I - Urgences Dermatologiques
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Œdèmes généralisés et œdèmes localisés N. Javaud, O. Fain L’œdème est un motif de recours fréquent aux urgences. En pratique clinique, le diagnostic positif d’œdème ne pose pas de problème. Tous ne sont pas pathologiques : les œdèmes discrets par temps chaud, les œdèmes modérés de la période prémenstruelle et de la grossesse sans hypertension ni protéinurie. L’examen clinique permet, avec le recueil de quelques éléments clés d’interrogatoire, de biologie et d’imagerie, de guider le raisonnement diagnostique et d’évoquer une étiologie. Le caractère généralisé des œdèmes oriente vers l’insuffisance cardiaque, les pathologies rénales (insuffisance rénale et syndrome néphrotique), la cirrhose décompensée et les pathologies digestives (malabsorption et entéropathie exsudative). Le caractère localisé et non inflammatoire de l’œdème oriente vers un angiœdème ou une pathologie thrombotique. Le caractère localisé et inflammatoire de l’œdème oriente principalement vers une pathologie infectieuse. Le traitement des œdèmes est étiologique. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Insuffisance cardiaque ; Insuffisance rénale ; Cirrhose ; Angiœdème
Œdèmes généralisés
Plan ■
Introduction
1
Albuminémie normale
■
Œdèmes généralisés Albuminémie normale Albuminémie basse
1 1 2
Origine cardiaque
■
Œdèmes localisés Non inflammatoires Inflammatoires
3 3 4
■
Bilan étiologique
4
■
Conclusion
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Introduction L’œdème, accumulation anormale de liquide dans les tissus, est un motif de recours fréquent aux urgences. L’œdème interstitiel désigne l’inflation du liquide contenu dans le secteur extracellulaire. L’œdème sous-cutané peut être associé à un épanchement des séreuses et/ou à un œdème viscéral. En pratique clinique, le diagnostic positif d’œdème ne pose pas de problème. Avant d’envisager une démarche diagnostique étiologique, il faut prendre en compte le fait que tous ne sont pas pathologiques : les œdèmes discrets par temps chaud, les œdèmes modérés de la période prémenstruelle et de la grossesse sans hypertension ni protéinurie. L’examen clinique permet, avec le recueil de quelques éléments clés d’interrogatoire, de biologie et d’imagerie, de guider le raisonnement diagnostique et d’évoquer une étiologie (Fig. 1). EMC - Médecine d’urgence Volume 10 > n◦ 3 > septembre 2015 http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(15)45541-2
Les œdèmes périphériques (Fig. 2) ainsi que les symptômes (dyspnée et fatigue) sont non spécifiques. Toutefois, le diagnostic d’insuffisance cardiaque est le plus souvent aisé. Dans les pays développés, 1 à 2 % de la population a une insuffisance cardiaque. La prévalence augmente à 10 % parmi les personnes de plus de 70 ans [1, 2] . L’orthopnée, la turgescence jugulaire et le bruit de galop ont une spécificité de 70 à 90 % pour le diagnostic mais seulement une sensibilité de 11 à 55 %. Ils doivent être évalués à la lumière de l’histoire de la maladie, de l’examen clinique et des résultats des examens complémentaires. L’interrogatoire recherche une maladie coronarienne (cause de l’insuffisance cardiaque dans deux tiers des cas), une hypertension et un diabète (facteurs contributifs importants). L’insuffisance cardiaque peut également résulter d’une cause génétique, une infection virale (passée inaperc¸ue ou pas), d’une intoxication alcoolique, d’une chimiothérapie. Les examens de routine, électrocardiogramme (ECG) et radiographie de thorax, ont une faible sensibilité mais peuvent fournir d’autres informations utiles (l’ECG peut retrouver une fibrillation auriculaire, un QRS large supérieur à 120 ms et une bradycardie sinoatriale). La radiographie peut mettre en évidence un œdème pulmonaire, une pathologie pulmonaire primitive [1, 2] . La mesure de la concentration des peptides natriurétiques est recommandée, puisque leurs taux sont élevés dans l’insuffisance cardiaque [3, 4] . L’échocardiographie permet la confirmation du diagnostic, fournit des informations sur la structure et la fonction myocardique et valvulaire. Elle permet la distinction entre insuffisance cardiaque systolique et diastolique. La
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25-040-A-10 Œdèmes généralisés et œdèmes localisés
Figure 1. Arbre décisionnel. Orientation diagnostique devant un œdème.
Œdème
Généralisé
Localisé
Albuminémie normale
Albuminémie ± basse
Non inflammatoire
1. Insuffisance cardiaque
1. Insuffisance hépatique
2. Glomérulonéphrite aiguë
2. Syndrome néphrotique 3. Insuffisance rénale
1. Aigu Angiœdème : - histaminique - bradykinique - syndrome de Gleich
3. Endocrinien 4. Médicament 5. Hyperperméabilité capillaire 6. Idiopathique
4. Pathologie digestive - malabsorption - entéropathie exsudative
2. Subaigu : thrombose veineuse
Inflammatoire 1. Infectieux : dermohypodermite 2. Rares : - toxiques : envenimation - rhumatismale - sclérodermie
3. Chronique : insuffisance veineuse ou lymphatique
peut s’agir d’une atteinte aiguë. L’existence d’une hypertension de début brutal associée à une hématurie macroscopique, une oligurie et une insuffisance rénale aiguë définit en présence d’œdèmes le syndrome néphritique aigu. La glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique représente l’exemple typique d’un groupe plus large de glomérulonéphrite postinfectieuse [6] .
Origines diverses plus rares Les causes endocriniennes, liées à l’hyperthyroïdie, au syndrome de Cushing sont plus rares. Les causes médicamenteuses doivent toujours être évoquées : glucocorticoïdes, inhibiteurs calciques, insuline, glitazones, interféron, etc. (liste non exhaustive). Le syndrome d’hyperperméabilité capillaire idiopathique (maladie de Clarkson) est une maladie rare caractérisée par des crises aiguës aboutissant à un choc hypovolémique, des œdèmes, une hémoconcentration (hématocrite élevée) et une hypoalbuminémie en l’absence d’albuminurie. Une gammapathie monoclonale de signification indéterminée est souvent associée [7] . Figure 2. Œdème du membre inférieur prenant le godet (insuffisance cardiaque).
documentation d’une fraction d’éjection normale ou subnormale (> 40 ou 50 %) est nécessaire pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque diastolique. Il requiert également une relaxation ventriculaire anormale, un remplissage et une distensibilité diastolique perturbés [1, 2] . L’insuffisance cardiaque par insuffisance ventriculaire droite est également possible. Elle s’observe lors des situations de cœur pulmonaire postembolique. L’incidence est de 4 % à deux ans dans une étude sur 223 patients ayant présenté une embolie pulmonaire. Les facteurs de risque de survenue de cœur pulmonaire chronique étaient : une récidive d’embolie pulmonaire, un âge jeune lors de l’épisode d’embolie, un défaut de perfusion important et une embolie idiopathique à la présentation [5] . L’insuffisance ventriculaire droite se rencontre aussi dans le cœur pulmonaire chronique secondaire aux bronchopathies chroniques obstructives. Le diagnostic, aisé, repose sur le terrain.
Origine rénale à caractère aigu Les œdèmes d’origine rénale touchent l’ensemble de l’organisme mais touchent plus particulièrement la face. Il
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Albuminémie basse Origine hépatique Ces œdèmes sont souvent associés à une ascite. Ils s’observent au cours des cirrhoses, qu’elle qu’en soit la cause. En France, l’alcool est la première cause de cirrhose. L’hépatite virale C en est la deuxième et la stéatohépatite non alcoolique la troisième. Les autres causes sont plus rares [8] . L’ascite et les œdèmes font parties des décompensations spécifiques liées à la cirrhose avec l’hémorragie digestive, le syndrome hépatorénal et l’encéphalopathie hépatique. Ces complications, potentiellement associées, doivent être recherchées lors de toute décompensation œdématoascitique [9, 10] .
Origine rénale à caractère chronique Les œdèmes peuvent accompagner une atteinte chronique telle qu’une insuffisance rénale ou un syndrome néphrotique. L’insuffisance rénale chronique se définit par une baisse du débit de filtration glomérulaire de plus de trois mois, souvent accompagnée d’une albuminurie. Les principales causes sont le diabète (45 %), l’hypertension (27 %), les glomérulonéphrites (8 %) et les néphrites interstitielles chroniques (4 %). Les autres EMC - Médecine d’urgence
Œdèmes généralisés et œdèmes localisés 25-040-A-10
Figure 3.
Angiœdème des lèvres.
causes sont plus rares (maladie héréditaire, vascularite, néoplasie, idiopathiques) [11] . Le syndrome néphrotique se définit par une protéinurie supérieure à 3 g par 24 heures. La néphropathie diabétique est la cause la plus fréquente de protéinurie néphrotique. Plusieurs maladies glomérulaires primitives peuvent être responsables d’un syndrome néphrotique au premier rang desquelles la glomérulonéphrite membraneuse [12] .
Origine digestive Les œdèmes sont secondaires à une hypoalbuminémie, d’origine non rénale ou non hépatique. Ils peuvent accompagner une gastroentéropathie exsudative (maladie de Whipple, maladie de Crohn, lymphome principalement). On retrouve une diarrhée, une hypoalbuminémie. Le diagnostic est réalisé par la mesure de la clairance de l’alpha-1-antitrypsine [13] . Ils peuvent être présents au cours des syndromes de malabsorption (maladie cœliaque, résections chirurgicales). La présence d’autres anomalies biologiques comme la carence martiale, l’hypocalcémie, l’hypovitaminose D permet de les évoquer. La confirmation est apportée par l’endoscopie avec biopsies duodénales et/ou jéjunales [13] .
Œdèmes localisés Non inflammatoires Aigus Les angiœdèmes (œdèmes non inflammatoires aigus) se manifestent par un gonflement d’apparition brutale, localisé, durant de quelques heures à deux à trois jours, réversibles et ne laissant pas de séquelles (Fig. 3). Ils peuvent toucher la face (joue(s), lèvre(s), paupières) et évoluer vers un œdème laryngé. En cas d’atteinte laryngée ou de tout autre partie des voies aériennes supérieures (langue notamment), le pronostic vital est engagé. Ces angiœdèmes sont caractérisés par le médiateur responsable de l’hyperperméabilité vasculaire : l’histamine ou la bradykinine. L’angiœdème histaminique est le plus fréquent [14, 15] . Il est caractérisé par sa rapidité d’installation et sa résolution rapide en quelques heures. Il s’accompagne souvent d’urticaire et de prurit (Fig. 4, 5). Il peut être allergique (médié par les immunoglobulines E [IgE]) ou non allergique (l’histaminolibération est non spécifique, ne mettant pas en jeu les IgE). L’angiœdème EMC - Médecine d’urgence
Figure 4.
Angiœdème histaminique du visage.
histaminique allergique est lié à des IgE dirigées contre un antigène alimentaire, médicamenteux, de venin d’hyménoptère ou de certaines substances (latex par exemple). L’angiœdème histaminique non allergique ne met pas en jeu l’immunité spécifique. La dégranulation mastocytaire d’histamine peut être induite par des médicaments : anti-inflammatoires non stéroïdiens, aspirine, morphine, etc. [16] . En cas d’anaphylaxie, le dosage d’histamine et de tryptase doit être effectué. Le traitement repose sur l’administration d’antihistaminiques. Lors des crises, les antihistaminiques doivent être administrés le plus précocement possible [15] . En cas d’anaphylaxie associée, l’injection intramusculaire d’adrénaline à la posologie de 0,01 mg/kg est indiquée en urgence [17, 18] . En prophylaxie des récidives, la posologie initiale d’antihistaminiques de nouvelle génération est de un comprimé par jour. Cette posologie peut être augmentée à deux comprimés par jour en cas de résistance au 15e jour de traitement [15] . La corticothérapie est discutée [18, 19] . L’angiœdème bradykinique (AE) est plus rare. Il dure deux à trois jours. Il est résistant au traitement par corticoïdes et antihistaminiques. L’angiœdème héréditaire peut être associé à un déficit en C1 inhibiteur (type I ou II) ou non (angiœdème héréditaire avec C1 inhibiteur normal) [20] . Cette maladie est rare : 1000 patients sont atteints environ en France. L’angiœdème acquis est principalement secondaire aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) [21] . Son incidence varie de 0,2 à 0,7 % après l’instauration du traitement. Compte tenu de la prévalence élevée d’hypertendus en France (6 millions dont 29 % traités par IEC), de diabétiques (3 millions dont 62 % sous IEC ou sartans) et du nombre de nouveaux cas par an d’infarctus en France (120 000 à 150 000), le nombre de cas potentiels d’AE sous IEC est important, avec une consultation aux urgences fréquente [22] . Les angiœdèmes secondaires aux IEC sont responsables d’une morbimortalité non négligeable. L’atteinte laryngée est présente dans 10 à 50 % des cas [22] . Le traitement des angiœdèmes bradykiniques repose sur l’administration précoce d’icatibant ou de concentré de C1 inhibiteur [23, 24] . Enfin, des pathologies plus rares peuvent être en cause : le syndrome de Gleich associe aux angiœdèmes récidivants une
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25-040-A-10 Œdèmes généralisés et œdèmes localisés
Tableau 1. Examens complémentaires à réaliser pour bilan d’œdèmes. Œdèmes généralisés
Œdèmes localisés
ECG Radiographie pulmonaire BNP ou pro-BNP ± échographie cardiaque Bandelette urinaire Protéinurie Créatinine plasmatique et albuminémie Bilan hépatique avec transaminases Bilan de coagulation avec TP et facteur 5 Ponction d’épanchements
D-dimères Doppler veineux et/ou abdominal Hémocultures Bilan thyroïdien Bilan immunitaire Bilan infectieux Bilan néoplasique Histamine, tryptase Complément, C3 C1 inhibiteur (fonctionnel et pondéral)
ECG : électrocardiogramme ; BNP : brain natriuretic peptide ; TP : taux de prothrombine.
Les autres causes à rechercher peuvent être : toxiques (envenimation), rhumatismales (arthrite, phase chaude de l’algoneuro-dystrophie) ou maladies systémiques (œdème lilacé de la sclérodermie, lupus).
Bilan étiologique L’orientation étiologique est le plus souvent obtenue par les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Le type d’examens complémentaires (Tableau 1) dépend de cette orientation.
Figure 5.
Lésion d’urticaire du dos.
hyperéosinophilie, une augmentation polyclonale des IgM et une corticosensibilité [25] .
Subaigus Un œdème localisé non inflammatoire subaigu est une thrombose veineuse ou compression veineuse jusqu’à preuve du contraire. L’œdème, présent dans un tiers des cas de thrombose veineuse profonde, est typiquement associé à une douleur du pied lors de sa dorsiflexion (signe de Homans) [26] . L’incidence annuelle des pathologies veineuses thromboemboliques est approximativement de 0,1 %. Un facteur de risque inné (déficit en antithrombine, déficit en protéine C, S mutation du facteur 5 Leiden, mutation du gène qui code le facteur 2) ou acquis (chirurgie, antécédent de thrombose, syndrome des antiphospholipides, cancer, hospitalisation, grossesse, traitement estrogénique) doit être recherché. La compressibilité veineuse ultrasonographique est l’élément diagnostique clé quand une thrombose veineuse est suspectée. La sensibilité et la spécificité de la compressibilité à l’échodoppler veineux sont de plus de 95 % pour le diagnostic de thrombose veineuse proximale. Pour une thrombose veineuse du mollet, la sensibilité est de 70 % et la valeur prédictive positive de 80 %. Ainsi, un suivi ultrasonographique à une semaine après un test négatif est nécessaire [27] .
Conclusion Le diagnostic positif d’œdème est facile. Le diagnostic étiologique est plus délicat même si le caractère généralisé ou localisé est un premier élément d’orientation. Il fait appel aux données de l’interrogatoire, de l’examen clinique et des examens complémentaires. Les principales causes sont l’insuffisance cardiaque, la cirrhose décompensée, les pathologies rénales et les thromboses veineuses. Il ne faut pas méconnaître les angiœdèmes, plus rares, qui peuvent engager le pronostic vital à court terme.
“ Points essentiels • Un œdème généralisé est principalement secondaire à une insuffisance cardiaque, à une pathologie rénale ou à une cirrhose. • Le caractère inflammatoire ou non d’un œdème localisé oriente vers l’étiologie. • Un œdème localisé non inflammatoire oriente principalement vers une pathologie veineuse thromboembolique mais les angiœdèmes ne doivent pas être méconnus. • Un œdème localisé inflammatoire est d’origine infectieuse jusqu’à la preuve du contraire.
Chroniques L’insuffisance veineuse (post-thrombotique ou chronique fonctionnelle) et les lymphœdèmes (iatrogène par curage ganglionnaire ou infectieux par les filarioses) sont les deux principales causes.
Inflammatoires Les œdèmes inflammatoires localisés sont infectieux jusqu’à la preuve du contraire. Une dermohypodermite doit être évoquée.
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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
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Œdèmes généralisés et œdèmes localisés 25-040-A-10
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N. Javaud (
[email protected]). Urgences, Hôpital Louis-Mourier, Hôpitaux universitaires Paris-Nord-Val-de-Seine, AP–HP, Université Paris-7, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France. O. Fain. Médecine interne, Hôpital Saint-Antoine, Hôpitaux universitaires Est-Parisien, AP–HP, Université Paris-6, 75012 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Javaud N, Fain O. Œdèmes généralisés et œdèmes localisés. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(3):1-5 [Article 25-040-A-10].
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Autoévaluations
Cas clinique
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Infections cutanées F. Dumas, G. Kierzek, J.-L. Pourriat Les infections cutanées représentent des pathologies fréquentes en pratique quotidienne tant en médecine ambulatoire qu’en médecine d’urgence hospitalière, de gravité variable, pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Profondeur de l’atteinte, terrain du patient et germe incriminé déterminent la prise en charge thérapeutique (hospitalisation ou non, antibiothérapie ou non, voire chirurgie). Les infections d’origine bactérienne (streptocoques, staphylocoques et le plus souvent pluribactériennes) regroupent les infections du follicule (folliculite et furoncle), l’impétigo, les dermohypodermites non nécrosantes (érysipèles) et les dermohypodermites et fasciites nécrosantes. L’existence d’une brèche dans la barrière cutanée (porte d’entrée) favorise la pénétration du germe. Le diagnostic est le plus souvent clinique et les examens complémentaires morphologiques ou bactériologiques peu contributifs. La prise en charge est fonction de la sévérité ; le plus souvent ambulatoire, elle peut nécessiter une prise en charge médicochirurgicale avec hospitalisation. Le traitement est le plus souvent empirique à partir des données microbiologiques et épidémiologiques. Outre les infections cutanées bactériennes, les ectoparasitoses et les mycoses sont responsables de pathologies fréquentes mais moins sévères rencontrées en médecine d’urgence. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Infections cutanées ; Chirurgie en urgence ; Staphylocoques ; Streptocoques ; Ectoparasitoses ; Mycoses
¶ Introduction
1
¶ Infections cutanées bactériennes Rappels bactériologiques et anatomopathologiques Infections bactériennes du follicule pilosébacé Impétigo Dermohypodermites aiguës non nécrosantes bactériennes Dermohypodermites bactériennes nécrosantes et fasciites nécrosantes (DHBN-FN) Chocs toxiques
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infections du follicule (folliculite et furoncle), l’érysipèle, les dermohypodermites et fasciites nécrosantes et l’impétigo. Le diagnostic est souvent simple à partir d’une présentation clinique typique. La prise en charge est fonction de la sévérité ; le plus souvent ambulatoire, elle peut cependant nécessiter une prise en charge médicochirurgicale avec hospitalisation. Le traitement est le plus souvent empirique à partir des données microbiologiques et épidémiologiques. Outre les infections cutanées bactériennes, seront également abordées des pathologies plus fréquentes mais moins sévères rencontrées en médecine d’urgence, i.e. les ectoparasitoses et les mycoses.
¶ Ectoparasitoses Gale sarcoptique Pédiculoses
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■ Infections cutanées bactériennes
¶ Infections mycosiques Candidoses superficielles Infections à dermatophyton de la peau glabre, des plis et phanères Pityrosporoses
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¶ Conclusion
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Plan
■ Introduction Les infections cutanées représentent des pathologies fréquentes en pratique quotidienne tant en médecine ambulatoire qu’en médecine d’urgence hospitalière. Leur gravité est variable, pouvant mettre en jeu le pronostic vital, et dépend de la profondeur de l’atteinte, du terrain du patient et du germe incriminé. Les infections d’origine bactérienne regroupent les Médecine d’urgence
Rappels bactériologiques et anatomopathologiques Bactériologie [1, 2] Les germes cutanés font la plupart du temps partie de la flore saprophyte et ne sont pas pathogènes. L’existence d’une brèche dans la barrière cutanée peut favoriser la pénétration du germe voire une dissémination hématogène. La présence de germes multiples s’explique par la synergie bactérienne notamment entre bactéries aérobies et anaérobies dans la protection mutuelle contre la phagocytose ou la production de facteurs de croissance. Le streptocoque est un cocci à Gram positif le plus souvent en chaînette, strictement humain, dont le métabolisme est anaérobie. Les streptocoques à pouvoir pathogène sont les
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Streptococcus pyogenes (streptocoque b hémolytique du groupe A), Streptococcus agalactiae (streptocoque b hémolytique du groupe B) et Streptococcus pneumoniae. Le facteur principal de pathogénicité et de virulence est la capsule du streptocoque et notamment la protéine M présente en surface. Cette protéine M joue le rôle d’un « superantigène » responsable de l’inhibition de la phagocytose et représentant donc un facteur majeur de pathogénicité. La protéine M est associée à d’autres protéines de surface essentiellement composées d’acides hyaluroniques jouant un rôle dans l’adhésion du streptocoque aux cellules épithéliales. Ainsi, les streptocoques du groupe A sont reconnus par l’hémolysine de type b ; non seulement cette architecture leur permet de lutter contre la phagocytose mais elle permet également aux streptocoques d’adhérer et de coloniser les cellules adjacentes. La libération de toxines, en particulier par le streptocoque du groupe A, facilite la progression bactérienne. Les exotoxines A et C ont des propriétés antigéniques ; elles stimulent les lymphocytes polyclonaux qui libèrent des cytokines ou d’autres médiateurs. D’autres exoenzymes ou exotoxines pyrogènes produites par certaines cellules souches, les streptodornases et les streptolysines, sont à la fois responsables de la nécrose tissulaire par une activité cytolytique et leucotoxique mais aussi de l’inhibition du chimiotactisme. La sévérité de la pathologie est étroitement liée à leur présence [3]. Agissant par interaction antigénique avec les lymphocytes T, elles entraînent la libération massive de cytokines, de tumor necrosis factor (TNF) alpha et d’interleukines responsables de la réaction inflammatoire et du processus nécrotique. Les staphylocoques sont aussi des cocci à Gram positif disposés en diplocoques ou en amas. Les deux grandes espèces sont le staphylocoque doré et les staphylocoques à coagulase négative. Le risque pathogène est surtout lié aux staphylocoques dorés responsables d’infections communautaires, nosocomiales et opportunistes. Ils possèdent de nombreux facteurs de virulence et de pathogénicité. La colonisation se fait par l’intermédiaire de protéines de surface appelées adhésines. Ces protéines reconnaissent les molécules de la matrice extracellulaire, s’y fixent et entraînent une désorganisation de l’architecture matricielle. Parmi elles, le peptidoglycane et les acides téichoïques induisent la sécrétion de cytokines. La protéine A, liée au peptidoglycane par son action antigénique, provoque une activation des lymphocytes B, entraînant une opsonisation et la phagocytose. D’autres protéines de liaison interagissent avec le collagène, la fibronectine ou le fibrinogène. La capsule du staphylocoque doré est composée d’exopolysaccharides et participe avec la protéine A à l’inhibition de la phagocytose. L’extension locale est favorisée par la libération d’hémolysine a, b, D et de toxines synergohyménotropes. Ces substances ont une activité cytolytique sur les cellules eucaryotes et notamment sur les plaquettes ; ce rôle hémolytique et leucotoxique s’ajoute aux propriétés détergentes de ces toxines. Le staphylocoque doré libère également des enzymes (protéase, élastase, ...) responsables de lésions au niveau des protéines de soutien, de l’acide hyaluronique ou de l’ADN facilitant ainsi la dissémination bactérienne. Sous l’action de la coagulase se forment des microthromboses vasculaires septiques, sources de métastases septiques à l’origine de foyers secondaires. La toxine du syndrome de choc toxique (TSST1) produite par les staphylocoques est responsable de la survenue de chocs septiques consécutifs par exemple à l’utilisation de tampons hygiéniques. Les exfoliatines enfin sont des métalloprotéines qui présentent un tropisme cutané et se fixent sur les desmosomes, sur la profilagrine et la filagrine de la couche granuleuse de l’épiderme et provoquent ainsi un décollement cutané [4-6]. Dans une récente étude, le staphylocoque méticilline résistant (SAMR) est désormais considéré comme l’espèce staphylococcique la plus fréquemment en cause dans les infections cutanées et des tissus mous de patients se présentant aux urgences [7]. Le bacille de Nicolaier ou Clostridium tetani est un bacille à Gram positif responsable du tétanos. Après introduction de spores lors d’une effraction cutanée, ces dernières excrètent une toxine dans des conditions d’anaérobiose (tissus nécrosés, ischémie, corps étranger). D’autres Clostridia interviennent dans les infections bactériennes cutanées et notamment les infections
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nécrosantes : Clostridium perfringens, Clostridium novyi, Clostridium septicum. L’exotoxine ou lécithinase produite par le Clostridium a ainsi une action sur les membranes tissulaire entraînant une destruction du tissu de soutien [8]. Pseudomonas aeruginosa, bacille à Gram négatif, en libérant l’exotoxine A, inhibe toute synthèse protéique par les cellules cibles. La virulence est également liée à une hémolysine de protéases, de phospholipases et d’enzymes extracellulaires, qui détruit en particulier l’exoenzyme S au niveau de la barrière épithéliale, entraînant une augmentation de la perméabilité vasculaire à l’origine d’une réaction érythémateuse [9].
Anatomopathologie Une mise au point anatomique et terminologique est rendue nécessaire par la confusion introduite par le terme anglo-saxon « cellulite » (anglais : cellulitis). La Conférence de consensus de 2000 définit trois types d’atteintes en fonction du type et de la profondeur du tissu atteint (épiderme, derme, tissu souscutané, fascias et muscles, respectivement de la superficie à la profondeur) [10]. Les dermohypodermites bactériennes non nécrosantes (DHB) ou érysipèle (cellulitis pour les Anglo-Saxons), sans nécrose ni atteinte de l’aponévrose superficielle. Les lésions sont essentiellement d’origine streptococcique et correspondent à une infection superficielle. Les dermohypodermites bactériennes nécrosantes (DHBN), sont classiquement appelées « cellulites » en France et necrotizing cellulitis par les Anglo-Saxons, avec une nécrose des tissus conjonctif et adipeux et un décollement cutané mais respect de l’aponévrose superficielle. Cette dernière constitue une barrière à l’extension expliquant une progression horizontale rapide. La fasciite nécrosante (FN) ou necrotizing fasciitis, correspond à une extension en profondeur avec atteinte de l’aponévrose superficielle et une atteinte des muscles (dermohypodermite nécrosante avec myonécrose ou « gangrène »). La libération des toxines streptococciques ou staphylococciques (toxines érythrogènes) peut en outre être responsable d’une défaillance multiviscérale constituant ainsi un choc toxique (syndrome du choc toxique streptococcique ou staphylococcique : TSSS) [11].
Infections bactériennes du follicule pilosébacé Les infections du follicule ont pour origine la plus fréquente le staphylocoque doré. Elles concernent les régions du cou, de la base des cils, de la barbe, des cuisses, du dos, des fesses [12].
Présentations cliniques La folliculite, infection superficielle localisée au niveau du follicule pileux, se caractérise par une papule péripilaire douloureuse puis une pustule à contenu purulent centré par un poil qui évolue favorablement en 1 semaine environ. Elle peut être plus profonde avec une atteinte de la glande sébacée dans sa totalité, formant alors des nodules inflammatoires centrés par un poil et pouvant évoluer vers une forme chronique. Le sycosis est une folliculite d’origine staphylococcique de la barbe, favorisée par le rasage. Sur des terrains particuliers, la folliculite peut être d’origine fongique ou à bacille à Gram négatif dans le cadre de traitement antibiotique prolongé ou d’une rosacée. Le furoncle est une inflammation centrée sur le follicule évoluant vers une suppuration puis une nécrose en quelques jours. La disparition de ce bourbillon se fait par l’élimination de pus, laissant place à un cratère rouge responsable d’une cicatrice. L’association d’une adénopathie ou d’une lymphangite est possible et la présence confluente de plusieurs lésions de ce type définit l’anthrax (plus fréquent sur la nuque, le dos ou les fesses). La furonculose est définie par une récurrence des épisodes de furoncle, essentiellement sur terrains prédisposés à rechercher (diabète, malnutrition...), et favorisée par la macération, le manque d’hygiène et la présence de gîtes microbiens (cavités naturelles) qu’il faut éradiquer [13-17]. Médecine d’urgence
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Infections du follicule
Localisée
Étendue
Profonde
Folliculite
Sycosis
Furoncle
Furonculose
Anthrax
Staphylococcie de la face
Soins locaux Pas d'ATB
Soins locaux - péni M - pristinamycine
Soins locaux - péni M - chirurgie
Soins locaux - péni M au long cours
Soins locaux - péni M
Hospitalisation en soins intensifs Soins locaux - péni M + aminosides i.v. - glycopeptide + aminosides i.v. (stap méti-R)
Figure 1. Arbre décisionnel. Traitement des infections du follicule. ATB : antibiotique ; péni M : pénicilline M ; stap : staphylocoque ; i.v. : intraveineuse ; p.o. : per os.
La staphylococcie maligne de la face est consécutive à un furoncle ou un anthrax au niveau de la lèvre supérieure, de l’aile du nez, du pli nasogénien ou de la face, manipulé par des manœuvres intempestives. D’évolution suraiguë, elle se révèle par un « placard staphylococcique » rouge violacé, froid et paradoxalement peu douloureux. L’évolution se fait vers une extension progressive en profondeur notamment rétro-orbitaire et vers les cordons veineux de la face. Extension locorégionale et formation de phlébites localisées conduisent à des cordons veineux thrombosés frontaux, sur le cuir chevelu et l’angle de l’œil avec risque majeur de thrombophlébite du sinus caverneux (ophtalmoplégie et signes méningoencéphalitiques).
Traitements [18-20] (Fig. 1) Soins d’hygiène Quelle que soit l’étendue de l’infection cutanée bactérienne, les soins de toilette quotidiens à l’eau et au savon ordinaire s’imposent en préalable aux autres traitements (le savonnage décolle les bactéries et le rinçage les élimine). L’intérêt des antiseptiques dans le traitement des infections cutanées superficielles primitives ou secondaires n’a jamais été réellement évalué comparativement à l’antibiothérapie locale, en adjonction à celle-ci, en adjonction à l’antibiothérapie par voie générale, ni même par comparaison au lavage seul. En revanche, leurs effets indésirables sont connus (dermite irritative ou allergique, effets généraux par passage systémique).
générale à bonne diffusion dans les tissus cellulaires et neuroméningés est indiqué pendant 10 jours. Dans le cas particulier de la staphylococcie maligne de la face, une hospitalisation en urgence, voire en réanimation, est nécessaire en raison de l’évolution potentiellement mortelle de cette infection. L’antibiothérapie est alors synergique (pénicilline M et aminosides en cas de staphylocoque méti-S ou glycopeptide et aminosides en cas de suspicion de germe méti-R) et par voie parentérale associée à une anticoagulation efficace. Le recours à la chirurgie peut être nécessaire en cas d’évolution vers une fasciite nécrosante. En cas d’évolution chronique. Un traitement antibiotique au long cours peut être proposé par une pénicilline M ou pristinamycine pendant 2 à 3 semaines associé à des mesures générales : lavage des mains, lavage et désinfection fréquents des vêtements et du linge, recherche et éradication des gîtes microbiens chez les porteurs, traitement de l’entourage.
Impétigo L’impétigo est une infection superficielle contagieuse car auto-inoculable. Présent surtout chez l’enfant, il peut toucher l’adulte témoignant alors toujours d’une surinfection de lésions préexistantes. Les germes retrouvés sont principalement le streptocoque b hémolytique du groupe A et le staphylocoque doré.
Antibiothérapie
Présentation clinique
Ni la néomycine, ni la framycétine, ni des associations d’antibiotiques, y compris en préparation magistrale, ne sont recommandées dans le traitement des infections cutanées. Dans les formes simples, peu étendues et superficielles des folliculites et du furoncle (hors furonculose), une antibiothérapie locale n’est pas recommandée. L’évolution spontanée est favorable en quelques jours. Pour les cas de folliculites profondes, étendues ou sycosis, un traitement antibiotique est recommandé par une pénicilline M ou de la pristinamycine. Si l’évolution est défavorable, et notamment en cas d’abcédation, un traitement chirurgical est proposé. Dans le cas particulier du sycosis, un rasage court et l’utilisation de mousses antiseptiques peuvent être utiles. Dans les folliculites fongiques ou à bacille à Gram négatif le traitement par voie générale sera adapté en fonction du germe suspecté. Dans tous les cas, des mesures d’hygiène s’imposent. En cas de terrain fragile, de forme étendue associée à des signes généraux d’anthrax ou de staphylococcie maligne de la face, un traitement antibiotique antistaphylococcique par voie
La lésion élémentaire est une bulle superficielle sous-cornée, entourée d’un halo inflammatoire qui évolue rapidement vers une croûte mélicérique. Initialement périorificielles, les lésions s’étendent habituellement à l’ensemble du visage et aux membres supérieurs. La survenue de telles lésions sur des dermatoses prurigineuses préexistantes est appelée impétiginisation. L’évolution est favorable en 15 jours sans séquelle. Le diagnostic est clinique et ne nécessite aucun prélèvement bactériologique [21]. Chez le nouveau-né, les bulles sont plus grosses et surviennent le plus souvent sur peau saine. Une épidermolyse complète l’évolution des lésions : décollement progressif de l’épiderme superficiel constituant le SSSS ou staphylococcal scalded skin syndrome. Le germe incriminé est le staphylocoque doré et sa toxine exfoliante de type A ou B de point de départ ombilical, nasal ou périnéal. Le tableau clinique est d’extension rapide avec hyperthermie et déshydratation ; à l’examen, le décollement peut être objectivé par le signe de Nikolsky [22, 23]. L’impétigo chez l’immunodéprimé peut se présenter sous une forme plus profonde et nécrosante et réalise l’ecthyma.
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Traitement Le traitement de l’impétigo inclut une antibiothérapie topique et systémique et des antiseptiques locaux. L’association à des mesures d’hygiène est nécessaire : éviction scolaire pour les enfants, traitement de la fratrie, port de sous-vêtements propres, ongles coupés, lavage biquotidien des mains. Pour les formes modérées, l’utilisation d’antiseptiques et de topiques locaux comme l’acide fusidique ou la mupirocine est préconisée idéalement 3 fois par jour mais en raison de problèmes d’observance attendus, il paraît acceptable de l’administrer 2 fois par jour pendant 5 à 10 jours. L’acide fusidique, antibiotique local principalement antistaphylococcique, et la mupirocine, actif contre les cocci à Gram positif aérobie, ont une efficacité équivalente [24-27]. Les formes peu sévères définies comme étant un impétigo croûteux comportent à la fois : • une surface cutanée atteinte < 2 % de la surface corporelle totale (1 % = surface d’une paume de la main) ; • au plus cinq sites lésionnels actifs ; • une absence d’extension rapide. Dans les autres formes (impétigo bulleux ou ecthyma - forme nécrotique creusante - ou dont la surface cutanée atteinte est supérieure à 2 % de la surface corporelle totale ou plus d’une dizaine de lésions actives ou extension rapide), une antibiothérapie par voie générale à visée antistaphylococcique et antistreptococcique est nécessaire. Les pénicillines restent le traitement de référence malgré les résistances croissantes, notamment du staphylocoque doré. Les pénicillines M (oxacilline, cloxacilline) à la posologie de 30 à 50 mg/kg/j et l’association amoxicilline-acide clavulanique sont les antibiotiques privilégiés. Le traitement par une céphalosporine de troisième génération est efficace, avec le plus souvent une durée de traitement plus courte, mais son utilisation n’est actuellement pas validée. En cas d’allergie à la pénicilline, une alternative thérapeutique par macrolides peut être envisagée mais doit être discutée en raison de l’importance là encore des résistances du staphylocoque doré. Un traitement par acide fusidique à la posologie de 1 à 1,5 g/j chez l’adulte et 30 à 50 mg/kg/j chez l’enfant ou par pristinamycine à la dose de 30 à 50 mg/kg/j, a une efficacité équivalente à l’oxacilline [28, 29].
Dermohypodermites aiguës non nécrosantes bactériennes L’érysipèle est une dermohypodermite aiguë non nécrosante (DHB) d’origine bactérienne récidivante dont l’incidence, probablement sous-estimée, est de 10 à 100 cas pour 100 000 habitants/an. Sur le plan bactériologique, la seule origine démontrée est streptococcique (le plus souvent b hémolytique du groupe A mais aussi du groupe B, C ou G) [30]. Aucune preuve d’une origine staphylococcique n’a été rapportée [31, 32]. Les hémocultures sont positives dans seulement 5 % des cas d’érysipèles, de même que les examens sérologiques et les prélèvements locaux sont inconstamment positifs.
Présentation clinique La présence d’un lymphœdème associé à une porte d’entrée (intertrigo interorteils, ulcère de jambe) reste le facteur de risque principal de cette pathologie. D’autres facteurs mineurs ont été mis en évidence : l’insuffisance veineuse, l’œdème des membres inférieurs ou encore l’obésité [33]. Dans sa forme habituelle chez l’adulte, l’érysipèle siège au niveau du membre inférieur dans plus de 85 % des cas, mais l’atteinte est possible au niveau du visage, secondaire à un portage streptococcique pharyngé. Le début est brutal, associant une fièvre élevée, des frissons et l’apparition d’un placard cutané inflammatoire. La lésion initiale est un érythème homogène, œdémateux, douloureux et extensif avec un bourrelet périphérique (aspect marginé rouge). Parfois, le placard inflammatoire peut aboutir à des décollements bulleux superficiels ou à un purpura pétéchial. L’association à une adénopathie périphérique douloureuse ou à une
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lymphangite est possible. Pour établir le diagnostic clinique, il faut s’assurer de l’absence de cyanose, de lividité, d’atteinte viscérale extracutanée, de nécrose et d’ulcération, de plaie au niveau du placard [34].
Diagnostic positif Dans sa forme typique, le diagnostic positif est clinique et aucun examen complémentaire n’est justifié. En cas de doute, la numération formule sanguine retrouverait une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles associée à une élévation des protéines de l’inflammation comme la CRP, de la vitesse de sédimentation ou du fibrinogène. Mais ces signes biologiques sont inconstants. La porte d’entrée doit être recherchée (piqûre d’insecte, intertrigo interorteils, ulcère de jambe...) et est présente dans trois quarts des cas. Le diagnostic bactériologique des érysipèles est difficile et peu rentable compte tenu du manque de sensibilité ou de leur positivité tardive. Les hémocultures sont recommandées en cas de fièvre élevée avec des facteurs de comorbidités [35]. L’évolution spontanée de l’érysipèle est le plus souvent favorable en quelques semaines mais peut aussi aboutir à des complications locales et systémiques graves [36, 37]. Les complications locales sont représentées par les abcès (dans lesquels Staphylococcus aureus est parfois présent), les nécroses superficielles (élimination du toit des bulles à différencier des nécroses profondes des DHBN) et les thromboses veineuses profondes.
Traitement (Fig. 2) Le traitement est médical et repose sur une antibiothérapie antistreptococcique (famille des b-lactamines, macrolides et apparentés comme les lincosamides et synergistines). Il n’existe pas de consensus sur le choix de l’antibiotique qui est fonction du mode d’administration, de la gravité du tableau clinique, de la certitude diagnostique et du patient lui-même (compliance, allergies, pathologies associées). En cas d’hospitalisation et/ou de signes de gravité clinique initiale, l’antibiotique de référence est la pénicilline G administrée en quatre à six perfusions par jour soit 10 à 20 MU/j avec un relais per os après obtention de l’apyrexie par pénicilline V de 3 à 6 MU/j en trois prises ou amoxicilline 3 à 4,5 g/j en trois prises. Devant l’absence de signes de gravité, un traitement per os peut être instauré d’emblée par amoxicilline 3 à 4,5 g/j en trois prises. La durée du traitement se situe entre 10 et 20 jours. L’indication d’une hospitalisation dépend de la présence de signes de gravité clinique, de la nécessité d’une surveillance rapprochée ou de l’impossibilité de la mise en route d’un traitement à domicile. En cas d’allergie aux b-lactamines, une alternative thérapeutique est possible par pristinamycine, macrolides ou clindamycine. Les céphalosporines de 3e génération ainsi que les fluoroquinolones paraissent tout aussi efficaces mais sont toujours à l’étude [38-40]. Parallèlement, le traitement de la porte d’entrée est indispensable ainsi qu’une anticoagulation préventive en cas de risque thromboembolique associé. Il n’est donc pas recommandé de prescrire une anticoagulation préventive ni la recherche systématique d’une thrombose veineuse profonde par échodoppler au cours de l’érysipèle simple. Devant l’absence de preuve de leur innocuité dans ce type de pathologie, l’utilisation des antiinflammatoires par voie orale ou percutanée est proscrite [41]. L’évolution sous traitement antibiotique adapté et bien conduit est favorable en une dizaine de jours : apyrexie en 72 heures et disparition des signes locaux en 1 semaine. Une évolution défavorable nécessite une réévaluation de l’antibiothérapie, voire du diagnostic. La complication essentielle reste la récidive dans 20 % des cas dont la prise en charge nécessite l’identification et le traitement de la porte d’entrée et du lymphœdème. En cas d’échec, une antibiothérapie au long cours par pénicilline V ou benzathine peut se discuter [10]. Médecine d’urgence
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DHB
Simple
Ambulatoire
Soins locaux ATB p.o. : - amoxicilline 3 à 4 g/24 h - pristinamycine 50 mg/kg/24 h - macrolide
DHB - FN
Compliqué ou risque d'inobservance
Soins intensifs
Hospitalisation
Soins locaux ATB i.v. : - péni G 12 MUI/24 h i.v. - amoxicilline 3 à 4 g/24 h i.v. - clindamycine 2,4 g/24 h i.v.
Membres et cervicofaciale Abdominale et périnéale ATB i.v. large spectre ATB large spectre - péni G 30 MUI/24 h couvrant les entérobactéries - amoxicilline 100 mg/kg/24 h - pipéracilline - tazobactam 2 g/24 h - vancomycine 2 g/24 h - ceftriaxone 2 g/24 h + - vancomycine 2 g/24 h - clindamycine 2,4g/24 h + - rifampicine 20 mg/kg/24 h - aminoside +/+ - aminoside - métronidazole 1,5 g/24 h +/Chirurgie - métronidazole 1,5 g/24 h Remplissage et amines Chirurgie Remplissage et amines
Figure 2. Arbre décisionnel. Traitement des dermohypodermites bactériennes (DHB), nécrosantes et fasciites nécrosantes (FN). ATB : antibiotique ; péni G : pénicilline G.
Dermohypodermites bactériennes nécrosantes et fasciites nécrosantes (DHBN-FN) La distinction entre DHBN et FN n’est pas clinique mais chirurgicale, au vu de la profondeur des lésions : dans les DHBN, l’atteinte extensive avec nécrose des tissus conjonctifs et du tissu adipeux respecte l’aponévrose superficielle tandis que cette dernière, voire les tissus musculaires (myonécrose), peuvent être aussi atteints dans les FN. Les DHBN-FN sont des infections relativement rares même si les données épidémiologiques restent peu nombreuses. On estime leur fréquence à 3,5 cas pour 100 000 en 2001 aux ÉtatsUnis [42]. La mortalité est élevée et atteint 15 à 30 % toutes étiologies confondues [43-45]. Ces infections sont avant tout polymicrobiennes associant bactéries aérobies et anaérobies (Streptococcus sp., Staphylococcus sp., Escherichia coli, Peptostreptococcus sp, Bacteroides fragilis...) mais elles peuvent aussi être d’origine streptococcique seule. On distingue ainsi classiquement les DHBN-FN liées aux streptocoques b hémolytiques du groupe A ou G, les gangrènes gazeuses et myonécroses à Clostridium sp. et les DHBN-FN à flore mixte aéroanaérobie. Certaines situations favorisent la présence d’autres germes plus spécifiques comme les morsures humaines (Eikenella corrodens) ou animales (Pasteurella sp.), le contact avec de l’eau souillée (Aeromonas sp., Vibrio sp.) ou encore le patient immunodéprimé ou aux antécédents d’antibiothérapies et/ou hospitalisations multiples (Pseudomonas sp.).
Présentations cliniques Les DHBN-FN touchent essentiellement les membres inférieurs, mais elles peuvent atteindre toutes les zones du corps : membres supérieurs, périnée (gangrène de Fournier), tête et cou (formes cervicales, périorbitaires), thorax. Ces pathologies font suite à une intervention chirurgicale, à un traumatisme, à des lésions cutanées préexistantes ou peuvent être idiopathiques. Une effraction cutanée est retrouvée dans 60 à 80 % des cas [22]. Les facteurs de risque de survenue sont représentés par un diabète, un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), une immunodépression (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], hémopathie, cancer, immunosuppresseurs) et l’alcoolisme. La caractéristique commune de ces pathologies est la discordance entre la discrétion des signes locaux (apparence des Médecine d’urgence
lésions cutanées faussement rassurante) et l’importance des signes généraux témoignant de l’atteinte sous-cutanée majeure. La DHBN-FN des membres débute par une inflammation locale qui va s’étendre progressivement, parfois à une vitesse foudroyante. Un placard irrégulier, très douloureux spontanément, extensif, sans bourrelet périphérique contrairement à l’érysipèle, apparaît sur une peau d’aspect cyanosé et livide ; l’œdème est induré et mal délimité. L’évolution spontanée se fait sous forme d’ulcérations et de plaques de nécroses puis apparaît un décollement avec des bulles, crépitations et odeur putride accompagnées d’exsudats et hypoesthésie cutanée. Rapidement, les signes généraux passent au premier plan avec état de choc et défaillance viscérale pouvant conduire au décès [46-50] : fièvre, tachycardie, polypnée, hypotension artérielle, oligoanurie. Le score de gravité (SAPS II ou APACHE II) reflète les dysfonctions d’organes et est corrélé à la mortalité.
Diagnostic positif, examens complémentaires et bilan d’extension La suspicion est avant tout clinique. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) en T2 est l’examen le plus performant avant chirurgie. À défaut, la tomodensitométrie (TDM) permet un premier bilan des lésions et d’extension (notamment pour les formes cervicales, thoracoabdominales et périnéales). Les clichés radiologiques standards peuvent argumenter le diagnostic par la présence d’un épaississement des parties molles, d’un corps étranger ou de bulles d’air. En aucun cas ces examens morphologiques ne doivent retarder la chirurgie. Sur le plan biologique, en dehors du syndrome inflammatoire avec hyperleucocytose, l’anémie, l’hypoalbuminémie, l’hyperglycémie, l’insuffisance rénale, voire la coagulation intravasculaire disséminée témoignent de l’atteinte multiviscérale de cette pathologie et sont de bons marqueurs pronostiques. Les hémocultures sont rarement positives et seul le prélèvement des bulles permettrait une analyse bactériologique. Ce diagnostic est le plus souvent effectué en peropératoire.
Traitement (Fig. 2) La prise en charge thérapeutique doit être multidisciplinaire, par une équipe médicochirurgicale expérimentée [51]. Précocité de diagnostic, mise en route de l’antibiothérapie sans délai et geste chirurgical rapide et large sont les principaux facteurs d’amélioration du pronostic. L’antibiothérapie doit être débutée dès l’admission et être à large spectre pour couvrir une flore polymicrobienne (cocci à
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Gram positif notamment les streptocoques, bacilles à Gram négatif et anaérobies). Les prélèvements bactériologiques sont indispensables, mais ils ne doivent pas retarder la première injection d’antibiotiques. Probabiliste, elle est instaurée par voie intraveineuse le plus vite possible, avant le bloc opératoire et comporte toujours un antibiotique actif sur les anaérobies, le métronidazole par exemple. Dans le cadre de DHBN-FN cervicofaciales communautaires et des membres, l’association classique comprend pénicilline G à la dose de 30 MU/j (ou amoxicilline : 100 mg/kg/j) et clindamycine à la dose de 600 mg quatre fois par jour ou rifampicine 10 mg/kg deux fois par jour. On préférera l’amoxicilline-acide clavulanique à 2 g × 3/j, associé à la gentamicine haute dose 6-8 mg/kg en une injection quotidienne [52]. Les aminosides sont indiqués en cas de suspicion de Pseudomonas aeruginosa et la vancomycine en cas d’immunodépression. L’utilisation des fluoroquinolones ou du linézolide est actuellement en cours d’étude. Dans tous les cas, une évaluation de l’antibiothérapie est indispensable. La durée du traitement est de 15 jours minimum. Un remplissage vasculaire, associé à des amines vasopressives, et la correction des troubles hydroélectrolytiques, sont immédiatement entrepris en cas d’état de choc ou de défaillance viscérale [53-55]. Le traitement essentiel repose sur la chirurgie, réalisée dans les plus brefs délais. Elle consiste en des excisions larges des tissus nécrosés associées à l’ablation des hématomes et microthrombi et à un lavage abondant. Elle permet l’analyse bactériologique des tissus. Il s’agit d’une chirurgie lourde, nécessitant le plus souvent des reprises et exposant le patient à de nombreuses complications ; la présence d’emblée d’un chirurgien plasticien est d’ailleurs conseillée [56, 57]. L’oxygénothérapie hyperbare (OHB) est largement proposée mais sa place et son bénéfice réel sont très discutés [58]. La Conférence de consensus semble trancher en faveur de son utilisation si, et seulement si, le caisson est disponible sur le lieu de l’hospitalisation et que le patient est transportable. L’OHB ne doit en aucun cas retarder les autres traitements dont elle n’est qu’un adjuvant modeste. D’autres thérapeutiques ont été proposées, comme par exemple l’immunothérapie qui serait susceptible de réduire le nombre d’interventions chirurgicales de débridement lorsqu’un streptocoque du groupe A est mis en évidence [59]. Enfin, compte tenu des durées d’hospitalisation extrêmement longues, un traitement anticoagulant et une nutrition parentérale fonction de l’hypercatabolisme sont nécessaires dans la prise en charge ultérieure.
Chocs toxiques Le syndrome de choc toxique streptococcique est une complication grave des infections streptococciques. Il fait suite à une infection focale cutanée ou des tissus mous et atteint préférentiellement l’adulte. La libération d’exotoxine streptococcique est responsable de l’activation du TNF à l’origine du choc toxinique. Le syndrome de choc toxique staphylococcique est l’expression la plus sévère de la sécrétion de toxines par certains staphylocoques. La toxine 1 active les lymphocytes T et la libération de cytokines. Le tableau clinique repose sur l’association d’une porte d’entrée cutanée et de signes de choc. L’évolution rapide en 24 à 72 heures se fait par l’extension locale d’un érythème associant des bulles et des vésicules sur des lésions violacées. Puis les signes généraux s’installent : hyperthermie, prostration, état de choc et enfin défaillance multiviscérale. La desquamation palmoplantaire survenant à 1 semaine est évocatrice d’une étiologie staphylococcique. Sur le plan biologique, on retrouve un syndrome inflammatoire avec une hyperleucocytose et une élévation des protéines de l’inflammation. Puis apparaissent les signes biologiques reflets des défaillances d’organe, i.e. insuffisance respiratoire, hépatique et rénale. Les hémocultures confirment l’étiologie streptococcique ou staphylococcique.
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La prise en charge doit être immédiate associant remplissage vasculaire, amines vasoactives en cas d’état de choc et antibiothérapie par voie parentérale [60, 61].
■ Ectoparasitoses .
Les ectoparasitoses sont des dermatoses courantes en pratique quotidienne, cosmopolites liées à des arthropodes apparentés aux acariens (sarcoptidae) ou à des insectes (pédiculoses). Plus gênantes que graves, ces infections cutanées sont également contagieuses. La principale manifestation reste le prurit [62, 63].
Gale sarcoptique Sarcoptes scabiei hominis est une larve responsable de dermatoses des téguments favorisées par la promiscuité. La transmission est strictement interhumaine par voie directe et la contagiosité est très importante. La femelle du sarcopte creuse un tunnel dans la couche cornée de la peau et y pond des œufs ; la période d’incubation peut aller jusqu’à 3 semaines.
Présentations cliniques Cliniquement, un prurit à prédominance nocturne sur certaines zones électives comme les espaces interdigitaux, la face antérieure des poignets et des coudes, l’ombilic, les fesses, la face internes des cuisses et organes génitaux dans le cadre d’une atteinte collective, est évocateur. La présence de sillons scabieux au niveau de la face antérieure des poignets et entre les doigts correspond au trajet de l’acarien femelle. Ces lésions sinueuses sont surélevées d’une papule appelée éminence acarienne. Il faut rechercher également des petites élevures translucides ou vésicules perlées au niveau des espaces interdigitaux. Les autres lésions spécifiques sont les nodules scabieux : papulonodules rouges ou violacés, prurigineux siégeant préférentiellement sur l’aine, l’aisselle ou le scrotum. La forme clinique du nourrisson se caractérise par la topographie des lésions : vésicules et pustules au niveau des faces palmaires et plantaires, les nodules au niveau préaxillaire et l’atteinte possible du visage (contrairement à l’adulte). Les gales profuses et gales norvégiennes se développent sur des terrains particuliers d’immunodépression ou de débilités. Elles ont la particularité d’être d’une extrême contagiosité, de se répandre très rapidement et d’évoluer parfois vers des lésions d’hyperkératose (gale norvégienne). La gale sarcoptique peut se compliquer essentiellement de surinfection avec impétiginisation des lésions, eczématisation et nodules postscabieux (lésions papulonodulaires prurigineuses cuivrées).
Diagnostic positif et traitement Le diagnostic est clinique ; aucun examen n’est nécessaire. La recherche du parasite peut se faire par grattage des lésions et recherche au microscope des adultes, des œufs ou des formes immatures. Le dépôt d’une goutte d’encre absorbée dans les sillons permet de les repérer pour y effectuer un prélèvement au vaccinostyle. Le traitement des formes simples de l’adulte, de l’enfant de plus de 2 ans et de la femme enceinte repose sur les scabécides topiques comme le benzoate de benzyle (Ascabiol®) en deux applications sur tout le corps espacées de 24 heures. Ce produit est utilisé sous forme diluée à 50 % chez le nourrisson. Dans certaines formes simples et dans le cas de gale collective ou norvégienne, on utilise un traitement scabicide systémique par ivermectine (Stromectol®) à la posologie de 2 mg pour 10 kg à renouveler à 2 semaines d’intervalle. Dans les formes surinfectées, une antibiothérapie est associée et en cas d’eczématisation, on peut proposer un traitement émollient et une corticothérapie brève. Les conditions du succès résident dans le traitement de tous les membres de l’entourage (familial, collectivité) ainsi que du linge et de la literie (utilisation d’un insecticide par exemple). Médecine d’urgence
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Pédiculoses
Présentations cliniques
Les pédiculoses sont dues à des poux, insectes hématophages ubiquitaires et contagieux. On distingue trois types de poux correspondant à trois types d’atteintes.
Candidoses buccales et digestives
Pédiculose corporelle La pédiculose corporelle, dont l’agent causal est le pediculus humanus corporis qui vit dans les vêtements (plis, coutures), touche les sujets en précarité. La transmission est interhumaine et peut favoriser la transmission d’autres maladies comme le typhus exanthématique, la fièvre quintane ou la fièvre cosmopolite récurrente. Les manifestations cliniques se présentent sous forme de prurit généralisé associé à des lésions de grattage prédominant aux racines des membres. Le diagnostic se fait sur la découverte des poux sur le corps.
Pédiculose du cuir chevelu La pédiculose du cuir chevelu est due à pediculus humanus capitis. La femelle adulte pond des œufs à la base des cheveux. Elle touche essentiellement les enfants par contamination directe. L’association d’un prurit du cuir chevelu diffus à des lésions de grattage au niveau du cuir chevelu, de la nuque et du cou fait évoquer le diagnostic. La certitude diagnostique repose sur la mise en évidence par l’examen des cheveux de lentes vivantes ovoïdes, blanchâtres, difficilement détachables du cheveu. En cas d’impétiginisation, des lésions croûteuses et des adénopathies peuvent être présentes.
Phtiriase pubienne La phtiriase dont est responsable le phtirius pubis inguinalis est une infection sexuellement transmissible par contact direct et se développe dans les poils pubiens. Le prurit pubien s’accompagne de lésions de grattage mais aussi d’adénopathies inguinales. Le diagnostic clinique repose sur la découverte de poux adultes au niveau périanal, axillaire et pectoral.
Traitements La pédiculose du cuir chevelu et la phtiriase nécessitent des lotions topiques à base de pyréthrine (Spray-pax®), de malathion ou de pédiculocide organophosphoré (Prioderm®). La lotion est à appliquer pendant 12 heures puis à rincer et l’application est à renouveler 8 jours après. Le traitement s’accompagne d’une décontamination par lavage à 60 °C des vêtements, literie, peluches, etc. Pour la pédiculose corporelle, un savonnage du corps puis une seule application des mêmes produits suffisent à venir à bout des parasites. La prévention des ectoparasitoses repose sur des règles d’hygiène (changement des vêtements, douche quotidienne), la surveillance des cheveux chez les enfants scolarisés et l’application de shampoings antiparasitaires périodiques. L’éviction scolaire n’est pas obligatoire.
■ Infections mycosiques Les mycoses superficielles sont composées des candidoses, les plus fréquentes, des dermatophytoses et des pityrosporoses.
Candidoses superficielles [64] Physiopathologie Candida est une levure, unicellulaire, appartenant à la famille des albicans, germe endosaprophyte du tube digestif. La contamination peut se faire par voie endogène à point de départ digestif ou génital, ou par voie exogène dans le cadre d’une contamination mère/nouveau-né par contact direct. Le passage systémique est exceptionnel mais possible notamment chez les sujets immunodéprimés. Médecine d’urgence
Les lésions peuvent atteindre la commissure labiale (intertrigo) s’étendre à la peau adjacente de la lèvre (chéilite), à la langue (glossite) ou à la muqueuse buccale (stomatite). La lésion est érythémateuse, douloureuse, vernissée et peut être couverte d’un enduit (muguet). Chez les patients immunodéprimés, une extension est possible vers l’œsophage puis le reste du tube digestif à l’origine de gastroentérites sévères. Candidoses génitales Chez la femme, la vulvovaginite candidosique est l’association de lésions érythémateuses et œdémateuses, d’un prurit, d’un enduit blanchâtre et de leucorrhées. L’extension des lésions peut se faire vers les plis inguinaux, les plis interfessiers, voire vers le col ou l’urètre ; la vulvovaginite peut être aiguë ou chronique. Chez l’homme, la forme clinique de candidose génitale est représentée par une méatite ou une balanite exceptionnelles. Intertrigos candidosiques Les facteurs favorisants de cette infection sont le surpoids, la macération, le diabète, le manque d’hygiène. La transmission la plus fréquente est l’auto-inoculation et la localisation préférentielle des lésions se fait sur les grands plis : génitocrural, périanal, interfessier et sous-mammaire. Les lésions peuvent également concerner les petits plis (interdigital ou pied). L’intertrigo est une lésion à fond érythémateux recouvert d’un enduit crémeux et limité par une bordure pustuleuse ou une collerette. Il est le plus souvent bilatéral lorsqu’il concerne les grands plis et peut être associé à un prurit. Candidoses des phanères [65] L’onychomycose candidosique concerne surtout les doigts ; elle débute par une atteinte de la zone matricielle et du repli sus-unguéal (périonyxis) puis de la tablette unguéale (onyxis) prenant une couleur verdâtre dans les régions proximales et latérales.
Diagnostic et traitement Le diagnostic est essentiellement clinique. En cas de doute, il peut se faire par prélèvement à l’écouvillon : l’examen direct met alors en évidence des levures bourgeonnantes avec présence de filaments et la culture sur milieu de Sabouraud permet une identification. Les antifongiques locaux se présentent sous diverses formes : crème, gel, lait, poudre, suspension buvable ou ovule. Les différentes classes topiques sont les pyridones (ciclopiroxolamine), les allylamines (terbinafine), les antibiotiques (nystatine, amphotéricine B) et les dérivés imidazolés (kétoconazole, fluconazole) [66]. Ces deux dernières classes existent également par voie générale. Actuellement, le traitement repose essentiellement sur les dérivés imidazolés. Les candidoses buccales, génitales, les candidoses des plis et les candidoses unguéales se traitent par topiques antifongiques associés à des mesures d’hygiène : lutte contre la macération, toilette avec savon alcalin... Les formes galéniques sont adaptées en fonction de la localisation. Les formes systémiques sont réservées en association avec le traitement local au sujet immunodéprimé et aux lésions étendues.
Infections à dermatophyton de la peau glabre, des plis et phanères [67] Physiopathologie Il existe trois types de dermatophytes : épidermophyton, microsporum et trichophyton. Ces champignons agissent sur la kératine de la peau et des phanères sans atteindre les muqueuses. La transmission est interhumaine mais peut se faire de l’animal à l’homme pour le microsporum.
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Présentations cliniques
Néanmoins, l’émergence de résistance doit conduire à redoubler de vigilance sur la prise en charge de ces infections cutanées, en particulier en médecine d’urgence. De même, l’utilisation nouvelle de molécules, notamment les céphalosporines, le leiconazide et les fluoroquinolones de dernière génération, est actuellement à l’étude dans ces indications et promet une efficacité équivalente pour des traitements plus courts et moins lourds.
Les dermatophytoses des plis sont dues à Trichophyton rubrum, Trichophyton interdigitale et Epidermophyton floccosum. L’atteinte interdigitale concerne essentiellement les 3e et 4e espaces, sous la forme d’une lésion sèche ou suintante pouvant se compliquer de fissures, de bulles, pouvant s’étendre ou se surinfecter. L’atteinte des grands plis prédomine sur les plis inguinaux, interfessiers et abdominaux formant des plaques érythémateuses et desquamantes à contours circinés (« eczéma marginé de Hebra »). La dermatophytose de la peau glabre due à Microsporum canis se localise sur toutes les parties du corps formant des plaques érythémateuses d’évolution centrifuge et bordées par des lésions vésiculosquameuses. Les teignes du cuir chevelu microsporiques réalisent des lésions alopéciantes arrondies d’allure centrifuge. Les teignes du cuir chevelu trichophytiques forment des lésions squamocroûteuses parfois pustuleuses. La teigne favique forme des lésions alopéciantes inflammatoires. Les kérions sont des teignes inflammatoires qui se composent de plaques inflammatoires purulentes. Les teignes de la barbe donnent des papules inflammatoires pustuleuses et verruqueuses. Les dermatophytoses unguéales dues à Trichophyton rubrum et Trichophyton interdigitale concernent principalement les orteils. Elles sont souvent associées à des atteintes interdigitales et forment des lésions sur la partie latérodistale de l’ongle qui évoluent en lésion d’hyperkératose sous-unguéale, puis onycholyse par détachement de la tablette.
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• La gravité des infections cutanées est variable et elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Cette gravité dépend de la profondeur de l’atteinte, du terrain du patient et du micro-organisme incriminé. • Les infections d’origine bactérienne regroupent les infections du follicule (folliculite et furoncle), l’érysipèle, les dermohypodermites et fasciites nécrosantes et l’impétigo. • Les germes cutanés font la plupart du temps partie de la flore saprophyte et ne sont pas pathogènes. L’existence d’une brèche dans la barrière cutanée peut favoriser la pénétration du germe, voire sa dissémination hématogène. • Streptocoques et staphylocoques sont des cocci à Gram positif responsables de la plupart des infections cutanées bactériennes. La présence de germes multiples est fréquente. • L’impétigo est une infection superficielle contagieuse car auto-inoculable. Le traitement de l’impétigo inclut une antibiothérapie topique et systémique et des antiseptiques locaux. • Les dermohypodermites bactériennes non nécrosantes (DHB) ou érysipèle (cellulitis pour les Anglo-Saxons) sont des infections superficielles, sans nécrose ni atteinte de l’aponévrose superficielle. Les dermohypodermites bactériennes nécrosantes (DHBN) présentent une nécrose avec décollement cutané. La fasciite nécrosante (FN) ou necrotizing fasciitis, correspond à une extension encore plus en profondeur avec atteinte de l’aponévrose superficielle. • DHBN et FN sont des infections polymicrobiennes associant bactéries aérobies et anaérobies (Streptococcus sp., Staphylococcus, Escherichia coli, Peptostreptococcus sp., Bacteroides fragilis...). Leur prise en charge thérapeutique urgente doit être multidisciplinaire : précocité de diagnostic, mise en route de l’antibiothérapie et geste chirurgical. L’association classique comprend pénicilline G à la dose de 30 MU/j (ou amoxicilline : 100 mg/kg/j) et clindamycine à la dose de 600 mg quatre fois par jour ou rifampicine 10 mg/kg deux fois par jour. • Les ectoparasitoses sont des dermatoses courantes en pratique quotidienne, cosmopolites liées à des arthropodes apparentés aux acariens (sarcoptidae) ou à des insectes (pédiculoses). Plus gênantes que graves, ces infections cutanées sont pour la plupart contagieuses.
Diagnostic et traitement Le diagnostic repose sur l’examen des lésions en lumière de Wood qui montre une fluorescence jaune-verte en cas de dermatophytose microsporique, sur le prélèvement des lésions avec examen direct qui met en évidence le dermatophyte par ses fils et la culture sur milieu de Sabouraud qui permet l’identification en 3 à 4 semaines. Les antifongiques topiques existent sous différentes formes : gel, lotion, poudre, crème... Les différentes classes thérapeutiques comprennent les dérivés imidazolés, la ciclopiroxolamine et la terbinafine. Le traitement par voie générale est la griséofulvine à la dose de 1 g/j chez l’adulte et 20 mg/kg/j chez l’enfant ou la terbinafine à la dose de 250 mg/j ou le kétoconazole utilisé entre 200 et 400 mg/j. Pour les dermatophytoses des plis, de la peau glabre et unguéales, le traitement est avant tout local mais si l’atteinte est étendue un traitement systémique peut être envisagé. Pour les teignes, un traitement local associé à la griséofulvine en première intention est indiqué pour 6 semaines. Des mesures d’hygiène comme le port d’un bonnet, la coupe des cheveux, doivent être préconisées.
Pityrosporoses Les pityrosporoses sont des mycoses superficielles du revêtement cutané dues à la levure saprophyte Malassezia furfur (Pityrosporum orbiculare). Cosmopolite et fréquente, son incidence est élevée dans les pays tropicaux chauds et humides (favorisée par la sudation). Le pityriasis versicolor forme des macules arrondies ou ovalaires, squameuses, achromiques, à limites nettes, isolées ou regroupées en placards au niveau des zones cutanées les plus riches en glandes sébacées (tronc, cou, épaules, avant-bras...) et épargnant les paumes et les plantes. Le traitement repose sur le sulfure de sélénium local ou le kétoconazole per os en cas de forme profuse.
■ Conclusion La prise en charge des infections cutanées est actuellement bien codifiée que ce soit en termes de diagnostic ou de traitement. Les données microbiologiques et épidémiologiques guident la thérapeutique, en particulier l’antibiothérapie.
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Points importants
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Médecine d’urgence
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F. Dumas, Chef de clinique-assistant. G. Kierzek, Praticien hospitalier. J.-L. Pourriat, Professeur des Universités – Praticien hospitalier (
[email protected]). Service des urgences médicochirurgicales et médicojudiciaires, Hôtel-Dieu, place du Parvis Notre-Dame, 75004 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Dumas F., Kierzek G., Pourriat J.-L. Infections cutanées. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-040-A-20, 2007.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Médecine d’urgence
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Dermatoses vésiculeuses et bulleuses aux urgences E. Sbidian, J.-C. Roujeau Les dermatoses vésiculeuses et bulleuses révèlent des pathologies multiples dont certaines ont un pronostic particulièrement sévère. L’orientation diagnostique chez un patient, consultant dans un service d’urgences, varie selon son âge et repose sur un interrogatoire détaillé (existence de facteurs déclenchants : prise médicamenteuse, exposition solaire, contexte infectieux, etc.) ainsi que sur un examen clinique minutieux (lésion élémentaire, atteintes muqueuses, signe de Nikolsky, etc.). Un diagnostic de gravité (décollement cutané important, atteinte des muqueuses entraînant des difficultés respiratoires ou d’alimentation, contexte infectieux sévère, etc.) nécessite une prise en charge hospitalière immédiate dans un service spécialisé. La prise en charge ambulatoire de patients présentant une dermatose vésiculobulleuse non infectieuse relève d’un avis dermatologique et nécessite une consultation spécialisée dans le délai le plus court. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dermatose bulleuse ; Dermatose vésiculeuse ; Infections cutanées ; Toxidermie ; Dermatose bulleuse auto-immune ; Dermatose bulleuse héréditaire
¶ Introduction
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traitement symptomatique et, d’autre part, pour établir un diagnostic qui imposerait un traitement spécifique (épidermolyse staphylococcique, syndrome de Kaposi-Juliusberg).
¶ Prise en charge d’une maladie vésiculobulleuse aux urgences Diagnostic positif Genèse des bulles et vésicules Conduite à tenir Diagnostics différentiels
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■ Prise en charge d’une maladie vésiculobulleuse aux urgences
¶ Diagnostics étiologiques Lésions élémentaires vésiculeuses Lésions élémentaires bulleuses
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Plan
¶ Conclusion
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■ Introduction Les dermatoses vésiculeuses et bulleuses se définissent par leur contenu liquidien et se différencient par leur taille (diamètre inférieur à 5 mm pour les vésicules). Elles révèlent des pathologies multiples (infectieuses, inflammatoires, auto-immunes) dont certaines ont un pronostic particulièrement sévère. L’orientation diagnostique chez un patient, consultant dans un service d’urgences, est fonction de son âge et repose sur un interrogatoire détaillé (existence de facteurs déclenchants : prise médicamenteuse, exposition solaire, contexte infectieux, etc.) ainsi que sur un examen clinique minutieux (lésion élémentaire, atteintes muqueuses, signe de Nikolsky, etc.). La gravité est liée à l’importance de la destruction épidermique, mais aussi au terrain (âges extrêmes, comorbidités, etc.) et à l’atteinte des muqueuses pouvant entraîner des difficultés respiratoires et d’alimentation. Devant des lésions limitées, aucune thérapeutique n’est indispensable en urgence. Le patient doit être alors orienté vers une consultation spécialisée. En présence de lésions étendues, l’hospitalisation s’impose, d’une part, pour initier un Médecine d’urgence
Diagnostic positif La vésicule est une collection liquidienne superficielle, de diamètre inférieur à 5 mm, contenant une sérosité claire, située en peau saine ou lésée, ou sur les muqueuses. Elle peut être hémisphérique, acuminée (conique), ou présenter une dépression centrale (ombiliquée). Les signes fonctionnels sont variables. Les lésions sont soit disséminées, soit groupées en bouquets ou en bandes. La vésicule est une lésion fragile et transitoire rapidement remplacée par une lésion érosive caractéristique par sa forme arrondie et parfois croûteuse. Elle peut aussi évoluer en quelques heures à quelques jours vers la coalescence (réalisant ainsi une bulle) ou la pustulisation. Rarement sous-cornée ou sous-épidermique, la vésicule est habituellement secondaire à des altérations intraépidermiques résultant d’un œdème intercellulaire (spongiose) et/ou d’une nécrose des kératinocytes. La bulle, lésion en relief et de grande taille (supérieure à 5 mm), contient un liquide clair ou sérohématique. Elle peut se localiser sur la peau ou sur les muqueuses. Comme les vésicules, elle peut siéger en peau saine ou sur une peau érythémateuse. Les signes fonctionnels locaux sont variables (prurit, douleurs à type de brûlure ou de cuisson). Le toit fragile et transitoire évolue vers une érosion caractéristique par sa forme arrondie et la présence d’une collerette épithéliale périphérique ou encore vers un vaste décollement épidermique donnant un aspect de
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25-040-A-30 ¶ Dermatoses vésiculeuses et bulleuses aux urgences
« linge mouillé » sur la peau. Le signe de Nikolski est le décollement cutané provoqué par une pression latérale du doigt en peau apparemment saine. Le siège de la bulle peut être intraépidermique par acantholyse (dissociation des desmosomes entraînant une perte de cohésion des kératinocytes) ou par nécrose kératinocytaire, la bulle est alors flasque et fragile. La bulle peut aussi résulter d’un clivage entre le derme et l’épiderme ou clivage dermoépidermique : elle est due à des altérations des protéines constitutives de la jonction dermoépidermique, la bulle est alors tendue.
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Point important
• Le diagnostic de vésicules ou de bulles est habituellement évident sur la peau... à condition de ne pas méconnaître le piège des croûtes arrondies qui suivent l’excoriation du toit par le prurit. • Il est plus difficile sur les muqueuses où des érosions arrondies sont trop facilement baptisées « aphtes ». L’existence d’une collerette décollable à la pince signe une bulle.
Genèse des bulles et vésicules La collection de liquide qui les définit est un exsudat de sérum qui se produit sous le double effet d’une inflammation et d’altérations structurelles de l’épiderme et du derme. Il peut s’agir : • d’une nécrose (ou apoptose) de quelques kératinocytes au sein de l’épiderme (vésicules, eczéma, infections virales) ; • d’une nécrose (ou apoptose) de tout l’épiderme (bulles, nécrolyse épidermique toxique) ; • d’une nécrose profonde ischémique (bulles hémorragiques et purpura, vascularites) ; • d’anomalies congénitales ou acquises (auto-immunes souvent, infectieuses rarement) des protéines de jonction entre kératinocytes ou entre épiderme et derme.
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Point important
Rappel anatomoclinique • La cohésion de l’épiderme est assurée par deux systèmes d’adhésion : C la cohésion de l’épiderme est principalement assurée par les desmosomes qui permettent l’adhésion intrakératinocytaire (les kératinocytes sont les principales cellules de l’épiderme) ; C la jonction dermohypodermique assure une bonne adhésion entre l’épiderme et le derme sous-jacent. Elle constitue une région macromoléculaire complexe. • C’est l’altération de ces différents systèmes d’adhésion qui est à l’origine de la formation des bulles.
Conduite à tenir Évaluation de la gravité Un décollement bulleux altère massivement la fonction de barrière de l’épiderme. Les manifestations viscérales qui peuvent en résulter sont proportionnelles à l’étendue du décollement : • pertes hydroélectrolytiques pouvant entraîner des hypovolémies sévères avec risque d’insuffisance rénale fonctionnelle ;
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• déperdition thermique ; • surinfection bactérienne (colonisation des lésions cutanées dès les premiers jours, susceptible d’entraîner une infection systémique) ; • douleur ; • hypercatabolisme et pertes protidiques ; • etc. La gravité est donc liée à l’importance de la destruction épidermique, mais aussi au terrain (âges extrêmes, comorbidités, etc.) et à l’atteinte des muqueuses pouvant entraîner des difficultés respiratoires d’alimentation, de transit, etc.
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Point important
Toute forme étendue ou rapidement évolutive impose une hospitalisation en urgence.
Interrogatoire L’interrogatoire doit rechercher un contexte exogène : brûlure, agent externe de contact, exposition solaire et introduction récente (deux derniers mois) d’un médicament à « haut risque » (cf. « Réactions médicamenteuses »). L’interrogatoire doit s’attacher à préciser : • les antécédents familiaux de maladie bulleuse (épidermolyse bulleuse héréditaire de l’enfant) ; • l’âge de début de la dermatose (pemphigoïde bulleuse du sujet âgé, etc.) ; • le mode évolutif : aigu comme pour les toxidermies ou les causes infectieuses, chronique dans l’eczéma, subaigu et par poussées dans les maladies bulleuses auto-immunes, etc. ; • les signes fonctionnels associés et les circonstances d’apparition.
Examen clinique L’examen clinique précise la lésion élémentaire primitive (vésicule ou bulle) et son aspect (bulles tendus ou flasques), la topographie de l’éruption, l’existence de lésions cutanées associées, l’atteinte ou non des muqueuses (oculaire, oto-rhinolaryngologique [ORL], génitale, anale), la fragilité anormale de la peau d’apparence normale au pourtour des lésions (signe de Nikolsky). Il évalue l’état général du patient (hydratation, dénutrition, signes de sepsis).
Examens complémentaires Il est nécessaire, devant toute dermatose vésiculobulleuse avec signes de gravité, de réaliser : • un ionogramme sanguin et une fonction rénale pour guider la réhydratation ; • une gazométrie artérielle en cas de difficulté respiratoire liée à l’atteinte des muqueuses comme au cours d’une nécrolyse épidermique toxique ; • des prélèvements bactériologiques et virologiques en cas de points d’appel d’infection systémique avant le début d’une antiobiothérapie ou d’un traitement antiviral (au cours d’un syndrome de Kaposi-Juliusberg chez l’enfant atopique, par exemple). Les recherches étiologiques se poursuivront au cours de l’hospitalisation ou en ambulatoire à l’aide d’examens complémentaires spécifiques dont les résultats peuvent être tardifs (biopsies cutanées avec histologie standard et immunofluorescence directe, recherche d’anticorps antiépiderme en cas de suspicion de dermatoses bulleuses auto-immunes, etc.).
Diagnostics différentiels Il peut exister des formes bulleuses de maladies vésiculeuses infectieuses (herpès, zona, etc.) ou inflammatoires (eczéma bulleux, dermatite herpétiforme, etc.). Médecine d’urgence
Dermatoses vésiculeuses et bulleuses aux urgences
Tableau 1. Conduite à tenir devant une dermatose vésiculobulleuse.
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Évaluer la gravité : – extension des lésions
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Point important
Le cytodiagnostic de Tzank (cytologie d’un frottis des sérosités « raclées » au plancher d’une lésion) est de moins en moins pratiqué, mais, s’il est disponible, reste un outil important permettant avec une bonne sensibilité le diagnostic rapide (quelques heures) et, à moindre coût, de pemphigus et des infections à virus herpès simplex et varicelle-zona. À défaut, un diagnostic d’urgence peut être assuré par l’examen extemporané d’une biopsie cutanée.
– atteinte muqueuse – infection systémique Rechercher une prise médicamenteuse récente Préciser : – âge – mode évolutif – contexte infectieux Traitement symptomatique : – hospitalisation en cas de forme étendue ou rapidement évolutive – réhydratation, nutrition – contrôle de la douleur
■ Diagnostics étiologiques
– prévention des infections (soins locaux) et antibiothérapie générale en cas d’infection systémique suspectée
Lésions élémentaires vésiculeuses
– réchauffement Traitement spécifique :
Causes infectieuses
– arrêt du ou des médicaments suspects en cas de suspicion de toxidermie
Herpès
– traitement antiviral chez des patients, suspects d’infections virales, immunodéprimés ou présentant des comorbidités
La primo-infection herpétique est le premier contact infectant cutané ou muqueux avec le virus HSV1 (Herpès simplex virus) ou HSV2. Elle peut être symptomatique ou non. Classiquement, HSV1 affecte plutôt la partie supérieure du corps, HSV2 la région génitale. La transmission virale est directe par contact avec de la peau ou des muqueuses sécrétant HSV. Le réservoir d’HSV est strictement humain. L’aspect clinique est variable selon la porte d’entrée du virus. Gingivostomatite herpétique. La primo-infection buccale ou gingivostomatite herpétique survient le plus souvent chez l’enfant. Elle débute brutalement par des douleurs buccales entraînant une dysphagie, une hypersialorrhée dans un contexte fébrile et avec une altération de l’état général. En 24-48 heures, les gencives sont tuméfiées, saignantes au contact. Palais, piliers amygdaliens, pharynx, etc. peuvent être œdématiés et érythémateux. Sur ce fond érythémateux se développe un semis de vésicules de taille variable qui se rompent et laissent place à des érosions grisâtres, serties d’un liseré rouge, coalescentes en érosions polycycliques et couvertes d’un enduit blanchâtre. L’alimentation est impossible, l’haleine est fétide. La
– traitement de fond dans le service spécialisé pour les dermatoses bulleuses auto-immunes Prise en charge diagnostique : – recherche étiologique à poursuivre à l’aide d’examens complémentaires spécifiques dans un service spécialisé
Les érosions postbulleuses ne doivent pas être confondues avec des érosions ou ulcérations primitives, notamment sur les muqueuses (aphtes, chancre, etc.). Le diagnostic le plus difficile en pratique est celui des « séropapules » liées à un œdème du derme et dont l’excoriation violente peut faire sourdre quelques gouttes de sérosités sanglantes. C’est le cas du prurigo, avec, dans les formes extrêmes, de possibles vraies bulles. La conduite à tenir en cas de dermatoses vésiculobulleuses est résumée dans le Tableau 1. L’orientation diagnostique est résumée dans la Figure 1.
Vésicules
Bulles
Lésions muqueuses
Non ou minimes
Aiguës
Subaiguës/ chroniques
Kaposi-Juliusberg Zona Varicelle Herpès
Prurigo Gale Dermatite herpétiforme
Oui
Syndrome de Stevens-Johnson Érythème polymorphe
Non ou minimes
Purpura bulleux SSSS Brûlures Dermites caustiques Érythème pigmenté fixe bulleux
Pemphigoïdes
Oui
Nécrolyse épidermique toxique
Pemphigus
Figure 1. Arbre décisionnel. Étiologies principales à évoquer devant une dermatose vésiculobulleuse aux urgences. SSSS : nécrolyse épidermique staphylococcique ; EPF : érythème pigmenté fixe. Médecine d’urgence
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stomatite s’accompagne volontiers de lésions cutanées péribuccales (vésicules groupées en bouquet). Les adénopathies cervicales sont volumineuses et sensibles. L’évolution est favorable en 10 à 15 jours. On estime que 60-70 % de la population adulte a été contaminée et est porteuse du virus HSV à l’état latent. Vingt pour cent d’entre eux présentent des récurrences cliniques favorisées par certains facteurs déclenchants (exposition solaire, fièvre, cycle menstruel, stress, etc.). Ces récurrences sont précédées de prodromes (picotements, sensation de cuisson). Pour un malade donné, elles sont toujours localisées au même endroit. La guérison spontanée est rapide : 7 à 10 jours. Une primo-infection buccale symptomatique justifie un traitement dès que le diagnostic est évoqué. L’aciclovir par voie orale est utilisé chaque fois que cela est possible (200 mg 5 fois par jour chez l’enfant de plus de 2 ans et chez l’adulte). Seule la suspension buvable chez l’enfant de moins de 6 ans est autorisée. La voie intraveineuse (i.v.) est utilisée quand l’atteinte buccale est trop importante (5 mg/kg trois fois par jour ou 250 mg/m2 toutes les 8 heures chez l’enfant). La durée du traitement est de 5 à 10 jours. Des mesures de réhydratation sont prises si nécessaire. Il n’existe pas de recommandations pour le traitement curatif des récurrences ni par voie orale ni par voie locale ; un traitement préventif peut être proposé par aciclovir (400 mg 2 fois par jour) ou valaciclovir (500 mg/j) si les poussées sont supérieures à 6 par an. Une évaluation sera réalisée entre 6 et 12 mois. Kératoconjonctivite aiguë herpétique. La kératoconjonctivite aiguë herpétique est généralement unilatérale, elle s’observe surtout chez l’enfant. Elle débute par une sensation de corps étranger, de douleurs associées à un larmoiement, une photophobie, et parfois des troubles visuels. Les paupières sont œdématiées et sont surmontées de quelques vésicules. La kératite est souvent superficielle et guérit rapidement s’il n’y a pas eu de corticothérapie locale intempestive. Le traitement est le même que pour l’herpès orofacial. Une consultation ophtalmologique est nécessaire. Primo-infection herpétique génitale. La primo-infection herpétique génitale, surtout due à HSV2 est surtout symptomatique chez l’adolescente ou la jeune femme. C’est une vulvovaginite aiguë, associée à une fièvre parfois élevée, un malaise général et des adénopathies inguinales bilatérales et sensibles. La douleur est intense. Les petites et grandes lèvres sont œdématiées, érythémateuses et parsemées de vésicules rapidement rompues. On constate surtout des érosions arrondies à contours polycycliques. Ces lésions peuvent déborder vers la racine des cuisses, le pubis et les fesses. Les douleurs mictionnelles sont constantes et la rétention urinaire non exceptionnelle. Les lésions disparaissent spontanément en 3 semaines. Chez l’homme, la primo-infection est moins intense. Une atteinte anale isolée (anorectite érosive aiguë) est possible dans les deux sexes. L’herpès génital est particulièrement récidivant. Son diagnostic est souvent difficile : lésions fissuraires, érosives parfois infectées. L’existence de prodromes et le caractère récurrent au même endroit sont des arguments indirects pour le diagnostic ; il doit être confirmé chez la femme en âge de procréer (risque d’herpès néonatal). Le traitement de la primoinfection est l’aciclovir per os (200 mg 5 fois par jour pendant 10 jours) ou i.v. (5 mg/kg trois fois par jour) ou le valaciclovir per os (500 mg deux fois par jour pendant 10 jours). On peut proposer un traitement curatif des récidives (aciclovir 200 mg 5 fois par jour pendant 5 jours ou valaciclovir 1 000 mg en une ou deux prises). Le traitement préventif des récidives est le même que pour l’herpès orofacial. Cas particuliers : formes sévères Syndrome de Kaposi-Juliusberg. Le syndrome de KaposiJuliusberg correspond à une surinfection virale disséminée à HSV d’une dermatose sous-jacente, habituellement une dermatite atopique. Quelques cas ont été décrits compliquant une dermatite séborrhéique, un lymphome épidermotrope ou une dermatose acantholytique (pemphigus, maladie de HaileyHailey, maladie de Darier) [1] . Il s’agit de formes fébriles nécroticohémorragiques associées à une altération de l’état général et à une fièvre élevée. L’éruption prédomine sur le
4
Figure 2.
Syndrome de Kaposi-Juliusberg chez un adulte.
visage (Fig. 2) et la partie supérieure du corps. Son diagnostic peut être difficile, car elle est confondue avec une poussée de la maladie primitive. Douleur et fièvre élevée sont les deux principaux signes d’alerte, alors que les poussées de la dermatite atopique sont prurigineuses et très fébriles. Le patient dira bien « qu’il ne s’agit pas d’une poussée habituelle ». Une dissémination virale viscérale compliquée d’un sepsis grave et d’un décès est devenue rare grâce au traitement antiviral. La prise en charge est hospitalière et nécessite un traitement immédiat par aciclovir i.v. à 5 mg/kg 3 fois par jour, sans attendre les résultats des prélèvements. Le virus HSV reste présent dans les lésions pendant au moins 24 heures sous aciclovir et une difficulté technique à la réalisation immédiate du prélèvement ne doit pas être prétexte à retarder le traitement. Herpès néonatal. L’herpès néonatal est rare, mais grave du fait des complications neurologiques et viscérales importantes [2]. L’infection est supposée consécutive à une contamination dans la période périnatale. Les lésions classiquement vésiculeuses, localisées, peuvent prendre un caractère bulleux et nécrotique plus étendu plus ou moins intégré à un tableau de septicémie néonatale. Le traitement repose sur l’aciclovir i.v. et sur des mesures préventives bien connues des obstétriciens. Varicelle/zona La varicelle et le zona sont dus au même virus, Herpes virus varicella. La varicelle correspond à la primo-infection, le zona à une récurrence localisée. La varicelle est la plus contagieuse des maladies éruptives : 90 % des cas surviennent entre 1 et 14 ans. Son temps d’incubation est de 14 jours en moyenne. Après une phase d’invasion courte (fébricule, malaise, etc.), elle se présente initialement sous forme de macules rosées rapidement surmontées d’une vésicule (Fig. 3). Le liquide se trouble et la vésicule s’ombilique puis se dessèche en formant une croûte. Une atteinte des muqueuses est possible. Le cuir chevelu est atteint précocement. L’ensemble du revêtement cutané peut être touché. Plusieurs poussées de vésicules se succèdent, l’éruption comporte des éléments d’âge différents. Il n’y a pas lieu de prescrire des antiviraux dans la forme bénigne de l’enfant. Au plan local, des antiseptiques de chlorhexidine sont utilisés pour prévenir la surinfection. L’aspirine (risque de syndrome de Reye : encéphalopathie et stéatose hépatique) et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (risque discuté de fasciite nécrosante) sont strictement interdits. L’éviction des collectivités est nécessaire. Les formes compliquées sont rares. Les surinfections, principalement observées chez l’enfant, sont secondaires au staphylocoque doré ou au streptocoque et nécessitent une antibiothérapie par voie orale. La pneumopathie varicelleuse se voit surtout chez l’adulte et dans les formes malignes. Elle se manifeste par une toux avec dyspnée dans un contexte fébrile. Une prise en charge hospitalière est nécessaire et un traitement par voie veineuse d’aciclovir Médecine d’urgence
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Figure 3. Varicelle profuse chez un adulte.
est recommandé. Des formes graves avec détresse respiratoire nécessitant une prise en charge en réanimation sont possibles. L’incidence des formes de l’adulte semble augmenter. Les formes graves et profuses (éruption ulcéronécrotique, hémorragique accompagnée de signes généraux) sont essentiellement liées au terrain : sujets immunodéprimés, femme enceinte (en cas de varicelle avant la 22e semaine d’aménorrhée, une surveillance au centre de diagnostic anténatal est recommandée), varicelle néonatale. L’utilisation d’aciclovir i.v. est recommandée pour les femmes enceintes dont la varicelle survient dans les 8 à 10 jours avant l’accouchement, la varicelle néonatale et l’immunodépression quelle qu’en soit la cause. Le zona se caractérise par une éruption érythématovésiculeuse le plus souvent unilatérale et un syndrome algique siégeant au niveau du métamère. Tous les dermatomes peuvent être atteints, donnant autant de formes cliniques : zona intercostal, zona cervical, zona ophtalmique, zona du ganglion géniculé, zona des membres, etc. Les complications sont fonction du terrain. Chez l’immunodéprimé, l’éruption prend un aspect ulcéronécrotique, hémorragique, elle peut être bilatérale ou peut toucher de façon étagée plusieurs métamères. Dans ces formes graves, des complications neurologiques (encéphalites) pulmonaires ou hépatiques peuvent survenir. Chez le sujet âgé, il faut redouter les complications oculaires du zona ophtalmique ainsi que les algies postzostériennes. Chez l’immunocompétent, un traitement par valaciclovir per os (1 g trois fois par jour pendant 7 jours) est recommandé devant un zona ophtalmique et chez les patients de plus de 50 ans en prévention des algies postzostériennes. Un avis spécialisé est toujours nécessaire en cas de zona ophtalmique. L’aciclovir par voie veineuse à la dose de 10 mg/kg toutes les 8 heures, pendant 7 à 10 jours est réservé aux patients immunodéprimés.
Lésions élémentaires bulleuses Bulles par agents externes Brûlures Très fréquente, la brûlure aiguë légère, prise en charge en ambulatoire, est à opposer à la brûlure grave qui nécessite une hospitalisation dans un service spécialisé. Les brûlures sont d’origines thermiques dans plus de 90 % des cas, électriques, chimiques, par irradiation ou mécaniques. Médecine d’urgence
Figure 4.
Brûlures du deuxième degré du membre supérieur gauche.
Figure 5. Brûlures graves.
Les facteurs de gravité doivent être déterminés le plus rapidement possible. La surface de la brûlure, évaluée en pourcentage de la surface corporelle totale, constitue le principal critère de gravité (Fig. 4). La règle des 9 (tête et cou : 9 %, membre supérieur : 9 %, tronc : 4 × 9 %, soit 36 %, membre inférieur : 18 %), ou règle de Wallace, offre une première évaluation. Elle ne convient pas à l’enfant chez qui le pôle céphalique peut représenter jusqu’à 18 % de la surface corporelle totale au détriment des membres inférieurs. L’évaluation de la profondeur de la brûlure est clinique. Le premier degré correspond à une atteinte des couches superficielles de l’épiderme et se caractérise par un érythème douloureux. Le deuxième degré se manifeste par des phlyctènes (Fig. 5) ; elles cicatrisent spontanément selon la profondeur de la lésion. Une brûlure du deuxième degré superficiel détruit partiellement la jonction dermoépidermique, la cicatrisation spontanée est sans séquelles. Une brûlure du deuxième degré profond (destruction de la totalité de l’épiderme et du derme
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Tableau 2. Brûlures bénignes. Lésion d’étendue restreinte et non circulaire < 10 % de la surface cutanée totale chez l’adulte < 5 % chez le nourrisson Entre 5 % et 10 % chez l’enfant et le sujet âgé 1 % de la surface corporelle totale équivaut à une paume de main Brûlure peu profonde Premier degré Deuxième degré superficielle Absence de facteurs de gravité associés Âge supérieur à 3 ans, inférieur à 60 ans Absence de lésions du 3e degré Absence de brûlures du visage, du cou, des mains ou du périnée Brûlures thermiques Absence de retentissement général ni contexte pathologique particulier (grossesse, immunodépression)
superficiel) conduit à une cicatrice spontanée lente de mauvaise qualité en 2 à 4 semaines. Le troisième degré se caractérise par l’absence de phlyctènes, un aspect cartonné et blanchâtre de la peau, une insensibilité totale. Toute cicatrisation spontanée est impossible. La localisation des brûlures peut, à elle seule, mettre en jeu le pronostic vital (voies aériennes supérieures). Toute brûlure circulaire (risques d’ischémie), du périnée (risques infectieux), des mains et des pieds (risques fonctionnels) nécessite une prise en charge hospitalière. Les âges extrêmes, l’existence de comorbidités sont également des facteurs de mauvais pronostic. Le traitement ambulatoire est réservé aux formes simples (Tableau 2). Le traitement local associe désinfection des plaies (chlorhexidine à 0,05 %) puis, selon les équipes, ponction des phlyctènes en laissant le toit en place en cas de bulles de tailles limitées ou excision de toutes les phlyctènes et enfin pansements gras associés à l’utilisation de sulfadiazine argentique si la plaie est profonde ou sale. Il faut également lutter contre la douleur avec refroidissement initial des plaies et administration d’antalgiques de palier 2 ou 3. Concernant les brûlures graves (atteinte de plus de 10 % de la surface corporelle totale ou un ou plusieurs facteurs de gravité), les premiers soins visent à maintenir les fonctions vitales : assurer la liberté des voies aériennes supérieures, assurer une hémodynamique satisfaisante, mettre en place en urgence une voie veineuse périphérique pour traiter l’hypovolémie, réchauffer le patient. Une analgésie efficace est indispensable. Dermatite par photosensibilisation Le diagnostic est établi sans difficulté particulière par la constatation du rôle déclenchant des expositions solaires et l’atteinte des parties découvertes. Dans certaines photodermatoses, les substances photoactives ou chromophores responsables de l’éruption sont identifiées : ils sont alors d’origine endogène (cf. porphyries cutanées) ou d’origine exogène arrivant par voie interne (médicaments) ou par usage de topiques cosmétiques ou médicamenteux (gel kétoprofène, musc ambre, etc.). De nombreux médicaments ont été décrits comme responsables de phototoxicité sévère (éruption étendue et ou bulleuse) : les cyclines, les AINS, les psychotropes, les quinolones. La réaction phototoxique intéresse alors l’ensemble des parties exposées, contrairement aux applications de topique responsables d’une réaction localisée aux régions où a été appliqué le photosensibilisant. Un exemple courant est celui de la phytophotodermatose ou « dermite des prés », où seules les zones cutanées en contact avec les plantes vont présenter des lésions vésiculobulleuses. L’étendue de la réaction phototoxique, surtout si elle est bulleuse, peut nécessiter une prise en charge hospitalière ; cela peut être le cas d’une photothérapie avec usage concomitant de médicament photosensibilisant (psoralène) suivi ou non d’une exposition solaire artificielle ou naturelle à visée esthétique [3].
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Figure 6. Dermite caustique.
À l’inverse, d’autres photodermatoses n’ont pas de chromophores identifiés, il s’agit de lucites idiopathiques dont la plupart sont peu sévères (lucite polymorphe et lucite estivale bénigne). Cependant, d’autres sont responsables de réactions graves ; c’est le cas de l’hydroa vacciniforme à l’origine de cicatrices varioliformes des zones cutanées les plus exposées. Ces cicatrices, secondaires à des lésions vésiculeuses, s’aggravent au cours des années et aboutissent à des troubles esthétiques graves. Dermatites caustiques et/ou allergiques Ce sont des formes graves se présentant sous forme d’œdème aigu du visage, inflammatoire et recouvert de vésicules et de bulles croûtes (Fig. 6). Les principales causes sont des allergènes puissants souvent aéroportés (bombes d’autodéfense, allergènes végétaux, paraphénylènediamine). Autres Des lésions bulleuses peuvent être secondaires à des gelures, à des piqûres d’insectes ou de méduse, à un traumatisme (bulles de cause mécanique : l’« ampoule »).
Réactions médicamenteuses Dans leur très grande majorité, les réactions médicamenteuses (toxidermies) sont bénignes et se manifestent par des signes cutanés non spécifiques (exanthèmes maculopapuleux, urticaire, etc.). Bien que rares, les toxidermies graves (angiœdème et choc anaphylactique, pustuloses exanthématiques aiguës généralisées, syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse, nécrolyse épidermique toxique [NET], érythème pigmenté fixe bulleux généralisé) doivent être diagnostiquées, car elles mettent en jeu le pronostic vital. Seules sont détaillées ici les toxidermies bulleuses. Nécrolyse épidermique toxique : syndrome de Lyell ou syndrome de Stevens-Johnson Ce sont les formes les plus graves de toxidermies. Elles restent exceptionnelles avec une incidence d’environ deux cas par an et par million d’habitants [4]. La principale cause est médicamenteuse. Les molécules les plus à risque sont : l’allopurinol, plusieurs anticomitiaux (lamotrigine, carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne), la nevirapine, les sulfamides antiinfectieux et les AINS de la famille des oxicam [5, 6]. La réaction débute une dizaine de jours après la prise du médicament inducteur. Histologiquement et cliniquement, il existe un continuum entre le syndrome de Lyell (NET) (Fig. 7, 8) et le syndrome de Stevens-Johnson (SJS) (Fig. 9). Seule Médecine d’urgence
Dermatoses vésiculeuses et bulleuses aux urgences
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Figure 7. Nécrolyse épidermique toxique : décollement typique en « linge mouillé ».
Figure 9. Syndrome de Stevens-Johnson : macules érythémateuses, à bords irréguliers ; certaines sont vésiculobulleuses.
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Point important
Figure 8. Nécrolyse épidermique toxique : ulcérations douloureuses et lésions croûteuses des lèvres ; atteinte des paupières avec perte des cils.
Médicaments à risque élevé de SJS ou NET, responsables de 50 % des cas de SJS/NET • Allopurinol • Sulfamides (anti-infectieux) • Névirapine • Lamotrigine • Carbamazépine • Phénobarbital • Phénytoine • Oxicam
l’étendue finale de la surface décollée les différencie (inférieure à 10 % pour le SJS, comprise entre 10 % et 30 % pour la forme frontière SJS/NET, supérieure à 30 % pour la NET) [7]. Le premier signe clinique de certitude est l’apparition de bulles cutanées et ou d’érosions des muqueuses généralement précédé par des manifestations peu spécifiques (fièvre, conjonctivite et brûlures oculaires, pharyngite, éruption érythémateuse). L’atteinte cutanée est constituée initialement par des lésions érythémateuses diffuses, des cocardes atypiques ou des macules confluentes. À la phase d’état, la NET réalise un décollement épidermique en « linge mouillé ». Le signe de Nikolsky est positif et des lambeaux d’épiderme se détachent à la moindre pression. Au cours du SJS, bulles et vésicules restent de petite taille, les zones de décollement par confluence sont limitées. L’atteinte des muqueuses (oropharynx, yeux, organes génitaux externes, anus), présente dans la quasi-totalité des cas, précède ou suit les lésions cutanées de 1 à 2 jours. L’histologie cutanée (toujours souhaitable pour des raisons « médicolégales ») montre une nécrose de la totalité de l’épiderme, se détachant d’un derme peu modifié [8]. Il existe en outre un état général gravement altéré accompagné d’une fièvre constante. Une polypnée avec hypoxémie témoigne d’une nécrose de l’épithélium bronchique, le pronostic est alors réservé [9]. Les pertes hydroélectrolytiques, secondaires aux déperditions cutanées, sont à l’origine d’une déshydratation compliquée d’insuffisance rénale fonctionnelle, voire de défaillance cardiaque si elles ne sont pas rapidement
compensées. Des études récentes ont permis de valider un indice pronostique de SJS et TEN, le SCORTEN, et de prédire ainsi la mortalité [10]. Cet indice est réalisé à partir de paramètres cliniques et biologiques recueillis à l’admission du patient. Les paramètres du SCORTEN sont détaillés dans le Tableau 3. La mise en œuvre précoce d’une prise en charge adaptée permet d’attendre dans les meilleures conditions la réépithélialisation spontanée. Ces patients nécessitent un remplissage d’emblée et une hospitalisation en unité de soins intensifs. L’arrêt précoce du médicament imputable est essentiel. La conduite à tenir en urgence est résumée dans le Tableau 4. Il n’existe pas de traitement spécifique de la NET. Le risque de mortalité est élevé, de 5 % à 50 % selon l’âge et l’étendue des lésions [11] . La réépidermisation est rapide (10 à 30 jours). Les séquelles cutanées (troubles de pigmentation) et des muqueuses (synéchies des organes génitaux externes, photophobie, brûlures oculaires, altération de l’acuité visuelle) sont presque constantes. Le SJS/NET doit être distingué : • de l’érythème polymorphe majeur ; • de l’épidermolyse staphylococcique ; • de l’érythème pigmenté fixe (EPF) bulleux généralisé ; • de la pustulose exanthématique généralisée (autre type de toxidermie) en cas de confluence des pustules sur peau érythrodermique.
Médecine d’urgence
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Tableau 3. SCORTEN. Items
(a)
Nombre de points
Risque de décès (%)
Fréquence cardiaque supérieure à 120/min
0-1
3%
Présence d’un cancer ou d’une hémopathie
2
12 %
Surface cutanée décollée et décollable supérieure à 10 %
3
35 %
Âge supérieur à 40 ans
Urée supérieure à 10 mmol/l
4
58 %
Bicarbonates totaux inférieurs à 20 mmol/l
≥5
90 %
Glycémie supérieure à 14 mmol/l (a)
Figure 10. Érythème pigmenté fixe bulleux : plaques érythémateuses arrondies recouvertes de bulles.
1 point pour chaque item présent.
Poser une voie d’abord périphérique et débuter le remplissage :
prise du médicament inducteur, en particulier barbituriques, cyclines, sulfamides ou pyrazolés. Il s’agit de quelques plaques érythémateuses arrondies et très bien limitées. Elles peuvent se recouvrir d’une bulle (Fig. 10). En cas de réintroduction du médicament, les lésions récidivent au même site. Les organes génitaux ou les lèvres sont fréquemment touchés. L’atteinte des muqueuses est rare. L’érythème pigmenté fixe bulleux dans sa forme généralisée est un diagnostic de gravité.
– réhydratation parentérale : 1,7 ml/kg/% surface décollée de solutés isotoniques pour 24 heures
Causes infectieuses
Tableau 4. Conduite à tenir en urgence devant une nécrolyse épidermique toxique. Réchauffer le patient Éviter les traumatismes cutanés, l’utilisation de pansements adhésifs
Poser une sonde nasogastrique : – alimentation entérale : 1 000 calories les premières 24 heures puis augmentation progressive Poser une sonde urinaire en cas d’érosions des organes génitaux : – surveillance de la diurèse Évaluer l’état général, en particulier : – hémodynamique – fréquence respiratoire – diurèse – conscience – douleur Arrêter tous médicaments suspects Évaluer les facteurs pronostiques en utilisant le SCORTEN Soins locaux : – appliquer de la vaseline sur l’ensemble du tégument et sur les muqueuses (lèvres et organes génitaux externes) – débuter l’administration de collyres neutres toutes les 2 heures – effectuer des bains de bouche toutes les 4 heures – faire expectorer le patient toutes les 4 heures Administrer des antalgiques majeurs en tenant compte de l’état respiratoire Adapter la glycémie Réaliser des photographies, rassurer le patient sur la nature réversible des lésions cutanées Hospitaliser le patient en unité de soins intensifs ou en unité spécialisée
“
Point important
• La difficulté majeure est de suspecter le diagnostic précocement avant que la progression des lésions ne rende le diagnostic évident. Les erreurs les plus communes restent : C la varicelle : les vésicules et bulles initiales peuvent ressembler au SJS/NET, mais avec trop de lésions muqueuses et trop de douleurs ; C la stomatite érosive, mais il y a trop de lésions cutanées et la progression est rapide.
Érythème pigmenté fixe bulleux C’est une dermatose rare, de cause exclusivement médicamenteuse. Les lésions apparaissent moins de 48 heures après la
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Érysipèle et dermohypodermites/fasciites nécrosantes L’érysipèle commun est une dermohypodermite aiguë non nécrosante streptococcique (streptocoque b-hémolytique du groupe A, B, C et G), relativement fréquente, touchant 10 à 100 cas pour 100 000 habitants par an. Il est fréquemment associé à une obésité. Le début est brutal avec fièvre et placard inflammatoire douloureux, touchant majoritairement le membre inférieur. On trouve fréquemment une traînée de lymphangite vers une adénopathie locale douloureuse et augmentée de volume. L’apparition de bulles sur le placard érythémateux est un phénomène peu fréquent au cours de l’érysipèle commun, qui s’observe dans 5 % des cas. Cependant devant un tableau clinique d’érysipèle, la présence de bulles est un signe inquiétant qui fait suspecter une dermohypodermite nécrosante (DHN) ou une fasciite nécrosante (FN). Pour cela, il faut s’aider de caractéristiques sémiologiques plus fines : un placard inflammatoire sans limite nette, accompagné de nécrose cutanée, de zones de marbrures, d’un livédo distal, d’une froideur de la peau, d’une hypoesthésie superficielle, d’une crépitation à la palpation ou d’une odeur fétide témoignant de la production de gaz, d’une extension rapide des lésions malgré le traitement antibiotique, volontiers associé à des signes généraux de sepsis graves contrastant avec la pauvreté des signes cliniques inflammatoires orientent vers une DHN/FN. Au moindre doute, la réalisation d’une imagerie par résonance magnétique et une exploration chirurgicale peuvent aider au diagnostic. Les critères d’hospitalisation d’emblée sont un doute diagnostique, des signes locaux de gravité ou généraux importants, l’existence de comorbidités, un contexte social difficile rendant le suivi à domicile compliqué. Les critères d’hospitalisation dans un second temps sont la persistance de la fièvre à 72 heures du traitement antibiotique, l’apparition de nouveaux signes locaux et/ou généraux, la décompensation d’une tare associée. Un traitement antibiotique actif sur le streptocoque b-hémolytique du groupe A est prescrit pour une durée de 10 à 20 jours jusqu’à amélioration clinique : pénicilline A en ambulatoire et pénicilline G i.v. en cas d’hospitalisation (actuellement remplacée par la pénicilline A, car la pénicilline i.v. est peu pratique d’utilisation avec six perfusions par jour). En cas d’allergie aux b-lactamines, un traitement par pristinamycine est prescrit. En cas de traitement à domicile, il faut s’assurer qu’un suivi médical rapproché peut être mis en place, notamment une réévaluation à 48-72 heures. Dans le traitement, il ne faut pas oublier le traitement des facteurs favorisants, de la porte d’entrée et le rappel antitétanique. L’anticoagulation préventive n’est pas systématique sauf en cas de facteurs de risques associés. L’érysipèle ne constitue pas en soi un facteur de risque thromboembolique. Médecine d’urgence
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Figure 11. Épidermolyse staphylococcique aiguë : érosions érythémateuses du tronc.
L’évolution est favorable dans la grande majorité des cas sous antibiotique. Impétigo bulleux et épidermolyse staphylococcique aiguë L’impétigo est une infection cutanée aiguë bactérienne, non immunisante et contagieuse par auto-inoculation à streptocoque et/ou staphylocoque. Les nouveau-nés sont particulièrement exposés au risque d’infections à staphylocoque doré, infections le plus souvent nosocomiales. Il faut distinguer l’impétigo croûteux de l’impétigo bulleux. L’impétigo croûteux est la forme la plus fréquente. Sa lésion initiale est une vésiculobulle superficielle sur base érythémateuse qui évolue vers la formation de croûtes mélicériques (couleur de miel). Ces lésions, souvent d’âges différents chez un même patient, sont peu douloureuses et isolées (apyrexie). L’impétigo prédomine chez l’enfant de moins de 10 ans. Cette dermatose survient par épidémies dans les écoles ou les crèches. L’impétigo bulleux est caractérisé par la présence de bulles mesurant de 1 à 2 cm, laissant place à de vastes érosions en quelques jours. Il n’existe habituellement pas de signes généraux. Cette forme est observée plus fréquemment chez le nouveau-né et le nourrisson. Le germe responsable de cette forme clinique est principalement le staphylocoque doré. La disposition des lésions est ubiquitaire, mais prédominante en zones périorificielles dans l’impétigo à staphylocoque alors que l’impétigo streptococcique se localise au niveau des parties découvertes ou traumatisées. Le diagnostic clinique est confirmé par les résultats des prélèvements bactériologiques effectués à partir des bulles ou des lésions ulcérocroûteuses. La prise en charge consiste notamment en une éviction scolaire jusqu’à guérison complète en cas de traitement local ou pendant les 48 premières heures en cas d’antibiothérapie par voie générale, mais il faut aussi traiter la fratrie. Un éventuel foyer infectieux ORL ou une dermatose sous-jacente sont également recherchés. L’utilisation d’antiseptiques locaux n’a pas montré son intérêt dans l’impétigo [12]. Une antibiothérapie locale est réservée aux formes modérées définies comme étant un impétigo croûteux avec une surface cutanée atteinte inférieure à 2 % de la surface corporelle (une main correspond à 1 %), moins de cinq sites lésionnels actifs et l’absence d’extension rapide. L’acide fusidique a une bonne pénétration cutanée, il est bactéricide. Il est prescrit en première intention, trois fois par jour. La mupirocine a une efficacité équivalente [13]. Il est préférable, dans les autres cas, d’administrer les antibiotiques par voie orale : impétigo diffus ou sévère, impétigo bulleux, extension rapide, etc. Les pénicillines M restent le traitement de référence (oxacilline), en seconde intention, l’amoxicilline/acide clavulanique est proposé. En cas d’allergie, une alternative par macrolide ou acide fusidique peut être envisagée, si on ne suspecte pas de résistances du staphylocoque doré. L’antibiothérapie orale sera poursuivie 8 jours. Il existe des formes extensives d’impétigo bulleux, ou épidermolyse staphylococcique aiguë (ESA), réalisant de vastes décollements avec signe de Nikolsky positif (Fig. 11). L’ESA est causée par des toxines épidermolytiques de certains types phagiques de staphylocoque doré. Ces toxines clivent la desmogléine 1, Médecine d’urgence
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protéine qui assure la cohésion des kératinocytes différenciés de la partie la plus superficielle de l’épiderme. La diffusion des toxines exfoliantes par voie hématogène, à distance du foyer initial, explique l’extension rapide des bulles. Cette infection affecte principalement le nouveau-né porteur de foyers staphylococciques extracutanés (ORL, conjonctival, ombilical, etc.). Quelques cas de transmissions maternofœtales lors de l’accouchement ont été rapportés [14, 15]. L’ESA est rare chez l’adulte. L’éruption cutanée est de type scarlatiforme, associée à un œdème palmoplantaire et à un énanthème. Au cours des 24-48 premières heures, des décollements cutanés surviennent, très rapidement extensifs, et laissent des érosions érythémateuses, donnant l’aspect classique du « bébé ébouillanté ». Les muqueuses sont respectées. L’enfant est fébrile et en mauvais état général. La présence de lésions d’impétigo en zone périorificielle est fortement évocatrice. Les prélèvements bactériologiques à partir du foyer infectieux initial mettent en évidence un staphylocoque doré. Il faut distinguer l’ESA de la NET, notamment par le respect des muqueuses et par l’histologie avec un niveau de clivage intraépidermique pour l’ESA contrairement à une nécrose totale de l’épiderme pour la NET. L’évolution est favorable après la mise en route d’une antibiothérapie antistaphylococcique intraveineuse associée à un traitement symptomatique (remplissage, antalgiques, etc.). Autres Gale sarcoptique. La gale est due à un acarien, Sarcoptes scabiei. La transmission est strictement interhumaine par voie directe. La forme clinique du nourrisson se caractérise par des vésicules et pustules des paumes et plantes. Dermatophytie bulleuse. La dermatophytose de la peau glabre se transmet directement à partir d’un animal infecté ou porteur sain. Il s’agit d’un ou de plusieurs éléments arrondis érythématosquameux et secs de quelques centimètres de diamètre à extension centrifuge. Ces lésions peuvent être vésiculeuses ou bulleuses en périphérie. La guérison, spontanée ou sous traitement, s’amorce à partir du centre des lésions. Syphilis congénitale. La syphilis congénitale est exceptionnelle et secondaire à une contamination transplacentaire par Treponema pallidum à partir du quatrième mois de grossesse. Les lésions cutanées sont polymorphes, des vésicules ou bulles hémorragiques palmoplantaires sont pathognomoniques. Elles sont associées à des lésions papuleuses du tronc, des fissures péribuccales, une hépatosplénomégalie, des signes neurologiques, etc. Le diagnostic est confirmé par la sérologie. Il faut traiter le nouveau-né par pénicilline. L’enquête et le traitement maternel sont indispensables.
Dermatoses inflammatoires Érythème polymorphe Il s’agit d’un syndrome cutanéomuqueux aigu défini par la morphologie des lésions. Il faut distinguer l’érythème polymorphe (EP) majeur, d’étiologie principalement infectieuse du SJS/ NET (étiologie médicamenteuse). Le diagnostic de l’EP repose exclusivement sur la sémiologie des lésions cutanées : elles ont un aspect caractéristique en « cocarde » comprenant trois zones concentriques avec un centre inconstamment bulleux (Fig. 12). Il existe une distribution symétrique et acrale (mains, pieds, genoux, coudes et visage) des lésions cutanées. Elles évoluent spontanément favorablement en 2 à 3 semaines. L’atteinte muqueuse prédomine au niveau buccal, suivie des lésions oculaires puis des lésions génitales. L’éruption peut être fébrile surtout dans les formes majeures (atteinte d’au moins 2 muqueuses). Il n’y a habituellement aucune atteinte systémique. Le problème majeur est le risque de récurrence (30 % des cas). L’EP survient le plus souvent dans les suites de récurrences herpétiques (labial plus que génital). De nombreuses autres maladies infectieuses sont plus rarement en cause : Mycoplasma pneumoniae (environ 5 % des formes majeures, mais beaucoup plus chez l’enfant), mononucléose infectieuse, hépatites B ou C, etc. Le traitement est symptomatique (antalgiques, soins locaux,
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Épidermolyses bulleuses héréditaires
Figure 12. Érythème polymorphe : cocarde typique avec les trois zones concentriques ; certaines sont bulleuses.
Il s’agit d’un groupe rare hétérogène de génodermatoses, de transmission autosomique ou dominante, caractérisées par une fragilité cutanéomuqueuse. On distingue les épidermolyses bulleuses héréditaires (EBH) épidermolytiques correspondant à un clivage intraépidermique, les EBH jonctionnelles (clivage au sein de la membrane basale) et les EBH dystrophiques (clivage au niveau de la partie superficielle du derme). Les EBH sont secondaires à l’absence de certains antigènes de cohésion de la peau. Certaines formes sont compatibles avec une vie « normale », d’autres sont létales dès les premières semaines de vie (formes jonctionnelles). Le tableau clinique associe bulles tendues en regard des zones de frottement et atteinte des muqueuses. L’état général initial peut être très altéré selon l’étendue du décollement et la profondeur du clivage avec des risques non négligeables d’infections systémiques à point de départ cutané. Incontinentia pigmenti Il s’agit d’une génodermatose liée à l’X, transmise de façon autosomique dominante, touchant majoritairement la petite fille. L’aspect clinique est celui de lésions initiales bulleuses de disposition linéaire sur le tronc ou les membres. Ces lésions apparaissent dans les premières semaines de vie. Des manifestations neurologiques, ophtalmologiques, squelettiques, stomatologiques peuvent être associées et font toute la gravité de la maladie.
Causes auto-immunes
Figure 13. Purpura bulleux.
etc.). Dans les formes récidivantes, lorsque la nature postherpétique est établie, un traitement préventif par valaciclovir est proposé. Vasculites cutanéosystémiques Certaines vasculites cutanéosystémiques sont de véritables urgences médicales surtout en cas d’atteinte rénale (insuffisance rénale aiguë, hématurie, hypertension artérielle), neurologique et digestive (hémorragie). Les signes cutanés sont souvent évocateurs : purpura infiltré associé à des vésiculobulles hémorragiques secondairement nécrotiques (Fig. 13), livedo, ulcérations, etc. Ces lésions sont localisées aux membres inférieurs et évoluent par poussées. Les causes sont multiples : bactériennes (endocardite), virales (hépatite C), liées à des maladies de système (lupus érythémateux systémique, polyarthrite rhumatoïde, etc.), liées à des hémopathies (cryoglobulinémie, gammapathie monoclonale, hémopathies malignes), liées à des maladies granulomateuses (Wegener, Churg and Strauss, etc.) ou encore dans le cadre d’un purpura rhumatoïde, etc. Autres Les mastocytoses bulleuses néonatales sont rares, qu’il s’agisse d’une urticaire pigmentaire bulleuse, de bulles après friction d’un mastocytome ou d’une mastocytose cutanée diffuse. Elles peuvent se manifester sous forme de larges décollements bulleux, il faut alors les distinguer d’une épidermolyse aiguë à staphylocoque doré [16]. Une éruption néonatale vésiculobulleuse quelque fois hémorragique peut révéler une histiocytose langerhansienne.
Dermatoses bulleuses héréditaires Si une poussée peut parfois conduire à un recours aux urgences, le diagnostic est souvent connu et les antécédents évocateurs.
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Les dermatoses bulleuses auto-immunes (DBAI) constituent un groupe hétérogène de maladies, peu fréquentes et de pronostic variable. Ce sont des maladies acquises caractérisées par l’existence d’autoanticorps antiépidermiques. Leur évolution est le plus souvent subaigüe, c’est donc assez rarement un diagnostic d’urgence. On distingue : • les DBAI sous-épidermiques, avec perte de l’adhésion dermoépidermique dues à des anticorps altérant des composants de la jonction dermoépidermique ; • les DBAI intraépidermiques avec perte de cohésion des kératinocytes secondaires à des autoanticorps dirigés contre les desmosomes. Dermatose bulleuse auto-immune sous-épidermique Pemphigoïde bulleuse. C’est la plus fréquente des DBAI, elle est sous-épidermique. Elle touche le sujet âgé (80 ans en moyenne). La maladie débute en général par un prurit généralisé suivi de placards eczématiformes ou urticariens. L’éruption caractéristique est faite de bulles tendues sur peau érythémateuse prédominant aux faces de flexion des membres (Fig. 14). L’atteinte muqueuse est exceptionnelle. La pemphigoïde bulleuse est une maladie grave avec un taux de mortalité de 30 % à 40 % à 1 an, en partie lié aux complications iatrogènes de la corticothérapie générale ou locale. Une hospitalisation est nécessaire en cas de lésions étendues, de signes de surinfection, de difficultés de soins au domicile. Le traitement de fond (corticothérapie locale extraforte) est débuté en hospitalisation ou en ambulatoire après une consultation spécialisée. Il est prolongé plusieurs mois. On y associe des soins locaux : bains antiseptiques, hydratation, nutrition compensant les pertes hydroélectrolytiques et protéiques. Autres formes. La pemphigoïde cicatricielle touche le sujet moins âgé que la pemphigoïde bulleuse et est caractérisée par l’atteinte préférentielle des muqueuses, avec risque d’évolution cicatricielle grave. D’évolution subaiguë ou chronique, cette maladie est souvent diagnostiquée avec retard. La pemphigoïde gestationnelle est une forme rare de pemphigoïde débutant vers le 2e ou 3e trimestre de grossesse. Le pronostic fœtal est lié au risque de prématurité. La dermatite herpétiforme est une maladie de l’adolescent ou de l’adulte jeune. La maladie cœliaque lui est souvent associée. Médecine d’urgence
Dermatoses vésiculeuses et bulleuses aux urgences
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• le pemphigus paranéoplasique exceptionnel associé à des hémopathies dont les lésions des muqueuses sont diffuses et graves. La mortalité se situe à 5 % et est principalement due aux complications iatrogènes.
Causes métaboliques Diabète La bullose des diabétiques est une complication rare du diabète insulinodépendant ou non. Elle se manifeste par la survenue de bulles sur peau saine principalement aux membres inférieurs et parfois aux mains [17]. Le liquide des bulles est stérile. La physiopathologie est mal comprise. L’évolution est bénigne et se fait vers la guérison en quelques semaines. Maladie bulleuse des hémodialysés Les hémodialysés peuvent présenter une éruption proche de la porphyrie cutanée tardive (cf. infra). Porphyries cutanées Les porphyries sont des anomalies génétiques rares liées à un trouble de synthèse de l’hème, entraînant une augmentation anormale des porphyrines ou de leurs précurseurs. Elles se manifestent par des signes cutanés, digestifs et neurologiques. La porphyrie cutanée tardive est la porphyrie cutanée la plus fréquente chez l’adulte. Elle est liée à un déficit en uroporphyrinogène décarboxylase et est favorisée par des facteurs extrinsèques (alcool, médicaments, surcharge en fer, hépatite virale le plus souvent C, etc.). Cliniquement, elle se manifeste avant tout par une photosensibilité, une fragilité cutanée, la survenue de vésiculobulles des zones photoexposées. La prise en charge repose sur des saignées itératives et le contrôle des facteurs favorisants. Il faut savoir évoquer le diagnostic de porphyrie congénitale en cas d’association des bulles néonatales et de photosensibilité.
Figure 14. Pemphigoïde bulleuse : bulles de grandes tailles tendues, certaines hémorragiques, sur peau érythémateuse siégeant aux faces de flexion des membres inférieurs.
Acrodermatite entéropathique L’acrodermatite est liée à un déficit congénital (maladie récessive autosomique) partiel d’absorption du zinc. On parle de pseudoacrodermatite entéropathique en cas de carence d’apport en zinc (nutrition entérale). Les manifestations cliniques se présentent durant les premiers mois de vie par un rash cutané caractéristique par sa distribution symétrique, périorificielle, rétroauriculaire. Les lésions sont ensuite vésiculobulleuses, pustuleuses et croûteuses. L’amélioration est rapide après supplémentation en zinc.
■ Conclusion
Figure 15. Pemphigus profond : vastes décollements à contours polycycliques du dos cernés par une collerette épidermique sur peau non érythémateuse.
L’épidermolyse bulleuse acquise reste exceptionnelle. Elle se caractérise par la présence de bulles mécaniques en peau saine sur les zones de frottement laissant des cicatrices atrophiques. Dermatose bulleuse auto-immune intraépidermique Les pemphigus sont des maladies auto-immunes qui touchent la peau et les muqueuses. Il s’agit de maladies rares. Parmi les multiples variantes cliniques, on distingue : • le pemphigus profond (ou « vulgaire ») qui débute habituellement par des érosions buccales associées à l’apparition de bulles cutanées du thorax et du scalp (Fig. 15) ; • le pemphigus superficiel sans lésions des muqueuses et des lésions cutanées constituées de croûtes superficielles ; Médecine d’urgence
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Les dermatoses vésiculobulleuses constituent un groupe hétérogène de maladies à la fois peu fréquentes et de pronostics très variables. Il s’agit toujours de lésions qui méritent, du fait de leur sévérité potentielle, un bilan rigoureux guidé par un spécialiste et comportant une biopsie cutanée. Un décollement bulleux altère massivement la fonction de barrière de l’épiderme. Les manifestations viscérales qui peuvent en résulter sont proportionnelles à l’étendue du décollement : pertes hydroélectrolytiques pouvant entraîner des hypovolémies sévères, déperdition thermique, surinfection bactérienne, douleur, hypercatabolisme et pertes protidiques. Ainsi, un diagnostic de gravité (décollement cutané important, atteinte des muqueuses entraînant des difficultés respiratoires ou d’alimentation, contexte infectieux sévère, etc.) nécessite une prise en charge hospitalière immédiate.
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25-040-A-30 ¶ Dermatoses vésiculeuses et bulleuses aux urgences
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E. Sbidian, DES dermatologie. J.-C. Roujeau, Professeur des Universités, praticien hospitalier (
[email protected]). Service de dermatologie, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue de Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Sbidian E., Roujeau J.-C. Dermatoses vésiculeuses et bulleuses aux urgences. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-040-A-30, 2010.
Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels
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Documents légaux
Information au patient
Informations supplémentaires
Autoévaluations
Cas clinique
Médecine d’urgence
II - Introduction
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Sémiologie cutanée D. Lipsker En dermatologie, tout comme dans les autres disciplines médicales, le diagnostic repose sur l’interrogatoire, l’examen physique et parfois certains examens complémentaires. Cependant, du fait de l’accessibilité directe de la peau à l’inspection et à la palpation, le nombre de maladies à expression cutanée est très grand et, plus qu’ailleurs, l’examen physique joue un rôle considérable. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Examen clinique ; Peau ; Lésions élémentaires ; Arrangement ; Distribution ; Morphologie
■ Démarche diagnostique
Plan ¶ Introduction
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¶ Démarche diagnostique
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¶ Reconnaître les lésions élémentaires Est-ce que la lésion est palpable ? Est-ce que la surface de la peau est normale ? Est-ce que la consistance de la peau est normale ? Lésions intriquées
2 2 6 6 7
¶ Autres signes
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¶ Signe fonctionnel : prurit
7
¶ Conclusion
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■ Introduction En dehors de rares maladies se manifestant exclusivement par du prurit, un signe fonctionnel spécifique de l’appareil tégumentaire, toutes les maladies dermatologiques donnent des signes physiques. Néanmoins, les modes de réponse de la peau aux différentes maladies et aux traumatismes qu’elle subit sont limités. Toutes les affections qui touchent la peau se manifestent ainsi par un nombre limité de lésions, définies par leurs caractéristiques comme la consistance, la taille, la forme, le relief ou la couleur [1-3]. Ces modifications sont appelées les lésions élémentaires et il s’agit des lésions les plus simples auxquelles on peut ramener les diverses affections cutanées et à l’aide desquelles on peut les décrire [3, 4]. Ces lésions élémentaires constituent la terminologie dermatologique sine qua non pour décrire une maladie cutanée. Pour être classée en lésion élémentaire, une lésion doit pouvoir être identifiée facilement sans être confondue avec une autre. Cependant, l’identification exacte des lésions élémentaires et le recensement de toutes les lésions présentes nécessitent un œil entraîné. L’association de certaines lésions élémentaires constitue de véritables syndromes. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les lésions cutanées peuvent être évolutives et changer, et qu’une même maladie peut en comporter différents types. Ainsi, dans la varicelle par exemple, les lésions élémentaires sont vésiculeuses, de distribution cutanéomuqueuse, sans configuration remarquable, évoluant vers l’ombilication et la formation de croûtes. Traité de Médecine Akos
L’examen dermatologique doit se faire sous un bon éclairage. Il inclut l’examen de toute la peau, des phanères (cheveux, ongles, dents) et des muqueuses. Trois niveaux d’observation, dans l’ordre de priorité suivant, doivent être précisés (Tableaux 1 et 2) [2, 5-10] : • la distribution des lésions : elle domine le raisonnement diagnostique. La discussion diagnostique devant une éruption généralisée est différente de celle d’une lésion unique, indépendamment de leur arrangement ou de leur nature. La distribution peut parfois suggérer le mécanisme lésionnel (exemple : photodistribution) ; • l’arrangement des lésions entre elles : c’est un élément parfois déterminant qui, lorsqu’il est particulier (exemple : linéarité, annularité), est souvent plus informatif que la nature des lésions élémentaires. La plupart des lésions linéaires sont provoquées par des agents exogènes, dont le malade peut avoir connaissance ou non (exemple : phytophotodermatose) ; • la nature et les caractéristiques de la (ou des) lésion(s) élémentaire(s) : ce sont les éléments déterminants dans tous les cas où la distribution et/ou l’arrangement des lésions ne sont pas suffisamment discriminants pour poser un diagnostic d’emblée. Il faut alors décrire le plus précisément ces lésions. Le rôle essentiel de l’interrogatoire est souvent sous-estimé dans les traités de dermatologie. L’interrogatoire doit s’efforcer de préciser la date de début, la localisation des premières
Tableau 1. Éléments de description d’une dermatose. Distribution des lésions Arrangement des lésions Identification de la lésion élémentaire Couleur de la lésion Taille de la lésion Forme, disposition et contour de la lésion Profondeur de la lésion Anomalies de la surface Consistance de la lésion
1
2-0646 ¶ Sémiologie cutanée
Tableau 2. Distribution, arrangement et forme des lésions cutanées. Distribution (incluant les muqueuses, le cuir chevelu et les ongles) Extension
- localisée (plis, paumes et plantes, siège, surface articulaire, régions génitales, etc.) - régionale - généralisée - universelle
Caractéristiques
- selon une structure anatomique ou embryologique (vaisseau, lymphatique, métamère, ligne de Blaschko, etc.) - photodistribution (face, décolleté, dos des mains et des avant-bras) - zones exposées (aux points de pression, aux frottements, aux aéroallergènes, etc.) - distribution folliculaire - distribution aux régions séborrhéiques (sourcil, sillon nasogénien, préthoracique, etc.)
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Points essentiels
Un bon éclairage est essentiel pour un examen dermatologique. Il faut examiner toute la peau, les muqueuses, les cheveux et les ongles. L’interrogatoire est très important en dermatologie, même si l’examen physique permet parfois un diagnostic immédiat. La peau étant l’interface avec notre environnement, les dermatoses de cause exogène sont fréquentes et seule l’anamnèse permet d’en déterminer l’agent étiologique. De nombreuses maladies « internes » peuvent avoir une expression cutanée. Dans certaines situations, il est donc essentiel de tenir compte des signes extracutanés et des antécédents.
- distribution aux régions apocrines (régions axillaire, pubienne et mammaire) - distribution « endogène » (symétrie, atteinte simultanée de plusieurs plis) - zones « bastions » de certaines dermatoses (psoriasis, lichen, gale, syphilis secondaire, atopie, dermatite herpétiforme, etc.) Arrangement des lésions entre elles - isolées - groupées (amas, en bouquet, corymbique) - confluentes - linéaires - annulaires Forme de la lésion - ronde, ovale - en « cocarde » (plusieurs anneaux concentriques dont un au moins est palpable) - discoïde, nummulaire - annulaire, circinée - polycyclique, pétaloïde (réalisé par la fusion de lésions arrondies vides ou pleines respectivement) - linéaire, digitée - serpigineuse - stellaire - réticulée, cribriforme
lésions, l’extension et/ou les modifications, la présence de signes fonctionnels cutanés (prurit, douleur, etc.) et extracutanés, les circonstances déclenchantes, les diagnostics antérieurement proposés et les traitements déjà appliqués. En raison du nombre important de dermatoses liées à l’environnement (eczéma de contact, morsure d’insecte, brûlure solaire, toxidermie, etc.), les conditions de survenue des lésions, les conditions de travail et au domicile, l’horaire des lésions (par rapport au travail, à l’alimentation, etc.) ainsi que la chronologie des prises médicamenteuses sont souvent des informations anamnestiques capitales. Il faut également garder à l’esprit que pratiquement toutes les maladies peuvent être responsables de manifestations cutanées, qui peuvent parfois les révéler. Cela implique de tenir compte de l’ensemble des antécédents et des autres signes cliniques (données d’interrogatoire et d’examen physique) dans l’élaboration du diagnostic. Enfin, l’accessibilité immédiate de la peau à la biopsie permet une démarche anatomoclinique dans toutes les situations où le diagnostic ne s’impose pas d’emblée.
■ Reconnaître les lésions élémentaires Reconnaître les lésions élémentaires est une chose facile pour l’œil entraîné du dermatologue, mais peut être une tâche
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difficile pour le médecin non habitué à l’examen de la peau. On peut toutefois correctement les identifier en répondant aux trois questions suivantes (Fig. 1).
Est-ce que la lésion est palpable ? Lésion non palpable : macule Lorsque la lésion n’est pas palpable, il s’agit d’une anomalie exclusivement visible, le plus souvent une modification localisée de la couleur de la peau. Ces lésions s’appellent des macules (Fig. 2). On les distingue en fonction de leur couleur. Les macules rouges méritent une mention particulière. L’érythème est une rougeur localisée ou diffuse de la peau, s’effaçant à la vitropression, c’est-à-dire lorsqu’on exerce une pression avec un objet transparent pour chasser le sang des vaisseaux dermiques superficiels. Il peut être permanent, paroxystique, réticulé (livedo) et parfois bleuté (érythrocyanose). La couleur varie du rose pâle au rouge foncé. L’érythème diffus associe volontiers des lésions planes et des lésions palpables (papules) réalisant ainsi, lorsqu’il est d’apparition brutale, un exanthème maculopapuleux (Fig. 3). Lorsque les lésions qui constituent l’exanthème sont des macules rouges qui ont tendance à confluer tout en respectant des intervalles de peau saine, on parle d’exanthème morbilliforme. Lorsqu’il s’agit de lésions de couleur rose bien individualisées mesurant en général moins de 2 cm, on parle de roséole. Lorsqu’il s’agit d’une rougeur intense, diffuse, qui conflue sans laisser d’intervalle de peau saine et qui donne l’impression d’un granité à la palpation, on parle d’exanthème scarlatiniforme. Enfin, un érythème diffus, d’évolution prolongée, grave, touchant plus de 90 % de la surface corporelle, s’accompagnant d’emblée ou très rapidement d’une desquamation, est appelé une érythrodermie. La cyanose correspond à une modification de la couleur de la peau réalisant une teinte bleu violacé, avec abaissement de la température locale, touchant souvent les extrémités et les muqueuses. Certaines lésions rouges non palpables correspondent à une dilatation permanente des petits vaisseaux du derme superficiel sous la forme de petites lignes sinueuses de quelques millimètres se vidant facilement à la vitropression : il s’agit de télangiectasies (Fig. 4). La poïkilodermie est un syndrome défini par l’association d’une atrophie cutanée, d’une pigmentation réticulée et de télangiectasies. Une rougeur permanente, ne s’effaçant pas à la vitropression, témoignant d’une hémorragie intracutanée, est appelée purpura. Le purpura peut être circonscrit ou étendu et peut passer successivement par différentes teintes allant du rouge au bleu, au vert, au jaune pour laisser persister à sa suite, de façon passagère ou durable, une séquelle brune. On appelle pétéchies des lésions purpuriques limitées de petites dimensions ; vibices des stries linéaires purpuriques plus ou moins larges et plus ou Traité de Médecine Akos
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Lésion palpable ?
Oui
Non
Surface cutanée altérée ?
Macule Purpura Télangiectasie
Non
Figure 1. Arbre décisionnel. Algorithme du diagnostic des principales lésions élémentaires. Les altérations de la consistance et/ou de l’épaisseur de la peau (comme la sclérose ou l’atrophie par exemple) n’ont pas été incluses dans cet algorithme. * En réalité, la surface d’une pustule, d’une vésicule ou d’une bulle est altérée, car soulevée par le contenu liquidien de la lésion.
Oui
Contenu solide
Contenu liquide*
Papule Plaque Nodule Nouure
Vésicule Bulle Pustule
Ulcération Kératose, corne Squame Croûte
Lésions intriquées : toute autre lésion avec une altération cutanée
Figure 4. Télangiectasies résultant d’une dilatation des vaisseaux superficiels du derme et disparaissant à la vitropression. Figure 2. Macule blanche ou achromique avec îlots de repigmentation autour des follicules pileux au cours d’un vitiligo.
Figure 3.
Figure 5. Purpura pétéchial et palpable au cours d’une vasculite leucocytoclasique.
Exanthème maculopapuleux au cours d’une toxidermie.
moins allongées ; ecchymoses des plaques purpuriques étendues à contours plus ou moins irréguliers comportant souvent des teintes variées. Le purpura peut parfois être palpable (papule purpurique) (Fig. 5). Traité de Médecine Akos
Parfois, une lésion non palpable peut conserver une couleur normale mais devenir visible du fait d’une transparence inhabituelle de la peau, laissant apparaître les vaisseaux, devenant lisse et prenant un aspect en « papier de cigarette » : il s’agit alors d’une macule atrophique. Pour certains, les lésions planes squameuses (exemple : pityriasis versicolor) sont classées parmi les macules.
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2-0646 ¶ Sémiologie cutanée
Figure 8. Deux plaques érythémateuses des jambes au cours d’un syndrome de Sweet.
Figure 6. Multiples papules en « dôme », confluentes par endroits au cours d’une amylose papuleuse.
Figure 7. annulaire.
Papules regroupées en « anneau » au cours d’un granulome
Lésion palpable Lorsque les lésions sont palpables, il faut déterminer leur contenu (solide ou liquidien), leur taille et leur localisation (derme, hypoderme). Certaines lésions deviennent palpables exclusivement du fait d’une altération de la surface de la peau (cf. infra). Lésion de contenu solide La papule est définie comme une lésion palpable de petite taille (< 10 mm), de contenu non liquidien. Il s’agit en général de lésions surélevées dépassant le niveau de la peau adjacente (Fig. 6). Vue d’en haut, une papule peut être ronde, ovale, ombiliquée (petite dépression centrale) ou polygonale. Vue de profil, elle peut être plane, en dôme, sessile, pédiculée ou acuminée. La surface peut être lisse, érosive, ulcérée ou nécrotique, recouverte de squames, de croûtes ou de squames-croûtes. Enfin, la distribution peut être folliculaire ou non. Les papules par prolifération ou dépôts épidermiques (exemple : verrue plane) ont habituellement des limites nettes, alors que les papules dermiques (exemple : granulome annulaire) sont moins bien limitées (Fig. 7). Le terme de plaque est employé pour désigner des lésions en relief, plus étendues en surface qu’en hauteur et mesurant plus de 1 cm (exemple : syndrome de Sweet) (Fig. 8). La lichénification est davantage un syndrome lésionnel nosologiquement défini qu’une véritable lésion élémentaire. Elle consiste en un épaississement de la peau avec exagération de ses sillons, qui rend apparent son quadrillage normal. Dans les petits losanges ainsi dessinés se développent des papules plus ou moins saillantes. On note souvent une pigmentation brun jaunâtre ou violine, de petites squames adhérentes et des excoriations. Elle résulte d’un prurit compliqué de grattages ou de frottements répétés (Fig. 9). Le nodule est une masse palpable, non liquidienne, mesurant plus de 10 mm. Généralement, on entend par nodule une lésion ronde ou hémisphérique (exemple : carcinome basocellulaire nodulaire) (Fig. 10, 11). Certains auteurs appellent tout nodule dépassant 20 mm une tumeur. Les tumeurs ne possèdent en général pas de caractère inflammatoire et ont tendance à
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Figure 9. Plaque de lichénification réalisant un épaississement de la peau avec exagération de ses sillons. À noter également la présence d’érosions linéaires liées au grattage.
Figure 10. Multiples nodules et tumeurs au cours d’un mycosis fongoïde.
croître. Tout nodule de grande taille (souvent plus de 5 cm), à extension hypodermique, est appelé nouure (Fig. 12). Les gommes sont des productions hypodermiques qui se présentent à leur phase de crudité comme une nouure, mais passent ensuite par une phase de ramollissement débutant au centre de la gomme, pour aboutir à l’ulcération avec issue d’un liquide (gommeux) bien particulier (exemple : gomme syphilitique). Les végétations sont des excroissances d’allure filiforme, digitée ou lobulée, ramifiées en « chou-fleur », de consistance molle. La surface de la lésion est formée d’un épiderme aminci et rosé, ou est couverte d’érosions suintantes et d’ulcérations (exemple : végétation vénérienne, iodide) (Fig. 13). Elles saignent facilement après un léger traumatisme. Les verrucosités sont des végétations dont la surface est recouverte d’un enduit Traité de Médecine Akos
Sémiologie cutanée ¶ 2-0646
Figure 11. Nodule arrondi à centre ulcéré et kératosique au cours d’un kératoacanthome.
Figure 14. Végétation à surface kératosique, définissant la verrucosité, au cours d’une verrue périunguéale.
Figure 12. Nouures des deux jambes au cours d’un érythème noueux. Figure 15. Vésicule au cours d’une dyshidrose.
Figure 16. Bulles au cours d’un pemphigus.
Figure 13. Végétations vénériennes.
corné, hyperkératosique souvent grisâtre, plus ou moins épais (exemple : verrue vulgaire, kératose séborrhéique) (Fig. 14). Un cordon est une lésion plus facilement palpable que visible et dont la sensation lors de la palpation évoque une corde ou une ficelle (exemple : thrombose veineuse superficielle ou artérite temporale). Ces lésions sont linéaires et plus ou moins sinueuses. Leur taille est très variable. La reconnaissance aisée de ces cordons justifie qu’ils soient classés parmi les lésions élémentaires. Un sillon est un petit tunnel dans la peau qui héberge habituellement un parasite. Il s’agit souvent de lésions millimétriques à peine visibles et/ou palpables. Enfin, une sclérose cutanée (cf. infra) est une anomalie de la consistance de la peau, avant tout palpable, de même que l’œdème. Lésions de contenu liquidien Lorsqu’il s’agit de lésion de contenu liquidien (il faut percer le toit de la lésion avec un vaccinostyle ou une aiguille en cas Traité de Médecine Akos
de doute pour s’assurer du contenu liquidien), les lésions sont distinguées en fonction de l’aspect du liquide qu’elles contiennent et de leur taille. Ainsi, une lésion liquidienne, dont le liquide est clair, mesurant moins de 5 mm, est appelée vésicule ; elle est appelée bulle lorsqu’elle dépasse 5 mm. Les vésicules sont parfois évidentes, réalisant une lésion translucide qui peut être arrondie (hémisphérique) (Fig. 15), conique (acuminée) ou avoir une dépression centrale (ombiliquée). Mais elles sont souvent fragiles et passagères, pouvant se rompre en réalisant un suintement, des érosions, des croûtes à bords arrondis, émiettés ou polycycliques. On distingue les bulles sous-épidermiques, dont le toit est solide et qui peuvent reposer sur une peau normale, érythémateuse ou urticarienne (exemple : pemphigoïde ou porphyrie cutanée tardive), des bulles épidermiques, fragiles, souvent spontanément rompues, se présentant alors comme une érosion bordée d’une collerette (exemple : pemphigus). Les bulles peuvent contenir un liquide clair (Fig. 16), trouble ou hémorragique. En cas de lésion bulleuse très superficielle, sous-cornée, la fragilité de la lésion est extrême, expliquant la présentation habituelle post-bulleuse arrondie et squamocroûteuse (exemple : impétigo bulleux). Lorsque le liquide contenu dans la lésion est d’emblée trouble ou purulent, on parle de pustule. Parmi les pustules, on distingue les lésions folliculaires, qui sont acuminées et centrées par un poil (exemple : folliculite) des lésions non folliculaires, en général plus planes et non acuminées (Fig. 17). Ce deuxième type de pustule est en général de siège intraépidermique, très
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2-0646 ¶ Sémiologie cutanée
Figure 17. Pustules ombiliquées au cours d’une varicelle.
Figure 18. Multiples pustules non folliculaires sur fond érythémateux au cours d’une pustulose exanthématique.
superficiel, sous-corné, ne laissant parfois apparaître que des microérosions circulaires (exemple : psoriasis pustuleux) (Fig. 18).
Est-ce que la surface de la peau est normale ? Toutes les lésions cutanées peuvent comporter une altération de la surface cutanée. Ces altérations sont alors des adjectifs permettant de mieux décrire les lésions. Ailleurs, une altération de la surface de la peau peut être la seule lésion identifiable, comme par exemple dans les kératodermies palmoplantaires qui sont la conséquence d’un épaississement de la couche cornée de l’épiderme. La description précise des altérations de la surface d’une lésion permet de prévoir une partie des modifications histologiques sous-jacentes. Ces altérations indiquent ce qui se passe dans l’épiderme et dans la couche cornée. Une surface cutanée normale signe l’absence de lésion épidermique (en dehors des anomalies de la pigmentation), traduisant que le processus pathologique a lieu dans le derme et/ou l’hypoderme. La surface de la peau normale est lisse et le microrelief cutané peut être distingué. Une altération de la surface cutanée se caractérise habituellement par une perte du microrelief et/ou un épaississement localisé de la couche cornée et/ou une desquamation et/ou une impression de rugosité à la palpation et/ou un suintement et/ou une fissuration, une érosion ou une ulcération. Une érosion est une perte de la partie superficielle de la peau (épiderme) qui guérit sans laisser de cicatrice. Il s’agit d’une lésion humide, suintante, se recouvrant secondairement d’une croûte, et dont le plancher est recouvert de multiples petits points rouges (0,1 à 0,2 mm) correspondant aux papilles dermiques. Le terme d’excoriation est parfois employé pour désigner une érosion secondaire à un traumatisme, le plus souvent le grattage. Une fissure est une érosion linéaire. Une ulcération est une perte de substance cutanée plus profonde qui touche l’épiderme et le derme et qui, si elle guérit, laisse une cicatrice. Les papilles dermiques ne sont plus visibles et l’ulcération peut se recouvrir d’un enduit fibrineux, d’une croûte sérosanglante (une ulcération peut saigner) ou d’une plaque noire (nécrose). La différence entre ces deux lésions repose donc sur la profondeur de la perte de substance. Un ulcère est une
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perte de substance chronique (> 1 mois) sans tendance à la guérison spontanée. Les ulcérations aux points de pression réalisent les escarres. Une fistule est un pertuis cutané, de profondeur variable, qui correspond à une communication anormale d’une structure profonde à la surface de la peau. La fistule peut laisser sourdre un liquide clair, trouble ou purulent. Les squames se définissent comme des lamelles de cellules cornées à la surface de la peau. Elles sont peu adhérentes et se détachent facilement. Elles sont spontanément visibles ou apparaissent après un grattage à l’aide d’une curette à bord mousse. Il est aussi possible de frotter la peau à l’aide d’un morceau de tissu noir, ce qui les rend apparentes. Il est classique de distinguer : • des squames scarlatiniformes : squames en grands lambeaux traduisant une production cornée brutale, intense et transitoire (exemple : scarlatine) ; • des squames en « collerette » : squames fines, adhérentes au centre mais non en périphérie, recouvrant une lésion inflammatoire (exemple : pityriasis rosé de Gibert) ; • des squames pityriasiformes : petites squames fines, peu adhérentes, blanchâtres et farineuses. Elles sont typiques du pityriasis capitis (pellicules du cuir chevelu), mais elles peuvent se voir dans la plupart des dermatoses érythématosquameuses communes ; • des squames ichtyosiformes : grandes squames polygonales comme des écailles de poisson. Les éléments squameux se détachent habituellement d’un tégument très sec ; • des squames psoriasiformes : squames blanches, brillantes, lamellaires, argentées, larges et nombreuses. Elles correspondent à une parakératose sur le plan histologique et sont caractéristiques du psoriasis. Une kératose se définit comme un épaississement corné plus large qu’épais. Elle se caractérise sur le plan clinique par des lésions circonscrites ou diffuses très adhérentes et dures à la palpation. La sensation à la palpation est tout à fait particulière, car la kératose donne à la peau une impression de dureté rigide qui s’avère irréductible à la pression du doigt. Au frottement s’ajoute une impression de rugosité. L’exploration à la curette confirme l’impression de dureté ; c’est tout juste si l’on parvient à détacher quelques squames. Une corne est une kératose plus épaisse ou plus haute que large. Une croûte est un dessèchement superficiel d’un exsudat, d’une sécrétion, d’une nécrose ou d’une hémorragie cutanée. Elle donne lieu à une sensation de rugosité à la palpation. Elle adhère plus ou moins aux lésions qu’elle recouvre, mais contrairement aux kératoses, elle peut toujours être détachée à la curette. Il faut toujours faire tomber la croûte pour examiner la lésion qu’elle recouvre (ulcération, tumeur, etc.). La gangrène et la nécrose désignent une portion de tissu cutané non viable qui tend à s’éliminer. Elles se caractérisent par une perte de la sensibilité selon tous les modes, un refroidissement puis secondairement une coloration noire et la formation d’un sillon d’élimination entre les tissus nécrosés et les tissus sains (Fig. 19).
Est-ce que la consistance de la peau est normale ? Certaines lésions sont essentiellement dues à une modification de la consistance de la peau qui devient trop ou pas assez souple. Ces lésions sont surtout apparentes à la palpation. L’atrophie cutanée se définit par la diminution ou la disparition de tout ou partie des éléments constitutifs de la peau (épiderme, derme, hypoderme ou deux, voire trois compartiments). Elle se présente comme un amincissement du tégument qui se ride au pincement superficiel, perdant son élasticité, son relief et prenant un aspect lisse et nacré. Les vaisseaux dermiques sont souvent visibles. L’atrophie de l’hypoderme (lipoatrophie) provoque une dépression visible sur la surface cutanée. L’altération ou la disparition du tissu élastique entraîne une perte de l’élasticité de la peau. La peau devient alors lâche et ne retrouve plus son aspect initial après un pincement, mais garde la marque qu’on lui a imprégnée. Il se forme des ridules, des Traité de Médecine Akos
Sémiologie cutanée ¶ 2-0646
Figure 19. Altérations de la surface de la peau. Gangrène en plaque superficielle au cours d’une angiodermite nécrotique.
rides, voire un authentique cutis laxa (relâchement de la peau qui pend et qui ne revient pas sur elle quand on l’étire). Toutes ces lésions correspondent à des plis cutanés permanents dans une topographie où la peau n’est habituellement pas constamment plissée. Parfois, c’est seulement au palper qu’on peut détecter l’atrophie. Ainsi, la palpation de l’anétodermie donne au doigt la sensation de pénétrer dans une véritable dépression, alors qu’à l’inspection, la peau à cet endroit semble au contraire faire saillie. La sclérose est une augmentation de consistance des éléments constitutifs du derme et parfois de l’hypoderme, rendant le glissement des téguments plus difficile. Le tégument est induré et perd sa souplesse normale. L’atrophie s’associe souvent à une sclérose cutanée pour donner lieu à un état scléroatrophique. Une cicatrice peut ainsi être atrophique, scléroatrophique ou au contraire hypertrophique.
Lésions intriquées Toutes les lésions précédentes peuvent s’associer et réaliser de vrais syndromes. Ainsi, les macules, les papules et les plaques rouges sont souvent squameuses et réalisent le groupe des affections érythématosquameuses. Les papules peuvent réaliser de nombreuses associations lésionnelles dont la reconnaissance est essentielle : papulovésicule, papulopustule, papule kératosique, papule nécrotique, etc. La sclérose et l’atrophie sont souvent associées (scléroatrophie). Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue qu’une même maladie peut se manifester par différentes lésions élémentaires. Ainsi, une dermatose aussi commune que le psoriasis peut être classée, selon les malades, tantôt parmi les lésions papuleuses ou papulosquameuses, tantôt parmi les pustules, tantôt parmi les érythrodermies. De plus, chez le même malade, plusieurs types de lésions peuvent coexister.
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Points essentiels
Il faut toujours préciser la distribution d’une dermatose, chercher un arrangement et/ou une configuration remarquable et repérer toutes les lésions élémentaires présentes. En s’aidant des trois questions suivantes, il est possible d’identifier les principales lésions élémentaires : Est-ce que la lésion est palpable ? Est-ce que la surface de la lésion est altérée ? Est-ce que la consistance de la peau est normale ? Traité de Médecine Akos
■ Autres signes La palpation linéaire ferme à l’aide d’une pointe mousse permet de rechercher un dermographisme. La friction de certaines lésions provoque une réaction urticarienne, appelée signe de Darier, caractéristique des mastocytoses. Une traction de la peau normale et/ou péribulleuse permet parfois de provoquer un décollement cutané : ce signe de Nikolsky se produit dans les maladies bulleuses intraépidermiques, dans la nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Lyell) et dans certaines maladies bulleuses jonctionnelles (épidermolyse bulleuse acquise). Une bulle qui s’étend alors que l’on exerce une pression verticale sur son sommet est un équivalent de ce signe. Une pression verticale permet aussi de rechercher la dépressibilité d’un œdème (signe du « godet »), d’apprécier un temps de recoloration capillaire (le temps qu’il faut pour obtenir une couleur normale, rose, de la peau après blanchiment par la pression), de rechercher des altérations du derme dans certaines lésions, comme dans les neurofibromes ou les anétodermies qui sont dépressibles. Le pincement de la peau permet, l’épiderme et le derme étant mobiles sur l’hypoderme, de localiser les lésions hypodermiques ou plus profondes au-dessus desquelles la peau se laisse normalement plisser. Les nodules intradermiques, comme les dermatofibromes, peuvent également être localisés ainsi car le plissement de la peau entraîne la formation de fossettes au-dessus des lésions. Le grattage, par l’ongle ou à l’aide d’une curette mousse (de Brocq), de certaines lésions permet de faire apparaître la desquamation caractéristique du psoriasis (signe de « la bougie » = blanchiment initial, puis si l’on persiste, le signe de la « rosée sanglante » = hémorragie punctiforme inframillimétrique des vaisseaux superficiels des papilles dermiques) ou de provoquer un purpura linéaire (exemple : amylose).
■ Signe fonctionnel : prurit Le prurit est le seul signe fonctionnel spécifique de la peau. C’est une sensation qui provoque le besoin de se gratter. Il peut être localisé (exemple : cuir chevelu), régional (exemple : un membre) ou diffus. Sa chronologie et ses circonstances d’apparition doivent être précisées : diurne, nocturne, à l’effort, à l’eau, etc. Son intensité rend compte de la gêne entraînée et on peut distinguer trois niveaux : • intermittent, tolérable ; • permanent, durable mais résistible, surtout diurne ; • incoercible, irrésistible, insomniant. Un prurit peut être lésionnel, entraînant alors des signes sur la peau comme par exemple les nodules du prurigo. Des lésions de grattage non spécifiques sont fréquentes : érosions linéaires, papules excoriées, lichénification, pigmentation, etc. Il peut aussi s’intégrer dans une dermatose prurigineuse et accompagner des lésions dermatologiques plus spécifiques, qu’il faut toujours rechercher. Parfois, elles sont évidentes comme dans l’urticaire, mais parfois elles peuvent être discrètes comme les sillons scabieux. Le prurit est dit « sine materia » en l’absence de toute lésion dermatologique élémentaire. Les autres signes fonctionnels en rapport avec des affections cutanées (douleur, dysesthésie, troubles de la transpiration, intolérance à la chaleur, etc.) ne sont pas abordés ici.
■ Conclusion En dermatologie, plus que dans n’importe quelle autre discipline médicale, l’examen physique est l’élément déterminant de la démarche diagnostique. Une connaissance parfaite de la sémiologie dermatologique est donc indispensable. Il est donc essentiel de connaître – et de savoir reconnaître – les différentes lésions décrites dans ce chapitre. L’examen dermatologique doit permettre d’identifier la ou les lésions élémentaires, de reconnaître une éventuelle configuration et/ou arrangement remarquable et d’apprécier la distribution des lésions. Cette démarche
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2-0646 ¶ Sémiologie cutanée
permet de diagnostiquer de nombreuses maladies, sans recours aux examens complémentaires, un privilège rare à notre époque. .
■ Références [1] [2] [3] [4] [5]
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Pour en savoir plus Lipsker D. Guide de l’examen clinique et du diagnostic en dermatologie. Paris: Elsevier Masson; 2010.
D. Lipsker, Professeur des Universités, praticien hospitalier (
[email protected]). Université de Strasbourg, Faculté de Médecine et clinique dermatologique, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Lipsker D. Sémiologie cutanée. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0646, 2010.
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Cas clinique
Traité de Médecine Akos
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Érythème noueux F. Cordoliani L’érythème noueux est une éruption brutale, évoluant par poussées, guérissant en quelques semaines, constituée de nodules et plaques inflammatoires prédominant sur les membres inférieurs, atteignant plus souvent la femme jeune. Les causes sont multiples et font rechercher en premier lieu une infection streptococcique, une sarcoïdose, une tuberculose. Des examens paracliniques simples sont indispensables. Néanmoins beaucoup restent idiopathiques. Les diagnostics différentiels sont nombreux. Outre le traitement étiologique, le traitement symptomatique consiste en repos allongé, antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Érythème noueux ; Panniculite
Plan ¶ Introduction
1
¶ Reconnaître l’érythème noueux
1
¶ Enquête étiologique Interrogatoire Examen clinique
2 2 2
¶ Bilan paraclinique
2
¶ Diagnostic différentiel
2
¶ Traitement
3
¶ Conclusion
3
■ Introduction L’érythème noueux ou dermohypodermite aiguë est une affection relativement fréquente, qui consiste en une atteinte inflammatoire de début brutal du derme et de l’hypoderme. Le diagnostic clinique ne pose en général pas de problème. Il s’agit d’une hypersensibilité réactionnelle à diverses pathologies, infectieuses, inflammatoires... La recherche d’une étiologie, indispensable, est délicate en raison de la multiplicité des causes, et reste infructueuse dans 30 à 50 % des cas [1-3].
■ Reconnaître l’érythème noueux
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Le diagnostic est purement clinique. L’affection survient plus volontiers chez la femme de 25 à 40 ans. Une fièvre, des douleurs articulaires ou abdominales peuvent précéder l’éruption qui apparaît brutalement. Les nouures, bilatérales en général, prédominent nettement sur les membres inférieurs, notamment à la face antérieure des jambes (Fig. 1). Elles sont plus rares sur les membres supérieurs, le tronc [3]. Ce sont des nodules et des plaques surélevés inflammatoires, érythémateux, chauds, sensibles à la palpation, de plusieurs centimètres. Ils s’effacent progressivement en une dizaine de jours, en passant par les teintes bleuâtres puis jaunâtres de la biligénie, sans s’ulcérer ni fistuliser. Plusieurs poussées peuvent Traité de Médecine Akos
Figure 1.
Érythème noueux (A, B).
se succéder, suivies d’une guérison sans séquelle en 1 à 2 mois. Il existe des formes récidivantes et des formes chroniques. Un syndrome inflammatoire biologique est habituel. Tout nodule inflammatoire des membres inférieurs n’est pas obligatoirement un érythème noueux. En cas de doute diagnostique, une biopsie cutanée peut être nécessaire. Celle-ci doit être
1
1-0540 ¶ Érythème noueux
profonde, comportant de l’hypoderme. Elle montre une hypodermite septale quelle que soit la cause de l’érythème noueux. Les cloisons interlobulaires de l’hypoderme sont épaissies et le siège d’un infiltrat inflammatoire lymphohistiocytaire. Les lobules graisseux et les vaisseaux sont préservés [5]. Ceci élimine une vascularite, une autre forme d’hypodermite. Néanmoins en cas de biopsie précoce, les signes histologiques peuvent être trompeurs comportant un infiltrat riche en neutrophiles, une vascularite [6].
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■ Enquête étiologique Les étiologies sont multiples (Tableau 1). L’enquête est indispensable et fonction des affections présentes dans le pays d’exercice, de l’origine du patient, des symptômes associés [1]. En France, les causes à rechercher en priorité sont [2] : • l’infection à streptocoque bêtahémolytique du groupe A. Une angine le plus souvent, survenue dans les 15-21 jours précédant l’érythème noueux, avec positivité du prélèvement bactériologique et élévation à 15 jours d’intervalle des antistreptolysines et antistreptodornases ; • une sarcoïdose, notamment un syndrome de Löfgren comportant un érythème noueux, des adénopathies hilaires, éventuellement une inflammation périarticulaire des chevilles, et qui s’accompagne de la négativation de l’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine ; • la tuberculose, classiquement sous la forme d’une primoinfection, mais aussi évolutive, surtout chez les migrants ; • une entéropathie inflammatoire. Tableau 1. Liste non exhaustive des causes d’érythème noueux. Maladies inflammatoires
Sarcoïdose (syndrome de Löfgren) Entéropathies inflammatoires Acné fulminans*
Maladies Infectieuses
Infection à streptocoque bêtahémolytique Tuberculose maladie et primo-infection Yersiniose Salmonellose Infection à Chlamydiae, à mycoplasme Maladie des griffes du chat Hépatites virales B, C Infection à Campylobacter Parasitoses Mycoses profondes Maladie de Hansen
Médicamenteuses
Vaccin antihépatite B Contraceptifs Pénicillines, sulfamides, cyclines
Vascularites
Maladie de Behçet Maladie de Horton Lymphomes Grossesse
Poussée sévère d’une acné préexistante avec fièvre, arthralgies, survenant de manière spontanée ou favorisée par un traitement par testostérone ou isotrétinoïne.
2
À retenir
Principales causes d’érythème noueux en France [2] • Infection streptococcique. • Sarcoïdose. • Entéropathies inflammatoires. • Infections : yersinioses, tuberculose, infection à mycoplasmes et Chlamydiae, hépatites virales. • La moitié des cas sont idiopathiques.
À retenir
Biopsie cutanée Elle est indiquée : • en cas de topographie atypique ; • éléments persistant plusieurs semaines ; • fistulisation ou cicatrice atrophique ; • disposition livédoïde des nodules.
Divers
“
Interrogatoire Il recherche : • la notion de vaccination antérieure par le bacille bilié de Calmette-Guérin (BCG) ; • un facteur déclenchant : C infection récente oto-rhino-laryngologique, génitale, pulmonaire, digestive ; C prise médicamenteuse, vaccination ; C contage tuberculeux ; • les résultats des IDR et des radiographies pulmonaires antérieures ; • des symptômes d’accompagnement.
Examen clinique Il comporte la recherche d’anomalies oculaires, articulaires, pulmonaires, digestives, une aphtose buccale et/ou génitale.
■ Bilan paraclinique Il comprend : • numération-formule sanguine (NFS), vitesse de sédimentation (VS), C reactive protein (CRP), transaminases ; • IDR à la tuberculine, utilement comparée aux résultats antérieurs et mieux interprétée si on a la notion d’une vaccination par le BCG ou de son absence ; • radiographie pulmonaire, comparée éventuellement au cliché antérieur. D’autres examens sont demandés en fonction de l’interrogatoire, des symptômes associés ou des résultats des examens précédents : • prélèvement de gorge et sérologie streptococcique en cas d’infection ORL ; • sérologies des hépatites virales, yersiniose, salmonellose, Chlamydiae ; • coproculture, tubage gastrique ; • coloscopie avec biopsies. La biopsie cutanée est inutile devant une forme typique car elle n’apporte pas d’élément d’orientation étiologique. Elle n’est utile qu’en cas de doute diagnostique.
■ Diagnostic différentiel • L’érysipèle de jambe est unilatéral, fébrile, sans nodule palpable. • Les dermohypodermites chroniques de jambe sont volontiers confondues avec l’érythème noueux mais les lésions sont plus fixes et persistantes. L’érythème induré de Bazin et les vascularites nodulaires se présentent comme des nodules inflammatoires, du tiers inférieur des jambes, souvent postérieurs, avec des poussées répétées d’évolution prolongée, s’ulcérant parfois, laissant des cicatrices pigmentées et déprimées. Histologiquement, il existe une atteinte inflammatoire septale et lobulaire et une atteinte des vaisseaux. L’érythème induré de Bazin est considéré comme d’origine tuberculeuse alors que la vascularite nodulaire survient préférentiellement chez des femmes ayant une surcharge pondérale et une insuffisance veineuse, sans argument pour une tuberculose [5]. • Les panniculites observées au cours de la maladie de WeberChristian, du déficit en alpha-1 antitrypsine, des pancréatites, Traité de Médecine Akos
Érythème noueux ¶ 1-0540
Figure 2. Périartérite noueuse.
cours d’hémopathies, d’entéropathies inflammatoires, de polyarthrite rhumatoïde. • Diverses pathologies peuvent donner des nodules des membres inférieurs : lymphomes, panniculite lupique... • Certains considèrent les lésions d’hypodermite de la maladie de Behçet comme un pseudoérythème noueux car une vascularite est souvent présente histologiquement [6]. D’autres en font une étiologie d’érythème noueux à part entière [3]. • Dans tous ces cas, un avis dermatologique et parfois une biopsie cutanée profonde sont indispensables.
■ Traitement Le repos allongé est nécessaire et justifie un arrêt de travail. Des antalgiques sont prescrits à la demande. Le port de bas de contention est conseillé et peut diminuer les douleurs ressenties à l’orthostatisme. Les anti-inflammatoires stéroïdiens peuvent être prescrits pour une courte période. La colchicine (1 à 2 mg/j), l’iodure de potassium en préparation magistrale (600 à 900 mg/j) peuvent être utiles dans les formes chroniques [1]. L’iodure de potassium est contre-indiqué en cas d’affection thyroïdienne, de grossesse, et a pour effets secondaires des troubles digestifs, des éruptions acnéiformes et un risque de dysthyroïdie par surcharge iodée lors de traitements prolongés. Le traitement de la cause est indispensable dans certains cas : traitement antibiotique d’une infection streptococcique, traitement antituberculeux. Dans le cas d’un syndrome de Löfgren, une simple surveillance est préconisée, mais elle doit être prolongée. Chez plus de 90 % des sujets caucasiens, la disparition des adénopathies médiastinales en quelques mois est la règle, alors que chez les sujets noirs, la sarcoïdose persiste dans 60 % des cas [7].
■ Conclusion L’érythème noueux est un symptôme bruyant mais bénin, d’évolution spontanément favorable, en rapport avec une affection sous-jacente qu’il faut tenter de diagnostiquer par l’examen clinique et quelques examens complémentaires orientés. Outre le traitement symptomatique, celui de l’affection sous-jacente peut être nécessaire.
Figure 3. Syndrome de Sweet. .
peuvent être responsables de nodules inflammatoires non limités aux membres inférieurs, pouvant se fistuliser, et caractérisés histologiquement par une atteinte des lobules de l’hypoderme. • Les vascularites des artères de moyen calibre avec atteinte cutanée comme la périartérite noueuse cutanée (Fig. 2) sont responsables de nodules érythémateux, d’un livedo inflammatoire et infiltré. Les nodules s’ulcèrent parfois. L’atteinte artérielle concerne les vaisseaux des septa hypodermiques ou de la jonction dermohypodermique. • Les thrombophlébites superficielles réalisent tantôt des nodules inflammatoires, isolés ou parfois disposés de manière linéaire, tantôt un cordon veineux induré. • Le syndrome de Sweet (Fig. 3) est une éruption aiguë, fébrile, en plaques et nodules, et comportant un très riche infiltrat dermique de polynucléaires neutrophiles faisant partie du groupe des « dermatoses neutrophiliques », survenant au
■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7]
Requena L, Sanchez E. Erythema nodosum. Semin Cutan Med Surg 2007;26:114-25. Cribier B, Caille A, Heid E, Grosshans E. Erythema nodosum and associated disease. A study of 129 cases. Int J Dermatol 1998;37: 667-72. Mert A, Kumbasar H, Ozaras R, Erten S, Tasli L, Tabak F, et al. Erythema nodosum : an evaluation of 100 cases. Clin Exp Rheumatol 2007;25:563-70. Petit A. Erythème noueux. Ann Dermatol Venereol 2001;128:167-71. Lipsker D. Hypodermite nodulaire. Ann Dermatol Venereol 2001;128: 80-5. Thurber S, Kohler S. Histopathologic spectrum of erythema nodosum. J Cutan Pathol 2006;33:18-26. Mana J, Marcoval J. Erythema nodosum. Clin Dermatol 2007;25: 288-94.
F. Cordoliani (
[email protected]). Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Cordoliani F. Érythème noueux. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 1-0540, 2008.
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Autoévaluations
3
¶ 2-0649
Verrues D. Penso-Assathiany Les verrues sont des tumeurs bénignes à human papillomavirus (HPV), virus présents en permanence sur notre peau. Les sous-types d’HPV ont un tropisme particulier mais non exclusif pour des localisations cutanées ou muqueuses, les mains ou les pieds. Pendant très longtemps, les lieux publics tels que les piscines ont été soupçonnés d’être à l’origine de la transmission des verrues. Il a récemment été démontré qu’il n’en est rien. Actuellement, aucun traitement n’est efficace de façon prouvée et constante. Aussi convient-il de ne pas utiliser de traitements agressifs ou douloureux qui n’ont pas plus d’efficacité à court et à long terme que les autres. Une étude thérapeutique et virologique est actuellement en cours. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Verrues ; Papillomavirus
Plan ¶ Introduction
1
¶ Physiopathologie
1
¶ Épidémiologie et histoire naturelle
1
¶ Immunologie
2
¶ Clinique
2
¶ Traitements Traitements chimiques Moyens physiques
2 2 3
¶ Conclusion
4
■ Introduction La verrue est la manifestation clinique d’une infection virale à papillomavirus humain (HPV). Les verrues sont très fréquentes, surtout chez l’enfant, constituant souvent un motif de consultation en dermatologie. Si leur diagnostic ne pose en général que peu de problèmes, leur traitement en revanche reste aléatoire quant à son résultat. De nombreuses inconnues persistent et concernent notamment le mode de contamination, les facteurs de risque associés, et leur guérison.
■ Physiopathologie Il existe de très nombreux types d’HPV. Certains sont responsables plutôt de lésions cutanées, d’autres plutôt de lésions muqueuses, surtout génitales, également appelées condylomes (cf. Maladies sexuellement transmissibles). Il s’agit d’un virus à acide désoxyribonucléique (ADN), non encapsulé. Il résiste à la congélation et à la dessiccation. L’infection par HPV se caractérise par son épithéliotropisme cutané ou muqueux. Les techniques de biologie moléculaire ont permis la caractérisation de plus de 120 génotypes d’HPV [1]. Les HPV peuvent être classés Traité de Médecine Akos
selon leur tropisme tissulaire (cutané ou muqueux) ou selon leur séquence nucléotidique. Plusieurs genres, espèces et types viraux peuvent être identifiés. Par exemple, les types 6 et 11 du genre alpha sont spécifiques des verrues génitales, le type 16 du genre alpha est spécifique du cancer du col utérin, mais aussi de la maladie de Bowen qui est un carcinome in situ cutané. Les types 1 (genre mu), 2 (alpha), 4 (gamma), 27 (alpha) et 57 (alpha) sont fréquemment retrouvés au sein des verrues. L’isolation et la purification des antigènes restent difficiles. Il n’y a donc pas, actuellement, de sérologie utilisable en clinique [2] ni de culture possible.
■ Épidémiologie et histoire naturelle La prévalence exacte des sujets porteurs de verrue n’est pas connue, mais il s’agit d’une affection fréquente touchant 7 % à 10 % des patients [1]. Les verrues sont plus fréquentes chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte jeune. Toutefois, une étude portant sur les affections dermatologiques des appelés du contingent en Île-de-France montre la présence de verrues chez environ 20 % d’entre eux. La transmission non génitale s’effectue probablement de peau à peau ou par des surfaces contaminées. De petites érosions, des microtraumatismes peuvent permettre l’entrée du virus dans la peau, soit à partir d’un autre individu, soit par auto-inoculation. La durée d’incubation n’est pas connue avec exactitude, mais est probablement longue, pouvant atteindre plusieurs années. Elle semble être, en moyenne, de quelques mois. La fréquentation des piscines et des salles de sport est régulièrement incriminée, notamment pour les verrues plantaires. Mais une étude récente [3] vient de montrer l’absence de lien entre la fréquentation des piscines publiques et la présence de verrues chez l’enfant. Il n’y a donc pas de raison scientifique d’interdire la fréquentation des piscines aux enfants porteurs de verrues. Des antécédents atopiques et une immunosuppression acquise ou constitutionnelle constituent un facteur de risque élevé pour l’acquisition de verrues [4]. La prévalence des verrues est plus élevée chez les bouchers et les poissonniers. Le type d’HPV responsable est l’HPV 7 sans qu’on ait pu l’isoler chez
1
2-0649 ¶ Verrues
l’animal. En effet, il existe une spécificité d’espèce des papillomavirus. Il faut enfin noter que du génome d’HPV a été retrouvé dans les follicules pileux (poils, sourcils) ou la peau saine (écouvillons cutanés) de sujets immunocompétents. Le réservoir viral pourrait être les cellules souches épithéliales, expliquant peut-être la fréquence des récidives [5]. L’infection par HPV induit une réponse immunitaire le plus souvent efficace car la disparition spontanée des verrues est fréquente. Chez l’adulte, un peu plus de 60 % des verrues guérissent spontanément en 2 ans [6]. La guérison est souvent précédée d’une inflammation locale.
“
Point fort
Les verrues sont des lésions virales. La fréquentation des piscines n’est pas un facteur de risque de verrue.
■ Immunologie La réponse immunitaire fait intervenir l’immunité innée et adaptative humorale et cellulaire, en particulier cytotoxique. Cependant, du fait de l’épithéliotropisme strict de l’infection à HPV et de l’absence de virémie, les contacts entre les HPV et le système immunitaire sont peu importants. De plus, les HPV ont développé des mécanismes moléculaires inhibant la présentation des épitopes viraux au système immunitaire [7] . Ces différentes raisons expliquent la persistance de certaines infections latentes ou asymptomatiques (absence de réaction inflammatoire). En situation d’immunosuppression, les verrues peuvent être plus fréquentes, plus importantes et diffuses, plus difficiles à traiter et plus récidivantes. C’est le cas des patients vivant avec le syndrome d’immunodéficience acquise (sida), des transplantés d’organe soumis à une immunodépression thérapeutique [8] et, à un moindre degré, des atopiques.
■ Clinique Les verrues cutanées sont des tumeurs qui peuvent prendre plusieurs aspects. Les verrues typiques sont des tumeurs bourgeonnantes, à surface irrégulière et kératosique (Fig. 1). Lorsqu’on décape la couche superficielle apparaissent des ponctuations noires qui correspondent à une rétention hématique. Les verrues sont d’épaisseur variable, souvent en fonction de leur localisation. Leur épaisseur est souvent plus importante
Figure 2. Verrues planes.
dans les zones cornées comme les plantes du pied. Elles sont surtout localisées aux mains et aux pieds, mais peuvent également siéger sur tout endroit de la peau, plus particulièrement les genoux et les coudes. Sur les mains, elles touchent surtout les doigts. Sur les pieds, elles siègent sur les orteils et les plantes. Habituellement isolées (myrmécie), elles peuvent, dans la localisation plantaire, se regrouper en plaques ; elles sont alors plus superficielles, moins douloureuses, formant des verrues en « mosaïque ». Les verrues peuvent également être planes (Fig. 2). Elles ressemblent alors à de petites pastilles de couleur jaune ou chamois posées sur la peau. Elles siègent le plus souvent sur la face et sur le dos des mains, c’est-à-dire sur une peau fine. Elles sont parfois isolées ou peuvent se regrouper en plaques. Sur la face, elles sont volontiers situées dans la région péribuccale. Il s’agit parfois d’une contamination familiale (mère-enfant). Chez l’homme, leur présence dans la barbe témoigne d’une autoinoculation, le poil agissant comme réservoir viral. Sur le dos des mains, elles peuvent être confondues, si elles sont pigmentées, avec des lentigos actiniques ou des kératoses séborrhéiques.
■ Traitements
[9]
Le traitement des verrues reste un problème difficile. La prise en charge thérapeutique des verrues doit toujours tenir compte du caractère bénin, de la possibilité de disparition spontanée et de récidive. Même lorsque la verrue a guéri, l’HPV peut persister sur la peau saine ou cicatricielle et être responsable de récidives. Ainsi, à l’heure actuelle, aucun traitement ne garantit contre une récidive dans les semaines ou mois qui suivent la guérison. Il faut toutefois prendre en compte la contagiosité et le caractère douloureux des verrues, surtout dans leur localisation plantaire. Le traitement doit donc s’efforcer d’être le moins agressif possible et pas trop contraignant pour pouvoir être effectué régulièrement.
Traitements chimiques
Figure 1. Verrue vulgaire.
2
(Tableaux 1, 2)
Ils font appel surtout aux préparations kératolytiques. • La vaseline salicylée, utilisée à des concentrations variant de 15 % à 50 %, en fonction de la localisation, agirait en altérant la cohésion kératinocytaire. Il existe des pastilles à appliquer avec un sparadrap et diffusant une concentration à 15 % (Transvercid ® ). Elles sont faciles à utiliser et sont indiquées dans les verrues situées en zone peu cornée. À l’inverse, sur les talons, une concentration plus élevée (pouvant atteindre 50 %) est préférable. Il existe également un produit fini, plus stable que la préparation, contenant de l’acide salicylique à 50 % dans du suif de bœuf (pommade Traité de Médecine Akos
Verrues ¶ 2-0649
Tableau 1. Traitements chimiques : kératolytiques. Siège
Type de verrues
Vaseline salicylée 15 % (Transvercid®)
Orteils, doigts
Petites, isolées
Vaseline salicylée de 20 % à 50 % ou pommade Cochon®
Plantes
Isolées (myrmécies), épaisses ou en « mosaïque »
Collodions (Duofilm® ; Kerafilm®)
Doigts, orteils, plantes
Peu épaisses
Tableau 2. Traitements chimiques : autres.
Bléomycine (hors AMM)
Siège
Type de verrues
Risque
Éviter les extrémités : doigts, orteils
Isolées, exophytiques
Nécrose, acrosyndrome
AMM : autorisation de mise sur le marché.
Tableau 3. Traitements physiques. Indications
Inconvénients
Cryothérapie
Tous les types de verrues
Douleur surtout si sur zone d’appui plantaire
Laser CO2
Verrues exophytiques, résistantes aux autres traitements
Cicatrice sur les doigts et cicatrisation longue, gênant la marche sur les plantes des pieds
•
•
•
•
•
Cochon ® ). Ces concentrations fortes nécessitent une protection soigneuse de la peau environnante. Celle-ci est au mieux réalisée par la pose d’un vernis sur la peau avoisinante ou par un sparadrap troué. Les préparations à base de collodion élastique, contenant à des concentrations variables de l’acide lactique et de l’acide salicylique, sont également disponibles dans le commerce (Duofilm®, Kerafilm®). Elles sont indiquées dans les verrues peu épaisses, ces préparations étant un peu moins kératolytiques. Pour ces méthodes, un décapage régulier est nécessaire, à la lime à ongle jetable. Il faut noter qu’elle peut alors être contaminée [10] et doit donc être jetée après usage. Un décapage régulier à l’aide d’une lame de bistouri peut également être utile et est réalisé au mieux par le médecin. Le crayon de nitrate d’argent, appliqué de façon à obtenir un blanchiment de la verrue, semble avoir une certaine efficacité. Il s’agit toutefois d’une méthode douloureuse. Les injections intralésionnelles de bléomycine (hors autorisation de mise sur le marché [AMM]) sont efficaces, mais douloureuses. Il existe un risque de nécrose ou d’acrosyndrome quand elles sont effectuées au niveau des doigts. D’autres topiques sont parfois utilisés de façon anecdotique et hors AMM. Il s’agit du 5-fluorouracile topique (Efudix®) et de l’imiquimod (Aldara®).
Moyens physiques
(Tableau 3)
• La cryothérapie est facile d’utilisation ; son efficacité, inconstante, n’est pas toujours obtenue après une seule application. Il s’agit d’une méthode assez douloureuse, notamment dans la localisation plantaire. Le délai idéal entre deux applications semble être tous les 15 jours. Il faut noter que certains virus ne sont pas détruits par la congélation, notamment le virus de l’immunodéficience humaine et le virus de l’hépatite C. Il convient donc de ne pas utiliser l’azote directement dans la bombonne. Deux méthodes sont utilisables : l’application d’un bâtonnet ouaté jetable à partir d’un gobelet jetable, ou du cryospray pendant 15 à 30 secondes, plusieurs fois, obtenant ainsi une phlyctène qui apparaît en quelques heures. Le risque de récidive de la verrue à sa périphérie dessinant une couronne est connu. Pour cette raison, certains auteurs préfèrent donc l’appliquer moins longtemps. Au niveau plantaire, il est préférable de décaper la verrue avant d’appliquer l’azote liquide. On peut encadrer les séances d’un traitement kératolytique. Traité de Médecine Akos
• L’électrocoagulation doit être abandonnée car au niveau des mains, elle laisse des cicatrices, et au niveau plantaire, des séquelles douloureuses pendant parfois plusieurs mois. • L’ionophorèse n’est pas efficace. • Le laser CO2 est un traitement presque toujours efficace sur les verrues. Mais il laisse une érosion douloureuse qui peut mettre 2 à 6 semaines à cicatriser. Les cicatrices au niveau des plantes sont minimes. Elles peuvent être plus gênantes sur les doigts. Il est donc indiqué dans les verrues profuses, résistantes aux traitements habituels. Pas plus que les autres traitements, il n’évite les récidives. D’autres méthodes ont fait l’objet d’études (laser Nd : Yag 1 064 nm par exemple) [11]. Leur efficacité doit être confirmée. Ainsi, actuellement, le traitement des verrues doit prendre en compte la localisation des verrues et leur ancienneté. On peut raisonnablement proposer le schéma suivant : • pour les verrues récentes, le traitement kératolytique et/ou la cryothérapie ; • pour les verrues anciennes et résistantes, le laser CO2, voire les injections intralésionnelles de bléomycine. Les perspectives font appel à un autre concept thérapeutique, celui de la stimulation de l’immunité locale. À l’instar des condylomes, des molécules comme l’imiquimod pourraient peut-être être intéressantes, mais pour l’instant, elles n’ont pas fait la preuve de leur efficacité pour les verrues des mains ou des pieds. Un essai thérapeutique de grande envergure portant sur les verrues plantaires de l’adulte est actuellement en cours (étude VRAIE n° NCT01059110). En cas d’échec de la pommade Cochon ® sont comparées cinq possibilités thérapeutiques : poursuite de la pommade Cochon®, cryothérapie, occlusion simple, Efudix® ou Aldara®.
“
Point fort
Il n’y a pas de traitement idéal : efficace, dénué d’inconvénient et n’empêchant pas les récidives. Par conséquent, le traitement doit être le moins agressif et le moins douloureux possible.
3
2-0649 ¶ Verrues
■ Conclusion
[4]
Au plan épidémiologique, l’étude de Van Haalen [3] permet de confirmer [4] l’absence de sur-risque lié à la fréquentation des piscines, ce qui va à l’encontre des idées reçues. Au plan thérapeutique, peu d’avancées se sont produites. On peut espérer que l’étude VRAIE permettra d’avoir une réponse aux interrogations actuelles sur l’efficacité des traitements. Remerciements : à François Aubin et Olivier Chosidow pour leurs aide et conseils, dont ils ne sont jamais avares. .
■ Références [1] [2] [3]
Collège des enseignants. Affections cutanées et muqueuses à papillomavirus humains (HPV). Ann Dermatol Vénéréol 2005;132: 7S134-7S139. Carr J, Gyorfi T. Human papillomavirus. Epidemiology, transmission and pathogenesis. Clin Lab Med 2000;20:235-55. Van Haalen FM, Bruggink SC, Gussekloo J,Assendelft WJ, Eekhof JA. Warts in primary schoolchildren: prevalence and relation with environmental factors. Br J Dermatol 2009;161:148-52.
Penso-Assathiany D, FlahaultA, Roujeau JC. Verrues, piscine et atopie. Étude cas-témoin réalisée en cabinet de dermatologie libérale. Ann Dermatol Venereol 1999;126:696-8. [5] Boxman IL, Berkhout RJ, Mulder LH, Wolkers MC, Bouwes Bavinck JN, Vermeer BJ, et al. Detection of human papillomavirus DNA in plucked hairs from renal transplant recipients and healthy volunteers. J Invest Dermatol 1997;108:712-5. [6] Beutner KR. Nongenital human papillomavirus infections. Clin Lab Med 2000;20:423-30. [7] Doorbar J. The papillomavirus life cycle. J Clin Virol 2005;32(suppl): S7-S15. [8] Euvrard S, Chardonnet Y, Hermier C, Viac J, Thivolet J. Verrues et carcinomes épidermoïdes après transplantation rénale. Ann Dermatol Venereol 1989;116:201-11. [9] Combemale P, Delolme H, Dupin M. Traitement des verrues. Ann Dermatol Venereol 1998;125:443-6. [10] Aubin F, Gheit T, Prétet JL, Tommasine M, Mougin C, Chosidow O. Presence and persistence of human papillomavirus types 1,2 and 4 on Emery boards after scraping off plantar warts. J Am Acad Dermatol 2010;62:151-2. [11] Han TY, Lee JH, Lee CK, Ahn JY, Seo SJ, Hong CK. Long-pulsed Nd:YAG laser treatment of warts: report on a series of 369 cases. J Korean Med Sci 2009;24:889-93.
D. Penso-Assathiany, Dermatologue (
[email protected]). 30, avenue Victor-Cresson, 92130 Issy-les-Moulineaux, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Penso-Assathiany D. Verrues. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0649, 2011.
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Cas clinique
Traité de Médecine Akos
¶ 2-0650
Acné F. Ballanger, B. Dreno L’acné est très fréquente, touchant plus de 80 % des adolescents et jeunes adultes en France. Il s’agit d’une affection inflammatoire chronique du follicule pilosébacé évoluant par poussées. Plusieurs facteurs interviennent dans l’acné : l’hyperséborrhée, la rétention sébacée, la prolifération de Propionibacterium acnes et l’inflammation. Les manifestations cliniques sont très variées (lésions rétentionnelles, inflammatoires ou mixtes). Le retentissement psychologique qu’elle peut engendrer est parfois important, influençant la qualité de vie de ces patients. Les traitements antiacnéiques ont beaucoup progressé. Le choix du traitement doit être adapté au type d’acné et bien expliqué au patient car une bonne observance conditionne la qualité du résultat. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Acné ; Séborrhée ; Comédons ; Propionibacterium acnes ; Cyclines ; Gluconate de zinc ; Isotrétinoïne
Plan ¶ Introduction
1
¶ Épidémiologie
1
¶ Facteurs étiopathogéniques Hyperséborrhée et influence hormonale Hyperkératinisation folliculaire anormale et obstruction infundibulaire Rôle primordial de P. acnes dans la phase inflammatoire de l’acné
2 2
¶ Clinique Lésions élémentaires Forme clinique commune : acné juvénile Formes graves Formes étiologiques particulières
2 2 3 3 3
¶ Traitement Moyens thérapeutiques topiques Autres traitements topiques Moyens thérapeutiques systémiques Traitements physiques Stratégie thérapeutique
4 4 5 5 6 6
¶ Conclusion
7
2 2
■ Introduction L’acné est une pathologie inflammatoire chronique du follicule pilosébacé évoluant par poussées. Elle est à l’origine de lésions disgracieuses du visage et parfois du tronc touchant 70 % à 80 % des adolescents et jeunes adultes. Elle apparaît à la puberté et disparaît le plus souvent à l’âge adulte. Il s’agit d’une pathologie complexe, faisant intervenir plusieurs facteurs : une prédisposition génétique, une production excessive de sébum sous l’influence d’un facteur hormonal, une kératinisation de l’épithélium folliculaire anormale et une inflammation associée à la présence au sein du follicule de Propionibacterium Traité de Médecine Akos
acnes, bactérie à Gram positif anaérobie. Si le diagnostic est en général facile, la prise en charge thérapeutique peut être complexe et doit être adaptée à chaque patient.
■ Épidémiologie L’acné touche en premier lieu les adolescents entre 12 et 18 ans avec une prévalence en France supérieure à 70 %. Les jeunes adultes de plus de 20 ans, particulièrement les femmes, peuvent être également atteints. Ainsi, chez les trentenaires, la prévalence des sujets acnéiques est de 35 % chez les femmes et 20 % chez les hommes [1]. Environ 41 % des femmes entre 25 et 40 ans présenteraient de l’acné [2] . La survenue de lésions acnéiques peut avoir un retentissement psychologique majeur qui n’est pas toujours corrélé à la sévérité clinique. L’acné représente donc un motif de consultation fréquent. Cependant, on estime aujourd’hui que moins de 50 % des sujets acnéiques consultent un médecin [3]. En médecine générale, l’acné est soit le motif premier de la consultation, soit le motif secondaire abordé au cours d’une consultation justifiée pour une autre pathologie. Plusieurs facteurs influençant l’acné ont été identifiés et notamment, la notion de terrain génétique : l’existence d’antécédents familiaux d’acné chez le père ou la mère est plus volontiers associée à des acnés plus précoces, sévères ou résistantes au traitement. Parmi les facteurs acquis, le tabac influencerait notamment la formation de lésions rétentionnelles. En effet, certains travaux montrent que l’acné serait significativement plus fréquente chez les fumeurs (41,5 %) que chez les non fumeurs (9,7 %). Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les kératinocytes présentent des récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine pouvant induire une hyperkératinisation lors de forte concentration de nicotine [4]. Le stress joue aussi un rôle majeur dans la survenue de poussée d’acné par l’intermédiaire de la sécrétion de neuromédiateurs libérés par les terminaisons nerveuses périphériques entourant le follicule pilosébacé. Le rôle de l’alimentation, en particulier du lait, est
1
2-0650 ¶ Acné
toujours discuté dans l’acné. Enfin, le lieu d’habitation, le mode de vie n’influencent pas de manière significative la fréquence et la sévérité de l’acné.
■ Facteurs étiopathogéniques (Fig. 1) Hyperséborrhée et influence hormonale La production de sébum est essentielle au développement de l’acné. L’acné est associée à une hyperséborrhée, qui est une source de nutriment pour P. acnes. Le lien entre androgènes (testostérone et dihydrotestostérone), production de sébum et survenue d’acné est actuellement admis. Cependant, chez la majorité des patients acnéiques, il n’y a pas de trouble hormonal et le taux de testostérone circulant est dans les limites de la normale. Ceci pourrait s’expliquer par une hypersensibilité des récepteurs aux androgènes au niveau de la glande sébacée et par une augmentation de la production des androgènes à partir d’un précurseur, le S-DHEA, via les systèmes enzymatiques (notamment la 5aréductase de type I) présents non seulement au niveau de la glande sébacée mais aussi au niveau des kératinocytes de l’infundibulum folliculaire.
Hyperkératinisation folliculaire anormale et obstruction infundibulaire Le microcomédon, non visible à l’œil nu, est considéré depuis quelques années comme la lésion élémentaire de l’acné. L’obstruction infundibulaire est liée à une prolifération excessive des kératinocytes intracanalaires et à une augmentation de l’adhésion des cornéocytes entre eux. Grâce au séquençage complet du génome de P. acnes, il a été montré récemment que P. acnes participe à la formation de ce microcomédon et donc des lésions rétentionelles. En effet, il est équipé des gènes nécessaires pour produire une colle biologique lui permettant d’adhérer
aux parois épithéliales et de s’organiser en biofilm. Le biofilm correspond à une agrégation de micro-organismes entourés d’une membrane polysaccharidique qu’il sécrète après avoir adhéré à une surface. La colle biologique sécrétée par P acnes, mélangée au sébum, permettrait donc l’adhérence de P. acnes mais également des cornéocytes au niveau de l’infundibulum pilaire [5]. Parallèlement, il a également été démontré que des kératinocytes en culture stimulés par P. acnes sécrètent de l’interleukine 1a (IL1a) et que cette cytokine est capable d’induire la formation de comédons. De plus, P. acnes agit directement sur la différenciation kératinocytaire en modulant l’expression d’intégrines et de la filaggrine.
Rôle primordial de P. acnes dans la phase inflammatoire de l’acné La colonisation bactérienne au niveau du follicule pilosébacé, en particulier par Staphylococcus epidermidis et P. acnes, joue un rôle essentiel dans l’apparition des lésions inflammatoires. Cette colonisation est favorisée par l’hyperséborrhée. Il n’existe pas de corrélation démontrée entre l’importance des lésions inflammatoires acnéiques et le nombre de bactéries P. acnes à la surface de la peau laissant supposer que P. acnes agit plus par un mécanisme inflammatoire qu’infectieux. Actuellement, on considère que les évènements inflammatoires seraient les évènements les plus précoces du développement d’une lésion acnéique via l’immunité innée. En effet, P. acnes stimulerait la sécrétion de peptides antimicrobiens et de cytokines proinflammatoires par les kératinocytes et les monocytes via l’activation de récepteurs de l’immunité innée (TLR2). Cette inflammation précoce via la production in situ de l’IL1a et d’IL8, induirait l’initiation du microcomédon. De plus P. acnes sécrète de nombreuses substances pro-inflammatoires qui entretiennent la réaction inflammatoire. P. acnes a donc à la fois une action pro-inflammatoire et comédogène, intervenant à toutes les étapes du développement de la lésion acnéique.
■ Clinique L’acné est par définition une affection polymorphe dans laquelle on retrouve différentes lésions élémentaires qui peuvent coexister ou succéder les unes aux autres lors des poussées.
a
Séborrhée
1
b
2 3
c
Figure 1. Physiopathologie de l’acné. a. Obstruction folliculaire : accumulation de sébum ; b. prolifération bactérienne de P. acnes : rôle dans la formation du microcomédon et dans la phase inflammatoire ; c. hypersécrétion sébacée ; 1. épiderme ; 2. canal folliculaire ; 3. glande sébacée.
2
Lésions élémentaires C’est la condition préalable au développement de lésions acnéiques : action comédogène et inflammatoire du sébum. Elle débute souvent avant la puberté génitale. La peau a un toucher gras et un aspect brillant avec des pores cutanés dilatés, en particulier dans la zone médiofaciale. Elle s’associe fréquemment à une hyperséborrhée du cuir chevelu.
Lésions rétentionnelles Le comédon ouvert (ou point noir) correspond à un bouchon de sébum et de kératine obstruant l’orifice infundibulaire. Son extrémité externe est colorée en raison de l’oxydation des graisses et des dépôts de mélanine. Le comédon fermé (ou microkyste) petite élevure blanchâtre de 2 à 3 mm correspondant à l’accumulation, dans l’entonnoir du follicule pilosébacé, de kératine et de sébum mélangés à des colonies bactériennes (en particulier P. acnes) et recouvert d’un épiderme. Il représente le stade précurseur du processus inflammatoire car la paroi peut se rompre aboutissant à la constitution de papule ou pustule. Il est donc décrit comme la « bombe à retardement de l’acné » (Fig. 2).
Lésions inflammatoires La papule est une lésion inflammatoire de diamètre inférieur à 5 mm pouvant apparaître de novo ou être la conséquence de Traité de Médecine Akos
Acné ¶ 2-0650
Figure 2. Les lésions élémentaires de l’acné : comédons ouverts, comédons fermés, pustules.
Figure 4.
Acné inflammatoire du dos.
papulopustuleuses profuses au niveau de la face, avec extension progressive des lésions au niveau du cou, du tronc, des fesses et de la racine des membres. La peau est couverte de comédons polyporeux, de microkystes, de kystes folliculaires de grande taille, de papules, de pustules et de nodules fermes ou abcédés (Fig. 4). Ces nodules vont laisser place à des lésions cicatricielles déprimées ou des chéloïdes.
Acné fulminans : acné nodulaire aiguë fébrile et ulcéreuse
Figure 3.
Acné papulopustuleuse du visage.
l’inflammation d’une lésion rétentionnelle en particulier après manipulation. Elle peut ensuite évoluer vers la résorption ou vers une pustule folliculaire. Le nodule se manifeste par une tuméfaction inflammatoire, profonde, douloureuse à la palpation et fluctuante dont le diamètre est supérieur à 5 mm. Il est caractéristique des acnés sévères. Les lésions d’acné en disparaissant laissent souvent un érythème transitoire et/ou une pigmentation, qui, chez les patients de phototype foncé, peut être définitive. L’évolution vers des cicatrices hypertrophiques ou surtout atrophiques est possible. Ces dernières étant d’autant plus intenses que la composante inflammatoire est intense et la mise en route du traitement retardée.
C’est la forme la plus grave d’acné, touchant avec prédilection les adolescents de sexe masculin. Le mécanisme physiopathogénique ferait intervenir les antigènes de P. acnes, qui lorsqu’ils sont produits en excès, formeraient des complexes immuns circulants à l’origine d’une réaction inflammatoire générale. Il s’agit d’une éruption nodulaire de survenue brutale : nodules inflammatoires et suppuratifs très nombreux, évoluant vers l’émission de pus hémorragique ou la formation d’ulcérations nécrotiques, localisées au niveau thoracique. Ceci est associé à une atteinte importante de l’état général, une hyperthermie à 39-40 °C, des douleurs articulaires et musculaires et parfois un érythème noueux au niveau des membres inférieurs. L’introduction de l’isotrétinoïne comme traitement d’une acné papulopustuleuse peut être responsable de la survenue d’une acné fulminans mais ceci reste exceptionnel comparé au nombre de patients traités. Les facteurs prédictifs de la survenue de l’aggravation d’une acné sous isotrétinoïne sont le sexe masculin, le jeune âge, l’importance de l’atteinte rétentionnelle (comédons ouverts et fermés) [6].
Forme clinique commune : acné juvénile
Formes étiologiques particulières
L’acné « classique » pubertaire est fréquente puisqu’elle touche à des degrés variables environ 70 %-80 % des adolescents. Les premières lésions surviennent en général vers 12-13 ans chez la jeune fille, souvent plus tardivement chez le garçon. La première manifestation est l’hyperséborrhée à laquelle s’associent ensuite des lésions rétentionnelles ; celles-ci deviennent progressivement papulopustuleuses (Fig. 3). Le visage est en général atteint en priorité mais les lésions peuvent s’étendre au niveau du dos, des épaules et du décolleté. L’évolution même en l’absence de traitement est spontanément favorable et l’acné guérit dans 90 % des cas vers 18-20 ans.
Acnés induites
Formes graves Acné nodulaire (ou conglobata) C’est une acné suppurative chronique. Elle survient plutôt chez l’homme et débute à la puberté. Elle comporte des lésions Traité de Médecine Akos
De nombreux agents sont susceptibles de provoquer une acné. Acné médicamenteuse À suspecter devant une acné survenue en dehors de l’âge habituel de l’adolescence, d’apparition récente et rapide, avec absence de polymorphisme lésionnel, de topographie localisée sur des zones inhabituelles, avec notion de prise médicamenteuse récente et résistance au traitement classique bien conduit. La liste des médicaments pouvant entraîner une acné est longue : • hormones : corticoïdes, adrenocorticotrophic hormone (ACTH), progestatifs, androgènes et stéroïdes anabolisants ; • halogènes : iode, brome, fluor, chlore ; • vitamines B12 ; • anticonvulsivants : phénobarbital ;
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2-0650 ¶ Acné
Acné et grossesse L’évolution de l’acné est imprévisible au cours d’une grossesse. Cependant, chez près de 1 femme sur 4, on note l’apparition ou l’aggravation de lésions acnéiques, favorisée par l’augmentation de la sécrétion sébacée au 3 e trimestre de grossesse. Il s’agit d’acnés inflammatoires touchant essentiellement le visage. La prise en charge thérapeutique doit tenir compte des contre-indications dues à la grossesse : l’isotrétinoïne et les cyclines sont contre-indiquées par voie orale ainsi que les rétinoïdes locaux. Les traitements autorisés sont, par voie topique, le peroxyde de benzoyle, les alpha-hydroxyacides et par voie systémique, le gluconate de zinc.
■ Traitement Figure 5.
Acné excoriée et cicatrices d’acné.
Il comprend les traitements topiques et systémiques.
Moyens thérapeutiques topiques • antituberculeux : isoniazide, rifampicine ; • immunosuppresseurs : ciclosporine, azathioprine ; • psychotropes : certains antidépresseurs tricycliques, diazépam, phénothiazine, sels de lithium. Chez les femmes, il faut rechercher l’utilisation d’une pilule contraceptive inadaptée à un traitement antiacnéique. Il est préférable d’utiliser une pilule de 3e génération, comportant un progestatif non androgénique. Acné des cosmétiques Liée aux cosmétiques, aux pommades, aux détergents, « l’acne cosmetica » réalise une acné comédonienne du visage, apparaissant le plus souvent chez la femme de 20 à 40 ans. Acné d’origine exogène Elle est rare. Le chlore, les huiles industrielles, les goudrons, les radiations ionisantes peuvent entraîner des acnés, parfois extrêmement sévères. Certaines acnés sont liées à des frottements ou à des manipulations, ce sont les acnés mécaniques.
Trois classes médicamenteuses ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement local de l’acné. Le choix se fait en fonction du type d’acné : rétentionnelle, inflammatoire ou mixte. L’association des traitements entre eux permet d’avoir une action synergique en limitant les effets secondaires.
Antibiotiques locaux Ils ont une action à la fois antibactérienne et antiinflammatoire. On les réserve aux acnés papulopustuleuses modérées. En France, deux molécules sont disponibles : l’érythromycine en solution ou en gel de 2 % à 4 % et la clindamycine en solution à 1 %. Cependant, ils ne doivent pas être utilisés en monothérapie dans le traitement de l’acné en raison du risque d’apparition de résistance bactérienne. Ils doivent être utilisés sur une durée limitée (1 mois) et non associés à un antibiotique systémique.
Peroxyde de benzoyle
C’est le plus souvent une acné transitoire. Elle apparaît dès la naissance et régresse spontanément vers 1 à 3 mois. Elle survient chez près d’un nourrisson sur cinq avec une prédominance masculine (70 % à 80 %) et se présente sous forme de comédons et papules sur les joues et sur le front. Elle est liée au sevrage des hormones maternelles déclenchant une stimulation hypophysaire du nouveau-né et donc une sécrétion excessive d’androgènes surrénaliens et gonadiques.
C’est un agent kératolytique et antibactérien. Il est adapté aux acnés essentiellement inflammatoires mais a une action minime sur les lésions rétentionnelles. Trois effets indésirables sont possibles : l’irritation cutanée, en particulier en début de traitement, une prescription initiale à faible concentration (2,5 %) puis lentement croissante peut pallier cet effet ; une phototoxicité limitant son utilisation l’été et la décoloration de certains vêtements, nécessitant d’avertir le patient. Le peroxyde de benzoyle est disponible en gel ou en lotion à des concentrations de 2,5 %, 5 % et 10 %.
Acné excoriée de la jeune fille
Rétinoïdes topiques
Les jeunes filles acnéiques souffrent fréquemment d’une dysmorphophobie. Ne supportant pas leurs lésions d’acné, elles les manipulent aboutissant à un autoentretien de l’acné et à des excoriations sources de cicatrices. L’utilisation abondante de cosmétiques pour camoufler les lésions entretient encore cette acné (Fig. 5).
Ils ont une activité kératolytique prédominante et sont donc indiqués dans les acnés rétentionnelles. Ils modifient la différenciation kératinocytaire terminale. Ceci, associé à une diminution de la cohérence du bouchon corné, aboutit à la fonte et à l’expulsion des microkystes ou des comédons. On distingue les rétinoïdes de première génération représentés avant tout par l’acide rétinoïque tout-trans ou trétinoïne qui est disponible en gel, crème ou solution aux concentrations de 0,025 %, 0,05 % et 0,1 % ; son isomère, l’acide 13-cis-rétinoïque ou isotrétinoïne est commercialisé en gel à 0,05 %. Le principal effet secondaire est l’irritation cutanée secondaire à la sécheresse cutanée. L’application du produit le soir, sur peau sèche, en faible quantité, à dose lentement progressive permet de limiter ce phénomène, fréquent au début du traitement. L’isotrétinoïne a une efficacité moindre mais est parfois mieux tolérée que la trétinoïne car elle n’a pas d’action sébosuppressive par voie locale. Les rétinoïdes de 2e génération sont représentés par l’adapalène, agoniste des rétinoïdes, disponible en gel et en crème à
Acné néonatale
Acné féminine tardive Elle se singularise par la reprise ou la survenue tardive d’une acné chez une femme de plus de 25 ans. Elle est caractérisée par des papules, pustules et nodules des régions mentonnières et sous-mandibulaires. Une cause médicamenteuse ou externe (en particulier cosmétique) doit être recherchée. Un bilan hormonal n’a d’intérêt que si la femme présente des signes d’hyperandrogénie associés à l’acné (hirsutisme, stérilité, oligoménorrhée, prise de poids, alopécie de type masculin). Ce bilan comprend un dosage de la testostérone libre, 17OH progestérone, delta 4 androstènedione, S-DHEA et prolactinémie.
