Groupe Institut Supérieur de Commerce et d’Administration des Entreprises Centre Casablanca
Mémoire de fin d’études Option : Finance & Comptabilité La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière? (Cas des établissements financiers)
Rédigé par : - Ahmad ZAARI - Khalil KHBABEZ Encadré par : M. Fawzi BRITEL
Année universitaire : 2011-2012
Remerciements………………………………………………………………………4 Introduction……………………………………………………………………………5
PREMIERE PARTIE : La juste valeur apporte-t-elle les
meilleures solutions aux problèmes posés par le modèle comptable de référence basé sur le coût historique ? Chapitre 1 : Du coût historique à la juste valeur……………9 Section I : L’évaluation au coût historique……………………..…………9 1. Caractéristiques du coût historique………………………………………........9 2. Limites du coût historique………………………………………………………….10
Section II : L’évaluation à la juste valeur………………………………...11 1. L’Emergence du concept de la juste valeur : enjeu et déterminant……………………………………………………………………….........11 2. Le modèle comptable en juste valeur : définition…………………….….12 3. Les qualités attribuées à la juste valeur………………………………….…13 4. Les critiques adressées à la juste valeur………………………………..16
Chapitre 2 : Application de la juste valeur au bilan………..19 Section I : La juste valeur des éléments de l’actif……………………...20 1. Les immobilisations incorporelles ………………………………………………..20 2. Le traitement spécial du goodwill…………………………………………….……21
3. Les immobilisations corporelles…………………………………………….….....21 4. Les immobilisations financières ……………………………………………….….23 5. L’actif circulant……………………………………………………………………….….24 Section II : La juste valeur du passif………………………………………….27
1
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
1. Les capitaux propres…………………………………………………………………..27 2. Les provisions…………………………………………………………......................27 3. Les dettes ……………………………………………………………………………..….28
Section III : Les engagements hors bilan, les impôts différés et les écarts de conversion …………………………………………….…………...…29 1. Les contrats de location……………………………………………………………..29 2. Les instruments financiers dérivés………………………………………………30 3. Les impôts différés…………………………………………………………………….31 4. Les écarts de conversion……………………………………………………………31
Chapitre 3 : La juste valeur et l’audit financier…………….33 Section I : Le cadre théorique de l’audit comptable et financier ………………………………………………...............................34 1. Approche de définition…………………………………………………………….34 2. Les questions clés de l’audit financier…………………………………......35 3. Approche par les risques…………………………………………………………36 4. Le déroulement de la démarche d’audit financier……………….….....37 5. Les techniques et les outils de l’auditeur financier……………………42
Section II: L’impact de la juste valeur sur les travaux d’audit……………………………………………………………………………..45 1. Une évolution des normes d’audit……………………………………………45 2. Un changement au niveau des éléments soumis au contrôle……..45 3. Plus de subjectivité……………………………………………………………….46 4. Mais une méthodologie globale intacte…………………………………..46
DEUXIEME PARTIE : implications de l'adoption du modèle comptable à la juste valeur aux instruments financiers à la juste Valeur (Cas des établissements financiers) Chapitre I : Principaux enjeux de l’évaluation à la juste valeur………………………………………………………….............52 Section I : Définitions et classements instruments financiers………………………………………………..52
2
des
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
1) Définitions…………………………………………………………………………………....52 2) Classements…………………………………………………………………………….…..53 3) Passage des normes comptables nationales à la juste valeur…………....55 4) Recommandations IFRS dictées par Bank Al Maghrib ………………………56
Section II : Implications de l’IAS 39 dans la gestion des principaux risques financiers……………………………………………………………………64 1) Définitions des risques financiers …………………………………………………64 2) Implications de l’IAS 39 dans la gestion des risques ……………...……….65
Chapitre II : Incidence de l’IAS 39 sur l’évaluation des instruments financiers …………………………............……..69 Section I : Traitement comptable …………………………………………….69 1) Evaluation initiale ……………………………………………………………………….69 2) Evaluation ultérieure…………………………………………………………….……..69
Section II : Impacts de l’évaluation des instruments financiers à la juste valeur dans les institutions financières……………….……….74 1) Impact sur les exigences en fonds propres ………………………..…………76 2) Impact sur l’analyse financière ………………………………………..………….81 3) Impact BS et P&L…………………………………………………………..…………..84
Section III : Limites et difficultés pour les institutions financière………………………..………………………………………………..87 1) L’accroissement de la volatilité des revenus………………………………...87 2) Le caractère "spécial" de l'intermédiation financière……………………..88 3) Le lissage des chocs inter- temporels………………………………………..…89 4) L’affaiblissement de la discipline de marché…………………………….…..90 5) La fiabilité limitée des estimations de probabilité de défaut…….…….90
Conclusion…………………………………………………………………..………..92 Bibliographie ………………………………………………………………………....94
3
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
On tient à remercier toutes les personnes ayant contribué de près ou de loin à la réalisation de ce travail. On remercie particulièrement notre encadrant M. Britel pour ses précieux conseils et ses recommandations et orientations tout au long de la réalisation de ce mémoire. Nos plus profonds respects vont à nos parents et amis qui nous ont soutenus pendant ces quatre années...
4
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Dans la continuité du courant d'internationalisation des marchés des capitaux et avec l'apparition de scandales financiers, les exigences en termes de transparence financière, de comparabilité des états comptables et d'amélioration de la qualité de l'information n'ont cessé de s'accroître. Les nouvelles normes comptables internationales IAS / IFRS et la création d'un référentiel comptable unique européen visent à répondre à ces préoccupations. Ainsi, et après plusieurs décennies de contestation du modèle comptable basé sur le coût historique, même s'il ne manque pas de défenseurs, les normalisateurs anglo-saxons sont parvenus à faire accepter par l'union européenne une remise en cause de l'un de ses principes comptables fondamentaux qu'ils jugeaient incapables de fournir une évaluation suffisamment représentative de la situation de l'entreprise. Il s'agit là de l'évolution la plus importante, et la plus discutée, le passage de l'évaluation au coût historique des actifs et passifs vers l'évaluation à la juste valeur. Cette dernière est censée permettre une meilleure information, la plus proche de la réalité, aux apporteurs de capitaux et aux créanciers par une référence à des évaluations plus pertinentes que les valeurs historiques. Cette notion répond à l'optique financière des IFRS qui vise à satisfaire, en premier lieu, les besoins informationnels des investisseurs. En effet, les défenseurs du principe de juste valeur reprochent à la comptabilisation basée sur le coût historique sa myopie vis-à-vis de l'évolution des marchés financiers et son incapacité à traduire la réalité économique et l'image fidèle du patrimoine de l'entreprise. Dans les normes IAS on rencontre très fréquemment la notion de juste valeur dans l'évaluation des engagements sociaux, les actifs incorporels, la réévaluation des immobilisations, les regroupements d'entreprises, le portefeuille titres, etc. Parmi ces normes, la norme IAS 39 qui porte sur les instruments financiers. En effet, ces derniers représentent une large portion des actifs et passifs dans, pratiquement, chaque entreprise, en particulier les institutions financières. Ils jouent également un rôle central dans le fonctionnement efficient des marchés financiers. Par conséquent, l'IAS 39 a d'importantes répercussions sur la gestion des risques des sociétés et introduit des changements dans les ratios de solvabilité des banques. C'est la raison pour laquelle cette norme suscite encore plusieurs interrogations. Les différents constats développés ci-dessus nous amène à analyser l'utilité et les implications du modèle comptable à la juste valeur. Dès lors, il nous a semblé primordial de nous interroger : - Le modèle comptable à la juste valeur apporte-t-il les meilleures solutions aux problèmes posés par le modèle comptable de référence basé sur le coût historique ? - Quelles sont les implications de l'adoption du modèle comptable à la juste valeur, principalement en matière de la norme IAS 39, sur les institutions financières ?
5
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Dans le but de répondre aux questions de recherche ci-dessus évoquées, le présent mémoire est organisé selon un plan de deux parties :
La première partie sera consacrée à évoquer les principaux débats associés à la juste valeur. Et ce en traitant dans un premier chapitre les conditions d'émergence et d'évolution du modèle comptable à la juste valeur. L’application de ce concept au bilan de l’entreprise fera l’objet du deuxième chapitre. A la lumière de ces éléments, il s’agira pour nous dans un troisième chapitre de s’interroger sur l’influence de cette juste valeur sur le métier d’auditeur, métier que nous avons exercé durant la période de stage.
La deuxième partie sera consacrée à étudier les principaux enjeux et risques de l'évaluation des instruments financiers à la juste valeur selon les directives de la norme IAS 39. Le premier chapitre constituera une analyse des principaux enjeux de l’évaluation à la juste valeur. Le second chapitre traitera de l’incidence de l'évaluation de ces instruments à la juste valeur dans les établissements financiers.
6
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Partie I La juste valeur apporte-telle les meilleures solutions aux problèmes posés par le modèle comptable de référence basé sur le coût historique ?
7
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Chapitre 1 Du coût historique à la juste valeur
8
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Chapitre 1 : Du cout historique a la juste valeur Les comptabilités financières traditionnelles s'appuyaient sur des principes bien établis dont principalement le principe du coût historique et la convention de prudence. Ces principes fournissaient la mesure du résultat et des capitaux propres la plus légale possible, c'est-à-dire celle qui permet à la comptabilité de répondre à son rôle ultime à savoir la reddition des comptes et le contrôle. Généralement, le coût historique est la convention d’évaluation de référence, en cela qu’il constitue la solution à laquelle les comptables font instinctivement référence dès qu’une évaluation est nécessaire.
Dès lors, l’incertitude et les interrogations disparaissent de la phase d’évaluation puisque le praticien a la conviction qu’il agit conformément à ses pairs. Néanmoins, le coût historique n’est pas la seule méthode d’évaluation, d’autres existent comme la valeur de remplacement (montant qui serait nécessaire aujourd’hui pour acquérir un élément), la valeur de réalisation (le montant correspondant au prix qui pourrait être tiré de la cession d’un élément.) ou la juste valeur.
Section I : L’évaluation au coût historique 1. Caractéristiques du coût historique
Le coût historique, image d’une comptabilité prudente, fiscaliste et juridique, est le traitement le plus répandu au sein de la communauté comptable depuis une cinquantaine d’années. CASTA (2003) estime que « ce modèle fonctionne comme un filtre asymétrique privilégiant la reconnaissance des pertes potentielles et reportant celle des profits à la réalisation effective de la transaction » renvoyant ainsi à « une conception peu volatile de la mesure du résultat et du patrimoine ». Sa simplicité d’utilisation et d’interprétation a donné à la comptabilisation au coût historique le statut de convention de référence. Le coût historique est le principe selon lequel un actif garde la valeur qu’il avait au moment de son enregistrement comptable, même si avec le temps, il se déprécie. Il correspond au principe de prudence qui consiste à comptabiliser les éventuelles pertes mais pas les profits qui peuvent être engendrés. Le coût historique est un principe fondamental dans la comptabilité qui est une représentation chiffrée du patrimoine juridique possédé par une entreprise. L’évaluation au coût historique est uniforme, cela lui donne donc un caractère unique en préservant le processus de mesure, et temporellement stable dans les bilans.
9
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
La convention du coût historique subit cependant en fin d'exercice quelques correctifs : - les valeurs d'entrées des actifs immobilisés qui font l'objet de dépréciations irréversibles sont diminuées, par le biais d'amortissement, de l'estimation des dépréciations subies par ces actifs depuis leur entrée dans le patrimoine de l'entreprise. - les valeurs d'entrées des actifs qui font l'objet de dépréciations non irréversibles sont diminuées, par la constitution de provisions, de la perte de valeur qui pourraient affecter ces actifs, ceci en application de la règle de prudence. 2.
Limites du coût historique
La non prise en compte de l’inflation : La comptabilité ne tient pas en compte l’inflation, l’unité monétaire garde toujours sa valeur attribuer au moment de l’enregistrement comptable de l’opération; c'est-à-dire que sa valeur ne change pas même s’elle se déprécie dans le temps d’où le nom du principe L’impertinence de l’information financière communiquée : En partie le coût historique ne répond pas au principe de pertinence de l’information, puisque l’on ne comptabilise que les pertes potentielles et jamais les gains, ce qui donne une vision biaisée négativement de l’entreprise. Ainsi, les informations sont diffusées dans une atmosphère que certains auteurs qualifient de « pessimiste » : les pertes potentielles sont toujours prises en compte mais non les bénéfices incertains. Le patrimoine est alors minoré, comme si les variations négatives de la valeur d’éléments d’actif étaient plus certaines que les variations positives. Ceci relève du principe de protection des actionnaires et des tiers, mais l’objectif de l’image fidèle importé par les normes internationales n‘est pas tout à fait compatible avec ce principe. En fait, si les comptes doivent donner une image fidèle de la situation patrimoniale, économique et financière, l’omission de l’existence de bénéfices potentiels apparaît comme une atteinte à la fidélité d’informations. Les lecteurs ont une vision minorée de la situation de l’entreprise qui n’est pas vraie. Dans le même ordre d’idées, on peut dire que le principe de prudence s’applique à un outil de faible certitude puisque les pertes et dépenses potentielles sont prises en compte par le biais des provisions, évaluées selon la connaissance des faits au moment de leur constitution. Au moment de leur réalisation, ces pertes et dépenses peuvent avoir une valeur différente, l’estimation peut s’avérer trop faible ou trop forte. La critique du principe du coût historique porte également sur le fait qu’il provoquerait une déconnection entre la valeur comptable et la valeur boursière (exprimée par la capitalisation boursière) et donc une mauvaise information pour les actionnaires. La valeur boursière représente plus la réalité de l’entreprise puisqu’elle traduit la vision du marché à l’égard de l’entreprise et la confiance qu’ont les investisseurs dans ses perspectives de croissance.
10
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Après plusieurs décennies de contestations, les normalisateurs anglo-saxons sont parvenus à faire accepter à l’Union Européenne une remise en cause de l’un des deux piliers de l’information comptable (Coût historique et Principe de prudence) qu’ils jugeaient incapable de fournir une évaluation suffisamment représentative de la situation des entreprises. Ainsi, dans les mesures adoptées en 2003 par la Commission de la réglementation comptable européenne, et applicables à compter de 2005, le principe du « Coût historique » est remplacé par la concept de « Juste Valeur » ( Fair Market Value ) pour l’évaluation des actifs et passifs.
Section II : L’évaluation à la juste valeur 1.
L’Emergence du concept de juste valeur : enjeux et déterminants
« Véritable mutation conceptuelle, l’émergence de la juste valeur comme convention centrale du modèle comptable trouve son origine et sa justification dans plusieurs considérations convergentes, mais aussi dans un certain nombre de croyances partagées. La premier déterminant tient directement aux orientations qui marquèrent l’élaboration des cadres conceptuels anglo-saxons : celui du FASB (1984), puis de l’IASC (1989) en termes d’arbitrages effectués entre différentes conceptions du rôle de la comptabilité (l’aide à la prise de décision versus la reddition des comptes et la fonction de contrôle), entre diverses acceptions du concept d’utilisateurs des états financiers (l’investisseur au sens générique versus la multiplicité des utilisateurs) et implicitement entre certaines qualités attendues de l’information comptable et financière (la pertinence versus la fiabilité). Les objectifs assignés aux états financiers ont été nettement orientés en fonction des besoins en information prévisionnelle des utilisateurs, principalement les créanciers et les investisseurs, privilégiant le critère d'utilité de l'information comptable pour la prise de décisions économiques externes. Le deuxième déterminant relève de l’utilisation croissante d’instruments financiers de plus en plus complexes et de la forte volatilité des marchés. Accroissant les risques, l’usage généralisé de ces instruments a posé avec le problème de la pertinence de l’information comptable et surtout celui de leur reconnaissance dans les états financiers ; c’est particulièrement le cas des produits dérivés qui mobilisent de faibles flux financiers lors de l’engagement initial, bien qu’engendrant un risque ultérieur très important. Les graves défaillances d'institutions financières observées aux Etats-Unis à la fin des années 1980 ont mis en évidence les limites du modèle comptable standard : le modèle d’évaluation au coût historique a montré, dans ce contexte, son incapacité à révéler en temps utile, aux utilisateurs de l’information comptable, la situation financière des banques utilisant des produits dérivés (Barth, Landsman et Wahlen, 1995). Pour certains, la logique de prévention des crises systémiques du secteur financier et la recherche d’une plus grande pertinence de l’information financière sont à l’origine de la formulation d’une offre d’évaluation à la juste valeur (Cornett et al., 1996).
11
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
La dernière considération procède de la volonté, notamment de Securities and Exchange Commission (SEC), de réduire le pouvoir discrétionnaire laissé aux dirigeants de façonner le résultat comptable. Avec le modèle d’évaluation au coût historique, leur marge de manœuvre est relativement importante au niveau de la constitution de provisions, de l'intégration de l’incertitude,... » « Fondées sur une appréciation subjective des risques, des charges prévisibles ou des dépréciations non définitives d'actifs, les provisions constituent alors un instrument de politique comptable. Inversement, utilisant de façon opportuniste le concept de résultat de transaction, les dirigeants peuvent céder des actifs recelant des plus-values latentes (tout en différant la cession des actifs grevés de moins-values potentielles) afin d'engendrer des bénéfices, de retarder l'apparition de pertes ou de lisser des résultats. Dès lors, l’utilisation de la juste valeur est présentée, notamment par le régulateur de marché américain, comme une solution permettant de sécuriser l’évaluation des actifs et des capitaux propres (Beatty et al., 1996). Face aux dysfonctionnements dus à l’utilisation perverse du modèle d’évaluation au coût historique, et afin d'améliorer la pertinence de l’information relative à certains instruments financiers, les organismes de normalisation ont mis en œuvre un programme visant à déroger à l’utilisation du coût historique, le plus souvent en fonction de l’intention de l’entreprise en matière de détention de ces actifs et à promouvoir le concept de juste valeur. » LA COMPTABILITÉ EN « JUSTE VALEUR » PERMET-ELLE UNE MEILLEURE REPRÉSENTATION DE L’ENTREPRISE ? JEAN-FRANÇOIS CASTA
Rôle de la comptabilité Utilisateurs des états financiers Qualités attendues de l'information comptable
Anciennes orientations La reddition des comptes et la fonction de contrôle Multiplicité des utilisateurs La fiabilité
Nouvelles orientations L'aide à la prise de décision L'investisseur au sens générique La pertinence
2. Le modèle comptable en juste valeur : définition
La juste valeur est définie dans le système comptable international de l'IASB comme « le montant pour lequel un actif pourrait être échangé, ou un passif éteint, entre parties bien informées, consentantes, et agissant dans des conditions de concurrence normale ». Nous pouvons conclure de cette définition que : La transaction doit être équilibrée. On entend par une transaction équilibrée :
12
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
- Une transaction dans laquelle les parties sont bien informées de l'état de l'actif ou du passif objet de la transaction et des conditions de son utilisation et détention ; - Une transaction basée sur le consentement des parties, cela veut dire qu'aucune d'elles n'est soumise à une contrainte physique, psychologique, ou encore liées à une conjoncture économique défavorable ; La transaction doit être opérée dans des conditions de concurrence normales, cela signifie l'existence d'un système d'offre et de demande sur le marché, ce qui rend possible le processus d'arbitrage.
3. Les qualités attribuées à la juste valeur
Une information pertinente pour l’investisseur : Reposant sur une actualisation des flux financiers futurs, l’évaluation à la juste valeur fournirait une information qui intègre, par construction, les tendances de marché. Elle serait donc en parfaite adéquation avec les méthodes d’évaluation utilisées par les investisseurs pour prévoir les cash-flows futurs. Par conséquent, l'investisseur est devenu l'utilisateur privilégié, et tout modèle d'évaluation comptable doit lui permettre une meilleure aide à la prise de décision, pour tirer sa légitimité face à l'ancien modèle d'évaluation au coût historique. Partant de ce principe, le modèle d'évaluation à la juste valeur présente plusieurs avantages pour les investisseurs et les professionnels de la finance qui peuvent être résumés comme suit : L'évaluation à la juste valeur permet l'amélioration de la transparence, de la pertinence et de la fiabilité des informations comptables, ceci est de nature à augmenter leur crédibilité et à accroître la confiance des investisseurs dans les informations mises à leurs dispositions. La notion de juste valeur s'inscrit dans le cadre d'une approche dite «de marché», il s'agit d'une estimation théorique de la valeur d'une transaction qui incorpore les tendances du marché et traduit au mieux l'incertitude affectant les prévisions des cash-flows et les opportunités d'investissement. L’évaluation à la juste valeur permet une meilleure estimation du risque engendré par la détention d'instruments financiers complexes, en effet, connaissant la juste valeur d'un instrument financier, les conditions dont il est assorti et les risques y afférents, l'investisseur dispose, ainsi, des outils fondamentaux pour évaluer les attentes du marché. Vu la richesse des informations financières présentées à la juste valeur, le processus de prévision est plus aisé.
13
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
La comparaison interentreprises est plus intéressante du fait que ce modèle d'évaluation réduit les possibilités d'arbitrage comptable laissées aux dirigeants et rend l'information plus transparente, favorisant, par conséquent, les comparaisons entre entreprises. Augmentés du pouvoir explicatif de la juste valeur, les états financiers ainsi publiés se trouvent améliorés par une exhaustivité et une fiabilité accrues, traduisant ainsi une information plus conforme à la réalité. Les professionnels de la finance disposeront, ainsi, d'un outil d'analyse financière très performant. La communication est renforcée. Il en résulte une augmentation significative du reporting financier et du travail de prévision. L'information comptable à la juste valeur cerne au mieux ce qu'attendent les investisseurs en termes de lisibilité, pertinence, fiabilité et comparabilité. « Le financier devient un homme d'explication de texte. » Indicateur de la performance organisationnelle L'objectif ultime des états financiers, sur lequel s'accordent les cadres conceptuels internationaux est de fournir une information utile et pertinente sur la performance de l'entreprise, sur sa situation financière ainsi que sur la variation de celle-ci. Cependant, « La comptabilité financière a traditionnellement pour rôle de produire une information à caractère historique relative à la mesure du patrimoine de l'entreprise et à son évolution ». Cette information à caractère historique, s'avère actuellement inadaptée pour fournir à ses utilisateurs, dont principalement les managers de l'entreprise, une information comptable et financière pertinente pour la prise de décision. C'est dans un souci de remédier à cette limite et d'accroître la pertinence de l'information sur la performance de l'entreprise que la notion de juste valeur est introduite. Dans les modèles comptables classiques, le résultat net constitue un bon indicateur de mesure des performances d'une entreprise. Néanmoins, les évolutions récentes dans ce domaine se trouvent cohérentes avec l'approche générale des normes IFRS privilégiant le bilan, en fait, « la performance se mesure dans comptes de l'entreprise, les quels décrivent parfois assez parfaitement toutes les forces et vulnérabilités d'une firme. » Les utilités de la notion de juste valeur dans la mesure de la performance de l'entreprise peuvent être appréhendées en distinguant entre les deux cas suivants : Comparaison des performances inter - entreprises L'adoption de la méthode de juste valeur permet une harmonisation des méthodes d'évaluation et de présentation de l'information financière pour toutes les entreprises d'un même secteur ou de secteurs différents, ceci rend la comparaison des performances plus aisée.
14
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Dans ce même ordre d'idées, CASTA (2003) affirme que : « Au plan de la comparabilité des états financiers, en présentant des valorisations équivalentes pour un même instrument financier, quelle que soit sa date d'acquisition, la juste valeur enlèverait tout intérêt aux pratiques opportunistes de gestion du résultat (cherry picking) dues à une utilisation perverse du principe de réalisation. Au-delà, elle assurerait l'exhaustivité de la mesure de performance: intégrant les gains et les pertes de transaction, mais aussi de détention, le modèle d'évaluation à la juste valeur rendrait compte de façon identique de la stratégie adoptée -- cession versus conservation -- d'instruments financiers. De plus, elle garantirait l'exhaustivité de la comptabilisation de la valeur, plus particulièrement pour les produits dérivés ayant un coût initial nul ». En outre, cet auteur assure que cette approche facilite la réconciliation du résultat comptable et du résultat économique du fait qu'elle se réfère à des données exogènes et facilement accessibles (les valeurs de marché ou, à défaut de marché actif, les valeurs de modèle reposant sur des paramètres externes). Ceci est de nature à assurer la neutralité et l'unicité de l'information produite par les entreprises et à redonner plus d'exhaustivité à la mesure des performances. Comparaison des performances intra-entreprises : Il s’agit d’évaluer l'utilité de la notion de juste valeur via une comparaison verticale de la performance d'une même entreprise à partir de l'exemple du goodwill. Prenons l'exemple d'une entreprise qui comptabilise son goodwill à son coût historique, puis l'amorti selon une durée déterminée. Cette pratique ne prend pas en considération les écarts d'acquisitions entre les éléments du goodwill qui peuvent être identifiables et les autres éléments non identifiables. Ceci risque d'altérer l'exhaustivité et la pertinence des comptes de bilan et de la valeur de l'entreprise. De plus, les actionnaires se trouvent dans l'impossibilité de déterminer la performance des choix et des acquisitions faites par les dirigeants. Par ailleurs, le modèle de la juste valeur proposé par les IFRS, impose aux entreprises de décomposer de manière exhaustive l'écart d'acquisition en autant d'actifs et de passifs acquis et identifiables. Le solde des éléments non identifiables (marques, relations clients...) est alors comptabilisé en goodwill, non amortissable, mais qui fait l'objet d'un test annuel de dépréciation ajustant cet actif en fonction de sa juste valeur. La réduction de valeur du goodwill est, par ailleurs, irréversible. Les actionnaires ont ainsi l'opportunité d’évaluer la performance des décisions et acquisitions faites par les dirigeants.
