Chimie analytique instrumentale Notions de spectrométrie de Résonance Magnétique Nucléaire Etienne QUIVET 04 91 10 62 43
[email protected] Laboratoire Chimie Provence, UMR 6264, Université de Marseille
Résonance Magnétique Nucléaire 1. Définition 2. Principe 3. Instrumentation F Bloch (1905-1983)
4. Interprétation des spectres
E Purcell (1912-1997)
Définition La Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) est une technique assez récente (travaux de Bloch et Purcell dans les années 50), au regard des spectroscopies classiques.
La RMN constitue actuellement la technique la plus puissante et la plus générale d’analyse structurale des composés organiques.
Le principe de la RMN est relativement simple. La théorie est toutefois assez complexe. (traitement mathématique et physique du phénomène lourd)
Nous n’aborderons pas ces aspects mais approcherons la théorie lorsqu’elle est nécessaire à la compréhension des spectres de RMN.
Définition La RMN est née en 1946 et a explosé vers de multiples applications : - la chimie avec l'élaboration des structures chimiques et la dynamique moléculaire, O
CH3
O
Complexe aspirine – phospholipase A2 H3C
4-méthylbenzophénone ou 2-méthylbenzophénone ??
- le domaine médical avec l'Imagerie par Résonance Magnétique (IRM)...
Le qualificatif "Nucléaire" a disparu de l'intitulé pour ne pas effrayer (à tort !) les malades...
Principe Un noyau est observable par RMN s'il présente des propriétés magnétiques caractérisées par l'existence d'un nombre de spin I non nul. Tous les atomes des noyaux sont chargés positivement. Dans certains noyaux, la rotation de cette charge autour de l’axe nucléaire détermine l’apparition d’un dipôle magnétique aligné sur cet axe. r L
r L
r µ r µ γ>0
r r µ=γL
γ<0 γ = rapport gyromagnétique en rad.T-1s-1
Le moment magnétique µ caractérise l’importance du dipôle nucléaire.
Principe Le nombre de spin I détermine le nombre N d’orientations (de positions) que peut prendre le noyau au sein d’un champ magnétique uniforme. N = 2I + 1
I est la résultante des spins des neutrons et des protons constituants le noyau
Observations systématiques 1.
Nombre de masse (A) impair 1H (I=½), 13C (I=½), 31P (I=½), 23Na (I=3/ ) 2
I demi-entier
2.
Nombre de masse (A) pair, nombre de charge (Z) impair 2H (I=1), 14N (I=1), 10B (I=3)
I entier
3.
A pair, Z pair 12C (I=0), 16O (I=0) 32S (I=0)
I=0
Principe Propriétés nucléaires des noyaux les plus étudiés en RMN
Noyau
1H
13C
15N
19F
29Si
31P
57Fe
109Ag
113Cd
119Sn
I
½
½
½
½
½
½
½
½
½
½
Abondance 99,98 1,11 0,37 100 naturelle (%)
4,7
100 2,19 48,18 12,26
8,58
Les noyaux qui possèdent un nombre de spin = ½ sont les plus intéressants en RMN
Noyau
2H
1Li
14N
17O
23Na
25Mg
27Al
33S
39K
43Ca
I
1
3/2
1
5/2
3/2
5/2
5/2
3/2
3/2
7/2
10,13 100
0,76
93,1 0,145
Abondance 0,015 92,58 99,63 0,037 naturelle (%)
100
Principe Orientation des moments magnétiques nucléaires En présence d’un champ magnétique B0 uniforme
En l’absence de champ magnétique
B0
Absence d’orientation privilégiée
Les spins prennent (2I + 1) orientations définies
Principe Énergie des spins
E
-µ.B0 cas I = 1/2
mI= -1/2
B0 mI= +1/2
+µ.B0
Les deux états de spin ont des énergies différentes. Ils tournent autour de l’axe du champ magnétique B0. Il y a plus de spins α (basse énergie) que de spins β (haute énergie).
Principe Énergie des spins Elle dépend du noyau et du champ magnétique B0. Eα = - ½ .
h . γ . B0
Eβ = + ½ .
