Cours 2 Narratologie
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Vladimir Propp : Fondements ……..P. 2
d’une narratologie moderne
Les continuateurs de Propp……..P.8
Siegel, ou la narratologie appliquée….P.12
Walter Benjamin, le conte………P.17
les structuralistes…………………….P.19
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Vladimir Propp : Fondements
d’une narratologie moderne Propp vise à mettre à jour la syntaxe du récit (et plus particulièrement du conte merveilleux russe). Plus encore, il vise à montrer qu’il existe une seule matrice de récit (de conte merveilleux), dont tous les autres découlent Le folkloriste russe Vladimir Propp (1895-1970) inaugure l'analyse structurale du conte dans Morphologie du conte publié en 1928 (Seuil, 1970). Estimant que toute étude génétique et sémantique du conte nécessite préalablement son étude morphologique, il a étudié les contes merveilleux traditionnels, dans lesquels il voit le jeu de "variables" (les noms et les attributs des personnages) et de "constantes" (les fonctions qu'ils accomplissent). Au terme de son analyse, Propp conclut que le conte merveilleux obéit à une structure unique : il établit une liste de trente et une "fonctions" qui s'enchaînent dans un ordre identique, même si elles ne sont pas toutes présentes dans chaque conte. Organisées en deux séquences, à partir d'un manque ou d'un méfait initial jusqu'à sa réparation finale, ces fonctions constituent le schéma du conte merveilleux russe, et probablement, pensait-il, du conte merveilleux en général. Source : http://expositions.bnf.fr/contes/cles/propp.htm
Avant Propp, il existait une classification des contes russes qui fonctionnait par : - contes de mœurs - contes merveilleux - contes sur les animaux Problème : certains contes sur les animaux ne contiennent-ils pas du merveilleux ? Certains contes merveilleux n’ont-ils pas des animaux pour personnage ? En fait les contes russes attribuent les mêmes actions aux personnages, aux animaux, aux objets. L’originalité de la démarche de Propp, à son époque, est qu’il se réclame d’une discipline annexe de la science, la morphologie, l’étude des formes. Jusqu’alors, l’étude du récit littéraire ne relevait que des domaines de la littérature, de la philosophie, de la rhétorique et de la poétique. Dans un article intitulé « Les transformations du conte merveilleux, il écrit « On peut, à plusieurs titres comparer l’étude des contes à celle des formes organiques dans la nature. Le folkloriste, tout comme le naturaliste, s’occupe des genres et des espèces 2
de phénomènes identiques par essence. La question de l’origine des espèces posée par Darwin peut être posée aussi dans notre domaine. IL n’existe pas, dans le royaume de la nature, comme chez nous, une explication directe, tout à fait objective et absolument convaincante à la ressemblance des phénomènes. Elle nous met en face d’un véritable problème. Dans chacun de ces cas, deux points de vue sont possibles : soit on affirme que, pour deux phénomènes qui n’ont et ne peuvent avoir aucune relation extérieure, leur ressemblance interne ne nous amène pas à une racine génétique commune, et c’est la théorie de la genèse indépendante des espèces ; soit cette ressemblance morphologique est interprétée comme la conséquence d’un certain lien génétique, et c’est la théorie de l’origine par métamorphoses ou transformations remontant à une certaine cause. » Exemple : la resemblance entre l’homme et le singe. Soit on considère que c’est un hasard, soit on considère qu’ils ont une origine commune. Dans le cas des contes : soit deux contes se ressemblent par hasard, soit ils ont une origine commune. Noter comme l’esprit positiviste du XIX° siècle est influent dans cette formulation. Il se réclame également des études sur les mythes et les religions, qui ont remarqué que les fonctions des dieux se déplacent facilement vers les hommes, et que même certains saints chrétiens héritent des fonctions des personnages de conte (guérisseur, charmeur d’animaux, etc… ) Dans l’introduction de son ouvrage, il commence par faire le tour de ce qui existe, pour en critiquer le manque de sérieux. Par exemple, il montre que l’étude des sujets ne peut rien révéler, parce que les sujets sont souvent enchâssés, et peuvent muter d’un conte à l’autre. Il en arrive donc à définir la primauté de la fonction. « Dans l’étude du conte, la question est de savoir ce que font les personnages ; qui fait quelque chose, comment il le fait, sont les questions qui ne se posent qu’accessoirement. » Propp énonce1 quatre hypothèses fondamentales pour cadrer son travail : « 1 – les éléments constants, permanents du conte sont les fonctions des personnages, quels que soient ces personnage et quelle que soit la manière dont ces fonctions sont remplies. Les fonctions sont les parties constitutives fondamentales du conte. 2 – Le nombre des fonctions que comprend le conte merveilleux est limité. 3- La succession des fonctions est toujours identique. 4- tous les contes merveilleux appartiennent au même type en ce qui concerne leur structure.» Propp revendique une méthode de recherche déductive, qui va du corpus aux conclusions. Mais son corpus est volontairement limité à 100 contes. Le premier élément du conte n’est pas une fonction, mais importe d’un point de vue morphologique. Il s’agit de la situation initiale. Le symbole α désigne la situation initiale. 1
Voir page 31 de l’édition Points Essais. 3
I – Un des membres de la famille s’éloigne de la maison (définition : éloignement, désigné par β). II – Le héros se fait signifier une interdiction (définition : interdiction, désignée par γ) III – L’interdiction est transgressée (définition : transgression, désignée par δ) IV – L’agresseur essaie d’obtenir des renseignements (définition : interrogation, désignée par ε Isoler les fonctions du conte doit aboutir à l’élaboration de « types » V – L’agresseur reçoit des informations sur sa victime ( définition : information, désignée par ξ) VI – L’agresseur tente de tromper sa victime pour s’emparer d’elle ou de ses biens. (définition : tromperie, désignée par η) VII – La victime se laisse tromper et aide ainsi son ennemi malgré elle. (définition : complicité, désignée par Ο). VIII – L’agresseur nuit à l’un des membres de la famille ou lui porte préjudice ( définition : méfait, désigné par A) « Cette fonction est extrêmement importante, car c’est elle qui donne au conte son mouvement. L’éloignement, la rupture de l’interdiction, l’information, la tromperie réussie, préparent cette fonction, la rendent possible ou simplement la facilitent. C’est pour cela que l’on peut considérer les sept premières fonctions comme la partie préparatoire du conte, alors que l’intrigue se noue au moment du méfait. Les formes que revêt ce méfait sont extrêmement variées. » lire page 42 …. Une autre forme du méfait est présentée sous la forme du manque : le VIII-a – Il manque quelque chose à l’un des membres de la famille ; l’un des membres de la famille a envie de posséder quelques chose (définition : manque, désigné par a) La fonction qui suit est une fonction de transition. IX – La nouvelle du méfait ou du manque est divulguée, on s’adresse au héros par une demande ou un ordre, on l’envoie ou on le laisse partir (définition : médiation, moment de transition, désigné par B) Les fonctions suivantes montreront le héros dans l’action, résolvant les énigmes, ou accomplissant des exploits.
