TIJDSCHRIFT VAN
HET
NEDERLANDSCH GENOOTSCHAP VOOR
MUNT- EN PENNINGKUNDE ONDER
DE
ZINSPREUK
„Concond'ia res parvae
crescunt"
TE
AMSTERDAM
7
e
Jaargang
AMSTERDAM
G. THEOD. BOIvI E N ZOON 1899
Que sait-on de la plage de Dombourg?
INTRODUCTION. Walcheren, l'île principale de l'archipel zélandais, a de tout temps attiré l'attention des savants et des poètes, Pittoresque" et charmante dans toutes ses parties, elle a été le sujet d'études curieuses pour les archéologues et pour les numismatistes, car elle leur a permis d'examiner une foule d'antiquités précieuses, qui étaient découvertes sur une partie de son littoral. Sans mentionner les ouvrages sérieux et savants écrits aux siècles précédents, on peut remarquer que plusieurs auteurs néerlandais ont traité de nos jours des fouilles faites sur cette terre historique. Ces articles, écrits dans une langue peu connue en Europe, n'ont pour la plupart pu être appréciés des savants étrangers., i
6 C'est pourquoi nous avons cru bien faire en donnant dans cette revue un aperçu des découvertes faites depuis 1647, dans le but de modifier les opinions erronées que plusieurs numismatistes étrangers s'étaient faites sur l'endroit et sur la nature même des trouvailles. Nous sommes en outre heureuse de pouvoir enrichir l'histoire des fouilles de quelques observations inédites faites par feu J. F . FREDERIKS d'Oostkapelle.
Cet amateur du pays s'est en 1866 occupé sérieusement de ces restes intéressants, juste à l'époque, où à cause du reflux de la mer, un cimetière ancien entouré de restes d'habitations est devenu visible. Actuellement ces derniers vestiges d'habitations anciennes ont disparu. N OLis avons divisé notre article en deux parties. Dans la première nous ferons un récit des découvertes de pierres votives, de sépultures et de restes d'habitations. Dans la seconde nous nous occuperons des monnaies. § 1.
Si on jette les yeux sur une carte géographique de l'île de Walcheren, on remarque qu'une petite partie de la plage actuelle est placée plus en avant vers la mer. Cette portion se trouve en face du village de West-
7
kapelle, localité protégée par une longue digue, rempart remarquablement bien établi, qui jouit d'une réputation européenne. En suivant la plage vers le nord, ou en regardant du côté de la côte méridionale, on s'aperçoit que la mer a considérablement empiété sur le littoral et qu'elle s'est avancée vers l'intérieur du pays. Ces changements de la côte ne se sont pas opérés à l'improviste. Plusieurs siècles au contraire ont été nécessaires pour amener cette transformation. L a mer, avec une inépuisable patience, a rongé le sable des dunes, pas à pas elle a avancé. Les hautes marées d'équinoxe attaquant de temps à autre forcément les dunes, les ont décomposées. Une quantité de sable est alors devenue mobile, puis enlevée" par les vents, elle s'est répandue inégalement le long de la plage et du pays. Ce sable fut augmenté encore par celui que les courants amenaient vers le rivage dans l'eau peu profonde. Quand il faisait un fort vent du nord tous ces amas de sable étaient poussés du côté de la terre sous forme de poussière, et donnaient autrefois naissance à de nouvelles rangées de dunes. Ces amas de sable situés près de D.ombourg ont été rongés par la mer, et puis
8
repoussés vers l'intérieur des terres. Une preuve incontestable de la vérité de cette théorie est fournie par la présence sur la plage de la couche de terre argileuse, alluvion, qui subsistait sous les dunes des temps passés. L a rangée des dunes actuelles a reculé vers - la terre au-delà des terrains dans lesquels on a découvert les vestiges de sépultures et de demeures. Mais toutes ces dunes ne se sont pas simplement reculées, elles ont été en outre partiellement enlevées par les flots. En consultant les cartes anciennes ayant rapport à la Zélande, i) on s'aperçoit qu'une rangée de formidables bancs de sable entoure notre île du côté de la mer. Il est certain que les bancs de sable qui se sont formés, occupent des emplacements qui constituaient autrefois l'île elle même. La rangée des dunes anciennes était placée plus en avant vers la mer. Mais ces masses de sable ont été successivement rongées par le flot et elles ont peu à peu reculé partiellement sous l'influence du vent. A l'exception des fouilles faites près de Dombourg, aucun autre endroit de la côte occidentale n'a fourni quelque monument i) E. a. celles de Smallegange, de Nicolas J. Visscher, éditée par la Veuve Ottens, de Jacob van Deventer, de l'an 1 5 7 0 , etc.
9 remontant aux dix premiers siècles de notre ère. Sauf un seul triens mérovingien i) trouvé sur la plage de Zoutelande, toutes les monnaies rencontrées sur les parties du littoral, autres que les environs de Dombourg, sont postérieures au X V siècle. Westkapelle cependant peut se vanter d'être une des communes les plus anciennes de l'île. M E L I S S T O K E , le poète renommé, nous raconte, que S T . W I L L E B R O R D , missionnaire fameux du V I I siècle, en arrivant à Westkapelle sur l'île de Walcheren, y détruisit un autel, dédié à M E R C U R E le dieu romain. i è r a e
i è m e
Si cette tradition était vraie, l'endroit où il débarqua à Westkapelle, se trouverait situé actuellement très loin dans la mer. Il est plus probable, qu'on doit chercher l'endroit où ce fait se passa dans les environs du Dombourg actuel. Il va sans dire que les noms de ces deux localités n'existaient pas encore dans ces temps reculés. L'influence des orages n'a pas été la seule cause des changements de la côte. Il faut y ajouter les différents courants de l'eau marine, l'affaissement lent mais continu, que subit le littoral et enfin la pression que les dunes ont effectué sur le sous-sol.
i) R E T H A A N Bertoaldus,
M A C A R É I, p. 1 6 .
Triens de ffuy signé du monétaire
v
IO
C'était et c'est toujours un mouvement perpétuel du sable sur la côte nord-est de notre île. Il est certain, que les Romains, quand ils se sont installés sur les côtes de l'île de Walcheren, pour quelque but que ce fût, y ont trouvé un terrain suffisamment protégé par des dunes. Après cette courte introduction sur la nature de la plage de Dombourg, nous avons à nous occuper de l'endroit où ont eu lieu les premières et les plus intéressantes découvertes d'antiquités. C e fut au commencement de 1647. Plusieurs années auparavant, les dunes avaient été rongées par l'eau de la mer, de telle manière que le sous-sol se montra très distinctement.. A la suite d'un vent de longue durée, la mer se trouva les avoir repoussées d'une façon notable. On découvrit alors plusieurs pierres votives, dédiées (si l'on s'en rapporte à l'inscription qui y était gravée), à une divinité inconnue jusqu'alors et portant le nom de „ D e a Nehalennia." L'endroit, où l'on découvrit ces intéressants autels, se trouve du côté occidental de Dombourg. Il est actuellement assez éloigné du rivage et n'est plus jamais mis à découvert aux basses marées. On trouva, comme nous le raconte un certain M A T T H A E U S , dans sa lettre du 14 janvier 1647, le sol d'une petite mai-
'
11
sonnette (een klein rond huysken) sur lequel on constata l'existence de fûts de colonnes en pierre calcaire. L a longueur de ce petit bâtiment mesurait de 12 à 13 pieds. Notre planche I fait voir l'emplacement probable de ce temple, aux environs duquel on ramassa plusieurs monnaies romaines, 1) de petites lampes, etc. Plus tard, on retrouva la partie principale de ce sanctuaire. Les pierres votives enfoncées dans le sol furent exhumées à grands frais, grâce aux soins des Autorités de l'île de Walcheren et de différentes personnes notables. Elles furent transportées à Dombourg, où on les emmagasina dans l'intérieur de l'église communale. Il paraît que le transport de ces pierres avait amené des difficultés entre les Autorités de Walcheren d'un côté et le magistrat de Dombourg de l'autre, car les archives de cette commune, conservent la copie d'un contrat, dans lequel le représentant de Dombourg promet de payer aux Autorités sus-dites la somme de 40 livres flamandes comme dédommagement des frais de transport. L e magistrat promit en outre de présenter à M . K N U Y T , le conseiller de S. A . le prince d'Orange. Seigneur I) M A T T H A E U S dit qu'une des monnaies romaines portait le buste impérial et de l'autre côté un château, qu'il croyait, assez naïvement, être celui des armoiries de Dombourg!
12 de Dombourg, toutes les monnaies ou médailles qu'on avait ramassées en déterrant les pierres votives, i) Les Autorités de l'île de Walcheren de leur côté étaient obligées de déclarer de nulle valeur les interdictions qui défendaient aux habitants de Dombourg de travailler dans les terrains des Autorités sus-dites ('s lands wercken) et qui prohibaient en outre le transport à Middelbourg du sable des dunes. Ces interdictions avaient eu pour résultat d'empêcher les habitants de Dombourg de gagner désormais leur vie. C e contrat date probablement de novembre 1647. V R E D I U S , l'écrivain flamand, fait mention de cette intéressante trouvaille, dans son Hist. Comitum Flandriae. Sur une planche qui accompagne son livre célèbre, il donne les figures de plusieurs de ces autels et d'autres débris provenant du temple romain. Il y ajoute les dessins de treize monnaies romaines, dont la plus ancienne était une monnaie de V I T E L LIUS de l'an 69, tandis que la plus récente appartenait au tyran-empereur T E T R I C U S et avait été frappée en 268. L a planche contient en outre trois monnaies mal dessinées, qui
1) H . M . K E S T E L O O . Domburg en zijn geschiedenis, page 1 3 7 .
13 ne sont que trois sceattas anglo-saxons. Il est intéressant d'observer que ces sceattas furent trouvés mêlés à des monnaies romaines. auteur
SMALLEGANGE,
qui
illustrée la
zélandais
renommé,
nous a laissé une chronique détaillée et de
planche
la de
Zélande i),
s'est
servi
de
pour l'illustration de
VREDIUS
son livre. Il ajoute aux commentaires donnés par
VREDIUS,
que lui-même avait acheté six autres monnaies romaines, parmi lesquelles se trouvaient trois monnaies de la République, dont deux, dit-il, portaient
chacune
une
tête
aux boucles très
épaisses; un foudre se trouvait au-dessous de ces têtes. L e troisième exemplaire aurait offert la représentation
d'un
édifice,
entouré de la
légende de „Tribunal scribonii". (sic.) Un demi siècle plus tard en 1705 ou 1706,1a partie principale du sol de ce temple romain fut mise à nu. Cette nouvelle partie, située au sud de la chapelle découverte en 1647, avait la forme d'un
parallélogramme.
planches
Elle était entourée de
perpendiculaires,
dont
on
retrouva
les débris et qui probablement avaient constitué les
murs. Voici la forme du temple selon un
projet
de
feu
M.
DRESSELHUIS,
2) auteur de
1) Nieuwe cronyk va,7i Zeeland, door M. S M A L L E G A N G E 1 6 9 6 . 2) J . A B U T R E C H T Zeelanders, blz. 6 1 .
DRESSELHUIS.
De
Godsdienstleer der aloude
H
plusieurs travaux érudits traitant de la Zélande.
entouré de pieux et de planches
perpendiculaires
Statue de la Victoire
S L e sol de cette nouvelle partie était pavé de grands cailloux' ronds et carrés. J A N S S E N , qui nous a donné la description et les planches des monuments trouvés dans ce temple, i) conclut d'après les restes de colonnes que cet édifice était construit en style romain. I) De Romeinsche beelden en gedenkstukken L. J. F. JANSSEN, met 1 9 pl. Middelburg
van Zeeland, door Dr.
1 8 4 5 , p. 3 .
15
C e nouveau local renfermait six grandes pierres votives et plusieurs autres de moindre importance. Dans le sud on découvrit une magnifique Victoire gigantesque, à laquelle le temple avait été probablement dédiée. Cette déesse était privée de tête. On pense que cette belle statue devait être placée sur un des grands piédestaux trouvés dans son voisinage immédiat. Il y a lieu de croire que cette Victoire a dû séjourner encore quelques années sur la plage avant d'être transportée à Dombourg. Un compte i) de la ville de 1 7 1 0 — 1 7 1 1 fait mention d'une somme d'argent payé à J. L O U R I S S E pour avoir transporté la statue" de la plage, (over het halen van het beeld van 't strand en voor vier dagen aan het beeld te werken, dat in de kerk staat). Il paraît que de nouvelles pierres sont ensuite devenues visibles. Aussi un autre compte communal de 1 7 1 8 — 1719 mentionne à nouveau une somme d'argent „pour travail fait aux statues qui se trouvent sur la plage." L e temple de Dombourg a permis de constater peu a peu l'existence de 26 autels dédiés l) H. M. K E S T E L O O .
Domburg
en zijn geschiedenis, blz. 1 3 8 .
i6
à N E H A L E N N I A , de 10 autres consacrés à H E R C U L E , à N E P T U N E et à la déesse B U R O R I N A , puis de 12 fragments de statues, i) L e nom de M E R C U R E n'y a pas été rencontré. On ignore même de nos jours le vrai sens du nom N E H A L E N N I A Certains savants ont cherché un rapport entre le vocable N E H A L E N N I A et Hélium, nom général donné à cette contrée. N E H A L E N N I A serait ainsi une déesse d'une colonie nouvelle établie dans la contrée dénommée Hélium. En 1891 le Prof. J. P I J N A P P E L voyait un rapport entre ce nom et celui de la ville de Nivelles. 2) C A N N E G I E T E R 3) a imaginé l'existence près de l'île de Walcheren d'un fleuve dénommé INehalen qui aurait disparu. M . le Dr. K E R N , cherche l'explication de cette énigme dans les deux mots suédois hors d'usage naera et laena, 4) qui réunis, donneraient naeralaena, ce qui veut dire : une nourrice qui procure de la nourriture. Ce qui est sûr c'est que N E H A L E N N I A était honorée des Romains comme une divinité locale, à qui on était redevable sur terre de
1)
Les
musées
de
Leyde
et
de Bruxelles renferment également
des pierres votives de N E H A L E N N I A provenant des fouilles de Dombourg ce sont les nos. 27, 28, 29 et 34 de l'atlas de M. JANSSEN. 2) Archief Z. Gen. V I I
stuk.
3) Manuscrit inédit. 4) Gedachten over de Dea Kehalennia,
een nagelaten geschrift door
Mr. L. v. D. SPIEGEL, ingeleid door Dr. H . K E R N , in Archief Zeeuwsch Gen. I V blz. 190,
17
l'abondance des chemins et du de transport — commerce et de
fruits, de l'amélioration des perfectionnement des moyens sur mer, de la protection du la navigation.
Notre intention n'est pas de ce que de savants écrivains ont sujet de l'existence de ces autels nous suffit de rappeler quelques doivent pas rester dans l'oubli.
redire tout supoosé au inconnus. Il faits qui ne
Les monuments conservés dans l'église _ communale de Dombourg, et qui par leur beauté attirèrent annuellement les étrangers vers ce village pittoresque, furent présentés au commencement de ce siècle, lors du décès du Haut-seigneur de Dombourg, par sa veuve M VAN D I S H O E C K , à Sa Majesté Louis NAP O L É O N , roi de Hollande. „Elle offrit toute la collection avec les gravures, qui en ont été faites, dans le but de la déposer au musée royal." Dans le surplus de sa lettre, elle s'exprima ainsi: „Si par suite des circonstances, „elle n'est pas libre de céder tous ces objets „à Sa Majesté d'après le voeu de son coeur, „elle prend la liberté en les offrant de se réfé„rer à la générosité de Sa Majesté." m e
L e roi de Hollande consentit à accepter ce don, par un décret du 6 juin 1809. 1) 1)
Wij
nemen de oudheden aan, welkc in de kerk te Dombtirg
worden bewaard en die bekend zijn onder dcn naam van N E H A L E N N I I .
i8
Mais les monuments ne furent pas immédiatement transportés ailleurs. Ils étaient une source de gains pour le village depuis de longues années déjà. D e plus plusieurs personnes notables en contestaient la possession tant à M V A N D I S H O E C K qu'au Roi de Hollande. L e Bureau de la société zélandaise des sciences, qui avait pris à coeur le maintien à Dombourg de ces restes intéressants, trouvés sur le sol zélandais, s'occupa spécialement de revendiquer au profit du village de Dombourg le droit de les conserver. En 1812, au cours de la discussion de ces diverses prétentions, les monuments se trouvaient toujours à Dombourg. m e
M. L A M B R E C H T S E N , qui était à cette époque président de la Société Zélandaise fait mention de la visite qu'il fit aux monuments de Dombourg dans une lettre qu'il écrivit à cette époque et que nous avons retrouvée. Cette lettre contient des plaintes sur le mauvais état dans lequel il a trouvé ces restes précieux de l'antiquité, ainsi que sur les mutilations qu'il y a constatées. „Ces monuments," dit-il, „sont „placés dans l'église entre le consistoire et Wij
gelasten
Minister
van
dragen,
welke
en
den
Landdrost
Binnenlandsche wij
aan
van
het Departement, om van onzen
Zaken
de
schadeloosstelling
voor te
de stad Domburg zouden kunnen toestaan,
om daarenboven een voorstel te doen wegens een klein gedenk-
teeken, hetwelk men in die kerk zoude oprichten om het aandenken aan die oudheden te bewaren.
Dr. C. L E E M A N S . Nek. altaar. 1 8 7 1 .
