente est la convention par laquelle une partie s’oblige à livrer une chose et l’autre partie à payer une somme d’argent. La vente est parfaite dès lors qu’il y a échange des consentements. Ce principe connaît toutefois de nombreuses limites, notamment dans les domaines où un système de publicité légale est organisé (immeubles, FDC…). CHAPITRE I. LES ELEMENTS DE LA VENTE La vente est un contrat soumis aux règles générales des contrats quant à sa formation et son exécution. Elle doit cependant comprendre également deux éléments supplémentaires pour pouvoir être qualifiée de vente : le transfert d’une chose (sinon bail, prêt, dépôt) et le paiement d’un prix (sinon donation ou échange). SECTION I. LE TRANSFERT D’UNE CHOSE En réalité, la vente ne porte pas directement sur un bien mais sur un droit et donc, indirectement, sur un bien. Il faut donc vérifier l’existence de la chose ainsi que le droit qu’a le vendeur sur cette chose.
25 En principe, toute chose qui est dans le commerce juridique peut faire l’objet d’une vente. La chose qui fait l’objet de la vente doit être identifiée ou identifiable. La vente n’est valable que si le vendeur est titulaire du droit de propriété. A défaut, tout transfert est impossible. Le plus souvent, la vente porte sur le droit de propriété dans son intégralité, qu’on appelle la pleine propriété. Celle-ci est constituée de l’usus, l’abusus et le fructus. La vente peut également porter sur un démembrement du droit de propriété. Elle peut en effet porter soit sur la nu-propriété seule (abusus), soit sur l’usufruit du bien concerné (plus rare). Tout usufruit est temporaire : il ne peut excéder la vie de l’usufruitier si c’est une personne physique ou 30 ans si c’est une personne morale (art. 619 c. civ.). A l’expiration de l’usufruit, celui-ci rejoint la nu-propriété. Le droit de propriété peut également appartenir à plusieurs copropriétaires : c’est l’indivision. Ces copropriétaires peuvent vendre ensemble le droit dans son entier mais un seul des coindivisaires peut également céder son droit dans l’indivision. La vente porte alors sur un droit représentant une fraction de la chose : l’acquéreur de ce droit entrera dans l’indivision à la place du vendeur. Les autres coindivisaires disposent cependant d’un droit de préemption leur permettant de se substituer à l’acquéreur potentiel (art. 814-14 c. civ.). SECTION II. LE PRIX Le prix consiste dans le versement d’une somme d’argent. Il n’y a pas de vente sans prix. Seul l’Euro peut être utilisé dans les ventes internes alors que le choix de la monnaie est libre dans les ventes internationales. Le prix de la vente doit être déterminé par les parties, qui ne peuvent s’en remettre à une évaluation judiciaire (art. 1591 c. civ.). Ce prix peut être immédiatement chiffré ou être fixé par référence à des éléments qui le rendent déterminable au jour où il devra être payé, à condition que la référence utilisée soit suffisamment précise. Ex : cours de bourse d’une marchandise, tarif moyen des fournisseurs… L’indétermination du prix rend la vente nulle de nullité absolue. La liberté contractuelle permet aux parties de stipuler le prix qui leur convient. Toutefois, la JP considère qu’il n’y a pas vente lorsque le prix convenu est tellement faible qu’il ne constitue pas une véritable contrepartie. On considère alors que la vente a été conclue à vil prix. Il y a vil prix lorsque le montant est si dérisoire qu’il
26 équivaut à une absence de prix. Dans les cas prévus par la loi, les parties peuvent invoquer la lésion lorsque les conditions sont remplies. CHAPITRE II. LES EFFETS DE LA VENTE SECTION I. LE TRANSFERT DE PROPRIETE L’art. 1583 c. civ. dispose que la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé. L’acheteur devient immédiatement propriétaire, quel que soit l’endroit où se trouve la chose. A partir de cet instant, la chose entre dans son patrimoine et lui seul a qualité pour conclure des actes à son sujet. Parallèlement, la chose quitte le patrimoine du vendeur : ses créanciers ne peuvent plus la saisir et les actes qu’il ferait à son sujet seraient nuls. Ce principe connaît quelques exceptions légales puisque le transfert de propriété peut être retardé ou avancé. Le transfert est retardé : •
lorsque les parties prévoient une clause de réserve de propriété. C’est la clause par laquelle le vendeur, tout en livrant la chose, en retient la propriété jusqu’au paiement complet du prix lorsque celui-ci est échelonné.
•
Lorsque la vente porte sur des choses de genre, le transfert de propriété ne pouvant se faire que lors de leur individualisation.
