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De la narratologie h l'analyse du discours : analyse macro- et micro-contextuelle
May Abou Zahn Departement d'etudes franqaises Facult6 des arts et des sciences
These pdsentee i Ia Faculd des etudes sup6rieures en vue de I'obtention du grade de Philosophiit! Doctor (Ph.D.) en Ctudes franpises
Q May Abou Zahra
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du Canada
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Universitk & Montn5al Faculte &s etudes supkrieures
Cette thhe intitulde :
De la narratologie B I'analyse du discours : analyse macro-et micro-contextuelle
pdentee par
May Abou Zahra
a&c Cvaluee par un jury compos6 des peaonnes suivantes :
Prbident-rapporteur
:
Bernard DUPRIEZ
Directrice de recherche : Codirectcur :
Martine LEONARD N a t h a n ~ k N ~ ~ ~
Membre du jury
kchard PATRY
Thhe accepth le
:
Comment put-on decrire les liens qui s'etablissent entre les differentes instances du discours? Comment put-on decrire les relations d'inte~erenceentre les instances du discours et la structure macro- et micro-contextuelle? Pour repondre i ces questions. nous avons ete arnenee a elaborer un modele pennettant de dkrire les niveaux de structuration de voix dans le genre rornanesque a partir des indications apportees par des marques linguistiques. A travers I' etude d7unaspect pragmatique de l'analyse litteraire dam quatre
romans modernes : Z Marcus de Balzac, Le Grand Meaulnes d'AlainlFournier, Lu porte Ptrurte &Andre Gide et Les fous de Russur~d'Anne Heben, nous espkrons
apporter des elements nouveawc qui contribueront un jour a avancer une tentative d'explication de I'une des activites essentielles de 1'8tre humain : I'interaction discursive et la polyphonic de son discours. Afin de presenter une description du statut des instances du discours qui p u k e s'appliquer autant a une approche litteraire que linguistique, now avons tente dans ce travail de combiner l'etude des elements de la mucro-sttcrure et l'etude des elements
de la micro-smcture. Nous nous situons dans une conception fonctionnelle et dynamique du discours. Le modele propose distingue entre les differentes instances au niveau diegetique et integre entre autres le statut du locuteur. celui de I'enonciateur et celui du destinataire. Nous prenons comme point de depn les conceptions de Genette et de Ducrot, en nous basant sur les structures linguistiques dans le cadre de I'analyse du discours. Nous avons utilid des concepts spdcifiques a cene discipline, la cohesion
et la coherence, et nous avons aussi exploite les theories de I'argumentation. Nous avons tente de montrer comment ces approches peuvent s'articuler afin de dkrire differents aspects de la structure des instances du discours, tout en discutant des
limites de certains elements methodologiques utilises -celles la narratologie et celles de I'ecole de l'enonciation - ou de certaines definitions appliquees - celles des
marques referentielles. Pour fournir un rnodele adapte a la description du statut des
instances du discours, nous avons presente sur le plan theorique, et a partir des resultats de I'analyse du corpus, des propositions d'ordre typologique et ontologique : un elargissement des perspectives d'analyse, une redefinition de la polyphonic du discours litteraire et du statut des instances du discours, et une nouvelle conception de l'etude des expressions referentielles en particulier, et de celle des marques du discours en general. Alors que la description du statut du sujet parlant comme rnodele vise le general, elle recherche comme inmment critique la sp6cificite des types d'instances du discours dans une ceuvre particdiere dont elle se propose de relever la singularite significative propre a ses statuts d'instances du discours. Nous avons tente de rendre compte de la singularite de chaque texte etudie afin de presenter une lecture et une relecture des diffcultes posees par ces textes quant a la description du statut du sujet parlant. Lhalyse basee sur ce modele pourra s e ~d'outil r de lecture perrnettant de saisir les differentes dimensions de I'oewre litteraire.
Table des matihes
Identification du jury ............................................................................ i Sommaire ........................................................................................ ii
Rernerciements .................................................................................. x
INTRODUCTION .......................................................................... - 1 CHAPITRE I : LA NOTION DE SUJET PARLANT: ETAT DE LA QUESTION .......................................... 9
.
0 Introduction ........................................................................... 10 1 La notion de sujet parlant en linpistique et en analyse liiteraire : esquisse historique ................................ 12
.
.
2 Conception du sujet parlant selon la narratologie et selon I'ecole de I'inonciation ................................................20 2.1. Conception nmatologique de Genette : description et probltme ............. 20 2.1.1. Sujet narratif .................................................................. 23 2.1.2. Lirnites de la conception narratologique ................................... 25 2.2. Proposition d'dlargissement de la perspective narrative ....................... 30 2.2.1. Conception polyphonique de I'ecole de I'tnonciation ................... 30 2.2.1.1. Sujet de Yenonciation ................................................ 30 2.1.1.2. Limites de la conception polyphonique de Ducrot ................ 34 2.2.3. Diaphonie du discours : le groupe genevois .............................. 38 2.2.3. Statut du destinataire et notion de surdestinataire ........................ 40
.
3 Fonction du sujet parlant ........................................................... 42
CHAPITRE 11 : STATUT DU SUJET PARLANT : METHODE DE DESCRIPTION ............................... 48 0 Introduction ............................................................................. 49
. 1. Cadre thkorique et problimatique discursive
du statut des instances du discours ............................................ 50
2.1. Marques du discours et sujet parlant ............................................. 54 2.2. Contraintes m6thodologiques ..................................................... 57 2.2.1. Connecteurs .................................................................. 58 2.2.1.1. Connecteur e? argumentation .................................... 59 2.2.1.2. Argumentation et sujet parlant ..................................61 2.2.1.3. Fonction argumentative et structure du discours .............62 2.2.1. Thbmelrhtrne du discours .................................................. 63 2.2.2.1. Modde d'analyse le modde de Patry ......................... 65 A.Sequence verbale rnaximale ....................................... 66 B.- Types de progressions thematiques .............................. 67 C.- Identification des themes .......................................... 69 2.2.2.2. Structure fonctionnelle et sujet parlant ......................... 70 72.3. Marques temporelles et marques rkfirentieiles relation anaphorique ou deictique?................................................. 72 2.2.3.1. Marques temponlles et sujet parlant ........................... 73 2.2.3.2. Marques rdfdrentielles et sujet parlant .......................... 77
.
3 DCmarche d'analyse .................................................................. 80 3.1. Difficult6 de lecture et spkcificitt! des textes ..................................... 80 3.2. Lecture du texte et processus de comprehension................................85
CHAPITRE I11 : ANALYSE MACRO- ET MICRO-CONTEXTUELLE DE 2-MARCAS DE BALZAC ................................ 88
. Introduction ............................................................................. 89 1 . Statut du sujet narratif : description et problkme .......................... 93
0
2. Analyse des constructions polyphoniques .................................. 106 2.1. Discours rappone ................................................................. -107 2.2. Negation ............................................................................ 109 3. Analyse macro- et micro-contextuelle .......................................-111 3.1. DifficultCs de lecture ............................................................... 111 3.1.1. Premier type de difficult6 : la relrence Charles......................... 112 3.1.2. Second type de difficulte :parfois + pass6 simple et le terrne ici...... 113 3.2. Analyse des marques discursives................................................ 115 3.2.1. Marquage thtmatique ................ . . ............................... 115 3.2.1.1. Ripartition en SVM ............................................. 116 3 2 . 1 .2. Progression thkmatique ....................................... 1 1 7
3 2.2. Marques rkf6rentielles et connecteurs .................................... 115
3.2.3. Dualite de lecture ....................................................... 129 3.2.4. Interpktation d'ici : anaphore indexicale ou dtictique? ................ 132 3
. Conclusion ............................................................................ -133
CHAPITM IV : ANALYSE MACRO- ET MICRO-CONTEXTUELLE
DU GRAND-MEAULNES D'ALAIN.FOURNIER .... 136
0
.
Introduction ............................................................................ 137
.
1 Statut du sujet narratif : essai de description dans le cadre genettien ............................................................ 140 1.1. Narrateur extra-homodiig6tique .................................................140 1.2. Probltmes de complexit6 d'instances du discours .............................143 L evasion (premier rkcit)........................................................... 143 1.3. Presence du nmateur .............................................................144 1.4. Narrataire ...........................................................................146 L'irventttre dri Grand M e a d n e s (second re'cit)..................................... 137 Le secret de Meartfries (rroisiknze rkcit)............................................. 151 I
8
.
1 Analyse macro- et micro-contextuelle linguistique ....................... 156 2.1. Difficultes de lecture ............................................................... 157
2.1.1. Premier type de difficult6 : le pronom il .................................. 157 2.1.2. Second type de difficulte : metamorphose du sujet parlant produite par un cas d'agrammaticalite ............................................. 158 2.2. Anal yse des marques discunives ................................................ 159 2.2.1. Marquage thematique ....................................................... 159 2.1.1.1. Ripartition en SVM ............................................. 159 2.2.1.2. Progression thCmatique ......................................... 160 2.1.2. Interpretation de la place du il dans le roman : importance du penonnap Meaulnes ............................................. 163 2.2.3. Marques temporelles ....................................................... 164 2.2.3.1. Temps verbaux et opirateurs .................................. 164 2.2.3.2. Structure temporelle du roman ................................. 165 2.2.4. Interpretation de ['identification des deux penonnages ................ 167
3
. Conclusion .............................................................................
170
CHAPITRE V :ANALYSE MACRO- ET IMICROICONTEXTUELLE DE LA PORTE ETROITE DE GtDE ..................................... 173
.
0 Introduction ........................................................................................................ 173
.
1 Structure macro-contextuelle narrative et sujet narratif .............................. 179
....
1.1 . Narrateur extra-homodteget~que ................................................................. 179 1 .2 . Presence du narrataire................................................................................. 181
.
2 Analyse des constructions polyphoniques........................................................ 184
.
3 Analyse des constructions diaphoniques .......................................................... 188 3.1. Premiere forme de presence : destinataire des lettres ................................188 3.2. Seconde forme de presence : destinataire du journal ................................. 191 3 3 . Troisieme forme de presence : le surdestinataire ....................................... 193
.
1 Proposition d'klargissement de la perspertive par I'analyse du discours :
analyse macro et micro-contextuelle..............................................................195 4.1 . Dificultes de lecture .................................................................................. 196 I.1.1 . Metamorphose du statut du sujet parlant produite par l'emploi d' un cc style neutre ))............................................................................................. 196 4.1 .2. Metamorphose du statut du destinataire produite par I'emploi des marques qui actualisent le discours ................................. 197 1.2. Marques du discours et structure langagiere ..............................................198 1.2.1 . Structure langagiere........................................................................... 198 42.2. Emploi du conn2cteur murs ............................................................... 201 4.2.3. Marques ternporelles. marquages thematiques et marques referentielles
4.2.3.1 . Discours du namtew................................................... 2 0 4 4.2.3.2. Lettres et journal ................................................................. 210 4.2.4. Fonction de l'instance du destinataire/perso~age............... ............. 213
.
5 Conclusion ............................... . . .................................................................... -217
CHAPITRE VI :ANALYSE MACROI ET MICROICONTEXTUELLE DES FOUS DE BASSAN D'ANNE HEBERT .................... 220
.
0 Introduction........................................................................................................ 221
.
1 Description macro-contextuelle narrative.................................................... 2 2 7
1.1. Vea une nouvelle mdthode de description du statut du sujet parlant ........299 1.1.1. ~lementstextuels pennettant de dicrire le statut du sujet parlant......299 1.1.2. Indices recueillis ............................................................300 1.1.2.1 Sujet parlant et marques du discours........................... 300 Constance et varie'te' &s marques du discours...........300 1.1.2.2. Similarit6 d'emploi ..............................................301 A . LE GRAND MEAUWES ET LA PORTE ETROITE ........30 1 B . ZMARCAS ET LES FOUS DE BASSAN ....................304 1.1.2.3. Description du sujet parlant et difficulte de lecture ..........305 1.2. Complexit6 / simplicite ou de structure.......................................... 307 La lecture du corpus et la description du sujet purlant ............ 309
.
2 Description du statut du sujet parlant......................................
-311 2.1. Conception proposee .............................................................. 311 2.1.1 Methode de description .....................................................313 2.1.2. Structuration du statut du sujet parlant ...................................313 2.1.2.1. Statut du destinataire :narrataire - destinataire . surdestinatak et lecteur ...................................................314 2.1.2.2. Instance du lecteur .............................................. 316 2.1.2.3. Instance de ['auteur .............................................317 2.2. Definition de la conception polyphonique ......................................319 2.3. Cornbinaison d'instances .........................................................320 2.3.1. Processus de lecture et niveaux de texte ................................. 322 2.3.2. Complexite du sujet parlant et niveaux de lecture .......................323 Limite et appon de la conception du sujet parlant .................325
3.1. Regard sur la pertinence du cadre theorique et du modele propose .....327 3.2. Analyse macro-et micro-contextuelle : une m6thode de lecture .........-328 3.3. Evaluation du modkle proposi ............................................... 331
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ..........................................336
Remerciements Cela est P la grilce de mon Seigneur Je ne remercierai jamais assez mes deux guides, rnes directeurs de recherche. Sans leur appui, ce travail n'aurait pu voir le jour: Martine Leonard, ma directrice de recherche, dont les conseils et les avis eclair& ont constitue un apport considerable; Nathan Menard. qui a assure la co-direction, pour ses commentaires prkieu.. et sa tres stimulante intervention. Que soient ici sincerement et chaleureusement remercies : Le dipartement d'hudes hnqaises pour I'aide et le soutien a la recherche, M. Michel Pierssens pour le soutien et l'aide efficace que j'ai toujours trouves aupres de hi; M. Bernard Dupricz, M. hwald Ducrot et M. Dominique Maingueneau, qui m'ont orienter dans rnes recherches bibliographiques; M. Richard Patry pour le plaisir d'avoir discute de ma these avec !ui; Mon coi kgue Richard Desrochen pow sa relecture et ses corrections. Le Groupe d r recherche en l inguistique du texte (GRELT); Je voudrais aussi exprimer ma gratitude a I'universite Ain Sharnas du Caire et a I'ACDI dont le soutien nous a permis de mener cette recherche a terme, et a la faculte des etudes superieures pour m'avoir accorde une bourse en 1996; A rnes professeurs de I'univmite Ain Shamas et de I'universite du Caire, en particulier a Christine Sirdar-lskandar et Hoda Wasfi pour leur appui et leun lectures amicales; Toute ma reconnaissance a rnes parents, mon #re, Abdel Rahrnen Abou Zahra, et ma mere, Salwa El-Rafir, qui m'ont toujoun incitee a approfondir rnes connaissances; A ma famille, Ayrnan Sabry, dont la patience ne s'est jamais dementie, Salma, Youssef et Sara, qui ont supporte mon absence et rnes demi-presences. Nous exprirnons nos sinceres remerciements aux nombreuses penonnes, collegues et amis, qui nous ont aid& dam la conception et la kalisation de ce travail, tous ceu.. et celles qui nous ont motivee a apprendre.
INTRODUCTION Divers theoriciens ont tente d'etudier les rappons entre les participants au processus de communication, apples ici sujefs,et les elements linguistiques du texte et, invenement,
les rapports entre la composante verbale du texte et ces sujets. Ces rapports constituent une
preoccupation majeure de la critique litteraire et de I'analyse du discours en general. Le teme de communication est pris dans son sens le plus general de processus dynamique
dlCmission et de rkeption de messages linguistiques de toutes sortes, oraux ou ecrits. Cette refiexion place au premier plan la relation du sujet a son enonce et entend ancrer le texte dam sa situation communicative partagee par le sujet et son destinataire. La comprehension du discours necessite de tenir compte du sujet, de 1'enonce, des elements linguistiques (la
langue), du contexte verbal et extra-verbal de l'enonciation, du rapport aux autres enonces et a u instances discursives et finalement du destinataire.
Le discoun contient des proprietes spicifiques, des invariants. Des proprietes
generales peuvent ewe postulees comme ingredients ou conditions necessaires a la real isation d'une performance discursive dans sa dimension cc temelle N. Nous employons dam cette etude le teme de k ~ u l i t C(rerrudity) pour designer la qualite d i n discours adequat et communicatif. Le lecteur parvient, a paair de sa propre compcitence, a etablir les relations enue les elements linguistiques et les sujets, et a construire le sens a I'aide dun certain nombre de donnks tntra- et extra-textuelles. Cette reconstitution de sens est cornmandee par le principe de ku cohPrence t e x f u e k L'etablissement de relations respectives entre les differentes composantes du discoun et son contenu linguistique en particulier s'effectue d'une maniere cornplem. Ainsi les divers travaux portant sur les proprietes de cohesion et de cohPrence - notions que nous presenterom brievement bient6t rkvelent, par la diversite des points de vue et des observations, les multiples facettes de cette problematique discursive.
L'analyse du discoun et la linguistique du texte se fondent sur quelques concepts cles. Nous n'avons pas l'intention de definir tous les termes qui s'y refirent. Neanmoins, pour lever certaines confbions, nous nous fondons sur les travaux de Patry (1993)' sans
pour autant nous en tenir a sa mQhodologie d'analyse, afin de presenter les principles notions qui nous interessenf soit la coherence, la cohesion, la macro-structure et la microstructure. La cohesion, concept semantique qui contribue a la textualite du discours, se realisr par des entites (mots ou morphemes) qui ont pour fonction d'etablir une relation semantique avec ce qui precede ou ce qui suit. La continuite textuelle est assuree entre autres par des
moyens linguistiques, par des elements de niveaux lexical et grammatical qui contribuent directement et systematiquement a assurer la continuite semantique de la performance discursive. La cohbion joue surtout sur des relations d'identite, d'inclusion ou d'association en tre constituants de l'enonce. Ces relations se rklisent au niveau de la mtcrc~-.srmc*~urc.
linguistique, ccc'est-a-dire des enoncb H referant au contexte verbal de la communication. La comprehension de I'enonce est fond&, dans une premiere etape, sur ccs connaissances linguistiques. Le trrme de coh&ence est utilise avec dew acceptions techniques : une premiere, qui r s t a peu pres synonyme de
ct
textualite )) que nous avons expliquee plus dt, soit
I'ensemble des proprieds dont I'effet conjugue confere au discours son caractere adequat et communicatif. Quant a la seconde, elle consiste a considerer la coherence comme une activitk discursive par laquelle il est possible a I'individu d'itablir des relations entre differents phenomenes et evenements. La coherence textuelle doit e m assurke entre autres par la connaissance generale du monde et par les croyances du lecteur. Ces relations s'ktablissent au niveau des sequences ou des segments, pas forcement soumis aux lirnites formelles ni a l'orgmisation linhire des enonces; ce qui veut dire que ces relations relevent de la nwcro-slruc~urefinguisrique. Plus precidment, toutes les relations effectuees par les sujets ne sont pas linguistiquement fondees. Certaines sont etablies par des connaissances
communes aus locuteurs et aux destinataires, ;m savoir suppose partage, qui explique les anentes et les anticipations sur le contenu des messages. Une compkhension egalement commune a u deus est presumee. La connaissance de la situation est importante, c'est l'horizon commun au locuteur et a son auditeur. Des coordonndes spatiales et temporelles referent a cette situation, a cet horizon commun. Le contexte extra-verbal de l'enonciation
qui se rappone a la situation d'enonciation joue en effet un r6le essentiel dam le processus d'interpretation et de reinterpretation. 11 est inhspensable de souligner que I'enonce n'est pas l'affaire d'un seul locuteur mais le resultat de son interaction avec un destinataire dont il integre par avance la reaction. Le destinataire peut ttre reel ou imaginaire. L'interaction
verbale est 17unedes realites fondamentales du langage. Les mecanismes verbau~forcent le
lecteur a faire attention aux differentes formes de I'inscription du sujet parlant, et a leur attribuer une interpretation et un contenu. De Itensemblede ces rappons assez complexes dependent le degre et la qualite de la cohirence discursive.
Les obsentations qui precedent laissent entendre que le destinataire s'appuie sur les indications donnees par le locuteur afin de comprendre le message. On peut supposer que ce dernier lui fournit les liens cohesifs, des marques (ou marquages de cohesion et de
coherence) qui sont necessaires afin qu'il arrive a \'interpretation souhaitt. Ces relations s'ktablissent par le principe de coherence textuelle. Des rapports se tissent entre les inferences iinguistiquement fondees (structures macro- et micro-contextuelles des instances discursives, connecteurs, marquages thematiques, expressions referentielles, temporelles) et les faits non linguistiques et les instances du discom. Chaque marque ou type de marques supporte des instructions et indique quelles sont les liaisons qu'elles peuvent signaler au recepteur de fa~onqu'il accede a ce que le locuteur a l'intention de lui communiquer. Les instructions rattachkes a ces facteurs de coherence sont en efiet e;utr2rnement complexes. Parfois, ces instructions ne permettent pas de determiner les relations semantiques qu'elles instaurent, de sorte que le lecteur arrive ma1 a identifier la source de la parole inscrite dam le texte ou a etablir les liens d'inference entre les differentes instances du discoun afin de repondre a la question (( qui parle? w . L7etablissementde rappons et de
liens cohesifs entre les diRerents factem de la coherence discursive est pourtant necessaire pour la comprehension du dixours.
Ce sont 18 des aspects fondamentau de la lecture1 qui nous preoccuperont tout au long de ce travail, et dont l'etude demontre que les elements principw d'un processus ne sont pas toujours les plus simples a decrire. Notre travail se situe dam cette problernatique. Diverses raisons motivent ce choix.
La plupart des travaw portant sur la probiernatique du dispositif discursif se fondent sur diferentes conceptions du cc sujet parlant )), lequel occupe une place importante autant
en
critique litteraire et en linguistique que dans d'autres disciplines langagiires
( psyc hanalyse, sociolinguistique, psycholinguistique, etc.).
Mais qu'est-ce que le sujet parlant? Poser la question, c'est reconnaitre a la fois son importance et sa complexite, ce qui dome lieu a des interpretations differentes et donc a des definitions et a des reponses qui sont loin d'obtenir un consensus. En ce qui nous conceme, nous nous interessons a I'application de cette notion dans I'analyse des textes litteraires, ce qui nous arnene a confronter les diverses definitions et explications qui en sont donnies dans les theories et les descriptions en linguistique et en litterature. L'expression
(c
sujet parlant n est employee de faqon metaphorique dans les textes
litteraires ou sont representes plusieun situations communicatives. Le discours, panicul ierement le discours litteraire, fait intervenir plusieurs voix. Les relations qui s'etablissent entre les instances du discoun. les composantes linguistiques et les faits non
l inguistiques se tissent d' une maniere &routante dans le discoun litteraire. Kerbrat-Orecchoni illustre bien en quelques mots la complexite et la vari#e des questions generales et spkifiques qui se posent a cet egard : I1 serait urgent (. ..) de conmuire une theorie du wjet multiple.
Qui pule dans .%masine? S m i n e ? Balnc auteuP qalalnc homme? Le romantisme? La sagesse universelle? La bourgeoisie?-.
Le tame N lecture s est uti1irC ici dam le xns de compcihension, dTinterpr&ationn d'analyse. Kerbrat-Orecchioni, 1980, p. 178.
5
Dans l e mCme esprit, quoique avec une port& plus restreinte, cette these se propose
d'etudier a la fois la pertinence et la complexid de la notion de sujet p l a n t a panir d'un corpus litteaire; c'est-adre qu'elle propose de construire un modele - s'interessant a la fois a la macro-structure et a la micro-structure - permettant de dkrire les niveau. de
structuration de la metamorphose de ce que nous proposons d'appeler pour 1' instant le cc sujet parlant r. Cette notion integre rntre autres celles de locuteur, d'enonciateur et de destinataire (tout en respectant les distinctions entre narrateur, narrataire et personnage).
Notre modele prend aussi en consideration I'instance d'auteur et celle du lecteur inscrites dans le texte. II est indispensable de noter ici que notre projet n'est pas centre sur la
question d'autew ou de lecteur, rnais sur celle des formes dinscription des differents types
d'instances, c'est-adre du ou des sujet(s) dam \e texte litteraire, et sur les strategies qui les produisent.
Nous desirons, d'une part, apporter une contribution a la prohlematique du sujet
0
parlant par la construction d'un modele thiorique et, d'autre part, nous proposons, a partir d'outils methodologiques linguistiques, une methode pratique d'analyse de textes liaeraires. Notre description se fonde essentiellement sur trois hypotheses : 1) Le discoun
est constamment habite par la pnisence d'un (ou plusieurs) sujet(s) parlant(s). Cette presence e a postulde par deux propositions : d' une part, la relation entre celui
qui parle et (( ce qu'il dit N se manifeste de fqon concrete par I'enonce pris dans sa totalite
ou de faqon partielle. D'autre part, le sujet p l a n t se sitw toujours dans une relation avec
un destinataire (ou des destinataires). Voici a ce sujet ce qu'observe Perelrnan : Tout discours3 s'adresse a un auditoire et on oubiie trop s o u m t qu'il en est de meme de tout f i t . Tandis que Ie discours est conw en fonction mime de I'auditoire, ['absencematerielle des leaeurs peut fake moire a I'kmivain qu'il est seul au monde, bien qu'en fait son texte soit toujours conditionne consciemment ou inconsciemment, par ceux
'+ La conception de Perelman
par rapport au diroun ne se limite pas au discours dans le sens de la rhetorique classique, celui de I'otaliti. Perelrnan, 1970 p. 8-9.
.
2) Le statut du sujet parlant se caracterise par une structure fonctionnelle et polyphonique. 3) Les diffkentes instances qui actualisent Ie sujet pariant sont etroitement reliees
entre elks et dependent par or&e d'im~rtanceet selon des contraintes previsibies de la macro-structure et de la micro-smcture du discours. Pour eviter toute confusion, quelques precisions terminologiques nous semblent s'imposer au prealable : nous designons par discours (( un ensemble syntagrnatique, une
presentation par la parole ou p a l'kcrit, considkrt comme un objet d'etude3. Lr discours possede des caractefishques interactionnelles, i l est different d' un non-texte s. Patry note
que si le discours est . . d i f f k n t de ce type de production par son cornmu linpistique lui-mhe. c'm qu'il doit contenir des propriirb spkifiques. des traits dininctifs qui hi sont propres, des invariants qui assurent son succb sur
le plan de la communication6 .
Nous avons utilise le terme dismrsrf
- et non inonciatf- pour designer toute ((
activite qui se rappate a I'acte de la parole, a I'activite langagiere (orale ou ecrite) dans le
teae N. Si le terme kmciaffse limite a I'enonciation, le teme discursrf, par contre, p u t
inclure les h w n c i m w hcuteur (presents dans la situation d'enonciation), comme il peut inclure d'autres instances non presentes dans la &me situation d'enonciation.
Les differents elements fonctiomels du texte - mcture macro- et micro-contextuelle discursive, rnarquage thhatique, connecteurs, marques referentielles et temporelles - qui nous interessent dans ce travail se basent sur un concept clC de la linguistique, la coherence. Ces elements se rnanifestent a differents niveaux discmifs dans le texte. Les rapports entre
chaque rnarquage et le sujet palant s'etabl issent d' une maniere di fferente. Chaque rnarquage peut avoir une fonction en ce qui conceme l'etablissement des liens entre les
differentes instances discursives et la comprehension du discom. 5 Le texte linkmire est donc considCrC eomme un dixoun. 5 Patry. 1993. p. 114.
7 Les hypotheses que nous awns emises concernant la description du sujet parlant nous ont amrnee a articuler celleci sur un plan theorique et methodologiqm, puis a tester ce modele par 17analysedu discoun litteraire. C'est cette demarche de travail que nous resumons dans les paragraphes qui suivent. Sur le plan descriptif, nous avons Qe amenee a effectuer d'abord une description macro-conte.xtuelle narrative, puis une analyse micro-contextuelle enonciative. Nous avons donc examine la definition proposee par la nmtologie fran~aise(Genette) et par la theorie dr la polyphonie (Ducrot). II nous a pan, utile par la suite de privilegier I'etude des
marques discursives ayant me fonction par rapport au statut des instances du discoun aux depens de I'etude des instances enonciatrices. Pour y parvenir, nous avons exploite les elements mkthodologiques des theories de I'argumentation, de la cohCion et de la coherence. Nous avons tente d'amiculer ces appareils mhhodologiques dans une perspective fonctiomelle et polyphonique du discoun. Voici certaines des raisons qui justi fient un tel traitement.
Sur un plan rnethodologique, la typologie de Genette permet de schematiser une
description macro-contextuellenarrative de chaque texte &die: la theorie de Ducrot donne I'occasion de nomrner des instances au niveau micro-contextuel enonciatic Ies theories de I'enchainement argumentatif pennettent de degager des strategies argumentatives, des techniques explicites et implicites du sujet parlant; les methodologies d'analyse de la cohesion et de la coherence (Corblin 1995, Kleiber 1992, Menard 1990,Reboul 1990 et Patry 1993) peuvent mettre a jour des phenomenes de continuite et de rupture -explicites ou non - afin d'etablir des liens d'inferences autres que ceux de la syntaxe, entre les
di fferentes instances. Ces elements methodologiques ont kte utilises comme outil d'analyse, et
cela dans le cadre de I'analyse du discoun. Par ces differents niveaux d'analyse, nous
pourrions etablir les rapports entre les diffirents indices textuels et le sujet parlant, rapports construits par le principe de coherence discursive. Plus sp&ifiquement, a traven I'analyse du corpus litteraire, nous avons essaye de voir
dam quelle mesure, a p&r des deux premieres approches, celle de Genette et celle de Ducrot, et en nous appuyant sur les structures linguistiques en analyse du discours, on peut
8
proposer me description du sujet parlant (qui integre entre autres les statuts de locuteur, d'enonciateur, de destinataire et celui d'autres types d'instances). La structuration du sujet parlant se manifeste d'une faqon singuliere dans le discoun litteraire, et c'en d'ailleun
pourquoi nous avons choisi ce type de discours comrne objet d'etude. Le corpus soumis a I'analyse est constitue de quatre romans modernes - dans la mrsure oh on peut se rtiferer plus au moins i me coupure rntre le roman realiste et la littkrature romantiqw : 2. ~ 0 r c i a . sde ~ Balzac, Le Grand Meaulnes d'A1ain-Fournier, Lu porre irrozte &Andre Gide et Les fous de Bassan &Anne Hebert.
Ces textes ont ete choisis d'abord par interet personnel - les chercheun en ktudes
litteraires et en analyse du discours bedficient encore de cet avantage -et parce qu'ils nous semblent, exemplairement, poneurs de metamorphoses discunives. Chacun de ces textes pose, a sa manitre, le probleme de la description du statut des instances du discours et
de la coherence discursive. En examinant des auteurs differents, nous aurons I'occasion
d'exploiter un champ d'analyse varie, de traiter des problemes spkcifiques, et par la suite de
proposer une definition de la notion de sujet parlant.
Nous desirons montrer comment le texte litteraire peut amener a une nouvelle conception du sujet parlant et ce, au moyen d i n e analyse linguistique. Le modele propose vise en effet dew objectifs principux :l'un est d'obtenir une meilleure comprehension du texte litteraire,
l'autre, de metw la linguistique, dans les limites evidentes dune thkse, a
I'epreuve de la litteratwe et de montrer dans quelle mesure cette discipline, et plus spkcifiquement I'analyse du discoun, peut rendre compte de I'usage de la lany e et de cenaines con&tionsde la lecture des textes litteraires.
Les rtifirences du corpus proviennent de: Honor6 de BaIzac, Lcl cnmidie humuine, Z Murcar. Paris, Gallimard (( Bibliohique de la Pliiade n, d.Marcel Boutmn, t. WI, 1955, abree en 2 . U Main-Fournier (1 97I), Le Grand Memlnes, Paris, Librairie Fayard, abrtige en G.M; Andk Gide (1 959), La porn etroite, Paris. Mercure de Fqmce, d l . (< Folio w , ab-e en f .E;et findement, Anne Hebert ( 1 9821, L4sfms ck &rrrrat, Paris, Editions du Seuil, &@e en F.B; nous indiquerons les pages.
CHAPITRE I LA NOTION DE SUJET PARLANT: $TAT DE LA QUESTION
0. Introduction
Entre la linguistique et la critique littkraire existent depuis toujours des ichanges qui constituent un enrichissement pour le developpement des sciences humaines,
comme I'a indique Van ~ ik8.j Des notions capitales comme celle de macro-structure ont d'abord ete elaborees en pdtique thkorique avant de passer en linguistique. D'un autre cBtC, cenaines recherches ont essayC d'adopter des moddes issus de la linguistique pour elaborer des typologies de textes litttraires ou pour effectuer diffkrents types d'analyse; c'est le cas notamment en narratologie et dans cenaines icoles de stylistique.
I! est donc difXcile de pksenter le ddveloppement historique de la notion de sujet parlant par rapport aux differents modtles en operant une dichotomie entre la Van Dijk. 1981.
linguistique et l'anal yse litteraire, compte tenu de la cornplexi t i des jeux d'interference et de leurs influences reciproques h tnvers i'histoire rkente des thkories.
Dans cette perspective, nous trairerons, tout au long de notre travail, de la problematique du statut du sujet parlant, en essayant de tirer parti des pratiques interdisciplinaires dkjl fortement Ctablies, plutbt qu'en respectant les frontihres etanches que l'on tente parfois de dresser entre linguistique et analyse littiraire. Dans ce premier chapitre, r w s nous contenterons donc de presenter une esquisse
historique, quoique sClective. du developpement de la notion de sujet parlant en linguistique et en critique littenire, tout en degageant la definition qui en sen exploitie dans notre travail. En second lieu, nous examinerons plus specifiquement llinterprCration que donnent de cette notion la narratologie frangaise issue des travaux de Genette et de I'icole de I'inonciation de Ducrot. Nous mettrons ainsi en perspective les 6lCments mCthodologiques propres ces deux modeles et nous en discuterons. Enfin, nous prisenterons britvement quelques eltments sur lesquels se fonde la
perspective fonctionnelle; en nous limitnnt cependant aux notions utilisees dans nos analyses.
1. La notion de sujet parlant en linguistique et en analyse litthire :esquisse
histo rique
La notion dr sujet parlant d i E m d i n e thkorie a ~'autre?Prkcisons au dtipan que nous ne parlons pas ici de la notion de a sujet gammatical )) soutenue par la
tradition pkdagogique et fonement repandue en France, en particulier dam les grammaires scolaires du X'VIle au
s i k ~ l c sEn ~ ~fait, . I'intCrSt pour irs sujrts du
discours est assez rkent. La rhetorique a n c i e ~ se e voulait l'art de la persuasion, son objet etant avant tout I'art de parler devant un public de faqon convaincante. Cene activite se limitait donc a la langue p a r k face a un auditoire, le discours Ctant
considere comme une presentation de la parole et la relation entre orateur et auditoire se limitant a la maniere dont s'effectue Ia communication avec ce dernier. C'est pourquoi les mvaux de rhetorique ne s'interessent pas comme tei au sujet
ernetteur ou enonciateur. M h e pour les travaux des demiers siecles sur le langage,
dam lesquels on accorde au sujet une place importante, il va de soi que le discours ne possede qu'un
-et un seul -auteur.
En linguistique, dans les a ~ e ecinquante, s on retrouve chez les structurdistes americainsll, a traven leurs differentes ecoles de pensee, une notion de sujet
parlant prise dans un sens tres restreint, celui de referentiel
D, qui
tc
locuteur ideal N ou de t( sujet
emet un enonce dans une situation d'enonciation. I1 n7ya pas place
ici pour une theorie de sujet padant.
Voir I'anide de Patry, 1993b. rur l'historigue de cctte notion, et cdui de Chamdeou. 1984. lo Chervel, 1977. Voir les trade Noam Chomsky
Dans les annees quatre-vingt, le discoun comme contexte et la dimension sociale et interactive de la narration sons pris en consideration dam la description linguistique, tant en Europe qu'aux
tars-~nis. Ce mouvement a d'abord ete tres
important en s ~ c i o l i n ~ u i s t i ~(cf. u e les ~ ~travaux de Labov sur le recit oral) a cause de la necessite de bien decrire le statut des interlocuteurs et leurs relations. On
retrouve des termes cornrne
((
participant
))
cc
acteurs n
ct
partenaires r chez
Bemstein, Labov, Halliday, Hymes et finalement ~ o f i a n lNous ~ . reviendrons sur les relations fonctionnelles entre ces parhcipants, relations qui constituent les bases fonelles des definitions dam des travaw comme ceux de Halliday ou Longacre. Auparavant, cependant, au cours des annks soixante, en linguistique
structurale, sunout dam les courants euro@ens, une autre conception du sujet parlant avait ete developpie, particulierement par Eknveniste14, qui introduisit d'ailleurs le teme de su~etparlmt en linguistique. Benveniste fut sans doute le premier a prendre en consideration I'opposition j e m et a distinguer entre les deux systemes enonciatifs discours ci ricir15, cornme I'a bien soulignk Charaudeau dans
un article qui pone sur les sujets de langage : C'est avec Benveniste que se produit le premier changement thbrique &importance : la subjectivite est la cstpacite du locuteur de se poser comme sujet. En posant que le subjectif est l'ordonnateur de I'organisation du langage. il donne la primaute a I'knonciation sur ]'enon&, et ouwe la voie a de nouvelles ktudes fondties sur I'opposition 16. (( jdtu )> C'est avec Benveniste que se produit le premier changement thbrique d'imponance : la subjecdvite est la capacite du Iocuteur de se poser comme sujet. En posant que le subjectif est l'ordonnateur de l'organisation du langage, il dome ia primaute a l'knonciation sur
Labov, 1983. Bemstein, 1971; Labov, 1971; Hallidoy, 1973; Hymes, 1974; Gotban, 1974. I Benveniste, 1966-W74. l 3 Voir la d i n i d o n de ces d m termes, p. 88. Charaudeau, 1984, p. 40-41.
' '
i'!nonc&, <( J&U
ouvre la voie a de nouvelles h d e s fondies sur I'opposition
f >)
.
On avait commence a distinguer entre l'emetteur en situation d'enonciation et la reference a l'intirieur du texte. L'emergence de la conception de sujet parlant dans ce sens est due a des recherches individuelles comme celles de Charles
all^ et de
- ce dernier influence sans doute par Karl ~lihler?O-qui sont Roman ~akobsonl~
particulierement interessantes pour les textes litteraires. On peut aussi souligner
I 'apport des philosophes du langage te ls Austin et sea& l , apport particulierement utile a I'analyse de l'enonciation et a la pragmatique. Les travaux de ces derniers, comrne ceux de Benveniste, ont permis de prendre en consideration la presence bun
sujet comme Btre du discours, cornrne responsable des actes du langage; c'est pourquoi on considere ces recherches comme le point de depart de plusieun modeles de discours (Eddy Roulet, Moeschler et 17analysepsychosociale du d i s ~ o u r s ~ ~L'objectif ). de ces etudes inaugurees de maniere remarquable par Benveniste et developpties par Ducrot (dans sa theorie de l'enonciation) en d'eclairer l'interpretation du message. Ces etudes s'interessaient au r6le des facteurs linguistiques dans la construction du sens. Notre travail se s h e dam cette lignee. Rappelom egalement qu'a longtemps regne dans la theorie litteraire un postulat d'unicite du sujet padant. au moins jusque dans les annCs soixante. L'auteur etait le seul sujet pris en consideration, I'unique responsable de toute activite discursive dam le texte.
-- Cene perspective s'inthsse spidiquement i la communication orale I
I
Parallelement en effet au developpement des theories linguistiques des annCes 60, la semiotique narrative - avec entre autres Barthes, Bremond, Eco, Genette,
Greimas et Todorov - avait signale la confusion Mquente, illustree par la poetique (entendue comme
ci
science de la litteratwe D). qui reduit les questions de
I'enonciation narrative a celles du point de w e de l'auteur. L'etude narrative a tente de distinguer plusieurs types dinstances (celles de l'auteur, du narmteur, du lecteur et du narrataire). Cela a perrnis de poser I'existence bun sujef nurrutrf el de
developper par la suite de nombreux travaux bases sur ces distinctions. Findement, pour faire comprendre l'evolution de la notion de sujet purlant, il hudrait souligner que cette notion a W fortement marquk par les travaux de Bakhtine. Cette evolution ne peut Ctre presentee, dans la perspective qui nous interesse, sans faire reference a ce dernier. On trouve en effet chez Bakhtine differents concepts qui presentent des analogies tres fortes avec celui de sujet parlant, comme I 'hornme qui pork, I 'homme parIant, i (Ire expressifet puriunf, ce qui dans le contexte du discours litteraire peut &re assimile sans trop de dificulte a
la notion de sujet parlant. C'est du moins le rapprochement que nous nous permettons de faire. Rappelons qu'il est malaise de mettre ces termes en equation du fait que les travaux de Bakhtine sont tous traduits et interpretes par d'autres auteurs. Les idees de Bakhtine sont deja bien presentees par Todorov, Roulet, Ducrot, et il serait inutile d'en proposer m e nouvelle synthese. Cependant, nous cornpleterons ceae presentation par quelques cornmentaires personnels.
La question de l'homme parlant et de son discours est abondamment trait& dans les travaux de ~ a k h t i n s L'objet ~. qui produit I'originalite de l'cruvre litteraire e a 23 Voir en particulicr Bakhtine, a V (p. 99- 182).
1978 H
: La deuxiimc CNdC : D.dscmrs ram~ll~sque n, parties U
selon lui
cc
l'homme qui pule et son discoun )). Ce sujet expressif et parlant est,
comme l'a indique Bakhtine (traduit par Todorov), le produit des interrrlutions socicllrcs; itPnonct; est considPrP comme ie t h o i n d'un sujet2! Nous trouvons aussi, dans son lime EsihCtique et thkorze clu roman, la formulation suivante a props de
cette question : L 'objet principul du genre romanesque qui ie r spkcrfre son originoiitk styIistique, c 'est I 'hornme qui w r l e et su parole
M,
y ur cr2e
? Et il ajoute : Ahms
mans rlit qur le Zocuteur et son discours Ptuienr l 'objet qui +fie
ir romun, crkunr
I briginolit6 de ce genre-76.
Selon Bakhtine, ce discoun possede des caracteristiques dialogiques. Le phenomene de dialogme est propre a tout discoun : Le discours nuit dum le diahgue cornme srr vivunte ripIique er soforme dam me action diulogique rnutuelle uvec ie moi d h u ~ ~a I; 'inhirieur . dr I * o h j e ~ ~ ~ ,
Ce qui est exprime dans un discoun ntappartientpas au locuted8 seul, et ne peut &re attribue a un seul locuteur : d'autres v o k peuvent etre presentes en meme temps que la sieme. I1 est important de souligner ici que Bakhtine fut sans doute le
premier de la critique modeme dans le sillage du structuralisme a s'interesser a la notion de voix. I1 formule d'ailleurs cette observation dans le chapitre intitule a Remarques sur l'epistemologie
des sciences humaines
a
dam Esthe'tique de la
crhtion ~ e r b a l t . Pour ~ ~ : mu part, en route chose.j 'entends les VOLT ei Ieur rapport
-
-
Bakhine, fite par Todorov. 198 1. p 56. Bakhtine, 1 978. p. 153 (souligne par I'auteur). 26 hid.. p. 153-1 54. 7' Up. nr.,p. 103. 28 Sujet pmlm et loeuteur sont utilisks dam le rnhe sens chez Bakhtine : L a fimitesde c h p e enorrce concrer en tan?q'unirP de 10 c0111municaim wrMe sonr &teminPes par Ie cbtgemenr des w e t s de discmm. cfest+idiirc!des loctrteurs (Bakhtine, traduit par Todorov, 198 1, p. 84). ')' Bakhtine, 1984. 3-
d d ~ ~ i p nous e ~ retrouvons ~ ; le meme type d'observation dam la traduction de
Todorov : Tous les rapports ont un caractkre /ogique iuu sens lurge du mot) pour its srrucr tirul isres, ulors gue moi j 'entends purtou f des v o k , des rupports d~ul ogrqurs enire ri1es3 .
Pour designer cette idee de multiplicite des voix du discours, et en particulier
dam le discoun rornanesque, Bakhtine introduit la notion de po/yphonies2. L'une des thbes mises de I'avant dans ce travail, et qui nous interesse particulierement, est que I'auteur n'est pas le responsable unique de I'enonce. La caracteristique
fondamentale du discours romanesque est pour Bakhtine l'exploitation systematique des structures du langage et la pluralite des mots : la presence simultanee dans un
mOme enonce de plusieurs ~ o i xcelle ~ ~ du . locuteur, celle de Itauteur-Iocuteur,sujet reellement parlant - aiilsi que celle d'autrui. I1 note d'ailleurs que : /d/uns tous les domates de la vie et de lo criation icleologique, nos paroles contiennent en uhondunce ies mots d 'autrui, rrunsmis mec un degr6 de priczsion ef de purt iulird fort varik3'.
I1 faudrait noter, en dernier lieu, que la question de polyphonie est traitt dans l'aeuvre de Bakhtine dam une perspective sociologique : la distinction de differentes
Bakhtine. 1984. p.393. Bakhtine. traduit par Todorov. 1981. p. 38. 32 Nous reviendrons i la notion de polyphonie itablie par Bakhtine (voir 9: 2.2.2.). 33 Bakhtine note que @]e discours (comme en general tout signe) est interindividuel. Tout ce qui est dit, exprime, se trouve en dehors de N'I h e 1) du locuteur et ne lui appartient pas uniquemem. On ne peut pas attxibuer le discours au seul locuteur. L'auteur (le locuteur) a ses droits inalienables sur le discours, rnais I'auditeur a aussi ses droits, et en ont aussi ceux dom les voix rthnnent dam les mots trouvb par Yauteur (puisqu'il dexiste pas de mots qui ne soient a persome). Le discours est un drame qui comporte trois files (ce n'est pas un duo mais un trio). 11 se joue en dehors de I'auteur, et il est inadmissible de I'introjecteren lui. Ibid. p. 83. 34 Bakhtine, 1978. p. 157.
presences du discours d'autrui se fait par rapport a 1'auteur3j. Pour Bakhtine, I'auteur est d'ailleurs toujours @sent dam le discours.
None recherche se situe dans la meme lignee que Bakhtine, mais dans un cadre plut6t linguistique, ce qui fait que nous ne nous preoccuperons pas de la
dimension sociologique qui interessait en premier lieu ~ a k h t i n eNous ~ ~ . prendrons en compte la conception p ~ l ~ ~ h o n du i ~ discoun u e ~ ~elabork par Bakhtine dam une extension tres libre. Nous tiendrons compte en effet des caracteristiques interactio~elles du discours. Nous nous interesserons awt elements macro- et micro-contextuels textuels, tout en nous situant dam le cadre de I'analyse du discours, et cela afin de presenter une description du statut du sujet parlant a partir
d'un outil linguistique. Comme l'a indique I(rysinski,[f/etravail de Bukh~hen o m
Cene voie de recherche n'ea pas nouvelle. Plusieun theories ont entrepris
d'elaborer un rnodele de description des sujets d'enonciation en integrant la conception polyphonique de Bakhtine. En ce qui nous conceme, on peut citer en particulier la narratologie fran~aise representee par Genette et I'kole de l'enonciation de Ducrot; Eddy Roulet note d'ailleun que [dlans tout le parler courant de tout h o m e vivant en societi fa moitie au moins des paroles qu'il prononce sont celles d'autrui (reconnues c o m e telles) transmises a tous les degrb possibles &exactitudeet de partialhe (1978, p. 1 58). C'est cette polyphonic de knonce que Ductot tente d'intkgrer depuis quelques annics dam sa thbrie de L'inonciation (Ducrot et al., 1980, Ducrot 1982, 1983). S'inscrivent dam cette
''
Selon notre perspective, I'instance de I'auteur doit 6tre combintie A d'autres innanas inscrites apparemment d m le texte ayant une hnction discursive, a un premier niveau de lecture. 36 Nous revimdrons sur cene question dam la conclusion. 37 Cette conception sera adit& plus loin. 38 Krysinski, 1981. p. 113.
perspective les nombreuses recherchts sur les differcntcs forrnes de discows dit rapport& de Bally (1912). ... h Genette (1972. 198313~.
Les travaux de Genette et ceux de Ducrota prennent comme point de d6part la rtflexion Cnonciative de Bakhtine. et cornrne ils ont tt6 fonement marques par
I'hdritage de Benveniste. cela a favorid ['emergence d'une conception du sujet de l'enonciation en littdrature et en linguistique, cornme l'a bien soulignC Chiss dans un article sur I'historique des typologies du discours : U est en tout cas dair qu'on peut situer de ftkonds rapprochements entre par exemple. les travaux de narratologie ct des distinctions enonciatives, (.. I c'est sur la base de la variktt5 dcs situations enonciatives que se sont Clabortes des typologies discursives41. C'est ce que fait 0.Ducrot en comparant la tripartition de G. Genetu (Figures111. Seuil. 1972) pow le rCcit h la sienne ...42 (<
>j
Nous nous proposons donc de verifier comment peuvent s'articuler les mod2les de Genette et de Ducrot; et nous utiliserons ces moddes ii diffkrentes &apes de notre tnvail dans une perspective qui combine les analyses macro- et micro-contextuelle du
discours. afin de dtcrire certains aspects de la structure du sujet parlant. Nous
verrons, dans les sections qui suivent. quels sont ces aspects.
39 Eddy Roulet et al.. 1985. p. 70. Ces deux approchcs ne se situent pas sw le mCme plan thkorique, puisqu'elles ne proposcnt pas lc
m6me type de solution par rapport h la description des instances du discours. 11 existc des distinctions majeures enue elks; nous reviendmns sur cc point. 41 Chiss. 1987. p. 26.. 42 Ibid.. p. 26. note 62.
2. Conception du sujet parlant selon la narratologie et selon 1'6cole de 1'6nonciation
Nous rappellerons d'abord la typologie de Genette : ce modtle peut etre utilisC, dans une premibre &tape,pour &ire le smut du narrateur (le sujet nanatif) au niveau de la macro-structure narrative. Puis, nous pksenterons la position de la perspective
narrative par la conception polyphonique de I'Ccole de l'inonciation et par la conception diaphonique d'Eddy Roulet : la prernitre inthgre enves autres le statut de locuteur et celui d'dnonciateur, la seconde inttgre ces deux instances et celle du destinataire.
3.1. Conception narntologique de Genene : description et probltme
I1 est indispensable de souligner ici les merites de la contribution de Genette h la narratologie : Duns les chapirres N et V [de Figures III]. Genette a mis au point une t l 1 h - k dam le domaine u la fois le plus insaisissable et le plus n natratologique u de la
narratologit?3. Cette typologie a rendu de multiples services aussi bien aux historiens qu'aux critiques litteraires, et aussi bien aux linguistes qu'aux sp&ialistes du cinema.
Le merite revient B Genette d'avoir, sinon distinguk, du moins explique de manitre plus systematique les oppositions entre les instances d'auteur, de narrateur, de
narrataire et de lecteur dans le discours litteraire. 43 Bal. 1977. p. 21.
La plupart des etudes narratived4. et paniculitrement la narratologie franpise issue de Genette. qui nous interesse ici, s'inscrivent dam la tradition des thCories sur les probltmes de n point de vue D. Les principaies Ctudes consacrdes cette question Ctaient : la typologie anglo-saxonne (Lubbock. Freidrnan45); la combinatoire typologique allemande (Leibfreid. Fuger, Stanzel46); la typologie structuraliste tchkque ( D ~ l e z e l ~et~finalement ); la typologie culturelle sovietique (~spenski48). Dans Figures III et dans le Nouveau discours du ricit, Genette itudie ie mode de point de vue et la question de voir en distinguant entre les differents critkres namtifs
qui relbvent du plan verbal et la notion de perspective narrative. Selon Genette, le concept de point de vue devrait itre utilisk seulement pour designer des phenomhes du plan
penpectif-psychique
)),
et non pour dkfinir des problemes ressortissant au
plan verbal. Cependant. un grand nombre de travaux qui se sont interesses h l'btude du rticit souffraient, h ce moment-18, d'une confusion entre ces dew modes.
I1 est important de souligner que nous nous interessons spckifiquement au sujet parlant, ce qui se rattache evidemment au plan verbal dans le roman. Nous nous occuperons donc, tout au long de notre travail. de ce que Genette appelle la voix. Avant de presenter I'tlement methodologique de cette catbgorie, quelques precisions propres au champ theorique de la narratologie franpise s'imposent.
Rappelons kgalement que les formes narratives constituent un objet priviMgit5 des recherches thkoriques et pratiques depuis les travaux de Propp. Trcnte ans plus wd, prtcistment en 1966, paraissent la Simantique structurale de Greimas et, surtout, le numero 8 de la revue Communications, qui a marque I'avenement d'une nouvelle theorie u autonome ?, du r k i t . d'inspirationstnrcturaliste : la naxatologie. j5Lubbock, 1965; Friedman, 1955. 46 Leibfried. 1972, Fuger. Stanzel. 1978-1979. J7 Dolezel, 1967. 48 Uspenski. 1972.
La namatologie prend pour objet non pas l'histoire, mais le recit comme mode de representation verbale, tel qu'il s'offie directement a I'analyse. Cette discipline se propose d'etudier les composantes et les mecanismes du recit. Cette typologie est basee entre autres sur la distinction qu'a propost& Benveniste entre discours et r k i t (voir la definition, chapitre U, 1 2.2.3.1.). Cependant, les narratologues indiquent
que ce dernier n7apas differenciea9 la nature du discows selon qu'il est en rapport avec le narrateur ou avec les personnages, c'est-a-dire pris en charge par le narrateur
ou par le personnage. Pour la typologie m t i v e , cette distinction est pourtant essentielle, car le type narratif en depend directement I1 faudrait verifier attentivement si l'enonce entier peut &re mis sur le compte du narmteur ou s'il comporte des elements de discours qui doivent &re attribues a un des personnages.
La narratologe considere en effet le recit comrne une fonne de discours. Selon cette discipline, l'objet du recit est Ibistoire, et celle-ci doit &re transmise par un acte nmatif qui est la narration.
Genene etudie les rapports entre I'instance n a t i v e et I'objet name en les traitant sous la categorie de la voix. I1 definit la notion de voix dans ses rapports avec le sujet : ... ce sujet n'hant pas ici seulement celui qui accomplit ou subit Itaction, mais aussi celui (le mime ou un autre) qui la rappone. et wentuellernent tous ceyx qui participent, fit-ce passivernent a certe activite
namtive~o.
Cette activite narrative est toujom maintenue par I'acte discursif du narrateur.
-
-
J9 D'autm critiques om eti adressks i m e distinction, voir Charaudm, 1984. j0 Genene, 1972, p. 76.
2.1.1. Sujet narratif
Genette affirme, en effet, I'impossibilid d'un r k i t sans narrateur :11 n'exisze pas d'knonce' sons 4nonciation qui le produitSl. Sur ce point, plusieurs questions peuvent faire l'objet de recherches ou de propositions differentes; on peut citer pour memoire
les hypothtses soulevties par Anne s an fields' dam ses recherches sur le style indirect li bre. Selon cette demitre, la narration se de'finit nkgativement comme I 'absence de
relation communicarive entre iocuteur/desinutaire~3.Banfield distingue egalement un M
sujet de conscience D pour designer la source d'un point de vue qui n'est pas celui
de l'auteur. et elle identifie le locuteur (s'il y en a un) B ce sujet de conscience. Ce n'est pas donc la position dans laquelie nous nous situons, et nous Ccartons ce type d'hypothkse. Selon la typologie de Genette, c'est le narrateur qui r&glela performance narrative%. Sa presence se signale par des marques linguistiques (qui seront discuties
dans notre travail), B savoir les pronoms personnels et les marques temporelles.
Genette considere ces marques comme des diictiques55, donc toujours en relation avec la position spatiale ou temporelle du narrateur. W m e si le kcit se fait B la premiere personne (namtologiquement,j. narrateur homodiegetique), Genette tente de montrer que I'enonciateur du recit. lui-meme personnage, est ce narrateur cr6e par I'auteur.
Genette. 1983. p. 226. 52 Banfield, 1979.
53 Banfield. 1979, p. 18. 5J Krysinski. 1981. p. 107. 55 Cene position est. rappelons-le.celle dc Benveniste; voir chapitre II.
Genette ditermine par la suite les differents statuts possibles du narrateur en reliant deux categories, celle du (< niveau narratif n (extra- ou intradiegktique) et celle de la r personne D (homo- ou htt6roditgetique). Nous pr6senterons nos propres
illustrations de ces notions : a. Extradi6gdtique - h&odit5gttique : le narrateur du P2re Goriot, qui raconte en rCcit premier une histoire d'oa i1 est absent. b. Extraditgktique - homodiigitique : le narrateur de k z recherche, qui raconte
en kcit premier une histoire dont il est un protagoniste. c. Intradiegetique - hetkrodiegitique : la Schdhthzade des Mille et une nuits qui raconte en rkit second. puisqu'elle est personnage dans le dcit premier, des histoires d'oG elle est absente.
d. Intradiigdtique
- hornodidgetique : le narrateur Augustin dans Le Grand
Meaulnes. racontant, en recit second. ce qu'il a vecu i Paris,
B Fran~oisSeurel,
narrateur du kcit premier. Comme le narrateur, le narrataire est un des 6Idments de la situation narrative, et se situe au mtme niveau ditgdtique que le narrateur: B narrateur intradiegttique,
namtaire intraditg6tique.. . Sa presence est relevee aussi par les rnCmes types de marques linguistiques.
2.1.2. Limites de la conception narratologique
Suite ii ces remarques. nous pouvons constater que la narratologie refltte une conception individualisante du statut des instances discursives. Elle &finit Ie narrateur (qui reprisente le sujet p l a n t ) par son individualid. Ce locuteur produit des actes de communication comrne on en observe dans la vie quotidienne. I1 stagitde prouver que le discours litteraire est fait d'affirmations analogues B celles qu'on retrouve dans la vie quotidienne, que le langage ou les mots sont les mEmes dans le riel et dans la fiction. Genette note d'ailleurs : ... les mots n '[y] ont pas [dans la fictionld'autre sens que dans les Pnoncis ordinaires56.Ce locuteur imaginaire est le seul responsable de
tout acte narratif dans le kcit. De plus. la pksence de certaines instances, comrne celle de I'auteur. est exclue de l'cpuvre littkraire. Ltauteur n'a aucune presence dans
i'univers textuel; Genette affirme qu' ... il n 'y o ici [dans le texte de La recherche] ariczcn octe de lungage de Marcel Prom, pour cette bonne raison que celui-cin 'y prend jamais la parole.. .5'. Ce point de vue constitue une limite de la narratologie.
Nous pouvons indiquer par ailleun que, selon notre perspective. le problkme de la voix au sens de Genette est relativement mineur par rapport B celui de la perspective. du point de vue et de la position. L'analyse d'un ricit exige une reflexion sur la
relation entre l'auteur, le narrateur et les penonnages. Genette lui-meme a affirme que l'enonciateur ou bien l'auteur du discours 1ittCraire est problematique : ... ce qui pose problime, et dont le statut reste a dL;finir
56 Genette. 199 1. p. 47. 57 Genene. 1991. p. 45.
s'il se peut, ce son? les acres de bngage consicuti/s de ce contexte, c'est-a-dire le
discours ~ n a t ihi-drne f :celui de 1'outeu$8. Jaap Lintvelt, qui se situe dam la m5me perspective que Genette, a reconnu h i aussi la pertinence d'ktuciier la presence de I'auteur dans I'oeuvre littiraire et l'interet de prendre en considtration la notion d'aureurconcret? Mieke ~a160a soulignd pour sa part la possibilitb de distinguer entre plusieurs instances dans le discours litteraire : 1-nmateur. 2-focalisateur, 3-acteur, 4-acteufil, 5-specta~eurimplicite, 6-lecteur implicite ou explicite (lecteur present au niveau de la diigtse). Les instances d'auteur et de lecteur sont distingutes aussi par Mieke Bal, mais elles ne sont pas integrees au schema descriptif de l'analyse, elles en sont
icrutees. L'etude de ces demien types d'instances (celle de I'auteur et celle du lecteur) n'a pas ite accornplie par ces chercheursjusqu'i maintenant. Les travaux les plus rkents se situant dans la perspective de Genette se sont jusqu'ici limitts uniquement aux
structures macro-contextuelles communicatives du discours (voir les travaux de Lintvelt, 1991; Genette, 1991, 1999). Bien que I'objet de Genette ait CvoluC depuis ses debuts, on peut trouver dans son ouvrage le plus recent, Figures N,cette affirmation. au terme d'une riflexion sur
58 Genette, 1991. p. 44. 59 Voir Lintvelt, 198 1. 60 Bstl, 1977.
p. 25.
Theoriquement. selon Mieke Bal. chaque instance s'adresse un destinataire situt sur le meme plan : l'acteur s'adresse B un acteur. le focalisatcur un M spectatew H. le narrateur s'adresse ii un lecteur absuait. Voir le schima de ce mod8le. Bal. 1977, p. 33.
l'&olution des approches : Tout cela revient sans doute a constater qu 'en cinquante am je n 'ai guire change d'uvis ..?*.
Pour Genette, en effet, IUnoncb ne peut ttre rapportd qu'8 une seule voix identifite au locuteur, celui qui dit je et qui prend en charge ce qu'il Cnonce, comrne nous venons de le mentionner. Ce schCma de communication ne peut pas fonctionner dans un roman,oG il est impossible d'atuibuer ii un responsable unique la totalit6 des
CnoncCs. Et c'est ce que nous tenterons nous-mhe de ddmontrer d'une manikre concr6te dans ce travail en Ctudiant la probltmatique des rapports entre les differentes
instances. Plusieurs chercheurs ont d'ailleurs rnis en evidence des problemes relies ii ces questions, tant au niveau thiorique que dam I'analyse d'un corpus litteraire. Christine ~irdar4skandd3,de I'univenitt du Caire, a mane que la volontd de la narratologie de kduire la littenture B la communication quotidieme, de meme que la
conception communicative de la namtologie, menent h une vue largemenr artifcielle de la litze'rature6J.La solution qu'elle propose est foumie par le cadre theorique dans
lequel elle se situe, celui de I'Ccole de l'dnonciation. Plus pdcidment, sa solution se base sur la conception polyphonique de Ducrot. Sur ce point, on ne peut quBtre d'accord, et cfest la raison pour laquelle nous allons integer c t concept dans notre modiile afin de rendre compte de la polyphonie du discours linthire et de la pluralite de ses points de we. Nous reviendrons sur cene question dans la seconde partie de ce
chapitre. 62 Genette. 1999. p. 44. 63 C. Sirdar-Iskandar. 1989 : confdrence. Universitd du Caire. dtpartement de litthture et langue
h@ses.
64 Ibid.
Citons tgalement B titre d'exemple la critique de Briosi65 et celle d' Anne Reboul. Ces deux chercheurs soulkvent des problkmes m6thodologiques aussi bien que thCoriques. Anne ~ebou166,qui se situe dans un cadre thtorique different - ses etudes se rattachent B la pragmatique cognitive - souligne en effet que la namtologie a besoin d'une rkflexion sur 110ntologie67qui la soutient. Selon elle, le probltme imediat d&s que I'on aborde des textes fictifs est la dktermination de I'histoire par rapport au &it, la discriminationparmi les iliments du ricit entre ceux qui constituent des Cvinements
de l'ltistoire et les autres68. La narratologie se heune B une contradiction
fondamentale, soit 1'a.nnation de 1'inexistence des 4vinements hors du rkcit qui les
raconte er le postulat simultant! de l'existence indipendante de ces t!vinements a travers la distinction histoire/ricit@!
Le probleme de la nanatologie est la distinction
entre ce que I'on represente et la representation qui en est faite; Genette considere la litterature cornme repdsentation et definit cette reprdsentation cornme la relation entre un represent6 et un representant. 11 postule la preexistence du reprtsente sur le representant. Reboul a bien remarque d'ailleurs que le narrareur aussi bien que les
e'vbzements semblent pour Genette avoir une rkalitt! dont la seule chose qu'il nous en dit est qu 'elle n'est pas celZe de 1'auteur70.La solution que Reboul propose consiste h poser un nouveau cadre thtorique oh n'apparaisse pas le problime ontologique. C'est le cadre de la pragmatique cognitive de D. Sperber et D. Wilson71.
65 Briosi, 1986. 66 Reboul, 1986. Dam le sens courant du terrne. 68 Reboul. 1986. D. 28. 69 Ibid.. p.-28. 70 Op. cir. p. 28. Ce cadre n ' a t pas pris en consideration dam notre travail. '
c
L'article de Briosi. pour sa part, (< La narratologie et la question de I'auteur n, vise 2 relancer la discussion sur la question de la pdsence du sujet-auteur dans la narration. Briosi note d'ailleurs que I'auteur, expulsi?de I'unalyse, reste pour cela une compacre er f e n i e entit6 (insignifante, bien que rielle) I...]
[...I, exactemenr comme
l'entitt! (fictive mais seule importante pour le narratologue) du narrateur7*. Pour
r6soudre ces problemes, Briosi avance qu'il faudrait s'intemoger sur le statut du sujetauteur. Pour y parvenir, on devrait se poser le problkme du sujet qui name et de ce qui le distingue du sujet de la perception et du sujet du lungage73.
Les remarques de Reboul et celles de Briosi demontrent la pertinence de I'itude des autres instances qui peuvent etre presentes dans le discours et soulignent I'imponance d'une telle description par rapport B l'etude de la notion de sujet parlant, ce qui confirme d'ailleurs notre point de vue. I1 nous semble que la typologie narrative ne peut pas repondre B cenaines questions concemant la complexitti du statut des instances du discours, par exemple : chaque 6noncC peut-il etre rapport6 A une seule voix. identifiee avec le locuteur, celui qui dit a je
D
et qui prend en charge ce qu'il inonce ? Comment p u t fonctionner ce
schema de cornmunicotion dans un roman oP il est impossible d'attribuer ii un responsable unique la totalite des Cnoncts? Comment peut-on rendre compte d'une pluralitt de voix dans un mBme enonci ? L'analyse basCe sur ce modde oblige B admettre des ruptures perpituelles en ce qui concerne l'idendtb des points de vue et le statut du narrateur. Mais est-il utile de distinguer deux voix si elles repksentent la m3me perspective ? 72 Briosi. 1986. p. 512. 73 Briosi. 1986. p. 5 18.