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On notera par exemple la fonction XXVII dans laquelle « le héros est reconnu grâce à la marque, au stigmate reçu (blessure, étoile) ou grâce à l’objet qu’on lui a donné (anneau, mouchoir). Dans ce cas la reconnaissance correspond à la fonction où le héros reçoit une marque. Il est également reconnu du fait d’avoir accompli une tâche difficile, etc… » Voir Aristote et la reconnaissance Le corollaire à cette fonction est que dans la suivante, VVVIII, le faux héros ou l’agresseur, le méchant est démasqué. Dans la fonction XXX, le faux héros ou l’agresseur est puni. Dans la dernière fonction, XXXI, le héros reçoit le royaume et la main de la princesse. On peut donc schématiser le découpage opéré par les 31 fonctions de Propp sous la forme : 1 : situation initiale 2 : méfait ou manque (créant un déséquilibre) 3 : médiation, moment de liaison 4 : péripéties de l’action du héros 5 : résolution du conflit et récompense du héros
31 fonctions dans le conte folklorique
En tout, Vladimir Propp va isoler merveilleux russe : - éloignement - interdiction ; et transgression - interrogation ; et information - tromperie ; et complicité - méfait ou manque - médiation - début de l’action contraire - départ - première fonction du donateur ; et réaction du héros - réception de l’objet magique - déplacement dans l’espace - combat - marque du héros - victoire - réparation du manque - retour du héros - poursuite ; et secours - arrivée incognito - prétentions mensongères - tâche difficile ; et tâche accomplie - reconnaissance ; et découverte de la tromperie - transfiguration - punition - mariage
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Ces fonctions vont s’investir dans des personnages que Vladimir Propp compte au
sept. Cet investissement va se faire au sein de sphères d’action (qui regroupent plusieurs fonctions) : nombre de
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la sphère d’action de l’agresseur la sphère d’action du donateur la sphère d’action de l’auxiliaire la sphère d’action de la princesse la sphère d’action du mandateur la sphère d’action du héros la sphère d’action du faux héros
Cette morphologie permet de donner une définition du conte sous la forme « Le conte merveilleux est un récit construit selon la succession régulière des fonctions citées dans leurs différentes formes, avec absence de certaines d’entre elles dans tel récit, et répétitions de certaines dans tel autre. » Comme chaque fonction se voit attribuer un symbole, il sera possible de formaliser le scénario de tous les contes de façon synthétique. Ainsi un conte à deux séquences et un seul méfait peut être traduit de cette façonlà : p 157
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Voir Abréviations
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la
liste
des
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Propp remarquera également que la plupart des fonctions marchent de façon binaire : Manque/réparation du manque – interdiction /trangression de l’interdiction – combat/victoire. En conclusion Ce que le travail de Propp va surtout changer, c’est qu’avant lui on se souciait beaucoup des personnages, des motifs également, ce qui empêchait de voir la structure des œuvres. L’analyse de Propp, qui commence par étudier la forme des contes, a pour but final d’en découvrir l’origine historique (se rappeler le parallélisme avec Darwin). Par la morphologie, il s’est rendu compte que tous les contes merveilleux russes avaient la même structure. Les variables, ce sont les personnages, qui eux peuvent changer d’un conte à l’autre, d’une version à l’autre, sans altérer la structure. Sa démarche est à l’inverse de celle des généticiens qui considéraient que le motif ou le sujet étaient des unités insécables. Lui au contraire considéraient que les sujets et motifs étaient aisément interchangeables. Pour résumer, Propp part de la morphologie du conte, pour arriver dans un premier temps à en dégager des invariants. Ces invariants forment la structure des contes merveilleux russes. (étude synchronique2) Puis cela lui permet d’en faire une analyse diachronique3 (historico-génétique).
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Synchronie LING. [P. oppos. à diachronie] État de langue considéré dans son fonctionnement à un moment donné`` (Ling. 1972) 3 Diachronie LINGUISTIQUE A. [Gén. en corrélation avec synchronie] Caractère des faits linguistiques considérés du point de vue des phases de leur évolution dans le temps.
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Les continuateurs de Propp
La postérité de Propp. Il fallut attendre 30 ans et une nouvelle traduction en anglais pour que le livre de Propp prenne toute sa place dans les études littéraires en général et dans l’analyse structurale en particulier, avec des comptes-rendus de Claude Lévi Strauss, notamment, qui devait écrire en 1955 « Analyse structurale du Mythe » Cet article de Claude Lévi-Strauss eut une véritable dimension de « manifeste scientifique ». De fait, les deux domaines, mythes et contes sont assez proches. Propp qualifie le conte merveilleux de « mythique ». Levi-Strauss voit dans le conte un mythe légèrement affaibli. Mais l’analyse de Propp se construit dans un premier temps de façon synchronique (syntagmatique4), c’est-à-dire qu’elle prend le conte dans sa totalité et en analyse la construction comme récit, sans chercher à en connaître l’histoire, pour en retrouver l’histoire dans un second temps. D’ailleurs, l’intuition de Propp était que tous les contes merveilleux russes découlaient d’un seul récit. Au contraire, l’approche de Lévi-Strauss se construit d’une façon d’emblée diachronique (paradigmatique5). Il cherche toujours à mettre en avant les liens de parenté, par exemple, pour montrer une structure profonde (parenté) sous-jacente au mythe fondée sur des relations d’opposition, de complémentarité et ayant toujours pour but de découvrir le sens (approche sémantique).
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Syntagme LINGUISTIQUE 1. Combinaison de morphèmes ou de mots qui se suivent et produisent un sens acceptable. Le syntagme se compose donc toujours de deux ou plusieurs unités consécutives (par exemple: re-lire; contre tous; la vie humaine; Dieu est bon; s'il fait beau temps, nous sortirons, etc.) (SAUSS. 1916, p. 170). La notion de syntagme s'applique non seulement aux mots, mais aux groupes de mots, aux unités complexes de toute dimension et de toute espèce (mots composés, dérivés, membres de phrase, phrases entières) (SAUSS. 1916, p. 172). 2. En partic., LING. STRUCT. [Le plus souvent déterminé par un adj. spécifiant la nature du noyau du syntagme] Groupe d'unités linguistiques significatives formant une unité dans une organisation hiérarchisée de la phrase. 5 Paradigme GRAMM. Ensemble des formes que peut prendre un élément (généralement un mot). Synon. déclinaison, flexion. Il suffit d'y jeter un coup d'oeil pour apercevoir la relation qui existe entre les paradigmes grec et latin (SAUSS., Ling. gén., 1916, p.15). LING. Ensemble des unités d'un certain type apparaissant dans un même contexte et qui sont de ce fait dans un rapport d'opposition, de substituabilité (p.oppos. à syntagme).
