MARDI 16 MAI 2017 73EANNÉE– NO 22499 2,50 €– FRANCE MÉTROPOLITAINE WWW.LEMONDE.FR― FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO
▶ Emmanuel Macron
est devenu officiellement président de la République, dimanche 14 mai. Récit de la passation des pouvoirs ▶ Le chef de l’Etat devait nommer son premier ministre, lundi ▶ Il a désigné ses principaux conseillers : Alexis Kohler devient secrétaire général de l’Elysée, Patrick Strzoda directeur de cabinet ▶ Portrait intellectuel de Macron, dans l’ombre de Paul Ricœur ▶ Europe, logements, conflits sociaux, les grands chantiers qui attendent le futur gouvernement
MACRON INSTALLE SON POUVOIR
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ÉDITORIAL
La presse étrangère saisie par la « macronmania »
Dimanche 14 mai, à l’Elysée. JEAN-CLAUDE COUTEAUSSE POUR « LE MONDE »
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Etats-Unis Comment Trump veut en finir avec l’Agence de protection de l’environnement CHRONIQUE – PAGE 2 4
A
quelques mois des élections législatives, prévues le 24 septembre, les sociaux-démocrates allemands viennent de subir une cuisante défaite, dimanche 14 mai, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé du pays. Le SPD a perdu ce bastion, détenu presque sans interruption depuis 1966, après deux lourds revers dans la Sarre et dans le SchleswigHolstein. La CDU et la chancelière Angela Merkel sortent renforcées de ce scrutin. Le Parti chrétiendémocrate a fait de la sécurité le
thème de sa campagne régionale, en mettant l’accent sur les contrôles de police ou la vidéosurveillance. Martin Schulz, le chef de file du SPD, qui semblait pouvoir défier une chancelière en quête d’un quatrième mandat, marque désormais le pas dans les sondages. Au point que son parti s’interroge sur l’opportunité de changer un programme clairement marqué à gauche. Les libéraux-démocrates, eux, rêvent de retrouver le Bundestag en septembre.
Audiovisuel Les séries télévisées bousculent le cinéma
Marseille La prison des Baumettes fait peau neuve
Football Monaco, virtuel champion de France
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Technologie La cyberattaque continue de faire des victimes
THÉÂTRE D E L’ E U R O P E
direction Stéphane Braunschweig
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LE REGARD DE PLANTU
CAHIER ÉCO – PAGE 3
Abonnez-vous
2017
Plusieurs grandes entreprises ont été à leur tour touchées par le logiciel malveillant, qui fait la démonstration de failles criantes dans la sécurité
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Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq
mise en scène Julien Gosselin
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de William Shakespeare
mise en scène Stéphane Braunschweig ---------
Ithaque Notre Odyssée 1
d’Anton Tchekhov
un spectacle de Christiane Jatahy
PI
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La Vita ferma [La Vie suspendue]
texte et mise en scène Lucia Calamaro
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Les Trois Sœurs
un spectacle de Simon Stone
d’après Anton Tchekhov
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Festen
de Thomas Vinterberg et Mogens Rukov
mise en scène Cyril Teste
Rencontre avec le peu disert patron d’Universal Music France, qui a remplacé il y a un an le très médiatique Pascal Nègre
Macbeth
TpN cecTp . [Les Trois Sœurs]
mise en scène Timofeï Kouliabine
Musique Olivier Nusse, un si discret déménageur
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2018
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Allemagne Nouveau revers du SPD à une élection régionale
saison
Paris Pourra-t-on se baigner un jour dans la Seine ?
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Saigon
un spectacle de Caroline Guiela Nguyen ---------
inspiré d’Homère ---------
The Encounter [La Rencontre]
un spectacle de Complicité/ Simon McBurney
d’après Petru Popescu ---------
Tristesses
un spectacle d’Anne-Cécile Vandalem ---------
Bérénice
de Jean Racine
mise en scène Célie Pauthe ---------
L’Avare
de Molière
mise en scène Ludovic Lagarde ---------
theatre-odeon.eu / 01 44 85 40 40
PAGE S 1 8 - 1 9 Algérie 220 DA, Allemagne 3,00 €, Andorre 3,00 €, Autriche 3,10 €, Belgique 2,70 €, Cameroun 2 100 F CFA, Canada 5,20 $, Chypre 2,70 €, Côte d'Ivoire 2 100 F CFA, Danemark 33 KRD, Espagne 2,90 €, Finlande 4,50 €, Gabon 2 100 F CFA, Grande-Bretagne 2,40 £, Grèce 3,00 €, Guadeloupe-Martinique 2,90 €, Guyane 3,00 €, Hongrie 990 HUF, Irlande 2,90 €, Italie 2,90 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,70 €, Malte 2,70 €, Maroc 17 DH, Pays-Bas 3,00 €, Portugal cont. 2,90 €, La Réunion 2,90 €, Sénégal 2 100 F CFA, Slovénie 2,90 €, Saint-Martin 3,00 €, Suisse 3,90 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 3,10 DT, Afrique CFA autres 2 100 F CFA
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PRÉSIDENTIELLE 2017
0123 MARDI 16 MAI 2017
PA S S AT I O N D E S P O U V O I R S
Passation des pouvoirs entre François Hollande et Emmanuel Macron, à l’Elysée, dimanche 14 mai. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
RÉCIT
D
u soleil et de la pluie. Un président qui arrive, un autre qui s’en va. L’ivresse contenue de la victoire, la mélancolie d’un départ. Le désir et l’espérance d’un côté. Déjà, la nostalgie du pouvoir de l’autre. Un homme jeune, pas même 40 ans, qui ambitionne de révolutionner la vie politique française ; un autre, âgé de 62 ans, qui a toujours cru au « système ». Des émotions et des sentiments mêlés flottaient sur ce dimanche 14 mai. L’une de ces journées, singulières et saisissantes, qui font l’Histoire. Confortablement élu face à Marine Le Pen le 7 mai, le huitième président de la Ve République pensait depuis longtemps à cette passation des pouvoirs, ce sacre républicain, il a tout prévu. Il est 10 heures et une minute quand Emmanuel Macron pénètre en voiture dans la cour d’honneur de l’Elysée. François Hollande l’attend en haut du perron. Le nouveau président remonte à pied le tapis rouge, tourné vers la garde républicaine, sans jeter un regard vers les photographes. Son aîné, qui l’a nommé ministre il y a trois ans, et fut son patron à l’Elysée, le regarde avancer, un léger sourire sur les lèvres et les yeux embués, où l’on devine tant d’arrière-pensées, de l’admiration et des regrets. Emmanuel Macron, qui veut marquer sa future présidence de solennité, rompre avec le quinquennat précédent, marche très lentement, comme au ralenti. Puis, le duo échange une poignée de main, avant de gagner le bureau présidentiel, au premier étage du palais. Pour ses derniers instants à l’Elysée, en 1995, François Mitterrand avait reçu un vieil adversaire politique, l’ancien patron du Figaro Jean d’Ormesson. Devant un thé et des œufs brouillés, les deux hommes avaient parlé de la maladie et du pouvoir. L’académicien
Le jour où Emmanuel Macron est devenu président A travers une passation des pouvoirs chargée de symboles, le nouveau chef de l’Etat a voulu marquer une rupture avec la présidence normale avait cité un passage de l’Ecclésiaste : « Il y a pour tout un moment et un temps pour toute chose sous le ciel : un temps pour enfanter et un temps pour mourir. » « Mitterrand, avec son cynisme habituel, avait choisi Jean d’Ormesson pour qu’il raconte tout », s’était amusé ces derniers jours François Hollande, qui a décliné plusieurs demandes de rendezvous similaires. Ces ultimes heures à l’Elysée, lui a voulu les passer simplement, sans mise en scène particulière, en compagnie de ses plus proches collaborateurs. Son bureau, qu’il a rejoint peu avant 9 heures, a été entièrement vidé de tout objet personnel : photos, gravures, ou encore ce dessin de Plantu qu’il avait fait encadrer… Seul un dernier parapheur l’attend sur la table Louis XV, avec des photos à dédicacer. Ce qu’il fait un moment, avec son feutre bleu. Avant de préparer la passation avec l’amiral Bernard Rogel, qui a succédé au général Benoît Puga comme chef d’état-major en juillet 2016. Dans le bureau mitoyen, tout est prêt : les assistantes du président
ont renouvelé le stock de papeterie, donné des consignes sur des Post-it. « On aurait bien aimé trouver tout cela en arrivant en 2012 », a confié l’une d’elles à un conseiller, rappelant en riant que les équipes de Nicolas Sarkozy « n’avaient pas laissé un seul trombone ». « JUSQU’AU BOUT »
Avant de descendre accueillir son successeur, François Hollande improvise quelques mots de remerciements devant son premier cercle : le secrétaire général de l’Elysée, Jean-Pierre Jouyet, et son épouse, Brigitte Taittinger, Gaspard Gantzer (communication), Jean-Pierre Hugues, son directeur de cabinet, qui occupera les mêmes fonctions dans les nouveaux bureaux du 242, rue de Rivoli, et Thomas Cazenave, le secrétaire général adjoint. Le président remercie cette poignée de fidèles de l’avoir accompagné « jusqu’au bout ». « C’est nous qui te remercions, de nous avoir donné la chance de travailler avec toi », répond M. Jouyet, pour couper court à l’émotion qui a envahi la pièce. Puis François Hol-
lande sort une dernière fois sur le balcon de son bureau, seul, pour s’imprégner du calme du parc de l’Elysée, avec sa fontaine, sa pelouse soigneusement tondue et ses marronniers… Comme une vision d’éternité. Emmanuel Macron arrivé, les deux présidents s’accordent un tête-à-tête de plus d’une heure. Ils évoquent la situation politique ainsi que la préparation des prochains sommets internationaux (OTAN, G7), examinent aussi quelques cas individuels. Mais de leurs mots plus intimes, rien ne fuite. Ils en garderont seuls le secret. Arrive le moment de se dire au revoir. François Hollande, qui avait raté ses adieux à Nicolas Sarkozy, en mai 2012, et qui l’avait ensuite regretté, a réfléchi longtemps à cet instant. Il y a quelques jours, on lui avait demandé s’il avait l’intention d’embrasser Emmanuel Macron, ce qu’il a toujours fait, avant de quitter l’Elysée. Il aurait offert ainsi à la postérité une image inédite. « Il ne faut rien écrire là-dessus, il faut que ce soit spontané », avait répondu le président sortant. Puis : « Je ne voudrais
pas compromettre Emmanuel, je ne vais pas chercher à donner l’impression que je le marque, faire un geste d’appropriation. Dire “il est à moi, je le laisse”… » Il n’y aura donc pas de baiser sur le tapis rouge. Hollande se contente d’une tape sur l’épaule. Puis les deux hommes échangent une longue poignée de main. Et Hollande monte dans sa DS5, la même qui l’avait conduit à l’Elysée le 6 mai 2012. « Bon courage ! », lance-t-il à son successeur qui l’a accompagné jusqu’à sa voiture. Il est 11 h 07 quand la main du président sortant adresse un dernier adieu par la fenêtre du véhicule officiel. Il passe le porche de l’Elysée, tourne à droite, rue du Faubourg-Saint-Honoré, file vers la rue de Solférino, où est situé le siège du PS. Au même instant, les invités de la cérémonie d’investiture – environ 300 personnes – patientent sous les dorures de la salle des fêtes. Depuis près de deux heures, l’assistance babille, au son de L’Apothéose de Berlioz, interprétée par l’orchestre symphonique de la garde républicaine. Jean-Claude Mailly, le patron de Force ouvrière, discute avec Pierre Gattaz, le président du Medef, à quelques mètres de Laurent Berger, de la CFDT. Un peu plus loin, Laurent Fabius et Lionel Jospin s’épient du coin de l’œil. Les corps constitués patientent sous les lourds plafonds à caissons du salon : représentants des deux Chambres et des pouvoirs judiciaires, figures des communautés religieuses… On aperçoit aussi quelques artistes, comme la photographe
Le bureau présidentiel a été vidé des objets personnels de Hollande. Seul un parapheur l’attend avec des photos à dédicacer
Bettina Rheims (qui a réalisé, en 1995, le portrait officiel du président Jacques Chirac), venue avec son époux, l’avocat d’affaires Jean-Michel Darrois ; ou l’écrivain Philippe Besson, ami d’Emmanuel Macron, qui prépare un livre sur sa campagne. Le comédien Michel Bouquet, 91 ans, est assis aux côtés de l’ancien secrétaire de Jean Moulin, le résistant Daniel Cordier, qui confiera au président venu le saluer : « Vous allez vivre un rêve merveilleux. » MACHINE ÉLYSÉENNE
Arrivés prudemment parmi les premiers, François Patriat, sénateur (PS) de la Côte-d’Or, et François Bayrou, maire (MoDem) de Pau, se sont installés au premier rang et n’en bougent plus. La garde rapprochée d’Emmanuel Macron déboule en bande. Les députés Richard Ferrand et Arnaud Leroy, le porte-parole Benjamin Griveaux, les conseillers Ismaël Emelien, Julien Denormandie, Jean-Marie Girier et Sylvain Fort, qui ont mené la bataille d’En marche ! quand si peu y croyaient, foulent ensemble le tapis rouge. Costume et cravate sombre pour tous ; seule Sibeth Ndiaye, l’attachée de presse, tranche avec sa robe fleurie et son perfecto en cuir. Tout sourire, ils posent pour les photographes, en conquérants. Comme le furent avant eux les proches conseillers de Nicolas Sarkozy, en 2007, rebaptisés « la firme ». Que le nouveau chef de l’Etat paraît jeune, avec ses 39 ans, devant ce parterre d’invités qui ont souvent deux fois son âge ! Il faut le voir, à l’issue de la cérémonie, faire le tour de la salle pour remercier chacun, alors que l’orchestre entonne le Don Giovanni de Mozart. Il tapote la joue des hommes, embrasse celle des femmes. Son épouse, Brigitte, glisse un « Priez pour mon mari, priez beaucoup » aux représentants des grandes religions. Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, proclame les résultats de l’élection présidentielle avant de s’écarter de la tradition avec un long prologue. Il cite
présidentielle 2017 | 3
0123 MARDI 16 MAI 2017
CHRONIQUE PAR FRANÇOISE FRESSOZ
Esprit de la Ve République, es-tu (encore) là ? A l’issue de la cérémonie, Brigitte Macron glisse un « priez pour mon mari », aux représentants des religions Chateaubriand et salue « un homme de notre temps ». Lui qui moquait, il y a peu, les ambitions démesurées de ce « petit marquis poudré » évoque la campagne « chamboule-tout » qui l’a mené à l’Elysée et souhaite son succès. Dans son discours, le président Macron s’inscrit dans la tradition de la Ve République, cite tous ses prédécesseurs, sans exception, et promet « une extraordinaire renaissance ». « Les Français ont choisi l’espoir et l’esprit de conquête », affirme-t-il. A l’issue de la cérémonie, tandis qu’il reçoit les honneurs militaires dans les jardins de l’Elysée, ses proches s’attardent dans la salle des fêtes. Certains sèchent la larme qu’ils ont versée quelques minutes plus tôt, comme Gérard Collomb ou François Patriat, pourtant pas les moins aguerris. Ils savent que « leur » Emmanuel est en train de leur échapper, happé par la machine élyséenne. « On est submergé par l’émotion, souffle le député Christophe Castaner. Dimanche dernier, j’ai pleuré avec lui en évoquant Corinne [Erhel, députée des Côtes-d’Armor décédée d’une crise cardiaque deux jours avant le second tour]. Et ce matin, pour la première fois, je n’ai pas osé lui envoyer un texto, je l’ai adressé à Brigitte. » Au même moment, M. Hollande fait son retour au siège du PS, comme Mitterrand l’avait fait avant lui, en 1995. « J’achève ma vie politique, avait lancé le vieux président. Je ne suis pas venu ici pour la recommencer. » Son successeur est venu dire l’inverse à ses camarades socialistes, leur signifier qu’il faudra encore compter avec lui dans les années qui viennent, qu’il n’a nullement l’intention de prendre sa retraite. C’est la première fois qu’il revient à « Solfé » depuis 2012. Mais rien de joyeux dans cette brève cérémonie. L’atmosphère est lourde, alors que le parti qu’il a dirigé pendant onze ans (1997-2008) joue sa survie aux législatives. La banderole « Merci », accrochée sur la façade du 10, rue de Solférino, dans le 7e arrondissement, ne trompe personne. Seule une poignée de députés PS ont répondu présents. Devant le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, son ami Julien Dray, le premier ministre Bernard Cazeneuve et les ministres Stéphane Le Foll, Jean-Marc Ayrault, Myriam El Khomri et Patrick Kanner, l’ex-chef de l’Etat revient sur ce quinquennat tant décrié. Il évoque les attentats. « J’ai veillé à ce que notre pays puisse tenir bon dans ces circonstances. C’est ma fierté que d’y être parvenu », insiste-t-il. Avant de vanter son bilan. « Permettez-moi de vous le dire : je laisse un pays dans un état bien meilleur que celui que j’ai trouvé », en 2012, après le quinquennat de M. Sarkozy. Il se dit certain que le socialisme « durera et perdurera ». En 1995, le PS avait offert une Twingo à François Mitterrand. Cette fois, Cambadélis offre à Hollande un tableau de l’artiste Catherine Duchêne, intitulé… La Bonne Etoile. Puis, comme le premier président socialiste de la Ve République l’avait fait, à l’issue de ses adieux au PS, Hollande a invité ses proches à déjeuner, à La Boule rouge, un restaurant tuni-
sien du 9e arrondissement. Autour de la table, se serrent Bernard Cazeneuve, les ministres hollandais Stéphane Le Foll, Michel Sapin et Jean-Yves Le Drian, mais aussi Jean-Pierre Jouyet ou la sénatrice Frédérique Espagnac. « Une ambiance délicieuse, amicale, au milieu de clients joyeux, ça nous a fait du bien », raconte M. Sapin. Alors que M. Hollande déjeune, son successeur remonte les Champs-Elysées, debout à l’arrière d’un véhicule de l’armée française, avant de faire les derniers mètres à pied pour rejoindre l’Arc de triomphe et la flamme du soldat inconnu. Une synthèse entre de Gaulle et Giscard. Tout au long de la journée, M. Macron a multiplié les symboles militaires. Après un déjeuner intime en famille à l’Elysée, il s’est entretenu en tête-à-tête avec son nouveau chef d’état-major, avant de rendre visite à des soldats blessés à l’hôpital militaire Percy, à Clamart (Hauts-de-Seine). Une manière pour le trentenaire, davantage vu par les Français comme un expert des affaires économiques, de muscler son image de chef régalien. Pourtant, ses communicants assurent que le nouveau chef de l’Etat « ne se met pas en scène ». Mais ils distillent aux journalistes des confidences sur les coulisses de la cérémonie. Jusqu’à la marque de son costume : « Un modèle Blue Dark de Jonas & Cie, un tailleur de la rue d’Aboukir à Paris. » Et son prix, 450 euros. Comprendre : rien à voir avec ceux de François Fillon, à plusieurs milliers d’euros pièce chez Arnys… « LE PLUS DUR COMMENCE »
Comme la tradition républicaine l’exige, Emmanuel Macron termine sa première journée de président investi par une visite à l’Hôtel de Ville de Paris. A son arrivée avec son épouse, il s’offre un bain de foule, court d’un côté à l’autre du parvis rempli au tiers seulement par les badauds. Anne Hidalgo tente de le suivre, mais la maire de Paris, qui ne s’est jamais bien entendue avec son cadet, finit par abandonner, préférant attendre qu’il finisse de poser avec la sécurité civile pour une photo. Dans la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville, réplique de la galerie des Glaces du château de Versailles, près de 800 invités s’entassent depuis plus d’une heure. Barons madrés et jeunes loups se toisent. Les socialistes Daniel Vaillant ou Jack Lang sont au premier rang, tout proches de Jean Tiberi et de Yamina Benguigui. Myriam El Khomri, qui se présente aux législatives dans le 18e arrondissement sous les couleurs du PS, échange longuement avec Benjamin Griveaux, candidat dans la capitale pour En marche !. En arrivant, Yannick Bolloré, PDG de l’agence Havas et fils de Vincent, tweete une photo de lui posant au pied de l’escalier, entouré de la garde républicaine : « Waiting for the French President with the Republican Guard », écrit-il. Dans son discours, Anne Hidalgo salue la « victoire de la République » que représente l’élection de M. Macron, mais ne peut s’empêcher de lancer quelques piques. La politique a repris ses droits. « Le plus dur commence », confiait, quelques heures plus tôt à l’Elysée, Richard Ferrand. Au lendemain de son investiture, Emmanuel Macron devait nommer, lundi 15 mai, son premier ministre, avant de s’envoler pour Berlin rencontrer la chancelière allemande, Angela Merkel. Sa vie de président commence. p bastien bonnefous, cédric pietralunga et solenn de royer
C
e qu’il y a d’un peu magique dans les institutions très régaliennes de la Ve République, c’est qu’à chaque nouvel arrivant, on se plaît à croire à un nouveau départ. Parce que le style, c’est l’homme, Emmanuel Macron a rompu, dès la passation des pouvoirs, avec les travers de ses prédécesseurs. Il n’a pas exposé sa famille à l’excès, comme Nicolas Sarkozy l’avait fait en 2007. Il n’a pas revendiqué être un « président normal », comme s’y était risqué François Hollande en 2012. Ces présidents-là étaient humains, trop humains. Lui non. Ce qu’il a voulu d’emblée, c’est réarmer la fonction avant d’entamer son ambitieux projet de « transformation » et de « refondation ». Emmanuel Macron n’a pas le droit à l’erreur, il le sait, il le dit. « Faire » président tout de suite
était son grand souci. Non seulement pour compenser son jeune âge, mais aussi pour rompre avec tout ce qui avait nui à ces prédécesseurs : le manque de verticalité, l’excès de quotidienneté, le trop-plein de verbe qui masquait l’absence de dessein. Contrairement aux candidats de gauche qui rêvaient d’une VIe République, le nouveau président est un adepte de la Ve. Il veut en retrouver l’esprit – efficacité et rassemblement – au moment où beaucoup osent la comparaison avec 1958. Mais il y a du chemin à refaire, tant la fonction présidentielle s’est dégradée. Contrairement à ses deux prédécesseurs, le nouveau président a pu observer de près le fonctionnement de l’Elysée avant d’être élu, puisqu’il y a exercé pendant deux ans la fonction de secrétaire général adjoint. Auprès de Fran-
çois Hollande, il a vu comment un président perdait de sa substance en devenant « le débiteur des actions du quotidien ». Il a mesuré aussi l’inextinguible capacité de résistance de la haute fonction publique. Tout son vade-mecum en découle. Sous son quinquennat, promet-il, les directeurs d’administration centrale devront faire allégeance. Une révolution que Nicolas Sarkozy avait envisagée, avant de renoncer. Présidence césarienne Le nouvel élu assure vouloir reconquérir le « temps long » et « maîtriser le cap », ce qui est une gageure à l’heure des chaînes d’information en continu. Il jure qu’il laissera son premier ministre gouverner, ce qui est plus facile à dire qu’à faire. Chacun des ministres sera régulièrement
évalué, ce que François Fillon, alors premier ministre, avait tenté de faire sans grand résultat. Le chef de l’Etat ira lui-même rendre compte une fois par an devant le Congrès, alors que Nicolas Sarkozy et François Hollande ne s’y étaient exprimés qu’une seule fois. Emmanuel Macron veut lutter par tous les moyens contre l’impuissance publique, c’est pourquoi il ne réclame pas seulement un exécutif qui rende compte, il veut aussi une majorité absolue à l’Assemblée nationale. On le comprend, mais, déjà, certains le soupçonnent de vouloir exercer une présidence césarienne peu en phase avec les aspirations participatives du XXIe siècle. « Les citoyens auront droit au chapitre, ils seront écoutés », a-t-il promis, dimanche 14 mai. Mais comment ? p
4 | présidentielle 2017
0123 MARDI 16 MAI 2017
Les hommes du président débarquent à l’Elysée Le chef de l’Etat a nommé son cabinet, composé de proches et de personnalités d’expérience
PATRICK STRZODA
PHILIPPE ÉTIENNE
ISMAËL EMELIEN
SYLVAIN FORT
Secrétaire général de l’Elysée, 44 ans
Directeur de cabinet, 64 ans
Conseiller diplomatique, 61 ans
Conseiller spécial, 30 ans
Responsable de la communication, 45 ans
« C’est le meilleur des préfets ! » Ce cri du cœur émane d’un des plus fins connaisseurs de la fonction publique. A 64 ans, Patrick Strzoda est nommé directeur de cabinet du président de la République. Comme ses prédécesseurs, ce pur produit de la préfectorale dirigera le palais et suivra les questions régaliennes. Ancien préfet de la région Bretagne et de la zone de défense et de sécurité Ouest, ce sportif amateur de golf fit respecter l’ordre d’une main de fer au moment des manifestations contre la loi El Khomri. En décembre 2016, il devient l’éphémère directeur de cabinet de Bernard Cazeneuve, à Matignon, avant d’être nommé préfet de la région Ile-de-France entre les deux tours de la présidentielle. Un poste auquel il a dû renoncer avant même de l’occuper. Avant d’arriver à Matignon, puis à l’Elysée, cet énarque (promotion Léonard de Vinci) s’était peu engagé politiquement, ne devant sa carrière ni à la droite ni à la gauche. « Il est extrêmement apprécié dans le corps, observe l’un de ses collègues préfet. Personne n’en dira du mal, car il n’a aucun ennemi. Manuel Valls l’adore, Bernard Cazeneuve l’adore. Et, apparemment, Emmanuel Macron l’avait repéré aussi. » En 1992, Patrick Strzoda a dirigé le comité d’organisation des Jeux olympiques d’Albertville. Avant la Bretagne, il fut préfet de Corse (2011-2013), l’un des postes les plus délicats de la préfectorale, préfet des Hauts-de-Seine (2009-2011), préfet des Hautes-Alpes (20022004) ou encore des Deux-Sèvres (2005).
Il se préparait à partir comme ambassadeur à Moscou après presque trois ans à Berlin mais, finalement, Philippe Etienne, 61 ans, restera à Paris aux côtés du nouveau président comme conseiller diplomatique. Un poste stratégique, le plus puissant et le plus exécutif en matière de politique étrangère où, comme le résume un diplomate, « on donne des instructions à tout le monde sauf au président ». Ce choix d’Emmanuel Macron rappelle combien l’Europe, et notamment la relation avec Berlin, sera prioritaire dans sa politique. « C’est un parfait connaisseur des dossiers européens », relève un de ses collègues. Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé de mathématiques, licencié en sciences économiques, cet ancien énarque de la promotion « Voltaire » (la même que François Hollande) est aussi un polyglotte diplômé en serbo-croate qui manie aussi bien l’anglais que l’allemand, l’espagnol, le russe que le roumain. En poste à Belgrade, Bonn, Moscou, Bucarest, il fut notamment ambassadeur auprès de l’Union européenne après avoir dirigé le cabinet de Bernard Kouchner entre 2007 et 2009. « C’est un poste où l’on est au cœur des crises », relève un de ses collègues de l’époque rappelant que Philippe Etienne a été diplomatiquement en première ligne aussi bien lors de l’invasion russe en Géorgie à l’été 2008 que six mois plus tard lors de l’opération israélienne « Plomb durci » à Gaza. Dans un quinquennat où les enjeux européens seront centraux, la nomination de Philippe Etienne est une garantie pour le Quai d’Orsay de garder la haute main sur ces dossiers.
« C’est le meilleur stratège politique de Paris », assure Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne, un think tank libéral qui a nourri le programme d’Emmanuel Macron lors de la campagne. Pourtant, le nouveau conseiller spécial du chef de l’Etat n’a pas connu que des succès. C’est notamment lui qui avait piloté, à l’époque pour le compte de l’agence Havas, la campagne du très autoritaire président vénézuélien Nicolas Maduro en 2013, à l’issue de laquelle l’héritier d’Hugo Chavez l’avait emporté de justesse, avec seulement 50,6 % des voix. Etudiant à Sciences Po, « Isma » n’a que 19 ans lorsqu’il se fait « vamper » par Dominique Strauss-Kahn, qui enseigne alors à l’école de la rue SaintGuillaume. Embarqué dans la campagne de la primaire socialiste de 2006 – que DSK perdra –, il rejoint ensuite Gilles Finchelstein à la Fondation Jean-Jaurès, qui lui apprend le métier de politologue. C’est là qu’il rencontre pour la première fois Emmanuel Macron, qui vient d’intégrer la banque Rothschild. Le courant passe immédiatement, les deux hommes ne se quitteront plus. Durant la campagne, Ismaël Emelien est celui qui a disséqué l’opinion, mis au point la stratégie et décidé des meetings. Il est devenu le sparring-partner préféré de M. Macron, qui lui fait une confiance absolue, ce qui est rare chez lui. A l’Elysée, le jeune homme, qui détonne dans l’entourage avec ses grosses lunettes, sa barbe de trois jours et sa doudoune sans manches, devrait continuer à conseiller dans l’ombre le chef de l’Etat, loin des médias, qu’il évite de côtoyer.
Normalien et agrégé de lettres classiques, Sylvain Fort va s’occuper de la communication du nouveau président de la République, comme cela a été le cas durant la campagne. Passé par BNP Paribas – il fut notamment la plume de son PDG Michel Pébereau – et DGM Conseils, l’agence de communication de Vincent Bolloré et de Bernard Arnault (LVMH), il avait monté sa propre agence, Steele & Holt, avant de finalement proposer ses services à Emmanuel Macron à l’été 2016, lorsqu’il a quitté le ministère de l’économie pour se lancer dans la course à la présidentielle. « Sylvain, c’est quelqu’un d’extrêmement brillant, mais aussi de très impatient, assure l’un de ses anciens patrons. Il avait du mal à rester plus de six mois dans la même entreprise. Il veut que ça bouge. » Féru de musique classique, auteur de livres sur Puccini, le successeur de Gaspard Gantzer va désormais devoir gérer les mots et les images du chef de l’Etat, qui aime penser sa communication dans les moindres détails. A l’Elysée, il sera épaulé par deux conseillères presse, qui ont, elles aussi, fait la campagne d’Emmanuel Macron. Sibeth Ndiaye, remarquée dans le documentaire de Yann L’Hénoret Les Coulisses d’une victoire, traitera des affaires nationales. Elle a rencontré Emmanuel Macron au ministère de l’économie, où elle s’occupait déjà des relations presse de son prédécesseur, Arnaud Montebourg. Les déplacements à l’étranger seront, eux, gérés par Barbara Frugier, passée par Bercy et par Matignon durant le quinquennat.
Les proches d’Emmanuel Macron l’affirment : Alexis Kohler est le seul que le chef de l’Etat « traite d’égal à égal ». « Il a trouvé aussi intelligent que lui », justifie l’un. « Il le rassure et lui fait confiance », explique un autre. A 44 ans, ce diplômé de Sciences Po, de l’Essec et de l’ENA remplace Jean-Pierre Jouyet au poste stratégique de secrétaire général de l’Elysée, bras droit du président, et occupera l’un des bureaux les plus proches du sien. Décrit comme « toujours positif », « loyal », il aurait réussi l’exploit de « ne se fâcher avec personne », selon un fin connaisseur des rouages de l’Etat. Avant d’arriver au poste le plus puissant de l’administration, M. Kohler est passé par la direction du Trésor, le Fonds monétaire international et l’Agence des participations de l’Etat. En 2012, il est recruté par Pierre Moscovici pour prendre la tête de son cabinet à Bercy. Emmanuel Macron, qui l’a repéré lorsqu’il était lui-même secrétaire général adjoint de l’Elysée, demande à M. Kohler de le rejoindre quand il est propulsé ministre de l’économie, à l’été 2014. Les deux hommes deviennent vite amis et concoctent ensemble la loi Macron. Lorsque le Touquettois démissionne du gouvernement, Alexis Kohler décide de rejoindre le privé. Il s’expatrie à Genève, où il prend la direction financière du croisiériste italien MSC. S’il n’a pas de fonction officielle chez En marche !, il œuvre néanmoins dans l’ombre, met la main au programme et fait office de recruteur pour M. Macron. Sa promotion à l’Elysée vient récompenser une loyauté sans faille et une discrétion qui fait le malheur de la presse.
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acron ? Ce sera une gauche techno, gestionnaire, fille de l’improbable accouplement de Michel Rocard avec Dominique Strauss-Kahn. » La sentence, qui émane d’un haut fonctionnaire (étiqueté à droite) résume assez bien l’esprit avec lequel Emmanuel Macron entend constituer le cabinet qui va l’entourer à la présidence de la République. Depuis son irruption en politique, lorsqu’il est devenu secrétaire général adjoint de l’Elysée en 2012, l’énarque promotion Senghor (celle du hollandais Gaspard Gantzer et du sarkozyste Sébastien Proto) aime s’entourer de technos plutôt jeunes, surdiplômés comme lui et souvent passés par la strauss-kahnie. Plusieurs de ceux qui l’ont épaulé à En marche ! devraient ainsi le suivre à l’Elysée, à l’image d’Ismaël Emelien, son conseiller spécial, ou Sibeth Ndiaye, son attachée de presse. Pragmatique, le nouveau chef de l’Etat devrait néanmoins s’entourer de personnalités plus aguerries ou plus politiques. Parmi les cinq membres de son cabinet officiellement nommés dimanche 14 mai – et exclusivement masculins –, on trouve ainsi deux sexagénaires rompus aux arcanes de l’administration et de la diplomatie. Selon son entourage, M. Macron n’hésitera pas non plus à faire appel à des hommes qui n’ont pas participé à sa conquête de l’Elysée. « Regardez Patrick Strzoda, il n’était pas dans sa campagne et il devient son directeur de cabinet, constate Christophe Castaner, député des Alpes-deHaute-Provence et compagnon de route de M. Macron. Emmanuel nous échappe, c’est normal. Les proches vont devoir le laisser partir, faire de la place pour les autres. » p
Macron et Hidalgo contraints de travailler ensemble Le président et la maire de Paris, qui entretiennent une relation orageuse, ont de nombreux dossiers communs à gérer, dont les Jeux olympiques
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enouer sans se renier. Après avoir éreinté Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l’économie puis candidat à l’élection présidentielle, Anne Hidalgo a pris soin d’épargner le chef de l’Etat, dimanche 14 mai, en le recevant à l’hôtel de ville. Préférant tendre la main à la maire (PS) de la capitale, M. Macron ne lui en a pas moins adressé quelques avertissements. Dans l’esprit de l’une et de l’autre, la réception du chef de l’Etat par l’exécutif parisien, rituel républicain instauré depuis 1947, devait être un moment de concorde. Il le fut en image. En allant à la rencontre des Parisiens, le jour de son investiture à l’Elysée, M. Macron a pris son premier bain de foule présidentiel au côté de la maire de Paris. A l’issue d’un tête-à-tête sans témoin dans le bureau de Mme Hi-
dalgo, ils ont ensemble, souriants, passé longuement en revue les quelque 800 invités conviés par l’un et l’autre sous les lustres de l’immense salle des fêtes. Puis vint le moment des discours. Chacun s’est efforcé d’amadouer l’autre sans rien céder sur le fond. Mme Hidalgo a promis que M. Macron pourrait « compter sur Paris pour faire réussir la France », tout en souhaitant une relation entre « l’Etat et Paris » fondée sur « le respect réciproque ». Puis, plutôt que de déposer les armes au pied du chef de l’Etat, elle l’a appelé à la rejoindre sur des fronts communs. A commencer par celui du défi climatique. « A l’heure où le diesel tue, il est de notre responsabilité de tourner la page », at-elle mis en garde M. Macron, lequel avait estimé, en août 2016, qu’il ne fallait pas systématique-
Lors de leurs discours, chacun s’est efforcé d’amadouer l’autre sans rien céder sur le fond ment « faire la chasse au diesel ». « Je suis décentralisatrice », a également rappelé Mme Hidalgo face à celui dont elle n’a cessé de fustiger le jacobinisme, depuis qu’ils se sont brouillés en 2015 à propos du travail du dimanche. Au discours offensif de la maire, M. Macron a répondu sur un registre lyrique en exaltant Paris, « cœur battant de la France ». Le chef de l’Etat a fait son éloge à deux reprises. « Madame la maire
de Paris, chère Anne Hidalgo, vous nous avez rappelé ce que veut dire qu’être maire » au lendemain des attentats terroristes de 2015, a-t-il déclaré avant de rendre hommage à « la façon » dont elle avait « répondu à l’urgence de la crise des réfugiés syriens et d’ailleurs ». Mais, alors que Mme Hidalgo a pris la peine de le prévenir que « Paris sera libre et attachée à avoir les moyens de tenir les engagements pris auprès des Parisiens », le chef de l’Etat a rappelé que « le dynamisme français ne se limite pas aux grandes villes ». M. Macron a réaffirmé son objectif prioritaire : réduire les fractures entre les territoires riches et pauvres entre les métropoles et le reste du pays. « En filigrane, Macron a clairement prévenu Hidalgo que Paris allait devoir faire des concessions sur ses exigences financières vis-à-vis de
l’Etat », déplorait, à l’issue de la cérémonie, David Belliard, coprésident EELV au Conseil de Paris. S’il est un dossier sur lequel, le rapprochement entre Mme Hidalgo et M. Macron est apparu évident, c’est celui des Jeux olympiques. « Je vous accompagnerai pleinement dans l’entreprise qui est la vôtre pour les Jeux olympiques et paralympiques », a indiqué M. Macron. Mardi 16 mai, il rencontrera les membres du Comité olympique international avec la maire de Paris. Les JO devraient être le gage de leurs bonnes relations, chacun ayant un intérêt à les obtenir. Agent de liaison Pour maintenir sur ce dossier, comme sur les autres, une entente la plus cordiale possible, Mme Hidalgo et M. Macron savent pouvoir compter sur quelques pro-
ches qui, ces dernières années, ont évité que les ponts ne soient totalement coupés. Issu de la même promotion de l’ENA que le président de la République, Mathias Vicherat, ex-directeur de cabinet d’Anne Hidalgo, aujourd’hui directeur général adjoint de la SNCF, a longtemps joué les intermédiaires et demeure un trait d’union entre la maire de Paris et le chef de l’Etat. Jean-Louis Missika, adjoint à l’urbanisme de Mme Hidalgo et fervent soutien de M. Macron, est lui aussi un autre agent de liaison. « Le moment que nous vivons est celui où chacun comprend qu’il a besoin de l’autre pour réussir », résumait ce pilier de l’exécutif municipal, alors que les salons lambrissés de la mairie bruissaient de propos inquiets dans les rangs du PS sur l’issue des législatives à Paris. p béatrice jérôme
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0123 MARDI 16 MAI 2017
PORTRAIT INTELLECTUEL DU PRÉSIDENT
Petite philosophie du macronisme Inspiré par le philosophe Paul Ricœur (1913-2005), qu’il rencontra en 1999, Emmanuel Macron reste fortement marqué par son empreinte. Une plongée dans son parcours intellectuel, qui éclaire ses choix politiques
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ais qui est-il ? L’héritier de Ricœur ou une rock star ? Le président Nouveau Monde ou celui de la fin de l’Histoire ? Est-il la figurine choyée de l’élite déterritorialisée ou la figure réconciliatrice d’une France fracturée, l’homme de la troisième voie ou la tête de pont du capitalisme financier ? Depuis le sacre du Louvre, le 7 mai, la France se demande de quelle façon Emmanuel Macron relie sa pensée à son action. Depuis sa victoire éclair, le monde s’interroge sur la manière dont cette start-up politique articule le dire et le faire, de quelle manière ce jeune monarque républicain aux allures de chérubin conjugue sa formation philosophique à sa pratique politique. La réponse est sans doute dans ce « et en même temps » que le nouveau président prononce si souvent. Car Emmanuel Macron se présente à la fois comme de gauche et de droite, social et libéral, soucieux de conjuguer le roman national et l’histoire globale, le sacre de Reims et la Fête de la Fédération, Pierre Nora et Patrick Boucheron, la mémoire et l’oubli, la révolution et la monarchie. Ce n’est pas le « ou bien ou bien » kierkegaardien mais le « et » ricœurien, cette façon de penser ensemble des choses hétérogènes, qui le caractérise. « Vouloir par exemple en même temps la libération du travail et la protection des plus précaires, cette manière d’introduire une tension soutenable entre deux énoncés apparemment incompatibles, est vraiment très ricœurienne », explique Olivier Abel, professeur de philosophie et d’éthique à la Faculté de théologie protestante de Montpellier. « C’est Ricœur qui m’a poussé à faire de la politique », déclare Emmanuel Macron dans un entretien à l’hebdomadaire Le 1 (n° 64, 8 juillet 2015, repris dans Macron par Macron, L’Aube, 136 pages, 9,90 euros). D’où l’importance de remonter à la source, qui ne s’est d’évidence pas tarie. En 1999, François Dosse, historien, professeur à Science Po et biographe de Paul Ricœur (1913-2005) cherche, à la demande du célèbre philosophe, un jeune doctorant pour vérifier les notes de bas de pages, les références et l’appareil critique de l’œuvre que Ricœur en est train de rédiger, L’Histoire, la mémoire, l’oubli, qui paraîtra aux éditions du Seuil en 2000. Il propose à Emmanuel Macron, son étudiant « brillant, souriant, affectueux, sensible et conceptuel, pas ramenard ni singe savant » d’entrer en contact avec le maître de l’herméneutique et de la phénoménologie française. Peu impressionné en raison de sa « complète ignorance » de l’œuvre de Ricœur, qu’il n’avait pas lu, Emmanuel Macron pousse alors la porte des Murs Blancs, la maison de Châtenay-Malabry que les disciples du philosophe connaissent bien. De la rencontre entre ce professeur de 86 ans et ce jeune homme de 22 ans naîtra une véritable relation de travail doublée d’une « relation affective du fils adoptif au (grand-)père spirituel », témoigne François Dosse. Souvent mise en doute ou contestée, l’intensité des échanges intellectuels fut réelle (« Macron, un intellectuel en politique ? », Le Monde du 2 octobre 2016). Les « notes d’orientation » rédigées par Emmanuel Macron et conservées dans les archives du Fonds Ricœur à la Bibliothèque de l’Institut protestant de théologie
de Paris, que Le Monde a pu consulter, renseignent sur la nature des apports de l’impétrant. Macron prodigue à Ricœur des conseils éditoriaux : « Définir plus précisément le concept de chronosophie », écrit-il (à propos de la page 24 du manuscrit du chapitre 1, consacré à la mémoire et aux phénomènes mnémoniques). Il suggère des références bibliographiques : « Ne peut-on pas citer, au sujet de l’événement, Paul Veyne et son discours inaugural au Collège de France ? » (page 35). Et se risque même à quelques appréciations élogieuses ou lapidaires : « Fin très bonne » (p. 41) ou « A refaire. Précisez dès le début que vous présentez des hypothèses, formulez clairement le choix d’une histoire des mentalités » (à propos de la page 9 du chapitre 2 dédié à l’épistémologie des sciences historiques). DENSITÉ DES DISCUSSIONS
Amie intime de la famille Ricœur et chargée des archives du penseur protestant, Catherine Goldenstein témoigne de la densité des discussions « d’égal à égal » entre les deux hommes. Celle qui accompagna Simone Ricœur, la femme du philosophe qui « s’éteignait comme une petite chandelle » et qui aida Paul Ricœur à traverser son deuil après sa mort, se souvient de « la délicatesse » de l’étudiant envers le philosophe. De son « autorité » aussi parfois, mêlée à une profonde gratitude. Dans une lettre inédite, dont nous reproduisons l’intégralité, Emmanuel Macron écrit à Paul Ricœur qu’il ne doit voir « aucune présomption » dans les notes et remarques qu’il vient de lui adresser. Et déclare : « Je suis comme l’enfant fasciné à la sortie d’un concert ou d’une grande symphonie, qui martyrise son piano pour en sortir quelques notes ; à force de vous lire, de vous suivre dans l’analyse, j’ai l’envie, l’enthousiasme de m’y risquer ». Ainsi, « n’en déplaise aux mauvaises langues », relève Olivier Mongin, directeur de la publication de la revue Esprit et ami des deux hommes, il y a bien eu « une rencontre véritable entre le vieux sage et le jeune philosophe qui s’intéresse à Hegel et Marx à l’époque ». Mais que reste-t-il de Ricœur en lui ? Une « forte empreinte », assure François Dosse, soucieux de faire mentir ceux qui prétendent que cette proximité fut usurpée, voire instrumentalisée. Tout d’abord une philosophie de la volonté qui vise à « tout faire pour rendre l’homme capable », a déclaré Emmanuel Macron le 16 novembre 2016 à Bobigny, lors de l’annonce de sa candidature. Car dans la pensée ricœurienne, la fragilité de « l’homme faillible » n’empêche pas « l’homme capable » d’être en mesure de mobiliser en lui-
AINSI POURRAIT-ON DIRE QUE LE MACRONISME, C’EST L’UBÉRISATION PLUS LES CARS MACRON, LA FLEXISÉCURITÉ PLUS LA 4G
Chez Jean-Pierre et Catherine Goldenstein, en février 2003, pour les 90 ans du philosophe. De gauche à droite, Paul Ricœur, François Dosse, Antoine Garapon et Emmanuel Macron. A droite, fac-similé d’une lettre d’Emmanuel Macron à Paul Ricœur. CATHERINE GOLDENSTEIN ET FONDS RICŒURBIBLIOTHÈQUE DE L’I PT DE PARIS.