,,1'escalier des seigneurs dans le passage fréq u e n t é par le public à l'occasion de chaque „exercice du culte. Quelques uns de ces autels „ont une couleur verte, comme s'ils avaient „été placés sous la fente d'un conduit pour ,,1'écoulement des eaux. D'autres portent les „traces de lavages à l'eau de chaux. Mais cette „eau de chaux a occasionné un dépôt d'une „telle épaisseur qu'on a beaucoup de peine à „lire les inscriptions. Des noms de visiteurs „ont été écrits au crayon et même parfois „gravés avec un morceau de fer quelconque „sur d'autres pierres." M. L A M B R E C H T S E N tâcha d'obtenir un meilleur emplacement pour ces monuments précieux. Il y réussit partiellement. En 1843, les pierres furent renfermées dans le Choeur de l'église, dont l'accès était interdit au public. Mais cet archéologue zélandais ne put obtenir la réalisation de ses désirs qui consistaient à faire élever un petit temple de style gothique au commencement de la grande route de Westkapelle, pour y placer tous ces restes de temps anciens. Les dépenses, nécessaires pour la construction de ce modeste monument, dont il soumit le plan à Son Exc. le gouverneur de la province, devaient s'élever à 3000 florins. L e refus des Autorités de consentir à faire les
20 frais nécessaires, pour que tous ces objets fussent placés en sûreté, a malheureusement quoiqu'involontairement été la cause de leur perte irréparable. L e 10 octobre 1848, la foudre tomba sur la haute tour de l'église de Dombourg. Tous les monuments antiques furent ensevelis sous les ruines. Les fragments que l'on parvint à sauver des décombres furent conservés plusieurs années dans un jardin particulier à Dombourg. Grâce au concours énergique de l'Administration communale et grâce au bon vouloir de M . S L I C H E R seigneur de Dombourg, les fragments ont été offerts en 1866, à la Société zélandaise des Sciences. Placés dans le musée de cette société savante, ces fragments, 1) tristes débris de grandeurs anciennes, attirent l'attention des archéologues et des amateurs d'art 1)
Les caves du musée conservaient, depuis le transport en 1 8 6 6 ,
des pierres que l'on croyait privées de toute inscription ou représentation figurée. Cette opinion a été reconnue
erronée.
Grâce aux planches détaillées et très exactes de l'ouvrage du docteur JANSSEN,
il nous a été possible de reconnaître dans ces débris,
les fragments d'un autel complet, qui a été restauré ensuite, SEN,
pl. X I V
Nous
avons
également réussi à compléter certains autels a l'aide
de plusieurs pièces Les
restes
(JANS-
n". 2 5 )
des
supplémentaires. pierres,
parmi lesquelles des fragments de l'autel
figurant dans JANSSEN, pl. V I U n \ ait pu en retrouver trace.
1 6 ont ensuite disparu sans qu'on
2t
LES CIMETIÈRES. L'année 1687 ouvrit la série des découvertes de cadavres. A la suite d'une violente tempête, pendant laquelle les grands vents avaient ravagé le littoral, les habitants de Dombourg eurent la surprise, de voir sur deux côtés de leur village „tout un cimetière de cadavres" épars sur la plage. Il ne nous reste aucune description de la découverte de ce cimetière à cette époque. Grâce à un archéologue amateur, le ministre VAN DER SLOOT, qui habitait Dombourg de 1736 à 1752, et qui souvent avait interrogé à cette occasion les habitants les plus âgés de la circonscription, nous savons 1) que les cadavres reposaient dans des coffres de bois d'une épaisseur de deux centimètres. Les cercueils se trouvaient tout près l'un de l'autre et étaient remplis de sable; les têtes des cadavres étaient orientées vers l'ouest. On observait une légère différence entre les cercueils du côté nord-est et ceux situés à l'ouest de Dombourg. Les premiers étaient plus grands et semblaient construits en bois beaucoup plus épais. 1) Tegenw. Staat van Zeeland, II. blz. 2 2 3 — - 2 2 6 .
2
22 Plusieurs cadavres portaient autour du cou une chaînette, à laquelle pendaient parfois quelques monnaies On trouva un squelette avec un gobelet sur la poitrine, et un poignard à ses côtés. Ce poignard avait un manche d'argent, dont le bois était pourri par l'humidité. V. D . S L O O T ajoute que les habitants lui avaient confirmé, qu'on trouva presque toujours (doorgaans) du numéraire dans les cercueils. Pendant quelques jours seulement les tombes avaient été visibles, la mer les ayant submergées presque immédiatement. Il est à noter, que la plupart des monnaies trouvées postérieurement à Dombourg, n'avaient pas été uniquement ramassées au lieu même où existaient ces tombes ; elles se rencontraient enfoncées dans le sol dans une partie plus orientale de la plage, à l'endroit où l'on découvrit presqu'en même temps les restes étendus d'un village ancien, ruines qui en 1866 étaient encore distinctement visibles. Il est possible qu'à cette époque, ou bien qu'au cours d'une période de temps antérieure, les couvercles des cercueils aient été enlevés par la mer. Les vents et les vagues ont dispersé les petites monnaies loin des cercueils et les ont ensuite répandues le long de la plage où elles se seront perdues dans le sol. Elles seront plus tard réapparues quand
23 le flux de la iner a enlevé le sable que les tempêtes avaient apporté. Cette hypothèse permet d'expliquer les découvertes de pièces d'or ou d'argent, qui furent effectuées à quelque distance des cimetières. L e cimetière découvert en 1687, situé au nord-est de Dombourg est redevenu visible en 1749, puis en 1817. Actuellement la mer semble avoir tout fait disparaître. Ce cimetière est connu sous le nom de celui de Duinvliet, à cause de sa situation en face de la belle propriété de ce nom. Une revue néerlandaise de 1749 1) mentionne au sujet de ces découvertes ce qui suit: „On aperçut sur deux différents endroits de la plage une vingtaine de cercueils, contenant des cadavres, ayant les têtes orientées vers l'occident. Les cercueils le plus souvent de forme carrée, étaient grossièrement construits en planches de chêne, unies l'une à l'autre par des chevilles de bois ; les clous de fer y faisaient défaut. Un unique cercueil, pai"mi les autres, semblait être fait d'une seule pièce et était comme , creusé dans un tronc d'arbre." (voir la planche III). On s' efforça vainement de déterrer un cercueil. T o u s se trouvaient très enfoncés dans
1)
Maandelijksche
uittreksels
Amsterdam, Maart 1 7 4 9 P- 3 4 ' •
of
boekzaal der geleerde
waerelt.
24 le sable, ce qui avait pu être occasionné par le poids des dunes, lorsque ces dernières en reculant du côté de la terre s'étaient formées au-dessus. L a présence de couvercles sur ces cercueils fait supposer que cette partie de cimetière découverte en 1749, n' était qu'un prolongement de celui visible en 1687. Car on ne saurait admettre, que la population qui était plutôt curieuse de découvrir des trésors ait replacé les couvercles sur les cercueils II est à peu près certain que les habitants fouillèrent très minutieusement, afin de trouver quelques monnaies ou médailles, mais „le Boekzaal" ajoute irréfutablement, qu'aucune monnaie n'y fut trouvée. On pourra rappeler toutefois qu'il avait été constaté en 1687, que de petites monnaies avaient été rencontrées dans les cercueils de ce cimetière. Quant aux fouilles de 1817, elles révélèrent seulement la situation suivante : Une grande étendue de terre argileuse avait été mise à découvert le 1 septembre, en face de la propriété de Duinvliet à la suite de marées excessivement basses et d'un retrait partiel de la mer. Dans ces terres on découvrit une quantité de cercueils de bois vermoulu. Une députation de la Société zélandaise des
25
Sciences se rendit le 3 de ce mois 1) sur la plage avec l'intention d'y faire une étude exacte des différentes découvertes. Elle fut obligée de constater qu'elle était venue trop tard, les tombes avaient été foulées aux pieds, dévastées et pillées par la population. L a commission y séjourna plus de quatre heures, quand la haute marée la força à reculer. Elle ne recueillit comme trouvaille qu'une seule bague de cuivre, à laquelle étaient attachées de petites perles. C e s messieurs l'avaient trouvée dans le cercueil d'un squelette du sexe féminin. Un gobelet de verre blanc-verdâtre trouvé dans une autre tombe, avait été brisé en le déterrant. Les tombes qui avaient été ainsi examinées ont dû avoir contenu autrefois une plus ou moins grande quantité d'objets funéraires. L a commission constata que le nombre de sépultures visibles était très considérable. L e placement des cercueils n'était pas régulier. O n en voyait dans toutes les directions. Les couvercles qui doivent avoir mesuré souvent plus de sept pieds, avaient disparu partout. L a même société des Sciences avait envoyé le dessinateur B O U R J É , afin de prendre un croquis de la plage. M. B O U R J É raconte dans une lettre 1)
3
Brief van S. D E W I N D
Sept.
1 8 1 7 en brief
teerd 1 7 Sept. 1 8 1 7 .
aan den President L A M B R E C H T S E N
van
van Mr. D E K A N T E R aan denzelfden, geda-
26 datant du 8 septembre i), qu'il avait rencontré un sol très remué dans lequel il avait eu de la peine à reconnaître les cercueils. Il trouva ces derniers remplis d'ossements noirâtres. Il ne lui avait pas été possible de faire des esquisses de ce qu'il voyait à cause de l'affluence énorme de peuple qui visitait alors la plage. Un garde champêtre, envoyé de la part du Gouverneur de la province fut alors chargé d'empêcher qu'on ne fouillât la terre sur la plage. Quoique cette prescription fut très utilement prise, on comprend aisément, que la présence de cet unique représentant de la loi, qui ne pouvait être sur la place à tout instant, ne put empêcher qu'on ne fouillât les cercueils. L e s habitants de Dombourg actifs et rusés, se rendirent vers la plage dès le lever du soleil, y bouleversèrent les cercueils et enlevèrent tout ce qu'ils purent trouver. D e tout temps les habitants ont cherché à dissimuler les trouvailles qu'ils faisaient sur les plages de Dombourg. Les paysans euxmêmes ne se racontaient pas le résultat de leurs recherches. Nous même, nous avons eu fréquemment de la peine à nous faire indiquer l'endroit exact où avaient été trouvées les
i) Collection de la Zeeuwsch Genootschap.
27 petites monnaies qui nous étaient apportées. Cela se comprend d'autant plus facilement que tous ces mêmes objets étaient épars au bord de la mer et que l'on ne voulait pas révéler le nom de celui sur la propriété duquel étaient faites les découvertes. Les paysans craignaient d'être obligés de partager avec le propriétaire légal du terrain le profit de leurs trouvailles. C e cimetière de 1817 se trouvait à une distance d'environ 900 mètres de Dombourg. Quatre ou cinq cents mètres le séparaient de celui découvert en 1832. Ce dernier cimetière situé à l'est de celui de 1817, et connu vulgairement sous le nom de celui de Westhove, est le dernier qui nous reste à mentionner. Il redevint visible en 1835, puis en 1840. Depuis 1850 il se découvrit régulièrement à chaque marée très basse, jusqu'en 1867. Après cette dernière date il fut submergé par la mer. L e cimetière de 1832 a été l'objet d'une étude de feu M. J. F R E D E R Û C S d'Oostkapelle, qui personnellement a décrit la plage telle qu'il la vit en 1866. Les notes qu'il prit à ce sujet, sont devenues la propriété de mon père, le docteur J. C. D E M A N . Mr. D E M A N à souvent visité la plage pour ses études craniologiques et il a pu constater que les renseignements et les croquis dessinés par M. F R E D E R J K S sont généralement exacts.
28
Les indications qui suivent sont extraites pour une partie du manuscrit de cet amateur régional. L e cimetière visible en 1866, était entouré d'une haie de troncs d'arbres et de palissades, dont les traces étaient parfaitement reconnaissablés. Sa longueur était de 325 pas et sa largeur de 70 II était orienté de l'est à l'ouest. En 1832, on distingua dans la haie deux gros troncs d'arbres, placés à une certaine distance l'un de l'autre, qui semblaient constituer une porte d'entrée. Cette porte était placée à l'ouest du cimetière. En 1866 elle n'était plus visible. D u côté opposé, on aperçut de même deux troncs d'arbres isolés, qui cependant ne paraissaient pas former une porte. Des pieux de chêne constituaient la palissade, ils avaient une grosseur de 4 à 5 centimètres sur un côté tandis que leur largeur sur l'autre face était souvent de 15 centimètres. On en rencontrait de plus ou moins' gros. Les sépultures se trouvaient un peu au-dessous de la hauteur des marées les plus élevées. Elles se trouvaient tout près l'une de l'autre, et elles étaient disposées dans toutes les directions. M . F R E D E R I K S aperçut des cercueils rangés en étoile. (Voir pl. II.) Il y avait au milieu un cercueil, dans lequel gisait un squelette ayant à ses côtés une épée
2
9
à laquelle pendait une petite chaîne de cuivre. Souvent on vit les tombes rangées à une certaine distance l'une de l'autre et séparées par un cercueil vertical. L a planche II fournit un aperçu de l'arrangement de ces sépultures. Elles consistaient souvent en des troncs d'arbres creusés, couverts d'une planche plate et mince, attachée par de légères chevilles de bois de 3 centimètres. Chaque cercueil avait au fond une ouverture de trois centimètres. Les têtes des cadavres reposaient sur une petite planche perpendiculaire. L a rareté sur la plage de tombes d'enfants, dit M . F R E D E R I K S peut être remarquée avec juste raison. L e s recherches de mon père ont confirmé cette particularité. Quelques cercueils cependant contenaient les squelettes d'une mère et de son enfant. Du côté des dunes on aperçut distinctement une division du cimetière, fermée par une palissade. (Voir planche II.) Cette deuxième partie n'occupait qu'une partie minime de l'enceinte totale. Les cercueils de cette division étaient construits en bois plus épais. Les planches étaient attachées l'une à l'autre par des clous de fer de 8 centimètres, avec des têtes de trois centimètres. Ces tombes pourvues de clous en fer se rencontraient rarement et constituaient les seuls objets de
3°
bois cloué trouvés sur la plage. M F R E D E R I K S n'a pas, comme l'ont constaté d'autres personnes, découvert une seule monnaie dans l'intérieur d'aucun cercueil, mais il en retira quelques menus objets. Un autre témoin avait trouvé une bague d'or, muni d'un diamant brut et non taillé. „Le diamant était déjà connu de l'antiquité," dit M. D. A . V A N B A S T E L A E R , „seulement les „anciens en ignoraient la taille, c. à. d. le moyen „d'y faire des facettes avec de la poudre de „diamant. Ce dernier procédé ne date que du „ X V siècle. Mais antérieurement au X V siècle, „on savait déjà tailler les autres pierres préc i e u s e s aussi bien que sculpter les métaux." i) Les sépultures ne contenaient ni argent ni autres objets intéressants. Un seul cercueil conservait le cadavre d'un homme avec une épée comme nous l'avons mentionné plus haut. Il ne faut pas en conclure cependant que la population primitive de nos côtes devait forcément être pauvre. Parmi les personnes ensevelies il devait s'en trouver d'aisées, et d'autres pauvres, qui n'étaient que des habitants vivar.t sans luxe, mais obéissant à leurs coutumes pour l'ensevelissement de leurs morts.
i)
D.
lies, p. 46.
A . V A N B A S T E L A E R . Plusieurs
cimetières francs
à
Thuil-
3i dit que nulle part les tombes n'avaient servi deux fois ; la superposition de plusieurs corps n'a jamais eu lieu. M.
FREDERIKS
Un troisième témoin des découvertes de 1866, M . J A N S E , nous a fourni les mêmes renseignements. Cet amateur avait aussi remarqué une division du cimetière, dont la partie située en face des dunes, à l'endroit où cessaient les cercueils, était close par un gros tronc d'arbre. Lui non plus n'avait jamais rien trouvé dans les tombes, mais il avait ramassé à l'entour plusieurs petits objets, qui ont été offerts au musée archéologique de Leyde. Un quatrième visiteur, un vieillard des plus vénérables M . v. D . M E U L E N , nous a dit avoir trouvé lui-même un jour, dans un cercueil plus de vingt petites monnaies. Il avait découvert dans un autre, un gobelet sans pied en verre verdâtre, et un bracelet en argent. Ces deux objets font actuellement partie de notre collection. Enfin un autre Dombourgeois retira d'un cercueil une petite clochette en bronze, qui appartient actuellement au musée de la Soc. zélandaise des Sciences. En dernière analyse nous ajoutons, que nous avons de nouveau et très minutieusement interrogé le Dombourgeois, de qui nous avons acheté presque toutes les monnaies de notre collection et avec qui nous avons souvent discuté ce sujet.
Ce villageois, âgé de 70 ans, appartient à une famille de chercheurs d'antiquités sur la plage. C'était son père lui-même, qui lui a appris l'art de faire des recherches de monnaies. Cet homme nous a souvent raconté, que son père trouva un jour dans un cercueil fermé douze petites monnaies, dont six étaient en or. Elles se trouvaient placées sur la poitrine d'un cadavre. Une autre fois il trouva une châinette d'or à laquelle étaient attachées six monnaies de ce même métal. Le fils, chercheur de talent, a exploré quantité de cercueils fermés, et il nous a assuré, que chaque cercueil, sans exception, contenait quelque chose, soit que ce fussent des monnaies, placées le plus souvent sur l'épaule droite du cadavre, ou bien quelques rares fois sur la poitrine, soit que ce fussent de menus objets tels que fibules, crochets, etc. Il se rappelle avoir trouvé dans un cercueil des monnaies romaines, et à une très petite distance de là, dans un autre cercueil plusieurs monnaies d'argent qui portaient „un temple" sur un des côtés. (Louis le Débonnaire, denier au temple.) Jamais il n'a trouvé près d'un cadavre des monnaies d'or, mais au contraire il en a rencontré assez souvent dans les espaces laissés vides entre les cercueils.
