D F A S M 1 15, rue de l’ école de médecine 75 270 Paris cedex 06 www.medecine.parisdescartes.fr
ADDICTOLOGIE
2015 / /2 2016
« Les reproductions d’oeuvres protégées contenues dans ce document sont réalisées avec l’autorisation du CFC (20, rue des Grands Augustins – 75006 Paris) »
« Les reproductions d’oeuvres protégées contenues dans ce document sont réalisées avec l’autorisation du CFC (20, rue des Grands Augustins – 75006 Paris) »
ENSEIGNEMENT ADDICTOLOGIE Responsable : Professeur Philip GORWOOD (
[email protected]) Enseignement 2ème cycle médecine (non inclus : la consommation de tabac) 1 mercredi, 1 jeudi par semaine sur 3 semaines, à raison de 3 à 4 heures par semaine (14 h–18 h) : Faculté de Médecine – Paris Descartes – site Cochin Lieu de l’enseignement : 24 rue du Faubourg Saint-Jacques – 75014 PARIS – AMPHITHEATRE J.P. LUTON Validation de 1 heure (dossier clinique) Addictologie : les concepts en jeu Neurobiologie et génétique des addictions Epidémiologie des addictions Spécificités des addictions chez l'adolescent
P. Gorwood P. Gorwood F Rouillon G Shadili
L’alcool : Aspects pharmacologiques L’alcool : Aspects somatiques L’alcool : Aspects thérapeutiques
M. Corouge M. Corouge P. Gorwood
Le cannabis. Le tabac.
A. Dervaux P. Jaury
Les opiacés. Les drogues illicites en dehors des opiacés.
B. Badin de Monjoye X. Laqueille
La comorbidité pathologies psychiatriques et addiction Les addictions comportementales Entretiens motivationnels à interventions brèves
A Dereux L. Romo L. Romo
1
Module 3 (maturation et vulnérabilité), question 45 (addictions et conduites dopantes) Objectifs généraux 1. Expliquer les éléments de prévention et de dépistage des conduites à risque pouvant amener à une dépendance vis à vis du tabac, de l'alcool et de la drogue 2. Diagnostiquer une conduite addictive (tabac, addictive (tabac, alcool, psychotropes, substances illicites, jeux, activités sportives intensives…)
suivi du patient 3. Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du 4. Décrire les principes de la prise en charge au long cours Objectifs spécifiques : a. Citer les principales données épidémiologiques concernant épidémiologiques concernant les différentes conduites addictives (alcool, tabac, drogues illicites) b. Citer les signes cliniques des ivresses et des des intoxications à intoxications à des substances psychoactives c. Connaître l’existence des ivresses pathologiques d. Connaître les critères du syndrome de dépendance e. Connaître les signes de dépendance physiologique f. Connaître les signes du sevrage d’alcool, de tabac, d’opiacés et des autres drogues illicites g. Connaître les signes de l’abus de substances psychoactives (consommation nocive pour la santé) h. Citer les principales complications de l’alcoolisme et des toxicomanies i. Connaître le traitement de l’ivresse et esse et des autres intoxications j. Connaître le traitement du sevrage d’alcool k. Connaître les dispositions législatives sur les alcooliques dangereux l. Connaître le traitement du sevrage d’opiacés et les principes des traitements substitution aux opiacés de substitution aux m. Connaître les principes de l’information et du traitement d’un patient tabagique (aide tabagique (aide à la motivation, soutien, substitution nicotinique) n. Connaître les possibilités de prise en charge à long terme des conduites addictives (psychothérapies, centres de post-cure, groupe d’entraides) produits utilisés dans o. Connaître la définition du dopage et les principaux produits utilisés cette intention complications psychiatriques et somatiques aux p. Connaître les principales complications psychiatriques produits dopants
2
Les classifications diagnostiques internationales récentes définissent l’abus et la dépendance aux substances psychoactives. La dépendance dépendance n’est pas liée à la quantité de substance substance consommée. Elle définit définit un type de relation à un produit marquée par l’incapacité à réduire sa consommation et l’obligation comportementale. Les signes de dépendance sont psychologiques : O la substance est souvent prise en quantité plus importante pendant une période plus longue que prévue O il y un désir persistant ou des efforts infructueux pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance O beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance, à utiliser le produit ou à récupérer de ses effets O des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause
de l’utilisation de la substance l’utilisation de la substance est poursuivie bien que q ue la personne sache avoir un problème psychologique O ou physique persistant, ou récurent susceptible d’av oir été causé ou exacerbé par la substance. A ces signes psychologiques s’ajoutent les signes physiologiques de dépendance: O
la tolérance : O
besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une
intoxication ou l’effet désiré effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité de O substance
L’autre signe de dépendance physiologique est le sevrage caractérisé par l’une ou l’autre des manifestations suivantes :
O
O syndrome de sevrage ou O une substance (alcool, drogue illicite ou autre) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage
L’abus de substance ou utilisation nocive pour la santé est un mode d’utilisation inadéquat d’une substance (alcool, tabac ou drogue illicite) conduisant à une altération du fonctionnement ou à une s ouffrance cliniquement
significative caractérisée par la présence d’au moins une des manifestations suivantes au cours d’une période de douze mois : Utilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures, au O
travail, à l’école ou à la maison (par exemple absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l’utilisation de la substance, absences, exclusion temporaire ou définitive de l’école, négligence des enfants ou des taches ménagères). Utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela O
peut être physiquement dangereux (par exemple lors de la conduite d’une voiture ou en faisant fonctionner une machine alors qu’on est sous l’influence d’une substance) O Problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une d’ une substance (par exemple arrestations pour comportement anormal en rapport avec l’utilisation de la substance) O Utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance (par exemple disputes avec le conjoint à propos des
conséquences de l’intoxication, bagarres) Le diagnostic d’abus est porté chez les patients qui ne présentent pas les c ritères de la dépendance.
O
3
ALCOOL 1 - Epidémiologie La France se situe au troisième rang européen pour la conso mmation d'alcool. La consommation d'alcool en France représente la part la plus importante du coût social des s ubstances addictives. L'usage inadapté de l'alcool est la cause directe ou indirecte d'une consultation sur cinq e n médecine générale, de 15 à 25 % des hospitalisations, de 25 % de l'ensemble des maladies, de 30 000 à 40 000 décès par an, sans compter les accidents, agressions ou suicides sous l'emprise de l 'alcool (l'alcool est au troisième rang des causes d e décès). La femme a une consommation d'alcool fort plus souvent solitaire (au domicile). La prise associée de psychotropes est fréquente. Une comorbidité dépressive est présente deux fois sur trois. Une consommation d'alcool de plus en plus précoce est signalée chez les enfants et adolescents mais peu de données épidémiologiques précises existent dans ce domaine. Le vin est en diminution constante au profit de boissons peu ou au contraire très alcoolisées, mais le vin demeure l'alcool le plus fréquemment consommé. La consommation d'alcool est forte à l'Ouest, dans le Nord et l'Auvergne.
•La consommation excessive d'alcool ou la dépendance à l'alcool sont souvent associées à d'autres conduites addictives. La surmortalité qui en résulte est i mportante (cancers). Le sujet alcoolo-dépendant est également un sujet à haut risque de dépendance aux benzodiazépines. 2 - Etiologie
•Des facteurs génétiques de vulnérabilité individuelle pourraient contribuer au risque de développer une dépendance à l'alcool. Des facteurs génétiques communs aux différentes addictions sont probables. •Des facteurs socio -culturels interviennent (professions à risque – milieu social défavorisé – immigration récente – chômage – incitation forte : publicité, prix modéré, nombre élevé de débits de boisson,
tolérance de l'opinion, intérêts économiques…). •Des facteurs de personnalité : impulsivité, recherche de sensations. 3 - Prévention 3.1. Primaire L'information est fondamentale. Elle fait appel à des campagnes d'infor mation sur les dangers de l'alcool, dans les lycées et collèges ; à la formation et à la sensibilisation des enseignants ; à la mise en place de réunions de sensibilisation dans les entreprises, sur les lieux de travail… La protection de populations à r isque (en particulier, les mineurs de moins de 16 ans et les femmes enceintes). 3.2. Secondaire Les médecins du travail ont un rôle i mportant à jouer dans le dépistage de même que les médecins généralistes et les services hospitaliers d'urgence. 4 - Dépistage La notion d'une alcoolo-dépendance doit être recherchée systématiquement à l'occasion d'une consultation ou d'une hospitalisation chez des sujets à risque (autres conduites addictives, existence de maladies psychiatriques, malaises, ivresse, acciden t, tentative de suicide…). Elle doit être recherchée chez les femmes enceintes Il s'agit d'évaluer la consommation d'alcool et ses conséquences socio-profess ionnelles, familiales, judiciaires et enfin somatiques et psychiques. On évaluera évidemment la motivation du sujet pour changer ses habitudes de consommation. Le seuil de consommation excessive d'alcool est fixé à quatre verres standards par jour pour les hommes et trois pour les femmes (un verre standard = 10 g d'alcool pur). Questionnaire DETA (voir question longue) Le questionnaire DETA (Diminuer, Entourage, Trop, Alcool) permet, à partir de quatre questions simples qui peuvent être introduites de façon informelle dans l'entretien, de préciser le dépistage. Dosages biologiques (intérêt pour le suivi) La consommation chronique d'alcool peut être confirmée par la pratique de dosages biologiques. Ces marqueurs, cependant, ne sont pas des indices de dépendance, le diagnostic étant purement clinique. Le volume globulaire moyen (VGM) est un marqueur tardif d'une intoxication alcoolique chronique (normalisation après plusieurs mois d'abstinence). La gamma glutamyl transferase ( GT) est une enzyme hépatique (spécificité médiocre diminue de moitié tous les quinze jours si abstinence). 5 - Clinique de l'alcoolisme 5.1. L' ivresse (intoxication alcoolique aiguë) L'ivresse simple : L'ivresse simple évolue en trois phases après une ingestion récente d'alcool :
4
1/ Phase d'excitation psychomotrice (alcoolémie comprise entre 1 à 2 grammes) : avec desinhibition, euphorie alternant avec des périodes de tristesse et d'agressivité, logorrhée, familiarité excessive. L 'attention, les capacités de jugement et la mémoire peuvent être altérées à des degrés divers. 2/ Phase d'incoordination (alcoolémie souvent supérieure à 2 grammes) : les troubles de la pensée se majorent et conduisent à une incohérence ideïque puis progressivement à une véritable confusion. L'examen cliniq ue retrouve un tremblement et parfois un syndrome cérébelleux. 3/ Phase comateuse (alcoolémie toujours supérieure à 3 g/l) : le coma, parfois précédé par une baisse progressive de la vigilance et une somnolence, est profond, sans signes de localisation neurologique. Une importante hypothermie, une mydriase bilatérale aréactive, une hypotonie, une abolition des ROT, une bradycardie et une hypotension sont quelquefois associées. L'hypotension artérielle, dans ce cas peut se co mpliquer d'un collapsus cardio-vasculaire à l'évolution parfois mortelle. L'ivresse pathologique : plus fréquente en cas de trouble de la personnalité, ou de trouble cérébral organique associé (épilepsie, détérioration intellectuelle débutante), elle succède à une ingestion récente et massive d'alcool. 5.2. L'abus d'alcool (ou usage nocif) L'abus d'alcool correspond à une consommation répétée ayant une nocivité (voir critères au chapitre précédent). L'évolution de l'abus d'alcool est variable Une partie des sujets peut être amenée à diminuer sa consommation, d'autres vont rester des consommateurs excessifs " stables" et un dernier groupe atteint le stade de la dépendance. 5.3. Le Syndrome de dépendance alcoolique
•Signes physiques de dépendance Les symptômes de sevrage peuvent apparaître lors d'un sevrage total ou lorsque l'alcoolémie baisse (sevrage matinal). Ils comportent des s ymptômes neuro-musculaires (tremblement des mains et de la langue, myalgies, crampes, paresthésies), digestifs (nausées, vomissements), neuro -végétatifs (sueurs, tachycardie, hypotension orthostatique) et psychiques (anxiété, humeur dépressive, irritabilité, hyperémotivité). Des insomnies et des cauchemars sont souvent associés. L'ensemble des troubles est spécifiquement calmé par l'ingestion d'alcool mais les signes réapparaissent, le matin suivant ou après une autre période de sevrage. Leur présence pérennise l'intoxication alcoolique en "imposant" au sujet de boire dès le matin pour les faire disparaître.
•Signes psychiques de dépendance (voir critères de la dépendance au chapitre précédent). •Les "Accidents" de sevrage Les symptômes de sevrage apparaissent dans les douze heures suivant l'arrêt ou la réduction de la consommation d'alcool. Les sujets les plus à risque sont les alcooliques présentant une intoxication ancienne et massive. Delirium tremens (DT) Le DT survient brutalement ou est précédé de petits signes de sevrage (cauchemars, tremblements, anxiété…) A sa phase d'état, il comporte : -des troubles de la conscience avec confusion mentale, désorientation temporospatiale -des tremblements prédominant aux extrémités et à la langue -une hypertonie oppositionnelle -un délire hallucinatoire à prédominance visuelle de type onirique (ressemblant à un rêve), le rêve est vécu et agi. Le malade peut vivre des scènes d'onirisme ou de catastrophe ainsi que des s cènes de la vie professionnelle. Les zoopsies, visions d'animaux en général menaçants, ne sont pas rares. -des troubles végétatifs et des signes généraux : sueurs, tachycardie, hypertension artérielle, diarrhée, nausées, vomissements, hyperthermie modérée, signes de déshydratation -des modifications biologiques : E n plus des signes de l'alcoolisme existent des si gnes de déshydratation intracellulaire (hypernatrémie) et extracellulaire (augmentation de l'hématocrite et de la protéinémie). •L'évolution en l'abs ence de traitement et de vitaminothérapie B1 précoce peut être défavorable (encéphalopathie
de Gayet Wernicke, syndrome de Korsakoff…) et parfois entraîner le décès. Le risque de DT impose une prévention de celui-ci chez tous les sujets hospitalisés présentant une intoxication alcoolique chronique. Epilepsie de sevrage Les crises comitiales sont s ouvent matinales, parfois par salves de 2 ou 3 et peuvent représenter un mode de début de delirium tremens. •Les complications de l'intoxication alcoolique chroni que
•Les complications somatiques peuvent toucher tous les organes avec des impacts hépato -digestifs et neuropsychiatriques particuliers. Elles sont traitées en gastro -entérologie et neurologie. Le syndrome d'alcoolisation fœtale est caractérisé par un r etard de croissance intra-utérin associé à des malfor mations diverses et à un retard du développement cérébral avec des troubles des apprentissages, voire un ret ard mental. 6 - Principes du traitement de l'alcoolisme
5
6.1. Les traitements de l'alcoolisation aiguë
•L'ivresse simple ne nécessite généralement que le repos au calme et un apport d'eau. La prescription de médicaments psychotropes doit rester exceptionnelle. Les ivresses pathologiques avec agitation majeure rendent nécessaires, du fait de la dangerosité, l'hospitalisation et la s urveillance en milieu psychiatrique. 6.2. La cure de sevrage La cure de sevrage implique la réalisation, sous contrôle médical, d'un sevrage total d'alcool chez un alcoolique. Les buts d'un tel traitement sont principale ment d'assurer le contrôle et surtout la prévention des symptômes de sevrage et surtout des accidents graves tels le delirium tremens et les crises convulsives. Il peut être réalisé en ambulatoire (motivation suffisante, bonne compliance aux soins, pas d'antécédents de DT…) ou en milieu hospitalier. La cure associe une hydratation correcte du patient à la prescription de vitamines et à un traitement par benzodiazépines, si nécessaire. La réalisation d'une hydratation suffisante (2 à 3l/24h) s'effectuera soit par voie orale, soit par voie parentérale. Une polyvitaminothérapie B1, B6, PP doit être systématiquement associée. Traitement chimiothérapique du sevrage Les médicaments les plus utilisés sont : les benzodiazépines (tranxène*, clorazépate per os ; Valium*, diazépam* ; ou Séresta* oxazépam en cas d’insuffisance hépato -cellulaire, seulement disponible per os (100 à 200 mg/24h)...). Les benzodiazépines seront ensuite diminuées rapidement et interrompues en une ou deux semaines sauf e n cas d'usage chronique antérieur. 6.3. Principes de la prise en charge à long terme La prise en charge à long terme consiste à maintenir l'abstinence à l'aide d'une relation thérapeutique stable. L'accompagnement doit être médico-psycho-social par une équipe multidisciplinaire. Il comprend le traitement des comorbidités psychiatriques et somatiques. En pratique, la prise en charge au long cours repose essentiellement sur : -les psychothérapies, et tout particulièrement la psychothérapie de soutien -les mouvements d'anciens buveurs -la prescription de médicaments ayant pour objet de diminuer l'envie de boire ou d'amender les complications psychiatriques (anxieuses et dépressives) de l'alcoolisme. Les deux seules molécules ayant une autorisation de mise sur le marché dans cette indication sont l’acamprosate (Aotal*) (CI : insuffisance rénale) la naltrexone (Révia) (CI : insuffisance hépato -cellulaire grave). Le Selincro (18mg) est un troisième traitement disponible pour la prise en charge des sujets ayant un « trouble de l’usage d’alcool » (désignation récente – DSM5- qui remplace l’alcoolo -dépendance du DSM-IV), son indication
est de baisser le niveau de consommation de sujets ayant une consommation excessive d’alcool ET n’ayant pas besoin d ‘une hospitalisation po ur sevrage, donc plutôt avant la dépendance.