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Lévi-Strauss
L'analyse de ces récits profondément ancrés dans les mythologies des sociétés a fait l'objet d'un intérêt particulier du structuralisme (L'analyse structurale du mythe, C. Lévy-Straus, 1955) Le rapprochement opéré entre conte et mythe se fonde sur la mise à jour d'invariants structurels qu'envisageait déjà Propp en construisant des couples de fonctions opposées (interdiction / transgression, tromperie / complicité involontaire, méfait / réparation...). La différence fondamentale entre le conte et le mythe, c’est ce que ce dernier agit au niveau collectif/cosmique, tandis que le conte se déroule au niveau particulier/sociétal. Pour Propp, les contes populaires russes pouvaient être réduits à une suite d’actions élémentaires ou fonctions constituant un ensemble ordonné dont chaque conte n’est qu’une exposition partielle. À cette approche formaliste, qui met l’accent sur l’axe « syntagmatique », sur la succession des épisodes dans la narration, Lévi-Strauss oppose l’analyse structurale, qui privilégie les rapports « paradigmatiques » d’analogie ou d’opposition existant entre différents motifs. Dans les mythes qu’il étudie, il s’intéresse d’abord aux problèmes sémantiques posés par les différentes versions d’un même mythe. L’identité, les attributs, la place d’un acteur (homme, animal ou objet) dans le système culturel d’une société sont selon lui déterminants. Le récit mythique n’est pour Lévi-Strauss, à travers ses différentes versions, que la réalisation syntagmatique d’une structure fondamentale qui, elle, est de nature sémantique. Plus profondément, cette contiguïté des deux démarches narratives trouve son origine dans le fonds archaïque indo-européen ; comme l'a montré Georges Dumézil : l'univers est troublé, il se trouve en état de mort et de manque tant que ne sont pas réunis trois aspects fondamentaux de l'activité humaine : • Fonction 1 : la souveraineté divine (aspect magique et religieux) humaine (aspect légal ou royal) • Fonction 2 : la force guerrière • Fonction 3 : la fécondité de la Terre (moisson) ou du royaume (or, richesses) humaine (sexualité)
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Greimas
C A.J. Greimas le schéma actantiel –
et
En regroupant les fonctions définies par Propp selon certaines "sphères d'action" de ceux qui les accomplissent, A.J. Greimas ( Sémantique structurale, Paris, Larousse , 1966) propose un schéma qui valide la place de chaque actant dans le cours du récit :
"Les rôles de destinateur et de destinataire, qui établissent le contrat avec le héros, correspondent à un axe de la communication et du savoir (communication de l'objet de valeur que le héros doit précisément replacer dans la sphère de l'échange). Aux rôles de sujet et d'objet, correspond l'axe de la quête, axe du vouloir. Enfin, à l'adjuvant et à l'opposant, correspond l'axe de la lutte ou du pouvoir." Qu'est-ce que le carré sémiotique ? C'est la base théorique sur laquelle est édifiée la sémiotique greimassienne qui le pose en structure élémentaire de la signification. Il est fondé sur les opérations de l'esprit les plus simples qui sont la négation et l'assertion grâce auxquelles est formalisée la relation de présupposition réciproque (coprésence) qu'entretiennent les termes primitifs d'une même catégorie sémantique. C'est le modèle constitutionnel de cette théorie. C’est ce qu’on appelle la grammaire générative. Dans la théorie greimassienne on considère que "ce schéma binaire, extrêmement puissant, permet d'indexer toutes les relations différentielles qui discriminent tout effet de sens" (A. Henault, 1983) et on le qualifie de "schéma constitutionnel" pour indiquer que c'est sa prolifération qui permettrait d'écrire les significations les plus complexes. Une illustration du carré sémiotique nous est fournie dans le dialogue entre M. Jourdain et le Maître de Philosophie. Lorsque M. Jourdain pose les questions : "Il n'y a que la prose ou les vers ?", le Maître de Philosophie lui répond :"tout ce qui n'est point prose est vers; et tout ce qui n'est point vers est prose" ce qui constitue le couple versprose en catégorie de l'expression par vérification des deux parcours constitutifs du carré sémiotique et vient justifier l'intuition de M. Jourdain sur le plan logico-sémantique.
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Brémond et la structure narrative –
Bremond est le plus proche continuateur de Propp. En partant, lui aussi des fonctions de Propp, C. Brémond, (Logique du récit, Paris, Seuil, 1973) aboutit à une structure du récit, en théorie applicable à toutes sortes d'énoncés narratifs.
Pour résumer, il existe trois grammaires du récit : 1- Les analyses à dominante sémantique, telle la théorie lévi-straussienne des mythes qui se propose de ramener les fonctions syntagmatiquement distribuées le long du texte à des oppositions paradigmatiques censées correspondre à des systèmes d’oppositions sémantiques fondamentales de l’univers mythique. Lévi-Strauss remonte de l’analyse fonctionnelle vers l’analyse paradigmatique. Pour Lévi-Strauss, en quelque sorte, l’étude des mythes a pour but de faire ressortir une structure matricielle atemporelle, sans se soucier de la spécificité de la narration. Le travail lévi-straussien relève plus de l’étude des thèmes que de l’étude des fonctions. 2- Les analyses sémantico-syntaxiques : Greimas suppose qu’il existe une structure grammaticale profonde (le carré sémiotique, qui repose sur des jeux d’opposition) dont la génération permet de créer des structures de surface, le récit. Or la notion même de carré sémiotique n’est pas acceptée par tous. Il est de
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plus douteux que tous les récits existants de par le monde puissent être réduits à une structure sémantique binaire de termes opposés fondamentaux. 3- Les analyses syntaxico-sémantiques, telle la grammaire du récit de Todorov, la logique des possibles narratifs de C Bremond, ou la syntaxe narrative de T Pavel. On pourrait critiquer les tenants de ce type de travail, qui vise à créer une grammaire du récit, pour dégager des universaux, en disant que ces démarches impliquent une réduction analytique spécifique. La question que l’on peut se poser est de savoir jusqu’où la réduction peut aller. Si en effet on choisit de ramener un certain nombre d’informations à l’intérieur du récit à leur composante fonctionnelle, on peut les classer rapidement comme des élément secondaires, sans grande importance. Or Roland Barthes a montré que la distinction opérée par Tomachevski entre motifs associés (motifs indispensables à la compréhension du récit) et motifs libres (motifs pouvant être omis sans mettre en cause l’intégrité de la narration) pouvait être reformulée en terme de fonctions indispensables à l’intégrité du récit, et indices. Ces derniers, qui ne font pas partie de l’enchaînement narratif ne sauraient être dérivés de la structure narrative séquentielle minimale : ils sont dus à des choix indépendants des choix séquentiels et remplissent d’autres fonctions. On peut dire la même chose du passage des actants (Grémas : niveau d’analyse fonctionnelle) aux personnages ou héros (niveau d’analyse proprement littéraire) : P Hamon a montré que la fonctionnalité des personnages, et notamment du héros, ne pouvait être réduite à leur rôle d’actants, et que donc ils ne pouvaient être dérivés sans autre forme de procès de la structure syntagmatique de base mais renvoyaient à des stratégies littéraires plus complexes. Il a montré que la fonction textuelle de description ne saurait être réduite à son rôle de béquille de la narration, mais qu’elle remplit des fonctions de crédibilisation, d’effet de réel, d’indexation idéologique. L’autre critique concernant ces grammaires du récit provient de Paul Ricoeur, qui estime qu’elles ne prennent pas assez en compte la finalité du récit, ainsi que ses fonctions existentielles. Mais peut-être pourrait-on envisager que ce qui « marche » pour le conte ne marche pas forcément pour des formes plus complexes. Prenons pour exemple le film Blade Runner. L’action est claire : rattraper les réplicants et les éliminer. Le héros est clairement identifié, incarné par Harrison Ford, dans le rôle de Deckard. Il y a une action, des adjuvants, des péripéties et la résolution finale du conflit. Mais que retient-on de Blade Runner ? Pas tant l’intrigue qu’une somme de détails qui pourraient passer pour des indices, au sens où Barthes emploie ce mot : la rue hyper polluée, avec la pluie qui force les piétons à porter des chapeaux ressemblant à des casques, la langue bizarre, composite de chinois et d’anglais, et d’espagnol, les publicités envahissantes (comme dans les romans de Philippe K Dick). Tout cet aspect indiciel est mis de côté par les grammaire du récit.