2.2. Proposition d'klargissement de la perspective narrative 2.2.1. Conception polyphonique de 1'6cole de l'inonciation
Nous pensons qu'afin de rtpondre i ces questions, il faut aller au-deli de la conception individualisante de Genette. depasser la fonction communicative narratologique et prendre en considtkation la polyphonie du discours et la pluraiite de ses points de vue. Pour y parvenir, nous nous proposons de prendre en compte la theorie polyphonique de 1'Ccole de l'tnonciation d'Oswald Ducrot (1980). Cette th torie permettra de risoudre certains probBmes concernant la description du statut
des instances du discours, car la these de Ducrot consiste Zi montrer que l'6nonct peut
signaler dam son enonciation la superposition de plusieurs voix, et cela en distinguant notarnment entre le locuteur et l'enonciateur. Le cadre thtorique de Ducrot est une extensiori (rrks libre) a la finguistique des recherches & Bakhrine sur la litte'rature74.
2.2.1.1. Sujet de l'enonciation
La conception polyphonique de Ducrot visait en effet B construire un cadre
thCorique oh I'on pourrait contester et meme remplacer le postulat propre B la critique classique de l'unicite' du sujet parlant, et ceci au niveau de la micro-structure de I'enonci. Cette conception polyphonique se situe dans le cadre d'une perspective de I'enonciation. En fait, ce qui intkressait Ducrot Ctait le sujet de L'6nonciation ref qu'il apparait a 1 'intirieur de 1'~nonci7?La description de I'honciation comporte ou peut
Ducrot. 1984. p. 173. 75 Ducrot. 1984. p. 179.
cornporter I'anribution d'un ou de plusieurs sujets d'enonciation qui seraient son origine. Notons que Ducrot entend par N description de l'enonciation N que l'bonct apporte, dans son sens mtme, des renseignements sur le (les) auteur(s) kventuel(s) de 1Ynonciation. Plusieurs voix diffkrentes de celle du locuteur peuvent Otre presentes dans un meme CnoncC, le statut du locuteur s'opposant B celui des autres instances76 : Si I'on appelle << s'exprimer ,b &re responsabie d'un acte de parole, alors, ma these permet. lorsqu'on interprete un Cnonc6, day entendre s'exprimer une pluralit6 de voir diffkrenres de celle du locureur, ou encore, comme disent cemins grammairiens h props des mots que le locuteur ne prend pas ii son com te. mais met, explicitement ou non. entre gui I lemets, une polyphonie7 7.
Les voix diffkrentes de celle du locuteur sont attribuees 2 des knonciateurs definis comme etant des
... etres qui sont censes s'exprimer A travers I'inonciation, sans pour autant qu'on leur anribue des mots prdcis; s'ils parlent c'est dam ce sens que l'inonciation est w e comme exprimant lcur point de we, leur position, leur attitude. mais non pas, au sens mat&iel du tcrme, leur paro~e78. La polyphonie peut se manifester, selon Ducrot, par plusieurs formes
linguistiques. telle que la presence de deux locuteurs distincts en cas de double enonciation dans un meme Cnonce. Pour rendre compte de la superposition de voix illustrtie dans un Cnonck, Ducrot propose d'andyser certains procCd6s linguistiques comme la negation, I'ironie et les diffirentes formes du discours indirect, en particulier celle du style indirect libre. Les Mentionnons, parmi les autres instances que Ducrot distingue. cellc de I'* allocutairc D. qui dbigne la personne jl qui le locuteur adresse la parole, c'est-&dire le dcstinatairc que se donne cclui qui pxle et celle de 1.' auditew w. qui dtsigne le destinataire imprCvu ou qui Ccoute un CnoncC qui ne lui est pas adresse. 77 Ducmt. 1980, p. 44; c'est now qui souligwns. Ducrot. 1984, p. 204..
76
formes du discoun indirect introduisent d'une faqon explicite deux voix dam la structure meme du discours. A un premier niveau de lecture, le lecteur les identifie facilement. Le discours indirect libre fait entendre deux voix mClt5es, deux inonciateurs. Herscheberg-Pienot note 2 ce sujet que la specificit6 de I'indirect libre ticnt h ce qu'il superpose au moins deux instances d'6nonciations. le discours rapportant s e faisant lm&hod'une auue voix, dont on ne peut reconstituer Ies paroles cornme une citation di~tincte~~.
Le phenomene de la negation, pour sa part. peut rendre compte du fait que dans un Cnonce on peut distinguer au moins deux voix, celle du locuteur et celle de l'enonciateur. Pour Ducrot, I'tnonciation de la plupart des tnonces nCgatifs est analysable comme
r
mise en scene n du choc entre deux attitudes antagonistes,
attribuees B deux &zonciateursdistincts.
Pour expliquer les distinctions entre le locuteur et l'knonciateur, Ducrot reprend la distinction ktablie par la typologie de Genette entre le narrateur et les
sujets
psychiquesso n. Ducrot note que le locuteur correspond au narrateur que Genette oppose ir l'auteur de la m2me faqon [qu 'ill oppose le locuteur au sujet parlant empirique, c'est&dire au producteur effectifde l'&zonce'8l.A 116nonciateurcorrespond ce que Genette
appelle le cc centre de perspective82 >), le penonnage dont on choisit le point de we. C o m e le narrateur, dtre fictif appartenant h l'oeuvre, le locuteur pour Ducrot est
un etre du discours B I'intirieur de It6noncC et relevant de cette description que 79 Hencheberg-Piermt. 1993. p. 1 16.
5 2.1.1. Ducrot. 1984. p. 208. 82 Qui reRre au plan penpectif psychique w ; voir 5 2.1.1 dam c e premier chapitre.
8o Voir la definition de ce terme.
1'CnoncC donne de son enonciation. Le narrateur est la source du recit, le seul responsable de toute activitd narrative; le locuteur est, comrne I'a not6 Ducrot, la source du discours :
... mais les attitudes exprimh dam ce discours peuvent Em attribudes i des enonciateurs dont il se distancie comme les points de vuc manifest& dam le &it peuvcnt etre ccux de sujets de conscience eaangen au narrateur83.
-
On voit alon comment on peut ttablir un rapprochement ficonfi4 entre les distinctions Cnonciatives que Ducrot effectue par rapport aux sujets d'dnonciation et celles que fait Genette. Tous deux opposent le statut du locuteudnarrateur aux autres instances presentes dans le discours; ils adoptent plus au moins la dkfinition de la polyphonie pmposCe par Bakhtine. Cependant, l'application de cette conception polyphonique difftre dans les deux theories. Les distinctions de Genette et de Ducrot ne se situent d'ailleurs pas aux mimes niveaux. Chez Genette, la prise en compte des diffkrents points de vue adopt& dans une siquence ne permet pas d'identifier une seconde source i la parole, car la question de perspective narrative, rappeions-le, ne rifere pas au plan verbal, mais conceme la perception du monde par un sujetpercepteur : narnteur ou personnage. La question de la perception n'est pas sans interit, puisqu'elle peut constituer un indice de presence d'une instance85 - selon notre perspective; par contre, elle ne permet pas d'identifier la source de la parole, comme nous venons de I'expliquer. En outre, I'identification des voix, selon Genette, s'effectue au niveau des sequences narratives d'apres I'emploi des pronoms personnels; on ne peut identifier .
- -. .- -
83 Ducrot. 1984, p. 207. 84 Chis. 1987. p. 26. 85 L'analyse du corpus illustren ce point: voir chapitres IV et M.
qu'une seule voix dans chaque enonce. Ces questions seront illusMes par l'analyse du corpus litteraire. Quant ii la conception polyphonique de Ducrot, elle est prise dans un sens plus large et permet d'ailleun de rendre compte de la superposition de voix dans un mZme CnoncC. C'est pourquoi nous la considkrons cornme une proposition d'elargissement de la perspective narrative.
2.1.1 2. Limites de la conception polyphonique de Ducrot
Voili, resumee britvement, la conception polyphonique de I'Ccole de I'tnonciation. Nous postulons que cette thiorie permet de dkcrire le smut du locuteur et de IICnonciateurdims un dnoncC. Cependant, la description des relations entre les diffkrentes instances ne peut se fonder uniquement sur cette conception polyphonique, pour les raisons suivantes.
Cette thkorie ne conteste pas l'unicitk du sujet parlant, mais plutbt l'unicite du sujet de i'enonciations6: elle rend compte d'une pluralitd de voix dans un m h e enonct, sans mettre en doute I'unicitC de I'origine de la parole, car pour Ducrot il est evident qu'un f tre unique est le responsable des enonces. Dans son livre Le dire er le dit. Ducrot &finit le sujet parlant cornme Ctant chargb de route activite' psycho-physiologique nicessaire u la production de l't?nonciation.
Selon lui, le sujet parlantg7represente le sujet empirique (l'auteur ?), et son statut est Pour Dunot, I'uniciti du sujet parlant signifie qu'on ne peut identifier qu'une seule voix dans un inonci, voir Ducrot. 1984, p. 171. 87 Cette notion se distingue donc de la nbtre.
86
compl2tement diffdrent de ceux du locuteur et de l'enonciateufi8; c'est lui I'auteur, l'origine de la parole. Ce sujet reltve d'une repn5sentation exteme de la parole, 6trang5re h celle qui est v6hiculde par l'dnonc6; autrement dit, il n'a pas de presence dans le discours. Le sujet parlant, dans le sens considere par Ducrot, est donc unique : l'tnonciateur de I'oeuvre littiraire est l'auteur; il est le chef d'orchestre. Le discoun littCraire est un discours polyphonique dans la mesure oh il peut manifester plusieun points de vue. Dam un meme Cnonci, nous avons affaire B une pluralite de voix qui passent toutes par la
a
bouche D de I'auteur representant une entiti
discursive exclue de l'analyse. Cela veut dire que l'instance de I'auteur inscrite dans le texte est totalement Ccartee de l'analyse chez Ducrot; elle n'a aucune presence P l'intirieur de l'bnonct, en tant qu'etre du discoun. I1 est indispensable en effet de se poser une question h propos de cette instance : si cette demi &reest inscrite dans la structure linguistique du texte, devons-nous considerer la parole de l'auteur comme Ctrangkre 21 la parole vehiculde par l'enonc6 ? Ducrot avoue que ['auteur peut Etre represente dans I'oeuvre par cenaines techniques (choix de personnages, etc.). De plus, il se demande s'il y a un autre poids89 que celui de I'existence discursive possible pour un confenu linguistique, lie' d
des mots dont lo valeur intrinsique est impossible d j k e r ou a cemerw.
Cette conception unitaire de la polyphonie constitue une limite de la thCorie de Ducrot. 88 Ducrot distingue entre sujet pariant. locuteur et Cnonciateur. sans prendre en considkration cette
premiere notion (celle du sujet parlant). 89 Nous essayerons de vCrifier. au cours de I'analyx. si d'autrcs procCd*i peuvent prwver la ptscncc de cette instance. Nous verrons oussi si d'autres types d'instancts peuvent se manifester dans I t discours ou se superposer a I'int6ricur d'une mime voix (polyphonie de I'inonciateur, dt l'autcur ou d'une autre instance). 90 Ducrot. 1984. p. 205.
Plusiews chercheurs om souleve d'aillews des problemes relies a cette conception. Agnoletti et Defferard montrent dam leur article cc Polyphonie et systeme de place dans 1'enonciation9
N
qu'[u]ucune rhiotle du sujer purlanr n 'est J *uillez.irs
Citons aussi la critique d'Alain Trognon, dont I'article
L'identification a
l'enonciateur D vise a relancer la discussion sur la definition de la conception polyphonique de Ducrot et indique que Le Petit Roberr attribue deux definitions au tenne polyphonic. l'une linguistique : la polyphonie est << le caractere d'un signe polyphone u, c'est-a-dire
est
(<
it3
La definition que Ducrot donne de la notion de polyphonie, comme I'a souligne Trognon, ambne a une rupture entre la voix de I'enonciateur et celle du locuteur.
Cenes, toute voix passe par la bouche du locuteur, mais celui-ci ne les prend pas toutes a son compte; Trognon pose cette question : me &;finitton de lopo!vphonie
11 termine son article en indiquant que Ducrot cr ouvert une vote ~ ' U C C ~ mais S,
/.../ ii r w e beuucoup rifuire pour en miem cerner les contours9? Ainsi, la theorie de polyphonie de Ducrot, malgre son interet evident, ne resout pas tous les problemes de la description du statut des instances du discours: la definition de la polyphonie comme rupture entre locuteur et enonciateur ne permet
pas de reptirer les differents cas de polyphonie qui se manifestent dans le discours, et particulikrement dans le discoun litteraire. Certains problemes concernant la complexite des instances du discours, comme la polyphonie de l'enonciateur, le degre d'integration du discours dautrui et la
prisence de i'auteur en tant qu'etre du discours, ne peuvent &re expliques sur la seule base de la conception polyphonique de Ducrot. Du reste, cette theorie laisse dans l'ombre le probleme de la presence du discours d'autrui et I'intigration du discours de I'interlocuteur dam le discours du locuteur. Cene question est pounant tres importante pour la formulation d'une theone des sujets du discoun.
La caracterisation de la polyphonie peut s'entendre de divenes manieres, qui apparaissent d'ailleun toutes dans le teae de Bakhtine : ... on peut affirmer que dam la composition de presque chaque enonce de l'homme social. depuis la coune replique du dialogue familier jusqu'aux grandes ceuvres verbales idkologiques (litteraires, scientifiques et autres), il exine. sous une forme avouie ou cachk, une part notable de paroles notoirement (( &rangeres n, transmises par tel ou tel p r d e . Dans le champ de quasirnent chaque enonce a lieu une interaction tendue, un conflit emre sa parole a mi et celle de n I'autre r, un processus de delimitation ou d'klairage dialogique mutuel96. 'j ibid. p. 98-99.
96 Bakhtine. 1978, p. 172.
Ducrot n'a consider6 qu'une seule &finition, celle que nous avons prisentke. La poiyphonie peut ddsigner en effet chez Bakhtine la reprise et I'integration du
discours de I'interlocuteur dans le discours du locuteur. Bakhtine formule en effet cette observation : Le locuteur cherche I oricnter son discours avec son point de vuc d6terminant sur la perspective de celui qui cornprend, et 3 entrer en relations dialogiques avec certains de ces aspects. I1 s'introduit dans la perspective Qtrangkrede son interlocuteur, construit son enonce sur un territoirt ttranger. sur le fond aperceptif dc son interlocuteurg7.
2.2.2. Diaphonie du discours : le groupe genevois
C'est cette dualit6 de voix qu'Eddy Roulet et le groupe dit genevoisg* consid5rent. dans leur modele de la
a
structure hierarchique du discours r, en
introduisant le terme de n diaphoniegg w . Ce modtle integre constituants dialogiques (Pchanges) et monologiques (inlerventions), tout en les combinant i la distinction traditionnelle entre discours r
monologal
.
(discours produit par un seul locuteur/scripteur) et
a dialogai
D
(discours produit par deux locuteurs/scripteurs).
Roulet s'interesse B ce que Bakhtine et Ducrot appellent la pluralit6 des voix dans i'(< intervention >), c'est-i-dire dans le discours monologique. I1 distingue B ce niveau
entre :
97 Bakhtine. 1978. p. 105. 98 Cf. Roulet et al., 1985. 99 Ibid.
a) mono~honie,ou l'intervention fait entendre un seul auteur; b) polwhonie, ou I'intervention fait entendre dew auteurs, deux voix :
I'enonciateur et quelqu'un d'autre;
c)
et finalement diaohonie, ou l'intervention fait entendre dew voix, deux
auteurs : I'enonciatew et le destinataire.
Dans cette section, nous nous interesserons spkifiquement a la demiere dimension l O0 du discours, la diaphonielol, car elle nous permettra d'exarniner la maniere dont un enonciateur integre dam son discoun les paroles d'autrui, en paniculier les paroles du destinataire. Indiquons ici que la diaphonie du discours devrait iitre distinguke du dialogsrnelo2 et de la polyphonic : dans une structure dialogiquq les voix des interlocuteurs [ .+] se rtipondent, mais resent distinctes, dans la mesure ou elles s'expriment dans des interventions constitutives d'khange, different-. Dans une structure polyphonique [. ..1, au contraire. deux voix se combinent dans la mkme intervention; mais la voi. de I'autre. qui n'est pas le destinataire de l'intemention. n'est la qu'a titre d'objet de reftireme. et non pas de pde d'interaction directe avec le destinataire. Dans une structure diaphonique, I'tinonciateur ne se contente pas de rtiagir sans la toucher, a une parole p r h t e . ou de se rtiferer a des paroles absents. il commence par reprendre reinterprkter dans son propre discours la parole du destinataire$13
loo La dimension polyphonique est prise en considkcation auui dam notre travail, mais now nous limitons a la thhrie polyphonique de Ducrot. Io1 La diaphonie gui se manifeste dans le type du discours monologique. pow reprendre le terme ,, , d'Eddy Roulet. ~ o u s n nous e intensons pas i ce type de structure discursive dam ce travail. lo3 Roulet et al.. 1985, p. 71.
'"'
Soulignons aussi que les interventiondo4 d'une structure diaphonique entretiennent une relation hitrarchique : le discours du destinataire est subordonne au discours de i'enonciateur. Le procede diaphonique consiste a rapporter un acte de parole effectif ou
potentiel dans le discours du locuteur ou fusionnent les dew
en once^^^'?
Lr
destinataire peut ttre reel ou fictif. C'est ce qu'Eddy Roulet souligne en expliquant le
terme de diuphonie potenirelle, comme le note d'ailleun Perrin : Les faits de diaphonie potentielle font apparaitre que le procde ne depend nullement de \'existence effective d'un discours de I'interlocuteur. A la lirnite, &rit Roulet. I'chonciateur peut cr&r de toutes pikes son destinataire et le discours de celui-ci. Peu impone. findement, que le destinataire du discours de I'enonciateur et le discours de ce destinataire soient fictifs s'ils ditenninent. au rntme itre qu'un destinataire et un discours rkels. le discours de I'enonciateur 1h6. .
Ce que le locuteur vise en rapportant le discours de I'autre dans une reprise diaphonique peut ewe different de l'objectif du discours rapporte; c'est une rencontre possible qui se fait avec le discours potentiel de I'interlocuteur.
2.2.3. Statut du destinataire et notion de surdestrnufurre
L'evocation du discours d'aumi, notamment dans un roman, peut prendre plusieurs formes : le discours non assume par le narrateur, la representation du
Par come, les interventions d.un discoun dialogique o'enchainent lineairrmenk et peuvmt &e p l a d sans modification sous la plume de iocuteurs differents. O5 Les darx discoun ne peuvent &re pliicb sans modification sous la plume de locuteun dflirents.
errin, in, I995.p. 211.
narrateur, dans une situation orale ou ecrite (le discours epistolaire. voir Roulet. 1985 et 1993), le style direct et le discoun des personnages. L'instance de I'interlocuteur dewait donc &re distinguee de celle du narrataire : les paroles du destinataire, prises dans un sens diaphonique. sont integrees, explicitement (effectivement ou potentiellement) dans le discours par le locuteur pour mieux enchainer sur cellesci, sans que ce destinataire ne soit necessairement present dans la situation d'enonciation, comme dans les exemples du discoun epistolaire.
Nous pouvons aussi trouver une autre forme de structure qu'on peut nommer diaphonique, mais qui n'a pas ete envisagee par les chercheun qui s'interessent a cette question : Ie surdestinututre. Ce teme est emprunte a Bakhtine, qui avait
d'ailleurs notamment saisi les proprietes de cette construction. La notion d'instance du .surJesrinutuire apparait dam la traduction de Todorov exposant les idees de Bakhtine a propos d'une cenaine concepion de I ';!re humurn en g i n h i , oh I 'mire JOUL'
un r d e dicisflo7. Dans ce passage se trouve une formulation tres interessante
de Bakhtine a propos de la notion de surdestinataire - dont nous nous occupons ici : Chaque enonce a toujours un destinataire (de nature differente, degrb differents de proximite. de spkificite*de conscience. etc.). dont l'auteur de I'mvre vehale cherche et anticipe la comprehension repondante. C'est le (( second N (dans un sens arithm~ique).Mais, en plus de ce destinataire (du second). l'auteur de l'enonce imagine en etant plus au moins conscient un surdestinataire supirieur (un tiers). dont la comprehension rkpndante absoturnent juste est projetke wit dam le lointain mhaphysique, it dans un temps historique eloigne (un destinataire de secours) .
td
fodorov. 198 1. p. 145. lo8 Teae de Bakhtine traduit par Todorov. 198 1. p. 170. Cette citation est tirk du chapitre intitulC (( Anthropologie philosophique N, qui p r k n t e Ies idde Bakhtine qui ont It!plus de prix, cornme l'a indique Todorov (p. 145). En ce qui nous concerne, nous trouvons que la question du discours d'autrui et les rappons entre les difFerentes instances (diiirents destinataires et locuteur, par exemple) wnt &liqu& avec ciarte dam ce chapitre. C7*npourquoi In r&mces a la notion-du ~1drdesfinaIairedam le texte de Bakhtine qui seront esquisks dans notre travail sont tirks exclusivement de ce chapitre.
Nous nous proposons d'exploiter cette derniere forme d'instance dans une perspective differente : nous prendrons en consi&ration la prisence du surdestinutaire au niveau textuel uniquement, en dcartant la dimension sociale prise en compte par Bakhtine. Nous empruntons donc le terme de Bakhtine en nous inspirant de sa proposition et tout en lui accordant un statut diffkrent. La description du statut du destinataire (qui inclut celle du surdestinataire) sera effectuee B partir des indices textuels relevds par l'outil linguistique. Nous pounons ainsi decrire la structmtion du statut de cette instance qui peut. seion notre hypothes;, etre elle-meme polyphonique.
Cela nous pemettra de decrire diff6rents aspects du smut du sujet parlant.
Pour cemer la description du statut des instances du discours exposke dam ce chapitre. nous devrons finalement illustrer un 61irnent109 important pour la lecture du texte littirake : la fonction du sujet parlant par rapport a l'acte de la lecture. C'est ce
point que nous dkvelopperons B pdsent.
3. Fonction du sujet parlant
En suivant les trois conceptions presentbes dans ce chapitre (narratologie, enonciation, diaphonie), une des premieres etapes de I'analyse serait de distinguer et d'identifier diffkrents types d'instances. Par la suite, il nous sera possible d'identifier les fonctions. autres qu'honciative, propres B ces instances quant au statut du sujet D'autres dements seront ilIusOts au cours de l'analyse.
parlant et quant a la lecture. L'etude de ces fonctions n'en pas sans pertinence pour I'analyse textuelle; l'analyse du corpus illustrera ce point. Pow y parvenir, nous exploiterons les notions de la perspective fonctionnelle, sur laquelle il convient de s'arreter maintenant. Plusieun travaux ont distingue differents types de fonctions du sujet des discours. Le modele de Jakobson est sans doute le modele le plus familier aux chercheurs. Les six fonctions attribukes aux sujets du discours ont semi de point de depart a plusieua typologies, notamment. dans le domaine qui nous interesse, celle de Genette, qui attribue au narrateur d'autres fonctions que celle de la narration a
proprement parler. En appliquant la typologie de Genette sur nos textes litteraires,
nous distinguerons certaines fonctions du nanateur
- autres que narratives -
proposees et definies par Genette : a- iu fonction explicuiive; b- lu fonction rhhutique (cette fonction a pour but d'exercer une influence sw la situation
enonciative) c- h fonction communicative (maintenir un contact avec son destinataire: cette fonction rappelle a la fois la fonction phatique (verifier un contact)
et la fonction conative (agir sur le destinataire) de Jakobson));d- Irr foncrion de rigie (referencedu narrateur au texte narratif lui-meme). Vu que notre description du statut des instances du discours integre d'autres
cypes d'instances, cornme nous I'avons deja expliq J,nous ne nous limiterons pas au narrateur et a w fonctions attribuees a cette instance. Nous tenterons de decrire les relations fonctionnelles qui s'etabiissent entre les instances, tout en distinguant les rapports entre differents elements. Nous utiliserons les definitions domees par les travaux des fonctionnalistes Halliday et ~ongacrello.
Ces theoriciens ont tenti, en effet, de dkfinir et de distinguer differentes fonctions du sujet du discours en ttablissant une differentiation fonctionnelle entre <<
fonction ideationnelle n (rapport locuteur/monde), cc: fonction interpersonnelle r
(rapport locuteud auditeur). fonction
textuelle D (rapport langageltexte). Notons
que certains theoriciens ont propod des descriptions centrees sur cette differentlation fonctionnelle (voir par exemple la description du Prince I
N
nmataire
*
posCe par G.
1).
En ce qui concerne la description du statut du sujet parlant proposee dans ce travail, nous prendrons en consideration la dimension inreroctive de la perspective fonctionnelle, afin de dicrire plus particuli6rement les relations entre les diffirentes instances. ainsi que celles qui s'ktablissent entre les instances et d'autres Clkrnents. Ces relations reprksentent les rapports suivants : rapports entre ies diffkrentes instances, rapports entre les instances et le texte, rapports entre les instances et le monde. Nous poumons ainsi, ii titre d'exemple, decrire la distance entre les differentes instances et le degre d'intdgration du discoun d'une instance dans I'autre. Ces demieres distinctions sont particulibrernent interessantes pour la description du statut du destinataire. Elles permettent d'envisager la structuration polyphonique de son
statut, tout c o m e elles permettent d'etablir les liens entre les instances du discoun. D'un autre c6t6, les caractiristiques fonctionnelles attribuees spicifiquement au statut du destinataire (dam le sens des fonctionnalistes) peuvent aussi etablir des liens avec ie texte lui-mhe et avec son lecteur.
l Prince, 1973.
Si le statut du destinatai~posstde, par exemple, une fonction communicative,
ceta pourrait faciliter la reconstitution des Changes. Les constructions diaphoniques qui illustrent la pksence du &stinatah peuvent &re temoins de la negotiation en jeu dans toute interaction, au double niveau du sens (avec ses implications argumentatives)ou de la possibilitd pour I'tnonciateur de signaler ce qu'il a retenu, ou ce qu'il veut retenir. du discoun de l'autre.
C'est dans ce sens, d'ailleurs, que nous avons avancC notre hypothtse et que nous avons post, d'une fa~onprdiminaire. les caractiristiques du sujet parlant : la structure fonctionnelle et polyphonique. Ces deux caractiristiques sont hroitement reliies. Dans la mfme perspective, nous avons indiqud que notre mod2le d'analyse macro- et micro-structurelle est dynarnique et fonctionnel, dans ce sens que les elements constituants de ce modele peuvent exercer une fonction quant au sujet parlant. tout cornme ils peuvent en exercer une par rapport B la lecture du texte. Ces dements sont en interaction et ils sont modifiables et utilisables selon le texte analyd.
Pour terminer ce chapitre, nous airnerions preciser que nous essayerons de voir, h partir des textes litteraires, si I'on dispose, a des fins d'analyse pratique (chapitres 111- VI). d'un outil ou de moyens suffisants pour rendre compte de cetle structure
fonctionnelle et polyphonique du statut des instances du discours. Les modiiles (narratologique. pol yphonique ou diaphonique) prhentes dans ce c hapitre peuvent servir dl outil m6thodologique pour dkcrire cenains aspects du statut
du sujet parlant : ceux du narrateur, du locuteur, de l'enonciateur et finalement du destinataire.
Mais il nous semble que d'autres formes d'inscription peuvent se manifester dans le discours, notamment dans le discours littkraire; les diffbrents niveaux de structuration des instances du discours ne peuvent tous &re ni rep&%ni expliques sur la base de ces seules conceptions. Ces aspects peuvent ne pas Ctre les seules dimensions du discours envisagees pour saisir la complexitt du statut du sujet parlant 1 12. C'est pourquoi nous aurons besoin dautres Clements m~thodologiques. Les approches narratologique ou polyphonique fonctionnent i \a fois comme mCthodes d'analyses et comrne rnodtles theoriques qui peuvent ttre raffinds ou
modifies selon les besoins du chercheur. Aucune thkorie scientifique n'est en mesure de dpondre de manikre adequate 2i
toutes les questions. En narratologie, en linguistique, c o m e en toute entreprise scientifique, la qualit6 de la kponse & p a d de la pertinence de la question. Dans les chapitres qui suivent. nous tkherons donc de rkpondre h diffenntes questions concernant les relations entre les instances du d~scoun. Afin d'atteindre notre objectif, nous devrons faire appel h une discipline susceptible d'emblie de fournir les outils d'une telle rkflexion, discipline qui permet de determiner la fonction et le statut des processus d'enchainement dans le texte et
d'identifier les niveaux de structuration du sujet parlant : il s'agit de l'analyse du discours.
-
I? Selon noar hypothtse. nppelons-le. cene notion regroup tous les aspects mentionn& plus haut; notre propre definition sera prkntck dam la conclusion.
Dans le prochain chapitre, nous prtsenterons une proposition d'klargissement des perspectives narratologique, polyphonique et diaphonique, par l'analyse du
discours .
CHAPITRE I1 STATUT DU SUJET PARLANT: METHODE DE DESCRIPTION
0 . Introduction
Dans ce chapitre, nous pounuivons notre investigation thiorique B la recherche d'un outil adkquat pour decrire les rapports entre les composantes linguistiques et les
sujets du discours. Cette description est relike
ii
la structure macro- et micro-
contextuelle, cornme nous I'avons diji indiqd. Nous avons donc besoin d'un outil qui nous permette d'analyser les mots, les enoncis et les siquences du texte et. cornme l'indique Molino, on ne serait pas fdchi de disposer d'une mithode qui garde quelque chose de la r6putation scientifque dont
jouit la linguistiquell3, 2, quoi nous ajoutons : dont jouit aussi I'analyse du discours.
l 3 Molino. 1994, p. 214.
Nous presenterons en premier lieu le cadre thkorique dans lequel notre modtle se situe : l'analyse du discours. Nous esquisserons britvement I'historique de ceae discipline. En second lieu, nous exposerons les champs qui nous paraissent constituer des cornplCments ntcessaires ii la description du statut du sujet parlant : les connecteurs. les marques temporelles et r6f&entielles, et les structures thdmatiques. Nous esquisserons les methodologies d'analyse selon lesquelles ces marques de discours seront mises B jour : l'argumentation, la cohCsion et la coherence. Nous nous limiterons Cvidemment i celles qui seront explonks dans notre travail. Nous apporterons findement quelques precisions par rapport B notre demarche d'analyse. Nous donnerons une dCfinition prdiminaire du terme
u
difficulte de
lecture a, tout en expliquant son mode d'emploi selon notre perspective.
1. Cadre thkorique et problimatique discursive du statut des instances du discours
En adoptant comme cadre l'analyse du discoun, nous poumons elargir notre champ dtinterSt, c'est-i-dire I'Ctude des elements t e ~ t u e l s l aux ~ ~ ,niveaux de la
macro-structure et de la micro-structure. pertinents i la description du statut du sujet
l4 ~ l e m e n t squi n'ont Cte pris en compte ni par I'inonciation.
l'appmche narratologique ni par celle de I'CcoIe de
parlant. Cette discipline est susceptible de fournir des outils m&hodologiques 1 une telle kflexion. Ce cadre nous donnera I'occasion d'exploiter diffkrents champs, car ses
diverses approches devraient idkalement se complkter et se corriger mutuellement. C'est justement une des raisons pour Iaquelle nous avons choisi ce cadre. Nous prendrons donc en consi&ration I'analyse du discours dans un sens trts large. comme l'a indiqui Maingueneau : cette discipline peut servir d'itiquette aux enrreprises les plus variies. les plus contradictoires, cela tient a I 'orgunisationmgme dzi clump de la linguistiquell5.
L'analyse du discours, discipline qui se propose d'intdgrer tout le champ d'analyse textuelle, pourrait donner en fait iila linguistique et 1I'analyse litteraire les
instruments qui permettent de decrire tout ce qui relbve de son domaine, tout comme elle pourrait montrer qu'il est lkgitirne, voire necessaire, d'accorder une place au sein de la tWorie linguistique ii des considkrations non Iinguistiques, extra-textuelles, sous
fonnes d'informations contextueiles ou co-textuelles.
Plus sp6cifiquement. dam le cas qui nous interesse, ce cadre theorique pourrait fournir j. l'btude du rapport entre les elements linguistiques du texte et les instances du discoun des outils pertinents 1 la description de ces relations. Cette rnethode d'analyse fait constamment appel P la linguistique. Cependant, les objectifs de I'analyse du discoun depassent largement ceux de la linguistique : il
Is Maingueneau. 199 1 . p. 16.
four Ctre linguiste et cesser de l1i?tre1l6.L'analyse du discoun refuse tout autant de
quitter le champ de la linguistique que de s'enfermer dam ses domaines. Un survol de I'tvolution de la linguistique thiorique nous pennet de decouvrir que, jusqu'h la fin des anndes soixante, le discours en tant qu'objet dTCtude,avec ses
caractCristiques specifiques, n'ktait pas inti@ au programme de recherche des approches dominantes en analyse du langage. On prdsente d' ailleurs souvent le diveloppement de I'analyse du discours117 dam les annCs soixante comrne une emergence quasi-brutalel
et Richard Patry a dresse un bilan historique de ce
d~veloppernent~~~. Nous l'esquisserons donc brievement dans les paragraphes qui suivent. Rappelons d'abord que les mouvements dominants de I'analyse du langage, au
coun des annees soixante (le suucturalisme en linguistique travers ses differentes kcoles de pensie) n'ont pas contribuk h l'tmergence de l'analyse du discours telle qu'on la connait dans son developpement actuel. Ce sont plutdt des recherches isoleesl20 qui ont determine la forme de cette evolution, comme I'anal yse des fonctions dans les contes folkloriques chez Ropp (1928); les travaux du Cercle linguistique de Prague sur la perspective fonctio~elleet la progression thematique (Firbas. 1966; Dane:,
197J), les recherches de Harris,
1952 et findement celles de Benveniste, 1966.
Courtine et Marandin. 1981. p. 8 1. Voir Robin. 1986. Patry. 1993. p. 109. Voir Patry. 1993. 120 Pour une analyse dCtailltc de la contribution de ces prkcurseun. voir Patry et Nespolous. 1988. l6 l7 l8 l9
Par la suite s'est d6veloppde une veritable thdorie d'analyse du discours, influencee en partie par les uavaux de Harris et par ceux de Halliday. C'est Halliday qui a introduit le terme de discourse analysis, dont la transposition en franpis etait analyse du discours N. Au debut des annCes 90, un nombre considkrable de travaux se proclament de l'analyse du discours, i un point tel qu'il devient difficile de discerner les frontiiires et les approches homonymes. Maingueneau note d'ailleurs que [I']inomedeveloppernent de la n6bulcuse qu'est la pragmatiquc et celui dc cette autre n6buleuse qu'est devenue I'analyse du discours tendcnt ainsi souvent h se confondre dam unc linguistiquedu Imgage en contexte. de l'usage de la langue1* l. Suivant dans ce sens le m2me point de vue adopt6 par plusieurs chercheun, dont Adam ou Reboullzz, sans pour autant nous en tenir
B leur methodologie
d'analyse. nous exploiterons des approches qui s'intdressent Zi la linguistique du texte, h I'usage de la langue en contexte et B cenaines contraintes de lecture. Nous nous
proposons d'utiliser I'analyse du discoua comme outil mkthodologique afin d'dtudier les rapports entre ies elements linguistiques illustr6s dans notre corpus litteraire et la
mCtamorphose du sujet parlant, afin d'tlaborer par la suite une description du statut des instances du discours. dans le cas de chaque texte itudie et d'une fa~ongdnirale.
I1 nous semble que les iltments mtthodologiques propres i ce domaine permettront de formuler des observations intkressantes sur nos textes par rapport B cette problkmatique.
l2I Mainguenwu, 1991. p. 16. Adam. 1994; Rebul. 1989 et 1992.
Notre modde tentera en premier lieu de combiner une ttude globale de la macrostructure et une analyse raffinke des elements de la microstructure. Cela permettrait. d'une part, de rnieux saisir la relation entre un recit et la sequence dont il est un constituant et, d'autre part. de dkcrire les dimensions polyphoniques et fonctionnelles de la sdquence analysee. Notre approche se propose en fait &identifierdam les textes selectionnts des types de performance discursive textuelle ii divers degres, de ncueillir et d'observer
ou de recenser des indices textuels en relation avec les instances du discours. Chaque locuteur uti lise, en effet, divers procbdts discuni fs : argumentatifs,
enonciatifs, fonctionnels, lexicaux, et finalement cohesifs; il dispose de nombreuses variantes linguistiques entre lesquelles il pourra choisir ceile qui convient le rnieux B
ses fins discursives.
3.1. Marques du discours et sujet parlant
Cenaines marques du discours, notamment les connecteurs, les marques temporelles, les expressions kferentielles et certaines structures fonctionnelles (les
th6mesAes rhemes) sont etroitement reliies au statut des instances du discours : elles ont une fonction quant au statut de ces derniiires. En ltudiant ces marques, nous pouvons digager la structuration de l e u statut. I1 y a quelques annees, ces domaines auraient fait I'objet d'analyses divergentes qui releveraient de champs thkoriques complbtement diffkrents. Rien ne perrneaait alon une approche itudiant ces marques dans une mtme perspective et les reliant au statut des instances du discours. Cela dit, il existe un certain nombre d'arguments qui justifient un tel traitement et de telles relations. Ce point de vue sen
illustre par l'analyse du corpus litteraire. Cenaines marques de discoun, qui assurent ce que Charollesf23 appelle la continuire' textuelle, reltvent de la coherence qui a u voir avec l'interpre'tabilitt?des texres. et d'autres de la cohesion qui joue sur des relations d'identiti, d'inclusion ou
d'association entre constirutions d1knonct?s12?Cohesion et cohkrence contribuent en
effet i la texture du discours. Les processus d'interpritationlz et de rkinterpetation sont command& rappelons-le. par ces deux principes.
Le locuteur foumit
PU
lecteur les liens qui sont necessaires et cherche ii
manipuler Itactivit6inferentielle du destinataire. Ce locuteur effectue des choix : il y a en francpis toute une gamme d'ilements pour designer, par exemple. un individu (des
descriptions definies, des pronoms, etc.). Le locuteur utilise Bvidemment des marques du discours, B savoir des phenomenes encodes linguistiquernent, comme les
123 Charolles, 1988.
Charolles. 1988. p. 56. Nous entendons par ce terme : dechiffra, d6coder. lire.
expressions rkfkrentielles, les marques temporelles. les connecteun, les thhmes et les r h h e s du discours. Ce choix n'est pas gratuit et ne s'explique pas que par le souci d'organisation informationnelle dans 1s texte. L'emploi des marques du discours, notarnrnent celles que nous venons d'inchquer, peut etre considM comme le signe de la presence d'une ou de plusieurs instances dans le texte, et l'analyse du corpus illustrera ce point de vue.
L'interet de cette analyse est double : premitrement, en Ctudiant l'emploi de ces marques dans des exemples littiraires, nous pourrons dkgager des strategies argurnentatives, des techniques explicites et implicites du sujet parlant, et des strategies de lecture. Nous pourrons ainsi ddmontrer la presence de telle ou telle instance, ce qui permettra de decrire le statut des instances du discours tout en signalant la singularite de chaque texte quant B ces emplois et quant B la description du statut des instances du discours. Dans cette perspective, nous pourrons dkfinir les diffkrentes instances du discours d'aprks diven cri3res linguistiques. Le second interet de cette analyse est que les rksultats de I'investigation d'un
aspect pragmatique du discours littiraire nous permettront igalement de mieux circonscrire la dkfinition des marques du discours et leurs emplois dans les textes li ttiraires.
2.2. Contraintes rn&hodologiques
Cornme tout chercheur en analyse du discours. nous serons tenue d'operer des choix concernant les methodes danalyse, les ilements textuels que nous allons dtudier ainsi que les champs &inter&. Soulignons que le texte lui-m8me implique des choix, selon notre optique.
Notre schema d'analyse est constant d'un point de vue mt5thodologique, mais la specificit6 de chaque texte dictera le choix de tel ou tel ddtail au sein du mod5le
proposb. Ainsi, nous obtiendrons des r6sultats diffdrents quant B l'exploitation de chaque Clement et quant h la description du statut du sujet parlant. Dans les sections qui suivent. nous prdsenterons une reflexion sur les contraintes rnt thodologiques. Nous mentionnerons donc les champs qui nous paraissent constituer des complements necessaires 1 la description des structures fonctionnelles et poiyphoniques des instances du discours, et que nous serons amentie h explorer B differents moments de notre travail. h savoir :
les connecteurs; les marquages thematiques126;
les marques temporelles; les expressions rgfkrentielles.
126 Nous considerons ie W m e et
le rhhme comme structures marquks; des rcgla linguistiques ront appliquhs d'ailleurs pour les identifier et ils exercent m e fonction dans le discours.
Les trois derniers elements seront mis B jour B l'aide des m&hodologies d'analyse de la cohdsion et de la cohdrence. Quant aux connecteurs. ils seront analyst% selon les thiories de l'argumentation. Le connecteur sera le premier type & marque examine dans cette section. Nous
allons presenter ici les approches qui ont attribut B ce type de marque des proprietis pragmatiques. D'autres types d'itude ont dCcrit des connecteurs syntariquesl?7, des connecteun logiques128 et finalement des connecteurs simizntiquesls-').
2.2.1. Connecteurs
Dans le cadre d'une thtorie pragmatique s'inscrivent plusieurs descriptions du fonctionnement des connecteurs 130. D'apres cette discipline. les connecteurs ne peuvent itre expliquis qu'en contexte. car ils ne possedent pas d'autonomie referentielle. Ainsi, les connecteun sont considCr6s cornme des arguments thdoriques qui ont une fonction pragmatique dans le discours, et ne sont pas elabores comme
descriptions linguistiques ayant pour simple r6le de relier deux termes ou deux propositions. Nous nous proposons d'ttudier le r6le pragmatique des connecteun dam le but de dkcrire le statut du sujet parlant131.
Harris, 1970. lZ8 Cf.Grice. 1975-1979;Allwood et Dahl. 1977. lZ9 Keenan & Faltz, 1985. Ccs types de connectem ne sont pas consid&& dam notre travail. 13* Cf. Ducrot et al.. 1980; Roulet et al.. 1985; Jayez. 1988. l 3 Nous expliquerons plus explicitement la relation du sujet parlant et I s connecteun dans lcs
sections qui suivent
2.2.1.1. Connecteur et argumentation
Le connecteur occupe, en realite, une fonction importante dam la
description semantique des enchainements argumentatifs qui s'interessent a la
coherence discursive. Les travaux inaugures par Ducrot et developpis. puis completes, par d'autres etudes dans I'approche dite genevoise132 et dans la pragrnatique de la pertinence133( l986/ 1989) sont consideres comme une premiere etape vers une conception du r6le du connecteur. L'objet de ces travaux est de dkrire les images de Ifenonciation. On y
considere le sens comme une description pragmatique de I'enonciation, et c'est sur
cene conception du sens que Ducrot a fonde son travail. Selon Ducrot, certaines phrases contenant des mots comme (( loin )) ou cc un peu
ne peuvent etre semantiquement representes sans qu'on donne en mame temps
drs indications sur les enchainements argumentatifs possibles ou impossibles a
panir de leurs enonces; Ducrot note que [Il'exisrence de ces mots me semble rnontrer y ue purler des choses. c'est souvent les curuc~&ri.~er pur rupport b des discours
urprnencatfi possibles
[...]
Lo
lungue impose une sorte cl'apprehension
crrgmentcrtive cle kr r i d i t d l 34.
Soulignons que les h o n e s de Ifargumentationdegagent des strategies et des
techniques argumentatives, explicites et implicites. Mais il rst evident que ces demieres s'appuient le plus souvent sur l'implicite.
13' Cf Rouln et a].. 1985. 133 Voir les travaux de Moeschler, 1994: Bmckway. 1982. Cene approche ne sera pas imCgrCe dans notre travail. 34 Ducrot. 1990. p. 12.
L'acte d'argumentation n'implique pas d'effort pour convaincre ou pour persuader. Rappelom qu'il est indispensable de distingwr ces dew notions. Car ((
persuader )) implique, en plus dun acte d'argumentation, Itintentioneffective de
faire en sorte que Itauditeuradmette la conclusion. En revanche. cc convaincre N, c'est utiliser m e argumentation pour induire l'auditew a accepter la conclusion : Quund now sommes convuincusvnous ne somrnes convaineu que pur nouv-mt?me.par nos propres idkes. Q u n d 1102~~ sommes persuadth nous le sornmes par rrurnril 33.
Certains procedes
linguistiqws sont d'ailleurs souvent utilisb pour
penuader le lecteur dans le discours. Dans les travaw courants sur la typologie du discours. on distingue un soussnsemble de textes ou de discoun, tels le texte publicitaire, le discoun politique ou juridique, qui peuvent ou doivent avoir d'un point de we pragmatique des consequences sur le comporternent ou les prises de
decisions des auditeurs dam la vie reelle. On peut se demander si l'argumentation dans ce sens s'applique aux discours
litteraires comme le recit ou le roman. On peut repondre a priori par la negative; toutefois, cette reponse doit &re nuancee. D'une part, au niveau de la fonction m h e de certains textes litteraires, il existe bel et bien des romans a these dont la halite au plan ideologique rejoint a des
degres divers les types des discoun argurnentatifs; d'autre part, on ne peut pas ignorer, a I'in3riew meme du roman, les strategies de I'auteur soit pour convaincre le lecteur de la vraisemblance de l'inaigue, soit pour I'amener a certaines conclusions ou
h i faire voir le deroulement du kcit et l'intenrction entre les personnages selon une ou
plusieurs perspectives.
Ce qui nous interesse dans ce casti n'est pas de dtmontrer si oui ou non le lecteur est vraiment convaincu, mais simplement de ddcrire les strategies discursives adopttes. C'est cette limite, d'un point de vue Iinguistique, que nous assignons A I'analyse de I'argumentation.
2.2.1 2. Argumentation et sujet parlant
L'argumentation constitue notamment un des facteurs privilegies de la coherence discursive. Elle suppose une action complexe qui tend toujours modifier
un Ctat de choses preexistant. L'argumentation est toujours en situation : elle fait intervenir l'activitb des sujets et celle de I'auditoire dans la construction m6me du discoun, tout autant qu'elle peur fournir une description simantique intiressante des inoncis, tel que I'a soulignC Ducrot En disant que cette description est intiressante,
Ducrot entend a la fois qu'elle permet de comprendre la fonction des h o n c i s duns le discours, et qu'elle esr reliie de faqon syst6matique u leur structure linguistique136.
Ce qui relie essentiellement le sujet parlant et son destinataire est le sens vist! par le locuteur ainsi que les stratPgies et les manc~uvresl37tendues au destinataire,
autrement dit I'argumentation. C'est precisdment ce qui nous intkresse dans cette description. L'absence d'autonomie dferentielle des connecteurs invite B investiguer le
136 Ducrot. 199 I . p. 2. 137 Ducrot, 1984.
r6Ie de ces marques en fonction du but visi. Ainsi, nous tenterons d'identifier
certaines strategies d ' b c r i ~ ou de lecture propres au sujet parlant.
2.2.2.3. Fonction argumentative et structure du discours L'ttude de l'argumentation nous incite a tenir compte, en effet, non seulement des donntes. mais tgalement de la fa~ondont on les interp6te et de la signification
qu'on choisit de leur attribuer : l'emploi de figures determinies, telles que la prolepse, la mttaphore, etc., et meme de formes qui se manifestent B un premier niveau de
lecture, par exernple la repbtition. Itinterrogation, Itellipse et l'emploi d'un style
neutre138, s'expliquent parfois par les besoins de l'argumentation.
La fonction argumentative porte des marques dans la structure mame de I'knonct5 :
... la valeur argumentative d'unc phrase n'est pas seulcmcnt une consiquence des informations apport6cs par clle. mais la phrase peut cornporter divers morphemes. expressions ou tournurrs qui. en plus de lcur contenu informatif, servent h donner une orientation argumentative 1 l*knoncd.A I'entrainer dans une teIle ou tclle direction139. Nous ajoutons que d'apr6s notre perspective 1'argumentation est etroitement relike ii la structure linguistique, en particulier B I'emploi des marques df6rentielles et temporelles, et findement B la structure fonctionnelle du discours, la progression thkmatique, c'est-i-dire l'enchainement des informations dans la IinCariti du texte etabli par les notions de theme et de rhiime. Ces diffkrentes marques sont les
138 Nous donnerons la definition de cene expression au chapim V; voir aussi Perelman. 1970.
p. 204-205. 139 Ducrot. 1972. p. 205.
principaux consti~antsde la coherence discursive. Examinons enfin cette demiere marque, celle de la structure fonctionnelle. La continuite textuelle resulte entre autres d'un equilibre variable entre une exigence de progression et une exigence de refitition. Cette progression constitue un des facteurs de la coherence discursive. L'organisation d7infomationtextuelle exerce un impact sur la description du sujet parlant qui est aussi, rappelons-le, un
facteur de cette coherence1M. Nous envisagerons cette question a traven l'analyse de la progression thematique
developpcie dans le prolongement de l'etude de la perspective
fonctionnelle : hypotheses des travawc du C e d e linguistique de Prague sur le fonctionnalisme, bien connues par Mathesius, avant mOme la Seconde Guerre rnondiale, travaux qui ont ete poursuivis et approfondis a partir des annees 60 par Firbas et notamrnent par ~ a n -$el .~
L'analyse de la progression thematique se propose de miter la faqon dont I'information est repartie dans la phrase et la distinction entre les composants thematique et rhematique des constituants du discom. Une definition preliminaire peut h e donnee aw notions de a theme D et cc rheme D* : le theme, c'est Element
connu, le rherne, c'est l'element nouveau dam le discours. Nous prthenterons d'autres arguments qui juaifent la relation mtre le sujet partant r l'organisation de l'iaformation textuelle dam les sections qui suiveat. Mathesius, 1939; Firbas, 1%4; Dan&, 1974.
La progression thtmatique a en effet une incidence imponante sur l'organisation textuelle. Chaque element contribue plus au moins au ~veloppementde la communication, pushes the communication fon~ards~~*. Le thtrne y assure la continuid entre les propositions par la rdp6tition de certains CItments. Un bref survol historiquel43 de cette approche nous permet de voir que les notions de thtme et de rheme sur lesquelles se base cette andyse ont ett5 dtfinies antdrieurement dans le cadre des travaux de la perspective fonctionnelle qui s'etait preoccupke de l'etude de la structure informationnelle dam le discours. Dans cette perspective. la phrase isolCel44 etait analys6e c o m e une structure syntaxicosCmantique et cornme une structure porteuse d'information h lTint&ieurd'une certaine dynamique fonctionnelle.
I1 convient enfin de souligner I'apport pmiculier de Hallidayl45 et de ses disciples (entre autres, Hasani46) dans la mise au point d'un mod6le d'analyse i la fois assez global pour embrasser le discours dans son ensemble, avec toutes les
composantes de I'enonciation. et assez dttaille pour pousser la description jusqu'aux dements fonctionnels les plus simples de la langue (voir infra. chapitre I, section 3). Plusieurs modeles integrant I'htiritage phrastique de la perspective fonctionnelle, sans par ailleurs le remettre en question, ont tte proposds par la suite pour analyser la progression thematique dans le discoun; les principaux mod&les
J2 Firbas, 1964. Id3 Pour une esquisx historique. voir I'anicle de Parry. 1992. lLf Cette perspective se limite B la phrase isolck. Hnlliday. 1968-76. 146 Hasan, 1967.
elabores a cette fin etaient ceux de D a d , de Scinto, de Nevert, de Cornbette et de ~ubois'.'~. La plupart des travaux qui se sont interesses a l'analyse de la progression thematique identifient un seul theme par proposition. Citons en particulier
I'approche
de Combette. En identifiant un
seul theme, cene approche
monothematique laisse donc entendre que lttre humain ne peut parler que d'une seule chose a la fois, ou bien qdon ne peut entendre qu'une seule voix dans un enonce. Comme nous I'avons deja mentione, le postulat de I'unicitt d'instance du
discours, et nous ajoutons ici celle du theme du discours, a Ce ecane de notre
travail. De plus, la restriction a des phrases isolks ayant pour frontiers les marques de ponctuation ne pea constimer la base adequate d'une approche cherchant h
decrire la structure fonctio~elleet polyphonique du sujet parlant dam le discours lineraire. C'est pourquoi d'ailleun notre analyse de la progression thematique sera
basee sur un modele B plusieurs themes (voir les travaux de patrylJ8 et de Van ~ i j k l - ' qui ~ ) peut sTappliquera tout texte, notamment aux textes litteraires.
2.2.2.1. Modele d'analyse : le modele de Patry Nous nous proposons sptkifiquement d'appliquer la grille d'analyse de Patry. Nous esquisserons rapidement dans cette section les principux elements
''
Dan& 1974;Scinto, I981; Nevert, 1984;Combme, 1988;Dubois, 1988. Patry, 1992. Van Dijk, 1979-1985.
methodologiques de ce modele qui sera illustre par son application sur none corpus
litteraire. Cette grille permet &identifier plus d'un topique discursif, c'est-a-dire theme
discursif (trois au maximum), tout comme elle permet de reconnaitre le nouvel element discursif qui s'introduit, soit le rheme du discoun.
A.-.
Sequence verbale maximale Cette analyse se base sur me conception du dkoupage textuel qui depasse
les limites de l'heritage phraaique, celle de la siquence verb& mc~rrmufe(SVM) decrite dam Patry et Menard, 1990. Une SVM est composke dune proposition matrice et de sa (ou ses) subordonnee(s). Voici un exemple de decoupage en SVM : I r k esr pareilk ri qurlqu 'un qui regarde de 1 hutre c6tk de lo rue [...] 30. Cette
SVM est compode de dew propositions (une proposition principale IrCne esr it..., et sa subordonnb : qui regarde...).
L'utilisation de la notion de SVM presente en effet trois avantages majeun : premierement, elle permet un decoupge du texte qui repose sur des bases constantes et justifiees; deuxiernement, elle ne fait appel a aucun moment aux marques de ponctuation; et troisiemement, elle perrnet une saisie immediate de la cornplexite syntaxtque et de sa distribution dam le texte.
B.-.
Types de progressions thematiques Une composante thCmatique simple ou complexe peut etre identifiee par SVM
(indipendante et salses subordonnde(s))lSl. Chaque element thematique identifie est specifit du point de vue du type de connaissances sur lequel il repose : source t la kalite extra-linguistique; source cocontextuelle (CON): prisence du ~ f e r e ndam textuelle (COT): mention de I'antCcedent dans un enonce anterieur. Exemple : Paul est pam' pour Paris. a reviendra &ns deur semaines. Source para-textuelle (PT): mention de l'andcident dans un autre texte; savoir
paitage (SP) : connaissance presumee par le locuteur et par l'interlocuteur. Exemple : Entre l g & ~ ~dde la v i et~ les noms des hommes, il est de secretes et d'inexplicables concordances ou des dksaccords visibles qui surprennent; souvent des conClations Iointaines, mais efficaces, s'y sont r6v6lc!es. p o w est plein. tout s'y tientIS2.
Savoir enc yclopedique (SE) : referent presume faisant partie des connaissances genbrales de l'interlocuteur. Exemple : Les chevaux, cornme les Etre humairts, souffrent beaucoup de la canicule. De sone aue le son des bgtes quui tirent des cal2ches ...I?
Le modele de Patry distingue d'ailleun huit types de progressions thkmatiques simples ou complexes par sequence verbale maximalel~4:
l5 Le thtme des subordonnh n'est pris en considhation que lorsqu'il diffm de la principale. p. 736. C'est nous qui soulignons dans les exemples. Exemple citC par Patry. 1992. en annexe. lS4 Cette position est suggerte par Dan& et adoptte dans une grande majorilt d s travaux ulttrieurs.
152 Z.M.
1- Progression h th6me constant (simple ou complexe), lorsqu'un mame referent
occupe la position thematique dans au moins deux enoncds consecutifs, comrne dans l'exemple suivant : Irhe est la dnns sa robe beige, achetbe sur catalogue. & refuse de dnnser, se -
rient assise ti cbte' des violoneux *..155. 2- Dtplacement intra-thimatique (simple), lorsque le thPme d'un b o n c i donne apporte m e sptkifica~ion,inrroduit une caractrissation ou une propnit6 d 'un thime de
l 'Pnonckprec~dentl56. 3- Progression lineaire (simple ou complexe), lonque le refkrent introduit dans un
enonce devient le th6me de I'tnonce suivant (thdmatisation) 4- Sing~Iarisationl5~ lorsqu 'un kle'ment faisant partie d'un ensemble thimatique
complexe n 'est pas repris, avec cene fonction, &ns un b o n c i suivanrl58.
5- RuptureMactivation : la rupture survient lorsque I 'ilkment t h i m i q u e d'un inonce donne n 'ajamais it6 introduit explicitemenr ou implicitement dons le texte. Quant ii la
reactivation, elle survient [orsque 1 'tilimenta dkja 626 mentionni et qu'il a de'ja occupe' la foncrion rlzPrnatique. dans le mEme texte159.
6- Progression par infirence (simple ou compiexe?) : cette progression est identifibe
lonqu'une relation est Ctablie avec le thbme ou le rhi5me de l'bnonct prkccident, mais
F.B, p. 46-47. Le pronom elle a t supprime.
.ls6 -- Patry.
1992. p. 4. Les types (3) et (4) disignent d e w mouvements contraires 158 Ibid.. p. 10. 159 ~ p cis.. . p. 10.
n'est pas realisde sur la base & connaissances linguistiques, comme dans l'exemple suivant : t e s chevay, comme les Ltre humuins, s o u m t beaucoup de Ia canicule.
sone uue le son des bCtes qui tirent des c a k h e s ...I64 7- Progression B thernelrhkme iclate (simple ou cornplexe) :le theme kclate au plan
sinzantique pour gie'nerer des inonc4s sie'mantiques h n s les inoncis ultt?rieursl61. 8- Progression B hyperthbme (simple?) :lorsque le th2me d'une st?quenced'knoncis n 'est pas rialist! sous forme lexicaiise'e, mais qu 'il peut Ztre identifie' a p a ~ i rdes traces
lexicales qui pennettent de le reconsniuerl6?.
C
. Identification des themes
Les tlkments de la composante thimatique d'un Cnonci sont identifits h partir
des quatre tests suivants : a- dependance contextuelle/co-textuelle : le reptkage d'une marque explicite de reprise comme un pronom personnel, un article dCfini, un demonstratif ou une reptition lexicale: b- la position du segment, plus ce demier se trouve a la gauche de I'ie'nonci, plus il est susceptible d'Ptre identifie' cornrne
thtmatique163; c- la prise en consideration de certaines indications syntaxiques (indications de structure, c o m e la dislocation a gauche ou a droite qui indique que le SN sujet remplit la fonction thimatique, ou le clivage et les exclamutives qui indiqumr
160Exemple cite par Pauy 1992. en Jnncxe. op. cit.. p. 1 1 . '62 Op. cit., p. I I . 163 ~ p cir.. . p. 4.
!6!
que le rhdrne occupe lo position initiole de la
generaux, comme le test de la n&ation.
64); d- d'autres criteres plus
de l 'interrogative ou ies possihilit&.s
d'mchuinernent sur I 'Pnonct!a n a l ) ~ e ' ~Le ~ jco-texte . avec lequel un element donne est
en relation est aussi prkcise : texte (T), titre (TI),sous-titre (ST) ou note infra-paginale (NI). Finalement, chaque element thematique est spkifie du point de w e du caractere
adjacent ou non de la progression (ADJNADI).
2.2.2.2. Structure fonctionnelle et sujet parlant
Ainsi, nous nous proposons de reintegrer ce type d'analyse fonctiomelle de la progression thematique cornme element methodologique dam une perspective visant a mettre en correspondance structure informationnelle et structure d'instances du discours.
En effet, plusieurs facteurs intra- et e.m-textuels relient les deux structures. Nous donnons ici un exemple qui illume cette relation.
En etudiant la structure de I'information dam le texte, nous pourrions identifier le ou les t h k e s du discours, ce dont on parle, comme nous pourrions identifier I'objet textuel sur lequel le discours est focalise, et par la suite commenter le choix du sujet parlant pour qu'un element soit rhematique ou thematique. L'interet d'une telle extension est double. En premier lieu, elle pennet d'etablir certaines relations d'inferences intra- et extra-textuelles entre differentes instances et de prouver I'inscriptlon d'une nouvelle instance; elle peut ainsi rendre compte de la structure fonctiomelle et polyphonique du statut des instances du discom, tout
comme elle peut nier son unicite. Plus precisernent, elle peut rendre compte d'une faqon plus adequate de la cornplexite et de la diversite des mouvernents cornmunicatifs realises par les diflerentes instances du discoun. Et c'est ce qui explique exactement pourquoi, pour la premiere fois, le theme
et le rheme du discours sont consideres cornme structures marquees du discours
reliees au statut des instances du discoun : ils ont w statut linguistique et remplissent une fonction par rapport a la description du statut du sujet parlant. En second lieu, nohe proposition d'extension conduit ven de nouveaux facteun qui intervie~entdans la description du s t a ~du sujet parlant, comme i'expression referentielle et I'enchainement temporel. Notre proposition nous conduit plus spicifiquernent ven la question du deictique et de l'anaphorique. Les marques temporelles et
referentielles associees a la structure
informationnelle et aux structures thematiques et rhematiques ne sont pas sans incidence directe sur la description du statut du sujet parlant. C'est ce qui explique d'ailleun pourquoi notre modele fait appel a ces eliments. Nous examinerons dans les sections qui suivent ces deux dernien types de marque.
2.2.3. Marques temporelles et marques df6rentielles :relation anaphorique ou dkictique?
La plupart des recherches en pragmatique et en stmantique admettent geninlement que les marques temporelles et les expressions dfkrentielles sont soit anaphoriques, soit ddictiques.
Le probleme que pose la distinction entre anaphore et dkictique peut Cue poussd plus avant. Plusieurs travaux ont trait6 ces relations. On retrouve ce dtbat entre autres dans les travaux de linguistique textuelle et de sdmantique (Cornish, Lundquist, Klei ber. Reboul, Combette, Patry, Menard et Corblin).
Les anaphoriques foment une catdgorie plus gtnBrale soumise
B des
conditions morphosyntaxiques tks fortes et genkralement explicites (dgles d'accord et de placement). L'inttrst pour les dkictiques proprement di ts s'explique par leurs
conditions d'emploi. souvent plus contraignantes en situation d'dnonciation. Nous pensons ici aux donntes spatiales et temporelles (ici, Id. 4 , -la, dernain, nujotrrd'hlci...). non seulement sournises h la perspective de I'tmetteur, mais aussi
regies par la position du referent dans la chaine parlie ou ecrite. I1 est indispensable d'indiquer ici que, dans ce domaine, on est loin d'un consensus sur un modkle. &ant donne la varittC des pafam&tresqui interviennent dans le discours et la diversite des intMts qui pgsident i ces classifications. A props cie la
reference anaphorique, en paniculier de I'identification (ou
cc
trouvaille n) du
referent, Kleiber avance une remarque qui s'applique aussi au domaine de l'expression dfkrentielle et temporelle en gdnkral :
Les points de dissension sont multiples. Ddsaccord sur la dkfinition mime du phdnomtne anaphorique, dksaccord encore sur la f a ~ o nde concevoir I t s processus d'interprdtation rdfbrentielle et sur le statut des m&anisrnes d'intcrpdtations. [...] Bref, un domaine en plein renouvellement thhrique et m6thodologique, avec des conceptions ct des approches d'horizons et dc tem~ramentsdivers, dont le caractere pufois d6sordonn6 et non cumulatif pcut donner I'impression d'une &ullition et d'une fdnhie peu heuristiques16q
Notre interst envers cette question ne pone pas specifiquement sur ces distinctions au niveau theorique, mais sur la relation du choix des temps verbaux et des expressions referentielles avec le statut du sujet parlant et le r61e de certains opirateurs par rapport B cette description. Ces points seront illustres par les exemples
Dans cette perspective, et sans eue tenue de prendre parti dans le debat sur l'emploi anaphorique ou deictique de ITexpressionrefkrentielle, nous utiliserons differents types d'analyse qui ont traitd les marques temporelles et rdfirentielles en fonction de nos hypothbes quant B la description du statut du sujet parlant et quant B l'emploi de ces marques. Nous prksenterons dans la section qui suit une description des marques
temporelles qui seront explorees, dans ce sens-18, tout au long de notre travail.
2.2.3.1. Marques temporelles et sujet parlant
Diverses theories ont ttudiC di fferentes questions se rattachant aux temps verbaux : linguistique textwlle, narratologie, linguistique de l'knonciation, thkorie de
166 Kleiber. 1994a. p. 8.
l'argumentation, pragrnatique gricdenne167. Cependant, les thiories pragmatiques sont tr2s peu pdsentes dam ce domaine. Moeschler observe que
... ces recherche5 ont donnd lieu ii des approfondisserncnts variables : on trouve par exemple beaucoup de m v a u de dmantique formclIe et de logique temporelle, alors que les thdories pragmatiques ont peu ou pratiquement pas abord6 ce d ~ r n a i n e l ~ ~ . La plupart de ces derniers travaux se fondent sur la conception de la temporaliti verbale basCe sur la d6finition de la ddixis comme categorie linguistique associie ii la personne, au lieu et au temps, et sur le temps verbal comme proprietk i caracthe intrinsequement deictique. Selon l'approche qualifite de tenueilel69, pour reprendre l'expression de Moeschler, ie temps du verbe ne doit pas &re dkfini d'aprh sa valeur positionnelle
B l'intkrieur d'un texte clos, mais d'aprh ses emplois dans le
texte.