Le transfert de propriété est avancé dans la vente d’immeuble en l’état futur d’achèvement. Le transfert s’opère au fur et à mesure de la construction, pour protéger l’acquéreur contre une faillite potentielle du constructeur. Toutefois, les risques ne suivent pas ce transfert mais restent à la charge du constructeur. SECTION II. LES OBLIGATIONS DES PARTIES I.
OBLIGATIONS DU VENDEUR
27 Le code civil prévoit deux obligations à la charge du vendeur : l’obligation de délivrance et l’obligation de garantie. La JP y a ajouté l’obligation d’information et de conseil. A/ L’OBLIGATION D’INFORMATION ET DE CONSEIL Cette obligation pèse sur le vendeur professionnel qui contracte avec un consommateur non professionnel. L’obligation de conseil consiste à proposer au client le produit le plus adapté à ses besoins. L’obligation d’information consiste à lui indiquer les modalités et les risques d’utilisation de la chose. Elle existe surtout pour les choses dangereuses ou complexes. L’obligation d’information et de conseil est une obligation de moyens : c’est à l’acheteur de prouver la faute du vendeur. B/ L’OBLIGATION DE DELIVRANCE Quel que soit le moment auquel la propriété est transférée, le vendeur doit livrer la chose à l’acheteur. Cette délivrance consiste dans la remise matérielle de la chose aux lieux, date et conditions déterminés dans le contrat. A défaut de précision, la marchandise est livrable dans les magasins du vendeur. Les marchandises livrées doivent être conformes en quantité et en qualité aux stipulations du contrat. Il y a défaut de conformité lorsque l’acheteur n’a pas reçu ce qu’il avait commandé. Le défaut de livraison, la livraison partielle, le retard de livraison ou la livraison de marchandises non conformes entraîne les sanctions de droit commun : •
l’acheteur peut refuser de payer le prix : exception d’inexécution
•
l’acheteur peut demander l’exécution forcée
•
l’acheteur peut demander la résolution du contrat dans les 2 ans suivant la conclusion du contrat
C/ L’OBLIGATION DE GARANTIE Le vendeur est tenu de plusieurs garanties envers l’acheteur
28
1°) La garantie d’éviction C’est l’obligation qu’a le vendeur de ne pas gêner l’acheteur dans la possession de la chose vendue et de le défendre contre les tiers qui se prétendraient propriétaires de la chose. 2°) La garantie des vices cachés Art. 1641 c. civ. La mise en œuvre de cette garantie suppose que l’acheteur rapporte la preuve que trois conditions sont réunies : •
la chose est atteinte d’un vice, c’est-à-dire d’un défaut qui la rend impropre à l’usage auquel on la destine
•
le vice existe lors du transfert de propriété
•
le vice est caché, c’est-à-dire que l’acheteur ne pouvait le déceler compte tenu de la nature de la chose vendue. Pour apprécier si le défaut est ou non décelable, la JP tient compte des connaissances de l’acheteur.
Lorsque ces conditions sont réunies, l’acheteur doit exercer l’action en garantie des vices cachés dans un délai de 2 ans suivant la découverte du vice. Il dispose alors d’une option : •
conserver la chose en se faisant restituer une partie du prix : action estimatoire
•
rendre la chose et récupérer le prix versé : action rédhibitoire
Dans les deux cas, l’acheteur peut obtenir des DI lorsque le vendeur est de mauvaise foi. La JP a tendance à considérer qu’un vendeur professionnel est présumé de mauvaise foi. Il ne peut ni limiter ni exclure sa responsabilité vis-à-vis d’un non professionnel. 3°) La garantie de sécurité Le vendeur professionnel doit livrer des produits ne comportant aucun défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens. Il est donc
29 tenu, avec le fabricant, de réparer les dommages résultant du manquement à l’obligation de sécurité. II.
LES OBLIGATIONS DE L’ACHETEUR
La principale obligation de l’acheteur est de payer le prix convenu. Celui-ci comprend non seulement le prix principal mais également les frais accessoires selon les dispositions prévues au contrat. Pour les ventes au comptant, le paiement doit être fait au moment de la livraison mais l’acheteur peut avoir à verser des arrhes ou des acomptes avant celle-ci. L’acheteur a également une obligation de retirement lorsque la marchandise est livrée ailleurs qu’à son domicile. Il doit la retirer dans les délais fixés au contrat. Le non respect de ces délais entraîne la résolution de plein droit de la vente.
TITRE
III.