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Enfin, il faut évoquer une postérité « pratique » toute récente des travaux de Propp chez un scénariste étasunien, David Siegel.
Pause
: c’est le temps de la pause, où les étudiants descendent griller une clope, ce qui dépasse largement les cinq minutes allouées, et ne va pas sans poser de problème…je suggère une demi-clope. Sinon, la pause pose problème, hmmm ! Rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrreprrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiise ! ! ! ! dingh gingh dingh ! tout le monde en rang pour le reprise !
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Siegel, ou la narratologie appliquée
Siegel, la martingale du récit
http://www.dsiegel.com/film/ Le point de départ de la démarche de Siegel est l’analyse du box-office cinématographique américain et de la mécanique des jeux vidéo, avec la visée déclarée de créer un générateur de scénarios destiné à le rendre riche : une martingale scénariographique. Pour un lecteur du vieux continent, cette vénalité assumée a quelque chose d’un peu vulgaire : un européen préférera la postérité et la jouissance posthume à la gloire médiatique de la puissance actuelle mesurée en dollars. Mais l’européen se taira face au double choc que constitue la lecture de ses pages : David Siegel partage sa martingale avec le monde. - Cette martingale qu’il nomme « Nine-act Structure », la structure en neuf temps Ce qui suit est une synthèse du Siegel. Siegel rappelle en premier lieu que tout récit obéit à la règle des trois P et doit comporter : - Prémisse (Premise) : c’est le cadre répondant aux questions : « quoi », « où », « quand » et « que se passerait-il si ». - Personnages (People), le « qui ». Afin d’être crédibles, ils doivent avoir un réel passé, une biographie qui ne coïncide pas nécessairement avec le récit. - Péripétie (Plot), le « comment » : déroulement, linéaire ou à double détente, des événements. Rien d’innovant jusque là. L’apport de Siegel vient de sa distinction entre les intrigues à but unique et celles à double détente. L’idée principale en est la suivante : un scénario classique, linéaire donc prévisible, peine, caractère prédictible oblige, à maintenir l’intérêt de son public. L’intrigue à double détente consiste dans un premier temps à faire courir le héros après un objectif erroné qui le conduit pourtant, à la moitié du récit, à réaliser son erreur et à poursuivre un deuxième mais cette fois véritable objectif résolutif qui lui permet d’accomplir son destin. Sur son site, il montre l’efficacité, preuve à l’appui de la structure à deux temps :
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Les neuf temps de l’intrigue à double détente peuvent se résumer ainsi : Temps 0 : une ancienne étincelle Pour Siegel, une bonne histoire est comme une collision ferroviaire : plus les trains viennent de loin, plus l’impact est spectaculaire. Le vrai méchant - fut-il une abstraction -, est toujours incarné par un personnage mûr qui a mis du temps à se construire. L’intrigue se trame toujours depuis au moins dix ans. Ce qui précède le récit correspond ainsi à une longue succession d’investissements patients du méchant, et parfois du héros, en vue de la réalisation d’un plan qui arrive enfin à son terme. Une scène courte, inaugurale, relie le héros au méchant. Grand classique : le méchant fait, intentionnellement ou pas, du mal aux proches du héros. Cette scène ne doit pas être montrée, c’est l’une des pièces principales d’un puzzle qui ne sera appréhendé que bien plus tard, parfois sous forme de flash-back. Il est important de distinguer le contexte historique général de l’histoire, la biographie des personnages qui leur donne de l’épaisseur, et cette toile de fond initiale qui sème les graines du conflit. Temps 1 : le pano d’ouverture Le matériel d’analyse de Siegel est constitué des blockbusters hollywoodiens qui commencent régulièrement par une scène panoramique souvent aérienne, plongeante, coûteuse, métaphore du regard du Dieu biblique sur les hommes. Le temps 1 plante le décor. A partir de là, on sait où l’on est. Temps 2 : quelque chose de mal arrive Si rien n’arrive dans les premières minutes, c’est que l’histoire a commencé trop tôt. En général, ce temps 2 correspond au lancement des opérations par le méchant et tout se déroule alors au mieux pour lui. Cet événement déclenchant est triplement caractérisé : il est moralement condamnable et souvent très violent ; il est mystérieux ; il est visuel. Il constitue l’extrémité d’un fil que l’on tire et qui va permettre de dérouler toute la pelote. L’incident est distinct des cahots du héros au temps 3 et il ne sera véritablement compris qu’au temps 6. Temps 3 : rencontre avec le héros et ses opposants Le problème ne peut être résolu que par un individu insatisfait de son quotidien, lié par hasard à l’incident du temps 2. Au départ, le héros refuse l’appel car aucune personne saine d’esprit ne voudrait y répondre. Il le refuse également car, hormis quelques très rares exceptions, il n’est à ce moment du récit pas la bonne personne pour jouer le rôle du héros, il est même souvent la personne la moins indiquée pour accomplir la mission. Mais, parce qu’il n’y a que lui, il s’y résout et rassemble le matériel et les alliés dont il a besoin pour sa quête, tout en n’oubliant pas son objectif personnel, son désir à satisfaire. C’est également le temps de la prise de connaissance de l’équipe adverse. Même si on a pu voir au temps 2 une partie de ses méfaits, c’est à ce moment en général qu’on découvre le bras droit, l’exécutant des basses œuvres du grand méchant. Celui-ci n’est, à ce moment du récit, perçu que dans sa dimension de puissance, sa vilenie n’étant révélée qu’à la fin du temps 5.