6
TABAC 1 - Actions de la nicotine au niveau cérébral La perception de la nicotine est variable et subjective. Ainsi une cigarette sera -t-elle ressentie comme stimulante de l’éveil mais une autre comme relaxante, réductrice de tension, anxiolytique. Cette perception subjective est
liée notamment à l’état initial de l’individu lorsqu’il commence à fumer. Fumer entraîne un pic rapide de la concentration plasmatique de nicotine, se traduisant par un véritable effet « flash ». 2 - Classifications de la dépendance nicotinique
Tous les diagnostics de dépendance s’appliquent à la consommation tabagique. L’entretien doit permettre de préciser : - L'âge de la première cigarette et de la consommation régulière : la précocité de la consommation est un facteur
de sévérité de la dépendance et constitue un facteur prédisposant à l’usage d’autres substances psychoactives. Il en est de même sur un plan somatique, puisque, à conso mmation égale, le risque de cancer bronchique est
d’autant plus élevé que l’âge de début du tabagisme est précoce. - L’intensité de la consommation : elle reflète l’intensité de la dépendance tant pharmacologique que comportementale. - Les modalités de consommation : la précocité de la pr emière cigarette après le lever, le fait de fumer plusieurs cigarettes de suite dans les premières heures suivant le réveil traduisent la nécessité de
restaurer rapidement un taux efficace de nicotinémie. L’impossibilité de s’abstenir de fumer même pour une courte période témoigne de l’importance de la dépendance. – L’existence de signes de sevrage : ressentis lors de tentatives d’arrêt antérieur ou de sevrages temporaires 3 - Tests Marqueurs biologiques
Les marqueurs biologiques permettent d’objectiver l’intensité de l’imprégnation tabagique et la réalité d’un arrêt. L’oxyde de carbone est absorbé au niveau des voies aériennes distales et dépend des paramètres de l’inhalation. Sa demi-vie est courte (1 à 5 heures). Son dosage dans l’air expiré est facile, no n invasif mais son interprétation doit tenir compte d’un éventuel apport exogène, domestique ou environnemental et du CO endogène estimé à 3 – 5 particules par millions (ppm). Chez le non fumeur, le taux habituel est inférieur à 10 ppm. Chez le fumeur de 15 cigarettes et plus, le taux dépasse habituellement le taux de 20 ppm et peut atteindre des valeurs de 70 ppm.
La spécificité est faible chez les fumeurs n’inhalant pas. Des analyseurs de CO permettent une lecture immédiate et la restitution des résultats au fumeur peut avoir un effet renforçant de la motivation par prise d e conscience de
la normalisation des résultats dès l’arrêt de la consommation. Test de dépendance à la nicotine (Fagerström) (voir question longue) C’est le test le plus couramment utilisé. Il permet d’identifier les fumeurs dépendants, de quantifier cette dépendance, de faciliter l’orientation thérapeutique. 4 - Le syndrome de sevrage nicotinique
L’intensité est variable selon les fumeurs. Il s’exprime par des besoins impérieux de fume r, des troubles dépressifs, de nervosité, des états d’anxiété, d’agressivité, d’irritabilité, de frustration, de baisse des performances, de difficultés de concentration, d’impatience, d’agitation, de troubles du sommeil, de diminution ou de retour à la no rmale de la fréquence cardiaque, d’augmentation de l’appétit. Les troubles psychiques (irritabilité, anxiété…), les troubles du sommeil atteignent leur maximum au cours de la première semaine et le sujet retourne à l’état normal au bout d’un mois. Certaines manifestations, notamment l’augmentation de l’appétit, les troubles de la concentration sont susceptibles de persister plusieurs mois. 5 - Traitement Seuls les traitements substitutifs à la nicotine, le bupropion sur le plan médicamenteux et les psycho thérapies cognitives et comportementales sont préconisées. *Traitement pharmacologique du sevrage tabagique -Traitement substitutif à la nicotine Objectifs : Limiter les manifestations liées au sevrage tabagique et rendre ainsi le sevrage plus « confort able ». Il
s’adresse donc aux fumeurs dépendants. Indications : Le sevrage tabagique et l’arrêt temporaire (fumeurs hospitalisés, transports aériens…). Son utilisation est évoquée, mais sans avoir l’AMM, dans le cadre de la politique de réduction des risques chez les fumeurs souhaitant réduire ou ne pouvant pas cesser totalement leur consommation mais présentant des complications somatiques du tabagisme. Posologie : Pour être efficace, l’apport du traitement substitutif doit être suffisant. La posologie est ajustée en fonction du nombre de cigarettes fumées, du score au test de Fagerström, des s ymptômes de sous dosage (signes de sevrage) ou de surdosage
(insomnie, nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales, pâleur, palpitations, bouche pâteuse…) Formes galéniques -Les systèmes transdermiques : Le timbre permet une administration automatique de nicotine que le fumeur ne
peut contrôler. D’utilisation facile, l’observance paraît meilleure que pour les autres formes galéniques. Il existe
7
des timbres délivrant sur 24 h o u sur 16 h. La nicotinémie atteint un taux stable en 4 à 11 h après la pose du timbre. Aussi le timbre de 24 h, passé le premier jour d’utilisation, atténue -t-il davantage la sensation de manque matinal. Les effets secondaires les plus fréquents sont des manifestations cutanées (érythème, de prurit…).
Changer quotidiennement de site d’application limite leurs survenues. Les timbres de 24 h sont susceptibles d’entraîner des troubles du sommeil à type d’hyperonirisme. -Les gommes : premiers substituts nicotiniques commercialisés en France. Il existe deux dosages, 2 et 4 mg, délivrant respectivement 1 mg et moins de 3 mg de nicotine. Les gommes à 4 mg sont recommandées chez les
fumeurs très fortement dépendants. L’absorption s’effectue au niveau de la muqueuse buccale et dépend du respect des consignes de mastication. Les effets secondaires buccaux ou gastriques résultent souvent d’une mauvaise utilisation. Le taux maximal de nicotinémie, moindre que celui obtenu avec une cig arette, s’observe 20 à 30 min après le début de la mastication. -L’inhaleur : il apporte par bouffée environ un dixième de la nicotine libérée par une bouffée de cigarette. A l’administration de nicotine s’ajoute la prise en compte de l’aspect gestuel. L’ absorption se fait au niveau buccal.
Il est recommandé d’utiliser quotidiennement 6 à 12 cartouches. Les effets secondaires sont essentiellement irritatifs au niveau ORL et pulmonaire. Les résultats paraissent plus favorables pour une durée de prescription
d’au moins 6 à 8 semaines. *Chlorhydrate de bupropion (Zyban LP®) Inhibiteur sélectif de la recapture neuronale de la noradrénaline et de la dopamine, sa durée de p rescription est de
7 à 9 semaines. Initialement commercialisé dans d’autres pays comme antidépresseur, il n’a pas d’action antidépressive aux doses préconisées dans l’aide à l’arrêt du tabac. L’effet indésirable le plus redouté est la survenue de crises convulsives (risque dose- dépendant) d’où la nécessité du respect strict des doses et des co ntre indications. L’effet le plus fréquemment rencontré est l’insomnie. L’usage détourné du bupropion dans un but psychostimulant et/ou récréatif doit être connu. *Les thérapies cognitives et comportementales Elles peuvent être utilisées avant, pendant et
après l’arrêt du tabac. L’entretien motivationnel est utile pour faire naître mais également pour entretenir et renforcer la motivation au cours du suivi. Après l’arrêt, la prévention des rechutes vise à identifier les situations à risque afin d’éviter ces situations ou de mettre en place des stratégies adaptées (apprentissage de nouvelles habitudes, résolution de problèmes, gestion de stress…). Le renforcement de la confiance en ses capacités de réussite favorise aussi le succès de la démarche. 6 – Stratégies de prise en charge à long terme Le suivi vise à permettre l’adaptation du traitement
pharmacologique, l’abord par le patient des difficultés rencontrées, la surveillance de l’état psychique (troubles anxieux ou de l’humeur), la surveillance du poids e t un accompagnement spécialisé sera éventuellement proposé), la surveillance de la consommation d’autres substances psychoactives (alcool, cannabis…), le renforcement de la confiance en soi, la prévention des rechutes en identifiant les situations à risque, en élaborant
un plan d’urgence, en dédramatisant et en aidant à gérer un écart afin d’éviter l’évolution vers une rechute, en informant sur les risques des cigarettes test…., l’analyse des causes de rechutes, l’encouragement à réitérer la démarche. Il es t conseillé de proposer un suivi d’au moins six mois.
8
DOPAGE ET CONDUITES DOPANTES 1 - Cadre général et législatif du dopage Lors de la conférence mondiale sur le dopage dans le sport le CIO (Comité International Olympique) a adopté la définition suivante du dopage : 1-l’usage d’un artifice (substance ou méthode) potentiellement dangere ux pour la santé des athlètes
et/ou susceptible d’améliorer leur performance 2-la présence dans l’organisme de l’athlète d’une substance ou de la constatation de l’application d’une méthode qui figure sur la liste annexée au présent code ». Nous préférons nous attacher au concept de conduite
dopante tel qu’il a été défini par P. Laure : « une conduite dopante se définit par la consommation d’un produit pour affronter ou pour surmonter un obstacle réel ou ressenti par l’usager ou par son entourage dans un b ut de performance ». 2 - Eléments cliniques Il n’existe pas de critères cliniques formels permettant d’identifier une utilisation de produits dopants. La symptomatologie est variable selon les individus, leur âge, leur sexe, leur susceptibilité pharmacologique individuelle, les facteurs de vulnérabilité psychologique, le moment de l’examen (les signes
seront souvent différents si le sportif est en phase d’entraînement optimum ou s’il est en phase de repos hivernal), le mode de consommation (usage unique ou répété), le type de consommation (usage simple ou
polyconsommation), l’âge de début, la quantité consommée à chaque prise, la durée d’exposition au(x) produit(s), la nature des produits utilisés (certaines substances sont issues de la contrefaçon)…le dia gnostic positif repose, lorsque cela est possible, sur la recherche toxicologique du produit. Certaines situations peuvent
être évocatrices d’une conduite de dopage: •une augmentation anormale de masse musculaire, le plus souvent associée à une augmentatio n de masse maigre (n’étant ni en rapport avec la croissance du sujet, ni corrélée à un accroissement ou à un changement de schéma d’entraînement), et une augmentation anormale de la puissance musculaire, peuvent faire suspecter une consommation d’hormone de croissance (GH) ou d’IGF 1, et/ou de stéroïdes anabolisants. •une bradycardie excessive en période d’entraînement intensif, par rapport à une fréquence cardiaque de référence (en période hivernale), associée à une augmentation anormale des capacités de transport en oxygène (évaluée par la VO2 max), sont en faveur d’une utilisation d’érythropoïétine (EPO) ou de
molécules apparentées, en l’absence de stage d’entraînement en altitude. Étant donnée la difficulté à repérer cliniquement l’utilisation de produits dopants, le clinicien devra s’évertuer à rechercher les facteurs de risque de développer une conduite dopante, Facteurs liés au produit :
effet réel ou supposé d’un produit dans le but d’améliorer ses performances ou son image corporelle, de repousser ses limites.
Facteurs liés à l’individu : sexe : les hommes sont de plus grands usagers que les femmes pour la plupart d es produits, sauf pour les tranquillisants, hypnotiques et anorexigènes.
âge : les consommations débutent à l’adolescence (recherche d’identité, contestation de l’ordre parental …) pour atteindre un sommet vers 25/30 ans, puis tendent à diminuer pour remonter vers 35 ans (il y a souvent évolution des consommations à cet âge et les produits vise nt alors plutôt le maintien des perfor mances). facteurs de personnalité : on retrouve essentiellement des personnalités antisociales, borderline, histrioniques
voire paranoïaques et d’une manière générale des traits de personnalité narcissique. facteurs d’intensité de pratique : certaines études semblent montrer que l’augmentation du temps de pratique sportive (et du niveau) est corrélée à un plus grand usage. facteurs liés au poids : surtout chez les filles et dans les sports à catégorie de poids. comorbidités psychiatriques : hype ractivité avec troubles de l’attention, troubles de l’humeur, troubles anxieux,
troubles du comportement alimentaire, plaintes psychosomatiques. Facteurs liés à l’envir onnement : modèle parental : « Education » aux conduites dopantes, c’est à dire habitudes à s’automédiquer). facteurs familiaux : conflits, deuil, séparations traumatiques, abandon, défaillance du cadre éducatif, antécédents familiaux de troubles psychiatriques ou addictifs. rôle et influence des pairs : recherche d’identification à un groupe, initiation aux consommations, tentative
d’égaliser les chances de succès, pressions du milieu (coéquipiers, entraîneur, sponsors…). facteurs sociaux : rupture scolaire, désinvestissement des autres activités, l’exigence de performance (obligation de résultats, système des carrières avec peu d’élus, exigence du cadre technoscientifique, fréquence, durée et intensité des entraînements, manque de récupération entre les épreuves…). 3 - Complications Les risques pour la santé liés à la consommation de prod uits dopants sont peu connus du fait des protocoles très spécifiques qui sont mis en place. Des cas de iatrogénie sont régulièrement rapportés par la littérature médicale internationale, sans que la preuve soit faite que ces complicatio ns sont liées à tel ou tel
produit (mort subite, coma, infarctus du myocarde, insuffisance rénale aiguë, lymphomes, cancers…). A titre indicatif, la longévité du footballeur américain était de 55 ans en 1993, alors que celle de l’Américain moyen
9
était de 7 1,8 ans ; cet abaissement de l’espérance de vie chez le footballeur a été rapproché de l’usage fréquent de stéroïdes anabolisants dans cette discipline. Des conséquences psychiques graves peuvent être observées à plus ou moins long terme, tels les troubles du comportement (à type de violences hétéro ou auto-agressives) les évolutions dépressives mais aussi les dérives addictives.