LA
RESPONSABILITE
CIVILE
DELICTUELLE
ET
QUASI-
DELICTUELLE La responsabilité est l’obligation de répondre de ses actes : c’est la sanction juridique d’un comportement dommageable. En principe, la responsabilité civile est fondée sur la faute. Cependant, en raison du développement de l’industrie à la fin du 19 ème siècle, des cas de responsabilité sans faute sont apparus. On parle de responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle selon le fondement de celle-ci. Elle est délictuelle lorsqu’elle a pour cause une faute intentionnelle. Elle est quasi-délictuelle lorsqu’elle résulte d’une faute non intentionnelle. La responsabilité civile se distingue de la responsabilité pénale, laquelle est fondée sur la violation de la loi et dont la sanction est le prononcé d’une peine. Un même fait peut être à l’origine de l’application d’un système de responsabilité civile et pénale. Ex : un automobiliste conduit un véhicule sans être titulaire du permis de conduire et provoque un accident. Il sera sanctionné à la fois pénalement et civilement La responsabilité délictuelle se distingue aussi de la responsabilité contractuelle. Cette dernière suppose la violation par le débiteur d’une obligation issue d’un contrat
30 valablement formé. La responsabilité délictuelle, quant à elle, sanctionne tout dommage né en dehors de l’exécution du contrat. La responsabilité délictuelle suppose la réunion de trois éléments : un dommage subi par la victime, un fait générateur et un lien de causalité unissant le fait générateur au dommage. CHAPITRE I. LE DOMMAGE Les dommages peuvent être divers mais doivent présenter certains caractères. SECTION I. LES CARACTERES DU DOMMAGE Pour donner lieu à réparation, le dommage doit être certain, direct et légitimement revendiqué.
I.
LE DOMMAGE DOIT ETRE CERTAIN
Un dommage actuel est certain La difficulté provient des dommages futurs. Un préjudice futur est certain lorsque sa survenue est inéluctable. Ex : la contamination d’une personne par le VIH donne lieu à indemnisation de la réduction de son espérance de vie et les perturbations occasionnées à sa vie sociale et familiale En revanche, un dommage purement éventuel ne peut donner lieu à réparation. Ex : est éventuel le dommage que pourrait causer, en cas d’accident, une ligne à haute tension installée près d’un bâtiment La perte d’une chance peut constituer un dommage certain s’il est probable que l’évènement se réalise. Ex : un avocat qui ne respecte pas le délai de procédure fait perdre à son client une chance de gagner un procès Les juges disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour estimer la probabilité du gain espéré et vérifier si la chance est suffisamment sérieuse. Si la chance perdue était très mince, les magistrats considèrent que le préjudice est purement éventuel.
31 Ex : une mère invoque le dommage causé par la perte financière que son fils, accidentellement tué à l’âge de 14 ans, lui aurait accordée dès qu’il aurait eu une activité salariée. La perte d’une chance était ici purement éventuelle. II.
LE DOMMAGE DOIT ETRE DIRECT
C’est la victime directe du dommage qui doit obtenir réparation de celui-ci. Cependant, d’autres personnes que la victime directe du dommage peuvent avoir souffert d’un préjudice qui leur est personnel mais qui trouve sa source dans le dommage originaire : ce sont les victimes par ricochet. Ex : les héritiers d’une victime La question s’est posée de la détermination des victimes par ricochet. A l’origine, les tribunaux réservaient la qualification de victime par ricochet aux personnes dont le parent ou le conjoint avait été tué. Ils ont ensuite élargi la notion de victimes par ricochet à d’autres personnes qui n’avaient pas obligatoirement de lien de parenté avec la victime directe (fiancé, concubin, employés d’un commerce) et à d’autres cas que le décès. La seule preuve exigée est la démonstration d’un préjudice personnel et certain. La faute de la victime directe peut être opposée aux victimes par ricochet pour limiter ou exclure leur droit à réparation : Ass. Plén., 19 juin 1981, D. 1981 p. 641. III.
LE DOMMAGE DOIT PORTER ATTEINTE A UN INTERÊT LEGITIME
La victime ne peut demander réparation d’un dommage que si celui-ci ne présente pas un caractère illicite ou immoral. Ex : une prostituée ne peut demander réparation de l’accident qu’elle a subi et qui l’empêche d’exercer son métier Le problème s’est notamment posé pour les concubins, auxquels on a longtemps refusé le droit à réparation pour immoralité. En 1970, la Cour de cassation a admis le droit à réparation du concubin survivant lorsque le concubinage offrait des garanties de stabilité et ne présentait pas de caractère délictueux, au motif que l’art. 1382 c. civ. n’exige pas l’existence d’un lien de droit entre le défunt et le demandeur à l’action : Cass. Ch. Mixte, 27 février 1970, Bull. civ. n° 1. Elle refusait cependant ce droit en cas de concubinage adultérin. Depuis 1975, la chambre criminelle admet la
32 réparation même en cas de concubinage adultérin : Cass. Crim., 19 juin 1975, Bull. crim. n° 161. Elle a toutefois refusé d’indemniser les deux maîtresses du défunt en raison du caractère précaire de la double liaison invoquée. Il a même été admis par certains tribunaux que le concubin survivant d’un concubinage homosexuel stable puisse obtenir réparation : TGI Belfort, 25 juillet 1995, JCP 1996, II, 22724. SECTION II. LES VARIETES DE DOMMAGES On distingue trois sortes de dommages : le dommage corporel, le dommage matériel et le dommage moral.
