Cas pratiques de droit pénal Cas n°1 :
En 2002, la SARL COROLLA a été constituée par trois associés. Le gérant est M. GENDRE. Aucun commissaire aux comptes n’a été nommé. Le 15 décembre 2009, le tribunal de commerce a déclaré la SARL en liquidation judiciaire, et le juge commissaire a transmis au procureur le rapport établi par l’administrateur faisant état de graves irrégularités. Le 15 janvier 2010, le procureur a saisi le juge d’instruction pour une information judiciaire contre M. GENDRE et ses associés. Des experts ont été commis et ont constaté que des travaux ont été réalisés gracieusement durant l’été 2008 par la SARL dans la maison de campagne du maire de la commune de X pour un montant de 45 000 €, cela ayant permis d’obtenir un marché de réfection de bâtiments municipaux pour une somme totale de 250 000 €. Monsieur GENDRE et le maire se sont rendus coupables de corruption.
Questions :
Quelles sont les autres infractions ? Caractériser ces infractions Par quel(s) auteur(s) ont-elles été commises ?
Corrigé Cas n°1 :
1. Abus de biens sociaux • •
Elément légal : L 241-3 Code de commerce Elément matériel :
- Usage de biens de la société Il peut résulter d’actes positifs, tels l’appropriation ou la dissipation de biens sociaux mais également, comme l’a admis la Cour de d e cassation, d’une omission d’agir. L’usage des biens va s’entendre de tout ce qui appartient à la société, qu’il s’agisse de biens meubles, corporels ou incorporels, ou d’immeubles, que l’entreprise soit propriétaire ou simplement locataire. - Dans un intérêt contraire à la société Dans notre cas, l’acte s’il paraît positif dans l’immédiat (obtention d’un marché) compromet
l’avenir de la société en lui donnant une mauvaise réputation et lui fait courir le risque de sanctions pénales et fiscales. - A des fins personnelles C’est la recherche d’un intérêt personnel, d’un enrichissement matériel ou moral, qui sera direct lorsque le dirigeant s’enrichi seul au détriment de ses associés, soit pour son compte personnel, soit pour celui d’un tiers, et qui sera indirect si le délit a pour but de favoriser une société ou une entreprise dans laquelle le dirigeant est intéressé directement ou indirectement En l’espèce l’intérêt personnel réside dans la volonté d’entretenir de bonnes relations avec un tiers, afin d’obtenir un marché pour la société dans laquelle le gérant a des parts. Elément moral : mauvaise foi • Auteur M. GENDRE • 2. Recel d’abus de biens sociaux • • • •
Elément légal : L321 code pénal Elément matériel ; détention de biens provenant d’un délit (montant des travaux) Elément moral : mauvaise foi : l’auteur agit sciemment Auteur : le maire
Cas n°2 :
La société anonyme ANGEL est spécialisée dans la conception de logiciels de gestion de la clientèle des professions médicales. Son activité est en pleine expansion. Le président du conseil d’administration, M. LANGON est un dirigeant très dynamique mais depuis quelques mois, il a des difficultés dans sa vie personnelle. Il a de plus en plus tendance à confondre le patrimoine social avec son propre patrimoine. Acculé par ses créanciers, il utilise des fonds de la société pour payer une dette d’un montant de 50 000 €. Le commissaire aux comptes, M. DUVAL constate, lors de sa mission, cette malversation sans pour autant aller au-delà de cette observation. A la suite de rumeurs, une enquête préliminaire a été ouverte par le Parquet local et M. LANGON a été placé engarde à vue dans le cadre de cette enquête.
Questions :
1. Dans cette affaire, quelles infractions ont été commises ? 2. Une mise en garde à vue d’un auteur présumé d’infraction est-elle légale au cours d’une enquête préliminaire ?