15
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Une plus grande transparence financière L'adoption de l'évaluation à la juste valeur dans les comptes bancaires procure une plus grande transparence financière, en effet, l'information présentée à la juste valeur est plus utile et utilisable pour les intervenants sur les marchés. Ainsi, nous remarquons une convergence entre l'approche de l'évaluation à la juste valeur et les nouvelles dispositions de l'accord de Bâle II. En fait, ce dernier accorde une importance accrue à la communication financière au niveau du pilier 3. Meilleure prise en compte des risques L'évaluation à la juste valeur des éléments du bilan permet une meilleure prise en compte des risques. Ceci est nettement apparent dans l'évaluation à la juste valeur des dérivés, selon les dispositions de la norme IAS 39, qui permet d'attirer l'attention sur les risques que puisse engendrer la détention de ces instruments qui ne requièrent pas un investissement initial important mais qui peuvent engendrer par la suite des risques trop importants. De plus, l'utilisation de la juste valeur comme modalité de mesure des éléments d'actifs et de passifs permet une plus grande sensibilité aux risques et redonne plus d'exhaustivité aux pondérations effectuées en fonction des risques. Il s'agit là d'un deuxième point de convergence avec les orientations de l'accord de Bâle II en matière de prise en compte des risques. Egalement, des études menées par Barth (1996), Eccher (1996), Cornett (1996) et Nelson (1996) confirment que « la comptabilisation de la juste valeur des titres apportent une information plus pertinente, ces études montrent que les informations en juste valeur des titres financiers permettent de mieux expliquer les cours des banques que les informations issues d'une comptabilité au coût historique. ». Une plus grande harmonisation internationale L'évaluation à la juste valeur permet une harmonisation des méthodes d'évaluation au niveau international vu la convergence des normes, principalement les IFRS et les US GAAP. L'harmonisation internationale fait aussi partie des objectifs de l'accord de Bâle II puisqu'elle favorise le contrôle bancaire. 4. Les critiques adressées à la juste valeur
À partir du moment où l'information financière existe et est en relation directe avec les données économiques, on peut effectivement dire que cette information est pertinente. Cependant est-elle pour autant fiable ?
16
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Au regard de ces qualités présumées, de nombreuses critiques ont été adressées à l’encontre de l’évaluation à la juste valeur. La volatilité de ’information financière Les fluctuations des valeurs de marché risquent de donner une impression de volatilité de l'information financière. « Dans un environnement incertain, on enregistre de fortes et rapides variations sur les hypothèses et projections utilisées pour déterminer la valeur d'utilité. Ces modifications se traduisent par des réévaluations des postes d'actif ou de passif en fin de période, ce qui entraîne des difficultés d'appréciation et de suivi. » : La volatilité accrue des résultats qui est de nature à créer une certaine ambiguïté dans la perception de la performance de l'entreprise par les investisseurs. L'excès d'information qui risque de mettre les investisseurs en ambiguïté, en effet, « trop d'information tue l'information ». La subjectivité de valorisation En outre, d'une entreprise à l'autre, le jugement et les préoccupations des dirigeants ont un impact déterminant sur les hypothèses. Il en est ainsi de la valorisation des actifs qui ne sont pas négociés sur des marchés efficients et dont l'estimation renvoie à des modèles internes. Ce qui engendre un manque d'objectivité et de neutralité de ces valorisations et met l'accent sur la réduction de la fiabilité et de la comparabilité engendrée par l'utilisation de modèles internes. La complexité des méthodes mixtes d'évaluation applicables à certaines catégories d'instruments financiers rend difficile l'interprétation des méthodes d'évaluation par les utilisateurs. L’insuffisance des études à long terme Enfin, il est à souligner qu'il existe un manque d'études et d'analyses portant sur les conséquences du modèle de la juste valeur sur le long terme. D’autres critiques portent sur l’orientation court terme qu’impliquerait le modèle comptable d’évaluation à la juste au plan du pilotage de l’entreprise. Les discussions actuelles relatives aux limites et difficultés que pose le modèle comptable à la juste valeur pour l'entreprise concernent notamment les problèmes de coûts, de sécurité et de pilotage d'entreprise. Les problèmes de coût La production d'une information à la juste valeur, c'est-à-dire une information actuelle qui tient compte de toutes les tendances du marché, engendre des coûts jugés « prohibitifs au regard de son caractère plus subjectif et facilement contestable », comme le souligne CASTA (2003).Ces coûts sont dus notamment à :
17
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
- L'obligation de mettre en place des modèles d'évaluation continus dans le temps ainsi que le recours, dans certains cas, aux compétences de spécialistes en évaluation. - Le développement du système d'information de l'entreprise pour tenir compte des nouvelles exigences du modèle en termes d'actualité de l'information. - La nécessité de formation du personnel comptable. Les problèmes de sécurité L'abondance de l'information peut nuire aux intérêts de l'entreprise. En effet, à vouloir fournir toujours plus d'informations, l'entreprise informe trop les concurrents. En fait, les entreprises sont contraintes de communiquer davantage sur les modèles de gestion qu'elles adoptent, sur lesquels reposent leurs décisions. Cette communication, supportée par un reporting financier représentatif de l'entreprise, peut constituer une information considérablement précieuse pour les concurrents. Les problèmes liés au pilotage de l'entreprise L'une des plus importantes critiques adressées au modèle de la juste valeur est la prégnance accrue des marchés financiers sur le pilotage des entreprises. En effet, ce modèle s'inscrit dans une approche de marché caractérisée par une orientation court terme qui n'est pas adaptée aux mécanismes de pilotage de l'entreprise sur le long terme. En outre, l'évaluation à la juste valeur repose sur la responsabilité des dirigeants dans le processus d'évaluation et de choix des hypothèses, ceci est de nature à engendrer des coûts de surveillance et à aggraver les problèmes de pilotage La non prise en compte de la valeur de l’immatériel Toutefois, pour tendre vers la valeur de l'ensemble de l'entreprise, il convient aussi de tenir compte des actifs immatériels non comptabilisables comme le capital humain, le savoirfaire, les relations clients ou tout actif incorporel créé. Le modèle comptable de la juste valeur n'a pas pu apporter de solution à cette difficulté. Du fait de l’enregistrement en juste valeur des éléments du patrimoine de l’entreprise, des changements majeurs vont affecter la majorité des postes du bilan. Il s’agit maintenant de s’interroger sur les réformes introduites par la fair-value et ce, à travers une analyse critique des incidences sur les postes du bilan ainsi que les engagements hors bilan. Quels seraient donc, plus concrètement, ces impacts ?
18
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Chapitre II : Application de la juste valeur au bilan
19
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Section I : La juste valeur des éléments de l’actif 1. Immobilisations incorporelles L’analyse des investissements réalisés par les entreprises met en évidence une part de plus en plus importante des investissements dits immatériels. De par leur caractère abstrait leur évaluation constitue une tâche délicate à réaliser. L’IAS 38 définit une immobilisation incorporelle comme étant un actif non monétaire identifiable, contrôlable et sans substance physique. A cette stricte définition s’ajoute celle des frais de développement qui constituent les dépenses d’application engagées à la suite d’activités de recherches pour la production de nouveaux produits et/ou services. Identifiable : Séparable individuellement (l’élément peut être vendu, échangé ou loué séparément), Séparable conjointement avec un groupe d’actifs ; Fait l’objet de droits contractuels ou légaux. Contrôlable Une entité contrôle un actif si elle a le pouvoir d’obtenir les avantages économiques futurs découlant de la ressource sous-jacente et si elle peut également restreindre l’accès des tiers à ces avantages. Valorisation à l’entrée dans le bilan Les immobilisations incorporelles doivent être évaluées initialement à leur coût, qu’il s’agisse d’acquisition ou de création. Les dépenses ultérieures ne seront comptabilisées à l’actif que si elles contribuent à générer des avantages économiques supérieurs à ceux définis à l’origine de l’inscription à l’actif. La réévaluation des actifs Les immobilisations incorporelles sont inscrites à l’actif du bilan selon la méthode du coût historique qui consiste à porter à l’actif des biens à leur valeur d’origine et à constater par la suite leur obsolescence au travers de l’amortissement. Les normes IAS-IFRS permettent de valoriser les éléments de l’actif à leur juste valeur via la constatation d’une dépréciation « obligatoire » mais également « sur décision de gestion » de les réévaluer si la valeur bilancielle est inférieure à leur juste valeur. Lors d’une première consolidation, les actifs incorporels sont évalués à leur juste valeur. L’actif incorporel est amorti sur sa durée de vie qui correspond à la durée sur laquelle les avantages économiques de l’actif rentrent dans l’entreprise. Dans le cas où la durée de vie de l’actif incorporel est indéfinie, l’amortissement est remplacé par un test de dépréciation.
20
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Les frais de recherche et de développement Selon l’IAS 38, les immobilisations incorporelles développées en interne doivent répondre à une comptabilité analytique scindée en deux phases : la phase de recherche et la phase de développement. Les dépenses liées à la recherche ont pour finalité le développement de connaissances scientifiques ou techniques nouvelles. Celles liées au développement mettent en œuvre ces connaissances nouvelles aux fins de la production de nouveaux produits ou procédés, et, bien plus valorisant pour l’entreprise encore, de leur amélioration substantielle. Un projet de développement interne doit donc s’élaborer autour de ces deux phases et de mettre en œuvre un suivi précis des coûts engagés. Les investissements de la phase de recherche ne sont pas activables et sont comptabilisés en charge. En revanche, les immobilisations incorporelles résultant de la phase de développement peuvent être activées La valeur de l’actif incorporel généré en interne est celle des dépenses encourues à partir de la date à laquelle l’immobilisation satisfait pour la première fois aux critères de la phase de développement. Elles incluent notamment les dépenses de matériaux et de services utilisés, les salaires, les frais d’enregistrement de brevets, le prix des licences utilisées pour générer l’actif, les coûts d’emprunt ou encore les honoraires d’avocats directement liés au développement de l’actif. Dès lors qu’une immobilisation incorporelle remplit ces conditions, l’activation est obligatoire pour l’entreprise, qu’elle soit à usage interne ou commercial. Les marques, notices, titres de journaux et de magazines, listes de clients générés en interne et autres éléments similaires en substance ne doivent pas être comptabilisés en tant qu’immobilisations incorporelles.
2. Traitement spécial du goodwill L’écart d’acquisition ou le goodwill est constitué par les éléments incorporels non identifiés lors de l’acquisition, autrement dit, ceux qui ne répondent pas aux critères de définition des immobilisations incorporelles citées précédemment. Les parts de marché et le fonds de commerce, ne remplissant pas ces critères, ne peuvent plus être comptabilisés séparément à l’actif et devront être reclassés en goodwill. La norme IFRS 3 a supprimé l’amortissement systématique du goodwill. Ce dernier est désormais affecté, à la date d’acquisition, à une ou plusieurs unités génératrices de trésorerie (UGT) et soumis annuellement au test de dépréciation (impairment test) visant à s’assurer que sa valeur recouvrable n’est pas inférieure à sa valeur nette comptable. Les écarts d’acquisition négatifs sont enregistrés immédiatement en résultat.
3. Les immobilisations corporelles Selon la norme IAS 16 : les immobilisations corporelles sont des actifs corporels: (a) qui sont détenus par une entreprise soit pour être utilisés dans la production ou la fourniture de
21
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
biens ou de services, soit pour être loués à des tiers, soit à des fins administratives; et (b) dont on s’attend à ce qu’ils soient utilisés sur plus d’un exercice. L’amortissement est la répartition systématique du montant amortissable d’un actif sur sa durée d’utilité. Le montant amortissable est le coût d’un actif, ou tout autre montant substitué au coût dans les états financiers, diminué de sa valeur résiduelle. La durée d’utilité est: (a) soit la période pendant laquelle l’entreprise s’attend à utiliser un actif; (b) soit le nombre d’unités de production ou d’unités similaires que l’entreprise s’attend à obtenir de l’actif. Un élément d’immobilisation corporelle doit être comptabilisé en tant qu’actif lorsque: (a) il est probable que les avantages économiques futurs associés à cet actif iront à l’entreprise; et (b) le coût de cet actif pour l’entreprise peut être évalué de façon fiable. La comptabilisation par composant : Dans certains cas, la norme IAS 16 impose la répartition du coût total d’un actif entre ses différents éléments constitutifs et de comptabiliser chaque élément séparément. Tel est le cas lorsque les différentes composantes d’un actif ont des durées d’utilité différentes ou qu’elles procurent des avantages à l’entreprise selon un rythme différent nécessitant l’utilisation de taux et de modes d’amortissement différents. Par exemple, un avion et ses moteurs doivent être traités comme des actifs amortissables distincts s’ils ont des durées d’utilité différentes. Évaluation postérieure à la comptabilisation initiale Traitement de référence : Après sa comptabilisation initiale en tant qu’actif, une immobilisation corporelle doit être comptabilisée à son coût diminué du cumul des amortissements et du cumul des pertes de valeur. Autre traitement autorisé Après sa comptabilisation initiale en tant qu’actif, une immobilisation corporelle doit être comptabilisée à son montant réévalué, à savoir sa juste valeur à la date de la réévaluation diminuée du cumul des amortissements ultérieurs et du cumul de pertes de valeur ultérieures.
22
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Les réévaluations doivent être effectuées avec une régularité suffisante pour que la valeur comptable ne diffère pas de façon significative de celle qui aurait été déterminée en utilisant la juste valeur à la date de clôture. La juste valeur des terrains et constructions est en général leur valeur de marché. Cette valeur est déterminée sur la base d’une estimation effectuée en général par des évaluateurs professionnels qualifiés. La juste valeur des installations de production est habituellement leur valeur de marché déterminée par estimation. Lorsqu’il n’y a pas d’indications de la valeur de marché en raison de la nature spécialisée des installations de production et du fait que ces installations sont rarement vendues, sauf dans le cadre d’un transfert de l’activité, elles sont évaluées à leur coût de remplacement net d’amortissement. La fréquence des réévaluations dépend des fluctuations de la juste valeur des immobilisations corporelles ayant été réévaluées. Lorsque la juste valeur d’un actif réévalué diffère significativement de sa valeur comptable, une nouvelle réévaluation est nécessaire. Certaines immobilisations corporelles peuvent connaître des mouvements importants et volatils de leur juste valeur, nécessitant une réévaluation annuelle. D’aussi fréquentes réévaluations ne sont pas nécessaires pour les immobilisations corporelles qui enregistrent des mouvements peu importants de leur juste valeur. Dans ce cas, une réévaluation tous les trois ou cinq ans peut être suffisante.
4. Les immobilisations financières Les immobilisations financières comprennent essentiellement : 5. Les titres de participation ; 6. Les créances à long terme. a) les titres de participation Les normes applicables aux titres de participation sont l’IAS 27 et l’IAS 28. Dans les comptes sociaux de la mère, les participations dans les filiales consolidées ou exclues de la consolidation doivent être : - soit comptabilisées en coût, - soit comptabilisées par mise en équivalence, -soit comptabilisées comme un actif financier disponible à la vente conformément à l’IAS39 : enregistrement initial au coût historique et valorisation à la juste valeur ultérieurement. Dans les comptes consolidés, n’apparaissent bien évidemment que les titres de participation dans des entreprises demeurant hors consolidation.
23
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Il s’agit donc de filiales trop petites pour être consolidées ou d’entreprises dites associées (c’est à dire celles dans lesquelles l’investisseur n’a qu’une influence notable). Dans ce dernier cas, la méthode retenue est la mise en équivalence. Selon cette méthode, la participation est initialement enregistrée au coût et la valeur comptable est augmentée ou diminuée pour comptabiliser la quote-part de l’investisseur dans les réserves et les résultats postérieurs à la date d’acquisition de l’entreprise détenue. Les distributions reçues de l’entreprise viennent en diminution de cette valeur comptable. b) Les créances à long terme Dans la norme relative à la consolidation (IAS 22), il est prévu que lors de l’entrée d’une nouvelle filiale dans les comptes consolidés, les créances figurant dans son bilan sont traitées aux valeurs actuelles des montants à recouvrer, déterminées aux taux d’intérêts actuels appropriés, moins, le cas échéant, les provisions pour irrecevabilité et les frais de recouvrement.
5. L’actif circulant a) Les stocks Les stocks sont des éléments de l’actif destinés à être vendus dans le cours normal de l’activité. Il peut s’agir de : Biens détenus pour être vendus dans le cours normal de l’activité ; Biens ou services en cours de production en vue d’une telle vente ; Matières premières ou fournitures devant être consommées au cours duprocessus de production ou de prestation de services. Un élément sera comptabilisé en stocks lorsque :
L’essentiel des risques et avantages attachés à la propriété de cet élément est transféré à l’entreprise ; L’entreprise dispose d’un niveau de contrôle équivalent à celui attaché à la propriété de l’actif ; Le coût peut être évalué de façon fiable ; Les avantages économiques futurs associés bénéficieront à l’entreprise.
Les formules d’évaluation du coût des stocks : La norme IAS 2 distingue 2 formules d’évaluation du coût des stocks : La formule du CMUP ; La formule du FIFO Evaluation des stocks L’évaluation des stocks à l’inventaire se fait :
A la valeur la plus faible entre le coût et la valeur réalisable nette ;
24
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Pour les contrats de vente ferme, l’évaluation se fait au prix spécifié au contrat.
Les stocks d’approvisionnement : L’évaluation de la valeur réalisable nette (VRN) se fait :
A la valeur de marché pour les stocks de marchandises ; Au coût de remplacement pour les stocks de matières premières.
Lorsque la valeur réalisable nette des stocks d’approvisionnement devient inférieure à leurs coûts et que le coût des produits finis atteint un niveau supérieur à leur VRN, il faut constate une dépréciation des stocks. La norme dispose que les pertes sur des contrats de vente fermes et des contrats d’achat fermes sont comptabilisés selon l’IAS 37 Si la valeur réalisable nette augmente, Il faut procéder à une reprise du montant déprécié à hauteur de la valeur la plus faible du coût et de la VRN. Les stocks de produits La valeur réalisable nette des stocks de produits est évaluée au prix de vente. Lorsque la valeur réalisable nette devient inférieure au coût, il faut constater une dépréciation. Si la valeur réalisable augmente, il s’agit de procéder à une reprise du montant déprécié à hauteur de la valeur la plus faible du coût et de la valeur réalisable nette. Lors d’une première consolidation, la valeur des travaux en cours d’une filiale est à évaluer « au prix de vente des produits finis moins la somme :
Des coûts d’achèvement, Des coûts de cession et D’une marge raisonnable de bénéfice pour l’effort d’achèvement et de vente basés sur les bénéfices pour des biens finis analogues » (IAS 22).
b) Les créances à court terme Le problème d’actualisation se pose évidemment beaucoup moins pour les créances à court terme, puisque la brièveté de leur échéance rend faible l’incidence du temps et des montants d’intérêts théoriques qui y sont attachés. Dans la norme IAS 22, il est indiqué que « l’actualisation n’est pas nécessaire pour des créances à court terme, lorsque la différence entre le montant nominal de la créance et son montant actualisé n’est pas significative ». c) Les Titres de placement Les actifs financiers détenus à des fins de transaction sont ceux acquis ou générés par l’entreprise en vue de réaliser une plus-value sur des fluctuations à court terme des cours ou en vue de dégager une marge d’arbitragiste. A la clôture de l’exercice, les titres de placement sont évalués à la juste valeur. Les variations de juste valeur sont à comptabiliser en résultat.
25
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Les placements classés comme actifs à court terme doivent être comptabilisés au bilan soit à la valeur de marché, soit à la valeur la plus faible des deux montants suivants : coût d’acquisition et valeur de marché. Par ailleurs, la norme IAS 22 relative à la consolidation prévoit à propos de l’évaluation des actifs à consolider pour la première fois après une acquisition de société, le dispositif suivant d’évaluation à la juste valeur pour les titres : Négociables à la valeur de marché ; Non négociables à des valeurs estimées qui prennent en compte des caractéristiques telles que le ratio cours/bénéfice, les rendements sur dividendes et les taux de croissance attendus de titres comparables des entreprises ayant des caractéristiques analogues. LES METHODES D’EVALUATION DES DIFFERENTS INSTRUMENTS FINANCIERS
Les instruments financiers sont évalués à leur coût lors de leur comptabilisation initiale ; leur comptabilisation ultérieure peut être effectuée selon les cas soit à leur juste valeur, soit selon le principe du coût amorti. L’évaluation à la juste valeur : Selon l’IAS 39, à la date d’entrée au bilan tous les instruments financiers (actifs financiers, passifs financiers, dérivés), sont enregistrés à leur coût selon le principe de la juste valeur de ce qui est donné (pour les actifs) ou ce qui est reçu (pour les passifs). La juste valeur est le montant auquel un actif peut être échangé ou un passif éteint entre des parties consentantes et disposant d’une information complète dans le cadre d’un marché concurrentiel. La norme prévoit trois méthodes de détermination de la juste valeur qui sont à examiner successivement pour évaluer un instrument financier : Lorsqu’il existe un marché actif, le prix de cotation du jour de l’évaluation ou de la dernière évaluation sur un marché actif constitue la meilleure appréciation de la juste valeur ; En l’absence de marché actif ; le prix de la dernière transaction constitue la juste valeur, si les conditions de marché ont changé il sera fait référence à l’évolution du prix de marché d’instruments financiers analogues ; Si les deux techniques précédentes s’avèrent inemployables, l’instrument financier sera évalué en faisant référence à un modèle de valorisation couramment utilisé par les intervenants qui négocient les instruments financiers à évaluer. Ce modèle d’évaluation consiste à déterminer la juste valeur de la contrepartie donnée à la somme des cash-flows futurs actualisés au taux d’intérêt du marché pour un actif financier identique. L’actualisation n’est à pratiquer que lorsqu’elle a un impact significatif sur la valeur actuelle des cash-flows futurs. L’utilisation d’un modèle de valorisation nécessite que l’entreprise en détermine la validité.
26
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
La fiabilité de la juste valeur est acquise lorsque les limites inférieures et supérieures données par le modèle de valorisation ne sont pas significativement différentes. Certaines corrections peuvent être apportées aux valeurs estimées par les modèles d’évaluation, il s’agit des « hold back reserves » qui constituent des ajustements de valeur de marché et que l’on retrouve le plus souvent dans les comptes des établissements bancaires L’évaluation au coût amorti Le principe de l’évaluation au coût amorti consiste à prendre en compte les rendements effectifs des instruments financiers sur la base du taux d’intérêt effectif. L’évolution du coût amorti se fait sur la base de la différence entre les flux financiers et les frais financiers calculés au taux d’intérêt effectif.
Section II : La juste valeur du passif 1. Les capitaux propres Selon la norme IAS 32, un instrument de capitaux propres donne droit à un intérêt résiduel dans les actifs nets de la société. La rémunération est conditionnée à l’existence de bénéfices ; les capitaux propres sont soumis à un risque d’exploitation. La juste valeur a un impact sur les capitaux propres à différents niveaux. Cette incidence concerne notamment les imputations sur réserves dues aux variations d’actifs évoquées précédemment et, dans un domaine assez différent, les processus d’augmentation de capital, notamment par le biais de la mise en place de l’actionnariat des salariés (stock-options).
2. Les provisions La norme IAS 37 définit les provisions comme étant des passifs constituant :
Des obligations actuelles (juridiques ou implicites) résultant d’un événement passé qui existe à la clôture de l’exercice ; Des obligations qui représentent une valeur négative pour l’entreprise, dont l’échéance et/ou le montant sont incertains, mais pour lesquelles il est probable qu’une sortie de ressources sans contrepartie équivalente sera nécessaire pour éteindre l’obligation
Trois conditions doivent être réunies pour comptabiliser une provision :
L’entreprise a une obligation juridique ou implicite envers un tiers ; Le montant de l’obligation peut être estimé de façon fiable ; Le montant de l’obligation se traduira par une sortie e ressources représentatives d’avantages économiques.
27
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
L’évaluation des provisions Il est nécessaire de procéder à une évaluation fiable du montant de l’obligation pour déterminer le montant de la provision. Le montant enregistré en provision doit être la meilleure estimation de la dépense requise pour solder l’engagement actuel à la date de clôture.