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Traité de Médecine Akos
Acné ¶ 2-0650
0,1 %. Elle allie une action anti-inflammatoire aux propriétés kératolytiques. Elle convient donc également à une acné mixte. Dans tous les cas, il est recommandé une photoprotection efficace pendant toute la durée du traitement. Même si à l’heure actuelle il n’existe pas de consensus concernant la tératogénicité des rétinoïdes locaux, il est prudent de les contre-indiquer chez la femme enceinte.
Autres traitements topiques ®
L’acide azélaïque (Skinoren ) est à la fois kératolytique et anti-inflammatoire avec une activité faible à modérée. Il est disponible sous forme de crème à 20 %. Les traitements topiques combinés : rétinoïdes et antibiotiques, peroxyde de benzoyle et antibiotiques, rétinoïdes et peroxyde de benzoyle. On constate actuellement le développement de nouvelles stratégies combinant plusieurs traitements topiques. La combinaison associant rétinoïdes topiques et érythromycine ou clindamycine topique est plus efficace que chaque agent utilisé seul. De même, la combinaison érythromycine ou clindamycine avec peroxyde de benzoyle diminue le risque de résistance bactérienne et augmente l’efficacité. Enfin, l’association adapalène et peroxyde de benzoyle (Epiduo®) augmente le spectre d’activité de l’adapalène seule [7].
Tableau 1. Prescription codifiée de l’isotrétinoïne. Avant la prescription d’isotrétinoïne - information des patients du risque tératogène - chez les femmes en âge de procréer, mise en place ou poursuite d’un moyen efficace de contraception, prescription d’un test de grossesse sérique qualitatif (bHCG) et remise du document concernant l’accord de soin et de contraception La prescription d’isotrétinoïne chez les femmes en âge de procréer ne peut se faire qu’après : - 1 mois de contraception efficace et bien suivie - contrôle de la négativité du test sanguin qualitatif de grossesse datant de moins de 3 jours - vérification de la bonne compréhension par la patiente des risques du traitement - recueil de son accord de soin et de contraception signé et mention sur l’ordonnance de la vérification de tous ces éléments (article R5143-5-5 du Code de la santé publique) Au moins tous les 2 mois, la poursuite de la contraception est vérifiée, les tests sanguins qualitatifs de grossesse datant de moins de 3 jours sont contrôlés et leur réalisation mentionnée sur l’ordonnance Lors de l’arrêt du traitement, la contraception est poursuivie 1 mois après l’arrêt du traitement, compte tenu de l’élimination lente du médicament et un test de grossesse effectué 5 semaines après l’arrêt du traitement
Moyens thérapeutiques systémiques Il existe quatre classes de traitements médicamenteux.
Antibiotiques Leur principale indication est l’acné inflammatoire modérée à sévère. Ils agissent à la fois par leur activité antibactérienne en inhibant la prolifération de P. acnes mais aussi par leur activité anti-inflammatoire (inhibition du chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles, activité antilipasique, inhibition de la production des cytokines inflammatoires), ce qui explique leur mode d’utilisation dans l’acné à faible dose (100 mg pour les cyclines de 2e génération, 300 mg pour la limécycline). Les principales molécules utilisées sont la minocycline, la doxycycline, la limécycline et la tétracycline. Les effets secondaires les plus fréquents sont les troubles digestifs, les candidoses vaginales et la photosensibilité (principalement rapportée avec la doxycycline). D’autres effets secondaires plus rares ont été décrits. Ils concernent essentiellement la minocycline : syndrome d’hypersensibilité, maladie sérique, lupus érythémateux (minocycline uniquement), syndrome de Sweet, hépatite, néphrite, etc. Pour cette raison, il est fortement déconseillé d’utiliser la minocycline en première intention, mais seulement en cas d’échec des autres cyclines et de l’isotrétinoïne. L’un des problèmes actuels de ces traitements est la survenue de résistance bactérienne. Pour éviter le développement de ces résistances, il faut privilégier les traitements courts (4 mois au maximum), obtenir une bonne observance du patient et éviter la multiplication de cures itératives séquentielles avec différents antibiotiques. L’association d’une antibiothérapie locale et d’une antibiothérapie générale est contre-indiquée. L’érythromycine orale (1 g/j) doit être réservée à des situations particulières (contre-indication aux cyclines), en association à des traitements locaux à l’exception des antibiotiques.
Gluconate de zinc Il a une activité anti-inflammatoire en inhibant le chimiotactisme des polynucléaires, la production de TNF alpha et en favorisant l’élimination des radicaux libres. Il est utilisé dans les acnés inflammatoires minimes à modérées. Ce traitement a l’avantage de ne pas avoir de contre-indication, il peut en particulier être utilisé sans risque lors d’une grossesse. La dose préconisée est de 2 gélules par jour (30 mg de zinc élément) à Traité de Médecine Akos
prendre à distance des repas, en évitant la consommation de soja, maïs et pain complet. Ses effets secondaires sont rares et modérés, à type de gastralgie.
Isotrétinoïne C’est le seul traitement réellement curateur dans l’acné. Il induit une atrophie de la glande sébacée par apoptose des sébocytes, une diminution de l’hyperkératinisation canalaire, tout en réduisant l’inflammation. Il est recommandé dans les acnés ayant résisté à un traitement bien conduit de 3 mois associant un antibiotique oral et un traitement local et dans les acnés sévères (nodulaire ou conglobata). En raison de ses effets secondaires nombreux et potentiellement graves, sa prescription est bien codifiée par les références médicales opposables (RMO) et a été modifiée récemment par la réglementation européenne (Tableau 1). La dose orale initiale est de 0,5 mg/kg/j, poursuivie jusqu’à une dose totale cumulée de 120 à 130 mg/kg (soit, pour une dose de 0,5 mg/kg une durée de traitement de 8 mois [0,5 mg × 30 jours × 8 mois]). Le traitement dure donc en moyenne 6 à 9 mois suivant la dose utilisée. Les récidives sont plus fréquentes avec des doses quotidiennes faibles ou si la dose cumulée optimale n’a pas été atteinte. Après un traitement bien conduit, elles s’observent dans 20 % à 30 % des cas. La réalisation d’une deuxième cure est alors licite. Les effets secondaires de l’isotrétinoïne sont dose-dépendants. Le plus grave est la tératogénicité, le médicament est donc contre-indiqué chez la femme enceinte ou allaitante. Par ailleurs, la femme en âge de procréer, doit obligatoirement signer un consentement après information concernant les risques de malformations fœtales et les autres effets secondaires avant que le traitement puisse être débuté. Une contraception (contraception orale à l’exception de Diane 35, Implanon ou stérilet) doit être instaurée 1 mois avant le début du traitement et poursuivie jusqu’à 1 mois après l’arrêt du traitement. Par ailleurs, des tests de grossesse sont réalisés systématiquement avant de débuter le traitement, puis tous les mois pendant toute la durée du traitement et 1 mois après l’arrêt du traitement (Tableau 1). Les effets secondaires cutanéomuqueux sont les plus fréquents : cheilite, xérose, irritation cutanée, sécheresse conjonctivale (pouvant gêner le port de lentilles), nasale (parfois
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2-0650 ¶ Acné
Acné du visage
- Chez la femme, rechercher des signes d'hyperandrogénie (hirsutisme, dysménorrhée) - Chez l'enfant, rechercher une puberté précoce
Rétentionnelle
Inflammatoire
Cosmétique Extraction de comédons, «nettoyage de peau » Rétinoïdes topiques
Si acné minime : peroxyde de benzoyle ou/et adapalène
Mixte
Si acné modérée : association gluconate de zinc ou antibiotiques per os et traitement topique
Antibiotiques systémiques : cyclines les moins photosensibilisantes en première intention
Si résistance : minocycline
Si échec malgré 2 cures > 3 mois isotrétinoïne 0,5 à 1 mg/kg/j ou spironolactone 150-200 mg/j ± contraception estroprogestative
Figure 6.
Arbre décisionnel. Stratégie thérapeutique devant une acné du visage.
associée à des épistaxis) ou vaginale. Le patient doit être informé au préalable de ces éventuels effets indésirables. La prescription d’émollients pour le visage et les lèvres et éventuellement de larmes artificielles permet de les prévenir. D’autres effets secondaires sont observés plus rarement : douleurs musculoarticulaires, granulomes périunguéaux, troubles auditifs, syndrome d’hypertension intracrânienne (particulièrement à risque lors d’association des tétracyclines à l’isotrétinoïne), etc. Il existe actuellement une controverse sur les symptômes psychiatriques associés au traitement par isotrétinoïne. Des cas restés anecdotiques ont été rapportés et, initialement, ces symptômes psychiatriques étaient considérés comme une réaction idiosyncrasique à la molécule. Même si il a été montré que les rétinoïdes peuvent influencer biologiquement le système nerveux central, il n’y a actuellement aucun lien de causalité admis entre isotrétinoïne et pathologie psychiatrique [8]. De plus, la pathologie dermatologique elle-même peut être un facteur de risque de syndrome dépressif. Il semble donc nécessaire de dépister des symptômes dépressifs avant de mettre en route le traitement par isotrétinoïne et de contrôler régulièrement la thymie au cours du traitement, au besoin avec l’aide de psychologues. Par ailleurs, on peut constater une élévation du cholestérol, des triglycérides ou des transaminases. Un bilan biologique comprenant le dosage du cholestérol, des triglycérides et des transaminases (SGOT, SGPT), est donc réalisé avant l’initiation du traitement, puis contrôlé après 1 mois de traitement à dose maximale (Tableau 1).
L’acétate de cyprotérone : Androcur® 25 ou 50 mg/j, associé à l’estradiol par voie orale, 20 jours sur 28, est efficace dans l’acné de la femme, notamment en cas d’hirsutisme ou d’alopécie androgénogénétique associée. La tolérance est bonne. Le spironolactone, bloqueur des récepteurs aux androgènes, peut être une alternative thérapeutique chez les patientes adultes présentant une acné inflammatoire, résistante aux autres traitements. Cependant, la prescription est hors autorisation de mise sur le marché (AMM) et doit être réservée au dermatologue. Les « nouvelles pilules » faiblement dosées en estrogènes et contenant des progestatifs de troisième génération peu androgéniques (gestodène, desogestrel) ont montré également une certaine activité antiacnéique.
Traitements hormonaux
Stratégie thérapeutique
Ils ont une activité antiandrogénique. Il s’agit soit d’antiandrogènes véritables (acétate de cyprotérone et spironolactone), soit de molécules ayant des mécanismes indirects (contraception estroprogestative).
Le choix thérapeutique se fait en quatre étapes. Dans un premier temps, l’interrogatoire et l’examen clinique permettent d’évaluer le type d’acné, sa sévérité, son ancienneté, les traitements antérieurement reçus, leur efficacité et leur
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Traitements physiques Leur efficacité dans l’acné comparée aux traitements médicamenteux reste à prouver. En effet, aucune étude randomisée avec une bonne méthodologie et un nombre de patients suffisant n’a été réalisée à ce jour. Néanmoins, l’effet de certains lasers (IPL, laser Fraxel) et de la photothérapie dynamique semble être intéressant sur les lésions acnéiques inflammatoires avec cependant une rechute qui semble assez rapide [9]. Les lasers ablatifs comme le CO2 et l’Erbium et les lasers fractionnés comme le Fraxel sont par ailleurs utilisés dans le traitement de cicatrices. (Fig. 6)
Traité de Médecine Akos
Acné ¶ 2-0650
Tableau 2. Stratégies thérapeutiques. Type d’acné
Traitement
Acné rétentionnelle minime ou modérée
Trétinoïne topique ou adapalène
Acné inflammatoire minime
Peroxyde de benzoyle topique ou traitement combiné
Acné mixte minime
Trétinoïne topique ou adapalène + peroxyde de benzoyle topique ou antibiothérapie topique (traitement combiné)
Acné inflammatoire moyenne ou mixte
Antibiothérapie orale ou gluconate de zinc + traitement topique
Acné inflammatoire sévère avec échec d’une antibiothérapie orale bien conduite
Isotrétinoïne + contraception stricte chez la femme
Acné minime à modérée chez une femme souhaitant une contraception
Estroprogestatif nouvelle génération
Acné avec hyperandrogénie
Androcur®, après avis endocrinologique
tolérance. Avant de débuter tout traitement, il est important de prendre le temps d’expliquer au patient les mécanismes de l’acné, son caractère physiologique et son mode évolutif habituel sur quelques années. Cette mise au point permet une meilleure compréhension mais souvent aussi une meilleure acceptation de la dermatose et améliore l’observance du traitement. Dans un deuxième temps, il convient de discuter avec le patient de ses habitudes en matière d’hygiène ou de cosmétiques et de lui donner des conseils simples : toilette quotidienne ou biquotidienne avec un produit non irritant (pains surgras, gel nettoyant sans savon, etc.), l’application quotidienne d’une crème hydratante adaptée à la peau acnéique afin d’améliorer la tolérance des traitements antiacnéiques. Les masques, exfoliations et autres soins à visée esthétique ainsi que l’utilisation abondante de maquillage sont contre-indiqués. La manipulation des lésions est déconseillée car susceptible de provoquer des poussées inflammatoires. La photoprotection est recommandée en raison du potentiel phototoxique de certains traitements anti-acnéiques et du risque de pigmentation des cicatrices chez les sujets à peaux mates. Le troisième temps est celui du traitement. Les stratégies habituelles sont les suivantes (Tableau 2). Dans les acnés légères à modérées, on débute par un traitement local : • si l’acné est à prédominance rétentionnelle, on utilise un rétinoïde : adapalène 0,1 % ou trétinoïne 0,025 % ; • si l’acné est inflammatoire, on utilise de préférence du peroxyde de benzoyle ou un antibiotique local associé à un rétinoïde local (afin de minimiser le risque de résistance bactérienne) ou un traitement combiné peroxyde de benzyleantibiotique ; • dans les acnés mixtes, les traitements topiques combinés, notamment les associations benzoyle de peroxyde ou antibiotique-rétinoïdes, ont toute leur place. En cas d’intolérance, le Skinoren® peut avoir son intérêt. Dans les acnés inflammatoires modérées à sévères avec atteinte du tronc, les cyclines par voie orale ou le gluconate de zinc sont indiqués. Ces traitements doivent être associés à un traitement topique qui peut être un antibiotique topique uniquement avec le zinc. Si l’acné résiste à un traitement bien conduit pendant 3 mois par cyclines associé à un traitement local, l’isotrétinoïne est indiquée. Les acnés sévères (nodulaire ou conglobata) doivent bénéficier d’un traitement par isotrétinoïne orale mais les nouvelles recommandations européennes ne permettent pas de l’utiliser en première ligne. Un essai préalable par un traitement par Traité de Médecine Akos
cyclines associé à un traitement topique bien mené est nécessaire. La mise en route trop tardive est souvent associée à un risque cicatriciel plus élevé. Le traitement d’entretien repose sur les rétinoïdes locaux. Seule l’adapalène à 0,1 % a démontré son efficacité dans ce cadre, éventuellement en association avec le gluconate de zinc oral. Dans un quatrième temps, il est par ailleurs essentiel d’apprécier le retentissement psychique de la dermatose, ainsi que ses répercussions en termes de qualité de vie. On essaie d’évaluer également selon les motivations du patient quelle pourra être l’observance du traitement.
■ Conclusion L’acné est donc une pathologie complexe, trop souvent qualifiée de « banale ». Beaucoup de progrès ont été réalisés dans la connaissance des mécanismes physiopathogéniques de l’acné. Cela permettra probablement à l’avenir l’élaboration de nouvelles stratégies thérapeutiques.
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Points essentiels
Pathologie courante : 80 % des adolescents atteints. Liée à une atteinte du follicule sébacé avec trois mécanismes principaux intriqués : hyperséborrhée, hyperkératinisation et inflammation cutanée. La plupart des traitements, à l’exception de l’isotrétinoïne, sont uniquement suspensifs et leur efficacité dépend de la compliance du patient. Les traitements par antibiothérapie doivent être de courte durée (4 mois au maximum). La prescription de l’isotrétinoïne orale n’est pas dénuée de risques, elle est bien codifiée par les nouvelles recommandations européennes reprises par l’AFSSAPS récemment (recommandations 2008 sur l’acné) et qui sont à respecter minutieusement. Erreurs à éviter : • minimiser l’importance de l’acné auprès du patient, en effet même si c’est une dermatose « banale », le retentissement en termes de qualité de vie est souvent majeur • ne pas définir le type d’acné (rétentionnelle, inflammatoire ou mixte) avant de prescrire • prescrire au long cours des antibiotiques par voie générale ou topique dans les acnés inflammatoires • associer antibiotique topique et systémique • utiliser des antiseptiques qui sont inutiles et irritants • méconnaître les médicaments inducteurs d’acné. Quand adresser au spécialiste : • devant un échec thérapeutique après un traitement par cyclines et traitement local bien mené avec une bonne observance • devant une acné inflammatoire modérée ou sévère où apparaissent les premières cicatrices • quand une acné est nodulaire, étendue • quand une acné s’aggrave brutalement avec poussée inflammatoire sévère • quand une acné s’aggrave sous isotrétinoïne orale • quand l’acné est associée à des signes d’hyperandrogénie • quand l’acné survient dans un contexte inhabituel (acné prépubertaire, acné familiale, etc.).
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2-0650 ¶ Acné .
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F. Ballanger. B. Dreno (
[email protected]). Clinique dermatologique, Centre hospitalier universitaire de Nantes, Place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Ballanger F., Dreno B. Acné. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0650, 2010.
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Traité de Médecine Akos
2-0655
Alopécies S. Halouani, A. Souissi, M. Mokni Les alopécies touchent l’homme et la femme à tout âge. Elles ont un impact social et psychologique important et peuvent affecter la qualité de vie des patients. Bien que les étiologies des alopécies soient multiples, une bonne stratégie diagnostique basée sur un interrogatoire minutieux, un examen clinique et certains examens complémentaires permet généralement un diagnostic précis. La classification des alopécies est basée sur leur caractère cicatriciel ou non et sur leur distribution diffuse ou focale. Les alopécies non cicatricielles diffuses sont dominées par l’effluvium télogène et l’alopécie androgénétique. L’effluvium télogène n’est pas une maladie en soi, mais il peut être le signe d’une maladie sous-jacente. L’alopécie androgénétique est caractérisée par une topographie particulière et une distribution différente selon le sexe. Les alopécies non cicatricielles focales sont représentées essentiellement par la pelade et les alopécies traumatiques. Les alopécies cicatricielles peuvent être primitives ou secondaires. Le recours à l’histologie est indispensable. Il permet de distinguer, dans les alopécies cicatricielles primitives, les formes avec infiltrats lymphocytaires, neutrophiliques ou mixtes. Les alopécies cicatricielles primitives les plus communes sont représentées par le lichen plan pilaire et le lupus érythémateux chronique. Plusieurs traitements sont disponibles pour la prise en charge des alopécies. Leur efficacité est variable selon la pathologie en cause. Le traitement doit être précoce, surtout dans les alopécies cicatricielles, afin d’arrêter ou de ralentir l’évolution définitive de l’alopécie. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Alopécies ; Effluvium télogène ; Alopécie cicatricielle ; Alopécie androgénétique ; Pelade ; Lichen plan pilaire
Alopécies non cicatricielles
Plan ■
Introduction
1
Alopécies diffuses
■
Alopécies non cicatricielles Alopécies diffuses Alopécies focales
1 1 3
Effluvium anagène
Alopécies cicatricielles Alopécies cicatricielles lymphocytaires Alopécies cicatricielles neutrophiliques Alopécies cicatricielles avec un infiltrat mixte
4 5 5 5
■
Il est dû à une fin prématurée de la phase anagène ou à un arrêt de la croissance du cheveu en phase anagène sans passer par les phases catagène et télogène. La chute apparaît quatre à six semaines plus tard. Il a le plus souvent une cause iatrogène (médicaments, radiations).
Effluvium télogène
Introduction Les alopécies constituent un motif fréquent de consultation en dermatologie. Bien qu’elles soient bénignes, leur impact psychologique est important. Elles sont généralement classées selon qu’elles soient cicatricielles ou non, diffuses, focales ou ayant une topographie particulière. Leur prise en charge nécessite un diagnostic précis (Fig. 1) afin d’établir une stratégie thérapeutique adéquate. EMC - Traité de Médecine Akos Volume 11 > n◦ 3 > juillet 2016 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(16)56208-5
C’est l’une des causes les plus fréquentes de l’alopécie diffuse. Le follicule en phase anagène passe prématurément en phase télogène, ce qui aboutit à une perte importante de cheveux deux ou trois mois après la fin de cette phase. L’effluvium télogène n’est pas une maladie en soi, mais est en rapport avec une maladie sous-jacente (Tableau 1) ou une cause iatrogène. Il peut être, en fonction de son étiologie, aigu (durée de moins de six mois), chronique (six mois ou plus) ou évoluer par poussées. Cliniquement, l’alopécie est diffuse avec parfois un renforcement bitemporal.
1
2-0655 Alopécies
Alopécie Interrogatoire Examen clinique
Alopécie non cicatricielle
Alopécie cicatricielle
Diffuse
Distribution évocatrice
Bilan Sérologie syphilitique
AAG
Effluvium télogène Syphilis
Biopsie
Focale
Squames Mycologie
Peau normale Cheveux en « point d’exclamation »
Teigne
Pelade
Cheveux cassés
Alopécie traumatique Trichotillomanie
Lymphocytaire
Neutrophilique
Mixte
LPP LEC PPB
FDQ FDC
Folliculite chéloïdienne DEPC
Figure 1. Arbre décisionnel. AAG : alopécie androgénogénétique ; LPP : lichen plan pilaire ; LEC : lupus érythémateux chronique ; PPB : pseudopelade de Brocq ; FDQ : folliculite décalvante de Quinquaud ; FDC : folliculte disséquante du cuir chevelu ; DEPC : dermatose érosive et pustuleuse du cuir chevelu. Tableau 1. Causes d’effluvium télogène. Alopécie aiguë diffuse Agression ou stress − grand choc affectif ou psychologique − hémorragie aiguë, état de choc, carence récente − accouchement, fausse couche ou arrêt de l’allaitement − maladie infectieuse − intervention chirurgicale sous anesthésie générale Agressions toximédicamenteuses − alopécies médicamenteuses − alopécies alimentaires − alopécies par intoxications professionnelles − radiothérapie Alopécie chronique diffuse Causes endocriniennes − hyperthyroïdies, hypothyroïdies − hypoparathyroïdies − diabète mal équilibré − maladie de Cushing − acromégalie − hyperprolactinémie Causes métaboliques et alimentaires − déficit en fer − déficit en folates ou vitamine B12 − déficit en zinc, acrodermatite entéropathique − carences nutritionnelles, régimes amaigrissants, syndromes de malabsorption, alimentation parentérale − insuffisance rénale, insuffisance hépatocellulaire Maladies systémiques Syphilis secondaire
L’effluvium télogène est réversible une fois sa cause traitée. Un traitement symptomatique à base de minoxidil topique est indiqué. Il permet en effet de prolonger la phase anagène. L’association d’acides aminés soufrés (cystine) ou de vitamines du groupe B (biotine–bépanthène) peut être également bénéfique.
2
Syphilis L’atteinte alopécique du cuir chevelu se voit au cours de la syphilis secondaire. Le plus souvent, elle réalise une alopécie dite « en clairière » avec des plaques incomplètement déglabrées circonscrites, temporo-occipitales sur un cuir chevelu intact ; l’alopécie diffuse est très rare. Les sourcils, les cils et la barbe peuvent également être atteints. Le traitement est celui de la syphilis secondaire.
Alopécie androgénétique L’alopécie androgénétique (AAG) est une alopécie non cicatricielle, génétiquement déterminée, de distribution caractéristique et due à un processus de miniaturisation progressive des follicules pileux du cuir chevelu. Les cheveux sont courts, minces et duveteux. L’AAG est familiale. Un polymorphisme du gène du récepteur d’androgène a été identifié en association avec l’AAG. La présentation clinique est variable. Chez l’homme, il s’agit d’une perte de cheveux selon une disposition et une progression particulière bien décrites par Hamilton et Norwood. Trois zones sont atteintes de fac¸on préférentielle : les tempes, le vertex et la région médiofrontale. La perte bitemporale des cheveux commence au niveau de la ligne frontale antérieure et évolue vers l’arrière. La perte des cheveux au vertex commence au centre et progresse vers l’extérieur de fac¸on circonférentielle. Comme les trois zones ne sont pas affectées de fac¸on égale, il existe des variations cliniques multiples. Les cheveux occipitaux sont souvent préservés. L’âge de début de la symptomatologie et la vitesse de progression varient d’une personne à l’autre. L’AAG féminine se distingue de l’AAG masculine par sa topographie plus diffuse atteignant les tempes et le vertex (Fig. 2) (classification de Ludwig) et par le respect d’une bande frontale antérieure. Si l’alopécie est cliniquement isolée, les dosages hormonaux sont généralement normaux. En cas d’association de troubles des règles ou de signes d’hyperandrogénie, un bilan hormonal est demandé à la recherche d’une cause ovarienne (ovaires polykystiques, tumeurs ovariennes virilisantes), surrénalienne (déficit en 21-hydroxylase, tumeurs virilisantes) ou hypophysaire (hyperprolactinémies). Traitement Minoxidil topique. Les études cliniques ont montré que le minoxidil topique augmente le ratio anagène/télogène, le nombre de cheveux, l’épaisseur et le poids de la tige pilaire [1] . Il est utilisé à la dose de 1 ml deux fois par jour. Deux concentrations à 2 % (pour la femme) et à 5 % (pour l’homme) sont disponibles. L’hypertrichose de la face et du cou est l’effet secondaire le plus EMC - Traité de Médecine Akos
Alopécies 2-0655
Figure 3.
Figure 2.
Alopécie androgénogénétique féminine.
fréquent chez la femme. Le prurit et l’irritation du cuir chevelu sont également rapportés. L’interruption du minoxidil entraîne un effluvium télogène aigu qui commence trois à quatre mois après l’arrêt du traitement. Finastéride. Le finastéride est un inhibiteur sélectif de la 5␣réductase de type II. Sa dose optimale dans le traitement de l’AAG masculine est de 1 mg/j. Il prévient la progression de la maladie chez 91 % des patients et produit une amélioration clinique chez 66 % après deux ans de traitement continu [2] . Les effets indésirables sont observés chez moins de 2 % des patients et incluent une diminution de la libido, une dysfonction érectile et une diminution du volume de l’éjaculat. Ces effets sont habituellement modérés et réversibles à l’arrêt du traitement. L’interruption du finastéride est également suivie d’une perte graduelle des cheveux avec un retour à l’état initial un an après l’arrêt du traitement. Dutastéride. Le dutastéride a des caractéristiques similaires à celles du finastéride mais il a une action plus puissante puisqu’il inhibe à la fois la 5␣-réductase de type I et de type II. Les effets secondaires sont plus fréquents avec le dutastéride qu’avec le finastéride. Acétate de cyprotérone. Administré à la dose de 25 à 50 mg/j dans les dix premiers jours du cycle menstruel, il peut être utile chez les femmes ayant une hyperandrogénie. Il nécessite l’administration simultanée d’estrogènes. Greffe de cheveux. Elle consiste à prélever une bande de cuir chevelu ou des unités folliculaires d’un à quatre cheveux de la zone occipitale du cuir chevelu pour les réimplanter au vertex et dans la région frontale. Actuellement, grâce à la stabilisation de la chute et la stimulation des zones donneuses par le traitement médical, la survie des greffons peut atteindre jusqu’à 90 %.
Alopécies focales Pelade La pelade est une alopécie non cicatricielle auto-immune. Les présentations cliniques varient de la simple plaque de petite taille (Fig. 3) à une perte totale des cheveux (pelade décalvante totale), voire des poils de tout le tégument (pelade universelle). La maladie survient dans tous les groupes ethniques, chez les deux sexes. Elle peut débuter à tout âge avec cependant un début le plus souvent avant l’âge de 20 ans. L’évolution de la pelade est imprévisible. Il est important de rappeler qu’elle s’améliore souvent spontanément et qu’il est difficile d’évaluer les traitements sans contrôle placebo. EMC - Traité de Médecine Akos
Pelade en plaques.
Traitement • La corticothérapie locale est largement utilisée dans le traitement de la pelade. Une étude contrôlée contre placebo menée chez 34 patients avec pelade modérée à sévère montre qu’à 24 semaines de traitement par du propionate de clobétasol 0,05 % en mousse, la repousse est significative chez 25 % des patients [3] . Le taux de récidive après arrêt du traitement varie de 37 à 63 % [3] . En pratique, la corticothérapie en topiques est utilisée chez les patients ayant une pelade en plaques peu nombreuses et peu étendues, surtout chez l’enfant. • Les injections intralésionnelles de corticoïdes sont indiquées de première intention dans le traitement des pelades en plaques peu étendues avec une atteinte de moins de 50 % de la surface du cuir chevelu. L’acétonide de triamcinolone est injecté en intradermique. Les effets indésirables associés incluent la douleur des injections et l’atrophie transitoire. • Le minoxidil topique évalué dans une étude contrôlée en double aveugle chez des patients atteints de pelades extensives (> 75 % du cuir chevelu) montre un taux de repousse de 63,6 % chez le groupe traité contre 35,7 % dans le groupe placebo [4] . En pratique, le minoxidil est utilisé comme un traitement adjuvant à la corticothérapie topique. • La crème d’anthraline à 1 % est appliquée en un temps de contact dit « court » (short contact therapy) pendant 20 à 30 minutes tous les jours. Le temps de contact est augmenté de dix minutes toutes les deux semaines jusqu’à l’obtention d’une dermite de contact. Ce traitement est poursuivi pendant trois mois et doit être arrêté en cas d’absence de repousse. Le taux de réponse varie de 20 à 75 % dans les pelades en plaques et est de 25 % dans les pelades décalvantes [5] . • L’immunothérapie topique consiste en l’induction d’un eczéma de contact par l’application d’un puissant allergène de contact comme le diphénylcyclopropénone. Le patient est initialement sensibilisé au niveau du cuir chevelu par une solution à 2 % sous patch test. Après trois semaines, le produit sensibilisant est appliqué toutes les semaines. La concentration de la solution est adaptée selon le patient, le but étant d’obtenir un eczéma modéré au site d’application. Le taux de réponse varie de 9 à 87 % [6] . L’effet secondaire le plus fréquent est un eczéma de contact de moyenne ou de grande sévérité lié à une mauvaise sélection des concentrations. • Les corticoïdes systémiques ont une action stimulante sur la croissance pilaire. Très peu d’études comparatives de protocoles d’injections intramusculaires, de bolus ou de traitement quotidien par voie orale sont disponibles. En général, environ 60 % des patients ayant une pelade en plaques extensives répondent favorablement aux bolus de corticothérapie, contre moins de 10 % ayant des pelades ophiasiques ou des pelades décalvantes totales ou universelles. Les effets secondaires de la corticothérapie générale limitent leur utilisation. L’association de faibles doses de corticothérapie générale au méthotrexate semble donner des résultats encourageants. Quel
3
2-0655 Alopécies
que soit le protocole utilisé, la corticothérapie systémique montre un taux de récidive important lors de la dégression des doses. • La photochimiothérapie qui est une combinaison de psoralènes topiques ou oraux associés aux ultraviolets A (PUVA) peut induire une repousse mais les résultats à long terme sont médiocres. • Les inhibiteurs de JAK 1/3, actuellement en cours de développement dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du psoriasis, tant par voie orale qu’en topique, ont permis des repousses chez des patients atteints de pelade universelle. Ils pourraient constituer un traitement prometteur [7] .
Teignes Les teignes sont l’apanage de l’enfant avant la puberté et de la femme adulte, à l’exception de la teigne favique qui peut se prolonger au-delà de la puberté, quel que soit le sexe. Les teignes tondantes microsporiques réalisent de grandes plaques arrondies, recouvertes de squames grisâtres sur lesquelles les cheveux sont régulièrement cassés à quelques millimètres du revêtement cutané. Les agents responsables sont des Microsporum (M.) sp. (surtout M. canis). Les teignes tondantes Endothrix sont plus difficiles à diagnostiquer : elles se présentent sous forme de petites plaques squamocroûteuses sèches ou purulentes au sein desquelles se trouvent les cheveux parasités, cassés très courts. Les agents responsables sont des Trichophyton (T.) sp. (T. soudanense, T. violaceum, et plus récemment T. tonsurans). Les teignes inflammatoires ou kérions se manifestent par un placard inflammatoire réalisant une sorte de « macaron » en relief, ponctué d’orifices pilaires dilatés d’où sourd du pus avec expulsion des cheveux. Les agents fongiques responsables sont divers : anthropophiles, zoophiles ou géophiles. La teigne favique, devenue très rare, est facile à reconnaître dans son aspect typique : plaques alopéciques érythématosquameuses avec présence de « godets faviques », dépressions cupuliformes recouvertes de croûtes molles et jaunâtres. L’agent est T. schoenleinii. Le traitement de référence des teignes reste la griséofulvine à la dose de 20 à 25 mg/kg par jour pendant six à huit semaines.
Alopécies traumatiques Les alopécies traumatiques sont provoquées par des traumatismes physiques et/ou chimiques. Trichotillomanie La trichotillomanie est une tendance compulsive anormale à tirer ou à manipuler les cheveux. Elle survient le plus souvent chez l’enfant et plus rarement chez l’adulte, en particulier de sexe féminin. Elle se présente sous forme d’une ou de plusieurs plaques mal limitées, asymétriques où les cheveux sont cassés à des longueurs différentes sur une peau non inflammatoire (Fig. 4) ; les sourcils et les cils notamment des paupières supérieures peuvent être atteints. Chez l’enfant, la trichotillomanie est habituellement d’évolution favorable. En revanche, chez la femme, l’acte n’est généralement pas avoué et les troubles psychologiques peuvent être majeurs. La prise en charge est complexe nécessitant une collaboration entre le dermatologue et le psychiatre. Alopécies cosmétiques Ces alopécies sont liées à des habitudes ethniques, religieuses ou de modes de coiffage. Le cheveu est lésé par des moyens physiques (fer chaud, rouleaux), chimiques ou le plus souvent par des tractions répétées (alopécie de traction liminaire frontale, prothèses capillaires, tresses). Le traitement repose sur la suppression de la cause. L’association du minoxidil topique permet une certaine repousse.
Alopécies cicatricielles Les alopécies cicatricielles peuvent être primitives ou secondaires (Tableau 2). Leur point commun est la destruction
4
Figure 4. rentes.
Trichotillomanie avec cheveux coupés à des longueurs diffé-
Tableau 2. Classification des alopécies cicatricielles. Primitives
Secondaires
Héréditaires et congénitales
Lymphocytaires Lichen plan pilaire - Classique - Alopécie frontale fibrosante - Syndrome de Lassueur-Graham Little Pseudopelade de Brocq Lupus érythémateux chronique Neutrophiliques Folliculite décalvante de Quinquaud Folliculite disséquante du cuir chevelu Mixtes Folliculite chéloïdienne de la nuque Dermatose érosive et pustuleuse du cuir chevelu
Infections Teignes Bactériennes Virales (zona, etc.) Immunologiques Sarcoïdose Sclérodermie Nécrobiose lipoïdique Réaction du greffon contre l’hôte Malignes Néoplasiques Lymphoprolifératives Facteurs exogènes Radiations ionisantes Brûlures Médicaments Dermatoses Psoriasis Mucinose folliculaire Pyoderma gangrenosum Pemphigoïde cicatricielle Épidermolyses bulleuses Hamartomes Diverses Alopécie lipœdémateuse
Kératose pilaire décalvante Incontinentia pigmenti Maladie de Darier Porokératose de Mibelli Érythrodermie ichtyosiforme congénitale Chondrodysplasie ponctuée Hypotrichose héréditaire de Marie-Unna
irréversible du follicule pileux. Le diagnostic étiologique d’une alopécie cicatricielle nécessite un examen histopathologique car les signes cliniques, bien qu’évocateurs, ne sont pas distinctifs. La biopsie cutanée doit être réalisée sur des lésions inflammatoires et évolutives, les zones atrophiques ne permettant pas de faire de diagnostic rétrospectif. Au sein du groupe d’alopécies cicatricielles primitives, l’examen histopathologique permet de distinguer, selon la prédominance de l’infiltrat périfolliculaire : les alopécies cicatricielles lymphocytaires, neutrophiliques et mixtes. EMC - Traité de Médecine Akos
Alopécies 2-0655
Figure 5.
Alopécie frontale fibrosante.
Alopécies cicatricielles lymphocytaires Lichen plan folliculaire Le lichen plan folliculaire (LPF) est la cause la plus fréquente. Cliniquement, on distingue trois formes : le LPF classique, l’alopécie frontale fibrosante (AFF) et le syndrome de Lassueur-Graham Little. Le LPF classique est plus fréquent chez la femme. Il réalise des plaques alopéciques confluentes dans les régions frontales et centrales du cuir chevelu. Un érythème périfolliculaire et des squames sont observés au niveau des zones inflammatoires et actives en périphérie de l’alopécie. L’AFF se présente comme une bande d’alopécie cicatricielle de la lisière antérieure du cuir chevelu avec un recul de la ligne frontale (Fig. 5). Le syndrome de Lassueur-Graham Little est caractérisé par une triade : une alopécie cicatricielle du cuir chevelu, un LPF du tronc et des extrémités, et une alopécie non cicatricielle des aisselles et du pubis. Les corticoïdes topiques et intralésionnels sont utilisés de première intention pour limiter l’extension des plaques alopéciques. La corticothérapie générale doit être prescrite uniquement dans les formes rapidement évolutives, extensives ou résistantes à la corticothérapie locale. La prednisone orale peut être alors administrée à la dose de 1 mg/kg par jour pendant deux à quatre semaines avec une dégression progressive sur deux à quatre mois.
Pseudopelade de Brocq Le concept de pseudopelade de Brocq (PPB) est discuté. Certains auteurs considèrent cette entité comme une maladie auto-immune primitive. D’autres suggèrent que la PPB est le stade ultime d’autres étiologies comme le LPF ou le lupus érythémateux discoïde. Il s’agit de petites zones alopéciques, lisses, blanches et scléreuses, mal limitées, comparées à des pas dans la neige qui confluent et enserrent des touffes de cheveux sains. La prise en charge de la maladie est difficile et rejoint celle du LPF.
Lupus érythémateux chronique Les lésions de lupus érythémateux discoïde évoluent au niveau du cuir chevelu vers une alopécie cicatricielle. Les femmes sont plus fréquemment atteintes que les hommes. Elles réalisent des plaques érythémateuses et squameuses ayant une évolution atrophique centrale, associées à des bouchons folliculaires, des télangiectasies et des troubles pigmentaires (Fig. 6). L’évolution à long terme aboutit à des plaques scléreuses et atrophiques blanc ivoire. La prise en charge se base sur la photoprotection, la corticothérapie locale et les antipaludéens de synthèse. EMC - Traité de Médecine Akos
Figure 6.
Lupus érythémateux chronique.
Alopécies cicatricielles neutrophiliques Folliculite décalvante de Quinquaud La folliculite décalvante de Quinquaud (FDQ) débute par des papules et des pustules folliculaires du vertex et/ou de la région occipitale, suivies d’une réaction inflammatoire et aboutissant à des plaques alopéciques cicatricielles. Plusieurs touffes de cheveux émergent d’un seul orifice pilaire dilaté. La pression de la région périfolliculaire fait sourdre du pus. La maladie évolue par poussées. Les antibiotiques antistaphylococciques tels que la rifampicine (300 mg deux fois par jour) et la clindamycine (300 mg deux fois par jour) sont utilisés en association. La récidive à l’arrêt des antibiotiques est la règle et les patients peuvent rester pendant des années sous faibles doses d’antibiotiques.
Folliculites disséquantes du cuir chevelu Il s’agit d’une forme rare d’alopécie cicatricielle suppurative plus fréquente chez le sujet de sexe masculin. Elle est caractérisée par des nodules fluctuants et douloureux, des abcès et des sinus qui font sourdre du pus. Sur le plan thérapeutique, plusieurs observations confirment l’efficacité de l’isotrétinoïne à 1 mg/kg par jour pendant quatre à sept mois.
Alopécies cicatricielles avec un infiltrat mixte Folliculite chéloïdienne de la nuque Elle atteint surtout l’homme jeune à peau noire. La région occipitale basse est le siège habituel. Les lésions de début sont des papules fermes de la couleur de la peau ou érythémateuses qui vont confluer progressivement pour former une plaque alopécique chéloïdienne. Les traitements habituels des cicatrices chéloïdiennes (cryothérapie, corticoïdes en topiques ou en injections locales) ne font que retarder une évolution cicatricielle inéluctable.
Dermatose érosive et pustuleuse du cuir chevelu Cette affection localisée au cuir chevelu s’observe chez les femmes âgées. Elle réalise une plaque cicatricielle parsemée de lésions croûteuses et érosives, d’évolution lente et progressive. Une amélioration peut être obtenue par les topiques corticoïdes, le sulfate de zinc et le calcipotriol local.
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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
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S. Halouani. Service de dermatologie, Hôpital La Rabta, rue Jabbari, Bab Saadoun, 1007 Tunis, Tunisie. A. Souissi. Service de médecine, Hôpital des Forces de sécurité, La Marsa, Tunisie. M. Mokni (
[email protected]). Service de dermatologie, Hôpital La Rabta, rue Jabbari, Bab Saadoun, 1007 Tunis, Tunisie. Toute référence à cet article doit porter la mention : Halouani S, Souissi A, Mokni M. Alopécies. EMC - Traité de Médecine Akos 2016;11(3):1-6 [Article 2-0655].
Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels
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EMC - Traité de Médecine Akos
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Troubles pigmentaires T. Passeron Les troubles pigmentaires sont fréquents en pratique courante et regroupent de nombreuses pathologies de causes et de pronostics très différents. Une analyse anamnestique et sémiologique rigoureuse permet dans la plupart des cas de porter un diagnostic clinique. Le vitiligo est une dépigmentation acquise touchant 1 % de la population générale. D’importants progrès ont été réalisés à la fois dans la connaissance de sa physiopathologie mais également dans le traitement. Il doit être différencié des hypopigmentations postinflammatoires, très fréquentes mais qui entraînent une hypopigmentation plus qu’une dépigmentation complète de la peau. Le mélasma et les hyperpigmentations postinflammatoires sont les causes les plus fréquentes d’hyperpigmentation. D’autres causes d’hypo- ou d’hyperpigmentations importantes à connaître sont également abordées. Les troubles de la pigmentation peuvent se scinder en trois grands groupes : les hypopigmentations, les hyperpigmentations et les colorations anormales de la peau. Ces troubles pigmentaires résultent de mécanismes physiopathologiques divers incluant des variations quantitatives ou qualitatives du pigment mélanique, des anomalies de distribution de la mélanine ou des dérivés de l’hémoglobine, la présence anormale de pigment d’origine endogène ou exogène ou un épaississement de l’épiderme. Ces troubles pigmentaires peuvent affecter la peau mais aussi les phanères. Certains sont d’origine génétique tandis que la plupart des autres sont acquis. Ainsi, il existe un nombre particulièrement important de troubles pigmentaires, seuls les plus fréquents et les plus utiles à connaître en pratique courante sont ici détaillés. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Pigmentation ; Vitiligo ; Mélasma ; Hypomélanose idiopathique en goutte ; Hypomélanose maculeuse progressive ; Hyperpigmentation postinflammatoire
Plan ¶ Conduite à tenir devant un trouble pigmentaire
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¶ Hypopigmentations Vitiligo Hypomélanose idiopathique en goutte Hypomélanose maculeuse progressive Hypopigmentation postinflammatoire
2 2 3 4 4
¶ Hyperpigmentations Mélasma Hyperpigmentation postinflammatoire Hyperpigmentation d’origine médicamenteuse Hyperpigmentation hormonale Acanthosis nigricans Mastocytose cutanée Mosaïcisme pigmentaire Dermatose cendrée
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¶ Coloration anormale de la peau Tatouages Ictère Caroténodermie Chromidrose et pseudochromidrose
9 9 9 9 9
¶ Conclusion
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Traité de Médecine Akos
■ Conduite à tenir devant un trouble pigmentaire Les troubles de la pigmentation peuvent être associés à de nombreuses maladies, être idiopathiques ou être secondaires à des facteurs externes. Dans la plupart des cas une analyse anamnestique et sémiologique simple mais rigoureuse permet de porter le diagnostic cliniquement. L’examen en lumière de Wood est très utile. Le spectre d’émission de la lumière de Wood va de 320 à 400 nm. Le patient est examiné dans une pièce sombre. Cet examen permet de déterminer si une hyperpigmentation est plutôt épidermique ou au contraire dermique. Il est également utile dans les lésions hypopigmentées. • Hyperpigmentation épidermique : contraste par rapport à peau saine supérieur en Wood qu’en lumière normale. • Hyperpigmentation dermique : contraste par rapport à peau saine plus atténué en Wood qu’en peau normale. • Hyperpigmentation épidermique et dermique : association de zones plus ou moins contrastées par rapport à la peau saine au sein d’une même lésion. • Hypopigmentation : persistance d’un aspect grisâtre de la lésion. • Dépigmentation : la lésion apparaît blanc ivoire en lumière de Wood. L’examen à la lampe de Wood donne également un argument diagnostique supplémentaire lorsque l’on suspecte un pityriasis
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2-0660 ¶ Troubles pigmentaires
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Point essentiel
Conduite à tenir devant un trouble de la pigmentation Devant tout trouble de la pigmentation, on précise : • le caractère congénital ou acquis ; • les antécédents familiaux de troubles pigmentaires ; • les éventuelles prises médicamenteuses ; • les topiques appliqués ; • la présence de manifestations extracutanées ; • l’évolutivité des lésions ; • la présence de lésions inflammatoires précédant les troubles pigmentaires ; • le rôle et l’effet éventuel des expositions solaires. Les lésions sont palpées pour rechercher une infiltration, un trouble de la sensibilité ou un signe de Darier (cf. mastocytoses). Le type de couleur est précisé en cas d’hyperpigmentation (brune en faveur d’une pigmentation épidermique, gris bleuté dans les atteintes dermiques). Il est également utile de déterminer si la dépigmentation est complète ou s’il s’agit d’une hypopigmentation.
Figure 1. Vitiligo du gland.
versicolor hyperpigmenté, en montrant une fluorescence verte. Il montre une fluorescence rouge en présence de corynébactéries.
■ Hypopigmentations Vitiligo Le vitiligo est une dermatose relativement fréquente touchant entre 0,5 % et 2 % de la population. Le vitiligo ne doit plus être considéré comme une maladie psychosomatique. En effet, même si le stress au sens médical du terme est un facteur aggravant ou déclenchant rapporté par de nombreux patients, le vitiligo est une maladie polygénétique multifactorielle où d’importants progrès dans la physiopathologie soulignent l’importance du système immunitaire [1, 2]. Le retentissement parfois majeur sur la qualité de vie des personnes atteintes est aujourd’hui clairement démontré. Cependant, même si une prise en charge psychologique de ces patients peut apporter une aide réelle sur la qualité de vie, cette dernière n’a jamais permis d’obtenir une repigmentation des lésions.
Clinique • Macules blanches de la peau et parfois des muqueuses (Fig. 1). • Dépigmentation le plus souvent complète (blanc ivoire [= blanc vif] en lumière de Wood). • Disposition le plus souvent symétrique parfois segmentaire. • Macules parfois associées à un blanchiment des poils ou des cheveux (poliose). • Asymptomatique (parfois léger prurit au début). • Acquis et s’aggravant progressivement avec le temps.
Formes cliniques Plusieurs formes cliniques sont décrites mais les données évolutives et physiopathologiques soulignent deux grands types de vitiligo : segmentaire et non segmentaire. Ces deux formes sont parfois associées. Segmentaire Distribution des macules sur un segment unilatéral du corps en s’arrêtant à la ligne médiane en regard d’un dermatome. Le territoire le plus souvent atteint est le trigéminé. Il semble que ce type de vitiligo débute plus tôt (souvent avant l’âge de 10 ans).
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Figure 2. Vitiligo généralisé ne laissant plus que quelques espaces de peau encore pigmentée.
Non segmentaire Localisé : une ou plusieurs plaques localisées dans une même zone sans distribution selon un dermatome ou zostériforme. Vulgaire : la plus fréquente, avec atteinte symétrique des macules achromiques réparties sur tout le corps. Acrofacial : atteinte localisée du visage et des extrémités. Muqueux : localisation des macules dépigmentées uniquement sur les muqueuses. Généralisé (universalis) : forme rare correspondant à une dépigmentation complète ou quasi complète (Fig. 2).
Pronostic et évolution Le début du vitiligo peut être insidieux ou plus brutal. L’évolution est imprévisible. Elle se fait généralement par poussées. Les repigmentations spontanées sont exceptionnelles et sont souvent secondaires aux expositions solaires. À ce jour aucun traitement ne permet de freiner l’évolution du vitiligo. Traité de Médecine Akos
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Il convient de faire une photoprotection des zones vitiligineuses mais il faut surtout éviter les expositions intenses. Une exposition modérée et régulière peut en effet aider à repigmenter les lésions. Le traitement est proposé en fonction des traitements déjà entrepris, de la localisation et de l’étendue des lésions [3, 4]. Vitiligo localisé
Figure 3. Vitiligo du bras. Noter le phénomène de Koebner avec développement du vitiligo sur une cicatrice linéaire.
La plupart des patients attribuent le début de leur vitiligo à divers évènements de leur vie (accidents, maladies, grossesse ou stress émotionnel), cependant, à l’exception du phénomène de Koebner, aucun de ces facteurs n’a été démontré pour déclencher ou aggraver le vitiligo. Le phénomène de Koebner concernerait environ 5 % des patients atteints de vitiligo, il correspond au développement de lésions de vitiligo sur des zones de traumatismes (Fig. 3). La survie des patients ayant un vitiligo est égale à celle de la population générale, cependant il est associé à un risque accru de certaines pathologies auto-immunes. Le risque le plus important est la thyroïdite de Hashimoto qu’il faut rechercher par un dosage des hormones thyroïdiennes (T4 et thyroid stimulating hormone [TSH]) et une recherche d’anticorps antithyroperoxydase (TPO).
Diagnostic différentiel Hypopigmentation postinflammatoire : c’est le diagnostic différentiel le plus fréquent en pratique courante. La présence de lésions inflammatoires avant le trouble pigmentaire est évocatrice, mais elles ne sont pas toujours observées. Le terrain atopique, la localisation sur les joues et dans les grands plis orientent vers des eczématides achromiantes. D’autres dermatoses inflammatoires peuvent également donner des hypopigmentations, mais dans tous les cas il s’agit d’une hypopigmentation et non d’une dépigmentation complète. Si besoin l’examen en lampe de Wood est alors déterminant. Génodermatoses pigmentaires : ces affections sont présentes dès la naissance mais peuvent n’être seulement notées qu’après plusieurs mois de vie chez les enfants à peau claire. Les albinismes se manifestent par une dépigmentation généralisée et sont facilement reconnaissables. D’autres affections sont similaires cliniquement au vitiligo (piébaldisme, syndrome d’Hermansky Pudlak, syndrome de Waardenburg, syndrome de Griscelli, etc.). Le piébaldisme est le plus proche du vitiligo car les manifestations sont uniquement cutanéophanériennes. Cependant les lésions sont présentes dès la naissance et restent ensuite stables dans le temps. Hamartome achromique : macule achromique ou le plus souvent hypochromique de taille variable. Présente dès la naissance et stable dans le temps. Ces lésions sont isolées et ne nécessitent ni bilan, ni traitement.
Traitement Le traitement du vitiligo a connu des progrès sensibles ces dernières années. Cependant, certaines localisations telles que les extrémités et les saillies osseuses restent très difficiles à traiter. Les possibilités thérapeutiques mais aussi les limites des traitements doivent être clairement expliquées au patient. Il n’y a aucune urgence à débuter un traitement, notamment chez les enfants, et il ne faut proposer de traitement que lorsque ces derniers, et non leurs parents, en font la demande. Traité de Médecine Akos
Dermocorticoïdes forts à appliquer 1 fois/j. Le tacrolimus pommade à 0,1 % en applications biquotidiennes a montré des résultats comparables aux dermocorticoïdes sans effet secondaire en termes de télangiectasies (apparition de petits vaisseaux) ou d’atrophie cutanée. Le pimecrolimus en crème est d’efficacité comparable au tacrolimus pommade. Il n’est cependant pas disponible en France. En cas d’échec, les lampes ou lasers excimer à 308 nm peuvent être proposés [4]. Il s’agit d’une photothérapie émettant dans le spectre des UVB mais d’efficacité légèrement supérieure et permettant de traiter sélectivement des petites zones en épargnant la peau saine périlésionnelle. Les traitements chirurgicaux par greffes peuvent être proposés dans les vitiligos localisés et stables depuis au moins 3 ans. Vitiligo vulgaire Les UVB à spectre étroit sont le traitement de référence. Ils sont plus efficaces et mieux tolérés que la PUVAthérapie dans le vitiligo. De 6 à 12 mois de traitement sont nécessaires à raison de 2 à 3 séances par semaine. Dans les localisations difficiles, l’association de dermocorticoïdes et de photothérapie permet d’augmenter sensiblement la repigmentation. Vitiligo segmentaire Le traitement chirurgical par greffe de mélanocytes ou greffe de peau mince est le meilleur traitement. Les traitements proposés dans les vitiligos localisés peuvent être essayés mais sont généralement moins efficaces. Vitiligo généralisé En cas de dépigmentations très importantes et stables, les zones encore foncées peuvent aussi être dépigmentées. Ces indications doivent toujours être mûrement réfléchies. Des données récentes montrent que les lasers dépigmentants font alors aussi bien que les agents dépigmentants avec moins d’effets secondaires. Les autres traitements (vitamine D topique, antioxydant topique ou par voie orale, compléments alimentaires, etc.) n’ont pas montré leur efficacité dans le vitiligo dans des études sérieuses. La psychothérapie peut aider certaines personnes en souffrance psychologique mais contrairement aux idées reçues elle n’est jamais efficace pour repigmenter les lésions ou stopper l’évolution du vitiligo. Enfin, en cas d’inefficacité des traitements proposés ou dans des zones habituellement résistantes à toute thérapeutique, des solutions cosmétologiques telles que les crèmes couvrantes spécialisées, la dermopigmentation (pour les lèvres ou aréoles mammaires) ou les autobronzants peuvent apporter une aide non négligeable. D’autres traitements sont en cours d’évaluation et des progrès sensibles devraient encore avoir lieu dans les années à venir.
Hypomélanose idiopathique en goutte Dermatose bénigne très fréquente.
Clinique • Macules hypopigmentées arrondies ou ovalaires (Fig. 4) bien limitées. • De quelques millimètres à 1 cm de diamètre. • Asymptomatiques. • Sur les membres et notamment les jambes. • Surtout chez la femme après 50 ans.
Diagnostic différentiel L’aspect clinique est caractéristique. Le vitiligo est rapidement éliminé par le caractère hypochromique et non achromique des
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Figure 5. Hypomélanose maculeuse progressive. Figure 4. Hypomélanose en goutte idiopathique. Certaines lésions ont été cerclées de bleu afin de mieux les individualiser.
lésions. Dans les formes débutantes, des verrues planes, un lichen scléroatrophique ou des hypopigmentations postinflammatoires peuvent se discuter.
Traitement L’hypomélanose en goutte idiopathique est un phénomène de photovieillissement cutané. Elle ne doit donc surtout pas être traitée par photothérapie. Au contraire, une photoprotection doit être conseillée pour limiter l’extension des lésions. En cas de demande thérapeutique, l’application courte d’azote liquide ou la dermabrasion superficielle sont toutes deux efficaces.
Hypomélanose maculeuse progressive L’hypomélanose maculeuse progressive est une dermatose de description relativement récente touchant essentiellement des femmes jeunes (18 à 25 ans). Initialement rapportée chez les sujets d’origine métisse, elle peut en fait toucher tous les phototypes. Elle est importante à reconnaître car elle est relativement fréquente et est souvent confondue avec un pityriasis versicolor. L’étiopathogénie de cette affection est inconnue. Une prolifération accrue de Propionibacterium sp. pourrait être responsable [5, 6].
Figure 6.
Eczématides achromiantes de la face externe du bras.
Clinique • Macules hypopigmentées (et non complètement dépigmentées) (Fig. 5), de 1 à 3 cm de diamètre. • Sur le tronc, atteinte globalement symétrique avec confluence progressive pour donner des placards hypopigmentés à contours polycycliques. • Asymptomatiques.
Diagnostic différentiel Le principal diagnostic différentiel est le pityriasis versicolor. Il s’agit d’une mycose superficielle, fréquente et cosmopolite due à Malassezia globosa (anciennement appelée Malassezia furfur). Bien que rencontrée à tous âges, elle est plus fréquente chez l’adolescent et l’adulte jeune. Elle se manifeste par des lésions hypochromiques, peu ou pas prurigineuses, siégeant le plus souvent sur la partie supérieure du tronc et la racine des membres, au cou et exceptionnellement au visage. Elle survient surtout chez les personnes de phototype foncé et en période estivale. La lumière de Wood montre une fluorescence jaune verte caractéristique. Le traitement repose sur des antifongiques locaux.
Traitement Le traitement repose sur la photothérapie (ultraviolets B [UVB] ou psoralènes et ultraviolets A [PUVA]) au mieux associée
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à un traitement antibactérien dirigé contre le Propionibacterium sp. (clindamycine et peroxyde de benzoyle en topique ou érythromycine per os).
Hypopigmentation postinflammatoire Il s’agit de la cause la plus fréquente d’hypopigmentation. De nombreuses dermatoses inflammatoires mais aussi des procédures chirurgicales ou des traumatismes peuvent laisser des hypopigmentations secondaires. Ces hypopigmentations sont transitoires dans la plupart des cas, mais elles sont parfois définitives.
Clinique • Notion de dermatose inflammatoire précédant la lésion hypochromique (eczéma, psoriasis, lichen, mycosis fongoïde) ou de procédure chirurgicale ou de traumatisme. • Taille et aspect polymorphes et dépendants de la cause sousjacente. • Caractère hypochromique, rarement dépigmentation complète. • Chez l’enfant les eczématides achromiantes (communément appelées dartres) sont la cause la plus fréquente (Fig. 6). Ce Traité de Médecine Akos
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Figure 7. Lèpre tuberculoïde.
A sont des lésions hypopigmentées du visage, des grands plis ou de la face externe des bras le plus souvent. L’inflammation due à l’eczéma peut parfois passer inaperçue. Il faut alors rechercher un terrain atopique, une xérose cutanée, un prurit. • Une cause classique, bien que devenue rare, est la lèpre dans sa forme tuberculoïde ou indéterminée (Fig. 7). Elle se manifeste par des plaques hypochromiques dont la bordure est infiltrée dans les formes tuberculoïdes. L’hypoesthésie et l’hypohidrose sont caractéristiques. Le traitement repose sur une antibiothérapie spécifique et prolongée.
Traitement C’est celui de la cause sous-jacente. Dans le cadre des eczématides, les émollients voire les dermocorticoïdes en cas de poussée d’eczéma, sont très utiles. Les expositions solaires modérées permettent généralement de faire régresser les lésions hypopigmentées.
■ Hyperpigmentations Mélasma Le mélasma est une hyperpigmentation du visage. Il est encore appelé chloasma ou masque de grossesse. Bien que la grossesse soit un facteur déclenchant reconnu, seul 25 % des cas de mélasma surviennent pendant une grossesse [7]. Les femmes sont très majoritairement touchées mais le mélasma peut également se voir chez l’homme. Les asiatiques et les femmes d’origine ibériques sont les plus touchées. La physiopathologie du mélasma est encore mal connue. Trois facteurs semblent cependant essentiels. Un facteur génétique prédisposant comme le soulignent les différences raciales et les cas familiaux, une stimulation hormonale (apparition durant la grossesse ou la prise d’estroprogestatifs) et une stimulation par les ultraviolets (déclenchement ou aggravation après exposition solaire). Histologiquement on note une hypermélaninose (augmentation de la quantité de mélanine) des couches basales et suprabasales de l’épiderme ou une surcharge pigmentaire localisée dans le derme superficiel ou moyen. La distinction ancienne entre forme épidermique ou forme dermique est arbitraire et tous les mélasmas sont en fait mixtes avec prédominance d’une surcharge pigmentaire dans l’épiderme ou plus dans le derme selon les patients et les lésions [7].
Clinique • Lésions hyperpigmentées polycycliques formant des placards irréguliers (Fig. 8). Traité de Médecine Akos
B Figure 8. Mélasma. A. Noter le caractère symétrique et irrégulier des lésions. B. Aspect en lumière de Wood. Le contraste avec la peau saine est augmenté, ce qui souligne la prédominance d’une pigmentation épidermique.
• Couleur généralement non homogène allant du jaune ocre au noir en passant par le brun et le bleu. • Évolution lente et globalement symétrique. • Début à l’adolescence ou après (possibles formes après la ménopause).
Formes cliniques • Centrofaciale : distribution la plus fréquente, observée dans deux tiers des cas. Le front (en respectant la bordure du cuir chevelu), le nez, le menton et la partie médiane des joues sont concernés. • Malaire : touchant le nez et les joues, elle est observée chez environ 20 % des patients. • Mandibulaire : elle se voit dans 15 % des cas et se limite aux branches montantes de la mandibule. Une atteinte du cou peut se voir dans chacune de ces formes.
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2-0660 ¶ Troubles pigmentaires
Figure 10. Erythema ab igne de la cuisse gauche suite à des contacts répétés avec la chaleur d’un ordinateur portable toujours posé sur cette cuisse.
Les lasers pigmentaires déclenchés ne doivent pas être proposés car les récidives sont constantes et les aggravations post-traitement fréquentes. Figure 9. Poïkilodermie de Civatte. Noter le respect du triangle sousmentonnier et la présence de télangiectasies associées à l’hyperpigmentation.
Diagnostics différentiels Le principal diagnostic différentiel est l’hyperpigmentation médicamenteuse et par dépôts de métaux lourds. L’interrogatoire permet de déterminer les prises médicamenteuses suspectes ou les expositions aux métaux lourds. Cliniquement, l’hyperpigmentation est souvent gris bleuté, elle est rarement limitée au visage et les contours ne sont pas irréguliers et polycycliques comme dans le mélasma. Les hyperpigmentations postinflammatoires comportent une phase inflammatoire que ne présente pas le mélasma. La poïkilodermie de Civatte donne une hyperpigmentation réticulée des joues et du cou qui peut ressembler au mélasma. La poïkilodermie de Civatte est secondaire à un photovieillissement de la peau, ce qui explique le respect des zones naturellement protégées comme le triangle sous-mentonnier. La présence de plaques hypopigmentées atrophiques et la présence de télangiectasies redressent le diagnostic (Fig. 9). Le traitement repose sur une photoprotection et sur les lasers pigmentaires déclenchés ou les lampes pulsées.
Traitement D’abord expliquer que le mélasma est une pathologie chronique évoluant pendant 10 à 20 ans avec des risques importants de récidives, notamment après des expositions solaires. Lutter contre les facteurs favorisants : suppression des estroprogestatifs (lorsque cela est possible) et surtout protection solaire très rigoureuse avec utilisation d’écrans couvrant les spectres UVA et UVB++. Le traitement de référence est le trio dépigmentant de Kligman (préparation magistrale associant dermocorticoïde, hydroquinone et trétinoïne) [8]. Il doit être appliqué tous les soirs pendant 3 à 4 mois. Les crèmes dépigmentantes du commerce sont malheureusement peu efficaces. Elles peuvent être utilisées en relais du trio de Kligman. Les peelings et les lasers fractionnés peuvent être proposés en deuxième intention en cas d’échec des agents dépigmentants mais leur efficacité est inconstante et le risque de pigmentation postinflammatoire et d’aggravation secondaire du mélasma est loin d’être nul. Dans tous les cas une information détaillée doit être donnée au patient.
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Hyperpigmentation postinflammatoire Toute dermatose inflammatoire (eczéma, psoriasis, pityriasis rosé de Gibert, etc.), peut guérir en laissant des taches résiduelles hyperpigmentées, en particulier chez les sujets à phototype élevé. Ces séquelles sont particulièrement fréquentes et sévères au cours de l’érythème pigmenté fixe, du lupus érythémateux, du lichen plan et des dermatoses phototoxiques. Les gestes chirurgicaux, lasers, peeling, et les traumatismes peuvent également entraîner des pigmentations postinflammatoires. La chaleur (avec un aspect réticulé caractéristique suivant la trame vasculaire, le classique erythema ab igne ou « érythème des chaufferettes ») (Fig. 10), les dermatoses par friction, les radiations ionisantes, les brûlures sont aussi responsables d’hyperpigmentation postinflammatoire. La durée d’évolution est généralement de quelques semaines à quelques mois mais elle peut parfois persister pendant plusieurs années.
Clinique • Recherche à l’interrogatoire de la dermatose ou du geste ayant précédé la pigmentation. • Les lésions sont polymorphes en négatif pigmentaire de la lésion initiale.
Traitement Photoprotection : un écran indice 50+ avec une bonne protection en UVA est indispensable. Les topiques dépigmentants peuvent être utilisés. Les dermocorticoïdes seuls ou associés avec de l’hydroquinone sont les plus efficace. Les lasers sont peu étudiés dans cette indication. Ils sont souvent la cause de nombreuses hyperpigmentations postinflammatoires.
Hyperpigmentation d’origine médicamenteuse Il existe deux grands types d’hyperpigmentation d’origine médicamenteuse. D’un côté l’érythème pigmenté fixe, représentant une même symptomatologie répondant à la prise de médicaments divers, et les hyperpigmentations induites de façon spécifique par certains médicaments. Traité de Médecine Akos
Troubles pigmentaires ¶ 2-0660
• De très nombreux médicaments peuvent être la cause d’hyperpigmentation. L’amiodarone, les antipaludéens de synthèse, la minocycline, les phénothiazines et les antidépresseurs tricycliques sont les plus fréquemment décrits. Traitement L’arrêt du médicament responsable lorsque cela est possible permet généralement une régression très lente des hyperpigmentations. Les lasers pigmentaires déclenchés peuvent parfois être utiles. Les crèmes dépigmentantes sont en revanche inefficaces car la pigmentation est le plus souvent située dans le derme.
Hyperpigmentation hormonale
Figure 11.
Érythème pigmenté fixe de la région lombaire.
Érythème pigmenté fixe Clinique • Une ou plusieurs lésions hyperpigmentée(s) arrondie(s) ou ovalaire(s) (Fig. 11), de couleur brun-violet à noir, bien limitées. • Un érythème, un léger œdème, des vésicules ou des bulles suivies d’une desquamation ou d’une lésion croûteuse, précèdent parfois l’hyperpigmentation. • Il est parfois associé à un prurit ou une sensation de brûlure. • Les lésions peuvent se situer sur n’importe quel site cutané ou muqueux. Les lèvres, le gland, les bras, les jambes, le tronc et la région sacrée constituent les sites préférentiels. • Après chaque nouvelle prise du médicament responsable, les lésions réapparaissent au même endroit, d’où le terme de « fixe ». Au fur et à mesure des poussées, la taille des lésions peut augmenter et de nouvelles lésions apparaître. • Le délai de survenue est typiquement de 1 à 2 semaines. Cependant, la sensibilisation peut prendre des semaines à des années avant que la première poussée ne se fasse. • De très nombreux médicaments peuvent entraîner un érythème pigmenté fixe. Les drogues les plus fréquemment mises en cause sont les antalgiques et antipyrétiques, les barbituriques, la dapsone, la phénolphtaléine, la quinine, les salicylés, les sulfamides et la tétracycline. Diagnostics différentiels Les formes vésiculeuses des lèvres peuvent faire discuter un herpès. Certaines lésions d’abord érythématoprurigineuses vésiculeuses, peuvent faire évoquer des eczématides avec hyperpigmentation postinflammatoire. Le terrain, l’évolution et la notion de prise médicamenteuse font généralement redresser le diagnostic. Traitement Arrêt du médicament responsable.
Hyperpigmentations spécifiques à la prise de certains médicaments Clinique • Hyperpigmentation mal limitée avec souvent un aspect de peau sale. • De couleur variable mais souvent bleu-gris. • Souvent en zones photoexposées. • Délai de survenue généralement de plusieurs mois après la prise du médicament responsable. • Aggravation progressive avec le temps et la dose cumulée du médicament. Traité de Médecine Akos
Plusieurs endocrinopathies peuvent entraîner des hyperpigmentations diffuses. Le syndrome de Cushing, la maladie d’Addison, et plus rarement le phéochromocytome et l’acromégalie peuvent entraîner des hyperpigmentations. Le mécanisme de l’hyperpigmentation observé dans le syndrome de Cushing et la maladie d’Addison est bien connu. La principale hormone propigmentante est l’alpha melanocyte stimulating hormone (aMSH). Cette hormone se lie à un récepteur spécifique appelé MC1R (melanocortin 1 receptor) situé sur les mélanocytes et va activer la fabrication de mélanine. L’adrenocorticotrophic hormone (ACTH) a également des propriétés propigmentantes. L’aMSH et l’ACTH proviennent toutes deux d’un même précurseur, la proopiomélanocortine (POMC) qui va être clivée pour donner ces deux hormones. Dans la maladie d’Addison, les taux bas de cortisol vont entraîner une hyperproduction réactionnelle de POMC qui conduit aux troubles pigmentaires observés. Dans le syndrome de Cushing, seules les causes secondaires (maladie de Cushing avec sécrétion accrue d’ACTH) et les causes tertiaires (sécrétion de cortisol releasing hormone [CRH]) vont entraîner une hyperpigmentation alors que les causes primaires où seul le cortisol est augmenté ne donnent pas d’hyperpigmentation.
Clinique • Hyperpigmentation diffuse. • Prédominance aux muqueuses, aux plis et sur les cicatrices très évocatrice. • Association avec les autres signes cliniques selon le type d’endocrinopathie.
Traitement Il est étiologique.
Acanthosis nigricans L’acanthosis nigricans est une dermatose relativement fréquente qu’il est important de savoir reconnaître de par son association possible soit à un hyperinsulinisme, soit à des cancers sous-jacents.
Clinique • Plaques pigmentées brunes épaisses papillomateuses, asymptomatiques. • Topographie caractéristique avec atteinte élective des plis (surtout axillaires, inguinaux et faces latérales du cou).
Pronostic L’acanthosis nigricans est une pathologie bénigne mais elle est parfois le marqueur d’un hyperinsulinisme sous-jacent. C’est également parfois un signe paranéoplasique (cancer estomac++). Des formes familiales bénignes existent également.
Traitement La distinction entre acanthosis nigricans bénin et malin est primordiale. Au moindre doute, une recherche de néoplasie sous-jacente doit être effectuée.
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2-0660 ¶ Troubles pigmentaires
Figure 12.
Signe de Darier sur une mastocytose pigmentaire.
En cas d’hyperinsulinisme associé, un régime hypocalorique et de l’exercice physique sont préconisés. Le calcipotriol topique ainsi que les rétinoïdes locaux ou par voie générale peuvent être prescrits en cas de gêne importante. Une dermabrasion mécanique ou par laser CO2 peut également être proposée.
Mastocytose cutanée Il s’agit d’une infiltration de la peau par des mastocytes. Bien que relativement rare, il est important de la connaître car son diagnostic clinique est aisé et la possibilité d’atteinte extracutanée impose un bilan.
Clinique • Multiples macules brunes de quelques millimètres, à peine infiltrées. • Sous l’effet de la friction, elles deviennent urticariennes (signe de Darier) (Fig. 12). • Prurit associé fréquent mais inconstant. • Parfois signes en faveur d’une atteinte systémique (troubles digestifs, asthénie, fractures spontanées).
Pronostic
Figure 13. Mosaïcisme pigmentaire. Noter la disposition de la pigmentation et le respect de la ligne médiane.
Clinique • Hyperpigmentation homogène en lignes ou en stries convolutées selon les lignes de Blaschko (Fig. 13). • Apparaît dès les premières semaines de vie. • Stable dans le temps.
Diagnostic différentiel La disposition selon les lignes de Blaschko est caractéristique. La présence d’anomalies extracutanées associées ou la notion de lésions vésiculeuses ou bulleuses avant l’apparition de la pigmentation doit faire suspecter d’autres génodermatoses pigmentaires et impose un avis spécialisé.
Traitement Aucun traitement n’est nécessaire. En cas de demande esthétique, les lasers pigmentaires déclenchés peuvent être proposés mais des récidives sont possibles [9] . Les crèmes dépigmentantes ne sont pas efficaces.
Dermatose cendrée
Les formes cutanées isolées sont les plus fréquentes et sont d’excellent pronostic. Les atteintes systémiques nécessitent un bilan, un traitement et un suivi en milieu spécialisé.
Il s’agit d’une dermatose bénigne relativement rare sans toutefois être exceptionnelle. Elle touche les enfants comme les adultes, surtout à phototypes élevés, et serait plus fréquente en Amérique latine et en Asie.
Traitement
Clinique
Antihistaminiques. Éviction des facteurs déclenchants (aliments et médicaments histaminolibérateurs, bain chaud, effort violent, etc.). La photothérapie UVB ou PUVA est utile dans les formes cutanées.
• Macules hyperpigmentées plus ou moins régulières de forme et taille variable (Fig. 14). • Parfois bordure légèrement surélevée. • Couleur bleu-gris (d’où le terme « cendrée »). • Localisation : tronc, cou, bras et plus rarement visage. • Apparition progressive. • Asymptomatique.
Mosaïcisme pigmentaire Il regroupe des dermatoses caractérisées par des anomalies de la pigmentation cutanée (hypo- ou hyperpigmentation) disposées selon les lignes de Blaschko. Ces lignes correspondent à des lignes de migration embryonnaire. Ces lésions sont le témoin d’un mosaïcisme touchant la lignée mélanocytaire mais parfois aussi d’autres lignées cellulaires. Pour les dermatoses Blaschko-linéaires avec hyperpigmentation, différentes dénominations ont été utilisées en particulier « hypermélanose nævoïde linéaire et convolutée ».
8
Diagnostic différentiel Essentiellement les hyperpigmentations postinflammatoires et notamment le lichen plan pigmentogène dont les limites nosologiques avec la dermatose cendrée sont encore débattues.
Traitement Aucun traitement n’est vraiment efficace. Les formes pédiatriques sont généralement spontanément régressives en 2 à 3 ans. Traité de Médecine Akos
Troubles pigmentaires ¶ 2-0660
Figure 14. Dermatose cendrée.
Figure 16.
Caroténodermie.
Ictère Il correspond à une augmentation de la quantité de bilirubine dans la peau et les muqueuses. Le traitement est essentiellement étiologique. Chez le nouveau-né une photothérapie peut être proposée dans l’ictère néonatal. La lumière bleue (spectre entre 400 et 500 nm) utilisée provoque une isomérisation de la bilirubine libre. Ces photobilirubines sont plus hydrophiles et peuvent être excrétées par la bile.
Caroténodermie Il s’agit d’une augmentation de la quantité de carotène dans peau. Couleur jaune-orangé de la peau (xanthodermie). Localisation surtout sur les paumes et les plantes (Fig. 16). Respect des muqueuses. La cause la plus fréquente est une consommation excessive d’aliments riches en caroténoïdes (carottes, épinards, etc.) mais aussi en lycopènes (tomates) ou en riboflavine. En l’absence d’origine alimentaire un bilan est nécessaire pour éliminer les autres causes (notamment hormonales, métaboliques et les dysglobulinémies). la • • • Figure 15. Dermite de stase.
■ Coloration anormale de la peau Tatouages Les tatouages correspondent au dépôt de pigments d’origine endogène ou exogène dans le derme ou l’hypoderme. La cause peut être traumatique, médicale (repérage pour radiothérapie ou injection de fer), ou esthétique. Une cause fréquente est la dermite de stase qui correspond à des dépôts d’hémosidérine sur les jambes et cheville à la suite d’une insuffisance veineuse chronique (Fig. 15). Les dépôts sont brun-ocre ou gris bleuté donnant un aspect sale à la peau. Le diagnostic est aisé et se base sur le terrain et la présence d’autres signes d’insuffisance veineuse tels que les œdèmes déclives, botte sclérodermiforme, voire la présence d’un ulcère cutané. Le traitement est ici causal (mesures positionnelles, port d’une contention veineuse adaptée). Les lasers pigmentaires déclenchés peuvent, en cas de demande du patient, efficacement éliminer ces dépôts. D’une façon générale, les tatouages répondent bien au traitement par lasers pigmentaires déclenchés [10]. Traité de Médecine Akos
Chromidrose et pseudochromidrose La véritable chromidrose est une pathologie exceptionnelle qui entraîne la sécrétion d’une sueur colorée. Les pseudochromidroses sont plus fréquentes et correspondent à une coloration anormale de la sueur soit par des vêtements, soit par une prolifération cutanée de bactéries ou de champignons (Malassezia globosa et Bacillus sp. sont les germes les plus fréquemment responsables). Le diagnostic est aisé car la coloration de la peau disparaît lorsque l’on frotte avec un linge mouillé. Le traitement est celui de la prolifération bactérienne ou mycosique ou simplement l’éviction du vêtement responsable selon les cas.
■ Conclusion Les troubles pigmentaires sont fréquents en pratique courante et regroupent de nombreuses pathologies de causes et de
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2-0660 ¶ Troubles pigmentaires
pronostics très différents. La connaissance de ces troubles pigmentaires est primordiale en médecine générale en raison des pathologies sous-jacentes parfois associées, mais également en raison du retentissement souvent majeur sur la vie quotidienne des personnes atteintes. Une analyse anamnestique et sémiologique rigoureuse permet dans la plupart des cas de porter un diagnostic clinique et de proposer une prise en charge adaptée. .
■ Références [1]
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T. Passeron (
[email protected]). Service de dermatologie, INSERM U895 équipe 1, Hôpital Archet 2, CHU de Nice, BP 3079, 151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière, 06202 Nice, cedex 3, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Passeron T. Troubles pigmentaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0660, 2011.
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Cas clinique
Traité de Médecine Akos
2-0668
Acrosyndromes vasculaires E. Puzenat, P. Humbert Les acrosyndromes vasculaires sont l’ensemble des perturbations de la microcirculation du territoire cutané des extrémités responsables d’une modification de couleur et/ou chaleur des téguments, de fac¸on durable ou réversible. Ils sont classés selon leur survenue paroxystique ou permanente ou selon leur mécanisme de déclenchement (vasoconstriction ou vasodilatation de la microcirculation). © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Acrosyndrome vasculaire ; Phénomène de Raynaud ; Acrocyanose ; Érythermalgie ; Acrorhigose ; Engelures ; Acrocholose ; Syndrome des paumes rouges
Phénomène de Raynaud
Plan ■
Introduction
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■
Phénomène de Raynaud Clinique Physiopathogénie Interrogatoire Examen clinique Bilan paraclinique d’un phénomène de Raynaud Prise en charge du phénomène de Raynaud
1 1 1 1 2 3 3
■
Acrocyanose
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■
Érythermalgie
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■
Acrorhigose
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■
Engelures
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■
Acrocholose
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■
Syndrome des paumes rouges : syndrome de Lane
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Introduction Les acrosyndromes vasculaires sont définis comme l’ensemble des perturbations de la microcirculation du territoire cutané des extrémités (surtout la main), responsables d’une modification de couleur et/ou de chaleur des téguments, de fac¸on durable ou réversible. Les acrosyndromes vasculaires peuvent être classés selon leur survenue paroxystique ou permanente ou selon leur mécanisme de déclenchement (vasoconstriction ou vasodilatation de la microcirculation). On définit ainsi : • les acrosyndromes vasculaires paroxystiques liés à : ◦ une vasoconstriction : le phénomène de Raynaud ; ◦ une vasodilatation : l’érythermalgie ; • les acrosyndromes vasculaires permanents liés à : ◦ une vasoconstriction : l’acrocyanose, l’acrorhigose, les engelures ; ◦ une vasodilatation : l’acrocholose, le syndrome des paumes rouges : syndrome de Lane. EMC - Traité de Médecine Akos Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2014 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(14)56211-4
Clinique Il s’agit d’un acrosyndrome vasculaire paroxystique classiquement déclenché par le froid mais pouvant aussi survenir par temps frais, humide ou venteux. Il atteint le plus souvent les doigts et les orteils, mais aussi parfois les oreilles et le nez. Il est plus fréquent chez les femmes. Cet acrosyndrome vasculaire peut être primitif, on parle alors de maladie de Raynaud, ou secondaire, on parle alors de syndrome de Raynaud. L’objectif de l’interrogatoire et de l’examen clinique est de les différencier. Les causes des phénomènes de Raynaud secondaires sont listées dans le Tableau 1. Le déroulement de la crise est caractérisé par la survenue brutale de la succession de trois phases parfois inconstantes : • une phase syncopale blanche, qui dure environ 15 minutes et qui est constante. C’est cette phase qui permet de poser le diagnostic de phénomène de Raynaud (Fig. 1) ; • une phase asphyxique bleue (Fig. 2) ; • une phase hyperhémique rouge, qui témoigne d’une vasodilatation réactionnelle.
Physiopathogénie Il s’agit d’un vasospasme paroxystique survenant soit : • sur des vaisseaux indemnes d’anomalies en dehors des crises ; il s’agit alors d’une maladie de Raynaud (forme primitive) ; • sur des vaisseaux pathologiques même en dehors des crises, il s’agit alors d’un syndrome de Raynaud (forme secondaire).
Interrogatoire Dans un premier temps, le médecin doit chercher des arguments en faveur d’une cause secondaire du phénomène de Raynaud : • âge de survenue tardif après 40 ans ; • atteinte unilatérale et/ou atteinte des pouces ; • persistance des symptômes l’été.
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2-0668 Acrosyndromes vasculaires
Tableau 1. Causes des phénomènes de Raynaud secondaires. Unilatéral
Bilatéral
Artériopathies Syndrome du canal carpien Syndrome du défilé thoracobrachial Athérosclérose Embolie artérielle Maladie de Buerger (thromboangéite oblitérante) Maladie de Takayasu Maladie de Horton
Causes professionnelles et traumatiques (parfois bilatéral) Maladie professionnelle n◦ 69 des engins vibrants : marteau piqueur, bûcheron, etc. Anévrisme cubital : maladie du marteau : ouvrier, carreleur, etc. Maladie des décrouteurs d’autoclave Microtraumatismes localisés : karatéka, volleyeurs, etc.
Collagénoses Sclérodermie systémique Lupus érythémateux disséminé Dermatomyosite et polymyosite Connectivite mixte (syndrome de Sharp) Polyarthrite rhumatoïde Périartérite noueuse Syndrome de Gougerot-Sjögren
Hémopathie Cryoglobulinémie Maladie des agglutinines froides Dysglobulinémie Syndromes myéloprolifératifs
Causes endocriniennes Myxœdème Thyroïdite de Hachimoto
Figure 3. Figure 1.
Causes médicamenteuses Bêtabloquants et collyres bêtabloquants antiglaucomateux Antimigraineux dérivés de l’ergot de seigle Décongestionnants nasaux par voie locale ou générale Bromocriptine Antiparkinsonien Bléomycine Interféron alpha, etc.
Mégacapillaires.
Phénomène de Raynaud, phase syncopale.
Examen clinique En cas de maladie de Raynaud, l’examen clinique et l’examen des mains sont strictement normaux. En cas de syndrome de Raynaud, plusieurs anomalies cliniques peuvent être mises en évidence selon la cause : • en faveur d’une maladie auto-immune : ◦ acrosclérose et/ou sclérose cutanée ; ◦ cicatrices cupuliformes des pulpes des doigts ; ◦ ulcérations digitales ; ◦ mégacapillaires visibles à l’œil nu (Fig. 3) ; ◦ calcifications sous-cutanées ; ◦ télangiectasies, etc. ; • en faveur d’une cause vasculaire : ◦ anomalie de palpation des pouls ; ◦ anomalie de l’auscultation cardiaque.
Manœuvres Figure 2.
Phénomène de Raynaud, phase asphyxique.
Dans un second temps, l’interrogatoire doit rechercher des facteurs favorisant la survenue d’un phénomène de Raynaud secondaire : • activité professionnelle : engin vibratoire, etc. ; • pratiques sportives traumatisantes ; • prise de médicaments vasoconstricteurs ; • tabagisme ; • antécédent personnel ou familial de maladie auto-immune.
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Dans l’exploration d’un phénomène de Raynaud, l’examen clinique doit comporter un certain nombre de manœuvres utiles dans la recherche étiologique. Manœuvre de Allen (Fig. 4) C’est un geste clinique utile dans l’exploration d’un phénomène de Raynaud afin d’en rechercher le caractère primitif ou secondaire. Elle consiste à comprimer simultanément les artères radiale et cubitale au niveau du poignet, puis à relâcher l’une ou l’autre des artères après avoir fait effectuer au malade des mouvements de flexion-extension de la paume afin de vidanger la vascularisation. On observe alors la revascularisation de la paume et des doigts qui, lorsqu’elle est retardée ou inhomogène (manœuvre positive), apporte un argument en faveur du EMC - Traité de Médecine Akos
Acrosyndromes vasculaires 2-0668
• diamètre des anses capillaires : 7 à 12 m ; • flux sanguin normal ; • atmosphère péricapillaire claire sans œdème ni microhémorragie. Dans la maladie de Raynaud, la capillaroscopie est normale en dehors des crises. En cas de sclérodermie systémique Le paysage capillaroscopique est caractéristique. Il est composé de capillaires géants ou mégacapillaires (diamètre supérieur à 50 m) avec une diminution hétérogène de la densité capillaire et une désorganisation de l’arrangement des boucles de capillaires aboutissant au stade tardif à un désert capillaroscopique. Un examinateur entraîné peut ainsi faire le diagnostic de syndrome de Raynaud secondaire à une sclérodermie systémique à la capillaroscopie. L’aspect n’est cependant pas toujours aussi spécifique et peut uniquement montrer la présence de capillaires dysmorphiques avec exsudats et microhémorragies. Figure 4.
Manœuvre de Allen.
caractère secondaire du phénomène de Raynaud. La positivité de la manœuvre de Allen traduit une atteinte organique des artères de la main et prouve que le phénomène de Raynaud n’est pas un simple vasospasme sur des artères saines. Manœuvre du chandelier ou manœuvre de Roos Elle permet de diagnostiquer les syndromes de la traversée thoracobrachiale responsables de phénomènes de Raynaud secondaires. Le patient est assis, bras en abduction, coude à 90 degrés, épaules en arrière. Il réalise des mouvements d’ouverture et de fermeture des mains alternativement pendant trois minutes. En cas de compression artérielle, apparaît une pâleur de la main et des doigts, en cas de compression veineuse, une dilatation veineuse du réseau superficiel du moignon de l’épaule et du pectoral homolatéraux avec cyanose du membre, en cas de compression nerveuse, des paresthésies.
Bilan paraclinique d’un phénomène de Raynaud Ce bilan est à réaliser devant tout phénomène de Raynaud atypique, suspect d’être secondaire.
Biologique : bilan auto-immun Recherche d’anticorps antinucléaires plus solubles (SSA, SSB, RNP) plus anti-topo-isomérase (Scl70) plus anticentromère. Discuter la recherche de cryoglobulinémie et d’agglutinines froides.
Radiologique Rechercher une cause vasculaire avec la réalisation d’un échodoppler artériel des membres supérieurs et prise de pression tissulaire transcutanée d’oxygène (TcPO2 ). Réalisation d’un électromyogramme (EMG) à la recherche d’un syndrome du canal carpien.
Capillaroscopique Cet examen non invasif et reproductible est à réaliser surtout en cas de phénomène de Raynaud bilatéral. L’examinateur apprécie la morphologie capillaire, la densité et le diamètre des anses capillaires, le flux sanguin et l’atmosphère péricapillaire. Il permet de suspecter le diagnostic de sclérodermie systémique au stade de syndrome de Raynaud en révélant des anomalies spécifiques de la pathologie. Chez le sujet normal • Morphologie capillaire : les capillaires sont disposés en épingle à cheveux, à intervalle régulier ; • densité : environ dix à 14 capillaires par millimètre ; EMC - Traité de Médecine Akos
Prise en charge du phénomène de Raynaud La prise en charge étiologique du phénomène de Raynaud doit être réalisée en première intention lorsqu’elle est possible.
En cas de phénomène de Raynaud peu invalidant (maladie de Raynaud) Des mesures prophylactiques sont à privilégier : • mesures de protection vestimentaire au froid avec le port de gants, vêtements à manches longues, adaptation du poste de travail, etc. ; • éviction des médicaments vasoconstricteurs ; • sevrage tabagique impératif ; • éviction des microtraumatismes.
En cas de phénomène de Raynaud sévère (syndrome de Raynaud) Un traitement médicamenteux peut être proposé en complément des mesures prophylactiques : • les inhibiteurs calciques sont le traitement de première intention du syndrome de Raynaud sévère. La nifédipine (Adalate® ) est le seul inhibiteur calcique à avoir une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication, à faible dose : 10 mg matin, midi et soir. Il permet de diminuer la fréquence et la sévérité des vasospasmes au prix parfois d’effets indésirables tels que des céphalées, des œdèmes des extrémités, etc. D’autres inhibiteurs calciques sont couramment utilisés dont le type et la dose à utiliser ne font pas l’objet d’un consensus. D’autres traitements ont rec¸u l’AMM dans cette indication comme la prazosine (Minipress® ) ; • les dérivés de la prostacycline (Ilomédine® ) sont utilisés dans les phénomènes de Raynaud sévères avec troubles trophiques (ulcères ischémiques) en évolution. Ils bénéficient d’une AMM dans cette indication. Ils s’utilisent par voie parentérale, à la posologie de 1,5 à 2 ng/kg par minute avec une durée de perfusion de six heures, cinq jours consécutifs. Une adaptation des posologies sur trois jours est recommandée pour limiter les effets indésirables et améliorer la tolérance du traitement. Il n’existe pas de consensus sur les intervalles entre les perfusions qui sont en général répétées toutes les six à 12 semaines en fonction de la réponse clinique. Les effets indésirables à type d’hypertension artérielle, de céphalées, de douleurs abdominales, diarrhées ou vomissements rendent son utilisation délicate et nécessitent une surveillance médicale hospitalière. D’autres traitements semblent efficaces dans la prise en charge des syndromes de Raynaud sévères en diminuant la fréquence, la durée et la sévérité des crises et en améliorant les troubles trophiques associés : le bosentan (Tracleer® ) : antagoniste mixte des récepteurs de l’endothéline (ETA et ETB) a rec¸u une AMM dans le traitement préventif des ulcérations digitales ischémiques liées au syndrome de Raynaud en cas de sclérodermie systémique.
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Le sildénafil (Revatio® ) et le tadalafil (Cialis® ), inhibiteurs sélectifs des phosphodiestérases de type 5 (guanosine monophosphate cyclique [cGMP]) pris par voie orale semblent également efficaces dans le traitement préventif du syndrome de Raynaud mais, dans cette indication, ces traitements sont en prescription hors AMM [1] .
Tableau 2. Causes d’érythermalgie secondaire. Syndromes myéloprolifératifs Hypertension artérielle Diabète Connectivites
Acrocyanose
Vascularites Sclérose en plaques Purpura thrombopénique idiopathique
Contrairement au phénomène de Raynaud, l’acrocyanose est un acrosyndrome vasculaire permanent touchant les deux mains et les deux pieds. Les extrémités ont un aspect cyanosé, bleu, sont froides et humides. L’hyperhidrose associée est caractéristique. L’acrocyanose atteint le plus souvent les femmes jeunes, surtout longilignes, et s’aggrave au froid. Elle ne se complique jamais de troubles trophiques (sclérose cutanée ou ulcération). L’acrocyanose est liée à une vasodilatation de l’ensemble des veinules des extrémités. Cette vasodilatation du secteur veinulaire provoque une stase veineuse dans ce secteur qui retentit en amont. Il y a donc diminution de la quantité de sang qui arrive au niveau des téguments, les mains sont froides ; le sang des capillaires est désaturé, donnant un aspect bleuté aux mains. Dans les cas d’acrocyanose typique, la cause est toujours idiopathique et il n’y a pas d’indication à réaliser des examens complémentaires. Les patients sont en général peu gênés (préjudice esthétique principalement) sauf en cas d’hyperhidrose sévère associée. Dans ce cas, des séances d’ionophorèse (exposition des mains et/ou des pieds à un courant électrique continu véhiculé par l’eau) peuvent être proposées.
Érythermalgie L’érythermalgie ou érythromélalgie est un acrosyndrome vasculaire se manifestant par des crises paroxystiques aiguës touchant les mains et les pieds, dont la durée varie de quelques minutes à quelques heures. C’est un acrosyndrome rare. Brutalement, le membre devient chaud, érythémateux avec apparition d’un œdème accompagné d’une sensation de brûlure intense. Les crises sont favorisées par la chaleur et l’effort et calmées par l’exposition au froid ou par la surélévation du membre atteint. Les extrémités sont normales entre les crises. L’érythermalgie peut être primitive ou secondaire. Son incidence a été estimée dans une étude américaine de 2007 à 1,3 cas pour 100 000 habitants par an. Dans cette étude, les formes primitives étaient plus fréquentes que les formes secondaires (1,1 pour 100 000 habitants par an versus 0,2 pour 100 000 habitants par an) [2] . Le mécanisme étiopathogénique de l’érythermalgie est une vasodilatation artériolaire importante avec augmentation de la quantité de sang dans la circulation sanguine distale expliquant la sensation de brûlure et la rougeur de la peau. Les symptômes sont améliorés par le froid qui provoque une vasoconstriction, diminue l’afflux sanguin et calme la douleur. Ainsi, les patients atteints utilisent fréquemment de la glace ou des bains d’eau froide à visée antalgique, pouvant être responsables de complications. Une étude rétrospective réalisée sur 168 patients atteints d’érythermalgie rapporte des cas de nécrose digitale, de nécroses cutanées et de gangrène ayant parfois nécessité des amputations. Des cas d’hypothermie sévère liée à des expositions chroniques au froid ont également été décrits [3] . L’érythermalgie primitive est rare, sporadique ou parfois familiale, les crises sont souvent symétriques et débutent avant l’âge de 40 ans. Dans les formes d’érythermalgie familiale, la transmission est autosomique dominante. Il s’agit d’une canalopathie : maladie liée à une altération des canaux sodiques Nav1.7, entraînant une neuropathie des fibres périphériques responsable de troubles vasomoteurs et de douleurs. Le gène responsable est identifié : SCN9A qui est localisé sur le chromosome 2q ; plusieurs mutations sont
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Goutte Insuffisance veineuse Médicament : inhibiteurs calciques, bromocriptine, pergolide Intoxication au mercure
décrites. Il code pour la sous-unité alpha des canaux sodiques : NaV1.7 [4] . Ces canaux sodiques sont principalement localisés au niveau du ganglion rachidien dorsal et dans les neurones des ganglions sympathiques. Ils interviennent dans la nociception et dans la régulation vasomotrice. Les mutations de NaV1.7 entraînent l’activation des canaux sodiques. Les conséquences sont une hyperexcitabilité des neurones nociceptifs responsables de la douleur et de la vasodilatation artériolaires paroxystiques [5] . Dans les formes secondaires, l’atteinte peut être asymétrique et débuter après l’âge de 40 ans. Les causes d’érythermalgie secondaire sont regroupées dans le Tableau 2. Le diagnostic d’érythermalgie est clinique et repose sur la triade érythème, augmentation de la chaleur locale et douleurs paroxystiques. Il n’y a pas d’examen complémentaire à réaliser pour aider au diagnostic. Les arguments cliniques pour le diagnostic de l’érythermalgie sont l’existence de crises paroxystiques, douloureuses, atteignant les extrémités, qui deviennent rouges, gonflées avec hyperhidrose associée pendant les crises. Les facteurs déclenchants sont toutes les situations susceptibles de provoquer une vasodilatation sanguine : chaleur, orthostatisme, exercice physique, etc. Les facteurs améliorants sont toutes les situations susceptibles de diminuer l’afflux sanguin dans l’extrémité : froid, surélévation de l’extrémité, etc. Les symptômes sont améliorés par la prise d’aspirine. Les diagnostics différentiels de l’érythermalgie sont surtout la neuropathie périphérique, les acrodynies et l’artériopathie. Sa prise en charge est difficile et non codifiée. Le traitement étiologique est à privilégier dans les érythermalgies secondaires. Dans les érythermalgies primitives, ont été rapportés comme efficaces : • l’aspirine à la dose de 500 mg en une prise ; • les bêtabloquants par leur effet vasoconstricteur ; • l’indométacine ; • le pizotifène ; • les antidépresseurs ; • les antiarythmiques (mexilitine) ; • les anesthésiques locaux ou systémiques (lidocaïne en perfusion) ; • les antiépileptiques : carbamazépine, clonazépam, gabapentine. Ces traitements doivent être associés aux mesures d’éviction des facteurs déclenchant les crises.
Acrorhigose Cet acrosyndrome vasculaire touche surtout la femme jeune et se traduit par des extrémités pâles et froides en permanence. Ce trouble est fréquent et toujours bénin. En cas de présentation clinique atypique (âge de survenue tardif, atteinte unilatérale), les diagnostics différentiels à rechercher sont l’hypothyroïdie et l’artériopathie. EMC - Traité de Médecine Akos
Acrosyndromes vasculaires 2-0668
Engelures Elles sont la traduction d’une hypersensibilité au froid et touchent plus souvent les femmes que les hommes. Ce sont des lésions inflammatoires déclenchées par le froid et/ou l’humidité, comprenant des taches érythémateuses ou violines associées à un œdème. Un prurit est fréquemment associé. Elles peuvent s’associer à un syndrome de Raynaud ou à une acrocyanose. La localisation la plus fréquente est les pieds, mais elles peuvent atteindre les mains, le nez, les oreilles. Les diagnostics différentiels sont les lupus engelures chez la femme jeune, la maladie de Buerger chez l’homme fumeur, les embolies de cristaux de cholestérol chez les patients de plus de 60 ans polyvasculaires, et les syndromes myéloprolifératifs. Le traitement est essentiellement préventif : protection contre le froid, éviction des médicaments vasoconstricteurs, utilisation d’inhibiteurs calciques.
Syndrome des paumes rouges : syndrome de Lane C’est une anomalie microcirculatoire constitutionnelle réalisant un tableau d’érythème palmaire permanent. Il doit être différencié des autres causes d’érythème palmaire (insuffisance hépatocellulaire, cirrhose, grossesse, hyperœstrogénie, médicaments, etc.).
Références [1] [2] [3]
Acrocholose
[4]
Il s’agit de sensations subjectives des extrémités à type de brûlure sans anomalies objectives de couleur ou de température de la peau. Pour certains, il s’agirait d’une forme incomplète d’érythermalgie.
[5]
Levien TL. Advances in the treatment of Raynaud’s phenomenon. Vasc Health Risk Manag 2010;6:167–77. Reed KB, Davis MD. Incidence of erythromelalgia: a population-based study in Olmsted Country, Minnesota. J Eur Acad Dermatol Venereol 2009;23:13–5. Davis MD, O’Fallon WM, Rogers RS, Rooke TW. Natural history of erythromelalgia: presentation and outcome in 168 patients. Arch Dermatol 2000;136:330–6. Yang Y, Wang Y, Li S, Xu Z, Li H, Ma L, et al. Mutations in SCN9A, encoding a sodium channel alpha subunit, in patients with primary erythermalgia. J Med Genet 2004;41:171–4. Cummins TR, Dib-Hajj SD, Waxman SG. Electrophysiological properties of mutant Nav I.7 sodium channels in a painful inherited neuropathy. J Neurosci 2004;24:8232–6.
E. Puzenat (
[email protected]). P. Humbert. Service de dermatologie, CHU Saint-Jacques, Université de Franche-Comté, Inserm U645, IFR133, 25030 Besanc¸on cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Puzenat E, Humbert P. Acrosyndromes vasculaires. EMC - Traité de Médecine Akos 2014;9(3):1-5 [Article 2-0668].
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Lésions pigmentées T. Passeron Les lésions pigmentées constituent un groupe hétérogène et varié de lésions dermatologiques. Les nævus sont des proliférations mélanocytaires bénignes et fréquentes. Plusieurs types et présentations cliniques de nævus existent ; cependant, devant toute lésion pigmentée, le clinicien doit en priorité éliminer l’hypothèse d’un mélanome. Même si la prise en charge des mélanomes doit se faire en milieu spécialisé dermatologique, la gravité potentielle de ce cancer impose à tout clinicien de savoir reconnaître une lésion potentiellement suspecte de mélanome. La présence de nombreuses lentigines ou de nombreuses taches café au lait doit également alerter en raison de leur association potentielle à des anomalies viscérales parfois graves. Les lentigos actiniques sont des lésions pigmentées bénignes, très fréquentes et sont le reflet d’un photovieillissement cutané. Ces lésions peuvent, en cas de demande, être efficacement traitées mais avant tout geste, il faut là encore s’assurer de ne pas méconnaître un mélanome à un stade débutant. Certaines lésions pigmentées ne sont pas d’origine mélanocytaire. Ainsi, certains carcinomes basocellulaires peuvent être pigmentés. Ces lésions sont généralement de bon pronostic et doivent être traitées chirurgicalement. Les kératoses séborrhéiques sont très fréquentes et bénignes. Elles ne nécessitent aucun traitement mais posent également parfois des problèmes diagnostiques avec des lésions mélanocytaires. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Nævus ; Mélanome ; Tache café au lait ; Lentigo ; Éphélide ; Kératose séborrhéique
Plan ¶ Introduction
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¶ Nævus Caractéristiques cliniques Formes cliniques Diagnostic différentiel Traitement
2 2 2 3 3
¶ Mélanome Facteurs de risque Diagnostic Formes cliniques Facteurs pronostiques Traitement Surveillance
3 3 4 4 4 5 6
¶ Kératose séborrhéique Diagnostic Diagnostic différentiel Traitement
6 6 6 6
¶ Carcinome basocellulaire pigmenté Diagnostic Pronostic Traitement
6 6 6 6
¶ Histiocytofibrome pigmenté Diagnostic Traitement
7 7 7
¶ Hamartome de Becker Diagnostic Traitement
7 7 7
Traité de Médecine Akos
¶ Taches café au lait Diagnostic Traitement
7 7 8
¶ Lentigo actinique Diagnostic Traitement
8 8 8
¶ Lentigines Diagnostic Traitement
8 8 8
¶ Éphélides Diagnostic Traitement
8 8 9
¶ Conclusion
9
■ Introduction Les lésions pigmentées constituent un groupe hétérogène et varié de lésions dermatologiques. Cependant, devant toute lésion pigmentée, le clinicien doit en priorité éliminer l’hypothèse d’un mélanome. La fréquence de cette tumeur d’origine mélanocytaire est en constante augmentation. Si la guérison peut être obtenue par une exérèse chirurgicale dans les formes débutantes, le pronostic des formes métastatiques reste effroyable. Ainsi, tous les acteurs de la filière de soins ont un rôle déterminant pour dépister les mélanomes. Les autres lésions pigmentées sont généralement bénignes et dans tous les cas de
1
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meilleur pronostic. Le diagnostic est le plus souvent clinique et de nombreuses possibilités thérapeutiques sont aujourd’hui disponibles. •
■ Nævus Communément appelés « grains de beauté », les nævus sont des proliférations mélanocytaires bénignes. Le mélanocyte est la cellule qui produit et distribue la mélanine aux kératinocytes adjacents. Les mélanocytes sont situés dans l’épiderme le long de la membrane basale. Dans les nævus, la prolifération mélanocytaire peut être jonctionnelle (tous les mélanocytes sont en contact avec la membrane basale), dermique (tous les mélanocytes sont localisés dans le derme) ou composée.
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.
Caractéristiques cliniques Les caractéristiques sont les suivantes : • lésions généralement planes parfois en relief (à type de papulonodules) ; • couleur brun clair à noire en passant par le bleu pour certaines formes dermiques, parfois de couleur chair, de diagnostic plus difficile ; • généralement de forme arrondie ou ovalaire bien régulière ; • contours bien limités et symétriques ; • peuvent être présentes sur toute la surface cutanée et les muqueuses.
Formes cliniques Il existe de très nombreuses formes cliniques et histologiques de nævus, seules les plus fréquentes sont détaillées ici. • Nævus jonctionnels : ils sont plans ou discrètement infiltrés, avec une couleur variant du chamois au brun-noir. La surface est lisse, les bords sont symétriques et le quadrillage de la peau est respecté (Fig. 1). • Nævus composés : ils sont discrètement infiltrés ou franchement papillomateux. À la fin de l’enfance et à l’adolescence, ils deviennent souvent plus épais et plus foncés avec parfois une hyperkératose de surface. • Nævus dermiques : ils peuvent être en dôme ou pédonculés. En dôme, ce sont des nodules hémisphériques, symétriques, un peu translucides, de couleur chair ou brun et siégeant sur le visage. Souvent, quelques poils émergent de la surface. Les nævus dermiques pédonculés sont souvent achromiques ou bruns et sont des lésions molles siégeant le plus souvent dans les plis. • Nævus unguéaux : ils sont plus rares et se manifestent par une mélanonychie (bande brune longitudinale de l’ongle). La couleur est brun clair à noire mais reste homogène. La pigmentation doit rester localisée sur l’ongle et ne pas s’étendre sur la peau adjacente. La distinction avec un
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• .
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• Figure 1. Nævus jonctionnel du dos. Noter le caractère homogène de la couleur, ses bords réguliers et le respect du quadrillage de la peau.
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mélanome unguéal est parfois difficile et il ne faut pas hésiter à adresser le patient à un dermatologue pour avis et éventuellement biopsie. Nævus cliniquement atypiques : ce sont des nævus jonctionnels ou composés de grande taille (6 à 12 mm) parfois polychromes ou mal limités. La notion (et le terme) de nævus dysplasiques doit être abandonnée car les nævus cliniquement atypiques n’ont pas une image histologique différente de celle des autres nævus. Nævus congénital : environ 1 % à 2 % des enfants naissent avec un nævus congénital. De façon arbitraire, ces nævus sont séparés en trois groupes en fonction de leur taille : petits, la très grande majorité, lorsque le plus grand diamètre est inférieur à 1,5 cm, intermédiaires entre 1,5 et 20 cm, et géants. Dans l’enfance, ils posent parfois des problèmes diagnostiques avec les taches café au lait. Les critères en faveur du nævus sont la présence d’un discret relief ou d’une pilosité. Une teinte inhomogène plaide aussi pour le nævus. Les rares nævus congénitaux géants sont évidents dès la naissance, siégeant le plus souvent au dos. On note souvent la présence de nævus plus petits en périphérie. Le risque de transformation en mélanome est difficile à préciser (estimé à 6 %) et explique la majorité des cas pédiatriques de mélanome. Cette transformation est souvent précoce, avant la puberté. Il semble que ce risque ne concerne presque exclusivement que la lésion de grande taille, et pas les lésions satellites. Ce risque et un évident retentissement esthétique majeur expliquent la nécessité d’une prise en charge thérapeutique spécialisée, au mieux réalisée au cours des deux premières années. Une surveillance pour dépister la survenue d’un mélanome est indiquée quel que soit le traitement réalisé, qui ne permet que rarement l’exérèse complète de la lésion. Les nævus petits et intermédiaires sont souvent assez pâles à la naissance. Leur croissance est moins rapide que celle de l’enfant, ce qui fait que leur taille définitive est relativement plus faible. En revanche, ils foncent le plus souvent et peuvent se couvrir de poils à la puberté. Nævus spilus, appelés aussi nævus sur nævus : ils se caractérisent par une macule brun clair de type tache café au lait le plus souvent congénitale sur laquelle apparaissent de nombreuses petites lésions pigmentées plus foncées maculeuses ou discrètement papuleuses. Nævus bleu : c’est une lésion assez fréquente due à l’existence de thèques de mélanocytes intradermiques. Ils sont arrondis, bien limités, de petite taille, de surface lisse, et de couleur bleue ou bleu foncé, presque noire. Ils siègent le plus souvent sur les extrémités. Tache mongolique : elle est particulièrement fréquente chez les Asiatiques, les Méditerranéens et les Noirs. Elle se manifeste cliniquement par des macules gris bleuté, de taille très variable et siégeant le plus souvent sur les lombes et les fesses. Ces anomalies sont des hypermélanocytoses dermiques dues à la présence de mélanocytes dans le derme, interprétée comme des mélanocytes n’ayant pas terminé leur migration embryonnaire du derme vers l’épiderme. Elle est habituellement bénigne et transitoire, disparaissant pendant l’enfance. Nævus d’Ota (et Ito) : les nævus d’Ota et d’Ito sont des hypermélanocytoses dermiques, ce qui explique leur couleur généralement gris bleuté. Le nævus d’Ota est de topographie segmentaire trigéminée au visage avec une atteinte conjonctivale homolatérale dans un tiers des cas. L’atteinte de la muqueuse buccale, voire des méninges, est plus rare. Lorsque l’hypermélanocytose dermique touche la région de l’épaule, on parle de nævus d’Ito. À noter qu’il existe des hypermélanocytoses dermiques acquises cliniquement et histologiquement identiques aux nævus d’Ota et d’Ito mais apparaissant à l’âge adulte. Bien que plus rares, elles doivent être connues car elles sont facilement accessibles à un traitement par laser (cf. infra). Halonævus : ce type de lésion correspond à une dépigmentation survenant autour d’un nævus (Fig. 2). Cette dépigmentation peut ensuite s’étendre et faire complètement disparaître le nævus pour ne laisser qu’une macule dépigmentée. Ce Traité de Médecine Akos
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avant 6 mois) et spécialisée [2]. Les nævus congénitaux de plus petites tailles peuvent être uniquement surveillés. Souvent clairs à la naissance, il faut savoir qu’ils peuvent s’épaissir, foncer et se recouvrir de poils à l’âge adulte. Si un geste chirurgical est envisagé pour ces nævus de petite taille, la période optimale se situe entre 1 et 2 ans de vie.
■ Mélanome
Figure 2. Multiples halonævus du dos. Noter que certains nævus ont complètement disparu et ne laissent qu’une macule dépigmentée.
phénomène est bénin et ne nécessite aucun traitement. Il est associé à un risque plus élevé de développer un vitiligo.
Diagnostic différentiel Le diagnostic de nævus est clinique. Les diagnostics différentiels sont les autres lésions pigmentées ; cependant, le principal diagnostic différentiel est le mélanome (cf. infra). En cas de doute avec un mélanome, un examen histologique est nécessaire.
Traitement Les nævus sont des lésions bénignes qui ne doivent pas être systématiquement enlevées. Les mélanomes ne surviennent que dans moins d’un tiers des cas sur nævus préexistant. Enlever tous les nævus, même chez une personne à risque de mélanome, ne supprime donc pas le risque de mélanome et n’entraîne que des cicatrices inutiles. De même, un nævus peut être traumatisé accidentellement et même saigner sans que cela nécessite son exérèse car cela n’induit en aucun cas sa transformation en mélanome. En revanche, tout nævus se mettant à saigner spontanément doit alerter. Il s’agit alors malheureusement dans ce cas de mélanomes dans des stades déjà avancés. En cas de demande esthétique de la part du patient, les nævus peuvent être enlevés chirurgicalement et toujours être analysés histologiquement même si l’aspect clinique est bénin. Ils ne doivent pas être traités par azote liquide ou par laser. Les nævus d’Ota ou d’Ito et les hypermélanocytoses dermiques acquises sont des exceptions. Ils peuvent en effet être traités sans risque et efficacement par des lasers déclenchés pigmentaires (lasers Alexandrite à 755 nm et surtout Nd:YAG à 1 064 nm) [1]. La prise en charge des nævus congénitaux n’est pas réellement codifiée. Le risque de mélanome est surtout plus élevé dans les nævus congénitaux géants qui relèvent d’une prise en charge précoce (si possible dès les premières semaines de vie et Traité de Médecine Akos
Le mélanome est une tumeur qui dérive de la transformation des mélanocytes. C’est une tumeur agressive à fort potentiel invasif et migratoire. Le diagnostic doit être le plus précoce possible car au stade métastatique, le pronostic reste effroyable. Seuls 20 % à 30 % des mélanomes proviennent d’une dégénérescence de nævus bénins alors que les 75 % restant apparaissent de novo [3]. Le risque de transformation d’un nævus en mélanome dans une vie est estimé à moins de 0,03 % [4]. Mis à part le cancer du poumon chez la femme, il s’agit du cancer dont l’incidence a le plus augmenté ces dix dernières années [5]. Cette incidence double environ tous les 10 ans et continue d’augmenter de 5 %/an dans les pays à population blanche mais reste stable dans ceux à population noire [6]. Évaluée à environ 10 à 15 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants dans les pays occidentaux, l’incidence passe aux alentours de 40 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants en Australie. Touchant tous les âges, cette tumeur est un des cancers les plus fréquents chez le jeune adulte (c’est d’ailleurs le plus fréquent chez la femme de 25 à 35 ans). Son taux de mortalité est de 1,2 à 1,5 pour 100 000 cas en France. Chaque heure, une personne décède dans le monde d’un mélanome métastasé [6]. Le mélanome est une tumeur complexe qui associe des altérations géniques avec des facteurs environnementaux. Il existe indubitablement une prédisposition familiale qui est souvent associée avec un nombre élevé de nævus atypiques. Ce risque reste cependant aujourd’hui encore difficile à apprécier puisque le pourcentage d’individus développant un mélanome et ayant des antécédents familiaux varie de 0,6 % à 12,5 % selon les séries [7]. À ce jour, un certain nombre de gènes de susceptibilité au mélanome ont été mis en évidence et les voies de signalisation impliquées dans cette tumeur sont de mieux en mieux individualisées. Cette meilleure connaissance physiopathologique a permis de développer des traitements ciblés inhibant spécifiquement certaines protéines clés pour le mélanome. Les résultats obtenus avec ces traitements ciblés sont encore préliminaires et doivent être confirmés mais ils sont très encourageants.
Facteurs de risque • Antécédents personnels ou familiaux de mélanome. Selon les séries, entre 0,6 % à 12,5 % des mélanomes surviennent dans un contexte de mélanome familial, défini comme au moins deux mélanomes sur trois générations [7]. Par ailleurs, un patient ayant déjà développé un mélanome est considéré comme susceptible d’en développer d’autres au cours de sa vie. • Exposition solaire. Le soleil représente le seul facteur environnemental impliqué dans l’épidémiologie du mélanome. Les études épidémiologiques descriptives attribuent le rôle majeur aux expositions intermittentes, à celles reçues dans l’enfance et l’adolescence et aux antécédents d’expositions solaires intenses avec coups de soleil [8, 9]. De plus, de grandes différences s’observent en fonction de la latitude à laquelle on s’expose [5]. • Phénotype. Les personnes de phototype I, c’est-à-dire les personnes à peau claire, sujettes aux coups de soleil, avec des yeux clairs, des cheveux roux ou clairs, et ayant des taches de rousseur ont plus de risque de développer un mélanome [10]. La présence de nævus en grand nombre (> 50), le syndrome des nævus atypiques et la présence de nævus congénitaux géants constituent également des facteurs de risque. • Maladies génétiques. Des maladies génétiques de trouble de réparation de l’acide désoxyribonucléique (ADN) telles que le xeroderma pigmentosum sont un facteur de risque rare mais
3
2-0670 ¶ Lésions pigmentées
important de mélanome. Bien que beaucoup plus rares, des cas de mélanomes ont également été rapportés dans le syndrome de Li-Fraumeni qui est caractérisé par des mutations du gène p53.
Diagnostic Plusieurs éléments cliniques doivent alerter le clinicien devant une lésion pigmentée. • Règle ABCDE. C A : asymétrie. C B : bords irréguliers. C C : couleur. Ce n’est pas le caractère très foncé d’une lésion qui doit alerter mais plutôt la présence de plusieurs couleurs (différents tons de brun, érythème, voire zones dépigmentées correspondant à des zones de régression tumorale). C D : diamètre. Le diamètre des mélanomes est généralement supérieur à 6 mm. C E : évolutivité. Certainement le signe le plus important. Tout « nævus » qui évolue en taille, couleur, bordure ou aspect est a priori suspect. • Le « vilain petit canard ». Certaines personnes ont de très nombreux nævus parfois atypiques cliniquement. Il est alors souvent très difficile de détecter des lésions suspectes parmi toutes ces lésions næviques. Il faut alors s’intéresser aux lésions qui ne ressemblent pas aux autres [11]. Par exemple, une lésion petite et très pigmentée doit alerter chez un patient ayant des nævus de grande taille et clairs. Inversement, si la personne a essentiellement des nævus très pigmentés et d’assez petite taille, il faut plutôt s’intéresser aux lésions claires et de plus grande taille. • Les formes ulcérées ou saignant au contact correspondent à des lésions évoluées de mauvais pronostic. • Sur les ongles, le diagnostic est souvent plus difficile. Le caractère polychrome et évolutif de la bande pigmentée doit alerter. Un débord de la pigmentation sur la peau adjacente est pathognomonique de mélanome (signe de Hutchinson) mais il est synonyme d’une lésion déjà évoluée. Le diagnostic clinique doit impérativement être confirmé par un examen anatomopathologique de la lésion dans son intégralité. Les biopsies simples doivent être évitées car elles ne permettent pas de déterminer l’épaisseur maximale de la tumeur, ou indice de Breslow. Or c’est cet indice qui va guider en très grande partie le traitement et la surveillance. L’examen histologique précise notamment le type de mélanome, l’indice de Breslow, la présence d’une ulcération et le nombre de mitoses par champ (utile surtout dans les mélanomes peu épais inférieurs à 1 mm). Un bilan d’extension clinique et radiologique est fait afin de rechercher des lésions métastatiques. La recherche du ganglion sentinelle peut être réalisée dans les mélanomes épais ou ulcérés. À la différence d’autres cancers, la recherche du ganglion sentinelle dans le mélanome a essentiellement un intérêt pronostique [12].
Formes cliniques • Mélanome superficiel (superficial spreading melanoma [SSM]). C’est une lésion plane, pigmentée, mais évolutive, hétérochromique avec des bords irréguliers (Fig. 3). • Mélanome nodulaire. Il s’agit d’un nodule infiltré dont la pigmentation a tendance à s’étendre en périphérie du nodule (Fig. 4). Il peut s’ulcérer ou saigner. • Mélanome achromique. Redoutable piège diagnostique, ce type de mélanome se manifeste généralement par une lésion nodulaire rosée peu spécifique. Il faut chercher, notamment en périphérie, la présence inconstante de pigmentation. • Mélanome acral. Il se développe surtout chez les Asiatiques et les Noirs. • Mélanome de Dubreuilh. Il s’agit d’une macule brune, plus ou moins foncée, faisant évoquer un lentigo actinique mais inhomogène et hétérochromique avec bordures irrégulières. L’évolution est d’abord horizontale puis dans une deuxième phase, l’extension est verticale avec apparition de nodule
4
Figure 3. Mélanome à extension superficielle (SSM). Noter le caractère polychrome et irrégulier avec présence de zones de régression au sein de la lésion.
Figure 4.
Mélanome nodulaire. Noter le débord pigmentaire.
(Fig. 5). Elle siège généralement sur les zones photoexposées (visage++) et chez les personnes de plus de 60 ans. • Mélanome muqueux. Le mélanome peut se développer sur une muqueuse (génitale, buccale, digestive). Ces mélanomes sont heureusement rares car le diagnostic est souvent tardif. Il existe d’autres localisations, telles que des mélanomes choroïdiens.
Facteurs pronostiques Si le mélanome est détecté à un stade précoce, l’exérèse chirurgicale avec marges de sécurité permet un bon pronostic. En revanche, si le diagnostic est tardif, notamment au stade de métastases ganglionnaires ou viscérales, le pronostic vital est fortement altéré. Le principal indice pronostique est l’indice de Breslow qui correspond à l’épaisseur du mélanome. Si ce dernier est inférieur à 1 mm, le pronostic reste bon dans la plupart des cas. Il existe ainsi une corrélation presque linéaire entre épaisseur de la tumeur et mortalité. La positivité ou non d’un ganglion sentinelle est également un facteur pronostique majeur [13]. La classification des mélanomes a été mise à jour en 2010 (Tableau 1) [14]. Traité de Médecine Akos
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Chirurgie C’est le traitement de référence de la lésion primitive et il s’agit encore, à l’heure actuelle, du seul traitement potentiellement curatif du mélanome.
“
Figure 5. Mélanome de Dubreuilh évolué avec développement en son centre d’une lésion nodulaire.
Tableau 1. Classification American Joint Committee on Cancer (AJCC), 2010
[14].
Classification T
Épaisseur (mm)
Tis
ND
Ulcération/mitoses ND
T1
≤ 1,00
a : sans ulcération et mitoses < 1/mm2 b : avec ulcération ou mitoses ≥ 1/mm2
T2
1,01-2,00
a : sans ulcération b : avec ulcération
T3
2,01-4,00
a : sans ulcération b : avec ulcération
T4
> 4,00
a : sans ulcération b : avec ulcération
Point fort
Marges recommandées adaptées à l’indice de Breslow [15] • Les marges d’exérèse doivent être adaptées à l’épaisseur tumorale. • Aucune marge supérieure à 3 cm ne doit être réalisée. Épaisseur tumorale (indice de Breslow), marges d’exérèse recommandées • Mélanome in situ (pTis) : 0,5 cm • 0-1 mm (pT1) : 1 cm • 1,01-2 mm (pT2) : 1-2 cm • 2,01-4 mm (pT3) : 2 cm • > 4 mm (pT4) : 2-3 cm Pour les mélanomes de Dubreuilh non invasifs, une marge de 1 cm est recommandée. Lorsque cette marge ne peut pas être respectée pour des raisons anatomiques et fonctionnelles, une marge de 0,5 cm est acceptable sous couvert d’un contrôle histologique strict.
Devant toute lésion suspecte de mélanome, une biopsieexérèse doit être pratiquée. En effet, une biopsie simple doit être évitée car elle peut, entre autres, minimiser l’indice de Breslow et donc conduire à une reprise inadaptée. Une reprise chirurgicale est ensuite réalisée avec des marges de sécurité dépendant de l’indice de Breslow. Cette approche chirurgicale en deux temps doit être la règle pour le traitement du mélanome. La chirurgie est également une indication des métastases ganglionnaires (on effectue alors un curage de la région atteinte emportant tous les ganglions de la région), des métastases cutanées et des métastases viscérales uniques lorsque bien sûr celles-ci sont accessibles chirurgicalement [16].
N
Nombre de ganglions métastatiques
Type de métastases ganglionnaires
N0
0
ND
Chimiothérapie
N1
1
a : micrométastase
Elle permet dans les meilleurs cas de limiter la progression des métastases mais elle n’a pas ou peu d’effet sur la médiane de survie. Les polychimiothérapies lourdes n’ont pas montré leur supériorité par rapport aux monochimiothérapies. Les deux molécules de référence sont la dacarbazine et la fotémustine. Cette dernière est active sur les métastases cérébrales mais est plus toxique sur le plan hématologique [13]. Le témozolomide, dérivé de la dacarbazine, peut également être utilisé.
b : macrométastase N2
2-3
a : micrométastase b : macrométastase c : métastases cutanées en transit sans métastase ganglionnaire
N3
4+ ou paquet ganglionnaire ou métastases cutanées en transit avec métastase ganglionnaire
Radiothérapie
M
Site
Taux LDH
M0
Pas de métastase
ND
M1a
Métastases cutanées à distance
Normal
M1b
Métastases pulmonaires
Normal
Toutes autres métastases viscérales
Normal
Toute métastase cutanée ou viscérale
Élevé
M1c
Tis : in situ (= mélanome intraépidermique) ; ND : non disponible ; LDH : lacticodéshydrogénase.
Traitement Des recommandations sur la prise en charge des mélanomes ont été éditées en 2005 par la Société française de dermatologie [15]. Traité de Médecine Akos
Le mélanome est une tumeur hautement radiorésistante. Les indications de la radiothérapie sont aujourd’hui limitées à la radiothérapie stéréotaxique des métastases isolées non opérables, notamment cérébrales [17].
Interféron L’interféron-a a une indication en traitement adjuvant dans les atteintes ganglionnaires après la chirurgie. Son effet reste cependant très limité au prix d’importants effets secondaires et d’une altération importante de la qualité de vie sous traitement [18]. Il peut également être proposé à plus faibles doses dans les mélanomes non métastatiques mais de mauvais pronostic [19].
Thérapies ciblées Des inhibiteurs spécifiques de certaines voies de régulation cruciales pour la prolifération et la survie des mélanomes sont
5
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actuellement développés. Ces traitements sont spécifiques de certains types de mélanome ayant des mutations bien déterminées. Les résultats les plus avancés proviennent d’un inhibiteur spécifique de la mutation BRAFV600E. Des résultats préliminaires rapportent des réponses objectives dans 80 % des cas de mélanomes traités ayant cette mutation [20]. Une étude multicentrique de phase III est actuellement en cours. Il est nécessaire d’attendre les résultats sur la survie globale mais ces résultats sont très encourageants et d’autres thérapeutiques ciblées sont actuellement en développement dans le mélanome (mais aussi dans d’autres cancers cutanés).
Autres L’immunothérapie et les protocoles de vaccinations donnent des résultats très inconstants et sont encore à l’étude [18]. Des résultats significatifs ont été obtenus avec l’ipilimumab, un anticorps anti-CTLA4, qui va lever le « frein » sur les cellules lymphocytaires et restaurer une immunité antitumorale [21]. Ce traitement a maintenant l’indication en 2e ou 3e ligne dans les mélanomes métastasés.
Surveillance La surveillance des patients ayant eu un mélanome doit être effectuée en milieu spécialisé. Elle est avant tout clinique dermatologique, au moins semestrielle pendant 5 ans puis annuelle à vie. On recherche des signes de récidives locales ou de métastases cutanées, ganglionnaires ou viscérales mais également la survenue d’un deuxième mélanome. Le rythme du suivi et la surveillance radiologique dépendent de l’épaisseur du mélanome. Dans tous les cas, une surveillance au moins annuelle à vie est nécessaire.
■ Kératose séborrhéique Les kératoses séborrhéiques (ou verrues séborrhéiques) sont des lésions cutanées bénignes survenant le plus souvent chez le sujet âgé. Il s’agit de lésions intraépidermiques. Elles sont très fréquentes et surviennent aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Elles apparaissent le plus souvent après 50 ans mais des cas ont été décrits chez des adultes jeunes (dès l’âge de 15 ans). Elles sont rares chez les sujets à phototype foncé.
Diagnostic
.
• Ce sont de petites lésions papuleuses à peine saillantes et jaunâtres. Avec le temps, elles deviennent plus épaisses, kératosiques, pigmentées, parfois noirâtres et avec un aspect parfois franchement verruqueux. • L’examen minutieux des lésions trouve généralement de petits clous cornés de 1 ou 2 mm qui sont assez caractéristiques des kératoses séborrhéiques. • Il existe un enduit squamokératosique gras que l’on peut détacher à la curette. Chaque lésion apparaît comme posée sur la peau. • Il n’y a pas d’infiltration périlésionnelle. • La localisation est essentiellement sur le tronc, les zones séborrhéiques du visage et dans les plis axillaires, inguinaux et sous-mammaires chez la femme. Lorsqu’elles sont nombreuses, elles prennent sur le tronc une disposition en « sapin de Noël » (Fig. 6).
Diagnostic différentiel Le diagnostic clinique est généralement évident ; cependant, sur les zones photoexposées, ces lésions peuvent prendre un aspect moins épais et être confondues avec des lésions d’origine mélanocytaire (lentigo ou mélanome) ou avec des kératoses actiniques pigmentées, voire avec un carcinome basocellulaire tatoué. Un examen histologique est alors nécessaire. La survenue rapide de multiples lésions de verrues séborrhéiques doit faire redouter une néoplasie profonde (signe de LeserTrélat) et en particulier un cancer digestif.
6
Figure 6. Kératoses séborrhéiques profuses du dos.
Traitement Les kératoses séborrhéiques sont des lésions bénignes d’évolution chronique. Le risque de transformation maligne est nul mais les lésions se multiplient progressivement et leur taille augmente ainsi que leur épaisseur. Un traitement peut être proposé à visée esthétique. Il consiste soit en une exérèse à la curette, soit en une destruction avec de l’azote liquide.
■ Carcinome basocellulaire pigmenté Diagnostic Les carcinomes basocellulaires ont un aspect très variable, mais il existe un élément sémiologique très évocateur, même s’il est inconstant, la perle : • nodule translucide, rose ou couleur chair ; • souvent télangiectasique (c’est-à-dire parcouru de petits vaisseaux) ; • ferme ; • de taille variable : du millimètre à presque 1 cm ; • se trouve essentiellement en périphérie de la lésion. Ils siègent sur les zones photoexposées++ (le plus souvent sur le visage). Il existe plusieurs formes cliniques : plan cicatriciel, superficiel, nodulaire, ulcérant, sclérodermiforme. Toutes ces formes peuvent être pigmentées ; on parle de carcinome basocellulaire pigmenté (ou tatoué) (Fig. 7).
Pronostic Les carcinomes basocellulaires sont des tumeurs malignes d’excellent pronostic. Le risque est essentiellement local. Les métastases sont exceptionnelles et résultent de lésions très avancées et souvent négligées par le patient. Le risque est surtout celui de la récidive locale et de l’apparition de nouveaux carcinomes basocellulaires et impose à ce titre une surveillance annuelle à vie.
Traitement Le traitement du carcinome basocellulaire est chirurgical. Pour certaines formes à risque (périorificiel, récidive, forme sclérodermiforme), un examen anatomopathologique extemporané ou une chirurgie de Mohs sont conseillés. Traité de Médecine Akos
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Figure 7. Carcinome basocellulaire. Noter, sur la gauche de la photographie, la perle de grande taille avec télangiectasies.
Figure 8. Hamartome de Becker lombaire. Noter l’association de la composante pigmentaire et pilaire.
En cas de contre-indication chirurgicale, les formes superficielles peuvent être traitées, après biopsie préalable, par de la photothérapie dynamique, des applications de 5-fluorouracile ou d’imiquimod. La cryochirurgie se fait de moins en moins. Pour les formes non superficielles, la radiothérapie peut également se discuter en cas de contre-indication chirurgicale. Des thérapeutiques ciblées sont actuellement évaluées dans le traitement des formes non accessibles à la chirurgie ou pour les exceptionnelles formes métastatiques. Là encore, les résultats préliminaires sont très encourageants [22].
■ Histiocytofibrome pigmenté Diagnostic
.
• Il s’agit d’une lésion intradermique de 0,5 à 1 cm, parfois un peu en relief, observée le plus souvent chez la femme. • La couleur est brun foncé, parfois de couleur chair ou au contraire très pigmentée. • La palpation est d’une aide précieuse car elle trouve une pastille dure mais bien limitée très caractéristique du diagnostic. • Il siège surtout sur les membres, notamment les jambes.
Figure 9.
Tache café au lait de grande taille.
Traitement
traitement par laser dépilatoire. La composante pigmentaire peut également être traitée par laser mais il existe un risque de récidive qui doit être expliqué au patient.
Les histiocytofibromes sont des lésions bénignes. Aucun traitement n’est nécessaire. En cas de demande esthétique, l’exérèse chirurgicale est le traitement de choix.
■ Taches café au lait
■ Hamartome de Becker Diagnostic • C’est une lésion pigmentée homogène généralement de grande taille sur laquelle on note une pilosité plus ou moins marquée (Fig. 8). • Parfois présent dès la naissance, l’hamartome de Becker apparaît généralement à l’adolescence. • Il associe à la fois une composante pigmentaire et pilosébacée. • La pilosité est parfois absente chez l’enfant. Le diagnostic est alors difficile avec une tache café au lait foncée ou un nævus jonctionnel de grande taille. • Il est ubiquitaire mais plus fréquent en région scapulaire.
Traitement Les hamartomes de Becker posent surtout des problèmes esthétiques. La composante pilaire est facilement accessible au Traité de Médecine Akos
Les taches café au lait sont des lésions fréquentes (2 % ou plus des nouveau-nés et 10 % à 20 % des adultes). Elles sont bénignes mais il est important de noter qu’elles sont parfois syndromiques. Ainsi, la présence de plus de six taches café au lait chez une personne doit faire suspecter une neurofibromatose de type 1 (NF1). D’autres syndromes plus rares sont également associés à des taches café au lait [23].
Diagnostic • • • •
Macules de couleur brun clair (Fig. 9). Couleur très homogène. Limites nettes. Taille très variable, de 1 cm de grand axe à de vastes lésions de plusieurs dizaines de centimètres. Lorsqu’elles sont millimétriques, elles passent parfois pour des éphélides. • Localisation : ubiquitaire. • Présentes dès la naissance ou se développant dans l’enfance. • Habituellement uniques ou en petit nombre, la majorité des sujets ayant le plus souvent moins de trois lésions.
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2-0670 ¶ Lésions pigmentées
Traitement Les taches café au lait ne nécessitent pas de traitement. Un traitement à visée esthétique est parfois demandé par les patients pour des lésions de grande taille ou situées dans des zones visibles. Un traitement par laser déclenché peut être proposé. Bien que variable, la réponse au traitement est généralement bonne mais les récidives sont très fréquentes. Les taches café au lait ne sont donc pas de bonnes indications de traitement par laser et dans tous les cas, le patient doit être clairement informé du risque de récidive [1].
■ Lentigo actinique Contrairement aux idées reçues, les lentigos actiniques, aussi appelés de façon impropre lentigos séniles ou taches de vieillesse, ne sont pas des lésions liées au vieillissement cutané mais au photovieillissement induit par les expositions chroniques aux ultraviolets.
Diagnostic • • • •
Macules de couleur brun clair à brun foncé. Taille variable mais souvent centimétrique. Homogènes et assez bien limitées. Uniquement en zone photoexposée (essentiellement dos des mains et visage). Il existe une forme particulière avec macules plus claires et plus irrégulières survenant chez des sujets plus jeunes après une exposition solaire intense et localisée le plus souvent sur les épaules, le haut du dos ou le décolleté.
A
Traitement Les lentigos actiniques n’ont pas de potentiel dégénératif. Ils sont en revanche le signe d’un photovieillissement. Une photoprotection rigoureuse et une surveillance clinique, notamment vis-à-vis du risque de carcinome cutané, sont donc préconisées. Les lentigos ne nécessitent pas de traitement mais ils sont souvent source d’une importante demande thérapeutique de la part des patients. Les crèmes dépigmentantes sont modérément efficaces. Des applications de quelques secondes d’azote liquide permettent de les traiter efficacement. Ce traitement à l’avantage d’être peu coûteux mais il est fastidieux lorsque les lésions sont nombreuses et il expose à des risques d’hypochromies séquellaires. Les lentigos actiniques sont en revanche une excellente indication des lasers pigmentaires (Fig. 10) [1] . Certains mélanomes, notamment les mélanomes de Dubreuilh, peuvent au début être confondus avec des lentigos actiniques. Un traitement d’une telle lésion par azote liquide ou laser peut retarder le diagnostic et grever le pronostic. Au moindre doute, il est donc nécessaire d’adresser le patient à un dermatologue.
■ Lentigines Diagnostic • Lésions maculeuses, parfois discrètement papuleuses de petite taille (généralement < 5 mm). • Couleur brun foncé ou noire. • Pouvant toucher les muqueuses. • Pas de modification de couleur avec les saisons. • Le plus souvent isolées, on parle alors de lentigo simplex. Parfois nombreuses et pouvant alors s’intégrer dans le cadre de lentiginoses (tableau associant plusieurs anomalies cutanées et systémiques, tels le syndrome Leopard (lentigines [L], anomalies électrocardiographiques [E : electrocardiographic conduction abnormalities], hypertélorisme [O : ocular hypertelorism], sténose pulmonaire [P : pulmonary stenosis], anomalies génitales [A : abnormalities of genitalia] ; retard de croissance [R : retardation of growth] ; surdité [D : deafness]), la maladie de PeutzJeghers ou le complexe de Carney) (Fig. 11) [23]. La gravité potentielle de ces tableaux impose un avis spécialisé en cas de suspicion de lentiginose.
8
B Figure 10. Lentigos actiniques du visage. A. Avant traitement. B. Après une séance de laser pigmentaire déclenché.
Traitement Les lentigines ne nécessitent pas de traitement et n’ont pas de potentiel dégénératif. En cas de demande esthétique, la réponse au traitement par laser déclenché est généralement excellente [24].
■ Éphélides Diagnostic • • • • •
Lésions maculeuses de petite taille (< 5 mm). Couleur brun clair. Quasi exclusivement chez les sujets de phototypes I et II. Photodistribution. Début dans l’enfance lors des expositions solaires. Tendance à diminuer à l’âge adulte. • Nombre et pigmentation plus importants en été, diminuant pendant la saison hivernale. • Épargnent les muqueuses. Traité de Médecine Akos
Lésions pigmentées ¶ 2-0670
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Figure 11. Lentigines multiples périorificielles dans le cadre d’une maladie de Peutz-Jeghers.
[11]
[12]
Traitement
[13]
Les éphélides ne sont pas associées à des maladies systémiques. Elles soulignent en revanche une sensibilité plus importante aux radiations ultraviolettes et imposent une photoprotection plus rigoureuse. Le traitement par laser déclenché a été rapporté comme efficace mais les récidives sont quasi constantes [25].
■ Conclusion
[14] [15]
[16]
Devant toute lésion pigmentée, le clinicien doit en priorité éliminer la possibilité d’un mélanome. Étant donné la gravité potentielle des formes évoluées de mélanome, la connaissance des facteurs de risque de mélanome et la recherche de lésion suspecte de mélanome doivent être un réflexe pour tous les acteurs de la filière de soin. Au moindre doute, un avis spécialisé ou une biopsie-exérèse de la lésion avec examen anatomopathologique doivent être demandés. Bien que plus rare, la présence de nombreuses lentigines ou de nombreuses taches café au lait doit également alerter en raison de leur association potentielle à des anomalies viscérales parfois graves. Les autres lésions pigmentées sont bénignes ou dans tous les cas de bien meilleur pronostic. En cas de demande, les approches thérapeutiques sont aujourd’hui nombreuses et efficaces.
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■ Références [1] [2] [3]
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T. Passeron, MD, PhD (
[email protected]). Service de dermatologie, Inserm U895 équipe 1, Hôpital Archet 2, Centre hospitalier universitaire de Nice, BP 3079, 151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière, 06202 Nice cedex 3, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Passeron T. Lésions pigmentées. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0670, 2011.
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Cas clinique
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Urticaire M. Vigan Le médecin généraliste est souvent le premier consulté lors de la survenue d’une urticaire. Il doit rechercher des signes de gravité pour adapter la prise en charge thérapeutique, puis distinguer l’urticaire aiguë de l’urticaire chronique, en éliminant l’hypothèse d’une vascularite, afin d’adapter la prise en charge de la recherche étiologique. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Urticaire ; Vascularite ; Antihistaminique ; Choc anaphylactique
connue. Les signes de gravité doivent être rapidement reconnus pour être pris en charge ; • un problème de recherche étiologique primordiale en cas de poussée aiguë ou aiguë récidivante. En cas d’urticaire chronique, depuis la conférence de consensus, il est admis de ne pas proposer un bilan extensif à la recherche d’une hypothétique étiologie, mais d’orienter les recherches par un interrogatoire et un examen clinique minutieux.
Plan ¶ Introduction Qu’est-ce que l’urticaire ? Quels sont les problèmes de prise en charge posés par l’urticaire ? Quels sont les problèmes de diagnostic posés par l’urticaire ?
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¶ Conduite à tenir devant une poussée d’urticaire Rechercher des signes de gravité ou des médicaments favorisants Recherche étiologique
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¶ Conduite à tenir devant une urticaire chronique Faire le diagnostic En cas d’urticaire chronique banale En cas de vasculite ou de vascularite urticarienne
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¶ Conclusion
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Quels sont les problèmes de diagnostic posés par l’urticaire ? Le médecin doit différencier : • les urticaires aiguës des urticaires chroniques : une urticaire qui évolue depuis plus de 2 mois est une urticaire chronique ; • les vascularites urticariennes des urticaires banales. Une urticaire dont les lésions ne disparaissent pas en 48 heures, qui ne s’accompagne pas d’une restitution ad integrum, ou qui s’accompagne de signes généraux ou articulaires doit faire suspecter une vascularite urticarienne (Tableau 1).
■ Introduction Qu’est-ce que l’urticaire ? [1] La lésion élémentaire de l’urticaire est une papule œdémateuse prurigineuse et fugace ; elle disparaît sans laisser de trace. L’œdème de Quincke et l’urticaire profonde font partie du cadre nosologique de l’urticaire, mais ils sont sensiblement différents de l’urticaire banale. Les étiologies et les modalités évolutives des poussées d’urticaire sont variables, ce qui permet de parler « des » urticaires. Le généraliste doit, par l’analyse sémiologique des lésions et leur évolution, déterminer de quel type d’urticaire souffre son patient, et ainsi le guider au mieux dans la recherche étiologique. L’urticaire est liée principalement à la libération d’histamine par le mastocyte sous l’effet de stimulation spécifique ou aspécifique.
Quels sont les problèmes de prise en charge posés par l’urticaire ? Les urticaires posent deux problèmes : • un problème thérapeutique en urgence au moment de la crise : celle-ci peut être isolée, hors tout contexte, ou dans un contexte d’urticaire chronique ou dans un contexte d’allergie Traité de Médecine Akos
■ Conduite à tenir devant une poussée d’urticaire Rechercher des signes de gravité ou des médicaments favorisants (Tableaux
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1, 2)
On s’attachera à rechercher un œdème des muqueuses (raucité de la voix, dyspnée, toux), un prurit du cuir chevelu, des paumes et des plantes, une angoisse, des sueurs, un abaissement de la pression artérielle et un pouls accéléré qui sont des signes de gravité. Tableau 1. Principaux signes de gravité immédiate d’une urticaire. Raucité de la voix, gêne à la déglutition, hypersialorrhée réactionnelle, toux, dyspnée Prurit palmoplantaire ou du cuir chevelu Angoisse Hypotension, accélération du pouls
1
1-1150 ¶ Urticaire
Tableau 2. Médicaments à arrêter en cas d’urticaire associée à des signes de gravité.
Tableau 3. Étiologies des urticaires aiguës.
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Urticaire par contact
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
Urticaire au froid, au chaud, solaire, vibratoire
b-bloquants
Urticaire de cause médicamenteuse Urticaire de cause alimentaire Urticaire à la suite de piqûre d’insecte Urticaire de la triade de Caroli : hépatite B
Il faut également s’enquérir de la prise de b-bloquants, d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, qu’il convient alors d’arrêter (Tableau 2). À noter qu’une poussée d’urticaire étendue à tout le corps, sans signe de gravité, est impressionnante, mais pas « grave » ; elle doit être décrite comme urticaire généralisée, le terme d’urticaire géante devant être proscrit car il est inexact et anxiogène. La description clinique est primordiale et le terme « allergie » ne doit pas être utilisé : il ne peut l’être que si l’allergie est prouvée par l’évolution, des tests cutanés et/ou des examens paracliniques ; la plupart des poussées d’urticaire aiguë en contexte fébrile chez l’enfant sous antibiothérapie ne sont pas allergiques mais aspécifiques. Elles doivent être décrites dans le carnet de santé et peuvent inciter à prémédiquer l’enfant avec un antihistaminique avant la prise ultérieure, mais ne doivent pas être notées « allergie à » l’antibiotique par exemple.
Urticaire idiopathique
Traitement en cas de signes de gravité Il faut alors prévoir une hospitalisation d’urgence et adapter le traitement à ce qui a été constaté : malade couché avec les pieds surélevés en cas de chute de la pression artérielle ; administration de Ventoline® (une double bouffée en inspiration profonde) pour les œdèmes laryngés, et Solupred® orodispersible 20 mg 1 à 3 comprimés sous la langue. En cas de chute tensionnelle, on utilise de l’adrénaline à la dose de 0,25 mg en sous-cutané (s.c.) (Anahelp®) ou de l’adrénaline auto-injectable Anapen®. Cette dose peut être renouvelée 10 minutes plus tard en cas d’inefficacité et en l’absence de troubles du rythme. Dans le même temps, il faut associer : • la pose d’une voie d’abord ; • l’injection de corticoïdes (Solu-Médrol® : 20 mg en intraveineuse [i.v.] ou en intramusculaire [i.m.] à répéter en fonction de la réponse à la thérapeutique) ; • l’injection d’antihistaminiques (Polaramine® 5 mg en i.v., i.m. ou s.c., à renouveler). Les corticoïdes et les antihistaminiques n’ont pour but que de prévenir la reprise évolutive du choc après épuisement de l’effet de l’adrénaline. La surveillance doit se prolonger après l’amélioration des signes cliniques, car une reprise évolutive est possible dans les heures qui suivent. En cas de chute tensionnelle, l’adrénaline et la position déclive sont les seules thérapeutiques efficaces. Si la cause du choc n’est pas évitable (allergie alimentaire, allergie aux hyménoptères...), une trousse d’urgence avec antihistaminiques, corticoïdes, Anahelp® ou Anapen® doit être en possession du patient. Le maniement de ces produits et leur graduation dans leur indication doivent lui être expliqués régulièrement et les produits doivent être renouvelés s’ils sont périmés. Cette trousse doit accompagner le patient partout : il ne faut pas qu’il puisse sortir sans ces produits, pas plus qu’il ne le ferait sans chaussures.
Traitement en l’absence de signes de gravité On utilise des antihistaminiques à action rapide par voie buccale (Xyzall® : 1 cp ou Aerius® 1cp ou Kestin lyo® 1 à 2 cp) ou injectable (Polaramine® injectable : 1 ampoule en i.m.), en poursuivant le même traitement pendant 1 semaine. On peut également associer un antihistaminique plus sédatif le soir (Polaramine Repetabs® ou Atarax®). Le traitement de l’urticaire aiguë sans signe de gravité ne nécessite pas d’emblée un corticoïde par voie orale ou injec-
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Figure 1. Urticaire de contact au latex. Les papules fugaces apparaissent lorsque l’on ôte les gants.
table. Cette thérapeutique est réservée aux cas résistants aux antihistaminiques (on emploie alors la Célestamine® à doses rapidement décroissantes et rapidement arrêtées). Une corticothérapie au long cours ne doit pas être instaurée en cas de poussées récidivantes d’urticaire aiguë.
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Recherche étiologique Il faut le plus tôt possible rechercher l’étiologie par l’interrogatoire : contact, aliment, insecte, médicament, effort [2, 3], exposition à des aéroallergènes, terrain atopique (Tableau 3) (Fig. 1). Si la recherche étiologique a permis l’orientation vers une cause précise, une consultation en milieu spécialisé sera nécessaire, à distance de la poussée aiguë si des tests cutanés sont prévus. En effet, lors de cette poussée, les mastocytes ont pu être tous dégranulés et il faut attendre la reconstitution de leur « stock » d’histamine, soit au moins 3 semaines, avant d’envisager de faire les tests. Le généraliste a une place primordiale pour la recherche étiologique : il voit son patient dès le début des troubles, il est parfois appelé à son domicile, et peut ainsi rechercher précocement les étiologies possibles de l’urticaire.
■ Conduite à tenir devant une urticaire chronique
[4]
Faire le diagnostic Lorsque les poussées d’urticaire durent plus de 6 semaines, on parle d’urticaire chronique. Il faut rechercher des signes de vascularite ou de vasculite urticarienne (Tableau 4). En l’absence de ceux-ci, on conclura à une urticaire banale. Traité de Médecine Akos
Urticaire ¶ 1-1150
Tableau 4. Aspects sémiologiques qui doivent faire évoquer une vascularite urticarienne. Plaques inchangées au bout de 48 heures Prurit peu intense, douleurs Pas de restitutio ad integrum Purpura associé Signes généraux, arthralgies
En cas d’urticaire chronique banale Réaliser un examen complet du patient, et réaliser un interrogatoire minutieux à la recherche d’un élément d’orientation
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On précisera le rythme des poussées, leur horaire (début, fin) et leur circonstance de survenue. On fera décrire les lésions en essayant bien sûr de les voir. Chez la femme, il faut faire préciser la date des dernières règles et le rythme de l’urticaire par rapport au cycle. La recherche d’une cause physique (dermographisme, chaud, froid, pression, eau, soleil) et de toute pathologie en cours ou passée, par l’interrogatoire et l’examen clinique est primordiale. La notion d’exposition chronique à un contact, à un aliment ou à un médicament sera précisée. Si une cause semble possible, le patient sera adressé en milieu spécialisé pour réaliser le test diagnostique adapté. Le retentissement psychique du prurit doit être évalué, ainsi que les stress pouvant être liés à l’urticaire.
En l’absence de cause retrouvée cliniquement et par l’interrogatoire, que faire ? Si les lésions n’ont pas été observées, il faut éliminer ce qui peut être une cause grave de prurit : numération-formule sanguine, plaquettes, protéine C réactive, vitesse de sédimentation, radiographie pulmonaire, transaminases glutaminooxalacétiques et transaminases glutamique-pyruviques dans le sérum sanguin, qui élimineront une cause hématologique, une cause hépatique ou une maladie de système évolutive. Si les lésions ont été observées, le diagnostic est certain et on commence par proposer un traitement pour calmer le prurit ; il n’y a pas de bilan initial à faire.
Calmer le prurit [5] Le traitement symptomatique comprend les antihistaminiques classiques (Polaramine Repetabs® : 2 cp/j, Atarax® 25 : 1 à 2 cp le soir) ou récents (Xyzall® : 1 cp/j le matin, Aerius® : 1 cp/j le soir ou Kestin® : 1 à 2 cp le matin à jeun ou Mizollen® ou Telfast ® 180 en l’absence de contre-indication), ou des antihistaminiques avec action sur le métabolisme du calcium (Tinset® : 2 cp/j). Si l’urticaire se poursuit au bout de 1 mois de ce traitement bien conduit, on peut faire le bilan de prurit mentionné ci-dessus, et changer les antihistaminiques, ou faire des associations de plusieurs antihistaminiques H1 ou d’un anti-H2 (Tagamet® 400 mg : 2 cp le soir en l’absence de contreindication). S’ils sont efficaces, il faut les continuer plusieurs mois, s’ils sont inefficaces, il faut diriger le patients vers un centre spécialisé (Fig. 2).
Informer le patient
Figure 2. Belles plaques d’urticaire alors que le patient prend ses anti-H1 (tests codéine et histamine négatifs) : il y a des cas qui résistent aux anti-H1.
Tableau 5. Urticaire de thérapeutique inhabituelle. Urticaire de contact : éviction Urticaire solaire : photothérapie, antipaludéens de synthèse Urticaire retardée à la pression : prednisolone (10 à 15 mg/j) Urticaire cholinergique : hydroxyzine (10 mg 3 fois/j) ou cyproheptadine (4 à 20 mg/j ± anti-H1) Urticaire adrénergique : propranolol (10 à 40 mg/j) Urticaire par allergie alimentaire : chromoglycate disodique (2 ampoules 15 minutes avant chaque repas) Urticaire par venin d’insecte : anti-H1 puis désensibilisation Vascularite urticarienne : fonction de la cause
Périactine® (à doses décroissantes en cas d’urticaire cholinergique), Indocid® (50 mg × 3/j en cas d’urticaire retardée à la pression) et en cas d’échec, Cortancyl® (10 à 15 mg/j puis décroissance pour trouver la dose efficace la plus petite). Urticaire adrénergique [6] Elle est exceptionnelle ; les lésions surviennent dans les minutes qui suivent un stress ou la consommation de thé ou de café. Elles sont de petite taille, inférieure à 5 mm, érythémateuses, prurigineuses et entourées d’un halo blanc de vasoconstriction. Urticaire cholinergique Elle atteint l’adulte jeune, se localise à la partie supérieure du tronc, mais peut être plus étendue. Les lésions caractéristiques, de petite taille (moins de 5 mm), rosées et extrêmement prurigineuses, sont provoquées par la sudation et disparaissent en 1 heure.
Les éléments d’information concernent le diagnostic, le principe du traitement et la bénignité de l’affection.
En cas de « cause trouvée », ou de tableau particulier d’urticaire chronique [1] Le traitement est adapté à l’aspect clinique si celui-ci évoque un tableau particulier (Tableau 5) : éviction si possible, Avlocardyl® (10 à 40 mg/j en cas d’urticaire adrénergique), Atarax® ou Traité de Médecine Akos
En cas de vasculite ou de vascularite urticarienne Il faut adresser le patient en milieu spécialisé pour effectuer une étude histologique et compléter les explorations (Tableau 6).
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1-1150 ¶ Urticaire
Tableau 6. Étiologies des vasculites ou vascularites urticariennes. Idiopathique Syndrome de vascularite urticarienne avec hypocomplémentémie Médicaments Lupus érythémateux systémique Syndrome de Gougerot-Sjögren
.
Dysglobulinémie Viroses : hépatites B, C
patient que ce traitement doit être poursuivi tant qu’il sera nécessaire (plusieurs mois ou des années). La démarche à suivre est résumée dans la Figure 3. La bonne connaissance de cette pathologie permet de prendre en charge le patient en instaurant une relation médecin/ malade fondée sur la confiance, qui permet de contrôler la demande du patient pour éviter les examens inutiles et d’éviter des traitements inadaptés et dangereux (corticothérapie au long cours, sauf en cas d’indication précise).
Maladie de Still Dysthyroïdies Paranéoplasie
“ ■ Conclusion
La poussée d’urticaire, qu’elle soit aiguë, isolée, ou sur fond d’urticaire chronique, est anxiogène pour le patient. Le médecin doit en tenir compte et éviter d’accroître l’angoisse par des appellations non fondées (l’urticaire peut être généralisée, mais ne sera jamais géante). En l’absence de signes de gravité, le traitement se fera par les antihistaminiques per os ou injectables à poursuivre aussi longtemps que nécessaire. Les corticoïdes sont à réserver aux échecs des antihistaminiques et doivent être interrompus au plus tôt. En cas de signes de gravité, le traitement doit être adapté à la clinique. L’étendue des lésions n’est pas un signe de gravité.
Les différentes sortes d’urticaire doivent être bien connues du généraliste, car c’est lui qui est appelé en urgence par le patient la plupart du temps, c’est lui qui a le plus souvent à gérer cette urgence et qui pourra réaliser une enquête précoce pour retrouver la cause possible d’une urticaire aiguë. De cette enquête dépend le rendement de la recherche ultérieure d’une étiologie. En cas d’urticaire chronique, le médecin généraliste doit rechercher des signes cliniques et anamnestiques, qui orienteront ou non vers la recherche d’une étiologie, et des facteurs favorisants, qui pourront être évités. Il doit mettre en place le traitement par antihistaminiques, en prévenant le
Lésions fixes Nodules livedo, purpura Arthralgies Œdèmes douloureux Prurit absent Signes généraux
Patient qui consulte pour urticaire
Poussées depuis moins de 6 semaines
Poussées depuis plus de 6 semaines
Urticaire chronique
Urticaire aiguë Interrogatoire et examen clinique Traitement adapté Bilan adapté Interrogatoire et examen clinique
Sans particularité Traitement antihistaminique
Continuer le traitement
Vascularite urticarienne
Consultation spécialisée
Plaques fugaces prurigineuses, avec restitutio ad integrum
Efficace
Point fort
Si éléments d'orientation : faire le bilan adapté consultation spécialisée
Peu efficace
Changer d'anti-H ou les associer Faire NFS, VS, CRP et TSH Reprendre interrogatoire et examen clinique Si l'urticaire persiste : consultation spécialisée
Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite à tenir pour la prise en charge d’une urticaire chronique (adapté des recommandations de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé [Anaes]). NFS : numération formule sanguine ; VS : vitesse de sédimentation ; CRP : C reactive protein ; TSH : thyroid stimulating hormone.
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Traité de Médecine Akos
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■ Références
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Pour en savoir plus http://www.sfdermato.com/. http://doccismef.chu-rouen.fr/html/nl/10/010348.html.
M. Vigan, Praticien hospitalier (
[email protected]). Unité fonctionnelle d’allergologie, Département de dermatologie, Hôpital Saint-Jacques, 25030 Besançon cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Vigan M. Urticaire. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 1-1150, 2008.
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Livedo C. Francès Le livedo est une manifestation cutanée fréquente, définie par un érythème en « mailles de filet » d’origine vasculaire. L’affirmation du caractère physiologique ou pathologique du livedo est l’étape la plus difficile ; elle repose sur ses caractéristiques, la présence d’autres lésions dermatologiques et le contexte clinique. Les livedos d’origine vasomotrice sont réticulés, à mailles régulières et fines. Le plus fréquent est le livedo physiologique, typiquement sur peau claire, non infiltré, déclive, souvent associé à une acrocyanose et une hypersudation. Les livedos par obstruction vasculaire sont irréguliers, ramifiés avec des causes multiples. Les mécanismes physiopathologiques font intervenir essentiellement des thromboses, des embolies ou une vascularite. La multiplicité de ces causes rend illusoire la conception d’un bilan systématique à pratiquer devant un livedo permanent de l’adulte. La biopsie cutanée n’est généralement contributive qu’en présence d’une infiltration ou d’autres lésions dermatologiques. Le livedo des embolies de cristaux de cholestérol est de couleur rouge foncé, douloureux et associé à d’autres lésions dermatologiques telles que des orteils pourpres et des nécroses. À l’opposé, le livedo du syndrome de Sneddon est généralement rouge, isolé et généralisé, précédant souvent de plusieurs années les accidents vasculaires cérébraux. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Livedo ; Syndrome de Sneddon ; Embolies multiples de cholestérol ; Thrombose ; Vascularite ; Calciphylaxie
Plan ¶ Introduction
1
¶ Poser le diagnostic de livedo
1
¶ Déterminer les caractéristiques du livedo
1
¶ Apprécier le contexte clinique
2
¶ Déterminer les causes du livedo Livedo réticulé Livedo ramifié
2 2 3
¶ Conclusion
6
■ Introduction Le livedo est défini comme une érythrocyanose réticulée d’origine vasculaire [1]. L’aspect clinique du livedo s’explique par la disposition anatomique de la microcirculation cutanée délimitée en unités vasculaires fonctionnelles. Chacune d’entre elles forme un cône à base épidermique alimenté en son sommet par une artère dermique profonde. La délimitation en surface est réalisée par les plexus veineux. Le livedo, reflet de la stase sanguine dans les plexus veineux, peut être secondaire à une perturbation vasomotrice primitive locale ou générale, un obstacle veineux d’aval ou une pathologie vasculaire obstructive dermohypodermique (thrombose, embolie, vascularite). Manifestation cutanée fréquente, le plus souvent physiologique, le livedo peut, dans certains cas, être un symptôme Traité de Médecine Akos
annonciateur ou révélateur de maladies systémiques plus ou moins sévères. L’interrogatoire et l’examen clinique sont les examens clés du diagnostic étiologique [2].
■ Poser le diagnostic de livedo Le livedo est une dermatose réticulée, dessinant des mailles de filet, d’origine vasculaire. De nombreuses autres dermatoses, d’origine non vasculaire, peuvent prendre un aspect réticulé, pouvant poser des problèmes diagnostiques avec un livedo. La plus fréquente d’entre elles est la « dermite des chaufferettes » (ou erythème a calore), liée à une exposition chronique à une source de rayonnement infrarouge. La pigmentation réticulée, initialement rouge, laisse place à une pigmentation brune lentement régressive avec l’arrêt de l’exposition [2]. Autrefois provoquée par les bouillottes, elle est plus souvent observée maintenant sur les cuisses, provoquée par la chaleur dégagée de l’ordinateur portable ou après maintien prolongé trop proche de radiateurs.
■ Déterminer les caractéristiques du livedo En 1907, Ehrmann(in [3]) a introduit le terme de « livedo racemosa » (livedo ramifié) pour décrire un livedo ramifié à mailles irrégulières formant des ramifications ou des cercles ouverts par opposition au « livedo reticularis » (livedo réticulé), à mailles fines, régulières et formant des cercles complets. Dans la littérature anglo-saxonne, les livedos ramifiés et réticulés sont
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dénommés « livedo reticularis » à condition qu’ils soient pathologiques par opposition au livedo physiologique dénommé « cutis marmorata » [4]. Cette distinction entre livedo ramifié et réticulé n’a pas qu’un intérêt théorique puisque tous les livedos ramifiés sont pathologiques alors que les livedos réticulés peuvent être physiologiques ou pathologiques. L’examen d’un livedo doit se faire sous un bon éclairage, de préférence sur le tronc ou les fesses et debout. En effet, le livedo physiologique étant très fréquent, notamment sur peau claire, l’examen d’un livedo sur les membres est parfois difficile en raison de l’intrication avec un livedo physiologique. Devant tout livedo, les cinq éléments suivants sont à préciser : aspect réticulé ou ramifié ; topographie sur les zones uniquement déclives ou au contraire sur des zones non contiguës caractérisant le livedo suspendu ; présence d’une infiltration à la palpation de toutes les zones atteintes (sur les mailles ou entre les mailles) ; âge de début et circonstances d’apparition (thermosensibilité, orthostatisme, livedo permanent), en sachant que tout livedo peut être thermosensible et n’apparaître que dans certaines positions, qu’il soit physiologique ou pathologique [2]. La présence d’autres lésions dermatologiques constitue un argument supplémentaire pour le caractère pathologique du livedo. On recherche par exemple des zones de nécroses ou de purpura, des nodules, des lésions atrophiques ou cicatricielles, des hémorragies sous-unguéales ou un orteil pourpre. Tout livedo d’apparition tardive, ramifié, suspendu et/ou infiltré doit être considéré comme pathologique [2].
Tableau 1. Causes principales des livedos selon le mécanisme physiopathologique prédominant. Troubles vasomoteurs Livedo physiologique Bas débit circulatoire Amantadine Maladies neurologiques Thromboses Anomalies de la coagulation - déficit congénital en protéine S - déficit congénital en protéine C - déficit congénital en antithrombine - mutation du facteur V (facteur V Leiden) - mutation du facteur II (prothrombine) - afibrinogénémie et dysfibrinogénémie congénitales - hyperhomocystéinémie - thrombopénies immunoallergiques induites par l’héparine - nécrose cutanée aux antivitamines K avec déficit en protéine C ou S - syndrome des antiphospholipides - coagulation intravasculaire disséminée Syndromes myéloprolifératifs Cryopathies - cryoglobulinémie monoclonale (type I) - cryofibrinogénémie
■ Apprécier le contexte clinique
[2]
Cette étape est fondamentale pour éviter des examens inutiles. Tous les antécédents familiaux et personnels doivent être notés. L’interrogatoire s’attache à préciser notamment les antécédents cardiovasculaires (hypertension artérielle [HTA], valvulopathie, athérosclérose, thrombophlébites, malaises et pertes de connaissance, etc.), neurologiques (migraines, accidents vasculaires cérébraux [AVC] ischémiques transitoires ou constitués, crises convulsives, etc.), oculaires (diplopie brutale, amaurose, etc.), néphrologiques (insuffisance rénale chronique ; épisode de calculs urinaires, etc.), digestifs, gynéco-obstétricaux (fausses couches spontanées avec leurs termes de survenue ; déroulement des grossesses : HTA gravidique, éclampsie ; prématurité). Un examen clinique complet est indispensable.
■ Déterminer les causes du livedo Les principales causes de livedo, en fonction du mécanisme physiopathologique prédominant, sont reportées sur le Tableau 1.
- maladie des agglutinines froides Oxalose primitive Calcifications sous-cutanées par troubles du métabolisme phosphocalcique (calciphylaxie, hyperparathyroïdie primitive) Tableaux cliniques avec divers facteurs prothrombotiques - atrophie blanche - syndrome de Sneddon Embolies Embolies fibrinocruoriques, septiques d’origine cardiaque ou vasculaire Embolies de cholestérol Embolies gazeuses Embolies graisseuses Embolies tumorales Myxome Dermite livédoïde de Nicolau Vascularites : quelle que soit la cause, surtout Périartérite noueuse Cryoglobulinémies mixtes (types II et III)
Livedo réticulé Le caractère réticulé du livedo oriente vers un trouble vasomoteur. Le livedo physiologique est facile à éliminer du fait de son caractère déclive, thermosensible (aggravé par le froid), sans infiltration ou autre lésion dermatologique en dehors d’une acrocyanose souvent marquée avec hypersudation. Généralement, il prédomine sur les membres mais peut être généralisé (Fig. 1). Il est parfois associé à une anorexie [2]. Il ne nécessite aucun examen complémentaire. Les autres livedos réticulés sont aisément diagnostiqués grâce aux contextes cliniques dans lesquels ils apparaissent. Ainsi, en cas de bas débit circulatoire, le livedo, de très mauvais pronostic, est en rapport avec une baisse de la perfusion tissulaire globale dans un contexte souvent connu (choc cardiogénique, hypovolémique ou septique) [2]. Chez les parkinsoniens traités par amantadine, un livedo survient en quelques semaines dans 2 % à 90 % des cas, ne justifiant pas l’arrêt du traitement [3]. Il est plus fréquemment localisé aux membres inférieurs, mais également au tronc et aux membres supérieurs. Il disparaît en quelques semaines après l’arrêt de l’amantadine.
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Figure 1.
Livedo physiologique des cuisses à mailles fermées régulières.
Au cours des maladies neurologiques, sont observés des livedos de stase sur membre à mobilité réduite et des livedos plus diffus par atteinte des centres neurovégétatifs régulant la vasodilatation cutanée [2]. Traité de Médecine Akos
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Point fort
Le livedo physiologique est déclive, thermosensible (aggravé par le froid), sans infiltration ou autre lésion dermatologique en dehors d’une acrocyanose souvent marquée avec hypersudation. Généralement, il prédomine sur les membres mais peut être généralisé. Il ne nécessite aucun examen complémentaire.
Livedo ramifié Il oriente vers une pathologie obstructive par atteinte endoluminale ou pariétale. Il est classique de différencier les livedos par thrombose, vascularite ou embolie. Cette classification a un intérêt didactique en sachant qu’elle repose sur le mécanisme pathologique prédominant avec cependant souvent intrication secondaire de ces lésions histologiques et possibilité d’une vasodilatation satellite réactionnelle [2].
Livedo par thrombose Il est soit associé à des lésions nécrotiques généralement douloureuses, soit isolé de diagnostic plus difficile, orienté par l’aspect et le contexte cliniques. Lorsqu’il existe des lésions nécrotiques La biopsie cutanée est généralement contributive à condition qu’elle soit profonde, faite au bistouri à cheval sur la zone nécrotique et la peau adjacente souvent purpurique. Elle met en évidence une thrombose plus ou moins étendue des vaisseaux dermiques avec souvent un discret infiltrat lymphocytaire périvasculaire, ne devant pas faire porter à tort le diagnostic de vascularite. Parfois, une prolifération vasculaire réactionnelle ou angioendothéliomatose peut masquer la thrombose, notamment dans l’atrophie blanche idiopathique, d’où la nécessité de répéter les biopsies cutanées. Dans quelques cas, la présence de cristaux biréfringents en lumière polarisée ou de calcifications artériolaires ou dermiques profondes oriente vers une oxalose primitive [4, 5] ou un phénomène de calciphylaxie [6].
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Point fort
Lorsqu’il existe des lésions nécrotiques ou une infiltration, la biopsie cutanée est généralement contributive à condition qu’elle soit profonde, faite au bistouri à cheval sur la zone nécrotique et la peau adjacente souvent purpurique ou sur la zone infiltrée.
Une fois le diagnostic de thrombose cutanée confirmé par l’examen anatomopathologique, la recherche de facteurs prothrombotiques est hiérarchisée en fonction du tableau clinique et des antécédents personnels et familiaux. La découverte d’un de ces facteurs n’exclut pas l’intervention d’autres facteurs associés, car fréquents dans la population générale (mutation du facteur V Leiden, mutation G20212A de la prothrombine, élévation des facteurs VIII, IX, XI, hyperhomocystéinémie), ni la recherche de conditions favorisantes telles que la prise d’estroprogestatifs (contraception orale, traitement hormonal), le tabagisme, la grossesse, la chirurgie ou l’immobilité prolongée [7]. Certains tableaux cliniques orientent vers une ou plusieurs anomalies thrombotiques. Ainsi les nécroses extensives localisées principalement sur les membres et le visage ont été rapportées en association avec des antiphospholipides (aPL), un cryofibrinogène, une cryoglobuline monoclonale. Un facteur déclenchant est souvent présent : infection ou poussée lupique pour les Traité de Médecine Akos
Figure 2. Nécrose avec ébauche d’atrophie et livedo chez une femme avec atrophie blanche idiopathique.
nécroses associées aux aPL, le froid pour les nécroses associées aux cryoglobulines monoclonales ou au cryofibrinogène. Le livedo de la maladie des agglutinines froides est également déclenché par le froid, présent dans 10 % des cas. Il s’agit le plus souvent d’une immunoglobuline M (IgM) monoclonale kappa responsable d’une anémie hémolytique auto-immune. Des plaques nécrotiques en regard des zones graisseuses orientent plus vers des thromboses aux antivitamines K (AVK) (déficit en protéines C et S souvent associé) ou aux héparines, non systématiquement associées à une thrombopénie (anticorps antiPF4). Le caractère distal, douloureux et symétrique du livedo avec nécrose sur les mailles oriente vers un syndrome myéloprolifératif. Parfois, il est asymétrique et inaugural justifiant une numération-formule sanguine (NFS) à la recherche d’une polyglobulie ou d’une thrombocythémie [8]. Il s’y associe souvent d’autres manifestations dermatologiques [9], liées à la thrombopathie (hématomes, ecchymoses, pétéchies, purpura) ou à l’hyperplaquettose (érythromélalgie, ulcère des membres inférieurs, gangrène ischémique distale, prurit, thrombophlébite superficielle, acrocyanose, phénomène de Raynaud, syndrome de l’orteil bleu [10]). Le plus souvent, l’hémopathie est déjà connue et traitée ; un chiffre normal de plaquettes n’exclut pas cette cause du fait de la thrombopathie associée.
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Point fort
Le caractère distal, douloureux et symétrique du livedo avec nécrose sur les mailles oriente vers un syndrome myéloprolifératif.
Des nécroses cutanées circonscrites récidivantes des membres inférieurs chez une femme de 45 ans, avec une évolution par poussées et des cicatrices stellaires, porcelainées, à bordures télangiectasiques et pigmentées (Fig. 2) orientent vers une vascularite livédoïde ou atrophie blanche [11]. Le livedo est généralement limité également aux membres inférieurs. L’intensité de la douleur est parfois expliquée par une neuropathie sensitive induite par le même mécanisme thrombotique ou une vascularite associée [11, 12]. L’élimination d’une insuffisance veineuse responsable est indispensable avant la recherche d’un facteur prothrombotique. Le traitement est difficile, différent selon chaque cas : antiagrégant, héparine de bas poids moléculaire, AVK, etc. Ailleurs, le contexte clinique est l’élément dominant du diagnostic. La survenue d’un livedo aigu nécrotique, ulcéré, douloureux, extensif des extrémités et du tronc chez un insuffisant rénal chronique doit faire évoquer systématiquement le processus de calciphylaxie [13].
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2-0680 ¶ Livedo
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Point fort
La survenue d’un livedo aigu nécrotique, ulcéré, douloureux, extensif des extrémités et du tronc chez un insuffisant rénal chronique doit faire évoquer systématiquement le processus de calciphylaxie.
Ce phénomène rare, grave (60 % de décès) [13] et de physiopathologie encore mal connue [6], consiste en un dépôt aigu de calcium dans les tissus interstitiels de patients dans un contexte particulier (hyperparathyroïdie, troubles de la coagulation) [6]. Le produit phosphocalcique (en mg/dl) est supérieur à 60 avec une élévation de la parathormone. Une parathyroïdectomie peut faire disparaître le livedo avec amélioration de l’état général et normalisation du bilan biologique [6]. L’oxalose, qu’elle soit primitive (responsable alors de l’insuffisance rénale et d’un livedo) ou secondaire à l’insuffisance rénale, en est le principal diagnostic différentiel [5]. L’existence d’une insuffisance rénale progressive depuis l’enfance, ainsi que des antécédents de maladie lithiasique urinaire et de néphrocalcinose orientent vers une maladie rare autosomique récessive du métabolisme du glyoxylate : l’oxalose primitive (ou hyperoxaliurie primitive), responsable d’une précipitation de cristaux d’oxalate de calcium dans les tissus. Une élévation des taux d’oxalate et d’acide glycolique est détectée dans les urines de 24 heures. Cependant, le diagnostic peut ne pas être évoqué au stade d’insuffisance rénale car l’oxalurie, élevée en début de maladie, se normalise au fil de l’installation de l’insuffisance rénale [4, 5, 14]. À ce stade, le diagnostic d’oxalose secondaire à l’insuffisance rénale peut être posé.
Figure 3. Livedo ramifié du tronc non infiltré, non nécrotique, évocateur de syndrome de Sneddon sans anticorps antiphospholipides du fait de l’épaisseur des mailles.
disease research laboratory [VDRL]) est réalisée en sachant que cette recherche est le plus souvent négative en présence d’un livedo à larges mailles avec une largeur des embranchures supérieure à 1 cm (Fig. 3). Les autres facteurs thrombotiques sont recherchés en fonction des antécédents familiaux et de la présence d’un traitement approprié (hyperhomocystéinémie par exemple). Une échographie cardiaque s’attache à visualiser un épaississement valvulaire aortique ou mitral, dont la fréquence élevée est similaire en présence ou absence d’anticorps aPL. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale n’est faite qu’en présence d’aPL ou d’anomalies à l’échographie cardiaque. L’intérêt d’une prévention primaire par antiagrégant plaquettaire en l’absence de tout accident ischémique et d’anomalie valvulaire, qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas d’aPL, n’a jamais été démontré bien que ce traitement soit souvent préconisé. En présence d’un accident ischémique ou d’anomalies valvulaires, un traitement antiagrégant plaquettaire est recommandé en l’absence d’aPL et un traitement anticoagulant en leur présence avec un international normalized ratio (INR) supérieur ou égal à 3. Les autres facteurs de risque vasculaires sont combattus (traitement d’une HTA, tabagisme, estroprogestatif, etc.). En l’absence d’aPL, le traitement antiagrégant est remplacé par un traitement anticoagulant en cas de nouvel accident ischémique sous traitement antiagrégant bien conduit. Tous ces traitements n’ont aucun effet sur le livedo.
Lorsque le livedo n’est ni nécrotique ni infiltré Le diagnostic est très difficile. La biopsie cutanée sur ou entre les mailles est généralement peu contributive, réalisée surtout en cas de livedo ramifié limité aux membres inférieurs pour ne pas passer à côté d’une vascularite. Lorsque la biopsie ne révèle pas d’anomalie significative, une surveillance dermatologique annuelle est souhaitable du fait d’une évolution ascendante possible du livedo. Il est indispensable de ne pas traumatiser psychologiquement les malades du fait du caractère incertain de l’évolution. En cas d’atteinte des membres associée à une atteinte du tronc et/ou des fesses est suspecté d’emblée un livedo de syndrome de Sneddon (SNS) pouvant précéder de nombreuses années les accidents ischémiques cérébraux (AIC).
Livedo par embolies
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Point fort
Un livedo non infiltré, non nécrotique, atteignant les quatre membres mais aussi le tronc et/ou les fesses fait évoquer un livedo de syndrome de Sneddon pouvant précéder de nombreuses années les AIC.
Ceux-ci sont recherchés attentivement par un interrogatoire orienté notamment sur les accidents oculaires. La présence de migraines, très fréquentes dans ce contexte, complique l’interrogatoire étant donné les difficultés du diagnostic différentiel entre une migraine accompagnée et un accident ischémique transitoire (AIT) [15]. Une HTA est traitée. La biopsie cutanée est généralement inutile. La recherche d’aPL (anticorps anticardiolipine, anticoagulant lupique, anticorps anti-bêta-2 glycoprotéine 1, Treponema pallidum haemagglutination assay [TPHA]-venereal
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Il survient dans des contextes particuliers. La biopsie cutanée est généralement contributive au diagnostic à condition qu’elle soit assez profonde. En l’absence de diagnostic précis, l’échographie cardiaque est souvent utile. Ainsi, la maladie des emboles de cholestérol (MEC) apparaît classiquement chez toute personne à haut risque d’athérosclérose (âge, dyslipidémie, tabagisme, HTA, diabète, etc.) [16], dans les semaines qui suivent un geste invasif (cathétérisme artériel, chirurgie cardiaque ou artérielle), la mise en route d’un traitement anticoagulant ou fibrinolytique [17], voire spontanément, le facteur déclenchant n’étant mis en évidence que dans 30 % des cas [16]. Le livedo est présent dans près de 50 % des cas de MEC [18, 19], pouvant exceptionnellement n’être visible qu’en orthostatisme [20]. Sa couleur est rouge pourpre foncé, avec une topographie dépendant du territoire vascularisé en aval de la plaque d’athérome responsable. Il est douloureux, rarement isolé, généralement associé à des lésions nécrotiques non spécifiques et à des orteils pourpres (blue-toe), évocateurs de MEC. Une atteinte systémique est possible en rapport avec des migrations Traité de Médecine Akos
Livedo ¶ 2-0680
d’emboles dans différents organes (rein, cerveau, etc.) ou un mécanisme immunologique satellite (hémorragies intraalvéolaires). Les emboles peuvent être visualisés au fond d’œil en cas de plaques emboligènes localisées sur les troncs supraaortiques. Ils apparaissent sous la forme de fentes lancéolées dans les artérioles de la jonction dermohypodermique sur les biopsies prélevées de préférence sur les lésions nécrotiques plutôt que sur le livedo (sur les mailles ou entre les mailles). Le risque de nécrose secondaire à ces biopsies est minime en l’absence d’atteinte artérielle majeure des gros troncs jambiers. Une biopsie musculaire quadricipitale faite à l’aveugle aurait également une bonne rentabilité (> 90 %) [21]. En cas d’atteinte rénale, les cristaux peuvent également être visibles sur la biopsie rénale, dangereuse sur ce terrain. Quelle que soit l’origine du prélèvement, la mise en évidence d’une vascularite ou d’une thrombose n’élimine pas le diagnostic mais incite à faire des recoupes ou un nouveau prélèvement si la suspicion clinique est forte. L’étendue du spectre clinique des embolies de cristaux de cholestérol, allant des formes cutanées isolées aux formes systémiques rapidement mortelles, explique les difficultés de l’analyse prospective ou rétrospective des traitements. Il n’existe aucune preuve d’efficacité des traitements médicaux. Aussi les traitements sont-ils essentiellement symptomatiques. Les formes cutanées limitées s’améliorent souvent spontanément avec des soins locaux éventuellement associés à une hémodilution, voire des dérivés des prostacyclines en cas de nécrose distale pour tenter de limiter les amputations. L’HTA est traitée par des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. L’effet bénéfique des corticoïdes dans les formes systémiques a été signalé avec même une corticodépendance dans certaines observations [22]. Théoriquement, les anticoagulants doivent être arrêtés car ils sont considérés comme des facteurs favorisants. Or leur arrêt n’influence l’évolution des emboles de cristaux que dans des observations privilégiées [23, 24] . Leur maintien, lorsqu’ils sont indispensables, ne s’accompagne pas systématiquement d’une aggravation du tableau clinique [25]. La prudence justifie cet arrêt dans tous les cas où l’indication n’en est pas impérative. Les antiagrégants ne semblent pas avoir les mêmes inconvénients. Les indications du traitement chirurgical ne sont pas modifiées par la présence des embolies de cristaux de cholestérol. Des cas d’embolies fibrinocruoriques ou septiques peuvent être observés en présence d’une cardiopathie emboligène, d’une endocardite, de thrombose ou d’infection d’une prothèse vasculaire ou après un geste endovasculaire [25]. Les livedos des embolies gazeuses (accident de décompression ou maladie des caissons [2]) et des embolies graisseuses (polytraumatisme avec fracture osseuse) surviennent dans des contextes stéréotypés. Il en est de même pour la dermite livédoïde de Nicolau (ou embolia cutis medicamentosa) survenant après n’importe quelle injection intramusculaire [26]. Par analogie, la toxicomanie intraveineuse peut entraîner des tableaux similaires de livedo nécrotique [27]. Des antécédents néoplasiques doivent faire évoquer la possibilité exceptionnelle de métastases cutanées, aisément confirmées par la biopsie cutanée [28]. Une éruption papulaire acrale avec claudication, des lésions violacées serpigineuses et annulaires pulpaires, un érythème et des pétéchies des mains et des pieds orientent vers un myxome de l’oreillette parfois méconnu. Diverses manifestations cardiovasculaires, parfois pseudosyncopales, mais aussi simulatrices d’une endocardite bactérienne, des embolies systémiques et des anévrismes artériels de topographie variable peuvent être associés [29]. Le diagnostic est plus facile en présence de divers syndromes associés au myxome (syndrome de Carney ; myxoma syndrome : myxome cardiaque, lentigines du visage et du tronc, tumeurs myxoïdes périphériques, neurofibromes, tumeurs endocrines). La biopsie cutanée, faite sur les mailles et entre les mailles, objective inconstamment les embolies myxomateuses colorées au bleu alcian [30-32]. Parfois ne sont observées qu’une vascularite ou des thromboses. Le livedo du myxome de Traité de Médecine Akos
Figure 4. Livedo ramifié et infiltré au cours d’une périartérite noueuse cutanée.
l’oreillette se résout en 3 mois. Le diagnostic de myxome est posé par l’échographie cardiaque. Le traitement chirurgical permet une disparition des symptômes.
Livedo des vascularites Quels qu’en soient la cause et le niveau d’atteinte vasculaire (artériole de moyen calibre ou veinule postcapillaire), qu’elles soient isolées ou associées à une connectivite, avec ou sans aPL, toutes les vascularites peuvent être responsables d’un livedo par un mécanisme souvent mixte (inflammation pariétale et thrombose intraluminale) [2]. La biopsie profonde au bistouri d’une zone infiltrée ou nécrotique pose le diagnostic de vascularite et peut aider à orienter vers l’étiologie : vascularite nécrosante des artères de moyen calibre orientant vers une périartérite noueuse (PAN), atteinte des veinules dermiques superficielles et profondes lors des cryoglobulinémies mixtes [2]. Périartérite noueuse C’est la principale cause de livedo au sein des vascularites. Le livedo est suspendu, inflammatoire, infiltré par endroit à la palpation, situé sur les membres inférieurs (Fig. 4) et parfois les membres supérieurs. On estime sa prévalence entre 56 % et 78 % des cas dans les PAN cutanées isolées [2]. Habituellement, la palpation soigneuse permet de repérer quelques zones infiltrées qui doivent être biopsiées au bistouri pour mettre en évidence la vascularite nécrosante des artérioles hypodermiques. Une vascularite des petits vaisseaux peut être associée, exceptionnellement isolée. D’autres manifestations cutanées peuvent accompagner le livedo, telles que des nodules en dehors des zones de livedo, des nécroses cutanées, des ulcérations, un purpura ou des œdèmes segmentaires [2]. Fièvre, arthralgies, myalgies, mononeuropathie périphérique multiple, douleurs abdominales orientent vers une PAN systémique. Un livedo est présent dans 17 % des PAN systémiques et 12 % des polyangéites microscopiques [33].
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Point fort
Un livedo suspendu, inflammatoire, infiltré par endroit à la palpation sur les membres inférieurs et parfois les membres supérieurs est évocateur de PAN.
Cryoglobulinémies mixtes Les cryoglobulinémies mixtes de types II et III à activité facteur rhumatoïde peuvent s’accompagner respectivement de
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2-0680 ¶ Livedo
Livedo ramifié
Nécrose
Thrombose
Embolie
Infiltration
Vascularite
Biopsie de la nécrose Figure 5.
Embolie
Vascularite
Établir un algorithme décisionnel (Fig. 5) devant un livedo est impossible à réaliser tant le contexte clinique conditionne complètement l’attitude diagnostique. Seule une analyse fine sémiologique du livedo associée à un examen clinique complet et à un interrogatoire « policier » concernant les antécédents personnels et familiaux peut permettre d’orienter le diagnostic. La biopsie est préconisée en présence d’un livedo infiltré ou nécrotique ou associé à d’autres lésions cutanées, alors de préférence sur ces lésions associées. Elle est peu contributive en l’absence de ces caractéristiques. Un livedo ramifié, isolé, atteignant les quatre membres et le tronc est évocateur de livedo de syndrome de Sneddon, d’où la nécessité d’une surveillance clinique au long cours.
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■ Références
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6
Pas de biopsie
Arbre décisionnel. Place de la biopsie devant un livedo ramifié.
■ Conclusion
[2]
Syndrome de Sneddon
Biopsie de l'infiltration
livedo dans 22 % et 20 % des cas dans le cadre d’une vascularite [2]. Il existe le plus souvent également un purpura vasculaire plus ou moins nécrotique. Ont également été décrits des nécroses cutanées des extrémités, du nez et des oreilles, une urticaire au froid, un phénomène de Raynaud. Les manifestations cutanées peuvent être aggravées au froid. Histologiquement, la vascularite prédomine sur les veinules du derme superficiel ou profond [2]. Elle précède souvent les atteintes rénales (HTA, protéinurie, syndrome néphrotique ou néphritique) et neurologiques (neuropathie périphérique). Des arthralgies, des douleurs abdominales et une atteinte pulmonaire sont également possibles. La cryoglobulinémie de type II accompagne principalement les infections par l’hépatite C, mais aussi le myélome, la maladie de Waldenström, des lymphomes non hodgkiniens et des maladies auto-immunes (lupus, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Gougerot-Sjögren). La cryoglobulinémie de type III s’observe, quant à elle, lors d’infection virale aiguë ou chronique (hépatite C, etc.), d’infections bactériennes diverses, de maladies auto-immunes et de néoplasies. Parfois cependant, aucune cause ne peut être mise en évidence. Du fait de leurs propriétés biochimiques, le dosage des cryoglobulinémies doit être réalisé dans des conditions particulières, au mieux directement au laboratoire, et doit parfois être répété en cas de négativité.
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Isolé « pur »
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Livedo ¶ 2-0680
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Pour en savoir plus Francès C. Livedo. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Dermatologie, 98-552-A-10, 2010.
C. Francès (
[email protected]). Service de dermatologie-allergologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Francès C. Livedo. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0680, 2010.
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Cas clinique
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Ulcères de jambe E. Grynberg Laloum, P. Senet La prévalence des ulcères de jambe est estimée entre 0,5 et 1 % de la population générale et à 3 % des sujets de plus de 65 ans. Une insuffisance veineuse est retrouvée chez 57 à 82 % des patients porteurs d’une plaie de jambe. Les plaies ischémiques représentent 10 à 30 % des ulcères. Environ 10 % des ulcères sont de cause plus rare comme une angiodermite nécrotique. La physiopathologie des ulcères veineux est probablement liée à une microangiopathie et à des anomalies cellulaires induites par l’insuffisance veineuse. La prise en charge des ulcères de jambe est maintenant bien codifiée par la Haute Autorité de santé. Le diagnostic étiologique des ulcères de jambe est essentiellement clinique. La prise des pressions distales et l’échodoppler veineuse et/ou artérielle sont des examens complémentaires essentiels pour le pronostic et le traitement des ulcères. D’autres examens plus spécialisés comme la réalisation d’une artériographie, de patch-tests épicutanés sont indiqués en fonction du terrain et de l’examen clinique. Les complications les plus fréquentes sont infectieuses. Le traitement étiologique est primordial : compression veineuse associée si possible à une chirurgie en cas d’ulcères veineux, reperméabilisation artérielle en cas d’ulcères ischémiques. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Ulcères de jambe ; Insuffisance veineuse ; Artériopathie des membres inférieurs ; Index de pression systolique ; Compression veineuse ; Revascularisation artérielle
Plan ■
Introduction
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Définition
1
■
Épidémiologie
2
■
Prévalence des différentes étiologies des ulcères de jambe
2
■
Physiopathologie Microangiopathie induite par l’insuffisance veineuse Anomalies moléculaires et cellulaires au cours de l’ulcère de jambe veineux
2 2
■
Diagnostic clinique Interrogatoire Examen clinique Mesure de l’index de pression systolique
3 3 3 4
■
Examens complémentaires Examens vasculaires Examens sanguins Prélèvement bactériologique Biopsies Patch-tests
4 4 4 5 5 5
■
Diagnostics différentiels des ulcères vasculaires
5
■
Pronostic Pronostic des ulcères veineux Pronostic des ulcères artériels
5 5 6
■
Complications Complications locales Complications générales
6 6 7
Traitements non spécifiques de l’étiologie de l’ulcère Traitements locaux Mesures associées
7 7 8
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EMC - Traité de Médecine Akos Volume 10 > n◦ 1 > janvier 2015 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(14)56174-1
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Traitement étiologique des ulcères Traitement des ulcères veineux Traitement étiologique des ulcères artériels Traitement étiologique des ulcères mixtes
■
Traitement préventif
1
2
8 8 9 9 10
Introduction La prévalence des plaies chroniques de jambe dans la population générale est élevée, de l’ordre de 0,5 à 1 %. Les ulcères veineux comme les ulcères artériels sont des pathologies chroniques de coût social élevé. Le traitement étiologique est essentiel, c’est celui de l’insuffisance veineuse et/ou de l’insuffisance artérielle. La compression veineuse est indispensable à la prise en charge de l’ulcère veineux. L’ulcère artériel est une complication de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) et nécessite donc une correction des facteurs de risque associés (diabète, tabac, hypertension artérielle, etc.). Le traitement local de l’ulcère de jambe comme les traitements systémiques sont des traitements pour l’instant adjuvants. La Haute Autorité de santé (HAS) a récemment établi des recommandations sur la prise en charge des ulcères à prédominance veineuse [1] .
Définition L’ulcère de jambe est une plaie d’évolution chronique, sans aucune tendance spontanée à la guérison, siégeant sur la jambe ou le dos du pied. Cette définition exclut les maux perforants plantaires ou ulcères diabétiques, siégeant sous le pied. Le caractère chronique de l’évolution est relatif : la plaie est d’emblée considérée comme « chronique » lorsqu’il s’agit d’une récidive
1
2-0690 Ulcères de jambe
d’un ulcère de jambe. Lorsqu’il s’agit d’un premier épisode, on considère qu’une plaie est chronique quand la guérison n’est pas obtenue au bout de quatre à six semaines.
Épidémiologie Des études épidémiologiques sont disponibles en Europe mais pas en France. La prévalence dans la population générale est au mieux déterminée par des enquêtes par courrier ou par téléphone sur des échantillons représentatifs de la population. La question posée est simple : « êtes-vous porteur d’une plaie chronique sur la jambe ? » Ces enquêtes sont ensuite couplées à un examen systématique d’un large échantillon de la population jointe par téléphone ou par courrier pour corriger les chiffres et éliminer les faux positifs, comme des pathologies cutanées autres que des ulcères, ou des plaies de jambe évoluant depuis moins de quatre semaines. Cette méthodologie permet de comptabiliser les patients porteurs d’ulcères de jambe évolutifs et qui n’ont pas accès aux structures sanitaires. Ainsi, 50 à 60 % des patients souffrant d’ulcères de jambe se soigneraient eux-mêmes, échappant aux structures hospitalières, aux infirmières et aux médecins libéraux. La prévalence de la maladie ulcéreuse est estimée à 0,045 à 0,63 % [1] de la population générale. Cette prévalence augmente avec l’âge jusqu’à atteindre 3 % chez les sujets de plus de 80 ans [2] . La prédominance féminine est nette (sex-ratio homme/femme de 1/2 à 1/3), à tous les âges. Toutefois, les études récentes, ajustées à l’âge, montrent une prévalence féminine moins forte, de l’ordre de 1/1,6 [1] . Le taux de récurrence et la durée d’évolution sont élevés, particulièrement pour les ulcères d’origine veineuse : 24 à 54 % des ulcères évolueraient depuis plus de un an. En Angleterre, le coût par patient pour le traitement à domicile d’un ulcère veineux est de 860 livres sterling par an [3] . En France, une étude récente estime le coût moyen de la prise en charge globale d’un ulcère de jambe à 888 euros (5827 francs) par mois, consultation, soins et traitement compris [4] .
Prévalence des différentes étiologies des ulcères de jambe Les ulcères de jambe ont une étiologie vasculaire dans la grande majorité des cas. Les ulcères de jambe d’autre origine sont rares et discutés en diagnostic différentiel. Une insuffisance veineuse est retrouvée chez 57 à 82 % des patients porteurs de plaies chroniques de jambe dont 13 à 20 % de plaies d’origine mixte, ischémique et veineuse [3] . Les plaies ischémiques représentent 10 à 30 % des ulcères. Dans les insuffisances veineuses, on retrouve 50 à 60 % de syndromes post-thrombotiques et 40 à 50 % d’insuffisance veineuse superficielle. Environ 10 % des ulcères de jambe seraient dus à une angiodermite nécrotique, c’est-à-dire à une ischémie cutanée consécutive à une artériolosclérose des vaisseaux du derme moyen, chez les patients hypertendus [5] . Classiquement, dans cette étiologie, il n’existe pas d’artériopathie significative des gros vaisseaux de la jambe.
Physiopathologie La physiopathologie des ulcères de jambe est mal connue sur le plan cellulaire et moléculaire, sauf pour l’ulcère de jambe veineux, qui est détaillé ici.
Microangiopathie induite par l’insuffisance veineuse Trois grandes hypothèses ont été proposées pour la physiopathologie de l’insuffisance veineuse dont l’ulcère de jambe est le
2
“ Point fort L’angiodermite nécrotique représenterait 10 % des ulcères hospitalisés. Le terrain est celui d’une femme de plus de 60 ans, hypertendue dans 90 % des cas, diabétique dans un cas sur trois. L’ulcère est caractéristique. Il débute par une plaque nécrotique évoluant vers une ulcération superficielle, bordée d’un liseré livédoïde, purpurique. L’évolution est centripète. La douleur est majeure. Les pouls distaux sont perc¸us ou bien l’index des pressions systoliques (IPS) est supérieur à 0,8. La physiopathologie est peu connue. L’artériolosclérose des vaisseaux du derme, liée à l’hypertension artérielle, serait responsable d’une nécrose dermique superficielle. Le traitement communément admis est l’autogreffe cutanée, réalisée précocement.
stade ultime. L’importance relative de ces différents facteurs reste néanmoins discutée [6] . Au cours de l’insuffisance veineuse, des manchons de fibrine périvasculaires sont observés sur les capillaires et résulteraient d’une anomalie in situ de la fibrinolyse et de la coagulation. Ces manchons de fibrine seraient plus un marqueur d’anomalies de la microcirculation qu’une réelle cause de nécrose tissulaire. Ils pourraient cependant freiner les échanges métaboliques. Une margination puis une migration extravasculaire des leucocytes ont également été observées au niveau capillaire. C’est l’hypothèse du piégeage lymphocytaire dû à des anomalies rhéologiques de la microcirculation. L’activation de l’endothélium et des leucocytes serait responsable de la production d’enzymes protéolytiques, de radicaux libres et de cytokines pro-inflammatoires, aboutissant à une inflammation chronique péricapillaire, une altération endothéliale et une destruction tissulaire. Enfin, les anomalies de la paroi veineuse seraient responsables d’une extravasation de macromolécules, dont le fibrinogène. Ces macromolécules peuvent se lier et séquestrer les facteurs de croissance ou les protéines matricielles, agissant comme des facteurs inhibiteurs de la cicatrisation de la plaie.
Anomalies moléculaires et cellulaires au cours de l’ulcère de jambe veineux Plusieurs concepts ont émergé récemment sur des données recueillies in vivo et in vitro à partir de biopsies ou d’analyses d’exsudats d’ulcères veineux prélevés chez des patients. Ainsi, les rôles de certaines cytokines pro-inflammatoires (interleukine 1 [IL-1], tumor necrosis factor-␣[TNF−␣], IL-6) dans la survenue d’ulcères chroniques ont pu être déterminés [7] . Le TNF-␣, en particulier, semble impliqué à toutes les phases de la cicatrisation : il influence la synthèse de molécules d’adhésion cellulaires, favorise la prolifération kératinocytaire, stimule, in vivo, l’angiogenèse, peut également dans certaines conditions induire une apoptose cellulaire, participe au remodelage en stimulant la prolifération de fibroblastes, et influence la production de collagène. Dans les fibroblastes humains, TNF-␣ et IL-1 augmentent l’expression de la matrice de métalloprotéinases et diminue l’expression de ses inhibiteurs [7] . Les concentrations de cytokines pro-inflammatoires, en particulier le TNF-␣, sont élevées dans les exsudats des ulcères veineux et diminuent quand la plaie commence à cicatriser [8] . Il a également été mis en évidence une activité macrophagique anormale dans les tissus d’ulcères veineux responsable d’une inflammation chronique freinant le processus de cicatrisation. Sindrilaru a montré que la saturation en fer des macrophages retrouvée en zone ulcéreuse induisait une modification du phénotype macrophagique responsable d’un relargage de TNF-␣ et EMC - Traité de Médecine Akos
Ulcères de jambe 2-0690
Figure 2. Figure 1.
Botte sclérodermiforme dans le cadre d’un ulcère veineux.
Ulcère veineux fibrineux étendu.
de radicaux hydroxyles entraînant la sénescence des fibroblastes environnants [9] . Les fibroblastes cultivés à partir d’ulcères veineux ont en effet un phénotype de fibroblastes sénescents. Leur capacité à se multiplier in vitro est abaissée en comparaison avec celle de fibroblastes prélevés chez le même sujet en peau saine. L’activité mitogénique des exsudats de plaie chronique est très réduite quand elle est testée sur des cellules en culture, probablement en raison de la présence de facteurs inhibiteurs de la croissance des fibroblastes. L’activité protéasique globale et des métalloprotéinases dans les exsudats des ulcères veineux est plus élevée que dans les plaies aiguës et diminue quand les ulcères cicatrisent. Les protéases pourraient être responsables d’un retard de cicatrisation en dégradant les protéines nécessaires à la cicatrisation comme les protéines matricielles, les facteurs de croissance et leurs récepteurs. En immunohistochimie, sur des biopsies de peau en zone ulcéreuse, périulcéreuse et en zone saine, il n’a pas été montré de différence d’expressions des marqueurs d’apoptose cellulaire [10] .
Tableau 1. Classification internationale clinique–étiologique–anatomique–physiopathologique (CEAP) révisée en 2004. Stade clinique
Description clinique
1
Pas d’anomalie veineuse visible ou palpable
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Télangiectasies ou veines réticulaires
3
Œdème
4
Modifications cutanées : C4a : pigmentation et/ou eczéma C4b : lipodermatosclérose et/ou atrophie blanche
5
Ulcère cicatrisé
6
Ulcère non cicatrisé
Diagnostic clinique Interrogatoire L’interrogatoire doit permettre de rechercher des arguments orientant vers une étiologie veineuse, artérielle ou mixte de l’ulcère [1] . Les éléments orientant vers une origine veineuse sont : des antécédents personnels ou familiaux de varices des membres inférieurs et d’accidents thromboemboliques, des antécédents personnels de traumatisme importants ou de chirurgie de membre inférieur, des antécédents d’ulcères variqueux. La composante artérielle d’un ulcère doit être suspectée dès l’interrogatoire devant : l’existence de facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension artérielle, diabète, tabagisme, hypercholestérolémie, âge supérieur à 60 ans), l’existence d’autres localisations athéromateuses, la présence de signes fonctionnels d’AOMI (claudication intermittente, voire douleur de décubitus).
Examen clinique L’examen clinique doit rechercher des signes orientant vers une origine veineuse ou artérielle de l’ulcère.
Signes cliniques en faveur d’une étiologie veineuse L’ulcère veineux se présente classiquement comme une lésion superficielle, exsudative, peu douloureuse, située en zone périmalléolaire jusqu’au tiers inférieur du mollet (Fig. 1). Les signes associés à l’ulcère veineux devant être recherchés sont : l’œdème de la cheville, les télangiectasies, les veines réticulaires, la couronne phlébectasique de la cheville ou du pied, les varices, l’eczéma, la dermite ocre, la lipodermatosclérose, EMC - Traité de Médecine Akos
Figure 3.
Ulcère mixte surinfecté à Pseudomonas aeruginosa.
l’atrophie blanche, des limitations de l’amplitude de l’articulation de la cheville, et des cicatrices d’ulcères anciens (Fig. 2). Les signes d’insuffisance veineuse peuvent être classés selon la classification internationale clinique–étiologique–anatomique– physiopathologique (CEAP) révisée en 2004 [11] (Tableau 1). Les varices au stade d’ulcère de jambe ne sont souvent pas visibles sur la jambe en raison de la sclérose cutanée mais peuvent être retrouvées sur la cuisse homolatérale. Le fond de l’ulcère est classiquement sale, fibrineux, souvent malodorant et verdâtre en cas de colonisation par Pseudomonas aeruginosa (Fig. 3). Quand la détersion est réalisée, le fond devient rouge, bourgeonnant. L’examen clinique évalue la fonction pompe du mollet en appréciant la mobilité de la cheville. L’ulcère veineux est peu douloureux, sauf quelquefois au moment du changement de pansement ou en cas de surinfection bactérienne.
3
2-0690 Ulcères de jambe
veineux pur est donc défini par un IPS supérieur à 0,9. L’ulcère mixte à prédominance veineuse est défini par des valeurs comprises entre 0,7 et 0,9. Un IPS inférieur à 0,6 correspond à une AOMI capable d’expliquer l’ulcère à elle seule [1] . Une forme sévère d’AOMI est appelée ischémie critique : elle est définie par l’association de douleurs de décubitus ou de troubles trophiques depuis au moins 15 jours avec une pression artérielle systolique à la cheville inférieure à 50 mmHg ou à 30 mmHg à l’orteil. L’objectif thérapeutique immédiat de l’ischémie critique est le sauvetage du membre par un geste de revascularisation rapide. À l’inverse, un IPS supérieur à 1,30 est en faveur d’une incompressibilité des artères et constitue un marqueur indépendant de risque cardiovasculaire par médiacalcose [12] .
Examens complémentaires Figure 4.
Figure 5.
Ulcères artériels à l’emporte-pièce.
Ulcères artériels creusants avec exposition tendineuse.
Signes cliniques en faveur d’une étiologie artérielle Une absence des pouls des membres inférieurs constitue un signe peu sensible et ne dispense en aucun cas de la mesure de l’IPS. Les ulcères d’origine artérielle sont souvent multiples, à bordure nette à « l’emporte-pièce » (Fig. 4). Ils sont douloureux, notamment à la marche, et siègent classiquement sur la face antéroexterne de la jambe ou sur le dessus du pied. Du fait de l’ischémie, ils peuvent être creusants avec mise à nu des structures sous-jacentes (Fig. 5). Les orteils et la peau périulcéreuse sont froids et pâles. La pilosité est réduite, on peut également noter une amyotrophie du mollet, en cas de claudication intermittente.