même des ressources inemployées. A la « capacité d’être lui-même » de l’homme souffrant ou agissant de Ricœur correspond chez Macron la possibilité du citoyen de parvenir à « la libre disposition de soi-même » et de « réaliser ses talents ». Cette capacité de l’individu à développer ses propres potentialités, qui avait été théorisée par Paul Ricœur, ou bien cette « capabilité » conceptualisée plus tard par l’économiste Amartya Sen, sont au cœur du logiciel macronien. Ainsi, selon Emmanuel Macron, la politique doit « déployer le cadre qui permettra à chacun de devenir maître de son destin, d’exercer sa liberté. Et de pouvoir choisir sa vie ». La force du récit, aussi, est un puissant motif ricœurien chez le président. Un « pouvoir de raconter » qui, comme le disait Ricœur lors de la réception du Kluge Prize, en 2005, « occupe une place éminente parmi les capacités dans la mesure où les événements de toute origine ne deviennent lisibles et intelligibles que racontés dans des histoires ». Ainsi « l’identité narrative » de Ricœur s’oppose aux identités figées, puisque le récit que l’on fait de sa propre vie, écrit le philosophe, « offre la possibilité de raconter autrement et de se laisser raconter par les autres ». C’est précisément ce qui arrive à Emmanuel Macron, qui met en scène sa propre histoire et le récit de sa généalogie : « J’étais donc un enfant de la province (…). Né dans la Somme, je vivais l’entrée à Paris comme une promesse d’expérience inouïe, de lieux magiques. » (Révolution, 264 pages, 17,90 euros). Le storytelling de meeting a souvent été pointé. Mais sa conception du récit héritée de Ricœur lui fait préférer les appartenances aux essences. Ainsi n’oppose-t-il pas « l’identité heureuse » d’Alain Juppé à « l’identité malheureuse » d’Alain Finkielkraut, mais il propose une histoire ouverte de l’identité de la France. « Ce que nos adversaires disent, c’est qu’il y a quelques vrais Français, de souche, paraît-il. Moi, je ne sais pas ce qu’est une souche unique ; nous en avons tous de multiples. Donc, notre projet, c’est le vrai projet patriote. Parce qu’être patriote, c’est aimer le peuple français, son histoire, mais l’aimer de manière ouverte », déclare Macron à Reims, le 17 mars. « Le projet national français n’a jamais été un projet clos » prolonge-t-il dans le magazine L’Histoire, car la culture nationale s’est construite dans « l’ouverture au grand large ». Ainsi l’identité narrative est une subtile dialectique du « même » et de l’« autre », et permet à l’individu tout comme à un pays d’ailleurs, d’être pluriel, ouvert, divers : « Soi-même comme un autre », disait Paul Ricœur. Une pensée de la mémoire enfin, qui éclaire sans doute les débats houleux suscités à ce sujet par les prises de position d’Emmanuel Macron sur la colonisation. Dans La Mémoire, l’histoire, l’oubli (2000), ouvrage au sein duquel l’ancien étudiant est remercié pour sa « critique pertinente de l’écriture et la mise en forme de l’appareil critique », Paul Ricœur défend l’idée d’une « politique de la juste mémoire ». Entrant de plain-pied dans les controverses hautement sensibles du moment, le philosophe se déclare « troublé par l’inquiétant spectacle que donnent le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire – et d’oubli ». Apparte-
nant à une génération qui, sur le plan historique, n’a « ni totems ni tabous », Emmanuel Macron n’a pas hésité à mettre la plume dans la plaie lorsqu’il qualifia, à Alger, la colonisation de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie ». Et il ne faut pas oublier que c’est l’attitude du socialiste Guy Mollet qui, lors de la guerre d’Algérie, poussa Ricœur à quitter la SFIO. Mais, ici encore, il s’agit de concilier les contraires. Il s’agit pour le président de dire « en même temps » que « la racine du phénomène colonial est mauvaise » et de « reconnaître la souffrance des harkis et des pieds noirs ». Conclusion de Macron dans une formule que n’aurait pas démentie Ricœur : une politique digne de ce nom doit aujourd’hui « réconcilier les mémoires ». PROGRESSISME LIBÉRAL
Un respect et une reconnaissance des points de vue opposés lorsqu’ils se déploient dans le cadre de l’argumentation rationnelle, comme en témoigne par exemple son souhait de faire applaudir ses adversaires le soir du premier tour, s’inscrivent également dans les pas du philosophe. « Paul Ricœur disait souvent : “Tous les livres sont ouverts devant moi. Toutes les pensées, tous les points de vue.” Il avait une extraordinaire capacité de comprendre l’altérité, et de ne pas délégitimer le point de vue opposé au sien avant de le critiquer. Emmanuel Macron s’est souvent réclamé de cette éthique de la discussion », fait observer la philosophe Monique Canto-Sperber, théoricienne du libéralisme de gauche. Autre point central pour comprendre la filiation intellectuelle du nouveau président : Ricœur, « c’est l’autre voie de Mai 68 », fait observer Emmanuel Macron (Macron par Macron, p. 22). Non pas celle de la déconstruction, mais celle de l’interprétation ; non pas celle de la révolution, mais celle de la réforme. Ricœur n’est pas sur les barricades dans ces années de poudre, mais à Nanterre dont il sera le doyen entre 1969 et 1970, un jour même chahuté par des étudiants insurgés de l’université. Ricœur permet donc à Macron de refuser le repli rance des réactionnaires tout comme une certaine outrance des gauchistes libertaires. C’est pour cela qu’il faut lire jusqu’au bout la phrase d’Emmanuel Macron : « C’est Ricœur qui m’a poussé à faire de la politique, parce que lui-même n’en avait pas fait. » Parce le philosophe était « malheureux de tout ce qu’il n’avait pas dit lors de cette période » et fut, comme beaucoup, intimidé par « la brutalité du moment », poursuit-il. Il faut donc passer de la réflexion à l’action. Non plus seulement dire, mais faire. Ainsi Emmanuel Macron fait sienne la célèbre phrase de Karl Marx : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit maintenant de le transformer. » Mais, cette philosophie de l’agir le conduit bien loin de l’insurrection prolétarienne chère au philosophe allemand. Il s’agit d’une « révolution » réformiste qui s’inscrit dans le sillage de Michel Rocard, dont Ricœur était proche et avec qui il dialogua longuement au sein de la revue Esprit (Philosophie, éthique et politique. Entretiens et dialogues, Paul Ricœur, Seuil, 232 pages, 21 euros). Cette revue fondée en 1932 par Emmanuel Mounier re-
CETTE CAPACITÉ DE L’INDIVIDU À DÉVELOPPER SES PROPRES POTENTIALITÉS, QUI AVAIT ÉTÉ THÉORISÉE PAR PAUL RICŒUR, EST AU CŒUR DU LOGICIEL MACRONIEN présenta d’ailleurs un précieux « foyer de discussion » tant pour le maître que pour l’élève. Au point qu’Antoine Garapon, juriste et actuel directeur de la rédaction, aille jusqu’à percevoir en Emmanuel Macron un « devenir du personnalisme », à savoir un prolongement de la philosophie de Mounier qui, à l’époque, cherchait une troisième voie entre le capitalisme et le communisme à partir d’une morale fondée sur le respect de la personne. Entre 2000 et 2011, Emmanuel Macron a publié six articles et comptes rendus d’ouvrages dans la revue Esprit, dont un sur la réforme de l’Etat et un autre sur L’Histoire, la mémoire, l’oubli, tout à fait « remarquables et pour lesquels il n’y avait rien à retoucher », se souvient Marc-Olivier Padis, alors directeur de la rédaction d’Esprit. Retiré du comité de rédaction dans la foulée de sa candidature, Emmanuel Macron – qui a été membre de son conseil d’administration – demeure aujourd’hui actionnaire de la revue. L’actualité confère à l’article intitulé « Les labyrinthes du politique. Que peut-on attendre pour 2012 et après ? » (Esprit, mars-avril 2011) une saveur tout à fait particulière. Critiquant la polarisation du temps politique sur la préparation de l’élection, qualifiée de « spasme présidentiel », Macron estime que « le débat idéologique » est la condition même de la « restauration de l’action politique », trop souvent contrainte d’adopter des lois dans l’urgence et « la pression médiatique qui impose une quasi-transparence, en temps réel, de la décision ». (« Dans l’Esprit d’Emmanuel Macron », Le Monde de 1er septembre 2014). Mais quelle est donc son idéologie ? En voulant rassembler des personnalités de droite et de gauche, l’ancien ministre de l’économie a choisi la coexistence d’éléments en apparence divergents plutôt que l’opposition des contraires. M. Macron préfère donc le dialogique à la dialectique. Mais le président bipartisan n’en est pas moins le théoricien d’un dépassement des contradictions par une synthèse nouvelle. Ainsi à l’opposition gauche-droite, Emmanuel Macron veut-il substituer celle entre progressistes et conservateurs. Ainsi le président oppose-t-il la « mise en mouvement » contre le cloisonnement (des idées comme des villages). C’est en ce sens que « la mobilité physique est loin d’être anecdotique », dit-il. Lénine disait que « le communisme, c’est les soviets plus l’électricité ». Ainsi pourrait-on dire que le macronisme, c’est l’ubérisation plus les cars Macron, la flexisécurité
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plus la 4G. C’est pourquoi le macronisme est un progressisme libéral. « Un libéralisme pragmatique et optimiste », précise son ami Jacques Attali, qui lui fit rencontrer François Hollande et l’invita à devenir rapporteur général adjoint de la Commission sur la libéralisation de la croissance française, en 2007-2008. Un libéralisme politique qui se rapproche davantage de celui de John Stuart Mill (1806-1873) que de celui d’Alexis de Tocqueville (1805-1859), notamment parce que l’économiste britannique associait non pas le conservatisme, mais le socialisme et le féminisme à son libéralisme. Selon Thierry Pech, directeur général du groupe de réflexion Terra Nova, Emmanuel Macron fait la synthèse de trois courants politiques : social-démocrate, libéral-social et chrétien-démocrate. La social-démocratie est présente dans sa volonté de mettre en place une flexisécurité, un accompagnement social de la « société du risque », selon l’expression du sociologue Ulrich Beck (1944-2015), à l’image des pays qui, comme la Suède, associent la flexibilité du travail à la sécurité du parcours des travailleurs. Le libéralisme social ou encore le « centrisme radical » offre, lui, un cadre à « la société des individus », ainsi que l’a théorisé le sociologue Anthony Giddens et tel que Tony Blair l’a appliqué en Angleterre. Enfin la démocratie chrétienne est à la fois présente dans l’aspiration spirituelle et dans le sérieux budgétaire. Le macronisme serait donc une nouvelle synthèse de ces familles politiques parfaitement compatibles. Le libéralisme bien compris et l’économie du microcrédit : « Tocqueville + Amartya Sen, voilà le chemin du progrès ! », résume Thierry Pech. « CANDIDAT DE LA VOLONTÉ »
Les néoréactionnaires dominaient la scène intellectuelle, les néoconservateurs enchaînaient les pamphlets à succès, « on commençait à raser les murs », se souvient Thierry Pech, l’auteur d’Insoumissions. Portrait de la France qui vient (Seuil, 240 pages, 18 euros). Et voici qu’un progressiste libéral « terrasse le dragon ». Il a su à la fois répliquer aux antimondialistes de droite et aux antiglobalisations de gauche, renchérit Jacques Attali, en affichant un « libéralisme et un cosmopolitisme décomplexé ». Car Macron n’a pas de complexe avec le succès. Pour lui, « il ne faut pas s’excuser de réussir », renchérit Attali. Dans la politique et dans la vie, « il y a ceux pour qui le scandale c’est la richesse, et ceux pour qui le scandale c’est la pauvreté, poursuit-il. Macron n’aime pas les rentes et les professions réglementées. Il préfère ceux qui font de l’argent plutôt que ceux qui en ont ». C’est « le premier président libéral à l’optimisme entrepreneurial », assure l’historien et philosophe Marcel Gauchet. Tout d’abord sceptique devant ce « personnage énigmatique » qu’il rencontra à l’Elysée au début du quinquennat de François Hollande, Marcel Gauchet le trouva, cinq ans plus tard, beaucoup plus « consistant ». Celui qui n’était qu’un « technocrate étriqué, désinvolte et arrogant » il y a quelques années s’est transformé en un « candidat de la volonté », en un président du « réformisme social ». Non pas en intellectuel, mais en « politicien cultivé ».
L’exemple de sa politique scolaire résume bien sa philosophie. Selon Philippe Raynaud, professeur de sciences politiques et auteur de L’Esprit de la Ve République (Perrin, 250 pages, 19,90 euros), François Fillon, c’était le retour des blouses grises et du roman national ; Benoît Hamon, l’extension de l’école unique et la disparition des filières élitistes, comme les classes bilangues. Alors que Macron, c’est à la fois aider les ZEP, « et en même temps » rétablir le latin et le grec. Il s’agit donc pour M. Macron de « rendre les conditions de la compétition équitable », explique Philippe Raynaud. Ce n’est pas le retour de l’Ancien Régime, mais celui de la Révolution de l’année 1789, celle qui disait aux citoyens : la carrière est ouverte aux talents ! » Pourtant, il y a quelque chose de troublant et d’éclairant dans ses dires et son comportement. En 2015, Emmanuel Macron expliquait qu’il y a dans la démocratie « un absent ». Et que cet absent est la « figure du roi », dont il est persuadé que « le peuple français n’a pas voulu la mort ». Même si la France a tenté de « réinvestir le vide » avec Napoléon et de Gaulle, poursuit-il, l’espace reste vacant. Et « ce que l’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction ». Le roi est mort, vive le roi ! La République serait ainsi hantée par une ombre portée et une figure monarchique regrettée. Cherchant à s’appuyer sur les mouvements – de Gaulle aurait dit les rassemblements – contre les partis, la rhétorique macronienne assume la monarchie républicaine. Et fait, selon Philippe Raynaud, écho au général de Gaulle qui, à propos de la Constitution de 1958, se demandait : « Vais-je saisir l’occasion historique que m’offre la déconfiture des partis pour doter l’Etat d’institutions qui lui rendent, sous une forme appropriée aux temps modernes, la stabilité et la continuité dont il est privé depuis cent soixante-neuf ans ? ». Cent soixante-neuf ans auparavant, autrement dit… depuis 1789. Fin de l’homme normal et du pouvoir horizontal, retour du monarque et de la décision verticale. Voilà qui ne va pas calmer les contempteurs d’Emmanuel Macron, régulièrement campé en roitelet des marchés financiers. Car le questionnement des proches ou des partisans ne doit pas faire oublier les innombrables critiques dont il est l’objet. Comme celle, particulièrement acerbe, de Frédéric Lordon, selon qui Macron « est le spasme d’un système » oligarchique « qui repousse son trépas, sa dernière solution ». (« La Pompe à phynance », blog du Monde diplomatique, 12 avril 2017). Président de la « post-politique » pour l’historien des idées François Cusset, ancien candidat de la « post-histoire » pour Michel Onfray, les critiques de ceux qui ne sont pas Macron sont légion parce qu’il serait l’incarnation du « cercle de la raison ». Pour l’heure, le macronisme est un syncrétisme. Aussi bien un bonapartisme social qu’un progressisme libéral, aussi bien un dégagisme oligarchique qu’un libéralisme transcendantal. Mais qui l’a fait roi ? Sa bonne étoile et l’extraordinaire alignement des planètes formé par les forfaits et rebondissements d’une campagne folle ? Nul ne le saura. Car, comme l’écrivait Paul Ricœur, « on ne sait jamais ce qui est hasard et ce qui est destin ». p nicolas truong
« Je suis comme l’enfant fasciné à la sortie d’un concert » « Le Monde » publie une lettre d’Emmanuel Macron datée du 15 juillet 1999, adressée au philosophe Paul Ricœur, dont il est alors l’assistant éditorial
D
ans une lettre du 15 juillet 1999 à l’attention du philosophe Paul Ricœur, dont il est l’assistant éditorial depuis le mois de mai, Emmanuel Macron, alors âgé de 24 ans, adresse quelques remarques destinées à la rédaction de La Mémoire, l’histoire, l’oubli, qui sortira en 2000 aux éditions du Seuil. Ce document inédit, conservé dans les archives du Fonds Ricœur-Bibliothèque de l’Institut protestant de théologie de Paris, permet de mesurer la nature de la collaboration entre les deux hommes ainsi que l’enthousiasme et la gratitude du jeune étudiant envers le philosophe. Cher Paul Ricœur Je vous prie de bien vouloir excuser le retard avec lequel je vous écris mais je voulais d’une part prendre le temps de lire avec précision le chapitre 3 et d’autre part vous envoyer comme promis ce que P. Buser [professeur émérite de neurosciences à Paris VI et neurobiologiste] écrit sur la mémoire. Je n’ai pu malheureusement me procurer le livre afin de le joindre à ce courrier mais j’ai photocopié le chapitre qui vous intéresse. J’y ai joint le livre de Starobinski dont je vous avais parlé (dans lequel se trouve une étude du Cygne). Enfin je vous envoie les notes de correction de la fin du chapitre 1 (à partir de la page 59) puis du chapitre 2 et 3. Je suis désolé de ne vous fournir qu’un manuscrit – au sens strict du terme – et non un « support papier » ; une panne d’ordinateur survenue les jours où je me trouvais à Paris m’a empêché de taper ces notes. J’espère néanmoins que mon écriture sera lisible. Si vous avez le moindre problème vous pouvez me joindre sur mon portable. Dès le 2 août au soir je serai de retour à Paris. Ainsi, si vous voulez que nous nous voyions en août vous pourrez me le faire savoir. D’autre part, dès que je serai rentré à Paris je vous appellerai à Préfailles afin de vous donner mon numéro de fax. Ces problèmes « techniques » réglés, je peux désormais vous entretenir de façon plus libre. J’ai en effet réfléchi à ce que vous m’avez dit lors de notre rencontre le lundi 5 juillet et de la « faiblesse » de votre étude qui résiderait dans la difficile articulation entre position et image. Toute votre argumentation dès le début repose sur le projet de dissocier mémoire et imagination. Deux distinctions fondamentales apparaissent : – une différence référentielle : la mémoire a pour objet « ce qui a été » quand l’imagination ne se réfère qu’à une fiction. – une différence dans le rapport au temps : la mé-
moire est du passé, elle s’inscrit dans la ligne du temps réel, vécu. Or il me semble qu’au cœur de ce distinguo se dessine la pièce centrale de votre réflexion dont position et image sont les deux faces. La mémoire est du passé, mais elle est une image, une écriture de ce qui a été (eikon ou graphie) inscrite dans le temps. La mémoire a donc pour objet une représentation « en situation » : cette représentation est position et image. En effet, lorsque je vois cet oiseau sur le bord du lac et que je tente de me souvenir de son nom, c’est d’abord que je le reconnais. J’apprécie la conformité de cette image à une représentation mentale d’un « déjà vu ». Et derrière cette représentation se trouve une écriture (ici le nom qui correspond à cette image) que je cherche. Ainsi par le rappel je traque les situations dans lesquelles j’ai vu cet oiseau, où l’on m’en a parlé… Le souvenir est donc toujours une représentation (eikon) et derrière celle-ci une image écrite (graphé) inscrite dans le temps vécu, sertie dans une ou des situations de la ligne du temps réel. Je ne sais si ces quelques lignes – non travaillées, juste esquissées – vous seront d’une quelconque utilité. Sans doute suis-je là loin de vos lectures de Husserl qui recèlent probablement les amorces de certaines réponses. Ne voyez cependant dans ces réflexions aucune présomption : je suis comme l’enfant fasciné à la sortie d’un concert ou d’une grande symphonie, qui martyrise son piano pour en sortir quelques notes ; à force de vous lire, de vous suivre dans l’analyse j’ai l’envie, l’enthousiasme de m’y risquer. Ces réflexions ne sont qu’une partie de toutes celles que votre travail suscite en moi ; aussi travaillé-je dans l’écho de votre pensée. Ce risque que je prends et la discussion que vous acceptez de lier avec moi – depuis notre première rencontre – sont le signe de l’ouverture et de la richesse de votre réflexion. Et je mesure pleinement celle-ci à l’aune des questions qu’elles font naître en moi. Chez vous, rien d’achevé, d’imposé. « Etre du bond » dirait Char. Je lis votre travail – que je sais et sens mûri, réfléchi – comme si arrivait entre mes mains un charbon chaud qu’il me faut porter à mon tour. Je ne saurais assez vous remercier pour la confiance que vous m’avez témoignée en acceptant que je sois votre premier lecteur. Et je ne saurais assez vous dire la joie, le plaisir et l’enthousiasme que me procurent nos rencontres. En espérant vous voir bientôt je vous prie de croire en mes sentiments les plus cordiaux. Amicalement, Emmanuel
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0123 MARDI 16 MAI 2017
A Berlin, la main tendue de Macron à Merkel Le président français devait tenter, lundi en Allemagne, de faire avancer l’idée d’un « new deal » européen Berlin - correspondant
C
omme François Hollande en 2012, Emmanuel Macron a décidé de se rendre à Berlin dès sa prise de fonction. Cinq ans jour pour jour après son prédécesseur, le nouveau président de la République sera reçu, lundi 15 mai en fin de journée, par la chancelière allemande. Comme l’ont fait remarquer plusieurs journaux outre-Rhin, non sans une pointe d’ironie, il s’agit là du quatrième chef de l’Etat français avec lequel Mme Merkel, au pouvoir depuis 2005, sera amenée à coopérer, après Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. La comparaison entre MM. Macron et Hollande s’arrête là. En 2012, les premiers pas de ce dernier sur le sol allemand avaient été compliqués. Non seulement au sens propre – on se souvient de la façon dont Mme Merkel avait dû le guider sur le tapis rouge lors de son arrivée à la chancellerie après que son avion eut été frappé par la foudre –, mais surtout au sens figuré : pendant la campagne, la chancelière avait ouvertement soutenu Nicolas Sarkozy, ce qui avait fait dire à M. Hollande qu’une fois élu, il tiendrait tête à Mme Merkel en la contraignant à renégocier le traité budgétaire européen, signé par son adversaire au plus fort de la crise des dettes souveraines. Oreille attentive C’est dans un tout autre contexte que M. Macron était attendu en Allemagne ce lundi. D’abord parce que le nouveau chef de l’Etat est déjà venu deux fois à Berlin pendant sa campagne, prenant soin de rencontrer des personnalités de droite et de gauche, allant aussi se recueillir, en janvier, sur les lieux de l’attentat commis trois semaines plus tôt contre un marché de Noël de la ville. Ensuite parce qu’il a décidé de nommer au poste de conseiller diplomatique Philippe Etienne, ambassadeur en Allemagne depuis 2014 et proeuropéen convaincu – un choix an-
noncé dimanche et interprété outre-Rhin comme une volonté du nouveau chef de l’Etat de privilégier la relation avec l’Allemagne, dont M. Etienne parle la langue. Cette attention portée à l’Allemagne durant sa campagne a valu à M. Macron une couverture médiatique abondante et particulièrement bienveillante, où de longs portraits ont été consacrés à celui qui a été plus d’une fois qualifié d’« enfant prodige » de la politique, tout en étant comparé à John F. Kennedy pour sa jeunesse et à Gerhard Schröder pour ses velléités réformatrices. Ces derniers temps, cependant, un retournement s’est opéré. A une semaine d’intervalle, le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung et l’hebdomadaire Der Spiegel se sont tous deux longuement intéressés à M. Macron, qui
Le quotidien populaire « Bild » a titré récemment : « Combien va nous coûter Macron ? » l’ont l’un et l’autre qualifié de « cher ami », jouant sur le double sens de l’adjectif, signifiant à la fois précieux et coûteux. Ce que Der Spiegel a résumé par la formule suivante : « Macron sauve l’Europe et c’est l’Allemagne qui paie. » Même tonalité de la part du quotidien populaire Bild qui, il y a quelques jours, titrait : « Combien va nous coûter Macron ? »
A Berlin, M. Macron sait que toutes ses propositions sur l’avenir de l’Europe, l’idée d’un budget de la zone euro en particulier, ne suscitent pas forcément l’enthousiasme. Berlin est de surcroît très réticent à l’idée de tout projet qui pourrait impliquer une modification des traités existants. Son idée de créer un Parlement de la zone euro a en revanche trouvé un écho favorable de la part de Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances qui, dans un entretien accordé, jeudi 11 mai, au quotidien italien La Repubblica, s’est dit ouvert à la constitution d’une telle instance afin de faire évoluer le mécanisme européen de stabilité (MES), créé en 2012 pour servir de fonds de soutien aux pays de la zone euro en difficulté. Indépendamment de ce type de négociations complexes, le gou-
vernement allemand est en tout cas disposé à prêter une oreille attentive aux projets de M. Macron, tout en l’encourageant à réformer la France. « Je vais parler avec [le nouveau président français] de la façon dont on peut renforcer la zone euro et de la manière dont on peut mener des réformes qui ont un impact rapide sur le marché du travail », a déclaré Mme Merkel en fin de semaine dernière. Liens personnels « Nous pouvons aussi réfléchir à des programmes d’investissements communs, notamment dans le domaine du numérique, où l’Allemagne a un retard à combler », a-t-elle également précisé, ce qui entre en résonance avec le discours de M. Macron sur la nécessité de « mettre à l’agenda » une Europe qui « protège » et « investisse ».
Au-delà de ses promesses réformatrices et de sa volonté de faire de la relation franco-allemande le pilier de sa politique européenne, un dernier élément explique pourquoi M. Macron est attendu en Allemagne avec un regard plus positif que M. Hollande en 2012. Contrairement à son prédécesseur, qui n’était venu qu’une fois pendant sa campagne, pour assister au congrès du Parti socialdémocrate, M. Macron a pu profiter des réseaux qu’il s’était créés du temps où il était secrétaire général adjoint de l’Elysée, de 2012 à 2014, puis ministre de l’économie, de 2014 à 2016. Et notamment des liens personnels qu’il a tissés avec l’ambassadeur d’Allemagne en France, Nikolaus Meyer-Landrut, l’ancien secrétaire d’Etat aux finances Jörg Asmüssen, passé par la Banque centrale européenne, ou encore Reiner Hoffmann, le patron de la puissante confédération des syndicats allemands DGB, qui compte 6 millions d’adhérents. Au sein du gouvernement, c’est avec l’actuel ministre des affaires étrangères, Sigmar Gabriel, que M. Macron a créé la relation la plus étroite quand ils étaient tous deux ministres de l’économie. En 2014, les deux hommes avaient confié aux économistes Jean Pisani-Ferry, alors commissaire général de France Stratégie, et Henrik Enderlein, directeur de l’institut Jacques-Delors à Berlin, un rapport proposant un « agenda » sur l’investissement, les réformes et la croissance à l’échelle franco-allemande et européenne. Un rapport dans lequel Emmanuel Macron a largement puisé pour élaborer son projet présidentiel, et que les deux ministres avaient conçu comme devant aider à dessiner les contours d’un « new deal » européen. M. Macron a repris cette expression, le 18 mars, lors d’un débat auquel il a participé, à Berlin, aux côtés de MM. Enderlein et Gabriel, ainsi que du philosophe Jürgen Habermas. p thomas wieder
Le président français appelle à une Europe « refondée et relancée » Emmanuel Macron veut une zone euro davantage intégrée, une Union plus protectrice et une défense commune bruxelles - bureau européen
A
près l’Hymne à la joie au Louvre le 7 mai, au soir de la victoire, l’Europe était au cœur du premier discours de président d’Emmanuel Macron, dimanche 14 mai, avant qu’il fasse part de ses convictions à Angela Merkel, lundi à Berlin. « Nous aurons besoin d’une Europe plus efficace, plus démocratique, plus politique, car elle est l’instrument de notre puissance et de notre souveraineté. J’y œuvrerai, a déclaré le chef de l’Etat, ajoutant : L’Europe dont nous avons besoin sera refondée et relancée. » Quelles sont ses intentions ? Et quel accueil y réserveraient Berlin et Bruxelles ? Contre les abus du détachement de travailleurs M. Macron l’a beaucoup dit : l’UE n’est pas une menace, c’est le meilleur rempart contre les désordres de la globalisation. C’est pour cette raison qu’il voudrait faire avancer au plus vite la révision de la directive sur les travailleurs détachés – qui permet à des entreprises de l’UE de faire travailler temporairement des salariés dans un autre pays membre tout en acquittant les cotisations salariales du pays d’origine –, devenue en France un symbole décrié du dumping social.
Pour les eurodéputés, qui examinent une réforme du texte, il s’agit de jeter – enfin – les bases de l’Europe sociale. Il faudra toutefois vaincre la résistance des pays de l’Est tout en assurant le principe de la libre circulation des personnes dans le marché unique, sur quoi le Parlement n’entend pas transiger. Les eurodéputés tentent de forger un consensus sur une rémunération minimale, la durée du détachement des travailleurs ou les détachements dits « en cascade » – qui permettent à des entreprises d’impliquer plusieurs pays dans leurs montages afin de rendre les contrôles quasi impossibles. Un commerce plus protecteur Concernant la lutte contre le dumping industriel, M. Macron, soutenu notamment par l’Allemagne,
avait déjà réclamé avec insistance, début 2016, une accélération des procédures d’enquête antidumping de la Commission afin de mieux lutter contre la surproduction chinoise d’acier. Son entourage défend l’idée de muscler encore un peu les procédures européennes. M. Macron devrait de nouveau tenter de convaincre une série de pays hostiles à tout protectionnisme, même modeste (Pays-Bas, Suède, Danemark…). Il défend aussi un projet de « Buy European Act » – la priorité dans les attributions de commandes publiques serait donnée à des sociétés produisant dans l’Union. « Qu’un chef d’Etat défende un tel projet, appuyé par la Commission, lui donnera une plus grande portée », souligne Charles de Marcilly, de la fondation Robert Schuman.
L’Espagne veut réformer l’eurozone Le gouvernement conservateur espagnol de Mariano Rajoy propose, selon le quotidien El Pais, la création d’une capacité budgétaire anticrise au sein de l’union monétaire, et l’émission à terme de dette en commun, par le biais d’« eurobonds ». Le dispositif serait piloté par un Trésor de la zone euro. Il irait de pair avec le renforcement de l’union bancaire, mise sur pied en 2012 afin d’éviter l’éclatement de l’euro, grâce à la mise en place d’un fonds de garantie des dépôts et d’un fonds de secours mutualisé des établissements financiers. Le pacte de stabilité budgétaire serait également réformé pour éviter ses effets procycliques.
M. Macron ne sera pas écouté par l’Allemagne avant d’avoir prouvé sa volonté de réformer l’Hexagone La réforme de la zone euro M. Macron plaide pour un budget, ainsi qu’un Parlement et un ministre des finances de la zone euro, à peine remise de la crise des dettes souveraines déclenchée par le naufrage de la Grèce. A Bruxelles, il y a consensus quant à la nécessité de poursuivre l’intégration de l’union monétaire, mais les opinions divergent sur les modalités et le calendrier des réformes. Les Allemands sont réticents à l’idée d’un nouvel hémicycle comme à celle d’un « super-ministre » de l’euro. Et posent un préalable absolu à la création d’un budget commun : que les pays « du Sud », dont la France, offrent des gages de bonne gouvernance budgétaire. M. Macron ne sera pas écouté à Berlin tant qu’il n’aura pas apporté la preuve
de sa volonté de réformer l’Hexagone et réduit le déficit du pays à moins de 3 % du produit intérieur brut. Aucune initiative ne sera, en tout cas, prise dans ce domaine avant les élections allemandes en septembre. Pour autant, le président français entend profiter de la bonne volonté affichée de ses partenaires. Le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, a répété ces derniers jours qu’il était prêt à « tout faire » pour l’aider. La Commission publiera, elle, fin mai, une série de réflexions sur la zone euro. La défense, priorité de l’aprèsBrexit Le président pourrait faire des annonces rapides concernant la défense européenne, en raison de la multiplication des menaces et du message vis-àvis de l’OTAN de l’administration Trump, qui pourrait se désengager en partie de la protection du territoire de l’Union européenne. Celle-ci a décidé de relancer le vieux projet d’une défense commune, ou du moins plus unifiée. Sa feuille de route vise une autonomie stratégique dans le cadre d’une « stratégie globale de défense », et la Commission évoquera en juin un fonds européen pour la défense.
Les questions du financement, des priorités stratégiques et de la réelle volonté politique des uns et des autres restent toutefois en suspens. Et la « coopération permanente structurée », qui verrait un groupe d’Etats avancer plus vite ensemble, se cantonne pour l’instant à un projet sur le papier : elle suppose que ces pays acceptent, comme la France, de déployer de vraies forces combattantes – et, le cas échéant, d’essuyer des pertes humaines. Autre signal fort éventuel : la création d’un fonds franco-allemand d’investissement dans le numérique, idée déjà évoquée à plusieurs reprises. Le président défend par ailleurs la création d’un corps permanent de 5 000 gardesfrontières européens. Enfin, M. Macron devrait très vite monter au créneau sur le Brexit. Les négociations concernant le divorce avec Londres devraient survenir dans la foulée des élections britanniques du 8 juin. Personne ne s’attend à ce que le président français soit plus conciliant que François Hollande. « Pas d’approche punitive, mais la volonté de défendre le projet européen », dit-on dans l’entourage du chef de l’Etat. p cécile ducourtieux et jean-pierre stroobants
présidentielle 2017 | 9
0123 MARDI 16 MAI 2017
Logement : une ambition centralisatrice
LÉGI S L AT I VES
Pas d’accord entre le FN et Debout la France Le président de Debout la France, Nicolas DupontAignan, a confirmé, lundi 15 mai, sur RMC, que son parti ne signera finalement pas d’accord de désistement avec le Front national dans une cinquantaine de circonscriptions en vue du premier tour des élections législatives. « Le FN ne peut pas avoir le monopole de l’opposition », a assuré le député de l’Essonne, qui avait soutenu Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle.
Emmanuel Macron veut doper la construction. Quitte à bousculer les élus locaux nes usines PSA, à Aulnay-sous-Bois, une mine de 63 hectares à elle seule, intégrée à un projet qui en couvrira 160 ». Ce sont Thierry Lajoie et Roland Castro – l’architecte urbaniste qui avait, dès 1981, convaincu François Mitterrand de lancer le programme « Banlieue 89 » – qui ont d’ailleurs fait visiter à M. Macron des sites franciliens, comme, en octobre 2016, le quartier de la Coudray, à Poissy (Yvelines). « Mobiliser ces terrains est souvent lent et difficile et il faut adopter des procédures qui simplifient et accélèrent le démarrage des projets », suggère M. Lajoie. « Modèle lyonnais » Pour diviser par deux les délais d’instructions des opérations déclarées d’intérêt général, existe déjà la procédure intégrée pour le logement (PIL), créée par une ordonnance de 2013 et jusqu’ici peu utilisée. Ce dispositif dérogatoire permet de passer par-dessus tout autre document – et ils sont nombreux –, plan local d’urbanisme, schéma directeur, plan de déplacement, programme local de l’habitat… Des sites franciliens seraient déjà identifiés. Un souhait de M. Macron est de confier la délivrance des permis de construire aux intercommunalités plutôt qu’aux communes, allant jusqu’au bout de la logique engagée par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) de 2014, qui avait bien instauré les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) mais échoué à retirer ce pouvoir aux maires. La volonté de créer un choc de construction pourrait se concrétiser, d’ici à l’automne, dans une loi mobilité et logement, comme annoncé, le 9 avril par le candidat, dans Le Journal du dimanche. « Le choc de construction, on le réalise déjà en Ile-de-France, soutient Geoffroy Didier, conseiller régional (LR) en charge du logement. La région a même dépassé
ses objectifs, avec 86 000 logements sortis de terre en 2016, bien au-delà des 70 000 inscrits dans le schéma directeur. » M. Didier préside l’établissement public foncier d’Ile-de-France, un autre outil légué par la gauche, aujourd’hui pleinement opérationnel et « qui va mettre sur la table 2 milliards d’euros, entre 2016 et 2020, pour acheter du foncier, afin que l’Ile-deFrance devienne le laboratoire de la politique pragmatique que souhaite M. Macron ».