33 Il chercha, avec chance de succès, les monnaies: i°. au-dessus du sable à l'entour des dunes; 2°. sur la plage dans les petits trous ronds, remplis d'eau; et troisièment dans l'intérieur des morceaux de terre argileuse qu'il détacha du sol. L e s monnaies furent pour la majorité trouvées isolées sur le sable. L e sou d'or, découvert sur la plage, imitation barbare des sous de Louis le Débonnaire à la légende de „Munus Divinum," a été exhumé de la couche argileuse. L e lieu des trouvailles de monnaies sur la plage s'étend depuis le cimetière de Duinvliet, jusqu'à la maison de campagne, nommé „l'Oranjezon," située à 5 kilomètres du village de Dombourg. Il est donc positivement prouvé, que les cercueils ont contenu de l'argent, et par conséquent il est fort probable que toutes les monnaies isolées trouvées çà et là sur la plage proviennent de cette même source. D'ailleurs il v a sans dire que les tombes qui contenaient toutes ces nombreuses monnaies, se trouvent déjà depuis plusieurs siècles englouties par la mer. En dernier lieu, il est intéressant de constater que les monnaies romaines et les pièces carolingiennes se trouvaient dans un même cimetière franc, nouvelle preuve, que les monnaies
34
romaines circulaient encore chez les peuples barbares du VIII siècle, où du moins qu'ils en possédaient. e
Si nous résumons les données qui nous sont laissées au sujet des sépultures et de leur contenu, nous trouvons d'abord que tous les cercueils étaient en bois, soit creusés dans des troncs d'arbres, soit grossièrement construits en planches. L e manque total de pierres et l'abondance d'arbres le long de notre littoral, expliquent facilement l'existence de tombes en bois. Jamais on ne vit sur la plage de grande fosse, comme on en a rencontré en Belgique i) et dont on se serait servi au besoin, notamment en cas d'épidémie, de batailles, etc. Les tombes de Dombourg témoignent au contraire que ce cimetière a dû servir à des enterrements réguliers et successifs, effectués en temps de paix. Il est prouvé que de l'argent a été rencontré dans l'intérieur des cercueils. Les monnaies romaines étaient entre-mêlées de monnaies carolingiennes. Il est probable que les parties actuellement submergées des cimetières contiennent les restes d'habitants datant de l'époque romaine, où l'habitude d'ensevelir les morts
i) D. A . v . B A S T E I . A E R . Plusieurs époques à Thuillies.
p. 7 4 .
cimetières francs
de différentes
35
avec de l'argent était assez fréquente. Plus tard l'influence de la religion chrétienne a modifié les moeurs païennes, mais elle n'est parvenue que très lentement à faire cesser l'usage de déposer du numéraire dans les cercueils des morts. M. v. B A S T E L A E R nous apprend, quand il s'est ocupé de ces questions dans ses ouvrages i) „que les Barbares lors de leur invasion au „quatrième siècle et aux siècles suivants imp o r t è r e n t en Belgique l'habitude d'inhumer „les morts en les accompagnant de leurs orne„ments, de leurs armes et d'un mobilier fun é r a i r e . Ils auraient conservé ensuite cette „habitude avec une grande persistance Sous „l'influence du Christianisme l'inhumation devint „de plus en plus la règle. Naturellement l'inhu„mation habillée, importée par les Barbares, „fut peu à peu adoptée par les populations ..chrétiennes." „ L a coutume d'incinérer les morts alla au cont r a i r e toujours en diminuant. Un concile tenu „par C I I A R L E M A G N E à Paderborn, au printemps de „785, formula 34 importants canons. L e septième „de ces canons portait défense de pratiquer-la «crémation d'un cadavre sous peine de mort. „Cette prescription s'adressait à tous les su1)
Loc. cit. pl. 7 8 .
36
„jets de l'empire, et spécialement aux Saxons, „chez lesquels cette coutume était encore fort „ commune. „Plus tard C H A R L E M A G N E à la fin du V I I I „siècle défendit également l'inhumation habill é e et le mobilier sépulcral." e
Dombourg n'a pas laissé de traces d'une crémation des morts. Les monnaies et surtout les menus objets trouvés sur la plage et dont nous nous occuperons plus loin dans cet article indiquent les huit premiers siècles de notre ère et ils dénotent une variété de style, provenant vraisemblablement de la différence des peuplades qui se sont succédées.
37
LES
HABITATIONS.
Non loin du sanctuaire de N E H A L E N N I A , on découvrit sur la plage, les restes d'habitations anciennes consistant en pierres calcaires, palissades, briques et fragments de poterie rouge. Cette découverte eut lieu en 1647. Quelques années plus tard, en face du village de Dombourg, on reconnut les restes d'un fossé ou canal à fonds et bords arrondis, dont les revêtements de terre étaient encore visibles. On aperçut en même temps, vis à vis de Duinvliet, les restes d'un village ancien, consistant en quantité de demeures dont il ne restait que les fondations au niveau de terre suivant ce que rapporte un tradition locale. L'emplacement de ces constructions est désigné sur une ancienne carte, sous le nom „ d'habitations des anciens Goths", 1) dénomination dont on n'a pas pu justifier l'origine. Ces maisons étaient disposées le long d'une sorte de rue allant de l'est à l'ouest. On en rencontra également, qui étaient situées au sud de cette rue. Ces demeures étaient entourées de planches et de pieux qui se trouvaient rasés I) Zelandiae comitatus delincata per Nicolaum J. Visscherum eméndala et aucta per R
Ottens. o 0
38 au niveau du sol. Parfois on rencontra un plancher de terre battue. L a plupart des monnaies d'or, dit la tradition i), de même que trois petits plats d'argent, furent découverts dans cet endroit. S M A L L E G A N G E écrit, que déjà en 1696, ces restes de demeures n'étaient plus visibles. Les découvertes ultérieures se rattachent nécessairement à l'existence de ce même village. En 1749 et en 1817, dates de la réapparition des cimetières hors des sables de la basse mer, de nouvelles habitations devinrent également visibles. L'examen de ces demeures ne nous apprend rien de nouveau. Une seule fois on trouva une maison partiellement pavée en pierres. M. F R E D E R I K S donna une description détaillée de ce qu'il vit, lorsqu'en 1866, ces restes furent pour la dernière fois mis au jour. Notre planche I donne une esquisse de l'emplacement des demeures ; les parallélogrammes teintés en rouge désignent la situation des cimetières. L a planche II donne ensuite une partie plus détaillée de la plage. Elle représente la première division 2) du cimetière de 1832—1866.
1) D R E S S E L H U I S , loc. cit. p. 6 5 , 2) Voir pag. 2 5 de cet article.
39 M. F R E D E R I K S avait lait le croquis de la plage entière, comme il l'aperçut en 1866, mais nous avons cru suffisant de n'en publier qu'une partie seulement. M F R E D E R I K S estima la longueur de la place occupée à 1300 mètres environ. L a largeur est moins facile à déterminer parcequ'on ignore de combien les dunes ont reculé depuis 1647, date à laquelle le temple a été pour la première fois découvert. Quelquefois les maisons se sont trouvées construites au-dessus des tombes, ce qui porte à croire que la construction de ces demeures est postérieure à celle des sépultures. H . C A N N E G I E T E R I ) était de ce même avis. Ce savant les attribue aux Normands. Ces envahisseurs auraient obtenu la permission de se construire ainsi des villages, quand les relations pacifiques et commerciales remplacèrent les incursions qu'ils avaient faites auparavant comme pirates. Les substructions de ces demeures étaient rangées irrégulièrement et souvent obliquement l'une à côté de l'autre sans former véritablement de rue, comme on l'avait rémarqué antérieurement. C'étaient plutôt des groupes de constructions formant l'ensemble des demeures d'une famille. I) H
CANNEGIETER
Domburgsche
oudheden verklaart.
Manuscrit
inédit reposant dans la Bibl. de l'Académie royale des Pays-Bas.
40 Nulle part on ne vit de traces de jardins, quoique le sol fertile eût été favorable à leur établissement. Tout l'espace vide laissé entre les maisons, a servi de dépôt de fumier à ces peuples barbares. On a trouvé ces tas d'immondices, (qui rappellent les Kjokkenmoddings" si nombreux en Danemark et presqu'identiques i) remplis d'une quantité d'ossements d'animaux, ce qui fait supposer que la viande a constitué l'aliment favori des habitants. Dans certains endroits M . F R E D E R I K S reconnait l'existence d'espaces entourées de palissades. Il s'agissait probablement de lieux de refuge pour le bétail. La construction des cabanes était très primitive, jamais le fer et la pierre n'y ont été employés. Elles étaient établies en bois façonné à la hache. Certaines maisons avaient des pieux enfoncés dans la terre à quelque distance l'un de l'autre, et entre ces pieux étaient disposées des planches verticales. D'autres demeures avaient pour toute fondation une poutre contre laquelle était appuyée soit une seule soit une double rangée de planches. L e bois employé était le chêne. D e forts troncs d'arbres souvent carrés, constituaient les angles des demeures et avaient entr'eux des pieux plus légers. L a longueur i) Communication de M. P. B O R D E A U X .
4i
des planches mesurait 50 centimètres, la largeur variait de 25 à 60 centimètres. Nulle part on ne trouva de paille ou de planches enduites de plâtre. A u milieu de la pièce centrale, qui affecte la forme d'un parallélogramme, on trouva assez souvent un tronc d'assez grande dimension, qui avait dû servir à soutenir le toit. Ce toit à raison de l'abondance du bois dans ces contrées, a dû être couvert de planches. L a surface des cabanes était généralement de 5 a 10 mètres sur 14, mais on en a rencontré qui ne mesuraient que 3 mètres sur 4. L a pièce centrale était entourée de petits appartements latéraux de moindre grandeur et elle se trouvait ainsi protégée contre le froid de l'hiver. Deux fois M. F R E D E R I K S vit de petits appartements isolés, unis à la maison centrale par une sorte de couloir. Dans un local de cette nature, on trouva une fois un cercueil contenant un cadavre (voir pl. II). L e s petits appartements latéraux étaient fermés de trois côtes Ils correspondaient avec le milieu de la maison. M. F R E D E R I K S remarque avec raison que les habitants devaient perdre beaucoup de temps pour se rendre d'une partie de leur demeure dans l'autre à cause de l'ignorance des constructeurs de l'époque. Comme les maisons de bois ne sont pas très aptes à
42 contenir des foyers, le chauffage a dû avoir lieu dans une partie séparée de la maison. Les habitants avaient effectivement construit à quelques pas des cabanes des sortes de puits creusés dans la terre et pourvus d'une espèce de terre-plein constitué par des pierres et de l'argile rougeatre. Ces foyers ou terrepleins ont été fréquemment trouvés couverts de cendres et de charbons de bois. Dans une de ces excavations, M . F R E D E R I K S reconnût un fragment d'un pot de terre, percé au bord de trois trous pour les attaches. D'autres puits contenaient une matière liquide, dans laquelle gisaient de longs fragments de cuir et de cornes de boeuf. C'étaient des fosses de tannerie et les matières qui y ont été découvertes démontrent que la population fabriquait elle-même le cuir et savait le tanner. Les nombreux amas de fumiers existant entre les cases, contenaient peu de traces de paille et de roseaux, mais beaucoup de restes d'herbes de forêt entremêlées d'une grande quantité d'ossements d'animaux de race bovine (bos brevicornisj, de brebis, de cochons. On n'a pas rencontré d'ossements de cheval. Ils contenaient en outre des tas de coquilles, de moules et de salicoques, de petits morceaux de cuir, des glands, des semences de
43 citrouille, des crânes de chien, de boeuf, etc. On n'y a pas trouvé de coquilles d'huitres. L'analogie avec les Kjôkkenmoddings i) du Danemark paraît évidente et digne d'être remarquée. Les fragments de poterie ramassés sur la plage sont aussi variés sous le rapport de la forme que sous celui de la finesse. Parmi les échantillons de faïence romaine on peut remarquer un morceau de poterie samienne, portant l'inscription A V I T V S F E C (notre collection). „Le nom de ce potier," nous a écrit M . A L F R . BÉQUET, „s'est rencontré en France, mais principalement en Angleterre. L a bonne qualité de la poterie samienne, la netteté des lettres, me font penser que ce potier vivait pendant le Haut-Empire." Parmi les fragments de poterie du temps anglo-saxon ou franc, on en a rencontré, qui étaient couverts d'une couche de suie et qui portaient des traces de feu, tandis que quelques autres étaient recouverts d'émail, ou encore étaient ornés de lignes et de figures coloriées. Ces dernières tenaient peu à la terre cuite,
j)
Communication
de M . P.
BORDEAUX.
44 car un simple lavage les fit disparaître. On ne ramassa pas de poterie d'un diamètre supérieur à vingt centimètres. On en découvrit de couleur verte et d'autres de couleur blanche. Les morceaux de poterie blanche sont d'une facture plus achevée. Ces derniers vases n'étaient pas poreux et ils étaient susceptibles de subir l'action du feu. D'autres poteries étaient de couleur bleu-grisâtre et avaient la pâte entremêlée de grains noirs ; ' cette poterie-là était d'un travail très grossier. Deux fragments de notre collection portent l'ornementation faite à la roulette. „D'ordinaire" i) dit M. V A N B A S Ï E L A E R , „la roulette, „qui mesurait de 8 à 15 centimètres et parfois „avait jusqu'à 24 centimètres de circonférence, „était en bois. Elle pivotait sur un axe fixé „ entre deux branches, au bout d'un manche „approprié. Ces roulettes étaient encore emp l o y é e s il n'y a pas bien longtemps pour ..l'ornementation des tartes dont on se régale „les jours de grandes réjouissances." Les petits fragments de ces sortes de poterie faisant partie de notre collection portent sur la partie conique supérieure un col court et évasé en forme d'entonnoir. 1) D . A . V A N B A S T E L A E R . Les vases de formes et leurs ornements à la roulette. Féd. arch, et hist, de Belg. 1 8 9 0 .
purementfranques
Extr. des travaux du congr. de la
45 Jamais M. F R E D E R I K S ne rencontra de vase à panse biconique, caractère spécial du vase franc. 2) L e musée de Middelbourg possède trois petites urnes grisâtres de 7, 7,2 et 11.8 centimètres de hauteur. La plage ne fournit pas d'autres vases ou objets servant à la cuisine. On n'y découvrit de la verrerie qu'exceptionnellement. Quelques coupes en verre sans pied, de petites perles coloriées attachées au cou d'un squelette féminin, d'autres trouvées à la hauteur des hanches, constituent les seuls spécimens de verrerie retirés des tombes et découverts sur la plage. Beaucoup de menus objets, qui vraisemblablement ont été retirés ou séparés des cercueils, tels que fibules, clefs, agraffes, boucles, bagues, petites chaînes, épingles de cheveux, etc., ont été rencontrés sur l'emplacement même des habitations où ils étaient mêlés à des monnaies d'époques diverses. Nous avons été, assez heureuse pour réunir toute une collection de ces objets, ramassés sur la plage depuis 1880. M. B E Q U E T , le savant directeur du musée de Namur, qui a bien voulu comparer sur notre demande, les petits objets de la plage de Dombourg, avec ceux gardés dans le riche 1) V A N
BASTELAEK,
LOÇ
cit.
p,
§,
46 musée confié a ses soins, nous à écrit à ce sujet: ,Je suis frappé du nombre d'attaches „de toutes sortes, tels que fibules de différentes variétés, boucles, crochets, aiguilles, etc., qui ont été retrouvées." Mais ce nombre ne paraît plus étonnant quand on le rapproche de la quantité considérable de sépultures existant le long de la plage M. B E Q U E T était d'avis que ces objets n'ont appartenu ni à des Belgo-Romains, ni à des Francs, ni à des Mérovingiens, mais qu'il faudrait chercher les exemplaires analogues dans les musées de la Scandinavie. C'est, selon ce savant, dans ces contrées que se trouve le berceau de la population ensevelie sous les flots de la mer qui baigne les côtes de Walcheren. Il paraît ainsi avoir existé une grande différence entre les ornements des peuples habitant la Belgique et ceux des habitants de nos contrées. Cependant les planches du savant article de M. D. A . V A N B A S T E L A E R „le cimetière franc de Fontaine- Valmont" contiennent un certain nombre de clefs, de plaques, de fibules ansées, etc., à peu près semblables à celles que nous possédons. M. le Dr. R. J E S S E , le zélé conservateur du musée archéologique de Leyde, lors d'une visite qu'il effectua au musée de Middelbourg, où nos objets de Dombourg figurent actuelle-
47 ment, les attribua pour la majorité à" l'époque mérovingienne. „De Nederlandsche oudheden" du Dr. W . P L E Y T E , présentent aussi des pièces analogues, trouvées dans d'autres contrées dès Pays Bas. Et nous-même, nous avons retrouvé beaucoup d'objets simulaires dans le musée britannique, parmi la série anglo-saxonne. Il faut remarquer que plusieurs des ornements ci-dessus, existant dans notre collection ont dû changer d'aspect. L'eau saumâtre de la mer les a rongés partiellement, et elle a dû même faire disparaître la verrerie qui les ornait. Quelques rares fibules ont encore conservé des traces de verre colorié. M. B E Q U E T nous a fait remarquer que le verre incrusté et cloisonné fut importé en Belgique par les Barbares au V siècle. E
L a perte des émaux ou de la verrerie incrustée a fréquemment été observée à l'occasion d'autres trouvailles. „En Belgique," dit M. V A N B A S T E L A E R , I ) „les „ émaux ont été également attaqués plus ou „moins par leur long séjour en terre. Cela „dépend d'ailleurs principalement de deux cho„ses: de la nature du terrain, puis de la comp o s i t i o n et de la dureté des verres et des
i) Cimetière belgo-romain. Extrait de la Soc. d'Achéol. de Bruxelles, t. X I , de Presles 1 8 9 7 , p. 9 1 .