10
PSYCHOSTIMULANTS ET DROGUES DE SYNTHÈSE I – Données de consommation I.1. Données générales On peut distinguer trois catégories de substances dénommées par les usagers : -« speed » (pour les stimulants du type amphétamines ou cocaïne), - « taz » (pour les empathogènes comme l’ecstasy), -et « trips » (pour les hallucinogènes tels le LSD). I.2. Tendances et évolutions des consommations Plusieurs ordres de faits sont observés : -l’apparition de nouvelles molécules (les drogues de synthèse), -l’émergence de nouveaux usages de substances
déjà répandues (cocaïne, amphétamines, LSD…), -une diminution relative de la consommation d’opiacés. -une augmentation forte de la consommation précoce de cannabis généralement associée à de l’alcool et du tabac, -un développement d’usages de substances psychoactives en milieu festif (rave parties, free part ies, mais aussi mégadiscothèques, boîtes de nuit, soirées privées, etc.). I.3. Prévalence des consommations Les chiffres de la consommation de substances ps ychoactives indiquent que les psychostimulants et les hallucinogènes sont les substances illicites les plus utilisées après les dérivés du cannabis, en particulier par les moins de 25 ans.
•La cocaïne et le crack : En 2000 (Baromètre santé), 1,4 % des français de 18 à 75 ans ont expérimenté la cocaïne
Chez les jeunes, l’expérimentation varie entre 1 et 3 % en fonction de l ’âge et du sexe. Les usagers de crack en métropole sont pour la plupart des personnes marginalisées dont une partie alterne l’usage de crack et d’opiacés. Aux Antilles et en Guyane, cette consommation est particulièrement développée d epuis une quinzaine d’années. •Ecstasy et autres amphétamines La consommation d’ecstasy est apparue en France au début des années 90 et se révèle depuis en progression. En 2000, chez les jeunes participant à la journée d’appel, 5 % des garçons et 2,2 % des filles de 18 ans déclaraient en avoir consommé au moins une fois.
•LSD et Hallucinogènes L’expérimentation actuelle de champignons, LSD et autres hallucinogènes est faible en population générale, mais en progression au sein de la population adolescente Les lieux festifs sont devenus un champ d’expérimentation très large de
substances chez les jeunes, à travers toute l’Europe. Le cannabis est la substance la plus fréquemment consommée devant l’ecstasy, les champignons hallucinogènes, les amphétamines et le LSD.
L’usage d’opiacés s’intègre à ces expérimentations et à ces recherches d’effets complémentaires et contrôlés II – Données cliniques II.1. Les effets
•Les effets psychiques - Les effets des psychostimulants consis tent en une euphorie : disparition de la sensation de fatigue et augmentation des facultés cognitives à doses faibles, euphorie brutale, désinhibition, voire productions délirantes à doses massives ou dans certaines associations. - Les effets des drogues de s ynthèse provoquent principalement des modifications sensorielles qui vont des
cénesthésies jusqu’aux hallucinations, touchent le cours de la pensée et les cognitions (attention, concentration, mémoire…). - Des substances ont des effets intermédiaires entre la stimulation amphétaminique et les modifications sensorielles des hallucinogènes (les « empathogènes »).
•Les effets somatiques Les effets somatiques procèdent d'une augmentation de l'activité neurologique centrale. D’où l'élévation de la température corporelle, l'accroissement de l'activité neuromusculaire, la diminution de l'appétit et du sommeil, l'élévation du rythme cardiaque et de la pression artérielle. Le syndro me de fièvre maligne décrit pour le MDMA (ecstasy) est exceptionnel.
•Les effets neurobiologiques Tous les psychostimulants entraînent une augmentation extra-cellulaire très i mportante de dopamine et de noradrénaline. Les « empathogènes» et hallucinogènes se caractérisent par une forte libération de sérot onine associée ou non à une libération de dopamine. Une neurotoxicité est probable pour bon nombre de ces substances. Elle porte spécifiquement sur les neurones sérotoninergiques.
11
•Les retentissements sociaux Le contexte d'usage et l’éventuelle désocial isation qui accompagne les consommations sont des facteurs de risque d’engagement dans une conduite addictive. Les effets de ces substances peuvent avoir des retentissements sur le comportement social (excitation, agitation, sentiment de toute puissance, v écu de persécution, dépression
majeure, aboulie, conduites suicidaires…). II.2. Les complications spécifiques II.2.1. Les troubles psychiques et les complications psychiatriques -Troubles cognitifs : troubles de la mémorisation, de la concentration et d e l’attention au décours de poly consommations répétées ou dans les suites de bad trip. -Les perturbations de l’humeur et les états psychotiques : Ce sont les complications les plus fréquentes après abus de cocaïne. Le plus souvent, il s’agit d’états anxi o-dépressifs de tous types (attaques de panique, “blues post ecstasy”, dépressions bipolaires, états d’exaltation et passages à l’acte hétéro ou auto -agressifs...), plus rarement
d’épisodes délirants -Le « bad trip » est une expérience psychique pénible voir e traumatique qui peut se manifester sous différentes formes : attaque de panique, bouffée délirante, crise hallucinatoire, etc. II.2.2. Les complications somatiques Ce sont : -des altérations de l’état général : perte d’appétit, amaigrissement, baisse de la libido (en cas d’intoxications chroniques). -des troubles cardio-vasculaires (palpitations, tachycardie, infarctus…) pouvant provoquer des détresses aiguës ( intoxications par cocaïne ou amphétamines). -des troubles neurologiques (trismus, acouph ènes, crises d’épilepsie, etc.). Les polyconsommations et la déshydratation sont des facteurs de risque. Les accidents de type bad trip constituent des traumatismes psychiques très fréquents dans le parcours des usagers qui nécessitent une connaissance des circonstances de leur déclenchement et de leurs modalités cliniques afin que des conseils de prévention et des prises en charge adaptées soient proposés sur tout le territoire français. La désocialisation, au sens large, doit s'intégrer dans la notion de risque, et donc s’inscrire dans les objectifs de prévention et de soin. III – Prévention, accès aux soins, prise en charge
III.1. Repérage et évaluation de l’usage Le problème posé par ces substances est principalement l’usage nocif (voir critères). L’objectif des interventions précoces est de sensibiliser l’usager, de l’informer sur les risques en fonction de son propre mode de consommation, lui fournir des outils et des opportunités afin de modifier son
comportement de consommation. Le premier niveau d’intervention est celui de l’information, le second niveau celui du conseil, l’objectif commun de ces interventions précoces étant de délivrer des connaissances claires, pratiques et crédibles. C’est aussi d’instiller du doute et des interrogations parmi le s usagers III.2. Aide, soins et prise en charge III.2.1. Les actions en vue de modifier les comportements de consommation Les principes de ces actions sont en partie les mêmes que ceux des interventions précoces : - aide à l’auto -évaluation de sa consommation personnelle, - aide à la perception des risques encourus et des dommages déjà advenus, - aide à la motivation au changement. III.2.2. Les actions en vue de réduire les pro blèmes médico-psychosociaux préexistants Les situations de souffrance psycholo gique et les difficultés sociales sont des facteurs d’emballement des consommations et
d’échec des tentatives d’arrêt. III.2.3. Les actions visant les complications -Prévenir les différents risques connus : la conduite automobile, la transmission de virus par le mode de consommation (voie intra-veineuse ou per-nasale), et toutes les situations favorisant la survenue de dommages physiques, psychiques ou sociaux. -Soigner les complications, spécifiques ou non, comme la dépendance ou les troubles psychopathol ogiques induits par l’usage des substances.
12
OPIACES I - Différents produits psychoactifs -Héroïne -Sulfate de Morphine (Skenan®, Moscontin®) ; T emgesic® Substitution : Méthadone®, Subutex® -Médicaments antitussifs : contenant de la codéine ou de la codéthyline II – Dépendance II.1. Physiopathologie
La dépendance se manifeste par un comportement compulsif de recherche de drogue, afin d’obtenir les effets attendus. Le phénomène de dépendance est lié à la notion de plaisir et d’autosatisfaction. La première consommation du produit active le système de récompense et entraîne une sensation de satisfaction et de plaisir. II.2. Syndrome de sevrage 12 heures après la dernière prise de produit par voie intraveineuse ou inhalée : bâillements, larmoiement, rhinorrhées, mydriase, sueurs, angoisse A J1 : majoration des signes et apparition d e contractions musculaires, irritabilité, insomnie, anorexie, nausées, myalgies, crampes abdominales, frissons A J3 : symptômes somatiques (diarrhées, vomissements, d éshydratation, tachycardie, hypertension artérielle, angoisse majeure) A J8 : régression de la symptomatologie avec possible persistance d’une anxiété avec insomnie et asthénie I II Dommages liés aux opiacés III.1. Somatiques
Infections (HIV, hépatites B, C, abcès, lymphangite…) Crises convulsives Hypertension artérielle Endocardite, pneumopathies abcédées Troubles gynéco-obstétricaux (aménorrhée, RCIU, MFIU….) Overdose : -Bradypnée voire apnée -Dépression respiratoire -Oedème pulmonaire -Hypotension artérielle -Bradycardie
-Myosis -Somnolence -Coma
-Traitement symptomatique de la dépression respiratoire et de l'hypotension *mesures de réanimation *En cas de risque vital, administration par voie IV ou IM d'antagonistes aux opiacés type naloxone
III.2. Psychiatriques Les patients dépendants aux opiacés présentent -un risque de troubles affectifs 5 fois supérieur aux autres patients -un risque pour les troubles anxieux 3 fois supérieur -un risque de trouble de la personnalité 20 fois supérieur -un risque pour une addiction à l'alcool 13 fois s upérieur. Les troubles de la personnalité : -Antisociale -Borderline -Narcissique Les troubles de l'humeur sont les plus fréquemment associés à la pharmacodépendance. Les troubles anxieux : les phobies sociales ou les troubles p aniques qui précédent, accompagnent ou suivent le sevrage. Les états psychotiques et la schizophrénie : Il est nécessaire de préciser si les symptômes psychotiques précèdent, compliquent ou accompagnent la toxicomanie. III.3. Sociales -Précarité -Chômage -Délinquance : prostitution, vols, agressions et autres actes médico-légaux IV - Principes thérapeutiques -Prise en charge pluridisciplinaire -Modalités pratiques du sevrage :
•Sevrage ambulatoire : contrat de soins avec pharmacien, médecin traitant et médecin spécialiste, le plus souvent en CSST (centre de soins spécialisés pour toxicomanes), consultations rapprochées, remise directe des
médicaments en quantité limitée, tests urinaires toutes le s semaines •Sevrage hospitalier si échec en amb ulatoire,
13
risque de passage à l’acte, isolement social, décompensation psychiatrique, complication somatique •Traitement médicamenteux Réduction des symptômes somatiques du syndrome de sevrage Antalgiques (paracétamol, aspirine) Spasmolytique : Spasfon® 6/j Antinauséeux, antidiarrhéique (Motilium®, Primpéran®) Sédatifs (neuroleptiques ou anxiolytiques type Rivotril® ou hydroxyzine, Atarax®) Traitement substitutif Méthadone® Subutex®
•Psychothérapie de soutien, familiale, cognitive et comportementale MODALITES DE PRESCRIPTION DE LA METHADONE Voie per os, réservée aux adultes et adolescents volontaires Les patients doivent accepter les modalités de la prise en c harge : venir régulièrement au centre de traitement, se soumettre à des analyses urinaires périod iques de contrôle
•Mise en place du traitement : 20 à 30 mg selon le niveau de dépendance. Doit être administré au moins 10 heures après la dernière prise d'opiacés.
•Adaptation posologique : posologie augmentée progressivement jusqu'à 40 à 60 mg en 1 à 2 semaines en fonction de la réponse clinique pour prévenir les signes de sevrage ou un possible surdosage
•Dose d'entretien : elle est obtenue par augmentation de 10 mg par semaine et se situe habituellement entre 60 et 100 mg par jour. Des doses supérieures peuvent être nécessaires. Les modifications de posologies sont alor s déterminées après réévaluation clinique et des prises en charge associées. Le traitement est administré en une prise unique quotidienne •Condition d'arrêt du traitement : l'a rrêt du traitement doit se faire par diminution progressive de la posologie par palier, au moins hebdomadaire, de 5 à 10 mg. Pendant cette période de diminution progressive des doses, il est nécessaire d'être vigilant à toute reprise de l'intoxication qui nécessiterait un retour à la posologie antérieure MODALITES DE PRESCRIPTION DU SUBUTEX Voie sublinguale, réservée aux adultes et adolescents volontaires
•Mise en place du traitement : la dose initiale est de 0.8 à 2 mg par jour en une prise. Chez les t oxicomanes aux opiacés non sevrés : lors de l'induction du traitement, la pr ise de buprénorphine doit intervenir au moins quatre heures après la dernière prise de stupéfiant ou lors de l'apparition de premiers signes de manque. Chez les patients sous méthadone : réduire au préalable la dose de méthadone à un maximum de 30 mg par jour (un syndrome de sevrage précipité par la buprénorphine peut survenir). •Adaptation posologique jusqu'à une dose d'entretien : la posologie efficace est habituellement de 8 mg mais elle
peut aller jusqu’à un maximum de 16 mg par jour en une prise. Les modifications de posologies sont ensuite déterminées après réévaluation de l'état clinique et des mesures d'accompagnement associées. Une délivrance quotidienne de la buprénorphine est recommandée, notamment pendant la période d'induction du traitement. Des quantités de produit pour plusieurs jours de traitement pourront être remises aux patients après stabilisation de leur état. Il est recommandé, cependant, de limiter la délivrance du produit à 7 jours au maximum.
