NUMÉRO DOUBLE MARDI 1ER - MERCREDI 2 JANVIER 2019
75EANNÉE - NO 23008
2,80 € - FRANCE MÉTROPOLITAINE
WWW.LEMONDE.FR FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO
A 20 ans, la devise européenne reste fragile Le 1er janvier 1999, onze pays européens ont adopté l’euro l’euro – ils i ls sont aujourd’hui dix-neuf –, et la monnaie unique a commencé à circuler c irculer en 2002 ▶
Vingt ans plus tard, l’euro a survécu à la crise de 2008, la plus grave depuis les années 1930, et ses 340 millions d’utilisateurs restent attachés à la devise ▶
La monnaie européenne a cependant échoué à faire converger conver ger les économies, et les déséquilibre déséquilibress entre les Etats membres se creusent de plus en plus ▶
La dérive « illibérale » de la Roumanie
En dépit de la création de la Banque centrale européenne (BCE), les pays de l’Union n’ont pas su instaurer de pouvoir politique ni de budget uniques ▶
Pour Jean-Claude Trichet, l’ancien présiden présidentt de la BCE, l’euro a cependant permis de protéger les ménages de l’inflation ▶
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ANNE HIDALGO PRÉPARE SA BATAILLE DE PARIS
la roumanie va assurer, à partir du 1er janvier, sa première présidence tournante de l’Union européenne depuis son adhésion, en 2007. Dans les si x prochains mois, Bucarest devra décider si elle inscrit à l’ordre du jour la très sensible procédure de sanction contre la Pologne et la Hongrie pour leurs atteintes à l’indépendance de la justice. Or, Liviu Dragnea, l’homme fort du pouvoir roumain, est accusé de corruption et multiplie à son tour les intimidations contre les juges.
ÉDITORIAL
NOTRE ERREUR ET NOTRE RESPONSABILITÉ
La maire de Paris tente de se réconcilier avec les responsables de gauche avant les municipales ▶ Les ambitions se multiplientt au sein de multiplien La République en marche
par JÉRÔME FENOGLIO
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Nous avons reçu, depuis trois jours, de nombreux courriels de lecteurs exprimant leur réprobation, voire leur indignation, à l’encontre de la couverture du dernier numéro de « M Le magazine du Monde ». Ces messages font état de la même impression : le dispositif visuel employé assimilerait la représentation du président de la République, Emmanuel Macron, à l’imagerie des dictateurs du XXe siècle, et particulièrement à celle utilisée pour Adolf Hitler. Ce n’était évidemment pas notre intention, comme nous l’avons indiqué dès samedi 29 décembre. Nul n’ignore, au Monde, quel abîme sépare un président de la Ve République des tyrans les plus abjects du siècle dernier. Nul ne jouerait à confondre un démocrate et un nazi. Toutefois, le malaise qu’a créé cette couverture, même si d’autres lecteurs n’en ont pas eu la même interprétation, montre que sa publication était une erreur.
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Migrants Traverser la Manche en canot pneumatique Londres s’inquiète du nombre croissant de migrants qui tentent de rallier la côte anglaise, de nuit, dans de minuscules embarcations. Au risque d’être broyés par les ferries
Le 28 décembre, à l’Hôtel de ville, à Paris. BERNARDBISSON/DIVERGENCE
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LIRE L A S UITE P A G E 20
Cinéma Asako, une initiation amoureuse d’une rare sensibilité
Environnement Le petit scarabée qui ronge les forêts urbaines de Johannesburg
Social Inquiétudes sur le barème des sanctions des chômeurs
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À NOS LECTEURS
Erika Karata et Masahiro Higashide. ART HOUSE DISTRIBUTION dans « asako i et ii », le réalisateur japonais Ryusuke Hamaguchi se penche avec une tendresse, une richesse et une sensibilité peu communes sur l’amour d’une jeune fille. Hamaguchi a eu pour professeur Kiyoshi Kurosawa ; et a expliqué, en octobre, à
Lyon, ce que son maître lui avait appris – Le Monde Monde y était. Après le tsunami de Fukushima, le réalisateur a entrepris de collecter les récits des survivants, puis est passé à la fiction, et l’histoire d’Asako reste marquée par la catastrophe. P AG E 13
après une année 2017 exceptionnelle, Le Monde a poursuivi son essor en 2018. En cette période, où l’actualité a été une nouvelle fois fertile, vous avez été de plus en plus nombreux à vous tourner vers nos informations exclusives, nos reportages, nos grandes enquêtes ou nos tribunes. Au point de nous permettre d’atteindre un nouveau palier dans notre développement : ces derniers mois, notre diffusion payée en France, sur papier ou sur le numérique, a atteint les 300 000 exemplair exemplaires es quotidiens. Votre confiance nous conforte dans notre stratégie, construite autour de trois axes : la qualité du travail de nos journalistes, l’indépendance éditoriale et la transformation de notre modèle économique, voué à être de plus en plus soutenu par l’abonnement numérique.
Toutefois, ce développement ne nous permet pas de compenser totalement la fragilité et les coûts croissants de notre édition papier. Cette année encore, nous devons augmenter nos tarifs en kiosque de 20 centimes par jour. Le prix du quotidien passe ainsi à 2,80 euros à compter de cette édition – un numéro double, puisque nous ne paraîtrons pas le mardi 1 er janvier en raison du Nouvel An – et à 4,50 euros pour le numéro daté du samedi avec « M Le maga zine du Monde ». Les tarifs d’abonnement au quotidien et à l’offre numérique restent inchangés. En vous remerciant pour votre soutien et votre fidélité, nous vous présentons nos meilleurs vœux pour 2019. jérôme fenoglio (directeur du « monde ») et louis dreyfus (président du directoire du « monde »)
Ventes privées du 1er janvier L’année commence en beau beauté té ! Pour l’ouverture exceptionnelle de
notre espace canapés le 1er janvier, notre nos vent ventes es privé privées es red redouble oublent nt d’at d’attrait! trait! Canapés, canapés-lits et fauteuils de relaxation des plus grandes marques : Burov,Diva, Burov,Diva, Duvivier, Leolux, Neology,Steiner, Stressless®... 63 rue de la Convention Paris 15e - 01 45 77 80 40. Ouvert 7j/7 de 10h à 19h y compris le 1 er janvier. M° Boucicaut - P. P. gratuit.
Algérie 220 DA, Allemagne 3,50 €, Andorre 3,20 €, Autriche 3,50 €, Belgique 3,00 €, Cameroun 2 300 F CFA, Canada 5,50 $, Côte d'Ivoire 2 300 F CFA, Danemark 35 KRD, Espagne 3,30 €, Gabon 2 300 F CFA, Grande-Bretagne 2,90 £, Grèce 3,40 €, Guadeloupe-Martinique3,20 €, Guyane 3,40 €, Hongrie 1 190 HUF, Irlande 3,30 €, Italie 3,30 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 3,00 €, Maroc 20 DH, Pays-Bas 3,50 €, Portugal cont. 3,30 €, La Réunion 3,20 €, Sénégal 2 300 F CFA, Suisse 4,20 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 3,80DT, Afrique CFA autres 2 300 F CFA
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Lors du décompte des votes, à Kinshasa, le 30 décembre. LUIS TATO/AFP
Envers et contre tout, la RDC a voté Les premiers résultats d’élections, attendues depuis plus de deux ans, devraient être annoncés mardi A quelques kilomètres de là, dans la commune de Limete, l’un des bastions de l’opposition, des out s’est passé si vite. Di- grappes d’électeurs humiliés, manche 30 décembre, sous la pluie, peinent à contenir plus de 39 millions leur colère. Dans le petit immeud’électeurs étaient appe- ble décati de l’école Enodi, il n’y a lés aux urnes pour désigner le suc- toujours pas de listes d’électeurs cesseur de Joseph Kabila, au pou- et le matériel est défaillant. voir depuis dix-huit ans malgré la « C’est la désorganisation totale fin de son dernier mandat en dé- et un manque de transparence cembre 2016. Cette journée tant regrettable, mais on garde l’esespérée, priée, rêvée depuis deux poir et, surtout, on ne veut pas ans et une semaine a finalement donner nos voix, car, ici, pas une eu lieu. Pour que ce jour de vote ar- personne ne vote Shadary », dit rive, des Congolais ont dû se bat- Rémy Masamba. Ce deuxième vitre, mourir sous les balles des for- ce-président de l’Assemblée naces de sécurité, survivre à la tor- tionale est aussi un cadre de ture, à la misère et à l’exil. l’Union pour la démocratie et le Ce dernier dimanche de l’année progrès social, le principal parti aurait pu être celui du grand soula- d’opposition cofondé par le mygement. Avant l’inévitable contes- thique Etienne Tshisekedi (1932tation des premiers résultats qui, 2017), dont le fils, Félix, est canselon la Commission électorale didat à la présidentielle. Assis nationale indépendante (CENI), sous un appentis, M. Masamba devraient être annoncés mardi appelle les jeunes au calme. soir. Entre-temps, il y a les tendances redoutées, lâchées par les par- Une foule compacte tis politiques, et les dangereuses A Limete, tout le monde ou presvictoires autoproclamées par les que soutient M. Tshisekedi et a dû trois grands candidats. attendre deux ans, une semaine L’ancien ministre de l’intérieur et neuf heures supplémentaires Emmanuel Ramazani Shadary avant de se bousculer, se battre. n’a pas attendu. « C’est moi le Car certains bureaux de vote à président prési dent à partir de ce soir» , s’est Enodi, comme d’autres à Limete et empressé de déclarer le candidat ailleurs dans les quartiers popudu pouvoir à la sortie du bureau laires de Kinshasa, ont ouvert aux de vote, tôt le matin. Kinshasa, environs de 15 heures, soit avec la capitale, s’est réveillée sous neuf heures de retard et à deux une pluie diluvienne, perturbant heures de la fermeture officielle. l’ouverture, prévue à 6 heures, de « Je suis arrivé à l’aube et je viens nombreux bureaux de vote. voter pour que mes enfants vivent Même dans le quartier huppé de la Gombe, où ont voté M. Shadary Shadary,, Joseph Kabila et le chef de file de « Ça va être l’opposition révélé durant la campagne, Martin Fayulu, l’électricité truqué, fait défaut. Les bureaux de vote du mais je vais collège Saint-Joseph se mettent en place à la lampe torche. Le persongagner et je me nel tarde, et les machines à voter vois président » électroniques, jamais éprouvées dans des conditions réelles, se réMARTIN FAYULU vèlent capricieuses. candidat de l’opposition
REPORTAGE
kinshasa (rdc) - envoyé spécial
T
autre chose que le mobutisme et le kabilisme », », dit Astrid, 74 ans, qui n’a jamais utilisé un smartphone de sa vie et va découvrir un écran tactile pour la première fois, celui de la machine à voter. Figée au milieu d’une foule compacte de jeunes excités, la dame semble imperturbable sur son banc en bois, dont un autre, juste à côté d’elle, vient de s’effondrer. « Même le s bancs n’en peuvent plus d’attendr d’attendre. e. On n’a jamais jamais vu de telles conditions de vote » , peste un trentenaire, qui compare avec les élections de 2006 et de 2011. Les promesses d’« d’« élections par faites» formulées par le gouvernement et par le président sortant, Joseph Kabila, sont mises à mal, même si le président de la CENI, Corneille Nangaa, avait pourtant confié à des diplomates en poste à Kinshasa qu’il se démenait pour « éviter les contestations sur des insuffisances techniques ». ». Au cours de ce processus, l’homme est devenu l’un des personnages les plus abhorrés du pays, soupçonné d’être au service du régime Kabila. Il a pu le constater lors de sa venue sous escorte policière à Limete, ce dimanche, insulté et pris à partie. « Les problèmes logistiques sont innombrables. Corneille Nangaa est res ponsable. Je le lui ai dit encore aujourd’hui,, insiste l’autre candiaujourd’hui dat de l’opposition, Martin Fayulu, qui suit le déroulé du vote depuis sa maison-hôtel du centre de Kinshasa, où il reçoit des appels et lit la Bible. Ça va être truqué mais je vais gagner et je me vois président. » Selon l’Eglise catholique congolaise, qui a m obilisé 40 000 observateurs sur tout le territoire, les retards et les avanies techniques se sont accumulés au fil de la journée. Sur 12 300 rapports reçus à la mi-journée, elle dénombrait 1 544 inci dents à l’ouverture de bureaux de vote dont 846 établis
Un vote pour conjurer les peurs des dernières années, marquées par la répression d’un régime qui a usé de la ruse et de la force pour se maintenir au pouvoir et reporter les scrutins. Un bulletin pour se sentir libre de décider du destin de ce pays, de croire que les putschs, les rébellions et les assassinats de dirigeants appartiennent au passé. L’enjeu n’est autre que la première alternance pacifique de l’histoire de la RDC depuis l’indépendance, en 1960. dans des « lieux prohibés », Et à Kinshasa, traditionnellecomme des postes de police, des ment acquise à l’opposition, la locaux de partis politiques ou des majorité des électeurs répète en débits de boisson. Des centaines boucle un mot, une motivation : de machines à voter sont tombées « Le changement. » en panne. Dans l’est du pays, des « On va montrer au monde entier observateurs rapportent que des qu’on veut l’alternance », », dit Suzie, groupes armés ont menacé des jeune mère de quatre enfants, électeurs et des agents de la CENI. dont le mari est parti il y a quatre L’un a été tué dans le Sud-Kivu, où ans chercher, en Angola, des diaquatre morts ont été recensés. mants qu’il ne trouve pas. Le soleil C’est pourtant d’un recoin du se couche et elle patiente devant Nord-Kivu, meurtri par les un bureau de vote de Lemba. Cette tueries et par Ebola et où le vote commune de Kinshasa s’était a été officiellement reporté à comme d’autres embrasée et avait mars 2019, que la plus belle image sacrifié des jeunes tués par les mide ces élections a été envoyée au litaires dans la nuit du 19 décemmonde. Dans les villes de Beni et bre 2016, la dernière au pouvoir de Butembo, des urnes ont été pour Joseph Kabila, selon la Consimprovisées et les habitants y titution. Suzie s’en souvient et ne ont déposé des bulletins symbo- veut plus revivre cette guerre urliques, comme on poserait une baine. « Même si on n’a pas fleur sur un fusil. Une manière de confiance en la CENI, on fait notre rappeler à la CENI et au régime de devoir. Si Shadary gagne, ce qui Joseph Kabila qu’ils existent et n’est pas possible, les jeunes vont se que ni Ebola, ni la violence, ni les prend prendre re en charge charge et les violences violences failles techniques ne les empê- vont recommencer. Que Kabila cheront d’exprimer leur vote. nous laisse décider », » , dit-elle. Certains bureaux de vote, ouverts tardivement ou déborFerveur Malgré ces difficultés, Kinshasa a dés par la détermination des voté dans la ferveur. Les télécom- Kinois à participer à ces élecmunications n’ont pas été sus- tions, repoussent la fermeture. pendues, aucun jeune n’a été tué D’autres font fi des f iles d’attente et pas un opposant n’a été arrêté, et dépouillent les bulletins à la comme c’est un peu la tradition lueur de lampes torches. Cerdans la région, au Congo-Brazza- tains habitants dont les noms ne ville, au Gabon, au Burundi… figurent pas sur les listes d’élecLe climat de tension s’est éva- teurs, d’autres arrivés trop tard poré, le temps de cette journée. et des témoins de partis poli-
A Kinshasa, on a pu voter, critiquer, insulter le régime et la Commission électorale, sans risquer de se faire tuer
LE CONTEXTE
ÉLECTIONS Les élections générales auraient dû avoir lieu en décembre2016. Il y a exactement deux ans, le pouvoir et l’opposition signaient l’accord de la Saint-Sylves Saint-Sylvestre, tre, sous l’égide de l’Eglise catholique congolaise. Le président Joseph Kabila s’est maintenu à la tête de l’Etat une année en plus, le temps que se tiennent des élections présidentielle, législatives et provinciales, d’abord prévues en décembre 2017. Les scrutins ont finalement été reportés au 23 décembre 2018, puis une dernière fois décalés d’une semaine, au 30 décembre, officiellement pour des raisons techniques. La présence d’observateurs d’observateu rs occidentaux a été refusée par les autorités, qui ont laissé quarante-huit heures à l’ambassadeur l’ambassa deur de l’Union européenne à Kinshasa pour quitter le pays, avant la tenue des scrutins. Quatre circonscriptions, réunissant 1,2 million d’électeurs, en partie acquis à l’opposition, ne voteront qu’en mars 2019, pour des raisons sécuritaires et sanitaires. Les résultats définitifs sont prévus le 15 janvier.
tiques de l’opposition tenus à l’écart des dépouillements braillent dans l’obscurité. Dimanche 30 décembre, dans une mégapole ranimée, on a pu voter, critiquer, voire insulter le régime et la CENI, sans risquer de se faire tuer. Reste l’angoisse d’une éventuelle proclamation officielle de la victoire de M. Shadary. Premières bribes de réponse mardi soir. p joan tilouine
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La Roumanie en pleine dérive dérive illibérale Bucarest assure, au 1er jan janvier, vier, sa première présidence de l’UE, dans un climat de défiance inédit avec Bruxelles envoyé spécial
bucarest -
L’
événement promettait d’être un symbole de l’intégration réussie de la Roumanie à l’Union européenne (UE). Il va au contraire attirer l’attention sur les dérives du parti actuellement au pouvoir à Bucarest. A partir du 1er janvier, la Roumanie va assurer sa première présidence tournante semestrielle de l’UE depuis son adhésion en 2007, dans un climat de défiance inédit avec Bruxelles. En cause : les assauts répétés du Parti social-démocrate (PSD), et particulièrement de son leader, Liviu Dragnea, contre le système judiciaire local. Héritier de l’ancien parti communiste, le PSD domine la vie politique roumaine de façon quasi continue depuis la chute de Ceausescu en 1989. Officiellement de gauche, la Roumanie a vécu un récent virage nationalconservateur qui fait désormais craindre que cet Etat, longtemps parmi les plus proeuropéens du continent, rejoigne le camp de ses voisins souverainistes et illibéraux hongrois ou polonais. Même si une présidence tournante est dénuée de vrai pouvoir, le symbole est fâcheux à l’heure où les atteintes à l’Etat de droit se multiplient à l’Est. Dans les six prochains mois, la Roumanie devra en effet décider si elle inscrit à l’ordre du jour du Conseil la très sensible procédure de sanction européenne contre Varsovie et Budapest pour leurs atteintes à l’indépendance de la justice. « Pays de seconde classe »
Or, Liviu Dragnea, homme fort du pouvoir roumain âgé de 56 ans, déjà condamné pour fraude électorale et accusé de corruption dans deux autres dossiers, s’est lui-même lancé dans une course contre la montre avec la justice pour échapper à la prison. « C’est son seul but en ce moment, et pour y arriver, arriver, il est prêt prêt à jeter la RouRoumanie dans le chaos. Y compris en cultivant un discours antieuropéen et nationaliste parce qu’il ne veut pas appli appliquer quer les les consei conseils ls de de l’UE», s’alarme l’écrivain Dan Lungu, qui a été élu sénateur sur les listes du jeune parti anticorruption Union Sauvez la Roumanie (USR). Privé du poste de premier ministre en raison de son casier judiciaire, M. Dragnea fait adopter depuis deux ans des réformes du système pénal par un gouvernement placé sous son contrôle. Si le système judiciaire roumain
Le ministre des affaires européennes a démissionné en pleins préparatifs de la présidence tournante de l’UE présente de véritables carences, ces réformes, adoptées sans concertation et parfois par simples ordonnances, ont toutes pour but d’affaiblir la lutte anticorruption, pourtant un des principaux acquis de l’adhésion à l’UE. En deux ans, le gouvernement a ainsi démis la chef du parquet anticorruption, affaibli les incriminations anticorruption dans le code pénal et instauré un corps d’inspection des magistrats sous le contrôle du ministère de la justice. Dans un rapport au vitriol, publié le 13 novembre, la Commission européenne a exhorté Bucarest à revenir sur ces réformes. M. Dragnea n’a eu que faire de ces avertissements. Bien au contraire. Alors que son procès en appel pour détournement de fonds public doit débuter mi-janvier, cet ancien baron local condamné à trois ans de prison ferme en première instance a répondu, le 16 décembre, par un grand dis- avec la justice en Roumanie parce la justice en Roumanie, on ne peut cours aux accents nationalistes. qu’il y a eu des abus ». pas les résoudre avec une approPendant une heure trente, il a Le ministre promet aussi que che antieuropéenne, cela risque pris durement pour cible l’UE, qui « le programme de gouvernement de miner la présidence », abonde « nous traite comme un pays de est profondément proeuropéen », », Gabriela Cretu, présidente de la si « au niveau des partis, il y commission des affaires euroseconde classe », », « les multinatio- même si« nales », », dont les banques « cupi- a des membres qui peuvent expri- péennes au Sénat, réputée pour des », », et l’existence d’un soi-di- mer des positions » différentes. son engagement fédéraliste fédéraliste.. sant « Etat parallèle » » qui aurait Pas question de s’engager touteUn cadre du PSD va jusqu’à parpour but de déstabiliser le gou- fois sur les sanctions contre la Po- ler « de virage antieuropéen d’exvernement. Précédemment, il logne et la Hongrie : « Nous cher- trême droite », sous le couvert de avait aussi visé le milliardaire cherons un consensus, nous l’anonymat, par peur d’être exclu américain d’origine hongroise n’av du parti… Jusqu’à présent, toutes n’avons ons pas de position. » George Soros, sur le modèle des L’inquiétude est pourtant réelle les voix les plus critiques ont été discours ultraconservateurs en au sein du PSD. Preuve en est la mises en minorité par M. Dravogue à Budapest et Varsovie. démission subite, en novembre, gnea, qui s’appuie sur sa large Cette rhétorique s’est accompa- du ministre des affaires euro- victoire aux législatives de dégnée d’une revendication : une péennes, alors qu’il était en cembre 2016. amnistie immédiate pour faire pleins préparatifs de cette présiannuler toutes les poursuites et dence. « Je pensais que la Rouma- Rhétorique opportuniste les peines de prison inférieures à nie devait continuer son parcours La dérive du maître de Bucarest dix ans. Cette mesure, explosive, européen, respecter les coutumes gêne ses alliés sociaux-démocrapermettrait de faire annuler son et les valeurs européennes, j’ai mis tes européens, d’autant qu’il a fait procès en appel et probableme probablement nt mon mandat à disposition pour organiser – sans succès – un réfél’enquête en cours sur le détour- ouvrir un débat, mais ce débat n’a rendum en octobre pour inscrire nement de 21 millions d’eu d’euros ros de pas eu lieu malheureusement, l’interdiction du mariage homofonds européen dans laquelle il même si la Roumanie est prête sexuel dans la Constitution. Mais est mis en examen. « Pour l’ins- techniquement pour la présidence le PSD reste pour l’instant affilié tant, ce n’est pas inscrit à l’agenda de l’UE », », explique aujourd’hui au Parti socialiste européen. du gouver nement », », relativise le Victor Negrescu. Pourtant, même si la rhétoriministre des affaires étrangères, « Je m’inquiète de la tournure que antieuropéenne du pouvoir Teodor Melescanu, mais en rap- que prend le parti. Mê me s’il y a de est, de l’avis général, purement pelant qu’il y a « a « un problème réel vrais problèmes avec l’Europe ou opportuniste, elle finit par avoir
Liviu Dragnea, le chef du PSD et homme fort de la Roumanie, à Bucarest, le 16 décembre. DANIEL MIHAILESCU/AFP
même si des télévisions proches du pouvoir ont aussi pris des accents complotistes et eurosceptiques. Surtout, le président libéral Klaus Iohannis a réussi à freiner plusieurs mesures, même s’il n’a pas le pouvoir de les bloquer complètement. Mais le message fustigeant l’influence étrangère porte dans les campagnes, où l’électorat du PSD a profité des hausses des retraites, du salaire minimum et des salaires des fonctionnaires déciun impact sur l’opinion publique dées par le parti en parallèle de roumaine. Alors que leur pays a ses réformes judiciaires. « Ce dislargement bénéficié de l’adhé- cours consistant à dire que les sion à l’UE – un actif roumain sur étrangers achètent toutes les tercinq travaille ailleurs dans res et les usines fonctionne facilel’Union et les aides régionales ou ment sur certaines personnes qui agricoles se déversent par mil- sont encore dans la phase de tranliards –, les Roumains ne sont sition postcommuniste », », selon plus que 49 % à considérer que Florin Badita, un des jeunes leal’UE est « une bonne chose », » , selon ders de la forte mobilisation anle dernier sondage Eurobaromè- ticorruption. tre publié début décembre. Un Très urbaine, plus diplômée, sa taux en chute libre et désormais Roumanie à lui est farouchement parmi les plus bas du continent. proeuropéenne. Mais, de son proContrairement aux Hongrois et pre aveu, elle finit par « se fatiaux Polonais, les Roumains ont guer» face à ce pouvoir qui avance, certes manifesté plusieurs fois dans sa réforme de l’appareil judipar centaines de milliers. La plu- ciaire, comme un bulldozer. p ralité médiatique reste assurée, jean-baptiste chastand
Les Roumains ont bénéficié de l’adhésion européenne, mais seuls 49 % pensent que l’Union est une « bonne chose »
« On n’était pas préparés préparés à vivre une telle pression pression autocratique autocratique » Des procureurs s’inquiètent des intimidations de l’exécutif, l’exécutif, surtout après le limogeage de la chef du parquet anticorruption, anticorrup tion, en juillet
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on bureau donne sur le gigantesque Palais du Parlement construit par Nicolae Ceausescu, renversé en 1989, et depuis lequel le président de la Chambre des députés mène l’offensive contre lui. Augustin Lazar, 62 ans, procureur général de Roumanie, a ces derniers temps de multiples occasions de méditer sur la résistance du système juridique roumain au système communiste de Ceausescu, son sujet de prédilection. Depuis le 24 octobre, il est à son tour menacé de destitution par le gouvernement. Ce jour-là, le ministre de la justice a lancé la procédure en lui reprochant d’avoir « tenu de s discours politiques » , « contesté des décisions de la Cour constitutionnelle » ou » ou encore « critiqué des ju ges». Personne ne doute que cette procédure est téléguidée par Liviu Dragnea, le chef du Parti socialdémocrate, qui depuis deux ans
contrôle l’exécutif roumain depuis la présidence de la Chambre basse, en multipliant les attaques contre le système judiciaire. Sans nommer celui qui fait actuellement l’objet de deux procédures pour corruption, M. Lazar dénonce « nonce « ceux qui veulent discipliner la justice aujourd’hui pour revenir aux années 1990, quand la justice justi ce roumaine roumaine n’ét n’était ait que de façade dès qu’il s’agissait de personnes très haut placées ». « Attitude docile »
Le premier procureur rappelle pourtant qu’« qu’« avec l’adhésion de la Roumani Rou maniee à l’UE l’UE en en 2007, 2007, la la justice justice était devenue très efficace, avec des centaines de condamnations » . C’est cet héritage que M. Lazar veut défendre : « Je dis tous les jours à mes collègues qu’il faut continuer notre travail et ne pas céder. » Lui-même conteste la procédure de destitution auprès de la
difié en permanence, fragilisant toutes les enquêtes, à commencer par celles visant M. Dragnea. Les procureurs n’osent plus, par exemple, communiquer sur le fond des dossiers, craignant que les enquêtes ne soient cassées en cas de propos publics imprudents. Le gouvernement a proposé de remplacer Mme Codruta Kövesi par justice admi nistrative : « Sa déci- une magistrate que l’opposition sion sera un test de résistance du juge affidée au pouvoir, et dont le système judiciaire. » » Il espère évi- Conseil supérieur de la magistrater le sort de l’ex-chef du parquet ture (CSM) a rejeté la candidature anticorruption, Laura Codruta au motif d’un « manque d’adhéKövesi, qui a dû quitter son poste sion à des valeurs telles que l’honen juillet après avoir vainement nêteté et l’impartialité, ainsi qu’une tenté pendant plusieurs mois de attitude idéologique docile incomrésister à une procédure similaire. pati patible ble ave avecc les les besoin besoinss du du poste poste» . Depuis, le parquet anticorrupLe ministre de la justice a essayé tion, particulièrement populaire de passer outre cet avis, et seul le en Roumanie, est plongé dans le président roumain, Klaus Iohandésarroi. « Beaucoup de collègues nis (libéral), l’en a empêché. Le ont peur », témoigne », témoigne un procureur gouvernement justifie son offensous le couvert de l’anonymat. sive par l’existence de protocoles D’autant que le code pénal est mo- secrets d’échanges d’informa-
Le code pénal est modifié en permanence, fragilisant toutes les enquêtes
tions entre le parquet et les services de renseignement, opportunément révélés ces derniers mois, pour accuser les procureurs de constituer un « Etat parallèle ». ». « Selon eux, ces protocoles démontrent que les services secrets contrôlent la justice, mais il n’y a aucune preuve de cela dans ce qui est sorti », assure », assure pourtant le journaliste d’investigation Attila Biro.