Montant à retenir
Le standard requiert que, pour évaluer une provision, une entreprise : doit prendre en compte les risques et incertitudes ; les événements futurs tels que les changements législatifs et technologiques lorsque la probabilité de survenance est forte ;et ne pas prendre en recettes la cession attendue des actifs en compte, même si elle est prévue et étroitement liée à l’événement donnant lieu à une provision.
Valeur actualisée de la provision
Quand l’effet de la valeur monétaire du temps est significatif, le montant d’une provision doit être la valeur actualisée des dépenses attendues requises pour couvrir l’obligation. Le taux d’actualisation doit être un taux avant impôt qui reflète les estimations de marché en cours sur la valeur temporelle de la monnaie et les risques spécifiques pour lesquels les estimations de flux futurs ont déjà été ajustées.
Ajustement des provisions
Les événements à venir qui peuvent affecter le montant requis pour solder un engagement doivent être reflétés dans le montant d’une provision lorsqu’il existe une évidence objective suffisante qu’ils se produiront. Les provisions doivent être revues à chaque bilan et ajustées pour refléter la meilleure estimation du moment.
3. Les dettes a) Les dettes à long terme Lorsque les taux d’intérêt augmentent, la valeur de marché de la dette va baisser. Or, pour apprécier la structure financière de l’entreprise, il est préférable de raisonner en valeur de marché. Aussi, dans le cas d’une filiale nouvelle à consolider, les engagements sont à évaluer à leur juste valeur. Deux cas de figure peuvent se présenter :
Soit la dette est cotée (emprunts obligataires), on prend la valeur de marché de l’obligation à la fin de l’année ; Soit la dette n’est pas cotée, dans ce cas -là, il va falloir valoriser la dette en actualisant les intérêts et le capital à verser au taux auquel l’entreprise peut s’endetter aujourd’hui. On considère donc que la dette qui figure au bilan est une dette in fine et on utilise la maturité moyenne pour actualiser les flux de la dette.
28
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
b) Les dettes à court terme De façon générale, la juste valeur des dettes contractées à court terme est considérée comme étant à leur valeur nominale. En effet, la brièveté de l’échéance de remboursement élimine la question d’une actualisation éventuelle : l’incidence des écarts entre les taux d’intérêt de la dette et ceux du marché est évidemment faible, puisque ces taux sont presque contemporains.
Section III : Les engagements hors bilan, les impots differes et les ecarts de conversion 1. Les contrats de location Selon la norme IAS 17, « Un contrat de location est un accord par lequel le bailleur cède au preneur, pour une période déterminée, le droit d’utilisation d’un actif en échange d’un paiement ou d’une série de paiements » Trois types de contrat sont à distinguer : Un contrat de location - financement ayant pour effet de transférer au preneur la quasitotalité des risques et des avantages inhérents à la propriété d’un actif. Le transfert de propriété peut intervenir ou non, in fine. Concrètement, l’IAS 17 définit huit critères non cumulatifs (il suffit de remplir un seul d’entre eux) auxquels doit satisfaire un contrat pour qu’il soit classé en location – financement ; Un contrat de location simple désigne tout contrat de location autre qu’un contrat de location – financement; Un contrat de cession-bail ou lease back : ce type de contrat pose que le bien, objet du contrat, fait l’objet d’une cession puis est repris en location. Conformément au référentiel IFRS, seules les immobilisations louées en location financement sont intégrées dans l’actif du bilan du locataire avec inscription en dette d’une valeur équivalente. La valeur à inscrire est égale : - Soit à la valeur vénale du bien loué, après déduction des subventions et des avantages fiscaux, - Soit à la valeur actualisée des paiements minimaux exigibles en vertu du bail, si cette valeur est inférieure à la valeur vénale.
29
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
2. Les instruments financiers dérivés Les dérivés seront traités de façon détaillée en seconde partie. Un instrument financier dérivé se caractérise par trois conditions :
Sa valeur fluctue en fonction de la variation d’un élément de base sous-jacent (taux d’intérêt, cours d’une action, cours d’une devise, …) auquel il se réfère ; Il ne nécessite aucune mise initiale ou alors la mise de fonds requise lors de la conclusion du contrat est négligeable par rapport à celle que nécessiterait l’achat d’autres instruments financiers évoluant de manière identique aux conditions du marché ; Il est réglé à une ou plusieurs dates futures.
Parmi les instruments financiers dérivés les plus utilisés, on peut citer les contrats à terme (forward), les futures, les swaps (de devises ou de taux d’intérêt) et les options. Ces instruments ont pour objectif de couvrir leurs détenteurs contre les risques de devises, de taux d’intérêt, de crédit, etc .Tous les instruments financiers dérivés, qui étaient considérés en « hors bilan » dans le cadre de la comptabilité au coût historique, doivent être inscrits au bilan à leurs justes valeurs. Le dérivé incorporé : Un dérivé incorporé répond aux conditions suivantes : Il est incorporé dans un contrat ‘’hôte’’ qui n’est pas évalué à sa juste valeur, ou dont les variations de juste valeur sont enregistrées dans les capitaux propres ; Il n’est pas individuellement identifié ; Il modifie tout ou partie des flux d’un contrat du fait d’une indexation sur un taux, sur le prix d’un titre, sur le prix d’une marchandise,… Dès lors qu’un instrument financier dérivé incorporé peut être séparé de son contrat hôte, le dérivé incorporé fera l’objet d’une évaluation à la juste valeur : Trois situations sont possibles : - L’entreprise procède à l’évaluation de l’instrument financier dérivé incorporé et détermine la valeur du contrat hôte par différence avec la juste valeur de l’instrument composé ; - L’entreprise procède à l’évaluation de la juste valeur de l’instrument composé et du contrat hôte et détermine la juste valeur de l’instrument financier dérivé par différence ; - L’entreprise évalue l’instrument financier composé à sa juste valeur et applique les règles de comptabilisation des instruments financiers détenus à des fins de transaction.
30
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
3. Les impôts différés Selon le CGNC et conformément au principe de prudence, les passifs d’impôts différés doivent être pris en compte sauf dans certains cas et principalement, lorsque : Les impôts différés proviennent de la comptabilisation des écarts d’évaluation : c’est le cas des différences temporaires liées aux éléments incorporels acquis dans le cadre d’un regroupement d’entreprises, et ne pouvant pas être cédés séparément de l’entité acquise (des faits de marché ou des marques), Cet impôt différé doit être comptabilisé selon l’IAS12 ; L’IAS 12 ne permet la compensation des actifs et passifs d’impôts différés que s’ils concernent la même autorité fiscale.
4. Les écarts de conversion La norme IAS 21 précise que lorsque la monnaie de tenue de comptes est différente de la monnaie de fonctionnement, la conversion des comptes dans la monnaie de fonctionnement est effectuée par la méthode du cours historique. Pour le passage de la monnaie de fonctionnement à la monnaie de présentation, la norme IAS21 définit deux situations selon que la monnaie de fonctionnement de l’entité est une monnaie stable ou celle d’une économie hyper- inflationniste. Dans le premier cas, la norme prévoit que la conversion des états financiers d’une entité quelconque, de sa devise de fonctionnement à la devise de présentation, soit effectuée selon la méthode du cours de clôture. Dans le second cas, elle renvoie au préalable aux dispositions de la norme IAS 29 pour la prise en compte des effets de l’hyper- inflation avant la conversion des comptes. Les règles d’évaluation a) Les règles de conversion dans la monnaie de fonctionnement Actifs et passifs monétaires Les actifs et passifs monétaires sont composés des liquidités, des créances des prêts et dettes à échéance déterminée ou déterminable, des avances consenties ou reçues. A la date d’arrêté, les actifs et passifs monétaires libellés sont convertis dans la devise de fonctionnement au cours comptant du jour de l’arrêté. Actifs et passifs non monétaires évalués en juste valeur Les actifs et passifs non monétaires évalués en juste valeur sont convertis au cours du jour de détermination de la juste valeur. Actifs et passifs non monétaires évalués à leur coût historique Les actifs et passifs non monétaires évalués à leur coût historique sont convertis dans la devise de fonctionnement au cours du jour où ils sont entrés au bilan
31
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
b) Le résultat de change Actifs et passifs dénoués dans la période comptable Le résultat lié à la variation des cours de change entre la date d’entrée au bilan et la date de règlement est inscrit au compte de résultat. Actifs et passifs non dénoués à la clôture Le résultat lié à la variation des cours de change entre la date d’entrée au bilan et la date d’arrêté est inscrit au compte de résultat. Avec les exceptions suivantes : Eléments monétaires inclus dans l’investissement net dans une entité étrangère : Si les comptes de l’entité étrangère sont établis dans sa devise de fonctionnement ou dans celle de sa société mère, le résultat lié à la variation des cours de change entre la date d’entrée au bilan et la date d’arrêté est imputé aux capitaux propres dans les comptes consolidés. Financement en devise affecté à la couverture de l’investissement net dans une entité étrangère : Si les comptes de l’entité étrangère sont établis dans sa devise de fonctionnement ou dans celle de sa société mère, le résultat lié à la variation des cours de change entre la date d’entrée au bilan et la date d’arrêté est imputé aux capitaux propres dans les comptes consolidés. La notion de juste valeur est apparue pour remédier aux défauts du coût historique et améliorer la qualité de l’information communiquée. Cependant, sa mise en œuvre repose sur des techniques très subjectives et surtout, sur des outils qui modifient la comptabilité actuelle dans ses principes, dans sa fonction première et dans sa réalisation. Il est donc certain que la généralisation de la juste valeur affecte les métiers qui établissent cette comptabilité, ceux qui l’utilisent mais aussi ceux qui la vérifient et la certifient : En quoi le concept de juste valeur impacte-t-il la démarche de l’audit financier ?
32
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Chapitre III La juste valeur et l’audit financier
33
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Section I : Le cadre theorique de l’audit comptable et financier 1. Approche de définition Plusieurs définitions ont été formulées par de nombreux organismes et auteurs, on distingue :
Définition de l’IFAC Une mission d’audit des états financiers a pour but de permettre à l’auditeur d’exprimer une opinion selon laquelle les états financiers ont été établis, dans tous leurs aspects significatifs, conformément à un référentiel comptable identifié.
Définition de la CNCC Le cadre conceptuel des interventions du commissaire aux comptes définit comme suit la mission de l’auditeur financier : « Une mission d’audit des comptes a pour objectif de permettre au commissaire aux comptes de formuler une opinion exprimant si ces comptes sont établis, dans tous leurs aspects significatifs, conformément au référentiel comptable qui leur est applicable.
Définition de l’ordre des experts comptables L’ordre des experts comptables définit trois types de missions normalisées liées aux comptes annuels : la mission de présentation des comptes annuels, la mission d’examen des comptes annuels, et la mission d’audit des comptes. La mission d’audit des comptes annuels se caractérise par le fait qu’elle débouche sur une attestation contenant une « assurance positive sur la régularité, la sincérité et l’image fidèle» des comptes annuels audités.
Définition du groupement ATH L’audit financier est l’examen auquel procède un professionnel compétent et indépendant, en vue d’exprimer une opinion motivée sur la fidélité avec laquelle les comptes annuels d’une entité traduisent sa situation à la date de clôture et ses résultats pour l’exercice considéré, en tenant compte du droit et des usages du pays où l’entreprise a son siège.
34
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
2. Les questions clés de l’audit financier L’auditeur financier cherche à se prononcer sur la qualité de l’information financière, ainsi il se pose un certain nombre de questions axées autour des trois grandes étapes du processus de production :
Les enregistrements Les soldes Les documents financiers
Les questions afférentes aux enregistrements 1. Toutes les opérations de l’entreprise devant être comptabilisées ont-elles fait objet d’un enregistrement dans les comptes ? (aucune opération n’a été oubliée ou délibérément omise, l’auditeur vérifie le respect du principe d’exhaustivité des enregistrements. Le risque étant que « le réel » soit supérieur au « comptable » ; 2. Tous les enregistrements portés dans les comptes sont-ils la traduction correcte d’une opération réelle ? L’auditeur vérifie le respect du principe de réalité des enregistrements. Le risque étant que le « comptable » soit supérieur au « réel » 3. Toutes les opérations enregistrées durant l’exercice concernent-elles la période écoulée et elle seule ? Inversement, des opérations concernant cette période ne sont-elles pas enregistrées dans un autre exercice ? L’auditeur vérifie le respect du principe de séparation des exercices, le risque étant que des opérations en N soient enregistrées en N+1 (exhaustivité) et des opérations en N-1 soient enregistrées en N (réalité).
Les questions afférentes aux soldes 1. Tous les soldes apparaissant au bilan représentent-ils des éléments d’actif et de passif qui existent réellement ? L’auditeur vérifie le respect du principe d’existence des soldes. Le risque ici étant que des soldes ne soient pas justifiés. 2. Les éléments d’actif et de passif sont-ils évalués à leur juste valeur ? L’auditeur vérifie le respect des principes d’évaluation correcte des soldes et de permanence d’application des méthodes. Le risque ici étant que les soldes ne soient correctement évalués ou que l’on a modifié la méthode d’évaluation.
Les questions afférentes aux documents financiers 1. Les documents financiers sont-ils correctement classés et présentés ? L’auditeur vérifie le respect de la présentation comptable. Le risque ici étant une mauvaise classification ou un regroupement abusif de postes.
35
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
4. Les documents financiers font-ils l’objet des informations complémentaires qui sont éventuellement nécessaires ? L’auditeur vérifie que l’information chiffrée est accompagnée des informations extracomptables nécessaires à leur compréhension. Le risque ici étant l’omission d’information sur le changement des méthodes de valorisation ou de présentation, les opérations particulières de longue durée, les événements postérieurs à la clôture, le mode de valorisation des stocks.
3. Approche par les risques L’audit financier s’est longtemps limité à une révision des comptes axée sur la mise en œuvre de contrôles substantifs et conduisant à la délivrance d’une conclusion sur la qualité des états financiers. Cette démarche trouve ses limites lorsqu’il s’agit d’une entreprise enregistrant des milliers d’opérations, parfois réparties sur plusieurs sites relevant de nombreux domaines d’activité. L’auditeur doit adopter une méthodologie lui permettant de répondre à la double problématique : d’obtenir les informations probantes nécessaires et suffisantes pour porter un jugement pertinent sur les états financiers tout en optimisant le rapport entre le coût de son contrôle, l’identification des risques et le niveau de confiance obtenu, il s’agit, notamment, de l’approche par les risques.
La notion du risque Le risque est la probabilité de manifestation d’un événement indésirable. En ce qui concerne l’entreprise, l’on relève : Les risques d’entreprise : liés à la situation économique et financière de l’entreprise ; Les risques de gestion : liés à l’organisation générale de l’entreprise, au comportement organisationnel de la direction et à la qualité professionnelle du personnel ; Les risques comptables : liés à l’organisation et la gestion comptables, à la complexité des opérations et leurs traitements comptables et à l’efficacité du personnel comptable. Les facteurs de risque sont : La défaillance du système de contrôle interne comptable dans sa conception ou son fonctionnement : qui ne permet pas d’éviter ou de détecter des erreurs ou inexactitudes; La complexité des opérations ou de leur traitement comptable ; La difficulté de transcription en termes comptables des opérations réalisées compte tenu par exemple des particularités juridiques ; L’audit est bien une approche des risques et des éléments permettant leur maîtrise qui se conclut par un avis sur la probabilité de défaillance d’une organisation et de son fonctionnement. Les travaux d’audit doivent obligatoirement se focaliser sur les aspects les plus sensibles de l’entreprise : les zones de risque
36
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Il ne s’agit pas ici uniquement d’un souci d’efficacité mais plutôt d’une condition d’applicabilité de l’acte d’audit Il existe une relation inéluctable entre les risques de l’entreprise, les travaux d’audit et le risque d’audit (le risque de non détection des défaillances par l’auditeur). Cependant s’il est demandé à l’auditeur de bien définir la nature et l’étendue des travaux qui lui permettent de détecter les défaillances de l’entreprise, il faut reconnaître que le risque d’audit ne peut être définitivement écarté et qu’on ne peut au mieux que détecter les défaillances significatives et d’exiger de l’auditeur d’avoir une assurance raisonnable qu’il n’existe pas d’anomalies significatives. Ainsi pour chaque acte d’audit il est nécessaire de définir un niveau de risque d’erreur, reconnu par l’auditeur et accepté par l’audité, d’où la notion du seuil de signification
Le seuil de signification Le seuil de signification est la mesure que fait l’auditeur financier du montant au-delà duquel une ou plusieurs erreurs ou inexactitudes cumulés affectent les états financiers de telle manière qu’ils ne sont plus réguliers et sincères ou qu’ils ne donnent plus une image fidèle du patrimoine ou du résultat des opérations de l’entité concernée ; La détermination d’un seuil de signification est indispensable à l’auditeur financier principalement lors de la phase de planification de sa mission puisqu’il lui permet de concentrer ses travaux sur les aspects les plus importants et celle de l’émission de l’opinion, puisqu’il lui permet d’apprécier si les erreurs et inexactitudes détectées sont de nature à remettre en cause sa certification et s’il convient de demander à la société de corriger ses états financiers.
4. Le déroulement de la démarche d’audit financier La mission d’audit financier se décline en un nombre d’étapes comportant chacune une série d’actions. Si les ouvrages d’audit divergent quant au nombre d’étapes, ils se rejoignent en ce qui concerne la liste des actions à entreprendre :
Phase de préparation Phase de réalisation Phase de conclusion Phase de préparation
a) La prise de connaissance générale L’auditeur acquiert cette connaissance via l’étude de la documentation externe (données et réglementations générales et spécifiques : environnement international, national, sectoriel) et interne à l’entreprise (procédures, organigramme, plan stratégique,…), les contacts directs (entretiens avec les dirigeants et les différents responsables des services) et les visites des lieux.
37
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
La connaissance de l’entreprise et l’examen analytique préliminaire permettent à l’auditeur de procéder au découpage de l’activité de l’entreprise, prélude au plan d’audit et au programme de travail. Dans cette optique, la connaissance de l’activité de l’entreprise auditée, et de son environnement, détermine largement les zones de risque potentiels et par voie de conséquence, l’orientation générale des travaux d’audit.
b) Le découpage de l’activité à auditer : l’approche par cycle Cette approche est fondée sur un découpage de l’activité de l’entreprise par grandes fonctionnalités. Après le découpage des états financiers en modules, l’auditeur est tenu de regrouper et scinder les sections en fonction de leur importance, homogénéité,…On retient généralement les sections de travail suivantes :
Les immobilisations corporelles et incorporelles Les achats et les dettes fournisseurs Les ventes et les créances clients Les stocks et en-cours de production La trésorerie Les immobilisations financières Les emprunts et dettes financières Les fonds propres Le personnel et les organismes sociaux Les impôts et taxes Les autres actifs et passifs Les autres produits et charges Les devises
c) Le plan général d’audit Le plan général d’audit est un document qui résume les différentes informations obtenues par l’auditeur et précise les conclusions et décisions qu’il en tire pour la réalisation de sa mission, il comporte les éléments suivants : Une présentation de l’entité auditée, les principales évolutions de la période et leurs explications obtenues ou à confirmer ;
La nature de la mission, ses particularités éventuelles, les rapports à émettre,… ; L’identification des risques généraux et des risques spécifiques à la mission ; La détermination des seuils de signification ; La stratégie d’audit retenue ; Les éléments d’organisation interne relatifs à l’équipe, au planning et au budget.
38
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
d) Le programme de travail détaillé Le programme de travail décrit avec précision les travaux à effectuer. Il reprend les éléments du plan général d’audit et détaille par sous-ensemble d’opérations ou de comptes l’approche à retenir, la nature des travaux à effectuer, l’étendue des travaux, le calendrier,… Phase de réalisation
a) La description du système de contrôle interne A partir de l’examen du manuel des procédures ou d’entretiens avec les acteurs qui les mettent en œuvre, l’auditeur recense et formalise, pour chaque section de travail, toutes les procédures qui caractérisent le déroulement des opérations, depuis l’opération elle –même jusqu’à sa comptabilisation. Cet examen porte en principe sur les seuls aspects intéressant l’auditeur c’est à dire ceux ayant une incidence sur l’organisation de ses contrôles ou sur les états financiers. Les techniques utilisées à ce niveau sont le mémorandum (la description narrative) ou le diagramme de circulation (la représentation graphique des circuits) et les questionnaires ouverts (appelant à des réponses descriptives).
b) Les tests de conformité Les tests de conformité (ou d’existence ou encore de réalité) ont pour objectifs de s’assurer de la bonne compréhension de la procédure par l’auditeur et que la procédure décrite est conforme à la réalité. L’auditeur suit quelques transactions tout au long de la procédure. A ce niveau, il ne s’agit pas de vérifier que la procédure est bien appliquée mais simplement qu’elle existe telle qu’elle a été décrite dans la procédure ou par l’audité et comprise par l’auditeur.
c) La première évaluation du contrôle interne A partir des étapes précédentes et à l’aide du questionnaire de contrôle interne, l’auditeur est en mesure d’identifier les faiblesses et les forces liées à la conception de chacune des procédures examinées. Ce qui lui permet de répertorier les premiers points faibles et points forts relatifs à la conception elle-même du système de contrôle interne. Ces faiblesses de conception ne font pas l’objet de tests mais seulement d’une confirmation de la part des responsables de l’entreprise. L’auditeur en tiendra compte pour mesurer l’incidence de cette déficience sur les comptes. Ces faiblesses font l’objet d’une lettre de recommandation.
d) Les tests de permanence Les tests de permanence ont pour objectif de vérifier que les contrôles internes, mis en place par l’entreprise pour assurer la fiabilité des informations financières, sont effectivement appliqués.
39
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Il s’agit de tests de grande ampleur que les tests de conformité puisqu’ils doivent donner à l’auditeur la conviction que les procédures contrôlées sont appliquées en permanence et sans défaillances.
e) L’évaluation définitive du contrôle interne L’auditeur récapitule dans un document de synthèse les faiblesses de conception relevées à partir des tests de conformité et les faiblesses d’application identifiées à travers les tests de permanence. Ce document de synthèse joint à la lettre de recommandation constitue le rapport de contrôle interne qui représente un intérêt capital pour l’entreprise. L’auditeur examine les conséquences de son évaluation définitive du contrôle interne sur le programme de contrôle, sur son opinion et sur la lettre de recommandation dans laquelle l’auditeur signale à l’entreprise les faiblesses méritant d’être jugées.
f) L’adaptation du programme de contrôle En fonction des conclusions tirées sur les forces théoriques et les sécurités qui y sont liées, les faiblesses de conception et d’application des systèmes comptables et de contrôle interne et des risques qui s’y attachent, l’auditeur allège ou renforce les programmes standards de vérification directe des comptes.
g) Les tests de cohérence et de validation Le contrôle des comptes constitue une étape obligatoire de l’audit, même si le contrôle interne semble irréprochable. Les tests de cohérence et de validation des enregistrements et des soldes permettent à l’auditeur de vérifier l’homogénéité des informations comptables et opérationnelles qui lui sont communiquées et de vérifier la validité des données de la comptabilité. Pour assurer ces tests, l’auditeur recourt notamment à la revue analytique, à l’examen et l’observation, aux confirmations directes et déclarations de la direction et aux calculs.
h) L’évaluation des résultats des tests Après avoir entrepris les différents tests, l’auditeur effectue une première synthèse au niveau du sous-ensemble d’opérations audité ou de l’objectif visé. Une synthèse plus large sera effectuée à la fin des travaux. Au niveau de chacun des tests réalisés, l’auditeur doit analyser les erreurs ou inexactitudes constatées.
i) L’examen d’ensemble des comptes annuels L’examen d’ensemble des comptes annuels a pour objectif de vérifier que les états financiers : 1. Sont cohérents 2. Concordent avec les données de la comptabilité 3. Sont présentés selon les principes comptables et la réglementation en vigueur 4. Tiennent compte des événements postérieurs à la date de clôture 5. Que l’annexe respecte les dispositions légales et réglementaires et qu’elle comporte toutes les informations d’importance significative sur la situation patrimoniale, financière et sur le résultat de l’entreprise.