Mesure de l’index de pression systolique Cette mesure est réalisée grâce à un Doppler de poche au lit du malade. Elle permet de rechercher une AOMI susceptible d’expliquer ou d’aggraver l’ulcère, et d’adapter la compression en cas d’insuffisance veineuse. L’IPS correspond au rapport entre la pression artérielle systolique mesurée à la cheville et la pression artérielle systolique humérale. Une artère distale est repérée en tibial postérieur ou sur le dessus du pied (artère pédieuse) au Doppler. Le brassard, installé autour du mollet, est gonflé jusqu’à comprimer les artères et éteindre le signal au Doppler. Il est ensuite dégonflé et la pression à laquelle réapparaît le signal est notée. Un index normal est compris entre 1 et 1,3. La valeur seuil retenue pour porter le diagnostic d’AOMI est inférieure à 0,9. L’ulcère
4
Examens vasculaires Les recommandations de la HAS [1] préconisent la réalisation d’un échodoppler veineux chez tout patient porteur d’un ulcère des membres inférieurs. Il est complété par un échodoppler artériel en cas d’IPS inférieur à 0,9 et supérieur à 1,3, d’abolition des pouls périphériques ou de signes fonctionnels d’AOMI. L’échodoppler veineux permet dans un premier temps de confirmer le diagnostic d’ulcère veineux, et d’en préciser le mécanisme (reflux ou obstruction). Il a également pour intérêt de pratiquer une cartographie des veines incontinentes et de quantifier le reflux des troncs veineux superficiels et/ou profonds. Il permet également de repérer les veines perforantes incontinentes qui peuvent alimenter l’ulcère. En cas de chirurgie veineuse superficielle, il permet de suivre l’évolution des reflux veineux profonds et des veines perforantes. La phlébographie est rarement faite, réalisée en préopératoire avant chirurgie valvulaire. Les pléthysmographies ne sont plus réalisées en routine mais dans le cadre d’études ou dans des centres spécialisés. En cas de suspicion d’ulcère artériel, la mesure de la pression transcutanée en oxygène ou la mesure de la pression d’orteil par pléthysmographie sont des examens peu invasifs, appréciant le degré d’ischémie distale. La pression transcutanée en oxygène (TcPO2 ) est mesurée à l’orteil ou à la cheville, à température constante, par un capteur posé directement sur la peau. Ces examens sont pronostiques : une TcPO2 inférieure à 30 mmHg, ou une pression d’orteil inférieure à 30 mmHg, signe une ischémie critique, nécessitant une revascularisation. L’atteinte artérielle est confirmée par l’échodoppler artériel des membres inférieurs permettant de localiser, de décrire les sténoses et les occlusions et d’en apprécier la sévérité. En général, une artériographie des membres inférieurs n’est pas réalisée en première intention. Elle est au mieux réalisée en radiologie interventionnelle afin de pratiquer dans le même temps si besoin une angioplastie de dilatation sur les sténoses ou occlusions artérielles. Une angio-imagerie par résonance magnétique (IRM) est le plus souvent réalisée avant l’artériographie pour localiser et quantifier les lésions, évaluer les possibilités thérapeutiques, et guider l’angioplastie éventuelle ultérieure.
Examens sanguins Le bilan des facteurs de risque cardiovasculaires nécessite la recherche d’un diabète, d’une dyslipidémie et d’une polyglobulie principalement en cas d’AOMI avérée, d’obésité, de tabagisme. Un bilan nutritionnel et inflammatoire minimal (protéine C réactive, préalbuminémie et albuminémie) est justifié, quels que soient le poids et l’indice de masse corporelle du patient. En effet, la prévalence de dénutrition protéique est élevée chez les patients porteurs d’ulcères, surtout s’ils sont âgés [13] . Cette dénutrition est également un facteur de mauvais pronostic de l’ulcère [14] . Le reste des examens est à adapter en fonction de l’état général de chaque patient. La présence d’un ulcère veineux ne justifie pas un bilan exhaustif de thrombose à l’heure actuelle. EMC - Traité de Médecine Akos
Ulcères de jambe 2-0690
Tableau 2. Principaux diagnostics différentiels des ulcères de jambe vasculaires. Causes générales
Anomalies métaboliques
Carences protéiques, vitaminiques, zinc Calcinoses cutanées, hyperparathyroïdie, insuffisance rénale chronique, goutte
Maladies du tissu conjonctif
Syndrome d’Ehlers-Danlos, déficit en prolidase Syndrome de Klinefelter
Troubles de la coagulation et causes hématologiques
Thrombopathies Syndromes myéloprolifératifs, cryoglobulinémie, anémies hémolytiques héréditaires (drépanocytose, etc.), anémies d’autres origines
Causes locorégionales
Causes iatrogènes
Corticoïdes, radiothérapie, chimiothérapie
Causes dermatologiques
Pyoderma gangrenosum, nécrobiose lipoïdique, tumeurs ulcérées (mélanome, carcinome basocellulaire ou spinocellulaire, Kaposi), panniculites
Micro- ou macroangiopathies
Sclérodermie, vascularite primitive ou secondaire à une connectivite, angiodermite nécrotique (hypertension artérielle) Maladie de Buerger, embolies de cholestérol
Neuropathies
Diabète, syringomyélie, amylose, lèpre
Infections
Ostéomyélites, ecthyma, mycobactéries, mycoses profondes
Prélèvement bactériologique Le prélèvement bactériologique n’est généralement pas nécessaire. Aucun signe d’infection n’est pathognomonique. Le diagnostic clinique repose souvent sur un faisceau d’arguments : érythème, inflammation, augmentation de la chaleur locale, exsudat purulent, fièvre, aggravation rapide de l’aspect de l’ulcère, apparition de nécrose, etc. L’examen bactériologique n’est pas standardisé. Le frottis par écouvillonnage est facile à réaliser au lit du malade, mais n’est pas un bon examen. Il révèle essentiellement la flore colonisant la surface de la plaie. Cette flore bactérienne n’est pas forcément pathogène et peut être différente des germes responsables des infections invasives des tissus avoisinants. Il faut préférer l’examen du liquide d’aspiration avec comptage des germes par millilitre. Rarement faite en pratique, la biopsie avec comptage des germes par gramme de tissu est l’examen de référence. Elle doit être effectuée au centre de la plaie, débarrassée des tissus nécrotiques. L’analyse bactériologique quantitative de la biopsie indique une infection si plus de 105 à 106 germes/g de tissu sont présents, ou plus de 103 streptocoques -hémolytiques/g de tissu. Les hémocultures sont indiquées en cas de signes généraux d’infection. Dans tous les cas, une antibiothérapie ne doit être débutée qu’après avoir réalisé les prélèvements bactériologiques.
Biopsies Une biopsie cutanée n’est pas utile au diagnostic d’ulcère de jambe d’origine veineuse, artérielle ou par angiodermite nécrotique. L’aspect histologique n’est pas spécifique. Les indications des biopsies cutanées des ulcères de jambe sont restreintes : • diagnostic d’une cancérisation secondaire de la plaie ; • diagnostic différentiel, pour éliminer une vascularite, un carcinome cutané ulcéré, etc. ; • ulcère sans tendance à l’amélioration après trois à six mois de traitement. En cas d’indication, il est recommandé de pratiquer des biopsies multiples, sur les bords et au centre de l’ulcère.
Patch-tests La pratique de patch-tests chez les patients porteurs d’ulcères doit être systématique dès qu’il existe une dermite périulcéreuse. La batterie standard d’allergènes est testée ainsi qu’une « batterie ulcères », actuellement en cours de validation, comprenant les antiseptiques, les corticoïdes, les antibiotiques locaux et les topiques fréquemment utilisés (crèmes, lotions, pansements, antiseptiques). Une étude prospective récente [15] étudiant l’eczéma de contact chez 423 patients porteurs d’ulcères de jambes a montré que 73 % des sujets porteurs d’ulcères présentaient au moins un test épicutané positif avec une moyenne de 3,75 tests EMC - Traité de Médecine Akos
Tableau 3. Pourcentage de patients guéris à 24 semaines [22] . % guéris à 24 semaines 2
Évolution < 12 mois et surface < 10 cm
71
Évolution > 12 mois ou surface > 10 cm2
48
Évolution > 12 mois et surface > 10 cm2
22
positifs par patient. Les allergènes le plus souvent retrouvés sont le baume du Pérou (41 %), la fragrance mix (26,5 %), les antiseptiques (20 %), les corticoïdes locaux (8 %). Le nombre de tests positifs était directement lié à la durée d’évolution de l’ulcère.
Diagnostics différentiels des ulcères vasculaires De nombreuses pathologies autres que l’insuffisance veineuse ou artérielle peuvent se révéler ou se compliquer d’une plaie chronique de la jambe (Tableau 2). C’est l’examen clinique complet du patient et de la plaie qui permet d’orienter le diagnostic. Toute plaie qui n’a aucune tendance à cicatriser en trois mois nécessite un avis spécialisé sur le plan diagnostique et thérapeutique.
Pronostic Pronostic des ulcères veineux Les patients porteurs d’ulcères veineux sont une population très inhomogène : certains vont cicatriser en quelques semaines avec un traitement local et une contention veineuse adaptés, alors que d’autres vont nécessiter des interventions thérapeutiques plus lourdes. La détermination de facteurs pronostiques de cicatrisation a fait l’objet d’une publication récente portant sur un très large échantillon de 21 000 personnes présentant un ulcère veineux [16] . L’évaluation des facteurs de risque de retard à la cicatrisation est basée sur un système de points. Une surface d’ulcère supérieure à 10 cm2 correspond à 1 point. Une durée d’évolution de la plaie supérieure à 12 mois correspond à un autre point. Un score de 0 point correspond à un pourcentage de patients guéris à 24 semaines de 71 %. Un score de 1 point correspond à un pourcentage de 48 %, et un score de 2 points à un pourcentage de 22 % (Tableau 3). D’autres facteurs de risque de retard à la cicatrisation sont décrits dans la littérature : une AOMI associée, une récidive d’ulcère, une perte d’autonomie, et une séquelle de thrombose poplitée, un indice de masse corporelle supérieur à 33 kg/cm2 , un rapport diamètre de mollet/cheville supérieur à 1,3, une articulation de la cheville fixée [17] , une mauvaise compliance à la
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compression veineuse. Une seule étude prospective [18] multicentrique a été à ce jour réalisée afin de déterminer les facteurs de risque les plus significatifs. Il s’agit d’une étude qui a regroupé 104 patients présentant des ulcères veineux. Tous les patients ont rec¸u un traitement compressif et un traitement local adapté au stade de la plaie. Sur les 94 patients qui ont pu finir l’étude, 41 ont cicatrisé complètement à 24 semaines, et 53 non. Concernant les caractéristiques initiales, l’ankylose de la cheville paraît être le seul élément significativement plus fréquent chez les patients n’ayant pas cicatrisé (60 % versus 37 %). Les deux autres facteurs pronostiques mis en évidence sont : une chirurgie veineuse en cours de traitement (27 % versus 4 %) et la diminution de plus de 30 % de la surface de l’ulcère à la quatrième semaine (48 % versus 27 %).
Pronostic des ulcères artériels Le facteur pronostique principal de cicatrisation des ulcères artériels est la quantification de l’ischémie et la possibilité de réaliser une revascularisation. En effet, dans une étude récente sur 199 patients porteurs d’une AOMI stade IV de la classification de Leriche et Fontaine, 73 % des patients bénéficièrent d’une revascularisation, et 27 % étaient récusés à la chirurgie et traités en cicatrisation dirigée. Dans le groupe traité chirurgicalement, 92 % étaient guéris à 24 semaines, alors qu’ils n’étaient que de 40 % dans le groupe traité médicalement. Lors du suivi sur cinq ans, le taux d’amputation était de 16 % pour le groupe revascularisé alors qu’il atteignait 37 % pour le groupe ayant bénéficié d’un traitement conservateur [19] . Les autres facteurs pronostiques sont plus difficiles à étudier, la morbidité et la mortalité étant bien entendu liées au terrain vasculaire sous-jacent. Une étude [20] faite sur 91 patients a retrouvé comme facteurs associés significativement à la cicatrisation de l’ulcère, à six mois de suivi après reperméabilisation (angioplastie ou pontage) : l’absence d’insuffisance rénale, la présence du pouls pédieux, une artère tibiale postérieure perméable sous la cheville et le nombre d’artères distales reperméabilisées à la cheville après pontage. Ni l’index de pression distale, ni la présence d’une infection, d’un diabète ou d’autres facteurs de risque vasculaires n’étaient significativement associés avec le risque de cicatriser à six mois du traitement vasculaire.
Figure 6.
Dermite irritative périulcéreuse.
Complications Complications locales Colonisation bactérienne Il est parfois difficile de différencier la colonisation bactérienne d’un ulcère et la véritable infection. La présence de pus, d’une mauvaise odeur, une augmentation de la douleur, un aspect inflammatoire local sont autant de signes qui peuvent être évocateurs de colonisation simple, lorsqu’ils ne sont pas accompagnés de signes généraux. Il s’agit d’une augmentation de la quantité de germes sur l’ulcère. Le prélèvement bactériologique n’est pas nécessaire. Il existe alors un risque de survenue d’une réelle surinfection. Le traitement antibiotique n’est pas utile. Il suffit généralement d’accélérer le rythme de renouvellement des pansements, et/ou d’utiliser des pansements à l’argent.
Eczématisation La peau périulcéreuse devient érythémateuse, prurigineuse, suintante ou parfois squameuse, sans limitation nette. Il peut survenir des lésions à distance. Le traitement fait appel aux dermocorticoïdes en crème ou en pommade, appliqués à chaque pansement. Les allergènes retrouvés sont le plus souvent les émollients, les antiseptiques, les antibiotiques locaux et les soins locaux type hydrogel ou pansements hydrocolloïdes (cf. supra).
Dermite irritative La peau périulcéreuse est érythémateuse, squameuse, douloureuse ou prurigineuse. La zone atteinte est bien limitée au
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Figure 7.
Pustulose érosive de jambe.
pansement, sans lésion à distance. Les principaux irritants sont les adhésifs des pansements, les antiseptiques (Fig. 6).
Pustulose érosive de jambe Il s’agit d’une entité peu connue, récemment décrite, et qui semble plutôt fréquente dans la pratique clinique, même si on ne dispose pas encore de données épidémiologiques fiables dans la littérature. Le terrain est celui d’une insuffisance veineuse, d’une atrophie cutanée, d’ulcères veineux, et du port de bandes de contention. L’examen clinique retrouve des lésions pustuleuses qui confluent en de larges plaques érosives, croûteuses, superficielles douloureuses des jambes (Fig. 7). L’histologie, quand elle est pratiquée, retrouve des pustules spongiformes intraépidermiques, associées à un infiltrat inflammatoire du derme superficiel, sans vascularité ni granulome, ni dépôt d’anticorps en immunofluorescence directe. Le traitement n’est pas codifié : dermocorticoïdes, tacrolimus topique sont généralement efficaces. EMC - Traité de Médecine Akos
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Blocage de l’articulation tibiotarsienne Elle semble favorisée par la douleur limitant les amplitudes de mouvement, l’immobilisation et le traitement compressif. Elle doit être prévenue systématiquement par une mobilisation préventive de la cheville en kinésithérapie.
Dégénérescence carcinomateuse Elle est exceptionnelle, décrite sur des ulcères très anciens, présents depuis 25 ans en moyenne [21] . Il s’agit dans la majorité des cas d’un carcinome épidermoïde bien différencié. Elle pose le problème du diagnostic différentiel avec un carcinome cutané ulcéré d’emblée. Il est donc préconisé de réaliser des biopsies systématiques en l’absence d’amélioration, ou en cas d’aggravation d’un ulcère après trois mois d’un traitement bien conduit. Dans une étude prospective multicentrique [22] , deux biopsies cutanées ont été réalisées systématiquement sur des ulcères de jambe, une sur les bords et une autre en périphérie. Tous les ulcères de jambe inclus étaient rebelles à trois mois de traitement bien conduit. Sur 145 patients avec 155 ulcères, neuf carcinomes épidermoïdes (chez huit patients), cinq carcinomes basocellulaires, un mélanome et un léiomyome ont été retrouvés sur les histologies cutanées, soit une prévalence de carcinomes cutanés d’environ 10 %.
Complications générales Tétanos Entre 2005 et 2007, 41 cas de tétanos ont été déclarés en France, dont 13 mortels. Les cas concernent principalement des personnes âgées (90 % ont 70 ans ou plus) et des femmes (76 %). La porte d’entrée était représentée par des plaies chroniques dans 10 % des cas. Le statut vaccinal antitétanique doit donc être évalué chez tous les patients porteurs d’ulcères chroniques.
Dermohypodermites bactériennes aiguës avec ou sans nécrose L’ulcère de jambe est un facteur de risque démontré de survenue d’érysipèle, ainsi que la présence d’un lymphœdème ou d’une insuffisance veineuse [23] . La survenue d’une infection sur un terrain ischémique impose une hospitalisation en raison du risque de gangrène.
Amputation et impotence fonctionnelle L’amputation reste exceptionnelle en cas d’ulcère veineux.
Traitements non spécifiques de l’étiologie de l’ulcère Traitements locaux Les traitements locaux des ulcères regroupent toutes les techniques de soins directement en contact avec la plaie. Ils ne sont généralement pas dépendants de l’étiologie des ulcères mais plutôt de leur aspect clinique. Le principe est d’amener la plaie à cicatriser en suivant les trois phases classiques de la cicatrisation en milieu humide : la détersion, le bourgeonnement, puis l’épidermisation.
La HAS a récemment publié des recommandations pour la bonne utilisation des pansements [24] . La quasi-totalité des pansements ne sont pas des médicaments mais des dispositifs médicaux. Leur remboursement est basé sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) avec un prix attribué par le ministère. Un pansement peut donc appartenir à la LPPR ou pas et être vendu dans les officines à un prix public égal ou supérieur à celui fixé dans la LPPR. La Sécurité sociale prend en charge 65 à 100 % du pansement appartenant à la LPPR. Les mutuelles prennent en charge le complément. Une utilisation rationnelle des pansements est indispensable pour améliorer la qualité de vie des patients et diminuer les coûts de prise en charge [25] . Cependant, aucun pansement n’a fait la preuve d’une activité cicatrisante par lui-même actuellement. Les différentes indications des principaux pansements sont résumées dans le Tableau 4.
Nettoyage et détersion La première étape est le lavage de la plaie. La HAS recommande le nettoyage de la plaie au sérum physiologique ou à l’eau, en l’absence de preuve d’une efficacité des antiseptiques. Le savon peut également être utilisé. Les antiseptiques sont par ailleurs susceptibles d’entraîner des eczémas de contact, des dermites irritatives et des résistances à certains antibiotiques. Ils pourraient également retarder la cicatrisation en raison de leur cytotoxicité. De même, les antibiotiques locaux ne sont pas recommandés, en raison de l’absence de bénéfice clinique démontré et du risque de survenue de résistances de classe [26] . La deuxième étape est la détersion de l’ulcère. Il s’agit d’ôter la fibrine et les résidus nécrotiques. Plusieurs méthodes complémentaires peuvent être utilisées. • La détersion mécanique peut être réalisée avec différents instruments : curette, pince, bistouri, jet sous pression. Ces techniques nécessitent parfois une anesthésie locale. L’Emla® a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France pour l’anesthésie de contact permettant la détersion mécanique des ulcères veineux. Huit applications par épisode ulcéreux sont autorisées par l’AMM, à raison de 1 à 2 g/cm2 , sans dépasser deux tubes par séance. Un film occlusif est appliqué ensuite pendant 30 minutes afin d’obtenir une anesthésie de bonne qualité. • La détersion chirurgicale permet de réaliser une mise à plat de l’ulcère, en une fois au bloc, sous anesthésie générale. Cette technique est généralement utilisée en cas d’ulcère de grande taille, douloureux, et/ou quand une greffe est envisagée. • La détersion autolytique consiste à utiliser le processus physiologique de liquéfaction de la fibrine par l’exsudat, en utilisant des pansements qui créent un milieu humide au niveau de la plaie et dissocient les tissus nécrosés. Les pansements utilisés sont généralement les hydrogels en cas de plaies sèches, ou les alginates en cas de plaies humides.
Bourgeonnement Cette phase se déroule également en milieu humide afin de permettre le développement d’un bourgeon charnu correspondant à la prolifération de fibroblastes. Elle prépare le lit de l’épidermisation.
Tableau 4. Indications des différents pansements. Détersion
Bourgeonnement
Hydrocolloïdes
Plaie modérément exsudative aux trois phases de cicatrisation
Hydrocellulaires
Non
Hydrogels
Plaie sèche, nécrotique ou fibrineuse
Hydrofibres
Plaie infectée, suintante
Alginates
Plaie infectée, suintante ou hémorragique
Charbons
Plaie infectée, malodorante
Plaie peu à très exsudative
Épidermisation
Oui Non
Oui
Non Non
Pansements gras, tulles
Non
Plaie propre, non suintante
Oui
Acide hyaluronique
Non
Plaie sèche, propre
Oui
Films
Non
Non
Plaie propre
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En cas d’hyperbourgeonnement de l’ulcère, l’emploi de dermocorticoïdes durant une durée limitée à quelques jours permet généralement de réduire le phénomène. Si l’hyperbourgeonnement persiste, il est nécessaire de réaliser une biopsie afin d’éliminer une transformation maligne. Les pansements pouvant être utilisés selon les recommandations de la HAS sont les hydrocolloïdes ou les hydrocellulaires. En cas de greffe envisagée, un traitement par pression négative (TPN) peut être utilisé. La TPN, par application locale d’une pression négative à la surface de la plaie grâce à une structure spongieuse, favorise le bourgeonnement et donc la prise de greffe réalisée dans les suites immédiates d’un traitement de quelques jours par TPN.
Traitement antibiotique Il ne doit être envisagé qu’en cas d’infection avérée cliniquement, et non en cas de colonisation. L’antibiotique de choix est celui de l’érysipèle : pénicilline G, amoxicilline ou pristinamycine.
Kinésithérapie Elle est toujours utile. Une phase initiale de drainage postural peut être très utile en cas d’œdèmes décompensés pour permettre ensuite de mieux tolérer la compression veineuse. La lutte contre l’ankylose de la cheville et l’entretien de la pompe musculaire sont autant de facteurs contribuant à limiter la perte d’autonomie, lutter contre la sédentarité, et activer le retour veineux.
Épidermisation Elle peut être obtenue soit en cicatrisation dirigée par l’utilisation de pansements type interface ou hydrocolloïde, soit par une greffe cutanée autologue qui permet un recouvrement cutané des ulcères en un temps plus rapide. Il existe essentiellement deux techniques : • la greffe en résille : réalisée au bloc opératoire par un chirurgien, et permettant de traiter des ulcères de grande taille ; • la greffe en pastille : au lit du patient, peut être répétée plusieurs fois pour un même ulcère. Les indications de la greffe sont principalement les ulcères artériels après revascularisation et les angiodermites nécrotiques. Dans le cas des ulcères veineux, l’intérêt est moins clair [27] .
Cas particuliers Certains pansements contiennent des substances antiprotéases. Ils sont indiqués en cas de plaies chroniques après détersion, particulièrement chez les patients présentant des facteurs de retards de cicatrisation. Toutefois, devant le faible nombre d’études, la HAS les a positionnés simplement dans la catégorie des pansements hydrocellulaires. Il existe une gamme non négligeable de pansements à l’argent. Ils sont indiqués en cas de colonisation bactérienne importante. L’argent est présenté sous différentes formes : argent métallique, sels d’argent, sulfadiazine argentique (silver sulfadiazine [SSD]). Leur utilisation peut parfois permettre d’améliorer l’aspect local ; toutefois, il n’a pas été démontré qu’elle accélérait la cicatrisation de l’ulcère [28] .
Perspectives d’avenir La recherche s’oriente actuellement vers des voies thérapeutiques de plus en plus spécifiques : facteurs de croissance topiques, thérapie cellulaire, substitut cutané, angiogenèse thérapeutique, cellules souches mésenchymateuses. Si des résultats semblent parfois prometteurs en ce qui concerne les plaies diabétiques, les résultats doivent être précisés pour les ulcères de jambes veineux, artériels ou mixtes. Une étude randomisée multicentrique contre placebo récente a testé l’application sur des ulcères veineux d’un spray à différentes concentrations contenant des fibroblastes immatures et des kératinocytes dérivés de prépuces néonatals. Les 228 patients inclus recevaient également une compression veineuse multicouche. Des cicatrisations plus rapides ont été observées pour tous les groupes traités avec le concentré cellulaire par rapport au véhicule seul, avec une amélioration plus nette pour le groupe traité tous les 14 jours à la concentration de 5 × 106 cellules/ml, sans différence significative sur la survenue d’effets secondaires [29] .
Mesures associées Vaccination antitétanique La vaccination antitétanique doit être à jour ; si ce n’est pas le cas, sa réalisation est indispensable.
Prise en charge de la douleur La douleur ressentie au moment de la réfection des pansements ou bien tout au long de la journée doit être évaluée et prise en charge en respectant les paliers classiques des antalgiques.
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Traitement étiologique des ulcères Traitement des ulcères veineux Compression veineuse Dans ses recommandations, la HAS a d’abord tenu à redéfinir les termes de contention et compression veineuse : • la contention est une orthèse non élastique efficace et active à l’effort, et quasi inactive au repos. En France, le terme de compression non élastique tend à le remplacer ; • la compression est une orthèse élastique agissant de manière active au repos et à l’effort. Les moyens de compressions sont, donc, regroupés en quatre catégories : • les bandes à étirement court, bien tolérées la nuit ; • les bandes à étirement long, difficilement tolérées la nuit ; • les bandages multicouches, utilisant la superposition de plusieurs bandes de même nature ou de nature différente ; • les bas élastiques de compression. La HAS recommande de traiter par compression de haut niveau de pression (30 à 40 mmHg à la cheville) les ulcères veineux avec un IPS compris entre 0,8 et 1,3. En raison de la présence de pansements, l’utilisation de bandes est généralement plus adaptée en début de traitement que celle de bas. En cas d’utilisation de bandes, il est recommandé de privilégier les bandages multicouches qui offrent un niveau de pression plus important que les bandages monocouches. La comparaison entre l’application de deux chaussettes ou bas de contention superposés et de quatre couches de bandes de contention a été réalisée dans une étude multicentrique randomisée et retrouve le même taux d’efficacité sur la guérison des ulcères veineux avec toutefois une moins bonne tolérance. En effet, 38 % des patients traités par superposition de bas ou chaussettes ont changé de mode de compression en cours de traitement, versus seulement 27 % pour le groupe traité par compression de quatre couches de bandes [30] . Le choix du mode de compression doit être adapté au cas par cas, l’observance du patient étant un élément primordial à la réussite du traitement. La compression doit être appliquée soit du lever au coucher, soit 24 heures/24.
Traitement chirurgical La place de la chirurgie veineuse dans la prise en charge des ulcères veineux a été clarifiée par la HAS. La chirurgie de l’insuffisance veineuse superficielle en association à la compression est recommandée chez les patients ayant un ulcère ouvert ou cicatrisé, en cas de reflux superficiel objectivé à l’échodoppler, sans obstruction ni reflux des veines profondes, et ayant un IPS supérieur à 0,85. La HAS s’est basé sur les résultats de l’étude Effect of Surgery and Compression on Healing and Recurrence (ESCHAR) [31] qui a montré une diminution du taux de récidive à un an chez les patients ayant subi une crossectomie–stripping avec ou sans phlébectomie. Pour un IPS compris entre 0,7 et 0,85, la préservation du capital veineux doit être prise en compte. EMC - Traité de Médecine Akos
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La chirurgie de l’insuffisance veineuse est recommandée en cas de reflux profond associé de type segmentaire. Si le reflux profond est axial total, la place de la chirurgie veineuse superficielle n’a pas pu être précisée par la HAS. La chirurgie des veines perforantes n’est pas recommandée, car leur incontinence régresse en cas de traitement de l’insuffisance veineuse superficielle. La chirurgie veineuse profonde n’est pas recommandée en première intention. Elle doit être discutée au cas par cas, en cas d’ulcères ne cicatrisant pas ou récidivant, au sein de services spécialisés.
Traitements systémiques Le traitement systémique des ulcères veineux est un sujet qui fait débat depuis longtemps. La pentoxifylline pourrait être un traitement adjuvant intéressant de la contention veineuse dans le traitement des ulcères veineux [32] . Ce médicament pourrait avoir un effet starter de la cicatrisation. L’iloprost, analogue de la prostacycline, a récemment été testé avec des résultats encourageants dans les ulcères veineux [33] , mais ceci reste encore à confirmer par des études contrôlées. La simvastatine a également fait l’objet d’une étude randomisée en double aveugle : 66 patients présentant un ulcère veineux ont été inclus, d’une durée moyenne d’évolution entre trois et quatre ans. Les résultats sont en faveur d’un rôle favorable de l’utilisation de simvastatine à 40 mg/j : une cicatrisation complète a été obtenue dans 72 % des cas dans le groupe traité versus 32 % dans le groupe contrôle. Ces résultats encourageants sont à nuancer du fait d’une méthodologie discutable : critères d’exclusion drastiques, et surtout méthode de compression veineuse non standardisée [34] .
Traitement étiologique des ulcères artériels
Traitement de la composante veineuse La compression doit être adaptée à l’IPS, car il existe un risque d’aggravation de l’AOMI. Lorsque l’IPS est inférieur à 0,8 ou supérieur à 1,3 : le niveau de compression doit être abaissé à moins de 30 mmHg, en privilégiant les compressions à étirement court qui exercent une faible pression au repos [1] . Le patient doit être informé qu’en cas d’aggravation de la douleur, la compression doit être retirée.
Traitement de la composante artérielle La revascularisation est indiquée au cas par cas, principalement en cas d’IPS bas (ischémie critique), en fonction de la topographie des lésions.
▲ Attention Erreurs à ne pas commettre • Utiliser un traitement par antibiotiques locaux ou généraux, adaptés aux germes colonisant la plaie, pour traiter une colonisation simple. • Prescrire un antibiotique anti-Gram négatif en cas d’érysipèle. En première intention et en l’absence de gravité, la pénicilline G (10–20 MU/j) est indiquée ou à défaut l’amoxicilline (3–4,5 g/j) ou la pristinamycine (3 g/j). • Ne pas examiner la plaie, souvent considérée comme relevant de l’appréciation par l’infirmier(ère). L’appréciation clinique de la plaie permet de faire le diagnostic étiologique dans la plupart des cas, d’apprécier l’existence de complications et d’adapter le traitement local lors du suivi.
Revascularisation Lorsque l’ulcère est d’origine artérielle ou lorsqu’il existe une participation artérielle prédominante, une solution de revascularisation doit être recherchée. Différentes techniques sont envisageables en fonction des données de l’échodoppler et de l’artériographie : • soit la chirurgie : pontages fémoropoplités ou fémorojambiers ; • soit la radiologie interventionnelle pour réalisation d’une angioplastie endoluminale percutanée, avec ou sans pose de stent. Un avis multidisciplinaire médical et radiochirurgical est nécessaire pour décider de la nécessité et de la stratégie de revascularisation.
“ Point fort Quand adresser le patient au spécialiste ? • Toute plaie ne cicatrisant pas au bout de trois mois. • Toute plaie nécrotique et/ou hyperalgique en l’absence d’insuffisance artérielle significative (suspicion d’angiodermite nécrotique). • Toute plaie hyperbourgeonnante, surtout en cas d’hyperbourgeonnement non homogène, non réductible par les corticoïdes locaux (suspicion de plaie tumorale).
Traitement médical Bien sûr, le traitement repose également sur la prise en charge de la maladie athéromateuse globale : • arrêt du tabac ; • équilibre d’un éventuel diabète, d’une hypertension artérielle ; • prise en charge d’une dyslipidémie ; • prise en charge d’une obésité, lutte contre la sédentarité ; • traitement médical de l’AOMI selon les recommandations de la HAS [16] : instauration d’une statine, d’un antiagrégant plaquettaire et d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion. Dans les ulcères d’origine artérielle, le bénéfice clinique de l’utilisation de l’iloprost reste à confirmer pour un traitement intraveineux pendant trois à quatre semaines. Son utilisation est réservée aux troubles trophiques non revascularisables.
Traitement étiologique des ulcères mixtes La prise en charge de ces ulcères nécessite de prendre en charge conjointement la composante veineuse et la composante artérielle, en fonction de la sévérité de chacune. EMC - Traité de Médecine Akos
“ Points essentiels • Les ulcères de jambe sont fréquents, dus à une insuffisance veineuse dans 60 à 80 % des cas, à une insuffisance artérielle dans 10 à 30 % des cas et à une angiodermite nécrotique dans 10 % des cas. • Le traitement des ulcères doit être étiologique : lutte contre l’insuffisance veineuse pour les ulcères veineux et reperméabilisation vasculaire (angioplastie, pontages) pour les ulcères ischémiques. • Une complication fréquente et potentiellement grave est l’érysipèle. • Le traitement local seul ne permet pas la cicatrisation s’il n’est pas associé au traitement étiologique.
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Traitement préventif Le traitement préventif des ulcères de jambe repose sur deux principes : • dépistage précoce d’une insuffisance veineuse et traitement médical adapté avec utilisation de chaussettes ou de bas de contention de classe 2, voire traitement chirurgical dans certains cas ; • évaluation des facteurs de risque cardiovasculaires, à savoir tabagisme, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, obésité, antécédents familiaux d’accidents cardiovasculaires, âge, et la prise en charge des facteurs de risque extrinsèques.
Déclaration d’intérêts : les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Références [1] [2]
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E. Grynberg Laloum (
[email protected]). Service de gérontologie, Hôpital Charles-Foix, 7, avenue de la République, 94205 Ivry-sur-Seine, France. P. Senet. Service de dermatologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Grynberg Laloum E, Senet P. Ulcères de jambe. EMC - Traité de Médecine Akos 2015;10(1):1-10 [Article 2-0690].
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EMC - Traité de Médecine Akos
¶ 2-0695
Maladies sexuellement transmissibles. Maladies vénériennes B. Chaine, M. Janier Les maladies sexuellement transmissibles sont des maladies infectieuses dont la transmission est sexuelle, uniquement ou préférentiellement. Elles sont dues à des micro-organismes : bactéries, virus, parasites ou champignons. Certaines peuvent être létales : infection par le virus de l’immunodéficience humaine, cancer du col de l’utérus dû aux papillomavirus humains, carcinome hépatocellulaire dû au virus de l’hépatite B, herpès néonatal et syphilis. D’autres, si elles ne sont pas mortelles, peuvent entraîner une lourde morbidité, comme les stérilités tubaires dues aux infections génitales à Chlamydia trachomatis. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : MST ; Syphilis ; Gonococcie ; Chlamydia trachomatis ; Herpès génital ; Verrues génitales
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
1
¶ Ulcérations génitales Syphilis primaire Herpès génital Chancre mou Attitude pratique devant une ulcération génitale Autres causes d’ulcérations génitales d’origine infectieuse Autres causes non infectieuses d’ulcérations génitales
1 2 2 2 3 3 3
¶ Syphilis Syphilis secondaire Syphilis tardive Syphilis congénitale Interprétation des sérologies tréponémiques
3 3 4 4 4
¶ Urétrites masculines Attitude pratique devant une urétrite masculine Urétrite gonococcique Urétrite à Chlamydia trachomatis Urétrite à Trichomonas vaginalis Urétrite à mycoplasmes
4 4 5 5 5 5
¶ Cervicovaginites Cervicovaginites à Neisseria gonorrhoeae Cervicovaginites à Chlamydia trachomatis Cervicovaginites à Trichomonas vaginalis
5 5 6 6
¶ Infections génitales basses : balanites et vulvovaginites Balanites infectieuses Vulvovaginites Vaginose bactérienne Vulvovaginite à Trichomonas vaginalis
6 6 6 6 6
¶ Verrues génitales Aspect clinique Traitement
6 6 7
¶ Autres maladies sexuellement transmissibles
7
¶ Maladies sexuellement transmissibles et infection par le VIH
7
¶ Conclusion
7
Traité de Médecine Akos
La peur du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida) a initialement entraîné la modification des comportements sexuels dans les pays développés avec l’utilisation massive et systématique du préservatif, ce qui a entraîné une diminution considérable de l’incidence des maladies sexuellement transmissibles (MST) classiques depuis le milieu des années 1980. Ainsi, la syphilis et la gonococcie ont vu leur fréquence divisée par dix entre 1985 et 1995, en France et dans la plupart des pays occidentaux. La diminution des infections à Chlamydia est plus récente. Néanmoins, depuis 1998, nous assistons dans les pays occidentaux à la réémergence de maladies infectieuses qui avaient pratiquement disparu comme la gonococcie, la syphilis et la lymphogranulomatose vénérienne. Ces trois infections touchent préférentiellement les homosexuels masculins et indiquent un relâchement manifeste de la prévention. Toutes les MST se transmettent de façon similaire et participent à la dissémination du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), en particulier par les ulcérations génitales qu’elles provoquent. Infections VIH et MST classiques sont étroitement intriquées et leur prévention doit être commune. En revanche, les infections virales endémiques dans la population, comme l’herpès génital et les verrues génitales, n’ont jamais diminué, voire ont augmenté. Beaucoup reste à faire en matière de prévention et d’information pour atteindre les groupes socialement défavorisés des pays riches et maintenir les principes d’une sexualité sans risque. En Europe de l’Est et dans tous les pays en voie de développement, particulièrement en Afrique, les MST sont en constante augmentation. Nous étudierons successivement les ulcérations génitales sexuellement transmissibles, les urétrites et les cervicovaginites, les infections génitales basses et enfin les verrues génitales.
■ Ulcérations génitales Les ulcérations génitales (ou chancres) sont des pertes de substance situées dans la région génitale ou anale. Elles sont, le plus souvent, d’origine infectieuse dominée par trois étiologies principales : la syphilis, l’herpès génital et le chancre mou. La fréquence respective de ces trois étiologies varie selon les pays. D’autres étiologies infectieuses sont plus rares (maladie de Nicolas-Favre, donovanose). Ce n’est qu’après avoir éliminé une
1
2-0695 ¶ Maladies sexuellement transmissibles. Maladies vénériennes
étiologie infectieuse que l’on peut considérer les causes non infectieuses, en particulier tumorales, responsables d’ulcérations génitales chroniques qui sortent du cadre de cet article. En pratique, il est souvent très difficile, sur le seul examen clinique et sur l’interrogatoire, de préjuger de l’étiologie. Aussi une démarche rigoureuse centrée sur des prélèvements bactériologiques et virologiques locaux est-elle indispensable. En effet, l’aspect clinique des ulcérations génitales est souvent atypique du fait des surinfections bactériennes et des traitements topiques ou systémiques déjà reçus. L’étiologie majeure à éliminer d’emblée devant toute ulcération génitale est la syphilis. Un examen au microscope à fond noir et une sérologie tréponémique sont donc nécessaires devant toute ulcération génitale [1]. Figure 1.
Syphilis primaire [2-5] Le chancre syphilitique primaire est typiquement unique, muqueux, indolore, superficiel, propre et induré après quelques jours d’évolution. Il s’accompagne d’adénopathies non inflammatoires, homolatérales dans le territoire de drainage. Il survient après une incubation silencieuse de durée variable, en moyenne 3 semaines. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de Treponema pallidum (tréponème pâle) au microscope à fond noir. Cet examen nécessite un prélèvement de bonne qualité de l’exsudat après grattage du fond du chancre et un laboratoire entraîné. La positivité du fond noir est pathognomonique pour le diagnostic de syphilis primaire. On peut également s’aider des sérologies tréponémiques, fluorescent Treponema antibody (FTA), Treponema pallidum haemagglutination assay (TPHA) et venereal disease research laboratory (VDRL), en sachant que ces sérologies se positivent avec retard après le début du chancre, respectivement à j5, j7 et j15. Un chancre syphilitique peut donc parfaitement s’accompagner d’une sérologie tréponémique encore totalement négative et il est impérieux de demander systématiquement une réaction d’immunofluorescence (FTA) dans les chancres débutants. Le chancre syphilitique est très contagieux et guérit spontanément en 1 à 2 mois, ce qui ne met pas à l’abri des accidents ultérieurs de la syphilis secondaire et de la syphilis tertiaire. Le traitement de la syphilis primaire repose sur l’injection unique intramusculaire de benzathine benzylpénicilline (Extencilline®, 2,4 millions d’unités internationales [MUI]). En cas d’allergie bien documentée aux bêtalactamines, ce traitement peut être remplacé par des cyclines, par exemple de la doxycycline : 100 mg, deux fois par jour pendant 3 semaines [4, 5]. Mais de nombreux auteurs considèrent que le mieux est une désensibilisation à la pénicilline en milieu hospitalier spécialisé.
Herpès génital [6,
.
2
manifester également par un simple bouquet d’herpès génital. L’herpès récurrent se manifeste, le plus souvent, par des lésions minimes évoluant selon la chronologie classique sur 5 à 7 jours en bouquet de vésicules (Fig. 1) avec sensation de cuisson laissant place à des érosions polycycliques, puis à des croûtes. Quelques adénopathies homolatérales sont possibles. La présence de vésicules affirme le diagnostic d’herpès. En revanche, l’existence d’érosions, de fissures, d’exulcérations ou d’ulcérations est compatible avec un herpès, mais peut également correspondre à une forme atypique de syphilis ou de chancre mou. Aussi, le diagnostic de certitude repose, dans les cas difficiles, sur la mise en évidence du virus dans des lésions fraîches par grattage du fond d’une érosion ou par aspiration du liquide d’une vésicule pour mise en culture sur cellules fibroblastiques. La réaction de polymérisation en chaîne (PCR) est une technique plus sensible que la culture. Les sérologies herpétiques ne permettent pas un diagnostic d’herpès génital devant des lésions cliniques. Seules les sérologies herpétiques spécifiques de type permettent secondairement de situer les lésions cliniques dans l’histoire naturelle de la maladie. Il n’y a actuellement pas de consensus sur l’indication de ces sérologies non inscrites à la nomenclature et réservées à des laboratoires très spécialisés. Le traitement d’un premier épisode d’herpès génital ou d’une primo-infection herpétique repose sur le valaciclovir pendant une durée de 5 à 10 jours selon l’intensité des lésions. En revanche, dans un herpès récurrent, le bénéfice d’un traitement antiviral systémique est minime. De simples soins antiseptiques suffisent le plus souvent. Le traitement antiviral par aciclovir ou valaciclovir est, en revanche, absolument nécessaire chez un sujet profondément immunodéprimé, par exemple au stade de sida [7].
7]
L’herpès génital est dû le plus souvent au virus herpes simplex type 2 (HSV2), mais il peut être dû également au virus herpes simplex de type 1 (HSV1), dans 15 % à 70 % des cas selon les études. La primo-infection herpétique correspond au premier contact entre un organisme jusque-là indemne et un des virus, HSV1 ou HSV2. Le plus souvent, la primo-infection herpétique est de type 1, survient dans la région orofaciale et se produit pendant l’enfance. Elle est en règle totalement asymptomatique. La primomanifestation HSV2 correspond au premier contact avec le virus HSV2 chez un sujet déjà infecté par le virus HSV1. Elle peut également être parfaitement asymptomatique. Enfin, on appelle herpès récurrent ou récidivant une réactivation herpétique in situ de type 1 ou de type 2. Un premier épisode d’herpès génital peut donc correspondre à une primo-infection HSV1 ou HSV2, une primomanifestation HSV2 ou une récurrence HSV1 ou HSV2. La clinique, à elle seule, ne permet pas de différencier ces différentes possibilités. Seules, les sérologies spécifiques de type peuvent situer l’épisode herpétique dans l’histoire naturelle de la maladie [8] . Les conséquences en sont cependant bien différentes selon qu’il s’agit d’une primo-infection ou d’une récurrence du fait de la possibilité d’une virémie dans la première hypothèse. L’existence d’un herpès génital extrêmement aigu, profus, avec de nombreuses vésicules, érosions, adénopathies satellites, voire fièvre, est en faveur d’une primo-infection, mais celle-ci peut se
Bouquet herpétique du sillon balanopréputial.
Chancre mou [9]
.
Le chancre mou, dû à Haemophilus ducreyi (bacille de Ducrey), est une étiologie majeure d’ulcération génitale en Afrique. On le rencontre très rarement en France, sauf lors de petites épidémies d’importation. Dans la forme typique, il réalise des ulcérations multiples, volontiers sur le versant cutané, profondes, douloureuses, non indurées, s’accompagnant après quelques jours d’adénopathies locorégionales qui évoluent vers le bubon et la fistulisation. Les formes atypiques sont fréquentes. Le diagnostic de certitude repose sur les prélèvements in situ par écouvillonnage des bords du chancre avec examen direct sur lame après coloration au bleu de méthylène ou coloration de Gram, et cultures sur milieux spéciaux. Aussi bien l’examen direct (présence de bacilles à Gram négatif à coloration bipolaire et à disposition en « chaîne de vélo » ou en « bancs de poissons ») que la culture sont des examens délicats, nécessitant un laboratoire entraîné. Le chancre mou reste une maladie locale, mais peut entraîner des délabrements locorégionaux considérables. Le traitement du chancre mou repose soit sur un traitement minute : azithromycine 1 g per os ou ceftriaxone en une injection intramusculaire de 500 mg, soit sur un traitement long par érythromycine : 2 g/j pendant 10 jours. La présence d’une adénopathie préfistuleuse ou fistulisée peut nécessiter l’hospitalisation, l’alitement et les ponctions répétées [10]. Traité de Médecine Akos
Maladies sexuellement transmissibles. Maladies vénériennes ¶ 2-0695
Attitude pratique devant une ulcération génitale
pemphigoïde bulleuse), enfin des ulcérations génitales des carcinomes épidermoïdes, maladie de Bowen ou maladie de Paget (lésions chroniques pouvant évoluer après plusieurs semaines ou mois vers une ulcération génitale). En dehors des ulcérations traumatiques et des aphtes qui sont des diagnostics différentiels fréquents des ulcérations d’origine infectieuse, les autres étiologies d’ulcération génitale surviennent dans des contextes bien différents. Le diagnostic repose dans ces cas sur la biopsie cutanée et, éventuellement, pour les bulloses autoimmunes, sur l’immunofluorescence cutanée directe. Un grand principe est que toute lésion génitale chronique doit être biopsiée.
Les trois diagnostics possibles sont : la syphilis, le chancre mou et l’herpès. L’herpès génital est la première cause d’ulcération génitale dans les pays occidentaux. Le chancre mou est la première cause d’ulcération génitale en Afrique. Mais, dans les deux cas, le diagnostic de syphilis doit absolument être éliminé. La pratique d’un examen direct à la recherche du tréponème pâle et d’Haemophilus ducreyi s’impose devant toute ulcération génitale et nécessite la prise en charge du patient dans un service spécialisé. La culture pour recherche du bacille de Ducrey et pour le virus herpès, ainsi que des sérologies tréponémiques TPHA, VDRL et FTA, sont également indispensables. On ne doit pas attendre les résultats de ces examens complémentaires pour commencer le traitement qui comporte, de manière très large, une injection d’Extencilline® quel que soit le résultat de l’examen au microscope à fond noir. Ce traitement est complété par un traitement long par érythromycine et par du valaciclovir en attendant l’ensemble des résultats du laboratoire. En l’absence de plateau technique, il est également licite de proposer une association d’Extencilline ® (une injection unique de 2,4 MUI) et un traitement de 10 jours par érythromycine et 5 à 10 jours de valaciclovir. Toutefois, on doit privilégier absolument la pratique des examens complémentaires (cf. supra) dans un laboratoire entraîné ou dans un centre spécialisé. Ces examens sont systématiquement complétés par une sérologie du VIH, une sérologie de l’hépatite B voire une sérologie de l’hépatite C. En effet, la primo-infection VIH, qui survient le plus souvent dans un contexte aigu et fébrile, peut parfaitement s’accompagner d’ulcérations génitales [11].
■ Syphilis La syphilis mérite d’être individualisée, du fait de son évolution en trois phases succédant au chancre primaire.
Syphilis secondaire
.
Autres causes d’ulcérations génitales d’origine infectieuse Outre la primo-infection VIH, il faut citer les causes suivantes. La maladie de Nicolas-Favre, ou lymphogranulomatose aiguë vénérienne, est une maladie émergente depuis 2003 en Europe et endémique dans les régions tropicales et subtropicales. Elle doit même être considérée systématiquement comme diagnostic différentiel des ulcérations génitales chez l’homme, en particulier dans les grandes villes et chez les homosexuels. Elle est due aux sérotypes L1, L2, L3 de Chlamydia trachomatis et se manifeste, en général, d’emblée par une adénopathie inguinale très inflammatoire évoluant vers la fistulisation en « pomme d’arrosoir ». Le chancre d’inoculation est souvent de très petite taille et est passé inaperçu. Néanmoins, la forme la plus fréquente actuellement est la rectite aiguë. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de Chlamydia trachomatis dans le pus ganglionnaire et sur les sérologies de Chlamydia trachomatis qui montrent, le plus souvent, des titres élevés d’anticorps. La donovanose est une cause rare d’ulcération génitale, la plupart des cas étant importés d’Inde, d’Océanie ou d’Amérique du Sud. Elle est due à une bactérie à Gram négatif très difficile à cultiver : Calymmatobacterium granulomatosis. Elle réalise une ulcération rouge vif, indolore, surélevée en plateau et ne s’accompagne pas d’adénopathies. Le diagnostic repose sur la mise en évidence par raclage du fond de l’ulcération de corps de Donovan à l’intérieur des histiocytes. Les autres causes d’ulcérations génitales infectieuses sont exceptionnelles en dehors de la gale, responsable dans un contexte évocateur de prurit généralisé, de nodules scabieux excoriés dans la région génitale.
La syphilis secondaire correspond à la dissémination septicémique de Treponema pallidum. Elle succède après quelques semaines au chancre syphilitique qui a, en général, cicatrisé spontanément lorsque survient l’éruption secondaire. La syphilis secondaire évolue en deux phases. Une phase de première floraison entre la sixième semaine et le troisième mois après le début du chancre correspond à la roséole syphilitique, éruption érythémateuse de couleur rosée, non prurigineuse, à peine visible, située sur le tronc et s’accompagnant, en règle, d’un syndrome général modéré avec fébricule et polyadénopathies. Une discrète alopécie temporale est possible. Le diagnostic différentiel est difficile avec une toxidermie ou une éruption d’origine infectieuse, en particulier d’origine virale. La deuxième floraison survient à partir du quatrième au sixième mois et succède, le plus souvent, à une roséole passée inaperçue. Elle est caractérisée par une éruption cutanée, plus ou moins généralisée, prédominant sur le tronc, le visage, les paumes et les plantes, les organes génitaux externes (Fig. 2), constituée de lésions papuleuses souvent de couleur cuivrée et surmontées d’une squame (collerette de Biett). En fait, l’éruption de la syphilis secondaire de deuxième floraison (syphilides secondaires) est très polymorphe et peut évoquer un psoriasis, un lichen plan, un parapsoriasis en gouttes, une varicelle, une acné, une dermatite séborrhéique, etc. L’histologie est également très polymorphe mais souvent riche en plasmocytes, ce qui est un élément anatomopathologique évocateur du diagnostic. La seconde floraison s’accompagne le plus souvent d’un syndrome général plus marqué avec fébricule, polyadénopathies, arthralgies, céphalées et, éventuellement, atteintes articulaire, rénale, osseuse, voire méningée. Il existe fréquemment une atteinte muqueuse, buccale et génitoanale extrêmement contagieuse. Le très grand polymorphisme clinique de la syphilis secondaire nécessite d’évoquer systématiquement ce diagnostic devant une éruption cutanée atypique et de rechercher, en particulier, des antécédents d’ulcération génitale à l’anamnèse (mais le chancre primaire est souvent passé inaperçu du fait d’une localisation anorectale ou pharyngée), de rechercher des plaques muqueuses et des localisations palmoplantaires très caractéristiques.
Autres causes non infectieuses d’ulcérations génitales [9] Il peut s’agir d’ulcérations traumatiques ou caustiques, d’aphtes (lésions douloureuses souvent situées sur le scrotum, à fond jaune « beurre frais » et pouvant s’intégrer dans une aphtose bipolaire ou dans une maladie de Behçet), des ulcérations postbulleuses de l’érythème polymorphe, de l’érythème pigmenté fixe ou des toxidermies bulleuses (où l’interrogatoire retrouve la précession par des bulles avec, volontiers, une atteinte buccale associée), des ulcérations et érosions postbulleuses des bulloses auto-immunes (rares : pemphigus vulgaire ou Traité de Médecine Akos
Figure 2. Syphilis secondaire.
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2-0695 ¶ Maladies sexuellement transmissibles. Maladies vénériennes
Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence de Treponema pallidum au microscope à fond noir sur les lésions de syphilis secondaire ulcérées ou érosives. En cas d’impossibilité, le diagnostic est facilement confirmé par les sérologies tréponémiques qui sont toutes positives avec des titres très élevés (VDRL quantitatif). Le traitement de la syphilis secondaire est identique à celui de la syphilis primaire : une seule injection d’Extencilline®, 2,4 MUI par voie intramusculaire ou, en cas d’allergie aux bêtalactamines, 2 semaines de cyclines per os.
Syphilis tardive On regroupe sous ce terme l’ensemble des syphilis de plus de 1 an d’évolution. La syphilis tertiaire correspond à des lésions granulomateuses viscérales organisées autour de quelques tréponèmes parenchymateux avec une atteinte préférentielle du système nerveux (tabès et paralysie générale) et cardiovasculaire (anévrisme aortique, insuffisance aortique). Mais tous les viscères peuvent être atteints, en particulier le foie, le poumon, la peau (gommes syphilitiques) et les muqueuses. L’histologie est trompeuse, révélant des lésions granulomateuses de type tuberculoïde et les sérologies tréponémiques sont positives, mais souvent avec des titres faibles. L’ensemble des syphilis tardives sans lésion de syphilis tertiaire correspond à la syphilis latente ou sérologique tardive. Elle ne se manifeste par aucune anomalie en dehors d’une sérologie tréponémique positive à des titres variables mais souvent faibles. La difficulté, dans ces situations, est d’éliminer avec certitude une neurosyphilis asymptomatique, d’où l’importance de pratiquer un examen neurologique très rigoureux avec recherche de troubles psychiatriques, d’une abolition des réflexes photomoteurs (signe d’Argyll-Robertson), et de rechercher des troubles de la sensibilité profonde des membres inférieurs et une abolition des réflexes ostéotendineux, achilléens et rotuliens. Il est donc indispensable de pratiquer une ponction lombaire devant toute syphilis tardive, dès lors qu’il existe le moindre signe neurologique, que l’on envisage un traitement alternatif à la pénicilline ou que l’on soit dans une situation d’échec thérapeutique, mais également chez les patients séropositifs pour le VIH. Le traitement des syphilis tardives est difficile et long. Il doit comporter, au minimum, une injection hebdomadaire d’Extencilline®, 2,4 MUI pendant 3 semaines après avoir éliminé une neurosyphilis. Pour ce faire, les indications de la ponction lombaire (cf. supra) doivent guider la thérapeutique. Lorsqu’il existe une méningite biologique (hyperalbuminorachie et/ou hypercytose) ou que le VDRL est positif dans le liquide céphalorachidien (LCR), un traitement de type neurosyphilis par pénicilline G intraveineuse, 20 MUI par jour pendant 15 jours, doit être entrepris. Un TPHA positif dans le LCR n’a pas de signification. En cas d’allergie aux bêtalactamines, un traitement par tétracyclines pendant 3 semaines est une alternative possible, mais uniquement après avoir affirmé la normalité du LCR. En cas de neurosyphilis, aucune alternative à la pénicilline G n’est envisageable. C’est également le cas de la femme enceinte allergique à la pénicilline qui doit systématiquement être désensibilisée à cet antibiotique dans la syphilis tardive, qu’il y ait ou non une atteinte neuroméningée.
Syphilis congénitale La syphilis congénitale est due au passage transplacentaire des tréponèmes maternels, le plus souvent en fin de grossesse. La sérologie tréponémique (TPHA et VDRL) est obligatoire en début de grossesse. La syphilis congénitale se manifeste soit par une mort in utero, soit par une syphilis profuse néonatale de type secondaire, gravissime, soit par une atteinte plus tardive pouvant se révéler dans l’enfance par les stigmates de la syphilis tertiaire.
Interprétation des sérologies tréponémiques Nous disposons de trois sérologies tréponémiques : le TPHA, le VDRL et le FTA. Le TPHA et le FTA sont des sérologies tréponémiques spécifiques de l’ensemble des tréponématoses
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(syphilis et tréponématoses endémiques : pian, bejel et caraté). Le VDRL est une sérologie non spécifique, fréquemment positive dans des circonstances telles que diverses maladies infectieuses, la grossesse, la toxicomanie à l’héroïne et le syndrome des antiphospholipides. Le test de Nelson n’est plus utilisé. Au cours de la syphilis, les sérologies tréponémiques se positivent avec retard par rapport au début du chancre, entre j5 et j15 (cf. supra), puis leurs titres augmentent progressivement pour être maximaux lors de la phase secondaire et redescendre ensuite en l’absence de traitement, très lentement. Seul le VDRL peut se négativer après de nombreuses années, le TPHA et le FTA restant indéfiniment positifs. Après traitement, les titres du TPHA et du FTA se modifient peu, mais le VDRL se négative dans la syphilis précoce, en moyenne en 1 an dans la syphilis primaire et en 2 ans dans la syphilis secondaire. Lorsque le traitement est institué avant la positivité des sérologies tréponémiques, celles-ci ne se positivent pas dans la plupart des cas. Il n’y a aucun moyen sérologique de différencier la syphilis vénérienne des tréponématoses endémiques. En cas de doute sur l’origine d’une sérologie tréponémique, il faut toujours privilégier l’hypothèse la plus grave, c’est-à-dire celle d’une syphilis, et traiter comme telle.
■ Urétrites masculines L’urétrite masculine est une inflammation de l’urètre, le plus souvent d’origine infectieuse, se traduisant par un écoulement urétral séreux ou purulent, ou par des symptômes urinaires peu spécifiques (dysurie, pollakiurie, brûlures mictionnelles, prurit canalaire). Les deux étiologies majeures d’urétrite masculine sont : le gonocoque (Neisseria gonorrhoeae) et Chlamydia trachomatis [12], auxquels on peut ajouter Trichomonas vaginalis et Mycoplasma genitalium.
Attitude pratique devant une urétrite masculine En cas d’urétrite avec écoulement, le diagnostic d’urétrite est certain. Il importe de faire un examen direct de l’écoulement pour recherche de diplocoques intracellulaires, de pratiquer une culture pour recherche de gonocoques, ainsi qu’un examen fiable pour recherche de C. trachomatis (soit culture sur frottis endo-urétral, soit PCR du premier jet d’urine). On ne doit pas attendre le résultat de ces examens complémentaires pour traiter. Lorsque l’examen direct est positif pour le gonocoque, un traitement antigonococcique associé à un traitement antichlamydien est prescrit. En cas de négativité de l’examen direct, un traitement antichlamydien seul est proposé. Si l’on ne dispose pas d’un plateau technique performant, un traitement systématique antigonococcique et antichlamydien est indispensable (approche syndromique). En l’absence d’écoulement urétral, il convient avant tout d’éliminer une infection urinaire et de pratiquer un examen cytologique, d’une part du premier jet d’urine (présence de polynucléaires évocateurs d’urétrite) et un examen de milieu de miction (présence de polynucléaires évoquant une infection urinaire). Si la cytologie de milieu de miction est négative, il convient, d’une part de rechercher N. gonorrhoeae en culture par un écouvillonnage urétral, d’autre part de rechercher C. trachomatis par les méthodes vues plus haut. Le traitement doit être prescrit avant le résultat de ces examens de laboratoire et comporte systématiquement un traitement antichlamydien de 7 jours. Un traitement antigonococcique systématique n’est pas indispensable dans cette situation. De même, en l’absence de plateau technique performant, un traitement antichlamydien est systématiquement prescrit. Un traitement trichomonicide est prescrit en cas de positivité de l’examen direct ou en l’absence de plateau technique devant une urétrite avec écoulement, ou devant une urétrite sans écoulement résistant aux cyclines. Ces examens sont complétés par des sérologies pour le VIH, la syphilis et les hépatites. Traité de Médecine Akos
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Urétrite gonococcique
Urétrite à Trichomonas vaginalis
L’urétrite gonococcique est typiquement aiguë, avec écoulement purulent jaunâtre ou verdâtre et dysurie marquée survenant après une incubation courte, en général de moins de 5 jours. Plus rarement, il s’agit d’une urétrite subaiguë, voire un portage sain qui est exceptionnel. Le diagnostic repose sur l’examen direct du frottis de l’écoulement étalé sur lame et coloré par coloration de Gram ou au bleu de méthylène. La sensibilité de l’examen direct dans la gonococcie masculine est proche de 100 % : présence de diplocoques intracellulaires dans les polynucléaires. La culture sur milieu de Thayer-Martin (gélose chocolat) reste l’examen de référence (résultat en 1 à 2 jours). En l’absence de traitement, des complications peuvent survenir, en particulier une orchiépididymite aiguë, une prostatite aiguë, voire une septicémie gonococcique subaiguë marquée par une fébricule traînante, une polyarthrite et des lésions cutanées pustuleuses. Les localisations extragénitales de la gonococcie sont fréquentes : pharyngite ou portage pharyngé, gonococcie anorectale totalement asymptomatique ou responsable d’un ténesme anorectal avec écoulement purulent. La transmission de la gonococcie par les rapports buccogénitaux est très fréquente. Le traitement repose sur les données épidémiologiques de la sensibilité du gonocoque aux différents antibiotiques. En France, environ 20 % des gonocoques sont sécréteurs de pénicillinase (NGPP), ce qui interdit l’utilisation des bêtalactamines en dehors des céphalosporines de troisième génération. De plus, en 2006 plus de 40 % des gonocoques étaient résistants à la ciprofloxacine ; ce traitement est donc réservé aux contreindications des autres molécules plus efficaces. Le traitement de choix, en France, est actuellement la Rocéphine® (ceftriaxone) à la dose de 500 mg par voie intramusculaire en une seule injection. Les traitements alternatifs sont : le céfixime (Oroken®, 400 mg per os en une prise) et en cas d’allergie aux bétalactamines la ciprofloxacine (Ciflox®, 500 mg per os en une prise). La spectinomycine (Trobicine®) qui était intéressante comme traitement alternatif, en particulier en cas d’allergie à la pénicilline, n’est plus disponible en France. Le traitement doit être complété par une antibiothérapie efficace contre C. trachomatis du fait des fréquentes associations entre N. gonorrhoeae et C. trachomatis (environ 25 % des cas) [13, 14].
T. vaginalis est un parasite flagellé responsable d’urétrite subaiguë et de balanoposthite. Il s’agit d’une étiologie peu fréquente d’urétrite dans les pays occidentaux, mais majeure dans les pays tropicaux. Le diagnostic repose sur l’examen direct, mettant en évidence le parasite mobile entre lame et lamelle dans une goutte de sérum physiologique (examen à l’état frais) et sur les cultures spécifiques. Il n’existe pas de sérologie. Le traitement repose sur l’administration en une fois d’un traitement « minute » de 2 g de nitro-imidazolés (métronidazole, Flagyl® ; nimorazole, Naxogyn® ; tinidazole, Fasigyne®) [18].
Urétrite à Chlamydia trachomatis C. trachomatis, bactérie intracellulaire responsable d’urétrites masculines (sérotypes D à K), est actuellement l’étiologie principale d’urétrite masculine. L’incubation est variable (quelques jours à quelques mois) et le portage asymptomatique très fréquent puisqu’il peut atteindre 10 % d’une population d’adultes jeunes. Les signes cliniques sont en général modérés, rarement urétrite purulente, plus souvent écoulement transparent ou symptômes urétraux sans écoulement. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de la bactérie par frottis endo-urétral et culture sur milieu cellulaire. Mais cet examen a une sensibilité imparfaite (80 %), est long (de 3 à 7 jours), coûteux et réservé à des laboratoires spécialisés. Les examens rapides, immunofluorescence ou tests immunoenzymatiques, ont une spécificité et une sensibilité trop médiocres pour être utilisés. En revanche, la PCR a une excellente sensibilité, est réalisable sur le premier jet d’urine, évitant par là un prélèvement endo-urétral traumatisant [15]. Les sérologies de C. trachomatis n’ont aucun intérêt dans cette indication. C. trachomatis est la première cause des orchiépididymites du sujet jeune. C. trachomatis peut également être responsable de syndromes de Fiessinger-Leroy-Reiter. Le traitement des infections à C. trachomatis repose sur les cyclines pour une durée de 7 jours, par exemple, doxycycline, 100 mg deux fois par jour pendant 7 jours. Une alternative très intéressante, permettant d’améliorer l’observance au traitement, est l’utilisation d’azithromycine (Zithromax®, 1 g per os en dose unique). Ces traitements ont une excellente efficacité mais des recontaminations sont possibles [13, 16, 17]. Traité de Médecine Akos
Urétrite à mycoplasmes On considère actuellement que la place des mycoplasmes dans les urétrites masculines est extrêmement limitée [19] . Mycoplasma hominis n’est pas pathogène pour l’urètre masculin. Ureaplasma urealyticum est un mycoplasme saprophyte des voies génitales masculines. Il est actuellement impossible de déterminer avec précision sa responsabilité dans les urétrites masculines, mais celle-ci semble faible. Il ne peut être envisagé qu’en l’absence de tout pathogène associé, ce qui est rare, si la quantité de mycoplasmes est supérieure à 103 ou 104 unités de changement de couleur (UCC) et probablement pour certains sérotypes particuliers. Le diagnostic repose sur la mise en évidence en culture sur milieux spéciaux d’U. urealyticum, examen très facile à pratiquer mais bien difficile à interpréter. Le traitement de référence des urétrites à U. urealyticum reste les tétracyclines. Il existe cependant environ 10 % de souches résistantes aux cyclines et jusqu’à 20 % des patients gardent une culture positive pour U. urealyticum après traitement. De plus, la recolonisation est habituelle lors de la reprise des rapports sexuels. L’érythromycine, la josamycine, l’azithromycine, et l’ofloxacine sont également efficaces et peuvent être utilisées en seconde intention. Néanmoins, aucune recommandation thérapeutique consensuelle n’est disponible. En revanche, M. genitalium, un mycoplasme de découverte récente, identifiable seulement par des techniques de PCR sur le premier jet d’urines ou sur le prélèvement urétral, pourrait être responsable de 10 % à 25 % des cas d’urétrites masculines, soit non gonococciques aiguës, soit chroniques ou récidivantes, sa présence étant fortement corrélée à l’existence de polynucléaires dans l’urètre [20, 21]. Les porteurs asymptomatiques sont rares. Le traitement recommandé en première intention pour M. genitalium est l’azithromycine : Zithromax® per os 500 mg le premier jour, puis 250 mg par jour les 4 jours suivants. En raison d’échecs cliniques avec les cyclines, elles ne sont prescrites qu’en deuxième intention en cas de contre-indication à l’azithromycine pour une durée de 15 jours.
■ Cervicovaginites Les cervicovaginites sont fréquentes et se manifestent par des leucorrhées, troubles ou purulentes, une sensibilité anormale du col, une exo- ou endocervicite et une inflammation des parois vaginales en général provoquée par les leucorrhées ellesmêmes. Le toucher vaginal est normal. Les micro-organismes responsables sont N. gonorrhoeae et C. trachomatis [22].
Cervicovaginites à Neisseria gonorrhoeae La gonococcie cervicale est responsable de leucorrhées purulentes avec exo- et endocervicite. Un portage pharyngé et anorectal est fréquent chez la femme en association à l’atteinte génitale (20 % à 30 %). Le diagnostic repose sur l’examen direct du prélèvement de l’endocol et sur les cultures. Une différence majeure avec l’urétrite masculine gonococcique est la très faible rentabilité de l’examen direct qui ne dépasse pas 25 % du fait de la grande richesse physiologique de la flore cervicovaginale et des difficultés de lecture. La recherche de N. gonorrhoeae doit se faire, également, systématiquement à l’urètre (possibilité d’une localisation urétrale isolée dans 10 % à 20 % des cas). La culture de gonocoque doit donc être systématique devant une cervicovaginite.
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prélèvement peut être complété par un examen bactériologique à la recherche de streptocoques B. Cependant, la plupart des balanites ne sont pas d’origine infectieuse, mais plus souvent des balanites d’irritation favorisées par l’application intempestive de topiques. La première chose à faire est, en général, d’arrêter tout traitement local agressif et de se contenter de nitrate d’argent et de pâte à l’eau [24].
Les complications des infections gonococciques féminines, non traitées ici, sont la salpingite aiguë et l’endométrite, ainsi que la bartholinite. Le traitement est le même que chez l’homme [13, 14].
Cervicovaginites à Chlamydia trachomatis .
C. trachomatis est l’étiologie principale des cervicovaginites, mais l’infection est très souvent asymptomatique, le portage asymptomatique pouvant toucher 5 % à 10 % des jeunes femmes. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de C. trachomatis par culture d’un prélèvement de l’endocol. Ce prélèvement doit être systématiquement associé à un prélèvement urétral. La PCR C. trachomatis peut également être pratiquée dans le premier jet d’urine et remplace avantageusement le prélèvement urétral. En revanche, cet examen ne dispense pas d’une recherche de C. trachomatis au col (culture ou PCR). La sérologie de C. trachomatis est inutile, sauf en cas de suspicion de salpingite (douleurs abdominales, douleurs des culs-de-sac, difficultés de mobilisation utérine, fièvre). Les complications d’une cervicovaginite à C. trachomatis, non traitées ici, sont l’endométrite, la salpingite, la pelvipéritonite et la périhépatite de Fitz-Hugh-Curtis. C. trachomatis est la première cause de salpingite. Ces salpingites sont souvent d’évolution subaiguë, de diagnostic difficile, conduisant à des sténoses tubaires et, à terme, à une stérilité tubaire ou à des grossesses extra-utérines. Le traitement des cervicovaginites à C. trachomatis non compliquées est le même que chez l’homme, reposant sur 1 semaine de cyclines ou un traitement à dose unique d’azithromycine. En cas d’infection haute (endométrite, salpingite, pelvipéritonite), un traitement long de 21 jours de cyclines est préféré [13, 16].
Vulvovaginites Les étiologies les plus fréquentes des vulvovaginites sont : la candidose vulvovaginale, la vaginose bactérienne et les infections à T. vaginalis.
Vulvovaginite candidosique Elle associe une vulvite érythémateuse et prurigineuse à des leucorrhées blanches, épaisses, adhérentes à la muqueuse. Le diagnostic, souvent évident cliniquement, peut être confirmé par l’examen direct et la culture à la recherche de C. albicans (levures et pseudofilaments à l’examen direct, nombreuses colonies en culture). La candidose vulvovaginale n’est pas une MST. Il s’agit d’une anomalie de l’écosystème vaginal à pH trop acide favorisé par des toilettes intempestives, une immunodépression, un diabète ou surtout la prise d’antibiotiques. Le traitement local par ovules d’antifongiques imidazolés est très rapidement efficace, mais des récidives sont fréquentes, en particulier en période prémenstruelle [25].
Vaginose bactérienne La vaginose bactérienne est très fréquente. Elle est due à une anomalie de l’écosystème vaginal à pH trop alcalin (pH > 4,5), favorisant la prolifération d’anaérobies et de Gardnerella vaginalis. Elle s’accompagne de leucorrhées abondantes, malodorantes. Il n’y a pas de cervicite associée. Le diagnostic repose sur un ensemble de critères cliniques (cf. supra) et de laboratoire : en particulier, la présence de cellules indicatrices (clue-cells) à l’examen direct des sécrétions et d’un test positif à la potasse à 10 % provoquant une odeur nauséabonde de la leucorrhée. La vaginose n’est pas une MST mais des balanites à anaérobies ou à G. vaginalis peuvent se voir chez le partenaire sexuel. Le traitement repose sur le métronidazole per os : 1 g/j pendant 7 jours, mais les récidives sont fréquentes, favorisées par les toilettes intempestives [26, 27].
Cervicovaginites à Trichomonas vaginalis T. vaginalis est une étiologie mineure de cervicovaginite. Il s’agit le plus souvent d’une vulvovaginite avec peu ou pas d’atteinte cervicale (simple exocervicite). Le diagnostic peut être cliniquement évoqué sur des leucorrhées très abondantes, mousseuses, verdâtres. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du parasite à l’état frais, examen éventuellement complété par des cultures spécifiques. Le traitement repose sur l’administration en dose unique de 2 g de nitro-imidazolé, comme chez l’homme [18, 22].
Vulvovaginite à Trichomonas vaginalis Une atteinte vulvaire est fréquemment associée aux vaginites ou cervicovaginites à T. vaginalis.
■ Infections génitales basses : balanites et vulvovaginites
■ Verrues génitales
Les balanites infectieuses et les vulvovaginites infectieuses sont des pathologies bénignes, à la frontière des MST.
Les verrues génitales ou condylomes acuminés sont dus aux virus des papillomes humains (PVH), en particulier aux types 6 et 11.
Balanites infectieuses [23] .
Les balanites infectieuses sont des pathologies fréquentes, bénignes, plus fréquentes chez les sujets non circoncis. Les micro-organismes responsables sont Candida albicans, T. vaginalis et, accessoirement, le streptocoque B. La balanite candidosique est classiquement érythémateuse, parsemée de pustules. Plus fréquente chez le diabétique, elle peut s’observer chez les partenaires sexuels de femmes ayant une vulvovaginite à C. albicans. Un simple traitement antifongique local (crème Fongamil®, émulsion Fazol®) est, en règle, très rapidement efficace. La balanite à T. vaginalis est également classique en association avec une urétrite à T. vaginalis. La balanite à streptocoque B est plus rare, d’aspect clinique non spécifique. Un simple traitement antiseptique non agressif est en général suffisant.
Attitude pratique devant une balanite aiguë Il convient de faire un prélèvement mycologique comportant un examen direct (présence de levures et de pseudofilaments) et une culture (présence de nombreuses colonies de C. albicans). Le
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[26, 27]
Aspect clinique
.
Il s’agit de formations exophytiques plus ou moins kératosiques, plus ou moins pédiculées, rose rouge vif ou pigmentées, quelquefois confluentes, siégeant sur le prépuce, le frein, le sillon balanopréputial ou le méat urétral chez l’homme (Fig. 3), rarement le fourreau, le vestibule et les lèvres chez la femme, et la région anale et le pubis dans les deux sexes. Le diagnostic clinique est en règle évident ; dans les cas douteux, l’histologie montre une hyperplasie épithéliale avec présence de koïlocytes. D’autres aspects cliniques sont possibles, en particulier des condylomes plans, mieux mis en évidence après application d’acide acétique à 5 % (blanchiment). Les verrues génitales sont contagieuses et sont caractérisées par une tendance à la récidive pendant plusieurs semaines ou mois. Le risque majeur est leur association à des lésions néoplasiques, en particulier au col utérin, dues à des PVH oncogènes essentiellement de types 16, 18, 31 et 33. Un examen gynécologique avec colposcopie est indispensable chez toute femme atteinte de verrues génitales ou dont le partenaire est atteint de verrues génitales. Traité de Médecine Akos
Maladies sexuellement transmissibles. Maladies vénériennes ¶ 2-0695
Figure 3.
Condylome du méat.
Traitement Le traitement des verrues génitales est essentiellement destructeur : moyens physiques (cryothérapie, électrocoagulation, laser) ou chimiques (acide trichloracétique, podophyllotoxine ou 5-fluorouracile). Tous les traitements sont efficaces, mais les récidives sont fréquentes quel que soit le traitement utilisé. L’imiquimod (Aldara®) a un mécanisme d’action original (induction locale d’interféron a et de cytokines, stimulation de la présentation des antigènes viraux aux lymphocytes T). Cet immunomodulateur topique, lorsqu’il est bien supporté, a un taux de récidive inférieur aux traitements destructeurs. Récemment, deux vaccins prophylactiques anti-PVH sont apparus. Le Gardasil®, vaccin tétravalent ciblant les PVH à haut risque oncogène (16 et 18) ainsi que les PVH à bas risque (6 et 11) mais fréquemment responsables de condylomes. L’efficacité préventive vis-à-vis des condylomes et des dysplasies cervicales est de l’ordre de 100 %, la tolérance est excellente et les anticorps neutralisants persistent au moins pendant 7 ans. Le schéma de vaccination comprend trois injections intramusculaires à 0, 2 et 6 mois [28]. Le Cervarix® qui ne cible que les PVH 16 et 18 est moins intéressant dans la mesure où il n’empêche pas les condylomes. Le schéma de vaccination du Cevarix® est de trois injections à 0, 1 et 6 mois. Le remboursement de ces vaccins est limité aux indications suivantes : prévention des dysplasies de haut grade et des cancers du col de l’utérus, des dysplasies de haut grade de la vulve et des verrues génitales externes dus aux PVH de type 6, 11, 16, 18, des jeunes filles de 14 ans et des jeunes filles et jeunes femmes de 15 à 23 ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels, ou au plus tard dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle. Il n’est pas nécessaire de vérifier le portage HPV génital avant la vaccination. Le vaccin n’est pas recommandé chez l’homme en France. Le cancer du col de l’utérus est la deuxième cause de cancer féminin dans le monde. Les PVH 16 et 18 n’étant responsables que de 70 % de ces cancers, les vaccins, bien qu’efficaces à 100 %, ne préviendront pas tous les cancers du col. La surveillance par frottis cervicovaginaux doit donc être maintenue chez toutes les femmes vaccinées ou non vaccinées.
■ Autres maladies sexuellement transmissibles Les molluscum contagiosum peuvent se transmettre lors de rapports sexuels et prédominent chez l’adulte dans les régions génitoanales, en particulier sur le pubis (Fig. 4). L’infection est due à un virus du groupe pox. Le traitement est simplement destructeur (curetage, cryothérapie). La phtiriase pubienne est une MST très fréquente et bénigne. L’infection est due à Phtirius pubis. Le traitement utilise notamment des lotions à base de pyrèthres ou le simple rasage. De nombreuses autres infections sortant du cadre de cet article sont également transmises sexuellement, en particulier les infections par le VIH, le virus de l’hépatite B (VHB), le cytomégalovirus, le human herpes virus 8 et, plus rarement, le virus de l’hépatite C. Toute MST doit donc faire rechercher systématiquement une infection concomitante au VIH et au VHB et proposer, Traité de Médecine Akos
Figure 4.
Molluscum contagiosum du pubis.
▲ Attention Pathologies à déclaration obligatoire • Hépatite B aiguë • Infection à VIH
si cette dernière sérologie est négative, une vaccination contre l’hépatite B.
■ Maladies sexuellement transmissibles et infection par le VIH [29]
Les MST classiques et l’infection par le VIH sont toutes sexuellement transmissibles et sont étroitement liées sur le plan épidémiologique ; les MST classiques réalisent un observatoire de l’épidémie du VIH. Elles favorisent la transmission du VIH par les érosions, ulcérations ou inflammations génitales qu’elles entraînent. Leur prévention doit être commune et les messages d’information sont les mêmes : réduction du risque par l’abstinence, la fidélité ou l’utilisation de préservatifs. L’infection VIH, en retour, favorise l’expression des MST, en particulier de l’herpès génital, l’excrétion virale par l’HSV2 étant beaucoup plus fréquente chez les patients séropositifs pour le VIH. Ainsi se constitue un cercle vicieux dans la transmission des unes et de l’autre. La syphilis est également volontiers plus grave chez les patients séropositifs pour le VIH et le traitement des MST classiques est plus difficile chez les patients infectés par le VIH, l’immunodépression diminuant le taux de succès thérapeutique dans la syphilis ou le chancre mou, et favorisant le passage à la chronicité de l’herpès génital, des verrues génitales et des molluscum contagiosum.
■ Conclusion L’approche des MST doit être rigoureuse, qu’il s’agisse des ulcérations génitales, des urétrites masculines ou des cervicovaginites. Les étiologies sont multiples, l’examen clinique peu sensible. Il est indispensable d’avoir recours à des examens de laboratoire de bonne qualité. La pratique de ces examens permet de poser un diagnostic de certitude et favorise l’observance thérapeutique. Cependant, un traitement immédiat est toujours nécessaire sans attendre les résultats des examens complémentaires, avec de grands principes : le traitement de la syphilis devant toute ulcération génitale, le traitement antigonococcique et antichlamydien devant toute urétrite masculine ou cervicovaginite (Tableau 1). Une approche syndromique peut également être envisagée dans les pays ne disposant pas d’un plateau technique performant. Les rapports étroits existant entre les MST classiques et l’infection VIH sont là pour rappeler qu’il s’agit réellement d’un problème de santé publique. Enfin, les différentes MST sont volontiers associées et l’une doit faire rechercher les autres.
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Tableau 1. Récapitulatif des traitements des maladies sexuellement transmissibles les plus fréquentes.
Syphilis primaire et secondaire
Traitement de première intention
Traitement de deuxième intention
Extencilline®, 2,4 MUI par voie intramusculaire dose unique
Doxycycline, 100 mg deux fois par jour per os pendant 3 semaines Désensibilisation pénicilline
Syphilis tardive
Extencilline®, 2,4 MUI par voie intramusculaire par semaine pendant 3 semaines
Doxycycline, 100 mg deux fois par jour per os pendant 3 semaines Désensibilisation pénicilline
Neurosyphilis
Pénicilline G, 20 MUI/j par voie intraveineuse pendant 15 jours
Primo-infection herpétique
Zelitrex®, 2 comprimés par jour per os pendant 10 jours
Récurrence herpétique
Zelitrex®, 2 comprimés par jour per os pendant 5 jours
Plus de six récurrences herpétiques par an
Zelitrex®, 1 comprimé par jour per os pendant 6 à 9 mois
Chancre mou
Zithromax®, 1 g per os dose unique
Désensibilisation pénicilline
Rocéphine®, 500 mg par voie intramusculaire dose unique Érythromycine, 2 g/j per os pendant 10 jours
Urétrite ou cervicite à gonocoque
®
Rocéphine , 500 mg par voie intramusculaire, dose unique
Oroken®, 400 mg per os dose unique Ciflox®, 500 mg per os dose unique
+ traitement antichlamydien Urétrite ou cervicite à Chlamydia trachomatis
Doxycycline, 100 mg deux fois par jour per os pendant 1 semaine
Urétrite ou cervicite à Trichomonas vaginalis
Flagyl® ou Naxogyn® ou Fazigyne®, 2 g per os dose unique
Urétrite ou cervicite à Mycoplasma genitalium
Zithromax®, 500 mg per os à j1, puis 250 mg de j2 à j5
Vulvovaginite à Candida albicans
Crème antifongique pendant 10 jours
Zithromax®, 1 g per os dose unique
Doxycycline, 100 mg deux fois par jour pendant 15 jours
+ Gynopévaryl LP® ou Lomexin® Vaginose bactérienne
Flagyl®, 1g/j pendant 7 jours
MUI : millions d’unités internationales.
“
Points essentiels
• Des MST qui avaient pratiquement disparu réapparaissent depuis une dizaine d’années : la gonococcie, la syphilis et la lymphogranulomatose aiguë vénérienne. • Les MST provoquant des ulcérations génitales favorisent la transmission du VIH. • Le travail d’information sur les MST et leurs complications est indissociable de la prévention, en particulier par la promotion du préservatif. • En France, la première cause d’ulcération génitale est l’herpès. Néanmoins, la syphilis doit être recherchée de façon systématique. • Le traitement de la syphilis reste la pénicilline injectable. En cas d’allergie à la pénicilline, la désensibilisation est recommandée. • Actuellement, la rectite aiguë est la forme la plus fréquente de lymphogranulomatose aiguë vénérienne, en particulier chez l’homosexuel masculin. • Tout écoulement urétral chez l’homme est une urétrite jusqu’à preuve du contraire. • Les complications des infections urogénitales basses à C. trachomatis sont l’orchiépididymite chez l’homme et la salpingite chez la femme pourvoyeuse de stérilité tubaire. • Le traitement des verrues génitales peut être effectué par le médecin (cryothérapie, électrocoagulation, laser) ou par le patient luimême (Aldara®, podophyllotoxine). • La récente mise sur le marché de vaccins prophylactiques anti-HPV chez la femme donne l’espoir de voir diminuer les cancers du col de l’utérus dus au HPV 16 et 18. [30]
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Maladies sexuellement transmissibles. Maladies vénériennes ¶ 2-0695 .
■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15]
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B. Chaine, Praticien attaché (
[email protected]). M. Janier, Praticien hospitalier. Centre clinique et biologique des MST, Hôpital Saint-Louis, 42, rue Bichat, 75475 Paris cedex 10, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Chaine B., Janier M. Maladies sexuellement transmissibles. Maladies vénériennes. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0695, 2009.
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2-0696 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
Manifestations dermatologiques de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine
2-0696
E Caumes, M Janier
A
u cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les manifestations cutanéomuqueuses sont présentes à tous les stades de la maladie, de la primo-infection au sida. Elles peuvent révéler la maladie et avoir un intérêt pronostique. Les dermatoses observées sont principalement tumorales, infectieuses et iatrogènes. Les manifestations tumorales sont dominées par la maladie de Kaposi, néoplasie opportuniste et multifocale. Les manifestations infectieuses les plus communes sont virales (herpès, zona, infections à Papillomavirus) et fungiques (candidose, dermatophyties). Les infections bactériennes (streptococcies, staphylococcies, syphilis...) et parasitaires (gale) sont plus rares. Les intolérances médicamenteuses sont fréquentes et souvent d’expression dermatologique. Elles sont dominées par les toxidermies (exanthèmes, syndromes de Stevens-Johnson, de Lyell et d’hypersensibilité médicamenteuse) qui peuvent être observées avec les sulfamides et les antirétroviraux. Les traitements antirétroviraux prolongés concourent à l’apparition du syndrome lipodystrophique. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : maladie de Kaposi, herpès, zona, infections virales, infections bactériennes.
Introduction
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Primo-infection par le VIH
Les manifestations cutanées sont possibles à tous les stades de l’infection par le VIH. Elles sont fréquentes, polymorphes, et parfois révélatrices de l’infection (tableau I). Certaines sont très évocatrices de l’infection par le VIH, d’autres sont plus banales mais particulières par leur fréquence, leur gravité ou leur aspect clinique. La plupart ont en commun une évolution chronique ou prolongée et un caractère rebelle aux traitements classiques. La majorité sont d’origine infectieuse, secondaires à l’immunodépression. Les maladies néoplasiques sont souvent induites par des virus opportunistes (Papillomavirus humains et cancers génitaux, virus Epstein-Barr et lymphomes, maladie de Kaposi et virus HHV8).
L’incubation se situe entre 3 jours et 3 mois, en moyenne 2 semaines. La phase aiguë dure de 3 jours à 4 semaines (en moyenne 1 à 2 semaines). La fréquence des manifestations cliniques au cours de la primo-infection VIH semble se situer autour de 50 % (5 à 90 %). Sur le plan cutané, il existe un exanthème, le plus souvent maculeux ou maculopapuleux, dans 25 à 100 % des cas (en moyenne 50 %). L’histologie des lésions cutanées est peu spécifique. L’atteinte muqueuse s’exprime par une pharyngite douloureuse (50 à 100 % des cas), un simple énanthème du voile et des piliers, un purpura palatin, des érosions buccales (aphtose, voire véritables ulcérations buccales) et plus rarement génitales [9].
L’histoire naturelle des manifestations dermatologiques du sida a été profondément modifiée par l’apparition de traitements antirétroviraux efficaces qui entraînent habituellement l’amélioration spontanée de la plupart des dermatoses [7]. Ainsi la fréquence des dermatoses les plus opportunistes (candidoses, dermatophyties, herpès récurrent, maladie de Kaposi, leucoplasie orale chevelue) diminue. Mais d’autres dermatoses (verrues, végétations vénériennes) sont aussi fréquentes [14]. Et ces traitements s’accompagnent parfois de l’apparition de nouveaux effets indésirables liés à la reconstitution immunitaire ou à une toxicité médicamenteuse [2].
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Pathologies tumorales cutanées et muqueuses ‚ Maladie de Kaposi Le terme de maladie de Kaposi (MK) doit être préféré à celui de sarcome de Kaposi car la MK n’est pas un sarcome mais une hyperplasie endothéliale ou mésenchymateuse polyclonale, multifocale, et ne métastasiant pas. La maladie de Kaposi est la conséquence de l’infection par le virus HHV8 (ou KSHV). Les modes de transmission de ce virus sont
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variables selon la région du monde : transmis sexuellement dans les pays occidentaux et transmis plutôt sur un mode oral dans l’enfance dans les pays tropicaux. La MK du sida (ou MK épidémique) se comporte de manière plus agressive, plus disséminée que la MK classique, mais la lésion élémentaire est cliniquement et histologiquement la même dans les deux formes : c’est une macule érythémateuse qui devient progressivement violacée et s’infiltre (fig 1). La topographie des lésions est ubiquitaire, sans la prédilection de la MK classique pour les membres inférieurs ; le visage et le tronc sont fréquemment atteints. Une atteinte de la muqueuse buccale est présente dans environ 50 % des cas des MK étendues (essentiellement sur le palais). Les localisations viscérales, notamment pulmonaire, et les formes avec œdèmes parfois considérables (du visage, des organes génitaux et des membres inférieurs) font toute la gravité de la maladie en engageant le pronostic vital. Le diagnostic de la MK repose sur l’histologie. L’évolution de la MK est très variable. Avant l’apparition des traitements antirétroviraux hautement efficaces (HAART), le pronostic vital était principalement engagé par les infections opportunistes, la MK étant responsable du décès de ces patients dans 25 % des cas environ. L’arrivée de ces traitements a transformé l’évolution de la maladie qui ne met plus très souvent le pronostic vital en jeu. Pour tenter d’uniformiser les protocoles
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Tableau I. – Dermatoses infectieuses et leur traitement. Bactéries Staphylococcies : antibiotiques antistaphylococciques (per os/locaux) Streptococcies : antibiotiques antistreptococciques (per os/locaux) Syphilis : traitement classique (ponction lombaire recommandée dans les syphilis de plus de 1 an d’évolution, si signes neurologiques, si VDRL > 32 unités) Périodontopathies : soins locaux + métronidazole/spiramycine Angiomatose bacillaire : érythromycine, fluoroquinolones, doxycycline, aminosides Mycobactéries Mycobacterium tuberculosis : isoniazide, rifampicine, pyrazinamide ± éthambutol Mycobacterium haemophilum : minocycline, clarithromycine Virus Herpès simplex : aciclovir per os (le valaciclovir n’a pas l’AMM dans cette indication mais est préférable du fait de sa meilleure biodisponibilité). Éviter les traitements prolongés (risque de sélection de souches multirésistantes) Herpès chronique : aciclovir IV : 15 mg/kg/j. Formes résistantes à l’aciclovir : foscarnet IV ou cidofovir IV ou topique Zona : aciclovir per os ou IV. Le valaciclovir per os apparaît plus intéressant que l’aciclovir per os (même s’il n’a pas l’AMM) du fait de sa meilleure biodisponibilité orale mais le traitement du zona chez les patients immunodéprimés relève de l’aciclovir IV [7] Varicelle-zona chronique : aciclovir IV : 30 mg/kg/j. Formes résistantes à l’aciclovir : foscarnet IV Molluscum contagiosum : cryothérapie, curette (problèmes des projections sanguines et de la désinfection des instruments), cidofovir IV ou local (crème à 3 %), imiquimod crème 5 % (pas d’AMM et peu effıcace chez l’immunodéprimé) Verrues génitales (HPV) : traitements classiques. L’imiquimod n’a pas l’AMM (et n’apparaît pas très effıcace chez les patients immunodéprimés) Leucoplasie orale chevelue : pas de traitement en dehors du traitement antirétroviral Maladie de Kaposi (HHV8) : traitement antirétroviral, traitements locaux, radiothérapie, interféron, monochimiothérapie, polychimiothérapie Champignons Candidoses buccales : antifongiques locaux (amphotéricine B, nystatine), fluconazole per os (50 à 200 mg/j). Éviter les traitements continus (risque de résistance) Dermatophyties : traitement classique Cryptococcose cutanée : amphotéricine B IV puis fluconazole per os Histoplasmose cutanée : amphotéricine B IV puis itraconazole per os Malassezia furfur : traitement classique Parasites Gale : traitement classique mais nécessité de traitements répétés dans les gales exagérées, intérêt de l’ivermectine : 200 µg/kg/j en une prise, éventuellement renouvelée 7 jours plus tard Infections à Demodex folliculorum : lindane local et ivermectine oral répété thérapeutiques, diverses classifications ont été proposées : celle de Krown est la plus utilisée (tableau II) [18]. Les indications thérapeutiques dépendent de la forme clinique de MK mais doivent aussi prendre en compte l’efficacité des traitements antirétroviraux. En effet, on peut s’attendre à une amélioration spontanée de la MK chez près de 80 % des patients bénéficiant d’un puissant traitement antirétroviral et, le plus souvent, la MK ne met pas directement en jeu le pronostic vital. Sinon le choix peut se porter en fonction du nombre des lésions vers les petits moyens locaux (exérèse, cryothérapie), la radiothérapie, l’interféron alpha, une monochimiothérapie (alcaloïdes de la pervenche, étoposide, anthracyclines, bléomycine) ou une polychimiothérapie [18].
‚ Autres tumeurs
1 Lésions maculopapuleuses angiomateuses du tronc caractéristiques d’une maladie de Kaposi.
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Les lymphomes sont fréquents au cours du sida, dont ils constituent d’ailleurs un critère majeur du diagnostic. Il s’agit, en règle, de lymphomes B ou indifférenciés, de haut grade (immunoblastiques, type Burkitt ou diffus à grandes cellules), le plus souvent extranodaux (lymphomes cérébral, digestif, médullaire, rarement leucémie aiguë lymphoblastique type 3), et pour lesquels les localisations cutanées et muqueuses sont rares. Dans la moitié des cas, le rôle promoteur du virus Epstein-Barr (EBV) semble acquis.
Manifestations dermatologiques de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine - 2-0696
Tableau II. – Classification TIS de la maladie de Kaposi au cours du sida d’après Krown [18]. Meilleur pronostic (0) Tous les critères présents
Mauvais pronostic (1) Un seul critère suffıt
Tumeur (T)
Limitée à la peau et/ou aux aires ganglionnaires et/ou minime atteinte buccale (palais)
Œdème ou ulcération tumorale Atteinte buccale étendue Atteinte gastro-intestinale Atteinte viscérale
Immunité (I)
CD4 > 200/mm3
CD4 < 200/mm3
Signes constitutionnels et systémiques (S)
Pas d’infection opportuniste Indice de Karnofsky > 70 Absence de signe B*
Infection opportuniste ou muguet Signe B* Indice de Karnofsky < 70 Neuropathie, lymphome
Signes B : fièvre inexpliquée, sueurs nocturnes, amaigrissement involontaire > 10 %, diarrhée persistant depuis plus de 2 semaines
Des cas de maladie de Hodgkin ont également été décrits chez des patients infectés par le VIH, en règle de stade IV avec parfois une atteinte cutanée. De rares observations de lymphomes T, CD4 + et surtout CD8 + ont été publiées. Certains présentent une infiltration pseudolymphomateuse de la peau par des lymphocytes CD8 + activés par le VIH. Divers types de carcinomes ont été rapportés : carcinomes épidermoïdes génitaux et anaux attribués aux virus des papillomes humains (cf infra), carcinomes basocellulaires, exceptionnellement, carcinomes spinocellulaires (une dizaine de cas). Il existe aussi quelques observations de mélanome malin, d’éclosion de nævus dysplasiques, et de rares cas de myélome, léiomyome ou léiomyosarcome, rhabdomyosarcome.
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Infections ‚ Infections bactériennes Infections à pyogènes Les infections staphylococciques à Staphylococcus aureus sont fréquentes chez les patients infectés par le VIH, particulièrement chez les enfants. Il s’agit le plus souvent d’infections cutanées superficielles : folliculites acnéiformes chroniques (visage, thorax, fesses), folliculites axillaires, folliculites des membres, impétigos staphylococciques du cou et de la barbe, récidives d’acné, botryomycoses, abcès, cellulites, ecthymas, intertrigos, furonculose. Les infections streptococciques à Streptococcus pyogenes sont plus fréquentes chez les patients infectés par le VIH. Dans une étude, l’infection par le VIH est associée à un risque d’infection streptococcique B invasive 30 fois plus élevé que pour une population témoin non infectée par le VIH [11]. Ces chiffres très élevés dépassent le risque observé chez les diabétiques et les cancéreux.
Maladies sexuellement transmissibles (MST) Les interrelations entre syphilis et infection par le VIH sont nombreuses. La syphilis est un marqueur de sexualité « à risque » aussi bien chez les homosexuels que chez les hétérosexuels. L’existence d’une ulcération génitale, qu’elle soit syphilitique ou non, favorise la séroconversion VIH. Enfin, l’infection par le VIH peut modifier l’histoire naturelle de la
syphilis. Ainsi, ont été décrites des syphilis graves, neurologiques, oculaires ou cutanées (syphilis malignes), parfois très précoces, et des échecs de traitement par la benzathine pénicilline [17] . Beaucoup d’auteurs sont donc partisans d’une extrême prudence : schémas thérapeutiques renforcés, ponction lombaire dès la phase secondaire, surveillance sérologique accrue. Les modalités thérapeutiques sont conditionnées pour certains par les résultats de la ponction lombaire. Enfin, il est indispensable de pratiquer (et de surveiller) les sérologies tréponémiques chez tous les patients infectés par le VIH, et inversement de pratiquer une sérologie VIH à tout patient ayant ou ayant eu une syphilis. La gravité particulière des autres MST chez les patients VIH est connue : herpès graves, condylomes étendus, cancers du col utérin, hépatite B d’évolution cirrhogène. Des échecs thérapeutiques ont aussi été publiés avec les traitements classiques : traitement minute par 250 mg de ceftriaxone dans le chancre mou, aciclovir dans l’herpès. Enfin, les campagnes médiatiques contre le sida ont eu pour conséquence première, en particulier dans la communauté homosexuelle, de faire diminuer l’incidence des MST classiques. Mais depuis la fin des annes 1990, on observe une réapparition des MST, notamment chez les patients infectés par le VIH, corrélée à la reprise de comportements sexuels à risque, phénomène connu sous le nom de « relapse ».
Autres infections bactériennes L’angiomatose bacillaire (AB) survient le plus souvent à un stade avancé. Elle est due à Bartonella (Bartonella henselae et B. quintana). B. henselae est transmis par les puces de chat et B. quintana par les poux de corps. L’AB se caractérise par des papules ou des nodules angiomateux plus ou moins profonds, parfois ulcérés, ressemblant à des botryomycomes, uniques ou multiples. L’atteinte muqueuse est possible. Une atteinte multiviscérale, (fièvre, altération majeure de l’état général, atteinte osseuse, pulmonaire, cérébrale, musculaire, hépatique nodulaire ou péliose) le plus souvent associée aux signes cutanés est fréquente. La tuberculose est l’une des infections opportunistes les plus fréquentes chez les patients infectés par le VIH, mais les localisations cutanées sont rares. Les miliaires cutanées et les scrofulodermes semblent être les plus fréquents des formes de tuberculose cutanée. Dans la plupart des
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2 Herpès anal et périanal chronique révélé par des érosions et ulcérations chroniques. cas, les biopsies cutanées sont peu spécifiques et le diagnostic repose sur les cultures à partir de prélèvement cutané. Très peu de cas associant lèpre et infection par le VIH ont été publiés malgré la superposition géographique de ces deux endémies. Les réactions de réversion de type I sont plus fréquentes chez les patients infectés par le VIH. Une quinzaine d’observations d’infections cutanées à Mycobacterium haemophilum a été publiée chez les patients infectés par le VIH : il s’agit en règle de nodules violacés multiples, ulcérés ou non, parfois douloureux, siégeant aux extrémités, près des articulations et s’accompagnant volontiers d’arthrite, d’ostéite ou ostéomyélite, de ténosynovite. Les infections à Mycobacterium avium, très fréquentes au stade terminal de l’infection par le VIH, ne s’accompagnent qu’exceptionnellement de manifestations cutanées. D’autres formes d’infections cutanées ont été rapportées à d’autres mycobactéries : Mycobacterium bovis, Mycobacterium marinum, Mycobacterium chelonae et Mycobacterium bovis variété BCG.
‚ Infections virales Herpès simplex virus Un herpès cutanéomuqueux chronique (durant plus de 1 mois) est un critère de sida. Les herpès chroniques périanaux se manifestent par des ulcérations multiples, confluentes dans lesquelles le virus HSV 2 est facilement isolé par culture (fig 2). Des tableaux similaires ont été décrits sur la vulve, le gland, le visage, la jambe, la main, le cuir chevelu [3]. La survenue de ces lésions chroniques est péjorative, impliquant une immunodépression profonde (inférieur à 100 CD4/mm3). Des herpès disséminés, cutanés ou exceptionnellement viscéraux ont été rapportés. Quant à l’herpès récidivant périoral, génital ou anal, il semble plus fréquent chez les patients infectés par le VIH.
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3 Zona du trijumeau compliqué d’une surinfection bactérienne avec aspect de dermohypodermite bactérienne aiguë. Varicelle- zona La survenue d’une varicelle est une éventualité rare chez les adultes infectés par le VIH et le plus souvent immunisés contre cette infection après une varicelle de l’enfance. Quelques cas de varicelle grave, nécrotique ont été publiés. Le zona, souvent thoracique ou ophtalmique, est une manifestation très fréquente chez les patients infectés par le VIH. L’incidence du zona est 17 fois plus élevée chez les séropositifs que chez des sujets séronégatifs du même âge [1]. Le zona peut survenir très tôt dans l’histoire naturelle de l’infection par le VIH, en moyenne pour des taux de lymphocytes CD4 de 500/mm3. Il peut être de manière non exceptionnelle la première manifestation clinique de la séropositivité, amenant à faire le diagnostic d’infection par le VIH. Il s’agit le plus souvent de zonas banals, non compliqués. En revanche, les récidives dans le même dermatome ou à distance sont plus fréquentes et très évocatrices d’infection par le VIH. Lorsque le déficit immunitaire est sévère, des zonas extensifs, graves (fig 3), nécrotiques sont possibles [3]. La dissémination cutanée ou viscérale est rare. Plusieurs observations de zonas disséminés chroniques ont cependant été publiées, avec des lésions cutanées peu nombreuses, papulonodulaires, hyperkératosiques, ulcérées, fourmillant de virus varicelle-zona (VZV), ces derniers pouvant être résistants à l’aciclovir, en particulier chez des patients traités au long cours par aciclovir.
Molluscum contagiosum Les molluscum contagiosum, dus à des Poxvirus (MCV 1 et 2), sont très fréquents chez les patients infectés par le VIH lorsque le taux de lymphocytes CD4 s’abaisse en dessous de 200/mm3 et leur nombre augmente en même temps que la progression du déficit immunitaire [23]. Ce sont des molluscum contagiosum typiques mais particuliers par leur profusion (parfois des centaines) sur le tronc, le visage (fig 4), le cuir chevelu et par leur caractère récidivant. Le diagnostic est parfois difficile en cas de molluscum très volumineux, profonds ou non ombiliqués. En cas de doute diagnostique, un examen direct et une biopsie s’imposent car certaines cryptococcoses ou
5 Végétations vénériennes profuses du gland et du sillon balanopréputial.
4 Molluscum contagiosum profus du visage. histoplasmoses peuvent simuler des molluscum contagiosum.
Infections à Papillomavirus humains (VPH) Les infections génitales et anales (plus rarement buccales) à VPH sont fréquentes chez les patients séropositifs pour le VIH et la détection de VPH dans les voies génitales et l’anus, en l’absence de lésions cliniques, pourrait être plus fréquente chez ces patients. Les VPH en cause sont le plus souvent les VPH 6, 11, 16 et 18. Elles s’expriment par des condylomes, volontiers plus profus (fig 5) et plus difficiles à traiter, des carcinomes anaux, des dysplasies du col et des cancers du col utérin. Les cancers invasifs du col sont, actuellement, considérés comme un critère de sida. Par ailleurs, quelques observations de verrues disséminées (vulgaires ou planes), de papulose bowenoïde et d’épidermodysplasie verruciforme ont été publiées.
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Autres dermatoses virales Les infections à cytomégalovirus sont très fréquentes chez les patients VIH + ayant moins de 50 CD4/mm3 et constituent un critère de sida. Les localisations cutanées sont exceptionnelles et les localisations muqueuses (buccales, génitales, périanales) sont rares. Il s’agit, le plus souvent, d’infections disséminées neurologiques, rétiniennes, pulmonaires ou digestives. La leucoplasie orale chevelue (LOC) est une atteinte de la muqueuse orale considérée comme la réactivation d’une infection à virus Epstein-Barr [13]. Elle témoigne d’une immunodépression relativement importante (en moyenne 300 lymphocytes CD4/mm3). Le diagnostic est clinique. La LOC est constituée par des lésions blanchâtres, mal limitées, irrégulières disposées verticalement sur les bords latéraux de la langue, s’étendant rarement sur les faces dorsale et ventrale de celle-ci, exceptionnellement sur la muqueuse jugale. Les lésions sont adhérentes, indolores, à disposition linéaire, filiformes et s’épaississent progressivement avec un aspect hérissé (chevelu).
‚ Mycoses Candidoses buccales C’est l’une des manifestations les plus banales de l’infection par le VIH dès lors que le chiffre de lymphocytes CD4 s’abaisse en dessous de 200/mm3. Le diagnotic de muguet (ou candidose pseudomembraneuse) est clinique (fig 6) et n’a de valeur qu’en l’absence d’antibiothérapie ou de corticothérapie générale. L’interprétation des résultats des prélèvements mycologiques de la bouche est difficile, Candida albicans étant une levure saprophyte de la muqueuse buccale. La quantification par numération des colonies a un intérêt, de même que l’existence de pseudofilaments à l’examen direct [8]. Plus rarement, d’autres levures que Candida albicans sont identifiées en culture : Candida krusei, Candida glabrata, Candida parapsilosis, Candida tropicalis. Les candidoses érythémateuses et les perlèches sont aussi observées.
Manifestations dermatologiques de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine - 2-0696
6 Forme pseudomembraneuse de candidose buccale avec gingivite recouverte de lésions blanchâtres de muguet. Dermatophyties Les dermatophyties, principalement à Trichophyton rubrum, Trichophyton interdigitale et Epidermophyton floccosum, sont observées chez 20 à 40 % des patients infectés par le VIH. Il s’agit le plus souvent d’intertrigos interorteils banals mais aussi d’onyxis avec ongles blancs, plus rarement de dermatophytie de la peau glabre, exceptionnellement de formes profuses ou sévères : teignes du cuir chevelu en particulier à Microsporum canis, folliculites à Trichophyton rubrum ou Microsporum canis, périonyxis, kératodermies palmoplantaires à Trichophyton rubrum, trichophyties disséminées [10]. Les dermatophyties peuvent survenir très précocement dans l’histoire naturelle de l’infection par le VIH mais les formes sévères (atteinte de l’ensembles des ongles, aspect d’ongles blancs) témoignent d’un déficit immunitaire important.
Autres mycoses cutanées Les localisations cutanées des cryptococcoses, sont rares au cours des infections disséminées à Cryptococcus neoformans (10 %). Elles sont polymorphes, à type de papules, nodules, éruptions pustuleuses, vésicules herpétiformes, lésions acnéiformes du visage, papules à type de molluscum contagiosum, ulcérations, cellulite, panniculite, végétations, purpura ou abcès sous-cutanés siégeant en règle sur les membres, la tête ou le cou [5]. Le diagnostic repose sur la mise en évidence des levures encapsulées, à l’examen direct d’un prélèvement cutané, sur la biopsie cutanée, sur le cytodiagnostic de Tzanck, sur les cultures sur milieu de Sabouraud (peau, sang, liquide céphalorachidien) et sur la positivité de l’antigénémie cryptococcique. Au cours des histoplasmoses disséminées, les localisations cutanées surviennent dans environ 10 % des cas, à type de papules, nodules, macules, plaques, folliculites, pustules, lésions acnéiformes, végétations, lésions herpétiformes, en règle situées sur le visage, le tronc ou les bras [6]. Le diagnostic repose sur la mise en évidence des corps levuriformes (seul l’examen direct permet l’identification de l’espèce), les cultures (lentes, 2 à 6 semaines) sur milieu de Sabouraud, à partir de prélèvements cutanés (frottis, biopsie), médullaires
7 Exanthème maculopapuleux d’une toxidermie au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine.
Tableau III. – Toxidermies et antirétroviraux. INNTI
Névirapine > Delavirdine > Efavirenz
Exanthèmes banals SJS, syndrome de Lyell Hypersensibilité médicamenteuse
INTI
Abacavir > ddC > AZT = ddi = d4t = 3TC
Exanthèmes, hypersensibilité
IP
Nelfinavir > Indinavir = ritonavir = saquinavir
Exanthèmes banals
INNTI : inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse INTI : inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse IP : inhibiteurs de protéases SJS : syndrome de Stevens-Johnson
et sur la positivité de l’antigénémie histoplasmique. Les sérologies peuvent être négatives. Les infections cutanées à Malassezia furfur sont rares au cours de l’infection par le VIH. Quant à la dermatite séborrhéique, chez les patients infectés par le VIH, elle est non corrélée à la présence de Malassezia furfur. De nombreux cas d’infection disséminée à Penicillium marneffei ont été observés, principalement en Thaïlande et en Asie du Sud-Est. Elles s’accompagnent dans la majorité des cas de lésions cutanées : papules, lésions à type de molluscum contagiosum, ulcérations génitales et buccales.
‚ Parasitoses Une dizaine de cas de gale profuse a été rapportée au cours du sida, volontiers baptisés gale « exagérée » ou « croûteuse ». Les lésions prédominent sur le tronc, sont érythématosquameuses, papulosquameuses, avec une hyperkératose considérable des coudes, des genoux, du scrotum mais les paumes sont épargnées et le prurit est très intense. Demodex folliculorum est responsable de folliculites prédominant sur le visage et le cou, prurigineuses, pustuleuses. L’infiltrat périfolliculaire est volontiers riche en éosinophiles. Cinq pour cent
5
des folliculites des patients infectés par le VIH seraient dues à D. folliculorum.
■
Manifestations cutanées non infectieuses ‚ Intolérance médicamenteuse Toxidermies Une fréquence très élevée de toxidermie a été décrite chez les patients infectés par le VIH, avec le triméthoprime-sulfaméthoxazole (TMP-SMZ), d’autres sulfamides (sulfadoxine, sulfadiazine), et d’autres médicaments (amoxicilline, thalidomide, clindamycine, etc) [4]. Il s’agit, le plus souvent, d’un exanthème, maculopapuleux (fig 7), plus ou moins prurigineux survenant vers le 10e jour du traitement. Dans environ deux tiers des cas, l’éruption disparaît spontanément malgré la poursuite du traitement. Des cas de toxidermie grave ont été publiés, en particulier des syndromes de Lyell dont la fréquence est supérieure à celle observée en dehors de l’infection par le VIH [21]. Les principaux antirétroviraux pourvoyeurs de toxidermies sont les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) et l’abacavir (tableau III). Les toxidermies observées avec les
2-0696 - Manifestations dermatologiques de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine
Tableau IV. – Étiologies du prurit chez les patients infectés par le VIH. Prurit sans lésion cutanée Xérose Prurit avec lésions cutanées Non folliculaires : - toxidermie - gale - piqûre d’insecte/prurigo - lichen plan Folliculaires : - Staphylococcus aureus - Demodex folliculorum - Malassezia furfur - « Folliculite à éosinophiles » du VIH
8 Association d’une hypertrophie graisseuse du dos (bosse de bison) et d’une fonte graisseuse du visage (pseudocachexie) compliquant un traitement antirétroviral.
‚ Dermatite séborrhéique La prévalence de la dermatite séborrhéique (DS) chez les patients infectés par le VIH varie de 10 à 80 % selon les séries, et augmente avec la progression du déficit immunitaire. La DS est quelquefois atypique mais a le plus souvent un aspect clinique très proche de la DS du sujet immunocompétent. Il pourrait s’agir d’une forme mineure de psoriasis, comme l’attestent les formes de passage entre ces deux affections.
‚ Psoriasis L’incidence du psoriasis ne semble pas augmentée chez les patients infectés par le VIH mais de multiples observations font état d’une sévérité particulière du psoriasis sur ce terrain. Les formes sévères concernent environ 25 % des psoriasis et semblent corrélées à un déficit immunitaire important (CD4 < 200/mm3) [20].
‚ Prurit- prurigo 9 Prurit-prurigo, forme fréquente de révélation de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine en Afrique et aux Caraïbes INNTI et l’abacavir sont des exanthèmes maculopapuleux bénins, des syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson, et des syndromes d’hypersensibilité médicamenteuse. Le risque de syndrome de Stevens-Johnson ou de syndrome de Lyell chez les patients traités par névirapine a été évalué en Europe à 0,3 % (sur 2800 patients ayant reçu de la névirapine).
Syndrome lipodystrophique Le syndrome lipodystrophique est une complication probable des traitements antirétroviraux. Son apparition est corrélée à la durée du traitement antirétroviral, à un traitement par inhibiteurs de protéases (IP) ou inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI), à l’intensité de la réponse immunitaire, à la durée de la réponse immunitaire, au sexe feminin, et à un âge plus avancé [2]. Il associe à des degrés divers une atrophie périphérique, une hypertrophie centrale, et des anomalies métaboliques diverses (fig 8). L’atrophie périphérique est marquée par la présence d’ un
aspect pseudocachectique du visage (fonte des boules de Bichat), une atrophie des fesses et des cuisses (avec aspect de pseudoveinomégalie). L’hypertrophie centrale associe un ballonnement abdominal, une hypertrophie mammaire, des lipomes de localisation tronculaire, une bosse de bison. Les anomalies métaboliques sont une intolérance aux hydrates de carbone, une hypertriglycéridémie, une hypercholéstérolémie, une résistance à l’insuline. Ces anomalies métaboliques constituent des facteurs de risque d’athéromatose dont les conséquences à long terme sont certainement à prendre en considération.
Restauration immunitaire L’instauration d’un traitement antirétroviral hautement efficace peut induire des maladies consécutivement à la restauration immunitaire : réactivation in situ de zona, abcès sous-cutané à Mycobacterium avium, réaction paradoxale antituberculeuse, photodermatoses, piqûres d’insecte, folliculites, dermatite atopique, sarcoïdose.
6
Le prurit est un symptôme fréquent, plus particulièrement en région tropicale où il est un bon marqueur clinique d’infection par le VIH [19]. Il peut être dû à des dermatoses bien individualisées (gale, dermatophyties, toxidermies, DS, lichen plan) ou à la xérose cutanée, fréquente au stade terminal de la maladie (tableau IV). Mais bien souvent, le prurit reste inexpliqué avec des lésions cutanées peu spécifiques : papules, papulopustules, folliculaires ou non folliculaires, lésions acnéiformes, excoriations, l é s i o n s e c z é m a t i f o r m e s o u l i c h é n i fi é e s , pigmentations, lésions lichénoïdes, lésions urticariennes, rarement érythrodermie ou photodistribution (fig 9). Elles siègent sur le tronc et les membres (surtout les régions proximales), plus rarement sur le visage. Un certain nombre de ces éruptions serait dû à une hypersensibilité aux piqûres d’insecte [15].
‚ Autres dermatoses Des hyperpigmentations cutanéomuqueuses non médicamenteuses ont été décrites le plus souvent à un stade avancé ; mélanodermie diffuse, mélanonychie, macules pigmentées muqueuses ou acrales et de mécanisme non univoque : insuffisance surrénalienne, carences nutritionnelles et vitaminiques (en particulier, en folates et en vitamine B12, hémochromatose post-transfusionnelle, érythrodermie pigmentée CD8,
Manifestations dermatologiques de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine - 2-0696
hyperproduction d’alpha melanocyte stimulating hormone (MSH) [12]. L’hypertrichose ciliaire acquise se manifeste par une pousse anormalement longue des cils, plus rarement il existe une hypertrichose plus diffuse des sourcils et des tempes. Le mécanisme en est encore mystérieux. Tous les patients décrits étaient profondément immunodéprimés [16]. Des ulcérations buccales, pharyngées, voire œsophagiennes, ont été décrites au cours du sida
chez des patients ayant un déficit immunitaire profond (< 200 CD4/mm3) et chez lesquels une origine virale (virus herpès simplex et cytomégalovirus) était éliminée. Ces aphtoses ont une évolution récidivante, chronique voire mutilante. Un aspect très particulier de cheveux défrisés soyeux a été décrit chez les Noirs américains et africains (il pourrait concerner 10 % des séropositifs africains) [22]. Son mécanisme est inconnu.
■
Conclusion L’histoire des manifestations dermatologiques de l’infection par le VIH a été transformée par l’apparition des traitements antirétroviraux hautement efficaces mais ces traitements comportent leurs propres effets indésirables et la reconstitution immunitaire qu’ils induisent peut avoir des effets d’expression dermatologique.
Eric Caumes : Praticien hospitalier, Professeur des Universités, service des maladies infectieuses et tropicales, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. Michel Janier : Praticien hospitalier, centre clinique et biologique des maladies sexuellement transmissibles, hôpital Saint-Louis, 42, Rue Bichat, 75010 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : E Caumes et M Janier. Manifestations dermatologiques de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0696, 2002, 7 p
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7
¶ 2-0697
Herpès R. Laurent Les virus Herpes simplex (HSV1 et HSV2) de la famille des Herpesviridae, de contamination strictement interhumaine, sont les agents étiologiques d’infections cutanéomuqueuses généralement bénignes et récurrentes, pouvant donner lieu à des complications viscérales sévères chez le nouveau-né et le sujet immunodéprimé. L’herpès génital est une des maladies sexuellement transmissibles et ulcéreuses les plus fréquentes, favorisant une co-infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Après l’infection primaire, une infection latente s’installe dans le noyau des neurones sensitifs ganglionnaires. La réactivation d’une infection ganglionnaire latente est à l’origine des récurrences herpétiques cutanéomuqueuses. L’infection est contrôlée par l’immunité cellulaire et la sévérité de l’infection est corrélée à la dépression immunitaire. La production d’anticorps spécifiques de types gpG1 et gpG2 est un marqueur de l’infection herpétique par HSV1 et HSV2. L’aciclovir est le traitement universellement reconnu de l’infection herpétique dont il a transformé le pronostic des formes graves et amélioré la qualité de vie des patients. La prévention de l’herpès néonatal est justifiée par sa gravité potentielle. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Virus Herpes Simplex HSV1, HSV2 ; Herpès orofacial ; Herpès génital ; Infection primaire ; Infection latente ; Récurrences herpétiques ; Immunosuppression ; Aciclovir
Plan ¶ Introduction
1
¶ Rappel de la physiopathologie de l’infection herpétique Virus Herpes Simplex (HSV) Primo-infection, latence, récurrences Réponse immunitaire à l’infection herpétique
1 1 1 3
¶ Épidémiologie de l’infection herpétique Transmission d’HSV Herpès néonatal Co-infection HSV-VIH
3 3 3 3
¶ Manifestations cliniques de l’infection herpétique Herpès orofacial Herpès génital (HG) Herpès de l’immunodéprimé Complications de l’infection herpétique Herpès néonatal
3 3 4 5 6 6
¶ Diagnostic biologique de l’infection herpétique
6
¶ Traitement de l’infection herpétique Primo-infection herpétique Traitement de l’herpès récurrent et prophylaxie Traitement de l’herpès de l’immunodéprimé Traitement et prévention de l’herpès néonatal
7 7 7 7 8
■ Introduction L’herpès cutanéomuqueux est une des infections virales humaines les plus répandues dans le monde. C’est une maladie habituellement bénigne, mais volontiers récidivante et pouvant se compliquer de formes viscérales gravissimes, en particulier Traité de Médecine Akos
neurologiques ou néonatales. La gravité de l’herpès du nouveau-né justifie d’ailleurs sa prévention. La découverte de l’activité antiherpétique de l’aciclovir (ACV) a considérablement changé le pronostic de l’infection et permis une prévention efficace.
■ Rappel de la physiopathologie de l’infection herpétique Virus Herpes Simplex (HSV)
(Fig. 1)
[1-3]
C’est un virus à acide désoxyribonucléique (ADN) caractérisé par un cycle de réplication rapide et qui possède cette propriété biologique remarquable d’établir un état de latence dans l’organisme avec un tropisme particulier pour les neurones ganglionnaires. Deux types antigéniquement différents, HSV1 et HSV-2, sont infectants chez l’homme, qui constitue le seul réservoir de virus, la contagion étant strictement interhumaine. La synthèse de l’ADN viral exige la présence d’au moins sept protéines enzymatiques virales dont l’ADN polymérase nécessaire et suffisante à la réplication et la thymidine kinase impliquée dans le métabolisme des nucléotides viraux. Ces deux enzymes sont les cibles potentielles de la chimiothérapie antivirale, notamment l’acicloguanosine (aciclovir).
Primo-infection, latence, récurrences
(Fig. 2) [2]
Lors d’un premier contact avec HSV (primo-infection symptomatique ou asymptomatique), le virus pénètre la muqueuse buccale ou génitale à la faveur d’une microabrasion, à la suite d’un contact direct avec des sécrétions infectées ou avec une surface muqueuse.
1
2-0697 ¶ Herpès
Représentation schématique d'HSV
Microscopie électronique
100 nm Capside polypeptidique icosaèdre (20 faces) (162 capsomères) Tégument (protéines virales spécifiques) ADN viral (génome) Glycoprotéines de surface (gpA, gpB, gpC… gpG…) Enveloppe (bicouche lipidique)
120 à 200 nm Figure 1.
Particule virale complète Herpes virus simplex.
Figure 2. Cycle évolutif de l’infection herpétique.
Pénétration HSV
Sérologie HSV -
Primo-infection vraie symptomatique 10 %
Sérologie HSV1/ou 2 +
Primo-infection inapparente 90 % (excrétion virale)
Épisode initial non primaire
LATENCE Neurones ganglionnaires
Réactivation virale Récurrences cliniques
Récurrences infracliniques
Excrétion virale asymptomatique
(inaperçues)
Pendant l’infection primaire, les particules virales infectent les terminaisons nerveuses sensitives et gagnent par voie rétroaxonale le corps neuronal des ganglions sensitifs (trigéminés, sacrés) où se produit une multiplication virale dans certains neurones permissifs. C’est alors que va s’établir une infection latente qui commence environ 10 jours après le début de l’infection et va durer toute la vie : le ganglion trigéminé pour l’herpès orolabial et le ganglion sacré pour l’herpès génital en sont les sites les plus fréquents. Cet état de latence caractérisé par une persistance du génome viral dans certains neurones représente pour le virus l’avantage d’échapper à la réponse immune et aux drogues antivirales qui n’agissent que sur la réplication. La réactivation d’une infection ganglionnaire latente est à l’origine des récurrences herpétiques cutanéomuqueuses : la migration du virus le long de l’axone et sa réplication au niveau de la peau et des muqueuses produisent des lésions vésiculopustuleuses : c’est l’herpès récurrent siégeant toujours au même endroit ou dans une région proche. Ces récurrences sont souvent déclenchées par la fièvre, une maladie infectieuse, le
2
Neurone Fièvre, traumas Menstruation, coït Chocs émotionnels
AMPcyclique
LATS (//gènes IE) NGF
Corticoïdes, soleil...
Réplication HSV Prostaglandines H. du stress Adrénaline Noradrénaline
Figure 3. Stimuli de la récurrence.
stress, un traumatisme ou des facteurs hormonaux. Des facteurs spécifiques neuronaux pourraient être à l’origine d’une réactivation virale, contrôlée par des facteurs associés à la latence (LATS) (Fig. 3). Traité de Médecine Akos
Herpès ¶ 2-0697
Réponse immunitaire à l’infection herpétique
Tableau 1. Prévention de l’herpès néonatal. Situation maternelle
Fréquence
Risque (enfant)
Conduite à tenir
La sérologie herpétique classique détectant les anticorps antiHSV dirigés contre des antigènes communs aux deux types est limitée : seule une séroconversion a une valeur diagnostique au cours d’une primo-infection herpétique ; la sérologie herpétique n’a aucun intérêt dans les récurrences.
Primo-infection prepartum
Très rare
75 %
Césarienne
++++
aciclovir
Récurrence prepartum
Rare
2-5 %
Césarienne
Immunité cellulaire
Seuls antécédents d’HG
Fréquent
Réponse humorale
La réponse immunitaire cellulaire joue un rôle majeur dans le contrôle de la sévérité de l’infection par HSV, aussi bien lors de l’infection primaire que lors des récurrences. Les lymphocytes CD4 prolifèrent en réponse à l’antigène HSV, mais la réponse cellulaire cytotoxique n’empêche pas la réactivation ni les récurrences. Les infections HSV sont plus sévères et les récurrences plus fréquentes chez les sujets immunodéprimés. L’infection herpétique peut évoluer vers une dissémination aiguë cutanéomuqueuse, voire viscérale (œsophagite, pneumopathie, méningoencéphalite).
■ Épidémiologie de l’infection herpétique [1, 2]
Transmission d’HSV L’homme est le seul réservoir de virus pour les virus herpétiques et la contagion est strictement interhumaine. Ce réservoir est constitué par des personnes infectées abritant les virus dans les ganglions sensitifs, les excrétant par intermittence au niveau de la cavité buccale ou des muqueuses génitales et les transmettant par contact rapproché, intime. L’infection HSV-1 (région céphalique, herpès orolabial, oculaire) se transmet par contact direct avec un sujet excrétant du virus lors d’une primo-infection, d’une récurrence ou d’une excrétion virale asymptomatique présente aussi dans la salive. Les sports de contact (lutte, rugby) sont des circonstances possibles de contamination. La fréquence accrue des pratiques orogénitales favorise l’infection génitale à HSV-1 (15 à 40 % des cas). La transmission d’HSV-2 se fait par contact génital (et aussi par contact orogénital). C’est une maladie sexuellement transmissible. L’infectiosité des lésions est majeure, en particulier lors d’une primo-infection, mais l’excrétion virale asymptomatique est un facteur épidémiologique capital dans la transmission d’HSV-2. Selon des études prospectives sur des couples hétérosexuels, le taux annuel de transmission d’HSV-2 est de 10 % (transmission plus fréquente dans le sens homme-femme que dans le sens femme-homme). Par ailleurs, 70 % des contagions surviennent en période d’excrétion virale totalement asymptomatique. [4] En France, 70 % des adultes sont séropositifs pour HSV-1 : l’infection survient tôt dans l’enfance et la prévalence est encore plus élevée dans les pays pauvres et en voie de développement. L’herpès génital est en progression dans les pays développés depuis une vingtaine d’années : environ 107 millions de personnes sont infectées dans le monde, et en France il touche environ 2 millions de personnes. L’acquisition d’HSV-2 se fait à partir de l’âge de 15 ans et les facteurs de risque sont liés principalement à la sexualité, en particulier le nombre élevé de partenaires sexuels, une sexualité précoce et des antécédents de maladies sexuellement transmissibles. Une séropositivité HSV2 est un marqueur de l’infection herpétique génitale toujours susceptible de réactivation. En France, le taux de séropositivité HSV-2 dans la population générale est de 15 à 17 % ; il passe à 57 % chez les consultants de MST.
Herpès néonatal Heureusement rare, l’incidence de l’herpès néonatal en France est estimée de 0,3 à 1 pour 10 000 nouveau-nés, soit environ Traité de Médecine Akos
++ 1/1000
Voie basse Virologie cervicale Bétadine®, aciclovir
Pas d’HG
2/3 herpès nouveau-né
1/10 000
Prévention MST
HG : herpès génital ; MST : maladies sexuellement transmissibles.
20 cas par an. HSV-2 est responsable 3 fois sur 4 et dans 70 % des cas, la contamination a lieu lors du passage dans la filière génitale d’une patiente excrétrice du virus au moment de l’accouchement. Ce risque de contamination du fœtus augmente en cas de rupture prématurée des membranes de plus de 6 heures et en cas de monitoring fœtal par électrodes de scalp. Il est également fonction de la situation de l’infection maternelle au moment de l’accouchement (Tableau 1). [5] Les populations à risque dépistables sont donc les femmes séropositives pour HSV-2 (risque potentiel d’excrétion virale à l’accouchement) et les femmes séronégatives pour HSV-2 dont le partenaire a des récurrences d’herpès génital.
Co-infection HSV-VIH L’herpès génital est devenu l’infection sexuellement transmissible (IST) la plus fréquente chez les personnes infectées par le VIH. On estime qu’une IST, ulcérative ou non, augmente le risque de transmission du VIH de 3 à 5 fois. Cette co-infection fréquente VIH et HSV-2 résulte pour une part du même mode de transmission sexuelle des deux virus, mais aussi de facteurs inflammatoires et tissulaires qui augmentent la contagiosité. Cette interaction entre les deux virus n’est pas seulement épidémiologique, mais clinique, évolutive et réciproque. L’infection HSV-2 est susceptible de stimuler la réplication du VIH avec augmentation de la charge virale muqueuse et plasmatique. Réciproquement, il est bien établi que l’infection VIH aggrave, par l’immunodépression qui l’accompagne, la maladie herpétique en majorant la fréquence et l’expression clinique des récurrences (ulcération chronique) et en augmentant l’excrétion virale asymptomatique. Ces formes ulcéreuses chroniques et extensives touchent 15 à 30 % des patients infectés par le VIH. [2]
■ Manifestations cliniques de l’infection herpétique
[2, 3]
La lésion initiale caractéristique est une vésicule à liquide clair sur fond érythémateux, qui évolue en pustules, ulcérations et croûtes, sans laisser de cicatrices. Sur une muqueuse, elle prend vite l’aspect d’une ulcération par érosion du toit de la vésicule.
Herpès orofacial Primo-infection Asymptomatique dans 90 % des cas, elle survient habituellement dans l’enfance. Elle est bénigne le plus souvent, mais cliniquement plus sévère dans ses manifestations cutanéomuqueuses et générales que l’herpès récurrent. La gingivostomatite aiguë (Fig. 4) (due le plus souvent à HSV-1) touche principalement l’enfant de 6 mois à 5 ans, plus rarement l’adulte. Après une incubation de 6 jours en moyenne
3
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Figure 4. Primo-infection herpétique HSV-1. Figure 5. Herpès labial récurrent.
Tableau 2. Autres formes d’herpès cutané. Panaris herpétique : après piqûre septique Herpès gladiatorum : lutte, rugby avec parfois des signes généraux
réactivation HSV-1 et un traitement préventif par ACV est préconisé la veille de l’intervention pour une durée de 14 jours.
Herpès de la joue (baisers, doigt sucé de l’enfant)
Herpès oculaire
Herpès génital par contact non sexuel
Il faut savoir que c’est la première cause de cécité infectieuse avec 60 000 cas en France. HSV-1 est le plus souvent en cause et une atteinte cutanée ou labiale est associée à l’atteinte cornéenne dans 72 % des cas, soulignant ainsi le rôle de l’autoinoculation. C’est donc un motif fréquent de consultation, d’autant que les corticoïdes locaux fréquemment utilisés en ophtalmologie peuvent aggraver et/ou déclencher le tableau clinique en l’absence d’une couverture virale. [6] L’infection herpétique se manifeste par une blépharite, une conjonctivite, une kératite, mais aussi une atteinte uvéale et rétinienne. Le risque de cécité est dû en particulier à une atteinte cornéenne profonde (kératite stromale) qui peut compliquer une forme épithéliale superficielle dans 25 à 35 % des cas. Le diagnostic repose sur l’examen à la lampe à fente et la prise en charge est de la responsabilité de l’ophtalmologiste. Un traitement préventif par ACV est préconisé en cas de récurrences fréquentes (au moins 4 épisodes par an) ou en cas d’exposition à un facteur déclenchant connu (chirurgie oculaire, exposition aux UV, corticothérapie locale).
Eczema herpeticum (syndrome de Kaposi-Juliusberg) (cf. Fig. 10) : infection cutanée à HSV sur une poussée d’eczéma chronique (primaire : 80 %, récurrences : 20 %), éruption extensive de vésicules ombiliquées, fièvre à 39-40° et altération de l’état général, complications neurologiques et viscérales possibles Traitement par aciclovir par voie intraveineuse, chez l’enfant, à la dose de 5 mg/kg/8 h
(2 à 12 jours), un tableau bruyant, fébrile à 39-40° accompagne une gingivostomatite touchant la partie antérieure de la cavité buccale : la muqueuse est rouge, hémorragique et parsemée de multiples érosions aphtoïdes touchant les lèvres, qui sont érosives et croûteuses. On retrouve des adénopathies sousangulomaxillaires, souvent bilatérales. Il y a une dysphagie et un refus d’alimentation avec parfois des vomissements pouvant conduire à une déshydratation, principale complication chez l’enfant. La guérison spontanée est obtenue en 10 à 15 jours et la durée considérablement raccourcie par l’ACV. D’autres manifestations de cette primo-infection peuvent s’observer : conjonctivite aiguë ponctuée superficielle, pharyngite, laryngite, œsophagite herpétique et rhinite herpétique.
Autres formes d’herpès cutané Elles sont décrites dans le Tableau 2.
Récurrences herpétiques orofaciales Herpès orolabial ou herpès facial récurrent (Fig. 5) Des facteurs déclenchants sont souvent à l’origine d’une poussée d’herpès labial (Fig. 3). Le début est marqué par des signes fonctionnels : douleurs, prurit, sensation de cuisson, localisés au niveau d’une lèvre. Puis apparaît une tache rouge et très rapidement des vésicules groupées en bouquets, formant parfois une phlyctène à contour polycyclique évoluant vers une ulcération croûteuse. Ces lésions guérissent en 8 à 10 jours, laissant une macule érythémateuse persistante. Plusieurs poussées successives peuvent se produire avant que ne survienne la guérison. Cette poussée peut s’accompagner de névralgies du trijumeau. On décrit également des formes abortives, subintrantes, un herpès géant, une glossite, une gingivostomatite diffuse. Une forme particulière est un herpès facial développé dans les suites d’un resurfaçage cutané (dermabrasion mécanique, laser pulsé CO2, laser Erbium ou peeling moyen ou profond). C’est une complication qui survient dans 5 à 7 % des cas et dont l’évolution peut s’avérer sévère. Il s’agit le plus souvent d’une
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Herpès génital (HG) Primo-infection Elle est symptomatique dans 20 à 60 % des cas et correspond le plus souvent à une infection HSV-2 (60 à 80 % des cas). Elle se développe après une période d’incubation de 2 à 10 jours chez un sujet séronégatif pour HSV-1 et pour HSV-2. L’infection à HSV-1 (20 % des cas) est généralement moins sévère et les récurrences moins fréquentes. Souvent précédée de prodromes (douleurs, prurit, paresthésies, brûlures, dysurie, écoulement vaginal ou urétral), se développe chez la femme une vulvovaginite vésiculo-ulcéreuse avec œdème vulvaire, ulcérations extensives à toute la vulve, parfois à contour polycyclique, pouvant s’étendre sur le périnée et la racine des cuisses. Des signes généraux sont présents dans 30 à 60 % des cas, avec fièvre, myalgies, altération de l’état général et parfois même des signes méningés (méningite lymphocytaire aiguë spontanément résolutive). Plusieurs sites sont souvent concernés : atteinte vaginale, cervicite parfois asymptomatique ou érosive, une endométrite, une urétrite avec dysurie. Il y a des adénopathies inguinales douloureuses bilatérales. Chez l’homme, les symptômes locaux et régionaux sont bruyants et consistent essentiellement en érosions balanopréputiales avec adénopathies ou vésiculopustules érosives sur le fourreau de la verge. Traité de Médecine Akos
Herpès ¶ 2-0697
Figure 8. Herpès fessier récurrent.
1/3 < 2 récurrences/an
HERPÈS GÉNITAL RÉCURRENT
1/3 ≥ 2 récurrences/an 1/3 ≥ 10 récurrences/an
Handicap sérieux personnel/couple
Prodromes Bouquet de vésicopustules, érosions, ulcérations polycycliques, adénopathies Peau génitale et périnéofessière Durée 8 à 10 jours Formes invalidantes Figure 6. Herpès génital récurrent.
Figure 7. Herpès génital récurrent.
Dans les deux sexes, une localisation anorectale peut entraîner une rectite avec atteinte anale associée ou isolée, en particulier chez l’homosexuel masculin. Des symptômes anorectaux comme des douleurs, ténesmes, écoulement anal, peuvent s’accompagner de paresthésies en selle et des membres inférieurs, de rétention urinaire, d’impuissance. Ce sont des complications transitoires. La primo-infection génitale guérit en 8 à 15 jours. Cependant, une excrétion virale asymptomatique sur les muqueuses génitales, en particulier chez la femme, peut persister jusqu’à 20 jours, voire 3 mois après l’épisode initial.
Herpès génital récurrent (Fig. 6) La fréquence des récurrences est très variable, parfois régulière chez un même malade. Elles sont moins fréquentes avec HSV-1 (60 %) qu’avec HSV-2 (90 %). C’est parfois un sérieux handicap personnel et pour le couple lorsque les récurrences sont mensuelles. Plusieurs études ont établi l’importance du retentissement de l’herpès génital sur la qualité de vie, l’impact psychologique et le rôle du stress et du niveau anxiogène, qui sont des facteurs prédictifs des récurrences. Précédée de prodromes et parfois de signes généraux modérés, l’éruption typique est un bouquet de vésicopustules sur fond érythémateux, évoluant vers des érosions et des ulcérations à contour polycyclique avec adénopathies. Le siège est fixe pour un même malade : région génitale externe ou peau périnéofessière. La durée de la récurrence est de 8 à 10 jours (Fig. 7 et 8). Les formes atypiques rendent le diagnostic plus difficile : formes atténuées ou éphémères, ou cliniquement atypiques, sous forme de fissures ou d’ulcérations vulvaires, d’érythème non spécifique, d’urétrite avec érosion du méat, de cervicite ou de proctite isolées. Le diagnostic repose essentiellement sur la culture virale et la polymerase chain reaction (PCR). Traité de Médecine Akos
Figure 9. Ulcération herpétique chronique. Patient VIH+.
Rappelons enfin la très grande fréquence des excrétions virales asymptomatiques [4] entre les récurrences cliniques, plus courtes qu’après une primo-infection, mais observées même en l’absence d’antécédents reconnus d’herpès et qui sont la cause majeure d’herpès néonatal.
Herpès de l’immunodéprimé L’herpès de l’immunodéprimé chez l’adulte résulte presque toujours d’une réactivation d’une infection HSV latente, réactivation particulièrement fréquente sur ce terrain où elle revêt un tableau atypique sévère ou chronique. C’est en particulier le cas des patients greffés (moelle et organes) chez qui l’incidence de la réactivation asymptomatique (excrétion virale) atteint 80 % des cas en l’absence d’une prophylaxie antivirale. Sont également concernés les malades atteints de cancers, d’hémopathies malignes et les patients sous immunosuppresseurs. Chez les patients infectés par le VIH, en particulier lorsque le taux de CD4 est inférieur à 200/ml, l’infection herpétique chronique évoluant depuis plus de 1 mois, ou viscérale (œsophagienne, bronchique, pulmonaire), fait entrer le patient au stade C de la classification de la maladie, c’est-à-dire le stade du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida). La région génitale est élective, mais toutes les zones du corps sont exposées à l’infection chronique : ulcérations buccales, linguales, oculaires, anales, viscérales, cutanées. Devant toute ulcération cutanée chronique, il faut avoir le réflexe d’une biopsie pour culture virale et/ou PCR (Fig. 9).
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Figure 10.
Eczéma herpeticum.
Les infections herpétiques post-greffes [6] étaient fréquentes et graves avant l’apparition des traitements antiviraux, justifiant une prophylaxie efficace de règle. Des réactivations sont encore possibles en raison de l’émergence de souches HSV résistantes à l’ACV chez 5 % des patients immunodéprimés (versus 0,5 % chez l’immunocompétent). Une mucite herpétique et souvent sévère, marquée par des ulcérations nécrotiques douloureuses des lèvres, de la région péribuccale, pouvant s’étendre à la face et à la cavité buccale, rend toute alimentation impossible. Les localisations ano-génito-périnéales sont plus rares. L’évolution est possible vers une dissémination aiguë cutanéomuqueuse, voire viscérale. L’œsophagite est la plus fréquente des atteintes viscérales et s’observe aussi chez le patient infecté par le VIH lorsque le taux de CD4 est inférieur à 50/ml. Le diagnostic est affirmé par la fibroscopie œsophagienne et les tests virologiques.
Complications de l’infection herpétique (Fig. 10)
[2, 3]
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Méningoencéphalite herpétique : HSV-1 • Cause la plus fréquente des encéphalites virales : une centaine de cas par an en France • Décès de 70% des patients, séquelles neurologiques sévères • Encéphalite focale et nécrosante : unilatérale, des signes en foyers temporaux ou temporofrontaux C Fièvre, céphalées, crises convulsives, troubles de la conscience → coma profond fébrile C Diagnostic : imagerie par résonance magnétique (IRM), électroencéphalogramme (EEG), PCR dans le liquide céphalorachidien • Pronostic transformé par ACV débuté très tôt
Herpès néonatal Quatre-vingt pour cent des enfants sont contaminés en période péri- et post-partum et le traitement antiviral intraveineux administré très précocement a transformé le pronostic en réduisant la morbidité et la mortalité, mais des séquelles sont encore fréquentes, en particulier les séquelles de méningoencéphalite dans 65 % des cas (microcéphalies, retard psychomoteur, cécité).
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Herpès néonatal : 3 tableaux
• Herpès localisé : 40 % C peau, yeux, bouche C mortalité exceptionnelle, complications neurologiques : 30 % • Méningoencéphalite : 45 % C fièvre, convulsions, coma, ± signes oculaires et cutanés C LCR : lymphocytose, protéinorachie, hypoglycorachie C mortalité 15 % (ACV), séquelles 65 % • Herpès disséminé : 25 % C polyviscéral, septicémique, mortalité 50 %, séquelles 41 % Diagnostic : PCR sang et LCR +++
La PCR appliquée au prélèvement biologique, en particulier dans le sang et le liquide céphalorachidien, est un apport considérable au diagnostic des infections herpétiques néonatales.
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Érythème polymorphe et herpès récurrent • Cause la plus fréquente de l’érythème polymorphe, l’éruption débute 7 à 21 jours après la poussée HSV C Maculopapules en cocarde et ulcérations des muqueuses C Poussées successives souvent fébriles C Récidive possible à chaque récurrence C Guérit en 1 à 4 semaines • PCR sur biopsie : antigènes HSV, mais pas de particules virales • Prophylaxie antivirale parfois nécessaire au long cours
■ Diagnostic biologique de l’infection herpétique (Tableau 3)
[3]
Un cytodiagnostic réalisé sur frottis obtenu par raclage des lésions cutanéomuqueuses (cytodiagnostic de Tzanck) permet d’observer les cellules ballonnisantes avec noyau bourgeonnant, un effet cytopathogène du virus herpès, un examen simple et rapide mais non pathognomonique, car on retrouve le même aspect dans la varicelle et le zona. On peut aussi détecter l’antigène HSV (par anticorps monoclonaux) et l’ADN d’HSV (par hybridation moléculaire) directement sur frottis : les résultats sont obtenus en 2 à 6 heures, mais la sensibilité de la technique est moyenne. La culture virale reste donc la méthode de référence apportant la certitude du diagnostic en présence de lésions typiques ou atypiques. Le délai de transport au laboratoire du produit de prélèvement ne doit pas excéder 4 heures. Les résultats sont donnés en 4 à 5 jours. La PCR fait appel à l’amplification des séquences d’ADN viral, permettant la détection du virus en très faible quantité dans un tissu suspect. C’est la méthode la plus sensible à l’heure actuelle et c’est aussi la méthode de choix pour le diagnostic de la méningoencéphalite herpétique. La sérologie antiherpétique classique n’a d’intérêt diagnostique qu’au cours d’une primo-infection herpétique. La sérologie Traité de Médecine Akos
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Tableau 3. Diagnostic biologique de l’infection herpétique (d’après Ashley, 1999).
Culture virale
Indication appropriée
Type de prélèvement
Observations
Lésions typiques ou atypiques Antivirogramme
Frottis, écouvillonnage Liquide vésicule, sang, salive, LCR
Milieu de transport ++ chronophage Sensibilité > 90 %
Antigène HSV* ADN-HSV**
Vésicules, ulcérations Diagnostic immédiat Immunodéprimé
Frottis
2à6h Sensibilité moyenne
HSV-PCR
Lésions tardives Excrétions asymptomatiques Nouveau-né (tous sites)
LCR, tissus, liquides biologiques
16-48 h Sensibilité +++ (> culture virale)
* Par anticorps monoclonaux ; ** Hybridation moléculaire ; LCR : liquide céphalorachidien.
HSV spécifique de type (anticorps antiglycoprotéines gpG1 et gpG2 spécifiques d’HSV-1 et HSV-2, détectés par test Elisa et western blot) a un intérêt diagnostique qui reste encore à définir. Une séropositivité HSV-2 marqueur d’une infection latente peut se révéler utile dans certaines formes atypiques d’herpès (culture virale négative). La sérologie HSV-2 peut aussi apporter des renseignements utiles chez les couples sérodifférents et chez la femme enceinte, pour apprécier au mieux les risques d’herpès néonatal.
■ Traitement de l’infection herpétique
peu fréquents, peut être traité par des topiques antiviraux qui raccourcissent légèrement l’évolution : ACV gel, idoxuridine gel, ibacitabine, à raison de 4 à 6 applications quotidiennes. Quant au traitement prophylactique, l’ACV, le valaciclovir et le famciclovir par voie orale ont prouvé leur efficacité dans la prévention des récurrences herpétiques. L’ACV (400 mg 2 fois par jour) est le seul antiviral évalué dans la prévention de l’herpès labial récurrent : il est proposé en cas de récurrences fréquentes (plus de 6 par an). Il sera proposé aux mêmes doses dans l’herpès génital récurrent ou Zélitrex 500® (1 comprimé par jour) (conférence de consensus 2001). [7, 8]
[2, 6-8]
Primo-infection herpétique Le traitement de la primo-infection herpétique orale ou génitale repose sur l’ACV par voie générale. Une précaution d’utilisation est rappelée chez l’insuffisant rénal. L’autre molécule disponible dans cette indication est le valaciclovir (Zélitrex®) qui, en raison d’une meilleure biodisponibilité, a l’avantage d’une posologie réduite pour une même efficacité. Le famciclovir a une efficacité comparable, mais n’a pas d’AMM dans cette indication. L’adjonction d’un traitement local n’a pas d’intérêt démontré. Les signes cliniques régressent rapidement dès l’instauration du traitement et l’évolution est considérablement raccourcie. Le traitement évite les complications mais ne prévient pas la survenue ultérieure des récurrences, quelle que soit la précocité de sa mise en route. Une étude a montré une réduction de 90 % de l’excrétion virale asymptomatique dans tous les sites anatomiques et chez tous les patients : cela signifie aussi que 10 % des femmes sous traitement par ACV excrètent encore du virus et peuvent le transmettre. Aucune étude n’est actuellement disponible sur l’efficacité de l’ACV sur la transmission d’HSV.
Traitement de l’herpès récurrent et prophylaxie Le traitement oral par ACV ou valaciclovir n’est indiqué qu’en cas de récurrences locorégionales sévères d’herpès orolabial ou d’herpès génital. L’herpès orolabial, pour les épisodes
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Traitement de la primo-infection • Indiqué dans tous les cas, réduit la sévérité des signes cliniques et la durée d’évolution • N’empêche pas la survenue des récurrences • Adultes : aciclovir (Zovirax®) cp 200 mg x 5 x 10 j • Enfant < 2 ans : 250 mg/m2/8 h x 10 j • Formes sévères : C Zovirax® IV 5 mg/kg/8 h x 8 j C Valaciclovir (Zélitrex®) cp 500 mg x 2/j x 10 j C Famciclovir (Oravir®) cp 250 mg x 3/j x 10 j
Traité de Médecine Akos
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Traitement de l’HG et orolabial récurrent • Recommandé si gêne importante et/ou si risque de contagion • Réduit la durée (1-2 j) C Zovirax® cp 200 mg x 5/j x 5 jours C Zélitrex® cp 500 mg x 2/j x 5 jours
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Traitement prophylactique de l’HG et orolabial récurrent • Recommandé si > 6 récurrences/an • Réduction des récurrences de 80 % • Prévention des récurrences de 25 à 30 % C Zovirax® cp 400 mg x 2/j C Zélitrex® cp 500 mg x 1/j, réévaluation à 1 an (Conférence de consensus 2001)
Traitement de l’herpès de l’immunodéprimé Le traitement curatif nécessite sur ce terrain la voie veineuse dans les formes sévères. Chez les greffés d’organes (greffe de moelle), un traitement préventif systématique est la règle en raison de son efficacité. Le traitement est donné dès la greffe pour une durée minimale de 2 à 3 mois jusqu’au début de la reconstitution immunitaire. L’ACV est administré par voie intraveineuse pendant les 3 premières semaines (5 mg/kg 2 fois par jour chez l’adulte, 250 mg/m2 2 fois par jour chez l’enfant, puis relais per os à la dose de 200 mg 4 fois par jour). En cas de résistances à l’ACV, le traitement alternatif de choix est le foscarnet dont le mode d’action et le mécanisme de résistance
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sont différents. Enfin, le cidofovir pourra être proposé en perfusion une fois par semaine à la dose de 5 mg/kg. Une surveillance attentive de la fonction rénale s’impose.
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Traitement de l’herpès chez l’immunodéprimé • Curatif : Zovirax® IV 10 mg/kg/8 h C dose doublée dans les formes très sévères • Résistance à l’ACV : C Foscarnet (Foscavir®) 60 mg/kg/8 h C Cidofovir (Vistide ® ) 5 mg/kg/semaine. Toxicité rénale
Traitement et prévention de l’herpès néonatal [7] La gravité de l’herpès néonatal et les risques élevés de mortalité ou de séquelles neurologiques imposent un traitement précoce sans attendre la confirmation virologique (ACV intraveineux 60 mg/kg × 21 jours dans les formes neurologiques et disséminées, 14 jours dans la forme localisée). Un traitement présomptif est proposé chez le nouveau-né qui présente une méningite ou une méningoencéphalite d’allure virale, lorsque le père ou la mère ont des antécédents d’herpès génital, avec la même posologie recommandée pour le traitement curatif. Ce traitement présomptif sera interrompu si l’évolution et les résultats virologiques infirment le diagnostic (conférence de consensus 2001). L’aciclovir est également recommandé chez la femme enceinte dans certaines indications (aucune embryopathie n’a été signalée à ce jour) (Tableau 1). En cas de primo-infection ou d’infection initiale non primaire survenant pendant le mois qui précède l’accouchement, l’ACV est prescrit à la dose de 200 mg 5 fois par jour per os jusqu’à l’accouchement. Ce traitement diminue le taux des césariennes et le nombre de récurrences au moment de l’accouchement.
La césarienne est indiquée dans tous les cas où il existe des lésions herpétiques pendant le travail, qu’il s’agisse d’une primo-infection ou d’une récurrence. Elle est discutée en l’absence de lésions herpétiques, s’il n’y a pas eu de traitement antiviral de l’épisode primaire survenu au cours du dernier mois. L’accouchement par voie basse est autorisé si cet épisode primaire a été traité par ACV ou s’il date de plus de 1 mois. Une récurrence herpétique pendant la grossesse est traitée par ACV selon les modalités habituelles. La césarienne est recommandée en cas de lésions herpétiques au moment du travail et discutée si le début de l’épisode remonte à moins de 1 semaine. L’accouchement par voie basse est autorisé si la récurrence date de plus de 7 jours (conférence de consensus 2001). Dans toutes ces situations, les examens virologiques constituent une aide à la décision (toute lésion suspecte au cours du 9e mois et lors de l’accouchement et en cas d’antécédents d’HG, culture cervicale à l’entrée au travail). Rappelons enfin qu’il n’y a plus d’intérêt à réaliser une césarienne quelle que soit la situation clinique si la rupture des membranes a eu lieu depuis plus de 6 heures.
■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8]
Halioua B, Malkin JE. Epidemiology of genital herpes, recent advances. Eur J Dermatol 1999;9:177-84. Laurent R. Herpès. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Dermatologie, 98-290-A-10, 1998: 11p. Whitley RJ, Roizman B. Herpes simplex virus infections. Lancet 2001; 357:1513-8. Wald A, Zeh J, Selke S, Warren T, Ryncarz AJ, Ashley R. Reactivation of genital herpes simplex virus type 2 infection in asymptomatic seropositive persons. N Engl J Med 2000;342:844-5. Huraux JM. Épidémiologie des infections à herpès simplex virus chez la femme enceinte et l’enfant et transmission materno-fœtale. Presse Med 1995;24(suppl25):2-3. La chimiothérapie antivirale de l’herpès. Virol 2000;4(n° spécial). Conférence de consensus. Prise en charge de l’herpès cutanéomuqueux chez l’immunocompétent, manifestations oculaires exclues. Ann Dermatol Venereol 2002;129:469-76. Patel R, Tyring S, Strand A, Price MJ, Grant DM. Impact of suppressive antiviral therapy on the health related quality of life of patients with recurrent genital herpes infection. Sex Transm Infect 1999;75:398-402.
R. Laurent* (
[email protected]). CHU Saint-Jacques, service de dermatologie, 2, place Saint-Jacques, 25030 Besançon cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Laurent R. Herpès. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0697, 2005.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Traité de Médecine Akos
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Varicelle – Zona R. Laurent La varicelle et le zona sont dus au virus varicelle zona (VZV), un virus à ADN de la famille des Herpesviridae et de contamination strictement interhumaine. La varicelle correspond à la primoinfection et le zona à une récurrence, une infection latente touchant les ganglions sensitifs (trigéminés, spinothoraciques, géniculés) s’étant établie après le primo-contact, et pouvant être soumise à une réactivation. L’infection VZV apporte une immunité durable et définitive ; l’immunité cellulaire joue un rôle majeur en contrôlant l’infection, car la sévérité de la symptomatologie et des complications est corrélée à la dépression immunitaire. L’aviclovir a transformé le pronostic de ces infections et la prophylaxie par un vaccin vivant atténué est recommandée chez les sujets à risques. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Virus Varicelle Zona ; Algies postzostériennes ; Aciclovir ; Vaccin ; Immunoglobulines spécifiques ; Immunodéprimés ; Grossesse
Plan ¶ Introduction
Cycle de réplication du VZV 1
¶ VZV : virus varicelle-zona
1
¶ Physiopathologie de l’infection VZV Infection primaire à VZV : varicelle Infection latente ; réactivation : zona Réponse immune
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¶ Épidémiologie
2
¶ Manifestations cliniques de la varicelle Forme typique bénigne de l’enfant Formes graves ou compliquées de varicelle Infection maternofœtale à VZV
2 2 3 3
¶ Manifestations cliniques du zona Forme typique Zona ophtalmique (7 %) Zona de l’immunodéprimé
4 4 4 5
¶ Diagnostic biologique
5
¶ Traitement des infections à VZV Traitement et prévention de la varicelle Traitement du zona
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■ Introduction La varicelle et le zona sont dus au virus zona-varicelle (VZV), un virus à ADN appartenant à la famille des Herpesviridae et de contamination strictement interhumaine. La varicelle correspond à la primo-infection et le zona à une récurrence. Les infections à VZV sont généralement bénignes, mais des complications graves sont possibles chez les sujets immunodéprimés, mais également chez l’adulte immunocompétent. La thérapeutique antivirale, et en particulier l’aciclovir, a transformé le pronostic de ces infections et la prophylaxie par un vaccin atténué est recommandée chez les sujets à risque. Traité de Médecine Akos
Adsorption du virus Interaction Gpv-Rcell Fusion env-memb-cell Pénétration n.capside et tég. Expression des protéines virales Immédiates, précoces, tardives IE E L Réplication du génome
Assemblage des capsides Enveloppe virale définitive Production de virus infectieux
Figure 1. Cycle de réplication du VZV.
■ VZV : virus varicelle-zona D’une taille d’environ 200 nm, le VZV révèle en microscopie électronique une morphologie comparable à celle des autres herpès virus. Le génome viral est constitué d’une molécule d’ADN bicaténaire entourée d’une capside icosaédrique composée de 162 capsomères et d’une enveloppe composée d’une double couche lipidique où sont ancrées des glycoprotéines. Entre la nucléocapside et l’enveloppe se trouve une structure amorphe et fibreuse, le tégument, comportant des protéines virales exprimées au cours du cycle de réplication du VZV (Fig. 1). [1]
■ Physiopathologie de l’infection VZV [1-3]
Infection primaire à VZV : varicelle Après contamination par voie aérienne, l’infection initiale des conjonctives et de la muqueuse respiratoire des voies aériennes supérieures, est suivie d’un premier cycle de réplication virale
1
2-0698 ¶ Varicelle – Zona
dans les ganglions lymphatiques (2e au 4e jour), puis d’une première virémie (4e au 6e jour). Après un deuxième cycle de réplication virale dans le système réticuloendothélial, une deuxième virémie dissémine le virus dans tout l’organisme, ainsi que dans les cellules endothéliales capillaires de la peau, atteignant l’épiderme du 14e au 16e jour, avec apparition de l’éruption vésiculeuse.
Infection latente ; réactivation : zona Après la primo-infection, il se produit une migration axonale sensitive des virions vers le ganglion sensitif dans lequel va s’installer une infection latente. Cette infection touche les ganglions trigéminés, spinothoraciques et géniculés. Le VZV se trouve dans les corps neuronaux sous forme épisomale (polymerase chain reaction [PCR] in situ). Le mécanisme du maintien de cet état de latence est inconnu. Des années plus tard, la réactivation de l’infection dans un de ces ganglions (déclin de l’immunité cellulaire anti-VZV spécifique) entraîne dans le métamère correspondant le syndrome algique associé à l’éruption radiculaire unilatérale caractéristique du zona. Il se produit, au cours de cette réactivation, une réplication virale ganglionnaire, une réponse inflammatoire et nécrosante au niveau des neurones, causant selon l’étendue des lésions une radiculonévrite, ou myélo-radiculo-myélite (corne postérieure de la moelle).
Réponse immune L’infection VZV entraîne une immunité durable et définitive. Cependant, des cas occasionnels de réinfection clinique peuvent se produire, en particulier chez l’immunodéprimé et même chez l’immunocompétent. La séroconversion a lieu 1 à 3 jours après l’exanthème, les IgM apparaissant les premiers (associés à la primo-infection), puis les IgG dont les titres sont persistants toute la vie et les IgA dont les titres fluctuent en cas d’exposition au VZV. Lors de la réactivation du VZV (zona), on assiste à une ascension des IgG, des IgM et des IgA, correspondant à une réponse anamnestique avec présence d’anticorps anti-P32. Le rôle des anticorps neutralisants, donc protecteurs, est de bloquer les phénomènes initiaux d’adsorption, de fusion et de pénétration des virions dans la cellule. Les anticorps antiviraux jouent également un rôle dans la destruction des cellules infectées par le virus. Quant à l’immunité cellulaire, elle joue un rôle majeur pour limiter l’infection car la sévérité de l’infection VZV est corrélée à la dépression immunitaire. Au cours de la réponse immunitaire cellulaire, la sécrétion d’interféron gamma et d’interleukine 2 active fortement les cellules natural killer (NK) qui participent à la destruction des cellules infectées avec le concours capital des lymphocytes T cytotoxiques (CTL) dont l’activation s’est produite après reconnaissance de l’antigène (Fig. 2). Macrophage
IL-1 T helper
■ Épidémiologie La séroprévalence du VZV dans la population générale est extrêmement élevée : l’infection touche les enfants dès l’âge de 5 ans, la séroprévalence chez l’adulte étant aux alentours de 98 %. Le plus contagieux des Herpesviridae, le VZV, se transmet à partir des vésicules cutanées (varicelle-zona) et par inhalation des gouttelettes de Pflüge ; il est également disséminé par flux d’air d’une pièce à l’autre. On a calculé que le taux d’attaque dans une maison était de 70 % des personnes en contact avec le malade (varicelle), un taux réduit des deux tiers pour le zona. Rappelons que l’homme infecté est le seul réservoir de virus et que la contagiosité commence 1 à 2 jours avant le début de l’éruption et se poursuit jusqu’à la phase de crustation. La durée d’incubation de la maladie est de 14 jours. La transmission du VZV à travers le placenta peut se faire tout au long de la grossesse et le risque de varicelle congénitale, qui est de 2 % avant la 24 e semaine, est nul au troisième trimestre de gestation. Enfin, on peut parler de varicelle nosocomiale chez le personnel de santé (prévalence 1,2 pour 1000), dont la source de contamination est le plus souvent un zona. Dans les zones tropicales, l’infection VZV touche les personnes plus âgées avec une morbidité accrue et plus de décès. Le zona touche 10 à 20 % de la population et l’incidence augmente avec l’âge. Les facteurs de risque principaux sont liés à l’immunodépression, en particulier celle relative à l’âge, l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et les traitements immunosuppresseurs. En effet, la réponse lymphocytaire à l’antigène VZV décline avec l’âge, le développement de lymphomes et le traitement immunosuppresseur. La survenue d’un zona chez un patient VIH positif est prédictive d’un risque évolutif accru de la maladie. Enfin, la dissémination clinique des vésicules en dehors du dermatome primaire est le signe d’une morbidité accrue chez l’immunodéprimé.
■ Manifestations cliniques de la varicelle [2]
Forme typique bénigne de l’enfant Elle touche l’enfant de 2 à 12 ans dans 90 % des cas, avec un maximum de fréquence entre 5 et 9 ans. Elle survient par petites épidémies saisonnières à la fin de l’hiver et au début du printemps. Après une incubation de 14 jours (10 à 21), silencieuse, la phase d’invasion est courte (24 heures), caractérisée par un syndrome prodromique fébrile avec malaises. Les signes sont plus marqués chez l’adulte. L’éruption est caractéristique : il s’agit de macules rosées vite recouvertes de vésicules en « gouttes de rosée » qui passent par une ombilication puis une crustation. L’éruption est généralisée, ayant débuté au niveau du cuir chevelu puis étendue au niveau des membres, du visage et du tronc. Le prurit est toujours important, favorisant la surinfection des lésions et les cicatrices résiduelles. Sur la muqueuse buccale et vulvaire, l’éruption peut se présenter sous forme de petites érosions arrondies séparées les unes des autres (Fig. 3,4).
Cellules mémoire IL-2 T cytotoxiques IFN gamma
Cellule infectée
Figure 2.
2
Cellule NK
Stimulation T helper/Suppr.
La sévérité VZV est corrélée à la dépression immune
Immunité cellulaire et infection VZV.
Figure 3.
Varicelle. Traité de Médecine Akos
Varicelle – Zona ¶ 2-0698
Figure 4.
Varicelle.
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Formes graves ou compliquées de la varicelle
Figure 5. l’adulte.
Varicelle de
Plusieurs poussées fébriles peuvent se succéder, donnant au tableau dermatologique des éléments d’âges différents. L’évolution est bénigne et la guérison obtenue en 15 jours.
Formes graves ou compliquées de varicelle Exceptionnelles chez l’enfant, les formes graves et compliquées sont essentiellement liées au terrain. La surinfection cutanée bactérienne peut être prévenue par une antisepsie des lésions cutanées. Les dermohypodermites aiguës postvaricelle ne sont pas rares : placards isolés des membres, du thorax, avec fièvre parfois prolongée ; l’évolution sous antibiothérapie est favorable. Les éruptions ulcéronécrotiques ou hémorragiques, souvent profuses, sont principalement observées chez l’adulte (Fig. 5). De même, le tabagisme est un facteur de risque favorisant la pneumopathie de la varicelle. Il s’agit d’une pneumonie interstitielle survenant 1 à 6 jours après l’éruption, se traduisant par une dyspnée fébrile, une toux avec des hémoptysies et parfois une détresse respiratoire aiguë. La radio pulmonaire montre des opacités micro- et macronodulaires multiples. Elle est responsable de 30 % des décès enregistrés au cours de la varicelle de l’adulte. Les complications neurologiques observées au cours de la varicelle sont rares chez l’enfant. Elles consistent surtout en une atteinte cérébelleuse réalisant un tableau d’ataxie aiguë pouvant ou non s’accompagner d’autres signes neurologiques et dont l’évolution est généralement favorable, régressive sans séquelles. D’autres complications sont encore observées : un purpura thrombopénique de bon pronostic, une hépatite biologique avec insuffisance hépatocellulaire, une atteinte rénale (glomérulonéphrite aiguë), un syndrome néphrotique, oculaire (conjonctivite, uvéite, kératite, névrite optique), arthrite, myocardite et péricardite. Traité de Médecine Akos
• Facteurs de risques : C âge : nourrisson < 1 an, adulte, femme enceinte ; C épidémie familiale ; C poussée d’eczéma préexistante, corticothérapie ; C immunodéprimé. • Complications cutanées (40%) : surinfection bactérienne, éruption ulcéronécrotique, hémorragique, profuse, avec signes cliniques graves. • Pneumopathie de la varicelle : plus fréquente avant 6 mois et chez l’adulte fumeur (1 cas sur 3, décès dans 20 %). Pneumonie interstitielle et parfois détresse respiratoire. Opacités micro- et macronodulaires (radiographie pulmonaire). Chez l’adulte, sévérité accrue de l’éruption et complications plus fréquentes, pulmonaires et neurologiques. • Complications neurologiques : C ataxie cérébelleuse : régressive sans séquelles chez l’enfant. Tableau d’ataxie aiguë, avec ou sans autres signes neurologiques ; C méningoencéphalite: rare et grave chez l’adulte ; C méningite aseptique ; C polyradiculomyélite Guillain-Barré ; C syndrome de Reye : encéphalopathie et stéatose hépatique ; C rôle direct du VZV (réplication) et d’une inflammation chronique granulomateuse avec vasculite et thrombose.
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Varicelle de l’immunodéprimé
• Formes graves, atypiques, ulcérohémorragiques, profuses, plus souvent compliquées : varicelle progressive ou « maligne », avec risque de dissémination viscérale (foie, poumon, encéphale). • Enfant sous traitement immunosuppresseur (cancer, lymphome, leucémie, greffé médullaire + +) : C prévention du contage + ++ ; C vaccination en période de rémission : vaccin vivant atténué souche Oka (AMM), fratrie et personnel soignant ; C immunoglobulines spécifiques anti-VZV : efficaces en i.m. si précoces, dans les 48-72 heures, en cas de contage ; C aciclovir 5 à 7 jours après le contage. En traitement préventif systématique dès la greffe, pendant 2 à 3 mois (i.v. x 3 semaines, puis relais per os). • Enfant sous corticoïdes : risque accru avec de fortes doses ; insuffisance surrénalienne relative.
Infection maternofœtale à VZV La prévalence de la varicelle au cours de la grossesse est de 5 à 7 pour 10 000 grossesses. Chez la femme enceinte, le risque de pneumopathie existe comme chez tout adulte et le danger essentiel est le risque de transmission à l’enfant : 5 % des
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Varicelle et grossesse
Infection maternofœtale à VZV • Femme enceinte : C 5 % non immunisées ; C Prévalence de la varicelle : 5 à 7/10 000 grossesses ; C Risque de pneumopathie varicelleuse. • Risque de transmission fœtale : C Avant la 24e semaine : varicelle congénitale (2 à 3 % d’enfants contaminés) : cicatrices cutanées déprimées, achromiques ou pigmentées, microphtalmie, cataracte, choriorétinite, microcéphalie, retard mental, hypoplasie d’un membre (même métamère) décès précoce (1/3) ; C Après la 25e semaine : le risque est la survenue d’un zona dans l’enfance ; C 5 jours avant et 2 jours après l’accouchement : varicelle néonatale ; - 20 à 30% de mortalité (évolution spontanée) ; - gravité du tableau clinique (absence de transmission d’anticorps maternels) ; - incubation : 9 à 15 jours ; - éruption vésiculeuse et hémorragique, fièvre, dissémination pulmonaire et hépatique. Mauvais pronostic. Traitement par aciclovir + +.
femmes enceintes ne sont pas immunisées contre le VZV, exposant l’enfant au risque de varicelle congénitale avant la 24e semaine. Après la 25e semaine, le risque est la survenue d’un zona dans l’enfance. Lorsque la contamination fœtale a lieu juste avant et après l’accouchement, le risque de varicelle néonatale est lié à l’absence de transmission des anticorps maternels : la gravité du tableau clinique impose un traitement antiviral précoce.
■ Manifestations cliniques du zona [3]
Forme typique Le zona intercostal (50 % des cas) touche le métamère D5 à D12. L’éruption est précédée de 1 à 3 jours, parfois une semaine, dans 90 % des cas, de douleurs hémithoraciques associées à un syndrome prodromique et des adénopathies homolatérales axillaires. Ce tableau conduit souvent à une errance diagnostique avant que n’apparaisse l’éruption qui est caractéristique (Fig. 6) : métamérique unilatérale, ce sont d’abord des éléments maculopapuleux érythémateux souvent groupés en îlots antérieurs, latérothoraciques et latérodorsaux, se couvrant de vésicules à liquide clair groupées en bouquets, confluant parfois en bulles polycycliques. L’éruption s’étend progressivement sur tout le métamère de l’hémithorax. Après 2 ou 3 jours, les vésicules se flétrissent puis se dessèchent en croûtelles qui tombent une dizaine de jours plus tard. Il peut persister des cicatrices atrophiques ou hypochromiques. Cette topographie radiculaire unilatérale est très évocatrice et peut apporter un argument décisif au diagnostic lorsque les lésions vésiculeuses sont discrètes, absentes ou éphémères ou dans les formes érythémateuses pures, ou encore celles observées au stade croûteux. Le syndrome neurologique consiste essentiellement en des algies pénibles à type de causalgies, douleurs lancinantes, associées à des îlots d’hypoesthésie et des troubles sympathiques. Les signes généraux sont discrets avec une légère fébricule. Le plus souvent, l’évolution est favorable avec régression progressive des douleurs et de l’éruption en 2 ou 3 semaines. Les algies persistantes résiduelles sont l’apanage des personnes âgées.
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Figure 6. Zona thoracique.
Figure 7.
Zona ophtalmique.
Zona ophtalmique (7 %)
(Fig. 7)
Il est la manifestation d’une réactivation du VZV à partir du ganglion de Gasser. Le syndrome neurologique et l’éruption cutanée se manifestent dans le territoire du nerf ophtalmique, branche du trijumeau (V) et le plus souvent l’une de ces branches : • la branche frontale : hémifront, partie interne de la paupière supérieure ; • lacrymale : temporomalaire, partie externe de la paupière supérieure ; • nasale : angle interne de l’œil, conjonctive, racine du nez, cloison nasale (coryza avec anesthésie cornéenne). Les manifestations cliniques sont caractérisées par des céphalées fronto-orbitaires violentes, parfois précessives de 3 jours à l’éruption. Elles sont modérées et presque toujours régressives chez le jeune. Elles peuvent être intenses, lancinantes et prolongées chez les sujets au-delà de 50 ans. Plus précisément, les complications du zona ophtalmique sont l’apanage des personnes âgées, non seulement pour ce qui concerne les algies post-zostériennes rebelles aux différents traitements, parfois dramatiques et qui nécessitent une prise en charge spécifique, mais également d’autres complications neurologiques (méningoencéphalite, myélite, paralysies motrices, déficits moteurs, paralysie faciale homolatérale, paralysies oculomotrices, hémiplégie controlatérale par vascularite granulomateuse). Les complications oculaires surviennent dans 50 % des cas. Les mécanismes pathogéniques qui en sont à l’origine sont divers, liés à la réplication virale et aux phénomènes inflammatoires, névritiques et vasculaires. Rappelons que c’est l’atteinte de la branche nasale du nerf ophtalmique qui est à l’origine des complications les plus sérieuses, en particulier une kératite pouvant conduire à la cécité. D’autres manifestations sont observées : conjonctivite, uvéite, rétinite, nécrose rétinienne, Traité de Médecine Akos
Varicelle – Zona ¶ 2-0698
immunohistochimie avec des anticorps monoclonaux. Quant à la PCR, elle est réservée aux formes compliquées, en particulier chez l’immunodéprimé. La sérologie utilise des techniques courantes très spécifiques : la présence d’anticorps de type IgG témoigne d’une immunité antérieure. La présence d’IgM n’est pas forcément synonyme d’infection récente, car il y a parfois des faux positifs et ce critère n’est pas fiable en primo-infection. En cas de contage chez une femme enceinte, on peut proposer la recherche d’anticorps anti-VZV à condition que ce dépistage soit fait dans les 9 jours après le contage (avant la séroconversion).
neuropathie optique ischémique, ulcération palpébrale, glaucome. La gravité de ces complications nécessite une prise en charge et un suivi ophtalmologique pour en limiter les conséquences. [3]
Zona de l’immunodéprimé Chez l’immunodéprimé, l’éruption prend souvent un aspect ulcérohémorragique et nécrotique. Elle peut être bilatérale ou encore toucher plusieurs métamères. Dans 40 % des cas, c’est un zona généralisé qui débute par une éruption zoniforme suivie de vésicules disséminées sur tout le corps. Dans ce cas, le risque évolutif est accru d’une atteinte polyviscérale et de la survenue d’autres complications. C’est en particulier le cas chez le patient infecté par le VIH qui est exposé à la nécrose rétinienne aiguë et à la leucoencéphalite. C’est encore sur ce terrain immunodéprimé que des traitements prolongés par des antiviraux peuvent aboutir à une sélection de souches résistantes à l’aciclovir.
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Diagnostic de laboratoire : doute clinique, formes graves, protocoles d’études • Isolement du VZV en culture de cellules : référence pour les prélèvements cutanés et les biopsies. 2 à 7 j. Détection d’antigènes précoces en 48 h, par immunoperoxydase. • Immunocytodiagnostic sur frottis : AC monoclonal anti-VZV. Diagnostic spécifique rapide et simple. • PCR : détection d’acides nucléiques en très faible quantité. Diagnostic des formes compliquées (oculaires, intrathécales [liquide céphalorachidien], viscérales, virémie chez l’immunodéprimé, diagnostic prénatal [amnios]). • Sérologie : détection des AC anti-VZV. Simplicité, automatisation, diagnostic rétrospectif
Zona : formes cliniques
• Morphologiques : hémorragique, nécrotique, érythémateuse pure, bilatérale, généralisée (ID) • Topographiques : C rachidiens : zona thoracique (68 %), cervical (cervico-occipital-C1C2C3, sus-claviculaire-C3C4, cervicobrachial-C4-C7), lomboabdominal, sacré (15 %) avec rétention d’urine et parésie des MI, lombosciatique ; C céphaliques : atteinte des paires crâniennes, maxillaire supérieur (hémivoile palais-luette), maxillaire inférieur (langue-gencive-lèvre inférieure), facial (ganglion géniculé) ophtalmique ; C zona facial : syndrome de Ramsay-Hunt, par atteinte du VII et des nerfs auditifs: paralysie faciale homolatérale, éruption du conduit auditif externe et conque, vives otalgies, adénopathie prétragienne, anesthésie des deux tiers antérieurs hémilangue, tragus cochléovestibulaires, surdité ; C zona du X : se traduit par une dysphagie, des nausées, des vomissements, gastralgies, irrégularités du rythme cardiaque (errances diagnostiques).
■ Diagnostic biologique
■ Traitement des infections à VZV Traitement et prévention de la varicelle Une varicelle bénigne de l’enfant se contente d’un traitement local et symptomatique : usage d’antiseptiques, d’antihistaminiques, de paracétamol et d’antibiotiques en cas de surinfection. L’éviction scolaire est prescrite jusqu’à la guérison clinique. Les antiviraux ne sont pas indiqués en l’absence de complications chez l’enfant. Les indications des antiviraux au cours de la varicelle ont fait l’objet d’une conférence de consensus (Lyon 1998) (Tableau 1). Selon l’autorisation de mise sur le marché (AMM), l’aciclovir par voie intraveineuse est indiqué dans les formes compliquées, chez l’immunodéprimé et l’adulte dénutri. On peut recommander (hors AMM) la prescription d’aciclovir devant une forme grave du nourrisson de moins de 1 an, ou du nouveau-né si la mère a eu une varicelle au moment de l’accouchement. Mêmes recommandations chez la femme enceinte au moment de l’accouchement ou dans les formes graves.
[1]
La facilité du diagnostic clinique rend le diagnostic biologique rarement utile. En cas de doute, dans les formes graves ou dans le cadre de protocoles d’étude, on peut réaliser des prélèvements du liquide de vésicules mis en culture et isolement du VZV, ou rechercher le virus par immunofluorescence ou Tableau 1. Indications des antiviraux : infections VZV (Conférence de consensus Lyon 1998).
Varicelle
Immunocompétent
Immunodéprimé
Cas particuliers
Pas d’indication dans les formes non compliquées Formes compliquées : ACV IV x 8-10 j 10 mg/kg/8 h Enfant : 500 mg/m2/8 h (AMM)
Selon l’AMM Adulte : 10 mg/kg/8 h Enfant ou adulte dénutri : 500 mg/m2/8 h
Recommandations hors AMM : - varicelle du nouveau-né si la mère a eu une varicelle 10 jours avant et 2 jours après l’accouchement : 20 mg/kg/8 h formes graves < 1 an - varicelle femme enceinte lors de l’accouchement ou formes graves
Durée : 8-10 jours ACV : aciclovir ; AMM : autorisation de mise sur le marché. Traité de Médecine Akos
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Tableau 2. Traitement du zona. Indications des antiviraux : infections VZV (Conférence de consensus Lyon 1998).
Le traitement doit débuter dans les 48 à 72 heures
Immunocompétent (AMM)
Immunodéprimé (AMM)
Cas particuliers
Zona ophtalmique : ACV 800 mg 5×/j × 7 j ValACV 1 g 3×/j × 7 j FamCV 500 mg 3×/j × 7 j Zona toute localisation âge > 50 ans : ValACV 1 g × 3/j FamCV (Oravir®) 500 mg × 3/j × 7 j
Tout zona sera traité par ACV IV pendant 7 à 10 j Adulte : 10 mg/kg/8 h Enfant ou adulte dénutri: 500 mg/m2/8 h
Recommandations Chez le sujet de moins de 50 ans et si facteurs prédictionnels d’algies persistantes : ValACV 1 g × 3/j FamCV 500 mg × 3/j × 7 j
ACV : aciclovir ; ValACV : valaciclovir ; FamCV : famciclovir.
La prévention de la varicelle passe par les immunoglobulines spécifiques anti-VZV et le vaccin vivant atténué de souches Oka. Les immunoglobulines spécifiques VZV sont prescrites à la dose de 125 U/10 kg de poids en cas de contage chez un immunodéprimé VZV séronégatif, ou chez une femme enceinte également séronégative. On propose également des immunoglobulines chez le nouveau-né dont la mère a eu une varicelle 1 semaine avant l’accouchement.
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Vaccin VZV vivant atténué : souche Oka • 96 % séroconversion et diminution de l’incidence du zona (Gershon AA 1987-1990) : C bien toléré : quelques effets secondaires (rash, fièvre, réaction au site d’injection) ; C indication AMM : prévention de l’infection VZV chez les enfants immunodéprimés (hors VIH) avant une immunosuppression intense et lors d’une fenêtre thérapeutique. Fratrie et personnel.
débuter dans les 48 à 72 heures après le début de l’éruption (Tableau 2). L’indication AMM retient, chez l’immunocompétent, le zona ophtalmique quel que soit l’âge et les zonas toutes localisations chez les sujets de plus de 50 ans. Tout zona sera traité par aciclovir intraveineux chez les immunodéprimés. Rappelons que la corticothérapie générale ne présente pas de bénéfice à long terme sur la prévention des algies postzostériennes. Celles-ci seront traitées par des antalgiques classiques, en réalité peu efficaces, ou la carbamazépine, en particulier dans les algies trigéminées. La gabapentine aurait un effet antalgique et également sur la restauration du sommeil. Ce sont les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline, désipramine) qui semblent constituer la meilleure indication à condition qu’ils soient prescrits précocement pour être efficaces. On réserve les opiacés par voie orale à doses adaptées en cas de douleur persistante. Enfin, on a proposé l’électrostimulation et la capsaïcine dont les effets thérapeutiques sont en réalité anecdotiques.
■ Références [1] [2] [3] [4]
Traitement du zona [4] Le traitement local est le même que pour la varicelle. Le traitement antiviral par aciclovir, valaciclovir ou famciclovir doit
Huraux JM, Nicolas JC, Agut H. In: Virologie médicale. Paris: Estem; 2003. p. 699p. McCrary ML, Severson J, Tyring SK. Varicella zoster virus. J Am Acad Dermatol 1999;41:1-4. Liesegang TJ. Varicella zoster viral disease. Mayo Clin Proc 1999;74: 983-8. Wood MJ, Kay R, Dworkin RH, Soong SJ, Whitley RJ. Oral acyclovir therapy accelerates pain resolution in patients with herpes zoster: a meta-analysis of placebo-controlled trials. Clin Infect Dis 1996;22:341-7.
R. Laurent (
[email protected]). CHU Saint-Jacques, service de dermatologie, 2, place Saint-Jacques, 25030 Besançon cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Laurent R. Varicelle – Zona. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0698, 2005.
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Traité de Médecine Akos
¶ 2-0700
Éruption aiguë disséminée B. Soutou, E. Wetterwald, S. Aractingi Les éruptions aiguës généralisées constituent, du fait de leur fréquence, un problème quotidien pour les dermatologues, mais aussi pour les médecins généralistes et les pédiatres. La difficulté de leur prise en charge tient au grand nombre de causes possibles et à leur intrication fréquente chez un même malade. Les principales causes d’éruptions aiguës généralisées sont les infections virales, les médicaments et les éruptions toxiniques. Les infections virales sont des causes extrêmement fréquentes d’exanthèmes, en particulier chez l’enfant. Beaucoup de virus peuvent être à l’origine de ce type d’éruption. La notion de contage et la présence de symptômes accompagnateurs sont des éléments évocateurs. Les éruptions toxiniques comme la scarlatine, la pharyngite à Arcanobacterium haemolyticum et le syndrome de choc toxinique staphylococcique entraînent des exanthèmes essentiellement scarlatiniformes. D’autres bactéries comme le tréponème, le méningocoque et les rickettsies peuvent causer des exanthèmes par mécanisme non toxinique. Les exanthèmes maculopapuleux sont la manifestation la plus fréquente des accidents médicamenteux. Le syndrome d’hypersensibilité est une forme grave de toxidermie avec risque d’atteinte systémique. La maladie de Kawasaki, la lymphadénite angio-immunoblastique et la réaction aiguë du greffon contre l’hôte sont également des diagnostics différentiels d’exanthème maculopapuleux disséminé. Les exanthèmes disséminés n’ayant pas de spécificité clinique ou histologique, il est souvent difficile de mettre rapidement le doigt sur une étiologie précise. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Exanthème ; Infection virale ; Infection bactérienne ; Éruption toxinique ; Toxidermie
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
1
¶ Infections virales Infections à Entérovirus Infections à Herpesvirus Infection à parvovirus B19 (PVB19) Rougeole Rubéole Primo-infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) Autres infections virales
1 2 2 3 3 3 3 3
¶ Infections bactériennes Éruptions toxiniques Éruptions non toxiniques
4 4 4
¶ Infections parasitaires Toxoplasmose
5 5
¶ Éruptions médicamenteuses Exanthème maculopapuleux Syndrome d’hypersensibilité
5 5 6
¶ Autres causes Maladie de Kawasaki Lymphadénite angio-immunoblastique (LAID) Réaction aiguë du greffon contre l’hôte
6 6 6 6
¶ Conduite à tenir
6
¶ Conclusion
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Traité de Médecine Akos
Une éruption aiguë disséminée correspond pratiquement à un érythème diffus, d’installation brutale, associant volontiers des lésions planes (macules) et des lésions palpables (papules), réalisant ainsi un exanthème maculopapuleux. En conséquence, les éruptions impliquant les autres lésions élémentaires primitives (vésicules, pustules, bulles, nodules, nouures, kératoses, etc.), ou ayant une distribution localisée (zones photoexposées, plis, zones palmoplantaires) ou un mode de survenue lent et progressif ne font pas partie des affections présentées. Les exanthèmes maculopapuleux constituent une situation très fréquente en pratique quotidienne des dermatologues, des pédiatres et des médecins généralistes et urgentistes. Les étiologies sont très nombreuses et dominées par les infections et les toxidermies. L’aspect clinique est souvent peu spécifique. L’examen histologique est rarement contributif. La prise en charge devient ainsi ardue, partant d’une longue liste de diagnostics différentiels dont certains sont parfois difficiles à établir ou à réfuter. Avant de concevoir une conduite à tenir simple devant un exanthème maculopapuleux, nous faisons une mise au point par groupements étiologiques des différentes affections responsables de ce type d’éruption.
■ Infections virales Les infections virales sont des causes extrêmement fréquentes d’exanthèmes, en particulier chez l’enfant. Beaucoup de virus
1
2-0700 ¶ Éruption aiguë disséminée
Tableau 1. Principaux virus responsables d’exanthème disséminé. Espèce virale
Période d’incubation
Particularités cliniques
Coxsackievirus
3 à 5 jours
Syndrome mains-pieds-bouche
Échovirus
2 à 15 jours
Fièvre éruptive
Virus de l’hépatite A
2 à 6 semaines
Exanthème en phase préictérique
HVH-6
5 à 15 jours
Exanthème subit
EBV
4 à 8 semaines
Mononucléose infectieuse
CMV
9 à 60 jours
Fièvre souvent prolongée plus de 15 jours
Parvovirus B19
10 à 12 jours
Mégalérythème épidémique
Virus de la rougeole
10 jours
Catarrhe oculorespiratoire
Mesures d’éviction
Obligatoire jusqu’à guérison clinique
Obligatoire jusqu’à guérison clinique
Fièvre Exanthème à j15 Virus de la rubéole
14 à 18 jours
Adénopathies cervicales associées
Obligatoire jusqu’à guérison clinique
VIH
15 jours à 3 mois
Ulcérations muqueuses fréquentes
Aucune
Virus de l’hépatite B
1 à 6 mois
Exanthème en phase préictérique
Aucune
Adénovirus
5 à 10 jours
Syndromes adéno-pharyngo-conjonctivaux
HVH-6 : herpesvirus hominis-6 ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; CMV : cytomégalovirus ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
Infections à Herpesvirus
peuvent être à l’origine de ce type d’éruption (Tableau 1). Certains éléments orientent le diagnostic vers une infection virale, tels que la notion de contage, la présence de symptômes accompagnateurs, en particulier des symptômes respiratoires (toux, expectorations, rhinorrhée, otalgie, dysphonie, dysphagie), des symptômes digestifs (diarrhée), des arthralgies, des myalgies ou des adénopathies.
Herpesvirus humain de type 6 (HHV6) HHV6 appartient au genre des Roseolovirus de la sous-famille des Bêta-herpesvirus. Il infecte presque tous les enfants dans les premières années de la vie et persiste comme la majorité des autres Herpesvirus sous forme d’infection latente. C’est le soustype B qui est responsable de la majorité des primo-infections avec manifestations cliniques. En effet, 94 % des primoinfections sont symptomatiques avec la présence dans 24 % des cas d’un exanthème subit (ou roséole infantile) [2]. Il s’agit d’une fièvre éruptive, immunisante, à caractère presque obligatoire, qui atteint l’enfant entre 6 mois et 3 ans [3]. La transmission du virus se fait probablement par l’intermédiaire de la salive. Après une incubation silencieuse de 5 à 15 jours, la fièvre élevée à 39-40 °C apparaît brutalement, bien supportée, isolée pendant 2 à 3 jours, puis disparaît brusquement. Une éruption maculopapuleuse prédominant sur la nuque et le tronc apparaît alors. Très fugace, elle ne persiste que 12 à 24 heures. Celle-ci est typiquement rubéoliforme, c’est-à-dire que les lésions sont de petites macules rose pâle, de 2 à 3 mm de diamètre. Une neutropénie est fréquente. L’évolution clinique est habituellement suffisante pour évoquer le diagnostic. Des réactivations sont possibles notamment après une transplantation d’organe ou une greffe de moelle. De même, dans le syndrome d’hypersensibilité ou drug rush with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS), une réactivation du HHV6 est souvent retrouvée et est associée à des formes graves et létales de la maladie [4]. Les techniques de référence pour l’étude du virus sont la PCR quantitative en temps réel sur sérum, plasma ou surnageant de cellules mononucléées [5].
Infections à Entérovirus Les Entérovirus sont de petits virus à acide ribonucléique (ARN), appartenant à la famille des Picornaviridae et regroupant les poliovirus, les coxsackievirus A et B, les échovirus et les entérovirus 68 à 71. Les entérovirus sont strictement humains et il n’existe pas de réservoir animal. La transmission est soit directe par voie aérienne, soit indirecte par voie orofécale, par l’intermédiaire de mains sales, d’eaux souillées, d’objets ou d’aliments contaminés. La détection du virus est maximale en période estivale (de juin à octobre) [1]. La primo-infection a lieu d’autant plus tôt au cours de la vie que le niveau socioéconomique est plus bas. Un exanthème survient dans 5 % à 35 % des infections par Entérovirus. Ce sont surtout les échovirus qui peuvent occasionner des éruptions aiguës généralisées, notamment chez les enfants. Les Entérovirus (coxsackievirus A et B, échovirus et entérovirus 68 à 71) peuvent se manifester par des exanthèmes maculopapuleux habituellement fébriles, associés ou non à des symptômes respiratoires, digestifs ou méningés. La muqueuse buccale peut être érythémateuse, et des adénopathies sont relativement rares. Ces exanthèmes, le plus souvent morbilliformes ou rubéoliformes, ont peu de spécificité clinique, sauf dans le cas du syndrome mains-pieds-bouche (coxsackievirus A 16). L’exanthème dû à échovirus 16 est rubéoliforme et associé de façon inconstante à un énanthème aphtoïde du palais ou des piliers amygdaliens. Les éruptions à échovirus 9 sont particulières par l’aspect purpurique et l’association à un syndrome méningé. Le diagnostic est essentiellement basé sur l’association de l’aspect clinique et des données épidémiologiques. L’isolement du virus par polymerase chain reaction (PCR) ou culture virale dans les sécrétions respiratoires, le liquide céphalorachidien, le sang ou parfois dans les selles n’est pas souvent nécessaire. Les sérologies restent d’utilisation limitée aux sérotypes fréquents tels qu’échovirus 9 ou coxsackie B5.
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Cytomégalovirus (CMV)
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Le CMV est un Herpesvirus ubiquitaire. Il est rarement symptomatique mais peut parfois occasionner des infections graves chez les individus immunocompétents [6]. La transmission se fait essentiellement par voie aérienne. En cas d’expression clinique, la présentation la plus fréquente ressemble à une mononucléose infectieuse (fièvre, myalgies, lymphadénopathies, mononucléose sanguine) [7]. Un exanthème, le plus souvent morbilliforme, serait présent dans un faible pourcentage de ces patients. Comme dans la mononucléose infectieuse, une administration d’ampicilline en période symptomatique déclenche le plus Traité de Médecine Akos
Éruption aiguë disséminée ¶ 2-0700
L’éruption apparaît au 15e jour, débutant habituellement au visage et derrière les oreilles, avec une évolution descendante touchant le tronc le 2 e jour, puis les membres le 3 e jour. L’exanthème est maculopapuleux, érythémateux, légèrement en relief, non prurigineux. Ces maculopapules ont une taille de 1 à plusieurs millimètres, de contour irrégulier, parfois confluentes mais respectant toujours des intervalles de peau saine. Le diagnostic de certitude peut être obtenu par l’isolement viral des sécrétions respiratoires et/ou par la sérologie. De nombreuses complications peuvent émailler le cours d’une rougeole (oto-rhino-laryngologiques, respiratoires, neurologiques, etc.).
souvent une éruption cutanée. Un examen fiable pour diagnostiquer une infection à CMV est le test d’antigénémie directe pp-65 qui identifie cet antigène sur les noyaux des leucocytes circulants.
Virus d’Epstein-Barr (EBV) Ce virus est également très répandu et infecte près de 90 % de la population mondiale. Il se transmet par la salive. La primo-infection est souvent asymptomatique chez l’enfant ; alors que chez l’adolescent et l’adulte jeune, elle se présente dans presque la moitié des cas par une mononucléose infectieuse. La période d’incubation varie de 4 à 8 semaines. Un exanthème rubéoliforme ou parfois morbilliforme survient dans 3 % à 15 % des mononucléoses à EBV [8]. Un œdème périorbitaire et un énanthème palatin pétéchial sont parfois associés à la fièvre, aux adénopathies et à la pharyngite. En cas de traitement par ampicilline, la fréquence de l’éruption atteint en revanche 90 % à 100 % des cas. De là vient la classique contreindication de l’ampicilline devant une angine, de peur que celle-ci ne soit due au virus EBV et qu’un exanthème ne se développe. Les tests diagnostiques incluent les études sérologiques et parfois la PCR.
Rubéole
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Infection à parvovirus B19 (PVB19)
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Il est responsable du mégalérythème épidémique (ou cinquième maladie) qui évolue par épidémies familiales ou scolaires chez l’enfant de 5 à 10 ans, notamment en fin d’hiver ou au début du printemps [9]. Près de 65 % des adultes sont en contact avec le PVB19 avant l’âge de 10 ans [10]. La transmission se fait par voie aérienne. Le mégalérythème épidémique correspond chez l’enfant à la primo-infection à PVB19. La transmission est directe, par voie aérienne. L’éruption débute au visage qui prend un aspect érythémato-œdémateux « souffleté ». Puis apparaissent des maculopapules qui s’étendent aux fesses et aux membres, prédominant aux parties proximales et prenant un aspect réticulé à contours circinés en « guirlandes ». Il n’y a pas de syndrome fébrile, ni d’altération de l’état général. L’évolution se fait vers la régression en une dizaine de jours, mais il existe une possibilité de résurgences au soleil, à la chaleur ou aux efforts pendant plusieurs semaines. Il semble que le PVB19 pourrait comme d’autres virus persister à l’état latent dans la peau des sujets jeunes [11]. Le diagnostic est facile devant l’aspect clinique caractéristique. La mise en évidence d’immunoglobulines M (IgM) spécifiques du PVB19 est un examen sensible et spécifique et suffit au diagnostic de certitude. Le PVB19 est aussi responsable de crises érythroblastopéniques survenant chez des patients atteints d’hémoglobinopathies. Il peut aussi induire un purpura vasculaire et des polyarthrites. La primo-infection à PVB19 est moins fréquente chez l’adulte, mais la symptomatologie générale est plus marquée avec fièvre, polyarthralgies et adénopathies. L’éruption cutanée est plus rare que chez l’enfant, maculopapuleuse, d’aspect réticulé, prédominant sur les membres. L’aspect « souffleté » du visage est ici beaucoup plus rare.
Rougeole Le virus de la rougeole est un Paramyxovirus. Même si la rougeole est une affection de plus en plus rare depuis l’ère de la vaccination, et habituellement bénigne en Europe, elle reste encore fréquente et grave dans les pays en voie de développement. L’homme est le seul réservoir et la transmission est exclusivement directe, par voie aérienne. L’immunité est durable toute la vie. La maladie est apparente dans 90 % des cas. La symptomatologie débute 10 jours après le contage. La période d’invasion, d’une durée de 4 jours, est marquée par un catarrhe oculorespiratoire (conjonctivite, larmoiement, rhinite, toux) associé à un syndrome fébrile atteignant progressivement 39-40 °C chez un enfant bouffi, grognon et fatigué. Le signe de Koplik peut être retrouvé sur la muqueuse jugale : il s’agit d’un semis de minuscules points, blanc bleuté, sur un fond érythémateux. Traité de Médecine Akos
Il s’agit d’une maladie virale éruptive, contagieuse, immunisante, bénigne, apparaissant lors de la deuxième enfance, mais redoutable pendant la grossesse en raison d’un risque tératogène élevé. Depuis les campagnes de vaccination, la rubéole est devenue une maladie bien moins fréquente. La transmission de ce Rubivirus est directe, par voie aérienne et par voie transplacentaire (rubéole congénitale). Le tableau clinique classique apparaît après une incubation silencieuse de 2 à 3 semaines. Il s’agit d’une éruption maculopapuleuse rosée débutant au visage et qui s’étend en 24 heures au tronc et aux membres supérieurs. Elle est associée à des adénopathies, le plus souvent occipitales et cervicales postérieures, à une fièvre modérée et parfois à des arthralgies. L’éruption disparaît habituellement le 3e jour, sans séquelles. Le diagnostic de certitude est apporté par les examens sérologiques et repose sur la mise en évidence d’une séroconversion, ou plus souvent, d’IgM spécifique antirubéole. Une sérologie de rubéole doit être exigée lors de toute éruption aiguë chez une femme enceinte ou chez quelqu’un de son entourage.
Primo-infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) Pour des raisons évidentes de prise en charge et de santé publique, il est fondamental de reconnaître une primo-infection à VIH, qui est symptomatique dans plus de 55 % des cas. Elle survient 15 jours à 3 mois après la contamination et se manifeste le plus souvent par un syndrome fébrile avec adénopathies, myalgies, arthralgies et éruption cutanée de type morbilliforme [12]. Cet exanthème s’observe dans environ 40 % des primo-infections à VIH. L’éruption est érythémateuse, maculeuse ou maculopapuleuse, non prurigineuse, prédominant sur le tronc mais pouvant atteindre le visage, les paumes et les plantes. Elle est très fréquemment associée à des ulcérations buccales et plus rarement génitales. Des signes méningés, digestifs ou respiratoires peuvent se voir. Biologiquement, on observe un syndrome mononucléosique et une élévation des transaminases dans 50 % des cas. La sérologie en enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) et western blot est négative à ce stade, le diagnostic repose donc sur la présence d’une antigénémie VIH p24 positive suivie, 4 à 6 semaines plus tard, de l’apparition des anticorps anti-VIH. Le problème est de savoir face à quelle éruption exiger ces recherches, d’autant plus que l’antigénémie est un examen dont les résultats nécessitent habituellement un temps de réponse de 1 semaine, et que ce délai peut être source d’anxiété dans l’attente des résultats. En pratique, nous pensons qu’il est raisonnable de le proposer chez tout adulte jeune se présentant avec un exanthème et des ulcérations muqueuses et/ou des adénopathies et/ou des signes viscéraux. En tout cas, il semble indispensable de le prescrire chez un sujet appartenant à un groupe à risque présentant ce tableau clinique. Les autres indications sont à « poser » au cas par cas.
Autres infections virales Beaucoup d’autres virus peuvent être responsables d’éruptions aiguës généralisées comme les virus des hépatites virales, les Adénovirus ou les Arbovirus.
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2-0700 ¶ Éruption aiguë disséminée
Les virus des hépatites A et B peuvent quelquefois occasionner un exanthème maculopapuleux discret et transitoire au cours de la phase préictérique, accompagnant l’asthénie et les arthralgies. Les Adénovirus pourraient donner des exanthèmes morbilliformes, rubéoliformes ou pétéchiaux. Ces virus sont responsables d’épidémies de pharyngites et de conjonctivites chez l’enfant et l’adulte jeune. La survenue d’un rash est possible [13]. Toutefois, en l’absence de preuves bibliographiques solides, les données étiologiques restent douteuses. Les Arbovirus comportent des familles hétérogènes de virus des régions tropicales. Ils ont en commun la transmission par des arthropodes. Les infections à Arbovirus se manifestent notamment par une fièvre élevée et des algies diffuses, suivies au 5 e ou 6 e jour d’un exanthème maculopapuleux, signe important dans des arboviroses comme la dengue, le chikungunya ou le virus west nile. Un syndrome hémorragique peut aggraver le parcours de la maladie. Il faut penser aux arboviroses chez des sujets venant ou revenant de pays tropicaux.
prurigineux débutant sur les faces d’extension des membres avec évolution centripète épargnant les zones palmoplantaires, le visage et les fesses [18, 19]. Il s’agit le plus souvent d’adolescents ou d’adultes jeunes.
■ Infections bactériennes
Syndrome de choc toxinique streptococcique
Éruptions toxiniques Il s’agit d’éruptions secondaires à la production de toxines par certaines bactéries. Ces toxines sont libérées dans la circulation systémique et entraînent des exanthèmes essentiellement scarlatiniformes.
Scarlatine
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Due à la toxine érythrogène des streptocoques du groupe A, elle évolue par petites épidémies dans les collectivités et touche surtout les enfants pendant les périodes froides. La transmission est le plus souvent directe par voie aérienne. Après une incubation de 2 à 5 jours, le début est brutal avec une angine fébrile (39-40 °C), des douleurs abdominales et des vomissements. En moins de 48 heures, il apparaît un exanthème débutant sur le thorax et à la racine des membres, qui s’étend sur tout le corps en respectant paumes et plantes, ainsi que la région péribuccale. L’éruption prédomine aux grands plis. Elle est typiquement scarlatiniforme (c’est-à-dire sans intervalle de peau saine), avec de grandes nappes chaudes cuisantes et rouges. Elle est associée constamment à un énanthème qui réalise une atteinte de la langue dont les deux tiers antérieurs sont érythémateux et dépapillés (langue framboisée). L’évolution se fait vers la régression des signes généraux et vers l’effacement de l’exanthème, avec une desquamation qui prend un aspect en « doigts de gants » aux extrémités, et en « lambeaux » sur le reste du corps. En l’absence de traitement antibiotique, des complications poststreptococciques (rhumatisme articulaire aigu, glomérulonéphrite) sont possibles. Le diagnostic est essentiellement clinique et peut être conforté par la mise en évidence de streptocoques bêtahémolytiques dans les prélèvements de gorge et/ou l’élévation retardée des anticorps antistreptolysines (ASLO). Les Streptococcus pyogenes isolés actuellement produisent plus les toxines SPE-B et SPE-C, moins virulentes que la toxine SPE-A ayant prévalu au début du siècle. Toutes ces toxines provoquent les manifestations cutanées par un mécanisme d’hypersensibilité retardée [14] . Une nouvelle toxine SPE-A, génétiquement et structurellement différente de la SPE-A connue, a été récemment identifiée dans une épidémie de scarlatine chez les adultes [15].
Scarlatine staphylococcique La scarlatine staphylococcique est rare. Elle provoque la même éruption scarlatiniforme due aux streptocoques. On ne retrouve pas d’atteinte muqueuse ni de décollement cutané. Les toxines associées à cette entité sont essentiellement l’entérotoxine staphylococcique B et la toxic shock syndrome toxin-1 (TSST-1) [16, 17].
Pharyngite à Arcanobacterium haemolyticum Les pharyngites à Arcanobacterium haemolyticum peuvent être suivies quelques jours plus tard d’un exanthème scarlatiniforme
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Syndrome de choc toxinique staphylococcique (TSS) Le TSS associe une fièvre à 39 °C, une tachypnée, une tachycardie, une hypotension et un exanthème scarlatiniforme généralisé, suivis 1 à 2 semaines plus tard d’une desquamation à prédominance palmoplantaire caractéristique. Les atteintes viscérales sont très fréquentes, et trois sont nécessaires pour porter le diagnostic de TSS. Le TSS est dû à une production massive de cytokines liée à la production d’une exotoxine par le staphylocoque, agissant ainsi comme superantigène. Parmi ces exotoxines, on identifie surtout la TSST-1 mais également les entérotoxines B et C1 [20].
Il peut rarement donner un exanthème scarlatiniforme diffus mais le plus souvent il s’agit d’un érythème localisé avec risque élevé de fasciite nécrosante et de manifestations systémiques graves.
« Staphylococcal scalded skin syndrome » (SSSS) Il débute par un exanthème scarlatiniforme mais évolue en 24 heures vers une érythrodermie et des décollements bulleux. Ceux-ci sont l’expression du clivage intraépidermique dû aux exotoxines exfoliantes A et B.
Éruptions non toxiniques Syphilis secondaire Il faut toujours y penser devant un exanthème maculopapuleux. L’éruption apparaît 6 à 8 semaines après un chancre. Il s’agit habituellement d’un exanthème rubéoliforme fait de macules pâles et discrètes, essentiellement localisé au tronc. Il peut être accompagné secondairement d’ulcérations linguales (plaques fauchées), de papules ou syphilides papuleuses, d’alopécie et d’adénopathies cervicales postérieures. Le diagnostic est confirmé par la sérologie de la syphilis en demandant la réalisation des tests fluorescent Treponema antibody absorption (FTA), Treponema pallidum haemagglutination assay (TPHA), venereal disease research laboratory (VDRL).