19ème
l’ensemble de la zone dense urbaine, incluant les pôles majeurs comme les aéroports, Evry, Saclay, la Défense, et en faisant carrément disparaître les trois départements de petite couronne. Ces propositions risquent de faire réagir, de Valérie Pécresse, présidente (LR) de région et opposante de toujours à la MGP – « une aberration, un contresens historique » – à Anne Hidalgo, maire (PS) de Paris, qui voit d’un mauvais œil la concurrence d’une MGP trop puissante et craint l’ingérence du président de la République sur son territoire. Dès dimanche 14 mai, jour de son investiture, elle a, en le recevant à l’Hôtel de Ville, prévenu : « Vous l’avez compris, je suis une décentralisatrice. Je considère que la République ne s’affaiblit pas en donnant aux collectivités la liberté et les moyens d’agir. La République a besoin de ses élus locaux. » p
Mais le nouveau chef de l’Etat s’inspirerait plutôt du modèle lyonnais, qui a su, lui, simplifier le mille-feuille territorial en fusionnant la communauté urbaine du Grand Lyon et le département du Rhône en une vaste Métropole de Lyon présidée par Gérard Collomb, l’un de ses premiers soutiens. Ce n’est donc pas par hasard que le nom de Michel Le Faou, un de ses vice-présidents, en charge de l’urbanisme et du cadre de vie, circule comme futur ministre ou, plus probablement, secrétaire d’Etat au logement placé auprès d’un grand ministère qui pourrait y adjoindre l’écologie, l’énergie, voire le transport. Le logement est un des enjeux cruciaux du Grand Paris, un sujet dont M. Macron fera « une grande priorité nationale », comme il l’a déclaré, en mars, à la revue Grand Paris Développement. Il souhaite reconfigurer la Métropole du Grand Paris (MGP) en l’étendant à
Le président souhaite confier la délivrance des permis de construire aux intercommunalités plutôt qu’aux communes
ASSOCIAATTIONS
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Anciens conseillers L’absence d’un référent logement clairement identifié accentue encore le scepticisme : « Il y a bien eu quelques réunions d’élaboration du programme, mais tout le monde ne se connaissait pas et tout se passe par des notes et par mails », raconte Henry BuzyCazaux, spécialiste du logement, proche de François Bayrou et du MoDem. Dans ces ateliers de travail, on retrouve plusieurs conseillers du gouvernement de Manuel Valls, tel Tristan Barrès, qui fut chef de cabinet de Jean-Yves Mano, ancien adjoint au logement de Bertrand Delanoë, ancien conseiller de Sylvia Pinel, puis d’Emmanuelle Cosse au logement ; Aurélien Taché, spécialiste de la lutte contre l’exclu-
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sion et de l’hébergement d’urgence, lui aussi ancien du cabinet Cosse ; ou encore Xavier Piechaczyk, ex-conseiller de François Hollande pour le logement et l’énergie. Y participaient aussi des professionnels, comme Ulysse Brault, marchand de biens à la tête d’une petite société, Accueil Immobilier, spécialiste du haut de gamme, ou Xavier Lépine, de La Française, investisseur institutionnel. Dans les « grands oraux » organisés, durant la campagne, par les diverses professions ont défilé, au nom de M. Macron, des porte-parole variés et plutôt politiques comme, devant le Conseil supérieur du notariat, Renaud Dutreil, ancien ministre des gouvernements Raffarin et Villepin, qui se présente aujourd’hui comme « un entrepreneur », précisément un financier à la tête de son fonds d’investissement basé à New York, ou, devant les administrateurs de biens et l’Union sociale pour l’habitat, l’ancien député (PS) Christophe Castaner. M. Macron est venu en personne devant les agents immobiliers du réseau Orpi et la Fondation Abbé Pierre. Mais avec de grands acteurs comme l’Union sociale pour l’habitat, qui incarne le monde HLM, ou les associations de locataires, les relations sont encore distantes. p
SAMEDI
MAI 2017
Une méthode d’élaboration du programme qui déconcerte les inquiétudes des acteurs de l’immobilier sur la future politique du logement sont d’autant plus fortes qu’Emmanuel Macron a laissé quelques zones d’ombre dans son programme, comme sur les allocations-logement – fondues ou non dans une allocation générale –, sur l’encadrement des loyers – maintenu à titre provisoire, le temps de l’évaluer – ou sur son projet de « bail mobilité » accordé aux jeunes, pour une durée de trois mois à un an – qui risque de détricoter le statut protecteur des locataires…
Le secrétaire général du Front national (FN), Nicolas Bay, a dit, lundi 15 mai, dans un entretien au Figaro, que « le débat est toujours préférable au chantage », en réponse à Florian Philippot. Jeudi 11 mai, le vice-président du FN avait déclaré qu’il quitterait le parti si la question de la sortie de l’euro était abandonnée, estimant qu’« un parti qui défend la nation » ne peut « renoncer à un débat qui est essentiel ».
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MON LOGEMENT
Nicolas Bay répond à Florian Philippot
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es propos du nouveau président de la République, tenus lorsqu’il était candidat, devant des cercles professionnels ou dans des revues spécialisées, dessinent une politique du logement plutôt interventionniste et centralisatrice, quitte à bousculer les élus locaux. L’une des mesures phares d’Emmanuel Macron est de créer, selon ses termes, « un choc d’offre » de logements neufs, c’est-à-dire construire beaucoup pour, espère-t-il, faire baisser le prix du logement et le rendre plus accessible. « Rien ne sert d’afficher un objectif de 500 000 logements construits par an, comme l’ont fait mes prédécesseurs, si on n’a pas les moyens de l’atteindre, plaidait le candidat, le 31 janvier, devant la Fondation Abbé Pierre. Il faut cibler les efforts sur les zones où il manque des logements. » Et d’en citer quelquesunes : le Grand Paris, la métropole lyonnaise, la région frontalière avec Genève et la Suisse et la région Aix-Marseille. Lorsque des maires renâclent à construire, comme c’est le cas dans de nombreuses communes d’Ile-de-France, M. Macron propose simplement de les court-circuiter, en créant des « opérations d’intérêt national ». Cette procédure, employée pour les grands chantiers comme la Défense (Hauts-de-Seine) ou Euroméditerranée, à Marseille, confie le pouvoir d’urbanisme et celui de délivrer les permis de construire à l’Etat et aux préfets, et en dépossède les élus locaux, parfois rétifs à de nouvelles constructions. Beaucoup de maires invoquent volontiers l’absence de foncier pour justifier leur immobilisme, alors que, selon Thierry Lajoie, PDG de la société Grand Paris Aménagement, chargée de mener les chantiers autour des 68 gares qui jalonneront les 200 km de lignes de métro du Grand Paris Express, « des terrains pour bâtir, il y en a beaucoup en Ile-de-France, par exemple l’emprise des ancien-
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10 | présidentielle 2017
0123 MARDI 16 MAI 2017
Des chantiers industriels et sociaux en souffrance De GM & S à STX, une pile de dossiers attend le nouvel exécutif
A
u siège du Parti socialiste, rue de Solférino à Paris, François Hollande a dressé, dimanche 14 mai, un bilan positif de son quinquennat, affirmant laisser la France « dans un état bien meilleur que celui que j’ai trouvé ». Sur le terrain industriel et social, Emmanuel Macron – et son nouveau ministre de l’économie – pourront très vite évaluer ce satisfecit en se confrontant à la pile de dossiers en souffrance qui les attend. Plans sociaux, mouvements au sein des portefeuilles des participations de l’Etat ou à la manœuvre dans la consolidation de certains secteurs, les sujets ne manquent pas. En 2012, à son arrivée aux affaires, M. Hollande a affronté une déferlante de plans sociaux, d’ArcelorMittal à PSA en passant par Petroplus ou Mory Ducros. Cinq ans plus tard, il subsiste une quinzaine de plans sociaux de taille assez importante, mais sans commune mesure avec la restructuration de PSA, et la suppression de près de 10 000 emplois, ou l’arrêt de Mory
Ducros qui a mis au chômage quelque 5 000 personnes. Non seulement le nombre de sociétés en difficulté suivies par Bercy a baissé, mais le ministère a largement préparé le terrain. « On laisse quelque chose de propre », confie un conseiller ministériel. Certains dossiers médiatiques comme Turenne Lafayette (Madrange, William Saurin, etc.), Kindy ou Whirlpool devraient connaître leur épilogue dans les semaines à venir. « Pour Kindy, plusieurs repreneurs sont en lice, indique une source. Pour Whirlpool, deux ou trois repreneurs sérieux pour le site sont aujourd’hui identifiés. Enfin, concernant le groupe Turenne Lafayette, qui emploie 4 000 personnes, les cessions des différents pôles sont également bien engagées. » Restent quelques dossiers délicats, comme l’avenir de GM & S dans la Creuse, où une réunion importante était prévue lundi 15 mai, ou celui de Tati, dont une partie des 1 750 salariés est défendue par l’avocat Thomas Hollande, le fils
Sur le site du sous-traitant automobile GM & S de La Souterraine (Creuse), jeudi 11 mai. PASCAL LACHENAUD/AFP
de l’ex-président. Selon Bercy, les offres de reprise sont solides et permettront de trouver une solution pour de nombreux employés de l’enseigne à bas prix. L’Etat devra aussi se saisir du cas MIM, dont les salariés souhaitent monter une coopérative pour reprendre la chaîne de prêt-à-porter. Il y a enfin le dossier Arc International. Le verrier (plus de 5 500 salariés), « sauvé » par M. Macron en 2015, est de nouveau suivi par le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) car il fait face à une nouvelle im-
passe de trésorerie. « Une étude sur l’état des comptes est en cours. Ce sera au nouveau gouvernement de suivre le sujet », confirme Bercy. En tant qu’Etat actionnaire, le nouveau gouvernement est attendu sur un premier dossier très politisé, celui des chantiers navals STX. Si l’Etat, qui détient 33 % des chantiers de l’Atlantique, s’est mis d’accord avec l’italien Fincantieri, repreneur désigné par le tribunal de commerce de Séoul, sur une nouvelle répartition du capital avec l’entrée de DCNS et de la fondation italienne CR Trieste, rien n’est encore fait. Le comité d’entreprise ne s’est pas prononcé sur l’accord qui déclenchera la signature définitive du rachat. Après cet acte, l’Etat aura deux mois pour s’opposer à cette acquisition. Soubresauts M. Macron peut toujours opter pour une nationalisation temporaire de l’entreprise afin de trouver d’autres partenaires comme les grands croisiéristes, notamment MSC, dont le nouveau secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, était jusqu’à récemment le directeur financier. Ces derniers ne désarment d’ailleurs pas. Bercy suivra également avec attention les négociations autour du rachat de Zodiac par Safran et les mouvements actuels chez Airbus. Entre l’installation du siège de l’avionneur à Toulouse, le départ du directeur de la stratégie Marwan Lahoud de l’état-major et les soubresauts au sein de l’entreprise liés aux enquêtes sur des soupçons de corruption, l’Etat doit
RADIO CLASSIQUE PRÉSENTE :
Arc International, « sauvé » par Macron en 2015, est de nouveau suivi, car il fait face à une nouvelle impasse de trésorerie veiller à ses relais au sein du géant aéronautique. Concernant la gestion du portefeuille de l’Etat, le nouveau locataire de Bercy, en accord avec l’Elysée, devrait également poursuivre la politique de cessions d’actifs afin de boucler le financement de l’augmentation de capital d’EDF et d’Areva. En attendant que la vente de la participation dans PSA à Bpifrance – pour 1,9 milliard d’euros – soit effective, d’autres opérations pourraient suivre, en s’en tenant à la doctrine définie par M. Macron lorsqu’il était à Bercy : réduire ses participations tout en conservant son poids dans l’actionnariat à travers les droits de vote double. L’Etat ne devrait pas toucher aux grandes entreprises publiques comme la SNCF, la RATP ou La Poste. En revanche, l’Agence des participations de l’Etat devrait continuer sa vente d’actions au fil de l’eau pour profiter de la remontée des cours des actions. Elle pourrait ainsi céder des titres d’Engie ou d’Orange. L’Etat est, par ailleurs, toujours censé céder près de 5 % de Renault, achetés en
avril 2015. M. Macron en avait fait la promesse en tant que ministre, il pourrait la tenir en tant que président. Ensuite, il n’est pas exclu que Bercy poursuive les cessions de ses parts dans les aéroports. Il pourrait tenter de légiférer pour réduire sa participation de 50,63 % dans Aéroports de Paris (ADP), ainsi que dans d’autres aéroports régionaux après ceux de Toulouse, Lyon et Nice. Avec le fruit des cessions, l’Etat peut certes se désendetter, mais il vise avant tout à réinvestir dans d’autres sociétés. A l’automne, il devra se prononcer sur le dossier du constructeur ferroviaire Alstom. « Dans quelques mois, l’Etat disposera d’une option d’achat, proche du niveau de Bourse de l’entreprise, de 15 % d’Alstom », assure une source à Bercy. Enfin, le ministère de l’économie n’a pas fait mystère de sa volonté d’œuvrer à la consolidation de certains secteurs, si cela peut renforcer une de ses participations et créer de la valeur. Dans le ferroviaire, la reprise de la division signalisation de Thales par Alstom est toujours à l’étude, tandis qu’un mariage d’Airbus et de Thales Alenia Space dans la fabrication de satellites est encouragé par certains experts. Enfin, depuis quinze ans circule l’idée d’un rapprochement entre DCNS et Fincantieri afin de créer un champion européen de la construction navale. Pour l’instant, Hervé Guillou, le patron de DCNS, préfère les partenariats. De fusion, il n’est pas question. p philippe jacqué
Les salariés de GM&S font monter la pression
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a peine installé à l’Elysée, Emmanuel Macron est déjà appelé à éteindre un premier incendie social. Celui de l’usine de pièces automobiles GM & S de La Souterraine (Creuse). Un site en difficulté depuis plusieurs années, victime d’une compétitivité déficiente, de sa dépendance à l’égard de Renault et PSA, et d’une succession de patrons voyous ou chasseurs de primes. La situation devient critique : si rien n’est fait, la liquidation risque d’être prononcée le 23 mai par le tribunal de commerce de Poitiers, ce qui entraînerait le licenciement de ses 280 salariés. Les pouvoirs publics connaissent bien le dossier. Depuis le dernier redressement judiciaire prononcé en décembre 2016, ils ont tout fait pour repousser après le second tour le règlement de ce cas difficile, afin d’éviter une liquidation spectaculaire en pleine campagne présidentielle. Aujourd’hui, impossible d’arrêter plus longtemps les horloges. Les salariés font monter la pression. Pour attirer l’attention des médias et des élus, ils ont annoncé jeudi 11 mai avoir « piégé » l’usine avec des bonbonnes de gaz et des bidons d’essence, agitant la menace d’une explosion du site. La mort dans l’âme, ils ont aussi découpé au chalumeau un premier élément d’une presse : « Ce que l’on a fait aux machines, c’est ce qui risque d’arriver à nos vies et à nos familles », ont-ils expliqué. « Notre objectif n’est pas de casser notre outil de travail, précise Vincent Labrousse, le responsa-
ble de la CGT. Nous avons au contraire remis en place les 3 × 8 pour veiller sur l’usine, afin qu’elle puisse redémarrer tout de suite s’il y a un repreneur. Mais il faut que notre dossier soit sur le dessus de la pile du nouveau président de la République. » La CGT a aussi lancé un appel national à un rassemblement mardi devant l’usine, et préparé une action à Paris pour mercredi ou jeudi. Passer davantage de commandes Toutes ces initiatives n’ont qu’un but : amener Renault et PSA, sous la pression de l’Etat actionnaire, à passer davantage de commandes à GM & S. Cela pourrait inciter le seul candidat encore en lice, le français GMD, à confirmer son projet de reprise de l’usine et à réembaucher plus que les 100 ou 110 salariés évoqués. Une réunion importante était prévue lundi 15 mai dans l’après-midi à la préfecture de la Creuse, à Guéret, en présence de l’intersyndicale, des élus locaux, de l’éventuel repreneur, et de représentants de Renault et PSA. Les constructeurs accepteront-ils d’augmenter le plan de charge de GM&S, eux qui sont accusés d’avoir délibérément maintenu l’usine en marche tant qu’elle leur était indispensable, puis de l’avoir laissé tomber après avoir mis en place d’autres sources d’approvisionnement ? S’ils refusent, M. Macron risque d’affronter sa première explosion sociale. p denis cosnard
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ECHOS DE CHINE
CR Express : le pari de relier l’intérieur de la Chine à l’Europe
PAR HUANG HAN, TANG JI & ZHAO YUFEI
L
es vastes provinces qui forment le cœur de la Chine ont longuement souffert des difficultés de transport en raison de leur éloignement par rapport à la mer et aux frontières. Mais Chongqing, ville du sud-ouest de la Chine, qui se situe à plus de 2.000 km de la mer et des frontières, est maintenant devenue un pivot commercial entre l’intérieur de la Chine et l’Europe. Auparavant, il y avait deux choix pour l’exportation de produits vers l’Europe via Chongqing, soit la mer (ports de l’est ou du sud de la Chine), soit la voie aérienne. Le transport fluvial prend beaucoup de temps et le transport aérien coûte cher. Cette situation a commencé à évoluer il y a six ans, avec le lancement du premier train de fret China Railway Express (CR Express) à destination de l’Europe.
UNE ATTRACTION POUR L’INDUSTRIE AUTOMOBILE
Le président chinois Xi Jinping (au centre) visite la ville de Duisbourg en Allemagne, le 29 mars 2014. (Xinhua/Rao Aimin)
CR EXPRESS EN PLEIN ESSOR Lancés en 2011 à Chongqing, ces trains de marchandises transportent entre 82 et 100 conteneurs standards de 6 mètres et circulent de manière régulière. Selon les statistiques de la China Railway Corporation (CRC), les trains CR Express ont effectué jusqu’ici plus de 3.000 livraisons entre la Chine et l’Europe. Au premier trimestre de 2017, on a déjà enregistré 593 livraisons (+175 % par rapport à la même période de 2016), dont 198 dans le sens retour (+187 %). CR Express, en plein essor, relie 27 villes chinoises à 28 villes de onze pays européens et joue un rôle de plus en plus important dans la mise en œuvre de l’initiative « La Ceinture et la Route » proposée par le président chinois Xi Jinping en 2013, qui vise à tisser un réseau d’infrastructures et de commerce.
permis de transporter nos produits de café vers l’Europe en 13 jours. Le transport ferroviaire prend 30 jours de moins que le transport fluvial et coûte moins cher que le transport aérien », a-t-il souligné. Depuis son entrée en service en 2011, la ligne Chongqing-Xinjiang-Europe a enregistré plus de 1.000 voyages entre Chongqing et la ville allemande de Duisbourg. En 2016, le nombre des voyages a atteint 432 (+68 % par rapport à la même période de 2015), repré-
La Ceinture et la Route » et les CR Express. En août 2016, Chongqing a signé un accord avec le Kazakhstan prévoyant l’importation chaque année de près de trois millions de tonnes d’engrais potassique kazakh d’ici à 2020. Amené à Chongqing par les CR Express, l’engrais potassique sera vendu dans le sud-ouest de la Chine, mais également réexporté vers le Japon et les pays d’Asie du Sud-Est. Chongqing deviendra ainsi la plus grande plateforme de vente
SEPT PAYS VONT AMÉLIORER LES INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES
UNE BOURSE DEDIEE AU CAFE DANS UNE VILLE QUI N’EN PRODUIT PAS Bien que située à l’intérieur des terres, Chongqing jouit d’une situation géographique privilégiée, au carrefour de l’initiative « La Ceinture et la Route » et de la Ceinture économique du fleuve Yangtsé. Dans le port fluvial de Guoyuan, dans l’ouest de Chongqing, le chemin de fer Chongqing-Xinjiang-Europe, qui traverse le continent eurasiatique, rejoint le Yangtsé, le fleuve le plus long de Chine. Ici, les marchandises européennes transportées par les trains de fret Chine-Europe peuvent gagner la voie maritime en descendant le cours du Yangtsé. Chongqing ne produit pas de café mais dispose d’une bourse dédiée au café depuis l’an dernier. Aujourd’hui, Chongqing Coffee Exchange est devenue la plus grande plateforme électronique de négociation du café en Chine. En effet, avec « La Ceinture et la Route », Chongqing est devenue un carrefour entre les principales régions productrices de café asiatiques, telles que la province voisine du Yunnan (sud-ouest), l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Sud, et les marchés de consommation européens. À terme, l’ensemble des échanges au sein de l’industrie mondiale du café seront facilités, a fait savoir le directeur général de Chongqing Coffee Exchange, Peng De. « Les CR Express Chongqing-Xinjiang-Europe nous ont
I
L’industrie automobile est également bénéficiaire. Entré sur le marché russe en 2007, le constructeur automobile chinois Lifan, basé à Chongqing, vend chaque année plus de 20.000 véhicules en Russie. En 2011, quand le premier train CR Express à destination de l’Europe quittait Chongqing, la plupart des marchandises à bord étaient des pièces détachées automobiles de Lifan. « Les CR Express Chongqing-Xinjiang-Europe réduisent le délai de transport de nos pièces détachées à destination de la Russie, ce qui facilite nos services dans ce pays », a affirmé Yin Mingshan, fondateur et président du conseil d’administration de Lifan, ajoutant que l’entreprise était en train d’installer une usine d’assemblage de ses automobiles en Russie. Pour la société de transport et de logistique européenne GEFCO, l’option ferroviaire n’est pas un mode de transport d’urgence pour ses clients, mais pourrait devenir un mode de transport stratégique pour mieux desservir l’Ouest de la Chine. « Chongqing est une zone importante où la population augmente et où de nombreuses sociétés s’installent. Avec l’arrivée de nouvelles usines à Chongqing, le positionnement de la municipalité deviendra stratégique », a estimé Emmanuel Arnaud, vice-président exécutif de GEFCO. « Le transport ferroviaire, qui bénéficie d’un temps de trajet plus court, permet aux nouveaux modèles de nos clients d’arriver plus vite chez les concessionnaires. C’est également un moyen intéressant de préserver la charge et la qualité des batteries des véhicules électriques », a-t-il indiqué. De plus en plus de sociétés françaises commencent à s’intéresser à la voie ferroviaire en raison du délai de livraison, a-t-il affirmé, exprimant sa grande satisfaction à l’égard des infrastructures de Chongqing telles que le Centre d’inspection des véhicules pour l’importation et l’entreposage.
Photo aérienne du port de Guoyuan sur le fleuve Yangtsé, à Chongqing, au sud-ouest de la Chine, le 7 avril 2017. (Xinhua/Liu Chan)
sentant un quart du nombre total des livraisons (1.702) effectuées par les CR Express. La valeur totale des marchandises transportées par cette ligne était de 16,88 milliards de yuans (2,29 milliards d’euros), représentant 80 % de la valeur totale des marchandises transportées par les CR Express. A l’instar de l’industrie du café, l’industrie de l’engrais potassique sera également transformée par l’initiative «
d’engrais potassique de l’intérieur de la Chine. Pour le président du conseil d’administration de Kazakhstan Potash Corporation (KPC), Zhang Jun, l’initiative «La Ceinture et la Route» a crée « d’immenses opportunités de coopération économique et commerciale bilatérale » et sorti l’intérieur de la Chine et les pays enclavés tels que le Kazakhstan de leur isolement.
Cependant, il existe tout de même des problèmes dans la planification des ports, la communication entre les transports ferroviaires et fluviaux et les politiques, entre autres. « À mesure que les CR Express se développent et que le trafic des marchandises augmente, les ports de sortie sont de plus en plus débordés et leur efficacité baisse. Par ailleurs, de nombreuses villes situées le long du chemin de fer Chongqing-Xinjiang-Europe nous ont demandé de devenir des villes-étapes. Malheureusement, les infrastructures qui s’y trouvent ne sont pas adaptées », a déploré Zhang Lei, directeur exécutif adjoint du comité de haut niveau d’un parc de logistiques de l’ouest de Chongqing situé à proximité de la gare des CR Express. L’initiative « La Ceinture et la Route » est ainsi « une belle occasion d’améliorer les infrastructures des pays le long de la route », a-t-il indiqué. Les autorités ferroviaires chinoises, biélorusses, allemandes, kazakhes, mongoles, polonaises et russes ont récemment signé un accord pour approfondir la coopération dans les services de transport ferroviaire. Dans le cadre de cet accord, les pays sont convenus de promouvoir ensemble la mise en place de meilleures infrastructures ferroviaires pour que la ligne soit sûre, fluide, rapide, confortable et compétitive, et d’étendre les services de chemins de fer à davantage de régions, avec un dédouanement plus rapide.
Une route de la soie moderne prend forme
l y a environ deux mille ans, des commerçants et des caravanes se mettent en route dans la direction de l’ouest à partir de la ville chinoise de Chang’an (actuelle Xi’an). La soie est la principale marchandise vendue dans les pays qu’ils atteignent. D’où le nom « la Route de la soie ». Aujourd’hui, une Route de la soie moderne prend forme, ravivant le commerce et attirant les investissements. L’initiative « la Ceinture et la Route », proposée en 2013 par le président chinois Xi Jinping, a pris de l’élan depuis près de quatre ans. Elle est en train de devenir un réseau transnational reliant l’Asie à l’Europe et à l’Afrique, promouvant le développement commun des pays impliqués. « La structure principale d’une Route de la soie moderne a pris forme grâce à de meilleurs liens entre les villes le long des routes, aux zones d’échanges commerciaux, aux couloirs économiques internationaux et à l’amélioration des ports », a expliqué Xiang Junyong, chercheur à l’Université Renmin de Chine.
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L’initiative « la Ceinture et la Route » a obtenu le soutien de plus de 100 pays et organisations internationales. Une quarantaine de pays ont signé des accords avec la Chine. Alors que l’économie mondiale est confrontée à une faible croissance et à une demande en berne dans le contexte de fluctuations financières omniprésentes, l’initiative «la Ceinture et la Route», qui vise à promouvoir la croissance et le rééquilibrage de l’économie mondiale, est une solution souhaitable, estime Fang Aiqing, vice-ministre chinois du Commerce. Cette initiative chinoise se conjugue aux stratégies de développement individuelles de différents pays, tels que l’Australie, le Cambodge, le Kazakhstan, la Pologne, la Turquie et le Vietnam. Les entreprises chinoises ont mis en place 56 zones de coopération économique et commerciale dans les pays impliqués dans « la Ceinture et la Route », générant près de 1,1 milliard de dollars de recettes fiscales et créant 180.000 emplois locaux.
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« La connectivité des transports est la base de l’initiative ‘la Ceinture et la Route’ », a souligné Wu Chungeng, porte-parole du ministère chinois des Transports. La Chine a signé plus de 130 accords de transports bilatéraux et régionaux, note-t-il. « L’ancienne Route de la soie a transformé des relais et de petites oasis en grandes villes et a permis des échanges entre les plus grandes civilisations du monde », a indiqué He Lifeng, directeur adjoint de la Commission nationale du développement et de la réforme de la Chine. « Souvenons-nous qu’à l’apogée de cette ancienne route, la Chine était une nation plutôt ouverte. A travers l’initiative ‘la Ceinture et la Route’, la Chine vise une plus grande ouverture et une prospérité commune », ajoute-t-il. « L’histoire peut être silencieuse, mais elle ne disparaît jamais. Il est temps de nous rappeler des expériences du passé pour façonner l’avenir », a souligné M. He.
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INTERNATIONAL
0123 MARDI 16 MAI 2017
Martin Schulz, président du Parti social-démocrate, au siège de sa formation, à Berlin, dimanche 14 mai. MICHAEL SOHN/AP
En Allemagne, le SPD dans la tourmente Les sociaux-démocrates ont été battus, dimanche, dans leur bastion de Rhénanie-du-Nord-Westphalie berlin - correspondant
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our la troisième fois en un mois et demi, les sociaux-démocrates allemands ont passé un dimanche cauchemardesque. Après avoir essuyé deux lourdes défaites dans la Sarre, le 26 mars, et dans le Schleswig-Holstein, le 7 mai, ils ont été à nouveau sévèrement battus par les conservateurs, dimanche 14 mai, en Rhénanie-du-NordWestphalie. Pour leur président, Martin Schulz, qui espère succéder à la chancelière Angela Merkel à l’occasion des législatives du 24 septembre, il s’agit là d’un cuisant camouflet. Bastion du Parti social-démocrate (SPD), qui l’a dirigée presque sans interruption depuis 1966, région natale et fief électoral de M. Schulz, la Rhénanie-du-NordWestphalie est aussi, avec ses près de 18 millions d’habitants, le Land le plus peuplé d’Allemagne. Pour ces trois raisons, le scrutin avait valeur de test national à moins de cinq mois des législatives. Encore donné largement en tête à la miavril, le SPD a réalisé son pire score depuis 1947 : 31,5 % des voix, soit 7,5 points de moins que lors des dernières élections, en 2012. Avec 33 % des suffrages exprimés, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) a en revanche progressé d’environ cinq points en cinq ans. Cette débâcle du SPD est d’autant plus alarmante pour M. Schulz qu’elle peut difficilement s’expliquer par de seuls facteurs locaux. Dans la Sarre, les sociaux-démocrates avaient reproché à leur candidate d’avoir laissé entendre qu’elle pourrait former une coalition avec le parti de gauche radicale Die Linke, au risque de démobiliser une partie de l’électorat de centre gauche. Dans le Schleswig-Holstein, ils s’en étaient également pris à leur tête de liste, dont plusieurs déclarations malencontreuses lui auraient coûté la victoire.
Cette fois, de telles explications ne tiennent pas. La social-démocrate Hannelore Kraft, qui dirigeait la Rhénanie-du-Nord-Westphalie depuis 2010, est une personnalité appréciée dans sa région, y compris par ses adversaires. Elle a par ailleurs appliqué à la lettre la consigne édictée par son parti après la défaite de celui-ci dans la Sarre, en prenant soin de préciser, quatre jours avant le scrutin, qu’elle ne gouvernerait en aucun cas avec Die Linke. A l’inverse, Armin Laschet, le candidat de la CDU, jouissait il y a encore quelques semaines d’une assez faible notoriété. Et, même au sein de sa famille politique, rares étaient ceux qui misaient sur sa victoire. « Pas un magicien » Que s’est-il donc passé pour en arriver là ? D’abord, sans doute, une campagne efficace de la part de la CDU. En mettant la sécurité au cœur de son programme, le candidat conservateur a mis en difficulté les sociaux-démocrates, et en particulier le ministre de l’intérieur du Land, mis en cause après les agressions sexuelles commises à Cologne le 31 décembre 2015, puis au lendemain de l’attentat de Berlin, le 19 décembre 2016, quand il a été révélé que son auteur avait séjourné pendant des mois en Rhénanie-du-Nord-Westphalie sans être inquiété, alors même que ses liens avec l’organisation Etat islamique étaient établis. Dans la perspective des élections législatives, il s’agit là d’un avertissement sérieux pour les sociauxdémocrates. En effet, si les questions de sécurité sont amenées à occuper une place importante dans la campagne électorale, ce qui est probable, le SPD risque d’être moins audible que la CDU. Ne serait-ce que parce que, sur des sujets tels que les contrôles de police ou la vidéosurveillance, les conservateurs défendent une ligne beaucoup plus claire.
A moins de cinq mois des législatives, le camouflet est cuisant pour Martin Schulz, qui espère succéder à Mme Merkel Reste le facteur Martin Schulz. Dans un premier temps, la désignation de l’ex-président du Parlement européen comme candidat du SPD aux législatives, annoncée fin janvier, s’était traduite par une flambée sondagière. Crédité jusque-là d’environ 20 % des intentions de vote, le SPD était parvenu, en l’espace de seulement quelques jours, à dépasser la barre des 30 %. Depuis fin avril, la courbe s’est à nouveau inversée, et le SPD est redescendu autour de 28 %, alors que la CDU a gagné quelques
points, se situant désormais audessus de 35 %. Dimanche soir, M. Schulz, a pris sa part de responsabilité dans la débâcle de son parti en Rhénaniedu-Nord-Westphalie. « C’est un jour difficile pour le SPD et pour moi-même. Je suis originaire de ce Land, dans lequel nous avons subi une lourde défaite. Jusqu’aux législatives, la route est encore longue », a-t-il déclaré, avant de faire cet aveu : « Je ne suis pas un magicien. » De la part de M. Schulz, peu porté à faire acte de contrition, une telle posture n’est pas anodine. A l’évidence, le président du SPD a compris que les trois déroutes successives essuyées par son parti depuis un mois et demi ne sont pas seulement imputables aux faiblesses ou aux erreurs de ses têtes de liste régionales, mais qu’elles sont aussi liées à la façon dont luimême conduit sa campagne au niveau national. Or, celle-ci commence à susciter de vraies interrogations, y compris au sein du SPD. Dans les jours
qui avaient suivi l’annonce de sa candidature, M. Schulz avait clairement mis la barre à gauche, n’hésitant pas à prendre ses distances avec Gerhard Schröder – le dernier chancelier social-démocrate (1998-2005). Il avait notamment critiqué son Agenda 2010, cet ensemble de réformes ayant permis à l’Allemagne de renouer avec la croissance et le plein-emploi mais au prix, selon ses détracteurs, d’une précarisation du marché du travail et d’une montée des inégalités. Depuis, M. Schulz a fait preuve de davantage de modération, se contentant de propos assez généraux sur la nécessité de restaurer la « justice sociale », et se gardant de remettre en cause l’héritage de M. Schröder. Une modération doublée de discrétion. Alors que son prédécesseur à la tête du SPD, l’actuel ministre des affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a largement occupé l’espace médiatique au cours des dernières semaines, s’impliquant notamment sur les
dossiers européens chers à M. Schulz, ce dernier s’est fait particulièrement silencieux sur les grands sujets de politique intérieure et internationale. Ce qui permet à Mme Merkel d’occuper souverainement le terrain sans faire face au moindre contradicteur, et sans non plus se sentir obligée d’entrer elle-même dans la bataille électorale. Forte de sa nette avance dans les sondages, la chancelière semble décidée à revêtir le plus tard possible l’habit de candidate, comme elle l’avait fait avec succès en 2013. Or, pour M. Schulz, le calendrier n’est pas le même. S’il veut garder une chance de l’emporter le 24 septembre, le président du SPD doit très vite reprendre la main sur la campagne. Au risque de laisser s’installer l’idée selon laquelle les trois défaites régionales que son parti vient de subir coup sur coup sont la preuve qu’il n’est pas en mesure de mener son camp à la victoire dans cinq mois. p thomas wieder
Les libéraux-démocrates rêvent d’un retour au Bundestag pour la deuxième fois depuis 1966, les conservateurs de la CDU dirigeront la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, bastion historique de la social-démocratie allemande. Mais cette victoire en cache une autre : celle du FDP, le Parti libéral-démocrate, qui a enregistré, dimanche 14 mai, une performance inattendue. Avec environ 12,5 % des voix, le FDP a réalisé le meilleur score de son histoire dans cette région, où il n’avait dépassé la barre des 12 % qu’une fois depuis la guerre, en 1950. Lors des dernières élections, en 2012, il avait obtenu 8,6 % des voix. Ce score serait anecdotique s’il ne venait s’ajouter à d’autres. Le 26 mars, dans la Sarre, le FDP a obtenu 3,3 % des voix, ce qui ne lui a pas permis d’entrer au Parlement régional, mais ce qui représente cependant 2 points de plus que lors du scrutin précédent, en 2012. Le 7 mai, il a totalisé 11,5 % des suffrages dans le Schleswig-Holstein, une
progression de 3,3 points par rapport aux dernières élections, en 2012 également. A moins de cinq mois des élections législatives du 24 septembre, ces résultats confirment ce que les sondages à l’échelle nationale laissent augurer depuis quelques mois : un possible retour des libéraux-démocrates au Bundestag, d’où ils avaient été chassés, en 2013, pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale. Précieux appoint Fort de ces bons scores, Christian Lindner, qui dirige le parti depuis 2013 et en était la tête de liste en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, compte bien s’imposer dans les prochains mois comme une figure de premier plan sur la scène nationale. Agé de 38 ans, ce bon orateur, à qui ses adversaires reprochent un ego hypertrophié, s’est fixé pour mission de rajeunir le FDP et de diversifier ses thèmes de prédilection. Il s’est ef-
forcé notamment de promouvoir le développement de l’économie numérique et la protection des données personnelles, afin que sa famille politique ne soit plus seulement identifiée à la défense des plus nantis et à la quasi seule revendication des baisses d’impôts, comme à l’époque de son prédécesseur Guido Westerwelle, ancien ministre des affaires étrangères de Mme Merkel, mort en 2016. Crédité d’environ 8 % des intentions de vote pour les élections législatives, le FDP pourrait se révéler comme un partenaire incontournable d’une prochaine coalition. En cas d’une nouvelle victoire de la CDU en septembre, l’appoint des libéraux-démocrates pourrait être précieux pour la chancelière au cas où celle-ci envisagerait de former un gouvernement sans les sociauxdémocrates, avec lesquels elle dirige le pays depuis 2013. p th. w. (berlin, correspondant)
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0123 MARDI 16 MAI 2017
L’Autriche se dirige vers des législatives anticipées Désigné chef des conservateurs, Sebastian Kurz écourte le mandat de sa coalition avec les sociaux-démocrates vienne - correspondant
I
l a neuf ans de moins qu’Emmanuel Macron : de quoi détourner les projecteurs, qui sont toujours braqués sur le jeune président des Français. Agé d’à peine 30 ans, le ministre autrichien des affaires étrangères, Sebastian Kurz, ambitionne de devenir le plus jeune dirigeant de son petit pays d’Europe centrale. Et, au passage, de l’Europe tout entière. Il a déjà réalisé un exploit, en se faisant désigner, dimanche 14 mai, comme le nouveau leader du vieillissant Parti populaire (ÖVP, chrétien conservateur). Et, à peine nommé, il a annoncé que sa formation allait faire tomber le gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates. Des élections anticipées devraient donc avoir lieu, en septembre ou en octobre, alors même que les Autrichiens ont voté pour la présidentielle en décembre 2016 – un scrutin éprouvant, à l’occasion duquel l’extrême droite a réalisé un score historique (46 %). M. Kurz est pressé. Il ne veut pas attendre la prochaine échéance électorale, prévue en 2018, car, selon un sondage publié très récemment par le quotidien libéral Der Standard, les électeurs le préféreraient à l’actuel chef de gouvernement, Christian Kern, 51 ans, ainsi qu’au dirigeant de l’extrême droite (FPÖ, Parti autrichien de la
liberté), Heinz-Christian Strache, 47 ans. « Il a réussi à disloquer sa formation politique d’origine, analyse Patrick Moreau, chercheur au CNRS et spécialiste de la politique autrichienne. Il en a fait un parti à sa mesure et veut casser le système en profitant de sa jeunesse. Il n’a pas d’offre idéologique précise et reste très mobile pour dépasser les clivages traditionnels. » D’abord nommé secrétaire d’Etat à l’intégration, à 24 ans seulement, ce Viennois a déjà passé six ans au gouvernement. Désormais, c’est l’une des personnalités les plus populaires du paysage national. Sur la scène internationale, il s’est notamment fait connaître en manœuvrant habilement avec les pays des Balkans pour fermer aux migrants la frontière entre la Macédoine et la Grèce, début 2016. Depuis, Angela Merkel prend au sérieux ce grand jeune homme aux yeux bleus. « Wunderkind » Il est aussi le seul ministre des affaires étrangères dans l’UE à réclamer la fin des négociations d’adhésion avec la Turquie. Cette position lui vaut régulièrement des attaques verbales depuis Ankara. Au sein de la famille du Parti populaire européen (PPE, droite), il est également, avec les représentants de la CSU bavaroise, l’un des plus fidèles soutiens du dirigeant populiste hongrois Viktor Orban.