« Certains collègues ne se plai gnent pas et disent même qu’ils sont contents, car ils auront moins de travail. Moi, ça m’effraie qu’on puisse puis se aller aller auta autant nt en en arrière, arrière,alors que, depuis 2007, on pensait que les progrès étaient irréversibles. On n’était n’ét ait pas préparé à vivre une telle pression press ion autocratique autocratique », », s’alarme une jeune procureure, qui se pensait protégée par l’ancrage européen de la Roumanie. Le CSM lui-même est apparu« apparu« diJuges convoqués Des centaines de magistrats rou- visé lors de ses réunions avec nos mains ont signé des lettres ouver- services», », assure la Commission tes pour contrecarrer ces atta- européenne dans son rapport anques, mais ils sont désormais me- nuel sur le système judiciaire rounacés de représailles par le gou- main, qui s’alarme :« : « Cela complivernement. Le nouveau corps que la position du CSM, qui n’a pas d’inspection de la justice a convo- été capable d’agir comme un conqué plusieurs juges et procureurs tre-pouvoi tre-pouvoirr efficace pour défendre pour qu’ils s’expliquent sur leurs les institutions judiciaires sous publications sur Facebook ou leur pres pressio sion. n. » Nul doute que cela a été participation supposée aux ma- noté avec intérêt dans les couloirs nifestations contre les réformes du Palais du Parlement. p j.-b. c. voulues par le gouvernement.
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veut l’aval de Bangladesh : le parti parti au pouvoir Ankara Moscou pour « en finir finir » remporte rempor te les élections législatives législatives avec les Kurdes Kurdes de de Syrie La première ministre, Sheikh Hasina, 71 ans, obtient un quatrième mandat alors que l’opposition dénonce fraudes et arrestations arbitraires
La Turquie et la Russie cherchent une stratégie après le retrait américain istanbul -
bangkok -
correspondant régional
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a première ministre sortante du Bangladesh, Sheikh Hasina, 71 ans, a largement remporté les élections législatives du dimanche 30 décembre, décrochant son quatrième mandat en vingtdeux ans à la tête du gouvernement, selon les résultats officiels annoncés dans la nuit de dimanche à lundi et rejetés par l’opposition, qui dénonce des fraudes. La coalition de Sheikh Hasina a obtenu 288 des 300 sièges du Parlement monocaméral, contre six seulement pour le principal parti d’opposition, a indiqué le secrétaire de la commission électorale, Helal Uddin Ahmed. La journée de vote a été endeuillée par la mort de dix-sept personnes dans un contexte de violence politique soutenu. Au Bangladesh, les périodes électorales sont toujours tendues, et la dérive autoritaire de la Ligue Awami, le parti symbole de l’indépendance arrachée au Pakistan en 1971, n’aura rien fait pour arran ger les choses : le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principale formation de la coalition de l’opposition, a affirmé que 10 400 de ses membres et de ses militants ont été arrêtés depuis le 8 novembre, date de l’annonce du scrutin. La présidente du BNP, Khaleda Zia, qui ne cesse de « s’échanger » le pouvoir avec sa rivale, Sheikh Hasina, depuis le retour à la démocratie, en 1990, purge par ailleurs, depuis février, une peine de prison de cinq ans pour corruption. L’opposition dénonce des fraudes électorales et de mul-
La question de la place de l’islam dans la société et de ses rapports avec l’Etat est devenue centrale dans le débat électoral tiples intimidations de ses candidats et supporteurs, affirmant qu’un « climat de peur » a » a été instauré par les nervis du régime en place. Le chef de la coalition d’opd’opposition, le vieux juriste et exministre Kamal Hossain, qui fut un proche allié de la première ministre avant de se retourner contre elle, a demandé, lundi, à la commission électorale d’« d’« annuler les élections » et « à un gouvernement non partisan d’organiser de nouvelles élections ». Croissance sans précédent
La troisième victoire de suite de la Ligue Awami pourrait cependant illustrer un autre type de réalité, d’ordre socio-économique : depuis 2009, date de l’accession au pouvoir de la première ministre – elle a aussi été à la tête du gouvernement entre 1996 et 2001 –, le « pays des Bangladais » a connu un rythme de croissance sans précédent (7,8 % en 2018). Sous son « règne », la dérive antidémocratique aura été de pair avec la chute de l’extrême pauvreté, tendance enclenchée depuis une vingtaine d’années : cet indicateur est passé de 34,3 % à 12,9 % entre 2000 et 2016, selon
la Banque mondiale. Le jeune pays, le plus densément peuplé du monde avec 169 millions d’habitants, était encore, au tournant du siècle, l’un des plus miséreux de la planète. « Je considère que les droits de l’homme, c’est d’être capable de fournir assez à manger, des em plois et des soins médicaux [aux Bangladais] », a déclaré Sheikh Hasina lors d’une interview au New York Times. Citée par son fils, Sajeeb Wazed, à l’agence Reuters, Mme Hasina, défiante à l’égard des accusations croissantes de comportement autoritaire à son encontre, a affirmé qu’elle considérait« considérait « comme une marque d’honneur d’être accusée d’autoritarisme par les médias étran gers ». Après tout, a rappelé Sajeeb Wazed, l’ancien premier ministre singapourien Lee Kuan Yew était lui aussi taxé de tyrannie quand il conduisait son pays sur les voies de la prospérité… Le Bangladesh fait aussi face, depuis une dizaine d’années, à d’autres évolutions : non seulement celles de l’islamisation et de la bigoterie, mais aussi celles de la violence de type djihadiste. Même si ce pays à 90 % musulman pratiquait encore récemment un islam tolérant, influencé par la mystique du soufisme. Les dirigeants du Parti nationaliste du Bangladesh ont ainsi choisi de capitaliser sur le désir religieux en affichant, de longue date, leur proximité avec le parti fondamentaliste Jamaate-Islami. Une formation accusée de crimes de guerre durant la guerre d’indépendance contre le Pakistan, en 1971, alors que le Bangladesh s’appelait « Pakistan
oriental », conséquence de la partition de l’empire des Indes britanniques après 1947. Les accusations de disparitions forcées et de tortures de la part des forces paramilitaires bangladaises concernent d’ailleurs surtout les membres de cette organisation islamiste, que le parti au pouvoir a fait interdire en 2013. Choix « entre deux maux »
La Ligue Awami – dont le fondateur, père de l’actuelle première ministre, Sheikh Mujibur Rahman, fut le premier chef de gouvernement du Bangladesh indépendant, avant d’être assassiné en 1975 – avait opté pour un Bangladesh laïque et tolérant à l’égard des minorités hindoue, chrétienne ou bouddhiste. Mais l’islamisation croissante du pays a conduit le parti au pouvoir à instrumentaliser, lui aussi, cette demande religieuse en donnant des gages à certains lobbys des milieux islamo-conservateurs. La question de la place de l’islam dans la société et de ses rapports avec l’Etat est ainsi devenue centrale dans le débat électoral, confirmant un affaissement réel du sécularisme originel. Certains observateurs ont ainsi interprété le scrutin du dimanche 30 décembre comme un choix « entre deux maux » : c’est ce que pense Iftekharuzzaman, directeur de l’ONG Transparency International pour le Bangladesh. Il n’est pas optimiste pour la suite des événements : « Avec un nouveau mandat, affirme-t-il , , Sheikh Hasina deviendra deviendra encore plus autoritaire qu’elle ne l’était déjà. » p bruno philip
Londres s’inquiète de la hausse du nombre de traversées traversées de la Manche par des migrants En 2018, 443 personnes ont tenté de rejoindre le Royaume-Uni sur des embarcations Ces derniers jours sont venus traversées vient du travail « de le démontrer. Quarante mi- gangs crimin criminels els organisés». En epuis deux mois, des cen- grants ont été secourus sur cinq novembre, la BBC avait entaines de migrants, majo- canots pneumatiques diffé- voyé un journaliste iranien, se ritairement iraniens, ont rents le jour de Noël, trois l’ont faisant passer pour un migrant, tenté de traverser la Manche sur été le lendemain, vingt-trois dans les camps près de Calais et des canots pneumatiques pour le surlendemain, douze encore de Dunkerque. Un homme affirrejoindre le Royaume-Uni. A tel le jour d’après… mant être un ancien pêcheur irapoint que le ministre de l’intérieur nien lui avait proposé un pasbritannique, Sajid Javid, a déclaré Canots pneumatiques sage par bateau pour 3 000 livres un « incident majeur » et » et est rentré Le mode opératoire est presque (3 327 euros). précipitamment de ses vacan- toujours le même. Les migrants Face à l’activité croissante de ces dimanche 30 décembre. Après tentent le passage sur de gros ces réseaux criminels, certains un échange téléphonique avec canots pneumatiques à moteur, Britanniques suspectent les autoson homologue français, Christo- qui ne sont pas équipés pour rités françaises de les laisser faire. phe Castaner, il a annoncé un ren- la traversée des trente-trois « Les passeurs agissent très ouverforcement de la surveillance des kilomètres qui séparent Calais et tement, estime Lucy Moreton, plages et de la mer. Les Britan- Douvres. Beaucoup se lancent du syndicat des services d’imminiques vont notamment financer de nuit. Les risques sont énor- gration. gration. Si Si c’est si évident pour les des drones et des caméras pour mes, au regard du très important journal journalistes istes et les gens sur place, surveiller la dizaine de points trafic de ferries. La police britan- ça devrait être évident pour les d’embarquement qui a été identi- nique compare cela « à traver- autorités françaises aussi. » fiée en France. ser le [périphérique] à pied à Le nombre de passages de mi- l’heure de pointe ». ». Jeu d’accusations mutuelles grants reste limité par rapport à Matt Coaker, un pêcheur britan- « C’est faux, réplique Mme Parrot, la situation dans la Méditer- nique, a vu pour la première de la préfecture maritime de la ranée. Selon le décompte du mi- fois un canot pneumatique en Manche. Manche. On On a augmenté le nomnistère de l’intérieur français, septembre. « Il y avait quatre per- bre de patrouilles en mer dès no443 personnes ont tenté la traver- sonnes (…) à la dérive depuis un vembre, y compris des patrouilles sée cette année, dont la moitié a moment, qui n’avaient pas de mo- de nuit. » » Place Beauvau, on préatteint les eaux britanniques. teur et juste quelques rames, té- cise que 45 réseaux de passeurs Mais le phénomène est nouveau, moigne-t-il à la BBC. Ils BBC. Ils voulaient voulaient sont démantelés par an dans le explique Ingrid Parrot, porte-pa- désespérément un peu d’eau, un nord de la France, et que les autorole de la préfecture maritime de peu à manger manger,, et juste attein atteindre dre la rités sont« sont « au début » de » de l’enquête la Manche. « Manche. « En 2017, on a compté terre sèche. » Depuis, » Depuis, ce genre de sur ceux qui sont derrière la fitreize tentatives de traversée et rencontres s’est multiplié. « Ce lière des bateaux. jusqu’en jusqu ’enoctobr octobree decetteannée,on n’est pas la norme, mais ça devient Ce jeu d’accusations mutuelles était sur le même ordre de gran- presque commu commun n », poursuit-il. entre Londres et Paris est un clasPour le ministère de l’intérieur, sique de la gestion des migrants. deur. Depuis, cela augmente de façon exponentielle. » cette soudaine augmentation des L’approche du gouvernement londres
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- correspondance
britannique a toujours été la même : c’est aux Français de bloquer les migrants ; en échange, il contribue financièrement aux opérations nécessaires, pour lesquelles il a versé 170 millions d’euros ces dernières années. Cette politique sécuritaire, en renforçant barrières et moyens de surveillance, a permis de réduire très fortement le nombre de passages par le port de Calais ou le tunnel sous la Manche. Mais cela pousse les migrants à chercher de nouvelles filières. Certains tentent de monter dans des camions dès la Belgique, par exemple. L’apparition de traversées par la Manche relève de la même logique. Pour Steve Valdez-Symonds, de l’organisation non gouvernementale Amnesty International, cette réponse des autorités françaises et britanniques est inadéquate. « Tant qu’il n’y a pas une ré ponse directe directe aux besoins des des mi grants, à savoir un endroit où ils peuvent demander demander l’asile pour le Royaume-Uni, Royau me-Uni, les passeurs passeurs conticontinueront à les exploiter. C’est aux Français de de s’en occuper, occuper, mais en même temps, c’est trop facile pour le RoyaumeRoyaume-Uni Uni de regarder regarder ailleurs. » » Pendant ce temps-là, l’inquiétude des secours en mer est de bientôt retrouver des corps de migrants qui auraient péri lors d’une de ces traversées. p éric albert
correspondante
La Turquie fera tout son possible pour empêcher la création d’une région kurde
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ris de court par l’annonce du retrait américain de Syrie, Moscou et Ankara « sont tombés d’accord » pour coordonner leurs actions à l’est de l’Euphrate, après le départ, sans calendrier précis pour le moment, des forces américaines présentes sur le terrain.« terrain. « La Turquie et la Russie discutent de qui mettra la main sur les territoires laissés par les América Amé ricains ins», résumait le site d’information Anna formation Annanews news.com .com,, proche de l’armée russe. Rien de concret n’est ressorti de la rencontre entre officiels turcs et russes à Moscou, samedi 29 décembre. « Nous avons le désir commun de nettoyer le territoire syrien de toute organisation terroriste », », a souligné Mevlüt Çavusoglu, le ministre turc des affaires étrangères après des entretiens avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. Tout sourire, ce dernier s’est dit« dit « optimiste » sur » sur l’avenir de la coopération entre les deux partenaires en Syrie. L’optimisme des deux pays tranche avec les tensions observées sur le terrain, où les forces kurdes YPG, ex-protégées des Américains dans la lutte contre les djihadistes de l’organisation Etat islamique (EI), font face à des menaces d’attaque de la part de la Turquie. Depuis la mi-décembre, le président Recep Tayyip Erdogan et son ministre de la défense, Hulusi Akar, n’ont eu de cesse de menacer les YPG d’une offensive pour les déloger des territoires qu’elles contrôlent de part et d’autre de l’Euphrate. Maintien de la pression militaire
Samedi matin, alors que la délégation turque s’apprêtait à s’envoler pour Moscou, de nouveaux blindés turcs ont été acheminés vers Sanliurfa, le long de la frontière turco- syrienne, où un dispositif militaire est en place depuis plusieurs semaines déjà. Ankara continue de maintenir la pression militaire à la frontière et dans la région de Manbij, tout en négociant ferme avec ses alliés pour mieux tirer son épingle du jeu dans le nouvel ordre qui se dessine en Syrie. Car malgré son apparente victoire diplomatique, M. Erdogan, courtisé par Washington et par Moscou, se retrouve dans une position délicate. Si le retrait américain lui laisse le champ libre pour, comme il le clame, « en finir » avec » avec les KYPG kurdes, il lui est impossible de lancer son offensive dans le nord-est de la Syrie sans l’aval de la Russie, le principal soutien militaire de Bachar Al-Assad. Or, Moscou veut voir les territoires laissés par les Américains passer sous le contrôle du régime syrien. « Les zones évacuées par les
Américains devront être reprises Américains par Damas », a expliqué Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, mercredi 26 décembre. Le président turc semble s’être fait à cette idée. « Notre principal objectif est que les organisations terroristes partent », » , et, en ce cas, « nous n’aurions plus rien à y faire», déclarait-il deux jours plus tard. Son principal souci n’est pas Damas, mais la perspective de voir émerger à sa frontière une région autonome kurde gérée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), devenu la bête noire d’Ankara en raison de la guérilla qu’elle mène depuis 1984 contre l’armée turque. « Que Damas, après le départ des Américains Améri cains,, reprenn reprennee le contrôl contrôlee des régions kurdes du nord de la Syrie, pourrait être vu comme un moindre mal par Ankara », » , explique un diplomate sous le couvert de l’anonymat. A condition que la Russie et l’Iran, ses partenaires au sein du groupe d’Astana censé ramener la paix en Syrie, lui offrent des garanties pour sa sécurité. La Turquie fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la création d’une région kurde, ou même l’ébauche d’une continuité territoriale kurde dans le nord de la Syrie. Elle mise plus que jamais sur la création de « zones tam pons» dans les régions majoritairement peuplées d’Arabes à la frontière turco-syrienne. Ses revendications seront au menu du prochain sommet du groupe d’Astana, qui devrait se dérouler en Russie début janvier. Les tractations diplomatiques s’intensifient. John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale du président américain, Donald Trump, est attendu à Ankara les 8 et 9 janvier pour évoquer les détails du retrait. Pour Ankara, la question centrale est celle des armes livrées en 2017 par le Pentagone aux forces kurdes en vue de la prise de Rakka, la capitale autoproclamée de l’EI. Elles devraient être reprises par les Américains au moment de leur retrait, insistent les diplomates turcs. Une restitution qui s’annonce improbable. Alors qu’aucun calendrier de retrait n’a encore été rendu public, l’agence Reuters a indiqué vendredi que le Pentagone recommandait à la Maison Blanche de les laisser sur place. p marie jégo
ÉTATS-UNIS
SERBIE
L’impression de journaux perturbée par une cyberattaque Une attaque informatique a retardé la distribution, samedi 29 décembre, de plusieurs grands journaux américains comme le New le New York York Times ou le Los Angeless Times. Times. le Los Angele D’abord pris pour une panne de serveur, le piratage a frappé un réseau d’ordinateurs d’ordinat eurs chez Tribune Publishing, qui est connecté au processus de production et d’impression de plusieurs journaux à travers le pays. La société n’est pas encore en mesure d’identifier la source de cette attaque. – attaque. – (AFP.)
Manifestations contre le président Vucic Des dizaines de milliers de personnes ont défilé, samedi 29 décembre, pour le quatrième samedi d’affilée à Belgrade contre le président serbe, Aleksandar Vucic. Criant « Vucic voleur », les manifestants, soutenus par l’opposition, reprochent à cet ex-faucon ultranationaliste devenu proeuropéen de museler les médias et la société civile. M. Vucic avait déclaré dans la semaine être « prêt à écouter les remarques des citoyens qui manifestent, pas celles celles des menteurs menteurs de l’opposition ». » . – (AFP.) (AFP.)
planète & science | 5
0123 MERCREDI 2 JANVIER 2019
Un petit scarabée rongee les arbres rong de Johannesburg Le scolyte, qui serait serai t arrivé d’Asie d’Asie du Sud-Est, met en péril l’une des plus grandes forêts urbaines du monde REPORTAGE johannesburg - correspondance
U
loppe un champignon, Fusari champignon, Fusarium um euwallaceae,, qui asphyxie la euwallaceae jeune écorce, ce qui, à terme, peut tuer l’arbre. Avec d’autres résidents, Andrea Rosen a fondé l’Alliance pour la forêt urbaine de Johannesburg, une association qui tente par tous les moyens d’alerter l’opinion sur la menace du scolyte. A l’heure actuelle, personne n’est en mesure de dire combien des 6 à 10 millions d’arbres que compte la ville sont affectés. « Mais vu que plus de q uatrevingts espèces sont touchées, ça pourrait être des dizaines, voire des centaines de milliers », affirme l’arboriste Julian Or tlepp.