Méningite à méningocoque Une éruption aiguë généralisée habituellement maculopapuleuse peut accompagner une méningite à méningocoque, notamment chez l’enfant.
Rickettsioses Les manifestations cutanées (exanthème maculeux, exanthème maculopapuleux, avec parfois pétéchies associées) sont très fréquemment retrouvées dans la majorité des rickettsioses du groupe des fièvres boutonneuses et du groupe typhus. Elles sont toutefois rares dans la fièvre Q. Fièvre boutonneuse méditerranéenne Il s’agit d’une rickettsiose due à Rickettsia conorii, transmise par piqûre de tique, en général dans le pourtour méditerranéen. La fièvre boutonneuse méditerranéenne sévit sur le mode endémique avec poussées épidémiques estivales. Elle se manifeste par une fièvre à 39 °C avec céphalées et arthralgies, suivie d’un exanthème maculopapuleux généralisé atteignant paumes et plantes, fait de lésions éparses, lenticulaires, rosées. Il faut systématiquement rechercher la morsure de tique qui réalise une « tache noire » escarotique. Le diagnostic, essentiellement clinique, est confirmé par la sérologie. Le traitement comprend les macrolides chez l’enfant et les cyclines chez l’adulte. Traité de Médecine Akos
Éruption aiguë disséminée ¶ 2-0700
Typhus endémique à Rickettsia prowazekii Il débute par une fièvre élevée et une confusion. Quelques jours après apparaît sur le tronc et les membres un exanthème maculopapuleux rubéoliforme évoluant vers un aspect plus purpurique.
Autres La fièvre typhoïde, due à Salmonella typhi, peut s’accompagner dans presque 50 % des cas d’une éruption sur la face antérieure du tronc faite de plusieurs groupements de papules lenticulaires rosées survenant par poussées à partir de la 2e semaine de la maladie. Les fièvres récurrentes, dues à certaines espèces de Borrelia, se manifestent par des accès de fièvre intermittents avec altération aiguë de l’état général. Lors de la défervescence de la première poussée fébrile, un exanthème maculopapuleux peut être présent, associé à des sueurs profuses et une hypotension. De même, on peut observer un exanthème maculopapuleux au cours de la brucellose, l’ehrlichiose et les fièvres par morsure de rat : le sodoku (Spirillum minus) et l’haverhilliose (Streptobacillus moniliformis).
■ Infections parasitaires Toxoplasmose La contamination s’effectue dans l’enfance. En France, à partir de l’âge de 20 ans, 80 % des sujets sont immunisés. La primo-infection par Toxoplasma gondii est rarement symptomatique. Les formes apparentes se manifestent habituellement par un exanthème morbilliforme accompagné d’adénopathies cervicales, et parfois d’un syndrome fébrile. L’évolution est bénigne mais le diagnostic est fondamental chez la femme enceinte du fait du risque de malformation congénitale. Le diagnostic de certitude repose sur la sérologie qui est spécifique et qui montre une élévation des IgM et des IgG anti-Toxoplasma gondii.
■ Éruptions médicamenteuses Exanthème maculopapuleux
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À retenir
Principaux médicaments responsables d’exanthème maculopapuleux Aminopénicillines, céphalosporines Sulfonamides, triméthoprime-sulfaméthoxazole Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) Phénothiazines Anticomitiaux Allopurinol Barbituriques Nelfinavir, zalcitabine Isoniazide Produits de contraste iodés Sels d’or Anti-inflammatoires non stéroïdiens Cytokines, granulocyte/monocyte-colony stimulating factor, platine, chlorambucil, cytarabine, taxanes, étoposide, 5-fluorouracile, méthotrexate, mitoxantrone, thiotepa, imatinib, bortezomib
Parmi les réactions secondaires aux médicaments, l’atteinte cutanée est la plus fréquente. Celle-ci peut prendre de multiples Traité de Médecine Akos
Figure 1. Exanthème maculopapuleux médicamenteux.
aspects, mais les exanthèmes maculopapuleux en sont la manifestation la plus fréquente. L’exanthème peut être morbilliforme, scarlatiniforme ou rubéoliforme, et peut s’accompagner d’atteintes muqueuses, de fièvre et parfois de prurit (Fig. 1). L’éruption débute le plus souvent aux coudes, aux genoux et au tronc, et s’étend progressivement à tout le corps en quelques jours. Il faut systématiquement rechercher des signes de gravité de la toxidermie : érosions muqueuses, décollement cutané avec signe de Nikolsky (décollement cutané à la pression digitale), œdème du visage et altération aiguë de l’état général. De tels signes font craindre une toxidermie grave engageant le pronostic vital comme la nécrolyse épidermique toxique (ou syndrome de Lyell), le syndrome de Stevens-Johnson et le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse. Les toxidermies à type d’éruptions maculopapuleuses surviennent en règle 7 à 21 jours après l’introduction du médicament inducteur (avec un pic au 9e jour) en l’absence de prise antérieure, et en moins de 48 heures chez les patients déjà sensibilisés. Elles disparaissent habituellement sans séquelle en 2 à 10 jours. Devant un exanthème maculopapuleux, la démarche consistant à imputer cette éruption à un médicament est probabiliste. Elle est tout d’abord basée sur des arguments de nature chronologique (imputabilité intrinsèque) [21] : éruption survenant dans un délai compatible avec une toxidermie, régression à l’arrêt du médicament. Cependant, le début de l’éruption est possible après l’arrêt du médicament inducteur (l’intervalle libre dépend de la demi-vie plasmatique d’élimination du produit), et d’autre part il existe des rémissions possibles malgré la poursuite du traitement (toxidermie au cotrimoxazole dans le syndrome de l’immunodéficience acquise [sida]). La démarche est ensuite basée sur des arguments de notoriété (imputabilité extrinsèque). Il existe en effet des médicaments à risque élevé de toxidermie et d’autres à risque faible. La difficulté du diagnostic réside donc dans le fait qu’il n’existe pas de réelle spécificité clinique, histologique ou biologique. L’histologie des éruptions maculopapuleuses d’origine médicamenteuse est peu spécifique, montrant un infiltrat lymphocytaire dermique péricapillaire et une vacuolisation des kératinocytes. L’hémogramme est normal ou met en évidence une hyperéosinophilie modérée. Il n’y a pas non plus de test biologique d’imputabilité du médicament, les radio-allergosorbent test (RAST) et le test de dégranulation des basophiles étant peu spécifiques. La place des tests épicutanés et des intradermoréactions (IDR) est également peu parlante. La situation qui en résulte est que le seul vrai test de certitude est le test de réintroduction. Néanmoins, vu les risques qu’il fait encourir, cette épreuve est très rarement faite. Le diagnostic de toxidermie repose donc sur la mise en évidence d’une éruption d’allure compatible, apparue dans un délai compatible et résolue après l’interruption du médicament suspecté. En pratique, s’il y a
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2-0700 ¶ Éruption aiguë disséminée
plusieurs médicaments imputables, la décision doit mettre en balance la gravité de la réaction, la gravité de la maladie traitée et le rapport bénéfice/risque des traitements alternatifs. En fonction de cette analyse, on peut être amené à arrêter un ou plusieurs traitements en cours. La physiopathologie des exanthèmes maculopapuleux médicamenteux fait intervenir essentiellement l’hypersensibilité retardée à médiation cellulaire, mais des réactions idiosyncrasiques sont possibles.
Syndrome d’hypersensibilité
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Lymphadénite angio-immunoblastique (LAID)
À retenir
Principaux médicaments responsables syndrome d’hypersensibilité • Phénytoïne • Carbamazépine • Lamotrigine • Phénobarbital • Sulfamides antibactériens : C dapsone C sulfasalazine • Inhibiteur calcique : diltiazem • Spironolactone • Minocycline • Allopurinol • Ranitidine • Zalcitabine, zidovudine, saquinavir • Thalidomide • Méxilétine • Sorbinil • Amitriptyline • Olanzapine
de
Le syndrome d’hypersensibilité est une forme grave de toxidermie. Il associe un exanthème maculopapuleux aigu étendu à une atteinte viscérale (adénopathies, hépatite cytolytique, néphrite interstitielle, pneumopathie interstitielle, myocardite, pancréatite, etc.) et à une atteinte biologique (hyperéosinophilie supérieure à 1 500/mm3, syndrome mononucléosique, lymphocytose avec atypie cellulaire). Lors de cette toxidermie, l’éruption est intense et prolongée, avec infiltration œdémateuse, érythrodermie et érosion des muqueuses. Le délai d’apparition des signes après introduction du médicament est plus long que pour les autres toxidermies (20 à 90 j) [22] . L’évolution peut être fatale (décès dans 10 % des cas). La guérison est lente, allant jusqu’à 1 mois, parfois entrecoupée de poussées. Les principaux médicaments responsables de ce syndrome sont les anticonvulsivants et les sulfamides antibactériens [23]. La corticothérapie générale et les Ig intraveineuses sont nécessaires dans les formes graves. L’intrication entre l’expansion immunitaire de lymphocytes T spécifiques du médicament et la réactivation de certains Herpesvirus (notamment HHV6) est de plus en plus évoquée actuellement [4, 22, 24].
■ Autres causes Maladie de Kawasaki La maladie de Kawasaki est une vasculite des moyens et gros vaisseaux (notamment les coronaires) qui touche essentiellement les enfants. Elle se manifeste par une fièvre inaugurale avec altération aiguë de l’état général, atteinte muqueuse (chéilite, énanthème framboisé, conjonctivite bulbaire bilatérale), suivies quelques jours après d’un œdème et d’un érythème
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palmoplantaires, puis d’une éruption morbilliforme ou scarlatiniforme avec desquamation secondaire. L’éruption est associée à une atteinte systémique (adénopathies cervicales, atteintes articulaire, digestive, méningée, etc.). Mais la gravité de cette maladie tient à la possibilité d’atteinte cardiaque (anévrisme coronaire, myocardite, troubles de la conduction). La cause de la maladie est toujours inconnue et le traitement s’appuie sur les Ig intraveineuses, les corticoïdes systémiques et l’aspirine [25-28].
Il s’agit d’un lymphome rare, mais la peau annonce le diagnostic dans un tiers des cas de cette maladie. Des lésions cutanées spécifiques sont présentes dans 40 % des LAID. Cependant l’aspect n’est pas celui de tumeur, mais d’un exanthème maculopapuleux morbilliforme non spécifique mimant une toxidermie ou une dermatose virale. La particularité de cette éruption est qu’elle se prolonge sans qu’il n’y ait de cause médicamenteuse, avec apparition progressive de signes généraux. Il faut alors songer à cette hypothèse afin d’alerter l’anatomopathologiste qui lit la biopsie cutanée, car les aspects initiaux sont trompeurs, mettant en évidence un infiltrat lymphoïde et une hyperplasie vasculaire.
Réaction aiguë du greffon contre l’hôte Elle survient dans les 3 mois suivant une greffe de moelle allogénique. L’atteinte cutanée débute par un exanthème maculopapuleux généralisé, morbilliforme ou scarlatiniforme, avec une atteinte élective périfolliculaire. Les atteintes palmoplantaire et buccale sont fréquentes [29] . L’éruption peut s’aggraver pour donner des décollements bulleux extensifs et fatals. Le diagnostic est parfois difficile à établir car l’exanthème est comparable à celui des toxidermies ou des réactivations virales et l’histologie n’est pas spécifique. La présence d’atteintes extracutanées, notamment digestive et hépatique, est évocatrice. Il s’agit d’une urgence médicale exigeant une corticothérapie systémique.
■ Conduite à tenir La démarche diagnostique est difficile et dépend de plusieurs éléments de l’interrogatoire et de l’examen clinique : • l’âge : infections virales plus fréquentes chez l’enfant, toxidermies plus fréquentes chez le sujet âgé ; • la suspicion d’un médicament imputable (argument de chronologie et de notoriété) ; • les antécédents de maladies virales et de vaccinations ; • la notion de contage, de voyage en zones endémiques ; • la présence de symptômes d’accompagnement : respiratoires, ORL, digestifs, méningés ; d’arthralgies, de myalgies et/ou d’adénopathies ; • la présence de signes de gravité : atteintes muqueuses, décollements cutanés, altération grave de l’état général. Certains examens de sang (numération-formule sanguine, transaminases, créatinine) sont utiles s’il y a des signes de gravité ; d’autres tests plus spécifiques (sérologies de la syphilis, des hépatites et du VIH) sont réalisés en cas de facteurs de risque.
■ Conclusion La survenue d’une éruption aiguë généralisée doit systématiquement faire rechercher une cause virale ou médicamenteuse. La difficulté provient notamment de l’association fréquente d’un contexte infectieux qui a abouti à la prise de médicaments, créant ainsi un facteur de confusion difficile à gérer. Traité de Médecine Akos
Éruption aiguë disséminée ¶ 2-0700
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Points essentiels
• En cas de traitement par ampicilline d’une mononucléose infectieuse, la fréquence de l’exanthème atteint 90 % à 100 % des cas. • Il faut proposer une sérologie VIH chez tout adulte jeune se présentant avec un exanthème et des ulcérations muqueuses et/ou des adénopathies et/ou des signes viscéraux. • Le diagnostic de scarlatine est essentiellement clinique. • En cas de suspicion de toxidermie, il faut systématiquement rechercher des signes de gravité : érosions muqueuses, décollements cutanés, œdème du visage et altération aiguë de l’état général. • La difficulté du diagnostic clinique et étiologique d’une toxidermie réside dans le fait qu’il n’existe pas de réelle spécificité clinique, histologique ou biologique.
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B. Soutou, Dermatologue (
[email protected]). Centre hospitalier du Nord, 100 Jdeidet-Zgharta, Liban. E. Wetterwald, Attaché. S. Aractingi, Praticien hospitalier. Service de dermatologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Soutou B., Wetterwald E., Aractingi S. Éruption aiguë disséminée. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0700, 2011.
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2-0703
Manifestations cutanées des hémopathies malignes B. Soutou, E. Wetterwald, S. Aractingi Différents types de manifestations cutanées peuvent survenir dans les hémopathies malignes. D’une part, il s’agit de lésions cutanées spécifiques consécutives à l’envahissement du derme par des cellules hématopoïétiques malignes et prenant typiquement l’aspect de nodules ou de plaques infiltrées. D’autre part, il existe de nombreuses dermatoses satellites (dermatoses neutrophiliques, acrosyndromes, vasculites cutanées, amyloses, cryoglobulinémies, éruptions bulleuses auto-immunes) pouvant révéler une hémopathie non encore diagnostiquée ou indiquer une aggravation du pronostic d’une hémopathie jusque-là stable. Les infections cutanées peuvent survenir au cours d’une septicémie ou par extension d’une infection profonde contiguë, mais elles sont le plus souvent primitives, favorisées par la fragilisation iatrogène de la peau, et nécessitent une prise en charge particulière. Les manifestations cutanées liées aux traitements des hémopathies sont souvent cytotoxiques pouvant aboutir à des décollements bulleux extensifs graves ; l’imputabilité est difficile à établir. Les réactions d’hypersensibilité comme l’urticaire et l’angio-œdème sont moins fréquentes. La réaction aiguë du greffon contre l’hôte est une urgence diagnostique mais elle est souvent difficile à confirmer car elle peut mimer une toxidermie ou une réactivation virale. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Hémopathie maligne ; Exanthème ; Dermatose paranéoplasique ; Dermatose neutrophilique ; Chimiothérapie
Plan ■
Introduction
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Localisations cutanées des leucémies et lymphomes Localisations cutanées des hémopathies myéloïdes Localisations cutanées des hémopathies lymphoïdes
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Dermatoses satellites Dermatoses neutrophiliques Manifestations vasculaires Manifestations liées à une gammapathie monoclonale Dermatoses bulleuses auto-immunes Autres dermatoses satellites
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Infections cutanées
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Toxidermies et autres réactions iatrogènes
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Conclusion
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Introduction L’expression cutanée est fréquente et variée au cours des hémopathies malignes. Les lésions cliniques sont réparties en quatre groupes : • localisations cutanées des leucémies et lymphomes ; • dermatoses satellites ; EMC - Traité de Médecine Akos Volume 7 > n◦ 2 > avril 2012 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)56217-4
• infections cutanées ; • toxidermies et autres réactions iatrogènes. Connaître ces différentes manifestations cutanées associées aux hémopathies malignes est essentiel pour le dermatologue, l’hématologue et le généraliste car l’atteinte cutanée peut : • révéler l’hémopathie et permettre le diagnostic initial ; • indiquer une transformation aiguë dans les syndromes myélodysplasiques ; • annoncer une aggravation du pronostic et aboutir à une modification de la prise en charge.
Localisations cutanées des leucémies et lymphomes Également appelées lésions spécifiques, elles sont définies par la présence de cellules hématopoïétiques malignes dans la peau. Ces cellules sont issues de proliférations myéloïdes ou lymphoïdes. Les hémopathies malignes myéloïdes proviennent de la moelle osseuse et envahissent la peau via la circulation sanguine. Les hémopathies malignes lymphoïdes peuvent avoir leur origine dans les différents tissus lymphoïdes de l’organisme ; par conséquent, la peau peut en être une localisation primaire ou secondaire. Toutefois, les lymphomes cutanés primaires ne sont pas détaillés dans cet article.
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2-0703 Manifestations cutanées des hémopathies malignes
Localisations cutanées des hémopathies myéloïdes Les localisations cutanées des hémopathies myéloïdes sont faciles à identifier. Il s’agit de nodules infiltrés érythémateux ou violacés, de taille et de nombre variables, apparaissant en quelques jours à semaines. Un halo hémorragique est parfois visible. Les signes épidermiques (squames, érosions, vésicules, etc.) sont absents car l’infiltrat hématopoïétique épargne l’épiderme et le derme superficiel. Dans une telle situation « typique », le diagnostic de localisation spécifique est facile à évoquer. Si l’hémopathie est connue, la survenue de lésions cutanées spécifiques affecte le pronostic et peut aboutir à une modification du traitement [1] ; par conséquent, une biopsie cutanée doit être réalisée. Elle confirme le diagnostic en mettant en évidence un infiltrat dermique dense de cellules avec un aspect cytologique identique à celui de l’hémopathie myéloïde connue. Si l’hémopathie n’est pas connue, un hémogramme avec frottis sanguin fournit un diagnostic initial. Les leucémies aiguës myéloïdes de type 4 (myélomonocytaire) et de type 5 (monoblastique) sont celles qui donnent le plus fréquemment des localisations cutanées spécifiques. Des présentations « atypiques » sont également possibles : bulles, nécrose, nouures, prurigo, cutis verticis gyrata, purpura, hématomes, érosions muqueuses [2–4] . L’infiltration violacée du nez simulant le lupus pernio est essentiellement l’apanage des hémopathies myélomonocytaires chroniques. Dans les syndromes hyperéosinophiliques, des lésions spécifiques trompeuses ont été décrites, notamment à type de vasculite ou d’érosions pluriorificielles [3] . La fréquence des formes spécifiques atypiques est particulièrement élevée dans les localisations cutanées des syndromes myélodysplasiques. La mise en évidence de lésions cutanées spécifiques est très importante dans les myélodysplasies, car elles sont quasiment toujours annonciatrices de transformation aiguë dans les 3 mois suivants [2] . Une situation particulière est la présence de localisations cutanées spécifiques tumorales alors que le sang périphérique et la moelle ne sont pas envahis, définissant ce qui est décrit dans la littérature anglo-saxonne sous le terme d’aleukemic leukemia cutis. Une leucémie myéloïde secondaire survient dans un délai de quelques semaines à mois. Il s’agirait d’une forme de tropisme cutané électif où les cellules myéloïdes s’accumulent manifestement dans le derme [5] .
Localisations cutanées des hémopathies lymphoïdes Plusieurs lymphomes B ou T peuvent envahir la peau et donner des métastases nodulaires parfois isolées. On peut également retrouver des tumeurs, des plaques infiltrées et rarement des lésions nécrosées. L’évolution est parfois aiguë et le diagnostic se fait à l’aide de l’histologie, l’immunohistochimie et les études de clonalité. Les manifestations cutanées associées aux hémopathies lymphoïdes sont rarement trompeuses et incluent habituellement tumeurs et/ou nodules dont le centre peut parfois se nécroser. Ce sont les formes à cellules T qui sont les plus fréquemment pourvoyeuses de lésions cutanées spécifiques notamment les leucémies lymphoïdes chroniques (LLC) T, les lymphomes leucémiques liés au human T-cell lymphoma virus (HTLV-1) et les lymphomes T de type lymphadénopathie angio-immunoblastique (LAI). Des lésions cutanées spécifiques atypiques parfois bulleuses peuvent également se voir dans les LLC, de même que l’érythrodermie desquamative et l’infiltration violine des oreilles (LLC B). Néanmoins, trois types cliniques de localisations particulières d’hémopathies lymphoïdes méritent d’être décrits.
Atteinte cutanée des lymphomes T de type lymphadénopathie angio-immunoblastique Des lésions cutanées spécifiques sont en effet présentes dans 40 % des lymphadénopathies angio-immunoblastiques. Il s’agit certes d’un lymphome rare, mais la peau annonce le diagnostic
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dans un tiers des cas de cette maladie, faisant du dermatologue l’un des principaux acteurs dans la reconnaissance de cette affection. Or l’aspect n’est pas celui de tumeur, mais d’un exanthème maculopapuleux morbilliforme non spécifique mimant une toxidermie ou une dermatose virale. La particularité de cette éruption est qu’elle se prolonge sans qu’il n’y ait de cause médicamenteuse, avec apparition progressive de signes généraux. Il faut alors songer à cette hypothèse afin d’alerter l’anatomopathologiste qui lit la biopsie cutanée, car les aspects initiaux sont trompeurs, mettant en évidence un infiltrat lymphoïde et une hyperplasie vasculaire ; de nouveaux marqueurs immunohistochimiques (CXCL13 et PD1a) sont également utilisés pour le diagnostic.
Atteinte cutanée des lymphomes leucémiques liés au virus HTLV-1 L’atteinte cutanée est très fréquente (40 % à 70 %) ; elle est faite de papules et nodules diffus, évoluant parfois vers une érythrodermie.
Atteinte cutanée de la leucémie lymphoïde chronique B Elle peut se caractériser par une curieuse infiltration violine des oreilles ou plus rarement du nez secondaire à l’envahissement tumoral du derme. Ainsi, reconnaître une localisation cutanée spécifique a deux intérêts : • identifier une hémopathie jusque-là inconnue (érosions orificielles révélant un syndrome hyperéosinophilique, un exanthème permettant d’identifier une lymphadénopathie angio-immunoblastique, etc.) ; • modifier la prise en charge de l’hémopathie. Ceci est vrai dans le cas des hémopathies myéloïdes puisque la survenue de lésions cutanées spécifiques est alors synonyme d’une aggravation majeure du pronostic (avec, par exemple, une survie deux fois plus courte pour des leucémies aiguës myéloïdes s’il y a une atteinte cutanée spécifique) [6] . Cette gravité fait proposer à certains auteurs des traitements différents en cas de leucémies aiguës myéloïdes avec lésions cutanées tumorales. Enfin, il faut savoir que les lésions cutanées spécifiques sont souvent plus résistantes à la chimiothérapie que l’atteinte médullaire et peuvent être source d’échecs thérapeutiques et de rechutes.
Dermatoses satellites Les dermatoses satellites correspondent aux signes cutanés évoluant parallèlement à l’hémopathie. Toutefois, certains de ces signes, bien qu’ils soient clairement liés à l’hémopathie, ne présentent pas ce parallélisme dans l’évolution. Comme pour les lésions cutanées spécifiques, les dermatoses satellites peuvent révéler une hémopathie inconnue et permettre donc un diagnostic précoce. Mais elles peuvent aussi révéler une modification de l’allure évolutive de l’hémopathie, ce qui peut déboucher parfois sur des modifications thérapeutiques. Il faut noter aussi que ces dermatoses peuvent également survenir de fac¸on idiopathique ou en association avec d’autres facteurs étiologiques. Les différentes lésions cutanées satellites sont classées selon le Tableau 1.
Dermatoses neutrophiliques Les dermatoses neutrophiliques sont des maladies inflammatoires caractérisées par une infiltration non infectieuse de la peau par des neutrophiles normaux. Le syndrome de Sweet (SS), le pyoderma gangrenosum (PG), l’hidradénite eccrine neutrophilique (HEN), la pustulose sous-cornée (PSC), l’erythema elevatum diutinum (EED) et quelques autres entités sont considérés comme appartenant au spectre des dermatoses neutrophiliques où l’on reconnaît essentiellement des formes cliniques typiques, mais également des aspects atypiques et des formes de chevauchement. Au cours de l’évolution ou même parfois d’emblée, les EMC - Traité de Médecine Akos
Manifestations cutanées des hémopathies malignes 2-0703
Tableau 1. Dermatoses satellites des hémopathies. Dermatoses neutrophiliques Syndrome de Sweet Hidradénite eccrine neutrophilique Pyoderma gangrenosum Erythema elevatum diutinum Pustulose sous-cornée (syndrome de Sneddon et Wilkinson) Manifestations vasculaires Acrosyndromes (livedo réticulé distal, érythromélalgie, lividiose acrale, phénomène de Raynaud, acrocyanose) Vasculites
les études moléculaires montrent dans les SS avec hémopathie un infiltrat composé de neutrophiles matures normaux et de cellules myéloïdes immatures. Des SS induits par des facteurs de croissance (granulocyte colony stimulating factor [G-CSF]) ou des rétinoïdes (acide tout-trans-rétinoïque) ont été rapportés chez des patients ayant des hémopathies myéloïdes. L’hypothèse proposée est la mobilisation des précurseurs des neutrophiles par le facteur de croissance [11] . Le SS induit par le G-CSF présente un infiltrat particulièrement riche en histiocytes [12] . En cas de SS sans hémopathie connue, la recherche de celle-ci doit être répétée tous les 6 mois surtout que la survenue du SS peut précéder la découverte d’une hémopathie d’une période allant jusqu’à 11 ans [10] .
Hidradénite eccrine neutrophilique
Thrombophlébites superficielles Ulcères de jambe Coagulation intravasculaire disséminée Manifestations liées à une gammapathie monoclonale Amylose AL Cryoglobulinémies Xanthomes plans Hyperkératose folliculaire des extrémités Dermatoses bulleuses auto-immunes Pemphigus paranéoplasique Épidermolyse bulleuse acquise Dermatose à IgA linéaire Autres dermatoses satellites Prurit, prurigo Ichtyose acquise Érythème annulaire centrifuge Ig : immunoglobulines
autres tissus de l’organisme peuvent être le siège du même infiltrat neutrophilique. Les mécanismes responsables de l’infiltration neutrophilique tissulaire ne sont pas bien connus. Les dermatoses neutrophiliques peuvent être observées en dehors de toute association, mais leur survenue est plus fréquente au cours des hémopathies myéloïdes (leucémies aiguës myéloïdes, syndromes myéloprolifératifs, syndromes myélodysplasiques). Une association à d’autres maladies systémiques comme les maladies inflammatoires de l’intestin et les maladies auto-immunes est également établie. Lorsque l’hémopathie est une myélodysplasie, la dermatose neutrophilique pourrait prédire une aggravation rapide du pronostic.
Syndrome de Sweet Bien que les formes associées aux hémopathies soient plus souvent publiées, le SS est dans environ deux tiers des cas idiopathique, survenant plus fréquemment chez les femmes de la quarantaine [7, 8] . Parmi les cancers associés au SS, on retrouve surtout les leucémies myéloïdes chroniques, les syndromes myélodysplasiques, le myélome, beaucoup moins les cancers solides comme les cancers urogénitaux. Huit à 13 % des SS sont associés à une hémopathie myéloïde [9] . Dans 11 % des cas, ce syndrome précède l’hémopathie, ce qui démontre l’importance de son diagnostic précoce. Quelques jours après un prodrome grippal inconstant apparaissent brutalement une fièvre élevée, une altération de l’état général et une éruption de plaques et papules érythémateuses infiltrées dermiques et hypodermiques, sensibles, très bien délimitées, de couleur rouge vif et de taille variable, à extension centrifuge avec dépression centrale. Ces lésions siègent préférentiellement sur le visage et les membres supérieurs. L’examen histologique est indispensable et confirme le diagnostic en retrouvant un œdème et un infiltrat neutrophilique dermique sans vasculite. Des études cas-témoins montrent que la présence de bulles, l’atteinte des membres supérieurs et l’anémie sont significativement associées au SS avec hémopathie [10] . L’histologie et/ou EMC - Traité de Médecine Akos
L’HEN se caractérise par des plaques ou des nodules érythémateux et œdémateux uni- ou bilatéraux, localisés de fac¸on prédominante sur la peau périorbitaire, le cou et les épaules. L’évolution est spontanément favorable en 1 à 2 semaines. L’examen histologique montre des neutrophiles disposés électivement autour des glandes et des canaux sudoripares. L’HEN peut être ainsi considéré comme une forme de SS périsudoral. Toutefois, deux différences majeures sont à noter : • l’HEN survient dans un contexte de leucémie myéloïde aiguë et presque jamais avec d’autres cancers ou maladies inflammatoires ; • l’HEN est surtout décrite au cours ou après une aplasie médullaire chimio-induite [13] . Cependant, l’HEN n’est pas une toxidermie due à des agents cytotoxiques (cytarabine, bléomycine), mais clairement une dermatose paranéoplasique se développant électivement en période d’aplasie médullaire. Il est fondamental que cette entité soit différenciée des infections cutanées et des toxidermies, deux diagnostics différentiels fréquents chez les patients leucémiques en aplasie. Un paradoxe inexpliqué est celui de voir se développer dans le derme des infiltrats stériles à polynucléaires neutrophiles chez des patients profondément neutropéniques. Il semble que ce phénomène résulte d’une différenciation puis d’une migration d’un clone myéloïde à tropisme cutané particulier [13, 14] .
Pyoderma gangrenosum Le PG peut être associé à des hémopathies myéloïdes et lymphoïdes. Cinquante pour cent des PG sont associés à une autre pathologie dont ils sont parfois révélateurs, essentiellement des leucémies aiguës, des syndromes myélodysplasiques et myéloprolifératifs, des dysglobulinémies monoclonales à immunoglobulines (IgA), avec ou sans myélome, et plus rarement des lymphomes. La forme typique débute souvent aux membres inférieurs par une volumineuse pustule ou un nodule évoluant rapidement vers une ulcération phagédénique : il s’agit d’un ulcère douloureux d’extension centrifuge avec un centre nécrotique et un bord nettement tracé et limité par un bourrelet inflammatoire creusé d’exsudats purulents. L’examen histologique, peu spécifique, montre un infiltrat neutrophilique du derme et des modifications dues à l’ulcération. Éliminer une origine infectieuse et rechercher une maladie associée sont deux étapes primordiales devant une telle ulcération.
Erythema elevatum diutinum Il s’agit d’une maladie très rare mais qui peut néanmoins être associée aux hémopathies myéloïdes ou à certaines gammapathies monoclonales surtout de type IgA. Les lésions, très évocatrices, sont caractérisées par des papules et des nodules siégeant électivement sur le dos des articulations des doigts des mains, les coudes et les genoux. L’aspect histologique varie selon le stade évolutif. Le stade initial est celui d’une vraie vasculite avec infiltrat neutrophilique. Ensuite, l’atteinte vasculaire se manifeste par une fibrose périvasculaire plus ou moins intense, concentrique associée à une fibrose dermique ponctuée de neutrophiles et parfois d’histiocytes spumeux [15] .
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2-0703 Manifestations cutanées des hémopathies malignes
Pustulose sous-cornée (syndrome de Sneddon et Wilkinson) La PSC est une dermatose neutrophilique fréquemment associée à une gammapathie monoclonale à IgA. Quand cette gammapathie n’est pas retrouvée, certains auteurs suggèrent de la rechercher annuellement [16] . Il n’y a pas d’association entre cette dermatose et des hémopathies myéloïdes. Des poussées récidivantes de pustules de taille variable disposées en placards arciformes et annulaires surviennent dans les grands plis et les zones de flexion. Les pustules évoluent en se desséchant vers la formation de croûtes mellicériques puis de cicatrices pigmentées. L’image histologique de la PSC est une pustule uniloculaire sous-cornée amicrobienne associée à un infiltrat neutrophilique périvasculaire. Le traitement des dermatoses neutrophiliques dépend de l’intensité et du caractère aigu ou chronique de la maladie. La colchicine, la dapsone, voire les dermocorticoïdes sont utilisés dans les formes mineures. Les formes graves, disséminées ou mal tolérées, font appel en premier lieu aux corticoïdes systémiques.
Manifestations vasculaires Acrosyndromes Les acrosyndromes sont surtout décrits dans les hémopathies myéloïdes, particulièrement celles causant une hyperviscosité sanguine comme les syndromes myéloprolifératifs. Le signe principal est un livedo réticulé non infiltré distal des membres inférieurs. L’érythromélalgie est un trouble vasomoteur paroxystique survenant à la chaleur et se manifestant par un érythème douloureux des extrémités. Elle peut être idiopathique mais après 40 ans, elle doit faire rechercher un syndrome myéloprolifératif, en particulier une polyglobulie (27 % des polyglobulies) ou une thrombocytémie. La lividiose acrale est une manifestation exceptionnelle de nécroses digitales consécutives à des thrombi de cellules myéloblastiques qui sont des cellules peu déformables. Elle est donc observée dans des leucémies aiguës myéloïdes très hyperleucocytaires (> 100 000 blastes/mm3 ). Le phénomène de Raynaud et l’acrocyanose sont plus rares et plutôt provoqués par une cryoglobulinémie au cours d’une prolifération lymphoïde. Les lymphomes sont associés aux cryoglobulinémies de types I et II. Il n’y a pas de relation entre l’intensité de la cryoglobulinémie de type II et la gravité de l’atteinte cutanée.
Des lésions cutanées de coagulation intravasculaire disséminée, se manifestant par des plaques nécrotiques en « carte de géographie », sont souvent associées aux leucémies aiguës myéloïdes de type 3 (promyélocytaire).
Manifestations liées à une gammapathie monoclonale Ces manifestations sont exclusives aux hémopathies lymphoprolifératives où le clone sécrète un composant monoclonal. L’amylose AL (à chaînes légères) est une forme grave où l’atteinte cutanée s’observe dans 29 % à 40 % des cas [18] . Les principaux signes cliniques sont le purpura prédominant aux plis et aux paupières, les papules cireuses et la macroglossie. Mais il peut exister d’autres signes plus rares tels qu’une fragilité cutanée, des bulles, une alopécie, des placards sclérodermiformes, une onychoatrophie. L’examen histologique cutané retrouve, à l’aide des colorations spéciales (rouge Congo, violet de Paris, thioflavine T), des dépôts amyloïdes autour des vaisseaux et/ou dans le derme superficiel. Il faut insister sur l’importance de la peau comme outil diagnostique puisque au-delà de signes cliniques, l’examen de biopsie cutanée ou de la graisse sous-cutanée en peau saine permet le diagnostic dans 40 % et 90 % des cas, respectivement. L’immunofluorescence directe met en évidence les dépôts monotypiques de chaînes légères d’Ig. L’immunoélectrophorèse ou l’immunofixation sérique identifie l’Ig monoclonale. Cette amylose peut atteindre les organes profonds et sa découverte précoce est cruciale. Les cryoglobulines sont des Ig sériques précipitant in vitro au froid. Les cryoglobulinémies monoclonales de type I (composant monoclonal pur) et de type II (mixtes dont l’un des composants est monoclonal) peuvent être associées aux syndromes lymphoprolifératifs. Les principales manifestations cutanées sont soit des acrosyndromes (acrocyanose, phénomène de Raynaud, nécrose des extrémités), soit des signes de vasculite (purpura pigmenté, nodules, urticaire, livedo, ulcères de jambe, etc.). Les xanthomes plans sont exceptionnellement associés au myélome, notamment avec une Ig monoclonale capable de se lier à certaines lipoprotéines par son site anticorps formant ainsi des complexes « Ig-lipoprotéines » qui se déposent anormalement dans les tissus. L’hyperkératose folliculaire des extrémités se caractérise par des spicules kératosiques essentiellement céphaliques (nez, oreille, cuir chevelu). Elle est liée à la présence d’une gammapathie monoclonale bénigne ou d’un myélome.
Dermatoses bulleuses auto-immunes Vasculites Les vasculites associées aux hémopathies malignes affectent plus fréquemment la peau que d’autres organes. Les manifestations cutanées devraient donc permettre un diagnostic précoce. Il s’agit le plus souvent d’un purpura infiltré des membres inférieurs évoluant parfois vers des bulles ou des lésions nécrotiques. Des nodules dermohypodermiques constituent une autre forme clinique. L’histologie est comparable à celle des vasculites à petits vaisseaux non paranéoplasiques. L’infiltrat est neutrophilique avec leucocytoclasie, mais des granulomes à cellules géantes sont observés dans environ 30 % des cas [17] . La vasculite précède ou accompagne le diagnostic d’hémopathie dans 26 % et 39 % des cas respectivement [17] . Dans la littérature, les hémopathies myéloïdes sont les plus inductrices de vasculite. Cependant, nous avons constaté dans notre série une nette prédominance des hémopathies lymphoïdes [17] . Dans cette même série, une cause infectieuse ou médicamenteuse de la vasculite est retrouvée chez 26 % des malades. Cette constatation rend le diagnostic de vasculite paranéoplasique plus difficile à établir. Des thrombophlébites superficielles peuvent se voir dans les polyglobulies (6 % des cas). Des ulcères de jambe peuvent compliquer les livedos ou même survenir spontanément dans les leucémies myéloïdes chroniques.
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Ce sont des maladies où l’auto-immunité cible les sites de cohésion interkératinocytaire ou dermoépidermique. Cette activité auto-immune contre des antigènes cutanés provient d’un composant monoclonal ou plus fréquemment polyclonal comme dans les thyroïdites et anémies hémolytiques associées aux lymphomes. Le pemphigus paranéoplasique, l’épidermolyse bulleuse acquise et la dermatose à IgA linéaire sont des exemples de dermatoses bulleuses auto-immunes pouvant s’associer à des hémopathies lymphoïdes. Le pemphigus paranéoplasique est caractérisé par des lésions vésiculobulleuses érosives et nécrotiques associées à des lésions maculopapuleuses, parfois en « cible », et à des papules lichénoïdes disséminées. Il existe fréquemment des érosions muqueuses avec notamment une conjonctivite pseudomembraneuse. L’examen histologique montre une acantholyse intraépidermique et une vacuolisation ou une nécrose des cellules basales. L’immunofluorescence cutanée directe met en évidence un dépôt d’IgG et de fraction C3 du complément à la fois au sein de l’épiderme et à la jonction dermoépidermique. L’immunofluorescence cutanée indirecte retrouve la présence d’anticorps antiépiderme reconnaissant divers substrats dont la peau humaine, l’œsophage de rat et la vessie humaine. L’étude en immunotransfert du sérum des malades montre la présence d’anticorps reconnaissant un complexe d’antigènes épidermiques appartenant à la famille EMC - Traité de Médecine Akos
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des plakines. Il est dénommé pemphigus paranéoplasique en raison de son association surtout à des proliférations lymphoïdes : LLC, lymphome non hodgkinien et maladie de Castleman.
Autres dermatoses satellites Prurit et prurigo Il s’agit d’un symptôme important, parfois associé à une hyperéosinophilie et qui peut révéler une maladie de Hodgkin ou d’autres lymphomes. Le problème vient du fait que le prurit est un symptôme très fréquent, le plus souvent isolé, et qu’il est impossible d’aller rechercher systématiquement des lymphomes chez tous les malades ayant un prurit ou un prurigo. Il n’y a pas de recette miracle pour résoudre cette difficulté mais l’expérience pragmatique des auteurs, lorsqu’ils sont face à un malade ayant un prurit, est : • d’interroger ces malades sur l’existence de symptômes associés évocateurs de lymphome (amaigrissement, fièvre, sueurs nocturnes) ; • d’examiner soigneusement à la recherche de ganglions et d’hépatosplénomégalie ; • de faire un bilan biologique minimal (numération-formule sanguine, vitesse de sédimentation, lacticodéshydrogénase) ; • de faire une radiographie du thorax. La réapparition d’un prurit chez un malade en rémission complète d’un lymphome doit faire pratiquer des investigations complètes à la recherche d’une récidive débutante. De même, des réactions inflammatoires papuleuses intenses secondaires à de simples piqûres d’insectes et des prurigos bulleux sont rapportés au cours de la LLC et posent parfois des problèmes de prise en charge thérapeutique.
Ichtyose acquise Elle est habituellement généralisée, d’intensité variable, et confère parfois une certaine odeur âcre à la peau, siège d’une diminution des sécrétions sudorales et sébacées. Elle peut être associée avec un lymphome ou un myélome.
Érythème annulaire centrifuge Il s’agit d’une éruption faite d’éléments maculopapuleux annulaires à contours circinés, formant de petits anneaux qui s’étendent progressivement de fac¸on centrifuge, susceptibles de confluer pour former des contours polycycliques. Il peut être associé à une hémopathie maligne, en particulier à la maladie de Hodgkin, aux lymphomes, aux leucémies aiguës myéloïdes ou à la maladie de Vaquez.
Infections cutanées Le déficit immunitaire secondaire à une insuffisance médullaire, une chimiothérapie ou une radiothérapie augmentent le risque infectieux dans les hémopathies malignes. Les infections cutanées peuvent survenir au cours d’une septicémie ou par extension d’une infection profonde contiguë, mais elles sont le plus souvent primitives, favorisées par la fragilisation iatrogène des mécanismes de réparation ou de défense de la peau (corticothérapie, chimiothérapie, antibiothérapie à large spectre, voies veineuses et cathéters). En cas d’aplasie médullaire, les germes pouvant causer une infection cutanée sont très nombreux et variés. Cependant, la neutropénie diminue la réponse inflammatoire et rend l’aspect clinique faussement rassurant : des signes cutanés apparemment bénins peuvent être dus à une infection très grave [19] . Ainsi, aucune corrélation n’existe entre la présentation clinique, la gravité de l’infection et le germe causal. En pratique, devant toute suspicion clinique d’infection cutanée chez un patient en aplasie, il faut réaliser une biopsie et envoyer les prélèvements en bactériologie (examen direct et culture), en mycologie (examen direct et culture) et en anatomopathologie pour étude histologique et colorations spéciales de microbiologie (Grocott, Gram, EMC - Traité de Médecine Akos
periodic acid schiff, May-Grunwald-Giemsa, Ziehl). Ces considérations ne s’appliquent pas aux infections virales, lesquelles gardent la même présentation classique. La gravité de l’infection cutanée dépend en partie de la virulence du germe et de sa résistance au traitement comme dans les infections localisées à Alternaria ou à Fusarium sp. Elle est néanmoins fortement liée au type même de l’infection, incluant les septicémies et les dermohypodermites. L’incidence des infections fongiques cutanées et/ou systémiques, nosocomiales et opportunistes croît avec les années à cause du nombre élevé de patients immunodéprimés (hémopathies malignes, transplantation d’organe). Candida spp. et Aspergillus spp. sont les germes majoritairement en cause. Mais des espèces fongiques émergentes comme Trichosporon spp., Fusarium spp., Scedosporium spp. et autres, sont de plus en plus incriminées dans des infections invasives et graves [20] . La survenue de lésions cutanées monomorphes disséminées sur le tronc et les extrémités avec atteinte palmoplantaire fréquente évoque en premier une septicémie. Des macules ou papules pâles légèrement érythémateuses et diffuses suggèrent une septicémie à Candida. Si les hémocultures sont négatives ou si le traitement antibiotique est déjà débuté, la biopsie cutanée avec culture est d’une grande utilité diagnostique [21] . Les dermohypodermites peuvent, sous le masque d’un placard érythémateux résistant mais d’allure bénigne, évoluer gravement vers une fasciite nécrosante. Elles sont le plus souvent dues à des cocci à Gram positif (staphylocoques, streptocoques), mais parfois aussi à des agents opportunistes. L’ecthyma gangrenosum est typiquement dû à une infection à Pseudomonas aeruginosa. Il est caractérisé par des bulles hémorragiques à évolution rapidement nécrotique sur une plaque érythémateuse à bordure annulaire, habituellement localisé à l’aine, à la région périanale ou au creux axillaire. Il se développe de fac¸on localisée primitive ou dans un contexte de septicémie. Des gales profuses non prurigineuses peuvent également se voir au cours des hémopathies malignes avec immunodépression.
Toxidermies et autres réactions iatrogènes L’épithélium cutanéomuqueux, en raison de son renouvellement rapide, est particulièrement affecté par les effets secondaires de la chimiothérapie. Les modalités thérapeutiques des hémopathies sont de plus en plus nombreuses et variées. Les manifestations cutanées liées aux traitements des hémopathies sont diverses et certaines sont spécifiques d’une molécule donnée. Leur physiopathologie est plus cytotoxique, dépendant de la dose du médicament, qu’allergique, relevant des mécanismes d’hypersensibilité [22] . Imputer les signes cutanés à un médicament précis est parfois irréfutable, surtout quand la réaction est connue être spécifique d’un produit. Toutefois, l’imputabilité manque souvent d’évidence à cause des faits suivants : • les exanthèmes toxidermiques ressemblent à ceux d’origine virale fréquemment rapportés dans les hémopathies ; • l’histologie cutanée est souvent non spécifique, compatible avec une toxidermie. Les médicaments sont parfois associés de fac¸on complexe ou introduits dans le même délai d’imputabilité, lequel varie de quelques jours à quelques semaines. La présence de certains éléments peut contribuer au diagnostic de toxidermie comme : • la survenue de réactions similaires ou plus atténuées lors de perfusions antérieures du produit ; • l’atteinte initiale ou prédominante des paumes des mains et des plantes des pieds ; • l’intensité de l’atteinte épidermique (nécrose, vacuolisation) contrastant avec l’absence d’infiltrat mononucléaire dermique, fait évoquant une cytotoxicité directe du médicament utilisé. Les manifestations cutanées cytotoxiques les plus fréquentes sont les mucites et les alopécies. Les lignes de Beau sont de petites dépressions blanches unguéales, transversales, qui sont la conséquence de l’arrêt de la synthèse de la kératine par effet toxique
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Tableau 2. Manifestations cutanées liées aux traitements des hémopathies. Accidents liés à la cytotoxicité des traitements Alopécie Stomatite, mucite Onycholyse et lignes de Beau Décollements cutanés Accidents d’hypersensibilité Urticaire, angio-œdème, anaphylaxie Effets liés au mécanisme d’action « ciblée » Exanthème, prurit, xérose, acné, alopécie Réaction aiguë du greffon contre l’hôte Exanthème maculopapuleux Décollements bulleux extensifs Accidents plus spécifiques de certaines molécules Bléomycine : nécroses digitales, hyperpigmentation flagellée Hydroxyurée : ulcères de jambe, pseudodermatomyosite Interférons : nécroses au point d’injection, psoriasis, lichen plan G-CSF : syndrome de Sweet, vasculites, prurit généralisé GM-CSF : exanthèmes maculopapuleux G-CSF : granulocyte-colony stimulating factor ; GM-CSF : granulo/monocyte-colony stimulating factor.
sur l’ongle. Il n’est donc pas rare de voir des sujets avec plusieurs lignes de Beau successives sur la totalité des ongles qui sont chacune le témoin d’un cycle de chimiothérapie. Certaines réactions cutanées cytotoxiques peuvent aboutir à des décollements épidermiques comparables à ceux de l’érythème polymorphe majeur, au syndrome de Stevens-Johnson ou même à la nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Lyell). Les exemples sont multiples : le méthotrexate, la fludarabine, la cladribine, les alcaloïdes et les anthracyclines. Les réactions d’hypersensibilité comme l’urticaire, l’angioœdème ou le choc anaphylactique sont relativement moins fréquentes. La L-asparaginase, le cisplatinum et le rituximab sont les plus susceptibles de donner ce type de manifestations. La réaction aiguë du greffon contre l’hôte est allogénique. Elle survient dans les 3 mois suivant la greffe de moelle osseuse. Elle est due à une agression des tissus du patient immunodéprimé par les lymphocytes du greffon. L’atteinte cutanée débute par un exanthème maculopapuleux qui peut s’étendre et s’aggraver pour donner des décollements bulleux extensifs et fatals. Les atteintes palmoplantaire et buccale sont fréquentes [23] . Le diagnostic est parfois difficile à établir car l’exanthème est comparable à celui des toxidermies ou des réactivations virales et l’histologie n’est pas spécifique. La présence d’atteintes extracutanées, notamment digestive et hépatique, est évocatrice. En conséquence, tout patient ayant un aspect clinique et histologique compatible avec une réaction aiguë du greffon contre l’hôte doit être traité comme tel car il s’agit d’une urgence médicale exigeant une corticothérapie systémique [24] . Un grand nombre de manifestations cutanées induites par les traitements des hémopathies et parfois spécifiques d’un produit sont résumées dans le Tableau 2 et l’on en cite plus spécifiquement certaines. L’érythème acral est une complication fréquente des chimiothérapies y compris celles utilisées dans les hémopathies, en particulier la cytarabine, les anthracyclines et la clofarabine [25] . Il s’agit de nappes érythémateuses, œdémateuses, douloureuses, bien limitées, survenant aux paumes et aux plantes, très faciles à reconnaître. Elles sont souvent accompagnées de douleurs et de dysesthésies très gênantes, notamment pour l’utilisation des couverts lors des repas. Les lésions peuvent rester localisées aux extrémités ou se disséminer secondairement avec développement d’un exanthème. Cet effet secondaire est dose-dépendant. Le mécanisme est encore peu élucidé. La concentration élective du produit dans les glandes sudoripares palmoplantaires suivie d’une sécrétion et d’une réabsorption cutanée feraient partie du
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processus physiopathologique. La réaction est plus grave et le délai d’apparition plus court avec les chimiothérapies courtes par rapport aux perfusions continues. Le traitement repose d’abord sur la réduction de la dose, la prolongation de l’intervalle entre les cures et les mesures symptomatiques comme le refroidissement des membres, l’application de dermocorticoïdes ou du tacrolimus topique, lesquels ont un effet variable. Les toxidermies à l’hydroxyurée, traitement de première intention dans les syndromes myéloprolifératifs, sont assez fréquentes (7 % à 45 % selon les séries). Certaines sont bénignes comme l’hyperpigmentation diffuse ou localisée (mélanodermie frontale, mélanonychies, pigmentation), la xérose cutanée, l’ichtyose, l’alopécie, la pseudodermatomyosite, la stomatite buccale et les ulcères buccaux. Les deux complications graves les plus fréquentes nécessitant l’arrêt du traitement sont les ulcères de jambe et l’apparition de carcinomes épidermoïdes sur les zones photoexposées. De nouveaux traitements, appelés souvent « thérapeutiques ciblées » et ayant des mécanismes d’action très différents de ceux des chimiothérapies conventionnelles, sont de plus en plus utilisés chez les patients atteints de cancers solides ou d’hémopathies. Avec ces nouvelles molécules apparaissent de nouvelles toxicités, notamment cutanées. En effet, les cellules cutanées et les annexes expriment physiologiquement les différents récepteurs et signaux moléculaires ciblés par ces nouvelles thérapies. Ainsi, les manifestations observées sont moins « secondaires » que directement liées à l’effet attendu du traitement. Parmi ces nouvelles molécules, on peut citer [26, 27] : • les inhibiteurs des agents de transduction, notamment les inhibiteurs de la tyrosine kinase multicibles comme : ◦ l’imatinib, indiqué dans les leucémies myéloïdes chroniques, pouvant causer : exanthèmes maculopapuleux, décollements bulleux, prurit, œdèmes faciaux et périorbitaires et éruptions lichénoïdes, ◦ le dasatinib, indiqué dans les leucémies myéloïdes chroniques et certaines leucémies lymphoblastiques aiguës, donnant : exanthème maculopapuleux, acné, xérose, alopécie, urticaire, hyperhidrose, photosensibilité et érythème acral, ◦ le nilotinib, indiqué dans les leucémies myéloïdes chroniques et les syndromes hyperéosinophiliques, donnant : exanthème maculopapuleux, xérose, alopécie et prurit ; • les inhibiteurs du protéasome comme : ◦ le bortézomib, indiqué dans les myélomes, les lymphomes non hodgkiniens, causant : vasculite nécrosante, exanthème maculopapuleux, ulcérations cutanées et nodules infiltrés.
“ Points essentiels • Les lésions cutanées spécifiques peuvent révéler une hémopathie encore inconnue ou indiquer une transformation aiguë d’un syndrome myélodysplasique. • L’apparition d’une dermatose neutrophilique doit faire rechercher une hémopathie maligne. • En cas de neutropénie, aucune corrélation n’existe entre la présentation clinique, la gravité de l’infection cutanée et le germe causal. • Les manifestations cutanées liées aux traitements des hémopathies sont diverses et le plus souvent d’origine cytotoxique.
Conclusion La connaissance des manifestations cutanées associées aux hémopathies malignes a de multiples intérêts. La complexité et la richesse de ces manifestations doivent faire intervenir une collaboration entre dermatologues et hématologues. EMC - Traité de Médecine Akos
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B. Soutou, Dermatologue (
[email protected]). Centre hospitalier du Nord, 100 Jdeidet-Zgharta, Liban. E. Wetterwald, Attaché. S. Aractingi, Praticien hospitalier. Service de dermatologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Soutou B, Wetterwald E, Aractingi S. Manifestations cutanées des hémopathies malignes. EMC Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-7 [Article 2-0703].
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Autoévaluations
Cas clinique
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Syndromes sclérodermiformes E. Puzenat, P. Humbert Les syndromes sclérodermiformes regroupent un certain nombre de dermatoses différentes ayant en commun une induration cutanée localisée ou diffuse dont la cause diffère d’une dermatose à l’autre. Certaines sont plus fréquentes chez les enfants, d’autres chez l’adulte. Ce sont des maladies rares, pouvant avoir des manifestations systémiques et dont la prise en charge thérapeutique est difficile. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Sclérodermie cutanée ; Fasciite de Shulman ; Scléromyxœdème d’Arndt-Gottron ; Sclérème de Buschke ; Fibrose néphrogénique systémique
Plan
Tableau 1. Syndromes sclérodermiformes.
■
Introduction
1
Sclérodermie localisée
■
Sclérodermie cutanée Formes cliniques Épidémiologie Étiopathogénie Manifestations cliniques extracutanées associées Complications des morphées Association à des anomalies auto-immunes Association à une sclérodermie systémique Bilan d’une sclérodermie localisée Évolution et traitement Morphées induites
1 2 3 3 3 3 3 3 3 3 4
Fasciite de Shulman
■
Fasciite de Shulman ou fasciite à éosinophiles Scléromyxœdème d’Arndt-Gottron
4 4
■
Sclérème de Buschke
4
■
Fibrose néphrogénique systémique
5
■
Syndrome des huiles toxiques
5
■
Syndrome éosinophilie-myalgie et L-tryptophane
5
■
Acrodermatite chronique atrophiante ou maladie de Pick-Herxheimer
5
Introduction Les syndromes sclérodermiformes regroupent des dermatoses diverses ayant en commun une induration cutanée plus ou moins étendue et parfois associée à des anomalies extracutanées (Tableau 1).
Sclérodermie cutanée Il s’agit de la forme de sclérodermie la plus fréquente chez l’enfant, qui se caractérise par une sclérose cutanée plus ou moins étendue et plus ou moins profonde. La sclérodermie cutanée peut EMC - Traité de Médecine Akos Volume 7 > n◦ 3 > juillet 2012 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)56212-5
Scléromyxœdème d’Arndt-Gottron Sclérème de Buschke Fibrose néphrogénique systémique Syndrome de Sharp Syndrome des huiles toxiques Syndrome éosinophilie-myalgie Acrodermatite chronique atrophiante Autres : - syndrome de Sharp - GVH - chlorure de vinyl - bléomycine - pentazocine - syndrome de Werner - poïkylodermie - cheiroarthropathie diabétique - POEMS syndrome - syndrome de Winchester - pachydermopériostose - phénylcétonurie - fibrose localisée idiopathique - acromégalie - progéria - porphyrie cutanée tardive - amylose - syndrome carcinoïde GVH : réaction du greffon contre l’hôte ; POEMS : Polyneuropathy, organomegaly, endocrinopathy, monoclonal protein, skin changes.
prendre différents aspects cliniques. Elle évolue généralement en trois phases successives : œdémateuse, puis indurée et scléreuse, puis atrophique. Son évolution est imprévisible et des améliorations spontanées sont possibles.
1
2-0705 Syndromes sclérodermiformes
Figure 1.
Morphée en plaque.
Figure 2.
Sclérodermie en goutte.
Formes cliniques Différentes formes cliniques peuvent coexister chez le même patient.
Sclérodermies cutanées en plaque : morphées en plaque Morphée en plaque (Fig. 1) Il s’agit de la forme clinique la plus fréquente des sclérodermies localisées. Elle se présente sous forme d’une plaque unique, ou de plaques multiples, initialement érythémateuse puis d’aspect scléreux, blanche, indurée, entourée d’un halo érythémateux caractéristique appelé lilac ring traduisant son activité inflammatoire et son évolutivité. Dans les suites de son évolution apparaît une hyper- ou hypopigmentation plus ou moins atrophique. Elle se localise principalement sur le corps, à la racine des membres, le visage étant habituellement épargné. Atrophodermie idiopathique de Pierini-Pasini. Elle se traduit par l’apparition de petites plaques d’emblée atrophiques et de couleur brune-violacée sans inflammation ni sclérose associée. Sa localisation la plus fréquente est le tronc. Son évolution est le plus souvent bénigne. L’étiopathogénie de l’atrophodermie de Pierini-Pasini reste discutée (entité distincte ou forme clinique de morphée d’involution spontanée). Sclérodermie en goutte « white spot disease » (Fig. 2). Elle forme de petites taches blanches nacrées multiples pouvant évoluer vers la pigmentation, et de distinction clinique et nosologique difficile avec le lichen scléroatrophique. Elle se localise principalement à la partie supérieure du tronc. Morphée chéloïdienne ou nodulaire Elle est caractérisée par la présence de nodules ressemblant à des chéloïdes et associés à des morphées en plaque.
Morphée bulleuse La morphée bulleuse ou bullohémorragique est rare. Elle se traduit par l’apparition de bulles sur une morphée en plaque. Les bulles sont la conséquence du blocage des lymphatiques dermiques par la sclérose, elles s’érodent en formant des érosions douloureuses.
Morphées généralisées Il s’agit de l’apparition de morphées en plaques multiples confluentes ou non, atteignant parfois tout le corps, le visage et parfois les muqueuses, en nombre supérieur à quatre et/ou atteignant plus de deux sites anatomiques.
2
Figure 3.
Morphée en bande monomélique.
Morphées linéaires, en bande (Fig. 3) Il s’agit d’une forme grave de sclérodermie cutanée se localisant le plus souvent à la face ou aux extrémités. C’est la forme la plus fréquente chez l’enfant [1, 2] . Morphée en bande Au niveau des membres, elle réalise un tableau de sclérodermie dite « monomélique » débutant souvent dans l’enfance. Des bandes scléroatrophiques apparaissent progressivement sur les membres, puis la scléroatrophie s’étend aux muscles et aux tendons, réalisant à l’extrême un aspect de morphée pansclérotique avec une atteinte profonde du tissu sous-cutané provoquant des déformations articulaires et osseuses parfois associées à un arrêt ou retard de croissance du membre. Des anomalies osseuses de type hyperostose linéaire ou mélorhéostose peuvent également compléter le tableau. Morphée en coup de sabre Sur le front ou le visage, la sclérodermie en bande donne un aspect dit « en coup de sabre » avec ou sans hémiatrophie associée. La bande scléreuse se localise sur le front, peut remonter jusqu’au cuir chevelu, entraînant alors une alopécie cicatricielle, et s’étendre jusqu’au nez, voire à la lèvre supérieure. Dans cette localisation, des lésions oculaires, des anomalies des gencives, des malpositions dentaires et l’atteinte de la langue sont possibles. La peau est scléreuse, atrophique et adhère à l’os sous-jacent. Elle peut être hypo- ou hyperpigmentée. La sclérodermie en coup de EMC - Traité de Médecine Akos
Syndromes sclérodermiformes 2-0705
sabre peut parfois s’associer à une hémiatrophie homolatérale du visage et est alors difficilement individualisable du syndrome de Parry-Romberg. Syndrome de Parry-Romberg Il s’agit d’une atrophie hémifaciale progressive d’évolution chronique. Dans un premier temps, les anomalies sont profondes et localisées au niveau du tissu conjonctif, des muscles et des os. Puis, secondairement, le derme est atteint avec apparition progressive d’une hémiatrophie de la face. La distinction nosologique entre sclérodermie en coup de sabre et syndrome de Parry-Romberg prête encore à discussion.
En cas de morphée monomélique, la croissance du membre atteint peut être ralentie, l’articulation bloquée en flexion irréductible.
Association à des anomalies auto-immunes
Elle atteint les tissus sous-cutanés et l’hypoderme et correspond à une localisation profonde du processus scléreux.
Des marqueurs biologiques d’auto-immunité peuvent être retrouvés chez les patients, en particulier dans les morphées généralisées ou linéaires. Dans la population pédiatrique, leur présence semble corrélée au risque d’atteinte extracutanée et au risque d’atteinte diffuse [4] . Des antécédents familiaux ou personnels de maladies autoimmunes comme l’hypothyroïdie de Hashimoto, le vitiligo, la pelade, la polyarthrite rhumatoïde, la dermatomyosite, le lupus systémique, le diabète non insulinodépendant et la maladie cœliaque sont rapportés dans la littérature [1, 2, 4] .
Épidémiologie
Association à une sclérodermie systémique
La sclérodermie localisée atteint surtout les femmes. La forme en plaque est plus fréquente chez l’adulte tandis que les sclérodermies linéaires atteignent surtout les enfants. Son incidence est mal connue.
Elle est rarissime mais quelques cas ont été décrits dans la littérature [5] .
Morphée profonde ou pansclérotique
Étiopathogénie La cause de la sclérodermie localisée est inconnue. Il existe probablement des anomalies du collagène de la matrice extracellulaire et du fonctionnement des fibroblastes avec augmentation de la synthèse des collagènes de type I et III et diminution de la dégradation du collagène par les métalloprotéinases de la matrice [3] . Les anomalies de fonctionnement des fibroblastes passent par le biais de cytokines, en particulier de l’interleukine 1 et du transforming growth factor (TNF) mais leurs rôles sont pour l’heure non élucidés. Une origine auto-immune et/ou une prédisposition génétique avaient également été évoquées.
Manifestations cliniques extracutanées associées [1, 2] Dans un contexte de morphée, l’atteinte extracutanée n’est pas exceptionnelle et doit être recherchée. Dans les études pédiatriques 22,4 % à 38,9 % des enfants atteints de morphées avaient des manifestations extracutanées associées [1, 4] . Celles-ci sont plus fréquentes en cas de morphées généralisées ou linéaires. Ces manifestations sont par ordre de fréquence décroissante : les atteintes articulaires puis neurologiques puis oculaires puis gastrointestinales, respiratoires, rénales et cardiaques : • l’atteinte articulaire : arthrites ou contractures articulaires. Il s’agit de l’atteinte extracutanée la plus fréquente, surtout dans les formes linéaires ; • l’atteinte du système nerveux central (SNC) : elle survient le plus souvent en cas de morphée linéaire de la face. L’épilepsie et les migraines sont les manifestations neurologiques les plus fréquentes, elles peuvent précéder ou apparaître après l’atteinte cutanée et parfois s’associent à des anomalies de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale ; • l’atteinte oculaire : elle est exclusivement présente en cas de sclérodermie en coup de sabre ou de syndrome de Parry-Romberg. Il s’agit d’uvéite antérieure, d’épisclérite, de glaucome, de kératite, etc. ; • les atteintes digestives (reflux gastro-œsophagien), pulmonaires (atteinte restrictive), cardiaques (troubles du rythme, péricardite), rénales (syndrome néphritique et hématurie) sont possibles mais plus rares.
Complications des morphées La complication la plus fréquente est le préjudice esthétique qui peut être important. EMC - Traité de Médecine Akos
Bilan d’une sclérodermie localisée Le diagnostic de sclérodermie localisée est clinique. La recherche de signes d’une infection borrélienne est discutable et la relation entre morphée et infection borrélienne est toujours controversée [3] . Devant une sclérodermie localisée de l’enfant, en particulier en cas de forme généralisée ou linéaire, il est recommandé de réaliser un bilan biologique comprenant : anticorps anti-nucléaires (ACAN), facteurs rhumatoïdes, anticorps (ac) anti-Scl70, ac anticentromère et ac anticardiolipides. De la même fac¸on, devant une sclérodermie linéaire de la face, il est souhaitable d’effectuer un examen ophtalmologique, un électroencéphalogramme (EEG) complété d’une IRM cérébrale en cas d’anomalie [2] . D’autres examens complémentaires sont à réaliser en cas de point d’appel clinique.
Évolution et traitement Les morphées se stabilisent en général après 3 à 5 ans d’évolution et l’amélioration spontanée est possible. Cependant certaines morphées peuvent, après une période d’amélioration ou de quiescence, se réactiver et s’étendre. Le suivi des patients doit donc être prolongé, en particulier chez l’enfant [6] . Il n’existe pas de protocole bien défini de prise en charge thérapeutique des sclérodermies cutanées, leur pronostic est difficile à établir et leur évolution imprévisible. Sur les morphées, l’application biquotidienne de propionate de clobétasol (Dermoval® pommade) peut stopper l’évolution. En cas d’échec, des traitements locaux par pommade à la vitamine D (Daivonex® pommade), par tacrolimus topique 0,1 % (Protopic® pommade 0,1 %), par imiquimod (Aldara® ) ou l’association calcipotriol-bétaméthasone (Daivobex® pommade) peuvent être utilisés mais en prescription hors autorisation de mise sur le marché [7–9] . Leur efficacité est difficile à évaluer avec les données de la littérature (petites séries, études non contrôlées). Dans les formes étendues, l’UVAthérapie, la PUVAthérapie ainsi que la balnéoPUVAthérapie semblent être des alternatives thérapeutiques intéressantes, seules ou en association avec la corticothérapie générale [10] . Les UVA 1 (340 à 400 nm) sont également efficaces à moyennes doses dans le traitement des morphées [11] . Des cas ponctuels d’amélioration ont été rapportés avec la photochiomiothérapie [12] . Dans les formes sévères comme les morphées généralisées, en coups de sabre ou linéaires et en particulier chez l’enfant, une corticothérapie générale est souvent utilisée en première intention en association avec du méthotrexate. Différents protocoles ont été utilisés (bolus de corticoïdes à 30 mg/kg 3 jours par mois pendant 3 mois ou corticothérapie orale journalière et
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méthotrexate 0,3 à 0,6 mg/kg/sem) et la durée des différents traitements n’est pas consensuelle [13, 14] . Le traitement améliore la morphée mais sa réactivation est possible à son arrêt. Le mycophénolate mofétil (Cellcept® ) a également été rapporté comme efficace chez des enfants atteints de sclérodermie localisée sévère évolutive ou en échec d’une association corticothérapie généraleméthotrexate [15] . La D pénicillamine et le calcipotriol par voie orale ont également été utilisés dans les sclérodermies localisées de l’adulte mais il n’existe pas d’étude contrôlée sur leur efficacité [16, 17] . Enfin, la chirurgie est une possibilité thérapeutique en cas de sclérodermie en coup de sabre ou d’atteinte monomélique stable cliniquement.
Morphées induites Des cas de morphées en plaque ou profondes ont été rapportés chez des nourrissons après des vaccinations type hépatite B, DTP, ROR [18] . D’autres cas de morphée ont été décrits après injections intramusculaires de vitamine B12 et vitamine K. Chez les adultes, une sclérose cutanée est apparue après traitement par anti-TNF, après certaines chimiothérapies type taxanes, gencitabine, bléomycine, fluoro-uracile et pémétrexed. Les vibrations ou les traumatismes locaux ont également été suspectés comme facteurs déclenchant l’apparition de morphées [19] .
Tableau 2. Critères diagnostiques du scléromyxœdème d’Arndt-Gottron. Éruption cutanée constituée de papules, généralisée et sclérodermiforme Histologie cutanée retrouvant des dépôts de mucine dans le derme réticulaire, une prolifération fibroblastique et une fibrose Association à une gammapathie monoclonale sérique Absence de pathologie thyroïdienne
chant doivent être recherchés par l’interrogatoire, tels un effort physique, un traumatisme, la prise de médicaments (statine, phénitoïne, etc.) ou une piqûre d’arthropodes (tique). Les patients atteints de fasciite de Shulman présentent un risque significativement plus élevé d’hémopathies malignes et des associations à des cancers solides ont été rapportées (sein, prostate, poumon) [21] . Son traitement fait appel en première intention à la corticothérapie générale à forte dose sur plusieurs mois avec ensuite diminution progressive des doses. Dans les formes corticorésistantes, d’autres traitements ont été utilisés : méthotrexate, ciclosporine, infliximab, hydroxycholoroquine, disulone, photothérapie UVA 1 [22–24] .
Scléromyxœdème d’Arndt-Gottron [25]
Fasciite de Shulman ou fasciite à éosinophiles (Fig. 4) Considérée par certains auteurs comme une forme anatomoclinique de sclérodermie localisée, elle apparaît brutalement, parfois dans les suites d’un effort. Elle se caractérise par un aspect de peau d’orange lié à la localisation profonde de la sclérose au niveau de l’hypoderme et du fascia et par un aspect de veine en « canyon ». Sa localisation la plus fréquente est la racine des membres et l’atteinte est souvent bilatérale et symétrique. Il n’y a habituellement pas d’acrosclérose. Les atteintes extracutanées sont exceptionnelles mais elle peut se compliquer de rétractions articulaires liées à la sclérose cutanée et à l’atteinte musculaire et/ou aponévrotique. Le diagnostic, suspecté cliniquement, est confirmé par la biopsie profonde. Les prélèvements biopsiques doivent comprendre la peau, les fascias et un peu de muscle ; ils confirment le diagnostic en montrant une sclérose du tissu collagène dans le derme profond, l’hypoderme et le fascia, associée à un infiltrat inflammatoire, riche en éléments mononucléés et, surtout, en polynucléaires éosinophiles. L’IRM peut aider au diagnostic en montrant des hypersignaux au niveau du fascia et guider ainsi la biopsie profonde ; elle peut également être utilisée pour le suivi évolutif de la maladie [20] . Biologiquement, l’hyperéosinophilie, inconstante, est un élément d’orientation. Des facteurs déclen-
Encore appelé mucinose papuleuse, il fait partie du groupe des mucinoses cutanées primaires et est lié à une accumulation de mucine dans le derme des patients atteints. Cliniquement, il se caractérise par des plaques formées de papules blanchâtres, érythémateuses ou couleur chair, associées à une infiltration cutanée sclérodermiforme initialement localisée aux mains et aux avant-bras, puis se généralisant ensuite. Des atteintes extracutanées sont possibles et doivent être recherchées. Il peut s’agir d’atteinte gastro-intestinale, pulmonaire (pneumopathie interstitielle, syndrome restrictif, obstructif, HTAp), musculaire, endocrinienne, articulaire et neurologique (canal carpien, neuropathie périphérique, épilepsie, confusion, coma, troubles psychiatriques, déficit neurologique focal). Un bilan systématique à la recherche de ces atteintes extracutanées est recommandé avec réalisation d’une TDM thoracique, d’épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR), d’une échographie cardiaque et d’un électromyogramme (EMG). Une immunoglobulinémie monoclonale IgG lambda est quasiment toujours associée à ce syndrome sans que son taux ne soit corrélé à la gravité de la dermatose. Le diagnostic est confirmé par l’histologie qui met en évidence des dépôts mucineux dans le derme papillaire. Le diagnostic est clinique et retenu sur les critères du Tableau 2. L’évolution peut être chronique et des rémissions spontanées partielles ou complètes ou sous divers traitements ont été rapportées dans la littérature, le traitement de première intention étant la corticothérapie générale.
Sclérème de Buschke
Figure 4.
4
Fasciite de Shulman.
Il se présente cliniquement comme une infiltration sclérodermiforme de la peau, débutant au cou puis s’étendant au cuir chevelu, épaule, tronc et visage, épargnant les paumes et les plantes. Trois types sont décrits [26] . Le type 1, post-infectieux, de bon pronostic et d’amélioration spontanée en quelques mois ou années, le type 2 d’évolution chronique et possiblement associé à une gammapathie monoclonale IgG ou IgA et le type 3 d’évolution également chronique et associé à un diabète. Une atteinte extracutanée est possible. La cause du sclérème de Buschke est inconnue. L’aspect histologique peut être typique montrant un derme épaissi avec des faisceaux de collagène élargis et de larges espaces contenant des dépôts de mucine. Aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité dans les types 2 et 3, la corticothérapie générale, les immunosuppresseurs (MTX, ciclosporine), le thalidomide, les Ig intraveineuses et la photothérapie ont été utilisés. EMC - Traité de Médecine Akos
Syndromes sclérodermiformes 2-0705
sont brutales et comporte des myalgies, des arthalgies et une induration cutanée profonde. Le tableau clinique peut ensuite se compléter par une atteinte pulmonaire, cardiaque ou digestive. L’hyperéosinophilie sanguine est constante.
Acrodermatite chronique atrophiante ou maladie de Pick-Herxheimer
Figure 5.
Fibrose systémique néphrogénique (cliché du Dr Dupont).
Fibrose néphrogénique systémique (Fig. 5)
Références
[27]
Décrite dés 1997, cette pathologie n’a été rapportée que chez le patient insuffisant rénal sévère. Il s’agit d’une induration cutanée progressive, d’origine toxique par exposition au gadolinium. La sclérose cutanée touche les pieds, puis les jambes de fac¸on bilatérale et symétrique, puis se généralise, épargnant en général le visage. Une impotence fonctionnelle majeure peut survenir en raison de flexion articulaire irréductible. Des atteintes extracutanées (pulmonaire, musculaire, oculaire, cardiaque, digestive, etc.) sont possibles et peuvent être responsables du décès du patient. L’évolution est chronique, cependant une amélioration spontanée a été rapportée chez des patients dont la fonction rénale s’est améliorée. Le bilan biologique ne retrouve pas de signe d’autoimmunité ni de gammapathie monoclonale, l’aspect histologique est typique. Tous les sujets atteints ont été exposés à des composés de gadolinium (gadodiamide dans 90 % des cas). Aucune prise en charge consensuelle n’est publiée à ce jour et aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité. Les recommandations actuelles sont d’évaluer la fonction rénale chez tout patient insuffisant rénal nécessitant une IRM et de contre-indiquer les produits de contraste contenant un ion gadolinium à haut risque chez les malades ayant une clairance < 30 ml/min.
Syndrome des huiles toxiques
[28]
Il s’agit d’un syndrome systémique décrit de juin 1981 à 1982 en Espagne, lié à la consommation d’huile frelatée. Environ 20 000 cas et 400 décès ont été répertoriés. Le tableau clinique se déroule en deux phases. La première phase associe un œdème pulmonaire, des myalgies, de la fièvre, des lésions cutanées à type d’urticaire non spécifique avec une hyperéosinophilie sanguine. La seconde phase est une phase chronique apparaissant vers le troisième mois, caractérisée par l’association inconstante d’une neuropathie périphérique, d’une hépatopathie, de lésions sclérodermiformes cutanées et d’une hypertension artérielle pulmonaire. La recherche d’auto-anticorps est classiquement négative.
Syndrome éosinophilie-myalgie et L-tryptophane [29]
Ce syndrome décrit à la fin des années 1980 est dû à l’absorption de composés contenant du L-tryptophane utilisé dans la fabrication de somnifères, d’antidépresseurs, d’anorexigènes ou utilisés comme complément alimentaire. Les manifestations cliniques EMC - Traité de Médecine Akos
Elle fait partie des manifestations cutanées tardives de la borréliose. Cliniquement, elle se traduit initialement comme une érythrocyanose avec apparition secondaire d’une atrophie dermoépidermique avec bandes scléreuses. Le diagnostic repose sur l’anamnèse, sur une sérologie borrélienne très positive en IgG, un aspect histologique évocateur et sur la mise en évidence de la Borrélia par technique polymerase chain reaction (PCR) ou par culture à partir d’un fragment cutané. Le traitement de première intention est l’antibiothérapie par doxycycline par voie orale (200 mg/j pendant 28 jours) ou par ceftriaxone IM ou IV (2 g/j pendant 14 jours).
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[email protected]). P. Humbert. Service de dermatologie, CHU Saint-Jacques, Université de Franche-Comté, Inserm U645, IFR133, 25030 Besanc¸on cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Puzenat E, Humbert P. Syndromes sclérodermiformes. EMC - Traité de Médecine Akos 2012;7(3):1-6 [Article 2-0705].
Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels
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Iconographies supplémentaires
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Documents légaux
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Informations supplémentaires
Autoévaluations
Cas clinique
EMC - Traité de Médecine Akos
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Toxidermies T. Duong, L. Valeyrie-Allanore Les toxidermies regroupent l’ensemble des manifestations cutanées ou muqueuses secondaires à la prise d’un médicament. L’hétérogénéité de leur présentation clinique et leur délai de survenue variable proviennent des différents mécanismes immunologiques impliqués et rendent leur diagnostic spécifique difficile. Les réactions cutanées médicamenteuses ont des spécificités sémiologiques et une évolution différente. Leur spectre clinique varie de l’exanthème maculopapuleux sans signe de gravité aux formes de toxidermies graves avec atteinte viscérale comme le syndrome d’hypersensibilité, Drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS), ou les nécrolyses épidermiques, syndrome de StevensJohnson ou Lyell. Les toxidermies graves représentent 0,1 % à 0,3 % des toxidermies et peuvent mettre en jeu le pronostic vital, leur diagnostic avec arrêt précoce du médicament responsable et leur prise en charge spécialisée permet une diminution des complications et des séquelles. Une bonne connaissance des principaux tableaux des toxidermies et des principales classes de médicaments responsables selon le type clinique est indispensable afin de déterminer l’orientation spécialisée des patients, leur traitement et les explorations complémentaires adaptées au diagnostic étiologique et de gravité. Une démarche systématique du clinicien dans le diagnostic et la prise en charge des réactions médicamenteuses évite tout risque de récidive : description sémiologique, évaluation des critères de gravité, enquête médicamenteuse. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Toxidermies ; Réactions cutanéomuqueuses médicamenteuses ; Urticaire ; Exanthème maculopapuleux ; DRESS ; Syndrome de Stevens-Johnson ; Syndrome de Lyell
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
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¶ Principaux tableaux cliniques de toxidermie Exanthème maculopapuleux Urticaire, angiœdème et anaphylaxie Photosensibilité Vascularites Réaction médicamenteuse type maladie-sérique Pustulose aiguë exanthématique généralisée Syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse Érythème pigmenté fixe Syndrome de Stevens-Johnson et nécrolyse épidermique toxique (NET) ou syndrome de Lyell Autres toxidermies Toxidermie chez le patient immunodéprimé infecté par le virus de l’immuodéficience 1 ou 2 Toxidermies et toxicité liées aux agents anticancéreux
2 2 2 4 5 5 5 6 6 7 8 9 9
¶ Tests diagnostiques, responsabilité médicamenteuse Tests épicutanés ou patchs tests Prick test et intradermoréaction Test de provocation orale Test in vitro
10 10 10 10 11
¶ Conclusion
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Les toxidermies regroupent l’ensemble des manifestations cutanées consécutives à une prise médicamenteuse. La peau est l’organe le plus fréquemment impliqué dans la survenue d’effets secondaires avec une prévalence d’éruption cutanée évaluée de 0,1 % à 1 % des individus pour un médicament donné [1]. Les toxidermies présentent une grande variabilité phénotypique, l’hétérogénéité de ces présentations cliniques cutanées peut rendre le diagnostic difficile et nécessite une prise en charge spécifique. Les toxidermies sévères s’accompagnant d’une mise en jeu du pronostic vital et/ou de graves séquelles représentent 0,1 % à 0,3 % de l’ensemble des toxidermies [2]. Elles sont suspectées en présence de certains signes cliniques ou biologiques et conduisent à une plus grande vigilance, ainsi qu’à une surveillance rapprochée (Tableau 1). Les mécanismes physiopathologiques des toxidermies sont multiples et expliquent en partie la grande variabilité des présentations cliniques. On distingue les mécanismes immunologiques d’hypersensibilité, des mécanismes toxiques (dosedépendants, cumulatifs, retardés, etc.). Ces derniers peuvent être liés à l’accumulation du médicament comme l’hyperpigmentation (amiodarone, quinolones, antipaludéens, minocycline), à la photosensibilité ou à une interaction pharmacologique entre le médicament et la prolifération ou la différentiation de l’épiderme (sécheresse cutanée et rétinoïdes, alopécie et cytostatiques, folliculites et antirécepteurs à l’endothelial growth factor
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Tableau 1. Critères de sévérité d’une toxidermie. Critères cliniques Altération profonde de l’état général avec hyperthermie Œdème de la face .
Œdème de la muqueuse buccale, des paupières, etc. Érosions des muqueuses Présence de lésions bulleuses avec signe de Nikolsky Pustules en grand nombre reposant sur un placard érythémateux Critères biologiques Hyperéosinophile supérieure à 10 % ou > à 1 500/mm3 Cytolyse hépatique à 2N ou cholestase avec PAL > 1,5 N Défaillance viscérale autre : insuffisance rénale organique, altération des gaz du sang artériels... PAL : phosphatases alcalines.
[EGF]) [3]. Les réactions d’hypersensibilité médicamenteuse se décomposent en quatre groupes selon la classification de GellCoombs : • immunoglobulines E (IgE) dépendantes ou immédiates (type I) : urticaire, angiœdème, anaphylaxie ; • réactions cytotoxiques induites par le médicament (type II) : pemphigus, purpura lié à une thrombopénie médicamenteuse ; • complexes- immuns (type III) : vascularites, maladie sérique ; • hypersensibilité retardée avec médiation cellulaire (type IV) : exanthème maculopapuleux, érythème pigmenté fixe, syndrome de Stevens-Johnson ou syndrome de Lyell. Afin d’affiner la classification des mécanismes physiopathologiques des hypersensibilités de type IV, Pichler propose une classification reposant sur le profil lymphocytaire des cellules et les cellules effectrices [4]. Dans cette classification, les hypersensibilités de type IV se décomposent en quatre sous-groupes : • IVa médié par les cellules T Th1, avec, comme mécanisme effecteur, les monocytes et les macrophages via l’interféron gamma (IFN-c) et le tumor necrosis factor (TMF) (eczéma de contact, exanthème maculopapuleux) ; • IVb médié par les cellules T Th2, avec, comme mécanisme effecteur, les lymphocytes et les éosinophiles, via les interleukines 4, 5 et 13 (IL4, IL5, IL13), éotaxine (exanthème maculopapuleux) ; • IVc médié par les lymphocytes T cytotoxiques, avec, comme effecteur les CD4+/CD8+, via perforine, granzyme B, FasL (syndrome de Stevens-Johnson, syndrome de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique, érythème pigmenté fixe) ; • IVd médié par les lymphocytes T, avec recrutement des polynucléaires neutrophiles via CXCL-8, granulocyte macrophage-colony stimulating factor (GM-CSF) (pustulose exanthématique aiguë généralisée). Les toxidermies surviennent en moyenne 7 à 15 jours après la première prise d’un médicament, mais cet intervalle se raccourcit de quelques heures à 72 heures pour certaines toxidermies : urticaire, érythème pigmenté fixe, pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG), ou au contraire il se prolonge de 3 à 6 semaines dans le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse.
■ Principaux tableaux cliniques de toxidermie (Tableau 2) Exanthème maculopapuleux L’exanthème maculopapuleux (EMP) est le tableau le plus fréquemment rencontré et représente plus de 90 % des toxidermies [5]. L’éruption survient en général 4 à 14 jours après le début du médicament et parfois 1 à 2 jours après l’arrêt de ce dernier. Ce délai se raccourcit lors de réintroductions ultérieures.
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Le mécanisme physiopathologique est celui d’une hypersensibilité de type IV à médiation cellulaire. L’haptène médicamenteux est présenté par les cellules langheransiennes aux lymphocytes T par le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH-II) [6]. Cliniquement, il s’agit d’une éruption polymorphe constituée de macules ou de papules érythémateuses confluentes, voire diffuses, parfois purpuriques aux membres inférieurs. L’atteinte muqueuse est rare, un prurit ou une fébricule sont parfois observés. L’histologie reste peu spécifique, comprenant un infiltrat lymphohistiocytaire périvasculaire du derme, voire un infiltrat mononucléé lichénoïde associé à quelques nécroses kératinocytaires. L’évolution des EMP est rapidement favorable, avec une régression des lésions sans séquelle en 1 à 2 semaines. Le traitement symptomatique repose sur des corticoïdes topiques en association avec des antihistaminiques en cas de prurit. Les principaux diagnostics différentiels d’EMP sont les éruptions virales (virus de l’immunodéficience humaine 1 et 2 [VIH 1 et 2], l’Epstein Barr virus [EBV], le cytomégalovirus [CMV], le human herpes virus 6 [HHV6], parvovirus B19, etc.), les réactions du greffon contre hôte (GVH), le syndrome de Kawasaki, ou la maladie de Still, etc. En outre, certains virus augmentent parfois le risque d’éruption cutanée comme le VIH avec le sulfaméthoxazole, l’EBV et l’amoxicilline [7]. L’absence d’amélioration rapide de l’EMP, la survenue de signes extracutanés, un infiltrat histologique plus dense qu’attendu, une hyperéosinophilie importante doivent faire suspecter un syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (cf. infra), à la limite du diagnostic différentiel, dont l’EMP peut constituer l’expression clinique initiale. La plupart des médicaments induisent un EMP avec un risque de 1 % des utilisateurs, mais certains avec un risque plus élevé, supérieur à 3 % : allopurinol, aminopénicillines, céphalosporines, antiépileptiques et sulfamides antibactériens [8].
Urticaire, angiœdème et anaphylaxie
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L’urticaire, l’angiœdème et l’anaphylaxie sont des réactions d’hypersensibilité de type I médiées soit par des IgE spécifiques, soit de manière directe non spécifique (anaphylactoïde), conduisant à une libération d’histamine par les mastocytes et une vasodilatation. Elles surviennent de quelques minutes aux premières heures après la prise médicamenteuse. L’urticaire aiguë et l’angiœdème se différencient par la profondeur de l’œdème, dermohypodermique dans l’angiœdème. Tous deux peuvent se compliquer d’anaphylaxie avec mise en jeu du pronostic vital : collapsus, hypotension, bronchospasme ou spasme laryngé. Cliniquement, l’urticaire est une éruption de papules œdémateuses, labiles et prurigineuses disparaissant en 24 à 48 heures sans laisser de trace. L’angiœdème est une urticaire profonde touchant plus volontiers les muqueuses, il se présente comme un œdème érythémateux des paupières, des lèvres, des oreilles et/ou des muqueuses. Histologiquement, la biopsie montre une image d’infiltrat mononuclée avec œdème du derme, et dilatation des capillaires. L’arrêt du médicament causal est indispensable, l’évolution est marquée par le risque d’une réaction anaphylactique. Un traitement antihistaminique anti-H1 à visée symptomatique ou une courte corticothérapie générale sont prescrits en cas d’angiœdème. Lors d’une réaction d’anaphylaxie, une injection de corticoïdes systémiques et d’épinéphrine sont pratiquées en urgence à visée antiœdémateuse et afin de réaliser une vasoconstriction en réponse au choc vasoplégique secondaire à la libération massive d’histamine. Dans ce cadre, les patients sous bêtabloquants peuvent être particulièrement difficiles à traiter. Pour certains auteurs, l’urticaire et l’angiœdème seraient plus fréquemment associés chez des enfants et adolescents à une infection (58 %), une piqûre d’insecte qu’à la prise d’un Traité de Médecine Akos
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Tableau 2. Principales présentations cliniques des toxidermies et principaux médicaments impliqués. Toxidermie
Présentations cliniques et critères diagnostiques
Intervalle de survenue Diagnostics différentiels après prise médicamenteuse
Exanthème maculopapuleux
Rash maculopapuleux
4 à 14 jours après la première prise
Virose
Médicaments fréquemment en cause Allopurinol, antiépileptiques Aminopénicilline Céphalosporines Sulfamides antibactériens
Urticaire Angiœdème
Prurit papules et plaques oedémateuses, œdème profond ou muqueux
Rapide moins de 48 heures
Allergie alimentaire, piqûres d’insectes, déficit en inhibiteurs de C1 estérase
Antibiotiques Anesthésiques AINS IEC
Phototoxicité
Érythème solaire ou éruption bulleuse du dos des mains
Exposition solaire (immédiate)
Phytophotodermatoses
Cyclines, quinolones Amiodarone, psoralènes Voriconazole Méthotrexate Naproxene, furosémide
Photoallergie
Eczéma aigu en zones photoExposition solaire (retardée) exposées, lichénifications en cas de processus chronique
Eczéma de contact Dermatite atopique
AINS (dérivés propioniques et piroxicam) Phénothiazine Diurétiques thiazidiques et sulfamides Fibrates, statines, IEC, inhibiteurs calciques
Vascularites
Purpura infiltré ou nécrotique 7 à 21 jours prédominant aux membres inférieurs
Auto-immunes, purpura rhumatoïde, cancers
Allopurinol AINS Cimétidine Antibiotiques Hydantoïne Propylthiouracil
Réaction type maladie sérique
Éruption morbiliforme, urticarienne, fièvre, arthralgies et adénopathies
1 à 3 semaines
Complément normal
Céfaclor
Pas de complexes immuns
Minocycline Pénicilline Propranolol
Nécrose cutanée aux anticoagulants
Plaques érythémateuses et purpuriques douloureuses, bulles hémorragiques, nécroses
AGEP
Placards érythémateux et œdé1 à 3 jours mateux parsemés de pustules non folliculaires (atteinte prédominante des grands plis)
3 à 5 jours après la prise de warfarine en cas de déficit à la protéine C
CIVD
Coumadine
Purpura fulminans
Héparine
Psoriasis pustuleux, Virose (entérovirus, parvovirus B19)
Diltiazem (hydoxy-) chloroquine
Érythème mercuriel
Aminopénicillines Terbinafine
Fièvre hyperleucocytose DRESS
Érythrodermie infiltrée, œdème du visage, fièvre, polyadénopathies, lymphocytes basophiles, hyperéosinophilie, atteinte viscérale
2 à 6 semaines
Pristinamycine
Virose, Syndrome hyperéosinophile, lymphome, pseudolymphome
Phénobarbital Carbamazépine Phénytoïne Sulfamides Minocycline Allopurinol Sels d’or Dapsone
Érythème pigmenté Macules érythémateuses ou viofixe lacées parfois bulleuses Récidivant au même endroit lors de prises ultérieures
1 à 7 jours
Uniquement médicamenteux
Phénazones Barbituriques Tétracycline Sulfamides Carbamazépine Oxicam Paracétamol Dérivés Cystéine
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion : EGFR : endothelial growth factor receptor ; PUVA : photothérapie par ultraviolets A ; EPF : érythème pigmenté fixe ; CIVD : coagulation intravasculaire disséminée ; SJS : syndrome de Steven-Johnson ; NET : nécrolyse épidermique toxique ; DRESS : drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms ; AGEP : acute generalized exanthematous pustulosis.
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Tableau 2. (Suite) Principales présentations cliniques des toxidermies et principaux médicaments impliqués. Toxidermie SJS et NET
Présentations cliniques et critères diagnostiques
Intervalle de survenue Diagnostics différentiels après prise médicamenteuse
Atteinte cutanée et muqueuse
4 à 28 jours
Érythème polymorphe, Sulfamides antibactériens, Épidermolyse staphylococcique, anticonvulsivants EPF Oxicam, pyrazolone Allopurinol
Bulles sur fond érythémateux diffus, érosions muqueuses pseudococardes
Névirapine
Signe de Nikolsky Troubles pigmentaires
Médicaments fréquemment en cause
Pigmentation postinflammatoire Minocycline Antimalariques Vitiligo Amiodarone
Hyperpigmentation localisée ou diffuse, cutanée ou muqueuse Pigmentation exogène, métaux lourds
Contraception Imipramine Chimiothérapie
Hypopigmentation
Clofazimine Rétinoïdes Corticostéroïdes Quinolones Lupus
Fièvre, syndrome inflammatoire, Survenue tardive parfois aprs manifestations lupus systémique 1 an
Lupus non médicamenteux
Lupus
Lupus subaigu : plaques annulaire, érythémateuse et squameuse du tronc et des zones photoexposées
Pemphigus
Bulles flasques, signe de Nikolsky, atteinte cutanée et muqueuse
Pseudolymphome
Plaques et papules érythémateu- Exposition prolongée de plu- Lymphome non Hodgkinien ses, nodules, adénopathies, sieurs mois à quelques années clones B et T cutanés
Procaïnamide, hydralazine, chlorpromazine, isoniazide, méthyldopa, propylthiouracil, practolol, D-pénicillamine, PUVA, minocycline Thiazidique, inhibiteurs calciques, AINS Terbinafine Griséofulvine
Quelques semaines à quelques mois
Pemphigus auto-immun ou paranéoplasique
Radical thiol : D-pénicillamine captopril autres IEC, piroxicam
Hydantoïne Butobarbital Carbamazépine IEC Amiloride D-pénicillamine
Acné
Acné de survenue tardive
Acné juvénile, prémenstruelle, ou cosmétique
Corticostéroïdes Androgènes Hydantoïnes Lithium Dérivés halogénés Contraception œstroprogestative Inhibiteurs EGFR
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion : EGFR : endothelial growth factor receptor ; PUVA : photothérapie par ultraviolets A ; EPF : érythème pigmenté fixe ; CIVD : coagulation intravasculaire disséminée ; SJS : syndrome de Steven-Johnson ; NET : nécrolyse épidermique toxique ; DRESS : drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms ; AGEP : acute generalized exanthematous pustulosis.
médicament (5 %) [9]. Néanmoins de nombreux médicaments peuvent induire une urticaire, soit via des IgE spécifiques (antibiotiques particulièrement les pénicillines, ou anesthésiques), soit par une réaction immédiate non liée aux IgE (acides salicylés et anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS] et inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine [IEC]). On note, en outre, la survenue d’un angiœdème avec un risque de 2-10/10 000 chez les nouveaux utilisateurs des IEC, supérieur à 1/10 000 nouveaux utilisateurs de pénicillines [10].
Photosensibilité La photosensibilité est induite par des photosensibilisants soit endogènes (porphyrie), soit exogènes (substance médicamenteuse). L’éruption cutanée survient après l’association d’une exposition aux ultraviolets (UV) et la prise médicamenteuse. Les réactions de photosensibilité aux médicaments se répartissent en deux groupes : phototoxicité et photoallergie [11].
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Phototoxicité
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Pour un médicament donné, cette réaction n’est pas rare et elle est constamment prévisible. Elle survient immédiatement après la prise d’un médicament et l’exposition aux UV et résulte directement d’une réaction photochimique responsable d’une production de radicaux libres et de dommages cellulaires. Cliniquement, l’éruption se caractérise par un érythème de type érythème solaire en zone photoexposée, parfois associé à des lésions bulleuses ou une pigmentation postinflammatoire. Histologiquement, il s’agit d’une dégénérescence de l’épiderme avec une nécrose kératinocytaire, un œdème dermique, un discret infiltrat lymphocytaire et une dilatation capillaire. La photosensibilité régresse immédiatement après l’arrêt de la substance photosensibilisante. Elle est facilement documentée in vitro et in vivo et les photopatchs tests sont rarement discriminants. Une diminution de la dose érythémale moyenne aux UV est observée chez les patients exposés au médicament photoTraité de Médecine Akos
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sensibilisant. L’arrêt du médicament ou l’éviction du soleil sont efficaces à l’arrêt des manifestations dermatologiques.
Photoallergie Cette manifestation résulte d’une réaction d’hypersensibilité à médiation cellulaire. Les UV sont nécessaires à la transformation du médicament en un allergène responsable d’une réponse immune cellulaire. Les photoallergies surviennent plus tardivement que les réactions de phototoxicité et requièrent une exposition prolongée au médicament. Cliniquement, l’éruption est eczématiforme et prurigineuse en zone photoexposée, mais peut également s’étendre en zone photoprotégée. Les photoallergies régressent progressivement à l’arrêt du médicament, persistent parfois plusieurs mois ou années avec photorémanence à l’image de la photoallergie induite par le kétoprofène topique [12] . Les photoallergies sont facilement mises en évidence par des photopatchs tests. L’arrêt du médicament entraîne une disparition des lésions, néanmoins, il peut persister une réaction même à des doses inférieures d’UV. De nombreux médicaments induisent des réactions photoallergiques : antibiotiques (cyclines, sulfamide, pyréthamine, fluoroquinolone), phénothiazine, diurétiques thiazidiques, AINS à type d’acide salicylé.
Vascularites Les vascularites médicamenteuses sont secondaires soit à une réaction d’hypersensibilité de type II (cytotoxique), soit à une réaction de type III avec complexes immuns. Les lésions des vaisseaux de petits calibres peuvent être induites par une toxicité du médicament sur les cellules endothéliales avec réaction cytotoxique, ou par des dépôts d’anticorps dirigés contre l’haptène-médicament [13]. Elles surviennent 7 à 21 jours après la prise médicamenteuse, ce délai étant raccourci en cas de réintroduction. Cliniquement, ce sont des papules purpuriques, nécrotiques ou bulleuses prédominant aux membres inférieurs. Une atteinte viscérale, hépatique, rénale ou neurologique peut être associée à une hyperthermie, des arthralgies ou des myalgies. Histologiquement, on observe une vascularite leucocytoclasique des petits vaisseaux avec ou sans nécrose fibrinoïde. L’immunofluorescence directe met en évidence des dépôts d’immunoglobuline (IgM, etc.) et/ou de C3 en regard des vaisseaux dermiques. L’évolution est favorable à l’arrêt de l’agent causal. L’introduction d’une corticothérapie générale peut être nécessaire selon la sévérité du tableau clinique, notamment lors d’atteinte viscérale associée. Les vascularites médicamenteuses sont rares et représentent moins de 10 % des vascularites. Le diagnostic requiert l’élimination par un bilan infectieux et auto-immun d’autres étiologies (tumorales, auto-immune, infectieuse, etc.). Aucun test in vitro ou in vivo ne permet de reproduire le mécanisme. Les médicaments fréquemment impliqués dans les vascularites médicamenteuses sont l’allopurinol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), la cimétidine, la pénicilline, l’hydantoïne, les sulfamides et le propylthiouracil, etc.
Réaction médicamenteuse type maladie-sérique La maladie sérique se définit par l’association d’une fièvre, d’une polyadénopathie, d’arthralgies, d’une éruption cutanée, d’un malaise ou de douleurs abdominales [14]. Elle résulte d’une réaction d’hypersensibilité de type III. Initialement décrite après l’injection de protéines exogènes, antitoxines, la maladie sérique est secondaire aux dépôts tissulaires de complexes immuns, et à l’activation du complément responsable d’une réaction inflammatoire. Les réactions médicamenteuses de type maladie sérique se manifestent par l’association d’une fièvre, d’une éruption Traité de Médecine Akos
Figure 1. Nappe érythémateuse des plis avec semis de pustules (pustulose exanthématique aiguë généralisée – PEAG).
urticarienne, et d’arthralgies survenant typiquement 10 jours (1 à 3 semaines en moyenne) après la prise médicamenteuse [15]. Les dépôts de complexes immuns ; les vascularites ou l’hypocomplémentémie ne sont pas retrouvés dans les réactions à type de maladie sérique. Ces réactions essentiellement décrites chez l’enfant avec le cefaclor s’observent avec d’autres médicaments : minocycline, bupropion, rituximab [16-19]. L’interruption du médicament est souvent suffisante à l’arrêt du tableau clinique, néanmoins, une courte corticothérapie systémique est parfois nécessaire dans les formes sévères [20]. Pour le cefaclor, malgré un risque faible de réactions croisées à la prise d’autres bêtalactamines ou de céphalosporines [21], certains cliniciens préconisent l’éviction des bêtalactamines toutes confondues en cas de maladie sérique médicamenteuse.
Pustulose aiguë exanthématique généralisée La pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) se caractérise par une éruption pustuleuse dans un contexte fébrile se développant dans un délai très court après une nouvelle prise médicamenteuse. Il s’agit d’une toxidermie sévère pouvant mettre en jeu le pronostic vital dans 1 % des cas [22] . La physiopathologie de la PEAG reste encore mal connue, elle s’accompagne d’une libération de cytokines activant les polynucléaires neutrophiles par les lymphocytes T spécifiques du médicament (IL3, IL8, granulocyte-colony stimulating factor [G-CSF]). Elle se développe classiquement dans un délai de 24 à 72 heures après la prise médicamenteuse. Cliniquement, elle se caractérise par une hyperthermie (supérieure à 38,5 °C) précédant parfois de quelques jours une éruption de pustules non folliculaires stériles reposant sur des nappes érythémateuses, prédominant en regard des grands plis (inguinaux et sousmammaires, etc.) (Fig. 1). La confluence des lésions pustuleuses peut entraîner des décollements superficiels avec pseudosigne de Nikolsky, faisant suspecter à tort un syndrome de Lyell. Dans de rares cas, des atteintes muqueuses sont observées [8]. Biologiquement, il existe une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles associée à un syndrome inflammatoire, une hypercalcémie, une insuffisance rénale et rarement une hyperéosinophilie. L’examen histologique met en évidence des pustules spongiformes sous-cornées, un œdème du derme papillaire et un infiltrat périvasculaire mixte essentiellement composé de polynucléaires neutrophiles et d’éosinophiles. Rarement, on observe quelques nécroses kératinocytaires et une vascularite leucocytoclasique. L’évolution est souvent favorable en 1 à 2 semaines après l’interruption du médicament causal avec une desquamation superficielle. Un traitement symptomatique par dermocorticoïde permet de raccourcir l’évolution. Le principal diagnostic différentiel de la PEAG est le psoriasis pustuleux de Zumbusch qui se différencie par le caractère récidivant de l’éruption pustuleuse en l’absence de médicament,
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et d’antécédent de psoriasis. Les formes sévères de PEAG sont parfois confondues avec un syndrome de Lyell du fait de la confluence des pustules, mais le respect des muqueuses et le décollement superficiel écartent rapidement ce diagnostic. Certaines présentations cliniques de DRESS peuvent également avoir une composante pustuleuse. Néanmoins, la présence d’une hyperéosinophilie, de lymphocytes atypiques, d’une atteinte viscérale et l’évolution prolongée différencient les deux entités. En 2001, Sidoroff et al. ont proposé une grille de validation de la PEAG afin d’affirmer rétrospectivement le diagnostic : • éruption pustuleuse aiguë ; • histologie compatible ; • fièvre supérieure à 38 °C ; • neutrophilie (> 1 500/mm3) avec ou sans éosinophilie ; • régression des symptômes en 15 jours [23]. Les principaux médicaments à risque de PEAG ont récemment été évalués par une étude cas-témoin du groupe EuroScar. Ils sont essentiellement représentés par la pristinamycine, l’ampicilline, les quinolones, l’hydroxychloroquine, les sulfamides antibactériens, la terbinafine, le diltiazem [24].
Syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse ou drug reaction with eosinophilia and systemic syndrome (DRESS) est une toxidermie sévère associant des manifestations cutanées et une atteinte systémique. Il se développe classiquement dans un délai de 2 à 6 semaines après le début de la prise médicamenteuse. Son incidence est de 1/10 000 avec les sulfamides antibactériens et certains anticonvulsivants [25]. Différentes hypothèses physiopathologiques sont encore discutées, associant une réaction d’hypersensibilité retardée à une réactivation virale. Le mécanisme inaugural reste incertain : le médicament reconnu de façon spécifique par les lymphocytes T serait à l’origine d’une expansion oligoclonale T et d’une réactivation virale. La famille des virus du groupe Herpès et en premier lieu human herpes virus 6 (HHV6), mais également Epstein-Barr virus (EBV) et cytomégalovirus (CMV) pourrait être à l’origine d’une interaction avec les voies de détoxification et surtout modifier et prolonger la réponse immune [26, 27]. Les lymphocytes T activés contribuent, par la libération d’IL5, au recrutement des polynucléaires éosinophiles, cellules le plus fortement impliquées dans cette toxidermie [28, 29]. L’hypothèse d’une prédisposition génétique est actuellement discutée. Certains auteurs montrent une prédisposition génétique à la survenue d’un DRESS pour un médicament donné [28, 29]. Cliniquement, le syndrome d’hypersensibilité ou DRESS se caractérise par une altération importante de l’état général associant asthénie, hyperthermie, etc. L’examen dermatologique met en évidence un œdème du visage associé à une éruption ou exanthème souvent polymorphe souvent maculopapuleux peu spécifique, classiquement de plus de 50 % de la surface corporelle, voire érythrodermique, s’associant parfois à un purpura, une infiltration cutanée distale, parfois des pustules non folliculaires, et une desquamation en larges lambeaux. Dans de rares cas, des lésions vésiculobulleuses secondaires à l’œdème sont observées [30]. Les muqueuses sont en général respectées, mais des érosions des lèvres ou du voile de palais sont parfois observées. Le reste de l’examen clinique peut mettre en évidence des adénopathies de plus de 1 cm sur au moins deux sites. Ces manifestations s’associent à au moins une atteinte viscérale profonde à type d’hépatite cytolytique et/ou cholestatique (80 % des cas), néphropathie interstitielle, pneumopathie interstitielle, etc. Les atteintes du myocarde, du système nerveux central (SNC), voire musculaires ou thyroïdiennes sont plus rares. Biologiquement, il existe une hyperleucocytose, une hyperéosinophilie (> 1 500/mm3), un syndrome mononucléosique avec présence de lymphocytes hyperbasophiles.
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Pour simplifier la validation des cas, le groupe RegiSCAR a proposé une grille où la présence d’au moins trois critères parmi les suivants, est nécessaire à la validation rétrospective du DRESS : éruption cutanée, fièvre supérieure à 38 °C, polyadénopathie, atteinte viscérale, présence de lymphocytes basophiles, hyperéosinophilie ou thrombopénie [31] . Une autre grille proposée par un groupe japonais associe à ces critères la présence d’une réactivation du virus HHV6 détectée par polymerase chain reaction (PCR) dans le sang [32]. L’examen histologique d’une biopsie cutanée reste peu spécifique : il existe un infiltrat lichénoïde à prédominance mononucléée TCD8+ associé à un œdème dermique. L’évolution du syndrome d’hypersensibilité peut être prolongée de quelques mois à un an, entrecoupée de rémissions et de rechutes cliniques et biologiques, expliquées en partie par les réactivations virales successives HHV-6, HHV-7, EBV, CMV [3335]. L’atteinte viscérale la plus fréquente est hépatique et une évolution fatale est observée dans 10 % des cas [36]. L’arrêt précoce du médicament est nécessaire, mais souvent insuffisant à la régression des symptômes. Sur le plan thérapeutique, une corticothérapie locale de classe très forte est parfois suffisante, cependant, en cas d’atteinte viscérale profonde sévère, voire menaçante pour le pronostic vital, il paraît raisonnable d’initier un traitement par corticothérapie générale. Les principaux diagnostics différentiels du DRESS sont : éruption virale, maladie sérique, pseudolymphome, lymphome, syndrome hyperéosinophilique primitif ou secondaire. Les médicaments les plus souvent à l’origine du DRESS sont les antiépileptiques de la famille des amines aromatiques (phénobarbital, carbamazépine, phénytoïne, etc.), la minocycline, l’allopurinol et la dapsone, la nevirapine [36].
Érythème pigmenté fixe L’érythème pigmenté fixe (EPF) est uniquement d’étiologie médicamenteuse. Le premier épisode survient 1 semaine après la prise médicamenteuse et récidive en moins de 2 jours lors d’une réintroduction. Le mécanisme physiopathologique est celui d’une hypersensibilité retardée, il implique des lymphocytes T CD8+ mémoires qui, après un contact avec l’haptène médicament, persistent dans l’épiderme de la peau lésée. Lors d’une réintroduction ultérieure de l’allergène, ces cellules prennent transitoirement un profil cytotoxique natural killer (NK), entraînant une nécrose kératinocytaire. La mise en évidence de lymphocytes T régulateurs CD4+ dans le sang circulant et dans la peau lésée après stimulation antigénique pourrait expliquer l’atteinte circonscrite de l’EPF. Ces derniers, par un contrôle des T CD8+, limiteraient les dommages tissulaires et l’extension de l’atteinte cutanée [37]. Cliniquement, il s’agit de macules érythémateuses pigmentées et/ou bulleuses (Fig. 2), unique ou multiples récidivant toujours au même endroit en cas d’exposition ultérieure au médicament. L’atteinte génitale peut s’observer alors que l’atteinte des autres muqueuses est plus rare [38]. L’éruption disparaît à l’interruption du médicament en laissant une pigmentation brune résiduelle. Histologiquement, on observe un infiltrat cellulaire périvasculaire superficiel (lymphocytes, polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles) et profond du derme avec quelques nécroses kératinocytaires. Des macrophages chargés de pigment de mélanine constituent un des signes clés du diagnostic. Une exposition répétée au médicament causal peut se compliquer d’un EPF diffus et mimer une nécrolyse épidermique toxique. Les médicaments fréquemment responsables d’EPF sont les dérivés de la phénazone, les barbituriques, les tétracyclines, les sulfamides et les carbamazépines [39]. Traité de Médecine Akos
Toxidermies ¶ 2-0710
Figure 3.
Figure 2.
Atteinte labiale de Stevens-Johnson à type d’érosions.
Macule pigmentée, érythème pigmenté fixe.
Syndrome de Stevens-Johnson et nécrolyse épidermique toxique (NET) ou syndrome de Lyell Le syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et la nécrolyse épidermique toxique (NET ou syndrome de Lyell) sont des toxidermies rares, s’accompagnant d’une mortalité de 22 % [40]. Les SJS/NET se caractérisent par une apoptose kératinocytaire cutanée et muqueuse qui se développe dans un délai de 4 et 28 jours après l’initiation d’un nouveau médicament [40]. Selon le pourcentage de surface corporelle décollée/décollable, on distingue le SJS inférieur à 10 %, le syndrome de chevauchement de 10 % à 30 %, et la NET supérieure à 30 %. L’incidence de la NET varie de 0,4 à 1,2 cas/millions d’habitants par an, et celle du SJS de 1 à 6 cas/millions d’habitants par an. Le mécanisme physiopathologique du SJS/NET est encore mal connu. La responsabilité du médicament est clairement établie dans 70 % des cas et, dans 5 % des cas, aucun médicament responsable n’est retrouvé. En l’absence de prise médicamenteuse potentiellement imputable et dans la limite de nos connaissances actuelles, d’autres facteurs sont discutés, notamment le rôle d’agents infectieux tels que Mycoplasma pneumoniae même s’il est rarement retrouvé [41, 42]. Lors de la phase précoce, on observe dans l’épiderme des lymphocytes T-CD8+ à l’origine d’une réaction cytotoxique spécifique et restreinte au complexe majeur d’histocompatibilité de classe 1 pour un médicament donné. Ces lymphocytes cytotoxiques dont l’activité est modulée par des LT régulateurs produisent différentes cytokines (INF- c, TNF-a, Fas-ligand) responsables, via les cellules mononucléées, de la production de facteurs tels que le granzyme B et la granulyzine à l’origine de l’apoptose massive des kératinocytes. L’étude des liquides de bulles dans le SJS/NET a récemment corrélé les taux de granulyzine, protéine sécrétée par les lymphocytes cytotoxiques et les cellules NK, à la sévérité du décollement cutané [43]. Certains facteurs de risque de développement d’un SJS/NET comme la séropositivité VIH ou le lupus sont bien connus. L’étude du complexe majeur d’histocompatibilité a permis d’établir un lien entre des groupes human leucoyte antigen (HLA) et certains médicaments. Une équipe taïwanaise a récemment rapporté une très forte association entre HLA-B*5801 et l’allopurinol chez des patients issus de l’ethnie asiatique Han pris en charge pour un SJS/NET [44]. Une association forte (100 % des cas) entre HLA-B*1502 et les SJS/NET à la carbamazépine a également été rapportée dans cette même ethnie [45]. L’étude de Traité de Médecine Akos
Figure 4. Atteinte cutanée de nécrolyse épidermique : vastes décollements cutanés, zones de Nikolsky positives et bulles tendues.
ces associations par le groupe RegiSCAR sur des populations européennes a mis en évidence une association entre HLAB*5801 et l’allopurinol dans 61 % des cas, sans démontrer de lien entre HLA-B*1502 et la carbamazépine [46]. Les auteurs décrivent néanmoins d’autres associations : HLA-B*38/ sulfamethoxazole, HLA-B*73/piroxicam [46]. Cliniquement, le SJS/NET se caractérise initialement par une altération majeure de l’état général, (fièvre, douleur, syndrome grippal, rhinite) puis des érosions muqueuses (au moins deux sites) et une éruption maculopapuleuse érythémateuse pseudococardiforme, purpurique puis bulleuse dont la confluence aboutit à de vastes décollements cutanés (Fig. 3 à 5). Le signe de Nikolsky et l’atteinte muqueuse sont constamment observés (érosion conjonctivale, nasale, buccale, anale ou génitale). Cette nécrose peut en outre toucher les autres épithéliums, notamment trachéobronchique ou digestif. Biologiquement, une insuffisance rénale et des troubles hydroélectrolytiques sont inconstamment présents, et l’hyperéosinophilie n’est pas classiquement observée. Une cytopénie, une élévation de l’amylase secondaire à la nécrose des glandes salivaires, une cytolyse hépatique, une insuffisance rénale organique et des troubles hydroélectrolytiques tels qu’une hypophosphorémie complètent le tableau. Histologiquement, il existe une apoptose kératinocytaire de toute la hauteur de l’épiderme associé à un infiltrat mononucléé modéré à prédominance CD8+ de topographie dermique superficiel et périvasculaire. L’évolution est marquée à la phase aiguë par une extension progressive du détachement sur une dizaine de jours puis l’initiation d’une réépithélialisation qui est complète en 2 à 3 semaines en moyenne. Les complications sont multiples et variées essentiellement représentées par des complications infectieuses (surinfection locale, septicémie, pneumopathies, etc.), des troubles hydroélectrolytiques secondaires à l’hyperthermie et à l’effraction de la barrière cutanée, la détresse respiratoire secondaire à l’atteinte spécifique, etc. Durant cette phase, le pronostic vital est engagé dans 5 % des SJS et 22 % des NET [47] et corrélé à un score diagnostique validé par
7
2-0710 ¶ Toxidermies
Figure 5.
Lésions en cocardes (A) et pseudococardes (B).
Tableau 3. SCORTEN, score pronostique syndrome de Stevens-Johnson/nécrolyse épidermique toxique (SJS/NET). Facteurs pronostiques
Points
Âge > 40 ans
1
Fréquence cardiaque > 120 min
1
Cancer ou hémopathie
1
Surface décollée à j1 > 10 %
1
Urée (> 10 mmol/l)
1
Bicarbonates (< 20 mmol/l)
1
Glycémie (> 14 mmol/l)
1
SCORTEN
Mortalité (%)
0-1
3,2
2
12,1
3
35,8
4
58,3
>5
90
différentes équipes, le SCORTEN où chaque item cote 1 point : âge supérieur à 40 ans, néoplasies, surface décollée supérieure à 10 %, tachycardie supérieure à 120/min, urée supérieure à 10 mmol/l, glycémie supérieure à 14 mmol/l, bicarbonates inférieurs à 20 mmol/l [48] (Tableau 3). Ce score a démontré une plus grande valeur prédictive à j3 [47]. À la phase tardive, les séquelles sont multiples et altèrent significativement la qualité de vie du patient. Sur le plan cutané, il s’agit de macules hypo- ou hyperpigmentées, de cicatrices dystrophiques, d’onychodystrophie, etc. Sécheresse muqueuse, prurit, plus rarement des séquelles œsophagiennes, bronchiques, urétrales et anales, etc. [49]. De toutes, l’atteinte ophtalmologique paraît la plus invalidante, allant de la simple photophobie à une perte d’acuité visuelle compromettant la reprise de toute activité socioprofessionnelle. Une étude récente montrait que 25 % des patients dont l’examen ophtalmologique était normal à 8 semaines développaient des séquelles oculaires à 1 an, justifiant d’un suivi régulier et prolongé [50]. Sur le plan thérapeutique, la phase précoce requiert une prise en charge symptomatique, l’arrêt du médicament causal, les soins locaux cutanés et muqueux, l’hydratation, l’alimentation entérale, l’antalgie, la thermorégulation, etc. Il n’existe à l’heure actuelle pas de traitement curatif du SJS/NET. L’utilisation de la corticothérapie générale à visée anti-inflammatoire est très
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controversée avec un risque non négligeable de surmortalité lié au sepsis [51]. Le traitement par immunoglobulines intraveineuses (Ig i.v.), reposant sur l’inhibition de l’interaction Fas-FasL et de l’apoptose, reste controversé et n’a montré dans notre expérience aucun bénéfice sur la mortalité et l’arrêt de la progression de la maladie [52]. L’utilisation de molécule antiapoptotique et inhibitrice de l’activité cytotoxique CD-8 comme la ciclosporine pourrait être une piste intéressante [53]. Le principal diagnostic différentiel du SJS/NET au stade non bulleux est l’érythème polymorphe. Ce dernier se différencie par la présence de vraies cocardes, un relatif respect du tronc, une prédominance distale des lésions, et l’absence de signe de Nikolsky [54]. La négativité de l’immunofluorescence directe permet d’éliminer certaines dermatoses bulleuses auto-immunes, dermatose IgA linéaire, pemphigus, etc. L’épidermolyse staphyloccocique se différencie du NET par l’absence de lésion muqueuse, la prédominance initiale aux plis et la topographie du clivage sous-corné. Enfin les formes étendues d’EPF prêtent parfois à confusion, mais l’absence de lésion muqueuse et la rapidité d’installation à la prise médicamenteuse permettent de rectifier le diagnostic. Dans une étude épidémiologique cas-témoins européenne, le groupe EuroSCAR a récemment identifié les médicaments nouvellement commercialisés, les plus impliqués dans la survenue de SJS/NET : nevirapine, lamotrigine, sertraline, pantoprazole, tramadol. Ce travail confirme également des médicaments traditionnellement pourvoyeurs de SJS/NET : sulfamides antibactériens, allopurinol, carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne, AINS de type oxicam [40, 55].
Autres toxidermies Dermatose immunoglobuline A linéaire C’est une dermatose bulleuse auto-immune (DBAI), avec dépôt linéaire IgA le long de la membrane basale. Elle peut survenir 24 heures à 14 jours après la prise médicamenteuse. Cliniquement, l’éruption est constituée de plaques papuleuses annulaires et de bulles tendues, l’atteinte muqueuse est rare. Le diagnostic, confirmé par l’histologie, retrouve une bulle sousépidermique et un dépôt linéaire d’IgA à la jonction dermoépidermique. La majorité des patients ne présentent pas d’anticorps circulants. L’éruption régresse en 2 à 5 semaines après l’arrêt du médicament. Les principaux médicaments en cause sont la vancomycine, l’amiodarone, le captopril, l’interféron, le piroxicam, le diclofénac, le furosémide, les bêtalactamines, les sulfamides antibactériens, le lithium, les anti-IL-2 et G-CSF.
Pemphigus médicamenteux Les mécanismes sont multiples, addition de dérivés thiols aux desmosomes avec induction auto-Ac, ou réaction cytotoxique au médicament responsable d’une acantholyse. Cliniquement, on observe des bulles flasques ou des érosions postbulleuses, cutanées ou muqueuses se développant en quelques semaines à quelques mois après la prise médicamenteuse [56]. Histologiquement, on observe une acantholyse, l’immunofluorescence directe est positive chez 50 % des patients ayant un pemphigus médicamenteux. Les médicaments en cause sont : médicaments contenant un groupe thiol (pénicillamine, IEC, pyritinol), bêtalactamines, névirapine, oxicam, phénobarbital.
Lupus médicamenteux Les mécanismes physiopathologiques de lupus médicamenteux sont multiples. Il peut s’agir d’un lupus systémique (LES, selon les critères de l’Association américaine de Rhumatologie [ARA]) ou d’un lupus subaigu purement cutané. Au cours des lupus médicamenteux, les Ac-anti-histones sont détectés et les anti-acide désoxyibonucléique (anti-ADN) constamment absents. Les manifestations disparaissent classiquement après l’arrêt du médicament causal en 4 à 6 semaines. Les médicaments fréquemment rapportés sont la procaïnamide, la Traité de Médecine Akos
Toxidermies ¶ 2-0710
D-pénicillamine, la minocycline, les AINS, la terbinafine, la griséofulvine, l’isoniazide, les inhibiteurs calciques [57].
Nécrose cutanée aux anticoagulants Les nécroses cutanées aux anticoagulants type warfarine sont rares et mortelles. Elles surviennent 3 à 5 jours après la prise du médicament. Cliniquement, on observe des plaques érythémateuses purpuriques douloureuses avec bulles hémorragiques et nécrose cutanée, liée à des thromboses des vaisseaux cutanés et sous-cutanés. Les lésions siègent souvent sur les seins, les fesses ou le haut des cuisses. Le traitement repose sur l’interruption du traitement, l’administration de vitamine K, des concentrés d’anticorps antiprotéine C. Dans le cas d’une nécrose liée à l’héparine, cette dernière est consécutive à des thrombi liés aux agrégations plaquettaires.
Tableau 4. Toxidermies et toxicités liées aux chimiothérapies. Présentations
Médicaments responsables
Alopécie
Agents alkylants : cyclophosphamide, ifosfamide, méchloréthamine Anthracyclines : daunorubicine, doxorubicine, idarubicine Taxanes : paclitaxel, docétaxel Étoposide, vincristine, vinblastine, topotécan, irinotécan, actinomycine D
Mucite
Daunorubicine, doxorubicine, forte dose de méthotrexate, forte dose de melphalan, topotécan, cyclophosphamide, perfusions continues 5-fluorouracile et analogues de 5-fluorouracile
Extravasation
Anthracyclines, carmustine, 5-fluorouracil, vinblastine, vincristine, mitomycine
Pseudolymphomes Les pseudolymphomes médicamenteux sont d’installation progressive quelques mois, voire années après l’introduction du médicament. Cliniquement, il peut s’agir de plaques érythémateuses ou violines uniques ou multiples, parfois de nodules. Histologiquement, il existe un infiltrat polymorphe en bande constitué de lymphocytes B et T, d’éosinophiles et d’histiocytes. L’analyse de la clonalité dans la peau est polyclonale. Les lésions régressent en quelques mois à l’arrêt du médicament. Les médicaments inducteurs de pseudolymphomes sont le phénobarbital, la carbamazépine, la chlopromazine, la prométhazine, les agonistes de l’angiotensine II, etc.
Hyperpigmentation Agents alkylants : busulfan, cyclophosphamide, cisplatine, mechloréthamine
Éruptions acnéiformes
Radiation recall
Doxorubicine, daunorubicine, taxanes, actinomycine D, capécitabine, gemcitabine
Radiosensibilisant
Doxorubicine, hydroxyuréa, taxanes, 5-fluorouracile, étoposide, gemcitabine, méthotrexate
Photosensibilité
5-fluorouracile, méthotrexate, hydroxyurée, dacarbazine, mitomycine
Érythème acral
Cytarabine, anthracyclines, 5-fluorouracile et analogues, taxanes, tégafur, méthotrexate, cisplatine
Les éruptions acnéiformes représentent 1 % des toxidermies. Cliniquement, ce sont des papules ou pustules du visage et du haut du tronc. Les médicaments essentiellement responsables sont les corticoïdes, les androgènes, l’hydantoïne, le lithium, les halogénides, la contraception œstroprogestative, et les inhibiteurs du récepteur à l’endothelial growth factor (EGF) [58].
Hyper- ou hypopigmentations Les hyper- ou hypopigmentation peuvent être liées à plusieurs mécanismes : augmentation de la production de mélanine, photosensibilité, dépôts des métabolites médicamenteux, pigmentations postinflammatoires. Les lésions épargnent généralement les muqueuses. Les médicaments hyperpigmentants sont la minocycline, l’amiodarone, les imipraminiques et la pefloxacine [59]. Parmi les médicaments hypopigmentants rétinoïdes ou corticoïdes topiques, hydroquinone, phénols, catechols sont classiquement rapportés.
Toxidermie chez le patient immunodéprimé infecté par le virus de l’immuodéficience 1 ou 2 Les patients immunodéprimés pour le VIH 1 et 2 ont un risque accru de développer une toxidermie. L’incidence du SJS/ TEN est de 1/1 000 par an versus 1/1 000 000 par an dans la population générale [60]. Certains auteurs ont mis en évidence un déficit acquis en gluthation, responsable, chez les patients, d’un métabolisme altéré du triméthoprime-sulfaméthoxazole augmentant le risque de toxidermie, hypothèse actuellement discutée [61]. En outre, la corrélation entre le taux de CD4+ (100400/mm3) et le risque de toxidermie, ou même le type HLA du patient a été établi [62]. Ainsi l’association de l’HLA-DRB1 et d’un taux de CD4 bas jouerait un rôle dans la survenue du syndrome d’hypersensibilité à la névirapine, et la présence d’HLA-B*5701 avec les réactions à l’abacavir [63, 64]. Ces toxidermies posent le problème de l’interruption du médicament incriminé : dans le cas de SJS/TEN ou de syndrome d’hypersensibilité, le traitement doit être suspendu ; néanmoins Traité de Médecine Akos
Antimétabolites : 5-fluorouracile, méthotrexate, hydroxyurée Bléomycine, doxorubicine Hyperpigmentation 5-fluorouracile, cyclophosphamide, daunorubiunguéale cine, doxorubicine, hydroxyurée, méthotrexate, bléomycine Hyperpigmentation Busulfan, 5-fluorouracile, hydroxyurée, muqueuse cyclophosphamide
Hidradénite eccrine Cytarabine, bléomycine, anthracyclines, cycloneutrophilique phosphamide, cisplatine, topotécan Syringométaplasie kératinisante
Cytarabine, cyclophosphamide, busulfan, carmustine, taxanes
Flush
Asparaginase, forte dose BCNU, mithramycine
Autres
Urticaire : asparaginase, bléomycine, chlorambucil, cyclophosphamide, daunorubicine Érythème polymorphe : bléomycine, busulfan, cyclophosphamide, étoposide Rash maculopapuleux : bléomycine, carboplatine, cytarabine, méthotrexate, doxorubicine liposomale, paclitaxel Vascularite cutanée : busulfan, cyclophosphamide, hydroxyurée, levamisole
en cas d’EMP sans signe de gravité, la poursuite du traitement devra être discutée en fonction du bénéfice attendu.
Toxidermies et toxicité liées aux agents anticancéreux (Tableau 4) Les chimiothérapies sont à l’origine de réactions cutanées localisées ou systémiques par le biais de mécanismes toxiques ou immunoallergiques [58]. La toxicité des agents de chimiothérapie touche les muqueuses (xérose, mucite), les phanères (alopécie, hirsutisme, hypertrichose, pigmentations unguéales,
9
2-0710 ¶ Toxidermies
un aspect zébré du cheveu, l’érythème facial, l’œdème périorbitaire et enfin les éruptions de kératoacanthomes ou de nævi multiples [66]. L’ensemble des manifestations de toxicité cutanée des inhibiteurs de tyrosine kinase sont réversibles à l’interruption des traitements, et peuvent, lorsque l’atteinte est mineure ou modérée (grade 1 ou 2), bénéficier d’un traitement symptomatique alors que l’atteinte sévère (grade 4) impose toujours l’arrêt définitif de l’agent responsable.
■ Tests diagnostiques, responsabilité médicamenteuse Figure 6.
.
.
Hyperkératose jaunâtre aux points d’appui.
onychodystrophie), mais réalise aussi des nécroses ou extravasations aux points d’injection. Certaines manifestations plus spécifiques telles que le phénomène de radiation recall, l’hidradénite eccrine neutrophilique, les acroparesthésies et l’érythème acral s’observent avec certains agents. Récemment, l’utilisation de nouveaux agents anticancéreux ciblant spécifiquement l’activité tyrosine kinase comme les inhibiteurs de l’epidermal growth factor receptor (EGFR), les inhibiteurs de tyrosine kinase multicibles, ou les inhibiteurs du vascular endothelial growth factor receptor (VEGFR), a été associée à de nouvelles présentations de toxidermies. L’expression de l’EGFR, par les cellules des follicules pileux, les glandes sébacées et les kératinocytes expliquent la fréquence des manifestations cutanées. On distingue deux groupes thérapeutiques, les anticorps monoclonaux reconnaissant la partie extracellulaire des récepteurs tyrosine kinase EGFR (cetuximab) ou des molécules à pénétration intracellulaire unique ou multicible (erlotinib). Les molécules de type multicible ont une action intracellulaire et peuvent inhiber plusieurs activités kinase (imatinib), certaines inhibant également des récepteurs présents dans l’environnent tumoral, sur les cellules endothéliales (sorafenib, sunitib) [65]. Les réactions de toxicité cutanées surviennent en moyenne 7 à 21 jours après l’introduction du traitement, et sont classées en grade selon le National Cancer Institute Common Toxicity Criteria (NICTC) en : • atteinte mineure ; • atteinte modérée ; • atteinte sévère ; • atteinte avec mise en jeu du pronostic vital [66]. Les principales manifestations cutanées rencontrées avec les inhibiteurs de l’EGFR (cetuximab) sont par ordre de fréquence : les éruptions acnéiformes ou papulopustuleuses du visage, la xérose cutanée, les atteintes unguéales, fissures, paronychies, et les hypertrichoses du visage ou trichomégalie progressive. Les inhibiteurs de tyrosine kinase multicible (imatinib) induisent des éruptions psoriasiformes ou lichénoïdes, des ulcérations buccales, des œdèmes périorbitaires et quelques cas de toxidermies de type PEAG ou syndrome de Stevens-Johnson ont également été rapportés [65] . D’autres manifestations toxiques cutanées sont également observées avec les thérapies antiangiogéniques (sorafenib, sunitinib) dont le double mécanisme d’action inhibe à la fois la prolifération des cellules tumorales, mais également des cellules endothéliales. Le syndrome le plus fréquemment rencontré est le « syndrome main-pied », également observé avec d’autres agents anticancéreux comme les taxanes et le 5-fluorouracile. Les symptômes, réversibles à l’arrêt du traitement, varient d’un érythème palmaire avec acroparesthésies, parfois avec un œdème invalidant aux hyperkératoses jaunâtres aux points d’appui responsables d’un retentissement fonctionnel important (Fig. 6). D’autres manifestations sont observées : les hémorragies unguéales, la décoloration des cheveux classiquement 5 à 6 semaines après le début du cycle de traitement, réversible lors de l’arrêt, donnant
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Une difficulté importante des toxidermies réside dans le diagnostic du syndrome présenté, l’évaluation de la gravité et la recherche du médicament responsable. La multiplicité des mécanismes physiopathologiques rend le développement d’outils diagnostiques difficile, et aucun test in vitro ou in vivo n’est actuellement validé dans l’exploration des toxidermies, même si les patchs-tests sont utiles dans l’exploration médicamenteuse des PEAG et les prick tests et l’intradermoréaction (IDR) dans celle des urticaires. À la phase aiguë, seuls un interrogatoire rigoureux ainsi qu’une documentation précise de la toxidermie (description spécifique, histologie, iconographie, etc.) permettent de confirmer le diagnostic et d’établir le lien potentiel de causalité entre l’éruption et la prise médicamenteuse. Dans les SJS/NET, la biopsie cutanée confirme le diagnostic et élimine les principaux diagnostics différentiels : DBAI, érythème polymorphe, etc. La réalisation d’un bilan allergologique survient entre 6 semaines à 6 mois après l’épisode en l’absence de toute corticothérapie générale ou locale et d’antihistaminiques. Les tests sont réalisés avec le médicament dans sa forme commercialisée et/ou le principe actif et ses excipients.
Tests épicutanés ou patchs tests Le médicament testé est posé à l’aide de chambre fine sur la peau. Le test est lu précocement à 20 minutes, 48 et 96 heures et en cas de négativité à 1 semaine. De rare cas d’urticaire et des réactions anaphylactiques ont été rapportés chez les patients ayant présenté une réaction aux bêtalactamines. Ces tests présentent un résultat mitigé dans l’EMP en fonction des médicaments testés [67]. Leur utilité a été montrée dans la PEAG et est plus discutée dans le DRESS et l’EPF ; ils sont souvent négatifs dans les SJS/ TEN [68]. Dans les photoallergies, la réalisation d’un patch test avec exposition à de faibles doses UVA et UVB est souvent utile au diagnostic.
Prick test et intradermoréaction Les prick tests et IDR sont réalisés avec le médicament dilué. Le prick test est utile dans le diagnostic des urticaires ; la lecture se fait à 20 minutes et 24 heures. En cas de négativité, une IDR est réalisée, des dilutions croissantes de médicament par rapport aux concentrations habituellement utilisées : 10-4, 10-3, 10-2, 10-1 sont injectées progressivement toutes les 30 minutes sur la face externe du bras du patient sous surveillance médicale. Les lectures se font à 30 minutes, 24 heures et 1 semaine en cas de négativité. La sensibilité de ces tests reste discutée [69]. Les prick tests et l’IDR peuvent se réaliser dans l’urticaire, l’EMP, et sont formellement contre-indiqués en cas de SJS/NET ou de DRESS. En cas de positivité des tests, tous les médicaments de la même classe doivent être testés afin de limiter le risque d’allergie croisée.
Test de provocation orale Certains auteurs ont récemment démontré la supériorité du test de provocation orale (TPO) dans les EMP aux bêtalactamines en comparaison avec les tests épicutanés [70]. Traité de Médecine Akos
Toxidermies ¶ 2-0710
Tableau 5. Approche logique afin de déterminer le lien de causalité entre la toxidermie et le médicament. Tableau clinique
Type de lésions cutanées Distribution Atteinte muqueuse Signes associés : fièvre, prurit, adénopathies, atteintes viscérales
Chronologie
.
Date d’introduction de tous les médicaments suspectés Date de l’éruption
L’évaluation de traitement spécifique des formes sévères en dehors de l’arrêt du médicament causal représente un enjeu majeur dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques. Pour le clinicien et plus particulièrement le dermatologue, une analyse fine de l’éruption et des manifestations cliniques associées permet, en identifiant le type de toxidermie, d’avancer sur l’enquête médicamenteuse. La documentation des toxidermies fondée sur un spectre liant la clinique, l’histologie et la biologie permettront, en cas de forme sévère, une meilleure orientation du patient dans des centres spécialisés.
.
Intervalle entre introduction médicamenteuse et éruption
■ Références
Évolution à l’arrêt du médicament suspect
[1]
Évolution en cas de réintroduction Documentation dans la littérature
Recherche bibliographique (e.g. Medline) Pharmacovigilance
[2]
Pharmacovigilance du laboratoire commercialisant le médicament
[3]
Recherche sur l’ensemble d’une classe médicamenteuse
[4] [5]
L’intérêt du TPO se discute en cas de négativité des tests cutanés, quand le médicament imputable présente un faible risque retrouvé dans la littérature, et en l’absence de toxidermie sévère (vascularite, SJS/NET, DRESS). La balance risque-bénéfice est établie pour chaque patient, le test se déroule en milieu hospitalier avec des doses croissantes de médicaments.
Test in vitro La recherche IgE spécifique ou radioallergosorbent technique (RAST) ne présente d’intérêt que dans les réactions d’hypersensibilité immédiate (urticaire, angiœdème). La recherche d’un clone lymphocytaire T spécifique du médicament présente un intérêt scientifique dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques, les clones CD8+ ayant plutôt un profil Th1 et les clones CD4+ Th2. Le clone est obtenu par une stimulation in vitro des lymphocytes du sujet avec le médicament testé. Ces clones ont été retrouvés avec certains médicaments : pénicilline, lamotrigine, sulfaméthoxazole, phénobarbital, carbamazépine [71].
“
Point fort
Aucun test ne permet donc d’affirmer la responsabilité médicamenteuse et, dans le cas de toxidermies sévères, leur réalisation est très limitée. En l’absence de tests suffisamment sensibles et spécifiques, une approche logique prenant en compte la présentation clinique, une chronologie précise et une recherche bibliographique permet, dans la majeure partie des cas,s-d’établir un lien de causalité assez fort ou fort entre un médicament et l’éruption cutanée (Tableau 5).
[6] [7]
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[13] [14]
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■ Conclusion Les toxidermies constituent un groupe hétérogène tant dans leurs présentations que dans leurs mécanismes physiopathologiques. Elles représentent 3 % des hospitalisations en dermatologie, et requièrent l’intervention du dermatologue dans le diagnostic et l’évaluation de la sévérité. Elles constituent la première cause d’effet indésirable des médicaments. Traité de Médecine Akos
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[email protected]). Service de dermatologie, Hôpital Henri Mondor (AP-HP), Université Paris XII, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94400 Créteil, France. L. Valeyrie-Allanore. Centre de référence des maladies bulleuses immunologiques et toxiques, Hôpital Henri Mondor (AP-HP), 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94400 Créteil, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Duong T., Valeyrie-Allanore L. Toxidermies. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0710, 2010.
Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels
Traité de Médecine Akos
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Autoévaluations
Cas clinique
13
2-0711 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
2-0711
Photoprotection JR Manciet
L
e spectre ultraviolet (UV) est divisé artificiellement en trois parties : l’UVC (270-290 nm) qui n’atteint pas la surface de la terre ; l’UVB (290-320 nm) ; l’UVA (320-400 nm), dont on distingue l’UVA de forte énergie, UVA court ou UVA-2 (320-340 nm), et l’UVA de faible énergie, UVA long ou UVA-1 (340-400 nm). Les UVB, mais aussi les UVA, sont responsables d’effets aigus et chroniques après absorption par la peau : coup de soleil, photoimmunosuppression, photocarcinogenèse et photovieillissement. Les conséquences les plus graves de l’exposition solaire sont les carcinomes et les mélanomes pour lesquels les UVB, mais aussi les UVA, sont mis en cause, ce qui nécessite une protection efficace et homogène de tout le spectre UV.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : photoprotection externe, photoprotection vestimentaire, photoprotection interne.
■
‚ Type d’ensoleillement
Introduction La photoprotection repose sur quatre règles : exposition modérée, protections vestimentaire et oculaire, protection externe par produits antisolaires et protection interne.
■
– l’on s’approche de l’équateur et que l’altitude augmente. À 1 500 m d’altitude, il existe 20 % d’UVB en plus qu’au niveau de la mer ; – l’on s’expose entre 12 h et 16 h légales (10 h et 14 h solaires). Cinquante pour cent de l’énergie UV journalière est délivrée pendant cette période ;
Expositions solaires Elles doivent être modérées, adaptées au phototype et au type d’ensoleillement.
‚ Phototype Les patients doivent connaître leur sensibilité au soleil ou phototype (tableau I). Un sujet à peau claire n’aura jamais de bronzage protecteur : il fabrique préférentiellement un pigment rouge, qui non seulement ne protège pas de l’ultraviolet (UV), mais libère après exposition des radicaux libres toxiques pour la peau et notamment l’acide désoxyribonucléique (ADN).
Carnation
C’est la méthode de choix de la protection solaire. Elle est obtenue par l’application de produits antisolaires. Ils contiennent les produits actifs, filtres solaires et écrans minéraux, compris dans un excipient qui permet une application adaptée à la peau du sujet. Pour être efficaces, les produits antisolaires doivent être appliqués selon certaines règles et rester actifs pendant toute la durée de l’exposition (photostabilité).
– la réflexion du sol augmente. Elle est de 10 % pour l’eau de mer, de 15 à 25 % pour le sable et de 50 à 85 % pour la neige.
‚ Produits actifs : filtres solaires et écrans minéraux
De même qu’il existe une échelle pour définir la force du vent, il existe une échelle pour déterminer la force du rayonnement solaire : l’index-UV. Évalué de 1 à 15, il permet d’évaluer le risque de coup de soleil et de choisir une photoprotection adaptée. Ainsi, à 14 h, fin juin, sur la Côte d’Azur, l’index-UV est de 9, ce qui correspond pour une peau claire à la survenue d’un coup de soleil en 15 minutes (tableau II). Ces informations sont diffusées en été par la « météo solaire ».
Filtres solaires
Tableau I. – Classification simplifiée des phototypes. Phototype
■
Photoprotection externe
La qualité du rayonnement sur la surface de la terre n’est pas constante et varie selon de nombreux facteurs. En effet, l’intensité des UV est d’autant plus importante que :
Coup de soleil
Pigmentation
Coup de soleil après 3 semaines
Ce sont des molécules qui agissent par absorption d’une partie du rayonnement UV. Ils n’absorbent pas tous la même proportion d’UV (tableau III). Certains sont surtout actifs pour l’UVB et d’autres surtout pour l’UVA. Une nouvelle molécule photostable mise récemment sur le marché, le Tinasorbt M, permet une absorption équivalente dans les UVB et les UVA.
Écrans minéraux Ce sont des substances inertes de très petite taille qui agissent par réflexion, diffraction et absorption. Deux molécules sont utilisées dans les produits antisolaires : le dioxyde de titane (TiO2) ultrafin et l’oxyde zinc (ZnO) microfin. Dans l’UVA, le ZnO apporte une meilleure protection.
I
blanche
toujours
nulle
constant
‚ Facteur de protection solaire (FPS)
II
claire
toujours
faible
fréquent
III
claire
souvent
modérée
fréquent à rare
IV
mate
fréquent
forte
exceptionnel
V
foncée
rare
très forte
exceptionnel
VI
noire
très rare
noire
exceptionnel
Par définition, c’est le rapport entre la durée minimale qu’il faut pour obtenir un coup de soleil avec le produit antisolaire et celle sans produit. Par exemple, pour un FPS 20, il faudrait une exposition 20 fois plus importante pour avoir un coup de soleil que sans protection. Selon les produits, il peut varier de 2 à 100. C’est la seule mesure à être reconnue par la plupart des pays.
1
2-0711 - Photoprotection
cancers cutanés. Par exemple, le butyl méthoxydibenzoylméthane peut perdre la moitié de son activité anti-UVA au bout de 1 heure d’exposition.
Tableau II. – Index-ultraviolet (UV) ou puissance du soleil. Correspondance avec une protection solaire adaptée. Durée de l’exposition entraînant un coup de soleil et FPS correspondant
Index-UV
Peau claire
FPS
Peau mate
Allergies et photoallergies aux filtres solaires Elles paraissent moins fréquentes depuis la quasi-disparition de la benzophénone-3 dans la composition des produits antisolaires européens. Elles doivent cependant être suspectées devant l’aggravation inexpliquée d’une photodermatose. Les molécules contenues dans l’excipient (conservateurs, émollients, parfums) semblent plus souvent responsables des cas d’intolérances à ces produits.
FPS
Faible
1 et 2
> 1 heure
15
> 1 heure
12
Moyenne
3 et 4
40 min
150
> 1 heure
12
Forte
5 et 6
30 min
30
1 heure
15
Très forte
7 et 8
20 min
50+
40 min
30
Extrême
9 et 10
15 min
50+
30 min
30
‚ Bien prescrire un produit antisolaire
FPS : facteur de protection solaire.
‚ Autres propriétés des produits antisolaires
‚ Erreurs à ne pas commettre
En l’absence de normes entre les industriels de la cosmétique, plusieurs types de mesure peuvent être retenus.
Facteur de protection UVA (FPA) Sa valeur peut être calculée in vitro ou in vivo. In vivo, on utilise surtout la « pigmentation immédiate » ou « hâle du soir ». Cette pigmentation a été divisée en deux parties et seule la pigmentation immédiate persistante (persistent pigmentation darkening [PPD] des Anglo-Saxons) paraît fiable.
Résistance à l’eau Le FPS et le FPA, mesurés avant et après plusieurs bains, doivent rester proches.
FPS Il est calculé, pour des contraintes techniques, avec une dose de 2 mg/cm2. Plusieurs études ont montré que les doses réellement appliquées étaient en moyenne deux à quatre fois moindres, souvent par mauvaise information du mode d’application. Un FPS 20 a par exemple un FPS réel compris entre 5 et 10. Les FPS supérieurs à 30-40 doivent être prescrits médicalement (photodermatoses, protection sous traitement photosensibilisant, etc). En effet, l’utilisation de ces produits conduit à une surexposition par diminution de l’« alerte coup de soleil », avec risque potentiel d’augmenter les effets carcinogéniques des UVA-1.
Photostabilité d’un produit antisolaire Résistance à la sueur On parle de résistance à la sueur lorsque les FPS et FPA calculés sont proches avant et après une sudation maintenue pendant 30 minutes.
C’est une propriété indispensable. Cette perte de capacité d’arrêter les UVA pendant une exposition solaire pourrait être responsable, selon certains auteurs, d’augmenter le risque de survenue de
Ce n’est pas la photoprotection idéale qui serait celle apportée par les vêtements. Elle ne doit pas, chez le sujet normal, être trop élevée et ne pas conduire à rechercher une surexposition (tableaux II, IV).
Propriétés requises – Le FPS chez le sujet normal doit être compris entre 15 et 30-40 au début, pouvant être baissé de moitié chez le sujet à peau mate lorsque le bronzage est obtenu. Chez un sujet à peau claire, sans capacité de protection contre l’UV, il ne faut pas diminuer, tout au long de la durée de l’exposition, la valeur du FPS dans les produits utilisés (tableau V). – Le produit antisolaire doit être photostable. – Facteur de protection UVA : en l’absence de norme européenne, le produit antisolaire doit contenir, soit l’association Mexorylt SX (et XL)-butyl méthoxydibenzoylméthane stabilisé, soit l’association TiO 2 -ZnO-(plus ou moins butyl méthoxydibenzoylméthane stabilisé), soit du Tinosorbt M.
Tableau III. – Principales caractéristiques des filtres solaires et écrans minéraux contenus dans les produits antisolaires. Molécule active
Nom commercial TM
4360
Activité UVB, UVA-2
Allergies
Commentaires
rare
Photostable Produits « antivieillissement », conservateur anti-UV Réactions très rares avec les autres benzophénones et d’autres molécules apparentées (fénofibrate, kétoprofène) Photo-instable premier photoallergène des produits antisolaires essentiellement allergies de contact
Benzophénone-3
Eusolex
Butyl méthyldibenzoylméthane
ParsolTM 1789
UVA-1
Benzylidène camphre et dérivés
EusolexTM 6300
UVB
rare
MexorylTM SX MexorylTM XL Parsolt MCX PABA EscalolTM 507 Uvinult T150
UVB, UVA-2 UVB, UVA-2 UVB UVB
rare rare
UVB UVB, UVA-2 UVB UVB, UVA-1 UVA-2
rare -
TiO2 ultrafin ZnO microfin
UVB, UVA-2 UVB, UVA-2
-
TiO2 pigmentaire
UV, visible, IR
-
oxyde de fer micatitane, etc
UV, visible, IR UV, visible, IR
-
Octyl méthoxycinnamate PABA et dérivés Octyl triazone Octocrylène Phénylbenzymidazole Benzotriazole Écrans minéraux
Eusolext 232 TinasorbTM M
fréquente
UV : ultraviolets ; PABA : acide para-aminobenzoïque.
2
Photostable Photostable Réactions surtout fréquentes en Amérique du Nord
Photostable Protection équivalente dans l’UVA et l’UVB Non toxiques et non sensibilisants Longueurs d’ondes arrêtées en fonction de leur diamètre Les écrans minéraux ultrafins arrêtent peu les UVA-1, aussi impliqués dans la photocarcinogenèse
Photoprotection - 2-0711
■
Protections vestimentaire et oculaire
Tableau IV. – Précautions à respecter lors de toute exposition solaire. 1. Évaluer sa sensibilité personnelle au soleil (phototype) et les caractéristiques locales de l’irradiation UV (climatologie) 2. Expositions progressives en évitant la période 12 h - 16 h l’été 3. Se méfier de la disparition des alarmes physiologiques contre les UV - thermique : vent, ciel voilé, altitude, projection de gouttelettes d’eau - lumineuse (visible) : le parasol ne protège que contre le rayonnement incident 4. Chez l’enfant - se méfier du coup de chaleur (nourrisson) - crème écran minéral (petite et plus grande granulométrie) de FPS 15-30 résistante à l’eau 5. La photoprotection doit comporter : - les vêtements : tee-shirt, pantalon, casquette, lunettes de soleil - les produits antisolaires doivent être appliqués, une demi-heure avant l’exposition, puis toutes les 2 heures, en n’oubliant aucune zone exposées (oreilles, membres inférieurs), ainsi qu’après chaque bain 6. Se méfier de toute substance potentiellement photosensibilisante (produits parfumés, psoralènes, AINS, antibiotiques, etc.) 7. Les parents doivent montrer l’exemple UV : ultraviolette ; FPS : facteur de protection solaire ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.
‚ Protection vestimentaire Elle est un des éléments indispensables de la photoprotection, mais elle varie selon le type de tissu. Contrairement aux États-Unis et à l’Australie où il existe une norme de protection vestimentaire, l’ultraviolet protector factor (UPF), en Europe, les industriels ne se sont pas encore impliqués dans ce problème. Il faut donc se baser sur des critères connus mais peu précis qui permettent d’aider les patients à choisir des vêtements adéquats. On obtient une meilleure protection avec des fibres serrées (coton, acrylique), un vêtement sec et porté lâche, une couleur foncée. Les vêtements avec motifs imprimés sont plus efficaces.
‚ Protection oculaire Elle peut être obtenue par des lunettes de soleil anti-UVB et anti-UVA. La protection par les lentilles de contact reste cependant peu précisée par les fabricants. Les lentilles dures sont insuffisantes, car elles ne couvrent pas toute la cornée.
■
Tableau V. – Classification modifiée des photoprotecteurs externes. Classe
Protection
Photoprotection interne
FPS (UVB + UVA-2)
UVA(1)
Visible
Indications
0
Protection maximale
> 30-40
++
+
Photodermatoses
I
Très haute protection
15 à 30-40
++
+
Sujet normal
II
Haute protection
10 à 15
+
±
Peau mate bronzée
III
Protection modérée
5à9
Ne pas utiliser
IV
Protection faible
<5
Ne pas utiliser
‚ Antipaludéens de synthèse
UV : ultraviolets ; FPS : facteur de protection solaire. (1)Les indices de protection anti-UVA ne sont pas notés du fait de l’absence de consensus au sein des différents laboratoires de dermatocosmétologie.
– Le choix de la forme galénique s’orientera vers des émulsions eau dans huile qui apportent de meilleures substantivité et résistance à l’eau. Selon le territoire d’application, on préférera une crème pour le visage, un lait ou un gel pour le corps, un stick pour les zones fragiles (lèvres, cicatrices).
Chez l’enfant L’enfant présente plusieurs particularités : une surface cutanée importante et une « surexposition relative » du fait de sa vie en plein air. C’est donc la période où l’éducation à la protection solaire doit débuter, du fait des risques ultérieurs de photocarcinogenèse. Celle-ci ne peut se faire sans la participation active de l’entourage familial qui doit appliquer les mêmes règles de photoprotection. Les produits antisolaires ne font que pallier les manques laissés par les précautions classiques d’exposition et
Associée à la photoprotection externe, elle est en général indispensable au traitement des photodermatoses. De nombreuses substances peuvent être utilisées, mais leur mécanisme d’action est souvent inconnu. Les principaux médicaments utilisés sont les antipaludéens de synthèse, les caroténoïdes et l’acide para-aminobenzoïque dont les caractéristiques sont décrites dans le tableau VI.
la protection vestimentaire. On choisit plus particulièrement un produit de type eau dans huile, de FPS compris entre 15 et 40.
Photodermatoses Dans ces situations, la réaction cutanée est déclenchée par de très faibles quantités d’UV. L’utilisation de produits antisolaires de FPS supérieur à 40 est légitime, en respectant les précautions de photostabilité et de bonne protection anti-UVA. Ils sont en général associés à une photoprotection interne.
Mode d’application Il doit se faire une demi-heure avant toute exposition, puis toutes les 2 heures, ainsi qu’après chaque bain. Il faut insister sur la nécessité de bien répartir le produit antisolaire sur tout le corps, et ce, en quantité suffisante.
3
Ils sont surtout indiqués dans la lucite polymorphe (LP), les lupus érythémateux, et à faibles doses dans la porphyrie cutanée tardive (PCT). Ils sont moins actifs dans la lucite estivale bénigne (LEB). À fortes doses, ils peuvent aggraver une PCT.
‚ Caroténoïdes Ils sont l’indication majeure de la protoporphyrie érythropoïétique et peuvent être efficaces dans la LEB et la LP.
‚ Autres thérapeutiques Elles ont des indications très spécifiques. Les anti-H1 à fortes doses peuvent être actifs dans l’urticaire solaire. Les corticoïdes doivent être exceptionnellement prescrits. La vitamine PP (Nicobiont), indiquée dans le traitement de la pellagre, a une efficacité discutée dans la LEB. La photothérapie est destinée en général aux photodermatoses résistant aux traitements habituels. L’utilisation d’antioxydants permettrait de lutter contre les effets des radicaux libres. Des études complémentaires sont nécessaires chez l’homme afin d’évaluer leur place dans la photoprotection.
2-0711 - Photoprotection
Tableau VI. – Classification des principaux médicaments photoprotecteurs systémiques. Caroténoïdes
Antipaludéens de synthèse
Différentes molécules
Bêtacarotène Canthaxanthine
Hydroxychloroquine Chloroquine
Contre-indications
- Rétinopathie (canthaxanthine)
- Rétinopathie
- Glaucome - Association aux antipaludéens de synthèse - Hypervitaminose A
- Grossesse (hydroxychloroquine) - Psoriasis - Porphyrie cutanée tardive (PCT) à fortes doses - Enfant de moins de 5 ans
- Dépôts en paillette d’or (canthaxanthine) pas de rétinopathie décrite, mais : - pas plus de 2 mois/an - dose totale : 15 g - Coloration orangée (paumes, plantes, certaines lentilles de contact)
- Asthénie - Troubles digestifs - Photophobie - Dépôts cornéens - Leucopénie modérée
Effets indésirables - Mineurs
- Majeurs
Indications (effıcacité en %)
Acide para-aminobenzoïque
- Hypersensibilité à l’acide paraaminobenzoïque et ses dérivés
- Allergies exceptionnelles
- Rétinopathie : surveillance ophtalmologique tous les 6 mois pour des traitements supérieurs à 6 mois/an - Arrêt cardiaque chez l’enfant de moins de 5 ans - Exceptionnel : hémolyse par déficit en G6PD, aplasie médullaire LEB (67 %)
LP (70 %)
LEB (60 %)
LP (60 %) Protoporphyrie érythropoïétique : indication majeure
PCT : 200 mg/semaine de chloroquine
Mécanisme d’action
Antiradicalaire ?
Mal connu - stabilisation de l’ADN - effet anti-inflammatoire - effet immunomodulateur
Absorption des UV ?
Présentation Posologie
15 jours avant puis à demi-dose - PhénoroTM : bêtacarotène (10 mg) + canthaxanthine (15 mg) : 1 gélule par 10 kg de poids (maximum : 6/j) - Œnobiolt solaire, Bétaselent, Minactivet, Photodermt AR, Oxeliot : 2 gélules/j
3 semaines avant - Plaquénilt (200 mg d’hydroxychloroquine par comprimé) 2 comprimés par jour - Nivaquinet (100 mg de chloroquine par comprimé) 2 comprimés/j
15 jours avant puis à demi-dose - Pabasunt - Paraminant 500 4 à 6 comprimés/j
LEB : lucite estivale bénigne ; LP : lucite polymorphe ; ADN : acide désoxyribonucléique.
Jean-Romain Manciet : Attaché de consultation, unité de dermatoallergologie et de photodermatologie, polyclinique de dermatologie, service du Pr Patrice Morel, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : JR Manciet. Photoprotection. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0711, 2001, 4 p
Références [1] Béani JC. Photoprotecteurs externes et cancers cutanés. Ann Dermatol Vénéréol 1996 ; 123 : 666-674
[7] 6e journées de la société française de photodermatologie. Caen, 14-15 juin 1991. Nouv Dermatol 1992 ; 11 (n° 5)
[2] Jeanmougin M. Photodermatoses et photoprotection. Paris : Roche, 1983 : 1-212
[8] 7e journées de la société française de photodermatologie. Lille, 23-24 septembre 1993. Nouv Dermatol 1994 ; 13 (n° 5)
[3] La Ruche G, Césarini JP. Photodermatoses et photoprotection de l’enfant. Paris : Solad, 1993 : 1-92
[9] 8e journées de la société française de photodermatologie. Clermont-Ferrand, 21-23 septembre 1995. Nouv Dermatol 1996 ; 15 (n° 5)
[4] Meynadier J, Meunier L. Peau et soleil. Paris : Privat, 1999 : 1-157
[10] Thomas P, Amblard P. Photodermatologie et photothérapie. Paris : Masson, 1987 : 1-133
[5] Peau et soleil. Rev Prat 1992 ; 42 (n° 11) [6] Ribrioux A. Antipaludéens de synthèse et peau. Ann Dermatol Vénéréol 1990 ; 117 : 975-990
4
¶ 2-0715
Dermatoses bulleuses H. Lapeyre-Liénard, P. Joly Les dermatoses bulleuses constituent un groupe de maladies nombreuses et hétérogènes. Elles sont secondaires à une atteinte des différents constituants de la peau : l’épiderme, la jonction dermoépidermique ou le derme. Leurs étiologies sont multiples, héréditaires ou acquises, au premier rang desquelles les toxidermies et les maladies auto-immunes. Le diagnostic repose habituellement sur l’examen clinique et sur l’histologie, souvent complétés par des examens immunologiques. Les formes étendues, de pronostic spontané péjoratif, nécessitent la mise en route d’un traitement symptomatique rigoureux associé à un traitement spécifique. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dermatose bulleuse ; Érythème polymorphe ; Syndrome de Stevens-Johnson ; Syndrome de Lyell ; Toxidermie ; Impétigo ; Pemphigoïde bulleuse ; Dermatite herpétiforme ; Pemphigus
Diagnostic positif
Plan ¶ Introduction
1
¶ Prise en charge d’une maladie bulleuse Diagnostic positif Diagnostic différentiel Diagnostic étiologique Diagnostic de gravité
1 1 1 2 2
¶ Physiopathologie Systèmes de jonction interkératinocytaire et jonction dermoépidermique Mécanismes de formation des bulles Bulles par nécrose épidermique
2 2 2 3
¶ Étiologies Érythème polymorphe Toxidermies Bulles d’origine infectieuse Bulles de cause externe Maladies bulleuses auto-immunes Maladies bulleuses héréditaires Maladies bulleuses d’origine métabolique : porphyrie cutanée tardive
3 3 4 7 7 7 10 10
¶ Conclusion
11
Les dermatoses bulleuses sont définies par la survenue de lésions bulleuses cutanées et/ou muqueuses. Leur prise en charge diagnostique et thérapeutique doit être rigoureuse car certaines dermatoses peuvent mettre en jeu le pronostic vital.
Elle est résumée dans le Tableau 1. Traité de Médecine Akos
Diagnostic différentiel Bulle
■ Introduction
■ Prise en charge d’une maladie bulleuse
La bulle, en tant que lésion élémentaire, est définie comme une collection de liquide clair ou hémorragique de taille supérieure à 3 mm. Lorsque le décollement est superficiel, la bulle est le plus souvent fugace et est rapidement remplacée par une érosion postbulleuse. Il faut donc savoir évoquer le diagnostic devant des lésions érosives, parfois croûteuses, à contours arrondis. Lorsque la maladie est étendue, les bulles coalescentes sont remplacées par de vastes décollements épidermiques. Le signe de Nikolsky correspond à un décollement cutané provoqué par le frottement appuyé de la peau saine. Il traduit un décollement intraépidermique (acantholyse au cours des pemphigus) ou une nécrose épidermique (syndrome de Lyell). Enfin, sur les muqueuses, les bulles sont particulièrement éphémères et sont le plus souvent remplacées par des érosions postbulleuses.
Il faut distinguer les bulles des vésicules de taille inférieure (< 2 mm) et des pustules à contenu purulent. Cependant, certaines maladies bulleuses, comme la dermatite herpétiforme, s’accompagnent volontiers de vésicules. Les érosions postbulleuses doivent être différenciées des autres érosions ou ulcérations (chancre, aphtes), le plus souvent uniques et sans décollement périphérique.
Maladies bulleuses Il peut exister des formes bulleuses de maladies classiquement non bulleuses. C’est le cas tout particulièrement de certaines dermatoses vésiculeuses comme l’herpès, le zona ou l’eczéma, mais aussi de certaines dermatoses pustuleuses et de certaines vascularites nécrosantes.
1
2-0715 ¶ Dermatoses bulleuses
Tableau 1. Conduite à tenir devant une dermatose bulleuse. Reconnaître la nature bulleuse de la dermatose Rechercher la prise de médicaments inducteurs Préciser
- l’âge (maladie congénitale, maladie bulleuse de l’enfant ou de l’adulte) - l’extension des lésions - le mode évolutif
Examens complémentaires
Biopsie d’une bulle distinguant : - les bulles par nécrose épidermique (toxidermie) - les bulles intraépidermiques (pemphigus, impétigo bulleux) - les bulles sous-épidermiques (pemphigoïde bulleuse, pemphigoïde gestationis, dermatose à immunoglobuline A linéaire, épidermolyse bulleuse acquise, dermatite herpétiforme, porphyrie cutanée tardive) Immunofluorescence - directe sur une biopsie de peau péribulleuse à la recherche d’anticorps fixés dans la peau - indirecte sur une prise de sang à la recherche d’anticorps circulants Autres examens - immunoblot, enzyme-linked immunosorbent assay, immunomicroscopie électronique
Traitement symptomatique
- hospitalisation si étiologie médicamenteuse ou atteinte étendue - soins locaux - réhydratation, nutrition
Traitement spécifique
- arrêt des médicaments potentiellement inducteurs - corticothérapie - immunosuppresseurs
Diagnostic étiologique Interrogatoire Il doit toujours rechercher une introduction récente de médicaments possiblement imputables. Il permet par ailleurs de recueillir des éléments d’orientation importants : l’âge du patient (pemphigoïde bulleuse chez le sujet âgé, épidermolyse bulleuse héréditaire de l’enfant), les antécédents personnels et familiaux (existence de cas familiaux pour les dermatoses bulleuses congénitales), le mode évolutif (le caractère rapidement extensif étant plutôt en faveur d’une toxidermie ou d’une origine infectieuse), l’existence de signes fonctionnels associés (prurit fréquent dans la pemphigoïde bulleuse), l’existence de facteurs déclenchants (grossesse pour la pemphigoïde de la grossesse, exposition solaire pour la porphyrie cutanée tardive, prises médicamenteuses dans les toxidermies bulleuses) et la présence d’un terrain débilité devant faire craindre un retentissement important de la maladie et de son traitement.
indirecte (IFI) recherchent la présence d’autoanticorps antiépiderme. En présence d’anticorps dirigés contre la jonction dermoépidermique (JDE), une étude complémentaire en peau clivée par le chlorure de sodium (NaCl) molaire peut être effectuée pour préciser si le marquage intéresse le toit ou le plancher de la bulle. L’examen du sérum en immunotransfert permet de déterminer le poids moléculaire des protéines reconnues par les autoanticorps. La technique enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) permet le dosage des autoanticorps dirigés contre les protéines cibles, BPAG2 dans la pemphigoïde bulleuse, desmogléines 1 et 3 dans le pemphigus, avec une grande sensibilité et une grande spécificité. Il existe globalement une relation entre le taux d’anticorps mesuré par cette technique et la sévérité de la maladie [1, 2]. La microscopie électronique et l’immunomicroscopie électronique ne sont pas des examens de routine. Elles sont utiles dans certaines maladies bulleuses de la JDE, car elles permettent la localisation précise du clivage et des dépôts d’autoanticorps au sein de la JDE.
Examen clinique
Diagnostic de gravité
Il recherche des éléments d’orientation étiologique en précisant les caractéristiques des lésions : taille, aspect des bulles (flasques ou tendues), aspect de la peau sous-jacente (présence de lésions eczématiformes, urticariennes, cocardes), recherche d’un signe de Nikolsky, topographie et étendue des lésions, recherche de lésions muqueuses (buccales, génitales ou oculaires). L’examen clinique permet d’évaluer le retentissement de la maladie bulleuse : déshydratation, dénutrition, surinfection. Toute forme étendue ou rapidement évolutive impose une hospitalisation dans un service spécialisé. L’évolution est suivie grâce à un décompte quotidien du nombre de bulles.
Le décollement cutané entraîne une perte des fonctions physiologiques de la peau. Les risques de surinfection, de déshydratation et de dénutrition sont corrélés à l’étendue du décollement et au terrain (existence de tares). Dans les formes étendues, l’hospitalisation est rendue nécessaire par la nature du traitement symptomatique à mettre en œuvre (antisepsie rigoureuse, réanimation hydroélectrolytique).
Examens complémentaires Le diagnostic étiologique précis d’une dermatose bulleuse repose sur un certain nombre d’examens complémentaires. Une éosinophilie est recherchée sur la numération-formule sanguine et constitue un bon signe en faveur d’une pemphigoïde bulleuse. La biopsie d’une bulle récente précise le niveau du clivage intraépidermique ou sous-épidermique, et oriente souvent le diagnostic. Les données immunopathologiques permettent le diagnostic précis des maladies bulleuses auto-immunes ; l’examen en immunofluorescence directe (IFD) d’une biopsie de peau péribulleuse et l’examen du sérum en immunofluorescence
2
■ Physiopathologie Systèmes de jonction interkératinocytaire et jonction dermoépidermique La cohésion de la peau et sa solidité sont assurées par des systèmes d’adhésion situés, d’une part entre les kératinocytes (desmosomes), d’autre part entre l’épiderme et le derme (JDE).
Mécanismes de formation des bulles C’est l’altération de ces différents systèmes d’adhésion par des processus divers qui est à l’origine de la formation des bulles. La perte de l’adhésion interkératinocytaire, ou acantholyse, Traité de Médecine Akos
Dermatoses bulleuses ¶ 2-0715
“
Points essentiels
Signes de gravité • Lésions bulleuses étendues • Existence de lésions muqueuses • Suspicion de toxidermie bulleuse • Signe de Nikolsky sur une surface étendue • Signes de retentissement systémique : déshydratation, hypotension, tachycardie, fièvre élevée, oligurie De manière générale, la prise en charge des dermatoses bulleuses relève d’un avis dermatologique spécialisé.
entraîne la formation de bulles intraépidermiques, tandis que l’atteinte de la JDE entraîne la formation d’une bulle sous-épidermique.
Bulles par nécrose épidermique La nécrose kératinocytaire peut résulter d’une allergie médicamenteuse (syndrome de Lyell, syndrome de Stevens-Johnson, toxidermie bulleuse) ou d’une agression physique de l’épiderme (gelures, brûlures du second degré).
Bulles d’origine toxinique ou métabolique La formation des bulles peut être secondaire à l’action d’une toxine bactérienne (exfoliatine staphylococcique qui clive la desmogléine 1). Dans la porphyrie cutanée tardive, c’est une anomalie du métabolisme de l’hème qui est à l’origine de l’accumulation de produits phototoxiques.
Bulles par anomalie héréditaire Des anomalies génétiques de la synthèse de certains constituants des structures d’adhésion sont à l’origine des génodermatoses bulleuses. C’est le cas des épidermolyses bulleuses congénitales (bulles dermoépidermiques) et de la maladie de Hailey-Hailey (bulles intraépidermiques).
Bulles d’origine auto-immune Les différentes protéines constituant les systèmes de jonction peuvent être la cible d’autoanticorps dans les dermatoses bulleuses auto-immunes. Les anticorps dirigés contre des constituants des desmosomes sont à l’origine des pemphigus. Les anticorps dirigés contre les composants de la JDE sont quant à eux responsables de différentes maladies bulleuses autoimmunes sous-épidermiques.
Bulles spongiotiques Toutes les dermatoses s’accompagnant d’un œdème interkératinocytaire (spongiose) peuvent donner des bulles intraépidermiques liées à l’hyperpression et à la souffrance kératinocytaire. C’est le cas de l’eczéma aigu et de certaines dermatoses virales.
■ Étiologies Les différentes orientations diagnostiques à évoquer chez l’enfant et chez l’adulte sont résumées dans les Figures 1 et 2.
Érythème polymorphe L’érythème polymorphe est un syndrome cutanéomuqueux répondant à de multiples étiologies dont la principale correspond aux récurrences herpétiques. La problématique est centrée sur la recherche de la cause et la fréquence des récidives. L’érythème polymorphe est actuellement distingué du syndrome de Stevens-Johnson et du syndrome de Lyell, qui correspondent le plus souvent à des toxidermies.
Signes cliniques Le tableau clinique est habituellement typique et permet de porter facilement le diagnostic. L’éruption se caractérise par la Traité de Médecine Akos
survenue de lésions en « cocarde », ainsi dénommées car constituées de plusieurs zones concentriques. Chaque partie de la lésion peut prendre des aspects différents (papule, vésicule, bulle), d’où le nom d’érythème « polymorphe ». La lésion typique est arrondie, bien limitée, de 1 à 2 cm de diamètre, et comporte un centre cyanotique ou purpurique pouvant être remplacé par une bulle, bordé d’une zone érythémateuse, la périphérie de la lésion étant le siège d’un décollement vésiculeux en anneaux. Par confluence, les lésions peuvent prendre un aspect polycyclique (Fig. 3). La topographie de l’éruption est également évocatrice, avec une atteinte symétrique des faces d’extension des membres et une prédominance acrale des lésions (paumes, plantes). L’atteinte muqueuse est d’intensité et de fréquence variables. Elle peut être absente ou au contraire dominer le tableau clinique, voire en être la seule manifestation. Elle est constituée d’érosions postbulleuses touchant le plus souvent la muqueuse buccale, avec extension sur le bord vermillon des lèvres, siège de croûtes épaisses. Des atteintes génitales et conjonctivales doivent également être recherchées. L’altération de l’état général est variable, habituellement modérée, et peut comporter une sensation de malaise et une fièvre. L’évolution est habituellement favorable en quelques jours ou semaines dans les formes de gravité moyenne. Les formes récidivantes, rencontrées dans environ 5 % des cas, peuvent avoir un retentissement psychologique et social important. Elles sont habituellement d’origine herpétique.
Étiologies L’érythème polymorphe est un syndrome répondant à de très nombreuses étiologies faisant probablement intervenir un mécanisme d’hypersensibilité. L’enquête étiologique ne peut être exhaustive, et doit être adaptée au contexte et aux possibilités thérapeutiques (recherche d’infection herpétique ou par Mycoplasma pneumoniae de façon systématique, et éventuellement d’une autre infection selon le contexte clinique). Il est à noter que plusieurs étiologies sont parfois possibles chez le même malade. À l’inverse, dans 50 % des cas, aucune étiologie ne peut être retenue avec certitude. L’érythème polymorphe postherpétique est le plus fréquent, en particulier dans les érythèmes polymorphes récidivants. Il touche le plus souvent l’adulte jeune et se présente sous forme de lésions bulleuses entourées par des cocardes typiques à deux ou trois cercles prédominant aux extrémités (paumes et plantes). Il survient en moyenne 10 jours après une récurrence herpétique symptomatique ou asymptomatique, et évolue favorablement spontanément. Il est caractérisé par de possibles récidives rythmées par les récurrences herpétiques (chaque récurrence ne s’accompagnant cependant pas nécessairement d’une poussée). Leur caractère invalidant peut justifier le recours à un traitement antiviral préventif au long cours.
Traitement Outre les soins locaux, il repose sur le traitement de la cause lorsqu’elle est retrouvée (antibiothérapie lors de pneumopathie atypique à Mycoplasma pneumoniae). Hormis le traitement éventuel de la cause, un traitement curatif est en général inutile car les lésions guérissent spontanément en 10 à 15 jours. Des signes muqueux graves justifient une hospitalisation pour prévenir le risque de déshydratation et de dénutrition. Dans les formes récidivantes (plus de cinq par an), lorsque la nature postherpétique est établie, on peut proposer un traitement prolongé (au moins 6 mois) par valaciclovir (Zelitrex®). Une brève corticothérapie per os (40 mg/j à arrêter en 10 jours) à commencer dès le début des lésions peut se discuter en cas de signes généraux importants ou en cas de retentissement important des lésions muqueuses (douleurs, dysphagie). Dans les formes récurrentes invalidantes pour lesquelles les antiviraux sont inefficaces, le thalidomide (de 25 à 50 mg/j) peut être proposé avec une bonne efficacité [3].
3
2-0715 ¶ Dermatoses bulleuses
Impétigo bulleux Acrodermatite entéropathique
Dysidrose vésiculobulleuse Prurigo strophulus Incontinentia pigmenti Syphilis congénitale
Photodistribuées
Périorificielles
Sur papulonodules (Signe de Darier +)
Acrales
Mastocytose
Herpès Zona
Virales
Brûlure, succion... Épidermolyse bulleuse héréditaire
Prophyrie congénitale Dermite des prés
Traumatiques Localisée Étendue
Héréditaire
Acquise
Signe de Nikolsky −
Signe de Nikolsky +
Zone de traumatisme Épidermolyse bulleuse simple
Ichtyose Érythrodermite ichtyosiforme bulleuse
Impétigo récent
Médicament Imputable
Cocardes atypiques
Cocardes typiques
Vésiculobulles
Malformations associées Épidermolyse bulleuse jonctionnelle ou dystrophique
Épidermolyse staphylococcique
Syndrome de Lyell
Syndrome de Stevens-Johnson
Érythème polymorphe
Dermatite herpétiforme Dermatose à lgA linéaire
Eczéma
Zona Varicelle Herpès
Syndrome de Kaposi-Juliusberg
Figure 1. Arbre décisionnel. Principales étiologies à évoquer devant une éruption bulleuse de l’enfant.
Toxidermies Syndrome de Stevens-Johnson Ce syndrome, autrefois appelé érythème polymorphe majeur, est actuellement rapproché du syndrome de Lyell. Le tableau débute habituellement par des lésions bulleuses et hémorragiques de la cavité buccale, associées à des lésions croûteuses du versant externe des lèvres. Des lésions génitales sont fréquemment associées, de même que des lésions conjonctivales qui font la gravité du syndrome. L’état général est souvent altéré. Les cocardes sont plus atypiques que dans l’érythème polymorphe et prédominent sur le tronc (Fig. 4). Les deux principales étiologies sont représentées par les infections à mycoplasme et les médicaments. Les médicaments le plus souvent en cause sont les mêmes que ceux déclenchant des syndromes de Lyell. Il s’agit souvent de formes majeures pouvant évoluer vers un
4
syndrome de Lyell. Le traitement est symptomatique d’une part, rejoignant la prise en charge d’un syndrome de Lyell, et étiologique d’autre part, lorsqu’une infection à mycoplasme est retrouvée.
Syndrome de Lyell Il s’agit d’un syndrome cutanéomuqueux grave, secondaire à une nécrose aiguë de l’épiderme, le plus souvent d’origine médicamenteuse. Signes cliniques L’éruption est parfois précédée de prodromes à type de syndrome pseudogrippal. Le début est le plus souvent brutal, les lésions muqueuses précédant habituellement les lésions cutanées. L’atteinte muqueuse, souvent intense, comporte des Traité de Médecine Akos
Dermatoses bulleuses ¶ 2-0715
Dermatite herpétiforme Dermatose à lgA linéaire Porphyrie cutanée tardive Dermite des prés Lupus bulleux
Photodistribution
Eczéma bulleux Lichen bulleux Dermatophytie bulleuse
Vésiculobulles
Varicelle - Zona Herpès bulleux
Éruption bulleuse
Signe de Nikolsky +
Sujet âgé Acantholyse
Signe de Nikolsky –
Foyer staphylococcique Décollement sous-corné
Pemphigus
Cocardes atypiques
Cocardes typiques
Syndrome de Stevens-Johnson
Érythème polymorphe
Médicament imputable Nécrose kératinocytaire
Épidermolyse staphylococcique
Syndrome de Lyell
Terrain
> 70 ans
Femme enceinte
Atteinte cutanée pure
Atteinte muqueuse synéchiante
Pemphigoïde bulleuse
Pemphigoïde cicatricielle
Pemphigoïde gestationis
Adulte jeune
Épidermolyse bulleuse acquise
Figure 2. Arbre décisionnel. Principales étiologies à évoquer devant une éruption bulleuse de l’adulte.
Figure 3.
Érythème polymorphe : lésions en « cocarde ».
manifestations oculaires (conjonctivite, kératite) et buccopharyngées, parfois associées à une atteinte trachéobronchique grave, œsophagienne et génitale. L’atteinte cutanée est constituée initialement par des lésions érythémateuses diffuses ou en macules confluentes évoluant en 1 à 3 jours vers un décollement cutané. La peau prend alors un aspect de « linge mouillé » avec signe de Nikolsky (Fig. 5). Des bulles palmoplantaires sont fréquemment associées. La surface cutanée décollée doit être évaluée quotidiennement. Il existe en outre une altération importante de l’état général avec fièvre. Les pertes hydroélectrolytiques importantes, liées au décollement Traité de Médecine Akos
Figure 4. Syndrome de Stevens-Johnson : ectodermose pluriorificielle associée à des macules à centre foncé, prédominant sur le tronc.
cutané, sont à l’origine d’une déshydratation rapide si elles ne sont pas compensées. Enfin, des atteintes viscérales peuvent être rencontrées : leucopénie, thrombopénie, anémie, atteintes hépatiques et pancréatiques, et surtout atteinte bronchopulmonaire ou digestive de pronostic très péjoratif. Une biopsie cutanée demandée en urgence est une obligation médicolégale. Celle-ci confirme la nécrose de la totalité de l’épiderme. L’évolution est favorable dans 70 % des cas environ si les mesures de réhydratation, de nutrition et d’antisepsie adaptées sont prises. La cicatrisation survient en 10 à 30 jours avec des
5
2-0715 ¶ Dermatoses bulleuses
Tableau 3. Distinction entre syndrome de Lyell et épidermolyse staphylococcique. Syndrome de Lyell Épidermolyse (ou nécrolyse épidermique staphylococcique toxique) (ou staphylococcal scaled-skin syndrome) Terrain
Étiologie
Adulte (mais possible chez l’enfant)
Enfant
Immunodépression (VIH)
Parfois adulte mais immunodéprimé et insuffisant rénal
Médicaments
Exfoliatine staphylococcique
7 à 21 jours après la dernière Rechercher impétigo, omprise phalite, foyer staphylococcique ORL ou profond 3 à 8 jours après réintroduction
Figure 5. Syndrome de Lyell : décollement cutané donnant à la peau un aspect de « linge mouillé ». Clinique
Plaques rouges confluentes et douloureuses
Exanthème scarlatiniforme Signe de Nikolsky positif avec décollement superficiel
Sulfamides
Signe de Nikolsky positif avec décollement de l’ensemble de l’épiderme en « linge mouillé »
Bêtalactamines
Atteinte muqueuse
Respect des muqueuses
Éthambutol
AEG majeure
AEG modérée
Tableau 2. Médicaments le plus souvent incriminés dans le syndrome de Lyell (soit du fait de propriétés intrinsèques, soit du fait de la fréquence de prescription). Antibiotiques
Streptomycine Tétracyclines Rifampicine
Atteintes viscérales associées Évolution
Quinolones Antiépileptiques
Histologie
Lamotrigine Oxicams Traitement
Salicylés Antiulcéreux
Pantoprazole
Hypo-uricémiants
Allopurinol
Antifongiques
Griséofulvine
Antiparasitaires
Pentamidine
Hypoglycémiants
Chlorpropamide Tolbutamide
Vaccinations Chimiothérapie
Méthotrexate
Métaux
Sels d’or
Antirétroviral
Névirapine
Antidépresseur
séquelles pigmentées. Une évolution mortelle est cependant possible, liée à un choc septique ou aux atteintes viscérales, en particulier trachéobronchiques et pulmonaires. Le pronostic dépend essentiellement du terrain (âge, existence de tares), de l’étendue du décollement et d’une éventuelle atteinte pulmonaire. Des complications oculaires (panophtalmie, synéchies conjonctivopalpébrales, syndrome sec) pouvant conduire à la cécité peuvent survenir secondairement. Des synéchies génitales, notamment chez la femme, sont également possibles. Étiologie Une étiologie médicamenteuse est retrouvée dans plus de trois quarts des cas (Tableau 2) [4]. Les médicaments le plus souvent en cause sont les sulfamides, les antiépileptiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens, notamment de la famille
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Rapidement favorable sous antibiothérapie
Nécrose de l’épiderme sur toute sa hauteur
Décollement sous-corné ou sous la couche granuleuse
Infiltration dermique sousjacente
Barbituriques Phénylbutazone
40 % de décès (infection, défaillance polyviscérale)
Cicatrices pigmentées, syné- Absence de cicatrice chies muqueuses
Carbamazépine Hydantoïne
Anti-inflammatoires
Décollement parfois précédé Lésions débutant parfois de « cocardes » autour de lésions d’impétigo
Symptomatique
Symptomatique
Arrêt des médicaments imputables
Antibiothérapie antistaphylococcique
Déclaration (pharmacovigilance) VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; AEG : altération de l’état général ; ORL : oto-rhino-laryngologique.
des oxicams. L’imputabilité d’un médicament est retenue si le délai de survenue des manifestations cutanées est compris entre 7 et 21 jours pour une première prise et entre 3 et 8 jours pour une réintroduction. Le recueil des critères extrinsèques auprès des centres de pharmacovigilance et l’analyse de la littérature médicale fournissent également des arguments d’importance. Les autres cas correspondent à des situations où les scores d’imputabilité sont faibles mais où l’origine médicamenteuse est également probable. Diagnostic différentiel • Épidermolyse staphylococcique ou staphylococcal scaled-skin syndrome. • Pustulose exanthématique aiguë généralisée avec décollements pustuleux superficiels, étendus et confluents. Les éléments du diagnostic différentiel sont résumés dans le Tableau 3. Traitement Une hospitalisation dans un centre spécialisé s’impose dès que le diagnostic est posé. Le traitement repose sur l’arrêt précoce du médicament imputable, une réanimation hydroélectrolytique adaptée, des apports protidiques et caloriques importants, des mesures de réchauffement ; sur des soins antiseptiques particulièrement rigoureux et éventuellement un Traité de Médecine Akos
Dermatoses bulleuses ¶ 2-0715
traitement antibiotique en cas d’infection patente. Une déclaration au centre de pharmacovigilance est obligatoire.
Autres toxidermies bulleuses Les réactions cutanées aux médicaments peuvent prendre de multiples aspects. Outre l’aspect de syndrome de StevensJohnson et de syndrome de Lyell, les toxidermies bulleuses se traduisent par des éruptions bulleuses plus ou moins étendues touchant la peau et les muqueuses, et se différenciant du syndrome de Stevens-Johnson par l’absence de lésions cocardiformes. Leur risque d’évolution vers une forme grave (syndrome de Lyell ou syndrome de Stevens-Johnson) nécessite une surveillance hospitalière.
Bulles d’origine infectieuse Impétigo L’impétigo bulleux streptococcique (streptocoque bêtahémolytique du groupe A) ou staphylococcique (staphylocoque doré) est fréquent chez l’enfant, favorisé par le manque d’hygiène et sévissant parfois sous forme de petites épidémies scolaires ou familiales du fait de sa forte contagiosité. Il est caractérisé par la présence de bulles intraépidermiques très superficielles, souscornées, de topographie volontiers périorificielle. Les bulles évoluent vers la formation de croûtes mélicériques jaunâtres caractéristiques. Le choix du traitement dépend de l’étendue des lésions. Si l’impétigo est paucilésionnel et localisé, la préférence est au traitement local associant un antiseptique type chlorhexidine et une pommade antibiotique (Fucidine®) deux fois par jour pendant 7 jours. En cas d’impétigo étendu, une antibiothérapie par voie générale est nécessaire : pénicilline du groupe M (Orbénine®), macrolides (Josacine®) ou synergistine (Pyostacine®) pendant 10 jours. Un contrôle des urines 3 semaines après (recherche d’une protéinurie) est nécessaire (risque de glomérulonéphrite post-streptococcique). Le problème du staphylocoque doré méthicilline résistant communautaire se pose peu pour l’instant en France.
Épidermolyse staphylococcique L’épidermolyse staphylococcique, rare chez l’adulte, est secondaire à la sécrétion d’une toxine par certains staphylocoques dorés (Tableau 3).
Dermatoses virales Rappelons que les infections à herpès virus et à virus varicelle-zona, habituellement vésiculeuses, peuvent parfois prendre un aspect bulleux par confluence des lésions. Chez l’enfant atopique (mais parfois également chez l’adulte jeune), l’infection par le virus herpétique peut être à l’origine d’un tableau sévère de pustulose varioliforme de KaposiJuliusberg. Les lésions sont constituées de vésiculobulles hémorragiques et pustuleuses s’étendant rapidement à l’ensemble du tégument, dans un contexte d’altération de l’état général. Une hospitalisation est nécessaire pour l’instauration d’un traitement par aciclovir intraveineux.
Bulles de cause externe Soleil Lorsque les lésions sont photodistribuées, il faut évoquer le rôle des ultraviolets en distinguant : • les dermatoses aggravées par le soleil (type lupus érythémateux) ; • les dermatoses par photosensibilisation, le chromophore pouvant être d’origine endogène (comme dans les porphyries cutanées) ou d’origine exogène (par ingestion de médicaments photosensibilisants ou par contact avec des produits photosensibilisants). Un exemple couramment rencontré en est la dermite des prés, ou phytophotodermatose, liée à une exposition solaire après contact souvent en milieu humide avec des végétaux photosensibilisants ; Traité de Médecine Akos
Figure 6. Pemphigoïde bulleuse : bulles de grande taille siégeant en peau urticarienne à la racine des membres inférieurs.
• les lucites idiopathiques, parmi lesquelles la lucite polymorphe et l’hydroa vacciniforme, peuvent donner des lésions bulleuses.
Autres Des lésions bulleuses peuvent apparaître secondairement à l’application de produits caustiques, à des piqûres d’insectes (prurigo strophulus) ou encore à des agents physiques (brûlures).
Maladies bulleuses auto-immunes Tout comme les maladies bulleuses héréditaires, elles constituent un groupe de maladies rares dont le diagnostic précis nécessite le recours au dermatologue et la prescription d’examens spécialisés.
Par atteinte de la jonction dermoépidermique Les maladies bulleuses de la JDE sont multiples et sont liées à la production d’autoanticorps dirigés contre différentes protéines constituant la JDE. Pemphigoïde bulleuse Signes cliniques. C’est la dermatose bulleuse auto-immune de l’adulte la plus fréquente. Elle survient surtout chez des sujets âgés (âge moyen : 80 ans) et touche autant les hommes que les femmes. Le début de la maladie est souvent marqué par des signes non spécifiques : prurit isolé, placards eczématiformes ou urticariens. Les bulles reposent sur une base érythémateuse, urticarienne ou en peau saine. Elles sont tendues, solides, à liquide clair, de grande taille et prédominent de façon symétrique sur le tronc et la racine des membres (Fig. 6). L’évolution se fait par poussées, les bulles faisant place à des érosions qui guérissent sans cicatrice en laissant parfois des grains de milium ou des séquelles pigmentées. L’atteinte muqueuse est inhabituelle. De nombreuses formes atypiques ont été décrites : formes localisées palmoplantaires, prétibiales, sur cicatrice, formes eczématiformes, dishydrosiformes, urticariennes ou à type de prurigo. Examens complémentaires. Une hyperéosinophilie sanguine est habituellement présente. L’histologie montre une bulle sousépidermique sans nécrose du toit, ni acantholyse. Le plancher
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de la bulle est le siège d’un infiltrat de polynucléaires neutrophiles et/ou éosinophiles. L’IFD sur une biopsie de peau péribulleuse montre une fixation linéaire d’IgG et de C3 le long de la JDE. L’IFI retrouve habituellement des anticorps circulants marquant la JDE ; leur taux n’est pas corrélé à l’activité de la maladie. L’examen du sérum en immunotransfert n’est pas nécessaire au diagnostic de routine. Il retrouve des anticorps circulants dirigés contre des antigènes cibles de 230 et 180 kDa (BPAG1 et BPAG2). La technique Elisa retrouve des anticorps anti-BPAG1 et -BPAG2. L’IFD et l’IFI en peau clivée par le NaCl molaire (réalisées en cas de doute avec une autre pathologie de la JDE, en particulier une épidermolyse bulleuse acquise) montrent un marquage du toit de la bulle. Traitement. Il comporte des mesures propres à toute maladie bulleuse : bains antiseptiques, hydratation et nutrition compensant les pertes hydroélectrolytiques et protéiques. Jusqu’à il y a une dizaine d’années, le traitement reposait sur la corticothérapie générale. Le traitement de référence repose maintenant sur la corticothérapie locale forte, c’est-à-dire le propionate de clobétasol (Dermoval ® ), avec une meilleure efficacité et moins d’effets secondaires [5]. Le choix de la dose initiale (de 10 à 40 g/j) est fonction du poids du patient et du nombre de bulles cutanées. On considère que la maladie est contrôlée lorsque aucune nouvelle bulle n’apparaît plus et que le prurit disparaît. La dose initiale (dite d’attaque) est poursuivie jusqu’à 15 jours après le contrôle de la maladie puis diminuée très progressivement, sur une période de 6 à 18 mois en moyenne, avant d’être stoppée. Des récidives de la maladie peuvent être observées lors de la décroissance ou à l’arrêt du traitement. Des traitements immunosuppresseurs (méthotrexate, azathioprine) sont parfois proposés en cas de rechutes fréquentes pour limiter les doses de corticoïdes. La surveillance est essentiellement clinique, portant initialement sur un décompte quotidien du nombre de bulles, puis sur une récidive éventuelle de la symptomatologie. Rappelons l’importance d’une surveillance de la tolérance du traitement, la morbidité et la mortalité d’origine iatrogène étant majeures à cet âge. Pemphigoïde de la grossesse
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La pemphigoïde de la grossesse est traitée par ailleurs (cf. article 2-0770 du Traité de médecine Akos). Pemphigoïde cicatricielle
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Il s’agit d’une maladie bulleuse auto-immune rare, touchant surtout les muqueuses. Signes cliniques. Elle survient chez le sujet âgé (60 ans) avec une prédominance féminine. Les lésions sont essentiellement muqueuses et se caractérisent par une évolution cicatricielle synéchiante. Les bulles muqueuses, fragiles et fugaces, font rapidement place à des érosions chroniques et douloureuses. Les atteintes les plus fréquentes sont les atteintes buccales et oculaires. Des érosions génitales, œsophagiennes ou oto-rhinolaryngologiques peuvent également se rencontrer. L’évolution vers des cicatrices synéchiantes est particulièrement sévère à la conjonctive, avec un risque important de symblépharon pouvant évoluer vers la cécité, et à l’œsophage, avec un risque de sténose œsophagienne. L’atteinte cutanée est inconstante et se caractérise par des bulles ou des érosions chroniques de siège cervical et céphalique laissant des cicatrices atrophiques. Examens complémentaires. Les aspects histologiques et immunohistochimiques sont proches de ceux de la pemphigoïde bulleuse. L’IFI ne montre le plus souvent que de faibles taux d’anticorps circulants ou est négative. L’immunofluorescence sur peau clivée par le NaCl retrouve un marquage du toit de la bulle, ou un marquage des versants dermique et épidermique. L’immunomicroscopie électronique directe montre des dépôts d’IgG à la partie inférieure de la lamina lucida, débordant sur la lame dense. L’examen du sérum en immunotransfert montre principalement la présence d’anticorps dirigés contre l’antigène de 180 kDa de la pemphigoïde bulleuse (BPAG2). La recherche d’anticorps anti-BPAG2 en Elisa est inconstamment positive.
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Traitement. Il repose en première intention sur la disulone à la dose de 50 à 100 mg/j, en particulier chez les patients ayant une atteinte buccale isolée. En cas d’échec et/ou d’atteinte oculaire, le traitement repose sur l’utilisation de cyclophosphamide, parfois associé à une corticothérapie générale. Dermatite herpétiforme Physiopathologie. Sa physiopathologie est incomplètement comprise. Elle fait intervenir une hypersensibilité à la gliadine contenue dans le gluten, comme l’entéropathie qui lui est souvent associée. Signes cliniques. La dermatite herpétiforme est une maladie rare, survenant préférentiellement chez les sujets de race blanche, entre 20 et 40 ans. Le tableau clinique débute habituellement par un prurit longtemps isolé. Les lésions cutanées réalisent des vésiculobulles reposant sur une base érythémateuse ou urticarienne. Leur groupement en anneau ou en médaillon est caractéristique. Elles siègent de façon symétrique sur les faces d’extension des membres (coudes, genoux) et sur les fesses. Une stomatite érosive est parfois associée. Examens complémentaires. L’histologie montre la présence de microabcès à polynucléaires neutrophiles et éosinophiles au sommet des papilles dermiques. L’IFD retrouve un aspect caractéristique de dépôts granuleux d’IgA et de C3 au sommet des papilles dermiques. Des anticorps circulants antiendomysium, antigliadine et antitransglutaminase sont souvent retrouvés, de même qu’une atrophie villositaire du grêle, le plus souvent asymptomatique. Une maladie cœliaque vraie, avec signes de malabsorption, est plus rarement retrouvée. Le phénotypage human leukocyte antigen retrouve l’haplotype B8/DR3 dans plus de 80 % des cas. Évolution. Traitement. L’évolution de la maladie est chronique et se fait par poussées, parfois provoquées par une prise excessive de gluten. Le risque évolutif majeur mais rarissime est représenté par la survenue d’un lymphome du grêle. Le traitement repose essentiellement sur le régime sans gluten, qui est cependant très contraignant, et sur la disulone. Le traitement est débuté à la dose de 100 mg/j, puis diminué progressivement jusqu’à la dose minimale efficace. La surveillance porte sur l’amélioration clinique et la tolérance du traitement (risque d’anémie hémolytique, de methémoglobinémie et de syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse). Dermatose à immunoglobuline A linéaire C’est la maladie bulleuse auto-immune la plus fréquente chez l’enfant. Les bulles de grande taille, associées à des vésicules à groupement herpétiforme, prédominent sur la moitié inférieure du tronc, les fesses, le périnée et les cuisses. L’histologie retrouve une bulle sous-épidermique avec, en IFD, des dépôts linéaires d’IgA le long de la JDE. Le traitement repose sur la disulone, et en cas d’échec, sur les corticoïdes à faibles doses. L’évolution est habituellement favorable en quelques semaines à quelques mois. Chez l’adulte, l’atteinte faciale est plus fréquente que chez l’enfant, de même que les érosions buccales. L’examen du sérum en immunotransfert montre une réactivité des anticorps contre plusieurs antigènes dermiques et épidermiques. Il existe des formes paranéoplasiques et médicamenteuses (vancomycine notamment) nécessitant un bilan étiologique. La disulone est généralement efficace. Une corticothérapie est parfois nécessaire en cas de résistance à la disulone. Épidermolyse bulleuse acquise (EBA) C’est une maladie rare, touchant le sujet jeune (âge moyen : 35 ans), chez qui elle provoque l’apparition de bulles flasques, provoquées par des traumatismes minimes. Deux formes cliniques sont actuellement distinguées : la forme dite aiguë, inflammatoire, qui simule une pemphigoïde bulleuse, et une forme plus chronique, caractérisée par des bulles siégeant en peau non érythémateuse, sur les faces d’extension des membres (articulations métacarpophalangiennes, genoux). Il s’y associe fréquemment des érosions muqueuses, notamment buccales et oculaires. Les bulles guérissent, au prix de cicatrices atrophiques, en laissant de nombreux grains de milium. Il s’y associe parfois Traité de Médecine Akos
Dermatoses bulleuses ¶ 2-0715
Figure 7.
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Pemphigus vulgaire : érosions de la muqueuse buccale.
Figure 8. Pemphigus séborrhéique : lésions squamocroûteuses interscapulaires.
une dystrophie unguéale pouvant conduire à une onycholyse. Contrairement à la pemphigoïde bulleuse, l’EBA ne s’accompagne habituellement pas d’hyperéosinophilie sanguine. L’histologie et l’IFD orientent le diagnostic en montrant une bulle sous-épidermique ne comportant qu’un infiltrat inflammatoire assez pauvre, associée à des dépôts souvent granuleux d’IgG et de C3 à la JDE, siégeant sur le plancher du décollement en peau clivée. L’IFI est le plus souvent négative, mais l’examen du sérum en immunotransfert objective parfois des anticorps dirigés contre le collagène VII. Le diagnostic de certitude nécessite le recours à l’immunomicroscopie électronique qui montre des dépôts d’IgG et de C3 sur les fibrilles d’ancrage du derme superficiel. La recherche d’une entérocolopathie (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) est nécessaire dans les formes chroniques d’EBA car l’association est fréquente. Le traitement de cette maladie est souvent difficile et repose habituellement sur l’association d’une corticothérapie générale et de ciclosporine.
Les pemphigus superficiels regroupent le pemphigus séborrhéique qui est une forme localisée de la maladie et le pemphigus foliacé sporadique ou endémique (fogo selvagem) qui correspond à une forme disséminée. Dans le pemphigus séborrhéique, les bulles, très fugaces, sont remplacées par des lésions squamocroûteuses, parfois prurigineuses, distribuées sur les zones séborrhéiques : thorax, visage, cuir chevelu, région interscapulaire (Fig. 8). Il n’existe habituellement pas d’atteinte muqueuse. Les lésions du visage peuvent en imposer pour un lupus érythémateux ou une dermite séborrhéique. Dans les formes sévères, le tableau clinique est celui d’une érythrodermie exfoliative. Le pemphigus paranéoplasique associe des signes de pemphigus vulgaire, de pemphigoïde bulleuse et d’érythème polymorphe. Les lésions débutent par des érosions buccales traînantes et douloureuses, avec parfois une atteinte œsophagienne. L’atteinte érosive du versant externe des lèvres est proche de celle observée dans le syndrome de Stevens-Johnson. Une atteinte conjonctivale (conjonctivite pseudomembraneuse) et génitale est souvent associée. L’atteinte cutanée est polymorphe : elle peut prendre l’aspect de lésions bulleuses d’érythème polymorphe ou de pemphigoïde bulleuse. Une hémopathie lymphoïde, un thymome ou une maladie de Castelman sont le plus souvent associés à cette forme de pemphigus.
Par atteinte intraépidermique : pemphigus Définition. Épidémiologie Les pemphigus sont des maladies auto-immunes rares qui touchent la peau et les muqueuses. Les autoanticorps présents dans les sérums des malades sont dirigés contre des constituants du desmosome, et sont responsables de l’acantholyse et du clivage intraépidermique. On distingue trois grands types de pemphigus : • le pemphigus vulgaire, où le clivage est suprabasal ; • les pemphigus superficiels, où le clivage est sous-corné ; • le pemphigus paranéoplasique, souvent associé à une hémopathie maligne. L’association à d’autres maladies auto-immunes est possible : myasthénie, lupus érythémateux, maladie de Gougerot-Sjögren, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Basedow. Signes cliniques Le pemphigus vulgaire débute le plus souvent par des lésions muqueuses. L’atteinte buccale, faite d’érosions douloureuses (Fig. 7), traînantes, pouvant gêner l’alimentation, est plus fréquente que les atteintes génitales et oculaires. L’atteinte cutanée survient secondairement, plusieurs semaines ou plusieurs mois après les érosions muqueuses. Elle se caractérise par la survenue de bulles flaccides à contenu clair, siégeant en peau non érythémateuse. Fragiles, les bulles laissent rapidement place à des érosions postbulleuses cernées par une collerette épidermique. Il existe un signe de Nikolsky en peau péribulleuse et parfois en peau saine. Les lésions peuvent être localisées ou généralisées et prédominent aux points de pression, dans les grands plis, sur le visage et le cuir chevelu, ainsi qu’aux extrémités. Des érosions œsophagiennes, vaginales et rectales sont également possibles. Le pemphigus végétant est une forme clinique de pemphigus vulgaire caractérisée par l’évolution végétante des lésions et par leur disposition en regard des grands plis. Traité de Médecine Akos
Examens complémentaires
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Le diagnostic est confirmé par l’examen histologique d’une bulle récente (fente acantholytique suprabasale au cours du pemphigus vulgaire, dans la couche granuleuse au cours des pemphigus superficiels, nécroses kératinocytaires au cours du pemphigus paranéoplasique), par l’étude en IFD d’une biopsie de peau péribulleuse (présence d’IgG et de complément à la surface des kératinocytes, prenant un aspect en « mailles de filet ») et par l’examen du sérum en IFI (mise en évidence d’anticorps circulants de classe IgG dirigés contre la surface des kératinocytes). Les tests Elisa identifient des autoanticorps dirigés contre la desmogléine 1 et la desmogléine 3. Il existe une relation entre le phénotype clinique des malades et le type d’anticorps circulants. La présence d’anticorps anti-DSG1 isolée est caractéristique du pemphigus superficiel (atteinte cutanée exclusive) ; à l’inverse, la présence d’anticorps anti-DSG3 isolée est caractéristique du pemphigus vulgaire avec atteinte muqueuse exclusive alors que les patients ayant un pemphigus vulgaire avec atteinte cutanéomuqueuse ont habituellement les deux types d’autoanticorps. Le titre des anticorps est corrélé à l’activité de la maladie (étendue initiale des lésions et risque de rechute) [2] . Les techniques d’immunoprécipitation et d’immunotransfert permettent d’identifier d’autres populations d’anticorps, notamment les anticorps antiplakines au cours des pemphigus paranéoplasiques.
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Pronostic. Traitement
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La mortalité spontanée était de 70 % avant l’utilisation des corticoïdes, liée aux complications métaboliques et infectieuses du décollement cutané. Elle se situe actuellement autour de 5 % à 10 % et est principalement due aux complications iatrogènes. Le traitement d’attaque est destiné à contrôler la maladie. Le traitement d’entretien à doses progressivement décroissantes vise à maintenir la rémission complète, clinique et biologique (disparition des anticorps circulants). Il repose essentiellement sur la corticothérapie générale à fortes doses. La prednisone semble plus efficace que la prednisolone. Les doses utilisées en première intention sont de 1 à 1,5 mg/kg/j. Des traitements immunosuppresseurs par azathioprine, mycophénolate mofétil, cyclophosphamide sont parfois associés à la corticothérapie en cas de résistance au traitement corticoïde ou d’emblée dans un but d’épargne cortisonique. Les immunoglobulines intraveineuses et l’anticorps monoclonal anti-CD20, le rituximab, sont proposés dans les formes sévères corticorésistantes ou corticodépendantes [6]. Les doses de corticoïdes sont ensuite progressivement diminuées, un traitement de plusieurs années étant souvent nécessaire. La disulone et les dermocorticoïdes constituent une alternative thérapeutique intéressante dans les formes peu étendues et au cours du pemphigus superficiel. La surveillance doit porter sur les signes cliniques, le taux d’anticorps circulants et les complications du traitement.
des lésions pigmentées. La disposition linéaire ou en « jet d’eau » des lésions sur le tronc et les membres est caractéristique. La gravité de la maladie est liée à l’association possible de lésions viscérales, en particulier neurologiques, oculaires et osseuses.