Le nouveau dirigeant de l’ÖVP est un fidèle soutien du populiste hongrois Viktor Orban La perspective de voir une telle personnalité ravir la chancellerie à la gauche, qui l’occupe depuis 2007, est tout à fait envisageable. Car, sans forcément connaître vraiment ses positions sur la politique intérieure et l’économie, les Autrichiens raffolent de leur « Wunderkind », encensé également par les tabloïds. « C’est un talent exceptionnel », dit de lui Thomas Stelzer, le gouverneur conservateur de la province de Haute-Autriche. Le seul à même de redresser la barre d’un « bateau qui coule », selon l’ancien président du Parlement et candidat malheureux à la présidence, Andreas Khol. En Autriche, le monde paysan fournit toujours le gros des troupes de l’ÖVP, qui compte plus d’adhérents – 500 000 dans un pays de 8,7 millions d’habitants – que l’Union chrétienne-démocrate de la chancelière allemande. Ce maillage assure à la droite une présence sans interruption au
gouvernement fédéral depuis trois décennies. Mais son réseau est en déclin : les réserves des voix de l’ÖVP se trouvent dans les villes, et surtout dans la capitale, qui ne cesse de grossir. Sebastian Kurz a donc pour mission de séduire les citadins acquis à la gauche, aux écologistes et à l’extrême droite. Il doit aussi convaincre les immigrés naturalisés, souvent musulmans, alors que l’ÖVP conserve son image de « parti de l’Eglise » et s’adresse traditionnellement aux catholiques. Dans la capitale, près de 10 % du corps électoral est né à l’étranger. « Junior partner » Pour mener à bien cette mutation, M. Kurz, qui n’a pas eu le temps d’achever ses études de droit, a exigé une modification des statuts de son parti, afin de renforcer ses pouvoirs de nomination. Il ne souhaite pas mener une équipe exclusivement composée d’adhérents, mais un mouvement ouvert, notamment aux acteurs de la société civile et à d’autres élus venus de formations concurrentes. Il entend avoir la haute main sur chaque décision et biffer toute référence partisane trop marquée. Une dérive autoritaire « à la Erdogan » selon l’extrême droite, qui ironise sur « l’emballage tout neuf d’un vieux produit ». Herbert Kickl, le secrétaire général du FPÖ, se moque même d’un « prétendu
parti de gouvernement aux abois, remettant son destin entre les mains d’un trentenaire ». Mais ces invectives masquent mal les inquiétudes d’un courant idéologique déçu par les précédents scrutins en France et aux Pays-Bas, au cours desquels l’ascension des alliés du FPÖ a marqué le pas. La formation sait que Sebastian Kurz pourrait venir contrecarrer ses ambitions. Il y a quelques mois, le jeune ministre expliquait au Monde vouloir tout faire pour empêcher M. Strache d’arriver en tête aux législatives et de diriger le gouvernement. Une telle éventualité plongerait selon lui le pays dans une profonde incertitude politique. Le parti FPÖ a été fondé par d’anciens nazis. Il maintient l’ambiguïté sur ses intentions réelles concernant l’avenir de l’Autriche dans l’Union européenne. M. Kurz a déjà fait savoir qu’il n’entendait pas devenir le « junior partner » des fossoyeurs de la construction européenne, dans un pays de nouveau cloué au pi-
La gauche n’exclut pas de s’allier avec l’extrême droite contre les conservateurs
lori par ses partenaires, dix-sept ans après la précédente expérience gouvernementale entre la droite et l’extrême droite. Pourtant, en Autriche, le système électoral à la proportionnelle intégrale oblige les partis à former des alliances, et il paraît peu probable que la gauche et la droite franchissent à elles seules la barre des 50 % nécessaires pour gouverner ensemble, comme elles le font traditionnellement depuis 1945. Elles n’ont de toute façon plus l’envie de reconduire un système qui n’aura fait que gonfler les scores de l’extrême droite au fil des ans, jusqu’à faire d’elle le modèle inégalé de toutes les formations populistes en Europe. Si M. Kurz remportait le scrutin, il pourrait faire pression sur le FPÖ pour qu’il évince HeinzChristian Strache, jugé trop sulfureux, en échange d’un ticket renvoyant les sociaux-démocrates dans l’opposition. De son côté, la gauche n’écarte pas non plus de s’allier à l’extrême droite contre les conservateurs. Elle l’a déjà fait entre 1983 et 1986. Fébrile depuis le début de la crise des réfugiés, elle a pris un tournant eurosceptique et populiste. Christian Kern s’est personnellement montré ouvert au dialogue. Avec ou sans son chef de file, le FPÖ semble donc avoir les meilleures chances de revenir au pouvoir. Reste à savoir grâce à qui. p blaise gauquelin
Manifestation à Moscou contre un gigantesque projet d’urbanisation
Une exécution sommaire suscite la polémique au Mexique
Les autorités prévoient de détruire 4 500 immeubles de l’époque soviétique et de reloger leurs habitants
La vidéo du meurtre d’un délinquant par un soldat relance le débat sur la militarisation de la lutte contre le crime organisé
moscou - correspondante
A
ndreï Leonov tient dans la main la photo de l’objet de son courroux : un petit immeuble de cinq étages, coquet avec sa façade jaune malgré son âge – il a été construit en 1956 –, et promis à la démolition. Ce jeune cadre de 31 ans a rejoint, dimanche 14 mai, des milliers de Moscovites – 5 000 selon la police, plus de 20 000 selon l’organisation indépendante Compteur blanc, qui recense les participants lors de manifestations – venus protester, au cœur de la capitale russe, contre un gigantesque projet d’urbanisation qui prévoit la destruction de 4 566 bâtiments soviétiques. Adopté en première lecture le 20 avril à la Douma, la Chambre basse du Parlement russe, le projet annoncé quelques semaines auparavant par Vladimir Poutine et le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, devait concerner 8 000 immeubles, soit 1,6 million d’habitants. Mais même réduit de moitié, il suscite une vive inquiétude parmi les dizaines de milliers de personnes qui devront être relogées. Comme d’autres,
Andreï Leonov a découvert que son bâtiment figure sur la liste publiée le 3 mai par la mairie. Les premières réunions organisées par les préfets de quartier ont tourné à la foire d’empoigne. Les autorités n’avaient aucune information à donner à la population. « On s’en fout bien des gens » Les habitants des « khrouchtchevki », ces logements de masse ainsi baptisés car construits sous Nikita Khrouchtchev dans les années 1950, lors de ce qui fut le plus vaste plan d’urbanisation soviétique, sont les premiers touchés. « A la place des petits immeubles, ils veulent construire de grands buildings juste pour de la corruption, enrage Andreï Leonov. On s’en fout bien des gens. » Ce n’est pas la nostalgie qui anime les protestataires, mais plutôt la conviction que le respect de la propriété privée – instaurée après la chute de l’URSS – est ici bafoué. « C’est une catastrophe pour la ville et ses habitants, assure Dmitri B., un jeune entrepreneur. Aujourd’hui, on nous présente ça comme l’amélioration de l’habitat, mais derrière, ils sont à la recherche de gros marchés. »
A un an de l’élection présidentielle et à moins de cinq mois de l’élection à la mairie de la capitale, qui compte 12 millions d’habitants, la protestation a pris parfois une tournure politique. Dans le cortège, certains portaient des pancartes avec le slogan « Nadoel » (« on en a marre ») avec l’effigie du maire, ancien directeur de cabinet de Vladimir Poutine. L’opposant Alexeï Navalny, venu en famille avec sa femme et son fils, a été expulsé du cortège par des policiers. Mais beaucoup, dans la foule, sont descendus dans la rue pour la première fois. C’est le cas d’Alexandra et Andreï Oulinkine, parents de quatre enfants. Plutôt propouvoir jusqu’alors, ils se disent choqués par la démolition de milliers de bâtiments. Il y a deux ans, le couple a acheté 10 millions de roubles (160 000 euros) un appartement pour s’installer dans un « quartier au calme ». Dimanche, le maire a publié sur son compte Vkontakte, l’équivalent russe de Facebook, ce message qui se voulait rassurant : « Le point de vue des Moscovites sera pris en compte autant que possible. » p isabelle mandraud
mexico - correspondance
L
a vidéo tourne en boucle sur les chaînes de télévision mexicaines. Face contre terre, un délinquant présumé est neutralisé par des militaires. L’un d’entre eux sort du champ des caméras de surveillance, puis semble lui tirer une balle en pleine tête. Ces images-chocs suscitent au Mexique une polémique quant à l’intervention de l’armée dans la lutte contre le crime organisé. D’abord partagée sur les réseaux sociaux, la vidéo aurait été filmée, le 3 mai, par plusieurs caméras de sécurité d’une maison de la ville de Palmarito dans l’Etat de Puebla (centre). Ce soir-là, des affrontements entre l’armée et un gang de voleurs de pétrole font dix morts, dont quatre militaires. Les premières images montrent un suspect arrêté qui profite d’une fusillade pour tirer dans le dos d’un soldat. Une voiture grise blindée est ensuite arrêtée dans sa fuite en marche arrière par les tirs des militaires. Ces derniers sortent trois civils du véhicule, dont l’un est traîné sur le sol. Quelques minutes plus
tard, sa tête tressaute sous l’impact d’une balle qui semble tirée, hors champ, par un militaire dont on distingue à peine le casque. Une nappe de sang se répand sous le corps. Un autre soldat met fin à la vidéo en débranchant l’une des caméras. Les images, diffusées sans le son, n’ont pas encore été authentifiées par les autorités, alors que des coupes ont été réalisées sur les enregistrements. Mais les scènes ne correspondent pas aux déclarations de l’armée qui assure avoir été alertée, ce 3 mai, par un appel anonyme. Aux abords de Palmarito, où passe sous terre un pipeline régulièrement perforé par des gangs, les militaires auraient été victimes d’une embuscade. Les soldats auraient été attaqués une seconde fois dans la ville. Mais les horaires, précisés par l’armée, diffèrent de ceux inscrits sur la vidéo. Plus de 2 000 morts en mars Cette exécution sommaire fait écho à une série de violations des droits de l’homme par les militaires déployés sur le territoire depuis 2007. En dix ans, 387 militaires ont été impliqués dans des
exactions, faisant 454 victimes. La violence connaît un nouveau pic : en mars, la guerre des cartels de la drogue, entre eux et contre le gouvernement, a fait 2 020 morts, selon les chiffres officiels – un record mensuel depuis 2011. L’affaire de Palmarito provoque une levée de boucliers à l’encontre d’un projet de loi sur la sécurité intérieure, débattu au Congrès, qui prévoit d’instaurer un cadre légal aux agissements des militaires. Après l’indignation exprimée par les organisations de défense des droits de l’homme, telle Human Rights Watch, le collectif #SeguridadSinGuerra (« sécurité sans guerre ») a fustigé, vendredi 12 mai, une loi qui « entraînerait la militarisation » du pays. Quant à Andres Manuel Lopez Obrador, leader de la gauche, il a exigé du président Enrique Peña Nieto le retour des militaires dans leurs casernes. Jeudi, ce dernier a refusé de répondre aux questions des journalistes sur le cas Palmarito, se contentant de déclarer que l’affaire est entre les mains de la justice. p frédéric saliba
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0123 MARDI 16 MAI 2017
Chine : Xi Jinping déroule ses « routes de la soie » Le projet phare du président chinois permet à Pékin de renforcer ses positions stratégiques pékin - correspondant
A l’heure où Donald Trump a remisé l’accord de Partenariat transpacifique, la Chine sort gagnante
U
n cadre grandiose, un protocole qui fait durer pendant des heures l’accueil des dignitaires étrangers sur d’immenses tapis rouges, et enfin des promesses d’investissements mirobolantes : la Chine a vu les choses en grand pour son premier « sommet des routes de la soie », qui a réuni, dimanche 14 et lundi 15 mai à Pékin, vingt-neuf chefs d’Etat, ainsi que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde. Projet phare du président Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en 2013, l’initiative One Belt, One Road (« une ceinture, une route ») est faite de flux de capitaux et d’échanges sino-centrés qui positionnent la Chine en grand pourvoyeur de croissance et de « connectivité », sous forme de réseaux d’infrastructures de transport et de communication.
« Projet du siècle » Après Davos, en janvier, où il avait prononcé un vibrant plaidoyer pour la mondialisation, le dirigeant du dernier grand régime communiste continue de se poser en défenseur du libre-échange – pour mieux en engranger les gains géopolitiques. Les deux invités d’honneur appelés à prononcer des discours à la suite de M. Xi furent les présidents russe et turc, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan. L’Italie est le seul pays du G7 dont le chef du gouvernement s’est rendu à Pékin, les Etats-Unis ayant dépêché un conseiller de la Maison Blanche, Londres son ministre des finances et Berlin sa ministre de l’économie. Côté français, l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin a été mandaté. Après avoir longuement invoqué l’histoire de la Route de la soie, Xi Jinping a loué dans son long discours d’introduction, dimanche, le « projet du siècle » et appelé à « construire ensemble une large communauté d’intérêts partagés ». L’une des particularités de la vision chinoise est de s’accommoder des zones de libre-
Le président chinois, Xi Jinping (à droite), a réuni 29 chefs d’Etat lors du « sommet des routes de la soie », au bord du lac Yanqi (nordest de Pékin), lundi 15 mai. D. SAGOLJ/REUTERS
échange existantes pour leur être complémentaire. L’expression « One Belt, One Road » renvoie à une « ceinture » économique, composée des voies terrestres traversant la Russie, l’Asie centrale et le Pakistan jusqu’à l’Europe orientale, et à une « route » maritime reliant par les océans les pays émergents d’Asie du Sud-Est et du Sud, jusqu’à l’Afrique et l’Amérique du Sud.
A l’heure où les Etats-Unis de Donald Trump ont remisé l’accord de Partenariat transpacifique (TPP), qui avait été conçu comme un contrepoids à l’influence grandissante de Pékin, la Chine sort gagnante : « Le gouvernement Obama avait comparé le TPP à un porte-avions. En faisant un pas un arrière, Trump a créé un vide que Xi Jinping cherche à occuper », expliquait, lors d’une confé-
Pyongyang a testé un nouveau missile La Corée du Nord a affirmé, lundi 15 mai, avoir testé avec succès un nouveau type de missile, d’une portée sans précédent selon les experts, susceptible d’atteindre les bases américaines du Pacifique. Le Japon et les Etats-Unis ont demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, qui pourrait se tenir mardi. Avec ce tir largement condamné par la communauté internationale, Pyongyang a testé dimanche « un nouveau modèle de missile balistique stratégique » de portée « moyenne à longue » nommé Hwasong-12, a rapporté l’agence officielle nord-coréenne KCNA. L’opération, poursuit l’agence, a été « personnellement » supervisée par le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, qui a « étreint les responsables de la recherche balistique en leur disant qu’ils avaient travaillé dur pour réaliser de grandes choses ».
rence récente, le chercheur Tom Miller, auteur de China’s Asian Dream : Empire Building along the New Silk Road (« Le rêve asiatique de la Chine : construire un empire le long de la nouvelle route de la soie », Zed Books, non traduit). Obstacles La Chine, selon lui, souhaite revenir au temps où elle dominait l’Asie et s’émanciper de l’encerclement stratégique américain. Le forum de dimanche et lundi rentre dans ce cadre. Et la formidable force de frappe chinoise en matière d’investissements est pour cette mission son arme la plus efficace : M. Xi a annoncé dimanche l’équivalent de 124 milliards de dollars (113 milliards d’euros) d’investissements et de crédits chinois supplémentaires à travers les principales institutions impliquées dans les multiples chantiers prévus, comme la China Development Bank, la Banque d’investissement asiatique ou le fonds Silk Road.
La dimension géopolitique de cette nouvelle route de la soie n’échappe à personne. « Chaque composante [du projet chinois] peut potentiellement transformer le paysage géopolitique mondial par le biais de la construction de projets d’infrastructures reliés entre eux comme des ports, des autoroutes, des chemins de fer et des pipelines », ont écrit, en avril, dans une note, les chercheurs JeanMarc Blanchard et Colin Flint. L’initiative chinoise a déjà suscité, notent-ils, une foison de travaux. La Chine, elle, fait tout pour minimiser les implications stratégiques de son projet : les médias et les chercheurs chinois ont reçu l’instruction d’attaquer toute comparaison entre le colossal effort d’investissement chinois avec le plan Marshall américain de l’après-guerre pour l’Europe occidentale – la Chine, contrairement aux Etats-Unis, ne chercherait à concurrencer aucun autre pays ou bloc. Les accusations de néocolonialisme chinois en Asie
En Côte d’Ivoire, les mutins contrôlent la ville de Bouaké Les ex-rebelles intégrés à l’armée réclament le versement de primes promises par le gouvernement en janvier
REPORTAGE
bouaké (côte d’ivoire) -
envoyé spécial
L
eur cri de colère claque aux quatre coins de la ville, comme ces tirs sporadiques de kalachnikovs dans le ciel clair de Bouaké. « On veut notre argent ! » : un leitmotiv repris par cet homme en treillis croisé en bord de route. Au fond de son regard menaçant, affleure le voile d’une déception extrême. « Nous avons été trahis, s’indigne-t-il. Ils nous avaient promis l’argent, et aujourd’hui, plus rien ! » Combien sont-ils ? « Trois cents », comme le certifie ce mutin gradé, ou moins ? Suffisamment pour régner depuis trois jours sur cette ville du centre de la Côte d’Ivoire. Pour en contrôler les entrées nord et sud, où sont stoppés sur les bascôtés défoncés des centaines de poids lourds naufragés. Pour pousser les habitants à rester chez eux et les commerçants à baisser le rideau. L’année 2017 fait bégayer l’histoire ivoirienne. Comme en janvier, des mutineries ont éclaté, vendredi 12 mai, dans plusieurs villes de la première puissance
économique francophone d’Afrique de l’Ouest. Lundi, les autorités n’étaient toujours pas parvenues à rétablir l’ordre. Des tirs sporadiques et en rafale ont été entendus au petit matin à plusieurs endroits de Bouaké, aux rues quasi désertes, ainsi qu’aux abords des trois camps militaires de la capitale économique, Abidjan. La raison de la colère ? Le choix du gouvernement de ne pas verser le complément de primes promis aux mutins après leur fronde de janvier. A l’époque, 5 millions de francs CFA (7 600 euros) furent payés à 8 400 soldats, et 7 autres millions devaient leur être transférés au fil des mois. Mais lors d’une cérémonie retransmise jeudi à la télévision nationale, un sergent présenté comme porte-parole des mutins a renoncé au reliquat devant le président, Alassane Ouattara. « Nous n’avons jamais validé cet accord », s’insurge un délégué des mutins de Bouaké qui requiert l’anonymat. « Depuis des semaines, le gouvernement nous réunissait, il nous disait de laisser tomber l’argent restant, mais nous résistions », insiste-t-il. Malgré une croissance de plus de 8 %, la Côte
d’Ivoire traverse « des moments très, très difficiles », a justifié le chef de l’Etat. En cause, la chute du prix du cacao, dont le pays est le premier producteur mondial. La mutinerie de janvier avait, de plus, provoqué une surenchère parmi d’autres catégories de la population, comme chez les fonctionnaires, qui ont fini par obtenir des hausses de salaires. Chaque ministère doit désormais réduire ses dépenses de 5 % à 10 %. « Une balle dans le dos » Face aux mutins, le pouvoir affiche sa fermeté. « Tous ceux qui continueront de défier les autorités, d’entraver les activités et la quiétude des populations ainsi que le fonctionnement normal de l’Etat, subiront les sanctions disciplinaires les plus sévères », a mis en garde le chef des armées, le général Sékou Touré. Les négociations ont jusqu’à présent échoué. Des blindés légers de forces de sécurité sont venus se poster, dimanche 14 mai, à une cinquantaine de kilomètres de Bouaké. Le même jour, le conflit a pris un tournant dramatique avec la mort d’un homme décédé des suites de ses blessures. La veille,
Plusieurs habitants ont été blessés par balles, lors d’une manifestation pour exprimer leur ras-le-bol un groupe de mutins s’en était pris à des « démobilisés », des exrebelles du Nord comme eux, qui ont aidé Alassane Ouattara à conquérir le pouvoir en 2011 lors de la contestation de son élection par son rival, Laurent Gbagbo. Mais les « démobilisés » n’ont ensuite pas été intégrés dans la nouvelle armée. Ils réclament toutefois les mêmes primes que les soldats. « Ils ont débarqué et nous ont arrosés sans raison avec leurs kalachnikovs, raconte un responsable, nous avons couru pour fuir, mais notre camarade s’est effondré quand il a pris une balle dans le dos. » Plusieurs habitants ont également été blessés par balles lors d’une manifestation pour expri-
mer leur ras-le-bol contre les mutins. « Ils n’ont pas fait dans la dentelle », résume l’organisatrice, Hadja Maïka. « Nous refusions de bouger alors ils ont tiré un peu n’importe comment, et des balles ont ricoché sur le bitume avant de toucher des gens, explique-t-elle, puis ils nous ont tabassés à coups de branches d’arbre. » Chez les mutins, on regrette « des accidents ». Dénonçant aussi « les arrachages de voitures » volées par des mutins, la population critique de plus en plus l’inaction du pouvoir. « Nous sommes pris en otage, et les responsables de ce pays laissent faire, ce n’est pas normal ! », fulmine une habitante. Le siège du Rassemblement des républicains, le parti d’Alassane Ouattara, à Bouaké, a été pris pour cible par les mutins, et le personnel attaqué. Le chef de l’Etat ne s’est pas exprimé depuis le début de la contestation. « Nous avons fait la guerre pour lui, alors nous espérons qu’il tiendra sa parole de nous donner ce qu’il nous a promis », rappelle un délégué, qui menace de perturber les Jeux de la francophonie qui se dérouleront en juillet en Côte d’Ivoire. p sébastien hervieu
ou en Afrique sont, elles, systématiquement critiquées. Pourtant, le projet des routes de la soie ne peut être dissocié de la modernisation militaire, et en particulier navale, de la deuxième puissance économique mondiale, qui a lancé en grande pompe en avril son deuxième porte-avions. Il se conjugue également avec les efforts déployés par Pékin pour occuper des postes-clés dans les grandes institutions internationales – tout en proposant des formules alternatives à l’ordre international issu de Bretton Woods. Enfin, le différend sur la mer de Chine du Sud ou encore l’offensive chinoise tous azimuts pour accéder à l’océan Indien sont autant de motifs de défiance pour nombre des pays que Pékin encourage à rejoindre son initiative. L’Inde, qui n’a pas envoyé d’émissaire à Pékin, a ouvertement critiqué samedi le « couloir économique Chine-Pakistan », l’une des pièces maîtresses du projet chinois, au motif qu’« aucun pays ne peut accepter un projet qui fait fi de ses préoccupations essentielles en matière de souveraineté et d’intégrité territoriale ». Pour Shi Yinhong, de l’université du peuple à Pékin, l’un des rares chercheurs chinois à prôner la prudence, la Chine va, avec ce projet, « rencontrer un grand nombre d’obstacles et de difficultés ; elle fait face au risque d’une trop grande extension stratégique sur les questions de coopération internationale ». La Chine, selon lui, doit prêter plus d’attention aux craintes, préoccupations et intérêts des pays étrangers concernés : « Il lui faut mieux analyser lesquels sont légitimes ou non, et trouver le moyen d’y répondre. » p brice pedroletti
ÉTATS - U N I S
FBI : des élus veulent les « enregistrements » évoqués par Trump Des élus du Congrès américain ont mis la pression, dimanche 14 mai, sur Donald Trump à propos du limogeage du directeur du FBI James Comey, appelant à ce que le président américain remette ses éventuels « enregistrements » de conversations avec le premier policier des Etats-Unis. Dans un Tweet sibyllin, vendredi, le président avait menacé M. Comey, évoquant des « enregistrements » de leurs conversations. M. Comey a été renvoyé mardi 9 mai alors que la police fédérale enquête sur les possibles liens entre l’équipe de campagne de M. Trump et la Russie. – (AFP.) Y ÉMEN
Choléra : l’état d’urgence déclaré à Sanaa Les autorités de Sanaa ont déclaré l’état d’urgence face à la multiplication de cas de choléra dans la capitale du Yémen et lancé un appel à l’aide internationale. Les cas recensés dépassent les « moyennes habituelles », a déclaré le département de la santé de l’administration mise en place par les rebelles chiites houthistes. – (AFP.)
planète | 15
0123 MARDI 16 MAI 2017
Se baigner dans la Seine à Paris, promesse risquée Les autorités accélèrent le chantier d’assainissement du fleuve dans la perspective des JO de 2024
P
aris décrochera-t-elle les Jeux olympiques de 2024 ? Anne Hidalgo (PS) l’espère. Une délégation du Comité international, qui veille à l’attribution des JO, visite jusqu’à mardi 16 mai la capitale afin d’évaluer la candidature française. La maire s’y est engagée : si elle est retenue, la ville sera fin prête pour recevoir les JO, en mesure notamment d’organiser le triathlon et les autres épreuves de nage libre dans la Seine, en toute sécurité. Bonne nouvelle pour le public, la baignade dans le fleuve devrait lui être ouverte aussi, de façon pérenne. La même ambition est fixée pour la Marne dès 2022. En attendant, plonger dans le bassin de La Villette – qui n’est pas alimenté par la Seine – devrait être autorisé dès la mi-juillet. Le changement d’ère serait considérable pour Paris, où piquer une tête dans le fleuve est officiellement interdit depuis 1923. Urbanistes et architectes ont été invités à proposer des projets d’aménagement. En avril, une bonne partie de la centaine de candidats au concours « Réinventer la Seine », organisé par le Pavillon de l’Arsenal, a rivalisé d’idées aquatiques et ludiques – base nautique flottante, trampoline géant… –, tandis que l’Atelier parisien d’urbanisme étudie les sites les plus appropriés pour accueillir des nageurs à l’abri de toute collision avec un bateau. Reste le paramètre déterminant de la qualité de l’eau : or, à cette heure, celle-ci n’est pas au rendezvous. « Je suis de plus en plus optimiste pour 2024, assure néanmoins Célia Blauel, adjointe à la maire de Paris chargée de l’environnement et de la politique de l’eau en particulier. Nous accélérons le processus afin d’améliorer les teneurs des rejets dans les réseaux d’assainissement. Le comité
Seine, qui réunit l’Etat, l’Agence de l’eau, les élus de Paris et des territoires en amont, y travaille, sous l’égide du préfet d’Ile-de-France. » L’objectif des JO oblige à augmenter la cadence, car la directive européenne sur les baignades impose quatre années consécutives de qualité suffisante de l’eau avant de délivrer la moindre autorisation. En 2016, les services de l’Etat soulignaient encore la « mauvaise qualité d’un point de vue microbiologique » de la Seine. Selon le « Plan d’actions stratégiques 2016-2018 pour la politique de l’eau, de la nature et des paysages » à Paris et dans les trois départements de sa couronne, des contrôles sanitaires réalisés de 2010 à 2015 ont montré que l’état du fleuve ne répondait pas aux critères sanitaires exigés dans 92 % des cas. Infections ORL Barboter dans la Seine intra-muros comporterait trop de risques de gastro-entérites, d’infections ORL et de maladies bactériennes comme la leptospirose, selon l’agence régionale de santé d’Ilede-France. Depuis le début des années 2000, cette dernière a systématiquement refusé son feu vert à tout projet de baignade ou d’épreuve de natation, au motif que le fleuve charrie trop d’Escherichia coli et d’entérocoques intestinaux. Globalement, la situation s’est nettement améliorée depuis les années 1970, les plus polluées. Mais, comme la Marne son affluent, la Seine a encore un sérieux problème avec les déversements d’eaux usées. Petit fleuve à la capacité de dilution et d’épuration limitée, elle subit de très fortes pressions en traversant Paris et sa banlieue. Si la Ville a la haute main sur son approvisionnement en eau potable, elle s’en remet aux usines du Syndicat
Difficile renaissance de la Bièvre Transformer un cours d’eau en égout demande moins d’effort que le contraire. Les élus du Val-de-Marne en font l’expérience depuis le début des années 2000 en tâchant de rendre à la Bièvre son caractère perdu de rivière. Le 9 mai, la Métropole du Grand Paris a officialisé son intérêt pour cette initiative et annoncé une contribution de 2,5 millions d’euros sur trois ans afin de compléter le budget initial de 10 millions. Cet affluent de la Seine était si insalubre au XIXe siècle qu’il avait été décidé de le recouvrir, ce qui fut fait jusqu’en 1960. Depuis, il a fallu dépolluer, nettoyer, supprimer quantité de déversoirs, avant de rendre à l’air libre plusieurs tronçons – soit, à terme, 1,2 km de rivière –, à Gentilly et à Arcueil, comme c’est déjà le cas à L’Haÿ-les-Roses.
Paris Plages, sur la rive droite de la Seine, en juillet 2012. CHARLES PLATIAU/REUTERS
interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap) pour traiter les rejets. « En quinze ans, les teneurs en Escherichia coli et entérocoques ont été divisées par deux en amont de Paris et par dix en aval », assure Vincent Rocher, responsable du service d’expertise et prospectives du Siaap. Ce service mastodonte « lave » les eaux usées de 9 millions de Franciliens, soit plus de 2,5 millions de mètres cubes par jour en moyenne par temps sec. L’affaire se complique quand il pleut. Les eaux ruisselantes s’engouffrent alors dans les égouts, entraînant avec elles hydrocarbures et pollutions diverses lessivés sur les toits, chaussées, trottoirs. Les usines du Siaap ne sont pas dimensionnées pour traiter tous ces apports à la fois. Retenir l’eau est donc nécessaire. Des tunnels, des réservoirs souterrains existent déjà – de quoi stocker des centaines de milliers de mètres cubes –, mais il en faudrait davantage. Reste à trouver la place pour aménager des bassins supplémentaires dans Paris et sa couronne, un territoire d’une
densité d’habitants 65 fois supérieure à la moyenne nationale… « Moins de 2 % des eaux collectées sont désormais déversées sans traitement, soit dix fois moins qu’il y a vingt ans », assure cependant M. Rocher. « Nous avons réalisé des progrès considérables, se réjouit l’expert du Siaap. En 1985, en aval, à la hauteur de Conflans-Sainte-Honorine, on était à moins de 2 milligrammes d’oxygène par litre. A ce stade, il y a trop de matières organiques pour que les poissons puissent vivre. A présent, on est à plus de 8 mg/L dans toutes nos masses d’eau. Nous avons aussi amélioré les teneurs en azote et en phosphore : depuis 2007, il y a de cinq à dix fois moins d’ammonium. » Filtres ultraviolets Ablette, anguille, brochet, carpe, perche : les études de l’été 2016 ont permis de recenser jusqu’à vingtquatre espèces dans Paris même, alors qu’on en trouvait une douzaine en 1990 et deux ou trois au maximum dans les années 1970. Célia Blauel attend du Siaap qu’il aille plus loin et qu’il équipe toutes ses unités de traitement de filtres ultraviolets bactéricides.
On a recensé 24 espèces de poissons à Paris en 2016, contre deux ou trois dans les années 1970 La Ville doit, pour sa part, régler le problème des péniches habitées et autres établissements amarrés, qui rejettent leurs eaux usées directement dans la Seine : système d’assainissement à terre, collecte par bateau ou bien stockage à bord ? Ce chantier-là commence sous la houlette de la Ville, du Port de Paris et de Voies navigables de France. Mais ce n’est sans doute pas le défi le plus compliqué à relever. Ainsi, la portion de la Seine devant le Trocadéro pourrait être l’un des premiers sites retenus. Or, se baigner dans ce quartier chic de l’Ouest parisien implique de procéder à un délicat ménage en amont, dans les zones pavillonnaires de banlieue du Val-
de-Marne notamment. Les constructions dans ce département sont équipées de deux réseaux, l’un pour les eaux usées, l’autre pour les eaux pluviales – ce qui n’est pas le cas dans la capitale. Ce double dispositif simplifie a priori la gestion des rejets dans les rivières. Las, beaucoup de branchements ont été mal réalisés et il faut aujourd’hui convaincre les propriétaires de bien vouloir réparer l’erreur, quitte à reconstruire leur sous-sol. L’Agence de l’eau Seine-Normandie accorde des subventions pour les y encourager. Enfin, ce travail digne d’Hercule n’est encore rien à côté de la révolution culturelle que les élus locaux vont devoir opérer. Il est impératif de les convaincre de cesser d’imperméabiliser les sols systématiquement. Permettre à la pluie de s’infiltrer dans une parcelle, une pelouse, une allée d’arbres, la laisser être absorbée par la végétation, constitue un bon moyen d’éviter qu’elle se déverse brutalement dans les caniveaux. Les inondations du printemps 2016 ont montré que cette prise de conscience est nécessaire. p martine valo
Alerte sur les huiles minérales des emballages alimentaires Certains papiers et cartons peuvent contaminer les produits qu’ils contiennent, prévient l’Agence nationale de sécurité sanitaire
P
âtes, riz ou lentilles sont des produits de consommation courante, a priori sains. Pourtant, selon la manière dont ils ont été conditionnés, ils pourraient s’avérer nocifs pour la santé. Dans un avis publié le 9 mai, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a en effet révélé que les huiles minérales présentes dans les encres et adhésifs des conditionnements en papier et en carton se répandent dans les aliments qui se trouvent au contact de l’emballage. Deux catégories d’huiles constituées d’hydrocarbures sont dans le collimateur des experts : les MOAH (mineral oil aromatic hydrocarbons) et les MOSH (mineral oil saturated hydrocarbons). « Compte tenu du caractère génotoxique et mutagène mis en évidence pour certains MOAH, l’Anses estime qu’il est nécessaire de réduire en priorité la contamination
des denrées alimentaires par ces composés », écrit l’Agence dans un communiqué. Avant de mener des études complémentaires pour déterminer la composition exacte de ces huiles minérales, les auteurs du rapport appellent les fabricants à agir pour « limiter l’exposition du consommateur ». Comme première mesure, l’organisme public suggère « d’utiliser des encres, colles, additifs et auxiliaires technologiques exempts de MOAH dans le procédé de fabrication des emballages en papier et carton ». « Barrières adéquates » Les contenants fabriqués à partir de matières recyclées sont particulièrement surveillés par l’agence, qui évoque à leur sujet une « forte contamination » due aux composants toxiques qu’ils contiennent, comme les encres et les colles. Les supports imprimés sont considérés comme l’une des
Les contenants fabriqués à partir de matériaux recyclés sont particulièrement surveillés principales sources d’huile minérale dans les emballages recyclés. L’Anses incite le secteur de l’impression à chercher les moyens de changer ses méthodes de production pour utiliser des produits dépourvus de MOAH. En fait, c’est le procédé de recyclage tout entier qui est à analyser à la loupe pour comprendre à quelles étapes sont introduites des huiles minérales. Pour finir, les experts de l’Agence recommandent de renforcer les emballages en y intégrant des barrières étanches aux flux de MOAH et de MOSH.
Ils suggèrent l’utilisation de revêtements comme le plastique PET, l’acrylate ou le polyamide. L’amidon est une des pistes de recherche possibles, son efficacité est aussi à l’étude. « C’est un rapport que l’on attendait depuis plusieurs années, explique Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch, une ONG de défense des consommateurs née en 2002 après la crise de la vache folle. Voilà longtemps que nous interpellons les industriels ainsi que les ministères concernés à ce sujet. Ils y étaient sensibles mais attendaient l’avis de l’Anses. » En octobre 2015, Foodwatch avait testé une centaine d’aliments de grande consommation en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Les analyses ont montré que 60 % de ces produits contenaient des MOAH. Forte de ces résultats, l’ONG a lancé une pétition en ligne demandant à la Commission européenne la mise en place
de normes pour « fixer des limites strictes à la quantité d’huiles minérales présentes dans les aliments et imposer l’utilisation de barrières adéquates pour tous les emballages en papier et carton. » « Encres végétales » En 2012, l’Autorité européenne de sécurité des aliments avait de son côté jugé l’exposition aux MOAH « particulièrement préoccupante ». « Notre objectif est clair : nous voulons obtenir une décision au niveau européen. Nous pensons que cela peut bouger très vite, car les choses sont en train d’évoluer », résume Mme Jacquemart. En novembre 2016, six enseignes de la grande distribution (E. Leclerc, Carrefour, Lidl, Intermarché, Casino et Système U) se sont engagées à réduire les niveaux de MOAH et de MOSH dans les produits de leurs marques respectives. « Nous avons décidé d’utiliser des encres végétales sur
nos 1800 produits emballés dans du carton, annonce Hervé Gomichon, directeur qualité du groupe Carrefour. Le but est de ne pas contaminer nos produits mais également de ne pas envoyer d’emballages contaminés dans les circuits de recyclage. » Les 43 produits qui ne contiennent aucune barrière entre le paquet et les aliments, comme c’est le cas pour les pâtes, sont désormais constitués de fibres vierges. Une norme allemande fait pour l’instant office de référence – les produits finis ne doivent pas contenir plus de 2 milligrammes de MOSH par kilogramme, et aucun taux de MOAH ne doit être détecté. Un premier pas avant que la France légifère. « Il est urgent que les autorités publiques prennent des mesures, sinon nous sommes à la merci des engagements volontaires des uns et des autres », conclut la directrice de Foodwatch. p volodia petropavlovsky
16 | france
0123 MARDI 16 MAI 2017
La prison des Baumettes tente de tourner la page En 2012, la révélation de son insalubrité avait choqué. Dimanche, des détenus ont intégré un nouveau bâtiment LES CHIFFRES
marseille - correspondant
L
a « célèbre » prison des Baumettes change et d’ici un an, elle disparaîtra même sous sa forme actuelle. Un premier acte s’est joué dimanche 14 mai avec le déménagement de près de 600 détenus qui ont intégré les Baumettes 2, un établissement neuf construit sur la partie sud du centre pénitentiaire marseillais. Les « gros bonnets » de la French Connection, puis le grand banditisme méridional, ont forgé la notoriété du lieu. Hollywood et le cinéma français y ont concouru dans leur sillage. Les parrains marseillais des années 1980 – Gaëtan Zampa s’y est pendu le 23 juillet 1984 –, puis leurs successeurs, jeunes caïds du narcobanditisme d’aujourd’hui, y ont, un jour ou l’autre, été détenus. Et c’est dans ses sous-sols qu’a eu lieu la dernière exécution capitale en France, le 10 septembre 1977, trois ans après que Christian Ranucci y avait été guillotiné. Le troisième établissement français tourne aujourd’hui une page de son histoire. « On entre véritablement dans une nouvelle ère », commente Philippe Peyron, directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse. La prison ouverte en 1939 avait été ébranlée en décembre 2012 par un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté. « Prison de la honte », « prison inhumaine » : autant de titres avaient, à l’époque, résumé l’indignité des lieux, vétustes, sales, envahis de rats, en dehors des normes de sécurité, livrés à une violence endémique et à la loi des caïds. Des images avaient choqué, des récits avaient glacé comme celui d’un détenu lapant l’eau des toilettes pour se désaltérer. Des travaux de rénovation, de sécurisation et une dératisation avaient été menés tambour battant. Les douze bâtiments des Baumettes 2 ont été conçus pour gommer au maximum son aspect carcéral, avec une « sécurité moins voyante mais bien réelle » : les bâtiments de détention sont éclairés par une lumière zénithale, sols et murs sont peints de couleurs vives et des claustras en bois font office de grilles dans les circulations intérieures. Avec 8,50 m², les cellules per-
POLI C E
L’IGPN saisie après une interpellation à Cergy-Pontoise Un étudiant de 22 ans a déposé plainte pour « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique ». Il dénonce une « pluie de coups » par deux fonctionnaires de la brigade anticriminalité en civil, dans la nuit du 4 au 5 mai à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) alors qu’il était en train de « rouler un joint » dans la rue. L’Inspection générale de la police nationale a été saisie et le parquet de Pontoise suit le dossier. – (AFP.)
Marche blanche à Massy après la mort d’un jeune Jusqu’à 500 personnes, selon la police, ont défilé dimanche à Massy (Essonne) lors d’une marche blanche en hommage à un adolescent de 17 ans, décédé le 5 mai dans un accident à Antony (Hauts-de-Seine), alors qu’il fuyait la police au guidon d’un quad. « Je ne veux pas culpabiliser qui que ce soit, je veux juste avoir les détails de ce qui s’est exactement passé », a affirmé le père du jeune homme. – (AFP.)
140 % surpopulation aux Baumettes La surpopulation des Baumettes a empêché l’administration pénitentiaire de mettre en place l’encellulement individuel dans la nouvelle prison. Provence-AlpesCôte d’Azur est la deuxième région pénitentiaire la plus encombrée après l’Ile-de-France. La surpopulation carcérale y atteint en moyenne 131 %. Elle affecte la maison d’arrêt de Nice, avec 603 détenus pour 324 places, soit un taux d’occupation de 186 %, mais également celle de Toulon (721 détenus pour 394 places).