•Réduction des doses et arrêt de traitement : après une période de stabilisation jugée satisfaisante, le médecin pourra proposer aux patients de réduire progressivement leur dose de buprénorphine, jusqu'à un arrêt total du traitement de substitution dans les cas favorables. Attention au r isque de rechute
14
CANNABIS Ses dénominations diffèrent selon le lieu de production et le mode de préparation (herbe, bangh, haschisch, huile). Elle est à ce jour chez les 12 -25 ans la substance illicite la plus consommée. Les effets psychopharmacologiques du produit sont essentiellement dus au 9-tétrahydrocannabinol ( 9-THC). I -
Epidémiologie I.1. Adolescence L’expérimentation du cannabis est devenue un co mportement majoritaire chez les jeunes arrivant à l’âge adulte avec une augmentation très nette dès l’âge de 15 ans. En 1999, 60 % d es garçons et 43 % des filles déclarent avoir déjà expérimenté le cannabis alors qu’en 1993, les chiffres étaient respectivement de 34 % et 17 %. Le cann abis peut être expérimenté avant ou en même temps que d’autres substances mais apparaît très rarement isolé du tabac et de l’alcool. I.2. Adulte Parmi les 18 -34 ans, 40,5 % des sujets ont déjà expérimenté le cannabis avec une majorité d’hommes. La proportion d’expérimentateurs décroît avec l’âge et a tendance à concerner 3,3 % des sujets âgés de 55 à 75 ans. L’usage répété de cannabis représente 1,6 % des adultes de plus de 26 ans et est surtout fréquent chez les célibataires de sexe masculin. II – Dépendance Différentes études épidémiologiques ont mis en évidence des prévalences de dépendance au
cannabis d’environ 5 % en population générale et de 10 % parmi la population consommatrice de la substance, en particulier chez les 15-24 ans. La littérature intern ationale rapporte l’existence d’une tolérance et d’un syndrome de sevrage au cannabis. MANIFESTATIONS CLINIQUES DU SYNDROME DE SEVRAGE AU CANNABIS Agitation Anxiété Insomnie Dysphorie Irritabilité, Anorexie Tremblements des extrémités distales des membres supérieurs Augmentation des réflexes Modification de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle Sueurs Diarrhée Anomalies électroencéphalographiques mineures possibles III - Effets cognitifs III.1. Usage aigu de cannabis Lors de la consommation de fortes doses de 9-THC (supérieures à 200 µg/kg),
l’ivresse cannabique associe un sentiment de bien être, une excitation, une dissociation idéique, des erreurs d’appréciation temporo -spatiale, des perceptions sensorielles accrues et des expériences hallucinatoires riches. Les performances cognitives et comportementales sont altérées environ 15 minutes après inhalation chez des sujets naïfs et plus tardivement chez les usagers réguliers (variations interindividuelles cependant). III.2. Usage chronique de cannabis Chez les usagers chroniques, le cannabis a un i mpact sur la mémoire à court terme, de travail, les capacités attentionnelles et serait associé à des effets neuropsychologiques résiduels. Les
performances comportementales dans les activités sociales, scolaires et récréatives sont altérées par l’usage régulier et prolongé de cannabis. Le retentissement de l’usage de cannabis sur les performances psychomotrices doit être particulièrement pris en compte pour la conduite automobile.
Le syndrome amotivationnel pourrait être la traduction de l’ensemble de ces altérations cognitives. Il associe un déficit de l’activité professionnelle ou scolaire favorisant ou amplifiant la désinsertion, la marginalisation de l’usager pouvant conduire à un état de dénutrition et/ou d’incurie, des troubles du fonctionnement intellectuel, une indifférence affective avec rétrécissement de la vie relationnelle. Enfin, la question de la persistance des altérations cognitives à l’arrêt de la consommation est actuellement un sujet à controverse dans la littérature. IV - Dommages psychiatriques liés à l’usage de cannabis IV.1 Psychose aiguë cannabique. Son apparition est en général concomitante de l’intoxication mai s elle peut
apparaître dans le mois qui suit l’arrêt de l’intoxication. Il s’agit d’un trouble d’évolution brève, durant 8 jours à 3 mois dont le début est brutal. La s ymptomatologie est proche de celle des bouffées délirantes aiguës, avec une hétéroagressivité plus importante liée à la désinhibition psychomotrice, avec une plus grande fréquence d’hallucinations et une impression de déjà -vu ou de dépersonnalisation. L’épisode délirant est résolutif à l’arrêt de l’intoxication et sous chimiothérapie neurolep tique adaptée. Les rechutes seraient plus fréquentes lors de nouvelles consommations.
IV.2. Schizophrénie Le cannabis pourrait, d’une part, précipiter l’entrée dans la maladie chez les sujets vulnérables et d’autre part altérer l’évolution de la pathologie parmi ceux qui l ’ont déjà développé.
15
IV.3. Troubles de l’humeur La prévalence des épisodes dépressifs majeurs chez les abuseurs de cannabis varie de 3 à 20 %, selon les études. La symptomatologie dépressive serait un facteur de risque de début d’usage d e substances psychoactives. Que l’épisode dépressif soit primaire ou secondaire, il peut donc aggraver ou entretenir l’abus de cannabis et faciliter le passage à l’acte suicidaire. IV.4 Troubles anxieux La survenue d’une attaque de panique lors d’un premier usage favoriserait les récidives d’attaques de panique dans cette population. Les attaques de panique chez une population souffrant de troubles anxieux favoriseraient l’arrêt spon tané de la prise de cannabis. V.5. Syndrome de dépersonnalisation Ce syndrome évoque les attaques de panique actuelles avec sensations de dépersonnalisation ou déréalisation secondaire aux prises isolées de cannabis. Il semble corrélé au niveau de
l’intoxication et l’intensité maximale du trouble apparaît dans les 30 minutes suivant la prise puis régresse en 2 heures environ. Le syndrome de dépersonnalisation pourrait durer de plusieurs mois à 1 an. V - Dommages somatiques liés à l’usage de ca nnabis PULMONAIRES Effets liés aux différents composés de la fumée du cannabis Activité bronchodilatatrice immédiate et transitoire Bronchite chronique Cancer
CARDIOVASCULAIRES Augmentation du débit cardiaque et cérébral (10 minutes après consommation) Hypotension artérielle Vasodilatation périphérique Bradycardie
Cas d’artériopathie type maladie de Buerger
VISUELS Augmentation de la photosensibilité Hyperhémie conjonctivale Mydriase inconstante
ENDOCRINIENS Diminution de la libération de prolactine, de LH et de la testostérone Peu de données
chez l’homme
CANCERS Cancers des voies aérodigestives supérieures (langue, larynx, amygdale..) chez les fumeurs de cannabis tabac et chez les fumeurs exclusifs de cannabis Cancers broncho pulmonaires AUTRES
Pas d’altérations du système immunitaire Sécheresse buccale Réduction de la motricité intestinale.
Augmentation de l’appéti VI - Principes thérapeutiques Le protocole sera individualisé, allant de simples conseils à des interventions thérapeutiques brèves faisant appel à une approche cognitive et comportementale. Un soutien familial ass ocié à une thérapie familiale
16
2-DETAILS DES ENSEIGNEMENTS MAGISTRAUX DELIVRES DANS LE MODULE ADDICTOLOGIE (Susceptibles de changer d ’une année à l’autre)
ADDICTOLOGIE : DEFINITIONS : SUBSTANCES PSYCHOACTIVES, INTOXICATION, SEVRAGE, ABUS, DEPENDANCE. ADDICTIONS: EPIDEMIOLOGIE ET COMORBIDITE.
DE LA CONSOMMATION D’ALCOOL A LA MALADIE : PHARMACOLOGIE ET CLINIQUE
TABAC : LE REPERAGE, LE CONSEIL MINIMAL, L’INTERVENTION BREVE, LES PHASES DU CHANGEMENT, L’ENTRETIEN MOTIVATIONNEL, LES TRAITEMENTS. LE CANNABIS, SES EFFETS, SES COMPLICATIONS. OPIACES LICITES OU ILLICITES, MESUSAGE ET COMPLICATIONS, TRAITEMENT DE SUBSTITUTION
LES AUTRES DROGUES HALLUCINOGENES. L’ORGANISATION
DES
ILLICITES :
SOINS.
ASPECTS
COCAINIQUES,
AMPHETAMINIQUES,
REGLEMENTAIRES
ET
INJONCTION
THERAPEUTIQUE
17
ADDICTOLOGIE Définitions : substances psychoactives, intoxication, sevrage, abus, dépendance I – DEFINITION Classiquement les substances objet d’abus sont l’alcool, le tabac, les drogues illicites et les médicaments. Elles sont associées aux addictions sans drogue : le jeu pathologique, la boulimie, la kleptomanie. Plusieurs oppositions sont à distinguer : - les drogues illicite dont l’usage privé est interdit et les substances licites dont l’usage est sanctionné dans certaines situations, l’ivresse publique, l’alcool au volant ou en milieu professionnel, l’alcool, le tabac, les jeux chez les jeunes de moins de 16 ans, le tabac dans les lieux publics… - l’opposition drogue dure/drogue douce, issue des années 70, sans définition scientifique et actuellement désuète devant les nouveaux modes de consommation ; - pour les médecins, les usages pathologiques et les consommations non pathologiques selon la perte de lib erté de s’abstenir ou la perte de contrôle ; - les substances psycho actives, objet d’abus, et les psychotropes , traitements médicamenteux des troubles psychiatriques ; si certains psychotropes sont objet d’abus, tous ne sont pas des substances psycho actives. Les drogues ont été définies en 1968 par l’OMS, selon leur capacité à engendrer :
- une tolérance à des doses de plus en plus élevées ; - une accoutumance avec une nécessité d’augmenter les doses pour retrouver les effets recherchés ; - une dépendance physique avec syndrome de sevrage à l’arrêt ; - une dépendance psychique avec nécessité de la reprise de la substance pour retrouver les effets ou calmer les malaises psychiques liés à sa privation. Les définitions actuelles, issues des classifications internationales des troubles mentaux (DSM 4 et CIM 10 de l’OMS) définissent les substances psycho actives selon leur capacité à engendrer : - une intoxication ou ivresse ; - un sevrage ; - un abus ou usage nocif ; - une dépendance. Cette approche catégorielle permet d’éclaircir les concepts en distinguant : les troubles liés aux substances (intoxication, sevrage, abus et dépendance) ; les troubles induits par les substances dans lesquels les liens de causalité sont formellement établis (ex. : état dépressif induit par l’alcool) ;
18
les comorbidités pour lesquelles les liens de causalité ne sont pas établis, une forte co-occurrence amenant des interrogations spécifiques (ex. : dépendance au cannabis et troubles schizophréniques).
La classification de DELAY et DENIKER en 1970 distingue : - les psycholeptiques qui dépriment le fonctionnement psychique : les tranquillisants et hypnotiques benzodiazépiniques et autres ; les neuroleptiques sédatifs ; les morphiniques (opium, morphine, héroïne, codéïne). - les psychoanaleptiques qui stimulent le fonctionnement psychique : les thymoanaleptiques, stimulants de l’humeur, ou antidépresseurs ; les nooanaleptiques, stimulants intellectuels, : amphétamines et anorexigènes ; la cocaïne et les cocaïniques ; les stimulants mineurs : café, tabac… - les psychodysleptiques qui modifient le fonctionnement psychique : mineurs : alcool, cannabis selon la dose ; majeurs : LSD, psylocibine, mescaline, datura, autres anticholinergiques, les médicaments antiparkinsoniens. Les classifications actuelles n’opposent plus les différentes substances entre elles mais les considèrent de manière globale du fait de leurs similitudes cliniques, épidémiologiques, neurobiologiques et thérapeutiques. II – LES TABLEAUX D’INTOXICATION ET DE SEVRAGE L’intoxication ou ivresse est un tableau clinique caractérisé par des modifications
comportementales affectives, cognitives, sensorielles et physiques spécifiques à chaque substance. Les syndromes de sevrage sont les tableaux cliniques caractérisés par les modifications comportementales affectives, cognitives, sensorielles et physiques survenant lors de l’arrêt d’une consommation continue. Ils sont spécifiques de chaque substance. III – USAGE ABUSIF, NOCIF ET A RISQUE L’usage abusif (DSM4) ou l’usage nocif (CIM 10) est un mode consommation
pathologique caractérisé par la poursuite des prises malgré des conséquences professionnelles, physiques, judiciaires ou relationnelles sans atteindre le niveau de dépendance. L’usage à risque est la consommation malgré des risques de complication sans atteindre les niveaux de l’abus ou usage nocif et de la dépendance (ex. : la prise d’alcool ou de cannabis avant de conduire ou un rendez-vous) Cette entité française n’est pas reconnue dans les classifications internationales des troubles mentaux.
19
IV – LE TABLEAU DE DEPENDANCE La dépendance à une substance est une psychopathologie évolutive s’installant habituellement à l’adolescence, la post-adolescence ou à l’age l’adulte jeune. Extensive,
elle se traduit par un développement progressif du trouble avec des prises de substances de plus en plus importantes et un envahissement progressif de la vie psychique. Ce trouble est au long cours. La dépendance est sous tendue par un attrait majeur pour les produits, une ambivalence face à l’abstinence et une faiblesse de motivation thérapeutique. Les premières demandes de soins sont tardives et apparaissent habituellement lors des complications. L’évolution est émaillée de rechutes. La dépendance est une pathologie autonome des autre pathologies dépressives, anxieuses ou psychotiques. L’alcoolodépendant peut boire car il est déprimé, mais aussi dans les contextes festifs : ce sont les phénomènes de renforcements négatifs ou positifs. Les troubles psychiatriques et les difficultés psychologiques ou existentielles sont des facteurs de vulnérabilité, de gravité ou de chronicisation. Il n’y a pas de corrélation entre le diagnostic de dépendance et le niveau de consommation de substances. La dépendance est d’intensité légère, modérée ou sévère
selon le niveau de consommation. Ce diagnostic est posé sur des critères cliniques et non quantitatifs. Sur le plan clinique on retrouve fréquemment : - une sous estimation du niveau de consommation : le patient pense fumer 20 cigarettes/jour, un recueil quotidien relève une moyenne de 30/jour sur la semaine ; - une sous verbalisation : le sujet exprime rarement spontanément son niveau de consommation ; - une banalisation de la consommation : tous le monde prend de l’alcool, tous les jeunes ont expérimenté le cannabis, partout il y a de la cocaïne ou de l’héroïne. Sur le plan critériologique, le DSM 4 pose ce diagnostic avec la présence d’au moins trois critères parmi les sept suivants : tolérance, syndrome de sevrage, quantité consommée ou durée de consommation plus importante que prévue, désir ou effort infructueux pour diminuer ou contrôler la consommation, beaucoup de temps passé dans cette consommation, abandon des activités professionnelles et le critère de l’abus. Cette dépendance est dite avec ou sans dépendance physique selon l’existence des deux premiers critères, une tolérance ou un syndrome de sevrage à l’arrêt. Il n’y a plus actuellement d’opposition entre dépendance psychologi que et dépendance physique,
mais un diagnostic psychiatrique de dépendance avec ou sans dépendance physique. Les définitions actuelles insistent plus sur la perte de contrôle que sur des symptômes physiques d’apparition secondaire.