Autres formes de pemphigus
Érythrodermie congénitale ichtyosiforme bulleuse
Les pemphigus médicamenteux sont déclenchés par les médicaments contenant un groupe thiolé, tels que la D-pénicillamine, le captopril, la thiopronine, la pyrithioxine, mais également avec d’autres (piroxicam, bêtabloquants, phénylbutazone, rifampicine). L’acantholyse peut être secondaire à l’action directe du médicament. L’IFD est alors négative et l’évolution favorable à l’arrêt du traitement. Plus souvent, le médicament ne fait que déclencher un pemphigus auto-immun. L’IFD montre alors un marquage de type pemphigus et il existe un risque d’autonomisation de la maladie malgré l’arrêt du traitement, nécessitant le recours à la corticothérapie. Le pemphigus herpétiforme et le pemphigus à IgA constituent deux autres formes cliniques rares de pemphigus.
Il s’agit d’une maladie autosomique dominante s’exprimant dès la naissance sous forme d’une érythrodermie associée à des bulles flasques et à de larges décollements cutanés. En quelques années, les lésions sont remplacées par une hyperkératose verruqueuse noirâtre prédominant aux coudes, aux genoux, aux plis de flexion et sur la face dorsale des extrémités, respectant le visage. Les lésions dégagent une odeur nauséabonde secondaire à la surinfection, gênant la vie sociale. Le traitement repose sur les rétinoïdes.
Maladies bulleuses héréditaires Épidermolyses bulleuses héréditaires Les épidermolyses bulleuses héréditaires sont des maladies génétiques secondaires à une fragilisation de la JDE du fait de mutations portant sur les gènes de certains de ses constituants. On distingue en fonction du niveau du clivage dermoépidermique : • les épidermolyses bulleuses héréditaires simples (ou épidermolytiques), correspondant à un clivage situé dans les couches basales de l’épiderme ; • les épidermolyses bulleuses jonctionnelles, correspondant à un clivage situé dans la membrane basale ; • les épidermolyses bulleuses dystrophiques (ou dermolytiques), pour lesquelles le clivage siège dans la partie superficielle du derme. Le tableau clinique associe des bulles en regard des zones de frottement et une atteinte muqueuse. Une histoire familiale et la présence des lésions dès la naissance sont hautement évocatrices. Cependant, la maladie peut se développer plus tardivement dans l’enfance, parfois même à l’âge adulte dans les formes peu sévères, et les antécédents familiaux peuvent manquer dans les formes récessives. L’association à d’autres malformations, en particulier dentaires et unguéales, est également évocatrice. La gravité des différents tableaux réalisés dépend de l’étendue du décollement cutané et de la profondeur du clivage.
Incontinentia pigmenti L’incontinentia pigmenti est une maladie du nourrisson récessive liée à l’X, touchant quasi exclusivement la petite fille et comportant une atteinte initialement bulleuse évoluant vers
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Figure 9.
Porphyrie cutanée tardive : bulle en zone photoexposée.
Pemphigus chronique bénin familial (maladie de Hailey-Hailey) Il s’agit d’une maladie à transmission autosomique dominante. Elle débute habituellement à l’adolescence ou à l’âge adulte, et évolue par poussées estivales. Elle se caractérise par la survenue de vésicules ou de petites bulles groupées en placards sur le cou, les aisselles et la région inguinale. Le diagnostic est confirmé par l’histologie. L’IFD est négative. Le traitement repose essentiellement sur l’utilisation d’antiseptiques, de dermocorticoïdes et sur l’excision chirurgicale ou la vaporisation laser des zones atteintes.
Maladies bulleuses d’origine métabolique : porphyrie cutanée tardive Les porphyries cutanées sont des maladies le plus souvent héréditaires, responsables de l’accumulation de porphyrines photosensibilisantes par déficits enzymatiques portant sur le métabolisme de l’hème. Elles se caractérisent cliniquement par l’association d’un syndrome d’hyperfragilité cutanée et d’une photosensibilité. La forme la plus fréquente est représentée par la porphyrie cutanée tardive qui est seule développée ici. Liée à un déficit en uroporphyrinogène décarboxylase, elle est de plus favorisée par des facteurs extrinsèques : alcoolisme chronique, hépatite virale C, infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), médicaments (sulfamides, estrogènes, griséofulvine).
Signes cliniques La porphyrie cutanée tardive survient chez l’adulte et se caractérise par la survenue de bulles sur les zones photoexposées (visage, dos des mains), après exposition solaire (Fig. 9). La cicatrisation laisse des microkystes épidermiques (grains de milium). S’y associent une fragilité cutanée, une hypertrichose temporomalaire, des troubles pigmentaires et une coloration orangée des urines après exposition à la lumière. Traité de Médecine Akos
Dermatoses bulleuses ¶ 2-0715
Diagnostic
[3]
L’histologie montre une bulle sous-épidermique non inflammatoire acellulaire entre un épiderme et des papilles dermiques intactes. L’IFD et l’IFI sont négatives. Le diagnostic est confirmé par le dosage des uroporphyrines urinaires et des coproporphyrines fécales. La recherche d’une infection par le virus de l’hépatite C et par le VIH doit être systématique.
[4]
[5]
Traitement Il repose sur les saignées itératives, le contrôle des facteurs favorisants (sevrage alcoolique, médicaments favorisants, photoprotection), et éventuellement sur l’utilisation de faibles doses d’antipaludéens de synthèse.
Pour en savoir plus
■ Conclusion Les dermatoses bulleuses constituent un groupe de maladies nombreuses et hétérogènes dont certaines peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Leur prise en charge diagnostique doit donc être rapide, reposant sur une analyse sémiologique simple, complétée d’un interrogatoire précis et de quelques examens complémentaires afin de mettre en place une thérapeutique adaptée dans les meilleurs délais. .
■ Références [1]
[2]
[6]
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H. Lapeyre-Liénard, Assistant spécialiste. P. Joly, Professeur des Universités, praticien hospitalier (
[email protected]). Clinique dermatologique, Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Lapeyre-Liénard H., Joly P. Dermatoses bulleuses. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0715, 2009.
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2-0716 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
2-0716
Lupus érythémateux S Barete, O Chosidow, C Francès
O
n peut observer de multiples manifestations dermatologiques dans les différentes catégories de lupus. Les lésions lupiques sont caractérisées par une dermatite dermoépidermique. Les autres lésions, vasculaires ou non vasculaires, sont surtout observées en association avec un lupus érythémateux systémique. Les lupus érythémateux aigu, subaigu et chonique peuvent être distingués selon l’aspect clinique, l’histologie et l’évolutivité. En dehors du syndrome de Raynaud et des lésions d’urticaire, les lésions vasculaires sont secondaires à une vasculite ou une thrombose. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : lupus érythémateux, lupus discoïde.
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Introduction De multiples manifestations cutanées sont observées au cours du lupus. Schématiquement on peut classer ces manifestations en trois groupes : – les lésions lupiques avec atteinte histologique de la jonction dermoépidermique (JDE) ; – les lésions vasculaires ; – les lésions non lupiques et non vasculaires. S’il n’existe pas de définition formelle du lupus cutané, les lésions lupiques sont caractérisées par une atteinte de la JDE. Un faisceau d’arguments permet d’établir le diagnostic : aspect clinique évocateur, histologie compatible, positivité de l’immunofluorescence directe cutanée et évolutivité.
Ce dernier argument permet classiquement un classement en trois formes de lupus : aiguë, subaiguë, chronique.
■
Lésions lupiques ‚ Tableau clinique [1] Lupus aigu Il concerne quasi exclusivement la femme en période d’activité génitale. L’aspect est celui d’un érythème plus ou moins œdémateux ou squameux mais sans atrophie. La topographie est caractéristique sur le visage avec une disposition en loup ou vespertilio (fig 1) respectant les sillons nasogéniens avec atteinte possible du cou et du décolleté (fig 2). L’atteinte est plus ou moins étendue avec prédominance sur les zones exposées. Une topographie interarticulaire des lésions des doigts est évocatrice. Un aspect bulleux est possible avec décollement épidermique.
L’atteinte peut également être muqueuse avec atteinte du palais, des gencives, des joues. Les lésions de lupus aigu sont contemporaines le plus souvent d’une poussée de lupus érythémateux disséminé (LEAD). Elle régresse rapidement sans rançon esthétique avec parfois des séquelles hyperpigmentées chez le patient pigmenté. Les autres dermatoses à évoquer sont : une rosacée (aspect pustuleux associé), une dermite séborrhéique (aspect squameux des plis nasogéniens), une dermatomyosite (prédominance sur les paupières supérieures de couleur lilas).
Lupus subaigu Il concerne majoritairement les femmes (70 %) et caucasiennes. L’aspect clinique comprend des lésions annulaires polycycliques à bordure érythémateuse (fig 3) ou des plaques papulosquameuses psoriasiformes. Ces lésions prédominent sur les zones exposées, sur le décolleté, le haut du dos (fig 4) et les membres supérieurs sans atteinte des membres inférieurs. 2 Lupus aigu du décolleté.
1 Lupus aigu en vespertilio.
1
2-0716 - Lupus érythémateux
3 Lupus visage.
subaigu
du
L’aspect bulleux peut en imposer pour un érythème polymorphe mais il n’y a pas d’atteinte muqueuse, une dermatophytie, un psoriasis, une toxidermie.
Lupus érythémateux chronique
4 Lupus subaigu du tronc.
Quatre formes cliniques se rencontrent dans ce type de lupus qui, également, concerne plus fréquemment les femmes (60 %) entre 20 et 40 ans. La plus fréquente est le lupus discoïde suivi du lupus tumidus, du lupus à type d’engelure et de la panniculite lupique isolée. Néanmoins, plusieurs aspects peuvent coexister. Le lupus discoïde est caractérisé par un érythème à limites nettes, des squames épaisses, une atrophie cicatricielle. Si l’atteinte prédomine au visage (fig 5), elle peut atteindre le cuir chevelu en donnant une pseudopelade (fig 6) avec parfois une extension des lésions aux membres supérieurs et le tronc dans la forme disséminée. L’atteinte des régions palmoplantaires est invalidante (fig 7) pour son caractère érosif avec retentissement fonctionnel. Le lupus tumidus (fig 8) réalise un ou des placards saillants non squameux à bord net, œdémateux sans squames, localisés au visage. L’évolution est favorable sans atrophie. Les diagnostics à discuter sont les infiltrats lymphocytaires type Jessner-Kanoff ou le lupus subaigu. Le lupus à type d’engelure (fig 9, 10) est à distribution acrale (nez, doigts et orteils). Il est aggravé avec le froid et se manifeste par des lésions violacées douloureuses des extrémités avec ulcérations. Le diagnostic de vasculite ou d’engelure est souvent proposé en première intention. La panniculite lupique ou lupus profundus (fig 11) comprend des nodules ou des plaques des zones riches en graisses. Ces placards ou nodules évoluent vers l’atrophie cicatricielle aux zones suivantes : cuisses, fesses, tiers supérieur des bras et joues (boules de Bichat) (fig 12).
‚ Diagnostic anatomopathologique cutané
L’évolution des lésions est favorable sans cicatrice, mais avec des troubles de pigmentation (hypo- ou hyperpigmentation et télangiectasies).
Plusieurs aspects histologiques constituent le dénominateur commun des trois formes de lésions lupiques : atteinte de l’épiderme et du derme avec hyperkératose, atrophie du corps muqueux, dégénérescence des kératinocytes basaux,
6 Pseudopelade lupique.
5 Lupus discoïde de la joue.
2
Lupus érythémateux - 2-0716
7 Lupus érythémateux chronique plantaire.
8 Lupus tumidus des joues.
épaississement de la membrane basale, œdème et infiltrat lymphocytaire dermique. L’étude en immunofluorescence directe (IFD) d’une lésion lupique retrouve des dépôts d’immunoglobulines (IgG, A et M) et/ou du complément (C1q, C3) à la JDE dans 90 % des cas de lupus aigu et discoïde, dans 60 % de lupus subaigu.
Néanmoins, il existe selon les techniques une relative variation de positivité de la fluorescence, d’où la nécessité de bien connaître la valeur du laboratoire d’analyse anatomopathologique avec lequel on travaille. Enfin, la positivité de l’IFD se retrouve également dans certaines dermatomyosites dont l’histologie est parfois proche de la forme lupus aigu.
‚ Relation lupus cutanés et LEAD [2] Le LEAD est défini par la positivité d’au moins quatre critères sur 11 de l’ARA (American Rheumatic Association) modifié en 1997 (tableau I). Utilisés pour classer les maladies rhumatologiques ils ont été détournés de leur fonction pour en faire des critères
diagnostiques de LEAD. L’excès de critères dermatologiques associé à un petit nombre d’anomalies immunologiques peut conduire à tort à diagnostiquer un LEAD, pourtant sans manifestations systémiques. Ce classement n’a aucune conséquence pratique puisque le choix du traitement va dépendre uniquement de l’existence et de la gravité des atteintes viscérales actuelles et non du nombre de critères de l’ARA comptabilisés depuis le début de la maladie. Tous les types de lupus cutané peuvent être associés à un LEAD. Toutefois, la fréquence de cette association est très variable selon le type de lupus. Ainsi, plus de 90 % des malades avec un LEA ont ou auront un LEAD, les lésions dermatologiques étant révélatrices dans 25 % des cas ; à l’inverse, 16 à 61 % des LEAD ont des lésions de LEA. Celles-ci accompagnent très souvent les poussées de lupus systémique qu’elles doivent faire rechercher systématiquement. Plus de 50 % des malades avec des lésions de lupus érythémateux systémique ont un LEAD selon les critères de l’ARA. En fait, la large majorité des malades avec lupus érythémateux systémique n’ont pas d’atteinte systémique justifiant une corticothérapie générale. Les atteintes viscérales graves, en particulier rénales ou neurologiques, seraient présentes dans près de 10 % des cas. À l’opposé, suivant les séries 7 à 21 % des malades avec un LEAD ont des lésions de lupus érythémateux systémique. De 15 à 20 % des malades avec LEAD ont des lésions cutanées de lupus discoïde. À l’inverse, 10 à 20 % des malades avec lupus discoïde ont ou auront un LEAD. Environ 8 % environ des malades avec lupus discoïde initialement isolé évoluent vers un LEAD, le plus souvent après plusieurs années. Il n’existe pas de critère prédictif formel de cette évolution ; pour certains cependant, le caractère disséminé des lésions cutanées, leur aggravation en période prémenstruelle ou pendant la grossesse étaient plus souvent associés à une évolution vers un LEAD. Quarante pour cent des malades avec une panniculite lupique ont un LEAD. À l’inverse, un aspect de panniculite n’est noté que chez 2 à 3 % des LEAD.
■
Lésions vasculaires Les lésions vasculaires sont principalement observées dans les LEAD. En dehors du syndrome de Raynaud et des œdèmes angioneurotiques, elles
10 Lupus engelure des pulpes des doigts.
9 Lupus engelure digital.
3
2-0716 - Lupus érythémateux
11 Panniculite lupique.
les conséquences thérapeutiques totalement opposées. La mise en évidence d’une thrombose impose la recherche d’anticorps antiphospholipides.
‚ Syndrome de Raynaud Un phénomène de Raynaud (phase syncopale, puis phase cyanotique douloureuse) est présent chez 10 à 45 % des malades pouvant précéder de longue date l’apparition du LEAD. L’apparition de nécrose digitale doit faire suspecter une thrombose ou une vasculite associée (fig 13).
‚ Livedo Autrefois considéré comme une manifestation de vasculite lupique, le livedo est en fait statistiquement associé au cours du lupus à la présence d’anticorps antiphospholipides (aPL) et aux manifestations vasculaires ischémiques cérébrales. Ce livedo est habituellement diffus, localisé sur les membres et surtout le tronc, non infiltré, à mailles fines ouvertes (livedo racemosa ou livedo ramifié) associé aux aPL (fig 14), ou épaisses peu associé aux aPL. Les biopsies cutanées sur les mailles ou entre les mailles sont le plus souvent normales ; ailleurs elles mettent en évidence une artériolopathie oblitérante non spécifique, exceptionnellement une thrombose.
12 Atrophie de la boule de Bichat. sont secondaires à une atteinte inflammatoire (vasculite) ou thrombotique des vaisseaux cutanés. Un diagnostic précis est indispensable étant donné
‚ Ulcères de jambes Des ulcères de jambes sont observés chez 3 % environ des malades ayant un LEAD. Ils imposent de pratiquer un doppler artériel et veineux des
13 Syndrome de Raynaud.
Tableau I. – Critères de classification du lupus érythémateux aigu disséminé (LEAD) (1997). 1 Érythème malaire : érythème fixe, maculeux ou maculopapuleux sur les éminences malaires, tendant à épargner les plis nasogéniens. 2 Lupus discoïde : plaques érythématopapuleuses avec squames adhérentes s’enfonçant dans les orifices folliculaires et atrophie secondaire. 3 Sensibilité : éruption cutanée résultant d’une réaction anormale au soleil, constatée par le malade ou le médecin. 4 Ulcérations orales : ulcérations orales ou nasopharyngées, habituellement non douleureuses constatées par un médecin. 5 Arthrite : arthrite non érosive touchant au moins deux articulations périphériques, caractérisée par une sensibilité, une tuméfaction ou un épanchement. 6 Atteinte séreuse : a) pleurésie sur une histoire convaincante de douleurs pleurales ou d’un frottement pleural constaté par un médecin ou visualisation de l’épanchement ou b) péricardite documentée sur l’ECG, un frottement ou la mise en évidence de l’épanchement. 7 Atteinte rénale : a) protéinurie persistante > 0,5 g/24 h ou > 3 + si elle n’est pas quantifiée ou b) cylindrurie. 8 Atteinte neurologique : a) convulsions en l’absence de cause médicamenteuse ou d’anomalie métabolique (urémie, acidocétose, troubles électrolytiques) ou b) psychose en l’absence de cause médicamenteuse ou d’anomalie métabolique (urémie, acidocétose, troubles électrolytiques). 9 Atteinte hématologique : a) anémie hémolytique avec réticulocytose ou b) leucopénie < 4 000/mm3 constatée au moins à deux reprises ou c) lymphopénie < 1 500/mm3 constatée au moins à deux reprises ou d) thrombopénie < 100 000/mm3 en l’absence de drogue cytopéniante. 10 Atteinte immunologique : a) anticorps anti-ADN natif à un titre anormal ; b) anticorps anti-Sm ; c) présence d’anticorps antiphospholipides correspondant soit à 1) un taux élevé d’anticorps anticardiolipine de type IgG ou IgM ; 2) un anticoagulant de type lupique ; 3) une sérologie syphilitique dissociée depuis plus de 6 mois confirmée par l’immunofluorescence ou un test de Nelson. 11 Anticorps antinucléaires : titre anormal d’anticorps antinucléaires par immunofluorescence ou autre technique équivalente en l’absence de médicament inducteur de lupus. ECG : électrocardiogramme.
membres inférieurs ainsi qu’une biopsie des bords pour en comprendre le mécanisme, vasculite ou plus souvent thrombose. Leur fréquence est en effet incontestablement plus élevée en présence d’aPL allant de 5 à 39 %.
‚ Urticaire et œdème de Quincke Des lésions d’urticaire fixe existent dans 4 à 13 % des grandes séries de LEAD, correspondant histologiquement à une vasculite leucocytoclasique des vaisseaux superficiels dermiques. Ces lésions urticariennes non migratrices sont souvent associées à un complément abaissé et à des anticorps anti-C1q, par ailleurs très fréquemment observés au cours du LEAD. Elles peuvent s’accompagner de lésions d’œdème de Quincke, à différencier alors de
4
Lupus érythémateux - 2-0716
16 Alopécie diffuse non cicatricielle.
17 Lupus bulleux.
14 Livedo ramifié.
15 Hémorragies unguéales en flammèches. l’œdème angioneurotique, en rapport avec un déficit congénital de l’inhibiteur de la C1 estérase.
‚ Hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales La survenue brutale d’hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales sur plusieurs doigts au cours d’un LEAD témoigne le plus souvent d’un évènement important systémique tel qu’une thrombose profonde ou une poussée lupique (fig 15).
une vasculite ou à des thromboses. Les lésions atrophiques ivoirines dites d’atrophie blanche ou de pseudomaladie de Degos, semblent plus souvent d’origine thrombotique que vasculitique.
‚ Nécroses cutanées extensives Leur début est volontiers brutal avec un purpura nécrotique laissant rapidement place à une plaque escarrotique noirâtre bordée d’un liseré purpurique témoignant de leur évolutivité. Elles peuvent s’intégrer dans le syndrome catastrophique des antiphospholipides. Elles sont localisées sur les membres, le visage (joues, nez, oreilles) ou les fesses. La biopsie de la bordure purpurique objective aisément des thromboses multiples.
■
Manifestations non lupiques non vasculaires Les manifestations non lupiques non vasculaires forment un groupe de manifestations dermatologiques préférentiellement observées au cours des lupus. Certaines sont fréquentes telle l’alopécie alors que d’autres sont rares comme le lupus bulleux, la mucinose ou la pustulose amicrobienne.
‚ Autres lésions vasculaires
‚ Alopécie
D’autres lésions vasculaires peuvent survenir au cours d’un LEAD. Les lésions purpuriques infiltrées plus ou moins nécrotiques peuvent correspondre à
Dans le LEAD, il ne s’agit pas d’une alopécie cicatricielle secondaire à des lésions lupiques mais d’une chute diffuse des cheveux (effluvium télogène)
5
contemporaine des poussées ou survenant 3 mois après, pouvant donner un cuir chevelu clairsemé (fig 16) s’améliorant progressivement après traitement. Ailleurs, les cheveux sont fins et fragiles, facilement cassés.
‚ Lupus bulleux Le lupus bulleux se manifeste cliniquement par des bulles ou des vésiculobulles, parfois regroupées en bouquets, apparaissant en peau saine sur les zones exposées et non exposées, disparaissant sans cicatrice, ni grain de milium (fig 17). Histologiquement, il s’agit de bulles sous-épidermiques avec un infiltrat de polynucléaires neutrophiles et éosinophiles et souvent une vascularite leucocytoclasique dermique. L’IFD est généralement positive. Le clivage de la bulle est dermique superficiel en microscopie électronique. Biologiquement, existent des anticorps anticollagène de type VII. Le lupus bulleux est à différencier des bulles par
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nécrose épidermique au cours du LEAD ou du lupus subaigu et des rares associations de LEAD avec d’autres maladies bulleuses autoimmunes : pemphigoïde bulleuse, pemphigus, dermatite herpétiforme, dermatose bulleuse à IgA linéaire.
18 Lupus anétodermique.
‚ Anétodermie Les lésions d’anétodermie sont définies histologiquement par la disparition localisée du tissu élastique, non centrée par un follicule pileux, sur toute la hauteur du derme et par l’aspect d’herniation à la palpation (grain de raisin vidé). Elles sont surtout localisées sur le cou et la moitié supérieure du tronc et des bras (fig 18). Au sein du lupus a été récemment soulignée l’association préférentielle de ces lésions avec la présence d’aPL et la possibilité de microthromboses en histologie.
‚ Calcifications Les calcifications cutanées sont beaucoup plus rares dans le lupus que dans la sclérodermie. Leur présence doit faire rechercher une connectivite mixte et la présence d’anticorps anti-U1RNP.
‚ Pustulose amicrobienne des plis Une pustulose amicrobienne des grands et petits plis associée à des pustules isolées du cuir chevelu a été récemment décrite au cours du lupus et d’autres maladies auto-immunes. L’aspect histologique est celui d’une pustule spongiforme. Les surinfections sont fréquentes avec un aspect suintant, notamment de la région génitale. Un déficit en zinc a été rapporté dans quelques cas.
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Conclusion Les multiples formes cliniques des lésions cutanées au cours du lupus nécessitent une analyse sémiologique précise, au besoin soutenue par une biopsie cutanée avec analyse anatomopathologique afin de proposer le traitement le mieux adapté.
Stéphane Barete : Chef de clinique-assistant. Olivier Chosidow : Professeur. Camille Francès : Professeur. Service de médecine interne, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : S Barete, O Chosidow et C Francès. Lupus érythémateux. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0716, 2003, 6 p
Références [2] Kahn MF. Maladies et syndromes systémiques. Paris : Flammarion, 2000
[1] Francès C. Manifestations dermatologiques du lupus. Rev Prat 1998 ; 48 : 615-619
6
2-0717 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
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Dermatomyosite S Barete, C Francès, O Chosidow
L
a dermatomyosite est une pathologie inflammatoire qui associe une atteinte cutanée constante et une atteinte musculaire inconstante. Il s’agit d’une maladie rare, à prédominance féminine, dont la cause demeure inconnue. Plusieurs éléments cliniques et histologiques peuvent aider à distinguer une polymyosite d’une dermatomyosite. Différentes formes cliniques sont décrites au cours des dermatomyosites. Il est important de connaître ces différentes formes cliniques en raison du pronostic et des complications systémiques importantes selon les formes.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : dermatomyosite, polymyosite.
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Introduction
La dermatomyosite (DM) est une pathologie inflammatoire qui associe une atteinte cutanée constante et une atteinte musculaire inconstante localisée préférentiellement aux ceintures. Maladie rare, dix cas de l’adulte et trois de l’enfant/ million d’habitants aux États-Unis, la DM, à prédominance féminine (SR : 2/1), demeure de cause inconnue. Parfois difficile à distinguer de la polymyosite (PM) dont l’atteinte musculaire est proche, plusieurs éléments cliniques, histologiques et physiopathologiques permettent de distinguer la DM de la PM. Différentes formes cliniques sont décrites au cours des DM (DM amyopathique, DM de l’enfant, syndromes des antisynthétases, DM associée à un cancer ou aux connectivites, DM médicamenteuse), importantes à connaître compte tenu du pronostic et des complications systémiques importantes selon les formes.
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Atteinte cutanée
[3]
Difficile à objectiver dans certains cas, elle est insidieuse parfois. Les signes cutanés apparaissent en zone exposée au soleil, le visage et les mains, en respectant les régions couvertes. Dans un cas sur deux les lésions surviennent ou s’aggravent lors d’une exposition solaire. Les aspects suivants peuvent être rencontrés : – un œdème avec érythème liliacé héliotrope des paupières supérieures (fig 1) ; – un érythème maculeux en bande du dos des mains prédominant sur les régions articulaires des doigts (fig 2). Certains éléments papuleux sont les papules de Gottron des articulations interphalangiennes (fig 3) également retrouvées sur les coudes et les genoux ; – un érythème des coudes et des genoux plus ou moins squameux (fig 4, 5) ou encore du haut du dos (fig 6) ; – un signe de la manucure décrit comme un aspect érythémateux violine visible à la partie
proximale des ongles où peuvent être objectivés des mégacapillaires à l’œil nu ou en capillaroscopie (fig 7) ; – certains aspects érythématosquameux, poïkilodermiques, peuvent égarer le diagnostic vers un psoriasis, une dermite séborrhéique, une dermite de contact ou un lupus ; – une atteinte hyperkératosique et fissuraire des doigts prenant un aspect de mains de mécanicien (fig 8) est à connaître ; – certaines lésions prennent un aspect de panniculite (fig 9) pouvant se calcifier ou encore celui de lipoatrophie (fig 10).
1 Érythème liliacé de la paupière supérieure.
2 Érythème en bandes des doigts.
1
2-0717 - Dermatomyosite
3 Papules de Gottron.
4 Érythème du coude. 5 Érythème squameux des genoux.
L’atteinte histologique n’est pas spécifique car également présente dans le lupus. Néanmoins, elle montre : une hyperkératose avec atrophie épidermique, un œdème dermique, une vacuolisation de la basale, une dilatation capillaire, des dépôts de mucine ; l’infiltrat périvasculaire est CD4 positif avec macrophages. Un aspect de vascularite est rare mais possible.
■
Atteinte musculaire
6 Érythème violine du dos.
Elle concerne 50 % des DM au moment du diagnostic, apparaît dans les mois qui suivent les premiers signes cutanés dans 30 % des cas. Certaines formes sont dites amyopathiques après 2 ans sans atteinte musculaire et représentent 10 % des cas. L’installation est le plus souvent progressive et parfois très sévère d’emblée avec impotence fonctionnelle majeure d’emblée. Les signes fonctionnels telles asthénie, myalgies sont fréquents avec ou sans déficit franc. L’atteinte classique est symétrique et concerne les ceintures scapulaires et pelviennes (signe du peigne, signe du tabouret) avec conservation de la force distale. La gravité réside dans l’atteinte de la musculature pharyngée et ventilatoire avec les risques de fausse route et de paralysie diaphragmatique asphyxiante. Sur le plan biologique les créatines phosphokinase (CPK) sont élevées type MM et la troponine T en cas d’atteinte cardiaque. L’aldolase n’a pas d’intérêt. L’électromyogramme montre un syndrome myogène non spécifique. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) musculaire faite en zone cliniquement atteinte peut montrer des hypersignaux T2 en cas de doute diagnostique . En cas d’anomalie, elle sert alors à guider la biopsie neuromusculaire. L’histologie musculaire est requise en cas d’absence de lésion cutanée (cf supra).
■
Autres atteintes L’atteinte articulaire concerne 25 % des patients avec plutôt des arthralgies. La déformation
2
Dermatomyosite - 2-0717
7 Signe de la manucure.
10 Lipoatrophie du bras. anticorps anti JO-1 sont corrélés à l’atteinte pulmonaire grave dans le cadre du syndrome des antisynthétases.
8 Atteinte érythémateuse et fissuraire des pulpes digitales.
9 Panniculite abdominale.
articulaire est rare, excepté dans le syndrome des antisynthétases. L’atteinte cardiaque grave en raison des troubles du rythme constituant une menace vitale imprévisible doit être systématiquement recherchée par la réalisation d’un électrocardiogramme (ECG). Néanmoins, cette cause de décès est rare. L’atteinte pulmonaire est de mauvais pronostic, d’origine obstructive par fausse route ou restrictive par déficit musculaire, elle peut être également infectieuse en rapport avec les immunosuppresseurs. L’atteinte interstitielle dite spécifique, peut être
révélatrice. Elle survient le plus souvent dans le cadre du syndrome des antisynthétases avec anticorps anti-JO1 et chez l’enfant.
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Formes cliniques de dermatomyosite La DM amyopathique correspond à une atteinte cutanée isolée sans atteinte musculaire significative. Le traitement est en général moins agressif que dans la forme classique. La DM juvénile possède des particularités telle l’apparition de calcifications dans 30-70 % des cas avec séquelles articulaires et fonctionnelles. Le traitement est alors plus agressif pour limiter ce risque. La DM associée au cancer [2] est davantage rapportée chez le patient âgé mais est rarement paranéoplasique car l’atteinte régresse rarement après traitement du cancer. Néanmoins, certains signes cutanés tels la nécrose, une vascularite histologique, mais aussi un syndrome inflammatoire important sont statistiquement associés à un cancer. La DM associée aux maladies systémiques tels le lupus systémique, la sclérodermie ou la polyarthrite rhumatoïde, le syndrome de Gougerot-Sjögren et la périartérite noueuse, représente 10 à 40 % des séries. La représentation est majoritairement féminine (SR9/1), l’existence d’anticorps anti-DNA, anti-SSA anti-SSB, anti-RNP, anti-Scl 70 est fréquemment élevée. Le syndrome des antisynthétases est caractérisé par une DM discrète sur le plan musculaire mais avec atteinte interstitielle pulmonaire menaçante avec présence d’anticorps anti-JO1. L’atteinte pulmonaire amène à proposer un traitement agressif. La DM médicamenteuse concerne les patients traités par l’hydroxyurée, l’atorvastatine, la D-pénicillamine.
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Anticorps et dermatomyosite
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Classification des dermatomyosites
Plusieurs anticorps ont été décrits dans la DM mais leur utilité est débattue. Les facteurs antinucléaires (FAN) sont présents dans 50 % et les
Plusieurs classifications sont utilisées pour classer les différentes myosites inflammatoires. Si celle de Bohan et Peter (tableau I) est la plus utilisée, elle rend
3
2-0717 - Dermatomyosite
Tableau I. – Critères diagnostiques de Bohan et Peter [1].
Tableau II. – Classement des myosites inflammatoires.
1. Déficit musculaire proximal avec ou sans dysphagie, avec ou sans atteinte des muscles respiratoires 2. Élévation des enzymes musculaires 3. Biopsie musculaire évocatrice : nécrose des fibres musculaires, infiltrat mononucléé 4. Électromyogramme : potentiels d’unité motrice courts, polyphasiques, fibrillations 5. Atteinte cutanée typique Diagnostic de DM Certain : si atteinte cutanée et 3 autres critères Probable : si atteinte cutanée et 2 critères Possible : si atteinte cutanée et 1 critère
Diagnostic de PM Certain : 4 critères Probable : 3 des 4 critères Possible : 2 des 4 critères
Dermatopolymyosite Groupe 1 Polymyosite (PM) Groupe 2 Dermatomyosite (DM) Groupe 3 PM ou DM avec cancer Groupe 4 DM juvénile Groupe 5 PM ou DM avec une connectivite Groupe 6 DM amyopathique Myosite à inclusion
DM : dermatomyosite ; PM : polymyosite
obligatoire l’atteinte musculaire au cours de la DM, ce qui n’est pas toujours le cas et tend à faire considérer la polymyosite comme une forme de
dermatomyosite sans dermatose. Ainsi, certains ont préféré le terme dermatopolymyosite, actuellement abandonné, en classant les myosites inflammatoires
en différents groupes qui correspondent davantage aux réalités cliniques (tableau II). À part, se situe le syndrome des antisynthétases.
Stéphane Barete : Chef de clinique-assistant. Camille Francès : Professeur. Olivier Chosidow : Professeur. Service de médecine interne, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : S Barete, C Francès et O Chosidow. Dermatomyosite. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0717, 2003, 4 p
Références [1] Bohan A, Peter JB, Bowman RL, Pearson CM. Computer-assisted analysis of 153 patients with polymyositis and dermatomyositis. Medicine 1977 ; 56 : 255-286
[3] Kovacs SO, Kovacs SC. Dermatomyositis. J Am Acad Dermatol 1998 ; 39 : 899-920
[2] Cherin P, Piette JC, Herson S, Bletry O, Wechsler B, Frances C, Godeau P. Dermatomyosite et cancer de l’ovaire : À propos de 7 cas et revue de la littérature. J Rheumatol 1993 ; 20 : 1897-1899
4
2-0718 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
2-0718
Sclérodermie S Barete, O Chosidow, C Francès
L
a sclérodermie systémique est une affection des tissus conjonctifs caractérisée par la présence d’une sclérose, d’une atteinte vasculaire des artérioles et de la microcirculation avec anomalies immunologiques. L’atteinte cutanée est d’une grande aide pour un diagnostic précoce de sclérodermie. Le CREST est en général une forme de bon pronostic de sclérodermie avec présence d’anticorps anticentromères. La sclérose cutanée diffuse est souvent associée à une atteinte pulmonaire interstitielle, digestive, cardiaque et anticorps anti-Scl70. Les morphées sont des atteintes cutanées similaires sans sclérose systémique. De nombreuses autres affections sont à l’origine d’une sclérose cutanée, parfois difficile à distinguer d’une sclérodermie.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : CREST, sclérodermie systémique.
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Introduction La sclérodermie systémique est une affection généralisée et caractérisée par la présence d’une sclérose des tissus conjonctifs, d’une atteinte vasculaire des artérioles et de la microcirculation avec anomalies immunologiques. L’atteinte cutanée est d’une grande aide diagnostique en débutant par une sclérodactylie souvent compliquée de troubles trophiques. Les télangiectasies et les dépôts calciques sont principalement observés dans une forme de bon pronostic dénommée CREST avec sclérose cutanée limitée, présence d’anticorps anticentromères, possibilité d’hypertension artérielle pulmonaire. La sclérose cutanée diffuse est plutôt l’apanage des formes sévères avec atteintes pulmonaire interstitielle, digestive, cardiaque et anticorps anti-Scl70. Les morphées ont un aspect histologique similaire à celui de la sclérodermie systémique. Il s’agit d’une atteinte uniquement cutanée avec un retentissement esthétique variable. De nombreuses autres affections sont à l’origine d’une sclérose cutanée qu’il est parfois difficile de distinguer d’une sclérodermie.
symptôme diagnostique majeur. Lorsqu’elle est discrète ou difficile à affirmer, d’autres manifestations dermatologiques peuvent orienter le diagnostic.
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Sclérose cutanée La sclérose cutanée est hautement évocatrice du diagnostic de sclérodermie sans être spécifique ni constante puisqu’il existe d’authentiques sclérodermies sans sclérose cutanée. Le diagnostic repose alors sur l’association des anomalies immunologiques et des atteintes viscérales. La sclérose correspond histologiquement à une fibrose dermique, c’est-à-dire à une densification du matériel fibrillaire du derme portant essentiellement sur le collagène synthétisé par les fibroblastes.
Elle débute habituellement aux doigts qui sont souvent initialement œdémateux, boudinés. Les pulpes deviennent lisses sans dermatoglyphes. Secondairement, la peau apparaît luisante, indurée, adhérente aux plans profonds, notamment des faces dorsales des phalanges (sclérodactylie) (fig 1). Peu à peu, les mouvements d’extension sont limités, les articulations se fixent en flexion avec un aspect des doigts effilés en griffe (fig 2). L’infiltration scléreuse s’étend sur les poignets et les avant-bras avec une peau adhérente au plan profond, ne se laissant pas plisser. La sclérose dermique a tendance
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Diagnostic d’une sclérodermie systémique La sclérodermie [2] débute généralement par un syndrome de Raynaud dont les caractéristiques sont décrites dans le chapitre du lupus. L’apparition d’une sclérose prédominante aux extrémités (acrosclérose) chez un sujet ayant un syndrome de Raynaud d’apparition récente, permet rapidement de faire le diagnostic. En effet, la sclérose cutanée est le
1 Sclérodactylie.
1
2 Main en griffe.
2-0718 - Sclérodermie
7 Gangrène digitale.
3 Visage sclérodermique.
4 Alopécie cicatricielle. 5 Sclérose cutanée paravertébrale.
tardivement avec raccourcissement du frein de la langue, élargissement de l’espace périodontal par sclérose du ligament alvéolodentaire, surtout pour les incisives. Lorsqu’il s’y associe une rétraction gingivale, le collet des dents est mis à nu entraînant leur déchaussement précoce. La muqueuse est pâle et sèche. La sclérose s’étend sur le décolleté, le tronc (fig 5), l’abdomen, la racine des membres. La peau est tendue, brillante, avec disparition du pli cutané, gêne de la mobilité respiratoire ou des mouvements abdominaux. Au début, la sclérose cutanée limitée aux doigts est parfois difficile à distinguer des mains de travailleurs manuels comportant un épaississement des différents composants cutanés prédominant sur les zones de friction ou de tension.
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Manifestations dermatologiques associées
6 Ulcérations pulpaires.
à atrophier les annexes. Ainsi, la sudation diminue ; les poils disparaissent progressivement. Au visage, la sclérose cutanée est à l’origine d’une sensation de tension anormale. Les rides du front disparaissent. La rétraction palpébrale donne un
éclat particulier du regard. Le nez est fin et pincé ; les lèvres sont amincies et rétractées avec exagération des plis radiés péribuccaux (fig 3). L’ouverture de la bouche (distance interincisives) devient limitée. Sur le cuir chevelu, il peut y avoir une alopécie cicatricielle (fig 4). La muqueuse buccale est atteinte plus
2
Les troubles trophiques sont très fréquents, localisés principalement aux doigts : microulcérations des pulpes (fig 6) ou du dos des articulations, cicatrices stellaires, gangrène digitale (fig 7), ongles dystrophiques avec épaississement de la cuticule. Les télangiectasies de la sclérodermie, contrairement à celles de la couperose, sont arrondies, localisées non seulement au visage, mais aussi aux mains (fig 8) et sur la muqueuse buccale. Elles sont parfois turgescentes, indiscernables de celles de la maladie de Rendu-Osler, accessibles comme elles à un traitement par laser. Les calcifications se constituent à bas bruit, formant des nodules, mobiles sur les plans profonds mais adhérents à la peau sus-jacente, souvent visibles à travers elle (fig 9). Elles sont localisées principalement sur les mains, également sur les avant-bras, les poignets, les coudes, les épaules, les genoux. Elles peuvent prendre un aspect pseudotumoral. Elles peuvent se compliquer ou se révéler par une poussée inflammatoire douloureuse, avec élimination d’une « bouillie blanchâtre ». À partir d’une certaine taille, elles sont visibles sur les radiographies des parties molles.
Sclérodermie - 2-0718
11 Mégacapillaires en capillaroscopie.
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Éléments du diagnostic positif de la sclérodermie systémique
8 Télangiectasies.
9 Calcinose nodulaire digitale. 10 Sclérodermie mentante.
Les troubles pigmentaires (fig 10) sont fréquents, surtout présents en peau scléreuse mais pouvant précéder la sclérose. La mélanodermie diffuse ou les plaques pigmentées sont observées essentiellement sur peau blanche alors que les dépigmentations initialement périfolliculaires en confettis puis en
dépig-
plages sont surtout observées sur peau noire à distinguer du vitiligo. Dans la forme œdémateuse, un œdème peut précéder la sclérose de plusieurs mois et persister au cours de l’évolution.
Tableau I. – Principaux antigènes et autoanticorps dans les sclérodermies systémiques. Détermination de l’antigène
Localisation de l’antigène
Topo-isomérase I
Nucléoplasme, nucléole
Centromères
Centromères
ARN polymérase I
Nucléole
PM-Scl
Nucléole
U1RNP
Nucléole
Relation autoanticorps/clinique Formes cutanées diffuses Atteintes pulmonaire interstitielle, cardiaque, rénale et digestive Formes cutanées limitées CREST Manifestations vasculaires : HTAP, nécrose digitale Formes cutanées diffuses Atteintes rénale, cardiaque Forme cutanée limitée Myosite, arthrite Arthrite, HTAP, syndrome sec Syndrome de Sharp
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire.
3
Le diagnostic de sclérodermie systémique est un diagnostic clinique [1]. La mise en évidence d’une fibrose dermique est inutile. La biopsie des extrémités des doigts est souvent douloureuse avec une cicatrisation difficile. L’aspect histologique est non spécifique, indissociable notamment de celui observé au cours des morphées. Au début existe dans le derme profond un infiltrat inflammatoire, constitué de lymphocytes, plasmocytes et de quelques mastocytes autour des vaisseaux et entre les faisceaux de collagène homogénéisés dissociés par l’œdème. Plus tard, au stade de fibrose, l’épiderme est normal ou atrophique ; la membrane basale est parfois horizontalisée ; tout le derme est occupé par d’épais faisceaux de collagène, tassés les uns contre les autres avec horizontalisation des fibres élastiques, disparition progressive des annexes pilosébacées et diminution des vaisseaux. La capillaroscopie périunguéale objective habituellement des mégacapillaires (fig 11) avec raréfaction du réseau vasculaire. Cet examen a un intérêt diagnostique essentiellement en présence d’un syndrome de Raynaud isolé. Le diagnostic clinique est souvent conforté par l’existence d’une atteinte extracutanée. Les atteintes digestive, pulmonaire, cardiaque et rénale sont décrites dans d’autres chapitres. Une atteinte articulaire est présente dans 40 à 90 % des cas à type d’arthralgies ou d’arthrites. Il s’agit le plus souvent d’une polyarthrite symétrique et d’un enraidissement articulaire touchant essentiellement les doigts, les poignets, les genoux, les chevilles avec possibilité d’un dérouillage matinal. Les signes objectifs articulaires sont habituellement mineurs. Des ténosynovites sont retrouvées aux extrémités des membres. D’un point de vue biologique, le syndrome inflammatoire est souvent discret sans valeur diagnostique. Il existe dans la majorité des cas des manifestations d’auto-immunité.
■
Diagnostic immunologique de la sclérodermie (tableau I) La fréquence des anticorps antinucléaires est variable selon le substrat utilisé. Ils sont présents dans 85 à 90 % des cas sur frottis cellulaires provenant de cultures de cellules appartenant à des lignées de division rapide (HEP-2). Ces anticorps antinoyaux se révèlent par une fluorescence
2-0718 - Sclérodermie
Tableau II. – Classification des sclérodermies.
Tableau III. – Critères de classification de la sclérodermie systémique.
Forme cutanée diffuse Critère majeur
Début du syndrome de Raynaud moins de 1 an avant les modifications cutanées Atteinte cutanée des racines des membres et du tronc Crissement des tendons Précocité et fréquence élevée de : - atteinte interstitielle pulmonaire - insuffısance rénale - atteinte gastro-intestinale diffuse - atteinte myocardique
Sclérodermie cutanée proximale Critères mineurs Sclérodactylie Cicatrice déprimée d’un doigt ou perte de substance de la partie distale de la pulpe digitale Fibrose pulmonaire des bases
Absence d’anticorps anticentromères Anticorps anti-topo-isomérase I (30 %) Capillaroscopie : dilatation et destruction des anses capillaires
Définitions Sclérodermie cutanée : tension, épaississement cutané et induration ne prenant pas le godet ; formes localisées de sclérodermie exclues Sclérodactylie : modifications cutanées sclérodermiques des doigts et des orteils Un critère majeur ou deux critères mineurs sont requis
Formes cutanées limitée Syndrome de Raynaud ancien (10 à 15 ans) Atteinte cutanée limitée aux extrémités (jusqu’aux coudes ou genoux) Risque d’hypertension artérielle pulmonaire d’apparition tardive avec ou sans : - atteinte interstitielle pulmonaire - névralgies du trijumeau - calcifications sous-cutanées - télangiectasies
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Syndromes apparentés à la sclérodermie systémique
Incidence élevée d’anticorps anticentromères Capillaroscopie : dilatation isolée des anses capillaires
‚ Morphées 12 Morphée en plaque du dos.
nucléolaire, mouchetée ou homogène. Ils correspondent à divers autoanticorps, les anticorps anticentromères et anti-topo-isomérase I ayant la plus grande valeur diagnostique. Ainsi, même si le diagnostic de sclérodermie est essentiellement clinique, la recherche des anticorps antinucléaires, anticentromères et anti-topoisomérase I fait partie du bilan biologique effectué devant toute suspicion de sclérodermie. Le taux de ces anticorps n’ayant aucune valeur pronostique, il est inutile de répéter régulièrement cette recherche. Il existe d’authentiques sclérodermies sans autoanticorps. Les atteintes extracutanées ont alors une grande valeur diagnostique. En leur absence, le diagnostic ne sera retenu qu’après élimination soigneuse des syndromes apparentés.
■
Critères de classification des sclérodermies systémiques
[3]
De nombreuses classifications des sclérodermies systémiques ont été proposées. La plus utile en pratique est celle de LeRoy et al (tableau II). Ces
formes constituent deux pôles avec de nombreuses formes intermédiaires. La forme cutanée limitée est souvent assimilée au CREST syndrome dont l’acronyme s i g n i fi e l ’ a s s o c i a t i o n d e c a l c i fi c a t i o n s , syndrome de Raynaud, atteinte œsophagienne (esophagus), sclérodactylie et télangiectasies. Il existe de nombreuses formes incomplètes ne réunissant pas toutes ces manifestations. Les formes de sclérodermie systémique sans sclérose cutanée n’ont pas de profil évolutif particulier et peuvent être regroupées avec les formes comportant une atteinte cutanée limitée.
Quant aux critères de classification (tableau III) souvent confondus avec des critères diagnostiques, ils sont tous hautement critiquables lorsqu’ils sont appliqués à des malades non rhumatologiques, particulièrement à des malades venus consulter en dermatologie.
4
Sous le terme de morphées sont regroupées différentes formes cliniques allant des plaques de morphée aux sclérodermies en coup de sabre du front en passant par les sclérodermies en bandes des membres. Les morphées en plaques (fig 12) sont les plus fréquentes. Dans la forme typique, elles débutent par une plaque rose lilas souple qui s’étend excentriquement. Le centre prend un aspect blanc nacré, ivoire et devient scléreux à la palpation, la peau ne se laissant plus plisser. La persistance d’une aréole érythémateuse rose-mauve appelée « lilac ring » témoigne de la persistance d’évolutivité des lésions. Après un temps très variable, la plaque se stabilise ou régresse en laissant souvent une atrophie et une pigmentation résiduelles. Au cuir chevelu persiste une alopécie cicatricielle. À l’opposé des plaques de morphées, le lichen scléreux cutané est presque toujours associé à une atteinte génitale. En cas de doute diagnostique entre morphées et lichen scléreux, la biopsie cutanée permettra de retenir le diagnostic de lichen scléreux devant l’existence d’une bande hyaline sous-épidermique dépourvue en fibres élastiques, bordée par un infiltrat inflammatoire sous-jacent. L’histologie des morphées est voisine de celle de la sclérodermie systémique. L’association morphées-lichen scléreux est assez fréquente. La sclérodermie en coup de sabre (fig 13) débute sur le front sous la forme d’une bande paramédiane de 1 à 3 cm de large, à base supérieure, débordant sur le cuir chevelu, à l’origine d’une alopécie cicatricielle. La zone verticale est déprimée en coup de sabre, témoignant d’une atrophie associée à la sclérose cutanée. Toutes les formes de passage existent entre les formes en coup de sabre uniquement cutanée et l’hémiatrophie faciale progressive de Parry-Romberg, caractérisée par une atrophie progressive du tissu adipeux cutané, des muscles, des cartilages et des os provoquant ainsi une dysmorphie faciale. L’hémiatrophie faciale débute généralement avant l’âge de 20 ans.
Sclérodermie - 2-0718
15 Syndrome de Sharp.
13 Sclérodermie en coup de sabre.
16 Fasciite de Shulman.
14 Sclérodermie monomélique. La sclérodermie en bandes est le plus souvent localisée sur un membre supérieur ou inférieur (monomélique) (fig 14), parfois sur deux (dimélique). Elle débute généralement en haut du membre formant des bandes scléroatrophiques de 2 à 5 cm de large d’extension progressive. Les structures sous-jacentes participent au processus scléroatrophique, en particulier les muscles, les tendons puis les os avec possibilité d’hyperostose linéaire en coulée visible sur les radiographies. La large majorité des patients avec morphées n’ont pas d’anticorps antinucléaires. Néanmoins, une prévalence de 30 à 60 % d’anticorps antinucléaires a été notée en cas d’atteinte cutanée diffuse et/ou évolutive. Il n’y a pratiquement jamais d’anticorps anticentromères ni d’anticorps anti-topo-isomérase I.
‚ Syndrome de Sharp En 1972, Sharp a isolé un tableau clinicobiologique caractérisé par l’association de manifestations cliniques de lupus érythémateux disséminé, de sclérodermie systémique et de dermatopolymyosite à la présence d’anticorps antinucléaires avec une
fluorescence mouchetée, ciblant des ribonucléoprotéines (RNP). L’atteinte est plutôt féminine avec un syndrome de Raynaud, des myalgies surtout proximales et des polyarthralgies bilatérales et symétriques, longtemps peu déformantes. Les doigts sont infiltrés, boudinés mais sans sclérodactylie (fig 15) avec parfois des télangiectasies de la sertissure unguéale. La capillaroscopie montre des images proches de celles de la sclérodermie avec un aspect dit « broussailleux ». Des macules érythémateuses du visage d’allure lupique, des troubles pigmentaires, une alopécie non cicatricielle peuvent compléter le tableau clinique. Biologiquement existent souvent un syndrome inflammatoire, une anémie, une leucopénie. Les anticorps antinoyaux de type moucheté sont présents à un titre élevé, dirigés contre l’association d’un acide ribonucléique (U1RNA) et de peptides dont le plus caractéristique a un poids moléculaire de 68-70 kDa.
‚ Fasciite de Shulman De début souvent brutal après un effort physique inusuel, la fasciite de Shulman se manifeste par des myalgies, des arthralgies, une sensation de gonflement associée à une asthénie et à un fébricule. À la phase d’état existe une infiltration cutanée profonde, la partie superficielle se laissant très finement plisser. L’aspect en peau d’orange, le marquage en creux du trajet des veines des membres (fig 16) et les œdèmes segmentaires évoquent l’atteinte profonde du fascia. Les lésions sont bilatérales et grossièrement symétriques touchant les avant-bras, les jambes, pouvant remonter sur les bras, les cuisses et le thorax.
5
Habituellement, le visage, les paumes, les plantes et l’abdomen sont respectés. L’impotence fonctionnelle est très variable avec enraidissement des mains, des poignets, des chevilles, des coudes, parfois arthrite, plus rarement ténosynovite, syndrome du canal carpien. À l’opposé de la sclérodermie, il n’y a pas de syndrome de Raynaud ni de mégacapillaires en capillaroscopie, ni d’atteinte viscérale. Des aspects de morphées en plaques sont parfois observés. Les deux anomalies biologiques les plus fréquemment observées sont l’hyperéosinophilie et l’hypergammaglobulinémie sans autoanticorps. La biopsie en monobloc de la peau au muscle confirme le diagnostic en mettant en évidence un épaississement important du fascia avec densification du collagène, infiltrat lymphoplasmocytaire, histiocytaire avec ou sans éosinophiles, pouvant s’étendre aux cloisons interfasciculaires. L’atteinte hématologique (10 %), à type le plus souvent d’aplasie médullaire, fait toute la gravité du syndrome de Shulman, apparaissant de manière contemporaine ou secondaire à l’atteinte des fascias.
‚ Sclérœdème de Buschke Il en existe deux grandes formes. La forme aiguë apparaît quelques jours à 1 mois après un épisode infectieux fébrile et touche surtout l’enfant par un aspect œdémateux localisé initialement au cou puis s’étendant au visage (fig 17), à la partie supérieure du tronc et à la partie proximale des membres. Les lésions régressent le plus souvent spontanément en quelques mois. À l’opposé, dans la forme chronique, les lésions similaires ont un début plus insidieux, une extension plus importante parfois à l’ensemble du tégument et une évolution durable. La forme
2-0718 - Sclérodermie
17 Sclérœdème de Buschke.
chronique est associée à une gammapathie monoclonale ou à un diabète avec hyperinsulinisme. L’aspect histologique cutané diffère de celui d’une sclérodermie uniquement à la phase précoce car les faisceaux de collagènes sont alors séparés par des fentes contenant des glycosaminoglycanes bien visibles avec les colorations comme le bleu Alcian.
‚ Scléromyxœdème Il s’agit d’une maladie rare caractérisée par l’association d’un état sclérodermiforme diffus à des lésions papuleuses localisées sur les poignets, la face dorsale des mains, les avant-bras et le visage. Le diagnostic est confirmé par l’examen anatomopathologique d’une zone papuleuse objectivant une fibrose avec des dépôts de glycosaminoglycanes dans le derme superficiel et moyen colorés par le
bleu Alcian. Il existe par ailleurs un infiltrat cellulaire essentiellement fibroblastique. Les examens biologiques mettent en évidence une gammapathie monoclonale, le plus souvent IgG à chaînes légères lambda.
‚ Autres aspects sclérodermiformes Des aspects sclérodermiformes ont également été décrits au cours de l’amylose primitive, de mastocytoses, de la réaction du greffon contre l’hôte, du syndrome de Werner, du rhumatisme fibroblastique. La chéiroarthropathie diabétique (fig 18), observée chez les diabétiques insulinodépendants mal équilibrés, correspond à un épaississement fibrosant des tissus cutané et périarticulaire entraînant un déficit d’extension des doigts.
18 Chéiroarthropathie du patient diabétique. En conclusion, s’il est relativement facile de reconnaître une sclérodermie dans la majorité des cas, de nombreuses autres affections peuvent se présenter sous un aspect sclérodermiforme pouvant prêter à confusion. L’analyse rigoureuse de l’aspect cutané, aidée au besoin d’une histologie cutanée, est alors indispensable ainsi que la recherche des atteintes viscérales, des anomalies immunologiques et capillaroscopiques.
Stéphane Barete : Docteur. Olivier Chosidow : Professeur. Camille Francès : Professeur. Service de médecine interne, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : S Barete, O Chosidow et C Francès. Sclérodermie. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0718, 2003, 6 p
Références [1] Fautrel B, Aeschlimann A, Bourgeois-Droin C, Bourgeois P. Sclérodermies. In : Kahn MF, Peltier AP, Meyer O, Piette JC éd. Maladies et syndromes systémiques. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 2000 : 469-532
[3] Le Roy EC, Black C, Fleischmajer R, Jablonska S, Krieg T, Medsger TA Jr et al. Scleroderma (systemic sclerosis) Classification, subsets and pathogenesis. J Rheumatol 1988 ; 15 : 202-205
[2] Francès C, Ayoub N, Barete S. Comment reconnaître une sclérodermie ? Rev Prat 2002 ; 52 : 1884-1890
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2-0719 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
2-0719
Manifestations cutanées de la sarcoïdose S Barete, N Ayoub, C Francès, O Chosidow
L
a sarcoïdose ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann est une granulomatose systémique ubiquitaire d’origine inconnue. La peau en est un organe cible privilégié. Le diagnostic est facile à trouver à l’examen clinique et à la biopsie. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : sarcoïdose, granulomatose.
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Introduction La sarcoïdose ou maladie de Besnier-BoeckSchaumann est une granulomatose systémique ubiquitaire d’origine indéterminée et probablement multifactorielle, où la peau est un organe cible privilégié. En effet, si l’examen radiographique pulmonaire de routine constitue la circonstance de découverte la plus fréquente de la sarcoïdose, les lésions cutanées, par leur accessibilité à l’examen clinique et à la biopsie, facilitent considérablement le diagnostic. Selon le mode de recrutement, la fréquence des manifestations cutanées dans les séries rapportées dans la littérature varie entre 12 et 50 % des cas de sarcoïdose, dont près du tiers seraient uniquement dermatologiques [1] . Il est possible d’opposer schématiquement l’érythème noueux au reste des manifestations cutanées dites spécifiques. Celles-ci sont plus fréquentes et habituellement plus sévères chez les sujets à peau noire. Les lésions spécifiques se caractérisent par un polymorphisme clinique qui est resté longtemps réfractaire à une classification simple et claire, mais auquel répond un dénominateur histologique commun. Un certain nombre de caractères cliniques communs peut cependant être souligné d’emblée : évolution chronique, infiltration, aspect érythématoviolacé, lupoïde s’atténuant progressivement et respect de l’épiderme. Les sarcoïdes à gros nodules [2] sont des lésions d’ordre centimétrique, lisses et fermes, érythémateuses, violacées ou brunâtres (fig 1, 2, 3). Elles sont habituellement peu nombreuses et confluent pour former des infiltrats saillants à centre déprimé et à surface télangiectasique. L’infiltration est « pâteuse » à la palpation et les lésions pâlissent à la vitropression. Le visage, les épaules et les bras sont les localisations de prédilection. Il s’agit de la forme la plus fréquente de sarcoïdose cutanée. Les sarcoïdes à petits nodules sont des papules d’ordre millimétrique, isolées ou multiples, bien limitées et fermes. Elles peuvent apparaître parfois sur un mode éruptif (fig 4). Elles intéressent le visage, le thorax, la partie proximale et la face d’extension
1 Sarcoïdes à gros nodules du front.
2 Grosse sarcoïde.
des membres et, plus rarement, les muqueuses. Leur disposition est tantôt linéaire, tantôt serpigineuse ou annulaire (fig 5). Des cicatrices télangiectasiques peuvent apparaître au terme d’une évolution chronique. Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec le granulome annulaire, les syphilides papuleuses, le lichen plan et l’acné rosacée faciale. Les sarcoïdes en plaques se traduisent par des placards infiltrés de plusieurs centimètres de taille, bien limités, parfois annulaires et de surface mamelonnée, siégeant surtout sur le visage et les
parties proximales des membres (fig 6). L’aspect des sarcoïdes en plaques et à gros nodules peut en imposer pour un lupus tuberculeux, une hématodermie, une leishmaniose, une lèpre ou une syphilis tardive. Le terme impropre de lupus pernio désigne les sarcoïdes infiltrantes d’aspect typique atteignant le visage, le nez (fig 7), les oreilles ou encore les extrémités, souvent associées à des lésions osseuses lytiques sous-jacentes. Là encore, l’infiltration est pâteuse, la couleur rouge violacée, jaunâtre à la vitropression (aspect lupoïde).
3 Sarcoïdes à gros nodules du visage.
1
2-0719 - Manifestations cutanées de la sarcoïdose
8 Sarcoïde sur ancienne cicatrice.
9 Pseudopelade sarcoïdosique.
10 Érythème noueux. 4 Sarcoïdes à petits nodules éruptifs.
5 Sarcoïdes à petits nodules d’aspect annulaire.
6 Sarcoïdes en plaques.
De nombreuses autres formes séméiologiques de sarcoïdose cutanée, plus rares, peuvent être décrites : des sarcoïdes sur cicatrices (fig 8) ou posttraumatiques évoquant un phénomène de Koebner, des atteintes palmoplantaires en plaques ou en nappes érythémateuses, des aspects érythrodermiques ou psoriasiformes en grandes nappes érythématosquameuses, des formes alopéciantes à type de pseudopelade (fig 9), pseudochalasiques, papulonécrotiques, dyschromiques ou ulcérées. Les lésions muqueuses se traduisent par une infiltration diffuse ou micronodulaire bien limitée (muqueuses nasale, gingivale, palatine ou conjonctivale). Elles sont rares en dehors de l’atteinte muqueuse du lupus pernio. L’érythème noueux, à l’opposé des lésions spécifiques de sarcoïdose, est plus fréquent chez les sujets de peau blanche (fig 10). Il s’intègre le plus souvent dans le syndrome de Löfgren (adénopathies médiastinales bilatérales, érythème noueux, fièvre et arthralgies), d’évolution habituellement spontanément très favorable.
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Histologie
7 Lupus pernio.
Les éléments histologiques sont communs pour les lésions cutanées et systémiques de la sarcoïdose. Il s’agit de granulomes constitués de cellules épithélioïdes, sans nécrose fibrinoïde, bien limités et entourés d’une couronne périphérique lymphocytaire. Les techniques immunohistochimiques ne sont
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pas indispensables ; elles montrent invariablement l’expression par les cellules épithélioïdes des marqueurs macrophagiques et histiocytaires, notamment l’antigène CD68. Une fibrose interstitielle est notée dans les lésions anciennes. Des inclusions silicosiques peuvent rarement être mises en évidence au sein des formations granulomateuses, notamment dans les sarcoïdes posttraumatiques. Leur signification exacte reste à déterminer.
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Éléments diagnostiques Devant une présentation cutanée de la sarcoïdose, il n’est pas nécessaire de pratiquer systématiquement un bilan d’extension exhaustif. Ainsi, en l’absence de points d’appels orientant vers l’atteinte d’un organe particulier, il convient de limiter les explorations initiales à une radiographie du thorax et aux dosages sériques de calcium, de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et des protéines de l’inflammation (protéine C-réactive, taux des gammaglobulines). La surveillance de l’évolutivité de la sarcoïdose repose sur ces paramètres biologiques auxquels s’ajoutent les épreuves fonctionnelles respiratoires avec DLCO (capacité de transfert de l’oxyde de carbone) et le lavage bronchoalvéolaire en cas d’atteinte respiratoire. L’intérêt de l’anergie tuberculinique (80 % des cas) se trouve limité du fait de la faible prévalence de la tuberculose en France.
Manifestations cutanées de la sarcoïdose - 2-0719
Stéphane Barete : Chef de clinique-assistant. Nakhlé Ayoub : Docteur. Camille Francès : Professeur. Olivier Chosidow : Professeur. Service de médecine interne, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : S Barete, N Ayoub, C Francès et O Chosidoww. Manifestations cutanées de la sarcoïdose. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0719, 2003, 3 p
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[1] Giuffrida TJ, Kerdel FA. Sarcoidosis. Dermatol Clin 2002 ; 20 : 435-447
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2-0720 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
2-0720
Maladie de Behçet S Barete, O Chosidow, C Francès
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a maladie de Behçet est une pathologie inflammatoire avec atteinte systémique potentiellement grave. Il s’agit d’une vasculite d’étiologie indéterminée dont les nombreuses manifestations cutanéomuqueuses sont essentielles pour porter le diagnostic dans la majorité des cas. Des critères internationaux ont été établis tels qu’une aphtose buccale, une aphtose génitale et une uvéite. Cette pathologie touche plus particulièrement les populations du bassin méditerranéen et du Japon.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : maladie de Behçet, vasculite, aphtose bipolaire.
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Introduction La maladie de Behçet est une pathologie inflammatoire de l’homme jeune avec atteinte systémique potentiellement grave (atteinte neurologique, digestive et/ou cardiovasculaire). Elle est considérée comme une vasculite d’étiologie indéterminée dont les manifestations cutanéomuqueuses, nombreuses, sont essentielles pour porter le diagnostic dans la majorité des cas. Des critères internationaux émis en 1990 ont été établis sur la triade décrite par Behçet en 1937 qui associe une aphtose buccale, une aphtose génitale et une uvéite. Si cette pathologie concerne préférentiellement les populations du bassin méditerranéen et du Japon, elle est en fait ubiquitaire et retrouvée chez des Français autochtones. Compte tenu d’une prévalence élevée dans cette population du HLA-B51, un facteur génétique est vraisemblable, mais la pathogénie demeure inconnue.
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Atteinte cutanée
1 Aphtose miliaire.
3 Aphtose majeure.
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‚ Aphtose buccale Elle est quasi constante mais parfois longtemps isolée. Plusieurs tableaux sont possibles bien qu’il n’y ait pas de spécificité d’aspect de cette aphtose par rapport aux aphtoses d’autres origines : – une aphtose herpétiforme dite miliaire sous l’aspect de dizaines d’ulcérations punctiformes de la langue et de la cavité buccale (fig 1) ; – une aphtose mineure avec quelques aphtes épars (ulcérations taillées à pic comblées par une membrane jaunâtre donnant un aspect beurre frais avec liseré inflammatoire périphérique) peu profonds et cicatrisant en 10 jours sans cicatrice (fig 2) ; – une aphtose majeure délabrante par les dimensions des aphtes et leurs profondeurs avec retentissement alimentaire majeur, complication directe de la douleur ressentie (fig 3).
2 Aphtose mineure. L’analyse histologique inutile le plus souvent retrouve une ulcération non spécifique ou plus rarement une vasculite leucocytoclasique. Néanmoins, plusieurs diagnostics différentiels doivent être envisagés devant des aphtes buccaux avant d’évoquer la maladie de Behçet : – viroses, notamment herpétique ou à entérovirus ; – maladie bulleuse : érythème polymorphe, pemphigus, lichen buccal érosif.
‚ Aphtose génitale Très douloureuse, elle survient parfois avec l’aphtose buccale mais souvent de façon non simultanée. Elle se manifeste par une atteinte préférentielle chez l’homme du scrotum (fig 4) et du fourreau de la verge avec une
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4 Ulcérations scrotales. ulcération à fond jaunâtre parfois précédée par des pseudofolliculites et chez la femme par une atteinte vulvaire ou vaginale de même aspect. La guérison est lente mais il persiste une cicatrice chez certains patients qui constitue un argument diagnostique important pour la maladie de Behçet quand retrouvée à l’examen des organes génitaux. L’analyse histologique n’est pas spécifique, il importe donc d’écarter les diagnostics différentiels des ulcérations génitales :
2-0720 - Maladie de Behçet
7 Syndrome de Sweet.
5 Pseudofolliculite.
centrées par les poils (fig 5). L’atteinte est ubiquitaire et prédomine sur les membres inférieurs et le tronc. L’histologie montre des foyers de nécrose suppurée, un infiltrat lymphocytaire CD4 et CD8 et une vasculite des veinules. Le test pathergique pratiqué sur la face antérieure de l’avant-bras par piqûre avec une aiguille stérile G21 avec sérum physiologique peut reproduire cette histologie. Il doit être lu (érythème, papule, pustule) et biopsié entre la 24e et la 48e heure.
‚ Nodules dermohypodermiques Ils constituent également un aspect cutané de la maladie de Behçet. Ils ont plusieurs causes : une hypodermite aiguë non spécifique prenant l’aspect classique d’un érythème noueux, une panniculite lymphohistiocytaire, une phlébite superficielle à trajet linéaire (fig 6) ou un syndrome de Sweet (fig 7).
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Atteintes extracutanées 6 Phlébite superficielle. – MST : syphilis, chancre mou, et herpès ; – érythème pigmenté fixe lié à un médicament ; – maladies bulleuses ; – ulcère aigu de la vulve de Lipschütz chez une jeune fille, habituellement sans récidive.
‚ Aphtose bipolaire Elle n’est pas pathognomonique de la maladie de Behçet puisqu’elle peut se rencontrer dans les entérocolopathies inflammatoires et la polychondrite atrophiante.
‚ Pseudofolliculites Elles sont dénommées ainsi car les pustules stériles avec halo périphérique érythémateux ne sont pas
Elles font la gravité de la maladie de Behçet [3]. – L’atteinte oculaire avec uvéite menaçant le pronostic visuel (cécité). Présente dans 60 % des cas, un examen ophtalmologique complet est nécessaire devant toute suspicion clinique de la maladie de Behçet. Les récidives éventuelles laissent des séquelles qui, cumulées, grèvent l’acuité visuelle de façon définitive. – L’atteinte neurologique (neuroBehçet) atteint 20 % des patients sous la forme d’une méningoencéphalite ou d’une thrombophlébite des sinus cérébraux. – L’atteinte vasculaire comporte surtout des thromboses majoritairement veineuses superficielles et profondes des membres inférieurs avec risque de thrombose de la veine cave ou des veines rénales. Plus rarement, le compartiment artériel est atteint avec l’aspect d’artérite inflammatoire.
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– L’atteinte articulaire touche 50 % des patients mais n’est pas en règle destructrice. – L’atteinte digestive est parfois grave en cas de complication à type de perforation. – L’orchite est classique.
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Classification Behçet
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Ulcération buccale récurrente : aphtose mineure, aphtose majeure ou ulcération herpétiforme observée par un clinicien ou le malade survenant au moins trois fois en 12 mois. + deux des quatre critères suivants : – ulcération génitale récurrente (aphtose ou cicatrice observée par un clinicien ou le malade) ; – lésions oculaires : uvéite antérieure, uvéite postérieure ou hyalite à l’examen à la lampe à fente ou vasculite rétinienne observée par un ophtalmologiste ; – lésions cutanées : érythème noueux observé par un clinicien ou le malade, pseudofolliculites ou lésions papulopustuleuses ou nodules acnéiformes observés par un clinicien en dehors de la période d’adolescence et du traitement par corticoïdes ; – test pathergique : lu par un clinicien entre la 24e et la 48e heure. Critères applicables en l’absence d’autres explications cliniques d’autres diagnostics. Si les signes dermatologiques sont souvent au premier plan dans la maladie de Behçet, l’écueil est de porter ce diagnostic par excès avec une thérapeutique inadaptée. Dépourvue de marqueur biologique discriminant pour cette pathologie, l’analyse sémiologique fine, l’anamnèse et l’utilisation des critères de diagnostic peuvent aider à porter le diagnostic.
Maladie de Behçet - 2-0720
Stéphane Barete : Chef de clinique-assistant. Olivier Chosidow : Professeur. Camille Francès : Professeur. Service de médecine interne, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : S Barete, O Chosidow et C Francès. Maladie de Behçet. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0720, 2003, 3 p
Références [1] Barnes CG. Behçet syndrome-classification et critères. Ann Méd Interne 1999 ; 150 : 477-482
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[2] Francès C. Manifestations cutanéo-muqueuses de la maladie de Behçet. Ann Méd Interne 1999 ; 150 : 535-541
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Mastocytoses S Barete, O Chosidow, C Francès
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es mastocytoses constituent un groupe hétérogène d’affections caractérisées par l’accumulation ou la prolifération anormale de mastocytes dans les tissus. Elles sont rares, d’apparition le plus souvent sporadique mais parfois familiale, et surtout très hétérogènes quant à leur expression clinique, leurs modalités évolutives et leur pronostic. La peau est le seul tissu atteint dans les mastocytoses cutanées, affections bénignes observées préférentiellement chez l’enfant, souvent spontanément résolutives. Les mastocytoses systémiques sont définies par l’atteinte d’un ou plusieurs viscères ou tissus, généralement la moelle osseuse, avec ou sans atteinte cutanée. Le caractère systémique concerne 10 à 30 % des mastocytoses, elles surviennent alors chez l’adulte généralement sans prédilection de sexe, et s’associent parfois à une hémopathie myéloïde. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : mastocytose cutanée, mastocytose systémique.
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Manifestations cliniques Elles sont secondaires à la libération des médiateurs mastocytaires et/ou à l’infiltration des différents organes et tissus.
‚ Manifestations paroxystiques La plus évocatrice est le flush réalisant un accès subit de rubéfaction généralisée ou limitée à la partie supérieure du corps. D’autres signes sont volontiers associés : céphalées, sensation ébrieuse, palpitations, hypotension pouvant aller jusqu’à la syncope et au décès, dyspnée, précordialgies, nausées, vomissements, diarrhée, paresthésies, parfois prurit, urticaire et bronchospasme ; plus rarement hypertension. Les flushs durent en moyenne 15 à 30 minutes avec des extrêmes allant de quelques minutes à plusieurs heures. Malgré leur durée prolongée et l’absence de cyanose, ils sont parfois difficiles à distinguer des flushs du syndrome carcinoïde. Les flushs surviennent spontanément ou sont déclenchés par divers facteurs. Ils sont liés à la libération d’histamine et d’agents vasodilatateurs (PGD2 ou ses métabolites). Les poussées congestives des lésions cutanées, principalement observées chez l’enfant, ont des facteurs déclenchants similaires ; leur intensité est variable, parfois à l’origine de lésions bulleuses. Un prurit généralisé accompagne volontiers les flushs et les poussées congestives des lésions ; il est plus rarement permanent.
‚ Manifestations dermatologiques [3] L’urticaire pigmentaire est la forme la plus fréquente et la plus reconnaissable, survenant à tout âge, même chez le sujet âgé ; elle réalise une éruption relativement monomorphe faite de macules ou maculopapules (fig 1), présentant selon les malades une grande variabilité de la taille de
2 Urticaire pigmentaire du pied.
1 Urticaire pigmentaire de la cuisse. 3 Signe de Darier. chaque élément (1 mm à plus de 1 cm de diamètre), de leur nombre (moins de 10 à plusieurs centaines) et de leur couleur allant du rouge violacé au brun. Les lésions à distribution symétrique prédominent sur le tronc, pouvant atteindre les membres (fig 2), plus rarement le visage et les muqueuses. La turgescence des éléments au décours du grattage réalise le pathognomonique signe de Darier (fig 3), cependant inconstant, à distinguer d’un simple dermographisme parfois associé. Certaines particularités sont propres à l’âge de survenue. Chez l’adulte, les lésions sont plus souvent petites,
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nombreuses, planes, de teinte plus foncée. Chez l’enfant, les lésions sont volontiers de grande taille, en quantité variable, ovalaires, allongées selon les plis cutanés, de teinte brun clair (fig 4), légèrement saillantes, de consistance élastique. La forme télangiectasique appelée « telangiectasia macularis eruptiva perstans » (TMEP), considérée comme une variante de l’urticaire pigmentaire, est plus trompeuse du fait de la prédominance des lésions télangiectasiques (fig 5), de la discrétion de la pigmentation et de l’absence du signe de Darier. Les
2-0721 - Mastocytoses
6 Mastocytose xanthélasmoïde du bras.
4 Mastocytose de l’enfant . lésions sont localisées principalement sur la partie supérieure du tronc. Plus fréquente chez l’adulte, elle est souvent de diagnostic histologique. Les mastocytoses papulonodulaires comprennent trois variétés : xanthélasmoïde (fig 6), multinodulaire globuleuse, tumorale, toutes observées essentiellement lors de la première enfance. L’éruption de la mastocytose xanthélasmoïde réalise des éléments ovalaires, jaune-chamois, saillants en plateau, de consistance élastique. Le signe de Darier est inconstant alors que les poussées congestives des plaques, souvent bulleuses, sont particulièrement fréquentes. Habituellement présente dès la naissance, cette forme peut apparaître pendant les premières semaines de la vie. La mastocytose multinodulaire globuleuse, parfois paucinodulaire, limitée à deux ou trois nodules strictement isolés, est le plus souvent multinodulaire. Elle forme alors une éruption généralisée avec de multiples éléments saillants en nodules hémisphériques de surface lisse, de consistance ferme, de la taille d’un pois à celui d’une
noisette, de teinte pâle allant du rose au jaune et parfois au blanc nacré. Cette dernière teinte explique la dénomination d’« urticaria depigmentosa » parfois donnée à cette forme. Le mastocytome, exceptionnel chez l’adulte mais très fréquent chez le petit enfant avant 3 ans, représente la troisième variété tumorale de ces mastocytoses papulonodulaires. Il s’agit d’un nodule unique, hémisphérique en dôme, brun-noir, assez ferme, simulant un histiocytofibrome, un mélanome de Spitz ou même un mélanome malin. Son diagnostic est histologique. La mastocytose cutanée diffuse est plus rare, observée chez l’enfant ou l’adulte, caractérisée par une infiltration mastocytaire généralisée du tégument (fig 7). La peau y est volontiers jaunâtre, épaissie, de consistance pâteuse. Du fait de cette coloration, de l’accentuation des lésions dans les plis de flexion et de la possibilité de petites papules, cette forme est parfois appelée « pseudoxanthomateuse ». Ailleurs, l’aspect de la peau peut être normal, érythrodermique ou pachydermique (fig 8). Le prurit est parfois très intense.
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Apport histopathologique
[5]
La diversité des manifestations cliniques contraste avec l’unicité de l’aspect histologique représenté par un infiltrat de mastocytes apparemment normaux et de quelques éosinophiles. Néanmoins, il n’y a pas de corrélation élevée entre les différentes présentations histologiques (infiltrat périvasculaire de la partie superficielle du derme, infiltrat en plage du derme
5 TMEP.
7 Mastocytose cutanée diffuse.
8 Aspect pachydermique. papillaire, infiltrat interstitiel ou nodulaire) et les aspects cliniques de mastocytose. Cet infiltrat est localisé préférentiellement dans le derme superficiel autour des vaisseaux, plus rarement nodulaire et alors plus profond. Des variantes existent suivant la forme de la cellule (ovalaire, plasmocytoïde ou d’allure fibroblastique), le siège préférentiel de l’infiltrat ou sa densité sans valeur pronostique établie. La forme la plus difficile d’interprétation est la forme TMEP car l’infiltrat mastocytaire périvasculaire n’est pas dense et parfois comparable à celui d’une dermatose inflammatoire (urticaire ou dermatite atopique). Cependant, dans ce cas, il y a un infiltrat lymphocytaire ou autre qui est classiquement absent en cas de mastocytose. Cette difficulté illustre l’absence actuelle de valeur numérique-seuil de mastocytes par unité de surface entrant dans la définition anatomopathologique de mastocytose. L’augmentation du contenu en mélanine des couches basales épidermiques rend compte de la pigmentation. Les poussées congestives correspondent à un œdème avec possibilité de décollements bulleux.
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Autres manifestations Elles concernent l’os, l’appareil digestif, les organes hématopoïétiques, le système nerveux central. Les localisations osseuses, en règle asymptomatiques, se manifestent surtout lors de complications : fractures des os longs (jusqu’à 10 à 20 % des cas) ou tassements vertébraux (3 à 10 %). Les anomalies radiologiques sont plus souvent diffuses (85 % des cas) que focales pures (5 %) ou mixtes (10 %). Les lésions diffuses sont soit condensantes prédominant sur le squelette axial, soit déminéralisantes, plus fréquemment reconnues et souvent d’allure banale, évoquant une
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Mastocytoses - 2-0721
ostéoporose. Les lésions lytiques focalisées réalisent des lacunes de taille variable, volontiers localisées sur la voûte crânienne et les os longs. Les lésions diffuses et focales peuvent s’associer, réalisant des images évocatrices de mastocytose. Le diagnostic repose sur la biopsie ostéomédullaire nécessitant certaines précautions : fixation à l’alcool, absence de décalcification, inclusion en résine plastique (méthacrylate) et coloration au bleu de toluidine et Giemsa. Par ailleurs, des formes d’ostéomalacies par diminution de l’absorption de vitamine D, notamment en cas d’atteinte digestive spécifique, ont été rapportées. L’atteinte digestive est possible avec douleurs abdominales, manifestations cliniques les plus fréquentes. Les douleurs dyspeptiques sont significativement associées à une hypersécrétion acide gastrique basale avec une sécrétion gastrique acide maximale proche de la normale, et en endoscopie à la présence d’ulcères duodénaux ou de duodénite, sans liaison marquée avec l’histaminémie. La diarrhée est le plus souvent intermittente accompagnant les flushs, rarement chronique, alors liée davantage à une hypersécrétion gastrique acide qu’à une accélération du transit digestif, très inconstante, et/ou à une malabsorption. Histologiquement, il existe fréquemment une augmentation non spécifique des mastocytes de la muqueuse et sous-muqueuse, et parfois une atrophie villositaire. L’endoscopie peut visualiser ces saillies nodulaires ainsi que des lésions d’allure urticarienne. L’hépatomégalie, fréquente, est liée à la mastocytose ou à une hémopathie associée. En règle asymptomatique, elle n’a pas de traduction biologique notable en dehors d’une élévation des phosphatases alcalines, parfois d’origine mixte hépatique et osseuse, et plus rarement des gammaglutamyl-transpeptidases. Histologiquement, existent une infiltration mastocytaire des espaces portes et/ou des travées sinusoïdales dans plus de la moitié des cas, fréquemment une fibrose portale et beaucoup plus rarement une cirrhose. Quelques observations d’hypertension portale sans cirrhose et d’ascite parfois exsudative ont été rapportées. Une atteinte hématologique peut être en rapport avec la mastocytose ou s’associer à une éventuelle hémopathie. Une splénomégalie généralement asymptomatique avec hépatomégalie est souvent présente dans les formes systémiques. Les aspects anatomopathologiques associent une infiltration mastocytaire et une fibrose trabéculaire d’importance très variable, une fréquente éosinophilie et parfois des foyers d’hématopoïèse. L’atteinte ganglionnaire périphérique ou profonde est moins fréquente, notée surtout dans les formes agressives ou associées à une hémopathie. L’infiltrat mastocytaire, de topographie volontiers paracorticale, s’accompagne d’une prolifération vasculaire et d’une éosinophilie, certains aspects pouvant prêter à confusion avec un lymphome T. Ailleurs, l’infiltrat envahit les follicules, voire l’ensemble du ganglion. L’atteinte médullaire, présente dans 90 % des formes systémiques, revêt un intérêt diagnostique majeur. La présence de quelques mastocytes isolés sur la ponction a une valeur limitée, étant également observée dans les mastocytoses réactionnelles. L’atteinte histologique typique avec des nodules
regroupant mastocytes, éosinophiles et lymphocytes est presque constante chez l’adulte, moins fréquente chez l’enfant. L’évolution est parfois marquée par l’apparition d’une myélofibrose marquée. Des anomalies de l’hémogramme s’observent dans plus de 50 % des formes systémiques. L’anémie est l’anomalie la plus courante, généralement modérée, normochrome, normocytaire, avec réticulocytose basse, parfois macrocytaire. Plus fréquente en cas d’hémopathie associée, l’anémie peut aussi être liée directement ou indirectement à la mastocytose, notamment dans les formes agressives : saignement, hypersplénisme, malabsorption, voire infiltration médullaire. D’autres anomalies sont possibles, également plus souvent observées dans les formes agressives ou associées à une hémopathie : hyperleucocytose, monocytose, hyperéosinophilie, leucopénie, thrombopénie, thrombocytose, mastocytes circulants. Diverses hémopathies (groupe II) ont été décrites en association avec les mastocytoses systémiques : syndromes myéloprolifératifs, syndromes myélodysplasiques, leucémies aiguës non lymphoblastiques, plus rarement lymphomes malins non hodgkiniens de divers types, neutropénie chronique, dysglobulinémie mono- ou biclonale. Diverses anomalies cytogénétiques ont été décrites dans les mastocytoses associées à une hémopathie myéloïde, mais aussi en leur absence. La fréquence de l’association mastocytosehémopathie myéloïde est généralement interprétée comme témoignant d’une anomalie d’une cellule souche hématopoïétique commune. Enfin, les leucémies à mastocytes (groupe IV) sont exceptionnelles, caractérisées par un pourcentage de mastocytes circulants supérieur à 10 %. Ces mastocytes, morphologiquement atypiques (lobulation nucléaire, multinucléation, hypogranularité) sont parfois difficiles à identifier, et le diagnostic différentiel délicat, notamment avec certaines leucémies myéloïdes chroniques transformées. Ces leucémies à mastocytes sont remarquables par l’absence de lésions cutanées, la fréquence des ulcères digestifs et leur résistance aux traitements. En outre, les très rares sarcomes à mastocytes rapportés dans la littérature peuvent évoluer en leucémie mastocytaire secondaire rejoignant le très mauvais pronostic de la forme primitive. D’autres manifestations ont été décrites : neuropsychiques (comitialité, polynévrite, anxiété, troubles mnésiques, dépression) ; respiratoires (dyspnée asthmatiforme ou asthme lors des flushs, infiltration mastocytaire pulmonaire d’expression radiologique avec des images réticulaires ou des nodules pleins) ; cardiaques (tachycardie, insuffisance cardiaque, trouble conductif ou de la repolarisation avec infiltration mastocytaire myocardique et péricardique) ; syndrome sec par infiltration mastocytaire des glandes salivaires ; urinaires (cystite interstitielle, pollakiurie et instabilité vésicale par infiltrat mastocytaire).
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Diagnostic
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Le diagnostic se pose très différemment selon la présence de lésions cutanées et de manifestations cliniques évoquant une forme systémique.
3
En présence d’une mastocytose cutanée apparemment isolée confirmée histologiquement, aucun bilan paraclinique n’est justifié chez l’enfant alors que des radiographies du squelette sont systématiquement pratiquées chez l’adulte. L’existence d’anomalies radiologiques évocatrices de mastocytose conduit à pratiquer une biopsie ostéomédullaire. Quant aux mastocytoses systémiques, la principale étape diagnostique est d’en évoquer l’éventualité. L’étape ultérieure de confirmation histologique est de difficulté variable suivant le tableau clinique. La peau est systématiquement biopsiée, même en l’absence de lésion évocatrice, du fait de la possibilité de formes diffuses inapparentes. Le diagnostic de mutation du c-kit peut être proposé dans certains centres de recherche et pourrait entrer dans le bilan systématique sur prélèvement de biopsie médullaire et/ou cutanée. Le diagnostic biologique repose sur le dosage de marqueurs mastocytaires biochimiques et immunologiques. On observe une augmentation de l’histaminémie et de l’histaminurie, des métabolites urinaires de la prostaglandine PGD2, de la tryptase plasmatique et d’un métabolite urinaire de l’histamine. Les dosages de ces médiateurs dans les liquides biologiques (sang et urine) sont effectués, mais ils sont peu spécifiques en raison de possibles faux positifs (en cas d’allergie) ou faux négatifs (en cas de mastocytoses non sécrétantes). La tryptase, molécule comprenant deux chaînes alpha (protryptase) et bêta, est un marqueur mastocytaire excrété dont le taux semble corrélé à l’importance de l’infiltrat mastocytaire. Ainsi, on a souligné une certaine valeur prédictive d’atteinte systémique des patients chez 50 % en cas de taux compris entre 25-75 ng/mL 50 % et 100 % si le taux est supérieur à 75 ng/mL. Quoi qu’il en soit, le diagnostic de mastocytose est avant tout histocytologique. En effet, lors d’une suspicion de mastocytose de l’adulte, un examen histologique du tissu impliqué et un examen morphologique des cellules des tissus (le plus souvent, biopsie de peau et de moelle osseuse) doivent être pratiqués d’emblée. Il est assez classique d’avoir recours à la coloration au bleu de toluidine. Si l’immaturité des mastocytes ne permet pas leur identification, notamment dans le cas des formes malignes, le typage par immunocytochimie avec un anticorps monoclonal antitryptase est alors nécessaire.
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Classification des mastocytoses
[1, 2]
L’hétérogénéité des mastocytoses en fonction de leur extension et de leur pronostic explique les différentes tentatives de classification. La plus ancienne classification pour le clinicien est celle de Travis en 1988 qui a été élaborée à partir de 58 cas de mastocytoses étudiés rétrospectivement. Une révision ultérieure en 1991 à l’issue d’un consensus par Metcalfe et al a conduit à des modifications dont l’intégration des formes cutanées isolées particulièrement fréquentes chez l’enfant (tableau I). En 2000, un nouveau consensus a été publié en proposant de distinguer par des arguments cliniques, histologiques, immunohistochimiques et cytologiques, les mastocytoses cutanées des
2-0721 - Mastocytoses
Tableau I. – Classification de Metcalfe et al révisée (1991).
Tableau II. – Classification des formes de mastocytose systémique révisée (2000).
Tableau III. – Critères diagnostiques des mastocytoses (2001).
I Mastocytose indolente A. Instabilité hémodynamique B. Lésions cutanées histologiquement prouvées C. Ulcère gastrique ou duodénal D. Malabsorption par infiltration mastocytaire E. Infiltration mastocytaire médullaire F. Atteinte osseuse G. Hépatosplénomégalie H. Adénopathies
IA Mastocytose indolente A. Instabilité hémodynamique B. Ulcère gastrique ou duodénal C. Malabsorption D. Atteinte osseuse caractérisée E. Hépatosplénomégalie F. Adénopathies IB Mastocytose indolente type « smouldering »
Mastocytose cutanée Atteinte cutanée typique (une des formes cliniques) avec histologie positive par infiltrat mastocytaire typique
II Mastocytose associée à une hémopathie A. Syndrome myéloprolifératif B. Syndrome myélodysplasique III Mastocytose agressive
II Mastocytose associée à une hémopathie A. Syndrome myéloprolifératif B. Syndrome myélodysplasique III Mastocytose agressive IV Leucémie à mastocytes
IV Leucémie à mastocytes différentes formes de mastocytoses systémiques (tableau II). Des critères majeurs et mineurs ont été proposés dans ce sens (tableau III). Plus récemment, une classification permettant de tenir compte de la présence ou non dans les tissus de mutations du récepteur c-kit a été proposée. Ceci apparaîtrait justifié pour la prise en charge thérapeutique optimale avec les inhibiteurs des tyrosines kinases existants ou en voie de synthèse dans le but de cibler les patients porteurs d’un certain type de mutation c-kit. Metcalfe et al distinguent quatre groupes (tableau I). – Le groupe I est celui des mastocytoses indolentes regroupant les formes systémiques bénignes. Ce sont les plus fréquentes (60 à 70 % des cas). Les lésions d’urticaire pigmentaire sont extrêmement fréquentes, et précèdent parfois de
plusieurs années, voire décennies la découverte d’une atteinte systémique. La survie à long terme n’est pas différente de celle de la population générale. L’évolution vers un autre groupe demeure exceptionnelle. Une nouvelle forme Ib appelée « smouldering » est proposée actuellement pour ce sous-groupe en raison d’un profil évolutif particulier avec survie prolongée, correspondant soit à une mastocytose systémique non diagnostiquée ancienne, soit à la préphase d’un groupe II ou IV. – Le groupe II (20 à 35 %) correspond aux mastocytoses associées à une hémopathie autre que la leucémie mastocytaire, qui en conditionne le pronostic. – Le groupe III regroupe par exclusion les mastocytoses agressives, qui comportent fréquemment des adénopathies et une éosinophilie ; les signes cutanés y sont inconstants. La survie moyenne est de 2 à 4 ans, le décès étant lié à une
Mastocytose systémique Critères majeurs Infiltrat dense multifocal de mastocytes (> 15 mastocytes agrégés) détectés sur sections de biopsie médullaire et/ou sur sections d’autres organes atteints Critères mineurs A. Présence de plus de 25 % de cellules fusiformes dans les sections de moelle ou d’organes extracutanés atteints ou plus de 25 % de mastocytes atypiques de l’ensemble des mastocytes observés sur un étalement de moelle B. Détection d’une mutation du codon 816 du c-kit dans la moelle ou les autres organes extracutanés analysés C. Détection de mastocytes Kit+ exprimant CD2 et/ou CD25 D. Tryptase sérique contrôlée > 20 ng/mL en dehors d’une autre hémopathie associée Si un critère majeur et un critère mineur ou trois critères mineurs sont remplis, le diagnostic de mastocytose systémique est retenu infiltration polyviscérale massive s’accompagnant volontiers d’une malabsorption sévère ou à l’apparition d’une hémopathie associée. – Le groupe IV est représenté par les rares leucémies mastocytaires caractérisées par un taux de mastocytes circulants supérieur à 10 %. On en rapproche l’exceptionnel sarcome à mastocytes.
Stéphane Barete : Chef de clinique-assistant. Olivier Chosidow : Professeur. Camille Francès : Professeur. Service de médecine interne, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : S Barete, O Chosidow et C Francès. Mastocytoses. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0721, 2003, 4 p
Références [1] Longley BJ, Metcalfe DD. A proposed classification of mastocytosis incorporating molecular genetics. Hematol Oncol Clin North Am 2000 ; 14 : 697-701
[4] Travis WD, Li CY, Bergstralh EJ, Yam LT, Swee RG. Systemic mast cell disease. Analysis of 58 cases and literature review. Medicine 1988 ; 67 : 345-368
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[3] Soter NA. Mastocytosis and the skin. Hematol Oncol Clin North Am 2000 ; 14 : 537-555
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2-0722 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
2-0722
Dermatoses paranéoplasiques S Barete, N Ayoub, C Francès, O Chosidow
L
es dermatoses paranéoplasiques sont caractérisées par une affection cutanée ou cutanéomuqueuse associée à des néoplasies sans relation directe avec les métastases ou les phénomènes de compression. Un examen dermatologique peut être utile pour diagnostiquer un cancer au stade précoce. Même si certaines dermatoses sont clairement associées à un cancer, tel le syndrome de Bazex et son évolution, la plupart ne dépendent pas de l’évolution de la tumeur.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : dermatose paranéoplasique, syndrome de Bazex.
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1 Acanthosis nigricans du dos.
Introduction Les dermatoses paranéoplasiques représentent un groupe d’affections cutanées ou cutanéomuqueuses caractérisées par leur association à des néoplasies et par une évolution parallèle à celle de la tumeur, néanmoins sans relation directe avec celle-ci (comme les métastases ou les phénomènes de compression). Elles peuvent, dans certains cas, amener le clinicien, par un simple examen attentif du tégument, à diagnostiquer un cancer au stade précoce. Certaines dermatoses, rares, telle l’acrokératose de Bazex sont obligatoirement associées à une néoplasie, alors que d’autres, plus fréquentes, le sont inconstamment.
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Acanthosis nigricans De diagnostic essentiellement clinique, cette dermatose ne revêt que rarement un caractère paranéoplasique. Les lésions débutent par un épaississement grisâtre des plis, de développement insidieux et symétrique. Ces lésions en plaques asymptomatiques s’assombrissent progressivement et se recouvrent d’une surface veloutée, papillomateuse. Elles intéressent essentiellement les grands plis (nuque, faces latérales du cou, aisselles, plis inguinaux) mais peuvent aussi toucher les plis nasogéniens, les aréoles et l’ombilic, le dos (fig 1). L’aspect histologique est superposable quelle que soit la cause de l’acanthosis nigricans (pigmentation, hyperkératose et papillomatose épidermiques). L’apparition récente, le développement rapide des lésions, l’atteinte des muqueuses (buccale, génitale et anale) et la présence d’une kératodermie palmoplantaire associée font suspecter le caractère paranéoplasique de l’acanthosis nigricans. La néoplasie sous-jacente est souvent à un stade avancé lors du diagnostic de la dermatose. Il s’agit le plus souvent d’un adénocarcinome gastrique, plus rarement colique, pulmonaire, thyroïdien, génital ou
d’un lymphome. Le diagnostic d’acanthosis nigricans ne justifie pas, en l’absence des indices cliniques de suspicion sus-cités, des explorations exhaustives à la recherche d’un cancer. L’acanthosis nigricans est en effet le plus souvent le témoin cutané d’un hyperinsulinisme chronique et s’expliquerait par l’activation non spécifique des récepteurs de l’epidermal growth factor. L’obésité, le diabète de type II ainsi que les syndromes avec insulinorésistance sont les cas de figure les plus fréquents en pratique courante.
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Acrokératose de Bazex
[2]
Il s’agit d’une éruption psoriasiforme asymptomatique (lésions érythématoviolacées recouvertes de squames plus ou moins épaisses et adhérentes) très particulière par sa topographie. Les lésions précoces touchent de façon symétrique les extrémités distales des mains (fig 2) et des pieds, le bord libre des oreilles et l’arête nasale ; elles s’étendent secondairement aux membres, au tronc et à la face (fig 3). Les ongles présentent
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généralement une hyperkératose sous-unguéale, des striations longitudinales et/ou une coloration jaunâtre. Le diagnostic de l’acrokératose paranéoplasique repose sur les éléments cliniques, la biopsie étant peu contributive du fait de l’absence de spécificité des données histologiques. Le patient type est un homme cinquantenaire, alcoolotabagique. Un carcinome épidermoïde de la sphère ORL est le plus souvent mis en évidence. Ce cancer peut être cliniquement silencieux et une évaluation exhaustive des voies aérodigestives supérieures est recommandée lorsque le diagnostic d’acrokératose paranéoplasique est posé. Exceptionnellement, il s’agit d’un adénocarcinome pulmonaire, digestif, uroprostatique, utérin ou d’un lymphome.
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Erythema gyratum repens Cette dermatose exceptionnelle mérite néanmoins d’être signalée en raison de son caractère paranéoplasique quasi constant. Elle se manifeste par une éruption prurigineuse touchant le
2-0722 - Dermatoses paranéoplasiques
2 Acrokératose de Bazex de la main.
3 Acrokératose de Bazex du visage.
tronc et la partie proximale des membres. Les lésions formées de bandes de 2 à 3 cm de large, souvent parallèles, d’aspect ondulé, serpigineux, évoquant des motifs de dentelle, d’arabesque ou encore des « nervures de bois » sont bordées d’une desquamation fine et sont remarquables par leur déplacement et leur progression de plusieurs centimètres par jour. Les éléments histologiques ne sont pas spécifiques. Une hyperéosinophilie est souvent présente. Les cancers qui sont associés à cette dermatose sont d’origine variable (poumon, voies aérodigestives supérieures, sein, tube digestif, ovaire).
4 Érythème nécrolytique des grands plis. 5 Érythème nécrolytique à extension centrifuge.
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Érythème nécrolytique migrateur [4] Caractéristique par ses aspects clinique et histologique, le tableau de l’érythème nécrolytique migrateur n’est pas sans rappeler les dermatoses carentielles (déficit en zinc, hypo-amino-acidémie). L’éruption prédomine au début dans les grands plis (fig 4) ou autour des orifices avant de s’étendre secondairement. Les lésions sont constituées de maculopapules érythémateuses en plages, devenant squameuses, parfois bulleuses, à extension centrifuge (fig 5). Une collerette desquamative et érosive borde les lésions. Une guérison centrale laisse la place à une hyperpigmentation résiduelle. L’atteinte des muqueuses (stomatite, glossite, chéilite, perlèche) et des phanères (onycholyse, cheveux fins et raréfiés) est fréquente. L’histologie est caractéristique : l’épiderme est le siège d’un œdème inter- et intracellulaire et d’une nécrose prédominante sur les couches superficielles avec formation de fentes longitudinales tandis que la partie inférieure de l’épiderme reste intacte (image dite de « tranche napolitaine »). L’érythème nécrolytique migrateur doit faire impérativement rechercher un glucagonome (survenant de manière
6 Hippocratisme digital.
sporadique ou dans le cadre des néoplasies endocriniennes multiples), encore que certains cas soient décrits en l’absence de celui-ci (malabsorption, hépatopathie chronique) sous le terme de pseudoglucagonomes. Le glucagonome est le plus souvent localisé à la queue du pancréas. Le
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diagnostic est orienté par une altération de l’état général associée à un diabète, une anémie, une thrombose. Il est confirmé par l’élévation de la glucagonémie, de la chromogranine A sérique et les données de l’imagerie abdominale. La sécrétion de glucagon par la tumeur induirait l’érythème
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7 Ichtyose des plis.
8 Ichtyose acquise.
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Ichtyose acquise Par opposition à l’ichtyose vulgaire apparaissant durant les premiers mois ou les premières années de vie, l’ichtyose acquise paranéoplasique se distingue par sa survenue à l’âge adulte, l’atteinte des plis et des surfaces de flexion (fig 7), l’aspect érythémateux et le prurit volontiers associés. Elle se manifeste par une peau sèche, craquelée et squameuse prédominant sur le tronc (fig 8) et les membres. Il peut exister une kératodermie palmoplantaire et une alopécie. L’ichtyose acquise, survenant probablement dans un contexte de prédisposition héréditaire latente, est une affection rare qui n’est pas toujours paranéoplasique. Elle peut être secondaire à une prise médicamenteuse (hypolipémiants, allopurinol, acide nicotinique, hypervitaminose A), faire suite à une malnutrition et survenir dans le cadre de maladies infectieuses (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], lèpre) ou systémiques (sarcoïdose, maladie de Crohn, collagénoses). L’ichtyose acquise paranéoplasique s’associe essentiellement à la maladie de Hodgkin, mais aussi aux lymphomes non hodgkiniens, aux myélomes, aux leucémies et, dans certains cas, à des tumeurs solides (poumon, sein, sphère génitale).
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Kératodermie palmaire pachydermatoglyphique [3]
9 Kératodermie plantaire pachydermatoglyphique.
Cette entité clinique (tripe-palms des Anglais) est caractérisée par un épaississement des crêtes dermatoglyphiques pulpaires et une kératodermie palmaire ou plantaire (fig 9) d’apparence quadrillée ou veloutée. L’examen histologique n’est pas nécessaire au diagnostic (hyperkératose et hyperacanthose épidermiques). Ce syndrome est le plus souvent paranéoplasique, mais des cas idiopathiques sont aussi rapportés. La néoplasie primitive est pulmonaire ou gastrique. Dans ce dernier cas de figure, un acanthosis nigricans complète volontiers le tableau clinique. Les facteurs de croissance épidermiques et/ou le TNF-a seraient impliqués dans la physiopathologie.
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Papillomatose cutanée floride
nécrolytique migrateur par l’hypoprotidémie et le déficit secondaire en acides aminés.
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Hippocratisme digital Ce terme fait référence à la description initiale de l’anomalie unguéale faite par Hippocrate dans son « Pronostic ». Il s’agit d’une incurvation unguéale en verre de montre dans le plan sagittal vers la face palmaire (fig 6). Il est inconstamment associé à une
hypertrophie des parties molles des dernières phalanges et à une cyanose locale. L’hippocratisme digital survient dans de multiples contextes : maladies pulmonaires chroniques, affections cardiovasculaires cyanogènes, abus de laxatifs… Le caractère paranéoplasique de l’hippocratisme digital dans certaines observations (cancer du poumon et plus rarement hémopathies) est attesté par la régression des anomalies unguéales après le traitement de la tumeur. Cette constatation est en fait assez rare du fait de la survie souvent très réduite des malades.
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L’efflorescence rapide et brutale de papillomes verruqueux cutanés dont l’aspect est semblable aux verrues vulgaires serait constamment paranéoplasique. À la papillomatose cutanée floride s’ajoutent souvent une papillomatose orale et un acanthosis nigricans. Le spectre clinique des néoplasies sous-jacentes est superposable à celui de l’acanthosis nigricans. À l’instar de celui-ci, la papillomatose cutanée floride s’expliquerait par la sécrétion tumorale de l’epidermal growth factor.
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Pemphigus paranéoplasique
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Cette entité clinique individualisée en 1990 est nettement plus rare que les autres dermatoses bulleuses auto-immunes. Particulier par sa présentation clinique, associant à des degrés
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aggravé par le contact avec l’eau ou les bains chauds. Un prurit généralisé peut aussi révéler un cancer du poumon, de l’estomac ou du côlon qui disparaît avec le traitement de la tumeur.
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Pityriasis rotunda Cette entité clinique très rare se présente sous la forme d’une ou de plusieurs macules squameuses du tronc et/ou des membres, non inflammatoires, parfois dyschromiques, mesurant de 1 à plusieurs dizaines de centimètres de diamètre et caractérisées par un aspect rond, comme tracé au compas quasi parfait des lésions. La présentation peut évoquer une dermatophytie ou un pityriasis versicolor. Deux formes méritent d’être individualisées : la forme touchant avec prédilection les adultes japonais et africains, volontiers paranéoplasique, associée au carcinome hépatocellulaire ou à la tuberculose, et la forme du sujet jeune européen, parfois familiale, sans contexte néoplasique. Les éléments histologiques et ultrastructuraux du pityriasis rotunda évoquent sa parenté avec l’ichtyose.
10 Pemphigus paranéoplasique de jambe. 11 Phlébite superficielle.
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Syndrome carcinoïde
variables des signes de pemphigus, de pemphigoïde bulleuse et d’érythème polymorphe, le pemphigus paranéoplasique l’est aussi par l’existence d’autoanticorps reconnaissant plusieurs cibles antigéniques épidermiques. Les signes muqueux sont habituellement au premier plan par l’atteinte érosive labiale, buccale et des voies aérodigestives supérieures. Une conjonctivite pseudomembraneuse est aussi fréquemment notée. Les lésions cutanées sont polymorphes et associent des lésions bulleuses en cocarde, des bulles tendues ou flasques avec signe de Nikolsky et des lésions lichénoïdes (fig 10). L’examen histologique montre une acantholyse (pemphigus) et une nécrose kératinocytaire basale (érythème polymorphe) ainsi qu’un infiltrat inflammatoire éosinophile et lymphocytaire dermique. L’immunofluorescence directe met en évidence des dépôts d’IgG et de C3 en intercellulaires et le long de la membrane basale. L’examen du sérum des malades en laboratoire spécialisé (immunotransfert, immunoprécipitation ou tests Elisa) met en évidence des anticorps dirigés contre plusieurs épitopes des desmosomes et des hémidesmosomes. Les proliférations lymphoïdes (lymphome, maladie de Castleman, leucémie
lymphoïde chronique) représentent l’essentiel des maladies associées. Le pronostic est habituellement péjoratif du fait de la sévérité et de la résistance thérapeutique des lésions muqueuses.
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Prurit diffus De nombreuses maladies internes peuvent s’accompagner de prurit diffus sine materia, c’est-à-dire sans lésions élémentaires dermatologiques évidentes à l’examen clinique. Outre les prurits de l’insuffisance rénale chronique, de la rétention biliaire, des dysthyroïdies, des intolérances médicamenteuses, de l’infection à VIH et de certaines parasitoses systémiques, d’authentiques cas de prurit diffus d’évolution paranéoplasique sont décrits. Lorsqu’il est intense et résistant à la thérapeutique, le prurit est un facteur de mauvais pronostic dans la maladie de Hodgkin. Un prurit prononcé fait aussi partie du tableau des proliférations lymphoïdes (lymphome angioimmunoblastique, maladie de Sézary, mycosis fongoïde), des gammapathies monoclonales et de la maladie de Vaquez. Il peut être déclenché ou
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Il est défini cliniquement par la survenue itérative de poussées vasomotrices du visage et du décolleté avec sensation de brûlure et de malaise général (tachycardie, dyspnée, angoisse). Une diarrhée motrice et/ou un bronchospasme accompagne souvent les épisodes de flush. Un érythème télangiectasique permanent intéressant la face, le cou et la partie haute du thorax finit par s’installer. Lorsqu’il est paranéoplasique, le syndrome carcinoïde est lié à une tumeur des cellules neuroendocrines du système APUD sécrétant des médiateurs vasoactifs (sérotonine, histamine, peptide intestinal vasoactif, kinine, prostaglandines) ou à un carcinome médullaire de la thyroïde. Les tumeurs carcinoïdes neuroendocrines se développent principalement au niveau du tube digestif, du carrefour pancréaticobiliaire, des bronches ou des ovaires. Avant de mettre en œuvre les explorations à la recherche d’une éventuelle néoplasie sous-jacente, les causes habituelles de flush doivent être éliminées (rosacée, érythème « pudique » lié à l’émotion, ménopause, alcool, mastocytose systémique, médicaments).
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Thrombophlébites migrantes superficielles Elles représentent souvent le premier signe d’appel d’une néoplasie latente et se manifestent par un cordon inflammatoire induré intéressant un segment superficiel du réseau veineux (fig 11) ou lymphatique. Cette présentation peut survenir dans un contexte d’embolies artérielles ou d’un syndrome hémorragique. La localisation inhabituelle de la thrombose (membre supérieur, tronc) constitue un signe d’alarme motivant la recherche d’un cancer pancréatique, mais aussi pulmonaire ou gastrique.
Dermatoses paranéoplasiques - 2-0722
Stéphane Barete : Chef de clinique-assistant. Nakhlé Ayoub : Docteur. Camille Francès : Professeur. Olivier Chosidow : Professeur. Service de médecine interne, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : S Barete, N Ayoub, C Francès et O Chosidow. Dermatoses paranéoplasiques. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0722, 2003, 5 p
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2-0724 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
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Tumeurs cutanées avec lésions précancéreuses MS Gautier
L
es tumeurs cutanées sont très nombreuses. Toutes les structures de la peau peuvent être à l’origine d’un processus bénin ou malin et l’apport diagnostique de l’anatomie pathologique est capital. Sont traitées ici les dermatoses précancéreuses et les tumeurs cutanées malignes les plus fréquentes, à savoir les carcinomes basocellulaires, les carcinomes spinocellulaires et les mélanomes.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : dermatoses précancéreuses, carcinomes basocellulaires, carcinomes spinocellulaires, mélanomes.
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Dermatoses précancéreuses Les lésions précancéreuses épidermiques ou muqueuses, définies histologiquement par une dysplasie tissulaire et des atypies nucléaires de l’épithélium, doivent être reconnues par le praticien avant d’être traitées à ce stade.
‚ Lésions précancéreuses cutanées (tableau I) Maladie de Bowen Il s’agit en fait d’un véritable carcinome intraépithélial. En l’absence de traitement, l’évolution vers un carcinome invasif est inéluctable. Elle est traitée dans le paragraphe des tumeurs cutanées malignes.
1 Kératose précarcinomateuse. Cliché professeur Revuz.
Tableau I. – Précancéroses cutanées. Maladie de Bowen Kératoses séniles ou actiniques : les plus fréquentes Kératoses arsenicales : devenues rares, kératodermie cloutée et râpeuse et lésions kératosiques des extrémités Kératoses du brai et des hydrocarbures : devenues anecdotiques du fait de l’amélioration des conditions de travail Radiodermites : risque de carcinomes basocellulaires (avec ou sans radiodystrophie clinique préalable), et de carcinomes spinocellulaires (toujours sur radiodystrophie) Infections épidermiques à HPV oncogènes, épidermodysplasie verruciforme de LutzLewandowski et papuloses bowénoïdes des organes génitaux Dysplasies épidermiques génétiques : porokératoses de Mibelli et hamartomes verrucosébacés
2 Kératose précarcinomateuse. Cliché professeur Revuz.
‚ Kératoses précarcinomateuses (kératoses actiniques ou séniles) (fig 1, 2) Diagnostic Observez les figures 1 et 2. – La figure 1 correspond à une lésion du sourcil gauche composée d’une petite macule érythéma-
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teuse au centre entourée d’une lésion brunâtre mal limitée à peine rugueuse au toucher. – La figure 2 correspond à une lésion beaucoup plus hyperkératosique et plus brune du versant gauche du nez. Ce sont toutes deux des kératoses actiniques. Le diagnostic est clinique. Elles siègent sur les zones découvertes. Ce sont des taches érythémateuses aux limites imprécises, mesurant de 0,5 à 3 cm de diamètre, rugueuses au toucher, recouvertes d’une hyperkératose adhérente, jaune ou brunâtre, saignant si l’on essaie de la détacher. Quand la base de la lésion s’infiltre, quand elle devient hyperkératosique (corne cutanée) (fig 2), quand elle s’ulcère ou quand elle récidive après application d’azote liquide, il faut craindre une transformation vers un carcinome épidermoïde et un contrôle histologique s’impose. Ce sont les plus fréquentes des lésions précancéreuses cutanées. Elles surviennent chez les sujets âgés, à peau claire et ayant été exposés au soleil. Elles sont à l’origine de l’immense majorité des carcinomes spinocellulaires (CSC), d’où l’intérêt de leur prise en charge thérapeutique préventive et curative. Le taux de transformation en carcinomes invasifs est d’environ 20 %. Le traitement consiste en l’application d’azote liquide, électrocoagulation superficielle ou lorsque les lésions sont très nombreuses, l’application quotidienne de crème au 5-fluorouracile jusqu’à ce que la peau soit érosive. L’imiquimod en gel (immunostimulant) est en cours d’évaluation. La corne cutanée doit être traitée systématiquement par exérèse chirurgicale.
Lésions précancéreuses des muqueuses Les lésions précancéreuses des muqueuses passent habituellement par un stade de leucokératose puis de leucoplasie. On distingue les chéilites (sur les lèvres, surtout inférieures) et les leucokératoses buccales (sur le tiers antérieur de la muqueuse jugale), dont le principal facteur étiologique est le tabac qu’il faut supprimer, les leucokératoses génitales sur lichen scléreux et les leucokératoses anales. Ces lésions doivent être surveillées et biopsiées au moindre signe suspect
2-0724 - Tumeurs cutanées avec lésions précancéreuses
(ulcération, induration et toute lésion de lichen scléreux ne répondant pas à une corticothérapie locale de niveau 1 quotidienne de 4 à 5 semaines).
Papillomavirus (HPV) oncogènes La maladie de Bowen des muqueuses est traitée dans le paragraphe des tumeurs cutanées. La papulose bowénoïde des muqueuses génitales de la femme, où le rôle de certains HPV cocarcinogènes (HPV 16-18-31-33) est incriminé. Le pronostic de cette affection est lié au risque de dysplasie cervicale (65 %) nécessitant un frottis annuel.
Essentiel à connaître Les kératoses précarcinomateuses séniles ou actiniques doivent être éliminées complètement et systématiquement quel que soit le moyen thérapeutique utilisé. Un suivi clinique régulier est nécessaire car d’autres kératoses actiniques vont apparaître durant toute la vie, le potentiel solaire étant déjà acquis et les dommages cutanés effectués depuis longtemps.
6 Carcinome basocellulaire ulcéré. Cliché professeur Revuz.
3 Carcinome basocellulaire nodulaire. Cliché professeur Revuz.
Quand adresser le patient au spécialiste ? Devant toute infiltration et/ou ulcération d’une lésion précancéreuse, pour biopsie cutanée.
Erreurs à éviter Négliger ces lésions précancéreuses sous prétexte que le patient est âgé. Une application d’azote liquide est facile et peu coûteuse en comparaison au traitement d’un carcinome épidermoïde, qui peut être très difficile sur un terrain fragile.
4 Carcinome basocellulaire pagétoïde. Cliché professeur Revuz.
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Tumeurs cutanées malignes Les tumeurs cutanées sont extrêmement nombreuses. Toutes les structures de la peau peuvent être à l’origine d’un processus malin et l’apport diagnostic de l’anatomie pathologique est capital. Sont donc traitées ici les tumeurs cutanées malignes les plus fréquentes, à savoir les tumeurs cutanées malignes épithéliales et les mélanomes malins.
7 Carcinome basocellulaire térébrant. Cliché professeur Revuz.
‚ Tumeurs cutanées épithéliales malignes : carcinomes cutanés
C’est le cancer le plus fréquent chez l’homme de peau blanche et le plus fréquent des carcinomes cutanés (80 % des carcinomes cutanés). Sa malignité, essentiellement locale, fait qu’il n’entraîne qu’exceptionnellement la mort, mais son diagnostic trop tardif peut obliger à un traitement mutilant. Le soleil en est, pour certains, le facteur étiologique majeur, d’où l’importance des mesures de photoprotection pour sa prévention. Le sex-ratio homme/femme est de 1,3. La moyenne d’âge de survenue est située entre 50 et 60 ans, soit 10 ans plus tôt que le CSC. Les facteurs favorisants sont résumés dans le tableau III.
On en distingue deux grands types : – les carcinomes basocellulaires (CBC) à malignité essentiellement locale ; – les CSC, qui se développent le plus souvent sur une lésion épithéliale précancéreuse et qui présentent un potentiel métastatique important.
Carcinomes basocellulaires (fig 3, 4, 5, 6, 7)
¶ Diagnostic Observez les figures 3 à 7. Quels sont vos diagnostics ? Deux (fig 3, 6) sont évidents car on y retrouve la lésion élémentaire, la perle, petite voussure translucide de 1 à 5 mm environ, parfois télangiectasique, qui s’observe le plus souvent en périphérie de la lésion (retrouvée au centre sur la figure 3 et en periphérie sur la figure 6). Le CBC de la figure 3 correspond à un CBC nodulaire et celui de la figure 6 à un CBC ulcéré. Les autres figures (fig 4, 5, 7) correspondent aux formes anatomocliniques résumées dans le tableau II.
¶ Histopathologie On observe de gros lobules épithéliaux constitués d’amas de petites cellules basophiles avec une ou plusieurs cavitations pseudokystiques
¶ Épidémiologie
5 Carcinome basocellulaire sclérodermiforme. Cliché professeur Revuz. La figure 4 est un CBC pagétoïde pouvant être pris à tort pour un eczéma, d’où la nécessité de biopsier tout eczéma ne guérissant pas sous dermocorticoïdes. La figure 5 correspond à un CBC sclérodermiforme : aspect rétractile pris parfois à tort pour une ancienne cicatrice. La figure 7 correspond à un CBC térébrant déjà bien avancé avec envahissement de tout le globe oculaire. Le diagnostic de CBC, le plus souvent évident cliniquement, doit toujours être confirmé par une biopsie cutanée. Il est le plus souvent localisé au visage : 85 % des CBC siègent sur la tête et le cou et les 15 % restants essentiellement sur le tronc. Les muqueuses ne sont jamais atteintes. Les formes anatomocliniques sont résumées dans le tableau II.
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¶ Évolution L’évolution spontanée des CBC est caractérisée par une croissance lente, quasi exclusivement locale, les métastases n’étant qu’exceptionnelles. Cependant, les CBC peuvent envahir et détruire les structures voisines osseuses ou viscérales. Le risque de récidive, après excision complète, est en moyenne de 5 %. Soixante-quinze à 80 % des récidives surviennent dans les 5 premières années.
Tumeurs cutanées avec lésions précancéreuses - 2-0724
Autres traitements
Tableau II. – Formes anatomocliniques des carcinomes basocellulaires (CBC). Formes anatomocliniques
Aspect cliniques
CBC nodulaire
Une ou plusieurs perles fermes Taille : quelques millimètres à plus de 1 cm
Visage et tronc surtout
CBC plan cicatriciel
Perle s’étendant de façon centrifuge et superficielle, avec zone centrale cicatricielle et bordure perlée Taille jusqu’à plusieurs centimètres
Front, cuir chevelu, tronc
CBC pagétoïde (de Darier)
Plaque érythématosquameuse avec croûtelles arrondies à bordures parfois perlées sans régression centrale évoquant un eczéma ou une maladie de Paget
Tronc surtout
CBC sclérodermiforme
Infiltration scléreuse pseudocicatricielle mal limitée
Face surtout
CBC térébrant ou ulcus rodens
Forme la plus grave : élevure rosée perlée à centre ulcéré en coup d’ongle à évolution torpide avec atteinte des plans profonds
Face surtout
¶ Surveillance
¶ Facteurs pronostiques
– résultat esthétique convenable ;
La malignité locale est plus forte pour les carcinomes sclérodermiformes, ulcéreux et térébrants et pour les carcinomes des « fentes embryonnaires » (sillons périnarinaires, angles naso-orbitaires et régions rétroauriculaires). Les CBC invasifs ayant dépassé le plan dermique récidivent plus souvent, parce qu’ils sont plus souvent insuffisamment traités.
– minimum de désagréments pour le patient ;
¶ Traitement [4] La guérison définitive des CBC est assurée dans 95 % des cas, quel que soit le moyen thérapeutique utilisé. Le traitement doit être choisi en fonction du contexte (caractère de la tumeur, âge du patient, problèmes anesthésiques, traitements anticoagulants). Il existe deux grands principes de traitement : l’exérèse de la tumeur et la destruction in situ. L’avantage d’enlever la lésion est la possibilité de faire un contrôle histologique et de s’assurer du caractère complet de l’exérèse. Les buts à atteindre sont : – efficacité carcinologique ;
– Cryochirurgie à l’azote liquide ou au protoxyde d’azote : les résultats carcinologiques sont encore en cours d’évaluation. – Électrocoagulation-curetage : pratiquée sous anesthésie locale, elle consiste à enlever la lésion avec une curette tranchante, puis à électrocoaguler la cavité d’évidement. Le taux de récidive est plus élevé qu’avec les autres techniques : elle n’est donc indiquée que dans les zones à faible risque et chez les patients très âgés, en raison de la rapidité du geste. – Laser CO2 : il peut être utilisé dans les tumeurs superficielles du tronc ou des membres supérieurs et dans la nævomatose basocellulaire, en raison de sa simplicité pour le patient lors du traitement des lésions multiples. – Imiquimod : les résultats carcinologiques sont encore en cours d’évaluation.
Siège
La surveillance des cicatrices est nécessaire, pendant les 3 premières années correspondant au délai où le risque de récidive est maximum.
– coût minimal. Les deux principaux traitements sont la chirurgie et la radiothérapie (tableau IV). Chirurgie d’exérèse Elle a l’avantage de déterminer le caractère complet ou non de l’exérèse et doit être pratiquée le plus souvent possible. Le taux de récidive est de 4 % à 5 ans. Radiothérapie Il s’agit surtout de radiothérapie superficielle (de contact ou intermédiaire). L’endocuriethérapie et la radiothérapie transcutanée (250 kev) sont réservées à des cas difficiles. Le taux de récidives est de 7 % à 5 ans. En cas de récidive, il n’est pas possible de traiter une deuxième fois par radiothérapie. Elle est réservée aux sujets âgés et aux contre-indications de l’anesthésie.
¶ Prévention C’est la photoprotection consistant par ordre d’efficacité décroissante à : – éviter de sortir aux heures chaudes entre 12 heures et 16 heures (heure où le soleil est au zénith en France, l’été) ; – se protéger par des vêtements et chapeaux à bords de 5 cm tout autour, une casquette protégeant mal les joues ; – écran total d’indice 60 SPF sur toutes les zones découvertes, à renouveler toutes les 2 heures.
¶ Essentiel à connaître Le CBC est un cancer cutané à malignité locale. Le traitement de choix est chirurgical avec contrôle histologique afin de s’assurer du caractère complet de l’exérèse.
Tableau III. – Facteurs favorisant la survenue des carcinomes basocellulaires. Facteurs favorisants Caractéristiques
Soleil
Rayons X
Atteinte des sujets à peau claire
Latente de quelques mois à > 50 ans. Survenue possible sans radiodystrophie
Traumatismes et brûlures
Hamartome sébacé QS
Nœvomatose basocellulaire ou syndrome de Gorlin Affection génétique à transmission autosomique dominante : carcinomes basocellulaires multiples + pits ou trous palmoplantaires + kystes maxillaires + malformation osseuses
Tableau IV. – Comparaison des deux principaux traitements des carcinomes basocellulaires. Chirurgie d’exérèse
Radiothérapie (RT)
Avantages
Détermine le caractère complet ou non de l’exérèse Meilleur résultat esthétique Moins de récidives (4 % à 5 ans)
Simplicité et moindre coût s’il s’agit de RT superficielle (RT de contact ou intermédiaire), l’endocuriethérapie et la RT transcutanée (250 KeV) sont réservées à des cas diffıciles
Inconvénients
Anesthésie Nécessite plus souvent une hospitalisation si l’anesthésie est générale ou selon le mode de reconstruction (plastie ou greffe)
Pas d’analyse de la qualité carcinologique du traitement Plus de récidives : 7 % à 5 ans Impossibilité de traiter par RT une deuxième fois une éventuelle récidive (surdosage)
Indications
Le plus souvent possible
Sujets âgés Contre-indications de l’anesthésie, patients sous anticoagulants
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chéilite actinique. Les autres facteurs de risque sont : le tabagisme et le mauvais état buccodentaire. – Carcinome vulvaire : il est peu fréquent. Il survient surtout après la ménopause et le plus souvent sur un lichen scléreux dont les lésions restent visibles, en dehors de la tumeur. Les formes ulcéreuses indurées sont les plus fréquentes. – Carcinome de la verge : il est localisé sur le gland ou le sillon balanopréputial, et sa survenue est favorisée par le phimosis serré, les balanoposthites récidivantes et le lichen scléreux génital, d’où le rôle prophylactique important de la circoncision. Il se présente comme une plaque indurée et/ou ulcérée ou comme une prolifération végétante. Carcinomes péri-unguéaux. Dans cette localisation, le rôle oncogène des HPV peut être important (HPV16 surtout).
¶ Histopathologie
8 Carcinome épidermoïde. Cliché professeur Revuz. 10 Carcinome épidermoïde rétroauriculaire. Cliché professeur Revuz.
Le diagnostic est histologique. Le CSC, dans sa forme typique bien différenciée, est constitué d’épaisses travées cellulaires irrégulières connectées à l’épiderme, constituées de grands kératinocytes éosinophiles, s’ordonnant parfois autour de petites masses de kératine. Les cellules sont riches en mitoses et en monstruosités nucléaires et cytoplasmiques.
¶ Épidémiologie En France et aux États-Unis, les CSC représentent environ 20 % des carcinomes cutanés. L’incidence des CSC augmente avec l’âge. La moyenne d’âge de survenue est située entre 60 et 70 ans. Le sex-ratio homme/femme est de 2. La survenue d’un CSC, en l’absence d’élastose actinique, doit faire rechercher un facteur favorisant.
9 Carcinome épidermoïde de la lèvre inférieure. Cliché professeur Revuz.
¶ Facteurs favorisants
¶ Quand adresser le patient au spécialiste ? Devant toute lésion cutanée apparue depuis plus de 1 mois et n’ayant pas tendance à guérir.
¶ Erreurs à éviter Négliger les CBC sous prétexte que la malignité n’est que locale ou que le patient est trop âgé. La croissance est lente mais inéluctable. Trop de patients âgés de 90 ans viennent consulter avec des CBC au-delà de toutes ressources thérapeutiques qui ont été négligés par leurs praticiens 10 ans auparavant sous prétexte que le patient était âgé. La prolongation de l’espérance de vie doit nous rendre plus agressifs avec ce type de tumeur.
Carcinomes spinocellulaires (carcinomes épidermoïdes) [6] (fig 3) Le CSC ou carcinome épidermoïde cutané est une tumeur invasive développée aux dépens des kératinocytes épidermiques. Il survient plutôt sur des dysplasies cutanées que de novo. Plus rares que les CBC, les CSC sont beaucoup plus agressifs, avec risque de dissémination métastatique entraînant la mort en l’absence d’un traitement précoce adéquat. Le facteur de risque majeur est l’exposition solaire, mais dans certaines localisations, le rôle de certains HPV est important. Le traitement est dominé par la chirurgie mais la photoprotection, le dépistage et la destruction systématique des lésions précancéreuses sont les meilleurs traitements préventifs.
¶ Diagnostic Clinique Observez les figures 8, 9, 10, 11.
11 Carcinome épidermoïde frontotemporal. Cliché professeur Revuz. Toutes sont des tumeurs saillantes, dures, infiltrées et ulcérées. Le diagnostic de malignité est aisé. La lésion débutante est une petite tumeur dure, kératinisée, à base infiltrée. Elle évolue rapidement vers une tumeur saillante avec ulcération indolore à fond dur et à bordure surélevée, à base infiltrée, qui saigne spontanément ou au toucher. Il existe des formes verruqueuses des muqueuses buccales et génitales, à malignité essentiellement locale. On rattache à cette entité : le carcinome verruqueux des membres inférieurs, la papillomatose orale floride, la tumeur de Buschke-Löwenstein localisée sur les organes génitaux ou dans la région périanale. Il s’agit de tumeurs de diagnostic difficile, dont la preuve histologique est souvent tardive du fait de prélèvements superficiels qui ne montrent qu’une papillomatose épidermique sans dysplasie remarquable. Il faut savoir se méfier de diagnostics tels qu’ulcère, mal perforant ou verrue plantaire géante résistant aux traitements usuels.
¶ Formes topographiques Carcinomes des muqueuses ou demi-muqueuses. – Carcinome de la lèvre : il représente 50 % des CSC de la face. Il siège pratiquement toujours sur la lèvre inférieure qui est exposée au soleil, avec
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– dose cumulative d’exposition solaire et phototype clair. Le CSC du sujet caucasien survient essentiellement sur les zones photoexposées : visage et dos des mains ; – infection à HPV (surtout HPV16 ou HPV18) : à rechercher systématiquement dans les localisations génitales, périanales et périunguéales ; – autres : puvathérapie, génodermatoses (xeroderma pigmentosum), cicatrices préexistantes, cicatrices de brûlures, ulcères de jambe, radiothérapie (les CSC se développent exclusivement sur des lésions de radiodermite ancienne), arsenicisme, exposition à un cancérogène chimique (méchloréthamine, goudrons et huiles minérales) et immunodépression congénitale ou acquise (sida, greffés d’organe, hémopathies, traitements immunosuppresseurs) ; – lésions précancéreuses cutanées et muqueuses (cf « Dermatoses précancéreuses »).
¶ Évolution et pronostic [10] En l’absence de traitement, l’évolution se fait vers la dissémination métastatique. Les premières métastases sont lymphatiques dans le territoire ganglionnaire satellite de la tumeur. Le risque de métastase à 5 ans est d’environ 5 %. Quatre-vingtquinze pour cent des récidives locales ou des métastases surviennent dans les 5 ans. Les facteurs de mauvais pronostic sont : – taille supérieure à 2 cm ; – épaisseur supérieure à 4 mm ; – aspect histologique peu différencié ; – localisation oreilles et lèvres ; – survenue sur des cicatrices ; – extension périnerveuse.
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¶ Traitement [3]
Le terrain, les facteurs favorisants et le siège sont les mêmes que ceux des CSC.
Le traitement des CSC fait appel aux mêmes principes que celui des CBC. Compte tenu du risque de métastase, il doit être institué le plus rapidement possible. Traitement de la tumeur primitive – Chirurgie : l’exérèse chirurgicale large de la tumeur est le traitement de choix, car elle permet un examen anatomopathologique de l’ensemble de la tumeur avec, en particulier, un contrôle des bords. – Radiothérapie : l’irradiation transcutanée est souvent la seule solution pour les tumeurs volumineuses inextirpables. Le contrôle tumoral est obtenu, dans les trois quarts des cas, pour les tumeurs de 1 à 5 cm et, dans un peu plus de la moitié des cas, pour les tumeurs de plus de 5 cm. – L’endocuriethérapie est également une bonne alternative dans certaines localisations (lèvre inférieure, gland) ou lorsque la chirurgie risque d’être mutilante ou est contre-indiquée. La radiothérapie est contre-indiquée dans les CSC des membres. Localisations particulières – Carcinome de la verge : la curiethérapie après circoncision est justifiée si une exérèse simple ne peut être réalisée. Dans les autres cas, l’amputation partielle ou totale est le meilleur traitement. – Carcinome vulvaire : le traitement de choix est la vulvectomie partielle ou totale. – Carcinome de la lèvre inférieure : il peut être traité par une exérèse cunéiforme suivie d’une vermillonectomie, lorsqu’il est de petite taille. Lorsqu’il est plus volumineux, la curiethérapie est la technique de choix. Traitement des atteintes ganglionnaires En présence d’une adénopathie cliniquement pathologique, une adénectomie avec examen histologique extemporané s’impose. En cas de positivité, ce geste est suivi d’un évidement ganglionnaire complet et, dans un deuxième temps, d’une irradiation systématique. On ne fait pas de curage ganglionnaire prophylactique, même pour les localisations auriculaires, labiales et génitales particulièrement lymphophiles. Traitement des métastases viscérales Seule une polychimiothérapie associant cisplatine, bléomycine et 5-fluorouracile peut être tentée.
¶ Prévention Elle comprend la photoprotection instituée dès l’enfance, le port de slip durant les séances de puvathérapie chez l’homme, le traitement des lésions précancéreuses cutanéomuqueuses et la surveillance des cicatrices de brûlures, de radiothérapie et des ulcères de jambes, avec biopsie au moindre doute.
¶ Essentiel à connaître Le CSC est un cancer invasif avec risque de dissémination métastatique. Le traitement de choix est chirurgical avec contrôle histologique afin de s’assurer du caractère complet de l’exérèse. Leur détection précoce est essentielle et leur prévention est dominée par la photoprotection et le dépistage et la destruction systématique des lésions précancéreuses.
¶ Erreurs à éviter
Evolution Elle est lente, la lésion restant superficielle pendant plusieurs années mais envahissant ensuite les plans profonds, évoluant ainsi vers un CSC invasif.
Traitement Le meilleur traitement est chirurgical, afin de s’assurer du caractère complet de l’exérèse.
12 Maladie de Bowen de la jambe. Cliché professeur Revuz.
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Mélanomes
[1]
Le mélanome est le quatrième cancer par ordre de fréquence après les cancers du sein, du poumon et du côlon. Sa forte augmentation d’incidence en fait dans de nombreux pays une cible des campagnes d’information et de dépistage. Une identification précoce du mélanome augmente les chances de guérison et la protection solaire diminue les risques de développer un mélanome.
‚ Devant une tumeur noire, quand suspecter un mélanome ? 13 Maladie de Bowen frontale droite. Cliché professeur Revuz. apparaître, soit une tumeur primitive de grande taille devenue moins ou non accessible à la chirurgie, soit des métastases ganglionnaires ou à distance au-delà de toute ressource thérapeutique.
‚ Maladie de Bowen C’est un carcinome épidermoïde intraépidermique à évolution lente.
Clinique Observez les figures 12 et 13. La figure 12 correspond à une lésion érythémateuse et brunâtre kératosique à bords irréguliers localisée sur la jambe. La figure 13 correspond à une lésion de grande taille érythémato-squamo-croûteuse du front, maladie de Bowen déjà ancienne et de grande taille. L’aspect clinique de la maladie de Bowen est différent sur la peau et sur les muqueuses : – sur la peau : lésion arrondie, de taille variable, de couleur rouge brun parfois couverte de squames-croûtes ou de croûtelles, pouvant être prise à tort pour une lésion d’eczéma ; – sur les muqueuses (érythroplasie de Queyrat) : petite tache rouge vif, sèche, luisante, persistante malgré les traitements locaux.
Diagnostic Il est à confirmer par biopsie cutanée.
Critères ABCDE Ils sont d’une aide très précieuse pour le dépistage (fig 14) [12]. – A comme asymétrie : un nævus bénin est symétrique. Un mélanome est souvent asymétrique. – B comme bords : un nævus bénin a des bords réguliers. Un mélanome a souvent des bords irréguliers avec des prolongements à type de pseudopodes. – C comme couleur : un nævus est le plus souvent monochrome et s’il est bicolore, les couleurs sont réparties de façon symétrique. Un mélanome présente le plus souvent plusieurs couleurs : rose, brune, noire ou chamois et réparties de façon anarchique. – D comme diamètre : un mélanome a souvent un diamètre supérieur à 6 mm. – E comme évolution récente : si un malade précise que son « grain de beauté » a changé de couleur, a grandi, s’est épaissi, l’a démangé ou a saigné : un spécialiste doit être consulté au plus vite.
Signe du « vilain petit canard » (fig 15) Les nævus sont assez ressemblants chez une même personne ; la lésion suspecte est celle qui est différente [5].
Être d’autant plus vigilant que le sujet est à risque de mélanome – Les malades au phototype clair : roux ou blonds, prenant des coups de soleil facilement et ne bronzant pas ou peu. 0
Asymétrie
Bords irréguliers
C’est une urgence thérapeutique. Tout retard au diagnostic et donc au traitement risque de voir
1
Couleur inhomogène Diamètre
14 ABCDaire du mélanome, d’après [12].
5
2
6mm
Extensivité
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Case 1
Case 2
15 Le « vilain petit canard », d’après [5]. – Les patients ayant de multiples nævus, supérieurs à 50 sur tout le tégument. – Les malades ayant deux ou plusieurs mélanomes dans leur famille.
16 Mélanome superficiel. Cliché professeur Revuz.
18 Mélanome nodulaire. Cliché professeur Revuz.
‚ Conduite à tenir devant tout nævus suspect Adresser le malade rapidement au spécialiste pour exérèse complète et analyse histologique. Éviter si possible les biopsies qui peuvent empêcher de mesurer l’épaisseur maximale de la tumeur ou indice de Breslow, principal facteur de pronostic du mélanome.
‚ Épidémiologie L’incidence du mélanome double tous les 10 ans. Un sujet sur 75 va faire un mélanome au cours de sa vie. Le mélanome est donc un véritable problème de santé publique, d’où l’importance de la prévention par la photoprotection et l’importance du dépistage.
Facteurs de risque – Soleil : facteur de risque environnemental majeur de survenue de mélanome : surtout les ultraviolets (UV) B avec un effet additif des UVA et surtout en exposition aiguë. – Phénotype : peau et yeux clairs. – Antécédent personnel ou familial de mélanome. Mélanomes familiaux : au moins deux dans la fratrie ou la famille du premier degré, risque multiplié par 8. La prédisposition familiale est notée dans 5 à 10 % des mélanomes. Elle se transmet selon un mode autosomique dominant et a une pénétrance incomplète et variable. – Présence de nævus multiples ou de nævus atypiques. – Xeroderma pigmentosum (génodermatose). – Nævus congénitaux et nævus de grande taille (> 20 cm de diamètre).
Âge de survenue Maximum entre 40 et 60 ans.
Siège
17 Mélanome superficiel avec nodule inférieur. Cliché professeur Revuz. – la répartition des cellules mélaniques : elles forment des thèques volumineuses, présentant une activité jonctionnelle avec ascension intraépidermique des thèques signant la malignité. Il s’y associe une hyperplasie épidermique, un effacement de la membrane basale, parfois une ulcération de l’épiderme et des foyers de régression : fibrose, mélanophages, infiltrats lymphocytaires.
19 Mélanome de Dubreuilh. Cliché professeur Revuz.
‚ Formes cliniques Mélanome superficiel ou SSM (fig 16, 17) Observez sur les figures 16 et 17 l’aspect polychrome des lésions ; leurs contours irréguliers sont très évocateurs de mélanomes. Les SSM sont les plus fréquents des mélanomes (60 % des mélanomes malins), apparaissant entre 20 et 40 ans, survenant dans 30 % des cas sur un nævus préexistant, sinon d’emblée. Ils évoluent en deux phases, une phase superficielle extensive durant environ 5 ans puis une phase d’invasion en profondeur avec, cliniquement, apparition d’un nodule cutané (observez le nodule apparu sur la partie inférieure du SSM de la figure 17).
Mélanome nodulaire (fig 18)
Atteinte surtout du tronc chez les hommes et des membres inférieurs chez la femme.
C’est un mélanome invasif d’emblée se présentant sous la forme de nodule d’emblée apparu rapidement.
‚ Diagnostic
Mélanome de Dubreuilh (fig 19, 20)
Le diagnostic est histologique : le diagnostic de malignité se fait sur : – la morphologie des cellules mélaniques : plus volumineuses que des cellules næviques, à contours anguleux, plus souvent en mitoses. La mélanine est répartie de façon hétérogène dans les cellules et le stroma ;
Observez les figures 19 et 20 : ce sont des taches pigmentées du visage pouvant être prises pour des lentigos solaires mais les contours irréguliers et l’aspect polychrome doivent interpeller le clinicien et faire réaliser une biopsie cutanée. Atteignant les sujets âgés, ils sont localisés sur le visage (tempe, front). Ce sont des taches pigmentées
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20 Mélanome de Dubreuilh. Cliché professeur Revuz. bien limitées, polychromes, à contours irréguliers. Là aussi, l’évolution se fait en deux phases, une phase d’extension horizontale où le mélanome reste intraépidermique avec un taux de guérison à ce stade de 100 % : c’est le mélanome de Dubreuilh, correspondant donc à un mélanome in situ ; puis une phase d’extension verticale au-delà de la membrane basale vers le derme, correspondant à un mélanome invasif de pronostic beaucoup plus péjoratif, d’où l’intérêt de traiter au stade de mélanome de Dubreuilh.
Mélanome acral lentigineux (fig 21) C’est la forme acrale des mélanomes. Il faut se méfier de toute bande pigmentée unguéale qu’il convient de biopsier, ou d’un ongle épais fissuraire associé ou non à un périyonyxis avec errances diagnostiques et échecs thérapeutiques. La biopsie doit être proposée.
Tumeurs cutanées avec lésions précancéreuses - 2-0724
ans est de 83 % toute épaisseur confondue : 96 % si Breslow inférieur à 0,75 mm ; inférieur à 50 % si Breslow supérieur à 4 mm. Au stade II : la survie à 5 ans est de 36 % tous stades II confondus. Elle est de 50 % si un seul ganglion est envahi ; elle est de 20 % s’il y a quatre ganglions ou plus envahis.
Traitement Le traitement est chirurgical à tous les stades.
¶ Traitement de la tumeur primitive 21 Mélanome acrolentigineux. Cliché professeur Revuz.
22 Mélanome achromique. Cliché professeur Revuz. Mélanome achromique (fig 22) Le diagnostic clinique est souvent très difficile, le mélanome pouvant prendre l’allure d’une verrue plantaire, d’un eczéma résistant au traitement habituel ou d’une maladie de Bowen…
‚ Conduite à tenir après confirmation histologique du mélanome [11] Bilan d’extension – Local et régional, par un examen clinique à la recherche de métastases satellites, en transit ou d’adénopathies. – Général, avec échographie abdominale et radiographie de thorax dont le but est plus de servir de référence de base (existence de séquelles de tuberculose pulmonaire ou d’angiomes hépatiques) que de rechercher des métastases à distance, exceptionnelles d’emblée. Classification – Stade I : mélanome sans métastase ganglionnaire, ni à distance. – Stade II : atteinte du premier relais ganglionnaire. – Stade III : adénopathies au-delà du premier relais ganglionnaire et/ou métastases à distance. Facteurs pronostiques Au stade I : l’indice de Breslow ou épaisseur du mélanome est le principal facteur pronostique de mélanome au stade I. Le pourcentage de survie à 5
Une biopsie-exérèse complète est souhaitable d’emblée. Si la lésion est de grande taille ou localisée sur le visage, l’orteil ou le doigt, une biopsie est réalisée, complétée par une exérèse complète. Puis une reprise chirurgicale est réalisée dans le mois qui suit jusqu’au fascia en profondeur et dont les marges latérales dépendront de l’épaisseur de la tumeur : – si le mélanome est intraépidermique (ou mélanome de Dubreuilh) : exérèse avec 5 mm de marges latérales ; – si l’indice de Breslow est inférieur ou égal à 1 mm : exérèse avec 1 cm de marges latérales ; – si l’indice de Breslow est supérieur à 1 mm et inférieur ou égal à 4 mm, l’exérèse se fait avec 2 cm de marges latérales ; – si l’indice de Breslow est supérieur à 4 mm, les marges latérales sont de 3 cm ; – s’il y a atteinte des doigts et des orteils : amputation à 1 cm ou à la métacarpophalangienne au doigt et amputation à la métatarsophalangienne dans tous les cas aux orteils. – Au stade I, les recherches actuelles concernent la taille des marges de peau saine à enlever autour de la tumeur primitive pour les mélanomes épais (Breslow > 4 mm), l’intérêt de la procédure d’adénectomie sélective (méthode dite de « ganglion sentinelle ») pour les mélanomes dont l’épaisseur est supérieure à 1,5 mm et l’identification de traitements adjuvants efficaces. – Traitement au stade II : il consiste en un curage ganglionnaire régional complet. Il n’y a pas de traitement complémentaire. – Traitement au stade III : il s’agit d’un traitement palliatif, la survie médiane ne dépassant pas 6 mois. Le meilleur traitement est là encore chirurgical si les métastases sont opérables et peu nombreuses…Sinon, les deux principales chimiothérapies utilisées sont la dacarbazine (Déticènet, agent alkylant avec un taux de réponse objective global de 15 à 20 % [réponses complètes et partielles]) et la fotémustine (Muphorant, nitrosurée). Les autres traitements, interféron, interleukine 2, autres chimiothérapies, n’ont pas montré de supériorité jusqu’à présent et les vaccinations sont en cours d’évaluation.
Nouveautés et perspectives
¶ Génétique du mélanome La prédisposition familiale au mélanome présente une hétérogénéité clinique : mélanome cutané multiple, mélanome cutané familial et association possible à des mélanomes de la choroïde ou à d’autres tumeurs. Ceci implique l’intervention de
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différents gènes suppresseurs de tumeurs (p16) ou oncogènes (CDK4) qui ne sont pas tous identifiés. Le risque de mélanome est estimé à plus de 50 % lorsqu’il s’agit d’une mutation de p16 ou de CDK4. Cependant, même au sein d’une famille dont la mutation est connue, il existe une variation importante de la pénétrance, faisant suspecter le rôle prépondérant de facteurs environnementaux. Ainsi, dépister une mutation prédisposant au mélanome ne permet pas de préciser le niveau de risque réel encouru par le patient et l’efficacité de la surveillance de ces patients n’est pas encore évaluée. Ces tests doivent donc être réservés aux protocoles de recherche.
¶ Ganglion sentinelle, nouvelle méthode d’évaluation du stade de la maladie La technique du ganglion sentinelle [9] consiste à repérer le premier ganglion qui draine la tumeur primitive par radio-isotope et bleu après avoir injecté ces marqueurs au site de la tumeur primitive, à en pratiquer l’exérèse puis l’analyse histologique. L’intérêt actuel de la technique du ganglion sentinelle est sa valeur pronostique qui est plus forte que l’indice de Breslow [4]. Son autre intérêt serait d’optimiser les indications de curage ganglionnaire et celles des traitements adjuvants.
¶ Traitement adjuvant : interféron et mélanome Dans le traitement adjuvant du mélanome à haut risque de récidive (indice de Breslow supérieur à 1,5 mm), deux schémas thérapeutiques possèdent une autorisation de mise sur le marché (AMM). L’un utilise de fortes doses d’interféron alpha-2b selon la posologie employée dans l’étude de Kirkwood [7, 8], l’autre de faibles doses d’interféron alpha-2a. Ce traitement n’a pas d’efficacité démontrée sur la survie globale, seule la survie sans récidive est allongée. Il paraît donc important de délivrer une information claire aux patients concernant les bénéfices attendus et la toxicité du traitement et de continuer à évaluer l’efficacité de l’interféron dans cette indication.
¶ Vaccination peptidique L’immunisation peptidique au cours de mélanome métastatique fait appel à des antigènes choisis parce qu’exprimés uniquement par les cellules tumorales. C’est le cas des gènes MAGE. Le peptide obtenu du gène MAGE-1 est présenté par la molécule human leukocyte antigen (HLA)-A1. Environ 20 à 25 % de la population caucasienne est porteuse de cet haplotype. D’autres peptides antigéniques sont en cours d’évaluation. L’antigène tumoral est ainsi injecté directement dans l’organisme. Des réponses spectaculaires ont été rapportées avec obtention de rémissions complètes ou partielles parfois de longue durée (> 1 an).
¶ Essentiel à connaître L’identification précoce du mélanome primitif est un objectif primordial. Elle assure au malade une guérison au prix d’une cicatrice limitée. D’où l’intérêt de connaître les aspects cliniques initiaux et les sous-groupes de personnes à risques (sujets à peau claire et/ou porteurs de nombreux nævus pigmentaires).
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Marie-Sophie Gautier : Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien assistant à l’Institut Gustave Roussy, attachée, Service de dermatologie du Pr Revuz, centre hospitalier universitaire Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : MS Gautier. Tumeurs cutanées avec lésions précancéreuses. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0724, 2003, 8 p
Références [1] Avril MF. Mélanome. Oncologie 2000 ; 2 : 1-96
[8] Kirkwood JM, Ibrahim JG, Sondak VK, Richards J, Flaherty LE, Ernstoff MS et al. High- and low-dose interferon alfa-2b in high risk melanoma: first analysis of intergroup trial E 1690/S9111/C9110. J Clin Oncol 2000 ; 18 : 2444-2458
[2] Bachter D, Michl C, Buchels H, Vogt H, Balda BR. The predictive value of the sentinel lymph node in malignant melanomas. Recent Results.Cancer Res 2001 ; 158 : 129-136
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8
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Psoriasis I. Bournerias Le psoriasis est une dermatose chronique caractérisée par des plaques érythématosquameuses, bien limitées, grossièrement bilatérales et symétriques, évoluant par poussées. De nombreuses variantes anatomocliniques et évolutives sont possibles. Le diagnostic est clinique dans la majorité des cas. La dermatose est le plus souvent bénigne, mais des formes sévères existent (psoriasis érythrodermique, psoriasis pustuleux généralisé, psoriasis associé à un rhumatisme). Son retentissement est psychosocial, esthétique et/ou fonctionnel, altérant la qualité de vie des patients. Des avancées importantes ont été faites ces dernières années, portant sur la physiopathologie, l’existence et l’impact des comorbidités possiblement associées, et surtout les thérapeutiques. De nouvelles thérapeutiques sont apparues, d’anciennes réévaluées, topiques (non corticoïdes) et systémiques (photothérapie, rétinoïdes, méthotrexate, ciclosporine et agents biologiques). © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Psoriasis ; Comorbidités ; Critères de sévérité: BSA ; Body Surface Area ; PASI ; Psoriasis Area and Severity Index ; DLQI ; Dermatology Life Quality Index ; Photothérapie ; Rétinoïdes ; Méthotrexate ; Ciclosporine ; Biothérapie
Définition
Plan ■
Définition
1
■
Épidémiologie
1
■
Évolution
2
■
Tableaux cliniques et diagnostic différentiel Psoriasis érythématosquameux en plaques Psoriasis en goutte Psoriasis du cuir chevelu Psoriasis des ongles Psoriasis palmoplantaire Psoriasis localisé aux plis Psoriasis des muqueuses Psoriasis de l’enfant Érythrodermie psoriasique Psoriasis pustuleux
2 2 2 2 3 3 4 4 4 4 4
■
Histologie
5
■
Anomalies biologiques
6
■
Physiopathologie
6
■
Psoriasis et médicaments
6
■
Comorbidités Atteintes rhumatologiques Maladie de Crohn Dépression Syndrome métabolique
7 7 7 7 7
■
Traitements Traitements locaux Traitements généraux Traitements empiriques
7 8 8 9
EMC - Traité de Médecine Akos Volume 9 > n◦ 2 > avril 2014 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(14)56172-8
Le psoriasis est une dermatose chronique caractérisée par des plaques érythématosquameuses, bien limitées, grossièrement bilatérales et symétriques, évoluant par poussées. De nombreuses variantes cliniques existent, sémiologiques, topographiques et évolutives ; le diagnostic est clinique dans la majorité des cas.
Épidémiologie
[1–3]
Le psoriasis est une dermatose fréquente. La dermatose est ubiquitaire, touche toutes les ethnies, mais avec des prévalences variables. Sa fréquence est aussi influencée par des facteurs géographiques et d’environnement. En France, on estime qu’elle atteint 2 à 3 % de la population. La dermatose touche également les deux sexes. Elle peut débuter à tout âge, avec chez l’adulte deux pics de fréquence, 20 à 30 ans et 50 à 60 ans. Il existe une prédisposition génétique. On note une fréquence accrue chez les enfants dont les parents ont du psoriasis (8 % des enfants sont atteints si un des parents a un psoriasis et 40 % si les deux parents sont psoriasiques) ou chez les jumeaux homozygotes. Il existe une association avec certains antigènes d’histocompatibilité de classe I, HLA-Cw6 et à un moindre degré HLA-B13 et HLAB17. L’association à un groupe HLA-Cw6 est retrouvée chez 85 % des psoriasiques ayant un début précoce de leur dermatose et chez près de 50 % des parents du premier degré de ces sujets. Il existe également une forte association avec l’antigène HLAB27 uniquement dans la forme généralisée du psoriasis pustuleux, et en cas de rhumatisme associé, dans la forme axiale plus que dans la forme périphérique.
1
2-0725 Psoriasis
“ Point fort Épidémiologie • Maladie cutanée chronique très fréquente • Déterminisme génétique polygénique • Essentiellement bénigne, mais un retentissement éventuellement important sur la qualité de vie, sur une longue durée • Formes sévères (psoriasis pustuleux, psoriasis associé à un rhumatisme) ou graves (érythrodermie), rares mais à savoir référer rapidement • Importance des comorbidités et des facteurs de risque associés dans la prise en charge
Évolution Le psoriasis commun est une dermatose le plus souvent non grave mais visible dont l’impact psychosocial est parfois important ; sa tolérance est fonction, d’une part de l’étendue et/ou de la localisation des lésions, d’autre part de la personnalité et du mode de vie du patient [4] . Des formes sévères existent, par leur étendue (psoriasis généralisé, psoriasis érythrodermique), leur caractère inflammatoire (psoriasis pustuleux), l’association possible à une atteinte rhumatismale, le handicap fonctionnel de certaines localisations (mains, pieds) ou l’impact psychosocial (visage, organes génitaux). Les poussées de cette dermatose chronique peuvent être déclenchées par des épisodes infectieux, (streptococciques notamment), des facteurs psychologiques, des facteurs irritatifs locaux (avec apparition de lésions de psoriasis à l’endroit précis du traumatisme, ou phénomène de Koebner), ou divers médicaments (cf. infra). La grossesse ne semble pas influencer l’évolution (sauf exceptionnel psoriasis pustuleux généralisé). La grande majorité des psoriasiques sont améliorés par le soleil, mais une photoaggravation est parfois possible. L’association à un éthylisme est fréquente et rend ces patients difficiles à traiter (contre-indications thérapeutiques, observance, instabilité du psoriasis, moindre efficacité des thérapeutiques) [5] . Le tabac est un facteur aggravant démontré des pustuloses palmoplantaires [6] . L’évolution de la dermatose est imprévisible, propre à chaque individu, et peut varier au cours du temps. Il n’existe pas de facteur pronostique. Les formes graves sont souvent précoces dans l’histoire naturelle de la maladie, mais ces formes peuvent survenir également chez des sujets ayant un psoriasis modéré, notamment à la suite de certaines thérapeutiques (retrait d’une corticothérapie générale par exemple). Les sujets infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) peuvent être atteints de psoriasis. La fréquence de cette dermatose n’est pas augmentée sur ce terrain, mais son aspect clinique et son évolution sont particuliers ; des formes inflammatoires, diffuses, rebelles aux thérapeutiques usuelles, une atteinte cutanée sévère, l’association à une atteinte rhumatologique rapidement invalidante, peuvent être révélatrices d’une infection par le VIH. Depuis l’avènement des traitements antirétroviraux efficaces, ces psoriasis sont devenus plus rares et plus faciles à prendre en charge [7] .
Tableaux cliniques et diagnostic différentiel
[3]
Le diagnostic de psoriasis est clinique, mais devant chaque tableau clinique certaines autres dermatoses doivent être évoquées et éliminées. Des associations topographiques sont possibles (psoriasis érythématosquameux et psoriasis du cuir chevelu ou des
2
ongles par exemple), mais aussi dans le temps (poussée de psoriasis pustuleux chez un patient présentant habituellement un psoriasis érythématosquameux). Leur fréquence respective n’est pas chiffrée, mais elles sont ici décrites par ordre de fréquence globalement décroissant.
“ Point fort Clinique • Diagnostic clinique plus ou moins difficile selon les multiples formes cliniques : expérience du dermatologue • Aucun marqueur (ou combinaison de marqueurs) biologique spécifique • L’histologie n’est utile au diagnostic que dans de rares cas de diagnostic différentiel difficile • Chez l’enfant, diagnostic et prise en charge spécifique • Ne pas négliger (ni surestimer) le rôle aggravant de certains médicaments
Psoriasis érythématosquameux en plaques Il représente la forme la plus commune de la maladie. Les lésions érythématosquameuses forment des plaques arrondies, bien limitées, se détachant nettement sur la peau, grossièrement symétriques, atteignant avec prédilection les coudes, les genoux, la région lombosacrée et le cuir chevelu. Les plaques sont rouge franc, recouvertes de squames plus ou moins épaisses. La squame se détache en bloc, faisant sourdre une « rosée sanglante » typique. Tous les degrés d’extension peuvent se voir, de quelques plaques des membres à une atteinte de toute la surface corporelle. L’atteinte du visage reste rare, sauf en bordure du cuir chevelu ou dans les formes florides ; elle peut parfois résumer la dermatose, revêtant alors l’aspect d’une dermite séborrhéique. Les lésions ne sont pas, classiquement, prurigineuses, sauf en phase évolutive. Leur aspect peut être modifié par les traitements locaux (Fig. 1). Essentiellement, deux diagnostics sont à éliminer : les dermatophyties (par un prélèvement mycologique) et les lymphomes T cutanés (par la biopsie). D’autres dermatoses peuvent être discutées : le lichen plan, le parapsoriasis, le pityriasis rubrapilaire, dont l’évolution est différente (indication à biopsier), même si les traitements sont parfois les mêmes.
Psoriasis en goutte Plus fréquent chez l’enfant et l’adulte jeune, il est constitué de petits éléments, siégeant préférentiellement sur le tronc (Fig. 2). Souvent déclenché par une infection, il est éruptif, régressant plus ou moins rapidement, de fac¸on souvent spontanée. Les diagnostics de pityriasis rosé de Gibert (d’origine virale), de syphilis secondaire (Venereal Disease Research Laboratory/treponema pallidum hemagglutination [VDRL/TPHA] au moindre doute), de primo-infection VIH, de toxidermie, doivent être éliminés.
Psoriasis du cuir chevelu Il peut se présenter sous la forme d’un état pelliculaire peu important, de plaques érythématosquameuses bien limitées ou d’un vrai casque croûteux englobant la base des cheveux. Les pustules sont rares, sauf en cas de surinfection, alors qu’elles sont fréquentes dans les folliculites bactériennes, mycosiques ou virales, et les autres affections folliculaires plus rares du cuir chevelu. L’alopécie psoriasique est très rare. Le psoriasis du cuir chevelu est souvent associé à une atteinte des oreilles (conques, conduits auditifs) et à une dermite séborrhéique du visage. L’atteinte du cuir chevelu peut rester localisée, mais elle est le plus souvent associée aux autres formes de psoriasis (Fig. 3). EMC - Traité de Médecine Akos
Psoriasis 2-0725
Figure 1. Psoriasis érythématosquameux en plaques (A, B).
A
Figure 2.
B
Psoriasis en goutte. Figure 3.
Psoriasis du cuir chevelu.
Psoriasis des ongles Les ongles peuvent également être atteints, de fac¸on isolée ou non. L’aspect grésé en « dé à coudre », constitue l’atteinte unguéale la plus fréquente, mais des aspects hyperkératosiques, des déformations ou de véritables onycholyses peuvent se constituer, typiquement distales et soulignées par un liséré érythémateux (Fig. 4). Ces dernières sont à différencier des onychopathies mycosiques (mais la surinfection à champignon est plus fréquente sur ce terrain), médicamenteuses ou dermatologiques autres. Une atteinte unguéale, même isolée, doit faire rechercher au minimum des signes cliniques de rhumatisme psoriasique.
Psoriasis palmoplantaire Il se présente sous forme de placards kératosiques bien limités, entourés d’une bordure érythémateuse, d’une dermatose eczématiforme vésiculopustuleuse mal limitée, d’une kératodermie fissurée ou d’une acropulpite sèche (Fig. 5). Les principaux diagnostics différentiels sont l’eczéma, les dermites irritatives, les EMC - Traité de Médecine Akos
Figure 4.
Psoriasis des ongles.
dermatophyties, le lichen plan. Dans l’acrokératose psoriasiforme paranéoplasique de Bazex, il existe en plus de la kératodermie palmoplantaire une atteinte du nez et des oreilles.
3
2-0725 Psoriasis
Figure 6.
Psoriasis des plis.
Psoriasis de l’enfant Il est particulier par l’atteinte souvent superficielle du tronc, d’aspect parfois folliculaire ; il peut être difficile à différencier d’un eczéma atopique. Une atteinte isolée du cuir chevelu peut réaliser l’aspect dit de « fausse teigne amiantacée » (prélèvements mycologiques au moindre doute). Certaines formes à disposition linéaire doivent être différenciées des hamartomes épidermiques verruqueux d’apparition tardive. L’évolution peut être éruptive ou chronique. Les formes pustuleuses sont rares chez l’enfant. L’âge de début moyen se situe vers 8 ans. Chez le nouveau-né, il peut débuter précocement par une atteinte à type de dermite séborrhéique du siège ou généralisée. Il existe d’exceptionnels psoriasis congénitaux.
A
Érythrodermie psoriasique
B Figure 5.
Psoriasis palmoplantaire (A, B).
Psoriasis localisé aux plis
Elle est faite de lésions érythématosquameuses touchant au moins 90 % de la surface corporelle, avec un possible respect de quelques zones de peau saine. Elle peut compliquer un psoriasis connu ou être inaugurale (Fig. 7). En l’absence de lésions psoriasiques typiques ou d’antécédents confirmés, elle est alors difficile à différencier des autres érythrodermies (eczéma, toxidermie ou lymphome cutané étant avec le psoriasis les étiologies les plus fréquentes). Les facteurs déclenchants sont ceux qui favorisent les poussées. Cette complication grave est plus fréquente en cas de psoriasis instable, difficile à contrôler, et peut succéder à un psoriasis pustuleux généralisé. Un prurit n’a pas de valeur d’orientation. Des adénopathies sont souvent présentes, non spécifiques, surtout en cas de lésions évoluant depuis plusieurs semaines. L’examen histologique cutané n’est pas spécifique, surtout si la biopsie est effectuée après un certain temps d’évolution de l’érythrodermie. Les troubles hémodynamiques, de la thermorégulation, protéiques et hydroélectrolytiques contribuent à la sévérité du pronostic, surtout si l’évolution de l’érythrodermie est prolongée chez un sujet âgé [8] . Des formes prolongées ou récidivantes sont possibles.
Il siège aux plis inguinaux, interfessiers et plus rarement sous-mammaires, axillaires, à l’ombilic ou aux plis interorteils, et est parfois appelé psoriasis inversé. L’atteinte du fond du pli est rouge vif, d’aspect vernissé, à bordures arciformes nettes, symétrique, sans pustules à distance. Il est le plus souvent isolé, associé à une atteinte du cuir chevelu, mais il peut coexister avec un psoriasis commun ou une atteinte unguéale. Les mycoses (candidoses et dermatophyties) doivent être éliminées par des prélèvements (d’autant plus qu’il peut y avoir une surinfection liée aux topiques) (Fig. 6).
Psoriasis pustuleux
Psoriasis des muqueuses
Il est constitué de pustules amicrobiennes, isolées, en nappes ou diffuses sur un fond d’érythème. Elles apparaissent et se renouvellent rapidement. On peut observer rarement quelques lésions pustuleuses dans des formes communes.
Le psoriasis des muqueuses se présente sous forme de plaques érythémateuses lisses, bien limitées. Il touche plus souvent la région génitale que la zone buccolinguale (langue géographique). Il faut insister auprès des patients sur la noncontagiosité.
4
Psoriasis pustuleux généralisé Il est suraigu, fébrile, constitué de nappes de pustules millimétriques, laiteuses, superficielles, évoluant par vagues successives sur fond d’érythème. La macération dans les plis est fréquente EMC - Traité de Médecine Akos
Psoriasis 2-0725
A
Figure 8.
Psoriasis pustuleux généralisé.
Psoriasis pustuleux palmoplantaire Les formes pustuleuses localisées palmoplantaires, souvent isolées, touchent préférentiellement les éminences thénar ou hypothénar, les talons ou la voûte plantaire. Les pustules sont plus profondes, parfois brunes et sèches, sur des plaques érythémateuses bien limitées (Fig. 9). Elles se rencontrent volontiers chez les femmes de plus de 50 ans, sont souvent prurigineuses et chroniques. Les prélèvements éliminent une infection mycosique, mais les eczémas restent parfois difficiles à différencier (biopsie non contributive).
Acrodermatite pustuleuse continue
B Figure 7.
Érythrodermie psoriasique (A, B).
Elle atteint un ou plusieurs doigts. Les pustules sèches se traduisent par des croûtes jaunâtres ou des squames (Fig. 10). Un panaris staphylococcique ou herpétique et une mycose doivent être éliminés (prélèvements bactériologiques, viraux et mycologiques). Une onycholyse, une lyse osseuse sous-jacente, sont possibles.
Érythème annulaire centrifuge (Fig. 8). Une hypoalbuminémie, une hypocalcémie, rarement une hépatite choléstatique, une surinfection staphylococcique, des polyarthralgies et une malabsorption associée sont possibles. Ce tableau peut être inaugural et fait alors discuter une éruption infectieuse, une toxidermie (pustulose exanthématique aiguë généralisée). En cas de psoriasis, les cultures bactériologiques et virales sont stériles, les sérologies virales négatives ; la responsabilité d’un médicament est beaucoup plus difficile à affirmer ou à réfuter. La chronologie et les critères d’imputabilité intrinsèque ne règlent pas toujours le problème, d’autant que certains des médicaments pris par les patients peuvent aggraver un psoriasis. Le psoriasis pustuleux généralisé peut survenir au cours de la grossesse, surtout au troisième trimestre, et se poursuivre jusqu’à l’accouchement. Les lésions débutent et prédominent aux plis. Le retentissement général peut être sévère, avec de possibles complications fœtales. Il a tendance à récidiver lors des grossesses ultérieures. Après un épisode pustuleux, le psoriasis peut reprendre son évolution antérieure ou bien les poussées pustuleuses peuvent récidiver. Les formes subintrantes entraînent une invalidité importante et peuvent se compliquer d’amylose. EMC - Traité de Médecine Akos
Des formes limitées, plus rares, à type d’érythème annulaire centrifuge (Fig. 11) sont décrites chez l’enfant. Certains psoriasis, cliniquement très inflammatoires, ne présentent pas de vraies pustules, mais partagent le même pronostic évolutif sévère et les mêmes difficultés thérapeutiques que les formes pustuleuses. L’histologie peut être celle des formes avec pustules cliniques. Les atteintes cutanées du syndrome de Reiter associent suivant la topographie un aspect inflammatoire, et kératosique, avec atteinte des ongles et des muqueuses. Ces atteintes sont le plus souvent secondaires à l’atteinte articulaire.
Histologie Le diagnostic de psoriasis est clinique. L’examen histologique n’est nécessaire que dans les formes cliniquement atypiques mais, dans ces formes et dans les localisations palmoplantaires, l’aspect histologique est aussi moins caractéristique [3] . Dans la forme commune, l’épiderme est épaissi avec papillomatose, parakératose sèche contenant des microabcès à
5
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A Figure 11.
Psoriasis pustuleux annulaire.
polynucléaires ; les papilles dermiques contiennent des capillaires dilatés et hypertrophiques, et un infiltrat inflammatoire constitué essentiellement de polynucléaires et de lymphocytes. Les formes pustuleuses sont caractérisées par des pustules amicrobiennes spongiformes uni- ou multiloculaires sous-cornées. Un aspect moins spécifique est possible, eczématiforme ou lichenifié.
Anomalies biologiques Il n’y a pas d’anomalies biologiques dans le psoriasis en dehors des formes compliquées. Les diverses anomalies rapportées chez les psoriasiques ne sont pas spécifiques de la dermatose. Seule l’hyperuricémie, qui traduit la prolifération cellulaire épidermique, peut être rattachée à la dermatose, avec d’authentiques gouttes articulaires [9] .
Physiopathologie B Figure 9.
Psoriasis pustuleux palmoplantaire (A, B).
Malgré les progrès récents, des inconnues persistent. Le psoriasis est considéré comme une maladie polygénique ; plusieurs locus de susceptibilité sont connus, en particulier sur le chromosome 6 (non loin des gènes d’histocompatibilité), les chromosomes 1 et 17. Immunité innée et immunité adaptative sont impliquées. Un ou des antigènes ou superantigènes, pour l’instant inconnus, entraîneraient une activation des lymphocytes T (exprimant les molécules HLA-DR et le récepteur de l’interleukine 2 [IL-2]), une production de cytokines pro-inflammatoires (dont les interférons, le tumor necrosis factor [TNF␣], l’IL-1, l’IL-6, l’IL-12, l’IL-23, etc.), responsables de la prolifération des kératinocytes épidermiques, associée à des anomalies de leur différenciation, et à une inflammation du derme et de l’épiderme (infiltrats de polynucléaires et lymphocytes), qui elle aussi à son tour va stimuler les lymphocytes T-helper. Les différentes thérapeutiques vont agir respectivement sur la réponse initiale immunologique et la cascade de signaux conduisant aux phénomènes inflammatoires et prolifératifs, ainsi que sur la pérennisation de la réaction [1–3] .
Psoriasis et médicaments
Figure 10.
6
Acrodermatite pustuleuse.
Certains médicaments peuvent influencer l’évolution du psoriasis, mais les vrais psoriasis induits par des médicaments sont exceptionnels [10] . La corticothérapie générale fait disparaître les lésions cutanées, mais il existe un rebond presque constant à l’arrêt de la thérapeutique, contre-indiquant ou limitant son usage chez les sujets psoriasiques. Le lithium aggrave le psoriasis et favorise le passage à une forme inflammatoire ou pustuleuse. EMC - Traité de Médecine Akos
Psoriasis 2-0725
Les bêtabloquants aggravent ou induisent un psoriasis sur un terrain prédisposé, souvent avec un délai moyen de deux à trois mois, parfois plus. Il ne s’agit pas d’une toxidermie stricto sensu nécessitant l’arrêt du bêtabloquant, mais toutes les fois qu’un changement thérapeutique est possible il doit être tenté. Le rôle des autres médicaments est moins bien documenté : anti-inflammatoires non stéroïdiens, antipaludéens de synthèse (même si d’authentiques psoriasis pustuleux ou érythrodermies ont été rapportés), interféron, etc.
Comorbidités Certaines pathologies sont associées au psoriasis de fac¸on considérée comme non fortuite.
Atteintes rhumatologiques [3, 11, 12] L’atteinte cutanée est associée à un rhumatisme psoriasique dans 7 à plus de 30 % des cas, suivant les séries. Différent types d’atteinte rhumatologique sont possibles : mono- ou polyarthrites périphériques, atteintes axiales. Le syndrome de Reiter et le syndrome SAPHO (atteinte sternocostale avec pustulose palmoplantaire) sont des entités à part. C’est un diagnostic d’élimination évoqué sur l’atteinte inflammatoire clinique, une vitesse de sédimentation et une protéine C-réactive élevées, un facteur rhumatoïde, des anticorps anti-cyclic citrullinated peptide et antinucléaires négatifs. Les radiographies orientées et l’imagerie par résonance magnétique sont également des arguments du diagnostic qui doit être fait par un rhumatologue. L’existence d’une atteinte rhumatologique peut faire pencher la décision thérapeutique vers un traitement systémique, même en cas de psoriasis cutané localisé. Il n’existe pas de parallélisme évolutif entre l’atteinte cutanée et l’atteinte rhumatologique. Celle-ci peut survenir à n’importe quel moment de l’évolution de la dermatose et leurs gravités respectives sont indépendantes. Toutes les formes cutanées peuvent être associées à une atteinte articulaire, mais les formes inflammatoires pustuleuses ou unguéales et semble-t-il des plis le sont plus fréquemment que les autres. Cette association semble également plus fréquente chez les sujets infectés par le VIH.
Maladie de Crohn La fréquence du psoriasis dans la maladie de Crohn est sept fois plus importante que dans la population générale [13] .
Dépression L’intrication d’un psoriasis et d’une dépression est souvent présente. Cette dernière a un impact sur le vécu de la dermatose, sur l’observance des traitements (notamment locaux) et les traitements respectifs peuvent interférer [14, 15] .
Syndrome métabolique Les patients psoriasiques présentent souvent un ou plusieurs éléments du syndrome métabolique, obésité, diabète, anomalies dyslipidémiques, hypertension artérielle, et ont donc un risque cardiovasculaire accru. Le TNF␣ et l’IL-6 ont un rôle commun : l’inflammation chronique liée au psoriasis pourrait aggraver ce syndrome par le biais de l’insulinorésistance et les adipokines sécrétées par le tissu adipeux, notamment abdominal, ont un rôle pro-inflammatoire [16–26] . L’impact de ce syndrome est également important sur les traitements du psoriasis (contre-indications, interactions médicamenteuses) et sa prise en charge fait partie intégrante du traitement du psoriasis. Par exemple, il est difficile à un obèse de se mettre de la crème sur les jambes, les plis sont siège de macération des lésions, les EMC - Traité de Médecine Akos
rétinoïdes s’accumulent dans le tissu adipeux, le méthotrexate est plus hépatotoxique en raison de la stéatopathie liée à l’obésité et/ou à l’alcool [27–29] .
Traitements
“ Point fort Traitements • Les traitements locaux (corticoïdes et non corticoïdes) actuels restent la base du traitement de la majorité des cas. • La photothérapie garde des indications, avec des limitations (effets secondaires indésirables cumulatifs, disponibilité). • Les traitements généraux systémiques doivent être prescrits par des dermatologues expérimentés dans le choix et la surveillance des multiples alternatives disponibles. • Le méthotrexate reste le traitement systémique de référence. • L’hépatotoxicité propre du méthotrexate a été surestimée et dépend surtout des comorbidités (alcool, stéatohépatite non alcoolique dans le cadre du syndrome métabolique). • L’hématotoxicité est liée aux associations médicamenteuses et à des erreurs de prescription et/ou d’observance. • La prescription hebdomadaire du méthotrexate doit être stricte, claire et sans ambiguïté. • Les rétinoïdes et la ciclosporine sont utiles dans des indications appropriées. • Les biothérapies, encore en deuxième ligne thérapeutique, sont une famille thérapeutique en développement rapide, aux indications évolutives.
Il n’existe pas de traitement curatif du psoriasis. L’objectif thérapeutique consiste à faire disparaître le plus possible les lésions cutanées et idéalement à maintenir le résultat avec le moins d’effets secondaires et d’astreinte possible. Il est donc primordial d’apprécier la demande de chaque patient, le type, la localisation, l’évolutivité du psoriasis et son histoire naturelle. On peut s’aider de divers critères d’appréciation ; parmi les plus utilisés, il existe des critères objectifs comme le Psoriasis Area and Severity Index (PASI), et le Body Surface Area (BSA) (surface corporelle atteinte estimée par la surface de la main du patient) et des critères subjectifs (questionnaire de qualité de vie : Dermatology Life Quality Index [DLQI]). Ces critères sont imparfaits mais reproductibles et comparatifs, permettant de poser une indication thérapeutique (par exemple, un BSA supérieur à 10 rend les traitements locaux illusoires, un PASI supérieur à 10 correspond à un psoriasis objectivement sévère, un DLQI supérieur à 10 à un psoriasis subjectivement sévère), d’apprécier l’efficacité des thérapeutiques ou la nécessité d’en changer, et de les justifier le cas échéant (indication autorisation de mise sur le marché d’une biothérapie dans le choix d’un traitement de psoriasis modéré à sévère) [30] . Le choix d’un traitement se fait avec le patient, en lui expliquant les problèmes inhérents à chaque traitement, les modalités pratiques d’administration (locale, produit gras ou non, ou systémique, per os, ou par voie injectable), le rythme du traitement (une ou deux fois par jour avec l’astreinte inhérente, ou une seule fois par semaine, ou moins souvent), et surtout les effets secondaires possibles, ainsi que la surveillance clinique et biologique requise, à court et long termes. C’est le rapport bénéfice/risque qui est le plus important à considérer, et il n’est pas toujours le même pour le patient et le médecin [31–33] .
7
2-0725 Psoriasis
Traitements locaux [34, 35] Dermocorticoïdes [34–38] Ils sont un bon traitement d’attaque, efficace et cosmétiquement très appréciable ; les galéniques doivent être adaptées suivant les localisations (lotions, gels, mousses ou shampooings, rarement crèmes pour le cuir chevelu ; crèmes ou pommades pour le corps) ; ils sont appliqués uniquement sur les lésions, de fac¸on dégressive, par paliers de une à deux semaines, rarement plus longs. Un traitement d’entretien est nécessaire, espacé (maximum deux applications par semaine à jours espacés) afin de minimiser les effets secondaires à long terme : surinfections rares, surtout atrophie cutanée et en théorie tachyphylaxie. La classe du dermocorticoïde doit être adaptée à la topographie. La consommation doit être surveillée (nombres de tubes utilisés mensuellement). Il n’existe pas de retentissement sur la croissance de l’enfant pour une consommation « raisonnable ».
Analogues de la vitamine D [34, 35, 39] Calcipotriol (Daivonex® crème), calcitriol (Silkis® pommade), tacalcitol (Apsor® pommade et émulsion) sont de bons traitements d’entretien et peuvent être appliqués en débordant les lésions. La consommation hebdomadaire ne doit pas dépasser 100 g du produit, soit trois tubes de 120 g/mois (risque théorique d’hypercalcémie), surtout si la lotion est également utilisée. Ils peuvent être utilisés chez l’enfant sans problème particulier. L’association calcipotriol et bétaméthasone (Daivobet® pommade et gel, Xamiol® lotion pour le cuir chevelu) est appliquée tous les jours en traitement d’attaque d’environ 1 mois, puis de fac¸on espacée en entretien. Les tubes de Daivobet® sont de 60 g.
Tazarotène [34, 35, 40] Ce dérivé topique de la vitamine A (Zorac® gel, 0,1 % et 0,05 %) est parfois utile dans les kératodermies et autres lésions kératosiques. Il n’a pas l’inconvénient des contre-indications des rétinoïdes systémiques (contraception, surveillance lipidique) mais est souvent irritant.
Autres traitements locaux Peuvent être également utilisés la vaseline salicylée pour décaper les lésions très squameuses (préparation magistrale allant de 3 à 30 %) et les traitements émollients divers. Les produits à base de goudrons et les badigeons de Caryolysine® sont abandonnés (risque carcinogène potentiel et efficacité modeste) [34, 35] .
Traitements généraux [41–44] Ils sont réservés aux formes diffuses ou sévères du psoriasis. Ils sont d’efficacité indiscutable, mais on dispose actuellement de peu d’études comparant entre eux les différents traitements systémiques. Leur indication est différenciée : certains peuvent également traiter le rhumatisme psoriasique ; le choix doit être individualisé, entre autres en fonction de leurs contreindications et de leurs effets secondaires respectifs. Actuellement, les biothérapies restent encore des traitements de deuxième intention. Chez la femme en âge de concevoir, la contraception, sauf exception, est nécessaire.
Photothérapie [45] Elle comprend la photochimiothérapie (PUVAthérapie) et la photothérapie par ultraviolets B (UVB) à spectre étroit (TLO1). La PUVAthérapie est plus efficace que les UVB dans le psoriasis, elle nécessite l’administration d’un photosensibilisant (psoralène) par voie orale, plus rarement en bain. Les séances ont lieu deux ou trois fois par semaine en traitement d’attaque, puis en entretien de fac¸on plus espacée pendant un à deux mois. La protection oculaire est obligatoire (lunettes adaptées, risque de cataracte), ainsi que celle du visage (par linge, sauf en cas de lésions) et des organes génitaux (string pendant les séances). Il existe un
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risque carcinogène cutané cumulatif à long terme (> 1500 J/cm2 , soit environ 15 cures de 30 séances). Une dosimétrie rigoureuse, adaptée au phototype du sujet, limite ce risque. La surveillance prolongée du revêtement cutané après arrêt d’une photothérapie même ancienne s’impose. C’est un excellent traitement d’attaque. Les UVB peuvent être utilisés chez l’enfant et la femme enceinte. L’accessibilité aux cabines de photothérapie est aussi une limite.
Acitrétine (Soriatane® ) [46, 47] C’est un rétinoïde utilisé par voie orale. Une contraception orale est obligatoire chez la femme, maintenue pendant 2 ans après l’arrêt (risque tératogène). L’utilisation de cette thérapeutique est limitée par la possible augmentation du cholestérol et des triglycérides qu’il faut surveiller régulièrement, mais un taux normal sous traitement normocholestérolémiant n’est pas une contre-indication malgré l’augmentation du risque cardiovasculaire au long cours. L’hypertriglycéridémie non contrôlée expose à un surrisque de pancréatite aiguë. L’hépatotoxicité est possible, probablement idiosyncrasique. Une fragilité cutanéophanérienne modérée est constante, elle est dose-dépendante et témoigne de l’imprégnation par les rétinoïdes ; en son absence, il n’y a pas d’efficacité thérapeutique, mais elle ne doit pas devenir gênante (lèvres et/ou yeux). D’autres effets secondaires, plus rares, sont possibles (appositions osseuses, etc.). C’est surtout un excellent traitement d’entretien ; en traitement d’attaque, elle doit souvent être combinée à la PUVAthérapie ou à un traitement local. Elle peut être utilisée chez l’enfant, mais la croissance doit être surveillée. Le cancer et ses traitements ne sont pas une contre-indication.
Méthotrexate [46, 48] C’est le traitement de référence (Methotrexate® , per os et injectable, Novatrex® comprimés à 2,5 mg, Imeth® comprimés à 2,5 mg et comprimés à 10 mg, Métoject® injectable). En administration hebdomadaire à jour fixe, indiqué explicitement sur la prescription, de 10 à 25 mg, le méthotrexate est une thérapeutique sûre et efficace ; il n’est hématotoxique qu’en cas d’associations médicamenteuses par des mécanismes d’interférence pharmacologique (AINS, sulfamides antibactériens, surtout ; l’acide acétylsalicylique à forte dose est contre-indiqué mais pas les faibles doses cardiologiques) ou de non-respect des règles de prescription. Son emploi est limité par une hépatotoxicité cumulative (fibrose avec possible évolution vers cirrhose), qui a été toutefois largement surestimée ; elle existe avec une dose-seuil actuellement estimée à 4 g en l’absence de facteur de risque (et tous les 2 g supplémentaires cumulatifs). Elle est de 2 g en cas de facteur de risque préexistant (antécédents d’hépatopathie congénitale, virale ou médicamenteuse), de consommation d’alcool ou de traitements hépatotoxiques concomitants, et/ou de syndrome métabolique associé. Le dosage des transaminases et l’échographie ne sont pas des marqueurs suffisamment fiables, l’augmentation répétée du peptide du procollagène III (marqueur de fibrose hépatique) impose des investigations supplémentaires (fibrotest et fibroscan) ; si ces tests sont anormaux, la ponction-biopsie hépatique reste l’examen de référence (mais n’est pas dénuée de complications possibles). Il n’y a pas de dose cumulée limitante en l’absence de fibrose confirmée. L’administration d’acide folique, suivant divers protocoles mais pas le jour de l’administration du méthotrexate, ne diminue pas l’efficacité et améliore la tolérance. Les pneumopathies d’hypersensibilité sont exceptionnelles mais imposent l’arrêt du méthotrexate. L’antidote des accidents hématologiques (en principe évitables) est l’acide folinique.
Ciclosporine [46, 49] Elle est efficace à la dose de 2 à 5 mg/kg/j ; il faut tenir compte des associations médicamenteuses mais le dosage de la ciclosporinémie n’est pas nécessaire. Son utilisation est limitée par l’hypertension artérielle (parfois précoce) et la néphrotoxicité induites nécessitant l’adaptation des doses. L’innocuité de son utilisation continue au-delà de deux ans n’est pas connue (réversibilité des altérations rénales, risque d’induction de lymphome). EMC - Traité de Médecine Akos
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Actuellement, elle est utilisée en « sauvetage » sur des temps courts. La prescription initiale de ciclosporine (Néoral® ) est hospitalière pour une durée de 6 mois.
Biothérapies [50–52] Dans le psoriasis sont utilisés les anti-TNFα (antirécepteurs comme l’étanercept [Enbrel® ] ou les anticorps anti-TNF␣, chimériques comme l’infliximab [Remicade® ] ou humanisés comme l’adalimumab [Humira® ]) et l’anti IL-12/IL-23 comme l’ustékinumab [Stelara® ]. Ils sont indiqués en cas de psoriasis sévère, après échec, intolérance ou contre-indication de deux des trois traitements systémiques majeurs, photothérapie, méthotrexate et ciclosporine ; la première prescription est hospitalière pour un an (révisable après trois mois). Il existe un risque d’infections graves (tuberculose en particulier) et carcinogène (tumeurs solides et surtout lymphomes), d’aggravation de pathologies démyélinisantes et d’insuffisance cardiaque, de fréquence différente selon la biothérapie. Ils nécessitent un bilan préthérapeutique rigoureux. Il n’y a pas d’adaptation des doses ni en fonction de l’âge, ni des fonctions hépatiques ou rénales, ni du poids sauf pour l’infliximab et l’ustekinumab. L’infliximab est administré en perfusion dans un contexte hospitalier, contrairement à tous les autres qui sont administrés par voie sous-cutanée en ambulatoire. Il n’y a pas d’interactions médicamenteuses. Leur prescription initiale est hospitalière, avec ordonnance de médicaments d’exception ; leur efficacité est jugée à 3 mois, puis prescription hospitalière pour une durée de 1 an ; renouvellement en ville possible suivant les critères des médicaments d’exception. L’indication de ces traitements est du ressort du dermatologue, mais une étroite collaboration avec les généralistes est nécessaire (interférences médicamenteuses, effets secondaires possibles, surveillance, etc.).
Traitements empiriques [53] Un bénéfice, malheureusement souvent transitoire, peut être apporté à certains patients par d’autres méthodes thérapeutiques comme les cures thermales, la relaxation ou l’acupuncture, la prise en charge psychothérapique.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
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Pour en savoir plus Site thérapeutique dermatologique : www.therapeutique-dermatologique. org. (chapitres psoriasis, corticothérapie locale, vitamine D et ses analogues, rétinoides topiques, méthotrexate, ciclosporine, rétinoïdes systémiques, photothérapie UVB et PUVAthérapie). Club Rhumatismes et inflammation : www.cri-net.com. Fiches pratiques biothérapies. Site de la Haute autorité de santé : www.Has-sante.fr. Guinot C, Latreille J, Perrussel M, Doss N, Dubertret L., on behalf of the French Psoriasis Group. Psoriasis: characterization of six different clinical phenotypes. Exp Dermatol 2009;18:712–9. Heller MM, Lee ES, Koo JY. Stress as an influencing factor in psoriasis. Skin Ther Lett 2011;16:1–4. Weiss G, Shermer A, Trau H. The Koebner phenomenon: review of the literature. J Eur Acad Dermatol Venereol 2002;16:241–8. Rutter KJ, Watson RE, Cotterell LF, Brenn T, Griffiths CE, Rhodes LE. Severely photosensitive psoriasis: a phenotypically defined patient subset. J Invet Dermatol 2009;129:2861–7. de Jager ME, de Jong EM, van de Kerkhof PC, Seyger MM. Efficacy and safety of treatments for childhood psoriasis: a systematic literature review. J Am Acad Dermatol 2010;62:1013–30. Chan CS, van Voorhees AS, Lebwohl MG, Korman NJ, Young M, Bebo BF Jr, et al. Treatment of severe scalp psoriasis: from the medical board of the National Psoriasis Foundation. J Am Acad Dermatol 2009;60:962–71. Meeuwis KA, de Hullu JA, de Jager ME, Massuger LF, van de Kerkhof PC, van Rossum MM. Genital psoriasis: a questionnaire-based survey on a concealed skin disease in the Netherlands. J Eur Acad Dermatol Venereol 2010;24:1425–30.
I. Bournerias, Attaché consultant, dermatologue (
[email protected]). Service de dermatologie, Hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France. Service de médecine interne et service des maladies infectieuses et tropicales, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Bournerias I. Psoriasis. EMC - Traité de Médecine Akos 2014;9(2):1-10 [Article 2-0725].
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2-0730 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
2-0730
Eczémas JR Manciet
L
a dermatite atopique touche 2 à 5 % des enfants de moins de 2 ans. Dans la majorité des cas, le diagnostic est clinique et ne nécessite aucune exploration complémentaire.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : eczéma, allergie de contact, dermatite atopique, eczémas microbiens, eczéma par voie endogène, bilan allergologique, traitement.
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Diagnostic d’un eczéma ‚ Généralités L’eczéma est une des causes les plus fréquentes de consultation rencontrées en pathologie dermatologique. Cliniquement non spécifique d’une cause particulière, il est défini comme une inflammation superficielle de la peau accompagnée de prurit et caractérisée par une éruption polymorphe formée d’un érythème, de vésicules, de croûtes et de desquamation. Histologiquement, il existe un œdème avec vésiculation épidermique, souvent associé à un épaississement épidermique (acanthose et parakératose). À ce syndrome correspondent plusieurs étiologies : l’eczéma de contact, la dermatite atopique, les eczémas par voie endogène, les eczémas microbiens et les eczémas de stase.
‚ Aspects cliniques Forme typique L’eczéma est formé de placards de nombre, de dimensions et de formes variables, dont les contours sont réguliers ou émiettés. La lésion d’eczéma passe schématiquement par quatre stades successifs : – phase érythémato-œdémateuse : rougeur diffuse plus ou moins œdémateuse et prurigineuse, émiettée en bordure, avec souvent aspect granité au toucher ; – phase vésiculeuse : semis de vésicules superficielles et claires sur le placard érythématoœdémateux. Cet aspect évolue le plus souvent vers une rupture des vésicules avec écoulement de sérosité ; – phase de suintement : la surface du placard est suintante, légèrement jaunâtre, se coagulant sous forme de croûtelles. Ce suintement dure plusieurs jours à plusieurs semaines ; – phase de desquamation : la rougeur diminue, des squames se forment et, si la cause de l’eczéma est supprimée, le prurit disparaît et l’on observe une restitutio ad integrum de l’épiderme. Le prurit est constant, de la phase érythémateuse à la phase desquamative.
Formes cliniques selon l’aspect – Eczéma craquelé : la peau est sillonnée par des craquelures rouges, linéaires, s’entrecroisant. Il siège assez fréquemment sur les faces d’extension des membres. – Eczéma papulovésiculeux : il est constitué de petites élevures papuleuses légèrement infiltrées surmontées d’une petite vésiculette, en plaques (cou, membres), ou disséminées sur le tronc et les membres. – Eczéma nummulaire : rebelle et récidivant, il est formé de lésions arrondies ou ovalaires le plus souvent multiples, nettement délimitées, de 1 à 5 cm de diamètre. Il a tendance à se disséminer. – Eczéma lichénifié : c’est une forme chronique d’eczéma prenant l’aspect d’une plaque ou d’une nappe bien circonscrite, de couleur grisâtre, épaissie, quadrillée et très prurigineuse.
Formes topographiques
¶ Aux extrémités La dyshidrose, très prurigineuse, est constituée de vésicules tendues, profondément enchâssées dans l’épiderme et remplies d’un liquide clair, localisées aux paumes, aux plantes et à la face latérale des doigts et des orteils. L’évolution est, soit discrète avec assèchement des vésicules, soit bulleuse par confluence des vésicules pouvant se surinfecter. Les kératodermies palmoplantaires sont formées de plaques érythématosquameuses prurigineuses, dont le diagnostic est difficile avec certaines dermites d’irritation ou dermatoses hyperkératosiques et fissuraires, dont le psoriasis. Dans les acropulpites, les pulpes des doigts sont rêches, finement crevassées, prurigineuses et douloureuses si fissuraires.
¶ Au visage Prédominant sur les zones exposées en respectant le fond des plis et les zones non ensoleillées, régions sous-orbitaire, sous-nasale, sous-mentonnière, il évoque une photosensibilité ; prédominant au fond des plis sans respecter les zones photoprotégées, il évoque une allergie aéroportée.
‚ Diagnostic différentiel Dermite d’irritation Ce sont en général des lésions érythématosquameuses, voire kératosiques, assez nettement limitées
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au territoire d’application du produit irritant. Les sensations de gêne douloureuse prédominent sur un éventuel prurit et peuvent être aggravées par l’existence de fissures et de crevasses.
¶ Autres diagnostics différentiels Ce sont, dans les formes disséminées, la gale, le pityriasis rosé de Gibert et le psoriasis ; dans les formes localisées, certaines infections (herpès, zona, dermatophytie), etc (tableau I).
‚ Diagnostic étiologique L’interrogatoire est capital. Il fait préciser les antécédents atopiques et allergiques, la profession, les activités extraprofessionnelles, les cosmétiques utilisés, les circonstances et le siège d’apparition, l’existence d’une aggravation solaire, les traitements prescrits pour une autre pathologie ou pour l’eczéma. L’examen clinique recherche : – les signes en faveur d’une dermatite atopique, d’un prurit, d’une lichénification des plis chez l’adulte et l’enfant, atteinte du visage et des faces d’extension des membres chez le nourrisson ; – la topographie des lésions initiales avec leur éventuelle extension ; – les complications avec leur éventuel retentissement psychologique. Le bilan allergologique cutané est le troisième élément du diagnostic. La finalité des tests épicutanés (patch-test) est de reproduire la réaction clinique observée sur une région circonscrite de la peau, par mise en contact avec les allergènes suspects. Un test positif n’a de valeur que s’il s’intègre à l’histoire clinique (pertinence du test). Les allergènes les plus fréquents sont testés systématiquement avec la batterie standard de l’International Contact Dermatitis Research Group (ICDRG). On y retrouve les métaux, les composants des caoutchoucs et des colles, les marqueurs des parfums et des végétaux, des conservateurs, les molécules ayant une amine primaire en para, la néomycine et la lanoline (alcools de laine) (tableau II). Les autres allergènes étudiés dépendent du diagnostic évoqué et comportent des batteries plus spécialisées ainsi que les produits utilisés par les patients.
2-0730 - Eczémas
Tableau I. – Diagnostics différentiels de l’eczéma. Prurit
Clinique
Formes diffuses - gale
++
Sillons, zones électives (interdigitales, poignets, etc)
- dermatite herpétiforme - pityriasis rosé de Gibert
++ -
- psoriasis
-
- dermite séborrhéique du nourrisson
-
Formes localisées - herpès - zona - trichophytie
+/-
Visage - diffus - érysipèle - angioœdème - paupières : dermatomyosite
-
Recherche du sarcopte Histologie et IFD
Médaillon initial, lésions érythématosquameuses plus petites en « sapin de Noël » Lésions érythématosquameuses bien limitées (coudes, genoux, lombes++, ongles, etc) L’aspect clinique peut être identique. Le diagnostic est posé sur l’évolution (guérison, dermatite atopique typique) Vésicules en « bouquet » Vésiculobulles déprimées et croûteuses Bordure périphérique
Histologie 0
Prélèvement cutané Prélèvement mycologique
Fièvre, AEG, bourrelet périphérique Œdème Œdème lilacé des paupières, AEG, myalgies
Paumes et plantes - dysidrose surinfectée, pustuloses (psoriasis, dermatophyties, etc)
Histologie
- kératodermies palmoplantaires (psoriasis, etc) - syphilis secondaire - acropulpites Dermite d’irritation
Examens complémentaires
- (brûlure)
Idem Idem Papules infiltrées et squameuses Idem
Prélèvement bactériologique TPHA, VDRL Histologie
Lésions bien limitées sans extension
Nécrose cellulaire, bulles intraépidermiques
TPHA : Treponema pallidum haemagglutination assay ; VDRL : venereal disease research laboratory ; IFD : immunofluorescence directe ; AEG : altération de l’état général.
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Eczéma de contact allergique ‚ Généralités L’eczéma de contact est une réaction inflammatoire immune de type hypersensibilité retardée, médiée par les lymphocytes et induite par la pénétration dans la peau de substances de faible poids moléculaire ou haptènes qui ne deviennent antigéniques qu’après liaisons aux protéines des cellules épidermiques. Le mécanisme de la sensibilisation se fait en deux phases, l’induction et la révélation. La multiplicité des substances appliquées sur la peau est vraisemblablement la cause de l’augmentation de fréquence de ces sensibilisations. Les étiologies les plus fréquentes en fonction du siège initial sont reportées dans le tableau III.
extraits de plantes, anesthésiques tels que la benzocaïne, les corticoïdes, etc, ou les autres composés, conservateurs, parfums, excipients.
Origine cosmétique Les allergènes les plus fréquents sont les parfums, les conservateurs, les excipients (lanoline), les teintures capillaires. L’allergie au vernis à ongles est le plus souvent localisée aux paupières et faces latérales du cou et épargne les mains.
Le diagnostic est évoqué sur une évolution rythmée par le travail. Dans certains cas, ces allergies rentrent dans le cadre des maladies professionnelles indemnisables. Les allergènes rencontrés sont multiples et évoluent avec les nouvelles technologies.
Aspects particuliers
Origine vestimentaire
¶ Eczéma aéroporté
Textiles : survenant souvent après port de vêtements neufs, l’eczéma siège surtout aux zones de macération, de friction (plis, cou, scrotum) ; les principaux allergènes sont les colorants, les apprêts ; les fibres textiles sont rarement en cause. Objets vestimentaires non textiles : cuirs tannés au chrome, colles, colorants, caoutchoucs des chaussures et des gants, nickel contenus dans les objets métalliques, etc.
L’allergène est véhiculé par voie aérienne et déclenche un eczéma sur les zones découvertes, visage, ou prédomine dans les plis, dos des mains, zones vestimentaires où l’allergène est le plus concentré.
Tous les topiques médicamenteux peuvent être allergisants : les substances actives, antibiotiques (néomycine), antiseptiques (mercuriels, ammonium quaternaire, hexamidine), anti-inflammatoires (bufexamac, anti-inflammatoires non stéroïdiens),
Elles correspondent à une sensibilisation de contact induite par deux substances chimiques différentes, mais qui partagent entre elles des haptènes de structure chimique très voisine comme les amines primaires en para (paraphénylène diamine [PPD], colorants azoïques, benzocaïne).
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Dermatite atopique
Origine professionnelle
‚ Différents allergènes
Origine médicamenteuse
‚ Allergies croisées
¶ Eczéma par photosensibilisation Il fait intervenir le rayonnement solaire dans la survenue de l’éruption. Il prédomine sur les zones exposées et respecte les zones peu exposées : régions rétro-orbitaire, sous-mentonnière, sous-nasale et le fond des plis. Le diagnostic est fait par l’exploration photobiologique.
¶ Eczéma par procuration Peu fréquent, il est secondaire au contact avec un allergène porté par une personne de l’entourage.
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‚ Généralités La dermatite atopique est une forme d’eczéma, s’exprimant sur un terrain génétique particulier, l’atopie, caractérisée cliniquement par l’asthme allergique, la rhinite allergique et la dermatite atopique, une transmission héréditaire dominante de type polygénique à expression variable. En constante augmentation depuis quelques années, elle atteint 2 à 5 % des enfants de moins de 2 ans.
‚ Aspects cliniques La dermatite atopique débute en général entre 2 et 6 mois, mais elle est parfois difficile à différencier de la dermite séborrhéique ; seule la persistance de l’éruption, l’apparition d’un prurit, seulement perceptible à l’âge de 3 mois, et l’apparition d’autres localisations permettent de confirmer a posteriori une dermatite atopique de survenue très précoce chez un nourrisson. L’évolution générale est faite de poussées entrecoupées de rémission. L’aspect des lésions et leur siège varient en fonction de l’âge ; elles sont accompagnées constamment d’un prurit. La dermatite atopique ne persiste au-delà de l’âge de 2 à 3 ans que dans 10 % des cas ; seulement 2 % persistent à l’âge adulte.
Eczémas - 2-0730
Tableau II. – Batterie standard européenne de l’International Contact Dermatitis Research Group (ICDRG). Allergènes
Non professionnel
Professionnel
1
Bichromate de potassium
Cuirs tannées au chrome, certaines eaux de Javel
Ciments, peintures, huiles industrielles, soudure autogène, certains colorants, etc
2
Néomycine (sulfate)
Topiques médicamenteux, désinfectants du tube digestif, déodorants, etc
Aliments et graines pour la volaille
3
Thiuram-mix
Objets vestimentaires et objets divers en caoutchouc, disulfirame, etc
Industries du caoutchouc, de l’automobile, de la chaussure, insecticides et pesticides, etc
4
Paraphénylène diamine (PPD)
Teintures capillaires, teintures textiles et du cuir
Teintures capillaires, teintures textiles, du cuir, industrie du caoutchouc et des plastiques, etc
5
Chlorure de cobalt
Pigment bleu de maquillage, matériel d’ostéosynthèse, vitamine B12
Ciments, porcelaines, peintures, objets nickelés, soudure, alliages divers, etc
6
Benzocaïne
Topiques médicamenteux
7
Formaldéhyde
Produits d’hygiène, cosmétiques, produits ménagers, papiers, matières plastiques, textiles
Papiers, peintures, encres d’imprimerie, textiles, fourrures, cuirs, colles, désinfectants, horticulture et agriculture, etc
8
Colophane
Pansements divers, vernis chirurgicaux, certains cosmétiques (dépilatoires, rouges à lèvres, etc), cires
Industries des caoutchoucs, forestières, des colles, de certains papiers, etc
9
Clioquinol
Antiseptiques
Désinfection
10 Baume du Pérou
Cosmétiques, brillantines, lotions capillaires, parfums, boissons, tabac, topiques médicamenteux
Peintures, dentisterie
11 IPPD
Objets en caoutchouc noir
Industrie automobile, métiers de la construction, fermiers
12 Lanoline
Cosmétiques, médicaments topiques, aérosols insecticides, pansements, etc
Encres d’imprimerie, imperméabilisation du cuir et de la fourrure, etc
13 Mercapto-mix (MBT + CBS + MBTS + MOR)
Objets en caoutchouc
Industries du caoutchouc, etc
14 Résine époxy
Industries et utilisation des plastiques, des colles, des peintures et vernis, des stratifiés, etc
15 Parabens
Cosmétiques, topiques médicamenteux
Crèmes barrière
16 Résine butylphénol formaldéhyde paratertiaire
Vêtements, chaussures (colles)
Industrie de la chaussure et de l’automobile (colles), etc
17 Fragrance-mix (géraniol, eugénol + isoeugénol + oak moss absolute + hydroxycitronellal + cinnamyl alcohol + cinnamaldehyde + a-amylcinnamaldéhyde
Produits cosmétiques, produits de pharmacie, produits alimentaires à base de cannelle, de clou de girofle, détergents et aérosols, etc
Industries et métiers de la parfumerie et de la cosmétique, essences aromatiques chez les boulangers et les pâtissiers, métiers de l’entretien, etc
18 Lactone-mix (alanctolatone, costulonide, déhydrocostuslactone)
Topiques et cosmétiques
Métiers du bois et des plantes
19 Quaterniumt 15 (Dowicilt 200)
Bactéricide et fongicide dans certains cosmétiques, désinfectant des lentilles de contact
20 Sulfate de nickel
Bijoux, accessoires vestimentaires, objets métalliques divers, matériel médical, pigments bruns, certains détergents, etc
Nickelage, métallurgie, peintures, alliages divers, certains détergents, huiles de coupe, etc
21 Kathont CG
Cosmétiques, produits d’entretien, adhésifs, colles
Industrie des cosmétiques, métiers de l’entretien, huiles de coupe, pâtes à papier, émulsions de latex, peintures, etc
22 Mercaptobenzothiazole
Objets en caoutchouc
Industries du caoutchouc, etc
23 Primine
Primevère
Primevère
Aspects cliniques en fonction de l’âge
¶ Chez le nourrisson L’eczéma est constitué de plaques rouge vif mal limitées, croûteuses, parfois vésiculosuintantes et excoriées par le grattage. Les lésions prédominent au visage sur les convexités (front, joues, menton) en respectant la zone centrofaciale (nez, zone péribuccale) ; dans les formes plus importantes, elles peuvent atteindre le cuir chevelu, le cou, les faces d’extension des membres et le siège. Le prurit constant à partir de l’âge de 3 mois provoque des griffures au
niveau du visage, des mouvements de frottement sur l’oreiller avec sommeil agité, mais cependant conservation d’un bon état général. L’évolution se fait par poussées avec fréquente surinfection staphylococcique.