I.
LE DOMMAGE CORPOREL
Le dommage corporel est constitué par l’atteinte portée à l’intégrité physique de la personne et doit être intégralement indemnisé puisque « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité physique du corps humain qu’en cas de nécessité thérapeutique pour la personne » (art. 16-3 c. civ.). II.
LE DOMMAGE MATERIEL
C’est celui qui résulte de l’atteinte aux biens de la victime ou de la perte économique découlant de certains agissements fautifs. Ex : actes de concurrence déloyale, perte ou détérioration d’un bien… Selon l’art. 1149 c. civ., ce préjudice peut résulter du « damnum emergens » (perte subie) et du « lucrum cessans » (gain manqué). Ex : un artiste annule un concert pour lequel des billets avaient déjà été vendus. Cette annulation va engendrer un manque de revenus (lucrum cessans) et des dépenses qui devront être assumées (communication, location de la salle…) qui constituent une perte (damnum emergens).
33 III.
LE DOMMAGE MORAL
Il consiste en une atteinte à des sentiments. L’évaluation du préjudice moral suscite des difficultés mais les juges disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation. Le dommage moral peut résulter de deux faits principaux. A/ L’ATTEINTE AUX DROITS DE LA PERSONNALITE L’art. 9 c. civ. dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée. La notion de vie privée est entendue largement par la jurisprudence. Toute violation de ce droit entraîne un préjudice qui doit être réparé. Ex : atteinte à la vie privée par la révélation de faits couverts par le secret médical : CA Paris 1ère ch., 13 mars 1996, consorts Mitterrand, D. 1996, IR, p. 102. Ex : atteinte au droit à l’image lorsqu’une personne est photographiée chez elle à son insu. Ex : atteinte à la mémoire des morts par la publication, dans un journal à grand tirage, d’une photo représentant une personne sur son lit de mort : propos qualifiant de « détail » le mode d’extermination des juifs et des tziganes durant la seconde guerre mondiale : Cass. Civ. 2ème, 18 décembre 1995, Bull. civ. II, n° 314. B/ L’ATTEINTE A L’INTEGRITE PHYSIQUE Le préjudice moral peut résulter d’un préjudice corporel et être indemnisé. Il peut alors prendre plusieurs formes : •
le « pretium doloris » (prix de la douleur) indemnise les souffrances morales consécutives à des souffrances physiques (traitements médicaux, opérations, etc.)
•
le « pretium pulchritudinis » (préjudice esthétique) prend en compte l’aspect général et extérieur de la personne.
Ex : cicatrices marquant le visage de la victime •
le préjudice d’agrément indemnise la diminution du bien-être général de la victime. Ce préjudice est réalisé lorsque la victime est dans l’impossibilité
34 d’effectuer des gestes ordinaires ou des activités normales de la vie courante, ainsi que l’impossibilité d’exercer certaines activités particulières. Ex : impossibilité de conduire, de faire du sport, de monter des escaliers… •
le « pretium juventutis » (prix de la jeunesse) indemnise la perte des joies de l’existence chez un enfant.
Ex : enfant hémophile contaminé par le virus VIH Le préjudice moral peut également constituer un préjudice par ricochet. Il s’agit alors du « pretium affectionis » (préjudice d’affection) qui répare le chagrin, le traumatisme affectif subi par les proches de la victime. CHAPITRE II. LE FAIT GENERATEUR DU DOMMAGE Le fait générateur du dommage est généralement constitué par une faute, mais il existe des cas de responsabilité sans faute. La responsabilité peut provenir du fait personne, du fait des choses ou du fait d’autrui.
SECTION I. LE FAIT PERSONNEL C’est le régime de droit commun de la responsabilité. I.
ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA FAUTE
Selon l’art. 1382 c. civ., tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer. A/ NATURE DE LA FAUTE La faute peut être définie comme une erreur ou une défaillance de comportement. Elle peut être commise volontairement, c’est le délit civil, ou involontairement, c’est le quasi-délit. A la différence de la faute pénale, il n’est pas nécessaire qu’un fait soit expressément interdit par un texte pour être illicite sur le plan civil. Il suffit, pour qu’il y ait faute
35 civile, de constater la violation d’une disposition légale ou réglementaire ou dégagée par les usages. Ex : construction d’une maison en violation des règles d’urbanisme La faute peut consister en une action ou une abstention. Action : acte positif Ex : rouler à gauche ; déverser des polluants dans une rivière Abstention : attitude passive Ex : un automobiliste circule la nuit sans allumer ses phares ; abstention de porter secours à une personne en danger alors qu’il n’y a pas de risque pour lui. En principe, une personne qui exerce un droit dont elle est titulaire ne commet pas de faute. Toutefois, l’exercice de ce droit ne doit être ni excessif, ni anormal. Dès l’instant où le droit n’est pas utilisé dans le but qui lui est normalement assigné, son titulaire commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité : c’est l’abus de droit. Ex : abus du droit de propriété Constituent également des fautes les troubles anormaux de voisinage. Ex : nuisances sonores, olfactives… Il suffit de constater le caractère excessif ou anormal de la gêne occasionnée aux voisins pour engager la responsabilité de son auteur, même s’il n’a pas commis de faute. Si le dommage est établi, le juge peut ordonner la suppression du trouble en demandant la réalisation des travaux qui s’imposent, voire ordonner la fermeture de l’exploitation qui génère les nuisances anormales. Ex : condamnation à faire insonoriser les locaux d’une boîte de nuit… B/ L’OBJECTIVATION DE LA FAUTE Le droit français tient compte du fait générateur objectif, sans se préoccuper de l’aptitude de la personne à l’origine de la faute. L’auteur du dommage est en principe une personne physique. Toutefois, une personne morale (société, association, etc) peut être déclarée responsable au même titre qu’une personne physique. La faute émane en général d’une personne douée de discernement. Le problème se pose notamment pour les mineurs et les majeurs privés de discernement. Traditionnellement, les tribunaux distinguaient entre les mineurs : certains étaient
36 doués de discernement (adolescents), d’autres en étaient privés (infans). Aujourd’hui, la jurisprudence admet que tout fait dommageable peut être imputé à un enfant, quel que soit son âge : c’est la faute objective. Ex : un enfant de 3 ans a été considéré comme responsable pour avoir, en jouant avec un bâton, éborgné par un camarade : Ass. Plén., 9 mai 1984, Bull. n° 1, 2, 3 et 4. Peu importe que le mineur ne puisse pas mesurer les conséquences de ses actes En ce qui concerne les majeurs privés de discernement, la jurisprudence a évolué. Depuis 1968, l’art. 489-2 c. civ. dispose que celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental est quand même tenu à réparation. Les déments sont donc civilement responsables de leurs actes. Cette solution est différente de celle adoptée en matière pénale.
II.
JUSTIFICATIONS ENTRAÎNANT LA DISPARITION DE LA FAUTE
Certains faits permettent à l’auteur du dommage d’opposer des causes d’irresponsabilité à la victime. Des actes dommageables perdent alors leur caractère fautif. A/ LES CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA VICTIME L’auteur du dommage n’est pas responsable dans plusieurs cas de figure. 1°) L’ordre de la loi ou le commandement de l’autorité légitime Dans ce cas, une personne va causer un dommage en obéissant au commandement d’une autorité légale. Ce fait justificatif est commun au droit civil et pénal. Ex : un gendarme ordonne à un automobiliste d’exécuter une manœuvre dangereuse, provoquant un accident
37 Il ne pourra être déclaré irresponsable qu’en prouvant qu’il était sous l’emprise de l’autorité supérieure et ne pouvait s’y soustraire. 2°) L’état de nécessité L’état de nécessité consiste, pour une personne, à porter atteinte aux droits ou aux biens d’autrui pour échapper à un danger. Ex : un passant pousse violemment un piéton sur le trottoir pour lui éviter d’être renversé par un camion Les tribunaux hésitent à priver la victime de tout droit à réparation et utilisent peu ce fait justificatif. B/ LE COMPORTEMENT DE LA VICTIME Dans certains cas, le comportement de la victime peut exonérer l’auteur du dommage ou entraîner un partage de responsabilité entre la victime et l’auteur de la faute. 1°) La légitime défense C’est un concept juridique emprunté au droit pénal. Elle supprime la responsabilité de l’auteur du dommage. Si la légitime défense est reconnue par le juge pénal, elle ne peut donner lieu au versement de dommages-intérêts devant le juge civil en faveur de la victime qui l’a rendue nécessaire. Pour être exonératoire de responsabilité, la légitime défense doit remplir deux conditions cumulatives : •
l’attaque contre les personnes ou les biens doit être injuste
•
la défense doit être proportionnelle à l’attaque
Si les conditions ne sont pas remplies, il y aura partage de responsabilité entre l’auteur agressé et la victime. Ex : l’installation d’un piège dans une maison ne constitue pas une hypothèse de légitime défense mais une situation d’auto-défense. 2°) Le consentement de la victime
38
Le consentement de la victime peut se traduire par l’acceptation du dommage ou par l’acceptation du risque du dommage. a. L’acceptation du dommage En matière délictuelle, les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité sont nulles, c’est-à-dire que l’auteur du dommage ne peut pas limiter ou s’exonérer de sa responsabilité. Toutefois, en cas de dommage pécuniaire, la victime peut expressément renoncer à ses droits. En revanche, en cas de dommage corporel, le consentement de la victime n’exonère pas l’auteur du dommage de sa responsabilité. Ex : l’euthanasie réalisée avec le consentement du mourant n’exonère pas la responsabilité de celui qui la pratique b. L’acceptation des risques Dans certains cas, la victime s’expose volontairement à une situation dangereuse et en accepte les risques. Ex : activités sportives La jurisprudence distingue cependant les risques normaux et les risques anormaux. La victime n’accepte que les risques normaux et prévisibles de l’activité, et non les risques anormaux résultant de l’inobservation des règles. Ex : un boxeur n’accepte pas de se voir arracher une oreille L’acceptation des risques anormaux constitue une faute de la victime entraînant une limitation ou une exclusion de la responsabilité de l’auteur du dommage. Ex : participation à une feria pendant laquelle des taureaux sont lâchés SECTION II. LA RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI L’art. 1384 c. civ. dispose que l’on est responsable du dommage causé par le fait des personnes dont on doit répondre et prévoit plusieurs régimes de responsabilité du fait d’autrui.