4
8
„émaux." L a nature du terrain à Dombourg était doublement désavantageuse aux ornements dont nous nous occupons. L e sol saumâtre d'une part, d'autre part le retour de la marée à deux reprises dans l'espace de vingt quatre heures a dû forcément nuire au plus haut point à la conservation de toutes les antiquités. Les ornements en question ont été trouvés souvent mêlés avec différentes monnaies. Il en résulte qu'ils doivent être d'une même période de temps, qui cesse avec la fin du I X siècle. e
Il faut reconnaître que la plage a également fourni à diverses reprises de petits deniers flamands du X I I et du XIII sièle. Mais ce nombre est peu considérable et ne doit avoir aucun rapport avec la quantité d'objets d'époque certainement antérieure trouvés dans le sol. Ces deniers flamands enfouis dans le sable de mer sur le rivage doivent provenir de naufrages de navires du pays survenus par suite d'échouages au cours des X I I et XIII siècles. e
e
e
e
La planche IV donne des spécimens d'objets trouvés. N".
I.
B o u c l e d'oreille en bronze. L e revers est orné de petits annelets simples centre's d'un point.
,,
2.
Plaque-boucle ayant
pour
triangulaire allongée en bronze, toute
ornementation, trois
têtes
de clous bombées, entourées d'un cercle formé
49 par d e petits c o u p s de burin, qui d o n n e n t à l'objet M.
l'aspect d'une tête de cheval V A N BASTELAER,
pièce
analogue
Fontaine-
a
i)
présenté
(pl. III n". 6, cimetière
Valmont)
de s t y l e
qui
une
de
l'a décrit c o m m e
étant
anglo-saxon.
N°.
3.
Petite croix en
„
4.
Petite
fibule
de buste
plomb.
d'attache en bronze en
forme
humain.
N°*. 5 et I O . Motifs d'ornementation de plaque en bronze a v e c petits clous en argent. N".
6.
B r o c h e d'attache en p l o m b , les clous b o m bés sont entourés de petits coups de burin.
,,
7.
B o u t o n d'ornementation la
reproduction
8.
9.
,,
11.
fantasti-
C e s ornements
gons,
etc., sont en général d'origine Scan-
Petit par
„
de trois a n i m a u x
ques.
dinave. „
en bronze d o n n a n t
en serpents, en
dra-
2)
objet
en
cuivre jaune, se
terminant
d e u x têtes de serpent.
Petit clef en Bague
plomb.
en p l o m b , orné d'un animal
fantas-
tique. „
12.
B a g u e en
,,
13.
Bague
en bronze.
N . 14et 15. F i b u l e s en o s
1)
Le
cimetière franc
tome V I I . 2) Loc. cit, p 5 4 .
argent.
bronze. de
Fontaine-Valmont,
p. 1 2 8 . Mém. arch
5° N°.
16.
Bout
ou
pendant
de lanière de
ceinturon
en
bronze. L e s petits clous d ' a t t a c h e
en
argent
II
p o r t e le dessin d'un
sont
animal
fantastique.
L a planche V reproduit un des objets les plus curieux de la plage, et que nous n'avons rencontré en pareil état dans aucun des musées archéologiques que nous avons visité est de ce même avis, quant à la rareté de la pièce Car il nous écrit : M.
BÉQUET
„Ce
peigne
en os est e x t r ê m e m e n t
„conservation
est
excellente,
sa
intéressant,
patine superbe.
,.technique
est étrangère à l'art classique
„générale,
qui
tribuer
ce
,,première
rappelle celle d'un navire,
peigne fois,
aux
que
hommes
du
La
sa Sa
forme
m e fait
at-
nord. C ' e s t
je vois sur la m ê m e rangée
la les
„ g r o s s e s et les petites dents " Ce
peigne
milieu,
consiste
eu
trois parties, une pièce
attachées à la première partie par des clous de Le
dessin
rencontré plage.
de
qui contient les dents, et d e u x ailes qui sont
sur
On y
trés d'un
de l'ornementation quelques
fer.
est a n a l o g u e à celui
fragments
de
poterie de la
retrouve les m ê m e s annelets c r e u x
point existant sur la b o u c l e d'oreille
cen-
et sur
plusieurs fibules provenant des fouilles de D o m b o u r g . Ces
dessins constituaient l'ornementation
Francs
des
favorite
des
premières époques. Ils ont é t é e m p l o y é s
d'une façon si constante et si générale qu'ils caractérisent réellement les objets de ces t e m p s reculés, i) D E RASTRI.AER. Cimetière franc de la Bnissûre,p
i)
2 8 . Iirux. 1 8 9 0 .
Si
Il nous reste encore à parler des amulettes trouvées dans les fouilles. L a principale était un dirhem ou monnaie arabe du Calife abbasside A B U - A B D A L L A H M O H A M E D V A L - M U TAZZ-BILEAH, frappé en l'an 252 (866 année chrétienne) à Towin dans la province d'Arménie. Cette monnaie est entourée de trois cercles cordonnés en filigrane. Une pièce analogue, qui est figurée sur la planche X X I V n°. 1 des „JVed. oudheden," du Dr. W . P L E Y T E , a été trouvée dans la province de Drenthe. Parmi les monnaies d'or trouvées à Dombourg, il s'en est rencontré plusieurs portant une bélière. C'étaient un triens de M A U R I C E T I B È R E , un autre frappé à Duerstede, un troisième à Banassac. Il y avait également des monnaies trouées qui ont probablement été suspendues au cou sans intermédiaire de bélière. „Les exemples sont nombreux," dit M V A N B A S T E L A E R , 2) „de médailles percées, formant la pièce principale d'un collier et remplaçant la grosse perle on l'anneau amulette de la parure." On ignore la cause et la date de destruction de toutes ces demeures sur la plage. Probablement les derniers habitants ont quitté
1) Détermination du Geheimer Hofrath Dr. G. S T I C K E L a Téna. 2) Cimetière jranc
de Fontaine- Valmont, p. 1 7 5 .
52
le littoral non pas au moment d'une grande inondation mais à cause du reculement des dunes. Ces gens se sont établis ensuite à l'emplacement actuellement occupé par Dombourg. L a carte de la planche I montre l'endroit qu'occupaient les dunes détruites et où il n'existe plus actuellement qu'un banc de sable constamment submergé. Si la destruction des maisons avait été occasionnée par une guerre défavorable ou par une inondation inattendue, on en retrouverait les traces. On découvrirait des habitations brûlées, des entassements de poutres et de planches, on ramasserait des restes de mobilier, des instruments, etc. Rien ne tout cela ne s'est rencontré à Dombourg. Il est survenu une démolition progressive des constructions, dans lesquelles les habitants ont pu ne laisser aucun objet important. L a population s'est retirée peu à peu vers l'intérieur de l'île. Nous avons maintenant à dire quelques mots sur la population qui a habité le littoral de l'île, pendant les dix premiers siècles de notre ère.
53
LA
POPULATION.
Si nous avons eu beaucoup de peine à apporter un peu de îumière sur les découvertes effectuées sur la plage, nous ne rencontrons pas moins de difficultés pour éclaircir le mystère qui plane sur l'origine et l'existence des peuplades, dont nous avons étudié les curieux restes d'industrie. Les renseignements que les anciens auteurs nous ont fournis sur les coutumes des Germains, des Bataves, des Gaulois et des Francs, ne sauraient concerner exactement les habitants primitifs de nos côtes. L e plus probable est que l'île de Walcheren fut à l'origine habitée par une peuplade isolée, pacifique i) et n'ayant qu'un degrés de développement très minime. Deux choses seulement peuvent apporter un peu de lumière sur cette question: ce sont d'une part les crânes humains exhumés des sépultures et d'autre part, les monnaies retrouvées. Beaucoup de ces crânes ont été minutieusement étudiés par mon père, qui a reconnu que ces têtes appartenaient à la catégorie des Dolichocéphales (langhoofden) espèce d'hommes' différant notaI)
Un
auteur
récent,
M. S . M U L L E R
H Z N . , place, du temps de
Pline, dans les lies du Helium ou Helinium les Marsaciens. (Marsaten ) S. M U L L E R , De civitates van Gallië, Verh. Kon. Akad
Amst. 1 8 9 8 .
4
54
blement des habitants ultérieurs de nos îies. Les crânes de Dombourg sont analogues à ceux des peuplades habitant jadis la côte occidentale de l'Europe dans les environs de la Zélande, tels que les Allemands du Nord, les Scandinaves, les habitants de Kent, et peutêtre aussi les Ménapiens de la Flandre. On admet générablement qu'une grande partie des îles Zélandaises n'est devenue terre habitable^qu'au V ou au V I siècle de notre ère. Aussi fait-on dater de ces temps les petites collines de. refuge, ou tertres i) qui sont encore visibles dans beaucoup d'endroits. e
e
L e littoral cependant, partout où il avait une situation suffisamment élevée, et où il était abrité par plusieurs rangées de dunes protectrices, a compris des centres d'habitations] dès les premiers siècles de notre ère. A partir de l'époque où il s'établit un échange commercial à peu près constant entre l'Angleterre et nos] côtes, la population primitive a dû nécessairement se trouver augmentée par l'adjonction de commerçants allemands et romains. C e seraient ces habitants légèrement romanisés qui nous auraient probablement laissé les pierres votives de N E H A L E N N I A .
I) Dr. J . C . D E M A N . De
Vluchtheuvels in Walcheren. Midcl. 1 8 8 8 .
en De Vluchtbergen m Sckouwe>i,de Bevelanden en Tholen. Midd. 1 8 9 7 .
55
L a population primitive pacifique et agricole vivait de même de la pêche et de la navigation côtière. Il est singulier que les fouilles aient fourni aussi peu d'objets témoignant d'un exercice étendu de ces métiers. L e canal ou fossé découvert sur la plage, mentionné précédemment dans cet article, peut dater de cette période. M. F R E D E R I K S a également tracé sur sa carte de la plage un fossé i) qui a été découvert non loin du cimetière dit de 1749. Il est notoire, qu'en 1544, Dombourg possédait encore un port et qu'il en sortait des bateaux destinés à la pêche du hareng. Dans aucune autre partie de la Zélande on n'a trouvé de traces d'inhumations faites à une époque reculée. Il est possible que jadis on ait apporté des morts sur le littoral de l'île de Walcheren, comme en un lieu sur et sacré. Mais aucun texte ne le justifie. Tous les archéologues connaissent la tradition qui rapporte que des peuples habitant le littoral situé vis à vis de l'Angleterre, auraient emporté vers la „Britannia," les âmes de leurs défunts dans des navires. Si cette cérémonie se rapportait aux habitants de nos côtes, comme le supposent quelques savants, on pourrait admettre que les corps de ces ancêtres aient été ame-
1) Ce fossé ne se trouve pas sur la partie gravée de notre planche I I .
56
nés pour reposer dans le sol de l'île de Walcheren. Les îles ont de tout temps été privilégiées pour contenir des temples dans lesquels un culte était spécialement rendu à une divinité, i) Elles présentent cet avantage qu'on s'y trouve un peu plus à l'abri des incursions des peuples voisins. Avant les invasions des Normands sur nos côtes, le littoral de l'île de Walcheren, constitua un endroit des plus surs, non seulement pour y célébrer le culte divin, mais aussi pour servir de lieu de repos aux morts. A dater du moment, où les peuplades sauvages du Nord ne cessèrent de ravager nos côtes,. la population aura été forcée de quitter la plage et de se retirer en un lieu plus tranquille. Mais d'autres motifs, s'y seront ajoutés, tels que le départ des Romains des îles britanniques, la diminution des dunes protectrices, et ce fait que l'intérieur de l'île devint de plus en plus habitable. Une autre raison de l'abandon de la plage païenne aura été le progrès du christianisme, dont on commençait à constater les résultats tardifs, 2) si on les compare 1) V . D. B E R G H .
Volksoverleveringen en godenleer, p. 8
2) M. A . B E Q U E T assure (voir compte rendu des travaux des congrès tenus à Anvers et a Middelbourg) qu'on ne connaît pas un seul peuple dans
la
chrétien chez lequel ait existé l'usage de déposer de l'argent tombe.
Il en résulterait que les naturels ensevelis à Dom-
bourg du temps de Louis le Débonnaire agissaient encore en païens.
57
à ceux réalisés dans d'autres pays. — On bâtit en 990 la première grande église à Middelbourg. — Il reste vraiment difficile à expliquer que les anciennes chroniques n'aient jamais fait .mention de cette contrée, qui, dans les temps reculés dût avoir une certaine importance, non seulement parce qu'on y rencontre les restes d'un temple romain, mais encore parce qu'elle devait servir de lieu de transit commercial avec l'Angleterre. Une ancienne ville ayant porté le nom de Dombourg ou de West-Kapelle n'a jamais existé du temps des Romains. 1) Les habitations découvertes sur la plage n'ont été qu'une réunion de maisons de bois, construites très modestement. On n'y avait élevé, ni tour, ni église, ni bâtiment de pierre. Cet ensemble de circonstances démontre que les habitants étaient peu fortunés ce qui rend bizarre la découverte qui y a été effectuée d'un grand nombre de monnaies d'or et d'argent. On peut faire mille conjectures à ce sujet, mais la vérité ne se découvrira probablement pas. Quelques écrivains pensent que ces pièces ont appartenu aux défunts riches, amenés des environs pour être enterrés sur là plage. D'autres comme feu H. C A N N E G I E T E R et quelques archéologues 1)
Le
première l'an
nom de Dombourg — fois
Dumburch —
se rencontre pour la
dans un charte du comte Florent I V de Hollande de
1 2 2 3 . K E S T K L O O , Domburg
en zijn geschiedenis, p. 2.
58 belges actuels supposent que ces païens ont dû avoir une grande vénération pour la mer, les fleuves, les rivières, etc., qui constituaient plusieurs de leurs divinités et qu'en guise d'hommage ils auraient jeté dans la mer des monnaies d'or et d'argent après avoir eu le bonheur d'effectuer une heureuse traversée. Si cette supposition était exacte, il en résulterait que sur les côtes qui font face à notre littoral, les mê-' mes monnaies devraient se retrouver. Or ce fait, croyons-nous, n'à jamais été constaté. Beaucoup d'autres savants conjecturent que les monnaies proviennent de l'intérieur des cercueils. L e culte divin de ces peuples primitifs avait pour base principale la peur des esprits malins, mais ils croyaient également à une vie future Cette dernière croyance leur imposait le devoir de mettre dans les sépultures de leurs morts des objets de toutes sortes et notamment des monnaies. Dans nos contrées on n'a pas trouvé trace d'habitudes de crémation. -
Cependant de nos jours, le placement de tas de paille, i) devant une maison mortuaire semble avoir pour but de rappeler quelqu'ancienne coutume de ce genre. D e mêmes les i)
A
d'Archéol.
ceux tenu
qui peuvent se procurer le compte rendu du congrès a
Anvers
et a Middelbourg, en 1 8 9 0 , nous recom-
mandons vivement de lire tout ce que M.M LAER
B É Q U E T et V A N B A S T E -
ont dit apropos des tas de paille et de l'usage de mettre des
monnaies dans les tombes. P. 8 5 et 8 9 .
59
petites urnes, trouvées ça et là dans les sépultures pourraient avoir une origine identique. Il ne faut pas oublier qu'indépendamment de la population primitive, le littoral a également compris des Romains, des Normands, des Frisons, des Anglo-Saxons et des Francs. Quelques noms de nos villages actuels rappellent la présence sur notre île de ces anciennes peuplades. L a tradition rapporte que ce sont les Danois et les Juttes, qui nous ont appris l'art d'améliorer la construction des digues. Les Romains ne sont plus revenus dans l'île de Walcheren après qu'ils eurent quitté l'Angleterre. L e s nombreuses monnaies romaines trouvées sur la plage, prouvent facilement cette vérité, car on n'en découvre presque pas de postérieures au règne de T E T R I C U S . Il est vrai que les dernières fouilles ont mis au jour plusieurs monnaies du temps des C O N STANTINS. Mais ce fait ne saurait être considéré comme en contradiction avec ce que nous venons d'énoncer. Car la monnaie romaine circulait bien au-delà de son pays d'origine et jusque dans nos contrées à des époques ultérieures. Ces monnaies du Bas-Empire restèrent pendant longtemps le numéraire de nos peuplades. Nous avons déjà montré qu'elles circulaient encore chez nous à l'époque franque.
6o L a présence des Normands sur nos côtes est assez connue ainsi que leurs différentes incursions qui n'avaient d'autre but que le pillage. Quant aux Frisons, ils ont nécessairement dû séjourner dans les îles zélandaises, quand ces contrées ont fait partie de leur territoire. On sait que les Saxons, avant leur entrée en Angleterre, ont traversé notre pays, et que beaucoup d'entre eux s'y sont établis définitivement. Les monnaies anglo-saxonnes ramassées à Dombourg, égalent à peu près le nombre des pièces franques. On a beaucoup exagéré le nombre d'AngloSaxons qui avaient habité nos contrées, parcequ'on a cru pouvoir réunir sous ce nom beaucoup de tribus barbares assez diverses. L'invasion des Suèves doit dater de cette époque. C'est probablement de leur nom qu'est dérivé celui de „Zeeuwen" quoique rien ne prouve que cette tribu des Suèves ait quelque rapport avec les Suèves de l'Allemagne. C e sont les Francs qui en dernier lieu ont pris possession de nos côtes. Ils ont introduit avec eux le christianisme. Ils y ont également amené l'usage de leur numéraire. L a quantité de monnaies franques retrouvées dans les fouilles de Dombourg est considérable. On ne trouve pas de monnaies carolingiennes postérieures au règne de C H A R L E S le Gros.