¶ Chez l’enfant La persistance de la dermatite atopique au-delà de 2 ans est habituellement associée à une modification et à une présentation relativement uniforme de son aspect clinique. Ces enfants cumulent souvent les manifestations cutanées et respiratoires de l’atopie
3
(asthme, rhinite allergique). La peau est sèche avec des plaques d’eczéma lichénifié et excorié par le grattage au niveau des plis des coudes, des creux poplités, du poignet, du cou et des mains. Les mamelons sont souvent eczématisés. Sur les mains, les lésions d’eczéma sont sèches avec aspect crevassé des doigts ; l’atteinte digitale constitue un handicap important. L’évolution est fluctuante. La dermatite atopique est améliorée en saison estivale par l’ensoleillement et le bronzage ; elle est aggravée en hiver ; les situations émotionnelles stressantes, la chaleur et la transpiration, notamment les
2-0730 - Eczémas
Tableau III. – Étiologies d’eczéma de contact allergique les plus fréquentes en fonction du siège. Siège
Allergène
Produit
Face + paupières
Parfums, conservateurs, excipients, filtres solaires Antiseptiques, antibiotiques Formol et résines Végétaux
Cosmétiques Topiques médicamenteux Vernis à ongles, durcisseurs Plantes, fleurs, aliments
Lèvres
Parfums, baume du Pérou, antiseptiques, conservateurs, filtres solaires Végétaux Nickel, résines, colophane
Rouge à lèvres, baumes, sticks Aliments Instruments de musique
Cou
Formol et résines Nickel Parfums, conservateurs, teintures capillaires Vêtements (atteinte autres plis)
Vernis à ongles, durcisseurs Colliers Cosmétiques, teintures Formol-urée
Oreilles
Antibiotiques, antiseptiques Plastiques, nickel
Gouttes auriculaires Prothèses auditives, écouteurs, boucles d’oreilles, branches de lunettes
Teintures, thioglycolates
Teintures capillaires, produits de coiffure
Cuir chevelu
Teintures, thioglycolates Nickel Conservateurs, parfums, médicaments
Teintures capillaires, produits de coiffure Branches de lunettes, épingles, pinces Lotions capillaires
Aisselles
Parfums, antiseptiques, conservateurs Formol-urée, colorants
Déodorants, antiperspirants, dépilatoires, topiques médicamenteux Textiles
Tronc
Nickel Textiles
Ceintures, boucles Vêtements
Plis des coudes
Chrome, nickel Colorants
Métaux, ciments Vêtements
Avant-bras
Plastiques, résines, colles, vernis
Toiles cirées, vernis des tables
Poignets
Nickel, chrome Colles (résine butylphénolformaldéhyde)
Bijoux, bracelets-montres, ciments Bracelets cuir
Dos des mains
Caoutchoucs Chrome, colles (résines)
Gants en caoutchouc Gants en cuir
Paumes
Nickel, caoutchoucs Baume du Pérou, parfums, conservateurs, excipients
Objets, gants, pneus Topiques médicamenteux, agrumes Produits ménagers
Doigts
Résine époxy, résine butylphénolformaldéhyde Végétaux Encres, détergents
Matières plastiques, colles Alimentation, horticulture Imprimerie, produits ménagers
Plis
Colorants Poussières de bois exotiques
Vêtements, bas, collants Fabrication de meubles
Régions anogénitales
Parfums, antiseptiques, conservateurs Latex Procaïne, antiseptiques
Ovules, déodorants, produits contraceptifs Préservatifs Produits antihémorroïdaires, suppositoires
Jambes
Baume du Pérou Lanoline, parabens Antibiotiques (néomycine) Chlorhexidine, hexamidine Colorants Caoutchoucs
Topiques médicamenteux, antiseptiques Cicatrisants
Cuisses
Nickel, caoutchoucs
Jarretelles Objets se trouvant dans les poches
Pieds
Chrome, caoutchoucs, colles Formaldéhyde
Chaussures Déodorants, antitranspirants
efforts physiques, aggravent ou déclenchent le prurit, qui constitue la principale gêne de la maladie.
¶ Formes cliniques spécifiques de l’enfant
Le pityriasis alba se présente sous la forme de petites plaques hypochromiques à peine érythémateuses, quelquefois finement squameuses, dartres furfuracées. Il se situe surtout sur la face et sur les bras.
Collants Bandes de contention, bottes
La dermatose plantaire juvénile a un aspect clinique très particulier : c’est une dermatose des enfants en âge scolaire portant en permanence des baskets. La face plantaire des orteils et la zone d’appui antérieur des deux pieds sont lisses, vernissées, souvent hyperkératosiques et crevassées ; les crevasses entraînent des douleurs et une gêne pour la marche et les activités sportives. Cette dermatose polyétiologique fait intervenir plusieurs facteurs : confinement dans
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des chaussures hermétiques, rétention sudorale, sensibilisation possible à des allergènes des chaussures (caoutchouc, colles, colorants), dermatite atopique. La chéilite de léchage présente des fissures commissurales et labiales inférieures, une irritation périlabiale eczématiforme et un tic de léchage. La blépharite palpébrale : on peut observer des érosions fissuraires des canthus externes, mais le signe
Eczémas - 2-0730
Tableau IV. – Différents allergènes responsables d’eczéma par voie endogène. Réactogènes systémiques Médicaments Antibiotiques
Allergènes de contact (sensibilisation)
- gentamicine - kanamycine, tobramycine - pénicilline - sulfamides
- gentamicine - néomycine (topiques, cosmétiques, déodorants) - pénicilline - amines en para (PPD, sulfanilamide/Exoseptoplixt)
Anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens
- corticoïdes - acide acétylsalicylique - kétoprofène - piroxicam (UV) - phénylbutazone
- corticoïdes locaux - salicylates - kétoprofène - thiomersal (acide thioglycolique) - phénylbutazone
Divers
- éthylène diamine - propylène glycol - sulfamides thiazidiques - anesthésiques - phénothiazines
- éthylène diamine - propylène glycol - sulfanilamide - benzocaïne et PPD - phénothiazines (isothipendyl/Apaisylt, prométhazine/Phénergant, chlorproéthazine/Neuriplèget) - éthylène diamine - thiuram des caoutchoucs - thiomersal, mercuriels
- aminophylline - disulfirame (Espéralt) - vaccins contenant du thiomersal Aliments
- épices, arômes - colorants azoïques - conservateurs et antioxydants
- baume du Pérou, fragrances, épices et arômes - amines en para (PPD) - conservateurs et antioxydants des topiques (cosmétiques, médicaments, etc)
Métaux
- aliments riches en nickel, en chrome, etc - corps étrangers
- nickel, chrome, etc - nickel, chrome, etc
PPD : paraphénylène diamine.
le plus caractéristique est la présence d’un second pli palpébral inférieur (signe de Dennie-Morgan), considéré par certains comme pathognomonique.
¶ Chez l’adulte Le tableau clinique est souvent le même que celui de l’enfant. Les lésions chroniques et très lichénifiées se localisent sur les grands plis et les poussées peuvent atteindre les mains, où elles peuvent entraîner un handicap socioprofessionnel important, les paupières, ou être plus diffuses. La xérose est souvent importante. Toutes les autres formes cliniques d’eczéma peuvent se voir : eczéma nummulaire, dyshidrose, voire érythrodermie.
‚ Diagnostic de la dermatite atopique Dans la majorité des cas, le diagnostic de la dermatite atopique est clinique et ne nécessite aucune exploration complémentaire. Une exploration allergologique est décidée lorsque les lésions persistent malgré un traitement bien suivi, ou lorsque des lésions apparaissent à des endroits atypiques de la dermatite atopique. Elle peut comporter, en fonction de l’étiologie suspecte, la pose de patch-tests à la recherche d’une sensibilisation de contact. Enfin, les allergènes alimentaires le plus fréquemment trouvés dans la dermatite atopique de l’enfant sont, par ordre de fréquence, le blanc d’œuf, l’arachide, la moutarde, le lait de vache et le poisson. Une exploration photobiologique est envisagée en cas d’aggravation lors de l’exposition solaire.
‚ Complications Surinfection des lésions exsudatives et excoriées
¶ Bactérienne et mycosique Elles sont favorisées par le prurit, le grattage et les corticoïdes.
¶ Virale – Syndrome de Kaposi-Juliusberg ou pustulose varioliforme : c’est une complication grave provoquée par un virus à tropisme cutané, le plus souvent
herpétique (primo-infection essentiellement), plus rarement coxsackie ou grippal. L’éruption très fébrile avec altération de l’état général survient au cours d’une poussée évolutive de dermatite atopique. Elle débute assez brutalement sur le visage puis se généralise sous forme de vésiculopustules varioliformes ombiliquées, nécrotiques et hémorragiques. L’évolution est actuellement favorable sous traitement antiviral. Les complications viscérales par dissémination sont actuellement rares (encéphalite herpétique). La prévention chez l’atopique en poussée doit être l’éloignement de tout sujet de l’entourage atteint d’herpès. – Verrues vulgaires, multiples et chroniques, et molluscum contagiosum fréquents et profus.
du cou, des plis axillaires et inguinaux, atteinte de la région périnéale ou « syndrome babouin », érythrodermie. Le diagnostic est confirmé par les patch-tests et éventuellement par un test de provocation par voie orale. Les allergènes les plus fréquents sont reportés dans le tableau IV.
‚ Eczéma de stase Il est constitué de grands placards érythématosuintants ou érythématosquameux prurigineux, souvent recouverts de petites croûtelles, à limites nettes. Il peut débuter autour d’un ulcère de jambe et se compliquer d’allergie de contact aux topiques successivement appliqués. Il paraît multifactoriel, associant souffrance tissulaire par trouble circulatoire, microtraumatismes, etc.
Érythrodermie Elle est parfois secondaire à un sevrage brutal d’une corticothérapie locale étendue ou d’une corticothérapie générale (contre-indiquée).
Problèmes relationnels Les possibles complications psychoaffectives secondaires à un prurit chronique, à une peau érythémateuse suintante ou lichénifiée, doivent être prises en compte dans le traitement de la dermatite atopique.
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Autres formes d’eczéma ‚ Eczéma par voie endogène Cet eczéma est défini comme survenant après l’ingestion d’un allergène par voie systémique après sensibilisation primitive par un contact. Cliniquement, il peut se manifester par n’importe quelle forme d’eczéma, mais des formes sont plus évocatrices : dyshidrose, atteinte des paupières, des faces latérales
5
■
Traitements Le traitement comporte plusieurs points : le traitement de la poussée qui fait appel essentiellement aux corticoïdes locaux, et le traitement de l’étiologie quand elle est possible (éviction d’un allergène de contact, suppression des facteurs aggravants). Ce traitement n’est pas toujours facile à expliquer et il faut donc s’assurer qu’il a été bien compris par le patient.
‚ Traitement de la poussée d’eczéma Antisepsie et éventuellement, assèchement des lésions En cas de surinfection, des antiseptiques incolores et peu sensibilisants tels que la chlorhexidine, le nitrate d’argent à 0,5 % dans l’eau (formes suintantes) peuvent être utilisés. Les dérivés mercuriels, l’hexamidine, potentiellement allergisants, sont évités. Les antibiotiques locaux ne sont pas nécessaires dans les formes non compliquées.
2-0730 - Eczémas
Tableau V. – Choix d’un corticoïde en fonction de ses différentes caractéristiques. Classification des corticoïdes
Classe IV (modérés) - Hydrocortisone Astiert crème - Hydracortt crème Classe III (assez forts) - Aclosonet crème, pommade - Célestoderm Relaist crème - Locapredt crème - Synalart PG solution - Topsynet pommade, lotion - Tridésonitt crème - Ultralant pommade Classe II (forts) - Betnevalt crème, pommade, lotion - Célestodermt crème, pommade - Diprosonet crème, pommade, lotion - Effıcortt hydrophile, lipophile - Epitopict crème 0,05 %, gel - Halogt crème - Locatopt crème - Locoïdt crème, crème épaisse, pommade, lotion - Nérisonet crème, pommade, gras - Penticortt crème, pommade - Synalart crème, gras pommade - Topicortet crème - Topsynet APG, gras pommade Classe I (très forts) - Dermovalt crème, gel capillaire - Diprolènet crème, pommade
hydrocortisone hydrocortisone alclométasone bétaméthasone valérate désonide fluocinolone acétonide fluocinolone désonide fluocortolone bétaméthasone valérate bétaméthasone valérate bétaméthasone dipropionate hydrocortisone acéponate difluprednate halcinomide budésonide hydrocortisone butyrate diflucortolone valérianate amcinonide fluocinolone acétonide désoximétasone fluocinonide clobétasol bétaméthasone dipropionate
Choix d’une classe
- classes III et IV : enfant (surface cutanée très importante par rapport au poids) ; visage - classe II : enfant > 5 ans - classe I : exceptionnelle (hyperkératose)
Posologie
- 1 fois par jour pendant 7 jours, puis 1 jour sur 2 pendant 10 jours - ou matin et soir pendant 5 jours puis 1 fois par jour pendant 5 jours, puis 1 jour sur 2 pendant 8 jours
Éviter les associations
+ antibactériens (néomycine) : sans preuve de meilleure effıcacité + antifongiques : risque d’allergie
Effets secondaires
- troubles trophiques : atrophie, vergetures - troubles cosmétiques réversibles : hypopigmentation, hypertrichose, télangiectasies, purpura, acné - troubles inflammatoires : dermite périorale, granulome glutéal infantile - surinfection : candidose, molluscum contagiosum, herpès, folliculites staphylococciques
Contre-indications
- surinfection - corticothérapie par voie générale
Corticothérapie locale (tableau V) La corticothérapie est en général indispensable au traitement de la poussée d’eczéma et doit être de courte durée afin d’éviter les complications et les phénomènes d’accoutumance. Les crèmes sont préférées pour les zones glabres et pour l’enfant, les pommades pour les formes très sèches et les lotions pour les zones pileuses. La méthode d’application peut se faire selon plusieurs schémas : 1 fois par jour pendant 5 à 7 jours avec diminution progressive sur
1 semaine, ou matin et soir pendant 5 jours, le soir pendant 5 jours, 1 soir sur 2 pendant 8 jours.
Antihistaminiques (sédatifs) En général peu efficaces, certains auteurs les associent au début du traitement en cas de prurit insomniant.
‚ Traitements étiologiques Dans l’eczéma de contact, la suppression de l’allergène, lorsqu’elle est possible, règle le problème. En cas de polysensibilisation ou d’allergie
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professionnelle avec reclassement impossible, il faut essayer de minimiser le contact par l’utilisation de moyens de protection malheureusement souvent insuffisants. Le traitement de la dermatite atopique est détaillé dans le tableau VI.
‚ Traitement des complications – Antibiothérapie per os en cas de surinfection staphylococcique. – Antiviraux par voie générale (aciclovir par exemple) en cas de syndrome de Kaposi-Juliusberg.
Eczémas - 2-0730
Tableau VI. – Règles thérapeutiques curatives et préventives de la dermatite atopique. 1
Règles thérapeutiques générales - Corticothérapie systémique contre-indiquée (risque de rebond à l’arrêt) - Vaccinations non contre-indiquées en dehors des phases de poussées - Éviter le contact avec les sujets porteurs de lésions d’herpès en cas de poussée d’eczéma - Expositions solaires modérées en général bénéfiques. Une photoaggravation fait rechercher une photosensibilité
2
Traitement de la xérose cutanée par l’application d’émollients et d’acides gras essentiels (huile de bourrache, huile d’onagre)
3
Traitement préventif de la surinfection bactérienne par le staphylocoque doré, par une bonne hydratation parfois associée à des antiseptiques doux (sulfate de cuivre et de zinc, etc)
4
Traitements des facteurs environnementaux - Éviction des facteurs aggravants tels que les irritants (laine, Nylont, détergents, etc) - Éviction, discutée, des trophallergènes (œuf, arachide, moutarde, lait de vache) dans les premiers mois de la vie avec diversification retardée et progressive de l’alimentation - Éviction des pneumallergènes : animaux (chat, chien, cobaye), lutte contre les acariens (suppression des moquettes, au maximum des peluches qu’il faut laver tous les 15 jours, des tentures). Passer régulièrement l’aspirateur et aérer souvent ; utilisation d’acaricides, lutte contre les moisissures ; - Éviction des allergènes de contact : métaux (percement des oreilles), parfums sensibilisants topiques médicamenteux (néomycine, thiomersal, etc)
5
Dermatite atopique et profession. Il semble plus sage de déconseiller chez l’atopique atteint d’une forme sévère ou modérée, notamment quand il existe une atteinte des mains, une profession où l’humidité et le contact avec des produits irritants ou allergisants favorisent la sensibilisation : coiffure, métiers de la santé, esthétique, travaux manuels, etc
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Dans les formes majeures, des traitements plus lourds sont proposés en milieu spécialisé : photothérapie, ciclosporine, cures thermales (Avène, La RochePosay, Uriage, etc)
Jean-Romain Manciet : Attaché de consultation, unité d’allergologie et de photodermatologie, policlinique de dermatologie, service du professeur Patrice Morel, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : JR Manciet. Eczémas. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0730, 2001, 7 p
Références [1] Bousquet J, Godard P, Michel FB. Allergologie. Paris : Ellipses, 1993 : 1-494
[5] Foussereau J. Guide de dermato-allergologie professionnelle. Paris : Masson, 1987 : 1-452
[2] Dourtre MS. Immunodermatologie. Paris : Ellipses, 1994 : 1-375 [6] Progrès en dermato-allergologie. Bale : Mediscript, 1996 : 1-247 [3] Ducombs G, Chabeau G. Dermato-allergologie de contact. Abrégés. Paris : Masson, 1988 : 1-168 [4] Foussereau J. Les eczémas allergiques cosmétologiques, thérapeutiques et vestimentaires. Paris : Masson, 1987 : 1-600
7
¶ 2-0732
Dermatite séborrhéique L. Misery La dermatite séborrhéique est une dermatose érythématosquameuse concernant essentiellement le cuir chevelu (état pelliculaire) et le visage mais pouvant avoir d’autres localisations. La physiopathogénie est discutée mais le rôle de Malassezia semble important. Le stress est le principal facteur déclenchant des poussées. Il faut savoir rechercher devant une dermatite séborrhéique d’apparition tardive ou atypique une infection à virus de l’immunodéficience humaine (VIH), un syndrome parkinsonien, une dépression ou un cancer des voies aérodigestives supérieures. La dermatite séborrhéique du nourrisson, bipolaire, est assez fréquente. Mis à part cette dernière forme, l’évolution est chronique et récidivante. Le traitement est essentiellement topique et basé surtout sur les antifongiques. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dermatite séborrhéique ; Stress ; Malassezia ; VIH
Plan ¶ Introduction
1
¶ Épidémiologie
1
¶ Étiopathogénie
1
¶ Diagnostic
2
¶ Aspects cliniques chez l’adulte Évolution Localisations Formes cliniques Diagnostics différentiels
2 2 2 3 3
¶ Aspects cliniques chez l’enfant Chez le nouveau-né Chez le nourrisson Chez le grand enfant et l’adolescent
3 3 4 4
¶ Traitement Traitements locaux Traitements systémiques Stratégies thérapeutiques
4 4 4 4
¶ Conclusion
4
■ Introduction La dermatite séborrhéique [1] est une affection fréquente, bénigne mais récidivante et souvent mal vécue du fait de ses localisations. Elle peut donc engendrer un fort retentissement psychosocial et une forte demande thérapeutique.
■ Épidémiologie La prévalence de la dermatite séborrhéique est estimée entre 2 % et 4 % [2]. La fréquence de la maladie varie en fonction de Traité de Médecine Akos
l’âge. Très fréquente dans les premiers mois de la vie, elle devient rarissime après 3 ans. Chez l’adulte, le pic de fréquence de la maladie se situe entre 18 et 40 ans avec une forte prédominance masculine, le sex-ratio étant de six hommes pour une femme. Après 40 ans, on note une baisse de la fréquence de la maladie et elle ne concerne quasiment plus que des hommes. Lors de l’infection à virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la dermatite séborrhéique est d’autant plus fréquente et intense que le déficit immunitaire est sévère. La dermatite séborrhéique peut aussi être associée à des cancers des voies aérodigestives supérieures, la pancréatite chronique et l’éthylisme chronique. Au décours d’affections neuropsychiatriques telles que les syndromes parkinsoniens induits par les neuroleptiques ainsi que dans la maladie de Parkinson mais aussi dans les syndromes dépressifs, circonstances ayant pour point commun un déficit en Dopa ou dopamine, la dermatite séborrhéique est plus souvent rencontrée.
■ Étiopathogénie L’étiopathogénie de la dermatite séborrhéique reste encore peu claire. Le rôle de la levure Malassezia semble fondamental [3]. La séborrhée, quant à elle, interviendrait comme facteur favorisant le développement de ses levures. En effet, les aires cutanées préférentielles de la maladie sont celles où les levures sont les plus nombreuses et où la sécrétion sébacée est la plus importante. La dermatite séborrhéique n’est pas une maladie infectieuse mais plutôt une réaction inflammatoire de la peau aux levures car Malassezia est une levure saprophyte. Les traitements antifongiques sont efficaces mais ils ont aussi un rôle antiinflammatoire. Malassezia a un rôle immunogène ou proinflammatoire (peroxydation de lipides) encore mal compris.
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2-0732 ¶ Dermatite séborrhéique
Lors des syndromes extrapyramidaux, on remarque une diminution de la dermatite séborrhéique lorsque les patients sont traités par L-Dopa, ce qui suggère un rôle de ce neuromédiateur. Enfin, il existe des facteurs saisonniers (la dermatite séborrhéique étant moins fréquente en été) et le stress apparaît comme le principal facteur déclenchant des poussées [4].
■ Diagnostic La lésion élémentaire de dermatite séborrhéique associe un érythème à des squames plus ou moins grasses et épaisses. Elle siège préférentiellement dans les régions séborrhéiques de la peau (cuir chevelu, visage et parties médianes du torse). Les lésions sont souvent prurigineuses et s’accompagnent parfois de sensations de brûlure. Le diagnostic clinique est facile et en général suffisant. L’examen anatomopathologique apporte des données peu spécifiques : acanthose hyperplasique de l’épiderme interfolliculaire avec formation de petites squames parakératosiques souvent périostiales, inflammation dermique superficielle, périvasculaire et périfolliculaire avec une exocytose lymphocytaire, légère spongiose de l’épithélium des infundibula pilaires et de l’épiderme autours des ostia pilaires hébergeant des levures de type Malassezia.
Figure 2.
Atteinte de l’aile du nez.
■ Aspects cliniques chez l’adulte Évolution La dermatite séborrhéique débute chez l’adulte jeune et les lésions s’installent progressivement, commençant généralement par une atteinte du cuir chevelu. Elle évolue par poussées.
Localisations Par ordre de fréquence décroissant, la dermatite séborrhéique atteint en premier le cuir chevelu puis le visage (Fig. 1) puis le tronc. L’atteinte du cuir chevelu est la plus fréquente (95 % des cas). Il s’agit de l’état pelliculaire ou pityriasis capitis. L’atteinte est
Figure 3. Lésions intersourcilières.
Figure 1.
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Atteinte classique du visage.
assez diffuse mais forme des petites plaques au début. Elle siège préférentiellement sur les régions pariétales et le vertex, recouvert de fines squames. Elles débordent rarement sur le front ou les tempes mais souvent dans la région rétro-auriculaire (Fig. 2) ou la base du cou. Les lésions elles-mêmes sont donc en général masquées par les cheveux mais les pellicules sont très visibles sur les cheveux ou sur les vêtements. Le visage est la deuxième localisation de la dermatite séborrhéique (65 % des patients). La localisation des lésions est médiofaciale : sillons nasogéniens, glabelle, partie médiane des sourcils (Fig. 3), lisière du front, pli sous-labial. Assez souvent, la barbe et la moustache sont atteintes, plus rarement les joues, presque jamais le dorsum nasal et la pointe du nez. L’atteinte des cils peut entraîner des blépharites et des conjonctivites. Le tronc représente la troisième localisation de la dermatite séborrhéique (30 % des patients). La topographie est caractéristique : présternale (Fig. 4) et interscapulaire. Les lésions débutent par des macules péripilaires puis évoluent vers des médaillons ronds, ovalaires ou circulaires. Elles sont parfois jaunâtres ou un peu orangées. Les autres localisations sont bien plus rares : • grands plis : plutôt retrouvée chez les patients obèses de 30 à 50 ans ; Traité de Médecine Akos
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Figure 6.
Lésions inguinales chez un patient sidéen.
Figure 4. Lésions présternales.
Figure 5.
Lésions du gland et du sillon balanopréputial.
• organes génitaux : surtout le gland et le sillon balanopréputial (Fig. 5) ; • conduit auditif externe : complication possible par otites externes.
Formes cliniques Chez les patients séropositifs pour le VIH [5], la dermatite séborrhéique est souvent sévère, diffuse et généralisée (épargnant volontiers le cuir chevelu mais touchant de façon préférentielle le visage en débordant largement les zones atteintes habituellement, et avec des localisations atypiques sur tout le corps fréquentes) (Fig. 6). Les lésions sont plus infiltrées et prennent un aspect psoriasiforme (Fig. 7). Cette forme de dermatite séborrhéique est volontiers résistante aux traitements classiques de la maladie. L’association à une rosacée est rare mais son traitement est complexe. On parle de dermatose mixte du visage. Il existe des formes unilatérales de dermatite séborrhéique lors des syringomyélies et des traumatismes trigéminés. D’autres formes cliniques rares ont été décrites : • forme pityriasiforme, sur le torse ; • érythrodermie ; • folliculite pityrosporique, qui est plutôt un diagnostic différentiel. Traité de Médecine Akos
Figure 7. Lésions psoriasiformes du torse chez un patient sidéen.
Diagnostics différentiels Au niveau du cuir chevelu, on discute essentiellement le psoriasis, surtout s’il n’y a pas d’autre lésion sur le corps. Les lésions sont plus sèches, plus épaisses, mieux limitées et plus érythémateuses et les squames sont plus brillantes et moins grasses. Au niveau du visage, on discute surtout le sébopsoriasis, forme de psoriasis mimant une dermatite séborrhéique. L’examen du reste du tégument est alors le plus important. Les lésions de dermatite atopique, eczéma de contact ou rosacée sont bien différentes, ainsi que leur distribution. Le pemphigus érythémateux, le lupus érythémateux aigu, la dermatomyosite ou la carence en zinc sont rares. Sur le tronc, on peut discuter le pityriasis versicolor, le pityriasis rosé de Gibert ou la syphilis.
■ Aspects cliniques chez l’enfant Chez le nouveau-né Vers 3 à 4 semaines peut apparaître un érythème du visage et des croûtes au niveau du cuir chevelu. La dermatite peut
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devenir bipolaire, avec une atteinte du siège, ou plus diffuse réalisant une érythrodermie de Leiner-Moussous. L’état général est conservé, il n’y a pas de prurit mais le grattage est absent avant l’âge de 3 mois. Les filles et les garçons sont touchés de façon identique. Ces lésions rentrent habituellement dans l’ordre en quelques jours.
Chez le nourrisson Une éruption érythématosquameuse ou croûteuse apparaît vers la fin du premier ou du deuxième mois de vie. Bien souvent, la dermite est bipolaire. L’atteinte du siège peut prendre l’aspect de psoriasis avec des squames ; on parle alors de napkin psoriasis. Actuellement, une atteinte associée des grands plis, des creux axillaires, ou même une érythrodermie généralisée de Leiner-Moussous est plus rare. En quelques semaines, les lésions disparaissent mais l’évolution peut être prolongée.
Traitements systémiques Aucun traitement systémique n’a d’AMM pour la dermatite séborrhéique. Leur utilisation doit être réservée à des formes particulièrement invalidantes et profuses, essentiellement au cours de l’infection à VIH. Le kétoconazole (Nizoral®) à la dose de 200 mg par jour est le plus utilisé mais il existe des effets secondaires non négligeables, en particulier l’hépatotoxicité. L’itraconazole semble présenter moins d’effets secondaires et pas d’hépatotoxicité. La terbinafine montre aussi une efficacité dans le traitement de la dermatite séborrhéique. Les rétinoïdes oraux, essentiellement l’isotrétinoïne, ont une efficacité modérée et pourraient même favoriser la survenue de lésions ressemblant à celles de la dermatite séborrhéique [8]. On a constaté l’effet bénéfique de l’ensoleillement sur la dermatite séborrhéique. La photothérapie ultraviolette ne fait pas l’objet d’un consensus.
Stratégies thérapeutiques Chez le grand enfant et l’adolescent La dermatite séborrhéique est exceptionnelle jusqu’à la puberté. Chez l’adolescent, l’aspect est différent de la forme infantile de la maladie et devient proche de celle retrouvée chez l’adulte.
■ Traitement
[6, 7]
Traitements locaux Les antifongiques sont le principal traitement de la dermatite séborrhéique. Les imidazolés, dont le kétoconazole, sont les plus fréquemment utilisés. On les utilise sous forme de gel moussant ou de crème. Un traitement d’attaque à deux applications par semaine puis un traitement d’entretien à une application par semaine est souvent proposé. D’autres imidazolés, comme le fluconazole, le miconazole, le bifonazole ou le métronidazole peuvent aussi être utilisés mais l’autorisation de mise sur le marché (AMM) est réservée au kétoconazole en gel moussant (Ketoderm®). Parmi les autres antifongiques, la ciclopiroxolamine en shampooing (Sebiprox® ) a aussi l’AMM. En dehors du cuir chevelu, des crèmes contenant de la ciclopiroxolamine ou de la terbinafine ou des shampooings au pyrithione-zinc ou à la piroctone-olamine peuvent être aussi proposés. Il faut noter que le propylène glycol souvent présent dans les shampooings a en lui-même une activité importante dans la dermatite séborrhéique. Les dermocorticoïdes ont un effet rapide mais leur utilisation doit être limitée du fait des effets rebond et de leurs effets secondaires. Le tacrolimus (Protopic®) a montré une certaine efficacité mais la seule indication faisant l’objet d’une AMM est la dermatite atopique. L’acide salicylique a une action kératolytique. Il est souvent associé à d’autres molécules dans des produits cosmétologiques tels que les shampooings antipelliculaires à des concentrations inférieures à 2 %. Le gluconate de lithium inhibe la synthèse d’acides gras et a une activité anti-inflammatoire. Il est disponible sous forme de crème à 8 % (Lithioderm®). Le sulfure de sélénium est antifongique, kératolytique et antiséborrhéique. Il est présent dans des shampooings mais est moins utilisé actuellement, probablement du fait d’une odeur désagréable. Le peroxyde de benzoyle peut aussi être utilisé.
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Un traitement local est habituellement nécessaire et suffisant. Il doit être conduit au long cours car les récidives sont habituelles. L’utilisation de médicaments n’est pas obligatoire, les shampooings antipelliculaires disponibles dans le commerce étant généralement efficaces. Une bonne hygiène paraît utile et préventive de poussées. Le traitement systémique reste exceptionnel et sa prescription relève du spécialiste. Mais le traitement d’une éventuelle comorbidité favorisante est indispensable. La dermatite séborrhéique du nourrisson ne nécessite souvent pas de traitement spécifique mis à part des soins d’hygiène habituels avec un syndet en évitant l’utilisation de produits détergents qui sont irritants. Les mêmes traitements que ceux utilisés chez l’adulte peuvent être utilisés. La dermatite séborrhéique est une maladie chronique et visible, dont le retentissement psychologique peut donc être important. Un soutien psychologique et une éducation thérapeutique sont donc nécessaires. Il faut aussi savoir reconnaître et traiter une comorbidité psychiatrique associée.
■ Conclusion La dermatite séborrhéique est une des dermatoses les plus fréquentes. Bien que bénigne, elle peut avoir un retentissement important sur la qualité de vie du fait de sa localisation sur des régions visibles. Il s’agit d’une pathologie chronique et récidivante.
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Points importants
La dermatite séborrhéique atteint surtout le cuir chevelu (état pelliculaire) et le visage mais d’autres localisations sont possibles. Il s’agit d’une dermatose réactionnelle à la levure Malassezia. Chez le petit enfant, l’atteinte est souvent bipolaire (tête et siège). Le traitement est essentiellement représenté par les antifongiques topiques. Une dermatite séborrhéique profuse ou d’apparition rapide ou d’apparition tardive doit faire rechercher une maladie associée : infection à VIH, syndrome extrapyramidal, cancer des voies aérodigestives supérieures. Traité de Médecine Akos
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■ Références
[5]
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Khambaty MM, Hsu SS. Dermatology of the patient with HIV. Emerg Med Clin North Am 2010;28:355-68. Misery L, Plantin P. Seborrheic dermatitis. Ann Dermatol Venereol 1997;124:30-6. Quereux G, Dreno B, Chosidow O. Treatment of seborrheic dermatitis. Ann Dermatol Venereol 2004;131:130-4. Barzilai A, David M, Trau H, Hodak E. Seborrheic dermatitis-like eruption in patients taking isotretinoin therapy for acne: retrospective study of five patients. Am J Clin Dermatol 2008;9: 255-61.
L. Misery (
[email protected]). Service de dermatologie, CHU, 5, avenue Foch, 29200 Brest, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Misery L. Dermatite séborrhéique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0732, 2011.
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2-0738 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
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Infections cutanées bactériennes N Fouchard
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armi les infections cutanées bactériennes, il est important de distinguer celles primitivement cutanées des manifestations dermatologiques résultant de la dissémination septicémique d’une bactérie dans l’organisme. De la rapidité diagnostique du praticien peut dépendre le pronostic vital lié à certaines infections. L’objectif de cette revue est d’apporter une aide diagnostique et sur la conduite à tenir, parfois urgente, devant les infections cutanées bactériennes les plus fréquemment rencontrées en pratique courante. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : infection cutanée bactérienne, endocardite, streptocoque B hémolytique groupe A, « Staphylococcus aureus », méningococcémie, « Pseudomonas aeruginosa », folliculite, impétigo, ecthyma, érysipèle, dermohypodermite aiguë bactérienne, dermohypodermite aiguë nécrosante, fasciite nécrosante.
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Introduction
[12]
Parmi les infections cutanées bactériennes, il faut distinguer les infections bactériennes primitivement cutanées des manifestations cutanées résultant de la dissémination bactériémique ou septicémique d’une bactérie dans l’organisme. Les manifestations cutanées associées aux septicémies résultent de mécanismes physiopathologiques variés : – coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) (Neisseria meningitidis, Streptococcus spp., entérobacilles à Gram négatif) [21] ; – invasion vasculaire directe et obstruction par certaines bactéries (Neisseria meningitidis, Pseudomonas aeruginosa, Rickettsia spp.) ; – vascularite par formation de complexes immuns (N e i s s e r i a m e n i n g i t i d i s , N e i s s e r i a gonorrhoeae, Salmonella typhi) ; – endocardite avec emboles septiques (Staphylococcus (S.) aureus, Streptococcus spp.) ; – action des toxines bactériennes (staphylococcal scalded skin syndrome [SSSS], toxic shock syndrome [TSS], scarlatine) [11]. La pathogénicité d’une bactérie est liée d’une part à son pouvoir invasif, d’autre part à ses propriétés toxiniques. Quelques espèces bactériennes ne sont pathogènes que par leur seul pouvoir invasif (Pneumococcus via une résistance à la phagocytose) ; à l’inverse, d’autres espèces n’agissent que par le biais de production de toxines (Corynebacterium diphteriae, Bacillus anthracis, Clostridium tetani, Clostridium perfringens). Toutefois, la plupart des infections bactériennes résultent de deux mécanismes pathogènes, invasif et toxinique par la mise en jeu de superantigènes (Streptococcus pyogenes, S. aureus) [11] ; parfois, les mécanismes restent obscurs. Les bactéries à Gram négatif (Escherichia coli, Salmonella typhi, Neisseria meningitidis et Neisseria gonorrhoeae, Brucella
m e l i t e n s i s …) possèdent des endotoxines, macromolécules lipopolysaccharidiques, qui font partie intégrante de la paroi bactérienne ; la rupture de la membrane bactérienne est nécessaire à leur libération. Leur toxicité est liée à la fraction lipidique, alors que leurs déterminants antigéniques sont portés par la fraction polysaccharidique. Deux cytokines, produites par les macrophages activés par le complexe lipopolysaccharidique, jouent un rôle toxique et pro-inflammatoire majeur : tumor necrosis factor (TNF) et interleukine 1 (IL1). Le TNF est un pyrogène endogène via son action sur les centres hypothalamiques. Il stimule la sécrétion d’autres cytokines par les macrophages : IL1 (également pyrogène), IL6 et IL8 (activateur du chimiotactisme des leucocytes). Il augmente la synthèse hépatique du fibrinogène et active le système de coagulation via un effet sur l’endothélium vasculaire ; il diminue la pression artérielle et la perfusion tissulaire en réduisant la contractilité myocardique et en relâchant le muscle lisse. Le complexe lipopolysaccharidique stimule directement la sécrétion d’IL1 par les macrophages. L’IL1 a également un effet procoagulant sur l’endothélium vasculaire, stimule l’adhésion leucocytaire et la prolifération lymphocytaire T CD4+ et B [20]. Les infections bactériennes primitivement cutanées résultent d’un déséquilibre de la flore bactérienne commensale, jouant normalement un rôle protecteur vis-à-vis des bactéries pathogènes, lié à des facteurs locaux et environnementaux, à l’état immunitaire de l’hôte, aux propriétés d’adhérence et de virulence du micro-organisme pathogène. La flore commensale cutanée comprend des bactéries à Gram positif telles que Staphylococcus, Micrococcus et Corynebacterium spp.. S. aureus et Streptococcus pyogenes sont les deux principales bactéries pathogènes au niveau cutané. Les infections épidermiques liées à S. aureus et Streptococcus pyogenes sont l’impétigo et l’ecthyma. Les infections dermohypodermiques comprennent l’érysipèle, les dermohypodermites bactériennes nécrosantes et les
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fasciites nécrosantes. L’atteinte du follicule pilosébacé est responsable de folliculite ou de furoncle.
■
Manifestations cutanées des infections bactériémiques ou septicémiques (tableau I) ‚ Infections à bactéries à Gram positif Endocardite bactérienne [15]
¶ Endocardite subaiguë (« Streptococcus viridans » et groupe non-A) [6, 19, 20] Les manifestations cutanées sont liées à des phénomènes emboliques (fibrineux ou septiques) ou à une vascularite. Les pétéchies, maculopapules purpuriques ne blanchissant pas à la vitropression, sont fréquentes (20 à 40 % des cas) ; elles prédominent aux extrémités ou à la partie supérieure du thorax. Une atteinte muqueuse est habituelle (conjonctivale, palatine). Après une phase d’accentuation, elles pâlissent en quelques jours. Histologiquement, elles correspondent à une inflammation des petits vaisseaux dermiques avec prolifération endothéliale, infiltrat cellulaire périvasculaire et phénomènes hémorragiques. Les hémorragies sous-unguéales en « flammèches », situées au tiers moyen de l’ongle, sont très fréquemment évocatrices d’endocardite subaiguë (d’autres étiologies sont à éliminer : syndrome des antiphospholipides, hyperéosinophilie…), les hémorragies d’origine traumatique étant habituellement plus distales. Les nodosités (ou faux panaris) d’Osler sont observées dans 10 à 25 % des cas : il s’agit de nodules de petite taille, érythémateux, sensibles, qui siègent à la pulpe des doigts et des orteils, sur les éminences thénar et hypothénar, voire sur les bras. Ils surviennent par poussées, transitoires (12 à 24 heures à quelques jours), peuvent desquamer mais ne s’ulcèrent pas. Les placards de Janeway sont des nodosités hémorragiques, plus rarement des placards
2-0738 - Infections cutanées bactériennes
Tableau I. – Manifestations non pyodermitiques des septicémies. Exanthème maculeux
Papulonodules, pseudoérythème noueux Taches rosées lenticulaires Purpura pétéchial Purpura gangréneux Hémorragies en « flammèches » sousunguéales, nodosités d’Osler, macules érythémateuses palmoplantaires de Janeway
Leptospirose, fièvre après morsure de rat, brucellose, méningococcémie chronique, ehrlichiose (enfant), chocs toxiques streptococciques et staphylococciques, infections à Arcanobacterium haemolitycum Ménigococcémie chronique, leptospirose Salmonellose majeure, chlamydiase Neisseriose, leptospirose, endocardite lente streptococcique, infections à Capnocytophaga canimorsus (CIVD) Méningococcémies, pneumococcémies, streptococcémies, staphylococcémies et autres infections à Gram négatif Endocardite lente (Streptococcus viridans)
CIVD : coagulation intravasculaire disséminée.
1 Scarlatine. érythémateux, indolores, situés sur les paumes et plantes, rarement observés dans l’endocardite subaiguë (à l’inverse de l’endocardite aiguë).
¶ Endocardite aiguë (« S. aureus ») [6, 20] Les manifestations cutanées, observées dans environ 30 % des cas, regroupent pustules, abcès sous-cutanés, placards purpuriques centrés par une zone blanchâtre, purulente. L’aspiration à l’aiguille de cette zone centrale met en évidence des amas de cocci à Gram positif au sein d’un infiltrat inflammatoire polymorphe. Plus rarement, des nodules sous-cutanés, fermes, recouverts d’une peau érythémateuse, habituellement localisés au tronc, surviennent dans un contexte subfébrile. Ils évoquent des lésions de panniculite. Les hémocultures sont souvent négatives dans ce contexte, bien qu’il s’agisse probablement de métastases septiques ; l’analyse histologique révèle un infiltrat inflammatoire non spécifique ; la mise en culture d’un nodule permet l’isolement de S. aureus.
Streptococcies (groupe A) [2, 7]
¶ Scarlatine [10, 20] (fig 1) La scarlatine est une éruption diffuse liée à une production d’une toxine érythrogène par un streptocoque du groupe A, d’origine pharyngée, porteur d’un bactériophage lysogénique. Trois toxines érythrogènes immunologiquement distinctes (types A, B et C ) seraient produites par 90 % des souches de streptocoque A. Actuellement, le type B, parfois associé au type C, serait responsable de la majorité des cas de scarlatine. La scarlatine survient habituellement chez l’enfant âgé de 2 à 10 ans, rarement chez l’adulte. Après une incubation de 2 à 4 jours, une pharyngite fébrile (souvent 39-40 °C ) apparaît, parfois associée à des nausées, vomissements, céphalées, malaise, douleurs abdominales, frissons. La fièvre atteint son
acmé à la 48 e heure, puis se normalise progressivement en 5 à 6 jours. L’éruption apparaît 24 à 48 heures après les signes pharyngés, sous la forme d’un énanthème et d’un exanthème. Les signes muqueux associent une rougeur pharyngée et une angine érythématopultacée. Des adénopathies sous-mandibulaires bilatérales sont palpables. Après un stade saburral initial, la langue prend un aspect « framboisé » lié à une hypertrophie érythémateuse des papilles. Parfois, un purpura pétéchial du palais mobile est noté. L’exanthème débute au cou, puis s’étend rapidement au tronc, enfin aux extrémités : il est diffus à la 36e heure, respectant visage, paumes et plantes. L’érythème est constitué de micropapules mesurant 1 à 2 mm de diamètre, donnant un aspect rugueux au toucher ; il prédomine aux grands plis inguinaux, axillaires, des coudes et à l’abdomen, de même qu’aux zones de pression (fesses). L’évolution se fait vers une desquamation en 5 à 6 jours, débutant au visage (oreilles + + +) puis s’étendant au tronc, enfin aux extrémités où elle prend un aspect en larges lambeaux. Cette desquamation permet parfois un diagnostic rétrospectif dans les formes paucisymptomatiques. Une polyadénopathie et une splénomégalie sont parfois observées. Les examens biologiques révèlent une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, puis une discrète éosinophilie (5 à 10 % des cas). Le prélèvement de gorge met en évidence un streptocoque du groupe A. L’élévation des antistreptolysines O (ASLO) peut aider au diagnostic rétrospectif. Le diagnostic différentiel se discute avec les autres éruptions scarlatiniformes : infections à S. aureus producteur d’exfoliatine (groupe phagique II), TSST-1, exanthème subit (ou cinquième maladie, lié à human herpes virus 6), rubéole, mononucléose infectieuse, toxidermies médicamenteuses… Le traitement fait appel à une antibiothérapie antistreptococcique (pénicilline).
¶ Choc toxique streptococcique (streptocoque du groupe A) [7, 11, 20] Une défaillance aiguë multiviscérale ressemblant au choc toxique staphylococcique (TSST-1) peut survenir lors d’infections à streptocoque du groupe A (sérotype M-1). Le foyer infectieux initial est habituellement une dermohypodermite aiguë ou une fasciite nécrosante. Le tableau associe hypotension artérielle, frissons, fièvre, tachycardie, myalgies, troubles psychiques et signes de défaillance multiviscérale (troubles gastrointestinaux, insuffisance rénale, détresse respiratoire). Un érythème localisé, souvent au visage, est présent
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mais ne diffuse pas et n’évolue pas vers la desquamation (ce qui le différencie de la scarlatine). Les hémocultures sont généralement négatives dans ce tableau d’origine toxinique.
¶ Purpura fulminans [5, 7, 20, 21] Le purpura fulminans est un tableau rare, correspondant à une nécrose hémorragique cutanée aiguë, habituellement fatale, survenant dans les suites d’infections bactériennes variées d’origine streptococcique (groupe A), staphylococcique, pneumococcique, ou méningococcique, plus exceptionnellement virale (varicelle). Le purpura fulminans est la traduction de phénomènes hémorragiques liés à une activation aiguë du système de coagulation avec consommation excessive des protéines de coagulation, et fibrinolyse accrue. Le tableau clinique associe fièvre, frissons, et des placards violacés, ecchymotiques, à contours géographiques, symétriques, prédominant aux extrémités et aux zones de pression, mais pouvant atteindre également les lèvres, les oreilles, le nez et le tronc. Des bulles hémorragiques peuvent apparaître sur ces zones ecchymotiques. Une évolution fulgurante vers la gangrène, notamment des doigts, est possible. Des signes de défaillance hémodynamique surviennent rapidement en 48 à 72 heures : tachycardie, hypotension, avec vasoconstriction périphérique réflexe aggravant l’ischémie distale. Les examens biologiques associent une polynucléose, une thrombopénie, une baisse des facteurs I, II, V, VII, VIII de la coagulation et une augmentation des produits de dégradation de la fibrine. L’histologie cutanée, lorsqu’elle est pratiquée, révèle une occlusion des artérioles par des thrombi fibrineux, avec infiltrat inflammatoire dense à polynucléaires neutrophiles cernant les foyers de nécrose. Aucune bactérie n’est mise en évidence. Le traitement repose avant tout sur la mise en route d’une antibiothérapie adaptée. L’injection précoce (avant l’admission à l’hôpital) d’une céphalosporine de troisième génération, chez tout enfant présentant des signes de sepsis associé à un purpura nécrotique ou ecchymotique, diminuerait la mortalité, qui malgré tout reste très élevée.
Staphylococcies Les bactériémies et/ou septicémies à staphylocoque surviennent volontiers sur terrain favorisant : sujet âgé, affection cardiovasculaire ou rénale sous-jacente, chirurgie récente, toxicomanie, pathologie maligne sous-jacente.
¶ Épidermolyse staphylococcique aiguë ou SSSS [4, 9, 11, 19, 20] L’épidermolyse staphylococcique aiguë est liée à la production d’exotoxines (de types A et B) par une souche de S. aureus appartenant le plus souvent au groupe phagique II (plus rarement I et III). Elle survient habituellement chez le nouveau-né ou chez le jeune enfant, parfois chez l’enfant plus âgé, rarement chez l’adulte et alors sur terrain particulier, chez l’insuffisant rénal ou le patient immunodéprimé. Elle débute brutalement par un érythème diffus, fébrile. En 12 à 24 heures, apparaît un décollement intraépidermique débutant dans la région médiofaciale, le cou et les grands plis, particulier par son caractère très superficiel se traduisant par un signe de Nikolsky positif. Les muqueuses sont indemnes. L’infection initiale n’est pas toujours identifiée : cathéter, injection parentérale, infection d’une fistule artérioveineuse,
Infections cutanées bactériennes - 2-0738
abcès, arthrite septique… L’histologie confirme le diagnostic en montrant un clivage intraépidermique superficiel. Sous traitement antibiotique (oxacilline 50 à 100 mg/kg/24 h chez le nouveau-né, 100 à 200 mg/kg/24 h chez l’enfant, 6 à 10 g/24 h chez l’adulte) et si nécessaire réanimation adaptés, la cicatrisation des lésions est obtenue rapidement en quelques jours et le pronostic est tout à fait favorable chez l’enfant.
¶ « Scarlatine » staphylococcique [20] La fièvre scarlatiniforme staphylococcique simule la forme streptococcique mais les signes muqueux sont généralement absents. Contrairement au SSSS, dont elle est considérée comme une forme clinique fruste, la formation de bulle n’a pas lieu ; toutefois, un discret signe de Nikolsky peut être observé. L’évolution se fait en 2 à 5 jours vers une desquamation initialement faciale, puis diffuse. La guérison survient en une dizaine de jours.
¶ Choc toxique staphylococcique ou TSS
[20]
Le choc toxique staphylococcique est lié le plus souvent à la production d’une toxine TSST-1 par une souche de S. aureus. Le choc toxique staphylococcique a été particulièrement observé dans les années 1980 chez des femmes porteuses de tampons hygiéniques absorbants pendant leurs menstruations ; d’autres foyers staphylococciques (tissus mous, os, poumons) peuvent en être l’origine. Le tableau clinique associe fièvre, hypotension artérielle, voire choc, et exanthème scarlatiniforme avec desquamation palmoplantaire retardée (1 à 2 semaines). Une défaillance multiviscérale, musculaire, neurologique centrale (encéphalopathie toxique), rénale, hépatique et hématologique, apparaît. Une hyperleucocytose est habituelle. Le traitement fait appel à des mesures de remplissage vasculaire, au traitement du foyer infectieux initial, à une antibiothérapie antistaphylococcique adaptée.
‚ Infections à bactéries à Gram négatif Méningococcémie aiguë [8, 19, 20] Après une phase pseudogrippale, s’installent fièvre et syndrome méningé. Les manifestations cutanées sont habituellement purpuriques. Le purpura est initialement pétéchial, parfois centré par une zone grisâtre, vésiculeuse ; les lésions atteignent les extrémités et le tronc, plus rarement la face, les paumes et plantes et les muqueuses. Un tableau de gangrène hémorragique proche du purpura fulminans peut survenir, alors souvent associé à des signes de CIVD [5, 21]. Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles est notée dans le sang et le liquide céphalorachidien (LCR), ainsi qu’une hyperprotéinorachie et une hypoglycorachie. La détection d’antigène soluble spécifique dans le LCR (à l’aide d’une technique d’agglutination sur latex) permet un diagnostic rapide. L’isolement du méningocoque est habituel dans le sang et le LCR, beaucoup plus inconstant à partir des lésions cutanées. Le principal diagnostic différentiel est l’endocardite aiguë à S. aureus (cf supra) mais les lésions purpuriques ont alors un centre purulent, dont le prélèvement met en évidence des amas de cocci à Gram positif à l’examen direct et permet l’isolement du staphylocoque en culture. Le pronostic est excellent sous traitement antibiotique adapté, en dehors de la forme fulminante dans laquelle l’injection précoce d’une céphalosporine de 3e génération peut être salvatrice (cf supra).
3 Folliculite à « Staphylococcus aureus ». 2 Ecthyma gangréneux. Septicémie à « Pseudomonas aeruginosa » (pyocyanique) [14, 19, 20] La septicémie à Pseudomonas aeruginosa survient sur terrain prédisposant : myélodysplasie, immunodépression. Dans un contexte de fièvre élevée et de neutropénie, le tableau le plus évocateur est celui d’ecthyma gangréneux le plus souvent localisé dans la région anogénitale (fig 2) ou axillaire : ulcération arrondie, indolore, à centre nécrotique ou surmonté d’une épaisse croûte noirâtre, à bords érythémateux indurés. Le pyocyanique est habituellement isolé localement et dans les hémocultures. Malgré un traitement adapté, la mortalité, liée au terrain défavorable, reste lourde (80 %).
Fièvre typhoïde, salmonelloses [20] Dans un contexte de fièvre élevée (avec pouls dissocié) et de troubles digestifs, apparaît l’éruption roséoliforme caractéristique (maculopapules rosées de 2 à 3 mm de diamètre, situées le plus souvent à la face antérieure du thorax). Une absence d’hyperleucocytose, voire une leucopénie, est habituelle. Le diagnostic repose sur l’isolement de Salmonella dans les hémocultures la première semaine (80 % des cas), dans les selles la deuxième semaine. La sérologie, dirigée contre l’antigène « O », positive après 2 semaines d’évolution, est peu sensible et peu spécifique (test de Widal). L’évolution est habituellement favorable en quelques jours sous antibiothérapie adaptée.
Autres bactéries à Gram négatif [20] Le tableau caractéristique d’une infection à Haemophilus influenzae est une dermohypodermite aiguë atteignant tête, cou ou membres supérieurs, habituellement chez le jeune enfant de moins de 3 ans. Escherichia coli, Proteus spp., Enterobacter spp., Serratia marcescens, et autres bacilles à Gram négatif du genre Bacteroides peuvent être à l’origine de tableaux de dermohypodermite aiguë, voire de fasciite nécrosante, sur terrain prédisposant (sujets âgés, immunodéprimés, diabétiques…) après traumatisme, chirurgie ou pathologie inflammatoire périnéale ou digestive.
■
Infections bactériennes primitivement cutanées ‚ Pyodermites primitives : données cliniques (tableau II) [10, 16] Infections folliculaires S. aureus est responsable de la majorité des inflammations aiguës du follicule pilosébacé.
¶ Folliculites superficielles Des papulopustules inflammatoires centrées par un poil en sont l’expression la plus superficielle (fig 3). Elles sont favorisées par les pansements occlusifs et la macération. Les folliculites staphylococciques de la barbe (sycosis) sont d’évolution torpide et récidivante, favorisées et aggravées par le rasage mécanique.
Tableau II. – Principales infections bactériennes cutanées. Type clinique
Germe
Infections cutanées primitives Pyodermites communes Folliculite, sycosis, furoncle, anthrax, périonyxis, panaris Impétigo, ecthyma, anite, vulvovaginite (enfant) Érysipèle, dermohypodermite bactérienne, lymphangite Gangrènes, fasciites nécrosantes Surinfections béctériennes Impétiginisation secondaire : dermatose chronique, brûlure Perte de substance, escarre, ulcère Entités cliniques particulières Ecthyma gangréneux Érythrasma Kératolyse plantaire érosive
3
Staphylococcus aureus Streptococcus pyogenes, Staphylococcus aureus Streptococcus pyogenes, parfois Staphylococcus aureus, Haemophilius influenzae Streptococcus pyogenes, Clostridium perfringens, autres anaérobies Streptococcus pyogenes, Staphylococcus aureus Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa, Streptococcus pyogenes, autres germes opportunistes Pseudomonas aeruginosa Corynebacterium minutissimum Corynebacterium micrococcus
2-0738 - Infections cutanées bactériennes
révèle une coloration rouge pourpre caractéristique. L’intertrigo à pyocyanique des pieds est facilement identifiable : il survient souvent chez un sujet traité par antiseptiques locaux pour un intertrigo dermatophytique ; il réalise un intertrigo douloureux, inflammatoire, macéré avec présence d’un enduit verdâtre nauséabond.
Traitement des pyodermites primitives [16, 18]
4 Impétigo.
5 Érythrasma.
Dans l’acné, S. aureus ne constitue qu’un microbisme secondaire. En revanche, certaines folliculites récalcitrantes sont dues à des bactéries à Gram négatif sélectionnées lors des traitements antibiotiques d’acné pustuleuse. La folliculite à Pseudomonas aeruginosa est observée sous forme de petites épidémies chez les sujets utilisateurs de bains chauds tourbillonnants (jacuzzi) ou de piscines contaminées ; elle est faite de grosses pustules enchâssées éparpillées sur le corps.
découvertes témoignant d’un fréquent portage narinaire et périnéal, et de la dissémination manuportée avec auto-inoculation de S. aureus. Le diagnostic est habituellement clinique et la pratique d’examens bactériologiques systématique n’est pas justifiée. Le principal diagnostic différentiel est l’impétiginisation (ou surinfection secondaire) d’une dermatose préexistante prurigineuse (gale, pédiculoses, varicelle, prurigo, dermatite atopique).
¶ Furoncle Le furoncle peut faire suite à une folliculite superficielle : c’est une atteinte inflammatoire périfolliculaire profonde qui commence par une induration chaude et douloureuse, aboutissant en quelques jours à une suppuration éliminant le follicule nécrotique sous forme d’un gros bourbillon jaune. La furonculose, répétition de furoncles, doit faire rechercher un terrain favorisant (diabète, déficit immunitaire…), mais surtout un réservoir de S. aureus (nez, oreilles, plis axillaires, ombilic, région périnéoanale).
¶ Anthrax [17] L’anthrax, agglomérat de furoncles, peut s’accompagner de fusées purulentes sous-jacentes. Il doit être différencié de la lésion spécifique du charbon, affection exceptionnelle, due à Bacillus anthracis, caractérisé par une vésiculopustule avec œdème inflammatoire périphérique et escarre noirâtre centrale secondaire (en anglais, charbon se dit anthrax et anthrax carbuncle).
Infections superficielles non folliculaires
¶ Impétigo (fig 4) C’est la forme la plus superficielle des pyodermites. Il prédomine chez l’enfant de moins de 10 ans, surtout en saison estivale dans les milieux d’hygiène précaire. La contagiosité est nette mais s’explique surtout par la promiscuité au sein de la cellule familiale ou des communautés d’enfants. La lésion initiale est une vésicule sous-cornée remplie de sérosité, de germes et de polynucléaires neutrophiles. Cependant, l’impétigo est souvent diagnostiqué aux stades évolutifs secondaires sous forme de vésiculopustules bien limitées, ultérieurement de suintement d’aspect mélicérique puis croûteux. On note fréquemment un groupement des lésions avec ébauche de guérison centrale conférant un aspect circiné. Il est difficile de distinguer cliniquement impétigo streptococcique et staphylococcique, et actuellement, S. aureus est retrouvé dans un grand nombre de cas, seul ou associé à Streptococcus pyogenes. L’impétigo prédomine aux zones périorificielles, au cuir chevelu et aux parties
¶ Ecthyma L’ecthyma est un impétigo creusant, habituellement localisé aux membres inférieurs. Il guérit en laissant des cicatrices dyschromiques. Il survient surtout chez des patients en état de précarité.
¶ Anite streptococcique Cette infection est fréquente chez l’enfant de moins de 10 ans. Elle se traduit par une anite érosive douloureuse associée à un érythème périanal habituellement bien circonscrit. Chez la fille prépubère, elle peut s’accompagner d’une vulvovaginite. Elle est due le plus souvent à Streptococcus pyogenes du groupe A b-hémolytique, mais quelques cas ont été rapportés à S. aureus.
¶ Autres infections non folliculaires L’érythrasma (fig 5) est une infection à Corynebacterium minutissimum, réalisant une plaque de couleur chamois, bien limitée, siégeant aux grands plis ; l’examen à la lumière de Wood
Il associe un traitement local nécessaire et suffisant dans les formes superficielles, à un traitement général antibiotique adapté (tableau III). Le traitement local suffit dans les pyodermites superficielles : désinfection et détersion des lésions par lavages avec des solutions antiseptiques (exemple : chlorhexidine). Le choix de l’antibiotique local se fait entre trois molécules principales en fonction du germe suspecté : acide fusidique (Streptococcus pyogenes, S. aureus), mupirocine (S. aureus méti-R), ou érythromycine (Corynebacterium minutissimum, Propionibacterium acnes). Ce même traitement est utilisé pour la décontamination des gîtes staphylococciques (acide fusidique). Le traitement général antibiotique, adapté au germe en cause, peut se discuter en cas de lésions très étendues ou si la réalisation du traitement local paraît difficile. En cas de pyodermite compliquée, il devient indispensable (tableau IV). La prise en charge des facteurs favorisants ne doit pas être oubliée (diabète !). Les règles d’hygiène classiques restent essentielles : lavage fréquent des mains, nettoyage des ongles, toilette des zones pileuses avec un savon antiseptique, changement fréquent de sous-vêtements, utilisation de serviettes de toilette et de rasoir personnels.
‚ Dermohypodermites bactériennes [1, 10] La peau est constituée d’un épiderme, d’un derme, d’un hypoderme (dénommé à tort tissu sous-cutané). L’hypoderme est limité dans sa partie profonde par le fascia superficialis, mal individualisé et inconstant, et une structure solide plus profonde, l’aponévrose superficielle, siège de la nécrose dans la fasciite. Le terme anglo-saxon de cellulite faisant
Tableau III. – Pyodermites : principaux antibiotiques utilisés. Antibiotiques locaux : Acide fusidique Mupirocine Érythromycine
Streptococcus pyogenes, Stratphylococcus aureus Staphylococcus aureus méti-R Propionibacterium, Corynebacterium minutissimum
Antibiotiques systémiques : Pénicilline A, G et V Pénicilline + inhibiteur-b lactamase, pénicilline M, céphalosporine 1re génération Céphalosporine 2e et 3e générations, « nouvelles pénicillines » Macrolides Synergistines Acide fusidique Clindamycine Fluoroquinolones Aminosides Vancomycine Cyclines Nitro-imidazolés
4
Streptococcus pyogenes Staphylococcus aureus DHB graves ( Streptococcus pyogenes, bactéries à Gram négatif) Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes (si allergie pénicilline), mycobactéries atypiques (macrolides 2e génération) Staphylococcus aureus Staphylococcus aureus DHB à Streptococcus pyogenes Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa et bactéries à Gram négatif En association dans les pyodermites graves (selon antibiogramme) Staphylococcus aureus (en fonction de l’antibiogramme et en association) Propionibacterium acnes Rosacée et DHB à germes anaérobies
Infections cutanées bactériennes - 2-0738
Tableau IV. – Complications des pyodermites. Streptococciques - Complications locales Gangrène, fasciite nécrosante - Complications toxiniques Glomérulonéphrites aiguës poststreptococciques (sérotypes M49 et M55) Choc toxique streptococcique (sérotypes M1 et M3) Érythème périanal récidivant (exfoliatines A et B) Staphylococciques - Complications locales Ecthyma Staphylococcie maligne de la face - Complications toxiniques Impétigo bulleux Épidermolyse staphylococcique aiguë (ESA, SSSS) (exfoliatines A et B) Scarlatine staphylococcique (TSST 1?) Choc toxique staphylococcique (TSST 1)
6 Érysipèle de la face.
ESA : épidermolyse staphylococcique aiguë ; SSSS : staphylococcal scalded skin syndrome ; TSST 1 : toxic shock syndrome toxin 1.
référence à un tissu cellulaire sous-cutané inexistant est impropre. Il est source de confusion car intéresse des entités histologiques variées et doit être abandonné et remplacé selon la nature de la lésion et la structure anatomique atteinte par la dermohypodermite bactérienne, dermohypodermite bactérienne nécrosante et fasciite nécrosante.
Dermohypodermite aiguë bactérienne ou érysipèle [1, 10] L’érysipèle est une dermohypodermite aiguë (non nécrosante) d’origine bactérienne essentiellement streptococcique, pouvant récidiver. Une part importante des patients, probablement proche de 50 %, est traitée à domicile. C’est une pathologie commune dont l’incidence est estimée à 10-100 cas pour 100 000 habitants/an. L’érysipèle est dans plus de 85 % des cas localisé aux membres inférieurs. Des facteurs de risque ont été mis en évidence : locaux (lymphœdème et porte d’entrée : par exemple, intertrigo interorteils, ulcère de jambe) et généraux (obésité). Contrairement aux idées reçues, le diabète et l’éthylisme chronique ne sont pas des facteurs de risque. Seule l’étiologie streptococcique est démontrée. Dans les formes typiques et en l’absence de signe(s) de comorbidité, aucun examen bactériologique n’est nécessaire. Le diagnostic positif est facile et clinique. Le début est souvent brutal. Il associe des signes généraux (fièvre à 38,5-39 °C en moyenne, frissons, malaise, nausées) et des signes locaux (placard inflammatoire à limites nettes ; le bourrelet périphérique n’est trouvé que dans les érysipèles du visage) (fig 6). La localisation la plus fréquente se situe aux membres inférieurs (fig 7). La porte d’entrée doit être recherchée : intertrigo interorteils, ulcère chronique de jambe, plaies traumatiques ou autre dermatose infectée (eczéma, par exemple). L’évolution est favorable en 8 à 10 jours sous traitement antibiotique dans plus de 80 % des cas. L’apyrexie est obtenue en 72 heures ; elle précède l’amélioration des signes locaux observée au septième jour (80 % des cas pour l’œdème, 60 % des cas pour l’érythème). La mortalité est inférieure à 0,5 % et liée au terrain (âge élevé) et aux pathologies
7 Érysipèle du membre inférieur. associées (diabète, alcoolisme, surpoids, maladies cardiovasculaires). Les complications sont exceptionnelles. Le traitement de l’érysipèle doit être antistreptococcique. Les antibiotiques utilisables en première intention appartiennent à la famille des b-lactamines ; toutefois, l’utilisation de la pristinamycine est une alternative possible [3]. La pénicilline G injectable reste l’antibiotique de référence. Cependant, son utilisation comporte des contraintes iatrogènes (perfusions répétées) et nécessite l’hospitalisation. Cela justifie l’usage de traitements oraux d’emblée (amoxicilline). Le choix de l’antibiothérapie dépend de la décision d’hospitalisation ou de maintien à domicile, de la gravité du tableau clinique local et général, de l’incertitude diagnostique devant un tableau atypique, de la notion d’allergie aux b-lactamines, de l’observance attendue d’une thérapeutique orale et des maladies associées. La posologie doit tenir compte du poids (sujets obèses !) et des conditions d’élimination, notamment rénale. Un tableau clinique initial grave justifie le choix du traitement de référence par la pénicilline G intraveineuse (10 à 20 millions d’unités/j en quatre à six perfusions). L’apyrexie permet le relais per os : pénicilline V 3 à 6 millions d’unités/j ou amoxicilline 3 à 4,5 g/j, en trois prises quotidiennes. La durée totale du traitement, comprise entre 10 et 20 jours,
5
dépend de la disparition des signes locaux. Devant un érysipèle typique, sans signe de gravité, un traitement oral d’emblée est possible sous couvert d’une surveillance clinique rapprochée : amoxicilline 3 à 4,5 g/j en trois prises quotidiennes pendant 15 jours. En cas d’allergie aux b-lactamines, les alternatives sont la pristinamycine (2 à 3 g/j en trois prises quotidiennes) [3], un macrolide ou la clindamycine. Le traitement de la porte d’entrée ne doit pas être oublié. Le risque de survenue d’une thrombose veineuse profonde au cours de l’érysipèle des membres inférieurs est faible (< 5 %). Il ne justifie pas l’usage systématique d’un traitement anticoagulant prophylactique ; celui-ci doit être discuté seulement en cas de facteur de risque thromboembolique associé. La recherche systématique d’une phlébite profonde par échodoppler n’est pas non plus justifiée. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou les corticoïdes n’ont pas d’indication au cours de l’érysipèle : ils pourraient favoriser la survenue de fasciites nécrosantes. Ces traitements prescrits au long cours représentent un facteur de comorbidité devant conduire à l’hospitalisation d’emblée. Les récidives d’érysipèle surviennent chez environ 20 % des patients. Elles sont favorisées par la persistance ou la récidive des facteurs favorisants : lymphœdème chronique, persistance ou récidive de la porte d’entrée. Une antibiothérapie préventive est
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nécessaire chez les patients ayant eu plusieurs récidives ou chez qui les facteurs favorisants sont difficilement contrôlables : pénicilline V 2 à 4 millions d’unités/j en deux prises per os ou benzathinepénicilline 2,4 millions d’unités intramusculaires toutes les 2 à 3 semaines. En cas d’allergie aux b-lactamines, un macrolide per os est prescrit.
Dermohypodermite aiguë nécrosante et fasciite nécrosante [1, 10] L’appellation globale de dermohypodermite bactérienne nécrosante avec ou sans fasciite nécrosante ou DHBN-FN, a été adoptée lors de la dernière conférence de consensus en 2001. Elle
correspond à une nécrose de l’hypoderme, de l’aponévrose superficielle sous-jacente (fasciite), et secondairement du derme. Streptococcus pyogenes est fréquemment isolé, mais une association plurimicrobienne est mise en évidence dans 40 à 90 % des DHBN-FN (streptocoques, anaérobies, entérobactéries, S. aureus, et entérocoques) ; plus rarement, Pseudomonas aeruginosa est impliqué chez le patient neutropénique. La DHBN-FN survient sur terrain favorisant : sujet âgé, tare sous-jacente, immunodépression. Les signes locaux sont souvent moins francs que les signes généraux (évocateurs d’un sepsis grave) : douleur intense, œdème net dépassant les limites imprécises de l’érythème,
parfois bulles hémorragiques ; la nécrose est un signe capital, souvent limitée à quelques taches cyaniques, froides, hypoesthésiques, avec parfois crépitation neigeuse. La localisation aux membres inférieurs est la plus fréquente, mais il existe des formes cervicofaciales (avec risque de médiastinite), thoracoabdominales (souvent postopératoires), périnéales. La place des examens complémentaires (tomodensitométrie/ imagerie par résonance magnétique, bactériologie, anatomopathologie) reste à définir précisément dans l’aide à la décision opératoire, qu’ils ne doivent en aucun cas retarder. Il s’agit d’une urgence médicochirurgicale, mettant en jeu le pronostic vital (30 % de mortalité) [13].
Nathalie Fouchard : Praticien hospitalier, Service de dermatologie, centre hospitalier François Quesnay, 2, boulevard Sully, 78201 Mantes-La-Jolie cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : N Fouchard. Infections cutanées bactériennes. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0738, 2003, 6 p
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Infections aiguës des parties molles D. Farhi, V. Buffard, J.-C. Roujeau Les infections aiguës des tissus mous forment un groupe clinique hétérogène. Les infections cutanées superficielles (impétigo, ecthyma, infections folliculaires, etc.) sont en général exclues de ce cadre qui comprend notamment les érysipèles, les fasciites et les pyomyosites. Les dermohypodermites sont classées en deux groupes : formes non nécrosantes, dont le traitement repose sur l’antibiothérapie, et formes nécrosantes, dont le traitement est médicochirurgical. Certains terrains déterminent des tableaux originaux. Chez les diabétiques, l’infection des tissus mous concerne le plus souvent le pied. Chez le toxicomane, les abcès cutanés et les dermohypodermites sont fréquents et il faut garder constamment à l’esprit le risque d’endocardite. Chez l’immunodéficient, les infections des tissus mous sont souvent torpides et peuvent être bactériennes, mycobactériennes, fongiques, parasitaires ou virales. Les infections des tissus mous après blessure par animal impliquent le plus souvent des germes banals mais la pasteurellose d’inoculation ou la maladie des griffes du chat ne doivent pas être méconnues. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dermohypodermite ; Érysipèle ; Fasciite ; Pyomyosite ; Streptocoque
Plan ¶ Introduction
1
¶ Infections à germes banals Dermohypodermites bactériennes aiguës Pyomyosites Infections staphylococciques du visage
1 1 4 5
¶ Infections selon le terrain Diabète Immunodéficience
5 5 6
¶ Infection à la suite d’une blessure par animal Infections polybactériennes (blessures par chiens et chats)
7 7
¶ Conclusion
9
■ Introduction Les tissus mous comprennent l’ensemble des tissus situés au-dessus du plan ostéocartilagineux : muscles, aponévroses, hypoderme, derme et épiderme. Les infections des tissus mous peuvent être d’origine bactérienne, fongique, parasitaire ou virale. Seront exclues de ce chapitre les infections parasitaires et virales, la tuberculose cutanée et les infections cutanées superficielles, abordées ailleurs dans ce traité. Le diagnostic des infections des tissus mous repose avant tout sur le contexte épidémiologique et sur la sémiologie dermatologique. Les arguments épidémiologiques du diagnostic sont le terrain du patient (sexe, âge, porte d’entrée, tare viscérale, état immunitaire), la notion de séjour en zone d’endémie infectieuse particulière et le type de contage (iatrogénique, animal, etc.). La sémiologie dermatologique permet de déterminer le tissu atteint (derme, hypoderme, fascia, muscle). La topographie, l’étendue, Traité de Médecine Akos
l’évolutivité des lésions et les signes de sepsis éventuellement associés définissent la gravité d’un tableau qui peut nécessiter une prise en charge urgente. Le diagnostic microbiologique est parfois incertain avant les résultats des prélèvements bactériologiques. Un traitement antibiotique ou antifongique empirique est alors instauré. Dans ce chapitre, les infections des tissus mous sont classées en trois groupes : infections à germes banals, infections selon le terrain et infections secondaires à un contage animal.
■ Infections à germes banals Dermohypodermites bactériennes aiguës La première cause d’infection aiguë des tissus mous est la dermohypodermite bactérienne (DHB) streptococcique. C’est un groupe hétérogène. La nosologie pragmatique proposée lors de la conférence de consensus française [1] classe les dermohypodermites bactériennes en deux groupes, selon que leur prise en charge nécessite ou non, un geste chirurgical associé à l’antibiothérapie (Fig. 1).
Dermohypodermite aiguë non nécrosante (« médicale ») streptococcique (érysipèle) Définition La nosologie utilisée dans ce chapitre réserve, par définition, le terme « érysipèle » aux dermohypodermites aiguës streptococciques et non nécrosantes. Épidémiologie L’érysipèle est sporadique. Son incidence a été estimée à 1/103 en Norvège. [2] L’âge moyen est d’environ 60 ans et le sex-
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Tableau typique Diagnostic clinique évident
Érysipèle
DHB nécrosante aiguë
Hospitalisation ou traitement ambulatoire
Hospitalisation en urgence Antibiothérapie large spectre
Tableau atypique Diagnostic clinique ambigu
Figure 1. Arbre décisionnel. Dermohypodermites bactériennes (DHB) aiguës.
Hospitalisation Examens complémentaires DHB subaiguë Pied diabétique, immunosuppression
Antibiothérapie antistreptococcique Prise en charge chirurgicale
Prévention des récidives
Pas d'amélioration sous antibiotiques, collection, nécrose Diagnostics différentiels : - dermatoliposclérose, - eczéma aigu, - pyoderma gangrenosum
l’adénopathie (46 %) satellites sont inconstantes. Un syndrome inflammatoire biologique et une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles sont fréquents. [4] Les prélèvements bactériologiques cutanés (5 à 41 % de positivité) et les hémocultures (5 % de positivité) ne sont pas indispensables. [9] La sérologie streptococcique (antistreptolysine, antistreptodornase), réalisée deux fois, à 15 jours d’intervalle, ne peut qu’aider le diagnostic rétrospectif. Dans la grande majorité des cas, aucun de ces examens paracliniques ne se justifie, du moins dans les formes typiques et en l’absence de comorbidité. Diagnostic différentiel
Figure 2. Érysipèle.
Des signes inflammatoires localisés aux tissus mous peuvent être de cause infectieuse ou non. Les secondes sont résumées dans le Tableau 1. Évolution et pronostic
-ratio d’environ 1. [3-5] Les principaux facteurs de risques de l’érysipèle de jambe sont le lymphœdème et l’existence d’une porte d’entrée : intertrigo interorteils, plaie traumatique, ulcère de jambe ou escarre. Les autres facteurs de risque sont l’insuffisance veineuse et les œdèmes des membres inférieurs. Le rôle favorisant du diabète et de l’alcoolisme n’a pas été démontré. [6] Étiologie L’espèce le plus souvent en cause est Streptococcus pyogenes (groupe A) (65 %). D’autres streptocoques bêtahémolytiques peuvent être en cause : Streptococcus agalactiae (groupe B) (3 à 9 %), Streptococcus equisimilis (groupe C) (5 à 7 %) et, surtout, streptocoques du groupe G (14 à 25 %). [7, 8] Diagnostic positif clinique L’érysipèle siège le plus souvent aux membres inférieurs (90 %), plus rarement aux membres supérieurs (5 %) ou au visage (5 %). [4, 5] Typiquement, il débute brutalement par une fièvre entre 38 et 40 °C (85 % des cas), associée à des frissons intenses. Simultanément ou dans les 24 heures suivantes, apparaît un placard érythémateux inflammatoire, luisant, à bords nets, parfois surélevés (au visage), [9] d’extension centrifuge, sans guérison centrale (Fig. 2). Des bulles par œdème sont possibles dans l’érysipèle et ne constituent pas un signe de gravité. Un purpura pétéchial est possible, les pustules sont rares et la nécrose cutanée absente. La lymphangite (26 %) et/ou
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En moyenne, les signes généraux disparaissent en 1 à 3 jours et les signes locaux en 4 à 7 jours, [10] suivis d’une desquamation postinflammatoire. [4] Dans une étude récente sur 771 patients hospitalisés pour érysipèle, [5] la durée médiane d’hospitalisation était de 8 jours, la durée médiane d’antibiothérapie était de 15 jours, le taux de complication de 9,4 % (Tableau 2) et le taux de mortalité de 0,8 %, le plus souvent dû à la comorbidité. La principale complication est l’insuffisance lymphatique avec lymphœdème chronique secondaire, favorisant lui-même la récidive de l’érysipèle. [4] Le taux de récidive des érysipèles traités à l’hôpital a été estimé à 12 % à six mois et 30 % à trois ans. [12, 13] L’incidence des thromboses veineuses profondes au cours de l’érysipèle est d’environ 5 %. [14] Traitement curatif Le traitement de référence est la pénicilline G ou la pénicilline A intraveineuse. [7, 15] En cas d’intolérance aux bêtalactamines, la pristinamycine ou la clindamycine seront choisies. [15] Un traitement ambulatoire per os (aminopénicilline ou pristinamycine) peut être donné en première intention en l’absence de signe de gravité avec un contrôle clinique à 48 heures. Une hospitalisation est indiquée pour les patients diabétiques ou immunodéprimés ou en cas de résistance au traitement per os (aggravation clinique à 48 h). La durée de l’antibiothérapie est Traité de Médecine Akos
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Tableau 1. Diagnostics différentiels non infectieux de l’érysipèle. Thromboses veineuses
superficielles ou profondes (pas d’association privilégiée à l’érysipèle)
Pathologies locorégionales
syndrome de loge ; intolérance aux (ou infection des) prothèses orthopédiques
Maladies inflammatoires idiopathiques
maladie périodique ; panniculites (lupus, déficit en alpha-1-antitrypsine, Weber-Christian); cellulite de Wells et surtout poussées inflammatoires de « lipodermatosclérose » ou botte sclérodermiforme des insuffisances veineuses chroniques
Néoplasies et hémopathies
métastases cutanées inflammatoires; lymphome angiotrope
Dermatoses immunoallergiques
eczéma de contact, œdème de Quincke
Tableau 2. Complications précoces de l’érysipèle des membres inférieurs.
[11]
Locales
Abcès, nécrose, thrombophlébite, arthrite, ostéomyélite
Générales
Sepsis grave, choc septique, iatrogénicité (antibiotique, anticoagulant), complications de décubitus et décompensation de tares
de 2 à 3 semaines. Le décubitus jambe surélevée diminue le lymphœdème secondaire. L’érysipèle n’est pas un facteur de risque particulier de phlébite, seule une anticoagulation préventive sera discutée. [14] Dans tous les cas, la recherche et le traitement de la porte d’entrée (intertrigo, ulcère, plaie) sont nécessaires. Traitement préventif Il repose sur le port précoce de bandes élastiques de contention (force 2 ou 3) et le traitement des facteurs de risques, notamment de la porte d’entrée. La porte d’entrée la mieux documentée est la dermatophytie des pieds. [3, 16] Le traitement d’un lymphœdème peut être complété par natation, physiothérapie, massage et compression pneumatique. [17] Chez les patients présentant un taux élevé de récidive et/ou des facteurs de risque persistants, une antibioprophylaxie au long cours sera discutée. [3] Elle reposera soit sur la benzathine pénicilline G, intramusculaire, toutes les 2 à 3 semaines, soit sur l’amoxicilline, soit sur la pristinamycine. [18, 19] La durée optimale n’est pas consensuellement établie : cette durée est fonction du contrôle des facteurs de risques, notamment de la porte d’entrée.
Dermohypodermites aiguës non nécrosantes (« médicales ») non streptococciques Introduction Pour certains auteurs, le staphylocoque doré est la deuxième cause de dermohypodermite aiguë, loin derrière les streptocoques bêtahémolytiques. La porte d’entrée est alors fréquemment une infection folliculaire ou un cathéter veineux. Diagnostic Alors que les formes streptococciques ont un début brutal, par une fièvre élevée avec frissons, les formes staphylococciques sont plus torpides, subaiguës, peu ou pas fébriles, et suspectées sur terrain débilité (diabète, etc.) et certaines portes d’entrée (furoncle, anthrax, voie veineuse, cicatrice opératoire, etc.). Les prélèvements bactériologiques cutanés, positifs dans 15 à 30 % des cas, ne constituent pas un critère diagnostique absolu, étant donné la possibilité de portage sain de staphylocoque. Traitement En l’absence de contexte nosocomial, le traitement repose sur la pénicilline M ou l’association amoxicilline–acide clavulanique. En cas de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline, à suspecter en cas de dermohypodermite aiguë nosocomiale, un glycopeptide (vancomycine ou teicoplanine) sera choisi. En cas d’allergie aux bêtalactamines, la pristinamycine, efficace sur 96 % des souches méticilline-sensibles, sera prescrite. Traité de Médecine Akos
Dermohypodermites aiguës nécrosantes (« médicochirurgicales ») Définition Le terme dermohypodermites bactériennes (DHB) aiguës nécrosantes (ou « médicochirurgicales ») désigne un groupe nosologique hétérogène du point de vue : • microbiologique : coques à Gram positif (Streptococcus, Enterococcus, Staphylococcus, etc.), bacilles à Gram négatif aérobies (entérobactéries) et anaérobies (Clostridium, Bacteroides, etc.), associations microbiennes fréquentes ; • sémantique : « fasciite nécrosante », « cellulites », « gangrène gazeuse » ; • topographique : localisations historiquement considérées comme spécifiques (« gangrène de Fournier », « cellulite de la face et du cou », etc.). L’intérêt du regroupement est pragmatique : • urgence de l’antibiothérapie ; • urgence potentielle du traitement chirurgical ; • autrement dit : prise en charge médicochirurgicale. [20, 21] L’importance de cette prise en charge médicochirurgicale a été soulignée par la conférence de consensus française publiée en 2001. [22] Épidémiologie L’âge moyen est de 60 ans, [23] avec légère prédominance masculine. [5, 23] Les facteurs de risques sont une porte d’entrée (effraction cutanée), un terrain débilité (immunodéficience, néoplasie, diabète), une hypoxie locale (artériopathie) et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Leur significativité respective est mal évaluée, notamment celle des anti-inflammatoires non stéroïdiens. [24-26] Microbiologie Le Streptococcus bêtahémolytique du groupe A est la première cause de DHB aiguë nécrosante. Une infection polymicrobienne avec des bacilles à Gram négatif et/ou des anaérobies est fréquente, en particulier en zone périorificielle. [27] Diagnostic Le diagnostic différentiel initial entre érysipèle et fasciite nécrosante est parfois difficile, pouvant conduire soit à un retard au traitement chirurgical, soit à une chirurgie délabrante injustifiée. Les deux principaux groupes de critères en faveur d’une DHB nécrosante sont : [26] • signes généraux de gravité : sepsis sévère (hypotension artérielle et défaillance viscérale), voire choc septique (hypotension persistante malgré un remplissage vasculaire). [28] Ces signes imposent une chirurgie d’urgence ; • signes locaux : nécrose, bulles, douleur spontanée intense, œdème induré diffus, cyanose, lividité, ulcération, pâleur, hypoesthésie cutanée (Fig. 3). Le premier groupe de critères est le plus important lors de la prise en charge initiale. Il faut se souvenir que quelques bulles ou une douleur intense, chez un patient en bon état général, sont possibles dans l’érysipèle et ne justifient pas une chirurgie délabrante.
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inefficacité des antibiotiques doivent faire suspecter le diagnostic. Une biopsie est souhaitable bien qu’elle ne permette pas toujours d’exclure une infection. L’existence d’une maladie associée dans 30 à 50 % des cas (hémopathie lymphoïde ou myéloïde, colopathie inflammatoire) est une aide au diagnostic. Il faut parfois se résoudre à une corticothérapie générale empirique dont le bénéfice est spectaculaire. Évolution et pronostic
Figure 3.
Fasciite nécrosante.
Complications et mortalité dépendent essentiellement du terrain et de la survenue d’un choc septique (en particulier, exotoxine de certains streptocoques A responsable du syndrome de choc toxique streptococcique [9]). Les séquelles fonctionnelles (raideurs, rétractions, amyotrophie) sont fréquentes. Le taux d’amputation est faible (de l’ordre de 5 %), sauf en cas d’artériopathie, notamment diabétique. [22] La mortalité est de 10 à 60 % selon les séries : 40 à 60 % en cas de choc septique et 10 à 30 % en son absence. [22, 30, 31] La précocité du traitement chirurgical est corrélée à la survie. [32] Le choc septique est la première cause de mortalité, suivi par la maladie thromboembolique. [22] Traitement
Figure 4.
Pyoderma gangronesum.
La présence de crépitations (« neigeuses ») ou d’images aériques à la radiographie sont en faveur d’une infection à anaérobies (gangrène gazeuse à Clostridium perfringens, voire C. septicum) ou à entérobactéries (Escherichia coli, Klebsiella, Serratia). Exsudats nauséabonds et œdèmes marqués sont évocateurs de Bacteroides fragilis. [29] Une composante musculaire (myosite septique) est parfois associée avec élévation de la créatine phosphokinase (CPK) sérique. En présence de signes locaux ambigus et en l’absence de signe général de gravité, il est licite de se contenter d’un traitement antibiotique sous une surveillance stricte des signes locaux et généraux. L’évolution sous antibiotiques dans les 48 à 72 heures devient alors un critère déterminant pour une décision de débridement chirurgical. Dans ces cas, l’IRM peut aider au diagnostic en montrant, au niveau du fascia, un hypersignal en T2 et un rehaussement après injection de gadolinium (en T1). Permettant un bilan d’extension lésionnel, l’IRM peut guider la chirurgie. Toutefois, elle ne doit pas retarder le geste opératoire : son intérêt est limité aux formes atypiques. Diagnostic différentiel D’autres causes de nécrose cutanée inflammatoire doivent être distinguées des hypodermites infectieuses nécrosantes. • Les nécroses ischémiques par insuffisance artérielle décompensée. La jambe est froide et les pouls distaux abolis. L’évaluation de la faisabilité d’une reperméabilisation artérielle prime sur un geste de débridement des lésions cutanées nécrotiques. • Le pyoderma gangrenosum est sans doute le diagnostic le plus trompeur. Il s’agit d’une ulcération nécrotique progressant rapidement par sa bordure inflammatoire polycyclique en relief (Fig. 4). On pense bien sûr à l’infection, mais atypies cliniques, négativité de la bactériologie et plus tardivement
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C’est une urgence médicochirurgicale, la prise en charge doit être multidisciplinaire. [22] • Le traitement médical associe : mesures symptomatiques, anticoagulation préventive et antibiothérapie intraveineuse empirique qui doit couvrir le streptocoque et les germes fréquemment associés. L’association pénicilline G + clindamycine est souvent recommandée. [27] Malgré les conclusions de la conférence de consensus et en raison de la fréquence des bactéries à Gram négatifs, de nombreux auteurs ne préconisent pas l’association pénicilline G /clindamycine en première intention et mettent en avant l’association acide clavulanique/amoxicilline ou l’association d’une uréidopénicilline avec un aminoside. Dans les infections périnéales, postopératoires ou sur artériopathie oblitérante, l’adjonction de métronidazole couvrira les bactéries anaérobies résistantes, telles que Bacteroides fragilis. [33] • Le traitement chirurgical associe exploration, prélèvements bactériologiques et excision des zones infectées et nécrotiques. Il est fréquemment itératif. [22] • Divers traitements adjuvants ont été proposés. L’intérêt de l’oxygénothérapie hyperbare est débattu. [34, 35] Les immunoglobulines polyvalentes intraveineuses ont montré des résultats prometteurs dans le choc toxique streptococcique. [22, 36]
Pyomyosites
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Mise au point
Dermohypodermites bactériennes (DHB) aiguës Érysipèle : l’érysipèle typique (début brutal, fièvre élevée) est d’étiologie streptococcique. C’est la première cause de grosse jambe rouge aiguë fébrile. DHB aiguë non nécrosante non streptococcique : évolution plus torpide, parfois d’origine staphylococcique (sur furoncle, cathéter). DHB aiguë nécrosante : urgence médicochirurgicale.
Définition Ce sont des infections bactériennes aiguës primitives des muscles squelettiques. Traité de Médecine Akos
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Épidémiologie La pyomyosite peut survenir à tout âge. Une moyenne de 28 ans a été rapportée, ainsi qu’une plus grande fréquence chez l’homme. [37] Les facteurs de risques sont : traumatisme local (avec ou sans effraction cutanée), séjour récent en zone tropicale, toxicomanie intraveineuse et immunodéficience (sida, hémopathie). [38]
Microbiologie [37]
Staphylococcus aureus est en cause dans 70 à 90 % des cas, suivi du Streptococcus. Divers autres germes peuvent être responsables rarement. La contamination du muscle est le plus souvent hématogène (bactériémie), plus rarement par inoculation de voisinage. Le plus souvent, aucune porte d’entrée n’est retrouvée.
Clinique Généralement, un seul muscle est atteint, le plus souvent au pelvis ou aux membres inférieurs. [39] Les signes cliniques associent fièvre et signes inflammatoires musculaires localisés. Le diagnostic est parfois rendu difficile par l’aspect peu modifié de la peau sus-jacente au muscle infecté. L’aspect « induré comme du bois » du muscle est évocateur. Une adénopathie satellite est rare.
Diagnostic Un syndrome inflammatoire biologique et une hyperleucocytose avec neutrophilie et éosinophilie sont fréquents. Un taux de CPK sériques normal n’élimine pas le diagnostic. [37] L’imagerie est une aide précieuse au diagnostic. L’échographie permet d’éliminer une phlébite et montre une hypoéchogénicité musculaire focale. Le scanner et, surtout, l’IRM, sont les examens de références. [40] La scintigraphie au gallium est très sensible, mais fournit peu de précision anatomique. Le germe responsable peut être identifié sur les prélèvements bactériologiques locaux (aspiration à l’aiguille ou prélèvements chirurgicaux) ou sur les hémocultures.
Traitement Il repose sur l’antibiothérapie antistaphylococcique d’abord empirique (pénicilline M, vancomycine), puis adaptée aux résultats des prélèvements. Au stade d’abcédation, le drainage chirurgical est le geste thérapeutique essentiel. [39]
Infections staphylococciques du visage Staphylococcie maligne de la face Cette entité, rarissime, est définie par une thrombose suppurée de la veine faciale, associée à une infection staphylococcique de voisinage. Elle peut s’étendre au sinus caverneux. Elle est souvent provoquée par la manipulation intempestive d’un furoncle situé en dedans de la ligne joignant la commissure palpébrale externe à la commissure labiale. L’examen clinique retrouve un placard œdématié et inflammatoire, parsemé de pustules et traversé par un cordon induré. S’y associe une turgescence caractéristique du réseau veineux superficiel. Le tableau clinique se complète rapidement d’une septicémie, avec fièvre à 40 °C. Le traitement repose sur l’antibiothérapie intraveineuse (pénicilline M ou vancomycine) et l’anticoagulation, en milieu hospitalier.
par l’absence de thrombose veineuse. Les signes généraux se limitent le plus souvent à une fièvre bien tolérée. Le traitement repose sur l’antibiothérapie (pénicilline M, pristinamycine, vancomycine).
■ Infections selon le terrain Diabète Le diabète est associé à une augmentation de fréquence et de gravité de certaines infections, notamment cutanées. [41] Il entraîne une altération des fonctions des polynucléaires [42, 43] et des systèmes antioxydants impliqués dans la bactéricidie. [44] L’efficacité antibactérienne du système immunitaire serait corrélée au contrôle glycémique. [43, 45, 46] Neuropathie périphérique et angiopathie favorisent la survenue et la persistance de portes d’entrées cutanées, ainsi que d’un retard au diagnostic (douleurs absentes ou discrètes).
Infection du pied chez le diabétique Le pied est le siège le plus fréquent des infections des tissus mous chez le diabétique. [43] Les complications potentielles sont l’ostéite, l’amputation, le sepsis sévère et le décès par choc septique. La prise en charge du pied diabétique infecté est multidisciplinaire et comporte : contrôle glycémique strict, rééquilibration hydroélectrolytique et antibiothérapie couvrant Streptococcus et Staphylococcus (amoxicilline/acide clavulanique ou pristinamycine). La radiographie osseuse est systématique. En cas d’ostéite, une bi-antibiothérapie sera prescrite. En cas de mal perforant, le réseau artériel des membres inférieurs sera exploré, afin de ne pas méconnaître une éventuelle artériopathie curable. Les mesures locales comprennent le traitement de la porte d’entrée et la lutte contre les appuis vicieux (au minimum chaussure orthopédique, idéalement plâtre). En cas de suppuration ou de nécrose, le débridement chirurgical est indiqué. [47]
Toxicomanie intraveineuse Épidémiologie Jusqu’à 86 % des toxicomanes présenteraient des complications dermatologiques. [48] L’héroïnomanie est la première forme de toxicomanie intraveineuse (TIV) en France, suivie par la cocaïnomanie. L’injection intraveineuse de buprénorphine (Subutex®), sous forme de comprimés broyés et dissous est devenue commune (Fig. 5). Facteurs favorisants Les complications cutanées de la TIV sont liées au produit injecté ou au matériel d’injection utilisé. Leur mécanisme est multifactoriel : infectieux, ischémique, pharmacodynamique et/ou caustique. Topographie Elle est aussi variée que les sites d’injection, (intentionnels ou accidentels) sous-cutanée, intramusculaire, artérielle, voire dans une veine muqueuse.
Staphylococcie de la face Elle est définie par la survenue d’un placard inflammatoire du visage après manipulation intempestive d’un furoncle. Beaucoup moins rare que la forme « maligne », elle s’en distingue Traité de Médecine Akos
Figure 5.
Abcès par injection de Subutex®.
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Tableau 3. Classification et signes cliniques des mycobactérioses atypiques. a
Taxonomie
Signes cutanés
Croissance lente
M. marinum
« Granulome des piscines » ou « des aquariophiles » (papules, nodules ou ulcérations, de disposition linéaire, ascendante le long des trajets lymphatiques, « sporotrichoïde »)
Ténosynovites
M. kansakii
Papulopustules, nodules verruqueux sporotrichoïdes, ulcères, dermohypodermites profondes
Pneumopathie
M. scrofulaceum
Nodules sous-cutanés ulcérés, abcès
Adénopathies (cervicales +++), pneumopathie
Photochromogènes
Croissance lente
Autres signes cliniques
a
Classification
Scotochromogènes Croissance lente Non chromogène
Croissance rapide
a
M. avium intracellulare Nodules sous-cutanés, abcès, ulcères, dermohypodermite, Pneumopathie, adénopathie, synovite, ostéomyépanniculite lite, infection disséminée M. ulcerans
Ulcère de Buruli (plaques nécrotiques ulcérées indolores) Pas de signes généraux
M. haemophilum
Nodules, papules, plaques, vésicules, furoncles, abcès, ulcères (mains +++)
M. fortuitum
Nodules, abcès, ulcères, trajet fistuleux, dermohypoder- Méningite, endocardite, kératite, ostéomyélite, mite, exanthème morbilliforme hépatite, médiastinite, système nerveux central, infection disséminée
M. chelonei
Nodules, abcès, fistules, dermohypodermite, infection Ostéomyélite. Peu ou pas de signes généraux de cathéter
M. abscessus
Nodules, abcès
Adénopathie, arthrite septique, ostéomyélite, pneumopathie, système nerveux central
Pneumopathie
Les manifestations cliniques les plus fréquentes sont en gras.
Tableau 4. Épidémiologie et traitement des mycobactérioses atypiques.
a
a
Taxonomie
Épidémiologie
Traitement
M. marinum
Inoculation cutanée directe (mains +++). Incubation : 2 à 6 semaines
Éthambutol + rifampicine ou clarithromycine (1 à 2 mois après guérison ; 3 à 6 mois au total), Bactrim®, doxycycline
M. kansakii
Immunodéficience ou bronchopneumopathie chronique +++. Tropisme pulmonaire
INH + rifampicine + éthambutol (18 mois), clarithromycine, Bactrim®, streptomycine
M. scrofulaceum
Sud-est des États-Unis. Produits laitiers, huîtres, sols, eau. Inoculation : inhalation ou ingestion. Enfants +++
Excision chirurgicale (adénectomie), INH, rifampicine, clarithromycine (9 mois)
M. aviumintracellulare
Immunodéficience ou bronchopneumopathie chronique +++. Ubiquitaire. Inoculation : inhalation, ingestion ou cutanée directe
Éthambutol + clarithromycine + rifampicine ou rifabutine, isoniazide, azithromycine, streptomycine
M. ulcerans
Zones tropicales (Afrique, Mexique, Indonésie) et Australie. Inoculation cutanée directe. Incubation : 3 mois. Enfants +++
Excision chirurgicale
M. haemophilum
Immunodéficience (sida +++). Transmission et réservoir mal connus
Rifampicine ou rifabutine + clarithromycine + amikacine (6 à 9 mois). Excision chirurgicale
M. fortuitum
Ubiquitaire. Inoculation : cutanée directe (incubation 4 à 6 semaines) ou ingestion. Immunodéficient (infection systémique) ou non (infection des tissus mous)
Excision chirurgicale + amikacine + céfoxitine + clarithromycine, Bactrim®, azithromycine, ciprofloxacine, sulfamides, imipénème, doxycycline
M. chelonei
Nosocomiale (cathéter, chirurgie) ? Rôle favorisant des corticoïdes ?
Excision chirurgicale, tobramycine, imipénème, clarithromycine, ciprofloxacine, doxycycline (6 mois)
M. abscessus
Immunodéficience (infection disséminée) ou non (infection cutanée localisée après traumatisme local). Nosocomiale ?
Excision chirurgicale, clarithromycine, céfoxitine, amikacine (6 mois)
Les éléments essentiels du traitement sont en gras.
Clinique Les complications infectieuses locales sont les plus fréquentes. Généralement, elles surviennent dans les 72 heures suivant une injection. • Il s’agit le plus souvent d’abcès ou de dermohypodermites bactériennes (souvent nécrosantes) : staphylocoque doré et streptocoques (notamment du groupe A) sont le plus souvent en cause, suivis par les anaérobies, notamment Clostridium sp, les bactéries à Gram négatif et Candida albicans. Le traitement repose sur l’antibiothérapie. La chirurgie est indiquée en cas d’abcès (incision) ou de dermohypodermite nécrosante (excisions larges). • Les thrombophlébites septiques sont favorisées par les traumatismes veineux, l’infection locale et l’effet chimique direct des produits injectés. Staphylococcus aureus est la première cause de bactériémie sur thrombophlébite septique.
Immunodéficience De nombreuses infections opportunistes peuvent atteindre les parties molles. [49] Elles sont parfois la manifestation inaugurale
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du déficit immunitaire. Les difficultés de prise en charge sont diagnostiques et thérapeutiques (fréquence des résistances aux anti-infectieux, fragilité du terrain et interactions médicamenteuses potentielles). [50]
Mycobactérioses atypiques cutanées Ce groupe inclut toutes les mycobactéries en dehors de Mycobacterium tuberculosis et Mycobacterium leprae. [51] Les mycobactérioses sont fréquemment méconnues des cliniciens. Elles sont inconstamment opportunistes : les facteurs favorisants sont généraux (immunodéficience et bronchopneumopathie chronique) et locaux (traumatismes - iatrogéniques ou non). [52] Leur incidence a augmenté depuis la pandémie de sida. Les Tableaux 3 et 4 résument leurs caractéristiques cliniques et histologiques, leur épidémiologie et leur traitement. L’infection à Mycobacterium avium-intracellulare (ou avium complex) est la mycobactériose atypique la plus fréquente chez l’homme. [53] Du fait de la nécessité de conditions de culture spécifiques, le bactériologiste doit être informé de la suspicion Traité de Médecine Akos
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de mycobactériose. L’antibiogramme est essentiel, car la susceptibilité est très variable selon les souches. La monoantibiothérapie sera évitée, le traitement souvent maintenu au moins 1 à 2 mois après la guérison clinique (Tableau 4).
rares infections au cours du sida. L’inoculation peut être respiratoire ou cutanée (épines de roses, écharde, bris de glace, poterie, etc.). Clinique. Dans la forme lymphocutanée, la plus fréquente, la lésion élémentaire est une papule ou une pustule, au site d’inoculation. Elle évolue vers quelques nodules sous-cutanés ou des lésions ulcérées à base nécrotique et bords surélevés. Les nodules ont une distribution linéaire, suivant les trajets lymphatiques. Une adénopathie et/ou une lymphangite satellites s’y associent. Dans la forme cutanée fixe, les lésions cutanées restent localisées au site d’inoculation, et ne diffusent pas le long des trajets lymphatiques. [68] Les lésions siègent classiquement sur les membres supérieurs chez l’adulte et au visage chez l’enfant. Les facteurs favorisants incluent alcoolisme, sida et hémopathies malignes. [69, 70] Diagnostic. Il est porté par l’examen mycologique d’une biopsie cutanée après coloration spécifique. Traitement. L’itraconazole ou l’amphotéricine B sont recommandés en première intention.
Mycoses profondes
Mucormycose
Figure 6.
Alternariose.
Alternariose Épidémiologie. Les Alternaria sont ubiquitaires dans l’air et les sols. Ce sont des mycoses opportunistes, survenant souvent dans le cadre d’immunosuppressions iatrogéniques, [54-56] en particulier après transplantation. [57-59] D’autres facteurs associés sont : diabète, [60] traumatismes avec effraction cutanée (notamment par végétaux), milieu rural et certaines professions : agriculteurs, fleuristes et jardiniers. [56] Diagnostic. L’alternariose est une infection subaiguë des tissus mous, superficiels ou profonds, atteignant avec prédilection les extrémités des membres (traumatismes ?). [61] Les lésions élémentaires sont des nodules de 1 à 3 cm de diamètre, évoluant vers une ulcération, recouverte d’une croûte escarrotique, généralement indolore et persistant quelques semaines à quelques mois (Fig. 6). La présence d’Alternaria sur la peau normale et dans l’environnement rend parfois difficile la preuve de son rôle pathogène. Traitement. Il reste à définir. Pour certains, l’exérèse chirurgicale des lésions est la meilleure option malgré un taux de récidive au même site pouvant atteindre 20 %. [61] L’efficacité des antifongiques (amphotéricine B, 5-flucytosine, kétoconazole, itraconazole) est inconstante. [59] Un traitement associant excision chirurgicale des lésions et 3 à 6 mois d’itraconazole a été proposé. Aspergilloses Épidémiologie. Aspergillus est un saprophyte ubiquitaire, présent dans l’air et les sols. Rarement pathogène chez le sujet immunocompétent, il est responsable d’aspergillose invasive en cas d’immunodéficience, avec des taux élevés de mortalité. [62] Clinique. Des métastases septiques cutanées surviennent dans environ 10 % des aspergilloses disséminées, [63] habituellement sous forme de plaques érythémateuses indurées, évoluant vers une bulle hémorragique ou un ulcère nécrotique. [64] D’autres manifestations sont possibles : papules évocatrices de molluscum, abcès, granulomes sous-cutanés, plaques végétantes. [64, 65] Des aspergilloses cutanées « primitives » (par inoculation directe) ont été rapportées, notamment sur cathéter central ou après brûlure cutanée. [65] A. flavus serait dans ces formes l’espèce la plus fréquente. Diagnostic. Il est porté par la mise en culture d’une biopsie cutanée. Les colorations spécifiques montrent de nombreux filaments branchés. Les hémocultures sont rarement positives. L’antigénémie aspergillaire peut conforter le diagnostic. Traitement curatif. Le traitement habituel repose sur l’amphotéricine B liposomale, en l’absence d’insuffisance rénale, l’association amphotéricine-flucytosine, [65] le voriconazole (première intention) [66, 67] et la caspofungine (seconde intention). [62] Sporotrichose Épidémiologie. Sporothrix schenkii est un champignon dimorphe, présent dans les sols et les végétaux. Il est responsable de Traité de Médecine Akos
Épidémiologie. Les mucormycoses sont dues à des champignons à croissance rapide, de la classe des Zygomycetes. Les plus fréquents sont Rhizopus, Mucor et Absidia. Elles surviennent généralement chez des patients immunodéficients. La majorité des cas de mucormycose au cours du sida ont été rapportés chez des patients toxicomanes. [71] Diagnostic. La forme clinique la plus fréquente est la forme rhinocérébrale, qui peut se compliquer de lésions cutanées faciales secondaires (par contiguïté). Les formes cutanées primitives ont été rapportées chez des brûlés ou sur cathéter veineux recouvert de sparadrap adhésif contaminé. La lésion initiale est une papule érythémateuse ou une pustule. Elle fait rapidement place à une ulcération nécrotique. La lésion élémentaire est un érythème induré avec une coloration bleue, pourpre centrale, liée à une nécrose cutanée (par invasion fongique des vaisseaux dermiques). Les lésions cutanées secondaires par dissémination hématogène sont habituellement des nodules sous-cutanés. Traitement. Le traitement repose généralement sur l’amphotéricine B, parfois associée au débridement chirurgical des lésions. Les azolés semblent inefficaces.
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Mise au point
Infections des parties molles selon le terrain Infection du pied diabétique : souvent peu fébrile, indolore, compliquée d’ostéite. Élargir le spectre antibiotique (amoxicilline-acide clavulanique). Toxicomanie intraveineuse : fréquence des infections polymicrobiennes : staphylocoque, anaérobies, candida. Immunosuppression : se méfier des infections à germes atypiques. Prélèvements mycobactériologiques et mycologiques systématiques.
■ Infection à la suite d’une blessure par animal Infections polybactériennes (blessures par chiens et chats) L’incidence des infections est plus élevée après morsure de chats (30 à 80 %) qu’après morsure de chien (2 à 20 %). [72] Les griffures de chats entraînent les mêmes risques infectieux que les morsures. Au cours des infections cutanées qui en résultent, les prélèvements bactériologiques retrouvent, en moyenne, 3 à 5 espèces bactériennes différentes, dont 1 espèce anaérobie. [72]
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2-0739 ¶ Infections aiguës des parties molles
Diagnostic
Figure 7. Pasteurellose.
Une fréquence élevée de ces bactéries est productrice de bêtalactamases. Pasteurella sp. est l’espèce « spécifique » la plus couramment identifiée. Des germes banals sont souvent présents.
Pasteurellose Épidémiologie Pasteurella est un coccobacille à Gram négatif, aéro-anaérobie facultatif, intra- et extracellulaire, commensal des voies aérodigestives supérieures des chats (70 à 90 %) et des chiens (50 à 67 %), qui représentent le réservoir de la bactérie. L’espèce multocida est responsable de 80 % des infections humaines. Pasteurella est présente dans 75 % des infections postmorsure de chats (50 % pour les morsures de chiens). [72] P. multocida et P. septica prédominent après morsure de chat et P. canis après morsure de chien. Diagnostic positif Il s’agit d’une dermohypodermite aiguë, parfois nécrotique, caractérisée par l’apparition rapide d’une intense inflammation locale, très douloureuse, dans les 24 à 48 heures suivant l’inoculation (Fig. 7). D’autres localisations ont été décrites par dissémination hématogène : abcès, arthrite septique, ostéite, méningite, péritonite, endocardite et pneumopathie. Une hypersensibilité peut se développer secondairement, quelques semaines après l’épisode aigu, et se manifester par une ténosynovite, une arthrite, une ostéite ou une algodystrophie. Traitement Les antibiotiques efficaces sont les pénicillines A associées à un inhibiteur de bêtalactamases, les céphalosporines de deuxième ou troisième génération, la clindamycine et l’azithromycine. [72] P. multocida est fréquemment productrice de bêtalactamase et résiste souvent aux macrolides et apparentés. Dans les formes sévères, un traitement intraveineux est initialement recommandé. Le traitement empirique de choix est l’association amoxicilline-acide clavulanique pour une durée de 10 à 15 jours. [72] Le traitement local repose sur la désinfection et la cicatrisation dirigée (la suture sera évitée). [73]
Maladie des griffes du chat Bactériologie B. henselae, identifiée en 1990, est responsable de plusieurs entités : maladie des griffes du chat, angiomatose bacillaire, péliose hépatique, bactériémie avec fièvre persistante et endocardite. [74] Son réservoir (chat) et son vecteur (puce) sont mondialement distribués. Définition et épidémiologie La maladie des griffes du chat est une lymphadénite subaiguë à Bartonella, satellite du site d’inoculation. C’est l’infection à Bartonella la plus fréquente. [75] Elle est plus fréquente avant 18 ans. Son incidence annuelle serait d’environ 1/104 aux ÉtatsUnis. [76] La séroprévalence des anticorps contre B. henselae serait de 3,6 à 6 % dans la population. B. clarridgeiae peut également en être responsable.
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Le premier argument du diagnostic est le contage : morsures ou griffures de chats, piqûre par la puce du chat. Après 3 à 10 jours d’incubation, apparaît au site d’inoculation une papule érythémateuse, voire une pustule. Deux à 3 semaines plus tard, apparaît une adénopathie locorégionnale douloureuse, souvent associée à une fièvre persistante. L’adénopathie régresse généralement en quelques semaines ou mois, mais peut s’abcéder, voire se fistuliser (10 à 30 % des cas). Rarement d’autres manifestations peuvent survenir, en particulier chez l’enfant : adénopathie profonde, hépatosplénomégalie, ostéite, encéphalite ou neurorétinite. Chez l’immunodéprimé, B. henselae est responsable d’angiomatose bacillaire et de péliose hépatique. En cas de valvulopathie, B. henselae peut être responsable d’endocardite. La sérologie est la méthode diagnostique la plus courante. Traitement Les Bartonella sont sensibles à de nombreux antibiotiques : bêtalactamines (sauf oxacilline et céphalotine), macrolides et apparentés (sauf clindamycine), aminosides, cyclines et rifampicine. Cependant, le bénéfice clinique de l’antibiothérapie n’est pas prouvé en cas de forme cutanéoganglionnaire. En cas de suppuration, une évacuation à l’aiguille sera pratiquée. Dans les formes compliquées, une antibiothérapie par macrolide sera prescrite ; immunodéficience ou valvulopathie seront recherchées.
Érysipéloïde Bactériologie et épidémiologie Erysipelothrix rhusiopathiae est un bacille à Gram positif encapsulé présent chez de nombreux mammifères, oiseaux, reptiles et poissons. 30 à 50 % des cochons sont porteurs sains et constituent le réservoir principal. [77] Chez l’homme, ce bacille est responsable de « l’érysipéloïde », plus rarement d’endocardite ou de septicémie. L’inoculation est fréquemment professionnelle : bouchers, poissonniers, pêcheurs, vétérinaires, équarrisseurs, etc. Diagnostic L’érysipéloïde (ou « rouget du porc ») est une dermohypodermite subaiguë. En raison de son mode d’acquisition, elle siège fréquemment aux mains. L’incubation est de 5 à 14 jours. Le symptôme majeur est la douleur, intense, disproportionnée par rapport aux signes locaux. L’aspect est celui d’un placard érythémateux, violacé, « couleur aubergine », infiltré, induré, progressant en périphérie, avec guérison centrale. La fièvre est discrète ou absente, sans autres signes généraux. Des manifestations locorégionnales sont possibles : arthralgies (10 %), arthrites, adénopathies, lymphangite. La septicémie, l’endocardite et le choc septique sont exceptionnels. [77-79] Traitement Dans la forme cutanée localisée, la guérison spontanée survient le plus souvent en 4 semaines. L’antibiothérapie est indiquée pour diminuer la durée des signes et le risque de récidive. Le traitement repose sur la pénicilline G intraveineuse ou la pénicilline V orale. [80]
Tularémie Bactériologie Francisella tularensis est un coccobacille à Gram négatif aérobie, pouvant survivre plusieurs semaines dans les carcasses animales, l’eau et les sols. Deux types ont été décrits : A (le plus virulent) et B (le seul rencontré en Europe). Les portes d’entrée principales sont la peau (saine ou lésée) et le poumon, moins souvent le tube digestif. Le réservoir est constitué par plusieurs espèces mammifères, notamment des rongeurs : lapin, lièvre, écureuil, castor, etc. [81-84] Les modes de contamination sont le contact direct avec le réservoir (mammifères) ou avec le vecteur (arthropodes), l’inhalation d’aérosols ou l’ingestion. Traité de Médecine Akos
Infections aiguës des parties molles ¶ 2-0739
Tableau 5. Traitement de la tularémie.
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Formes sporadiques
Formes épidémiques
Streptomycine, 10 mg/kg/12h, i.m., 10 jours
Ciprofloxacine, 500 mg/12h, p.o., 10 jours
ou
ou
Gentamycine, 5 mg/kg/24h, i.m. ou i.v., 10 jours
Doxycycline, 100 mg/12h, p.o., 14 à 21 jours
i.m. : intramusculaire ; i.v. : intraveineux ; p.o. : per os.
Clinique Des signes cutanés (ulcères cutanés) sont présents dans 60 % des cas. L’inoculation survient le plus souvent aux extrémités. Un à 21 jours après l’exposition (moyenne : 3-5 jours), apparaît une papule inflammatoire douloureuse ou prurigineuse au site d’inoculation. La papule s’élargit, puis se forme une ulcération centrale bien limitée et remplie d’un exsudat jaune. Une escarre noirâtre peut alors apparaître. Elle est souvent contemporaine d’une adénopathie satellite très inflammatoire. L’ulcère peut persister des mois ou laisser une cicatrice dystrophique. L’adénopathie peut s’abcéder, voire se fistuliser. Des localisations septiques secondaires, cutanées (« tularémides ») ou viscérales, peuvent se former par dissémination hématogène. Une sérologie de titre élevé (> 160) ou une multiplication par 4 du titre sur deux prélèvements confirment le diagnostic. Une séroréactivité croisée avec Brucella, Proteus et Yersinia a été rapportée. [85] Des techniques d’immunofluorescence et de PCR (polymérisation en chaîne) existent dans certains centres spécialisés. [11] Le diagnostic bactériologique standard comporte un risque d’inoculation au personnel de laboratoire. Traitement La tularémie étant considérée comme une arme biologique potentielle, la détection simultanée de plusieurs cas localisés implique une enquête épidémiologique. [86] Les recommandations thérapeutiques [87] figurent dans le Tableau 5.
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■ Conclusion Le spectre clinique des infections des tissus mous est large, allant de l’infection cutanée superficielle à l’urgence vitale. Devant un placard inflammatoire aigu des tissus mous, le premier diagnostic évoqué est la dermohypodermite bactérienne aiguë, en raison de sa fréquence et de l’urgence qu’elle représente. La récente conférence de consensus française soulignait la nécessité d’uniformiser la terminologie des dermohypodermites bactériennes, avec pour principale finalité de distinguer les formes « médicales » (non nécrotiques) des formes « médicochirurgicales » (nécrotiques). Le diagnostic différentiel entre ces deux entités est parfois difficile initialement et repose sur des arguments essentiellement cliniques et évolutifs. Toute infection des tissus mous dont la présentation clinique est atypique incite à rechercher une immunodéficience, un séjour en zone d’endémie fongique ou un contage animal. Chez l’immunodéficient, le diagnostic étiologique d’une infection aiguë des tissus mous implique la réalisation de multiples prélèvements microbiologiques.
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Infections aiguës des parties molles ¶ 2-0739
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D. Farhi. V. Buffard. J.-C. Roujeau (
[email protected]). Service de dermatologie, Hôpital Henri Mondor, Université Paris XII ,51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Farhi D., Buffard V., Roujeau J.-C. Infections aiguës des parties molles. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0739, 2006.
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Dermatomycoses M. Feuilhade de Chauvin Les dermatomycoses sont des infections fongiques cutanées parmi les dermatoses les plus fréquentes que tout praticien est amené à diagnostiquer. Les dermatomycoses regroupent en pratique courante les dermatophytoses, les candidoses et les affections à Malassezia. Souvent invalidantes, leur prise en charge thérapeutique doit être adaptée au champignon pathogène et à sa localisation. Un examen mycologique est souvent utile pour les dermatomycoses de la peau glabre au moindre doute clinique ; il est nécessaire pour les atteintes unguéales et celles du cuir chevelu ou de la barbe. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dermatomycoses ; Dermatophytoses ; Candidoses cutanées ; Pityriasis versicolor ; Folliculite à Malassezia
d’éviter les rechutes et les récidives. Nous ne traitons dans cet article que des mycoses cutanées diagnostiquées en pratique courante chez des patients immunocompétents. Nous ne traitons pas des mycoses cutanées du patient immunodéprimé ni des mycoses cutanées ou sous-cutanées dites « tropicales ».
Plan ¶ Introduction
1
¶ Dermatophytoses Dermatophytoses des pieds et des mains et onychomycoses des orteils et des doigts Dermatophytoses de la peau glabre : membres, tronc, visage Dermatophytoses du cuir chevelu et de la barbe ou teignes Traitement des dermatophytoses
1
¶ Dermatoses à Malassezia Pityriasis versicolor Folliculite à Malassezia
8 8 9
1 4 5 7
¶ Candidoses cutanées Diagnostic différentiel Traitement des candidoses cutanées
9 10 10
¶ Conclusion
10
■ Dermatophytoses Les dermatophytoses peuvent être considérées en trois chapitres selon la pratique courante et le motif de consultation habituel : les dermatophytoses des pieds et des mains et les onychomycoses des orteils et des doigts, les dermatophytoses de la peau glabre et les teignes du cuir chevelu et de la barbe.
Dermatophytoses des pieds et des mains et onychomycoses des orteils et des doigts Dermatophytoses des pieds
■ Introduction Les dermatomycoses sont des infections fongiques superficielles très fréquentes que tout médecin est amené à diagnostiquer. Si elles ne sont pas très graves, elles sont souvent invalidantes pour le patient et ne guérissent jamais sans un traitement adapté. En pratique, les dermatomycoses regroupent les infections cutanées à dermatophytes, à Candida sp. et à Malassezia sp. Les dermatophytoses dues aux dermatophytes, champignons filamenteux ayant une grande affinité pour la kératine, relèvent d’une contamination à partir d’une source humaine, animale et parfois tellurique. Les candidoses cutanées et les dermatoses à Malassezia sp., comme le pityriasis versicolor et la folliculite, sont opportunistes. Elles sont dues à des levures commensales de l’organisme humain qui deviennent pathogènes lorsque le terrain du patient leur est favorable. La guérison de ces dermatomycoses repose sur une prise en charge éclairée nécessitant un diagnostic clinique précis et sa confirmation par un examen mycologique réalisé dans de bonnes conditions. Cette démarche permet le choix d’un antifongique adapté et la proposition de mesures additives associées afin Traité de Médecine Akos
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.
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L’atteinte dermatophytique des pieds ou « pied d’athlète » représente 30 % des dermatophytoses. Elle est très fréquente (51 % des militaires au Danemark, 32 % des judokas en France, 26 % des marathoniens, 63,6 % d’une classe de 140 étudiants en natation, 9 % dans la population générale à Nancy mais 30 % si port de chaussures de sécurité) [1]. Elle est la conséquence d’une rencontre sur un support contaminé (sol de salle de bain, piscine, hammam, salle de sports, tatamis, etc.) d’un pied dont le stratum corneum altéré par l’eau, la sudation et les traumatismes locaux n’assure plus son rôle de barrière physiologique efficace, avec des squames cutanées infectées par les filaments d’un dermatophyte. Les dermatophytes sont responsables de 40 % à 50 % des cas d’intertrigos interorteils [1]. À partir de ces espaces interorteils, la dermatophytose, par l’intermédiaire des filaments mycéliens du dermatophyte qui se développent dans la couche cornée, peut s’étendre sur l’ensemble du pied. Il en résulte des lésions desquamatives hyperkératosiques ou vésiculobulleuses des plantes (Fig. 1), des bords des pieds et des talons. L’extension sur le dos du pied ou la cheville est très prurigineuse et se traduit par des lésions érythémateuses à bordure circinée et extensive.
1
2-0740 ¶ Dermatomycoses
Figure 1.
Dermatophytose plantaire squameuse bilatérale. Figure 2.
“
Dermatophytose palmaire : une seule paume.
À retenir
La dermatophytose débute généralement dans les 3e et 4e espaces interorteils sous forme d’un érythème, d’une desquamation ou de vésiculobulles pouvant s’accompagner d’un prurit parfois féroce mais il n’y a aucune odeur.
Trois dermatophytes à transmission interhumaine en sont responsables : Trichophyton rubrum (plus de 90 % des cas), Trichophyton interdigitale et Epidermophyton floccosum.
“
À retenir
L’atteinte d’une seule plante doit évoquer le diagnostic de dermatophytose avant tout autre diagnostic.
Dermatophytoses des mains Par grattage de ses pieds, le patient peut se contaminer une main. L’atteinte palmaire est identique à l’atteinte plantaire : desquamation, hyperkératose avec soulignage des plis de flexion par une poudre blanche (Fig. 2). L’atteinte du dos de la main est une lésion érythémateuse, à bordure circinée extensive et prurigineuse (Fig. 3).
“
À retenir
L’atteinte d’une seule main doit évoquer en premier le diagnostic de dermatophytose et un foyer primaire aux pieds doit être recherché.
Onychomycoses des orteils et des doigts
.
Les dermatophytes pénètrent dans l’appareil unguéal des orteils ou des doigts par l’hyponychium, au niveau de la jonction cutanée et du lit de l’ongle. Ils provoquent une lésion hyperkératosique sous-unguéale avec onycholyse par détachement de la tablette unguéale (atteinte sous-unguéale latérodistale). L’onychomycose dermatophytique des orteils et des doigts est pratiquement toujours secondaire à une atteinte cutanée du pied et/ou de la main.
2
Figure 3.
Dermatophytose du dos de la main.
Dans de rares cas, le dermatophyte pénètre par la surface de la tablette unguéale responsable d’une leuconychie superficielle (Fig. 4A) lors de traumatismes ou par chevauchement des orteils. Encore plus rarement, la dermatophytose unguéale se présente comme une leuconychie profonde et proximale (Fig. 4B). Ce type d’atteinte est plus fréquent chez des sujets immunodéprimés. L’évolution d’une onychomycose peut aboutir à une onychomycodystrophie totale avec destruction partielle de la tablette unguéale (Fig. 4C).
Diagnostic différentiel d’une dermatophytose des pieds Diagnostic différentiel d’un intertrigo interorteil (Tableau 1) Tout intertrigo interorteil n’est pas fongique. Les intertrigos des espaces interorteils sont dus à des bactéries dans 50 % à 60 % des cas. Il s’agit le plus souvent d’infections à corynébactéries ou érythrasma (Fig. 5) donnant une fluorescence rose corail sous les rayons ultraviolets. L’intertrigo est macéré, blanchâtre, peu desquamatif et dégage une odeur « de fromage ». Mais parfois il s’agit d’un intertrigo « couenneux » blanc creusant surtout du 4e espace interorteil sans odeur mais pouvant être douloureux avec malposition du 5e orteil. Cet intertrigo s’observe généralement chez des patients pratiquant des ablutions sans séchage des pieds. Rarement il s’agit d’un intertrigo très érosif de teinte verdâtre correspondant à une infection par un bacille pyocyanique (Fig. 6). Traité de Médecine Akos
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A
C
B
Figure 4. Onychomycose à dermatophyte. A. Leuconychies superficielles. B. Leuconychie profonde. C. Onychodystrophie totale.
Tableau 1. Intertrigos interorteils. Siège préférentiel
3e, 4e espaces
2e ,3e ,4e espaces
4e espace
1er, 2e, 3e, 4e espaces
Sémiologie
Érythème
Macéré, blanc Non desquamatif
Blanc, couenneux, creusant en profondeur
Érythème très érosif
Desquamation Fissure fond du pli
Fissure sous la pliure des orteils
Couleur verdâtre Douloureux
Vésicobulles Prurit
Fréquent
Absent
Absent
Absent
Odeur
Non
Oui (odeur de fromage)
Non
Oui (odeur de seringua, de pomme verte)
Fluorescence
Non
Fluorescence corail
Non
Non
Dermatophytose
Érythrasma = infection à corynébactéries
Intertrigo à bactéries Infection à Pseudomonas (absence de séchage des pieds)
en lumière de Wood Diagnostic
En cas d’échec d’un traitement supposé adapté, un examen mycologique est utile.
Figure 5. Érythrasma interorteils.
Figure 6. Intertrigo interorteils à Pseudomonas.
Diagnostic différentiel des lésions plantaires ou palmaires (Tableau 2) Au niveau des pieds, la présence de lésions macérées blanchâtres dont les contours semblent faits avec un punch à l’emportepièce, siégeant dans les zones d’appui et dégageant une odeur de « fromage » doit évoquer le diagnostic de kératolyse ponctuée provoquée par des corynébactéries (Fig. 7). Il s’agit de patients avec une hypersudation et/ou macérant de manière prolongée dans des chaussures. Le psoriasis et l’eczéma sont les principales dermatoses qui représentent un diagnostic différentiel. Le psoriasis palmoplantaire provoque une atteinte bilatérale avec des lésions hyperkératosiques et micacées siégeant sur les zones d’appui (Fig. 8).
Habituellement, d’autres lésions cutanées de psoriasis sont présentes. Dans l’eczéma de contact ou dans la dyshidrose sine materia, l’atteinte est également bilatérale et les vésicules sont plus enchâssées et plus petites que dans une dermatophytose.
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Diagnostic différentiel des onychomycoses à dermatophyte Deux autres étiologies d’onychopathies sont essentiellement discutables : les onychopathies psoriasiques et les onychopathies traumatiques. Elles sont également responsables d’hyperkératoses sous-unguéales et d’onycholyse. L’onychopathie psoriasique est rarement isolée sans lésions cutanées associées de psoriasis. L’onychopathie traumatique relève souvent d’un contexte sportif, professionnel ou d’une malposition des orteils. Il n’y a pas d’atteinte cutanée associée.
3
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Tableau 2. Atteinte plantaire. Sémiologie
Desquamation en îlots Hyperkératose
Quelques grosses vésicules ou bulles
Nombreuses petites vésicules enchâssées dans la peau
Dyskératose épaisse d’aspect micacé
Oui (odeur de fromage)
Non
Non
Non
Oui
Lésions blanches macérées Bordure comme faite à l’emporte-pièce Parfois un peu érosif
Odeur
Non
Non
Prurit
Fréquent
Oui
Parfois douleur
Prurit possible Parfois douleur
Siège préférentiel
Une ou deux plantes, avant-pied, voûte plantaire, bords des pieds
Une seule plante
Deux plantes, zones d’appui et lésions identiques entre les orteils
Deux plantes
Diagnostic
Dermatophytose
Dermatophytose
Rechercher atteinte interorteils
Souvent pratique de sports pieds-nus
Kératolyse ponctuée = infection à corynébactéries
Eczéma ou dyshidrose sine materia
Deux plantes, surtout Atteinte assez symétrique zones d’appui ou de frottement Psoriasis Rechercher autres localisations surtout mains
Il est préférable de confirmer ou d’infirmer le diagnostic de dermatophytose par un examen mycologique. Psoriasis et dermatophytose plantaire peuvent être associés.
Figure 7. Kératolyse ponctuée.
Au niveau des doigts, les onychomycoses candidosiques sont aussi, voire plus fréquentes que les onychomycoses à dermatophyte. Dans de rares cas, tant au niveau des orteils que des doigts, il peut s’agir d’une onychomycose due à des moisissures (Scytalidium sp. chez des patients ayant vécu en zone tropicale ou d’autres moisissures ubiquitaires).
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À retenir Figure 8. Psoriasis plantaire.
L’examen mycologique reste indispensable avant toute décision thérapeutique pour traiter une onychopathie.
Dermatophytoses de la peau glabre : membres, tronc, visage Au niveau de la peau glabre (par opposition à la barbe et au cuir chevelu), la contamination résulte de trois modes de transmission : le patient est lui-même porteur d’une dermatophytose dans un autre site (pieds, cuir chevelu) qui s’étend à l’ensemble de la peau ou bien le patient s’infecte à partir d’un animal parasité (dermatophyte zoophile) ou beaucoup plus rarement à partir d’un sol ou de terre contaminée (dermatophyte tellurique).
Atteinte des plis L’atteinte du pli inguinal (autrefois appelée eczéma marginé de Hebra) est la plus fréquente mais d’autres plis peuvent être
4
touchés : pli interfessier, plis sous-mammaires, plis abdominaux, plis axillaires. Cliniquement, la dermatophytose débute par une petite lésion prurigineuse érythémateuse souvent arrondie et s’étend de façon centrifuge, sur une surface cutanée variable pouvant atteindre le pubis, l’abdomen ou les fesses (Fig. 9).
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À retenir
• La lésion est limitée par une bordure érythématosquamo-vésiculo-croûteuse alors que le centre de la lésion est en voie de guérison. • L’examen clinique doit rechercher d’emblée un foyer primaire aux pieds. Traité de Médecine Akos
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L’interrogatoire doit rechercher un contact avec un animal dans les semaines précédentes et un examen clinique soigneux recherche la présence de lésions des pieds ou une atteinte du cuir chevelu. À partir des pieds ou d’une teigne du cuir chevelu, la dermatophytose peut s’étendre par grattage aux autres zones de peau glabre (membres, tronc, visage).
Diagnostic différentiel d’une dermatophytose de la peau glabre
Figure 9. Dermatophytose du pli inguinal.
Aux plis (Tableau 3) La présence d’une fluorescence rose corail en lumière aux ultraviolets permet de détecter un érythrasma, infection due aux corynébactéries appartenant à la flore cutanée et qui se multiplient dans ces espaces fermés et humides. La lésion est finement squameuse sur toute sa surface, légèrement bistre, bien limitée mais sans bordure en relief (Fig. 12). Il n’y a pas de prurit. Une dermite séborrhéique ou un psoriasis des plis se présentent sous forme d’une nappe érythémateuse, plus ou moins suintante et inflammatoire, bien limitée sans bordure, s’étendant sur les deux versants à partir du fond du pli souvent macéré. Le prurit est variable. Un eczéma réalise un placard prurigineux, érythémateux, plus ou moins papulovésiculeux à bordure émiettée. Rarement, certaines bulloses peuvent atteindre les plis comme le pemphigus de Hailey-Hailey avec présence de raghades évocatrices au fond du pli. Les grands plis peuvent être le siège d’une candidose, d’un pityriasis versicolor. Au tronc et aux membres Le principal diagnostic différentiel des dermatophytoses à Microsporum canis est le pityriasis rosé de Gibert. Cette infection virale débute par un médaillon suivi 2 semaines plus tard d’une éruption sous forme de petites lésions desquamatives plutôt ovalaires. Elle n’est pas prurigineuse. Un psoriasis en goutte, un eczéma nummulaire, une primo-infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou une syphilis secondaire sont à l’origine de lésions plus ou moins arrondies, érythémateuses et squameuses sur toute leur surface, sans extension centrifuge.
Figure 10.
Figure 11.
Dermatophytose de la peau glabre à Microsporum canis.
Dermatophytose de la peau glabre : placard circiné.
Autres localisations (membres, tronc, visage) Les lésions sont de taille variable allant de petites lésions arrondies à contours circinés très évocatrices d’une dermatophytose à Microsporum canis (anciennement appelé herpès circiné) (Fig. 10) à de grands placards à contour géographique (Fig. 11). Certains dermatophytes zoophiles (par exemple, Trichophyton mentagrophytes) peuvent être responsables de lésions inflammatoires. De même l’application erronée et prolongée de dermocorticoïdes topiques peut transformer une lésion banale en lésion inflammatoire. Traité de Médecine Akos
Dermatophytoses du cuir chevelu et de la barbe ou teignes Il s’agit d’une atteinte dermatophytique cutanée et pilaire. Les teignes du cuir chevelu touchent les enfants et parfois les femmes ayant, le plus souvent, vécu en zone d’endémie (Afrique noire, Maghreb, Moyen-Orient, etc.). La teigne du cuir chevelu est l’infection fongique la plus fréquente chez l’enfant avant la puberté. L’homme adulte peut présenter une teigne de la barbe mais exceptionnellement une teigne du cuir chevelu. Dans les grandes villes, les teignes du cuir chevelu sont souvent provoquées par des dermatophytes à transmission interhumaine, teigne microsporique (Microsporum langeronii), et teigne endothrix (Trichophyton soudanense, Trichophyton tonsurans, Trichophyton violaceum) dont la pénétration cutanée est facilitée par des habitudes de coiffure traumatisant la couche cornée (utilisation de rasoir, tondeuse, nattage « afro »). Dans les campagnes, des dermatophytes zoophiles ou géophiles sont responsables de teigne microsporique (Microsporum canis) ou inflammatoire (Trichophyton mentagrophytes, Microsporum gypseum, etc.) après un contact direct ou indirect avec l’animal ou le sol. Cliniquement, les teignes tondantes microsporiques sont responsables habituellement de lésions alopéciques sous forme de grandes plaques desquamatives avec des cheveux cassés régulièrement à quelques millimètres de la peau du cuir chevelu (Fig. 13A). Les teignes tondantes trichophytiques se présentent sous forme de nombreuses petites lésions croûteuses parfois purulentes éparses sur le cuir chevelu (Fig. 13B). Les teignes inflammatoires ou kérions apparaissent brutalement sous forme d’une sorte d’un macaron inflammatoire d’où sourd du pus avec expulsion des cheveux par les orifices pilaires dilatés (Fig. 13C). Parfois il s’agit d’authentiques abcès sous-cutanés. Il est fréquent de palper des adénopathies satellites.
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2-0740 ¶ Dermatomycoses
Tableau 3. Lésions des grands plis : exemple, pli inguinal. Sémiologie
Lésion ayant débuté par un médaillon face interne de la cuisse
Nappe érythémateuse ± suintante, vernissée
Nappe rose-brun
Parfois
Non
Érythème à cheval sur le pli ± suintant Homogène finement Atteinte fond du pli desquamative sur toute Limitation nette, parExtension centrifuge avec enduit blanc, limi- la surface fois squamocroûteuse limitée par une bordure tée par une desquama- Bordure sans relief mais sans relief papuleuse érythémato- tion en collerette squameuse ou vésiculo- Présence de papulopuscroûteuse tules sur peau saine
Placard érythémateux ± macéré, mal limité, bordure émiettée ± papulovésiculeuse
Extension aux fesses possible Prurit
Oui
Parfois
Oui
Brûlure possible Fluorescence en lumière de Wood
Non
Non
Diagnostic
Dermatophytose
Candidose
Rechercher foyer primaire aux pieds
Fluorescence rose corail Non
Non
Érythrasma = infection Dermite séborrhéique Eczéma Rechercher foyer diges- à corynébactéries Psoriasis tif ou génital associé Rechercher autres localisations
D’autres dermatoses peuvent atteindre les plis : pityriasis versicolor, érythème mécanique de frottement, bulloses : au moindre doute ou en cas d’échec thérapeutique, demander un examen mycologique.
A
B
Figure 12. Érythrasma du pli inguinal.
Les teignes dites « faviques » ne se voient plus en France. Les teignes de la barbe se présentent généralement comme une folliculite suppurée (Fig. 14).
Diagnostic différentiel des dermatophytoses du cuir chevelu et de la barbe Les principaux diagnostics différentiels sont les infections bactériennes staphylococciques, l’eczéma, la dermite séborrhéique et le psoriasis. De même toute affection du cuir chevelu chez une femme adulte, surtout si elle est originaire d’une zone endémique, toute folliculite de la barbe, si elles persistent ou
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C Figure 13. Dermatophytose du cuir chevelu. A. Teigne microsporique. B. Teigne endothrix. C. Teigne inflammatoire ou kérion.
s’aggravent, doivent faire évoquer le diagnostic de teigne. Le patient doit bénéficier d’un prélèvement mycologique dans un laboratoire expérimenté en mycologie cutanée. Traité de Médecine Akos
Dermatomycoses ¶ 2-0740
Traitement d’une onychomycose
Figure 14. Dermatophytose de la barbe.
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À retenir
En pratique tout état squameux, croûteux, pustuleux du cuir chevelu d’un enfant doit évoquer en premier le diagnostic d’une teigne du cuir chevelu. Il ne faut jamais instituer une corticothérapie locale devant des lésions du cuir chevelu d’un enfant sans avoir éliminé formellement le diagnostic de teigne. De nombreux kérions sont dus à la transformation d’une teigne banale par application de dermocorticoïdes.
Traitement des dermatophytoses [2] Traitement d’une dermatophytose des plis (petits ou grands) et de la peau glabre Si la lésion est unique, un traitement local est souvent suffisant. Tout antifongique actif sur les dermatophytes peut être utilisé (terbinafine, imidazolés, cicloporoxolamine, tolnaftate) (Tableau 1). Gel, lotion et poudre sont privilégiés si la lésion est macérée et humide. Une crème est préférable si la lésion est desquamative et croûteuse. La terbinafine est l’antifongique le plus actif sur les dermatophytes. Les imidazolés et la ciclopirox olamine ont un spectre élargi aux bactéries à Gram positif comme les corynébactéries responsables d’érythrasma. Un traitement systémique est souvent nécessaire en cas de lésions multiples ; terbinafine (250 mg/j pendant 1 à 2 semaines) ou de lésions inflammatoires, griséofulvine (1 g/j pendant 3 à 4 semaines). Des conseils de prévention doivent être prodigués pour éviter les récidives et les rechutes : séchage des pieds et des plis, désinfection des chaussures mises pieds nus, chaussons, etc. et connaissance des lieux de contamination (piscine, salle de bain, douches publiques, tatamis, etc.). Le choix thérapeutique est à reconsidérer si d’autres lésions cutanées dermatophytiques sont associées (atteintes plantaires et/ou unguéales).
Traitement d’une atteinte palmoplantaire Un antifongique local est habituellement insuffisant pour guérir les lésions hyperkératosiques sèches ou vésiculobulleuses. Un traitement systémique est nécessaire pour éviter les rechutes. En pratique, la terbinafine per os est prescrite pendant 2 semaines associée à un antifongique local : terbinafine (deux fois/j pendant 2 semaines) ou autre (deux fois/j pendant 3-4 semaines), et à un kératolytique si besoin. Les mesures préventives des récidives déjà citées complètent le traitement médical. Traité de Médecine Akos
Après confirmation du diagnostic par un examen mycologique, la prise en charge d’une onychomycose dermatophytique repose sur l’association thérapeutique : avulsion chimique ou mécanique et/ou solution filmogène et/ou traitement systémique. Des recommandations ont été émises par la Société française de dermatologie [3]. Le choix thérapeutique prend en compte l’ensemble de l’appareil unguéal : hyperkératose du lit de l’ongle, épaisseur de la tablette, présence d’une onycholyse et atteinte matricielle. Un traitement local est suffisant pour les leuconychies superficielles et les atteintes unguéales très limitées. Dans la majorité des cas, hyperkératose sous-unguéale importante, atteinte en « fusée » latérale, dermatophytome ou atteinte de la région matricielle, un traitement systémique est indispensable. Une bithérapie antifongique locale et systémique laisse espérer une guérison totale. Pour le traitement local, trois médicaments sont disponibles : Mycoster® solution filmogène 8 % (principe actif : ciclopirox acide) et Locéryl ® solution filmogène 5 % (principe actif : amorolfine) et l’Amycor Onychoset® qui permet de ramollir la partie infectée de l’ongle et d’en assurer le découpage de manière indolore. Le ciclopirox acide s’applique quotidiennement et l’amorolfine une fois par semaine. La ciclopirox olamine Mycoster® sous forme de crème a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour l’onychomycose mais la formulation solution filmogène lui est habituellement préférée. La solution filmogène a notamment une action complémentaire de l’antifongique systémique dans les zones latérales anatomiquement mal vascularisées et zones habituelles de rechute.
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À retenir
La grande majorité des échecs dans le traitement des onychomycoses à dermatophytes est due à une pénétration insuffisante des antifongiques, locaux ou systémiques, ne permettant pas d’obtenir une concentration efficace sur le dermatophyte dans les parties infectées de l’ongle. Cette pénétration est limitée par une hyperkératose importante de la tablette et du lit de l’ongle ou par une onycholyse qui limite la diffusion des antifongiques du lit vers la tablette ou vice versa. Ces deux facteurs doivent être combattus mécaniquement et/ou par kératolyse chimique. De plus, l’appareil unguéal allégé se renouvelle plus rapidement, en éliminant les éléments fongiques.
Pour le traitement systémique, trois antifongiques sont disponibles en France dans cette indication : la terbinafine, le kétoconazole et la griséofulvine. En pratique dermatologique, le kétoconazole et la griséofulvine ne sont plus prescrits dans cette indication. La terbinafine est l’antifongique systémique le plus efficace sur les dermatophytes responsables d’onychomycose et celui dont la durée de prescription est la plus courte. C’est le médicament de première intention. Elle est prescrite à la dose de 250 mg/j en une prise au cours du repas pendant 6 semaines à 3 mois pour les ongles des mains et pendant 3 à 6 mois pour les ongles des orteils. Cependant, la guérison clinique ne s’observe qu’après la repousse complète de l’ongle (doigts : 4 à 6 mois ; orteils : 9 à 12 mois), le patient doit être prévenu de ce « délai ». D’autres antifongiques systémiques de la famille des triazolés, itraconazole et fluconazole, ont montré une activité intéressante dans le traitement des onychomycoses à dermatophytes, mais ils ne possèdent pas en France d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’indication onychomycose. Les taux de guérison obtenus avec ces médicaments sont inférieurs à ceux de la terbinafine dans le traitement des onychomycoses à dermatophytes [3].
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2-0740 ¶ Dermatomycoses
microsporique ou de kérion. Une épilation des cheveux persistant sur le kérion est souvent utile. Un « détressage » des nattes africaines et l’utilisation d’un kératolytique dans les formes croûteuses permettent une meilleure action des antifongiques topiques. La désinfection des bonnets, casquettes, peigne, brosse à l’aide de poudres et solutions d’antifongiques et le nettoyage des tondeuses ou des rasoirs évitent les récidives. Si le dermatophyte en cause est anthropophile, la famille est examinée et les membres atteints traités. Si le dermatophyte est zoophile, l’animal responsable doit être traité par un vétérinaire.
Toute autre localisation dermatophytique associée doit être traitée dans le même temps et les mesures de prévention des récidives doivent être expliquées.
Traitement d’une teigne du cuir chevelu ou de la barbe [4]
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À retenir
Le traitement d’une teigne ne se conçoit qu’après un examen mycologique précisant le type de parasitisme du cheveu et l’agent fongique responsable. La conduite thérapeutique est identique qu’il s’agisse de teignes dites « tondantes » ou de teignes inflammatoires. Le traitement comprend impérativement un traitement systémique associé à un traitement local et à des mesures additives. La griséofulvine demeure le médicament de première intention dans le traitement des teignes. Elle est active dans toutes les formes cliniques, tondante, favique ou inflammatoire, et sur tous les types de parasitisme pilaire (endothrix, ectothrix).
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Rappelons que les mesures d’éviction scolaire définies par l’arrêté du 3 mai 1989 (Journal officiel du 31 mai 1989) ont été revues et modifiées par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France en 2003 (www.sante. gouv.fr/htm/dossiers/maladie_enfant/accueil.htm) : « En cas de teigne du cuir chevelu, l’enfant fait l’objet d’une éviction scolaire sauf s’il présente un certificat médical attestant d’une consultation et de la prescription d’un traitement adapté ».
■ Dermatoses à Malassezia
La griséofulvine est prescrite à la dose journalière de 20 mg/kg/j au moins. La durée du traitement est de 6 à 8 semaines. La prise des comprimés doit être accompagnée d’un corps gras (fromage, beurre) pour une meilleure absorption. Si l’enfant ne sait pas avaler de comprimés, ceux-ci peuvent être écrasés dans un peu de liquide. En cas d’intolérance à la griséofulvine, d’autres molécules de la famille des triazolés, fluconazole et itraconazole, présentent un intérêt dans le traitement des teignes endothrix et microsporiques mais ne possèdent pas à ce jour d’AMM en France dans cette indication. La terbinafine est plus efficace sur les teignes endothrix que sur les teignes microsporiques et inflammatoires. Le médicament n’a pas d’AMM chez l’enfant bien qu’il soit bien toléré à la dose de 1 cp pour un poids supérieur à 40 kg, ½ cp pour un poids de 20-40 kg, ¼ cp pour un poids inférieur à 20 kg pendant 2-4 semaines. Aucun antifongique systémique ne doit être prescrit à une femme enceinte ou allaitante et à un nourrisson (de moins de 1 an) dont les fonctions hépatiques sont encore immatures. Pour le traitement local, toutes les crèmes et lotions antifongiques actives sur les dermatophytes peuvent être proposées. Le tolnaftate Sporiline®, sous sa forme de lotion huileuse, est intéressant pour les cheveux crépus facilitant la pénétration du médicament et le coiffage des cheveux. Un shampooing antifongique (Kétoderm® gel, Sébiprox®) peut être utilisé deux fois par semaine en complément (application pendant 10 à 15 min avant rinçage). Cependant, en présence d’une teigne inflammatoire, la prescription d’antifongiques topiques d’action rapide (ciclopirox olamine, kétoconazole, terbinafine) risque de majorer la réaction immunitaire et il est préférable de privilégier des antifongiques d’action plus lente (autres azolés).
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Pityriasis versicolor Lorsque le biotope cutané leur est favorable, les levures de Malassezia développent une forme pseudofilamenteuse qui prolifère dans le stratum corneum, responsable de l’infection à Malassezia, le pityriasis versicolor. Les circonstances favorables connues, bien qu’elles n’aient pas fait l’objet d’études, sont : l’hypersudation et le climat tropical, chaud et humide, l’hypercorticisme (maladie de Cushing, grossesse, corticothérapie) et une prédisposition génétique (il existe souvent, dans les formes diffuses et récidivantes, plusieurs membres atteints génétiquement liés). La qualité du sébum et l’utilisation d’huiles corporelles jouent sans doute un rôle.
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L’administration de corticoïdes systémiques ou locaux doit être formellement proscrite car elle est néfaste. Le corticoïde facilite le développement du dermatophyte et sa pénétration dans les tissus profonds. .
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À retenir
Le pityriasis versicolor est une infection opportuniste bénigne mais inesthétique due à des levures lipophiles du genre Malassezia (12 espèces sont répertoriées). Elles appartiennent à la flore normale de nos follicules pilosébacés depuis la naissance et colonisent l’infundibulum au moment de la puberté quand les glandes sébacées sont en activité.
À retenir
Des mesures additives sont indispensables pour obtenir une guérison rapide et définitive. Elles consistent à dégager aux ciseaux les zones infectées jusqu’en zone saine en cas de teigne
À retenir
Chez l’adulte, la prévalence de la maladie est entre 18 et 40 ans alors qu’elle est rare avant la puberté et chez le vieillard. Les zones préférentiellement atteintes sont les zones les plus riches en glandes sébacées : le cou, le haut du dos et du thorax, entre les seins, les épaules mais il existe des formes diffuses à l’ensemble du corps ou des localisations plus rares (plis inguinaux, dos des mains) avec cependant un respect des paumes et plantes. Chez l’enfant, il est possible de porter ce diagnostic dès la période prépubertaire. Les atteintes du visage sont particulièrement fréquentes chez eux. La lésion élémentaire est une macule arrondie, rose à brun foncé, de quelques millimètres de diamètre apparaissant autour d’un follicule pilosébacé. La confluence des macules est responsable de lésions de taille variable à contours polycycliques. La lésion active est desquamative au grattage (signe du copeau) et présente une discrète fluorescence jaunâtre aux Traité de Médecine Akos
Dermatomycoses ¶ 2-0740
immunodépression) pourraient être impliqués dans la multiplication des levures et leur colonisation des follicules pilosébacés.
Diagnostic différentiel La folliculite à Malassezia est à différencier d’une banale acné.
Traitement Le traitement de ces folliculites n’est pas codifié. De bons résultats sont rapportés avec les antifongiques systémiques, associés ou non à des antifongiques topiques, actifs sur Malassezia (kétoconazole, fluconazole, itraconazole) mais les rechutes sont habituelles.
■ Candidoses cutanées Figure 15. Folliculite à Malassezia sp.
rayons ultraviolets (production de pityrialactone ?). Après un certain temps d’évolution sans doute par blocage de la mélanogenèse, les lésions deviennent achromiques (rôle de l’acide azélaïque ou d’autres inhibiteurs de la tyrosinase ?). Il n’y a pas de prurit, sauf dans les formes diffuses folliculaires.
Diagnostic différentiel Le prélèvement mycologique d’un pityriasis versicolor se fait par la méthode du scotch test. Une cellophane adhésive transparente est appliquée sur les lésions puis collée sur une lame porte-objet et examinée au microscope. La présence de pseudofilaments courts, à paroi épaisse, et d’amas de levures de Malassezia confirme le diagnostic de pityriasis versicolor. La culture n’a aucun intérêt. Ceci permet d’éliminer d’autres dermatoses responsables de lésions achromiques (vitiligo, dartres achromiantes, etc.) ou arrondies et squameuses (érythrasma, dermite séborrhéique, etc.).
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Traitement du pityriasis versicolor [2] En pratique, le traitement des formes localisées est l’application de kétoconazole gel moussant : une à deux applications espacées de 1 semaine, en laissant agir le médicament 15 minutes avant rinçage. D’autres antifongiques topiques sont également actifs sur Malassezia : imidazolés, cyclopirox olamine, tolnaftate, terbinafine mais nécessitent des applications biquotidiennes, pendant plusieurs semaines. Dans les formes profuses, récidivantes ou folliculaires, un traitement systémique par kétoconazole (200-400 mg/j) pendant 10 jours est justifié. La terbinafine per os est inefficace dans cette indication. Une information explicative sur cette mycose non contagieuse mais parfois récidivante doit être fournie au patient.
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Les candidoses cutanées sont beaucoup plus rares que les dermatophytoses ou le pityriasis versicolor. Les candidoses cutanées sont des infections des grands plis (plis inguinaux, axillaires, sous-mammaires, etc.) et des petits plis (plis interfessiers, interdigitaux, commissures labiales, etc.) avec une extension possible à la peau adjacente et sont responsables d’onychomycoses des doigts. Une candidose cutanée peut se développer lorsque des facteurs favorisants locaux altérant le revêtement cutané (humidité, macération, corticothérapie locale) sont présents. Aux mains, il s’agit souvent d’un contexte professionnel nécessitant des contacts répétés avec l’eau. Aux ongles des doigts, la destruction de la cuticule par des traumatismes professionnels ou une manucurie intensive facilite l’entrée de Candida sous le repli sus-unguéal. Le port de couche favorise la candidose cutanée fessière chez le nouveau-né ou le vieillard. Certains facteurs généraux peuvent être impliqués : diabète déséquilibré, corticothérapie systémique et autres traitements immunosuppresseurs. L’atteinte cutanée surtout inguinale ou fessière peut être secondaire à une candidose digestive ou vaginale qui doit être recherchée de principe. Dans la candidose des plis, les symptômes évocateurs sont l’existence d’un érythème, d’aspect vernissé et suintant débutant au fond du pli, recouvert d’un enduit crémeux blanchâtre, et s’étendant de part et d’autre sur la peau adjacente. L’érythème est limité par une bordure desquamative très fine en « dentelle » et de petites papulopustules s’observent sur la peau saine environnante (Fig. 16). Le patient se plaint de sensation de brûlures ou de prurit. L’onychomycose candidosique primaire débute par un périonyxis (ou paronychie) d’évolution subaiguë ou chronique formant une tuméfaction douloureuse de la zone matricielle d’où peut sourdre du pus. Il apparaît secondairement une dystrophie de la tablette unguéale généralement colorée en brun verdâtre dans les sillons proximal et latéraux (Fig. 17). Les onychomycoses à Candida albicans représentent environ 60 % des onychomycoses des doigts.
Folliculite à Malassezia La folliculite à Malassezia a été décrite en 1969 par Weary puis considérée comme une entité en 1973 par Potter pour désigner des patients avec une éruption papuloérythémateuse et pustuleuse folliculaire de la partie haute du tronc et des bras. La présentation clinique des folliculites à Malassezia est très monomorphe avec présence d’une éruption prurigineuse faite de très petites papulopustules inflammatoires folliculaires situées sur le haut du dos, les épaules et le haut du thorax avec une extension sur les bras et les flancs (comme « dessinant un maillot de corps ») (Fig. 15). Elle est caractérisée par la présence d’un « bouchon » de spores de Malassezia au niveau des follicules pilosébacés bien visible à l’examen mycologique direct du contenu du follicule obtenu par extraction. Elle se rencontre chez les sujets immunocompétents mais prend souvent un aspect plus inflammatoire et profus chez des patients immunodéprimés. Des facteurs environnementaux ou iatrogènes (atmosphère chaude et humide, corticothérapie locale, antibiothérapie, Traité de Médecine Akos
Figure 16. Candidose du pli sous-mammaire.
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2-0740 ¶ Dermatomycoses
Traitement des candidoses cutanées Traitement des candidoses des plis Les antifongiques locaux actifs sur les Candida sont suffisants pour traiter l’infection (imidazolés, ciclopirox olamine, terbinafine). Les formes galéniques contenant de l’alcool doivent être évitées car les lésions sont inflammatoires. Un bon séchage des plis est conseillé ainsi que l’éradication des facteurs locaux favorisants (contact avec l’eau, macération, irritation, etc.) et des sites réservoirs parfois associés (candidose digestive ou vaginale).
Traitement des onychomycoses à Candida [3] Le traitement local associe un séchage soigneux des mains et/ou le double port de gants (gants en coton sous les gants en plastique) lors des contacts avec l’eau et l’application d’un antifongique local. L’antifongique doit être appliqué plusieurs fois par jour et si possible après chaque lavage des mains pendant 4 à 6 mois jusqu’à guérison de l’ongle. Si l’atteinte est polydactylique ou si la paronychie est importante, un traitement systémique est associé au traitement local : kétoconazole (200 à 400 mg/j) sous surveillance biologique hépatique, ou fluconazole, le plus utilisé en pratique courante (mais il doit l’être à une dose de 150 à 450 mg 1 j/semaine), ou itraconazole (400 mg/j 1 semaine/mois). Ces derniers antifongiques ont montré leur efficacité et leur bonne tolérance mais ne possèdent pas, en France, d’AMM dans cette indication. Avant prescription, les interactions qu’ils présentent avec d’autres médicaments doivent être soigneusement prises en compte. La terbinafine n’est pas recommandée dans les candidoses unguéales au vu des résultats obtenus in vitro et in vivo. La griséofulvine est inefficace.
Figure 17. Onychomycose à Candida albicans.
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À retenir
• Les candidoses cutanées sont des infections opportunistes dues à des levures du genre Candida. • Les candidoses cutanées sont pratiquement toujours dues à l’espèce Candida albicans. C’est une levure commensale naturelle du tube digestif et de la cavité vaginale mais absente sur une peau saine. Elle est capable de développer une forme pseudofilamenteuse lorsqu’elle devient pathogène et responsable d’une infection.
■ Conclusion Les dermatomycoses sont des infections fongiques dont la guérison définitive peut être obtenue à condition d’avoir porté un diagnostic clinique exact qui, dans la plupart des cas, doit être confirmé par un examen mycologique réalisé dans un laboratoire expérimenté qui de plus identifie précisément le champignon responsable. Les antifongiques locaux et/ou systémiques disponibles à ce jour sont parfaitement efficaces si leur choix est bien adapté à la dermatomycose diagnostiquée. Les mesures complémentaires recommandées ci-dessus sont indispensables à la pérennisation de la guérison clinique et mycologique.
Diagnostic différentiel D’autres dermatoses atteignant les plis (dermatophytose, psoriasis, eczéma, etc.) sont parfois discutables. De même le diagnostic d’une onychomycose à Candida des doigts est parfois difficile à établir avec celui d’une dermatophytose, d’une onychomycose à moisissure, d’un psoriasis, d’un traumatisme. Le recours au prélèvement mycologique est généralement utile pour confirmer une candidose cutanée ou unguéale : l’examen direct doit montrer les pseudofilaments avec des levures de Candida sp. La culture confirme l’espèce responsable. La présence de levures en grande quantité sans forme pseudofilamenteuse n’indique qu’une colonisation cutanée ou unguéale d’une dermatose d’autre origine. D’autres espèces de Candida commensales de la peau (Candida parapsilosis et Candida guillermondii) ou de l’environnement (Candida tropicalis) peuvent venir coloniser des lésions cutanées d’eczéma ou de psoriasis, une onycholyse traumatique sans être responsables de l’onychopathie.
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■ Références [1] [2] [3] [4]
Lacroix C, Baspeyras M, De la Salmonière P, Benderdouche M, Couprie B, Accoceberry I, et al. Tinea pedis in european marathon runners. J Eur Acad Dermatol Venereol 2002;16:139-42. Lacroix C, Feuilhade de Chauvin M. Traitements antifongiques. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Dermatologie, 98-906-A-10, 2008. Onychomycoses : modalités de diagnostic et prise en charge. Ann Dermatol Vénéréol 2007;134(suppl5):5S7-5S16. Feuilhade de Chauvin M. Les teignes du cuir chevelu en 2006. Réal Thér Dermato-Vénéréol 2006 (n°157).
M. Feuilhade de Chauvin, Ancienne interne des Hôpitaux de Paris, maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, dermatologue, biologiste (
[email protected]). Laboratoire de mycologie, Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Feuilhade de Chauvin M. Dermatomycoses. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0740, 2011.
Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels
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Cas clinique
Traité de Médecine Akos
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Ectoparasitoses : poux et gale S. Bouvresse, O. Chosidow Les ectoparasitoses sont des dermatoses parasitaires ubiquitaires et contagieuses essentiellement représentées par les pédiculoses et la gale humaine. Elles sont très répandues dans le monde. Les pédiculoses du cuir chevelu constituent d’une certaine manière un enjeu de santé publique au vu de leur importante prévalence en milieu scolaire et des problèmes thérapeutiques (résistance aux insecticides, rôle néfaste possible de ces pesticides). Les poux du corps affectent essentiellement les sujets en situation de grande précarité et peuvent être les vecteurs d’infections bactériennes parfois sévères pouvant sévir sous forme d’épidémie. La pédiculose pubienne et la gale font partie des maladies sexuellement transmissibles. La gale est fréquente dans les collectivités comme les maisons de retraite, les services de long séjour pour sujets âgés, les prisons ou les foyers d’accueil. Elles posent parfois de difficiles problèmes diagnostiques et thérapeutiques en fonction de l’âge du patient et du terrain. La prise en charge de la gale est désormais facilitée par la possibilité d’un traitement oral par ivermectine, notamment pour les cas de gale profuse ou en collectivité. Le développement de nouveaux agents antiparasitaires et l’émergence de résistances aux insecticides doivent faire réévaluer les stratégies de prise en charge de ces ectoparasitoses. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Poux ; Gale ; Pyréthrine ; Malathion ; Benzoate de benzyle ; Ivermectine
■ Pédiculoses
Plan ¶ Introduction
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¶ Pédiculoses Données épidémiologiques et cliniques Modalités thérapeutiques
1 1 2
¶ Gale humaine Données épidémiologiques et cliniques Modalités thérapeutiques
4 4 4
¶ Conclusion
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Les pédiculoses sont des pathologies ubiquitaires en rapport avec l’infestation par des insectes hématophages : les poux. La plus fréquente des pédiculoses est la pédiculose du cuir chevelu qui pose le problème du développement de résistances aux insecticides. Les pédiculoses corporelles, marqueur de précarité sociale et sanitaire, sont les vecteurs de maladies infectieuses réémergentes parfois graves. La pédiculose pubienne est surtout transmise sexuellement et doit faire rechercher une maladie sexuellement transmissible (MST) associée.
Données épidémiologiques et cliniques [1]
■ Introduction Les pédiculoses et la gale humaine sont des ectoparasitoses à transmission interhumaine exclusive, contagieuses et extrêmement répandues dans le monde. Les pédiculoses du cuir chevelu représentent un réel enjeu de santé publique au vu de leur importante prévalence, notamment en milieu scolaire, et des difficultés liées à leur traitement. Les poux du corps, s’ils affectent essentiellement les sujets en situation de grande précarité, peuvent être les vecteurs d’infections bactériennes parfois sévères pouvant sévir sous forme d’épidémie. La pédiculose pubienne, comme la gale, fait partie des infections sexuellement transmissibles. La prise en charge de la gale est facilitée par la possibilité d’un traitement oral par ivermectine, notamment pour les cas de gale profuse ou en collectivité. Le développement de nouveaux agents antiparasitaires et l’émergence de résistances aux insecticides doivent faire réévaluer les stratégies de prise en charge de ces ectoparasitoses. Traité de Médecine Akos
Données parasitologiques Trois espèces de poux sont susceptibles d’infester l’homme : Pediculus humanus variété capitis, qui vit dans le cuir chevelu, Pediculus humanus variété corporis, qui vit dans les vêtements et se nourrit sur le corps, et Pthirus pubis (ou inguinalis) qui vit sur le pubis. Ces insectes de 1 à 3 mm sont visibles à l’œil nu et possèdent trois paires de pattes munies de puissantes griffes dont le diamètre est adapté à la région colonisée. Le pou femelle pond en moyenne 10 lentes (Fig. 1) par jour qui éclosent en 8 jours pour donner des nymphes qui deviennent adultes en 10 jours, après trois mues successives. La femelle vit de 1 à 3 mois mais peut survivre en dehors de son hôte : pendant quelques heures pour l’espèce capitis et jusqu’à 3 semaines pour l’espèce corporis.
Données épidémiologiques La transmission interhumaine des poux est directe par contact rapproché – c’est en général le cas pour la pédiculose du
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Figure 1.
Lentes accrochées sur les cheveux.
cuir chevelu – ou indirecte via les brosses, les vêtements ou la literie contaminés, selon l’espèce concernée. La pédiculose du cuir chevelu est la plus fréquente, affectant préférentiellement les enfants d’âge scolaire de 4 à 11 ans et leur entourage proche. En France, entre 1996 et 1998 des enquêtes de prévalence ont montré des taux de 6 % à Bobigny et de 8 % à Tours, prévalences moyennes dont les chiffres sont très variables à la fois d’école à école et de classe à classe [2]. Il s’agit d’une parasitose bénigne mais pouvant entraîner certaines comorbidités : prurit, surinfection, stigmatisation sociale. Au cours d’une infestation classique, on compte une dizaine de poux dans la chevelure mais des infestations massives sont plus volontiers observées chez les adultes en situation de précarité. Dans les pays développés, à l’inverse des pays en voie de développement, le manque d’hygiène et les conditions socioéconomiques ne sont pas des facteurs favorisants des pédiculoses du cuir chevelu de l’enfant. La pédiculose corporelle est favorisée par la précarité sociale et sanitaire touchant principalement les individus sans domicile fixe, les populations victimes de guerre ou de catastrophe naturelle. La transmission du parasite s’effectue par l’intermédiaire des vêtements et de la literie. Les poux de corps sont vecteurs potentiels de bactéries pathogènes telles que Bartonella quintana (agent de la « fièvre des tranchées » pendant la première guerre mondiale et désormais responsable d’endocardites et de l’émergence de la fièvre des tranchées « urbaine » dans la population des sans-abri, alcooliques), Rickettsia prowazekii (agent du typhus épidémique ou typhus exanthématique) ou Borrelia recurrentis responsable d’épidémies de fièvre récurrente cosmopolite [3]. À noter qu’une étude récente a détecté une infestation de poux du cuir chevelu par Bartonella quintana chez des sujets sains sans domicile fixe à San Francisco, Californie [4]. Pthirus pubis, le pou pubien ou « morpion », vit habituellement sur les poils du pubis et les poils adjacents (régions inguinofessières, cuisses, abdomen, thorax) et parfois les poils axillaires, la barbe, les cils et les sourcils. La transmission est essentiellement directe, par contacts sexuels (MST), mais aussi par contact intime non sexuel, rendant compte de l’infestation possible des sans-abri ou d’enfants contaminés par un parent infesté. Chez l’enfant, il faut néanmoins évoquer la possibilité de sévices sexuels. Enfin, la contamination indirecte est théoriquement possible par les serviettes ou la literie.
Caractéristiques cliniques [1] Dans la pédiculose du cuir chevelu, le prurit secondaire à une réaction d’hypersensibilité à la piqûre est inconstant ; il prédomine dans les régions temporales et occipitales. L’examen peut retrouver des lésions de grattage, des adénopathies ou, plus rarement, des signes de surinfection locale : impétigo, voire pyodermite du cuir chevelu. Les lentes vivantes sont solidement collées aux cheveux, à proximité du cuir chevelu. Elles mesurent
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moins de 1 mm et sont ovoïdes, blanchâtres opalescentes. Une fois mortes, elles se distinguent des pellicules car elles ne sont pas mobilisables le long du cheveu. Dans la pédiculose corporelle, le prurit s’accompagne d’une éruption urticarienne et de lésions de grattage à type d’eczématisation qui prédominent aux régions couvertes (emmanchures postérieures, régions scapulaire et lombaire). Lorsque l’infestation est chronique, il existe souvent une leucomélanodermie « des vagabonds » ainsi que de multiples adénopathies. Les surinfections bactériennes sont fréquentes. Les poux de grande taille (4 mm) et les lentes sont recherchés dans les vêtements au niveau du col et des coutures. En ce qui concerne la pédiculose pubienne, le prurit pubien doit guider le diagnostic, confirmé par la présence du parasite et des lentes visibles à l’œil nu. On recherche surinfection locale et lésions de grattage ; toutes les zones pileuses – y compris les cils – sont examinées. Un bilan de MST est proposé au patient et à son (ses) partenaire(s) sexuel(s). L’examen des sujets appartenant à l’entourage proche d’un enfant parasité est systématique.
Modalités thérapeutiques Pédiculicides topiques disponibles et résistances Les agents utilisés pour le traitement des pédiculoses doivent idéalement avoir une activité pédiculicide et lenticide. Les antiparasitaires externes ont désormais le statut de médicaments mais ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Deux classes pharmacologiques sont disponibles (Tableau 1) : les dérivés du pyrèthre (pyréthrines naturelles ou pyréthrinoïdes de synthèse) et les organophosphorés représentés par le malathion. Le lindane (organochloré) n’est plus commercialisé en Europe. Les effets indésirables locaux sont fréquents et bénins : prurit, érythème, œdème, brûlure, irritation des yeux. Les solutions alcooliques, malathion en particulier, semblent plus irritantes. Les effets indésirables graves sont exceptionnels mais l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a contre-indiqué l’utilisation des sprays par/pour les sujets asthmatiques (risque de survenue de bronchospasme mortel). Une récente étude cas-témoins portant sur de faibles effectifs suggère que les pédiculicides topiques puissent constituer un facteur de risque des leucémies de l’enfant sans toutefois pouvoir établir un lien de causalité [5]. Les lotions constituent la galénique la plus adaptée. Les shampooings doivent être évités car ils sont moins efficaces du fait d’un temps de contact insuffisant et d’une dilution du principe actif ; leur utilisation répétée a d’ailleurs probablement favorisé l’acquisition de résistance. La résistance des poux est décrite pour chacun des groupes d’insecticides. Ainsi, en 1994, la résistance des poux aux pyréthrinoïdes (résistance clinique et parasitologique) a été mise en évidence en France sur la base d’un essai thérapeutique randomisé [6]. Depuis, la résistance aux dérivés du pyrèthre a été confirmée dans plusieurs pays du monde et un haplotype de mutations (gène KDR, mutations T929I, L932F et M815I) a pu rendre compte de cette résistance avec une corrélation phénotype/génotype établie [7]. La résistance des poux au malathion a été mise en évidence au Danemark [8] et au Royaume-Uni [9]. Des souches de poux résistant à la fois à la perméthrine et au malathion ont même été décrites en Angleterre [10] et ponctuellement en France [11]. Actuellement, l’importance du phénomène de résistance n’est pas connue en France mais le malathion constitue le traitement de référence, en particulier en cas d’échec des pyréthrinoïdes.
Alternatives aux insecticides topiques Le développement de résistance a conduit au développement de techniques d’efficacité controversée comme le bug-busting, utilisé principalement au Royaume-Uni. Il correspond à un peignage méticuleux et répété à intervalles réguliers, des cheveux mouillés imprégnés de démêlant [12, 13]. Les applications d’essence, les produits à base d’huiles essentielles, le vinaigre, le peigne électrique ou les systèmes de délivrance d’air chaud n’ont pas été évalués rigoureusement. De même, les Traité de Médecine Akos
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Tableau 1. Principaux topiques insecticides pédiculicides (sauf shampoings). Famille chimique
Principe actif
Substances associées
Spécialités
Galénique
Pyréthrines naturelles
Pyrèthre
Butoxyde de pipéronyle
Spray-Pax®
Aérosol
Pyréthrines de synthèse
Dépalléthrine
Butoxyde de pipéronyle
Para Spécial Poux®
Perméthrine
Organophosphoré
®
Aérosol
Efficacité
Effets secondaires
Contreindications Les sprays sont contre-indiqués chez les sujets asthmatiques
Pédiculicide
Irritation
Lenticide ±
Neurologique (risque faible)
Pédiculicide
Irritation
Lenticide ±
Neurologique (risque faible)
Crème
-
Nix
Butoxyde de pipéronyle + méthropène
Altopou®
Lotion
Butoxyde de pipéronyle + enoxolone
Pyréflor®
Lotion
Phénothrine
-
Item®
Lotion
Malathion
-
Prioderm®
Lotion
Pédiculicide
Irritation
Aérosol
Lenticide
Pulmonaire
Allergie à l’un des constituants
Digestif Neurologique Divers
Perméthrine + malathion
Butoxyde de pipéronyle
Para plus®
Aérosol
Pédiculicide
Irritation
Lenticide
Pulmonaire Digestif Neurologique
répulsifs et les traitements préventifs ne sont pas recommandés. La diméticone, dérivé de la silicone, permet d’immobiliser et d’asphyxier le pou. Un essai randomisé d’équivalence portant sur 253 sujets a comparé l’efficacité de la diméticone lotion à 4 % (Pouxit®) versus la phénothrine lotion 0,5 % et a montré une efficacité comparable (70 % versus 75 %) dans le traitement des pédiculoses. Si la réponse thérapeutique n’est pas complète, cette nouvelle voie de traitement semble intéressante car la résistance aux insecticides ne peut l’affecter [14]. Un autre essai randomisé récemment publié suggère l’intérêt de la diméticone lotion à 92 % comme alternative aux pédiculicides insecticides chimiques [15] ; les conclusions de cet essai sont toutefois difficiles à généraliser en raison de l’absence d’évaluation de l’efficacité 15 jours après le début du traitement. D’autres études sont en cours pour établir l’efficacité de nouvelles thérapeutiques (ivermectine orale).
Tableau 2. Causes d’échecs du traitement des pédiculoses. Facteurs humains : - incompréhension du traitement (barrière du langage) - ignorance, négligence ou mauvaise observance - coût des produits non remboursés par la Sécurité sociale Traitement insuffisant : - galénique inappropriée - produit insuffisamment lenticide - applications insuffisantes (quantité, durée, fréquence) Réinfestation : environnement et/ou sujet(s) contact(s) non traité(s) Acquisition de résistances aux insecticides employés
Modalités pratiques du traitement Pédiculose du cuir chevelu La conduite à tenir devant un sujet atteint de pédiculose du cuir chevelu a fait l’objet de recommandations du Conseil supérieur d’hygiène publique de France [16]. Il serait souhaitable que ces recommandations émises en 2003 soient actualisées. Le sujet parasité doit être traité par un insecticide topique (lotion ou crème) appliqué raie par raie sur la chevelure en respectant le temps de pose indiqué par le fabricant avant élimination du produit par un shampoing doux. L’élentage est ensuite réalisé à l’aide d’un peigne à poux et peut être facilité par des substances aidant au décollage des lentes (vinaigre, acide formique). Le traitement doit être systématiquement répété 7 à 11 jours plus tard puisque aucun traitement n’est parfaitement lenticide. Sur les cils, il est possible d’appliquer de la perméthrine à 1 % ou de la vaseline. Chez le nourrisson les pyréthrines ne doivent pas être laissées en place plus de 10 minutes. Le malathion doit plutôt être évité avant 2 ans du fait de la teneur en alcool du produit. Un examen de contrôle du cuir chevelu (éventuellement facilité par un peigne à poux) est recommandé le lendemain (j2) et une dizaine de jours (j10-j12) après le premier traitement. Si le sujet présente des poux vivants à ces examens, il faut traiter à nouveau : en changeant la classe pharmacologique en présence de poux à j2 (résistance hautement probable) ; avec le produit utilisé initialement en présence de poux à j10-j12 (la présence de poux témoignant de l’éclosion des lentes dans l’intervalle et de la mauvaise action lenticide du Traité de Médecine Akos
produit). Le rasage de cheveux n’est pas conseillé. Une impétiginisation ou une eczématisation associée doivent être recherchées et traitées. Il faut rechercher la présence de poux et de lentes chez toutes les personnes vivant dans le foyer du sujet parasité. Seuls les sujets parasités doivent être traités, si possible simultanément et les parents doivent être éduqués au suivi des enfants atteints traités. Les causes d’échec du traitement sont nombreuses et résumées dans le Tableau 2. Les collectivités doivent être informées des cas de pédiculoses afin de faciliter le dépistage précoce des autres enfants. L’éviction scolaire n’est pas obligatoire. Enfin, la décontamination des bonnets, écharpes, peluches, draps et oreillers se fait par lavage à une température minimale de 50 °C en machine [17]. Les peignes, brosses et articles non lavables peuvent être trempés dans le pédiculicide utilisé ou isolés pendant 3 jours. La désinfection des locaux n’est pas nécessaire. Pédiculose corporelle La désinfection de la literie et des vêtements (lavage à 50 °C ou utilisation d’un spray antiparasitaire) est systématique et en général suffisante (en l’absence de situation épidémique et de maladies infectieuses corollaires), associée à une douche et un lavage au savon. Habituellement, aucun traitement pédiculicide n’est nécessaire. En revanche, une surinfection bactérienne éventuelle doit systématiquement être recherchée et traitée, de même qu’une maladie bactérienne transmise par les poux du corps.
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Pédiculose pubienne La pédiculose du pubis nécessite un traitement du patient et du (des) partenaire(s) sexuel(s) avec dépistage et traitement des MST associées. Les modalités thérapeutiques sont identiques à celles de la pédiculose du cuir chevelu mais il est préférable de traiter l’ensemble des zones pileuses du tronc et des cuisses. Les spécialités insecticides topiques utilisables comportent une indication spécifique pour la pédiculose pubienne ou plus généralement pour les pédiculoses. L’atteinte ciliaire peut être traitée par une crème à la perméthrine à 1 % ou même par de la vaseline simple. Le rasage des poils est parfois nécessaire si les lentes sont abondantes. Les vêtements et la literie sont lavés à 50 °C. Une impétiginisation doit être recherchée et, le cas échéant, traitée.
■ Gale humaine Données épidémiologiques et cliniques [18]
Figure 3. Gale : atteinte inter-digito-palmaire.
Données parasitologiques et épidémiologiques La gale est due à un acarien, Sarcoptes scabiei variété hominis, parasite humain obligatoire, qui vit dans la couche cornée de l’épiderme (Fig. 2). Après la fécondation, la femelle y creuse un sillon où elle dépose trois à cinq œufs par jour. La durée de vie du sarcopte dans la peau est de 1 à 2 mois ; le cycle parasitaire dure 21 jours. L’incubation de la gale commune de l’adulte est de 3 semaines mais de quelques jours en cas de réinfestation. Dans une gale classique, on retrouve une dizaine de sarcoptes en moyenne sur la peau mais la densité parasitaire peut être considérablement plus élevée dans les formes profuses ou hyperkératosiques de gale, expliquant la contagiosité beaucoup plus importante. La gale est essentiellement transmise par contact humain étroit « peau à peau ». La gale est ainsi considérée comme une MST. La survie possible du sarcopte quelques heures en dehors de son hôte explique la possibilité de transmission indirecte par le linge ou la literie, en particulier en cas d’infestation parasitaire massive. Ces formes profuses de gale, très contagieuses, touchent préférentiellement les patients immunodéprimés, y compris par les traitements locaux type dermocorticoïdes (cas fréquents chez les sujets âgés, notamment en institution). La gale toucherait 300 millions d’individus dans le monde par an, sans distinction de sexe ni d’ethnie mais est favorisée par la vie en collectivité : elle survient alors par épidémies cycliques, en particulier dans les foyers pour les sujets en situation de précarité sociale, dans les établissements pour personnes âgées ou encore les prisons. La précarité (hors institutionnalisation) ne semble pas être un facteur identifié comme favorisant l’infestation par le sarcopte [19].
Figure 4. Lésions plantaires vésiculeuses au cours de la gale du nourrisson.
secondaires non spécifiques sont en fait plus fréquentes : stries de grattage, papules excoriées, lichénification, eczématisation, impétigo. La sémiologie peut varier selon l’âge (Fig. 4) et le terrain. Les caractéristiques des formes cliniques particulières sont résumées dans le Tableau 3. Le prélèvement parasitologique à la recherche du sarcopte est particulièrement intéressant dans ces formes de gale atypiques.
Caractéristiques cliniques Les lésions sont préférentiellement situées aux espaces interdigitaux des mains (Fig. 3), à la face antérieure des poignets, aux zones axillaires antérieures, aux fesses, aux aréoles mammaires et aux organes génitaux masculins. Le dos, le visage et le cou sont en règle épargnés mais le cuir chevelu peut être parasité. Les lésions spécifiques de gale, tels les sillons scabieux et vésicules perlées des mains, les nodules scabieux des organes génitaux ou des creux axillaires, peuvent manquer. Les lésions
Figure 2.
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Sarcoptes scabiei.
Modalités thérapeutiques Scabicides topiques Les scabicides topiques sont neurotoxiques pour les sarcoptes, leurs larves et leurs œufs. Depuis 2007, les antiparasitaires externes sont classés comme médicaments mais ils ne sont pas remboursables par la Sécurité sociale. Les principales caractéristiques des scabicides topiques sont résumées dans le Tableau 4. En France, le benzoate de benzyle (Ascabiol®) en lotion à 10 % est le plus utilisé. Le lindane n’est plus commercialisé en Europe. Il faut l’appliquer sur l’ensemble du tégument – y compris paumes, plantes, sillons rétro-auriculaires, pli interfessier, ongles, organes génitaux et cuir chevelu – en respectant les muqueuses et le visage. En cas de lavage des mains, le produit doit être immédiatement appliqué à nouveau. Le visage doit également être traité dans les formes profuses chez l’enfant, en protégeant les yeux et la bouche. Les topiques antiscabieux présentent plusieurs inconvénients. L’application étendue sur le corps entier et la tolérance locale parfois médiocre peuvent être à l’origine d’une mauvaise observance. Leur utilisation est difficile en cas d’épidémie en collectivité. Traité de Médecine Akos
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Tableau 3. Caractéristiques des formes cliniques particulières de gale. Forme clinique
Contexte évocateur
Présentation atypique
Localisation préférentielle
Remarque
Gale du nourrisson
Agitation, contorsions (prurit)
Lésions vésiculeuses
Palmoplantaires (Fig. 4)
Sillons inconstants
Nodules scabieux
Axillaires Inguinogénitaux
Gale du sujet âgé
Prurit inconstant, tardivement détecté
Lésions eczématiformes éparses Atteinte fréquente du dos et du cuir chevelu Possibilité de forme bulleuse
Gale volontiers profuse du fait du retard diagnostique
Gale hyperkératosique
Patients immunodéprimés, souffrant d’un handicap mental, ou dans les suites d’une dermocorticothérapie prolongée
Érythrodermie, discrètement voire non prurigineuse avec hyperkératose palmoplantaire « farineuse »
Forme rare de gale profuse, extrêmement contagieuse
Gale des « gens propres »
Prurit récent à recrudescence nocturne et à caractère familial
Absence de lésion cutanée
Vie en collectivité L’atteinte du dos, du visage et du cuir chevelu est fréquente mais les lésions se limitent parfois aux seules extrémités
Survient parfois en contexte épidémique
Tableau 4. Principaux topiques antiscabieux et leurs caractéristiques. Dénomination commune internationale
Spécialité (galénique)
Benzoate de benzyle 10 % (et sulfiram)
Ascabiol® (lotion)
®
Contre-indication Modalités d’application chez l’adulte
Effets secondaires
Remarque
Application de 24 heures, éventuellement renouvelée le lendemain
Irritation cutanée
La durée d’application doit être réduite chez les nourrissons et les femmes enceintes
Eczéma de contact Effet antabuse
Esdépalléthrine (et butoxyde de pipéronyle)
Sprégal (aérosol)
Asthme
Application unique de 12 heures
Irritation
Crotamiton
Eurax® (crème)
< 2 ans
2 applications consécutives de 24 heures
Irritation peu fréquente
Traitement par voie orale : ivermectine L’ivermectine est un antiparasitaire à large spectre qui possède depuis 2001 une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de la gale (Stromectol ® ). Il est remboursable à 65 % par la Sécurité sociale. Les effets secondaires observés au cours du traitement de la gale, rares et bénins (troubles gastro-intestinaux, neurologiques ou dermatologiques), sont transitoires. Une exacerbation du prurit est possible en début de traitement. L’ivermectine s’administre en prise orale unique à la dose de 200 µg/kg. L’administration systématique d’une deuxième dose à 2 semaines d’intervalle (hors AMM) est aujourd’hui fortement conseillée car le produit n’est pas actif sur les œufs, ceci expliquant les échecs rapportés après une seule dose [20, 21]. L’ivermectine est contre-indiquée chez l’enfant de moins de 15 kg et la femme enceinte ou allaitante. On note cependant que le Centre de référence sur les agents tératogènes recommande d’utiliser l’ivermectine (Stromectol®) quel que soit le terme de la grossesse. Sa facilité d’utilisation en fait pour beaucoup le traitement de première intention, a fortiori si le traitement local est difficilement envisageable (patient isolé, difficultés de compréhension, dermatose associée). D’autres formes de gale apparaissent comme des indications privilégiées du traitement oral : la gale des patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) [22] , la gale profuse ou hyperkératosique et la gale épidémique [23].
Modalités pratiques du traitement Le traitement de la gale a fait l’objet de recommandations du Conseil supérieur d’hygiène publique de France [24]. Il serait souhaitable que ces recommandations émises en 2003 soient actualisées. Le traitement concerne simultanément le malade, son entourage proche (dépistage et traitement simultané de tous les sujets contacts, même asymptomatiques) ainsi que la désinfection de la literie et des vêtements portés depuis 1 semaine par lavage en machine à 60 °C ou l’application d’un biocide. Traité de Médecine Akos
Action acaricide inférieure mais utile pour les nodules scabieux de l’enfant
Tableau 5. Causes de prurit post-scabieux. Sans intervalle libre après traitement Irritation cutanée par le traitement acaricide (traitement excessif) Dermite eczématiforme (réaction allergique) Traitement insuffisant : mauvaise observance (incompréhension du traitement), hyperkératose de la gale croûteuse (décapage initial par vaseline salicylée insuffisant) Acarophobie Autre cause de prurit masqué par une gale Avec intervalle libre après traitement supérieur à 72 heures Réinfestation précoce : sujets contacts non traités, portage du cuir chevelu non traité, nodule persistant
Que le choix du traitement se porte sur un scabicide topique ou sur l’ivermectine, il faut toujours y associer les mesures de décontamination environnementale (sans excès dans la gale commune). Il est important de s’assurer de la bonne compréhension du traitement afin d’optimiser l’observance. Si le contexte est évocateur, un dépistage (et éventuellement un traitement) de MST associée est réalisé pour le patient et son (ses) partenaire(s). Le prurit peut persister plusieurs jours après le traitement antiscabieux : au-delà de 2 semaines, il faut évoquer certains diagnostics résumés dans le Tableau 5. La conduite à tenir thérapeutique en fonction du terrain, des formes cliniques ou des complications est exposée dans le Tableau 6. Pour un prurit inexpliqué, le traitement d’épreuve antiscabieux ne doit pas être systématiquement utilisé car son intérêt n’a pas été démontré [25].
■ Conclusion La pédiculose du cuir chevelu est fréquente et pose des problèmes thérapeutiques difficiles. Son traitement repose sur la
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Tableau 6. Modalités du traitement de la gale dans certaines situations particulières. Traitement local
Traitement systémique
Mesures associées spécifiques
Remarques
Nourrisson et enfant < 2 ans
Ascabiol® (pur ou dilué) ou Sprégal® pendant 6 à 12 heures maximum
L’ivermectine est contre-indiquée chez l’enfant de moins de 15 kg
Il faut traiter le visage en évitant bouche et yeux
Intérêt du crotamiton pour les nodules scabieux
Femme enceinte
Ascabiol® et Sprégal® sans dépasser 12 heures d’application
L’ivermectine est contre-indiquée
Gale profuse
Réaliser au moins 2 applications de scabicide topique avec traitement du visage
Ivermectine 200 µg/kg avec Isolement : hospitalisation 2 administrations consécutives en général nécessaire
Gale hyperkératosique
Applications répétées de Doses répétées d’ivermectine scabicides et de vaseline salicylée (200 µg/kg) à 14 jours (minimum à 10 %) d’intervalle
Hospitalisation et isolement en dermatologie
Gale impétiginisée
Préférer un traitement oral en cas Antibiothérapie orale avant d’altération cutanée importante de débuter le traitement scabicide, si topique
Rechercher une protéinurie à la bandelette après 3 semaines chez l’enfant
Gale eczématisée
L’application d’émollients doit être préférée aux dermocorticoïdes
Points importants
Le traitement des ectoparasitoses repose sur la prise en charge de l’individu, de son entourage proche (dépistage ± traitement) et sur la décontamination environnementale. Il faut s’assurer de la bonne compréhension du traitement. Dans la pédiculose du cuir chevelu, le traitement doit être répété systématiquement 7 à 11 jours après le premier traitement. Le peigne à poux facilite la détection des cas et le suivi thérapeutique nécessaire à j2 et j12 du traitement pédiculicide. Les poux de corps peuvent être vecteur de maladies bactériennes. Pthirus pubis doit être recherché ± traité dans toutes les zones pileuses. Pédiculose pubienne et gale font partie des infections sexuellement transmissibles (IST). La gale a des présentations cliniques variables en fonction de l’âge et du terrain : faire un prélèvement parasitologique dans les gales atypiques. Gales profuses et épidémiques sont les indications privilégiées de l’ivermectine. Le traitement par ivermectine doit être renouvelé 2 semaines après la première prise.
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Traitement du visage et des ongles (coupés et brossés avec le scabicide)
Applications de scabicides répétées jusqu’à négativation du prélèvement parasitologique
Intérêt de l’ivermectine en cas d’altération cutanée importante
prise en charge de l’individu, de son entourage proche (dépistage et traitement simultané de tous les sujets parasités) et sur la décontamination environnementale (linge, literie, etc.). Les recommandations actuelles préconisent l’utilisation d’insecticides topiques (pyréthrines et malathion) mais l’émergence de résistances (dont la prévalence en France n’est pas quantifiée) pourrait amener à réévaluer les stratégies thérapeutiques et à préciser la place de nouvelles techniques (bugbusting, diméticone, ivermectine par voie orale). Des essais thérapeutiques de qualité devraient être requis pour situer la place des produits antipoux, qu’ils soient classés dans les médicaments ou les dispositifs médicaux. En ce qui concerne la gale commune, il n’existe actuellement pas de niveau de preuve suffisant pour recommander un
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Le lindane est contre-indiqué
traitement scabicide topique ou l’ivermectine en première intention. Néanmoins, l’ivermectine orale constitue un progrès important du fait de sa commodité d’emploi, de son bon rapport bénéfice/risque, de la meilleure observance attendue et de son coût acceptable. Ainsi, à plus forte raison quand le nombre de sujets à traiter est important, il semble licite de proposer l’ivermectine en première intention. Une deuxième prise d’ivermectine doit être prescrite 14 jours plus tard systématiquement pour éviter l’échec de la stratégie. Les scabicides topiques doivent être privilégiés chez les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants de moins de 15 kg ou en cas d’échec de l’ivermectine. .
■ Références [1] [2]
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Ectoparasitoses : poux et gale ¶ 2-0743
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Pour en savoir plus Centre de référence des agents tératogènes : http://www.lecrat.org. Guide d’investigation et d’aide à la gestion de gale communautaire de l’INVS : http://www.invs.sante.fr/publications/2008/epidemie_gale_ commmunautaire/epidemie_gale_commmunautaire.pdf.
S. Bouvresse, Chef de clinique-assistant, dermatologue. O. Chosidow, Professeur des Universités-praticien hospitalier, dermatologue (
[email protected]). Service de dermatologie, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Bouvresse S., Chosidow O. Ectoparasitoses : poux et gale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0743, 2010.
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Cas clinique
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2-0745 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
2-0745
Dermatologie sur peau noire PP Cabotin
L
a peau dite noire varie en fait du brun clair au brun sombre suivant les ethnies ou le degré de métissage, avec un véritable continuum de coloration, sans limite clairement définie entre les « Blancs » et les « Noirs ». Il existe cependant des différences physiologiques et pathologiques entre ces deux types de peau, qui bien que souvent minimes, entraînent une modification de l’aspect et de l’évolution des dermatoses, qui peut être déroutante pour le praticien. La connaissance de ces spécificités et un bon examen clinique suffiront dans la majorité des cas à apporter une réponse adaptée.
© Elsevier, Paris.
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Spécificité structurelle et fonctionnelle ‚ Épiderme La couche cornée n’est pas plus épaisse que celle des peaux blanches. Elle semble plus dense, avec sans doute un plus grand nombre de couches de cornéocytes. Cela explique la plus grande résistance à la coupure ou à la piqûre de l’épiderme. Cet aspect pourrait expliquer la tendance à l’hyperkératose des peaux noires, responsable d’un aspect très squameux, voire croûteux ou verruqueux, des dermatoses les plus banales. Il semble que la peau noire se déshydrate plus facilement que la peau blanche, avec une perte transépidermique en eau plus élevée.
‚ Derme Le derme est épais et compact, avec de nombreux faisceaux de fibres de collagène parallèles à la surface. Une particularité est la présence de nombreux fragments de fibres de collagène répartis dans tout le derme, tandis qu’ils sont rares dans les peaux blanches. Le réseau vasculaire du derme superficiel semble plus important, ainsi que le réseau lymphatique. Les fibroblastes sont nombreux, souvent hypertrophiés, avec un appareil de Golgi et un réticulum endoplasmique très importants.
© Elsevier, Paris
Cela semble être le reflet d’une hyperactivité métabolique du derme, qui expliquerait deux types de réactions, non spécifiques, mais très fréquentes sur peau noire : la lichénification et les cicatrices chéloïdiennes. Les fibres élastiques sont moins nombreuses et de structure un peu différente. En revanche, elles sont protégées efficacement contre l’élastose solaire et persistent même dans le derme du visage des sujets âgés. Cela explique le retard d’apparition des signes de vieillissement cutané par rapport aux peaux blanches.
‚ Pigmentation
1 Ligne de Voigt.
Le nombre de mélanocytes semble identique dans les peaux noires et dans les peaux blanches, mais leur fonctionnement est différent. Les mélanocytes de la peau noire ont des ramifications plus importantes et un appareil de synthèse très développé. Ils fabriquent des mélanosomes de grande taille qui se répartissent dans tout l’épiderme, jusqu’aux couches superficielles, mais aussi dans le derme. Ils sont répartis en complexes comme dans la peau blanche, ou libres dans le cytoplasme des mélanocytes et dans l’épiderme. Enfin, il n’y a pas de dégradation lysosomiale de ces mélanosomes qui persistent dans l’épiderme jusqu’à la desquamation de celui-ci. Cette pigmentation est une protection efficace contre le soleil, qui explique la rareté des brûlures, des allergies solaires et des cancers cutanés liés au soleil : carcinomes baso- ou spinocellulaires et mélanomes.
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Variations physiologiques de coloration La pigmentation des peaux noires présente de nombreuses variations naturelles qui doivent être connues pour rassurer le patient et éviter de recourir à des explorations inutiles.
‚ Ligne blanche médiothoracique Il s’agit d’une ligne hypochromique verticale sur la face antérieure du thorax, en regard du sternum. Elle est fréquente chez les petits enfants et s’atténue ou disparaît avec l’âge.
‚ Ligne de Voigt Cette ligne fine de la face antérieure du bras, bilatérale, est due à une démarcation entre deux zones de coloration différente, la plus foncée étant à l’extérieur. Elle part de l’aisselle et descend le long du bras jusqu’au pli du coude. Elle se voit surtout dans l’enfance, dans près de 25 % des cas, et disparaît avec l’âge (fig 1).
‚ Hypomélanose en « gouttes » ‚ Inhomogénéité de la pigmentation Sauf sur les peaux les plus sombres, la coloration n’est jamais uniforme. Certaines zones sont naturellement plus foncées : tour de la bouche et des yeux, front, cou, aisselles, périnée, pieds et mains. Les faces d’extension des articulations sont également plus foncées, mais en flexion, la peau s’étire et redevient de couleur normale. Il n’y a pas de traitement pour ces variations naturelles.
1
Elle se traduit par des petites macules brun clair ou totalement blanches qui apparaissent avec l’âge sur les membres inférieurs, puis les membres supérieurs et le tronc. Leur petite taille, inférieure à 5 mm, et leur répartition aléatoire permettent d’éliminer le diagnostic de vitiligo.
‚ Hypomélanose maculeuse du métis Fréquente aux Antilles, il s’agit de larges taches hypochromiques mal limitées du bas du dos, donnant un aspect sale et floconneux. Elles peuvent toucher les flancs et l’abdomen (fig 2). Elles
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2 Hypomélanose du métis.
3 Dermatosis papulosa nigra et pityriasis alba.
plusieurs points de la cicatrice. Il faut répéter les séances, en respectant un intervalle d’au moins 2 mois pour limiter le risque d’effets systémiques des corticoïdes. La chirurgie ne doit jamais être utilisée seule car elle expose au risque de récidive plus large que la lésion initiale. Le laser CO2 a été proposé en utilisant une technique de multipuncture.
apparaissent chez l’adulte jeune métissé, avec un caractère souvent familial. La dépigmentation est variable dans le temps et s’atténue avec le bronzage. Elle ne doit pas être confondue avec un pityriasis versicolor, dont les taches sont bien limitées, ni avec une dépigmentation postinflammatoire. Il n’existe pas de traitement.
‚ Kératodermie ponctuée palmaire
‚ Pigmentation buccale physiologique La muqueuse buccale est habituellement rose, mais avec l’âge, une ligne brun ardoisé sur les gencives et des macules bien limitées sur les lèvres et la face interne des joues peuvent apparaître. Le leucœdème buccal est une zone grisâtre ou blanche mal limitée des joues, en regard de l’articulé dentaire, présente dans toutes les races mais plus visible et fréquente chez les Noirs.
‚ Tache mongolique Elle est présente chez un bébé sur deux. C’est une grande tache bien limitée, bleu sombre, sur les fesses ou le sacrum. Elle disparaît avec l’âge. Parfois les taches sont plus nombreuses, avec une atteinte du dos et des épaules qui peut persister jusqu’à l’âge adulte.
‚ Macules hyperpigmentées des paumes et des plantes Les paumes et les plantes sont naturellement plus claires que le reste du corps. À partir de l’adolescence, des macules sombres, bien limitées, symétriques, peuvent apparaître, d’abord sur le creux de la voûte plantaire, puis sur l’ensemble de la zone. Mais une lésion pigmentée unique d’une paume ou d’une plante doit toujours faire évoquer la possibilité d’un mélanome acral, localisation quasi exclusive du mélanome chez les Noirs.
‚ Mélanonychies Ce sont des stries unguéales longitudinales, plus ou moins pigmentées, qui apparaissent à l’âge adulte et augmentent en nombre et en largeur avec le temps. Elles sont bilatérales et symétriques et touchent près de 70 % des personnes âgées. Une bande sombre unique, unilatérale, d’apparition récente, doit faire suspecter un mélanome unguéal.
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Pathologie spécifique Un certain nombre de dermatoses n’apparaissent quasiment que sur les peaux noires.
5 Kératodermie ponctuée.
Il s’agit de petites dépressions des plis de flexion de la main et des doigts, arrondies, d’aspect kératosique (fig 5). Elles débutent chez l’adulte jeune, avec un caractère souvent familial, et augmentent avec l’âge. Il ne faut pas les confondre avec une kératodermie palmaire d’autre cause (eczéma, lichen, etc).
‚ Aïnhum 4 Chéloïde spontanée du décolleté.
‚ Dermatosis papulosa nigra Ces petites papules lisses, brun sombre, bien limitées, sont très fréquentes, atteignant près de 70 % des patients après 50 ans. Elles commencent à apparaître dans l’enfance et augmentent en nombre et en taille avec les années. Elles touchent principalement le visage (fig 3), en particulier les pommettes et les tempes, mais aussi le cou et le décolleté. Les femmes sont beaucoup plus atteintes que les hommes. Il n’y a aucun risque de transformation maligne. L’histologie montre un aspect proche des verrues séborrhéiques, dont le dermatosis papulosa nigra est sans doute la version particulière à la peau noire. Le traitement a un but purement esthétique. Il repose sur les applications d’azote liquide ou l’électrocoagulation, pratiquées avec prudence pour éviter les dyschromies post-thérapeutiques.
‚ Chéloïdes spontanées Les cicatrices chéloïdes ne sont pas spécifiques des peaux noires, bien qu’elles soient beaucoup plus fréquentes que sur les peaux blanches. En revanche, les chéloïdes spontanées ne se voient que sur les peaux pigmentées. Elles apparaissent spontanément, surtout chez l’adulte jeune, sur le décolleté ou plus rarement sur les épaules (fig 4). Ce sont des tuméfactions lisses, bien limitées, dures ou fermes à la palpation. Elles sont généralement plus sombres que la peau normale. L’évolution est marquée par une extension progressive en « galette » ou en « pinces de crabe », puis une stabilisation sans aucune tendance à la régression. Le traitement, long et difficile, repose sur les injections de corticoïdes retard de façon traçante en
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Cette pathologie très rare ne se rencontre que chez les Africains. Une fissure douloureuse bilatérale apparaît sous un ou plusieurs orteils et évolue en plusieurs années vers une bande fibreuse annulaire constrictive de l’orteil, qui aboutit à terme à sa chute. Le dernier orteil est le plus souvent touché. Au début, la fissure peut être prise pour une dermatophytie, mais l’échec des traitements antimycosiques doit y faire penser. Au stade de striction, il faut éliminer les pseudo-aïnhums liés aux neuropathies : lèpre, diabète ou alcoolisme. La chirurgie permet parfois de libérer l’orteil.
‚ Pseudofolliculite de la barbe Il ne s’agit pas à proprement parler d’une pathologie spécifique, car elle survient dans toutes les races chez les hommes à barbe dure. Elle est cependant beaucoup plus fréquente et grave chez les Afro-Antillais, avec un potentiel évolutif spécifique. Dès les premiers rasages, des papules et des pustules se manifestent lors de la repousse. Les lésions sont surtout localisées sous les rebords maxillaires, mais touchent parfois toute la barbe (fig 6). À chaque rasage les lésions récidivent, avec une augmentation progressive du nombre et de la taille des papules. Lorsque le patient arrête le rasage pendant 1 ou 2 semaines, les lésions diminuent, mais les papules fibreuses peuvent persister plusieurs mois. En cas d’évolution prolongée, l’inflammation induit une hyperpigmentation cutanée de toute la zone rasée. Les papules peuvent devenir de très grande taille, avec un aspect pseudochéloïdien. La maladie est due à une repousse anormale des poils. Soit le poil, coupé trop court, ne peux ressortir du follicule et s’incarne dans la peau, induisant une réaction granulomateuse, soit le poil repousse
Dermatologie sur peau noire - 2-0745
6 Pseudofolliculite de la barbe. normalement pour se réincarner dans la peau du fait de sa courbure et de sa dureté. Il forme alors un arc de 1 ou 2 mm de diamètre à la surface de la peau, dont on peut extraire l’extrémité libre avec une épingle. Les lésions existantes seront traitées par un antibiotique local tel que l’érythromycine pendant plusieurs semaines, le soir pour éviter la brûlure de l’excipient alcoolique. Une cure de 1 ou 2 mois de cyclines de deuxième génération à 100 mg/j peut être associée. En cas de lésions très nombreuses ou inflammatoires, un dermocorticoïde pourra être utilisé sur la barbe pendant une dizaine de jours. Le rasage devra être arrêté pendant au moins 2 semaines. Le traitement préventif des récidives repose surtout sur une modification des habitudes de rasage. Le patient doit comprendre qu’il ne peut se raser de près. Le rasage aura lieu tous les 2 ou 3 jours, au mieux avec une tondeuse ou un rasoir électrique, sans tendre la peau, sans passer à rebrousse-poil, et d’une manière générale sans insister pour éviter d’obtenir un poil coupé trop court. Une crème hydratante permettra de limiter l’irritation du rasoir. En pratique, le patient doit trouver lui-même un équilibre entre le degré de perfection du rasage qu’il souhaite et la quantité de lésions qu’il accepte.
‚ Acné chéloïdienne de la nuque Cette affection est mal nommée car il ne s’agit ni d’une acné, ni d’une chéloïde, mais d’une réaction granulomateuse inflammatoire chronique. Elle débute chez l’homme jeune par des papules et pustules de la nuque qui évoluent par poussées. Après plusieurs mois d’évolution, une zone de cheveux clairsemés, semée de petites papules fermes à la palpation, apparaît sur la nuque et la base du crâne (fig 7). L’évolution se poursuit en quelques années vers de larges nodules d’aspect pseudochéloïdien, minés par des trajets fistuleux qui s’infectent par intermittence. L’étiologie est proche de celle de la pseudofolliculite de la barbe. Le rasage de la nuque ou le simple frottement des cols et écharpes entraînent une cassure des cheveux qui repoussent en déclenchant une réaction granulomateuse à un corps étranger. Le traitement préventif de nouvelles poussées repose sur l’arrêt du rasage et l’éviction des cols montants et des écharpes. Les papules et pustules peuvent être traitées par une cure de cyclines per os et une antibiothérapie locale sur plusieurs mois. Pour les nodules de grande taille, l’exérèse chirurgicale ou au laser semble la meilleure solution, au prix d’une cicatrice alopécique définitive.
7 Acné chéloïdienne de la nuque.
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Hypopigmentations Les dépigmentations cutanées sont très mal ressenties par les patients à peau noire du fait de leur caractère très affichant. Le diagnostic essentiel est le vitiligo, maladie vécue comme une catastrophe par ces patients.
‚ Vitiligo Aussi fréquent que sur peau blanche, le vitiligo est bien entendu beaucoup plus grave sur peau noire par son retentissement esthétique majeur (fig 8). Les localisations préférentielles sont similaires : extrémités, face antérieure des poignets, face antérieure des jambes, tour de la bouche et des yeux, organes génitaux externes. Les lésions peuvent se présenter comme sur les peaux blanches : grandes taches arrondies ou polycycliques, totalement blanches, très bien limitées. Mais il existe des formes cliniques trompeuses, particulières à la peau noire : – la dépigmentation peut ne pas être totale, les taches étant brun clair et non blanches. En cas de doute, l’apparition d’une achromie totale au cours de l’évolution fera le diagnostic ; – il existe des formes trichromes associant des macules totalement dépigmentées à des zones simplement hypopigmentées et à des zones de peau normale ; – lorsque le tour des follicules pileux reste pigmenté, les taches de vitiligo prennent un aspect moucheté ; – enfin, le vitiligo peut prendre un aspect floconneux mal limité avec des zones hypopigmentées à bordure floue, intriquées avec les zones de peau normale. Dans tous les cas, la localisation reste évocatrice et il existe souvent des lésions plus classiques sur certaines zones. Le traitement est très difficile et souvent décevant. Les dermocorticoïdes peuvent être efficaces pour les lésions débutantes, mais ils doivent être appliqués pendant une longue période, ce qui expose aux risques d’atrophie cutanée et de décoloration de la peau périphérique. Les applications d’azote liquide peuvent permettre une repigmentation par migration des mélanocytes à partir des follicules pileux ou des bords des lésions. La PUVA-thérapie est plus efficace, mais il faut souvent plus de 60 séances avant d’obtenir un résultat acceptable. Les lésions du visage sont heureusement les premières à se repigmenter. En
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8 Vitiligo. revanche, il faut préparer le patient à l’idée que les atteintes anciennes des doigts sont le plus généralement irrécupérables. Quels que soient le traitement entrepris et son efficacité, le patient est exposé au risque de nouvelles poussées pendant plusieurs années. La maladie peut cesser d’évoluer spontanément, avec parfois une repigmentation spontanée qui sera rarement complète.