39 I.
LA RESPONSABILITE DES PARENTS DU FAIT DE LEURS ENFANTS
Aux termes de l’art. 1384 al. 4 c. civ, les parents sont présumés responsables des actes commis par leurs enfants. A/ CONDITIONS D’APPLICATION DE LA RESPONSABILITE Pour que la responsabilité des parents soit engagée, quatre conditions doivent être réunies. 1°) L’enfant doit avoir causé un dommage La responsabilité des parents suppose que l’enfant soit à l’origine d’un dommage. Ce dommage peut résulter d’une faute qu’il a commise, mais aussi du fait d’une chose ou d’un animal dont il avait la garde. Tous les actes commis par un enfant engagent la responsabilité de ses parents s’ils sont la cause directe du dommage invoqué par la victime. Peu importe que l’enfant soit ou non doué de discernement.
2°) L’enfant doit être mineur La responsabilité des parents n’est engagée que si l’enfant est mineur au moment des faits, même si l’action est engagée après sa majorité. Dès l’instant où le mineur est émancipé ou devient majeur, la présomption de responsabilité cesse de s’appliquer. 3°) L’enfant doit être soumis à l’autorité de ses parents Dans le cadre de la famille légitime, l’autorité parentale est exercée par les deux parents. Ils sont donc solidairement responsables des actes commis par leur enfant, quel que soit leur régime matrimonial. Si un seul des parents détient l’autorité parentale, il supporte seul la responsabilité de plein droit.
40 4°) L’enfant doit cohabiter avec ses parents Le mineur doit cohabiter, c’est-à-dire vivre avec ses parents. La cohabitation suppose une communauté de vie habituelle et régulière. Le fait de confier provisoirement un enfant à un tiers ne fait pas cesser la cohabitation avec les parents, qui demeurent responsables : Cass. Civ. 2ème, 29 mars 2000, JCP (G) 2002, II, 10071. Lorsque l’enfant est confié à des tiers, la victime ne peut engager la responsabilité de ces derniers qu’en prouvant leur faute personnelle sur la base de l’art. 1382 c. civ. B/ EFFETS DE LA PRESOMPTION Lorsque les conditions mentionnées à l’art. 1384 al. 4 sont réunies, les parents sont responsables de plein droit des dommages causés par leurs enfants. Ils ne peuvent s’exonérer qu’en prouvant la force majeure, la faute de la victime ou le fait d’un tiers. Le fait de l’enfant est imputé de plein droit à ses père et mère : Cass. Civ. 2ème, 19 février 1997, Bertrand c/ Domingues.
II.
LA RESPONSABILITE DES COMMETTANTS DU FAIT DES PREPOSES
L’art. 1384 al. 6 c. civ. prévoit que les commettants sont responsables des dommages causés par leurs préposés. Ce texte fait peser sur le commettant une présomption de responsabilité : il est responsable même s’il n’a pas commis de faute, dès lors que deux conditions sont réunies. A/ CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE 1°) Le lien de préposition Le commettant est la personne qui fait appel aux services d’une autre personne, le préposé, pour accomplir certaines fonctions. Il y a lien de préposition lorsque le commettant donne des ordres ou des instructions au préposé sur la manière de remplir ses fonctions : Cass. Civ. 2ème, 4 mai 1937, Grands arrêts n° 139.