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David Siegel utilise une métaphore intéressante pour décrire la mécanique des temps 3 et 4 : « three bumps and a push » - trois chocs et une poussée qui vont conduire le héros du plongeoir au fond de la piscine en compagnie des méchants. Temps 4 : engagement Il s’agit ici en général d’une scène passerelle vers le temps 5. Elle est facile à repérer car après elle, il n’y a plus de retour possible. C’est le push après les trois bumps et Siegel utilise une autre métaphore : c’est le moment qui conduit quelqu’un à sauter d’un bateau tout habillé dans l’eau. Personne ne le ferait sans des circonstances extraordinaires (amenées par le temps 3) : ce peut être pour sauver sa peau, pour sauver quelqu’un, poussé par quelqu’un de malveillant ou de bienveillant. Temps 5 : à la poursuite du mauvais objectif Le héros qui ne possède pas encore toutes les informations pertinentes a toutes raisons de croire qu’en accomplissant son premier objectif, il réussira sa mission. Le public, qui dispose des mêmes éléments, partage cette analyse. Ce temps 5 est rythmé par des complications croissantes (au cinéma, cycles de 8-12 minutes nommés « whammos ») suivies de périodes de répit où le héros collecte les indices de la toile de fond initiale. Le temps 5 correspond au point le plus bas pour le héros car c’est le grand méchant qui détient alors toutes les cartes. Ce temps est celui du bras droit du méchant ou celui de la rencontre d’assistants bienveillants. Temps 6 : renversement Au moment où les choses vont le plus mal, le vrai méchant se révèle ou le héros découvre la dernière pièce du puzzle, souvent sous la menace d’une arme ou alors qu’il est en prison, et chacun connaît enfin la véritable trame de l’histoire. Le temps 2 prend enfin tout son sens. Le revirement n’est pas toujours une scène mémorable et peut utiliser un flash-back. La découverte de l’histoire révèle une faiblesse dans le plan du méchant, légitime le conflit et permet ainsi au héros d’envisager de sauver la situation. Ce temps est le moment clé du récit, la pierre de touche qui maintient l’ensemble des tensions de l’histoire. C’est également le point où l’impact du plan du méchant devient plus global et menace l’ensemble de la société, voire le monde. Siegel distingue deux types de renversement : ceux, légitimes, liés à la toile de fond inaugurale ; ceux, illégitimes, artificiels, qui arrivent comme des cheveux sur la soupe. Temps 7 : à la poursuite du nouvel objectif Le compte à rebours est enclenché. Tout le monde sait désormais ce qu’il y a à faire. Le héros conçoit alors rapidement – son premier échec l’a rendu efficace - son nouveau plan qui implique généralement un changement de lieu vers une hauteur d’où l’on peut choir. Le plan du héros n’est pas entièrement dévoilé au public, en attente de la démonstration de son talent. Ce temps est organisé comme le mouvement d’une balançoire où le héros et le méchant peuvent à tour de rôle provoquer la chute de l’autre. Evidemment, le plan ne marche pas comme prévu mais grâce à un peu de chance, de force, de magie, et de mérite récompensé, le héros gagne. La victoire est régulièrement rendue possible grâce au retournement d’un aide de camp du méchant ou à l’aide inespérée d’un personnage secondaire qui avait initialement fui ses responsabilités.
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Le temps 7 dure rarement plus de vingt-quatre heures et se déroule presque toujours en temps réel plutôt qu’en temporalité accélérée. Alors que l’ensemble des autres temps s’étend en général sur trois à dix jours, ce temps est similaire à celui d’un face à face. Evidemment, le méchant peut être définitivement défait ou il peut s’enfuir vers le monde des épisodes ultérieurs… Temps 8 : emballez c’est gagné La police est là. Le final doit être le plus court et resserré possible en laissant le soin au public de suivre seul les implications qu’il peut déployer sur la base d’un sentiment d’accomplissement et de renaissance où le monde est simplement restauré à son état normal et non pas maintenu dans une apothéose extatique. Source : Stéphane Barbery, site www.barbery.net pour l’adaptation en français et David Siegel pour l’original sur www.dsiegel.com/film/Film_home.html Nous voyons bien que ce modèle pour formater des films hollywoodiens à succès emprunte beaucoup à Propp, et notamment à la notion de sphère d’action, qui regroupe plusieurs fonctions. Notons également comme la « reconnaissance », considérée par Aristote comme une des meilleures bases pour construire une intrigue efficace, pourrait facilement préfigurer le concept d’intrigue à double détente de Siegel. Dans Œdipe par exemple, la reconnaissance pourrait être décrite en terme de dévoilement de l’intrigue véritable, cette malédiction qui pèse sur Œdipe et le fait se précipiter dans la voie de l’interdit. Lire quelques exemples parmi le box-office de films à succès répondant aux critères de Siegel.
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La réflexion d’un sociologue marxiste sur le conte et l’art
de conter.