20
Toujours selon le DSM4, une dépendance est dite en rémission précoce entre un mois et un an d’abstinence, en rémission prolongée au delà. Ces rémissions peuvent être partielles ou totales selon la persistance d’un des critères. Un patient sous traitement de substitution est dit être en rémission sous traitement de substitution. V –DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL La dépendance à une substance psychoactive est à distinguer d’autres dépendances médicamenteuses : la dépendance thérapeutique dans laquelle le sujet dépen d d’un traitement soignant une pathologie ; certains sujets assimilent les psychotropes à des drogues en niant leur efficacité thérapeutique ; les antidépresseurs sont le traitement de la maladie dépressive et n’ont pas d’effet euphorisant chez le sujet non déprimé ;
les dépendances médicamenteuses à des substances non psychoactives comme la maladie des laxatifs, les dépendances aux amines vasopressives lors de sinusites auto entretenues, les bêtamimétiques chez l’ asthmatique… ;
la pharmacomanie avec de nombreuses prises de multiples petits médicaments ;
l’usage occasionnel, circonstanciel, sans motivation ou attrait spécifique pour
un produit ou le milieu de consommateurs ; il est souvent mis en avant par les sujets abuseurs dans un processus de sous-estimation de leur dépendance. VI – LES FACTEURS DE VULNERABILITE L’abus et la dépendance à une substance renvoient des facteurs étiopathogéniques dits
facteurs de vulnérabilité. Ils permettent de comprendre pourquoi certains sujets auront une consommation contrôlée et d’autres une consommation pathologique. Ces facteurs sont divers : les facteurs de vulnérabilité biologiques : les substances psycho actives stimulent le système de récompense, en particulier la transmission dopaminergique du noyau accumbens. Les substances les plus addictives se caractérisent par leur rapidité d’action ou leur forte concentration en principe actif. Il existe une génétique des drogues.
les facteurs de vulnérabilité psychologiques : certains traits de la personnalité exposent, particulièrement aux dépendances aux substances, la recherche de sensations, la désinhibition et l’impulsivité, la dépendance affective, la dépressivité. Toutes les personnalités pathologiques et toutes les psychopathologies de l’adolescence ou de l’âge adulte exposent à une dépendance.
21
les facteurs de vulnérabilité sociaux : la place des toxiques dans les familles, l’influence des pairs, l’existence de modèles identificatoires adultes, l’accès au produits sont déterminants ; l’information le semble moins. l’adolescence est une période de vulnérabilité spécifique, sur le plan psychologique avec la construction d’une identité de sujet addict, sur le plan neurobiologique avec des récepteurs neurobiologiques plus nombreux. les facteurs de protection sont une intelligence relationnelle, une souplesse affective et des modèles identificatoires adulte. CONCLUSION Les troubles liés aux substances sont d’authentiques pathologies. Leur traitement nécessite un suivi ambulatoire au long cours. Les hospitalisations sont indiquées en cas de sevrage ou lors des complications psychiatriques et somatiques. Les prises en charge sociales et éducatives sont indispensables. Les stratégies médicamenteuses sont doubles, de sevrage avec post sevrage ou substitutives pour le tabac et les opiacés. L’objectif de la substitution nicotinique est une de désensibilisation progressive, celui de la substitution opiacée le maintien dans un programme de soins pour une évolution psychologique. La prévention primaire renvoie aux facteurs de vulnérabilité, la prévention secondaire au repérage et aux prises en charge précoces, la prévention tertiaire à la politique de réduction des risques.
22
ADDICTIONS: EPIDEMIOLOGIE ET COMORBIDITE
Résumé : La consommation d'alcool est, en France, de 17 litres d'alcool pur par habitant et par an (3 rang européen). 34% de la population fume régulièrement et le tabagisme est responsable d'au moins 60 000 décès par an. Environ 60% des garçons et 43% des filles disent avoir déjà expérimenté le cannabis. En 2000, 1.4% des français âgés de 18 à 75 ans déclarent avoir déjà consommé de la cocaïne (ou ses dérivés). Cinq pour cent des garçons et 2.2% des filles de moins de 18 ans reconnaissent avoir déjà expérimenté l'ecstasy et la même proportion de garçons et de filles ont déjà expérimenté des substances hallucinogènes. Cent cinquante mille personnes présenteraient en France une dépendance aux opiacés. Les conséquences directes ou indirectes des abus et dépendances aux substances psychoactives représentent un problème majeur de santé publique. On estime que la mortalité chez les personnes dépendantes est 10 à 20 fois plus importante qu'en population générale. Il existe une inégalité des individus face au risque de développer une dépendance. Quel que soit le produit incriminé dans la conduite de dépendance, des facteurs neurobiologiques peuvent prédisposer certains sujets à développer une dépendance. Des antécédents familiaux de dépendance, des événements de vie stressants, la présence d'une ou plusieurs pathologies psychiatriques, troubles des conduites dans l'enfance, certains traits de personnalité comme la "recherche de sensation" sont également des facteurs de risque d'abus et de dépendance. On considère néanmoins que la toxicomanie ou la dépendance à tel ou tel produit est le résultat de la "rencontre" entre un individu donné et une substance donnée. ème
Référence bibliographique :
DROGUES et DEPENDANCES Le livre d’information Edition INPES 2006 ITEM 45 in THUILE , J. et ROUILLON, F. Psychiatrie et Pédopsychiatrie Cahier des ECM Masson 2008-06-30 Information :
Drogues info service : 0800 23 13 13 Ecoute CANABIS : 0811 91 2020 Ecoute Alcool : 0811 91 3030 Tabac Info service : 0825 309 310 I - METHODES DE MESURE
23
L’épidémiologie utilise différentes méthodes de mesure pour évaluer les addictions : - la consommation globale d’une population , rapportée au nombre d’habitants (par exemple - le nombre de litres d’alcool pur consommé, en moyenne, par an et par habi tants en France - les enquêtes de consommations ( par exemple le nombre de sujets ayant déjà fumé du cannabis ou ceux en fument régulièrement ) - les études de consommateurs ( études de prévalence ou d’incidence). Ce qui suppose de - différencier les types de consommation, par exemple l’abus d’alcool ou la dépendance à - l’alcool et un seuil pathologique : Pour la femme : 2 verres d'alcool (10g d'alcool par verre) par jour maximum Pour l'homme : 3 verres d'alcool par jour maximum - les conséquences des addictions ( contamination SIDA par injection , overdoses, cirrhoses - hépatiques, actes médico-légaux,...) L’analyse des facteurs de risque est comparable à celle de l’épidémiologie en général.
II – ALCOOL En France, on dénombre : 6 000 000 de buveurs excessifs et 2.5 millions de "malades" alcooliques, dont 600 000 femmes (alcoolodépendants). Responsable de 37 000 décès en France. Troisième cause de mortalité. L'alcool est un facteur de risque direct ou indirect pour 15% des maladies. La prévalence de l'alcoolisme augmente avec l'âge. L'âge de début est cependant de plus en plus précoce. Augmentation constante de l'alcoolisme féminin. Plus de 50% des tentatives de suicides impliquent une prise d'alcool. Etiologie multifactorielle (génétique, biologique, psychologique, environnementale, sociale) On peut identifier la dépendance par le questionnaire DETA
QUESTIONNAIRE DETA Ce questionnaire évalue le degré de dépendance à l'alcool. On compte 1 point par réponse positive : OUI
NON
1-Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de boissons alcoolisées? 2-Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation? 3-Avez-vous déjà eu l'impression que vous buviez trop? 4-Avez-vous déjà eu des besoins d'alcool dès le matin pour vous sentir en forme? TOTAL =
24
RESULTATS: Un score supérieur ou égal à 2 fait suspecter un alcoolis me chronique.
III - T ABAC Directement responsable de 60 000 morts par an. 1/3 de la population française est fumeur. Prévalence élevée chez les patients souffrants d'un trouble psychiatrique. Sex ratio proche de 1. Facteurs de risques multiples : neurobiologiques, comorbidités environnement fumeur ou stressant, rôle "coupe faim" du tabac.
psychiatriques,
Test de dépendance à la nicotine (Fagerström)
1/ Dans quel délai après le réveil fumez-vous votre première cigarette ?
- Moins de 5 mn (3) - 6 à 30 mn (2) - 31 à 60 mn (1) - Après 60 mn (0)
2/ Trouvez-vous difficile de ne pas fumer dans les endroits interdits ?
- Oui (1) - Non (0)
3/ Quelle cigarette trouvez-vous la plus indispensable ?
- La première (1) - Une autre (0)
4/ Combien de cigarette fumez-vous par jour ?
- 10 ou moins (0) - 11 à 20 (1) - 21 à 30 (2) - 31 ou plus (3)
5/ Fumez-vous davantage les premières heures après le réveil que pendant le reste de la journée ?
- Oui (1) - Non (0)
6/ Fumez-vous même si vous êtes malade et alité la majeure partie de la journée ?
- Oui (1) - Non (0)
Evaluation : Très faible ou pas de dépendance 0 à 2 Faible dépendance 3 à 4 Dépendance moyenne 5 à 6 Forte à très forte dépendance 7 à 10
IV - TOXICOMANIE A- CANNABIS Environ 60% des garçons et 43% des filles de 17 ans disent avoir déjà pris du cannabis. L'usage quotidien concerne 7% des garçons et 3% des filles.
B- COCAÏNE ET PSYCHOSTIMULANTS
25
Importance croissante de la consommation de cocaïne et de psychostimulants Surtout à usage récréatif mais dépendance fréquente et répercussions sociales et somatiques majeures. - Cocaïne : Chlorhydrate de cocaïne : sniffée, parfois fumée ou injectée, pour un usage surtout récréatif, intégrative, synonyme de réussite sociale. Cocaïne base : Crack : fumé ou injecté (cocaïne du pauvre, puissant pouvoir addictogène). Action dopaminergique puissante. Fréquence des addictions associées (alcool, cannabis et héroïne pour la "descente"). - Ectasy (MDMA) : neurotoxine sérotoninergique sélective, GABAergique. dérivé de l'amphétamine.
C- SUBSTANCES HALLUCINOGENES Un pour cent de la population générale déclare avoir expérimenté le LSD ou une autre substance hallucinogène.
D- OPIACES Entre 100 000 et 150 000 toxicomanes aux opiacés en France Environ une centaine de morts, par an, par overdose. Concerne 1 femme pour 3 hommes. Début entre 17 et 23 ans, rarement après 25 ans. Concerne tout les milieux sociaux. Les rémissions spontanées sont fréquentes pour les opiacés contrairement aux dépendances à d'autres substances comme le tabac ou l'alcool.
V - COMORBIDITES PSYCHIATRIQUES A- ALCOOL ET COMORBIDITES PSYCHIATRIQUES 1)
Syndrome dépressif
Prévalence vie entière de la dépression de 30 à 50% chez les sujets alcooliques. Classiquement, on ne doit traiter une symptomatologie dépressive chez un sujet alcoolique que si celle-ci perdure à distance (quelques jours) du sevrage.
2) Suicide L'alcool est un facteur de risque majeur du passage à l'acte suicidaire, que le sujet soit déprimé ou non.
26
3) Troubles anxieux Alcool souvent utilisé comme automédication d'un trouble anxieux quel qu'il soit (Trouble anxieux généralisé, Trouble panique, Agoraphobie, Phobie sociale…). L'anxiété est également une complication de l'alcoolisme chronique. 4) Troubles du caractère Modification du caractère avec apparition d'une irritabilité, impulsivité, retrait social, désinvestissement social et professionnel.
B- TOXICOMANIE ET COMORBIDITES PSYCHIATRIQUES Troubles de la personnalité : le trouble de la personnalité le plus représenté parmi les toxicomanes est le trouble de personnalité antisocial (dyssocial ou psychopathique, 35 à 50% des sujets). La consommation de certaines substances peut en elle-même entraîner des comportements antisociaux (cf. item 286). Troubles de l'humeur : prévalence élevée de la dépression sur la vie entière : entre 30 et 60% selon les études (cf. item 285). Troubles anxieux : 11 à 30% des sujets toxicomanes présenteraient un trouble anxieux (cf. item 41). Troubles psychotiques : la schizophrénie concernerait environ 10% des toxicomanes (cf. item 278). Ces données sont à peu près similaires quelle que soit la substance responsable de l’addiction.
27
ALCOOL : DE LA PHARMACOLOGIE A LA CLINIQUE Introduction Ce cours aborde quelques notions de base sur le mode d’action de l’éthanol dans l’organisme. Il traite notamment de la pharmacocinétique de l’éthanol et de son métabolisme. On
évoquera également les principales pathologies liées à la consommation chronique d’alcool en insistant sur les atteintes hépatiques et neurologiques. Il ne sera pas question des mécanismes neurobiologiques de la dépendance à l’alcool, ni
du syndrome de sevrage. Comment estimer la consommation d’alcool d’un patient ? La quantité d’alcool d’une boisson alcoolisée peut être calculée grâce à la formule
suivante : Quantité d’alcool (g) = volume (ml) x degré d’alcool (%)/100 x 0,8 (densité de l’alcool). Il faut connaître le degré d’alcool des boissons les plus courantes : la bière est à 5%, la bière forte à 8 ou 9% voire plus, le vin à 12% , les alcools "forts" (whisky, vodka, pastis…)
à 40%. Dans certaines situations, il est plus simple d’utiliser l’approximation suivante : Un verre « standard » d’une boisson alcoolisée = 10 g d’alcool.
La notion de verre « standard » correspond aux verres typiquement servis dans un café (demi de bière, « ballon de rouge »…) Pharmacocinétique de l’éthanol L’alcool est absorbé de façon passive dans l’estomac et surtout dans l’intestin grêle. Une vidange rapide de l’estomac (par exemple lorsque l’alcool est consommé à jeun) accélère
son absorption. Le pic sérique (ou alcoolémie maximale) est atteint entre 15 et 60 minutes après l’ingestion. L’alcool diffuse ensuite rapidement dans tous les tissus de l’organisme. Sa concentration
dans les organes est donc identique à celle dans le sang. L’ingestion de 10 g d’alcool augmente, en moyenne, l’alcoolémie de 0,2 g/l. Il s’agit d’une approximation qui doit être modulée en fonction de la corpulence du sujet. L’organisme élimine plus de 90% de l’éthanol par son métabo lisme hépatique (cf. infra). Le reste est éliminé inchangé dans les urines, la transpiration et l’air expiré. L’élimination de l’éthanol par l’organisme est linéaire. L’alcoolémie diminue en moyenne de 0,1 g/l toutes les heures.
Cette diminution est plus rapide en cas de consommation chronique. Effets aigus de l’ingestion d’alcool L’alcool, a faible dose, a un effet stimulant avec une modification de l’humeur, généralement dans le sens de l’euphorie voire d’une déshinibition. A plus forte dose, on voit ap paraître une ataxie et un effet sédatif pouvant aboutir au coma. Celui-ci s’installe pour des alcoolémies de l’ordre de 4g/l en moyenne. Il apparaît pour des dose s plus faibles chez les patients qui n’ont pas l’habitude de consommer de l’alcool. A l’inverse les alcooliques chroniques peuvent relativement bien tolérer des alcoolémies plus élevées.
28
Métabolisme de l’éthanol La dégradation de l’alcool se fait essentiellement dans le foie en deux étapes : L’éthanol est d’abord transformé en acétaldéhyde soit par
l’alcool
deshydrogénase (ADH), soit par le système MEOS (microsomal ethanol oxidising system) qui est activé en cas de consommation régulière. L’acétaldéhyde, dont le passage sanguin peut provoquer des malaises avec flush et tachycardie, est rapidement dégradé en acide acétique par l’acétaldéhyde
deshydrogénase (ALDH). Cette enzyme est déficiente chez certains asiatiques qui ressentent des sensations désagréables en cas de consommation d’alcool et sont donc protégés contre le développement d’une alcoolo-dépendance. Le disulfiram (Espéral®) est un inhibiteur de l’ALDH utilisé pour prévenir la rechute des
patients dépendants. En résumé : Ethanol
Acétaldéhyde
ADH ou MEOS
Acide Acétique
ALDH
L’acide acétique passe ensuite dans la circulation sanguine et est une source d’énergie pour les cellules.
