Cours d'introduction d'introduction à la linguistique destiné aux étudiants de 1ère année 2004-2005 Prof. Dr. Georges Lüdi (mardi 08:15-10.00)
Ce cours est lié aux travaux pratiques préparant aux examens de fin d'année . Dr. des. Nicolas Pepin, Lic. phil. Fee Steinbach (mercredi et jeudi, 10:15-12:00) Contact:
[email protected] Une séance d’introduction au serveur informatique BSCW est prévue pour les nouveaux étudiants le lundi 25 octobre à 18h15 à la salle Kiwi 1001 du Pharmazentrum, Klingelbergstr. 70.
Index 0. Présentation générale 1. L'objet de la linguistique 1.1. Les modèles de la communication 1.2. Normes et variations 1.3. Histoire de la pensée linguistique 2. Le structuralisme 2.1. Saussure et le structuralisme européen 2.2. Phonétique et phonologie 2.3. Martinet et la double articulation 3. Le tournant syntaxique 3.1. Le distributionnalisme 3.2. La grammaire chomskyenne 3.3. Le fonctionnalisme 4. Sémantique: de la signification au sens 4.1. La tradition tr adition logico-philosophique 4.2. Sémantique lexicale: approche structuraliste 4.3. Les apports cognitivistes 4.4. Le sens en contexte: vers des approches pragmatiques 5. La pragmatique
Généralités Le cours d'introduction à la linguistique française dure une année entière, à raison de deux heures hebdomadaires. Il est complété par deux heures de travaux pratiques (à choix mercredi ou jeudi) donnés par les assistants. Ces travaux pratiques permettent d'aborder sous forme d'exercices et de lectures la matière présentée en cours par le Prof. G. Lüdi. En outre, ils préparent à l'examen de fin d'année qui sanctionne la 1ère année d'étude en li nguistique. Le cours se divise en cinq grandes parties, recouvrant elles-mêmes plusieurs chapitres. Entre parenthèses vous est donné le nombre approximatif de leçons prévues pour traîter chaque chapitre. Un choix de quelques références bibliographiques utiles vous est également proposé. Un site Internet proposant des textes choisis choisi s en rapport avec le cours, ainsi que des exercices spécialement conçus pour celui-ci, sera accessible dans les premiers jours du semestre sur inscription auprès de N. Pepin, assistant. Ces exercices et lectures s'intègrent aux travaux pratiques destinés aux étudiants de 1ère année. Bibliographie de base pour l'ensemble du cours O. Ducrot/J.-M. Schaeffer (1999): Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. langage . Paris: Seuil.
J.-L. Chiss/J. Filiolet/D. Maingueneau (1992): Linguistique française: initiation à la problématique structurale. Paris: Flammarion. M. Arrivé/F. Gadet/M. Galmiche (1986): La grammaire d'aujourd'hui: guide alphabétique de linguistique française. Paris Flammarion. M. Grévisse (1994): Le Bon Usage: grammaire française. Paris: Flammarion. L. Söll/F.J. Hausmann (1985): Gesprochenes und geschriebenes Französisch. Revidierte Auflage. Berlin: Erich Schmidt Verlag. H. Walter (1988): Le français dans tous les sens. Paris: Robert Laffont.
Programme provisoire (état 8 octobre 2002) 1. Définition de l'objet de la linguistique Ce premier bloc se propose un triple objectif: mettre en question des représentations trop "figées" ou réductionnistes de la langue que pourraient avoir les étudiants; construire l'objet de la linguistique; préparer thématiquement les étudiants à la suite du cours. a. Les modèles de la communication (2) On commencera par donner des exemples des différentes situations de communication. On se demandera ensuite ce qu'est un modèle de la communication. Dans ce cadre, on présentera les modèles développés par K. Bühler, par R. Jakobson, par Shanon&Weawer, ainsi que le modèle orchestral de Y. Winkin. Ce chapitre se terminera en mettant en évidence la place de la linguistique dans l'analyse de la communication en général. Références bibliographiques Y. Winkin (1981): "Le télégraphe et l'orchestre", in Y. Winkin (éd.), La nouvelle communication. Paris: Seuil. b. Normes et variations (1) Toutes les interactions sont régies par des normes à l'intérieur d'une société. On interrogera cette notion importante en linguistique, en faisant la part entre normes objectives (usage), subjectives et prescriptives. Dans ce chapitre, on abordera aussi les représentations linguistiques qui soustendent et entretiennent les discours sur la norme. c. Histoire de la réflexion linguistique (1) On s'attachera ici à tracer dans les grandes lignes les étapes majeures de la pensée linguistique, essentiellement au XXe siècle.