6i
L a disparition de la dernière grande rangée de dunes qui a précédé celle qui existe auaujourd'hui, date probablement de cette époque. Petit à petit le village actuel de Dombourg s'est fondé, s'établissant à l'abri derrière la ligne des dunes. La population avait embrassé la religion chrétienne non seulement de nom mais avec une véritable ferveur. Nous espérons avoir résumé brièvement l'histoire probable des habitants de la plage de Dombourg, en la dépouillant des fables qui ne reposent que sur des traditions sans fondement. Nous terminons ce travail en donnant un aperçu des monnaies conservées dans trois collections à Middelbourg et à Dombourg. A partir de 1896 les trouvailles de monnaies isolées ont presque complètement cessé. MARIE
(A
suivre.)
DE
MAN.
Que sait-on de la plage de Dombourg? {Suite)
§ II.
i.
LES MONNAIES.
MONNAIES
ROMAINES.
Les monnaies romaines trouvées à Dombourg; n'ont fait connaître aucun fait nouveau. On n'y a guère découvert que des deniers d'argent du Haut-Empire entremêlés de monnaies de petit bronze du Bas-Empire, i) On y a rarement ramassé un grand bronze, et jamais on n'y trouva un denier d'or. L a majeure partie des monnaies romaines trouvées sont en cuivre, et, elles sont tellement usées que les légendes n'en sont plus lisibles. L e buste impérial qui y figure suffit cependant souvent pour les dater. L'état fruste dont nous venons de parler ne se rapporte cependant qu'aux monnaies exhui)
Voir
RETH.
M A C A R É , I, pl. I, n . ns
i —17.
6
86
mées dans les environs des cimetières, car les pièces romaines ramassées en 1647 près des . ruines du temple soi-disant de N E H A L E N N I A , doivent avoir été dans un état de conservation suffisant, puisqu'on a pu en faire de fort bons dessins. Elles figurent sur la planche qui accompagne 1'„Hist. Com. Flandriae" de V R E D I U S . Ce sont sept deniers d'argent et six monnaies de cuivre, dont la plus ancienne appartient à l'empereur V I T E L L I U S (an 69) ; la plus récente, qui est de l'usurpateur T E T R I C U S , date de l'an 268. A peu près au même temps, S M A L L E G A N G E , le chroniqueur zélandais acheta à Dombourg sept autres monnaies, également bien conservées, parmi lesquelles trois deniers sont de la République. Plusieurs lettres datant du 18 siècle, conservées jusqu'à ce jour, mentionnent fort souvent, que des personnes habitant notre île, conservaient des monnaies romaines trouvées à Dombourg. C A N N E G I E T E R entre autres, raconte qu'on lui avait montré un sac rempli de ces pièces, qui, généralement, étaient frustes. En considérant que ces monnaies étaient ramassées au côté nord-est de Dombourg, pêlemêle avec du numéraire franc, comme cela arrive encore de nos jours, il est permis d'en conclure qu'elles circulaient encore dans les e
8/
temps anglo-saxon et franc, et que cette circulation de longue durée a été la cause principale de leur état d'usure. Il y a en somme à observer, sur la plage, deux différents dépôts de monnaies romaines : les unes en bon état de conservation, les autres, trouvées près de l'emplacement des cimetières francs, frustes et à légendes illisibles. Il est d'ailleurs connu, que seule la monnaie romaine, dans les premiers siècles de notre ère, circulait dans toutes les tribus barbares et servait au commerce de tous les peuples. Elle resta en circulation même pendant les temps anglo-saxon et franc. En Angleterre, des monnaies de petit bronze sont souvent exhumées du sol. M . K E A R Y dit, dans l'introduction de son Catalogue des monnaies anglo-saxonnes du British Museum, que ces monnaies de cuivre constituaient la petite monnaie des AngloSaxons. L e s sceattas, qui étaient en argent, valaient davantage. Il est curieux de constater, d'après une assertion de cet ouvrage, que la petite monnaie romaine circule encore aujourd'hui en Espagne comme monnaie d'appoint, i) nous apprend de son côté, qu'à la fin du II siècle, les deniers romains en argent M.
PROU e
i) C . F . K E A R Y .
Introduction,
p. X .
88
avaient dégénéré et ne consistaient plus qu'en un billon où le cuivre entrait pour moitié. Ceux dont se servaient les Francs à la fin du V siècle devaient être très usés. Les trouvailles faites à Dombourg confirment cette dernière assertion. e
L e s monnaies romaines de Dombourg vont de la République jusqu'au règne de T E T R I C U S . Cependant, dans ce siècle-ci, plusieurs pièces du temps des C O N S T A N T I N S y ont été ramassées, mais ce fait ne prouve pas que les Empereurs byzantins aient dominé la contrée, car le numéraire des Empereurs continuait à circuler parmi les peuples de l'Europe. (Pl. V I n°. i.) Après que les Romains eurent été forcés de quitter l'Angleterre au commencement du V siècle, ils n'ont plus visité nos côtes, quoique le littoral lui-même restât habité. Plus tard, les incursions des Saxons vers les Iles britanniques y ont apporté un renouvellement d'activité. On doit remarquer encore que les monnaies de C A R A U S I U S , le célèbre fondateur du Littus Saxonicum, terrain peu éloigné de nos côtes, n'y ont jamais été trouvées. C'est un fait des plus étonnants, puisqu'il est connu que cet usurpateur célèbre a fait battre une quantité énorme de numéraire, qui, selon J. D I R K S I ) , e
I
D I R K S , Sceattas anglo-saxons, p. 1 4
8
9
doit, sans doute, son origine à de grands embarras pécuniaires. Des monnaies d'or romaines, nous venons de le dire, n'ont pas été ramassées à Dombourg. Nos habitants des deux premiers siècles, ne s'en seront pas servis, car on ne saurait admettre que ces pièces de valeur, aient été ramassées par les peuples du V au VIII siècle. Les Gaulois et les Germains surtout, dit H. C A N NEGIETER, i) ne tenaient guère à s'emparer de quelque objet qui leur parût sacré. e
e
Cependant le fait de dépouiller les corps avait lieu de temps en temps, car nous trouvons entre autres dans l'article VII de la loi salique amendée par C H A R L E M A G N E : 2) 1.
Que
celui qui aura dépouillé
beau
qui surmonte
à payer 2.
600 d e n i e r s
Celui
qui
corps
d'un
tombe,
un
aura
ou
qui font
brisé
mort,
o u d é t é r i o r é le t o m -
m o r t devra être c o n d a m n é
la
ou
15
plaque
détruit
les c o n s t r u c t i o n s
que
coutume,
et
aura
être
condamné
à payer
solidi. qui r e c o u v r e
l'entourage
faites s u i v a n t
dépouillé
le m o r t ,
600 d e n i e r s q u i
de
le la
l'antidevra
font
15
solidi. 1) Dit is bijzonders en verwonderenswaardig omirent hunne kerken of
gewijde
plaatsen.
Men
ziet
in
dezelve
veel goud ais over den
grond gestrooit, hetwelck van niemant, hoe gering ook dat volck is, wordt
aangeraakt. C A N N E G I E T É R , Manuscrit
2) L'empire ment par
des Francs
le général
depuis sa fondation jusqu'à
E A V E . Paris 1 8 8 9 , page 4 6 5 .
inédit.
son démembre-
9° 3.
Celui
qui aura placé un
un cercueil de bois ou damné 4.
Celui
à payer qui
aura
m o r t sur un autre, d e pierre,
1400 d e n i e r s déterré
à
dire banni
du
devra être con-
qui font
35
un corps après
lissement et l'aura dépouillé,
dans
sera
solidi. l'enseve-
„wargus"
c'est
pays.
En Frise, parmi les monnaies trouvées, on remarque souvent des sous d'or et des .monnaies d'argent byzantines. Dombourg n'en a jamais fourni aucun exemplaire.
2.
MONNAIES
ANGLO-SAXONNES.
Les monnaies saxonnes, trouvées sur la plage de Dombourg, proviennent de toute la période de temps au cours de laquelle les sceattas ont été frappées. Ces pièces par suite de l'absence de légendes déchiffrables, offrent les plus grandes difficultés aux numismatistes qui s'occupent sérieusement de cette série intéressante et obscure. Dans un article précédent, paru dans cette Revue, 1) nous avons tâché de donner un aperçu des dernières hypothèses faites sur la date d'émission des sceattas de même que l'explication de quelques emblèmes obscurs, figurant sur ces monnaies. Nous avons constaté en outre, que les trouvailles de Dombourg ne s'opposent pas à la théorie nouvelle de M . 1) Tijdschrift
voor munt- en penningkunde,
3 jaargang. e
9i
qui fait commencer la frappe des sceattas vers l'an 600 environ. Les sceattas, de sceat = trésor, sont de petites pièces d'argent à flan épais. Presque tous les types de sceattas, décrits dans l'intéressant Catalogue du British Muséum, ont été retrouvés dans les fouilles de Dombourg. Quelques uns de ces types, qui se rencontrent rarement dans les trouvailles de sceattas faites en Angleterre, sont au contraire assez abondants parmi les pièces trouvées sur notre littoral. Il est probable que ces sceattas ont été frappés dans nos contrées, soit par les Anglo-Saxons, soit par les Frisons, soit encore par les Francs qui se sont établis en dernier lieu dans notre pays. Il y a peu de différence entre les sceattas exhumés à Dombourg et ceux trouvés ailleurs dans notre pays. Les sceattas de Dombourg sont généralement mieux conservés que les deniers francs trouvés au même endroit. Nous avons prié un de nos amis, le Dr. F. S E E L H E I M , de bien vouloir faire l'analyse de quelques sceattas saxons. Voici le résultat de ses recherches : L e sceatta du type nommé vulgairement „louve-étendard" contenait sur 100 parties : argent 92.5 cuivre 7.5 100.— JOHN
EVANS,
92 Un autre sceatta portant une tête royale et sur le revers une croix carolingienne accostée de quatre points f-|-r contenait: or argent cuivre
0.7
91.5 7.8
100.— On voit que le titre de ces pièces est assez élevé et que le cuivre n'y entre que pour une petite part. Les Anglo-Saxons, comme beaucoup d'autres peuples de l'Europe septentrionale, avant d'employer le numéraire frappé, se sont servis d'anneaux d'or et d'argent, qu'ils appelaient „beâg", expression qui plus tard fut synonyme de trésor. Les morceaux coupés de ces anneaux s'appelaient „scilingas." „Déjà les anciens Egyptiens, dit M. L E C O M T E N A H U Y S , I ) payèrent en anneaux d'or et d'argent d'un certain poids et d'un certain diamètre. C'étaient des monnaies rudimentaires." L'emploi de ces anneaux-monnaies fut introduit plus tard en Europe et leur emblème, représenté par deux cercles entrelacés, est peut-être figuré sur différentes monnaies. Plusieurs sceattas trouvés à Dombourg sont ornés
I) M A U R I N Vol. III
N A H U Y S , Explication
d'un emblème franc.
Extrait
du
des Annales de la Société a"Archéologie de Bruxelles, page "J.
93
de cet emblème intéressant. L'avers de ces pièces montre un profil difforme au nez très saillant. En Angleterre, on exhume rarement ce type de sceattas, aussi est il évident, que la présence des Francs qui habitaient les pays voisins de nous, y a exercé une grande influence. Un seul sceatta trouvé en Angleterre porte les anneaux entrelacés sur un des côtés, i) L'avers fait voir le dragon, type favori des Anglo-Saxons. Puisqu'un type connu resta longtemps en usage, il n'est pas étonnant de retrouver également le type des cercles entrelacés sur les deniers de P É P I N L E B R E F , de C H A R L E M A G N E et d'autres Souverains. L e denier de C H A R L E M A G N E portant cet emblème est généralement attribué à l'atelier de Maestricht, et rien ne s'oppose à ce que ces petites monnaies, anglo-saxonnes ou franques, que nous venons de décrire, ne soient originaires de cette même localité. Un autre type de sceattas ou deniers francs qui ne figure pas dans les trouvailles de monnaies en Angleterre, mais qui a été trouvé en quantité en Frise et sur la plage de Dombourg, est celui dont l'avers est occupé par une croix centrale, entourée de quelques bâtons entremêi) Catalogue du British
Muséum,
pl. IV, no.
94
lés de points. L e revers de ces pièces porte une étoile à six raies, ou plutôt deux triangles équilatéraux superposés en sens contraire. Feu J. D I R K S nommait ce type le „Sceau de David ou de Salomon." Quand les Saxons s'établirent en Angleterre, ils y trouvèrent le numéraire romain en usage et ces monnaies, surtout celles en petit bronze, continuèrent à circuler parmi eux. Quoiqu'on admette quelques types inventés spécialement par les Anglo-Saxons (voir Cat. du British muséum, pl. III, n . 19—-20), le type de la plupart des sceattas a été inspiré en partie par les monnaies romaines et en partie par le numéraire mérovingien. Les Saxons ont suivi la règle générale des peuples barbares, c. à. d. qu'en créant un numéraire spécial, ils ont imité les types des monnaies étrangères qui leur venaient en main. Ces imitations, d'abord assez consciencieuses, dégénérèrent ensuite de plus en plus II en résulte que les monnaies, portant les types les plus corrects, doivent nécessairement être plus anciennes que celles présentant des figures dégénérées et difformes. os
A ce point de vue, la plage de Dombourg a fourni beaucoup de pièces de date assez récente dans la période des sceattas, car les types de nos monnaies sont souvent si déformés que l'image originale n'y est guère recon-
95
naissable. Les sceattas Saxons excellent en variations de type. Nous n'avons presque jamais rencontré deux pièces identiques. V e r s 760 environ, les sceattas ont été remplacés en Angleterre par les pennies, monnaies inspirées par l'introduction des deniers francs de P É P I N L E B R E F . Cette nouvelle monnaie anglo-saxonne ne se rencontre plus dans les fouilles de Dombourg-. L e numéraire franc avait donc à cette époque remplacé dans notre pays la série anglosaxonne. Les Saxons, comme tous les peuples germaniques, n'ont frappé des monnaies d'or, qu'en nombre très peu considérable. Dombourg ne nous en a fourni qu'un seul exemplaire. Cette monnaie ( M A C A R É II, pl. II, n°. 4) paraît être une imitation soit d'un solidus de M A G N U S M A X I M U S , frappé à Londres, soit des pièces de V A L E N T I N I E N I, frappées à Trêves. 1) Les sceattas portant une tête royale, accompagnée soit de la légende Lundonia (Londres), soit d'une longue croix romaine ou d'un autre emblème chrétien sont probablement de la date la plus ancienne. L e revers de ces pièces représente un personnage de bout dans une espèce d'arc qui a peut-être la forme d'un bateau. L a tête de cette figure est toujours entourée d'un nimbe.
1) C.
F.
KEARY,
LOC.
cit.
p.
2.
96
L e corps est revêtu d'un habit richement orné. Chaque main tient soit une longue croix, soit l'une une croix et l'autre un oiseau. Ce type d'un personnage portant deux croix se rencontre également sur un tiers de sou de Tournai, où il doit vraisemblablement représenter un apôtre de cette ville, i) Nous croyons une fois de plus que toutes ces belles pièces anglosaxonnes, qui ont certainement subi une influence franque, se rapportent à l'introduction du christianisme en Angleterre, vers la fin du sixième siècle. Il est curieux de voir que le saint ou le missionnaire représenté sur le revers de ces pièces, figure de même sur d'autres sceattas, portant au lieu de la tête royale, le dragon ou le monstre mythologique des Anglo-Saxons. Il nous semble que les sceattas de cette série doivent être postérieurs à ceux portant la tête royale. Il paraît que ce type ne s'est pas retrouvé en Frise, car J. D I R K S , dans ses ouvrages, ne les mentionne pas comme ayant été trouvés dans nos contrées septentrionales. A Dombourg, au contraire, on en a mis au jour plusieurs exemplaires dont quelques uns sont gravés très-artistiquement. Nous
mentionnerons la pièce
publiée
par
l) D E P O N T O N D ' A M É C O U R T , Recherches sur V origine et la filin tien des types des premières monnaies carlovingiennes, p. 2 1 .
97
II, pl. II, n°. 10 et celles de notre collection, dont l'une est reproduite sur la pl. V I de cet article (n°. 2) tandis que nous en avons publié une autre dans le Tijdschrift 1895, pl. I, n°. 1 RETHAAN
MACARÉ
L e Musée de Middelbourg contient 2 exemplaires différents de ce type et notre collection en renferme 5 exemplaires. L a collection de M. H. J. bourg n'en contient pas.