Dans « Le conteur – Réflexions sur l’œuvre de Nicolas Leskov »6, texte de 1936, Walter Benjamin conduit une réflexion sur la fonction et l’art du récit oral et sur son déclin. 1 - Si l’art de conter se perd, c’est que l’on perd aussi la faculté d’échanger ses expériences. L’exemple de cela est la guerre de 14-18, au retour de laquelle les hommes furent incapables de transmettre oralement ce qu’ils avaient vécu. 2 - Distinction entre le récit de voyage, et le récit fait par celui qui reste sur place, le récit paysan. Au croisement de ces deux types de récit, le récit de l’artisan (sur le modèle du compagnon), qui a dû tout d’abord voyager pour construire son savoirfaire, puis qui se fixe et dès lors devient la mémoire d’un lieu précis. 3 – Nicolas Leskov était le représentant pour la russie d’une firme anglaise. Il a donc sillonné la russie et en a ramené des récits sur toutes sortes de ses aspects, et notamment la vie religieuse, les sectes, etc… 4 – L’intérêt pour les questions pratiques est un trait marquant chez beaucoup de conteurs. Dimension utilitaire du récit oral. Présence fréquente d’une morale à la fin du récit. « L’art dur récit tend à se perdre, parce que l’aspect épique de la vérité, c’est à dire la sagesse, est en voie de disparition. » 5 – Le premier indice de la disparition du récit, c’est l’apparition du roman. « Ce qui distingue le roman du récit, c’est qu’il est inséparable du livre. » Le roman est l’œuvre d’un homme seul, qui d’une certaine façon fuit la sagesse populaire. 6 – Le roman, dont les formes plongent leurs prémices jusque dans l’antiquité, a dû son essor à l’émergence d’une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie, qui avait du temps et de l’argent. Une nouvelle forme de communication est apparue dans le début du XIX° siècle, c’est l’information. L’art du conteur est de savoir rapporter un récit sans y adjoindre d’explication, laissant l’auditeur se faire son idée. L’information, au contraire, doit se suffire à elle-même, doit contenir toute explication. 7 - Au contraire de l’information, qui vit et meurt dans l’instant, le récit ne se livre pas tout de suite. Exemple de ce récit donné par Hérodote, où un roi vaincu ne réagit pas au spectacle de ceux de sa famille humiliés, torturés, et se met à pleurer en voyant ses serviteurs enchaînés. Hérodote ne donne pas la raison de cette conduite bizarre, ce qui conserve au récit tout son pouvoir d’étonnement. 8 – L’écoute des récits oraux est à son maximum d’efficacité lors des périodes d’ennui, ou lors de tâches répétitives, quand l’auditeur file de la laine par exemple. Son esprit est alors tout à fait réceptif, et il peut par la suite transmettre son récit. Le récit est lié à l’artisanat. 6
Le conteur, dans Œuvres III, folio. Voir bibliographie. 20
9 – Le récit est une forme artisanale de la communication. Pour un conteur comme Leskov, l’écriture du récit est elle-même un « métier manuel, et non un art libéral ». Le conte est comme ces objets issus de l’artisanat, les objets laqués par exemple, où chaque couche est déposée peu à peu : il demande la « lente thésaurisation de causes successives et semblables » (Paul Valéry). 10 – Paul Valéry poursuit sa réflexion en se demandant si le fait que l’on cache la mort dans les sociétés modernes n’est pas responsable du déclin du récit. Les mourants sont installés dans des mouroirs, or c’est chez les personnes en fin de vie que le récit peut prendre toute sa plénitude. Toutes les personnes rencontrées par le conteur défilent dans se conscience, parfaitement formés. « C’est cette autorité qui est à l’origine du récit ». 11 – « La mort est la sanction de tout ce que relate le conteur. C’est de la mort qu’il tient son autorité. » 12 – Différence entre l’historiographie qui raconte l’histoire, et l’historien qui tente de l’expliquer. Le conteur est l’héritier de l’historiographe du moyen âge. 13 – La « relation naïve de l’auditeur avec le conteur est dominée par l’envie de retenir l’histoire racontée ». Le domaine de prédilection de la mémoire, c’est l’épopée. La fonction mémorielle s’investit différemment dans le roman. Le principe inspirateur du roman est la « remémoration » tandis que le souvenir est le principe inspirateur du récit. « Le déclin de l’épopée a rompu dans la mémoire l’unité de leur origine. » 14 – Le roman « traite » du sens de la vie. Le récit doit délivrer une morale. Quand le roman est fini, il est clos sur lui-même et laisse le lecteur libre de s’interroger. Quand le récit est fini, on peut être tenté de prolonger l’histoire des protagonistes. 15 – Le lecteur de roman est solitaire, le plus solitaire de tous peut-être. Dans cette solitude, tout ce qui fait le roman nourrit la lecture, le lecteur s’approprie son contenu, se réchauffe au contact de ce contenu, qui est chargé de lui transmettre le sens de la vie. Or le sens de la vie est compréhensible à travers la mort . Un bon personnage de roman doit nécessairement mourir, soit dans l’action du roman, soit par la clôture du roman. « Ce qui attire le lecteur vers le roman, c’est l’espérance de réchauffer sa vie transie à la flamme d’une mort dont il lit le récit. ». 16 – Le premier récit, c’est le conte 17 – Grande proximité entre le conte et le mythe chez Leskov. 18 – La reconnaissance comme moteur d’un des contes de Leskov 19 – Texte de Valéry dans « Pièces sur l’art » dans lequel il parle de l’importance de la main : « L’observation de l’artiste peut atteindre une profondeur presque mystique. Les objets éclairés perdent leurs noms : ombre et clartés forment des systèmes et des problèmes tout particuliers, qui ne relèvent d’aucune science, qui ne se rapportent à aucune pratique, mais qui reçoivent toute leur existence et leur valeur de certains accords singuliers entre l’âme, l’œil et la main de quelqu’un, né pour les surprendre en soi-même et se les produire. » 20 – importance de la main chez le conteur, qui participe à l’acte de raconter. Le proverbe est l’idéogramme du récit. « Le conteur est la figure sous laquelle le juste se rencontre lui-même. » Quelles questions pose ce texte ? .
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5-
Les structuralistes
Naissance du structuralisme Propp, Lévi-Strauss, Greimas, et plus tard Barthes, Todorov, Foucault se sont inscrits dans ce vaste courant que l’on a appelé le structuralisme, courant qui a innervé plusieurs disciplines dans le champ des sciences sociales et des sciences humaines fortement influencé par le marxisme. Le structuralisme, c’est le passage de l’atomisme (focalisation sur un point : l’homme, l’idée, etc…) à la relation entre les points, la structure qui lie les atomes entre eux. On peut lui trouver plusieurs actes de naissance, mais le plus sûr serait encore de voir ce qu’en dit le dictionnaire du trésor de la langue française : STRUCTURALISME, subst. masc. SC. HUM. Option scientifique visant à fonder l'étude, et spécialement la description, de faits humains, essentiellement sur une analyse de leur structure, de la relation entre leurs composants. Cette critique porte contre le culturalisme, le structuralisme, le formalisme abstraits, puisqu'ils superposent aux consciences individuelles données comme telles, des éléments dits collectifs, rôles, valeurs, modèles, structures, types, cultures (Traité sociol., 1968, p. 369). On comprend (...) pourquoi le « structuralisme génétique » de Piaget connut un tel retentissement dans les milieux scientifiques des années soixante (Le Nouvel Observateur, 20 sept. 1980, p. 86, col.1). LING. Courant de recherches linguistiques descriptives qui partent du postulat selon lequel la langue est un système de relations entre des unités. Aujourd'hui le développement même des études linguistiques tend à scinder le « structuralisme » en interprétations si diverses qu'un de ceux qui se réclament de cette doctrine ne craint pas d'écrire que « sous l'étiquette commune et trompeuse de « structuralisme » se retrouvent des écoles d'inspiration et de tendances fort divergentes (...)» (É. BENVENISTE, Probl. de ling. gén., t. 1, 1966, p. 97). Dans l'élément présupposer le système, cela constitue, selon nous, l'apport propre de Saussure au structuralisme linguistique (O. DUCROT, Le Structuralisme en ling., 1968, p. 44). Étymol. et Hist. 1. 1932, juill. (N. TRUBETZKOY, La Phonologie actuelle ds J. de psychol., t. 30, 1933, pp. 245-246: La phonologie actuelle est caractérisée surtout par son structuralisme et son universalisme systématique [...] L'époque où nous vivons est caractérisée par la tendance de toutes les disciplines scientifiques à remplacer l'atomisme par le structuralisme et l'individualisme par l'universalisme [au sens philosophique de ces termes, bien entendu]); 2. 1945 « théorie descriptive et structurale des faits de langue » (A. MARTINET ds B. Soc. Ling. t. 42, fasc. 1, no 124, p. 19). Dér. de structural*; suff. -isme*. DÉR. Structuraliste, adj. et subst. Qui relève du structuralisme; (personne) qui se
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réclame du structuralisme. N. Kostyleff, qui, en 1947, proposa une interprétation structuraliste de la psychologie objective, en insistant sur la notion de « dominante » (Hist. sc., 1957, p. 1676). La doctrine structuraliste enseigne la prédominance du système sur les éléments (É. BENVENISTE, Probl. de ling. gén., op. cit., p. 98). Pour un « structuraliste », au sens de Chomsky, l'objet du linguiste, lorsqu'il cherche à rendre compte d'un état de langue, c'est de décrire un corpus (O. DUCROT, Le Structuralisme en ling., 1968, p. 115). []. 1res attest. 1932, juill. idées structuralistes (N. TRUBETZKOY, op. cit., p. 246), 1951, 15 oct. subst. (Lettre de M. Hasselrot à M. Haudricourt, publ. par ce dernier ds L'Année sociol., 3e série, 1959, p. 36: Les structuralistes de l'école Hjemslev); de structuralisme, suff. -iste*. On voit donc dans cette définition que Propp a écrit son ouvrage (1928) avant l’apparition attestée (1932) du terme de « structuralisme ». Mais peu importe. Propp fait bien partie de ce courant, même s’il a appelé son ouvrage « Morphologie du conte » et non « Structure du conte ».
