Les origines du concept de secteur informel et la récente définition de l’emploi informel. Jacques Charmes Directeur de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD, Paris) Professeur à l'Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines
Dès sa découverte par Keith Hart [1972] au Ghana et par le Bureau International au Kenya au début des années 1970, le concept d’emploi informel portait en lui-même les germes des débats ultérieurs qui n’ont cessé de se poursuivre depuis lors. Keith Hart faisait allusion aux opportunités de revenus informels alors que le Bureau International se référait dès l’origine aux entreprises informelles. C’est cette dernière conception qui devait l’emporter avec l’adoption d’une définition internationale du « secteur informel » en 1993. Mais le débat a rebondi aujourd’hui avec les discussions actuelles sur les concepts d’emploi informel et d’économie informelle qui ont été des thèmes centraux de la Conférence Internationale du Travail de Juin 2002 et ont fait l'objet de nouvelles définitions et recommandations lors de la dernière Conférence Internationale des Statisticiens du Travail en 2003. Après avoir rappelé les débats qui ont accompagné l’évolution des concepts de population active et d’emploi informel au cours des trois dernières décennies, nous rappellerons les méthodes d’enquêtes et de mesure du secteur informel, puis nous présenterons les principales estimations macro-économiques aujourd’hui disponibles de ces phénomènes. 1) L’invention du concept de « secteur informel ». Les concepts et définitions statistiques se forgent et se stabilisent généralement après que des débats théoriques aient ouvert la voie à des changements dans la perception des phénomènes socio-économiques. Depuis 1923, c’est la Conférence Internationale des Statisticiens du Travail qui, tous les 5 ans, et sous les auspices de l’Organisation Internationale du Travail, est en charge de la définition des concepts de population active et de leur révision [Mehran, 1985]. Tout comme l’Organisation Internationale du Travail, la Conférence Internationale des Statisticiens du Travail présente la caractéristique originale d’être tripartite et de rassembler des représentants des Etats, des organisations représentatives des travailleurs et des organisations représentatives des employeurs, ce qui permet, à travers les positions respectives de chacun de ces trois acteurs, de comprendre les enjeux qui se cachent derrière les concepts adoptés, amendés ou rejetés . 1.1) Origines du concept de « secteur informel ». L’expansion du salariat a caractérisé la révolution industrielle en Europe, bien que pendant longtemps encore, les employeurs aient continué à utiliser cette forme dépassée que constituait le travail à domicile. L’ « invention » du chômage [Salais et al., 1986] date de cette période où les travailleurs salariés permanents perdaient leur emploi, connaissant de longues périodes de non emploi en alternance avec des périodes d’emploi, en raison des crises cycliques. Ces situations de chômage furent progressivement reconnues et étendues aux
travailleurs à domicile. Après la seconde guerre mondiale, les systèmes de protection sociale acquirent un caractère universel et polyvalent (santé, famille, retraite, chômage) dans la plupart des pays européens et des pays industrialisés, et peu à peu, ces avantages furent étendus aux travailleurs à domicile [Conseil Economique et Social, 1999], une évolution des lois du travail qui peut permettre de comprendre que l’utilisation d’une telle forme de travail soit devenue moins profitable pour les employeurs et qu’elle se soit progressivement éteinte. L’irrésistible accroissement des taux de chômage (jusqu’à plus de 10% de la population active) du milieu des années 1970 jusqu'à nos jours a provoqué la remise en question du modèle européen de protection sociale universelle. Quel que soit l’avenir, les deux décennies passées ont vu stagner et même diminuer la part du salariat dans la population active, parallèlement à des taux de chômage de plus en plus élevés. Un nouvel intérêt s’est alors manifesté en faveur de l’emploi indépendant et de l’auto-emploi [BIT, 1990 et OCDE, 1992 et 2000], comme moyen de prévenir les taux de chômage d’atteindre des sommets encore plus élevés. Ce nouvel intérêt pour l’auto-emploi dans les pays industrialisés constituait une sorte d’écho à l’accroissement rapide de l’emploi dans le secteur informel dans les pays en développement. Le modèle fondateur de l’économie du développement, «le développement économique avec offre illimitée de main d’œuvre » de A. W. Lewis [1954], ancra dans la théorie économique l’idée que le salariat était destiné à s’étendre et se généraliser avec l’industrialisation et la modernisation, parce que les migrations rurales-urbaines qui interviennent à large échelle en raison de la faible productivité de l’agriculture dans les campagnes fournissent une main d’œuvre à bon marché pour le démarrage de l’industrialisation. Cependant, dès avant le premier choc pétrolier, il était devenu clair que le modèle de Lewis ne fonctionnait pas comme prévu et il devait revenir à Todaro [1969], puis plus tard à Fields [1975], de le remettre en cause. Dès la fin des années 1960 et le début des années 1970, le Programme Mondial de l’Emploi était lancé par le Bureau International du Travail : la confiance dans le modèle de Lewis avait disparu et la crainte de taux de chômage et de sous emploi toujours plus forts était désormais présente, principalement due aux taux de croissance démographique élevés et à l’importance de l’exode rural. Etudes et enquêtes furent lancées dans diverses régions du monde dans le cadre du Programme Mondial de l’Emploi. Il devenait revenir au fameux rapport du BIT sur le Kenya [ILO, 1972], le premier d’une longue série, d’expliquer pourquoi et comment l’absence de création d’emploi dans le secteur moderne n’avait pas provoqué une augmentation insoutenable du chômage, et d’inventer ou plutôt d’enraciner le concept de secteur informel en tant que catégorie majeure pour l’analyse des marchés du travail dans les pays en développement. Définissant le secteur informel à partir des 7 critères bien connus, parmi lesquels la facilité d’entrée était au premier rang (avec des marchés de concurrence non réglementés, la propriété familiale des entreprises, la petite échelle des opérations, l'utilisation de ressources locales, des technologies adaptées et à forte intensité de travail, des formations acquises en dehors du système scolaire), le rapport sur le Kenya marque une étape en ce sens qu’il lança et entretînt les débats parmi les chercheurs sur le concept lui-même et surtout la qualification d’un secteur dont la notion semblait reconnaître un dualisme structurel des économies en développement. Mais ce modèle des définitions multi-critères collait de moins en moins bien avec une réalité où les deux types d’activités sont étroitement imbriquées et inter-reliées : tout 2
d’abord parce que ces activités jouent un rôle de réserve de main d’œuvre pour le secteur formel dont les travailleurs peuvent se procurer des biens et des services bon marché assurant ainsi une reproduction de la force de travail au moindre coût (définitions fonctionnelles); et ensuite parce de nombreux travailleurs du secteur formel exercent des activités dans le secteur informel afin de mieux gagner leur vie, notamment après que les deux chocs pétroliers et la crise de l’endettement se soient traduits par une diminution importante des salaires réels. Ces débats théoriques, pas toujours éclairés par des évidences empiriques (bien que les statisticiens aient mis en œuvre des mesures à partir de critères tels que le statut dans la profession et la mesure de l'emploi non salarié, le statut juridique, la taille des entreprises, le non enregistrement, le type de comptabilité, le niveau de revenus), ouvrirent la voie à l’adoption d’une définition internationale du secteur informel : s’il n’y avait pas d’évidences empiriques, c’était parce l’absence d’une définition internationale largement acceptée avait empêché la collecte de données comparables. 1.2) L’adoption d’une définition internationale du « secteur informel » en 1993. Le premier objectif de la 15ème Conférence Internationale des Statisticiens du Travail (CIST) de 1993 fût de désenchâsser le concept de secteur informel de son image d’illégalité et de secteur souterrain à travers laquelle il s’était frayé un chemin (pour une distinction claire entre illégal, souterrain et informel, voir [OECD, 2002]. Il peut être utile de rappeler ici les discussions préliminaires intervenues dès la 14ème Conférence en 1987, lorsque le représentant du Kenya, pays où était né le concept, demanda la parole pour expliquer que dans son pays ces activités auxquelles on se référait ne pouvaient être qualifiées d’activités souterraines : le terme « moonlighting » signifiant « au clair de lune » que les pays industrialisés avaient discuté jusque là de façon unilatérale et univoque lui semblait inapproprié puisque dans son pays, ces activités étaient menées « en plein soleil » et non « au clair de lune » : le terme Swahili « Jua Kali » servant à désigner ces activités se traduit d’ailleurs par « sous le soleil brûlant » : une façon de dire que les activités du secteur informel, loin de se cacher, s’exercent en plein jour et qu’il n’y a pas, de la part de ces opérateurs, une volonté délibérée d’éviter de se soumettre aux obligations légales et au paiement des taxes. Il s’agit bien plutôt d’une certaine incapacité ou d’un manque de volonté de la part de l’Etat, à faire appliquer ses propres réglementations, peut-être parce que, dans bien des cas, celles-ci se révèlent inadaptées et inapplicables. Une seconde préoccupation de la Conférence fût, non pas d’exclure l’agriculture et les activités primaires du champ du secteur informel (beaucoup de pays étant attachés à l’inclusion de ces activités dans le champ du concept), mais de traiter ces activités séparément et de produire des statistiques du secteur informel hors agriculture. La raison en est que ces deux composantes (agricole et non agricole) évoluent généralement en sens opposé de telle sorte que la tendance générale est difficile à interpréter ou peut être trompeuse en raison de la taille du secteur agricole dans lequel le secteur informel serait ainsi noyé. Une troisième préoccupation fût d’exclure les activités hors marché, c'est-à-dire la production exclusivement pour usage final propre et a fortiori la production de services non marchands pour usage final propre: l'économie de soins ("care economy") reste encore en dehors du champ de la production telle que mesurée par le PIB. Cependant cette question prend un relief particulier avec l’extension du champ de l’activité économique dans le Système de Comptabilité Nationale [SCN, 1993]. Si l’emploi (et par conséquent le secteur informel) devait se rapprocher de la notion de travail au sens large (c’est-à-dire de toute activité qui peut être confiée à une tierce personne pour satisfaire les besoins d’une autre personne), alors
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les notions d’emploi et de chômage perdraient une partie de leur sens et de leur caractère analytique. Un quatrième objectif fut au contraire d’inclure les activités secondaires et multiples (la pluriactivité) dans le secteur informel, une question que les enquêtes de population active ont failli à prendre en compte jusqu’à récemment, mais dont l’extension est d’importance primordiale en vue de comprendre les marchés du travail contemporains, pas seulement dans les pays en développement. Après avoir rappelé que le secteur informel se caractérisait d’une façon générale « comme un ensemble d’unités produisant des biens et des services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ces unités, ayant un faible niveau d’organisation, opèrent à petite échelle et de manière spécifique, avec peu ou pas de division entre le travail et le capital en tant que facteurs de production. Les relations de travail, lorsqu’elles existent, sont surtout fondées sur l’emploi occasionnel, les relations de parenté ou les relations personnelles et sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due forme» [BIT, 1993b], la Conférence propose une définition statistique – opérationnelle : le secteur informel est considéré comme un ensemble d’unités de production qui constituent un élément, au sein du Système de Comptabilité Nationale (SCN), du secteur institutionnel des ménages en tant qu’entreprises individuelles. Les entreprises individuelles se distinguent des sociétés et quasi-sociétés sur la base de leur statut légal et du type de comptabilité qu’elles tiennent : ainsi les entreprises individuelles ne constituent pas des entités séparées indépendantes du ménage ou du membre du ménage qui en est propriétaire, et elles ne tiennent pas une comptabilité complète qui permettrait une claire distinction entre les activités de production de l’entreprise et les autres activités du propriétaire. Le secteur informel est ainsi défini, quels que soient le lieu de travail, l’importance des immobilisations, la durée de l’activité et son exercice à titre principal ou secondaire, comme comprenant : -
d’une part les entreprises informelles de travailleurs à compte propre qui peuvent employer des travailleurs familiaux non rémunérés et des salariés occasionnels : pour des raisons opérationnelles et selon les circonstances nationales, ce segment comprend soit toutes les entreprises à compte propre, soit seulement celles qui ne sont pas enregistrées selon les formes spécifiques de la législation nationale (lois fiscales ou de la sécurité sociale, ordres professionnels, ou autres lois ou règlements),
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d’autre part les entreprises d’employeurs informels qui peuvent employer un ou plusieurs salariés sur une base permanente et qui satisfont à un ou plusieurs des critères suivants : une taille de l’établissement inférieure à un certain nombre d’emplois (défini sur la base des seuils minimaux incorporés dans les législations nationales ou les pratiques statistiques), le non enregistrement de l’entreprise ou de ses salariés. Des premiers éléments de la définition (et en particulier la référence aux caractéristiques de l’unité économique et non à celles de l’individu), émerge la raison pour laquelle la définition porte sur le « secteur » informel et non l’emploi informel : la définition internationale a pour objectif d’enchâsser le secteur informel dans le Système de Comptabilité Nationale, dans le secteur institutionnel des « ménages », et non en référence à un quelconque « dualisme ».