2. Le structuralisme européen Ce chapitre permettra d'aborder la pensée de Saussure, qui est à la base de la linguistique moderne. Ce sera aussi l'occasion d'aborder des concepts-clés du structuralisme, de l'arbitraire du signe (Saussure) à la double articulation (Martinet). Parmi les thèmes développés, une place importante sera laissée à la phonologie de l'Ecole de Prague et à la disti nction entre phonologie et phonétique. a. Saussure et le structuralisme européen (3) Parmi les grandes avancées de Saussure, l'opposition entre langue et parole tient une place de choix. De même, la distinction entre synchronie et diachronie, la notion de signe linguistique (possédant un signifiant et un signifié) et celle de valeur nourrissent-elles les bases de la réflexion linguistique structuraliste. Enfin, on distinguera l'axe paradigmatique (choix des unités de la langue) de l'axe syntagmatique (lié à la chaine parlée et à son déroulement temporel) pour commencer à mieux saisir la complexité d'un énoncé. Une fois ces bases acquises, on étudiera rapidement l'évolution de certains concepts (telle que celle du triangle sémiotique) et la variation de certaines définitions (telle que celle du signe linguistique même) depuis Saussure. On insistera sur l'importance du pluralisme théorique dans l'évolution des sciences humaines, au titre desquelles compte la lingusitique. Références bibliographiques F. de Saussure (1972): Cours de linguistique générale, Paris: Payot. b. Phonétique et phonologie (3) On commencera par établir les distinctions entre les approches de la phonétique (qui s'occupe globalement de décrire les sons du langage): acoustique, articulatoire et auditive. Après avoir montré les différences (et surtout les liens) entre phonétique et phonologie, on abordera la phonologie de l'Ecole de Prague et les notions centrales qui y sont mises en jeu: phonème, paire minimale, trait phonoligique, etc. De même insistera-t-on sur les stratégies méthodologiques qui furent utilisées par cette école d'inspiration structuraliste.
Références bibliographies H. Walter (1973): Le français dans tous les sens, Paris: Robert Laffont, pp. 226-240. c. Martinet et la double articulation (2) Grâce à Martinet et à sa notion de double articulation, on commencera à aborder la morphologie. Partant d'un principe d'économie à l'oeuvre dans les langues, cet auteur articule si gne linguistique, mot et monème. Dans cette approche, le phonème peut être considéré comme une unité linguistique (de seconde articulation) ne possédant pas en soi de sens; au contraire, les monèmes sont des unités (de première articulation) qui possèdent forme et sens. Le monème est donc simplement un signe linguistique minimal ne pouvant êtr e analysé en une succession d'autres signes. A partir de là, on élargira notre approche de la langue par les notions de syntagme, phrase et texte. Références bibliographiques A. Martinet (1970): Eléments de linguitique générale, Paris: Armand Colin. Sur le structuralisme, on lira avec profit: O. Ducrot (1968): Qu'est-ce que le structuralisme, Paris: Seuil.