n petit scarabée, pas plus gros qu’une fourmi, fait des ravages dans l’une des plus grandes forêts urbaines au monde plantée par l’homme. L’arrivée de l’été austral fin décembre renforce les craintes des résidents de Johannesburg et des spécialistes de la végétation, qui s’inquiètent des dommages causés par le scolyte polyphage Euwallacea Euwa llacea fornicat fornicatus, us, en anglais « polyphagous shothole borer beetle » (PSHB), un insecte originaire d’Asie envahissant et tueur d’arbres. « Lorsque les arbres auront fini de fleurir, c’est là qu’on « Symptômes différents » verra vraiment l’étendue des dé- Ce « chirurgien pour arbres », gâts et qu’on qu’on compt comptera era les les morts morts», comme le présente sa carte de viexplique, dépitée, Andrea Rosen. site, est venu inspecter le jardin Cette quinquagénaire amou- d’Andrea. « La difficulté, c’est que reuse des arbres vit depuis vingt tous les arbres présentent des ans à Craighall Park, l’un des symptômes différents », expliquequartiers qui bordent le parc t-il en montrant des résidus de Delta, un poumon vert de sève cristallisés sur un chêne, si100 hectares au cœur de la méga- gne de la présence du scarabée. lopole sud-africaine. ConséLe duo poursuit la visite vers quence du plan de développe- l’avenue de Buckingham, où, ment imposé par le régime de d’après eux, tous les arbres sont l’apartheid, ces quartiers sont condamnés. Un résident a pris la plutôt blancs et aisés. Très ver- liberté d’entourer les troncs d’un doyants, les jardins y sont co- ruban jaune et d’y agrafer des affipieusement arrosés et parfaite- ches rouges où est inscrit « Retirez ment entretenus. cet arbre mort… et cherchez sur Au fond de son terrain, Andrea Google “PSHB” ». ». « MalheureuseRosen montre un érable de Chine ment, la tendance ici a été de plandont le tronc écorcé est parsemé ter une même espèce par rue. Ça de trous minuscules. « Le scolyte fait plus plus joli, joli, mais mais lorsque lorsque il y a un entre par les fissures de l’écorce, insecte ravageur, il faut tout abatdonc on ne sait pas tout de suite tre », commente M. Ortlepp. Or, avec le scolyte polyphage, acquel arbre est touché. Ensuite, le scarabée creuse des sillons et s’en- tif sur des dizaines d’espèces dis fonce très profondémen profondément. t. Aucun tinctes, l’étendue des dégâts ris pesticide ne fonctionne», déplo- que d’être plus catastrophique enre-t-elle. Dans ces sillons se déve- core. Il suffit de faire quelques ki-
Le parc Delta, poumon vert d’une centaine d’hectares au cœur de la mégalopole d’Afrique du Sud. MARC SHOUL POUR « LE MONDE »
intra-muros. Symbole de l’opu- municipale Nonhlanhla Sifumba. lence liée aux métaux précieux, la Le rapport est attendu en janvier. politique de boisement visait Même son de cloche du côté du aussi à absorber les épais nuages département des parcs et forêts: forêts : de poussière dégagés par l’exploi- « C’est un problème complexe et tation minière. plutôt nouveau. plutôt nouveau. Nous en sommes sommes Avec le scolyte, la physionomie toujours à la phase d’investigades quartiers nord pourrait être tion », », souligne Louise Gordon, profondément bouleversée. En l’une des responsables de Johanparticulier les frondaisons visi- nesburg City Parks. Le départebles depuis le quartier d’affaires ment, qui est responsable d’envide Sandton, ou la coulée verte re- ron 3 millions d’arbres des rues et liant une série de parcs publics des parcs, a créé une base de donlomètres en dehors de la ville depuis le zoo de Johannesburg et nées et encourage les habitants à pour s’en rendre compte : la végé- remontant vers le nord-ouest. signaler les arbres malades. tation traditionnelle de cette réOr, l’association d’Andrea Rogion, par ailleurs située à sen dénonce l’inaction de la mu- Un insecte qui s’adapte 1 650 mètres d’altitude, est la sa- nicipalité : « : « Ils font l’autruche et « Dans l’immédiat, la municipalité vane, soit de longues étendues ne répondent même plus à nos pourr pourrait ait au moins moins prévoir prévoir des déarides parsemées de quelques appels appels.. Le gouvernement devrait devrait charges spéciales où le bois serait graminées. Avec la ruée vers l’or, à déclarer l’état de catastrophe na- brûlé. On a déjà trouvé des arbres la fin du XIXe siècle, les fermes turelle. Moins d’arbres signifient infectés à Soweto [township majopréexistantes ont vu pousser une plus de pollution, pollution,moins d’infiltra d’infiltra-- ritairement noir situé à 40 kilomècité minière qui, en quelques dé- tion de l’eau de pluie, et surtout tres de Sandton], où, Sandton], où, visiblement, le cennies, est devenue la capitale c’est du pain bénit pour les pro- scarabée est arrivé par du bois de économique de l’Afrique Afrique du Sud. moteurs irresponsables qui bé- chauffage », », prévient Wilhelm de tonnent tout ! » Beer, de l’Institut de biotechnoloDu côté des autorités, l’heure est gie forestière et agricole, rattaché à « Ils font l’autruche » Hormis le centre-ville qui compte à la prudence. « Nous avons mis en l’université de Pretoria. C’est une quelques gratte-ciel, la ville de place une commis commission sion mult multisect isectoo- chercheuse de son équipe, Trudy 8 millions d’habitants s’est déve- rielle, et on attend les retours des Paap, qui a identifié le scolyte loppée horizontalement, sur une chercheurs avant de prendre une en 2017 lors d’une enquête de rousuperficie qui fait seize fois Paris décision », explique la conseillère tine au jardin botanique de Pieter-
Le scolyte creuse des sillons dans l’arbre, où se développe un champignon qui asphyxie la jeune écorce
New Horizons poursuit sa visite visite des confins du Système solaire La sonde va survoler Ultima Thulé, un astre glacé qui pourrait livrer des indices sur la formation des planètes
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n l’aurait presque oubliée tant elle est loin de nous. La sonde New Horizons de la NASA avait eu son heure de gloire le 14 juillet 2015 en étant le premier engin humain à survoler la planète naine Pluton. Elle avait alors envoyé aux astronomes des photos époustouflantes de ce corps gelé, d’une topographie bien plus complexe que ce que l’on imaginait. Et le vaisseau, qui n’avait pas les moyens de se mettre en orbite autour de Pluton, avait poursuivi sa route, s’enfonçant à la fois dans les tréfonds du Système solaire et dans ceux, non moins sombres, de notre mémoire. Cependant, la mission de New Horizons n’était pas terminée. Voilà que la sonde, désormais à 6,5 milliards de kilomètres de nous, resurgit pour le premier jour de 2019 où elle survolera un petit astre glacé que la NASA a baptisé Ultima Thulé, en référence au nom de Thulé que le navigateur massaliote Pythéas avait attribué, au IVe siècle av. J.-C., à la contrée la plus septentrionale de l’Europe. Le nom officiel de cet objet céleste d’une trentaine de kilomètres de diamètre est 2014 MU69. Il s’agit de l’un des milliers de corps qui occupent ce que les
spécialistes nomment la ceinture de Kuiper, du nom de l’astronome néerlando-américain Gerard Kuiper (1905-1973) qui, le premier, suggéra l’existence, audelà de l’orbite de Neptune, d’une zone peuplée d’astres froids et modestes en taille. Ainsi que l’explique le planétologue François Forget, directeur de recherches au CNRS impliqué dans la mission New Horizons, « pendant longtemps on a eu une vision assez simple du Système solaire : quatre planètes telluriques – Merc Mercure, ure,Vé Vénus, nus,la Ter Terre re et Mars–, quatre planètes gazeuses – Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – et un canard bizarre et solitaire qui était Pluton. Plut on. Aujour Aujourd’hui, d’hui, la la ceinture ceinture de de Kuiper Ku iper est considé considérée rée comme comme une vraie grande partie du Système solaire, une troisième zone remplie de nombreux objets dont Pluton, l’un des plus gros, est l’ambassadeur. » 51 000 kilomètres/heure
Etudier in situ un des représentants de ces objets transneptuniens (TNO, selon l’acronyme anglais) est à la fois une première dans l’histoire de l’astronomie et une chance pour les chercheurs. A peine visibles dans les télescopes tellement ils sont minuscules et lointains, les TNO n’y apparaissent
que sous la forme de points et les informations que l’on récolte à leur sujet s’avèrent bien maigres. Pourtant, mieux connaître ces astres primitifs permettrait de remonter à la naissance du Système solaire il y a un peu plus de 4,5 milliards d’années, et de livrer des indices sur la manière dont se sont alors agrégées les planètes. Les images et les données de New Horizons sont donc attendues avec une certaine impatience. Mardi 1er janvier, à 6 h 33 (heure de Paris), l’émissaire robotisé de la NASA, filant dans l’espace à près de 51 000km/h, passera à 3 500 km d’Ultima Thulé, dont on sait déjà qu’il s’agit d’un objet de forme allongée, cette information ayant été obtenue en le regardant occulter une étoile. « On se demande s’il s’agit d’un seul corps qui, comme la comète Tchouri étudiée par la sonde Rosetta, ressemblerait à deux patates collées, ou bien s’il s’agit de deux corps qui tournent très près l’un de l’autre, précise François Forget. Si c’est un seul objet, a-t-il été créé ainsi ou bien est-ce le fragment d’un plus gros corps, auquel cas il pourrait pourra it avoi avoirr été été chaufféen se brisant et présenter des couches ? » D’autres questions concernent sa composition, la présence
d’une atmosphère ou d’anneaux. « Ce ne sera pas aussi spectaculaire que pour Pluton, où l’on a découvert un autre monde, explique le planétologue , mais il y aura quand même l’excitation de survoler quelque chose de totalement nouveau ! » Débusqué par Hubble
Le plus incroyable de cette aventure scientifique réside dans le fait que, lorsque New Horizons a quitté la Terre le 19 janvier 2006, la NASA ignorait quelle serait sa destination après Pluton, car Ultima Thulé n’avait pas encore été découvert… « On a commencé par chercher une cible avec de gros télescopes terrestres, rappelle François Forget , , un objet dans dans le cône atteignable par la sonde, mais on
On sait déjà qu’il s’agit d’un objet de forme allongée, cette information ayant été obtenue en le regardant occulter une étoile
n’a rien trouvé du tout. La NASA a donc demandé du temps d’observation sur le télescope spatial Hubble, avec avec une très très grosse grosse prespression pour détecter des TNO. A vivre, c’était assez particulier, et il y a même eu un moment où tout le monde a pensé qu’on ne trouverait pas de cible. Au bout du compte compte,, on a eu des centaines d’heures sur Hubble,ce qui qui était était excep exceptionne tionnel.l. » Heureusement pour la mission, Ultima Thulé est apparu en 2014 sur une des images prises par le télescope spatial, ce qui a laissé assez de temps pour étudier son orbite et programmer les changements de trajectoire nécessaires afin que New Horizons aille lui rendre visite. Dans une déclaration publiée par le Guardian Guardian,, Alan Stern, le responsable de la mission, explique qu’il faudra « environ vingt mois pour récupé récupérer rer les les données données» enregistrées lors du survol du 1er janvier. Et il pense déjà à la suite. La sonde a encore du carburant, ses instruments sont opérationnels, sa batterie nucléaire peut lui fournir de l’électricité pendant des années. Mais aucune nouvelle cible n’est en vue… Cette fois-ci, New Horizons pourrait bien poursuivre sa course vers nulle part. p pierre barthélémy
maritzburg, à 500 kilomètres au sud de Johannesburg. Contrairement à d’autres ravageurs et maladies qui se focalisent généralement sur une essence d’arbres, comme les platanes le long du canal du Midi, les ohias d’Hawaï ou les séquoias de Californie, l’ Euwallacea Euwallacea fornicatu fornicatuss s’attaque aussi bien aux arbres indigènes qu’aux variétés exotiques et s’adapte à une multitude de climats, souligne M. de Beer. « On suspecte que le scarabée soit arrivé d’Asie du Sud-Est par conteneur au port de Durban, certainement dans des palettes de bois mal traitées », », explique-t-il. Le scientifique revient tout juste des Etats-Unis, où le même scolyte a ravagé les arbres de Californie, en particulier les avocatiers. La solution préconisée aux EtatsUnis : abattre tous les arbres infectés, en visant prioritairement les espèces où le scarabée se reproduit. Pour l’Afrique du Sud, cela concerne une vingtaine d’espèces sur les quatre-vingts concernées. Cette option risque bien d’être la seule vers laquelle Johannesburg devra se tourner. p adrien barbier
INTEMPÉRIES
Plus de soixante morts dans une tempête aux Philippines Soixante-huit personnes ont péri dans la tempête Usman qui a balayé samedi 29 décembre le centre des Philippines, selon un nouveau bilan provisoire annoncé par les autorités lundi 31 décembre. Cette tempête n’était pas accompagnée de vents puissants comme c’est le cas lors des typhons, mais elle a généré d’intenses précipitations qui ont entraîné des inondations et fragilisé les sols, d’où de nombreux glissements de terrain. Au moins 17 personnes sont portées disparues, et plus de 40 000 autres ont été dépla(AFP.) cées par sécurité. – sécurité. – (AFP BIODIVERSITÉ
Les pesticides de synthèse interdits aux particuliers A partir du 1 er janvier, la vente de produits phytosanitaires est interdite aux particuliers en France, de même que leur usage et leur stockage. Cette disposition découle de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Les collectivités locales, elles, n’ont plus le droit d’utiliser de pesticides de synthèse dans les parcs et les jardins publics depuis le 1er janvier 2017. – 2017. – (AFP.) (AFP.)
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FRANCE
0123 MARDI 1ER - MERCREDI 2 JANVIER 2019
MUNICIPALES DE 2020
Avant la bataille de Paris, Anne Hidalgo cherche la paix des braves La maire de la capitale tente de se réconcilier réconcilie r avec av ec de nombreux responsables re sponsables et réactive ses réseaux pour préparer le scrutin de 2020
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es orages au-dessus de la tête d’Anne Hidalgo ont commencé à s’éloigner. Dan s les rues , les Vélib’ ont fait leur timide retour. Les trottinettes et les voitures électriques en libre-service remplacent cahin-caha les Autolib’ disparus. Dans la grande salle à manger de l’Hôtel de ville avec vue sur Not re-Dame, quelques fleurs ornent la nappe blanche. Ce mardi 16 octobre, Anne Hidalgo s’apprête à recevoir François Hollande à sa table. « Dé jeuner privé», indique son agenda. L’entrevue est restée secrète. « C’était un déjeuner amical, se souvient l’ex-chef de l’Etat. l’Etat. Il s’agissait de parler de Paris», confie-t-il au Monde au Monde.. « Si nous avons eu des incompréhensions mutuelles, elles sont der rière no us », balaie-t-il, éludant le souvenir des violentes diatribes de la maire de Paris contre lui sous son quinquennat. « Pour moi, la vision d’Anne Hidalgo corres pond à ce qu’il faut faire pour la suite à Paris», insiste François Hollande. Au dessert, la concorde semble régner entre les deux convives. « Hidalgo et Hollande ont vécu chacun un bashing violent. L’adversité adversité les a rapprochés. Entre eux, ce n’est pas la paix, mais la solidari solidarité té des brave bravess », décrypte un proche de la maire de la capitale. « TROUVER DE NOUVEAUX TALENTS »
Avant de se lancer dans la bataille pour un nouveau mandat en 2020, Anne Hidalgo a entrepris d’effacer les brouilles, de se rabibocher et de renouer avec celles et ceux qu’elle avait perdus de vue ou effacés de ses tablettes. En tentant ces réconciliations, la maire de Paris veut prouver qu’elle n’est pas isolée au moment où il lui faut resserrer, derrière elle, les rangs de sa majorité, en vue des municipales.
Le m ouvement des « gilets jaunes » l’a confortée dans cette stratégie. A peine Emmanuel Macron a-t-il annoncé, le 10 décembre, un « grand débat national » en janvier qu’Anne Hidalgo a proposé de l’organiser à Paris sous forme d’une « conférence du consensus». ». L’expression a été « choisie à dessein », précise son cabinet. « Elle « Elle tradui traduitt l’esprit œcuménique œcuménique dans lequel elle a piloté la crise des “gilets jaunes” et qui l’a conduite à ne surtout pas rechercher des clivages politiciens », », explique son entourage. Fin janvier, Anne Hidalgo devrait entrer en précampagne, avec le lancement officiel de « Paris en commun », du nom de l’association qui doit fédérer ses soutiens au-delà des clivages partisans. « “Paris en commun” réunira des experts en vue d’élaborer un pro jet pour Paris pour 2020-2026», explique Jean-Louis Missika, adjoint chargé de l’urbanisme. L’association servira aussi à « trouver les nouveaux talents dont elle aura besoin », », ajoute l’élu. La maire de Paris ne s’y impliquera pas dans les premiers temps. Elle se laisse jusqu’à l’automne 2019 pour officialiser sa candidature. Elle a toutefois déjà commencé à activer ses réseaux parmi les intellectuels et à mobiliser des personnalités susceptibles d’être des relais d’opinion. Fin septembre, dînaient ainsi autour d’elle, à l’Hôtel de ville, l’historien Alexandre Adler, la journaliste et nouvelle présidente de la Fondation pour la nature et l’homme Audrey Pulvar, l’avocate Corinne Lepage, l’écrivain Alexandre Jardin, l’universitaire spécialiste de la « ville intelligente » Carlos Moreno, ou la philosophe Cynthia Fleury. Si Anne Hidalgo entend montrer que sa base politique s’étend au-delà des partis, « sa priorité sera d’arriver largement en tête au premier tour, rappelle Patrick Bloche,
adjoint (PS) à la Mairie, pour pour ensuite ensuite pouvoi pouvoir r décider librement de ses accords de second tour ». ». Ce qui justifie qu’elle soit « dans une forte dynamiq dynamique ue de rassemblem rassemblement ent de la gauche », », observe Rémi Féraud, le patron des socialistes parisiens. Le 7 décembre, Anne Hidalgo a également invité Raphaël Glucksmann, fondateur du mouvement Place publique, à débattre avec elle dans le cadre de « La nuit des débats » organisée par la municipalité. Mais la maire de Paris veut éviter « de se gauchir », » , rappelle Rémi Féraud. Sa volonté de préserver un axe de gravité qui reste social-démocrate l’a ainsi convaincue de renouer, ces derniers mois, avec des figures du PS, ex-ministres de gouvernements de gauche. RIEN N’EST LAISSÉ AU HASARD
Dans cette stratégie, Anne Hidalgo n’a rien laissé au hasard. Le 5 novembre, elle a débarqué à Lille avec un petit cadeau pour Martine Aubry Aubry.. Présidente de l’Association internationale des maires francophones (AIMF), la maire de Paris a tenu son congrès dans la capitale du Nord. L’occasion lui a permis de montrer que le contact était rétabli avec la maire de Lille, depuis leur brouille en 2011. Anne Hidalgo en avait voulu à Martine Aubry, à l’époque patronne du PS, d’avoir donné à Cécile Duflot son feu vert à sa candidature aux législatives à Paris, en 2012. A Lille, les deux édiles ont fait assaut d’amabilités. Martine Aubry « est une amie, a amie, a rappelé Anne Hidalgo en ouverture du congrès. Je n’ou n’oublie blie pas pas que que j’ai ai démarr démarréé dans dans son son cabicabinet [au ministère du travail en 1997]. J’y 1997]. J’y ai beaucoup appris, beaucoup, beaucoup dans la façon dont on on doit doit construir construiree les comba combats ts», », a a insisté la maire de Paris, repartie de Lille avec
SI NOUS AVONS EU DES INCOMPRÉHENSIONS MUTUELLES, ELLES SONT DERRIÈRE NOUS » «
FRANÇOIS HOLLANDE
ancien président de la République
un cadeau de son hôte. « Ma chère Anne », a répété trois fois Martine Aubry, avant de rendre un hommage appuyé à son « courage » pour faire en sorte qu’« qu’« on respire mieux à Pariss ». « On n’est plus fâchées depuis très long Pari temps, confie au Monde au Mondela la maire de Lille. Lille. Nos relations sont tout à fait normales. J’ai du reste Jean-Marc JeanMarc Germa Germain in [ancien directeur de cabinet de Martine Aubry au PS et mari d’Anne Hidalgo] au Hidalgo] au moins une fois par semaine au téléphone ! », ajoute-t-elle. Avec Ségolène Royal, la maire de Paris a aussi eu des contentieux, jadis. Mais « le temps où elles s’échangeaient des vacheries est révolu », assure un proche de l’ancienne
Issu de la droite, Pierre-Yves Pierre-Yves Bournazel Bournazel rêve rêve de faire faire le pont av avec ec LRM Le député proche d’Alain Alain Juppé, mais aujourd’hui sans étiquette, se voit en candidat du consensus c onsensus pour les municipales
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tous ceux qu’il reçoit dans son bureau avec vue panoramique sur l’Hôtel de ville, Pierre-Yves Bournazel explique qu’il « prépare une offre politique inédite pour Paris ». Alors que la droite parisienne et La République en marche (LRM) se cherchent toujours un candidat pour 2020, le député (Agir) de la 18e circonscription de Paris pense qu’il a une fenêtre de tir. Le quadra, issu des rangs de la droite parisienne, mais sans étiquette aujourd’hui, laisse entendre qu’il va se présenter sous ses propres couleurs, avec la conviction qu’il est le mieux placé pour rallier les électeurs macronistes
et ceux du centre droit aux municipales dans la capitale. A l’entendre, Emmanuel Macron aurait intérêt à l’adouber plutôt que d’investir un ministre, un parlementaire, voire un simple élu estampillé LRM. Conseiller de Paris depuis 2008, donc au faîte des arcanes parisiennes, Macron-compatible sans être adhérent du parti présidentiel, Pierre-Yves Bournazel fait valoir que soutenir sa candidature éviterait à LRM de subir « la foudre d’un vote-sanction contre le gouvernemen gouve rnementt ». « Si Macron Macron veut veut éviter de nationaliser la campa gne et ne pas trop s’expos s’exposer er dans une bataille à l’issue incertaine, la solution, c’est Bour nazel », », pro-
clame un proche du quadra. Toutefois, un tel scénario est encore loin d’avoir convaincu dans les rangs macronistes. « Les “marcheurs” souhaitent un candidat issu du parti, assure un parlementaire parisien LRM. Seule LRM. Seule une partie des électeurs de Macron soutiendrait Bournazel, le reste se rallierait à Hidalgo », redoute », redoute cet élu.
BOURNAZEL FAIT VALOIR QU’IL ÉVITERAIT À LRM DE SUBIR « LA FOUDRE D’UN VOTE SANCTION CONTRE LE GOUVERNEMENT »
Proche d’Alain Juppé dont il fut porte-parole pendant la primaire de 2016, élu député avec le soutien d’Edouard Philippe en 2017, Pierre-Yves Bournazel n’est pas moins persuadé que son profil modéré est plus à même de séduire l’électorat de droite parisien qu’un candidat du parti Les Républicains (LR), obligé de donner des gages à la ligne dure de Laurent Wauquiez. Membre du groupe Les Républicains et indépendants au conseil de Paris – même s’il a rendu sa carte LR depuis 2017 –, M. Bournazel a, du reste, le soutien de plusieurs « barons » de la droite : Philippe Goujon, maire (LR) du 15e arrondissement, Claude Goasguen, député (LR) du 16e, ou Jean-Fran-
çois Legaret, maire (LR) du 1er. Certains élus LR de la nouvelle génération telle Valérie Montandon, conseillère de Paris dans le 12e, misent aussi sur lui. « Homme de terrain »
Député d’un arrondissement populaire après avoir conquis un siège longtemps détenu par le PS, Pierre-Yves Bournazel se fait fort aussi de séduire les électeurs de centre gauche « déçus par Anne Hidalgo». Elu de Montmartre, berceau électoral de Bertrand Delanoë, il ne manque pas une occasion de citer l’ancien maire de Paris : « Delano « Delanoëë est pour moi une source d’inspiration par son parcours et sa créativité », glisse-t-il.
Mais, pour le moment, « les personnalités de gauche » dont il assure qu’elles le « soutiendront le moment venu » restent discrètes. Il peut se targuer en revanche du soutien de Max Guazzini. L’ancien patron de la radio NRJ et du club de rugby du Stade français juge qu’« qu’« il est le meilleur candidat pour être maire maire de Paris. C’est est un homme de terrain, modéré, le seul qui peut faire consensus et donc permettre perme ttre l’alternance l’alternance», affirmet-il au Monde Monde.. Ami de Bertrand Delanoë, Max Guazzini avait soutenu Anne Hidalgo en 2014. Mais il juge aujourd’hui que, sous son mandat, la « qualité de vie à Paris s’est dégradée ». ». p béatrice jérôme
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MARDI 1ER - MERCREDI 2 JANVIER 2019
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En Macronie, le bal des prétendants Au sein de La République en marche, les esprits et les candidats s’échauff s’échauffent ent La maire de Paris, Anne Hidalgo, le 20 septembre.
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BRUNO FERT POUR « LE MONDE »
sieurs responsables du PS qui soutenaient François Hollande alors qu’elle le pilonnait du temps où il était à l’Elysée. La paix a été d’autant plus facile à sceller avec ces « éléphants » que «tout « tout le monde mise sur elle pour garder Paris. Du coup, personne n’a envie de l’emmerder », résume un ancien membre du bureau national du PS. PISTE CYCLABLE
ministre de l’environnement. Le 1er novembre, Anne Hidalgo a publié, sur son compte Twitter, un message engageant à« à « lire absolument » » le livre « courageux » de Ségolène Royal, Ce que je peux enfin vous dire ( Fayard, Fayard, 2018). « C’est sympa. C’est sincère, non ? Je ne pense pas qu’il y ait d’arrière-p d’arrière-penensée », réagit auprès du Monde Monde l’ex-candidate à la présidentielle. Ségolène Royal raconte pourtant dans son livre comment elle s’est opposée à la demande de la Fédération de tennis de Paris, soutenue par Anne Hidalgo, qui voulait son accord pour l’abattage «de « de 190 arbres » sur le site classé des serres d’Auteuil, dans le cadre du projet d’extension du stade Roland-Garros. « Une ministre de l’environnement ne si gne pas pas l’aba l’abattage ttage de 190 190 arbres arbres dont dont certain certainss centenaires, en plein Paris, pour construire un court de tennis qui sert quinze jours par an », se justifie Ségolène Royal. Puis elle ajoute : « J’ai avec Anne des relations cordiales, mais exigeantes. Je ne vais pas en rabattre sur mes convictions écologiques parce que telle élue a une étiquette de gauche. » L’entente entre elles est donc (presque) parfaite… Avec Jack Lang, Anne Hidalgo a tôt fait d’étouffer un incendie naissant sur les réseaux sociaux. Le 5 juin, l’ancien ministre de la culture avait envoyé depuis son compte Twitter un conseil acide à la maire de Paris. « Je rentre d’un séjour à Tokyo. La ville est d’une propreté exemplaire. Paris pourrait s’en inspirer » , avait-il écrit. Plutôt qu’un tacle en réponse, Anne Hidalgo a croisé, en août, Jack Lang au Festival d’Angoulême, rapporte un proche. « Ils « Ils se sont parlé. Il lui a dit qu’il regrettait son Tweet. Pour finir, finir, ils ont défilé ensemble ensemble à la Techno Parade en septembre. septembre.» S’il peut arriver que, en privé, Jack Lang trouve que« que « Paris est mal géré », », la la querelle est donc, au moins en façade, derrière eux. Dans son opération de réconciliation, Anne Hidalgo a également renoué avec plu-
Anne Hidalgo et Olivier Faure se sont vus après le congrès d’Aubervilliers d’avril, au cours duquel le député de Seine-etMarne est devenu le premier secrétaire du parti à la rose. « De mémoire, c’était à ma demande. Et tout s’est bien passé », », confie Olivier Faure. Critique par le passé envers la politique de restriction de la voiture à Paris, le patron des socialistes salue désormais le « courage » » d’Anne Hidalgo en matière d’écologie. Le 19 septembre, la maire de Paris a jugé bon de proposer à Stéphane Le Foll d’inaugurer en Vélib’ la nouvelle piste cyclable de la rue de Rivoli. « Elle m’a invité. J’y suis allé et c’était très sympa », se », se souvient l’ancien ministre de l’agriculture de François Hollande, qui a demandé depuis à ses troupes socialistes parisiennes «de «de tout faire pour la réélection d’Anne », indique une militante. Anne Hidalgo ne cherche pas seulement à s’assurer des alliés à l’extérieur. A l’Hôtel de ville, elle a entamé des rapprochements avec l’aile droite du PS, plutôt macron-compatible. Elle a ainsi proposé à Roger Madec, ex-sénateur (PS) et soutien d’Emmanuel Macron lors de la présidentielle, d’entrer dans son exécutif. Lequel a décliné. Le 14 novembre, elle a invité Jean-Marie Le Guen à prendre un café dans son bureau. L’ex-secrétaire d’Etat de Manuel Valls, qui n’a jamais été dans ses petits papiers – et réciproquement –, attend toutefois de connaître la stratégie d’Anne Hidalgo avant de se prononcer sur son soutien aux municipales. Avant l’été, la maire de Paris a même croisé Myriam El Khomri lors d’un dîner. En novembre 2016, Anne Hidalgo avait pourtant estimé que la candidature de l’ancienne ministre du travail aux législatives en 2017 à Paris était « une très mauvaise idée ». » . « Elles se sont reparlé. Ça s’est bien passé », atteste l’entourage de la maire. L’échange « est resté très forme l », nuance celui de Myriam El Khomri, désormais reconvertie dans le conseil aux entreprises. Reste pour Anne Hidalgo à se réconcilier avec celui sans lequel elle n’aurait pas pu briguer le fauteuil de ma ire de Paris : Bertrand Delanoë. Depuis 2014, leurs relations se sont abîmées. Elle n’a pas compris qu’il ne l’ait pas prévenue avant d’annoncer, en mars 2017, qu’il soutiendrait Emmanuel Macron à la présidentielle. Lui n’a guère approuvé son antimacronisme et a été meurtri par des remarques acerbes attribuées au sérail hidalguiste, voire à la maire ellemême, sur son « héritage ». Les deux responsables ne se parlaient plus depuis longtemps. Cet été, Anne Hidalgo a appelé Bertrand Delanoë à Bizerte (Tunisie), l’a rappelé en septembre, puis l’a invité à plusieurs manifestations. Elle aurait voulu qu’il vienne déjeuner à l’Hôtel de ville, il lui a proposé de prendre un café chez lui. C’était début novembre. « Depuis qu’ils se sont parlé, Bertrand Bertr and est moins critiq critique ue env envers ers l’a l’action ction d’Anne d’A nne », témoigne un élu parisien. parisien. « On va vers une normalisation de leurs relations », », se réjouit un ami commun. Mais, paradoxalement, l’échéance des municipales incite chacun à rester silencieux sur ce chapitre. Anne Hidalgo ne veut pas donner l’impression qu’elle souhaite se rapprocher de Bertrand Delanoë à cause des échéances électorales. En privé, son prédécesseur à la Mairie confie à ses proches qu’il « ne se laissera instrumentaliser par personne pour les municipale municipaless ». ». A l’Hôtel de ville, certains augurent qu’en 2020, l’ancien maire de Paris campera sur son Aventin. p béatrice jérôme
DES SIX CANDIDATS, BENJAMIN GRIVEAUX EST LE SEUL À AVOIR VU LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
as de bordel ! » Jusqu’ici, la consigne passée par l’entourage d’Emmanuel Macron a été relativement respectée. Elle remonte à l’automne, quand le député La République en marche (LRM) Cédric Villani s’est officiellement mis sur les rangs pour Paris. Dernier arrivant sur la liste des prétendants plus ou moins officiels à la candidature pour la tête de liste parisienne aux municipales d’être ouverte ment en lice quand en 2020, le mathématicien, lauréat de «d’autrescultiventl’ambiguïté». ». la médaille Fields, n’est pas le moins Cédric Villani assure en outre que déterminé. « déterminé. « Je ne me serais pas lancé son profil de chercheur est un atout dans l’aventure si je pensais que ce se« pour incarner la capitale, ville univerrait impossible d’être désigné », », confie sitaire, ville étudiante, en compétition le député de l’Essonne. internationale avec les autres villes Au vu du score record obtenu à Paris monde ». Il entend révolutionner les par Emmanuel Macron à la prési- politiques municipales grâce à l’inteldentielle, les dirigeants de LRM peu- ligence artificielle sur laquelle il a révent supposer que « la capital e est digé un rapport parlementaire au gagnable en 2020, d’où la pléthore printemps. Conscient que son imd’ambitions », explique un cadre du plantation dans l’Essonne lui vaut de mouvement.. Alors que la commis- la part de ses rivaux un procès en mouvement sion d’investiture ne tranchera pas parachutage, il insiste sur ses liens avant les élections européennes de avec Paris : il y a été longtemps « étumai 2019, chacun, en coulisse, cher- diant, directeur de l’Institut Henriche à dessiner son projet. Poincaré, patron Poincaré, patron de plusieurs plusieurs associaassociaA ce stade, les noms de six possibles tions et même créateur d’un cinéprétendants circulent : le porte-parole club », rappelle-t-il. du gouvernement et député de la Le mathématicien à lavallière n’est 5e circonscription de Paris Benjamin pas le seul candidat officiellement Griveaux ; le député de l’Essonne déclaré à la candidature. Julien BargeCédric Villani ; le secrétaire d’Etat au ton est lui aussi sur les rangs. Sénateur numérique et élu du 19e arrondisse- de Paris, il travaille depuis plusieurs ment, Mounir Mahjoubi ; l’ex-adjoint mois à un projet dans lequel prioaux finances d’Anne Hidalgo Julien rité sera donnée à la lutte contre le Bargeton ; l’adjointe LRM au maire PS réchauffement climatique et à la « rédu 4e arrondissement, Anne Lebreton, volution digitale ». ». et le député de Paris Hugues Renson. De son côté, Anne Lebreton, adTous se retrouveront, le 28 janvier, jointe (LRM) au maire (PS) du 4e arronau théâtre Le Trianon, dans le 18e ar- dissement, Ariel Weil, affirme prurondissement, pour la restitution demment qu’elle a « la velléi té » de de la consultation des Parisiens, briguer l’investiture, et souligne « Paris & moi », lancée en octobre. qu’elle est la seule femme à LRM à oser Les adhérents du parti présidentiel vouloir défier Anne Hidalgo. Quant ont recueilli pendant six semaines à Hugues Renson, vice-président de près de 13 000 « témoignages » vocaux » vocaux l’Assemblée Assemblée nation ale et député (LRM) auprès de quelque 8 000 Parisie ns. du 15e arrondissement, il laisse Ce micro-trottoir à l’échelle de la ville entendre qu’il pourrait aussi postuler devrait alimenter le projet de LRM à la désignation. pour les municipales. Sur les rangs aussi, le secrétaire d’Etat au numérique, Mounir Mahjoubi.« Mahjoubi. « Les Parisienss ont profon Parisien profondément dément besoin « Rassemblement très large » Afin d’éviter que la soirée ne vire au bal qu’on les écoute, et j’ai envie de consdes prétendants, ministres, parle- truire le Paris de demain avec eux », mentaires et élus parisiens du mouve- confie-t-il au Mond au Mondee. « Après le mouvement ne monteront pas sur scène. ment des “ gilet giletss jaunes jaunes”, il est plus im« D’abord le diagnostic, ensuite le pro- port portant ant que que jamais jamais d’avoir avoir des person person- jet et enfin enfin les candidatur candidatures es », », martèle martèle nalités d’origine populaire, capables de le coanimateur du comité de pilotage porter une voix qui résonn résonnee dans les de LRM, Pacôme Rupin, garant du quartiers, y compris à Paris. C’est respect du calendrier. Le député de Pa- mon cas et c’est aussi celui de Marlène ris reproche à Cédric Villani d’avoir Schiappa», rappelle », rappelle l’élu du 19e. lancé sa campagne « à contretemps ». ». Premier à avoir manifesté son inté« Dommage que Villani joue perso en rêt pour Paris, sans pour autant se profitant profita nt de sa notorié notoriété té », déplore déclarer candidat, Benjamin GriM. Rupin, proche de Benjamin Gri- veaux fait depuis plusieurs mois, veaux. L’intéressé réplique qu’il « qu’il « joue sans micro ni caméra, le tour des co parfaiteme parfa itement nt collectif collectif » et revendique mités de « marcheurs » de la capitale.