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Du point de vue des statisticiens d’enquête, il est clair que les critères retenus ne sont pas seulement les plus opérationnels, ils sont aussi en cohérence avec les caractéristiques structurelles et fonctionnelles du secteur informel et ils aident à identifier les tendances d’un segment spécifique de la population active en relation avec la capacité (ou l’incapacité) de l’Etat à faire appliquer les lois et règlements qu’il édicte. Ils permettent également de distinguer diverses composantes du secteur informel, qui se caractérisent par des comportements différenciés, répondant ainsi à la critique de « dualisme » et susceptibles de conduire à des analyses plus fines, moins dichotomiques, se rapprochant de l’idée de « continuum ». On distingue ainsi le travail indépendant (constitué par les personnes qui travaillent à leur propre compte sans employer de salariés permanents, mais en employant éventuellement des aides familiaux et des salariés occasionnels), l’auto-emploi (qui est constitué de la catégorie précédente mais en y incluant les aides familiaux), et les microentreprises (constituées par les entreprises informelles employant des salariés permanents en dessous d’un certain seuil de taille que le groupe de Delhi de la Commission statistique des Nations Unies a fixé récemment à 5 salariés). Débarrassés des activités agricoles (qui suivent une tendance historique décroissante), les changements dans la part de l’emploi du secteur informel par rapport à l’emploi total ou à l’emploi non agricole, ainsi que les changements de l’importance relative des deux éléments distingués par la définition (le travail indépendant ou l’auto-emploi et les micro-entreprises employant des salariés), permettent des interprétations plus pertinentes du rôle respectif du secteur et de ses éléments constitutifs : l’auto-emploi par exemple se caractérise par un comportement plutôt contra-cyclique (augmentant lorsque le cycle économique est à la baisse ou en fort ralentissement), alors que le segment des micro-entreprises est habituellement procyclique (variant en phase avec le cycle). La définition de 1993 a donné un grand élan à la mesure d’un phénomène qui, loin de disparaître, s’est au contraire développé et a touché des catégories de population toujours plus nombreuses : même les jeunes diplômés et les sortants du système éducatif sont désormais concernés, ne pouvant plus trouver d’emploi dans le secteur moderne après que les restrictions budgétaires et les déflations d’effectifs dans le secteur public et l’administration aient été rendues inévitables dans le cadre de programmes d’ajustement structurel. Cependant, les termes de la nouvelle définition aident aussi à comprendre pourquoi le secteur informel ne peut être assimilé au sous emploi : il dépasse les situations individuelles et permet la compréhension d’un autre phénomène, différent. 2) Le concept d’emploi informel dans le contexte du travail « décent » et des concepts associés. La Conférence de 1993 s’était également préoccupé de la définition d’une autre catégorie de la population active nouvellement en émergence – quoique très ancienne - : celle des travailleurs à domicile ou « externalisés ». Le besoin s’était en effet fait sentir de réviser la Classification Internationale des Statuts dans l’Emploi (CISE) et une proposition en ce sens avait été présentée à la conférence de 1993. La classification comprend 5 groupes : les travailleurs indépendants (à compte propre), les employeurs, les aides familiaux non rémunérés, les salariés et les travailleurs des coopératives. Pris ensemble, les trois premiers groupes (auxquels on peut joindre les travailleurs des coopératives) constituent ce qu’il est convenu d’appeler l’auto-emploi. La catégorie des travailleurs à domicile (« home-based workers ») - qui inclue les travailleurs externalisés (« outworkers »), les deux termes pouvant
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apparaître comme synonymes, selon le point de vue que l’on adopte pour l’analyse : celui du travailleur ou celui de l’entreprise) – peut recouper en fait tous les groupes de la classification des statuts dans l’emploi, et en particulier deux d’entre eux : les salariés et les travailleurs indépendants. Cette catégorie renvoie à l’ancien « putting out system » qui avait progressivement disparu ou s’était du moins fortement réduit en se fondant dans l’emploi salarié au fur et à mesure que les bénéfices des conquêtes des salariés permanents leur avaient été étendues. Dans la période actuelle qui se caractérise par l’extension du processus de mondialisation et de concurrence à l’échelle internationale, la mesure de ce phénomène est de toute première importance puisque l’on a de bonnes raisons de penser que les travailleurs à domicile ont vu leur nombre fortement progresser étant donné qu’ils constituent un moyen d’abaisser le coût du travail en contournant les systèmes de protection sociale. Ils représentent ainsi les plus vulnérables des travailleurs et dès la conférence de 1993, et surtout en 1996 lorsque fut adoptée une convention sur le travail à domicile [BIT, 1996], les organisations de base (avec à leur tête, la Self-Employed Women Association, SEWA) tentèrent d’étendre à ces travailleurs (en majorité des femmes) le droit à la protection sociale. Mais le travail à domicile n’a jusqu’à présent pas été mesuré de façon suffisamment fiable et la définition du secteur informel n’y contribue pas réellement étant donné que les travailleurs externalisés sont classés dans l’un ou l’autre secteur (formel ou informel) en fonction des caractéristiques de l’entreprise contractante ou sous-traitante. La plupart des travailleurs externalisés sont cependant des sous-traitants d’entreprises formelles à travers le lien d’entreprises intermédiaires. C’est pourquoi la mesure en est aujourd’hui approchée par la question du « lieu de travail », incorporée dans les enquêtes régulières de population active [Charmes, 2002], plutôt que par des enquêtes d’entreprises ou encore une extension de la classification des statuts dans l’emploi, une solution qui fut rejetée lors de la conférence de 1993, car la complexification de la classification se serait traduite par une moindre fiabilité des données collectées. Si la question des travailleurs à domicile peut être de première importance à l’échelle mondiale, ce n’est pas la seule : l’emploi précaire a atteint des sommets dans beaucoup de pays et de régions. De sorte que la révision des concepts de sous emploi et de revenu du travail a été examinée lors de la 16ème CIST en 1998. On a déjà noté que le secteur informel n’était pas une mesure du sous emploi, même si nombreux sont ceux qui sont tentés par une telle assimilation. Certes les deux phénomènes se recouvrent partiellement, mais ils ne peuvent être confondus. De plus, la mesure des deux formes de sous emploi (visible et invisible) telles que définies par la CIST de 1982 était insatisfaisante et n’a pas donné lieu à de nombreuses séries temporelles. A côté du sous emploi lié à la durée du travail (anciennement appelé sous emploi visible) et concernant les travailleurs à temps partiel involontaires et des travailleurs temporaires à contrats à durée déterminée, la Conférence de 1998 a ainsi défini diverses formes d’emploi inadéquat, en relation avec les qualifications, les revenus, la durée excessive du travail. Elle a aussi fourni des orientations pour la définition et la mesure du revenu du travail. D'une façon générale, la multiplication des conventions internationales sur le travail, non ratifiées ou ratifiées sans être suivies d'effet, a conduit le BIT à faire adopter une déclaration sur les normes fondamentales du travail [BIT, 1998a] mettant l'accent sur l'interdiction du travail forcé et du travail des enfants, la non discrimination et le droit d'association, rapidement suivie par la définition d'une notion de travail "décent" [BIT, 1999 et 2002]. 6
Toutes ces réflexions ont inspiré des travaux sur la conception et l'élaboration d'un indicateur synthétique du travail décent et de la sécurité socioéconomique [ILO, 2004a et b]. En fin de compte, les discussions à venir pour les prochaines conférences devraient porter sur le « lieu de travail » et sur la ligne de démarcation entre le secteur informel et l’emploi informel [Unni, 2000 et Charmes et Unni, 2001] : c’est sur ce dernier point que les discussions ont été les plus vives et les plus approfondies au niveau international au cours de la récente période, et la Conférence Internationale du Travail de Juin 2002 dont l'un des principaux thèmes a été l’économie informelle devrait déboucher sur la nécessité d’une reconceptualisation du travail et marquer une étape décisive dans l’évolution des conceptions du travail que les conférences des statisticiens du travail ultérieures ont déjà commencé à traduire en concepts opérationnels pour la collecte et la mesure. A l’heure actuelle, l’emploi informel se définit par les caractéristiques de l’emploi occupé, en l’occurrence le non enregistrement ou l’absence de protection sociale (emplois non protégés), le secteur informel (défini par les caractéristiques de l’unité économique dans laquelle travaille la personne) étant considéré comme une de ses composantes. Le tableau suivant résume de façon simplifiée la situation (pour une présentation plus complète et complexe, voir Hussmanns [2001] et [BIT, 2003a et b]. La catégorie (2) des emplois formels dans les entreprises du secteur informel (certains salariés peuvent y être protégés de même que certains travailleurs indépendants lorsque les systèmes de protection sociale leur ont été étendus) est une exception, alors que la catégorie (3) des emplois informels dans le secteur formel constitue tout l'enjeu du débat, puisqu’il s’agit de l’externalisation des emplois dans le secteur formel. Schéma 1 : Composantes du secteur informel et de l’emploi informel. Emploi Entreprise
Formel Secteur formel (2)
Formelle Informelle
Informel (3) Secteur informel
Economistes et chercheurs en sciences sociales doivent ainsi se garder d’ignorer ou de sous estimer l’importance et le rôle des concepts statistiques de population active. Et il devrait en être de même des organisations représentatives des travailleurs. Celles-ci se sont jusqu’à présent montrées très réservées à l’égard de concepts qui aboutissent à montrer que le salariat traditionnel - à la défense des intérêts desquels les syndicats se sont consacrés - n’est en fait qu’une catégorie minoritaire et privilégiée, car « protégée », de la main d’œuvre. En revanche, on ne s’étonnera pas que les représentants des employeurs soient opposés à la reconnaissance d’un emploi informel lié aux entreprises du secteur formel, c’est-à-dire d’un retour du « putting out system ». Le contournement des systèmes de protection sociale est devenu si général, de la part des employeurs comme de la part des travailleurs qu'on ne peut s'empêcher de penser que dans beaucoup de pays le système est perçu comme une taxe plutôt que comme une assurance, la prime d'assurance que représentent les charges sociales n'ayant guère de contrepartie dans un système de sécurité sociale peu performant: parmi les bénéficiaires des diverses formes de protection sociale, un certain nombre d'assurés verront leurs revenus baisser considérablement en cas de maladie ou de maternité dans la mesure où les indemnités de traitement versées seront calculées sur le salaire de base déclaré pour le paiement des