1 791 détenus La prison des Baumettes est le troisième établissement français, avec 1 681 hommes, dont 1 078 condamnés et 603 prévenus. Cent dix femmes sont également incarcérées. Les prochaines ouvertures de maisons d’arrêt auront lieu en janvier à Draguignan (480 places) et Aixen-Provence (640 places). La nouvelle prison des Baumettes, à Marseille, le 9 décembre 2016. BERTRAND LANGLOIS/AFP
dent un peu de superficie – elles sont de 9 m² aux Baumettes historiques – mais gagnent sur le plan pratique avec un petit coin cuisine équipé d’un réchaud. Toutes disposent d’un WC et d’une douche, isolés par une paroi d’intimité en dur. C’est là un des changements les plus significatifs, tant les douches collectives ont toujours été source de problèmes : seules trois sur dix fonctionnent en moyenne, et les violences entre détenus s’exercent dans ces zones. « L’accompagnement aux douches occupe 50 % du temps de travail d’un surveillant d’étage », ajoute M. Peyron. Rats et nuisibles Selon l’administration pénitentiaire, « les détenus semblaient satisfaits d’intégrer ces nouveaux locaux » et le transfert s’est réalisé sans incidents dimanche. Sans sortir de l’enceinte du centre pénitentiaire, cent trente rotations en véhicule cellulaire par groupes de six personnes ont permis, entre 6 heures et 22 heures, de « vi-
Les bâtiments ont été conçus pour gommer au maximum l’aspect carcéral, avec une « sécurité moins voyante mais bien réelle » der » le bâtiment A, l’un des deux bâtiments historiques en pierre de silex. Les détenus avaient reçu les cartons nécessaires à leur déménagement, qu’ils ont retrouvés dans leur nouvelle cellule. Dimanche, ils n’avaient droit qu’à un seul paquetage – passé aux rayons X pour détecter téléphones portables, armes artisanales… et soumis au flair de chiens anti-stupéfiants. Quelques saisies ont été opérées, mais il semble que les détenus, avertis de
la minutie de la fouille, s’étaient débarrassés des objets interdits. Pour tenter de juguler les dégradations, un état des lieux contradictoire a été signé par chaque détenu. Les fenêtres ont été équipées d’un caillebotis, empêchant le jet de détritus, une pratique qui, aux Baumettes historiques, transformait le pied des bâtiments en décharges à ciel ouvert où pullulaient rats et nuisibles. Surpopulation A l’époque où la première pierre du nouveau bâtiment avait été posée, en novembre 2013, par Christiane Taubira, les Baumettes 2 devaient être synonymes d’un encellulement individuel mais, confrontée à une surpopulation qui tourne autour de 140 %, l’administration a fait le choix d’installer deux lits dans la quasi-totalité des 292 cellules pour hommes. « On nous avait présenté un produit très attrayant avec encellulement individuel, mais l’administration n’est pas capable de s’en tenir aux règles », souligne David
Cucchietti, secrétaire local CGT des personnels de surveillance. « Au cours des derniers mois, on avait hâte d’y être », assure le syndicaliste. Il témoigne d’une inquiétude chez les personnels soumis à une nouvelle organisation du travail, mais aussi des questionnements de la population carcérale, qui redoute un tour de vis sur la discipline. L’emménagement des détenus a respecté les « équilibres », l’isolement des groupes qui, à l’extérieur, se disputent la suprématie sur les trafics de drogue dans les cités. En 2012, le rapport Delarue analysait déjà la violence régnant dans l’établissement comme « le reflet de la vie marseillaise, notamment de ses quartiers nord. Elle serait aussi la conséquence de rivalités de bandes de jeunes ou de délinquants de villes distinctes ». Les 110 détenues devaient, elles, être transférées lundi 15 mai aux Baumettes 2, dont l’un des bâtiments accueille un centre pénitentiaire pour femmes. Pour elles, l’encellulement individuel sera
respecté, alors qu’il ne l’était plus dans les locaux provisoires construits pour la durée des travaux. Près de 1 100 détenus restent pour l’heure aux Baumettes historiques. Le bâtiment D – construit en 1989 mais le plus dégradé en raison d’affaissements de terrains et d’inondations – sera vidé le 5 juin, et ses occupants installés dans le bâtiment A, libéré dimanche. Mais en avril 2018, la prison historique sera définitivement fermée et un bon millier de détenus devront être transférés à une trentaine de kilomètres, à AixLuynes, où une extension de 640 places de la maison d’arrêt est en phase d’achèvement. Les bulldozers démoliront ensuite les Baumettes pour laisser place à nouvel établissement de 600 à 800 places. C’en sera alors fini de la prison mythique du XXe siècle, dont le seul vestige sera le mur d’enceinte, classé, qui porte les sculptures symbolisant les sept péchés capitaux. p luc leroux
François Fillon à nouveau convoqué le 30 mai par les juges Après une pause lors de la présidentielle, les magistrats accélèrent leur enquête sur des soupçons d’emplois fictifs
A
près une courte pause le temps de l’élection présidentielle, l’enquête judiciaire sur l’« affaire Fillon » et les emplois fictifs dont auraient pu bénéficier Penelope Fillon, la femme de l’ex-premier ministre et candidat malheureux de la droite à la présidentielle, ainsi que deux de leurs enfants, Marie et Charles, reprend. Et s’accélère. Selon nos informations, François Fillon est convoqué le 30 mai par les juges en charge du dossier, Serge Tournaire, Aude Buresi et Stéphanie Tacheau. Lors de son interrogatoire de première comparution, le 14 mars, le candidat Les Républicains à la présidentielle avait refusé de répondre aux questions des magistrats, se contentant de lire une déclaration écrite dans laquelle il clamait son innocence et critiquait le rythme de la justice, « en plein cœur de la campagne présidentielle ». Il s’était alors vu notifier sa mise en examen, notamment pour « détournement de fonds publics, compli-
cité et recel de détournement de fonds publics, recel et complicité d’abus de biens sociaux ». Les deux enfants du couple Fillon devaient être, de leur côté, convoqués après leur père. Les magistrats s’intéressent à la réalité des emplois d’assistant parlementaire dont ont également bénéficié, successivement entre 2005 et 2007, Marie et Charles Fillon. Vendredi 12 mai, c’est le financier et mécène Marc Ladreit de Lacharrière qui a été mis en examen, pour « abus de biens sociaux », dans le volet de l’enquête consacré à l’embauche de Penelope Fillon à la prestigieuse Revue des deux mondes, dont il est le propriétaire, entre mai 2012 et décembre 2013. Un travail de conseillère littéraire, pour lequel Mme Fillon a été rémunérée 5 000 euros brut par mois, mais qui n’a donné lieu qu’à la publication de deux courtes critiques de livre, alimentant dès lors le soupçon sur son caractère fictif. L’information sur la mise en examen de Marc Ladreit de La-
charrière, révélée par Le Journal du dimanche (JDD) du 14 mai, a été confirmée au Monde, dimanche, par une source proche de l’enquête. Il s’agit d’un coup rude pour l’influent homme d’affaires âgé de 76 ans, 23e fortune de France (2,2 milliards d’euros en 2016, selon le magazine Forbes), dont la carrière a toujours été louée et qui fait figure de « parrain » du capitalisme français. « Totale liberté » Il s’agit de la quatrième mise en examen prononcée dans cette enquête, après celle de François Fillon, le 14 mars, puis celles de l’actuel maire de Sablé-sur-Sarthe, Marc Joulaud, le 24 mars, et de Penelope Fillon, le 28 mars. De fait, née des révélations du Canard enchaîné fin janvier, l’enquête qui a empoisonné la campagne du candidat de la droite à la présidentielle, jusqu’à son élimination dès le premier tour, embrasse large. Elle vise, bien au-delà de La Revue des deux mondes, l’en-
semble des emplois rémunérés de Penelope Fillon comme collaboratrice parlementaire de 1986 à 2013, pour un salaire mensuel moyen de 3 600 euros, d’abord auprès de son mari, quand il était député de la Sarthe, puis de son successeur à l’Assemblée, Marc Joulaud. Ces contrats financés par l’Assemblée lui ont rapporté un montant total de 680 380 euros net. Vendredi, les dénégations de Marc Ladreit de Lacharrière n’auront pas convaincu les juges. Arrivé vers 9 heures rue des Italiens, au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, M. Ladreit de Lacharrière n’en est ressorti qu’à 19 heures, sous le coup d’une mise en examen sans contrôle judiciaire. Au cours des dix heures passées dans le bureau des magistrats, le PDG de la holding Fimalac a réitéré les propos déjà tenus par les époux Fillon, dont cette « totale liberté » laissée à Penelope Fillon pour organiser son travail, ces nombreuses fiches de lecture réalisées sans avoir été pu-
bliées, ces conseils donnés pour l’avenir de la revue… Une défense mise à mal par le directeur de la revue de l’époque, Michel Crépu, qui avait accrédité auprès du Canard enchaîné la piste de l’emploi de complaisance, déclarant n’avoir eu « à aucun moment (…) la moindre trace de ce qui pourrait ressembler à un travail de conseiller littéraire ». Devant les juges, vendredi, Marc Ladreit de Lacharrière a également dû s’expliquer sur ses liens d’intérêts avec M. Fillon, un « ami » de trente ans. Car non seulement sa holding Fimalac fut cliente de la société de conseil personnelle de M. Fillon, 2F Conseil, mais il a octroyé, en 2013, un prêt de 50 000 euros à l’ex-premier ministre de Nicolas Sarkozy, remboursé mais non déclaré. Or, c’est sous le gouvernement Fillon, en 2010, que le milliardaire a été élevé au rang de grand-croix de la Légion d’honneur. Une distinction qu’il redoute désormais de perdre. p anne michel et simon piel
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0123 MARDI 16 MAI 2017
L’attaquant monégasque Valère Germain, dimanche 14 mai, sur la pelouse du stade Louis-II. CLAUDE PARIS/AP
La vivifiante saison du football français L’exercice 2016-2017 de la Ligue 1 a été marqué par la fin de l’hégémonie du PSG et l’exceptionnel parcours de Monaco monaco - (envoyé spécial)
D
urant près de cinq ans, elle a été jugée rébarbative, inéquitable, cadenassée voire « pliée d’avance ». Souvent dénigrée sous le règne du Paris-Saint-Germain, sacré quatre fois d’affilée de 2013 à 2016, la Ligue 1 a clairement redoré son blason au cours d’un exercice 2016-2017 vivifiant. Final haletant, joutes accrochées, saine concurrence au sommet du classement et âpre bataille pour le maintien : le championnat de France a renoué avec le suspense qui lui a tant fait défaut lors des saisons précédentes. Le mérite en revient d’abord à l’AS Monaco qui, grâce à sa victoire (4-0) contre Lille, dimanche 14 mai, dans « son » stade Louis-II, lors de la 37e journée, est assurée de glaner le huitième titre de son histoire. Une couronne que les joueurs du Rocher n’avaient plus portée depuis la saison 19992000 et le triomphe de David Trezeguet et consorts. Propriété du milliardaire russe Dmitri Rybolovlev depuis 2011, la formation de la Principauté ne sera officiellement sacrée que mercredi 17 mai, au terme de son match en retard face à Saint-Etienne. Malgré son succès (0-5) sur la pelouse des Verts, le PSG version Qatar Sports Investments (QSI) n’a pas réussi à prolonger son hégémonie, échouant à entraver la marche triomphale de son rival monégasque. L’ASM est pourtant dotée d’un budget (160 millions d’euros contre 580 pour le club de la capitale) nettement moins pharaonique que celui de son concurrent, qui bénéficie de l’inépuisable manne qatarie. Jamais, depuis le titre insolite de Montpellier, en 2012, les Parisiens n’avaient été autant déstabilisés sur la scène domestique. La première année du mandat de l’entraîneur espagnol Unai Emery atteste de la fin d’un cycle au PSG, qui rêvait d’égaler la performance de l’Olympique lyonnais, sept fois sacré consécutivement, de 2002 à 2008. Cet exploit
semblait pourtant à la portée de la formation de la capitale, couronnée dès le mois de mars, avec 25 points d’avance sur son dauphin, la saison passée. Outre la démonstration de force de Monaco, devenu une machine à marquer (102 buts inscrits en 36 matchs de Ligue 1 cette saison), le bluffant parcours de l’OGC Nice (42 millions d’euros de budget) – solide troisième et assuré de disputer en juillet le tour préliminaire de Ligue des champions –, guidé par l’entraîneur suisse Lucien Favre, a contribué à rebattre les cartes. En cela, la Ligue 1 tranche avec la Bundesliga allemande, archi-dominée par le Bayern Munich, quintuple tenant du titre, ou de la Serie A italienne, que la Juventus Turin est en passe de remporter pour la sixième fois d’affilée. « En termes de points et de spectacle, Monaco, le PSG et Nice nous ont offert le plus beau podium de l’histoire de notre championnat, insiste Didier Quillot, directeur général exécutif de la Ligue de football professionnel (LFP), qui a par ailleurs introduit, cette année, des barrages (les 25 et 28 mai) entre le dix-huitième de Ligue 1 et le troisième de Ligue 2. D’un point de vue
sportif, nous avons connu une année exceptionnelle, d’une grande intensité et remplie de suspense. » « Le succès de Monaco, et dans une moindre mesure de Nice, démontre que le PSG n’est plus tout seul, estime Bernard Caïazzo, président du conseil de surveillance de l’AS Saint-Etienne et patron de Première Ligue, le syndicat des clubs de l’élite. Le grand point positif, c’est l’amélioration de la qualité du jeu et du spectacle en Ligue 1 cette saison. Néanmoins, c’est surtout Monaco qui reste le grand concurrent du PSG grâce à la qualité de son management à taille humaine, son excellent recrutement, l’éclosion du prodige Kylian Mbappé [18 ans, 14 buts en Ligue 1 cette saison]. » « Augmenter les droits télévisés » Pour le dirigeant stéphanois, « c’est l’arrivée de nouveaux investisseurs » qui a temporairement modifié la grille de lecture de la Ligue 1 et favorisé « son développement ». En juillet 2016, le rachat de 80 % des actions de l’OGC Nice par deux hommes d’affaires sinoaméricains a précédé l’entrée (à hauteur de 20 %) du fonds chinois IDG dans le capital de l’Olympique lyonnais, cinq mois plus tard,
La L1 tranche avec la Bundesliga allemande ou la Serie A italienne, dominées depuis longtemps par les deux mêmes équipes contre 100 millions d’euros. Quant à l’Olympique de Marseille, cinquième au classement, il cherche à décrocher un strapontin pour la Ligue Europa, huit mois après sa reprise par le milliardaire américain Frank McCourt, ancien propriétaire de l’équipe de baseball des Dodgers de Los Angeles (2004 -2012). Grâce à la manne du magnat de l’immobilier, le club phocéen espère « faire partie des deux, trois meilleures équipes de Ligue 1 et lutter pour le titre chaque année », comme le rappelait au Monde, en février, son président Jacques-Henri Eyraud. Voué à jouer les seconds rôles cette saison, Lille pourrait également se mêler à la lutte pour les places
européennes lors du prochain exercice. Candidat malheureux au rachat de l’OM, l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois Gérard Lopez a acquis le LOSC, en janvier, enrôlant l’entraîneur argentin Marcelo Bielsa. Adulé en France depuis son passage réussi à Marseille (2014-2015), « El Loco » (« le fou ») commencera sa mission en juin. Ces nouveaux investisseurs peuvent-ils remettre en cause sur la durée la domination du PSG, adossé à un Etat souverain par le truchement de QSI depuis 2011 ? « La France a des handicaps en matière de charges et bénéficie de droits télévisés [726,5 millions d’euros par saison pour la Ligue 1, sur la période 2016-2020] inférieurs à ceux des championnats anglais [6,92 milliards d’euros pour la période 20162019], allemand, espagnol, italien, observe Bernard Caïazzo. A l’exception du Qatar ou de Monaco, de par sa fiscalité avantageuse, les autres investisseurs ne peuvent compenser. Les autres clubs auront aussi plus de difficultés à conserver leur coach, leurs meilleurs joueurs, ou à gérer les matchs de Ligue 1 et de Coupes d’Europe. Si on ne veut pas que les
investisseurs ne soient que des mécènes, il faudra réussir à augmenter les droits télévisés de notre football. C’est l’enjeu numéro un pour les prochaines années. » Alors que les comptes des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 sont à l’équilibre (résultat net de 3 millions d’euros pour la saison 20152016), les dirigeants de la LFP ont fixé comme objectif une hausse des revenus du foot français de 350 millions d’euros – hors transferts et droits télévisés – dans leur « plan stratégique à l’horizon 2022 ». « Nous avons donc une attractivité économique et un niveau sportif retrouvés. Nous devons désormais mieux travailler sur le plan du marketing, assure Didier Quillot, qui a récemment dévoilé le contrat de naming entre la Ligue 1 et la marque Conforama (contre moins de 10 millions d’euros par an jusqu’en 2020). A savoir tout ce qui concerne la progression de l’affluence, le remplissage des stades, le chiffre d’affaires en termes de sponsoring, de billetterie, de droits télévisés, notamment à l’international. » Autant de chantiers cruciaux après une saison particulièrement rafraîchissante. p rémi dupré
La joie contenue des Monégasques, « champions virtuels » de Ligue 1 c’est à un exercice alambiqué que les joueurs de l’AS Monaco se sont prêtés, dimanche 14 mai : ne pas montrer leur joie alors que le titre de champion de France leur est acquis. Certes, en dépit de leur nette victoire (4-0) contre Lille, dimanche 14 mai, ils ne sont pas mathématiquement assurés de soulever le trophée hexagonal qui récompense le vainqueur de la Ligue 1 : le large succès (5-0) du Paris-Saint-Germain à Saint-Etienne, lors de la 37e et avant-dernière journée, a retardé le sacre officiel du club du Rocher. Les protégés de l’entraîneur Leonardo Jardim sont pourtant assurés de gagner leur huitième titre de champion de France. Comment pourrait-il en être autrement, dans la mesure où la formation de la Principauté – qui doit disputer
une rencontre de plus que le PSG – dispose de trois points d’avance et d’une différence de buts très avantageuse (+ 17) sur son dauphin de la capitale ? Le couronnement officiel de l’ASM pourrait avoir lieu, mercredi 17 mai, sur sa pelouse, lors du match en retard programmé face à Saint-Etienne. « Maintenant, il y a besoin d’un point, a martelé Leonardo Jardim. Je demande un dernier effort de travail et de concentration pour mercredi. Le PSG a mis cinq buts et ne lâche pas. Moi, je respecte le foot. Je ne suis pas ici pour rigoler. » Tout en contenant leur joie, les joueurs du Rocher ont longuement applaudi leurs supporteurs, dans une ambiance de kermesse. « Cela fait dix-sept ans qu’on attend ça », s’est égosillé le speakeur de Louis-II, le club n’ayant plus
remporté le championnat depuis la saison 1999-2000. Dans leur loge, le prince Albert II et le milliardaire russe Dmitri Rybolovlev, propriétaire de l’ASM depuis 2011, n’ont pas fanfaronné. Les félicitations d’Emery Les hommes de Leonardo Jardim ont fait profil bas en zone mixte, l’espace dévolu aux échanges entre les joueurs et les médias. « On n’a pas fait la fête sur le terrain. Il n’y a pas eu de cris de guerre dans le vestiaire », a insisté l’attaquant Valère Germain, en fronçant les sourcils. « Mathématiquement, on ne peut pas célébrer le titre officiellement, a ajouté, un brin goguenard, le prodige Kylian Mbappé. Mais bon, à moins d’un incroyable tremblement de terre… » Les joueurs de l’ASM avaient d’autant plus de mal à
ne pas pousser de cris de victoire que l’entraîneur du PSG, Unai Emery, venait de les féliciter. « Monaco a fait une bonne saison et, même si ce n’est mathématiquement pas fait, devrait être champion », a déclaré, depuis Saint-Etienne, le technicien espagnol. « Pour moi, on est champions, s’est risqué le milieu monégasque Tiémoué Bakayoko. Il y a très peu de chances qu’on laisse passer le titre. Il y a très peu de chances que Paris mette je ne sais pas combien de buts. Pour moi, c’est fait. » Si d’aventure l’ASM décrochait le titre dès mercredi, une « grande fête » serait organisée à Louis-II, selon le club. « Cela fait dix mois qu’on y travaille, confiait le milieu portugais Bernardo Silva. On peut encore attendre deux ou trois jours. » p r. d.
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CULTURE
0123 MARDI 16 MAI 2017
NOUVELLE ÈRE CHEZ UNIVERSAL MUSIC Dans les locaux d’Universal Music France, à Paris, en mai. FRANKI & NIKKI POUR « LE MONDE »
Olivier Nusse, déménageur de la major Peu disert depuis sa nomination il y a un an à la tête d’Universal Music France, le successeur de Pascal Nègre, qui a fait ses armes dans les mêlées de rugby, accepte de se livrer. Rencontre avec un troisième ligne de premier plan
PORTRAIT
I
l a à peine touché à son risotto aux asperges, pris qu’il est par son propos : « Au niveau du groupe, je vais être de plus en plus impliqué sur le développement en Afrique. Prenez des artistes comme Stromae ou Booba, 40 % à 50 % de leurs fans sur les réseaux sont en Afrique. Pouvoir développer là-bas des plates-formes de streaming en téléphonie mobile et un réseau de salles avec les Canal Olympia devrait être un extraordinaire dynamiseur… » Convaincre, c’est la moitié du travail d’Olivier Nusse, le nouveau patron d’Universal Music France, plus grosse major du disque de l’Hexagone. Vendre est l’autre moitié. Pour lancer Gauvain Sers, son dernier pari, il a fait appel à Jean-Pierre Jeunet (Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain). « Vous avez écouté l’album ? C’est une sorte de nouveau Renaud… Ça va cartonner… » Ou pas. Produire de la musique est toujours un pari. L’homme en sait quelque chose, lui qui, hier encore à la tête de Mercury, le label phare de la maison, a signé quelques-uns des plus gros succès des dernières années : Louane, Stromae, Kenji Girac… Et c’est un monde où
l’on se fait rarement des cadeaux. Un an après sa nomination à la tête de la major, alors que le marché du disque donne pour la première fois un (faible) signe de redémarrage grâce à l’écoute en streaming, ses concurrents préfèrent souligner qu’Universal Music a perdu cette année 7 points de parts de marché (de 45 % à 38 %). Février 2016. Après une longue période d’incertitude, le flamboyant Pascal Nègre est débarqué par Vincent Bolloré. Olivier Nusse hérite du trône. L’antithèse. Autant le premier était médiatique, habitué des « Star Ac » et des coups de gueule, autant son remplaçant est discret. Jusqu’à aujourd’hui, c’est silence radio, maison en chantier, prière de ne pas déranger. « Je ne me sentais pas d’arriver après Pascal et dire : “Salut les mecs, c’est moi”, se justifie Olivier Nusse qui, pour la première fois, accepte de parler de lui. On s’est dit : on construit, on se réorganise, et on ne commence pas à fanfaronner. » Il laisse un silence avant de plonger enfin en soupirant une fourchette dans le risotto : « L’année 2016 a été longue. » D’aucuns ont vu dans sa nomination la marque d’un Brutus. Ses détracteurs ont critiqué le choix d’un Yes man Bolloré-compatible et dénoncé un choix de classe.
Nusse père est en effet à la tête d’une dynastie qui, dans les Vosges, a créé le groupe Clairefontaine (Rhodia, Exacompta, Quo Vadis, Le Dauphin…) quand les aïeux de Bolloré faisaient fortune en Bretagne avec les Papeteries de l’Odet. « LA MESSE EN LATIN »
« Il est le fait du prince. Tout ça fait la messe en latin », peste un ancien condottiere de la maison. « Il est du sérail, il a la carte ; à Saint-Tropez, on peut s’amuser à comparer les villas des deux familles, et forcément cela rassure Bolloré », s’amuse Arnaud Delbarre, qui a dirigé L’Olympia (sous pavillon Universal) de 2002 à 2015 : « J’ai été le premier de la bande à Nègre à ne pas m’entendre avec Bolloré. La musique en France, c’est un truc d’artisanat. Ça doit être incarné. Et ça, Bolloré ne le veut pas. » Olivier Nusse se contente de sourire. Lui qui a toujours refusé de rejoindre le giron du groupe familial (même s’il siège au conseil d’administration) constate : « Lorsque Bolloré a racheté Universal, ma famille s’est juste dit : “Ah, tiens, c’est du sérieux ?” » Tout commence donc dans les Vosges où il est né le 3 mars 1968. Depuis le XVIe siècle, sur la Meurthe, on fabrique du papier avec le
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bois des forêts. En 1950, Charles Nusse, son grand-père paternel, invente le papier « 80 grammes avec de l’amidon pour que ça glisse », comme il l’explique fièrement, « et dessine lui-même le logo qui trône désormais sur les cahiers ». Le gamin grandit à Raon-l’Etape. Un bourg. A côté, c’est Etival et l’usine-siège ; plus loin, Saint-Dié et son coiffeur qui, sur la rue Thiers, fait office de disquaire. C’est l’époque du ska, du punk, de la new wave. Le fils du capitaine d’industrie écoute The Clash. « LA CULTURE DU BLITZKRIEG »
Il a 15 ans, lorsque la vie de province commence à peser à sa famille, qui revient habiter à Paris. Après deux ans à Stanislas, très sélect lycée catho, le garçon remuant passe en sport études rugby, au lycée Lakanal, à Sceaux (Hauts-de-Seine), où les nuits dans les dortoirs sont aussi folklo que les journées sont musclées. « Il n’était pas costaud au début, un grand presque maigre, raconte Dominique Malard, son vieux copain de mêlée et de 400 coups, mais il a une telle capacité de résilience qu’il a été pris. Il est ainsi. Il veut montrer au monde qu’il peut le faire. » Derrière la gueule d’ange, le goût des soirées tardives (« J’ai l’alcool festif », confesse le patron) et des troisièmes mi-temps qui partent en vrille. Mieux vaut se méfier de son 1,92 mètre. Dans l’équipe, « Dom » et « Olive » se distinguent par leur goût (« compétitif ») pour la musique : « C’était à qui allait dénicher le prochain artiste inconnu, raconte le premier. Son disque fétiche ? Féline des Stranglers. » Cadet puis junior au Racing, Olivier Nusse fait son service militaire comme chasseur parachutiste (sous-lieutenant) en Ariège ; une école de commerce sans enthousiasme ; mais il renâcle quand l’heure vient de rallier la holding familiale en prenant la direction d’une usine à Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais. Son truc, c’est le rugby. Le voilà qui signe au Stade français et, quelque temps plus tard, croise, dans un bar de la rue Princesse, Max Guazzini. Le puissant patron de NRJ en témoigne : c’est avec Olivier Nusse qu’il a découvert ce modeste club dont il prendra la présidence pour l’amener jusqu’en première division… Mais Olivier Nusse est déjà parti. Max Guazzini, qui, pour garder ses joueurs – non professionnels –, les place ici et là, l’a présenté à Pascal Nègre. Le grand garçon timide est entré comme stagiaire chez PolyGram, avec une mission : pousser l’album des Droper’s, une sorte de boys band composé de joueurs de l’équipe, dont les recettes doivent alimenter les caisses du club. L’actuel patron d’Universal Music accomplira la chose à merveille, allant jusqu’à se déhancher sur les plateaux télévisés pour la cause : Quand le virage se met à chanter sera rapidement disque d’or.
Troisième-ligne aile. Un poste qui nécessite mobilité, puissance et endurance. Des gaillards amenés à intervenir dans toutes les phases de jeu. Lui jouait côté fermé. En revanche, c’est un timide. Un vrai. « Un presque introverti, mais que l’ambition contrebalance… Au début il faisait l’effet d’un gosse à qui on a filé une Ferrari, raconte un de ceux qui l’ont vu arriver dans la maison dont il gravira tous les échelons. La culture de Nusse, c’est le Blitzkrieg, il fonce… Dès que ça commence à ronronner, il s’emmerde. Mais il sait apprendre et s’adapter. Lorsqu’il a pris la direction de Mercury, il a pris des épaules et gagné une vraie stature de manageur. » C’est qu’à Universal, peu de temps après son arrivée, le beau gosse qui, avec sa bande du rugby, trois soirs par semaine, tombait les filles aux Bains-Douches, rencontre Catherine Naubron, une proche de Pascal Nègre, un peu plus âgée, et déjà au fait des règles de survie et des principes de combat dans ce monde-là. Si elle a quitté Universal aujourd’hui, Mme Nusse reste la manageuse de Louane, « et d’Olivier… » « Elle est une machine de guerre redoutable », vous murmure-t-on dans les couloirs. « L’énervée, qui tapait du poing sur la table, c’était elle, témoigne Sophie Bramly, qui autrefois dirigeait le développement numérique de la major. La personnalité d’Olivier, à la fois effacée et avide de curiosité, le rendait très agréable. Elle, c’était une frondeuse, une marrante, volubile… Son contraire. Un bon arrangement… En tout cas tout le monde était tellement habitué à être porté par Pascal que la nomination d’Olivier a dû en déstabiliser quelques-uns. »
AUTANT PASCAL NÈGRE ÉTAIT MÉDIATIQUE, HABITUÉ DES « STAR AC » ET DES COUPS DE GUEULE, AUTANT SON REMPLAÇANT EST DISCRET. JUSQU’À AUJOURD’HUI, C’EST SILENCE RADIO
UN CHOIX « LOGIQUE »
De fait, l’année a été difficile. Et pas seulement la dernière. Pascal Nègre, tout populaire et célébré qu’il soit, n’a pas toujours fait la vie facile à celui qu’on disait son dauphin. Et des dauphins, il y en a eu ! A commencer par Valéry Zeitoun, patron d’un autre label du groupe, AZ, et grande gueule devant l’éternel. En 2011, une bagarre au Montana, un bar de Saint-Germain-des-Prés, avec un Olivier Nusse bien éméché (« bourré, il est capable de vous retourner un bar », raconte en riant un témoin de ses virées nocturnes), signa le coup de grâce pour cette figure du show-biz déjà sur la sellette. Quand la question du départ de Nègre a commencé à se poser, nombreux sont ceux qui ont aussi tourné leurs yeux vers JeanPhilippe Allard. Un gros gabarit lui aussi. Un mètre quatre-vingt-six, surnommé « le Cardinal », spécialiste mondial du jazz, 60 ans, dont trente de maison après avoir démarré vendeur à la Fnac de Toulouse. Lui, sa came, ce ne sont pas les virées nocturnes mais le poker (il organise tous les deux mois une table chez lui – des gens
d’Universal Music ou d’ailleurs, dont le chanteur Christophe). Allard jure qu’il n’a jamais prétendu à quoi que ce soit, bien conscient, dit-il, qu’Olivier Nusse était dès le départ un choix logique pour Bolloré. « Après, que voulezvous, les gens se choisissent des champions, on n’y peut rien. » Ce fut par exemple le cas de Julien Creuzard, le patron du label Capitol à qui Olivier Nusse va confier Polydor, et qui partira deux mois plus tard chez Warner… Pour rejoindre in fine ces jours-ci Pascal Nègre chez #NP (pour Now Playing, ou pour Nègre Pascal). Car l’ancien boss lui-même est toujours en embuscade. Il n’a pas totalement digéré son éviction et si, comme tout le monde, il déclare n’en vouloir à personne, il semble bien décidé à ne pas faire tapisserie. Dans un monde où l’on ne compte plus en nombre de titres vendus mais en chiffre d’affaires, où chaque artiste a la possibilité d’être à la fois son propre producteur, arrangeur, et son propre média avec sa chaîne YouTube, ses comptes Facebook, Instagram, etc., la raison d’être des majors qui autrefois produisaient un artiste de A à Z est en effet fragilisée. « L’avenir est au manageur », affirme un ex-directeur marketing d’Universal Music. C’est en tout cas ce que pense Pascal Nègre, qui drague sans fard sur ses anciennes terres : après Mylène Farmer, Zazie et Julien Clerc, c’est au tour de Carla Bruni d’avoir rejoint la société de management #NP, qu’il a créée avec le géant américain Live Nation. « Cela pourrait bientôt être #Not Playing, ironise, amer mais combatif, Olivier Nusse. Pascal portait toute l’image de la maison. Même si cela était très bien, depuis vingt ans qu’il était là, l’image était figée. » Un troisième-ligne aile ne baisse la tête que pour plaquer. « Olivier n’est pas un charismatique. Mais il va vite. C’est son atout, dit de lui un ancien directeur artistique. C’est un dealmaker, prêt à tout pour conclure et qui, pour cela, sait être en fonction des artistes, smart ou bas du front. » Lacrim, alias Karim Zenoud, peut en témoigner : « J’ai signé chez Universal en 2013, et pas une fois je n’ai rencontré Pascal Nègre. Depuis le 28 novembre et la sortie du dernier album, qui correspondait à un renouvellement de contrat, j’ai dû voir Olivier une douzaine de fois. Et c’est la première fois que je suis accueilli au huitième étage » – comprendre : celui de la direction. Un lieu situé au 20 de la rue des Fossés-Saint-Bernard, à un jet de pierre du Panthéon, que les équipes risquent de devoir quitter d’ici six ans pour rallier l’île Seguin à Boulogne-Billancourt où Vivendi vient d’acquérir 4,5 hectares pour y installer, murmure-t-on, Canal, Universal, Dailymotion… Un rêve de synergies enfin réalisé.
C’est que pour être encore en position dominante sur le marché, personne chez Universal Music ne croit aux situations pérennes. Quand on lui demande qui est son principal concurrent, Warner ou Emi, Olivier Nusse répond : « Les nouveaux entrants, comme Believe. » La société s’est fait une spécialité de la diffusion digitale laissant aux artistes (PNL, Jul…) le soin de leur propre carrière, mais leur offrant la moitié des recettes générées. Olivier Nusse ne s’en cache pas : l’élément-clé du nouveau contrat mondial signé début avril avec la plateforme Spotify (50 millions d’abonnés payants), c’est « l’accès à leurs data, à toutes leurs statistiques, et pas seulement à celles qui concernent Universal. Nous devons aller vers des solutions très flexibles ». RECONFIGURATION GÉNÉRALE
Et comprendre les mécanismes en jeu. Parce que, aujourd’hui, c’est le titre et non plus l’album qui est en jeu. Avec des comportements amplificateurs chez les ados qui vont écouter la même chanson mille fois (et, chaque fois, elle est comptabilisée dans le chiffre) quand un public plus âgé, lui, va sur Internet picorer un titre ici, un titre là. Les premiers nécessitent de multiplier les découvertes (plus de cent artistes signés en un an) quand les seconds posent l’étendue du catalogue d’Universal comme un capital vital. Dans cette reconfiguration générale du métier, chacun cherche sa voie. « On s’appelle encore maison de disques, j’espère qu’on s’appellera bientôt maison d’artistes », dit l’homme qui, dans les notes internes, en appelle à « l’intelligence collective » pour appréhender ces nouveaux paradigmes. Développement vers l’Afrique, mise en place de structures pilotes comme le projet Initials qui veut accompagner, à la carte, des artistes émergents… Universal Music est en ordre de combat. « On ne saura jamais si les choses auraient été différentes avec Pascal Nègre aux commandes. Mais il faut regarder ça avec un peu de recul. Nusse n’a pas foutu la boîte par terre, il l’a juste démontée, avec fermeté », explique un ancien qui ajoute : « C’est un garçon très ouvert qui, d’un seul coup, peut se fermer. Alors là, gare. Tu sais à la façon dont il te parle ou te regarde que tu vas dégager. Et, chez Universal, ils ont un budget quasiment illimité pour virer les gens. Je parle d’expérience. » Au restaurant, le troisième-ligne paye l’addition. Menu à 20 euros. On sourit : une note interne expliquait le 10 mars aux salariés d’Universal que les taxis étaient désormais interdits en journée, et les notes de restaurant supérieures à 25 euros soumises à autorisation spéciale. Autant pour les paillettes. p laurent carpentier
Depuis Abidjan, les maisons de disques à la conquête de l’Afrique Après Universal Music, Sony pose ses jalons dans la ville ivoirienne afin de se positionner sur un marché culturel en pleine expansion
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uand Vincent Bolloré est arrivé dans le capital d’Universal Music, Romain Bilharz, qui, au sein du label Mercury, était en froid avec Olivier Nusse, a vu sa bonne étoile renaître. Lui qui prêchait dans le désert pour la musique africaine a été envoyé chez Vivendi à Paris, travailler « les synergies ». « Vincent a dit : l’Afrique est prioritaire et, tout d’un coup, c’est devenu un sujet », sourit l’actuel directeur général d’Universal Music Africa et Vivendi Africa. Transports, logistique, tabac, exploitations forestières… le groupe Bolloré a fait une grande partie de sa fortune en Afrique. Depuis l’arrivée de l’industriel chez Vivendi, chacun y a été poussé à épouser le mouvement. Peut-être d’abord, comme l’explique un analyste parce que la culture est une bonne monnaie d’échange avec les potentats locaux ravis d’obtenir une salle de cinéma et de spectacle à côté de la ligne de chemin de fer en négociation. Six CanalOlympia ont ainsi déjà été ouverts (en Guinée, au Niger, au Burkina Faso, au Sénégal et deux au Cameroun), et plusieurs dizaines sont en projet.
Ensuite, parce qu’avec le développement technologique, la couverture de plus en plus importante du territoire par les réseaux mobiles et les serveurs Wi-Fi fonctionnant à l’électricité solaire dans ces « blue zones » ultramodernes que le groupe installe ici et là, l’Afrique est un marché en pleine expansion pour les entreprises culturelles. Le pays de la grande promesse Depuis 2014, Universal Music Africa s’est donc installé à Abidjan. D’abord dans les locaux de Canal, et plus récemment près du golf : une villa de 1 000 mètres carrés avec chambres pour les artistes en résidence, studio pour enregistrer des maquettes, piscine… « Ville cosmopolite, Abidjan a toujours été la capitale musicale de l’Afrique de l’Ouest, explique Romain Bilharz. Même si les stars panafricaines aujourd’hui sont anglophones, nigérianes, aller à Abidjan c’est comme “monter à Paris” quand tu es de province. » Sony ne s’y est pas trompé. Depuis janvier, la maison de disques a installé ses bureaux de l’autre côté du golf, dans la maison d’un
ancien ministre ivoirien. Splendeur d’une architecture circulaire, chambres pour artistes en résidence, et studio d’enregistrement en construction… Villa contre villa. Major contre major. Le maître des lieux, ici, s’appelle José Da Silva. Cap-Verdien élevé au Sénégal, découvreur et producteur de Cesaria Evora au sein du label Lusafrica, il confirme : « Abidjan est un lieu de passage. Beaucoup d’artistes comme Mory Kanté ou Salif Keita y ont lancé leur carrière. Dans les années 1990, on trouvait ici les meilleurs studios d’enregistrement. Il y avait déjà une major, EMI [depuis rachetée en partie par Universal et en partie par Warner] et les plus gros distributeurs du continent comme Jat Music. » C’était avant que la situation politique en Côte d’Ivoire ne devienne si instable qu’elle pousse tout le monde à partir. Il faudra attendre la fin de 2011 pour voir revenir les grands groupes industriels : Heineken, Quick… et Vivendi. Ainsi que les nouveaux médias. Canal+ et sa version africaine, A+, ainsi que trois nouvelles radios dont Vibe du groupe
Lagardère et Trace FM, qui fait des records d’audience. Appliquant les bonnes recettes d’Universal Music, Vivendi lance, dès 2014, un télé-crochet diffusé dans vingt pays : Island Africa Talent. La Malgache Denise y gagnera son premier contrat d’artiste… Dernière recrue en date : le groupe de rap Kiff No Beat. « En janvier 2016, Sony m’a rappelé, raconte José Da Silva (qui entre-temps a été conseiller pour Universal). Sony France venait de se faire chiper le contrat de MHD [jeune Franco-Guinéen inventeur de l’afro trap] par Universal, qui lui avait fait miroiter l’éventualité de travailler en Afrique grâce à son bureau à Abidjan. » Olivier Nusse, à la tête d’Universal Music, n’en fait pas mystère : pour les artistes comme pour les producteurs, qu’il s’agisse de spectacles ou de streaming, l’Afrique est devenu le pays de la grande promesse. « Pour la diaspora en Europe, maintenant, ce sont les stars de là-bas qui comptent », expliquent Romain Bilharz et Olivier Nusse. Pour eux, l’heure est à la Pax Africa. p stéphanie binet et la. c.
Dans le cadre de CHANTIERS D’EUROPE
Rencontre MERCREDI 17 MAI à 20 h 30 CONSTRUIRE UNE NOUVELLE DÉMOCRATIE EN EUROPE avec MARJOLIJN VAN HEEMSTRA metteur en scène (Pays-Bas), MARTHA BOUZIOURI co-auteur et dramaturge d’ANESTIS AZAS (Grèce), KIRSTIN SHIRLING Good Chance Theatre (Royaume-Uni). Coordination BRIGITTE SALINO, journaliste
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Théâtre de la Ville - ESPACE CARDIN 1, avenue Gabriel - Paris 8e Entrée libre sur réservation 01.42.74.22.77 theatredelaville-paris.com
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A la Défense, promenade sur le toit de Paris La terrasse de la Grande Arche sera à nouveau accessible au public, avec panorama, expositions et restaurant ARCHITECTURE
« L’Arche est le symbole d’une époque bénie où l’Etat lançait de grands projets magnifiques »
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ardi 2 mai, avant un second tour propice à interpeller les consciences politiques sur l’héritage de François Mitterrand, un déjeuner réunissait à Puteaux (Hauts-de Seine), au pied de l’arche de la Défense, à l’Hôtel Mercure, le gratin de l’architecture. Des maîtres d’œuvre (architectes), des maîtres d’ouvrage, des ingénieurs de haut vol et même des journalistes, tous témoins à des degrés divers de la naissance du monument, et donc de la mort, en 1987, de son principal architecte, le Danois Johann Otto von Spreckelsen. Puissance invitante : Robert Lion, président de l’association Grande Arche, après avoir été, comme directeur de la Caisse des dépôts, son parrain bienveillant en 1989 à la demande de François Mitterrand. Avant une visite du toit, fermé au public depuis 2009, et finalement rénové par l’agence Valode et Pistre, Robert Lion annonce sa réouverture le 1er juin.
Pont-promenade Ainsi s’achève un double chantier. Il aura concerné aussi bien la restauration des espaces et des terrasses du toit que celle des façades de marbre de la paroi sud, converties au granit blanc. A quoi il faut ajouter la restauration de deux œuvres monumentales : La Carte du ciel, de Jean-Pierre Raynaud, et la Fresque monumentale, de Jean Dewasne (1921-1999), sur toute la face intérieure de la paroi sud. Aujourd’hui remises à neuf, elles ont retrouvé leur superbe. La raison d’être de l’espace du toit, à l’origine voué à un carrefour de la communication qui aura fait long feu, a été oubliée. Désormais, outre un pont-promenade offrant une vue spectaculaire à 360 degrés, il proposera un restaurant de cinquante couverts – les Jardins de Joséphine, petit frère du Joséphine, rue du Cherche-Midi, à Paris, avec une carte « bistronomique », composée par le chef Jean-Christian Dumonet.
JEAN PISTRE
architecte
Vue du toit de l’Arche et du pont-promenade dans l’axe imaginé par les architectes Valode & Pistre. VALODE & PISTRE ARCHITECTES
Pour accéder au toit (11 000 m²), les ascenseurs panoramiques, familiers des pannes, ont été modifiés pour supporter un vent de 80 km/h (50 km/h auparavant). Le groupe toulousain City One, spécialisé dans les métiers de l’accueil, qui fête cette année ses 25 ans, dont 9 ans de croissance ininterrompue, a signé un bail de neuf ans avec Eiffage et investi 2,5 millions d’euros pour l’aménagement et la gestion du toit. Un espace d’exposition de 1 200 m² voué au photojourna-
lisme assurera enfin la dimension culturelle du lieu, où sont espérés un million de visiteurs par an. Jean-François Leroy, fondateur du festival Visa pour l’image à Perpignan, assurera la direction artistique de quatre expositions chaque année. La photographe américaine Stephanie Sinclair doit étrenner l’endroit à partir du 15 juin, avec une série dénonçant les mariages précoces à travers la planète (Too Young to Wed). On retrouve enfin les trois amphithéâtres de 150 places créés
dès 1989, ainsi que 200 m² réservés à des expositions liées à des événements d’actualité. L’extérieur privilégié Jean Pistre, un des deux architectes en charge de la dimension physique du chantier associés au groupe de travaux Eiffage, n’a pas caché sa fierté d’avoir été choisi pour transformer ce « symbole d’une époque bénie où l’Etat lançait de grands projets magnifiques ». Détaillant la dimension technique de leur travail, il a rap-
pelé l’apport de Paul Andreu, architecte notamment des aéroports de Roissy, qui a achevé l’Arche après la disparition de Spreckelsen et a pu apporter sa connaissance du monument à l’entreprise de rénovation. Andreu, présent dans l’assemblée, rappelle les données initiales : « Nous avions des contraintes fortes : ériger un arc de triomphe moderne dans la continuité de l’axe historique qui traverse Paris d’est en ouest. L’aspect extérieur a été privilégié sur l’intérieur.