Pour Benveniste, les formes linguistiques ne devraient pas ttre dkfinies par leur valeur rifirentielle, mais plut6t par la maniire dont l'honciateur se rappone B son enonce. Benveniste degage deux types d'organisation enonciative - au sens large du terme
- discours et ricit : toute enonciation qui se rapporte B sa situation
d'tnonciation relive du discours, qui porte des marques d'embrayage et de mod6lisation (jelnJicdmintenant);un inonce qui efface les marques de la prdsence du
coknonciateur, du moment et du lieu d'enonciation relkve du &it. D'aprks Benveniste, cenains temps ne pourront etre interpdtes que par rapport
i la structure du texte. I1 avance que le pas& simple constitue le temps be base pour le rkcit; le passe composk est le pasd perfectif du discoun. 16' Nous tiendrons compa uniquement des aavaux qui se situent dans wtre perspective. 168 Mocschier. 1994. p. 42. 69 Moeschler. 1994. p. 53.
lndiquons que I'opposition qui se dCgage des deux registres met en relief une capacid de sklection des oppositions ternporelles dans le kcit. ~ e i n r i c h l ~ avance o une hypothbse analogue dans I'opposition entre monde cornmenti et monde racont~171. On peut prdtendre que dans le registre du discours, tout comrne dans celui du monde commente, on peut s'en tenir B un ensemble de propositions h vaieur intemporelle (gbneralement au present). En revanche, quand on ne considke que le ricit. ou plus spicifiquement le monde raconti, on peut dire que les formes ternporelles dans leurs valeurs diffirentielles ont pour fonction de donner du relief en articulant un premier plan et un arribre-plan. selon Weinrich : L'imparfait est dans le r k j t le temps de 1'arrihre-plan. le puss6 simple est le temps du premier plan 17? Certains opirateurs
sont attirbs par le monde commentatif (ici, maintenant, hier ...), d'autres par le temps narmtif (u ce moment-lu, la veille, le lendemuin...). Suivant dam ce sens la pensee de Weinrich, nous poumons indiquer que le pass6 simple permet ainsi 5 l'tnonciateur de mettre un fait au premier plan de la conscience. Mais nous pensons que cette fonction n'est pas la seule et unique fonction de I'emploi de ce temps. Ce point de w e entraine des cons6quences imponantes sur
I'itude du passe simple. en particulier dans cenaines siquences de notre corpus. L'emploi du temps verbal. en effet, peut avoir une fonction par rapport i l'dtablissement des liens entre Ies instances du discours, particuli&ement lorsque le temps verbal est utilise de fqon non acceptable d'un point de vue grammatical, c o m e par exemple I'emploi du pas& simple avec muintenant (voir l'analyse du Grand Meaulnes. exernple 18).
I7O Voir I'article dc Simonin-Grumbach, 1977. Cf.Weinrich, 1973. p. 174-175. [bid., p. 174-175.
Ainsi, nous utiliserons les 616ments que nous venons de pdsenter comme outil mtthodologique pour analyser certains procUs linguistiques qui se manifestent dam notre corpus (voir notamment dam le chapitre IV notre analyse du G m d Meaulnes).
Nous tenterons de saisir la signification du choix d'une st~~cture honciative contenant tel temps verbal ou tel optirateur dans son ernploi spdcifique et la relation de ce choix avec le statut des instances du discours dans les textes analysts. Ce choix s'o@re non seulement par la sklection des elements dont on se sert,
mais aussi par les modalites de leur pesentation. Les procddks de mise en relief, par exemple, peuvent relever de techniques argumentatives du sujet parlant qui se manifeste dans le discours. En dtudiant ces modalites dam le discours littiraire, nous pourrions dkcouvrir des strategies d'dcriture et de lecture qui se rnanifestent sous di ffirentes fonnes dans les exemples li ttiraires.
Comme nous I'avons deji souligne B plusieurs reprises, les marques temporelles, en particulier les temps verbaux assurant I'enchahement temporel, constituent un des facteurs de la coherence discursive, en conjonction a d'autres facteurs, parmi lesquels les marques kfkrentielles et le sujet du discours. Cette relation s'expiique ainsi : ies temps verbaux dessinent avec d'autres ClCments linguistiques un complexe de determination. un riseau de valeurs textuelles. L'acte de parole, dans son rapport B la situation d'enonciation, est assure par le temps verbal et I'honciateur;
autrement dit, les constituants de I'acte de parole sont l'dnonciateur et le temps verbal. Cet actant est dtsignk, comme nous le savons, par une marque referentielle : une
expression referentielle, un pronom ou une rdference nominale, etc. C'est cette demi5x-e marque qui sera prdsentte dam la prochaine section.
22.3.3.Marques dfdrentielles et sujet parlant
Les marques rtftkntielles jouent un r6le &s important quant B la description du statut des instances du discours : pour identifier I'instance Cnonciauice, le lecteur
se base en premier lieu sur ce type de marque. C'est d'ailleurs la eponse explicite B la question
qui parle? D, foumie par le texte B un premier niveau de lecture. Mais
rappelons que le locuteur effectue un choix pour designer, par exemple, un individu. Les relations qu'il Ctablit entre les elements referentiels permettent de degager la structuration des liens entre les instances du discours. Avant de parler de ces liens et de ces relations. prbsentons d'abord quelques considerations thkoriques pertinentes.
Cornme nous le savons, une des principales prioccupations des chercheurs qui s'interessent & l'expression rifbrentielle est la ditermination de la source du niferent. Selon les approches positionnelles (approches fonctionnelles du discours), lorsque le
referent se trouve B l'interieur du texte, on parle de relation cohCsive endophorique. Lorsqu'il se trouve hors du texte meme, on pule de relation cohtsive exophorique. L'etude de la cohesion s'interesse seulement au premier type. Patry souligne en effet q ue [s]etcles les relations cohisives de nature endophorique panicipent a la cohision. Celles du second type relh.ent de la pragmatiquel'3.
Nous prendrons en considiration les relations cohCives dans le sens que nous venons de pesenter, mais comme notre cadre theorique depasse celui de la cohdsion Zi proprement parler, nous ne nous limiterons pas A I'emploi endophorique ou, selon la terminologie adopttie par I'approche textuelle, i l'emploi anaphorique.
Notre approche dans I'analyse des expressions rCf&entielles a en effet comme objectif de redonner au sujet parlant une place qu'il n'a pas dam une analyse en temes de dtictiques ou d'anaphoriques. On ne peut nier que certaines conceptions thioriques orientent le problZme du c6td du sujet parlant. Notamment, Kleiber174 &finit certaines expressions dftkentielles, en particulier le demonstratif*75, comrne un dtsignateur ou
un classificateur. Cet eltment, analyst en termes d'anaphores, est pergu c o m e un outil permettant au locuteur de nornmer, de classifier le referent. Corblin indique lui aussi dans la mCme perspective que Ie dimonstratif peur attirer l'anention sur un nouvel ~ b j e t let~ il~ ajoute , que le dimonstratif p u t intervenir aussi duns une chaine de co-rifirence :amram a nouveau ['attention sur un objet connu :il signale toujours ce qrr 'on pourrait appeler un nouveau point de vue sur I'objet177. I1 considere cet
tltment comme un
a
reclassifiant ou
r
dtsignateur N.
Dans la m2me ligne de pensee, Guenette note que dans la perspective textueIle. le ddmonstratif est vu comme un Cltiment participant P la construction d'un discours, soit comme reclassificatcur d'un rbfdrent prMablement prdsentt, soit comme un outil permettant I'exprcssion d'un point de vuc nouveau178.
Citons aussi la mise au point de Marie Ndlle Gary-Pneur et Martine Uonard sur les demonstratif~l~~, qui marque bien I'irnponance de I'ttude du dtmonstmtif tant pour la linguistique que pour l'analyse littkraire.
Kleiber, 1984b. 1987. 1990. Kleiber. 1984a, p. 68. Corblin. 1996, p. 201. voir aussi ie point de vue de Corblin prCsent6 dam le chapitre VI. Ibid.. p. 201 Guenette. 1995. p. 81. 79 Languefranpise, 120. (dtcembre 1998).
Signalons ici que notre analyse des marques dkictiques ou anaphoriques autrement dit, des marques temporelles et des expressions rifdrentielles - vise enautres
vtrifier si I'honci devrait toujours Ctre rapport6 B son inonciation, i sa
situation d'bnonciation, ou s'il pournit itre rapport6 B dautres niveaux. Nous nous proposons 6galement' dans la perspective presentee tout au long de ce chapitre, d'investiguer le r6le des marques temporelles et r6fCrentielles dans le but de dCcrire le statut des instances du discours. Soulignons aussi que nous nous occuperons specifiquement des marques discursives dont I'emploi est non acceptable d'un point de vue grammatical180 ou d'un point de vue cohtsif. Ces types d'emploi peuvent, en fait, poser des << difficult& de lecture D. I1 est ndcessaire de s'interroger sur la notion de a difficult&de lecture D et sur son emploi dans le discours littkraire : comment une difficulti cie lecture se
manifeste-t-elle dans le texte littdraire? Quelle est la relation enm ces types d'emploi et la description du statut des instances du discours? S'agit-il d'un lapsus de la part des
auteurs? La prochaine section rkpondra aux deux premieres questions; quant B la troisitme, I'identification de diffirents types de difficultis de lecture, I'analyse du corpus y repondra. Dans cette troisikme partie, nous essayerons donc d' introduire la notion de (<
difficult6 de lecture N et, pour Cvi ter toute confusion, il sera necessaire de sp6cifier
la mdthode d'andyse qui sera utilide pour en rendre compte.
Nous expliqucmns en detail cene question.
3. Demarche d'analyse 3.1. Difficult6 de lecture et spdcificid des textes
Dans les conditions normales, le lecteur devrait reptker dans n'importe quel texte les dldments qui ne dpondent pas A I'une ou l'autre condition d'acceptabilitil81, par exernple un cas d'agrammaticalitk, meme si dans une perspective fonctionnelle ou podtique, les tcarts aux kgles de bonne formation peuvent non seulement etre justifiis, mais peuvent meme s'imposer comme caract&istiques de certains types de texte ou de certains styles182. Cette notion d'acceptabilid peut Ctre exploitie diffkernment selon qu'on se trouve dans la perspective a priori purement descriptive de la linguistique du texte ou de I'analyse du discours, ou dans le cadre des thiories stylistiques comme celle de ~i ffaterre 183, qui recherche des explications mettant l'accent sur le caracdre reiatif
des Ccans ou des normes. Des difficultes peuvent etre relevees, dans le cas qui nous interesse. par des series d'agrarnrnaticalite, que Riffaterre dkfinit ainsi au sens large : Tout fait textuel qui donne au lecteur le sentiment qu'une riigle est violfe, mtme si la preexistence de La regle demeure indemontrable, Les inoncds (ou les propositions dans un texte) doivent rtpondre i des conditions de grammaticalit&(riigles de bonne formation linguistiques), d'interpr€tabilitti (semantique),de vbritd et de validitk, et de cohhion et de cohbrcnce. Is? Nous nous situons. rappelons-le, dans une perspective d'analyse du dixoun qui ne recourt pas, la plupart du temps, au concept de style, notion qui n'a pas ttC dCfinie de faqon vraiment sarisfaisante (Maingueneau, 1994, p. 187) i I'hcure actuelle. Pensons au colloque durant lequci des chercheurs ont essay6 de rdpondrc h la question effrayante (Maingueneau, 1994, p. 187) Qu 'est-ce que le style? Citons aussi cette remarque par laquelle Gcnctte cI6t le dernier chapitre de son Iivre Ficrion et diction, ob il tentait de definir la notion de style : Le style est dam les de'rails, mais dans tous les de'tails, et dam routes leurs relations. Le. a fair de style v , c'est le discours hi-m2me (Genette, 1991, p. 151). ls3 Riffaterre. 1985 et 1994; voir aussi I'Ctude de Vuillaume. 1990. citk dans le chapitre U.
meme si I'on n'imagine de rtgle que four rationaiiser a posteriori un blocage dc la communicationcourantt 84.
D'autres facteurs, au niveau des contenus notarnrnent, peuvent expliquer des difficultis de lecture; Riffaterre, du moins dam cette citation, rtfere spicifiquement B des cas d'agrammaticalite sur un plan formel. I1 est important de souligner que les
difficultes de lecture constituent selon Riffaterre des preuves de I'inscription du sujet. Ce sujet repdsente la voix de I'auteur, une image de ['auteur,[...I une image intigrie a I ' m v r e et non extkrieure a celle-ci comme le serait la reprksentation de 1 'icrivuin rieflsj. Telle est pour Riffatem l'inscription du
sujet.
Meme prise dans ce sens trts particulier, la notion de difficulte de lecture (ou des types de lecture difficile) peut &re utilisee dans une perspective plus large et nous
permettre de verifier certaines hypothkses ou de repondre il certaines questions. Nous nous proposons de repondre aux questions suivantesl86 : a) Les difficultes de lecture peuvent-elles relever de plans autres que formels
(stmantiques ou autres)? b) L'inscription du sujet pat-elle prendre d'autres formes qui caracterisent
diffkrernrnent la notion de sujet parlant? c) Les difficult6s de lecture peuvent-elles vehiculer des instructions par rapport
i la description du statut du sujet parlant?
184 Riffaterre. 1994. p. 285. note 2; I'italique a t dans Ie texte.
Ibid.. D. 287. Nos reponses semnt basees sur Ies analyses des exemples lineraires. Nous prdsenterons n o m point de vue dans la conclusion. .
&
d) Le sujet parlant peut-il subir certaines metamorphoses qui seraient en quelque soxte voiltks? Ainsi. nous examinerons dans les chapitres qui suivent ciifferents types de difficultis de lecture dans une perspective qui les relie au statut des instances du discours. Les difficultes de lecture, dam le discours litteraire, peuvent avoir en effet une fonction argumentative, emphatique ou awe. Nous les traiterons comme des procCdCs utilisCs par le(s) sujet (s) parlant(s). Elles peuvent ttre ainsi considerees
comme des indices qui permettent d'itablir des liens d'inference entre les instances du discours et/ou d'identifier des types d'instances par un outil d'analyse empirique. Nous distinguerons notamment, au niveau de l'application litteraire. des difficult& de lecture qui reliivent du domaine de la cohesion et de la coherence. Les outils mtthodologiques propres B ces domaines pourront mettre i jour les phenomenes de continuite et de rupture -explicites ou non.
Precisons ici que les
4~
difficultes de lecture
))
en question, dans cette
perspective. peuvent adopter plusieurs formes : violation d i n e rkgle syntaxique, ambigui'ti discursive. structure non usuelle ou anonnale, emploi d'une forme d'ecriture neutre 187. Notons, d'autre part, que maintes disciplines Ctudient ces types de difficult& quoique selon des perspectives differentes. La critique litthird88 a aborde des types d'ecriture similaires, linguistiquement parlant. cornrne le discours de la folie et le discours fantastique. La plupart des analyses littkraires qui se sont intkressees A ces Ig7 Ces types de difficult& semnt pdsentb au cours de l'analyse. Fetman. 1971.
types de difficultis se sont baskes sur la p~ychanalysel8~, sur les travaux de Freud et de Lacan, pour ne citer que ces demiea. D'autres disciplines langagibres, comme la psycholinguistique, la neurolinguistique et la neuropsychologie, Ctudient des types de difficultis presentant de fortes analogies avec les types de difficult6 que nous venons d'aborder. Plus
precisement, ces disciplines Ctudient des faits discursifs qui posent des problemes au niveau de la coherence discursive, tels qu'une structure non usuelle, anormale, discours de la folie. etc. Ces disciplines s'interessent aux procddes linguistiques utilistis par des personnesl90 qui souffrent de troublesl91 mentaux ou psychologiques~~~, ou encore de probltmes ckebraux (Ksion, aphasie ou autre). I1 est intiressant de noter que, pour analyser ces faits discursifs, les outils
mithodologiques propres a I'analyse du discours, spdcifiquement ceux du domaine de la cohesion et de la cohkrence qui nous intkessent justement dans ce travail, ont Ct6
largement exploitis par ces disciplines (neurolinguistique et psycholinguistique) au cours de ces dernikres annees. Ainsi, nous nous occuperons de ces types de d i f f i c u l t ~ s en l ~ ~exploitant les rnemes outils linguistiques que I'analyse du discours foumit it ces disciplines. I1 est
1g9 Nous ne tiendrons pas compte de ce type d'dude. 19* Elles andysent. ii titre d'exempie. le discoun d'enfants qui eprouvent certaines difficultCs de
langage. 191 Les chercheun observent cenaines forrnes de rSpdtition ou d'ellipse chez les enfants qui soufient
d'un trouble quelconque (dyslexie. par exemple), Nespoulous. 1980 et Joanene Hiram, 1990. Ces disciplines situent le discours des personnes $ui eprouvent dcs difficult& sur un axe cornparatif par rapport B celui des personnes qui n'iprouvent pas de troubles ou d'aums sympt6mes. L'objectif de I'analyse est I'itude des cas de trouble afin d'affiner leur diagnostic ct dc mettre au point des projets plus prdcis. thtrapeutiqucs. par exemple. ou pour faire avanccr la recherche empirique. Rappelons que. selon notre perspective. le texte implique un choix par rapport aux klhenrs textuels analyst%.
(
important cependant de souligner que notre etude se situe dans un contexte diffhmt, car les faits discursifs trait& dans ce travail se manifestent dans le discours littdraire. Ainsi, pour analyser ces faits discursifs. il nous faut a i t e r I'aspect linguistique du texte et les donnies extra-textuelles. Une analyse purement et uniquement
linguistique (s'intdressant seulement aux cadgories linguistiques) ne peut rendre compte de ces emplois dans le discours littdraire. Nous postulons que les difficultts de lecture doivent Eue reliees au contexte dans lequel elles se situent. aux donntes extra-textuelles et aux donnkes des niveaux de la macro- et de la micro-structure linguistique. Une prdcision texminologique nous
par3it ici nCcessaire : nous considkrerons les difficult& de lecture comme des faits disclrrsi/s. I1 est important de souligner que les faits discursifs ne posent pas toujours
des difficultes de lecture. Pour analyser ces faits. qui peuvent se manifester au niveau de la macro-structure ou au niveau de la micro-structure, il faut traiter ces deux niveaux. car la relation entre les deux plans est t r h etmite. Nous postulons que I'itude de la macrostructuR peut enpliquer certains faits discursifs qui reltvent apparement de
la microstructure. Au moyen de cette analyse, nous pourrons dCcouvrir des modalit& d'dcriture
et des strategies de lecture et dkceler la presence d'une instance dembre une autre. Mais ces strategies ne sont pas toujoun-faciles A decouvrir : les faits discursifs ne sont donc pas toujours facilement accessibles. Cenains faits tout B fait signifiants se situent h un second ou B un troisDrne niveau de lecture. Rappelons que le travail de compdhension textuelle. en vue de la lecture ou d'une autre activitk s'appuyant sur l'analyse du texte, n'est pas liniaire.
mais s'ktablit B plusieua niveauxlg'? Pour Cviter toute confusion, nous preciserons, dans cette dernibn section, ce que nous entendons par niveau de lecture et la relation de celui-ci avec le processus & compr6hension, selon notre perspective.
3.2. Lecture du texte et processus de comprehension
Sans aborder les theories et les mod5les raffints d6veloppt5s notarnment par les
sciences cognitives, on peut envisager deux dimensions de lecture : 1- Processus de dechiffrement : reconnaissance des codes d'dcriture et des formes
linguistiques (lettres, mots, phrases, Iogique des paragraphes, structure de surface, convention textuelle et, finalement, contenu du texte). 1- Processus de comprehension : saisie de la signification du langage, comprehension du sens des mots, des phrases et finalement du texte. Cette dimension peut s'effectuer
i travers trois niveaux de lecture : a- Un premier niveau de lecture. interpretable par le lecteur, et dans lequel la reconstitution du sens s'effectue en reliant les differems elements linguistiques fournis par le texte et qui assurent la coherence textuelle (relations anaphoriques, relations entre les skquences, relations syntaxiques ou skmantiques, etc.). Nous pouvons
194 L'hypoth6sc avancee ici sera illustnk
(par un tableau) dans la conclusion.
trouver, par exemple, des metaphores claires pour tout lecteur : ce demier peut parcourir rapidement ou facilement le passage d'un sens l'autre. b- Un second niveau de lecture, demandant une comprehension plus
approfondie. Ce niveau exige des analyses afin que soit compris le message vehicult par I'CnoncC. L'ttude de differents faits discursifs, spicifiquement ceux qui posent
problkme, c o m e les ruptures explicites ou implicites au niveau de la cohesion, peut ecre trh pertinente 1 ce niveau, et c'est I i oh peuvent jouer les niveaux de la macro- et
de la micro-structure. c- Findement, un tmisieme niveau de lecture, interpretatif ou explicatif, base sur un quelconque type d'analyse (par exemple, analyse linguistique, psychanalytique, historique). Ces interpretations ou ces explications peuvent &re accepties ou refusies (par les chercheurs, les critiques ou meme les lecteurs). Plusieurs explications (interpretations) peuvent t u e donntes au mZme texte ou au
mOme passage. selon le point de vue analytique adopt& D'aprks ce que nous venons d'evoquer, nous reconnaitrons que les faits discursifs ne peuvent Etre dtkouvens la plupan du temps qu'aprks une analyse profonde et precise : Adam remarque B propos des faits de texture (ce qui s'applique
aussi aux faits discursifs) que [c]es faits de texture sont des traits linguistiques plus au moins evidents, plus ou rnoins faciies P perccvoir. Comme I'bcrit Nelson Goodman (il y a des propritds stylistiques tout fait signifiantcs qui sont si subtiles qu'elles ne sont decouvertes qu'au termc d'un long effort) (1990, p. 46) [..I C'est quand meme Ie but de l'anaiyste [.. I de tenter de d h i r e Ies traits les plus complexes et Ies plus subtils comme Ies plus tvidcnts lg5.
195 Adam.
1994.p. 19.
En ce qui nous conceme, nous postdons que, pour dkcouvrir les faits discunifs et les dlcrire, nous devons avoir recoun a un modele qui t i e ~ e compte de la macro- et de la micro-structure, en nous situant dam un cadre theorique qui integre des approches diversifiks. C'est le r6le du modele dynamique et fonctiomel. Notons que I'ordre d'emploi des elements methodologiques peut &re dicte par les procedes et les faits discunifs utilisds dans le texte. Notre point de depart demeurera I'approche narmtologique, vu qu'elle permet surtout de schematiser la macro-structure narrative a un premier
niveau de lecture.
Une analyse basee sur ce modele peut &e un outil de lecture qui permettrait de decrire la relation des differentes instances, den definir le statut, et de tirer du texte ce qu'il vise ou presuppose, afin de saisir le sens meme du discours litteraire.
Dam les chapitres qui suivent, nous proposerons donc une relecture de notre corpus, et cela afin de saisir les differentes dimensions du discours litteraire
et de proposer une description du statut des instances du discours.
' Le terme theme n'esc pas utilise dam le sens des etudes IittCraires. celui de predicat ou sujn du discours. mais dam une p m p e ~ i v efonctionnelle. c o m e nous l'avons defini plus t6t.
CHAPITRE III ANALYSE MACRO- ET MICRO-CONTEXTUELLE DE ZMARCAS DE BALZAC
0. Introduction
Dans les deux premiers chapitres de la prdsente etude, nous avons d'abord identifie les principaux probltmes thioriques et mCthodologiques concernant la
description du statut du sujet pariant. Puis. nous nous sommes occupie des difficult& specifiques que soulevaient les interpretations offertes par la narratologie franqaise et
par l'ecole de ltCnonciation. Nous avons ensuite propose des eltments methodologiques qui permettent de decrire dfferents aspects du statut du sujet parlant, cela dans Ie cadre de l'analyse du discours. Maintenant, nous pr6senterons principalement une ttude du s t m t des instances du discours dans des textes litteraires qui nous permettra de poser de faqon plus explicite le probleme de la description du sujet parlant.
Nous prenons pour premier exemple, ou pour point de dipart, la nouvelle de Balzac, ZMarcas. Ce texte, qui raconte l'histoire des victimesl96 du devouement
politique rt+compenst?[s]par la trahison ou l'oublilg7. invite B decrire le statut des instances du discours qui se caracterise par une structure polyphonique et fonctionnelle. Signalons ici que des etudes comme celles de Lucien Diillenbachl98 et de Franc Schuerewegen199 ont ouvert une voie d'accts iila question de la polyphonie
dans le texte balzacien. DKllenbach note que
... il manque toujours une pike pour refaire I'unitc integrale [.. I que le texte balzacien. fondarnenralcment disparate, est en rhliti un cosmos. Le texte balzacien devait nkcssaircment componer des uous quelque pan20q
Quant 2 Franc Schuenwegen. il part de l'idee que Balzac pratique une icriture radicalerncnt polyphonique, au sens de Ducrot, c'cst-a-dire une icriture fictionnelle qui s'inoncc a partir dc plusicurs lieux i la fois, qui vise plusicurs lcctcurs simultanimcnt ct qui vicnt ainsi illustrcr. de manicrc hyperboliqut. si l'on veut. la pan dOhCumgCniitC qui est dam chacun dc nos d i ~ c o w s ~ ~ l .
Citons aussi les recentes recherches de Bordas. qui a etudik le problkme de I ' a m b i g u f ~ i enonciariveZoZ de I'oeuvre balzacienne. Selon lui, la pdyphonie
196 Z.M. p. 760-761. 197 Z.M. p. 761. 198 Diillenbach. 1979, 1980. 1981. 199 Schuerewegen. 1988. 1990.
200 Diiilenbach. 1980, p. 165.
20 Schuerewegen. 1990. p. 1 1. ?O2 11 faudnit souiigner ici que selon h perspective de I'analyse du discoun (qui est la nbm). on prdfirt parier dt complextre dtscurstve et non dOambiguife' Pnonciative. ct ccla pour dcux raisons :
- le teme inonciatif est relie en quelque sonc a cclui d'cnonciateur tel que l'a envisage Ducrot; ainsi son emploi sera larn~te,rcstrcint. Par contrt. discursif p u t assurner inonciateurl locuteur (celui qui prcnd en charge ce qu'il inonce) et d'autres instances aussi, comme nous allons vou. - I'ambigui'd enonciative reltvt du dornainc de la cohhion ct de la cohhnce Iinguistiquts :c'est une difftcuul ih laquelle le lccteur est confronti en lisant le texu balzacien. Ceae dificuid peut itrc idcntifiie, linguistiquement parlant. au nivcau de la microstructure, au nivcau de la texture. L'ambigui'ti honciative cst un fait discursif parmi d'autrcs qui peut etre analysi afin de rendre ~b
balzacienne se mani/ste d4ans la diversifican*oonet la personnalisation des discoun &s personnuges parlants ou pemanrs, reproduits trunsin'vemenr ou indirecrement &m le ricitt203.
On voit donc que certains aspects de la polyphonie du texte balzacien ont &jj8 tte
soulignes dam des etudes pertinentes. Pour notre part, nous tenterons de saisir et
de decrire la complexite di~cunive20~ qui se d6ploie dam la nouvelle ZMarcos. Nous
partirons de Ithypothesepropre B la description du statut du sujet parlant elaboree dans les premiers chapitres. Nous nous occuperons spticifiquement des passages qui posent problkme dans la nouvelle, soit le debut - consider6 par la plupart des chercheun
comme une ouvenure magistrale2*5
-et la fin. Le lecteur ne se rend compte de la
difficult@M qu'i la fin du recit. autrement dit, la fin de la lecture. Le narrateur re voit bmsquemenr Cvacui du cadre, exilk vers la dikgese2o7. Le narrateur a commence!
par &re je et il finit par il, d'oh une rupture enonciative. Un tel changement au sein d'un texte a la premiere personne nous semble soulever deux questions :
I ) Comment peut-on etablir les liens d'infirences enue les differentes instances
du discours afin d' identi fier la source enonciative? 2) Par quel moyen s'etablissent les relations entre les differentes instances? Et
comment se tissent les liens enue les kferences?
compte de la complcxiti du micanisme inonciatif. Aummcnt dit, c'cst un des aspects dc la complexid discursive. (NOUSrcviendrons sur cc point au cours dc l'analyse.) Par complcxitt discursive, nous entendons complexit&des instances du discours. Nous pcrlscns quc Ic problime mide la. ?03 Bordas. 1995. p. 51. ?04Nous avons prtsentt care analyx au congrks de I'ACFAS (19%);e l k est a paraitre dam la revue Protee. 205 BCguin. 1965. p. 209. 206 Nous upliqucrons en detail cette difficulttau courr dc I*analyre. *07 Schuercwepn. 1990. p. 73.
Ce sont probablement ces types de problemes qui ont fait dire que Balzac Ccrivait rnal208. Mais si l'cruvre balzacienne a suscite l'indrtt d'un large public, cela
veut sans doute dire que son Bcriture a Ct6 ma1 jugbe. Pierre Larthomas fait une remarque interessante 2i props de cette dcriture : Si Balzac s t un grand romancicr (c'est-8-dire si son oeuvre est efficace, et elle I'est!), il icrit ndcessairemcnt bicn. Et si nous trouvons qu'il icrit mal, c'cst que its critires quc nous utilisons pour juger son style son i n a d ~ q u a t s ~ ~ ~ .
Lire le roman balzacien demande donc un outil adequat. E t cornme le s u g g k e Eric Bordas, [ill reste alors, pr6cis&mcnt,il ddcrirc cette u hCdrogCnbit6 d'un mat6riau qui n'a pas dtd dig&&,assimile, homogdneid, ct dont les vcinurcs se dinoncent comme dts scorics, comme une offense h l'harmonic [...I cet hctiroclitc balzacien. ces vcincs dc l'hiture, ce que nous appellerions volontiers une esthdtique du collag&O B.
Ce type de lecture linguistique ou pragmatique a 616 dlabori notamment dam des etudes recentes comme celle de ~ a i s a n i - L e o n a r d ? 1, ' qui a decrit le r6le du
demonstratif a rravers un autre roman qui raconte la metamorphose de La duchesse de
Dans cette meme lignee de pensee, nous espdrons contribuer a une lecture ou 1 une relecture du texte balzacien, une lecture linguistique, ou plut6t pragmatique, et cela
208 Rappelons ici quc pendant longamps ies critiques ont reproche a Balzac de mal h i r e : La condarn~tlonde la langue ef du style de Bultac devint une des propositionsfondamenroles de la critique de son remps. elle le poursuivlt apres sa m o ~... , (Roques 1952. p. 246. cite par Eric
Bordas 1995. Voir aussi Alben Begum. 1965. p. 28; Moztr. 1990. p. 303). 209 Larchomas. 1987. p. 309. 210 Gateau. 1982. p. 4. cite par Eric Bordas. 1995. p. 42: la citation cst cntrc guillcmc~. 21 l Maisani-Lhnard. 1998: vow aussi Maisani-Lkonard. 1980 et 1994. 212 Ibid.. p. 67.
en proposant une description du statut des instances du discours dans la nouvelle ZMarcas.
Ainsi, tel qu'annonce dam les deux premiers chapitres, pour parvenir 5 notre objectif. nous allons ~Ecrireen premier lieu le statut du nanateur et du narrataire selon la grille de Genette. Puis, nous analyserons certaines constructions polyphoniques
selon la theorie de Ducrot. Enfin, nous presenterom une analyse macro- et rnicrocontextuelle des difficult& de lecture, specifiquement dam un contexte d'analyse du discours en linguistique.
1. Statut du sujet narratif : description et probkme
Le narrateur de la nouvelle ZMarcas est dit extra-homodiegetique. I1 nconte sa propre histoire a un premier niveau. Designe par un je, sans qu'on lui attribue de nom, il opere sur deux registres. auaement dit sur deux plans enonciatifs : le plan de la
narration. du recit. et le plan du discoun :je n 'aijamis vu ... et jachevais mon droit. Grice au je. on glisse constamment d' un plan d'enonciation a un aurre213. Ce je s9interpr&een effet de deux fasons : tant6t cornrne personnage de kcit, tantbt comme iliment du discours du narrateur. Ce dernier. seul detenteur de toute information, regle la performance narrative: le lecteur apprend de lui tous les &tails de l'histoire. If introduit les personnaps dans le recit, les dkcrit; il nous pesente, par exemple, son Lc plan de la narration ct le plan des evenemens. c'est-A-dire cclui de I'action.
compagnon Jusre. il entarne la &scription du decor ou se deroule l'histoire. Et miime lorsqu'il s'agit du discours d'un personnage, ce discoun est rapporte par le nanateur214. Tout au long du &it, cette tiche narrative soumise au narrateur est rnise en relief. On insiste sur le fait qu'il est le seul dCtenteur & toute information narrative.
Le lecteur sera probablement enclin a interpdter ce discoun cornrne provenant du narrateur. Tous les indices lui prouvent que le narrateur est present dans le texte et
qu'il assume un rale dans le &it. Cette pdsence peut etre decelee, selon Genette, par les marques linguistiques suivantes : le pronom personnel je. l'intimation par le
narrateur. I'irnfiratif rt!pirez-vous;les exclamations Marcus!; les assertions faites par le narrateur dont I'kvaluation se manifeste par cet exemple : plus saisissanr, les deictiques, qui sont selon Genette en rapport avec la position spatiale2lSdu narrateur cet homme. ce temps.
Ce narrateur s'adresse directement au nmataire
- situe au mgme niveau
dikgetique (au niveao extradiegetique) - et designe par le pronom personnel vous. Son discours est un discours communicatif : il veut maintenir un contact avec son destinataire et agir sur lui. I1 tente d'eveiller sa curiosite et d'attirer son attention. Et
pour parvenir ii ses fins. il l'interpelle et l'interroge, comme dans les exemples
suivants : (Z.M.l) ...repetez-vous a deux syltabes...
vous-meme ce nom compose de
(Z.M.2) Ne vous semble-1-il pas que doive etre r n a r t y r i ~ e 2?~ ~
I'homme qui le porte
?IrLe discours cst toujours rappone. a I'cxception du discows adrrssi au narratairc. 215 Pour la dtfinition dcs rcrmcs deictiqucs d o n cctte perspective. voir chapiuc 11. 216 Z.M. p. 736.
5 2.2.3.
Le narrataire e a present dam le discours, mais non pas comme un penonnage : le nanateur fait semblant d'adresser la parole a un destinataire pow
etablir un pacte narratif, comme dans les dew exemples que nous venons de presenter. Cela est un prockde qu'il utilise pour introdtiire son recit. Si le narrataire etait effectivement present dans la situation d'enonciation, ou plus exactement, s'il etait un interlocuteur a qui le namteur s'adressait rkllement dam le texte, il devrait
repondre ou reagir. Nous pourrions, si c'etait le cas, reptirer des marques linguistiques qui temoignent de sa presence en tartt quY&redu discoun, en tant qw personnage. Selon la typologie narrative, le narrataire peut donc ewe considere comrne une construction fictive faite par le narrateur pour creer un cadre a son recit. Mais cela n'ern@te qu'a cette etape de la lecture, le lecteur a encore la libertk de considerer le narrataire comme un interlocuteur present dans la diegese ou de le considerer comme un
cc
f a n t h e interlocutif n217. Ceci peut provoqwr une
hesitation chez le lecteur : il pourrait hesiter, en fait, a choisir entre les dew hypotheses, spkcifiquernent, car le narrateur tente toujours &tablir un contact avec son destinataire. I1 s'introduit dans le recit, arrcte la narration pour donner certaines explications au narrataire, comme dam les dew exemples suivants, ou il assimile chaque penonnage a une seconde nomination inventee : (ZM.3) Nous appetimes notre voisin les mines de ~ a l r n ~ r e ~ ~ ? (Z.M.4) - A sept heures, me repondit le docteur. Tel etait le nom que je donnais B Juste qui m'appelait 18 garde des t c e a ~ ~ ~ ~ ~ .
Tout au long du kcit, le narrateur utilise la saattgie narrative du debut du texte et emploie des interrogations. des exclamations, des explications adressees au narrataire qui reste toujom anonyme : (Z.M.5) Vous savez ce qu'il est devenu? Non. Eh! bien, il est medecin; mais il a quitte la France, il est en Asie. En ce moment, il succombe peut-btre a la fatigue dans un desert, il meurt peut-dtre sous le coup d'une horde barbare, ou peutBtre est-il premier ministre de quelque prince indien. [...I J'imite Juste, je deserte la France I...] Imitez-moil mes amis, je vais la ou I'on dirige a son gre sa d e s t i n ~ ~ * ~ .
Ainsi, nous pouvons nous apercevoir que I'instance du narrataire assume de plus en plus sa place dans I'univers textuel. Paradoxalement, l'identification de cette personne comme ttre du discours devient deroutante. ce qui est provoque precisement. dans I'exemplezl que nous venons de prisenter, par les faits suivants. Premibrement, le narrateur pose la question et rdpond B la place des narrataires. Aucune marque de discoun ne vient ecarter cette hypothese ou prouver que la reponse B la question posee par le nmateur. le Non. a ete prononcee par le
narrataire. A ce stade de I'analyse. le seul choix et la seule solution est de considerer cette reponse comme un procede utilise par le narrateur pour exciter la curiosite du
narrataire anonyme. Deuxiemement, le narrateur lance une invitation a son destinataire : imitezmoi, mes amis. Troisiemement. il se refkre au moment de l'thonciation en ce moment,
sans aucun detail sur cette situation d'enonciation. Pounant, lorsqu'il s'agit du
Z.M. p. 740. 221 Cenains ClCmenrs tels quc Non. Eh! birn. mir. tout cornme la forme de ccs CnoncCs. suscitent notre attention et nous paraissent intercssants, mais a cette Ctapc, l'outil d'analyse ne nous pcrmct pas de Ics traitcr. C'est pourquoi d'ailleurs notre modtlc fait appel d'autrcs appmches.
discoun rapport&,d'une situation d'inonciation rapportde et transmise par lui. il cherche il faire ressortir le moment d'enonciation ct il &rit le cadre narratif avec une prtcision impeccable, comme le manifeste d'ailleurs cet exemple OCI le narrateur transmet le &it de la vie de 2. Marcas : Marcas pendant cette matinee, (Z.M.6) Void ce que nous en entremelant son recit de tartines graissees de fromage et humectees de verres de vin. Tout le tabac y w.Parfois les fiacres qui travenaient la place de I'odeon, les omnibus qui la labouraient, jeterent leurs sourds roulements, comme pour attester que Paris etait toujours la. farnille etait de Vitre, son pere et sa mere [.. I. !! avait fait gratuitement ses 6tudes dans un seminaire ...223.
a
Dans cet exemple, le cadre narratif n'est pas seulement transmis par le nmateur mais aussi focalise par hi, c'est-Mire vu de son ail.Ce cadre reiZve de la situation enonciative propre au personnage et au narrateur, transmise par ce demier au
nmtaire. Ce recit du personnage nomme Z.Marcas nous ambne, en effet, B un autre njveau diegetique. le niveau
intndiegitique-hkterodiegetique.Le narrateur raconte en
recit second (il est personnage dans ie recit premier) une histoire d'oS il est absent.
L'emploi des adjectifs possessifs so11et sa sont temoins de ce changement de niveau
et de I' insertion du second kci t.
En lisant ce recit. nous remarquerons que le n m t e u r ne se contente pas de reproduire textuellement ie discours du personnage ZMarcas. I1 introduit son cornmentaire dans la mme narrative du ricit (adresse evidemment au narratain), et
---
937
C'est nous qui soulignons. 223 Z.M. p. 748.
lonqu'il est sur le point de conclure, juste avant de terminer le kcit de ZMarcas, il
change de strat6gie narrative et dsume. I1 est vrai que le nmateur en donne une explication : (Z.M.7) II est impossible de vous raconter les scenes de haute comedie qui sont cachees sous cette synthese algebrique de sa vie ..,**4.
Nous devons donc nous contenter de sa version de faits. On reconnait ici sa tentative de toujours tenir le fil narratif, comrne on reconnait aussi sa strategie discursive de maintenir le contact avec un narrataire qui xtste muet. Paradoxdement, le lecteur ne pourra pas assimiler ce narrataire B une instance precise; il en cherchera une partout et n'en trouvera nulle part. De plus, le texte ne foumit aucune indication pennettant d'btablir les liens d'inference enm cette instance et les autres instances. Ceia peut creer. en effet, un probDme d'adresse. d'allocution propre au statut du destinataire car l'identification de cette instance et la kponse IL la question << a qui s'adresse le namteur? N sont des elements peninents pour la lecture; le choix de I'individu ii qui on s'adresse est imponant dam la mesure oh il revde les
buts qu'on souhaite atteindre. Ces fins ne seront decouvenes qu'i la fin du texte, cornme nous allons voir.
Le probleme d'identification du destinataire, autrement dit le problbme d9aIlocution,est l i i Ctroitement B celui de la complexitd d'instances du discours : pour repondre B cette question (a qui s'adrrsse le locuteur ?), pour Ctablir les liens enac les differentes instances, il faudrait, en premier lieu. repondre B la question K qui parie? m. Mais dans cenains segments se pose une difficulti : il n'est pas possible & 22r Z.M. p. 752.
repondre B la question K qui parle? H. et cela mtme 1 un premier niveau de lecture, comme dans l'exemple suivant : (Z.M.8) Plus de tabac ! dit le docteur.
- Plus de manteau! Dit k garde les s ~ e a u x ~ ~ . Dans cet exemple. le discours est rapport& les penonnages qui l'enoncent sont bien precisis : le docteur. c'est Juste. le garde des sceaux. c'est le narrateur. Mais ce n'est pas le narrateur qui parle, puisque ses paroles sont rapportees par quelqu'un d'auue;qui parle donc dam ce segment?
Tout au long de ce texte. lorsqu'il s'agit de paroles rapportdes, le narrateur fournit au lecteur les indications necessaires pour reconnaive la source enonciative. Mais nous nous sornmes rendu compte que cette strattgie discursive n'est pas
respectee dans cenains passages. car cenaines marques sont utilisees d'une fa~onqui n'est pas tout h fait the et qui ne permettent pas d'identifier facilement la source de la parole. cornme nous venons de voir. Exarninons un autre exemple qui illustre la mCme di fficulte : (Z.M.9) - Quels evenements ont pu vous donner cette horrible philosophie? lui dis-je.
-
J'ai encore une fois oublie que le hasard est le resultat d'une immense equation dont nous ne connaissons pas toutes les racines226.
La structure enonciative de ces enoncis. les marques du discours rapport&.les pronoms employes (jefvous)montrent que ceux qui parlent sont les penonnages au niveau intra-dibgtitique mais. paradoxdement. les paroles peuvent donner I'impression Z.M. p. 745. 226 Z.M. p. 747.
dam cet exemple dY&e celles du narrateur adressees au nanataire, et cela pow les raisons suivantes. D'une part, au corn du recit, tout commentaire provient de ce
dernier; d'autre pan, les paroles des personnages transmises par le narrateur en style indirect sont toujoun accornpagnkes du verk &re et de la marque de la troisieme personne il; le je est donc assimile au il, par le processus du discows rapporte. Cependant, dans cet exernple, le je se trouve seul, ce qui peut amener le lecrur a
I'assimiler automatiquernent au ~ n ? l t e u rd'autant ~ ~ ~ , plus que le contenu semantique de ces enonces sera repris dans I'exemple suivant.
Nous avons releve en effet un autre exemple ou s'oHrent la meme stratege inonciative et la meme structure que dans l'exemple prdcedent, mais dune fa~on encore plus complexe et plus ambigue. ( I M . 7 0) - Pourquoi, lui demanda Juste, n'avez-vous pas attendu patiemment une occasion, n'avez-vous pas imite Ie seul homme qui ait su se produire depuis la revolution de juillet en se tenant toujours audessus du flot?
- Ne vous aiie rms dit aue nous ne connaissons pas toutes les racines du hasard? Carrel etait dans une position identique a celle de cet orateur. Ce sombre jeune homme, cet esprit amer partait tout un gouvemement dans sa ttte; celui dont vous me parlez n'a que I'idie de monter en croupe derride chaque evinement; des dew, Carrel etait I'homme fort; eh ! bien, I'un devient ministre, Carrel reste joumaliste : I'homme incomplet mais subtil existe, Carrel meurt. 38 vous ferai observer que cet homme a mis quinze ans pour faire du chemin et n'a fait encare que du chmin. I...] Je ne crois pas que dans dix ans la forme actuelle subsiste. Ainsi en me supposant un si triste bonheur, je ne suis plus a temps, car pour ne pas 2tre balaye dans le rnouvement que je prevois, je devrais avoir dqa pris une position suptifieure-''8 .
'"2.M 258
Assimilation ttabiie tout au long du rlcit. p. 753.
Les indications donnks par le narrateur, dam cet exemple, hi demanda Juste,
ainsi que les marques du discoun (les tints [
- 1. qui marquent le passage du
discoun d'un penonnage i celui d'un autrc, le norn propre Juste. les pronoms personnels [luiet vous qui rifcrent I ZMarcas]) montrent bien que la question dans ces CnoncCs est poste par Juste a Z. Marcas, au niveau intradiigetique, et que la situation Cnonciative Cvoquee est celle des penonnages et du nmateur, rapportee bien sOr par ce dernier. Mais une seconde fois. nous nous trouvons en face d'tnonces qui ne donnent pas les indications necessaires pour identifier clairement la source de la parole. De plus, le contenu semantique de l'exemple pkctdent est repris, sous une
fome interrogative, par une question qui rappelle que ces paroles ont d6ji tte signalees. Cette rQktition, ainsi que les procedes que nous venons de signaler (I'emploi du style indirect libre accompagne du verbe dire),peuvent nous arnener a croire qu'il
s'agit des paroles du narrateur. Ce manque de precision par rapport B la source enonciatrice est accentue par d'auues faits discursifs : le penonnage Z.Marcas emploie une reference nominale. Carrel, comme si elle etait deja introduite dam l'univen discursif. et i l compare la position de I'homrne dont Juste avait parle avec celle d'une
autre personne, Carrel. C'est pounant le narrateur qui a mentionne cette reference nominale. dans son commentaire au niveau extra-diegetique, celui de la narration : le
niveau du narrateur et du nanataire. Pouvons-nous supposer que ce nom a C d introduit dam la conversation et que le narrateur a oublie de nous rapporter une partie de cette derniere ?!
Pourquoi le narrateur procede-t-il ainsi? Quel but vise-t-il par I'emploi de ces procCdCs discursifs? A ce stade de l'analyse, on ne peut encore nipondre P ces
questions, car notre pnisent outil methodologique ne le permet pasz? Indiquons ici
que la structure inonciative des instances du discours devient de plus en plus complexe. Le texte balzacien ressemble, d'ailleurs, B une muchine a vapeurz30 qui va kclater.
En effet, tout au long du k i t . la tiche narrative sournise au narrateur est rnise en relief. On insiste sur le fait qu'il est le seul detenteur de toute information namtive.
Cependant. P la toute fin de la nouvelle, cette fonction lui est retide et est livrke B quelqu'un d'autre. (Z.M.11) - Ici Charles se tut, il parut oppresse par ses souvenirs. - Eh! bien, lui cria-t-on, qu'est-il arrive? - 3e vais vous le dire en deux mots, car ce n'est pas un roman, mais une histoire. Nous ne vimes plus Marcas. [.. I Marcas ne laissa pas de quoi se faire enterrer, Juste et moi nous eiimes bien de la peine a lui eviler la honte du char des pauvres, et nous suivimes tous deux, seuls, le corbillard de 2. Marcas, qui fut jete dans la fosse commune au cimetiere du ~ont-~arnassez3 I.
Le statut du narrateur change brusquement : le narrateur est nomrne pour la premiere fois. Ici Charles se nu. Au niveau nmtologique, cet Cnonci pose problbme.
Qui parle? Une nouvelle situation enonciative est criee. Une nouvelle voix est introduite dans le kcit. Selon Genette. la presence du n m t e u r dans cet tnoncC est dkcelie @ce a l'ernploi du deictique ici. car ce dernier est en rapport avec la position
?29 Notre reponsc sen par come prbcntee apres I'analysc m i ~ r ~ - ~ ~ n l e ~ Cela t ~ es'alppiique k. aussi aux questions que nous aIlons poser tout au long de cette section quant au changcmcnt qui s'effectue ou a w difficultis qui se posent. 130 Diillenbach. 1980, p. 165.
t3 Z.M. p. 760.
temporelle du narrateur. Mais quel narrateur ? En fait. c'est quelqu' un d'autre qui prononce cet inonce. Quelle est alors la signification & ce changement ? Un autre probleme se pose encore : les narrataires sont introduits dam le texte d'une fqon explicite : Eh bien. lui cria-t-on!
Ces narrataires sont les producteurs fictifs du k i t : (Z.M.13) Nous nous regardames tout tristement en ecoutant ce recit, le dernier de ceux que nous fit Charles Rabourdin, la veille du jour ou it s'embarqua sur un brick, au Havre, pour les iles de la Malaisie, car nous connaissions plus d'un Marcas, plus d'une victime de ce devouernent politique, recompense par la trahison ou par l'oubli23?.
Devons-nous considerer ces penonnages cornme exaadiegetiques, puisqu'ils racontent I'histoire i un premier niveau, et placer le kcit de Charles au second niveau. 2 un niveau intradiegetique, ou bien doit-on les consid6nr cornme intradieg6tiques. sous pretexte que leur pksence
n'est relevee qu'8 la fin du recit ? Afin de decrire le
statut des instances du discours. I'approche narratologique nous oblige B choisir enue I'une de ces deux positions: cependant. ni I'une ni I'autre ne suffit B expliquer la
situation enonciative que nous venons d'evoquer et qui n'est mise en place d'ailleun
qu'i la fin du texte : le narrateur devient un personnage du recit. Aucun indice ne prouve la presence des narrataires-narrateuris] dans la premiere partie du recit. Pounant. toutes les marques linguistiques prouvent la pn5sence du (premier) namteur. Nsus avons ivoque le probleme que pose la derniire partie du ecit pour la narratologie. La nouvelle situation enonciative ne permet pas de situer le nanateur. Genette, rappelons-le, ne prend pas en consideration d'auue type d'instance que celle 232 Z.M. p. 761.
qui s'identifie au locuteur, celui qui dit je et qui prend en charge ce qu'il Cnonce. De plus. la presence des instances est dkcelCe uniquement par des marques linguistiques considCrees comme des deictiques. Ces deux positions sont remises en question par notre approche. La nouvelle Z.Marcas dement ce point de vue de Genette et la perspective unitaire de la description du sujet des instances du discours : dans ce texte, nous ne pouvons pas attribuer i un unique responsable la totalit6 des Cnoncts; cela est nit5 d'ailleurs
j.
un premier niveau de lecture meme par le sens de la nouvelle et par les
procCdCs linguistiques qui y sont illustrks. Le probleme se pose. en fait, dans la mesure oh on Ccane la combinaison de
plusieurs instances au niveau micro-contextuel, au niveau de I'CnoncC, et dans la mesure oh on nie la presence d'autres types d'instances comme celles du destinataire, du lecteur, de l'auteur, ou tout autre type.
Une esquisse rapide de la structure macro- et micro-contextuelle narrative et linguistique pourrait mieux dclairer ce problkme. Si on prend en considiration la micro-structure du texte, nous verrons qu'k un premier niveau de lecture, plusieurs instances se combinent dans un meme enonce : celle du narrateur, celle des penonnages et celle du narrataire. Le rnf me phknomkne se manifeste au niveau de la macro-structure : plusieun recits s'inserent et s'emboitent les uns dans les autres, B un point tel qu'on peut se demander a qui raconte i qui? r. Tout au long du rkit se
manifestent un flottement Cnonciatif et une ambiguite discursive. Nous nous trouvons en presence d'un mtlange de niveaux enonciatifs dans une mEme proposition. Des voix s'inserent, non identifides, et qui exercent une fonction par rapport i la lecture.
L'analyse micro-contextuelle linguistique illustrera ces faits discursifs et les expliquera. Par contre, le lccteur resent une parfaite unite discursive : il ne cherche pas a
identifier les diff'rentes instances et retient bien la le~onvChiculte par le texte. Nous pensons que 1'6tablissement de relations entre les differentes instances et celui des liens entre les kfCrences s'effectuent d'une fqon complexe. Nous soutenons que la typologie narratologique ne peut repondre face A ce texte h cenaines questions
concernant le statut du sujet parlant et sa complexid. vu qu'elle ne s'intiresse qu'8 la macro-structure narrative. En effet, par quel moyen pouvons-nous Ctablir les liens d'infirence entre le premier narrateur et les narrataires
c<
narrateurs r , entre le
personnage qui appadt soudainement a la fin du texte et le narrateur designe par je ? Comment put-on reconstmire le puzzle balzacien afin d'etablir les liens d'infkrences entre les r6ferences ? Comment peut fonctionner ce schema de communication qui
pretend que I'enoncC ne peut Etre rappone qu'i! une seule voix, identifiie i celui qui dit ((
je
D,
dans un roman ou i l est impossible d'attribuer a un responsable unique la
totalite &s enonces? Ainsi, pour decrire un des aspects poiyphoniques du statut des instances du discours dans cette nouvelle, nous nous proposons d'etudier dans les sections qui suivent des phenomenes qui illustrent des constructions polyphoniques dans le cadre de la theorie de Ducrot. Plus precisement, nous analyserons les phenomenes de negation et de discours indirect?
233 Nous rcvicnbons I cette fome discursive en esquissant I'analyx microsontextuelic.
2. Analyse des constructions polyphoniques
Les analyses de Ducrot nous paraissent en effet, comme l'a note D;lllenbach. pricieuses en ce qu'elles assignent d'autres raisons encore a l'of/irmation si in~istanre23~de la polyphonie des instances du discoun. Plus spdcifiquement, cette
theorie nous perrnettra de rendre compte de la pdsence de deux instances. celle du locuteur et celle du narrateur, dans un meme enonce. Cela pourra rhoudre cenains problemes concemant la complexiti boncidve que nous avons evoquke. Dans cette nouvelle, le style indirect est rarement utilig. Rappelons rapidement aussi que le texte est ~ g par i deux formes discursives : le discoun rappone en style
direct (le recit du narrateur): et le discoun adressi au narrataire (le registre du discours au sens de Benveniste). Ce discours presente un caractere problematique : un
probleme d'adresse et d'allocution concemant l'identification du narrataire, et dont se rnani feste la place dans le &scours. comme nous l'avons &jh explique (voir exernples 5
et
7). I1 nous semble. en effet. que I'emploi du discours rappone est significatif.
C'est ce que nous tenterons de degager dans la prochaine section.
234 Dallenbach appone cctte remarque intCressante 5 propos de la causalit6 chcz Baizac. Dillcnbach. 1980, p. 160.
(Z.M.13) Ma reflexion fit sourire Marcas, et ce sourire donna de la gr&cea sa face jaune.
- L'ambition n'est pas moins severe pour ceux qui ne reussissent pas, dit-il. Aussi, vous qui commencer la vie, allez dans les sentiers batt~s12~5 Ceci nous amtne ii avancer, d'une part, que le n m t e u r tente par ces procbdks. de creer un effet de del. Voici une remarque de ~aingueneau2362 ce sujet :
... le seu1 fait d'inuoduirc Ie discours direct a authcntifie
lcs inonccs rapponds [...I Lt discours direct a Ie privikge d'authentificr parce qu'il ne donne pas un equivalent semantique, mais rcstituc 13 situation de la communication clic-mbme ( I t sujet d'enonciation est libre d'ajoutcr tow Its signcs qui lui scmblcnt utilcs pour rcstitucr au maximum Ics 6liments de cette situation d'enonciation : intonation. accent...). II va sans dire qu'il s'agit d'un a cffct de reel v lit! aux structures linguistiqucs, ct que ccia n'implique pas quc les propos rappods en style direct soient plus exacts pour autant!
D'autre part, nous pensons que m6me si le narrateur essaye de restaurer une distance entre son discoun i proprement parler et ie discours qu'il rapporte, il n'est pas toujours aise de distinguer ce qu'il rapporte exactement de ce qu'il invoduit ou ajoute.
I1 insere plusieurs voix dans un mime enonce et cette multiplicite de voix se
manifeste d'ailleurs dans les deux plans discursifs. mais elle est presentee d'une maniere differente dans le premier. L'analyse du phenomene de negation confirmen ce point.
Le premier Cnonce de notre texte :Je n 'aijanrois
vu personne?-37,qui i llustre
un phenomkne de polyphonie par I'emploi de la negation, peut rendre compte de la presence discursive - au niveau textuel - du narrataire dans le texte, et cela en distinguant entre deux enonciateurs distincts adoptant des attitudes antagonistes. Cet enonce a ete employe soit pour marquer que le narrateur s'oppose i une affirmation anten eure ( i f a exist6 des h o m e s dont I 'aspectf i r plus saisissant)ou bien parce qu'il repond B une question adresske par le destinataire (avez-vous vu un homme dont
1 'aspect fit plus saisissant?). Le destinataire sera ainsi present dam la situation d'enonciation cornrne interlocuteur. Si on admet la presence des interlocuteun, les demonstratifs cet homme, ce Z, ce temps, peuvent etre consider& comme des anaphores. Nous pouvons supposer que ces derni6res repdsentent des themes d i j i introduits dans les conversations entre Ie narrateur et les narrataires. Elles seront ainsi cohesives. puisqu'elles rtifkrent B une partie du discoun qui a ite produite mais qui n'a pas ete mentionnee dans le texte. Nous poumons alors repondre
1 certaines
questions soulevees au cours de I'aoalyse, prouver la prisence du narrataire au niveau textuel. expliquer le probleme de I'allocution. et finalement etablir des liens entre les narrataires - qui s'introduisent dans le discours a la fin du texte - et ceux 5 qui s'adresse le narrateur. Par la suite, leur presence B la fin du recit paraitra tout B fait normale et sera parfaitement acceptable. Mais le problkme n'est pas entierement resolu, car on peut aussi avancer une autre hypothese bask sur la m6me conception pol yphonique.
237 Z.M. p. 736.
En effet. l'affirmation. ou la question, peut ne pas avoir ete fonnulee explicitement par le destinataire, mais seulement lui itre attribuee par le locuteur. Et.
par la suite, les adjectifs ddmonstratifs mentionnds seront consid&& comme des dements deictiques referant B la situation denonciation imaginee par le narrateur ou. autrement dit. par le cadre fictif constnit par ce demier. Cela rejoint la premiere idee exposee au debut de I'analyse et n5fure la seconde hypothese. Double interpretation, double lecture : on hCsite B choisir entre les deux hypotheses, et cela est produi t specifiquement par l'ambiguyte du dispositif referentiel'38. Le lecteur peut eprouver ceae meme difficulte et hesiter enue ces deux interpretations; mais n'oublions pas qu'8 cette &ape de la lecture, il dispose encore du choix de considerer le narrataire comme un interlocuteur prisent dam la diegese ou de le considerer cornrne un fantdme interlocut~39-autrement dit, de choisir enm les deux hypothhes.
Suite a cette demiere remarque. nous pouvons constater que la description du statut des
instances du discours ne peut se baser uniquement sur la conception
polyphonique de Ducrot. Cenes. cette theorie a contribue a I'analyse. L'hypothese de la presence du locuteur et de I'enonciateur a permis, comme nous avons vu. de dicrire cenains aspects de la structure polyphonique et fonctionnelle du statut du sujet parlant.
Malheureusement. cela n'a pas permis de saisir cornpletement la complexite des instances dam cette nouvelle.
238 Nous rcviendrons sur la question dambiguttc rifircntielle qui s e manifeste d'une faqon plus explicite i la fin de la nouvelle. 139 Schuerewegen. 1990. p. 24.
3. Analyse macro- et micro-contextuelle
Pour dkrire la smcturation polyphonique et fonctionnelle du statut du sujet parlant dans cette nouvelle et pour expliquer la situation enonciative. nous devons nous meter B l'emploi de certaines marques du discoun. L'analyse de ces elements nous permettra de reperer cenains indices par rapport au statut des instances du discours. Nous nous proposons, en premier lieu, de distinguer les difficultes de lecture qui sont B I'origine de la problematique discursive de cette nouvelle. Now postulons qu'elles peuvent ttre mises P jour B l'aide des outils methodologiques de I'analyse du discours.
3.1. Difficultis de lecture
Nous postulons egalement que ces difficultes tiennent dans le premier cas P une ambiguiti, et dam le second. a une metamorphose du sujet parlant produite par un
flottement inonciatif et par une agmmmaticalite.
3.1.1. Premier type de difficultt : la dference Charles
Dans n o w texte, l'ambigu'itt, c'est-&-direla confusion dferentielle. est due B I'emploi d'une longue cataphore : Charles. Cet iliment est cohtsif par reprise indirecte, car il est consider6 comme m e reprise de continuid du je : Ici Charles se rut. Ce nom propre refere au locuteur design6 tout au long du kcit par je et identifie par le lecteur comme Ctant le narrateur qui assume le discours et qui le prend en charge en se
designant par la premiere personne je. La force cohesive diminue lorsque les occurrences sont ~loignees.car le lecteur cherche d'abord le dferent du pronom dam la phrase qui le pr&de. Mais dans notre texte, le lecteur ne cherche pas le referent.
linguistiquement parlant, du pronom jet40 qui regit tout le texte; car il l'identifie au narrateur qui lui raconte l'histoire. 11 n'a qu'une seule instance dans le discours B identifier, il n'a donc pas B chercher ailleun. En fai t. il nUprouve de difficulte que lorsqu'il est oblige d'assimiler le pronom je au nom propre Charles. h une nouvelle instance. Le caractkre surprenant de
I'enchainement montre que l'enonciateur joue sur les attentes du lecteur. I1 bouleverse les rbles narratifs et introduit de nouvelles voix dans le recit. I1 tente de creer un effet de reel. L'emploi dans ce segment d'une reference nominale (un nom propre241) est
inattendu.
Par dbfinition u jc n'a pas de * rCfircnce . Mime le choix du norn propre n'est pas innocent: Martine k n a r d note dam son article Baluc et l'absence du nom )> : la dificulte a pIacer ( h nommer :c'est la mime chose pour nous) ce personnage au sein de la nouvelle est signifiat.
3.1.2. Second type de difficultt :parfois
+ passe simple et le terme ici
Passons a notre seconde difficult6 : le sujet parlant subit certaines metamorphoses qui sont en quelque sorte voilies. Nous pouvons rendre compte des niveaux de structuration de la m6tamorphose du sujet parlant B panir des indications donnees par les marques linguistiques, autrement dit. par la violation de riigles syntaxiques et par I'usage particulier de certains proddes linguistiques. Dans notre texte, le flottement enonciatif et le melange de niveaux enonciatifs, c'est-%-direla manifestation de plusiem niveaux tnonciatifs dam un mime enoncd ou un mime segment, sont produits par I'emploi du scyle indirect libre et par l'emploi & cenaines marques du discoun. Dans I'exemple 6. dtjh present& et dont nous avons souleve le probikme. la configuration discursive paniculibre et le style indirect libre
marquent I'insertion d'un second kcit et d'une seconde voix, celle de l'enonciatew le style indirect libre omet souvent de dire qui parle, et c'est au lecteur de se livrer au jeu mental d'attribution pour le savoir. Cependant. dans notre texte, B un premier niveau de lecture, la source de la parole est clairement identifiee : nous dir Marcus. Ce qui pose probkme. ce n'est pas l'identification de I'bnonciateur du discours rapport& mais le melange entre trois nlveaux enonciatifs. Le terme voici. qui introduit
I'exemple, referant a l'acte de la narration propre au narrateur et au narratain, vient manifester la prisence d'un premier enonciatif propre it cet acte. Le dimonstratif cene matine'e,rtfirant i une seconde situation d'honciation, celle du namateur et des
personnaps. marque I'insertion d'un second plan enonciatif dam le mCme enonc6 et. findement, dans le m6me segment. une troisiiirne situation se manifeste aussi, cellc de
I'histoire de la vie de ZMarcas. Cela est suggire par le passage ii la troisiZme personne : so fhiile btai~de Vitrk. Ce melange enonciatif est atnibuable aux faits suivants : 1.- L'absence de marques explicites distinguant entre les tmis niveawr Conciatifs. spicifiquement entre ies deux premiers plans; 2.- I'emploi du terme purfois accompagni d'un pass6 simple
et de l'imparfait :y passa. jeterent, traversaient. Voici un exemple qui souleve un problkrne d'agrammaticaliti : Ici Charles se rut. La presence de I'embrayeur ici est en effet problematique : l'emploi dam cet
exemple de cet embrayeur avec le passC simple est non acceptable d'un point de w e grammatical. car dam un tel enonce on s'attendrait i un adverbe tel que a ce moment la et non i I'adverbe ici. Une question s'impose i! propos de ces faits discunifs : la prCsence de certains termes a la place de cenains autres et le melange & niveaux enonciatifs sont-ils le fruit d i n e negligence de la pan de I'enonciateur? Bien sGr que non :ces emplois jouent un r6le quant i la description du statut des instances du discours et quant ii la lecture de I'oeuvre; ces procedes ne sont pas. en effet. des phenomenes isoles, mais s'associent 5
d'aurres facteurs qui intewiennent dans la description du statut du sujet parlant, notamment les marquages thernatiques. les marques referentielles et les connectem. En explorant ces elements. nous pourrons etablir des liens d'inference autres que ceux de la syntaxe. et par la suite decrire differents aspects du statut du sujet
non envisages dans les autres approches. Nous pourrons ainsi expliquer les parlant~4~ difficultes de lecture que nous venons de presenter. Nos conclusions seront donc 242 Nouc point dc vuc sera expliciJ P
la fin de I'analyse.
avancCes aprts l'analyse de ces marquages. Nous prhenterons dans les sections qui suivent I'analyse de ces dements dans le cadre de I'analyse du discours. Nous effectuerons. en premier lieu, I'analyse de la structure informationnelle selon le modele de ~atry2*3.
3.2. Analyse des marques discursives 3.3.1. Marquage thematique
L'Ctude de la structure informationnelle. dans le cas qui nous interesse. poum rendre compte de cenains faits discursifs. dkduire la visee du discoun, Ctablir des liens d'infkrences extra- et intra-textueis entre differentes instances, et finalement rendre compte de l'inscription des instances cachees ou P demi-cachees dans le discours.
Examinons de plus pres in repanition de I'information au debut de la nouvelle. en paniculier le
passage dont nous avons souievt le caractere problematique. Nous
presenterons la segmentation du texte en sequences verbales maximales (SVM). Chaque numiro precedant les propositions correspond 5 une S V M a i'interieur de laquelle peut varier le nombre de propositions et de mots; ce nombre est marque B
droite des propositions; sous G M
))
(pour a mot r, ici defini comme une sequence
graphique sbparee par des espaces). nous indiqcons le nombre de mots par proposition; et sous
n
P D (pour qc proposition D), nous indiquons le nombre de
propositions par SVM.~ t a ndonne t qu'il ne s'agit pas d'une etude statistique comme ?43 Voir chapitre
II.
telle, nous pouvons nous contenter d'une estimation assez grossibre du nombre de
mots;il s'agit d'un simple comptage automatique des Muences de lems separtks par des espaces. D'un point de w e purement linguistique, s'il intervient une bonne part
d'arbiuaire dans cene dtlimitation, le comptage par ordinateur offre en revanche
I'avantage de la simplicitd de la constance.