BOOGAERT
de Dom-
Nous avons ensuite à nous occuper des sceattas d'une autre catégorie. L e type chrétien n'y est plus reconnaissable, et la tête de l'avers a changé d'aspect. Sur le revers apparaît un carré perlé dans lequel nous lisons le plus souvent mais on en rencontre également portant d'autres caractères. Cette série, qui est nombreuse, présente les variétés suivantes : A . Les pièces sur lesquelles la tête royale est accompagnée des lettres T I C . B. Celles qui portent A P A et E P A en caractères runiques. On admet généralement que ces deux noms sont ceux d'un monétaire de ces temps. D'autres numismatistes au contraire veulent y lire le nom d'un roi mercien. M. E V A N S I ) est d'avis que les pièces portant A P A ou E P A sont originaires d'East An1) J O H N
EVANS,
On a small hoard of Saxon sceattas found
Cambridge. London 1 8 9 4 .
near
9
8
glia, un des royaumes de l'Heptarchie, qui pouvait facilement entretenir des rapports commerciaux avec la Frise. C. Une autre variété intéressante est celle du type au nez carré portant les runes EP, SPI et W G R A E - D T o u s ces spécimens de sceattas ont été rarement ramassés à Dombourg, nous les indiquons comme figurant dans: Cat. du British 9 et 14. JOHN
EVANS,
sceattas found RETHAAN
Muséum,
pl. I, n . 5, 6, 7, os
On a small hoard of saxon near Cambridge pl. II, n°. 9.
MACARÉ
I,
pl.
II,
n°.
41
et
II,
pl. I, n°. 27. La collection du musée de Middelbourg, 12 ex. Notre collection, 10 ex. L a collection de M. B O O G A E R T n'ent contient pas. D. Les sceattas portant une tête royale de mauvais style accompagnée de caractères runiques, de lettres latines ou de simples traits seulement. Revers : une croix à branches égales, ayant un point dans chaque coin, entourée de jambages sans aucun sens déchiffrable. C e dernier type est un de ceux trouvés sur la plage en plus grande abondance. Ces sceattas se rencontrent soit avec des gravures correctes soit avec des dégénérescenses plus
99
ou moins accentuées, qui parfois sont presqu'in • déchiffrables. On les trouve rarement en Angleterre. Il nous semble que ces pièces doivent provenir d'une frappe frisonne de nos contrées. Collection du musée de Middelbourg, 82 ex. Collection de M. B O O G A E R T , 30 ex. Notre collection, 60 ex. Cat. du British muséum, pl. I, n°. 8. R E T H A A N M A C A R É I, pl. II, n . 42—46. E . Les sceattas dits du „Louve Etendard?' Cette série est celle dans laquelle on trouve la plus grande variété de dessins. Il est même très-rare que deux pièces soient semblables jusque dans les moindres détails. Quantité de ces pièces ont jadis dû circuler parmi les habitants de notre littoral, aussi la plage en a-t-elle fourni beaucoup. Déjà en 1647 on remarque des sceattas de Dombourg, figurés sur la planche de V R E D I U S . Comme il est probable que les sceattas ont été ramassés aussi fréquemment de son temps que pendant le siècle actuel, il en résulte que le nombre des pièces saxonnes ensevelies dans le sol zélandais a dû être très considérable. Malheureusement toutes ces" pièces, trouvées isolées ou mêlées de numéraire franc, et dont on n'a jamais exhumé à Dombourg un dépôt intact, comme cela a eu lieu en Frise, ne sauraient servir à éluoS
IOO
cider les faits obscurs concernant leur origine et leur circulation. L'avers des sceattas dits du „Louve-Etendard" présente un emblème resté inexpliqué encore actuellement. Mille conjectures ont été faites, sans que l'on aît jamais trouvé le mot de l'énigme. On tend y voir une nérée.
cependant assez tête humaine de
généralement forme dégé-
L e revers est orné du carré de grénetis avec anneau au centre, type que l'on a déjà pu remarquer sur les pièces décrites plus haut dans cet article. Cette figure est, comme on sait, une imitation •
VOT
de l'étendard romain sur lequel est écrit L e type de l'avers se retrouve sur une pièce unique trouvée à Dombourg (voir pl. V I n°. 3) où il occupe la place du revers. L a tête royale est entourée de lettres, dans lesquelles plusieurs numismatistes ont voulu lire Tanem ou Thanetum, ce qui serait le nom d'une île située à l'embouchure de la Tamise, et où aurait eu lieu le débarquement de Hengist et de Horsa, les héros des Saxons. Nous ne sommes pas de cet avis et nous estimons que ces jambages ne présentent aucun sens lisible. On doit remarquer toutefois que les pseudo-caractères de cette légende sont formés partiellement de
IOI
jambages finissant en globules et partiellement de bâtons simulant des lettres latines. Cette même tête dégénérée est représentée sur un sceatta rarissime du roi mercien A E T H E L R E D (674—704). C'est la seule monnaie saxonne de Dombourg qui puisse être datée avec certitude, (pl. V I n°. ,4). Sceattas dits du Louve-Etandard, y compris toutes les variétés de ce type : Musée de Middelbourg, 190 ex. Collection de M. B O O G A E R T , 50 ex. Notre collection, 148 ex. Cat. du Brit. Muséum, pl. II, n . 4 — 7 . R E T H . M A C A R É I, pl. II, n . 24—39. F. Sceattas dits au Wodan-monstre. Les pièces de ce type ramassées à Dombourg sont très nombreuses et sont également de dessins très variés. os
os
L a plage a fourni plusieurs variétés intéressantes, entre autres les pièces où les petites croix à côté de la tête de l'avers ont été remplacées par les figures suivantes ; X — X ; X ; • • — • • . L e revers représente un dragon, ou un animal mythologique, la bouche béante. (Pl. V I , n°. 5). Collection du musée de Middelbourg, 32 pièces en argent et 16 pièces en cuivre. Collection de M. B O O G A E R T , 14 ex. Notre collection, 22 pièces en argent et 17 en cuivre. 7
102 G. T ê t e diadémée à droite dans un cercle de points. Légende composée de lettres qui ne forment aucun sens déchiffrable. Revers : oiseau sur une petite croix dans un cercle perlé, entouré de petits ronds, de petites croix ou de groupes de points. Légende indéchiffrable. „L'oiseau est un symbole qu'on retrouve souvent chez les Saxons," dit M A U R I N N A H U Y S , „et les rois postérieurs d'Angleterre sont aussi représentés tenant de la main gauche le globe avec la croix surmontée d'un oiseau. M. D I R K S I ) en citant cette phrase du comte N A H U Y S ajoute: „La colombe, symbole du St. Esprit, chassa les corbeaux de W o d a n : si elle n'en est pas encore un souvenir païen i), et le symbole du revers une figure semi-chrétienne-païenne. Nous aimons à y voir un symbole chrétien." Musée de Middelbourg: 4 ex. Notre collection : 6 ex. L a collection de M. B O O G A E R T n'en contient pas. Dombourg a fourni en outre plusieurs sceattas représentés par un seul exemplaire ; ce sont les pièces des planches de R E T H . M A C A R É I, pl. III, n°. 53, 58, 68,11, pl. II, n".
12, 13 et 14.
(Musée de Middelbourg). Tijdschrift 1895, pl. I, n°. 13 et pl. II n°. 26. (Notre collection.)
1) J . D I R K S , L O C .
cit.
p.
122.
103 Penny
CTAETHELBERT
II (860—866).
Buste nu du roi tourné à droite, la tête dans un cercle perlé Légende: A E D E L B E A R I i T R E X R e v e r s : E D E L V E A L D M O , rangé en forme de croix; dans les coins la continuation de la légende: N E T A (rius). Notre collection. Voir pl. V I , n°. 6.
3.
MONNAIES
MÉROVINGIENNES.
L e progrès du christianisme en Gaule a coïncidé avec l'invasion des Francs dans notre pays. Cependant la conquête des Anglo-Saxons et des Frisons n'a pas été l'œuvre d'une seule invasion de l'armée franque. C H A R L E M A G N E a dû recommencer souvent les efforts de ses ancêtres avant de parvenir à subjuguer définitivement ces peuples. L e numéraire franc a dû être accepté très volontiers chez les habitants de nos contrées, car on le rencontre dans les fouilles faites dans différentes localités des Pays-Bas ; c. à. d. à Duerstede, à Dombourg, dans le Brabant septentrional, en Gueldre et dans les provinces de Frise et de Drenthe. Un atelier franc a travaillé activement à Duerstede, à Maestricht et peut-être aussi àUtrecht. Les
Francs
mérovingiens
se servaient de
104
préférence de numéraire d'or, mais ils ont également frappé des deniers d'argent et de bronze. Les deniers d'argent qui sont plus rares que les pièces d'or, se répartissent en deux groupes bien distincts, dit M. P R O U , I ) le premier comprenant les monnaies imitées des impériales; le second celles imitées des tiers de sou des monétaires. Dombourg n'a pas fourni de pièces de la première catégorie. En effet, à la date de leur émission, au V siècle et au commencement du V I siècle, les Francs n'habitaient pas encore nos contrées, en outre ces pièces de flan mince, d'un caractère spécial, ne sont trouvées que fort rarement dans les tombes des cimetières francs en France et en Belgique. 2) Elles furent les précurseurs des monnaies mérovingiennes. Quant aux deniers d'argent imités des tiers de sou, la plage en a fourni plusieurs, parmi lesquels des pièces rares ou uniques, comme nous le verrons plus tard dans cet article. e
e
Les Francs ont frappé des sous d'or et des tiers de sou d'or. M. P R O U divise les monnaies de la première race en quatre catégories : 1)
M. P R O U , Les monnaies mérovingiennes de la Bibliothèque
Na-
tionale, pag. X C V I . 2) G. C U M O N T , Monnaies franques découvertes dans les cimetières francs d'Eprave. Revue belge de numis?natique, 1 8 9 0 .
ios
les monnaies pseudo-impériales, les monnaies royales, les monnaies des églises et les monnaies des monétaires. Ces séries cependant ne se suivent pas chronologiquement. L a plage de Dombourg n'a pas fourni de pièces royales et peu de pièces frappées par les Eglises, mais nous lui devons au contraire quelques pièces uniques des monétaires. C'est au V I siècle que commença l'époque où petit à petit le numéraire franc s'est détaché du numéraire romain. Les graveurs francs débutèrent par le remplacement du buste impérial par une image de leur propre souverain, tandis qu'en même temps ils altéraient la légende. Ce n'est que plus tard, dans la seconde moitié du V I siècle, qu'ils ont commencé à signer les monnaies de leurs noms. e
e
Les monnais royales, c. à d. les pièces qui portent le nom d'un roi franc et celles frappées par les Eglises, sont toujours fort rares, tandis que les pièces signées de noms de monétaires sont au contraire fort communes. Elles présentent une immense variété de types et de styles qui n'est égalée que par leur différence de titre et de couleur. L e s fouilles de Dombourg ont mis au jour des tiers de sou de bon style, de même que des imitations plus ou moins grossières, des pièces en or très foncé et enfin d'autres pièces dont la couleur affecte
io6
la couleur de l'argent. On doit ranger dans cette dernière catégorie les monnaies „fourrées", pièces formées par une âme de métal peu précieux, couverte d'une mince couche d'or ou d'argent. Des pièces de cette série ne sont pas rares dans les trouvailles de Dombourg, Nous en possédons plusieurs sur lesquelles la couche de métal précieux est restée visible sur un des côtés tandis qu'elle a disparu de l'autre face. On a beaucoup écrit sur le rôle et l'état des monétaires francs. M . P R O U nous apprend que ce n'étaient pas des officiers royaux, i) mais qu'il faudrait les considérer comme ayant été à la fois directeurs et artisans. Cependant il a dû y avoir parmi eux des artistes qui gravaient et frappaient eux-mêmes les pièces qu'ils signaient de leurs noms, tandis que dans les grandes localités ils faisaient frapper les monnaies sous leur direction. 2) Le type le plus général des monnaies mérovingiennes est celui qui présente d'un côté, un buste de profil et une croix de l'autre. Ce dernier symbole, qui remplaçait „la Victoire" des Romains, fut varié sous maintes formes. L e monogramme du Christ, composé d'un X que traverse un P, est l'emblème le plus ancien
1) M . P R O U , L.OC. cit. page L X X X I . 2) M . PROU, L O C . cit. page L X X X I .
107 figuré sur les pièces mérovingiennes, i) L a croix haussée sur un globe est également de très ancienne date. Puis on rencontre la croix haussée sur des degrés, la croix chrismée, la croix ancrée (une croix latine à laquelle est est attachée un oméga renversé), les croix latine, grecque, gammée, potencée, etc. L e calice était aussi un emblème souvent employé à cette époque. Dans le VIII siècle la monnaie d'or fut remplacée définitivement par le numéraire d'argent, 2) dont la frappe avait déjà commencé dans le second tiers du V I I siècle e
e
Ces petits deniers épais, se rapprochent des triens mérovingiens et forment une filiation avec les deniers carolingiens, comme l'a démontré le V D E P O N T O N D ' A M É C O U R T . L e denier mérovingien est souvent désigné sous le nom de saiga. Cette dénomination doit être rejetée, dit M . P R O U , puisqu'elle est purement germanique. En outre, ce même savant fait mention de deux deniers sur lesquels le nom de la monnaie se trouve écrit. C e sont des pièces de Lyon et d'Orléans: Lugduno, dinarios et Dinario Auril 3) t e
Il paraît que les Francs, quand ils entrèrent 1) M . PROU, LOC. cit
p.
2) M.
LXXXV.
PROU, LOC.
cit.
p. C V I .
3) M . PROU, Loc.
cit.
p.
CVII.
io8 en Belgique, ne connaissaient pas la coutume de déposer du numéraire dans les tombes comme le faisaient les Romains ; mais petit à petit, ils commencèrent à y introduire quelques rares pièces de monnaies, peut-être par imitatatibn, mais à coup sûr, dit M . v. B A S T E L A E R , I ) comme amulettes. Les habitants de notre littoral, ensevelis à Dombourg, auront adopté les mœurs des habitants antérieurs en déposant plusieurs petites pièces d'or et d'argent dans la tombe de leurs défunts. D'ailleurs, il est intéressant d'observer, qu'en Belgique au V I I siècle, l'usage de mettre des monnaies dans les tombes se perdait de plus en plus, et celles qui datent de cette époque ne renferment plus une seule monnaie tandis que sur la plage de Dombourg, on a continué à mettre des monnaies dans les tombes jusqu'à la fin du I X siècle. e
e
Les deniers mérovingiens et carolingiens ramassés à Dombourg, sont pour la plupart très fragiles, et ils se distinguent très défavorablement des sceattas saxons, qui généralement ont mieux résisté aux dévastations dues à l'action simultanée de l'eau et du sable de la mer. Ces pièces sont souvent d'une telle fragilité qu'on pourrait les réduire en i) D . A . VAN BASTELAER, Cimetihe franc
de la Buissiere,
p. 4 3
iog poudre par le simple frottement, fait qui d'ailleurs se rencontre également dans les trouvailles de monnaies faites en terre ferme. M. V A N B A S T E L A E R parle d'une petite pièce mince en argent, trouvée dans un cimetière franc, qui lui parut très intéressante. On pria les personnes présentes de ne pas la toucher. Un des excursionnistes cependant, la prit en main, la frotta vigoureusement entre les doigts pour en détacher la terre, et y lire la légende. L a pièce se réduisit en poudre sous ses doigts. C e n'est qu'au milieu du X V I I I siècle que nous avons trouvé signalées pour la première fois des pièces mérovingiennes de Dombourg. C A N N E G I E T E R , dans son manuscrit, parle d'un tiers de sou de la collection V A N C I T T E R S , portant Scarponna fit signé du monétaire W A REGISELVS. Une pièce probablement identique semble se trouver dans D E B E L F O R T III, n°. 4014 ou 4015. Il mentionne en outre un triens ayant T R I E C T O F I T , monétaire M A D E L I N U S et plusieurs autres de Dorestad. L e triens portant Triecto fit (Utrecht ou Maestricht) est le seul exemplaire sortant de cet atelier, qui ait été trouvé à Dombourg. M. K L U I T , qui était alors professeur à l'université de Leyde posséda, provenant de la plage en question, trois autres tiers de sou, parmi lesquels un triens de Verdun, monétaire L A N D E R I C U S et e
I IO
un autre de Metz, du monétaire E U D E L E N U S . Le fonctionnaire L A N D E R I C U S n'est pas signalé dans l'ouvrage de M. D E B E L F O R T , ni dans le Cat. de M. P R O U . Probablement le triens du Prof. K L U I T a porté Laude(ricus) et si notre hypothèse était vraie, le nom du monétaire L A U D E du n°. 1005 du Cat. P R O U , pourrait être complété par le suffixe de R I C U S . L a fin du siècle dernier a été riche en trouvailles de monnaies sur la plage. Ces pièces ont été, pour la majorité, achetées par des personnes généreuses et ont été offertes par elles à la Soc. Zél. des Sciences, qui, dans ce temps là, venait d'être fondée. Cependant un grand nombre des pièces trouvées ont dû aller ailleurs et doivent se trouver dans les grandes collections de l'Europe. Mon père se rappelle fort bien avoir vu le nom de „Dombourg" accolé à plusieurs monnaies mérovingiennes exhibées à l'Exposition universelle de
1867
par
feu
le
V
te
D E
P O N T O N
D ' A M É C O U R T .