‚ Pityriasis alba Il s’agit en fait d’eczématides ou « dartres », réactions inflammatoires d’origine inconnue qui surviennent spontanément chez des sujets à peau sèche et sensible. Cette dermatose très fréquente peut toucher des enfants de toute couleur. Sur peau noire, elle est beaucoup plus fréquente et visible et peut également atteindre des adultes jeunes. La lésion débute par une plaque inflammatoire érythématosquameuse durant quelque jours, qui passe le plus souvent inaperçue et évolue rapidement vers une dépigmentation. Les macules sont hypopigmentées mais pas achromiques comme celles du vitiligo. Leur bordure est généralement floue ou émiettée. Elles se localisent principalement au visage, sur les joues, sur les tempes et sur les épaules. Elles s’étendent parfois à tout le corps (fig 3). Les taches se repigmentent spontanément en quelques semaines, mais de nouvelles poussées peuvent survenir, entraînant une extension du nombre des lésions. Le traitement est en deux temps. Il faut éliminer l’inflammation sous-jacente responsable de la dépigmentation. Un dermocorticoïde de classe III, ou II en cas d’échec, peut être utilisé pendant 8 jours. Le patient doit comprendre que ce traitement empêche simplement une extension ou une multiplication des lésions. La repigmentation se fait naturellement en quelques semaines s’il ne survient pas de nouvelle poussée. Elle est parfois beaucoup plus lente, avec une persistance des lésions pendant plusieurs mois ou années. Dans les cas les plus tenaces, une PUVA-thérapie peut permettre une repigmentation plus rapide. La prévention des récidives comprend l’utilisation d’une crème très hydratante matin et soir en hiver. Il faut éviter les gels douche, les bains moussants et même les savons usuels, et préconiser un syndet
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(pain dermatologique) pour la toilette, afin de limiter l’irritation liée aux détergents trop puissants.
‚ Hypopigmentations postinflammatoires
Tableau I. – Principales étiologies des hypopigmentations sur peau noire.
Sur peau noire, la guérison d’une inflammation cutanée superficielle peut entraîner une dépigmentation cutanée. Ainsi, devant une hypopigmentation, l’interrogatoire est primordial pour rechercher les caractéristiques d’une éventuelle dermatose préexistante.
Hypopigmentations postinflammatoires
Dermite séborrhéique
Classique Trichrome Moucheté Périfolliculaire
Elle est assez rare sur peau noire. La phase inflammatoire est souvent peu visible, avec parfois une simple desquamation grasse des zones concernées qui guérit spontanément en laissant une hypopigmentation régulière. Le diagnostic se fait sur la localisation des lésions, très évocatrice (sillons nasogéniens, sourcils, zone prétragyenne) et sur l’association à une dermite séborrhéique du cuir chevelu (prurit, desquamation et pellicules).
Psoriasis Très rare sur peau noire, le psoriasis a la particularité de guérir en laissant des taches arrondies hypopigmentées. Elles peuvent persister plusieurs semaines avant de disparaître spontanément.
Dermatite atopique Fréquente chez les enfants, elle guérit parfois en laissant une zone hypopigmentée, voire totalement blanche, surtout dans les plis. L’interrogatoire retrouve des antécédents similaires et la notion de lésions prurigineuses plus ou moins inflammatoires ayant précédé la dépigmentation.
‚ Hypopigmentations infectieuses Trois maladies spécifiquement tropicales peuvent donner des lésions dépigmentées sur les peaux noires. Elles doivent être recherchées systématiquement chez les sujets venant d’une zone d’endémie.
Maladie de Hansen Elle est encore très présente en Afrique. Elle peut se présenter sous forme de taches hypopigmentées de grande taille, avec une bordure floue ou parfois annulaire. Les lésions sont plus ou moins nombreuses, réparties sur tout le corps, symétriques. La recherche d’une hypoesthésie au tact ou à la douleur est donc un geste indispensable en présence d’une macule hypopigmentée, même ancienne, ainsi que la recherche d’une hypertrophie nerveuse et d’une atteinte sensitivomotrice distale.
Onchocercose évoluée Elle est responsable d’un aspect particulier des membres inférieurs : des taches totalement blanches comme celles du vitiligo, à bordure déchiquetée, coexistent avec des lésions de couleur brun sombre ou rouge, prurigineuses, encore actives. À ce stade, il existe généralement une atteinte oculaire. L’interrogatoire retrouve un prurit chronique et un séjour prolongé en Afrique tropicale, en zone rurale forestière.
Pian C’est une syphilis endémique qui atteint surtout les enfants vivant en zone sahélienne. Chez l’adulte, il peut laisser des lésions cicatricielles blanches
Pityriasis alba (eczématides achromiantes) Dermite séborrhéique Dermatite atopique Psoriasis (après guérison des plaques) Vitiligo
Hypopigmentations physiologiques
théoriquement sans risque, mais beaucoup de femmes l’utilise sur de très longues périodes, sans aucun contrôle. Des hypomélanoses en « confettis » peuvent alors apparaître sur le visage, pour lesquelles il n’existe pas de traitement. Les préparations dépigmentantes utilisées traditionnellement pour éclaircir le teint sont un mélange, variable suivant les individus, de détergents, d’hydroquinone, de corticoïdes, etc. Elles entraînent souvent des inflammations aiguës suivies de dépigmentations irrégulières, parfois définitives lorsque les détergents utilisés ont entraîné une brûlure caustique trop profonde (tableau I).
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Hyperpigmentations Ligne blanche médiothoracique Lignes de Voigt Hypomélanose en « gouttes » Hypomélanose maculeuse du métis Hypopigmentations infectieuses Pityriasis versicolor Maladie de Hansen Onchocercose Pian Hypopigmentations iatrogènes Dermocorticoïdes Hydroquinone Préparations dépigmentantes arrondies ou polycycliques sur les membres inférieurs. La sérologie de la syphilis montrera au moins un TPHA (Treponema pallidum haemagglutination assay) positif.
Pityriasis versicolor Enfin, il ne faut pas oublier le pityriasis versicolor dont la forme achromiante peut également toucher le sujet noir, après exposition solaire. Les macules deviennent alors hypochromiques, voire totalement blanches. Leur localisation sur le haut du dos, les épaules et la nuque, permet de les distinguer des macules de vitiligo.
‚ Hypopigmentations iatrogènes Plusieurs médicaments topiques sont susceptibles d’entraîner des dépigmentations. Les dermocorticoïdes peuvent donner des hypopigmentations dès la deuxième semaine de traitement. Elles dépendent de la durée du traitement et de la classe du corticoïde. La dépigmentation régresse spontanément en plusieurs semaines. Les corticoïdes sont souvent utilisés en autoprescription par des femmes qui veulent s’éclaircir le teint. Il s’agit généralement de dermocorticoïdes d’importation, vendus librement dans les instituts de beauté spécialisés pour la peau noire ou dans certains marchés fréquentés par une population afro-antillaise, comme le marché de Château-Rouge à Paris. Les patientes ne sont pas toujours averties de la présence d’un dermocorticoïde dans le produit. L’interrogatoire à la recherche de l’utilisation d’un produit dépigmentant est donc indispensable devant toute hypopigmentation du visage. L’hydroquinone est un dépigmentant disponible en pharmacie, sans ordonnance, à de faibles concentrations (2 % maximum). Ce dosage est
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L’hyperpigmentation est le deuxième grand cadre symptomatologique des dermatoses sur peau noire. Elle est responsable de nombreuses consultations, les modifications de couleur de la peau étant généralement très mal ressenties dans les populations afro-antillaises. Les étiologies sont très nombreuses, mais il importe de connaître d’une part les causes principales, d’autre part les étiologies plus spécifiques des populations noires.
‚ Acné pigmentaire Tous les processus inflammatoires cutanés sur peau noire sont susceptibles d’induire une hyperpigmentation qui risque de persister plusieurs semaines ou mois, même après arrêt de l’inflammation en cause. Ce phénomène est particulièrement marqué au cours de l’acné polymorphe, et les patients consultent souvent plus pour les pigmentations secondaires que pour l’acné elle-même. Le diagnostic est facile : les macules pigmentées siègent sur le visage, le dos et le décolleté, et s’associent constamment avec des lésions acnéiques classiques (fig 9). Le plus souvent, la pigmentation ne survient pas en même temps que la lésion mais lui succède. Elle peut ensuite rester stable pendant plusieurs semaines, ou même mois, jusqu’à disparition spontanée. La répétition des poussées d’acné va donc aboutir à un aspect tacheté du visage très inesthétique. Lorsque les lésions ont été manipulées par le patient, les macules pigmentées sont souvent plus larges, plus sombres et plus tenaces. Le traitement passe d’abord par celui de l’acné afin d’éviter l’apparition de nouvelles pigmentations. Mais les taches pigmentées persistent après la disparition des lésions d’acné. Elles peuvent être
9 Acné pigmentaire.
Dermatologie sur peau noire - 2-0745
traitées par la trétinoïne qui a démontré son efficacité dans le traitement de l’acné pigmentaire chez les Noirs américains. Elle est souvent mal tolérée et doit donc être prescrite en couche très mince, deux fois par semaine au début, en augmentant lentement la fréquence des applications. Une crème dépigmentante au méquinol ou à l’hydroquinone peut lui être associée.
Tableau II. – Principales étiologies des hyperpigmentations sur peau noire. Étiologies les plus fréquentes Acné Lichénification : – eczéma – prurit idiopathique – prurigo – eczématides
‚ Eczémas Les eczémas sont la deuxième grande cause d’hyperpigmentation sur peau noire. Dans l’eczéma allergique aigu, les signes habituels (œdème, vésicules, suintement) manquent le plus souvent. L’aspect clinique est généralement celui d’une plaque pigmentée, mal limitée, à la surface fripée, avec parfois des excoriations superficielles. Le prurit, intense, est constant. Le diagnostic sera évoqué sur l’apparition brutale, le caractère localisé et la notion de contacts allergisants : bijoux, cosmétiques, lessive, chaussures, etc. Sur les peaux pigmentées, les eczémas se lichénifient très rapidement, parfois après 1 à 2 semaines d’évolution. Le grattage permanent aboutit à une hyperpigmentation localisée, bien limitée, avec un épaississement cutané d’aspect « quadrillé », semé de papules fermes. La surface est souvent hyperkératosique. Le traitement repose sur l’éviction de la cause et les dermocorticoïdes. Il ne faut pas hésiter à recourir à des dermocorticoïdes de classe II, voire de classe I en cas de lichénification.
‚ Pigmentations postinflammatoires Toute dermatose inflammatoire sur peau noire peut se manifester par une hyperpigmentation. Elle est parfois très importante et apparaît au premier plan, rendant le diagnostic plus difficile.
Prurits chroniques idiopathiques Ils sont très fréquents sur peau noire, surtout en hiver. Ils sont probablement dus à la sécheresse cutanée qui se majore lorsque le climat devient froid et sec. Le prurit est diffus, plus intense sur le haut du dos, les chevilles et les avant-bras, avec une recrudescence après la douche et à la chaleur du lit. Le grattage entraîne des pigmentations en stries ou en larges plaques mal limitées, dues à une lichénification superficielle (fig 10). La peau apparaît globalement sèche, avec parfois une fine desquamation. Le traitement repose sur l’application quotidienne d’une crème hydratante, après la douche par exemple, à poursuivre tout l’hiver.
Pityriasis rosé de Gibert Il est aussi fréquent sur peau noire que sur peau blanche, mais il est très pigmenté et souvent kératosique. Il faut y penser devant une éruption de lésions ovalaires brun foncé sur le tronc. Des macules pigmentées peuvent persister plusieurs semaines après guérison.
Gale Elle donne des pigmentations dues au grattage. Les vésicules et les sillons sont souvent peu visibles, remplacés par une hyperkératose des zones préférentielles de la gale : entre les doigts, sur les aisselles, les mamelons et les organes génitaux externes.
Pigmentations d’origine infectieuse Gale Pityriasis versicolor Pigmentations inflammatoires 10 Lichénification sur un prurit idiopathique. Lichen plan Il se manifeste par des papules en relief, très pigmentées, parfois kératosiques. La localisation sur les avant-bras et les poignets est évocatrice mais inconstante.
Pityriasis rosé de Gibert Lichen plan Psoriasis en poussée Pigmentations iatrogènes Ochronose Pigmentations mercurielles Pigmentations médicamenteuses Pigmentations physiologiques
Psoriasis Il est rare sur peau noire. Il se manifeste par des plaques hyperpigmentées, recouvertes de squames souvent épaisses. L’érythème classique n’est pas visible. L’importance de la desquamation et la localisation sur les coudes, les genoux et les lombes, permettent de faire le diagnostic.
‚ Autres pigmentations Devant une pigmentation sur peau noire, d’autres diagnostics peuvent être évoqués.
Pityriasis versicolor Il est fréquent. Les macules sont brunes, plus sombres que la peau normale. Leur caractère très bien limité et finement squameux et la localisation sur le haut du tronc permettent de faire le diagnostic.
Ochronose C’est une pathologie très particulière de la peau noire, rare, due à l’utilisation chronique de pommades éclaircissantes à base d’hydroquinone. Les mélanocytes échappent à l’inhibition par l’hydroquinone et deviennent hyperréactifs à l’exposition solaire. Une hyperpigmentation apparaît sur les zones malaires, en « ailes de papillon », associées aux hypopigmentations en « confettis » dues à l’hydroquinone. Puis des petites papules de couleur variable surviennent, donnant un aspect multicolore très inesthétique et pour lequel il n’existe pas de traitement.
Pigmentations mercurielles Elles sont également une complication des crèmes ou savons dépigmentants à base de mercure que l’on peut trouver dans les salons de coiffure ou instituts de beauté afro-antillais. Ces produits sont responsables d’une irritation cutanée qui devient hyperpigmentée par dépôts de mercure sur la jonction dermoépidermique. Il n’existe pas de traitement. Certains médicaments donnent des hyperpigmentations quelle que soit la race du patient, mais qui seront plus marquées sur peau noire : clofazimine, minocycline, etc.
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Taches mongoliques Pigmentations palmoplantaires Pigmentations buccales Causes non spécifiques Mélasma Taches café au lait Hamartomes Mélasma Il existe sur peau noire. Il donne une hyperpigmentation malaire bien délimitée, sans particularité par rapport aux peaux claires. Il nécessite les même précautions de protection solaire. Toutes les causes usuelles d’hyperpigmentation peuvent en outre se retrouver sur peau noire (tableau II).
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Maladies du cuir chevelu Le cheveu des patients noirs est crépu du fait de plusieurs facteurs : coupe elliptique (ronde pour les Asiatiques et les Caucasiens), follicules pileux incurvés, ponts disulfures dans la structure.
‚ Alopécies traumatiques Les femmes antillaises ou africaines utilisent des modes de coiffure particuliers qui sont responsables de la majorité des problèmes du cuir chevelu.
Alopécie de traction Très fréquente, voire quasi inéluctable chez les femmes noires, l’alopécie de traction est due aux traumatismes répétés exercés sur la chevelure, soit par le port de tresses artificielles nouées aux cheveux, soit par l’utilisation quotidienne de bigoudis, soit simplement par le brossage intensif avec tirage des cheveux en arrière en une petite « queue de cheval ». Ces tractions répétées entraînent un arrachage des cheveux sur toute la bordure du cuir chevelu,
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particulièrement marqué sur les tempes. À la longue, le follicule pileux dégénère et l’alopécie devient définitive. L’aspect est celui d’une raréfaction progressive de la chevelure sur les zones temporales, avec persistance de cheveux clairsemés, fins et cassants. L’alopécie peut aussi toucher la bordure frontale et la zone occipitale. Elle s’aggrave progressivement si les traumatismes persistent. Le traitement repose sur l’abandon ou la limitation des modes de coiffure traumatiques et sur le minoxidil qui permet parfois une repousse, jamais complète.
Alopécie du défrisage Le défrisage des cheveux avec des produits capillaires spécifiques concerne la majorité des femmes noires en France. Lorsqu’il est trop fréquent (plus de quatre fois par an), trop prolongé, avec des produits trop forts, ou sur des cheveux fins, il peut entraîner des alopécies aiguës par cassure brutale des cheveux. Dans ce cas, les cheveux sont tous cassés à 1 ou 2 cm de longueur, par plaques. Le cheveu est très sec, cassant très facilement avec une traction modérée. Il n’y a pas de traitement. Les crèmes hydratantes permettent de limiter les cassures, mais il est souvent nécessaire de couper les cheveux court pour unifier la coiffure, et d’attendre la repousse naturelle. À la longue, les défrisages répétés peuvent léser les follicules pileux, entraînant une raréfaction des
cheveux diffuse, plus marquée sur le vertex et les tempes. Il n’y a pas de traitement.
‚ Folliculite décalvante du cuir chevelu Cette pathologie inflammatoire d’étiologie inconnue survient avant tout chez la femme, mais aussi parfois chez l’homme. Il s’agit d’une éruption de papules et de pustules, généralement sur le vertex, avec parfois des petits abcès douloureux. Les lésions évoluent par poussées pendant plusieurs semaines et entraînent une alopécie en plaques lisses et brillantes où ne persistent que quelques cheveux épars. La physiopathologie est sans doute similaire à celle de l’acné chéloïdienne de la nuque et de la pseudofolliculite de la barbe. Les cyclines à faibles doses pendant quelques semaines, plus une cure courte de dermocorticoïdes, permettent de traiter les poussées, mais les plaques alopéciques constituées sont définitives.
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Conclusion La prise en charge des dermatoses sur peau noire nécessite donc la connaissance des pathologies spécifiques, ainsi que celle des variations physiologiques de pigmentation. Mais cela ne représente en fait qu’un petit nombre de cas, les populations afro-antillaises présentant généralement les même dermatoses que les populations européennes.
Le seul problème est donc de savoir reconnaître les signes cliniques des dermatoses usuelles, modifiés par les caractéristiques propres de la peau noire : – l’érythème est généralement masqué par la pigmentation. Ainsi, toutes les lésions rouges paraîtront brun foncé, grises ou noires. Cependant, l’examen très rapproché sous un bon éclairage, en étirant la peau, permettra le plus souvent de retrouver l’érythème ; – les modifications de pigmentation sont au premier plan. La plupart des dermatoses se présenteront comme une hypo- ou une hyperpigmentation, derrière laquelle il faudra retrouver la pathologie responsable ; – les lésions ont une forte tendance à l’hyperkératose. Elle se manifestera par une desquamation importante ou par l’exubérance des croûtes ou des cornes cutanées, donnant un aspect grossier aux lésions les plus banales ; – la lichénification est très rapide. Les dermatoses prurigineuses évolueront donc rapidement vers un tableau stéréotypé de lésions pigmentées, épaissies, kératosiques, d’aspect « quadrillé ». En pratique, comme pour toute dermatose, l’examen clinique attentif à la recherche de la lésion élémentaire, l’interrogatoire précis sur le mode de survenue et l’évolution des lésions, et la recherche d’autres lésions sur l’ensemble du tégument, permettront le plus souvent d’arriver au diagnostic, surtout lorsque le praticien aura acquis un minimum d’expérience de la peau noire.
Pierre-Patrice Cabotin : Dermatologue, attaché à l’hôpital Saint-Louis, centre de santé Sabouraud, 2, place du Docteur-Alfred-Fournier, 75010 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : PP Cabotin. Dermatologie sur peau noire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0745, 1998, 6 p
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Maladies de l'appareil unguéal R. Baran, S. Goettmann, L. Thomas
L'appareil unguéal normal L'ongle prend naissance dans une invagination de l'épiderme de la face dorsale de la dernière phalange, apparue au cours de la 9e semaine embryonnaire. L'édification de l'appareil unguéal est réalisée au cours d'un programme lent, de 20 semaines. L'intégrité anatomophysiologique de cet ensemble repose sur des éléments inséparables (fig. 15.1).
Ongle (limbe, corne, lame, tablette ou plaque unguéale). C'est une lame rectangulaire, semi-dure, à convexité dorsale. Sa surface dorsale est lisse et brillante. La lame unguéale comporte d'arrière en avant deux parties : – la racine ou base de l'ongle, cachée par le repli sus-unguéal ; – le corps de l'ongle, qui représente la zone visible que se partagent inégalement la lunule blanc opaque (portion distale de la matrice à limite arciforme antérieure, vue par transparence), qui adhère faiblement à l'ongle, et la zone rosée du lit. En avant de la lunule, le lit déroule ses crêtes longitudinales entre lesquelles s'engrènent les arêtes longitudinales de la tablette, expliquant ainsi sa forte adhérence au lit. À la partie distale de celui-ci, on trouve l'hyponychium où l'ongle se détache des plans sous-jacents. Un examen attentif identifie la bande onychocornée : pâle, ambrée, translucide, étroite de 0,5 à 1,5 mm, elle barre l'ongle transversalement et correspond à une vascularisation propre à cette région.
Repli postérieur (proximal ou sus-unguéal). C'est une expansion de
l'épiderme de la face dorsale de la phalange distale. Il constitue par sa face profonde la lèvre supérieure de la rainure proximale ou cul-de-sac unguéal, et plaque la racine de l'ongle sur la matrice unguéale. Avec les replis latéraux, le repli postérieur fournit une voie anatomique continue pour la propagation des processus pathologiques. Il se termine par une production cornée, la cuticule, qui scelle l'espace virtuel situé entre la tablette et le repli.
Rainures latérales et postérieure. La plaque unguéale en dehors
de son extrémité distale, constituant le bord libre, s'insère dans les rainures latérales et postérieure. Les premières deviennent plus profondes à mesure qu'elles se rapprochent de la rainure unguéale postérieure avec laquelle elles se confondent et qui loge la racine de l'ongle.
Fig. 15.1 Anatomie de l'ongle Zone visible : 1 Sillon distal 2 Hyponychium 3 Lit unguéal 4 Limite distale de la lunule 5 Cuticule terminant le repli sus-unguéal Zone cachée par le repli sus-unguéal : 6 Bord proximal de la base de l'ongle logé dans le cul-de-sac 7 Matrice 8 Tendon extenseur
Anatomie [1] L'appareil unguéal repose directement sur le périoste de la phalange distale et comprend quatre structures spécialisées : – la matrice qui produit l'ongle ; – le lit sur lequel il repose ; – le repli sus-unguéal qui le couvre en partie ; – et l'hyponychium dont il se détache. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles © 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Matrice. Elle forme la lèvre inférieure de la rainure proximale et mord sur le quart postérieur de la lèvre supérieure. Elle repose sur la phalange osseuse distale à la manière d'un croissant à concavité postéro-inférieure dont les cornes latérales, aux gros orteils, sont situées sur un plan inférieur à celui des cornes latérales digitales. La matrice produit la lame qui se dévide comme un rouleau de papier à la vitesse de 1/10e de mm par jour aux mains, moitié moins vite aux pieds, sans influence sur l'épaisseur. Le tiers supérieur de la lame unguéale provient de la matrice proximale et les 2/3 inférieurs de la matrice distale. Une atteinte matricielle s'exprime par une dystrophie touchant la tablette unguéale elle-même.
Physiologie [2] La tablette sert de couverture au lit unguéal. Cette fonction de protection revêt toute son importance en traumatologie où elle empêche la formation, parfois exubérante, d'un faux ongle du lit. La plaque unguéale exerce un plan fixe de contrepression dans la sensibilité tactile : le boutonnage d'un vêtement s'avère difficile par suite du relèvement distal de la pulpe ; en l'absence d'ongle : on parle de « doigt aveugle ». L'ongle est indispensable pour la préhension des petits objets par sa projection au-delà de l'ogive pulpaire. Toutefois, une longueur excessive le rend malhabile. Le grattage est une fonction où l'ongle excelle. Au cours du nettoyage d'objets, il rivalise avec un
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal instrument métallique. Dans leur rôle agressif, la marque des ongles permet de fournir des indications médico-légales lors d'une strangulation ou d'un viol. L'ongle est l'accessoire indispensable du guitariste, du violoniste « pizzicato » ou du harpiste. Enfin l'ongle, choyé en cosmétologie, devient une parure esthétique.
Physiopathologie L'ongle est une annexe ostéomusculaire [3]. Il fait partie d'une unité fonctionnelle comprenant la phalange osseuse distale, plusieurs structures de l'articulation phalangienne distale, des fibres du tendon extenseur et des ligaments latéraux. Les enthèses sont des points d'insertion osseuse des ligaments, des tendons ou des capsules articulaires. L'ensemble forme l'organe enthésique.
Histologie [4] La matrice et le lit de l'ongle ont en commun l'absence de couche granuleuse, sauf au cours des processus pathologiques. En revanche, la structure histologique de l'hyponychium est identique à celle de l'épithélium cutané. C'est ainsi qu'il existe des cellules de Langerhans dans l'appareil unguéal ; en revanche, les mélanocytes sont rares et quiescents dans les conditions habituelles. Lors d'une avulsion unguéale, l'épiderme du lit reste adhérent à la partie inférieure de la tablette et met à nu les papilles dermiques ordonnées en sillons longitudinaux et parallèles qui dessinent une tôle ondulée en coupe transversale.
La base de l'ongle, à l'opposé, est peu adhérente à l'épiderme de la matrice sauf aux angles postérolatéraux, reliés à l'articulation voisine par des attaches fibreuses.
Le repli sus-unguéal ne se distingue histologiquement de la peau que par l'absence de papilles dermiques et de poils. Les capillaires dont l'orientation est parallèle à la surface se présentent en plusieurs rangées de boucles régulières ou légèrement sinueuses, la plus distale étant la plus intéressante pour l'examen capillaroscopique. L'étude morphologique des boucles capillaires est le temps le plus important. Il est complété par la recherche d'anomalies fonctionnelles du flux sanguin, l'étude des veinules sous-papillaires et l'examen des tissus péricapillaires. Les principales applications pratiques de la capillaroscopie périunguéale concernent l'étude des troubles vasomoteurs et le dépistage des microangiopathies des collagénoses.
Biologie La matrice unguéale manifeste une activité permanente (contrairement à celle du cheveu). Toutefois, il existe des variations, fonction de l'extrémité : aux mains le remplacement d'un ongle requiert 4 à 5 mois, au gros orteil, 10 à 18 mois. La main dominante et les doigts les plus longs ont la croissance la plus rapide. Un ralentissement s'observe chez le vieillard, au cours de l'immobilisation (attelle), du froid, avec certaines médications (cytotoxiques), lors de certaines affections (syndrome xanthonychique). À l'opposé, ciclosporine, lévodopa, imidazolés, etc. accélèrent la croissance unguéale et certaines dermatoses également (psoriasis, pityriasis rubra pilaire et érythrodermie ichtyosiforme bulleuse). La mesure de la pousse unguéale possède non seulement une valeur diagnostique comme dans certaines formes discrètes du syndrome xanthonychique, mais encore pronostique puisqu'elle permet de juger de l'efficacité du traitement.
L'ongle pathologique Nous distinguerons les troubles mineurs, l'atteinte unguéale des dermatoses, les colorations unguéales ou chromonychies, les infections de l'appareil unguéal par les bactéries et les agents mycosiques, enfin, quelques affections relevant de la chirurgie unguéale.
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Une liste de définitions propres à la séméiologie unguéale est fournie à la fin du chapitre 15-1, et doit être consultée chaque fois que le lecteur hésite sur la signification d'un terme. Il existe un très grand nombre de publications relatives aux affections des ongles. Dans les références citées en fin de chapitre, des informations détaillées peuvent être obtenues pour chacune d'entre elles.
Anomalies mineures Elles intéressent parfois la coloration et, surtout, la consistance de l'ongle. La fragilité vient en tête des préoccupations des patients.
Clinique. L'anomalie la plus fréquente est l'onychoschizie, dédoublement lamellaire distal, qu'explique physiologiquement la double provenance de la tablette. Les fissures du bord libre sont uniques ou multiples, terminant parfois les fins sillons longitudinaux de la surface de l'ongle, dite « onychorrhexique ». Les fractures transversales de l'extrémité, plus souvent partielles, s'expliquent par la direction des fibrilles de kératine perpendiculaires à l'axe de croissance unguéale.
Prévention et traitement. La fragilité s'observant essentiellement
chez la femme, il est évident que les contacts avec l'eau et l'utilisation de produits d'entretien jouent un rôle primordial dans sa survenue. La double protection des mains (gants de fil ou de coton avec gants de caoutchouc ou de plastique par-dessus) est indispensable dans le traitement de cette anomalie. La déshydratation anormalement rapide de l'onychine chez certains sujets explique les bienfaits d'une crème « hydratante » additionnée de phospholipides. Elle est appliquée sur les ongles, après chacune des trois ou quatre toilettes préconisées quotidiennement. Les nettoyages supplémentaires des mains peuvent se faire à l'aide de lotions nettoyantes sans rinçage. L'immersion des doigts dans une eau savonneuse au cours de la manucurie est à proscrire. La manipulation de produits alimentaires humides (viandes, poissons, fruits, légumes) doit être effectuée également avec la double paire de gants.
Atteinte unguéale des dermatoses Psoriasis unguéal [5] Aspects cliniques Le psoriasis unguéal est une des manifestations caractéristiques du spectre de la maladie psoriasique mais, curieusement, il tisse des liens plus étroits avec le psoriasis arthritique (PsA) qu'avec le psoriasis isolé. Le psoriasis unguéal n'est donc pas seulement une maladie des annexes de la peau. Son impact sur la qualité de vie peut être majeur chez certains patients et il signe bien souvent une inflammation systémique non maîtrisée. D'un point de vue physiopathologique, selon Fournié [6], deux lésions fondamentales sont retrouvées et permettent d'expliquer l'ensemble des signes cliniques et radiologiques : la synovite et l'enthésite. Dans le psoriasis, la synovite n'est pas le primum movens de la maladie mais serait due à la libération de cytokines inflammatoires à partir des enthèses enflammées. Quelques chiffres concernant le psoriasis unguéal sont édifiants. Il affecte 61 % des sujets ayant un psoriasis cutané, 80 à 90 % des patients atteints de psoriasis arthropathique ; 90 % auront une manifestation unguéale au cours de la vie qui reste rarement isolée. Alors que 57 % des psoriasiques accusent une atteinte des mains et des pieds, 27 % des malades ne sont touchés qu'aux mains et 16 % aux pieds. L'appareil unguéal est douloureux dans 52 % des cas ; les douleurs articulaires sont présentes dans 54 % des cas, les lésions cutanées sont concomitantes dans 94 % des cas.
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal Ainsi la qualité de vie s'altère-t-elle dans 76 % des cas, le handicap étant aussi bien physique que psychologique. Pour 93 % des patients, il existe une connotation esthétique importante, chez 59 %, une gêne réelle au cours d'activité quotidienne et 48 % éprouvent une difficulté à assumer leur emploi. La prédisposition des psoriasiques aux (sur)infections fongiques est trois fois supérieure à celles des personnes indemnes de cette affection cutanée. En dehors des ongles, le psoriasis s'attarde volontiers sur des régions privilégiées comme le cuir chevelu et le pli interfessier. Un seul doigt peut être touché sans manifestation radiologique. En revanche, l'IRM permet de révéler une enthésopathie. Moins coûteuses, l'échographie en 3D et, peut-être, l'OCT (Optical Coherence Tomography), éventuellement associées à la scintigraphie osseuse, sont, elles, susceptibles de déceler un psoriasis arthropathique. En somme, tout porte à croire aujourd'hui que l'onychopathie psoriasique est un marqueur d'une atteinte inflammatoire profonde. Du point de vue micro-anatomique, certaines images histologiques confirment le lien entre les différentes structures. Le tendon extenseur, en particulier, poursuit son insertion osseuse en enveloppant la racine de l'ongle. Les ligaments latéraux forment un réseau d'intégration contribuant à l'arrimage des bords latéraux de la tablette unguéale. Ce continuum virtuel de structures du tissu conjonctif se confond avec le périoste épaissi de la phalange distale et avec les nombreux ligaments cutanés qui fixent la graisse pulpaire à la peau. Le psoriasis est loin d'être une maladie exceptionnelle et son intérêt actuel est devenu quadruple, par : – la découverte d'une panoplie diagnostique allant du domaine visible, clinique, à celui de l'invisible, avec l'imagerie médicale ; – une meilleure connaissance des diagnostics différentiels ; – l'évaluation de l'affection grâce à de nouveaux scores plus performants et faciles à établir ; – enfin, la possibilité d'utiliser des thérapeutiques incomparablement plus efficaces que celles que nous connaissions dans un passé relativement récent.
La rugosité de la tablette ou trachyonychie peut être le symptôme dominant caractérisant les 20 ongles « grésés ».
L'accentuation des crêtes longitudinales, physiologiques, prend parfois l'aspect de gouttes de cire fondue, ou de coulées linéaires. La matrice distale peut induire une leuconychie (fig. 15.2b) et un aspect marbré de la lunule. Manifestations pérennes du lit et de l'hyponychium. Elles, entraînant une onycholyse, les taches d'huile de Milian ou une hyperkératose sous-unguéale.
Les « taches d'huile » rouge brunâtre médio-unguéales (fig. 15.2c),
classiques dans le psoriasis, s'observent également dans d'autres affections comme l'acropustulose et le lupus érythémateux, réalisant un décollement du limbe corné, souvent à distance des bords distolatéraux. Parmi les affections susceptibles de compter l'onycholyse dans leur symptomatologie, le psoriasis vient en tête.
Une ligne de coloration jaune dessine une démarcation entre l'ongle rosé normal et l'ongle décollé, blanc grisâtre. Elle est rehaussée d'une bordure érythémateuse foncée sur son versant proximal. La prolifération parakératosique explique aussi bien l'hyperkératose sous-unguéale, lorsque les cellules adhèrent entre elles (fig. 15.2d), que l'onycholyse, lorsqu'elles ont perdu leur coalescence. Les hématomes filiformes se situent surtout dans la partie distale du lit.
Formes cliniques La paronychie psoriasique possède des aspects particuliers : la cuticule est intacte et la face dorsale du repli sus-unguéal souvent érythématosquameuse. La pression exercée sur le repli libère un matériel caséeux à cellules nucléées ou anucléées sans accompagnement levuro-bactérien. Au cours des traitements par rétinoïdes, ce phénomène est particulièrement démonstratif.
Corrélations anatomocliniques
Chez l'enfant, le psoriasis prend l'image de la parakératose pus-
Lésions matricielles. Il faut les distinguer des autres atteintes
tuleuse de Hjorth-Sabouraud qui évoque cliniquement une onychomycose, une dermatite atopique ou un psoriasis.
sous-unguéales. Les lésions matricielles sont transitoires, évolutives et discontinues. Elles sont responsables des dépressions ponctuées (ongles en dé à coudre) (fig. 15.2a) qui constituent le maître symptôme du psoriasis unguéal, des sillons transversaux, de la trachyonychie et de l'onychomadèse.
a
b
L'acrodermatite pustuleuse est une traduction clinique de l'image histologique que constitue l'abcès de Munro-Sabouraud ou la pustule de Kogoj (cf. chapitre 11-4).
c
d
Fig. 15.2 Aspect du psoriasis unguéal (cf. texte)
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal Les formes médicamenteuses doivent être reconnues en vérifiant
les ordonnances du patient : la prise de lithium, de bêtabloquants, d'antipaludéens de synthèse, d'anti-TNF et d'interféron qui peuvent avoir un rôle d'induction et/ou d'exacerbation.
Diagnostic différentiel Il se pose différemment selon les manifestations observées. Les dépressions ponctuées se rencontrent dans la pelade et l'eczéma. La trachyonychie doit faire discuter une pelade, un lichen plan et un eczéma. L'étiologie de l'onycholyse est multifactorielle, candidosique, professionnelle, et chez la femme également « cosmétique », en sachant que le nettoyage excessif de la région sous-unguéale favorise le phénomène de Koebner. Le seul diagnostic délicat est celui de mycose. Les cultures, répétées en cas de négativité et l'application de critères rigoureux avec assistance histomycologique permettent d'éliminer une onychomycose isolée mais non une association pathologique.
Traitement Contexte et stratégie. Le traitement est long, fastidieux, décevant. Son
succès dépend de l'obstination du médecin et de l'adhésion du patient au traitement ainsi que des particularités de la maladie et de son retentissement sur la qualité de vie. L'implication de l'appareil unguéal au cours du psoriasis reste le meilleur indicateur d'un psoriasis arthropathique concomitant. De nombreux travaux indiquent que l'onycholyse arrive en tête des signes unguéaux, diagnostiqués par les rhumatologues utilisant les critères de la classification du psoriasis arthropathique (CASPAR). Ces critères ont permis de montrer, sur 1 633 sujets atteints de psoriasis unguéal, qu'ils étaient trois fois plus souvent susceptibles de développer un psoriasis arthropatique que les autres. L'évolution spontanée du psoriasis unguéal est capricieuse, faite de rémissions et de rechutes. De façon paradoxale, l'exposition solaire peut aggraver les lésions unguéales et un phénomène de Koebner peut s'observer après un traumatisme isolé ou répété. Le traitement ne peut pas être univoque, il doit être envisagé en fonction de l'importance des lésions, du sexe, de la profession, de l'âge, de l'extension à la peau, de l'atteinte articulaire périphérique ainsi que de la demande du patient et de son niveau de compréhension. À ces considérations, il faut ajouter le type des lésions, reflet fidèle de la localisation anatomique de la maladie sur l'appareil unguéal. Chez l'enfant le plus difficile est de convaincre la famille, toujours en quête d'un remède efficace et rapide. C'est pourquoi photographier l'atteinte psoriasique une fois par an montre aux parents que nous restons particulièrement vigilants. Chez l'adulte, le problème se pose différemment selon la profession. Le manuel sujet aux micro et/ou macrotraumatismes a peu de chance de tirer parti du traitement. En revanche, dans certaines professions libérales, un patient très motivé à toutes les chances d'en tirer bénéfice.
L'action du traitement qui, bien entendu, ne s'exerce que sur les tissus péri ou sous-unguéaux, incite la matrice à produire un ongle normal qui se développera environ 5 mois plus tard. Lorsque le psoriasis affecte la matrice unguéale, les traitements
topiques sont décevants. En revanche, les injections intralésionnelles de corticoïdes en suspension à travers le repli sus-unguéal, avec une aiguille de 30 G, sont certainement très efficaces. – Elles sont effectuées à raison d'une injection/mois pendant 6 mois. L'absence d'amélioration, bien que rare, entraîne la suspension du traitement. En fait, habituellement dès la 2e injection, une amélioration se dessine nettement dans la région proximale. – Au bout des 6 mois, les injections se poursuivront toutes les 6 à 8 semaines ; s'il faut persévérer au-delà d'une année, on proposera
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une injection tous les 3 mois. Nous nous refusons d'utiliser le dermojet malgré sa commodité, l'apparition de kystes d'implantation étant réel puisqu'ils ont conduit à l'amputation de la phalange distale. En cas d'échec des corticoïdes injectables, des auteurs turcs ont vanté l'efficacité d'une injection de 2,5 mg de méthotrexate de chaque côté de l'ongle à la hauteur du repli sus-unguéal, après bloc anesthésique digital. Les injections sont répétées 1 fois/semaine durant 6 mois.
Lorsque le psoriasis siège sur les tissus sous-unguéaux non matriciels,
les lésions consistent en une hyperkératose sous-unguéale ou une onycholyse du lit sous forme de tache d'huile, soit de décollement distolatéral. Dans la première hypothèse, une kératinolyse chimique à l'urée à 40 % permet de découper la kératine pathologique pour traiter le lit nouvellement exposé. Dans le second cas, le découpage à la pince de la portion de tablette décollée nous ramène à la situation précédente. Il suffit d'appliquer des dermocorticoïdes de classe 4 de façon quotidienne, vespérale, de préférence sous occlusion pendant une quinzaine de jours, puis de manière discontinue, en procédant régulièrement au découpage de la tablette, en l'absence d'adhérence au lit unguéal. Nous complétons souvent le traitement par des massages en insistant sur la sertissure proximale de l'ongle avec le tazarotène (rétinoïde), le calcipotriol (dérivé de la vitamine D3) associé au clobétasol ou encore le tacrolimus à 0,1 %. Si les résultats s'avèrent insuffisants et si la demande reste forte, nous proposons au patient des infiltrations de corticoïdes, sous anesthésie locale, par injection sous-unguéale du lit par voie latérale, de 0,1 mL d'acétonide de triamcinolone à 10 mg par mL, effectuée avec une seringue Luer-Lock munie d'une aiguille de 30 G, aux points cardinaux Nord-Est – Nord-Ouest – Sud-Est – Sud-Ouest. Deux à trois séances à un mois d'intervalle peuvent être bénéfiques. En l'absence d'amélioration, chez un sujet toujours décidé à voir la fin de son tourment, ou simplement en cas de refus du traitement précédent, on peut envisager, en l'absence d'onycholyse, un badigeonnage du pourtour unguéal matin et soir avec une solution de 5-fluoro-uracile à 1 % dans du propylène glycol pendant 6 mois, puis de façon discontinue. Ce traitement peut être très irritant. La PUVA thérapie ne conserve plus beaucoup d'adeptes. La radiothérapie et les bains d'électrons ne doivent plus être proposés. L'efficacité du Pulsed Dye Laser PDL (595 nm) à raison d'une séance par mois s'est avérée comparable à celle de la photo thérapie dynamique utilisant l'acide méthyl aminolévulinique. Parmi les effets secondaires, on note une douleur transitoire dans les premières 24 heures et un léger purpura du lit des ongles traités, disparaissant en une semaine. Si, pour diverses raisons (psoriasis cutané gênant), le patient souhaite avoir recours à un traitement systémique, l'acitrétine (0,20,3 mg/kg/j) est certainement efficace au bout de 6 mois, sauf dans les formes onycholytiques que l'on risque d'aggraver. Cependant, sa durée, toujours longue, ses effets secondaires, souvent conséquents, et les précautions qu'elle nécessite, n'en font rarement un traitement de choix. De plus, le phénomène de Koebner peut réveiller une paronychie psoriasique latente, exigeant parfois des injections d'acétonide de triamcinolone dans le repli sus-unguéal. Ciclosporine et méthotrexate (MTX) restent en compétition, toutefois, compte tenu des risques encourus principalement avec la ciclosporine pour le rein et l'hypertension artérielle, sans parler de l'hirsutisme, notre préférence se porte sur le MTX que l'on débute à la dose de 15 mg/semaine que l'on augmente progressivement sans dépasser 20 à 25 mg et que l'on diminuera très progressivement au bout de 6 mois. Bien entendu, ces deux médications imposent des examens biologiques réguliers. Le MTX serait plus efficace sur les lésions d'origine matricielle tandis que la ciclosporine serait plus active sur celles du lit unguéal. Chez la femme, le psoriasis peut bénéficier de tout ce qui précède, en rappelant que le MTX et l'acitrétine nécessitent une contraception.
Maladies des annexes
15-1 Maladies de l'appareil unguéal
L'utilisation au long cours de ces traitements systémiques n'étant pas dénuée d'effets secondaires, on comprend l'intérêt suscité par les biothérapies qui peuvent exercer des effets remarquables sur l'atteinte unguéale, laquelle n'est acceptée comme seule indication à un traitement que dans des cas très particuliers (cf. chapitres 10-13 et 22-6). Chez l'enfant, nous restons particulièrement vigilants en présence d'une atteinte unguéale sur laquelle on pratiquera chaque année une échographie pour dépister la survenue d'une éventuelle arthropathie psoriasique.
Psoriasis pustuleux. L'acitrétine (50 mg/j) est d'une grande effica-
cité. Toutefois lorsque l'on diminue la dose, on risque une rechute qui peut ne toucher qu'un seul doigt ou un seul orteil. Cependant, l'action conjuguée du calcipotriol et du tazarotène en massage, 2 fois/j, paraît bénéfique, ainsi que celle des corticoïdes sous occlusion. Le numésulide, anti-inflammatoire non stéroïdien (100 mg × 2/j), montre une certaine activité, mais son interruption entraîne également une rechute, qui serait relativement limitée, grâce à son association aux traitements locaux précédents. Paradoxalement, les formes polydactyliques réagiraient mieux que les formes mono ou paucidactyliques. Le psoriasis pustuleux et l'acrodermatite continue d'Hallopeau sont sensibles à la ciclosporine, à doses fortes avec les inconvénients qu'elles comportent ; les doses faibles exigent, en général, leur association aux traitements locaux indiqués. Il faut souligner l'efficacité récemment démontrée d'une pommade au tacrolimus à 0,1 % en monothérapie prolongée.
Infection mycosique et psoriasis. Les cultures, couplées à un exa-
men histomycologique, sont indispensables au moindre doute, la découverte de moisissures ou de levures risquant d'égarer le diag nostic. L'expérience montre que les dermatophytes sont rares aux ongles des doigts, mais non exceptionnels aux orteils. Ces associations fongiques favorisent une réaction isomorphique. C'est pourquoi les dispositifs transunguéaux antifongiques que nous complétons volontiers par un traitement systémique en présence de dermatophytes semblent avoir trouvé dans le psoriasis un débouché à leur mesure à la condition de procéder préalablement au débridement de la kératine pathologique avec ou sans kératolyse à l'urée à 40 %.
Atteinte strictement unguéale et rhumatisme psoriasique infraclinique. Reste encore le problème thérapeutique non résolu des
rhumatismes psoriasiques infracliniques touchant les sujets à l'atteinte strictement unguéale, surtout à type d'onycholyse mais également de dépressions ponctuées ou d'hyperkératose sous-unguéale. La sonographie, l'IRM et la scintigraphie permettent de détecter une affection articulaire naissante. Le choix des traitements dépendra donc des spécificités de chaque patient et de l'avis du rhumatologue.
Lichen plan unguéal [7, 8] Aspects cliniques (fig. 15.3)
Les ongles sont touchés dans 1 à 16 % des cas, selon les études. Le lichen plan avec atteinte onychodystrophique peut être associé à une éruption lichénienne typique, ou se présenter comme une atteinte cutanée atypique avec, par exemple, ulcération plantaire de lichen bulleux ou des lésions du scalp uniquement, ou encore des manifestations orales. Enfin la maladie peut se résumer à une atteinte unguéale. Ces formes isolées de lichen plan unguéal sont les plus intéressantes car elles risquent de faire errer le diagnostic, entraînant un retard qui peut être extrêmement préjudiciable au patient. En effet, la disparition souvent spontanée de la plupart des formes cutanées s'oppose à la tendance destructive du processus inflammatoire du lichen de l'appareil unguéal, identique en cela au lichen du cuir chevelu. Le pronostic dépend, par conséquent, de la rapidité avec laquelle sera posé le diagnostic et instauré le traitement qui permettra de reconnaître les formes résolutives de celles qui aboutissent à des séquelles permanentes.
Manifestations cliniques habituelles du lichen unguéal (fig. 15.3) Les formes monodactyliques ne sont pas rares, ce qui peut surprendre les non-initiés. Les manifestations lichéniennes apparaissent sur toutes les structures kératinisées de l'appareil unguéal et de son pourtour mais, contrairement au psoriasis, elles se prêtent moins facilement à une schématisation. Une paronychie peut être le premier signe de la maladie. Elle s'accompagne souvent d'un érythème parfois discrète ment bleuté ou lilacé.
Les replis périunguéaux présentent exceptionnellement des papules
d'un lichen classique. Dans certains cas, on constate une symphyse de l'épiderme du repli postérieur avec les tissus sous-unguéaux. Le repli sus-unguéal s'amincit, s'accole à la matrice tandis que la cuticule détache une expansion qui adhère à l'ongle qu'elle fissure avant d'aboutir progressivement à son éventuelle destruction : c'est le ptérygion dorsal dont l'élargissement progressif entraîne la présence d'ailerons unguéaux latéraux souvent asymétriques. La destruction de la tablette est donc fonction de l'importance de l'atteinte matricielle, mais n'est pas nécessairement précédée d'un ptérygion.
L'atteinte de la matrice conditionne également les modifications du relief de la tablette dont la pousse est ralentie. Elle peut, selon l'importance et la diffusion des foyers, se manifester par une accentuation des lignes longitudinales (crêtes et sillons) ou par une fissure longitudinale traversant toute la tablette, voire des dépressions cupuliformes souvent irrégulières.
La fragilité des ongles est remarquable. Parfois doublée d'une koïlonychie, elle s'explique avant tout par l'amincissement global de la tablette mais également par l'apparition proximale d'une onychoschizie lamellaire ou d'une onychomadèse qui détache l'ongle dans sa région postérieure. Dans l'onychorrhexie, une série de petits sillons longitudinaux et parallèles creusent la partie superficielle de la plaque unguéale qui prend un aspect terne. Dans la variété trachyonychique (dystrophie des 20 ongles), les
sillons multiples produisent des ongles rugueux, « grésés », où des striations longitudinales serrées sont faites d'une alternance de fines cannelures et de crêtes discrètes, le tout aggravé par la formation de fissures distales. Si le processus de destruction matricielle gagne le lit, il entraîne une chute de l'ongle, habituellement définitive. Si l'aspect atropho-cicatriciel est limité au lit, il peut être recouvert d'une tablette onycholytique. Plus rarement, il arrive qu'une hyperkératose sous-unguéale se manifeste sur tous les doigts ; une variété à type de pseudo-tumeur sous-unguéale a même été décrite.
Fig. 15.3 Lichen plan unguéal
Les formes dyschromiques sont différentes selon le siège de l'atteinte sur l'appareil unguéal. En dehors de la forme xanthonychique avec ou sans trachyonychie et qui peut en imposer pour un syndrome des
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal ongles jaunes, une mélanonychie longitudinale témoigne de l'activité des mélanoyctes d'une matrice enflammée à l'exception de toute autre anomalie cutanée. Nous avons également rapporté l'apparition d'une mélanonychie longitudinale sur des tablettes redevenues normales après un an de traitement pour une dystrophie unguéale lichénienne par étrétinate. On constate avec une certaine fréquence un érythème de la lunule, homogène ou partiel, parfois fait de petits rectangles rouges, distincts, tranchant sur l'opacité blanchâtre lunulaire. Des modifications du lit, visibles par transparence, peuvent s'observer : érythronychie longitudinale, papule érythémateuse ou rouge sombre.
Formes cliniques Lichen érosif. Il réalise une acropathie des avant-pieds et, plus rarement,
des mains. Elle comporte d'une part des altérations unguéales avec disparition secondaire définitive des ongles et, d'autre part, des lésions érosives, parfois hémorragiques, succèdent à des bulles éphémères.
Atrophie idiopathique des ongles de Samman. Cette affection acquise touche un ou plusieurs doigts et orteils avec une certaine asymétrie. L'atrophie idiopathique des ongles traduit le point culminant de la souffrance matricielle. Formes bulleuses et pseudo-bulleuses. À côté de l'atteinte isolée d'un
ongle jaune lichénien où l'histologie révélait un processus bulleux, nous avons décrit une forme pseudo-bulleuse à type de dégantage de tous les doigts, s'exprimant par une élimination de tout l'appareil unguéal par simple pression exercée sur le repli sus-unguéal [9].
Lichen plan familial. Il aurait tendance à rechuter plus facilement que la forme classique [10].
Lichen plan sur peau noire. Chez les sujets noirs, les formes strictement unguéales sont assez fréquentes en milieu tropical. L'aspect peut être celui du classique ptérygion dorsal acquis avec ou sans atrophie du lit, mais les manifestations peuvent être plus aiguës : l'atteinte est généralement polydactylique et franchement invalidante, les destructions irréversibles de l'appareil unguéal étant habituelles.
Diagnostic différentiel Il ne se pose pas en présence d'un lichen cutané et/ou muqueux typique.
« Dystrophie des 20 ongles de l'enfance ». En réalité, cette variété de trachyonychie se rencontre aussi chez l'adulte. Si elle dérive souvent du lichen plan, son origine est parfois psoriasique, peladique ou atopique. Lichen striatus onychodystrophique. Celui-ci ne présente géné-
ralement que des ressemblances lointaines avec le lichen plan. Il atteint avec prédilection l'enfant et siège le long d'un membre, souvent supérieur, sous forme d'une bande irrégulière. Parfois une participation unguéale sur un ou deux doigts réalise divers types de lésions, toutes spontanément résolutives en une ou deux années. On a décrit une forme de lichen striatus strictement localisée à l'appareil unguéal qui peut en imposer pour un lichen plan unguéal isolé.
Psoriasis. Il se manifeste aussi bien dans la région proximale de
l'ongle que dans la région distale alors que le lichen unguéal est avant tout une maladie de la matrice. Du point de vue évolutif, certains ongles psoriasiques s'améliorent, tandis que d'autres s'aggravent. Dans le lichen, on constate volontiers une évolution identique de tous les ongles affectés. La greffe levuro-bactérienne est fréquente dans les deux cas.
Pelade unguéale (fig. 15.4). Elle présente bien des analogies avec le lichen par l'érythronychie des lunules ou la trachyonychie. Cependant, si comme dans le psoriasis, l'ongle peladique se couvre de dépressions cupuliformes, il ne fait jamais de ptérygion. Le ptérygion acquis est en effet le signe majeur du lichen plan unguéal, mais il s'observe également dans les ischémies vasomotrices et les radiodermites. Il en existe une variété post-traumatique.
Lichen plan de l'enfant. À côté des signes classiques observés chez
l'adulte, le LP linéaire de l'enfant présente aux extrémités une distribution unilatérale zostériforme peut-être à cause de la plus grande tendance de l'enfant à traumatiser ses extrémités avec koebnerisation à la clé. La dermoscopie permet une meilleure visualisation des signes caractéristiques. Ainsi en cas d'onycholyse, après section de la zone non adhérente de la tablette, elle peut révéler une convergence de lignes vers le centre du lit, témoignant de la présence de l'atrophie cicatricielle définitive.
Pronostic. Il dépend de la diffusion des lésions et de la rapidité avec laquelle est posé le diagnostic et le traitement par corticoïdes mis en œuvre. Toutefois sont irréversibles le ptérygion et l'anonychie qui laisse place à une région atrophocicatricielle. La multiplication des lignes longitudinales et la fragilité unguéale sont réversibles en l'absence d'atteinte matricielle importante. Les papules lichéniennes du lit et l'hyperkératose sous-unguéale sont généralement curables.
Fig. 15.4 Ongles peladiques : ongles grésés comme décapés verticalement au jet de sable Dans trois observations, un mélanome achromique in situ de l'appareil unguéal a pris le masque d'un lichen plan sous-unguéal [11].
Diagnostic positif
Traitement
L'atteinte unguéale isolée est de diagnostic délicat. On doit y penser devant les manifestations décrites, en particulier en présence d'un ptérygion. Mais seule la biopsie, un geste indispensable, permettra d'affirmer la nature lichénienne de l'onychodystrophie. L'examen histologique révèle un infiltrat lymphocytaire en bande de la matrice et/ou du derme du lit avec hyperkératose, hypergranulose et acanthose de l'épithélium matriciel. L'onychorrhexie résulte de l'atteinte de la matrice proximale dont les foyers d'atrophie entraînent un amincissement plus ou moins prononcé de la tablette.
Si la dystrophie trachyonychique des 20 ongles guérit toujours spontanément, seuls les corticoïdes sont capables d'éviter l'évolution catastrophique de certaines variétés de lichen plan vers l'atrophie permanente et le ptérygion. Dans les formes monodactyliques, les injections de la région matricielle sont logiques. Lorsque l'atteinte frappe plusieurs doigts, la prescription systémique s'impose. Les effets collatéraux des corticostéroïdes doivent être mis en balance avec la possibilité d'une anonychie permanente, la gêne fonctionnelle qu'elle procure (prise défectueuse des petits objets, absence de plan de contre-pression) et son caractère inesthétique.
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal Nous préférons à la corticothérapie orale de prednisone (0,5 mg/kg) les injections intramusculaires profondes d'acétonide de triamcinolone (0,5-1 mg/kg/mois). On peut associer au traitement systémique des injections intralésionnelles d'acétonide de triamcinolone à 0,5 mg/mL. En l'absence d'atrophie du lit, on peut tenter dans les formes mono ou paucidigitales l'application de propionate de clobétasol sous occlusion nocturne ou de tacrolimus. Les résultats du traitement varient avec le type de l'atteinte. Contrairement au ptérygion, les atteintes légères à modérées permettent d'obtenir une restitution ad integrum dans la plupart des cas. Toutefois chez près de la moitié des patients, une seconde cure est nécessaire, soit à cause d'une rechute après guérison complète, soit à la suite d'une résurgence des lésions après une amélioration considérable ou bien en l'absence d'une amélioration tangible. Si la corticothérapie associée aux adjuvants classiques d'un traite ment au long cours n'est pas réalisable, qu'elle soit orale ou sous forme d'injection intramusculaire profonde chaque mois pendant 6 mois (double dose le 1er mois, suivie d'une simple dose les mois suivants), on peut utiliser à l'alitrétinoïne. Toutefois, l'acitrétine, la ciclosporine, l'acide fumarique, le mycophénolate mofétil, l'azathioprine et l'étanercept ont pu se montrer efficaces.
Autres dermatoses
cours d'une atteinte digitale distale où elle réalise une onycholyse (eczéma des tulipes, durcisseurs unguéaux formolés, etc.). L'étiologie est plus délicate à mettre en évidence chez des atopiques légers, ou des patients souffrant d'eczéma nummulaire ou de dysidrose. Les modifications de la tablette sont le fait d'une atteinte matricielle, sans doute secondaire à l'inflammation de voisinage, plutôt qu'à une réaction allergique primitive. Elles sont dysmorphiques par modification globale (épaississement ou amincissement de la tablette, souvent d'aspect tourmenté) ou superficielle (criblures, sillons transversaux irréguliers). La chute de l'ongle est possible par onychomadèse ou par onycholyse. On note parfois une hyperkératose sous-unguéale et des fissures douloureuses de la région. L'allergie aux vernis à ongles se manifeste rarement par une atteinte unguéale mais habituellement par des lésions cutanées ectopiques (paupières, région péribuccale, faces latérales du cou). Elles seraient plus rares si on laissait au vernis le temps de sécher correctement.
Maladie de Darier Il existe dans cette affection autosomique dominante (cf. chapitre 7) une triade unguéale pathognomonique faite de bandes longitudinales rouges et blanches parcourant la tablette, et de kératoses sous-unguéales distales, souvent cunéiformes (fig. 15.5). L'acitrétine, efficace sur les papules kératosiques du repli sus-unguéal, est sans action sur l'appareil unguéal.
Pelade La fréquence de l'atteinte unguéale varie suivant les auteurs de 7 à 66 %. L'importance de l'onychopathie peladique est classiquement proportionnelle à la gravité de l'atteinte capillaire. En réalité, elle est surtout fonction de la brutalité avec laquelle débute l'affection ; c'est pourquoi des lésions unguéales importantes coexistent parfois avec des pelades discrètes qu'elles peuvent même précéder.
Aspects cliniques. Il peut s'agir de dystrophies globales ou superficielles, de dyschromies et d'amincissement : – dystrophies globales : koïlonychie, tablette parfois réduite à un moignon d'ongle, chute de l'ongle par onychomadèse, dystrophie totale pseudo-mycosique ; – dystrophies superficielles : accentuation du relief des lignes longitudinales, onychorrhexie fréquente, fissures transversales parfois incomplètes ou simples sillons de Beau. Érosions ponctuées diffuses (ongles grêlés) ou en lignes horizontales plus fréquemment que verticales, ongles à facettes et surtout ongles grésés (comme décapés verticalement au jet de sable) (cf. fig. 15.4) [12] ; – dyschromie partielle, le plus souvent ; leuconychie transversale, érythème foncé ou simple aspect marbré de la lunule ; totale, ongle opaque ou jaunâtre, grisâtre ou brunâtre ; – consistance : tablette amincie plutôt qu'épaissie, donc molle, fragile, cassante et friable. Ces caractères sont exagérés par le ralentissement de sa croissance. Parmi tous ces aspects peu spécifiques, seuls les ongles grésés seraient assez évocateurs même en l'absence de signes capillaires, à rechercher sur toutes les régions pilaires.
Traitement. Il peut être considéré d'utilité discutable, l'affection
régressant habituellement avec l'amélioration capillaire, mais des massages périunguéaux avec du propionate de clobétasol ne sont peut-être pas totalement inefficaces.
Eczémas L'appareil unguéal est particulièrement sensible à l'eczéma quelles que soient la nature de l'allergène ou sa voie de pénétration. L'origine des manifestations unguéales est évidente au
Fig. 15.5 Maladie de Darier : bandes longitudinales rouges et blanches parcourant la tablette et kératoses sous-unguéales distales
Chromonychies (colorations pathologiques de l'ongle) [13] Les dyschromies unguéales apportent parfois un appoint considérable au diagnostic. La chromonychie correspond à une coloration anormale de la kératine de l'ongle ou de sa surface et/ou une altération de la qualité des tissus sous-jacents. Elle est également conditionnée par l'état des vaisseaux dermiques de la région sous-unguéale et la composition du sang. L'examen se fait sur des doigts en état de relâchement complet, évitant toute pression pulpaire. Souvent l'origine externe de la dyschromie est attestée par la configuration de la tache, dont la limite proximale correspond à la forme du repli postérieur. Si la limite distale de la tache colorée rappelle la forme de la lunule, elle évoque une origine interne (fig. 15.6).
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal
a
b
Fig. 15.6 L'aspect des colorations unguéales indique leur origine : externe (a) ou interne (b)
Chromonychies liées à des causes externes – Origine professionnelle : coiffeurs, photographes, etc. – Topiques médicamenteux divers : nitrate d'argent par exemple. – Tabac et cosmétiques : henné, vernis à ongles. – Traumatismes : hématome et, parfois, mélanonychie longitudinale à différencier du mélanome dont la coloration est anormalement fixe dans le temps. – Infections mycobactériennes : cf. infra. – Agents physiques : radiothérapie régionale ou à distance, antitumorale. – Brûlures thermiques.
Chromonychies liées à des médications systémiques
Fig. 15.7 Syndrome xanthonychique ou syndrome des ongles jaunes constante, avec épaississement de la tablette. Mais il existe surtout des ongles hyperconvexes, avec hypercourbure transversale, parfois en véritable dos d'âne. On constate également une disparition des cuticules avec souvent une paronychie chronique, une onycholyse fréquente, voire une chute possible de l'ongle. Parfois la coloration est plus marquée aux mains qu'aux pieds. Elle s'explique en partie par la lenteur de la croissance de l'ongle. Le syndrome des ongles jaunes a été observé dans la polyarthrite rhumatoïde. La relation entre une affection maligne et le syndrome xanthonychique est discutée. Comme au cours du lichen plan unguéal, des tests d'allergie aux métaux des amalgames et des implants dentaires méritent d'être effectués. Dans les formes qui n'ont pas régressé spontanément, l'association de vitamine E (1 000 UI/j) et de fluconazole (300 mg 1 jour/ semaine) nous a donné les meilleurs résultats sur l'appareil unguéal exclusivement [15].
Antibiotiques. La photo-onycholyse est prédominante (en particulier doxycycline, minocycline, péfloxacine).
Psoralènes. Ils causent rarement une pigmentation de l'ongle et/ou
du lit ; voire une photo-onycholyse dont on peut distinguer cliniquement quatre variétés [14] : – la plus fréquente dessine un décollement d'aspect semi-lunaire, dont la convexité proximale nettement limitée est souvent cernée par une pigmentation foncée ; – une deuxième, en général monodactylique, est particulière par son encoche proximale, en chapeau de brioche, avec une limitation quasi circulaire ; – la troisième est médio-unguéale : elle se complique souvent de photohémorragies sous-unguéales ; – la dernière, rare, est bulleuse.
Mélanonychies longitudinales Une mélanonychie longitudinale (ML) est une pigmentation linéaire de la tablette et/ou du lit de l'ongle en rapport avec la production de pigment mélanique par un foyer de mélanocytes normaux ou non (fig. 15.8). Les mélanocytes matriciels sont quiescents chez les sujets de race blanche et les ML y sont inhabituelles (1 %). Les mélanonychies ethniques touchent 11 à 20 % des sujets de race jaune, 77 % des sujets de race noire âgés de 20 ans, allant jusqu'à 95 % à l'âge de 50 ans ; elles sont souvent multiples, de coloration plus ou moins foncée, de largeur variable, à bords rectilignes, elles apparaissent surtout dans les deux premières décennies.
Antimalariques. Ils sont à l'origine d'une pigmentation gris bleu
du lit.
Agents cytotoxiques. Peuvent être observées : mélanonychie en
bandes, surtout horizontales ; lunules bleues dans l'argyrie (métaux lourds) ; cyanose du lit par les sulfones, par exemple.
Syndrome xanthonychique ou syndrome des ongles jaunes (fig. 15.7) Ongles jaunes, lymphœdème, affections ORL ou bronchopulmonaires chroniques sont les principaux caractères du yellow nail syndrome. Le premier, et le plus spectaculaire, des symptômes, dans la majorité des cas, réside dans des modifications de l'appareil unguéal, chez un sujet d'âge moyen : arrêt ou fort ralentissement de la croissance unguéale, chromonychie jaune verdâtre, scléronychie
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Fig. 15.8 Mélanonychie longitudinale par hyperplasie mélanocytaire
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal La lésion pigmentée matricielle responsable de la mélanonychie longitudinale peut être en rapport avec une activation fonctionnelle des mélanocytes matriciels, une hyperplasie mélanocytaire typique ou atypique [16]. Un aspect de ML peut être donné par d'autres pigments. Un examen clinique approfondi parfois suivi d'un examen histologique redresse le diagnostic : hématome linéaire non migrateur ; infection fongique ou bactérienne (T. rubrum nigricans, Scytalidium dimidiatum, Proteus mirabilis), corps étranger sous-unguéal, hémosidérose.
Activation mélanocytaire. La majorité des ML observées cor-
respondent à une simple activation fonctionnelle mélanocytaire, d'autant plus fréquente que la peau du sujet est pigmentée, sous l'influence de divers facteurs :
– systémiques : grossesse, maladie générale (endocrinopathie, malnutrition, etc.), thérapeutique (prise médicamenteuse, chimiothérapie, radiothérapie, PUVAthérapie) ; – locorégionaux : processus inflammatoire local quelle que soit son origine (traumatisme, dermatose de localisation unguéale comme le lichen, l'amylose, tumeur comme la maladie de Bowen ou un carcinome) ; – frottement : friction des onychotillomanies avec atteinte fréquente et parfois symétrique des deux pouces, frottement des orteils dans les chaussures avec atteinte symétrique des parties latérales externes des 4e et 5e orteils, du gros orteil chevauché par le 2e orteil plus long que le 1er ; – anomalies du système pigmentaire comme le syndrome de PeutzJeghers-Touraine, la maladie de Laugier, cause de ML d'un ou de plusieurs doigts.
Hyperplasie mélanocytaire. D'autres ML correspondent à des pro-
liférations mélanocytaires bénignes (lentigo, nævus) ou malignes dont le diagnostic sera histologique, 80 % des ML de l'enfant correspondent à des lentigos ou à des nævus. Chez les noirs, l'appareil unguéal est un site de prédilection pour le mélanome ; la modification d'une bande considérée comme ethnique ou l'apparition d'une ML après la 5e ou 6e décennie incite à la méfiance surtout si elle s'élargit et devient noir jais.
Conduite à tenir Chez l'enfant, il faut insister sur l'extrême rareté du mélanome
unguéal (moins de 10 cas dans la littérature). La majorité des autres cas de mélanome publiés est discutable, n'étant fondés que sur deux critères : l'atypie cellulaire et le désordre architectural. Nous savons, par ailleurs, que les caractères histologiques sont insuffisants pour différencier un mélanome d'une hyperplasie mélanocytaire bénigne de l'enfant chez lequel existe l'éventualité d'une régression spontanée. Elle nous pousse vers une attitude attentiste, même en présence d'un signe de Hutchinson ou d'un microsigne de Hutchinson (cuticulaire). Elle permet d'espérer une régression, voire une disparition de la pigmentation dont la présence de globules le long des lignes mélaniques pourrait être un signe précurseur [17]. Toutefois l'atténuation progressive d'une mélanonychie longitudinale ne signifie pas que le nævus sous-jacent ait disparu, comme nous l'avons montré histologiquement [18]. De plus, on connaît quelques observations, sans doute rares, où l'évolution d'une mélanonychie longitudinale chez l'enfant, s'est traduite par un mélanome à l'âge adulte.
Chez l'adulte, après s'être assuré de la présence de mélanine devant une mélanonychie longitudinale, on vérifiera s'il existe sur les autres ongles une pigmentation identique. On déclinera ensuite l'abécédaire du mélanome de l'appareil unguéal (tableau 15.1).
Tableau 15.1 Abécédaire du mélanome de l'appareil unguéal A
Âge (pic 50-70 ans) Asiatiques, Africains, Afro-Américains
B
Bandes foncées ≥ 3 mm + bords irréguliers
C
Changements rapides (largeur proximale > distale)
D
Doigts-orteils (M1, P1, M2) surtout main dominante
E
Extension pigmentaire cutanée (signe de Hutchinson)
F
Antécédents familiaux, nævus dysplasiques
M1 : pouce (main) ; M2 : index (main) ; P1 : gros orteil (pied).
Mais ces critères utiles pour les mélanomes pigmentés ne le sont pas pour les variétés achromiques et leur valeur chez l'enfant est fortement discutée.
Dermoscopie. Elle sera d'un grand secours dans les cas typiques [19].
Elle examine le fond (mélanocytique ou non) la régularité des lignes longitudinales et des globules. À l'opposé, un patron au caractère malin se manifeste par la présence de lignes et de globules irréguliers ainsi que d'un bord flou des lignes. La dermoscopie du bord distal de la tablette [20] est très utile car la hauteur dorsale ou ventrale du pigment indique si l'origine matricielle de la bande est proximale (risque dystrophique non négligeable) ou au contraire distale si la pigmentation concerne les 2/3 inférieurs de l'ongle (risque dystrophique négligeable). En l'absence de certitude diagnostique, la biopsie est indispensable avec dermoscopie peropératoire [21].
Indications à l'exérèse. L'interrogatoire approfondi, un bon examen cutanéomuqueux et dermoscopique, le suivi sur quelques mois peuvent permettre d'affirmer la nature bénigne de la ou des ML. Dans le cas contraire, la règle est d'intervenir sur toute ML suspecte dans la crainte d'un mélanome in situ voire invasif. L'exérèse sera décidée en fonction de différents paramètres cliniques et anamnestiques complétés d'un examen dermoscopique. Les éléments cliniques incitant à l'exérèse concernent les patients à haut risque de mélanome (phototype clair, antécédent de mélanome, nævus multiples), la survenue pendant l'âge adulte, l'atteinte du pouce, de l'index ou du gros orteil, une coloration hétérochrome, un flou des bords, une destruction partielle ou totale de la lame unguéale, un débordement pigmentaire périunguéal ou signe de Hutchinson. Lorsque ce dernier est monodactylique, il est pathognomonique du diagnostic de mélanome, s'il accompagne une ulcération de l'appareil unguéal ou une tumeur exophytique. Mais une pigmentation périunguéale peut être observée au cours de diverses affections : nævus très pigmenté, maladie de Laugier, syndrome de Peutz-Jeghers-Touraine, sida, prise médicamenteuse (cyclines, AZT, etc.), radiothérapie. Certaines ML très foncées sont visibles par transparence à travers la cuticule et la partie distale du repli sus-unguéal (faux signe de Hutchinson). L'élément le plus important est l'évolutivité de la lésion au cours du temps, en particulier son élargissement. La dermoscopie des bandes pigmentées de l'ongle fournit des arguments suffisamment précis pour décider de l'indication impérieuse d'une biopsie. Après dermoscopie peropératoire, l'utilisation des immunomarquages anti-P16 ainsi que BAP-1 et K167, BRAF V600E, donnent un argument diagnostique supplémentaire. Malheureusement, ils ne tranchent pas définitivement entre l'aspect bénin et malin. La microscopie confocale est d'un apport majeur dans la détection peropératoire du mélanome [22]. Enfin, les techniques moléculaires (FISH : cycline D-1 et surtout CGH) nourrissent de grands espoirs dans un proche avenir. Histologie des lésions mélanocytaires de l'appareil unguéal. Elle est délicate : la distinction entre hyperplasie mélanocytaire typique à type de lentigo et nævus ou hyperplasie atypique est parfois difficile d'autant plus que différents aspects peuvent se succéder sur une même
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal lésion, d'où la nécessité de réaliser des coupes sériées sur la totalité de la lésion. La technique de l'exérèse de la ML dépendra de plusieurs facteurs : largeur de la bande, situation médiane ou latérale, siège matriciel proximal et/ou distal de la lésion pigmentée matricielle (pouvant être suspectée par une coloration de Fontana sur un fragment distal de la lame unguéale, la pigmentation des couches superficielles de la tablette signant l'origine matricielle proximale, la pigmentation des couches profondes, l'origine matricielle distale). La pièce sera orientée et l'anatomopathologiste prévenu du contexte et du type d'exérèse. L'histologie des lésions mélanocytaires est ardue et les chances d'aboutir à un diagnostic ne doivent pas être compromises par un manque d'information et une mauvaise prise en charge du fragment (coupe parallèle au grand axe de la ML).
Infections mycosiques (onychomycoses) et bactériennes Le terme de mycosique et bactérien indique l'intrication très fréquente d'une infection à un agent fongique et bactérien. C'est ainsi que les germes Gram– et le streptocoque jouent un rôle important dans les paronychies chroniques, candidosiques ou non. Il en va de même pour le staphylocoque doré responsable des poussées aiguës
qui émaillent l'évolution de ces paronychies. Il faut insister sur la fréquence du pyocyanique dans les onycholyses, qu'il marque de sa coloration verdâtre, résultant de sa diffusion pigmentaire (pyocyanine et fluorescéine). Alors que l'acide acétique à 2 % est efficace contre le Pseudomonas, l'hypochlorite de sodium (solution de Dakin®) supprime également sa coloration pathologique, mais non pas l'onycholyse : d'où l'intérêt de découper la zone pathologique afin de traiter correctement le lit unguéal.
Aspects cliniques Les infections mycosiques et bactériennes de l'appareil unguéal sont d'une extrême fréquence. Nous les avons groupées dans un but didactique en fonction de l'atteinte topographique (tableau 15.2 [23]). Mais avant tout, le pied d'athlète accompagne presque toujours une onychomycose. Il se présente sous cinq grandes formes : 1. type interorteils ; 2. type mocassin ; 3. type vésiculeux ; 4. type ulcéreux ; 5. variété asymptomatique révélée par le prélèvement mycologique, d'où la nécessité d'un traitement local adéquat.
Tableau 15.2 Infections mycosiques et bactériennes de l'ongle Principaux types cliniques
Siège
Examens mycologiques
Aspect clinique
L'hyperkératose sous-unguéale distale témoigne de l'invasion parasitaire de la couche cornée. Elle s'accompagne ultérieurement d'un décollement de la tablette (onycholyse secondaire). L'envahissement mycosique se fait progressivement vers la région proximale. Il est responsable, avec la flore microbienne variée, des teintes que l'on observe du jaune au marron ou au vert. Il existe de grandes variations dans l'intensité des lésions. L'onycholyse d'emblée est plus fréquente aux mains qu'aux pieds.
Variété distolatérale (fig 15 9) Onycholytique secondaire
Mains et pieds
T. rubrum T. interdigitale Epidermophyton floccosum
Onycholytique primitive
Mains et pieds
Candida albicans Candida parapsilosis Scopulariopsis brevicaulis Diphtéroïdes Pseudomonas
Paronychique
Pieds
Neoscytalidium dimidiatum
Dyschromique
Mains et pieds
Fusarium
Pieds
T. interdigitale (90 %)
Exceptionnelle aux doigts, elle se manifeste aux orteils sous forme de petits îlots blancs, opaques, à limites nettes. Ils intéressent progressivement toute la surface de l'ongle qui s'effrite au grattage à la curette.
Acremonium spp Aspergillus spp Fusarium spp Candida (chez l'enfant) T. rubrum (chez l'enfant)
La description de nouvelles variétés est importante pour la décision thérapeutique. Certaines apparaissant sous la cuticule, sous forme de taches ou encore de bandes transversales séparées par de l'ongle sain. D'autres sont secondairement profondes.
Variété superficielle Leuconychique
Mélanonychique
Pieds
Neoscytalidium dimidiatum T. rubrum nigricans
Variété sous-unguéale proximale Leuconychique
Paronychique
T. rubrum
Mains
Candida albicans
Mains et pieds
Fusarium spp Aspergillus
Les lésions apparaissent sous le repli proximal sous forme de zones blanches, initialement confinées dans la région lunulaire. Elles s'étendent ensuite vers la région distale de l'ongle dont elles occupent de larges surfaces. L'existence de formes polydactyliques, surtout chez les immunodéprimés, et des formes à type de leuconychie transversale à bande unique, ou multiple, séparées par de l'ongle sain posent le problème de l'existence de gîtes fongiques profonds. La paronychie chronique résulte le plus souvent d'une maladie professionnelle (p. ex. barmaid, etc.). Elle débute sur un repli latéral, par un œdème rouge peu douloureux qui gagne progressivement la région postérieure. Après plusieurs mois, les replis dessinent un coussinet semi-circulaire enserrant la base de l'ongle. Ce bourrelet inflammatoire est sensible, décollé et rétracté. Son expression livre une gouttelette purulente où Candida albicans est l'agent pathogène habituel au milieu de germes intestinaux. La présence de staphylocoques dorés explique la fréquence des épisodes aigus. En l'absence de traitement, la tablette apparaît ciselée de sillons brefs, horizontaux, rapprochés, parallèles, le long d'une bande brunâtre longeant verticalement un des bords latéraux, parfois décollé.
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Mains et pieds
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal Tableau 15.2 (suite) Principaux types cliniques
Siège
Examens mycologiques
Aspect clinique
Mains
T. soudanense T. violaceum
Le champignon pénètre dans la kératine du bord libre en épargnant le lit unguéal.
Variété endonyx Leuconychique
Onychomycodystrophie totale Secondaire
Mains et pieds
Dermatophytes, levures et moisissures
La forme secondaire est l'aboutissement obligatoire et lointain de toutes les variétés précédentes. La tablette, d'abord épaissie, devient friable et finit par disparaître à la suite d'un traumatisme, même léger.
Primitive (granulome candidosique) ou candidose cutanéomuqueuse chronique
Mains et pieds
Candida albicans
En cas de déficit immunitaire, l'invasion fongique touche tous les tissus unguéaux d'emblée. L'ongle est parfois très épais, l'envahissement périunguéal et la réaction inflammatoire dermique expliquent l'aspect pseudo-hippocratique.
Traitement Pour être efficaces, les traitements curatifs doivent tenir compte de plusieurs paramètres tels que l'âge, les caractères de l'ongle mycosique, la nature du champignon, le nombre d'ongles atteints et leur siège. Ces traitements peuvent être répartis en trois grands groupes : les antifongiques systémiques, les dispositifs antifongiques transunguéaux, les avulsions.
Antifongiques systémiques Les traitements doivent obéir à des règles impératives concernant leur durée, leur tolérance et leur coût. Ils doivent donc être courts : une possibilité offerte par les antimycosiques récents qui diffusent dans la face ventrale de la tablette par l'intermédiaire du lit, et se retrouvent en quelques jours au bord libre de l'ongle. De plus, le caractère kératinophile de ces molécules explique leur caractère rémanent dont tiendra compte notre attitude thérapeutique. Les ongles resteront cliniquement dystrophiques jusqu'à l'élimination de la kératine pathologique, ce qui explique sa durée variable, fonction de la hauteur de la pénétration proximale du champignon.
Terbinafine. Contrairement aux imidazolés, la terbinafine est une Fig. 15.9 Onychomycose : forme distolatérale
Diagnostic Avant toute décision thérapeutique, on effectuera un prélèvement unguéal à la jonction ongle sain – ongle pathologique pour examen direct et culture. S'ils sont négatifs, dans environ un tiers des cas, il faut les répéter et les associer à l'examen histomycologique d'un fragment de kératine pathologique coloré au PAS. Idéalement, ce prélèvement entame discrètement l'hyponychium sous-jacent. Sous anesthésie locale, une biopsie à l'emporte-pièce de 3 ou 4 mm de diamètre, selon la surface de la tablette, à l'exclusion des tissus qu'elle surmonte, est un geste nécessaire au diagnostic précoce des formes sous-unguéales proximales. Elle peut être remplacée par un découpage tangentiel de la tablette au bistouri, jusqu'aux couches profondes pathologiques. L'histologie met en évidence la pénétration du parasite dans la kératine unguéale et/ou hyponychiale. En effet, l'intégrité anatomopathologique de l'hyponychium indique que les champignons non dermatophytiques découverts en culture ne sont que des saprophytes. À l'opposé, l'envahissement de la kératine hyponychiale redresse les résultats faussement négatifs de la culture quand les dermatophytes ont perdu leur vitalité. Le diagnostic final repose sur la confrontation clinique et myco logique, voire histologique, dans les cas les plus difficiles. La PCR qui permet d'obtenir un diagnostic mycologique en trois jours est certainement un examen de première importance.
allylamine fongicide sur les dermatophytes. En France, elle possède l'AMM pour le traitement des onychomycoses provoquées par des dermatophytes.
Itraconazole. Le traitement est efficace contre les dermatophyties,
les candidoses et fusarioses. Il entraîne une accélération de la croissance unguéale. Des interactions médicamenteuses propres à cette molécule sont nombreuses.
Fluconazole. Son activité anticandidosique ne doit pas faire oublier
son efficacité à l'égard des dermatophytes. La possibilité d'utiliser un traitement à la dose unique de 150 à 300 mg répétée chaque semaine en fait une médication intéressante chez les malades polymédicamentés. Il accélère également la pousse unguéale.
Dispositifs antifongiques transunguéaux La mise au point de solutions filmogènes a remis à l'honneur les traitements topiques antimycosiques : – le ciclopirox d'application quotidienne ou sa forme hydrosoluble associée au chitosan avec la même fréquence au coucher ; – l'amorolfine à 5 % à raison d'une application/semaine. Le double inconvénient d'une monothérapie par solution filmogène tient dans sa limitation aux atteintes non lunulaires et dans la durée du traitement : 4 à 6 mois aux mains, 6 à 12 mois, voire plus aux gros orteils. Elle présente un avantage certain : facilité et innocuité. De nouvelles molécules bientôt sur le marché, telles que l'éficonazole et le tavaborol par exemple, paraissent d'une efficacité égale, sinon supérieure.
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Maladies de l'appareil unguéal Avulsions et kératolyse chimio-antifongique L'avulsion chirurgicale complète, bien que séduisante, est certainement à éviter, ne serait-ce qu'à cause du risque ultérieur d'incarnation distale. En revanche, nous sommes partisans d'une avulsion chirurgicale partielle, geste simple et rapide qui supprime le foyer pathologique dans les formes limitées, tout en permettant à la tablette restante de jouer son rôle de contrepression pulpaire. Elle est indispensable en présence d'un dermatophytome (hyperkératose compacte imprégnée de champignons). La mauvaise réputation dont jouissent les interventions relatives à l'ongle a fait de la kératolyse chimio-antifongique l'héritière logique de la méthode précédente. L'association bifonazole-urée à ou l'urée simple à 40 % permet de décoller électivement la portion pathologique de la tablette tout en respectant les attaches de l'ongle sain. Il suffit alors de procéder au découpage de la kératine mycosique, de nettoyer le lit en traitant quotidiennement la région pendant 2 mois avec un imidazolé. Un double écueil réside toutefois dans le caractère fastidieux du traitement des formes polydactyliques et des onychomycoses proximales.
Conduite pratique Chez l'adulte sain. Il existe trois pièges thérapeutiques qui dimi-
nuent à la fois l'efficacité des traitements systémiques et celle des dispositifs transunguéaux : – l'onycholyse empêche la diffusion des substances antifongiques systémiques dans la tablette par l'intermédiaire du lit, elles n'atteindront la kératine unguéale qu'à travers la matrice. Il faut donc découper la portion unguéale détachée du lit ; – l'onychomycose des bords latéraux de la tablette unguéale nous ramène au cas de figure précédent, puisque les bords latéraux sont anatomiquement sans attache intime avec les gouttières latérales ; – le dermatophytome nommé plus haut rend la pénétration des principes actifs aléatoire.
On peut en tirer l'enseignement suivant : une onychomycose touchant moins des deux tiers distaux sans être accompagnée de l'une des trois associations mentionnées ci-dessus peut tirer parti d'un traitement simple par application de solutions filmogènes ou d'une kératolyse chimio-antifongique. Une onychomycose envahissant la région proximale ou les bords latéraux, ou encore s'accompagnant d'une onycholyse, mérite un traitement systémique, associé selon les cas aux vernis antifongiques et/ou à la kératinolyse chimio-antifongique. Concernant la nature du champignon, la terbinafine est opposée avec efficacité sur les dermatophytes. Les difficultés commencent avec les candidoses unguéales, la terbinafine paraissant plus efficace envers Candida parapsilosis qu'à l'égard de Candida albicans. Comme l'itraconazole n'est délivré en France qu'en milieu hospitalier, le choix se limite au fluconazole. Enfin, il existe un problème délicat, celui des moisissures. Elles sont rarement sensibles aux agents systémiques, malgré des succès anecdotiques, et bénéficient souvent des dispositifs transunguéaux ou de la kératinolyse chimio-antifongique (qu'il convient parfois de répéter), ou encore d'une avulsion chirurgicale partielle ou totale (aux doigts), suivie d'un traitement topique par amphotéricine B accompagné, éventuellement, d'un traitement systémique à l'itraconazole ou par terbinafine 500 mg/j, une semaine/ mois pendant 3 mois en présence d'Aspergillus spp. Les moisissures de traitement difficile requièrent des associations
thérapeutiques. Si les dispositifs antifongiques transunguéaux méritent d'être utilisés au cours d'un traitement initial chez l'enfant, dont les ongles sont minces, l'adulte doit bénéficier d'associations thérapeutiques locales, systémiques et « mécaniques » pour réduire au maximum la durée du traitement.
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La plupart des traitements antifongiques agissent sur le méta bolisme des stérols. Il paraît donc souhaitable d'atteindre simultanément des cibles différentes.
Chez le sujet âgé. Le sujet âgé doit accéder à un statut personnalisé, fonction de la demande, de son état physique, du siège de l'atteinte (doigts et/ou orteils) des pathologies (parfois multiples) et des caractères particuliers de son onychomycose (tendance à l'onychogryphose) sur un terrain souvent ischémique. Le patient en bonne condition physique et prenant soin de sa personne n'a pas une demande différente de celle de malades plus jeunes. Toutefois, il faut considérer différemment les mains et les pieds, ces derniers méritant moins de soins pharmacologiques que les mains mais sans doute plus d'attention de la part du pédicure dont le concours nous paraît essentiel. Il pourra traiter plus spécialement les hyperplasies unguéales par abrasion répétée à l'aide d'un instrument rotatif. Dans la catégorie des malades polymédicamentés, la plupart des cliniciens ont la sagesse de refuser une extension de la panoplie médicamenteuse. Si la demande est suffisamment forte pour céder à la pression du patient et des siens, la terbinafine (1 semaine/mois) et le fluconazole à prise unique hebdomadaire (150 à 300 mg) nous paraissent de prescription acceptable. En dehors de telles exceptions, le traitement chez ces sujets se résume à des soins locaux, en particulier la kératinolyse chimio-antifongique qui ne risque pas de léser un orteil artéritique. Chez l'enfant. En France, la terbinafine n'a pas obtenu l'AMM dans
le traitement des onychomycoses de l'enfant. Toutefois, comme chez l'adulte, on pourrait préconiser la terbinafine pendant 6 semaines dans l'onychomycose des mains et 3 mois dans celle des pieds, à raison de 250 mg/j lorsque le poids excède 40 kg, 125 mg/j lorsqu'il se situe entre 20 et 40 kg, enfin 62,5 mg/j lorsqu'il est inférieur à 20 kg (tableau 15.3).
Tableau 15.3 Traitement des onychomycoses infantiles Agent antifongique Terbinafine
Posologie Traitement en continu
Orteils : 12 semaines ; mains : 6 semaines
< 20 kg
½ cp (62,5 mg)/j
20-40 kg
½ cp 125 mg/j
> 40 kg
1 cp (250 mg)/j
Traitement intermittent : 1 semaine avec traitement/3 semaines sans
Orteils : 3 traitements intermittents ; mains : 2 traitements intermittents
10-20 kg
50 mg 1 j/2
20-30 kg
100 mg/j
30-40 kg
100 mg le 1er jour, 200 mg le lendemain
> 50 kg
200 mg 2 fois/j
Itraconazole (solution orale)
Traitement intermittent
Orteils : 3 traitements intermittents ; mains : 2 traitements intermittents 3-5 mg/kg/j
Fluconazole
Traitement intermittent
Orteils : 26 semaines ; mains : 26 semaines 3-6 mg/kg × 1/semaine
Traitement intermittent
1 fois/j, 1 semaine/mois, aussi longtemps que nécessaire
Itraconazole (gélules)
Ce tableau est un simple guide.
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal Cas particuliers Quatre variétés cliniques méritent une mention spéciale.
L'onycholyse primitive exige le découpage de la tablette. Lorsqu'elle est candidosique, un traitement local par les topiques traditionnels (imidazolés ou ciclopiroxolamine) s'avère suffisant. La paronychie chronique est habituellement une pathologie féminine considérée aujourd'hui comme une réaction immunologique par sensibilisation aux protéines. En réalité, elle s'observe au cours de la manipulation de nombreux aliments. La candidose, parfois rencontrée, paraît habituellement secondaire. Le traitement vise à supprimer l'inflammation du bourrelet avec des corticoïdes locaux associés à un anticandidosique. La corticothérapie en injections intralésionnelles aurait des succès à son actif. Le vernis à l'amorolfine à 5 % se serait montré efficace dans les paronychies candidosiques chez 90 % des sujets traités, malgré l'atteinte de la région matricielle. L'éviction stricte des contacts avec l'eau, les produits alimentaires humides, est indispensable à la guérison (port de deux paires de gants, coton plus caoutchouc). La paronychie à fusariose peut entraîner une inflammation, voire
un abcès périunguéal des tissus de la région. Comme les autres moisissures, elle bénéficie d'une cure topique d'amphotéricine B associée ou non à une avulsion.
La candidose cutanéomuqueuse chronique (CCMC) est un syn-
drome qui habituellement apparaît chez l'enfant ou l'adolescent et rechute en dépit du traitement. Une infection dermatophytique associée peut survenir chez ces malades.
Prophylaxie des rechutes Actuellement, on évalue les rechutes à 10-12 % environ, un an après la fin d'un traitement systémique. Lorsqu'on se souvient que les onychomycoses à dermatophytes sont précédées d'une atteinte cutanée plantaire ou pulpaire, et qu'il existe une prédisposition génétique autosomique dominante pour T. rubrum, on conçoit la nécessité d'un traitement préventif. Ce traitement d'entretien, double, s'adresse aux plantes et aux espaces des orteils avec les topiques antifongiques classiques ou modernes (terbinafine à 1 %, amorolfine à 0,25 %) et utilise les dispositifs antifongiques transunguéaux 2 fois/mois sans limite de durée.
Toxicité des traitements systémiques anticancéreux sur l'appareil unguéal [24] La toxicité peut être induite par les chimiothérapies ou par les thérapies ciblées.
Complications unguéales par toxicité chimioinduite (tableau 15.4) Tableau 15.4 Complications unguéales par toxicité chimio-induite Origine des effets indésirables Matrice unguéale
Lit unguéal
Replis périunguéaux
Signes – Lignes de Beau suivies parfois d'onychomadèse – Fragilité unguéale (pousse ralentie, amincissement des ongles) – Leuconychie vraie, transversale, unique ou multiple – Mélanonychie longitudinale, transversale ou diffuse – Onycholyse hémorragique ou non – Douleur intense d'origine hémorragique (taxanes) – Leuconychie apparente – Paronychie (surtout par taxanes) – Pseudo-granulome pyogénique
Elles concernent en particulier les antimétabolites, les antimitotiques, les agents alkylants, les inhibiteurs de topo-isomérase. – L'origine des agents responsables est riche ; nous citerons : bléomycine, cyclophosphamide, doxorubicine, hydroxyurée, méthotrexate. – Une pigmentation orangée s'observe, après résorption sanguine de l'hématome sous-unguéal par pression, après taxanes, capécitabine, cisplatine. – Des leuconychies transversales se rencontrent après cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, mais également par electron beam et radiothérapie.
Effets indésirables des thérapies ciblées anticancéreuses On les groupe sous le nom d'agents inhibiteurs du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFRI). Parmi les principaux motifs de consultation concernant l'appareil unguéal au cours des thérapies ciblées, on retrouve (tableau 15.5) : – fragilité unguéale avec amincissement de la tablette, rarement épaississement ; – douleurs unguéales, principalement à l'extrémité des doigts, mais avec une prédilection pour les gros orteils ; elles s'accompagnent habituellement de paronychies, de pseudo-granulomes pyogéniques et même d'abcès périunguéaux ; – érythème périunguéal, pieds rouges et chauds, parfois œdématiés, sensation de piqûres douloureuses avec œdème bilatéral très sensible des paumes et parfois des plantes, souvent associés à un érythème (syndrome main-pied) ; – dyschromie unguéale (mélanonychie, xanthonychie, leuconychie) ; – xérose, pulpites et fissures.
Tableau 15.5 Échelle d'évaluation des effets indésirables des thérapies ciblées [25] Légers – Grade 1
Modérés – Grade 2
Importants – Grade 3
Altérations unguéales
Onycholyse ou accentuation du relief des lignes longitudinales ou sillons transversaux Absence de douleur
Onycholyse avec douleur légère à modérée, toute atteinte susceptible d'interférer avec des activités de la vie quotidienne (AVQ)
Atteintes unguéales susceptibles d'interférer avec l'autonomie du patient (AP)
Altérations des replis unguéaux
Déchirure ou absence de cuticule ou érythème des replis
Érythème sensible ou douloureux ou toute lésion des replis interférant avec l'AVQ
Abcès périunguéal ou atteintes interférant avec l'AP
Altération de l'extrémité de la dernière phalange
Xérose et/ou érythème indolore
Xérose et/ou érythème avec douleur légère à modérée ou piqûres ou fissures ou toute lésion de l'extrémité interférant avec l'AVQ
Lésions interférant avec l'AP
Effets indésirables
AVQ : comprend la préparation des repas, les achats au marché, la manipulation de la monnaie, etc. AP : comporte la toilette, l'habillage et le déshabillage, le besoin d'une aide pour s'alimenter, utiliser les toilettes, faire son traitement, mais sans astreinte au lit.
Paronychie, pseudo-granulome pyogénique, abcès périunguéal Il faut considérer tout facteur traumatique, non pas comme la cause, mais plutôt comme l'aggravation de la paronychie. La douleur peut
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal être intense et entraîner une limitation fonctionnelle du sujet avec un fort impact sur la qualité de vie. Le gros orteil est couramment atteint, mais la localisation digitale peut conduire à une détérioration fonctionnelle des activités quotidiennes. L'application fréquente de vaseline dans la région périunguéale est importante dans la prévention de l'infection. À la longue, toutefois, les patients peuvent présenter une surinfection par staphylocoque doré resistant à la méthicilline, entérocoques et Pseudomonas ou encore Candida spp, ce qui exige une culture au moindre doute, afin de traiter l'inflammation d'un granulome pyogénique, un abcès périunguéal ou une paronychie aiguë par antibiothérapie systémique appropriée (céphalosporines, fluoroquinolones, en particulier en présence d'une infection à germes Gram négatifs) pour éviter un érysipèle, un panaris profond ou un phlegmon des gaines tendineuses. Certains auteurs plaident pour un traitement empirique des paronychies avec en plus des céphalosporines, ciprofloxacine, lévofloxamine, moxifloxamine, tandis que d'autres préconisent un traitement antibiotique en fonction de la présentation clinique (écoulement abondant ou purulent) et toujours adapté au prélèvement bactériologique, au cours des dommages occasionnés par les inhibiteurs de mTOR. Le traitement de la paronychie dépend, en réalité, de sa gravité. De nombreuses communications isolées font état de l'efficacité d'antibiotiques locaux (acide fusidique, mupirocine, tea tree oil [Melaleuca alternifolia] qui est un antiseptique naturel) ou encore des inhibiteurs de la calcineurine. Des massages à l'adaptalène semblent un apport intéressant. Les effets indésirables des thérapies ciblées anticancéreuses sont plus fréquents que ceux de la chimiothérapie classique, sur les tissus périunguéaux, en dehors des taxanes. Toutefois, ils peuvent régresser assez rapidement à l'arrêt du traitement, ou après concession posologique. Ces complications méritent d'être classées selon une échelle d'évaluation qui doit permettre de traiter chaque patient de la façon la plus adéquate, en fonction de l'importance des manifestations toxiques et de satisfaire, ainsi, les impératifs qui leur sont inhérents.
cuticule et le repli sus-unguéal, entraînant de multiples lignes transversales successives médianes n'occupant pas toute la largeur de la tablette unguéale, parfois grisâtres car incrustées de poussières, pouvant creuser une dépression longitudinale médiane ; la cuticule est fragmentaire ou absente. Le repli sus-unguéal peut être érythémateux, irrité, œdémateux et la surface de la lunule est augmentée.
La dystrophie canaliforme de Heller (fig. 15.10) est plus rare et
plus souvent localisée sur un pouce, ou les deux, caractérisée cliniquement par une fissure médiane ; la tablette unguéale de part et d'autre de la fissure est surélevée et ornée de courtes lignes transversales donnant un aspect en « sapin de Noël ». Le tic à l'origine de la dystrophie consiste vraisemblablement en une pression d'un autre doigt sur la base de l'ongle où la kératine est encore souple. Le repli sus-unguéal est sain mais la lunule habituellement de grande taille.
Fig. 15.10 Dystrophie canaliforme de Heller L'onychophagie est plus fréquente chez l'enfant où la partie distale
Anomalies unguéales d'origine traumatique
des lames peut être rongée jusqu'à découvrir l'hyponychium, voire le lit unguéal, donnant un aspect de brachyonychie, avec parfois extrémité en baguette de tambour.
Traumatismes répétés des doigts
L'onychotillomanie du repli sus-unguéal, frottement répété de la
Les dystrophies unguéales d'origine traumatique des ongles des mains comprennent les dystrophies induites par des manucuries abusives et les onychotillomanies.
Dystrophies par manucurie Le refoulement excessif des cuticules au cours des manucuries peut être responsable de périonyxis inflammatoire et de disparition de la cuticule, d'anomalies de surface de la lame unguéale avec leuconychies ou lignes transversales successives. Le passage de la lime sous la tablette pour nettoyer l'espace sous-unguéal peut entraîner une onycholyse de coloration blanche, à contours bien réguliers ou « en montagnes russes » ; après découpe de la lame, le lit sous-jacent apparaît sain. L'arrêt des gestes agressifs, l'éviction des contacts avec l'eau et le découpage répété des lames décollées en cas d'onycholyse entraînent la guérison.
Onychotillomanies Elles sont générées par un, ou plusieurs, gestes répétitifs inconscients (tic), ou conscients, source de satisfaction telle pour le patient qu'elle le pousse à le répéter (geste compulsif). Elles doivent être connues car elles représentent un motif très fréquent de consultation en pathologie unguéale, d'autant plus qu'elles peuvent prendre le masque d'une autre affection : la cause de l'onychopathie est le plus souvent méconnue par le patient. Les principales formes rencontrées sont les suivantes.
Le refoulement maniaque de la cuticule touche le plus souvent un pouce ou les deux, l'index ou le majeur refoulant régulièrement la
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pulpe d'un doigt sur le repli sus-unguéal des doigts voisins, engendre des lignes de Beau ou des irrégularités transversales de la surface des tablettes unguéales concernées. De multiples traumatismes par mordillements et/ou par les autres doigts entraînent un périonyxis squameux, croûteux ou pseudo-verruqueux. On constate également des excoriations par arrachement de petits fragments cornés (envies), parfois suivies d'une dystrophie de la tablette unguéale, secondaire aux poussées de périonyxis : lignes transversales, onychomadèse, irrégularité de la surface, hémorragies filiformes. Un ou plusieurs ongles peuvent être touchés, sinon tous. La dystrophie prédomine sur les premiers doigts, pouvant respecter les deux derniers.
L'onychotillomanie des lames unguéales s'explique par des mor-
dillements répétés, et/ou des frottements ou encore une pression des doigts entraînant une déformation convexe ou concave des tablettes. Parfois, elles sont laminées, usées, fissurées longitudinalement et même arrachées jusqu'à destruction totale ; l'affection peut ressembler à un lichen avec ptérygion. Les hémorragies sous-unguéales ne sont pas rares.
Diagnostic Les trois dernières variétés peuvent s'associer, formant des dystrophies unguéales complexes. La grande taille des lunules est un bon marqueur d'onychotillomanie. Chez certains sujets, l'onychotillomanie peut s'accompagner de mélanonychie de friction par simple activation mélanocytaire, surtout au pouce et à l'index, plus rarement au majeur, pouvant faire craindre un mélanome lorsque l'onychotillo-
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Maladies de l'appareil unguéal manie monodactylique a détruit et pigmenté l'appareil unguéal. Il faut enfin avoir à l'esprit que certaines onychotillomanies sont secondaires à une dystrophie unguéale préexistante (p. ex. post-traumatique ou psoriasis) et modifient donc la symptomatologie de l'affection. Un test thérapeutique (occlusion de quelques semaines) permet alors de confirmer l'onychotillomanie surajoutée. Dans certains cas, l'onychotillomanie secondaire est susceptible d'aggraver l'onychopathie préexistante par un phénomène de Koebner (psoriasis).
Traitement Il repose sur le port prolongé de pansements occlusifs (de couleur chair) sur les doigts atteints ; il est de réalisation simple en cas de refoulement de la cuticule, de dystrophie canaliforme de Heller, d'onychotillomanie plus complexe paucidigitale. Le pansement permet au patient de prendre conscience du tic. En cas d'atteinte de tous les doigts, on peut proposer la méthode des pansements tournants, visant à guérir certains ongles d'abord, en espérant en guérir d'autres dans un deuxième temps, et en comptant sur la volonté du malade pour ne pas endommager à nouveau des ongles ayant repris un aspect esthétique normal. L'utilisation de produits répulsifs en applications locales comme la clindamycine topique, de goût désagréable, est proposée dans les onychophagies ; son efficacité est inconstante. Dans les formes sévères, récalcitrantes, un traitement neuroleptique systémique court peut être proposé (fluoxétine).
Traumatismes répétés des gros orteils Différentes dystrophies unguéales sont en rapport avec les microtraumatismes répétés infligés aux ongles des orteils ; elles sont souvent prises à tort pour une onychomycose. Les traumatismes sont favorisés par les troubles de la statique plantaire, les déformations des pieds et des orteils acquises au cours de la vie (hallux valgus, rigidus ou erectus, orteils en marteau, chevauchement d'orteils, rotation externe du 5e orteil) ; le port de chaussures étroites, à talons hauts, est un facteur favorisant, expliquant la prépondérance féminine des lésions. On observe les formes suivantes : – une onycholyse, latérale externe du gros orteil par chevauchement du 2e orteil plus long. On constate parfois la présence d'un hématome triangulaire, bilatéral, signant le traumatisme. Le lit est généralement sain après découpage, toutefois, il n'est pas exceptionnel de constater l'existence d'un granulome pyogénique associé à un hallux erectus ; – une hyperkératose sous-unguéale d'origine traumatique, blanche ou jaune pâle, plus compacte et moins friable que l'hyperkératose sous-unguéale mycosique poudreuse jaune orangée ; elle est soit diffuse, soit circonscrite et douloureuse prenant l'aspect d'un cor sous-unguéal. L'examen clinique permet souvent de retrouver la cause du frottement, 2e orteil en marteau et plus long que le 1er par exemple ; – un kératome, ou cor sous-unguéal, se manifestant par une douleur exquise à la pression, lors de la marche ou sous le poids du drap et par une petite onycholyse distale de coloration brune en raison de microhémorragies. La découpe de la tablette permet de mettre la lésion kératosique circonscrite en évidence et de la décaper, soulageant la douleur. Le kératome, souvent situé sous l'ongle du gros orteil, complique fréquemment un hallux erectus par frottement de la partie distale de la lame contre le toit de la chaussure. Le traitement est podologique et doit supprimer le frottement responsable (conseils de chaussage, orthoplastie, baguettes de résine posées sur la lame, de part et d'autre du kératome) ; – une onychophose, hyperkératose douloureuse du fond d'un repli latéral par le frottement répété de la lame, qui mérite un traitement podologique ; – des hématomes sous-unguéaux, des sillons transversaux multiples, une onychomadèse, témoignant de traumatismes matriciels répétés ; – une hypercourbure transversale de la lame (« ongle en pince »), fréquente au gros orteil avec pincement du lit unguéal, incarnation
latérale parfois compliquée de botriomycome, de surinfection ; elle fera rechercher une hyperostose dorsale de la houppe phalangienne à réséquer en cas de décision thérapeutique chirurgicale d'un ongle en pince douloureux. À un stade précoce, la pose d'une orthonyxie (agrafe métallique) peut corriger la déformation. L'aspect en pince peut également s'observer au niveau des petits orteils. La compression dans la chaussure et les déformations osseuses dégénératives jouent un rôle majeur dans la genèse de ces déformations ; – une onychogrypose (onychogryphose), qui atteint surtout les gros orteils. La lame unguéale brunâtre, pachyonychique, barrée de multiples sillons transversaux, dévie vers l'extérieur, se recourbe, prenant l'aspect d'une griffe. Plusieurs facteurs étiologiques peuvent s'associer : notion de traumatisme antérieur, microtraumatismes répétés et troubles de la statique plantaire, troubles circulatoires, neuropathie périphérique, absence de soins (coupe régulière des ongles), onychomycose surajoutée. Le traitement s'adresse au meulage ou à l'avulsion unguéale chimique suivie de soins adaptés. Le traitement radical consiste en une destruction chirurgicale ou une phénolisation du lit et de la matrice. Ces dystrophies unguéales peuvent être invalidantes par les douleurs qu'elles provoquent, les difficultés du port de la chaussure, la gêne à la marche, mais aussi par les complications infectieuses gravissimes qu'elles peuvent produire chez certains patients diabétiques et/ou artéritiques (nécroses, gangrènes, porte d'entrée infectieuse). Ces dystrophies risquent de se compliquer de surinfection fongique à dermatophytes et, surtout, à moisissures (Scopulariopsis brevicaulis, Fusarium) qui parasitent volontiers l'ongle du gros orteil déjà dystrophique. En cas de surinfection fongique, un prélèvement mycologique est indispensable, aucun traitement ne devant être instauré sans certitude diagnostique. Quelle que soit la dystrophie, le choix des chaussures est fondamental après examen des troubles de la statique plantaire au podoscope (chaussures adaptées, semelles, etc.). Un meulage régulier des lames épaissies assure un meilleur confort au patient. Certaines de ces dystrophies s'observent également chez les sportifs (sports où le pied vient buter régulièrement contre l'extrémité de la chaussure). Hématomes sous-unguéaux à répétition, épisodes d'onychomadèse avec onychoptose à répétition, hyperkératose sous-unguéale en sont la complication. La prophylaxie passe donc avant tout par un chaussage approprié.
Verrues Les verrues vulgaires sont causées par différents types de papillomavirus ou HPV. Ce sont des tumeurs bénignes légèrement contagieuses. Leur nature est fibroépithéliale, leur surface kératosique et rugueuse. Elles siègent fréquemment sur le bord du repli sus-unguéal. D'une façon générale, les verrues périunguéales sont asymptomatiques, bien que leur fissuration les rende douloureuses. La présence d'une dépression longitudinale de la tablette est rare par compression matricielle. Une pseudo-paronychie s'explique par une atteinte de la face profonde du repli sus-unguéal. Les sujets atteints de verrues périunguéales sont souvent onychophages, malmènent les petites envies périunguéales et arrachent parfois quelques fragments de kératine unguéale. Tous ces gestes favorisent la diffusion des verrues et les rendent résistantes au traitement. Les verrues sous-unguéales sont douloureuses. L'envahissement se fait par l'hyponychium, puis elles gagnent le lit avant de soulever la tablette. Le diagnostic différentiel élimine une onychophose du repli latéral des orteils, une tumeur filamenteuse, des végétations sous-unguéales de l'amylose, un cor sous-unguéal. Les lésions verruqueuses chroniques au-delà de la quarantaine exigent une biopsie à la recherche d'une maladie de Bowen.
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Maladies de l'appareil unguéal Certaines verrues étant considérées comme responsables de lésions osseuses sous-jacentes, il peut être délicat de les différencier d'un kératoacanthome dont la régression n'est pas courante dans cette région, ou même d'un carcinome épidermoïde. Le traitement peut être frustrant. La bléopuncture utilise un vaccinostyle pour introduire du sulfate de bléomycine (1 mg/mL de sérum physiologique). Ce traitement particulièrement efficace peut entraîner des réactions vasomotrices à type de phénome de Raynaud, d'où son interdiction chez l'enfant. La cryothérapie, fort désagréable, doit faire place au laser à colorant pulsé. Les guérisons magiques, certes troublantes, existent bien…
macrogol 400 tamponné à 0,25 % sont bénéfiques à condition d'être répétées à deux ou trois reprises à 2 mois d'intervalle.
Exostose sous-unguéale C'est une tumeur ostéocartilagineuse se développant à partir de la phalange distale, le plus souvent du gros orteil (fig. 15.11), mais elle peut atteindre les doigts. Bien que de nombreux auteurs distinguent l'exostose sous-unguéale de l'ostéochondrome, certains préfèrent les regrouper. Si la nature de l'exostose reste inconnue, l'hypothèse d'un processus réactionnel plutôt que tumoral est probable.
Affections relevant de la chirurgie unguéale Biopsie unguéale Elle exige une parfaite connaissance des différentes techniques et de leurs indications [26]. La biopsie peut s'effectuer à l'aide d'un emporte-pièce de 3 mm de diamètre dans la région matricielle après relèvement du repli postérieur et de la partie proximale de la tablette, et de 4 mm dans le lit, avec ou sans avulsion unguéale partielle préalable. Elle ne laisse pas de séquelle dystrophique. La biopsie latéro-longitudinale intéresse toute la longueur de l'ongle et les tissus sus- et sous-unguéaux correspondants, y compris la corne latérale de la matrice. Elle permet d'obtenir des indications évolutives sur plusieurs mois de croissance. Il en résulte, toutefois, un ongle plus étroit. Récemment, on a préconisé dans les mélanonychies longitudinales une coupe tangentielle (shaving) de la zone matricielle, à l'origine de la bande.
Tumeurs de l'appareil unguéal Elles peuvent être de diagnostic évident : verrues, pseudo-kystes mucoïdes, ou au contraire malaisé : mélanomes achromiques, maladie de Bowen qui sont loin d'être exceptionnels [27]. Toute lésion suspecte ou simplement traînante exige une radiographie et une biopsie-exérèse (entre des mains compétentes) pour identifier une néoformation de la région dont les caractères cliniques se résument le plus souvent à des modifications de la coloration, une déformation de l'ongle, enfin à sa disparition complète ou partielle. L'IRM peut être une source d'informations importantes.
Pseudo-kystes mucoïdes Ils entraînent habituellement une déformation de l'appareil unguéal qu'explique une communication entre la tumeur et l'articulation interphalangienne distale, sur fond d'ostéoarthrite. Typiquement, la lésion siège dans le repli sus-unguéal, où elle est asymptomatique, de consistance molle ou ferme, kystique ou fluente. Elle peut être déprimée ou en dôme à surface lisse. La tumeur comprime la matrice, imprimant une dépression à bords parallèles, parcourant toute la longueur de l'ongle et dont la largeur est fonction de la dimension de la tumeur. Lorsque l'extension kystique siège entre la matrice et le périoste, l'ongle apparaît dystrophique, parfois plicaturé sur un bord latéral et souvent rouge foncé dans la région lunulaire. Le percement de la tumeur visible avec une aiguille stérile livre un liquide clair, gélatiniforme. Une IRM a montré l'existence d'une troisième variété située dans le repli sus-unguéal sans connexion avec l'articulation (véritable dégénérescence myxoïde des tissus). Parmi les multiples traitements proposés, les plus efficaces sont chirurgicaux : suppression des ostéophytes de la région articulaire mais surtout ligature de la communication reliant la tumeur à l'articulation, sans en faire nécessairement l'exérèse. Dans certains cas, après avoir vidé la lésion kystique, des injections sclérosantes utilisant notamment 2 à 3/10e de mL de lauro-
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Fig. 15.11 Exostose sous-unguéale : aspect clinique et radiographique La plupart des patients sont des adolescents ou des adultes jeunes. Un traumatisme est retrouvé dans moins d'un quart des cas. La douleur est variable, mais n'est pas fonction de l'importance de la déformation. L'aspect clinique dépend de la localisation et de l'ancienneté de la tumeur. Au début, la lésion nodulaire soulève la tablette sans l'altérer. Puis la tumeur distend le lit et détruit la tablette à divers degrés. Ulcération et suintement sont des éventualités possibles. La présence d'une tumeur douloureuse, dure, blanc nacré, parcourue de fines télangiectasies doit évoquer le diagnostic et sa confirmation radiologique est indispensable. Le diagnostic différentiel devra écarter une verrue sous-unguéale, un kératoacanthome, un granulome pyogénique, un kyste d'inclusion, un mélanome achromique et des calcifications sous-unguéales. Le traitement est exclusivement chirurgical.
Kératoacanthome L'affection débute par une petite papule inflammatoire touchant principalement le pouce ou l'index. Elle croît rapidement pour atteindre plusieurs millimètres à 1 ou 2 cm en 4 à 8 semaines. À ce stade, le diagnostic repose sur l'intensité de la douleur, le gonflement et l'érythème digital et celui des tissus périunguéaux. Le nodule croûteux apparaît en général sous le bord libre de l'ongle, soulevé et parfois érodé. Radiologiquement, existe précocement une nécrose osseuse par compression de l'extrémité de la phalange distale, sans réaction périostée. En fait, c'est surtout la rapidité de l'évolution de la lésion qui permet de poser le diagnostic et d'envisager un traitement chirurgical conservateur. Histologiquement, l'importance de la dyskératose dans cette variété anatomique de kératoacanthome la différencie des autres formes. L'incontinentia pigmenti peut être responsable de tumeurs kératosiques sous-unguéales douloureuses qui s'observent chez la femme de 15 à 30 ans et qui ont les caractères cliniques et histologiques du kératoacanthome. Contrairement à la forme classique du kératoacanthome sous-unguéal, cette variété peut régresser au cours d'une grossesse.
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Maladies de l'appareil unguéal Onychomatricome Cette tumeur de connaissance relativement récente est assez rare et spécifique à l'appareil unguéal. Les doigts sont beaucoup plus souvent le siège de cette tumeur que les orteils. La tumeur semble exceptionnelle chez l'enfant. Cinq caractères cliniques sont suffisamment éloquents pour porter le diagnostic : une bande jaune longitudinale de largeur variable, une forte tendance à l'hypercourbure transversale de la tablette, l'existence d'une accentuation des lignes longitudinales sur la zone pathologique et la présence d'hématomes filiformes de la région proximale de l'ongle ; enfin, l'avulsion expose une tumeur villeuse émergeant sous le repli sus-unguéal et dont l'origine est matricielle. Les digitations filamenteuses pénètrent plus ou moins loin dans le fourreau unguéal constitué de nombreuses cavités. Lorsque les villosités sont de grande taille la section distale de la tablette peut entraîner un saignement et faire découvrir de multiples perforations. Une telle section peut faciliter le diagnostic de formes atypiques. L'IRM montre des images pathognomoniques. Sur le plan sagittal, elles découvrent le corps de la tumeur dans la région matricielle et l'invagination de la lésion dans l'entrée du fourreau unguéal. Le traitement est chirurgical.
Fibrokératome acquis unguéal Il est identique au fibrome digital acquis et équivalent au fibrome en gousse d'ail. C'est un nodule avec hyperkératose de l'extrémité, de base étroite survenant principalement dans la région périunguéale. Cette tumeur peut être double et même triple, et atteindre une taille importante. La plupart des fibrokératomes apparaissent sous le repli sus-unguéal, ils creusent la tablette d'une dépression longitudinale à bords nets. Certaines de ces lésions de provenance matricielle se développent dans la tablette et apparaissent finalement en son milieu. Le diagnostic différentiel éliminera les tumeurs de Koenen (multiples et pluri-digitales), la fibromatose juvénile, les cornes cutanées et la maladie de Bowen qui peut simuler un fibrokératome unguéal acquis, surtout lorsqu'elle s'accompagne d'une mélanonychie longitudinale. Le traitement est chirurgical. Une excision insuffisamment profonde entraîne une rechute.
Tumeurs de Koenen Les fibromes périunguéaux de Koenen se développent dans 50 % des cas de sclérose tubéreuse. Ils apparaissent, en général, entre 12 et 14 ans et augmentent progressivement en nombre et en taille avec l'âge. Les tumeurs sont petites, arrondies, couleur chair, leur surface est lisse. Leur extrémité peut être légèrement hyperkératosique, ressemblant au fibrokératome. Si le traitement classique était jusqu'ici chirurgical, un traitement topique par rapamycine permet aujourd'hui d'obtenir leur guérison.
Maladie de Bowen et carcinome spinocellulaire La maladie de Bowen apparaît de plus en plus fréquente. La lésion à type de fissure douloureuse survient le plus souvent à la face profonde d'un repli latéral ou du repli postérieur qui prend parfois un aspect leuco-plasiforme. Une atteinte verruciforme périunguéale n'est pas rare, l'association à une mélanonychie longitudinale plaide également en faveur de la maladie de Bowen. La tumeur gagne progressivement le lit unguéal où l'accumulation de kératines anormales finit par séparer de l'ongle. Après destruction partielle de la tablette, on découvre une lésion érythématosquameuse, une ulcération ou un épaississement irrégulier du lit unguéal. Seule la biopsie permet le diagnostic histologique de la maladie de Bowen. Toutefois, l'examen microscopique des tissus excisés, selon la technique de Mohs révèle déjà, dans de nombreux cas, la transformation spinocellulaire.
Le diagnostic différentiel élimine cliniquement : verrues périunguéales, onychomycose, granulome pyogénique, exostose sous-unguéale, tumeur glomique, épithélioma spinocellulaire. La facilité avec laquelle la maladie de Bowen peut s'accompagner d'une pigmentation unguéale, voire périunguéale (faux signe de Hutchinson), doit permettre d'éliminer la présence d'un mélanome.
Ongle incarné [28] Ongle incarné de l'enfant Il peut être congénital (position intra-utérine anormale, facteurs génétiques, variations au cours du développement normal du gros orteil) ou résulter de facteurs acquis (position ventrale, vêtements serrés, chaussures inadaptées, hygiène unguéale aléatoire). Il existe sept variétés d'ongle incarné chez l'enfant : 1. le bourrelet latéral congénital du gros orteil ; 2. l'incarnation unguéale distale ; 3. l'incarnation unguéale distolatérale ; 4. la désaxation unguéale congénitale de l'hallux ; 5. l'ongle en pince ; 6. l'incarnation unguéale par réflexe de préhension ; 7. la rétronychie. Dans la mesure du possible, il est important d'éviter les traitements invasifs afin de mettre en œuvre les méthodes conservatrices, en particulier celles de fixation par bande adhésive selon la méthode d'Arai. Elles procèdent d'une technique commune : le « taping » permettant l'éloignement des tissus agressés de la région vulnérante de la tablette par application d'une extrémité de bande adhésive (p. ex. Elastopore®) sur les tissus mous, puis enroulement de cette bande, étirée obliquement sur la face plantaire de l'orteil ; on fixe ensuite l'autre extrémité sur la face dorsale de l'orteil. Deux précautions sont indispensables : éviter l'effet garrot ainsi que le maintien concomitant de deux articulations à la fois. Une traction correcte s'avérant indispensable, le « taping » est renouvelé quotidiennement (ce qui suppose une étroite collaboration avec les parents du sujet…). L'existence d'un tissu de granulation n'est pas une contre-indication, bien au contraire.
Bourrelets latéraux congénitaux du gros orteil. Lorsqu'ils apparaissent à la naissance, les bourrelets latéraux unguéaux sont généralement bilatéraux et symétriques, ils atteignent plus volontiers le repli latéral interne de l'hallux. Ils sont œdématiés, fermes, sensibles et parfois rouges. Ils augmentent progressivement et sont même susceptibles de couvrir un tiers de l'ongle. Cette anomalie peut être douloureuse surtout lors des premiers pas. Elle disparaît spontanément, habituellement, après une ou deux années. Incarnation unguéale distale [5]. Cette anomalie doit être dis-
tinguée de la pseudo-incarnation unguéale des prématurés et de certains enfants à terme, dont les ongles n'atteignent pas la pulpe digitale distale. Dans sa variété infantile, l'hallux présente un bourrelet pulpaire en avant de la tablette avec, parfois, une certaine hypertrophie des replis latéraux. Ce muret distal empêche la progression du bord libre de l'ongle. La déformation du tissu normal produite par l'hypertrophie congénitale du tissu distal peut être aggravée dans certains cas par des facteurs acquis comme l'habitude de dormir sur le ventre dans l'enfance. Les modifications apparaissent aux ongles des orteils quand l'enfant procède de façon active à des mouvements de « pédalage » et porte des chaussures ou des vêtements serrés (grenouillère en textile extensible). La croissance correcte de l'ongle du gros orteil à direction normale se fait en général vers l'âge de 6 à 8 mois. Chez l'adolescent, l'incarnation distale ne diffère pas de celle de l'adulte, elle s'observe habituellement après disparition de l'ongle du gros orteil, consécutive à un acte chirurgical, comme l'avulsion ou aux microtraumatismes répétés dont sont victimes certains jeunes sportifs.
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Maladies de l'appareil unguéal La disparition de l'ongle qui est plan de contre-pression favorise la constitution progressive d'un bourrelet cutané distal sur lequel viendra buter l'ongle nouvellement formé. La méthode d'Arai par « ancrage adhésif » pour abaisser le bourrelet semi-circulaire est certainement efficace entre des mains expertes. Il peut être complété par la mise en place d'un faux ongle acrylique débordant le muret antérieur. En cas d'échec, l'incarnation distale sera traitée par la technique de Dubois, dont l'exérèse en quartier d'orange permet d'obtenir, en fin d'intervention, le désenclavement de la partie distale de l'ongle.
Incarnation unguéale distolatérale. Une
coupe d'ongle inappropriée peut laisser un spicule qui agresse le repli latéral et le pénètre à la manière d'un harpon dans la région distolatérale, à mesure que la tablette avance. Il faut introduire dans la gouttière latérale ou le bord distolatéral une mèche de tulle de povidone iodée, voire un simple coton imprégné de collodion et proposer des bains de pieds antiseptiques. La présence d'un granulome pyogénique exige un prélèvement suivi d'une culture. Il est utile d'alterner un corticoïde puissant le matin et une mousse à raser antiseptique, sous occlusion, le soir. La persistance des signes, souvent accompagnée de l'épithélialisation du tissu de granulation ou bien une récidive de celui-ci pousse le thérapeute vers l'alternative suivante : une résection tissulaire en hémi-gueule de requin ou une phénolisation de la corne latérale matricielle homologue. Nous recommandons plus particulièrement la première option chez la fillette car elle permet de conserver l'intégralité de la tablette alors que la phénolisation aboutit à un ongle plus étroit. En réalité, l'attaque des parties molles exige parfois une antibiothérapie préalable et concomitante avec pristinamycine par exemple. Après anesthésie locale, on pratique une résection partielle de 3 mm sur toute la longueur de la tablette, pour permettre la phénolisation des cornes matricielles. Après mise en place d'un garrot, elle s'effectue en protégeant la peau périphérique de vaseline, puis on effectue trois applications de phénol aqueux à 88 %, de 30 secondes chacune, en frottant énergiquement la région latérale de la matrice qui s'enroule en croissant à concavité postéro-inférieure sur la base de la phalange osseuse à l'aide d'un coton entourant une pince type Halsted. Dans les cas – très rares – où une amélioration permanente n'est pas obtenue, il faut s'assurer de l'absence d'exostose, après examen radiographique, demandé au moindre doute. La mise en place d'une hémigouttière protégeant le bord latéral de la tablette, ainsi que les techniques d'orthonyxie, souvent efficaces, sont du domaine du pédicure-podologue.
Désaxation unguéale congénitale du gros orteil. Le terme de désaxa-
tion congénitale de l'ongle de l'hallux, une anomalie héréditaire, insiste sur sa principale caractéristique, la déviation latérale (surtout externe) de la tablette par rapport à l'axe de la phalange distale. Une succession de sillons transversaux, le plus souvent multiples, est un des premiers signes de cette dysplasie ; ils peuvent se développer sur toute la surface de cette tablette triangulaire où les crêtes forment des vagues régulières. Elles semblent faire suite à des épisodes récurrents de souffrance matricielle, conduisant parfois à une onychomadèse latente suivie d'onychoptose, la position de l'ongle nouveau étant déjà bien avancée lors de la chute de l'ancien, son absence d'adhérence au lit est fréquente. La lame peut être épaissie et présenter une diminution progressive de sa surface dans sa partie distale. L'ongle peut afficher une teinte grise, parfois brunâtre (par hémorragie) ou encore verdâtre (Pseudomonas). En fait, ces modifications seraient d'importance relative si n'existaient des complications locales inflammatoires susceptibles de survenir dès la naissance aussi bien que chez le sujet âgé, à type d'hémionychogryphose. La désaxation primitive de l'ongle paraît bien être le facteur principal responsable de l'incarnation. La direction de la croissance de la tablette s'effectuant vers l'extérieur, l'ongle ne possède pas la
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force suffisante qui lui permette de surmonter le muret antérieur qui l'arrête. À ce stade, une technique chirurgicale simple permet de réaligner l'appareil unguéal dans la direction du gros orteil. Les meilleurs résultats sont probablement obtenus avant l'âge de 2 ou 3 ans. Mais nous avons observé des résultats satisfaisants, même chez l'adulte. Cependant, étant donné qu'une amélioration spontanée, voire une réaxation complète, peut survenir dans près de 50 % des sujets de moins de 10 ans, la décision thérapeutique dépendra de l'importance du degré de désaxation et des complications possibles : – si la désaxation de la tablette est légère, le traitement peut être conservateur ; – si la déviation est importante, l'ongle enfoui dans les tissus mous, la rotation chirurgicale de la matrice désaxée est essentielle pour prévenir une dystrophie unguéale permanente.
Ongle en pince. C'est une dystrophie caractérisée par une hyper-
courbure transversale qui s'accentue à mesure qu'elle gagne la région distale. Les bords de la tablette enserrent les tissus du lit après s'être enfoncés dans les gouttières latérales. Il existe différentes causes d'ongle en pince : les formes héréditaires et les formes acquises. Les premières sont presque toujours symétriques. Des manifestations similaires peuvent se rencontrer chez d'autres membres de la famille. Le gros orteil montre souvent une déviation latérale de la phalange distale mais la déviation des ongles est encore plus marquée. Lorsque les petits orteils sont impliqués, leur déviation est interne. Cette anomalie peut être congénitale ou apparaître au cours de l'adolescence. Notons que l'épidermolyse bulleuse simple (type Dowling-Meara) peut s'accompagner d'ongles en pince légèrement épaissis aux doigts et aux orteils. Contrairement à la forme héréditaire, la variété acquise n'est pas symétrique bien que l'atteinte des ongles des doigts puisse être multiple et paraître relativement symétrique. Plusieurs dermatoses sont responsables des formes acquises avec, en tête, le psoriasis. Des tumeurs de l'appareil unguéal telles que l'exostose et les kystes d'implantation sont également à l'origine des ongles en pince ; le traitement de la cause entraîne la disparition de la dystrophie. Il en est de même pour les onychomycoses à Trichophyton rubrum et de la maladie de Kawasaki parfois causes d'ongles en pince. Les techniques d'orthonyxie sont susceptibles de corriger l'hypercourbure unguéale. On en distingue trois grandes variétés : le type à fil d'acier, à lamelles stratifiées, et celle à plot et fil de titane.
Incarnation unguéale par réflexe de préhension. Le réflexe de
préhension (grasp-reflex) apparaît du 6e jour de la naissance au 4e mois. Il entraîne une compression répétée des doigts et une paronychie responsable d'un œdème du pourtour unguéal de plusieurs doigts. En l'absence d'ossification à cet âge, les bords de la tablette s'enfoncent facilement dans les tissus mous qui l'entourent sous l'influence des pressions répétées. La guérison s'effectue spontanément.
Rétronychie. Elle traduit une incarnation unguéale proximale. Elle
touche surtout des adultes mais les enfants et les adolescents sont loin d'être épargnés. L'atteinte uni ou bilatérale du gros orteil est relativement fréquente mais la forme digitale n'est pas exceptionnelle. À côté d'une triade désormais classique : arrêt de la croissance de l'ongle – paronychie subaiguë proximale – xanthonychie, on note la présence d'un tissu de granulation à la base de l'ongle, d'un exsudat inflammatoire sous-unguéal, d'une onycholyse, d'un soulèvement proximal des ongles empilés les uns sur les autres entraînant l'abaissement de la partie distale adhérente de l'ongle initial et contribuant à l'apparence bulbeuse de l'extrémité digitale, de signes fonctionnels d'intensité variable.
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal Si le diagnostic clinique s'impose dans la plupart des cas, toute hésitation pourrait être levée par l'échographie à haute résolution qui montre un signe pathognomonique : la réduction de la distance habituelle entre le bord proximal de la tablette et la base de la phalange distale. Le traitement est des plus simples, limité à l'avulsion de la tablette dont la face profonde révèle l'encastrement des ongles successifs.
Ongle incarné de l'adulte L'onychocryptose de l'adulte se résume à quatre variétés : l'incarnation distolatérale, l'incarnation antérieure, l'ongle en pince et l'incarnation postérieure ou rétronychie.
La forme distolatérale obéit aux mêmes impératifs que chez l'adolescent, avec ses trois variétés (cf. supra).
L'incarnation antérieure mérite la pose d'un gel unguéal prosthé-
tique, ancré sur la tablette enclavée, afin d'abaisser le bourrelet distal. En cas d'échec (rare entre des mains expertes), la technique de Dubois, découpant un « quartier d'orange » des tissus distolatéraux, devrait être utilisée.
L'ongle en pince se présente sous différentes formes d'hypercourbure : en tuile de Provence, en volute et avec plicature. Les formes discrètes méritent un traitement podologique conservateur par orthonyxie. Les variétés douloureuses d'« ongle en volute » où les bords latéraux enserrent les tissus sous-unguéaux distaux peuvent bénéficier d'une phénolisation des cornes latérales ou d'interventions chirurgicales plus complexes, avec section médiane et verticale du lit suivie d'un écartement des replis latéraux maintenu par des points rétro-éversants. La rétronychie exige une avulsion unguéale complète.
Quelques définitions sémiologiques [29] Alopecia unguium : cf. Onychoptose. Anonychie : absence de tout ou d'une partie de l'ongle. Arête : synonyme de crête. Bande onychodermique : située à la partie distale du lit au contact de l'hyponychium. Pâle, ambrée, translucide, étroite de 0,5 à 1 mm, elle barre l'ongle transversalement. Beau, sillon ou ligne (synonymes) de Beau (fig. 15.12) : dépression linéaire, transversale située en arrière d'un bourrelet plus ou moins net, et qui prend naissance sous le repli postérieur. Elle peut être traumatique, ou consécutive à une atteinte générale profonde, aiguë, surtout fébrile et d'apparition brusque.
Brachyonychie : synonyme d'ongle court. Ongle raccourci dans sa longueur et plus large que long, pouce en raquette. Canal : synonyme de gouttière, dépression longitudinale à bords parallèles, parcourant généralement toute la tablette. Cannelure : synonyme de sillon. Chloronychie : coloration verte des ongles. Chromonychie : coloration des ongles. Crête : faible saillie rectiligne parfois, interrompue plus ou moins régulièrement. Criblures : synonyme de ponctuations, dépressions de Roseneau, ongle grêlé, ongle en dé à coudre ; cf. Érosions ponctuées. Cul-de-sac postérieur : synonyme de rainure proximale ou postérieure hébergeant la racine de l'ongle. Cuticule : expansion de la couche cornée du bord distal du repli sus-unguéal sur la plaque de l'ongle. En fait, on donne ce nom aux deux couches dorsale et ventrale du stratum corneum du repli postérieur qui se confondent sur la tablette. Dé à coudre : cf. Criblures, Érosions ponctuées. Defluvium unguium : synonyme d'onychomadèse, d'onychoptose. Dépressions de Roseneau : cf. Criblures. Dystrophie unguéale médiane canaliforme de Heller : dystrophie passagère mais récidivante à type de rainure médiane canaliforme longitudinale plus ou moins profonde pouvant creuser un canal ou une simple fissure noirâtre. Envies : petites érosions traumatiques des replis dont la couche superficielle épidermique reste fixée à la peau sous forme d'un petit éperon corné. Éponychium : mot à éviter, synonyme pour certains de repli sus-unguéal et pour d'autres d'expansion de la couche cornée de la face ventrale du repli sus-unguéal sur la tablette. Érosions ponctuées : dépressions cupuliformes, en nombre variable, de la dimension d'une pointe à une tête d'épingle. Elles sont diffuses (dé à coudre) ou au contraire distribuées en file indienne sur une ou plusieurs lignes verticales. Ailleurs, elles déterminent des sillons transversaux ou en vagues de sable. Fragilité des ongles : caractère particulier attribué aux ongles mous, cassants ou friables. Gouttière : synonyme de canal. Sillon plus ou moins large et profond résultant d'une compression matricielle tumorale (fibromes divers, pseudokyste mucoïde, etc.). Hapalonychie : variété d'ongles mous. Hippocratisme digital : déformation associant une incurvation unguéale vers la face palmaire, une hypertrophie des dernières phalanges et une cyanose locale, inconstante (fig. 15.13).
Fig. 15.13 Hippocratisme digital
Fig. 15.12 Sillon ou ligne de Beau
Hyponychium : extension sous-unguéale de l'épiderme proximal de l'extrémité du doigt, située en avant du lit de l'ongle. Cette région devient onychogène dans certaines circonstances pathologiques.
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Maladies des annexes
Maladies de l'appareil unguéal Hyponychium aberrant : expansion distale de la région hyponychiale adhérant à la face ventrale de la tablette. Elle efface le sillon distal sous-unguéal. Synonyme de ptérygion ventral. Koïlonychie : altération des ongles caractérisée par le relèvement en cuillère de leurs bords latéraux, de telle sorte que la partie médiane est déprimée et concave. Leuconychie : coloration blanche des ongles. Elle peut être totale ou partielle (ponctuée ou striée). Il existe également une leuconychie apparente (par modification des tissus sous-jacents). Leuconychomycose : leuchonychie due à certaines mycoses unguéales. Lignes longitudinales : par altération du relief en retrait (cannelures) ou en saillie (crêtes). Lit de l'ongle : zone rosée située en avant de la matrice et en arrière de l'hyponychium. Elle est protégée par la tablette. Lunule : portion antérieure de la matrice vue par transparence dans le quart postérieur de l'ongle visible, et de couleur « verre pilé ». Macronychie : ongle anormalement grand, mais normal par ailleurs. Matrice de l'ongle : zone génératrice de l'ongle. Mélanonychie : pigmentation de l'ongle. Micronychie : petitesse anormale des ongles. Nigritie unguéale : coloration brune de l'ongle ; cf. Mélanonychie. Ongle : synonyme de tablette, plaque, lame unguéale, plateau unguéal, limbe corné. Ongle à plicature latérale : aplatissement plus ou moins net de la partie médiane de l'ongle avec verticalisation latérale, uni- ou bilatérale de ses bords qui restent parallèles. Ongle en cornet : synonyme d'ongle en pince, cf. Ongle en volute. Ongle en dé à coudre : cf. Érosions ponctuées. Ongle en tuile de Provence : hypercourbure transversale à convexité supérieure s'accompagnant d'un parallélisme rigoureux de ses bords. Ongle en volute : dystrophie caractérisée par une hypercourbure transversale qui augmente le long de l'axe longitudinal et atteint son maximum à la partie distale. Ongle grêlé : cf. Érosions ponctuées. Ongle grésé : cf. Trachyonychie. Aspect décapé au « jet de sable ». Ongle incarné : anomalie résultant d'un conflit douloureux tablette/parties molles. Onychalgie : synonyme d'onychodynie. Douleur localisée aux ongles. Onycharthrose : synonyme d'onycho-ostéodysplasie. Onychatrophie : synonyme d'onycho-atrophie : atrophie congénitale ou acquise des ongles. Dans sa forme majeure, la disparition totale de l'ongle est compliquée d'une atrophie définitive du territoire unguéal, souvent d'aspect cicatriciel. Onychauxis : épaississement de la lame unguéale. Synonyme de pachyonychie. Onychine : kératine des ongles. Onycho-ostéodysplasie : association d'une dysplasie unguéale bilatérale et de diverses dysplasies osseuses (cf. chapitre 19). Onychocryptose : ongle incarné. Onychohétérotopie : situation anatomique anormale de l'ongle. Synonyme d'ectopie unguéale. Onycholyse : décollement de l'ongle du lit unguéal à départ distolatéral. Onychomadèse : décollement de l'ongle à départ proximal aboutissant à sa chute. Elle reste longtemps latente. Onychomalacie : ramollissement des ongles. Onychomycose : mycose unguéale. Onychophagie : habitude de se ronger les ongles. Onychopoïèse : ensemble de processus cellulaires aboutissant à la formation de la kératine unguéale (onychine).
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Onychoptose : chute des ongles. Synonyme de defluvium, alopecia unguium. Onychorrhexie : fragilité anormale des ongles s'accompagnant d'une série de petits sillons longitudinaux et parallèles, creusés dans la partie superficielle de la lame comme si l'ongle avait été rayé avec un poinçon. Ils aboutissent souvent à une fissuration du bord libre. Onychoschizie : clivage de l'ongle, habituellement distal. Onychose : synonyme d'une part d'onychopathie, onychie, toute affection de l'ongle, et d'autre part de tout trouble dystrophique des ongles. Onychotillomanie : déchirement des ongles et/ou de leur pourtour. On peut rattacher à ce tic le refoulement maniaque des cuticules et l'onychophagie. Onyxis : atteinte de l'ongle d'origine inflammatoire. Pachyonychie : épaississement du corps unguéal. Pachyonychogryphose : onychogryphose avec épaississement extrême. Panaris : infection aiguë des doigts quels que soient sa nature et son mode de propagation. Paronychie : synonyme de périonyxis. Périonyxis : inflammation des replis sus-unguéal et latéraux. Platonychie : aplatissement congénital ou acquis de la lame unguéale. Polyonychie : anomalie congénitale caractérisée par la présence d'ongles surnuméraires. Pouce en raquette : brachyonychie. Ptérygion dorsal : expansion du repli sus-unguéal qui adhère à l'ongle qu'elle fissure, avant d'aboutir éventuellement à sa destruction au cours de sa progression. Ptérygion ventral : synonyme de pterygium inversum unguis ; cf. Hyponychium aberrant. Rainure distale : sillon à convexité antérieure bordant distalement l'hyponychium. Cette rainure sous-unguéale sépare le bord libre de l'ongle du tégument de l'extrémité de la phalange. Repli sus-unguéal : synonyme de repli postérieur proximal ou dorsal. Replis latéraux : parties molles bordant les rainures latérales où s'enchâssent les bords latéraux de la tablette. Scléronychie : ongles durs. Sillon de Beau : cf. Beau (fig. 15.12). Sillons longitudinaux ou cannelures : sillons longitudinaux parallèles, fins et peu profonds, séparés par des crêtes à peine saillantes. Ils sont physiologiques après la quarantaine. Striation : strie, striure, termes équivoques et imprécis, qu'il vaut mieux remplacer par lignes longitudinales (cf. ce mot). Trachyonychie : ongles rugueux ; cf. Ongle grésé. Usure des ongles : anomalie du bord libre des ongles, consécutive à un grattage intense et qui polit leur surface. L'usure du bord libre se rencontre également dans un grand nombre de professions manuelles. Xanthonychie : coloration jaune des ongles.
RÉFÉRENCES 1. De Berker D. et coll., in : Baran R., ed., Dawber's Nail diseases and their management, 4ed. Wiley-Blackwell, Oxford, 2012. 2. Fouilloux B. et coll., Physiologie de l'appareil unguéal. in : DezutterDambuyant C. et coll., (eds). Actualités en biologie cutanée, vol. 1. Eska, Paris, 2007, 13, 67. 3. McGonagle D. et coll., Dermatology. 2009, 218, 97. 4. Perrin C. et coll., Am J Dermatophol. 2010, 323, 1. 5. Baran R., Presse Med. 2014, 43, 1251. 6. Fournié B. et coll., Rev Rhum Engl Ed. 1999, 64, 446. 7. Goettmann S. et coll., J Eur Acad Dermatol Venereol. 2012, 26, 1304. 8. Baran R., Front Med. 2014, 1, 46. 9. Baran R. et coll., J Am Acad Dermatol. 2008, 58, 232. 10. Kofoed M.L. et coll., J Am Acad Dermatol. 1985, 13, 50. 11. André J. et coll., Arch Dermatol. 2010, 146, 418. 12. Baran R. et coll., Ann Dermatol Vénéréol. 1978, 105, 387.
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Maladies des annexes
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¶ 2-0767
Brûlures superficielles : physiopathologie, clinique, traitement S. Ingen-Housz-Oro, M.-D. Benjoar Les brûlures superficielles (premier et deuxième degré superficiel) sont fréquentes et cicatrisent en général en moins de 2 semaines avec des soins locaux adaptés. Certaines topographies (face, mains, zones périorificielles), une surface étendue (plus de 10 % chez l’adulte, 5 % chez l’enfant), un terrain général fragile (jeune enfant ou sujet âgé, insuffisance rénale, diabète, etc.), une origine chimique ou des lésions viscérales associées nécessitent une évaluation en centre spécialisé. Les plaies doivent être surveillées toutes les 48 heures afin de ne pas méconnaître un approfondissement secondaire ou une surinfection. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Brûlure ; Sulfadiazine argentique
Critères de gravité de la brûlure [1]
Plan ¶ Généralités sur les brûlures Définition, circonstances de survenue Épidémiologie Critères de gravité de la brûlure Profondeur de la brûlure
1 1 1 1 2
¶ Prise en charge thérapeutique Immédiate Secondaire
2 2 3
¶ Conclusion
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■ Généralités sur les brûlures Définition, circonstances de survenue Une brûlure est une agression thermique ou plus rarement chimique de la peau. Les brûlures domestiques sont les plus fréquentes (60 %) : par projection (liquide chaud) ou de contact (plaque chauffante). Elles touchent préférentiellement les jeunes enfants (les garçons plus que les filles, d’un âge inférieur à 5 ans) et les sujets âgés à mobilité réduite. Plus rarement, les brûlures peuvent être professionnelles (électriciens), liées à des catastrophes (incendies, explosions, etc.), chimiques par acides (acide sulfurique, acide chlorhydrique, acide nitrique) ou par base (soude, potasse), secondaire à une exposition à des radiations ionisantes, solaires.
Épidémiologie [1] Au Royaume-Uni, 175 000 personnes par an consultent aux urgences pour brûlures et 10 % de ces brûlures nécessitent une hospitalisation en milieu spécialisé. À ce nombre s’ajoutent environ 250 000 personnes qui ne consultent que leur médecin traitant. Le nombre de décès attribué aux brûlures est de 300 par an. Traité de Médecine Akos
Surface cutanée atteinte Elle peut être estimée par plusieurs moyens : • règle des 9 de Wallace : C tête et cou : 9 % ; C 1 membre supérieur : 9 % ; C 1 membre inférieur : 18 % ; C chaque face du tronc : 18 % ; C organes génitaux externes : 1 %. Attention : ces valeurs sont celles de l’adulte, pour les enfants, la surface de l’extrémité cervicale est proportionnellement plus importante ; • paume de la main : 1 % ; les deux faces d’une main : 3 %. Une brûlure est jugée grave si elle touche 10 % ou plus de la surface corporelle d’un adulte, 5 % ou plus de la surface corporelle d’un enfant ou 5-10 % de la surface corporelle d’un sujet âgé en raison du risque de choc hypovolémique ; celui-ci est la conséquence de la nécrose de coagulation des vaisseaux de la zone brûlée occasionnant une perméabilité anormale de ceux-ci et donc un œdème sous-cutané important avec hypovolémie efficace.
Profondeur de la brûlure On distingue les brûlures du deuxième degré profond et du troisième degré, en raison de la non-cicatrisation spontanée (cf. paragraphe suivant).
Terrain du patient La brûlure est plus grave chez un enfant de moins de 5 ans et chez un adulte de plus de 60 ans. Les comorbidités sont le diabète, l’insuffisance respiratoire, cardiaque ou rénale, l’immunodépression. Chez le sujet âgé, l’indice de Serge Baux permet d’apprécier le risque vital selon la formule suivante : Indice = âge + surface de brûlure profonde + 15 en cas de tare associée. Si cet indice est inférieur à 50, le pronostic est bon, s’il est supérieur à 100, la survie est inférieure à 10 %.
1
2-0767 ¶ Brûlures superficielles : physiopathologie, clinique, traitement
Figure 1.
Brûlure polymorphe premier et deuxième degré superficiel.
Figure 3. Brûlure du deuxième degré superficiel. Noter les érosions postbulleuses rosées.
Degrés de profondeur d’une brûlure Figure 2. Brûlure premier et deuxième degré d’une main, topographie nécessitant un avis spécialisé.
Lésions associées Les lésions associées peuvent être l’intoxication au monoxyde de carbone, les brûlures respiratoires (à suspecter en cas de brûlure de la face, des lèvres, du nez) et les lésions traumatiques (fractures, compressions musculaires). Les principaux facteurs de risque de mortalité sont l’âge supérieur à 60 ans, une surface corporelle atteinte de plus de 40 % et l’existence de brûlures respiratoires associées. La mortalité des brûlures graves est de l’ordre de 5 % à 6 % ; elle est principalement due à une défaillance multiviscérale, accompagnée dans la moitié des cas d’une surinfection bactérienne [2].
“
Point important
La gravité de la brûlure dépend de la surface cutanée atteinte, de la profondeur de la brûlure, du terrain sousjacent et des lésions viscérales associées.
Profondeur de la brûlure L’estimation de la profondeur de la brûlure est essentiellement clinique, mais peut être difficile et subjective [3]. Chez un même patient, une même brûlure peut être de profondeur inégale, revêtant un caractère polymorphe (Fig. 1, 2). Des modèles animaux sont développés pour mieux comprendre les modifications cellulaires et tissulaires engendrées en fonction de la profondeur de la brûlure [4]. Des techniques telles que le laser Doppler ou la vidéomicroscopie [5] peuvent préciser la profondeur, mais ces techniques ne sont pas disponibles en routine. La brûlure est un processus dynamique nécessitant une réévaluation quotidienne les premiers jours afin de ne pas méconnaître une aggravation de la profondeur qui pourrait alors modifier la conduite thérapeutique.
2
Les différents degrés de profondeur d’une brûlure sont : • le premier degré qui affecte les couches superficielles de l’épiderme, mais avec conservation de la couche basale : C le signe clinique est l’érythème douloureux par hypervascularisation dermique sous-jacente ; C la cicatrisation est spontanée en 3-5 jours par desquamation accélérée ; • le troisième degré qui affecte toute l’épaisseur de l’épiderme et du derme avec nécrose de coagulation du réseau vasculaire et disparition des annexes. • On parle de quatrième degré ou de carbonisation en cas d’atteinte graisseuse ou musculaire : C le signe clinique est l’aspect blanc ou noir plus ou moins cartonné, anesthésié ; C aucune cicatrisation n’est possible sauf à partir des berges, souvent éloignées. Le traitement chirurgical est obligatoire ; • les stades intermédiaires : C le deuxième degré superficiel qui montre une atteinte totale de l’épiderme et du derme papillaire ; le signe clinique est une phlyctène, laissant ensuite à nu une érosion rose et suintante, douloureuse (Fig. 3) ; la cicatrisation est spontanée en moins de 14 jours, mais une dyschromie séquellaire est possible ; C le deuxième degré profond montre une destruction épidermique avec atteinte du derme réticulaire, mais préservation des annexes ; le signe clinique est une phlyctène à fond rouge brun, laissant ensuite à nu une érosion blanchâtre atone et hypœsthésique avec un décollement des annexes cutanées ; la cicatrisation est lente, en 3-6 semaines, au prix de cicatrices souvent hypertrophiques. Attention, il y a risque d’approfondissement secondaire en cas de surinfection.
■ Prise en charge thérapeutique Immédiate Les actions immédiates doivent être les suivantes : • appeler les secours, éloigner le blessé de la source de la brûlure ou couper le courant électrique en cas de brûlure électrique ; Traité de Médecine Akos
Brûlures superficielles : physiopathologie, clinique, traitement
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Point important
La profondeur de la brûlure se juge cliniquement. Attention, la distinction entre un deuxième degré superficiel et un deuxième degré profond peut être difficile, d’autant plus que la brûlure peut s’approfondir secondairement.
• enlever les vêtements brûlés uniquement s’ils ne collent pas à la peau ; • refroidir les zones brûlées avec une irrigation douce d’eau tiède (20-25 °C) pendant 15 minutes ; certaines brûlures chimiques nécessitent une irrigation plus longue ; • envelopper les zones brûlées dans un champ stérile ou à défaut, un drap propre, pas d’antiseptiques ni de pommades ; • apprécier rapidement la profondeur et la surface brûlée pour décider d’un transport en milieu chirurgical, voire en centre de brûlés : C surface totale atteinte supérieure à 5 % chez l’enfant et supérieure à 10 % chez l’adulte ; C brûlure du troisième degré supérieur ou égale à 1 % ; C brûlure de la face, du cou, des mains, des zones périorificielles supérieure ou égale au 2e degré superficiel ; C brûlures chimiques > 5 % de la surface corporelle ; C terrain fragile : enfant, sujet âgé, femme enceinte, comorbidités sévères, etc. ; C lésions traumatiques ou suspicion de brûlures pulmonaires associées ; • mettre en place une perfusion pour réhydratation en cas de surface brûlée supérieure ou égale à 15 % ; • administrer des antalgiques et des antiulcéreux.
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Point important
Paramètres justifiant d’adresser d’emblée le patient en centre spécialisé • Surface totale atteinte de plus de 5 % chez l’enfant, 10 % chez l’adulte • Brûlure du troisième degré de plus de 1 % • Brûlure de la face, du cou, des mains, des zones périorificielles supérieure ou égale au deuxième degré superficiel • Brûlures chimiques de plus de 5 % de la surface corporelle • Terrain fragile : enfant, sujet âgé, femme enceinte, comorbidités sévères, etc. • Lésions traumatiques ou suspicion de brûlures pulmonaires associées
Secondaire Brûlures bénignes (premier et deuxième degré superficiel franc) La prise en charge comprend : • le traitement de la douleur ; • l’excision des phlyctènes ; • la pose du pansement : C principes : – lavage de la plaie à l’eau et au savon ou utilisation d’antiseptique non alcoolisé ; – pansement selon les indications ci-dessous ; – pas de colorant ; – doigts et orteils séparés ; Traité de Médecine Akos
¶ 2-0767
– contrôle tous les deux jours (dépistage d’une aggravation) ; C produits utilisables : la Société française d’étude et de traitement des brûlures recommande les produits suivants classés en plusieurs catégories : – catégorie A : pommades « calmantes » sans antibactériens comme la trolamine (Biafine®) ; – catégorie B : pansements membranes types hydrocolloïdes (Duoderm®, Comfeel®) ou hydrocellulaires (Biatain®, Allevyn®), alginates (Algostéril®) ; – catégorie C : interfaces (Urgotul®) ou tulles vaselinés, à recouvrir d’un pansement secondaire type hydrocellulaire ou de compresses ; – catégorie D : pansements ou crèmes avec antibactériens type sulfadiazine argentique (Flammazine ® , Urgotul S.Ag®) ; • les indications thérapeutiques en pratique : C brûlure du premier degré : pommade « calmante » type trolamine, simple crème hydratante ou vaseline ; C brûlures du deuxième degré : la trolamine étant contreindiquée du fait du risque d’infection, on recommande l’utilisation de l’un des autres types de pansements ou de la sulfadiazine argentique ; C brûlures infectées : l’utilisation de pansements ou de crèmes avec antibactériens, notamment la sulfadiazine argentique, est largement recommandée dans la littérature [6-8] ; • surveillance de l’évolution : toute brûlure du deuxième degré doit être régulièrement surveillée à la recherche d’une surinfection et toute brûlure qui, après 10 jours d’évolution, ne présente aucun signe de réépidermisation, doit faire l’objet d’une consultation en centre spécialisé. Il faut se rappeler que : C une brûlure du premier degré doit être guérie en 3-5 jours ; C une brûlure du 2e degré superficiel doit être guérie en une dizaine de jours ; C une brûlure du 2e degré profond peut cicatriser spontanément. Cependant, il est recommandé de respecter un délai d’attente maximal de 21 jours sous peine d’exposer le patient à un retard de cicatrisation important et des séquelles fonctionnelles importantes. Une greffe de peau mince doit être alors envisagée.
Brûlures intermédiaires (deuxième degré) Le diagnostic est parfois difficile entre deuxième degré superficiel et deuxième degré profond et les lésions peuvent éventuellement s’aggraver en 48 heures. Deux stratégies sont possibles : • une excision-greffe précoce qui est la méthode de choix au dos de la main afin de permettre une rééducation rapide. La brûlure est excisée de façon tangentielle au dermatome électrique jusqu’à obtenir un piqueté hémorragique. On applique ensuite une greffe de peau mince prélevée de préférence au scalp ; • une greffe de peau mince des zones non cicatrisées après 21 jours de détersion par pansement à la Flammazine® puis bourgeonnement et épithélialisation. Celle-ci à l’avantage de permettre une délimitation précise des tissus viables ou non. Elle est recommandée à la face en dehors des paupières et des oreilles.
Brûlures profondes (troisième degré) La prise en charge se fait en milieu spécialisé et n’est pas détaillée dans ce chapitre. Seuls les grands principes sont rappelés : • excision des tissus nécrosés en un ou plusieurs temps ; • compensations des déperditions caloriques et thermiques ; • dépistage et traitement des surinfections ; • greffes de peau mince autologues à partir de zones intactes ou obtenues par culture d’épiderme à partir d’un petit fragment de peau saine du patient prélevé à l’admission ;
3
2-0767 ¶ Brûlures superficielles : physiopathologie, clinique, traitement
• • • •
■ Conclusion
kinésithérapie prolongée ; vêtements compressifs en cas de cicatrices hypertrophiques ; attelles de posture ; cures thermales avec douches filiformes, etc.
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Point important .
Les soins locaux doivent être réalisés avec des pansements gras, des hydrocellulaires ou des hydrocolloïdes sous surveillance clinique rapprochée. Tout retard de cicatrisation (10-14 jours pour un deuxième degré superficiel, 21 jours pour un deuxième degré profond) justifie une prise en charge en milieu spécialisé.
La gravité des brûlures dépend essentiellement du terrain du patient, de la profondeur et de la surface brûlée. Les brûlures bénignes sont les plus fréquentes et peuvent être traitées en ville par le médecin généraliste ou le dermatologue. La surveillance doit être régulière afin de ne pas méconnaître un approfondissement secondaire qui nécessite alors un avis de brulologue. Les brûlures graves et/ou survenant chez un jeune enfant ou un sujet fragile doivent être adressées sans tarder en milieu spécialisé.
.
■ Références [1] [2]
Place des antibiotiques chez le brûlé à la phase aiguë
[3]
Il n’y a pas d’indication à une antibiothérapie en l’absence d’infection avérée. Attention, la fièvre, l’hyperleucocytose et l’élévation de la C reactive protein (CRP) n’ont pas de valeur chez le brûlé. L’aspect de la plaie est important pour le diagnostic d’infection (présence d’une réaction inflammatoire locale ou locorégionale, de pus, évolution locale défavorable) ainsi que les prélèvements bactériologiques (locaux par écouvillonnage voire biopsie, hémocultures). L’infection locale relève d’un traitement local (chirurgie si besoin). En revanche, en cas de signes généraux patents, une antibiothérapie générale large spectre associant plusieurs molécules bactéricides doit être débutée en urgence, dès les prélèvements bactériologiques effectués ; l’antibiothérapie sera adaptée au vu des résultats de ces prélèvements et sa durée sera de 8 à 15 jours selon le germe.
[4] [5] [6] [7] [8]
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Pour en savoir plus Référentiels et recommandations de la Société française d’étude et de traitement des brûlures. www.sfetb.org
S. Ingen-Housz-Oro (
[email protected]). Service de dermatologie, CHU Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France. M.-D. Benjoar. Service de chirurgie plastique, CHU Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Ingen-Housz-Oro S., Benjoar M.-D. Brûlures superficielles : physiopathologie, clinique, traitement. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0767, 2010.
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Dermatoses de la grossesse S. Régnier, S. Aractingi Les bouleversements hormonaux, immunologiques et métaboliques entraînés par la grossesse peuvent provoquer certaines modifications cutanées totalement physiologiques et transitoires. À côté de cela, d’authentiques dermatoses spécifiques de la grossesse sont décrites. Elles sont le plus souvent bénignes, mais peuvent parfois engager le pronostic maternofœtal. Il est donc important de bien connaître toutes ces modifications cutanées qu’elles soient physiologiques ou pathologiques afin de rassurer les femmes enceintes souvent inquiètes et de les adresser au moindre doute au dermatologue. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dermatose polymorphe de la grossesse ; Pemphigoïde de la grossesse ; Cholestase gravidique
Plan ¶ Introduction
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¶ Modifications physiologiques Modifications pigmentaires Modifications pilosébacées Modifications du tissu élastique Modifications de glandes sudorales Modifications vasculaires
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¶ Dermatoses spécifiques de la grossesse Dermatose polymorphe de la grossesse (DPG) Pemphigoïde de la grossesse (PG) Prurigo de la grossesse Folliculite prurigineuse de la grossesse Cholestase gravidique (CG) Impétigo herpétiforme Eczéma atopique de la grossesse (AEP)
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¶ Conclusion
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En 1983, Holmes et Black [1] proposèrent une classification simplifiée de ces dermatoses spécifiques de la grossesse en distinguant quatre entités distinctes : • les dermatoses polymorphes de la grossesse (DPG) ; • la pemphigoïde de la grossesse (anciennement herpes gestationis) (PG) ; • le prurigo de la grossesse ; • les folliculites prurigineuses de la grossesse. À côté de cela, la cholestase intrahépatique gravidique, ou encore l’impétigo herpétiforme doivent être connus des dermatologues bien qu’ils ne fassent pas partie des dermatoses spécifiques de la grossesse. En effet, certaines situations peuvent engager le pronostic fœtal ou maternel.
■ Modifications physiologiques Les modifications de la peau, des muqueuses et des phanères observées en cours de grossesse sont très fréquentes et disparaissent le plus souvent spontanément dans les mois qui suivent l’accouchement.
Modifications pigmentaires
■ Introduction Les modifications hormonales, immunologiques et métaboliques observées au cours de la grossesse peuvent être responsables de modifications cutanées physiologiques multiples. Il s’agit d’un motif fréquent de consultation, il est donc important de les connaître afin de pouvoir rassurer les femmes enceintes sur leur caractère bénin et le plus souvent transitoire. Les manifestations cutanées observées peuvent être : • des manifestations pigmentaires ; • des manifestations vasculaires ; • des modifications de la structure du derme ; • des modifications sudorales et sébacées. Outre ces modifications cutanées physiologiques, d’authentiques dermatoses spécifiques de la grossesse peuvent apparaître. Ces manifestations cutanées ont fait l’objet de multiples dénominations et leur classification est longtemps restée floue et imprécise. Traité de Médecine Akos
Les modifications pigmentaires touchent 85 % à 90 % des femmes, notamment les femmes à phototype foncé. Elles surviennent précocement au cours de la grossesse et s’accentuent progressivement pour s’estomper puis disparaître dans la majorité des cas en post-partum. Ces modifications intéressent essentiellement le visage, les aréoles mammaires, et le mammelon, les régions axillaires, la région anogénitale et la face interne des cuisses. Les zones de pigmentation physiologique (aréoles, mamelon, et régions génitales) deviennent plus foncées en cours de grossesse et restent souvent plus pigmentées qu’avant la grossesse [1]. La ligne blanche abdominale (ligne médiane s’étendant de la symphyse pubienne jusqu’au sternum) est la zone de pigmentation la plus fréquente (75 %) [1] (Fig. 1). On parle alors de linea nigra. Les cicatrices récentes, les nævi peuvent également foncer au cours de la grossesse. L’hyperkératose nævoïde du mamelon et de l’aréole correspond à une hyperkératose verruqueuse brune du mammelon, bénigne. Cette entité relativement rare n’est pas spécifique de la grossesse.
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Figure 2. Larges vergetures abdominales.
Figure 1.
Linea nigra sus- et sous-ombilicale.
également le visage, notamment sur la lèvre supérieure, sur la région du menton. Cette hyperpilosité est plus fréquente chez les femmes ayant déjà une pilosité brune et développée. Elle disparaît dans les 6 mois qui suivent l’accouchement.
Effluvium télogène Certaines patientes présentent enfin une ou plusieurs mélanonychies (pigmentation unguéale mélanique), disparaissant spontanément après l’accouchement. Le mélasma ou « masque de grossesse » est une hyperpigmentation (hypermélanose) symétrique du visage relativement fréquente puisqu’elle atteint, selon les séries, de 15 % à 70 % des patientes [1-3]. Sa physiopathologie reste méconnue, mais est probablement multifactorielle : origine génétique (prédominance chez les femmes à phototype foncé), effet combiné de la sécrétion œstroprogestative, exposition aux ultraviolets (UV), hypersécrétion de MSH (melanocyte stimulating hormone). L’augmentation du taux de la pro-opiomélanocortine (POMC), dont le clivage se fait en plusieurs composants (surtout la MSH, une hormone hypophysaire), provoque une stimulation de la production de mélanosomes par les mélanocytes. Il apparaît habituellement durant le deuxième trimestre de la grossesse et s’aggrave jusqu’à l’accouchement. Il régresse en général spontanément la première année après l’accouchement, mais peut persister dans 10 % à 30 % des cas (surtout chez les femmes à phototype foncé). Le mélasma est aggravé par l’exposition solaire [1-3]. On distingue trois formes cliniques de mélasma : • la forme centrofaciale siège sur le front, les joues, la lèvre supérieure, le nez, le menton ; • la forme malaire est située sur les joues et le nez ; • la forme mandibulaire atteint la branche montante des mandibules. Cliniquement, il s’agit de plaques pigmentées maculeuses plutôt bien limitées prenant différentes teintes allant du beige clair au brun foncé. L’examen en lumière de Wood permet de distinguer la profondeur du pigment, ce qui est utile pour la prise en charge thérapeutique. On distingue le mélasma épidermique (accentuation de la pigmentation en lumière de Wood), le mélasma dermique (pas d’accentuation) peu accessible au traitement, et la forme mixte (accentuation sur certaines zones uniquement). La forme épidermique est la plus fréquente devant la forme dermique puis la forme mixte. C’est également la forme la plus accessible aux thérapeutiques locales. Le traitement n’est proposé qu’à distance de l’accouchement compte tenu des facteurs hormonaux, de la forte proportion de régression spontanée et également de la contre-indication de la plupart des traitements en cours de grossesse. Le seul traitement à prescrire en cours de grossesse est la protection solaire.
Modifications pilosébacées Hypertrichose Une hypertrichose est relativement classique en cours de grossesse, prédominant sur la région sous-ombilicale, mais
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Durant la grossesse, il existe une proportion plus importante de cheveux anagènes à partir du deuxième trimestre de grossesse (95 %, pour une femme normale hors grossesse de l’ordre de 85 %) avec réduction du nombre de cheveux télogènes et ce, jusqu’à 8 jours post-partum. Après l’accouchement, la décroissance brutale du taux d’œstrogènes entraîne un détournement des cheveux anagènes vers la phase télogène, entraînant une chute des cheveux appelée effluvium télogène [1-3]. Le taux de cheveux en phase anagène immédiatement après l’accouchement diminue à 75 % environ. L’effluvium télogène apparaît dans les 5 premiers mois après l’accouchement et peut persister jusqu’à un an après. La masse capillaire se restaure ad integrum dans la grande majorité des cas.
Modifications sébacées Une hyperséborrhée est fréquente, notamment au niveau du visage. Des lésions d’acné parfois importantes et souvent à prédominance inflammatoire peuvent apparaître dès le premier trimestre de grossesse. Le traitement local fait appel au peroxyde de benzoyle, à l’érythromycine, mais également au zinc per os. Les rétinoïdes sont contre-indiqués.
Modifications du tissu élastique Vergetures Selon les séries, 55 % à 90 % des femmes enceintes développeraient des vergetures [1-3]. Les zones atteintes sont la région abdominale, les seins, les cuisses, les flancs (Fig. 2). Les vergetures sont exceptionnellement prurigineuses. Elles se présentent initialement sous forme de stries linéaires pourpres disposées perpendiculairement aux zones de tension. Les vergetures plus anciennes palissent pour devenir des cicatrices blanches. La physiopathologie est multifactorielle. Elles peuvent être hormonales tout d’abord par l’imprégnation adrénocorticotrope, mais peuvent être également liées à la distension abdominale. Les facteurs de risque de développer des vergetures gravidiques associent, selon les études, l’obésité maternelle et la prise de poids durant la grossesse, l’indice de masse corporelle (IMC) et le poids du bébé, un âge jeune, des antécédents familiaux. Une étude récente a ainsi mis en évidence que chez 50 % des patientes ayant des vergetures, on retrouvait un antécédent maternel de vergetures gravidiques [4]. De plus, le risque de survenue de cette complication était étroitement lié à la présence, avant la grossesse, de vergetures des seins et des cuisses. En revanche, dans cette série, il n’était pas retrouvé d’association particulière avec la prise de poids maternelle. Enfin les vergetures seraient plus fréquentes chez les plus jeunes femmes enceintes. Histologiquement, il existe une diminution des fibres élastiques et de leur réorganisation et un amincissement du derme par rapport à la peau périlésionnelle. Traité de Médecine Akos
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La prise en charge thérapeutique reste très pauvre puisqu’aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité tant préventive que curative.
Fibromes pendulum = achrocordons = molluscum fibrosum gravidarum Il s’agit de tumeurs bénignes qui se développent essentiellement sur le cou et les régions axillaires. Cliniquement, il s’agit de petites lésions pigmentées pédiculées indolores apparaissant entre le quatrième et le sixième mois de grossesse. Certaines peuvent disparaître spontanément après l’accouchement. Le traitement est à visée esthétique (cryothérapie, électrocoagulation).
Tubercules de Montgomery Ce sont des glandes sébacées associées aux canaux lactifères. Ils deviennent proéminents lors de la grossesse, sous la forme de papules brunes au niveau des aréoles mammaires.
Œdèmes Les œdèmes peuvent prendre le godet aux membres inférieurs et aux pieds. Ils sont fréquents en fin de grossesse (70 %) et indépendants de la prééclampsie. Sur le visage, notamment les paupières, les œdèmes sont blancs, ne prennent pas le godet et intéressent 50 % des femmes en fin de grossesse. Ces œdèmes seraient liés à la rétention hydrosodée ainsi qu’à l’augmentation de la perméabilité vasculaire en fin de grossesse. Ils disparaissent rapidement après l’accouchement.
Modifications de glandes sudorales L’hypersudation est fréquente en cours de grossesse, hormis la sudation palmoplantaire qui diminue à l’approche de l’accouchement [1-3].
Modifications vasculaires Les modifications vasculaires sont bien connues et sont liées à deux facteurs importants : des modifications hormonales et l’augmentation de la pression intravasculaire.
Érythrose palmaire Deux tiers des Caucasiennes et un tiers des Africaines présenteraient un érythème palmaire. Celui-ci apparaît au cours des deux premiers mois de grossesse et s’accentue en fin de gestation. Il disparaît spontanément après l’accouchement dans 90 % des cas. Il se présente sous deux formes cliniques : • une atteinte diffuse de toute la paume et des pulpes prenant un aspect motté érythrocyanotique ; • un érythème limité aux éminences thénars et hypothénars ou sur la tête des métacarpiens, qui est la forme la plus fréquente. La régression est totale en post-partum.
Angiomes stellaires Les angiomes stellaires sont relativement fréquents (deux tiers des Caucasiennes, mais seulement 10 % des Africaines). Cliniquement, ils se présentent sous forme d’une artériole centrale associée à de fines branches radiées et à un érythème périangiomateux. Celui-ci disparaît à la vitropression. Les sites anatomiques les plus fréquemment atteints sont ceux correspondant au territoire de drainage de la veine cave supérieure : le cou, le visage, notamment la région périorbitaire, le décolleté et les bras. Une disparition spontanée dans les 8 semaines post-partum est commune. Les lésions persistantes pourront être traitées par électrocoagulation ou laser vasculaire. Le rôle des œstrogènes est avancé dans la genèse de ces lésions.
Figure 3.
Épulis ou botriomycome de la langue.
sités vulvaires, les varices ainsi que les hémorroïdes sont également plus fréquentes, mais le risque de thrombose est exceptionnel (Fig. 2). La fragilité vasculaire est impliquée dans le développement de ces troubles.
Hémangiomes Les hémangiomes intéressent moins de 5 % des grossesses au premier trimestre. Ils sont soit superficiels, soit sous-cutanés. Le rôle des œstrogènes est également évoqué.
Gingivite et épulis gravidique Une gingivite hypertrophique parfois douloureuse et hémorragique peut apparaître à partir du cinquième mois de grossesse, chez environ 2 % des femmes enceintes. Il peut s’y associer des granulomes pyogéniques ou botriomycomes, le plus souvent interdentaires, parfois au niveau de la langue. Il s’agit de tumeurs bénignes « saignotantes » pédiculées molles rouge vif correspondant à l’épulis gravidique (Fig. 3). Ces tumeurs régressent en général après l’accouchement, mais leur exérèse peut être rendue nécessaire en raison de douleur ou de gêne à l’alimentation.
Purpura pétéchial des membres inférieurs Le purpura pétéchial des membres inférieurs est probablement lié à une fragilité capillaire accrue en cours de grossesse.
Télangiectasies unilatérales nævoïdes Les téléangiectasies unilatérales nævoïdes se développent de façon strictement unilatérale sur le territoire cervicobrachial (C3 C4 et territoire trigéminé) et disparaissent spontanément après l’accouchement. La disposition suit parfois les lignes de Blaschko.
■ Dermatoses spécifiques de la grossesse En marge de ces modifications physiologiques de la peau, d’authentiques dermatoses, spécifiques de la grossesse, peuvent apparaître. En 1983, Holmes et Black [5] proposèrent une classification simplifiée de ces manifestations cutanées spécifiques de la grossesse en distinguant quatre entités : • la dermatose polymorphe de la grossesse (DPG) ; • la pemphigoïde de la grossesse (anciennement herpes gestationis) (PG) ; • le prurigo de la grossesse ; • les folliculites prurigineuses de la grossesse. D’autres entités pouvant s’accompagner de signes dermatologiques, comme la cholestase intrahépatique gravidique ou l’impétigo herpétiforme, sont également importantes à connaître en raison du risque fœtomaternel qu’elles engendrent.
Varicosités
Dermatose polymorphe de la grossesse (DPG)
Quarante pour cent des femmes enceintes présentent des varicosités, essentiellement des membres inférieurs. Les varico-
Cette dénomination regroupe les anciens termes de PUPPP (pruritic urticarial papules and plaques of pregnancy), d’érythème
Traité de Médecine Akos
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2-0770 ¶ Dermatoses de la grossesse
Figure 4. Éruption papuleuse abdominale le long des vergetures et respectant la zone périombilicale : dermatose polymorphe de la grossesse. Figure 5. Éruption papuleuse annulaire : pemphigoïde de la grossesse.
polymorphe de la grossesse, de rash toxémique gravidique et d’érythème toxique de la grossesse ou encore de prurigo tardif de la grossesse. La DPG concerne 0,4 % à 0,8 % des femmes enceintes (1 grossesse sur 200 environ) et son étiologie reste encore inconnue. Les femmes développant une DPG sont majoritairement primigestes (entre 42 % et 76 %) et primipares (55 % à 80 %) [5-9]. Les manifestations cutanées apparaissent le plus souvent au troisième trimestre de la grossesse (79 % à 96 % des cas), parfois en post-partum immédiat [5-9] . Les grossesses gémellaires sont plus souvent concernées, de même que les femmes portant des fœtus de sexe mâle [8]. Ce dernier point demeure inexpliqué. Un risque accru de césarienne est également rapporté [8, 10]. Plus récemment, Ohel et al. ont mis en évidence une association significative entre hypertension et DPG [10]. Les premières manifestations cutanées apparaissent habituellement au niveau de l’abdomen, le plus souvent en regard des vergetures, en respectant la zone périombilicale, contrairement à la pemphigoïde de la grossesse (Fig. 4). Elle s’étend secondairement aux membres et au tronc en respectant le visage. Les lésions initiales sont des papules érythémateuses urticariennes pouvant confluer en plaques. Des lésions vésiculeuses (40 % à 67 %), annulaires (18 %) ou en « cocarde » (20 %) peuvent également être observées [5-9]. Il n’y a pas de bulle et, habituellement, pas de lésion muqueuse. Les régions palmoplantaires sont classiquement respectées, mais de rares cas d’atteinte à type de dishydrose ont été décrits. Le prurit est quasi constant, très intense, parfois insomniant. L’évolution est rapidement marquée par la persistance, voire l’aggravation des lésions en l’absence de traitement jusqu’à la fin de la grossesse. Elle est ensuite favorable et les signes cutanés disparaissent spontanément et rapidement après l’accouchement. Néanmoins, des poussées en post-partum immédiat peuvent être observées. Une récidive est possible lors des grossesses ultérieures (20 % des cas), elle est alors peu sévère et rapidement résolutive. Il n’y a pas de retentissement sur le pronostic maternofœtal. L’histologie de la peau, peu spécifique, montre un œdème du derme papillaire associé à un infiltrat inflammatoire périvasculaire lymphohistiocytaire, parfois à éosinophiles. Des signes épidermiques sont inconstamment retrouvés (spongiose, parakératose, acanthose). L’immunofluorescence cutanée directe (IFD) est indispensable au diagnostic puisqu’elle est constamment négative, ce qui permet de différencier une DPG d’une pemphigoïde de la grossesse prébulleuse débutante ou atypique. Le traitement de la DPG est purement symptomatique, l’intensité et le caractère insomniant du prurit justifiant la prescription d’antihistaminiques et de dermocorticoïdes de classe II. Le déclenchement de l’accouchement, si le terme le permet, peut être discuté en cas de prurit invalidant résistant au traitement classique. L’étiologie et la pathogénie de cette dermatose restent inconnues. Certains auteurs ont postulé que la distension cutanée mécanique liée à une prise de poids maternelle et un
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poids fœtal excessifs pourrait avoir un rôle dans le développement de cette dermatose [9]. Néanmoins, cette hypothèse n’a pas confirmé ultérieurement [6-8]. Aucune perturbation d’ordre auto-immun, immunologique ou hormonale n’a été mise en évidence au cours des DPG, hormis une diminution du cortisol sérique dans une étude isolée [7]. De même, aucune association HLA (human leucocyte antigen) particulière n’a été retrouvée. Récemment, une nouvelle hypothèse a été avancée, soulevant le rôle potentiel des cellules fœtales dans la pathogénie de la DPG. Ainsi, de l’acide désoxyribonucléique (ADN) Y, donc potentiellement fœtal, a pu être détecté dans la peau lésée de femmes atteintes de DPG et enceintes de garçons, alors qu’il n’en était pas retrouvé dans la peau de femmes enceintes de filles, ou de garçons et ayant une autre dermatose [11]. Cette constatation amène les auteurs à penser que les cellules fœtales circulantes pourraient migrer dans la peau maternelle et entraîner une réaction aboutissant au développement des lésions cutanées.
Pemphigoïde de la grossesse (PG) La PG est une dermatose bulleuse auto-immune associée à l’état gravidique ou au post-partum. Elle a parfois été décrite en association à des tumeurs trophoblastiques, môle hydatiforme ou choriocarcinome. L’incidence de cette dermatose rare est évaluée de façon très variable entre 1/1 600 et 1/50 000 grossesses ; elle se situe plus vraisemblablement autour 1/7 000 grossesses [6, 7, 12, 13]. Elle atteint habituellement des femmes multipares (contrairement à la DPG) classiquement au deuxième ou troisième trimestre de la grossesse. Des cas ont été décrits en post-partum et en début de grossesse. Les manifestations cutanées sont classiquement précédées d’un prurit sine materia. La topographie intéresse initialement l’abdomen, particulièrement la zone ombilicale (50 % à 80 % des cas) puis s’étend au tronc et aux membres, parfois au visage et aux régions palmoplantaires. Une atteinte muqueuse est possible. Les lésions cutanées se caractérisent par des papules et des plaques érythémato-œdémateuses, pseudo-urticariennes souvent annulaires sur lesquelles apparaissent rapidement de véritables bulles tendues à contenu clair (Fig. 5, 6). L’éruption peut régresser avant l’accouchement, mais une poussée en postpartum est très fréquemment décrite (75 % à 85 % des cas) [13, 14]. Des cas de PG persistantes ont été rapportés, évoluant de façon autonome plusieurs années après la grossesse [13]. La PG récidive de façon plus précoce et plus sévère lors des grossesses ultérieures. La prise d’œstroprogestatifs pourrait également déclencher une nouvelle poussée. Il peut exister une hyperéosinophilie sanguine. L’histologie retrouve un œdème du derme papillaire associé à un infiltrat lymphohistiocytaire périvasculaire, essentiellement à éosinophiles, une spongiose à éosinophiles et une bulle sousépidermique. Le diagnostic repose sur l’immunofluorescence cutanée directe, qui est un examen fondamental devant être réalisé systématiquement devant toute dermatose gravidique prurigineuse. Elle retrouve un dépôt linéaire de C3 le long de la jonction dermoépidermique. Dans moins de 40 % des cas, il Traité de Médecine Akos
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retrouvé un poids de naissance plus faible ainsi qu’une légère prédominance d’enfants de sexe mâle [7]. L’IFD est négative, il n’y a pas de perturbation biologique, il n’y a pas de risque fœtomaternel particulier. Le traitement fait appel aux dermocorticoïdes.
Cholestase gravidique (CG)
Figure 6. Lésions vésiculobulleuses du dos de la main et des doigts : pemphigoïde de la grossesse.
existe également un dépôt linéaire d’immunoglobulines G (IgG), généralement moins intense. L’étude du sérum en immunofluorescence indirecte permet de détecter dans 60 % à 90 % des cas des autoanticorps antimembrane basale de type IgG1 dirigés contre un composant des hémidesmosomes de la membrane basale (herpes gestationis factor). Les techniques d’immunotransfert ont permis de mettre en évidence deux cibles antigéniques, BPAg1 et BPAg2, de poids moléculaire 230 et 180 kD respectivement (antigènes cibles de la pemphigoïde bulleuse). Dans la majorité des PG, les autoanticorps circulants reconnaissent uniquement l’antigène BPAg2, plus rarement les deux. Au cours de la pemphigoïde bulleuse, l’antigène majoritairement reconnu est BPAg1. Les autoanticorps de la PG ont un site antigénique commun avec le domaine non collagénique (NC16a) de BPAg2 [14, 15]. Il existe en outre une nette prédominance des haplotypes HLA DR3 et 4 ainsi que de l’allèle C4 nul chez les femmes atteintes de PG [16]. Certaines associations à des maladies autoimmunes ont été rapportées, comme la maladie de Basedow, la pelade universelle, le vitiligo ou la rectocolite hémorragique. Le pronostic fœtal est bon. Une éruption éventuellement bulleuse est parfois observée chez le nouveau-né, elle est rapidement résolutive. En outre, il semblerait exister un risque plus élevé d’hypotrophie fœtale, de prématurité et d’accouchement par césarienne (ce même point a été rapporté au cours de la DPG) chez ces femmes atteintes de PG [13, 17]. Le traitement fait appel aux dermocorticoïdes de classe I et aux antihistaminiques dans les formes paucibulleuses. Dans les cas les plus sévères, une corticothérapie générale est indiquée, à raison de 0,5 à 1 mg/kg par jour. Un maintien ou une réaugmentation des doses est conseillé en fin de grossesse afin de couvrir les risques de poussées du post-partum.
Prurigo de la grossesse Le prurigo de la grossesse (anciennement prurigo gestationis de Besnier ou prurigo précoce de la grossesse) concerne 1/300 à 1/450 grossesses [5, 6]. L’éruption débute entre 25 et 30 semaines d’aménorrhée et tend à persister après le post-partum. Les papules excoriées de prurigo atteignent des faces d’extension des membres, des épaules et de l’abdomen. Le pronostic maternofœtal est normal. Il n’y a pas de récurrence lors des grossesses ultérieures dans la grande majorité des cas. L’histologie est peu spécifique et l’IFD est négative. Il n’y a pas de perturbation biologique. Pour certains auteurs, le prurigo de la grossesse surviendrait électivement sur un terrain atopique, et ne serait que l’expression d’un prurit gravidique sur un terrain favorisant [5, 7] . Le traitement associe antihistaminiques et dermocorticoïdes.
Folliculite prurigineuse de la grossesse Il s’agit d’une éruption acnéiforme relativement rare (24 cas rapportés), apparaissant au troisième trimestre. Des papules et pustules folliculaires stériles se développent sur le tronc, parfois des membres supérieurs [7]. Elle disparaît spontanément après l’accouchement. Dans une série de 14 cas, les auteurs ont Traité de Médecine Akos
Ce n’est pas à proprement parler une dermatose de la grossesse puisqu’il n’y a pas d’éruption cutanée spécifique, mais des lésions secondaires au prurit. Cette entité est néanmoins importante à connaître compte tenu du risque fœtal qu’elle engendre. L’incidence de la CG est évaluée à environ 2/1 000 grossesses. La CG se manifeste par un prurit intense, le plus souvent nocturne, survenant au troisième trimestre de la grossesse. Les lésions cutanées sont secondaires au prurit et correspondent à des excoriations de grattage, parfois à des lésions de prurigo. Les symptômes régressent après l’accouchement. Une récurrence lors de grossesses ultérieures est fréquente (60 % à 70 % des cas), plus rarement lors de la prise d’œstroprogestatifs. Biologiquement, il existe une augmentation des transaminases prédominant sur les alanines aminotransférases (ALAT) (95 % des cas). Le dosage des sels biliaires totaux à jeun est primordial, car il quantifie l’intensité de la cholestase et serait corrélé aux signes de souffrance fœtale. Les risques fœtaux, liés à une anoxie placentaire, sont la mort fœtale in utero (0,75 % à 3,2 %) ou périnatale (0,75 % à 6,4 %), le retard de croissance (17 % à 50 %) et la prématurité (12 % à 50 %) [18]. La majorité des auteurs recommandent ainsi un déclenchement de l’accouchement à 38 semaines d’aménorrhée (SA) en cas de CG modérée et à 36 SA en cas de CG sévère. La cholestyramine (Questran ® ), agent chélateur des sels biliaires, est utilisée avec un taux de réponses cliniques de 70 %. Néanmoins, le délai d’action sur le prurit est de plusieurs jours et il n’y a pas d’efficacité sur les perturbations biologiques. De plus, la cholestyramine entraîne une malabsorption de la vitamine K, d’où des risques hémorragiques. L’acide ursodésoxycholique (UCDA) agirait plus rapidement et contrôlerait à la fois le prurit et les anomalies biologiques. Il n’entraînerait pas de risque fœtomaternel et pourrait diminuer la mortalité fœtale [18].
Impétigo herpétiforme L’impétigo herpétiforme (IH) est une dermatose rare et certains cas ont été rapportés en dehors de toute grossesse. Cette entité n’appartient donc pas à la classification des dermatoses spécifiques de la grossesse décrite par Holmes et Black [5]. Des similitudes cliniques et histologiques avec le psoriasis pustuleux généralisé (forme Von Zumbusch) font suspecter une parenté entre ces deux entités. Néanmoins, le lien entre ces deux dermatoses est encore actuellement controversé. L’éruption survient le plus souvent chez les primipares au troisième trimestre de la grossesse. Cliniquement, il s’agit de plaques érythémateuses à extension centrifuge et se couvrant secondairement de pustules stériles localisées initialement dans les grands plis. Une hyperthermie et des signes digestifs sont fréquemment associés. Les récidives lors d’une grossesse ultérieure sont fréquentes et plus précoces. Des récurrences ont également été décrites lors de la prise d’œstroprogestatifs. Des antécédents de psoriasis ne sont retrouvés que dans un tiers des cas. Biologiquement, une hypocalcémie et une hypoalbuminémie peuvent être retrouvées. Il existe un risque de mort fœtale in utero (25 %) et un risque de malformation fœtale (hydrocéphalie). Le traitement est difficile et controversé. La corticothérapie par voie générale serait inégalement efficace, l’association rétinoïdes-PUVAthérapie serait une bonne alternative, mais elle est réservée au post-partum. Les cas avec hypocalcémie répondraient de façon favorable à une supplémentation calcique. Enfin, l’association ciclosporine-corticothérapie systémique a été rapportée dans un cas [19].
Eczéma atopique de la grossesse (AEP) Dans une étude récente sur une large série de femmes enceintes, Ambros-Rudolph et al. ont proposé d’intégrer dans le cadre des dermatoses de la grossesse le terme nouveau d’eczéma
5
2-0770 ¶ Dermatoses de la grossesse
atopique de la grossesse [12]. Cette entité est caractérisée par la survenue de lésions prurigineuses essentiellement des plis, chez des patientes ayant des antécédents personnels ou familiaux d’atopie associée ou non à un taux élevé d’immunoglobulines E (IgE). Néanmoins, dans cette série, seules 21 % des femmes enceintes atteintes d’AEP avaient un antécédent personnel d’atopie. Les manifestations cutanées survenaient plutôt au cours des deux premiers trimestres de grossesse sous forme d’un eczéma classique (48 % des cas) ou sous forme d’un prurigo. Les situations antérieurement décrites comme prurigo de la grossesse ou folliculite de la grossesse ont été reclassifiées dans cette série comme AEP [12].
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■ Conclusion Rares ou plus fréquentes, les dermatoses de la grossesse peuvent entraîner des complications parfois graves chez la mère, mais également chez l’enfant. Il est donc important de savoir les diagnostiquer et les prendre en charge. Il ne faut pas hésiter à réaliser une biopsie cutanée avec IFD devant toute dermatose prurigineuse de la grossesse ainsi qu’un dosage des sels biliaires et des transaminases en cas de prurit sine materia.
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[11]
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En pratique
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La classification des dermatoses spécifique, de la grossesse regroupe quatre entités : la dermatose polymorphe de la grossesse, la pemphigoïde de la grossesse, la folliculite prurigineuse de la grossesse et le prurigo de la grossesse. La cholestase gravidique ainsi que l’impétigo herpétiforme ne font pas partie de cette classification, mais doivent être connues en raison des risques fœtaux qu’elles engendrent (mort fœtale in utero). La biopsie cutanée avec immunofluorescence directe doit être réalisée devant toute éruption prurigineuse de la grossesse. Le dosage des sels biliaires et des transaminases doit être proposé devant tout prurit sine materia en cours de grossesse. .
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[14]
[15]
[16] [17]
■ Références [1]
[13]
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S. Régnier (
[email protected]). Service de dermatologie, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France. S. Aractingi. Service de dermatologie, Hôpital Tenon, 20, rue de la Chine, 75020 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Régnier S., Aractingi S. Dermatoses de la grossesse. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0770, 2009.
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Traité de Médecine Akos
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Dermatologie du sujet âgé P. Senet, J. Fontaine, S. Meaume Le vieillissement de la population est un élément majeur de la démographie actuelle. La proportion de sujets âgés de plus de 65 ans est en constante augmentation jusqu’à atteindre actuellement plus de 15 % de la population générale en France. L’espérance de vie en 2004 était de plus de 80 ans pour les femmes et de 77 ans pour les hommes. La dermatologie du sujet âgé prend de plus en plus d’importance dans la pratique dermatologique courante, que cela soit à l’hôpital ou en ville. La demande en dermatologie dans les unités de gériatrie va augmenter encore dans les prochaines années car la fréquence des pathologies courantes comme les carcinomes cutanés, les plaies chroniques et la pemphigoïde augmente avec l’âge. Dans une étude récente en France, on note que les dermatologues libéraux prennent en charge majoritairement des lésions cancéreuses ou précancéreuses, des infections fongiques et le psoriasis, qui atteignent essentiellement des sujets âgés. Par ailleurs, la prévalence des symptômes dermatologiques augmente avec l’âge. Le champ de la dermatologie gériatrique est donc large, couvrant les modifications cutanées physiologiques comme les rides liées au vieillissement chronologique, les pathologies liées au vieillissement photo-induit et les pathologies plus fréquentes chez le sujet âgé comme le prurit, les érythèmes fessiers et les carcinomes cutanés. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Peau ; Sujet âgé ; Érythème fessier ; Prurit ; Carcinomes cutanés
Plan ¶ Introduction
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¶ Vieillissement cutané : physiologie et aspects cliniques Physiologie Aspects cliniques
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¶ Principales pathologies dermatologiques du sujet âgé Pathologies infectieuses Cancers cutanés Pemphigoïde bulleuse Prurit Érythème fessier du sujet âgé incontinent
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■ Introduction Le vieillissement de la population en France est une donnée majeure de la démographie actuelle. La proportion de sujets de plus de 65 ans augmente, atteignant actuellement 15 % de la population générale. De fait, certaines pathologies dermatologiques comme les cancers cutanés, le prurit et les ulcères de jambe deviennent de plus en plus fréquentes en raison du vieillissement de la population. Les ulcères de jambe sont d’ailleurs un des motifs les plus fréquents d’hospitalisation en dermatologie, avec les mélanomes et les maladies inflammatoires systémiques [1] . En revanche, les motifs de consultation les plus fréquents chez les dermatologues libéraux sont les infections fongiques, les tumeurs cutanées cancéreuses et précancéreuses et le psoriasis, qui atteignent plus souvent les sujets âgés [2]. La prévalence des demandes de soins en dermatologie augmente Traité de Médecine Akos
d’ailleurs avec l’âge [3]. La dermatologie gériatrique est donc en pleine expansion, aussi bien en dermatologie libérale et hospitalière que dans les services de médecine. La dermatologie du sujet âgé comprend des altérations physiologiques obligatoires du tégument liées au vieillissement « normal », comme les rides, les pathologies bénignes très fréquentes inhérentes au vieillissement, comme les kératoses séborrhéiques, et des pathologies précises touchant particulièrement mais non exclusivement le sujet âgé, comme les carcinomes cutanés ou le prurit.
■ Vieillissement cutané : physiologie et aspects cliniques Physiologie Le vieillissement cutané est un processus physiologique défini par l’ensemble des altérations du revêtement cutané qui surviennent au fil des ans [4, 5]. On distingue classiquement trois types de vieillissements : le vieillissement intrinsèque, le vieillissement extrinsèque et le vieillissement hormonal.
Vieillissement intrinsèque Encore appelé chronovieillissement, c’est l’horloge biologique qui affecte la peau de la même façon que les autres organes. Cliniquement, le vieillissement intrinsèque est plus net dans les régions photoprotégées. Il se caractérise sur le plan histologique par une atrophie de l’ensemble des constituants de la peau (épiderme, derme et
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2-0775 ¶ Dermatologie du sujet âgé
hypoderme) et des altérations du tissu élastique. Au niveau épidermique, le stratum corneum est peu modifié, l’épiderme est atrophique et la jonction dermoépidermique est aplatie. La densité et l’activité des mélanocytes sont diminuées et il y a peu de cellules de Langerhans. Au niveau du derme, l’épaisseur est diminuée ; les vaisseaux, les fibroblastes et les annexes se raréfient. L’hypoderme est atrophique à certains endroits (visage, mains) ou au contraire hypertrophique dans d’autres (abdomen, bras, hanche). Au niveau des phanères, une calvitie et une canitie se développent et la tablette unguéale devient rugueuse et grisâtre. Sur le plan fonctionnel, la diminution de la fonction sébacée entraîne un déficit en film lipidique de surface. L’altération de la cohésion des cornéocytes entraîne un accroissement de la desquamation cutanée. Des anomalies de la thermorégulation, de la réactivité vasculaire et des perceptions sensorielles sont également constatées.
Figure 1.
Kératose séborrhéique (ou sénile).
Vieillissement extrinsèque Influencé par les facteurs environnementaux et plus particulièrement par l’exposition aux ultraviolets (UV), ou héliodermie, il prédomine donc dans les régions photoexposées et chez les sujets de phototype clair. Le rôle des autres facteurs de vieillissement extrinsèque comme le tabac, l’alcool et les drogues est probable. Le mécanisme du vieillissement extrinsèque photo-induit a été bien étudié. Sur le plan histologique, il est caractérisé par une variation de l’épaisseur de l’épiderme (atrophie ou hyperplasie par endroits) avec souvent des atypies nucléaires et des anomalies de leur maturation (dyskératose). Le nombre de mélanocytes est augmenté, avec une distribution irrégulière de la mélanine. Une horizontalisation et une atrophie de la jonction dermoépidermique sont observées. Les parois capillaires sont épaissies pour devenir rares puis atrophiques. Le marqueur histopathologique du photovieillissement est l’élastose solaire : c’est l’accumulation de matériel basophile (prenant les mêmes colorations que les fibres élastiques) dans le derme superficiel et moyen. Il semble que ce matériel élastosique corresponde surtout à la production d’une matrice extracellulaire anormale par les fibroblastes. Les fonctions immunitaires de la peau sont altérées. L’atrophie cutanée, à un stade avancé, s’ajoute à la fragilité. Le tabagisme a été incriminé dans plusieurs travaux comme pouvant accélérer le vieillissement extrinsèque. En effet, la nicotine et ses dérivés potentialisent l’effet des UV. L’altération du tissu conjonctif est probablement liée à la production de métalloprotéinases induite par le tabac.
Figure 2.
Vieillissement hormonal Les modifications cutanées qui surviennent à la ménopause, tout en faisant partie du vieillissement intrinsèque physiologique, méritent une considération particulière. La carence œstrogénique majore certains paramètres du vieillissement cutané comme l’atrophie, l’atonie, le dessèchement et la pâleur. On peut aussi observer, en cas de rupture de l’équilibre progestérone-œstrogènes-androgènes, des signes d’hyperandrogénie tels qu’une pilosité anormale du visage, une chute de cheveux et de l’acné chez des sujets génétiquement prédisposés. Il est démontré actuellement que ces troubles peuvent être considérablement atténués par un traitement hormonal substitutif.
Aspects cliniques Les manifestations cliniques du vieillissement intrinsèque sont relativement limitées [6]. Elles se traduisent essentiellement par de la xérose, une laxité, l’apparition de proliférations épithéliales bénignes siégeant principalement sur le tronc (kératoses séborrhéiques) ou le visage (hyperplasie sébacée), et des taches rubis. Les kératoses séborrhéiques (Fig. 1) sont extrêmement fréquentes, puisque retrouvées chez plus de 60 %
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Purpura de Bateman par fragilité capillaire.
des sujets de plus de 65 ans. Elles sont d’aspects très variables. Elles se développent sur l’ensemble du tégument, et en particulier sur le visage où elles peuvent motiver une demande d’exérèse dans un but esthétique. Elles ne dégénèrent jamais mais certaines d’entre elles, de développement endophytique et très pigmentées, inquiètent parfois et peuvent en imposer pour un nævus (grain de beauté) ou un mélanome. Dans le doute, ces lésions doivent être biopsiées. Les adénomes sébacés du visage, petits nodules blanc jaunâtre ombiliqués au centre, se développent essentiellement sur les peaux hyperséborrhéiques et peuvent en imposer pour des carcinomes basocellulaires débutants. La papulose fibroélastolytique du cou désigne des papules blanches fibreuses de la nuque et du cou, non folliculaires, de 2 à 3 mm de diamètre, correspondant sur le plan histologique à un épaississement de collagène. Le purpura sénile de Bateman (Fig. 2), siégeant le plus souvent sur les membres supérieurs, est lié à une fragilité vasculaire induite par l’âge, sans trouble de la coagulation ni thrombopénie. Les manifestations cliniques du vieillissement photo-induit, ou héliodermie, sont plus complexes et caractéristiques [7, 8]. Le principal signe est représenté par l’élastose solaire qui se traduit par une peau jaunâtre et rugueuse, parcourue de rides et de sillons profonds (peau citréine de Milian, (Fig. 3), avec parfois un aspect accentué disposé en plaques (élastome diffus de Dubreuilh). À cet aspect d’élastose s’ajoutent souvent des troubles de la pigmentation donnant un aspect tacheté irrégulier. La peau exposée peut être le siège de signes exagérés d’héliodermies telles que les kératoses actiniques. Ce sont des lésions préépithéliomateuses dégénérant dans moins de 10 % des cas, présentes surtout sur le visage ou les mains des sujets à peau claire. Lésions squameuses, brun sale, adhérentes, rugueuses et souvent multiples, elles s’épaississent parfois jusqu’à former des cornes. L’induration et l’infiltration annoncent parfois la transformation en carcinome épidermoïde. On décrit également des aspects particuliers du vieillissement, réalisant des tableaux cliniques bien individualisés. Traité de Médecine Akos
Dermatologie du sujet âgé ¶ 2-0775
Figure 5.
Figure 3. Peau citréine de Milian avec comédons, témoignant de l’élastose solaire.
Lentigos actiniques du dos des mains.
imposer pour un mélanome de Dubreuilh ou un mélanome et en cas de doute il faut impérativement pratiquer une biopsie. S’il existe une demande de la part des malades, ils peuvent être détruits avec de l’azote liquide, pulvérisés au laser ou traités avec des crèmes dépigmentantes.
■ Principales pathologies dermatologiques du sujet âgé Pathologies infectieuses Infections fungiques
Figure 4. Maladie de Favre-Racouchot.
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L’élastoïdose nodulaire à kystes et comédons, ou maladie de Favre et Racouchot (Fig. 4), associe de façon variable des papules d’élastose, jaunâtres, des kystes et des comédons sur le front, les tempes et les faces latérales du nez. Elle est plus fréquente chez l’homme âgé. Elle entraîne un préjudice esthétique et peut être prise pour de l’acné mais relève d’un mécanisme bien différent, puisque ce ne sont que des manifestations du vieillissement actinique. Il n’y a guère de traitement à proposer. La nuque rhomboïdale se rencontre chez les hommes qui ont beaucoup travaillé au soleil (marins, agriculteurs). La peau de la nuque est épaissie, molle, quadrillée de gros plis losangiques. L’érythrose interfolliculaire du cou est fréquente. Elle atteint les faces latérocervicales mais respecte un losange sous-mentonnier à l’abri des rayons UV. Le fond de la dermatose est rouge avec de très fines télangiectasies criblées de micropapules folliculaires. Cet aspect, lié uniquement au vieillissement solaire, est plus fréquent chez la femme. Les lentigos actiniques (Fig. 5) apparaissent avec l’âge. Ils forment des macules brunes bien limitées, de quelques millimètres à 1 ou 2 centimètres de diamètre, essentiellement sur le dos des mains et le visage. Les lentigos actiniques peuvent en Traité de Médecine Akos
Chez les sujets âgés, les intertrigos des grands ou petits plis sont favorisés par le relâchement cutané et musculaire et la macération. Les intertrigos dermatophytiques touchent aussi bien les grands plis (inguinaux, sous-mammaires) que les petits espaces interdigitoplantaires. Les intertrigos candidosiques, d’aspect vernissé avec des pustules à distance et une collerette desquamative, touchent souvent les plis inguinaux et interfessiers des malades incontinents porteurs de changes complets. La perlèche (atteinte des commissures labiales) est favorisée par la perte de l’articulé dentaire (prothèse dentaire mal adaptée), l’hypersialorrhée et les modifications anatomiques des lèvres et des joues liées au vieillissement. Le traitement de ces intertrigos associe une bonne hygiène et un traitement par imidazolés ou allylamine topiques [9, 10]. La persistance d’un intertrigo malgré un traitement de 3 à 4 semaines correctement conduit doit faire discuter un traitement oral [10], une dermite d’irritation ou un psoriasis des plis, surtout si l’intertrigo a un aspect vernissé et bien limité. Une biopsie cutanée peut confirmer le diagnostic. Le traitement est alors une corticothérapie locale. Les onychomycoses sont des affections très courantes, dont la prévalence est estimée autour de 3 % en France. Elles surviennent rarement sur des ongles sains, raison pour laquelle elles atteignent particulièrement le sujet âgé. Elles sont dues à des dermatophytes, des levures ou des moisissures de traitement plus difficile. Un prélèvement mycologique pour examen direct et culture est indispensable avant de commencer un long traitement topique (vernis imidazolés avec ou sans avulsion chimique de l’ongle) ou oral en cas d’atteinte de plusieurs ongles ou d’atteinte matricielle [11]. Le traitement oral repose actuellement sur la terbinafine en cas de dermatophytose et sur le fluconazole en cas de candidose.
Gale En milieu institutionnel, la gale survient par petites épidémies. Le prurit d’abord localisé aux régions interdigitales et aux fesses se généralise ensuite à tout le corps sauf au visage, avec une recrudescence nocturne. La recherche soigneuse du sillon
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2-0775 ¶ Dermatologie du sujet âgé
l’amoxicilline. Les macrolides et apparentés comme la pristinamycine, peuvent également être utilisés, soit d’emblée chez les sujets allergiques à la pénicilline, soit en seconde intention [15]. Si le diagnostic est établi avec certitude et si le contexte social permet une surveillance régulière du patient, celui-ci peut être maintenu à domicile. En revanche, lorsque des signes de gravité sont présents ou si le terrain est défavorable (sujet âgé, polypathologique, etc.), l’hospitalisation est indispensable.
Zona
Figure 6.
Vésicule perlée et sillon scabieux.
scabieux sur les mains et/ou les organes génitaux et la mise en évidence de l’acarien confirment le diagnostic (Fig. 6). À condition de traiter simultanément tous les sujets atteints, le traitement local au benzoate de benzyle (Ascabiol®) correctement conduit permet d’enrayer une épidémie. Le produit est appliqué sur la peau humide et tiède, en un ou deux badigeons à 10 minutes d’intervalle. On peut aussi choisir deux applications à 24 heures ou à 8 jours d’intervalle. Dans tous les cas il est indispensable de procéder à un rinçage après 24 heures et à un traitement simultané des vêtements et de la literie. Depuis 1995, un antihelminthique, l’ivermectine (Stromectol®), a été rapporté efficace dans le traitement de la gale, aboutissant à une autorisation de mise sur le marché (AMM) récente en France. L’ivermectine est administrée en une dose orale unique de 200 µg/kg, éventuellement répétée 1 à 2 semaines plus tard en cas de gale sévère ou chez les patients immunodéprimés. Le risque de mort subite lié à ce médicament, un moment suspecté, a été définitivement écarté par des études plus récentes. Ce traitement constitue un progrès majeur dans la prise en charge de la gale commune en institution [12]. Le prurit postscabieux est fréquent. S’il s’agit d’une irritation au traitement, les symptômes disparaissent le plus souvent rapidement en moins d’une semaine, par simple application d’émollient. Si le prurit persiste au-delà de quelques semaines, une possible réinfestation est à prendre en considération.