41 La notion de préposition est plus large que celle de contrat de travail. Ce qui doit être pris en compte, c’est le rapport d’autorité existant entre le commettant et le préposé. Ex : le fils peut être le préposé du père. Peu importe que les fonctions du préposé soient exercées à titre temporaire ou permanent, et qu’elles soient rémunérées ou non. 2°) Le fait dommageable du préposé La responsabilité du commettant suppose que soit préalablement établie la faute du préposé. Peu importe que le fait dommageable ait été commis en connaissance de cause ou sous l’empire d’un trouble mental. Ex : dans un accès de folie, le préposé agresse et blesse un salarié pendant son temps de travail B/ LES EFFETS DE LA PRESOMPTION DE RESPONSABILITE En raison du lien de préposition qui les unit, le commettant est responsable de plein droit des actes dommageables de son préposé. Le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que si le préposé a commis un abus de fonctions. Il y a abus de fonctions lorsque trois conditions cumulatives sont remplies : •
le préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé
•
il a agi sans autorisation
•
il a agi à des fins étrangères à ses attributions
Si une des conditions fait défaut, il n’y a pas abus de fonctions et le commettant est responsable. Ex : un routier prend un auto-stoppeur sur son itinéraire alors qu’il est en service et provoque un accident dans lequel le passager est blessé : il n’y a pas abus de fonctions. Le commettant déclaré responsable peut ensuite exercer une action récursoire en se retournant contre le préposé. SECTION III. LES ACCIDENTS DE LA CIRCULATION
42 La loi Badinter du 5 juillet 1985 a instauré un régime spécial en matière d’accidents de la circulation. Elle prévoit que la faute de la victime ne peut être opposée au gardien du véhicule que dans les cas définis par le législateur. I.
CONDITIONS D’APPLICATION DE LA LOI
L’art. 1er de la loi précise qu’elle s’applique aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, même si les victimes sont transportées en vertu d’un contrat. L’application de cette loi suppose la réunion de trois éléments : un véhicule terrestre à moteur, un accident de la circulation et l’implication du véhicule dans l’accident. A/ UN VEHICULE TERRESTRE A MOTEUR La loi de 1985 s’applique à l’ensemble des engins qui peuvent se déplacer sur le sol à l’aide d’un moteur (électrique, à implosion, etc.). Ex : chariot élévateur, engins agricoles, motos… Sont donc exclus les engins qui ne circulent pas sur le sol (avion, bateau) ou qui ne sont pas animés par un moteur (vélo, ski, patins à roulettes, etc.). De plus, la loi exclut les accidents dans lesquels sont impliqués les chemins de fer et les tramways lorsqu’ils circulent sur des voies qui leur sont propres : Cass. Civ. 2ème, 18 octobre 1995, Bull. II, n° 239. B/ UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION La notion d’accident suppose que le dommage n’ait pas été volontairement causé par son auteur, qu’il ait été imprévu. Le terme « circulation » doit être pris dans le sens de la vocation à circuler du véhicule. Peu importe que ce véhicule soit sur une voie publique ou privée. Ex : champ, piste de ski (dameuse) La loi de 1985 ne s’applique pas lorsque le véhicule considéré change de fonction pour accomplir un travail étranger à la circulation ou aux infractions volontaires commises au moyen d’un véhicule.
43 Ex : dommage causé par la chute d’un objet manipulé par un chariot élévateur ; voiture utilisée comme une arme… De même, les dispositions de la loi de 1985 ne sont pas applicables entre concurrents d’une compétition sportive dans laquelle sont engagés des véhicules terrestres à moteur : Cass. Civ. 2ème, 28 février 1996, Bull. II, n° 37. C/ L’IMPLICATION DU VEHICULE DANS L’ACCIDENT Il suffit de montrer que le véhicule est intervenu d’une manière ou d’une autre dans l’accident. Toute participation du véhicule constitue une implication. Le véhicule est toujours impliqué lorsqu’il est entré en contact avec la victime, mais il peut également être impliqué alors qu’il est en stationnement : Cass. Civ. 2ème, 21 octobre 1987, Bull. II, n° 202. L’absence de contact matériel n’exclut pas l’implication du véhicule mais il faudra alors prouver son rôle dans la réalisation du dommage. Ex : un cyclomotoriste surpris par l’arrivée d’un camion est déséquilibré et jeté à terre
II.
L’INDEMNISATION DE LA VICTIME
Est considérée comme victime toute personne qui a subi un dommage résultant d’un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur. La victime peut être directe ou indirecte. A/ NATURE DU DOMMAGE Il faut distinguer le dommage corporel et le dommage matériel. * En ce qui concerne le dommage corporel, la loi distingue entre les victimes conductrices et les autres. Est conducteur celui qui a la maîtrise du véhicule au moment de l’accident.