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Les structuralistes en narratologie Interview de Tzvetan Todorov
Vous avez été un ténor du structuralisme, peu aimable avec l'humanisme... Qu'est-ce qui vous a fait changer de camp? Quand je vivais en Bulgarie, l'enseignement était pétri d'idéologie marxiste. Le seul moyen d'y échapper était l'étude des figures de rhétorique... Quand je suis venu en France, j'ai découvert peu à peu que l'on pouvait défendre des opinions sans mensonge ni cynisme. Du même coup, je n'avais plus besoin de me cantonner à l'aspect seulement formel des œuvres. Il y avait quelque chose d'arbitraire dans le fait de se couper de la pensée des auteurs. Je pouvais me confronter avec la littérature dans toute sa complexité. La littérature est toujours impure: elle n'est pas qu'un jeu de langage, elle engage l'auteur dans son existence entière. C'est une richesse. Si nous lisons encore des écrivains du passé, c'est parce qu'ils nous apprennent quelque chose de neuf sur notre condition humaine. (interview sur fluctuat.net)
Par cette déclaration récente (2001), Tzvetan Todorov jette une lumière nouvelle sur le structuralisme, dont il fut l’une des figures les plus en vue. Voyons le contenu de son article paru dans la revue Communications, N°8. C’est dans cet article qu’il donne son apport le plus reconnu à la narratologie, la distinction du récit comme histoire, et du récit comme discours qui s’est imposée. Le récit comme histoire, Lire page 127 Le récit comme discours Lire page 138
Barthes
Le problème du personnage, in « Introduction à l’analyse structurale du récit » (revue Communications, N° 8) Lire page 15
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Les travaux de Gérard Genette sur la focalisation. I.3.2. Les trois types de focalisation Il existe plusieurs classifications du point de vue. Celle de Genette repose sur une phénoménologie des états de conscience plutôt que sur des considérations linguistiques; elle se donne ouvertement comme une reformulation, notamment de la classification proposée par T. Todorov. Ainsi, premièrement, on appellera avec Genette focalisation zéro l'absence de point de vue délimité, qui caractérise selon Todorov les récits où le narrateur en dit plus que n'en sait aucun des personnages (N > P). On utilise aussi le terme d'omniscience, puisque le narrateur sait tout de ses personnages et pénètre leurs pensées les plus intimes et leur inconscient. Deuxièmement, on parlera de focalisation interne quand le narrateur ne raconte que ce que sait, voit, ressent un personnage donné (focalisation interne fixe), plusieurs personnages successivement (focalisation interne variable), ou encore quand il revient sur un même événement selon les points de vue de personnages différents (focalisation interne multiple). Toujours ici, l'information donnée coïncide avec le champ de conscience d'un personnage (N = P). Troisièmement enfin, Genette appellera focalisation externe un point de vue strictement limité aux perceptions visuelles (et parfois auditives) d'une sorte de témoin objectif et anonyme dont le rôle se réduirait à constater du dehors ce qui se passe. Dans ce cas, conclura Todorov, le narrateur en dit moins que n'en sait le personnage (N < P). Article « Récit fictionnel, récit factuel » 1 : il n’est pas de récit que de fiction, et la narratologie doit s’intéresser à tous les récits. 2 : comment différencier récit de fiction et récit factuel. Ni l’ordre chronologique de la narration, ni la vitesse ne peuvent les différencier. Par exemple un film documentaire comme « Dig » (récit de la vie de deux groupes de rock les Brian Jonestown Massacre de San Francisco et les Dandy Warhols de Portland. Réalisé par Ondi Timoner.) condense en 115 minutes sept années de la vie de deux groupes rock en faisant couramment des accélérés, des ralentis, des retours en arrière, etc… la réalisatrice ne nous tient pas au courant de la chronologie exacte de l’histoire vraie. Elle prend toutes les libertés, par le montage, avec la vérité
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chronologique, tout comme un auteur de fiction (littéraire ou cinématographique) peut
le faire. La fréquence ne parvient pas plus à différencier les deux types de récit. Le mode contient par contre d’autres indices, du fait de l’accès privilégié ou non à la subjectivité des personnages. « Si seule la fiction narrative nous donne un accès direct à la subjectivité d’autrui, ce n’est pas par le fait d’un privilège miraculeux, mais parce que cet autrui est un être fictif (ou traité comme fictif, s’il s’agit d’un personnage historique comme le Napoléon de Guerre et Paix) dont l’auteur imagine les pensées à mesure qu’il prétend les rapporter : on ne devine à coup sûr que ce que l’on invente. D’où la présence de ces indices que sont les verbes de sentiment et de pensée attribués, sans obligation de justification (« qu’en savez-vous ? »), à des tiers ; le monologue intérieur ; et le plus caractéristique et le plus efficace de tous, car il imprègne à la limite la totalité du 26
discours, qu’il réfère insidieusement à la pensée du personnage : le style indirect libre, qui explique entre autres la coexistence des temps du passé et des déictiques7 temporels ou spatiaux, dans des phrases comme « M*** parcourait pour la dernière fois le port européen, car demain son bateau partait pour l’Amérique ». = focalisation interne. Le roman du XIX° et du XX° siècle se sont beaucoup servis de ce procédé, pour permettre de focaliser l’attention sur un personnage, et pour faire disparaître le narrateur, comme Flaubert le voulait. A l’inverse, le narrateur peut s’absenter totalement de la subjectivité des personnages, ce qui conduira à l’inverse à une = Focalisation externe = récit objectif (type Hemingway, ou Robbe-Grillet. Par contre, si le narrateur semble tout savoir de tous les personnages, et s’introduit dans leur subjectivité sans aucune barrière, on peut parler d’un narrateur omniscient = focalisation zéro. Le mode est bien le caractère distinctif entre récit factuel et récit de fiction, parce que dans le récit factuel, on va toujours chercher à faire parler les sources directement. Au cinéma, dans un documentaire, on interrogera des personnes vivantes si c’est possible. Dans l’autre cas, le récit d’histoire, ou le documentaire dont une partie des protagonistes est morte ou absente, on fera parler les sources en montrant toujours qu’elles sont des sources, et en vérifiant leur validité. La voix narrative « Les caractères de la voix narrative se ramènent pour l’essentiel à des distinctions de temps, de personne et de niveau. Si les deux premiers critères ne sont pas opérants pour séparer fiction et factuel, le troisième critère, le niveau, permet de faire la distinction entre récit de fiction et récit factuel. » Dans le cas où Auteur et narrateur et personnage sont confondus, on est dans le cas de l’autobiographie. « Il est assez tentant d’exploiter davantage les possibilités ouvertes par cette relation triangulaire. La dissociation du personnage et du narrateur (N#P) définit évidemment en fiction et ailleurs le régime narratif hétérodiégétique. Leur identité (N=P) définit le régime homodiégétique. » « L’intérêt de cette formulation est de poser la double formule : A=N Récit factuel A#N Récit fictionnel
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déictique (adjectif et nom masculin) [linguistique] Se dit d'un mot qui sert à désigner, à montrer un objet en particulier.