« Il y a beaucoup d’élus LRM, des parlementaires et des référents locaux qui soutiennent ma démarche à Paris », assure-t-il », assure-t-il.. Il ajoute qu’il entretient de « bonnes relations avec les maires d’arrondissement de toutes sensibilités, mais aussi avec des personnalités comme PierreYves Bournazel », député (Agir) et conseiller de Paris dans le 18e, qui envisage lui aussi de se présenter, mais sans l’étiquette LRM.« LRM. « Je suis favorable dès le premier tour à un rassemblement très large avec des gens qui ne seront pas étiquetés En marche ! », proclame Benjamin Griveaux, qui espère enrôler Pierre-Yves Bournazel. Le porte-parole du gouvernement note que les résultats de la consultation « Paris & moi » sont accablants pour la maire actuelle. Nombre de témoignages déplorent la dégradation de l’espace public et la montée de l’insécurité, principalement dans les arrondissements périphériques. Benjamin Griveaux a déjà commencé à travailler avec des experts sur l’idée d’une police municipale parisienne avec des pouvoirs donnés aux maires d’arrondissement. « Un enfer au quotidien »
« C’est est bien, comme le fait M me Hidalgo, de s’occuper des arrondissements centraux, ironise-t-il. ironise-t-il. Mais Mais il faut faut entend entendre re ce que nous disent les Parisiens des quartiers populaires, ceux qui ne peuvent pas rentrer chez eux sans croiser des dealers, où les jeunes filles font des détours pour ne pas passer sur certains trottoirs, où les femmes sont interdites dans certains bars. Il y a, poursuit-il, poursuit-il,des des Parisiens Pari siens du Nord Nord et de l’Est l’Est qui viven viventt un enfer au quotidien. » Or, » Or, affirme-t-il, « pour des raisons strictement idéologiques, la maire de Paris ne saisit pas le préfet préf et sur sur certa certaines ines situa situations tions». Des six prétendants, Benjamin Griveaux est le seul à avoir vu le prési dent de la République, il y a plusieurs mois, pour lui faire part de son intérêt pour la Mairie de Paris. Sans lui donner le feu vert, Emmanuel Macron a laissé entendre qu’il jugeait légitime sa candidature potentielle. Ce qui est, pour le porte-parole du gouvernement, « un atout », sans que cela soit « décisif » pour autant, nuance un dirigeant LRM. Le bon profil sera celui qui« qui « réussira à montrer qu’il est capable de coudre un fil entre tous ceux qui, sur la cartographie parisienne, se disent macronistes », poursuit ce haut responsable du parti. « Notre ambition, à Paris, est que le futur maire soit soutenu par LRM, ou soit un “marcheur ” » »,, ajoute-t-il. Reste à savoir si « l’ambition » se » se réalisera. p b. j.
La troisième voie progressiste de l’e l’ex-chiraquien x-chiraquien Renson comment assurer la pérennité du macronisme ?
Comment faire en sorte que le mouvement porté au pouvoir par Emmanuel Macron ne soit pas qu’un feu de paille ? Le député La République en marche (LRM) de Paris Hugues Renson appelle son camp à se doter d’un vrai corpus idéologique, dans son livre Le livre Le Refus de la parenthèse (Débats parenthèse (Débats publics éditions, 198 pages, 18 euros), paru le 22 novembre, pour permettre aux élus macronistes de disposer d’« d’« une grille de lecture progressiste progre ssiste commune commune avec des valeurs valeurs identifi identifiées ées ». Le vice-président de l’Assemblée nationale met en garde la majorité contre le risque de n’être qu’un« qu’un« rassemblement opportun de gens » venus » venus de gauche, de droite ou de la société civile, « qui ne croient pas aux mêmes choses et ne sont guidés que par le seul critère de l’efficacité ». ». Avec comme méthode le pragmatisme, « pour mettre en place tantôt la bonne mesure de gauche,, tantô gauche tantôtt la bonne mesure de droite». « Cette aventure politique-là ne survivra pas à Emmanuel Macron », », tranche cet élu du « nouveau monde » issu de l’ancien, qui fait partie des rares députés expérimentés du groupe majoritaire à l’Assemblée. Hugues Renson est en effet un ancien chiraquien, qui a travaillé pendant neuf ans aux côtés de Jacques Chirac, notamment en tant que conseiller technique à l’Elysée. « Espace central »
Pour installer le macronisme dans le paysage politique sur le long terme, le député LRM appelle au« au «renforcement » d’un « troisième pôle idéologique » à côté des oppositions de droite et de gauche : « un projet pro gressiste gress iste qui serai seraitt une une concrét concrétisati isation on franç française aise de la la fafa-
meuse troisième voie » incarnée » incarnée par Tony Blair en Grande-Bretagne. Un« Un «espacecentral» construit construit« « autour de valeurs et d‘un socle communs » , et axé autour d’une sensibilité humaniste, sociale et écologiste. Bien qu’issu de la droite, celui qui se définit comme « ni frondeur ni membre d’un fan-club », », appelle l’exécutif à « ne pas abandonner » l’électorat de gauche, dont une bonne partie a voté en faveur d’Emmanuel Macron à la présidentielle de 2017. Alors que la politique du chef de l’Etat est accusée de pencher à droite, lui appelle son camp à porter « porter « les combats de la justice sociale, du progrès sociétal ou de l’env l’environnement ironnement ». ». Lutte contre le réchauffement climatique, régulation de la mondialisation, lutte contre les inégalités, accueil solidaire des réfugiés… Les thématiques mises en avant visent- elles à séduire l’électorat pari sien ? A 40ans, Hugues Renson fait partie des possibles candidats LRM à la Mairie de Paris, avec pour rivaux internes le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, le député Cédric Villani ou le secrétaire d’Etat au numérique Mounir Mahjoubi. Loin de torpiller le bilan de la maire socialiste sortante, il juge nécessaire de ne pas tomber dans une« une « opposition frontale et dogmatique » à Anne Hidalgo sur l’engagement de la capitale contre le réchauffement climatique. Audelà, Hugues Renson appelle LRM à structurer son maillage territorial, à trouver un « équilibre » entre un fonctionnement « horizontal » et « vertical », » , ou encore à resserrer les liens avec les corps intermédiaires. Un inventaire, en creux, des faiblesses de la Macronie après dix-huit mois d’exercice du pouvoir. p alexandre lemarié
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« Gilets Gilets jaunes » : la nuit de la Saint-Sylv Saint-Sy lvestre estre sous sous surveillance surveillance La sécurité devait être renforcée sur l’avenue des Champs-Elysées, à Paris, alors que des rassemblements de manifestants étaient annoncés
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es festivités du Nouvel Champs-Elysées. Entre 8 000 et An devaient se dérouler 10 000 membres des forces de sous haute sécurité, l’ordre étaient attendues lundi lundi 31 décembre, à Pa- dans la capitale, dont une vingris ainsi que dans plusieurs villes taine de compagnies de CRS et de de province. La menace terro- gendarmes mobiles. riste reste toujours élevée, après Au total, « 147 935 personnels, l’attaque contre le marché de forces de l’ordre, ordre, de sécurité sécurité civile civile Noël de Strasbourg, le 11 décem- et militaires de l’opération Sentibre. Mais cette année, la parti- nelle seront mobilisés sur l’ensemcularité du passage à 2019 résidait ble du territoire », » , a déclaré le miégalement dans les appels des nistère de l’intérieur dans un « gilets jaunes » à manifester, no- communiqué diffusé dimanche tamment sur les Champs-Elysées, soir, un chiffre légèrement supédans la capitale. rieur à 2017 avec des effectifs de Un appel avait été ainsi lancé près de 140 000 personnes déces derniers jours sur Facebook ployées. Sur l’ensemble de la répour un rassemblement « festif gion parisienne, des contrôles et non violent » sur » sur l’avenue pari- dans les transports en commun sienne à 20 heures, au moment et dans les gares étaient égaledes traditionnels vœux télévisés ment prévus, ainsi que sur les du président de la République axes routiers structurants. aux Français. Un périmètre de sécurité a été instauré dès 16 heures Nouvelles actions en janvier lundi sur les Champs-Elysées et Les effectifs de sécurité et de sela place de l’Etoile, avec des cours devaient être renforcés points de filtrage installés aux dans d’autres villes du pays, noentrées de la zone pour procéder tamment à Bordeaux et à Nice où à des fouilles de passants et de des « gilets jaunes » ont lancé des véhicules. Un maintien de l’ordre appels au rassemblement. Les particulièrement délicat à assu- manifestants avaient prévu de tirer alors que les « gilets jaunes » rer un feu d’artifice à minuit, le devaient converger sur l’avenue 31 décembre, depuis le pont parisienne en plus des touristes d’Aquitaine à Bordeaux, ou de se et des badauds traditionnels. retrouver place Masséna à Nice, L’an dernier, le réveillon de la mais aussi au rond-point de Saint-Sylvestre avait attiré près Saint-Isidore (Alpes-Maritimes), de 400 000personnes sur les près de l’autoroute A8.
Depuis le début du mouvement, dix personnes ont été tuées sur des points de blocage et plus de 1 600 ont été blessées Cet « acte VIII » des « gilets jaunes » intervient alors que l’« acte VII », samedi 29 décembre, a moins mobilisé, plus d’un mois et demi après le début du mouvement. Selon les chiffres du gouvernement, près de 12 000 manifestants au total se sont rassemblés sur l’ensemble du territoire, mais les personnes mobilisées promettent de nouvelles actions en janvier, alors que débutera le « grand débat national » décidé par le gouvernement pour tenter de répondre à la crise. Avec quelque 2 500 manifestants, Bordeaux est la ville où la mobilisation a été la plus forte samedi tandis qu’à peine un millier de personnes ont défilé à Marseille, à Rouen ou à Nantes et 800 à Paris, selon les chiffres officiels. A Marseille comme à Bordeaux, des heurts ont éclaté en-
présentent
tre des protestataires et les forces de l’ordre. A Paris, plusieurs centaines de « gilets jaunes » s’en sont pris aux médias, venant notamment manifester à proximité des locaux de BFM-TV, de France Télévisions et de Radio France. A Paris, 57 personnes ont été interpellées et 33 placées en garde à vue. Des heurts ont également éclaté à Rouen, où la porte de la Banque de France a été incendiée, et à Nantes où un manifestant a été blessé à la tête après qu’il aurait reçu un tir de lanceur de balles de défense, selon France Bleu. Depuis le début du mouvement en novembre, dix personnes ont été tuées sur des points de blocage en France et plus de 1 600 manifestants ont été blessés, dont une cinquantaine gravement. L’inspection générale de la police nationale a été saisie par la justice de 48 affaires de violences policières présumées lors de manifestations de « gilets jaunes » et de lycéens. La mobilisation des anti-« gilets jaunes » tente par ailleurs de s’organiser pour dénoncer les blocages et les violences : un appel a été lancé pour une manifestation à Paris, le 27 janvier, en soutien à Emmanuel Macron et au gouvernement. p service france
ÉLYSÉE
Benalla affirme avoir régulièrement échangé avec Macron depuis l’été Alexandre Benalla a assuré, dimanche 30 décembre, à Medi Mediapar apart, t, avoir continué à échanger régulièrement avec Emmanuel Macron, par l’intermédiaire de la messagerie Telegram, depuis son licenciement de l’Elysée. « Ça va être très dur de le démentir parcee que tous ces échan parc échanges ges sont sur mon téléphone portable », », déclare l’ancien chargé de mission à l’Elysée dans cet entretien. La présidence avait assuré ne plus entretenir aucun contact avec M. Benalla depuis son licenciement, en juillet, après sa mise en cause pour des violences lors de la manifestation du 1er-Mai. « Nous échangeons sur des thématiques diverses. C’est souvent sur le mode “comment tu vois les choses ?” ?”. Cela peut aussi bien conc concerne ernerr les “ gilet giletss jaunes jaunes”” , des cons considéra idéra-tions sur untel ou sur untel ou sur des questions de sécurité », », poursuit M. Benalla. Ces échanges ont eu lieu jusqu’aux révélations sur son utilisation d’un passeport diplomatique pour des voyages d’affaires en Afrique. – (AFP.) MAJORITÉ
Joachim Son-Forget démissionne du groupe LRM Le député Joachim SonForget a quitté, samedi 29 décembre, le parti La République en marche et son groupe parlementaire. Déjà dans le collimateur de son parti pour des propos sexistes contre la sénatrice EELV Esther Benbassa, le représentant à l’Assemblée l’A ssemblée nationale des
Français de Suisse et du Liechtenstein a signé, dès jeudi 27 décembre au soir une série de Tweet éloignés de la réserve attendue d’un député. Un peu avant minuit, jeudi, il avait commencé par un selfie avec une peluche de blaireau, où il s’en prenait à ceux, dont ses collègues LRM, qui avaient critiqué ses propos envers Mme Benbassa. Plus tard, le député a posté une vidéo de lui tirant avec un fusil de sniper ou des photomontages le montrant en personnage de dessin animé ou en joueur de foot avec le maillot de la Suisse devant le drapeau du Kosovo. Le bureau du groupe LRM devrait examiner, le 14 janvier, le cas de M. Son-Forget, en vue d’éventuelles sanctions. – (AFP.) PRISON
Un détenu s’évade de Fresnes Un détenu de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) s’est évadé dimanche après-midi. « Les surveillants postés aux miradors ont procédé aux sommations réglementa réglementaires, ires, puis à plusie plusieurs urs tirs tirs; le déte détenu nu est néanmoins parvenu à franchir le mur d’enceinte », vers 16 h 30, a indiqué le ministère de la justice dans un communiqué. L’homme, qui se trouvait dans une cour de promenade, a utilisé un drap auquel il a accroché un morceau de bois pour faire office de grappin et franchir les murs de la prison, a affirmé une source du syndicat SNP-FO. Le fugitif, âgé de 29 ans, était classé détenu particulièrement surveillé, après s’être déjà enfui pendant son procès au tribunal correctionnel de Créteil, en décembre 2016. – (AFP.)
Les syndicats critiquent le nouveau barème de sanctions contre les chômeurs Le dispositif s’inscrit dans la volonté du gouvernement de renforcer le contrôle des demandeurs d’emploi
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l faut toujours garder un œil sur le Jour le Journal nal offici officiel el:: à défaut d’être exaltante, la lecture de cette publication peut s’avérer instructive, en particulier entre Noël et le Jour de l’an. Démonstration vient d’en être faite avec l’édition du dima nche 30 décembre, qui contient près de 20 décrets d’application de la loi « avenir professionnel » – une réforme votée l’été dernier sous la houlette de la ministre du travail, Muriel Pénicaud. L’un des décrets parus dimanche a trait « aux droits et aux obli gations» des chômeurs, ainsi qu’au « suivi suivi de la recherche d’em ploi». Le contenu de ce texte, éminemment sensible, est grosso modo en ligne avec les intentions affichées initialement par le gouvernement. A une réserve près, qui n’est pas anodine : elle porte sur les sanctions prononcées contre un inscrit à Pôle emploi qui contrevient à ses devoirs. Dès le départ, l’ex l’exécutif écutif avait manifesté le souhait de revoir le barème des « peines » applicables. Le 20 mars, des pistes très précises avaient été dévoilées à la presse par le ministère du travail. Il avait alors été indiqué qu’un chômeur qui ne se présente pas à un rendezvous avec son conseiller chez Pôle emploi serait radié des listes durant deux semaines et non plus pendant deux mois. « On diminue par quat quatre re [la durée de] la sanction, qui était complètement disproportionnée sur ce sujet-là », » , avait expliqué l’entourage de Mme Pénicaud. Finalement, la « punition » sera un peu plus lourde qu’annoncée : un mois (au lieu de quinze jours, donc), ce qui la place tout de même à un niveau inférieur à celui en vigueur avant la réforme. Un autre changement s’est produit par rapport à la communica-
« Macron n’a pas changé dans sa volonté de faire la “chasse” aux chômeurs » DENIS GRAVOUIL
(CGT)
surprise pour les syndicats. Ils avaient été consultés sur ce dispositif, notamment lors d’une réunion, le 4 décembre, du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop). Plusieurs centrales avaient, alors, exprimé leur désapprobation mais ces prises de position, en pleine crise des « gilets jaunes », étaient passées relativement inaperçues.
tion gouvernementale. Il con- « Durcissement » cerne une option, également évo- Aujourd’hui, leur analyse reste la quée le 20 mars, pour l’ensemble même. Les mesures retenues vont des «manquements» » du deman- « globalement globalement dans le sens du durdeur d’emploi (à l’exception du cissement », », déplore Marylise Léon rendez-vous manqué avec son (CFDT). « Nous avons pris connaisconseiller). L’idée présentée à sance du projet de décret, lors de l’époque consistait à dire que, à la son examen par le Cnefop, sans première incartade (par exemple, concertation préalable, renchérit le fait de ne pas rechercher active- Michel Beaugas (FO).Sous (FO). Sous prétexte ment un poste), l’allocation serait de simplification et d’équité, le texte suspendue pendant un mois – les durcit les dispositions existantes. Ce droits restant acquis et pouvant sont ces “petites découvertes” qui être utilisés plus tard, en cas de be- causent, parfois, l’exaspération des soin. Si le chômeur commet un organisations de salariés.» « Dedeuxième écart, le ministère avait puis sa soi-d soi-disant isant contri contrition tion du précisé que la prestation serait 10 décemb décembre re [le jour des annonces supprimée durant deux mois – ce faites en réponse aux doléances qui signifiait, cette fois-ci, une am- des « gilets jaunes »], »], Macro Macron n n’a putation des droits d’une durée pas chan changé gé dans dans sa volo volonté nté de fair fairee équivalente. A la troisième « in- la “chasse” aux chômeurs, en contifraction », le coup de bâton serait nuant à mélanger allègrement les de quatre mois. 0,4 % de fraude et l’immense majoCe schéma-là a été corrigé : à rité des chômeurs qui cherchent à l’avenir, l’allocation sera suppri- travailler dignement », », confie Demée (et non pas suspendue) un nis Gravouil (CGT). mois dès le premier manquement Par ailleurs, le décret transfère, sauf pour le chômeur qui ne se comme prévu, de l’Etat vers Pôle rend pas à une convocation par emploi certains pouvoirs de sancPôle emploi. Dans cette situation, tion (notamment la suppression la prestation ne sera supprimée de l’allocation). Une innovation qu’au deuxième « loupé », et ce, qui déplaît à Marylise Léon car elle pour deux mois. Une source au risque, selon elle, de nuire à la« la « resein de l’exécutif justifie ces ajuste- lation de confiance» qui doit préments par la volonté d’être « plus valoir entre le chômeur et le serl’emploi. oi. p simple et plus cohérent ». » . La teneur vice public de l’empl bertrand bissuel du décret ne constitue pas une
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france
« Je suis dev devenu enu fou, je veux retourner au bled » L’aide au retour volontaire a concerné en 2018 201 8 plus de 10 000 personnes, surtout sur tout des Afghans
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RÉCIT
« Quel est
le choix réel l a les yeux rouge vif. A plusieurs reprises, il demande de ces gens ? s’il pourra aller aux toiletIls sont à la rue, tes après l’enregistrement. Dans un hall de l’aéroport Roisépuisés, sy-Charles-de-Gaulle, Noorislam précarisés » Oriakhail vit ses derniers moments en France, fébrile. Il prend CLÉMENCE RICHARD l’avion pour la première fois chargée des questions de sa vie. Au bout du voyage : l’AfAf« expulsions » à la Cimade ghanistan. Comme 1 055 Afghans en 2018, des hommes majoritairement, Noorislam a choisi de rentrer. Ils étaient déjà 970 à avoir et le retour volontaire. « J’avais opté pour un « retour volontaire » deux semaines pour choisir ou je depuis la France en 2017. Volet devais quitter le centre », se soupeu connu de la politique d’éloi- vient-il. Après des atermoiegnement des étrangers en situa- ments, Noorislam s’oriente vers tion irrégulière, l’aide au retour l’asile. Mais il est « dubliné », ce qui volontaire a concerné cette an- signifie qu’il risque d’être transnée plus de 10 000 personnes féré vers l’Angleterre ou, à défaut, au total, un chiffre en hausse de d’errer plusieurs mois avant de 58 % sur un an. pouvoir déposer une demande en Après les Albanais et devant les France. Il jette l’éponge.« l’éponge. « C’est trop Moldaves, les Afghans sont les de pression », confie-t-il. Le jeune plus concernés par ce dispositif homme rentre en Afghanistan mis en œuvre par l’Office français mais, en réalité, il ne doit pas s’y de l’immigration et de l’intégra- attarder. Sa famille s’est installée tion (OFII). Une situation qui s’ex- au Pakistan alors qu’il était enfant. plique : ils sont les premiers de- « Mon père m’a dit qu’il m’aiderait mandeurs d’asile en 2018. En à passer la frontière. » outre, précise Didier Leschi, le diLe jour où Noorislam embarque, recteur général de l’OFII, « lors- un autre Afghan devait prendre qu’ils arrivent en France, ils ont l’avion, mais il ne s’est jamais prédéjà déposé en moyenne près de senté. En 2018, quelque 1 500 perdeux demandes d’asile en Europe, sonnes se sont ainsi désistées principalemen princip alementt en Allema Allemagne gne et après avoir demandé une aide au en Suède, où elle a été rejetée ». Ils retour. retour. « « Ce sont des gens qui peuentrent donc dans la catégorie vent être instables psychologiquedite des « dublinés », ne peuvent ment, Leschi. Il y a ment, justifie Didier Leschi. Il pas demander l’asile en France quelques semaines, un Pakistanais avant un délai de six à dix-huit a fait une crise d’angoisse et a dû mois. Dans l’intervalle, ils sont en être débarqué avant le décollage. situation irrégulière. Depuis, il veut repart Depuis, repartir ir ». L’Office français de l’immigraQu’est-ce qui motive un retour tion et de l’intégration assume au pays ? « On ne connaît pas le une politique volontariste à leur parcou parcours rs de ces gens », reconnaît endroit : « Nous le s démarchons Nadira Khemliche, adjointe au pour leur propos proposer er l’ai l’aide de au au retour retour,, chef du service voyagiste de l’OFII, d’autant que les retours forcés qui accompagne les candidats sont très difficiles », reconnaît Di- au départ à Roissy ou à Orly, jusdier Leschi. Au premier semestre, qu’à leur embarquement sur des avec 23 éloignements, le taux vols commerciaux. Nadira Khemd’exécution des obligations de liche ne distingue que des profils, quitter le territoire français pro- les Arméniens qui voyagent noncées à l’encontre des Afghans en famille, les Chinois qui ont atteignait 4 %. En plus d’être des vols tous les jours, les Ethiomoins onéreux qu’un éloigne- piens qu’elle ne croise que deux ment forcé, les retours volontai- ou trois fois l’an… res ont beaucoup plus de succès. « Parfois, on se demande pourquoi ils veulent rentrer en sachant qu’il y a des bombes chez eux, « Trop de pression » Noorislam est « fatigué » de ne confie-t-elle. confie-t-elle. Mais Mais bon, ici, ils n’ont ont croché des photos d’hommes depas parvenir à s’extirper d’une rien. » « Quel est le choix réel de ces vant des troupeaux de bêtes, situation précaire. D’un voyage gens? », s’interroge Clémence Ri- dans les montagnes afghanes. entamé en 2006 et financé par chard, chargée des questions « ex- « Beaucoup ont saisi l ’opporson père et un oncle, i l est arrivé pulsions » à la Cimade. « Ils « Ils sont sont à tunité pour se lancer dans l’éle« jeune et fort » sur le continent, la rue, épuisés socialement, préca- vage, ouvrir une épicerie ou un avec l’Angleterre en ligne de risés administrativement. » magasin de pièces détachées, demire. « C’était un rêve, rêve, reconPour promouvoir le retour venir taxi, assure-t-elle. C’est dénaît-il. J’ai naît-il. J’ai essayé essayé cinq ou six fois volontaire, l’Office français de terminant pour ceux qui sont paravant de réussir à monter dans l’immigration et de l’intégratio l’intégration n tis de leur pays avec la promesse un camion. » Outre-Manche, il se déplace sur des campements, de faire mieux. » Depuis deux est pris en charge en tant que dans des centres d’héberge- mois, toutefois, ce programme a mineur. Mais, à sa majorité, sa ment du 115 ou des centres de de- été suspendu, dans l’attente d’un demande d’asile est rejetée et il mandeurs d’asile dans lesquels renouvellement. En 2016, l’andevient « devient « illégal ». s’éternisent des déboutés. L’of- née du démantèlement de la Dans la ville de Loughborough fice tient même des stands dans « jungle », le bureau de Calais a (centre de l’Angleterre), Nooris- des salons « diasporiques ». Le re- monté plus de 500 dossiers de lam s’enfonce, affaibli par des tour volontaire donne droit à départs volontaires, les trois soucis de santé. Le petit sac à dos un billet d’avion et à un « pé- quarts en direction de l’Afghaqui lui fait office d’unique bagage cule » dont le montant varie. nistan et du Pakistan. après plus d’une décennie en Les Afghans ont actuellement Europe est « rempli de médi- droit à 1 650 euros . Un pro - Dans un cul-de-sac caments ». Le jeune homme souf- gramme européen permet aussi Les candidats au départ restent fre d’une dystrophie de la rétine de financer un projet de réinser- toutefois marginaux. « Ce sont – une maladie génétique caracté- tion à hauteur de 3 500 euros. surtout les personnes épuisées qui risée par un déficit visuel très imSur un pan de mur de son bu- ne souhaitent pas demander l’asile portant – et, depuis un an et reau, à Calais, Laura Defachel, en France ou des personnes qui demi, il explique avoir des pro- agente du retour volontaire et rentrent pour des raisons familiablèmes d’incontinence. « Les mé- de la réinsertion de l’OFII, a ac- les », analyse Laura Defachel. Elle decins disent que c’est dans ma tête, assure-t-il, en montrant sa boîte d’antidépresseurs. Si je « Mise en danger des migrants »: n’avais n’av ais pas été malade, j’aurais pu des associations interpellent Macron m’en sortir mais, vu ma situation, je lutte lutte pour tout.» Médecins du monde France, le Secours catholique, Avec le sentiment d’avoir Caritas France et douze autres associations dénoncent, « perdu perdu [son] temps », », Noorislam dans Le Journal du dimanche, le 30 décembre, « la faillite s’est glissé dans un camion en jande l’Etat » dans » dans la protection et la mise à l’abri des migrants, vier pour faire le chemin inverse qui « ont toujours plus de difficultés à se nourrir, à se soigner, de celui réussi il y a dix ans. Arrivé à trouver une information fiable pour faire valoir leurs droits à Calais, après une nuit dans « le élémentaires ». « Pour sortir de cette impasse », les », les signataires froid et la pluie», il croise des de la tribune font appel à la « responsabilité » d’Emmanuel » d’Emmanuel agents de l’Office français de l’imMacron, mais aussi à celle de la Mairie de Paris, pour « permettre migration et de l’intégration. Il est un hébergement rapide des personnes à la rue » et appellent hébergé et on l’informe sur l’asile à « construire une réponse pérenne à une situation d’urgence ».