3.2.1.1. Repartition en SVM
Tableau I
TEXTE
SVM
Je n'ai jamais vu penonne, en comprcnant meme lcs hommes rcmarquables de ce temps, dont I'aspect firt plus saisissant que cclui dc cet h o m e ; I'ttude de sa physionomie inspirait d'abord un sentiment pkin de m6lancolie, et finissait par domer une sensation pnsque douloureuse. II existiiit une cenaine harmonic cntrc la personne ct le nom. Ce Z qui prdcidait Marcas. qui se voyait sur I'adrcssc de ses tettres et
qu'il n'oubliait jamais dans sa signature, cette dcrniire lettre de I'alphabct offrait h l'esprit je ne sais quoi de fatal. -
-
Marcas! RipCtez-vous i vous-mime ce nom compose de deux syllabes. n'y trouver-vous pas une s~nistre signifimce ? Ne vous semble-t-ii pas que I'homme qui le porte doive itre martyrid? Quoique Ctrang et sauvagc. ce nom a le droit pourtant d'aller A la post&itc, il est bien compose. il sc prononce facilcmcnt. il a ccttt briivetk vouluc pour les noms cdibres. N'est-il pas aussi doux qu'il est bizarre? mais aussi nc vous parait-il pas inachevk? Je ne voudrais pas prendre sur moi d'affinna que les norns n'excrccnt aucune influence sur la dcstinit.
Entre 1 s faits de la vie ct les noms des hommes. il est de s e c r h s ct d'inexplicablcs concordances ou dts dcsaccords visibles qui surprennent; souvent dcs condiations lointaines. mais efficaces. s'y sont rCvCt&s. Notre globe est plcin, tout s'y tient. Peut-itre reviendra-t-on quclque jour aux Sciences Occultcs. Ne voyez-vous pas dans la consauction du Z une allure contraritk? ne figure-t-ellc pas I t zigzag althtoire et fancasque d'une vie tomcnt&? Quel vent a soufflb sur cette lettre qui, dans chaquc langue ou elle est admisc, commande A peinc A cinquante mots? Marcas s'appelait Ziphirin. Saint Ziphirin est tris vcnCri en Bntagnc. Marcas ttait Breton Examinez encore cc nom :ZMarcas! Toute la vie de l'hommc est dans t'asscmblage fantastique dc ccs scpt I e m . Sept ! lc plus significatif dcs nombrts cabalistiqucs. L'homme cst rnort A trente-cinq am, ainsi sa vie a itt composi de scpt lustres. Marcas ! N'avez-vous pas I'idie de quclque chose de precieux qui sc brise par unc chute. avec ou sans bruit?
3 .2.1.2. Progression thematique
L'anal yse de la progression thematique est presentee par le tableau suivant. illustrant la progression par chaque SVM, dans le sens horizontal, selon la segmentation que nous venons de proposer: nous classerons les donnees propres la progression en quatre categories. dans le sens vertical : dans la premiere colonne, subdivisee en trois cases, nous indiquerons le theme identifie dans chaque SVM (maximum de trois); dans la seconde colonne, le heme est identifie; dans la troisiime colonne, nous presenterons le type de progression thematique; dam la quatrikme
118
coionne. nous indiquerons le type de connaissance sur lequel chaque Clement thimatique repose.
Tableau 2 S = simple
T = titre
C = complexe SP - savoir panag6 SE = savoir encyclo~dique
COT = source co-textuelle ADJ = adjacent 0 = sans theme explicite -
--
--
Progression Caracteristiques
Theme
-
I . je 2. I'etude de sa physionomie
x t hornmc
3. el1e 4. ia personne
k nom
n'ai jamais vu inspirit finissait I1 cxistait une
S ingularisation
rintrathhatiquc Constant tnfdmla
S-COTR-ADJ C-SP-ADJ
ctRaint
ie
harmonic prtkidzut n'oubliait ofht
8. Marcas
VOUS
ripitez
9. I'homme q u ~le
VOUS
dowe itre
5. CeZ 6. 11 7. Cettr: dern~ere lenre
pone 10. ce nom
a pourtant compose se prononce a cene briiveti n'cst pas aussi
11. il
e5 t
12. il 13. il
M€fcncc Constant Constant/ Rbctivation hfirrnccl riactivation hfirrncd constant
S-SP-ADJ S-COT-ADJ C-COT fI'I-ADJ
irlfircncc
Constant Constant Constant
S-COT-ADJ S- COT -ADJ S- COT -ADJ S- COT-ADJ
Constant
S- COT-ADJ
Constant/ Rbctivaticn R&ctivation R&ctivation
C- COT-ADJ
InfRupture ou infircncc
S-SE-ADJ S-COT-ADJ ou S-SE-ADJ
S-COTRYSE-AD1 C-COT-ADJ
doux VOUS
16. je 17. les faits de la vie et lcs
~nrrchevi affmer il est de
S-SE-ADJ S-SE-ADJ
Secfttcs
noms 18. Noue globe
est plcin
19. on
lmiiendra
une allure
20. vous
contrari&
figure le figzag commandch
2 1. elk (la l e m 2
Constant
C-COT-ADJ
Constant
peine
24. Saint Ziphirin 25. Marcas 26. Ce nom
s'appclait aphirin a t trb v M en Brrragnc
S-COT-SE-ADJ
cst Breton VOUS
27. la vie de I'hornme 28. 0 29. I'homme 30. s3 vie
examinez 2. Marcas est dam l'assemblagc sept! le plus sipnificatif est mort a & t icornposi
VOUS
dc sept lustres rid& & qutlqut chost & pricieux
COT-ADJ
S-COT-SE-ADI S-COT-SE-ADJ
C-COT-SE-ADJ
L'analyse de la repartition de l'information que nous venons de presenter nous amene B avancer plusieurs remarques.
Dans cet extrait. ia longueur moyenne des SVM est d'environ i 1 mots, et I'on compte environ un peu moins de sept a huit mots par proposition. La majorite des SVM sont composees d'une seule proposition. le reste ayant deux ou trois SVM.
Aucune structure syntaxique ne se signale comme particuli&rementlongue ou brtve, meme si cenaines SVM comptent plus de 26 mots (SVM 1. 8, 16. 17. 22 et 31). On ne peut pas dire que la longueur des SVM soit en elle-mime une source de difficule de l e c t ~ r e 2 meme ~. si dans la pratique on conseille d'bviter les phrases longues
(consignes aux joumalistes. aux redacteurs de manuels scolaires). C'est plutdt la
'"Voir
a ce sujct Trcmblay. 1996.
structure des propositions et des facteurs d'ordre logique et sirnantique qui sont ies principales sources de difficult&. 1. Dans la premiere SVM, nous trouvons deux thtmes, je et cet homme.
La
presence du dirnon~tratif2~5 cet nous erneche de considCrer la rtfirence homme cornme dement rhimatique : le dkmonstmtif ne laisse d'autre choix que de considkrer la reference homme cornme thi?me (ce dont on parle). Nous sommes cependant au dtbut du texte. et c'est la premiere apparition & cette r6ftnnce dans le discoun.
2. Nous assistons dans la seconde SVM il une singularisation thematique : le je cede la place ii l'kzude de Io physionomie de cet homme qui sera le thtme des
deuxieme et troisitme SVM. La stratigie discursive dans ces aois SVM excite bien la curiosite du lecteur : on foumit des informations sur Ie norn avant de presenter la personne elle-mtme. De plus. des le premier enonci, on parle de cet homme comme s'il etait connu de tous. Le lecteur n'a pas ainsi d'autres choix que de trouver le nom de ce penonnage et de poursuivre la lecture sans s'intenoger sur lui, ou d'identifier la voix enonciative. I1 impone moins de savoir qui est le je que de connaive l'histoire &
ce penonnage dont la nouvelle pone le nom. 3- Ce nom occupe une place pnmordiale d a m ces enonces comme dans tout le
recit. La quatrieme SVM vient I'introduire dans le discours tout en soulignant cette importance. Cette sequence introduit le contenu inforrnationnel de l'ouverture de la
nouvelle : la relation d'harmonie entre le nom et la personne. L'infonnation portera
sur ces deux constituants du discoun. le nom et la personne.
245 NOUSavons dcjh evoqut lc caracthe pmbkmatique de cem dfirenct.
On se serait Bvidernment attendu 1 ce qu'on nous introduise d'abord la personne, d'autant plus qu'on avait mentionnt IYtude de sa physionornie, mais on n'obtient que les impressions Cprouvtes par cette Ctude. I1 faut donc se contenter de l'experience du je et partager les mEmes impressions que lui face B cette physionornie que nous n'avons pas connue. 4- Trois S V M portent sur la lettre Z , a la cinquiime SVM,on assistera de
nouveau ii une singularisation thematique : l'information portera sur le nom; plus precisement. elle ponera d'abord sur la lettre qui le prictde, 2.
Cette lettre est introduite, elle aussi, c o m e la penonne, cet homme, par un
demonstratif. Cet kltment sera donc ce dont on parle. La dislocation, dans les sixiame et septikme SVM.conserve a cet element une position thkmatique. Le reste du nom, c'est-a-dire Marcas. est introduit par un demonstratif au
deuxitme paragraphe, et occupera la position thematique de la dixibme SVM Zi la quinzieme. On assiste dans ce meme paragraphe j. I'introduction d'un nouvel ClCment
thematique : le vous. qui sera pnisent dam six SVM (8.9. 15,20. 26, 31). Au troisieme paragraphe. on revient a la lettre Z par une kactivation, pour
qu'elle occupe de nouveau la mtme position thematique; on rassernble, en fait, le Z et Marcas dans un mCme paragraphe (trois S V M sur la lettre Z et trois aums sur Marcus). L'Btude de la repartition de I'infonnation nous amene aux conclusions suivantes.
a) L'analyse de la progression thimatique que nous venons de pdsenter nous
permet &identifier le theme du discom. Ie personnage ZMarcas, au moyen d'un outil d'analyse empirique, et non par &duction. La r6pCtition sous fome lexicale de la
rkfhnce Z Marcus et de certains Clkrnents relits B ce nom ou au personnage mime. ainsi que la reprise thematique sous f o m grammaticale (les dfdrences qui remplacent le norn ou le personnage, la rtference il. par exemple) nous ont permis. en effet. de considerer cet dement discursif comrne theme du discours. En daliti, tout le recit est centri sur lui. Nous venons de voir comment ce personnage occupe une place primordiale au niveau intra-textuel &ns I'ouverture de la nouvelle. Au cours de la lecture, nous nous apercevrons qu'il conservera cette m h e place tout au long du recit. I1 est non seulement l'incarnation d'un type social -I'hornrne politique -mais aussi un spkialiste de la rhbtorique. un champion de la performance. linguistiquement parlant. b) Cette anaiyse nous a permis aussi de relier, au niveau intra-textuel. le nom
propre ZMarcas aux differents fils du recit. aux principaux constituants
infoimationnels de la nouvelle : le recit des evenements significatifs de la vie de cet homme .et sa fin ou sa mon. La fin tragique de la nouvelle est dejg resumee ou annoncde. la mort du
personnage. Le choix du norn propre nous prepare i cette fin : Balzac nous246 laisse entendre que ce norn porte l'idee de quelque chose de pricieux qui se brise par une chute. avec ou sans bmit.
Cela ne veut pas d i n que le lccteur acceptera ce signal. ni que nous partagcrons les m h c s impressions cnvcrs ce nom.
C)
La repartition de l'enchainement thematique dam ces segments souligne
aussi l'importance de la lettre 2,et elle marque la place de cette letue qui intrigue le lecteur. Par cette structure, Balzac impose cet dement au lecteur*d7. L'emploi de cette lettre permet d'etablir des liens #inference extra-textuels avec l'auteur Balzac, et de diceler par la suite une nouvelle forme d'inscription. et cela par un outil d'analyse empirique : celle de I'instance d'auteur qui se manifeste au niveau textuel. d) Nous pouvons dkceler finalement la prisence d'une auue instance, celle du
destinataire : elle se realise sous une forrne grammaticale par l'emploi du pronom vous qui se manifeste comme theme dans plusieurs SVM, parmi lesquelles les SVM 8
et 31. Cet iliment n'est pas identifid d'un point de vue cohesif, il n'a pas de rtfirent dans le texte, autrement dit : il ne rtfkre pas ii une personne (ou a un groupe de personnes) mais, par le savoir partage. le lecteur I'identifie au destinataire. il I'assimile automatiquement a un destinataire qui peut etre prisent ou non dans la diegtse; c'est le texte qui foumit les elements necessaires pour confirmer ou nier cette presence. La presence de cette instance est donc explicite au niveau textuel. Elle est accentuee par I'ernploi d'une forme interrogative qui se presente dans ces deux SVM. L'interrogation. au niveau diegetique. permet d'etablir un contact avec le destinatah et de s'assurer de sa presence. I1 est important de noter aussi que dans ces deux
sequences le nombre de propositions et sunout de mots est plus eleve que dans le reste de I'extrait. 11 est intiressant de sodigner que cette derniere caractenstique (le nombre de P
et de M 6levC) se manifeste dans quatre autres SVM (1. 16, 17 et 22) oir on peut relever la prtsence du destinataire sous une fonne differente, non explicite. Dans les 247 A cc ppmpos. Banhes note quc dLn point de vuc bafzacien, ce 2 (gui a t donr lc nom de Baiza) esr la Iettre de L deviance (voirla nouvefle Z Marcas ) (Barthcs, 1970. p. 113).
deux premieres, par l'emploi de la nigation, se manifeste une construction polyphonique se revhle, dicouvrant la presence d'une seconde voix, celle du destinataire248. Quant aux deux derni6res SVM (17 et 22), I'instance du destinataire peut Czre decelCe ici par le commentaire du narrateur (SVM 17) et par la forme interrogative
(SVM 22). Irons-nous jusqu'h dire que le nombre eleve de P et de M exerce un effet argumentatif en mettant en relief le destinataire dans la structure thematique ? Incapable de 1e prouver rigoureusement, nous pouvons cependant dire que cette variation dans la distribution de structure exige une attention plus soutenue de la part du lecteur et conuibue I souligner la pksence du destinataire.
Ce que nous avons avance confirme. d'une part, la pr6sence de l'instance du destinataire dans l'univen textuel. et confirme aussi la suucturation polyphonique du statut du sujet parlant. Notre analyse demontre finalement que le texte cherche i constmire son propre destinataire et h i dicte les impressions qu'il doit eprouver.
Nous pouvons en deduire que la repartition de l'information vehicule des instructions pragmatiques et qu'elle rempiit une fonction argumentative, dans ce sens que I'auteur vise B amener le lecteur i une cenaine conclusion. Le support linguistique lui sen h persuader le lecteur.
I'analysc du premier Cnonce dc la nouvelle (je n hi jarnuis vu personnc. SVM 1). 5 2.1. L'hypothtse avancic par rapport cette proposition peut s'appliquer aussi a la SVM 16, ou apparait un pbinomine de negation .
248 Voir
Le parall4isme structure1 que l'on observe ii propos de la construction de ces ~~ au niveau de la macro- et de la enonces est ass& par plusieurs t i e r n e n t ~ 2textuels. micro-structure (h titre d'exemple, I'emploi des fomes nCgative et interrogative, les expressions dfbrentielles - le vous et les demonstratifs : cet homme); comme nous avons vu. la relation est &s etroite. en particulier dans le cas qui nous intiresse, entre I'enchainement referentiel et I'emploi de certains connecteurs. Dans les sections qui suivent. nous tenterons par I'analyse de ces marques d'expliquer et de commenter la pdseoce du destinataire et son effet argumentatipo Nous verrons que la fonction argumentative de l'enchainement thematique est
assuree par l'emploi de certaines marques rdf6rentielles - employies dans certains cas d'une fa~onparticulibre - et par I'emploi de cenains connecteun figurant dam
ces segments ou dans d'autres. Examinons maintenant ces marques.
3.2.2. Marques referentielles et connecteurs
L'etude de certains connecteun et de leurs relations avec les marques
referentielles (les pronorns nous/on et vous, et la reference nominale) nous permettra, en effet. de saisir les liens d'inference entre les enonces. en particulier ceux qui ne
sont pas linguistiquement fondes er que le sujet parlant etablit d'une facon implicite.
Un des points essentiels qui relie le sujet parlant a son destinataire est. rappelons-le. l'argumentation. -
-
- - -- -
Ces Clements ne se tmuvent pas nicessaircment dam les m&ncs segments; iis peuvcnt figurer dms d'autres segments assurant la mime fonction, comme c'est le cas dam notre tcxte. Z50 D'aums Climenu comme la presence de l'instancc de I'aum wront aussi commcntts.
Exarninons les exemples suivants : (Z.M.15) Non. Eh! bien, il est medecin; mais il a quitte la France, il est en ~ s i e * s ~ . (Z.M.16) eh! bien, I'un devient ministre, Carrel reste journaliste : I'homme incornplet mais subtil existe, Carrel meurtW
(Z.M.17)
- Eh! bien, lui cria-1-on, qu'est-il arrive?
- Je vais vous le dire en deux mots, car ce n'est pas un roman, mais une histoire. Nous ne vimes plus Marcas ...253 On peut faire une pnrnitre remarque B props de ces enonces :
La meme structure argumentative se rtip2te dam les trois exemples (repetition des connecteurs eh! bien et mais); le but argumentatif devient plus explicite dam le
demier exemple par la pr&ence de car.
Le connecteur Eh bien se presente. dam ces enonces, cornrne une interjection qui associe une fonction phatique et une fonction argumentative. I1 souligne
theitralemenr la pertinence de I'enonciation qu'il introduit. comme il vient pour marquer le glissement d'un plan denonciation B un autre.
Dans le premier exemple. l'emploi de eh!
bien ainsi que le Non et
I'interrogation sont temoins du changement de plan dnonciatif. Le narrateur s'adresse directement au narrataire. Le connecteur mais vient pour attirer I'attention du destinataire vise sur le fait qui s'est produit au niveau textuel. le &part du personnage.
'51 Z.M. D. 740. ?-5? Z.M; 753.
p.
253 Z.M. p. 761.
Dans le second exemple, nous allons trouver, en regardant le contexte dans lequel le connecteur Eh bien se manifeste, que les CnoncCs en question Ctablissent une cornparaison enue le personnage Carrel et l'hornme que Jlrsre vient d' introduire dans la conversation; le connecteur souligne thtltralement la mort de Carrel. La fome de
cet enonci I'WI devient ministre, Carrel nzeltn et la ripitition du norn propre soulignent aussi I'importance du fait qui s'est produit : la mon de Carrel (on pouvait
meme dire Z'autre meun, au lieu de Canel meun). Balzac voulait par ce procede attirer I'attention de son lecteur sur le son que subit ce penonnage Carrel. Cette reference nominale possede donc une fonction quant A la lecture; eile a Cte d'ailleurs introduite dans ces CnoncCs d'une faqon particulikre : le lecteur a l'impression qu'elle Ctait diji presente dans I'univers discunif des penonnages; alors qu'elle n'y a pas Cte introduite. Le lecteur ne se rend pas compte de cette difficulte car la rifirence nominale est prdsente dans sa mdrnoire discursive : elle a kt6 introduite dans le discours du namteur (voir exemple 9).
Grlce B ce dernier procede, ainsi que ceux que nous venons de commenter (l'ernploi du connecteur et la structure de lT8nonc6),le lecteur retient cette r6firence et retient par la suite une double cornparaison qui se rialise par un processus de dualite de lecture - entre Carrel et Z.Marcas. Si nous examinons le texte de plus pres, nous trouvons d'autres faits qui confirment d'ailleurs cette hypothese :
- le texte nous indique que Carrel ttait joumuliste, il Ctait i'homme fon, et il
- Le narrateur avait dCj&rnentionne que Z.Marcas est
un orateur, il est
l'hornme fon, bien s h , et il subira ie meme sort que Carrel : il mourra.
Par cette double cornparaison, le texte anticipe la fin & ZMarcas: sa mort. Cette fin est bien focaliske, en efiet, au niveau textuel et au niveau de la lecture par les
procedis qui se manifestent dans l'exemple 17 : le connecteur eh! bien met en relief I 'introduction inattendue des narrataires.
Le caractere surprenant de I'enchainement montre que l'tnonciateur joue sur les attentes du lecteur. I1 bouleverse les r6les narratifs et introduit de nouvelles voix dam le &it. Cette apparition inattendue d'une nouvelle kference non introduite dam I'univers textuel, le on, nous semble significative : le choix d'utiliser le pronom on pour designer I'instance locutrice vehicule des instructions pragmatiques quant B I'etablissement des liens entre les instances du discours et quant ii l'identification de ces instances. Nous pouvons en deduire que, par I'kmergence du pronom on, nous assistons
3 un
dedoublement. 6 un partage entre nous et on. entre le namteur et les
narrataires. Nous postulons egalement que. iorsque les pronoms nous et on sont identifies au narrateur et au narrataire. dans ce troisieme exemple et dans les autres qui ont les
memes kferences d'instances discunives. ils referent a une organisation ou une figurr collecdve. Quant au pronom vous, lorsqu'il refere au narrataire, il n'est pas identifie i une seconde personne. mais designe. au ni veau textuel, l'autre, le neutre2S4; c'est
-
-
-
254 Cenc
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instance p u t avoir un lien d'inf6rcnce extra-tcxtuclle ct &re idcntifite la jcuncsse.
pourquoi d'ailleun ce vous narratain devient on locuteur/nanateurs qui reprisente une figure collective.
Par ces emplois polyphoniques, Balzac cherche en verite 1 cker un effet de reel. L'Bnonce car ce n'est pas un roman mais une histoire renforce le caractere inattendu de cet enchainement. L'emploi de car ouvre une nouvelle inonciation. I1 permet au narrateur de se justifier aupr5s des lecteurs. En employant la negation, renforcee par le connecteur mais. le narrateur rifute I'idee que c'est un roman, et cherche par tous les moyens B convaincre ses destinataires. La derniere proposition vient renforcer cette idie. C'est un procedi qui jouit d'autant plus d'un effet argumentatif que l'allusion au roman
la fin du texte se charge d'une valeur
metatextuelle : Balzac nous fait signe qu'on approche de la clbture.
3.2.3. Dualite de lecture
Nous trouvons donc. inscrite dans ces situations d'enonciation, une dualite de
lecture qui devient d'ailleun ues signifiante et tks forte dam la troisieme situation. Marcel ~uillaume?55a envisage cette idie de dualite de lecture; sa thtse consiste a montrer qu'un rexre de fiction ivoque une realit6 passie. c'est-a-dire antkrieure au moment ou on le lil. Muis en m2me temps. a la fmeur de chaque lecture dont il fait l'objet. il ressuscite certe rt?a~itt??~~. C'est le cas dans ce texte : il rifZrc u d e u PvPnements distincts. 255 Aujourd'hui. mainrenonr + passe simple. denroin + imparfait D. 256 Vuillaume. 1990. p. 12.
L'analyse de Vuillaume a montrd que la dualitt de lecture est decelee par l'emploi grammaticdement non acceptable de certains adverbes de temps (tels que aujourd'hui, maintenant) avec certains temps verbaux (tel que le pass6 simple). Ces
types d'emplois qui semblent contradictoires ne foment pas un cas isole dans la litt6rature; Marcel Vuillaume~7l'a expliqut d'ailleun. Il a releve plusieurs exemples du meme type (aujourd'hui et maintenant + pass6 simple).
-
... liis par une affinitd paniculi8re. que l'un celui que la lecture suscitt est ie reflet dc I'autre, son jumeau rcsque parfait et nt s'cn distingue que par ic moment oh il x produit' 8. Ccs signes font partie de la classe dcs d6ictiqucs. qui ont la propriCtC commune de ne pouvoir itre ddfinis quc par rcfirencc 1 lcur cmploi. A m i , aujourd'hui dkigne Ie jour oh I'on cmploic cc mot, et la marque de pass6 simple signale que I'Ctat dcs choses vis6 par la phrase dont elk fait panic est antfrieur au moment ou elk apparait. I1 existe d'autre sone de diictiques, par exemple lcs pronoms personnels (je, ru, nous, vous)-'59 .
-
S
Nous aimerions indiquer ici que nous sornrnes d'accord avec Vuillaume ce sujet sur un point et en desaccord sur un auue.
Nous sommes d'accord avec Vuillaume pour dire que le lecteur ne s ' d t e pas
B ces passages. Cependant. nous postulons que ces emplois creent des faits discursifs qui vihiculent des instructions quant a la description du statut des instances du
discours et quant a la lecture; ils ont une fonction pragrnatique dans le discours, et ils peuvent ainsi relever la dualite de lecture tout cornrne ils peuvent exercer d'autres
fonctions. Finalement. nous aimerions souligner que les marques du discours qu'on vient d'anal yser ne sont pas necessairement des deictiques. L'interpretation des faits 257 Vuillaume. 1990. exempler cmpruntts 258 Vuillaume. 1990, p. 13. 159 [bid. p. 15.
B Stendhal.
discursifs qui apparaissent dans I'exemple 6, dont nous avons dtjP Cvoqu6 les problemes, p o r n confinner cette derriere objection. Dans cet exemple, comme nous l'avons ddjh expliquk, se fait jour un flottement de sujet honciatif un premier niveau de lecture. Le style indirect libre est souvent utilisC pour masquer le rrou*6? la complexiti et l'ambigulti Cnonciatives: il vient pour ainsi dire insenr une situation enonciative dans une awe, ou plut6t. dans ce texte, miiler une situation Cnonciative h une autre.
Les emplois dont nous avons montrt5 la difficulte, dans cet exemple, peuvent s'expliquer par I'hypothkse suivante. Nous postdons que le tenne void rtifkre au texte iui-m5me. Quant aux enonces qui rCferent B l'autre situation Cnonciative (celle du naiateur et des penonnages), ils relbvent de I'acte de narration propre au narrateur. c'est-&dire i la situation du narrateur et du narrataire. Ces enonces font partie du kcit de Z.Ma.cas: le narrateur presente un cadre visuel oh ce kcit a Cd prononce.
Par ces procedes. ie lecteur devient le contemporain du narrateur, qui I'implique dans le recit (mais non dans I'action). dans un processus de dualiti de
lecture. ce qui expiique d'ailleun I'emploi des temps verbaux propres a la narration, le passe simple et I'imparfait. Ce segment releve en fait de la narration (et non de I'action). il releve de la situation d'enonciation propre ii I'acte & la narration. Situation enonciative melee, i un premier niveau de lecture. mais bien distincte B d'autres
Par ce flottement enonciatif. Balzac essaye d'impliquer I'identification du
lecteur au narrateur, dans l'acte de narration, ce qui crtk une dualit6 de lecture. Ce 260
Dallenbach. 1980. p. 156.
dtdoublement, c'est-&-direcette dualiti, cnvahit en fait tout I'univers balzacien. I1 se manifeste aussi, sinon spdcifiqucment,au niveau inonciatif.
Ces dernibres hypotheses peuvent Ctre davantage confirmees par l'interpktation du terme ici dansln' Charles se rut.
3 2.4. Interpktation dici : anaphore indexicale ou diictique?
Le terme ici ne se rapporte pas au plan des evenements racontis, mais au moment de la lecture de I'histoire. L'evenement raconte, dans la mesure oh il est identifie au texte qui le presente. est perp comme contemporain de la lecture. Cette dualite (cette polyphonie) se trouve d'ailleurs dans le rgfkrent Charles : ce terme ne refere au narrateur premier qu'en tant que ce demier est le personnage du ricit que nous sornrnes en train de lire.
Nous postulons Cgalement que le terme ici renvoie au texte h i - m h e (dans cette partie du texte. Charles se rut). 11 sen considen5 ainsi comme anaphore indexicale et non cornrne deictique.
I1 est important de rappeler que. comme nous avons vu, on peut hisiter dans I'interpktation de ces Clements; on peut les interpkter cornme des CMments dCictiques
en relation avec la position spatiale ou temporelle de I'inonciateur, ou bien les considerer comme elements anaphoriques en dation avec le texte lui-m6me.
Cela nlemp&he que I'analyse des marques discursives p u t nndre compte de la polyphonie et de la complexid du sujet parlant, c o m e nous venons de voir. C'est ce que souligne justcment Anne Reboul en indiquant que
... on peut parler de diffhnts points de vue et k s diffirents points de vuc depuis lesquels on park sont indiquh, par le type dc morphemes rdfircntiels que l'on utilise (...) la violation des rigles synrniqucs dc la pronominalisation peut. par ie biais des instructions hies a ces pronoms. produirc des cffets rhdtoriques. notammcnt sur lc point de vue l. adoptt dans l'~nonc$~
3. Conclusion
En guise de conclusion. nous pouvons indiquer que les elements textuels analyses (la macro-structure narrative. les structures thematiques marqudes, les
expressions riferentielles et les connecteurs) nous ont permis de digager la structure suivante propre au statut des instances du discours dans cette nouvelle de Balzac. Nous avons decouven premierement que narrateur et narrataires sont sujets a des flottements inonciatifs. On ne peut les identifier a des instances distinctes dans le tex te. ils representent une figure col lective262 a qui s'adresse (ou souhaite263 s'adresser) le texte. Les personnages subissent une sone d'effacement au profit de
RebouI. 1990. p. 296. 262 Qui peut avoir une inference extra-textuelle et s'idcntifia
a la jeuncsx.
263 Nous utilisom ce tcrme car il n'est pas evident que lc texte amint le destinataire souhaitC ou
disiri. Cene question refive du domaine de la riccption dont nous ne nous occupcrons pas ici.
cette figure collective. Dans cette nouvelle, l'important ntest pas de savoir par qui la parole est prononcee, mais de retenir la lgon que cette parole transmet. Deuxiemement, nous avons pu constater que dans ce texte nous avons une double lecture inscrite dans la situation d'enonciation don? nous avons evoque le probleme et qui s'adresse B dew destinataires a la fois :les narrataires fictifs et les lecteun. Ainsi, Itinstance du lecteur s'inscrit darts le texte au moyen de ce procede. ce qui nous a amenee a constater que nous avons une complexite de structure et une
complexite d'instances discursives. Nous avons constate aussi qw les techniques argumentatives util isks
conduisent le lecteur a deduire un passage du particulier au general et a conclure que cette histoire est une histoire qui se reptite et qui s'implique. Comme le note dtailleun Lucien Dlllenbach, [Ile ddoublement des objets dimits par un commentaire rnetalinguistique trahissant I'opacite du concret ou son incapacite a fonctiomer cornme symbole, la sunnotivation des dwinements &elant ce qu'elle veut dissimuler. a savoir la puissance du hasard et le collage des morceaux. I'intemperancediscursive ramenant le singulier au gkneral et dissolvant le sensible dam I'intelligible.le bourrage du sens suggerant que le (trop) plein masque le vide, qu'il y a une faille fondamentale, et que l'oeuvre s'edifie au-dessus d'un abimc qui toujours menace de 364. l'engloutir
Nous esptkons avoir montre que I'emploi
de
certains precedes,
spkifiquement cewc qui p e n t probleme, vehiculent des instructions pragrnatiques
qui permettent de degager les regies ou les strategies de lecture qui s'imposent dam
le tene. Cette strategic de lecture explique, en effef la complexite discursive de cette nouvelle.
Les difficultes de lecture permettent aussi au lecteur de deceler la presence
d'une autre instance inscrite dam le texte, celle de l'auteur. C'est la lenre mCme de l'inscription qui fait difficulte. et c'est la difficult4 qui exige du lecteur &&reaux aguets d'une sisnifiance amre que le sens que les mots rqoivent du co tevte et de tenit compte de combinaisons autres que celles de la syntaue-%.
Sans doute, ce sont ces types d'agrammaticalite qui ont fait dire que Balzac ecrivait mal, alors qu'ils ne paraissent transcendants que si on les separe du contexte
balzac i en. Le choc initial qu 'Pprouve le lecfeurest juctemenf ce qui Itencourage a relire ces sequences, a fouiller dans le texte pour reconstituer le statut des instances
du discours. Les lapsus du roman balzacien ne sont donc pas dus a des maladresses d'ecriture; au contraire, ils constituent des preuves de lucidite, des marques
&inscriptionde diffirentes instances : en deux mots, une technique d'ecriture. Balzac n'ecrit pas
((
ma1 n, mais cree des faits discursifs afin de pertnettre au lecteur d'aller
au-dela de la signifiance des mots du texte pow etablir des liens &inferenceautres que ceux de la syntaxe, et si non enfin de deceler sa presence.
En introduisant de nouvelles instances dans le discoun de faqon inattendue, Balzac pratique m e ecriture polyphonique. C'est sans doute pour ces raisons que la nouvelle Z Marcas merite d'&e relue,
CHAPITRE IV ANALYSE MACRO- ET MICRO-CONTEXTUELLE
DU GRAND-MEA ULNES D'ALAIN-FOURNIER
0. Introduction
Au chapitre precedent, nous avons determine que les difficultes de lecture,
dam la nouvelle de Balzac Z Murcu-s, etaient spkcifiquement liees au probleme de la description du statut du sujet parlant. En nous basant sur I'analyse narratologique, nous avons aborde la question de la complexite des instances du discours. Nous avons observe que ce phenomene de complexite s'explique, au niveau macro et
micro-contextuel (linguistiquement parlant), par la structure polyphonique et fonctio~elledu statut du sujet parlant. Et, comme nous l'avons deja mentionne, c'est cette question qui relie les quatre textes choisis.
Dans Le G r d Meuulnes bAlain-Fournier, la complexite du sujet parlant ne peut etre tenue pour acquise. Nous tenterons donc de verifier, dans ce chapitre, s'il est
complexe ou s'il est simple, et cela afin de repondre aux questions deja soulevks a
props du statut des instances du discours dans les deux premiers chapitres. Nous proposerons une description du statut des instances du discours en fonction de nos hypotheses. Comme nous le savons, ce roman, hudie dam les lycees, e a repute nes clair et tres sirnple : C 'esf u propremen1 H e r une / f t t & ~ure f d '&co/e.ovec /e p r k u et Zr c o w de ricriwion pour seui horizon d ' & v c l ~ i o nCe ~~ texte ~ . a en fait ete longernps
considere comme un szmple r h e d 'udoZescence, principulemenf m ruison de
I 'ivoccition suggestive des paysages et des i r n ~ g e s En ~ ~ d'autres ~. termes, on considerait la lecture de ce texte comme facile et ne posant aucun probleme. Cependant, la lecture, ou plut6t la relecture, du Grand Meuufnes nous a fait
remarquer, comme I'a note Alain Buisine, que ce roman cuchait bien sonjeu et que 1e secret en avoit PIP soigneuwnem gardk juvy u 'ri pr~sent268.Nous pensons que la
lecture de ce roman n'est pas une opkration simple, elle est en fait problematique. Pow resoudre le probleme d i s ~ u r s i fdu ~ ~roman, ~ les chercheurs ne se sont pas
preoccupks d'etudier le statut des instances du discow, mais ont le plus souvent essaye de prouver la presence de certains elements biographiques dans le texte.
Indiquons aussi gue nos analyses peuvent prfois aboutir a des conclusions
sem blables a celles d'autres chercheur~'~~. Notre travail a Ie privilege d'tne fonde sur des elements empiriques. Notre lecture sera Cclairee par les informations
inscrites dans le texte lui-meme. I1 reste precisement a dkrire le statut des instances du discoun dans ce roman d'un materiau qui n'a pas ete assimile.
Nous aborderons spkifiquement les passages qui, i! notre avis, posent probleme dans ce texte, les rkits de l'aventure du Grand Meaulnes transmis par Franqois Seurel. Nous nous interesserons aussi au premier enonce du roman. Les fins de la premiere et de la troisierne partie du roman p e n t problerne,
en effet, dans l'etablissement des liens entre les instances du discours.
Le narrateur Franqois Seurel pretend raconter, ou plut6t transmettre, I'histoire de I'aventure du Grand Meaulnes. Toutefois, sa presence dans le discours ne peut &re negligk.
Les changements peqktuels du statut du narrateur sont problematiques. Le narrateur chasse le personnage du cadre, l'enferme dans la diegese et efface de lui
toute trace enonciative pour s'imposer au recit. I1 est vrai qu'Alain-Fournier introduit les changements du statut du narratew au niveau textuel, mais il ne les explique pas plus qu'il ne les respecte. Cette d i f i c ~ l t se e ~pose ~ ~dks le premier enonce. Le roman s'ouvre a la premiere page sur un il pour un seul enonce, puis se
pursuit immediatement avec leje sans foumir les informations necessaires quant a ce il et sans preciser le referent. Autrement dit, le narrateur a commence la narration par son propre rkit, puis le pursuit par le rkit de I'aventure de son compagnon, recit presente en trois episodes. Ce qui interesse le narrateur, en d'aunes temes I'objet de cette histoire, c'est I'aventure du Grand Meaulnes. Tout au long du r k i t ,
le seul point de vue presente est celui de Meaulnes. Mais il faut noter qu'il e a
presente par deux voix, par dew individus. Certaines questions s'imposent a props
Nous expliquerons en dktail cene difficuk au coun de notre andyse micro- et macrolinguistique.
narrateur ne laisse-t-il pas le protagoniste raconter sa propre histoire? Pourquoi utiliset-i l
donc ces procCdCs? Pour repondre B ces questions et pour expliquer la problkmatique discursive de
ce texte, nous utiliserons le modde d'analyse que nous avons proposC dans la premiere partie et appliqut au texte de Balzac. Rappelons que, selon notre perspective, le texte peut dicter des choix rant quant aux dements textuels ii analyser que quant au
choix de la mtthodologie d'analyse; cela est dictC par le texte meme. C'est d'ailleun pourquoi l'analyse fondee sur la thiorie polyphonique de Ducrot ne figure pas dans ce chapitre, les phenomenes qui peuvent eue analysis en termes de polyphonie, comme la negation, le style indirect libre ou l'ironie, presentant peu d'interEt pour la
problematique discursive de ce roman.
1. Statut du sujet narratif : essai de description dans le cadre genettien
1.1. Narrateur extra-homodiigetique
Le narrateur de ce roman est dit extra-homoditgCtique, car il raconte sa propre
histoire ii un premier niveau. I1 monte ses propres souvenirs : il est disignk par un je. 11 optre sur deux registres, celui du discours adressi au narrataire et celui des
evenements du recit. Ce je s'interpriite en fait de deux fasons : tant6t comme personnage du k i t , tantBt cornme Clement du discoun du narrateur :
(G.M.l) Je continue h dire 'chez nous', bien que la maison ne nous sppartienne plus. Nous avons quitle la pays depuis bient6t quinze ans.
[-I Tel est le plan sommaire de cette demeure ou s'ecoulerent les joun les plus chen de ma vie*7?
Nous pouvons voir que ces deux exemples relevent du discours commentatif du narrateur adressC i son narrataire. Quant B I'exemple suivant, il nltve du recit des
(G.M.2) Mon pltre, que j'appelais M. Seurel, faisait la petite classe2'3.
[...I.
Ma mere
Le narrateur kgle la performance narrative. I1 introduit les personnages dam le recit. entame la description de la demeure ob se deroule I'histoire et donne certaines : precisions temporelles et locales i props de cene hist0ire2~~
(G.M.3) Nous avons quitte le pays depuis bientBt quinze ans [...I Nous habitons les batiments du Cows Superieur de ~ a i tne - ~ g a t h e ~ ' ~ .
Lorsqu'il s'agit du recit ou du discours d'un personnage, il est transmis aussi par le narrateur?76. Le lecteur apprend donc par ce dernier tous les details de I'histoire.
Dans la premiere partie du roman (jusquvauchapitre XVII). Ftagois Seurel, le narrateur, raconte I'amvee du Gnnd Meaulnes, son evasion (chapitre IV) et enfin son retour :
272 G.M. p. 1 I- 12. t73 G.M. D. 11 Nous reviendrons sur cc point au coun de I'analyx rnicro-contextuclle. 275 G.M. p. L I. 276 A I'exccption dc dcux situations qui scront uansmises par le personnage Meaulnes. Nous reviendrons sur cc point.
(G.M.4) II atriva chez nous un dimanche de novembre 189...277
Je sais que Meaulnes est parti. Plus exactement, je le souwonne de s'&tre tichap@. Sitdt le Mjeuner terrnine, il a dO sauter 2 7 3 .
(G.M.5) Dresse contre la porte, nous aperqimes le Grand Meaulnes secouant, avant d'entrer, le givre de sa blouse, la tete haute et comme ebloui !z79
Le narrateur garde en souvenir ces trois Cvdnements : l'amvee. I'evasion et I'aventure du grand Meaulnes. I1 mentionne d'ailleun au debut de son rkit que les souvenirs qu'il garde du passe sont ceux des moments vecus avec Meaulnes et surtout ceux de leurs avenms. nos aventures, comme le montre I'exemple suivant : (G.M.6) C'est ainsi, du moins, que j'irnagine aujourd'hui notre arrivee. Car aussitet que je veux retrouver le lointain souvenir de cette premiere soiree d'attente dans notre cour de Sainte-Agathe, deja ce sont d'autres attentes que je me rappelle, [...I. Tout ce paysage paisible (. ..] est a jamais dans ma memoire, agite transforme par la presence de celui qui bouleversa toute notre adotescence et dont la suite meme ne nous a pas laisse de repos2S0.
Ces trois evenements ne sont pas seulement transrnis par le narrateur, mais aussi focalises par ce demier. autrement dit, vus par lui. Le narrateur se pdsente donc
comme temoin de ces trois evenemenrs. II est interessant de noter que le narrateur n'a veritablement assiste qu'aux premier et troisieme evenements, c'est-Mire l'arrivde et le retour de Meaulnes. Cependant, il les situe sur le miime plan enonciatif, ce qui cde une difficulte dam l'etablissement des liens entre I'instance du narrateur et I'instance du personnage (du protagoniste de l'histoire). G.M. p. 10 278 G.M, p. 3 1 279 G.M. p. 42 280 G.M. p. 13
1.2. Probltmes de complexite d'instances du discours L'basion (premier re'cit)
Lc narrateur n'a pas vu de ses pmpres yeux l'bvasion de Meaulnes. I 1 n'a pas assistt B cette scene (puisque Meaulnes s'est
r evade
D
tout seul), mais plut6t il
l'imagine : (G.M.8) Je sais que Meaulnes est parti. Plus exactement, 19 Ie U o n n e de stetre echappe. Sitat le dejeuner tenine, a dh sauter le petit mur el filer a travers champs, en passant te ruisseau a la Vieille-Planche, jusqu'a la Belle-Etoile. Il aura demandd la jument pour aller chercher M. et Mme Charpentier. w e l e r en ce m o m .
I...] Je
suis sirr maintenant qu'on fait la-bas les preparatifs du depart de Meaulnes. Voici la jument qui passe la t6te [.. I tandis qu'on fixe Sans doute, a I'arriere de la voiture, un second siege pour Ies voyageurs que Meaulnes pretend ramener28 1.
Le narrateur commence son k c i t en respectant cene contrainte : il tente de se distancier du recit et d'etablir des cloisons entre les deux plans enonciatifs afin de donner une credibiliti a son discours. Pour y parvenir. il utilise certains termes qui
expriment le doute et qui montrent qu'il devine ce qu'il arrive, tels que j e le soupgome. il a dC sans doure ...
Mais paradoxdement. cenaines marques sont utilisees. telles que voici, en ce mmzent. consideries diictiques
-qui relient le narrateur a la situation d'enonciation.
G.M.p. 31-32.C ' a t nous qui soulignons.
I1 est intenssant & noter que les deux situations que nous venons d'evoquer sont reliies ensemble dans un meme Cnonci : Je suis s i b muintenant [...I voici la jument qui passe la tPre [..I Enfin la voiture son lententent..?**.
Le narrateur pdsente simultantment la scbne imaginke et la scene rkelle et
introduit ce qu'il imagine dans la trarne narrative, comme le montre d'ailleun l'exemple suivant : (G.M.8) Enfin tout I'equipage sort lentement de la cow, disparait un instant derriere la haie, et repasse avec la meme lenteur sur le bout de chemin blanc qu'on aperqoit entre deux tronqons de la clbtute. Je reconnais alors [.. I mon compagnon Augustin ~eaulnes*B3.
Ces enonces contiennent des precisions foumies par quelqu'un qui a vu la scene, rout cornrne ils indiquent que le narrateur devine ce que Meaulnes fait. Le narrateur transmet ce que le penonnage fait P ce moment avec certitude, comrne s'il etait
present ou comme s'il savait tres bien ce que Meaulnes allait faire. Pounant, ce
demier n'a jamais declare qu'il allait
a
s'evader W . et il n'a rien dit B Fran~oisde ce
qu'il comptai t faire. On doit se contenter de la version du narrateur!
1-3. Presence du narrateur
Le lecteur n'a d'ailleurs pas d'aurre choix, car tout au long du &it, le narratew est le seul ditenteur de I'inforrnation narrative. Notons aussi qu'il est pdsent dans la G.M p. 31-32 283 G.M. p. 33
dibgese. Sa pdsence p u t &re dicelee, selon Genette, par les marques linguistiques suivantes : le pronom personnel je, l'emploi du pdsent, les diictiques en rapport avec la position spatio-temporelle du narrateur et enfin les assertions de ce dernier. cornme le monuent les exemples suivants : (G.M.9) Je continue a dire
chez oous
1.
...284
C'est ainsi du moins que j'imagine aujourd'hui notre arrivee285. (G.M 10)
... les jours
les plus tourmentes et les plus chers de
ma vie286.
I1 est indispensable de noter que la prisence du narrateur se manifeste B deux niveaux diegetiques, dans deux situations enonciatives : celle de I'histoire : (G.M.ll) ... j'attendais, en lisant, dans la froide salle a manger 2 8 7 .
et
celle du discours du narrateur adresse au narrataire : (G.M.12) Car aussit6t que je veux retrouver le lointain souvenir de cette premiere soiree d'attente dans notre cour de Sainte Agathe, deja ce sont d'autres attentes que je me rappei~e?gg.
G.M. p. 11. G.M. p. 13 * 8 6 ~ . p. ~ . 12 G.M. D. 14.
Cet exemple a m h e
P constater que le narrateur s'adresse directement au
narrataire situe au m&meniveau diegetique (le niveau extra-diegetique). I1 interrompt
parfois la narration pour fournir certaines explications 5 son destinataire, c o m e dans l'exemple qu'on vient de prisenter. Par ailleurs, certains Clements relient le narrateur a son narrataire et poussent le premier B inclure le second dam son discours pour les besoins de sa demonstration. I1
s'agit 18 d'une forme de presence de deux instances dans le mEme segment narratif. presence suggCr6e par les marques d'adresse vous et notre, tel que dans I'exemple sui van t : (G.M.13) Pour la premiere fois Meaulnes sentit en lui cette legere angoisse qui vous saisit a la fin des trop belles journees. Apres un instant dlMsitation, notre heros emboita le pas289.
Ces exemples ne sont pas tres frequents dans le roman. Le narrateur n'etablit pas de pacte narratif avec son destinataire. I1 n'adresse pas la parole. linguistiquement
parlant, a un narrataire. Cenes, il cherche
ii
maintenir un contact avec lui par ses
explications. I1 interrompt parfois la narration et se kfkre au moment de I'enonciation. en utilisant certains deictiques cornrne oujourd'hui, mais sans fournir aucun detail sur
cette situation d'inonciation. comme le d6montre d'ailleurs cet exemple :
289
G.M.p. 102.
(G.M.14) Mais aujourd'hui que tout est fini, maintenant qu'il ne reste plus que poussiere de tant de malt de tant de bien je puis raconter son ettange aventure.
A une heure et dernie de Itapres-midi, sur la route de Vierzon, par ce temps glacial, Meaulnes fit marcher la b6te bon train, car il savait n'6tre pas en a v a n ~ e ~ ~ O .
L'intemption de la narration est un procede utilise par le narrateur pour introduire I'histoire de I'aventure du Grand Meaulnes. La prisence du narrataire peut donc eue considkree comrne une construction fictive faite du narrateur pour cr6er un cadre B son kcit.
L 'avenruredu Grand Meaulnes (second rkcit)
Ce deuxikme rkit nous a m h e B un autre niveau ditgetique. Le statut du
narrateur subit un changement : le narrateur Fransois Seurel transmet le recit de I'aventure du Grand Meaulnes racontee par le second au premier?
L'emploi du
pronom personnel il et de 1' adjectif possessif son temoignent de ce changement. Autrement di t. le je se retire apparemment du discours pour ceder la place au il. Mais on ne doit pas oublier que le discoun est assumd par ce je, c'est-8-dire par le
nmteur. Ce &it peut donc itre place au niveau intradiegetique. (G.M.15)Mon compagnon ne me conta pas cette nuit-la tout ce qu'il lui etait arrive sur la route. Et meme lorsqu'il se fut decide a me tout confier, [...I ce resta longtemps le grand secret de nos a d o l e ~ c e n c e s ~ ~ . G.M. p. 56. Franqois Scurel racontc en &it second (puisqu'il esr peMnnagc dam le &it second) une histoire d'ou il est absent. 292 G.M. p. 56.
Mais une difficult6 se pose deja : devons-nous considirer le personnage (narrateur), Augustin Meaulnes, c o m e homodi&gbtique,puisqu'il raconte ses propres aventures, ou bien le considtrcr comme hCtCroditgtique sous prttexte qu'il est disigni B la tmisieme persome et peut sembler & ce fait vu de l'exterieur?
On se heme donc i un probltme de complexit6 d'instances du discoun pour
une seconde fois : au debut de ce second rCcit293, le narrateur reprend la miime strategie narrative du recit de l'bvasion. I1 se distancie du ricit qu'il transmet. cornme dam les exemples suivants : (G.M.16) Le voyageur avait enroule autour de ses epaules, comme une cape, sa grande c o u ~ e r t u r e ~ ~ ~ .
(G.M 17) Apres un instant d'hesitation, notre heros emboita le pas295.
Le nanateur ne se contente pas de nproduire textuellement le ricit de Meaulnes. II le presente sous forme d'une histoire d'aventures. Certains termes donnent d' ailleurs au lecteur I'impression qu' il lit vraiment une histoire (un roman),
comme : ie grand PcoZier. le grand gars, notre hiros, le voyageur... . En deux mots, Fran~oisSeurel nous presente cette histoire cornme si elle etait <<
vue de l'exterieur
N.
et non comme une penonne qui l'a vecue, tout en donnant
l'impression qu'il la connait cEja. comme le montre I'exemple suivant : (G.M.18) Notre voyageur. ravi de se trouver dans cene humble maison apres tant d'inquietudes, pensant que sa bizarre aventure etait terminee, faisait deja le projet de revenir plus tard avec des camarades revoir ces braves gens. 293 La narration du k i t dc I'aventure du Grand Maulnes. p. 57-58. p. 102.
294 G.M, 295 G.M.
II ne savait pas que c'etait la seulement une halte, et qu'il allait tout a I'heure reprendre son chemin296.
Cet exemple permet d'observer aussi que le narrateur introduit son comrnentaire dam la trame narrative du &it. Il anticipe la narration et se pdsente comme un narrateur omniscient qui connaft bien l'histoire de son heros :pensant que sa bizarre aventure itait tennine'e. Nous
devons donc nous contenter de sa version
personnelle des faits. On reconnait ici sa tentative de toujours tenir le fil narratif et d'organiser la narration. En fait. tout au long de ce &it (celui de I'aventure du Grand Meaulnes), le &scours est toujours rapport6 par Franqois. Meme lonqu'il s'agit des pensees de Meaulnes, celles-ci sont aussi rapportees par h i , comme le montre I'exemple suivant : (G.M.19) Meaulnes songea soudain. avec un serrement de cceur, a la salle a manger de Sainte-Agathe, ou nous devions, a cette heure, 6tre tous reunis. Puis la colere le prit; puis I'orgueil, et la joie profonde de s'itre ainsi evade, sans I'avoir voulu ...297.
Le narrateur ne transmet pas seulement les pensees de Meaulnes. mais aussi ses sentiments les plus intimes: parfois il transmet meme ce que Meaulnes imagine, comme c'est le cas a la fin de la mysterieuse fete : (G.M.20) Apres cette fete ou tout etait charmant, mais fievreux et fou, ou lui-meme avait si follement poursuivi le grand Pierrot, Meaulnes se trouvait la plonge dans le bonheur le plus calme du monde. I.. ]. Alors ce fut un r h e comme son teve de jadis. II put imaginer longuement qu'il etait dans sa propre maison, marie, un beau soir, et que cet etre charmant et inconnu qui jouait du piano, pres de lui, c'etait sa femme..?8
296 G.M. p. 64-65. 297 G.M. p. 59-60. 298 G.M. p. 90.
Dans cet exemple, Fran~oisddduit le rtve de Meaulnes, ou plutdt une vision299 qu'a eue ce demier dans son enfance. Rappelons que le lecteur connait cette
vision, cette information, puisque le narmtem I'avait &jZi intmduite dam le nkit en f voquant ce que Meaulnes imaginait lorsqu'il s'est perdu dans les sentien lon de son
evasion : (G.M.21)[.. I il se rappela un reve
-
une vision plutdt, qu'il avait eue tout enfant, et dont il n'avait jamais parle a personne : un matin, au lieu de s'eveiller dans sa chambte, [...I. En ce lieu coulait une lumiere si douce qu'on eOt cru pouvoir la go0ter. Pres de la premiere fen&re, une jeune fille cousait, le dos tourne, semblant attendre son reveil... If n'avait pas eu la force de se glisser hors de son lit [.. I. I1 s'etait rendormi... Mais la prochaine fois, il jurait Men de se lever. Demain matin, peut-&re! ... 300.
Dans les deux demiers exemples que nous venons de pksenter, le narrateur entre dans la peau du personnage et transmet une vision qu'il avait eue dans son enfance et dunr il n 'avoitjamais par@ a personne.
Une double question se pose B propos de ce reve : est-ce le narrateur qui
assimile 1'Ptre channant er inconnu qui jouait du piano a la jeune fille que Meaulnes imaginait autrefois dans son e v e d'enfance; ou bien est-ce Meaulnes qui a effectui cette assimilation? Autrement cht. esr-ce Meaulnes qui lui avait raconte cela ou est-ce ie
narrateur qui ie devine? Une autre remarque peut Ctre formulee h propos de ces dnonces : dans notre
second exempie, la pksence du narrateur Fransois Seurel p u t iue signalee au niveau du texte. Le locuteur (qui est cense itre le narrateur) se rattache a la situation & 299 Notons que ce rive--ou cene vision-a 3M) G.M. p. 69.
CtC dcja CvoquCe.
I'bnonciation; cela est suggerC par I'emploi du dkictique Demuin marin et par celui du
signe de ponctuation, le point d'exclamation. propre au discours direct. Mais quelle situation d'enonciation? Celle qui est tvoqute dans ces inoncts est propre au personnage & Meaulnes. Le nanateur ne peut donc pas itre rattache B cette situation. Le problbme de complexite d'instance de discours semble ainsi devenir de plus en plus diroutant. L'analyse du troisitme kcit, celui du secret de Meaulnes, pourra le
confirrner.
Le secret de Meaulnes :(troisieme &it)
Tout au long des deux premiers recits, le narrateur insistait sur le fait qu'il transmettait le recit exact des evenements. Par contre, dans le uoisieme. ii indique qu'il tmnsmet la copie du recit301 des evenements. Le narrateur revhle le secret du
Gnnd Meaulnes. Ie secret de sa rencontre avec Valentine, tel qu'il I'a lu dans le cahier de devoirs mensuels d' Augustin : (G.M.22) II y avait aussi un Cahier de Devoirs Mensuels 3, [.. I et je descendis dans la salle a manger pour parcourir a loisir, a la lumiere du jour, I'etrange document. [...I Et c'est devant cette fenetre que je lus ces lignes qui m'expliquerent tant de choses et dont voici la copie tres e~acte...~*? 4~
30111 faudrait notcr I i qu'il s*agitd'un tcxte h i t . 30t G.M. p. 287-288.
Et soudainement, sur le point de clore cette histoire et de dveler le secret, il renonce B cette attitude, change & stratbgie narrative et ne pdtend plus transmetm le &it exact &s kvenements. comrne I'indique d'ailleurs le passage suivant : (G .M .23) Cette espece de journal s'interrompait la. Commenpaient atom des brouillons de lettres illisibles, informes, ratures. Precaires fiangailles! ... La jeune fille, sur la priere de Meaulnes, avait abandonne son metier. Lui s'etait occupe des preparatifs du
I1 avoue ii son lecteur qu'il manque du texte ecrit propre B Meaulnes. mais cela ne l'intrigue pas. II continue son rkit. diduit ce qui est arrive (d'apks les brouillons
des Ietues) et le transmet au lecteur qui se muve ainsi tenu d'accepter cette diduction et de poursuivre la lecture. Le narrateur poursuit son &it en insistant sur le fait qu'il tient tous les fils. I1 ivacue complitement le protagoniste de I'histoire, Meaulnes, du
cadre narratif. Le je est congedie du ricit pour cCder la place au if. La fonction
narrative est retike complbtement de ce personnage pour itre l i d e B Fransois, cornme le montre le passage suivant :
(G.M.24)... Mais chose etrange, a partir de cet instant, peut&re par un sentiment de pudeur secrete, Ie journal etait redige de faqon si hachee, si informe, griffonne si hativement aussi, que j'ai dir reprendre moi-meme et reconstituer toute cette partie de sone 3@ rsbihi!
Pour une troisieme fois. le statut du narrateur subit un changement, mais encore plus deroutant que les auues. comme nous I'avons mentionne. Le namteur
admet que ce qu'il m s m e t n'est plus la copie exacte du &it (du secret) de Meaulnes. I1 s'en excuse en pretendant qu'il etait oblige de le reconstituer P pmir d'un texte
303
G.M.p. 296.
3wG.M. p. 297.
d'un texte hache et informe. Mais, a notre surprise, l'histoire est racontee avec une precision impeccable et une grande profusion de details. Au niveau narratologique, ce troisieme recit pose3°3 la mPme difficulte que
le second.
C'est 18 que le modele descriptif genettien, qui nous avait bien sewi jusqu'ici, rnontre ses limites. D'autres questions nous forcent a elargir la perspective descriptive par I 'analyse macro- et micro-contextuelle linguistique. Comment rendre
compte, par exemple, des dificultes de lecture des recits enchkses? I1 nous semble que ces techniques de narrations s'emboitant les unes dam les autres obscurcissent le roman et deroutent le lecteur, d'autant plus que ce phenomene se reptite dam d'autres parties du texte, a d'autres moments de la lecture3o6. Paradoxdement, au
niveau de la diegese, ces recits occupent une fonction tres importante. D'un point de vue namtologique,
comrne l'a remarque Musarra-Schroder, le journal intime et les
lettres inseres dam le texte ont valeur de documents qui permettent au herosnarrateur de miew reconstituer son passe : Les journaux irnimes et les lettres corrigent et compldent l'image que le heros-narrateur donne du p&. [...J Le &it &Augustin [...) sur la demeure mysttirieuse et la rencontre avec Mlle de Galais, fonctionnent de la mime facon. [...) les feuilles du cahier d' Augustin I...) pennettent au heros-narrateur e tkouvrir la waie raison du comportment enigmatique d' Augustin .
$09
En effet, le recit d'Augustm sur la demeure mysteneuse ainsi que les feuilles
du cahier de devoirs mensuels de ce dernier ont valeur de documents. Musarra303 Nous rappelom gue ce problhe x pose pour la oeconde fiis dam le roman 306 Nous avow vu le pmblhe que pose lTccempledu rkit de l'&mion de Mewlms. transrnis et focalisi par Ie m e u r Franqois. 307Musarra-Schmder, 1985, p. 136.
Schroder rnontre bien l'importance du kcit de l'aventure d' Augustin et de son cahier de devoirs mensuels pour la narration et pour le lecteur, mais elle neglige une question importante : qui est le hhs-mrrateur dont elle parle? C o m e nous le savons. le hkros-narrateur est Franqois Seurel. Cependant, ni
le cahier de devoirs mensuels ni le recit de l'aventure de Meaulnes ne reconstituent le passe du heros-narrateur : c'est en fait l'histoire de quelqu'un d'autre qui est reconstitute, celle d'Augustin. Une question se pose donc : est-ce Fmqois le premier narrateur ou bien estce Augustin narrateur des &its seconds et heros de l'aventure? Nous avons 6voquC le problkme que pose les fins de la premitre et de la
troisihe partie. Les rbcits en question permettent d'autant moins de situer le narrateur, que la perspective narrative oblige, cornme nous avons vu.
it
admettre de
perpetuelles ruptures entre I'assirnilation d'un mime point de vue et le smut du nmateur. Le roman d'Alain-Fournier nous semble dementir une affirmation de Genette : Tout se passe comme si ie narrateur homodikgktique ne pouvait itre dans son ricir un cornparse ordinaire :i f ne peut 6tre que vedette ou simple spectateur308. En effet,
comment concilier cette opinion avec les passages de la premiere panie (dont nous avons evoque le probleme) oh Frangois esr nmateur ? I1 n'est pas vedette, c'est le
Grand Meaulnes, representant l'aventure, qui l'est. Mais il n'est pas pour autant simple spectateur, et il ie sera de moins en moins au fil du roman. Nous pensons que le probkme ne se pose que dans la mesure oh on distingue le penonnage d'Augustin et celui de Franqois. Le lecteur s'aperqoit au cours de la 308 Genette. 1972. p. 253.
lecture que le sens du roman conduit B assimiler ces dew personnages : I'aventure leur est commune,I'amour d' Yvonne de Galais I'est aussi.
Ce que now venons d'avancer n'est qu7unededuction penonnelleJo9, basee sur I'instinct de lecteur, quoiqu7ilest mi qu'a un second niveau de lecture. le sens du roman conduit a assimiler ces dew personnages. I1 ne faut pas oublier cependant
qu'a ce meme niveau de lecture, d'un point de we textuel, les dew personnages
demeurent distincts. On a rnOme dans ce roman I'impression d'une parfaite unite de ton.
Ce probleme peut &re mieux eclaire au moyen des structures macro-
contextuelle (narrative et linguistique) et micro-contextuelle. Si on prend en consideration la microstmcture du texte, nous voyons qu'a ce
niveau le statut des instances du discours se caracterise par une simplicite de structure. Autrernent dit, nous n'avons pas a combiner I'instance du narrateur et
I'instance du penonnag$ lo. Chaque recit3'
pris a part est simple au niveau des
combtnaisons entre ces deux instances . Cette combinaison ne devient complexe que lorsqu'on embrasse tout le texte (autrement dit, lonqu'on assemble les differents recits enchkses), lorsqu'on prend en consideration la macrostructure et la
microstructure linguistique du texte. Nous nous apercevrons que tout au long du recit un seul point de vue nous est presente, celui de Meaulnes, comme nous I'avons mentionne au debut de notre analyse.
309 ~t que tout autre lecteur pourrait fairr aussi. 310 I1 faudrait noter ici que d'aums d a n c e s peuvent etre prbcntrnt au nivau de la micro-structure. Nous nous int6essons dam cette section aux instances du namueur et du personnage dement. Nous revi-ns a cette question plus loin Recits dont now avons d i j i wukvC le pmblhe.
Pounant, ce point de vue est present6 au niveau textuel par deux individus, par deux voix.
La typologie narrative ne peut repondre aux questions concernant le statut du sujet parlant. puisqu'elle ne s'interesse qu'i la macro-structure narrative : comment peut-on decouvrir le jeu complique qui s'opkre d'un personnage j. I'autre. au niveau dc la macro et la micro-structure linguistique, de mCme que les glissements et les
transferts qui se manifestent ? Comment peut-on saisir I'identification d'un mime point de vue? Est-il pertinent de distinguer deux voix si elles representent ie meme point de vue? Pour repondre i ces questions. nous proposons d'elargir la perpective narrative par l'analyse du discours. Nous postulons que les dements mCthodologiques propres h ce domaine pourront dCcrire le statut des instances du discoun, et cela en nous fondant sur des donnies textuelles et non sur des intuitions penonnelles.
2. Analyse macro- et micro-contextuelle linguistique
Pour dCcrire le statut des instances du discours dans ce roman, nous devons analyser l'emploi de certaines marques du discours, de certains phbnomhes iinguistiques; cette analyse nous permettra de reperer des indices par rapport au statut des instances du discours.
Nous distinguerons, en premier lieu, les difficultis de lecture qui sont 6 I'origine de la probldmatique discursive. Nous soutenons qu'elles peuvent Etre rnises B jour h h i d e des Clernents m6thodologiques propres au domaine de I'analyse du discours.
3.1. Difficultis de lecture
Nous postulons egalement que ces difficult& de lecture tiennent dans le premier cas B une rupture knonciative. et dam le second cas i une mdtamorphose du sujet parlant produite par une agmaticaliti.
2.1.1. Premier type de difficult6 : le pronom il
La rupture enonciative est due i I'emploi du pronom personnel il, dans le premier tnonce du roman. Ce il n'est pas assimilable B un anticedent. Le lecteur s'attend 1 trouver la reference de ce pronom dans les lignes qui suivent cet tnonct, mais ne la trouve pas. Cette rupture est neutraliske par I'emploi d'un second rdfdrent. le je. considin5 cornme une reprise de continuit6 du pronom nous.
2.1.2. Second type de dificulte : metamorphose du sujet parlant produite par un cas
d'agrammaticalite
Passons maintenant au second type de di fficulte, la forme dagrammatical i te,
c'est-adire la violation d'une regle syntaxique presente dans I'exemple suivant : MuI S ku prochine fils, il juruit bicn de st. Irver, dcmuin matin peut-3tre !..., par
l'emploi, non acceptable d'un point de vue grammatical, du deictique demum au lieu de Ic. !endemuin.
Dans un tel enonce, on stattend en effet a trouver un adverbe tel que /e lendemurn. Rappelons que dans le chapitre precedent nous avons essaye de rnontrer
que certains faits discursifs ne sont pas des faits isoles, mais qu'ils sont relies a
d'autres elements textuels au niveau de la macro-structure et au niveau de la microstructure. Ainsi, nous examinerons dans la prochaine section cenaines marques dont
I'emploi est etroitement relie a la description du statut du sujet parlant : la structure infonnationnelle, les marques temporelles et referentielles.