Érysipèle
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L’érysipèle est une pathologie commune : 10 à 100 cas pour 100 000 habitants par an. L’âge moyen des patients est de 62 ans. Dans 90 % des cas, la maladie siège aux membres inférieurs. L’obésité et le lymphœdème sont des facteurs favorisants. La porte d’entrée est un intertrigo interorteils (66 % des cas) ou un ulcère de jambe (14 %). Le germe responsable est presque toujours un streptocoque bêtahémolytique, en particulier le streptocoque du groupe A. Malaises, frissons et fièvre accompagnent l’apparition du placard inflammatoire chaud, érythémateux, œdémateux et douloureux. Le bourrelet périphérique, fréquent dans les atteintes du visage (10 % des cas), est absent aux membres inférieurs (85 % des cas). Une adénopathie satellite est retrouvée dans 46 % des cas et une lymphangite dans 26 % des cas. Le diagnostic différentiel se pose avec les dermohypodermites nécrosantes, beaucoup plus rares mais plus graves [13, 14]. Le traitement de l’érysipèle repose en première intention sur les antibiotiques de la famille des bêtalactamines ou des macrolides et apparentés (lincosamides et synergistines). Le traitement d’attaque est la pénicilline G par voie intraveineuse à la dose de 10 à 20 millions d’unités par jour sur une durée de 5 à 10 jours. Dès l’obtention d’une apyrexie stable et d’une amélioration des signes locaux, un relais oral soit par pénicilline V (Oracilline ® , 4 à 6 millions d’unités par jour), soit par amoxicilline (3 à 4,5 g/j), est mis en place pour une durée totale de 10 à 20 jours. La tendance actuelle est de s’orienter d’emblée vers des pénicillines administrables par voie orale comme
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L’incidence du zona augmente avec l’âge. Les douleurs aiguës et subaiguës, principales complications du zona à la phase d’état, sont plus fréquentes et plus durables chez le sujet âgé. Il en est de même pour les douleurs postzostériennes. Le zona ophtalmique se rencontre aussi chez les personnes âgées, également grevé de phénomènes douloureux persistants. Les autres complications sont en revanche plus rares avec l’âge : lésions cutanées nécrotiques ou hémorragiques, généralisation du zona (zona-varicelle) avec plus de 20 vésicules ectopiques, paralysies motrices et complications neurologiques centrales. Le zona du sujet de plus de 50 ans relève d’un traitement par le valaciclovir (Zelitrex®) : six comprimés par jour à 500 mg avant la 72e heure pendant 7 jours, ou le famciclovir (Oravir®) : trois comprimés par jour à 500 mg avant la 72 e heure pendant 7 jours pour la prévention des algies postzostériennes. L’aciclovir (Zovirax®) par voie intraveineuse est à réserver aux patients immunodéprimés à la dose de 10 mg/kg trois fois par jour pendant 7 à 10 jours. Le zona ophtalmique relève d’un traitement par l’aciclovir (Zovirax®) : cinq comprimés par jour à 800 mg per os avant la 48e heure suivant la phase éruptive pendant 7 jours, ou le valaciclovir (Zelitrex®) : six comprimés par jour à 500 mg avant la 72 e heure pendant 7 jours. La posologie de l’aciclovir doit être ajustée en fonction de l’état de la fonction rénale. La corticothérapie générale autrefois préconisée pour la prévention des algies postzostérienne n’est plus recommandée. Le traitement adjuvant du zona repose sur une antisepsie locale par applications de chlorhexidine en solution aqueuse. La prescription de produits à usage local tels que le talc, ainsi que les antibiotiques, antiviraux, antiprurigineux et anesthésiques en gels, crèmes, lotions et pommades n’est pas recommandée. Le traitement des douleurs associées au zona doit être précédé d’une évaluation de leur intensité. À la phase aiguë, on débute par la prescription d’antalgiques de la classe II (paracétamolcodéine, paracétamol-dextropropoxyphène) de l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Si cela ne suffit pas, il faut rapidement prescrire aux personnes âgées du chlorhydrate de morphine en débutant par de faibles doses. Le traitement des douleurs postzostériennes survenant au-delà de 30 jours relève de la prescription d’amitriptyline (Laroxyl®, Elavil®) : 75 mg par jour semblent efficaces sur le fond douloureux permanent (AMM). La carbamazépine (Tégrétol®) ou le Neurontin ® sont utiles pour lutter contre les paroxysmes hyperalgiques [16].
Cancers cutanés Les carcinomes cutanés sont essentiellement représentés par les carcinomes basocellulaires (plus de 80 % des tumeurs cutanées) et les carcinomes épidermoïdes. Les carcinomes non épithéliaux comme le mélanome et la tumeur de Merkel sont moins fréquents mais de pronostic plus sombre. L’incidence des cancers épithéliaux augmente avec l’âge, car ils sont en partie liés à l’exposition solaire cumulée [17]. La prévalence des cancers cutanés a été évaluée chez 248 patients hospitalisés en gériatrie en soins de suite ou de longue durée. Les patients étaient systématiquement examinés par un dermatologue au moment de la toilette, sans qu’un avis dermatologique n’ait été demandé. La prévalence totale des cancers cutanés observée dans cette étude était de 5,6 %, 80 % des tumeurs étant situées en zone photoexposée [18]. Traité de Médecine Akos
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Figure 7.
Carcinome basocellulaire nodulaire du front.
Figure 9. Kératose actinique.
Figure 8.
Carcinome basocellulaire superficiel du dos.
Figure 10. Carcinome épidermoïde de la joue.
Carcinomes épithéliaux : carcinomes basocellulaires et carcinomes épidermoïdes [19] Les carcinomes basocellulaires sont les plus fréquents des carcinomes cutanés (2/3 des cas) mais aussi des cancers. Ils surviennent dans la plupart des cas de façon sporadique. L’incidence des carcinomes basocellulaires croît de façon linéaire après 40 ans. Après 85 ans, l’incidence annuelle est de 863 cas chez les hommes et 550 cas chez les femmes pour 100 000 habitants, deux tiers des tumeurs étant situées sur la région cervicofaciale. Les tumeurs sont classées en trois types cliniques : nodulaire (Fig. 7), superficiel (Fig. 8) ou sclérodermiforme. Le traitement de première intention est chirurgical, prenant en compte la localisation, le type clinique, le type histologique et le risque d’envahissement local ou de prise en charge en cas de récidive. Les marges sont de 3 à 10 mm. Le risque métastatique est exceptionnel. Pour autant, ces tumeurs sont à dépister et à traiter précocement en raison du risque invasif et destructeur en profondeur. Le suivi est essentiel, au moins une fois par an en raison du risque de récidive et de tumeurs multiples. L’incidence des carcinomes épidermoïdes est plus faible : 20 nouveaux cas chez les hommes et 10 chez les femmes pour 100 000 habitants par an. Ils représentent un tiers des carcinomes cutanés. Ils surviennent dans la grande majorité des cas de manière sporadique après 60 ans, sur des lésions précancéreuses dominées par les kératoses actiniques (Fig. 9), chez des sujets de phototype clair. Contrairement aux carcinomes basocellulaires, ils ont un potentiel métastatique, d’abord lymphophile. Les signes évoquant la transformation d’une kératose actinique sont l’apparition d’une infiltration ou d’un caractère bourgeonnant (Fig. 10). Le traitement de première intention est chirurgical car il permet un contrôle histologique de la pièce d’exérèse. Les marges utilisées sont habituellement de 1 cm. La surveillance est nécessaire pour dépister une récidive locale (taux moyen de 10 %), faire le diagnostic des métastases (moins de 0,01 %), traiter les lésions préépithéliomateuses et découvrir de nouveaux carcinomes. Le plus souvent les kératoses actiniques sont détruites systématiquement en consultation par cryothérapie. Traité de Médecine Akos
Carcinomes non épithéliaux [20] Le mélanome est le plus fréquent des carcinomes cutanés non épithéliaux avec une incidence actuellement en augmentation, autour de 10 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an. Le diagnostic clinique repose sur l’analyse morphologique d’une lésion cutanée habituellement pigmentée, asymétrique, irrégulière dans ses bords, son relief et sa couleur. Une confirmation histologique par biopsie est nécessaire. La biopsie emporte la lésion d’emblée dans la limite du possible ; elle ne sera partielle qu’en cas de lésion étendue. Les marqueurs pronostiques sont surtout histologiques, dominés par l’épaisseur tumorale selon Breslow, qui guide l’extension de l’exérèse chirurgicale. L’exérèse est complétée par une reprise chirurgicale avec des marges comprises entre 1 et 3 cm selon l’histologie. Le risque métastatique est élevé et impose une surveillance rapprochée en consultation une fois tous les 3 mois au début [20]. Chez le sujet âgé, le mélanome de Dubreuilh (anciennement mélanose) est un mélanome in situ, c’est-à-dire intraépidermique, se présentant comme une nappe pigmentée irrégulière, le plus souvent sur la joue. Son exérèse complète est nécessaire en raison du risque invasif (Fig. 11).
Pemphigoïde bulleuse La pemphigoïde bulleuse est de loin la dermatose bulleuse auto-immune la plus fréquente avec une incidence estimée à 7 à 10 nouveaux cas par million d’habitants par an. Elle survient très préférentiellement chez les sujets âgés, la moyenne d’âge des patients se situant entre 75 et 85 ans. La pemphigoïde bulleuse est une dermatose bulleuse auto-immune sousépidermique. L’éruption bulleuse peut être précédée de signes de début particulièrement trompeurs, pouvant durer plusieurs semaines : prurit chronique diffus, éruption de plaques eczématiformes et/ou urticariennes très prurigineuses, localisées principalement sur les faces internes de membres, les faces latérales du cou et le tronc.
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Figure 11. Mélanome de Dubreuilh de la main avec, au centre, mélanome invasif.
L’histologie cutanée, réalisée sur une bulle récente, montre un décollement sous-épidermique, dont le toit est constitué par l’épiderme intact. L’infiltrat dermique est constitué de polynucléaires éosinophiles et neutrophiles. L’immunofluorescence directe est réalisée sur une biopsie cutanée réalisée en zone péribulleuse. Elle montre un dépôt linéaire d’IgG et/ou de C3 le long de la jonction dermoépidermique, parfois associé à d’autres immunoglobulines. L’immunofluorescence indirecte consiste à détecter la présence d’autoanticorps IgG circulants antimembrane basale. Ceux-ci sont détectés dans 70 à 90 % des cas mais leur taux n’est pas corrélé à la sévérité de la maladie. Pour classer plus précisément les dermatoses bulleuses autoimmunes entre elles, d’autres examens comme l’immunomicroscopie électronique peuvent être réalisés. Ils sont pratiqués dans le cadre de protocoles de recherche et en cas d’incertitude diagnostique. L’examen du sérum en immunotransfert est plus spécifique que l’immunofluorescence indirecte pour détecter les autoanticorps. Pour la pemphigoïde bulleuse, cet examen détecte dans 80 % des cas des autoanticorps circulants dont les antigènes cibles sont BP230 (ou BPAG1) et BP180 (ou BPAG2). Ces deux antigènes sont des composants des hémidesmosomes, responsables de l’adhésion des kératinocytes sur la membrane basale.
Pronostic
Figure 12. Pemphigoïde bulleuse.
Le pronostic cutané est bon à court terme : la corticothérapie locale ou orale entraîne un arrêt de l’apparition de nouvelles bulles en quelques jours. Cependant, il existe un risque élevé de corticorésistance, de corticodépendance ou de rechute à l’arrêt du traitement. Le pronostic vital est mauvais avec une mortalité entre 25 et 40 % à 1 an, principalement en raison de complications infectieuses, des effets secondaires des traitements et de la polypathologie associée au terrain [23].
Traitement Aspect clinique L’éruption typique est faite de bulles de grande taille, tendues, survenant sur une peau érythémateuse. Elles sont localisées de façon symétrique sur la racine des membres et le tronc, épargnant habituellement le visage (Fig. 12). Le liquide des bulles est clair, quelquefois hémorragique. L’évolution se fait vers une érosion postbulleuse, avec présence d’un collet périphérique, puis vers une croûte. La guérison se fait sans cicatrice, sauf d’éventuelles séquelles pigmentaires. Les bulles surviennent par poussées successives. L’atteinte muqueuse buccale est possible mais rare. Une étude récente de l’équipe de Rouen a montré qu’un diagnostic de pemphigoïde bulleuse peut être fait avec une sensibilité de 90 % et une spécificité de 83 % quand trois critères sur les quatre suivants sont retrouvés : âge supérieur à 70 ans, absence de prédominance brachiofaciale, absence d’atteinte muqueuse et absence de cicatrices atrophiques [21]. Une étude épidémiologique cas-témoins française [22] avait montré il y a quelques années que les patients atteints de pemphigoïde bulleuse consommaient plus de neuroleptiques et de spironolactone qu’une population témoin appariée. D’autres médicaments possiblement inducteurs de pemphigoïde bulleuse ont depuis été bien documentés sur des cas cliniques : bumétamide, chloroquine, fluoxétine, gabapentine. En pratique, une cause médicamenteuse plausible sur le plan chronologique est donc recherchée de principe, en s’attardant particulièrement sur les neuroleptiques et la spironolactone.
Bilan diagnostique La numération formule sanguine (NFS) montre souvent une hyperéosinophilie entre 500 et 1 500/mm3. La démarche de confirmation diagnostique devant une suspicion clinique de pemphigoïde bulleuse est, en routine, la réalisation d’une biopsie cutanée pour histologie cutanée et immunofluorescence directe.
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Sur le plan thérapeutique, la pemphigoïde bulleuse a fait l’objet de sept études randomisées contrôlées, synthétisées dans une revue Cochrane récente [24], dont les principales conclusions sont les suivantes : • une corticothérapie orale à dose supérieure à 0,75 mg/kg/j semble inutile et dangereuse. Une posologie inférieure (0,5 mg/kg/j) serait probablement efficace pour contrôler la maladie contrairement aux schémas thérapeutiques classiques antérieurement proposés. Cette posologie devrait permettre de diminuer l’incidence et la sévérité des effets secondaires liés au traitement ; • le traitement de première intention est actuellement le traitement local par les dermocorticoïdes forts (classe IV, Dermoval®). Ce traitement semble entraîner moins d’effets indésirables que la corticothérapie orale à doses élevées, en termes de mortalité notamment. En pratique, quand le traitement local est réalisable (possibilité de soins cutanés biquotidiens par le patient lui-même ou les aidants), il doit être choisi en première intention. Pour autant se pose actuellement le problème du traitement au long cours ou en relais [25].
Prurit Le vieillissement entraîne des modifications morphologiques cutanées évidentes à l’œil nu. L’une de ses caractéristiques essentielle est la sécheresse (ou xérose) qui peut entraîner à elle seule un prurit spécifique de la personne âgée nommé « prurit sénile ». Avant de conclure à ce diagnostic, quelques pathologies sont à éliminer, surtout chez la personne âgée, que la peau soit sèche ou non.
Examens cliniques et paracliniques d’un patient atteint de prurit généralisé L’interrogatoire précise les modalités du prurit : ancienneté, localisation, rythmicité, circonstances déclenchantes (douche Traité de Médecine Akos
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pour la xérose), atteinte de l’entourage (capital pour le diagnostic de gale) et heure de survenue, en sachant que la plupart des prurits ont une recrudescence vespérale. Il faudra surtout s’attacher à établir une liste exhaustive des médicaments que prend le patient, les prurits médicamenteux étant les plus fréquents. L’examen clinique montre souvent des signes aspécifiques de grattage tels que des excoriations, des stries linéaires, voire en cas de prurit ancien, un épaississement cutané (ou lichénification) et une pigmentation. Ces signes sont plus rares en cas de prurit sénile où l’on voit des signes de vieillissement : peau squameuse, rêche et terne, voire une dermite craquelée allant jusqu’aux fissures douloureuses siégeant surtout au niveau des convexités (genoux, coudes et flancs). Enfin, il n’est pas rare qu’une dermatose débute par un simple prurit. Il faut se méfier avant tout de la gale, surtout chez les personnes âgées institutionnalisées, et de la pemphigoïde bulleuse. Il est indispensable, chez une personne âgée souffrant d’un prurit inexpliqué, de faire pratiquer une immunofluorescence directe à la recherche d’anticorps antimembrane basale avant de conclure à un prurit sénile. La biopsie cutanée est alors réalisée à la face interne de la cuisse, là où la concentration antigénique est la plus forte.
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Points importants
Prurits d’origine dermatologique Dermatoses prurigineuses : • dermatite atopique (eczéma constitutionnel) ; • eczéma de contact ; • lichen ; • urticaire ; • dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigoïde + ++) ; • ectoparasitose (gale) ; • prurigos. Prurits par irritants externes : • détergents et savons. Prurits du sujet âgé : • sécheresse cutanée aggravée par les savons et antiseptiques ; • rôle des facteurs psychogènes.
Au vu des causes de prurit d’origine interne, il est nécessaire de rechercher des adénopathies, une hépatosplénomégalie, et des signes de dysthyroïdie. Il est surtout important de ne pas passer à côté d’une cause grave potentiellement curable à ce stade. Au terme de cet examen clinique, un bilan minimal puis une immunofluorescence directe seront pratiqués.
Prise en charge thérapeutique du prurit Le traitement symptomatique du prurit est souvent décevant car peu spécifique, le mécanisme du prurit étant souvent indéterminé et les médiateurs en cause souvent inconnus. Le traitement étiologique est donc essentiel. Les traitements généraux reposent principalement sur les antihistaminiques bloquants les récepteurs H1. Ils atténuent le prurit tant par leur effet sédatif qu’antihistaminique. La doxépine, antidépresseur tricyclique anxiolytique, possède une action antiprurigineuse à la dose de 50 mg/j. Les sédatifs ou les Traité de Médecine Akos
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Points importants
Prurits d’origine interne Insuffisance rénale chronique (± hyperparathyroïdie), hémodialyse. Rétention biliaire (avec ou sans ictère), hépatite C. Causes hématologiques : polyglobulie, carence martiale, lymphomes et dysglobulinémies (myélome, maladie de Waldenström, bénignes). Parasitoses : piqûres (moustiques, puces, sarcoptes, poux), onchocercose, trypanosomiase, bilharziose, distomatose. Dysthyroïdie. Cancers (prurit paranéoplasique) : côlon, estomac, prostate, poumons. Réaction médicamenteuse. Infection à VIH. Prurit aquagénique. Prurit psychogène. Cause exceptionnelle : maladie de Creutzfeldt-Jakob.
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Conduite à tenir
Bilan biologique en cas de prurit chronique NFS, plaquettes, fer sérique, CRP (C reactive protein). Glycémie à jeun. Urée, créatinine, calcémie. Bilirubine, phosphatases alcalines, transaminases, gamma-GT. TSH ultrasensible (thyroid stimulating hormone). Électrophorèse des protéines. Radiographie de thorax et échographie abdominale. Sérologie VIH.
neuroleptiques peuvent aussi être utilisés. Il est évident que ces traitements sont à utiliser avec une grande précaution chez les personnes âgées en raison du risque de somnolence et de chutes. Quelques cas particuliers ont été traités avec succès par d’autres traitements. En cas d’insuffisance rénale, la capsaïcine topique, la cholestyramine, l’hydroxyde d’aluminium, la photothérapie UV-B et la parathyroïdectomie subtotale ont été proposés. Dans le cadre de la rétention biliaire, la cholestyramine, les médicaments antiacides, l’hydroxyde d’aluminium, la rifampicine (10 mg/kg) ou encore le phénobarbital (20 à 30 cg/j) sont utilisés. Le traitement local est essentiel, surtout en cas de prurit sénile. Il faut avant tout supprimer tous les facteurs aggravants comme les toilettes intensives utilisant des antiseptiques ou des produits irritants et détergents. Une toilette se fait si possible sous la douche, à l’eau tiède, en utilisant des savons doux. L’hydratation et la protection de ces peaux sèches sont capitales. Les produits utilisés ralentissent l’évaporation de l’eau (émulsions eau dans l’huile) et/ou hydratent la peau (émulsions huile dans l’eau). On utilise les émollients pour la prévention ou le traitement de la sécheresse cutanée ou du prurit sénile. Certaines, à base d’urée, sont indiquées en cas de peau sèche et squameuse. Les traitements locaux contenant des antihistaminiques, anesthésiques et anti-inflammatoires sont évités en raison du risque de sensibilisation et d’eczéma de contact. De même, il n’est pas recommandé d’utiliser des dermocorticoïdes. En effet,
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Figure 13. Psoriasis des plis.
ceux-ci sont source de complications locales importantes, surtout chez le sujet âgé, en aggravant la xérose puis la fragilité cutanée et ses retards de cicatrisation [26, 27].
Érythème fessier du sujet âgé incontinent
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Différentes étiologies sont à envisager pour ces dermites du siège chez la personne âgée incontinente [28]. La dermite d’irritation est favorisée par les selles, les urines, les phénomènes de friction, la surinfection bactérienne ou mycosique et l’utilisation de topiques agressifs. L’aspect est celui d’une dermite vernissée, rouge, parfois légèrement squameuse, qui atteint les convexités (fesses, grandes lèvres, scrotum, racine des cuisses). En règle générale la région anale et périanale est respectée. Après quelques jours, la colonisation par Candida albicans est fréquente avec apparition de pustulettes blanchâtres en périphérie de l’érythème. À un stade ultérieur, des érosions peuvent survenir. La surinfection microbienne (staphylocoque, entérobactéries) est habituelle au bout de quelques jours et peut se traduire par l’apparition de vésiculopustules. En cas de diarrhée, la région périanale est atteinte. Des lésions nécrotiques des fesses peuvent apparaître. Dans cette région, les lésions sont volontiers érosives et douloureuses. Une atteinte secondaire de la vulve est également possible par extension de la dermite des convexités. En cas d’atteinte isolée périvulvaire, la recherche d’une infection urinaire doit être effectuée. Les candidoses sont fréquentes, qu’il s’agisse d’une candidose d’emblée ou de la surinfection d’une dermatose sous-jacente. Le malade peut souffrir d’un muguet, d’une infection vaginale ou d’une atteinte digestive elle-même secondaire à une antibiothérapie à large spectre prolongée. L’aspect est celui d’un intertrigo à bords émiettés avec pustules et desquamation en collerette. Le psoriasis inversé, souvent méconnu, est parfois la seule manifestation de la maladie psoriasique. Il réalise une dermatose rouge-rosé vernissée, non prurigineuse, bien limitée, d’abord localisée au niveau des plis mais pouvant aussi s’étendre sur les convexités (Fig. 13). Une atteinte des plis sous-mammaires ou des creux axillaires est possible. Les antécédents personnels ou familiaux de psoriasis sont inconstants et difficiles à retrouver. Si le traitement symptomatique échoue ou s’il survient une récidive, une biopsie peut être pratiquée pour affirmer ou infirmer le diagnostic. Les eczémas de contact réalisent un aspect érythématosquameux ou vésiculeux inconstamment prurigineux. Ils sont secondaires à l’utilisation de topiques allergisants (antiseptiques, crèmes et pommades diverses). Enfin, il existe une pathologie iatrogène liée au port des couches. Des plaies peuvent apparaître au niveau des élastiques des couches. Les dermatoses préexistantes sont souvent aggravées sous les couches. Le traitement de la dermite d’irritation commence par une meilleure adaptation des soins d’hygiène. La toilette doit être réalisée à l’eau tiède avec un pain dermatologique sans savon ou un savon surgras, à l’exclusion des savons trop détergents. Elle
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est suivie d’un rinçage soigné, jusqu’au fond des plis, et terminée par un séchage par tamponnement et non par frottement. La majorité des auteurs ne préconise plus l’utilisation systématique d’antiseptiques. Les produits colorés (bleu de Milian, éosine aqueuse) ne sont plus employés car ils masquent les lésions dermatologiques. Les bains de permanganate dilué sont asséchants, mais exposent à un risque toxique (nécrose cutanée) s’ils sont utilisés à des concentrations trop importantes. Les infections mycosiques sont traitées par des antimycosiques imidazolés en émulsion ou en crème plutôt qu’en pommade ou en poudre. Ces produits présentent l’avantage d’être actifs à la fois sur les bactéries et les champignons. En revanche, il faut éviter les antiseptiques agressifs, les dermocorticoïdes, et l’utilisation de corps gras occlusifs lors des changes. Les émollients en crèmes, les onguents et les crèmes barrières de type « pâte à l’eau » sont recommandés en cas de dermite irritative. Le rythme des changes doit être plus fréquent (au moins 6 fois par jour), en choisissant des modèles plus absorbants. Le psoriasis associe au traitement symptomatique un traitement par dermocorticoïdes non fluorés pendant une courte période. Les récidives sont fréquentes. Si aucune amélioration ne survient en 2 à 3 semaines, l’avis d’un spécialiste doit être sollicité. Il peut être nécessaire, dans certains cas difficiles, de pratiquer une biopsie ou des prélèvements bactériologiques et mycosiques.
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P. Senet, Praticien hospitalier (
[email protected]). Service de gérontologie V, Hôpital Charles Foix, Pavillon de l’Orbe, 7, avenue de la République, 94205 Ivry-sur-Seine cedex, France. Consultation de dermatologie, Hôpital Rothschild, 33, boulevard de Picpus, 75571 Paris cedex 12, France. J. Fontaine, Chef de clinique assistant. S. Meaume, Praticien hospitalier. Service de gérontologie V, Hôpital Charles Foix, Pavillon de l’Orbe, 7, avenue de la République, 94205 Ivry-sur-Seine cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Senet P., Fontaine J., Meaume S. Dermatologie du sujet âgé. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0775, 2007.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Dermocorticoïdes B. Lebrun-Vignes, O. Chosidow Les dermocorticoïdes ont transformé la thérapeutique dermatologique depuis le début de l’utilisation topique de l’hydrocortisone dans les années 1950. Des composés dérivés plus puissants ont ensuite été synthétisés et les indications des dermocorticoïdes se sont multipliées. Il existe actuellement une vingtaine de molécules différentes qui sont classées suivant leur activité anti-inflammatoire. De nombreuses pathologies cutanées, en particulier inflammatoires ou tumorales, sont sensibles aux dermocorticoïdes. Dans le but de minimiser le risque d’effets indésirables locaux ou systémiques, leur utilisation doit respecter des règles prenant en compte la dermatose traitée et sa localisation, ainsi que les caractéristiques du patient. Le choix du dermocorticoïde (niveau d’activité, excipient), son mode d’application (technique, rythme d’application) et l’information du patient et/ou de son entourage permettent d’obtenir un rapport bénéfice/risque optimal. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dermocorticoïdes ; Corticoïdes locaux ; Corticothérapie locale cutanée ; Dermatite atopique ; Psoriasis
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
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¶ Principaux mécanismes d’action des glucocorticoïdes
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¶ Propriétés pharmacodynamiques des glucocorticoïdes Activité à l’échelon moléculaire Activité à l’échelon cellulaire Propriétés utilisées et observées en thérapeutique Activités des molécules plus récentes
2 2 2 2 2
¶ Classification
2
¶ Pharmacocinétique Biodisponibilité cutanée Effet réservoir
3 3 3
¶ Modalités d’utilisation des dermocorticoïdes Choix du niveau d’activité du dermocorticoïde Quantification des dermocorticoïdes Technique et rythme d’application Modalités de prescription
3 3 3 3 4
¶ Indications
4
¶ Contre-indications
4
¶ Effets indésirables Effets indésirables locaux Effets indésirables systémiques Allergie de contact Risques de l’utilisation des dermocorticoïdes chez la femme enceinte
4 5 5 5
¶ Surveillance du traitement
5
¶ Associations
5
¶ Préparations magistrales
5
Traité de Médecine Akos
Les dermocorticoïdes ont été utilisés en dermatologie à partir des années 1950, époque à laquelle Sulzberger découvre l’efficacité de l’hydrocortisone en application locale dans certaines pathologies cutanées inflammatoires ou prolifératives [1]. Des modifications chimiques ont ensuite été apportées à l’hydrocortisone pour améliorer la sélectivité, la biodisponibilité et l’efficacité de la molécule [2]. De nombreuses pathologies dermatologiques inflammatoires, dysimmunitaires ou tumorales sont sensibles aux dermocorticoïdes. Mais leur utilisation abusive des premières années a conduit à des effets indésirables sévères, en particulier chez l’enfant, responsables d’une appréhension persistante des prescripteurs et des malades vis-à-vis de ces médicaments. Cette véritable « phobie » ressentie par les malades ou leur entourage conduit fréquemment à une mauvaise observance du traitement, responsable d’échec thérapeutique [3]. Cette mauvaise réputation des dermocorticoïdes n’a pas lieu d’être car ces médicaments ont révolutionné la prise en charge de nombreuses dermatoses comme la dermatite atopique. Leur prescription doit cependant s’accompagner de règles d’utilisation qui permettent dans l’immense majorité des cas d’éviter les effets indésirables. Ces règles doivent être clairement expliquées au patient et/ou à son entourage, en s’assurant au fil des consultations qu’elles ont été comprises et respectées.
■ Principaux mécanismes d’action des glucocorticoïdes
5
[2, 4-13]
.
L’activité des glucocorticoïdes passe principalement par l’activation d’un récepteur spécifique, qui permet ensuite l’activation ou l’inhibition de nombreux gènes cibles.
1
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atrophiant dermique recherché). En termes d’effets indésirables, les conséquences sur les différentes couches de la peau sont les suivantes : • épiderme : atrophie épidermique réversible à l’arrêt ; • mélanocytes : raréfaction provoquant une dépigmentation à long terme ; • derme : diminution de la synthèse de collagène et de protéoglycanes par les fibroblastes, altération de la structure des fibres élastiques d’où une atrophie dermique non réversible (vergetures définitives).
En dehors des effets sur la transcription, les glucocorticoïdes ont également des effets non génomiques via le récepteur cytosolique ou via un récepteur membranaire. Un polymorphisme génétique concernant le gène du récepteur aux glucocorticoïdes pourrait être un facteur de variabilité interindividuel de la réponse thérapeutique et de l’apparition des effets indésirables. Il pourrait expliquer soit une hypersensibilité, soit une hyposensibilité du récepteur après fixation du glucocorticoïde [14].
■ Propriétés pharmacodynamiques des glucocorticoïdes
Propriétés immunosuppressives
[4-12, 15]
Les glucocorticoïdes ont une action inhibitrice ou activatrice sur la transcription de nombreux gènes, rendant compte de propriétés pharmacodynamiques non sélectives.
Par leurs actions sur les cellules de la lignée blanche (cf. supra), les dermocorticoïdes exercent une activité immunosuppressive locale, utile dans le cadre de pathologies faisant intervenir le système immunitaire (eczéma par exemple), mais également responsable du risque infectieux associé à l’utilisation prolongée de dermocorticoïdes.
Activité à l’échelon cellulaire
Phénomène de tolérance ou tachyphylaxie
Les glucocorticoïdes ont une action non spécifique sur de nombreux types cellulaires, en particulier sur les cellules sanguines de la lignée blanche : • macrophages : inhibition de la différenciation et des fonctions des macrophages ; • polynucléaires neutrophiles : inhibition de l’adhésion aux cellules endothéliales, fonction peu altérée par les corticoïdes ; • polynucléaires éosinophiles, basophiles et mastocytes : inhibition de la dégranulation, de la libération d’histamine et de leucotriène ; • lymphocytes : C lymphocytes T : inhibition de la production, de la prolifération et des fonctions des lymphocytes T helper, suppresseurs et cytotoxiques avec production préférentielle de cellules de la voie Th2 et inhibition des cellules de la voie Th1, C lymphocytes B : inhibition de la prolifération, effets minimes sur les plasmocytes et la sécrétion d’immunoglobulines ; • cellules endothéliales : diminution de la perméabilité vasculaire et de l’activation des cellules endothéliales, des mécanismes de l’adhésion cellulaire et de l’inflammation ; • fibroblastes : diminution de la prolifération et de la production de protéines dont le collagène.
Ce phénomène se traduit par l’apparition d’une résistance de la dermatose après applications prolongées et ininterrompues. La tachyphylaxie apparaît d’autant plus vite que le corticoïde est plus puissant, et pour une même molécule, que la concentration est plus forte. Ce phénomène pharmacologique ne concerne pas les effets indésirables qui ont tendance à s’accentuer. Certains auteurs discutent cependant la réalité de l’expression clinique de la tachyphylaxie et relient plutôt la perte d’efficacité à la diminution de l’observance au cours du temps [17].
Activité à l’échelon moléculaire .
Propriétés utilisées et observées en thérapeutique Propriétés anti-inflammatoires Cette activité résulte des mécanismes détaillés ci-dessus. Mais les dermocorticoïdes ont également des propriétés vasoconstrictrices qui participent à leur effet anti-inflammatoire en diminuant rapidement l’érythème et l’œdème et donc en agissant sur les manifestations cliniques de l’inflammation. Cette propriété sert de support au test de McKenzie [16] mis au point dans les années 1960 pour comparer sur la peau humaine l’effet vasoconstricteur des différents corticoïdes entre eux. L’intensité de la vasoconstriction est évaluée par la mesure du blanchiment obtenu après application cutanée chez le sujet sain, sous occlusion. Ce test a participé, avec les résultats des études cliniques comparatives, à l’établissement d’une échelle de puissance des dermocorticoïdes mais est désormais moins utilisé (cf. infra).
Propriétés antimitotiques (ou antiprolifératives) Les dermocorticoïdes ont une activité antiproliférative sur tous les composants cellulaires de la peau, à l’origine d’effets indésirables locaux, mais sont aussi utilisés dans un but thérapeutique, par exemple dans les cicatrices chéloïdes (effet
2
Activités des molécules plus récentes La recherche dans le domaine des dermocorticoïdes s’est orientée vers la production de dérivés possédant une activité anti-inflammatoire du même ordre que les dérivés plus anciens, mais induisant moins d’effets indésirables qu’eux. Ce groupe comprend la fluticasone, le prednicarbate, l’acéponate de méthylprednisolone et le furoate de mométasone. Certaines études in vitro et in vivo semblent montrer que ces dérivés ont des effets indésirables locaux (atrophie) et systémiques (suppression de l’axe corticotrope) moins marqués que les dérivés plus anciens [18, 19]. D’autres montrent des résultats plus nuancés [20, 21]. L’intérêt de ces molécules en termes d’effet indésirable dans le cadre d’utilisation prolongée dans des pathologies dermatologiques chroniques reste à démontrer. .
■ Classification
[22]
L’activité anti-inflammatoire d’un corticoïde topique dépend de la structure chimique de la molécule, de son affinité pour les récepteurs, de sa concentration dans le véhicule et de la nature du véhicule. La classification utilisée est basée sur le test de vasoconstriction de McKenzie (cf. supra) mais surtout sur les données d’efficacité issues des essais cliniques. Même si elle reste indicative, cette classification est importante en pratique quotidienne car elle permet de choisir la formulation la plus appropriée en termes de rapport bénéfice/risque. Elle comporte actuellement en France quatre niveaux d’activité antiinflammatoire (appelés aussi niveaux de puissance) : • activité anti-inflammatoire très forte ; • activité anti-inflammatoire forte ; • activité anti-inflammatoire modérée ; • activité anti-inflammatoire faible (très peu d’indications actuellement). Dans un souci d’harmonisation avec la classification internationale [23], les dermocorticoïdes d’activité anti-inflammatoire très forte correspondent au niveau IV, les dermocorticoïdes de faible activité représentant le niveau I. Traité de Médecine Akos
Dermocorticoïdes ¶ 2-0780
■ Pharmacocinétique
[2, 4, 24]
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Biodisponibilité cutanée La biodisponibilité cutanée, c’est-à-dire la pénétration dans les différentes couches de l’épiderme puis dans le derme, dépend des caractéristiques chimiques intrinsèques de la molécule (polarité, liposolubilité, taille, etc.), mais de nombreux autres facteurs influencent la pénétration cutanée [25-27]. Ils sont énumérés et les principaux sont détaillés.
Effet réservoir Les dermocorticoïdes ont la capacité de s’accumuler dans la couche cornée de l’épiderme pour être relargués ensuite progressivement vers les couches plus profondes de l’épiderme et le derme. C’est l’effet « réservoir », observé lorsque la couche cornée n’est pas ou peu altérée. Cet effet réservoir perd de son importance, voire disparaît lorsque la couche cornée est pathologique (desquamation importante, dermatose érosive). L’augmentation du nombre d’applications quotidiennes peut être proposée lors du traitement initial des dermatoses dans lesquelles la couche cornée est très altérée (exemple : eczéma aigu suintant et/ou excorié), mais cela reste à démontrer (cf. infra) [28].
■ Modalités d’utilisation des dermocorticoïdes Choix du niveau d’activité du dermocorticoïde (Tableau
1)
Le choix du niveau d’activité du dermocorticoïde repose sur le rapport bénéfice/risque du traitement, pour un malade donné. Celui-ci dépend du type de l’affection et donc de l’état de la peau à traiter, de la surface et du siège des lésions à traiter, de l’âge du patient. Les dermocorticoïdes d’activité très forte doivent être réservés à un usage spécialisé, pendant une durée limitée et sous surveillance adaptée.
.
Point fort
Facteurs influençant la pénétration cutanée • Facteurs liés au dermocorticoïde C Liposolubilité de la molécule : pénétration favorisée par une forte liposolubilité C Concentration : augmentation de la pénétration avec l’augmentation de la concentration C Nature de l’excipient : pénétration favorisée par une pommade (effet occlusif), par le propylène glycol (solubilisant) C Présence d’adjuvants : l’acide salicylique (kératolytique) et l’urée (agent hydratant de la kératine) favorisent la pénétration • Facteurs liés à la peau C Altération de l’épiderme : augmentation de la pénétration dans les dermatoses inflammatoires et expérimentalement par la méthode du stripping C Degré d’hydratation : meilleure diffusion dans un épiderme bien hydraté C Site anatomique : en fonction de l’épaisseur de la couche cornée, principale barrière à la diffusion C Âge du patient : absorption plus importante chez le sujet âgé et surtout chez le prématuré. Chez l’enfant, le problème est surtout lié à un rapport surface corporelle/poids élevé C Température cutanée : augmentation de la pénétration avec l’augmentation de la chaleur locale • Facteurs liés au mode d’application C Surface d’application C Durée du contact C Occlusion : multiplie l’absorption cutanée par un facteur 10 en augmentant le degré d’hydratation de la couche cornée, la température locale et le temps de contact
Quantification des dermocorticoïdes La quantification de dermocorticoïde à utiliser est difficile à préciser. Le nombre de tubes par unité de temps à ne pas dépasser est un point de repère, mais il n’existe pas de consensus et cela reste une évaluation grossière de la quantité quotidienne à appliquer. Des auteurs anglais ont proposé une unité de mesure : « la phalangette », correspondant à la quantité de crème ou de pommade sortie d’un tube d’un orifice de 5 mm de diamètre et déposée sur la dernière phalange d’un index d’adulte. Cette unité (= 0,5 g) permet de traiter une surface cutanée équivalente à la surface de deux mains d’adulte [29].
Technique et rythme d’application Le dermocorticoïde doit être étalé en couche fine avec un léger massage pour le faire pénétrer. La technique de l’occlusion est de prescription spécialisée, à réserver aux lésions très épaisses, résistantes, de surface limitée, aux atteintes des paumes et des plantes et parfois du cuir chevelu. En traitement d’attaque, compte tenu de l’effet réservoir et du risque de tachyphylaxie, la posologie rationnelle est d’une
Tableau 1. Indications des dermocorticoïdes en fonction de leur niveau d’activité. Activité très forte
Activité forte et modérée
Activité faible (très peu d’indications)
Utilisation brève sur lésions résistantes et de surface limitée ; relais par classe de puissance inférieure
Eczéma de contact (+ éviction de l’allergène+++)
Traitement d’entretien/relais des dermocorticoïdes plus puissants
Psoriasis (localisation palmoplantaire+++) Lichénification, névrodermite
Psoriasis (localisé, cuir chevelu, visage, psoriasis inversé)
Lichen plan
Dermite de stase
Lichen scléreux génital
Lichen plan
Cicatrices hypertrophiques, chéloïdes
Prurigo non parasitaire
Pemphigoïde bulleuse
Dyshidrose
Sclérodermie en plaques
Eczéma nummulaire
Myxœdème prétibial
Piqûre d’insectes
Pelade
Érythème solaire
Mastocytose
Lupus cutané discoïde
Dermatite atopique
Dermatite séborrhéique Eczéma (paupières)
Granulome annulaire Sarcoïdose
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2-0780 ¶ Dermocorticoïdes
application quotidienne. Elle est de deux applications par jour en cas d’altération de la couche cornée. Malgré le manque d’évaluation rigoureuse concernant l’efficacité en fonction du nombre d’applications quotidiennes [30], il semble que deux applications par jour n’apportent en règle pas de bénéfice supplémentaire par rapport à une seule application, mais peut augmenter le risque d’effet indésirable. Le moment de la journée le plus opportun pour appliquer le dermocorticoïde est probablement celui qui pose le moins de problème d’organisation au patient et à son entourage. En pratique, l’application après le bain ou la douche (matin ou soir) sur une peau encore un peu humide est conseillée, en raison d’une meilleure pénétration au travers d’une couche cornée hydratée. La durée du traitement doit être aussi courte que possible. Dans les dermatoses aiguës, le dermocorticoïde peut être arrêté de façon rapidement progressive, voire brutalement. Dans les dermatoses chroniques, l’arrêt doit être lentement progressif en espaçant les applications pour éviter un rebond de la dermatose, une application 1 jour sur 2 puis 1 jour sur 3 avant l’arrêt. La décroissance peut être facilitée par l’utilisation alternée d’un dermocorticoïde de classe plus faible et/ou d’un émollient. Depuis quelques années, des études ont mis en évidence l’intérêt d’un traitement d’entretien dans la dermatite atopique [31-33] et le psoriasis [34, 35] en prévention des rechutes chez les malades ayant des poussées fréquentes. Ce traitement d’entretien consiste en l’application d’un dermocorticoïde de forte activité 2 à 3 jours par semaine, après blanchiment par un traitement d’attaque.
■ Contre-indications Les dermocorticoïdes sont contre-indiqués dans toutes les dermatoses infectieuses et en particulier au cours des dermatoses virales (herpès, varicelle) en raison du risque d’aggravation de la pathologie infectieuse. Ils sont également contre-indiqués sur des lésions d’acné, de rosacée et d’érythème fessier qu’ils entretiennent et/ou aggravent. Dans de nombreuses dermatoses inflammatoires comme la dermatite atopique, la colonisation staphylococcique est plus importante en peau atteinte qu’en peau saine et est proportionnelle à l’intensité de l’atteinte. Malgré leur effet « proinfectieux », les dermocorticoïdes permettent de réduire la colonisation par le staphylocoque en restaurant la barrière épidermique [44, 45]. Seule une surinfection staphylococcique patente (suintement purulent, croûtes mellicériques, adénopathies, fièvre) justifie un traitement anti-infectieux (antibiothérapie générale le plus souvent) et ne doit pas trop retarder l’initiation de la corticothérapie locale.
■ Effets indésirables
[46]
Ils apparaissent d’autant plus vite et sont d’autant plus marqués que le dermocorticoïde est puissant, surtout en cas d’utilisation prolongée et/ou sous occlusion.
Modalités de prescription La prescription d’un dermocorticoïde doit être clairement rédigée en mentionnant : • la décroissance progressive (nombre de jours pour chaque palier) ; • le nombre maximal de tubes à utiliser par unité de temps et son poids (exemple : un tube de 30 g pour 1 mois) ; • les zones à traiter et les zones à ne pas traiter ; • en cas de prescription associée d’un émollient, l’ordre d’application (en règle, appliquer le dermocorticoïde en premier). Il est fondamental d’accompagner la prescription d’une information claire sur les bénéfices attendus et les risques potentiels, conduisant à proposer des conseils pratiques pour optimiser l’efficacité (par exemple en évitant un sous-dosage, première cause d’échec du traitement) et minimiser le risque d’effet indésirable [36]. Le développement de l’éducation thérapeutique dans ce domaine permet d’améliorer l’observance et le suivi des patients, en particulier dans la dermatite atopique de l’enfant [37].
■ Indications Les dermocorticoïdes ont une action rapide sur les symptômes liés à l’inflammation, en particulier sur le prurit. Ils représentent donc un traitement de nombreuses dermatoses inflammatoires. Parmi celles-ci, la dermatite atopique et le psoriasis sont les plus fréquentes et constituent les indications les mieux évaluées [38-40] . Malgré l’apparition de nouvelles thérapeutiques topiques ou systémiques, les dermocorticoïdes conservent tout leur intérêt dans ces pathologies. Le perfectionnement de la galénique tend à améliorer l’efficacité et le confort d’utilisation de ces substances, en particulier pour les localisations difficiles à traiter comme le cuir chevelu ou les plaques de psoriasis épaisses des coudes et des genoux : spray, shampoing, emplâtres médicamenteux, mousse [41]. Dans la pemphigoïde bulleuse, grâce aux études réalisées en France [42, 43], la corticothérapie locale de très forte activité et à forte dose (entre 10 et 40 g/j) est à considérer comme le traitement de première intention. De nombreuses autres dermatoses aiguës, subaiguës ou chroniques sont corticosensibles (Tableau 1), avec cependant un niveau de preuve faible, voire nul. Leur utilisation est alors basée sur un consensus professionnel.
4
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Point fort
Effets indésirables locaux des dermocorticoïdes Atrophie cutanée • Épidermique (réversible) : épiderme en « papier à cigarette », fragilité au moindre traumatisme, pseudocicatrices spontanées, retard de cicatrisation • Dermique : purpura ecchymotique, télangiectasies, vergetures (définitives+++ car rupture du derme, précoces chez les adolescents) • Hypodermique (surtout en cas d’injections peu profondes) Dermites rosacéiformes du visage • Acné induite • Aggravation d’une rosacée • Dermite périorale Infections cutanées bactériennes, mycosiques, virales • Modification d’une dermatose infectieuse primitive C Effet de masque par action anti-inflammatoire (dermatophytie, gale, etc.) C Aggravation d’une infection (herpès+++) • Infection secondaire sur dermatose suintante (rare) Effets secondaires oculaires (traitement des paupières) • Glaucome • Cataracte Dans les dermatoses d’étiologie non contrôlée • Phénomène de rebond à l’arrêt d’une corticothérapie locale prolongée (à éviter par une décroissance progressive) • Dépendance au traitement Autres (le plus souvent réversibles à l’arrêt) • Hypopigmentation (peaux pigmentées+++) • Hypertrichose • Granulome glutéal (dérivés fluorés sur dermite du siège du nourrisson) • Sensibilisation (additifs ou corticoïde lui-même) Traité de Médecine Akos
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Effets indésirables locaux
pathologie traitée, l’observance du traitement doit être évaluée avant de parler de corticorésistance.
Lorsqu’ils sont utilisés pendant des périodes courtes et sans occlusion, les dermocorticoïdes sont sans effet secondaire important. L’effet secondaire local le plus souvent observé est l’atrophie épidermique au site d’application observée cliniquement lors des traitements prolongés. Elle est réversible dans les semaines suivant l’arrêt. L’atrophie du derme, irréversible, ne se voit que dans de rares cas d’utilisation prolongée de dermocorticoïdes d’activité très forte.
■ Associations L’association à des anti-infectieux (antiseptique, antibiotique ou antifongique) témoigne le plus souvent d’une incertitude diagnostique. Elle n’est absolument pas justifiée et expose à des risques de sensibilisation. De ce fait, de nombreuses spécialités associant ces principes actifs ont été retirées du marché français ces dernières années. L’association entre dermocorticoïdes et calcipotriol a un intérêt essentiellement pour améliorer l’observance des traitements topiques dans le psoriasis [53]. L’association à l’acide salicylique peut être utile en augmentant la pénétration du dermocorticoïde et par son action kératolytique, en particulier dans les plaques épaisses de psoriasis. Le risque de pénétration de l’acide salicylique chez l’enfant est important et doit cependant être pris en considération.
Effets indésirables systémiques Les effets systémiques observés sont de même nature que ceux décrits au cours d’une corticothérapie prolongée par voie générale. Bien que rapportés chez l’adulte, ils sont surtout à redouter chez l’enfant en raison d’un rapport surface corporelle/ poids plus important que chez l’adulte.
Allergie de contact [47-51]
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La sensibilisation aux dermocorticoïdes se voit essentiellement chez des patients ayant des dermatoses chroniques, traités séquentiellement par de multiples dermocorticoïdes. Les altérations de la barrière cutanée et les modifications immunologiques locales présentes dans ces pathologies constituent vraisemblablement des facteurs favorisant la sensibilisation. En raison des propriétés anti-inflammatoires des corticoïdes, la présentation clinique de l’allergie de contact aux dermocorticoïdes est atypique : elle doit être suspectée en cas de mauvaise réponse ou de résistance au traitement d’une dermatose classiquement corticosensible, devant un eczéma de contact œdémateux ou purpurique, parfois en « fausses cocardes » ou d’aspect annulaire et centrifuge. Cette sensibilisation peut être due aux excipients, aux produits associés (principes actifs ou conservateurs) ou aux stéroïdes eux-mêmes. Un pour cent à 5 % des malades testés en routine ont un test positif à un ou plusieurs corticoïdes. Les dermocorticoïdes sont actuellement classés en cinq groupes (A, B, C, D1 et D2) en fonction de leur structure chimique et de leur potentiel immunogène. En cas de suspicion d’allergie de contact à un ou plusieurs dermocorticoïdes, des tests épicutanés permettent de confirmer le diagnostic et d’identifier les substances impliquées.
■ Préparations magistrales Les préparations magistrales ne présentent aucun intérêt en pratique courante car il existe suffisamment de spécialités dans la pharmacopée pour mener un traitement depuis le traitement d’attaque jusqu’à la fin de la décroissance. En outre, la stabilité des molécules n’est pas garantie après déconditionnement, dilution et/ou association à d’autres molécules. .
■ Références [1] [2] [3] [4] [5]
Risques de l’utilisation des dermocorticoïdes chez la femme enceinte Une revue systématique de la littérature concernant les effets indésirables des corticoïdes locaux chez la femme enceinte a sélectionné et analysé deux études de cohorte et cinq études cas-contrôle incluant un total de 659 675 patientes. Une seule étude cas-contrôle retrouve une augmentation du risque de fente palatine du fœtus après exposition maternelle au premier trimestre et une étude de cohorte montre une augmentation du risque de petit poids de naissance chez les nouveau-nés de mères exposées à des dermocorticoïdes de très forte activité. Les autres études ne montrent pas de surrisque d’anomalie congénitale, de prématurité, de mort in utero ou de dystocie [52]. Les conclusions doivent cependant être prudentes en raison du faible niveau de preuve de ces travaux.
■ Surveillance du traitement La surveillance d’une corticothérapie locale prolongée doit être guidée par le risque d’apparition d’effets secondaires (cf. supra) locaux ou généraux. La quantification du nombre de tubes utilisés sur une période donnée est un moyen simple de rechercher soit une sous-consommation, soit une surconsommation de dermocorticoïde. Chez les enfants, le suivi systématique de la courbe de croissance permet de dépister un éventuel retard. Dans les cas rares d’utilisation massive de dermocorticoïdes de puissance forte ou très forte (comme dans la pemphigoïde bulleuse), la surveillance se rapproche de celle d’une corticothérapie générale. En cas d’inefficacité de la corticothérapie locale, outre la remise en question du diagnostic de la Traité de Médecine Akos
[6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14]
[15]
[16]
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B. Lebrun-Vignes, Praticien hospitalier (
[email protected]). Centre régional de pharmacovigilance, Service de pharmacologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. O. Chosidow, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service de dermatologie, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Lebrun-Vignes B., Chosidow O. Dermocorticoïdes. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0780, 2011.
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Traité de Médecine Akos
2-0785
Antiseptiques L. Machet, E. Fourtillan, L. Vaillant Les antiseptiques sont des antimicrobiens d’action rapide, mais brève et non spécifique. Leur spectre d’action et leurs effets indésirables varient selon les différentes familles. Les deux molécules les plus adaptées à l’antisepsie de la peau saine et des muqueuses, avant une intervention invasive (chirurgie, ponction), sont la chlorhexidine et la povidone iodée. L’efficacité des antiseptiques pour l’antisepsie de la peau lésée (plaies, infections cutanées ou muqueuses) est mal documentée, bien que leur utilisation soit très fréquente en pratique dans les infections superficielles de la peau. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Antiseptiques ; Chlorhexidine ; Povidone iodée ; Résistance microbienne ; Eczéma
Plan ■
Introduction
1
■
Principales molécules et spécialités antiseptiques Alcools Ammoniums quaternaires Chlorhexidine Hexamidine Hexétidine Iode et dérivés iodés Mercure et dérivés mercuriels Argent et dérivés argentiques Oxydants chlorés Peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée H2 O2 ) Permanganate de potassium (KMnO4 ) Triclocarban
2 2 2 2 2 2 3 3 3 3 3 3 3
■
Critères de choix des antiseptiques
3
■
Indications des antiseptiques Antisepsie de la peau saine Antisepsie de la peau lésée
4 4 4
■
Problèmes posés par la surutilisation des antiseptiques Résistances acquises Allergies
4 4 5
■
Conclusion
5
Introduction Les antiseptiques sont des produits antimicrobiens à usage externe (peau et muqueuses) d’action assez rapide, mais transiEMC - Traité de Médecine Akos Volume 11 > n◦ 3 > juillet 2016 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(16)56223-1
toire et non spécifique, exerc¸ant généralement une toxicité directe sur la paroi des micro-organismes, mais aussi sur celle des cellules comme les kératinocytes, d’où leur causticité pour la peau et a fortiori pour les muqueuses. Ils appartiennent à la famille des biocides, qui comprend, outre les antiseptiques, des conservateurs et les désinfectants. Le spectre d’activité est propre à chaque famille d’antiseptiques (Tableau 1). Le délai et la rémanence de l’action après l’application de l’antiseptique sont variables d’un antiseptique à un autre (Tableau 2). Les antibiotiques peuvent aussi être utilisés localement, mais ils ont une action plus ciblée, moins directement agressive pour la paroi cellulaire, par exemple en inhibant certaines enzymes bactériennes [1, 2] . Les antiseptiques comme les antibiotiques sont très probablement trop souvent utilisés dans des indications discutables [1–3] . Les antiseptiques peuvent être responsables d’une disparition des agents infectieux sur lesquels ils sont actifs (activité dite « bactéricide », « virucide », etc.) ou d’une simple inhibition de leur croissance (activité dite « bactériostatique », « virustatique », etc.). Un antiseptique est ainsi dit « bactéricide » s’il réduit in vitro la quantité initiale de cinq souches données de bactéries d’un facteur 105 , après un temps de contact de cinq minutes. Mais l’activité des antiseptiques est réduite par la présence de sang, de sérum, ou de pus. Les antiseptiques peuvent être l’objet d’une résistance naturelle ou acquise de la part de certains micro-organismes [4] . Certaines bactéries sont à la fois résistantes à des antibiotiques et à des antiseptiques [5] . Les antiseptiques sont souvent présents comme conservateurs dans des topiques ou cosmétiques (dentifrices, déodorants, etc.). Ils peuvent être responsables d’effets indésirables, et sont désormais qualifiés d’« excipients à effets notoires ». La péremption d’un antiseptique après ouverture du flacon survient assez rapidement, les conditionnements unidoses sont de ce fait d’utilisation plus pratique. Enfin, certains colorants en solution aqueuse ont une action
1
2-0785 Antiseptiques
Tableau 1. Spectre d’action des antiseptiques. Cocci à Gram positif
Bacilles à Gram positif
Gram négatif
Champignons
Spores
Virus
Prions
Alcools
++
++
++
++
O
++
O
Ammoniums quaternaires
+
O
+
+
O
±
O
Chlorhexidine
++
++
++
++
O
±
O
Hexamidine
+
+
O
±
O
±
O
Dérivés iodés
++
++
++
++
++
++
O
Dérivés mercuriels
+
±
+
+
O
O
O
Dérivés argentiques
±
±
+
±
O
±
O
Oxydants chlorés
++
++
++
++
++
++
++
Peroxyde d’hydrogène
+
+
±
+
O
±
+a
KMnO4
++
++
++
O
O
O
O
Triclocarban
+
+
O
±
O
O
O
++ : disparition des micro-organismes ; + : inhibition de la croissance des micro-organismes ; ± : activité variable selon les espèces ; O : absence d’activité. a Efficace si associé au cuivre.
Tableau 2. Délai d’action dermatologie.
et
rémanence
des
principaux
antiseptiques
en
Délai d’action
Rémanence
Alcools
< 1 min
< 5 min
Chlorhexidine
< 5 min
1h
Hexamidine
> 5 min
>1h
Dérivés iodés
< 5 min
>1h
Dérivés mercuriels
< 5 min
<1h
Oxydants chlorés
< 1 min
< 5 min
Peroxyde d’hydrogène
< 5 min
< 5 min
antiseptique nulle (éosine par exemple), sauf lorsqu’ils sont utilisés en solution alcoolique, et c’est alors l’alcool qui exerce son action.
Principales molécules et spécialités antiseptiques Alcools L’alcool éthylique à 70 % est efficace et tolérable en peau saine. Son action rapide (< 1 min) justifie son emploi avant une prise de sang ou une injection. Il ne doit pas être mis sur les muqueuses ou à proximité des yeux, ainsi que sur une peau lésée. Son utilisation chez le prématuré et le jeune nourrisson est déconseillée [6, 7] . L’activité antimicrobienne des dérivés iodés et de la chlorhexidine est augmentée en solution alcoolique (qui diminue cependant leur tolérance en peau lésée).
ternaire [8] . Les ammoniums quaternaires sont synergiques avec la chlorhexidine et les alcools, mais incompatibles avec les savons anioniques et de nombreux autres antiseptiques.
Chlorhexidine La chlorhexidine (gluconate ou digluconate), à la concentration de 0,5 % pour la désinfection des plaies, et jusqu’à 4 % pour l’antisepsie préopératoire du site d’intervention chirurgicale, est disponible en solution aqueuse (Septivon® , Diaseptil® , Plurexid® ), ou hydroalcoolique (par exemple Hibitane® contient 67 % d’alcool éthylique). La chlorhexidine est rapidement active sur la majorité des bactéries, mais elle est peu active sur certains bacilles à Gram négatif tels que Pseudomonas aeruginosa. La chlorhexidine est virucide pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Des résistances acquises ont été décrites pour certaines souches de bacilles à Gram négatif et de staphylocoques. L’activité de la chlorhexidine est diminuée en présence de matières organiques. L’emploi de la chlorhexidine à proximité de la conjonctive n’est pas recommandé, ainsi que dans le conduit auditif externe si l’intégrité du tympan n’est pas connue : des cas de surdité irréversible ont été publiés chez des porteurs d’une perforation tympanique. L’utilisation de la chlorhexidine aqueuse est possible chez le nouveau-né et chez la femme enceinte. Son large spectre d’action et sa bonne tolérance ont fait de la chlorhexidine l’un des antiseptiques majeurs. La chlorhexidine est en outre utilisée en stomatologie, sous forme de solution pour bains de bouche ou de pâte gingivale, pour ralentir la formation de la plaque dentaire. La contamination fréquente des flacons de chlorhexidine aqueuse doit faire préférer les solutions hydroalcooliques, ou les conditionnements unidoses quand la présence d’alcool est mal tolérée (muqueuses, plaies).
Hexamidine Ammoniums quaternaires Les plus utilisés comme antiseptiques sont le chlorure de benzalkonium, le chlorure de miristalkonium et le cétrimide (mélange de bromure de cétrimonium et de dodécyl-triméthylammonium). Ils sont commercialisés sous forme de solutions aqueuses ou alcooliques, ou de crèmes, à la concentration de 0,5 % environ, sous les marques suivantes : Biseptine® , Cétavlon® , Dermaspray® antiseptique, Dermobacter® , Erytéal® , Mercryl® , Septisept® et Sterlane® . En stomatologie, Alodont® et Pansoral® sont proposés, sans démonstration de leur utilité, pour le traitement des aphtes. Ils sont détergents et peuvent entraîner des nécroses épithéliales après applications à fortes concentrations sur les muqueuses ou sur la peau. Ils sont occasionnellement responsables d’hypersensibilité de type I, avec risque de choc anaphylactique lors d’une anesthésie générale réalisée avec un curarisant ayant également une structure de type ammonium qua-
2
L’hexamidine est disponible en solution hydroalcoolique ou aqueuse (moins stable que la précédente) à la concentration de 0,1 ou 0,15 %. Elle est bactériostatique (bactéricide si associée à l’alcool) vis-à-vis des bactéries à Gram positif. Des résistances acquises ont été décrites chez le staphylocoque. Sa rémanence est bonne, mais son délai d’action est supérieur à cinq minutes. L’utilisation sur les muqueuses n’est pas recommandée. L’hexamidine est commercialisée sous les noms d’Hexaseptine® , Hexomédine® et en association dans Cytéal® . Hexomédine® solution et transcutanée contiennent respectivement 30 et 43 % d’alcool.
Hexétidine L’hexétidine à la concentration de 0,1 à 0,2 % est bactéricide pour plusieurs espèces aéro- ou anaérobies de la flore EMC - Traité de Médecine Akos
Antiseptiques 2-0785
buccodentaire, sa cible privilégiée. L’hexétidine est peu active sur les levures. Sa tolérance muqueuse et cutanée est bonne mais elle peut altérer temporairement le goût et l’odorat. Les spécialités commercialisées sont utilisées en stomatologie sous la forme de bains de bouche (Givalex® , Hextril® ), ou de gel gingival. L’intérêt de l’hexétidine pour l’hygiène de la cavité buccale et pour le traitement des aphtes n’a jamais été démontré.
Iode et dérivés iodés L’iode est un excellent antiseptique bactéricide utilisé en solution alcoolique à 2 ou 2,5 %. Son spectre d’activité est très large : bactéries à Gram positif et à Gram négatif, mycobactéries, champignons, spores et virus. L’activité antiseptique est assez brève et diminuée en présence de matières organiques. Les limites à l’utilisation de l’iode sont liées à sa mauvaise tolérance cutanée et muqueuse (dermite caustique) dès que les applications sont répétées. L’utilisation de l’iode et de ses dérivés est contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante, et chez le prématuré, le nouveau-né et le jeune nourrisson, en raison du risque d’hypothyroïdie chez l’enfant [9] . L’iode et ses dérivés sont incompatibles avec les mercuriels (risque de nécrose cutanée ou muqueuse), et avec le peroxyde d’hydrogène. La povidone iodée est utilisée en solution de 1 à 10 %. Elle est moins irritante que l’alcool iodé. Elle est commercialisée dans les gammes Bétadine® et Poliodine® . Il est utile de rappeler qu’il n’existe pas d’« allergie croisée » entre hypersensibilité immédiate après injection de produit de contraste iodé pour un examen radiologique, et un eczéma après application cutanée de povidone iodée. Dans ce dernier cas, le responsable de l’eczéma est habituellement la povidone [10] .
Mercure et dérivés mercuriels La merbromine (ou mercurochrome) a une activité antiseptique faible, et, de plus, diminuée après contact avec des matières organiques. Le mercure et ses dérivés sont rapidement caustiques, et ne doivent pas être associés à la chlorhexidine, aux ammoniums quaternaires, aux dérivés iodés et chlorés. Les risques d’hypersensibilité, et de survenue d’effets systémiques (rénaux, neurologiques), après utilisations répétées, existent. Les mercuriels ne doivent pas être utilisés chez le nourrisson. Il ne persiste qu’une spécialité à usage cutané : solution aqueuse de Mercurescéine® Gifrer 2 %. Il n’y a plus d’organomercuriel dans Mercryl® solution moussante.
Argent et dérivés argentiques Ils sont bactériostatiques avec une activité plus importante sur les bactéries à Gram négatif que sur celles à Gram positif. L’association à la sulfadiazine (Flammazine® ) les rend bactéricides. Ils ne doivent pas être associés aux oxydants (chlorés et eau oxygénée). Leur tolérance cutanée est bonne, mais les patients doivent être informés de la possible survenue d’un noircissement de la peau après exposition à la lumière. Le nitrate d’argent en solution aqueuse de 0,5 à 2 % a une activité antiseptique faible mais, en revanche, colore et tache les salles de bains. L’argent est utilisé pour son action antibactérienne dans des pansements (Aquacel® argent).
Oxydants chlorés La principale molécule active de cette classe est l’acide hypochloreux, métabolite commun aux antiseptiques chlorés. L’action antiseptique augmente avec la concentration du produit chloré. La tolérance cutanée est bonne aux concentrations usuelles. L’utilisation des oxydants chlorés est limitée en médecine, par leur forte inactivation par les matières organiques, et par leur faible rémanence. L’hypochlorite de sodium (Dakin Cooper® , Amukine® ) n’est pas compatible avec les pansements hydrocellulaires, alginates ou hydrofibres, ainsi que l’argent. EMC - Traité de Médecine Akos
Peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée H2 O2 ) Son activité antiseptique repose sur une dénaturation des protéines microbiennes. Elle est brève et limitée à certaines bactéries à Gram positif (bactériostatique) et à certains virus (VIH), et est inhibée par le contact avec les matières organiques qui entraînent une effervescence. Celle-ci peut être utile pour le nettoyage mécanique d’une plaie ou l’hémostase. L’eau oxygénée peut être irritante pour la peau ; son utilisation est proscrite à proximité des conjonctives, et est incompatible avec les pansements hydrocellulaires. Elle est commercialisée en solution à 3 % (Eau oxygénée Gilbert® , Dosoxygénée® ). Elle doit être conservée à l’abri de la chaleur et de la lumière, et ne doit pas être associée aux autres antiseptiques oxydants.
Permanganate de potassium (KMnO4 ) Il est très rapidement antibactérien mais sans activité sur les autres micro-organismes. Il est inactivé par les matières organiques, et sa rémanence est faible. Il est très caustique (attention aux ingestions accidentelles) et doit donc être dilué au moins au 1/10 000. La solution finale est alors rose pâle, mais peut durablement tacher l’émail d’une baignoire, etc.
Triclocarban Le triclocarban est un carbanilide, utilisé à la concentration de 1 à 2 %. Il est actif sur les bactéries à Gram positif, pour lesquelles il est bactériostatique de fac¸on prolongée. Le triclocarban ne doit pas être utilisé chez le nourrisson. Les deux spécialités contenant du triclocarban sont Cutisan® , et Solubacter® . En outre, le triclocarban est présent dans certains pains de toilette dermatologiques (Nobacter® ).
Critères de choix des antiseptiques Les antiseptiques sont très utilisés [3] . Le prescripteur doit connaître les effets indésirables locaux (causticité, eczéma de contact) ou plus rarement généraux (toxicité viscérale, anaphylaxie) des molécules qu’il utilise, ainsi que les incompatibilités éventuelles des associations d’antiseptiques. D’une manière générale, il est préférable de ne pas associer entre elles, simultanément ou successivement, différentes spécialités antiseptiques. Pour tous les antiseptiques, le risque d’effet indésirable local ou systémique augmente en cas d’applications répétées, sur de larges surfaces, sous occlusion, sur une peau lésée, sur une muqueuse, ainsi que sur la peau du prématuré ou du jeune nourrisson. La possible contamination des antiseptiques par des micro-organismes doit être également connue. La principale limite des présentations « à usage unique » est leur prix élevé. Le choix d’un antiseptique repose sur l’efficacité et la bonne tolérance de la molécule. L’efficacité est appréciée a priori par un spectre adapté à l’utilisation (large pour une antisepsie préopératoire, étroit ciblant les cocci à Gram positifs dans les infections cutanées superficielles), par un délai d’action bref (moins de trois minutes), par une action suffisamment rémanente (plusieurs dizaines de minutes), par une activité pas ou peu diminuée par la présence de matières organiques, et éventuellement par une présentation adaptée à l’usage (Tableau 2). La rémanence des antiseptiques dont on dispose est toujours trop courte, particulièrement en peau lésée, et la recolonisation microbienne est inéluctable quelques dizaines de minutes après l’application d’un antiseptique. La bonne tolérance associe une causticité modeste ou absente, un risque d’eczéma faible et des effets systémiques rares ou sans gravité. L’antiseptique idéal n’existe pas et, en pratique, les qualités requises ne sont réunies que pour un petit nombre d’antiseptiques : chlorhexidine et povidone iodée pour l’essentiel, qui sont les principaux antiseptiques à bien
3
2-0785 Antiseptiques
Tableau 3. Formes commerciales les plus usitées et principales situations pratiques où les antiseptiques peuvent être utilisés.
Chlorhexidine aqueuse
Noms commerciaux
Utilisation possible
Septivon® , Diaseptil® , Plurexid®
Infections cutanées ou muqueuses superficielles
Chlorhexidine alcoolique Hibitane®
Champ opératoire
Dérivés iodés
Bétadine®
Infections cutanées ou muqueuses superficielles
Hexamidine
Hexomédine®
Infections cutanées superficielles
Oxydants chlorés
Dakin Cooper® Amukine®
Infections cutanées superficielles
connaître et à prescrire (Tableau 3). L’association de ces antiseptiques à l’alcool éthylique est synergique et utile, mais mal tolérée en cas d’effraction cutanée ou sur les muqueuses.
Indications des antiseptiques L’intérêt des antiseptiques en peau saine est admis par tous avant une effraction cutanée telle qu’une ponction veineuse, ou a fortiori avant une chirurgie. Mais la démonstration de l’utilité des antiseptiques en peau lésée n’a été que rarement faite [1, 11] . Dans l’état actuel des connaissances, et compte tenu d’effets indésirables non rares, l’utilisation des antiseptiques en peau lésée doit donc être « raisonnablement empirique » c’est-à-dire réservée aux dermatoses bulleuses et aux brûlures étendues où, de fac¸on consensuelle, les antiseptiques pourraient limiter le risque de sepsis grave. Dans tous les autres cas, l’évaluation du rapport bénéfice/risque doit être systématique, et le souci de ne pas favoriser l’émergence de souches résistantes toujours présent à l’esprit. Il faut garder en mémoire que, quelle que soit la dermatose traitée, c’est la restauration de l’intégrité cutanée qui constitue la meilleure défense contre les germes.
Antisepsie de la peau saine Cela concerne les mains des soignants et chirurgiens, les ponctions et l’antisepsie de la peau du champ opératoire. Les deux antiseptiques utilisés sont la chlorhexidine alcoolique à 0,5 % ou la povidone iodée. Pour une action optimale, l’antiseptique doit être appliqué sur une peau aussi propre que possible. Une détersion mécanique et un savonnage antiseptique peuvent donc être nécessaires. Une méta-analyse Cochrane de 2004 montrait un taux faible de complications, et l’absence d’étude convaincante pour la supériorité d’un antiseptique sur un autre antiseptique, dans le lavage des mains des chirurgiens [12, 13] . Mieux encore, dans une étude de 1810 patients opérés en chirurgie plastique, et sélectionnés comme à faible risque, les patients ont été randomisés entre lavage à l’eau et au savon, du site opératoire, ou deux applications successives d’un antiseptique (chlorhexidine ou povidone iodée) cinq minutes avant l’incision. Il n’y a eu aucune infection dans les deux groupes [14] .
Antisepsie de la peau lésée Antisepsie des plaies aiguës Le lavage abondant à l’eau potable du robinet, par l’action mécanique de drainage, est à privilégier. Il n’est pas certain que l’application d’un antiseptique après cette étape de lavage ait une utilité quelconque [15] . Un savonnage soigneux et répété, l’ablation systématique d’éventuels corps étrangers sont probablement suffisants. En l’absence de (sur)infection patente, le traitement repose ensuite sur les pansements (tulles vaselinés, hydrocolloïdes ou hydrocellulaires).
4
Antisepsie des dermatoses bulleuses étendues Cette situation concerne les dermatoses bulleuses héréditaires, les dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigoïde bulleuse, pemphigus), et les toxidermies sévères (nécrolyse épidermique toxique, pustulose exanthématique aiguë généralisée). Aucune étude spécifique n’étant disponible, l’intérêt des antiseptiques dans ces dermatoses a été extrapolé à partir des résultats obtenus chez les brûlés. En pratique, on peut proposer un bain quotidien avec de l’eau additionnée de chlorhexidine. Idéalement, le bain doit être suivi d’un rinc¸age à la douchette qui permet d’éliminer l’antiseptique, et donc de diminuer sa causticité, mais également de faire disparaître les débris cutanés qui sont des gîtes de pullulation microbienne.
Antisepsie des dermatoses suintantes Cette situation comprend surtout l’eczéma aigu ou la dermatite atopique, et la varicelle. L’intérêt des antiseptiques dans ces dermatoses, c’est-à-dire la prévention d’une surinfection, n’est pas démontré. Dans la dermatite atopique, Stalder et al. ont montré la supériorité de la corticothérapie locale sur la chlorhexidine et le permanganate de potassium, illustrant ainsi que la restauration de la barrière cutanée est le meilleur moyen de diminuer la colonisation bactérienne cutanée [16] . Par extension, on peut considérer que l’unique traitement d’un eczéma aigu est la corticothérapie locale. L’utilisation des antiseptiques entre les poussées de dermatite atopique est illogique et délétère. Une méta-analyse récente a montré l’absence d’intérêt des antibiotiques ou des antiseptiques (incluant les textiles imprégnés d’argent) pour améliorer les patients atteints de dermatite atopique [17] .
Antisepsie des infections et surinfections cutanées bactériennes superficielles Ce grand cadre comprend les infections cutanées primitives superficielles (impétigo, folliculites, furoncles) et la surinfection de dermatoses préexistantes (impétiginisation). Les effets indésirables locaux ou systémiques, le problème des résistances acquises aux antiseptiques et antibiotiques, font que le choix entre traitement par antiseptiques, par antibiotiques locaux ou systémiques, n’est pas toujours facile. Une enquête récente a montré que les antiseptiques sont souvent prescrits seuls ou associés aux antibiotiques (locaux ou systémiques) dans des infections superficielles comme les folliculites, les furoncles, les panaris, ou l’impétigo [3] . Or, ces infections cutanées superficielles guérissent souvent spontanément, et le traitement de la dermatose sous-jacente suffit habituellement à guérir l’impétiginisation. Les études comparant chlorhexidine ou povidone iodée avec savonnage seul manquent. L’acné, qui n’est pas une maladie infectieuse, n’est pas une indication à l’antisepsie.
Antisepsie des plaies chroniques (ulcères et escarres) L’intérêt des antiseptiques dans la prévention du retard de cicatrisation est nul : la majorité des antiseptiques sont en effet cytotoxiques et ralentissent la croissance des kératinocytes et des fibroblastes. En outre, vouloir « stériliser » une plaie chronique est illusoire. De plus, il y a un risque élevé de sensibilisation de contact aux antiseptiques chez les patients porteurs de plaies chroniques [18] . L’emploi des antiseptiques doit donc être évité.
Problèmes posés par la surutilisation des antiseptiques Résistances acquises Elles sont connues depuis longtemps pour les antiseptiques les plus anciens. La chlorhexidine est plus récente, mais largement utilisée à l’heure actuelle, et le nombre de publications relatant des EMC - Traité de Médecine Akos
Antiseptiques 2-0785
résistances a logiquement augmenté. Ainsi 35 % des Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) sont résistants à la chlorhexidine, contre 8 % au Royaume-Uni et jusqu’à 62 % au Japon, le mécanisme de cette résistance étant lié aux gènes qacA/B [19] . Plus ennuyeux dans certains cas, il s’agit de l’acquisition d’une résistance croisée avec des antibiotiques.
Allergies Les eczémas de contact sont fréquents chez les utilisateurs réguliers, chirurgiens ou patients. Ainsi, 5 et 10 % des patients ayant un ulcère de jambe sont sensibilisés à la chlorhexidine et à la povidone iodée [18] . Ces eczémas peuvent être particulièrement intenses avec l’hexamidine. Les accidents d’hypersensibilité immédiate (urticaire de contact) sont plus rares, mais potentiellement graves en cas d’application sur la muqueuse oropharyngée. Des chocs anaphylactiques sont possibles même après application sur la peau intacte [20–23] .
“ Points essentiels
Conclusion Les preuves de l’utilité des antiseptiques dans des situations fréquentes en médecine générale manquent. Face à une plaie aiguë ou chronique, une dermatose suintante même fortement colonisée, un lavage suivi d’un rinc¸age, ainsi que le traitement de la dermatose suffisent. Face à une infection superficielle bénigne (folliculite, impétigo localisé, furoncle, panaris non compliqué), il n’est pas facile d’établir un rationnel entre l’abstention, l’antisepsie, ou l’antibiothérapie locale. Il est probablement difficile de résister à la pression du patient ou de son entourage, et l’opinion commune est que « cela ne peut pas faire de mal », ce qui est faux (cf. les résistances et allergies parfois graves). Les campagnes d’information sur les antibiotiques ont permis un recul de la prescription d’antibiotiques, on peut espérer de même une diminution de la prescription excessive d’antiseptiques [1, 3] .
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Références [1]
• Les antiseptiques sont des agents anti-infectieux utilisés par voie locale (cutanée ou muqueuse) pour réduire temporairement la densité bactérienne à la surface avant un geste invasif (ponction, chirurgie), ou pour réduire la transmission bactérienne (mains des soignants). Leur délai d’action est de une à quelques minutes, leur durée d’action de une à quelques heures. • Leur mode d’action explique leur causticité pour les cellules épithéliales : attention aux applications à fortes concentrations sur des muqueuses ou sur des plaies cutanées. Les dermites irritatives des mains sont très fréquentes chez les soignants. • La peau saine est colonisée normalement par une flore microbienne commensale. La densité de cette flore est faible dans les zones sèches, et beaucoup plus élevée dans les zones plus humides (plis et muqueuses). • Si la barrière cutanée est lésée (abrasion, plaie aiguë ou chronique, dermatose), la densité microbienne augmente car le milieu de culture est plus favorable, responsable d’un aspect exsudatif, plus ou moins croûteux, impétiginisé, des lésions. • La présence de ces exsudats réduit fortement l’efficacité des antiseptiques in vivo. • La colonisation microbienne ne nécessite pas habituellement d’antiseptiques, sauf en cas de lésions étendues (grand brûlé, dermatose bulleuse). La restauration de l’intégrité de la barrière cutanée, par le traitement de la dermatose, suffit à régler le problème. • En cas de densité microbienne plus importante, des signes inflammatoires locaux, une adénopathie régionale, une fièvre, peuvent survenir : c’est la surinfection, qui nécessite un traitement antimicrobien systémique. • Les infections localisées superficielles de la peau (folliculites, furoncles, impétigos) sont bénignes, et guérissent la plupart du temps spontanément. • Le niveau de preuve de l’efficacité des antiseptiques dans ces infections banales est très faible. L’utilisation des antiseptiques est très certainement excessive dans ces indications. • Les résistances acquises aux antiseptiques (comme aux antibiotiques) constituent un problème majeur de santé publique.
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2-0785 Antiseptiques
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L. Machet, Dermatologue, Professeur des Universités, praticien hospitalier (
[email protected]). Service de dermatologie, CHU de Tours, 37044 Tours cedex 01, France. Université Franc¸ois-Rabelais de Tours, 60, rue du Plat-d’Étain, 37000 Tours, France. E. Fourtillan, Médecin généraliste. 11, rue du Calvaire, 79160 Coulonges-sur-l’Autize, France. L. Vaillant, Dermatologue, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service de dermatologie, CHU de Tours, 37044 Tours cedex 01, France. Université Franc¸ois-Rabelais de Tours, 60, rue du Plat-d’Étain, 37000 Tours, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Machet L, Fourtillan E, Vaillant L. Antiseptiques. EMC - Traité de Médecine Akos 2016;11(3):1-6 [Article 2-0785].
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EMC - Traité de Médecine Akos
98-140-A-10
Prurit L. Misery Le prurit est le principal signe fonctionnel en dermatologie. La connaissance de sa physiopathologie progresse beaucoup, avec en particulier la mise en évidence de voies non histaminergiques. Ses causes sont très nombreuses, dermatologiques (première cause : dermatite atopique) ou extradermatologiques. Ainsi, de nombreuses maladies rénales, hépatiques, endocriniennes, hématologiques ou autres peuvent être à l’origine d’un prurit. Le prurit peut être lié au simple vieillissement cutané ou à des troubles psychologiques. Le traitement du prurit est important pour la qualité de vie du malade, mais les possibilités thérapeutiques sont souvent peu efficaces en dehors d’un traitement étiologique. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Prurit ; Peau ; Neuromédiateur ; Nerf ; Histamine ; PAR-2
Introduction
Plan ■
Introduction
1
■
Physiopathologie
1
■
Exploration fonctionnelle Induction expérimentale du prurit Aspects qualitatifs du prurit Mesure de l’intensité du prurit Mesure de l’intensité du grattage
2 2 2 2 2
■
Prurits dermatologiques
2
■
Prurits non dermatologiques Causes médicamenteuses Causes toxiques Prurit urémique Prurit cholestatique Prurits hématologiques Prurits paranéoplasiques Prurits endocriniens Prurits d’origine métabolique Prurits neurologiques Prurits d’origine infectieuse Prurit aquagénique Prurit sénile Prurit psychogène Prurit anogénital
3 3 3 3 4 4 4 4 4 4 5 5 5 5 5
■
Bilan étiologique
5
■
Complications
5
■
Traitement Traitement étiologique Mesures générales Traitements locaux Traitements généraux
6 6 6 6 6
Conclusion
6
■
EMC - Dermatologie Volume 7 > n◦ 4 > novembre 2012 http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0319(12)60621-9
Le prurit constitue un des symptômes très fréquents de la dermatologie. Il ne concerne que la peau et quelques muqueuses malpighiennes. Le prurit est défini comme « une sensation déplaisante qui provoque le besoin de se gratter » [1, 2] . Les anglophones possèdent deux mots équivalents à « prurit » en Franc¸ais : itch désigne plutôt un prurit associé à une maladie cutanée, alors qu’aucune dermatose n’est associée au pruritus, mais les deux termes sont de plus en plus employés indifféremment. Le prurit n’est pas une douleur a minima ; il s’oppose d’ailleurs sur bien des points à la douleur (Tableau 1). Il s’agit de deux sensations subjectives universelles, mais le prurit se caractérise par une réponse motrice spécifique : le grattage. Il existe des sensations intermédiaires entre le prurit et la douleur (ou voisines) : les paresthésies (picotements, brulures, fourmillements, etc.). Le prurit peut survenir au cours de nombreuses circonstances : maladies cutanées inflammatoires, accumulation de toxines (prurit cholestatique ou urémique), maladies générales (hémopathies, maladies endocriniennes, etc.). Il peut être induit par des agents exogènes (produits chimiques, médicaments). Il peut être uniquement neurogénique ou psychogénique. Il peut être aigu ou chronique. L’appréciation de son intensité est difficile. Au même titre que la douleur ou l’asphyxie, il peut être à l’origine d’une souffrance importante. Les thérapeutiques actuelles ne sont pas toujours pleinement efficaces.
Physiopathologie L’histamine est loin d’être le seul médiateur impliqué dans le prurit [3, 4] . Elle peut même ne pas intervenir du tout dans certains prurits. Cela explique pourquoi les antihistaminiques ne sont pas toujours efficaces. La substance P, la sérotonine et les prostaglandines (surtout la prostaglandine E2) sont aussi des médiateurs
1
98-140-A-10 Prurit
Tableau 1. Différences entre prurit et douleur. Prurit
Douleur
Geste en conséquence
Grattage
Retrait
Localisation
Peau, semi-muqueuses
Peau, semimuqueuses, muqueuses
Effets de la chaleur
Exacerbation
Calme
Effets du froid
Calme
Exacerbation
Effets de morphiniques
Exacerbation
Calme
Effets des antihistaminiques
Souvent favorables
Aucun
Seuil minimal
Stimuli minimes
Stimuli moyens
importants du prurit. Le rôle d’autres neuromédiateurs comme la somatostatine, le calcitonin gene-related peptide et le vasoactive intestinal peptide est aussi suspecté. Les morphiniques naturels (ou exogènes) peuvent induire un prurit. Récemment, il a été démontré que le prurit pouvait être induit par des cytokines telles que l’interleukine-2 et l’interféron ␣, et d’ailleurs calmé par des substances comme la ciclosporine. Certaines protéases (trypsine, papaïne) ou kinines (kallicréine, bradykinine) peuvent être pruritogènes [5] . À côté des récepteurs de l’histamine, on sait désormais que les récepteurs des sérine-protéases (PAR-2 et dans une moindre mesure PAR-4) représentent la deuxième voie d’activation du prurit [6] . Ces récepteurs sont activés par un poil-à-gratter (cowhage en anglais) et représentent une voie totalement indépendante de la voie histaminergique. L’activation de ces récepteurs ne s’accompagne d’ailleurs pas d’une papule œdémateuse, contrairement à celle des récepteurs de l’histamine. Elle est suivie par celle de neurones différents des neurones histaminergiques dans la moelle épinière [7] puis le cerveau [8] .
Exploration fonctionnelle L’exploration fonctionnelle du prurit est difficile [9] . Actuellement, il n’existe pas de modèle in vitro de prurit, bien que la reproduction in vitro de l’inflammation neurogène cutanée s’en rapproche beaucoup [10] . L’appréciation du prurit passe donc par des modèles in vivo, humains ou animaux. Elle est fondée sur le ressenti ou sur la mesure des mouvements de grattage.
Induction expérimentale du prurit Le prurit peut être induit expérimentalement, dans le cadre d’études cliniques par l’injection dans le derme d’histamine, de sérotonine, de substance P, de composé 48/80, de kallicréine, de bradykinine, de papaïne ou de trypsine ou par l’injection intraveineuse de morphiniques ou d’interleukine-2 [5] . Le prurit peut aussi être induit par de faibles courants électriques, mais ceux-ci induisent souvent une douleur ou des paresthésies plutôt qu’un prurit. Ils peuvent même inhiber un prurit par stimulation de fibres afférentes [11] . L’esthésiomètre, constitué de fibres de nylon de différents calibres [12] , est un moyen mécanique d’induire un prurit. La stimulation est obtenue en appliquant les fibres de nylon sur la peau. En pratique, l’induction d’un prurit est le plus souvent réalisée avec l’histamine, par injection intradermique ou ionophorèse.
Aspects qualitatifs du prurit L’appréciation des aspects qualitatifs du prurit s’appuie sur l’examen clinique et l’interrogatoire. L’examen clinique montre les lésions de grattage (nombre, profondeur, localisation, disposition), des papules ou des nodules de prurigo, des lésions de dermographisme, des lichénifications. Le grattage est en effet bien
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différent selon la pathologie ; par exemple, urticaire, prurit psychogène ou dermatite atopique. Des signes cutanés ou généraux associés vont guider le diagnostic étiologique. Un aspect vernissé des ongles est en faveur d’un prurit ancien et intense. L’interrogatoire doit préciser les caractères du prurit : • date et mode de début (brutal ou progressif) ; • association ou non à des dysesthésies ou à des paresthésies ; • facteurs déclenchants (stress, irritants, etc.) ; • évolution (aiguë, paroxystique ou chronique) ; • chronologie (heure de la journée, période de l’année) ; • intensité (gêne dans le travail, la vie quotidienne, la vie affective ou le sommeil) ; • topographie et extension ; • facteurs aggravants (hypersudation, sport, bains, douches, repas) ou calmants (froid, détente) ; • contexte associé (maladies, toxiques) ; • liens avec signes objectifs (avant, pendant ou après les signes cutanés) ; • existence ou non d’un prurit collectif ; • effets des traitements. Il n’existe pas de questionnaire standardisé sur le prurit comme pour la douleur pour l’instant, mais des discussions ont lieu au sein de la société internationale : l’International Forum for the Studies on Itch (IFSI) [13] .
Mesure de l’intensité du prurit [14] L’intensité du prurit ne peut être appréciée que sur l’interrogatoire du patient. L’appréciation par un observateur est une mauvaise méthode. La mesure de l’intensité du grattage n’est que le reflet indirect du prurit. La mesure de l’intensité du prurit est difficile car subjective. Plusieurs méthodes d’évaluation de l’intensité du prurit ont néanmoins été proposées. Elles s’inspirent des échelles d’évaluation de la douleur, l’échelle visuelle analogique allant de 0 à 10 étant la plus utilisée. L’évaluation de l’insomnie et de l’altération de la qualité de vie, éventuellement par des échelles, permet de mesurer des reflets indirects mais très pertinents de l’intensité du prurit.
Mesure de l’intensité du grattage [15] L’appréciation du prurit par le grattage est beaucoup utilisée, chez l’homme ou chez l’animal, mais a ses limites. Un prurit faible n’entraîne pas de grattage en dessous d’un seuil variable d’un sujet à l’autre. Des paresthésies, des dysesthésies et même la douleur peuvent induire le grattage. L’intensité du grattage peut être appréciée indirectement par le nombre et la taille d’excoriations, de lésions de prurigo ou de lésions de dermographisme. Mais elle est en général évaluée par l’observation de l’acte de se gratter, de préférence sur un enregistrement vidéo. L’enregistrement du grattage est difficile car il s’agit d’une activité par définition irrégulière. La durée, la fréquence, l’intensité, la direction, l’amplitude et la localisation des actions de grattage sont très variables. Il est difficile de séparer un acte de grattage du suivant.
Prurits dermatologiques
[16, 17]
Les prurits dermatologiques sont les prurits liés à une maladie cutanée. En présence de lésions cutanées, le patient ressent souvent un prurit. Il est classique de dire que le psoriasis n’induit pas de prurit. Cette notion est erronée : il est clairement démontré que le prurit est présent dans environ 80 % des cas [18] . Il existe des dermatoses directement prurigineuses. La frontière entre dermatose et neuropathie n’est parfois pas claire, comme dans le prurigo nodulaire ou le prurit aquagénique. Dans ce chapitre, les différents prurits dermatologiques ne seront pas traités en détail car chaque cause fait l’objet d’un chapitre spécifique dans le traité. Le diagnostic est en général posé grâce à l’interrogatoire et l’examen clinique. Une biopsie est parfois nécessaire. Une immunofluorescence directe et indirecte est nécessaire devant des EMC - Dermatologie
Prurit 98-140-A-10
lésions bulleuses ou, de manière plus systématique, chez la personne âgée. Des immunomarquages sont utiles en cas de suspicion de lymphome. Au cours des maladies dermatologiques stricto sensu, le prurit est rapporté spontanément par le patient ou doit être recherché. Il peut s’agir d’un critère diagnostique fondamental dans certaines maladies, par exemple la dermatite atopique, alors que sa présence ou son absence ne sont d’aucune aide ailleurs, comme dans le psoriasis. Enfin, rappelons que le prurit peut précéder les lésions cutanées, en particulier au cours de l’urticaire, du dermographisme, de la dermatite atopique ou de la pemphigoïde.
Prurits non dermatologiques
[16, 17, 19]
(Fig. 1, 2)
L’interrogatoire est souvent suffisant pour identifier une cause possible, mais un bilan étiologique est parfois nécessaire.
Causes médicamenteuses Face à un prurit isolé, le premier réflexe doit être de rechercher une cause médicamenteuse. Le prurit sans véritable toxidermie associée peut apparaître plusieurs mois ou même années après l’introduction du traitement. Il peut disparaître plusieurs semaines après l’arrêt du traitement incriminé. Les mécanismes physiopathologiques sont assez mal connus : cholestase, activation des mastocytes ou des fibres nerveuses [19] . Toutes les étiologies médicamenteuses de prurit n’ont d’ailleurs pas été prouvées, mais il est difficile d’établir une hiérarchisation qui puisse reposer sur des bases scientifiques [20] . C’est pourquoi l’éviction d’épreuve est importante. La causalité des médicaments dans un prurit sans lésion cutanée est toujours discutable et ne peut être confirmée que par l’éviction.
Causes toxiques Les causes toxiques peuvent être liées à des intoxications alimentaires, en particulier à la ciguatera, rencontrée dans les
Figure 2.
Prurigo nodulaire.
poissons tropicaux [21] . Les contacts avec divers poissons, parasites et mollusques marins ou d’eau douce, peuvent être à l’origine de prurit à cause de toxines libérées par ces animaux au contact, par des mécanismes allergiques, non allergiques ou mixtes [22] . C’est en particulier le cas des cercaires (« puces des canards ») ou des méduses. Les causes toxiques peuvent être iatrogènes, sans être médicamenteuses. C’est le cas de l’hydroxyéthyl amidon, utilisé pour le « remplissage » vasculaire. Le prurit survient plusieurs semaines après la perfusion [23, 24] . Parmi les causes toxiques, on peut aussi citer les opiacés utilisés par les toxicomanes.
Prurit urémique
Figure 1.
EMC - Dermatologie
Prurigo.
Il est lié à une insuffisance rénale chronique mais pas aiguë. Il serait présent chez 40 à 85 % des hémodialysés [25] . Il n’y a pas de facteur favorisant connu et son origine reste mystérieuse, probablement non univoque. Xérose ? Accumulation de métabolites dans la peau et/ou les fibres nerveuses ? Hyperparathyroïdisme secondaire ? Sécrétion d’opiacés endogènes ? Produits toxiques utilisés pendant la dialyse ? Il est le plus souvent paroxystique. Il est localisé une fois sur deux. Il disparaît après la transplantation rénale et, occasionnellement, après la dialyse. Le traitement est difficile [26] . Érythropoïétine, émollients, antihistaminiques, colestyramine ou héparine donnent des résultats très décevants. Le charbon activé à 6 g par jour serait efficace [27] . Les rayonnements ultraviolets B (UVB) permettent souvent une diminution du prurit, mais leur utilisation doit être limitée chez ces patients immunodéprimés par l’insuffisance rénale et d’éventuels traitements immunosuppresseurs [16] . La naltrexone en cas de prurit généralisé [28] ou le tacrolimus topique en cas de prurit localisé [29] pourraient être de nouvelles thérapeutiques intéressantes.
3
98-140-A-10 Prurit
Prurit cholestatique Le prurit est un signe précoce de cholestase chronique et précède parfois de plusieurs années les autres signes, cutanés ou non, des hépatopathies. Il prédomine sur les extrémités et les zones de frottement, s’intensifie la nuit et s’accompagne souvent d’une pigmentation cutanée respectant classiquement la zone médiodorsale [30] . Le diagnostic est aisé, par le dosage des phosphatases alcalines, de la gamma-glutamyl-tansférase et de la bilirubine. On suppose que le prurit serait lié à l’accumulation de sels biliaires [31] induisant une production exagérée d’opiacés d’origine hépatique [32] . Les causes de prurit cholestatique les plus fréquemment rencontrées sont l’hépatite C, les hépatites médicamenteuses et la grossesse. Il faut noter que la cirrhose éthylique, le foie cardiaque [33] et l’hémochromatose ne donnent habituellement pas de prurit. En plus du traitement de la cause, la colestyramine (Questran® ) est le traitement de référence [30, 34] Une amélioration est obtenue en 3 ou 4 jours. Le traitement est contre-indiqué en cas d’obstruction complète des voies biliaires. Les effets secondaires sont nombreux et les résultats ne sont pas toujours satisfaisants. L’acide ursodésoxycholique est décevant au cours de la cirrhose biliaire primitive [35] . La rifampicine apparait comme le traitement de choix [36] . On peut aussi préconiser la naloxone [32] ou, surtout, la naltrexone [37] et la photothérapie [38] .
Prurits hématologiques Lymphomes Le prurit généralisé est un signe classique (30 % des patients) et précoce des lymphomes, en particulier de la maladie de Hodgkin, où il peut précéder de plusieurs années l’apparition d’adénopathies. Il est souvent plus intense la nuit et est souvent classé à tort comme prurit psychogène ou prurigo nodulaire [39] et serait de mauvais pronostic. Il peut aussi exister au cours d’autres lymphomes ou gammapathies monoclonales. Au cours des lymphomes épidermotropes [40] , il est sévère et associé à des signes cutanés typiques. L’aprépitant pourrait représenter un traitement très efficace [41] .
Maladie de Vaquez Au cours de cette polyglobulie, comme au cours de polyglobulies bénignes, le prurit existe dans 70 % des cas. Il prend souvent, mais pas toujours, la forme d’un prurit aquagénique ou lié à la chaleur. Il peut précéder le diagnostic de plusieurs années [42] . Il peut être lié à la sécrétion de sérotonine et de prostaglandines, mais aussi à une carence relative en fer [43] . Le traitement est étiologique, mais aussi symptomatique, par l’aspirine [44] , l’interféron alpha [45] ou la puvathérapie [46] . Un prurit a été rapporté de manière anecdotique au cours d’autres hémopathies malignes de la lignée myéloïde. Une infiltration par des leucémides peut ainsi être responsable du « syndrome de la houppe mentonnière ».
Mastocytose Les mastocytoses cutanées et systémiques peuvent s’accompagner de prurit [47] , même en l’absence de lésion spécifique, du fait de la libération de nombreux médiateurs, en particulier de l’histamine et des sérine-protéases. Le traitement par les antihistaminiques est habituellement efficace.
Prurits paranéoplasiques Les prurits peuvent aussi être associés à des cancers « solides ». Le prurit est cependant rare au cours de cancers (0,67 %) [48] . Il est observé au cours de cancers bloquant les voies biliaires, cancers primitifs (digestifs) ou secondaires. Les tumeurs cérébrales [49] peuvent s’accompagner d’un prurit généralisé ou, curieusement, limité au nez. Les carcinomes du poumon anaplasiques à petites cellules peuvent exceptionnellement être à l’origine d’un prurit, par la sécrétion inappropriée de parathormone [50] .
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Le syndrome des néoplasies endocriniennes multiples de type 2 peut être associé à un prurit localisé (amyloïdose cutanée ou notalgie paresthésique) [47] . Un prurit généralisé a été observé au cours de tumeurs carcinoïdes, cancers du sein, de la prostate, de l’utérus ou de la thyroïde, mais il s’agit de cas isolés, et on ne peut exclure une simple coïncidence [19] .
Prurits endocriniens Grossesse Le prurit gravidique est souvent associé à la cholestase intrahépatique (diagnostic par une augmentation des taux sanguins des acides biliaires totaux, mais aussi des transaminases) et bénin, bien qu’invalidant. Il est surtout présent en fin de grossesse, dans 2 % des grossesses, et guérit quelques jours après l’accouchement. Il peut s’accompagner d’un ictère dans 10 % des cas. Il peut être traité par Questran® ou Delursan® . Exceptionnellement, il peut s’associer à une carence d’absorption en vitamine K, pouvant conduire à des hémorragies chez la mère et le nouveau-né, le pronostic fœtal pouvant alors être réservé [51] . Un prurit de ce type peut aussi être observé lors de la prise d’ostroprogestatifs ou lors du syndrome prémenstruel [52] . Le prurigo gravidique peut perdurer plusieurs mois après l’accouchement. Ses causes ne sont pas claires. Un prurit peut être le premier signe d’une dermite papuleuse et prurigineuse de la grossesse ou d’une pemphigoïde gestationis. Cela justifie une biopsie cutanée, avec immunofluorescence directe, en cas d’apparition de papules et, surtout, de bulles associées à un prurit.
Maladies thyroïdiennes L’hyperthyroïdie (essentiellement la maladie de Basedow) s’accompagne d’un prurit dans 10 % des cas. Il peut être isolé ou associé à une urticaire. L’hypothyroïdie peut s’accompagner d’un prurit lié à la sécheresse cutanée.
Diabète Le diabète est une cause classique mais finalement rare de prurit sine materia généralisé [53] . Il serait plutôt associé à des hyperglycémies modérées. En fait, des paresthésies liées à la neuropathie diabétique sont plus souvent rencontrées. Des démangeaisons localisées liées à une candidose semblent plus fréquentes.
Maladies parathyroïdiennes Hyper- et hypoparathyroïdie primaires peuvent être associées à un prurit.
Prurits d’origine métabolique Le prurit associé à une hypercalcémie survient généralement dans un contexte d’hyperparathyroïdie, alors que celui lié à l’hyperuricémie est en fait toujours lié à une hémopathie. La carence en fer est une cause, qui serait relativement fréquente [54] , de prurit généralisé ou anogénital. Le prurit précède ou accompagne l’anémie. Son mécanisme de survenue demeure inconnu et sa réalité est même discutée.
Prurits neurologiques Au cours des prurits neuropathiques, le prurit est souvent associé à des paresthésies, voire à des sensations douloureuses. Plusieurs maladies du système nerveux central peuvent donner lieu à un prurit : tumeurs cérébrales [49] , sclérose en plaques [55] , accidents vasculaires cérébraux et anévrysmes [56] , abcès cérébraux [57] , lésions [58] ou compression [59] médullaires. Au cours de la notalgie paresthésique [60, 61] , il existe un prurit et/ou des paresthésies localisées dans le dos. Des atteintes similaires ont été décrites dans d’autres régions, par exemple la cruralgie paresthésique. EMC - Dermatologie
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Le prurit brachioradial [62] se caractérise par une atteinte d’un quart supérieur du torse et du membre adjacent. Initialement considéré comme une photodermatose, il semble plutôt s’agir d’une neuropathie liée à une arthropathie ou à une discopathie de C4 à C7. Les neuropathies des petites fibres [63] représentent probablement une cause non rare de prurit. Isolées depuis une quinzaine d’années, elles sont liées à une atteinte des terminaisons nerveuses intraépidermiques. Le diagnostic est évoqué devant un prurit neuropathique commenc¸ant aux pieds, éventuellement aux mains, puis s’étendant à l’ensemble du tégument. Évoqué cliniquement, le diagnostic est confirmé par l’étude quantitative de la sensibilité et, surtout, par la mesure de la densité des fibres nerveuses intraépidermiques [64] . Les prurits neurologiques répondent souvent bien à la capsaïcine par voie locale, en préparation magistrale en France (2,6 g) d’oléorésine de capsicum (2 %) et Excipial Lipolotion qsp (200 g). En deuxième intention, on peut avoir recours à la gabapentine (Neurontin® ) ou à la prégabaline (Lyrica® ) par voie générale. La capsaïcine à 8 % (Qutenza® ) peut aussi être utilisée [65] , mais sa prescription est réservée à des centres spécialisés.
Prurits d’origine infectieuse Au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le prurit est un signe fréquent, isolé ou associé à des signes cutanés variés. Un prurit isolé doit faire rechercher systématiquement une infection par le VIH [66] . Ce prurit peut être sine materia et dû à une neuropathie ou à un lymphome sous-jacent, ou bien associé à diverses affections cutanées. Un prurit isolé, ou seulement associé à une hyperéosinophilie doit faire rechercher une parasitose : anguillulose, filariose, ascaridiose, oxyurose, trichocéphalose, trichinose, larva migrans, distomatose, bilharziose, échinococcose, kyste hydatique, taeniase et, surtout, toxocarose [67] .
Prurit aquagénique Il survient de 1 à 5 minutes après le contact avec l’eau. Il dure de 10 à 120 minutes et peut être intense. L’examen ne retrouve aucun signe objectif (à la différence de l’urticaire aquagénique) [63] . Il peut être isolé (prurit cholinergique) ou associé à une polyglobulie [42, 44] , à un syndrome hyperéosinophilique [68] ou à une leucémie lymphoblastique [69] ou à une myélodysplasie [70] , ces hémopathies pouvant se révéler des années après le début du prurit. L’alcalinisation de l’eau peut être utile (de 25 à 200 g de bicarbonate de soude dans une baignoire) [71] . Il peut être traité par des anti-H1 (surtout s’ils sont anticholinergiques), ultraviolets B, A (UVB, UVA), aspirine, propranolol ou capsaïcine topique [19, 72] .
Prurit sénile Ce diagnostic est posé chez un sujet de plus de 70 ans, après avoir éliminé toutes les autres causes. Le prurit est déclenché par les stimuli habituels (chaleur, laine, etc.) ou permanent. Sa physiopathogénie est discutée : xérose cutanée ? désafférentation ? accumulation de métabolites dans la peau ou les nerfs ? Son traitement est difficile, alors que son retentissement physique (prurigo) ou psychique (dépression) peut être très important. Les émollients apportent parfois une amélioration.
Prurit psychogène Ce diagnostic doit être posé après l’élimination de toute cause organique et avec des éléments cliniques en faveur d’un trouble psychiatrique. Il doit être systématiquement évoqué avec le patient, qui a souvent une opinion, justifiée ou non mais toujours intéressante. Le prurit psychogène peut être isolé, associé à une carence affective, et parfois associé à des signes de dépression ou plus rarement d’hypochondrie, d’anorexie mentale, d’hystérie ou de psychose. Il ne s’agit donc pas uniquement d’un diagnostic EMC - Dermatologie
Tableau 2. Critères diagnostiques d’un prurit psychogène. Critères obligatoires Prurit sine materia localisé ou généralisé Prurit chronique (> 6 semaines) Pas de cause somatique Critères facultatifs Relation chronologique entre la survenue du prurit et des événements de vie pouvant avoir une répercussion psychique Variations de l’intensité avec le stress Variations nycthémérales Prédominance pendant les périodes de repos ou d’inaction Trouble psychique associé Prurit qui peut être amélioré par des psychotropes Prurit qui peut être amélioré par des psychothérapies
d’élimination, mais aussi d’un diagnostic fondé sur des arguments positifs. Des critères diagnostiques ont donc été proposés [73] (Tableau 2). Un traitement par hydroxyzine ou doxépine est souvent efficace. On peut y associer des émollients ou apprendre au patient à remplacer le geste de grattage par l’application d’un antiprurigineux. Une psychothérapie ou un traitement psychotrope peuvent être entrepris. Quoi qu’il en soit, il existe une composante psychique pour tout prurit, organique ou non, dans la mesure où le vécu d’un prurit est très variable d’un sujet à l’autre et souvent sans rapport avec l’intensité supposée en fonction de l’étiologie.
Prurit anogénital Les prurits localisés peuvent correspondre à la localisation cutanée d’une maladie dermatologique ou être liée à une cause systémique de prurit, dont le prurit psychogène. Dans le cas particulier du prurit anogénital, il faut ajouter les causes proctologiques (souillures fécales ou séromuqueuses, hémorroïdes, produits de toilette mal rincés, etc.). Parfois, un électromyogramme peut révéler une radiculopathie lombosacrée dont le traitement repose sur le bloc paravertébral. Ainsi, l’examen soigné de la région anogénitale ne doit pas se limiter à la peau. Poser des questions sur les habitudes ou les antécédents, ainsi que sur les circonstances d’apparition et de disparition du prurit peut être particulièrement utile. Souvent, le prurit anogénital peut rester idiopathique. Les traitements locaux du prurit (cf. infra) peuvent alors apporter une aide appréciable.
Bilan étiologique Dans la mesure du possible, le bilan étiologique doit être orienté par les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Cependant, il arrive assez souvent que le clinicien n’ait aucune piste ou qu’il souhaite éliminer toute cause organique avant de poser le diagnostic de prurit psychogène.
Complications Les complications principales du prurit sont liées à une sévère altération de la qualité de vie. Il existe souvent un retentissement social (retentissement sur le travail ou la vie sociale), psychologique (modifications de la personnalité) ou psychiatrique (anxiété, dépression, alcoolisme) majeur. L’insomnie est aussi une complication majeure du prurit. Les lésions de grattage peuvent être la porte d’entrée d’infections locales voire systémiques. Elles sont à l’origine d’une douleur. Le grattage répété peut aussi donner lieu aux lichénifications.
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Traitement Traitement étiologique Dans la mesure du possible, il faut bien entendu supprimer la cause du prurit. Les traitements sont abordés dans chacun des chapitres de l’EMC.
Mesures générales Il faut éviter tout ce qui peut favoriser l’apparition ou l’exacerbation du prurit. Pour la toilette, il faut préférer les douches courtes aux bains, éviter les détergents et les savons acides et privilégier les savons surgras ou alcalins et les syndets. Des émollients doivent être appliqués après la toilette et les applications peuvent être renouvelées dans la journée. Le coton est mieux adapté que d’autres textiles, en particulier la laine. Les vêtements trop serrés ou trop chauds doivent être évités. Les excitants (alcool, café, thé, épices), les boissons chaudes et les fruits acides favoriseraient aussi le prurit. Afin d’éviter les lésions de grattage, les ongles doivent être coupés courts.
Traitements locaux Les antiprurigineux locaux ou les anesthésiques locaux [74] apportent souvent un soulagement temporaire mais appréciable. En cas de prurit paroxystique, il faut apprendre au malade à remplacer le grattage par leur application, ce qui peut permettre de casser le cercle vicieux prurit-grattage-prurit. L’eau fraîche est le plus simple des antiprurigineux locaux. Des produits cosmétiques à base de menthol, de glycocolle, d’endocannabinoïdes, de raffinose [75] , de calamine ou de polidocanol sont commercialisés (Gel fluide de Calamine® , Trixera® , Physiogel A. I.® , Tefirax® , Pruritol® , Sensinol® , etc.). La capsaïcine [74, 76, 77] est très efficace dans certaines indications, lorsque le prurit est localisé. Elle n’est pas commercialisée en France sous forme de crème, mais des préparations magistrales sont possibles. Les premières applications sont un peu douloureuses, mais la sédation est obtenue en quelques jours. L’usage de patchs est réservé à des équipes spécialisées. La doxépine [78] , par son action antihistaminique et anticholinergique, est aussi efficace. Pour l’instant, cet antidépresseur n’est pas encore commercialisé en France sous forme topique (préparation magistrale à 5 %). Les corticoïdes locaux sont essentiellement efficaces sur les lésions inflammatoires, mais pourraient être utiles dans tous les types de prurit. Leur utilisation doit toutefois être limitée dans le temps et l’espace. En l’absence d’inflammation visible, il est recommandé de ne pas les utiliser. Le tacrolimus topique a une autorisation de mise sur le marché (AMM) limitée à la dermatite atopique. Toutefois, il semble efficace dans de nombreux prurits localisés, même s’ils sont d’origine systémique [74] . Les UVA ou UVB ont une action antiprurigineuse dans des circonstances très variées [79–81] . Les séances doivent être suivies de l’application d’émollients car la xérose suivant la puvathérapie ou l’UVB-thérapie est une cause classique de prurit.
Traitements généraux L’histamine étant un des principaux médiateurs du prurit, les antihistaminiques sont les médicaments les plus utilisés. Néanmoins, ils sont partiellement ou totalement inefficaces sur certains prurits. Ceux qui sont spécifiques des récepteurs H1 sont indiqués, les anti-H2 pouvant être toutefois être utiles, à la différence des anti-H3. Les anti-H4 représentent probablement une voie d’avenir. Les anti-H1 de première génération sont sédatifs, alors que ceux de deuxième génération ne le sont pas. Néanmoins, ceux de première génération sont particulièrement indiqués en cas de composante psychogène. Les antihistaminiques sont très bien tolérés. Ceux qui ont une action anticholinergique sont
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contre-indiqués en cas de glaucome ou d’adénome prostatique. La coprescription avec des inducteurs ou des inhibiteurs enzymatiques doit être évitée. Plusieurs psychotropes ont une action antiprurigineuse [82] , qu’ils soient neuroleptiques (butyrophénone), anxiolytiques (hydoxyzine) ou antidépresseurs (doxépine, fluoxétine et autres inhibiteurs de recapture de la sérotonine). Les inhibiteurs de recapture de la sérotonine ont des indications très variées [74, 83] : prurit psychogène, prurit paranéoplasique, etc. La naloxone, antagoniste des opiacés, est essentiellement utilisée dans les prurits d’origine hépatique [84] et dans les prurits secondaires à l’utilisation d’opiacés [85] . Mais la naltrexone (Revia® ), utilisable per os, est d’emploi beaucoup plus facile, à la dose d’un comprimé par jour. Les antagonistes des récepteurs de type 3 de la sérotonine ont peut-être un intérêt dans les prurits d’origine rénale [86] . En fait, ils se sont avérés très décevants. La gabapentine (Neurontin® ) ou la prégabaline (Lyrica® ) pourraient être utiles dans tous les prurits neurogènes, le prurit des diabétiques et le prurit postzostérien [87] , ainsi que dans le prurit urémique [74] . L’acupuncture [88] peut être utilisée contre le prurit. Une étude randomisée en double aveugle contre placebo a montré son efficacité [89] , puis une autre a montré des effets équivalents à ceux d’un antihistaminique [90] . La crénothérapie, les techniques de relaxation, les psychothérapies (psychanalyse, psychothérapie de soutien ou comportementale) ou même les placebos ont parfois un effet remarquable. Dans tous les cas, il est important d’écouter le patient et de démonter le cercle vicieux prurit-vécu anxiogène ou dépressogène-prurit.
Conclusion La prise en charge du prurit doit commencer par la recherche d’une étiologie, le bilan paraclinique devant être orienté par la clinique. Ensuite, le traitement doit être étiologique si possible, et sinon symptomatique. Il peut être décevant et le prurit reste un champ de recherche à explorer [74, 91] .
“ Points essentiels – Le prurit n’est pas toujours associé à une maladie dermatologique ou allergologique, mais peut être révélateur d’affections variées. – Un bilan étiologique doit être réalisé devant tout prurit. Il se limite souvent à l’examen clinique, les examens paracliniques devant être orientés. – Le traitement du prurit ne se limite pas aux antihistaminiques. Les possibilités sont multiples et doivent être discutées en fonction de la cause.
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L. Misery, Professeur des Universités, praticien hospitalier (
[email protected]). Service de Dermatologie, CHU Brest, 2, avenue Foch, 29200 Brest, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Misery L. Prurit. EMC - Dermatologie 2012;7(4):1-8 [Article 98-140-A-10].
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Autoévaluations
Cas clinique
EMC - Dermatologie
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Approche psychologique des dermatoses S.-G. Consoli, R. Malet Les dermatoses concernent un organe, la peau, tout à fait particulier en raison de ses liens anciens, nombreux et complexes avec le psychisme. Ces liens contribuent en particulier à faire de la peau un organe privilégié de la vie de relation. D’ailleurs, les échanges tactiles précoces entre la mère et l’enfant sont indispensables au développement somatique et psychique harmonieux de ce dernier. La peau participe à la constitution d’une image de soi cohérente, accompagnée par les sentiments d’estime de soi et de solidité des limites corporelle et psychique, ce qui définit le narcissisme de tout individu. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dermatoses ; Approche psychologique ; Relation médecin-malade ; Démarche psychosomatique
Tableau 1. Manifestations cutanées provoquées par des troubles psychologiques.
Plan ¶ Introduction
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Troubles des conduites
¶ Prise en compte du retentissement psychologique et socioprofessionnel
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Ceux qui prennent directement la peau pour cible
¶ Diagnostic de manifestations cutanées provoquées par des troubles psychologiques Manifestations cutanées fonctionnelles Conséquences cutanées des troubles des conduites Expressions cutanées d’un trouble délirant
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¶ Démarche psychosomatique Implications thérapeutiques
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¶ Conclusion
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L’approche psychologique des dermatoses n’existe pas sans les médecins. Cette approche paraît indispensable dans de très nombreuses situations cliniques. Influencée par la psychanalyse, dont le point de vue reste essentiel à beaucoup d’égards, elle bénéficie actuellement des apports d’autres disciplines. Ainsi l’épidémiologie, la psychologie de la santé, la physiologie, la neuro-immunologie sont aussi très importants, permettant la mise en place de travaux de recherche dont la méthodologie est rigoureuse. Mais, dans tous les cas, au cœur de l’approche psychologique des dermatoses se situe le psychisme de l’individu et en particulier sa dimension inconsciente. Cette approche psychologique est donc centrée sur l’écoute des malades considérés comme des individus traversés par une histoire singulière. Cette écoute est d’abord réalisée par les médecins puisque ce sont eux, les premiers, qui peuvent découvrir des liens entre une maladie cutanée et la souffrance psychique d’un sujet porteur de cette maladie. L’approche psychologique des dermatoses comporte quatre principaux aspects [1] (Tableau 1) : • la prise en compte du retentissement psychologique et socioprofessionnel ; • le diagnostic des manifestations cutanées provoquées par des troubles psychologiques ; Traité de Médecine Akos
Trichotillomanie Excoriations dites « névrotiques » et acné excoriée
Ceux qui entraînent indirectement des modifications cutanées
Troubles obsessionnels compulsifs Troubles des conduites alimentaires Intoxication alcoolique et/ou intoxication tabagique
Délires cutanés Troubles fonctionnels cutanés et muqueux
■ Introduction
Pathomimie
Prurit psychogène Glossodynie, stomatodynie, vulvodynie Dysmorphophobie
• les caractéristiques de la démarche psychosomatique (l’inscription de la maladie dans l’histoire du patient) ; • la réflexion sur la relation dermatologue-malade. L’idée d’une approche psychosomatique qui consisterait seulement en la recherche d’une cause psychique aux maladies somatiques, notamment dermatologiques, est actuellement moins d’actualité. Peu d’études ont pu mettre en évidence une cause psychique comme seule étiologie d’une maladie somatique. En revanche, il semble acquis que dans nombre de cas, des poussées évolutives de diverses maladies somatiques sont déclenchées par des facteurs psychiques. Par ailleurs, la réflexion sur la relation médecin-patient a pris beaucoup d’importance dans des domaines très divers de la dermatologie (cancérologie, dermatologie esthétique par exemple). Cette réflexion est indispensable dans de nombreuses situations cliniques ; par exemple, lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle ou du suivi d’une maladie chronique. En outre, les dermatologues ont de plus en plus souvent recours à une démarche éthique (au sens de ce qui est la bonne action pour le patient singulier rencontré).
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2-0795 ¶ Approche psychologique des dermatoses
La réflexion sur la relation médecin-patient a pour but de mieux repérer les émotions, les affects, les pensées qui apparaissent, plus ou moins consciemment, lors de la consultation tant du côté du patient que du côté du médecin. Que ce dernier puisse repérer ses sentiments négatifs ou à l’inverse positifs (contre-transfert) est un point essentiel pour comprendre les enjeux de la relation et infléchir le cours de cette relation dans un sens qui soit favorable à la mise en place d’une relation médecin-patient harmonieuse permettant, en particulier, une observance de bonne qualité.
■ Prise en compte du retentissement psychologique et socioprofessionnel De nombreuses études montrent l’importance du retentissement psychoaffectif des maladies cutanées. Des affects anxieux et dépressifs avec des idées suicidaires, ainsi qu’une grande atteinte de l’estime de soi (avec sentiments de honte et attitudes d’évitement de situations anxiogènes : piscine, relation affective et sexuelle...) sont fréquemment rapportés chez les sujets souffrant d’une dermatose. Une étude récente est venue confirmer la fréquence de l’idéation suicidaire active chez les malades atteints de dermatose. Les taux de prévalence de l’idéation suicidaire sont équivalents à ceux rencontrés chez les malades souffrant de maladies somatiques autres que dermatologiques et réputées beaucoup plus graves sur le plan pronostique [2]. Ces résultats soulignent l’importance de réaliser un dépistage de la dépression chez les malades atteints d’affections cutanées. Cependant, le caractère particulièrement chronique et affichant d’une dermatose ne doit pas faire minimiser, dans l’intensité du retentissement socioprofessionnel et psychoaffectif de cette dermatose, le rôle de facteurs psychologiques préexistant à la survenue de la maladie (par exemple une fragilité narcissique). La constitution d’échelles permettant l’appréciation de la qualité de vie des malades souffrant d’affections cutanées et de leur famille se développe actuellement. On a ainsi découvert que, contrairement peut-être à certaines idées reçues, les maladies cutanées peuvent être aussi invalidantes que les maladies pouvant mettre le pronostic vital en jeu. Les malades atteints de psoriasis font état d’une réduction de leur autonomie physique et d’une altération de leur fonctionnement psychologique comparables à ce que l’on rencontre dans les maladies cancéreuses, les maladies rhumatologiques, l’hypertension artérielle, les maladies cardiaques, le diabète et la dépression [3]. De plus, l’altération de la vie sexuelle est très fréquente. Elle ne s’améliore que lorsque le traitement améliore les scores de gravité de 75 % ou plus. Cependant, à gravité égale, l’importance de l’altération de la qualité de la vie en général est très variable d’un sujet à l’autre [4]. Ce résultat est cohérent avec une étude montrant que, plus que l’extension, le siège et la durée du psoriasis lui-même, ce sont les facteurs psychologiques qui prédisent le mieux l’importance du handicap qui résulte de cette affection [5]. L’évocation avec le patient de sa vie amicale, affective et sexuelle et sa prise en compte (en particulier lors du choix d’un traitement) sont déterminantes pour améliorer la qualité de vie du patient et la qualité de la relation médecin-patient [4]. En ce qui concerne l’acné, les études sont peu nombreuses et contradictoires, ce qui peut s’expliquer par des variations de la méthodologie. Cependant, des études montrent l’existence d’une anxiété, de troubles émotionnels et de difficultés comportementales associés à l’acné. D’autres montrent que, par rapport à une population exempte d’acné, les patients porteurs de cette affection ont plus de symptômes dépressifs (sans parler forcément de dépression). Par ailleurs, l’altération de la qualité de vie est plus corrélée au retentissement psychosocial qu’à l’importance de l’acné elle-même. L’altération de la qualité de vie serait d’autant plus importante que l’acné évolue depuis longtemps, que l’âge avance, et qu’il s’agit d’une femme [6]. Les résultats sont plus cohérents dans la dermatite atopique. Il existe une altération nette de la qualité de la vie et les symptômes
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anxieux et dépressifs sont plus fréquents que dans les groupes contrôles. La dermatite atopique sévère entraîne une altération de la qualité de vie non seulement du patient, mais encore de la famille quand il s’agit d’un enfant, de façon proportionnelle à l’index Score Atopic Dermatitis (SCORAD-D). Le prurit et les troubles du sommeil, qui existent chez 60 % des patients, aggravent les difficultés scolaires et les troubles de l’humeur [7].
■ Diagnostic de manifestations cutanées provoquées par des troubles psychologiques Manifestations cutanées fonctionnelles Elles sont définies comme des plaintes concernant le fonctionnement de l’organe peau ou comme des sensations cutanées anormales sans substratum anatomique connu (par exemple certains cas de prurit, de glossodynie, de vulvodynie). Elles sont appelées aussi par les somaticiens : « symptômes médicalement inexpliqués » et par les psychiatres « troubles somatoformes » selon la définition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) IV (classification nord-américaine des pathologies psychiatriques). Elles sont souvent considérées comme un équivalent dépressif révélateur d’une dépression au cours de laquelle, très souvent, les troubles somatiques de la dépression (fatigue et insomnie matinale, douleurs, anorexie, par exemple) ainsi que l’inhibition psychomotrice (aboulie, troubles de la mémoire, de l’attention, de la concentration) sont au premier plan alors que les troubles psychiques de la dépression, c’est-à-dire les troubles des contenus de la pensée et de l’humeur (dépréciation des autres et de soi-même, anhédonie, irritabilité, tristesse, idées pessimistes, voire suicidaires) sont au deuxième plan et demandent à être recherchés [8].
Conséquences cutanées des troubles des conduites Elles sont nombreuses et variées, nous insistons sur trois d’entre elles.
Pathomimie cutanée ou trouble factice cutané (Fig. 1)(selon la dénomination du DSM IV) De diagnostic difficile à évoquer et à poser, il s’agit d’une dermatose factice survenant le plus souvent chez une femme, qui la provoque dans un état de conscience clair. La patiente dissimule sa responsabilité dans l’apparition de ses lésions cutanées et elle garde donc secrètes ses manipulations sur sa peau avec les différents soignants rencontrés. On ne retrouve pas de motif rationnel précis pouvant expliquer une telle conduite. Les simulations sont donc exclues du cadre des
Figure 1.
Pathomimie. Traité de Médecine Akos
Approche psychologique des dermatoses ¶ 2-0795
Figure 2. Acné excoriée.
pathomimies ainsi que d’autres conduites pathologiques prenant pour cible la peau, mais non tenues secrètes par le patient (excoriations névrotiques) [9]. Lorsque le diagnostic est posé, il est important de maintenir un lien thérapeutique. Pour cela, il s’agit de « montrer » à la patiente que l’on sait, sans lui dire explicitement que l’on sait, et il est important de lui faire comprendre qu’en aucun cas elle ne sera jugée sur les manières dont elle exprime ses souffrances, quelles que soient ces manières. Il ne faut donc pas forcer l’aveu, sous peine de provoquer une surenchère des lésions ou une décompensation psychologique, parfois grave (le risque suicidaire est souvent présent). On ne retrouve pas une organisation spécifique de la personnalité même si une personnalité limite est souvent évoquée. Cependant, le type de personnalité est un élément essentiel du pronostic. Quand il existe, il est souvent utile de s’appuyer sur un état dépressif, pour collaborer avec un psychiatre.
Trichotillomanie Elle consiste en l’arrachage par le sujet lui-même de ses propres cheveux ou poils du corps. L’acte d’arrachage est assez facilement reconnu par le sujet lui-même ou par ses parents quand il s’agit d’un petit enfant. Il suffit pour cela qu’une relation confiante, dénuée de tout a priori et de tout jugement puisse s’établir entre le médecin et le patient souffrant d’une trichotillomanie. Chez l’adulte, la trichotillomanie peut correspondre à un trouble obsessionnel et compulsif (TOC) ou à un geste automatique proche du tic. Selon les cas, ce trouble peut survenir dans le cadre d’une personnalité organisée sur un mode obsessionnel et compulsif, ou même d’une personnalité psychotique. Il n’y a donc pas de personnalité type. En revanche, des troubles de l’humeur sont fréquemment associés. Remarquons que chez le petit enfant, le geste d’arrachage des cheveux peut être transitoire et banal. .
Acné excoriée L’acné excoriée (Fig. 2) concerne essentiellement les femmes. Il faut distinguer sur le plan clinique les excoriations d’une acné patente, dont l’évolution est habituellement favorable lorsque l’acné est traitée. Il est nécessaire cependant, dans ces cas, d’établir une relation de confiance avec les patient(e)s en expliquant les enjeux du suivi thérapeutique. Ils (elles) doivent bien comprendre qu’une partie non négligeable de leurs lésions est liée à leur propre action sur leur peau (sans cependant porter un jugement négatif sur leur conduite pathologique et en tentant d’en comprendre, bien au contraire, les ressorts). En effet si cette conduite ne cesse pas, la pathologie ne cessera pas. La prise en charge des « acnés excoriées sans acné » est différente. Le diagnostic repose sur l’examen clinique : lésions Traité de Médecine Akos
croûteuses créées par les ongles, dont l’aspect linéaire, ou en « virgule » est très évocateur. Elles siègent habituellement sur le visage, moins souvent sur le dos et le décolleté. Souvent les patient(e)s tentent de minimiser leur responsabilité, mais sans la dissimuler, à la différence des pathomimies. Ils sont habituellement convaincus « qu’ils (elles) touchent » du fait de l’existence de lésions d’acné sous-jacentes. C’est dire l’importance d’un examen soigneux sous une bonne lumière, en étirant la peau afin de ne pas négliger d’éventuels microkystes peu visibles, mais qui représentent un véritable attrait pour les doigts de ces patient(e)s. La présentation de ces patient(e)s est stéréotypée, mais la psychopathologie ne l’est pas, de même que leur évolution. Ils (elles) ont pris l’habitude d’enlever les plus petites aspérités de leur peau, de façon compulsive. Cette conduite peut survenir sur une personnalité névrotique obsessionnelle et elle serait, selon beaucoup d’auteurs, un équivalent dépressif. Même dans les formes très chroniques et lorsque les patient(e)s ont conscience qu’ils (elles) sont à l’origine des excoriations, ils sont peu disposés à consulter un psychiatre ou un psychologue/psychanalyste. Les inhibiteurs de recapture de la sérotonine peuvent être indiqués. Souvent seul face à cette pathologie, le médecin somaticien qui prend en charge les manifestations cutanées peut assurer le soutien psychologique et, à plus long terme, l’accompagnement vers une prise en charge psychiatrique et/ou psychologique spécialisée, à travers une relation en apparence purement organiciste.
Expressions cutanées d’un trouble délirant Délires cutanés Il s’agit avant tout du délire d’infestation par un parasite. Caractérisé par la conviction délirante d’être infesté par des parasites, il survient typiquement chez une femme âgée, solitaire et déprimée, souvent à la suite d’un deuil (syndrome d’Ekbom). Le traitement est articulé autour de la prescription d’un neuroleptique parfois associé à un traitement antidépresseur. Il s’agit d’un trouble délirant de type somatique. Pour la classification internationale des maladies (CIM 10), il s’agit d’une forme particulière de paranoïa hypocondriaque. Pour la classification du DSM IV, il s’agit d’un trouble délirant non schizophrénique. Cependant, à côté de cette entité, d’autres délires existent, et tous les intermédiaires sont possibles entre une dépression délirante et un délire chronique.
Délire dysmorphophobique Les préoccupations esthétiques sont normales et plutôt de bon aloi chez tout individu et à tout âge. Mais il arrive, tout particulièrement à l’adolescence, que ces préoccupations esthétiques deviennent pathologiques. Les inquiétudes de l’adolescent relatives à l’ensemble de sa morphologie corporelle ou à une partie définie de son corps sont alors sans rapport avec la réalité et ne sont pas calmées par un dialogue réassurant ou/et un traitement. L’adolescent scrute indéfiniment dans le miroir, par exemple, les follicules pilosébacés de son nez, avec un grand sentiment d’étrangeté ou même de perte d’identité. On a alors affaire à une dysmorphophobie délirante pouvant marquer l’entrée dans une schizophrénie : l’adolescent a la conviction inébranlable que telle ou telle partie de son corps est disgracieuse. Les dysmorphophobies comportent deux versants : • les dysmorphophobies délirantes, classées dans les troubles psychotiques par le DSM IV ; • les dysmorphophobies corporelles, définies comme la peur d’une dysmorphie corporelle qui ne peut être rattachée à aucun autre trouble mental caractérisé. Le DSM IV les classe dans les troubles somatoformes. Pour tous ces malades dermatologiques, le trouble primitif est psychologique et non dermatologique. Cependant, c’est le dermatologue qui a la tâche la plus ardue à réaliser : celle de faire prendre conscience à son malade l’origine psychologique
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2-0795 ¶ Approche psychologique des dermatoses
Tableau 2. Thérapeutiques psychiatriques/psychologiques.
de ses troubles cutanés. Dans cette démarche, le dermatologue peut toujours se faire aider par un psychiatre psychothérapeute, que ce dernier ait rencontré ou non le malade en question. Par ailleurs, la mise en évidence chez son malade d’un état dépressif peut permettre au dermatologue de s’appuyer sur l’existence de cet état pour lui conseiller un suivi psychologique parallèlement au suivi dermatologique.
Traitements médicamenteux psychotropes Techniques de gestion du stress Psychothérapies
Approches corporelles : - massages
■ Démarche psychosomatique
- relaxation
Elle tente de mettre en relation la survenue et l’évolution de maladies cutanées comportant des altérations anatomiques et biologiques objectivables, avec, au côté bien sûr des facteurs biologiques, des facteurs psychologiques (des événements vécus, des facteurs de stress, des caractéristiques de la personnalité ou de l’environnement social de cet individu). La démarche psychosomatique respecte donc le fait biologique. Elle réalise, en fait, une lecture spécifique de toute dermatose et s’oppose donc à la division arbitraire entre les affections cutanées qui seraient somatiques et celles qui seraient psychosomatiques. Ainsi, les études basées sur une démarche psychosomatique concernent des maladies dermatologiques aussi diverses que, par exemple, le psoriasis, l’acné, l’herpès, la dermatite atopique, la pelade, le pemphigus, le lupus ou le mélanome malin [10]. La plupart de ces études cliniques soulignent : • l’effet bénéfique sur l’évolution de la maladie cutanée des interventions psychologiques visant à modifier la relation du sujet malade au stress ; • l’existence de traits de personnalité favorisant l’impact d’un stress sur la peau d’un sujet donné. La notion d’un stress ne renvoie pas seulement, en effet, à une réalité extérieure mais également à la structure de la personnalité et aux capacités défensives du sujet confronté aux contraintes psychosensorielles externes et aux péripéties de sa vie affective. Les sujets plus fragiles sur le plan somatique seraient caractérisés par une grande difficulté à élaborer psychiquement les traumatismes psychoaffectifs, c’est-à-dire à les penser : donc à les inscrire dans un scénario significatif avec la reconnaissance et l’expression des sentiments que ces traumatismes psychoaffectifs ont déclenché en soi [11]. Mais il faut certainement nuancer le rôle de ces caractéristiques du fonctionnement psychique dans le déclenchement et la survenue de poussées de maladies cutanées. En effet, les données cliniques et le matériel recueilli lors des psychothérapies sont loin de trouver fréquemment ces caractéristiques chez les malades souffrant d’une affection cutanée. Des études détaillées de cas suivis en psychothérapie analytique insistent aussi sur la fragilité narcissique des sujets souffrant d’une maladie somatique. Cette fragilité peut préexister et être majorée par l’atteinte cutanée. Ces sujets, qui ont une mauvaise image d’eux-mêmes et qui ne s’estiment pas, vont être, en toutes circonstances, plus sensibles au regard d’autrui, vite blessés par un regard, un geste, une parole, cherchant sans cesse chez autrui approbation, intérêt et amour et ayant tendance à réprimer fortement leur hostilité par crainte de perdre l’amour d’autrui. D’ailleurs, on a montré que certains traits de personnalité très liés au narcissisme du sujet (la désirabilité sociale et la répression de l’hostilité) ainsi que le caractère affichant de la maladie rendaient les sujets psoriasiques plus vulnérables aux stress, qu’ils soient liés au psoriasis lui-même ou bien qu’ils paraissent indépendants du psoriasis.
Thérapie cognitiviste et comportementaliste
Implications thérapeutiques Cette relation implique une écoute attentive et respectueuse de ce que le malade exprime ou attend, mais également une capacité de clairvoyance de la part du médecin face aux sentiments que son malade déclenche en lui-même. Une telle position est d’autant plus indispensable que les affections cutanées sont souvent des affections chroniques. Tout particulièrement, dans ce contexte, le médecin est interpellé par le malade dans ses représentations, ses convictions, ses croyances et éprouve plus ou moins consciemment des affects variés provoqués par cette interpellation. Il lui faut bien souvent
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Hypnothérapie
Psychothérapie psychanalytique Psychanalyse Éducation thérapeutique
Programmes d’éducation pour la santé
montrer des capacités de négociateur habile et empathique à l’égard de son malade. Et ce d’autant plus que les affections chroniques posent deux problèmes principaux : • celui de la qualité de vie ; • celui de la compliance au traitement [9]. L’approche psychologique des dermatoses ouvre un large éventail de techniques thérapeutiques pour lesquelles la dimension psychologique est centrale : • les programmes d’éducation pour la santé, qui visent non seulement le malade mais aussi sa famille (par exemple les parents d’un enfant souffrant d’une dermatite atopique ou ceux d’un enfant souffrant d’une génodermatose) ou son environnement social (le personnel des écoles par exemple) ; • les apprentissages de stratégies de gestion du stress (en général et lié à la maladie) ; à ce propos, il faut souligner le rôle des groupes de rencontre de malades ou de parents de malades ainsi que l’importance du rôle des associations de malades. Quant aux différentes approches psychothérapiques au sens strict du terme, elles sont indiquées dans de nombreuses affections cutanées, soit seules, soit associées entre elles ou bien sûr, si nécessaire, à un traitement psychotrope (le plus souvent un antidépresseur à dose efficace tout en tenant compte des effets secondaires). On peut citer, par exemple, l’hypnose, les massages, la relaxation, les approches cognitivocomportementales [12]. Quant à la psychothérapie analytique et à la psychanalyse, elles sont indiquées quand les malades désirent modifier en profondeur certains traits de leur personnalité (Tableau 2).
■ Conclusion L’approche psychologique des dermatoses ne doit bien sûr jamais négliger le traitement dermatologique ainsi que le rôle psychothérapique du dermatologue lui-même. C’est seulement dans ces conditions que la peau peut retrouver ses fonctions esthétiques et hédoniques et que le sujet qu’elle cachait peut enfin prendre la parole, exprimer sentiments et désirs, s’inscrire dans son histoire personnelle et familiale. .
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Dermatologie pédiatrique C. Léauté-Labrèze Contrairement aux idées reçues, la peau de l’enfant est mature très rapidement après la naissance et seule la peau des prématurés pose des problèmes particuliers. Cependant, certaines précautions doivent être prises en ce qui concerne les traitements topiques, car il y a un risque plus grand d’intoxication en raison d’un rapport surface cutanée/volume de distribution plasmatique inférieur à celui de l’adulte. Chez l’enfant, toute tumeur congénitale de la ligne médiane doit faire suspecter la possibilité d’un dysraphisme et devant une tumeur dont le diagnostic clinique n’est pas évident, une biopsie et/ou un avis spécialisé doit être demandé. Les tumeurs les plus fréquentes sont les hémangiomes, certaines formes sont systématisées et peuvent être associées à des malformations. Les infections cutanées sont fréquentes. L’impétigo reste la principale dermatose bactérienne ; il complique fréquemment une autre dermatose comme une gale, une pédiculose, une dermatite atopique ou un prurigo. L’urticaire est une affection bénigne chez l’enfant ; les infections virales en sont les principales causes. Parmi les exanthèmes fébriles, les exanthèmes maculopapuleux, qui sont les plus fréquents, sont généralement sans gravité. En revanche, la survenue brutale d’un exanthème scarlatiniforme compliquant une infection focale (panaris, plaie infectée) doit faire évoquer l’hypothèse d’un syndrome toxinique comme une épidermolyse staphylococcique ou un choc toxique. En outre, tout exanthème fébrile persistant chez un enfant, sans point d’appel infectieux mais associé à un syndrome inflammatoire biologique, doit faire évoquer une maladie de Kawasaki. Les exanthèmes peu ou non fébriles sont représentés essentiellement par le pityriasis rosé de Gibert, le syndrome de Gianotti-Crosti et l’exanthème asymétrique périflexural. La dermatite atopique est la dermatose inflammatoire la plus fréquente du nourrisson et de l’enfant ; le psoriasis est beaucoup plus rare. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Angiomes ; Pyodermites ; Exanthème ; Maladie de Kawasaki ; Dermatite atopique ; Phacomatose
Plan ¶ Introduction : spécificité de la peau de l’enfant
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¶ Pathologie tumorale courante Angiomes Nævus Autres tumeurs fréquentes
2 2 4 5
¶ Infections cutanées Infections bactériennes Infections virales Infections parasitaires Infections mycosiques
5 5 6 6 6
¶ Éruptions cutanées et exanthèmes Urticaire Exanthèmes fébriles Exanthèmes non fébriles
7 7 8 8
¶ Dermatoses inflammatoires Dermatite atopique et prurigo Psoriasis Acné
Traité de Médecine Akos
9 9 10 10
¶ Génodermatoses les plus fréquentes Phacomatoses Ichtyoses Épidermolyses bulleuses héréditaires (EBH)
10 10 11 11
¶ Dermatologie topographique Pathologie du cuir chevelu Pathologie de la sphère génitale
11 11 11
¶ Précautions thérapeutiques chez l’enfant
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■ Introduction : spécificité de la peau de l’enfant Contrairement aux idées reçues, la peau de l’enfant est mature très rapidement après la naissance et seule la peau des prématurés pose des problèmes particuliers. La peau des nourrissons et de l’enfant a les mêmes propriétés que celle de l’adulte, mais elle est plus lisse et surtout plus souple, ce qui rend certaines interventions chirurgicales plus faciles. À la naissance, le nouveau-né est érythrosique, puis vient la desquamation physiologique. Certaines dermatoses sont physiologiques à cet âge et ne doivent pas conduire à des investigations
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Tableau 1. Principales dermatoses transitoires du nouveau-né normal à terme. Variations de couleur
Érythrose (hémoglobine > 16 g) Ictère Hyperpigmentation : scrotum et région périunguéale Tache mongolique (sujet à peau pigmentée surtout)
Variations de texture
Vernix caseosa (s’élimine en quelques heures) Desquamation diffuse (maximum à j15)
Pilosité
Lanugo : dos, régions temporales, oreilles Très grande variabilité physiologique de la densité et de la répartition des cheveux
Anomalies vasculaires
Livedo et/ou acrocyanose (variable et souvent discret) Aspect Arlequin : vasodilatation fugace d’un hémicorps Angiomes plans médians et symétriques : front, paupières, nuque, parfois région dorsolombaire (Fig. 4)
Éruptions pustuleuses bénignes
Érythème toxique (très fréquent) Mélanose pustuleuse transitoire Miliaire sudorale ou sébacée Pustulose céphalique à Malassezia (anciennement acné néonatale)
Anomalies muqueuses
Perles d’Epstein Cal succion lèvre supérieure
Anomalies génitales physiologiques
Hypertrophie mammaire Écoulement vaginal Hydrocèle et phimosis
Dermatoses traumatiques anté- ou postnatales
Ecchymoses, purpura Bosse sérosanguine ou céphalhématome Cytostéatonécrose Bulles de succions (mains) Griffures
complémentaires (Tableau 1). Chez le nourrisson, la fonction de thermorégulation cutanée est immature, d’où la nécessité de contrôler la température de l’environnement. En ce qui concerne la mélanogenèse, elle est peu performante, justifiant la recommandation de ne pas exposer les enfants au soleil direct jusqu’à l’âge de 3 ans. En revanche, la fonction barrière de la peau est normale chez l’enfant, néanmoins le rapport surface cutanée/volume de distribution plasmatique est différent et il existe un risque plus grand d’intoxication lors de l’application de topiques. Enfin, la fonction sébacée est normalement au repos, elle ne s’active qu’au moment de la puberté sous l’influence des androgènes.
■ Pathologie tumorale courante Angiomes [1] Selon la classification de l’International Society for the Study of Vascular Anomalies (ISSVA), on distingue deux groupes d’angiomes : les tumeurs et les malformations vasculaires. Chez l’enfant, les tumeurs sont représentées essentiellement par les hémangiomes. Les malformations vasculaires comprennent les malformations du réseau capillaire (angiome plan), lymphatique, veineux et artériel. Dans ce chapitre, seuls seront abordés les hémangiomes, les angiomes plans et les lymphangiomes, les autres malformations vasculaires étant très rares chez l’enfant et prises en charge en milieu spécialisé.
Hémangiomes [1-3] Les hémangiomes sont présents chez 10 % des nourrissons. On distingue la forme superficielle dermique qui se présente sous la forme d’une tumeur cutanée rouge vif et bien limitée à surface lisse ou grenue. Les hémangiomes dits tumoraux sont bien limités et souvent proéminents (Fig. 1) et les hémangiomes dits télangiectasiques superficiels sont constitués de la coalescence de papules érythémateuses sur un fond télangiectasique (Fig. 2). Parfois, l’hémangiome est sous-cutané et se présente
2
Figure 1.
Hémangiome tumoral de la face.
comme une tuméfaction saillante de tonalité bleutée et de consistance ferme et élastique. Enfin, la forme mixte associe une composante superficielle en regard d’un hémangiome souscutané. Il apparaît le plus souvent après la naissance dans les premières semaines de vie, et l’évolution naturelle est la régression spontanée après une phase de croissance plus ou moins longue qui peut aller de quelques semaines à 5 ou 6 mois, voire 1 an dans certains cas. Puis, l’hémangiome va progressivement pâlir et devenir moins tendu. À l’âge de 5-6 ans, une disparition complète de l’hémangiome est notée dans 70 % des cas, mais il persiste parfois un aspect de peau flétrie en regard de la lésion. Dans 30 % des cas, il persiste des séquelles qui vont de simples télangiectasies résiduelles à des séquelles esthétiques ou fonctionnelles majeures. Malgré cette évolution favorable, certains hémangiomes peuvent se compliquer. Traité de Médecine Akos
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être responsable d’une amblyopie, soit en obturant la fente palpébrale, soit en exerçant une compression sur le globe oculaire. Les hémangiomes qui présentent le plus grand risque sont ceux qui sont sous-cutanés et à point de départ intraorbitaire. Les hémangiomes de la face, comme l’angiome « Cyrano », peuvent, du fait de leur volume ou de leur caractère affichant, nécessiter un traitement médicochirurgical pour éviter un retentissement sur le développement psychoaffectif de l’enfant. Hémangiomes marqueurs de malformations associées Certains hémangiomes doivent attirer l’attention sur la possibilité de malformations sous-jacentes. C’est le cas des hémangiomes étendus et parfois systématisés de la face, qui peuvent s’associer à des malformations cérébrales, oculaires ou cardiaques (syndrome PHACE pour : malformations de la fosse postérieure, grands hémangiomes faciaux, anomalies artérielles, cardiaques [incluant une coarctation aortique], et oculaires [Eye]). Les hémangiomes de la région lombosacrée, surtout s’ils sont accompagnés d’une autre anomalie comme une queue faunesque ou un lipome, peuvent révéler un neurodysraphisme occulte. Traitement des hémangiomes compliqués
Figure 2.
Hémangiome de forme superficielle.
Hémangiomes avec risque de complication vitale
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Le syndrome de Kasabach-Merritt survient sur des formes particulières d’hémangiomes ayant une évolution plus agressive sur le plan clinique et histologique (angiomes en touffes ou hémangiomes kaposifomes). Il s’agit le plus souvent d’un « hémangiome » de grande taille qui augmente brutalement de volume, devient inflammatoire et douloureux chez un nourrisson à l’état général altéré. Ces remaniements sont le fait d’une thrombose avec séquestration plaquettaire massive au sein de la lésion entraînant une thrombopénie et des troubles secondaires de la coagulation. Il s’agit d’une urgence thérapeutique, qui nécessite la prise en charge en milieu spécialisé. L’hémangiome sous-glottique peut être responsable d’une détresse respiratoire aiguë. C’est la présence d’un hémangiome en « barbe » atteignant le menton et la lèvre inférieure avec difficultés respiratoires ou troubles de déglutition qui doivent faire rechercher cette localisation. L’hémangiomatose viscérale peut être associée à la présence de très nombreux hémangiomes cutanés, parfois une centaine ou bien à un hémangiome segmentaire. Dans cette situation, il peut exister des hémangiomes viscéraux, en particulier hépatiques, qui peuvent, du fait d’une vascularisation intense, avoir un retentissement hémodynamique. Dans de rares cas, les hémangiomes hépatiques peuvent s’accompagner d’une hypothyroïdie (destruction de la T3 par sécrétion locale de 3-iodothyronine déiodinase). Hémangiomes avec risques de complications locales
.
L’ulcération est imprévisible, son mécanisme est inconnu, mais la macération et les frottements répétés constituent des facteurs aggravants. Elle apparaît volontiers sur les zones de frottement : le dos, la région périnéale irritée par le contact des couches, et la région péribuccale soumise aux frottements lors des tétées. Du fait de son caractère imprévisible, il n’est pas envisageable de traiter préventivement tous les hémangiomes, cependant la famille doit être informée de cette complication pour venir en consultation au plus tôt. Hémangiome de localisation critique Il peut avoir un retentissement sur une fonction vitale et nécessiter un traitement rapide. L’hémangiome orbitaire peut Traité de Médecine Akos
Le traitement de première intention des hémangiomes compliqués reste la corticothérapie générale à la dose de 2 à 3 mg/kg/j. La tolérance chez l’enfant est le plus souvent bonne ; cependant, une surveillance tensionnelle est préconisée, certaines équipes signalant des cas d’hypertension artérielle avec myocardiopathie. Cette corticothérapie doit être maintenue à dose pleine de 4 à 6 semaines puis progressivement diminuée en fonction de la symptomatologie, une reprise de croissance de l’hémangiome nécessitant parfois une réascension des doses. La corticothérapie intralésionnelle préconisée par certaines équipes doit être considérée avec prudence en raison du risque de nécrose cutanée ; d’autre part, l’injection d’un corticoïde retard dans une lésion richement vascularisée expose probablement l’enfant aux mêmes risques que ceux de la corticothérapie générale. Le traitement de seconde intention des hémangiomes graves est l’interféron alpha, mais sa neurotoxicité potentielle doit faire limiter son usage aux échecs de la corticothérapie. La radiothérapie n’est plus utilisée en raison du risque carcinogène à long terme. La chirurgie n’a généralement pas d’indication en phase précoce, sauf si une action radicale sur une lésion compliquée inaccessible au traitement médical peut être proposée. Le laser à colorant pulsé n’a qu’une place modeste dans la prise en charge des hémangiomes compliqués ; il peut s’avérer utile pour traiter les ulcérations et les télangiectasies résiduelles. Sa place doit être précisée dans le traitement précoce des formes purement cutanées et superficielles ; en revanche, son inefficacité a été démontrée dans le traitement des formes sous-cutanées, même traitées très précocement. À la phase tardive, la chirurgie permet de traiter les séquelles fonctionnelles ou cosmétiques en association parfois avec le laser.
Angiomes plans [1, 4] L’angiome plan est présent dès la naissance et persiste toute la vie. Il n’a pas de tendance à s’étendre, mais il va grandir proportionnellement lors de la croissance. L’angiome plan pose le plus souvent seulement un problème cosmétique, mais sa localisation à certains territoires cutanés doit attirer l’attention du clinicien sur la possibilité de complications. Le syndrome de Sturge-Weber-Krabbe ou angiomatose encéphalotrigéminée associe un angiome plan de la face à un angiome de la leptoméninge homolatéral et un glaucome. Le territoire à risque pour l’angiome correspond à la branche ophtalmique du trijumeau (front et paupière supérieure) (Fig. 3). Cet angiome ne doit pas être confondu avec l’angiome en flammèche fréquent chez le nourrisson, de localisation médiofaciale avec atteinte palpébrale bilatérale et symétrique (Fig. 4).
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2-0800 ¶ Dermatologie pédiatrique
souvent proposé à la famille, dans le but d’obtenir un pâlissement de la lésion avant qu’elle n’ait eu un retentissement psychosocial. D’autre part, il semble qu’un traitement précoce réduise le nombre de passages nécessaires pour obtenir un résultat cosmétique satisfaisant et le risque de recoloration. Cependant, dans un grand nombre de cas, le laser à colorant pulsé ne permet pas « d’effacer » complètement la lésion et beaucoup d’espoirs reposent sur l’avancement technologique dans le domaine des lasers.
Lymphangiomes [1]
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Figure 3. Angiome plan étendu au front et à la paupière supérieure devant faire rechercher un angiome pial et une atteinte ophtalmologique (syndrome de Sturge-Weber-Krabbe).
Les lymphangiomes ou malformations lymphatiques peuvent être micro- ou macrokystiques ; parfois, les deux aspects sont combinés. Cliniquement, les lymphangiomes macrokystiques se présentent comme des tumeurs sous-cutanées de consistance rénitente ; le plus souvent, ils sont présents dès la naissance ; parfois, le diagnostic est fait en anténatal. La localisation préférentielle des lymphangiomes macrokystiques est la région cervicofaciale. La principale complication de ces malformations est la survenue de poussées inflammatoires douloureuses, qui peuvent néanmoins évoluer vers une guérison secondaire. La localisation des lymphangiomes microkystiques est plus variée ; on peut même en voir sur les muqueuses (langue). Il s’agit de malformations intratissulaires dont l’évolution est insidieuse. Classiquement, dans la forme circonscrite, on observe à la surface de la peau de petites vésicules au contenu tantôt translucide, tantôt hématique, isolées ou groupées en nappes. Le plus souvent les manifestations cutanées correspondent seulement à la partie émergée de l’iceberg, et le lymphangiome envahit les tissus sous-jacents, entraînant progressivement un lymphœdème avec une augmentation de volume et une déformation de toute la région à l’âge adulte. Parfois, le lymphangiome n’est pas aussi typique ; on peut observer simplement une hypertrophie des tissus sans signes cutanés, ou bien avec des signes discrets sous la forme de « pseudoangiomes plans » télangiectasiques acquis et pouvant disparaître spontanément ; c’est alors la biopsie qui permet de porter le diagnostic. Le traitement des lymphangiomes est extrêmement difficile ; les lésions macrokystiques peuvent être sclérosées ou enlevées chirurgicalement ; les lésions microkystiques sont le plus souvent impossibles à traiter de manière définitive.
Nævus [5, 6]
Figure 4. Angiome plan en flammèche régressant dans les premiers mois de vie et ne nécessitant aucun examen complémentaire.
L’angiome de la leptoméninge peut retentir sur le développement psychomoteur, certains enfants ayant des formes graves avec comitialité précoce mal contrôlée par les traitements anticonvulsivants. Le risque de glaucome nécessite un suivi ophtalmologique à vie. L’angiome plan du membre inférieur peut entraîner une croissance anormale en longueur et en diamètre de ce membre qui nécessite une prise en charge orthopédique. L’angiome plan d’un membre inférieur est souvent associé à une dysplasie veineuse (syndrome de Klippel-Trenaunay) et plus rarement à des shunts artérioveineux (syndrome de Parkes-Weber). Des angiomatoses diffuses peuvent se voir de façon isolée ou bien s’intégrer à des génodermatoses plus complexes comme le syndrome de Protée ou les phacomatoses pigmentovasculaires. Actuellement, le traitement de référence des angiomes plans de l’enfant est le laser à colorant pulsé. Pour obtenir un résultat satisfaisant, plusieurs passages sur l’angiome sont nécessaires (de quatre à six en moyenne). Un traitement précoce est le plus
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On distingue les nævus congénitaux et les nævus acquis. Les nævus congénitaux peuvent être de grande taille, habituellement, on parle de nævus géant pour une lésion qui dépassera 20 cm de diamètre à l’âge adulte. Le risque de dégénérescence de ces nævus a longtemps été surévalué ; il est estimé actuellement à moins de 5 % pour les formes géantes. L’autre complication potentiellement grave est la mélanose neuroméningée, qui peut compliquer un nævus géant, le plus souvent postérieur (région occipitale et dos) et possédant de nombreux nævus satellites. L’exérèse de ces nævus est recommandée mais extrêmement difficile en pratique ; elle fait appel à des procédures chirurgicales itératives avec parfois pose de prothèses d’expansion ; certaines équipes utilisent le curetage néonatal et/ou le laser. Pour les nævus congénitaux de petite taille, l’exérèse systématique n’est pas médicalement justifiée ; celle-ci doit être discutée avec la famille essentiellement sur des considérations d’ordre esthétique, si possible au sein d’une consultation médicochirurgicale. Les nævus acquis sont fréquents dans l’enfance, ils sont liés en grande partie à des facteurs génétiques, mais également à l’exposition solaire précoce. L’exérèse prophylactique de ces nævus est inutile, la prévention du mélanome reposant plutôt sur la protection solaire dans les premières années de vie, et un suivi dermatologique pour les familles à risque ou les enfants ayant un phototype clair et de nombreux nævus. Il existe néanmoins une forme particulière de nævus propre à l’enfant, Traité de Médecine Akos
Dermatologie pédiatrique ¶ 2-0800
Tumeur cutanée
oui
oui
Sur la ligne médiane ?
Congénitale ?
non
non
non
non
oui
Diagnostic évident ? non
Régression spontanée ?
Avis spécialisé : - Anomalie congénitale de la ligne médiane : discuter imagerie - Tumeur de diagnostic non évident : discuter biopsie et/ou exérèse
Principales tumeurs congénitales non régressives* - Kyste dermoïde - Fibrochondromes - Méningocèle - Nævus - Hamartomes (exemple : hamartome verrucosébacé)
oui
Régression spontanée ?
Principales tumeurs acquises non régressives* - Nævus (nævus Spitz) - Pilomatricome - Botryomycome - Lipome - Chéloïde
Principales tumeurs congénitales avec potentiel régressif** - Hémangiome congénital - Lymphangiome macrokystique - Mastocytose - Histiocytose auto-involutive - Cytostéatonécrose
oui
Principales tumeurs acquises avec potentiel régressif* - Hémangiome - Verrue - Molluscum contagiosum - Mastocytome - Xanthogranulome - Granulome annulaire - Granulome aseptique de la face - Cicatrice hypertrophique
Figure 5. Arbre décisionnel devant une tumeur de l’enfant. * Exérèse à discuter en fonction du contexte clinique. ** Habituellement, c’est l’abstention/surveillance qui est préférable.
■ Infections cutanées
qui est le nævus de Spitz. Il se présente comme une tumeur rosée d’apparition rapide ; l’histologie est inquiétante et peut faire évoquer un mélanome ; l’évolution est cependant bénigne.
Autres tumeurs fréquentes
.
(Fig. 5)
Les tumeurs néonatales localisées sur la ligne médiane doivent toujours faire évoquer la possibilité d’une anomalie sous-jacente, comme un dysraphisme occulte. Certaines tumeurs sont de diagnostic évident à l’examen clinique, comme les xanthogranulomes ou les mastocytomes, mais parfois seule la biopsie cutanée permet d’affirmer le diagnostic.
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Points forts
Tumeurs de l’enfant • Toute tumeur congénitale de la ligne médiane doit faire suspecter la possibilité d’un dysraphisme. • Les tumeurs les plus fréquentes sont les hémangiomes (10 % des nourrissons), les formes systématisées peuvent être associées à des malformations (syndrome PHACE). • Le risque de dégénérescence des nævus congénitaux a longtemps été surévalué ; il est estimé actuellement à moins de 5 % pour les formes géantes. • Une biopsie et/ou un avis spécialisé doit être demandé devant une tumeur acquise dont le diagnostic clinique n’est pas évident.
Traité de Médecine Akos
Infections bactériennes [7] .
L’impétigo reste la plus fréquente des dermatoses bactériennes de l’enfant. Il s’agit d’une éruption vésiculopustuleuse d’évolution croûteuse de localisation volontiers périorificielle. Classiquement, l’impétigo est dû à des streptocoques pyogènes, mais le staphylocoque doré est également fréquent. L’impétigo staphylococcique est volontiers bulleux, le germe sécrétant une toxine exfoliatrice. Chez un enfant en bonne santé, les complications sont rares, mais un impétigo non traité peut évoluer vers un ecthyma creusant, une épidermolyse staphylococcique chez l’enfant de moins de 5 ans, ou au pire une localisation systémique (ostéite). Dans les formes limitées d’impétigo, un traitement local est suffisant. Il faut faire une toilette soigneuse avec un savon en éliminant avec soin les croûtes, puis on applique une crème antibiotique pendant 8 à 10 jours (acide fusidique ou mupirocine) (cf. recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé [AFSSAPS] en 2004 sur l’usage des antibiotiques locaux). Il vaut mieux protéger les lésions situées sur les parties découvertes avec un pansement. Il ne faut pas oublier de couper les ongles courts et conseiller des lavages de mains fréquents. L’éviction scolaire est souhaitable pour limiter la contamination des autres enfants. En cas d’atteinte diffuse, une antibiothérapie per os est utile (association amoxicilline-acide clavulanique, céphalosporine de première génération ou en cas de sensibilisation aux bêtalactamines, un macrolide), mais les soins locaux restent nécessaires pour éliminer les croûtes qui constituent des gîtes bactériens inaccessibles aux antibiotiques systémiques, accélérer la guérison et limiter le risque de contamination de l’entourage. En cas de récidive de l’impétigo, il faut faire un
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2-0800 ¶ Dermatologie pédiatrique
prélèvement bactériologique pour éliminer une résistance et chercher dans l’entourage une possible source de recontamination. Il est classique de dire qu’il faut toujours chercher ce qui se cache sous un impétigo. En effet, un impétigo du cuir chevelu doit faire rechercher une pédiculose, et des lésions diffuses un eczéma ou une gale sous-jacente. Les autres infections bactériennes classiques peuvent bien sûr se voir chez l’enfant. L’érysipèle complique habituellement une plaie traumatique ou la varicelle.
Infections virales .
Les infections cutanées virales les plus fréquentes sont les verrues et les molluscums contagiosums. Les molluscums contagiosums sont de petites tumeurs de couleur peau normale au centre ombiliqué, ils surviennent volontiers chez des enfants ayant une dermatite atopique et/ou entraînent une réaction d’eczéma localisé. Le traitement repose sur l’exérèse à la curette, mais ils peuvent également guérir spontanément.
Infections parasitaires La pédiculose reste fréquente dans les communautés d’enfants. Les produits antipoux restent efficaces dans la plupart des cas à condition de bien respecter les modalités d’emploi et de traiter tout le monde en même temps ! En revanche les traitements préventifs n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité. Il est préférable d’utiliser les lotions (lotions à base de pyréthrines) plutôt que les shampooings, et de faire deux traitements à 7 jours d’intervalle pour traiter les lentes ayant échappé à la première application. En cas d’échec du traitement, il faut s’assurer que celui-ci a été fait correctement et que l’enfant n’a pas été recontaminé par un membre de son entourage. Enfin, il faut envisager une résistance du poux au pédiculicide et proposer une alternative thérapeutique (par exemple malathion si résistance aux pyréthrines). Se référer aux recommandations du Conseil supérieur d’hygiène publique de France qui a donné, en 2003, les procédures à suivre (disponibles sur le site www.sante.gouv.fr). La gale est une affection sous-diagnostiquée. Beaucoup d’enfants arrivent à la consultation avec des formes profuses ou impétiginées, parce que le diagnostic n’aura pas été évoqué. Chez le nourrisson, la présentation clinique est parfois trompeuse avec des lésions peu spécifiques évoquant un eczéma. Les signes évocateurs sont la présence de vésiculopustules des paumes et des plantes, et des lésions papulopustuleuses, ou nodulaires dans la région axillaire (Fig. 6). Chez l’enfant plus grand, les lésions sont similaires à celles de l’adulte et localisées dans les zones de prédilection : poignet, organes génitaux, emmanchures...Le grattage des sillons permet parfois de retrouver le sarcopte. Chez l’enfant immunodéprimé, la gale peut prendre l’aspect d’une érythrodermie hyperkératosique ; la contagiosité est alors extrême. Chez l’enfant de moins de 5 ans et/ou de moins de 15 kg, le traitement repose toujours sur l’application locale d’un scabicide (benzoate de benzyle ou esdépalléthrine). Le benzoate de benzyle a une toxicité neurologique, cependant aucun cas d’intoxication n’a été rapporté chez l’enfant dans les conditions normales d’utilisation. Les enfants peuvent être traités comme les adultes avec deux badigeons à 15 minutes d’intervalle, à rincer après 24 heures. Pour les petits nourrissons de moins de 3 mois, par principe de précaution, il est recommandé de faire un seul badigeon, mais sur l’ensemble du corps, y compris le cuir chevelu souvent atteint dans cette tranche d’âge. En situation de précarité ce traitement relève du casse-tête, car il est très contraignant et coûteux (aucun remboursement). Chez l’enfant plus grand, on peut utiliser l’ivermectine per os (Stromectol®, 200 µg/kg en une prise à renouveler 1 semaine plus tard) ; ce traitement est maintenant remboursé ; il est bien sûr plus facile à administrer et son taux d’efficacité est de 70 à 80 % (identique au benzoate de benzyle). Pour le traitement des sujets contacts et de l’environnement, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France a donné, en 2003, les procédures à suivre (disponibles sur le site www.sante.gouv.fr).
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Figure 6.
Gale du nourrisson avec de nombreux nodules scabieux.
Infections mycosiques Pour les dermatophyties de la peau glabre, on retrouve actuellement essentiellement Microsporum canis et Trichophyton mentagrophytes transmis par les rongeurs de compagnie (cf. chapitre dermatomycoses). Les autres infections cutanées, notamment à Candida ou à autres dermatophytes, sont rares chez l’enfant.
Teignes .
Depuis quelques années, on assiste à un retour des teignes anthropophiles. Tout enfant ayant une alopécie avec un cuir chevelu squameux est suspect de teigne. Mais il faut également penser à ce diagnostic en cas d’état pelliculaire chronique chez un enfant africain, ou devant des lésions d’allure suppurée qui ne répondent pas aux antibiotiques. Un enfant d’origine française et n’ayant jamais quitté la France a toutes les chances d’avoir une teigne zoophile (Microsporum canis transmis surtout par les chats, ou Trichophyton mentagrophytes transmis plutôt par les rongeurs), ce qui signifie qu’il faut surtout s’enquérir de la présence d’animaux domiciliaires et qu’il sera inutile de faire une éviction scolaire, la transmission interhumaine de ces dermatophytes étant tout à fait exceptionnelle. En revanche, un enfant d’origine africaine, même s’il n’a jamais voyagé, est susceptible d’avoir contracté une teigne anthropophile. Les teignes d’Afrique du Nord sont essentiellement des trichophytons (Trichophyton soudanense) et donnent des lésions multiples d’aspect suppuré. Les teignes d’Afrique Centrale ou de l’Ouest sont plutôt microsporiques (Microsporum audouini variété langeroni) et donnent de grandes plaques alopéciques squameuses et bien circonscrites. Trichophyton tonsurans peut se voir chez les enfants ayant séjourné dans les Caraïbes (Cuba, Haïti...). En cas de suspicion de teigne anthropophile, il faut faire une éviction scolaire. Tous les enfants de la famille, ainsi que les cousins, les amis doivent être examinés, sans oublier les mères qui peuvent être porteuses saines. Tous les sujets suspects doivent être prélevés ; les prélèvements doivent être confiés à un laboratoire de mycologie de référence pour identification. Si le diagnostic est hautement probable, le traitement peut être entrepris sans attendre le résultat de la culture. Il repose toujours sur la griséofulvine 15 à 20 mg/kg/j en une seule prise le matin avec un corps gras (tartine beurre ou margarine) Traité de Médecine Akos
Dermatologie pédiatrique ¶ 2-0800
pendant 6 à 8 semaines (le traitement est seulement fungistatique). En cas d’intolérance à la griséofulvine, il est possible de donner de la terbinafine qui a fait la preuve de son efficacité dans les infections à dermatophytes ; cependant, cette molécule n’a pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez l’enfant de moins de 12 ans et son efficacité serait moindre que la griséofulvine dans les teignes microsporiques. Le traitement local seul n’est pas suffisant pour traiter une teigne, mais il réduit le portage et on estime que 10 jours de traitement local permet d’éliminer tout risque de contamination pour l’entourage, ce qui permet la levée de l’éviction scolaire (imidazolés en gel moussant ou en spray solution). La désinfection des lieux de vie ne paraît pas indispensable pour les teignes, on traitera seulement les « couvre-chefs », et surtout on jettera la tondeuse à cheveux qui sert habituellement pour tondre tous les enfants de la famille et les autres...
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Présentation clinique Le diagnostic est habituellement facile ; les principaux diagnostics différentiels pouvant être confondants devant une éruption urticarienne sont : la maladie de Kawasaki, l’œdème aigu hémorragique, le purpura rhumatoïde et l’érythème polymorphe. En cas d’angio-œdème de la face, on élimine également un eczéma aigu, un prurigo par piqûres d’insectes et une dermohypodermite aiguë infectieuse. L’angio-œdème, le caractère ecchymotique et les arthralgies sont fréquents dans l’urticaire du petit enfant et ne sont pas considérés comme des complications. Les complications graves sont le choc anaphylactique et l’œdème de Quincke. Le choc anaphylactique est rarissime avant 1 an ; mais sa fréquence augmente avec l’âge. L’œdème de Quincke est fréquent, mais malgré son caractère impressionnant, il est rare qu’il y ait une vraie détresse respiratoire ; il faut alors rechercher un bronchospasme associé.
Traitement
Points forts
Infections cutanées • L’impétigo reste la plus fréquente des dermatoses bactériennes de l’enfant. • Les verrues et les molluscums contagiosums peuvent guérir spontanément ; il n’est pas indispensable d’entreprendre un traitement. • La gale est une affection sous-diagnostiquée et les enfants font volontiers des formes profuses ou impétiginées. • On doit suspecter une teigne chez tout enfant ayant une alopécie avec un cuir chevelu squameux et/ou inflammatoire.
■ Éruptions cutanées et exanthèmes (Tableau 2) Urticaire [8] L’urticaire est un motif fréquent de consultation et d’admission aux urgences pédiatriques. Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’une affection bénigne entrant dans le cadre d’une virose.
En l’absence de complications, le traitement de première intention de l’urticaire repose sur les antihistaminiques H1. Avant 2 ans, on utilise les anti-H 1 de première génération (hydroxyzine, dexchlorphéniramine, méquitazine), après 2 ans on peut utiliser les anti-H1 plus récents et de durée de vie plus longue (loratadine ou cétirizine). Pour ne pas s’exposer à une récidive trop rapide, ils ne doivent pas être arrêtés trop vite, en particulier si l’on suspecte une urticaire d’origine virale et/ou médicamenteuse.
Étiologies Sauf retour d’une zone d’endémie parasitaire, la recherche d’une parasitose en France devant une urticaire de l’enfant est inutile, exception faite de Toxocara canis. La cause la plus fréquente d’urticaire chez l’enfant est représentée par les infections virales. Tous les virus peuvent être responsables : virus varicelle-zona, Epstein-Barr virus, adénovirus, rotavirus... L’urticaire s’accompagne alors souvent d’autres signes comme de la fièvre, une rhinorrhée, ou des troubles digestifs. L’urticaire médicamenteuse est fréquente chez l’enfant, mais moins de 10 % sont de vraies allergies immunoglobulines- [Ig] E dépendantes. Le plus souvent il s’agit de « fausses allergies » par histaminolibération, ou de tableau de pseudomaladie sérique (bêtalactamines essentiellement). Le tableau de pseudomaladie sérique associe une urticaire le plus souvent ecchymotique avec un angio-œdème des extrémités et des arthralgies. Dans ce dernier cas, l’intervention d’un cofacteur comme une infection intercurrente est nécessaire pour déclencher le processus
Tableau 2. Orientation diagnostique devant une éruption cutanée de l’enfant. Exanthème maculopapuleux
Exanthème viral : rougeole, rubéole, adénovirose, exanthème subit, mégalérythème épidémique, mononucléose infectieuse... Choc toxique staphylococcique (toxine TSST1) Maladie de Kawasaki si fièvre et syndrome inflammatoire associé Toxidermie médicamenteuse : antibiotiques et anticonvulsivants
Exanthème scarlatiniforme
Exanthème bactérien toxinique (streptocoque et staphylocoque essentiellement): scarlatine (toxine érythrogène ou exfoliatine), choc toxique (toxine TSST1), épidermolyse staphylococcique (exfoliatine) Maladie de Kawasaki si fièvre et syndrome inflammatoire associé
Exanthème papuleux
APEC* et syndrome de Gianotti-Crosti Exanthème viral : parvovirus B19 (éruption en gants et chaussettes)
Exanthème vésiculeux
Exanthème viral : varicelle, zona, greffe herpétique sur dermatite atopique, entérovirus (syndrome pied-main-bouche)
Exanthème pustuleux
Exanthème viral : zona, greffe herpétique sur dermatite atopique Psoriasis Maladie de Kawasaki si fièvre et syndrome inflammatoire associé
Exanthème papulosquameux
Pityriasis rosé de Gibert Psoriasis Pityriasis lichénoïdes
* APEC : exanthème asymétrique périflexural (asymétric periflexural exantherm of chilhood). Traité de Médecine Akos
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prédictifs de complications sont l’âge élevé de l’enfant, la thrombocytose, et l’association vitesse de sédimentation (VS) et C reactive protein (CRP) élevées. Récemment, l’attention a également été attirée sur des publications mettant l’accent sur l’augmentation du risque d’athérosclérose après une maladie de Kawasaki. Le traitement repose sur les Ig polyvalentes intraveineuses, à la dose de 2 g/kg en une seule fois, associées à l’aspirine à dose anti-inflammatoire (50 à 80 mg/kg/j).
immunologique, ce qui rend inutile les explorations allergologiques classiques comme la recherche d’IgE spécifiques antibêtalactamines et les pricks tests. Le diagnostic d’allergie alimentaire est souvent porté par excès devant une urticaire. Néanmoins, la fréquence de l’allergie alimentaire étant en augmentation, ce diagnostic est à considérer compte tenu des conséquences pour l’enfant et sa famille. Le plus souvent, il s’agit d’un enfant atopique qui présente une urticaire de durée brève avec un syndrome de pénétration orale et/ou des troubles digestifs associés (vomissements, diarrhée), plus rarement, un bronchospasme. Avant 15 ans, 5 aliments sont responsables de 80 % des allergies alimentaires : œuf, arachide, lait, poisson et moutarde. Les facteurs de risques pour faire une allergie alimentaire grave sont : adolescent, sujet asthmatique et allergie aux cacahuètes et aux noisettes. L’urticaire physique est fréquente chez l’enfant (dermographisme et urticaire cholinergique essentiellement). Il s’agit alors d’une urticaire chronique, dont le diagnostic est facile à l’interrogatoire et/ou la réalisation de tests physiques. La possibilité de maladie systémique et/ou génétique est une éventualité rare, dans ce cas l’urticaire est chronique et volontiers atypique : caractère plutôt fixe, signes associés (altération de l’état général, fièvre, arthrites inflammatoires...). Les affections les plus fréquemment rencontrées chez l’enfant sont la maladie de Still et le lupus.
Exanthèmes scarlatiniformes (ES) Avec la diminution des souches de streptocoques producteurs de l’exotoxine SPE-A (au profit de SPE-B et C), les scarlatines graves sont devenues rares. Toutefois, la survenue brutale d’un ES compliquant une infection focale (panaris, plaie infectée) doit faire évoquer l’hypothèse d’un syndrome du choc toxique et conduire à un traitement adapté avant la survenue des signes de choc. L’ES peut aussi être le mode de présentation cutané d’une maladie de Kawasaki.
Exanthèmes vésiculeux
Pronostic Dans 70 % des cas, l’urticaire reste un épisode sans lendemain. Cependant, l’urticaire chronique n’est pas exceptionnelle chez l’enfant et pose les mêmes problèmes que chez l’adulte. La réalisation d’un bilan étiologique exhaustif est hautement discutable, s’il n’y a pas de point d’appel évident à l’interrogatoire. Il peut s’agir d’une urticaire récidivante lors des épisodes infectieux et/ou la prise de médicaments ; dans ce cas, les anti-H1 pourront être donnés de manière intermittente. Mais parfois, l’urticaire est chronique avec des épisodes subintrants, nécessitant un traitement au long cours.
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Exanthèmes fébriles Les exanthèmes de l’enfant constituent également un motif de consultation extrêmement fréquent aux urgences d’un hôpital comme au cabinet du médecin généraliste ou du pédiatre. Ces exanthèmes sont vécus avec beaucoup d’inquiétude ; il est important de savoir reconnaître les situations nécessitant un traitement spécifique, comme la maladie de Kawasaki.
Exanthèmes maculopapuleux (EMP)
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Ce sont les plus fréquents et généralement sans gravité. En France, les exanthèmes viraux sont habituellement bénins, ce qui ne motive pas la recherche du virus en cause. L’apparition d’un EMP chez un enfant fébrile qui a reçu des antipyrétiques, anti-inflammatoires et/ou antibiotiques fait souvent suspecter, à tort, une toxidermie. En dehors des manifestations urticariennes, les toxidermies sont en fait peu fréquentes chez l’enfant et rarement compliquées. Au sein de ces éruptions bénignes, il faut reconnaître la maladie de Kawasaki [9, 10] qui touche surtout l’enfant de moins de 5 ans. Son diagnostic positif reste basé sur un faisceau d’arguments cliniques associant une fièvre élevée durant plus de 5 jours à des signes cutanéomuqueux très variés (conjonctivite, chéilite, érythro-œdème palmoplantaire, rash cutané polymorphe, desquamation du siège et des extrémités). Les adénopathies font également partie des critères cliniques, mais elles ne sont pas toujours présentes. En revanche, l’altération de l’état général est constante, de même que la présence d’un syndrome inflammatoire biologique. La présentation clinique peut être inhabituelle, en particulier chez le grand enfant, avec une éruption cutanée à type de pseudoérythème polymorphe, des adénopathies cervicales volumineuses et des signes muqueux très marqués. Le risque cardiovasculaire est bien connu avec la survenue d’anévrismes coronariens dans 14 % des cas en France. Les facteurs
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Ils sont représentés avant tout par la varicelle et l’infection herpétique étendue sur dermatose préexistante (dermatite atopique essentiellement). Généralement bénigne, la varicelle reste un des tout premiers motifs d’hospitalisation en se distinguant par un vaste éventail de complications. Les complications intrinsèques sont assez rares chez l’enfant (pneumonie, méningite, ataxie), mais les complications cutanées bactériennes sont au premier plan, en particulier chez l’enfant de moins de 4 ans. Un enfant ayant une hyperthermie persistante au cours d’une varicelle doit être soigneusement examiné à la recherche d’une complication cutanée bactérienne. Le staphylocoque doré donne volontiers des impétigos bulleux ou des lésions nécrotiques multiples alors que le streptocoque est responsable d’un tableau d’érysipèle pouvant évoluer vers l’abcédation ou au pire une fasciite nécrosante. Un traitement antibiotique intraveineux adapté doit être rapidement débuté en milieu hospitalier devant ces tableaux de dermohypodermites invasives du petit enfant. De très rares cas de purpura fulminans postinfectieux ont également été rapportés au décours de varicelles par production d’anticorps antiprotéine S. Le zona de l’enfant n’est pas une situation exceptionnelle et son évolution est généralement peu douloureuse et bénigne. Le recours à des investigations complémentaires et à un traitement spécifique n’est habituellement pas nécessaire, sauf dans le cas d’un zona ophtalmique ou la présence d’atypies cliniques et/ou extension des vésicules en dehors du métamère primitivement atteint. Enfin, la greffe herpétique sur dermatite atopique (eczema herpeticum) reste une situation d’actualité, souvent diagnostiquée à tort au début comme un impétigo. Son pronostic a été révolutionné par l’aciclovir, à condition de débuter le traitement précocement. Habituellement on peut retrouver les vésicules ombiliquées typiques d’herpès ; la présence d’une stomatite vésiculeuse associée est également évocatrice chez un enfant fébrile. Le syndrome pied-main-bouche est le plus souvent bénin ; l’éruption est constituée de petites vésicules oblongues et grisâtres sur les mains et les pieds, associées à une stomatite érosive. Les vésicules peuvent également s’étendre aux membres inférieurs ou à des zones traumatisées (phénomène de Koebner).
Exanthèmes non fébriles Pityriasis rosé de Gibert (PRG) Le PRG n’est pas l’apanage de l’enfant ; sa sémiologie ne diffère pas de celle de l’adulte.
Acropapulose de Gianotti-Crosti L’acropapulose de Gianotti-Crosti se rencontre presque exclusivement chez le petit enfant de moins de 5 ans. L’éruption est composée de papules couleur peau, parfois confluentes, siégeant sur les membres et la face (Fig. 7). L’évolution peut se faire sur un mode purpurique parfois inquiétant. L’éruption est Traité de Médecine Akos
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Figure 7. Acropapulose de Gianotti-Crosti.
longue, elle peut durer 6 à 8 semaines, mais elle est bénigne et habituellement non prurigineuse. Initialement cette affection avait été décrite après des hépatites B, mais actuellement, on retrouve plutôt une infection à Epstein-Barr virus (EBV) ou la notion d’une vaccination avec un virus vivant atténué.
Exanthème asymétrique périflexural [11] (APEC : « asymetric periflexural exanthem of childhood ») L’APEC a un début localisé unilatéral dans un pli, prenant un aspect caractéristique « en feuillet de livre » et évoluant de manière stéréotypée vers une généralisation des lésions, puis une guérison spontanée. Actuellement l’agent infectieux responsable de l’APEC demeure inconnu. Il s’agit d’une dermatose bénigne et fréquente touchant surtout les enfants entre 2 et 3 ans avec des pics de fréquence en février et en été (juin à septembre). L’hypothèse initiale d’une maladie d’inoculation a été éliminée, aucune relation ne paraît exister entre l’APEC et le PRG et aucun caractère transmissible interhumain n’a été retrouvé. Deux patients sur trois présentent des prodromes : rhinite, pharyngite, troubles respiratoires et digestifs ; une fièvre est notée dans environ un cas sur deux. L’éruption débute le plus souvent sur le tronc (creux axillaire) et plus rarement sur les membres. L’extension est centrifuge avec une prédominance unilatérale (Fig. 8) qui se maintient pendant toute la durée d’évolution mais une bilatéralisation peut survenir secondairement. L’éruption est érythémateuse et micropapuleuse, peu prurigineuse et régresse spontanément en 3 à 6 semaines. Il existe dans 70 % des cas des adénopathies cliniquement décelables dans le territoire satellite du site de l’éruption. Parfois l’APEC a une présentation plus atypique avec une atteinte faciale ou périphérique ; la fièvre peut être élevée et l’éruption prolongée jusqu’à 3 mois. Toutes ces constatations cliniques sont en faveur d’une étiologie infectieuse de l’APEC ; cependant, les études à la recherche d’un agent infectieux, bactérien ou viral sont pour l’instant infructueuses. Deux hypothèses sont possibles, soit un agent infectieux viral unique, soit plusieurs agents possibles comme dans le syndrome de Gianotti-Crosti.
■ Dermatoses inflammatoires Dermatite atopique et prurigo [12] La dermatite atopique est la plus fréquente des dermatoses inflammatoires chez l’enfant. Elle débute habituellement après Traité de Médecine Akos
Figure 8.
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Asymetric periflexural exanthem of childhood (APEC).
Points forts
Éruptions de l’enfant • Les infections virales sont les principales causes d’urticaire de l’enfant. Un traitement antihistaminique est habituellement suffisant, sa durée doit être d’au moins 10 à 15 jours. • Tout exanthème fébrile persistant, sans point d’appel infectieux mais associé à un syndrome inflammatoire biologique doit faire évoquer une maladie de Kawasaki. • La varicelle est une virose habituellement bénigne ; la persistance d’une hyperthermie et/ou une altération de l’état général doit faire craindre une complication, en particulier chez l’enfant de moins de 5 ans, une dermohypodermite bactérienne grave. • Les exanthèmes peu ou non fébriles sont représentés essentiellement par le PRG, le syndrome de Gianotti-Crosti et l’APEC.
l’âge de 3 mois, les lésions siègent sur les convexités des membres et du visage, en épargnant la région médiofaciale. Il s’agit d’un érythème mal limité, d’évolution squameuse et parfois vésiculeuse et suintante. Bien souvent, le prurit n’est évident qu’après l’âge de 6 mois, quand le nourrisson est en mesure de se gratter. La dermatose évolue par poussées successives, mais il est rare que la peau soit complètement normale entre deux épisodes ; fréquemment, il persiste une xérose cutanée. Au cours de la deuxième année de vie, la symptomatologie se modifie, avec une localisation préférentielle de la dermatose aux plis de flexion et aux « zones bastions » (extrémités, plis sous-auriculaires). La peau est sèche, d’aspect « farineux », et lorsque la dermatose est très chronique, la lichénification secondaire au grattage est fréquente. Après l’âge de 3-4 ans, la symptomatologie cutanée s’améliore spontanément, mais l’enfant garde souvent une xérose cutanée, c’est également à cet âge qu’apparaissent les manifestations respiratoires (asthme, rhinite...). Parfois, la dermatite atopique perdure, avec un retentissement important dans les relations sociales.
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L’acné néonatale est un terme mal approprié. Le plus souvent, on observe une pustulose monomorphe du visage entre 2 et 4 semaines de vie, qui correspond probablement à une colonisation de la peau par les levures genre Malassezia et qui guérit spontanément ou avec un traitement local antifungique de quelques jours. La véritable acné est très rare, et elle apparaît plus tard vers 4 à 6 mois. On peut observer des microkystes et des comédons, localisés le plus souvent sur les pommettes, mais parfois il y a de véritables nodulokystes. Il y a fréquemment des antécédents familiaux d’acné et la durée d’évolution peut être très longue. Si l’examen clinique est normal par ailleurs, il n’y a pas lieu de faire des explorations, en particulier endocriniennes, cette acné correspondant à une hypersensibilité des glandes sébacées aux androgènes ou à un signe de puberté dissocié. Le traitement est difficile car les traitements locaux sont mal supportés dans cette tranche d’âge ; on peut utiliser un peroxyde de benzoyle à 2,5 %, de l’adapalène en crème ou du nicotinamide. Les antibiotiques comme les macrolides sont peu efficaces ; on peut essayer le gluconate de zinc et en dernier recours l’isotrétinoïne. L’acné précoce de la période prépubertaire doit faire rechercher des anomalies endocriniennes. Un examen clinique complet à la recherche de signe de puberté doit être pratiqué et des explorations complémentaires proposées à la recherche d’une hyperandrogénie liée en particulier à un bloc enzymatique surrénalien.
Certaines présentations cliniques de dermatite atopique sont importantes à connaître, comme les formes nummulaires, où les lésions sont bien limitées et parfois épaisses, résistant au traitement, et souvent confondues avec des dermatoses infectieuses et traitées à tort par antibiothérapie. Le prurigo strophulus se voit également souvent dans le contexte de la dermatite atopique ; il se manifeste par des lésions papulovésiculeuses, parfois bulleuses, et surtout très prurigineuses. Les zones de prédilection sont les membres et l’impétiginisation est fréquente. Dans de rares cas, la dermatite atopique s’intègre dans un cadre syndromique plus complexe (syndrome de JobBuckley, syndrome de Wiskott-Aldrich...) ; il existe alors tout un cortège de signes cliniques associés, en particulier des infections bactériennes répétées, qui conduisent rapidement à un avis spécialisé.
Diagnostic différentiel La dermatite séborrhéique atteint les nourrissons de moins de 3 mois ; elle peut précéder la dermatite atopique. Le psoriasis atteint volontiers le visage chez l’enfant pouvant mimer une dermatite atopique, mais il existe habituellement à distance des éléments dont la sémiologie est plus spécifique (coudes, genoux, nombril...). Un diagnostic important à ne pas méconnaître est celui de gale, fréquemment eczématisée chez les enfants, et pour laquelle le traitement par dermocorticoïdes peut conduire à une forme croûteuse hyperkératosique. L’eczéma de contact peut se voir à tout âge, l’application de topiques sensibilisants, même pour de très jeunes enfants, étant particulièrement répandue : crèmes hydratantes, produits de bain parfumés, huiles de massage, lingettes nettoyantes...
■ Génodermatoses les plus fréquentes
Prise en charge thérapeutique (cf. conférence de consensus sur prise en charge d’une dermatite atopique de l’enfant : www.sfdermato.com)
Phacomatoses [14, 15]
Quel que soit le degré de gravité de la dermatite atopique, les soins locaux sont indispensables. Peu d’enfants résistent à une thérapeutique locale bien faite, la cause d’échec la plus fréquente étant la réticence à utiliser les corticoïdes locaux. Le traitement de première intention repose sur l’application de dermocorticoïdes associée à des règles hygiénodiététiques simples. Les vaccins doivent être faits normalement, si possible en dehors de fortes poussées de dermatite atopique. Il ne faut pas oublier de prévenir la famille de la gravité potentielle de l’infection herpétique sur ce terrain, et les inciter à consulter rapidement en cas d’éruption vésiculeuse fébrile.
Psoriasis [13] Environ 30 % des psoriasis débutent avant l’âge de 15 ans. Dans 30 à 40 % des cas de psoriasis de l’enfant, il existe un apparenté du premier degré également atteint. La forme clinique la plus fréquente est le psoriasis en gouttes. L’association à une autre dermatose comme une dermatite atopique ou un vitiligo n’est pas exceptionnelle. En pratique, il est fréquent de retrouver un streptocoque pyogène chez les enfants psoriasiques quelle que soit la forme clinique et l’ancienneté de la dermatose ; cependant, une antibiothérapie antistreptococcique ne donne pas toujours un résultat cliniquement appréciable. Le pronostic étant meilleur que chez l’adulte, un traitement incisif d’emblée n’est pas indispensable. On commencera par un traitement local, comme par exemple une association dermocorticoïde et dérivé de la vitamine D. La photothérapie constitue un palier important dans l’escalade thérapeutique, et comme pour la prescription des traitements systémiques, l’avis d’une équipe expérimentée en dermatologie pédiatrique est souhaitable avant sa mise en route.
Acné L’acné touche environ 90 % des adolescents. Avant cette période, on peut être confronté à trois situations différentes : l’acné dite néonatale, l’acné infantile et l’acné précoce prépubertaire.
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Les phacomatoses les plus fréquentes sont la neurofibromatose de type 1 (NF1), la sclérose tubéreuse de Bourneville (STB), le syndrome de Sturge-Weber-Krabbe et l’incontinentia pigmenti (IP). Dans l’enfance, la NF1 se manifeste essentiellement par les taches café au lait et les éphélides axillaires, les neurofibromes apparaissant plus volontiers après la puberté. Les principales complications vues pendant l’enfance sont les gliomes du chiasma, la scoliose, les troubles de l’apprentissage et rarement les tumeurs nerveuses malignes (neuroblastomes). La STB est souvent évoquée devant des convulsions précoces, néanmoins elle peut aussi être découverte grâce à l’examen dermatologique qui peut mettre en évidence les macules achromiques caractéristiques qui sont très précoces. Plus tard, les angiofibromes de la face sont également très évocateurs, ainsi que les hamartomes collagènes et les tumeurs de Koenen. Comme dans la NF, un suivi clinique au long cours est nécessaire compte tenu des complications potentielles, notamment les rhabdomyomes cardiaques. L’IP est une génodermatose rare de transmission dominante liée à l’X. Les signes dermatologiques de l’IP sont très spécifiques et quasi constants. Il existe des critères cliniques permettant de poser le diagnostic (Landy 1993). En l’absence de cas familiaux, la présence d’un seul critère majeur est suffisante pour porter le diagnostic : éruption néonatale vésiculeuse linéaire typique, hyperpigmentation caractéristique et/ou alopécie atrophique linéaire. Les critères mineurs ne font que conforter le diagnostic : atteinte dentaire, atteinte rétinienne, alopécie et/ou cheveux laineux. En revanche, si le patient a un parent de sexe féminin du premier degré reconnu atteint, la présence d’un critère mineur suffit pour porter le diagnostic d’IP. Le pronostic est lié à l’atteinte neurologique qui peut être responsable d’une comitialité et d’un retard mental, mais également à l’atteinte rétinienne qui peut mettre en jeu la fonction visuelle. Une enquête familiale est nécessaire : recherche d’antécédents familiaux du côté maternel, examen de la mère et des autres femmes de la famille. Le conseil génétique est également indispensable compte tenu de la gravité potentielle de l’IP. Récemment, le gène responsable de la maladie a été découvert (gène IKK-y ou NEMO en Xq28) permettant un diagnostic moléculaire de confirmation et ouvrant de nouveaux Traité de Médecine Akos
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horizons sur la physiopathologie de la maladie. Un suivi pluridisciplinaire est nécessaire tous les mois pendant la première année, puis tous les ans en fonction des complications observées.
Ichtyoses [16] .
Il existe de nombreuses formes d’ichtyoses héréditaires. Les plus graves peuvent se manifester dès la période néonatale, sous l’aspect dit de « bébé collodion ». Ce terme désigne un état cutané pathologique néonatal caractérisé par une peau vernissée comparable à une pellicule de collodion séchée. Il doit être différencié des simples hyperkératoses collodionnées de la postmaturité ainsi que du kératome malin (fœtus Arlequin), forme la plus grave d’ichtyose connue, dans laquelle le fœtus apparaît recouvert d’une « carapace » rigide et fissurée et dont l’évolution est le plus souvent fatale dans les premiers jours de vie. Dans le syndrome de bébé collodion, le revêtement cutané apparaît tendu et luisant, il est responsable de l’apparence caractéristique du visage associant un ectropion et un éclabion, des oreilles recroquevillées, et de l’aspect ganté des extrémités. La peau est rigide au toucher donnant l’impression d’une membrane plastifiée ; on note rapidement des fissures au fond des plis à partir desquelles commence la desquamation. Dans 90 % des cas, il existe une ichtyose sous-jacente, le plus souvent une ichtyose lamellaire (40 % des cas) ou une érythrodermie ichtyosiforme sèche (40 % des cas). Parfois, il s’agit d’une ichtyose vulgaire ou plus rarement d’une trichothiodystrophie ou une dysplasie ectodermique. En revanche, l’ichtyose liée à l’X, qui se présente sous la forme de grandes squames grisâtres d’aspect sale chez un garçon, n’est jamais précédée d’un état collodionné.
Épidermolyses bulleuses héréditaires (EBH) [17] Les EBH sont des génodermatoses caractérisées par une fragilité cutanée anormale entraînant la formation de bulles et d’érosions cutanées et parfois muqueuses par clivage entre l’épiderme et le derme ; leur gravité très variable est dépendante du niveau de clivage. Les EBH sont classées en épidermolyses bulleuses simples (EBS) dont le niveau de clivage est intrakératinocytaire respectant la membrane basale, épidermolyses jonctionnelles (EBJ) où le clivage se situe au sein de la jonction dermoépidermique (lamina lucida) et les épidermolyses bulleuses dystrophiques (EBD) dont le clivage est situé juste sous la membrane basale. Les EBS se transmettent le plus souvent sur le mode dominant ; elles sont compatibles avec une vie quasiment normale si le sujet évite le plus possible les phénomènes de friction sur sa peau. Les EBJ sont les plus graves. La forme la plus fréquente est l’EBJ de type Herlitz (anomalie laminine 5), qui atteint non seulement la peau mais également tous les autres épithéliums (respiratoires, digestifs...) ; elle entraîne le décès au cours de la première année de vie. Les EBD sont également souvent récessives ; elles ne sont pas létales, mais elles entraînent des handicaps importants. Les patients cicatrisent sur un mode atrophique avec grains de milium ; progressivement apparaissent des troubles nutritionnels et fonctionnels (mutilation des extrémités, rétractions tendineuses). La prise en charge des épidermolyses bulleuses est symptomatique ; les formes graves doivent être référées à des centres spécialisés pour typage précis et conseil génétique.
■ Dermatologie topographique Pathologie du cuir chevelu Alopécies diffuses Il existe un grand nombre de génodermatoses dans lesquelles il y a des anomalies des cheveux. Il est impossible de les Traité de Médecine Akos
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énumérer toutes ; on peut citer parmi les plus connues les dysplasies ectodermiques qui s’associent à des anomalies dentaires et de la sudation, les trichothiodystrophies avec retard mental et photosensibilité, le syndrome de Netherton, certaines formes de pachyonychies ou la dysplasie mucoépithéliale. Dans certains cas, il s’agit seulement d’une dysplasie pilaire isolée ; c’est le cas du monilethrix, des cheveux incoiffables ou du syndrome des cheveux anagènes caduques. Dans ce dernier cas, l’anamnèse est très informative ; les parents rapportent ne jamais avoir fait couper les cheveux à l’enfant et signalent un arrachage facile dès la moindre traction, parfois par poignées [18].
Alopécies circonscrites Les alopécies circonscrites néonatales correspondent le plus souvent à une aplasie cutanée. Celle-ci peut être parfaitement isolée, le plus souvent sur le vertex (caractère parfois autosomique dominant) ou bien associée à un syndrome polymalformatif localisé (méningocèle) ou plus général (trisomie 13, syndrome d’Adams-Oliver). L’alopécie triangulaire de Sabouraud est localisée dans la région temporale qui apparaît recouverte de quelques cheveux duveteux ; elle n’est manifeste souvent que vers l’âge de 2 à 3 ans et l’aspect persiste toute la vie. Les causes les plus fréquentes d’alopécie acquise circonscrite chez l’enfant sont représentées par les teignes (cf. chapitre infections mycosiques) et la pelade (cf. chapitre alopécie). Les trichotillomanies sont également assez fréquentes.
Touffe de cheveux néonatale La présence d’une touffe de cheveux en couronne doit faire évoquer la possibilité d’un dysraphisme sous-jacent, surtout s’il existe d’autres signes cutanés associés (aplasie membraneuse ou angiome). Sinon, une touffe de cheveux dense et localisée correspond habituellement à un nævus congénital.
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Points forts
Pathologie du cuir chevelu • Les causes les plus fréquentes d’alopécie acquise circonscrite chez l’enfant sont représentées par les teignes et la pelade. • La présence d’une touffe de cheveux en couronne doit faire évoquer la possibilité d’un dysraphisme sous-jacent, surtout s’il existe d’autres signes cutanés associés. • Des cheveux très fins, poussant peu et s’arrachant facilement dès la moindre traction, doivent faire évoquer un syndrome des cheveux anagènes caduques.
Pathologie de la sphère génitale [19,
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Dermites fessières du nourrisson Chez le nourrisson, la pathologie génitale est essentiellement représentée par les syndromes malformatifs (non traités ici) et les dermites fessières au sens large. Du fait de l’amélioration des conditions d’hygiène et de la haute technicité actuelle des changes complets, la présentation des dermites fessières a complètement changé ces 20 dernières années. Les dermites d’irritation, classiquement localisées sur les convexités, se voient essentiellement lors d’épisodes de diarrhée ou lorsque les conditions socioéconomiques amènent la mère à changer l’enfant trop peu souvent. L’amélioration de l’hygiène et l’utilisation d’une pâte à l’eau protectrice suffisent habituellement à obtenir la guérison. La dermite séborrhéique du nourrisson est également moins fréquente ; elle est souvent bipolaire, mais l’atteinte diffuse type Leiner-Moussous est devenue exceptionnelle. Un traitement par imidazolés, éventuellement
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initié par 2 à 3 jours de dermocorticoïdes, est habituellement efficace, le relais étant pris par des émollients. En l’absence de réponse thérapeutique, il faut penser à la possibilité d’une dermatose carentielle comme une acrodermatite entéropathique, ou bien à une évolution vers une dermatite atopique ou, plus rarement, un psoriasis. Les candidoses se reconnaissent à la présence de pustules en périphérie des lésions ; fréquemment il y a une diarrhée et un muguet buccal associé qui doivent être traités dans le même temps. La dermatite atopique se localise rarement sous les couches, la présence d’un eczéma du siège doit faire évoquer la possibilité d’une dermite de contact (aux couches ou aux produits de toilette).
Pathologie inflammatoire et infectieuse
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La pathologie génitale de l’enfant diffère de celle de l’adulte du fait de conditions anatomiques et physiologiques différentes. En particulier chez la petite fille, l’absence de pilosité et de pannicule adipeux associée à l’absence de flore de Döderlein la rend particulièrement vulnérable aux infections bactériennes. La cause principale de vulvite est l’irritation par toilette et essuyage mal adaptés, mais la présence d’un érythème intense et de douleur doit faire évoquer une vulvovaginite bactérienne, en particulier à streptocoque (une vulvite staphylococcique est également possible). L’atteinte à type d’anite circonscrite se voit dans les deux sexes ; elle est habituellement due à la présence d’un streptocoque pyogène. Dans ce cas, un traitement antibiotique per os est recommandé. L’ecthyma gangréneux a un aspect nécrotique ; il est lié à une infection à bactérie à Gram négatif comme Pseudomonas aeruginosa ; c’est une urgence thérapeutique car il survient habituellement sur un terrain immunodéprimé (neutropénie). La présence d’une ulcération vulvaire aiguë très douloureuse est évocatrice d’un aphte aigu de Lipschütz, habituellement d’origine virale (Epstein-Barr virus), qu’il ne faut pas confondre avec l’ecthyma gangréneux. Devant un prurit vulvaire, il faut également s’assurer qu’il n’y a pas de lichen scléroatrophique. Cette dermatose inflammatoire peut se voir avant la puberté ; il y a habituellement un aspect très blanc nacré caractéristique de la vulve, associé parfois à des hémorragies sous-épithéliales et des remaniements anatomiques (fusion petites lèvres, encapuchonnement clitoridien...). Chez le garçon, on observe un phimosis avec pépuce blanc nacré et souvent fissuré. Un traitement dermocorticoïde fort doit être institué pendant plusieurs semaines pour limiter les remaniements anatomiques parfois irréversibles.
Pathologie tumorale Tous les types de tumeurs peuvent se rencontrer dans cette région (nævus, angiomes...). Les condylomes méritent une place à part car bien sûr ils soulèvent souvent l’hypothèse de sévices sexuels. Chez l’enfant, les condylomes siègent souvent dans la région périanale, mais ils peuvent s’étendre à la région vulvaire ou sur la verge. Trois modes de contamination sont admis ; deux sont dits « innocents », la contamination mère-enfant au moment de l’accouchement et la contamination par manuportage lors des soins lorsque les parents sont porteurs de human papillomavirus (hPV). Le troisième mode est la contamination par attouchements sexuels, qu’il ne faut pas sous-estimer car elle pourrait représenter 30 à 50 % des cas selon les différentes études. Les éléments qui doivent alerter sont l’âge de l’enfant supérieur à 3 ans, la localisation des condylomes dans les plis radiés de l’anus, voire le canal anal. Dans tous les cas, il est préférable d’adresser l’enfant à une équipe spécialisée qui programmera un examen clinique complet et un entretien avec un psychologue rodé à ce type de situations. Il ne faut pas confondre les condylomes avec les protrusions pyramidales qui sont fréquentes chez le petit enfant, en particulier la fille. La protrusion se présente comme une petite élevure anale, le plus souvent sur la ligne médiane ou paramédiane ; elle régresse spontanément (Fig. 9).
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Figure 9.
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Protrusion pyramidale anale chez un nourrisson.
Points forts
Pathologie de la sphère génitale • La présence d’un eczéma du siège chez un nourrisson doit faire évoquer la possibilité d’une dermite de contact (aux couches ou aux produits de toilette) ; • Les vulvovaginites et les anites de l’enfant sont habituellement dues à des bactéries pyogènes, surtout le streptocoque A bêtahémolytique ; • Il ne faut pas confondre les condylomes avec les protrusions pyramidales qui sont fréquentes chez le petit enfant, en particulier la fille ; • Chez l’enfant, les condylomes peuvent être transmis de manière innocente par la mère au moment de l’accouchement ou par manuportage lors des soins, mais des précautions doivent être prises afin de ne pas passer à côté de sévices sexuels.
■ Précautions thérapeutiques chez l’enfant Même chez l’enfant, c’est l’indication qui doit guider la décision thérapeutique et non l’âge. Cependant, certaines précautions doivent être prises. En ce qui concerne les traitements topiques, il y a un risque plus grand d’intoxication en raison d’un rapport surface cutanée/volume de distribution plasmatique inférieur à celui de l’adulte. Chez le nourrisson, il faut bannir les préparations salicylées et alcoolisées, et limiter les quantités appliquées d’imidazolés (risque d’hyperéosinophilie), d’anesthésiques locaux (méthémoglobinémie), de dérivés iodés (dysthyroïdies) ainsi que les dermocorticoïdes et les dérivés de la vitamine D. Il est habituel de déconseiller l’application de certains topiques comme les dermocorticoïdes sous les couches ; cependant, s’il n’y a pas d’alternative thérapeutique, on peut tout de même les utiliser, à la condition de les limiter en quantité et en durée (pas plus de 2 à 3 jours de suite ponctuellement). Chez l’enfant plus grand, ces précautions restent valables, mais c’est surtout dans le cas où il existe une dermatose étendue (eczéma ou psoriasis érythrodermique), ou une perméabilité cutanée altérée que des intoxications ont été signalées (syndrome de Netherton, ichtyoses...). En ce qui concerne les traitements généraux à visée dermatologique, on utilise bien sûr en première intention les médicaments ayant une AMM chez l’enfant. Néanmoins, dans certains cas, on peut être amené à utiliser des médicaments ayant seulement l’AMM chez l’adulte si la situation l’exige, comme dans le cas d’un enfant ayant une acné infantile grave justifiant Traité de Médecine Akos
Dermatologie pédiatrique ¶ 2-0800
de l’isotrétinoïne ou un enfant ayant une teigne et ne tolérant pas la griséofulvine. Dans cette situation, l’avis d’une équipe pédiatrique est recommandé. .
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C. Léauté-Labrèze (
[email protected]). Unité de dermatologie pédiatrique, Hôpital Pellegrin-Enfants, place Amélie Raba-Léon, 33076 Bordeaux, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Léauté-Labrèze C. Dermatologie pédiatrique. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 2-0800, 2006.
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