3. Le tournant syntaxique Au fur et à mesure, l'attention va se porter vers les niveaux supérieurs de l'analyse. La phrase et le texte vont constituer le centre d'intérêts de la recherche. Dans ce cadre, de nouveaux outils et de nouvelles théories vont voir le jour. On abordera donc ce troisième bloc en focalisant sur tr ois types d'approche qui reflètent les enjeux d'une science dont les champs d'application ne cessent de croîtr e. L'introduction permettra aussi de saisir l'apport de Tesnières et de sa grammaire de dépendance. a. Le distributionnalisme (2) Quelques années avant les travaux de Martinet, Bloomfield ouvrait la voie, en développant la notion de distribution pour ses analyses. Au contraire de nombreux structuralistes de l'époque, Bloomfield travaillait sur des langues encore à décrire, en lien avec le "terrain" et en s'appuyant sur des énoncés effectivement produits. C'est dans ce cadre que fut développée la méthode dite d'analyse en constituants immédiats, qui représente l'un des apports les plus importants du structuralisme américain des années 1930-1950. Pour se familiariser avec cette méthode, de nombreux exercices seront proposés aux étudiants. Références bibliographiques L. Bloomfield (1994): Language, Chicago; London: The University of Chicago Press. (Traduction française: Le langage (1970), avec un avant-propos de Frédéric François. Paris: Payot.) b. La grammaire chomskyenne (3) Noam Chomsky, dont le nom est maintenant mondialement connu, publie en 1965 Aspects of the Theory of Syntax qui fait l'effet d'une petite révolution dans le monde de la linguistique. En effet, son cadre épistémologique, basé sur l'innéisme et la recherche d'universaux, sa méthode purement inductive, la forte formalisation de son appareil méthodologique et son a priori cognitiviste ne laissent aucun chercheur indifférent. La grammaire générative transformationnelle, qui repose tout entière à l'origine sur le primat syntaxique, est née! Elle a depuis généré de très nombreuses études et influencé considérablement le développement de la s cience linguistique. Les premières thèses ayant été "améliorées" en plusieures étapes, on offrira aux étudiantEs une vision synthétique de ce courant, en focalisant essentiellement sur les derniers acquis. On s'intéressera évidemment aux aspects qui séparent structuralisme et grammaire générative transformationnelle. Ici encore, de nombreux exercices permettront aux étudiants de se familiariser avec la pensée et les techniques initiées par Chomsky. Références bibliographiques A. Berrendonner (1983): Cours critique de grammaire générative, Lyon : Presses universitaires de Lyon; Fribourg: Ed. universitaires de Fribourg. N. Ruwet (1967): Introduction à la grammaire générative, Paris: Plon. c. Le fonctionnalisme (3) L'idée de base qui fonde l'approche fonctionnaliste suppose que les éléments langagiers accomplissent des fonctions, que ce soit dans le système ou dans l'usage. On pourra ainsi se demander quelles sont les fonctions du sujet, etc. On esquissera une brève histoire du fonctionnalisme et de ses notions-clés, en abordant par exemple l'opposition entre thème et rhème ou, selon les termes d'Ellen Prince, entre le donné (given) et le nouveau (new). C'est dans ce cadre que l'on s'intéressera, dans une perspective proche de la psycholinguistique, à la grammaire en tant qu'instructions mentales à caractère procédural (ce qui renvoie à l 'iconocité de la grammaire selon T. Givon). Références bibliographiques
T. Givon (1979): On Understanding Grammar , New York; San Francisco: Academic Press. T. Givon (1995): Functionalism and Grammar , Amsterdam; Philadelphia: Benjamins.
4. Sémantique: de la signification au sens C'est un truisme de dire que la sémantique s'occupe du sens des énoncés. Pourtant les multiples approches développées dans cette optique permettent de comprendre à quel point la notion de sens est complexe et peut être abordée selon des points de vue extrêmement divers. Parmi les grands courants de la sémantique, on présentera tout d'abord la tradition logico-philosophique, puis la perspective lexicale structuraliste et, après avoir mis en évidence les apports des cognitivistes, on tentera de saisir la notion de sens en contexte. Une place sera évidemment faite à l'approche en t ermes de prototypes de W. Labov, célèbre sociolinguiste américain. a. La sémantique véri-conditionnelle (1) Les noms de Carnap, Russell et plus près de nous Montague ne seront sans doute pas étrangers aux étudiantEs qui s'intéresse à la logique formelle, à la philosophie du langage et, plus spécifiquement, au sens. Cette approche repose sur une description sémantique des noms, adjectifs et verbes, traités comme des prédicats de une à trois places. Le principe de compositionalité permet alors de saisir la signification de la phrase en tant que la somme des significations de ses composantes. b. L'approche structuraliste de la sémantique lexicale (1) Les recherches sémantiques insistent sur l'autonomie de la langue comme système. Elles ne s'intéressent donc à la