2.2. Analyse des marques discursives
2.2.1. Marquage thbrnatique
I1 est temps maintenant de nvenir au premier inonci dont nous avons soulignC l'aspect problematique. On ne peut manquer bobserver, it la lecture de la premiere page. la curieuse stxucture informationnelleet le curieux ernploi des r6Hrences : (G.M.25) II arriva chez nous un dimanche de novembre 189...3 a dire chez nous ~ 3 ,bien que la maison ne nous appartienne plus. Nous avons quitte le pays depuis bientdt quinze ans et nous n'y reviendrons certainement jarnai~.~ l3
JQ continue
(6
1.2.1.1. Rtpartition en SVM
La repatition de ce segment en SVM peut Etre pkseatke ainsi :
SVM
TEXTE
1. I1 aniva chez nous un dimanche de novembre 189...
2. Je continue a dire
(c
chez nous
m,
bien que
3. la maison ne nous appartienne plus. 4. Nous avons quitte le pays depuis bientbt quinze ans
et 5 . nous n'y reviendrons cenainement jarnais. 3 1 1G.M. p.10 3 1 3 G.M. p. 11.
2.2.1.2. Progression thimatique
Quant B la progression thimatique, nous la presentons par le tableau suivant :
Theme
Rhime
Progression
nous Singularisation nous
appartient
le pays
quitte
Y
reviendrons
Thematisation, inference
Constant
S-COTE-ADJ
I
Meme si ce court extnit n'est pas representatif, la longueur moyenne de SVM
est d'environ 7 mots, et I'on compte environ 7 mots par proposition, ce qui n'a rien de
puticulier en ce qui conceme les structures syntaxiques. Dans la premibre sequence verbale maximale, nous avons deux themes : le il et ir mns. Dans la seconde, nous assistons h une thtrnatisation : le referent je devient
co-thernatique avec d'autres ClCments pour former le noiis; de plus, nous avons un second theme, maison, relie au rhbme de la sequence prkedente, cltez nous. Ce terme peut representer sur le plan simantique
notre demeure, notre maison
D.
Dans la
troisiirne SVM, nous assistons ii une reactivation du theme nous.
Le il n'apparait que dans le premier BnoncC. Le lecteur cherche P relier ce marqueur de conrinuite' thimatique aux Cltments du discours, mais ne peut y arriver
s'il s'en tient am procidures formelles, comme nous l'avons remarque. Cependant,
au niveau de la coherence textuelle, c o m e l'a bien montre Georges Kleiber, le pronom il est un rnarqueur de continuit6 thtmatique. mais non pas d'une continuit6 thhatique simplement nominalc :il indique que I t dfktent est saisi en continuit6 avec la situation rnanif~ste31~.
Dans notre texte, le lecteur ne peut etablir de liens d1inf6rencesentre ce marqueur et les dements de la situation d'enonciation. Ce pronom ne peut etre saisi en continuit6 avec la situation manifeste. d'ob une rupture thematique au niveau de la coherence du texte.
II faudmt noter ici qu'au niveau de la semantique315 du texte, le lecteur peut ne pas se rendre compte de cette difficultd. I1 poursuit sa lecture, et cette rupture est neutralisee (au ni veau de la macro-structure) par I'introduction du second theme. le noits. qui se singularise en je. Ce procede s'inscrit dans le corps du texte, car si on
observe la micro-structure. on remarque que la continuit6 du discours est assurie par I'emploi de ces deux pronoms : le je et le nous. Le lecteur assimile le premier au
narrateur: quanr au second. il I'assimile au narrateur + ses parents. Si on passe B un second niveau de lecture, nous remarquerons le curieux
ernploi du pronom if, au dibut du texte. sans qu'il n'ait par la suite de reference. Cet
emploi nous semble en effet problematique. car il apparait au debut du roman.
l4 Kleiber. 1994. Rappelons que selon notre perspective. Ic travail de la comprChension textuelle s'Ctablit 1 plusieurs niveaux. Pour plus de dttails voir chapitre 11, § 3.2.
Un autre ernploi qui pose probleme est ceiui de l'adjectif possessif nos dans l'exemple suivant : (G.M.26) ... tel eat le plan sommaire de cette demure ou s'ecoulirent les jours les plus tourrnentes et les plus chen de ma vie demure d'ou partirent et ou revinrent se briser, comme des vagues sur un rocher desert, nos aventures316.
-
Logiquement, les a v e n m s dont le narrateur parle ne peuvent &re celles de ses parents et de h i - d m e . La rkfkrence & nos317 n'est pas celle du nous des phrases
precedentes. On doit donc I'assimiler P une autre reference (le je
+ une autre
personne), mais on n'a dans notre univen textuel que le il. On est donc tenu d'assimiler cet adjectif au je et au il. Ce il reste en fait anonyrne et enigmatique pour le lecteur jusqu'i la troisieme page du roman : Nous itions pounanr depuis dix ons dam ce pays lorsque Meaulnes am.va3L8.
Ce qui permet d'assimiler le pronom B son kferent, le nom propre Meaulnes, crest I'emploi du verbe orriver present dam la memoire discursive du lecteur. L'emploi de cette cataphore peut diminuer la force cohesive du texte, comme nous le savons. lorsque les occurrences sont eloignees. Peut-Etre cette cataphore produit-elle une force cohesive, par l'effet de
suspense D et d'attente qu'elle cree. Cet emploi a
alors probablement une fonction et joue un r6le prkis.
I1 est indispensable de noter que le parallilisme structure1 que I'on observe a propos de la construction de ces enoncis est assur6 par un autre dement textuel,
316 G.M. p. 12.
l7 Lintroduccion du tame ovenzurc. la premiere fois dam le roman. avec I'adjectif possessif ms pcut itre considCrC commc celle d'un t e k e clC pour la comprChcnsion du roman. Nous reviendrons a cettc question. l 8 G.M. p. 13
l'enchainement temporel. Autrement dit, la rCpartition de l'infonnation et I'enchainement cohesif se rattachent Ctroitement B la question de l'enchainement temporel et au choix des temps verbaux.
2.2.2. Interpretation de la place du il dam le roman : importance du personnage Meaulnes
Nous pouvons dbduire que la repartition d'inforrnation, d'unc part, oblige le lecteur i prendre en considiration la pksence du pronom personnel il dts le &but du roman et. d'autre part, marque la place que ce pronom (et la personne B qui il dBn) occupe dans le texte.
Par I'empioi de la cataphore319. I'auteur incite le lecteur 1 s'interesser B ce personnage. L'objet de I'histoire c'est. en effet. ce personnage. ou plutBt c'est I'histoire de ce personnage. c'est-i-dire du if. racontee par le narrateur. le je. Dans ce texte. deux plans d'enonciations sont presents, celui de I'histoire, oh se trouve la reference il. et celui de la narration ob se trouve le je. Ce procedC narratif, qui s'impose des le premier Cnonce du roman et se pounuit tout au long du kcit, n'est en effet pas gratuit; quiconque lit le texte doit s'arriter i cette structure discursive. Le narrateur pouvait faire raconter I'histoire par son personnage, le Grand Meaulnes, cornme nous I'avons deji mentionne.
319 La rtferencc du il.
c'est "Meaulncs".
Nous avons pu constater que le choix & la ripartition du texte en deux plans enonciatifs, la rCpartition & l'information et des rtferences dam ce premier passage vehiculent des instructions pragmatiques. La clt dc la lecture de I'oeuvre se trouve de la sorte donnte par ces dements qui fournissent les indices indispensables pour la
description du
statut des instances du
discours. Les deux plans Cnonciatifs sont, en
fait, l'enjeu de tout le roman.
Cette considkration d'ordre pragmatique nous a m h e B concevoir ces faits discursifs cornrne relies au statut du sujet parlant. La &partition du dcit en deux plans signifie la presence de deux voix. Ainsi, le melange de deux plans enonciatifs et le
changement soudain d'ordn temporel sans justificationmettent en jeu. comme nous alions voir. la distinction des deux voix.
2.2.3. Marques temporelles
2.2.3.1.Temps verbaux et optirateurs
Pour justifier cette derniere hypothese. nous presenterons en premier lieu une sene de remarques ponctuelles ii props des temps verbaux :
- le discours du narrateur est un
discours direct adresse au narrataire, au
moment oii il raconte cette histoire; c'est pourquoi d'ailleurs le pn5sent est employ&
- Les temps verbaux utilises dans cette sCquence permettent au lecteur de distinguer entre les deux plans (le il est accompagne par le passe simple; le je par le present).
- Le fait que le pronom il
soit accompagn6 d'un passe simple dam notre
premier enonc6 place cet tlement au premier plan320 quant aux instances du discours (aux autres dfirences). En effet, la spicificiti du pass6 simple n'est pas seulement ternporelle, c'est aussi une attitude de locution par laquelle les faits sont presentes en premier plan, comme I'a not6 De Both-Diez : le pass6 simple traduir le temps en marche, il met en relief le proces qu'il exprime er cre'e lhnente du suivant. d'ou dramarisarion de la scene321. L'emploi du passe simple implique une attention
soutenue sur le fait. L'hypothtse que nous venons d'avancer n'est pas recente; on la trouve notarnment dam les travaux de Weinrich3Z.
Ce qui nous intkresse dans cette question n'est pas la distinction au niveau theorique entre ces deux plans, comme nous l'avons dij8 expltqui. Nous cherchons savoir ce que signifie le choix d'une telle structure Cnonciative et quelle relation ce choix entretient avec le statut des instances du discours dam ce roman.
2.1.3.1. Structure temporelle du roman
I1 est indispensable d'envisager en premier lieu la structure temporelle du roman. Nous avons dejh signale que le roman est reparti en deux plans enonciatifs. cehi du discours du narrateur et celui du kcit.
320 Pour la distinction encre premier plan et arriere-plan. voire les travaux de Weinrich (1972).Voir aussi l'article de Simonin-Grurnbach. 1977. 3 2 1 De Both-Diet. 1985.p.15. 322 Weinrich, 1973.
Dans le premier, ceiui du discours du narrateur. les temps employes sont le present et le passi compose. Ces temps rattachent le narrateur a la situation d'inonciation. Les Cnonces contiennent des diictiques qui d f m n t directement B des entitis presentes dans la situation d'enonciation. Indiquons maintenant les segments en question :
a) Chapitre I :je continue a dire chez nous...; b) Chapitre XII : introduction par le narrateur du recit de l'aventure de
Meaulnes. Mais aujourd'hui que tout e s t f i i , ...; c) Chapitre XI : apres le depart de Meaulnes. Franqois raconte comment il redevenai? un gamin du bourg.
Quant au second plan enonciatif, celui du rtcit. il occupe tout le reste du roman. Les temps employes pour ce mode sont le pass6 simple et l'imparfait (temps de la narration par excellence). sauf dans trois passages. oh le passe compose et le
present sont employes : a) Chapitre IV : kcit de I'evasion de Meauines;
b) Chapiues W-VII et le debut du chapitre IX :ricit des noces de Meaulnes et
d'Yvonne de Galais. et celui de l'apparition de Frantz de Galais (p. 253). c) Fin du chapiue XI1 : mon dVYvonnede Galais (p.283-284).
il se relie a ces evenements, tout comme il se relie au recit, a I'histoire elle-meme.
Rappelons que les evenements transmis par le narrateur ne lui apparhennent pas : ils sont vecus par Meaulnes, et l'histoire est celle de ce dernier. Un autre procede utilise pour reproduire le mCme effet de rattachement est I'emploi repute exclu du deictique demutn mutm avec l'imparfait, dam I'exemple (1 8).
Nous pouvons deduire que les procdes commentes plus haut ont une double fonction quant a la lecture. D'une pan au niveau textuel, le narrateur devient contemporain du personnage. D'autre part, au niveau de la lecture de l'oeuvre, le lecteur devient contemporain du narrateur et du personnage. Dans ce roman, le probleme ne se pose que dans la rnesure ou l'on distingue
le personnage &Augustinet celui de Fran~ois.Envisageons donc une hypothese qui
ferait de ces dew voix une sede instance. Si nous exarninons le texte de plus pres, nous decouvrirons que le recit est
commun a ces deux penonnages, et ieur sont communs aussi les faits suivants.
L'evasion de Meautnes a change, en effef la vie de Fran~ois,qui a vecu cette aventure par penonne interposee. Rappelons-nous que le terme aventure a ete utilise des I'ouverture du roman par nos uventures. (G.M.27) comme des vagues sur un rocher dksert, nos aventures3?
Quant a moi, je me trouvai p u r la premikre fois depuis de tongs mois, seul en face d'une longue soirke de jeudi - avec I'impression que, dans cet'vieillevoiture, man adolescence venait de s'en alkr pour t ~ u j o u n ~ ~ ?
il se relie au recit, l'histoin e l l e m h e . Rappelons que les evknements transrnis par
le narrateur ne lui appaniennent pas : ils sont vtcus par Meaulnes. et l'histoire est celle de ce demier. Un autre procede utilise pour reproduire le meme effet de rattachement est
I'emploi kpute exclu du dtktique demuin marin avec l'imparfait. dam I'exemple (18). Nous pouvons diduire que les procidis commentis plus haut ont une double fonction quant
la lecture. D'une part, au niveau textuel, le narrateur devient
contemporain du personnage. D'autre part. au niveau de la lecture de l'oeuvre, le lecteur devient contemporain du narrateur et du p o n n a g e . Dam ce roman, le probltme ne se pose que dam la mesure ob l'on distingue le personnage d'Augustin et celui de Franqois. Envisageons donc une hypoth5se qui ferait de ces deux voix une seule instance. Si on examine le texte de plus pres. nous decouvrirons que le rCcit est commun
B ces deux personnages. et leur sont communs aussi les faits suivants. L'evasion de
Meaulnes a change. en effet. la vie de Fnnsois, qui a vQu cette aventure par penonne interposee. Rappelons-nous que le tenne aventure a ete designe des I'ouvenure du roman par nos aventures. (G.M.27) ... comme des vagues sur un rocher desert, nos aventures324. Quant a moi, je me trouvai pour la premiere fois depuis de longs mois, seul en face d'une longue soiree de jeudi - avec I'impression que, dans cette vieille voiture, mon adolescence venait de s'en aller pour t o u j o u r ~ ~ ~ ? 32J
G.M. p. I?.
325 G.M. p. 176.
(G.M. 28) ... notre aventure eot finie326
L'amour &Yvonne de Galais appartient a Meaulnes, mais les sentiments de
Seurel envers cette derniere sont-ils vrairnent differents de ceux de Meaulnes? Voici des passages qui peuvent repondre a cette question : (G.M.28) Lorsqu'elle me tendit la main, pour partir, il y avait entre nous, plus clairement que si nous avions dit beaucoup de paroles, une entente secrete que la mort seule devait briser et une amitie plus pathetiqua qu'un grand a r n o ~ 2 ~ ~ .
(G.M.29) A voir Yvonne de Galais, on eiit dit que cette maison nous appartenait et que nous I'avions abandonntie durant un long voyage3? (G.M.30) De celle qui avait ete la fie, la princesse et I'amour mysttirieuw de toute notre adolesamce...329 (G.M.31) H y avait cependant une nouvelle heureuse que j'annon-i a Millie, lorsqu'elle se dicida a m'interrqer sur la nouvelle marih. Je redoutais ses questions, sa fa~ona la fois tres innocent0 et tr& maligne de vous ptonger soudain dans I'ernbarras, en mettant le doigt sur votre pen- la plus ~ e c r k t e ~ ~ ~ .
Cette amitie n'est guere differente de l'arnour dAugustin pour Yvonne. Cette prmccesse est propre a Fran~oisaussi bien qu'au Grand Meaulnes.
Le serment d'enfant fait a Frantz de Galais, et meme le cahier de devoirs rnensuels qui permet de decouvrir tout le secret du roman est dedie par Augustin a Franqois, ce qui nous fait deviner que le cahier &Augustin, le secret du recit (comme tout le recit), appartient a Fmqois Seurel.
A u niveau textuel, Francois Seurel et Augustin Meaulnes representent les deux facettes d'un meme individu.
Nous pouvons confirmer que dam ce roman un jeu complexeoptire bun personnage a l'autre. Benoit Neiss l'avait d'ailleurs remarque : On &lare couramment aussi que Meaulnes, Frantz et Seurel sont trois visages de Itauteur,[.. . ] C'est trop simple, et croit-on que dans la crkation romanesque les choses se passent habituellement ainsi ? On remarque bien vite que l'interprktation de ces doubles est malais&, car ils ne demeurent pas immobiles par rapport a leur crbteur, ils ne conservent pas la mime signification d'un bout a I'autre : il s'opkre un jeu compli e d'un persorvlage a I'autre, de glissernents, de transfens et
341..
d'echanges
3. Conclusion
Les elements textuels que nous avons analysks (la macro-structure narrative, les marques thematiques, les marques temporelles et referentielles) nous ont permis de decrire differents aspects du statut du sujet p l a n t . Nous avons dkouvert
I'identification dun meme point de vue malgre la presence de dew voix et demontre que dans ce roman ces deux voix, celle du narratew et celle du personnage, representent un meme point de we.
Cela nous a amen& a constater dans ce texte une complexite de structure et
une simplicite dinstance. 331 Neiss, 1972, p. 171.
Nous avons montre que l'emploi de certains procedes, spkifiquement ceuv qui posent probleme, vehicule des instructions pragrnatiques qui permettent de degager des regles de lecture, des strategies de lecture dictees par le texte. Cela explique, en effet, le jeu complique qui s'opkre, le glissement et le transfen enne les differentes instances du discours, les enchbsements des recjts, la structure macrw et micro-contextwlle. Ces procedes permettent aussi de dkelet la presence d'une nouvelle instance que nous avons propose d7appeler17(( instance de l'auteur
D.
Nous avons constate que les techniques narratives utilis&s, la technique des
recits enchAssb, conduisent le lecteur a garder en souvenir la panie du grand plaisir, celle de l'aventure. Le lecteur se souvient de la premiere partie du roman. Plusieun critiques ont signale que le lecteur garde en souvenir cette premiere partie, ce qui est vu par cenains comme un khec au point de vue litteraire.
Pour notre part, il nous semble plutdt que ces procedes, comme technique d'ecriture, contribuent a la reussite du roman a ce niveau, car le lecteur assume cette exp6rience de lecture - contemporaine a celle du nanateur -au moyen de la
structure macro-contextuelle narrative (les rkcits enchisses). Ces procedes d'ecriture constituent donc une invitation de reinterpretation lancee par Alain-Fournier, qui incite son lecteur, en particulier les j e ~ n e s a~ ~ ~ , garder en souvenir les moments Ies plus innocents de leur vie d'adolescence qui
representent I'arnour pur. C'est pourquoi d'ailleurs ce roman constitue une reference sociale.
332 Si nous pouvons pder de destinataire visC d'une cruvre, dam ce roce sont les jeunes.
nous pouvons d i que ~
Finalement, nous esp&ons que I'analyse menee dans ce chapitre a pennis d'envisager une description du statut du sujet parlant. Le chapitre qui suit sera une illustration d'un type de description different. L'analyse du roman de Gide La porre Ptroite presentera d'autres facettes de la structuration polyphonique et fonctionnelle
du sujet parlant.
CHAPITRE V ANALYSE MACRO- ET MICRO-CONTEXTUELLE
DE LA PORTE ETROITE DE GIDE
0. Introduction
Les etudes du texte de La pone itroite n'ont pas donni lieu rCcemment h des analyses macro- et micro-contextuelles linguistiques; seules les structures narratives ont attire I'anention de la plupm des critiques de ce roman.
Plusieurs chercheurs se sont interesses speci fiquement ii trouver une interpretation au processus namtif de I'acte de narration double qui se manifeste dans ce texte sous la forme suivante : le recit est presente sous forme d'une autobiographie
penonnelle. L'histoire est redigee par la personne qui l'a vecue. le narrateur Kr6me; celuiti pretend ecrire ses souvenirs sans avoir recours u aucune invention333, et cela
afin de trouver le dentier plaisir a les dire3?
Nous avons aussi des lettres et un
journal, documents livrant une partie de l'histoire et r6diges par un a u m personnage. 333 P.E. p. 13. 334 P.E.p.13.
Alissa. Ils sont transmis par le narrateur JCr6me. On se uouve donc face B un acre narratif double : Jlr6me est le premier narrateur, Alissa en est un second (une narratrice), et cette dernitre s'adresse. soulignons-le. au narrateur JOr6rne335, qui transmet d'ailleurs l'infonnation narrative tout au long du kcit. La plupan des critiques ont pequ cette namtion double cornrne un dtsequilibre de la structure narrative du roman. Plusieurs ont tenti d'expliquer ce processus
narratif - qui pose probltme selon leur point de vue - ou bien par une lecture autobiographique dans le sens large du terme (etude de sociologie litteraire, de la psychologie de I'auteur. etc.), ou par une lecture macro-contextuelle narrative. Citons cornme exemple I'etude autobiographique de Marie Ascarza-Wegimont presentee en 1994. et I'Ctude narratologique de Zvi H. Levy, datee de 1984. La premiere a tente d'expliquer le processus narratif de La pone itroite par la recherche d'identification du penonnage ii la penonnalitk de I'auteur riel (Gide auteur et le narrateur Jer6me. ou une autre incarnation des penonnages336). Elle critique en effet sur un plan rnethodologique ...Ies deux prlnclpes fondamentaux des nouvelles theories sur la narration : le narrateur. personnage fictif. ne peut itrc confondu avcc I'auteur; I'unlte de la narration exige que le ricit n'ait qu'un seul narrilteur ventable. [ ...I Nous contestons seulement que celle-ci s'appliquc ma1 i la rkaliie concrete de Lo pone
Nous sommes parfaitement d'accord avec Ascarza-WCgimont : cette
conception unitaire est contestee non seulement dans le texte de Gide, mais dans tout autre texte. Cependant. la solution que propose Ascana-Wdgirnont souleve un autre
)!5
I1 est en fait son dest~natalre. Pour une critique de cette position. vorr Levy Zvi. 1984. 337 Levy Zvi. 1984. p. 8. 336
type de probleme, celui de I'unicite du sujet enonciatif du disc our^^)^. Elle note
d'ailleurs que Sa pone etroite (...) est entr'ouvene. Ainsi le narrateur n'est ni tout a fait le fictif JCr6me ni tout a fait Gide. Celui-ci n'est qu'un masque quasi-t ransparent de lui-mime : non seulement Gide garde anonyme son je-narrateur durant tout le prbnbule et la moitie du premier chapitre mais en outre, dkor, personnages, histoires d'amour et p r o t a p n i i v sont presque totalement identiques a leun modiles de la vie reelle .
Ce postulat est mis en doute par plusieurs theories et particulierernent celle de Ducrot (l'ecole de l'enonciation). L'etude d'Ascarza-Wegimont souleve aussi un
second probleme, celui de la confusion entre I'auteur et le narrateur. Depuis les
annees 70, les etudes narratives340 ont bien montre que le narratew ne doit pas &re
confondu avec I'auteur reel. Malgre tout, et meme si Gide hi-m&ne fait cene distinction, plusieurs critiques, en lisant Lo pwte Ptroite, ont commis jusqu'a ces dernieres annees cette confbsion en identifiant le nanateur Jer6me a l'ecrivain Gide (ou a d'autres
types d'incamation).
I1 nous semble que
les Pnigmes
f o n ~ o m e n r o l e sde ~ ~ cene ~ aeuvre ne sont pas resolues en identifiant le narrateur
JerBrne B I'ecrivain Gide et en transposant simplement une realite fictive a w
homme en chair et en 0s. L'oumge de H.Levy Zvi a d'ailleurs montre les lirnites d i n e telle lecture342 : ... la transposition romanesque. si elle est trks poussk. risque de susciter des confusions. [. ..] On risque donc de ne pouvoir tirer que des conclusions trk li 'ties d'une teHe andyse qui, au demeurant. n'est pas d h u k d'intirit 3 8.
-
338 Par l'identification du narrateur n de I'krivain. 339 Ascane-WCgimont, 1994. p. 8. Voir la uavaux de Gmette rnentionnk dans none pnmier chapitre.
''
h s c a r z a - ~ e ~ i r n o n t1994. , p.8.
342 Voir aussi Moutote, 1993. 343 Levy Zvi, 1984. p. VI.
Cette derniere etude a montre le caractere diegetique double de la narration, comme elle a signale un point interessant - mais qui n'a pas ete develop* : la
presence du narratoire JPr6rne et du rtrrrc~tuirre
Notons que cette etude,
malgre son inter&, ne permet pas de decrire les differents aspects de la structure du statut des instances du discours dam ce roman, puisqu'elle ne s'interesse qu'aux elements rnacro-contextuels narratifs. Elle pose, en fait, une question relevant d'une position unitaire du sujet parlant : doit-on considerer Jerhe comme le heros (la vedette, pour reprendre le terme de Genette) et Alissa comme la comparse, ou bien
I 'inverse?
Pour lire ce roman, il nous semble qu'on n'a pas a choisir entre I'une ou I'autre de ces dew positions : Jer6me et Alissa ne sont ni vedette ni comparse. Pour comprendre le processus discunif dans ce texte, nous devons nous indresser a la structure macro- et microcontextuelle du discours. Un premier pas de I'analyse des dements micro-contextuels a ete effectue par I'importante etude de MaisaniLeonard, qui a examine les recits de Gide clu Joubk point de vue de iu persc~nneer du temps verhd, pour pouvoir trower knpkoi type de chacunW5.
Nous pensons en rQlite que le changement de niveau narratif ne pose aucun probleme dam I'identification des voix enonciatives au niveau textuel. Nous ne trouvons pas d'ambigufte enonciative a ce niveau; le texte foumit les elements necessaires pour identifier la source enonciative et etablir les relations entre ces instances. Ce qui pose probleme, c'est le changement de rde discursif : le narrateur
(Jerbme) devient destinataire, le personnage (Alissa) devient locuteur, tout en restant 3M Levy Zvi, 1984, p.m. 3U Maisani-Leonard, 1976. p.30.
dans le mime cadre narratif. Cependant, le narrateur pouvait lui-mSme transcrire cette histoire P la troisitme personne.
La prisence de plusieurs voix dans le meme enonce, et surtout celle du destinataire, est en fait enigmatique. et une cornplexiti d'instance propre i son statut se prisente d' une faqon diroutante.
Le statut du destinataire se caractirise par une structure polyphonique (diaphonique) et fonctionnelle. En lisant ce texte, nous voyons que cette derniere instance se metamorphose et que la pksence du destinataire se rnanifeste de diffirentes manikres. C'est pourquoi nous nous proposons d'dtudier B present le statut du destinataire dans Ln pone etroite afin de presenter une lecture de ce texte et de decouvrir son veritable sens. Nous tenterons donc de decrire dans ce chapitre les differents aspects du statut des instances du discours, et nous tenterons de verifier nos hypotheses de depan concernant la presence du discours d'autrui. Ce texte nous permettra d'esquisser une description du statut du destinataire qui integre entre autres cel le de I ' interlocuteur/namataire. et d'autres fomes discursives, comme celle du strrdrsrinaraireM. C'est ce qui justi fie justement notre choix de LA pone itroire.
Afin d'entreprendre cette description, nous utiliserons donc le modtle
d'analyse macro- et micro-contextuelle dkja propose et applique jusqu'ici. Dans ce chapitre, nous explorerons spkifiquement I'analyse des constructions diaphoniques selon le mo&le d'Eddy Roulet.
346
Pour une description prtliminaire. voir chapitrc 1.
1. Structure macro-contextuelle narrative et sujet narratif
1. I. Narrateur extra-homodieg6tique
Le narrateur, Jireme, se presente comme un narrateur extra-homoditgt5tique qui raconte sa propre histoire sous une forme ecrite. I1 kdige ses souvenirs, et le recit est present6 comme une autobiographic : (P.E.l) J'ecrirai donc tres simplement mas souvenirs,
...347
Le sujet parlant est ici sujet ecrivant. La conscience de l'ecriture est une des principales caracteristiques de ce ricit. Ainsi, ce narrateur a une double fonction Cnonciative. Au niveau de la diegese, son statut est double : il est Ccrivain de I'histoire, et i l est un penonnage qui I'a vecue. Son discours o@re sur deux registres. ceiui d'un discours supposd icrit et celui des evCnements rids.
Le narrateur pretend en effet tnnsmettre le &it exact des evenements qu'il a vkcus sans rtvoir recours (P.E.2) ... a aucune invention pour les rapiecer ou les j~indre~~~.
I1 raconte cette histoire apres l'avoir vecue : la narration est censCe Ctre
posterieure B l'histoire, comme Martine Ltonard I'a note : ... le discours se s h e
34i
P.E.p. 13.
348 P.E.p. 13.
nenement a p e s la fin de L'hi~toire3~9.Cependant, certains faits qui avaient &hap#
auparavant au nmateur lui apparaissent tout B coup significatifs; nous reviendrons sur ce point. La presence du narrateur est marquee au plan linguistique par I'emploi du pksent et du pronom personnel je, comme dam l'ouverture du roman : (P.E.3) ... I'histoire que je raconte ici, j'ai mis toute ma force a la vivre350.
Selon Genette, le tenne ici351, consider6 cornme un deictique, refere B la
position spatiale du narrateur. Cependant, aucune indication (precision temporelle ou spatiale) n'est foumie sur cette situation d'tnonciation; la distance entre cet acte tnonciatif et les tvtnements passes n'est pas indiqude non plus et elle restera floue jusqu'a la fin du roman. De plus, aucune marque ne nous permet de situer cet acte narratif sur I'axe temporel du dcit par rapport aux Cvenements nards.
Le seul fait que nous pouvons identifier par rapport B cette situation enonciative, et cela en nous basant Cvidemment sur la typologie narrative, est la
pksence du narrataire.
349 Maismi-Leonard. 1976. p. 102. 350 P.E.p. 13. Dans tous les exemples. c'est nous qui soulignons. 351 Le point de vue de Genette est base sur la distinction de Benveniste (discoUTS/r&it).
Le narrataire est present dam le discours : il se situe en effet au meme niveau nmatif que le narrateur-scripteur qui lui adresse (au narrataire) un discours direct,
cornrne le montre d'ailleurs l'exemple suivant : (P.E.4) Je vous dirai comment cette interrogation s'empara de moi, fit ma vie.
Mais avant de parler du trisle evenement qui bouleversa notre famille, [...I il est temps que je vous parle de ma cousine352.
Ce narrataire a, comme le narrateur, une double fonction, c'est un
narrataireflecteur. D'une part, il est prksent dans la dikgiise et exerce une fonction au plan de la narration. D'autre part, il effectue un second acte, puisqu'il est supposd lire le recit du narrateurficrivant. Le fait de pksenter le roman sous forme d'un r6cit Ccrit soulkve autornatiquement la presence d' un lecteur au sein du discoun. Autrement dit.
la presence d' un nanateur-scripteur dans la diegese presume la presence d' un
destinataire-lecteur. Car, comme nous le savons, celui qui Ccrit s'adresse, consciemrnent ou inconsciernment, i un lecteur. Ce namtaire est ividemrnent fictif, il demeure toujours muet et ne reagit pas ni ne nipond. I1 est toutefois present dam le discours 8 s les premiikes lignes. Comme nous I'avons d6jB mentionne, la narration dans ce roman s'effectue P
plusieurs niveaux, et le narrateur est p&sent au niveau extra-diegdtique. 352 P.E. p. 23-24.
Ce premier acte narratif, assumd uniquement par le narrateur, recouvn tout
autre discours : te narrateur pktend transmettre toute l'infomation narrative, c'est lui qui est cense rapporter le discours des penonnages, ou plutBt les dialogues de ces demiers, ainsi que les lettres d'Alissa, et findement le journal de celle-ci; ces formes de discours, bien que relevant d'un niveau different de ceiui du narrateur, se situent Cvidemment ti I'intkieur de ce premier niveau extra-diegitique. Regardons donc de plus prks les trois demitres formes de discours qui font partie de la structure narrative du &it. I ) Le narrateur transmet souvent des dialogues353 dont il est un des
constituants (conversationsentre lui et un personnage) : (P.E.5) ct Oui, c'est de cela qua je voulais te parler, mon Jer6me.
- Maman ! dis-je en sanglotant : tu crois qu'elle m'aime, n'est-ce pas? Oui, mon enfant .. Elle repeta plusieurs fois tendrernent : Oui, rnon enfant .#) Elle parlait peniblement. Elle ajouta : tc II faut laisser faire au Seigneur. Puis cornme j'etais incline pres d'elle, elle posa sa main sur ma
-
tC
3)
tiite...354.
2) Le meme procedi est insere aussi pour distinguer les lettres. Ce qui fait la particularite de ce procedt, c'est que le narrateur prdtend alon reproduire non seulement le contenu mais aussi la forme linguistique de ce type de discoun, cornme le montre d'ailleurs l'exemple suivant :
- .
(P.E.6) Le lendernain, arriva mon oncle. II me tendit une lettre de sa fille qui ne vint, avec ma tante Plantier, que le jour suivant : 353 Ce cas n'est pas rare d'aillews :tous les romans de type autobiographique le prhentent. P.E. p.40.
354
~ & 6 r n e ~mon j ~ , m i , mon f&e, y disait-elle ... Cornbien je me daole de n'avoir pas pu lui dire avant sa mort les quelques mots qui lui eussent donne ce grand contentement qu'elle attendait. 1.. .] Adieu, man pauvre ami. Je suis plus tendrement que jamais. ton Alissa 3j6. . ..
Redigees par Alissa et adressks a Jerhme, ces lettres font apparaitre un changement de niveau : rapportees par une seconde instance, par le narrateurscripteur, transcrites a la premiere personne, elles sont situkes a u r ~second ntveau.
Paradoxalement, elles s'indrent au fil de la name narrative; les lettres proposent parfois une replique a son destinataire, qui est, liippelons-le, le narrateur. Plusieun voix se font entendre, en effet, a I'interieur de cette forrne de discours. La presence
du narrataire (namteur) peut &re relevee par l'emploi des marques d'adresse, les ru, et par la denomination .JPrdme. 3) Comme les lettres, le journal d'Alissa est introduit a la fin du r&it comme
un texte transcrit tel que redige par son auteur, sans aucune intrusion de la pan du
narrateur. La locutrice decrit des evenements qui ont deja ete transmis par le narrateur Jereme, tout en y ajoutant son comrnentaire personnel, emotionnel (lyrique), et en expliquant certains componernents. Cette forrne de discoun rnanifeste elle aussi un changement de r6le narmtif et I'inscription de son destinataire dans Ie discours3j7. 11 est indispensable de rappeler que dans les fonnes de discours que nous
venons de presenter les voix sont clairement identifiees, a un premier niveau.
La typlogie de Genette a bien decrit cette structuration narrative. Cependant, nous ne pouvons analyser I'interaction entre les instances dans un enonce en nous basant uniquement sur cet appareil mdhodologique, puisqu'il ne permet d' identifier qu' une seule voix dans un mtme enonce. Cette typologie ne peut
expliquer le changement de rble narratif qui s'opkre tout au long du roman. C'en pourquoi d'ailleurs nous propsons un elargissement de cette perspective par
l'application des theories polyphonique de Ducrot et diaphonique d'Eddy Roulet, qui permettront d'identifier plusieurs voix dam un meme enonce.
2. Analyse des construetioas polyphoniques
En examinant la structure micro-contextuelle du roman. nous avons repere differents types de stmcture polyphonique, sous leurs forrnes les plus simples, soit
sous la forme de discours direct, marque par un verbe de parole et des guillemets, ou seulement par deux points et des italiques, et cela dans les dialogues des personnages, les lettres et le journal d3Alissa.Ces constructions polyphoniques font partie de la structure narrative du roman; elles s'indrent dam la trame narrative, et la narration fait appel tout au long du recit a cette forme de structure polyphonique
explicite.
Exarninons ces knoncts tin% d'une conversation qui se ddroule entre Alissa et le narrateur #r6me, ainsi qw I'exemple d'une conversation entre ce dernier et sa tante Plantier. (P.E.7) Et comme je lui demandais :
- Mais c'est moi qui peux te demander pourquoi ? pourquoi changer ? 1) (P.E.8) Vers la fin de decembre, nous partimes donc pour le Havre, Abel el moi. Je descendis chez ma tante Plantier.
[...I
Elle ne fut pas plut6t inforrnee de ma sante, de rnon installation, de mes etudes que, se laissant aller sans plus de precautions a son affectueuse curiosite :
ctTu ne m'as pas encore dit mon enfant, si tu avais ete content de ton sejour a Fongueusemare ? As-tu pu avancer un peu tes affaires?.358
Dans ces deux exemples comme dans beaucoup d'autres, les constructions polyphoniques relevees j. un premier niveau de lecture apparaissent sous une fonne enplicite, tel que nous I'avons expliqut. Le discours rapport6 est bien respecte, comme le montre d'ailleun I'emploi des marques linguistiques : les guillemets, les tirets. le changement des expressions referentielles (elle ou if+ je; je
+ tu, ou reste
je), et hnalement les dinominations des personnages.
Par I'emploi de cette structure polyphonique explicite (style direct), le narrateur s'introduit, tout en soulignant sa presence, pour dicrire la situation d'hociation ou la commenter. Ces dialogues sont distincts en fait de la narration B proprement parler et
358 P.E. p. 72.
de I'intrusion du narrateur, ce qui est suggM par la forme du discours que nous
venons d' esquisser.
Le meme type de construction polyphonique du discours rapport6 se manifeste aussi dans les lettres sous une forme explicite : cette construction rdviile la pksence
de deux voix dans un meme dnoncC, celle du narrateur JMme et celle d3Alissa.Le
narrateur utilise les italiques pour distinguer entre les deux voix, soit les paroles d' Alissa et celles qui lui appartiennent et qui rel6vent d'un autre niveau. Le narrateur
respectera tout au long du &it cette contrainte qu'il s'impose pour chaque discours rapport6 . Renons un exemple qui illustre ce point : (P.E.9) Comprends que je ne parle ici que pour toi-meme, car pour moi je crois bien que je ne pourrai jamais cesset de t'aimer359.
Alissa Cesser de nous aimer ! Mais pouvait-il dtre question de cela ! - J'etais encore plus etonne qu'attriste,...360
Dans cet exemple, la lettre exerce une fonction de dialogue au niveau textuel entre les personnages: entre eux s'effectue un echange verbal situe B d e w niveaux
enonciatifs diffdrents. Ce phenomhe se kpkte dans d'autm lettres : (P.E.lO) Un an s'etait presque ecoule depuis notre dernier revoir, Elle semblait ne pas y songer, mais faire commencer d'B present seulement son attente. Je le lui reprochai.
N'etais-je pas avec toi en Italie? repondit-elk. Ingrat ! Je ne te quittai pas un seul jour..?
359 En italiques dans le texte. 360 P.E. p.59. 361P.E. p.104.
Dans ce dernier exemple ainsi que dans d'autres, les marques d'adresse, les
pronoms tu et toi-m2me. l'appellation Jirbme sont toujours presents et prouvent la prisence de l'allocutaire. Rappelons que selon la th6orie polyphonique de Ducrot, il est indispensable de distinguer entre l'allocutaire qui dCsigne la personne i qui le locuteur s'adresse, c'est-&-direle destinataire que vise celui qui parle, et l'auditeur qui represente un destinataire impdvu ou qui entend un tnoncC qui ne lui est pas adresse. Cette distinction n'est pas sans intMt, rnais elle ne suffit pas a expliquer la reprise et I 'int6gration des diffirentes formes du discours d'aurmi dans le discours de l'autre, tel que I'intkgration du discours du destinataire Krbme dans le discours de la locutrice
Alissa. Nous soutenons que pour saisir le statut du destinataire dam ce texte, il faut distinguer entre les faits de polyphonie et de diaphonie -qui n'occupent pas la rnZme place dans le discours - et prendre en consideration la polyphonie du destinataire.
Dans une structure polyphonique, deux voix, celle du locuteur (nanateur) et celle de
I'enonciateur (penonnage), sont prksentes dans un meme enonce, comme nous avons deli m o n ~ . Dans une structure diaphonique, les paroles d'autrui sont insekes dans le discours du locuteur ou de I'Cnonciateur sans qu'elles leur soit attribuies, et ces demien ne sont pas responsables de ces actes illocutoires; ce destinataire n'est pas sitd au meme niveau dibgktique que le narrateur (locuteur), il ne se trouve pas dam le meme univers discursif que lui et ne partage pas la meme situation d'tnonciation; il se
situe peutetre, Cvidernment, ii un autre endroit et B un autre moment.
Pour decrire cette structuration, nous appliquerons le mod5le diaphonique tel qu' annoncb.
3. Analyse des constructioas diaphoniques
Nous avons detect6 B l'interieur des structures polyphoniques diffirentes formes de la prdsence du destinataire et celle du discours d'autrui. Cette reprise sTeffectue 1 piusieurs niveaux. Dans ce roman, le statut du destinataire se mCtamorphose et sa presence se manifeste de diffhntes manibres. Esquissons donc la description de cette structuration.
3.1. Prernibre forme de presence : destinataire des lettres
Une des caracteristiques du genre epistolaire est, rappelons-le, la presence dTundestinataire B qui est adressee la lettre; cette presence est ntcessaire, et ce destinataire est souvent present dans le discours afin de faciliter l'bchange verbal.
Dans notre texte. le destinataire du discours Cpistolaire est le n m t e u r Jdr6me. Toutes les lettres lui sont en effet adressdes. Une seule s'adresse appanmment ii un autre destinataire, la tante d' Alissa. Mais le destinataire visd est le narrateur. Cela est dit par
un des personnages, Abel : (P.E.ll) Autant dire que la lettre entiere t'est adressee; tante Felicie, en te la renvoyant, n'a fait que la retourner a son veritable destinataire; c'est faute de toi qulAlissa s'adresse a cette brave femme comme au premier pis-aller; qu'est-ce que peuvent bien lui faire, a ta tante, les vers de Corneille! qui, entre parentheses, sont de Racine; c'est avec toi qu'elle cause, te dis-je; c'est-a toi qu'elle dit tout c e ~ a ~ ~ ?
-
-
Le destinataire vise. JerBme, est d'ailleurs present dans le discours. La presence du destinataire est indiqde par la reprise explicite de ses paroles (les paroles de ce destinataire) transcrites dans la lettre envoyCe par la locutrice Alissa : cette
derniere recopie les vers - qu'elle croyait de Comeille - inscrits sur une carte que JCrhme, le destinataire, iui avait envoyee :
... J'avais
lu cette parole sur une petite image de ces ven, d'une paraphrase Noel que Jer6me m'a envoyee I...], de ~orneil te363. (P.E.12)
Nous sommes Cvidemment en presence d'un cas d'intertextualit6. et la
locutrice indique que la source de la parole - mais non son origine -est la carte de JerBme. La locutrice insere donc dans ce passage un discours Ccrit de son interlocuteur, discours que ce dernier a emprunte B la littirature et qu'elle croyait de Corneille. Cette information est comgie par un autre penonnage (voir exemple I I).
362 P.E, p. 94. P.E. p. 92-93.
363
La locutrice dp&e la meme information et comge son erreur dans la lettre qui suit. (P.E.13) Mon cher J M m e , Juge de ma stupeur, hier, en ouvrant au hasard le joli Racine que tu m'a donne, d'y retrouver les quatre vers de ton ancienne petite image de Nolil, que je garde depuis bientet dix ans dans ma ~ible364.
Soulignons que par la reprise diaphonique i l l u s ~ dam e cet exemple, de m&ne que par la presence de ces vers dans la rndmoire discursive du lected65, on a voulu mettre en relief la pksence du destinataire.
Nous avons reled dans plusieurs lettres d'autres constructions diaphoniques sous forme de reprise explicite du discours du destinataire : la locutrice reproduit un propos de son interlocuteur. Jerbme, sur lequel elle veut enchainer, comme dans
l'exemple suivant : (P.E.14)Oui, tu le disais bien dans ta lettre : I'admiration,
(e chez tes ames bien nees ) a , se confond en reconnaissance... Que de choses je voudrais t'ecrire encore! ...366.
Dans cet exernpie, nous sommes en face d'un cas de diaphonie effective (et
non potentielle). Le destinataire du discours de I'tnonciateur et son propre discours sont actualises, l'enonciateur reprenant effectivement les paroles du destinataire.
La mEme forme de prisence du destinataire effectif se manifeste dans le journal d'Alissa. Rappelons que la situation d'bnonciation differe de celle des lettres : dam le
364 P.E.p. 96-97. 365Considdrb commc dcs CiCments thCrnatiques dactivb. 366 P.E. p. 100.
discours t5pistolaire, la prisence du destinataire est en quelque sorte obligatoire, mais
dans le journal. elle ne l'est pas, puisqu'un journal, par definition. n'a d'autre
destinataire que I'auteur lui-meme.
3.2. Seconde forme de presence : destinataire du journal
Passons alors B ce cas de diaphonie effective qui se manifeste sous une forme explicite : la locutrice, Alissa, reprend les paroles de son destinataire, Jkrbrne, pour mieux enchainer sur celles-ci : (P.E.15) Mje voudrais savoir !" a-14 ajoute... il s'est arrdte quelques instants, puis : 'Agirais-tu differemment, sans ta foi?" Non, Jer6me, non, ce n'est pas la recompense future vers quoi s'efforce notre vertu : ce n'est pas la recompense que cherche notre amour367.
D'un point de vue formel, la presence du destinataire n'est pas attendue dans ce genre de discoun : dam un journal, on ne vise pas un destinataire spticifique. On ecrit pour soi-meme.
Or, ce n'est pas le cas dam notre texte, puisque la locutrice vise un destinataire (qui est le narrateur-scripteur),et lui adresse un discours direct, elle l'appelle :
367 P.E.. p.164.
(P.E.16) Jerdme! mon ami, toi que j'appelle encore mon frere, mais que j'aime infiniment plus qu'un frere368.
Parvenue it la fin du journal -et sachant qu'elle allait mourir - , elle avoue que ce document n'ttait Ccrit que pour Kr6me : (P.E.17) A I'instant de jeter au feu ce journal, une sorte d'avertissement m'a retenue; il m'a paru qu'il ne m'appartenait deja plus a moi m3me; que je n'avais pas le droit de Isenlevera Jer6me; que je ne I'avais jamais ecrit que pour 1ui369.
C o m e elle a demande qu'on remette son journal Jer6me : (P.E.18) Je devais recevoir prochainement des papiers qu'elle avait mis sous pli cachete a mon nom. (...).
Le pli cachete que le notaire me renvoya contenait le journal d'~lissa3~0.
Une question s'impose i propos de ce procede : quelle est la signification de cette presence? Pourquoi ce destinataire qui assume le r6le de narrateur-scripteur apparait-il dans le discours?
Ce destinataire, rappelons-le, transmet le joumal sans intrusion de sa part. et il signale mime les lacunes du texte, comme le montrent d'ailleurs les deux exemples suivants : (P.E.19) De nombreuses feuilles ensuite avaient ete arrachees; sans doute relataient-elles notre penible revoir du ~avre3'1.
368 P.E..p.173; en 369 P.E. 0.177.
370 P.E; b.155. 371 P.E. p.162.
italiques dans le texte.
(P.E. 20) J'en transcris ici nombre de pages... - Je les transcris sans commentaires. VOUS imagine2 suffisamment les reflexions que je fis en les lisant el le bouleversement de mon cceur que je ne pourrais que trop imparfaitement indiquer372.
Cet exemple nous amhe B une troisiime forme de pksence du destinataire, suggeree par l'emploi du pronom personnel vous.
3.3. Troisieme forme de pksence : le surdestinataire
Dans le dernier exemple (20), nous pouvons deceler une forme d'instance diffkrente des deux demiers types, et prisente d2s le debut du texte; nous l'avons dicrite au dipart comme celle d'un narrataire fictif. Nous pensons que la perpective
diaphonique du discours permet de dkcrire cette instance de faqon plus adiquate.
En examinant cet exemple, nous pouvons avancer une remarque pertinente quant B notre description : cet itre de discours, ce destinataire, n'est pas del, c'est un
&re fictif. L'inonciateur peut d'ailleurs crier son destinataire tout autant que son discours. C'est ce qutEddy Roulet souligne en expliquant le terme de diaphonie potentielle373.
372 P.E. p. 154. 373 Voir chapitre I.
5 2.2.2.
Dans le passage que nous venons de pksenter ne se trouve certes aucun fait de diaphonie dans le sens de Roulet, puisque le locuteur ne reprend pas les paroles de l'interlocuteur pour enchainer sur celles-ci. Le destinataire n'est donc pas un interlocuteur, mais il est ndanmoins prdsent dans le discours. Cette prisence est indeniable, et elle est en fait significative. Nous sommes en prdsence selon nous d'une structure qu'on peut nommer diaphonique, miconnue des chercheurs qui se sont intiressCs B cette question, mais perque par Bakhtine, comme nous l'avons ddjh mentionnk. Cette presence est celle d' un surdestinataire (destinataire de secours).
Cette instance est en fait une forme fictive constmite par le namteur-scripteur pour crier un cadre h son discours. Ce surdestinataire est present dts le ddbut du roman, mais ne se situe pas au meme niveau narratif que le narrateur. Souiignons aussi que I'instance du surdestinataire est ddcelee au niveau de la micro-structure, et non uniquement au niveau de la macro-structure. La prdsence de I'instance du surdestinataire et celle du destinatairelpersonnage sont relites en effet l'emploi de cenaines marques du discours. Pour decrire Ie statut du destinataire, il faut B la fois pousser I'investigation aux differentes instances et expliquer la fonction de cette structure complexe quant 5 la lecture du roman. La description du statut du destinataire que nous venons de presenter s'est basee uniquement sur la conception diaphonique. Ce modble nous a permis, en effet, de designer I'integration du discours d'autrui dans le discours sous une forrne explicite.
Afin de rnieux asseoir cette description et &in de rnieux saisir la relation entre le sujet parlant et son destinataire, il faut etudier d'autres elements textuels. notamment les marques du disc~urs37~ : les conne~teurs3~5, les marques temporelles et
rkMrentielles et les marquages thtmatiques, et ce, par le moyen de l'analyse du di scours.
L'analyse de ces marques nous permettra de repdrer des indices du statut du destinataire et, par la suite, d'en proposer une description adequate.
4. Proposition d'Clargissement de la perspective par l'analyse du discours : analyse macro et micro-contextuelle
Nous distinguerons en premier lieu les difficult& de lecture qui sont 5 l'origine de la problimatique discursive dans ce texte.
Notons que cet t5Iargissement de la perspective n'at pas envisagt par la tMoric diaphonique qui repiire la prknce du destinataire en fonction de la reproduction de son discours. 375 Dans ce texte, l'emploi des connecteurs est limid; c'est pourquoi d'ailleun nous analysons un seul exemple d'emploi, voir exemple 23. La structure argumentative est elabork sous une autre forme. celle de l'emploi d'un a style ncune voir la conclusion de ce chapitre.
374
) , ;
4.1. Dificultes de lecture
Les difficultes de lecture dans ce roman t i e ~ e n t selon nous a une metamorphose du statut du sujet parlant produite par l'emploi d'un
cc
style neutre ))
et de certaines marques qui actualisent le discoun : marques temporelles qui font ressortir le moment de l'enonciation et marques referentielles qui etablissent une interaction directe entre les marqueurs
c(
jehu a. Ces emplois tkmoignent de la
presence du destinataire.
4 1 . 1 . Metamorphose du statut du sujet parlant produite par I'emploi d'un neutre ))
((
style
Tout au long du roman, nous avons releve des procedes qui montrent que le narrateur-scripteur s'efforce d'utiliser une forme d'a ecriture neutre a, c'est-a-dire de supprimer toute fonne d'kriture qui s'eloigne du langage de la vie quotidieme,
du rnoins en apparence, et ce, en opposition a des formes qui seraient plutdt
employees dam des textes ~ i t l e r a i r e s ~ ~ ~ .
376 Nws ne gerons pas de diehotomie entre une langue pmpre i la linkratme n une autre langue propre a la vie quotidieme, comme Hamburger, 1986. Selon notre perspective, on utiiise la m h e langue mais d'une m a n i h differente; c'est pourquoi nous dbignons cette distinction par (( Iangage (< : deux petsonnes qui parlent dans une mZme situation, peuvent utiiiser deux fangages difkents (en termes de niveau d t langue (argot. soutenu, etc.) ou en tennes sociologiques, psychologiques, etc.).
4.1.2. MCtamorphose du statut du destinataire produite par l'emploi des marques qui
actualisent Ie discours
En examinant la micro-structure, nous avons pu ditecter des marques
rtferentielles et temporelles : temps verbaux : pass6 compos8/pr~sent/futur; pronoms : j e h u - vous, qui r6ferent au moment de I'enonciation tout en inttigrant ses diffkrentes entitis discursives (locuteur/interlocuteur). A un premier niveau de lecture, nous verrons que la faqon d'employer ces marques est univoque, mais que certains
emplois paniculiers illustrent diverses manieres d'integration du discours d'autrui dans le discours, autrement dit, la polyphonic du statut du destinataire. Pourquoi ces forrnes d'instances s'ins&rentelleset se m6tamorphosent-elles dans le discours et de quelle manitre, se manifestent-elles?
Nous verrons dans les prochaines sections certaines marques et certains procedis linguistiques dont l'emploi est etroitement relii la description du statut du sujet parlant : la structure langagikre, les marques temporelles, rtifkrentielles et thematiques.
4.3. Marques du discours et structure langagiere 4 - 2 1 . Structure langagiere
Si nous examinons la structure ~an~agiere)~' de ce recit, nous voyons que I'emploi d' un style neutre en est une caracteristique generale qui se manifeste de diflerentes manieres dans les trois formes du discours : le discours du nanateur, les lettres et le journal. Dans les dew demien types, le nanateur parvient a utiliser un
langage qui, dans les formes de discoun rappa& est proche d'un langap quotidien,
comme s' il s'agissait d'une conversation courante de la vie quotidieme. Voici a ce sujet quelques observations : a) Longueur des propositions : la pluprt du temps, les propositions sont courtes,
en particulier lorsqu'il s'agit d'un discoun rapporte (que ce soit dans les
conversations, les lettres ou le journal), comme dam cet exemple : (P.E.21) t( Pourquoi viens-tu si tard? me dit-elle d'une voix oppress& et rapide. J'aurai voulu te parler. Je me suis perdu sur la falaise. Mais tu es souffrante. Oh ! Alissa, qu'est-ce qu'il y a? u 378
b) Les formes interrogatives sont tres fiequentes, comme l'a montre
I 'exemple precedent.
C)
Les emotions des
personnages sont sowent suggerees par les
exclamations, comme dans I 'exemple suivant :
377 Nous entendons par ce langage.
378 PE. p. 79.
terme I'utilisation de ceRaines cafactiriaiques clans la structumdu
(P.E.22) M Hein ! Qu'est-ce que je te disais ! s'kcria-t-il en m'embrassant, des que je lui eus fait part de ma joie. -Mon chef je peux t'annoncer que la conversation que j'ai eue ce matin avec Juliette ktait presque dtkisive... .379.
d ) Le langage, en particulier celui du discoun rapporte, refkre a des paroles
des personnages, a des conversations reellement survenues au niveau de la diegese.
Les dialogues rapportes pennettent au narrateur de jouer sur le contraste entre la forme de discours ecrit de son recicit et la forme du discours parle, dam le sens propre du terme, des props rapportes des penonnages en style direct. Cela lui permet de
vehiculer des informations relatives a ce discours et a ses caracteristiques, c'est-b dire de caracteriser non seulement :1 contenu, rnais aussi la maniere de parler, jusqu'au ton et a la mimique du penomage, cornme dam I'exemple 2 1.
e) Le narrateur met en relief I'objectivite de son recit, cela en respectant toujours la fonne du discours rapporte; il tente d'instaurer une distance entre son
discours et ce qu'il rapporte pour nous assurer d'aucune intrusion de sa pan.
0 Le narrateur n'intenompt pas son recit lorsqu'il fait dialoguer ses penonnages ou lorsqu' il reproduit les lettres ou le journal d' At issa, puisque I'histoire qu'il relate se deroule sous les y e w de son lecteur. Les forrnes du discours rappone font progresser le recit. Le narrateur joue sur les dew modes, la narmtion (son commentaire) et les evenements vecus ou les dialogues survenus imagines, oraux au Crits, qui font partie de I'histoire.
Le narrateur essaye par tous les moyens de conserver une dcriture simple qui
relate des faits quasiment objectifs, des souvenirs, sans le recours d'aucune invention; il le dit meme explicitement dans son propre discours, je ne veuxpas les farderpour
lesfaire paraitre plus narurelles. Ce &sir de rendre le texte nature1 est envisagd d s la premiere page, cornme le montrent les dew exemples suivants : (P.E.23) En transcrivant nos paroles, je sens bien qu'elles paraitront peu enfantines a ceux qui ne savent pas combien sont volontiers graves les propos de certains enfants. Qu'y puis-je? Chercherai-je les excuser? Pas plus que je ne veux pas les farder pour les faire paraitre plus naturel1es38~. (P.E.24) D'autres en auraient pu faire un livre, mais I'histoire que je raconte ici, j'ai mis toute ma force a la vivre et ma vertu s'y est usee.381
Martine Eonard a not6 d'ailleurs, en parlant des narrateurs de deux textes de Gide, Les Faux-Monnqeurset Lo pone Ptroite, que [I] 't?chuppatoirequi s 'offre a eux [all-r
narrateurs] esr de nier qu'ils fassent cPuvres litteraires. qu'ils soient des
dcrivains, donc de supprimer le style (qui va pr&cisiment, naitre de cette contradiction)38?
En effet. tout au long du roman le narrateur nie que son ecriture releve de la litterature, et il utilise divers procedis linguistiques, notamrnent un style neutre, comrne nous venons de le voir, pour maintenir cette &negation.
Ce fait discursif (I'ernploi d'un style neutre) posskde une fonction
argumentative quant au statut des instances du discours. En supprimant le style, on
380 P.E.p. 38. 381 P.E. p. 13. 3s2 Maisani-LConard. 1976. p.79.
vise en realite un but. Ce procede n'en pas un cas isole, mais se relie a d'autres faits
discursifs. L'analyse de I'exemple que nous venons de presenter, oh apparait un connecteur a visee argumentative, pourra d'ailleun confirmer cette demiere hypot hese.
4.3 2. Emploi du connecteur : rnuis
Dam le demier exemple, l'ernploi d'un connecteur etablit d'une f a ~ o n implicite une relation entre le sujet parlant qui se metamorphose et son destinataire : l e t e n e h e est util ise dans le sens de (( roman n, d 'autresen uuruienr pu fuire un irvre. I1 est permis de se poser une question : pourquoi le nanateur a-t-il choisi cette
connotation pour designer I'auvre litteraire et pour se demarquer de ce type d'ecn ture?
Le connecteur mais vient attirer Itattentiondu destinataire vise sur la distance que le narrateur bablit enne son recit et la litterature. Le nanateur tente par tous les
moyens de penuader son destinataire que ce qu7ilecrit est une veritable histoire et non un r k i t invente. Le teme h e marque d'ailleun cette opposition.
Ces demieres observations nous amenent a constater que I'emploi d'un style
neutre exerce une fonction importante au niveau textuel, en particulier quant a la description du statut des instances du discours et quant a la lecture du roman :d'une part, le desir de rendre I'ecriture naturplle montre que le narrateur Crivant se
preoccupe, au niveau textuel, d'un probleme d'ecriture. Cet emploi revele donc la
conscience de l'eccriture chez le narrateur. D'autre part, ce desir souligne la presence du destinataire. Ces deux caracteristiques sont assurees par d'autres procedes lin yistiques, en particulier par I'emploi des marques temporelles et referentielles
qui confirment la presence du destinataire. C'est precisement ce que nous allons
examiner dans les prochaines sections.
1.2.3. Marques temporelles, marquages thematiques et marques teferentiel~es~~~
Considerons rapidement
la structure de I'enchainement temporel et
referentiel dans ce roman. Nous avons reieve des marques discursives qui actualisent le discoun, c'est-
a-dire qui font ressortir le moment de l'enonciation. L'ernploi de ces marques prouve la prksence du destinataire sous differentes formes :
a ) Premierement, nous avons repire des temps verbaux qui font ressortir le
moment de I'enonciation : le passe compose et le present384. Ces temps verbawt sont utilids la plupart du temps dam les di fferents types du discoun : les dialogues
des perso~ages385,le discoun du narrateur, les lettres d9Alissade mPme que son 383 Sans faire de calcul statiaique pr&r il est fa& de constater que les temps verbawc qui dorninent d m I'ensemble du roman sont I'imparfait (environ dix par page), le p r k n t (environ six par page), ie pass& wrnpok (environ quatre par page) et le p& simple (environ trois par page), le htur et le plus-que-parfait compte moins d'un emploi par page. Dans le mime esprit, on peut noter la fikquence deje (huit par page), et d e hf ( d m par page), WM4.P (moins d'un emploi par page). 384 11faudrait rioter ici que parmi la vois dernikes formes de discoun. le parsC simple nvpit parhis. c o m e nous lTavo& dGa wuligne, n M.rdne Ltonard a bien explique ce p r & h ( ~ a i ~ Lbnard, 1976). 385 Nous ne nous y arrt%eronspas, I'analyse de erne forme n ' h t pas patinae pour notre travail.
journal. On remarque I'emploi de l'imparfait et du passe simple, en particulier dans certains discours comme celui du narrateur. Nous envisagerons me description plus precise dans la prochaine section. b) Deuxiemement, nous avons remarque que ces forrnes de discours font etat
d'une interaction directe entre les marqueun jeltu. Locuteur et interlocuteur, qui changent souvent de rele, sont presents dam le discoun.
C)
Troisikmement, nous avons repkre des d e i ~ t i ~ u qui e s ~reFerent ~ ~ a la
situation d'enonciation et dont I'emploi eveille notre curiosite tel que ici, d m & , etc.
Soulignons ici que dans notre texte la fiequence de ces trois types de marques, notamment des deux premiers, nous semble elevee. Rappelons que nous avons envisage dans les sections precedentes deux types
d7instance du destinataire, le premier se manifestant dans le discours propre au narrateur, et que nous avons designe par surdesr~nutoire,le second se manifestant dans
le
discours
rapporte
(les
lettres
et
le
journal
d'Alissa):
le destinataire/penonnage,Jer6me. Cette hypothese sera explicitee par I'analyse des marques temporelles et refkrentielles qui figurent dans les passages referant ii chaqw e n t i ~ e Nous ~~~. retiendrons pour illustration et pour analyse certains passages qui nous semblent significatifs a cet egard-
386 La prCsence des d&ctiqucs se h i t rcmaquer ciaus Lopone itmite. mihe si a sont des tames relativemat rares a l'kait, sauf dam Ies textes dramatiques ou des passages dialoguis. 387 DTaprCla rCpDnition du rCdt prtsmtC clans les seaions de I'analyse diaphonique.
4.2.3.1. Discours du nanateur Les temps verbaux utilises dans le discours du nanateur referent auu dew plans enonciatifs propres a ce demier, son discours et les evenernents n m e s par lui.
L'imparfait et le passe simple sont utilises pour les evenernents names, comme le montre d'ailleurs l'exemple suivant : (P.E.25)Je n'avais pas douze ans lorsque je perdis mon
Pour le discours du nanateur, les temps employes sont le passe compose et le present. Ces temps verbaux, en particulier lorsqu'ils sont renforces par le contexte,
font ressortir le moment de I'enonciation en actualisant davantage le discours, comme nous I'avons deja rnentionne. (P.E.26) . .. j'ai mis toute ma force a la vivre et ma vertu s'y est us*. J'tknrai danc tris simplamant mas souvenirs...389
(P.E.27) Ce ne sont pas mes premiers souvenirs que je prdends tiwire ici, mais cewc-la seuls qui se rapportent a cette histoire. C'est vraiment l'annd de la mort de mon pere que je puis dire qu'elle commencej9?
Nous avons aussi dans ces segments, propres a I'acte discursif du narrateur, des marques d'adresse, les pronoms vouv. qui referent au moment de l'enonciation. Notons que dam certains passages, c'est le passe simple, au lieu du pa&
compose, qui se combine avec le present, comme dans l'exemple suivant :
388 P.E. p. 13. 389 P.E. p. 13. P.E. p. 16.
(28) Je vous dirai comment cette interrogation s'empara de moil fit ma vie.
Mais avant de parler du triste evenement qui bouleversa notre famille, [...I, il est temps que je vous park de ma cousine39
Les marques d'adresse vous sont toujours accompagntes du present ou du futur : Je vous dirai, il est temps que je vous parle; le pass6 simple accompagne les autres constituants de la proposition.
Selon nous. en employant le passe simple au lieu du passe composb, le narrateur insiste sur le fait que le rbferent vous appartient au discom actualisd, propre au premier acte enonciatif, instaurant ainsi une distance entre les dvenements narres et cet acte enonciatif. Le pronom vous n'a aucune df6rence cohesive dam le texte. On ne peut identifier pour cet element de reference ni anaphorique ni cataphorique. De plus, cette entitC discursive demeure toujours muette. D'un point de vue formel, et en considennt les exemples d6jg releves, nous voyons que ce tenne est un Clement non actif par rapport B l'action :il n'occupe jamais une fonction de sujet assumant un acte dam la phrase. Prenons un exemple qui illustre bien cette remarque : (P.E.29) Lorsqu'on s'approchait d'elle, son regard ne se detournait pas de sa reverie pour vous voir392.
Dans cet exemple, le on a une double reference : un sujet anonyme (lorsque qlielqu 'un s'approchuit d'elle) et le vous (lorsque vous vous upprochez d'eNe ... pour
vous voir : eNe voit la personne [le vous] qui s'approche d'elle [le on]),deux actes
imaginaires produits par un procede d'assimilation 391P.E. p. 23.24. 392 P.E. p. 20.
-le v o w n'a pas effectuC I'acte.
Les dew pronoms referent a une entite discursive qui subit le m0me typed'acte d'assimilation. Le referent du pronom vous est identifie au narrataire a qui s'adresse le
nanateur. Ce procede est deja connu dans le discours litteraire. La reference du pronom
VOUF,
non identiflee au niveau textuel, est automatiquement associC a un
narrataire fictif, qui est ici, rappelons-leyun lecteur. Ainsi, le pronom on refere a cette meme entite discursive, le nanataire fictif a qui s'adresse le narrateur, dam un procede d'assimilation imaginaire; l'acte du sujet gmmmatical est dicte ou imagine par le narrateur, et par ce procede le narrataire-lectew devient contemporain de I'action.
Dans ce roman, la presence de la figure du lecteur est particuliere. Cette particularite est le produit de pl usieun elements textuels. Le parallel isme des
enchainements temporel et referentiel est aussi relie a I'enchainement thematique dans le discours.