40
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
L’auditeur apprécie la cohérence des états financiers à travers l’examen analytique. Il vérifie la concordance des chiffres du bilan, du compte de résultat et de l’annexe avec ceux de la balance. Il fait la synthèse des vérifications effectuées tout au long de la mission sur le respect des principes et méthodes comptables. Il recherche et communique à la direction les événements postérieurs à la clôture de l’exercice susceptible d’avoir une incidence significative sur l’appréciation de la situation de l’entreprise. Il effectue une revue de l’annexe pour s’assurer qu’elle est claire et exhaustive et que les informations nécessaires à son élaboration sont fiables et disponibles. Phase de conclusion
a) La synthèse des travaux d’audit Cette synthèse porte sur l’étendue des travaux et sur les erreurs et inexactitudes identifiées qui n’auraient pas déjà été prises en compte par l’entreprise ; L’auditeur doit décider si tous les travaux nécessaires ont été effectués c’est-à-dire qu’il a pu mettre en œuvre tous les travaux jugés utiles ; L’auditeur récapitule les erreurs et les inexactitudes relevées et examine leurs ajustements. Il compare le total des montants des ajustements au seuil de signification tel qu’il l’a défini au début de sa mission et éventuellement modifié afin de prendre en considération les nouveaux éléments.
b) Le rapport d’audit et l’opinion de l’auditeur A la différence de l’auditeur financier interne, l’auditeur externe (expert-comptable ou commissaires aux comptes) est tenu par la loi à l’établissement d’un rapport général et à l’émission de son opinion sur les états financiers. Le rapport général d’audit devrait inclure les informations suivantes : · Le titre (rapport d’audit) · Les destinataires du rapport (les actionnaires et le conseil d’administration) · L’identification des comptes annuels (nom de l’entreprise, date de clôture des comptes annuels et la période qu’ils couvrent) · La mention soulignant que les états financiers ont été établis sous la responsabilité de la direction de l’entreprise et que le rôle de l’auditeur est d’exprimer une opinion sur ces états · Des précisions sur l’étendue des travaux d’audit : La référence aux normes d’audit ou aux pratiques admises La mention que l’audit a pour objectif d’obtenir une assurance raisonnable Rappel que l’audit inclut un examen par sondage des informations, une appréciation des principes comptables, des évaluations faites par la Direction et des états financiers dans leur ensemble
41
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
L’opinion sur les comptes annuels qui doit être exprimée clairement et mentionner les référentiels des principes et méthodes comptables utilisés pour l’établissement des états financiers ; La signature de l’auditeur, son adresse et la date de réalisation du rapport L’auditeur financier peut exprimer quatre types d’opinion : La certification sans réserve que les états financiers sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle de l’activité de l’entreprise et de sa situation patrimoniale ; La certification avec réserve lorsqu’une irrégularité est significative mais son importance n’est pas suffisante pour considérer que les comptes ne sont pas sincères et réguliers et ne donnent pas une image fidèle, à l’exception de la réserve formulée L’impossibilité de certifier résulte d’une limitation dans l’étendue des travaux telle que l’auditeur n’arrive pas à exprimer une opinion ou de l’insuffisance d’éléments probants Le refus de certifier est exprimé lorsque l’effet d’un désaccord sur les états financiers est tel que l’auditeur considère qu’une réserve est insuffisante pour révéler le caractère trompeur ou incomplet de l’information financière.
5. Les techniques et les outils de l’auditeur financier La collecte des éléments probants par l’auditeur financier repose sur l’utilisation d’un certain nombre de techniques et d’outils notamment :
La revue analytique La revue analytique (examen analytique ou encore contrôle indiciaire) est un ensemble de procédures de révision consistant à : - Faire des comparaisons entre les données résultant des comptes annuels et des données antérieures, postérieures et prévisionnelles de l’entreprise ou des données similaires et établir des relations entre elles ; - Analyser les fluctuations et les tendances ; - Etudier et analyser les éléments inhabituels résultant de ces comparaisons ; Elle repose sur : - Les comparaisons des données actuelles avec celles des périodes précédentes, avec celles d’entreprises de la même branche d’activité et avec les prévisions (budgets, tableaux de bord,…) ; - L’analyse des ratios jugés significatifs ; - Les recoupements entre les données résultant des comptes annuels de l’entreprise auditée et d’autres informations internes à la société mais non financières
42
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
La revue analytique est utilisée par l’auditeur financier à trois niveaux conformément au tableau suivant : Niveaux d’application Prise de connaissance générale de l’entreprise
Mise au point du programme de révision
Exécution du programme de révision
Objectifs - Comprendre les caractéristiques de l’activité du client - Identifier les modifications de tendances dans la structure financière générale et la rentabilité -Confirmer ou infirmer les hypothèses soulevées lors de la phase 1 - Aider à l’évaluation des risques dans les différents postes audités et à l’évaluation de changements dus à certaines circonstances Mettre en évidence l’aspect raisonnable de certains soldes dans les états financiers - S’assurer de l’homogénéité de l’information et de l’absence d’anomalies notoires
Type de revue
Revue analytique générale
Revue analytique détaillée
Contrôles directs sur les soldes
Les sondages Les sondages sont largement utilisés dans le cadre de l’audit financier en particulier pour : - Des tests de permanence : contrôle du cycle achat, du cycle vente,… ; - Des tests de validation : stocks (choix des articles à inventorier physiquement), clients (circularisation des soldes), fournisseurs (demande de confirmation) Les sondages représentent une technique de collecte des éléments probants inhérente à la mission d’audit : - L’auditeur n’a pas, le plus souvent, les moyens de contrôler toutes les opérations qui constituent les états financiers en raison de la masse des opérations générées, traitées ou utilisées par l’entreprise, qui rend un contrôle exhaustif matériellement impossible ; - L’examen exhaustif n’est pas nécessaire pour obtenir des éléments probants et un niveau d’assurance suffisant.
La confirmation directe La confirmation directe ou la circularisation est une procédure de révision habituelle qui consiste à demander à un tiers ayant des liens d’affaires avec l’entreprise vérifiée de confirmer directement au réviseur des informations concernant l’existence d’opérations, de soldes, ou tout autre renseignement. Elle constitue, pour l’auditeur, l’un des éléments les plus
43
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
probants. D’une manière générale, la procédure de confirmation doit être mise en oeuvre de manière quasi systématique pour les rubriques suivantes : « Clients », « Fournisseurs », « Banques », et « Avocats » Il reste toutefois que la seule application de la technique de confirmation directe est, dans la plupart des cas insuffisante pour cerner tous les aspects permettant de justifier un poste. C’est la combinaison de plusieurs éléments probants qui permet à l’auditeur de fonder son jugement.
L’observation physique L’observation physique est une technique consistant à examiner un processus, ou la façon dont une procédure est exécutée par d’autres personnes. Elle constitue l’un des moyens les plus efficaces pour s’assurer de l’existence d’un actif, et est généralement utilisée par l’auditeur pour apprécier le contrôle interne et pour contrôler les comptes. En matière de contrôle interne, l’auditeur peut utiliser l’observation physique pour apprécier la qualité d’un contrôle qu’il estime efficace, mais qui ne donne pas lieu à une matérialisation particulière, par exemple une procédure de prise d’inventaire. En matière de contrôle des comptes, l’observation physique permet à l’auditeur d’examiner la réalité d’un actif précis.
L’outil informatique Les principales techniques informatiques utilisables par un auditeur sont : - Le recours à des extractions de fichiers Le développement des systèmes informatisés dans les entreprises, des logiciels d’extraction de fichiers et l’utilisation intensive des outils informatiques par les auditeurs incitent à utiliser de plus en plus la technique consistant à exploiter des fichiers de l’entreprise auditée ; Les logiciels d’extraction et d’analyse des fichiers permettent d’observer une caractéristique donnée sur un échantillon important de la population étudiée, voire sur l’intégralité avec un rapport coût/efficacité plus favorable que l’utilisation des sondages. - L’utilisation de logiciels d’aide à l’audit Les logiciels d’aide à l’audit permettent à l’auditeur de constituer de façon plus ou moins étendue un dossier de travail électronique. Ce type de logiciel permet généralement à l’auditeur d’automatiser un certain nombre de tâches, telles que la récupération de la balance, l’édition des états financiers,…
44
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Section II : L’impact de la juste valeur sur les travaux d’audit Avec l’application des nouvelles normes comptables internationales, les principes comptables se modifient, avec une préférence pour la juste valeur face au coût historique ainsi que pour l’image fidèle face au principe de prudence. A quel niveau et à quel point le travail de l’audit financier en est-il affecté ?
1. Une évolution des normes d’audit L’arrivée du principe de juste valeur, comme valorisation principale des éléments du bilan, est venue bouleverser la comptabilité, si bien que la profession d’audit, qui est en charge de la surveiller, a été obligée d’insérer une nouvelle norme d’audit dans son référentiel, qui ne traite que de la façon d’aborder un élément évalué à la juste valeur. Dans cette optique, il est possible de citer l’initiative de l'International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB) de l'International Federation of Accountants (IFAC), organisme international qui régit la profession d’audit et qui a publié une nouvelle International Standards on Auditing (ISA 545) intitulée « Auditing Fair Value Measurements and Disclosures ». Cette nouvelle norme internationale d’audit précise les éléments à prendre en considération lors d'une mission d'audit quant à l'évaluation, la présentation et aux informations à fournir au sujet des actifs et passifs présentés ou communiqués en juste valeur dans les états financiers. Elle propose une méthode à adopter lors de l’audit d’éléments en juste valeur. Ainsi, il faut tout mettre en oeuvre pour assurer : La compréhension de la manière dont l'entité détermine l'évaluation et les informations en juste valeur, ainsi que les procédures de contrôle pertinentes ; L'appréciation du caractère approprié des évaluations et des informations en juste valeur ; L'utilisation du travail d'un spécialiste ; Les tests portant sur les évaluations et les informations en juste valeur L'évaluation des résultats de la mise en oeuvre des procédés d'audit ; Le processus adopté par la direction aux fins de la détermination de la juste valeur et les déclarations faites par celle -ci ; La communication avec les responsables de la gouvernance. » En outre, pour que le modèle de juste valeur soit fiable, les auditeurs doivent obtenir les éléments indiquant que les évaluations et les informations en juste valeur sont conformes et bien représentatif de la réalité économique, compte tenu du fait que la valorisation à la juste valeur peut être traitée de différentes manières selon différents cadres de présentation de l'information financière, selon différents modèles, choisis par l’entité elle-même.
2. Un changement au niveau des éléments soumis au contrôle La modification des principes comptables entraîne inéluctablement une modification des écritures comptables enregistrées. Il y a donc a fortiori des modifications qui s’opèrent au niveau de la façon de procéder, des techniques employées, pour le contrôle de ces écritures.
45
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
En effet, la phase de vérification des comptes dans la méthodologie de l’audit financier, et plus précisément la vérification de la valeur des actifs enregistrés, est profondément modifiée et compliquée par l’application de la juste valeur. Avec la méthode du coût historique, il était plus facile pour l’auditeur de vérifier la valeur des actifs inscrite au bilan ; même une entreprise malhonnête aurait des difficultés à tromper l’auditeur en comptabilisant une autre valeur que le coût d’acquisition, plus avantageuse pour la valeur de son patrimoine. En effet, comme il a été exposé en deuxième partie, le coût historique implique l’inscription au coût d’acquisition de l’actif (coût d’achat ou de fabrication). Or ce coût est facilement calculable : avec les postes de charges qui ont contribué à la fabrication du bien, ou bien avec les factures de l’achat lorsqu’il s’agit d’une acquisition auprès d’un fournisseur. Contrairement au coût historique, la juste valeur est le fruit d’un calcul financier très précis qui fait intervenir différents paramètres qu’il reste à déterminer de façon extrêmement rigoureuse. L’auditeur doit alors contrôler : - Si le prix de marché utilisé pour valoriser l’actif est pertinent et provient d’un marché efficient, dans le cas d’une valorisation au Market -to-Market. - Si le modèle d’évaluation, la suite des cash -flows ainsi que le taux d’actualisation choisi sont fiables, dans le cas d’une valorisation de type Market-to-Model. Ainsi, les éléments à vérifier avec la juste valeur sont plutôt de l’ordre du choix financier que d’une application d’une règle comptable, l’organisation internationale représentant la profession d’audit a établi des règles afin de réglementer le contrôle de la juste valeur pour limiter au maximum son caractère subjectif.
3. Plus de subjectivité L’une des plus grandes qualités exigée chez un auditeur est la rigueur. Cependant, le principe de juste valeur laisse une plus grande place à l'interprétation par les dirigeants ou les auditeurs dans l'évaluation. A titre d’exemple, en considérant le coût historique, le prix d’acquisition de l’actif était utilisé, ce qui revient à considérer une transaction qui laissant des traces et pouvant être retracée, et par conséquence une valeur fiable et objective. Par opposition au prix de revient, la juste valeur fait intervenir la notion de valeur d’utilité qui est complètement indépendante d’une transaction et représente ce que l’élément rapporte à son propriétaire. Cette valeur est plus subjective car des anticipations des cash-flows vont jouer et la valeur dépendra du moment de l’évaluation. La comptabilité à la juste valeur implique une comptabilité subjective et volatile, ce qui est assez contradictoire avec les fondements de l’audit.
4. Mais une méthodologie globale intacte On voit bien que la valorisation à la juste valeur a modifié les techniques de l’audit financier mais uniquement par rapport aux éléments du haut de bilan d’une entreprise. Les éléments à vérifier ne sont plus les mêmes, les principes à respecter sont également différents. Cependant, l’audit financier ne consiste pas qu’en la certification des valeurs des actifs immobilisés. Il y a beaucoup d’autres postes du bilan ou du compte de résultat et d’autres règles comptables à faire respecter (en ce qui concerne les stocks par exemple ou les dotations
46
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
aux provisions pour dépréciation…). Si la méthodologie de l’audit financier est prise dans son ensemble avec ces principales phases incontournables que sont la compréhension, la vérification et la conclusion, il apparaît que cette approche est toujours d’actualité. Le rôle de l’auditeur sera toujours de certifier les états financiers et sa méthode pour y parvenir sera toujours la même. L’introduction de la juste valeur est assurément un changement majeur. L’audit financier doit faire respecter des règles selon une méthodologie précise par souci de rigueur ; même si ces règles changent, l’audit financier continuera sa mission selon la même organisation. Nous n’assistons pas à un changement de méthodologie mais à un élargissement des compétences de la profession pour s’adapter à une évolution qui semblait inévitable face à la mondialisation. Tels sont donc les principaux changements apportés par la notion de juste valeur et qui vont affecter le bilan de l’entreprise. En effet, les normes IFRS, avec leur logique tournée vers l’investisseur, préoccupé es avant tout par le patrimoine de l’entreprise, privilégient le bilan par rapport au compte de résultat. En dépit du débat actuel qui oppose le modèle comptable basé sur le coût historique à celui fondé sur la juste valeur, ce dernier gagne du terrain dans les différents systèmes comptables, répondant ainsi aux nouvelles exigences des investisseurs opérant dans des marchés financiers de plus en plus ouverts caractérisés par la multitude de risques financiers variés et complexes. Parallèlement, les instruments financiers sont devenus de plus en plus utilisés pour gérer les risques financiers et les fluctuations de certaines variables financières telles que le taux d'intérêt ou de change, le cours des actions ou encore les produits de base. En conséquence, l'évaluation de ces instruments financiers supportée par l'IAS 39 avait fait l'objet de plusieurs discordes qui ont fait que le principal débat sur les IFRS soit entièrement centré sur cette norme. Afin de cerner au mieux les différents constats mentionnés ci-dessus, cette partie sera consacrée à présenter, dans un premier chapitre une analyse des principaux enjeux de l’évaluation à la juste valeur, et dans une deuxième, l’incidence de l'évaluation de ces instruments à la juste valeur pour les établissements financiers.
47
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Partie II : implications de l'adoption du modèle comptable à la juste valeur aux instruments financiers à la juste Valeur (Cas des établissements financiers)
48
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
La juste valeur a fait l’objet de nombreux débats à la lumière de la crise financière actuelle. Accusée d’avoir joué un rôle contributif dans la crise à travers sa participation à l’aggravation de la situation financière des banques, une remise en cause de ces normes comptables internationales est apparue. En effet, dans un contexte de fort développement des marchés financiers et avec l'apparition de scandales financiers, les exigences en termes de transparence financière, de comparabilité des états comptables et d'amélioration de la qualité de l'information n'ont cessé de s'accroître. Les nouvelles normes comptables internationales IAS (International Accounting Standards) et la création d'un référentiel comptable unique européen visent à répondre à ces préoccupations. En juillet 2002, un règlement européen a entériné la décision de la Commission Européenne d'imposer à toutes les sociétés européennes cotées (y compris les banques et les sociétés d'assurance) l'élaboration de leurs états financiers consolidés conformément aux normes comptables IAS. En normes IAS, l'information financière ne repose plus sur la notion de coût historique mais sur celle de la «juste valeur» comme exposé plus haut. En 1997, l'IASB avait publié un texte proposant l'évaluation à la juste valeur de tous les actifs et passifs financiers. Devant l'ampleur des réactions négatives, un compromis temporaire semble avoir été atteint avec la norme IAS 39 qui prévoit de comptabiliser en juste valeur les actifs et passifs négociables, et tous les instruments dérivés tout en laissant la banque d'intermédiation à l'écart de telles dispositions. L'IAS 39 ne vise pas seulement la comptabilité des banques mais son impact majeur sera sans doute constaté dans ce secteur dans la mesure où la quasi-totalité du bilan des établissements de crédit est constituée d'instruments financiers au sens de cette norme. La comptabilisation au coût historique ne fournit certes pas toutes les informations nécessaires à l'appréciation des risques. A cet égard, les normes IAS délivrent une information plus économique et permettent davantage de comparabilité. Toutefois la juste valeur présente des inconvénients majeurs si elle est appliquée de façon généralisée : • Elle renforce l'efficacité de la surveillance prudentielle mais pourrait en même temps la rendre plus difficile. • Elle n’est pas adaptée à certaines activités bancaires telles que l'activité d'intermédiation. Sur le plan macroéconomique, le principe de juste valeur appliqué sans discernement risque de susciter plus d'instabilité : • Une volatilité des fonds propres et des résultats bancaires qui irait à l'encontre de l'objectif de sécurité recherché par les normalisateurs comptables. • Une amplification des cycles de crédit. • Un transfert du risque de taux sur les agents non financiers, voire à une réduction du volume des prêts. Au total, les nouvelles normes affecteraient donc significativement deux des principales fonctions des banques : l'activité d'intermédiation et leur rôle dans la réallocation des risques. Avant de traiter les risques et les enjeux liés à l’évaluation des instruments financiers à la juste valeur et plus particulièrement dans les établissements financiers, il convient de définir la notion d’établissement financier et délimiter notre champ d’analyse.