2π ∆E =
E → Energie (J) h → constante de Planck (6,63.10-34 J.s)
h . γ . B0 2π
h . γ . B0 2π 1H
: γ = 26,75.107 rad.s-1.T-1
13C
: γ = 6,725.107 rad.s-1.T-1
γ → rapport gyromagnétique (dépend du noyau) (rad.s-1.T-1) B0 → champ magnétique (Tesla, T) π → radian, rad
Plus γ est important, plus le noyau est sensible
Principe Rotation des spins Les spins tournent autour de l’axe du champ magnétique B0 à la même vitesse
zL
Bo
cas I = 1/2
ω0
B0 mI= -1/2
θ yL
xL
Précession de Larmor à la fréquence ω0
mI= +1/2
ω0 Equation de Larmor
ω0 = γ B0
Principe Rotation des spins Elle dépend du noyau et du champ magnétique B0.
ν0 =
γ . B0 2π
ν0 → fréquence de LARMOR (s-1 ou Hz) γ → rapport gyromagnétique (rad.s-1.T-1) B0 → champ magnétique (Tesla, T) π → radian, rad
La fréquence de LARMOR est aussi appelée fréquence de résonance
Principe Rotation des spins Exemple de fréquence de résonance (MHz) B0 (T)
2,35
7,05
1H
100
300
13C
25
75
31P
40,5
121,5
19F
94,1
282,3
Noyau
Principe La RMN met en jeu 2 phénomènes distincts mais simultanés : 1. Perturbation de l’état d’équilibre (excitation) 2. Retour à l’équilibre (relaxation)
Dispositif expérimental Une bobine est placée à proximité de l’échantillon. Elle émet une onde électromagnétique dont la fréquence est judicieusement choisie ∆E = h.ν0 → Phénomène de résonance
FT FID Signal obtenu → intensité = f(temps)
intensité = f(fréquence)
Instrumentation
Instrumentation Aimant supraconducteur (à l'origine du champ magnétique B0)
Azote liquide (77K) Hélium liquide (4K)
Électro-aimant constitué d'un solénoïde alimenté par un courant continu stabilisé.
Bobine supraconductrice (alliage NbTi) Sonde de mesure
Passage du courant → élévation de température de l'aimant → circuit de refroidissement de l'aimant B0 > 2 Tesla → utilisation de cryoaimants utilisant des bobines supraconductrices refroidies à l'hélium liquide
Instrumentation Émetteur-récepteur de radiofréquences RF Ordinateur
Echantillon C
R
L
Cet émetteur est constitué d'une bobine alimentée par un courant alternatif (de fréquence égale à la fréquence de Larmor). Après l'impulsion, cette bobine est utilisée en récepteur pour capter le FID Ordinateur Couplé à l'émetteur-récepteur et aux différents éléments constitutifs de l'appareillage RMN
Instrumentation Tubes RMN
C'est une petite éprouvette de verre dont les dimensions (pour la RMN du proton) sont données ci-dessous. Elle est fabriquée avec précision puisqu'elle doit tourner. longueur du tube: 18 cm diamètre externe: 5 mm diamètre interne: 4 mm
Spectre RMN 1H Comment se présente un spectre RMN 1H ?