La repartition en SVM de I'exemple suivant, ou le nanateur presente a son lecteur le journal d7Alissa, permettra d'illustrer plus precisement certaines
distinctions qui s'effectuent entre differents modes et differents temps verbaux dans une meme sequence, vu que cette repartition depasse les limites de \'interpretation de la phrase393.Cette repartition nyestpas sans incidence sur la description du statut du destinataire : (P.E.30) J'en transcrh ici nombre de pages. - Je les transcris sans commentaires. Vous imagine2 suffisamment les reflexions que je fis en les lisant et le bouleversement de mon cacur que je ne pourrais que trop imparfaitement indiqueg9?
Regardons donc de plus pres la repartition en SVM de ce dernier exemple.
393 Ces lirnites ne permettent pas d9idmti6ierclaimcut les distinctio~qui figurent dans une m&nc P--
394 P.E. p. 154.
Tableau 3 TEXTE
SVM
I . J'en transcris ici nombre de pages. 2. Je les transcris sans comrnentaires. 3 Vous imagine2 suffisamment les reflexions que je fis en les lisant et 1 le bouleversement de mon czEur que trop imparf'aiternent indique
Soulignons ici qu'il n'y a rien a signaler comme structure syntaxique particulierement longue ou breve dans les propositions. Dans les trois premieres SVM est utilise le present qui refere a la situation d' enonciation; le terme ici, suppose referer a la situation d' enonciation, est employe deux fois; ces propositions relevent de I'acte d'kriture du narrateur.
Le passe simple est utilise dans la seconde proposition de la troisieme SVM pour designer un acte qui refere a une autre situation narrative, celle des evenements names; le conditiomel ed utilise dam la demiere SVM, referant au plan des evenements names propres au narrateur. L'acte de lecture de ce journal s'inskre dans
ce plan; par contre, les trois premieres propositions relevent du discours du narrateur, comme nous venom de le rnentionner. D'apres ces demieres remarques, nous pouvons avancer que l'emploi des temps verbaux assure bien la distinction entre les deux plans. Cela montre egalement que les deux actes ne relevent pas de la m i k e situation d'enonciation.
393 P.E. p.154.
On peut formuler une autre observation B propos de cet exemple : le tenne ici, consid6rd par la plupart des theoriciens c o m e un dkictique qui dfere la situation d'honciation, est utilise dans la premiere SVM. Dans cette perspective, cette marque spatio-temporelle dftre it la situation d'dnonciation -inconnue396 - propre B I'acte commentatif du narrateur. La seule chose qu'on sait de cette situation est que I'acte du narrateur reltve de I'Ccriture, ce qui implique la presence d'un lecteur, comme nous I'avons dijh mentionni. La marque spatio-temporelle ici est d'ailleun nliie B cet acte d'ecriture. Nous croyons en effet qu'elle r6ftre au texte hi-meme (dans cette partie-ci je transcris...); elle sera donc considhie comme une anaphore indexicale. Cene meme hypothese vaut
pour l'exempie 3 dont nous avons soulevt le probltme.
Les deux exemples que nous venons de presenter (29 et 30) montrent bien que la marque spatio-temporelle ici ne devrait pas Stre considirie comme un dtictique qui
rkfkre h la situation d'enonciation du narrateur. Ce type d'emploi reltve du genre autobiographique et epistolaire. En employant dans ce passage cette anaphore indexicale. le namateur-scripteur insiste sur le fait que son texte releve du genre autobiographique. Cet emploi met ainsi en relief sa conscience d'bcriture qui r M l e automatiquement la presence d'un destinataire, ou plus prkisbment d'un surdestinataire, construction linguistique c&e par le texte. Un autre procede vient confirmer ces &rni&reshypothiises : I'emploi du verbe imaginez, au present dam le meme exemple. 396Aucune prkision n ' a t donnie de cette situation d'enonciation.
En effet, l'emploi du present sous cette forme laisse entendre que l'acte d ' imaginer ~ D. effectue par le destinataire, precede son acte de lecture. Cependant.
d'un point de w e logique, cela n'est pas possible, car le lecteur ne peut anticiper sa propre lecture et imaginer les sentiments tprouvCs par le nmateur-krivant en lisant le journal d'Alissa. Ce lecteur ne peut donc reellement accomplir cet acte qu'apres sa
lecture. La forme qu'on attendait dans une telle situation est ou bien : Imagine2 les rLj7esious que je fis...; ou imagbrez-vous les reflexions que je /is.. ..? (forme
imperative ou interrogative). En effet, comme nous venons de le souligner, la nouvelle information n'est toujours pas connue. Pourquoi a-t-on donc prdsentb I'acte d'imaginer comme Ctant dkjh effectue par I'actant?
Par ce procCd6, le narnteur anticipe la reaction de son destinataire; il indique en quelque sone que I'actant partage les sentiments qu'il Bprouve. Ainsi, le narrateur implique son destinataire dans une exptkience qu'il partage avec hi. Le destinataire devient le contemporain du narrateur. ce qui confirme que I'auteur de ces passages construit un s~trdestinataire,un destinataire superieur (second), dont il recherche la comprehension et anticipe la reaction. Nous pouvons dtduire que, par l'emploi des procbdks que nous venons de commenter (exemple 29 et 30)'on a voulu souligner au niveau textuel la conscience de I'icriture qui rkvkle la presence du surdestinataire. La presence de cette instance n'est pas reptrable h un premier niveau de lecture : le texte ne fournit pas les marques
explicites necessaires qui permettent d'identifier cette instance A ce niveau.
Signalons que Gide avait envisage un narrataire imaginaire, dam une ebauche du r n a n u ~ c r i t ~mais ~ ~ ,qu'il I'a supprirne par la suite. Ce narrataire a ete supprime a un premier niveau de lecture; cependant, il a ete construit par le texte a
d'autres niveaw sous une autre forme discursive, celle du surdestinataire. I1 serait donc necessaire de savoir pourquoi le texte cree cette forme d' instance et quelle est la signification de son insertion a un second niveau de
lecture. Nous repondrons a cette question au terme de notre analyse. apres avoir
etudie I'ernploi des meme marques discursives (nifkentielles et temporelles)dam
les deux autres types de discours, le journal et les lettres. Dans ces deux types de
discours. I'emploi des marques discursives en question illustre la presence d'une autre fome de I' instance du destinataire, celle du personnage.
4.2.3.2.Lettres et journal
Now avons reptire dans ces deux fomes discursives des marques qui actualisent le dixows, comme nous I'avons deja note. Soulignons en premier lieu que les procedes n a d f s utilises dans ce roman,
les lettres et le journal, permettent au narrateur-locuteur de faire entendre la voix d'un tiers ou celle de son interlocutrice d'une fagon legitime, tout en restant dans le
meme genre discursif relevant de l'ecriture. Rappelons que I'ernploi de ces formes entraine un changement dam la structuration du statut du destinataire.
397 Levy Z v i
1984. p. 123.
La pnisence du destinataire se manifeste explicitement dam les deux formes de
discoun. Cela est suggbre par l'emploi de I'adjectif possessif notre qui rdfkre B la locutrice et B son interlocuteur, par la dinomination Jkrdme et par les marques d'adresse, tu. Ces demitres marques rkfirentielles renvoient ii une entit6 discursive qui change de r6le : le narrateur devient un destinataire effectif prdsent, linguistiquement parlant, dans le discours. I1 n'est plus locuteur, mais devient l'interlocuteur h qui on s'adresse. Rappelons ici que ies lettres et le journal d'Alissa ne se situent pas au mtme niveau narratif. Les lettres sont A considerer comme une forme d'ichange
dialogique398. Mais cet ichange n'a pas reellement eu lieu puisque nous n'avons pas les reponses, c'est-8-dire des lettres qui repondent ii la locutrice. Cependant, l'echange dans le discours dpistolaire est normalement un acte mutuel : le destinataire repond B son interlocuteur.
Dans ce texte. ce n'est pas le cas. Le dialogue entre la locutrice et son
interlocuteur s'effectue B deux niveaux differents : celui du discoun direct qui est reproduit dam les lettres, et celui de I'acte narratif propre au narrateur qui transmet B un destinataire difftrent sa replique ou son cornrnentaire, cornme le montre d'ailleurs
I'exemple suivant, ddjB cite : (P.E.31) Un an s'etait presqus ecoule depuis notre dernier revoir. Elle semblait ne pas y songer, mais faire commencer d'a present seulement son attente. Je ie lui reprochai399.
398 Ce qui a t une des caractdristiques du discours dpistolaire.
399 PE. p. 101.
Le nanateur justifie en quelque sone aupres de son lecteur I'introduction des lettres dans le roman : aprk avoir transcrit la premiere, le narrateur se pose la question suivante : (P.E.32)Qu'eiit pu signifier cette lettreUX)?
La reponse est fournie par le narrateur, les lettres insiruisent le recit : (P.E.33 Je copie des lettres qui suivirent. tout ce qui peut instruire cerkcitlo1 .
En reali3, ces lettres completent I'infomation narrative liw& par le nanateur,
et
c'est dans ce sens qu'elles instruisent le rkcit, puisqu'elles doment de
I' information, des elements nouveaux, au niveau de l'enchainement thernatique.
Elles expliquent ou cornmentent certains evenements. Cette forme de discours epistolaire ne remplit pas sa fonction initiale
puisqu'elle n'etablit pas d'echange reel, au niveau de la diegese, entre les dew interlocuteun. Elle exerce une fonction autre que dialogique, comme nous venom d'expliquer. L'echange reel entre les dew personnages n'est donc pas realise puisque le destinataire des lemes, Jerhe, ne repond pas a la locutrice Alissa et
transmet son cornmentaire ou sa reaction sur un autre plan discunit La communication est differee. 11 est important egalement de noter que, dans le journal, l'interaction entre les marqueursje tu n'est pas waiment realisee non plus sur le plan enonciatien? Le
woP.E. p.4I P.E, p. 100.
402 Notons que, dam les d m forms du discours, le destinataire ne se trouve pas d m la m&e situation d'tnonciation que le locutcur : iI est ou bim inwe sur un plan discufsif ou construit w le m h e plan. Le p d simple qui surgit parfois dans ces trois formes de discours a pour fonction d'insister sur ce fait.
destinataire, Jerdme, est present dans le discours au niveau textuel mais non dans la situation d'enonciation. Cela est tout a fait acceptable d'un point de vue logique : la locutrice integre son destinataire dam son discours par I'emploi des marques deja presentees et par le phenomene diaphonique (la reprise explicite du discoun de I'autre), sans qu'il ne soit present dans la situation d'enonciation en question403.
Ainsi, dans le journal, tout comme dam les l e ~ e s la , presence du destinataire est suggeree par I'emploi des elements lin yistiques tout comme on laisse le lecteur deviner que l'echange rkel entre les deux interlocuteun n'est pas accompli. Cela nous amene a dire que I'instance de destinataire a dans ce texte une fonction autre que discursive. Elle remplit meme plusieurs fonctions, cornrne nous allons voir.
1.2.4.Fonction de 1' instance du destinatairejpenonnage
Nous pouvons deduire en effet que la presence du destinataireipersonnage, ill ustree par la construction diaphonique, peut remplir dans ce texte les fonctions
suivantes. En premier lieu, la presence du destinataire dans le texte et son absence de la situation d'enonciation, de meme que la communication differee produite par les
M3 Ce point de we at d'ailleun e n v i ~ g Cdam le rnodtle diqhoniquc maio igo* par la narratologie. C'est une des camctiristiquesqui distinguele namrteur du desdnataire.
phdnomhes dijB pdsentis unissent les deux amants sur un plan et les dparent sur un autre. C'est le sens vers lequel le roman guide le lecteur : ces deux personnes sont unies sur un plan non riel, elles sont ii jarnais sepades. ce qui conduit B un &hec de la relation imotionnelle. En second lieu, et au niveau textuel, les constructions diaphoniques pennettent
B la locutrice (Alissa) de signaler ce qu'elle veut retenir du discours de I'auue a h de rnieux enchainer sur celuici; elles conduisent cette dernibre B reproduire un argument en faveur de son point de vue, en faveur de son amour. Ce procede permet tout simplement A la locutrice de fonder son propre point de vue sur l'autoritd incontestable du propos provenant de son interlocuteur. Le discours de son interlocuteur relbve. rappelons-le. dc I'ecriture. De plus, ces constructions permettent aussi de cornmenter In situation qu'elle a vkcue avec son destinataire et par la suite d'tclairer certains faits.
Ces constructions expliquent le comportement dnigmatique d'Alissa et sa fuite. Cela se
passe au niveau textuel. Mais ce commentaire et ces explications ne visent pas seulement le destinataire. elles visent aussi le lecteur qui prend connaissance par ces
constructions de certains faits qui eclairent la lecture du &it. Cette fonction s'attribue de meme A la seconde forme de discours rappone par le narrateur, le journal d'Alissa. D'apriis nos dernitres remarques. nous pouvons indiquer que ces deux formes du discoun, les lettres et le journal d' Alissa, exercent une fonction importante, mEme si le journal reprend des Cvhements ddja transmis par le narrateur. Ceia ne veut pas dire qu'il n'introduit pas d'CICments nouveaux, comme le pretend Marie AscarzaWt5girnonfl04 en indiquant que ces morceaux n'apportent rien de n e u p s pour le k i t . W e n e demikre note que
Au niveau de la diegese de m2me qu'a celui de la lecture, ces formes de
discours, en particulier le journal d'Alissa, disposent d'une fonction de complementarite informative : si nous examinons la structure micro-contextuellc du recit, nous voyons que certains elements sont enigrnatiques pour le lectew comme
pour le narrateur (le comportement d'Alissa, par exemple). Le narrateur ne pourra comprendre certains faits et certains actes -m@meles reactions a ses propres actes - qu'apres la lecture de ce document qui resout les enigmes de cette histoire.
Pour decouvrir le secret de ce recit, il faut rassembler les faits, ou plutbt assembler les elements informationnels nouveaux, les informations nouvelles livrees a un niveau micro-contextuel par le journal, avec les autres elements du recit. Ce rassemblement s'effectue evidemment a un niveau macro-contextue1. Pour parvenir a lire ce roman, il faut embrasser le recit a un niveau micro-stnrcturel et le relier a la macro-structure. Le texte foumit des elements qui permettent d'effectuer ce rassemblement. D'une pan, dans le journal d'Alissa sont signalQs des indications temporelles et spatiales propres a la situation d'enonciation (dates, lieux ou se deroule I'action ...); de plus, des evenements connus du lectrur sont evoques. DDutre part, dans le recit de Jerdme apparaissent des indices pour retrouver les elements tnformationnels
manquants qui , comme nous avons vu, surgiront dans lejournal. Par ailleurs, le manque d'infonnation est mis en relief tout au long du roman : l'ignorance du narrateur ou son interpretation erronee sont bien focalisees, le narrateur indique
... ces d m morceawr n'ajoutent rien qui n'ait d e a ite dit ou suggkrti, auparavant, dans le nkit de Jerbme. Par leur rtip&ition et Ieur dilution d'un conflit rigoureusement c o n d d et rkmi, ces deux morceaux eqlicitem ce qui &it reste delicatement impticite et &nt donc une rupture de style dam l'unite m t i v e (hscarzrt-Wtigimont, 1993, p. 8; voir aussi p. 129-139).
Ihid. p. 129.
expliciternent a plusieurs reprises qu'il a ma1 compris ou ma1 interprete certains faits. (P.E.34) Comment, par un simple r&it, ameneraisj e a curnprendre aussitet ce que je rn'expliquai d'abord si mal? Que puis-je peindre ici que l'occasion de la detresse a laquelle je M a i des tors tout entier?
II s'agit donc d'une dualite de lecture qui se manifeste par I'emploi de ces
fomes du discours et par la presence du destinataire : le narrateurlallocutairei destinataire, representant la mihe entite discwive, et lecteur sont assimiles dans un meme acte, celui de la lecture et de la comprehension. Les documents en question informent le lecteur autant que le namteur, comme le montre notre dernier exemple. Le narrateur ne comprendra clairement sa propre histoire - et la cause de
son echec sentimental, la separation - qu'en I'hrivant
Le procedi d'ecriture au niveau textuel est tres important et assume une fonction capitale par rapport a la lecture du texte : en tant qu'acte, la comprehension du narrateur est assirnil& a celle du lecteur : la premiere se produit par I'ecriture, la
seconde par la lecture. Ainsi, rnalgre l'thec du narrateur sur le plan emotionnel, une reussite
s'accomplit sur un autre plan : le narrateur a compris et saisi le sens de son histoire; ~ ~qui , constitue par ailleurs un exploit sur un ceae reussite est due a ~ ' e c r i t u r e ce plan litteraire, puisque c'ed un narrateur ecrivant qui s'interesse des le debut du texte a la question de I'ecriture.
M6 Ce qui r W rnis en relief tout au long du roman per l'cmploi da faiu suivaxtts :la mnscima de I'kriture, la p r k n c e du destinataire et I'emploi d'un style neutre.
5. Conclusion
Pour conclure, nous pouvons indiquer que les blbments textuels analyses (la structure macro-contextuelle narrative. la structure polyphonique au niveau de la macro- et de la micro-structure Cnonciative, la structure diaphonique du statut du destinataire, les marques tempo~lleset r6fdrentielles) nous ont permis d' envisager une description du statut des instances du discours.
Nous avons dkcele la pksence de deux voix dans un mtme tnoncb, celle de Jirbme et celle d' Alissa. Cela nous a menee B constater que la structure narrative du recit ne pose aucun problbme. Elle n'est pas dkskquilibke : elle est tout simplement polyphonique. Cette construction polyphonique est explicite. Le roman de Gide &arte donc I'uniciti du statut des instances du discours au niveau knonciatif. Nous avons dbcouvert que le statut des instances du discours se mttamorphose, en pmiculier celles du destinataire. Dans ce roman. ces instances se cornbinent dans une structuration fonctionnelle et polyphonique. Nous avons decelb en effet, par I'analyse linguistique, deux types d'instance du destinataire qui se
rnanifestent au niveau textuel : le premier est celui du destinatairelpersonnage (Jdr6me); quant au second, c'est celui du surdestinataire construit par le narrateurscripteur. Nous avons pu dkcouvrir ainsi une dualit6 de lecture etlou d'bcriture : la prisence d*un surdestinataire superieur (second), dont le narrateur recherchait la
comprkhension et anticipait la daction, au niveau texruel, est une question qui semble preoccuper Gide dans son ecriture; cet auteur portait une grande attention B son
destinataire, et c'est pourquoi ce dernier occupe une place si importante dans son texte. Par cette construction, Gide nous invite h identifier cette instance au niveau de la lecture : ... il a compris qu'un livre n'est unique que par l'usage qu'en fait chaque lecteur, trqant son itinhire panni les signes, creusant Ie livre en profondeur afin de s'en n o u m ' F .
L'emploi d'une forme d'kcriture
n
neutre v et la conscience dlCcriture du
narnteur amhent aussi B une dualit6 d'icriture :ces proce&s comptent en effet parmi les principales caracttristiques de l'bcriture de Gide; pour cet auteur. I'emploi de cette forme d'bcriture est une methode destinde ii persuader le lecteur. Plusieurs chercheurs d'ailleurs I'ont note, parmi lesquels Perelman : il n'esr donc pas impossible que le style neutre de Gide air pu lui servir riellement dcrns son effon de persuasion408.
Les faits discursifs que nous avons commends dans ce chapitre constituent selon nous des procedes qui vkhiculent des instructions pragmatiques qui permettent de degager des regles et des strategies de lecture contenues dam le texte. Ces kgles de
lecture expliquent le processus narratif dans ce roman et la metamorphose des instances du discours. Ces stratigies permettent de dkceler la pdsence de ce que nous avons appele I'instance de I'auteur. au niveau textuel. Cela implique une reussite, au niveau de la lecture, des procCd6s linguistiques et des instructions pragmatiques qu'ils vehiculent et au succes de I'exwrience de lecture instake par ie texte. Finalement, nous esperons avoir rendu compte de I'originalite du statut du destinataire dam ce roman. L'anal yse du quatrikme texte de notre corpus, Les fous de Bossan d' Anne Hebelt, nous permem de pksenter une autre facette de la description 407 Masson. 1994. p. 48. 408 Perelman, 1970, p. 204-205.
du statut du sujet parlant. Ce texte qui a confondu les critique@
mettra en relief
d'une f a ~ o noriginale la problkmatique de cornpiexit6 du sujet parlant qui nous prkoccupe dans ce travail.
CHAPITRE VI ANALYSE MACRO- ET MICRO-CONTEXTUELLE DES FOUS DE BASSAN D'ANNE H ~ B E R T
0. Introduction
Dans les trois chapitres pricidents, nous avons dkcrit differentes structurations du sujet parlant 2 travers trois exemples litteraim. Un quatriiime roman, LEs fous de
Bassan, nous permettra d'examiner un phknomtne oripnal de polyphonie dans lequel
on peut voir un enrichissement de la description du statut des instances du discours. Ce texte se caracterise par une multiplicitk de voix et un enchevBtrement des niveaux narratifs, ce qui attire ['attention de quiconque travaille sur le &it. Cet
ouvrage a suscite de nombreuses analyses. Apr& tout ce qui a it6 Brit sur ce roman d'Anne HCben, que reste-t-il B analyser? Nous nous proposons de presenter une
relecture macro-et micro-contextuellr des FOU de Busscm qui peut encore apponer des elements interessants.
Ce roman, qui raconte I'histoire de la disparition des deux jeunes filles, Nora et Olivia Atkins, et qui se deroule dam un lieu imaginaire, le village de Griffin
Creek, se prite exemplairement a Itinvestigationpragmatique du discours litteraire. En effet, une premiere lecture de ce roman fait entendre une multitude de voix narratives qui prennent le discours en charge. Des locuteurs racontent les evenements chacun a leur fa~on,en dehon de toute perspective cc objective n. Ces voix se combinent avec une complexite deroutante. Le statut discursif de ce roman se caracterise en effet par une simplicite de structure narrative (macro-contextuelle) et une complexite discursive : le recit est bien repani, les narrateun sont clairernent indiques; mais en meme temps, il est dificile dam certains cas de repondre a la question
c(
qui parle? a. La polyphonie theorist est en effet une constante chez
Anne Hebert, comme I'a bien note d'ailleurs Yvan Leclerc : ... le sujet de !'&tontiation s'ouvre en lui-mimesur son propre fond. se dedoubte, se clive, se voit et se veut autre explore les vinualit6s des troisikrna penoma qui font kclater''(' le ie u unitaire dam une conception tr& com~lexe.polwhonique. L'image de la t isserie. I...], rnbaphorise ce travail de tressage des voix narratives, 4iP
.
Differentes hypotheses ont ete avancees quant a la voix nanative qui assume
le recit des Feu cle Bussun. Certains critiques, comrne Marilyn Randall, afirment que ce recit ne contient qu'une seule instance nanative, celle de Stevens Brown le s e d scrcpteur mis en s c h e durn le r e ~ t e ~ ~ ?
'
-110 C'en nous qui wulignons. Leclerc, 1997, p. 196. Randall, 1989. p. 66-82.
Cette perspective univoque de lecture a soulev6 des objections, dont celle de Jaap Lintvelt, qui refuse catbgoriquement dadmettre que ce roman soit gen5 par une seule voix : Je ne partage donc pas llhypotfi&scde Marilyn Randall sur l'univocitd et I'unitb de vision, qui pourraient s'expliqucr par la supposition que fe roman entier rksulterait de l'dcriture de Stevens. le (c seul scripteur u (Randall. 1988, p. 77) mis en schne dam le texte413.
Le refus de Lintvelt est bast sur le fait que la vision masculine de Stevens differe trop fondamentalement de la vision fiminine de Nora et Olivin pour Z'estimer
capable d h e reconstmction de leurs pensees intime#! Selon Lintvelt. l'histoire est racontie par les differen@personnages du roman B
partir d'une forte subjectiviti; il note d'ailleurs que [I]a focalisation multiple, la perspective narrative variable et polyscopique remplit effectivement un r61e esscntiel dans la fascination exercde par ce roman, car le Iecteur cst incite i pratiquer une lecture active. en cornparant les diffirentes versions succtssives, toujours raconttes il panir dune forte s u b j e e t i v i t ~ ~ ~ ~ .
En effet. il nous semble que Stevens ne peut Stre h I'origine de toutes les traces de la narration laissbs dam Lasfous de Bassan. A un premier niveau de lecture, nous
pouvons distinguer six voix; I'histoire est racontke par des personnages qui parlent
toujoun i partir d'une subjectivite totale. L'identification, au niveau de la macrostructure, des personnes qui prennent en charge chaque recit, ne pose pas de difficult& puisque le texte donne les indications nkcessaires A l'identification de chaque instance : une kference nominale (un nom propre) introduit chaque &it. II est -
4 1 3 Lintvelt. 1991. 414 [bid.. p. 43. 415 Lintvelt. 1991.
-
p. 43. p. 39-49.
important de noter que dans ce texte chaque reclt est persomalise sous forme de titreJ16. D'un point de vue discursif, les phenomenes linguistiques ne se reptitent pas, mais se distinguent. Chaque recit presente de nouvelles caracteristiques quant
aux procedes linguisttques utilises &ins les autres et quant au type d'ecriture. Ainsi,
malgre la reptititition des rntrnes evenements (les differents recits reiterent tous les cornposantes de la mfme histoire), les recits se completent et se distinguent a la fois les uns des autres. Ce qui est problematique n'est pas donc l'identification de I'instance
narrative, mais I'etablissement des liens entre les differens elements de la coherence discursive, sp&i€iquement ceux des instances du discours. La presence de nombreuses strategies textuelles qui viennent perturber I'ordre et la logique discursive pose en fait certaines dificultes : au coun de la lecture, on rencontre frequemrnent ce que Gerard Genette appelle un (( vertige pronominal d l 7 . c'est-adire une alternance entre la premiere personne et la troisieme personne : ce fait discursif se manifeste de faqon singdiere dans le premier recit, celui de Nicolas
Jones, recit qu'on peut meme designer comme source d'ambiguite d i s c ~ n i v e ~ ~ ! D'autres types de difficult& sont identifies a maintes reprises, dont la transgression narrative analysee dam d'autres travaux419, et un type de dificulte
Lr fivre du rPvt!rend Nicoh Jaws. LCSkmes de Stevens B m t t d Michael Horchkiss, Lr iiwe cle Nora A fkins, Le livm Je Perc~~uI Brown rr drz peIqurs mrres, Olivia rlrr la h i r e mrr, DentiGre frrrres de S~evetaB r w t ~a Michael Hotchkiss. 'I7 Genette. 1972 p. 254. 8I' Ce mdme type de difficulti w manifestc aussi dans le r k i t dYOliviaau terme de son diroun. 'I9 Ce probkme de transgression narrative ne sera pas mite dans none travail. C a problemes ont ete dej jh etudies par la narratologie, plus specSquement par h a p Lintvdt. Ce dernier a tente d'expliquer les phenomenes de << vertige pronominal a et de transgression narrative dam ce roman en se basant sur la narratologie et sur I;r psychdogie. Dam i ' article deja cite, i1 a combine I'analyse narratologique a I'approche thematique et ideologique.
inexplore j usqu' ici : une structure discursive non usuelle420. Nous entendons par cette demibre expression une structure qui n'est pas utilisCe dans le langage courant, pour designer par exemple un langage propre h des enfants ou B des personnes souffrant de troubles psychologiques ou mentaux421. Nous avons identifit ce type de dificultt. la structure non usuelle du discours, dam le recit de Perceval et dans certains passages du second rkit de Stevens. Dans le premier recit, cette caracttristique est constante car aucun changement ne s'effectue dans le langage du discours de Perceval jusqu'i la fin de son recit. Le discours de Perceval est d'ailleurs incoherent : de nombreux Climents sont h la limite de I'acceptabilite. Le type d'kriture envisage dam le rdcit de Perceval peut se cornparer h un discours de la folie. Ce kcit occupe une piace importante au niveau de la dibgiise. Malgre son rapport incohirent, le lecteur dispose de certains indices pour dicouvrir le mystbre de la disparition des deux jeunes filles. Perceval, qui a vCu l'histoire, a vu tout ce qui s'est passe. Cette dexnitre information n'est pas l i d e par le texte de faqon claire et nette. Le recit de ce personnage, meconnu des critiques4*2, est pourtant indispensable pour eclairer certains cornportements et certains des episodes mysterieux qui constituent cette intrigue. Malgrk I'arnbiguW discursive et la structure non usuelie manifestde dans ce texte, en patticulier dans le r6cit de Nicolas Jones et dam celui de Perceval, le lecteur parvient trGs bien 2 saisir ce roman. Une question s'impose ici : par quel moyen la empioyons Ies expressions u structure qui n'est pas normale >% ou << discours qui n'est pas normal w dans le mZme sens, et ceIa sans faire appel P des critires kvaluatifs (bon ou mauvais, etc.); ce sont des discours propres i des cadgories ou a des types de personnes qui dprouvent des troubles mentaux ou autrcs. 421 En analyse de dixoun. plusieun titudes ant Ctk enmprises sw ces types de discours. comme nous I'avons mentionnd dans 1e second chapitre. 422 La plupart des critiques se sont interessC Stevens, A Olivia ou h d'autres personnages. mais pas a Perceval.
420 Nous
cohbrence textuelle s'btablit-elle, quant h l'acte de lecture et quant aux diffdrentes instances aux niveaux de la macro- et de la micro-structure? Et quelle est la signification de ces faits discunifs? Nous pounions rt5pondre B ces questions, 6tablir des liens d'inftnnce entre les diffkrentes instances et dtgager une structure du statut des instances du discoun par
une analyse macro- et micro-contextuelle des &its de Nicolas Jones et de Perceval. Nous nous proposons donc d'analyser ces deux &its. ce qui nous permettra d'dtudier en faait des phenomknes textuels originaux que nous n'avons pas decrits jusqu'i present. Pour rendre compte de la complexitt d'instances, nous aurons recours au modde d'analyse macro- et micro-contextuelle &jh mis h I'tpreuve dans les chapitres
preckdents. Nous presenterons une analyse macro-contextuelle narrative, puis nous proposerons pour chaque reci t un Clargissement de la perspective narrative par
I'analyse du discours. A la suite de quoi nous proposerons une autre lecture des
instances des discoun dans les Fous de Bassan. Nous traiterons spcifiquement des passages oO se pksentent des difficultes de lecture dam les deux recits.
1. Description macro-contextuelle narrative
Un examen rapide de la macrostructure narrative du roman nous semble requis afin de situer les deux r6cits analyses. D'un point de vue narratologque, les narrateun rel6vent tous de la catkgorie homodiegdtique. ils utilisent la premibre personne du singulier ou du pluriel. Le lecteur identifie les differentes instances gr5ce aux titres qui annoncent chaque recit. On dispose de plus d'une rdfirence temporelle : le premier &it, celui du pasteur Nicolas Jones, est dat6 de I'automne 1982; trois &its (les lettres de Stevens, Le livre de Nora ainsi que Le livre de Perceval et de quelques autres) sont dates de I'e'tP 1936. Quant au Livre de la revenante Olivia, il est suns dare; enfin, la demikre
lettre de Stevens est &tee de I'auromne 1982,
Paradoxalement, on ignore la source tnonciatrice de I'ensemble de ces informations textueiles. Aucun narrateur omniscient ne raconte I'histoire ni ne prend en charge la narration B partir dun niveau extra-diegetique : chaque rkit est assum6
par un protagoniste particulier. Le cadre narratif est absent du roman dans son ensemble comme pour chaque recit pris a part. Les narrateurs prennent la parole423 sans dicrire le cadre n m t i f de leur ecit ou leur situation honciative. La pluralite des voix nlempEche pas qu'un fil narratif soit suivi. Ce fil est
interrompu par des intrusions. des souvenirs des interlocuteurs. Et comme la 423 Nous employons I'expression K prendre la pamk n non pas au sens courant du terme mais au sens de M prononcer un discours w , mime si ce discours est suppod etre f i t , comme les lcttres de Stevens.
narration, le temps est multiple, car c'est un temps tantat chronologique et tant6t achronologique; soulignons que dans certains cas, le rapport B I'etendue temporelle et
mZme l'ttendue spatiale est compl&ement dissimuli (voir le &it de Perceval).
2. Le rCcit de Nicolas Jones ou I'ambiguitb Cnonciative
2.1. Statut du sujet narratif
Le rkverend Nicolas Jones, unique locuteur de ce rkcit, commence son discours par un amereplan historique, puis precise le lieu des Cvknements : cene terre de taiga, au bord de la mer, enrre cap Sec et cap ~auvagine424.I1 emploie la premiere
personne du singulier moi et je et se presente comrne membre de la collectivit& l'un des habitants de Griffin Creek, ce qui est suggbrd par I'emploi des adjectifs
possessifs : (F.B.1) II a suffi d'un seul ete pour que se disperse le peuple elu de Griffin Creek. (...) Nos rnaisons se delabrent sur pied et moi, Nicolas Jones, pasteur sans troupeau, je m'etiole dans ce presbytere aux colonnes grises vermoulues425.
F.B. p. 14. ' 2 5 F.B. p. 13- 14.
Le rkit du rtvtrend Jones nous donne en fait I'impression qu'il relbve des mkmoires, il transmet le &it des evenements tout en inskrant des sequences qui reEvent du moment de I'dnonciation. D'une part, l'inonciation du discours se situe au prksent, comrne nous avons dkj¬e, en autornne 1982. D'autre part, de nombreuses analepses situent au passe la narration du reverend. qui tente de reproduire les CvCnements vCcus pendant l'itt5 1936.
Pour vansmettre le premier plan Cnonciatif de son discours, le revirend utilise une narration simultank ii I'action : le temps employ6 pour transmettre les deux plans dnonciatifs est le prksent, avec de temps B autre l'insertion de phrases norninales ou non tensdes. (F.B.2) Appeler les jumelles. Avant que I'aube ne se Ieve sur la mer.... Coups de voix. Coups de sonnette rep6tes. Pieds nus, embarrassee dans sa Iongue chemise, une des jumelles descend lentement I'escalier ...426.
Ces demitres remarques nous amenent B avancer que les deux niveaux namti fs se milent : on passe sans transition de l'bnonciation du pksent B celle du passe, du le discours au kcit. I1 n 'y a qu'un seul plan knonciatif : le plan ditgetique de
la narration - c'est-Mire les scenes reproduites par le dvkrend, ou plutbt cdQs par ce dernier - se confond avec Ie moment oh le narrateur enonce son discours (nous
reviendrons sur ce point au coun de l'analyse micro-contextuelle). Selon la narratolopie, le temps utilisB dans ce &it, le present, r6vtle la presence du narrateur dans le discours. Par ailleun, d'autres indices thoignent aussi de cette pksence : I'emploi du pronom personnel je et les d&ctiques en rapport avec la F.B. p. 33.
la position spatiale du narrateur. Mais au corn de la lecture, la narration passe de la
premiere personne a la troisierne.
Ce passage steffectuesans justification au niveau ditigtitique427.Le narrateur locuteur se designr en employant son propre nom : (F.8.3) Son mari le pasteur ne s'est pas retoume dans son sommeil. n'a pas remarque la place vide dans le grand lit. Ce n'est qu'au petit
matin qu'il i'a dtkouverte et tenue, une dernikre fois, dans ses bras, avec precaution comme quelqu'un qui porte une langue statue dis~o~u~e~~*.
Jaap Lintvelt justtfie ce changement au niveau textuel par le dedoublement psychologique du personnage namteur; il definit cette variation narrative en tennes de narrateur hornodiegetique a la troisieme personne. I1 note dailleurs que le pasteur
Nicolas ... Comme narrateur en 1982, [ill vit dam la culpabiiite, M t C par I'etk 1936, qui est marquC par la convoitise de ses nikes Nora et Oiivia Atkins, ainsi que par le suicide de sa femme Irizne. 11 essaie de se distancitx de son passti, en se dedoubiant, pour chasser I'homme ancien (39). Ses problernes d'identite sont exprimes alors par un emploi spkifique de la technique narrative. car aux moments cruciawc de son histoire, ii passe de la narration homoditigetique traditionnelle, assumtie a la premiere personne. a une fonne paniculiere de la narration hornodi~etique,en utilisant la troisie e personne pour presenter son ccrnoi>)ancien cornme un (club &ranger4%
Le dedoublement psychologiqw peut expliquer ce phenomene dans cette sequence. Mais en lisant Les fous de Bu.s.sun, nous remarquons que ce phenomene
est present des le debut de la lecture; I'exemple suivant, qui se ROWe a la troisieme page du texte, le prouve dailleurs :
427 Nous analywrons les exernpies qui p o w problhes plus tard. 428 F.B. p. 49.
''')
Lintvelt, 1991. p. 4 1.
(F.B.4) Massif sur des jambes courtes, j'ai la mlchoire carree, la Ute grosse, autrefois rousse, [...I 8 -C ~ u d r o ~ 4 3il 0y 1a dda longtemps, continue de vivre comme si de tien n'etait.
(F.B.5) J'engendre mon pere a mon image43l...
Le r&Crend Jones ne peut se stparer de son passk d5s le ddbut du roman pour une simple raison : ce narrateur n'a pas encore instaure son passd, il ne l'a pas forge au niveau de la didgibe; le dedoublement psychologique ne peut donc pas justifier
l'emploi de la troisibrne penonne dans cette skquence. Regardons aussi cet exemple : (F.B.6) Le parloir est plein de fumee bleuatre. On dirait un aquarium [.. I L'odeur du tabac monte au plafond, en fiaques molles. Respirer la-dedans. En absorber par tous les pores de sa peau, par la chaine et la trame de tous ses vQtements,poils et cheveux satures, yeux et gorge brirles. M e voici debout er de mon -432.
Selon Itinterpretation de Lintvelt, le reverend Jones a besoin dans cette
sequence de se dedoubler pour dicrire le cadre de sa situation narrative. Or, il ne nous semble pas si necessaire pour le personnage de se distancier de son passe, et on peut
mettre en doute la nkessitk de ce didoublement psychologique 2 ce stade. I1 faut donc trouver 3 quelle instance rattacher cene s6quence. Qui parle donc dans ces enoncbs? Le
locuteur pouvait utiliser le je, alors pourquoi a-t-on choisi de passer B la troisibrne personne et de produire ainsi une ambiguW discursive? Ce phbnomene se repiite maintes reprises433 dans le recit de Nicolas Jones. I1 est donc indispensable de
'JO
C'est nous qui soulignons.
43
F.B. p. 15.
432 C'est nous qui soulignons. F.B. p. 32. 433 D'autres exernples seront prtsentts.
conndtre la signification de cette variation. La dualitd psychologique du pasteur ne peut pas &re negligde, mais cette dualit6 se manifeste par I'emploi de certaines marques linguistiques et de certains procdd6s linguistiques, et elle ne constitue pas la seule interprktation de ce phhomhe. Ainsi, pour repondre B la question phinomtne de
a
a
qui parle?
D
et pour expliquer ce
vertige pronominal r, il faut analyser les procides linguistiques
relies ii ce phtnomene au niveau de la micro-structure linguistique et elucider les liens entre les instances du discours et les faits discursifs illustrant une ambiguW discursive.
Le traitement de ces ClCments, dam le cadre de I'analyse du discours, nous permettra de mettre B jour certains principes sur lesquels sont fond& l'iclatement du sujet parlant et la continuite de la narration et d'expliquer le phdnomtne que nous venons de decrire.
2.1. Analyse macro et micro-contextuelle
Pour expliquer les phenomihes textuels que nous avons esquissis rapidement dans les sections prkcedentes, nous utiliserons la meme grille d'analyse macro- et micro-contextuelle linguistique dijB appliquke jusqu'ici.
2.2.1. Difficult& de lecture
Dans le ricit de Nicolas Jones, nous avons relev6 deux types de difficult& de lecture qui sont 5 l'origine de la probltmatique discursive du recit de Nicolas Jones :
plusieurs cas d'arnbiguili knonciative et une mttamorphose du sujet parlant risultant des construc [ions polyphoniques.
A.- Presence de deux voix
Les cas d'ambiguiti Cnonciative sont dus 8 la presence de deux voix, celle du locuteur et celle de i'tnonciateur, dans des sequences assumies par une seule instance : selon Ducrot. on peut dbceler d'un point de vue linguistique plusieurs fomes de discours.
B .- L' ambigu'itk discursive L'ambigufte discursive. c'est-8-dire la confusion refkrentielle, apparait
j.
I'emploi de certains dements : pronoms personnels, adjectifs possessifs et dkmonstratifs qui rCfkrent ii la troisi2me personne du singulier, dans des sCquences relevant du discours du je. Nous nous occuperons ici du demonstratif et du possessif.
2.2.2.Constructions polyphoniques et processus argumentatif
Nous avons releve plusieun constructions polyphoniques. Un premier type se rnanifeste sous la forme d'un
discours rapporte, soit au style indirect, soit au wle
indirect libre, marque par un verbe de parole, penver, dans les trois exemples suivants, ou le pasteur transmet la pensee des penonnages, Olivia Nora et Perceval : (F.8.7) Le antique des cantiques saisit le ccwr sage, silencieux d'Olivia Atkins, y debusque des mots qui n'auraient jamais dii sortir de la nuit sage et silencieuse d'0livia Atkins. Ses yeux violets. Elle live la t6le vers moi. Son beau visage. Un seul cheveu de ta nuquea4, pense-t-elle, tourntie vers moi, sans me voir, tout illurnintie de I'intkrieur par une larnpe claire. Se retoume maintenant (a force d'etre regardtie dans le dos), du & t i de la porte de I'tiglise, grande ouverte sur I'ete jaune, luminew, la mer elle-miime lurnineuse au loin, verte avec des friselis d'argent. Regarde Stevens. €st regard* par (F.8.8) Man oncle Nicolas parle de Dieu, pense Nora Atkins, mais depuis quelque temps 'e n'entends plus la parole de Dieu dans la voix de I'oncle Nicolas4h. (F.B.9) Depuis le debut de I'office Perceval a les yeux fix& sur ses deux cousines Nora et Otivia. Un seul animal fabuleux, pense-1-il, a deux tites, . . 437. .
Ces constructions polyphoniques prouvent la presence de dew voix : celle du locuteur Nicolas Jones et celle des enonciateurs Olivia, Nora et Perceval. Dam les trois exemples, le verbe utilise pour introduire le discoun de ces personnages est le verbe prnser : le narrateur transmet donc la pensee des locutem, non leun paroles.
Mais quel nanateur ? L'emploi du verbe p e w laisse entendre que celui qui L'italique est dans le texte.
F.& p. 28. F.B. p. 30 F.B. p. 3 1.
Mais quel nanateur ? L'emploi du verbe penser laisse entendre que celui qui rransmet
ces Cnoncts peut ddchiffrer la penstie des personnages. Ce locuteur ne peut donc 2ue Nicolas Jones, car ce dernier ne joue pas le rdle d'un n m t e u r omniscient qui entre dans la peau des personnages et qui peut decrire leurs penstes intimes. Qui donc pule dam ces enoncis?
Deux autres constructions polyphoniques apparaissent dam le demier segment (exemples 10 et 1I) qui cl6t le dcit du pasteur Nicolas Jones et oh nous assistons B un changement de sctne narrative : aprts avoir transmis I'histoire de I'M 1932, le narrateur Nicolas Jones revient au moment de la narration, en autornne 82; la narration devient simultande a l'action, le narrateur n'effectue pas de retour au passe, et il n'aura donc pas besoin de se dedoubler d'un point de vue psychologique afin de chasser
l'homme ancien. Le changement de scene narrative est en effet autorisk par l'emploi des connecteun. Voyons ces deux exemples qui se succiident dam le &it : (F.B.lO) Durant trois jours et trois nuits Perceval a crie a pleine gorge. Des apres la disparition des petites Atkins, des les premieres recherches sur la greve, le soir du 31 aoirt 1936. Perceval s'est mis a hurler comme quelqu'un qui sait a quoi s'en tenir et se trouve deja face a face avec I'intolerable.
Si le jour se montre, ce ne sera qu'a travers des masses de coton gris. La journee sera bleme, telle une aube interminable. ll faut pourmt a u le reverend Jones celebre dimanche d'octobre 1982 I'office aujourd'hui, Jlfaut QUB ait son heure de priete et d'hymnes.
[... j Responsable de la parole de Dieu dans ce pays, Nicolas Jones, pousse et tire par les jumelles, se dirige, a son tour, vers I'eglise.
[...I
je leur paderai de Dieu comme autrefois
...
(F.B.ll) La voix de Nicolas Jones a perdu son velours, [...I. Les vieux visages se levent vers le pasteur, un peu fronds sous I'effort de I'attention.
a m,
Honore tes pere et mere, le s'adressant au vieillards de Griffin Creek, afin que tes jours soient prolong& dans k, pays que Dieu fa d ~ n n B 0~~ r~ n . e n ~ ~ ~ .
I1 faudrait noter ici que le changement de scbe namtif effectuk j. la fin du kcit
est introduit par le connecteurpounant; cet dement, accompagne du terme il faut que. ne marque ni une opposition ni une nbcessit& mais exerce une fonction argumentative : il autorise en fait au niveau textuel le changement de focalisation narrative. Autrement
dit. cet e1Cment joue un r6le quant B I'interprbtation des Cnoncts. I1 est utilisC dans ce segment pour opirer au niveau de la diegese un changernent de perspective narrative. Par ailleurs, le terme il fuut que est rkpitt dans le mtme segment pour introduire une nouvelle dference temporelle ce dirnanche440; le d6terminant ce + SN est la rtfirence cataphorique du tenne aujourd'hui. Ces proctdds autorisent le
changement de sckne narrative. En fait. le &it se focalise sur les CvCnements du dimanche d'octobre 82. a) Dans ce segment. le premier type de structure polyphonique (exernple 10)
est suggeree par trois nominations du pasteur Nicolas Jones, la premiere, I1 faut pounant que le rkvirend Jones cilkbre 1bBce d'aujourd'hui; la seconde, Responsuble
de la parole de Dieu duns ce pays. Nicolas Jones pousse' et tire' par ies jumelles, se
dirige, u son tour vers l't?glise),et findement, Lo voix de Nicokas a perdu son velours
438 Les italiques sont duls le texte. mais c ' a t nous qui soulignons. F.B. p. 52-54. eU)Ces procddCs obligent aussi le lecteur A localiser Ie &it de Nicolas Jones sur I'axe temporel. J39
Le passage du discours assumk par le je It un discours qui refere B la mEme entiti discursive (Nicolas Jones), suggdr6 par l'emploi d'une denomination pour le ddsigner, montre que ces Cnonces relevent d'une narration rapportke. Cependant,
aucun indice ne permet I'identification du nanateur. L'instance enonciatrice de ces enoncks est inconnue! b) Le second type de structure polyphonique (exemple 11) : Honore tes pike et
mire dit fe pasteur, s'adressant au vieiflards de Grifin Creek -qui n'est autre que
l'un des dix cornmandements -se manifeste sous la forme de discours direct marquk par un verbe de parole (le verbe dire) et les italiques. Nous sornrnes tvidemrnent en presence d'un cas d'intertextualitk. Souiignons que cette forme de discoun prouve la presence de deux voix, celle du locuteur, Nicolas Jones, et celle de I'enonciateur qui reproduit les paroles de ce demier. La source de la voix integrde est explicite dans ce discours rapporte, c'est le pasteur. Cependant, l'instance Cnonciatrice - mais non l'origine des paroles -qui rappone ces Cnonc6s n'est pas identifite. Qui a alors dit : a
dit le pasteur
D
?
L'hypothtse de la presence du locuteur et de lt6nonciateur permet de rendre cornpte de la structure polyphonique du statut des instances du discoun, mais la presence d'une seconde voix dans ces skquences restera Cnigrnatique. Autrement dit, la presence d'une seconde voix est prouvee d'un point de vue linguistique, mais elle
n'est pas identifite sur le plan discusif, ce qui est probltmatique. Expliquons-nous : dans I'univers textuel, nous ne pouvons identifier qu'une seule voix, celle du locuteur, Nicolas Jones. La narration ne fait pas appel, rappelons-le, 2 un namateur extradiigitique. Certes, I 'analyse basie sur la typologie de Ducrot kclaire la di8g&se,mais,
elle ne permet malheureusement pas de saisir complbtement la complexit6 des instances dam ce roman et d'identifier les sources inonciatrices du discours. Soulignons egalement que ces constructions polyphoniques ne sont pas des faits discursifs isolks, mais sont relikes d'autres dlt5ment.s textuels au niveau de la macro-structure et au niveau de la micro-structure. en particulier i l'emploi de certaines marques discursives, aux marques rkft!rentielles et aux marquages thematiques; nous nous intdressons en particulier, comme nous I'avons dkj5 indique. aux emplois qui sont la lirnite de I'acceptabilite.
C'est pourquoi d'ailleurs notre mod5le fait appel B d'autres
(
Idments
methodologiques propres au domaine de la cohesion et permettant de rendre compte de
ces emplois.
2.2.3. Chaine de rkfirences : emploi du dkmonstratif et du possessif
2.2.3.1. Emploi du demonstratif
Nous avons releve cinq demonstntifs pour designer un penonnage ou une chose : cet homme (trois fois), cenefemme et cette scine (une fois chacun). Prenons
I'exernple suivant qui se trouve au dkbut du mman et ou apparait pour la premiere fois le dimonstratif cet homme pour designer le pasteur; ici. le narrateur dicrit son aspect
physique : (F.B.12)Massif sur des jambes courtes, j'ai la mdchoire carree, la tete grosse, autrefois rousse,
[...I
Cet homme
foudroye, il y a deja longtemps, continue de vivre comme si de rien n'etait.
J'engendre mon we a mon image ...4-41
Dans cette sequence, le nanateur est identifie par la marque deictique du pronom personnel je. Le demonstratif cef hornme
- qui
refere a la troisieme
personne - apparait au cours de la chaine discursive; cette reference est consideree comme une reprise de continuite du je, le lecteur va lui associer comme anticedent le pasteur Nicolas, car il n'a pas d'autre choix. En effet, parmi ses valeurs courantes, le determinant demonstratif peut &re considere comme un deictique qui renvoie a la
situation d'enonciation ou comme une anaphore qui a un emploi contextuelu2. Dans les deux cas, le lecteur va assirniler certe reference au SN, le pasteur Nicolas Jones, car c'est le seul SN present dans I'univers textuel. L'identification du referent
a son antecedent n'est pas problematique, puisque la solution de continuite sentie par le lecteur est neutralisee par la situation d'enonciation. Le probleme referentiel que posent ces emplois dans la chaine discursive est I'identification de la source enonciatrice. Aucun critere linguistique ne permet a I'interpretant de decider qui a prononce ces enonces. L'ernploi du demonstratif dans ce passage n'est pas gratuit, mais remplit une fonction quant a la description du statut des instances du discoun :
pourquoi ce determinant est-il utilise dans un discours propre auje? Quelle est sa fonction quant a la lecture de ce passage et quant a la comprehension du texte ?
F.B. p. 15. Cette distinction a bastie rur les thbries de I'tnonciation et de I'anaiyse textueile qui s'interessent. depuis une vingtaine d'anntks, a I ' h d e du demonsttatit: et @ce auxquelIes cette etude a connu un vtkitable essor : voir les travaux de Corbtin, Minard, Meiber et la mise au point rkente dans Marie-Noelle Gray-Prieur et Martine Leonard, 1 998, Les demomtrafijs:fh90rie.s Iinguistiques c?t fextes littiruires,hguefiunqzise, 120, cf ,en particulier, k k &mtmstranfdras les t m e s et Jarts la langue.
2.2.3.2. Interpr6tation de cet homme
Dans ce segment, la sequence CEmonstratif + N n'implique pas la recherche de l'antickdent dam la situation d'dnonciation, car c'est manifesternent B I'aide du contexte que sa reference peut ewe fixde, ce qui permet de mettre en doute I'appartenance des d6monstratifs B la classe diictique; I'emploi du dthonstratif dans ce texte rnontre que nous ne pouvons pas le considdrer cornme un signal qui attire 1'attentionde 1 'interlocuteursur I 'existenced 'un rifirenr a identifier &ns la situation
d 'inonciation de 1 'occurrence~3.
Le dimonstratif devrait &treddfini dans ces passages c o m e un dksignateur ou un classificateur, ce qui oriente le probltrne du c6td du sujet parlant. Cet ClCment sera ainsi pequ comme un outil permenant au locuteur de nornmer, de classifier le rifirent. Cela veut dire que l'interpritation que nous donnons ici du demonstratif est propre 21
son emploi dans ces segments. Nous soutenons qu'au niveau textuel I'emploi du demonstratif permet de proclamer un nouveau point de vue, cornme I'a propose Francis Corblin, qui Cnonce que le demonsuatif pourrait appeler un nouveau point de vue sur I'objet. N peut s'agir simplement de la saisie d 'unpersonnage par le regard d 'autmi.I1 continue en pkisant
que le point de vue nouveau s'accompagne souvent, (...),d'une reclassifcutionM du personnage :caractkre singulier ... 4 5 .
"3 Kleiber.1984a. p. 68. SU
La notion de reclassification a reCu une forme interessante rkemment par Marie-Noiflie GrayPrieur, cf. Gray-Prieur et Martine Lkonard, 1998. Corblin. 1995. p. 200.
La prise en compte des Climents qui entourent le emonstratif confirmera cette
hypothtse.
2.2.3.3. Processus argumentatif
Dans ce meme exernple (12) est utilisd un connecteur posskdant une visee
argumentative (le connecteur comme sr'. Cet ilCment pernet, linguistiquement parlant. de proclamer un nouveau point de vue. Ce connecteur fait entendre. en fait, la
supposition suivante : n quelque chose est amve v ; le pasteur fait semblant d'oublier ou neglige ce qui est amid. Le lecteur ignore toujours ce qui est arrive. Soulignons qu'au niveau textuel, l'emploi du dbmonstratif et celui de ce connecteur attirent
I 'attention du lecteur sur le contenu semantique de I'tnonce. Cene technique oriente le
lecteur et l'incite h tirer une certaine conclusion : il diduira, en lisant cet BnoncC, que le pasteur se sCpare de son pass@% L'emploi de ces marques du discoun permet. d'une part, de mettre en relief le nouveau point de vue insir6 dam le discoun; d'autre
part. cet emploi excite la curiosite du lecteur.
Le meme type d'emploi problematique du demonstratif se prksente dans
I'exemple suivant : (F.B.13) Fais des grimaces avec ma bouche, pareil a un poisson rouge qui Iiiche des bulles. Cet homme est vieux, grotesque, trop gros, ouvre et referme sa bouche comme s'il tetait447.
u6 I1 nous semble que ce point de
vue n'est pas celui du locutew Nicolas Jones. car ce dernicr m
peut a f f i e r qu'il se s€pare de son pass6 d h le debut du roman;d'un point de vue diegetique, il n'a pas encore forge ce pas&. F.B. p. 34.
Dans cet exemple, le pronom personnel je est absent, et aucune reference n'indique la source knonciative; paradoxdement, se pdsente un syntagme possessif qui rtifkre B la premiere personne ma bouche suivi d'un dhonstratif cet hornme. puis,
pour une premitre fois, le pronom personnel il apparait. Le dimonstratif joue B notre avis un autre rBle dans ce passage: il p e n e t
d'introduire et de dkcrire le personnage cornme dans l'exemple 13. En fait. le pronom personnel il introduit la reprise d'une description faite au &but de la sequence Fais des grimaces avec ma bouche, mais d'une fagon pijorative. Ces gestes sont vus donc d'un
autre ail. Qui pule dans ces Cnoncks? Nous nous reuouvons en face d'une ambiguitd mise en relief par le demonstratif et le pronom il. Le lecteur averti n'aura pas de difficulte P trouver le bon antecedent, car le seul kfirent fourni par le contexte est
Nicolas Jones, seul penonnage de la situation d'inonciation.
2.3.3.4. Emploi du possessif
Le second cas d'arnbiguitte enonciative provient de l'emploi des adjectifs
possessifs de la troisikme personne dans un discoun appartenant au je, c o m e dans l'exemple suivant : (F.B.14) Le parloir est ptein de furnee bleuiitre. On dirait un aquarium [.. I L'odeur du tabac monte au plafond, en flaques molies. Respirer la-dedans. En absorber par tous les pores de sa peau, par la chaine et la trame de tous ses v&tements,poils et cheveux satures, yeux et gorge brirles. Me voici debout, appuye au dossier de mon fa~teuil*~.
F.B. p. 32.
Nous rencontrons, en effet, un phinomhe de confusion rifirentielle : lorsque le narrateur, apris avok transrnis une s c h e de l%tk 1936 qui se Groule dam I'bglise, revient au moment de I'tnonciation du discours pour clicrire l'ambiance dans laquelle il se trouve: dans cet exemple, aucune rCfCrence n'indique la source 6nonciatrice : le
pronom personnel je est absent sauf dans la demibre SVM, et le mode utilise est l'infinitif. donc sans indication claire de la penonne. Mais cet emploi de I'infinitif est suivi de deux possessifs r6fkrant ii la troisitme personne, sa peau et ses v6tements. Cette description du lieu oc se prononce le discours du pasteur Nicolas Jones est supposee etre celle de ce locuteur (puisqu'il est le seul locuteur dam ce ricit, c o m e nous I'avons mentionni). Pourquoi se ref5re-t-on au pasteur Nicolas Jones B la troisieme personne et B la premitre penonne dans la meme s6quence enonciatrice ? Avant de kpondre ii cene question, il faut observer que l'emploi de I'infinitif Respirer lri-dedans ne permet pas &identifier clairement la source Cnonciatrice. En outre, le
teme lci-dedans peut ne pas etre dans cet enonce un deictique kferant B la situation de I'Cnonciation, mais une anaphore indexicale qui kfere au texte m6me : << respirer dam cet endroit-Il qui est plein de fumke bleuitre D. Ainsi, la presence du narrateur ne pourra pas ftre demontree dans ces sbquences. De plus, la position du regard qui decrit ce cadre ne semble pas etre celle du pasteur, car la penonne qui semble regarder de I'exterieur produit une description objective du cadre nmatif du locuteur :poils et clzeveu saturtk, y e w er gorges bniZifl9
Suite B ces demieres remarques, nous pouvons constater que l'emploi du possessif et des proced6s que nous avons comrnentes (l'emploi des connecteurs et les constructions pol yphoniques) perme ttent d'introduire une nouvelle description du cadre narratif, un nouveau point de w e qui n'est pas celui du locuteur. F.B. p. 32.
Considtrons aussi I'exemple suivant qui decrit le pasteur se croyant seul regardant les petites filles sur la plage en paix. Dans ce passage sont employes des adjectifs possessifs qui rtferent B la troisibrne personne. C'est ce qui est illustd par la
description du pasteur inaoduite au debut de ces sequences : (F.B.15) Son habit noir, son col de clergyman, sa face rougie par le vent, le reverend escalade les dunes...450.
La reference des possessifs est facilement identifide, car elle est presente dans la mBme sequence, le riverend ; mais reste toujours
savoir qui pule dans ces
enoncis. A notre avis, le revirend Jones ne peut pas prononcer ces enonces pour les raisons suivantes : les termes employis, comme fait semblant de regarder la ligne d'horizon.. .. regarder en pair
... Perceval itair ki,cachg dans les joncs, tour pr2s du
pasteur, respirant fort,les yew icrrrquillPs.~t%sur la mer, au bord des lames...451,
montrent que ce n'est pas le reverend qui parle, car au niveau dikgdtique le &&end Jones ne peut avouer qu'il faisait semblant de regarder la ligne &horizon alors qu'il regardait les deux petites filles. De plus, s'il savait que Perceval ttait cache 18, il n'aurait pas dfi regarder les filles en toute quittude. Finalement, d'apres sa position, il ne peut ni voir les yeux de Perceval, ni sentir sa respiration!
Si un narrateur omniscient assumait la narration, le mode narratif pdsent.6 dam cette st5quence nous pardtrait naturel. Cepenht, cette forme narrative est absente : le seul locuteur present est Nicolas Jones (nous reviendrons sur cette question). Qui, encore une fois, pule donc dans cet Cnonce ? Pourquoi une telle reference est-elle prksente dans le discours du je ?
' 5 O F.B. p. 38. 451 F.B. p. 38.
Nous pouvons ddduire que I'emploi des possessifs qui r6f2rent B la troisieme personne et leur position en t6te de sequence introduit un point de vue qui n'est pas celui du locuteur, et cela met en relief la contradiction entre le comportement attendu du pasteur et sa fason d'agir. Un second emploi du possessif qui merite d'etre comment6 apparait dans les
segments45' focalisks sur Irene, la femme du pasteur. I1 faut noter que dam ces sequences, la source inonciatrice du discours n'est pas identifiee, et aucune nifirence. d'un point de vue linguistique, ne permet d'identifier le locuteur; le pronom personnel je453, qui
assume la narration, est absent. De plus, le locuteur Nicolas Jones est
design6 par une description definie la maison du pasteu#54; le pronom je n'appamAt
qu'i la fin de cette sbquence, accompagnd d'une forme negative et de trois adjectifs
dhonstratifs qui kferent i la troisikme personne. 11 est important de noter que la personne dksignee dans ces segments par
I'adjectif possessif n'est pas Nicolas Jones, mais quelqu'un d'autre. En outre, le locuteur n'est pas identifie, et au niveau de la linguistique du texte, les r6firences qui relevent de la troisikme personne ont comme anttcident Wne, la femme du pasteur :le pastew son man, son mari le posreur (voir les exemples en annexe). Et c'est sur ce
demier penonnage, Irkne, que le rtcit est focalis6 dans cette partie : La voici qui fait son visage
de mon pour crccueiffirson m a n le pasterP5? Pour verifier si cette
hypothese peut Ctre demontree au niveau de la linguistique du texte, nous nous proposons donc d'analyser la progression thtmatique du discours dam ce segment.
45? F.B. p. 44-49. 453 Autrement dit, le locutew. dbignt p a r k est absent dam un sens dnonciatif.
454F.~, p. 44. 455F.~.p. 44.
2.2.4. Progression thtmatique
Dans ces exemples, le rkfe~nt(S) (Irgne)occupe la position thhatique de ces Cnoncis conskutifs. Ce dont on parle dans ces segments est donc clairement Mne et non le pasteur. En lisant ce passage, le lecteur peut se construire une image du personnage Mne : une criature inutile, pareille a un poisson mon; ses attitudes personnelles sont bien dkcrites ainsi que sa pensee intime : (F.B.16) lrene est la dans sa robe beige, [ ...I se tient assise a c6te des violoneux, ne semble pas les entendre.
lrene est pareille a quelqu'un qui regarde de I'autre c6te de la rue et ne voit pas ce qui se passe de bondissant et d'agite en plein milieu de cette rue, debordante de vie. II lui suffirait de baisser les yeux u m , au niveau de la t6te des danseurs, pour reconnaitre la chevelure rousse du pasteur, son mari. [.. I Du rniime coup I'irnage du reverend, son mari, s'inclinant devant Olivia et devant Nora, leur baisant les mains a plusieurs reprises, n'aurait plus de secret pour Irene. [...I Mais le visage d'lrene demeure impassible et glace. Son regard a present semble voir a travers le mur de planches, tres loin dans la ~ a m p a g n e ~ ~ ~ .
La progression est constante, et tous les dlkments thematiques introduits dans les propositions en question sont relies au theme principal (Irsne). La longueur
rnoyenne des S V M est d'environ 15 mots, et l'on compte environ 12 mots par proposition, ce qui n'a rien de particulier au plan des structures syntaxiques. Dans la troisi2me SVM (exemple 2, present6 en annexe), le pasteur prend place dans ie
J56 F.B. p. 46-47.
discours tout en se reliant en tant qu'6ldment thematique (un second theme) au t h h e principal du discours Wne); cela est sugg6l.e par I'emploi du possessif son.
Le mime procdde se kp&e dans le troisiime exemple, premiere SVM :l'imoge du r&ve'rend,son mari.
Ces segments focalisks sur Lrtne se closent sur la disparition (ou plut6t le rejet)
du penonnage -au niveau diegetique autant qu'au niveau textuel : (F.6 17) Non, non, je ne connais pas cet homme ni cette
femme. Cette scene est ddplacee dans le temps, fragment d'une autre vie perdue, finie avec ma jeunesse morte.
Faire le noir. LBchet la nuit visqueuse dans toute la maison. M'en emplir les yeux et les oreilles. Ne plus voir. Ne plus entendre. Le passe qui cogne contre mes tempes. Laisser les morts ensevelir les morts. Jrene d i w u e . les oetites Atkins s'incrustent immobiles et recueillies, sur leur chaise457.
Nous pouvons nous apercevoir qu'au niveau diegdtique, Mne est morte, elle est supprimee du discours par le locuteur. Ce penonnage a ett en fait rejet6 par le locuteur. Cette interprttation est tout B fait coherente avec le premier niveau de lecture oh le sens des termes comrne criature inutile, Irhe d i s p m e , finie ma jeunesse mone
ne laisse aucune ambigu'ite. Nicolas Jones a donc reussi 21 se ddbarrasser de cette cr6atature inutile, sa femme. et a se distancier de son passe. Avec les ddmonstratifs cet homme 45* et cene femme s'ilargit cette distanciation entre le personnage et son pa&,
et le phenomhe de negation comobore cette i&e. Ce phinomhe laisse entendre, en effet. la pn5supposition suivante :
J57 F.B, p. 49. C'est nous qui soulignons. 458 L'emploi du dimonstratif a tt6 dkjh commentk; nous nous Iimiterons ici au p h h o m t n e de
negation.
la
P : Connaissez-vous cene femme et cet homme ? La dponse pour le lecteur est
bvidente, mais le fait d'accepter une telle prdsupposition a m h e le lecteur h dt5duire que le pasteur Cprouve un d6doublement psychologique (cela peut etre tout P fait comct au
niveau diigktique). Le lecteur dCduira aussi que ce personnage cherche ?i se dkbarrasser de son passd. Ces iddes ont d6jA Bt6 mentionnees explicitement dans le t i 1936,itre a nouveau texte : Mon Dieu est-ce possible ? Dois-je revivre ti I ' i ~ nM celui qui convoite la vie et sefait complice & la m0&9?
En effet, le mZme procedi linguistique utiiisk dans ces sequences (le ph tnombne de negation illustrant une construction polyphonique) a introduit
explicitement dam d'autres passages le adoublement psychologique qu'kprouve le locuteur. Considkrons cet exemple : (F.B.18) II n'est pas facile de chasser I'homme ancien, le voici qui persiste, [...I. J'aimerais me raccrocher au present
..-460.