signification que du point de vue du système. Et c'est avant tout le domaine du lexique qui a été traité dans cette perspective. On présentera les recherches de L. Hjel mslev et celles, postérieures, de B. Potti er (analyse sémique), de même que celles de linguistes allemands, tels que Trier ou Weissgruber (champs lexicaux). Pour finir, on fera le point de la recherche structuraliste en sémantique à l'aube du XXIe siècle. Références bibliographiques L. Hjelmslev (1968): Prolégomènes à une théorie du langage (ch. 14), Paris: Les Editions de Minuit. B. Pottier (1974): Linguistique générale. Théorie et description (al. 17-21), Paris: Klincksieck. c. Les apports cognitivistes à la sémantique (1) Ayant présenté les présupposés cognitivistes (mentalisme; langue comme ensemble de représentations; importance de l'inné; opposition entre l'universel et ce qui est social/culturel; etc.), on montrera en quoi cette approche remet en question tant le structuralisme que la sémantique formelle, en s'intéressant en particulier aux effets dits de typicalité. On fera aussi le lien avec l'approche en termes de prototypes de G. Kleiber et, enfi n, on abordera la notion de lexème dans une perspective psycholinguistique (notion de lemmas). d. Le sens en contexte: vers des approches pragmatiques (1) D'une sémantique du mot, en passant par une sémantique de la phrase, on aboutit à une sémantique du texte. On abordera ainsi les composants linguistiques et rhétoriques de la sémantique selon O. Ducrot, puis on présentera quelques notions importantes (inférence, incompréhension, etc.) Références bibliographiques O. Ducrot (1968): Dire et ne pas dire. Principes de sémantique linguistique, Paris: Hermann, pp. 106-113. Autres références bibliographiques relatives au chapitre sur la sémantique Pour ceux qui voudraient avoir un aperçu sur l'approche générativiste de la sémantique, on lira avec profit: Grammaire générative et sémantique, Communications 40, 1984. La théorie développée par W. Labov est présentée dans: W. Labov (1976-78): Sprache im sozialen Kontext : Beschreibung und Erklärung struktureller und sozialer Bedeutung von Sprachvariation, Kronberg: Scriptor Verlag (pp. 236-240, surtout).
5. Le tournant pragmatique (4) La langue est un outil de communication sociale. Les locuteurs produisent des discours en contexte, dont l'analyse doit tenir compte. Les notions de texte, de cohérence textuelle, etc. sont donc importantes à un niveau qui excède le seul énoncé ou la seule phrase. A ce titre les développements de O. Ducrot formeront une introduction à ce chapitre et une passerelle avec le précédent. Mais au-delà du produit linguistique, la communication est avant tout une activité sociale située. Qui dit énoncé, dit également énonciation et donc énonciateur. On approchera ces questions par la lecture d'un article du
grand linguiste français E. Benveniste. On complétera cette démarche par une présentation des actes de langage (Austin; Searle). En effet, parler n'est pas neutre et tout énoncé possède une valeur actionnelle, que ce soit une question, un ordre, un souhait, etc. On se rendra vite compte que savoir communiquer nécessite bien plus qu'un savoir lingustique et met en jeu toute une compétence en situation qui implique aussi bien la connaissance linguistique, le savoir dit encyclopédique ou encore le respect de règles conversationnelles. On abordera dès lors une linguistique sociologique ou sociolinguistique. Dans ce bloc, on mettra en évidence de nombreuses formes de variations linguistiques et les liens qu'elle peuvent avoir avec les variables sociales (W. Labov). Mais la sociolinguistique s'intéresse aussi aux interactions verbales, qu'elle analyse dans le détail . C'est grâce à cette perspective qu'on pourra alors définir la compétence de communication (p.e. D. Hymes) et élaborer des modèles, tel celui de Kallmeyer. S'éloignant peu à peu de la linguistique, on abordera alors l'interaction du point de vue du statut et du rôle des interlocuteurs dans l'interaction (E. Goffman). Enfin, par des exercices de transcription et d'analyse d'enregistrement, on donnera une meilleure idée de ce qu'est la conversation. Références bibliographiques E. Benveniste (1965): "Le langage et l'expérience humaine", Diogène 51, pp. 3- 13 (également in: Problèmes de linguistique générale, pp. 67-75). J. L. Austin (1962): How to do Things with Words, Oxford (trad. fr. Quand dire, c'est faire, Paris: Seuil, 1970). J. R. Searle (1979): Expression and Meaning , Cambridge; London: Cambridge University Press (trad. fr. Sens et expression, Paris, Editions de Minuit, 1982). A. Berrendonner et al. (1983): Principes de grammaire polylectale, Lyon: Presses universitaires de Lyon, pp. 11-23. W. Labov (1973): Sociolinguistic patterns, Philadelphia: Univ. of Pennsylvania Press (trad. fr. Sociolinguistique, Paris: Editions de Minuit, 1976, lire en particulier l'avant-propos de P. Encrevé). D. Hymes (1982): Vers la compétence de communication, Paris: Hatier-Crédif. H. P. Grice (1979): "Logic and conversation", Communications 30.