Pics de l’échantillon
Intensité des pics
Déplacement chimique
Référence
Spectre RMN 1H Déplacement chimique standardisé νéch - νréf δ=
νréf
. 106
en ppm
Le déplacement chimique est invariable avec le champ magnétique 100 Hz
100 Hz
ν0 = ω0 /2π = 100 MHz 2
1
200 Hz
ν0 = 200 MHz
200 Hz
1
2
300 Hz
0 ppm
0 ppm
300 Hz
ν0 = 300 MHz 2
1
0 ppm
Spectre RMN 1H Choix du composé de référence
Un seul type de proton Inerte chimiquement Apolaire Point d’ébullition peu élevé (~ 20°C) Bon marché
Choix du solvant Permet de dissoudre le produit Ne comporte pas de proton : CCl4 solvants deutérés (ex: CDCl3)
CH3 H3C
Si
CH3
CH3
Tétraméthylsilane (TMS)
Spectre RMN 1H Fréquence de résonance
Noyaux isolés dans le champ magnétique B0 →
ν0 =
En fait, les noyaux participent à des liaisons chimiques : Environnements électroniques différents Liaisons → circulation d’électrons Création de champs magnétiques faibles opposés à B0 Phénomène d’écran dépendant de l’environnement chimique → blindage électronique
γ . B0 2π
Spectre RMN 1H Blindage électronique Noyau seul ω0 = γB0 fréquence de Larmor Présence de liaison chimique ωeff = γ Beff ωeff = γ Beff = γ (B0 - σ B0) = ω0 (1 - σ) σ = constante d’écran
Spectre RMN 1H Constante d’écran Contributions de champs locaux de diverses origines
Symétrie des orbitales atomiques p et d
Anisotropie des liaisons
σ = ∑σi = σd + σp + σa + σr + σs + ... k
Charge du noyau
Courants de cycles
Effets de solvant
Spectre RMN 1H Constante d’écran
δ-
δ+
X-C-H
σd = effet de l’électronégativité CH3F
CH3OH
CH3Cl
CH3Br
CH3I
TMS
Electronégativité (χ)
4,0
3,5
3,1
2,8
2,5
1,0
δ (ppm)
4,26
3,40
3,05
2,68
2,16
0,00
Plus X est électronégatif, plus l’effet est important L’effet diminue avec la distance
σa = anisotropie des liaisons Acétylénique
Ethylénique δ(1H) ~ 5 ppm
δ(13C) = 120-200 ppm
δ(1H) = 2-3 ppm
Spectre RMN 1H σr = courants de cycle
Circulation d’électrons π Champ magnétique local, Bloc À l’intérieur du cycle : Bloc = - σrB0 À l’extérieur du cycle : Bloc = + σrB0
B0
Exemples
0 ppm
Courant de cycle, 18 électrons π - 1.4 ppm
Protons internes : -1.8 ppm Protons externes : 8.9 ppm
Spectre RMN 1H σr = effets de solvant
Déplacements chimiques de quelques solvants
Spectre RMN 1H Conséquences pour l’interprétation d’un spectre Pour un proton donné, l’influence principale sera le groupement chimique auquel il est attaché → déplacement chimique δ = « idée » du groupement chimique
Table des déplacements chimiques des protons
ppm
Source : Introduction to spectroscopy, Pavia et al, Saunders, 1979, ISBN 0-7216_7119-5
Spectre RMN 1H Protons équivalents (isochrones) Protons chimiquement ou dynamiquement équivalents → 1 seul et même déplacement chimique δ
1 seul signal
Spectre RMN 1H Surface des signaux Surface d’un signal toujours proportionnelle au nombre de protons de ce signal
Courbe en paliers → hauteur de palier proportionnelle à la surface et donc au nombre de protons de ce signal Vrai uniquement en RMN 1H
Spectre RMN 1H Couplage spin-spin Signaux des différents protons → multiplets (interactions transmises par les électrons des liaisons)
6.0
H 3C CH
O
H 3C
H
3.65
3.60
3.55
3.50
3.45
1.0
1.0 OH (
5.0
3
J C H -O H = 5 H z )
4.5
4.0
3.5
3.0
2.5
2.0
1.5
1.0
0.5
Multiplicité et intensité des signaux → nature et nombre de protons couplés
Spectre RMN 1H Couplage spin-spin Exemple : 2 protons voisins Ha et Hb ayant des déplacements chimiques différents
R1 Ha
R2 Hb
Hb perturbe le champ magnétique nécessaire à l'obtention de la résonance de Ha
Ceci se traduit par deux perturbations magnétiques : l'une crée un champ s'ajoutant à B0 l'autre un champ s'opposant à B0
Spectre RMN 1H Couplage spin-spin Exemple : 2 protons voisins Ha et Hb ayant des déplacements chimiques différents
B0
B0