Pendant la Biennale, la guerre continue venise (italie)
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out en se voulant attentive au monde, la 57e Biennale de Venise, dans sa partie officielle, ne dit rien des guerres actuelles, ni du terrorisme – étranges omissions. Ces tragédies résonnent cependant dans plusieurs pavillons nationaux – Irak, Liban, Egypte et Nigeria –, des pays en guerre ouverte ou larvée. Le pavillon nigérian, pour sa première participation vénitienne, n’en laisse d’abord rien paraître. Il s’ouvre par un espace tapissé de tissus chamarrés auxquels des amulettes de laiton sont suspendues, de quoi faire craindre un exotisme facile. Il faut monter l’escalier pour se heurter au groupe sculpté par Peju Alatise, Flying Girls. Huit jeunes filles grandeur nature forment un cercle, à demi nues. Elles ont de grandes ailes d’ange, noires comme la nuée d’oiseaux qui tourne au-dessus d’elles et comme l’œuvre entière. L’artiste nigériane l’a conçue en pensant aux lycéennes de Chibok enlevées par Boko Haram en 2014 et forcées d’épouser des membres de la secte. Mais, rappelle-t-elle, le mariage forcé des filles est tou-
jours toléré au Nigeria. Sa sculpture est donc monument et dénonciation, défense de la liberté des femmes contre la religion et contre les traditions – mais avec l’intensité d’une vision onirique. La condition de la femme est aussi l’un des sujets de The Mountain, vidéo de Moataz Nasr dans le pavillon égyptien. Elle narre l’histoire de Zein, née dans un village d’Egypte à l’écart, au pied d’une montagne qui serait hantée par un démon. La nuit, il descendrait tuer les imprudents qui ne seraient pas rentrés chez eux au crépuscule. Zein va à l’école, part au Caire et revient médecin. Le jour de son retour, elle annonce qu’elle démontrera le soir même l’absurdité de la légende en gravissant la montagne à la nuit tombée. Jusqu’à ce point, la fable paraît limpide, presque trop, projetée sur cinq écrans avec de savantes alternances de plans. Dans les ultimes secondes, l’histoire change soudain et se révèle cruellement ambiguë à mesure que Zein gravit la montagne, un bâton en main. On n’en dira pas plus, si ce n’est que la figure de Moïse s’impose alors. Aussi lourde de références religieuses, l’installation SamaS, Soleil Noir Soleil, de Zad Moultaka,
« A Mossoul, il m’était impossible de représenter la complexité des scènes. J’étais abasourdi »
l’autre, voix masculines et féminines se répondent, comme dans une cérémonie sacrée, vêpres ou requiem. Les voix enflent, de plus en plus en plus lyriques. A l’instant où la grandiloquence menace, le bruit terrible d’un réacteur brise l’harmonie, comme la lumière blanche brise la pénombre d’église et fait briller machine à tuer et pièces de monnaie.
FRANCIS ALAŸS
artiste belge doit son titre au nom du dieu soleil invoqué dans le Code d’Hammourabi. Dans un entrepôt de l’Arsenal, devenu pavillon du Liban, Moultaka fait le noir, dispose un système acoustique, un autre de lumières, tapisse le mur du fond de 150 000 pièces de monnaie et place au centre un objet cylindrique dont on ne comprend pas d’abord ce que c’est. Brièvement éclairé, il se révèle réacteur d’avion, d’un modèle conçu dans les années 1960 pour des bombardiers. Pas ceux qui ont si souvent frappé Beyrouth, mais peu importe : cette machine parfaite qui se dresse comme une stèle ou une colonne a été construite pour détruire. D’un mur à
Principe de rupture Ainsi Nasr et Moultaka font-ils de la rupture violente leur principe. Ainsi répondent-ils à des situations elles-mêmes faites de ruptures et désastres et résolvent-ils la question qui revient chaque fois que l’art tente de faire face à l’histoire : comment éviter pathos et simplisme et comment ne pas s’entendre reprocher de tirer de la souffrance la matière d’une œuvre précieuse ? Ces interrogations, Francis Alÿs les affronte depuis longtemps. L’artiste belge présente dans le pavillon irakien sa plus récente expérience. Avant que l’on y arrive, des vitrines ont rappelé l’ampleur et la splendeur des cultures mésopotamiennes anciennes et le pillage du Musée archéologique de Bagdad. Des œuvres de Shakir Hassan Al Said et de Sakar
frédéric edelmann
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Les pavillons du Liban, du Nigeria, d’Irak ou d’Egypte interrogent sur le rôle de l’artiste face aux tragédies de l’Histoire
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Aujourd’hui, il faut reprendre complètement l’organisation du bâtiment. » Et d’en profiter pour prendre le monde à témoin de la dégradation de l’aéroport de Roissy 1, suivi sur le même registre par Paul Chemetov, à qui l’on doit le ministère des finances à Bercy, et par Christian de Portzamparc, architecte d’une Cité de la musique qui, elle aussi, s’essouffle. Approbation silencieuse d’Adrien Fainsilber (la Cité des sciences) et de Martin Robain (pour Architecture-Studio, coauteur de l’Institut du monde arabe), tous plaidant en somme pour les absents du jour, et signataires le 12 septembre 2016 d’une tribune dans Le Monde, « Ne défigurons pas la Grande Arche de la Défense » : Jean Nouvel (la Philharmonie de Paris), Dominique Perrault (la BNF), Renzo Piano (le Centre Pompidou et le futur Tribunal de grande instance), Richard Rogers… Tout serait pour le mieux si la paroi nord, propriété d’Axa et de la Caisse des dépôts, n’était restée en l’état, l’assureur s’étant fermé jusqu’à présent à toute idée d’intervention sur l’édifice. Aucun classement ni protection ni label ne protègent encore l’Arche de l’abandon, malgré les études très précises faites à ce sujet : c’est que l’Etat redoute d’ouvrir la boîte de Pandore en protégeant des édifices récents, ce qui l’obligerait à prendre en charge une large partie des travaux. Heureusement, Axa s’est décidé à lancer les travaux sur le pilier nord. Le chantier devrait commencer début 2018 et durer environ un an. p
Sleman ont redit que Bagdad a été un lieu de modernité artistique. Alÿs montre une brève vidéo et sept petites peintures, exécutées pendant les neuf jours qu’il a passés, à l’automne 2016, dans une compagnie de chars kurde engagée dans la bataille de Mossoul. Il y est allé avec des couleurs à l’huile et une petite caméra. « Ma capacité à réagir s’est révélée beaucoup plus limitée que je ne l’imaginais, dit-il. Il m’était impossible de représenter la complexité des scènes. J’étais abasourdi. Stoned, dit-on en anglais. » La vidéo est le récit d’une tentative de peinture : deux chars à l’arrière-plan, un talus, du vent, une main qui pose des couleurs sur la toile, la brosse qui les mélange pour retrouver la couleur de la terre et de la pierre, puis un chiffon qui efface l’essai, rendant la toile au vide. Sur les toiles, un dessin blanc lacunaire indique à peine des formes. « J’ai essayé de saisir un peu de l’aura de l’image originelle. Dans une telle situation, je ne pouvais réagir que d’une façon spontanée. » Aucune des œuvres n’a été reprise plus tard. On y voit moins des hommes que des spectres. Ce qui est conforme à la réalité. p philippe dagen
Lion d’or pour Anne Imhof à la Biennale de Venise L’artiste allemande Anne Imhof a remporté, samedi 13 mai, le Lion d’or à la Biennale d’art de Venise pour sa performance Faust. « Une installation puissante et dérangeante qui soulève des questions urgentes sur notre époque », selon Manuel Borja-Villel, président du jury. – (AFP.) C HAN S ON
Le Portugal remporte le concours de l’Eurovision Le Portugais Salvador Sobral, chanteur âgé de 27 ans, a remporté, samedi 13 mai, le 62e concours de l’Eurovision, qui avait lieu à Kiev, avec Amar Pelos Dois. La Française Alma, 28 ans, s’est classée douzième avec Requiem. C I N ÉMA
Le cinéaste français Manuel Pradal est mort Le cinéaste français Manuel Pradal est mort, samedi 13 mai à Paris, à l’âge de 53 ans. Diplômé de la première promotion de la Fémis, en 1990, Manuel Pradal a écrit et réalisé Marie, baie des Anges (1997), Canti (2001), Ginostra (2001), La Blonde aux seins nus (2009), Tom le Cancre (2013), Benoît Brisefer (2014) et La Petite Inconnue (2016). – (AFP.)
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Vers une marchandisation des savoirs
VOTRE SOIRÉE TÉLÉ
M AR D I 1 6 M AI
Jean-Robert Viallet dessine le mouvement inquiétant d’une libéralisation de l’université ARTE MARDI 16 – 20 H 50 DOCUMENTAIRE
L
e monde de la connaissance n’échappe pas à la marchandisation : des Etats-Unis à la Chine en passant par l’Europe, le modèle de l’entreprise s’impose progressivement à l’université. Avec, pour mot d’ordre, la compétition sur un marché en pleine expansion : le nombre d’étudiants sur la planète devrait passer de 200 millions en 2015 à 400 millions en 2030. Dans un documentaire prenant et bien mené, Jean-Robert Viallet dresse ce tableau inquiétant par petites touches, au gré de ses rencontres sur les campus avec des présidents d’université et des étudiants. Ces derniers sont les premières victimes, avec des droits d’inscription qui n’ont cessé d’augmenter et un endettement qui atteint des niveaux astronomiques. Particulièrement aux Etats-Unis, où cette libéralisation a débuté il y a déjà quarante ans. Le cas extrême d’une jeune fille de la région de Detroit (Michigan) peut
donner des sueurs froides : 104 000 dollars (95 325 euros) à rembourser pèsent sur ses épaules, à la sortie d’une université privée à but lucratif qui lui avait promis monts et merveilles sur le marché du travail. « Avant d’aller à la fac, j’étais pauvre. Maintenant, je suis extrêmement pauvre », résume-t-elle, amère. Pour le documentariste, l’Europe ne résiste pas à ce mouvement de commercialisation du savoir. Avec pour point de départ le processus de Bologne, lancé à la fin des années 1990, qui a placé « l’économie de la connaissance » au cœur du projet libéral de l’Union européenne. C’est en Grande-Bretagne qu’il s’illustre le plus crûment. Alors que le nombre d’étudiants augmente et que les établissements britanniques souffrent d’un manque de moyens – ce qui n’est pas sans rappeler la situation actuelle de la France – Tony Blair, sitôt premier ministre, enclenche, en 1997, le mouvement de libération des droits d’inscription, à 1 000 livres (environ 1 100 euros). Par la suite, ils ne cesseront d’être relevés, pour atteindre 9 000 li-
TF1 21.00 L’Arme fatale Série créée par Matt Miller. Avec Clayne Crawford, Damon Wayans. (EU, 2016, saison 1, ép. 7 à 8/18). 22.40 Rush Hour Série créée par Blake McCormick, Bill Lawrence et Steve Franks. Avec Justin Hires, Jon Foo, Aimee Garcia (EU, 2016, S1, ép. 6 et 7/13).
Des étudiants de l’université Humboldt de Berlin. ARTE
vres en 2010, malgré de fortes mobilisations étudiantes. « En quinze années, la classe politique anglaise a imposé un système payant à la nouvelle génération », est-il résumé dans le commentaire. « Améliorer l’avenir du pays » Pourtant, même du point de vue de la rationalité économique, il bat de l’aile : avec 45 % de prêts étudiants non recouverts actuellement, l’université à 9 000 livres va bientôt atteindre le point de bascule où elle coûtera plus cher à l’Etat qu’à l’époque où les frais d’inscription n’étaient « que » de 3 000 livres… En contrepoint, le documentaire fait ressortir un second modèle
qui persiste en Europe : celui de la gratuité. Avec les pays scandinaves en tête, dont la Suède qui verse même une bourse de 300 euros par mois à ses étudiants. S’illustre ici une tout autre vision de l’éducation considérée comme un acquis social auquel chacun doit pouvoir prétendre. « Le plus important, pour nos étudiants, c’est qu’ils puissent grandir en tant qu’être humain, défend ainsi la vice-présidente de l’université de Lund. Et par conséquent, ils seront capables d’améliorer l’avenir du pays. » En Allemagne aussi, la gratuité est redevenue la norme, malgré la possibilité ouverte en 2006 d’augmenter les droits à 1 000 euros. Quant à la France, le documentariste y
passe un peu rapidement, en s’arrêtant sur les droits d’inscription de Sciences Po et Dauphine pour illustrer les coups de boutoir vers un modèle payant, oubliant tout de même de rappeler que l’université reste, elle, quasiment gratuite. Mais le message de Jean-Robert Viallet est clair : s’il demeure des bastions de résistance, le système s’effrite de toutes parts. Avec une question laissée en suspens : « Est-il encore possible pour les nations européennes de protéger l’enseignement supérieur des dérives d’une marchandisation ? » p camille stromboni
Etudiants, l’avenir à crédit, de Jean-Robert Viallet (Fr., 2016, 84 min).
« Tout sur Almodovar » ? Pas vraiment... Un documentaire dévide un entretien lénifiant avec le réalisateur espagnol, président du Jury du Festival de Cannes CANAL+ MARDI 16 – 22H35 DOCUMENTAIRE
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edro Almodovar sera le président du Festival de Cannes 2017, dont la cérémonie d’ouverture est diffusée, comme d’ordinaire, sur Canal+, le 17 mai. A cette occasion, la chaîne cryptée propose, la veille, à la suite de la diffusion de Julieta, avec Emma Suarez, un documentaire, Tout sur Almodovar, qui est pour l’essentiel constitué d’entretiens
menés avec le cinéaste espagnol et ses actrices fétiches par Laurent Weil, « M. Cinéma » de Canal+. Alors qu’à Cannes, et toute l’année, Laurent Weil est surexposé sur la chaîne du groupe Bolloré, on retrouve non sans un certain déplaisir les interviews lénifiantes dont il a le secret avec, le plus souvent, les réponses contenues dans les questions. Mais Almodovar est heureusement prolixe en commentaires et développements. A aucun moment, alors que sa spécificité dans le cinéma espa-
gnol est sans cesse évoquée, ladite spécificité n’est mise en perspective dans ce cadre ni dans celui du cinéma européen. Sans réserve L’ensemble des intervenants, y compris ceux qui ne font pas partie de ses distributions – Lambert Wilson ou Guillaume Gallienne, par exemple –, disent leur admiration mais personne n’émet la moindre réserve. Un historien, un critique de cinéma auraient été bienvenus…
HORIZONTALEMENT
GRILLE N° 17 - 115 PAR PHILIPPE DUPUIS
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I II III IV V VI VII
I. Anticipe pour ne pas laisser passer les bonnes afaires du marché. II. Pour que les assises ne soient pas trop dures à supporter. III. Hercule et ses descendants. Divisions dans les cellules. IV. S’accrochent pour se développer. V. Patron dans la Manche. Sa stratégie a été bousculée par l’ordinateur. Relever avant de mettre au four. VI. S’accrochait au sommet. Facile à critiquer. VII. Lignée et descendance. Prépara le tirage. VIII. Grand ensemble de lustres. Temps libre mais compté. Mises en ménage. IX. A suivi Colomb vers les côtes du Venezuela. Goethe et Tournier y ont trouvé un roi. X. Pour avancer sans se précipiter. VERTICALEMENT
VIII IX X
SOLUTION DE LA GRILLE N° 17 - 114 HORIZONTALEMENT I. Impertinente. II. Nerd. Crapaud. III. Fraîcheur. Ni.
IV. Ici. Hi. Sétif. V. Derain. Eu. Si. VI. Erigé. Rêva. VII. Lie. Noé. Erin. VIII. Is.
Altaï. Rot. IX. Ternit. Brode. X. Erpétologies. VERTICALEMENT 1. Inidélité. 2. Merceriser. 3. Prairie. Rp. 4. EDI. AG.
Ane. 5. Chienlit. 6. Tchin. Otto. 7. Ire. Réa. 8. Nausée. Ibo. 9. Epreuve. RG. 10. Na. Arroi. 11. Tunis. Iodé. 12. Ediiantes.
1. Fixation solide. 2. Très suivie quand elle s’engage en politique. 3. Frontière des Vexin. A en main. 4. Allumés intentionnellement. Eaux des Pyrénées. 5. Dans tout. Assure la sustentation dans les airs. 6. Est capitale pour les Togolais. Renvoie dans le passé. 7. Apportai un parfum d’étoiles. Eliminé. 8. A multiplié les chaînes. Feu intérieur. Dans le calme. 9. Devient roi, à la mort de Robert, son beau-père. Récitée après sexte. 10. Chasse le poulet faisandé. A su inspirer Lamartine. Découpage du temps. 11. A perdu un E à Maastricht. S’éloignait de la vérité. 12. Mises à nu avant cultures.
Isabelle Huppert dit : « Quand on entend le nom “Almodovar”, on entend “Espagne”. » Certes. Bianca Li affirme qu’Almodovar « n’est pas qu’espagnol, mais universel » – ce qu’on peut dire d’à peu près 150 autres réalisateurs. Il aurait été intéressant de savoir si cette évidence n’est pas une limitation pour son expression cinématographique et si Almodovar souhaiterait, pourrait changer de style, de langage, de langue… Mais ce n’est pas le genre de questions que pose Laurent Weil.
On recommandera plutôt de voir, ou de revoir (car c’est une rediffusion), le documentaire Pedro Almodovar, tout sur ses femmes, de Sergio G. Mondelo, proposé le lendemain, 17 mai, à 22 h 35, par Arte, après le film Tout sur ma mère diffusé à 20 h 55. p renaud machart
Tout sur Almodovar, d’Olivier Compère (FR, 2017, 55 minutes). Pedro Almodovar, tout sur ses femmes, de Sergio G. Mondelo (Fr.-Esp., 2015, 50 min).
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Afrique CFA 6 000 F CFA, Allemagne 9,00 €, Andorre 9,00 €, Antilles et Réunion 9,50 €, Autriche 9,00 €, Canada 12,90 $CAN, Espagne 9,00 €, états-Unis 13,50 $US, Grande-Bretagne 7,95 £, Grèce 9,00 €, Italie 9,00 €, Japon 1 400 ¥, Liban 18 000,00 LBP, Maroc 85,00 MAD, Pays-Bas 9,00 €, Portugal cont. 9,00 €, Suisse 13 CHF, TOM avion 1 800 XPF, Tunisie 15 DT.
Canal+ 21.00 Julieta Drame de Pedro Almodovar. Avec Emma Suarez, Adriana Ugarte (Esp., 2016, 95 min). 23.35 Midnight Special Film de science-fiction. Avec Michael Shannon, Jaeden Lieberher (EU, 2016, 105 min). France 5 20.50 Enquête de santé Accident cardiaque : les femmes en première ligne Présenté par Marine Carrère d’Encausse, Michel Cymes et Benoît Thévenet 22.30 C dans l’air Présenté par Caroline Roux. Arte 20.50 Etudiants, l’avenir à crédit Documentaire de Jean-Robert Viallet (Fr., 2016, 85 min). 22.25 Alger Documentaire de Ben Salama (Fr., 2016, 60 min).
0123 est édité par la Société éditrice
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France 3 20.55 La Vie devant elles Série créée par Dan Franck et Stéphane Osmont. Avec Stéphane Caillard, Alma Jodorowsky, LillyFleur Pointeaux, Sabine Haudepin (Fr., S2, ép. 3 et 4/6). 23.20 Le Divan de Marc-Olivier Fogiel Invitée : Christine Angot.
M6 21.00 Le Meilleur Pâtissier : les professionnels Jeu présenté par Faustine Bollaert.
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France 2 20.55 Secrets d’histoire Si les murs de l’Elysée pouvaient parler Magazine présenté Stéphane Bern. 22.50 Jours de sacre à l’Elysée Documentaire de Christian Huleu (Fr., 2017, 70 min).
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0123 MARDI 16 MAI 2017
En France comme en Chine, les SUV viennent de franchir la barre des 30 % des ventes de voitures neuves. BAI ZI/IMAGINECHINA
SUV-coupé, SUV-citadine, SUVbreak et même SUV-cabriolet. Avec cette voiture, inutile de montrer patte blanche. Le SUV, terrain sur lequel aucune marque ne peut revendiquer une antériorité – même si le Qashqai de Nissan fut à l’origine du phénomène crossover en 2007 – présente l’avantage d’atténuer les hiérarchies de marques. Ce qu’ont parfaitement intégré les constructeurs généralistes (Renault, Peugeot, Ford…), qui multiplient les modèles. En fait, toutes les firmes s’y sont ralliées, même les plus sportives (Alfa Romeo, Maserati et bientôt Aston-Martin) et luxueuses (Jaguar, Bentley et bientôt Rolls-Royce). Seule Ferrari résiste encore, mais pour combien de temps ?
suv, dominant pour longtemps Il plaît aux conducteurs du monde entier pour son style rassurant, et aux constructeurs parce qu’il peut rapporter gros. Voici les six raisons qui font le succès de ce croisement entre une berline et un 4 × 4 AUTOMOBILE
S
i vous les appréciez pour leur aspect pratique, rassurant et moderne, réjouissez-vous. Si, en revanche, ils vous paraissent encombrants, artificiels, banals, alors vous devrez vous faire une raison. Le SUV est entré dans les mœurs automobiles et tout indique qu’il sera difficile de l’en déloger. Cette création hybride, reposant sur un croisement entre 4 × 4 et berline, et répondant à une dénomination plutôt exotique – Sport Utility Vehicle signifie littéralement « véhicule utilitaire à caractère sportif » – est plébiscitée. Y
compris par le decorum républicain : c’est à bord d’une DS7 Crossback, premier SUV de la marque du groupe PSA, qu’Emmanuel Macron a effectué sa première sortie officielle en tant que président, le 14 mai sur les Champs-Elysées. Un succès qui repose sur des piliers apparemment solides. Une voiture mondiale Dans les décennies précédentes, de grands débats ont eu lieu autour de l’idée de voiture mondiale. L’industrie automobile se demandait s’il pouvait exister un modèle qui pourrait plaire dans tous les pays. La réponse est venue du SUV : le monde entier en réclame. D’abord intro-
IL EN EXISTE DES PETITS, DES MOYENS, DES GROS, DES LUXUEUX, DES LOW COST. ET TOUS LES MÉTISSAGES SONT ENVISAGEABLES : SUV-COUPÉ, SUVCITADINE, SUV-BREAK ET MÊME SUV-CABRIOLET
duit aux Etats-Unis à la fin du XXe siècle puis adopté avec succès par les marques de luxe avant de s’étendre à tous les segments, le Sport Utility aussi appelé crossover parle le même langage sur tous les continents. En France comme en Chine, il vient de franchir la barre des 30 % des ventes de voitures neuves et, selon le cabinet spécialisé Jato, les immatriculations ont progressé de 21,4 % en Europe en 2016 soit 3,9 millions de modèles vendus. Une martingale Les constructeurs se frottent les mains. Le SUV, ce n’est pas très cher à produire et cela peut rapporter gros. Conçu
sur une plate-forme que partagent d’autres véhicules de la gamme, ce qui permet de réduire les coûts, ce faux 4 × 4 est vendu environ 20 % plus cher qu’une berline correspondante. En outre, il n’est guère nécessaire de le modifier en fonction du continent où il sera vendu. Un caméléon sur roues Le SUV concilie les contraires. Il offre une belle habitabilité, rassure ses occupants en les installant en position surélevée mais se conduit comme une berline et n’est pas plus difficile à garer. Il en existe des petits, des moyens, des gros, des luxueux, des low cost. Tous les métissages sont envisageables :
Le 5008 se met sur son trente et un peugeot aura pris en marche le train du SUV. Longtemps, le constructeur au lion a hésité, louvoyé avant de se rendre à l’évidence. Cette vocation tardive ne l’empêche pas d’afficher une très belle réussite avec le 3008 qui, lancé mi-octobre, comptabilise déjà plus de 110 000 commandes (dont 60 000 déjà livrées) et engrange chaque mois quelque 20 000 nouveaux clients en Europe. Elu Voiture de l’année 2017, ce modèle est désormais épaulé par le 5008, une version rallongée de 17 cm (à 4,64m) et pourvue de deux sièges strapontins en troisième rang lui permettant d’accueillir sept personnes. Un silence de cathédrale Pour s’adresser aux grandes familles ou aux familles élargies, Peugeot n’avait aucune raison de s’écarter de la recette à succès du 3008, dont le 5008 reproduit la face avant à l’identique. Particulièrement volontaire et (un peu trop) travaillée, celle-ci en impose avec ses phares biseautés et son museau très vertical. La surface vitrée, assez généreuse, permet de rendre l’habitacle lumineux. La ligne de toit parfaitement horizontale, contrairement à celle du 3008, permet de ménager une habitabilité digne d’une sept-places, quitte à perdre un tantinet en dynamisme des lignes. Un léger déficit que des joncs chromés tentent maladroitement de combler.
La nouvelle génération du 5008 garde ses distances avec le modèle précédent, qui appartenait à la catégorie – plus « plan plan » – des grands monospaces, mais elle conserve, à peu de chose près, son vaste espace intérieur. La deuxième rangée de sièges dispose d’assises individuelles que l’on peut faire coulisser sur 14 centimètres. Installés en série, les deux sièges du troisième rang, destinés à des occupants de petite taille ou à des adultes mais pour
des trajets limités, peuvent être facilement extraits. Ils libèrent ainsi un beau volume de charge (780 litres) dans le coffre dont le seuil de chargement, délicate attention, est situé suffisamment bas pour préserver les lombaires du père de famille. Si ces deux sièges d’appoint sont occupés, en revanche, il n’y aura plus beaucoup de place pour les bagages. Un dilemme que connaissent tous ceux qui ont eu à transporter leur tribu à bord d’une sept-places.
Avec ce 5008, Peugeot prend ses distances avec la catégorie monospace. TIBO
Suspendu avec un peu plus de fermeté que le 3008 tout en restant très confortable, le 5008 fait profiter ses occupants de l’ambiance intérieure très sophistiquée qui, désormais, fait le sel des nouvelles Peugeot. Un petit volant hexagonal, qui amplifie le sentiment de maniabilité, un compteur de vitesse très lisible placé haut devant le conducteur et une découpe soignée du mobilier, garni de revêtements agréables à la vue comme au toucher. Avec, en option, un gigantesque toit en verre hélas implanté de telle manière que les occupants des sièges avant n’en profitent pas vraiment. Très correctement équipé de mécaniques vigoureuses sans être gourmandes (lors de notre parcours, le 2-litres diesel de 150 ch s’est contenté d’une consommation moyenne légèrement inférieure à 7 litres aux 100 kilomètres avec quatre personnes à bord), le 5008 transporte son petit monde dans un silence de cathédrale. Ce SUV en smoking pour familles aisées, dont le tarif débute à 26 400 euros mais dont le cœur de gamme devrait se situer bien au-dessus de 30 000 euros, en dit long sur la nouvelle identité Peugeot. Une marque qui s’est émancipée de son tropisme conservateur mais compte bien renouer avec sa vocation bourgeoise. p j.-m. n.
Des défauts assumés Le SUV est tellement à la mode que ses inconvénients, pourtant bien réels, sont passés au second plan. En raison de sa masse, il engendre une surconsommation de carburant non négligeable (10 % à 15 % environ) lorsqu’on le compare à une berline de même catégorie. Ces contraintes d’encombrement et donc de poids expliquent que cette catégorie recourt encore largement au diesel. D’autre part, comparé à un monospace, le rapport encombrement-habitabilité d’un SUV apparaît beaucoup moins avantageux. D’ailleurs, le volume du coffre de ces véhicules est parfois décevant. Enfin, la mondialisation des préférences automobiles que reflète le succès de ces modèles engendre aussi son corollaire : une forme d’uniformisation des styles. Qu’il ait été conçu par un constructeur chinois ou européen, un SUV tend à ressembler à un autre SUV. Un design paré pour le futur Pour Laurens van den Acker, qui supervise le design des Renault, le SUV se plie particulièrement aux contraintes de la voiture du futur. « Dans les années qui viennent, un nombre impressionnant de voitures électriques est attendu. Or, estime-t-il, l’architecture d’un SUV convient parfaitement à ces nouveaux véhicules : on peut installer la batterie au-dessus du plancher sans nuire aux objectifs en matière d’aérodynamique ni être obligé de réduire l’habitabilité. » Idem pour la voiture autonome, attendue à partir de 2020, qui va imposer de repenser l’espace intérieur, par exemple en installant les sièges en vis-à-vis. Dans ce contexte, une voiture haute et large comme un SUV apparaît très adaptée. Un antidote aux angoisses existentielles Au-delà de ses atouts classiques, le SUV présente des éléments de rassurance et prodigue une sorte de confort psychologique. Les études des constructeurs font apparaître que les utilisateurs – en particulier les femmes – apprécient beaucoup d’être installés en position haute, au dessus du trafic. Il en découle une meilleure visibilité et le sentiment de se trouver en sécurité, isolé du monde extérieur et de ses dangers, réels ou fantasmés. La surface vitrée des SUV présente des caractéristiques éloquentes : elle est relativement réduite et adopte souvent des glaces surteintées. Loin des monospaces, ouverts sur l’extérieur, dont les occupants ne craignaient pas d’être vus. Le SUV peut aussi être un moyen de mettre de la distance, physique mais aussi sociale, avec son environnement immédiat. p jean-michel normand
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AU CARNET DU «MONDE»
Dominique Laplace, Emmanuel Laplace, ses ils, Sandrine Hébrard, Christine Laplace, ses belles-illes, Lucie, Simon et Sébastie, ses petits-enfants, ont la tristesse de faire part du décès de
Geneviève COLLAS, survenu le 7 mai 2017. La célébration religieuse de ses funérailles aura lieu le mardi 16 mai, à 10 h 30, en l’église SaintHippolyte, 27, avenue de Choisy, Paris 13e. Les familles Feger et Martial ont la douleur d’annoncer le décès de
Bertrand FEGER,
directeur-délégué honoraire à l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris, le samedi 6 mai 2017, à l’âge de quatre-vingts ans. On se réunira au créma torium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, le mardi 16 mai, à 10 heures.
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L’UFR de Sciences sociales Et l’université Paris Diderot-Paris 7, ont la grande tristesse de faire part du décès de
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Professeur émérite, il avait enseigné la philosophie politique de 1990 à 2002 et créé la Maîtrise de sciences politiques, devenue par la suite le Master de sociologie et de philosophie politique, que son œuvre continue et continuera d’inspirer. Ses anciens étudiants gardent de lui le souvenir d’un enseignant hors pair et les collègues qui l’ont connu, celui d’un homme exigeant, pourvu d’une haute idée de l’Université et de sa mission. Sa famille a la douleur de faire part du décès de
Gabriel ARNAUD, Voyage dans le
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professeure agrégée d’histoire et géographie, enseignante aux lycées Jean Jaurès (Seine-Saint-Denis), Paul Valéry (Paris), Evariste Galois (Seine-Saint-Denis),
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Ses grands-parents
Les familles Fratoni, Dufour, Carboni, Torres
le 3 mai 2017, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Les obsèques ont eu lieu à Mirebeau (Vienne), le mercredi 10 mai, dans l’intimité familiale.
Elle vivait la quatre-vingt-dix-neuvième année d’une existence mouvementée, comme son siècle, qui l’avait menée en Egypte, au Chambon-surLignon, à Madagascar, Dijon et Montreuil. Elle est partie souriante, généreuse et résistante comme elle a vécue, artiste et batailleuse à sa manière, sans imaginer ce que pouvait être une plainte ou un renoncement. Laurence et Philippe Crantelle, Caroline Scheer et Gilles Tixier, Emmanuel et Isabelle Scheer, Dominique et Jean-Noël Hazemann, Christine et Christine Scheer-Debord, ses petits-enfants, Benjamin, Adèle, Daphné, Cyriaque, Héloïse, Alice, et Cléophée, ses arrière-petits-enfants Et toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de
Mme Marie-Louise (Loulette) HERLY, née FLAHAULT,
survenu le 11 mai 2017, dans sa cent unième année, munie des sacrements de l’Eglise. La cérémonie religieuse sera célébrée le vendredi 19 mai, à 10 h 30, en l’église de la Sainte-Trinité, Paris 9e. L’inhumation se déroulera dans l’intimité, au cimetière de Monaco, où elle reposera auprès de son époux, Jean.
Catherine Leroux, son épouse, Bérénice, Amandine, Alexandre, Laurent et Raphaël, ses enfants, Naémi, Roméo et Joachim, ses petits-enfants, Ses frère et sœurs, Ses belles-sœurs et beaux-frères, Ses neveux et nièces Et toute la famille, ont la douleur de faire part du décès de
Me Didier LEROUX, survenu le 7 mai 2017, à Paris, à l’âge de soixante-quatre ans. Sylviane Mahias, Anne Mahias, Serge et David Mathieu-Mahias, Camille et Fabienne Julien, Zacharie, Axel, Théo, Zélie et Ysé Mathieu-Mahias, font part du décès de
Claude MAHIAS, écrivain, éditeur,
survenu le jeudi 11 mai 2017, à l’âge de quatre-vingt-onze ans. La cérémonie aura lieu le mercredi 17 mai, de 12 h 45 à 13 h 30, au crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e. M André Montagne, née Allez, son épouse, Mme Claude Spapperi-Montagne, sa ille, M. et Mme Guilhem Villard et leurs enfants, Mme Annie-France Sontag et ses enfants, Ses neveux et nièces, M. Jean-Pol Britt, Mme Albert Tougard, ses enfants, et ses petits-enfants, Mme André Colignon, Ses cousins, me
ont la tristesse de faire part du décès de
M. André MONTAGNE,
chevalier de la Légion d’honneur, croix d’Auschwitz, matricule 45912, dernier survivant du convoi dit « des 45 000 », déporté à Auschwitz, le 6 mai 1942,
ont la tristesse de faire part de la disparition de
Hélène RAYMOND-FEINGOLD, professeure des Universités,
survenue le 10 mai 2017. Norbert Zydorowicz, son ils, Martine Vinet Béatrice Vinet-Garcia, ses illes, Antoine, Clément et Mathias Garcia, ses petits-ils, Christian Garcia, son gendre, Les familles Logeay, Boisdé, Pitois, Breuil et Paillaud, Irène et Licinio Alves, ont le chagrin de faire part du décès de
Émile VINET,
ingénieur Arts et Métiers, Pa 34, survenu le 10 mai 2017, dans sa cent deuxième année. La cérémonie religieuse sera célébrée le mardi 16 mai, à 9 h 30, en l’église Notre-Dame, à La Rochelle, suivie de la crémation au crématorium de La Rochelle et de l’inhumation au cimetière NotreDame de Fontenay-le-Comte, à 16 heures.
Anniversaire de décès M. Jean-Marie EXPERT. Dix ans après, Martita, Christiane, Jean-Pierre, Jean-Claude, Robert et ses proches, toujours dans sa chaleur.
Nomination
décédé le 12 mai 2017, dans sa quatre-vingt-quinzième année. Un dernier hommage lui sera rendu au crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20 e, le mardi 17 mai, à 14 h 30. Anne Paillard, Michel Paillard, Marie-Christine Paillard et Jean-Marc Deshayes, ses sœurs, frère et beau-frère, Ses neveux et nièces et leurs enfants, Ses cousins et cousines et leurs enfants,
12 mai 2017, a élu académicien
M. Jean-Yves TILLIETTE. Normalien, ancien membre de l’École
française de Rome, dont il fut plus tard le directeur des études médiévales,
agrégé de lettres classiques et docteur ès-lettres, M. Jean-Yves Tilliette
Marie-France PAILLARD,
médiévales. Spécialiste du latin
La cérémonie religieuse sera célébrée le mardi 16 mai, à 14 h 30, en l’église de Saint-Germain-des-Prés, Paris 6e.
Sylvie Bethmont et Robert Churlaud, professeurs à l’Ecole Cathédrale du Collège des Bernardins, Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo, Philippe Sers, philosophe et essayiste. Auditorium musee-orsay.fr Tarifs : 6 € / 4.50 €.
Communications diverses ISF : déduisez 75 % du montant de votre don à la Fondation du patrimoine Juif de France, pour préserver, construire et entretenir le patrimoine des communautés juives de France (Synagogues, Mikvé, ...) Tél. : 01 49 70 88 02.
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et directeur de son Centre d’Études médiéval et de sa littérature, il est l’éditeur
de l’œuvre de Baudri de Bourgueil
et il a consacré des travaux décisifs à l’histoire et à l’interprétation
de la rhétorique et de la poétique.
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PLANÈTE | CHRONIQUE par sté p hane fo ucart
Trump et le déni de la science
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our comprendre le tourment dans lequel se trouvent plongés les employés de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) américaine, il faut sans doute se figurer le désarroi des membres d’une agence spatiale dont le patron aurait la conviction que la Terre est plate et fermement arrimée au centre de l’Univers. Depuis la nomination du climatosceptique Scott Pruitt à la tête de l’EPA – agence qu’il a poursuivie à quatorze reprises lorsqu’il était attorney général de l’Oklahoma, pour protéger les industries incommodées par elle –, les agents et scientifiques fédéraux chargés de la protection de l’environnement aux Etats-Unis en sont là. Ou pas très loin. En témoigne, ces jours-ci, le site Web de l’agence. Celle-ci a pudiquement tiré le rideau sur son portail consacré au changement climatique. Depuis fin avril, quiconque tente de s’y connecter rencontre invariablement ce message : « Cette page est actuellement en cours de mise à jour. » Un communiqué du 28 avril explique la situation. « Le site Web de l’agence de protection de l’environnement des Etats-Unis subit actuellement des changements qui reflètent la nouvelle direction de l’agence, sous la présidence de Donald Trump et l’administration de Scott Pruitt, détaille le texte, dans une novlangue de belle facture. Ce processus, qui implique de mettre à jour les éléments de langage pour refléter l’approche de la nouvelle direction, est destiné à ce que le public puisse utiliser le site Web pour comprendre les efforts actuels de l’agence. » Des conséquences profondes La version précédente du portail de l’EPA sur le climat indiquait haut et fort : « Le changement climatique se produit », « les humains sont largement responsables du changement climatique récent », « le changement climatique affecte tout le monde ». On se demande à quelles formes subtiles de torture sera passée la langue de Shakespeare pour continuer à décrire ces réalités simples sans contrevenir au catéchisme néolibéral de l’administrateur Pruitt. M. Trump souhaite à l’évidence détruire l’EPA, qui sert tout à la fois de ministère de l’environnement, d’autorité d’expertise et d’agence de financement de la recherche. Le nouveau président veut non seulement laminer le budget de l’institution, mais il œuvre aussi de manière à ce que le déni de la science et toutes les formes de contournement de la réalité y soient rendus possibles. Après que la tête de l’agence eut été confiée à l’un de ses plus féroces ennemis, voici que son conseil scientifique est passé par les armes. Le 7 mai, on apprenait par l’Associated Press (AP) que treize de ses dix-huit membres, tous scientifiques reconnus, étaient écartés ou voyaient leur mandat non renouvelé. Le porte-parole de l’agence a expliqué qu’ils seraient bientôt de nouveau occupés, mais que le recrutement irait désormais audelà du monde académique, pour s’ouvrir à des employés des in-
ON NE CHERCHE PLUS À CONTRÔLER CE QUI SORT DES LABORATOIRES, ON CHERCHE À FERMER LES LABORATOIRES
LE PRÉSIDENT AMÉRICAIN SOUHAITE À L’ÉVIDENCE DÉTRUIRE L’AGENCE DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT dustries de la chimie ou des énergies fossiles. L’affaire a fait beaucoup moins de bruit que l’éviction de James Comey, le patron du FBI, mais elle aura à l’évidence des conséquences profondes. Si les gardiens de l’intégrité scientifique de l’EPA sont des salariés des industriels régulés, la science réglementaire pratiquée à l’agence risque de devenir bien plus souple qu’elle ne l’est aujourd’hui. De telles mesures sont inédites. Même la précédente administration républicaine, pourtant très proche des milieux pétroliers, n’était pas allée aussi loin. En 2001, jugeant fort désagréables les conclusions du troisième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le président George W. Bush s’était contenté de saisir l’Académie des sciences américaine, afin que celle-ci jauge la crédibilité du texte. La vénérable institution s’était exécutée, et ne trouva rien à redire aux conclusions du GIEC. Cela ne permit nullement de convertir l’administration Bush à la lutte contre le réchauffement climatique : entre 2001 et 2008, de nombreux chercheurs fédéraux furent tracassés par leur hiérarchie, leur droit à s’exprimer auprès du public fut interrogé, etc. Mais rien de comparable au désastre en cours. En décembre 2005, James Hansen, alors directeur du Goddard Institute for Space Studies (GISS) de la NASA, se vit intimer de soumettre à la haute administration de son agence le texte de ses conférences et de ses interventions publiques sur le réchauffement. Le chercheur ne céda pas à ces intimidations : il les rendit publiques. L’affaire déchaîna des tombereaux de commentaires, d’articles de presse, et suscita une indignation telle que Michael Griffin, alors administrateur de la NASA, dut reconnaître le comportement déplacé des communicants de son agence. Il adressa ensuite un courrier à tous les personnels de la NASA pour affirmer que rien ne serait plus fait pour « étouffer » leur parole publique… On voit le chemin parcouru, outre-Atlantique, en une décennie. Il ne s’agit plus d’empêcher les chercheurs fédéraux de communiquer les faits scientifiques incommodants, mais de faire en sorte que les faits scientifiques incommodants disparaissent. On ne cherche plus à contrôler ce qui sort des laboratoires, on cherche à fermer les laboratoires. De fait, dans l’entourage du nouveau président américain, on ne fait pas mystère de la volonté de supprimer toute recherche climatique à la NASA. L’EPA ne sera pas seule à faire les frais des années Trump. La société américaine semble se mithridatiser contre cette folie. En 2006, le New York Times faisait monter à sa « une » les déboires de James Hansen et défendait bec et ongles l’intégrité de la science. Fin avril 2017, le grand quotidien américain annonçait fièrement avoir débauché du Wall Street Journal un chroniqueur climatosceptique… p
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Tirage du Monde daté dimanche 14 - lundi 15 mai : 276 910 exemplaires
LA PRESSE ÉTRANGÈRE SAISIE PAR LA « MACRONMANIA »
L
a presse étrangère a moins de réserve que les médias français. Elle s’enthousiasme à plein vent pour le jeune homme qui a pris ses fonctions, dimanche 14 mai, à l’Elysée. Cela n’était pas arrivé depuis très longtemps. D’un point à l’autre du globe, le président Emmanuel Macron fait la « une » des journaux et des actualités télévisées. C’est bon pour l’ego des Français et l’image de la France à l’étranger. Cela cache peut-être quelque chose de plus profond, surtout en Europe. Bien sûr, on n’échappe à aucun poncif et on doit subir une bordée de clichés très largement dépourvus de sens – cela va du Obama français au Justin Trudeau des bords de Seine, sans compter la résurrection de John Fitzgerald Kennedy. Mais cette
« macronmania » n’est pas seulement liée à la jeunesse (39 ans) du chef de l’Etat français. Elle ne tient pas non plus à l’étonnante séquence politique que M. Macron a su magistralement exploiter ces derniers mois : l’effondrement des candidats des deux grands partis de gouvernement ; le refus de François Hollande de se représenter ; la création d’un parti ex nihilo ou presque (La République en marche !). Sur la scène internationale, M. Macron est sans doute le symbole d’une classe politique française en phase de renouveau. Il incarne un changement de génération. Tout cela est vrai et bien sympathique. Merci, confrères de l’étranger ! Mais le président Macron est d’abord le symbole du coup d’arrêt donné, au moins momentanément, à une vague nationaliste, passablement xénophobe et inquiétante, qui paraissait devoir submerger nombre de démocraties occidentales. Avec les élections en Autriche et aux Pays Bas, cette année, la victoire de M. Macron est saluée comme une sorte de réponse à deux des événements qui ont marqué 2016 : le Brexit et l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Très logiquement, les médias russes, souvent sous la coupe du pouvoir, font exception dans ce concert de louanges. Ils affichent moqueries, mépris et propos déplaisants à l’adresse du chef de l’Etat français. Le président Vladimir Poutine comptait sur
une victoire de la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen, pour démanteler l’Union européenne (UE), affaiblir l’OTAN et mener une politique étrangère plus conforme aux intérêts de Moscou. C’est justement sur cette scène européenne que le président Macron peut jouer un rôle important. Il est le premier dirigeant français depuis François Mitterrand (19811995) à s’être fait élire en affichant haut et fort ses convictions européennes. Il compte sur ses réformes intérieures pour rééquilibrer la relation franco-allemande : il devait le dire dès ce lundi, à Berlin, à la chancelière Angela Merkel. Il table sur un nouveau rapport de force entre Paris et Berlin pour changer l’UE : moins de laisser-aller face à la concurrence des autres grands blocs économiques ; plus de coopération en matière de sécurité ; moins de débats institutionnels au sein de la zone euro et plus de coordination. De même qu’il n’ignore pas qu’une bonne moitié de la France a voté pour l’extrême droite et la gauche de la gauche, il sait la crise de confiance qui s’est installée entre les peuples et l’UE. Il semble aborder cet immense défi avec un mélange bienvenu de détermination et d’humilité. M. Macron est trop intelligent pour se payer de mots et d’images. Son portrait à la « une » du Time, de The Economist ou du Spiegel, c’est avant tout l’espoir d’un renouveau européen. p
Conférences, projections, concerts, expositions, cinéma, théâtre, lectures et bien plus !