49
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Notion d’établissement financier Un établissement financier est une entreprise qui s'occupe d'affaires financières, comme les banques, les sociétés de fiducie, les sociétés de courtage de valeurs, les compagnies d'assurances, les sociétés de crédit-bail et les investisseurs institutionnels. On entend par investisseurs institutionnels (surnommés familièrement zinzins). Ce sont des organismes collecteurs de l’épargne qui placent leurs fonds sur les marchés. Il s’agit principalement de sociétés d'investissements, fonds de pension et sociétés d'assurance. Historiquement les établissements financiers correspondaient à l'ancienne appellation des sociétés financières (établissement de crédit qui ne pouvait pas recevoir des dépôts à moins de deux ans) et des maisons de titres (établissement de crédit qui gérait des portefeuilles de titres selon mandat de leurs clients). De nos jours, l’établissement financier est devenu synonyme de tout établissement qui fait des crédits et/ou reçoit des dépôts. Dans le présent mémoire, nous nous intéresserons plus particulièrement aux banques en raison de l’importance des instruments financiers dans leur actif représentant plus de 70% (jusqu’à 90%) du total actif. Toutefois, il est à préciser que l’impact de l’IAS 39 demeure le même malgré la spécificité du corpus comptable de chaque établissement financier. De par sa fonction économique d’intermédiaire financier, la banque assure un équilibre sur le marché de crédit en réduisant les asymétries d’informations qui minent les relations de crédit. Ce rôle engendre des risques pour la banque contre lesquels elle se voit obligée de se prémunir. Pour ce faire, elle doit être suffisamment dotée en fonds propres qui absorberaient les éventuelles pertes consécutives à la réalisation de risques potentiels et qui constitueront, par ailleurs, une assurance pour les déposants. Aussi, ce gage de confiance doit-il être préservé afin de garantir la pérennité de l’établissement bancaire. La réglementation prudentielle bancaire joue un rôle essentiel à ce niveau, dans la mesure où elle édicte des normes visant à maintenir le niveau du capital en adéquation avec les risques associés à l’activité bancaire. En effet, le bon fonctionnement du système bancaire demeure relativement associé au respect des prescriptions des normes prudentielles. Or, ce sont les données comptables qui servent de support à ces normes. Ainsi, les méthodes d’évaluation retenues par les établissements bancaires - et qui auront prévalu dans la détermination des fonds propres prudentiels - vont non seulement conditionner leur capacité à respecter les contraintes réglementaires, mais également celle des autorités de contrôle à appréhender, à travers les indicateurs prudentiels produits, l’étendue de l’exposition des banques aux risques. En juillet 2002, un projet de règlement a entériné la décision de la commission européenne d’imposer aux entreprises cotées l’adoption des normes comptables IFRS qui préconisent un mode de valorisation fondé sur le principe de la juste valeur. Ce projet a été voté à l’unanimité le 16 juillet 2003 au sein du Comité de Régulation Comptable européen (CRCE) à l’exception des normes 32 et 39. En effet, ces deux normes, et particulièrement les dispositions de la norme IAS 39 relatives à la comptabilité de couverture, font l’objet d’une forte opposition des établissements bancaires
50
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
européens. Ces derniers contestent vivement la démarche proposée par l’IASB en ce qui concerne le traitement comptable des instruments financiers. Ils dénoncent notamment l’inadaptation des mécanismes prévus par la norme IAS 39 à la couverture du risque de taux associé à l’activité d’intermédiation de la banque commerciale : ces mécanismes généreraient une forte volatilité des capitaux propres et des résultats sans rapport avec la réalité économique ce qui compliquerait d’une part la conformité aux prescriptions prudentielles et, d’autre part, la mission des autorités de contrôle bancaire vu que l’interprétation de ratios prudentiels fondés sur des données comptables volatiles reste difficile. En ce sens, la norme IAS 39 s’écarte des objectifs de la réglementation prudentielle sur les fonds propres bancaires. A cet effet, des propositions de révision du volet consacré à la comptabilité de couverture ont été transmises à l’IASB par la Fédération Bancaire Européenne. Elles soutiennent un traitement comptable adapté aux pratiques de macro couverture des banques européennes, contrairement aux méthodes définies par l’IAS 39. Cependant, le dernier texte d’amendement de cette norme, publié par l’IASB en mars 2004, ne prend pas lesdites propositions en considération. Aussi, la norme IAS 39 demeure-t-elle discréditée en l’état. D’ailleurs, la décision rendue le 1er octobre 2004 par la commission européenne d’adopter une version « tronquée » de la norme, donnant ainsi gain de cause à la communauté bancaire, ne fait qu’appuyer cette désapprobation. Cette obstination du normalisateur international pose avec acuité la question de la supériorité de l’approche de couverture globale du risque de taux proposée par la communauté bancaire européenne et le bien-fondé des revendications de cette dernière : l’approche de macrocouverture que prônent les banques européennes (dite encore Interest Rate Merging Hedge) constitue-t-elle effectivement un remède à la volatilité qu’engendrerait le modèle de comptabilité de couverture envisagé sous l’IAS 39 ? Correspond-t-elle le mieux ainsi aux objectifs prudentiels ? Telle est la problématique que nous nous proposons de traiter dans cet article. Nous allons dans un premier temps porter la lumière sur les enjeux prudentiels de l’adoption de la convention d’évaluation en juste valeur préconisée par la norme IAS 39. En second lieu, nous exposerons la méthodologie de recherche retenue ainsi que les conclusions de notre étude empirique
51
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Chapitre I : Principaux enjeux de l’evaluation a la juste valeur Section I : Définitions et classements des instruments financiers 1. Définitions Les normes IAS 32 et 39 définissent l'instrument financier comme étant : « tout contrat qui donne naissance à la fois à un actif financier d'une entreprise et à une dette financière ou à un instrument de capitaux propres d'une autre entreprise ». On conclut ainsi que les instruments financiers comprennent l'encaisse, les comptes clients et fournisseurs, les prêts et les emprunts, les effets à payer et à recevoir, les placements dans les titres de capitaux propres et les instruments de créances, ainsi que les instruments dérivés. Les instruments financiers sont des titres ou contrats, dont certains sont négociables, notamment sur des bourses, certains exclusivement utilisés pour anticiper une rentabilité ou un risque financier ou monétaire. Ils comprennent : les actifs financiers traditionnels : Les valeurs mobilières, Actions Obligations Parts d'OPCVM Les titres de créance négociables, Les créances,...etc. les produits dérivés financiers : - « fermes » forwards futures, swaps, - ou optionnels Options, Warrants
52
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
2. Classements Classement par nature : Suivant le classement par nature, les instruments financiers sont subdivisés en deux catégories à savoir les instruments financiers primaires et les instruments financiers secondaires. Les instruments financiers primaires : comportent les titres de participation et de placement, les prêts et les emprunts etc. Ils correspondent à une transaction effective déjà réalisée et donc enregistrée. Les instruments financiers secondaires : appelés aussi dérivés ou instruments de couverture, se subdivisent en plusieurs catégories à savoir les contrats à terme (Forwards et Futures), les swaps et les contrats d'option. Les forwards Un contrat forward ou forward agreement est un contrat à terme, il est donc considéré comme un produit dérivé. Il s'agit d'un accord d'acheter ou de vendre un actif à un prix et une date future précisés dans le contrat. En fait, la définition du forward est identique à celle des contrats futures à la différence près qu'ils sont négociés de gré à gré, entre banques et institutions financières alors que les contrats de futures sont négociés sur un marché organisé, localisé à un endroit bien précis. Les futures Un contrat à terme (future en anglais) est un engagement de livraison standardisé, dont les caractéristiques sont connues à l'avance, portant sur : une quantité déterminée d'un actif sous-jacent précisément défini, à une date, appelée échéance, et un lieu donnés, et négocié sur un marché à terme organisé. Les contrats à terme sont les instruments financiers les plus traités au monde. Les swaps Le swap (de l'anglais to swap : échanger) ou l'échange financier (J.O. du 31 janvier 1990) est un produit dérivé financier. Il s'agit d'un contrat d'échange de flux financiers entre deux parties, qui sont généralement des banques ou des institutions financières. Les quatre contrats les plus courants sont : le swap de taux d'intérêt standard, taux fixe contre taux variable, (en anglais : plain vanilla interest rate swap) qui échange les intérêts d'un prêt ou dépôt notionnel à taux variable contre des intérêts à taux fixe ; le swap de devises (Cross Currency Swap ou Currency Interest Rate Swap (CIRS)), par lequel on échange des taux d'intérêt à moyen ou long terme libellés dans deux devises différentes ; le « credit default swap », qui échange de la protection sur le risque de crédit d'un émetteur d'obligations contre des versements périodiques et réguliers pendant la durée du swap ; le swap sur matière première, qui échange un prix fixe, déterminé au moment de la conclusion du contrat, contre un prix variable, en général calculé comme la moyenne d'un indice sur une période future. Mais il en existe beaucoup d'autres comme, par exemple :
53
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
le basis swap, d'emploi usuel, par lequel on échange deux taux variables indexés sur des taux à court terme, dans la même devise ou dans deux devises différentes ; le constant maturity swap de taux d'intérêt, qui permet d'échanger un taux variable indexé sur des taux d'intérêt à court terme contre un autre taux variable indexé sur un taux d'intérêt à moyen ou long terme, par exemple celui du swap 10 ans contre Libor ou du TEC10 ; l'asset swap, combinaison d'un swap de taux d'intérêt et d'une obligation à taux fixe, qui crée une obligation à taux variable synthétique ; les swaps d'actions ; le swap de variance et le swap de volatilité ; le swap de corrélation ; le swap d'inflation qui permet d'échanger un taux fixe/variable contre un taux d'inflation ; le total return swap qui permet d'échanger les revenus et le risque d'évolution de la valeur de deux actifs différents pendant une période de temps donnée. Exemple : Une des branches du swap est constituée d'un prêt à court terme, l'autre de tout type de titre financier imaginable (indice, une action, une obligation…). La créativité des participants aux marchés financiers semble parfois sans limite. Les options Une option financière est un produit dérivé qui donne, à l'acheteur, le droit (le vendeur est en revanche tenu de se plier à la décision de l'acheteur) : d'acheter (option d'achat, appelée aussi call), ou de vendre (option de vente, appelée aussi put), une quantité donnée d'un actif financier (action, obligation, indice boursier, devise, matière première, autre produit dérivé, fonds, inflation, etc.), appelé actif sous-jacent à un prix (en général) précisé à l'avance (prix d'exercice ou strike en anglais), à une date d'échéance donnée (option dite européenne), ou durant toute la période jusqu'à échéance (option dite américaine). Ce droit lui-même se négocie, sur un marché d'options spécialisé (géré par une bourse, ou au gré à gré), contre un certain prix, appelé prime, ou premium. Les warrants Un warrant est un contrat transférable qui confère à son détenteur le droit, et non l’obligation, d’acheter ou de vendre une quantité donnée d’un actif spécifique, à un prix déterminé d’avance, à la date d’échéance du contrat (warrant Européen) ou en tout temps jusqu’à cette date. La différence avec les options résident dans le fait que les warrants sont directement émis par des établissements de crédit ou des entreprises d’investissement, la date limite de la revente du warrant se situe 6jours avant sa maturité et il n’est pas possible de vendre un warrant à découvert. Classement par intention de détention Suivant ce classement proposé par la norme internationale IAS 39, on différentie 4 catégories d'actifs financiers ainsi que deux catégories de passifs financiers : -Les actifs financiers détenus à des fins de transaction (held-for-Trading) sont ceux qui ont été acquis ou cédés dans le but de dégager un bénéfice sur les fluctuations à court terme. Les dérivés sont toujours considérés comme détenus à des fins de transaction, à moins que les
54
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
directives de la comptabilité de couverture soient applicables. Si les actifs financiers sont acquis pour une durée indéterminée, ils ne font pas partie intégrante du portefeuille de transaction mais appartiennent aux autres catégories : Held-to-Maturity, Originated Loans and Receivables ou Available-For-Sale. -Les placements détenus jusqu'à leur échéance (Held-to-Maturity Investments) sont des actifs financiers à paiement fixés ou déterminables et à des échéances fixées, que l'entreprise a l'intention et la capacité de conserver jusqu'à leur échéance. -Les prêts et créances émis par l'entreprise (loans and Receivables Originated by the Entreprise et Not Held-for-Trading) sont des actifs financiers qui sont créés du fait de la mise à disposition d'argent, de prestations de services ou de marchandises. Ce qui est important est que l'argent aille directement du créancier au débiteur. Si des actifs financiers sont achetés (Par exemple à une bourse ou par un intermédiaire), ces valeurs ne peuvent pas être attribuées à cette catégorie. -Les actifs financiers disponibles à la vente (Available-For-Sale) comprennent tous les autres actifs financiers. -Les passifs financiers détenus à des fins de transaction ainsi que les dérivés -Tous les autres passifs financiers. Quant à la comptabilité de couverture, elle distingue trois types de comptabilité à savoir : -La couverture de l'exposition aux variations de la juste valeur d'un actif ou d'un passif comptabilisé ou d'une partie identifiée de cet actif ou de ce passif, variations attribuables à un risque particulier et qui affecteront le résultat, est considérée comme une couverture de juste valeur. Par exemple, une obligation à intérêt fixe est soumise à un risque de cours en cas de variation du taux d'intérêt. Une couverture de ce risque est donc une couverture de juste valeur. -La couverture de flux de trésorerie futurs d'un actif ou passif financier existant (par exemple en cas de placements à taux d'intérêt variable) ou de transactions futurs (futurs achats et ventes) est désignée comme la couverture de flux de trésorerie. -La couverture d'un investissement net dans une filiale étrangère (Hedges of a Net Investments in a Foreign Entity)
3. Passage des normes comptables nationales à la juste valeur Nous allons essayer de présenter les principaux points de convergence et de divergence entre les normes comptables marocaines et l'IAS 39 : a)-Alors que l'IAS 39 parle d'instruments financiers, le système comptable marocain ne se réfère pas à cette même base de distinction, aucune définition des instruments financiers n'y est présentée, on parle toujours d’immobilisations financières. b)-Les normes comptables marocaines s'accordent sur un point essentiel qui est la non prise en compte dans la comptabilité des gains que s'ils sont réalisés, de ce fait, les gains latents ne sont pas comptabilisés. Il s'agit là d'une consécration de la convention de prudence. L'IAS 39 préconise la comptabilisation des gains latents comme les pertes latentes. La convention de prudence se trouve ainsi écartée. c)-Les normes comptables marocaines recommandent la prise en compte des pertes latentes enregistrées sur les instruments financiers au niveau du résultat via la constatation d'une
55
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
provision pour dépréciation, ce dernier est réversible, donc susceptible de faire l'objet d'une reprise. Alors que, l'IAS 39 fait la distinction entre deux cas : - les instruments financiers de transaction pour lesquelles toutes variations de juste valeur est constatée immédiatement en résultat via le compte gains/pertes sur instruments financiers, dans ce cas, cette constatation du gain ou de la perte est irréversible. - les instruments financiers disponibles à la vente pour lesquels toute variation de juste valeur est constatée immédiatement en capitaux propres.
4. Recommandations IFRS dictées par Bank Al Maghrib a) Comptabilisation des titres de transaction Les dispositions du PCEC relatives à la comptabilisation et l’évaluation des titres dans les comptes sociaux ont été révisées afin de les faire converger vers les dispositions de la norme IAS 39 et réduire les distorsions avec les comptes consolidés, pour lesquels cette norme s’applique de manière intégrale. La norme IAS 39 ne définissant pas d’horizon temporel pour la notion de court terme, il n’est pas pertinent, en ce qui concerne les comptes individuels, de figer cette notion en fixant une durée maximale de détention des titres. L’utilisation de cette catégorie pourrait ainsi susciter des difficultés d’interprétation de la notion de court terme ou, dans certains cas, conduire les établissements de crédit à une utilisation inappropriée de cette catégorie comptable ayant, bien évidemment, un impact sur le résultat. La refonte des règles de classification en portefeuille des titres de transaction a été accompagnée, par ailleurs, de la suppression du recours des établissements de crédits à l’autorisation préalable de Bank Al-Maghrib tout en redéfinissant les conditions d’éligibilité à cette catégorie de titres. En effet, pour être classés dans cette catégorie, les titres doivent faire l’objet d’opérations actives, fréquentes et réelles d’achats et de ventes de la part de l’établissement de crédit. Ces titres doivent également être négociables sur un marché actif et leur prix de marché constamment accessible aux tiers (titres liquides). Cela induit que ce type de portefeuille doit faire l’objet d’une stratégie documentée (précisant notamment la durée de détention anticipée) et approuvée par l’organe de Direction, ainsi que de politiques et procédures clairement définies permettant de surveiller les positions par rapport à la stratégie de l’établissement (suivi du volume des opérations et des positions du portefeuille de transaction retenues au-delà des dates prévues). Pour comptabiliser des titres de transaction, les établissements de crédits devraient s’assurer que les règles minimales suivantes sont respectées : - Les enregistrements comptables relatifs aux achats et ventes des titres de transaction sont formalisés et documentés dans le cadre du manuel des procédures comptables ;
56
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
- Préalablement à leur comptabilisation initiale, les titres de transaction font l’objet d’une vérification permettant de s’assurer qu’ils respectent les critères d’éligibilité à la catégorie des titres de transaction ; - Il existe des politiques, des procédures et des règles de gestion spécifiques aux opérations portant sur les titres de transaction en relation avec la stratégie de détention de ces titres ; - A chaque arrêté comptable, l’établissement de crédit s’assure du respect des règles de classification en tant que titres de transaction, notamment par rapport à ses intentions de détention et sa pratique passée. Cette vérification peut être effectuée dans le cadre de l’audit interne et externe. Elle n’a pas pour objectif de reclasser, dans une autre catégorie, les titres initialement comptabilisés en titres de transaction (ce reclassement étant interdit), mais d’aider à se prononcer sur les nouvelles opérations que l’établissement a l’intention de comptabiliser dans la rubrique « Titres de transaction ».
b) Dépréciation importante d’un actif financier Les dispositions de la norme IAS 39 stipulent que dès qu’il existe une indication objective de dépréciation d’un actif financier disponible à la vente, une perte est constatée en contrepartie du compte de résultat. Lorsqu’une diminution non durable a été comptabilisée directement dans les capitaux propres et qu’il existe, par la suite, une indication objective de dépréciation durable de cet actif, l’établissement de crédit doit inscrire en compte de résultat la perte latente cumulée comptabilisée antérieurement en capitaux propres. Les pertes de valeur comptabilisées en résultat, relatives à un instrument de capitaux propres classées comme disponible à la vente, ne sont pas reprises en résultat tant que l’instrument financier n’a pas été cédé. De même, dès lors qu’un instrument de capitaux propres a été déprécié, toute perte de valeur complémentaire constitue une dépréciation additionnelle à enregistrer en résultat. En revanche, pour les instruments de dettes les pertes de valeur font l’objet de reprises par le résultat en cas d’appréciation ultérieure de leur valeur. Qu’il soit évalué à la juste valeur ou au coût, la norme IAS 39 ne précise pas de seuil ou de durée de baisse consécutive de la valeur d’un instrument financier qui pourrait conduire à la constatation d’une dépréciation de sa valeur. Les établissements de crédit éligibles, sur base consolidée, aux normes IFRS ont exprimé le souhait que Bank Al-Maghrib définisse un seuil et/ou une durée à partir desquelles ils sont tenus de constater en résultat les dépréciations relatives aux actifs financiers disponibles à la vente. Compte tenu du fait que la norme IAS 39 n’explicite pas la notion de baisse importante ou prolongée de la valeur d’un instrument financier classé en disponible à la vente, il n’est pas pertinent de déroger à l’esprit de cette norme en figeant des seuils ou des durées avec pour motif d’harmoniser la pratique des établissements de crédit. En effet, la notion de dépréciation importante ou prolongée devrait être définie par chaque établissement de crédit et ce, en fonction de la nature de son portefeuille, de l’horizon de détention des titres et des seuils de signification qui sont pertinents compte tenu de ses spécificités.
57
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Il pourrait s’agir, notamment, des critères quantitatifs suivants : - un pourcentage de la perte de valeur (seuil à définir) par rapport au prix d’acquisition du titre - et une durée consécutive (baisse de valeur continue ou prolongée) pendant laquelle cette perte a été constatée. Par ailleurs, l’établissement de crédit doit tenir compte, dans sa définition des indices de dépréciation objectifs des instruments financiers, des critères quantitatifs tels que définis par la norme IAS 39 (ex : difficultés financières importantes de l’émetteur). Les critères de dépréciation retenus par l’établissement de crédit doivent être: - approuvés par l’organe de Direction ; - formalisés et documentés notamment dans le cadre du manuel des procédures comptables et de consolidation ; - revus au moins à chaque arrêté comptable et en cas de survenance d’un événement exceptionnel. Il s’agit de revoir leur pertinence au regard de l’évolution du marché.
c) Comptabilisation des crédits hors-marché Les dispositions du paragraphe AG.65 de la norme IAS 39 stipulent qu’une entité qui émet un prêt assorti d’un taux d’intérêt hors marché doit comptabiliser le prêt à sa juste valeur et amortir la décote hors marché via le compte de résultat par la méthode du taux d’intérêt effectif. Ces dispositions ne préconisant pas de seuil, les banques ont fait appel à Bank Al-Maghrib pour se prononcer sur cette notion de crédit à taux hors marché et les critères à prendre en compte pour l’identifier. L’application de la notion de prêt hors marché aux crédits octroyés par les établissements de crédit requiert l’observation des règles suivantes : - L’identification des crédits hors marché devrait se baser sur l’ensemble des caractéristiques du crédit, notamment le type de crédit, la qualité du risque de contrepartie, la durée du prêt, les commissions prélevées, etc. - L’établissement de crédit (de même pour les entités incluses dans le périmètre de consolidation) devrait mettre en place des procédures, dûment approuvées par l’organe de Direction, permettant d’identifier, dès l’origine, les crédits octroyés à des conditions hors marché. Le dispositif d’identification mis en place devrait comprendre le volet du système d’information. - Les entités opérationnelles (exemple : Direction du Crédit, Direction des risques) devraient être impliquées dans le processus d’identification des crédits hors marché. En effet, ces entités disposent généralement des outils leur permettant de suivre les conditions commerciales appliquées par les opérateurs du marché, en particulier les conditions tarifaires
58
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
effectivement pratiquées par la concurrence pour des crédits identiques ou à caractéristiques similaires. - Des indicateurs de synthèse périodiques peuvent être utilisés s’ils sont pertinents et basés sur des données observables sur le marché (tel une moyenne simple ou pondérée des taux de marché, une prime de risque moyenne, etc.). - L’établissement de crédit devrait définir des seuils critiques, adaptés à chaque activité et type de crédit, en deçà desquels il y a identification des crédits hors marché.
d) Mise en place d’IFRS 8 L’IASB a publié, en novembre 2006, la norme IFRS 8 relative aux segments opérationnels (Operating segments) qui remplacera à terme l’IAS 14 « Information sectorielle ». Selon l’IASB, IFRS 8 est d’application obligatoire à compter de 2009. Toutefois, une application anticipée de cette norme est encouragée. Les dispositions du chapitre 4 « Etats financiers consolidés » du Plan Comptable des Etablissements de Crédit (PCEC) sont applicables à partir de l’exercice 2008. Compte tenu de la date d’application du chapitre 4 du PCEC et de celle de l’application obligatoire d’IFRS 8, la mise en oeuvre dès 2008 des dispositions de cette norme est de nature à permettre, aux établissements assujettis aux dispositions du chapitre 4 du PCEC, d’éviter les surcoûts liés à la mise en place d’IAS 14 pour le seul exercice 2008 avec le comparatif de 2007, sachant qu’ils devront, dès 2009, appliquer les dispositions d’IFRS 8. Considérant les éléments ci-dessus et le fait qu’IFRS 8 préconise des règles globalement plus flexibles que celles d’IAS 14, il est recommandé aux établissements assujettis aux dispositions du chapitre 4 du PCEC d’opter pour l’application, dès 2008, des dispositions d’IFRS 8 avec un comparatif de 2007 établi en conformité avec cette norme. De même, il est recommandé à ces établissements d’entamer, dès à présent, la réflexion concernant le dispositif à mettre en place et la démarche à adopter pour se conformer aux exigences d’IFRS 8. Principales dispositions d’IFRS 8 Les dispositions d’IFRS 8 exigent de fournir des informations qui permettent à l’utilisateur des états financiers d’évaluer la nature et les effets financiers des activités dans lesquelles l’établissement est engagé ainsi que l’environnement économique dans lequel il évolue. Un segment opérationnel est défini comme étant une composante d’une entité qui présente trois caractéristiques : - il est engagé dans une activité qui peut dégager des revenus et des dépenses (même en provenance d’autres segments) ; - dont les résultats opérationnels sont évalués régulièrement par l’organe de Direction pour décider de l’allocation des ressources et pour évaluer les performances ; - pour lequel l’information est disponible aisément. La norme impose aux établissements de retenir l’approche adoptée en interne pour présenter la performance financière et les segments opérationnels ; autrement dit, l’approche sur laquelle s’appuie l’organe de Direction pour évaluer la performance financière de ses segments opérationnels et pour décider de l’affectation des ressources par segment.
59
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Cette information sur les segments opérationnels pouvant être différente de celle utilisée pour présenter le compte de résultat et le bilan, la norme impose de fournir des éléments tels que des : - explications concernant la base selon laquelle l’information relative aux segments opérationnels a été élaborée et présentée ; - rapprochements entre, d’une part, les montants figurant dans le cadre de l’information relatives aux segments opérationnels et, d’autre part, les montants comptabilisés dans le compte de résultat et dans le bilan. Un segment doit faire l’objet d’une information s’il représente 10 % ou plus du total de tous les segments par référence à l’un des critères suivants : les revenus (externes et internes), le résultat (en valeur absolue) ou les actifs. Le revenu total de tous les segments renseignés doit représenter au moins 75 % des revenus de l’établissement. Les principaux changements apportés par IFRS 8 par rapport à IAS 14 concernent les points suivants : - IFRS 8 se base sur les segments déterminés en interne et qui sont évalués régulièrement par l’organe de Direction (chief operating decision maker) pour décider de l’allocation des ressources relatives à ces segments et pour en évaluer les performances. Les deux axes d’analyse d’IAS 14 (produits/services et zone géographique) ne sont plus exigés. - Une composante qui vend (principalement ou exclusivement) à d’autres segments peut constituer un segment. IAS 14 exige notamment qu’un segment tire la majorité de ses revenus de clients externes. - Les montants communiqués dans le cadre d’IFRS 8 doivent être mesurés de la même manière que ceux communiqués à l’organe de Direction en interne. IAS 14 exige qu’ils soient évalués selon les mêmes méthodes d’évaluation que celles adoptées pour les états financiers. - Les informations suivantes sont exigées1 même pour un établissement qui n’utilise pas ces informations en interne ou qui ne retient qu’un seul segment : Revenus dérivés des produits et services ; Revenus des zones géographiques ; Revenus des principaux clients ou groupes de clients. -Contrairement à IAS 14, IFRS 8 ne définit plus les éléments de chaque segment (actifs, passifs, revenus, dépenses, résultat), mais elle exige que l’établissement explique comment le résultat et les actifs de chaque segment sont mesurés. IFRS 8 exige de fournir les informations suivantes : -Facteurs utilisés pour identifier les segments, le type d’organisation (produits, géographique, réglementaire, etc.) ; -Types de produits et services générateurs de revenus pour le segment. D’autres informations sont exigées : - Informations relatives aux segments ; - Informations relatives aux revenus et dépenses ;
60
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
- Informations relatives aux actifs ; - Méthodes de mesure utilisées qui peuvent être différentes de celles retenues pour les états financiers ; - Bases et conventions internes pour allouer et répartir les charges, les produits et les actifs entre segments ; - Réconciliation entre les éléments cumulés des segments et ceux de l’établissement considéré dans sa globalité (revenus, résultat, actifs, etc…) ; - S’il y a un changement d’organisation qui affecte les segments, retraitement rétrospectif ; - Revenu généré par chaque produit et service ou chaque groupe de produits et de services ; - Information géographique : revenus générés par pays ou groupes de pays, ainsi que les actifs non courants, etc. ; - Informations sur les clients majeurs (sans avoir à divulguer leurs noms) notamment lorsque le revenu des transactions avec un client dépasse 10 % du total des revenus ; un client est défini au sens économique (groupe).
e) Test individuel et collectif de dépréciation des prêts et créances Objectif La présente recommandation fait référence aux visites et réunions organisées par Bank AlMaghrib auprès des banques dans le cadre du projet de mise en place des IFRS. Ces visites et réunions font ressortir, chez certaines banques, des difficultés pour la conduite des tests individuels et collectifs de dépréciation des prêts et créances. L’objectif de la présente recommandation est de rappeler les principales dispositions d’IAS 39 relatives à ces tests de dépréciation et de définir les modalités pratiques de leur mise en œuvre. Recommandation A chaque arrêté comptable, l’établissement apprécie s’il existe, sur base individuelle et sur base collective, une indication objective de dépréciation d’une créance ou d’un groupe de créances. Une créance est dépréciée et des pertes de valeur sont encourues si, et seulement si, les deux conditions suivantes sont simultanément remplies : - Il existe une indication objective de dépréciation, sur base individuelle ou sur base collective, résultant d’un ou de plusieurs événements intervenus après la comptabilisation initiale du prêts ou de la créance concerné(e) : événement générateur de pertes ; - L’événement en question génère des pertes avérées (« incurred losses ») sur le montant des flux de trésorerie futurs estimés du prêt ou de la créance, et l’évaluation cet impact doit être fiable. Les pertes attendues du fait d’événements futurs ne sont pas comptabilisées, et ce quelle que soit leur probabilité de survenance. Une indication objective de dépréciation est toute donnée observable portée à l’attention de l’établissement de crédit sur les événements générateurs de pertes tels que détaillés par la norme IAS 39 (exemple : des difficultés financières importantes de l’émetteur ou du débiteur). Dans tous les cas, et notamment en l’absence de données observables, un jugement fondé sur l’expérience est indispensable pour estimer le montant de la perte ou ajuster les données observables.
61
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Les établissements de crédits doivent procéder à un double test de dépréciation sur leur portefeuille de créance. 1- Test de dépréciation sur base individuelle D’abord, l’établissement de crédit apprécie s’il existe une indication objective de dépréciation pour une créance qui est individuellement significative. Puis, individuellement ou collectivement, il procède à cette vérification pour les créances qui ne sont pas individuellement significatives (à ne pas confondre avec le test de dépréciation collectif). Au niveau individuel, les dépréciations sont déterminées par différence entre l’encours figurant en comptabilité et le montant recouvrable, c’est-à-dire, la valeur actualisée, au taux d’intérêt effectif d’origine, des flux futurs estimés recouvrables (compte tenu de l’effet des garanties). Les créances non dépréciées individuellement, car non significatives, doivent faire l’objet d’une analyse de risque et être regroupées par portefeuilles homogènes (exemple : détenteurs de cartes de crédits, crédit automobiles…). Ainsi, la dépréciation peut être déterminée sur la base d’une estimation statistique des pertes historiques tout en procédant à des mises à jour de ces estimations pour tenir compte de l’évolution de l’environnement. 2- Test de dépréciation sur base collective Si l’établissement de crédit conclut qu’il n’existe pas d’indication objective de dépréciation d’une créance en particulier, qu’elle soit significative ou non, la créance est incluse dans un groupe présentant des caractéristiques de risque de crédit similaires. Ce groupe sera alors soumis à un test de dépréciation collectif. Les créances individuellement dépréciées (quelles soient individuellement significatives ou non), et pour lesquelles une dépréciation a été constatée ou continue d’être constatée, sont exclues du groupe pour l’évaluation collective des pertes. Le test de dépréciation collectif couvre le risque non avéré au niveau de la créance individuelle. Ainsi, une dépréciation globale ou collective est constituée sans qu’il ne soit possible de l’affecter sur une base individuelle. Les pertes de valeur comptabilisées au titre d’un groupe ne constituent qu’une étape intermédiaire dans l’attente d’identifier, au sein du groupe d’actifs financiers soumis collectivement à une appréciation de la dépréciation, des pertes de valeur sur des créances individuelles. Dès que sont disponibles des informations permettant d’identifier spécifiquement des pertes relatives à des créances dépréciées individuellement dans un groupe, ces créances sont retirées de ce groupe. En l’absence de groupe de créances présentant des caractéristiques de risques similaires, l’établissement de crédit ne procède pas à des vérifications supplémentaires.