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cotisations, c’est-à-dire le salaire minimum. La question n’est plus alors simplement de savoir si la personne bénéficie d’une ou de plusieurs formes de protection sociale, mais si la qualité de ces formes de protection sociale est acceptable : l’indemnisation des congés maladie ou maternité peut être purement fictive si le salaire minimum sert de base de calcul, et les services médicaux gratuits peuvent être aussi purement fictifs si la médecine hospitalière doit faire l’objet de rémunérations occultes sous peine d’être inexistante. Il peut bien se faire alors que les charges sociales soient envisagées tant par les salariés que par les employeurs comme une forme d’impôt dont on ne perçoit pas concrètement le retour ou le bénéfice, plutôt que comme une forme d’assurance. Dès lors on peut comprendre que l’accord intervenant sur le marché du travail s’opère sur un salaire nominal en espèces minimisant le prélèvement en écartant toute contribution ou en basant la contribution sur le minimum que constitue le salaire minimum. On peut finalement considérer que ces concepts d'emploi informel et de secteur informel simplifient nécessairement – et de façon excessivement dichotomique (dualiste) – une réalité qui est par nature multiforme et constitue un continuum, mais c’est le prix d’une collecte comparative et fiable à grande échelle. De réels progrès ont été faits dans le champ de la mesure de la population active qui est traditionnellement – et pour des raisons faciles à comprendre – la moins bien connue des variables démographiques. 3) Les méthodes de mesure et d’estimation du secteur informel et de l’emploi informel L’adoption de la nouvelle définition internationale du secteur informel a donné un grand élan aux méthodes d'estimation et d'enquête sur ce secteur dans les diverses régions du monde. Les chiffres globaux sur la taille du secteur (en termes de nombre d'emplois et de part de population active) et sa contribution (en termes de production, de valeur ajoutée, de revenus et de part du PIB) ont maintenant été rendus disponibles pour de nombreux pays, parfois pour des séries temporelles et au moins sur plusieurs années au cours des deux décennies antérieures. Ainsi l’intérêt suscité et les progrès récents font espérer que de plus en plus de données pourront être désagrégées par sous-secteur, par industrie, par statut dans l'emploi et par-dessus tout par sexe. En pratique, les critères de la définition du secteur informel et de l’emploi informel sont très opérationnels dans la mesure où les recensements de population et les enquêtes Emploi collectent habituellement des informations sur le statut dans l’emploi et la branche d'activité et permettent ainsi l’identification des travailleurs à compte propre et plus largement des travailleurs indépendants, ce qui représente une bonne approximation de la première souscatégorie du secteur informel (i.e. les travailleurs à compte propre et les travailleurs familiaux). Cependant, ce type d'estimation n’intègre pas le second élément (les salariés permanents du secteur informel). Les estimations globales du secteur informel doivent, pour être réalisées, disposer d’au moins un des critères mentionnés pour l'identification des salariés informels. Pourtant, les critères de statut juridique ou légal, de comptabilité, de nombre de personnes employées et d'enregistrement sont communément utilisés pour définir le champ des enquêtes qui ont pour objectif de couvrir le secteur formel et sont habituellement disponibles dans ces enquêtes et ces sources. Ces critères sont d’ailleurs généralement enregistrés dans les enquêtes sur les entreprises formelles, puisque les estimations indirectes du secteur informel s'appuient sur la comparaison de différentes sources.
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De plus, ces critères sont faciles à obtenir de la part des employeurs et des travailleurs à compte propre dans les enquêtes auprès des ménages et sont actuellement de plus en plus souvent collectés dans ces enquêtes. Mais cela est moins certain en ce qui concerne les autres membres de la population active (salariés, travailleurs familiaux qui sont des travailleurs dépendants et, en tant que tels, peuvent ne pas être parfaitement au courant des caractéristiques de l'entreprise dans laquelle ils travaillent). Malgré leurs défauts et leurs faiblesses, les estimations indirectes restent ainsi un moyen courant, largement utilisé et utile pour obtenir des indicateurs macro et sectoriels sur le secteur informel et l'emploi informel. La disponibilité des enquêtes sur le secteur informel, particulièrement du type "enquêtes mixtes", est toutefois la meilleure source pour mesurer le secteur informel. Les avantages et les inconvénients de ces deux approches, qui sont plus complémentaires que concurrentes, seront présentés. 3.1) Méthodes d'enquête sur le secteur informel 3.1.1) Enquêtes auprès des ménages A la suite de l'adoption de la définition de 1993, les enquêtes auprès des ménages, et particulièrement les enquêtes mixtes (ménages x entreprises), ont été recommandées comme meilleur moyen pour appréhender le secteur informel. L'utilisation des enquêtes mixtes a certes débuté avant l'entrée en vigueur de la nouvelle définition et certains pays africains (Mali 1989) ou d'Amérique Latine (Mexico 1989) y ont eu recours avant 1993: elles constituent le moyen actuellement utilisé par les procédures d'échantillonnage pour étendre à un troisième degré (et à une troisième unité d'observation) la méthode classique d'échantillonnage à deux degrés: les aires d'énumération sont sélectionnées au premier degré, puis les ménages au second degré, et finalement les entreprises au troisième degré. Le principe de ces enquêtes repose sur la sélection d'un échantillon représentatif de ménages et, parmi ces ménages sélectionnés, sur l'identification des travailleurs indépendants et des employeurs qui, en fonction des critères de la nouvelle définition, appartiennent au secteur informel. À ce stade, deux méthodes différentes ont été expérimentées : la première administre le questionnaire d'entreprise immédiatement après l'identification des membres du ménage impliqués dans les activités du secteur informel; la seconde administre ce questionnaire à un second stade, après avoir enregistré avec soin l’adresse de l’entreprise à moins que celle-ci ne s’exerce dans le ménage lui-même (travail à domicile) ou puisse être difficile à localiser après quelque temps (vendeurs ambulants, activités mobiles, travail sur des chantiers de construction, transport). L'écart entre les deux approches n'est en réalité pas si grand, puisque de nombreux retours sont nécessaires quand, lors du premier et théoriquement unique entretien, le répondant concerné est absent, se trouvant sans doute au travail. Il peut alors apparaître que la manière la plus simple de remplir le questionnaire est de joindre l'opérateur du secteur informel sur son lieu de travail. Les enquêtes mixtes peuvent revêtir trois formes différentes, suivant le type d’enquête auprès des ménages auxquelles le questionnaire d'entreprise sera rattaché : - L’enquête Emploi (ou un équivalent plus court) est la procédure la plus commune et la plus logique qui a été la plus largement utilisée jusqu'à maintenant (Mexique, 1989; Mali, 1989 et 1996; Niger 1994; Tanzanie, 1994; Kenya, 1999, Maroc, 2000, Inde, 2000) en raison de sa
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commodité et de son adéquation avec les questions devant être étudiées. Lorsqu'ils s'intéressent à la mesure de la population active et des activités économiques, les statisticiens recherchent l’exhaustivité de leur approche et doivent vérifier et prendre pour acquis que toutes les entreprises informelles sont correctement et exhaustivement enregistrées, qu'elles soient à domicile ou ambulantes, principales ou secondaires, permanentes, occasionnelles ou saisonnières, exercées par des travailleurs indépendants ou dépendants (comme deuxième emploi). Il s’agit là d’un objectif typique des enquêtes Emploi et une enquête mixte qui ne s'intéresserait pas à ces questions pourrait passer à coté de la finalité de cette approche. - Les enquêtes sur les revenus et les dépenses des ménages (ou les enquêtes budgetconsommation, ou de niveau de vie) peuvent constituer une alternative dans la mesure où elles satisfont à la question précédente d’exhaustivité. De plus, les données sur les revenus et les dépenses des ménages sont grandement améliorées par la collecte de données sur les revenus provenant des entreprises tandis que la connaissance des niveaux de vie des ménages rend plus facilement compréhensible le comportement socio-économique des entreprises. Ce type d'enquête mixte a été réalisé au Tchad en 1995, et les enquêtes de la Banque mondiale (conduites et répétées dans un grand nombre de pays) sur la dimension sociale de l'ajustement (DSA) de même que des études sur la mesure des niveaux de vie (LSMS) peuvent être classées parmi ce type d'approche bien qu’elles n’aient collecté de données que sur les deux principales activités informelles non agricoles des ménages. - La première étape des enquêtes mixtes a parfois été réduite à une simple liste des membres des ménages engagés dans une activité indépendante, comme dans l'enquête de base des micro et petites entreprises du Kenya (1993 et 1995). Cette approche évolue logiquement vers l'approche par l'enquête Emploi (Kenya, 1999). Le choix entre ces trois types d'approche a souvent été une question d'opportunité, dépendant des priorités nationales de collecte des données et de la prise de conscience et de la volonté des autorités statistiques et politiques de mener de telles enquêtes. Une mention spéciale doit être faite pour une enquête mixte en trois phases combinant l'approche de la population active (première phase), l'approche du secteur informel (seconde phase) et l'approche de la consommation et des dépenses des ménages (troisième phase) conduite au niveau de la capitale à Yaoundé (1993, l994), et à Antananarivo (1995,1996) puis des principales villes malgaches (2000) et enfin des capitales des pays d'Afrique de l'Ouest (2002-2004) par Afristat. Parmi les avantages des enquêtes mixtes deux méritent d’être soulignés : l'objectif d’exhaustivité dans le dénombrement des entreprises informelles, et l’importance accordée dans l'enquête, à la collecte des données sur la production, la valeur ajoutée et les revenus générés par les entreprises. Lorsque des enquêtes emploi (non mixtes) sont utilisées pour la collecte et la fourniture de données sur le secteur informel, elles ne peuvent remplir que le premier de ces deux objectifs. Et l’une de leurs faiblesses principales est que les caractéristiques de l'entreprise ne sont habituellement pas très bien connues des travailleurs dépendants, de sorte que la classification de cette partie de la population active (les salariés) est en quelque sorte biaisée par la fiabilité incertaine des réponses ou par un taux élevé de non réponses aux questions portant sur les caractéristiques des entreprises. Cependant plusieurs années d'expérience ont montré que la plupart des pays d'Amérique Latine arrivent à fournir avec succès des chiffres annuels sur la