Alcool et Nutrition 1g d’éthanol apporte 7 kcal. C’est un apport d’énergie non négligeable chez les buveurs excessifs (par exemple, une bouteille de whisky apporte 1.680 kcal). Les boissons alcoolisées sont, cependant, dépourvues de protéines, de lipides, de vitamines et d’oligoéléments. L’alcool augmente, de plus, la déperdition calorique et perturbe l’absorption et le métabolisme d’autres nutriments. Enfin, la consommation d’alcool excessive est souvent associée à une alimentation déséquilibrée. C’est pourquoi, si les buveurs excessifs peuvent être en surpoids ou dénutris, ils sont, dans tous les cas, à risque de carences. Les déficits en vitamines (vitamine B1, folates…) ou en oligoéléments (magnésium, phosphore…) sont particulièrement fréquents.
Toxicité de l’éthanol Quasiment tous les tissus de l’organisme peuvent être lésés en cas d’ingestion chronique d’alcool (cf. tableau 1). La physiopathologie des lésions induites par l’éthanol est
imparfaitement connue et probablement complexe. Deux notions méritent toutefois d’être soulignées : Le métabolisme de l’éthanol semble tenir un rôle prépondérant expliquant ainsi le fait que le foie soit l’organe le plus fréquemment touché. Ce métabolisme est notamment à l’origine d’une augmentation du stress oxydatif dans les
hépatocytes qui est vraisemblablement le principal facteur de la toxicité cellulaire. Les carences associées à la consommation d’éthanol expliquent également un
certains nombres de pathologies fréquentes chez le buveurs excessifs. La carence en vitamine B1 est ainsi impliquée dans la neurotoxicité et notamment dans le développement des syndromes de Gayet-Wernicke et de Korsakoff. Nous allons brièvement évoquer les atteintes hépatiques et neurologiques induites par la consommation d’alcool. Ce sont celles d ont les conséquences sont les plus lourdes en termes de mortalité (complications de la cirrhose) ou d’handicap fonctionnel (neurotoxicité). Les pathologies liés à l’alcool seront, par ailleurs, traitées plus en détails lors d’enseignements spécifiques (hép ato-gastroentérologie, neurologie…).
29
L a maladie alcoolique du f oie (M AF ) Lé sions histol ogiques et hi stoi res natur ell es A partir d’une consommation régulière supérieure à 30g/j chez la femme et à 40 g/j chez l’homme, l’éthanol risque d’induire des perturbations métaboliques à l’origine d’une accumulation de lipides dans les hépatocytes. Cette graisse est visible histologiquement sous la forme de grosses gouttelettes intracytoplasmiques. C’est la stéatose qui est une lésion quasi-constante en cas de MAF. Lorsque la souffrance cellulaire devient plus importante, on voit apparaître des lésions de nécrose (avec un ballonisation des hépatocytes et la présence d’inclusions caractéristiques dans leurs cytoplasmes, les corps de Mallory) ainsi qu’une inflammation (sous la forme d’un infiltrat à polynucléaire dans les lobules hépatiques). On parle alors d’hépatite alcoolique aiguë (HAA) (ou de stéatohépatite car une stéatose y est presque toujours associée). Au stade initial de la maladie, ces lésions restent asymptomatiques mais vont être à l’origine de l’accumulation progressive de tissus fibreux autour des veines centro-lobulaires et des espaces portes. Au bout de plusieurs années, cette fibrose peut devenir confluente, puis mutilante avec la constitution d’anneaux fibreux délimitant des nodules de régénération. C’est le stade de cirrhose qui expose à plusieurs types de complications : Insuffisance hépatocellulaire avec risque d’ictère (IHC), d’encéphalopathie hépatique et une susceptibilité particulière aux infections ; Hypertension portale (HTP) avec un risque d’hémorragie digestive par rupture de varices oesophagiennes ; Constitution d’une ascite (à laquelle contribuent l’IHC et l’HTP) parfois associée à des troubles hydro-électrolytiques voire à une défaillance rénale ; Apparition d’un cancer primitif du foie ou carcinome hépatocellulaire (CHC) dont l’incidence est d’environ 3% par an chez le cirrhotique. M oyens diagnostiqu es Le diagnostic de MAF repose sur : La clinique : hépatomégalie fréquente ; un foie ferme et/ou à bord inférieur tranchant ainsi que des signe d’IHC (ictère, angiomes stellaires, asterixis…) ou d’HTP (circulation veineuse collatérale, splénomégalie…) doivent faire évoquer une cirrhose. L’imagerie : l’échographie montre souvent un foie hyperéchogène en faveur d’une stéatose ; une dysmorphie peut se voir en cas de cirrhose ; elle peut révéler un CHC. La biologie : cytolyse modérée (2 à 5 fois la normale) avec des ASAT supérieures aux ALAT, augmentation des γ-GT ; des signes d’IHC (baisse du TP et de l’albumine, augmentation de la bilirubine conjuguée) ou une thrombopénie (hypersplénisme) sont en faveur d’une cirr hose ; l’α-foeto-protéine peut être augmenté en cas de CHC ; possibilité d’hyperleucocytose à PNN en cas d’HAA. L’élastométrie hépatique : elle mesure la dureté du foie qui est augmentée par la fibrose. C’est un examen particulièrement utile pour le diagnostic de cirrhose (élastométrie le plus souvent supérieure à 15 kPa). La biopsie hépatique : permet de faire un bilan lésionnel précis ; son indication est à discuter au cas par cas car c’est un examen invasif. La gastroscopie : à faire systématiquement en cas de cirrhose pour rechercher des varices oesophagienne.
30
Principes du traitement Dans tout les cas, l’abstinence vis-à-vis de l’alcool est à la base du traitement. Elle permet de faire régresser les lésions de stéatose, d’HAA et parfois la fibrose. En cas de cirrhose, elle diminue le risque de complication. La corticothérapie est indiquée en cas d’HAA sévère. Son efficacité a été démontrée lorsqu’il existe un ictère avec une IHC (le plus souvent dans un contexte de cirrhose). L’indication des corticoïdes repose alors sur le score de Maddrey :
Score de Maddrey = bilirubinémie (µmol/l)/17 + [TP témoin – TP patient (sec.)] x 4,6 Si ce score est supérieur à 32, il faut : Confirmer
le
diagnostic
d’HAA
histologiquement
(biopsie
hépatique
transveineuse), Débuter une corticothérapie per os : prednisone ou prednisolone 40 mg/j pendant 28 j. En cas de cirrhose, il faut insister sur la prévention, le dépistage (CHC notamment) et le traitement des complications ainsi que sur l’utilisation très prudente de certains médicaments (AINS, psychotropes, paracétamol…). La transplantation hépatique doit être envisagée en cas de complication grave de la cirrhose. Elle n’est possible que chez un patient abstinent. Alcool et atteintes neurologiques Encé phalopath ies alcooliques carenti ell es Elles sont la conséquence d’une carence en vitamine B1 (thiamine) qui est une co -enzyme indispensable au fonctionnement neuronal. La présentation aiguë correspond au syndrome de Gayet-Wernicke. Classiquement, on retrouve la triade : Syndrome confusionnel, quasi constant, Troubles occulomoteurs (nystagmus, paralysie du VI…), Troubles du tonus et/ou de l’équilibre. En pratique, cette triade est souvent incomplète. Le traitement est une urgence vitale et fonctionnelle et doit être débuté sur simple suspicion clinique sans attendre la confirmation du diagnostic. Traitement de l’encéphalopathie de Gayet -Wernicke :
Vitamine B1 : 1g/24h en IVL pendant au moins 2 jours En pratique, il est indiqué de principe : Chez tout « alcoolique » confus, Chez tout « alcoolique » perfusé, Devant toute confusion inexpliquée. En cas de retard de prise en charge, il peut s’installer un syndrome de Korsakoff, par destruction irréversible des corps mamillaires. Ces structures sont indispensables au stockage d’informations nouvelles. Le syndrome de Korsakoff se caractérise par une amnésie antérograde très sévère, souvent associée à des fausses reconnaissances. La mémoire des faits anciens et les autres fonctions supérieures sont relativement préservées.
31
Autr es atteintes neur ologiques fré quentes La consommation d’alcool excessive favorise également l’apparition d’une démence précoce qui se distingue du syndrome de Korsakoff par une atteinte globale des fonctions supérieures. Les neuropathies périphériques et les dégénérescences cérébelleuses sont également fréquentes et souvent invalidantes. Ces atteintes font probablement intervenir une part carentielle avec la participation d’une toxicité directe de l’alcool et/ou de son métabolisme. Le traitement repose sur l’abstinence et la supplémentation vitaminique avec une récupération incertaine mais parfois spectaculaire.
Tableau 1 : principales complications somatiques de la consommation d’alcool chronique • • •
Stéatose Hépatite alcoolique Cirrhose/Hépatocarcinome
Système nerveux
• • • • • •
Ivresse aiguë Gayet-Wernicke/Korsakoff Démence Dégénérescence cérébéleuse Neuropathie périphérique Névrite optique rétro-bulbaire
Voies aéro-digestives supérieures
• •
Cancers ORL
Cellules sanguines
• • •
Macrocytose Thrombopénie Déficit immunitaire
Etat nutritionnel
• • •
Dénutrition/Obésité Carences multiples Hypertriglycéridémie
• • •
Ostéoporose Fractures multiples (chutes) Nécrose aseptique de la tête fémorale
Système digestif
• •
Pancréatite aiguë et chronique Oesophagite, ulcère
Muscle
• •
Amyotrophie Cardiomyopathie
Foie
Os
Cancer de l’oesophage
32
TABAC : LE REPERAGE, LE CONSEIL MINIMAL, L’INTERVENTION BREVE, LES PHASES DU CHANGEMENT, L’ENTRETIEN
MOTIVATIONNEL, LES TRAITEMENTS I)
Introduction
Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France ; d’où l’importance d’une prise en charge optimale d’un patient tabagique. Pour tout patient qui fume il faut
faire un double diagnostic : - où il en est de sa motivation pour arrêter. - Quel type de dépendance il a (physique et ou psychique et ou comportementale). En fonction de ces deux diagnostics la prise en charge sera différente. Au départ est le repérage et le conseil minimal. II)
Repérage, conseil minimal et intervention brève
Trois études en ont montré l’importance dans toute consultation : - sur une année un médecin qui motive 10 fumeurs à arrêter de fumer aura -
prévenu 5 décès [1]. si chaque médecin généraliste pratiquait le conseil minimal il y aurait 200000 arrêts soutenus (+ de 6 mois) par an en France [2]. une intervention de 3 minutes entraine une abstinence à un an entre 2 à 5% des patients [3].
Le conseil minimal réalisé par le médecin sera d’autant plus efficace que son intervention
sera renforcée par des actions collectives de prévention. Accompagner le conseil minimal c’est aussi faire de l’information au cabinet, dans la salle d’attente.
Le conseil minimal ce sont 2 questions : FUMEZ-VOUS et si oui, SOUHAITEZ-VOUS ARRÊTER ? 1) non je ne fume pas Vous n’avez jamais fumé ? - non : on passe à autre chose (l’alcool ?) - oui : depuis quand avez-vous arrêté ? si l’arrêt est récent il faut employer la
stratégie des phases de maintien / consolidation et prévention des rechutes (cf. paragraphes correspondants). 2) oui je fume Le médecin complètera l’évaluation du statut tabagi que lors de cette consultation ou à la
suivante par : -
la recherche des complications (K, BPCO, coronaropathie, artérite…).
le repérage des contre-indications (pilule, implant dentaire, IVG médicamenteuse). le repérage d’autres consommations de produits psycho actifs (le risque relatif de cancer ORL pour tabac+alcool dépasse 30 [4].
-
le repérage de pathologies aggravées par le tabagisme (PR…). l’information du risque pour l’entourage lié au tabagisme passif
-
(nourrissons, enfants). la spécificité des risques chez la femme (fertilité, grossesse, peau…).
33
Il faut faire un diagnostic de la motivation : ou en est le patient dans les différents stades du changement ? (cf. annexe 1). Les 3 conditions sine qua non pour changer un comportement (ici pour arrêter de fumer) : - il faut que ce soit important pour le patient. - il faut qu’il ait confiance dans sa capacité : 75% des ex-fumeurs estiment que le sevrage a été beaucoup plus facile que ce qu’ils avaient imaginé ! [5]. - il faut que ce soit le bon moment. III)
Les 3 premières phases du changement
1) la phase de pré-intention
le patient : - a du plaisir : « je sais que fumer n’est pas bon pour moi, mais j’aime trop ça pour m’arrêter ». - résiste : « il n’est pas question que j’arrête ». - est résigné : « je sais que je n’arriverai jamais à arrêter »
- rationnalise : « il faut bien mourir de quelque chose ». - voire agresse : « commencez pas à m’emm… avec ça ». le médecin : - doit aider à percevoir le problème. - doit faire naitre le doute. - doit éviter l’affrontement : accompagner la résistance, l’accepter, la normaliser : « bien sur je comprends votre position même si, d’un point de vue médical, je ne peux pas être d’accord » - doit soutenir et renforcer le sentiment d’efficacité personnelle : « bien sur changer ça ne va pas de soit », « seul vous, vous pouvez prendre la décision ». l’intervention brève : -
il faut donner un conseil clair, ferme, sans jugement de valeur, avec
empathie : « d’un point de vue strictement médical arrêter de fumer est la meilleure chose que vous puissiez faire pour votre santé ». - faire savoir que nous pouvons l’aider s’il le souhaite. - inviter le patient à la réflexion, lui remettre une brochure, pour en reparler lors d’une prochaine consultation : « si vous le voulez bien ».
2) la phase d’ intention
Plus de 65% des fumeurs souhaitent arrêter de fumer, les 2/3 dans un avenir proche (1 an)[6]. le patient : - est dans les justifications, les contradictions, l’ambivalence, les alibis : « il faudrait que j’arrête parce que ça me coûte trop cher », « il faudrait que je m’arrête, mais je suis trop mal en ce moment », « il faudrait bien que j’arrête d’ici la fin de l’année », « j’aimerais bien m’arrêter mais si mon mari n’arrête pas… ».
le médecin : doit créer une balance décisionnelle (mais c’est au patient de trouver ses arguments pour continuer et ses arguments pour arrêter). -
34
-
doit explorer l’ambivalence en pointant que c’est normal d’être ambivalent :
« je veux et je ne veux pas ». - doit promouvoir le changement. - doit aider à trouver les raisons de changer. - doit rechercher le potentiel. -
doit chercher les ressources (l’entourage).
3) la phase de préparation
le patient : -
-
IV)
a l’intention de passer à l’action dans un futur immédiat (≤ 6 mois) : « ça y est, c’est décidé je vais arrêter », « je suis prêt comment on fait ? ».
le médecin : doit faire le diagnostic des 3 dépendances : pour aider à trouver la méthode acceptable et accessible, et planifier un programme d’action.