62
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Pour la ventilation par portefeuilles et le regroupement des encours sains dans des portefeuilles de risque homogènes, l’établissement de crédit peut se baser sur son système de notation interne tel que préconisé par les recommandations générales de Bank Al-Maghrib du 7 décembre 2004 relatives au système de notation interne. Les établissements de crédits peuvent ainsi constituer des portefeuilles d'actifs homogènes en se basant notamment sur les critères suivants : - Les risques sur encours classés dans des classes de risques correspondant à des probabilités de défaut élevées : ces créances sont identifiées dans les systèmes de gestion par une notation faible (créances sensibles ou à surveiller) et présentent des signes objectifs de dégradation ; - Les risques sont évalués selon un processus de notation interne ou externe qui tient compte du secteur d’activité, de la situation géographique, du type d’instrument de garantie, de l’éventuel retard de paiement observé et d’autres facteurs pertinents. Un indice objectif de dépréciation est constitué le plus souvent d’une combinaison d’indicateurs d’ordre micro ou macroéconomique. D’une manière générale, les caractéristiques retenues par l’établissement de crédit doivent être pertinentes pour estimer les flux de trésorerie futurs de ces groupes d’actifs. Ces caractéristiques doivent être indicatives de la capacité du débiteur à payer tous les montants dus conformément aux conditions contractuelles. Les flux de trésorerie futurs d’un groupe d’actifs financiers faisant collectivement l’objet d’une évaluation de dépréciation sont estimés sur la base d’un historique de pertes enregistrées sur des actifs présentant des caractéristiques de risque similaires à celles du groupe. Si l’établissement de crédit ne dispose pas d’un historique de pertes propre à lui ou si son historique de pertes est insuffisant (par référence à son antériorité), il peut utiliser, si elle existe, l’expérience d’autres établissements de crédits similaires pour des groupes d’actifs financiers comparables. Les critères de dépréciation sur base individuelle et collective retenus par l’établissement de crédit doivent être : - approuvés par l’organe de Direction ; - documentés par les entités opérationnelles (entités chargées du recouvrement, de l’analyse et du suivi des risques, de la gestion du contentieux, etc.) afin de préciser les modalités pratiques de conduite des tests de dépréciation ; - suffisamment précis quant à la méthodologie et les hypothèses utilisées pour estimer les flux de trésorerie futurs pour les tests de dépréciation individuels et collectifs ; - régulièrement revues afin de réduire les différences éventuelles entre les estimations de perte et l’historique de perte réel
63
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Section II : Implications de l’IAS 39 dans la gestion des principaux risques financiers L’IAS 39 est impliqué dans la gestion des risques financiers notamment à travers les opérations de couverture. Une opération de couverture consiste à conclure un ou plusieurs contrats visant à compenser l’exposition à un ou plusieurs risques. Celle-ci diffère de la comptabilité de couverture, qui consiste en un traitement comptable particulier et optionnel qui permet de rapprocher la comptabilisation des variations de la valeur de l’élément de couverture de celle des variations symétriques de la valeur de l’élément couvert. Par conséquent, l’entreprise doit d’abord évaluer les risques auxquels elle est exposée et la manière dont elle les gère. Elle se demande ensuite si elle souhaite utiliser la comptabilité de couverture pour refléter dans le résultat net les effets de la gestion des risques. Nous exposerons dans cette partie les principaux risques couverts par les instruments de couverture et principalement les produits dérivés. Ensuite, nous traiterons en deuxième partie le traitement comptable dans le cadre de la comptabilité de couverture.
1) Définitions des risques financiers Certaines modifications apportées par les normes IAS 32 et 39 traitent la gestion des risques financiers. Ces modifications concernent notamment les informations à fournir sur les instruments financiers prévus par l'IAS 32, et la comptabilité de couverture prévue par l'IAS 39. On distingue deux types de risques financiers : le risque de marché et le risque de crédit. Le risque de marché Le risque de marché est le risque de perte qui peut résulter des fluctuations des prix des instruments financiers qui composent un portefeuille. Le risque peut porter sur le cours des actions, les taux d'intérêts, les taux de change, les cours de matières premières, etc. Par extension, c'est le risque des activités économiques directement ou indirectement liées à un tel marché (par exemple un exportateur est soumis aux taux de change, un constructeur automobile au prix de l'acier...) Il est dû à l'évolution de l'ensemble de l'économie, de la fiscalité, des taux d'intérêt, de l'inflation, et aussi du sentiment des investisseurs vis-à vis des évolutions futures... Il affecte plus ou moins tous les titres financiers. Pour schématiser, le risque de crédit se compose de trois risques majeurs : Le risque de change : Le risque de change d'un actif financier est la variation du cours de change de cet actif par rapport a une autre devise résultant d'une variation du taux de change. Par exemple, le fait de se faire payer en France en Dollars, peut selon le cours EUR/USD, faire baisser la valeur de l'argent ou inversement en gagner.
64
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Le risque de taux d’intérêt : Le risque de taux d'intérêt est le risque que fait courir au porteur d'une créance ou d'une dette à taux fixe ou variable l'évolution des taux entre la date de l'engagement et la date du règlement. Pour un établissement bancaire le risque de taux peut s'analyser : - comme un risque de transformation, correspondant à l'adossement d'emplois et de ressources de durée et de nature de taux différentes. - comme un risque de marge correspondant à des placements de ressources dans des emplois de mêmes caractéristiques avec une marge (spread) lorsque les opérations adossées sont à taux variables - comme un risque de placement concernant la valeur de titres porteurs d'intérêts à taux fixes. Le risque boursier : Ce risque peut être engendré par l'évolution défavorable des cours des indices boursiers ou celui de certaines actions détenues dans le portefeuille d'une entreprise. Les instruments financiers sont souvent utilisés pour couvrir ces risques. Toutefois, tout en mobilisant de faibles capitaux lors de l'engagement initial ils peuvent recéler un risque très important. Le risque de crédit Le risque de crédit est le risque que l'emprunteur ne rembourse pas sa dette à l'échéance fixée. S'il était à l'origine une préoccupation pour les seuls organismes bancaires, il concerne pourtant toutes les entreprises (notamment via les créances qu'elles accordent à leurs clients, qui sont des formes de prêt à court terme), et nombreuses sont aujourd'hui amenées à l'intégrer dans leur gestion afin de le minimiser. Ce risque est en effet lourd de conséquences pour toute entreprise: toute dette non remboursée est économiquement une perte sèche que supporte le créancier. En comptabilité, les créances et emprunts accordés à des tiers constituent ainsi un poste spécifique dans le bilan de l'entreprise et toute évolution négative obère d'autant la survie de l'entreprise à moyen ou long terme. L'activité de crédit génère plusieurs expositions dont le risque de taux et le risque de change. Ces derniers peuvent être couverts par l'intermédiaire de swap ou d'options sur taux d'intérêt. De plus le risque de crédit est fortement corrélé à tous les autres risques dont principalement le risque de marché.
2) Implications de l’IAS 39 dans la gestion des risques Les évolutions réglementaires et, plus particulièrement le passage aux normes IAS, exigent également, plus que jamais, un suivi pointu des risques : le suivi périodique de la juste valeur de tous les instruments financiers (comptabilisation ou mention dans l'annexe) implique généralement une modification des systèmes d'informations. Dans le cadre du passage aux IAS, l'application de l'IAS 39 est un chantier en soi car c'est un chantier très spécifique, qui entraîne un changement culturel fort. Elle pose problème dans beaucoup d'entreprises car elle met clairement en évidence le déficit de communication entre trésoriers, contrôleurs de gestion et comptables, qui ont chacun des compétences spécifiques qu'il est difficile de faire coïncider.
65
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
L'IAS 39 établit une présomption de spéculation pour ce qui concerne les opérations de couverture. Le caractère de couverture d'une opération doit donc être démontré. « La norme IAS 39 prévoit que seuls les instruments dérivés peuvent être qualifiés de couverture, excepté en matière de couverture de change ». Par ailleurs, la comptabilité de couverture peut s'appliquer aussi bien aux flux futurs qu'aux éléments enregistrés en comptabilité autres que ceux faisant l'objet d'une couverture naturelle, il semblerait alors que l'IAS rend plus difficile les opérations de couverture. L’application prospective de la comptabilité de couverture pour les macro-couvertures et les couvertures des portefeuilles est très strictement limitée et encadrée. Les relations de couverture doivent respecter des conditions spécifiques d‘éligibilité et d‘efficacité. La couverture de juste valeur vise à couvrir les variations de prix d‘un actif ou d‘un passif financier ou d‘un engagement ferme non comptabilisé. La mise en place de documentation de couverture et de tests d’efficacité est requise pour chaque relation de couverture déclarée. Les tests sont prospectifs et rétrospectifs et les niveaux reconnus d’efficacité sont fixés par la norme. La couverture des variations de juste valeur La couverture de juste valeur (fair value hedge) est une couverture de l’exposition aux variations de la juste valeur d’un actif ou d’un passif comptabilisé ou d’un engagement ferme non comptabilisé, ou encore d’une partie identifiée de cet actif, de ce passif ou de cet engagement ferme, qui est attribuable à un risque particulier et qui peut affecter le résultat a) L’élément couvert L’élément couvert (IAS 39, §.78) peut être : - Une transaction prévue hautement probable, - Un engagement ferme, - Un actif ou un passif comptabilisé au bilan. Il est possible de couvrir : - Une proportion d’élément(s) : par exemple 60% d’un emprunt. - Une portion d’élément(s) : par exemple les 5 premières années d’un emprunt de maturité 7 ans, - Un groupe d’éléments si ceux-ci sont similaires (risque identique et variations de mêmes sens et proportions. Il n’est pas possible de couvrir : - Une position nette, - Un actif ou un passif synthétique.
b) Le risque couvert Les différents types de risques susceptibles d’être couverts sont : le risque de taux d’intérêt, le risque de change, le risque sur actions, le risque de crédit et le risque de prix de marchandises. Un risque ne peut être couvert que s’il est susceptible d’affecter le résultat consolidé de l’entreprise.
66
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Il est possible de désigner un ou plusieurs risques à couvrir. Par exemple, pour une obligation à taux fixe libellée en devise étrangère, l’entité peut décider de couvrir le risque de change, le risque de taux et/ou le risque de crédit. Concernant la documentation à établir, l’entité devra désigner clairement le risque à couvrir. c) L’instrument de couverture Deux types de dérivés ne peuvent être qualifiés d’instrument de couverture : - Les dérives internes, - Les ventes sèches d’options. Il est possible de désigner une proportion d’un instrument dérivé de couverture mais il est interdit de désigner une portion de temps ou de risque. Un instrument dérivé est toujours désigné dans son ensemble (ou pour une proportion de son ensemble) comme instrument de couverture. Néanmoins, dans le cas des dérivés optionnels. Seule la valeur intrinsèque de l’option est désignée comme instrument de couverture. La valeur temps est donc exclue de la couverture. Dans le cas de la couverture des variations de juste valeur d'un actif ou d'un passif exposés à un risque particulier, les variations de juste valeur de l'instrument couvert, par exception à la règle, sont enregistrés au bilan par contrepartie du résultat. L'IAS 39 impose néanmoins des limites à la macro-couverture. Chaque élément pris individuellement d'un portefeuille couvert doit varier entre 9% et 11% lorsque l'ensemble du portefeuille varie de 10%. La couverture des flux de trésorerie En ce qui concerne la couverture des flux de trésorerie futurs, les variations de valeur de l'instrument de couverture sont enregistrées au bilan, par contrepartie des capitaux propres et sont repris en résultat au fur et à mesure que les flux couverts sont enregistrés au bilan. Les flux couverts doivent partager une même exposition au risque. La couverture de change Les couvertures de change constituent un cas particulier dans le cadre de la norme IAS 39. Concernant la couverture du risque de conversion de résultats en devises, s'il ne fait pas l'objet d'une mention spécifique par IAS 39, la mise en place de telles couvertures ont pour principaux effets comptables l'enregistrement progressif du résultat généré en devise et sa conversion en euros au taux moyen annuel ainsi que la constatation des variations de valeur de l'instrument de couverture en résultat. Les conditions à respecter pour l’application de la comptabilité de couverture Pour être appliquée, la comptabilité de couverture, même économiquement justifiée et efficace, doit satisfaire certaines conditions. - La couverture doit être documentée (objectif de l’entité, stratégie de couverture, identification des éléments de la relation, etc.), - La relation doit être hautement efficace, - L’efficacité de la couverture peut être mesurée de façon fiable, - L’efficacité est calculée dans le cadre d’une poursuite de l’activité. Une couverture est hautement efficace si depuis l’origine jusqu’au terme de la couverture, les variations de l’instrument de couverture compensent les variations de l’élément couvert ; et si le degré de compensation est compris entre 80% et 125%.
67
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Pour démontrer qu’une relation de couverture est hautement efficace, l’entité doit réaliser deux tests d’efficacité à chaque arrêté de compte: - Le test prospectif a pour objet de vérifier que la relation sera efficace dans le futur, - Le test rétrospectif a pour objet de vérifier la relation a été efficace dans le passé. La gestion des risques dictée par l’IAS 39 impose une lourdeur supplémentaire. Ce qui nous pousse à se poser la question suivante: Les établissements financiers ont-ils réellement intérêt à faire de la comptabilité de couverture ? Ne serait-il pas plus intéressant d’expliquer aux investisseurs les variations du résultat financier engendrées par la réévaluation des nstruments financiers. Toutefois en appliquant l’IAS 39, l’établissement financier doit pouvoir décrire sa politique en matière de gestion des risques financiers (de marché et de crédit) en exposant sa politique de couverture pour chaque risque important. Il semble probable que la comptabilisation en « juste valeur » entraîne des transformations radicales dans l’organisation des banques, des marchés et des économies dans leur ensemble. Faut-il redouter ces transformations ? D’un point de vue prudentiel, le risque existe que ces changements ne soient pas convenablement perçus ou gérés, suscitant alors plus de confusion que d’avantages. Certains éléments indiquent que la comptabilisation en « juste valeur » entraînerait une volatilité accrue des résultats et des fonds propres des banques. La volatilité n’est pas un problème pour les banques lorsqu’elles constituent une représentation non ambiguë des risques. Si la volatilité est ambiguë, elle ne peut pas être gérée de façon efficace par les banques. Or, une gestion inefficace des risques dans les banques entraîne des conséquences de vaste portée sur la stabilité financière et économique. Le problème de la comptabilisation en « juste valeur » est qu’elle transforme une organisation de l’information en instrument de gestion des risques. Cette comptabilisation impose un choix d’hypothèses que les investisseurs doivent évaluer, avec des conséquences immédiates sur les fonds propres de la banque. Afin d’éviter des réactions défavorables, les banques peuvent alors être incitées à sélectionner les hypothèses qui correspondent le mieux aux attentes du marché. En agissant de la sorte, elles utilisent la « juste valeur » comme un instrument de gestion des risques. Cette utilisation de la « juste valeur » est très contestable. Par comparaison, les contrôleurs bancaires ne considèrent pas la seule utilisation des fonds propres réglementaires, aussi bien mesurés soient-ils, comme une bonne pratique de gestion car elle peut conduire à des arbitrages : les banques n’alloueraient plus leurs fonds propres en fonction de leur propre perception du risque mais en fonction de celle des contrôleurs qui ne reflète pas toujours leurs stratégies et principes d’investissement. De la même manière, la comptabilisation en « juste valeur » conduirait les banques à ne plus allouer leurs fonds propres en fonction de leur propre perception des risques mais en fonction de celle du marché.
68
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Chapitre II : Incidence de l’IAS 39 sur l’evaluation des instruments financiers Section I : Traitement comptable Le traitement comptable des instruments financiers passe par deux étapes : -L’évaluation initiale -L’évaluation ultérieure Il convient d’apprécier à travers cette analyse les apports de l’IAS 39 en matière de gestion des risques auxquels sont exposés les instruments financiers.
1) Evaluation initiale Une entité doit comptabiliser un actif ou un passif financier dans son bilan lorsque, et seulement lorsqu'elle devient une partie aux dispositions contractuelles de l’instrument. Ainsi pour les achats à terme (forward) c’est l’engagement et non le règlement (en termes financiers le règlement signifie la livraison du titre et non l’opération monétaire associée) qui situe le fait générateur. Un achat « normalisé » (réalisé sur un marché organisé et non dans le cadre d’une opération de gré à gré) d'actifs financiers doit être comptabilisé, selon le cas, en utilisant soit le principe de la comptabilisation à la date de transaction, soit celui de la comptabilisation à la date de règlement. La décomptabilisation se fait lorsqu’il y a perte de contrôle des droits contractuels attachés pour un actif) ou lors de son extinction (pour un passif).
2) Evaluation ultérieure En matière d’évaluation, on peut distinguer deux ensembles : -Les instruments financiers évalués à la juste valeur : Il s’agit des actifs financiers disponibles à la vente et de ceux détenus à des fins de transaction y compris les instruments dérivés. En outre l’entreprise peut appliquer « l’option juste valeur » et évaluer tous les actifs et les passifs financiers à la juste valeur. -Les instruments financiers exclus de la juste valeur et évalués au coût amorti en cas de non utilisation de « l’option juste valeur ». Il s’agit de certains actifs et de l’essentiel des passifs. Pour les actifs sont concernés : les prêts et les créances émis par l’entreprise et non détenus à des fins de transaction (comptes clients et autres créances), les placements détenus jusqu’à échéance et enfin les actifs financiers dont la juste valeur ne peut être déterminée de façon fiable. Les passifs à l’exception de ceux détenus à des fins de transaction y compris les dérivés et ceux pour lesquels on applique « l’option juste valeur » sont comptabilisés au coût amorti. On voit par là que l’évaluation à la juste valeur est très partielle (sauf si l’établissement a choisi « l’option juste valeur » et a donc décidé d’appliquer la « full fair value ». Les débats
69
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
sur cette notion de juste valeur totale ont été particulièrement houleux. Très critiquée par les établissements financiers comme la cause de résultats erratiques, la full fair value ne parait pas d’actualité en ce moment. Nous examinerons les règles de comptabilisation présentées par l’IAS 39 en deux temps : profits et pertes de réévaluation à la juste valeur, et enfin, les instruments de couverture. a) Profits et pertes de réévaluation à la juste valeur (hors opérations de couverture) Deux cas doivent être distingués instruments financiers réévalués en contrepartie du résultat et les actifs disponibles à la vente : - Cas des instruments évalués en contrepartie du compte résultat : Ce principe concerne la catégorie des instruments détenus à des fins de transaction y compris les dérivés hors couverture (les held for transaction). Les pertes et les profits sont constatés en compte résultat et non en capitaux propres. - Cas des instruments financiers disponibles à la vente : Les variations que connaissent ces instruments passent en capitaux propres car ce sont des actifs et des passifs non cédés figurant au bilan de l’entreprise à la clôture. Toutefois, la décomptabilisation de ces instruments entraîne l’annulation des variations passées en capitaux propres et la constatation de la perte ou du profit réalisé en compte résultat. Exemple : Soit un titre disponible à la vente pour 200 en N, dont la juste valeur au 31/12/N est de 210 et qui est cédé en N+1 à 220. Le traitement comptable qui doit être effectué selon l’IAS 39 est le suivant : - En N : On enregistre l’acquisition du titre au prix d’achat. A la date de clôture, on constate la variation en capitaux propres (car c’est un titre disponible à la vente).
N Banque
200 Banque
200
Au 31/12/N Titres disponibles à la vente
10 Capitaux propres-profits sur titres
10
- En N+1 : On comptabilise la cession du titre à 220 et on constate le produit de cession en compte résultat par rapport à la valeur comptable des titres. On procède ensuite à un recyclage du profit latent constaté en capitaux propres en N qui est de l’ordre de 10 en résultat en N+1.
70
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
N Banque
220 Titres disponibles à la vente
210
Produits sur titres
10
N+1 Capitaux propres-profits sur titres
10 Produits sur titres
10
b) Comptabilisation des instruments de couverture La comptabilité de couverture se différencie des règles de comptabilisation des instruments financiers. Hors couverture, le traitement comptable d’un instrument financier dépend de sa nature (actif financier, passif financier, instrument de capitaux propres) et de son classement (Prêts et créances, détenus jusqu’à l’échéance, disponibles à la vente, à la juste valeur par le compte de résultat). La comptabilité de couverture ne s’applique pas à un instrument financier mais à une relation de couverture qui est un lien entre un élément couvert, un risque couvert et un instrument de couverture. Exemple : (élément couvert = emprunt), (risque couvert = risque de taux d’intérêt), (instrument de couverture = swap). En règle générale, on entend par instrument de couverture un ou plusieurs instruments dérivés (IAS 39, §.74). Hors couverture, les instruments dérivés se comptabilisent à la juste valeur (Valeur de marché) par le compte de résultat. Le dérivé est enregistré à sa juste valeur au bilan tandis que les variations de juste valeur sont inscrites (en charge ou en produit) au compte de résultat. Par conséquent, toute évolution dans le temps (à la hausse ou à la baisse) de la valeur du dérivé a pour contrepartie le compte de résultat. Les instruments dérivés étant par nature très volatils, les variations de valeur du dérivé liées à celles des taux d’intérêts entraînent des variations symétriques du compte de résultat, sans impact sur la trésorerie. Cela a pour conséquence une volatilité « artificielle » du résultat net. La comptabilité de couverture constitue un mode (dérogatoire) d’enregistrement comptable dont l’objectif est de neutraliser cette volatilité « artificielle ». Le principe général consiste à comptabiliser de façon symétrique les effets de sens inverse sur le résultat net des variations de juste valeur de l’instrument de couverture et de l’élément couvert. Mais ce principe diffère selon la nature de l’élément couvert et la fonction de couverture. Cas des couvertures de juste valeur La norme établit que le profit ou la perte résultant de la réévaluation à la juste valeur de l’instrument de couverture doit être comptabilisée immédiatement en résultat net et que symétriquement le profit ou la perte de l’instrument de l’élément couvert doit être comptabilisé dans le résultat net. Ce principe s’applique même si normalement le profit ou la perte sur l’élément couvert doit être enregistré en capitaux propres et même s’il est évalué au coût (un emprunt par exemple). Le principe de symétrie l’emporte sur celui de l’évaluation au coût. Ainsi, un emprunt, évalué
71
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
au coût, et couvert par un dérivé, donne lieu à un enregistrement symétrique des profits et pertes ; il s’ensuit que l’on ne peut constater un gain sur le dérivé sans corrélativement enregistrer une perte et donc une augmentation de la juste valeur sur l’emprunt lui-même. Exemple : Soit une banque qui achète un titre d’emprunt pour 200 en N ; au 31/12.N ce titre a une juste valeur de 210. En N+1, l’entreprise veut préserver cette valeur et achète un dérivé (on suppose que le coût d’achat de ce dérivé est négligeable) qui la couvre exactement. Au 31/12.N+1 les taux directeurs ayant augmenté le dérivé enregistre une valeur positive de 5 et corrélativement le titre enregistre une baisse de 5. En N+2, le titre est finalement cédé à 207 et le dérivé est cédé au même moment pour sa juste valeur de 3. NB : Le titre en question est un titre de transaction La norme préconise le traitement comptable suivant : En N : On procédera d’abord à la comptabilisation du titre. S’agissant d’un titre de transaction, le profit latent est enregistré dans le compte résultat. N Titres de transaction
200 Trésorerie
200
Au 31/12/N Titres de transaction
10 Produits financiers
10
En N+1 : On constate le gain en juste valeur de l’instrument de couverture en résultat et symétriquement on réévalue à la baisse le titre de transaction par le biais du compte résultat.
Au 31/12/N+1 Instruments dérivés
5 Produits financiers
5
Au 31/12/N+1 Produits financiers
5 Titres de transaction
En N+2 : On comptabilise la cession du titre de transaction et le dérivé en constatant le produit de cession par rapport à la juste valeur inscrite au bilan.
72
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
5
Au 31/12/N+2 Trésorerie
207 Titres de transaction
205
Produits financiers
2
Au 31/12/N+2 Trésorerie Produits financiers
3 2 Instruments dérivés actifs
5
On remarque que l’impact résultat est de nul. D’où l’utilité de l’instrument de couverture. Si on était en présence d’un titre disponible à la vente. Le profit latent serait enregistré en capitaux propres et la réévaluation du titre après constatation du gain pour le dérivé devrait se faire en compte résultat et non en capitaux propres. C’est la règle de symétrie des enregistrements entre l’élément couvert et l’instrument de couverture. Le profit enregistré en capitaux propres ne sera recyclé qu’au moment de la cession du titre. Cas des couvertures de flux de trésorerie (cash-flow hedges) La norme édicte que le profit ou la perte sur la couverture doit être comptabilisée en capitaux propres comme les pertes ou profits latents pour la partie efficace de la couverture et en résultat pour la partie inefficace. Il s’agit d’opérations non couvertes totalement. Le but étant seulement de limiter le risque et non de l’éliminer totalement. C’est ce à quoi fait référence la norme en parlant de partie efficace (portion couverte) et inefficace (portion non couverte) de la couverture. Cas des couvertures d’un investissement net à l’étranger La norme édicte que la couverture d’un investissement net à l’étranger se traite de la même manière que celle des flux de trésorerie : partie efficace dans les capitaux propres et partie inefficace dans le résultat.