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Et ce quelle que soit la teneur (véridique ou non) du récit, ou, si l’on préfère , quel que soit le caractère, fictif ou non, de l’histoire. Pourquoi ? Parce que dans un roman, l’auteur est différent du narrateur. Pourquoi l’auteur n’estil pas le narrateur ? Parce que l’auteur invente et que le narrateur raconte ce qui est arrivé. L’auteur invente le narrateur et le style du récit qui est celui du narrateur. »
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Le cas de l’autofiction peut être rendu par la formule de la page 161
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ANNEXES Quelques exemples de films à succès étudiés par Siegel sous l’angle du le moment du retournement de l’action. The Two-Goal Structure by David Siegel Moneywise, most feature films cost $30 million to make and don't break even until they go over $70 million at the box office. The structure (beyond the well known three acts taught in film school) that allows a picture to gross over $100 million is the subject of this paper. The key to grossing over $100 million is the two-goal story. Single-goal plots are predictable and "flat," whereas two-goal plots have a reversal in the middle of the film that changes the protagonist's goal and keeps things interesting. The Single-goal Plot In a single-goal plot, the protagonist has one problem to solve from the point of commitment to the end of the film. Accomplishing a single goal will solve the overall problem. The African Queen, Raider's of the Lost Ark, The River Wild, and Star Trek: Generations, are well known single-goal films (most are not well known, since they don't tend to stay in theaters very long). While single-goal, or linear, stories used to suffice, today's film consumers don't find them stimulating enough. They find these stories predictable and flat. In today's market, they are a bad investment. Yet studios continue to make a surprising number of single-goal films each year.
The Two-goal Plot In contrast, most films we see these days have a two-goal plot. This involves the protagonist striving for the false goal, then learning something that changes the whole situation and going for the real goal to save the day in the end. The reversal of the protagonist's goal takes the entire story in a legitimate new direction half-way through the film.
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Let's look at some examples: In E.T., the Extraterrestrial, Elliot's first goal is to keep E.T. as a friend; his second goal (minute 53 of 107) is to help him get home.
In Jurassic Park, Alan Grant's first goal is to verify the safety of the park; his second goal (minute 88 of 119) is to get Ellie and the kids to safety after he discovers the dinosaur eggs and the natural tendency for the dinosaurs to get out of control.
In Star Wars, Luke's first goal is to get R2-D2 to the rebel base for analysis; his second goal (minute 94 of 115) is to destroy the Death Star by dropping a bomb in the right place.
In Home Alone, Kevin's first goal was to get back together with his family; his second goal (minute 65 of 102*) is to defeat the bad guys.
In The Return of the Jedi, Luke's first goal is to kill Darth Vader and thereby disable the new death star; his second goal (minute 112 of 125) is to kill the Emperor (with the help of his father).
In The Lion King, Simba's first goal is to forget about the past and live a life of ease; his second goal (minute 60 of 105?) is to take his rightful place in the circle of life and be the alpha male.
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In Batman, Bruce Wayne's first goal is to apprehend the Joker and take him to jail for his crimes upon the public; his second goal (minute 83 of 118) is to get revenge for the death of his parents by fighting the Joker to the death.
In Beverly Hills Cop, Axel's first goal is to find out who killed his friend Mike; his second goal (minute 77 of 99) is to bring down Victor Maitland's illegal armssmuggling operation.
In Ghostbusters, Peter's first goal is to go after the ghosts and suck them into the containment vessel; his second goal (minute 72 of 99) is close the door to the end of the world that the possessed Dana is guarding by eliminating her possessor, Gozer.
In Mrs Doubtfire, Daniel's first goal is to get his kids back by becoming Mrs Doubtfire; his second goal (minute 98 of 108?) is to become the husband and father his wife is looking for.
In The Fugitive, Richard Kimble's first goal is to find the one-armed man who killed his wife; his second goal (minute 88 of 124) is to bring down his friend Charlie, who was actually trying to kill Richard in an effort to push Devlin MacGreggor's new drug, Provasic, through the FDA approval process, making him a rich man. Conclusion Over 190 of the top-200 money-making films of all time have two-goal plots. Steven Spielberg hasn't made a single-goal film in twelve years. Though it may sound obvious, no one uses this goal-oriented method of plot development. Please note that a two-goal plot does not guarantee success. Rather, a single-goal plot limits it. The two-goal plot gives a film the chance to rise to the top of the pack. It is not impossible to get over $100 million without a two-goal plot, but the chances are more than 99-to-1 against. The only films in the last 12 years to get over the $100M mark without the nine-act structure are Forrest Gump, which was a total fluke, and Pulp Fiction, which, at this writing, is just on the cusp and may make it over the line with a little luck. It's a wonderful film, and its main character, (some may argue about this, but there's no doubt in my mind it is) Jules, does go through a nine-act story-see if you can find all nine of his acts. The most recent example of a big-budget linear-plot film is Star Trek: Generations, which had a linear plot (a single goal and no reversal), making it predictable and, from a plot point of view, lifeless. The film made $70 million at the box office but could have done much better with a two-goal plot. In contrast, the recent film Just Cause, did have a two-goal plot but didn't have enough other assets to get over $50 million. I will have more to say about the Two-Goal plot, but for now I hope you will watch movies and look for the two goals and the reversal that causes the protagonist's change of goal. 32
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