Les 3 dépendances :
1) la dépendance physique
-
la nicotine en est responsable. le manque se caractérise par : une irritabilité et une agitation, des troubles du sommeil, des troubles de l’appétit,
des troubles du transit, une humeur dépressive, des pensées obsédantes et des pulsions irrésistibles à fumer…
il faudra faire le test de Fagerström (cf. annexe 2) et le traitement dépendra du résultat du test (cf. chapitre traitement). 2) la dépendance comportementale
correspond à des comportements appris au fil des semaines et des mois lors de la phase d’initiation ; ses principaux facteurs sont la pression sociale et la convivialité : appartenance à un groupe. Elle comprend des rituels, avec des gestes automatiques, répétitifs et à des moments particuliers de plaisir (la cigarette avec le café). Le traitement emploiera les techniques comportementaux-cognitivistes. 3) la dépendance psychologique
Fumer correspond au besoin de maintenir ou retrouver des sensations de plaisir, de satisfaction, de détente, de bien-être, de stimulation intellectuelle, d’éveil. Fumer permet pour certains de gérer le stress, d’augmenter l’estime de soi en cas d’anxiété sociale. Le tabac sert donc d’automédication : anxiolytique, antidépresseur, stimulant…
V) La quatrième phase du changement : l’action :
35
1) le patient change son comportement. 2) le médecin :
accompagne le changement, identifie, valorise et « récompense » les succès, permet et encourage la réaffirmation de la décision, et si nécessaire prescrit des « béquilles » chimiques. V)
Les traitements (validés) 1) l’intérêt d’une prise en charge globale [6] La prise de médicament seule multiplie par 2 le taux d’abstinence continue.
La thérapie comportementale multiplie par 3 ce taux. L’association le multiplie par 6. 2) les substituts nicotiniques
il est possible de les prescrire en cas de comorbidité (maladie coronaire stable, artérite, BPCO, troubles anxiodépressifs…)
il est même possible de continuer à fumer (théorie du « limiter les risques » : il vaut mieux fumer très peu avec des patchs que fumer beaucoup sans patchs). Pour un test de Fagerström (cf. annexe 2) ≤ 3 les patchs ne sont pas
nécessaires, éventuellement des gommes à 2mg à la demande. Pour un test =4 il faut prescrire ou des patchs à 10mg/16h ou, si la première cigarette est prise rapidement le matin avec une propension à fumer plus le matin des patchs à 7mg/24h ou éventuellement des gommes à 2mg à la demande. Pour un test à 5 ou 6 il faut prescrire selon le nombre de cigarettes fumées des patchs à 14 ou 21mg/24h. Pour les tests ≥ 7 il faut un traitement de fond avec des patchs à 21mg /24h voire 21+7mg/24h avec des gommes à 4mg à la demande (s’il faut beaucoup de gommes toute la journée c’est que le traitement de fond est sous-dosé). De toute façon le dosage des patchs sera adapté en fonction de l’existence
de symptômes de surdosage (diarrhée, nausées, palpitations, insomnies, bouche pâteuse…) ou de sous-dosage (manque, irritabilité, agitation, anxiété…). 3) le bupropion (Zyban®)
de son vrai nom chimique : amfébutamone ; c’est une molécule apparentée aux amphétamines qu’il faut donc prescrire avec prudence surtout chez les toxicomanes.
Les effets secondaires (irritabilité, dépression, insomnies, céphalées, anorexie, dépendance…) sont supérieurs aux résultats : à éviter. 4) la varenicline (Champix®)
L'action de la varenicline dans le sevrage tabagique est le résultat d'une activité agoniste/antagoniste au niveau du récepteur nicotinique où sa liaison produit un effet suffisant pour soulager les symptômes de besoin impérieux et de manque (effet agoniste), tout en entraînant simultanément une réduction des effets de récompense et de renforcement du tabagisme en empêchant la liaison de la nicotine aux récepteurs (activité antagoniste). « Pour le sevrage tabagique, en l’absence de comparaison directe, il n’est pas établi que la balance bénéfices-risques de la varénicline soit plus favorable que celle
36
de la nicotine. Une comparaison indirecte ne suggère pas de différence décisive. Autant en rester en premier choix à la nicotine, disponible sous de multiples formes et dosages. Motiver et soutenir les patients reste primordial » [8]. « à 52 semaines, on n’observe pas de différence significative entre le taux d’abstinence sous varénicline et celui sous patch » [9,10]. 5) les TCC : très brièvement seront décrites 4 techniques utilisables par le médecin
dans le sevrage tabagique : l’autocontrôle - l’autocontrôle cognitif : focaliser, au moment du passage à l’acte, ses pensées sur les aspects positifs de l’arrêt (voir la mine réjouie de son fils par exemple) (= feed-back positif) ou sur les aspects négatifs de la reprise ou de l’état antérieur (se voir avec une bouteille d’oxygène ou la mine désolée de son fils…) (feed-back négatif). Les feed-back sont spécifiques à chaque patient et doivent se préparer à l’avance. - l’autocontrôle comportemental : quitter la situation, changer de comportement comme marcher, sortir, boire un grand verre d’eau, retarder une cigarette (celle par exemple qui accompagne le café : c’est la technique de dissociation).
le contre conditionnement : - c’est l’affirmation de soi avec des techniques de relaxation. - c’est l’essai d’une désensibilisation mentale. le renforcement positif : c’est faire pointer par le patient et insister sur les points positifs retrouvés par le
changement de comportement. le renforcement négatif c’est faire pointer par le patient et insister sur les points négatifs perdus par le
changement de comportement. VII) La cinquième phase du changement : le maintien et la consolidation 1) le patient : cela correspond à une modification du com portement durable (≥ à 6 mois). 2) le médecin :
doit aider à identifier et utiliser des stratégies de prévention de la rechute, doit maintenir un feed-back constant, doit continuer à explorer l’ambivalence.
VIII) La rechute 1) le patient :
doit pouvoir revenir si les rechutes ont été programmées et préparées voire présentées comme des expériences, doit pouvoir revenir et faire « déplaisir » à son médecin (si le patient a l’impression que c’était pour faire plaisir à son médecin qu’il a fait un effort d’arrêter) (c’est ce qu’on appelle la motivation extrinsèque, celle qui vient des autres et non la
sienne propre, dite intrinsèque) 2) le médecin
doit aider son patient à se motiver à nouveau : « 2 pas en avant, 1 pas en arrière », « vous avez déjà réussi »…
37
doit déculpabiliser et parler de faux pas ou d’expérience et non d’échec, doit étudier avec le patient ce qui c’est passé.
I
X) Annexe 1
X) Annexe 2 : test de FAGERSTRÖM Quand fumez-vous votre première cigarette après votre réveil ? -Dans les 5 minutes → 3 points -De 6 à 30 minutes → 2 points -De 31 à 60 minutes → 1 point -Après 60 minutes → 0 point Avez-vous du mal à ne pas fumer lorsque c’est interdit? -Oui → 1 point -Non → 0 point Quelle est la cigarette qui vous manquerait le plus? -La première le matin → 1 point -Une autre → 0 point Combien de cigarettes fumez-vous par jour? -10 ou moins → 0 point -11 à 20 → 1 point -21 à 30 → 2 point -31 ou plus → 3 point Fumez-vous davantage le matin que le reste de la journée? -oui →1 point -non → 0 point Fumez-vous lorsque vous êtes malade et alité? -oui → 1 point -non → 0 point
Score sur 10. Pas de dépendance de 0 à 2. Faible dépendance de 3 à 4. Dépendance moyenne de 5 à 6. Dépendance importante à partir de 7.
38
XI Bibliographie [1] Hughes JR. New treatments for smoking cessation. CA cancer J clin 2000; 50 (3):14351. [2] INSERM - Expertise collective « Tabagisme - prise en charge chez les étudiants » 2003. [3] Slama K. et al. Effectivness of minimal intervention by general practitioners with their smoking patients: a randomized controlled trial in France. Tab control 1995; 4: 16269. [4] Dally S. Évaluation des conséquences et des problèmes médicaux associés dans l’audition publique HAS, Abus dépendance s et poly consommation : stratégies de soins. 2007. [5] Le Maitre B.et al. Sevrage tabagique, des clés indispensables pour les praticiens. Ed Doin, Collections Conduites, pp 61-2. [6] Guilbert P, Gautier A, Beck F, Peretti-Watel P, Wilquin J-L, Léon C, Legleye S, Arwidson P. Tabagisme : estimation de la prévalence déclarée, Baromètre santé, France, 20042005. BEH 2005 ; 21-22 p. 97-98. [7] Hughes JR. New treatments for smoking cessation. CA cancer J clin 2000; 50 (3):14351. [8] Rev Prescrire 2006; 26(276): 645-648. [9] Aubin HJ and al .Varenicline versus transdermal nicotine patch for smoking cessation: results from a randomised, open-label trial. Thorax.bmj.com 8 feb 2008. [10] Aubin HJ. QDM 14 février 2008.
39
LE CANNABIS, SES EFFETS, SES COMPLICATIONS Le cannabis est la plus consommée des drogues illicites. La loi de 1970 rappelle son usage privatif illicite à l’inverse des substances autorisées comme l’alcool dont seuls certains abus sont sanctionnés.
I – EPIDEMIOLOGIE La consommation s’accroît depuis dix ans mais semble s’infléchir depuis 2003 particulièrement parmi les garçons,. - un quart des adultes en a consommé au moins une f ois ; l’expérimentation touche 60 % des garçons et 50 % des fil les à 18 ans - l’usage répété de plus de 10 fois dans l’année touche 30 % des adolescents garçons ; - l’usage régulier de plus de 10 fois dans le mois près de 20 % des adolescents et 15 % des adolescentes. 70 % des adolescents à 19 ans n’en ont pas consommé dans l’année précédente. Cette consommation est corrélée sur le plan épidémiologique à celle de tabac et de l’alcool, avec difficultés familiales, scolaires, comportementales, psychologiques.
II – PHARMACOLOGIE DES CANNABINOIDES 1) Pharmacocinétique Le principe actif du cannabis est le Delta 9 tétrahydrocannabinol (THC) fortement liposoluble. La concentration varie selon les présentations, 6 à 15% pour les feuilles et sommités fleuries, 20% pour les tiges, 60% dans l’huile.
Le THC est dégradé en 2 à 10 heures en 11-OH-THC, métabolite actif, puis en COOH-THC inactif. IL est retrouvé dans les urines jusqu’à 7 jours après une prise unique, 21 jours en cas de prises continues. 2) Neurobiologie Le THC se fixe sur les récepteurs CB1 de localisation centrale ou CB2 périphériques. Ces récepteurs expliquent ses effets : - le cortex cérébral et effets cognitifs ; - hippocampe et mémoire ; - thalamus et hypothalamus et effets endocriniens et antinociceptifs ; - cervelet et équilibre ; - aire tegmentale ventrale et système de récompense.
40
III– LES TROUBLES LIES AU CANNABIS 1) L’ivresse cannabique ou intoxication Les effets dépendent de la sensibilité individuelle, de la quantité et du moment de la consommation, de la concentration en principe actif, de l’entourage Ils apparaissent
en 7 à 10 minutes et persistent 4 à 8 heures pour les manifestations psycho-sensorielles et jusqu’à 24 heures pour les perturbations cognitives et associent : -
un vécu affectif de bien-être introspectif avec euphorie, exaltation imaginative, altération du jugement, repli sur soi, lassitude voire torpeur ;
-
des modifications sensorielles, à faibles doses, illusions perceptives, voire hallucinations à fortes doses ;
-
des perturbations cognitives, attention, mémoire de fixation, temps de réaction, difficulté à effectuer des tâches complexes souvent mal perçues par le sujet luimême ;
-
quelques signes physiques, conjonctives injectées, mydriase et altération du réflexe photomoteur hyperorexie, sécheresse buccale, tachycardie, hypotension, ralentissement du transit, troubles de la coordination motrice.
2) L’abus ou usage nocif L’usage nocif ou abus est la consommation de cannabis malgré des complications physiques, relationnelles, professionnelles ou judiciaires sans atteindre le niveau de dépendance. La consommation occasionnelle est le diagnostic différentiel. Motivée par des circonstances sociales, il n’y a pas d’attrait particulier pour le produit ou le milieu des consommateurs. Elle garde un caractère d’exception.
3) La dépendance au cannabis Bien que discutée dans notre pays, elle est reconnue dans toutes les classifications internationales. Ce diagnostic est porté sur des critères biologiques, psychologiques, comportementaux. La dépendance au cannabis touche 10 % des expérimentateurs comme pour l’alcool, mais 15 à 20 % des adolescents expérimentateurs. Elle est d’intensité modérée,
régresse spontanément dans deux tiers des cas entre 25 et 30 ans. Chez certains sujets elle est sévère et évolue sur le long cours.
4) Le syndrome de sevrage au cannabis
41
Le syndrome de sevrage au cannabis n’est pas reconnu bien qu’existent fréquemment des symptômes de sevrage, anxiété, irritabilité, insomnie. Ils surviennent dans les 15 jours qui suivent l’arrêt de l’intoxication. Un syndrome de sevrage brutal a pu être déclenché expérimentalement chez l’animal par des anti-cannabinoïde de synthèse.
5) L’association aux autres drogues L’association aux autres drogues et l’escalade vers une polytoxicomanie ne sont
pas constantes. Parmi ceux qui ont consommé au moins 10 fois du cannabis dans l’année, un quart a expérimenté des stimulants, un quart des champignons hallucinogènes et un tiers des solvants. Les consommations occasionnelles d’héroïne,
cocaïne, ecstasy chez le consommateur de cannabis sont péjoratives. IV – LES TROUBLES INDUITS PAR LE CANNABIS 1) Les troubles anxieux : Les troubles anxieux sont les complications les plus fréquentes. Ils sont souvent à l’origine de l’arrêt de l’intoxication et réapparaissent lors de nouvelles prises. On
distingue : -
l’attaque de panique ou bad-trip, une bouffée de panique de survenue brutale de
quelques minutes à quelques heures ; -
le syndrome de dépersonnalisation, un trouble anxieux généralisé de quelques semaines à quelques mois, associé à une fatigue, une humeur dépressive et des perturbations cognitives.
2) Les troubles psychotiques induits par le cannabis Ces troubles sont à distinguer des troubles schizophréniques. Plusieurs tableaux cliniques sont décrits : -
des bouffées délirantes aiguës de survenue brutale et de la résolution rapide, le diagnostic différentiel en est la décompensation de troubles schizophréniques dans lesquels la récupération est médiocre et personnalité pré-morbide pathologique ;
-
des sentiments persécutifs diffus (effet parano) pendant les quelques heures de l’intoxication ;
-
des flash-back ou rémanences spontanées, pouvant s’accompagner de comportements auto-ou hétéro-agressifs ;
-
des états confuso-oniriques exceptionnels dans lesquels prédomine la désorientation temporo-spatiale ; l’hospitalisation, nécessaire, permet un bilan neurologique.
42
3) Le syndrome amotivationnel Le syndrome amotivationnel associe classiquement un déficit de l’activité, une
asthénie physique et intellectuelle et une humeur dépressive. Les perturbations cognitives sont au premier plan. Cette indifférence affective entraîne un rétrécissement de la vie relationnelle, une passivité, une régression scolaire et professionnelle. 4) Les complications somatiques du cannabis Les complications physiques du cannabis sont mal connues. Sur le plan respiratoire le cannabisme expose les gros fumeurs aux bronchites chroniques et aux cancers des voies aériennes. Les effets immunodépresseurs, endocriniens, artéritiques, ischémiques artériels et sur l’ostéogenèse sont discutés. Le cannabis n’est pas
tératogènes, les nouveaux-nés de mères consommatrices sont hypotrophiques et hyperexcitables à la naissance V – LES COMORBIDITES DU CANNABIS
Les comorbidités sont l’association d’un trouble lié au cannabis et d’un autre trouble sans lien de causalité affirmée. Une forte co-occurrence pose des questions étiopathogéniques. Comme pour toute substance psycho-active, le cannabis est un facteur d’aggravation des psychopathologies évolutives. Il favorise rechutes, arrêts des traitements, réhospitalisations, recours aux services d’urgence, moindre observance des soins, tentatives de suicide, désinsertion sociale. Ces éléments de gravité sont corrélés à l’importance de la consommation.