73
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Section II : Impacts de l’évaluation des instruments financiers à la juste valeur dans les institutions financières La comptabilisation en « juste valeur » constitue-t-elle une approche bien fondée et supérieure aux autres méthodes ? Ce concept a été élaboré au cours des dernières décennies afin de tenir compte des critères de marché et semble bénéficier d’une large reconnaissance dans ce domaine. Mais la véritable question traitée dans ce mémoire est la suivante:la « juste valeur » est-elle un concept pertinent pour les établissements financiers et les autorités de contrôle ? Les points de vue présentés ici préconisent une certaine prudence car il semble probable que la comptabilisation en « juste valeur » entraîne des transformations radicales dans l’organisation des banques, des marchés et des économies dans leur ensemble. Faut-il redouter ces transformations ? D’un point de vue prudentiel, le risque existe que ces changements ne soient pas convenablement perçus ou gérés, suscitant alors plus de confusion que d’avantages. Certains éléments indiquent que la comptabilisation en « juste valeur » entraînerait une volatilité accrue des résultats et des fonds propres des banques. Au départ, la « juste valeur » était un concept assez général qui se rapportait à la fiabilité de l’information financière. Le besoin d’une information financière exacte et fiable a été particulièrement mis en évidence dans les années quatre-vingt aux États-Unis durant la crise du secteur de l’épargne logement, la forte exposition de ces institutions au risque de taux d’intérêt n’étant pas apparue dans les états financiers publiés au coût historique. Plus récemment, la crise asiatique s’est soldée par la défaillance de nombreuses banques considérées auparavant comme solvables. Afin de mieux tenir compte des conditions économiques et de marché, une solution consistait à établir une correspondance entre la « juste valeur » d’un instrument et son prix de marché. La « juste valeur » d’un actif (ou d’un passif) se rapporte alors à sa valeur inférée s’il est négocié. Les applications de ce concept assez général pour les instruments financiers nous amènent aux définitions suivantes : – la valeur de négociation convenue entre deux parties ; – le prix de marché pour les instruments négociés sur un marché efficient ; – le prix de marché d’un instrument présentant des caractéristiques financières similaires ; – la valeur actuelle nette des flux de trésorerie futurs actualisés aux taux de marché.
Jusqu’à présent, l’application de la « juste valeur » aux instruments financiers a été limitée aux instruments négociables. Toutefois, au cours de la dernière décennie, les banques ont été soumises à des pressions croissantes de la part d’un certain nombre d’institutions — Securities exchange commission (SEC), Federal accounting standard board (FASB) et International accounting standard commission (IASC) entre autres — pour appliquer la comptabilisation en « juste valeur » aux portefeuilles bancaires comptabilisés au coût historique. Un compromis a
74
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
été trouvé en 1998 avec la diffusion de la norme IAS 39 par l’IASC, qui prévoit la comptabilisation de marché ou en « juste valeur » pour les portefeuilles de négociation des banques tandis que les portefeuilles bancaires demeurent soumis à la comptabilisation au coût historique. Toutefois, la présentation, par le groupe de travail pour la fixation des normes, de nouvelles propositions en août 1999 et plus récemment en décembre 2000 a suscité de nouvelles pressions pour appliquer la « juste valeur » intégrale aux banques. La comptabilisation en « juste valeur » est généralement présentée par ses partisans comme une réponse aux insuffisances de la comptabilisation au coût historique (Willis, 2000) : – elle améliore la comparabilité en différenciant les actifs ; – elle fournit des informations concernant les bénéfices attendus provenant des actifs et des charges imposées par les engagements dans les conditions du moment ; – elle influe sur la performance de l’institution résultant des décisions de continuer à détenir des actifs ou porter un passif, ainsi que des décisions d’acquérir ou de vendre des actifs ou de contracter ou de régler des engagements et permet de bien refléter l’incidence de la plupart des stratégies de gestion des risques ; – elle intègre les gains et les pertes résultant de changements de prix éventuels. Contrairement à ce point de vue, les banques font valoir que la spécificité de leurs activités n’est pas correctement appréhendée par la comptabilisation en « juste valeur » et que cette méthode, conçue pour prendre en compte les évolutions de marché, ne reflète pas de façon appropriée la substance économique des activités bancaires. Par conséquent, elles remettent en cause ses avantages supposés. En particulier, elles considèrent que : la « juste valeur » est soumise à de nombreuses hypothèses qui peuvent conduire à des différences importantes en termes de résultats. Les caractéristiques des actifs intermédiés sont trop spécifiques pour être appréhendées intégralement. Par exemple, les options de pré paiement inhérentes aux prêts sont généralement difficiles à valoriser et exercent une incidence importante sur la duration des flux de trésorerie attendus. De même, les garanties physiques sur les prêts hypothécaires, telles que les maisons ou les garanties individuelles, sont très spécifiques et ont une incidence significative sur leur risque marginal. Du côté du passif, les dépôts des particuliers ne sont pas assortis d’une duration contractuelle. Par conséquent, la « juste valeur » des prêts n’est pas comparable d’une institution à l’autre, dans la mesure où elle dépend des hypothèses retenues par chaque banque Dans cette partie, nous traiterons dans un premier temps l’impact de l’évaluation des instruments financiers à la juste valeur sur la volatilité des fonds propres. Ensuite, nous exposerons les conséquences de l’adoption de la juste valeur sur l’analyse financière et enfin nous examinerons les impacts bilanciels ainsi que ceux afférents au compte résultat suite à l’application de la fair value.
75
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
1) Impact sur les exigences en fonds propres a) L’instabilité financière comme conséquence de la volatilité des fonds propres et des résultats Une des principales conséquences de la généralisation de la comptabilité en juste valeur est que tout choc de liquidité se répercute très rapidement sur les fonds propres. La récente crise l’illustre parfaitement. Depuis l’année dernière, nous avons pu observer une vague massive de recapitalisations : jusqu’à 302 milliards de dollars fin juin 2008, représentant près de 80 % du total des dépréciations et plus de huit fois les pertes de crédit. Ce phénomène est directement lié à l’application de la valorisation en juste valeur. En effet, les liens entre liquidité et valorisation ont des répercussions directes sur les comptes de résultat puis sur les fonds propres. Par conséquent, avec l’introduction d’une comptabilité à la juste valeur, une crise de liquidité peut très rapidement affecter les niveaux de fonds propres des établissements financiers. En conclusion, ces règles comptables ont pour principale conséquence de faire peser une forte pression sur les fonds propres, dont le niveau peut être très volatil. L’émergence de risques peut rapidement se transformer en risque de solvabilité, ce qui souligne la nécessité pour les intermédiaires financiers de disposer, davantage qu’auparavant d’une base conséquente de fonds propres. Dans le même temps, cette nouvelle volatilité pourrait justifier que les établissements financiers disposent, au sein de leurs fonds propres, d’instruments à même d’évoluer parallèlement aux exigences comptables. La solution pourrait résider dans des produits de fonds propres hybrides, dont le niveau doit cependant être soigneusement surveillé étant donné leur qualité inférieure à celle des fonds propres ordinaires. L’élément le plus prisé dans l’argumentaire développé par la profession bancaire, pour justifier son rejet de la norme IAS 39, demeure incontestablement la volatilité artificielle des fonds propres induite par la convention d’évaluation en juste valeur. Théoriquement, cette volatilité serait introduite dans les fonds propres bancaires, d’une part, par les variations de juste valeur des titres disponibles à la vente et des instruments de couverture de flux de trésorerie - ces variations étant directement imputées aux fonds propres – et, d’autre part, à travers les fluctuations du résultat dues à l’imputation des variations de valeur de la catégorie des actifs et passifs évalués à la juste valeur par résultat. Cette dernière composante sera la conséquence directe de l’option « fair value by designation ». De fait, nous ne pouvons qu’adhérer à ce grief concernant la volatilité engendrée par la juste valeur, puisqu’il est appuyé par un solide corpus empirique. Ainsi, aux Etats-Unis par exemple, une étude portant sur un échantillon de grandes banques américaines entre 1971 et 1990, montre que le résultat comptable établi, sous le SFAS 115, selon une évaluation à la juste valeur des titres, est plus volatil que celui basé sur le principe du coût historique. Toutefois, cette volatilité marginale n’est pas reflétée dans les cours des banques. Ainsi, le fait qu’elle implique une prime de risque pour l’investisseur n’est pas supporté par une forte évidence empirique. Ces conclusions sont corroborées par les résultats obtenus par de nombreux chercheurs. Leur travail porte sur un échantillon de 1035 observations représentant
76
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
toutes les banques danoises entre 1976 et 1989. Celles-ci ont fait l’expérience de la valeur « Mark-to Market » pendant quelques années. En effet, les ajustements de la valeur de marché concernaient, d’une part, la provision pour dépréciation des prêts qui en principe représente un ajustement de la valeur des prêts au risque de crédit et, d’autre part, les gains et pertes latents sur les investissements, les swaps de devise et de taux, les prêts à taux fixe et les crédits hypothécaires pour l’habitat. Les auteurs aboutissent à des résultats significatifs permettant de valider l’hypothèse de volatilité induite par la valeur de marché. Par ailleurs, ce phénomène de volatilité, mis en exergue par les travaux empiriques précités, est de nature à compliquer la mission des autorités prudentielles. En effet, comme le note Oung (2001), les contrôleurs bancaires peuvent mal interpréter une diminution de la « juste valeur » des fonds propres et déclencher des mesures correctives indues, susceptibles, par ailleurs, d’alarmer le marché. L’efficacité du contrôle prudentiel peut s’en trouver ainsi réduite. D’un point de vue technique, les conséquences prudentielles de la norme IAS 39 peuvent être relevées à deux niveaux : Ratio de solvabilité= Fonds propres/Actifs pondérés par les risques - D’abord sur le numérateur du ratio de solvabilité, et plus précisément le tiers des fonds propres prudentiels. Rappelons ici que certaines dispositions de la norme engendreraient une volatilité artificielle des capitaux propres ; - Ensuite sur le dénominateur qui est constitué de l’ensemble des actifs pondérés. En effet, tel qu’expliqué par Mathérat (2003), la réévaluation systématique des éléments couverts et des opérations de couverture pourrait entraîner une tendance à la hausse des actifs pondérés, puisque soit ces réévaluations sont neutres (baissent de la valeur de l’actif couvert compensée par l’enregistrement d’un actif représentatif du gain sur la couverture) soit elles augmentent ces actifs (hausse de l’actif couvert avec création d’un passif représentant la perte de la couverture). Il en découle donc que les fluctuations des capitaux propres et des actifs pondérés, si elles ne sont pas corrigées par des mesures émanant des autorités prudentielles comme c’est le cas aux Etats-Unis, pourraient entraîner corrélativement une volatilité des ratios prudentiels.
77
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Classification des portefeuilles pour la comptabilité(IFRS) et les règles prudentielles(ratios de solvabilité d'après Bale) Classification comptable IAS 39 Traitement comptable IAS 39 Classification prudentielle et traitement de solvabilité Portefeuille de transaction Portefeuille de négociation/amendement relatif aux Portefeuille à la juste valeur sur option Juste valeur par le biais du compte résultat risques de marché Actifs disponibles à la vente Juste valeur par le biais des capitaux propres Portefeuille bancaire:ratio de solvabilité Prêts et créances Cout amorti Portefeuille d'investissement Il convient cependant de préciser que la volatilité n’est pas nécessairement un problème en soi si elle constitue un indicateur non ambigu des risques. Contrairement aux gestionnaires de fonds, qui négocie principalement des instruments comportant un risque de taux et dont le risque de crédit est négligeable, les bilans des banques contiennent en majorité des instruments non liquides comportant un risque de crédit. Cela implique que, dans le cadre de la comptabilisation en « juste valeur », la volatilité des résultats et des fonds propres des banques résulte essentiellement tant des fluctuations du marché que des cycles économiques. Un premier problème a trait à la difficulté des investisseurs, des actionnaires et des dirigeants d’une banque à isoler l’incidence de ces deux facteurs lors de l’interprétation de la volatilité des résultats et des fonds propres. La difficulté d’interprétation de la volatilité des fonds propres, qui résulte de la comptabilisation en « juste valeur », peut aboutir à une mauvaise allocation des fonds propres et à des stratégies d’investissement inefficaces. D’un point de vue prudentiel, l’ambiguïté de la volatilité des fonds propres pose davantage problème dans la mesure où, contrairement à ce qu’affirment les défenseurs du principe de comptabilisation en « juste valeur », les variations des fonds propres peuvent ne pas être un indicateur pertinent des difficultés d’un établissement. Il s’agit là d’une source potentielle d’instabilité financière. b) La juste valeur réduit l’efficacité du contrôle prudentiel Le problème de la comptabilisation en « juste valeur » est qu’elle transforme une organisation de l’information en instrument de gestion des risques. Cette comptabilisation impose un choix d’hypothèses que les investisseurs doivent évaluer, avec des conséquences immédiates sur les fonds propres de la banque. Afin d’éviter des réactions défavorables, les banques peuvent alors être incitées à sélectionner les hypothèses qui correspondent le mieux aux attentes du marché. En agissant de la sorte, elles utilisent la « juste valeur » comme un instrument de gestion des risques. Cette utilisation de la « juste valeur » est très contestable. Par comparaison, les
78
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
contrôleurs bancaires ne considèrent pas la seule utilisation des fonds propres réglementaires, aussi bien mesurés soient-ils, comme une bonne pratique de gestion car elle peut conduire à des arbitrages : les banques n’alloueraient plus leurs fonds propres en fonction de leur propre perception du risque mais en fonction de celle des contrôleurs qui ne reflète pas toujours leurs stratégies et principes d’investissement. De la même manière, la comptabilisation en « juste valeur » conduirait les banques à ne plus allouer leurs fonds propres en fonction de leur propre perception des risques mais en fonction de celle du marché. Selon ses défenseurs, la comptabilisation en « juste valeur » est plus pertinente que la comptabilisation au coût historique, c’est-à-dire qu’elle fournit davantage d’informations que celle-ci. Cependant, elle est plus pertinente uniquement pour le marché et pas nécessairement pour les contrôleurs bancaires, qui peuvent déjà accéder immédiatement aux données internes des banques. Ce type de comptabilisation en « juste valeur » risque de conduire à une interférence entre la perception du marché et celle des contrôleurs bancaires concernant la solidité des banques. Par exemple, quelle signification les contrôleurs bancaires doivent-ils donner à la « juste valeur » des fonds propres par rapport aux fonds propres réglementaires ? Le marché peut interpréter à tort une augmentation de la « juste valeur » des fonds propres comme un accroissement des risques et réagir brutalement en précipitant une crise. À l’inverse, les contrôleurs bancaires peuvent mal interpréter une diminution de la «juste valeur» des fonds propres et déclencher des mesures correctives indues, susceptibles, par ailleurs, d’alarmer le marché. L’efficacité du contrôle prudentiel peut s’en trouver réduite. c) La modification des stratégies d’investissement comme alternative de réduction de la volatilité des fonds propres. Une autre conséquence de la comptabilisation en « juste valeur » qui mérite d’être sérieusement examinée a trait à l’incidence d’une volatilité accrue des fonds propres des banques sur leurs stratégies d’investissement. Les banques seraient probablement tentées de réduire la volatilité de leurs fonds propres en optant, par exemple, pour des stratégies d’investissement extrêmes. D’une part, afin de réduire la volatilité des revenus et des fonds propres, elles peuvent être tentées de détenir un portefeuille important d’actifs non risqués ; tels que les titres d’État qu’elles peuvent par ailleurs aisément immuniser contre le risque de taux d’intérêt. D’autre part, comme les portefeuilles non risqués engendrent de faibles bénéfices, elles peuvent chercher un retour maximum sur investissement pour les actifs restants. Comme nous l’avons vu plus haut, la comptabilisation en « juste valeur » peut réduire la souplesse de gestion de la liquidité et des taux d’intérêt s’agissant des actifs intermédiés en raison du coût supplémentaire qu’elle engendre. Les banques peuvent alors être incitées à privilégier leur portefeuille de négociation au détriment des actifs intermédiés, car il permet une plus grande souplesse en matière de maximisation des bénéfices. Cette modification des stratégies d’investissement aurait pour conséquence d’accentuer le phénomène de désintermédiation, et le comportement des banques ne serait alors guère différent de celui des sociétés d’investissement. Là encore, ces transformations nuiraient à l’efficacité du
79
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
financement de l’économie, notamment pour les agents économiques tels que les particuliers ou les petites entreprises qui n’ont pas accès aux ressources de marché pour parer au processus de désintermédiation bancaire. d) Cas pratique Nous allons nous intéresser dans cette partie à l'évaluation des principales conséquences de la norme IAS 39 sur le ratio de solvabilité qui est un ratio fixant les exigences réglementaires en fonds propres bancaires. Ratio de solvabilité : Fonds propres / Actifs pondérés par les risques
Bilan conforme au PCEC
ACTIFS Créances diverses à la clientèle Titres de propriété Titres et valeurs de placement Titres d'investissement Titres de participation Valeurs immobilisées Autres actifs Total actifs
2008 2 800 000 447 800 12900 87654 16200 237889 167890 3770333
CAPITAUX PROPRES ET PASSIFS 2007 2 500 000 Total passifs 554 890 Capitaux propres avant résultat 42 900 Résultat de l'exercice 27 689 9 800 145 678 367 000 3 647 957 Total capitaux propres et passifs
2008 3 370 403 576 348 -176 418
2007 3 050 987 685 900 -88 930
3 770 333
3 647 957
Bilan retraité en normes IFRS (Il convient cependant à préciser que le dit bilan ne respecte pas la présentation IFRS et ce pour des soucis de simplification)
ACTIFS
CAPITAUX PROPRES ET PASSIFS
Créances diverses à la clientèle Titres de propriété Titres et valeurs de placement Titres d'investissement Titres de participation Valeurs immobilisées Autres actifs Total actifs
2008 2 800 000 547 800 2900 87654 16200 237889 167890 3 860 333
2007 2 500 000 Total passifs 244 890 Capitaux propres avant résultat 43 400 Ecart de réevaluation 27 689 Résultat de l'exercice 9 800 Capitaux propres profits sur titres 145 678 367 000 3 338 457 Total capitaux propres et passifs
2008 3 370 403 576 348 -10 000 -186 418 100 000
2007 3 050 987 685 900 500 -88 430 -310 000
3 860 333
3 338 457
On suppose que les titres de propriété comprennent des titres disponibles à la vente qui ont connu une réévaluation à la hausse 2008 de 100000 et une dépréciation de 310000 en 2007 .
80
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
La dite réévaluation a été intégrée en capitaux propres. On suppose également que les titres et valeurs de placement comprennent une dépréciation de 10000 en 2008 et une augmentation de 500 en 2007 qui ont été constatées au compte résultat.
Fonds propres Actifs pondérés Ratio de solvabilité
Normes marocaines 2008 2007 399 930 596 970 3 770 333 3 647 957 11% 16%
Normes IFRS 2008 2007 489 930 287 470 3 860 333 3 338 457 13% 9%
Ces actifs pondérés ont été estimés par le total actif. Interprétations On remarque que le ratio de solvabilité a considérablement changé après l'application de l'IAS39. En effet en 2008, on constate une augmentation de 2% due essentiellement à une plus-value de 100000 sur les titres de propriété qui sont venus augmentés les fonds propres de la banque. En 2007, le ratio a chuté de 4%. Cette baisse est due à la constatation d'une moinsvalue de 310KDH sur les titres de propriété. On constate également que les plus et moins-values constatées sur les titres et valeurs de placement bien que comptabilisées en résultat jouent un rôle dans la volatilité du ratio de solvabilité. Les +/- Values ont également un effet total actif ce qui impact le dénominateur. Les conséquences de cette volatilité est extrêmement néfaste sur les décisions d'investissement et peut nuire à l'image de l'établissement financier. Puisque les pertes constatées ne résultent pas de pertes réelles mais potentielles et qui de plus pèsent sur les exigences en fonds propres dans le cas des banques par exemple, l'établissement doit augmenter ses fonds propres si le ratio est inférieur à 10% (Minimum exigé par BAM au titre de l'année 2008. Bientôt 12%).
2) Impact sur l’analyse financière En étudiant l'impact de l'évaluation à la juste valeur sur l'analyse financière de la banque, nous nous intéressons successivement à : -La capacité d'autofinancement -La situation nette comptable -Quelques ratios financiers La capacité d’autofinancement ELEMENTS Produits d'exploitation Charges d'exploitation
81
PCEC 2008 2007 156 898 167 967 73418 73278
IAS 39 2008 2007 156 898 167 967 73418 73278
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Autres produis d'exploitation Autres charges d'exploitation Charges de personnel Pertes provenant des autres éléments ordinaires Impot sur le bénéfice CAF
106780 64588 2667
206749 54000 3349
106780 64588 2667
206749 54000 3349
1651 65275 56 079
1300 32904,1 359 041
1651 68975 52 379
1300 32719 359 226
Interprétations L'impact sur la CAF est délicat à analyser. En effet, les variations qui sont passées en capitaux propres contribuent à augmenter ou à diminuer le résultat à travers la constatation de l'impôt subséquent. En effet, en 2007 la CAF augmente en raison de l'augmentation du résultat de 185 (500*37%) tandis qu'en 2008 le résultat baisse de 3700 à cause de la moins value de 10000 sur les titres et valeurs de placement. La situation nette comptable C'est la somme des fonds définitivement acquis aux associés (actionnaires et porteurs de parts). Selon l'approche d l'ordre des experts comptables français, la SNC peut être déterminée ainsi : SNC ELEMENTS Capital Primes liées au capital Réserves légales Autres réserves Réserves de réevaluation Fonds social Ecart de réevaluation Résultats reportés SNC
PCEC
IAS 39
2008 350 000 184 688 10 867 3113
2007 350 000 184 688 10 867 23 404
14 034 13 646 -176 418 399 930
53 295 63 646 -88 930 596 970
2008 350 000 184 688 10 867 3113 -10000 14 034 13 646 -186 418 489 930
2007 350 000 184 688 10 867 23 404 500 53 295 63 646 -88 430 287 470
Interprétations : La situation nette comptable a baissé en 2007 en raison de l'imputation des variations à la baisse concernant les titres de propriétés mais également les gains sur titres et valeurs de placement. Le même raisonnement a été suivi en 2008 avec cette fois une augmentation de 100000 des titres de propriétés et une baisse de 10000 pour les titres et valeurs de placement. La SNC se voit impacter par toutes les variations peut importe qu'elles touchent les capitaux propres ou le résultat.
82
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Les ratios financiers Ratios Autonomie financière capitaux propres capitaux permanents Rentabilité financière ROE Résultat d'exercice/capitaux propres Résultat d'exercice *Rentabilité des actifs ROA Résultat net / total bilan Total bilan *Taux de marge nette : Résultat de l'exercice /PNB Ratios de structure : Capitaux propres/total bilan
PCEC IAS 39 2008 2007 2008 2007 11% 17% 14% 8% 399 930 596 970 489 930 287 470 3 590 000 3 590 000 3 590 000 3 590 000 44,00%
15%
38,00%
31%
-176 418
-88930
-186 418
-88 430
-5% -2% -5% 3 770 333 3 647 957 3 860 333
-3% 3 338 457
-211%
-94%
-223%
-93%
11%
16%
13%
9%
Interprétations : Le ratio d'autonomie financière: Ce ratio permet d'apprécier la structure des capitaux permanents pour pouvoir décider de l'autonomie financière de la banque et son degré de dépendance vis-à-vis des prêteurs. Suite à l'application de l'IAS 39, ce ratio change de tendance. Il prend une tendance haussière compte tenu de la prise en compte des +values sur titres de propriétés en 2008 (100000) directement incorporées en capitaux propres. En somme on constate que les normes IFRS exagèrent la situation de la banque. Rentabilité financière ROE : Ce ratio mesure le bénéfice obtenu sur les fonds apportés par les actionnaires. Il permet de déterminer ce que rapporte à la banque un dirham de capital. Il mesure ainsi l'efficacité avec laquelle la banque utilise les capitaux mis à sa disposition par les actionnaires. Le ratio montre que la banque est en situation difficile (normale elle est déficitaire). Selon les normes marocaines le ratio s’est aggravé de 29% alors qu’en IFRS la variation n’a pas dépassé les 7%. L'application de l'IAS 39 avait permis d'augmenter le résultat net de la banque (vu que la dépréciation sur titres de participation cesse d'être prise en compte en résultat et figure en
83
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
capitaux propres), ce qui contribue à améliorer la rentabilité financière mesurée par le ROE. Une interprétation plus fine de cette conséquence nous amène à nous demander sur la signification économique réelle de cette amélioration de la rentabilité. En effet, s'agit il effectivement d'une amélioration de la rentabilité suite à une utilisation efficace des capitaux propres de la banque ? Ou plutôt une croissance artificielle du résultat provenant de la prise en compte des variations de juste valeur des titres de participations au niveau des capitaux propres ? Rentabilité des actifs ROA : Ce ratio indique le taux de rentabilité des investissements, ou encore le bénéfice net réalisé par unité monétaire investie. Ce ratio doit être supérieur à 1. On remarque que l’ensemble des taux trouvés sont négatifs. Toutefois, ce ratio semble garder la même tendance (du moins dans cet exemple). Taux de marge nette : Ce ratio mesure l'importance du résultat net par rapport au produit net bancaire. Suite à l’application de l’IAS 39, ce ratio gagne en volatilité puisque la variation passe de 117% en normes marocaines à 130%. La prise en compte des variations des titres et valeurs de placement explique ce gain en volatilité. Conclusion On constate que l’adoption de la norme IAS 39 entraîne une volatilité de l’ensemble des ratios financiers ce qui aggrave la mission des analystes financiers qui doivent procéder à des retraitements afin d’annuler l’effet des variations intégrées en capitaux propres et en résultat.