se souvient de cet homme qui a « Beaucoup souhaité partir après la mort de ont saisi son frère, qui avait fait le voyage avec lui. Il était monté à bord d’un l’opportunité camion et, réalisant qu’il ne pour se lancer prenait pas la direction de l’Angleterre, est descendu en marche. Il dans l’élevage, s’est tué sur l’autoroute. ouvrir Warseem Mohamad Kareem rentre dans la première catégoune épicerie rie. « C’est Londres ou l’Afghanisou un magasin, tan », résume-t-il. Alors qu’il s’apprête à embarquer pour un vol devenir taxi » retour, le jeune homme de 27 ans LAURA DEFACHEL dit avoir dépensé 11 000 dollars (9 645 euros) pour rejoindre l’Euagente du retour volontaire rope. Arrivé en France il y a trois mois, il s’est retrouvé dans un cul-de-sac, à Calais et à Grande- développer pour éviter les déSynthe, dans des tentes ou sous sistements et les retours. Des un pont. Avec des passeurs méthodes « déloyales», dénonce afghans ou kurdes, il a tenté Clémence Richard : « Cela supvingt ou trente fois de monter prime de fait le droit au désistedans des camions pour l’Angle- ment. En outre, ces personnes terre. A chaque fois, il a été at- ne rentrent pas dans les catégories trapé par la police. de la loi susceptibles de se voir Le froid, la pluie, la police qui prononc prononcer er une interdi interdiction ction de rele chasse tous les matins, l’échec tour, c’est illégal et ça a aussi des ont finalement eu raison de sa conséquences graves, car cela rend détermination. Lors du der- quasi impossible toute demande nier démantèlement de Grande- de visa ultérieure. » Synthe, il a croisé les maraudeurs de l’OFII. « Nous avons faim « Problèmes psychologiques » de pa ix, pas d’argent », dit-il à En matière de départ volontaire, l’agent qui lui remet, dans la salle la contrainte affleure. A partir du d’embarquement, une enveloppe 1er janvier 2019, dans le cadre de la de billets. loi asile et immigration votée Warseem ne s’interdit pas de re- en 2018, les agents de l’OFII iront venir, un jour. Il semble ignorer promouvoir l’aide au retour dans qu’il fait l’objet d’une obligation les centres de rétention adminisde quitter le territoire et d’une in- trative. Partir de gré, pour ne pas terdiction de retour pendant un risquer de partir de force. C’est an. Une pratique que toutes les peut-être le dilemme qui aurait préfectures ne mettent pas en fini par se poser à Noorullah Nori. œuvre, mais que l’OFII souhaite Débouté de l’asile en Allemagne,
puis en France, à court d’argent et d’aide, il a signé pour un retour en Afghanistan, après quatre ans en Europe. « Moi aussi l’OFII m’a proposé le retour, mais jamais je ne rentrerai », jure Karimi, un Afghan qui a accompagné Noorullah à l’aéroport, après l’avoir recueilli tandis qu’il dormait à la rue. Passé par les errances d’un « Dubliné », Karimi est désormais réfugié en France. A voix basse, il dit à propos de son compatriote : « : « Il a des problèmes psychologiques psych ologiques.. Il est resté longtemps sans parler à personne, avec des pensées négatives. » Il n’est pas le seul, dans le hall de Roissy, à sembler accuser le coup. Un autre Afghan a été déposé à l’aéroport par des infirmiers hospitaliers, prenant de court les agents de l’OFII qui n’avaient pas été informés et ont dû se procurer un fauteuil roulant tandis que l’homme, apathique, laissait son regard se perdre dans le vide, immobile. Un Soudanais s’apprête aussi à embarquer. Son air triste intrigue deux Afghans qui veulent savoir ce qui l’accable. Salah Mohamed Yaya a 19 ans. Il dit que depuis des mois il n’a plus de traitement contre le VIH. Cela fait deux ans qu’il est en France, passé par Toulouse, Paris, Nantes, les foyers pour mineurs, la rue, l’hôpital. « Je suis devenu fou, dit-il. Je veux retourner retourner au bled. » Salah n’a pas fait de demande d’asile, sans que l’on sache s’il a vraiment été informé qu’il pouvait le faire. La veille de son départ, il a dormi porte de la Villette. Il sent encore le feu de bois. p julia pascual
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ÉCONOMIE & ENTREPRISE
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LES 20 ANS DE L’EURO
Au cœur de la BCE, la tour de contrôle de l’euro Le 1er jan janvier vier 1999 naissait la l a monnaie unique. Depuis, la Banque centrale européenne, à Francfort, n’a cessé d’élargir ses fonctions REPORTAGE francfort (hesse) envoyée spéciale
C’
est l’étage à 2 500 milliards d’euros. Ici, dans la salle de marché, des courbes et des chiffres clignotent sur les écrans d’ordinateur. A droite, un jeune homme sirote un café. Plus loin, un autre consulte les dépêches financières. Impossible de distinguer quoi que ce soit derrière les fenêtres : ce matin de décembre, à quelques jours de Noël, une brume épaisse et froide recouvre Francfort, en Allemagne. L’ambiance est calme et, pour ainsi dire, étrangement… normale. On imaginait pourtant l’endroit hors du commun. C’est en effet ici que les tradeurs de la Banque centrale européenne (BCE) ont géré le plus ambitieux programme jamais mené par l’institution, objet de toutes les attentions, craintes et fantasmes des investisseurs et des gouvernements, ces derniers mois : l’assouplissement quantitatif (le quantitativ quantitativee easing, easing, en en anglais, ou QE). Pendant trois ans, avec leurs confrères des banques centrales nationales, ils ont racheté jusqu’à
LE BÂTIMENT DE VERRE ET D’ACIER – 45 ÉTAGES ULTRAMODERNES ET 2 000 SALARIÉS – EST À L’IMAGE DE L’AMPLEUR PRISE PAR L’INSTITUTION DEPUIS SA NAISSANCE 80 milliards d’euros par mois de dettes publiques et privées – soit plus de 2 500 milliards d’euros au total –, dans l’espoir de réanimer une croissance européenne anémique. Le QE s’est achevé fin décembre. Mais les vingt-cinq personnes de la maison spécifiquement détachées au programme ont encore du travail :« : « Nous continuerons de réinvestir les titres du stock arrivant à échéance pendant une période prolongée», déclare Christophe Beuve, responsable de l’équipe. Une opération que les marchés et les Etats surveilleront de près en 2019. La moindre erreur de pilotage est susceptible de faire déraper le coût des emprunts. Voire de fragiliser la reprise. Le 1er janvier 2019, l’euro fêtera son vingtième anniversaire. En deux décennies, la BCE, créée
pour le gouverner, a pris une importance considérable dans la vie des Européens. Et pas seulement parce qu’elle fixe le loyer de l’argent. Au départ calquée sur la rigoureuse banque centrale allemande, alors uniquement chargée de surveiller l’inflation, elle s’est retrouvée en première ligne lors de la crise de 2008. Face à la paralysie des gouvernements, elle est montée au front pour stopper la spéculation sur les dettes publiques et relancer l’activité. « Elle n’a pas hésité à multip multiplier lier ses outils pour sauver l’euro l’euro », », résume Florence Pisani, économiste à la société de gestion d’actifs Candriam. La tour de verre et d’acier que ses 2 000 salariés o ccupent, depuis décembre 2014, dans le quartier d’Ostend, dans l’est de Francfort, est à l’image de l’ampleur prise par l’institution depuis sa naissance. Chacun de ses 45 étages ultramodernes, reliés par des ascenseurs dont la vitesse soulève l’estomac, offre une plongée dans l’un des nombreux métiers permettant à la monnaie unique de fonctionner, des plus pointus aux plus concrets. Prenons le 23e étage. Ici, on ne plaisante pas avec la sécurité : impossible de traverser le sas de contrôle à badge et double porte sans montrer patte blanche. Il faut dire que, derrière, se cachent
les secrets de fabrication des billets. Jean-Michel Grimal, expert en la matière, pose deux paires de billets de 20 euros et de 50 euros sur la table cernée de microscopes, spectromètres et autres appareils de mesure. « Voilà les dernières contrefaçons mises sur le marché », dit-il. UN TRAVAIL TITANESQUE
A première vue, difficile de distinguer le vrai du faux. Mais les détails – fil de sécurité, fi ligrane, propriétés infrarouges – et la qualité du papier ne trompent pas. « Dans notre laboratoire, nous traquons les nouvelles techniques des faussaires, afin de garder une longueur d’avance sur eux et d’augmenter la
sophistication des prochains billets mis en service », explique M. Grimal. Car, même si les paiements dématérialisés se développent, les citoyens de la zone euro restent attachés au papier. « Dans les points de vente, 79 % paient encore en liquide : celui-ci joue un rôle d’inclusion sociale important », souligne Laure Lalouette, experte en émission de billets. Ce qui n’empêche pas la BCE d’étudier de près les devises numériques et les nouvelles technologies – à l’exemple de la blockchain, qui permet d’échanger de l’argent de façon cryptée et décentralisée. La mission en incombe au service des infrastructures de marché et de paiements,
au 13e étage. « Nous sommes les plombiers de l’euro plombiers l’euro », », sourit sourit Marc Bayle de Jessé, directeur général de la division. L’image est assez juste : il s’occupe de la tuyauterie permettant aux euros de circuler sans obstacle d’un bout à l’autre de l’union monétaire. Un travail titanesque. « Il y a vingt ans, chaque pays avait son propre système. Il a fallu harmoniser, inté raconte-t-il. grer, sécuris sécuriser er », », raconte-t-il. Le 30 novembre, la BCE a ainsi lancé le Target Instant Payment Settlement, dit « TIPS », un système de paiement instantané destiné aux banques, traitant les virements bancaires des entreprises et des particuliers, en moins d’une seconde, dans toute
Jean-Claude Trichet Trichet: «La monnaie unique est un bouc émissaire émissaire facile » L’ex-président L’ex -président de la BCE entre 2003 et 2011 estime que, en stabilisant stabi lisant les prix, la devise européenne a contribué à soutenir le pouvoir d’achat
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ENTRETIEN
ouverneur de la Banque de France entre 1993 et 2003, puis président de la Banque centrale européenne (BCE) jusqu’en 2011, il est l’un des Français qui ont participé à la création de la monnaie unique. Et qui ont été aux premières loges, lorsque la crise de 2008 a frappé l’Europe. Pour Jean-Claude Trichet, l’euro a protégé les ménages contre l’inflation. Vous avez participé au lancement de la monnaie unique. Quel souvenir le plus fort gardez-vous de cette période ? Probablement, ce sommet franco-allemand d’août 1989, au début de l’effondrement du rideau de fer. Ce jour-là, j’ai compris que l’idée encore abstraite d’une monnaie unique pouvait réellement devenir concrète, car nos deux pays ont chacun esquissé un pas majeur. Pour la première fois, les Allemands ont signalé qu’ils pouvaient accepter de fusionner le deutschemark, emblème de
leur réussite d’après-guerre et de la fin de l’opprobre qui accablait leur pays, avec le franc et d’autres monnaies. Les Français, eux, ont indiqué qu’ils pouvaient accepter le principe d’une banque centrale indépendante, pourtant éloigné de leur culture historique. Mon autre souvenir, très marquant, est la négociation du traité de Maastricht, en 1992, lorsque les chefs d’Etat et de gouvernement sont convenus que nous adopterions l’euro le 1er janvier 1999 et ce, quel que soit le nombre de pays prêts à ce moment-là. Quelles ont été les plus grandes difficultés techniques ? Elles ont été nombreuses ! Adopter une monnaie unique était une expérience historique jamais tentée auparavant. Beaucoup d’amis américains et anglais la jugeaient vouée à l’échec. Ils prédisaient qu’en réunissant des monnaies de crédibilités aussi différentes que le deutschemark, l’escudo [portu l’escudo [portugais] gais] et la drachme [grecque] , elle serait forcément médiocre, instable et appelée à
disparaître. Beaucoup prédisaient que la fusion des marchés monétaires de tous les pays membres en une nuit serait un naufrage informatique monumental. Mais tout s’est bien passé. En 2002, un défi considérable s’est aussi posé : assurer au même moment l’approvisionnement en pièces et billets dans les douze pays de la zone euro. Cela a été l’opération logistique la plus importante en temps de paix ! Qu’est-ce que l’euro a changé dans la vie des Français ? L’euro apporte la stabilité des prix au service de tous nos concitoyens et, avant tout, des plus défavorisés : la première défense du pouvoir d’achat est la stabilité des prix. En supprimant les frais et les risques de change, il simplifie considérablement les échanges des nombreux Français qui vont à l’étranger ou qui y travaillent, ainsi que la vie des entreprises. Les enquêtes d’opinion européennes montrent un niveau élevé de confiance des Français dans leur monnaie, comme c’est
le cas dans la zone euro dans son ensemble. La résilience de l’euro – deuxième monnaie mondiale – et de sa zone dans la pire crise financière depuis la seconde guerre mondiale est incontestable : quatre nouveaux pays l’ont intégrée depuis le début de la crise en 2008. Au sein des pays membres, il a néanmoins échoué à apporter la prospérité pour tous… Ce n’est pas tout à fait vrai. Depuis son introduction, le produit intérieur brut [PIB] brut [PIB] par tête de la zone euro a, en moyenne, progressé aussi vite que celui des Etats-Unis. En revanche, il est vrai que d’importantes divergences entre les Etats membres demeurent. Il faut corriger ces écarts. Cela dit, l’écart de PIB par tête entre le Mississippi et le Massachusetts, aux EtatsUnis, est plus élevé que celui entre la Grèce et l’Allemagne. Preuve que l’instauration séculaire d’une fédération politique, budgétaire et monétaire ne suffit pas pour atteindre l’égalité des niveaux de vie. Celle-ci dépend aussi beau-
« DEPUIS L’INTRODUCTION DE L’EURO, LE PRODUIT INTÉRIEUR BRUT PAR TÊTE DE LA ZONE EURO A, EN MOYENNE, PROGRESSÉ AUSSI VITE QUE CELUI DES ÉTATS-UNIS » coup de la qualité des politiques économiques nationales dans les pays membres. L’euro a-t-il accéléré la désindustrialisation dustrialisati on en France et en Italie ? Il n’y a pas de désindustrialisation en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche ni même en Italie. L’euro est un bouc émissaire facile pour la désindustrialisation comme pour le chômage. Les Français savent bien qu’il n’est pas responsable de tous leurs problèmes. Pour preuve, lors de la dernière élection présidentielle,
même les partis extrêmes ont renoncé à défendre la sortie de l’euro, car une telle idée ne remporte pas l’adhésion populaire. La crise de 2008 a ébranlé l’union monétaire. Quelles failles a-t-elle révélées ? Au lancement de l’euro, les Etats membres ont accepté le pacte de stabilité et de croissance, qui instaure notamment la limite de 3 % du PIB pour le déficit public. Ces règles sont nécessaires pour permettre à la monnaie unique de bien fonctionner hors du cadre d’une fédération budgétaire. Mais, dès 2003-2004, la France et l’Allemagne ont violé ces règles, ouvrant la porte aux dérives budgétaires dans d’autres Etats comme la Grèce. Les crises financières frappant les pays mal gérés ont montré les dangers de ces dérives. Ces crises ont également souligné que ce pacte ne suffisait pas. Et que la zone euro avait besoin d’autres institutions et mécanismes pour que son architecture soit solide. p propos recueillis par marie charrel
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économie & entreprise
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Au centre, à gauche, Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, lors d’une réunion de l’Eurogroupe, à Bruxelles, le 3 décembre. OLIVIER MATTHYS/AP
La devise européenne, qui fête ses 20 ans, reste fragile L’euro a survécu à la crise. Les Européens y sont attachés. Mais il n’a pas fait converger c onverger les économies
C’
la zone euro. Une façon de répondre aux technologies telles que PayPal, développées par les géants américains du numérique. Au-delà du défi technique, l’enjeu est d’assurer notre souveraineté financière face aux EtatsUnis de Donald Trump. Sans oublier la sécurité. La BCE soumet régulièrement sa « plomberie » à des tests menés par des pirates informatiques partenaires, afin de dépister les éventuelles failles. Le sujet est pris très au sérieux par le conseil des gouverneurs, composé des gouverneurs des banques centrales nationales des dix-neuf pays membres et des six membres du directoire. Toutes les six semaines, ils se réunissent au 41e étage pour décider de la politique monétaire. Le 13 décembre, ils ont ainsi choisi de ne pas modifier le principal taux directeur, fixant le loyer de l’argent – il est à 0 % depuis mars 2016 –, et ont confirmé la fin du QE. Avant chaque réunion, ils avalent un rapide buffet dans le hall, où trône un buste de Wim Duisenberg, le premier président de la BCE. Puis ils s’installent dans la salle avec vue à 180° sur les tours du centre-ville. La décoration est à la fois solennelle et futuriste : sièges en cuir clair, table circulaire et étranges lamelles d’acier au plafond, censées représenter la carte de l’Europe. POUR « LA PAIX » EN EUROPE
Lorsqu’ils travaillent, les grands argentiers, entourés de leurs sous-gouverneurs, tirent les rideaux, pour plus de discrétion – même si, à plus de 180 mètres audessus du sol, seul un drone pourrait s’aventurer jusqu’aux fenêtres. Inutile d’espérer cacher un micro dans un coin : la pièce est régulièrement inspectée du sol au plafond. Les discussions achevées, le président de l’institution, l’Italien Mario Draghi, file rejoindre la salle de presse, surplombant l’entrée. Non loin de celle-ci, à l’extérieur, un attroupement d’une dizaine de personnes se forme régulièrement au cours de la journée. Certains sont en pause cigarette… Les autres attendent la navette reliant le bâtiment à
LA CRISE DE 2008 A DÉMONTRÉ QUE LES RÈGLES BUDGÉTAIRES EUROPÉENNES NÉGLIGEAIENT BIEN TROP LE COÛT SOCIAL DES POLITIQUES DE RIGUEUR « l’Eurotower », la tour que l’institution occupait jusqu’à fin 2014, dans le centre-ville. Celle devant laquelle trône encore la célèbre statue de l’euro bleu cerné d’étoiles. Désormais, elle est occupée par le gendarme bancaire, costume enfilé par la BCE il y a quatre ans, dans la foulée de la crise. L’objectif : mieux surveiller l’état de santé des grandes banques de la zone euro et repérer au plus tôt l’émergence des risques. Un travail pour lequel elle a dû recruter près de 1 000 spécialistes de la supervision, la première année, venus du secteur financier, des agences de notation ou des superviseurs nationaux – comme la Banque de France –, toujours impliqués dans la surveillance. « Cela a été une période très intense, presque militaire », », se rappelle Patrick Amis, aujourd’hui chargé de la surveillance des petits établissements. Cela n’a l’air de rien, mais mettre au carré les critères et les méthodes permettant d’analyser les comptes d’établissements aussi différents que la Deutsche Bank et les petites banques coopératives italiennes a été d’une complexité inouïe. En théorie, les activités du gendarme sont strictement séparées du volet monétaire, afin de ne pas influencer l’autre grande mission de la BCE : maintenir la stabilité des prix, en jouant sur les taux d’intérêt pratiqués par les banques. Mais, alors, à quoi sert la navette entre les deux tours ? « Il y a bien une muraille de Chine entre les deux fonctions, mais, dans quelques cas précis, l’échange d’in formations, formati ons, notamm notamment ent sur les établissements en difficulté, est important », résume M. Amis.