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taille et la structure du secteur informel, de même que sur les tendances des deux décennies écoulées. La Thaïlande a adopté la même approche depuis 1994. 3.1.2) Enquêtes d'entreprise ou d'établissement Les recensements d'établissement (et les enquêtes par sondage qui leur sont consécutives) sont habituellement perçues comme une approche dépassée pour des enquêtes sur le secteur informel. Et le fait est qu'elles n’arrivent pas à appréhender la diversité des activités du secteur informel, l'approche ne se faisant pas par les ménages, ce qui explique pourquoi les enquêtes mixtes sont maintenant préférées et recommandées. Cependant, l’expérience de plusieurs pays dans l’utilisation de l'approche par les établissements devraient nous convaincre de ne pas rejeter systématiquement cette méthodologie, même lorsqu'elle est insuffisante pour une couverture complète. L'Egypte conduit régulièrement des recensements d'établissements tous les dix ans, en parallèle avec les recensements de population, et cette simultanéité est en elle-même très instructive pour la connaissance et la compréhension du secteur informel. La Tunisie a aussi réalisé un tel recensement au niveau national (1975 et 1982) mais préfère maintenant mettre en place et mettre à jour un répertoire national d'établissements. Jusqu'à récemment, l'Inde réalisait régulièrement des sondages aréolaires sur les établissements pour couvrir le secteur dit “ non organisé ”: elle conduit maintenant une enquête mixte et teste la définition internationale du secteur informel. À un niveau moins large (les capitales), de nombreux pays ont eu recours aux recensements d'établissements pour construire une base de sondage pour conduire des enquêtes sur les établissements et les entreprises. Malgré ses faiblesses, cette approche ne devrait pas être trop rapidement vouée aux gémonies, pour au moins trois raisons qui peuvent justifier son utilisation lors de la poursuite de certains objectifs: tout d’abord c’est la méthode qui a permis de tester les améliorations dans l’enregistrement des revenus d'entreprise (durée et adaptation de la période de référence, variations saisonnières, questions indirectes pour la détermination des niveaux de revenus, etc.) mais de tels progrès peuvent être aisément intégrés aux enquêtes mixtes, bien que cela ne soit pas toujours observé. C'est aussi la seule méthode qui permette d'éclairer ce qu'il est convenu d'appeler le “ missing middle” ou secteur intermédiaire manquant, défi récurrent posé à la théorie économique du secteur informel: si l’on s’en tient à une hypothèse couramment admise, il n'y aurait aucune possibilité de transition du secteur informel au secteur formel, puisque aucun secteur intermédiaire n’est actuellement observé dans les enquêtes. Le recensement d’établissements tunisien de 1982 a prouvé que ce chaînon manquant était une illusion statistique: le secteur intermédiaire est composé de petits établissements qui se déclarent habituellement et sont en fait enregistrés comme indépendants. Enfin ce sont les seules sources qui, jusqu'à maintenant, ont collecté et fourni les données détaillées sur une catégorie très spécifique du secteur informel, celle des vendeurs ambulants: en réalité, plusieurs recensements d'établissements ont étendu leur champ aux vendeurs ambulants (Bénin, 1992, parmi d'autres) et se sont révélés être une source majeure de données pour ce segment qui mérite l'intérêt des pouvoirs publics. C'est pourquoi, en fonction des circonstances nationales (par exemple l'existence d'une large catégorie d'employeurs informels) et des besoins statistiques exprimés par les utilisateurs (la volonté de soutenir cette sous-catégorie du secteur informel), les recensements d’établissement ont encore un important rôle à jouer dans les stratégies mises en œuvre pour
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mesurer le secteur informel. Le Maroc qui vient de réaliser une enquête mixte (2000) est d’ailleurs en train de réaliser un recensement général des établissements. 3.2) Méthodes de mesure indirecte. A l'exception des pays d'Amérique Latine et de quelques pays asiatiques (comme la Thaïlande) qui ont été en mesure de générer des estimations annuelles du secteur informel à partir de leurs enquêtes permanentes sur l'emploi, la plupart des pays ont toujours recours à des estimations indirectes pour mesurer la taille et surtout la contribution du secteur informel à l'économie, bien que pour certains d'entre eux des chiffres directs soient occasionnellement disponibles, pour peu qu'il existe une enquête sur le secteur informel. Les méthodes d'estimation indirecte sont basées sur la technique du solde qui consiste à choisir une définition spécifique du secteur informel (par exemple l'enregistrement ou le nombre de personnes employées) à partir de laquelle sera déduite la taille du secteur en comparant une source exhaustive de l'emploi (recensement ou enquête par sondage) avec une source de l'enregistrement du secteur formel (répertoire, enquête d'entreprises). En ce qui concerne la population active, l'objectif principal est de segmenter la population des salariés dénombrés dans les recensements ou les enquêtes Emploi, de manière à déterminer ceux qui appartiennent au secteur informel (entreprises d’employeurs informels) et ceux qui appartiennent au secteur moderne. Il est en fait pratiquement impossible d'appliquer strictement le concept de secteur informel, dans la mesure où les enquêtes n'incluent pas généralement des questions portant sur l'unité économique dans laquelle travaille la personne occupée. Il faut alors faire des comparaisons avec les sources sur les établissements ou entreprises (enquêtes ou enregistrements administratifs). Des hypothèses sont en conséquence nécessaires pour formuler des estimations. La source exhaustive (recensement de population ou enquête Emploi) peut faire une distinction entre les employés occasionnels et permanents, alors que la source de l'enregistrement ne révèle quasiment jamais cette distinction, ou ne peut pas compter les travailleurs occasionnels. C'est pourquoi, dans le secteur formel, l'emploi est limité aux emplois permanents. D'où le risque d’attribuer au secteur informel des employés temporaires ou occasionnels, des apprentis et des travailleurs familiaux qui peuvent appartenir au secteur formel. Mais de plus, le nombre d’entreprises du secteur moderne sera confondu avec le nombre d'employeurs du secteur informel car il est encore plus difficile de segmenter cette catégorie. Quel que soit le niveau de détail apparaissant dans la source exhaustive, le choix de la source d'enregistrement sera en général limité, dans un pays donné, à l’un des cas suivants : - les chiffres portant sur les employés permanents vont provenir soit d'un questionnaire complémentaire distribué aux entreprises qui ont rempli la déclaration statistique et fiscale (DSF) - dont les résultats ne sont pas toujours utilisés ni disponibles (par exemple dans le cas du Niger) - soit du registre des entreprises (Tunisie, 1997), - les chiffres des employés permanents seront tirés d'un recensement ou plutôt d'une enquête visant à l’exhaustivité pour le secteur formel (par exemple au Burkina Faso, ou au Bénin),
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les salariés sont ceux qui sont enregistrés à la Caisse de Sécurité Sociale, à condition que les travailleurs domestiques puissent être distingués et que les travailleurs saisonniers enregistrés (particulièrement dans la construction et les travaux publics) ne viennent pas gonfler les chiffres de façon erronée (par exemple pour la Mauritanie), - les chiffres de travailleurs salariés et non salariés sont ceux des entreprises ou établissements dont la taille dépasse un certain seuil (conformément à la définition adoptée), lorsqu'un recensement des établissements est disponible (Guinée, Bénin, Mauritanie, Tunisie, 1982). Il y a donc, dans la plupart des cas, au moins une source qui peut être utilisée. Le degré d'approximation dépendra de la qualité de la source utilisée. Ce serait cependant une erreur de rejeter la technique du solde en raison du manque de fiabilité de ces approximations: la distribution des travailleurs familiaux, des apprentis et des employeurs ne porte que sur des nombres réduits. Il reste cependant le problème de la catégorie des travailleurs occasionnels ou temporaires qui, dans toute situation, et même dans le cadre d’enquêtes directes, est difficile à identifier. Par exemple les ouvriers du secteur de la construction sous-traitant des contrats pour des entreprises oeuvrant dans le secteur formel, courent toujours le risque d'être enregistrés comme travailleurs extérieurs à ces entreprises, alors qu'ils se considèrent euxmêmes comme travailleurs indépendants du secteur informel dans les enquêtes auprès des ménages. Mais les situations inverses peuvent aussi se produire. La technique du solde peut aussi être utilisée pour estimer la contribution du secteur informel au PIB et consiste alors à comparer la valeur ajoutée par branche d'activité dans les comptes nationaux avec la valeur ajoutée dans le secteur formel de cette même branche d'activité telle qu'elle apparaît dans les sources statistiques utilisées. Mais à moins que les comptables nationaux n'aient été en situation d'utiliser les résultats d'enquêtes récentes sur le secteur informel (et cela n’implique pas seulement la disponibilité de tels résultats, mais cela implique également que les comptes nationaux aient été élaborés pour une nouvelle année de base), la comparaison entre l’estimation indirecte de l'emploi dans le secteur informel et l'estimation indirecte de sa contribution au PIB n’aboutit qu’à un raisonnement circulaire: une faible productivité et un faible revenu par tête dans le secteur informel résultent simplement de l'hypothèse initiale formulée d’après les théories économiques ambiantes plutôt que sur la base de preuves empiriques. En conclusion, les méthodes indirectes fournissent plutôt une estimation de l’emploi informel dans son ensemble, dont le secteur informel n’est qu’une composante. L’intérêt de la méthode devient alors évident : en comparant l’emploi informel avec l’emploi dans le secteur informel, on fait ressortir l’emploi externalisé non déclaré par le secteur formel. Pour plus de détails sur la méthode, voir [Charmes, 2001]. A l’heure actuelle, il n’existe pas de méthode idéale et l’on observe plutôt dans le monde une combinaison des diverses méthodes, en fonction des circonstances nationales et des données disponibles. Pour l’économiste, le statisticien du travail et le comptable national, les besoins essentiels consistent en la mesure d’une part, de l’ampleur du phénomène dans sa globalité et dans sa diversité, non seulement en termes d’emploi, mais aussi de contribution au Produit et aux revenus, d’autre part de l’évolution de ces phénomènes à court et à moyen terme. Aucune méthode singulière ne peut satisfaire l’ensemble de ces besoins : c’est bien dans la combinaison des méthodes qu’il faut rechercher les solutions.