Parmi les dons reçus par la Société Zélandaise des Sciences, nous citerons des pièces romaines offertes par le numismatiste P. V A N D A M M E , renommé par sa superbe collection de monnaies antiques. A l'exception de la trouvaille dont nous allons parler et qui a été signalée dans les travaux de R E T H . M A C A R É , jamais un dépôt de mon-
naies, n'a été exhumé à Dombourg. En 1799, M . S E R L É , de Dombourg légua à la Soc. Zél. des Siences une collection de monnaies, qui auraient été trouvées sur la plage dans un vase de pierre. Cette collection renferme: 22 mon. romaines, 29 sceattas saxons, 2 pièces mérovingiennes et deux deniers carolingiens. 1) Nous devons cependant à la vérité d'ajouter que nous sommes d'avis que cette trouvaille n'a jamais eu lieu, car une annotation faite par feu le Président LAMBRECHTSEN, sur une boîte qui contenait ces monnaies, dit que ces pièces auraient été ramassées sur de grands morceaux de „derrie" (espèce de tourbe mélangée de sable) pendant les années 1780 à 1794. C'est ainsi que la dernière preuve décisive à tirer de toutes ces pièces intéressantes nous a été enlevée. En examinant les monnaies mérovingiennes sous leur rapport géographique, nous trouvons que ce sont les pièces frappées dans des localités situées sur les grands fleuves, sur les côtes de la mer, et celles provenant d'ateliers du nord de la Gaule, qui sont les plus abondantes dans les fouilles en question.
1)
RETHAAN MACARÉ,
ten, 1 8 3 8 , page 9 .
Verh. over de bij Domburg gevonden mun-
I
12
L e midi de la France n'a fourni que quelques spécimens. Nous possédons des monnaies de localités situées sur le Rhin : Duerstede, Cologne, Mayence ; sur la Moselle : T r ê v e s , Metz, (voir pl. V I n°. 8), Scarponna et des localités voisines : Metals, Bodesio Vico, Doso Vico ; sur la Meuse : Maestricht, Huy, Namur et Dinant ; sur l'Escaut: Cambrai; sur les côtes de la mer: Wico in Pontio, Marseille. L e nord de la France est représenté par des pièces de Reims, Soissons, Vico Santi Remidi, Paris, Charenton, Avallon, Langeais, Tours, etc. La collection entière du musée du Middelbourg ne contient que 49 tiers de sou, parmi lesquels : 9 monnaies pseudo-romaines ; 24 deniers d'argent et 2 monnaies de plomb. Notre collection contient: 24 tiers de sou, 27 deniers d'argent et 3 monnaies de plomb. Parmi les monnaies mérovingiennes, nous citerons comme pièces uniques ou fort rares : Le tiers de sou d'Avallon, celui de Charenton, monétaire M A U V E , un autre de Dinant, monétaire C U S A N E , (voir pl. V I n°. 7), le denier de Q U I N T I L L I E N , abbé de St. Germain, (voir pl. V I n°. 9) puis évêque d'Auxerre, et un denier D E B E R T
de Cambrai, — RACO CIVII — LAN— qui n'a pas été publié par M. D E
BELFORT.
(RETHAAN
M A C A R É
1856,
pl.
2,
n°.
I I).
"3
Maintenant, en dernier lieu nous allons décrire deux pièces inédites.
i. Droit. Buste à gauche, coiffé d'un casque terminé par une pointe ou une boucle à l'arrière. L e nez et le menton sont très anguleux. L e cou. et les épaules occupent une large place dans le champ + R O S S O N T T en lisant de droite à gauche. Revers : Croix potencée placée sur un globe aplati. L é g e n d e : L A V N I G I S I I ( L A U N I G I S I L U S ) . Tiers de Sou. Or foncé gr, 1.05. Nous n'étions pas parvenue à en déchiffrer les légendes. M . M A U R I C E P R O U a eu l'extrême obligeance de nous venir en aide, et a écrit, il y a quelques années, que du côté de la tête il avait songé à Suessionis ou Bainissonis, en suivant les lettres de droite à gauche. Mais cela lui paraît bien douteux. Les deux s couchés qui existent dans le nom de ces deux localités se retrouvent très distinctement sur notre pièce. L e type de la croix est également particulier à ces deux endroits. M. P R O U était d'avis de lire au revers comme nom de monétaire : L A U N I G I S I L E . Ce
nom de
LAUNIGISILE
ne figure pas en-
114
core dans la liste des monétaires mérovingiens. Mais on y trouve au contraire une quantité de noms qui se terminent également par G I S I L comme: B O D A U G I S I L , AUDIGISIL, LAUDEGISIL, TEUDEGISIL,
etc.
C e nom de L A U N I G I S I L n'a donc rien d'invraisemblable. M.M. S E R R U R E et E N G E L , dans leur Traité de Numism. du Moyen Age, disent que les radicaux gisal, gisel et gisil qui veulent dire compagnon, sont de ceux qui ont fourni le contingent de noms le plus nombreux à la nomenclature mérovingienne. Pour le moment, notre pièce doit être classée parmi les monnaies provenant de localités indéterminées, mais à cause du style et surtout de la forme de la croix, on peut admettre que ce tiers de sou doit probablement avoir été frappé dans le nord-est de la Gaule, dans le voisinage d'une des localités suivantes: Toul, Verdun, Reims et Soissons.
2. Droit: A L I N G AN/I A S . Buste d i a d è m e à droite. Revers: Croix grecque. L é g e n d e : FRATER N O M [Fraterno m(onétarius)], I) Un monétaire Fraternus a également frappé à Chalons sur Saône. A . DE BELFORT, Dcscript ginér.
n°. 1 1 4 8 .
" 5
Argent : Denier ou tiers de sou fourré, gr. 110. Ce denier de Langeais (Indre et Loire) présente une variété de type du tiers de sou d'or, qui figure sous le n°. 92 du tome I de l'ouvrage de M. D E B E L F O R T , O Ù il est décrit ainsi: A L I N G A V I A S . Buste d i a d è m e à droite. Grènetis au pourtour + F R A T E — R N O M Croix grecque polarisée sous la croisette initiale, sur un globe et deux degrés placés dans la zone de la légende qu'ils interrompent. Tiers de sou, gr. 1.18. Sur la pièce de notre collection, qui est en argent, les lettres de la légende sont gravées plus correctement, le buste y est mieux dessiné et d'un type moins barbare. Mais au revers, la croix commençant la légende fait défaut. L a croix ne repose pas sur un globule et sur deux degrés, comme le présente là pièce appartenant au cabinet de France, et figurant dans l'ouvrage de M. D E B E L F O R T . Notre denier ne doit pas être confondu avec les pièces d'or de très bas aloi. Il est en argent très pur, c'est pourquoi nous sommes d'avis qu'il n'a jamais eu cours avec la valeur du tiers de sou d'or. Comme actuellement, il n'a plus que l'éclat de l'argent, il est possible néanmoins que notre denier aît été à l'origine une monnaie fourrée, c. à. d. une monnaie fausse. Les Romains ont fabriqué fréquemment des
n6 monnaies fourrées ou saucées au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne. Les Francs les ont évidemment imités. Parmi les monnaies il en est qui sont habilement fourrées, dit M. P R O U , I ) „elles consistent en une âme d'argent sur laquelle on appliquait avant la frappe une pellicule d'or très mince." C'étaient-là des monnaies fausses, dont une partie aurait eu peut-être une origine officielle. L'atelier de Duerstede excella à fabriquer des monnaies fausses. Sur les 36 tiers de sou de cet atelier que nous possédons à Middelbourg 14 sont d'un aloi si bas, qu'on les prendrait pour des pièces d'argent. L e poids de ces triens varie de gr. 1.20 à 1.30. L a plage de Dombourg a fourni encore bien d'autres pièces fausses, ainsi que des sceattas saxons et des deniers mérovingiens Ces pièces sont en cuivre et recouvertes d'une pellicule d'argent, dont les traces sont souvent encore visibles. Quoique le denier de Langeais de notre collection ne porte plus la moindre trace d'une pellicule d'or, il serait néanmoins possible qu'un long séjour dans l'eau de la mer l'aît fait disparaître. Cependant cela nous semble bien douteux. 1) M . PROU, LOC. cit.
page L X L U .
A
suivre.
Que sait-on de la plage de Dombourg? {Suite et
MONNAIES
fin)
CARLOVINGIENNES.
En longeant notre littoral, dans la direction des cimetières, on distingue parfaitement une large zone blanche, ressemblant à des montagnes de craie éclairées par le soleil. C e sont-là les hautes dunes de l'île de Schouwen, où l'on a recueilli de temps en temps des monnaies romaines du règne des Constantins i). Jamais cependant on y ramassa ni une monnaie mérovingienne ni quelque autre pièce plus récente. L'île de Schouwen est très ancienne et c'est peut-être à cause de ce fait, que des savants de différentes nations ont voulu attribuer à son -littoral une origine fort antique. Ainsi feu T H E O 2)
A
Breskens,
petite ville de la Flandre
ment mis au jour, une monnaie
Zélandaise,
on a égale-
d'HADRiEN. I O
154
savant historien français, cherche le commencement de la civilisation dans ces régions. PHILE
C A I L L E U X
I),
L e voisinage des sept 2) embouchures des trois grands fleuves, le Rhin, la Meuse et l'Escaut, le phénomène incessant du flux et du reflux, le nom de Helion, que l'auteur traduit par soleil, l'habitation de C I R C É (Zierickzee), l'ensemble de ces faits ont induit ce savant archéologue, comme plusieurs autres avant lui, à y chercher les vestiges de l'origine de la plus antique civilisation, idée à laquelle nous ne pouvons cependant nous rallier. L'île de Schouwen n'a donc pas fourni de numéraire franc ou saxon, mais, par contre le nombre de monnaies carolingiennes, retirées de la plage de Dombourg, est fort considérable. PÉPIN
L E
D É B O N N A I R E ,
BREF,
C H A R L E M A G N E ,
L O T H A I R E
I,
C H A R L E S
LOUIS L E
L E
CTLAUVE
et P É P I N I et II d'Aquitaine, sont les rois carolingiens dont on a retrouvé des monnaies dans le sol de cette localité. L e système monétaire de la deuxième race est très différent de celui qui a été suivi pendant l'époque mérovingienne. „Les pièces d'or ont totalement disparu, retirées de la Gaule,
1) THÉOPHILE CAILLEUX, Pays Atlantiques 2) Nombre sacré.
et la Judée en S
Europe.
!55 dit M. P R O U , par les marchands orientaux," et sont remplacées par des deniers d'argent et des demi-deniers ou oboles, de f 1 a n très mince. Sauf quelques rares sols d'or sortis de l'atelier d'Uzès et des pièces curieuses de Louis L E D É B O N N A I R E , portant M V N V S D I V I N V M , toutes les monnaies frappées par les monarques de la deuxième race sont en argent. Dans nos contrées, l'atelier de Duerstede, si productif pendant les Mérovingiens, a encore continué à travailler pendant plusieurs années. On connaît des deniers, portant le nom de cette célèbre localité, frappés par C H A R L E M A G N E , par Louis L E D É B O N N A I R E et par L O T H A I R E . Il serait très difficile d'admettre que, pendant le règne de P É P I N L E B R E F , on n'y ait pas frappé monnaie. En étudiant les monnaies ramassées à Dombourg, nous trouvons que les monnaies de P É P I N se composent assez généralement d'un avers montrant les lettres | | P I P I accompagnées des initiales R F ou R.P. au revers. -
M. D E C O S T E R a publié dans la Revue belge de numism. année 1859, un denier de ce type, portant dans le champ et au-dessous du caractère R du revers, six lettres extrêmement petites et mal formées et qu'il croyait devoir lire DVRSTA. Une pièce analogue mais un peu différente
156
a été trouvée à Dombourg. En voici la description: n P I P I ; au-dessus une petite croix; en bas la hache. R e v e r s : Les initiales R P | liées entre-elles, monogramme de P I P I N U S Rex. Un globule entre les lettres. Au-dessus, un trait d'abréviation. A gauche et au-dessous, cinq petits caractères de forme barbare.
Quoique notre denier soit brisé sur les bords, on peut se rendre compte qu'il n'y aurait pas eu de place pour une sixième lettre, le grènetis seul ayant disparu. En comparant ces lettres minuscules avec celles qui figurent sur les deniers de C H A R L E M A G N E , frappés à Dorestad, on parvient à y lire D V R S T (AD) c. à. d. le commencement du nom de la localité. Sur ces deniers, le style des lettres D et R de Dor (stad) est très souvent exprimé par deux O II séparées par un petit o. Les deux I I ï~l sur notre denier, en sont des variétés, mais ces lettres sont séparées non par un o, mais par Vu de la variante de Durestad. L e s deux lettres qui suivent me paraissent être un s et un t.
iS7
L'orthographe du nom Dorestad présente quantité de variations depuis le mot correct de Dorestad, jusqu'à la forme barbare de Tuestad. (i) Espérons qu'on trouvera un troisième exemplaire qui nous donnera une orthographe plus correcte. Pour le moment, nous nous rangeons à l'opinion de M. D E C O S T E R , et nous lisons dans ces petites lettres incorrectes le nom de Dorestad. Dombourg a mis au jour une autre pièce de P É P I N , beaucoup plus intéressante encore. Cette monnaie de premier ordre est une obole de ce roi, frappée à T r ê v e s . Voici la description de cette pièce unique, publiée par
M.
P.
BORDEAUX
(2).
.
Croix formée de points et cantonnée des lettres /\ — N — P I — P I (Dominus noster Pipinus). Revers : P T R E F E R écrit en boustrophédon ou à rebours. (Petrus Treferensis). L e P qui existe avant TREFER est probablement l'initiale de la cathédrale de T r ê v e s , dédiée à St. Pierre. (Collection de M. P. B O R D E A U X à Neuilly). L e musée du Zeeuwsch Genootschap contient 1)
Nous avons publié dans la Revue
belge de numism., aimée 1 8 9 1
un denier portant DURISTAT. 2)
P.
BORDEAUX,
Les
monnaies
de
Trêves
pendant
carolingienne. Revue belge de numism., année 1 8 9 3 page 4 .
la
période
158
en outre un T au-dessus probabilités, (voir pl. V I
denier de P É P I N , portant un grand des initiales RIP, qui selon toutes doit être rapporté à Maestricht. N'. 10).
Les monnaies de C H A R L E M A G N E , fils et successeur de P É P I N L E B R E F , sont généralement classées en trois catégories. L a première de 768—781, a le nom royal écrit en deux lignes, remplissant tout le champ, et de l'autre côté le nom de la localité où la pièce a été émise. La seconde période de 781—800, comprend les pièces ayant C A R L V S R E X F entre deux grènetis. Croix cantonnée de quatre points. Revers : L e nom de la localité également entre deux grènetis. A u centre, monogramme de Karolus. La troisième période contient les monnaies au nom de Charles Empereur. 800—814. L'émission des deniers de la 2 période a peut-être continué après l'an 800, car les pièces portant le titre impérial sont fort rares 1). I
È
M
E
Plusieurs monnaies intéressantes de la première période ont été ramassées sur la plage. Nous citons un denier unique de Parma . SOI celui de St. Trond en Belgique TR'V, un autre M
&
portant
(1).
sci
M . PROU.
nationale, page X I .
MARI
Les
H
A
DO
et, last not least, un denier
monnaies
carolingiennes
de
la
Bibliothèque
159 de ce monarque frappé à Liège. Voici la description de cette pièce qui nous appartient : C A R O L U S en deux lignes. Grènetis au pourtour.