Dans un cadre estival et festif venez découvrir les histoires vraies du monde. Ce festival est une invitation à venir détricoter l’information en bord de Garonne. Infos et réservations sur
L E S - AT E L I E R S - D E - C O UT H U R E S . F R
OFFRES D’EMPLOI CHAQUE LUNDI PAGES 5
Une cyberattaque planétaire ravive les craintes d’un cyberchaos
Polynésie : le projet fou de libertariens de la Silicon Valley
▶ Un logiciel malveillant s’est déployé depuis vendredi, perturbant entreprises et services publics à travers le monde
L
a cyberattaque mondiale qui frappe la planète depuis vendredi 12 mai a fait « 200 000 victimes, essentiellement des entreprises, dans au moins 150 pays », a affirmé, dimanche 14 mai, le directeur d’Europol, Rob Wainwright, dans un entretien à la
chaîne britannique ITV. En moins de vingt-quatre heures, le programme a frappé un nombre sans précédent d’ordinateurs et perturbé le fonctionnement d’administrations et d’entreprises partout dans le monde. « Nous n’avions encore jamais rien vu de tel », a ajouté le pa-
tron d’Europol, qui craint que le nombre de victimes continue à croître. Un programme informatique, baptisé « WannaCry », s’est déployé à très grande vitesse, vendredi, à travers la planète. Ce logiciel malveillant, de la famille des « rançongiciels » (ransomware), chiffre le
contenu des ordinateurs sur lesquels il est installé pour les rendre inaccessibles à leurs propriétaires, et réclame une rançon de 300 dollars, à payer en bitcoins, pour les déverrouiller. service pixels LIR E L A S U IT E PAGE 3
Les producteurs font tout un cinéma avec les séries ▶ En dix ans,
ce genre télévisuel a gagné ses lettres de noblesse et attire les stars du 7e art ▶ 455 séries ont été diffusées aux Etats-Unis en 2016, deux fois plus qu’en 2010 ▶ Les chaînes délaissent les films à leur profit. La fréquentation en salle n’est pas encore pénalisée
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C’EST, EN MILLIONS DE DOLLARS, LE MONTANT DES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES DU PROJET D’ÎLE FLOTTANTE ATTENDU PAR LA POLYNÉSIE
La série « Le Bureau des légendes ». CANAL+
DES SALARIÉS DE MIM RELANCENT L’IDÉE D’UNE SCOP POUR SAUVER L’ENSEIGNE PAGE 4
MATIÈRES PREMIÈRES
LE PÉTROLE ET LE CHARBON VONT TIRER LES PRIX À LA HAUSSE EN 2017 PAGE 4
j CAC 40 | 5 406 PTS + 0,02 % J DOW JONES | 20 896 PTS – 0,11 % j EURO-DOLLAR | 1,0944 j PÉTROLE | 52,03 $ LE BARIL j TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,86 % VALEURS AU 15 MAI À 9 H 30
C’
est l’une des utopies les plus folles qui soit sortie de la Silicon Valley. Des îles flottantes, avec leur propre système de gouvernement. « Vous en avez assez de la politique et des politiciens ? Lancez votre propre pays ! », propose Joe Quirk, l’un des avocats à San Francisco de la colonisation des mers, ou « seasteading ». « Pourquoi vouloir coloniser Mars et pas la Terre ? La moitié de la surface du globe n’appartient à aucun Etat », poursuit Joe Quirk. Cette moitié, c’est l’océan. Aucune réglementation ne s’y applique. Ni taxes ni gouvernement, le rêve des libertariens. Les partisans des îles flottantes, rassemblés dans une association à but non lucratif, le Seasteading Institute, estiment que les systèmes actuels de gouvernement sont « incapables de s’adapter aux sociétés technologiques ». Il faut démanteler « le monopole géographique de la gouvernance » et mettre les Etats en concurrence pour attirer les citoyens, plaide Patri Friedman, le cofondateur de l’institut, qui revendique l’héritage intellectuel de son grandpère l’économiste ultralibéral Milton Friedman. corinne lesnes LIR E L A S U IT E PAGE 8
PAGES 6 - 7
HABILLEMENT
san francisco - correspondante
PERTES & PROFITS | CYBERSÉCURITÉ
La rançon d’un monde connecté
L
e 26 avril 1986, la catastrophe du réacteur nucléaire soviétique de Tchernobyl, en Ukraine, avait sonné la fin d’une forme d’insouciance, voire de négligence. Il y eut des accidents avant, il y en eut après, mais celui-là a marqué les consciences mondiales. La fin d’un monde, le début d’un autre. De la même façon, il y aura un avant et un après WannaCry. Survenue vendredi 12 mai, cette attaque informatique avec demande de rançon, d’une rapidité et d’une ampleur sans précédent, la première à l’échelle mondiale, marquera à jamais l’histoire de l’Internet. Comme Tchernobyl, l’événement, même s’il est cette fois de nature criminelle, s’est construit sur la concordance de facteurs favorables : une faille de sécurité connue dans un logiciel (Windows XP) utilisé par des millions de personnes, une capacité du logiciel à se répandre à la vitesse de la lumière à l’intérieur des organisations infectées et, enfin, l’utilisation d’un logiciel malveillant élaboré par les services de sécurité américains pour leur propre usage. Ainsi naissent les grandes catastrophes. Tous responsables Particuliers, entreprises, Etats, ont été touchés de la même façon. Pour chacun, il s’agit d’une forme de réveil qui vient rappeler que le nouveau monde est aussi dangereux que l’ancien, mais que ses armes sont nouvelles. Pour les particuliers, et leurs outils toujours plus connectés et puissants, elle vient rappeler que le réseau, comme les forêts profondes du Moyen Age,
Cahier du « Monde » No 22499 daté Mardi 16 mai 2017 - Ne peut être vendu séparément
cache des brigands de toutes sortes et qu’il faut prendre des précautions avant de sortir : mettre à jour ses logiciels, utiliser une protection, ne pas confier toute sa vie à sa machine, ou au moins dupliquer ses données. Voilà longtemps que les services informatiques ont perdu beaucoup de pouvoir avec la montée en puissance des terminaux intelligents aux mains des utilisateurs qui mêlent allègrement vie privée et professionnelle, réseaux d’entreprises et communications personnelles. Le tour de vis est inévitable, ainsi que la hausse des investissements. Nombre d’entreprises et d’organisations, y compris les plus importantes, comme le service de santé britannique ou Renault, possèdent des milliers de postes utilisant le Windows XP de Microsoft, qui n’est plus en vente et dont la mise à jour n’est plus assurée. Microsoft a mis à disposition des rustines, mais sa responsabilité est en jeu, même si on ne demande pas à Peugeot d’améliorer la sécurité de voitures qu’il ne vend plus… Quant aux Etats, confrontés à la menace de la guerre électronique, ils se trouvent face à l’obligation de se doter d’armes efficaces tout en évitant de se les faire voler. C’est la base de l’espionnage depuis l’antiquité, mais il est plus facile de chaparder un logiciel qu’une ogive nucléaire. Utilisateurs, entreprises, nations, sont responsables de ce qui arrive aujourd’hui et doivent savoir qu’en ces temps de terrorisme de masse il pourrait y avoir des réveils bien plus pénibles que celui de WannaCry. p philippe escande
L’HISTOIRE DE L’HOMME
ÉDITION 2015
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2 | portrait
0123 MARDI 16 MAI 2017
Serge Hascoët, le jouisseur créatif Il est l’une des chevilles ouvrières d’Ubisoft. Serge Hascoët est directeur créatif de l’éditeur de jeux, numéro trois mondial du secteur. La société présente ses résultats annuels mardi. Et suscite la convoitise de Vincent Bolloré
l’une de ses filles, dyslexique, et croit avoir trouvé un début de réponse dans les neurosciences. Il a rencontré Idriss Aberkane, essayiste français spécialisé en la matière, et part bientôt s’isoler avec Olivier Houdé, directeur du Laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant du CNRS-la Sorbonne. « La finalité, c’est de réaliser un jeu qui ne s’appellera pas éducatif mais qui sera utile », dit-il. C’est hors des univers geeks que Serge Hascoët va puiser l’inspiration. Dernièrement, le Breton est allé déjeuner sur la Boudeuse, le bateau de Patrice Franceschi, écrivain, baroudeur, premier pilote à avoir fait un tour du monde en ULM. Sans le savoir, Serge Hascoët ne venait pas en terrain conquis. « A mes yeux, les jeux vidéo sont le stade ultime de la distraction, au sens distraction de l’essentiel », avoue l’écrivain, qui s’est finalement laissé séduire.
E
n septembre 2016, l’ombre de Vincent Bolloré plane plus que jamais au-dessus de celle d’Ubisoft. L’homme d’affaires breton veut profiter de l’assemblée générale des actionnaires pour entrer au sein du conseil d’administration de l’éditeur de jeux vidéo. De quoi augurer une prise de contrôle de la société. Stressé, Serge Hascoët, bras droit d’Yves Guillemot, le PDG, souffle à Tommy François, ami de longue date et directeur éditorial adjoint, son besoin impérieux de se changer les idées. « Et si l’on allait voir la mer, faire voler des cerfs-volants, avec les enfants ? », dit le Breton, grand amoureux de l’océan. Une petite bande file à Honfleur et à Trouville oublier, le temps d’un week-end, les manœuvres du financier. Recruté en 1988, l’éminence grise d’Yves Guillemot est, depuis dix-sept ans, à la tête de « l’Edito », le département qui a pouvoir de vie et de mort sur les jeux d’Ubisoft. Mardi 16 mai, l’éditeur de Montreuil publiera ses résultats annuels. Un moment crucial. Yves Guillemot a fait des performances d’Ubisoft sa meilleure arme pour résister à Vivendi, détenteur de 25 % du capital. Jusque-là, les actionnaires l’ont soutenu, faisant barrage à Vincent Bolloré. Dans la réussite d’Ubisoft, devenu en trente ans le troisième éditeur mondial de jeux vidéo, Serge Hascoët a joué un rôle-clé. Passionné par les jeux japonais, comme Zelda, il a conduit plusieurs tournants majeurs, propulsant d’abord la société vers les jeux grand public, « au moment où aucun éditeur n’avait cru à la Nintendo Wii », dit Richard-Maxime Beaudoux, analyste chez Bryan Garnier. Il l’a ensuite orienté vers les jeux à mondes ouverts (comme Far Cry ou Assassin’s Creed). « C’est un bon visionnaire. Il sait ce qu’il faut à un jeu pour qu’il performe, et repérer les personnes qui sauront créer », salue Yves Guillemot. SA CARRIÈRE DÉCOLLE AVEC « RAYMAN »
Les deux hommes travaillent ensemble depuis 2000, et passent une dizaine d’heures à discuter chaque semaine. Mais Serge fut embauché par deux autres frères Guillemot, Gérard, le créatif désormais à New York, et Michel, qui créera plus tard l’éditeur mobile Gameloft, avalé depuis par… Vincent Bolloré. A l’époque, le jeune homme, âgé de 23 ans, avait repéré une petite annonce dans Le Télégramme de Brest. Des rêves d’ordinateurs plein la tête, le Brestois passa un week-end à rédiger une lettre de motivation. Sa mère, elle, l’aurait plutôt vu travailler à l’Arsenal, qui lui aurait assuré une vie plus paisible que celle de son père, qui trimait comme carreleur. Les débuts furent chaotiques. Les Guillemot enfermèrent plusieurs nouvelles recrues dans le château de la Grée de Callac, en Bretagne, afin d’honorer un contrat de production de jeux. Las, la jeune main-d’œuvre se montre peu disciplinée, préférant le Minitel rose aux lignes de code. « On n’a pas sorti les jeux à l’heure », se souvient Serge Hascoët. Sa carrière décolle en septembre 1995, avec la sortie de Rayman, aux côtés de Michel Ancel. Le jeu, qui fut un succès mondial, donna à Ubisoft ses lettres de noblesse. Drôle de métier que celui de Serge Hascoët. Ni graphiste ni développeur – « Je n’aligne pas deux lignes de code », dit-il – son rôle est avant tout d’inspirer, de détecter les tendances et les talents. « Ce n’est pas forcément le plus créatif, mais il est très client d’idées folles », témoigne Cyril Derouineau, en charge des technologies. « Il lui arrive de m’envoyer un SMS à 2 heures du matin un samedi pour me demander ce que je pense de telle ou telle arme », témoigne Elisabeth Pellen, directrice éditoriale adjointe de l’Edito, que Serge Hascoët défia à Quake – un jeu vidéo de tir – en guise d’entretien d’embauche il y a vingt ans. Le directeur créatif a décidé d’une nouvelle ligne éditoriale il y a deux ans en réduisant la
IL AIME PROVOQUER LES RENCONTRES
Amateur de bonne chère, de vins délicats et de conversations tardives, Serge Hascoët écume restaurants et bars à Paris, Shanghaï ou Los Angeles. Une façon peut-être de se rapprocher d’Ernest Hemingway, dont la vie l’inspire. Il s’est retrouvé à « parler de tout et de rien » avec Bret Easton Ellis, au bar du luxueux hôtel Château Marmont, sur Sunset Boulevard. Très déprimé, l’auteur d’American Psycho commandait deux verres, quand lui n’en prenait qu’un. Qu’il soit dans l’un de ses QG parisiens – Chez Martin, boulevard du Temple, ou chez Table, rue de Prague –, ou ailleurs, Serge Hascoët, si timide de prime abord, aime provoquer les rencontres, « créer des moments ». « A Honfleur, j’ai invité un type qui dînait seul au fond de la salle. Il nous a prévenus qu’il était trumpiste, franc-mac et sarkozyste. Le contraire de notre tablée », s’amuse le quinquagénaire. Ils ont parlé et bu jusqu’à 3 heures du matin. Lui-même a voté utile – Macron plutôt qu’Hamon –, afin « d’éviter un second tour Le Pen-Mélenchon, deux anti-européens », dit-il. Serge Hascoët donne aussi des grandes fêtes sur la terrasse de son appartement de Neuilly. Fan de musique électro, il discute plus qu’il ne danse. « On ne dîne jamais à quatre personnes chez Serge, il faut qu’on soit au moins dix ou douze », témoigne Frédéric Le Moal, directeur artistique, un ami de longue date. Cet été, ce jouisseur repartira avec une quinzaine d’amis à Torre Bisenzio, luxueuse villa nichée au cœur des vignes et des oliviers de l’Ombrie. Sa vie se confond avec celle d’Ubisoft, devenu une famille, toujours invitée à sa table. Vincent Bolloré mettra-t-il fin à son épopée ? « Je serai là tant qu’Yves sera là », dit-il. L’éditeur, devenu une pieuvre géante dotée de vingt-neuf studios dans le monde entier, ne ressemble à aucun autre. « Leur organisation peut paraître de bric et de broc vu de l’extérieur, mais cela marche », dit l’analyste Richard-Maxime Beaudoux. Une architecture originale et fragile que le moindre souffle peut ébranler. Pour oublier, Serge Hascoët songe, lui, à quitter Neuilly pour une péniche en bord de Seine. p
Ni graphiste ni développeur, – « Je n’aligne pas deux lignes de code », dit-il –, son rôle à Ubisoft est d’inspirer, de détecter les tendances et les talents
narration pour laisser le joueur construire ses propres aventures. Le prochain Assassins’s Creed, prévu pour l’E3, le salon du jeu vidéo qui aura lieu à Los Angeles en juin, doit incarner cette stratégie. Un tel virage a fait grincer des dents. Au point d’obliger Serge Hascoët à monter une opération de « calinothérapie » à l’égard des équipes de « narrative directors » – les scénaristes –, qui craignaient de voir leur métier disparaître. « On les a tous réunis à Paris pour percer l’abcès », raconte Elisabeth Pellen. A l’issue du séminaire, une seule pliera bagage. « L’idée c’est surtout d’avoir mille histoires possibles plutôt qu’une », précise le directeur éditorial, qui doit encore convaincre les sceptiques. Sa méthode : la maïeutique et les promenades au vert. Pour faire éclore les plus belles idées, cet épicurien emmène régulièrement les équipes hors de Paris. Les téléphones sont déposés à l’entrée d’un château. Chacun s’exprime, on purge les conflits en se promenant dans le parc. Serge Hascoët a la passion du réel, de l’authenticité, du vécu. « J’ai dit non à un jeu qui se serait déroulé en Chine car ce n’est pas dans nos gènes. Tout aurait sonné faux », dit-il. Pour rendre le jeu de tir Ghost Recon Wildlands le plus réaliste possible, créatifs et développeurs ont été expédiés en Bolivie faire une plongée chez les trafiquants de drogue locaux.
sandrine cassini
AU SERVICE D’AUTRES CAUSES
Les nombreux succès d’Ubisoft – Assassins’s Creed, Watch Dogs, The Division – n’ont pas suffi à rassurer cet éternel insatisfait. Grand compétiteur lorsqu’il a une manette à la main, ce joueur féroce, « animé par la rage de gagner », dit Elisabeth Pellen, tremble encore à chaque sortie de jeu. « Les critiques sont une douleur. Je déteste avoir des notes, c’est peutêtre pour cela que je n’aimais pas l’école », admet celui qui fut un « un élève moyen ». Il arrêta ses études après un DEUG de sciences. Cette année, le hasard l’a éloigné de tout accès à l’information au moment de la sortie de For Honor en février. Un soulagement. S’il continue à jouer avec passion, Serge Hascoët rêve de mettre le jeu au service d’autres causes. Il se souvient de son impuissance devant les difficultés scolaires de
UBISOFT
1965
1988
Naissance à Brest
Est recruté par Ubisoft, comme concepteur et testeur de jeux
1995 Sortie de « Rayman »
2000 Devient directeur éditorial d’Ubisoft
économie & entreprise | 3
0123 MARDI 16 MAI 2017
Cyberattaque : les entreprises en première ligne Lundi matin, PetroChina et Hitachi ont fait savoir qu’ils étaient à leur tour affectés par le logiciel malveillant suite de la première page
« Nous menons un combat compliqué face à des groupes de cybercriminalité de plus en plus sophistiqués »
Si ces logiciels sont plutôt courants, WannaCry se distingue des autres par sa capacité à se répandre à très grande vitesse d’un ordinateur à un autre : les chiffres annoncés par Europol en font la plus importante diffusion d’un logiciel de ce type de l’histoire. Cette attaque a affecté les hôpitaux britanniques, le constructeur automobile français Renault, les chemins de fer allemands (Deutsche Bahn), le système bancaire russe, le groupe américain FedEx ou encore des universités en Grèce et en Italie. Guillaume Poupard, le patron de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), le garde du corps numérique de l’Etat, a indiqué lundi sur les ondes de France Inter qu’il y avait « d’autres victimes en France », sans préciser lesquelles. « Difficile à localiser » Samedi, Europol a annoncé qu’une équipe, au sein de son Centre européen sur la cybercriminalité, avait été « spécialement montée pour aider » l’enquête internationale chargée d’identifier les coupables. « Il est très difficile d’identifier et même de localiser les auteurs de l’attaque, a souligné Rob Wainwright. Nous menons un combat compliqué face à des groupes de cybercriminalité de plus en plus sophistiqués qui ont recours au chiffrement pour dissimuler leur activité. La menace est croissante. » Si les motivations des pirates ne sont pas encore connues, pour Guillaume Poupard, « tout, dans ce scénario, fait penser à une attaque criminelle ». Aux Etats-Unis, des réunions d’urgence ont été organisées pendant le week-end par l’adminis-
ROB WAINWRIGHT
directeur d’Europol Une inquiétude partagée par Guillaume Poupard, qui a indiqué lundi matin sur France Inter qu’il fallait « s’attendre dans les jours ou les semaines à venir à avoir des répliques régulières, c’est l’expérience que l’on a sur ce genre d’attaques ».
Un panneau d’information de la gare de Chemnitz, en Allemagne, touchée par le virus, le 12 mai. P. GOETZELT/AP
tration Trump pour évaluer les conséquences de l’attaque. WannaCry s’appuie sur une faille de sécurité de Microsoft Windows dont l’existence n’a été révélée que très récemment. La faille avait déjà été corrigée par Microsoft peu avant, mais l’entreprise a dû diffuser en urgence ce samedi un correctif de sécurité, y compris pour Windows XP – une version pour laquelle Microsoft n’effectue normalement plus de mises à jour, et particulièrement vulnérable à
cette faille de sécurité. Le logiciel semble avoir surtout touché des machines utilisant d’anciennes versions de Windows, les utilisateurs de Windows 10 sont a priori à l’abri, selon Microsoft. La propagation massive de WannaCry a été entravée samedi après-midi, en raison d’un coup de chance. Un chercheur en sécurité informatique, qui avait remarqué la présence d’une adresse de site Web dans le code informatique du logiciel a acheté le nom
de domaine correspondant. Sans le savoir, sa démarche a en fait ralenti la diffusion du ransomware, conçu pour cesser de fonctionner si ce nom de domaine devient actif. La publication du correctif de Microsoft, samedi matin, a aussi pu freiner sa diffusion. En début d’après-midi, les entreprises spécialisées notaient une diminution très rapide du nombre de nouveaux cas de contamination. Le National Cyber Security Centre, organisme du gouvernement
britannique chargé de la cybersécurité, s’est réjoui dimanche dans un communiqué qu’il n’y ait « pas eu de nouvelles attaques soutenues de ce type » dans le courant du week-end. Néanmoins, l’organisation s’inquiète pour ce début de semaine : « Alors qu’une nouvelle semaine de travail commence, il est probable, au Royaume-Uni et ailleurs, que d’autres cas de ransomware apparaissent, à une échelle potentiellement significative. »
Chez Renault Nissan, une partie de la production à l’arrêt l’alerte a été lancée dans la nuit du vendredi 12 au samedi 13 mai par la direction des systèmes informatiques du groupe Renault. Un nombre important de sites – non dévoilé par le constructeur – a été infecté par WannaCry, le logiciel rançonneur qui a fait plus de 200 000 victimes dans 150 pays. La cyberattaque fulgurante a provoqué l’arrêt complet ou partiel de plusieurs usines pendant le week-end, dont celles de Sandouville (Seine-Maritime), Batilly (Meurthe-et-Moselle) en France, ainsi que Novo Mesto, qui assemble en Slovénie des Clio, des Twingo et des Smart. Le site du Mans, infecté lui aussi, n’a en revanche pas subi d’arrêt. Mais le problème s’est étendu, au-delà de Renault, à son allié Nissan, dont l’usine géante de Sunderland (7 000 employés) a dû, elle
aussi, stopper sa production samedi. Lundi 15 mai, au matin « la production a repris dans toutes les usines françaises sauf une », a indiqué au Monde un porteparole du constructeur français. Le site Renault de Douai, l’un des plus importants de l’Hexagone (5 500 employés qui assemblent les modèles Talisman, Scenic et Espace), fait en effet exception. Il était à l’arrêt lundi. Eventuels dysfonctionnements « Ce n’est pas le virus qui a directement empêché la production, souligne-t-on chez Renault. Il s’agit de mesures pro-actives de prévention décidées par l’entreprise, une procédure normale de sécurité mise en application pour éviter la contamination. » Le groupe prévoit un retour à la normale à Douai mardi 16 mai.
Quelle conséquence économique peut avoir cette cyberattaque ? « Le week-end, toutes les usines ne tournent pas à plein – ou même pas du tout, comme à Douai – et les arrêts ont souvent été partiels », a relativisé un responsable de la communication du constructeur français. Un porteparole de Renault en Espagne a expliqué à l’AFP que les sites espagnols – stratégiques dans le dispositif européen de la marque – ne subiraient aucune fermeture lundi. Nissan, de son côté, indique dans un communiqué « ne pas s’attendre à un impact majeur sur [son] activité. » Si l’heure est encore au traitement en urgence de la crise, Renault va devoir se pencher rapidement sur d’éventuels dysfonctionnements de ses stratégies de cybersécurité. « Les entreprises industrielles sont souvent plus vulnérables que d’autres
aux attaques informatiques, explique Laurent Hausermann, cofondateur de Sentryo, une jeune entreprise lyonnaise de cybersécurité. Les responsables de production mettent souvent beaucoup de temps pour valider les mises à jour car ils doivent d’abord en tester les effets concrets sur la ligne. » Conséquence : robots et machines sont fréquemment pilotés par de vieilles versions des systèmes d’exploitation. « Il n’est pas rare de rencontrer des ordinateurs tournant sous Windows XP dans les usines, constate M. Hausermann. C’est un système particulièrement vulnérable car, normalement, Microsoft ne fait plus de mise à jour pour XP. Il est temps que l’industrie améliore son hygiène informatique. » p éric béziat
Une autre version du logiciel Des spécialistes de la sécurité informatique disent d’ailleurs avoir repéré, dès ce week-end, des variantes de ce rançongiciel. Il n’est pas exclu qu’une autre version du logiciel parvienne à contourner la solution trouvée presque par hasard. Lundi matin en Asie, des gouvernements et des entreprises ont signalé des perturbations. Le géant chinois de l’énergie PetroChina a notamment fait savoir que les systèmes de paiement de certaines stations essence avaient été touchés, tout comme le conglomérat japonais Hitachi. Cette vague de contaminations va raviver le débat sur l’attitude des autorités vis-à-vis des failles de sécurité et des outils d’espionnage. Dans un billet de blog publié dimanche, Microsoft a vertement critiqué le comportement de certaines agences de renseignement comme la NSA (National Security Agency) américaine. La faille dont se sont servis les créateurs du ransomware pour infecter autant d’ordinateurs figurait parmi un ensemble d’outils de piratage appartenant à la NSA. Ceux-ci ont été révélés début 2017 par un groupe mystérieux se faisant appeler « The Shadowbrokers ». « Cette attaque est un nouvel exemple illustrant pourquoi le stockage de vulnérabilités par les gouvernements est un tel problème », écrit Microsoft. « Un scénario équivalent avec des armes conventionnelles consisterait à ce que l’armée américaine se fasse voler des missiles Tomahawk ». La voix de Microsoft s’ajoute à celle de personnalités, parmi lesquelles le lanceur d’alerte Edward Snowden. « Si la NSA avait dévoilé cette vulnérabilité quand elle l’a découverte, les hôpitaux auraient eu des années – pas des mois – pour se préparer », a estimé ce dernier sur Twitter. p service pixels
Un « héros accidentel » ralentit la propagation du logiciel de racket Un Anglais de 22 ans, répondant au pseudonyme de @malwaretechblog, a mis un coup d’arrêt au développement de la cyberattaque
D
ésormais, je peux ajouter “a stoppé accidentellement une cyberattaque internationale” sur mon CV. » Dans un Tweet humoristique publié samedi 13 mai, @malwaretechblog résume à merveille la situation. Cet Anglais de 22 ans a réussi, presque par hasard, à entraver la propagation du logiciel de racket (ransomware) avec un simple achat de nom de domaine. Un exploit qui l’a depuis hissé au rang de « héros accidentel » par la presse britannique. Le jeune homme, qui travaille pour l’entreprise de sécurité informatique Kryptos Logic, refuse de dévoiler son identité. « Cela n’a pas de sens de rendre publiques des informations personnelles sur moi », explique-t-il au Guardian. « Il est évident que nous luttons contre des
types mal intentionnés, et qu’ils ne vont pas être contents. » Sur son blog, il raconte comment il a vécu cette journée hors du commun. En fin de matinée, il se connecte machinalement à une plate-forme d’information en temps réel sur les menaces informatiques. Il y est bien fait état de quelques victimes de ransomware, « mais rien de significatif », estime alors le chercheur en sécurité informatique, qui part déjeuner. A son retour, c’est l’affolement : en quelques heures, le rançongiciel s’est propagé à des milliers de machines et perturbe le fonctionnement des hôpitaux britanniques. Rapidement, il réussit à obtenir une copie du ransomware, dont il examine le code source. Il y remar-
que la présence d’un nom de domaine en «.com » composé d’une quarantaine de caractères sans aucun sens. Celui-ci n’appartient à personne ; il décide de l’acheter pour 10,69 dollars (9,78 euros). Connexions automatiques Il ne comprend pas immédiatement quel rôle joue ce nom de domaine dans le fonctionnement du logiciel, il remarque simplement que chaque machine infectée tente automatiquement de s’y connecter. Des milliers de connexions sont ainsi effectuées chaque seconde, mais le rythme finit étrangement par ralentir. L’explication arrive de l’autre côté de l’Atlantique. Un autre spécialiste en sécurité informatique, l’Américain Darien Huss, a entre-
temps découvert que l’enregistrement du nom de domaine avait entravé la propagation du virus. Incrédule, @malwaretechblog parvient à confirmer les affirmations de Darien Huss : le logiciel ne fonctionne effectivement plus chez lui, mais se remet à marcher correctement quand il fait en sorte que la connexion au nom de domaine échoue. « Je pense que vous aurez du mal à visualiser un adulte sautillant d’excitation après avoir été victime d’un ransomware, mais c’était moi », écrit-il sur son blog. Le logiciel est en fait conçu de façon à se connecter automatiquement à ce nom de domaine. Si ce dernier ne répond pas, alors l’opération peut se dérouler comme prévu : bloquer la machine, chif-
frer les données et exiger une rançon. En revanche, s’il répond, alors le logiciel devient inactif. C’est ce qui s’est passé quand le nom de domaine a été enregistré. Ce système est considéré par certains spécialistes comme une sorte de procédure d’urgence conçue par les créateurs du logiciel pour stopper sa propagation si besoin. @malwaretechblog pense plutôt, de son côté, qu’il s’agit d’une maladresse dans la conception du programme. Depuis cet exploit involontaire, tous les regards se tournent vers ce nouveau héros britannique, sursollicité par les médias du monde entier. Sur sa vie, il en dira peu. Seulement qu’il a quitté l’école sans diplôme pour se consacrer à l’informatique, sa passion
depuis l’enfance, qu’il a appris sur le tas avant de se faire repérer par l’entreprise dans laquelle il travaille depuis plus d’un an. Mais aussi qu’il vit toujours chez ses parents. « Tellement cliché », plaisante-t-il dans les colonnes du Guardian, qui n’hésite pas à le qualifier de « dark knight » (« chevalier noir ») du « dark Web ». Au-delà de la plaisanterie, @malwaretechblog garde un œil sur l’évolution de WannaCry, et partage les informations dont il dispose avec les forces de l’ordre. Il le répète à l’envi : « C’est très important que tout le monde comprenne bien que tout ce que [les pirates] doivent faire, c’est changer un peu de code et recommencer. Patchez vos systèmes dès maintenant ! ». p morgane tual
4 | économie & entreprise
0123 MARDI 16 MAI 2017
L’accès au crédit se déverrouille pour les ex-malades du cancer
Les salariés de Mim relancent leur projet de SCOP
Dans la dynamique du « droit à l’oubli », les prêts deviennent assurables pour les personnes atteintes de maladies chroniques
Les employés de l’enseigne de mode espèrent décrocher un prêt auprès de l’Etat
E
n l’espace de quelques semaines, plusieurs victoires ont été remportées pour alléger en France la « double peine » dont sont victimes les personnes ayant été atteintes d’une maladie grave, condamnées à emprunter à des tarifs prohibitifs en raison de l’assurance attachée au crédit immobilier. Au cœur de ces avancées figure l’accès au crédit des malades du sida, qui ouvre la voie à l’assurabilité des personnes atteintes de maladies chroniques. Le 30 mars, assureurs et associations de malades réunis au sein de la convention Aeras (S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) sont en effet tombés d’accord pour plafonner la surprime d’assurance systématiquement infligée aux malades. « Une victoire importante » « Imposer aux assureurs une surprime maximale pour les personnes atteintes du VIH, plafonnée à 100 % de la prime standard, représente une victoire importante, se félicite Marianick Lambert, administratrice au sein du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) et membre de la commission de suivi Aeras. Certains séropositifs parvenaient jusque-là à trouver une assurance pour leur crédit, parce qu’ils avaient de bons revenus ou le bon réseau. Mais d’autres se voyaient proposer des surprimes délirantes, allant jusqu’à 400 %. Désormais ce tarif maximal est opposable à tous les assureurs. » Cette conquête s’est réalisée sous la bannière du « droit à l’oubli », un dispositif instauré en 2015, et que le monde de l’assu-
« C’est notre combat depuis vingt ans : qu’il y ait un lien entre les progrès médicaux et le risque évalué par les assureurs » MARIANICK LAMBERT
administratrice du Collectif interassociatif sur la santé
rance a qualifié de « révolution copernicienne ». Il permet en effet aux personnes ayant été atteintes d’un cancer de ne plus déclarer leur ancienne maladie au moment de s’assurer pour un prêt. Il ne s’applique toutefois que dix ans après la fin de leur traitement, un délai ramené à cinq ans pour les cancers diagnostiqués avant l’âge adulte. « Le droit à l’oubli, c’est un combat moral, poursuit Marianick Lambert. Il est toutefois insuffisant. Pour une jeune femme qui a eu un cancer du sein à l’âge de 35 ou 38 ans, et qui doit attendre dix ans pour pouvoir emprunter, son projet de vie a déjà été très entamé. » D’où l’importance pour les associations de malades de livrer une bataille parallèle sur les « grilles de référence » élaborées en accord avec les assureurs, dans le cadre de la convention Aeras. Ces grilles, pour un certain nombre de pathologies, fixent un délai plus court au terme duquel l’assurance sera sans sur-
prime et sans exclusion de garanties, ou bien plafonnent la surprime comme cela vient d’être décidé pour les personnes infectées par le VIH. Créées en 2015, dans la dynamique du « droit à l’oubli », ces grilles ont vocation à évoluer, pour améliorer progressivement l’accès au crédit. « Ce qui devrait tout changer pour les malades, ce sont ces grilles de références, martèle l’administratrice du collectif associatif CISS. Pour ceux qui souffrent ou qui ont souffert des pathologies inscrites dans ces grilles, les crédits deviennent assurables dans des conditions acceptables. Et les maladies chroniques qui vont rentrer progressivement dans ces grilles bénéficieront d’un plafonnement de la prime d’assurance. C’est notre combat depuis vingt ans : qu’il y ait un lien entre les progrès médicaux et le risque évalué par les assureurs. » Outre le VIH, les nouvelles grilles publiées le 30 mars 2017 intègrent d’autres pathologies, les lymphomes hodgkiniens et les cancers du côlon et du rectum, qui doivent être déclarées à l’assureur, mais qui ne donnent désormais plus lieu à surprime ni à exclusion, passés des délais compris entre un an et huit ans après la fin du traitement. Les cancers de la prostate et certaines hépatites C pourraient être intégrés dans la prochaine grille, et de nouvelles pathologies, l’insuffisance rénale et la mucoviscidose, sont inscrites au programme de travail 2017. De plus en plus de candidats au crédit présentent un risque aggravé de santé, puisque, selon les derniers chiffres de la Fédé-
ration française de l’assurance, les demandes Aeras sont passées de 421 000 en 2014 à 587 000 en 2015, soit 15 % de l’ensemble des demandes de prêts. Mais la convention Aeras n’avance que pas à pas. Dispositif de contrôle « Pour construire ce lien entre progrès thérapeutique dans une pathologie et quantification du risque assurantiel, il faut pouvoir travailler sur de nombreuses données de santé. Pour le cancer, c’était plus facile grâce à l’INCa (Institut national du cancer), qui les centralise. Mais, par exemple, les données sont très éparses pour les maladies cardio-vasculaires. Et des financements sont nécessaires pour rémunérer études et scientifiques qui permettent de construire l’évaluation du risque », explique Mme Lambert. Au-delà des nouvelles grilles, des progrès ont également été obtenus en début d’année pour renforcer le « droit à l’oubli » stricto sensu. En février 2017, deux décrets ont formalisé l’information des candidats à l’assurance emprunteur sur leur droit à ne pas déclarer d’anciens cancers et mis en place un dispositif de contrôle. Marisol Touraine et Michel Sapin ont par ailleurs tenu à clarifier ce droit auprès des assureurs. Un courrier des ministres de la santé et des finances, adressé à la commission de suivi Aeras, précise que le « droit à l’oubli » s’applique aux contrats d’assurance des crédits à la consommation, des prêts professionnels et des crédits immobiliers, quels que soient leurs montants, « sans aucun plafond ». p véronique chocron
Les prix des matières premières se redressent Selon le rapport Cyclope, la hausse pourrait atteindre 11 % en 2017, après un recul de 10 % en 2016
L
e footballeur, nouvelle matière première ? La question mérite d’être posée alors que le rapport annuel Cyclope, publié lundi 15 mai et traditionnellement consacré aux marchés mondiaux des ressources naturelles, comporte pour la première fois un chapitre sur le sport. « C’est un clin d’œil, affirme Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique à l’université Paris-Dauphine et président de Cyclope, société d’études spécialisée dans l’analyse de ces marchés. Ne parle-t-on pas de mercato pour les transferts des joueurs ? » Sur ce marché aussi, la Chine avance ses pions. La multiplication des investissements dans des clubs européens illustre la volonté exprimée par le président chinois Xi Jinping de faire de la Chine une « superpuissance du football ». Pour sa 31e édition, les auteurs du rapport Cyclope, ouvrage collectif aux éditions Economica, ont repris le titre d’un roman de l’Américaine Pearl Buck : Vent d’Est, vent d’Ouest. « Les marchés des matières premières sont pris entre un vent d’Est avec Xi Jinping et un vent d’Ouest avec [le président américain] Donald Trump, sachant que le vent [américain] est le plus imprévisible », analyse M. Chalmin. En raison de corrections sur les composantes les plus déprimées en 2016, comme le fret, le charbon à coke et le pétrole, l’indice Cyclope
du prix des matières premières pourrait progresser de 11 % en 2017, selon les prévisions du groupe d’études. Une hausse tirée d’abord par le cours du baril de brent, dont le prix moyen a été fixé à 54 euros. Mais aussi par le bond du charbon à coke, du fret vrac et du gaz naturel, en tête du classement des plus fortes progressions prévues cette année. A l’inverse, la queue de peloton est occupée par des matières premières agricoles, plombées par des récoltes abondantes, comme le cacao, le soja, le blé ou l’huile de palme. Retour en grâce Cyclope prévoyait, il y a un an, une baisse de 18 % de son indice pour 2016 et des prix durablement déprimés. Le premier trimestre, il est vrai, avait épousé cette tendance. L’exemple le plus spectaculaire fut celui de l’indice du fret maritime, le fret dit « sec » – celui des minerais et des grains –, tombé en février en dessous de 300, soit un niveau inférieur de 97 % aux records de mai 2008. Ou du brent, passant sous la barre des 30 dollars le baril. Pourtant, dès le printemps, des signaux d’un réveil des marchés apparaissaient. Le sucre se redressait avec vigueur. A partir de l’automne, un véritable retour en grâce des matières premières se dessinait. Avec en tête de file les métaux industriels, et le zinc en particulier. Une certaine réduction de la production, couplée à
Les marchés sont pris entre un vent d’Est chinois et un vent d’Ouest américain, qui est le plus imprévisible » PHILIPPE CHALMIN
président de Cyclope
un maintien de la consommation, redonnait de l’appétit aux investisseurs. Même le cuivre, pourtant moins porté par des fondamentaux favorables, finissait par s’envoler après l’élection de Donald Trump. Un « rally Trump », comme le dénomme Cyclope, soutenu par les projets d’investissements massifs dans les infrastructures promis par le nouveau chef de la Maison Blanche. La crise charbonnière, causée par une baisse de la production chinoise alors que les besoins ne faiblissaient pas, enflammait aussi les cours du charbon. Vent d’Est, vent d’Ouest, déjà… Finalement, l’indice Cyclope a mesuré une baisse générale des prix des matières premières de 10 % sur l’ensemble de l’année 2016, contre les 18 % initialement prévus. Les matières premières agricoles restant globalement à la traîne, alors que les conditions météorologiques favorables gon-
flaient les récoltes. Mais c’est surtout ce très fort rebond de fin d’année qui n’avait pas été anticipé. Pour 2017, M. Chalmin table « sur la poursuite de la montée en puissance des Chinois ». Le congrès du Parti communiste chinois, à l’automne, pourrait donner un nouveau mandat à Xi Jinping et le conforter dans sa volonté d’atteindre les objectifs de croissance fixés à 6,7 %. La demande de la Chine, devenue l’un des plus gros consommateurs de ressources naturelles, devrait donc être soutenue. Côté américain, Cyclope estime la croissance à 2,5 %. Reste à savoir si les promesses électorales de M. Trump se concrétiseront ou non. Et comment évolueront les relations entre les Etats-Unis et la Chine. Après avoir ouvert des procédures pour tenter d’imposer des taxes sur les importations d’aluminium et d’acier, des mesures qui affecteraient obligatoirement la Chine, les Etats-Unis viennent toutefois de signer un accord commercial avec l’ancien empire du Milieu. L’enjeu : exporter du bœuf américain contre de l’achat de volaille. Autre incertitude qui conditionnera les marchés : les groupes miniers ont vu leur situation financière se redresser. Ils pourraient être tentés de relancer leur production alors que les cours se sont redressés. Au risque de faire rechuter les prix… p laurence girard
L
es salariés Mim n’ont pas dit leur dernier mot. Quatre des salariés de l’enseigne d’habillement, mise en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny le 26 avril, ont décidé de relancer leur projet de société coopérative ouvrière et participative (SCOP) pour reprendre 110 de ses magasins et 500 de ses salariés. Un premier projet avait été monté à la hâte dans le cadre d’une offre de reprise à la barre du tribunal. Il n’avait pas été retenu par les juges de Bobigny. Depuis, les liquidateurs judiciaires sont à la recherche de repreneurs pour les 126 magasins Mim, restant après « résiliation des baux éphémères », précise Me Jim Sohm, l’un des deux liquidateurs désignés par les autorités judiciaires. L’enseigne, née en 1976, exploitait 233 succursales en France. Le groupe français Etam et l’enseigne suisse Tally Weijl ont obtenu 71 points de vente à la barre du tribunal, en reprenant 287 salariés. Depuis, près de 800 employés sont dans l’expectative. « Nous avons obtenu déjà reçu plusieurs manifestations d’intérêt pour les magasins liquidés », assurait jeudi 11 mai Me Sohm. Parmi elles figure le projet de SCOP imaginé par Isabelle Vilela, gestionnaire de stock de Mim, déléguée du personnel du syndicat SECIUNSA, Michael Gharbi, responsable de la hotline, autre élu syndical SECI-UNSA, Loïc Bossière, directeur commercial, et Mathieu de Mesmay, directeur des ressources humaines. Ces quatre salariés espèrent relancer l’enseigne sur un créneau de mode basique en reprenant notamment les magasins situés à Paris dans le centre commercial du Forum des Halles, des gares de l’Est et du Nord, ainsi que ceux de la gare Saint-Charles, à Marseille (Bouches-du-Rhône), et du centre commercial La PartDieu, à Lyon (Rhône). « Nous avons besoin d’un prêt de 10 millions d’euros », explique M. Gharbi, qui assure avoir le soutien de plusieurs fournisseurs et d’une « centaine de salariés Mim ». Les quatre porteurs du projet de SCOP multiplient les rendez-vous
dans les ministères pour décrocher un prêt du Fonds de développement économique et social. Mercredi 3 mai, ils ont été reçus à Bercy par des représentants des ministères de l’industrie, du commerce et du travail pour une réunion technique. Le secrétaire d’état à l’industrie, Christophe Sirugue, avait assuré au président du tribunal de commerce, lors du redressement judiciaire, que l’Etat était « prêt à s’engager pour soutenir » le projet « en examinant sans délai l’octroi d’un prêt ». « Plus politique que technique » Qu’en sera-t-il après la nomination d’un nouveau gouvernement ? « C’est une question politique plus que technique », juge un proche du dossier. En cette « période de transition » et de passation des dossiers relevant de la restructuration d’entreprises en difficulté, les services de l’Etat assurent tout entreprendre pour « éviter la rupture dans l’instruction ». Le temps presse. Les salariés Mim doivent décrocher leur financement d’ici au 2 juin, date limite de dépôt des offres auprès des autorités judiciaires. D’ici là, les services de l’Etat les pressent de fédérer davantage de salariés en les associant au capital de la SCOP. La part sociale serait de l’ordre de 50 euros. Ils doivent aussi peaufiner leur business plan pour démontrer la viabilité de leur projet. Pour l’heure, les porteurs du projet tablent sur un bénéfice d’exploitation de 2 millions d’euros, un an après la relance de l’enseigne. Ce ne sera pas aisé. Le marché de l’habillement est laminé par une crise sans précédent depuis 2008. La concurrence s’est durcie sur le segment de l’entrée de gamme, notamment depuis l’entrée en France de la chaîne irlandaise Primark, précise M. Gharbi. Toutefois, ce projet bénéficie d’un appui de poids aux yeux des pouvoirs publics. Il prévoit la nomination, en tant que directeur général, de Xavier Wilmes, ancien directeur commercial et ancien PDG de l’enseigne. p juliette garnier
CON J ON CT U R E
I N D UST R I E
L’industrie et l’investissement ralentissent en Chine
Les résultats de Toshiba plombés par Westinghouse
La Chine a vu sa production industrielle ralentir fortement en avril, à + 6,5 % sur un an, très en deçà du bond de 7,6 % enregistré en mars, selon les chiffres publiés lundi 15 mai par le Bureau national des statistiques, qui décrivent un net assombrissement de la conjoncture. Les investissements en capital fixe, reflet notamment des dépenses dans les infrastructures, ont aussi connu un tassement sensible, avec une hausse de 8,9 % seulement sur un an pour la période janvier-avril. – (AFP.)