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Les expériences réalisées dans le monde depuis une quinzaine d’années permettent certaines constatations et montrent les orientations suivantes : - une tendance à inclure de façon systématique dans les enquêtes annuelles ou régulières sur l’emploi, des questions permettant de relever les critères de définition du secteur informel, de l’emploi informel, et de leurs composantes, en vue de mesurer leur évolutions différentielles. - l’élaboration par les Systèmes de Comptabilité Nationale de matrices d’inputs en travail dans le but de rendre compatibles et cohérents les évaluations de la production et les effectifs ou la quantité de main d’œuvre qui y a contribué : ce sont bien ici les méthodes indirectes qui sont utilisées et leurs résultats seront d’autant plus précis et fiables que des enquêtes mixtes ou des recensements d’établissements seront disponibles. Et c’est la complémentarité des approches qui est recherchée. - un certain essoufflement des enquêtes mixtes, du fait de leur coût, de la complexité de leur mise en œuvre (simultanéité des deux phases, et à défaut difficulté à retrouver les établissements), et aussi du fait que les méthodes indirectes montrent toujours que les enquêtes ne parviennent pas à couvrir la totalité des catégories de l’emploi informel, et en particulier les formes de travail salarié à domicile (en sous-traitance). 4) Secteur informel et emploi informel : Importance, caractéristiques et contribution au PIB et à la formation des revenus. Nulle part, les créations d’emploi n’ont été capables d’absorber les surplus de main d’œuvre libérés par des taux de croissance de la population active proches de 2% dans les pays en développement et bien supérieurs aux taux de croissance de la population dans les pays africains. Et dans toutes les régions, les taux de chômage ont explosé, atteignant et dépassant généralement le taux de 10% avec une forte composante de sous emploi il est vrai, dans les pays où le chômage n’est pas indemnisé. La création d’emploi non salarié a par conséquent été le moyen par lequel un équilibre a pu être atteint sur les marchés du travail des pays en développement mais aussi des autres régions. 4.1) L’auto-emploi non agricole a augmenté à l’échelle mondiale au cours des trois dernières décennies. Le travail indépendant au sens large d'auto-emploi est l'une des principales composantes de l'emploi informel et du secteur informel. Le tableau 1 ci-après montre les tendances de l’auto-emploi non agricole au cours des trois dernières décennies. Ces estimations sont basées sur des compilations personnelles des recensements de population et des enquêtes de population active publiés au niveau national ou dans les annuaires statistiques internationaux et, pour la période la plus récente, sur les résultats des enquêtes nationales rassemblés par le bureau statistique du BIT. Les données de près d’une centaine de pays dans toutes les régions du monde ont été passées en revue. Ce travail a été entrepris dans le cadre du programme du BIT sur « l’amélioration de la qualité de l’emploi des femmes ». Dans toutes les régions du monde, sauf en Asie du Sud-Est (région qui a connu un processus d’industrialisation rapide dans la période récente jusqu’à la crise financière de 1997 qui a brutalement interrompu le processus et dont les conséquences ne sont pas prises en compte
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dans la présente statistique), et en Europe du Nord, la proportion de l’auto-emploi non agricole (c’est-à-dire de l’emploi non salarié : travailleurs indépendants, aides familiaux non rémunérés et employeurs) a constamment augmenté tout au long des trois dernières décennies. De 33,4% dans les années 1970, l’auto-emploi est passé dans les années 1990 à 43,7% de l’emploi non agricole en Asie du Sud, de 23 à 34% en Afrique du Nord, de 28,8 à 37,8% en Amérique Latine, et de 3,5 à 8,5% dans les pays en transition d’Europe de l’Est (qui étaient partis d’un régime de salariat quasiment universel en dehors de l’agriculture) et même de 20,9 à 25% en Europe du Sud (méditerranéenne). De sorte que dans la période actuelle, l’auto-emploi non agricole représente près du tiers de l’emploi total non agricole en Asie, 2/5 en Amérique Latine, 1/6 en Europe (mais 1/4 en Europe du Sud) et 1/10 en Amérique du Nord. L’Afrique sub-saharienne se taille la part du lion avec une proportion passant de 29,6 dans les années 1970 à 66,9% dans les années 1990 c’est-à-dire plus des 2/3 de l’emploi non agricole. Au niveau mondial, l’auto-emploi est passé de moins de 1/4 (22,6%) à 28,4% de l’emploi en dehors de l’agriculture. Un tel chiffre peut être considéré comme une approximation minimale de l’emploi dans le secteur informel dont il est la principale composante. Au niveau national, la croissance la plus forte de cette composante de la population active et du secteur informel au cours de la dernière décennie a été observée en Pologne, un pays qui s'est engagé résolument et rapidement dans le processus de privatisation (4,2% dans les années 1980, 15,9% dans les années 1990), en Italie, un pays bien connu pour son tissu de petites entreprises familiales particulièrement dans ses régions du Nord (de 19,7% à 30,8% au cours de la même période, croissance exceptionnelle pour un pays développé), en Tunisie où les petites industries jouent un rôle majeur dans le processus d’industrialisation en cours et au Brésil (20,9 à 32%), en Equateur (39,9 à 49,4%) et au Venezuela (26,8 à 35,3%). Pour ce qui est de la part de l’auto-emploi dans l’emploi non agricole des femmes, il ressort des données présentées qu’elle a également augmenté au cours des trois dernières décennies et dans les mêmes régions, mais de façon moins marquée. A l’heure actuelle, l’auto-emploi représente près de 1/3 de l’emploi féminin non agricole en Amérique Latine, 2/7 en Asie, 1/4 en Afrique du Nord et 1/5 en Europe du Sud. Ici encore l’Afrique sub-saharienne se distingue : pour les femmes, l’auto-emploi représente la plus grande part de l’emploi non agricole passant de 43% dans les années 1970 à plus des 5/6 (88,4%) dans les années 1990. De nombreux indices montrent que cette tendance s’est poursuivie au cours de la période la plus récente. Au contraire en Asie de l’Est et du Sud-Est, la part de l’auto-emploi dans l’emploi féminin a légèrement diminué comme conséquence du processus d’industrialisation qui a pu transformer nombre de ces travailleuses indépendantes en travailleuses à domicile rémunérées à la pièce, situation encore plus vulnérable. Ainsi, la part des femmes en auto-emploi représenterait près des 2/7 de l’emploi non agricole féminin dans les années 1990 (contre 1/4 dans les années 1970). Au niveau national, la baisse la plus importante est observée pour Mexico (de 44,3 à 19,8% sur la dernière décennie) et en Thaïlande (de 42,5 à 36,8%), sans doute en raison de l’accroissement du travail à domicile sous la forme du « putting out system » qui insère les femmes sur le marché du travail tout en les maintenant dans leur domicile. Ailleurs, et spécialement dans ces pays où l’auto-emploi dans son ensemble s’est rapidement accru, la part des femmes auto-employées a fortement augmenté : en Pologne (de 1,9 à 9,4%), en Italie et au Portugal (de 17,2 à 30,2% et de 9,9 à 16% respectivement), au Brésil, en Equateur et au
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Chili, mais aussi en Suède et au Royaume Uni (de 1,1 à 7,5% et de 3,9 à 8% respectivement), de tels changements traduisant la variété des modes d’insertion sur le marché du travail. Même si ces tendances sont en partie dues aux progrès dans la mesure des activités féminines ou encore à l’extension de la définition de l’activité économique (ou du moins sa meilleure compréhension par les agents de collecte), elles sont aussi significatives de l’entrée des femmes sur le marché du travail en des temps d’ajustement structurel et de nécessité d’entreprendre des activités marchandes pour gagner sa vie et maintenir le niveau de vie du ménage. On peut remarquer que dans les pays en développement, sauf en Afrique sub-saharienne, l’auto-emploi représente 1/4 à 1/3 de l’emploi industriel, contre 1/2 à 2/3 dans le commerce et 1/4 pour les services. Ces proportions sont beaucoup plus élevées en Afrique sub-saharienne où l’auto-emploi représente plus de 50% de l’emploi industriel et plus de 4/5 de l’emploi dans le commerce. Comme on pouvait s’y attendre, c’est dans le commerce que les femmes s’auto-emploient principalement, avec des variations régionales claires (9/10 de l’emploi dans le commerce en Afrique, les 2/3 en Asie , la moitié en Amérique latine et en Afrique du Nord, et 1/4 en Europe. Dans l’ensemble, les travailleurs indépendants et les employeurs représentent plus de 78% de l’auto-emploi dans son ensemble, cependant les taux d’activité féminins s’établissent à 40% en moyenne contre 62% pour les hommes.
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Tableau 1: Part de l’auto-emploi (travail indépendant) dans la population active occupée non agricole par sexe et secteur d’activité, % de l’auto-emploi dans % de l’auto-emploi dans % de l’auto-emploi dans % de l’auto-emploi dans % de l’auto-emploi dans la population active non la population active non l’industrie le commerce les services agricole agricole féminine Années Années Années Années Années Années Années Années Années Années Années Années Années Années Années 1970 1980 1990 1970 1980 1990 1970 1980 1990 1970 1980 1990 1970 1980 1990 11,8 11,8 13,7 10,4 9,7 11,1 8,2 9,3 10,6 22,9 21,4 20,9 8,1 7,4 8,8 Régions Développées Europe de l’Est 3,5 3,4 8,5 3,5 2,7 6,0 4,2 4,8 6,5 1,2 2,3 14,7 2,7 1,8 6,0 Europe de l’Ouest 13,3 12,4 15,8 11,3 9,7 12,8 9,6 10,2 13,5 30,5 26,9 28,0 9,6 8,1 10,4 Europe du Nord 9,4 6,8 8,5 7,1 5,2 6,4 7,3 5,6 7,7 18,6 13,9 15,1 7,5 5,2 6,9 Europe du Sud 20,9 21,6 25,0 17,5 16,7 21,2 15,2 18,1 19,4 48,7 47,8 45,4 14,1 13,1 14 ,5 Europe de l’Ouest 11,6 10,9 12,2 10,8 8,9 9,0 8,4 9,3 11,7 31,2 25,8 21,1 8,4 7,3 9,0 Autres pays développés 10,0 10,7 10,8 9,7 9,8 9,1 7,5 9,5 10,7 17,4 16,3 13,9 8,1 8,5 10,0 28,3 48,1 54,6 38,1 59,3 62,8 32,3 49,1 39,8 58,3 74,6 66,1 16,4 21,5 24,9 Afrique Afrique du Nord 23,0 18,8 34,0 15,2 15,2 25,9 19,1 21,6 25,1 55,0 53,9 64,8 7,4 9,4 18,5 Afrique sub-saharienne 29,6 54,9 66,9 43,8 70,3 81,2 35,6 56,0 48,6 59,2 79,8 66,9 18,8 24,2 28,7 Afrique orientale 27,5 61,0 40 ,4 79,3 35,0 61,2 12,9 Afrique Centrale 34,1 58,4 72,5 54,9 80,4 96,4 47,5 53,2 64,8 73,9 86,1 88,4 11,6 11,4 28,0 Afrique Australe 12,6 16,8 22,6 21,8 28,5 28,9 7,1 12,4 8,9 33,7 46,6 29,4 16,6 6,7 10,4 Afrique de l’Ouest 40,0 70,0 79,7 48,4 86,1 88,6 44,3 79,1 95,5 59,5 93,2 98,7 32,6 41,6 66,6 28,8 30,2 37,8 28,6 29,2 32,1 32,2 27,0 33,0 57,5 50,4 55,1 15,3 20,6 23,3 Amérique Latine Amérique Centrale 25,1 29,9 25,4 25,2 22,2 18,4 32,7 25,9 26,5 50,2 51,2 45,9 12,4 18,6 17,3 Amérique du Sud 28,6 29,8 41,4 28,0 29,8 36,0 28,6 25,8 34,8 57,9 51,2 57,7 16,6 22,5 25,0 Caraïbe 42,8 41,2 42,9 41,0 46,1 33,4 81,4 41,2 19,6 18,3 28,6 29,7 31,9 27,9 26,7 28,7 34,4 27,5 26,7 68,2 67,3 62,2 18,8 19,9 22,2 Asie Asie de l’Est 19,9 24,6 21,0 21,0 23,1 19,8 13,8 13,4 12,7 51,9 51,3 36,3 26,7 25,3 30,0 Asie du Sud-Est 30,4 31,0 29,4 35,7 34,0 32,6 28,2 26 ,6 18,3 71,6 67,0 58,2 43,7 39,1 29,6 Asie du Sud 33,4 35,3 43,7 30,8 30,1 35,0 42,9 42,3 53,1 76,5 79,6 77,8 15,6 18,4 20,2 Asie de l’Ouest 24,3 23,1 24,9 19,8 14,1 17,8 44,1 19,7 23,2 68,3 69,3 63,2 14,9 15,5 15,8 MONDE 22,6 27,6 28,4 24,0 28,4 27,6 24,5 25,9 23,2 48,1 49,1 44,5 13,7 15,9 17,2 Source: Charmes [2002b], Charmes J., International compilation of population censuses and labour force surveys, Elaborated for ILO programme « Improving the quality of women’s employment ». Les chiffres résultent de moyennes non pondérées, calculées par région et par décennie.