44 Ex : l’automobiliste au volant de sa voiture remorquée par une autre est conducteur ; la personne qui change une roue n’est plus conducteur. Le conducteur a droit à une réparation intégrale de son préjudice, sauf s’il a commis une faute qui a contribué à la réalisation de celui-ci. Cette faute a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages subis par le conducteur. Ex : un automobiliste circulant à vive allure refuse la priorité à un camion ; le conducteur d’une moto brûle un feu rouge… Les victimes non conductrices sont celles qui n’avaient pas la maîtrise du véhicule au moment de l’accident. Ex : piéton, passager, cycliste L‘art. 2 de la loi de 1985 dispose que « les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule ». La victime aura donc droit à une réparation intégrale même si le dommage résulte d’un cas de force majeure ou du fait d’un tiers. Ex : irruption d’un sanglier sur la chaussée ; conducteur qui, giflé par sa femme lors d’une dispute, brûle un feu rouge et percute un cycliste Certaines victimes sont, en raison de leur âge ou de leur condition, particulièrement protégées Si la victime a moins de 16 ans, plus de 70 ans ou si elle possède un titre lui reconnaissant une incapacité permanente d’au moins 80%, elle sera totalement indemnisée sauf si elle a volontairement recherché le dommage (art. 3 loi 1985). Dans les autres cas, la victime sera intégralement indemnisée sauf si elle a commis une faute inexcusable qui est la cause exclusive de l’accident. La faute inexcusable est la faute d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait du avoir conscience : Cass. Civ. 2ème, 20 juillet 1987, Bull. II, n° 160. Ex : individu qui traverse la nuit une route nationale très fréquentée, dépourvue d’éclairage public et comportant deux voies de circulation séparées par un terre-plein central ; circulation d’un cycliste en sens inverse sur un boulevard Ex : il n’y a pas faute inexcusable lorsque la victime, en complet état d’ivresse, chancelant et continuant à boire directement à la bouteille, s’est accroupie sur la chaussée d’un chemin départemental, hors agglomération, de nuit et par temps de brouillard réduisant la visibilité à 30 mètres, au milieu du couloir de circulation car elle n’avait pas conscience du danger auquel elle s’exposait : Cass. Civ. 2ème, 6 novembre 1996, Bull. II, n° 240.
45 Le préjudice subi par les victimes indirectes peut être réparé si aucune limitation ou exclusion n’est applicable à l’indemnisation du dommage de la victime directe. * Le dommage matériel est celui causé aux biens de la victime. Ex : véhicule, ordinateur posé sur le siège… La victime, conducteur ou non, peut obtenir réparation intégrale du dommage matériel sauf si sa faute est démontrée (art. 5 al. 1 loi 1985). B/ DETERMINATION DU DEBITEUR DE L’INDEMNITE La loi de 1985 fait peser une obligation d’indemnisation sur le conducteur du véhicule terrestre à moteur ou, à défaut, sur le gardien du véhicule. La victime dispose d’une action directe contre l’assureur du conducteur. L’assureur doit proposer à la victime une offre d’indemnité dans les 8 mois de l’accident. Si cette offre est tardive, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou fixée par le juge à la victime produit des intérêts de plein droit au taux légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Un fonds de garantie automobile a été créé en 1951 pour indemniser les victimes d’accidents de la circulation lorsque le responsable des dommages demeure inconnu, n’est pas assuré, ou lorsque son assureur est totalement ou partiellement insolvable.
CHAPITRE III. LE LIEN DE CAUSALITE Pour engager la responsabilité d’une personne, la victime doit démontrer que la faute constitue la source du dommage. La preuve du lien de causalité est facilitée lorsque la faute ou la responsabilité sont présumées. Un problème se pose lorsque le dommage a des causes multiples pour déterminer la cause à l’origine du dommage. Ex : une personne A est blessée en sortant de chez elle dans un accident causé par B. Elle est prise en charge dans une ambulance qui est heurtée par C et A décède en arrivant à l’hôpital. Dans ce cas, deux théories peuvent s’appliquer : la théorie de l’équivalence des conditions et la théorie de la cause adéquate.
46 Selon la théorie de l’équivalence des conditions, tous les évènements qui ont contribué au dommage sont considérés comme ayant causé le dommage de manière équivalente. Selon la théorie de la cause de la cause adéquate, seul l’évènement ayant directement participé à la réalisation du dommage est pris en compte. La jurisprudence utilise l’une ou l’autre de ces théories selon les cas. Lorsque la victime était déjà malade ou handicapée avant le dommage, les juges ne doivent tenir compte que de l’aggravation de son état pour évaluer l’indemnisation à laquelle elle peut prétendre. Ex : une personne invalide à 70% devient invalide à 100% à la suite d’un accident. Le responsable de l’accident ne devra indemniser que 30% du dommage.