R e v e r s : L E O D I C O en deux lignes. Au centre un globule et un groupe de points, posés en triangle au commencement de la deuxième ligne. Exemplaire de conservation excellente. Poids = gr. I . I O . Cette intéressante monnaie trouvée en 1896, est le troisième exemplaire connu du denier de Charlemagne frappé à Liège. Le premier appartient au cabinet de France. L e second exemplaire fait actuellement partie de la riche collection du V B. D E J O N C H E 1) à Bruxelles. L e poids de ce dernier est 1.002. T E
L'authenticité de plusieurs monnaies de Charlemagne a été le sujet d'une vive discussion scientifique entre les numismatistes belges et français. On se rappelle les articles publiés à cette occasion par M . D E L O N G P É R I E R et par M . D E C O S T E R sur des deniers de P É P I N et de C H A R L E M A G N E provenant des fouilles faites près 1) Ancienne collection HUGO GARTHE à Cologne.
i6o
de Duerstede. Ce dernier numismatiste a démontré d'une façon peremptoire que les pièces étaient authentiques „ L e désir de l'argent", écrit P. E U D E L dans le Truqttage — les contrefaçons dévoilées — „est vieux comme le monde. Aussi la contrefaçon des monnaies se perd-elle dans la nuit des temps et on peut dire hardiment sans crainte de se tromper que c'est en numismatique que les faussaires ont été le plus audacieux et les amateurs le plus exploités. Il est impossible de déchiffrer le nombre des Albins d'or, des médaillons de Syracuse, des triens mérovingiens et des deniers carolingiens d'une origine douteuse, qui courent le monde". L'existence de ces pièces fausses doit avoir beaucoup contribué à faire douter les numismatistes consciencieux de l'authenticité du fait lorsqu'on leur annonçait la découverte d'un denier inconnu de rois de la première ou de la seconde race. Aussi le denier de la vente H U G O G A R T H E n'a-t-il pas entièrement échappé au doute sur son authenticité. M. D E C O S T E R et plusieurs numismatistes belges des plus compétents l'avaient déclaré vrai. M. D E J O N G H E a bien fait d'enrichir ses cartons de cette rarissime monnaie. Nous allons avoir l'avantage de fournir une preuve de son authenticité, au moyen de notre denier,
i6r
qui n'est certainement pas une pièce fausse, puisque l'endroit où il a été trouvé est connu. Notre denier, déterré à Dombourg, porte une forme très caractéristique de la lettre initiale de L E O D I C O . L e bas de la lettre L est bifurqué en deux parties très distinctes comme le fait voir la gravure. Cette particularité de la forme bifurquée du bas de la lettre L paraît propre à l'atelier de Liège à cette époque. Si l'on étudie la gravure du denier appartenant au cabinet de France et qui paraît faite d'après un exemplaire fruste ou rouillé, ce qu'affirme du reste le poids assez bas de gr. o 95, on remarque une variation moins prononcée de la forme étrange de la lettre L. L e denier de M. D E J O N G H E , d'après un frottis, qu'il a eu la gracieuseté de nous envoyer, présente, croyons-nous, ce même détail. On reconnaîtra qu'un faussaire moderne, n'aurait pu imaginer une particularité dans les détails propre à cet atelier sans avoir eu sous les yeux un exemplaire marqué de cette lettre de forme spéciale. Nous ignorons la provenance du denier de Liège du cabinet de France, mais l'état rouillé ou fruste de cette pièce doit nécessairement cacher certains détails dans la forme de la lettre L. Il nous semble que ces trois deniers sortis d'un même atelier sont probablement l'œuvre d'un même
IÔ2
monétaire. L a forme L E O D I C V S , viens publicus. est mentionnée, dit M. C E R E X H E , dans des annales qui s'arrêtent à 803, plus anciennement le nom de la ville était L E O D I V M . M. M. E N G E L et S E R R U R E ne mentionnent pas l'atelier de Liège parmi les localités où C H A R L E M A G N E fit frapper ses monnaies du premier type, datant de 764—781. Cela doit être attribué à un oubli involontaire, car c'est M. R. S E R R U R E , qui, dans son Bulletin de Num. et d'Archéol. a fixé l'attention des numismatistes sur ce denier à l'occasion de la vente du cabinet num. de H U G O G A R T H E . a célébré en 769 la fête de Pâques à Liège et il a dû y séjourner assez souvent. C H A R L E M A G N E
D'autres deniers, moins rares, ramassés sur la plage et appartenant à cette catégorie, sont ceux frappés à Duerstede Cologne, (voir pl. V I N°. 11), Bonn et Mayence, localités situées sur le Rhin. La seconde période, celle où apparaît le 'monogramme carolingien, voir pl. V I n°. 12, a fourni des deniers de moindre valeur. Nous ne possédons des deniers d'origine certaine, que pour Duerstede (voir pl. VI N°. 12), Mayence, Melle et Bourges, M. P R O U ayant restitué les deniers portant C A R L U S R E X F R de l'atelier de Reims et ceux à la légende Christiana Religio et au nom de C H A R L E S R O I , au règne de C H A R L E S
L E
CHAUVE.
i63 Pendant le règne de Louis L E D É B O N N A I R E , il a dû régner une vive activité commerciale sur notre littoral, si l'on se rapporte au nombre de monnaies trouvées. En effet, les deniers de ce prince, au type du temple, ont été ramassés en quantité à Dombourg. Imitées d'après un denier de C I - I A R L E M A G N E , portant autour du buste le titre impérial, et sur le revers un temple entouré de la légende C h r i s t i a n a R e l i g i o , et qui a été reconnu par M. P R O U comme ayant été un denier palatin, ces pièces ont joui d'une réputation universelle et ont dû être frappées par plusieurs princes portant le nom de Louis et de C H A R L E S . L e type du temple ne peut pas être antérieur à l'an 800, date à laquelle eut lieu le sacre de C H A R L E S à Rome. 1) M. P R O U est d'avis que ce type du temple représente non seulement „une symbolisation de la religion chrétienne," mais c'est aussi, d'après ce savant, „une figuration sommaire de la basilique de St. Pierre à Rome, dans laquelle C H A R L E M A G N E avait reçu la couronne impériale des mains du pape L É O N . " M. P R O U nous explique en outre que les deniers portant C A R L U S R E X F R . au type du temple, ne peuvent être attribués à C H A R L E M A G N E ; les plus anciennes monnaies de ce
1) M . PROU. Les monnaies carolingiennes de la Bibl. nationale p . X I .
164 type paraissant remonter aux premières années de
C H A R L E S
L E
C H A U V E .
Notre collection contient des variétés de ce denier, portant . • . sous le temple ; j entre les lettres D et O de Ludovvicus et une autre ayant un croissant au-dessous du temple. D e Louis L E D É B O N N A I R E on a trouvé sur la plage des deniers frappés à Duerstede (voir pl. V I N°. 13), à Venise et à Mayence, de même que des oboles de Tours, d'Arles et celles à la légende C h r i s - t i a n a r e l i g i o . Dans
une lettre datée du 24 février 1 7 4 1 , H . C A N N E G I E T E R écrit à M D E L A R U E , que le sieur O U D A E N lui avait montré une pièce d'or de Louis L E D É B O N N A I R E portant la légende M V N V S D I V I N V M , inscription dont l'explication paraissait très difficile au possesseur de la pièce — „waarmede hij zeer verlegen is '.— Dans le courant de cette même lettre, C A N N E G I E T E R se plaint que les historiens de son temps aient tout à fait négligé l'étude des pièces trouvées à Dombourg, car, dit-il, il n'y a que deux écrivains, l'un français et l'autre italien, qui en aient fait mention. Il n'est pas étonnant que les savants du siècle précédent n'aient pu trouver une explication suffisante de l'inscription de M V N V S D I V I N V M . Ce n'est que de nos jours qu'on a cru en trouver une solution admissible.
i6
S
M. L E V D E J O N G H E i) les considère comme des pièces d'or frappées dans des circonstances tout-à-fait particulières. Ce savant numismatiste est d'avis que les pièces munies de légendes pieuses ont été exclusivement frappées pour être offertes en dons à des personnes ou à des églises, à l'occasion d'une cérémonie religieuse. T E
M. P R O U 2) croit que ce sont des monnaies réelles mais exceptionnelles. Quant à la légende de M V N V S D I V I N V M , entourée d'une couronne de lauriers, il pense que ces quelques mots affirment, „que la couronne symbole de la dynastie impériale, est un présent divin, une allusion au couronnement par le pape, représentant de Dieu, c'est une humble et pieuse proclamation analogue à la formule Gratia Dei." Ces pièces ont été copiées par les Frisons et par d'autres tribus barbares. Il y a quelques années, on nous apporta un sou d'or de ce type mais de style barbare. Dombourg a donc fourni un exemplaire correct avec légendes lisibles et un autre, de style barbare, imité du premier par les peuples de nos contrées. M. M.
SERRURE
et
1 ) V T E B. DE JONGHE. De et spécialement
sous Louis
du congres international
ENGEL
la frappe
ont écrit un article de for
sous les
le Débonnaire.
Procis-verbaux
de numismatique.
Bruxelles,
2) M . PROU. Loc. cit. page
XXXIII.
Carolingiens et mémoires
1 8 9 1 page 2 2 1 .
i66
spécial sur les monnaies frappées par les Frisons. L e sou d'or dégénéré de Louis I n'y figure pas, mais ils font mention de pièces plus anciennes, qui, certainement, n'ont jamais été trouvées sur notre plage. Musée du Zeeuwsch Genootschap. au temple, 30 exemplaires.
Denier
Notre collection 50 exemplaires. Collection de M. B O O G A E R T à Dombourg, 11 exemplaires. Les autres pièces de Louis I ne sont représentées dans ces collections que par des exemplaires uniques. Déjà de son vivant, Louis I associa son fils L O T H A I R E à l'empire; en 823, ce dernier fut solennellement couronné par le pape, et, après la mort de Louis I en 840, les contrées des Pays-Bas actuels lui furent attribuées. M. M. S E R R U R E et E N G E L attribuent à la période d'association de L O T H A I R E à l'empire, c. à. d. de 817 à 840, tous les deniers barbares portant I O T A M V S I P I E I R A T et D O R E S T A T V S M O N E , 1) parce que selon ces savants, la ville de Duerstede était entièrement détruite en 840. M. P R O U , au contraire, tâche de prouver que Duerstede n'a pas été entièrement dévastée à
(1)
ENGEL
et
SERRURE,
tome premier, page 2 5 7 .
Traité
de
nnmismatiqtie
du moyen-âge,
167 cette époque, et qu'il n'est pas prouvé que cette place importante n'aurait plus frappé monnaie Nous ne sommes pas à même de résoudre une question aussi compliquée. Tout ce que nous pouvons dire en faveur.de l'hypothèse de M . M . E N G E L et S E R R U R E , c'est que le nom de Dorestad ne figure plus sur aucune monnaie des dynasties postérieures à L O T H A I R E . Le monnayage de C H A R L E S L E C H A U V E , riche en ateliers divers, aurait certainement été fait aussi à Duerstede si cette ville eut possédé encore assez d'importance pour y faire travailler un atelier monétaire. Dorestad avait subi considérablement l'influence des invasions des Normands, les deniers barbares et de mauvais aloi sortant de son atelier le prouvent suffisamment. Une ville visitée continuellement par des hordes sauvages, n'était plus pz"opre à faire travailler un atelier monétaire, où nécessairement devaient se trouver des quantités de lingots d'argent et d'autres métaux précieux destinés à la frappe de monnaies, et l'on préféra sans doute un lieuplus sûr pour la conservation de ces dépôts de valeur. Nous gardons dans nos tiroirs diverses pièces DlRKS
dans son „Koophandel der Friezen" page 1 8 9 , énumère ce
que
l'on
pouvait,
nier
d'argent:
denier; un Une
du temps de CHARLEMAGNE, achetei pour un de-
1 5 pains de seigle de deux livres chacun valaient un
pain de froment de 1 8 livres (sic) valait un demi-denier.
mesure de froment pesant 4 0 livres valait deux deniers et une
mesure de blé valait un denier.
i68
de L O T H A I R E I, mais elles sont en petit nombre en comparaison des deniers nombreux, frappés par son père et trouvés sur la plage. Les autres types de L O T H A I R E trouvés à Dombourg sont H. LITHURIUS IMP-CHRISTIANIA RELIGIO [temple] (voir pl. V I N°. 14.) et un denier frappé à Cologne à la légende L O T H A R I V S R E X IMP-COLONN CIVITAS, type au temple (Collection du V B. D E J O N G H E ) , T E
Son fils, L O T H A I R E II, qui lui succéda comme roi de Lotharingie, ne paraît pas avoir frappé monnaie dans nos contrées. C H A R L E S L E C H A U V E qui devint roi de Lotharingie par suite du traité de Meerssen en 870, n'a pas davantage frappé de numéraire signé d'une localité de nos parages. Quand, en 1870, nous eûmes l'honneur d'être chargée du soin du cabinet numismatique de la Soc. zél. des Sciences, nous ne trouvâmes dans cette collection intéressante que deux deniers appartenant à C H A R L E S L E C H A U V E . Depuis ce temps, la plage a augmenté cette série, car plusieurs deniers de ce prince y ont été ramassés dans les dernières années. C e s pièces portent les noms des ateliers suivants : Gand, le Palais, T r . . . s civitas (temple), St. Quentin, Laon, Quentovic, Reims et un denier au type des monnaies de ce prince, portant B R V C C I A M O . Les trois premiers appartiennent à M. B O O G A E R T de Dombourg.
169 L e royaume d'Aquitaine est représenté par un denier de P É P I N I ou II au type du temple, portant P I P P I N N V S R E X sans la dénomination de E Q comme nom de pays, et par quelques oboles ou demi-deniers aux noms de PÉPIN
et
de
CHARLES.
Il nous reste encore à parler d'une monnaie des plus intéressantes mais en même temps des plus obscures de la série carolingienne. En voici la description : + L V D O V V I C V S I M P dans deuxgrènetis. Croix cantonnée de deux globules, (voir pl. V I n°. 15.) R e v e r s : monogramme de C A R O L U S . Légende entre deux grènetis O S ou O I S T I R V N A I R E X . Cette pièce unique a déjà été publiée par nous 1). Dans l'article s'y rapportant, nous avons émis l'hypothèse de lire soit O I S T I R A N I A E R E X pour roi d'Austrasie, ou bien de l'interpréter par ortirunai, l'équivalent de Lotariniae rex. Ces deux interprétations n'ont pas été acceptées par les numismatistes étrangers. Nous nous sommes adressée ensuite aux personnes les plus compétentes afin de connaître leur ' opinion sur cette énigmatique légende, mais toutes nous ont dit qu'elles ne pouvaient, quant à présent, parvenir à déchiffrer le sens de ce mot. Nous espérons que 1) R
SERRURE. Bulletin
II
la trouvaille d'un autre exemplaire ou d'un texte permettra un jour d'interpréter cette légende tant soit peu énigmatique. MONNAIES
ARABES.
M.M. E N G E L et S E R R U R E disent dans leur savant traité, qu'au commencement du second siècle de l'hégire, une nouvelle monnaie, le dirhem, fut introduite par les Arabes. Cette belle monnaie a servi, selon ces auteurs, de modèle quant à la forme et au poids, pour les deniers carolingiens. L a plage de Dombourg en a fourni deux exemplaires. L e premier a déjà été décrit par nous dans la première partie de ce travail, c'était un dirhem du Calife A B U A B D A L L A H M O H A M E D V A L M U T A Z Z , frappé en 252 soit 866 de notre ère, à Towin, province d'Arménie. Cette pièce avait un entourage travaillé en filigrane. L e second exemplaire est un dirhem du calife M A M U N frappé à Ispahan en l'an 205 de l'hégire, soit l'an 820 après J. C. Ces deux pièces ont dû être amenées de ces pays lointains, soit comme conséquence d'échanges commerciaux, soit à la suite de voyages effectués aux Lieux Saints. Les Frisons qui étaient bons marins, avaient un commerce
I7î
étendu avec plusieurs peuples européens et ils excellaient dans la fabrication d'étoffes de laine et de drap. Ils fabriquaient en outre des manteaux, qui étaient tellement estimés, que C H A R L E M A G N E en offrit plusieurs au calife arabe H A R U N A L R A S C H I D I ) , un des monarques les plus redoutés de ces temps. Dans les provinces septentrionales des PaysBas, d'autres monnaies arabes ont été trouvées mais rarement 2). Nous ne nous occuperons pas ici des différentes monnaies trouvées sur la plage et datant du X I I I siècle et des temps postérieurs. Ce sont le plus souvent de petits deniers flamands, brabançons ou hollandais, mais on a également ramassé des pièces de plus grande dimension. Une pièce curieuse parmi ces dernières est le denier flamand de R O B E R T D E B É T H U N E portant l'inscription: E D L . R O B E R T U S C O M E S ( N O B L E C O M T E R O B E R T U S ) imité des monnaies anglaises. e
Aucune de ces pièces ne provient des tombes, elles doivent leur présence à d'autres événements, tels que guerres cotières, naufrages, etc. En
résumant
1)
D i R K S , Koophandel
2)
Le
ce que nous venons de dire der Frùzen.
un dirhem arabe provenant Le
p. 1 3 5 .
musée d'archéologie de l'Etat, à Leyde, possède
cabinet
seule monnaie
royal
des fouilles de
également
Dombourg.
de la Haye, au contraiie, ne contient pas une
que l'on puisse avec une entière certitude, attribuer a
la localité qui nos
occupe.
172
dans ces trois articles sur les découvertes faites à la plage de Dombourg, nous nous apercevons que bien des choses intéressantes y ont été mises au jour. L e lieu cependant très désavantageux du terrain et le fait que la plupart des monnaies ont été ramassées tantôt pêle mêle, tantôt isolées, ont été la cause que les fouilles de Dombourg ont peu contribué à éclaircir les points encore obscurs de l'histoire des peuples de ces temps. On a souvent reproché aux Zélandais de ne pas avoir exploré scientifiquement les cimetières anciens. Nous avons tâché de prouver que de tout temps on s'est efforcé de faire la lumière sur cette période obscure. Mais dans le siècle précédent, les cercles archéologiques n'existaient pas encore ; chaque fois que la plage était accessible, la nouvelle ne s'en répendait pas immédiatement et par suite on devait toujours arriver trop tard, sur le terrain. L e Dr. W . P L E I J T E , Directeur du Musée archéologique de Leyde, dans une visite qu'il nous fit il y a quelques jours, nous assura que lorsqu'il parcourût notre littoral en 1874, il trouva la plage dans l'état où nous l'avons décrite. Il eut l'occasion de voir à découvert plusieurs cercueils vermoulus contenant des débris de squelettes. Comme ce v o y a g e eut lieu en 1874, il en résulte qu'à certaines pé-
173 riodes, après 1866, les cercueils vinrent encore à découvert contrairement à ce que nous pensions et à ce que nous dîmes dans le commencement de ce travail. Actuellement, la situation de la plage ne permettrait plus de faire des fouilles, l'eau de la mer la couvre tous les jours. Si jamais, par suite d'un vent favorable de longue durée, une nouvelle partie des cimetières submergés venait à découvert, on trouverait que tout ce que nous avons révélé sur l'état fruste des antiquités découvertes, n'a pas été exagéré. D'ailleurs la plage n'est pas comme la terre ferme, car à peine a-t'-on réussi à enlever une portion du terrain, que l'eau vient immédiatement remplir le creux et empêcher les recherches ultérieures. Espérons qu'il sera permis à la postérité de pouvoir examiner ces vestiges antiques dans des conditions plus avantageuses, mais cela nous paraît peu probable.
Middelburg, Le
lecteur
avril 1899.
est
prié
MARIE
G.
A.
DE
MAN.
de corriger les fautes typographiques qui se
sont glissées dans ce travail, et spécialement les suivantes: page 49 ligne 3 au lieu de présenté lisez représenté, u
53
»
15 »
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degrés
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TIJ DS CHR. V. MUNT - EN P ENNI N^K. JAAR £. 1899
Menus objets en argent, en bronze et en plomb.
PI. I V .