4.2) Tendances de la population active, du chômage et de l’emploi informel au cours des deux dernières décennies. Le tableau 2 donne un aperçu des estimations indirectes de l’emploi informel dans divers pays et régions. Tableau 2: Tendances de la population active, du chômage et de l’emploi informel. Taux de croissance annuel Régions/Pays
Afrique du Nord Algérie Maroc Tunisie Egypte Afrique sub-Saharienne Afrique du Sud Bénin Burkina Faso Guinée Kenya Mali Mauritanie Mozambique Niger Sénégal Tchad Zaïre Zambie Amérique Latine (2) Argentine Bolivie Brésil Colombie Equateur Mexique Paraguay Venezuela Asie Inde Indonésie Pakistan Philippines Thaïlande Iran
PNB par tête 1980-93 1,0 -0,8 1,2 1,2 2,8 -1,4 -0,2 -0,4 0,8 0,3 -1,0 -0,8 -1,5 -4,1 -0,1 3,2 -0,4 -0,5 -0,7 0,3 1,5 1,5 -0,5 -0,7 -0,7
Population active 1980-95 3,0 3,8 2,6 2,8 2,5 2,5 2,6 2,7 2,0 2,2 3,3 2,4 2,2 1,6 3,0 2,7 2,3 2,9 3,0 1,6 2,6 2,6 3,5 3,4 3,2 2,9 3,3 1,9 1,9 2,8 3,1 2,7 2,2 3,3
3,0 6,8 3,1 -0,6 6,3 -0,2
Taux de chômage urbain ou national* Années 1990 15,8 (1) 20,5* 12,0* 16,8* 14,0* 16,0 (1) (4) 29,3 10,1 12,3 16,2 9,9 31,6
Taux d’emploi informel (3) Années 1980
Années 1990
38,8 (1) 21,4 56,9 36,0 58,7 68,1 (1)
43,4 (1) 25 ,4
86,0 70,0 64,4 61,4 63,1 69,4
39,3 65,3 74,8 (1) (4) 18,9 92,8 77,0 71,9 71,6 78,6 75,3 73,5
62,9 76,0 74,2 59,6 8,1 (1) 18,8 3,6 4,6 9,0 6,9 6,3 5,6 10,3
6,1
52,3 (1) 47,5 56,9 52,0 55,2 51,2 55,5 61,4 38,8 53,0 76,2 39,2 39,0
0,4
57,4
58,3 56,9 (1) 53,3 63,6 57,6 55,5 53,5 59 ,4 65,5 46,9 64,2 80,8 77,9 64,6 66,9 51,4 43,5
Sources : Charmes [1999a et 2002b]. Les tendances de la population active sont tirées de World Bank [1997], et les tendances du PNB par tête de PNUD [1997]. Notes: (1) Moyennes arithmétiques non pondérées. (2) Estimations pour 1990 et 1995. (3) En proportion de la population active occupée non agricole. (4) Sans l’Afrique du Sud.
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En dépit de l’augmentation généralisée des taux de chômage, la croissance de l’emploi informel s’observe pratiquement partout et a été particulièrement rapide dans toutes les régions. En près d’une décennie (9 années en moyenne pour les observations effectuées), l’emploi informel a augmenté de 6,7 points de pourcentage en Afrique sub-saharienne, 4,6 points en Afrique du Nord, et 11 points en Asie. La tendance est un petit peu moins affirmée en Amérique Latine, mais elle ne porte que sur 5 années (de 1990 à 1995). Les pays qui ont connu une croissance de l’emploi informel supérieure à la moyenne sont l’Egypte en Afrique du Nord, le Mali et la Guinée en Afrique sub-saharienne, le Venezuela, la Bolivie, l’Argentine et le Brésil en Amérique Latine. Dans l’ensemble, l’emploi informel se caractérise par un comportement contra-cyclique, et c’est même un possible critère de sa définition : il croît et s’étend lorsque le cycle économique est orienté à la baisse et il diminue et rétrécit lorsque le cycle est à la hausse. C’est bien l’observation générale que l’on peut faire à partir du tableau 2. Cependant les retournements de tendance ne sont généralement pas immédiats et mettent un certain temps à prendre effet : plusieurs années sont nécessaires avant que les opérateurs de l’économie informelle n’en reviennent à des pratiques plus officielles et conformes aux cadres institutionnels en place. De ce point de vue, l’examen de l’évolution différentielle des composantes de l’emploi informel est intéressant : les micro-entreprises (entreprises d’employeurs informels employant des salariés permanents) et les entreprises familiales (dont l’auto-emploi permet l’approximation). Le premier de ces segments ayant plutôt tendance à être pro-cyclique, cependant que le second serait plutôt anti-cyclique. Les données du BIT sur l’Amérique Latine sont très significatives à cet égard, mais des recherches récentes sur l’Asie du Sud-Est touchée par la crise financière de 1997 [Charmes, 2001a] fournissent des résultats contre-intuitifs, indiquant que le secteur informel a plutôt eu un comportement pro-cyclique au cours de cette période, ne jouant pas son rôle d’absorption des surplus de main d’oeuvre rejetés par le secteur formel. C’est le secteur agricole qui a plutôt joué ce rôle. Mais cet exemple révèle aussi qu’une grande fraction du salariat constitué lors des années d’euphorie était en réalité très précaire, constituée de travailleurs à domicile payés à la pièce et qui ont été les premiers à faire les frais de l’ajustement. 4.3) Structures de l'emploi informel. Le tableau 3 ci-après fournit les effectifs employés dans le secteur informel stricto sensu : le nombre de pays est ici beaucoup plus faible que pour l’emploi informel, car un très grand nombre d’enquêtes mixtes n’ont porté que sur les capitales ou le seul milieu urbain, et non sur l’ensemble du pays. Le travail indépendant représente entre les 2/3 et les 8/9 de l'emploi dans le secteur informel dans son ensemble. Cela signifie que l'emploi salarié permanent y est résiduel (sauf dans les pays émergents où il peut concerner une fraction plus importante de l'emploi dans le secteur informel) et ne concerne en général qu'une population jeune qui vise à s'installer à son propre compte dès que possible et dès que l'opportunité se présentera: les statistiques disponibles montre que la population salariée dans le secteur informel est notablement plus jeune que la population salariée dans son ensemble.
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Tableau 3: Structures de l’emploi dans le secteur informel. % indépendants Régions/Pays Années dans le secteur informel Maroc 1999 83,2% Tunisie 1997 69,2% Afrique du Sud 2000 72,4% Kenya 1999 82,5% Mali 1996 88,9% Niger 1995 93,8% Tanzanie 1991 75,5% Brésil (urbain) 1997 82,9% Colombie (urbain) 2000 60,5% Mexico (national) 2000 69,0% Inde 1999-00 79,9% Turquie (urbain) 2000 84,6%
% salariés dans le secteur informel
% secteur informel dans l’emploi non agricole
16,8% 30,8% 27,6% 17,5% 11,1% 6,2% 24,5% 17,1% 39,5% 31,0% 20,1% 15,4%
39,0% 21,6% 18,8% 36,4% 94,1%
20,3% 14,2% 16,5% 14,6% 31,4% 19,5% 19,6%
60,7% 28,6% 68.8% 12,5%
60,0% 23,4% 20,0% 12,0%
% secteur informel dans l’emploi total
Source : Charmes [2001].
Mais ce que révèle le tableau 4 ci-dessous, c’est le poids énorme – et sans doute croissant – qu’occupe l’emploi non déclaré et non protégé dans l’ensemble de l’emploi informel. A côté des micro-entreprises et du travail indépendant qui constituent le secteur informel tel qu’il a été défini en 1993 et tel qu’il est considéré par des politiques compréhensives qui visent sa promotion, s’est développé, à la faveur de la mondialisation et de la poursuite d’un objectif de flexibilisation et d’abaissement des coûts du travail, un emploi non protégé qui reste encore largement invisible. Tableau 3: Emploi informel, emploi dans le secteur informel et emploi non déclaré: Inde, Mexique, Kenya, Afrique du Sud et Tunisie.
Emploi dans le secteur informel Emploi non déclaré Emploi informel Emploi dans le secteur informel Emploi non déclaré Emploi informel
Inde 1999-2000 %
Mexique 2000 %
Kenya 1999 %
Afrique du Sud 2000 %
Tunisie 1997 %
82,5
52,4
50,9
39,8
45,9
47,6 49,1 100,0 100,0 Part de l’emploi non agricole
60,2 100,0
54,1 100,0
17,5 100,0 68,8
28,6
36,4
18,8
21,6
14,5 83,3
26,0 54,6
35,2 71,6
31,8 50,6
25,5 47,1
Sources: Charmes [2001 et 2002b].