De retour à Ostend, le minibus se gare au pied du Grossmarkthalle, imposant bâtiment de brique rouge bâti en 1928, et qui abritait le marché de gros de fruits et légumes jusqu’en 2004. Pendant la seconde guerre mondiale, l’un de ses sous-sols avait été utilisé par les nazis pour enfermer 10 000 juifs, dont seuls 179 sont revenus de déportation. L’endroit, conservé tel quel, est aujourd’hui un mémorial. « Il nous rappelle en permanence pourquoi nous construi construisons sons l’Union européenne : la paix », » , confie une salariée, avec émotion. Rénové, le reste du marché est aujourd’hui intégré au gratte-ciel de la BCE, une étonnante double tour vrillée, reliée par un atrium en verre. Il a fallu dix ans de travaux pour la construire. Coût : 1,2 milliard d’euros, financés sur les fonds propres de l’institut monétaire, qui engrange des bénéfices grâce aux intérêts touchés sur les titres de dette qu’il détient. A terme, il réalisera des économies par rapport aux loyers prohibitifs du centre-ville. En cette fin de journée de décembre, quelques ouvriers installent un barnum près de l’entrée, en vue des réjouissances de Noël. Aucune festivité n’est en revanche prévue ici pour les 20 ans de l’euro. Si les agents de l’institution sont profondément attachés à la monnaie unique, ils sont conscients de ses fragilités. La crise de 2008 a révélé les faiblesses de son architecture et démontré que les règles budgétaires européennes négligeaient bien trop le coût social des politiques de rigueur. Depuis, les Etats membres ont commencé à les réformer. Mais ils ne sont pas allés au bout du processus. « Le danger serait, une fois de plus, d’att d’attendre endre la prochaine crise pour le faire, faire , s’inquiète le Français Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE. Il BCE. Il est important de retrouver une volonté politique de dépasser les intérêts nationaux pour renforcer l’euro, qui est la clé de voûte du projet européen européen». Derrière ses fenêtres, au 38e étage, la brume glaciale ne s’est toujours pas levée. p marie charrel
est peut-être la chose la plus folle que les Européens ont construite ensemble. La plus utopique, aussi : renoncer à leurs monnaies respectives, symboles de leur identité nationale, pour faire devise commune. Façon de renforcer leurs liens économiques. De pousser un peu plus loin encore le rêve européen, bâti sur les cendres de la seconde guerre mondiale. Le 1er janvier 1999, après des années de préparation, onze pays (ils sont aujourd’hui dix-neuf) ont adopté l’euro pour les transactions financières. En 2002, les ménages ont sauté le pas à leur tour, avec les pièces et billets. Deux décennies plus tard, comment va la monnaie unique ? Le bilan est délicat. Impossible, même, tant le sujet divise les économistes. « C’est une grande réussite », assure Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), qui a été l’un de ses artisans. « Adopter l’euro au sein d’économies aussi différentes a été une erreur », » , tranche Romain Rancière, économiste à l’université de Californie du Sud. « Disons que c’est un succès en demi-teinte, il n’a pas tenu toutes ses promesses », » , nuance Francesco Saraceno, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Pas étonnant que les diagnostics divergent autant. Bien souvent, les apports de l’euro sont minimisés. Plus souvent encore, la monnaie unique fait office de bouc émissaire. Notamment en France et en Italie, où on la rend responsable de difficultés relevant, en vérité, des errements des gouvernements successifs ou des faiblesses anciennes du tissu industriel. De plus, la crise de 2008 a brouillé les cartes. Alors, par où commencer ? Par le positif. Les derniers sondages de la Commission montrent que la majorité des 340 millions de citoyens des dix-neuf Etats membres sont très attachés à l’euro – et n’ont aucune envie d’en sortir. Celui-ci a contribué à la prospérité de la zone en mettant fin à la guerre des monnaies entre les pays et en éteignant l’inflation liée à l’abus des dévaluations compétitives, ravageuses pour le pouvoir d’achat. En outre, la disparition des frais de change a favorisé les échanges. « échanges. « Surtout : l’euro a survécu à la crise de 2008, la plus grave depuis les années 1930 », observe Philippe Martin, président délégué du Conseil d’analyse économique (CAE) et professeur à Sciences Po. En vingt ans, il est devenu la deuxième devise sur la scène internationale, solidement installée derrière le dollar. MANQUE DE CONFIANCE
Et pourtant. En dépit de ces réussites, la monnaie européenne a échoué sur un point : faire converger les économies des Etats membres en profondeur. « Alors qu’avant la crise, les produits intérieurs bruts [PIB] [PIB] par par tête allemand, français et italien étaient proches, celui de l’Allemagne est désormais 15 % plus élevé que celui de la Francee et 30 % plus fort que celui Franc celui de l’Ital’Italie », », explique Florence Pisani, économiste chez la société de gestion d’actifs Candriam. Les écarts sont tout aussi grands si l’on se penche sur les taux d’empl d’emploi. oi. Cela tient en partie aux séquelles de la crise, mais pas seulement. « L’erreur erreur initiale était de croire que des règles budgétaires communes, limitant le déficit public à 3 % du PIB, suffiraient à rapprocher les économies », », résume Henri Sterdyniak, cofondateur des Economistes atterrés, un collectif s’affichant comme opposé à l’orthodoxie néolibérale. En se concentrant uniquement sur les finances publiques, la zone euro a trop longtemps ignoré les autres déséquilibres se creusant entre les Etats, tout aussi graves. A
« LORSQUE [LA CRISE] A FRAPPÉ, LES ÉTATS N’ONT PAS PU AJUSTER LEUR COMPÉTITIVITÉ EN DÉVAL DÉVALUANT UANT LEUR MONNAIE. ILS ONT DÛ LE FAIRE PAR LA BAISSE DES SALAIRES ET PAR L’AUSTÉRITÉ AUSTÉRITÉ » CHARLES WYPLOSZ
professeur d’économie à l’Institut de hautes études internationales de Genève
l’exemple de la bulle immobilière apparue en Espagne avant 2008. Ou du colossal excédent commercial allemand, dommageable pour les autres membres, car construit à leurs dépens. Il faut dire que l’architecture originelle de l’Union monétaire était incomplète. Face à l’euro, ses membres ont construit la BCE, mais ils n’ont pas instauré de pouvoir politique unique, ni de budget. Cette carence a eu des conséquences douloureuses pendant la récession. «Lorsqu’elle a frappé, les Etats n’ont pas pu ajuster leur compétitivité en dévaluant leur monnaie, comme autrefois, autrefois, explique Charles Wyplosz, professeur d’économie à l’Institut de hautes études internationales de Genève. Ils nève. Ils ont dû le faire par la baisse des salaires et par l’austérité, bien plus coûteuses socialement.» En particulier, en Espagne, au Portugal et en Grèce. Mais ces ajustements auraient été moins douloureux si des mécanismes propres à la zone euro avaient permis de soutenir ces pays pendant la période difficile – une enveloppe financière pour limiter la pauvreté, par exemple. Faute d’en disposer, les chefs d’Etat ont dû bricoler des plans d’aide en catastrophe quand, en 2010, Athènes s’est enfoncée dans la crise. Aucun pare-feu non plus n’existait pour éviter la spéculation sur les dettes publiques. Lorsque celle-ci s’est déchaînée, en 2011, la BCE a mis de côté sa mission traditionnelle – veiller à la stabilité des prix – pour intervenir. Dans la foulée, elle s’est mise à racheter des titres d’Etat pour faire baisser les taux d’emprunt et soutenir la croissance. Après 2012, soucieux de combler ces faiblesses, les gouvernements se sont retroussé les manches. Ils ont solidifié l’architecture de la zone euro en renforçant la surveillance des banques et en i nstaurant le Mécanisme européen de stabilité (MES), pour contrer la spéculation. Ils ont mis en place des procédures pour que les économies convergent plus. Aujourd’hui, l’union monétaire est plus forte qu’en 2008. « Mais il lui manque toujours unvéritablebudgetpourabsorberles chocs dans les Etats les plus fragiles », regrette », regrette Patrick Artus, économiste chez Natixis. A défaut, les Etats pourraient créer un embryon d’assurance-chômage commune, suggèrent certains économistes, ou assouplir les règles budgétaires en période de crise. Mais les Etats du Nord ne veulent pas en entendre parler. Certains redoutent que cela ouvre la porte à de dangereuses dérives des finances publiques, en partie à juste titre. D’autres se méfient des gouvernements du Sud. Sud. « La confiance réciproque est précisément ce qui manque le plus, aujourd’hui, à la zone euro », regrette Patrick Artus. Or, sans cela, les capitales n’iront pas au bout des réformes indispensables pour éviter la prochaine crise. p m. c.
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Mme Jacqueline Daumas, son épouse, Eric et Nathalie Daumas, Laurence et Jean Copsidas, Anne et Laurent Zeitoun, ses enfants et leurs conjoints, Hugo, Joséphine, Charlotte, Léo, Matthieu, Julien, Marius, Félix et Noé, ses petits-enfa petits-enfants, nts,
Jean DOLLÉ, X 43, chevalier de la Légion d’honneur,
Henri DAUMAS,
survenu le 24 décembre 2018. La cérémonie religieuse sera célébrée le jeudi 3 janvier 2019, à 10 h 30, en l’église de Saint-Germain-des-Prés, Paris 6e.
Cet avis tient lieu de faire-part faire-part.. 35, rue Jacob, 75006 Paris.
Le professeur Jean-François Delfraissy, Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique, Les membres du Comité, La secrétaire générale,
AU CARNET DU «MONDE»
Décès
ont la tristesse de faire part du décès du
« Que je fasse de ma vie une chose simple et droite comme une fûte de roseau que tu puisses emplir de musique. » Rabindranath Tagore. Sabine Dollé, son épouse, Anne Dollé, Béatrice Dollé, Marie Dollé, Nathalie et Olivier Laroche, Dominique Dollé et Gisèle Magnan, VéroniqueAbahire. ses enfants, Ses seize petits-enfa petits-enfants, nts, Ses sept arrière-petits-enfants, Claude et François, ses frères. La cérémonie se tiendra au crématorium du Mont-Valérien de Nanterre, le vendredi 4 janvier 2019, à 14 h 30. Une célébration religieuse aura lieu
Simon et Martin Berthoud, Alexandra Siat,
Claude Assa, son frère et son épouse, leurs enfants et petits-enfa petits-enfants, nts, Gisèle Josse, sa compagne,
Sylvain Kahn, son fls,
Amaranta, Lola et Audrey Kahn, Ils présentent leurs sincères condoléances à sa famille et partagent sa douleur.
ont la tristesse de faire part du décès de
M. Guy ASSA,
( Le Monde du 29 décembre.) Soulac-sur-Mer Soulac-sur-M er (Gironde).
survenu le 27 décembre 2018. Les obsèques seront célébrées le vendredi 4 janvier 2019, à 15 heures, au cimetière du Montparnasse, 3, boulevard Edgar-Quinet,, Paris 14e. Edgar-Quinet 9, rue Lamandé, 75017 Paris. L’UFR d’Études anglophones, L’UMR LARCA Et l’École doctorale 131 de l’université Paris-Diderot, ont eu l’immense tristesse de voir disparaître
M. François BRUNET,
professeur d’études américaines et historien de la photographie.
Ses collègues, ses doctorants, ses étudiants s’associent à la douleur de sa famille et de ses proches. Catherine Chardon, Philippe Boucaud, Solal Chardon-Bo Chardon-Boucaud, ucaud, Sa famille Et ses proches, ont l’immense douleur de faire part du décès de
Niels CHARDON-BOUCAUD, survenu à New York, le 21 décembre 2018. Il avait vingt et un ans.
Hélène et Daniel Goldman, Raymonde Besser, Bernard Edelman, ses sœurs, son frère et son beau-frère Et tous ceux qui l’ont aimée,
Jacqueline EDELMAN,
ses flles,
Jérôme Descoings et Jean Louis Feuillette, ses gendres, Paul et Antoine Descoings, Rémi, Maëla Vincent et Pauline Feuillette, ses petits-enfa petits-enfants, nts, Rose, Suzanne, Carmen et Marius, ses arrière-petits-enfants, Gérard et Gisèle, son frère et sa belle-sœur belle-sœur,, Parents Et amis, ont la tristesse de faire part du décès de
Enseignant et chercheur lumineux, il restera un exemple pour tous.
ses petites-flles,
ont l’immense tristesse de faire part du décès de
Geneviève, son épouse, Annick et Sylvie,
remarquables contributions scientifques.
survenu le 28 décembre 2018, à l’âge de quatre-vingt-deux ans. La cérémonie aura lieu le mercredi 2 janvier 2019, à 15 heures, au cimetière parisien de Bagneux. Fiana, sa flle,
Catherine, sa sœur, Jean-Pierre, son frère, Marie-Soraya, Marie-So raya, Eleonore, Aurore, Hippolyte, Milan et Leonora, ses petits-enfants,
Le docteur Gisèle Gelbert, son épouse, Anne Gelbert, Sophie Gelbert-Orfla, ses flles, Doïc Gelbert-Orfla,
son gendre,
Marie et François Thiounn, Barnarbé et Anatole Gelbert-Orfla,
ses petits-enfa petits-enfants, nts, Yvette Dubois de la Frémondière et Michel Dubois, ses belle-sœur et beau frère, leurs enfants et petits-enf petits-enfants, ants,
La cérémonie d’obsèques d’obsèques a eu lieu le samedi 29 décembre, en l’église SaintEustache, Paris 1 er.
survenu à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Ses obsèques religieuses seront célébrées le jeudi 3 janvier 2019, à 11 h 45, en la basilique Notre-Dame-de-la-
professeur d’éducation physique, docteur ès-lettres ès-lettres,, professeur émérite en psychopathologie des Universit Universités, és, psychanalyste,, écrivain, psychanalyste survenue le 25 décembre 2018, à Paris.
fn-des-Terres, à Soulac-sur-Mer, suivies
de son inhumation le lendemain, au c i m e t iè iè r e d e L a R o c h e C h a l a is is (Dordogne). 22, rue de l’Ermitage l’Ermitage,, 75020 Paris.
[email protected]
Les obsèques auront lieu le 3 janvier 2019, à 15 h 30, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20 e. Cet avis tient lieu de faire-part faire-part..
[email protected]
Bruno et Frédérique (†) Tavernier, Virginie Tavernier,
Valérie et Patrice Laffont, ses enfants et leurs conjoints,
Cet immense écrivain, publié aux éditions depuis de nombreuses années nous laisse une œuvre majeure pleine d’audace et de finesse sur la complexité des relations humaines.
Louis-Frédéric Louis-Fré déric et France-Em France-Emilie, ilie, Charles et Gaëlle, benjamin, Arthur et Emilie, Valentin et Victoria, Mathilde, Clara, ses petits-enfants et leurs conjoints
famille.
Et ses arrière-petits-enfants, arrière-petits-enfants,
Antoine Gallimard.
Arnaud, Marie-Valérie, Laurent, Marina et Lou Bochet, ses beaux-enfants beaux-enfants,,
( Le Monde du 30 - 31 décembre.) Jacques Pouletty, son époux, Jean-François Pouletty, Philippe Pouletty, Sophie Garcelon, ses enfants et leurs conjoints, Ses neuf petits-enfa petits-enfants nts et leurs conjoints, Ses quinze arrière-petits-enfants, arrière-petits-enfants, Sa belle-sœur et son beau-frère beau-frère,, Ses neveux et nièces et leurs enfants, Les familles Pouletty, Pacton, Bernez, Brunet, Drutel, Garcelon, Huet, Michaud, Rameau,
ont la tristesse de faire part du rappel à Dieu de
Gilbert TAVERNIER,
chevalier de la Légion d’honneur, le 26 décembre 2018, à Paris. La cérémonie aura lieu le vendredi 4 janvier 2019, à 10 h 30, en l’église de Notre-D Notre-Dame-deame-de-Grace Grace de Passy, Paris 16e. Cet avis tient lieu de faire-part faire-part.. Remerciements
La famille Lesourd
Michèle POULETTY,
tient à remercier toutes les personnes qui ont manifesté leur sympathie à l’occasion du décès de
née PACTON,
survenu le 25 décembre 2018, à l’âge de quatre-ving quatre-vingt-dix t-dix ans.
Régine, son épouse, Raphaël, son fls,
La cérémonie religieuse aura lieu le 2 janvier 2019, à 10 heures, en l’église Saint-Louis-en-l’le, Saint-Louisen-l’le, Paris 4 e.
ont l’immense douleur de faire part du décès de
L’inhumation aura lieu au cimetière de Montgivray (Indre), le même jour, à 15 h 30.
Sa famille Et ses amis proches,
Nicolas JANIN, survenu le 24 décembre 2018. Les obsèques auront lieu le mercredi 2 janvier 2019, à 16 heures, au cimetière du Père-Lachaise, Paris 20 e. Régine Janin, 4, rue Jacquemont, 75017 Paris.
Catherine LESOURD,
née PILATRE-JACQUIN, veuve de Jean Alain LESOURD, survenu le 15 décembre 2018, à Paris. Anniversaire Annivers aire de décès
Benoît et Sophie Quantin, Laurence et Faïz Wasseq, Agnès Quantin et Jean Reynaud, Béatrice et François-Xavier Royet, ses enfants et leurs conjoints, Matthieu et Alice, Alexis, Eléonore, Dorothée, Blandine, Charles-André,
Kemerovo. Berlin. Bruxelles. Paris. Pau. Il y a un an, disparaissait disparaissait
Vladimir LYSKOV.
Théodore, Louis,
ses petits-enfants,
Jean-FrançoisGuthmann, président de l’OSE, Patricia Sitruk, directricee générale, directric Les membres du conseil d’administration Et les membres de l’Amicale des anciens et sympathisan sympathisants ts de l’OSE, s’associent à la douleur de la famille et des proches de
Georges LOINGER,
ancien résistant, commandeur de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945, médaille de la Résistanc Résistance, e,
François GANTHERET,
Véronique et Arnaud (†) Hoarau de La Source,
ont la grande tristesse tristesse de faire part du décès de
survenu le 23 décembre 2018, dans sa quatre-vingt quatre-vingt-dix-septiè -dix-septième me année.
ont la tristesse de faire part de la mort de
Pierre DOGNETON,
ont l’infinie tristesse d’apprendre la disparition de
Toutes nos condoléances vont à sa
Le conseil d’adminis d’administration tration et l’ensemble des membres de l’APF adressent leurs sincères condoléances à sa famille et à ses proches.
Richard GELBERT,
mort en montagne, le 30 décembre 1979.
ancien membre du Comité, fondateur des CECOS.
sa belle-flle,
Il fut membre de l’association pendant de nombreuses années et a été son président en 1987 et 1988. Il y a formé de nombreux analystes et a donné de
ont la tristesse de faire part du décès de
Emmanuel,
professeur Georges DAVID,
survenu le 25 décembre 2018.
cendres seront déposées auprès de son fls,
Mme Gilbert Tavernier, née Gisèle Lambert, son épouse,
Amos OZ.
(Savoie), à la fonte des neiges et ses
Alice et Candice Assa,
Les éditions Gallimard
professeur François GANTHERET,
dans l’église de Saint-BonSaint-Bon-Tarentaise Tarentaise
ses flles,
ses petits-fls,
a la tristesse d’annoncer le décès du
est mort le 26 décembre 2018, dans sa quatre-ving quatre-vingt-quinzième t-quinzième année.
ont la tristesse de faire part du décès de
L’association psychanalytique de France
Nous apprivoisons son absence.
font part du décès de
Son invisible présence ensemence nos vies.
Pierre QUANTIN,
Delphine Lyskov-Saucier et Apolline, Sa famille Et ses amis.
survenu le 27 décembre 2018. Les obsèques seront célébrées le mercredi 2 janvier 2019, à 10 h 30, en l’église Notre-Dame de Versailles.
Ses enfants, Ses petits-enfants, Ses arrière-petits-enfants, ont la tristesse de faire part du décès de
Mme Jacqueline ROUSSEAU-DUJARDIN, épouse TRILLING ,
décédé le vendredi 28 décembre 2018, à l’âge de cent huit ans. Georges Loinger a assuré à partir de 1942 au sein de l’OSE, le passage de plusieurs centaines d’enfants juifs en Suisse, leur sauvant ainsi la vie. Georges Loinger n’a cessé de témoigner auprès des jeunes générations tout au long de sa vie. Les obsèques se déroule ce lundi 31 décembre 2018, à 14 h 30, au cimetière du Montparnasse, Paris 14 e.
survenu à Paris, le 27 décembre 2018, dans sa quatre-ving quatre-vingt-quatorziè t-quatorzième me année. Un recueillement, avant la fermeture du cercueil, aura lieu le jeudi 3 janvier 2019, à 9 h 45, à la maison funéraire de Ménilmontant, 7, boulevard de Ménilmontant, Ménilmonta nt, Paris 11 e. L’inhumation aura lieu dans l’intimité familiale, au cimetière d’Annay-la-Côte (Yonne).
Entretiens
d’embûches
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CULTURE
0123 MARDI 1ER - MERCREDI 2 JANVIER 2019
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CHEF-D'ŒUVRE
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À NE PAS MANQUER
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À VOIR
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POURQUOI PAS
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ON PEUT ÉVITER
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Eternel recommencement amoureux Le nouveau film du cinéaste japonais Ryusuke Hamaguchi est d’une richesse riche sse et d’une sensibilité rares ASAKO I ET II
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inéaste en activité depuis une dizaine d’années sans qu’aucune œuvre de lui parvienne en France, le Japonais Ryusuke Hamaguchi, 40 ans, a finalement explosé au mois de mai. Avec la sortie de Senses d’abord, long-métrage de cinq heures, portrait croisé de quatre femmes dont l’une disparaît subitement. Puis avec la sélection consécutive de son nouveau film, Asak film, Asako o I & II II , en compétition au Festival de Cannes. Cette sélection directe dans le saint des saints du cinéma d’auteur international n’est généralement pas sans cause. Elle signale une découverte notable, une envie de s’engager auprès d’un auteur dont on s’arroge en même temps le mérite de son accession à un niveau supérieur de notoriété. Rien de volé ici, bien au contraire. Asako contraire. AsakoI &II , comme son titre l’indique, fait partie des films de doubles, généalogie fructueuse au cinéma, si l’on veut bien se souvenir, entre autres, de Vertigo (Hitchcock), L’ tigo (Hitchcock), L’Avventu Avventura ra (Antonioni), Body tonioni), Body Double Double (De (De Palma) ou Mulholland Drive (Lynch). Cette modeste liste, qu’on pourrait sans mal décupler, désigne déjà une particularité essentielle du genre qui considère le fantasme passionnel et la cruauté du polar comme les deux faces réversibles d’un même tissu, celui-là même, cela va sans dire, dans lequel sont tissés nos rêves. La définition officielle du genre, pour chacun de ces films, dépend donc de la place du curseur. Vertigo est Vertigo est évidemment un polar, mais qui vaut toutes les analyses cinématographiques sur l’aliénation amoureuse. A rebours, L’AvvenAvventura est évidemment un drame tura psychologique, que la disparition brutale de son personnage principal entraîne dans les méandres d’une intrigue policière. Epreuve mystique
Asako fait partie de la seconde ca Asako tégorie, en étant consacré à l’indélébile empreinte qui marque une héroïne à peine sortie de l’adolescence à travers l’épreuve l’épreuve mystique de son premier grand amour. Le premier acte du film, Asako I , prend l’aspect d’une rencontre dans l’alignement des planètes, scintillante et elliptique, délibérément entachée par le cliché du coup de foudre. Asako, prototype de la jeune fille innocente et romantique, visite à Osaka une ex-
Masahiro Higashide (de dos) et Erika Karata. ART HOUSE DISTRIBUTION
position intitulée « Soi et les autres », y croise un jeune homme bien fait de sa personne, le suit sans la moindre hésitation dans la rue, où ils tombent sans plus de façon dans les bras l’un de l’autre. Le garçon, qui s’appelle Baku, est d’un ty pe reco nnaissable : qui, cher lecteur, cher frère, ne l’a croisé et cordialement détesté dans sa jeunesse ? Celui du beau mec cool, planant au-dessus des contingences, écrasant ses semblables par la manifestation d’un dédain nonchalant, cultivant un mystère à la mesure de la vacuité qu’il recèle, objet enfin de l’éternelle préférence des filles. Voilà ce qui arrive. Sauf que, en dépit des objurgations d’Aruyo, rude copine, qui la prévient qu’elle va « déguster », Asako s’en éprend à la folie, avant que le bellâtre ne disparaisse un beau matin comme il est venu. Tout exprès, veut-on le croire, l’affaire qui s’étend sur quelques mois a duré un quart d’heure
A la question simple : qu’est-ce que l’amour, cette chose compliquée, le film répond sur plusieurs terrains dans le film. Asako film. Asako II peut alors s’ouvrir deux ans plus tard à Tokyo, où l’héroïne a fui sa tristesse. L’occasion pour Hamaguchi, cinéaste d’une subtilité exacerbée, d’y installer un vertigineux système d’échos à la première partie du film. Soit la rencontre d’un bel inconnu sous le signe de la sidération, le rapprochement inéluctable, l’épreuve du couple dans le temps, sous le regard d’un couple d’amis. Par-dessus tout, ce fait suprêmement troublant de la res-
semblance entre les deux garçons. Sans doute, le bohème chevelu d’Osaka est-il devenu un « salaryman » à coupe réglementaire à Tokyo. Sans doute ne se nomme-t-il plus Baku, mais Ryohei. Sans doute est-il aussi rangé que son prédécesseur était fantasque. Il n’en reste pas moins que la probabilité d’une même identité reste forte, conférant au film une inquiétante attraction… Inconscient et merveilleux
Pour Asako bien sûr, mais davantage encore pour le spectateur, soudain écartelé entre quatre hypothèses. Même acteur, même personnage. Même acteur, autre personnage. Autre acteur, même personnage. Autre acteur, autre personnage. Cinq années supplémentaires passeront comme par enchantement. Jusqu’à ce que la réapparition tardive de Baku en mannequin chéri de ses dames, annoncée par le retour intem-
pestif de la maussade pythie Aruyo qui avait prédit sa disparition, réduise ce champ des possibles en même temps qu’il électrise l’économie du récit. Qu’on ne compte pas sur nous pour dire de quelle manière. Reste un film d’une richesse et d’une sensibilité rares, récit d’initiation amoureuse qui ne passerait pas tant par les ponts aux ânes de la psychologie que par les souterrains de l’inconscient et du merveilleux. A la question simple de savoir ce qu’est cette chose compliquée qu’est l’amour, le film répond sur plusieurs terrains à la fois. Celui de la construction narrative, qui privilégie entre deux points le foudroiement du court-circuit. Celui de la psychanalyse, qui fait succéder à l’aveuglement fantasmatique de la rencontre initiale la réplique ternie d’un réel avec lequel on doit s’accommoder. Celui de la géologie, avec en toile de fond cette menace
sismique permanente qui précarise l’ordonnancement architectural et social du paysage nippon. Celui de la philosophie enfin, qui fait de ce film une duplication sentimentale de L’Œuvre Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité (1935), de Walter Benjatechnique (1935), technique min. Y analysant notamment le cinéma, le philosophe allemand montrait dans ce texte célèbre que celui-ci, par excellence, détruisait l’« aura » de l’œuvre d’art en même temps qu’il la rendait paradoxalement sensible à la conscience. L’histoire même de la jeune Asako, dont la dernière phrase de dialogue, si belle et si cruelle à la fois, se plante en nous tel l’étendard déchiré de la modernité cinématographique. p jacquesmandelbaum
Film japonais de Ryusuke Avec Masahiro Hamaguchi. Avec Hamaguchi. Higashide, Erika Karata, Koji Seto, Rio Yamashita.