Cette construction polyphonique laisse entendre les deux presuppositions suivantes : P1 : I1 existe un hornme ancien qu'on devrait chasser. P2 : Est-ce-qu'on peut facilement chasser I'homme ancien ?
Le phknomene de negation prouve la presence de deux voix : celle du destinataire, narrataire, et ceile du locuteur. Cependant. plusieurs arguments vont B l'encontre de cette interpritation. Prernitrement, d'un point de vue diegitique, ce destinataire est totalement absent, il n'est pksent ni comme construction fictive dans le discours du riverend ni comme personne reelle i qui s'adresse le locuteur.
J59 F.B. p. 46.
F.B. p. 39.
Deuxitmement, et d'aprks l'approche polyphonique. on ne peut dkeler la presence dune instance du discours autre que celle qui a Ct6 dejB mentionnee. Troisitmement, dans certains passages se produit un flonement enonciatif, cornme dans I'exemple 16 que nous venons de citer et oh on rencontre un cas d'intertextualite. Une reference
biblique est reprise et r&nonc&ecomme maxime : dans la reference biblique le verbe laisser est h I'imwratif, dans cet exemple, il est B l'infinitif; par I'emploi de ce mode.
on a des impressions saisies sur un mode intemporel, il n'y a pas de procbs, ce qui amtne donc h un flottement de sujet Bnonciatif. Le dedoublement psychologique ne
peut Cvidemrnent expliquer ce fait discursif. En revanche, et comme nous I'avons dejh expliqut, nous ne rejetons pas I'interprttation du dedoublement psychologique dans certains passages. Nous pouvons meme clairement indiquer que la dualitt est une caractdristique de ce personnage, caracteristique forgee par I'emploi des procddks linguistiques que nous venons de cornmenter. Cependant, les phtnombnes renconvis ne peuvent s'interpdter uniquement par le dedoublement psychologique, et mime, dans certains passages. cette
interpritation ne peut expliquer les difficultes de lecture, cornrne nous avons vu. Pour parvenir B d'autres interpretations et pour expliquer le demier phtnombne
de negation que nous venons de relever, il faut prendre en consideration une
dimension CtudiCe par Rubatte1461 : le de@ d'intkgration du discours d'autrui.
461 Rubattel,
1992.
2.2.5. Fonction des constructions polyphoniques
NOUSpostulons que dans les exemples oh se manifestent des constructions polyphoniques, il n'y a pas deux voix distinctes, mais superposition de voix : l'origine de la voix integree dans une construction polyphonique peut &re implicite (comme dans les deux demiers exemples, puisqu'il s'agit d'une pr6supposition) ou explicite (dans le cas d'un discours rapport& comme les exemples 13 et 14) - au point oh on peut se demander si la mention d'une voix qu'on ne peut ramener 2 aucune enonciation relkve encore de la polyphonie. fonction de ces constructions n'est pas d'ordre Cnonciatif; elles n'illustrent pas la presence d'un locuteur et d'un Cnonciateur dans le mime 6noncb. Ces
constructions polyphoniques ne visent pas a inserer deux voix, dans le sens de Ducrot, celle de 1'6nonciateur et celle du locuteur; la definition de polyphonie cmme rupture de liaison entre locuteur et Cnonciateur proposde par Ducrot ne permet pas
d'interpreter ces passages, tout comme eIIe ne s'applique pas B ces constructions polyphoniques qui. dans un sens plus large. remplissent une fonction importante par rapport i la lecture du texte. En effet, leur emploi n'est pas gratuit, car elles etablissent une distance entre le locuteur Nicolas Jones et le discouts. Ce fait linguistique (la construction polyphonique), inserb dam ces segments.
peut Stre relid B I'argumentation. Ces enoncis ont un effet perlocutoire462pdti 3 la parole meme rapport&. En d'autres termes, le but de ces constructions polyphoniques
locuteur accomplit par la prononciation de telle ou telk phrase : la penuasion. l'intimidation. le verdict.... il est dCfini par Dumt comme une srratigie don? parole esr le moyen rucrique (Ducrot. 1980. p. 75).
J62 Ce teme dhigne un act= que le
ici est de j ~ r s u a d e le r ~lecteur ~ ~ et de I'arnener a une certaine conclusion. et cela a un niveau diegetique : le pasteur Nicolas Jones se dedouble, psychologiquement parlant. Ces procedes linguistiques (la negation et la presupposition) obligent le lecteur a deduire qu'il est en presence d'un dedoublement psychologique : deduction faite par ir lecteur et dictee par les procedb linguistiques. II est important de noter que k lecteur n'arrive pas a cette dduction par une intuition penonnetle - laquelle pourrait varier
d'une personne a I'autre - mais par les elements textuels, ce qui confirme la fonction argumentative de ces constructions.
Ces faits, de par leur fonction argumentative, amenent le lecteur a concevoir le dedoublement psychologique du penonnage. C'est dans ce mns et dans une
perspective fonctionnelle que nous avons avancC que
les constructions
polyphoniques possedent une fonction quant a la lecture du roman, et nous ajoutons que le demonstratif exerce la meme fonction : ces elkments etabiissent une distance entre le locuteur et le discoun, comme ils conduisent a une perception ironique drs
paroles enoncees. Ces faits discursifs creent une ironie. Ai nsi, ces Plt!ments text uels devraient &re consid6rks comme une invitation
de rkintrrprktation lanc6e au leccteur. Les difticultes de lecture que nous venons de commenter amenent, en effet, a un blocap de la c o m m ~ n i c a t i o net~ c'est ~ ~ , ce qui provoque justement une invitation de reinterpretation. Ces types de difficultes sont ainsi signe de la presence du sujet
parlant qui se metamorphose a travers les procedes linguistiques. Cette metamorphose
"'
Rappelons ici la dinindon terminologigue entre prsvader a convinccre ainsi que la conception d'argumentation et sa relation a d'auues faits linguistiques. prisenties dam le chapitre 11. 3 ? ' 1.1. le sens de Riffatem p r k n t e au second chapitre.
464b&s
du sujet parlant au sein du rkcit de Nicolas Jones ainsi que \'invitation h une
reinterpretation se rbalisent tout au long du roman sous differentes forrnes. et elles sont illustrdes d'une @on toute paniculii!~dans le &it de Perceval. En effet, au coun de la lecture, on se rend compte que I'dclatement du sujet parlant se manifeste sous une autre forme de dualiti et par d'autres faits discursifs dans le ricit de Perceval oh une activite langagibre particulike se deploie. Chaque kcit
prCsente en effet des caractdristiques differentes quant aux phinombes linguistiques iIlustr6s.
3. Le ricit de Perceval ou le discours de la folie
3.1. Description du sujet namtif
Commengons par une rernarque intkressante : le rkit de Perceval commence au moment OD s'arriitent les trois premiers (le premier, celui de Nicolas Jones, le second, celui de Stevens et le troisieme. celui de Nora), le soir du 3 1 aoGt, juste avant la disparition de Nora et Olivia. Ce dcit occupe une place importante au niveau de la
dikgkse.
I1 existe d'ailleurs une complementarite narrative entre ce recit et les trois
premiers, mats il est important de noter que le recit de Perceval ne peut &re traite a part. L'information narrative est dispersee tout au long de son recit et, de plus, le
discours de Perceval est incoherent. Pour comprendre les paroles de ce demier, il faut les relier. dans une premiere etape, au niveau de la macro-structure, aux paroles des autres personnages. La structure de ce recit est presentee simultanement au recit de quelques uutre-sdans
le meme chapitre et sous le meme titre : Le livre de PercevuZ Brown et cle yuclque.~ uutres. Eit! 1936.
Dans ce recit, dew locuteun prennent a tour de r6le la parole : le premier est aisiment identifiable, c'est le frere de Stevens, Perceval. Son discours est presente sous forme de monologue interieur.
I1 pule au moment ou il enonce ce qu'il
transmet, au moment ou il vit ce qu'il raconte, dam une narration simultanee a I 'action. Perceval peut comprendre au moins en partle les conversations pour les
transmettre en tant que narrateur. Ce personnage a ete decrit dans les autres recits
comme un enfant idiot et comme ternoin. Quant au second locuteur, il n'est pas identifie en tant que personne465. Le
discours est assume par quelques uufres; cette voix represente la figure d'une collectivite. Les narrateurs en sont anonymes, dans un certain sens, puisqu'on ne peut pas les identifier. Paradoxalement, ils se designent eux-mernes comme etant les
habitants de Griffin Creek, a la fois pour assurer l e u presence et pour prodarner
leur point de vue :Nous Ies gens de Grrftin Creek ...*6. --
D'aprtis son individualhi physique. 466 F.B. p. 157.
Ces nmteurs (cette voix dnonciative) transmettent la scene & la recherche des deux jeunes filles avec une impeccable pkcision. Ils panicipent h cette recherche : nos lampes... se joignent ci noufl67. L'evbnement que ces dernien transmettent est donc
celui de la disparition des deux jeunes filles, ou plut6t le ricit de la nuit de cette disparition. Ces deux &its sont present& de faqon independante. sous forme de chapitre sans numerotation. Chaque &it peut &re analy& en fait inddpendamment de I' autre, car leurs structures respectives sont completement differentes : le rici t de Perceval se caractirise par un langage anormal qui retient I'attention de quiconque tnvaille sur les fai ts discursifs et leurs rapports B la lecture du roman, comme nous I'avons d i j i mentionne.
Le discours de Perceval est prksenti sous forme de dialogue interieur; ce locuteur n'utilise le style direct qu'une seule fois et ne prononce qu'un seul Cnonce : Je
dis : "Uncorps mon?"Mon pere dit :"Aide-moi."468 En tant que narrateur, il ne fournit aucune nouvelle information et s'adresse un narrataire absent de la diigiise. Ce locuteur emploie la premiere penonne du singulier pour se dksigner : Moi enfern6 tous les soin &ns la maison469. On peut donc le considerer cornme un narrateur homoditgetique. Le lecteur identifie en fait le penonnage qui parle, c'est-B-dire l'instance Cnonciatrice, B I'aide des informations ultdrieures livries par les autres penonnages. Le lecteur sait que Perceval est le Mre de Pat et de Pam, Ies deux jumelles, comme il
F.B. D. 148. 468 F.B. 178. 469 F.B. p. 139.
j 6 '
p.
sait aussi que Perceval a &jB 6t6 barn par son #re. Ainsi, iorsqu'il lit ces enoncis au
dkbut du kcit : (F.B.19) Serai battu si je ~ r i e ~ ~ o . (F.B.20) Toutes les deux. Pat et Pam. [...I Mes soeurs jumelles, douces, presque blanches. Dorment au presbyteres7I .
Le lecteur reconndtra Perceval et &duira47? qu'il s'agit de son discoun et non de celui de
G
quelques autres
)).
Ce penonnage, dkjB introduit dam le &it par les autres locuteun, occupe au niveau de la diegibe une place priviligike. Les cornmentaires d'autrui permettent de le situer dans I'histoire et de definir son r6le ainsi que ses caractiristiques personnelles.
Le reverend Jones l'avait introduit pour la premi&re fois dans le discours par ces enonces : (F.8.21) Non completement idiotes comme leur frere Perceval, ni malefiques comme leur autre frere Stevens, mais folles tout de meme473;
Le lecteur connait donc ce penonnage : il est presend d'ailleurs par tous les locuteurs du roman comme temoin de differentes actions. Ce que ['idiot a vu, il ne peur 1'exprimer que par les ionne874.
J70 F.B. p. 139. F.B. D. 140. 472 Le joue ici un r6le important. 473 F.B. D. 17.
Le mode d'expression de Perceval est le cri ou les pleurs. Son rapport au riel est distructuri. Mime si son recit des 6vCnements rkfere i un plan reel - que le lecteur connait d i j i - le manque de coherence quant B I'information narrative, livree par ce demier, ainsi que la structure de son rkcit peuvent provoquer chez Ie lecteur des difficultis (nous expliquerons ces questions par I'analyse micro-contextuelle). Pour clore cette analyse de la structure macro-contextuelle narrative, nous devrions noter qu'en appliquant la typologie narrative genettienne sur le roman d' Anne Hiben, nous nous sommes aperque que I'exercice de description de la macro-structure
narrative du roman appone peu en terme d'analyse. L'apport de la typologie narrative consiste ii presenter la structuration rnacrocontextuelle narrative du roman et i dicrire le fonctionnement de chaque ricit. En effet, le texte est present6 sous forme de plusieurs rkcits assumes par un narrateur ii chaque fois bien distinct; le fonctionnement de la narration est presque le meme dans chaque &it: de plus, apparernrnent, la variation de focalisation dipend du changement du sujet narratif. En revanche. nous avons trouvi que la narratolopie perrnet de detecter la presence de certains faits textuels, comme Ie passage, inexplique au niveau diegdtique, de la premiere penonne B la troisieme, que nous rencontrons frequemment
au cours du premier recit, celui de Nicolas Jones; cette typologie fait apparaitre ces phknomhes, mais ne parvient pas h les expliquer. Notre recherche sur les voix narratives clans Les folu de Bassan fait ressortir la complexit6 du statut des instances du discours : d'une part, le lecteur de ce roman ne peut reconnaitre de voix pure de toute interference. D'autre part, il q p r a i t tr&svite B I'analyse que le dispositif discunif est ambigu et qu'il pose des difficult& de lecture
au niveau de l'analyse theorique quant B I'etablissement des relations inter-textuelles
entre les diffdrentes instances. Cenes, le lecteur ne s'metera pas ces difficult& et poursuivra sa lecture, car certaines solutions lui sont presentees par le texte meme. comme nous allons voir. Mais cela n'empeche que ces difficult& peuvent guider l'analyste vers une description du statut des instances du discours et par suite une re lecture des Fous de Bassan. Indiquons aussi que l'analyse narratologique nous a fait observer que la distribution des fonctions narratives est difficilement sdparable, dans le temps de la
lecture, de la repksentation de la voix dam ses modules linguistiques concrets. I1 est necessaire de lire le texte litt6rdement et dnns tous Ies sens pour y percevoir le travail de lo langitea75 comme l'a indique Bordas. Nous soutenons qu'une lecture
pragmatiqueest irn@rative dans le cas d'une romanciere cornme Anne Hiben chez qui la polyphonie est une constante. C'est ce que l'analyse du &it de Nicolas Jones a
montr6. Les difficult& de lecture sont etroitement reliees dans le dcit de Perceval B I'emploi de ces procedes linguistiques utilisds de fason non usuelle; Mercier I'a bien remarque d'ailleun : Le monologue de Perceval nous a semblc? presenter un certain nombre de structures peu regulieres en fran~aiscourant. C'est accidenteliernent que nous les avons rclevtks et rialist5 quc cet aspect du discours de Perceval pouvait poser des probkmes sc?rieux, non tam de comprChension. mais de traduction par e ~ e r n ~ l e ~ ~ ~ .
Nous sommes tout a fait d'accord avec Mercier : malgrti sa structure peu regulikre, le discours de Perceval ne pose aucun problime au niveau de la comprehension; cependant. l'information n'est pas completement assunk par ce k i t .
J75
Bordas. 1995. p. 49.
J76 Mercier. 1988. p. 65.
Dans le recit de Perceval, malgre les structures peu regulieres et les difficultes de lecture se trouvent des constantes qui permettent au lecteur de saisir discoun. Ce recit peut en effet etre compare au discoun de la folie. Comme nous
I'avons deja mentio~e,les elements micro- et macro-contelttuels linguistiques propres a
ce type de discours sont analyses par d7autres disciplines -
psycholinguistique, neurolinguistique - qui exploitent les outils methodologiques de I'analyse du discours, spkifiquement ceux de la cohesion et de la coherence.
II est interessant de noter que certaines etudes posent en fait la question meme qui nous preoccupe dam ce travail : intitule
({
((
qui parle? 1). comme dans l'article
L'heterogeneite enonciative dans le discours du psychotique n qui etudie
I'enchevetrement des voix dans le recit d'un enfant psychotique : b trmers son imguge h quesr ion se paw en effct ii suvoir yui park el ou nom h qui477. Comme
nous I'avons annonce au chapitre 11, nous analyserons des types de difficultes si mi laires en exploitant les rnemes outils linguistiques que l'anal yse du discours foumit a w disciplines deja citees.
Le penonnage Perceval, tout en etant une construction imaginaire de la langue, utilise le langage propre a un enfant qui souffre d i n trouble. Nous nous pencherons donc sur cet aspect du langage de Perceval, dont I'impact est important sur l'etablissement des liens entre les instances du discours et sur la lecture, au niveau de la micro- et la macro-structure du roman dans lr recit de Perceval et par rapport au roman dans son ensemble.
4n Filhol, 1997, p. 78.
Afin d'analyser ces faits discursifs, nous t5tudiemns en premier lieu certaines constructions polyphoniques en nous basant sur la thCorie de Ducrot; puis nous prisenterons ensuite une analyse macro-et micro-contextuelle linguistique tout en esquissant rapidement la description syntaxique du rkit de Perceval. Nous demons aussi presenter l'analyse de la progression thematique qui se rkvelera d'ailleurs tr6s pertinente ici.
3.2. Analyse macro- et micro-contextuelle linguistique 3 2.1. Constructions polyphoniques
D'un point de vue enonciatif, et contrairement au kcit de Nicolas ~ones478,le ricit de Perceval ~rownJ79ne pose aucun probltme au niveau Cnonciatif : aucun cas d'ambiguite Cnonciative n'est dkelable. Pour identifier le locuteur, plusieurs indices
sont en effet donnes au Iecteur.
L'analyse d'un type de construction poiyphonique, illustrke par un phenomhe de nkgation qui se manifeste dans les trois exemples suivants (22.23. et 24), confirmera en effet cette hypothhe : (F.B.23) Non. non ce n'est pas Stevens. Je ne le reconnais plus. Ce n'est Das hi. II n'a plus son chapeau sur la tete ... Ne
478Considirk comme source d'arnbiguilk Cnonciative. 479 Cetle remarque est applicable au discoun de Pcrcevd seulement. et non au discours de quelqucs autres.
me voit pas. Ne mat pas sa main sur ma t6te comme d'habit~de~~'. (F.B.24) . .. Quelqu'un dit qu'it a vu passer une voiture etrangere, sur la route, entre neuf heures et dix heures. Non, non. ie ne dirai rien, ni I'auto &rangere, ni le gros bateau, ni la petit bateau4'l.
(F.0.25)11 me regarde a present, d'un air sevbe comme s'il pouvait se douter de ce que je viens de faire avec mon petit couteau sur sa personne trop grosse et molle. Je ne dirai rien. Ni le petit couteau. Ni le gros et le petit bateau. Ni I'auto etrangere. Ni le chapeau perdu de Stevens, tout Ca que je cache dans ma t6te et qui me g&e pour d~rrnir~~?
Dans ces trois exemples, nous avons le meme type de structure polyphonique illustree par des phenornenes de negation : les enonces en question peuvent &re, en effet, consideres comme une reponse a une question pode, adressee au locuteur : est-ce que tu raconteras ce que tu as vu,ce que Stevens a fait le soir du 3 1 aoiit ? 11 s'agit ici d'une presupposition. Le locuteur, Perceval, assure par sa repnse qu'il ne
trahira pas son Mre et oe dira pas ce qu'il a vu, cela implique qu'il a vu ce qui s'est passe.
Ainsi, et dapres la theorie de Ducrot, cette structure polyphonique prouve la presence d'une seconde voix, qui cependant ne pose aucun probleme au niveau
enonciatif : cette seconde voix n'est shrement pas celle du narrataire ni celle de I'interlocuteur a qui s'adresse le locuteur, la presence de cette instance n'etant pas relevee au niveau diegetique.
L'origine de la voix integrke dam ces constructions polyphoniques est implicite - la mention dune voix ne peut &re ramen& a aucune enonciation. Nous
F.B. p. I50
481F.B. p. 154 F.B. p. 158.
avanCons plutdt que, dam cet exemple, se superposent deux voix qui ont une meme source483.
La source inonciative de ces Cnoncbs est en fait le locuteur lui-m2me : c'est une voix inttrieure qui lui pose ces questions. Rappeions que le discours de Perceval est present6 sous forrne de dialogue indrieur. I1 est important de noter ici que la fonne negative se ripete tout au long du recit. Ce phenomtne est relie, d'une part,
l'emploi non cohirent de certaines
rkfkrences norninales qui font allusion it une autre situation, celle du soir du 3 1 aoOt, et d'autre part, B l'emploi de certains procbdes,
Zi
une structuration syntaxique et
fonctionnelle qui pose diflkrentes difficult& de lecture.
I1 faudrait donc dCpasser la thtorie de Ducrot et utiliser des dements mCthodologiques (le modiile d'analyse propose) permettant d'ttudier les marques du discours qui se rattachent B la problematique du rkcit afin de mieux comprendre ces faits discursifs. Passons alors B l'analyse des faits discursifs que nous avons
soulignbs, en exploitant les outils methodologiques de l'analyse du discoun.
3.2.1. Difficult& de lecture
Nous avons releve des difficult& de lecture qui se manifestent par : un manque du rapport de linbaritt. une incohkrence, un melange de diffkrents ordres de J83 Cette superposition de voix et un locuteur.
ne devrait donc pas 6tre identifiCe une rupture enm un tnonciateur
riferences, une destructuration du rapport au reel, des structures syntaxiques484, dfkrentielles et fonctio~ellesanormales; et des cas d'agramrnaticalid. On &ele a w i
un manque de relation cohesive dO B cenaines rdfirences norninales qui ne sont apparemment pas reliees au segment dont elles font partie. Ces differents types de difficulds se rep&ent tout au long du kcit pour caractdriser le discours de Perceval, ou plut6t son langage485.
3.2.3. Marques du discours. structure syntaxique et structure langagibre 3.3.3.1. Structure langagikre : discours deriglt et ddmesure de I'bnonciation
Dts les premibres lignes, on s'aperqoit que le discours du personnage est incoherent et que le rapport de linearit6 fait dtfaut. Le props est interrompu, les idees sont ma1 pricisies, les paroles du personnage sont des impressions qui ne s'instrent pas dam une suite spatiale ou temporelle, comrne s'ils survenaienr de faqon alCatoire.
Le cadre du recit spatial et temporel est reconstruit par le lecteuc examinons les premiers enonces du ricit : (F.B.26) Souleve le rideau. La lune est la. Dans la feniitre.
Moi. Enferme tous les soirs dans la maison. Oblige de dormir a huit heures. Cric un tour de cle. Enferme dans
chambre
Rappelons que l'ktude de la syntvle ne ressortit pas au mod&lepropose dans ce travail; en outre. I'etude de la structure syntaxique de ce rkit a dejh 6td abordk par d'auas chercheurs, notarnment Mercier, 1988. Nous voudrions indiquer ici que nos rbultats rejoignent en fait ceux de Mcrcier. mais nos interprdtations sont differentes car nos champs d'intdriit sont diffircnts. Ce qui nous inttresse en fait est le r&ultat de cette analyse ou les faits relev& par ce type d'analyse quant la description du smut du sujet parlant. Is5 Nous prtiftrons parler ici du langage de Perceval plut6t que du discows de Perceval. car nous considerons ce discours c o m e ayant des caracdristiques spkifiques dans le sens deja pdscnt6 au chapiue V pour le terme M langage m, cf. 5. 4.1.2., note.
jsr
pour la nuit. Pas envie de dormir. Envie de crier. Parce que suis enfenne. Serai battu si jg vie. Crier a cause de la lune. Dormir un peu puisque enfarmi. Autant dorrnir dant mon
Dans cet exemple qui introduit le recit, aucune indication temporelle ni
spatiale n'est donnk; on nous laisse deduire la situation au lieu de nous la donner clairement. Ce procede persistera tout au long du recit.
Dans certains segments, nous pouvons identifier un rapport au reel. mais la pl upan du temps ce rapport est destructure, comme le montre d'ailleurs I'exemple suivant : (F.B.27) On wgne quelque part tres loin. Des coups de plus en plus fort. De plus en plus pr&. Des coups sur ma Me, sur ma poitrine, par tout mon corps. Pour me tirer hors du lit. Moi cache dans le sommeil, sorti de force du sommeil. Par le bruit de coups...487
Meme si ce que Perceval dit est mi, le lecteur ne sait pas si la situation appartient au reel ou au rOve tout au long du r e d se superposent plusieun espaces, c'est-adire I'espace du reel et les espaces de I'irreel. De plus. nous faisons constamment face a une destruction de la temporalite : I'enonce ne peut pas e m situe sur I'axe temporel propre a la narration. I1 s'agit la d'we conduite constante du texte.
Nous assistons aussi a une sorte de demesure dans l'enonciation, c'est-a-dire un manque de r n e s ~ r eint~native)~~, ~~~ a un perpktuel changement de tonalite se 486 F.B. p. 139. F.B, p. 147. Le t e r m .:mesure u est pis ici dam son sms musical : S ~ ~ C C E S Ir9guIiPre F~~I otcpiridique cde divisions r e r n p r e k d'igale vafyur(Le Petit Robert). Nous nous rtiferons donc spkifiquememt a I'intonation du discours. 489 En cornparaison au type d'intonation des personnes qui ne ~ouffientd'aucun trouble. Cnte remarque s'applique aux autres t m e s employ& spCcifiquemem dans cme section et tout au long
manifestant tout au long du recit par le cri ou par les pleurs, comme le rnontre I'exernple suivant : (F.B. 28) Tous les dimanches. Les oreilies et la tete farcies de choses pas ordinaires. Parfois qa me donne envie de crier. Pas de mots pour dire I'effet d e s merveilles dans ma t2te. Dija pour la vie ordinaire pas assez d e mots. II faut que je crie. De joie ou de peine. Une espkce de son incontrdable. Commsnce dans mon ventre. Monte d a m ma poitrine. Sene ma gorge. Gicle dans ma bouche. Eclate a I'air libre. Ne peux m'en e m w e r . Un son ui file jusqu'au ciet aprks avoir creuse son trou noir dam mes 0s...498
Nous pouvons voir que le discoun de ce personnage est un discours deregle au niveau de la tonalite, un discoun dont l'ordre et le fonctio~ement ont ete
trouble, non un changement de registre, mais une irregularite intonative par rapport aux autres recits.
Plusieun enonces, comme I'exemple precedent, sont demesures; nous y assistons a une sorte de demesure et de dereglernentl9l dam I'enonciation : il s-agit du discoun meme de la folie, mais qui den reste pas moins un discoun. En effet, le lecteur deduit des le debut le caractere penurbe du personnage. Certains procedes
linguistiques accentuent ces manifestations dans le langage de Perceval et les provoquent en quelque sone, comme nous allons voir.
de ce chapitre pour disigner les differents aspects de cette intonation : dimesure, imigdier, deregle, etc.. F.B, p. 140-141. " Voir la d6h.it ion du Petit Robert : le fdt de s'ticarterdes rigies et de ia mesure into~mtivvo.
3.2.32. Structure syntaxique : les cas d'ellipse
En examinant la structure micro-contextuelle, nous nous sommes rendu compte que la structure syntaxique du rdcit de Perceval est peu usuelle : Ces constructions de phrases sont peu j%quentes enfranqais, comme I'a bien remarque
Mercier, on admettra que dans Ze discours de Perceval, ces constructions, par Zeur distribution. peuvent Zrre considiries cornme une forme rkguli2re utilisie par ~ercevall9?L'btude de la structure syntaxique du rkit de Perceval abordee ici ne
releve pas de notre modde, cornrne nous I'avons dej¬i. Cependant, les resultats de
cette analyse nous paraissent interessants, et quelques observations i propos de cette structure nous semblent donc &e peninentes. Nous nous arreterons spt5cifiquement aux cas d'ellipses.
I1 nous parait imponant de remarquer qu'une des c a r a c t ~ r i s t i q u e s ~ ~ ~ syntaxiques de ce kcit est I'emploi des propositions counes qui se composent le plus souvent uniquement d'un syntagme nominal (SN). Nous assistons aussi
ii
des
phenomtnes de nominalisation. et dans d'autres cas h la suppression de certains rnembres de la proposition. Nous rencontrons frequemment des cas d*ellipse4g4tout
au long du discoun. La repktition de ce phtnomtne est la limite de I'acceptabilite: cette forme inuigue shment le lecteur. Examinons de plus p&s ce phbnomene.
Le pronom je, designant le locuteur, est presque toujours ornis. Le locuteur est identifie par d'autres refirences : le je cede la place i d'autres types de rkfirence de la J92 Mercier. 1988. p. 82. J93 Ces formes synwiques sont employies reguliercment dans ce k i t ; c'est pourquoi nous
les considirons comme des caracteristiques. r94~'ellipsc: Un mor nicessaire gmmmuricaiement est sour-entendu.re1 que defini par Dupriu. C.A.F.E. 1998. Cf. aussi le pmcddi d'effacemenr syntuxique. m:Nwww.cafe.umontrenl.calele/
premiere personne, des possessi fs (A utmt dormir dons rnon lit... PosP muJoue490j: Micity g g grand mire est cornme d ' h u b i ~ u d e ~ainsi ~ ~ ) que , la forme disjointe du
pronom personnel, rnoi. Le je qui devrait normalement accompagner ce pronom est parfois supprime497 ou remplace par un nom propre (le prenom du locuteur) : (F.B.29) Enfenne dam ma chambre pour la nuit. Pas envie de dormir. Envie de crier498. Moi. Perceval. fils de John el de Bea 6rowd9?
Comme nous le savons, les cas d'ellipse et de structures syntaviques non
tensees, tels les verbes a l'infinitif, peuvent &re utilises en relation avec le degre de tension dans la situation narrative. A certains moments,le locuteur peut choisir de reduire la tension ou de l'abaisser, et cela en supprimant par exemple leje. ce qui est le cas dans notre texte : I'actant est present dans le discoun, mais mis en suspension.
Cela ne cree aucun probleme tant que n'est pas rompue la progression thematique ou tant que le lecteur peut facilernent retablir les elements contextuels, mais cornpone un risque si un reptire formel important vient a manquer ou devient di ficilement reptiable.
D'autres formes de chute de tension se manifestent aussi par l'ellipse du SV
(V +- Aux ou V seulement : Vu h lune). ou par I'emploi de l'intinitif=Jw v Mquemment utilise : Farre ~ 6 . crttentimjo!
F.B. p. 139. F.B. p. 154. Normdement, Iejt! accompagne le pronom de mise en relief moi. F.B. p. 139. F.B, p. 178. Avec ce mode,, leje est aussi obligatoirernent absent, F.B, p. 139.
ce n'est
le cas ici.
Notons que ces forrnes, comme I'emploi de l'infinitif ne creent pas d'arnbiguM Bnonciative, car elles sont la plupart du temps accompagnies soit par le pronom moi, soit par des possessifs qui dfennt B la premi5re personne et permettent au lecteur d'identifier le locutew.
I1 est indispensable de souligner qu'en employant l'infinitif on suspend le pro&, comme on suspend aussi la temporalit6 du kcit, et on peut se demander si ces
phhomtnes repksentent simpiement un rapport de la pensee au dialogue intkrieur. Le parallClisme structure1 non usuel que nous venons d'evoquer est Ctroitement relie a d'autres structurations, celle de l'enchainement rkferentiel et celle de
I'enchainement thematique. comme nous d o n s voir ii pdsent.
3.2.3.3. Marques referentielles : manque de relation cohQive
En examinant les trois exemples suivants, que nous rappelons ici. nous avons releve des termes qui n'ont de relation ni d'un point de vue r6ferentiel ni d'un point de vue fonctionnel avec les autres elements du meme segment : Le chapeau de Stevens,
le perir couteau. le gros er le petit bureau, l'auto gtrangPre, le chapeau perdu502 de Stevens. (F.B.30) Non, non ce n'est pas Stevens. Je ne le reconnais plus. Ce n'est pas lui. II n'a plus son chapeau sur la tgte ... Ne me voit pas. Ne met pas sa main sur ma tQte comme d'habitude503. est une information non penincnte. puisque lc lectcur rait dij6 que Stevens a perdu chapeau. 503 F.B. p. 150. jo2Perdu
son
(F.B.31) ... Quelqu'un dit qu'il a vu passer une voiture etrangere, sur la route, entre neuf heures et dix heures. Non, non, je ne dirai rien, ni I'auto etrangere, ni le gros bateau, ni le petit b a t e a ~ ~ ~ ~ . (F.B.32) II me regarde a present, d'un air severe comme s'il pouvait se douter de ce que je viens de faire avec mon petit couteau sur sa personne trop grosse et molle. Je ne dirai rien. Ni le petit couteau. Ni le gros et le petit bateau. Ni I'auto etrangere. Ni le chapeau perdu de Stevens, tout Fa gue je cache dans ma Ute et qui me gBne pour donir505.
Ces references ont ddjh etB introduites au ddbut de son &it. Dans ces exemples sont fournies des informations concernant ces termes : Stevens n'a plus son chapeau; Perceval assure qu'il ne dira rien en ce qui conceme les ildments
mentionnds, ce qui prouve qu'ii a vu ce qui s'est passe. Ces mots representent des references nominales ancrees dans le reel. Pour dtablir leur identiti dfirentielle, au niveau textuel, ils devraient apparaitre dans des sequences anaphoriques. Le referent du syntagme nominal (SN) le chpeclu est identifie, c'est le chapeau de Stevens. Quant aux rkfkrents des autres SN (le petit couteau, les deux buteaux. le grand er le petit.
1 'arrlo hranghre), ils ne sont pas identifies.
Ces termes avaient diji dii ttre introduits dans le discours puisque ce sont des references discursives nominales qui s'attachent 5 l'emploi du N en discoun, donc au SN, et non plus de fason inhCrente au N : ce sont des elements spkcifiques, des
anaphores d6jB introduites dam le discoun; I'emploi des articles dkfinis corrobore en fait cette idee,
On retrouve le rt5firent de ces termes si on le cherche dans d'autres sbquences du discours, plus precisement dans le premier chapitre du recit de Perceval : ces 504 F.B. p. 154. 505 F.B. p. 158.
references nominales sont donc des cataphores. Notons qu'il s'agit des choses que Perceval a vues le soir du 31 aoiit en regardant par la fenetre, c o m e le montrent les exemples 33 et 34 : (F.B.33) Envie de sortir. Le tour de main pour ouvrir la fendtre. Lentement. Sans bruit. Main trop grosse. S'appliquer. Faire tres attention. Main lourde. Comme gonflee. La poignee fraiche dans ma main. Toume doucement. Fait clic5*6.
(F.B.34) Une auto etrangere passe sur la route... La vue que j'ai. La plus large de Griffin Creek. L'auto Qrangere n'en finit pas de passer. La fendtre ouverte a deux battants. Toute la baie visible, encadree par le came de la fengtre. Un gros bateau. Et un petit bateauSo7.. .
Cela nous amene B dire que ces refkrences nominales sont cohdsives, mais que la relation entre ces CICments et leun referents n'est pas etablie d'une fason usuelle. Soulignons qu'en lisant les segments en question, le lecteur ne sait pas B quoi relier ces riferences. Entre les differents elements participant au proces, il n'y a pas,
en effet, de hitrarchisation. Meme par rapport P l'information nouvelle donnee' la
progression rhematique soulkve des doutes. En lisant ce r6cit. on ne sait plus de quoi il est question.
Pour mieux comprendre la distribution de ces constructions et de ces faits discursifs, et placer celleti sous un angle qui permettra de traiter de plus pres la fqon dont I'information est dpartie dans les enonces et la distinction entre les composants thernatiques et rhematiques des constituants du discours, nous analyserons, d'un point
506 F.B. p. 139. 507 F.B. p. 141.
de vue fonctionnel, certains passages qui nous semblent significatifs 1 cet ~gards08.
Rappelons rapidemen! que la progression thkmatique a une incidence imponante sur Itorganisation textuelle. chaque element contribuant plus au moins au d6veloppement de la communication. Le Wme y assure la continuid entre les phrases par la ripktition de certains Cltments. Dans ce kcit, d'une part, la distance entre les differents th&mes
qui sont rt5activCs et d'autre part, la repartition des propositions en syntagme nominal
ou verbal, SN ou SV, posent parfois probleme, cornme nous allons voir.
32.3.4. Structure thkmatique marq J e La repanition en ~
~
~ peut 5 etre 0 pksentke 9
Tableau 4
Exemple 1 SVM
textes
1. Souleve le rideau.
2. La lune est 15. 3. D m la feneue. 4. MOI. 5. Enferme tous les soirs dms la rnaison. 6.Oblig6 de dormir 9 huit heures. 7. Cric un tour de cli. 8. Enferme dans ma chambre pour la nuit. 9. Pas envie de dormir. 10. Envie de crier. Parce que I 1. je suis enferrnt. 12. Serai battu si je crie. 13. Crier i cause de la lune. 14. Dorrnir un peu puisque enfenne. 15. Autant dorrnir dans mon lit. 16. Apres un petit somme. retoume h la fenitre. 17. A cause de la h e . 18. Le rideau. 508 Vu que les faits discursifs diji relevis sont ripititifs. 509 Meme prisentation que les chapiaes prkedenrs.
par le tableau suivant.
19. Pose ma joue sur la vitre fraiche, presque mouill&. 20. Vu la lune blanche B wavers la vitre froide. 2 1. Envic de sortir. 22. Le tour de main pour ouMir la feniue. 23. Lentement. 24. Sans bruit. 25. Main uop grosse. 26. S'appliquer. 27. Faire trk attention. 28. Main lourde. 29. Comme gonflte. 30. La poignie fraiche dans ma main. 3 1. Main lourde. 32. Tourne doucernent. 33. Fait clic. 34. Retiens mon souffle. 33. Ecoute si quelqu'un vient. 36. Quelqu'un dc ma farnille qui aurait entendu la poignee toumk. 37. Le silence dans la maison. 38. Les patents. 39. Mime 6veillCs, sur leur chaise h n s la cuisine, leur visage de bois. 40.Leurs silences de bois de mon. Mais non 4 I. ils dorment tous les deux i present. 42. Dans leur lit. 43. Des bkhes qui respirent fon. 4. Par le nez, par la bouche. 45. Fretch, fretch, fretch, gr, g,gr. 46. Leurs ronflemcnts pards tous les deux. 47. Miles ensemble. 4s. Le piire et la mire. 49. Une rnusique plutdt comique. 50. Mes soeurs jumelles, aucun bruit. 5 1. Le souffle doux de leur rcspirrrtlon. 52. On pourrait croire qu'ellcs ne respirent pas. 53. Leurs tresses blondes, presque blanches, nr respirent pas non plus. 54. Eltes dorment au presbytere maintenant. 55. Toutes les deux. 56. Pat et
Quant B l'analyse de la progression thematique, elle est presentee par le tableau suivant. Vu que la progression thCmatique dans ce recit s'effectue d'une fason
particuliike, nous pksenterons aussi cette progression par d'autres illustrations~1 afin de la rendre plus visible. 510 F.B. p. 139. 140.
hisentation que nous n'avons pas adopt& dans la chapims prCcedents.
Tableau 4
T1 !.
1
R
I Progression
Caracteristiques
rupture
S-CONT-AD
hyperht&me/ rktivation constant
S-SE-ADS
0
(Je (supprime)) !. La lune 1. 8 I. Moi j.
T3
0 (Je (supprimi))
5. 0 (Je (supprimti)) 7. 0 3. je suis 9. 0
est I& Dans la fenitre
Enfermi tous les soirs dans la maison Obligd de dorrnir constant
S-COT-ADJ S-COT-ADJ
Cric un tour de cl6 rupture enfermi dam ma riactivation chambre pour la nuit Pas envie de dormir constant
S-COT-ADJ
l ~ n v i de e crier
Iconstant
S-COT-ADJ
Iconstant
IS-COT-ADJ
constant
S-COTAD1
constant
S-SE-ADJ
constant
S-COT-ADJ
constant
S-SE-ADJ
S-COT-ADJ
(Je (supprimti)) 10. 0
(Je (supprime)) Par - - ce - - aue --
I I . ie suis 12. je 13. 0 (Je(efface)) 14. 0 (Jc(efface)) 15. 0 ( Je (effack)) 16. 0
(Je ( suppri md)) 17. 0 IS. Le rideau 19. 0 (Je t supprim&) 20. (Je (supprirni] a lune 21. 0 (Je (supprim&)) 22. Le tour de main
22.0 23.0 24. Main 25. 0 (Je (effad)) 26. 0 (Jc ( e f f d ) ) 27. Main lourde
3rier h cause de la une lormu puisque infermi ~ u mdormir t dam non lit etournd h la fenitre 4 cause de la lune
rupture rupture m e ma joue sur la rhctivation
C-SE-ADJ
{itre iu i travers la vitre
constant / rhctivation constant
C-SE-ADJ
mur ouvrir la f e n h e Rhctivation
S-SE-ADJ
Lentement Sans bruit
I
hypd2me hypertheme hypertheme
S-SE-ADJ S-SE-ADJ S-SE-ADJ
lrupture
S-SE-ADJ
3nvie de sortir
S-SE-ADS
S'appliquer Faire trks attention
S-SE-ADJ S-SE-ADJ
29. La poiynee
ma main
constant t o m e doucernent
30. 0
(Je (efface)) 31 0 32. 0 :Je (effaci)) ;3. 0 quelqu'un (Je (ecaci)) 34. quelqu'un de poignke ma famille tournee ? 5. Le silence 36. Les parents S7.leur chaise, leur visage 3 8. Leur silence de bois de rnor
Fait clic retiens mon souffle
rupture
vient
constant / rupture
C-SVCONT-ADJ
entendu
constant
C-SWCOhT-ADJ
Cveilles
keactivation rupture reactivation hypertheme
S-SE-ADJ S-SE-ADJ S-SE-ADJ
hypenheme
S-SE-ADJ
39. ils
dorment
hypenheme
S-SE-ADJ
10. leur lit Des bliches 12. 0 13 0
qui respirent le nez la bouche Fretch gr
hypenhtime
S-SE-ADJ S-SE-ADJ S-SE-rnJ
4 1.
10. leurs
inference in ferencd constant hypenheme
ronflernents 45. 0
miles
16. Le pere 17. 0
la mere
une musique comique
18. Mes soeurs
aucun bruit
jumeltes 49 Le souffle de leur respiration 50. On
elles
5 1 . Leurs tresses 52. Elles 5 3 . Toutes les deux 54.Pat et Pam?
moire ne respirent Pas ne respirent pas dorment au presbytkre maintenant
S-SE-.4DJ
inference/ constant hypenhime inftirencd constant infkence
S-SE-ADJ S-SE-ADJ
inference
S-SE-ADI
inference
S-SE-ADJ
inference inference
S-SE-ADJ S-SE-ADJ
constant
S-SE-ADJ
constant
S-SE-rnJ
S-SE-ADJ
A. Resultats et analyse
Dans cet extrait, la longueur rnoyenne des SVM est d'environ 5 mots et I'on compte environ un peu moins que 4 a 5 mots par proposition.
La majorite des SVM sont composees d'une seule proposition, quelques sequences sont plus longues. 11 n'y a rien a signaler comme structure syntaxique particul ierement brbe ou longue.
a) Dans la premiere SVM,le theme est le pronom personnel je. supprime, le rheme est l'acte de soulever le rideau. Dans la seconde SVM, le je cede la place a ia h e , element qui s'introduit dans la scene par I'acte (rhematique)de la premiere SVM soull.ve le ridem; nous pouvons nous apercevoir aussi qu'un element qui appahent au heme de cette seconde SVM apparait dans la troisierne. D'un point de we grammatical, dun.^ ku fenbre est un C.Cde la phrase ku h e esr ii. Par aillew, cet element est une cataphore par rapport au
terme lu, qui ne refere pas a la situation enonciative, mais dont le referent est rnentionne tout de suite apres lo /en&re; d'un point de we informationnel, l'elkment duns la f e n h e fait partie de la nouvelle information donnee par le rheme de la seconde SVM, mais puisqu'un point les separe, il devrait &re considere rheme dans une proposition sans themeDans cette sequence, on peut
detecter une progression rhematique.
Soulignons que le je domine cornme theme : il se repkte, soit sous une forme effack, soit explicitement Dans certains passages, on se refere aussi auje par des possessifs de premiere penonne (mui~z,s o m e , ~joue)dans une
progression a hypertheme. En effef dans la quanitme SVM, nous awns le theme moi; le rheme enfemk se trouve dam la cinquieme SVM.Nous pouvons aussi indiquer que l'element de la
sixibme SVM obligk de d o n i r 6 huit heures p u t &re consid6re c o m e un rhbme du mCme tlement thematique de la quatrisme SVM moi
u je
suis
ou d'un thkme
r
constant supprim6 dans la meme SVM u moi, je suis *;dam les deux cas, 1'6lement ne change pas trop, en effet! Nous assistons dans la sixieme SVM
une rupture
thtmatique : cric un tour de clk, oh un autre tliment efface (la pone, quelqu 'un d 'outre) occupe la position thkmatique. Nianmoins, I'tlkment rhematique cric un tour
de cle' rifgre i I'action subie par le locuteur : cc ttre enfermi >), donc au rhtme de la
cinquieme SVM. Une relation rhematique s'itablit donc entre les SVM en question. L'dement
cc
Bue enferme >> apporte une prkision : Perceval est
e
enferme par un
tour de clC dans sa chambre pour la nuit D. Cette nouvelle information est lice par le rhkme enferme' duns ma ckambre durant la nuit dans la septibme SVM,qui laisse
entendre que I'acte de cc crier N dQau fait que le locuteur est r enferme (rhtme de la onzikme S V M ) et par la pksence de a la lune >> (heme de la treiziiime SVM). Ces
deux tltments ont diji Ctt introduits dans le discours. mais cela n'em@che pas de les considerer comrne des rhiimes, car la nouvelle information livrke ici est la relation entre I'acte de crier et ces deux dements. En revanche, la lune sera rhkmatisee, dans la SVM 20. pour occuper la place d'un second thlme. Regardons ce schema qui illustre la progression rhematique.
Moi + (Clement supprimeje suis)
+
enferme tous Ies soirs
1 (ie suis, Clement supprime)
+
oblige5 de dormir
-L 0
[rupture thematique] Cric un tour de clk
1 je suis
[r&ctivation]
+
enfern6 dam ma charnbre
L Pas envie de donnir
1
Envie de crier
L
Par ce que
enfennd
L L
semi battu 1 crie Crier B cause de la lune
I Dormir puisque enfermk En regardant ce schema, nous pouvons confirmer que les Mmes suivent aussi une progression, et c'est ce qui permet justement l'effacement du pronom sans crier de probltme. Soulignons que ces Climents rhtmatiques occupent une place imponante dans le recit; ils vont d'ailleurs se repeter B maintes reprises, &ant toujoun relies i
I 'dement thematiqueje. b) Par ailleurs, un changement de thtme intervient suite B l'introduction de
I'Clement quelqu'un. B panir de la S V M 33, ob nous assistons B une rupture thematique. Un nouveau theme dominera jusqu'i SVM 54 : les mernbres de la famille du locuteur (parents = pkre et mbre; saeurs = Pat et Pam). Notons que le lecteur
connait deji deux de ces membres. les scmun, presentees dans les autres recits.
B .- Fonction de la repartition informationnelle du discoun D'apres notre grille d'analyse. nous pouvons constater que la rtipartition des dements informationnels de ce recit est peu usuelle car, d'une part, les tltrnents du discoun de Perceval ne sont pas hierarchis& et. d'autre part, ce discours souffre d'un
manque de liniaritt. Certains ClCments qui appartiennent B la meme proposition matrice ou subordonnCSl2 sont kpartis dam plusieun propositions. Des constituants
Voir la definition dans le second chapitre.
de la meme phrase513 sont s6part5s par un point; ce signe de ponctuation rernplaqant tr2s souvent la virgule dam ce ecit.
Les liens entre les constituants du discours ne sont pas Ctablis d'une f a ~ o n purement logique. Les tliments rifirentiels, d'un point de vue littdraire, sont mis en relation avec le discoun sur une base purement subjective : Etre enfermt ne provoque pas le cri. a l'exception de certains cas : ceux des enfants ou des penonnes qui souffrent. qui sont folles, idiotes... . De plus, les rhbmes du discours soulbvent des doutes : I'identification du r h h e , et parfois du thbme, s'effectue par deduction; dans certains cas, on suit
difficilement la logique conversationnelle du raisonnement fonctionnel du locuteur et on doit recourir B une supposition pour reconstituer la progression thematique du discours. I1 y a discontinuitk thernatique. accumulation d'impressions relites uniquement par la vision du narrateur et par sa pensee qu'il livre sans autres liens logiques. En effet. les relations entre les themes et les rhtmes ne sont apparemment pas
cohesives. Certains th&messont souvent reactivis, sans lien au segment dont ils font panie : tlements propres au cadre narratif de la situation de I'honciation, comme la fenCrre ou des termes qui s'y nttachent rideau, poignge. et finalement la lune qui fait
echo avec le je. Ces thiimes ont d'abord ete introduits comme rhkmes pour devenir
des thtmes reactives dans le meme chapitre, et rejoindrons d'autres tltments qui passeront par Ie meme processus : s'introduire comme rhemes pour devenir des
'3
U n C.C.de lieu ou de temps forme parfois une proposition (une phrase) & h i seul.
thkmes (voirure &trang&e, petit bateau, grand bareau et lefisre Stevens), cornme le
montrent d'ailleurs les exemples 2 et 3 de la kpartition en SVM.
Exemple 2 SVM
textes
I. Ouvrir la fenitre h deux banants. 2. La lune entre aussitbt dam ma chambre. 3. Coule par terre en flaques blanches, quoique transparentes, liquides comme blanc d'oeuf qui ne serait pas colIant, seulement transparent et blanc. 4. La vue que j'ai. 5. La plus large de Griffh Creek. 6. L'auto Ctrangere n'en finit pas dc passer. 7. La feniiue ouverte deux banants. 8. Toute la bait visible, encadrk par lc can6 de la fenetre. 9. Un gros bateau.
Et 10. un petit b a t e d 14..
.
Exemple 3 SVM
textes
1. Le petit batcau revient de sa promenade au Irirge, vcn plut6t que noir. quinze B dix-huit pieds de long. 2. Net et precis sur la rner. 3. Eclaire de lune 4. Auunt de precautions pour fenncr la fenetre que
pour I'ouvrir.
5.Reuouver la chaleur du lit. 6. Dormir 7. I1 faut donnir. 8. C'est I'heure de donnir. 9. Mes rideaux fern&. 10. Les flew des rideaux routes fan&. 1 1. Impossible de voir B travels les flews et les feuillages fan& des rideaux. 12. Me retourne conue le mur. 13. Dormir. 14. Rever a mon frere Stevens qui est bon pour moi 15. Lui dire en rive que je aims 15. 51J F.B. p. 141. 515 F.B. p. 142.
En examinant ces exemples, nous voyons qw le seul lien entre les elements thkmatiques ou rhimatiques est ce que le personnage voit et ressent. La structure syntaxique soultve meme parfois des doutes. Dans I'exemple 3, B la S V M 4, on change de lieu (on n'est plus dam le bateau) et on revient au personnage sans aucune transition. Ainsi, B la lecture de ces stquences, le lecteur peut sentir qu'il fait face h une rupture enonciative.
Cornme nous avons d6jB mentionnt, les thkmes qui sont introduits comme
rheme fort (voiture itrangere, petit bureau, grand bateau et le frkre Stevens) sont riactivis trois chapitres plus loin. comrne le montrent ces exemples que nous rappelons ici : (F.B.34) ... Quelqu'un dit qu'il a vu passer une voiturft etrangera, sur la route, entre neuf heures et dix heures. Non, non, je ne dirai rien, pi l'auto etramre. ni le ~ 0 bsa r n . h-~etitb a t e d 16.
(F.B.35) 1 I me regarde a present, d'un air severe comme s'il pouvait se douter de ce que je viens de faire avec mon petit couteau sur sa personne trop grosse et molle. Je ne dirai rien. Ni le petit couteau. Ni le aros et le ~ e t i tbteau. Ni I ' a u t ~ BtranMre. Ni le chapeau ~ e r d ude Stevew, tout $a que je cache dans ma t6te et qui me gCne pour dormifiL7.
Rien n'unit ces themes, qui se trouvent dans le troisitme chapitre, aux autres constituants du mCme segment. D'un point de vue theorique, ces ruptures sont neutralisees par le texte lui-meme car les klements pksents dam le troisiiime chapitre (exemple 34,35) opi5rent une reprise de continuite de cew qui sont p6sents dans le premier chapitre (exemples de nipartition en SVM 2.3) :
5 1 6 F.B. p. 154. 5 1 7 F.B. p. 158.
Le perit couteuu = le couteau que Stevens avait le jour du meume. le petit buteau = la chaloupe de Stevens 1e grand bateau
= le grand bateau qu'il a vu
1'auto ktrungbre
= I'auto dtrangke qu'il a vu passer.
Le chapeau perdu de Stevens = le chapeau qu'il portait lors du m e m e et qu'il
a perdu ce jour-18.
I1 est imponant de noter que l'identification & ces ilCments et l e u relation avec
l'information narrative l i d e par le locuteur Perceval ne se kalisent pas uniquement en reliant ces terrnes B ceux du premier chapitre de son &it car, comme nous I'avons vu, dans ce premier chapitre la coherence n'est pas compl2tement assuke. Le lecteur ne peut saisir Ies ivinements et comprendre ce qui se passe en se basant simplement sur I'information donnee par PercevaI. Comment le lecteur itablit-il donc les liens cohesifs riferentiels et fonctionnels malgre le manque de cohirence, I'oqanisation informationnelle distructurte et m a l e ies autres types de difficult& que nous avons soulevties et qui menacent la coherence textuel le ?
3.2.3.5. Interpritation des types de difficultes Les relations d'inference entre les klkments refkrentiels et fonctionnels du
discours de Perceval sont etablies par les procedes linguistiques suivants.
L'emploi de ce type de langage, l'insertion des difficultes montrent en effet que la pensee de ce personnage est pertub& et incoherente; c'est ce que le texte affinne d'ailleurs explicitement : Perceval est presente comme un enfant idiot qui parle d'une maniere incoherente. LC lecteur reconnait cette carac3ristique avant meme qu'il ne commence la lecture de son recit. L'emploi de ces elements telttuels dicte donc un processus de lecture : il faut chercher et rassembler les indices disperses dans le discours de Perceval pour comprendre son recit et resoudre l'enigme du rneurtre. Soulignons que le lecteur s'est deja forme dam la memoire discursive une image de ce penomage; il sera pret a appliquer me strategic de lecture peu usuelle
- ou oblige de le faire - par rapport aux autres processus de lecture qu'il effectue normalernent et qu'il utilise ailleurs dans le meme roman ou dans d'autres textes. II reconstitue les elements discursifs du recit de Perceval et doit fouiller dans sa mimoire discursive afin de relier les diflerents dements thematiques et rassembler Irs themes disparates. L'acte de lecture dicte par le textute318 peut &re en fait compare a celui d'une intrigue policiere, comme si le lecteur accompagnait le policier dans sa recherche. C'est ce qui se passe effectivement au cours du recit : un policier mene une enquete
afin de resoudre l'enigme de la dispantion des deux jeunes filles; ce demier va elaborer une hypothese. Cet accompapement est aussi dicte par le texte. Pour assurer la reussite de cette enquete, et par consequent la reussite de la lecture (c'est-
adire garantir la resolution de l'enigme au niveau de la lecture), certains indices
sont fournis tout au long du recit-
Les Clements thematiques et les references nominales, dont nous avons deja souled le probleme, peuvent stre consideres, en effet, comme des elements cles pour l'information narrative. Ces themes se rapponent a I'histoire Cnigmatique du rneume de Nora et d701iviaque le lecteur n'a pas encore resolue a ce moment. En inserant ces elements thematiques, on fournit au lecteur des indices, des consignes pour qu'il puisse decoder le message de Perceval. Ce processus emane du texte lui-
meme. L'emploi de ces references nominales est un procede utilise dans les segments en question afin d'exciter la curiosite du lecteur et h i menager la surprise. Le locuteur associe volontairement differents constituants disprates du procds,
d'une fa~on subjective. Un autre procede perrnet au lecteur de retenir et de conserver ces elements thematiques : I'emploi de la negation. I1 est temps maintenant de revenir a ce phenomene.
3 . X - 6 . Fonction de la negation
Nous soutenons que les phenomenes de dgation exercent une fonction par rapport a la lecture, au sens propre du terrne : ils attirent l'attention du lecteur sur les elements qu'ils introduisent, sur les references nominales @fir
hufeuu, grund
bcrleuu, voirure ltrungGre...). Car, en rencontrant ce type de negation, le processus
de lecture est ralenti avec l'obligation ou la possibilite pour le lecteur de chercher
dam la memoire discursive le referent cataphofique de la reference nominale des termes en question. Ces referents ne se trouvent pas d'ailleurs dans les memes sequences, mais ils sont des indices qui pennettent au lecteur de mener a terme son
enquhe. Disperses dans le texte, ces elements doivent itre recueillis par le lecteur afin de saisir le code du message de Perceval. La formulation negative constitue une reference a autre chose d'une facon
explicite : la negation est une rbction a une affirmation reelelle ou virtuelie d'autrui. L'allusion a la situation et aux elements de contexte du meurtre s'accompagne le plus souvent du phenomene de negation; ce procede, tel que defini par Bernard ~ u ~ r i e z j lconstitue ~, une refutation, un jugement intellectuei pone contre quelqu'un ou contre une situation.
C'est ce que nous avons dam ce texte : le phenomene de negation permet en effet de deceler le conflit psychologique que vit le personnage (ce point n'est pas
notre props); Perceval refuse le jugement porte sw le meurtre et les souwons sur son frere Stevens. Jugement logque contre un meurtrier, mais non accepte par
Perceval . Ce demier etait temoin du meurtre; il voyait tres bien qui etait dans la chaloupe, comme il l'a indique en parlant du petit bateau que Stevens mait utilise pour noyer ses victimes : Net et prkis sur ku mer. II faut en deduire que malgre le
crime de Stevens, Perceval l'aime purce q u 'tl esz bun, sentiment qui s'exprime de differentes manieres a maintes reprises. D'apres ces demieres remarques, et d'autres que nous avons presentees, nous pouvons indiquer que les structures non usuelles dans le recit de Perceval, parce
qu'elles suscitent chez le lecteur des strategies qui s'opposent ou qui different de celles qui sont employ& d'une &on uswlle, font partie des procedes destinks a
etablir un contact avec le lecteur, soit le guider ven une certaine conclusion ou une
certaine lecture, soit I'inciter a dkcouvrir la presence d'une instance. Les structures syntaxiques employties dam son discours (ceiui de Perceval) j o i n t s aux informations donnh par le roman sur Percevd, formaient I'image de Perceval. un enfant avec des deficiences mentales et de gandes difficultes mentales et grandes difficultes d'expression. (...) elles suscitent toutefois chez le lecteur des strategies de lecture qui s'doignent des strategies niguli&es. nous entendons par Ijj d a strategies de lecture d'un tone n'ayant pas un caractere p3ique3-'.
Nous voyons dans le langage de Perceval un outil d'ecriture; les phenomenes qui se manifestent dans ce texte, les dificultes de lecture constituent des procedes d'ecriture qu'on peut rapprocher de certains procedes litteraires et de certaines
figures d'ecriture.
Dans le
recit de Perceval, nous avons observe que la repartition
fonctionnelle, telle que nous I'avons analysee, peut hre rapprochk du procede
l i tterai re hyperpclratare, propose par Du pries qui apparait lonque nous avons
une phrusej21, ou lonque nous awns des foncrions r~c~progues des groups -99
syntuxiques qui sonr sous-mienclues3--. Nous sommes en fait, et comme nous
I'avons montre, dans le domaine de I'ellipse, figure sous laquelle sont regroupies differentes formes d'ecriture et qui amene, rappelons-le, a une chute de tension, a un a& du proces. Toute cette demonstration n'est en effet qu'une structuration du sujet parlant qui a le pouvoir de reduire les tensions ou de les augmenter, d'emprunter le langage
de Perceval, de se masquer derriere ce demier et de dicter des regles de lecture non
usuelles, et cela par des phenomenes linguistiques. Ce roman presente une complementarite narrative : sans les autres recits, en particulier celui de Stevens, on ne peut reconstituer I'histoire; certaines voix spkifiquement celle de Perceval - ne peuvent Stre comprises qu'en ecoutant les autres. Le recit de ce demier ne peut en effet &re saisi isolement. L'information narrative doit Otre completee par les autres recits pour que soit compris ce que dit Perceval. Ainsi, dam une perspective d'analyse textuelle, il nous a paru utile de rnontrer que les caracteristiques du langage dr Perceval se manifestent par des faits linguistiques, par des structures syntaxiques, fonctionnelles et referentielles peu usuelles; le lecteur parvient a etablir les liens d'inference entre les differents elements du discoun par des strategies de lecture, dictks par certains procdes linguistiques. II parvient ainsi a relier les constituants du discours malgre le manque de cohesion et de coherence ou la destruction du langage perqus a un premier niveau
de lecture. Nous avons tente de montrer que pour savoir cc qui parle a, le lecteur n eI'instance n ~ ~ ~ ~ enoncianice qui se base sur utilise un rnc!canisme de r e ' ~ ~ ~ b l i s . s e rde
la formation chez le lecteur, d'abord d'une voix interieure du penomage, puis par la reptition ou par la presence de certains themes du discoun ayant un r n h e referent, autour de la proposition pour laquelle il faut retablir le sujet enonciatit
'23 Mercier a dC6n.i a mCeardsme d'un point de vue syntaxique : un mCcanisme de rCcablissemrnt du sujet K b m t sur la formation cher le laeur. d'abord d'un sujet psychologique, par la repCtition ou par eparpillement d'itans lexicaux ayant un m&ne rif"em, autow de la proposition pow laquelle ii faille nitablir le wjet linguistique. (Mercier 1988, p. 82)
D'un point de
we theonque, nous avons insistk sur le fait que les
constructions polyphoniques n70nt pas de fonction propre quant a la structure enonciative du discours. Autrement dit, la fonction de ces constructions n'est pas d'ordre enonciatif : elles n'illustreni pas la presence d7un locuteur
et
d7un
enonciateur dam le meme enonce. C'est un procede argumentatif utilise pour manipuler des strategies de lecture peu uswlles et pennettre de reconstmire le puzzle du recit. Cette dimension de polyphonic renvoie a un aspect de la pragmatique : I'argumentation propre a la lecture de I'ceuvre. En fait, la structure argumentative de ce roman est tres complexe. L'analyse de la progression thematique rejoint, sur le plan thkorique, et par rapport au modele propose, celle des constructions polyphoniques : ces dew aspects ont une fonction argumentative.
4. Conclusioa
La description des instances du discours dans ce roman est une parfaite illustration de la structuration polyphonique et fonctionnelle du statut du sujet parlant. L'analyse des procedes linguistiques qui figurent dam le rkit de Nicolar Jones ainsi que dans celui de Perceval (le passage de la premiere penonne a la troisieme, les structures non usuelles) a bien montre que la structuration du statut du
sujet parlant est complexe : plusieurs instances peuvent &-re presentes dam un mtme
tinonce, instances qui ont dam certains cas une mtme source. Dans un enonce ou un segment, nous pouvons entendre une superposition de voix ayant une meme source de prole. Ce type de phenomene illustre une fonne de polyphonie, celle de
l'enonciateur. Certe fome releve d' une nouvelle definition de la conception polyphonique. Nous espkrons avoir montre que dans les deux rkits, celui de Nicolas Jones et celui de Perceval, le lecteur parvient a etablir les liens d'inference entre les
differentes instances au niveau de la micro-structure et au niveau de la macrostructure au moyen des sttateges de lecture particulieres a chaque texte. Ce processus de lecture lui permet de relier les donnees intra-textuelles, comme celles que nous avons analysees dans notre travail, et les donnes extra-textuelles, par exemple la repdtition de noms anglais -Jones Brown. Afkins, MucdonuiJ - ,qui a pour effet de reactiver une cornposante historique, les dates precises (1936,
swcifiquernent le 3 1 aoiit 1936, 198?), I'amere-plan historique : I'histoire rappelle la formation dans cette region, en 1782, d'une petite colonie de loyalistes qui avaient hi les ~ t a t s - ~ n par is~ fidelite ~ ~ au roi d9Angleterre.Le titre meme des Fouv de Ru.v.~un fonctiome dans ce contexte comme signe referentiel, Cant donne la
presence effective de ces oiseaux dans la region.
Cela permema finalemem au lecteur d7allerau-dela de la signifiancej2j des
mots, de decouvrir l'effet de rdel et de dkceler la presence de l'instance que nous avons appelee I'a instance de l'auteur a.
Dans ce roman,la polyphonie est illustrt5e en fait dans un sens musical : elle se manifeste par une superposition de voix. Les instances comme celle du locuteur. celle de l'dnonciateur et celle de l'auteur ont un mSme statut. Cette polyphonie est dictie par les phdnomtnes linguistiques que nous avons comment&. La pn5sumte rupture entre locuteur et inonciateur ne peut servir de base B la ddfinition de la conception de polyphonie. Cela demontre la richesse de la notion de sujet parlant dCcrite comme ayant une strucruration polyphonique et fonctionnelle. Nous pouvons indiquer clairement que les marques du discours. les expressions refdrentielles, les connecteun. et les marquages thematiques peuvent &re considerks comme des guides nkcessaires B la conduite de la description du sujet parlant. Ils dkclenchent la recherche et guident le lecteur tout cornme l'analyste
it
la
dicouverte d'une instance, celle de I'auteur par exemple. Les constructions polyphoniques remplissent une fonction argumentative au meme titre que le processus d'enchainement argumentatif c k e par l'emploi de cenains connecteun. Cette fonction constitue un des criteres qui permettent de definir les instances du discours. La description du statut du sujet parlant peut relever de differents critkres de la structure macro- et micro-contextuelle :enonciative. argumentative, thematique ou rifkrentielle. La structuration du sujet parlant ne devrait donc pas Etre rarnenee i des voix qu'on identifie B un premier niveau de lecture. Nous eswrons avoir montrk que pour saisir les relations &interferencesentre ies differentes instances du discours, il fdIait effectuer une lecture pragmatique qui s'intkresse B la macro- et la micro-structure du discours afin de dkcouvrir les changements peqktuels du sujet parlant. C'est cette
conception qui sera prhentee sur un plan thdorique dans le demier chapitre de cette
Ripartition en SVM Le ricit de Nicolas Jones
Exemple 1 SVM
textes I . Irene est IP dans sa robe beige, achetie sur catalogue. 2. Elk refuse de dmser, 3. se tient assise P c6tk des violoneux. 4. ne semble pas les entendre. 5. Immobile, les genoux semis, les mains i plat sw sa robe neuve. son regard deteint fixd au loin, bicn au-
dessus de la tEte des danseurs, 6. elle s'etire le cou pour voir quelque chose
d'invisible, tres haut, sur le mur en face.