Corrigé Cas n°2 :
1. a. Abus de biens sociaux • •
Elément légal L 241-3 code de commerce Elément matériel :
- Usage de biens de la société Il peut résulter d’actes positifs, tels l’appropriation ou la dissipation de biens sociaux mais également, comme l’a admis la Cour de cassation, d’une omission d’agir. L’usage des biens va s’entendre de tout ce qui appartient à la société, qu’il s’agisse de biens meubles, corporels ou incorporels, ou d’immeubles, que l’entreprise soit propriétaire ou simplement locataire. - Dans un intérêt contraire à la société - A des fins personnelles C’est la recherche d’un intérêt personnel, d’un enrichissement matériel ou moral, qui sera direct lorsque le dirigeant s’enrichi seul au détriment de ses associés, soit pour son compte personnel, soit pour celui d’un tiers, et qui sera indirect si le délit a pour but de favoriser une société ou une entreprise dans laquelle le dirigeant est intéressé directement ou indirectement Elément moral : mauvaise foi • Auteurs : les personnes punissables sont le président, les administrateurs, le directeur • général (DG) et les directeurs généraux délégués (DGD)
Application : M. LANGON a commis un abus de biens sociaux caractérisé 1. b. Délit de non révélation de faits délictueux • •
Elément légal : article L820-7 du code de commerce Elément matériel
C'est la non-révélation: le commissaire aux comptes (CAC) a l'obligation de révéler les faits délictueux dès qu'il en a connaissance, une révélation tardive peut entrainer des poursuites à son encontre. Le délit est consommé par la non révélation au jour où le CAC a eu connaissance des faits délictueux. •
Elément moral
La loi sanctionne le refus de dénoncer opposé par un CAC qui a connaissance du caractère délictueux de certains faits. L'obligation de dénoncer est impérative et le CAC n'a pas à préjuger des suites de la dénonciation ni à apprécier l'opportunité de celle-ci. Application : Le commissaire aux comptes de la société en constatant la malversation commet un délit de non révélation de faits délictueux en ne dénonçant pas le comportement du dirigeant. 2. Garde à vue Article 64 code de procédure pénale « L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République. La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures. Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue. » La garde à vue dépend des seuls pouvoirs de l’officier de police judiciaire chargé d’une enquête. Il importe peu, dès lors, qu’il agisse dans le cadre d’une enquête préliminaire ou sur commission rogatoire dans le cadre d’une information judiciaire.
Cas n°3 :
M. MASCARILLE, PDG de la SA ATECH, pour faire face à une échéance difficile, tire des traites de complaisance (traites sans existence de provision) sur des tiers qui les acceptent en contrepartie de rémunérations occultes. Elles sont remises à l’escompte et leur montant sera versé à la SA ATECH, déduction faite de la commission d’escompte.
Question :
Quelle infraction pouvez-vous relever ?
Corrigé Cas n°3 :
L’escroquerie Elément légal : art 313-1 code pénal • Elément matériel : Fait d’utiliser des moyens frauduleux pour obtenir la remise d’un bien • corporel ou incorporel au préjudice d’un tiers. La présentation des traites acceptées a permis d’obtenir des fonds auprès de la banque. Elément moral : C’est une infraction intentionnelle, M. Albert a conscience de ce qu’il fait •
Cas n°4 :
Les dirigeants de la SA Hamel ont arrêté les comptes annuels de l’exercice 2009. Le commissaire aux comptes lors de sa mission constate que : Les dirigeants ont maintenu à l’actif des titres cédés et les créances irrécouvrables ; • Une facture importante concernant des travaux dans l’appartement d’un des dirigeants • figure dans les comptes de la société. Le commissaire aux comptes demande aux dirigeants de la société de nouveaux comptes annuels. La direction de l’entreprise refuse d’apporter toute modification et convoque l’assemblée générale annuelle pour le 10 juin 2010.
Questions :
1. Quelles infractions pouvez-vous relever ? 2. Quelles sont les obligations du commissaire aux comptes dans cette situation ?
Corrigé Cas n°4 :
1.