1) Schizophrénie et cannabis
L’abus et la dépendance au canna bis sont particulièrement fréquent en population schizophrène, de 15 à 40 % selon les études. Cette forte association co-morbide renvoie à plusieurs hypothèses :
-
l’automédication dans laquelle le cannabis réduit certains symptômes schizophréniques et effets secondaires des neuroleptiques ; cette hypothèse pourrait concerner un tiers des patients ;
-
l’hypothèse pharmaco-psychotique dans laquelle le cannabis est un facteur inducteur du trouble schizophrénique ; le niveau de consommation et un âge de début avant 15 ans semblent significatifs ;
43
-
une vulnérabilité commune entre la schizophrénie et la dépendance au cannabis serait possible ; certaines études réceptologiques post-mortem, familiales et génétiques vont dans ce sens.
2) Les autres troubles psychiatriques
La boulimie est fréquemment associée à la dépendance au cannabis avec des troubles du comportement alimentaire plus sévère.
Les patients ayant fait une tentative de suicide abusent plus fréquemment du cannabis que la population générale et à l’inverse, les tentatives de suicides sont significativement plus importantes dans le groupe des patients abuseurs de cannabis.
Les consommateurs de cannabis sont plus vulnérables aux troubles de l’humeur : états dépressifs caractérisés, réactions dépressives aiguës, personnalités dépressives.
3) Le comportement sexuel :
Les consommateurs de cannabis rapportent une stimulation de leur sexualité. Une étude montre que le cannabis est la première substance retrouvée après l’alcool dans une population d’agresseurs sexuels. Comme nombre de substances psycho-actives, le cannabis a des effets désihinbiteurs qui, associés à une altération du jugement, favorisent le passage à l’acte des personnalités vulnérables.
44
OPIACES LICITES OU ILLICITES, MESUSAGE ET COMPLICATIONS, TRAITEMENT DE SUBSTITUTION Il existe différents produits psychoactifs dans la gamme des opiacés : -Héroïne -Sulfate de morphine (Skenan*, Moscontin*, Temgesic) -Substitution (Méthadone*, Subutex*) -Médicaments antitussifs (codéïne, codethyphile, dihydrocodéine, destropropoxyfène (Antalvic). Ces produits sont utilisés par voie intraveineuse, per os ou en sniff. I – Action des morphinomimétiques : Sur le plan pharmacologique, leur action est multiple. Il faut surtout retenir : Centres respiratoires : dépression de l’activité des centres bulbo protubérantiels
Centre de la toux : inhibition du réflexe de la toux Système cardio-vasculaire : dépression myocardique, hypotension artérielle Fibres musculaires lisses, baisse du tonus et du préristaltisme des fibres longitudinales, constipation, troubles urinaires Prurit Nausées, vomissements Myosis Ces produits entraînent une dépendance qui amène un réaménagement de la vie du sujet avec un comportement compulsif de recherche de drogues, une modification des pôles d’intérêt.
Les syndromes de sevrage apparaissent quelques heures après la dernière prise, ils se manifestent pas divers symptômes : 12 heures après : Mydriase, piloérection, frissons avec tremblements, sensation de chaud et de froid, anorexie, malaise général, anxiété croissante, syndrome pseudo-grippal. Après 24 H : Majoration des signes, contractions musculaires, irritabilité, insomnie, anorexie, nausées, crampes abdominales, myalgies, frissons. Après 48 H : Diarrhées, vomissements, tachycardie, HTA, angoisse majeure A J8 Régression de la symptomatologie avec possible persistance d’une anxiété avec
insomnie II – Complications somatiques : 45
Elles sont potentiellement multiples : Infections (HIV, hépatites B,C, abcès, lymphangite), crises convulsives, HTA, endocardite, pneumopathies abcédées, troubles gynéco-obstétricaux (aménorrhée, RCIU, MFIU). La fréquence des overdoses a diminué ces dernières années, elles restent néanmoins un risque majeur dans le context e des prises d’opiacés. La symptomatologie en est : Bradypnée voire apnée, dépression respiratoire, oedème pulmonaire, hypotension artérielle, bradycardie, myosis, somnolence, coma. III - Complications psychiatriques
Il s’agit essentiellement de troubles de l’humeur, de troubles anxieux et de pathologies
psychotiques. Les troubles de l’humeur sont la complication psychiatrique la plus fréquente. Ils peuvent être d’évaluation difficile dans le contexte de ce comportement addictif.
Les troubles anxieux peuvent se traduire par des phobies sociales ou des troubles paniques qui précèdent, accompagnent ou suivent le sevrage. Les troubles schizophréniques sont fréquents : parfois les opiacés sont utilisés par les patients pour réduire leur angoisse ou l’ intensité des symptômes. Il importe de préciser si les symptômes psychotiques sont antérieurs à l’usage de toxiques. IV – Complications sociales
Il est fréquent dans cette population d’être confronté à des situations de précarité, de
chômage, de délinquance. V – Traitements de substitution
Il s’agit de stabiliser l’usager de drogues et de l’inscrire dans une trajectoire de soins. L’efficacité d’un traitement de substitution est corrélée à la dose du produit délivré, à la durée du traitement et aux mesur es d’accompagnement psychosocial.
Les produits les plus fréquemment utilisés dans le cadre de la subtitution sont la Méthadone (sirop ou gélules) et le Subutex. Les règles de prescription et de délivrance sont très strictement encadrées.
46
LES AUTRES DROGUES ILLICITES : COCAINIQUES, AMPHETAMINIQUES, HALLUCINOGENES I – LA COCAÏNE ET LES COCAÏNIQUES La cocaïne ou benzoyl méthyl ecgonine est l’alcaloïde du cocaïer. Le chlorhydrate de
cocaïne est une substance hydrosoluble, thermolabile injectée ou utilisée par voie nasale. La cocaïne base ou sulfate de morphine, le crack, liposoluble et thermostable est fumée. Epidémiologie L’OFDT en 2002 estime qu’il y a en France 850 000 expérimentateurs entre 18 et 75 ans dont 150 000 expérimentateurs dans l’année, soit 3, 3 % des 18-44 ans.
Les usagers de cocaïne sont essentiellement les milieux dits « branchés » : médias, pub, créatifs, professions libérales, spectacle, mode, sportifs, la nuit, ainsi qu’aux AntillesGuyane et les polytoxicomanes sous traitement de substitution ou non. Les effets de la prise de la cocaïne Les effets apparaissent en 5 minutes lorsqu’elle est fumée ou injectée, en 30 à 40
minutes lors des prises nasales. Ils durent de 45 à 90 minutes. Sur le plan psychologique on relève : des effets psychologiques euphorisants (dopaminergiques) avec sensation de bienêtre, excitation, confiance en soi, facilité et maîtrise de soi, désinhibition sociale et sexuelle ; des effets psycho stimulants (noradrénergiques) avec une diminution de la fatigue et besoin de sommeil, impression de clarté de la pensée et de la vigilance après la phase aiguë, une phase de descente avec inversion de l’humeur.
Sur le plan somatique, on retrouve une mydriase, une vasoconstriction avec un effet anesthésiant, une tachycardie avec hypertension artérielle, une sudation. Sur le plan biologique, les benzoyl ecgonines sont détectées dans les urines par des méthodes immuno-enzymatiques 5 heures après la prise et pendant 36 à 48 heures avec peu de réactions croisées. Les chromatographies sont à réserver au contexte médicolégal. Les complications psychiatriques de la cocaïne 47
- des états d’excitation psychomotrice, délirants et confusionnels, des troubles anxieux, des réactions dépressives lors des « descentes » ; - une dépendance fréquente, avec dépendance physique modérée, largement sous-estimée par les patients qui se pensent consommateurs occasionnels ; - des troubles psychotiques : paranoïa induite, délire de jalousie ou de grandeur, hallucinations tactiles et visuelles ; -
des troubles de l’humeur : dépression, état maniaques, aggravation des
maladies bipolaires. Les complications somatiques de la cocaïne - des complications cardio-vasculaires : douleurs thoraciques angineuses et infarctus du myocarde, cardiomyopathie, hypertrophie ventriculaire gauche et insuffisance cardiaque, troubles du rythme cardiaque, hypertension artérielle maligne, dissection de l’aorte et accidents vasculaires cérébraux, risque létal ; - des hyperpnées et des complications pulmonaires lors des prises fumées, asthme et fibrogranulomatose ; - des complications ORL lors des prises nasales : rhinites, ulcérations voire perforations des cloisons nasales ; - des complications neurologiques : hyperthermies, crises convulsives généralisées ou partielles et états de mal, AVC ischémiques ou hémorragiques, hémorragies cérébrales, hémorragies méningées, céphalées, atrophie cérébrale ; - douleurs musculaires et rabdomyolyse ; - des perturbations biologiques : élévation modérée des transaminases et des CPK. La cocaïne chez la femme Les grossesses sous cocaïne sont à risque : fausses couches spontanées, accouchements prématurés, vaso-constrictions placentaires, souffrances foetales aigues ou chroniques ;
Chez le fœtus, on peut retrouver des malformations des membres, génito-
urinaires, cardiaques, communication inter-auriculaire et ventricule unique, neurologiques, microcéphalie et encéphalopathie anoxique et des morts in utero ; Chez le nouveau-né : prématurité, hypertrophie, hyperexcitabilité à J3 ; les effets à long terme sont peu connus.
48
II – LES AMPHÉTAMINES ET AMPHÉTAMINIQUES L’amphétamine ou alpha méthyle phényle é t hyle amine a été synthétisée en 1919. L’amphétamine et ses dérivés sont recherchés pour leurs effets :
-stimulation intellectuelle chez les étudiants, les intellectuels ou les militaires en temps de guerre ; - stimulation physique et dopage chez les sportifs ; - stimulation sexuelle dans certaines communautés sexuelles ; - diminution de l’appétit lors des troubles du comportement alimentaire ou du surpoids. Les complications des amphétamines sont celles de la cocaïne plus spécifiquement des actes médico-légaux violents. Les amphétamines sont détectées dans les urines par des réactions immuno-chimiques dans les 2 jours qui suivent la prise avec de nombreux faux positifs. Les chromatographies sont à réserver au contexte médico-légal. III – L’ECSTASY OU MDMA L’ecstasy est une méthylamphétamine synthétisée pour la première fois en 1970. C’est
un psychodysleptique. En France, on estime à 350 000 le nombre d’expérimentateurs entre 18 et 75 ans dont 150 000 dans l’année, plutôt les 18-24 ans que les 26-44 ans. Les usagers sont essentiellement des jeunes festifs, des polytoxicomanes marginaux et certaines communautés sexuelles. Il est recherché pour les états d’excitation, de désinhibition et d’augmentation de la convivialité qu’il engendre. Il diminue la fatigue, augmente les sensations et les
émotions, désinhibe la sexualité. Il entraîne aussi une altération de la perception du temps et des illusions visuelles et, sur le plan somatique, des palpitations, une bouche sèche,une anorexie, un trismus, des douleurs musculaires, des tremblements, des céphalées. Ses effets apparaissent une demi-heure après la prise et dure trois à six heures. Les complications somatiques sont des hyperthermies possiblement fatales, des hépatites, des encéphalopathies et autres troubles confusionnels. L’ecstasy est détecté dans les urines par des réactions immuno-chimiques dans les 2
jours qui suivent la prise avec de nombreux faux positifs. Les chromatographies sont à réserver au contexte médico-légal.
49
IV – LES AUTRES PSYCHODYSLEPTIQUES MAJEURS Le LSD ou diéthylamide de l’acide lysergique est issu de l’ergot de seigle. C’est un
hallucinogène majeur de mécanisme sérotoninergique. Il se présente sous forme de buvard. Des doses faibles, un µg/kg, engendrent en 30 à 60 minutes un état persistant un ou deux jours. Sur le plan clinique, ce voyage hallucinatoire se traduit par un fort vécu oniroïde, des modifications de l’humeur et des risques de passages à l’acte auto ou hétéro agressifs (le sujet pensant qu’il peut voler se défenestre). Les phénomènes de rémanences
spontanées ou flash back sont fréquents. La mescaline, l’alcaloïde du peyotl, un cactus mexicain, la psilocybine, l’alcaloïde du
psilocybe, un champignon, le datura, les anticholinergiques médicamenteux antiparkinsoniens ont des effets similaires. IV – LE GAMMA HYDROXYBUTYRATE (GHB) Le gammahydroxybutyrate est un liquide incolore, inodore et sans saveur. Ce médicament anesthésique est hypnogène. Les effets apparaissent en 20 à 45 minutes et durent quelques heures. La demi-vie est de 30 minutes à une heure. Il est dégradé en H2O et CO2 et ne peut être détecté dans l’organisme.
Il présente des effets aphrodisiaques, amnésiants et empathiques qui expliquent une utilisation festive, mais aussi criminelle avec soumission chimique (la drogue du viol). Les complications sont le coma et les décès par dépression respiratoire.
50
ORGANISATION DES SOINS, SANTÉ MENTALE ET TOXICOMANIE I - La loi du 31 décembre 1970 stipule : - l’interdiction de la consommation de substances illicites en distinguant le consommateur du trafiquant ; - l’injonction thérapeutique par le Procureur avec arrêt des poursuites sous réserve d’un suivi médical mis en œuvre par le médecin inspecteur de la DDASS ; - l’obligation de soins par le juge d’instruction ou le tribunal d’applic ation des peines ; - l’anonymat et la gratuité des soins en toxicomanie, ce qui a permis la création des Centres de Soins Spécialisés en Toxicomanie (CSST). La loi du 5 mars 2008 modifie le dispositif d’injonction thérapeutique avec un médecin relais chargé d’évaluer la qualité de la prise en charge.
II - Les traitements de substitution : 1°) La méthadone La méthadone est dispensée en CSST. Lorsque le patient est stabilisé sur les plans médical, psychologique et social, un relais en ville est possible. Le médecin de ville est habilité par le médecin du centre de soins grâce à une ordonnance sécurisée, manuscrite, précisant son nom, son adresse et la date de début de relais. Tout changement de médecin de ville demande une nouvelle habilitation par le médecin du centre. Depuis 2002, tout médecin d’établissement de santé, public ou privé, peut
organiser un relais de prescription de méthadone en ville. Les règles de prescription de la méthadone s’applique : ordonnance pour les 14 jours à
venir, dispensation fractionnée au maximum de 7 jours, exceptionnellement de 14 jours, ordonnance sécurisée, manuscrite précisant le nom de la pharmacie associée à l’ordonnance de sortie de centre. 2°) Le buprénorphine La buprénorphine peut être prescrite par tout médecin, sur ordonnance sécurisée, manuscrite, précisant le nom du pharmacien, pour 28 jours maximum avec possibilité de dispensation fractionnée. III – Prévention et politique de la réduction des risques : La prévention primaire s’attache aux facteurs de risque d’ordre psychopathologique et
sociaux de la dépendance.
51