3) Impact BS et P&L a) Impact bilan Bilan conforme au CPEC Actifs Créances diverses à la clientèle Titres de propriété Titres et valeurs de placement Titres d'investissement Titres de participation Valeurs immobilisées Autres actifs Total actifs
84
Capitaux propres et passifs 2008 2 800 000 447 800 12 900 87 654 16 200 237 889 167 890 3 770 333
2007 2 500 000 554 890 42 900 27 689 9 800 145 678 367 000 3 647 957
Total passifs Capitaux propres avant résultat Résultat de l'exercice
2008 3 370 403 576 348 -176418
2007 3 050 987 685 900 -88930
Total capitaux propres et passifs
3 770 333
3 647 957
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Bilan retraité Actifs Créances diverses à la clientèle Titres de propriété Titres et valeurs de placement Titres d'investissement Titres de participation Valeurs immobilisées Autres actifs Total actifs Variation
Capitaux propres et passifs 2008 2 800 000 547 800 2 900 87 654 16 200 237 889 167 890 3 860 333 90 000
2007 2 500 000 244 890 43 400 27 689 9 800 145 678 367 000 3 338 457 -309 500
Total passifs Capitaux propres avant résultat ecart de réevaluation Resultat de l'exercice Capitaux propres profits sur titres
2008 3 370 403 576 348 -10000 -186 418 100 000
2007 3 050 987 685 900 500 -88 430 -310 000
Total capitaux propres et passifs Variation
3 860 333 90 000
3 338 457 -309 500
Interprétations Le bilan a connu une variation remarquable. En effet, il a baissé de 309500 en 2007. Cette baisse est due à l'impact +value sur titres de placement (+500) et l'impact moins value (310000). En 2008, le bilan a augmenté de 90000. De la même manière l'impact total + value, value a été à l'origine de cette volatilité total actif qui comme exposé précédemment joue un rôle non négligeable dans la volatilité du ratio de solvabilité (agissant sur le dénominateur) L'impact aurait été plus important dans le cas d'opérations de couverture et donc de comptabilisation de dérivés à l'actif à leur coût d'acquisition afin de garantir un impact résultat zéro. Supposons que l'entreprise a acquis un swap de taux afin de couvrir un titre d'emprunt. Le swap a été acquis à 1000. Les titres sont disponibles à la vente. Au 31/12/2008, le dérivé enregistre une augmentation de 200 en raison de la hausse des taux directeurs. Le dit titre est disponible à la vente et fait partie des valeurs immobilisées. Coût d'achat du titre 2000. En 2007, le titre est évalué à 2100. Le fait que le titre soit disponible à la vente veut dire que le profit latent enregistré en 2007 passe en capitaux propres. La réévaluation ultérieure ayant eu lieu en 2008 et qui affiche une dépréciation du titre doit passer en compte résultat en non en capitaux propres (puisque la variation du dérivé passe en résultat. Ce qui explique l'impact nul sur le résultat). Cette situation provoque un cumul d'historique de variations de titres disponibles à la vente. Le "recyclage" des dites variations n'est constaté qu'au moment de la vente du titre. Le bilan se présentera alors comme suit :
85
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Actifs Créances diverses à la clientèle Instruments dérivés Titres de propriété Titres et valeurs de placement Titres d'investissement Titres de participation Valeurs immobilisées Autres actifs Total actifs Variation
Capitaux propres et passifs 2008 2 800 000 1 200 547 800 2 900 87 654 16 200 237 889 167 890 3 860 333 1 200
2007 2 500 000 1 000 244 890 43 400 27 689 9 800 145 678 367 100 3 338 457 1 100
Total passifs Trésorerie passifs Capitaux propres avant résultat ecart de réevaluation Resultat de l'exercice Capitaux propres profits sur titres
2008 3 370 403 1 000 576 348 -9800 -186 218 100 000
2007 3 050 987 1 000 685 900 500 -88 430 -309 900
Total capitaux propres et passifs
3 861 533
3 339 557
Interprétations On constate que la comptabilisation des dérivés entraîne une augmentation de l’actif du montant d’achat des dits instruments. En 2007, la variation enregistrée par rapport aux normes marocaines et de 1100 (1000 : coût d’achat du swap, 100 : la réévaluation du titre passée en capitaux propres). En 2008, on constate un enregistrement de 1200(1000 : coût d’achat du swap ; 200 : réévaluation de l’instrument de couverture). B) Impact résultat Compte résultat selon les normes marocaines : Element / année Produits d'exploitation bancaires Charges d'exploitation bancaires Produit net bancaire Dotations aux provisions et résultat des corrections de valeurs sur portefeuille Autres éléments constitutifs du résultat d'exploitation Résultat d'exploitation Solde en gains ou pertes des éléments ordinaires Impot sur les bénéfices Résultat de la période Variations
86
2008 156 898 73 418 83 480
2007 167 967 73 278 94 689
-20 211
-7 389
-247 846 -184 597
-176 870 -89 600
-1651 -170 -186 418 -10 000 Moins value sur TVP
1 300 -130 -88 430 500 Plus value sur TVP
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Interprétations L'application de la norme IAS 39 entraîne une volatilité du compte résultat puisqu'il varie considérablement à cause des variations des titres de transaction (dans notre cas les titres et valeurs de placement).Les opérations de couverture n'impactent pas le compte résultat en raison de la symétrie des écritures passées entre l'instrument de couverture et l'élément couvert.
Section III : Limites et difficultés pour les institutions financières 1) L’accroissement de la volatilité des revenus La volatilité fournit, certes, une information pertinente et elle devrait être dûment prise en compte dans les états financiers pour traduire les évolutions de l'environnement économique et des niveaux de risque. La variabilité des comptes reflète cette volatilité et on peut en déduire que les informations financières gagnent de ce fait en pertinence. Mais pour les actifs et les engagements détenus jusqu’à leur maturité (prêt accordé par la banque, obligation émise), la volatilité reflétée dans les états financiers serait artificielle et trompeuse. Prenons le cas d'une banque qui nourrit jusqu'à l'échéance des prêts portants intérêts. En l'absence d'un prix de marché observable ou pertinent ou d'opération de titrisation de ces prêts, la juste valeur de ces prêts peut être évaluée approximativement en calculant la valeur actuelle nette des flux de trésorerie programmés dans l'échéancier des remboursements. Ce calcul consiste à actualiser les flux de trésorerie futurs de l'instrument sur la durée restant à courir jusqu'à la maturité, en utilisant comme taux d'actualisation le taux sans risque correspondant relevé sur la courbe de la structure par terme des taux d'intérêt, majoré d'un écart (spread) reflétant la prime de risque appliquée à l'emprunteur. Initialement, la valeur calculée, ou économique, du prêt est normalement égale à sa valeur nominale puisque toutes deux sont arrêtées aux conditions prévalant sur le marché du crédit. Au fil du temps, les conditions du marché évoluent; la valeur calculée du prêt change au fur et à mesure que varie la courbe des taux d'intérêt sur le marché du crédit, même si les conditions initiales du prêt ne se modifient pas. La valeur du prêt baisse dans le cas d'une hausse des taux d'intérêt si l'échéance du prêt est encore lointaine, (et réciproquement), et elle s'écarte de la valeur nominale. Toutefois, à l'échéance, par construction, la valeur calculée devra de nouveau être identique à la valeur nominale, puisque la valeur de la créance de la banque sur l'emprunteur sera alors immédiatement remboursable à la valeur nominale. Cette évolution de la valeur du prêt au cours de sa durée de vie est son évolution vers la valeur de remboursement, qui est aussi égale à la valeur du pair (pull to par). Il est possible d'en déduire que la variabilité du compte de résultats due à l'évaluation en juste valeur pendant la
87
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
période de maturation des actifs peut fournir des informations qui manquent de pertinence ou sont même trompeuses, dans la mesure où elles introduisent des bruits de fond dans l'expression de la vraie valeur. Seule compterait finalement la valeur nominale à laquelle la créance est remboursée, quelles que soient les variations transitoires de la valeur économique enregistrées au cours de la vie de l'instrument .On peut en fait facilement réfuter cet argument. Il est évident qu'il existe une relation directe entre les variations de la valeur calculée ou économique des prêts et des autres actifs et les fluctuations des résultats de la banque. Toute évolution des taux d'intérêt de la courbe des taux provoque une variation des marges d'intérêt dès lors que la banque n'est pas immunisée contre le risque de taux. L'estimation en valeur de marché répercute immédiatement cette variation par un ajustement de la valeur actuelle nette égal aux écarts de résultats actualisés. Au contraire, l'évaluation au coût historique ou en valeur nominale n'enregistre aucune modification et ne signale donc pas l'incidence sur les résultats futurs. Le fait de connaître la valeur de remboursement d'un portefeuille de créances n'apporte pas d'information pertinente si l'on ne connaît pas en même temps le niveau et la sensibilité de leur financement.
2) Le caractère "spécial" de l'intermédiation financière L’offre conjointe de dépôts et de prêts conduit les banques à offrir de la liquidité à la demande et de faire face aux besoins des autres composantes du secteur financier et de l’économie également dans les périodes de détresse. Cette fonction est fondamentalement liée à la nature opaque de la valeur des actifs bancaires qui découle de l’absence de négociabilité des contrats de prêt. Essayer d’évaluer les prêts en juste valeur reviendrait à méconnaître un élément important de la nature des banques, à savoir leur contribution à la résolution des problèmes liés à l’asymétrie d’information entre prêteurs et emprunteurs. La comptabilité en juste valeur pourrait amener les banques à renoncer à leur fonction fondamentale. Si la comptabilité ne devait plus refléter leur rôle dans la distribution de crédit qui est de prêter et de nourrir les prêts, les banques seraient incitées à couvrir, sécuriser ou transférer leurs risques sur les clients (prêts à taux variables, à échéance raccourcie) de façon à équilibrer la composition de leurs actifs et de leurs engagements. La comptabilité en juste valeur rend les actifs à long terme de plus en plus sensibles aux variations de taux d’intérêt. Le système financier supporterait alors le coût résultant d’une limitation de la transformation de liquidité et de maturité, dans la mesure où le compte de résultat est directement affecté par les variations de taux d’intérêt. L’accent serait ainsi indûment trop mis sur les résultats à court terme aux dépens des relations de clientèle à long terme et des besoins d’investissement. L'exposition des intermédiaires financiers aux fluctuations des marchés, selon les opposants à l'estimation en juste valeur des instruments financiers, compromettrait donc le caractère spécial des relations à long terme que les banques entretiennent avec leur clientèle.
88
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Alors que les marchés financiers organisent des transactions ponctuelles entre offreurs et demandeurs de fonds, la fonction des intermédiaires financiers consisterait à mobiliser et distribuer des fonds en s'engageant par des contrats durables. La stabilité de la relation apparaît alors nécessaire à l'exercice de la surveillance (monitoring) que la clientèle se doit d'exercer sur la prise de risque des banques afin de réduire les asymétries d'information. Pour l'emprunteur (tout particulièrement la petite ou moyenne entreprise), elle signifie la certitude d'une couverture de ses besoins de financement à moyen ou long terme. En l'espèce, on attend alors des banques qu'elles stabilisent le coût de financement en lissant les évolutions de taux et en évitant de répercuter systématiquement toute variation de la courbe des taux dans un ajustement perpétuel des conditions débitrices. A la limite, l'application de l'estimation des actifs en juste valeur irait à contresens de l'exercice de l'intermédiation financière. Les banques en fait ne semblent pas elles-mêmes si convaincues de la spécificité de la relation à long terme (c'est un souci constant et banal de toute entreprise quelconque de fidéliser ses clients) puisqu'on les voit souvent préférer les lucratives activités de marché à la classique transformation des dépôts en prêts dont le taux de marge est aujourd'hui laminé. Du reste, ne trouvent-elles pas sur les marchés tous les instruments nécessaires pour couvrir le risque de taux d'intérêt et obtenir la ressource au meilleur prix dont ne manquera pas de bénéficier la clientèle? En outre, la pérennité des relations de clientèle ne sert-elle pas souvent de prétexte au maintien d'une clientèle captive et au renforcement d'un pouvoir de marché de la banque? Il ne serait pas mauvais après tout, pour la recherche d'une allocation optimale des ressources, que la clientèle retrouve son pouvoir de discipliner les banques qui parfois ont tendance à abuser de leur domination. L'estimation en juste valeur des instruments financiers ne peut alors qu'améliorer la pertinence de l'information et conforter les droits des consommateurs de services financiers offerts par les banques.
3) Le lissage des chocs inter- temporels Selon toute probabilité, la comptabilité en juste valeur produira des résultats plus favorables pendant les périodes de croissance quand le prix des actifs augmente. Ce sera tout particulièrement le cas chaque fois que les agents économiques se feront une idée exagérément optimiste des risques pendant les phases de prospérité, sentiment qui se reflétera par une préférence pour le court terme lors du calcul des résultats espérés. Cette revalorisation des actifs se retrouvera dans les profits bancaires et les dirigeants pourront avoir à faire face à des demandes pressantes des actionnaires désireux d’obtenir une distribution plus large de dividendes et de gains en capital latents sur les actifs logés dans le portefeuille de placement. La possibilité pour la banque de lisser les chocs dans le temps serait alors négativement affectée, avec pour résultat un coût portant à la fois sur l’efficacité et sur la stabilité de la fonction d’intermédiation financière. Au contraire, la comptabilité en valeur historique applique le principe de prudence qui ne reconnaît pas les gains potentiels qui peuvent toujours ne pas se réaliser.
89
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
En outre, la comptabilité traditionnelle permet la constitution de réserves pendant les périodes fastes qui peuvent être ensuite utilisées pendant les périodes défavorables. C'est le sens que prennent des propositions de provisionnement dynamique qui sont parfois présentées comme une voie alternative à la full fair value. La variabilité du revenu des banques est alors atténuée et les banques peuvent s’assurer elles-mêmes contre l’imprévu. La fonction de lissage peut ainsi mieux s’effectuer sous le régime de la comptabilité en valeur historique que sous celui de la comptabilité en juste valeur.
4) L’affaiblissement de la discipline de marché La comparabilité et la fiabilité des états financiers des différentes institutions diminuent et détériorent la discipline de marché. Dans la comptabilité en juste valeur, en l’absence de valeur de marché, on utilise des modèles d’évaluation. La juste valeur obtenue à l’aide de ces modèles devrait utiliser des données issues des marchés liquides pour éviter les manipulations. Aujourd’hui, un grand nombre de modèles d’évaluation coexistent ; ils ont des hypothèses et des données différentes ce qui peut sensiblement diminuer les comparaisons entre banques et entre éléments de bilan. Il faut aussi rappeler que la date et l’objet sont particulièrement importants pour calculer une juste valeur de marché. Une évaluation est déterminée pour une date particulière et, en général, elle ne vaut pas pour d’autres dates. De même, une évaluation se calcule en général dans un but donné et ne convient pas pour un autre objet. Par exemple, les actionnaires peuvent valoriser les immobilisations alors que les créanciers seront en général plus intéressés par la va leur nette liquidative. En outre, étant donné l’état des techniques disponibles, en particulier dans les modèles de dérivés de crédit, la fiabilité des états comptables pourrait être négativement affectée. En effet, la juste valeur ne transmet pas toujours une information précise sur le profil de risque d’une banque, ce qui entrave la discipline de marché qui exige au contraire une information fiable pour bien remplir son rôle. Un jugement erroné peut provoquer une sur réaction qui peut avoir un effet négatif sur la situation financière d’une firme.
5) La fiabilité limitée des estimations de probabilité de défaut Il est difficile de déterminer la juste valeur de certains instruments quand il n'existe pas de marché pertinent. Dans ce cas, une juste valeur doit être calculée sur la base d'un modèle ce qui peut entraîner des résultats très différents pour des instruments présentant des caractéristiques comparables en termes de risques. Cependant, il peut apparaître une volatilité artificielle pour des actifs qui ne font pas l’objet de négociations régulières sur des marchés secondaires liquides.
90
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Elle peut provenir de fluctuations à court terme des évaluations par les marchés financiers ou d’imperfections des marchés ou encore de l’imperfection des techniques d’évaluation. S'agissant de l'estimation du risque de défaut, on peut aisément mettre en cause la fiabilité et l’objectivité des justes valeurs estimées à partir des spreads, qui expriment les degrés de risque sur le marché du crédit, et des modèles internes. Il y a en effet une grande dispersion des spreads de crédit observés pour les dettes notées à l’intérieur de chaque classe de notation et pour une maturité donnée. Même entre les prêts et les obligations émis par la même banque les différences entre les spreads de crédit sont importantes et variables. Par ailleurs, les systèmes internes d’évaluation du risque peuvent produire des informations pertinentes pour la gestion des risques de la banque, mais ils ne conviennent pas pour gérer les portefeuilles de prêts sur la base de la valeur de marché. Les résultats de ces procédures sont fonction de la qualité du modèle et des données utilisées. Or les paramètres du modèle sont souvent estimés sur une période trop courte. De plus, d'un modèle à l'autre, les hypothèses peuvent être fort différentes, de sorte que les justes valeurs et leur incidence sur le compte de résultats cessent rapidement d'être comparables entre banques, ce qui va à l'encontre de l'un des objectifs de la comptabilisation en juste valeur. Enfin, l'estimation du risque de crédit propre à une banque ou celui des instruments de dette qu'elle émet (titres de dette subordonnée, obligations, certificats de dépôt négociables), pose aussi problème. La détérioration du risque de crédit d'une banque, à la suite de pertes financières notamment, entraîne une baisse en juste valeur des dettes émises par elle, diminuant ainsi la valeur de son passif. S'il advenait que la valeur des actifs demeure inchangée, il en résulterait mécaniquement une hausse de la valeur de l'actif net de la banque, c'est-à-dire de ses fonds propres, définis comme la différence entre la juste valeur de son actif de bilan et de son passif. Dans la plupart des cas cependant, la valeur du passif et celle de l'actif seraient simultanément affectée même si l'impact est différent et la baisse des fonds propres serait correctement prise en charge comme conséquence des pertes subies. L'amélioration paradoxale de la solvabilité liée aux pertes de la banque et à la détérioration de son propre risque de crédit est illogique: on s'attendrait à voir diminuer, et non augmenter, la solvabilité de la banque. Ce cas singulier fait l'objet de discussions sans fin et donne des arguments aux opposants aux nouvelles normes comptables. En particulier, les régulateurs bancaires sont évidemment opposés à cette manière d'enregistrer l'effet dans les fonds propres réglementaires de la détérioration de la valeur des dettes bancaires. Pour cette raison, les autorités de surveillance bancaire ne sont pas prêtes à accepter la prise en compte intégrale des IAS dans le calcul des fonds propres des établissements.
91
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Si les difficultés auxquelles se réfèrent les normes comptables internationales sont bien réelles. Le fait de modifier les normes actuelles temporairement ou définitivement afin de limiter la portée de la comptabilité en juste valeur reste peu convaincant car s'il est facile d'identifier les défauts de la juste valeur, il est moins évident de proposer une méthode alternative qui remplirait mieux les exigences de pertinence, de fiabilité, de comparaison et de compréhension indispensables pour des normes de comptabilité financière. En particulier, la référence à des prix historiques, souvent évoqués apporterait une information moins comparable et moins pertinente et qui, il faut le dire, n’a pas empêché les crises financières antérieures de se produire. Toutefois, il serait judicieux de repenser l’articulation entre les normes IFRS et les règles prudentielles de Bâle II. En effet, il est aberrant que des ratios prudentiels s’appuient sur des normes comptables sans pour autant que les systèmes aient été conçus de manière concertée. Avec du recul, nous nous apercevons que la juste valeur représente un vrai progrès dès lors que l’on maîtrise ses tenants et aboutissants. On pense notamment aux modèles mathématiques utilisés en l’absence de marché, il est indispensable de définir des modèles mathématiques standards ou du moins donner des lignes directrices pour aider les analystes à les concevoir afin de ne pas perdre en comparabilité et fiabilité, piliers même des IAS/IFRS. Enfin, posons-nous cette question : que ce serait-il passé s’il n’y avait pas eu de market tomarket dans les bilans des banques ? La crise des subprimes et la crise financière auraientelles été évitées ? La réponse est non. La crise actuelle est d’abord une crise de la titrisation et de l’explosion de marchés qui se sont développés sans aucune forme de surveillance. Le sommet du G20 a annoncé la refonte des normes comptables internationales qui devront être harmonisées en un standard unique afin d’accroître la sécurité financière. Il est certain que la juste valeur a aggravé la crise de part la constatation de pertes « potentielles » dans le bilan des institutions financières. Toutefois, il serait trop tôt pour faire le bilan du rôle de la juste valeur dans la crise. D’un côté, la pertinence de la comptabilité à la juste valeur pour les investisseurs n’est plus à démontrer mais d’un autre côté, il apparaît que ces mêmes normes peuvent induire les gens en erreur camouflant ainsi les difficultés que peut rencontrer une entreprise. On ne s’empêche de se remémorer les entreprises qui affichaient des pertes de 50% pendant deux jours pour ensuite afficher des bénéfices. Ceci est une aberration pour le connaisseur et une manipulation vis-à-vis de l’argent des investisseurs qui se voient entraîner dans une spirale sans fin.
92
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
De plus, la juste valeur a-t-elle permis d’aggraver la crise ou bien de retarder sa constatation ? C’est une grande question…Le cas de Lehman Brothers est un cas d’école, des études ont montré que la direction avait camouflé les pertes en transférant les actifs financiers du niveau 1 censés être évalués au prix de marché aux niveaux 2 et 3 (évaluation en comparaison avec des instruments similaires ou à travers des modèles actuariels dont le taux d’actualisation est plus qu’inexpliqué). Cette tendance vers la comptabilité prospective n’est peut-être pas une bonne idée car elle porte un coup à des décennies de recherche comptable donnant naissance à des principes et non des moindres : le conservatisme et la vérifiabilité. Nous n’avons nullement la prétention d’avoir répondu de façon exhaustive à cette problématique. Le rôle joué par la juste valeur est jusqu’à présent mal déterminé et fait l’objet de nombreux débats. Les prochains travaux ne manqueront pas d’identifier le rôle exact joué par ces normes dans le déclenchement ou l’accentuation de la crise.
93
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?
Jean-François CASTA (2003), «La comptabilité en « juste valeur » permet-elle une meilleure représentation de l'entreprise ?» Centre de recherche sur la gestion - CEREG, Université Paris Dauphine,
Anis WAHABI (2005), « La comptabilisation à la juste valeur enjeux théorique et pratiques », mémoire d'obtention du diplôme d'expertise comptable, IHEC Carthage
SIMON, Patrick JOFFRE (1997), Encyclopédie de gestion, 2ème édition, tome1
Christian MARMUSE, « performance », Encyclopédie de gestion, 2ème édition
Hamza BAHAJI (2006), cahier de recherche n°2006-01 « IAS 39 et comptabilité de couverture en juste valeur : simulation aléatoire de son impact sur les exigences en fonds propres des banques »,
Ballwieser W. et Kuhner C. (1994), Accounting Standards and Economic Stability, Gelleschaft für bankwissenschaftliche Forschung e.V., Köln.
Barth M. et Landsman W. (1995), « Fundamental Issues Related to Using Fair Value Accounting for Financial Reporting », Accounting Horizons, vol. 9, n°4, December
Cornett M.M., Rezae Z. et Tehranian H. (1996), « An Investigation of Capital Market Reactions to Pronouncements on Fair value Accounting », Journal of Accounting and Economics, vol. 22, n°1-3
Beatty A., Chamberlain S. et Magliolo J. (1996), « An empirical analysis of the economic applications of fair value accounting for investment securities », Journal of Accounting and Economics, vol. 22
94
La juste valeur en IFRS : facteur de volatilité et de risques ou indicateur de santé financière?