20
On voit ainsi les possibilités qu’ouvrent les débats actuels sur les concepts de « secteur informel » et d’ « emploi informel ». On s’éloigne de plus en plus de la dichotomisation simpliste dans laquelle, à tort ou à raison, on a trop longtemps cherché à enfermer ces concepts. Mais surtout ces estimations plus détaillées et plus soucieuses de la diversité de ces formes d’emploi sont importantes à prendre en considération lorsqu’on va s’intéresser à la contribution du secteur informel au PIB et à la formation des revenus des ménages. Car la valeur ajoutée des entrepreneurs individuels du secteur des ménages ne concerne que le seul secteur informel. Les emplois non déclarés demeurent largement invisibles pour deux raisons principales : d’une part ces travailleurs sont largement sous estimés parce que leurs activités sont saisonnières ou réalisées à titre secondaire et sont donc mal saisies par les enquêtes auprès des ménages ; d’autre part parce que ces travailleurs ne sont pas déclarés par les entreprises qui les emploient et que leurs salaires n’apparaissent donc pas dans la masse salariale (composante de la valeur ajoutée) mais dans les consommations intermédiaires des entreprises qui y ont recours en tant que services extérieurs (« outsourcing »). 4.4) Contribution du secteur informel au PIB. Le tableau 4 ci-après fournit les estimations de la contribution du secteur informel au PIB selon les données de base des Comptabilités Nationales. Il faut noter que c’est en Afrique que les efforts les plus importants ont été faits quant à l'estimation de la contribution du secteur informel au PIB. Cela n'est pas surprenant, étant donné la part énorme qu'occupe le secteur informel dans l'emploi non agricole total. Au cours des deux dernières décennies, l’emploi informel n’a cessé de s’accroître dans la population active non agricole. C’est en Afrique sub-saharienne que cette part est désormais la plus élevée avec près des 3/4 de l’emploi non agricole, suivie par l’Asie avec près des 2/3 de l’emploi non agricole. On s’achemine vers la moitié de l’emploi non agricole en Afrique du Nord et vers les 3/5 en Amérique Latine. Sur les 3 continents, le secteur informel représente près du quart du PIB et autour du tiers du PIB non agricole, estimations qui ne couvrent pas l’économie souterraine ou illégale, même si le secteur informel peut se trouver à leur intersection. Ces proportions sont légèrement plus élevées en Asie et plus faibles en Amérique Latine. Lorsque les estimations sont réalisées à partir des enquêtes et non à partir des comptes nationaux, on obtient des taux plus élevés, mais sans savoir quelle part est déjà prise en compte dans le PIB. Il convient ici de noter que les résultats des enquêtes sur le secteur informel ne constituent qu’un des éléments de l’approche des comptables nationaux qui peuvent être amenés à leur préférer – selon les branches d’activité – les données sur les dépenses par exemple.
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Tableau 4: Part du secteur informel dans le PIB total et le PIB non agricole de divers pays en développement. Pays (année) Afrique du Nord Algérie (1997) Tunisie (1995) Maroc(1986) Afrique Sub-Saharienne * Afrique du Sud (1995) Bénin (1993) Burkina Faso (1992) Burundi (1996) Cameroun (1995-96) Côte d’Ivoire (1995) Ghana (1988) Guinée Bissau (1995) Kenya (1999) Mali (1989) Mauritanie (1989) Mozambique (1994) Niger (1995) Sénégal (1991) Tanzanie (1991) Tchad (1993) Togo (1995) Zambie (1998) Asie * Corée du Sud (1995) Inde (1990-91) Indonésie (1998)** Philippines (1995) Thailande (1994) Amérique Latine *** Colombie (1992) Mexico (1998) Pérou (1979)
% emploi non agricole
% PIB non agricole 26,7 26,5 22,9 30,7 37,2 7,2 42,7 36,2 43,7 42,3 30,4 58,3 29,9 25,0 41,7 14,4 44,8 58,5 40,9 43,1 44,7 55,3 20,2 33,6 16,9 48,1 31,4 (36,7) 32,5
48,7 77,4 18,9 92,8 77,0
71,6 78,6 75,3 73,5 76,0 74,2 58,3 67,5 73,7 77,9 66,9 51,4
25,1 13,4 48,5
28,5
% emploi total
37,8 19,7 16,6 41,0 8,6
28,8 13,3 7,6 27,2 19,6 11,5
31,5 34,4 42,9 34,3 22,7
% PIB total 23,1 24,2 20,3 24,9 24,3 6,9 27,3 24,5 25,7 33,6 22,4 31,4 16,0 18,4 23,0 10,2 38,9 37,6 33,0 21,5 31,0 35,8 14,7 27,7 15,9 32,4 25,2 (28,6) 25,4
16,8 12,7 42,9
*moyennes non pondérées (sans l’Afrique du Sud ou la Corée) **Entre parenthèses: sans le pétrole *** les moyennes n’ont pas été calculées pour l’Amérique Latine en raison du nombre insuffisant de données. Sources : Charmes [1999a et 2002b]. Compilations personnelles de l’auteur. Publiées dans United Nations, [1998]. Complétées pour le Ghana, Mozambique et la Tanzanie sur la base des données disponibles dans GSS [1996] et Afristat [1997]. Pour l’Inde, compilations personnelles sur la base des données présentées par Kulshrestha and Gulab Singh [1998] et [1999].
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4.5) Revenus de l’entreprise et salaires dans le secteur informel. Les données disponibles sur deux périodes (fin des années 1970, et années 1990) avant et après ajustement structurel, montrent que le revenu moyen de l’entrepreneur du secteur informel est plusieurs fois supérieur au salaire minimum légal et même au salaire moyen du secteur formel. Les salariés du secteur informel (hors aides familiaux et apprentis) ont un salaire qui est proche du salaire minimum, comme si celui-ci servait de norme. La période post-ajustement n’a pas sensiblement modifié cette image, alors même que les sources disponibles portent sur des champs plus larges qui auraient dû se traduire par des revenus plus faibles. Les revenus des petits entrepreneurs du secteur informel et des salariés qu’ils emploient (tableaux 5, 6 et 7 ci-dessous) ne comprennent pas les travailleurs indépendants à domicile ni les salariés à domicile travaillant en sous-traitance pour les entreprises formelles. Les données du tableau portent donc sur le secteur informel stricto sensu : les travailleurs indépendants à domicile travaillant pour leur propre compte en font partie, mais vraisemblablement pas ceux qui travaillent en sous-traitance. Tableau 5: Revenus mensuels moyens des petits entrepreneurs du secteur informel dans divers pays africains à la fin des années 1970 et au début des années 1980, avant ajustement structurel (en multiples du salaire minimum légal).
Pays
Villes
Année
Tunisie
National
1981-82
Cameroun Centrafrique Ghana Mali
Yaoundé Bangui Kumasi Bamako
1978 1982 1976-77 1978
Mauritanie
Nouakchott
1977
Niger
Niamey Lagos Kano Dakar Freetown Lomé
1982 1978 1978 1977 1978 1977
Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo
Industries Commerce 5,1 (3,0) 5,5 4,3 6,5 5,8 5,8
4,4 (2,6)
8,8
6,2
1,3
Services 8,9 (5,2) 5,0 2,7 5,1 6,0
2,5 3,6
1,9
Sources: Charmes [1999a et b et 2002b].
23
Toutes activités
Commerce non sédentaire
5,3 1,7
8,7
5,4 5,9 (1,6) 7,7
2,3 2,9
1,5 2,1 3,2
4,2 2,6 1,8
Tableau 6: Salaires mensuels moyens des salariés du secteur informel dans divers pays africains à la fin des années 1970 et au début des années 1980, avant ajustement structurel (en multiples du salaire minimum légal). Pays
Villes
Année
Industries
Maroc Tunisie
National National
1988 1981-82
0,9 1,2
Cameroun Mali Mauritanie Niger Tanzanie Togo
Yaoundé Bamako Nouakchott Niamey Dar es Salam Lomé
1978 1978 1977 1982 1982 1977
1,4 1,8 1,4 1,2 0,9 1,1
Commer Services ce 0,6 1,1 1,3 (0,7) 1,4 1,2 1,9 0,8 0,8 1,0
Toutes activités
1,4 1,5 1,7 1,0 1,1
Sources: Charmes [1999a et b et 2002b].
Les données disponibles sur la période post-ajustement structurel (tableau 7 ci-après) sont plus nombreuses et surtout sont plus souvent disponibles au niveau national, ce qui a tendance à tirer les chiffres vers le bas, puisque c'est dans les capitales que les revenus salariaux et non salariaux sont en principe les plus élevés. Le maintien des niveaux de revenus en comparaison avec le salaire minimum légal semblerait montrer précisément qu'il y a eu une certaine redistribution des revenus entre villes et campagnes, ce qui était l'un des objectifs poursuivis par les programmes d'ajustement structurel. Les revenus des entrepreneurs sont couramment plusieurs fois supérieurs au salaire minimum (2,5 fois en moyenne) et les salaires versés aux salariés du secteur informel sont proches de ce même salaire minimum (1,2 fois en moyenne) comme si celui-ci servait en quelque sorte de référence.
24
Tableau 7: Revenus mensuels moyens des petits entrepreneurs du secteur informel et salaires mensuels moyens des salariés du secteur informel dans divers pays en développement dans les années 1990 après ajustement structurel (en monnaie nationale et en multiples du salaire minimum légal). Revenus
Salaires (1) En En Salaire En Pays Année En monnaie multiples multiples minimum légal monnaie nationale du salaire du salaire nationale minimum minimum Maroc 1997 1.510 D 2.492 1,7 1.556 1,0 Tunisie 1997 169,3 TD 697,5 4,0 (2,2) 190,3 1,1 Bénin 1992 13.904 FCFA 41.412 3,0 23.216 1,7 Vendeurs de rue 23.901 1,7 Burkina Faso 1988 22.653 FCFA 75.100 3,3 24.000 1,1 Ethiopie (urbain) 1996 Birr 105,5 51,4 Gabon 1985 117.400 FCFA 184.400 1,6 97.300 0,8 Kenya 1999 2.363 Ksh 6.158 2,6 6.496 2,7 Mali 1996 20.965 FCFA 120.757 5,8 18.038 0,9 Niger 1995 18.000 FCFA 26.360 1,5 Tchad 1995-96 25.600 FCFA 40.987 1,6 16.408 0,6 565 (2) (0,9) 240 (0,4) Brésil (urbain) 1997 612,5 R$* (1,7) 1.040 (3) 1,6 (4) Colombie (urbain) 1996 1,5 4,2 (5) Mexique (urbain) 1998 419,1 Pesos 690,3 1,7 2.003 (4) 1,3 1.413 (4) 0,9 1999Inde 1.498 Roupies 8.035 (5) 5,4 1.656 (5) 1,1 2000 2.765 (6) 1,8 1.642 (6) 1,1 Indonésie 1998 281.038 Roupies 843.114 3,0 (7) Turquie (urbain) 2000 114.300.000 T£ 197.124.000 1,7 Sources: Charmes [2002b]. Notes: Entre parenthèses = multiples du salaire moyen (*) dans le secteur formel. (1) Apprentis et aides familiaux exclus. (2) activité principale (3) activités principale et secondaire. (4) Travailleurs à compte propre (5) Employeurs de micro-entreprises (moins de 10 emplois) (6) Travailleurs à compte propre et employeurs combinés. (7) En multiple du salaire moyen des salariés de la production en dessous du niveau de contremaître.
On ne dispose malheureusement pas de données représentatives sur les revenus et salaires des travailleurs à domicile non déclarés non plus que (sauf exception) sur les commerçants non sédentaires (marchands ambulants ou de rue) et c’est l’un des défis actuels de la collecte statistique : tout laisse à penser cependant que c’est là que sont les rémunérations les plus basses et aussi les pires conditions de travail.
25
4.6) Quelques catégories d’emploi informel : travail à domicile, vendeurs de rue, travail à temps partiel. Bien que difficile à appréhender dans les enquêtes, le travail à domicile représente de 5 à 15% de l’emploi non agricole dans les pays en développement, et les mêmes proportions sont observées en Europe (tableau 9) où l’ampleur du phénomène est très lié aux législations en vigueur. Les vendeurs de rue (tableau 10) ne dépassent pas en général la proportion de 5% et la dominante est masculine dans certains pays et féminine dans d’autres. Dans les pays de l’OCDE, le travail à temps partiel concerne 15% de la population active dont 3/4 de femmes. Tableau 8: Proportion et caractéristiques des travailleurs à domicile dans divers pays en développement.