Le conglomérat industriel japonais Toshiba, plombé par sa filiale nucléaire américaine Westinghouse, qu’il a placée en faillite, évalue à 950 milliards de yens (près de 8 milliards d’euros) sa perte nette annuelle 2016-2017, selon une estimation publiée lundi 15 mai pour tenter de répondre aux exigences des autorités boursières et des actionnaires. – (AFP.)
D ÉF EN S E
La Russie et l’Arabie saoudite se sont accordées pour prolonger la réduction de leur production de pétrole brut jusqu’en mars 2018, afin de rééquilibrer le marché pétrolier mondial, ont annoncé les ministres de l’énergie des deux pays, lundi 15 mai. Cette annonce intervient à quelques jours de la prochaine réunion officielle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, le 25 mai. – (Reuters.)
Le PDG de Dassault évoque un nouveau contrat en Inde Le PDG du groupe Dassault, Eric Trappier, a rapporté, dimanche 14 mai, dans un entretien publié sur le site du quotidien régional Sud-Ouest, que des négociations étaient en cours avec l’Inde pour un nouveau contrat de vente d’au moins une cinquantaine d’avions de combat Rafale.
EN ER GI E
Moscou et Ryad vont prolonger l’accord sur le pétrole
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Les séries bousculent le cinéma nicole vulser
A
lerte sur la Croisette ! Un ennemi insidieux menace le monde du cinéma. Il obsède désormais toute la profession qui déferlera à partir de ce mercredi 17 mai au Festival de Cannes : les séries télévisées. Longtemps le sujet n’en était pas un. Le métier se partageait naturellement entre « la plèbe qui faisait de la télé » et « l’aristocratie à qui était réservé le cinéma », assure Serge Hayat, président de la Sofica Cinémage. Aujourd’hui, « les frontières s’estompent, au point qu’il existe désormais une porosité totale entre petit écran et septième art depuis l’engouement mondial pour les séries », assure-t-il. Même si cette révolution n’affecte pas, pour l’heure, la fréquentation en salle, elle bouleverse déjà en profondeur toute l’industrie. En 2016, il s’est produit aux Etats-Unis la bagatelle de 455 séries originales, soit deux fois plus qu’en 2010. Les commanditaires se multiplient : des chaînes de télévision traditionnelles comme HBO, ABC, NBC, CBS, mais aussi des plates-formes Internet comme Netflix, Amazon, YouTube, ou encore des syndications de télévisions câblées comme Hulu… Avec un temps de retard, la France succombe à son tour aux charmes du genre et multiplie les productions ambitieuses.
En l’espace de dix ans, ce genre télévisuel a gagné ses lettres de noblesse. Chaînes traditionnelles, plates-formes Internet et maisons de production misent sur cet eldorado et multiplient les œuvres ambitieuses. Au détriment des films ? Le Bureau des légendes constituent désormais des produits d’appel essentiels pour une chaîne comme Canal+. De moins en moins de films drainent l’audience des chaînes de télévision. Sur le premier trimestre 2017, seuls quatre longsmétrages – les inusables Bienvenue chez les Ch’tis, Les bronzés font du ski, Lucy et La Grande Vadrouille – figuraient au palmarès des quarante meilleures audiences des grandes chaînes hertziennes en clair, contre treize épisodes de séries, pour lesquels les chaînes disposent d’une exclusivité. Ce désamour entre la télévision et le cinéma se traduit par une volonté de remise à plat de la chronologie des médias, ce calendrier selon lequel les films doivent être diffusés dans les différents supports existants (vidéo, télévision payante, télévision non payante…) après leur sortie en salle. Canal+, le principal banquier du cinéma français, espère assou-
plir ses obligations en faveur du septième art. « Il faut repenser le système entre le cinéma et la télévision, On est arrivé au bout d’un cycle », constate M. Hayat. Un nouveau modèle économique est à inventer d’urgence. LA CRÉATIVITÉ A CHANGÉ DE CAMP
D’autant que la qualité des programmes s’est considérablement améliorée. Disposant de budgets importants (jusqu’à 10 millions de dollars l’épisode), les séries anglo-saxonnes ressemblent aujourd’hui à s’y méprendre à de bons films. L’onde de choc des House of Cards, The Crown ou Sense 8 sur le septième art français a modifié le regard porté sur ce genre et sur la télévision qui le diffuse. La créativité semble même parfois avoir changé de camp. A Hollywood, où les majors ne parient plus que sur les blockbusters, les films de superhéros pour les adolescents – surtout s’ils peuvent se décliner en suites –, le petit écran
« FINANCER DES SÉRIES EST BEAUCOUP MOINS RISQUÉ QUE DE PRODUIRE UN FILM » SIDONIE DUMAS
directrice générale de Gaumont
est devenu, pour les scénaristes et les réalisateurs, un nouvel espace de liberté. Les barrières, les obligations qui corsètent le cinéma tombent. En Europe aussi, les télévisions qui expliquaient auparavant au réalisateur de téléfilm à quelle minute les amoureux devaient échanger leur premier baiser se plient désormais à cette nouvelle donne. Du coup, les producteurs français se précipitent sur cet eldorado. Parmi les premiers à avoir compris l’intérêt de ce filon, Nicolas Seydoux, le président de Gaumont, a décidé d’ouvrir dès 2011 une petite antenne à Los Angeles, qui compte aujourd’hui 25 salariés. Avec une intention claire : embaucher des pointures outre-Atlantique pour proposer des scénarios et tester la réaction des chaînes américaines ou des nouveaux acteurs d’Internet. Bien lui en a pris. Gaumont a déjà signé Hannibal pour NBC, Hemlock Grove pour Netflix ou encore, toujours pour ce dernier, les deux brillantes saisons de Narcos, qui mettent en scène les aventures du trafiquant de drogue Pablo Escobar. « La troisième et la quatrième saison sont engagées », précise Sidonie Dumas, directrice générale de Gaumont. A ses yeux, « financer des séries est beaucoup moins risqué que de produire un film », pour lequel la sanction de la fréquentation en salle peut s’avérer fatale. « Pour une série télévisée, on ne commence qu’à condition d’avoir l’intégralité du financement, poursuit-elle. Tout est donc financé en amont. » L’unique risque – assez minime –
UN MODÈLE ÉCONOMIQUE À REPENSER
Pourquoi une telle déferlante ? « Avec la TNT et les plates-formes, la fragmentation de l’audience a fragilisé les chaînes, qui doivent se battre pour garder leurs abonnés et leurs annonceurs », explique Serge Hayat. Parallèlement, les films, déjà vus en salle, sur Canal+, en vidéo à la demande, voire en piratage, arrivent « essorés » sur les chaînes en clair. Aux yeux du président de la Sofica Cinémage, « le cinéma s’est démonétisé sur les chaînes historiques ; il ne constitue plus un contenu exclusif qui permet à une chaîne de renforcer sa propre marque » et d’engranger des recettes publicitaires. Si bien que certains longs-métrages sont cofinancés par des télévisions qui ne les diffusent jamais, redoutant de ne pas faire assez d’audience, et donc de perdre de l’argent. Résultat, le principal client et financeur du cinéma en France – la télévision, contrainte par la loi de financer le septième art et de le diffuser – n’est plus aussi friand de films que par le passé. La compétition fait rage avec les événements sportifs, l’actualité, les talkshows. Et, surtout, les séries. The Young Pope, Les Revenants, Baron noir, Versailles, Braquo,
Les productions scandinaves crèvent l’écran il était l’un des invités d’honneur du festival Séries Mania à Paris, mi-avril. Il était reparti de Cannes, quelques jours plus tôt, avec deux des six prix décernés par le Marché international des programmes de télévision (MIPTV) pour sa dernière production, Ride Upon the Storm, qui sera diffusée à partir du 24 septembre sur la chaîne publique danoise DR, et qui est déjà annoncée comme l’un des grands rendez-vous télévisés de l’automne. Et pour cause : son showrunner, Adam Price, 50 ans, n’est autre que l’auteur-réalisateur de la série politique Borgen, diffusée entre 2010 et 2013, encensée par la critique et vendue dans 80 pays. A l’époque, l’ancien patron de la fiction de DR mettait ses troupes en garde contre d’éventuelles ambitions internationales, après le succès de The Killing. « Il pensait que la série était trop locale, qu’elle ne voyagerait pas bien », raconte sa successeure, Piv Bernth. Il s’est trompé. L’intention, pourtant, n’a jamais été de produire des succès internationaux. « Nous essayons juste de faire des séries qui intéressent les Danois », explique
Piv Bernth. Elle y voit une des raisons du succès : « Nous racontons la subtilité et la complexité de la vie des Danois. C’est ce que nous savons faire de mieux. Ce qui nous permet aussi de raconter des histoires universelles. » La seule règle : ne jamais se répéter. « Quand les autres font du polar, nous faisons autre chose », lance la chef de la fiction de DR. Dans Ride Upon the Storm, Adam Price aborde le thème de la foi, avec, dans le rôle principal, l’acteur Lars Mikkelsen (le président Viktor Petrov de House of Cards et le méchant Charles Magnussen de Sherlock). La série est coproduite avec Arte. Des showrunners et des acteurs convoités Les producteurs étrangers font la queue pour être au générique des productions scandinaves. L’allemand ZDF est presque de tous les coups. Canal+ a coproduit la série Midnight Sun (Jour polaire) avec le suédois SVT ; Arte est impliquée dans Occupied, le thriller politique norvégien de Jo Nesbo. Même les showrunners et les acteurs de la région sont convoités. Producteurs suédois et danois s’en amusent.
Quand ils sont allés à Hollywood dans les années 1980 en quête d’inspiration, ils ont dû frapper aux portes pour rencontrer les assistants. Aujourd’hui, on vient les chercher à l’aéroport en limousine… A l’époque, les chaînes publiques scandinaves diffusent surtout des adaptations de pièces de théâtre et de romans. Des Etats-Unis, les producteurs ramènent le concept du showrunner. Ils recrutent des auteurs-réalisateurs. Lars von Trier est un pionnier, avec L’Hôpital et ses fantômes, série psychédélique diffusée dès 1994. En comparaison des grosses productions américaines, les budgets sont serrés. Les chaînes compensent par des intrigues bien ficelées et des personnages complexes. A l’étranger, la sobriété séduit. Le défi, désormais, est de se renouveler, conclut Piv Bernth : « Ce n’est pas difficile de faire une série, mais c’est compliqué d’en faire une bonne. » Surtout sur un marché mondial presque saturé, où les studios privés scandinaves jouent des coudes. p anne-françoise hivert (malmö, correspondante régionale)
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peut donc venir d’un dépassement du budget en cours de tournage. Cette diversification dans les séries américaines et françaises représente désormais la moitié du chiffre d’affaires de Gaumont et permet de lisser les risques financiers de l’activité cinéma. Les recettes des séries proviennent surtout des ventes à l’étranger. D’où l’intérêt d’envisager, dès le départ, des séries à vocation internationale, ce qui explique le recours fréquent à des coproductions. Pour sa part, Netflix achète souvent en exclusivité les droits d’une série pour tous les territoires où la plate-forme est présente. Elle peut ainsi sortir le même jour un nouvel épisode dans un maximum de pays et réduire considérablement les risques de piratage. Dans l’Hexagone, UGC veut suivre la voie tracée par Gaumont et a embauché Franck Calderon, ex-producteur des fictions de TF1 Production, pour mettre en chantier des conventions d’écriture de séries. Avec l’espoir de commencer un premier tournage dès cette année. Presque toutes les grosses maisons françaises de production se sont engagées dans ce sillon, comme EuropaCorp, la société de Luc Besson, mais aussi le groupe Lagardère, celui de Stéphane Courbit (Banijay) ou encore Federation Entertainment. Sans compter toutes les filiales de production des chaînes de télévision, qui redoublent d’efforts dans ce domaine. Jérôme Seydoux, président de Pathé, reste l’un des seuls qui refuse de céder aux sirènes des séries et préfère se concentrer sur le cinéma. Sa position est aussi tranchée que celle du Festival de Cannes, qui refuse, à trois exceptions près, tout mélange avec les séries télévisées. Chacun chez soi. D’autant qu’au moins deux festivals de séries TV – à Cannes, mais en dehors du festival de cinéma, et à Lille – sont annoncés pour 2018. Celui qui existe à Paris pourrait aussi être maintenu.
Les séries s’invitent sur les plates-bandes du cinéma 1
2
NOMBRE DE SÉRIES DIFFUSÉES AUX ÉTATS-UNIS 455 389 419 349 266 288 216
DES INVESTISSEURS SÉDUITS
BUDGETS EN MILLIONS D’EUROS PAR ÉPISODE Série française
Coproduction
2012
2014
4
Le Bureau des légendes Canal +
4,5
2010
2016
78,6 %
87,7 %
2,7 Versailles Canal +, Super Ecran (Canada)
2016
PART DES SOIRÉES DE FICTION CONSACRÉES AUX SÉRIES SUR 6 CHAÎNES FRANÇAISES(1), EN %
VOLUME SOUTENU FINANCIÈREMENT PAR LE CNC(4) EN HEURES
Série américaine
1,6
Dix pour cent France 2
2010
Part belle faite aux séries dans la fiction TV française(3)
Des budgets comparables à ceux du cinéma
1
812
Séries et feuilletons Téléfilms
The Young Pope Canal +, HBO, Sky
4,64
House of Cards Netflix
526
9,4 180
Coût moyen d’un film de fiction en France en 2016
10
58
2010
The Crown Netflix
9
2016
FINANCEMENT DES SÉRIES TV(5) PAR LES DIFFUSEURS EN MILLIONS D'EUROS 134
Game of Thrones HBO
116
RÉPARTITION PAR CATÉGORIE DES 100 MEILLEURES AUDIENCES À LA TÉLÉVISION FRANÇAISE EN 2016
113
10
Westworld HBO
98 61
39
61
The Get Down Netflix
Episodes de séries 12 épisodes de Section de recherches (TF1), 6 du Secret d’Elise (TF1), 6 de Sam (TF1)...
« EXPÉRIENCE ÉMOTIONNELLE NOUVELLE »
Cet afflux d’intérêt et d’argent attire davantage encore les grands réalisateurs et scénaristes que le genre renouvelle le mode de narration. « Les séries constituent une expérience émotionnelle nouvelle pour les spectateurs qui, jusqu’à présent, n’étaient pas habitués à des durées si longues – de dix heures », explique Pascal Breton, à la tête de la société de production indépendante Federation Entertainment, à qui l’on doit Marseille ou Le Bureau des légendes et qui a coproduit Hostages et la série scandinave Bordertown. Les personnages comme les scénarios peuvent, de ce fait, prendre davantage d’épaisseur. Eric Rochant a joué le rôle très particulier de showrunner – super chef d’orchestre – pour Le Bureau des légendes. « En dupliquant le système américain dans les studios de Saint-Denis, il a pu superviser l’élaboration de l’ensemble des dix épisodes à la fois, comme dans une usine à fabriquer des séries, explique Pascal Breton. Eric contrôle à la fois l’écriture, le tournage et le montage. » Ce qui permet de livrer chacun des épisodes à temps. « Un sujet aussi franco-français qu’une DGSE [Direction générale de la sécurité extérieure] où l’on fabrique les fausses identités de clandestins en mission à l’étranger a été vendu dans plus de 70 pays. C’est un miracle », se félicite le producteur. La Fémis, la grande école française du cinéma, a d’ailleurs créé un département consacré aux séries. Une nécessité, selon ses responsables, Emmanuel Daucé et Franck Philippon. « En France, la création de séries accuse encore un retard », notamment « en matière d’écriture sérielle, de lien avec la production exécutive et artistique », affirment-ils. Mais notre pays bénéficie aussi d’atouts. Contrairement aux Etats-Unis, où les cinéastes ne cumulent jamais le rôle de scénariste et celui de réalisateur, les auteurs de la Nouvelle Vague y sont rompus, ce qui peut les inciter à devenir un jour de vrais showrunners, à l’instar d’Eric Rochant. Les ponts entre le septième art et la télévision sont donc appelés à se renforcer. D’autant que les stars d’Hollywood n’ont plus peur de figurer au générique des séries. C’est le cas de Martin Scorsese dans Boardwalk Empire, Nicole Kidman dans Big Little Lies, ou Jude Law dans The Young Pope. En France, auteurs et réalisateurs franchissent aussi le Rubicon. Danièle Thompson et Philippe Le Guay sont les prochains attendus sur la liste. Ce dernier aura la tâche de convertir l’un de ses longs-métrages, Les Femmes du 6e étage, en série. La concurrence des séries remue donc de fond en comble le cinéma, sans toutefois avoir, jusqu’à présent, le moindre impact sur la fréquentation en salle. Au contraire. En 2016, le Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC) a comptabilisé 213 millions d’entrées (+ 3 6 % par rapport à 2015), soit le deuxième meilleur résultat depuis cinquante ans (derrière le record de 2011) et la meilleure performance d’Europe. Signe encourageant que l’engouement pour les séries – s’il suscite des tensions entre les chaînes et le cinéma – ne vide pas pour autant les salles de cinéma de l’Hexagone. Pour l’instant. p
UN MARCHÉ EN PLEIN ESSOR
Entre 1 et 20
Entre 100 et 150
Coût moyen en 2016 d’un film indépendant aux Etats-Unis
29
3
23
7
Retransmissions sportives
Films
FRANCE 2
FRANCE 3
2010 2016
2010 2016
41
34
Coût moyen d’un blockbuster aux Etats-Unis en 2016
Emissions de divertissement
TF1 2010 2016 21
CANAL +
15 ARTE
5
2010 2016 2010
2016
18
M6 2010 2016
DES PRODUCTIONS ATTIRANT LES STARS DU 7E ART
Jennifer Aniston Friends
Matthew McConaughey True Detective
EXEMPLE D’ACTEUR/ACTRICE RÉVÉLÉ(E) dans une série jouant désormais au cinéma
Jude Law The Young Pope
Natalie Portman We Are All Completely Beside Ourselves
Anthony Hopkins Westworld
Emma Stone Maniac
au cinéma jouant désormais dans une série
2 JT SÉRIES LES PLUS TÉLÉCHARGÉES SUR BITTORRENT(2) EN 2016 1 – Game of Thrones
Jim Carter Downton Abbey
Laurence Fishburne Hannibal
Bryan Cranston Malcolm
Benedict Cumberbatch Sherlock
Kevin Spacey House of Cards
2000
2010
2013
George Clooney Urgences
2 – The Walking Dead 3 – Westworld
TF1, France 2, France 3, Canal +, Arte, M6 (2) Site de téléchargement illégal (3) Fiction audiovisuelle aidée (4) Centre national du film et de l'image animée (5) Tous rangs de diffusion confondus
(1)
Matthieu Kassovitz Le Bureau des légendes
Nicole Kidman Big Little Lies
SOURCES CNC, MÉDIAMÉTRIE, FX RESEARCH NETWORKS, TORRENTFREAK, ARTE, ON STRIDE FINANCIAL RÉALISATION CLARA DEALBERTO, LÉA DESRAYAUD
1994
2014
2015
2016
2017
2018
Année de diffusion de la saison 1
La sélection de deux films de Netflix au Festival de Cannes sème la zizanie netflix a déjà suscité de nombreuses polémiques aux Etats-Unis et en France, mais celles-ci n’avaient pas, jusqu’ici, concerné directement le cinéma. Or, cette année, la préparation du Festival de Cannes (17-28 mai) donne lieu à un drame après le choix du jury de sélectionner deux films financés par la plate-forme américaine de vidéo à la demande : Okja, de Bong Joon-Ho, avec Jake Gyllenhaal, et The Meyerowitz Stories, de Noah Baumbach, avec Dustin Hoffman. Ce qu’on leur a reproché : comme les séries, ces films ne devaient être diffusés qu’auprès des abonnés de Netflix, et pas en salle. Jusqu’ici connu pour ses investissements dans les séries, comme House of Cards ou Orange is the New Black, Netflix goûte la difficulté de pénétrer le milieu du cinéma. L’entreprise américaine consacre aux « contenus originaux » 20 % à 25 % de son colossal budget d’achat de contenus, qui pèse 6 milliards de dollars (5,5 milliards d’euros) en 2016 au total. Selon ses détracteurs, dont la Fédération nationale des cinémas français, Netflix « foule aux pieds » la chronologie des médias française,
qui assure aux salles une exclusivité d’exploitation pendant les quatre premiers mois et impose un délai de trois ans avant toute sortie en vidéo à la demande par abonnement. La plateforme menacerait le système de financement du cinéma français, auquel chaque diffuseur contribue en échange d’une « fenêtre » de temps d’exploitation. Rentabilité et notoriété En réponse, Netflix a souligné que d’autres films sélectionnés à Cannes avaient déjà été privés de sortie en salle car les exploitants n’assurent pas bien la diffusion des films d’auteur. La plate-forme américaine a reçu le soutien de producteurs, avant de tenter une solution de compromis : les deux films sortiront seulement dans certaines villes pour un nombre de séances limité. De son côté, le Festival a conservé les deux œuvres dans sa sélection, mais a rendu la sortie en salle obligatoire à partir de 2018. Fin de l’histoire ? Loin de là. La controverse cannoise n’est que la résultante de l’investissement continu de Netflix dans le cinéma. En octobre 2015 sortait son premier film, Beasts of No
Nation. Depuis, il a produit ou acheté des œuvres en tout genre : un remake de Tigre et Dragon, mais aussi les films à paraître War Machine, avec Brad Pitt, Bright, avec Will Smith, The Irishman, de Martin Scorsese, ou encore les comédies au second degré d’Adam Sandler. Lors du renouvellement de ce dernier contrat, Netflix a précisé que les films de l’acteur ont généré 500 millions d’heures de visionnage depuis fin 2015. Lors du week-end de sa sortie, Beasts of No Nation aurait été vu 3 millions de fois. Ces rares chiffres montrent l’intérêt que Netflix peut avoir à financer des films, qui représentent un tiers du temps de visionnage de ses abonnés : acheté au bon prix, un long-métrage peut se révéler aussi « rentable » qu’une série. Le cinéma est aussi un moyen d’attirer des stars encore plus connues. Et d’accroître la notoriété de Netflix, encore quasi inconnu dans certains des 190 pays où il est présent. La plateforme vient de passer la barre des 100 millions d’abonnés et espère que cette base lui permettra d’accroître encore ses investissements dans les contenus, qu’il s’agisse de séries… ou de films. p alexandre piquard
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Iles flottantes, le projet fou des libertariens La Polynésie est prête à accueillir au large de ses côtes les cités rêvées par des grands noms de la Silicon Valley suite de la première page
Le magazine « Tahiti Pacifique » qualifie le projet de « paradis artificiel pour geeks millionnaires »
« Il n’y a pas deux solutions à un problème. Il y en a des milliards, ajoute Joe Quirk. Et il n’y a pas d’endroits où elles puissent être expérimentées. Notre but est de créer la technologie pour que les gens puissent édicter leurs propres règles de gouvernement ». Joe Quirk vient de publier avec Patri Friedman, ingénieur chez Google, un plaidoyer pour les nations flottantes. Selon les deux auteurs, c’est une réponse à la montée des eaux : elles permettraient de reloger les réfugiés climatiques et régleraient aussi les problèmes de cohabitation entre humains qui ne supportent plus les désaccords. En cas de divergences, il suffirait de divorcer et d’aller ancrer son île ailleurs. Plus de conflits, plus de problèmes d’immigration : les îles flottantes sont expansibles, « il suffira d’assembler et de désassembler les unités » comme des blocs de Lego. Un coût faramineux Le projet de colonisation des mers avait fait du bruit après son lancement en 2008, d’autant qu’il était soutenu par l’un des cofondateurs de PayPal, le libertarien Peter Thiel qui avait promis d’y injecter 1,7 million de dollars. C’était l’époque de la Silicon Valley triomphante. Les promoteurs du projet pensaient ancrer leur île dans les eaux internationales, quelque part au large de San Francisco, loin des réglementations étatiques. Rapidement, ils ont pris la mesure du coût faramineux que représenterait l’implantation d’une telle structure en haute mer, à plus de 200 miles nautiques des terres. Sans parler des réticences des « gentils membres » à aller s’exiler dans les eaux grises du Pacifique nord. Peter Thiel – aujourd’hui le principal soutien de Donald Trump dans la Vallée – a pris ses distances
Le projet d’île flottante imaginé par les Californiens du Seasteading Institute. MARKO JARVELA/SEASTANDING/REX FEATURES
en 2014. Plutôt que de renoncer, le groupe a révisé ses plans à la baisse : les plates-formes devraient être près des côtes et dans un environnement confortable. Restait à trouver un pays hôte. A leur grande surprise, les libertariens californiens ont été approchés par le gouvernement de Tahiti. Le 13 janvier, le ministre polynésien du logement, de l’urbanisme et du numérique, Jean-Christophe Bouissou est venu à San Francisco signer avec Randy Hencken, le directeur général du Seasteading Institute, un « memorandum of understanding » ou « recueil d’intentions réciproques ». Dans ce protocole, les signataires s’engagent à « mettre en com-
mun leurs efforts en vue de la réalisation d’un projet pilote d’îles flottantes en Polynésie française ». La partie américaine prend à sa charge les études de faisabilité technique et juridique requises par le territoire français. Elle s’engage à recourir aux énergies renouvelables et respecter les normes environnementales. Et promet qu’elle « ne s’intéressera à aucune ressource minière terrestre ou océanique ». Attirer les investisseurs Le Seasteading Institute, qui avait étudié d’autres implantations, des Maldives aux îles Marshall ou au Honduras, est ravi de cette collaboration inattendue. A huit heures de vol de
Los Angeles, la Polynésie française présente l’avantage de ne connaître ni cyclones ni tsunamis, souligne Joe Quirk ; de posséder une « grande stabilité institutionnelle » et des connexions à haut débit, grâce à un câble sousmarin relié à Hawaï. Le gouvernement d’Edouard Fritch espère lui profiter des retombées économiques, estimées à plus de 30 millions de dollars. « Notre petit pays de 3 500 km carrés de terres émergées et de 270 000 habitants va avoir la chance de bénéficier d’un saut technologique », s’est félicité M. Bouissou, interrogé sur le scepticisme des Polynésiens à l’égard de ce que le magazine Tahiti Pacifique a décrit comme un
Réalité virtuelle : MiddleVR prend son envol La société française vient de signer un contrat avec le Centre national d’études spatiales et devrait bientôt ouvrir un bureau aux Etats-Unis, après celui ouvert en Chine
A
près la NASA, le CNES. A croire que l’aérospatiale sourit à MiddleVR. Cette start-up française spécialisée dans la réalité virtuelle (VR) vient de convaincre le Centre national d’études spatiales d’adopter son logiciel Improov. Cette solution de travail collaboratif en réalité virtuelle permet notamment à des personnes séparées géographiquement de travailler ensemble sur des modèles 3D. Le CNES souligne ainsi que cette technologie lui servira dans « la conception des modèles 3D, par exemple pour le [lanceur spatial] réutilisable Callisto, ou le pas de tir Ariane 6 ». Sébastien Kuntz, le fondateur de MiddleVR, explique notamment que le logiciel permet de « faire des simulations en taille réelle d’objets très grands, là où il serait impossible – ou trop coûteux – de produire des prototypes ». Le logiciel Improov, primé au Salon de la réalité virtuelle de Laval (Mayenne) cette année, se distingue par sa capacité à gérer des modèles 3D complexes (ce qui nécessite un traitement informatique particulier pour leur restitution en VR), ou par l’intégration de fonctionnalités pratiques dans le monde virtuel – comme la possibilité d’accéder à son poste de travail réel, et donc par exemple à ses courriels, sans avoir à ôter le masque installé sur son visage. Im-
proov propose aussi d’intégrer des mannequins virtuels pour mesurer l’impact ergonomique des projets développés, pour réduire notamment les troubles musculosquelettiques des ouvriers dans la conception d’une usine. MiddleVR, qui s’était dans un premier temps positionnée comme fournisseur d’outils pour les développeurs d’applications en réalité virtuelle et dans le développement d’environnements de formation en VR (s’exercer sur des manipulations complexes ou dangereuses sur le réseau de GRDF ou de la SNCF par exemple), mise désormais sur ce nouvel outil pour développer sa croissance. Couvrir toute l’Asie Fondée en 2012 par M. Kuntz, qui a fait ses premiers pas dans la réalité virtuelle il y a une quinzaine d’années à la SNCF puis chez Dassault Systèmes, MiddleVR compte à ce jour près de 250 clients. Des entreprises françaises comme la SNCF, GDF ou General Electric, mais également des universités. La société a réalisé un chiffre d’affaires de près d’un million d’euros en 2016, dont 70 % à l’étranger. L’entreprise assure être bénéficiaire, « suffisamment pour supporter une équipe de quinze personnes sans avoir levé de fonds », explique son président. Pour favoriser son expansion, elle a an-
Pour le CNES, cette technologie servira dans « la conception des modèles 3D, pour le lanceur Callisto, ou le pas de tir Ariane 6 » noncé en février l’ouverture d’un bureau commercial en Chine pour couvrir toute l’Asie, et devrait prochainement en faire de même aux Etats-Unis. « On pense que la majorité de notre chiffre d’affaires viendra bientôt d’Improov », déclare M. Kunz. La commercialisation du produit fonctionne selon un système de licences. Le prix ? « Quelques centaines d’euros par an », sachant qu’un bon client équipe seulement trois ou quatre postes. Ce chiffre peut paraître limité. Mais quand il évoque le contrat noué avec la NASA, M. Kunz convient que même « si ce n’est pas le contrat du siècle, on a mis un pied dans la porte ». La société continue à ajouter des fonctionnalités à son logiciel en se fondant sur les retours de ses clients, et envisage de leur permettre de créer eux-mêmes des scénarios de formation.
La réalité virtuelle collaborative, ou social VR, est l’un des axes de développement de la réalité virtuelle. Parmi les acteurs qui affichent la plus grande ambition dans ce domaine figure Facebook, qui a présenté en avril Facebook Spaces, une application permettant « de passer du temps avec vos amis dans un environnement interactif et fun ». Dans le domaine professionnel, des solutions offrant à des interlocuteurs dispersés géographiquement de pouvoir se réunir dans des salons virtuels commencent à voir le jour. Mais pour MiddleVR, « il ne s’agit pas de faire du collaboratif en VR pour le plaisir d’en faire. Il faut qu’il y ait une problématique 3D à résoudre ; sinon, ça n’a pas beaucoup de sens ». MiddleVR assure ainsi que la réalité virtuelle permet à une entreprise comme Renault de réaliser 2 millions d’euros d’économie par an tout en réduisant de 20 % le temps de conception de ses véhicules. Le marché de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée (qui permet l’inclusion d’éléments virtuels dans le champ de vision réel) pourrait peser 143 milliards de dollars (130,7 milliards d’euros) en 2020, selon les prévisions publiées en février par le cabinet IDC. p vincent fagot
« paradis artificiel pour geeks millionnaires ». Le projet des Californiens est au cœur de la première conférence internationale sur les îles flottantes, organisée par Seasteading Institute du 15 au 18 mai à Tahiti. Pour le moment, il est surtout question de la création d’une zone économique spéciale, dont les avantages fiscaux permettraient d’attirer les start-up. Celles-ci pourraient travailler sur le recyclage des déchets, l’aquaculture ou le refroidissement de l’océan (mais il n’y aura pas de défiscalisation locale, promet l’Institut). Les fondateurs ont aussi mis en place une nouvelle entité, Blue Frontiers, qui espère attirer des
investisseurs et des résidents suffisamment riches pour venir s’installer sur le lagon. Selon Tahiti Pacifique, un groupe d’investisseurs, dont un Français et un entrepreneur venu de Biélorussie, auraient pris la succession de Peter Thiel dans le tour de table. Le projet pilote porte sur trois plates-formes de 2 500 mètres carrés, qui hébergeront quelque 200 habitants, des magasins et des bureaux à l’horizon 2020. Pour la forme que pourraient prendre les institutions politiques, compatibles avec le statut de la collectivité française, il faudra encore attendre les études de faisabilité. Rien n’est tranché non plus sur la réglementation, ou la non-réglementation, qui s’appliquera sur les plates-formes flottantes. Les libertariens, qui revendiquent le droit aux expériences médicales, cherchent à s’émanciper de la FDA (Food and Drug Administration) ou de l’Agence européenne du médicament. En auront-ils le droit ? Pour l’instant, les promoteurs du Seasteading cherchent surtout à rassurer. Loin des micro-Etats flottant pavillon libertarien, le projet pilote a l’allure d’un « incubateur à start-up spécialisées dans les technologies marines », explique Marc Collins, l’entrepreneur polynésien qui est à l’origine du rapprochement entre Tahiti et la Californie. L’utopie s’est quelque peu assagie. p corine lesnes
Lagardère Sports et la saga du stade Maracana
A
u Brésil, on parle désormais de la « télénovela du Maracana ». Une saga entourant le stade mythique de Rio de Janeiro, ponctuée de drames, de disgrâces, de rédemptions et de coups de théâtre. Le dernier épisode a eu lieu le 11 mai avec le forfait de Lagardère Sports, candidat au rachat de la concession de l’empire brésilien du football, propriété de l’Etat de Rio. Le spécialiste du divertissement sportif n’aurait pas obtenu les garanties financières, commerciales et politiques suffisantes. Un euphémisme pour traduire un certain agacement face à l’indécision d’un Etat de Rio en faillite. La crise économique fait rage et le pays est secoué par un scandale de corruption tentaculaire mettant en cause l’élite politique, dont l’ex-gouverneur de Rio, Sergio Cabral, ainsi que le groupe de BTP Odebrecht… détenteur de 95 % de la concession du Maracana. Le Maracana serait-il maudit ? Théâtre de larmes et d’euphories légendaires, le stade, qui a accueilli le 1 000e but de Pelé, est resté plusieurs mois à l’abandon après les Jeux olympiques d’août 2016 à la suite d’un conflit entre Odebrecht et le comité olympique. Le groupe de BTP, vainqueur d’un appel d’offres en 2013 entouré d’un parfum sulfureux (le contrat avait été signé à l’époque du gouvernement de Sergio Cabral), donnait surtout le sentiment de se désintéresser d’un endroit qu’il n’avait pu rentabiliser. En lice pour reprendre l’affaire à Odebrecht, moyennant 60 millions de reais (17,56 millions d’euros), hors versement à l’Etat de Rio, Lagardère Sports a pris des allures de sauveur, sûr de réussir là où le Brésilien avait échoué. « Gérer un stade, c’est un business », dit-on dans l’entourage du groupe français. Lagardère Sports ainsi que le français GL Events allié au britannique Chime Sports Marketing regardaient le dossier jusqu’à ce qu’en mars, le deuxième consortium jette l’éponge évoquant un manque de « garanties juridiques ». Pour la presse brésilienne, le réel motif de l’abandon s’appelait « Lava Jato » (« lavage express »), nom de l’opération judiciaire qui a mis au jour le plus gros scandale de corruption de l’histoire du Brésil. Lagardère Sports, lui, aurait peu apprécié que l’Etat réfléchisse in fine à lancer un nouvel appel d’offres. La goutte d’eau. p claire gatinois (sao paulo, correspondante)