Infractions relevées Délit de présentation de comptes ne donnant pas une image fidèle
•
Elément légal : article : L 242-6 du code de commerce ; Condition préalable : infraction imputable aux dirigeants de sociétés à risque limité. Elément matériel : présentation des comptes annuels ne donnant pas une image fidèle
•
du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. Les comptes annuels recouvrent le bilan, le compte de résultat et l’annexe. La présentation concerne la mise à disposition des comptes annuels au siège social et leur communication à l’assemblée générale. La cour de cassation admet qu’il y a présentation dès la mise à disposition des documents aux actionnaires dans les 15 jours qui précèdent l’assemblée. Elément moral : Mauvaise foi exigée car le but est la dissimulation.
•
En l’espèce : les dirigeants veulent maintenir à l’actif du bilan des titres cédés et des créances irrécouvrables alors que ces éléments, n’existant pas en réalité, ne devraient pas y figurer. Les comptes annuels ne donnent donc pas une image fidèle. L’infraction sera constituée dès que les dirigeants auront mis les comptes à disposition des actionnaires, la mauvaise foi étant prouvée.
Délit d’abus de biens ou de crédit de la société • • •
•
Elément légal : article du code de commerce : Condition préalable : infraction imputable aux dirigeants des sociétés à risque limité. Elément matériel : l’usage par les dirigeants de biens ou de crédit contraire à l’intérêt social et à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle les dirigeants sont intéressés directement ou indirectement. L’usage des biens (ou actes de disposition) ou de crédit procure un avantage matériel ou moral au dirigeant et est contraire à l’intérêt social, c’est-à-dire qu’il prive la société de ressources ou fait courir un risque réel ou éventuel. Elément moral : mauvaise foi exigée. Les dirigeants savent que l’usage des biens est contraire à l’intérêt social.
En l’espèce : un des dirigeants a réalisé volontairement des travaux dans son appartement personnel avec les fonds de la société. Il prélève des fonds pour en tirer un avantage matériel personnel car les travaux sont réalisés dans son appartement. Il prive la société de ressources ce qui est contraire à l’intérêt social. Il commet un délit d’abus de biens sociaux.
2. Responsabilité du commissaire aux comptes Le commissaire aux comptes a l’obligation de révéler au Procureur de la République tous les faits délictueux qu’il découvre lors de sa mission. Il s’agit de faits délibérés et significatifs qui ont une incidence sur les comptes. En l’espèce : les deux infractions démontrées constituent des faits délictueux que le commissaire aux comptes doit révéler au Procureur. A défaut, il pourrait voir sa responsabilité pénale engagée.
Cas n°5 :
M. Alain est dirigeant de la société mère d’un groupe de sociétés d’achat et de vente de véhicules automobiles. Il a organisé un circuit de ventes fictives à l’exportation et obtenu du Trésor public de 2007 à 2009, le paiement d’une somme de 42 millions d’euros, en remboursement des taxes jamais décaissées. A cette fin, il a produit, auprès du Trésor public, grâce à des documents contrefaits ou falsifiés, des déclarations mensuelles de chiffre d’affaires comptabilisant des crédits fictifs de TVA. Le commissaire aux comptes avait connaissance de ces faits, néanmoins il a certifié les comptes annuels.
Questions :
Quelle (s) infraction (s) a (ont) été commises : 1) par Monsieur Alain ? 2) par le commissaire aux comptes ?
Corrigé Cas n°5 :
1. Infraction(s) commise (s) par M. Alain 1-1Délit d’escroquerie Elément légal : art 313-1 code pénal • Elément matériel : • - emploi de moyens frauduleux destinés à tromper la victime : usage de faux nom, de fausse qualité, emploi de manœuvres frauduleuses (intervention d’un tiers, production de faux documents, mise en scène) -tromperie en vue d’obtenir la remise de la chose convoitée -au préjudice de la victime ou d’un tiers Elément moral : l’auteur a la volonté d’enfreindre la loi pour atteindre le résultat • prohibé. L’auteur doit avoir utilisé en toute connaissance de cause les moyens frauduleux en sachant qu’ils ont déterminé la victime à lui remettre son bien. Application M. Alain a établi des fausses déclarations de TVA dans le but d’obtenir un remboursement de taxes jamais décaissées. Il a causé un préjudice au Trésor public qui a versé la somme de 42 millions d’euros. Le dirigeant avait conscience du caractère frauduleux des fausses déclarations de TVA étant donné les sommes qui ont été versées.