Sur le spectre → 2 raies centrées à la fréquence propre de résonance de Ha Raies espacées d'une valeur notée nJHaHb appelée constante de couplage (en Hertz) n étant le nombre de liaisons séparant les noyaux couplés Valeur de J indépendante de B0 mais dépendante de la position relative des protons dans la molécule et de sa géométrie
Spectre RMN 1H Couplage spin-spin Cas des hétéronoyaux : On précise la nature du noyau Si n = 1 → 1JC-H ou 1JH-F Si n > 1 → couplages à longues distances (faibles)
Cas du proton : n
Couplage
2
Protons géminés
3
Protons vicinaux
>3
Longues distances (faible)
Spectre RMN 1H Couplage spin-spin Cas du proton : Quelques constantes de couplage représentatives (Hz)
11 to 18
6 to 15
0 to 5
Spectre RMN 1H Couplage spin-spin : multiplicité des signaux
Cas du proton : un noyau a une influence sur son voisin → dédoublement du signal
Généralisation : un noyau de spin I décompose les raies de résonance de ses voisins en (2I+1) raies de transition Si le noyau est couplé avec n noyaux voisins équivalents de spin I, on aura (2nI+1) raies Lorsqu'on a plusieurs types de noyaux équivalents n et n', on obtient (2nI+1)x(2n'I+1) raies
Spectre RMN 1H Couplage spin-spin : multiplicité des signaux
Si I = 1/2, les intensités relatives des raies suivent la règle du triangle de Pascal : n
Intensité des raies
Forme du signal
0
1
Singulet
1
11
Doublet
2
121
Triplet
3
1331
Quadruplet
4
14641
Quintuplet
5
1 5 10 10 5 1
Sextuplet
Spectre RMN 1H Couplage spin-spin : multiplicité des signaux Exemple :
CH3 - CH2 - Y
δ (CH2) 3J 3J 3J
3J 3J
1
Couplages successifs des 3 (1H) du CH3
3
3J
3
1
3J 3J
3J
δ (CH2)
1 proton du CH2 couplé à 3 protons du CH3 → 1 quadruplet
Spectre RMN 1H Découplage : supprimer le couplage spin-spin B0
zL
découplage B2
B1
1H
yL xL
Impulsion
acquisition
Second champ r.f.
RMN 1H
CH3 – CH2 – CH2 - I
Spectre avec couplages 0 ppm
découplage sur CH3 0 ppm
Spectre RMN 1H La RMN du 13C donne des informations sur la structure des molécules (squelette carboné) Rappel : Énergie des spins
h . γ . B0
∆E = γ → rapport gyromagnétique (dépend du noyau) (rad.s-1.T-1)
2π 1H
: γ = 26,75.107 rad.s-1.T-1
13C
: γ = 6,725.107 rad.s-1.T-1
RMN 13C a une sensibilité plus faible que RMN 1H → Acquisition en RMN 13C plus longue qu’en RMN 1H → Beaucoup plus de bruit en RMN 13C
Spectre RMN 13C Déplacement chimique Même référence que pour la RMN 1H → TMS = 0 ppm Exemple de table de déplacement chimique
Spectre RMN 13C Couplage spin-spin : multiplicité des signaux Couplage 13C-13C existe → probabilité 1,1 % → pas de couplage visible sur le spectre RMN 13C
Spectres 1H et 13C RMN du resvératrol trans-déhydrodimère
Spectre RMN 13C Transfert de polarisation (DEPT)
Principe : transférer les propriétés magnétiques des protons aux carbones liés à ces protons (→ observation des carbones avec une sensibilité proche de 1H)
Type de spectre
Résultats
Spectre total 13C
Tous les carbones
DEPT 45°
Carbones protonés
DEPT 90°
CH
DEPT 135°
CH2
En pratique : spectre 13C (déplacement chimique de tous les carbones) et DEPT 135°
Spectre RMN 13C Transfert de polarisation (DEPT) Exemple :
Spectre RMN 13C Transfert de polarisation (DEPT) Exemple :
Spectre RMN 13C Transfert de polarisation (DEPT) Exemple :
Autres « techniques » RMN RMN à 1 dimension Spectre découplé : irradiation à des fréquences spécifiques durant l’acquisition du signal qui supprime tous les couplages DEPT : cf exemples précedents NOE (Nuclear Overhauser Effect) : irradiation à des fréquences spécifiques avant l’acquisition du signal qui supprime les couplages avec le proton
RMN à 2 dimensions NOESY (Nuclear Overhauser Effect SpectroscopY) : version 2D de NOE COSY (COrrelated SpectroscopY) : version 2D pour corréler tous les protons couplés HetCor (Heteronulear shift Correlation) : corrélation entre les spectres RMN 13C et 1H
Liste non exhaustive…