Jordanie (1999) Maroc (1982) Tunisie (1984)
% de la populaNombre de tion travailleurs active à domicile non agricole 15.000 0,7 128.237 4,1 123.060 9,4
Femmes % femmes
%à propre compte
% salariés
66,7 78,8 75,6
48,0 100,0 100,0
52,0
63,8
9,2
Tunisie (1994)
86.267
4,8
71,3
Tunisie (1997) Kenya (1999) Bénin (1992) Inde (1999-2000) Thailande (1999) Philippines (1993-95) Chili (1997) Pérou (1993) Brésil (1991) Brésil (1995)
211.336 777.100 595.544 23.496.800 311.790
10,7 15,0 65,8 16,8 2,0
37,9 34,9 74,1 44,3 80,0
2.025.017
13,7
78,8
79.740 128.700 2.141.972 2.700.000
1,8 5,2 5,0 5,2
82,3 35,3 57,1 78,5
62,5
% aides familiaux
27,0 37,5
81,2
17,9
% emploi manufacturier (textile) 70,0 95,7
% commerce
% services
1,4
1,9
90,2 (86,4)
1,3
2,1
24,4 11,9
67,6 77,6
8,0 10,5
51,6
14,9
10,4 5,0
77,6 83,0
90,0 100,0
100,0 91,5
5,8
2,0
33,5 100,0 12,8 12,0
Sources : Charmes [2002b]. Calculs propres sur la base des sources nationales (1982 Recensement de la Population du Maroc; recensements de la population 1984 et 1994 et enquête emploi 1997 en Tunisie; 3rd round of 1999 Employment and Unemployment Survey pour la Jordanie; recensement de la population 1991 du Brésil; NSSO, 1999-2000 NSS 55th round pour l’Inde; 1993 NSO Survey of Homeworkers pour les Philippines; 1998 NSO Survey of Homeworkers en Thaïlande; 1999 National Baseline Micro and Small Enterprise Survey in Kenya; recensements de la population et des établissements 1992 au Bénin) et pour le Chili, Pérou and Brésil 1995 : Manuela Tomei (1999) : El Trabajo a domicilio en paises seleccionados de America Latina : una vision comparativa, BIT Genève. Notes : Dans tous les pays , les secteurs de la construction, des transports et les services domestiques sont exclus sauf au Brésil, 1995 et en Tunisie 1984 et 1997. La Thailande, les Philippines se réfèrent seulement aux travailleurs à domicile de l’industrie engagés dans des contrats de sous-traitance, et le Pérou se réfère aux seuls travailleurs à domicile indépendants.
Dans les quelques pays en développement pour lesquels il a été possible d’obtenir des données (tableau 8), il semble bien que cette forme d’emploi soit principalement féminine. La part du travail à domicile dans l’emploi non agricole est en moyenne de 5%, mais monte jusqu’à 15 et même 18% lorsque, comme aux Philippines, au Kenya ou en Inde, cette catégorie de l’emploi est étudiée indépendamment du fait que l’activité est entreprise à titre principal ou secondaire (le cas du Bénin est quelque peu artificiel, car le travail à domicile y a
26
été défini comme étant constitué de tous les travailleurs hors établissements). Quant à la Thaïlande, où une enquête spécifique a été réalisée en 1999, le chiffre peu élevé (2%) peut s’expliquer par le fait que seuls les salariés ont été pris en compte, et par ailleurs les salariés ayant obtenu des contrats de sous-traitance peuvent à leur tour embaucher des salariés et employer des aides familiaux sans que le questionnaire ait prévu de tels cas de figure. Avec 5 à 25% de l’emploi non agricole, les travailleurs à domicile sont loin de constituer une catégorie négligeable dans les pays en développement et bien que les indicateurs actuels, tels qu’ils viennent d’être présentés, ne soient pas très robustes, il est clair que c’est un sujet de préoccupation, pas seulement pour les statisticiens et la mesure, mais aussi pour les économistes et les responsables politiques dans leur poursuite d’une protection sociale pour tous, et dans leur impuissance à éradiquer un système qui rejète ou maintient les travailleurs en dehors . Dans les pays développés, l’enquête d’Eurostat sur les forces de travail fournit quelques informations qui prouvent que les définitions et la législation varient à l’extrême d’un pays à l’autre et le tableau 9 suivant illustre bien que la statistique des travailleurs à domicile est intimement liée à la législation en vigueur. Dans le cas européen, les travailleurs à domicile sont définis comme ces personnes dont l’occupation s’exerce pour au moins la moitié des heures de travail, à domicile ou à partir du domicile. La proportion la plus élevée s’observe en Irlande jusqu’en 1996 où une nouvelle législation va faire diminuer cette catégorie de forme d’emploi par voie de définition ou de renvoi vers l’économie souterraine. Dans les autres pays de l’OCDE, la part des travailleurs à domicile culmine en Australie avec 25,8%, contre 6% au Canada (en 1996) et 3,8% en NouvelleZélande (1991). Tableau 9 : Le travail à domicile en Europe, 1992-96.
UE 12 Allemagne Belgique Danemark Espagne France Grèce Irlande Italie Luxembourg Pays Bas Portugal Royaume Uni
1992 4.9 5.2 11.6 11.0 0.8 0.8 1.7 20.6 5.5 5.5 5.6 4.4 7.6
1993 4.2 5.1 11.3 10.3 0.7 2.6 2.3 19.5 5.1 6.9 6.4 3.9 2.7
1994 4.6 5.1 11.1 11.8 0.6 5.5 1.8 18.6 4.5 6.3 6.8 4.0 2.7
1995 4.6 4.1 10.8 11.0 0.6 5.4 1.6 18.2 4.6 6.9 6.8 3.7 2.6
Source: Eurostat, 1992-1997. Extrait de Felstead and Jewson (2000), In Work at Home.
27
1996 4.6 5.0 10.1 11.0 0.6 5.0 1.4 7.1 4.6 6.1 6.8 3.5 2.6
Enfin les vendeurs de rue représentent entre 1 et 9% de l'emploi non agricole dans les pays en développement: la proportion de femmes dans cette catégorie d'emploi est très variable selon les pays: très faible dans les pays musulmans, elle est beaucoup plus élevée, jusqu'à atteindre 81% de l'emploi de la catégorie dans les autres pays. Tableau 10: Proportion et caracteristiques des vendeurs de rue dans divers pays en développement.
Tunisie (1984) Tunisie (1994) Tunisie (1997) Bénin (1992) Kenya (1999) Inde (1999-2000) Turquie (2000) urbain Brésil (1991) Costa Rica (1997) Guatemala (2000) Mexique (2000) Venezuela (1997)
Nombre Femmes En % de de % % à l'emploi non % sous % vendeurs femmes compte agricole commerce employés de rue propre 59.200 4,5 1,8 100,0 25,0 132.832 5,2 3,9 54,0 125.619 6,4 2,1 45.591 5,0 81,3 98,8 416.294 8,1 32,7 3.881.700
2,8
14,0
255.000
2,4
2,7
71,4
71,4
1.445.806 13.085 259.203 1.286.287 318.598
3,4 1,4 9,3 4,1 4,1
30,0 18,3 55,4 44,1 31,7
88,8 100,0 73,4
91,7 94,3 90,1
91,1
94,8
Sources: Charmes [2002b].
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4.7) Part du secteur informel et des transferts dans les revenus des ménages. En définitive que représentent les revenus du secteur informel dans les revenus des ménages ? Le tableau 11 suivant montre que dans 6 pays d’Afrique sub-Saharienne, les revenus de ce secteur comptent pour plus de 28% du revenu total, soit plus que les revenus de l’agriculture pour des pays à dominante agricole, et cette proportion s’élève à près de 42% en milieu urbain. C’est la principale source de revenus des ménages, arrivant même loin devant le salariat en milieu urbain. Quant aux transferts entre ménages (y compris les transferts en provenance de l’étranger), ils représentent une part des revenus des ménages proche du niveau des revenus sociaux (publics) dans les pays développés.
Tableau 11: Structure du revenu des ménages dans divers pays africains.
Pays NATIONAL Burkina Faso Mali Ghana Guinée Sénégal Tchad URBAIN Burkina Faso Mali Ghana Guinée Sénégal Tchad RURAL Burkina Faso Mali Ghana Guinée Sénégal Tchad
Agriculture 27.8 15.3 26.5 39.8 49.4 14.6 21.4 5.7 2.7 1.9 10.6 5.2 10.1 3.5 42.8 17.7 44.8 57.5 78.9 23.1 34.6
Proportion du revenu total des ménages Secteur Autres Salaires Transferts Informel revenus 28.5 15.9 11.6 16.1 18.7 6.6 9.8 49.6 38.8 21.5 10.8 2.3 35.0 16.9 4.6 3.7 22.2 15.7 6.1 6.7 27.9 24.4 18.9 14.2 28.3 10.5 19.6 20.2 41.9 28.5 14.5 10.1 42.3 19.0 21.3 14.8 53.0 32.5 8.7 3.8 46.7 30.0 7.1 5.7 42.9 36.0 6.0 9.9 29.8 29.9 19.2 14.9 36.7 23.6 24.8 11.4 23.4 6.3 10.5 17.2 14.1 4.2 7.6 56.3 28.3 13.4 12.4 1.2 27.9 9.0 3.0 2.6 8.4 2.1 6.1 4.6 39.2 8.0 18.0 11.7 22.2 0.9 15.7 26.6
Total 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0
Source: Charmes J. (2003). Compilations de l'auteur, sur la base des tableaux élaborés à partir des sources nationales. Note: pour le Burkina Faso, les "autres revenus" incluent les revenus non-monétaires qui sont principalement d'origine agricole et devraient donc être ajoutés aux revenus de l'agriculture, alors que pour les autres pays, cette catégorie comprend essentiellement les revenus de la propriété.
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Conclusion En conclusion, des progrès majeurs ont été accomplis dans la mesure d’un secteur dont la taille, la contribution et le potentiel de croissance sont importants. Les enquêtes mixtes combinant une approche basée sur les ménages et une approche basée sur les établissements, sont reconnues comme le moyen le plus efficace et le plus exhaustif de l'appréhender. Malgré cette constatation, il y a toujours place pour les méthodes indirectes d'estimation et pour les enquêtes auprès des établissements qui contribuent toutes deux à une meilleure connaissance du secteur, dans des domaines allant au-delà du champ des enquêtes mixtes. En particulier, c’est la combinaison es deux approches qui permet de lever une partie du voile sur cette catégorie de la population active qui subit les effets de la flexibilisation et de la précarisation des emplois, une catégorie où le travail à domicile des femme joue un rôle important bien qu’invisible. Le nouveau concept d'emploi informel permet désormais d'englober ces diverses composantes de la réalité des marchés du travail contemporains, une réalité qui a bien besoin qu'on rappelle constamment la nécessité d'un travail "décent".
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