Ryusukee Hamaguchi et la mémoire du désastre Ryusuk L’œuvre du réalisateur japonais est marquée par le tsunami qui a touché l’Archipel, l’Archipel, en mars 2011
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PORTRAIT
ébut 2018, le succès inattendu de Senses dans les salles françaises l’a fait connaître d’un public de cinéphiles, séduit par ce long film découpé en épisodes. Au printemps, le cinéaste quadragénaire a fait partie du contingent de réalisateurs retenus par Thierry Frémaux et son équipe pour renouveler la compétition du Festival de Cannes, avec Asako avec Asako I et II. II. Mais si – en ce mois d’octobre où nous le rencontrons – les étudiants de l’Ecole normale supérieure de Lyon se pressent dans l’amphithéâtre Descartes pour écouter Ryusuke Hamaguchi, c’est pour découvrir une autre facette du cinéaste japonais. Peu de temps après le tremblement de terre et le tsunami du
11 mars 2011 et la catastrophe de Fukushima, l’auteur de Senses a entrepris, avec son collègue Ko Sakai, de collecter les récits des survivants de la région de Tohoku, dans le nord-est de l’île principale de l’archipel japonais. A l’invitation de l’universitaire et critique Elise Domenach, Ryusuke Hamaguchi est venu à Lyon montrer le résultat de ce travail et lui donner une place dans sa carrière de cinéaste. Devant les étudiants, il se réfère immédiatement à son maître à l’université de Tokyo, Kiyoshi Kurosawa : « Quand j’ai intégré le master de cinéma, je n’étais pas particulièreme particu lièrement nt amate amateur ur du cireconnaît-il. Il néma de Kurosaw Kurosawa, a, reconnaît-il. Il m’a montré quelles étaient les tâches fondamentales du cinéaste, en premier lieu de savoir où placer la caméra. »
Lorsque le cataclysme a frappé, le réalisateur d’ Asako ne Asako ne s’est pas précipité sur la caméra. Après sa conférence, il revient sur les jours qui ont suivi le 11 mars :« : « J’ai vu les images prises par les avions et les hélicoptères, le tsunami qui avalait des villages, je n’a n’avais vais pas ima giné que ça arriverait arriverait de mon vivant, pas plus que les catastrophes nucléaires. Mais, s’il y a des ima ges, c’es c’estt que que cette cette réalit réalitéé exist existe. e. Filmer, c’était faire œuvre de mémoire, par l’enregistrement. Il fallait aussi enquêter : qu’est-ce qui s’est passé ? Et je voulais aussi ré pondreà la la questi question on de Kur Kurosaw osawa a: où allez-vous placer la caméra ? Beaucoup Beaucou p d’images diffusées diffusées par la télévision montraient les maisons détruites, flottantes, les bateaux à l’intérieur d’une ville ou des montagnes de gravats. Je pense que que ce n’es n’estt pas la bonne bonne ré-
être réduit à vingt minutes au qui n’avaient jamais été filmés montage, qui alterne les champs- pouvaient pouvaient autant émouvoir, émouvoir, des contrechamps et les plans fron- acteurs étaient capables d’atteintaux serrés. Les trois films qui sont dre des sommets. » nés de cette campagne de collecte Rythmée par la course aux fi – The Sound of the Waves, Voices Voices nancements qui menaçaient sans fromthe Wa Waves veset et Storytellers – for for- cesse de manquer, la production ment une somme de récits boule- de de Senses a nécessité deux ans. Sé Senses a versants, qui vont du trivial au lectionné au festival de Locarno, Récits bouleversants cosmique, qui opposent non seu- le film a – malgré sa durée – perCes endroits, ce sont des salles de lement toutes les forces à l’œuvre mis à Ryusuke Hamaguchi de se réunion, des intérieurs ordinaires, dans la société japonaise, mais – faire une petite place dans le où il a convoqué les survivants, le dirait-on – toutes les composan- monde du cinéma. Au point de plus souvent par couples : mari et tes de la condition humaine, mi- disposer d’un budget conséquent femme, père et fils, amies, collè- ses à nu par la catastrophe. et même d’une vedette mascugues. Le réalisateur a mis en place Après cette expérience (qui de- line – Masahiro Higashide, vu un dispositif simple, plaçant les vra bien un jour être proposée au chez son maître Kiyoshi Kurointerlocuteurs face à face, chacun public français), Ryusuke Hama- sawa – pour tourner Asako tourner Asako I & II, II, avec une caméra derrière l’épaule, guchi a tourné tourné Senses, Senses, issu d’un histoire d’amour marquée par le qui filme le vis-à-vis en incluant atelier d’art dramatique dans un souvenir du 11 mars. « J’ai tourné l’amorce du corps de l’autre, pour centre culturel de Kobe. Pour dé- en six semaines, raconte-t-il, semaines, raconte-t-il, mais ensuite les décaler légèrement de crire le passage du documentaire je ne peux pas dire que le budget façon à les cadrer de face. Chaque à la fiction, le réalisateur expli- m’ai m’aitt rendu plus heureux. » p thomas sotinel entretien a duré trois heures, pour que : « : « Je m’étais dit que si des gens
ponseà la la questi question on de Kur Kurosaw osawa. a. Il a dit, “ placez votre votre caméra caméra à l’endroit où il va se passer quelque chose”” ; ce n’est pas dans les tas de chose gravats grav ats qu’il va va se passer quelque quelque chose. Je crois avoir placé la caméra à l’endroit où de nouvelles choses allaient surgir. »
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0123 MARDI 1ER - MERCREDI 2 JANVIER 2019
Robertt Zemeckis joue Rober joue à la poupée Le réalisateur projette ses figurines dans l’univers fantasmé d’un homme traumatisé après une agression BIENVENUE À MARWEN
« Bienvenue à Marwen » repose tout entier sur une alternance entre le quotidien et l’imaginaire
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A
uteur de succès commerciaux considérables ( Retour Retour vers le futur en 1985, Forrest Gump en Gump en 1994), Robert Zemeckis tient depuis plus de trente ans à Hollywood la position singulière d’un roi de l’entertainment l’entertainment doublé doublé d’un expérimentateur forcené, faisant feu des technologies de l’image pour repousser à chaque fois le domaine du figurable. DepuisQui puis Qui veut la peau de Roger Rab (1988), qui mélangeait acteurs bit (1988), réels et personnages de cartoon, jusqu’au Pôle jusqu’au Pôle Express Express (2004), qui engluait ses comédiens dans une pâte numérique intégrale, les héros de Zemeckis se retrouvent souvent guettés par leur propre modélisation ou la perspective de devenir figurine, au sein d’imaginaires standardisés qui ressemblent à de grands magasins de jouets. Bienvenue Bienv enue à Marwen Marwen,, son dernier film, pousse encore plus loin le complexe de ce cinéma apprenti sorcier, aussi paradoxal que passionnant, tiraillé entre la silhouette humaine et sa sérialisation en autant de doubles technologiques. Dès la toute première scène du film, un trouble naît, justement, de l’incarnation étrange d’un personnage, le capitaine Hogie, drôle de pilote d’avion poursuivi par des chasseurs allemands : sa peau plastifiée, ses articulations mécaniques se révèlent peu à peu celles d’un jouet, aux prises avec des nazis de pacotille et bientôt tiré d’embarras par une troupe invraisemblable de guerrières chamarrées. Ce mirage sort en fait de l’imagination de Mark Hogancamp (Steve Carell), un Américain solitaire, vivant au nord de l’Etat de New York, et qui,
Steve Carell et les habitants de Marwen, sa ville imaginaire. ED ARAQUEL
à la suite d’une violente agression, s’est construit tout un village en modèle réduit nommé Marwen, peuplé de poupées qu’il prend en photo dans des situations aventureuses. Marwen campe une seconde guerre mondiale fantaisiste, monde de substitution où Mark enfouit son traumatisme et sa détresse affective, se projetant sous les traits d’un héros intrépide entouré de femmes puissantes. Jusqu’à ce que s’installe en face de chez lui une nouvelle voisine, la belle Nicol (Leslie Mann), dont il
tombe amoureux et intègre l’effigie dans son gynécée imaginaire. Inspiré du cas bien réel d’un photographe original, dont l’œuvre d’art brut fut créée à partir de maquettes et de poupées, Bien pées, Bienvenue venue à Marwen Marwen repose repose tout entier sur une alternance entre le quotidien et l’imaginaire. Zemeckis concilie ainsi, à la faveur d’un montage habile, deux registres qui semblaient n’avoir rien en co mmun : celui, inti me, de la chronique psychologique, en prises de vues réelles, et celui, épique, du blockbuster d’action,
entièrement repeint à la palette numérique – la technique de la performance perfor mance capture capture permettant de transformer les comédiens en figurines ludiques. Dérivatif à la souffrance
Loin de servir uniquement à compenser l’étroitesse du portrait intime, cette hybridation figure au contraire, avec une richesse étonnante, la psychologie post-traumatique de Mark, dont le monde fantasmé de Marwen n’est qu’une recomposition sublimée de la réalité, où l’on reconnaît bon
nombre d’emprunts – son bataillon féminin composé de femmes ayant traversé sa vie, la violence reconvertie en exutoire. Monde intérieur qui n’apparaît pas seulement comme un dérivatif idyllique à la souffrance réelle, mais aussi comme un milieu toxique, hanté par une sorcière (Diane Kruger), et dont les péripéties semblent se répéter indéfiniment, comme le reflet d’une névrose en vase clos. Le film se révèle particulièrement intéressant dès lors qu’il désigne aussi le petit univers de
Marwen comme un lieu manichéen (les bons gagnent toujours contre les méchants), régi par des conventions, en opposition à une réalité complexe, tout en nuances de gris. Les conventions narratives du blockbuster, dont joue Zemeckis, sont alors mises en abyme comme le produit d’une psyché en mal de réconfort. Mise en abyme qui concerne aussi la figure de l’artiste qui se dessine à travers Mark, comme metteur en scène de ses propres obsessions. S’ajoute à cela une dimension ouvertement sexuelle : non seulement Mark peuple Marwen de poupées sexy, aux formes pétries par sa propre frustration (poitrines généreuses et tenues légères), mais chausse son aventurier, le capitaine Hogie, de talons aiguilles, exprimant à travers lui son fétichisme pour cet accessoire féminin. Par ce délicat appel du pied vers une esthétique queer , Bienvenue à Marwen pointe l’ambivalence fondamentale de l’imaginaire, qui peut tout autant se révéler une contrefaçon qu’un refuge pour les désirs singuliers et hors norme. A condition d’oser enfin les assumer à la face du monde. p mathieu macheret
Film américain de Robert Zemeckis. Avec Steve Carell, Carell, Leslie Mann, Mann, Diane Kruger, Kruger, Janelle Monae Monae (1 h 56).
Un drôle de flic sur la fin
Les « Hyènes Hyènes » foudroyantes de Djibril Diop Mambéty
Charles Berling incarne un commissaire à la retraite dans le film de Lucas Bernard
Fable amère et visionnaire, le film du cinéaste sénégalais, sorti sor ti en 1992, revient revient en salle UN BEAU VOYOU REPRISE
S
ur le champ de ruines du cinéma africain, belle utopie trop tôt enterrée, la lumière de quelques étoiles brille encore très fort dans le ciel des cinéphiles. Parmi elles, le météore sénégalais Djibril Diop Mambéty, autodidacte de génie sortant des clous du cinéma d’auteur occidental aussi bien que de l’épure du film de village africain. L’œuvre métissée de Diop en est précisément l’émancipatrice synthèse, réalisée sous l’effet d’une puissante poésie. L’affaire se joue vite et fort. Né en 1945, à Colobane, dans la banlieue de Dakar, viré de l’école, viré du Théâtre national Daniel-Sorano, mort en 1998, à Paris, il n’en aura fait qu’à sa tête, laissant derrière lui deux longs-métrages (Touki Bouki, ; Hyèness, 1992) Bouki, 1973 ; Hyène et trois moyens-métrages Badou (Badou Boy,, 1970 ; Le Boy ; Le Franc Franc,, 1995 ; La ; La Petit Petitee Vendeuse de soleil, soleil , 1999) qui tombent comme la foudre. On ne voit guère que l’œuvre du Brésilien Glauber Rocha, poussée à l’ivresse par son « esthétique de la faim », pour donner un élément de comparaison. L’aubaine, c’est de pouvoir redécouvrir Hyènes découvrir Hyènesaujourd’h aujourd’hui ui en salle. Près de vingt ans ont passé après Touki Bouki, Bouki, chef-d’œuvre moderniste dont l’insuccès fut cinglant. Un minimum d’imagination permet de reconstituer
un lien entre les deux films. Le premier mettait en scène Anta et Mory, un jeune couple amoureux – issu pour elle d’un bidonville dakarois, pour lui du pastoralisme – qui rêve d’embarquer pour la France. S’ensuit une campagne à la Bonnie et Clyde, grand carnaval esthétique où l’onirisme, l’onirism e, l’humour et le dépassement imaginaire des asservissements de la tradition et du colonialisme emportent tout sur leur passage. Elément moteur de cet envol, le rimbaldien Mory, par une ultime et héroïque volteface, abandonne sa compagne sur le bateau et retourne à sa terre. Puissances de l’argent
Or, quelle histoire met en scène, vingt ans plus tard, Hyènes Hyènes ? ? Le retour en son village natal de Linguère Ramatou, une vieille femme décatie qui a fait fortune dans le vaste monde en vendant ses charmes, et qui ne revient que pour se venger de Dramaan Drameh, épicier estimé du village, qu’elle accuse de s’être honteusement conduit avec elle au temps de leur jeunesse, l’abandonnant après l’avoir mise enceinte et la faisant chasser du village. La fable a beau être adaptée de La de La Visite de la vieille dame (1955), célébrissime pièce de théâtre de l’écrivain suisse Friedrich Dürrenmatt, on ne peut manquer de faire le lien avecTouki avec Touki Bouki. Bouki.
La science de la composition du plan, l’impétuosité des couleurs forcent l’admiration Accueillie en fanfare par le village qui crève sous la misère, la vieille dame triste qui clopine sur une jambe en or propose aux édiles un marché sévère : 100 millions de dotation contre la mort de son ancien amant. Réprobation générale. L’attente n’en sera pas moins profitable à la vieillarde. Même la morale s’achète. Une décision irréprochablement démocratique, basée sur le droit coutumier, établit la culpabilité de Dramaan. De Touki Bouki à Bouki à Hyènes Hyènes,, c’est donc bien le deuil d’une relève africaine que Diop Mambéty établit, pointant la soumission du continent aux puissances de l’argent et à la corruption du capitalisme mondialisé. Plasticien hors pair, le cinéaste enrobe cette fable amère dans une science de la composition du plan, une impétuosité de couleurs, une dramaturgie brechtienne, qui forcent l’admiration. Mais la beauté de son film ne console pas de
l’amertume et de la lucidité visionnaire de son propos. Elle l’accuserait plutôt. Un fait récent invite d’ailleurs à une hypothèse originale, selon laquelle Linguère Ramatou annoncerait Beyoncé. Sur l’affiche de sa dernière tournée commune avec son compagnon, Jay-Z, dévoilée en mars 2018, la chanteuse posait en effet avec lui sur une moto surmontée d’un crâne de zébu. Or, cette image non créditée par les sémillants milliardaires vient tout droit de Touki Bouki, Bouki, dans lequel il suffisait au bonheur du jeune couple de crève-la-faim de chevaucher fièrement l’engin. Ce recodage américain de l’africanité par le star system – qu’il s’agisse de Beyoncé ou du superhéros noir de Black de Black Panthe Panther r – – est pour le moins gênant aux entournures. Djibril Diop Mambéty rêvait quant à lui d’inventer un langage émancipateur pour le cinéma africain. Il le cherchait dans les bidonvilles de Dakar, dans la révolution carnavalesque, dans l’exécration de l’argent corrupteur, dans l’exaltation de l’impureté du monde et dans l’appel s orcier à se réinventer soi-même. Il l’a d’ailleurs trouvé, mais qui veut aujourd’hui s’en souvenir ? p jacquesmandelbaum
Film sénégalais de Djibril Diop Mambéty. Avec Ami Diakhate, Mansour Diouf, Diouf, Calgou Fall, Djibril Diop Mambéty (1h 50).
pvvv
L
intrigué, le commissaire ne peut s’empêcher de mener l’enquête, même quand il aura rendu son arme. D’ateliers d’artiste en immeubles haussmanniens, il rencontre une restauratrice de tableaux, Justine (Jennifer Decker de la Comédie-Française), et son amoureux Bertrand, jeune homme de bonne famille au regard inquiet, incarné par Swann Arlaud – révélé dans Peti dans Petitt paysan paysan (2017), d’Hubert Charuel. On sait peu de chose sur Bertrand, mais rassurons-nous : sa copine et ses parents non plus. On peine à y croire, et ce n’est pas la seule facilité de ce scénario. Voici le commissaire confronté à un milieu de l’art qu’il a effleuré dans le passé. Il sait reconnaître un Rothko ou un Opalka. Pour le reste, il se sent à côté de la plaque comme l’était Jean-Pierre Bacri dans Le Goût des autres autres (2000). Mais Charles Berling n’est pas le plus convaincant quand il joue le « plouc » face à un tableau. Il est meilleur dans la peau du commissaire largué, fasciné, voire touché par ce voleur bien né, un écorché vif que personne n’imagine cagoulé sur les toits. Mais il manque de la profondeur à ce « beau voyou » pour qu’il s’incarne réellement. Le premier long-métrage de Lucas Bernard raconte surtout l’histoire d’un drôle de flic. p
e temps passe et voilà que Charles Berling, 60 ans, a le physique pour jouer un policier qui prend sa retraite. Parisien, veuf et célibataire, le commissaire Beffrois n’attend rien d’autre qu’un peu de temps libre. Ses deux fils « de gauche » ont souvent moqué ce père membre des forces de l’ordre. Mais Beffrois a pris du recul, sur son métier, sur les voleurs et leur risque de se faire prendre, surtout s’ils ont la peau noire. Il y a des délinquants qui s’en sortent mieux que d’autres dans le premier long-métrage de Lucas Bernard, ancien assistant opérateur de Tonie Marshall et de Coline Serreau, et chef opérateur de René Féret sur Ant sur Anton on Tchekhov 1890 (2015). Un beau voyouoscille voyou oscille entre le film policier et la comédie loufoque, avec une dose de sociologie de classes. Lucide mais un brin simpliste. Le film commence ainsi. Rentrant chez lui, Beffrois surprend un jeune Noir (Alassane Diong) qui lui fait les tiroirs. «T’oublieras pas d’ê d’être tre blanc blanc! », lui dit-il, pas fâché, en le raccompagnant à la porte. Le voleur, en liberté conditionnelle, vient de lui expliquer comment il récupérait les codes d’entrée d’immeubles quand il travaillait dans l’électroménager… clarisse fabre La veille de son pot de départ à la retraite, Beffrois se rend dans un Film français de Lucas Bernard. Charles harles Berling, Swann Swann bel appartement pour constater Avec C Jennifer Decker (1h 44). un vol de tableau. Du beau travail : Arlaud, Jennifer
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MARDI 1ER - MERCREDI 2 JANVIER 2019
culture
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E N I A M E S A
CHEF-D’ŒUVRE Asako I & II Film fran français çais et japonais de Ryusuke Hamaguchi (1 h 59). pppp
À NE PAS MANQUER A Bread Factory, part 2 : Un petit coin de paradis Film américa américain in de Patrick Patrick Wang (2 heures heures).). pppv
À VOIR Bienvenue à Marwen Film américa américain in de Robert Robert Zemeckis Zemeckis (1 h 56). ppvv
L
Qui a tué Lady Winsley ? Film françai français, s, turc et belge belge de Hiner Saleem Saleem (1 h 30). Sur une île au large du Bosphore est retrouvé le cadavre E d’une romancière. Un inspecteur est dépêché d’Istanbul D pour mener l’enquête. Une goutte de sang ayant été retrouvée dans l’œil de la victime, les tests ADN devraient rapide S ment mener au coupable et l’affaire vite se conclure. Et, d’ailleurs, quelque quelque chose nous dit, dans la manière dont M elle nous est présentée, que l’énigme restera secondaire. Le cinéaste Hiner Saleem, n’ayant pas pour habitude de se L prendre au sérieux, juxtapose les genres (comédie, polar, I romance, drame social et politique) et multiplie les références cinématographiques. Il fait entrer l’esprit d’une Agatha F Christie au sein d’une communauté turque, paranoïaque et raciste, avec une malice qui réjouit. p v. ca. S E L
« A Bread Factory », ou les nouvelles manières de communiquer. ED DISTRIBUTION
Elégie pour pour l’ère l’ère prénumérique La seconde partie par tie de « A Bread Factory » suit les efforts de ses s es héroïnes pour maintenir leur centre culturel aux Etats-Unis A BREAD FACTORY, PART 2 pppv
C
e sont deux films distincts mais inséparables. A Bread Factory Factory,, Part 1 : Ce qui nous unit est sorti le 28 novembre. Je l’ai vu alors comme le récit très américain de la lutte entre l’équipe d’un centre culturel attaché au spectacle vivant et les forces de l’économie culturelle numérique, une célébration de la solidarité, de la transmission orale, un réquisitoire contre l’instantanéité de la production artistique et des réactions qu’elle suscite. Ce 2 janvier 2019, date de la sortie de A de A Bread Bread Fact Factory ory,, Part Part 2 : Un petit coin de paradis, on retrouvera les mêmes personnages, Dorothea (Tyne Daly) et Greta (Elisabeth Henry), les infatigables (à moins que…) animatrices du centre culturel installé dans une ancienne boulangerie industrielle (d’où The Bread Fact Factory) ory) à Checkford, petite ville imaginaire du nord-est des Etats-Unis, et leurs némésis, May et Ray, les artistes performeurs chinois et leurs mécènes qui veu-
lent dépouiller la Bread Factory de ses subventions. Les termes de la dispute n’ont pas non plus changé et ce second volet du diptyque de Patrick Wang est bien sûr la suite de ce qui est advenu pendant les deux premières heures de cette surprenante saga. Ce second volet est aussi et surtout une variation en mode mineur sur le même thème. Ce qui enthousiasmait – l’énergie des combattants, leur habileté à contrer les stratégies des forces de l’argent qui voulaient détourner à leur profit les subventions destinées au centre culturel – inquiète cette fois. Modes d’expression
Patrick Wang fragmente son récit et prend plaisir à laisser en suspens des interrogations que l’on croyait presque résolues à la fin de la première partie, qui se concluait par le triomphe provisoire de la communauté sur l’argent. L’optimisme teinté de naïveté se mue en rage et en afflictio n face à l’avènement inéluctable de puissances qui ne veulent ni ne peuvent cohabiter avec ce qui faisait le prix de la vie quotidienne des animateurs du centre culturel et de leur public.
Patrick Wang met en scène l’inéluctable disparition de métiers Pour être plus spécifique, il faudrait détailler ce qui s’est passé dans le premier volet, occulté à sa sortie par beaucoup de longs-métrages de valeur qui ont sombré sans laisser beaucoup de traces. La sortie en un jour moins encombré d’Un d’Un petit coin de paradis donne une deuxième chance à son prédécesseur, puisque nombre de salles proposeront l’intégralité du diptyque et que la portée, la pertinence du projet de Patrick Wang ne prennent tout leur sens que dans son ensemble. La durée de l’œuvre – quatre heures, en deux séances – permet au metteur en scène de donner à son propos et à ses personnages une épaisseur que ne laissaient qu’à peine entrevoir les premières séquences, presque burlesques de Ce qui nous unit : Patrick Wang, qui a pratiqué le théâtre et dont le pre-
mier film – In – In the the Family Family – date date de 2011, se situe du côté de l’analogique (papier, pellicule, toile) contre le numérique. A travers les efforts désespérés des très attachantes Dorothea et Greta pour maintenir à flot leur centre, en faisant de la rédactrice en chef du journal local une héroïne imprévue mais peu fiable, il met en scène l’inéluctable disparition de métiers, de modes d’expression, sans se résoudre à en faire son deuil. Il montre ce qui vient après sur le mode de la dérision (la petite ville est envahie de jeunes gens soudés à leurs machines à communiquer) sans être dépourvu de compassion à l’égard des acteurs et créateurs des nouvelles œuvres. Viendra peut-être le moment où l’agitation frénétique des formes qu’a provoquée l’avènement l’avènement du numérique laissera la place à un semblant de permanence. En attendant, on peut visiter dans tous ses recoins la boulangerie industrielle de Patrick Wang et célébrer avec lui les derniers feux de la culture à l’ancienne. p thomas sotinel
Film américain de Patrick Wang, (2 heures).
Undercoverr : Une histoire vraie Undercove Film américa américain in de Yann Demange Demange (1 h 51) Bootleggers et vendeurs de crack à la sauvett sauvette, e, importateurs d’héroïne indochinoise et fabricants de crystal meth, la chronique de ces métiers raconte l’histoire des Etats-Unis aussi précisément que le Congressional Record. Lorsque Hollywood s’empare de la grande saga des addictions, qui est aussi celle du pays, l’histoire tourne à la légende dorée. Les exploits de Denzel Washington dans American dans American Gangster ou de Tom Cruise dans Barry dans Barry Seal : American American Traffic Traffic,, sont « inspirés de faits réels », ces derniers étant sacrifiés – avec plus ou moins de succès – sur l’autel de l’arc scénaristique. scénaristique. Richard Wershe, le protagoniste d’Undercover d’Undercover , sort lui aussi de la chronique de la « guerre contre la drogue » que les Etats-Unis mènent depuis des décennies. Inspiré de l’histoire de Richard « White Boy Rick » Wershe, le film de Yann Demange tente, souvent avec succès, de retracer un destin individuel, celui d’un adolescent recruté par le FBI, et de peindre un lieu et une époque, Detroit, sous la présidence Reagan. Pour son premier film tourné outre-Atlantique, Yann Demange refuse avec énergie les pièges du crime à grand spectacle comme ceux de la reconstitution historique nostalgique. p t. s. POURQUOI PAS Un beau voyou Film françai françaiss de Lucas Lucas Bernard Bernard (1 h 44). pvvv
Never-Ending Man : Hayao Miyazaki Documentaire japon Documentaire japonais ais de Kaku Araka Arakawa wa (1h 10). Kaku Arakawa, réalisateur pour la télévision publique japonaise, suit depuis environ quinze ans Hayao Miyazaki ( Mon ( Mon voisin Totoro, Totoro, Princesse Mononoke Mononoke), ), maître de l’animation et cofondateurr du Studio Ghibli. Entre 2015 et 2016, à l’âge de cofondateu 74 ans et après avoir annoncé sa retraite définitive, Miyazaki se remet en selle pour réaliser un court-métrage en images de synthèse ( Boro Boro la petite petite chenille chenille , à destination du Musée Ghibli). Sans grande inspiration ni véritable recul, le film n’en constitue pas moins un document précieux, de par sa proximité avec une personnalité réputée farouche, présentant à la caméra une contradiction vivante: celle d’un artiste débordant de créativité et ne cessant pourtant de plaider son droit au repos. p ma. mt À L’AFFICHE ÉGALEMENT Premières vacances Film françai françaiss de Patrick Patrick Cassi Cassirr (1 h 42). Une femme d’exception Film américa américain in de Mimi Mimi Leder Leder (2 heures heures).).