Exemple 2 SVM textes 1. Irene est pareille i quelqu'un qui regarde de l'aurre c6td de la rue et 2. ne voit pas ce qui se passe de bondissant et d'agitk en plein milieu de cette rue, debordante de vie. 3. I1 lui suffirait de baisser les yeux un tout petit pcu, au niveau de la tite des danseurs, pour reconnaitre la chevelure rousse du pasteur, son mari. 4.Un leger coup d'eil de c6ti lui permettrait de voir la table. fabriquk avec une longue planche, posk sur des treteaux de bois. les piles de sandwiches, les piteaux, la cafetiire de fer-blanc pleine de caf6 chttud. 5. Du m i m e coup I'image du riverend. son rnari, s'inclinant devant Olivia et devant Nora, leur baisant Ics mains a plusieurs reprises, n'aurait plus de secret pow Irene. Tandis que 6. Perceval sc met B pleurer avec une posse voix qui n'est plus celle d'un entint. Mais 7. le visage d'lrene demeure impassible et gIac6. 8. Son regard B prhent semble voir i travcn le mur de
T2
cst I&
refuse assise ne semble pas entendre deteint fixe s'etice
1. Irene 2. (elle) 3.(elle)
coup d'ail i'image de son mari
6. Perceval
Constant Constant Constant Constant Constant
est pareille voir baisser les yeux pour voir permettrait de voir demure impassible se met B plewer
7.Levisage d'lrene 8. Son regard
Caractiristiques
T3
1.Irene 2.Elle 3.(elle) 4.(elle) Sson regard 6.elle
4. lui (Irene1
Progression
Rhbme
Thime
T1
semble voir
Constant Constant Constant
S-COTITIADJ S-COTITIADJ S-COTTTIADJ S-COT/T/ADJ S-COTmADJ
S- COT -T/AD S- COT -T/AD S- COT -TIAD
S-COT-TIAD Constant Hrpmhtme Rupture Constant Rupture Rhctivation Hypmh&me Hyperthhme S- COT -TIAD
CHAPITRE VII
EXPLOITATION ET DISCUSSION
0. Introduction
Le dernier chapitre de cette these est une exploitation et une discussion des
resultats des analyses precedentes. Nous exposerons cette discussion en trois points. Nous presenterons. en premier lieu. les ksultats de l'investigation pragrnatique du discours litteraire. Cette analyse des donnees nous permettra de verifier, ou plus
exactement de discuter. une panie des hypotheses que nous avons formul&s au chapitre I quant B la description du statut du sujet parlant. En second lieu, nous pksenterons la conception du sujet parlant proposde dans ce travail, tout en trapnt les limites de cette conception et en esquissant son appon. En troisitme lieu, nous rnontrerons pourquoi notre modtle a combine une analyse macro-et microcon textueile. Finaiement. nous esquisserons 1' apport du modkle propose et du cadre thkorique.
1. Rksultats des analyses
Nous presentons tout d'abord des tableaux qui illustrent les resultats-jZ7que
nous avons obtenus concernant la description du sujet parlant dans chaque texte etudie. Nous avons essaye, en fait, de reunir les criteres principaux sur lesquels notre description a
ete
fondee. Nous classons les donnees en quatre categories, dans le
sens vertical. Dans la premiere colonne, nous indiquons les differents outils
methodologiques exploites au coun de l'analyse; les deux premiers chapitres de la these ont presente, en effet, ce modele sur un plan theorique.
Dans la seconde colonne, nous indiquons les elements textuels ou les differents constituants du modele propose qui permettent de dkrire la relation entre les differentes instances du discours. Les analyses effectuees etaient, en effet, une
illustration de l'application de ce rnodele a differents textes. Dans la troisierne colonne, nous presentons les indices textuels observes qui sont en relation avec cette description. Nous donnons ici les exemples que nous
avons etudies au cours de l'analyse, et nous indiquons les numeros des exernples evou ceux des pages qui les contiement La quatrieme colome, pour sa part,
presente les conclusions quant la description du statut du sujet parlant dam le corpus etudie.
NIVEAUX D'ANALYSE
QUEPEUT-ON OBSERVER E TD ~ W ~ R E A PARTIR DES INDICES
RECUEILLIS PAR RAPFORT AU STATUT DUS U M PARLANT ?
Namtologie Typologie de Genette
Structure macrocontextuelIe mtive
Thhrie polyphonique de Ducrot
Construction pol yphonique Distinction entre dew voix Rcisence d'une seconde voix
Narrateur
Relation entre la distribution des fonctions narratives, dam le temps de la lecture et la repdsenmtion de la voix dans ses modules linguistiques concrets
extra-homodi6gdtique
Changement brusque du statut du narrateur (Z.M. 13) Le stanrt du Narrataire narrateur et du nmtaire innoduit d'une faqon explicite 9 la fin de la nouvelle rupture enonciative (Z.M. 14) Proposition d'~1ugissementde la perspective par i'andyse de discours en linguistiquc
Progression fonctionneIle Modele de Pauy ThCorie de I 'argumentation
I
I
Marqugts thtmatiques Progression et d fkrence
Negation Je n'ai jamais vu
b n c e des narntaires comme interlocuteur ou comme u fant6me interlocutif u
personne
(p+w
I
1
Sdquences choisies ~ h 2 m e s l r ~ met es emploi df€rentiels (p.103-117) Eh !bien ! Mais & car
I
Focalisation sur la lettre 2 et le nom
Chmgerntnt de xtne mtive
(Z.M. 17.18.19) Cohbionlcoherence
style indirect libre
Metamorphose du sujet par1ant Dudit6 de lecture Effet de &I Inscription de I'ins~nce d'auteur et de lecteur
METHODOLOGIQUE
QUE PEUT-ON OBSERVER A PARTIR DES INDICES RECUEILLIS PAR RAPPORT AU STATUT DU SUJET PARLANT ?
NIVEAUX D'ANALYSE
Le statut du narrateur et du
narrataire
ET DEDW
Narrateur extrahomoditigitique Double fonction Narrateur et tkrivain (P.E.I ) Prhnce du narrataire situe au meme niveau narratif que-le narrateur
Relation entre la distribution des fonctions narratives, dans le temps de la lecture et la reprkentation de la voix dans ses modules linguistiques concrets
(P.E.4) Proposition d'elargiment de la perspective par I'approche polyphonique Theorie polyphonique de Ducrot
Constructions Potyphoniques Prbnce de deux voix
Approche diaphonique Eddy Roulet
r
Constructions diaphoniques
(P.E. 1 1 ) Destinataire du journal (P.E- IS, 17 ec 18) Surdestinataire (P.E. 19)
Surdestinataire
Proposition d'elargissement de la perspective par I'analyse de discours en linpistique
marques
Le connqcteur muis
temporelles et refbentielles Anaphore ou deictique ?
(P.E.23) Marques d'adresse ,
, I
Marques qui actualisent le discours (P-E. 27.26 et 28) Le terme icr (P.E. 3)
Prhnce du destinataire et du surdestinataire Polyphonic du statut du destinataire
Le Grand Meaulnes >
QUE PECrr4lN OBSERVER EI'D ~ U T R E A PARTIR DES INDICES RECUEILllS PAR
RAfPORT AU STATUT -
. .
Le statut du
Narratcur
nmteur et du namlaire
extra-horncWg6itique
Changement peetuel du statut du narrateur Augustin Meaulnes Narrateur homodiigitique ou h&erodieg&ique (emploi de la troisieme persome) (G.M.4-5) P&ence du m t a i r e situk au meme niveau narratif que le narratcur (G.M. 1 1) ve par I
ReIation entre la distribution des fonctions narratives, dam le temps de la lecture et la reprksentation de la voix dam ses modules linguistiqucs concrets
Repmition informationnelle et emploi de dfhtmces Connecteurs
S6quence qui pose probltme Le pronom il (G.M.22) Absence de marque
Focalisation sur le pronom il
Marques de
Le pronom personnel il
Discours Enchainernent temporel Difficult& de lecture Xupture enonciative Metamorphose du sujet parlant produite par une agrmmaticalid Les temps verbaux
(G.M. 22) Dentain + imparfait (G.M.18) La structure temporelk du roman (p. 153)
Glissement d'un personnage a un autre Identification d'un mime point de vue mal# la p&nce de deux voix (deux voix = une seule instance) Inscription dr l'instance de I'auteur
Les Fous de Bassan : Le rCcit de Nicolas Jones QUE PEUT-ONOBSERVER
ET D~DU[RE A PARTER DES INDICES RECUEILLIS PAR RAPPORT AU STATUT DU Sum PARLANT ?
I
Narratologie Typologie de
Le statut du narratcur t t du
Narrateurextrahomodi6g4tique (je)
(F.B.4)
Relation entre la distribution des fonctions narratives, dam le temps de la lecture et la reprdsentation de la voix dam ses modules linguistiques concrets
Passage de la premikre personnc il la misitme persome (F.B. 4) 1 Absence du narrataire Proposition d'dlargissement de la perspective par I'analysc de d cours en linguistique Constructions polyphoniques Distinction enue locuteur et inonciateur tntenextualid Connecteurs Stradgit ugumentative
Thbne
polyphonique de Dumt
Thbrie de l'argumentation
Nomination (F.B. 3) Discours direct (verbe dire et I'italique) (F.B. 10, 11, 12, 13, 14) cornme si de rien n 'Ptait
(F.B. 12) flfaur poumnr que
R k n c e de deux voix un mime enonce Voix implicite Reproduction de lcxte biblique Changernent de s c h e namtive
(F.B. 10) flfaut que
Perspective fonctionnelle Modkle de Patry CohCsion Marques dr: discours
Progression hematique Ambigui'ti rtiferentielle Possessi fs Emonstrati fs Rupture
Thbrie de I' argumentation
Constructions pol yphoniques Dificulte de lecture Metamorphose du
Polyphonic
-
lntenextualit i
Segments focaiisks sur
Irtnt (F.B. 20 + annexes) cer homme
(F.B. 12.13) son col
(F.B. 14, IS) ce dimanche Faits linguistiques dejh soulev&
S.P.
Focalisation sur un nouvau tfitrne Insertion d'un nouveau point de vue de liens ~tab~issement d'infirences a u m que celies de la syntaxe Argumentation Distance et ironie Blocage de la communication Invitation A la r6interpdtrttion P r k n c e dc ['instance d'auteur et de lecteur
Le rdcit de Perceval Browns et de quelques autres
I
Perceval = N 1 = L 1 Narration
Focalisation
Nmateur inn-hornodieg&ique, Monologue interieur Subjectivite
I
Interne
I
Ouelaues aums N2 = L2
I
Narrateur i n n - ou extn-diig&ique Objectivitt! Omniscience
I
Extcme
3
I
QUEPEUT-ON
OBSERVER DEDUIRE A PAR'nR DES INDICES RECUEIllJSPAR
Nanatcur innhomodidg6tique. monologue intbrieur Subjectivite (F.B. 19) Absence du
Narratologie Typologie de Genette
nrurauke
Focalisation Interne
RAPFORT AU STATUT DU SUJET' PARLANT ? Relation enue la dismbution des fonctions narratives, dans le temps de la lecnue et la repnisentation de la voix d m ses modules linguistiques conmts
(F.B.19) Proposition d'k Thbrie pol yphoniquc de Ducrot Theorie de I'arpumentation Perspective fonctionnelle Modelc de Pauy
pissemcnt de la perspective pi .'analvse de discour en linguistique Conflit Constructions psychologique quc vit polyphoniques le persomge Distinction entre dcux voix M e n c e d'une seconde voix impticite Simplicit6de suucture argumentative Perturbation Sequences Information d'un point de psychologique choisies vue fonctionncl Segmentation pcu (F.B.p.25 1-255 Progression et rtfdrence usuelle nominale Discours de la folie annexes) Strat&giede lecture Effacement ou Structures synmxiques non Rapport dCsmcW suppression de usuelles entre le riel et mot Ellipse I'imaginaire prammatical Distance entre Ies references Argumentation au Je (F.B. 29) Rupture (manquede relation sens de Perelman = Rrifknces cohbive) stra3gies textuclles nominales Changemcnt de tonalite par Inscription de (F.B.30,31 et 32) le cri I' instance de I'autcur Emploi des ~nonc6demesure df&nces Absence de rapport de MClanges de linkxiti diffknts otdres de df&mces Formcs des verbeS -
Cohesion Marques de discours
-
(F.B.27) Pas de changcment de registre mais de tonalitt
1.1. Ven une nouvelle mtthode de description du statut du sujet parlant
1.1.1. ~l&nentstextuels pennettant de dkcrire le statut du sujet parlant
La mkthodologie d'analyse appiiqde sur les diffirents textes du corpus et presentee dans la premitre colonne a permis, en effet, dtCtablir des relations
d'interference entre differentes instances. Autrement dit, les theories appliquties nous ont foumi des tltments qui ont permis de decrire differents aspects de cette notion
dam nos exemples litteraires. Ces ClCments peuvent itre regroup& en cinq categories. a) L'identification des instances honciatrices, au niveau macro-contextuei
narratif : celles du namteur, du narrataire et des personnages. b) La distinction entre l'instance du locuteur et celle de 1'6nonciateur. dans un
mime tinonce,
c) L'identification de I'instance du destinataire dans un sens diaphonique. d) L'Ctude des di fficultes de lecture (agrammaticalite, rupture Cnonciative.. .)
e) L'identification du thime du discours ou de la skquence analysee' ainsi que
celle du rhtme. L'ttude de l'organisation informationnelle.
1.1.2. Indices recueillis
L'itablissernent de liens d'interfkrence a & t i bas6 sur des indices textuels (presentes dans la troisieme colonne) reperks et analyses par ces differentes thiories dans le cadre de I'analyse du discours. On peut presenter ainsi les remarques
explicitant et confirmant nos hypotheses et les conclusions propres aux relations enve les indices textuels et la description du sujet parlant.
1.1 -1.1Sujet parlant et marques du discours
L'Ctude de la problematique discursive dans les quatre romans choisis a bien confirm6 I'hypothbse avancie au dipart quant B la description du statut du sujet parlant : les relations d'interference entre les differentes instances du discours et la description du statut du sujet parlant dkpendent de la structure narrative et de I'emploi de certaines marques linguistiques (les marques referentielles et temporelles, les
connecteurs, et les marquages thimatiques et rhkmatiques du discours), autant de facteurs qui enpliquent la structure des CnoncCs du sujet parlant, y compris certaines realisations relativement inacceptables ou agrmaticales.
Constance et varie'te' des rnarqiies dir discours
Les marques du discoun ne changent evidemment pas d'un texte ii l'autre, Cela justifie en quelque sorte la constance du rnodele proposk. Ce qui change, par contre, c'est leur mode d'emploi. Ainsi, la spkificit6 de chaque texte littiraire
selectionne tel ou tel aspect du modde d'analyse, tandis que d'autres details ne prksenteront aucun d'intMt, mais cela ne contredit pas la logique ginirale. Selon notre perspective, les indices textuels qui vihiculent des instructions pour la compkhension du discours varient d'un texte B l'autre. Certains elements ont
parfois une fonction pragmatique d4celable un second niveau. Dans d'autres cas, les mEmes marques du discours n'ont aucune fonction pragmatique quant B la description du statut du sujet parlant. Dans le roman d'Alain-Foumier. par exemple, la structure
temporelle du ricit et I'emploi de certains temps verbaux exercent une fonction par rapport B cette question. L'analyse de ce type de marque &it donc t k s pertinente pour ce texte. En revanche. les constructions diaphoniques et pol yphoniques n' y figuraient pas. et c'est pourquoi ce type d'analyse n'a pas et6 exploite.
1.1.2.2. Sirnilmite d'emploi
Au cours de l'analyse, nous avons relevt queiques cas de similarit6 d'emploi de cenins procCdt5s entre deux textes : Le G m d Meaulnes et La pone &mite, d'une
pan. 2. Marcus et les Fous de Bassan. d'autre part. Cependant, leurs structures
respectives du statut des instances du discours ttaient compYtement differentes.
A. LE GRAND MEAULNES
ET LA FORTE ITROITE
Cela nous permet de constater la similarid d'emploi de certaines marques dans deux textes, sans que cela ne signifie pour autant qu'elles aient Cte utilisdes dam le
m6me sens, ni que leurs relations avec le statut des instances du discoun soient sirnilaires. Certains pro&dks, qui se rattachent la problematique des relations entre les diffkrentes instances du discours et que nous considerons importants quant P la description du statut du sujet parlant, se retrouvent autant dam le roman de Gide que dans celui d' Alain-Fournier. Musarra-Schroder a bien montr6 d'ailleun que dam les deux romans
... les journaux intimes et les lettres ins6rCes dans chaque tcxte ont valeur de document qui permettent au h h s narrateur de reconsmire son pass& (...) Dans La porte e'rroite, ce n'est que par les lettres d'Alissa que le heros-narratcur (et avec lui le lecteur) cst inform€ du mariage de Juliette et de la vie solitaire d'Aiissa. (...). Par le journaI d' Alissa insire ii la fin dc I'action racontde, le heros [de La pone Ptroire] sera Cclairi sur les motifs de la fuitc et du silence dlAlissa. Les feuillcs du cahicr d'Augustin, dans 1e Grand Meaulnes, permcttcnt au herosnaratew de dCcouvrir le componement enigmatiqique d ' ~ u ~ u s t i n ~ ~ ~ . En effet, ces procedes narratifs jouent dans les deux romans le mEme r6te au niveau de la diegtse. Mais il faudrait noter qu'ils ne remplissent pas la meme fonction
quant au statut des instances du discours : dans le premier roman, celui d7AlainFoumier, une partie du cahier de devoirs mensuels d7Augustin est transcrite P la troisieme personne par une autre instance, celle de Fransois, narrateur. Dans La pone Ctroite, les lettres et le journal du penonnage Alissa sont transcrits B la premiere
personne par une seconde instance, celle du narrateur Mrhe, sans intrusion de la part de ce dernier. Mais, rappelons-le, ce narrateur raconte l'histoire aprks avoir lu ces documents, il n'est donc pas inform6 en meme temps quc: le lecteur, c o m e le prktend
Musma-Schroder, de cenains faits de l'histoire, car le narrateur la transmet aprts qu'elle soit termink. 528 Musma-Schroder, 1984. p.136.
Ainsi, et d'apr2s les descriptions effectuees (chapims Net V), nous soutenons que m a l e la pksence d'un meme proced6 narratif dans les dew textes. la description du statut du sujet parlant ne peut etre la meme. Nous avons pu conclure que. dans le Grand Meaulnes, les deux voix representent un meme point de we.
Dans ce roman. deux voix presentant le mEme point de vue ktaient pdsentes dans le discours. ce qui nous a arnenee L itudier le statut des locuteurs dans ce texte et
i nous preoccuper de l'analyse de cenaines marques du discours itroitement reliees i ces dernieres instances. Autrement dt, Ies deux voix s'identifient en une seule : elles repksentent en fait une meme instance, un meme point de we. Cela a ete reconnu P un second niveau et en nous basant sur une analyse macro- et micro-contextuelle de cenains faits discursifs pass& inaperqus h un premier niveau de lecture. En disant que la structure du statut du sujet parlant dam ce demier roman est simple. nous entendons qu'8 un premier niveau de lecture, le lecteur envisage la presence de deux instances,
celle du narrateur et celle du personnage. Dans le roman de Gide, la prisence de deux instances, celle du locuteur-
nanateur et celle du destinataire, nous a amenee justement B ktudier les cas de diaphonie et 1 decrire le statut du destinataire, qui ttait lui-mime polyphonique. Nous avons pu ainsi deceler une nouvelle forme de presence de cette instance. celle du surdestinataire. Ces deux textes ont demontri que la description du statut des instances du
discours ne devrait pas &re enfermee dans une structure hidrarchique des instances
enonciatives : vedette et cornparse, ou personnage secondaire et personnage principa~j? La description du statut du sujet parlant, dans ces deux textes, a confirme l'existence d'une superposition de voix libres se rnetamorphosant et a demontre que chaque instance peut exercer me fonction, comme nous avons vu dans Loporrr Ptroite,
oh I'instance du destinataire remplissait des fonctions au niveau de la
diesese et de la lecture.
La seconde forme de similarite se trouve dam Z Murca~ et Lrsfoude Ruxwn. Dans les deux romans, nous avons un mOme type d'emploi argwnentatif
illustre par l'emploi de certains connectem, comme eh! Birn, cur et md.s, darts le premier (voir exemples Z.M. 15, 1 6, 1 7) et pourrunr, cornme sf (cf exemples F.B.10, 1 1. 12)' dam le second. Ces marques n'ont pas m e fonction forte d'un point de w e
grammatical. En observant la structure l inguistiqw, nous pouvons constater que ces marques sont utilisees comme guide d'interpretation et qu7cllesexercent un effet argumentatif D'un point de vue t e ~ t u e lelks ~~~ permettent , d'introduire le nouveau theme du discours, et elles autorisent le changement de scene qui s'effectw apres le
comrnentaire. Le lecteur ou 17analystepeut acceder a cette interpretation par l'instruction reliee a ce procede. jeZ9 Voir le point de vue de eerrainr critiques, c o m e celui de Levy Zvi, 1984.
330 Toujours i un second niveau dc lecture
La structure linguistique de ces deux textes est completement differente : dam le premier ne se trouvent que quelques exemples d'agrarnmaticalit6, alors que dam le
second, il s'en trouve plusieurs.
1L2.3. Description du sujet parlant et difficult6 de lecture
Nous avons pu dimontrer que la description du statut du sujet parlant est reliCe aux difficultes de lecture inscrites dam le texte, aux faits discunifs. De plus. I'etude
des elhents observis au coun de I'analyse, qui prenaient des formes variables et des
sens precis, a prouvC que les marques de discours devraient ttre aborddes B partir d'une approche pragmatique. Les remarques qu'on a pu faire i propos des textes
itudiks le montrent i I'bvidence. Nous avons vu tgalement que les sources des difficult& de lecture au plan formel sont frequemment produites dans le discoun litteraire, mais qu'elles sont neutralisees par une fonction pragmatique souvent precise, de sorte qu'8 un certain ni veau de lecture elles peuvent passer inaperques. Les ernplois non acceptables ou mEme agrammaticaux que nous avons itudies dam les textes analysCs ne sont pas des cas rares, mais se reetent friquernrnent.
Marcel Vuillaume et Kate Hamburger, deux chercheun qui se situent dans des perspectives differentes de la netre, ont aussi relevt des exemples problkmatiques cornrne ceux que nous avons analysis, notamment en ce qui conceme la refbrence ternporelle531.
53l Cf. Vuiliawne. 1990; Hamburger, 1986 et I'ouvrage collectif, Languge et pertinence.
1994.
Nous proposons ici un elargissement de perspective pour l'etude des formes de difficultes, et nous repondrons aux questions posees au chapitre 11, sans pretendre
pour autant epuiser le sujet.
Nous avons constate premierement que les formes de difficultes de lecture ne se rnanifestent pas uniquement au niveau formel (voir le ch. II, pour les differents types de difficultes), mais peuvent se presenter aussi au niveau semantique,
provoquees soit par des violations de regles formelles, soit par les limites du lecteur dans I'application des references. L'etude de notre corpus a bien prouve d'ailleurs que les dificultks peuvent relever de deux niveaux. Rappelons rapidement qu'au cours de I'analyse, nous avons montre que ces faits discmifs etaient dus a des ruptures enonciatives, a l'ambiguite discursive, a la metamorphose du sujet parlant produite par la violation d'une regle syntaxique (exernples d'agrammaticalite) ou par la presence des constructions
diaphoniques ou polyphoniques, ou finalement par le flottement enonciatif. Nous soutenons que les difficultes de lecture ne sont pas tant des preuves de
I 'inscription de I 'instance d'autew qu' une invitation a une reinterpretation qui marque qu'on change d'instance ou de perspective.
Les conclusions que nous avons tirees de l'analyse du corpus, plus precisement ~ ~montre ~ , que les du Grand Mcaufnes, de 2Marca.s et des Fous de ~ m s u n ont
instances masquees inxrites dans le texte lui-meme peuvent etre autres que celle de ~ ' a u t e u r :j ~elles ~ puvent etre celles d'une figure de la collectivite, celles de la
j3'
Le tableau de combinaison d'instanas illustrera miem cme id&. 533 Cette instance d'auteur put &e eUe-mhe poiyphonique; nous reviendmns sur cene question
dam les prochines sections.
sociCt6, celles de la science ou celles de la religion. Nous avons montrt que les difficulds de lecture, dans ces textes, sont une invitation
Zi
la relecture qui marque
qu'on passe du rtelii l'idel ou I'inverse. L'analyse des exemples litteraires par les instructions pragrnatiques a permis. en effet, de saisir certains liens dfinterf6renceentre les Cnonces - qui ne sont pas
linguistiquement fond& -et par la suite de rendre compte de la pdsence de certaines instances masqukes.
Dans la nouvelle Z Marcas, par I'analyse pragrnatique des proaid& micro- et macro-contextuels prisents, nous avons pu en fait montrer que Balzac pratique une Ccriture polyphonique qui permet au lecteur d'dtablir des liens d'inference entre diffkrentes instances du discours et de deceler la pdsence de I'instance de I'auteur.
1.3. Complexit6 I simplicite ou de stmcture
L'Ctude de la structure macro- et micro-contextuelle de notre corpus a donc souleve la prdsence, dans un mCme enonce ou une meme sequence, de plusieurs instances534qui etaient masquees par une autre instance ditgitique (celle du narrateur,
53J Ces instances avaient parfois une fonction diCgCtique : elles rcprisentaient la voix d'un
personnageinonciateur ou d'un namtaire-inonciateur p r h n t dans le discours du Iocutcur--dans ce sens polyphonique de Ducrot--ou dans le discours d'autrui dam un sens diaphonique. Dans d'autres cas, I'instance relevait d'un autre niveau, elIe repkcntait Ia voix de I'auteur, du lecteur, ou d'une figure collective.
du narrataire ou d'un personnage). Tous ces diffirents types d'instances etaient
inscrits dans le texte lui-mtme conjointement aux auues instances, et ces types se combinaient ou s'entrechoquaient pour former une complexit6 discursive etlou se manifestaient d'une manibre isolee pour former une structure simple. Dans cenains textes, le statut du sujet parlant est complexe, et dans d'autres cas il est simple.
Nous avons vu dans le cas de 2. Marcas une simplicite de structure et une complexite d'instance; dans celui d'Alain-Fournier, une complexit6 de structure et une simplicite d'instance. Nous avons pu aussi dkcouvrir, dans Lo pone Ptroife, la presence de l'instance du destinataire et celle d'un surdestinatoire qui doit Ctre distingui du lectcur virtuel. Nous avons aussi montrk que la complexitt5 ou la structure simple du sujet parlant ne relive pas d'un seul procede (l'emploi refkentiel, par exemple), mais de plusieurs procCdCs.
Les exemples passes en revue dans ce chapitre, et d'autres que nous avons a s tout au long de ce travail, confirment I'hypothese suivante : la comprdhension n'est pas un stade autonorne dans le processus de I'interpl.etation, mais s'dtablit B plusieun niveaux. Cette comprkhension depend des liens cohesifs Ctablis entre les diffirents constituants de cette cohirence, parmi lesquels le sujet parlant. Plus explicitement, et en nous basant sur ies ksultats que nous avons obtenus, en particulier ceux de I'analyse des Fous de Bassan, nous pouvons confirmer que le travail de comprdhension textuelle n'est pas linbaire, mais s'etablit
plusieurs
niveaux, et que la structuration du sujet parlant depend de ces niveaux. Ainsi, l'analyse littkraire doit tenir compte de la dbmarche descriptive du statut du sujet parlant; les relations d'interftrence entre les difftrentes instances s'8tablissent i diffirents niveaux, et non uniquement au niveau informationnel des mots. Cenaines stradgies utilikes dam ce roman, cornme le suspense et I'excitation de la curiosite du lecteur, sont criCes au niveau de la macro-structure et de Ia micro-
structure. Ces stratigies inscrites dam le texte et l i e e s par la structure linguistique nous ont amenCe B la conclusion que le processus de lecture de ce roman, comme pour
tout autre texte, ne peut Cue liniaire mais s'etablit h plusieurs niveaux relies B la structuration du sujet pariant. L'analyse de ce texte nous a permis, en effet, d'examiner un phenomene textuel original.
Lu lecmre du corpus et la description du sujet parlanr Finalement, nous pouvons affirmer que du point de vue de l'tcriture, et meme si chaque texte possCde des caracttristiques spkifiques. certains points sont communs
aux quatre textes analysis. Ces ouvrages avaient ceci de particulier qu'ils posaient des difficultes dans l'etablissement des liens d'interfkrence entre fes instances du discours. Notre analyse a confirm6 que ces romans appartiennent B la figure de la modemitt, particulitrement par les probiiimes que p e n t leur description discursive et celle du statut du sujet parlant, et par les procedks linguistiques qui instaurent leur statut discursif.
Le probleme se pose evidemment dans chaque texte d'une maniere differente, car d7un texte a l'autre different les instructions reliees aaux marques du
discours qui permettent d'identifier les relations d7iderence entre les differentes instances, et qui guident le lecteur ven l'interpretation.
C'est dans ce sens que chaque texte a ses propres procedes linguiaiques pragmatiques. Chaque oeuvre definit son propre statut du sujet parlant et les elements caracteristiques pour la description de ce statut qui le distinguent des autres textes : I'originalite de I'auvre reside &ins sa conception du sujet parlant. Dans notre travail, la description du statut du sujet parlant dans chaque texte etudie a permis en effet de repirer des points d'ancrage indeniables du sens, de deduire la
visee du scripteur, de degager des regles de lecture. Le corpus litteraire analyse amene a une nouvelle conception du sujet parlant. Voyons a present en quoi la conception du sujet parlant peut ttre modifiC a partir de notre travail, sur un plan theorique. Nous presenterons des tableaux qui ill ustreront la description proposee d' un point de vue empirique.
2. Description du statut du sujet parlant
La description du statut du sujet parlant proposee ici et illustree tout au long
de notre travail a releve la presence de differentes formes d'instances. L'analyse des structures linguistiques effectuees dam un cadre pragrnatique a perrnis d'envisager
differentes formes d'instances discursives que nous aimerions definir en proposant aussi une redefinition de la conception ontologique, dans le sens courant du teme, de la polyphonie.
1.1. Conception proposee
Pour saisir la conception proposee, quelques precisions terminologiques soimposent.
- Selon notre perspective, le teme metaphorique : dire que le sujet est
{(
cc
parlant n est employe d'une faqon
parlant N dans le discours litteraire signifie
qu'cc il parle )) dam ce sens qu'il vehicule des informations et modifie ie systeme de
croyances du recepteur.
-
Lonqu'on tente de trouver les traces du sujet parlant dam le discours. on
cherche en fait a identifier I'instance qui est a l'origine de la parole inscrite dans le texte.
-
Plusieurs instances peuvent Btre presentes, c'est-adire plusieun voix
peuvent itre a I'origine de la parole inscrite dans le texte; une meme instance peut aussi &re a l'origine de dew (ou plusieun) voix.
Nous pouvons confirmer maintenant, en nous fondant sur les resultats des analyses, l'hypothese avancQ au depart : le smut du sujet parlant obeit a des niveaux de stncturation, il se caracterise par une description fonctio~elleet polyphonique.
En attribuant au sujet parlant une caracteristique fonctionnelle, nous nous sommes inspiree en partie de la perspective fonctio~elledu discoun (voir chapitre I). Chaque instance a une fonction, aux niveaux de la macro- et de la microstructure, autre que discursive, dam le sens propre du terme, au niveau de la diegese et par rapport a la lecture du texte (fonction argumentative, fonction communicative - voir chapitres V-VI).
Quant a la caracteristique polyphonique, elle peut ttre dkrite ainsi : le sujet n'est pas unique, il t e s t pas non plus simplement I'image de l'auteur (imuge mnt&r&
d I ' ~ u v r eet non crtkrktrre d c d r - c P 3 j ) .Notre description n'etait donc
pas centree sur la notion d'auteur ni sur les actes enonciatifs dans le texte, mais elle
denonce l'illusion de 17individucomme source unique. I1 n'en demewe pas moins que des instances se metamorphosent dans me perspective fonctionnelle et polyphonique. Ces instances revetent la structure, la forme du sujet parlant.
2.1.1 M6thode de description
La methode de description propode a pennis en effet de distinguer enue diffdrentes instances B l'intdrieur d'un m h e dnoncd. Les formes de certaines instances536 ont dejB d t t reconnues par Genette. Ducrot et Roulet, comme nous I'avons vu. Les distinctions apportees par ces dernien sont donc maintenues dans cette tentative d'integrer de nouvelles instances et de kviser la conception ontologique
de la polyphonie en g6ntra.l et du discours litteraire en particulier.
2.1.2. Structuration du statut du sujet parlant
Nous avions donne au chapitre I une description provisoire du statut du sujet parlant comme presence d'un (ou de plusieurs) sujet(s) parlant(s) dans le discoun en relation avec son destinataire. L'observation des r h l t a t s d'analyse textuelle nous a permis de rnieux asseoir cette definition et de rnieux saisir la relation entre le sujet parlant et son destinataire. Nous avons, en effet, mis en lumitre la relation Ctroite entre le statut du sujet parlant et celui de son destinataire, qui est lui aussi polyphonique, ainsi que la combinaison dam un meme tnond de plusieurs instances - parmi lesqueiles celles des destinaraires - ayant le miime statut.
536 Pour la description de ces instances. voir le chapitre thhrique et lcs illustrations des d y x s .
2.1.2.1. Statut du destinataire : narrataire - destinataire - swdestinataire et lecteur
En prenant en considbration la polyphonie du statut du destinataire. nous distinguons entre I'instance du narrataire, linguistiquement parlant. et celle du destinataire, prise dans un sens diaphonique. La premibre se manifeste dam la situation de 1'6nonciation propre au narrateur (qu'il s'agisse d'une situation imaginee par le narrateur ou d'une situation vkcue) (cf. l'analyse de 2. Marcas); quant B la seconde, celle du destinataire, se manifestant par la pksence du discoun d'autrui dam le discoun, elle peut relever d'une
situation enonciative totdement diffkrente de celle
du locuteur (comme les exemples du discours kpistolaire. voir l'analyse de Lcr pone Ptroite). Nous proposons aussi d'etudier
les degr6s d'intrusion possibles. d'exactitude
et de partialite du discours du destinataire et de deceler la fonction de sa presence.
L'analyse de La pone itroite a mend que le statut du destinataire peut Etre lui-m2me pol yphonique. Nous avons pu deceler la presence d'une nouvelle instance textuelle que nous nous proposons finalement d'integrer dans le schema discursif du statut du destinataire, et cela en prenant en compte un autre type de destinataire, le slit-destinataire,c'est-8-dire un destinataire, un etre du discoun pksent dans I'univers textuel,
non cornme interlocuteur mais cornrne destinataire vise, construction fictive
faite par un narrateur scripteur, ou construite par un autre type d'instance. MEme si I 'instance du surdestinataire est une construction fictive, cette instance ne doit pas etre confondue avec celle du narrataire pour les raisons suivantes : d'une part. I'instance du surdestinataire reltve d'un autre niveau d'analyse, celui de la micro-
structure. et prend en consid&ation la polyphonie du discoun au niveau de la micro-
structure - les distinctions &jh ktablies entre l'instance du destinatain et celle du narrataire s'appliquent aussi B l'instance du surdestinataire. D'autre part, le surdestinataire ne se situe pas au meme niveau narratif. En revanche il exerce une fonction quant B la lecture du roman, fonction dict6e par les procdd6s linguistiques. Nous avons constate aussi (voir la conclusion de l'analyse) que l'instance du surdestinataire Ctablit des liens extra-textuels avec l'instance de l'auteur par le moyen des procCd6s linguistiques textuels. Cette instance est construite par des procedt5s linguistiques, mais sa prisence n'est pas envisagee au niveau diegetique : il n'est present dans aucune situation enonciative. Au coun de l'analyse, nous avons rencond en effet ces types d'instance (le destinataire et le surdestinataire). notamment dans le roman de Gide, La pone Ptroite. L'etude de certaines constructions diaphoniques dans ce texte a permis de faire
entendre la voix d'un tiers53' et de relever la presence d'une nouvelle forme d'instance, celle du surdestinataire. Cette etude a permis de ddcouvrir la fonction de ces instances au niveau diegetique et quant B la lecture de l'aeuvre. I1 reste B distinguer maintenant entre ces dernitres instances et celle du lecteur pesente dans le texte. Nous aimerions preciser ici, pour eviter toute confusion, que I'instance de surdestinataire (le destinataire de secours) est consid6rt5evselon notre perspective, comme un &re de discours h I'intkrieur de I'univers textuel; cette forme ne s'identifie pas 21 celle du lecteur virtuel au sens de Bakhtine. Pour Bakhtine, l'instance de surdestinataire est une rkponse B I'oeuvre h des epoques diffkrentes et dans des conceptions du monde diffkentes. Le surdestinataire
537 Voir I'analyse de Gide.
et sa comprChension (id&dement juste) reqoivent des expressions id6ologiques concrktes (Dieu, la veriti absolue, la science, etc.); ces memes considerations s'appliquent i la presence de I'auteur et i sa relation avec le discours d'autrui. Cependant, selon notre perspective, si I'auteur anticipe la comprt5hension. cela ne veut pas &re que les resultats de cette anticipation ou cette anticipation meme soient
celles du lecteur virtuel.
I1 est indispensable de noter ici que notre description indgre les formes d'instance de l'auteur, celles du surdestinataire et celles du lecteur, mais considCrCes uniquement au niveau textuel, sans en aborder les dimensions sociales. La relation supirieure d'acte sociologique ne reltve pas. en effet. de notre domaine. Nous pouvons proposer une definition priliminaire des deux instances decouvertes, celle du lecteur et celle de I'auteur.
2.1.2.2. Instance du lecteur
Nous soutenons que le lecteur peut parfois Etre implique dans le texte : il est toujours present en tant qu'acte, mais pas ntcessairement en tant qu'instance; c'est une entitk qui met le texte en mouvement et kactive la lecture. On ne peut que s'itonner de la part considerable de travail laissee au lecteur pour reconstruire les chaines re firentielles et les ellipses dans 1'enchainement des actions, identifier les penonnages et reperer les sous-entendus. C'est par lui qu'est reconstmite la cohCrence discursive.
L'emploi de certaines marques du discours a permis de relever la presence de cette instance, d'un point de vue empirique, comme les marques que nous avons relevCes au cours de l'analyse (cf. les analyses du G.M et de 2.M).
Le degd de presence du lecteur, en tant qu'instance inscrite dans le texte, peut atteindre zCro, c'est-8-dire que cette instance peut Etre absente. Mais elle peut aussi s'inscrire ii plusieurs niveaux, comme nous avons vu dans Les fous de Bassan et dans
2.Marcas.
2.1.2.3. Instance de I' auteur Nous avancerons que I'instance de l'auteur peut &re tgalement inscrite dam le texte; cette instance n'est pas la voix de l'auteur, mais plutdt le masque de sa voix qui se metamorphose selon difftrentes conditions538. Indiquons que par
<<
auteur )>. nous entendons l'image de l'auteur qu'on
diduit de l'enonce, et non I'auteur lui-mCme, en chair et en os, le locuteur reel. L'instance d'auteur inscrite dans un texte peut &re le pone-parole de la voix d'une ideologie ou d'un point de vue qui n'est pas celui de I'icrivain kel. Ces questions ont ete traitees par la nanatologie. mais dans une perspective differente. Cette demiere typologie, comme nous l'avons d&jLexpliqut B maintes reprises, Bcarte l'instance d'auteur de son champ d'inteet, ce qui n'est pas le c a dans ce travail.
538 Psychologique. idCologique, sociale, cuiturelle. etc.
Nous pouvons aussi avancer que l'instance d'auteur peut Btre elle-meme polyphonique : elle p u t reprendre le discours d'autrui ou tout autre discours (cas d'intertextualitt). Le point de vue de I'auteur peut, en effet, changer radicalement
dans la meme oeuvre ou dam d'autres aeuvres : L'auteur ne se trouve-t-il pas toujours hors du langage en tant quc matkriau de l'auvre littkraire? Tout krivain (mEme le pur W t e lyrique) n'est-il pas udmmaturge pour autant qu'il distribue tous les discours B des voix itrangtres, y corn xis il tc l'image de I'auteur )b (ainsi qu'aux autres masques de I'auteur)?539. ) , ,
I1 existe divers degres de distance entre I'instance de l'auteur et celle du locuteur : la premibre peut adopter le point de vue present6 dans le discours. tout
comme elle peut s'en distancier, 6futer les idies avancees ou m2me les critiquer540 (procede d'ironie polyphonique); cf. I'exempie d' Anne Heben (voir en particulier I'analyse des possessifs dans Lesfous de Bassan, exemple 17).
Comme I'instance du lecteur, celie de I'auteur a 6tC relevte au cours de I'analyse par I'emploi de certains procCdes linguistiques.
Pour terrniner notre description. notons, que, d'une part, chaque instance presentee peut Btre elle-meme polyphonique, dans ce sens qu'on retrouve dans leur
parole la superposition de plusieurs voix dans un meme enonck. D'autre part, on peut trouver la superposition d'une voix sur une autre, cornme nous l'avons montrk541 au
coun de I'analyse, et cornme l'a indiqut Bakhtine : ... [la] superposition d'un sens sur l'autre, d'une voix sur l'autre, le renforcement par fusion (sans identification), 1a combinaison de voix
539Todorov. I981; texte dc Bakhtinc citC par Todorov. p. 106 540 Voir l'anicle M Bible. mythes et Fous de Bprson r (Simis, 541 Voir les exemples de ZMareec u des Fous de Bussan.
1985). sw I t s rtftrences bibliqucs.
multiples (le couloir des voix), la comprdhension complbmcntaire, la sortie au-deb des b i t e s de la compdhensionS4*.
D'autres instances peuvent se combiner aux instances dt5jjB prhentes dans l'Cnonc6 : une voix collective, celle de la societd, de la science ou de la religion; c'est dam ce sens aussi que chaque instance peut Ctre polyphonique.
Nous reconnaissons en effet que ces voix se combinent pour former une ou
plusieurs instances qui partagent le mEme statut. celui du sujet palant. Ces voix peuvent Etre vues cornrne une pluraliti organiske selon les riigles du contrepoint et/ou selon une hitrarchisation d'entrechoquement de voix, tout en dtpassant la mise en scene Cnonciative : ce sont des sujets en jeu dans le processus textuel.
2.2. Dtfinition de la conception polyphonique
Dans notre perspective, la polyphonie n'est donc pas une rupture de la pr&urnee liaison locuteur-enonciateur ou desidentificati~n~~~. Plusieurs instances
ayant le mEme statut peuvent se combiner dans un meme CnoncC. Cela correspond P la definition musicale du terme de polyphonie esquissde dans les chapitres I et VI de notre travail.
-
--
542 Todorov. 1981. p.114 543 Nous eqkrons ainsi. par la reddfrnition de la polyphonie props& ici, avoir r b l u le pmblbme de
I'approche polyphonique de Ducrot. ddjA soulev6 par d'autrcs cherchews, notamrnent Trognon, 1986.
Nous voyons en effet dam les diffbrents cas de polyphonie une sorte de pluralit6 de voix auxquelles on dewait accorder ie meme statut. celui du sujet parlant caractense par une structure fonctionnelle et polyphonique.
L'instance du locuteur possede le meme statut que les autres i n ~ t a n c e s sde ~~; plus; celle de I'auteur n'a pas un statut diffirent, mais s'intkgre dam la meme structuration polyphonique qui s'btablit B plusieurs niveaux fonctionnels.
2.3. Combinaison d' instances
Pour fixer les idies. nous representerons les combinaisons logiques possibles des instances du discoun par des phrases mathkmatiques. Nous presenterons les combinaisons dans un enonce. avec celles qui ne sont pas possibles d'un point de vue logique ou selon notre perspective. Les instances suivantes peuvent figurer toutes seules dans un CnoncC : l'instance du narrateur ainsi que celle du personnage (N/P); les autres instances que nous avons envisagies ne peuvent pas apparaitre seules. Plusieurs instances peuvent Ctre combinCes dans un meme CnoncC, et cette combinaison peut aller de deux j. sept instances. Certaines combinaisons d'instances sont exclues, comme (A
+ L, SD + NA. L + D). Une combinaison de cinq P sept
instances est possible d'un point de vue logique, mais ne figure pas dans notre corpus. - -
--
54 Le statut du locutew ne ~'opposepas au statut da autres instances.
Nous illustrerons la pdsence de ces instances et leur combinaison dam chaque exemple litteraire etudit par le tableau suivant : dans chaque cas analysb, nous pr&entons la configuration de presence d'instances qui se manifestait toute seule et celle qui se combinait avec d'autres dans un meme enonce. telle que repMe par I'analyse.
2-Marcas
I
N
N + NA N+A N+L N +P
I
L
I
N+NA+A N+NA+L N+NA+P N+A+L
I
Complexite ct simplicite du sujet pariant P.E F.B. G.M Le &it de Le rkit de Perceval Nicolas Jones 1-Loinstancequi peut &e seule : N I N 1 N I N 2-Les cornbinaisons dew h dew N+NA N+A N+A N+A N+A N+L N+L N+A N+P N+L N+P N+P
I
N+P N+D
I
I
1
I
NA + SD 3-Les combinaisons trois A trois (le trio) N+A+L N+A+L N+A+L N+D+SD
I
I
1 J
1
4-Les combinaisons quaue par quatre
N+NA+A+L N+NA+A+P N+NA+P+L N+A+P+L
I
I
I
I
1
5-Les combinaisons cinq par cinq: six par six, sept par sept Nu1
N = narrateur A = auteur
D = destinataire L = lecteur
P = penonnage NA = narrataire
SD = surdestinataire
La combinaison des instances depend, en effet, de la structure du statut du
sujet parlant. Cela confirme l'hypothkse avancee dans ce chapitre selon laquelle
chaque aeuvre pdsente une structure diffhnte du statut du sujet padant qui camtirise son texte et repdsente h ce point de m e sa singularit&. D 'aprh 1'examen de combinaisons possibles que nous venons de prdsenter brikvement, nous pouvons confirmer sur un plan fonnel (thkorique) que la structure du statut du sujet parlant peut Ctre complexe comme elle peut ftre simple; cette
structure est l i b aux diffkrents niveaux du texte; et seule une analyse dktaillte et precise qui s'intkresse B la macro-structure et B la microstructure peut ttablir s'il y a discordance, concordance ou antonymie entre, d'une part, la semantique linguistique du texte et, d'autre part, les faits discursifs et la eception du texte de la part du lecteur.
2.3.1. Processus de lecture et niveaux de texte
Nous avons avancC dans le second chapitre que le processus de lecture se situe
i plusieurs niveaux du texte. Les r6sultats de nos analyses nous ont permis en fait de raffiner cette conception. Nous illustrerons Ies differents niveaux du texte et leur relation avec le statut du sujet parlant par deux tabieaux. Dans le premier, trois dimensions peuvent entrer en jeu (presentees dam le sens vertical en trois coionnes). La premiere colonne est celle du message linguistique. La seconde est celle du semantisme de comprehension, ou plus prkisement celle du
processus de comprkhension. La troisibme dimension. quant B elle, est celle de la
rkception du texte par le lecteur. Rappelons que nous nous interessons uniqwment aux dewc premi5res dimensions.
Dans le sens horizontal, trois niveaux de lecture sont envisages pour chaque dimension, tout en les reliant ividernment. car le processus de comprehension est base sur le message linguistique du texte. A un premier niveau de lecture, nous trouvons ce dont la linguistique du texte nous informe. A un second niveau est prise en
considkration la structure linguistique. La dimension du simantisme de comprehension demande ici plus d'attention. Finalement, le troisikme niveau correspond au texte ouven.
Message linguistique Lecture au sens c o m t du terme ler niveau : ce dont la linguistique du texte nous informe. Structure linguistique -
Simantisme de compr6hension des inoncis cornpr6hension du texte
RCception libend du lccteur
ler niveau : interpretable allegorie metrlphorique (des metaphores qui se rnanifestent au niveau de la linguistique du texte). zkmeniveau :qui demande plus d'attention afind*expliquer cemins faits _ ou phenomtnes linpuistiques
2.3.2. Complexid du sujet parlant et niveaux de lecture
Un second tableau repriseme la structuration des instances du discoun et leurs relations avec les niveaux de lecture. Les diffkrentes cornbinaisons d'instances sont
kvidemment reliees aux niveaux du texte et ii ceux de la lecture : au niveau de la structure linguistique, et B un premier niveau dam un inonce, se trouve une instance simple interpretable h un second niveau et, en analysant cette structure, on peut decouvrir la presence de deux instances ou plus (voir les differentes combinaisons possibles prdsenties dans ce chapitre). La prisence de certaines instances inscrites dans le texte ne se &5le qu'k un troisibme niveau de lecture, celui du texte ouvert. A un premier niveau de lecture, par rapport au message linguistique (ce dont le tex te
nous informe). la dimension du semantisme de comprkhension mtnera le lecteur
5 envisager la presence de deux instances. celle du narrateur et celle du personnage, par exemple. A un second niveau, la dimension du s6rnantisme d'interprktation ou de
comprkhension pourrait ditecter la prisence de certaines instances, celle du destinataire ou de l'bnonciateur, par exemple, et cela en se basant sur une analyse pragmatique des marques du discours. Finalement, P un troisiime niveau, celui du texte ouvert aux diffdnntes interpretations possibles, nous pouvons envisager la combinaison de differentes instances (celle de I'auteur, du lecteur, du narrateur, etc.) afin de deduire le sens de I'enonck, celui des sequences, et par consc5quent le sens vise du texte.
Message Linguistique
Smantisme
de compr6hension Au niveau des combinaisons
ler niveau : interpretable
d' instances Simple
L
Complexe 1
2e niveau (micro et macro) 3e niveau : texte ouvert
-3 3
Lrmite et upport de iu conception du sujet puriunt
D'apres ces demieres remarques, et d'autres avancees tout au long de notre travail, nous pouvons confirmer que le sujet parlant s'inscrit par des procedes de la structure l inguistique. Pour decrire son statut, il est necessaire d'effectuer une
analyse detaillk de la macro et de la micro-structure du texte. Mais on devrait tout de mime, recomaitre qu'il existe certaines relations entre differentes instances du
discoun non envisagees par la linguistique; ces relations peuvent ttre dkcrites par d'autres types d'etudes qui ne relevent pas de la linguistique (approches historiques, sociologiques, etc.). Certaines dimensions qui peuvent servir des complements a la description du statut du sujet parlant ne sont pas donc integees dans notre travail.
En voici quelques exemples.
La thkoorie i n f k e n t i e ~ l e ~nous ~ j parait interessante, et peut s'integrer a d' autres recherches. Plus prkisement, I 'analyse procedurale qui se propose comme
j4jVoir les t
r a m de Luscha a de M-hler,
pow ne citer que ces deniers.
instructionnelle et infdrentielle, en pennettant d'expliquer les variations des formes dans le systkme Iinguistique et dans les descriptions pragmatiques peut s'adrer utile dans d'autres types de textes. Le champ lexical peut aussi &re exploit& par exemple par 1' analyse de certaines catigories de m6taphore ou de formes lexicales qui jouent un
r6le dans 1'6tabIissement des liens entre les diffdrentes instances du discours. Par ailleurs, les dimensions psycho~ociales~~6 (ou psycholinguistiques) peuvent etre interessantes pour l'analyse de certains faits textuels propres 21 cette
question.
Pour d'autres types d'analyse ces dimensions peuvent etre intdressantes quant B la description du sujet parlant et quant h la compdhension du discours littiraire. mais une approche ne peut tout integer. En effet, la mise en lumiire d'un aspect du sens se fait souvent au prix de la pkcision d'un autre aspect. L'Cclairage d'une facette laisse
une autre dans I'ombre.
546
C o m e celle de Charuudeau, qui s'intdrcsse lui aussi h la notion du sujct parlant.
3.1. Regard sur la pertinence du cadre theorique et du modkle proposi
La perspective pragmatique de l'analyse du discours nous parait un outil parfaitement adiquat pour la comprehension du discours littiraire. Ce cadre thtorique nous a permis d'tlargir notre champ d'intiret, d'exploiter diffirents champs de I'analyse textuelle. de la pragmatique et de la iinguistique, et d'irudier des ClCments tentuels peninents i la lecture d'un texte et ii la comprehension du processus d'enchninement et d'in terpretation.
Nous avons pu ainsi integer ce que cette approche peut exploiter, en utilisant des apparei 1s mCthodologiques adaptes aux besoins de la recherche. Dans l'idhl, comme nous l'avions dkji explique dam le second chapitre. et cornme nous l'avons applique dam I'analyse du corpus, les diverses entries par cette approche doivent s'iclairer et se corriger mutuellement. La description du statut du sujet parlant, conjointement i l'analyse des difficultis de lecture, releve de diffkrents critkres du modble proposC, pertinents ou
non seion la situation d'knonciation. Les notions de voix et d'instances du discours peuvent etre difinies d'apres divers critkres, pertinents ou non selon la situation d'dnonciation. Certains d'entre eux
sont d'ordre argumentatif (effet perlocutoire crt% par une construction pol yphonique
ou par le processus d'enchainement argumentatif), d'autres d'ordre enonciatif (source de l'enonciation). fonctionnel (rapport de place (( theme - rheme D). lexical (adverbe et metaphore347),ou enfin cohesif (marques du discours).
Le modele propose a tente de combiner des analyses macro- et microcontestuelles. La section suivante fournit les motifs de notre demarche.
3.2. Analyse macro-et rnicro-contextuelle : me methode de lecture
Dans la these de Richard Patry, une des questions laissees en suspens et ausqueiles il invite les chercheun a repondre est la suivante : . . .la question de I'unite du t e n e et de la macro-strumre narrative (nous p r k n t o n s ces questions ensemble car elks sont trks hroitement reliks) pourrait apponer des solutions dberminantes pour I'analyse de la cohbion, et c e particulierement au niveau methodologique. Nous avons, a maintes reprises, dans cette etude. critique I'approche mot a mot utilisie dans la documentation exinante . . 34
Notre these a essaye, en fait, de repondre a cette question, et cela en tentant de waiter la question de I'unite de texte, celle de la coherence discursive de I'awre en fonction des domes macro-contextuelles narratives et celle des elements linguistiques macro- et micro-structurels. Rien a priori ne permettait de justifier une telle approche.
Cenains indices peuvmt prouver la p r k n c e d'une xconde voix qui n ' w pas cefle du locuteur, cornrne ceux que nous avons relev&. RappeIons-les : des adverbes qui suggerent une sensation que le locuteur ne peut pas eprouver, des mtitaphores, des descriptions faites d'un autre d, la position du regard she a niveau different de ceIui du locuteur.
j4'
'"
Patry, 1985, p.377.
Ceci dit, un certain nombre d'arguments justifient ce traitement macro- et microcontextuel pragmatique. Le premier argument tient a la necessite de completer les informations linguistiques par des informations non linguistiques mais necessaires au traitement de I'enonce.
La seconde justification est d'ordre empirique. Travailler sw les marques rkferentielles, les temps verbaw, les connecteurs ou la progression t h ~ r n a t i ~ u e j ~ ~ implique la prise en compte de la contribution spticifiqw de ces marques. ~tudierla repartition macro-contextuelle narrative ou thematique demande le recours a ceae structuration. I1 serait a ce titre etrange de refuser la spticificite de chaque marque linguistique quant a son sens. Mais cela n'implique pas I'adoption
des
theses linguistiques ou
narrato1ogiques5j0 d' une faqon di ssociee. A certaines marques discursives et a cenaines structures narratives s'associe une instruction, souvent compiexe, dont la caracteristique principale est d'indiquer l*acces a u informations contextuelles necessaires a la comprehension de l'enonck, de la sequence, et par la suite du texte. I1 s'agit donc de savoir comment articuler les differentes approches pour decrire le smut du sujet plant.
Ainsi, en nous basant sur les resultats des analyses effectuees, nous pouvons indiquer qu'on devrait plutBt se situer dans un cadre pragmatique et non seulement linguistique car, comme nous le savons, le domaine de la linguistique ne peut aller L'analyse de la progression thhatique fait I'objet pour la premikre fois, I notre connaissance. d'une approche pragmatique. 'jO Les dtypes de t h k (linguistique et narratologique) ne se placent dvidemment pas sur un mZme plan; nous ne pkentons ici que none position par rapport a l'analyse temelle.
au-dela de la signification conventiomelle des expressions et des phrases. Les relations entre faits linguistiques et faits non linguistiques n'appartiennent pas a son objet. ce qui n'est guere contestable. Cependant, la conception pragmatique refuse que l'etude des marques du discoun puisse a elle seule faire la pan de la
contribution l inguistique et celle de la contribution non linguistique au sens de 1'Cnonce. L'explication de l'enonce ne doit pas se fonder uniquement sur les donnees linguistiques foumies par ce demier car, comme nous I'avons dejh note dans notre introduction, la continuite textuelle, la coherence du texte, peut are assuree par des elements macro- et micro-contextuels, cornme elle peut etre assuree par la
connaissance generale du rnonde. Dans tous les cas, I'analyste Fait appel a des donnees extra-linguistiques sous forrne d'infonnations contextuelles. I1 n'en reste pas rnoins que la linguistique derneure necessaire et que son rde est important pour
la pragmatique.
Toutefois, la tiche de I'analyse de discoun dans une perspective pragmatique, devenue maintenant3jt la &re, est l'explication du processus de comprehension de I'enonct ce qui n'est pas strictement du ressoR de la linguistique. La necessite s'impose d'une analyse qui depasse le traitement purement ou
uniquement linguistique pour porter sw la fonction pragmatique de certaines parties du discours, precisement celles des marques du discoun.
La conclusion qui s'impose ici est Cvidemment la suivante : le mod6le proposi est une approche d'analyse textuelle pragrnatique ouverte, dans le sens oh il ne s'agit pas d'un systeme clos, mais d'une methodologie d'analyse qui peut s'adapter au texte etudie et aux besoins du chercheur qui l'utilise. Autrement dit, le modele demeure
flexible, et on peut y ajouter d'autres contributions thioriques tout en restant dans un
cadre qui permet de traiter la macro- et la micro-structure du texte sur un plan pragmatique. Nous espirons avoir montre que la lecure de I'axvre litttraire et la description du statut du sujet parlant peuvent se faire dans le cadre de I'analyse du discours dans une perspective pragmatique. On voit en effet
I'intiret de la combinaison de
differentes approches dans une conception fonctionnelle et dynamique du discours qui permettrait de saisir les differentes dimensions de I'oeuvre litteraire. Au cours de notre etude, nous avons discutk des lirnites de certaines des
approches mCthodologiques utilistes (la rypologie narrative et la thiorie de l'tcole de I'inonciation). Nous avons prtsente dam cette etude des propositions qui permettent de resoudre les probltmes de I'etude des instances dans le discours littdraire. Nous avons essay6 de rnontrer comment ces deux approches peuvent s'articuler afin de decrire differents aspects de la structure des instances du discours.
La solution i ces problbmes a Ctk prdsentde au c o r n du travail, car il s'agissait d'une solution d'ordre typologique et ontologique : pour tviter les lirnites de la
typologie narrative, nous avons dQ dipasser la conception communicative de Gerard Genette et prendre en considhation la polyphonie du discours littirairr. Nous avons donc propost5 d'appliquer la thiorie de la polyphonie de Ducrot, qui a perrnis de lstinguer entre !'instance du locuteur et celle de l'tnonciateur dans un meme CnoncC. Cela n'a pas rksolu tous les problemes; c'est pourquoi nous avons propose un tlargissement de la perspective par l'analyse du discours, afin de detecter d'autres formes de presence et d'ttudier I'emploi pragmatique des marques du discours en lien etroit au statut des instances du discours (les connecteurs, les temps verbaux, I'expression referentielle et la progression thematique et rhematique). La solution par rapport au probltme ontologique a et6 apportke par la ddt5finition de la polyphonie du discours Iittkraire et du statut des instances du discours. D'autre part, nous avons rnontre que la definition courante de certaines marques du discours etudiees ne repondent pas adiquatement aux besoins de l'analyse textuelle, plus spicifiquement celle de l'expression dfbrentielle. Tout au long de notre travail. nous avons tenti de trouver une definition adequate qui pennette de r6pondre aux questions soulevees par certains emplois. Nous prksentons une nouvelle conception pour I'etude des expressions rkfirentielles en particulier et celle des marques du discoun55~en general. Nous soutenons. en effet. que les marques etudiies dam ce travail (toutes les marques, non seulement l'expression rkfirentielle) devraient Cue traitkes dam une perspective pragmatique qui ne se lirnite pas aux donndes linguistiques. Une approche des marques referentielles ne saurait etre une approche linguistique de la refkrence :
552 Rappelons ici que le theme et 1e rh&mesont considCrC comme marquage du discours; ils ont.
rappelons-le, un statut linguistique, et nous ajoutons ici qu'ils jouent aussi un r6le pragmatique relit5 au statut du sujct pariant.
elle doit Otre une thborie pragmatique du processus d'attribution d'un dferent aux marques kfdrentielles utilisant une ou plusieurs appmches de la dfdrence. D'aprks nos r6sultats, nous pouvons indiquer que ce n'est pas I'expression referentielle elle-meme qui est diictique ou anaphorique, mais I'usage qui en est fait. ce qui s'applique evidemment aussi aux marques temporelles. Cellesti ont une visie pragmatique pennettant de produire des effets rhetoriques ou des effets de sens, notamment quant au point de vue adopt6 dans I'bnoncd. Rappelons rapidement que dans cenains cas, l'expression riferentielle doit etre considbree comme diictique,
tandis que dans d'autres cas elle devrait Btre consideree comme anaphorique (voir
I'exemple des Fous de Bossan. le dcit de Nicolas Jones).
Nous dirons donc que les marques du discours553 se caractkrisent par I'absence d'autonomie inf6rentielle554. Elles sont en quelque sorte inf6rentiellement vides, ce qui invite en effet i les investir en fonction du but que l'on cherche B
atteindre : il ne s'agit pas d'expliciter la place et le r6le dans la langue des tldments concemes, mais de les integer dans une demarche qui vise B tclairer un des aspects de
I'usage de la langue. Dans cette mesure. la description du statut du sujet parlant ne
saurait etre dicrite independamment de I'usage des faits de langue. Nous qualifions donc de pragmatiques les marques du discours. Elles assuremt cette fonction en livrant des instructions et en guidant l'interprt5tation des skquences ou des Cnoocds (selon le type de marque) dans lesquels elles apparaissent. En les
553 Rapplons que la rdpartition macro-contexruelle narrative a t bask, e l k aussi. sur des tlCmcnts linguistiques. 554 Cenaines ttudes sont en coun dans ces domaincs. justement dvls la perspective pragmatique :cf. k s travalllt de Luscher, de Moeschler, pour ne citer que ces dernicrs.
analysant selon cette perspective, nous acctdons awr instmctions lites B ces marques et propres au sujet par!ant. Nous avons tente de pksenter une etude qui consiste B changer de perspective face i la description du statut du sujet parlant et qui permet d'envisager le discours
romanesque cornrne un discours polyphonique oh plusieurs instances se combinent dam une structure polyphonique et fonctionnelle pour former le tissu de I'auvre. Nous espkrons avoir montri que I'unicid du sujet parlant est illusoire et qu'il existe au sein du discours des instances polyphoniques et fonctionnelles (P.N, NA,
SD.D,L. A. ...), dont la combinaison ou le melange nklise I'Cnonce romanesque. Si on exclut de I'aeuvre litt6raire ces instances. on ne p o w tirer du texte ce qu'il ne livre pas d'emblte mais presuppose, promet, sinon implique.
Soulignons ici que le discours littenire que nous avons exploit6 pour acc&r il une description de la notion de sujet parlant faisait partie d'un champ textuel a i s riche. Ce corpus etait en effet notre support : le discours littiraire hi-mtme Ctait pour nous
I'objet d'etude. Nous avons tente de voir le travail de la langue dans les textes analyses par une pragmatique discursive. Cette lecture du discours littkraire a ete abordee 2 partir de la description du statut de ses instances du Bscours, reflexion construite sur les ddments macro- et micro-contextuels du discours. Cela montre 2 1'8vidence que la lecture approfondie d'un texte ne peut se passer. en effet, d'une Ctude du statut du sujet parlant afin d'dtablir les relations d'interfkrence entre les differentes instances du discours. Pour le lecteur, ces relations sont simples : celui qui parle, c'est celui qui est design6 par Je. Le modele proposd a tentk de dicrire ces relations d'une maniere plus approfondie, et a essay6 de pdsenter
une lecture que nous avons appelee une
(c
lecture pragmatique M qui se situe B un
niveau analytique du discoun littkraire. Ce qui est objet pour Ie lecteur est moyen pour I'analyste. plus pricisCrnent pour Ie linguiste. L'interpretation est pour le linguiste un moyen, un instrument, alon que pour le lecteur, c'est un objet
j.
constituer. ou un
objet h Cvaluer. Nous croyons que le propos de I'analyse est de diceler le projet texruel et de dire par quels moyens ce demier se dtploie. Le travail de I'analyste consiste i digager le sens du texte. ou plutbt le sens vise du texte. L'originalitC de I'euvre littirake est en effet le produit des relations d'infirence etablies entre les diffkrentes instances du discours. La lecture ne peut se passer de la description de ces aspects, du statut du sujet parlant.
Cette attitude face aux relations d'interference entre les instances du discours contribue h une meilleure approche de la lecture et en permet une cornpr6hension plus approfondie et plus adkquate.
Rkfbrences bibliographiques
L'ensemble des textes theoriques a ete regroup6 pour faciliter la consultation des references, indiquCes dans le texte de la these p a . leur date de publication. Ce
choix a pour conskquence inevitable une indifferenciation entre ouvrages d'orientations divenes. La lisibilitk d'un classement alphatktique a toutefois semblC preferable i une classification impliquant toujoun quelques &limitations arbitraires.
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