1-2 Faux et usage de faux : ces infractions ne seront pas retenues par le juge pénal en vertu du concours de qualification : le faux et l’usage de faux constituent les moyens frauduleux de l’escroquerie. Les candidats qui n’auraient retenu que le faux et l’usage de faux se verront attribuer les points affectés à l’emploi de moyens frauduleux et au préjudice en résultant. 2. Par le commissaire aux comptes 2-1 Délit d’informations mensongères Elément légal : art L820-7 du code de commerce • Elément matériel : fourniture ou confirmation d’informations mensongères sur la • situation de la société Elément moral : mauvaise foi du commissaire aux comptes • Application La certification des comptes annuels inexacts a été réalisée par le commissaire alors qu’il avait connaissance des actes frauduleux. 2-2 Délit de non révélation de faits délictueux au Procureur de la République Elément légal : art L820-7 du code de commerce • Elément matériel : absence de révélation dans un délai raisonnable de faits délictueux au • Procureur Elément moral : mauvaise foi du commissaire aux comptes • Application L’escroquerie constituée a une incidence sur les comptes annuels ; dès lors, les faits délictueux commis par le dirigeant de la société et connus par le commissaire doivent être dénoncés
Cas n°6 :
Paul Piert est gérant de la SARL SMB, entreprise de bâtiment et actionnaire de la société SA RAR qui a pour objet la conception de structures métalliques. En tant que gérant de la SARL, Paul PIERT accepte de payer les factures reçues de la société RAR alors que les études commandées n’ont jamais été fournies par cette dernière. Par ailleurs, il faut construire, par le personnel de la SARL SMB, un garage attenant à la maison de sa sœur sans facturer le montant de ces travaux.
Questions :
Qualifier pénalement les agissements 1- De M. Paul PIERT 2- De la société RAR 3- De la sœur de M. PIERT
Corrigé Cas n°5 :
1. Délit d’abus des biens ou du crédit de la société :
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Élément légal : art. 241-3-4° C. Commerce Élément matériel : fait pour le gérant de faire des biens ou du crédit de la société un
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usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une société ou une entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement. Élément moral : la mauvaise foi est exigée.
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Application : M. Paul Piert a fait payer par la SARL dont il est le gérant, des factures qui ne correspondent à aucune prestation. Il a donc utilisé les biens de la société dans l’intérêt d’une société dans laquelle il est intéressé directement. Il a aussi utilisé les biens de la société à des fins personnelles en lui faisant supporter des travaux effectués gratuitement au profit de sa famille. Il peut donc être poursuivi pour abus des biens ou du crédit de la société.
Remarque : Ne pas accepter d’autres qualifications pénales que celle d’abus de biens sociaux. Si le faux en écritures comptables est invoqué, dans ce cas, cette qualification n’apporte ni n’enlève aucun point.
2. Délit de faux et usage de faux : • •
Élément légal : art. 441-1 Code pénal Élément matériel : constitue un faux -
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toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice réalisée sur un support valant titre ou preuve d’un droit. Élément moral : l’intention frauduleuse est exigée.
Application : La société RAR a établi de fausses factures puisque les prestations étaient fictives. Elle sera poursuivie pour délit de faux et usage de faux.
On admettra également ici la qualification de complicité d’ABS 3. Délit de recel : • •
Élément légal : art. 321-1 C. pénal Élément matériel :
- le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. - Ou le fait de bénéficier du produit d’une infraction. (C’est ici le cas d’espèce) Élément moral : l’auteur du recel doit avoir connaissance de l’origine de la • chose. Application : Le garage construit au profit de la sœur de Paul Piert provient de l’abus de biens sociaux réalisé par celui-ci. La sœur du gérant, qui ne peut ignorer cette situation, sera donc poursuivie pour recel d’abus de biens sociaux.
Remarque : La complicité ne sera pas ici retenue, la sœur ne participant pas à la commission de l’infraction d’ABS