La fréquentation fréquentation en salle a baissé de 4,25 % en 2018 La canicule, la Coupe du monde de football et l’absence de grosses productions américaines expliqueraient ce recul
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n France, 200,5 millions de spectateurs sont allés au cinéma en 2018, selon les chiffres du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), publiés lundi 31 décembre. Ce résultat marque une baisse de 4,25 % par rapport à 2017 où l’on avait compté 209,4 millions de personnes dans les salles obscures. Ce recul s’explique par l’effet conjugué de trois facteurs : le manque de gros films américains très porteurs, la tenue de la Coupe du monde de football, ainsi que la canicule estivale. Si bien que les spectateurs potentiels ont eu tendance à rester chez eux et à moins fréquenter les cinémas, expliquet-on au CNC. La succession de mouvements de grève à la SNCF, au printemps, tout comme les manifestations des « gilets jaunes » et
les débordements de violence à Paris, en novembre et décembre, ont également ajouté un petit coup de frein à cette tendance. Toutefois, le cap des 200 millions de spectateurs constitue bon an mal an la norme en France depuis une dizaine d’années. Le pic des 411,7 millions dans l’Hexagone remonte à… 1957, quand la télévision était balbutiante et Netflix inexistante. Avec 5 909 écrans bien répartis sur tout le territoire, la France reste très largement leader dans le cinéma en Europe. Le RoyaumeUni, doublement dopé par l’ouverture massive de nouvelles salles et le succès fulgurant de deux films ( Mamma Mamma Mia ! Here We Go Again, d’Ol Again, d’Ol Parker, et Boheet Bohemian Rhapsody, de Bryan Singer) a endigué sa chute et sa fréquenta-
tion a stagné à 176 millions d’entrées. Nos autres grands voisins ont en revanche souffert. Pénalisés par un parc de salles vieillottes et un manque de films nationaux forts, les spectateurs ont délaissé le cinéma en Allemagne, où la fréquentation a chuté de 17 % à 90 millions. Elle s’est également érodée de 4 % en Espagne à 92 millions de spectateurs et a baissé de 6 % en Italie pour tomber à 79 millions. Le CNC très confiant pour 2019
En France, Les France, Les Indestru Indestructible ctibless 2, de 2, de Brad Bird, arrive en tête des cinq films qui ont drainé le plus d’audience (5,8 millions d’entrées), suivi par Les par Les Tuche 3, d’Olivier Baroux (5,7 millions), La Ch’tite Famille, Famille, de Dany Boon (5,6 millions), Av Avengers engers: Infinit Infinity y
War, d’Anthony et Joe Russo (5,1 millions), et Le et Le Grand Grand bain, bain, de de Gilles Lellouche (4,2 millions). Asmillions). Astérix. Le secret de la potion magique, d’Alexandre Astier et Louis que, Clichy, qui n’a pas fini sa carrière en salle, pourrait encore entrer dans ce top 5. Persuadée que « les salles de cinéma sont des lieux de vie indis pensables pensa bles à la la société société», », Frédérique Bredin, présidente du CNC, se félicite que 2018 soit « une très belle année pour le cinéma français. Il réalise 40 % de part de marché, un record en Europe », affirme-t-elle. Entre 2017 et 2018, le cinéma français a gagné près d’un million de spectateurs pour atteindre 78 millions. C’est le meilleur résultat depuis 2013 dans l’Hexagone. Les comédies ont trouvé leur public, tout comme les films d’ac-
tion comme Taxi 5 5 (3,6 millions d’entrées), les films d’aventures pour enfants comme Belle comme Belle et Sébastien 3. Le dernier chapitre (1,7 million), les westerns tels que Les Frères Sisters, Sisters, de Jacques Audiard (840 000), ou les comédies dramatiques comme Première année (1 année (1 million). A l’inverse, malgré un budget colossal de 300 millions de dollars (262,50 millions d’euros), Solo. A Star Wars Story, de Story, de Ron Howard, n’a que péniblement atteint 1,4 million d’entrées en France. Bumblebee, de Travis Knight, Bumblebee, autre très gros film américain, a été devancé le premier jour de son exploitation en salle par Mia par Mia et le lion blanc, de blanc, de Gilles de Maistre. Le CNC se dit très confiant pour l’année 2019. Les blockbusters américains seront de retour, et
leur sortie mieux étalée tout au long de l’année. Il s’agit presque exclusivement d’énièmes suites d’histoires déjà très largement éprouvées : Men : Men in Black Black: InternaInternational, Toy Story 4, Top Gun : Maverick, La Reine des neiges 2 et même Star Wars Episode IX … Un Dumbo de Tim Burton est également attendu. En production française également, une avalanche de suites de recettes qui ont bien marché est prévue. Y figurent Tanguy, le retour, d’Etienne Chatiliez, Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ?, de ?, de Philippe de Chauveron, Minuscule veron, Minuscule 2. Les mandibules du bout du monde, d’Hélène Giraud et Thomas Szabo, ou encore Nous core Nous finirons ensemble, de Guillaume Canet. p nicole vulser
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0123 MARDI 1ER - MERCREDI 2 JANVIER 2019
Une soirée dansante puissance quatre
VO S SOIRÉES TÉLÉ
Les ballets signés Thierrée, Perez, Shechter et Pite, ont été joués à l’Opéra l’Opéra de Paris en mai
M A R D I 1 ER J A N V I E R ARTE
au gré d’une garde-robe colorée luxueuse et unisexe. Inconnu en France, Perez s’est inspiré du livre The Male Dancer, Dancer, de l’historien britannique Ramsay Burt, sur les rapports entre danse et masculinité au XXe siècle. Cette pièce étire une frise de dix hommes qui s’inventent en solitaire au sein du groupe. Ils s’échappent, s’évanouissent, toujours rattrapés par l’un ou l’autre, tissant un mouvement ample et continu, émaillé de citations chorégraphiques de Vaslav Nijinski ou de Michel Fokine. Pour The Seasons’ Canon, Canon, la Canadienne Crystal Pite a appliqué un traitement d’ensemble magique sur la masse de 54 danseurs. Malaxant les corps comme une pâte, elle lève des vagues de mouvements visuellement impressionnants. Sur Les Sur Les Quatre Quatre Saison Saisonss de Vivaldi revues par Max Richter, ce spectacle, curieusement acrobatique et néoclassique, compte beaucoup sur les unissons pour affirmer son efficacité. Filmée par Cédric Klapisch et Miguel Octave, cette soirée est un formidable cadeau pour les 128 interprètes sur les 154 du Ballet de l’Opéra national de Paris qui la subliment. p
MARDI 1ER - 23 H 30 SPECTACLE
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laboré par Aurélie Dupont, directrice de la danse, et créé en mai 2018, au Palais Garnier, à Paris, le programme de Quatre chorégraphes d’aujourd’hui à l’Opéra de Paris jongle avec les styles en jouant sur les tendances du moment : déambulation dans les lieux publics avec James Thierrée, interrogation sur le genre par Ivan Perez, accent tribal selon Hofesh Shechter et penchant unisson signé Crystal Pite. Ce tour de manège distingue aussi l’adaptation souple de la troupe aux univers et écritures les plus contrastés. En ouverture, Frôlon ouverture, Frôlonss, de James Thierrée, investit différents espaces sur le fil d’une fable étrange « The Art of Not Looking Back », de Hofesh Shechter, à l’Opéra Garnier. AGATHE POUPENEY/DIVERGENCE/ARTE peuplée de créatures dorées. Cinquante-sept danseurs ont donné vie à cette balade sous le regard de 2 000 spectateurs chaque soir. Ce lonie d’insectes décrochés des pla- pagnie parisienne. Neuf femmes ment dans les danses traditionqu’offre le film ? Plonger au cœur fonds de Garnier Garnier… … » , on peut ici s’emparent du style gestuel ner- nelles israéliennes, sa façon de ne de l’action, s’en rapprocher pour tenter de la comprendre. veux et secoué de Shechter. Sur pas avoir peur du grotesque, simieux pénétrer sa fibre. Plutôt Pour la première fois à l’affiche des hurlements, des confidences gnent cet opus toujours prenant. que de courir d’un coin du Palais de l’Opéra national de Paris, le cho- psy, des bascules de lumières et Garnier à l’autre en se hissant sur régraphe israélien basé à Londres, des percussions qui frappent sec, Malaxer les corps la pointe des pieds au milieu de la Hofesh Shechter, a confié les clés on retrouve l’agressivité stylisée Nettement plus doux, The Male foule pour attraper des morceaux d’une de ses pièces fétiches, du chorégraphe qui sait faire flam- Dancer de l’Espagnol Ivan Perez, du festin annoncé par Thierrée The Art of Not Looking Back ber les pulsions dans des tremble- met en scène une interrogation comme « une fourmilière, une co- (2009), aux interprètes de la com- ments intenses. Son enracine- sur les identités et les genres
TF1 21.00 Les 21.00 Les Gamins
Film d’Anthony Marciano. Avec Alain Chabat, Max Boublil, Sandrine Kiberlain (Fr., 2013, 85 min). France 2 21.00 N’oubliez 21.00 N’oubliez pas les paroles
Jeu présenté par Nagui. France 3 21.00 Meurtres 21.00 Meurtres en Martinique
Téléfilm de Philippe Niang. Avec Olivier Marchal (Fr., 2015, 100 min). Canal+ 21.00 La 21.00 La Deuxième Etoile
Film de Lucien Jean-Baptiste. Avec Firmine Richard (Fr., 2017, 100 min). France 5 20.50 En 20.50 En croisière sur le géant des mers
Documentaire de Philippe Lafaix. (Fr., 2018). Arte 20.50 L’Etrange Histoire de Benjamin Button
Film de David Fincher. Avec Brad Pitt, Cate Blanchett (EU, 2008, 160 min). M6 21.00 Belle et Sébastien 2 : l’aventure continue
Film de Christian Duguay. Avec Félix Bossuet (Fr., 2015, 105 min).
rosita boisseau
MERCREDI 2 JANVIER Quatre chorégraphes d’aujourd’hui à l’Opéra de Paris, ballets (120 min).
TF1 21.00 Deuxième étoile
Documentaire de Frédéric Colenge (Fr., 2018). France 2 21.00 On 21.00 On va s’aimer un peu, beaucoup
La survie de la faune, au plus près
Série. Avec Catherine Marchal, Ophelia Kolb (Fr., 2017). France 3 21.00 Les 21.00 Les Numéros un des Carpentier
Cette remarquable série documentaire en 5 épisodes suit au plus près cinq familles d’animaux
Documentaire de Bastien Gennatiempo (Fr., 2018). FRANCE 5 MERCREDI 2 - 20 H 50
SÉRIE DOCUMENT DOCUMENTAIRE AIRE
L
e projet est ambitieux, les moyens sont considérables et les images forcément spectaculaires. Seul bémol : une bande sonore au lyrisme un peu trop envahissant. Pour cette coproduction de prestige entre la BBC et France Télévisions, les vedettes sont des chimpanzés, des manchots, des tigres, des lions et des chiens sauvages. Lieux de tournage ? Du Zi mbabwe à l’AnAn-
tarctique en passant par l’Inde, le Sénégal et le Kenya. Durant quatre ans, les équipes techniques de haut niveau et dotées des moyens matériels nécessaires ont suivi au plus près cinq familles d’animaux. Thème commun à ces cinq épisodes de cinquante minutes, diffusés à la suite au cours de cette soirée exceptionnelle : la survie. Comment, en milieu hostile, vivre, se nourrir et surtout protéger ses petits en évitant de succomber face aux ennemis ou aux éléments déchaînés ? A chaque famille d’animaux son histoire et à chaque
épisode ses émotions. Dans la forêt sénégalaise, David le chimpanzé règne depuis trois ans, autrement dit une éternité, sur une trentaine de ses congénères. De jeunes rivaux veulent lui voler sa place et le laisseront pour mort. Mais David va se relever et reconquérir son trône. Images époustouflantes
Le deuxième épisode a pour cadre l’Antarctique, baigné par une lumière incroyable oscillant entre le gris, le noir et le bleu. Sur la glace, les manchots empereurs doivent rivaliser d’ingéniosité
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I. Dressés pour prendre de la GRILLE N° 19 - 001 PAR PHILIPPE DUPUIS
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hauteur. II. Rendis chatoyant. Composé organique. III. Nous entraîne dans un monde enfantin. IV. Conjonction. Dégagent. Le bon compte pour aller au trou. V. Beau comme un arc. De l’eau, des racines ou des feuilles. VI. Tombe bien mal. Reprend l’histoire à son compte. VII. Belle à croquer. Vivre ou comestible. VIII. Fournisseurs de gomme arabique. Elle a donné à Zeus Artémis et Apollon. IX. Libère de tout. Affluent du Rhin. Ouvre les comptes. X. Mettras hors d’haleine. VERTI CALE MENT
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Brindezingue. II. Red. Anémient. III. Agilité. No.
HORIZONTALEMENT I.
IV. Iroise. Rotin. V. Léto. Rai. Hic. VI. Lti (lit). Rabane. VII. Atémi. Oral. VIII. Ré. Edito. Mua. IX. Dramatisai. X. Saboteraient.
Braillards. 2. Regrettera. 3. Idiotie. AB. 4. Lio. Mémo.
VERTICALEMENT 1.
5. Dais. Ridât. 6. Entera. Ite. 7. Zée. Abêtir. 8. Im. Ria. Osa. 9. Niño. Nô.
Aï. 10. Géothermie. 11. Un. Ii . Au. 12. Etincelant.
violente. 2. Mis hors d’eux. 3. Demoiselle qui cogne fort. Perfections difficiles à trouver. 4. Vient en aide à la campagne et en campagne. Seigneur des anneaux. 5. Les chevrons s’y appuient. Eternel et unique pour certains. 6. Ne supporte pas le plomb. Garniture de la moufle. 7. Soutenu dans l’effort. 8. Raisin de table. En famille. 9. Fait vibrer les instruments à cordes. Hermétiquement fermé. 10. Armé aux Etats-Unis. Esquivée. 11. Préposition. Fut capitale pour les Arméniens. Mit fin brutalement. 12. Productions glandulaires.
pour nourrir leurs petits. Chan- découvrira des relations tendues gement radical de décor avec le entre une mère et sa fille Blacktip. troisième épisode, consacré à Le cinquième et dernier épisode, une famille de lions au Kenya. Les programmé à partir de minuit mâles adultes ayant abandonné dix, a pour cadre somptueux la réle groupe, la survie tient au cou- serve de Bandhavgarh, en Inde. rage de Charm, une femelle puis- Raj Bhera est la mère expérimensante, qui va chasser le gnou, par- tée et redoutable de quatre petits fois au péril de sa vie, comme tigres, encore vulnérables. Comlorsqu’elle est suivie de près par ment les mener à l’âge adulte sans des hyènes affamées. Certaines périr ? Pas facile… p alain constant images de chasse nocturne sont époustouflantes. Le quatrième épisode est consa- Dynasties, de Rosie Thomas, cré aux chiens sauvages qui vi- Will Lawson, Simon Blakeney, vent dans le Parc national de et Nick Lyon Mana Pools, au Zimbabwe. On y (RU/Fr., 2018, 5 × 50 min).
Canal+ 21.00 Le 21.00 Le Grand Jeu
Film d’Aaron Sorkin. Avec Jessica Chastain (EU-Can., 2017, 140 min). France 5 20.50 Dynasties 20.50
Série documentaire (RU-Fr., 2018). Arte 20.55 The 20.55 The Artist
Film de Michel Hazanavicius. Avec Jean Dujardin, Bérénice Béjo (Fr.-Bel., 2011, 100 min). M6 21.00 Recherche appartement ou maison
Télé-réalité présentée par Stéphane Plaza.
0123 est édité par la Société éditrice
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du « Monde » SA. Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capitalsocial: 124.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80,boulevardAuguste-Blanqui, 75707ParisCedex13Tél. :01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 3289 (Service 0,30 ¤/min + prix appel) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ; par courrier électronique :
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blog : http://mediateur.blog.lemonde.fr/ ; Parcourrierélectronique:
[email protected] Médiateur :
[email protected] Internet : site d’information : www.lemonde.fr ; Finances: http://finance.lemonde.fr; Emploi: www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation : http ://archives.lemonde.fr Collection : Le Monde sur CD-ROM: CEDROM-SNI01-44-82-66-40 LeMondesurmicrofilms: 03-88-04-28-60
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Compl´etez toute la grille avec des chiffres allant de 1 `a 9. Chaque chiffre ne doit ˆ etre util is´e qu’une etre seule fois par ligne, par colonne et par carr´ e de neuf cases. R´ealis´ eal is´e par Yan G eorg et ( https://about.me/yangeorget )
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La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0722 C 81975 ISSN 0395-2037
Lesarticlesdelapresse étrangèrequiontmarqué l’année Novembre-décembre2018Hors-série janvier2019
Présidente :
8,50€
Laurence Bonicalzi Bridier
9 1 0 2 R E I V N A J 8 1 0 2 E R B M E C É D E R B M E V O N
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Le Honda HR-V (à gauche), symbole de l’irrésistible ascension des SUV. HONDA Avec la I-Pace, même Jaguar se met à l’électr l’électrique. ique. JAGUAR
les succès de 2018 Louer plu Louer plutô tôtt qu qu’’ach achete eter, r, mi miser ser sur l’hy l’hybri bride de ou l’électriqu l’électrique… e… 2018, année de la transition tr ansition ? C’est C’ est compter sans le triomphe du d u polluant SUV
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AUTOMOBILE
algré les contraintes toujours plus fortes qui pèsent sur son usage – en particulier les coûts induits par sa transition énergétique, un enjeu déjà palpable –, l’automobile demeure une locomotive économique en même temps qu’un objet emblématique, capable d’inspirer l’aversion comme la passion. L’année 2018 aura vu s’accélérer les mutations à l’œuvre, comme le succès sans précédent des SUV ou l’électrification des gammes. La SUVmania
Le sport utility vehicle (SUV) vehicle (SUV) est entré dans le vocabulaire courant. Ce qui n’a rien de très surprenant lorsque l’on désigne une catégorie de voitures qui, désormais, pèse plus d’un tiers du marché français. Stimulée par une noria de n ouveautés (Citroën C5 Aircross, Audi Q3, Mercedes GLE, BMW X2 et X5, Honda CR-V et HR-V…) et alimentée par l’appétence des consommateurs pour les véhicules qui les installent en position haute, la SUVmania écrase tout sur son passage. Sa part de marché a progressé de huit points en deux ans, mais quelques vents contraires semblent se lever. Le durcissement progressif des normes environnementales et l’adoption d’un mode plus strict (dit « WLTP ») du calcul de la consommation tendent à en faire une cible de choix pour la fiscalité automobile. Il est vrai que lesport le sport utility ve consomme tendanciellement hicle consomme hicle davantage qu’une berline. Une petite musique, sur l’air du « SUV qui pollue » , commence donc à se faire entendre, comme si les nouveaux modèles étaient rattrapés par la mauvaise réputation de leurs prédécesseurs, que l’on appelait 4 × 4. Pour l’instant sans le moindre effet durable sur les ventes.
tion de la décote estimée. Une variable qui donne un réel avantage aux marques « premium» dont les modèles perdent moins de valeur que les généralistes. Au terme de la période de location, la voiture est restituée ou (ce qui est beaucoup plus rare) définitivement acquise par le locataire. Outre qu’elle s’inscrit dans l’air du temps, la LOA (ou la LLD, location de longue durée sans option d’achat) tend à diluer le budget automobile sur une longue période, ce qui contribue globalement à pousser à la dépense. Reste un inconvénient à ne pas perdre de vue : même si, finalement, elle ne convient pas, il faudra conserver sa nouvelle voiture jusqu’au terme du contrat.
JUSQU’ICI RÉTICENT, PSA S’EST ENGAGÉ À CE QU’EN 2025 TOUTES SES GAMMES DISPOSENT D’UNE OPTION « ÉLECTRIFIÉE »
La ruée sur la fée électricité
C’est le maître mot de l’année automobile : électrification. Il y a peu, on imaginait plutôt ce terme ré-
de lourdes pénalités, ces contraintes imposées au grand dam du « lobby automobile » font fleurir les programmes les plus ambitieux, y compris chez les constructeurs historiquement les plus réticents. Comme PSA qui s’est engagé à ce qu’en 2025 toutes ses gammes disposent d’une option « électrifiée ». Jaguar I-Pace, une belle surprise
Il n’est pas acquis – c’est un euphémisme – que la Jaguar I-Pace soit promise à devenir un modèle de grande diffusion, mais cette voiture, quoique élitiste, sert parfaitement la cause de la mobilité électrique. Elle prend le risque de s’écarter du cadre traditionnel de la marque en exploitant les marges de créativité qu’offre l’absence d’un encombrant moteur thermique (les moteurs électriques sont logés sur les essieux et la batterie
sous le plancher). D’où cette architecture dite « en cabine avancée », ce capot court, l’empattement long et le centre de gravité abaissé. Le résultat est original et franchement élégant avec, en prime, un habitacle aussi vaste que celui d’un monospace. A la fois sportive et familiale, pourvue de quatre roues motrices, cette automobile métissée développe l’équivalent de 400 chevaux. La I-Pace se conduit tout en souplesse et affiche, au mieux, une autonomie de 480 kilomètres. Son tarif est salé (à partir de 70 000 euros ou 890 euros par mois en location longue durée), mais un « plein » d’électri cité revient à environ 12 euros. Hardi mais prudent, Jaguar a développé une formule permettant à ses clients d’emprunter huit fois par an un véhicule thermique. p jean-michel normand
Diesel, design, petites voitures : l’année de la déroute au cours des douze derniers mois,
l’industrie automobile a vu se préciser de nécessaires rééquilibrages, opérés parfois sans ménagement pour les entreprises mais aussi leurs dirigeants. La chute des grands patrons
Il ne faisait pas bon diriger un groupe automobile en 2018. Rattrapé par le scandale du « dieselgate », Rupert Stadler, le président du directoire d’Audi, a passé l’été derrière les barreaux, entre juin et octobre. Au sein du même
groupe, Oliver Schmidt, ponte de Volkswagen, purge actuellement une peine de sept ans aux Etats-Unis pour avoir lui aussi participé au trucage des tests antipollution. Et que dire de Carlos Ghosn, figure tutélaire du premier groupe automobile mondial, écroué dans une geôle japonaise depuis le 19 novembre. Menacé des foudres de la justice américaine pour s’être soustrait aux contraintes de la communication boursière, Elon Musk a sauvé in extremis sa place à la tête de Tesla. Non sans
La LOA fait la loi
C’est une révolution discrète, mais qui agit en profondeur : louer sa voiture sur une longue période. Un peu plus d’un particulier sur trois recourt désormais à la LOA (location avec option d’achat) lorsqu’il choisit un véhicule neuf. La formule consiste à payer pendant trois, quatre ou cinq ans un loyer calculé en fonc-
servé au monde ferroviaire, mais en quelques années il s’est greffé sur celui de la voiture. Ce terme désigne l’hybridation des modèles utilisant un moteur à combustion interne (hybrides classiques ou rechargeables sur une borne), ainsi que le lancement d’un nombre croissant de modèles 100 % électriques. Sur les onze premiers mois de 2018, les hybrides (6 % du marché) et les électriques (2 %) battent tous leurs records, même s’ils ne sont pas près de devenir majoritaires. Cette ruée vers la fée électricité apparaît comme le seul moyen de satisfaire aux objectifs fixés par l’Union européenne (UE) pour 2021 (95 g de CO₂ en moyenne par kilomètre). Comme l’UE l’a proposé le 17 décembre, il faudra après cette date aller encore plus loin et réduire ces mêmes émissions de 37,5 % à l’horizon 2030. Assorties à
avoir accepté de partager le pouvoir à la tête de la firme. Le plongeon du diesel
Ce n’est plus une érosion mais un effondrement. La part du diesel, qui avoisinait les trois quarts des ventes de voitures neuves en 2012 et ne représentait plus que 47 % en 2017, termine l’année à 35 % des immatriculations. Certains constructeurs comme Volvo, PSA, Toyota, Fiat, Smart ou Porsche ont annoncé qu’ils cesseraient à moyen terme d’en proposer. Quant à la région Ile-de-France, elle emboîte le pas à la Mairie de Paris, et a décidé de programmer son bannissement en 2025. Le relèvement des taxes et la hausse des coûts de raffinage ont même abouti à ce que son prix à la pompe dépasse celui de l’essence. La mobilisation des « gilets jaunes » offre toutefois un léger répit au diesel, qui va échapper aux taxes supplémentaires supplémenta ires qui lui étaient promises en 2019. Cela ne lui permettra point de remonter la pente mais devrait contribuer à amortir sa chute. Le design à la peine
Peugeot 108, un modèle en voie d’extinction. PEUGEOT
Les designers de l’automobile doivent un peu s’ennuyer derrière l’écran de leur ordinateur. Les audaces stylistiques, en effet, se raréfient même lorsqu’il s’agit de concevoir une voiture électrique. Le design des automobiles
modernes s’est enfermé dans un cadre purement défensif, dominé par le souci de ne pas heurter l’acheteur, et la volonté de faire prévaloir à tout prix une identité de marque. Ce qui signifie que, du plus modeste au plus huppé, tous les modèles d’un catalogue doivent se ressembler. « L’avenir s’écrit sans doute en Chine, premier marché mondial, où les nouveautés proposent des choix plus audacieux qu’en Europe ou aux EtatsUnis », », estime Jean-Michel Prillieux, consultant chez Inovev. La petite voiture en péril
Elle pollue, par définition, moins que les autres et ne prend pas trop de place en ville. Pourtant, le déclin de la petite voiture semble inévitable. En vingt ans, la diffusion annuelle de la Twingo est passée de 200 000 à 80 000 unités, et, hormis la Fiat 500, les ventes de toutes les représentantes de la catégorie sont en berne. En annonçant la fin de leur partenariat, Toyota et PSA vont précipiter ce mouvement. Le groupe français n’a pas prévu de remplacer les petites Peugeot 108 et Citroën C1 alors que la firme japonaise songe à troquer sa citadine Aygo pour un mini-SUV. L’avenir est sans doute aux mini-modèles urbains 100 % électriques, proposés pour l’essentiel l’essen tiel en autopartage. C’est notamment la voie choisie par Smart. p j.-m. n.
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DÉBATS & ANALYSES
0123 MARDI 1ER - MERCREDI 2 JANVIER 2019
Steven Pinker « Pinker « Le progrès existe, il il est tangible » Le professeur de psychologie refuse de plier face au pessimisme ambiant, qui, selon lui, mène au radicalisme. Il faut prendre conscience que la vie sur Terre s’améliore et défendre les institutions qui ont permis ces avancées, au lieu de vouloir les renverser
Entretien
S
teven Pinker est professeur de psychologie à Harvard. Ses travaux de psychologie cognitive portent sur le langage, un instinct né de la sélection naturelle. En défenseur de la notion de progrès, il a écrit La écrit La Part d’ange en nous (Les Arènes, 2017), où il démontre que la violence décline et comment les mœurs évoluent aussi vers un apaisement. Son plus récent ouvrage poursuit sur cette lancée. Dans Le Dans Le Triomphe des Lumières Lumières (Les Arènes, 636 pages, 24,90 euros), il présente la raison, la science et l’humanisme comme les meilleurs moyens de surmonter les défis du XXIe siècle. Vous tentez par votre travail de restaurer une forme d’équilibre dans notre façon de voir le monde. Chiffres à l’appui, vous expliquez qu’il se porte mieux qu’on ne le pense. Malgré tout, vous croyez que le pessimisme fait consensus… La France en donne un exemple remarquable, car, selon un récent sondage YouGov, seulement 3 % des Français estiment que la situation du monde s’améliore. Nous savons pourtant, et ce de manière objective, que cette infime minorité a raison. Le monde va de mieux en mieux, à plusieurs points de vue. Les principaux indicateurs dont nous disposons vont dans ce sens. A l’échelle de la planète, l’espérance de vie moyenne est passée en un peu plus d’un siècle de 30 ans à 71 ans. Dans les pays développés, elle dépasse les 80 ans. Les pires maladies infectieuses, tels la malaria, la pneumo-
« ON CONTINUE DE CROIRE QUE L’ÉTAT DU MONDE SE DÉGRADE, ALORS MÊME QUE LE PROGRÈS EXISTE DE FAÇON TANGIBLE »
Car la presse doit relayer l’ensemble des informations, positives ou négatives. Bien évidemment, les journalistes ne doivent pas peindre le monde en rose, mais ils ne doivent pas non plus l’assombrir.
nie, la diarrhée, le sida, tuent de moins en moins de gens et sont en déclin. Le monde devient en outre plus prospère, le taux d’extrême pauvreté a chuté de 75 % au cours des trente dernières années et il n’y a maintenant plus que 10 % de la population mondiale qui est concernée. Savoir lire et écrire était auparavant un privilège accessible aux plus fortunés, maintenant 90 % des moins de 20 ans sont alphabétisés. Les guerres sont également moins fréquentes et moins létales. Les famines sont plus rares. Tout cela ne signifie pas que le monde est parfait, qu’il n’y a plus rien à améliorer. Néanmoins, presque partout sur la planète, et particulièrement en France, on continue de croire que l’état du monde se dégrade, alors même que le progrès existe de façon tangible.
Quel est l’effet de cette surmédiatisation de ce qui va mal sur notre façon d’appréhender le monde ? La psychologie cognitive montre que nous appréhendons l’avenir à partir d’exemples tirés de notre mémoire. La facilité avec laquelle notre cerveau accède à une idée, une image, une anecdote, est déterminante. Elle augmente notre propension à croire que cette chose peut se reproduire. Et donc la répétition d’un message négatif l’imprimera dans notre mémoire et nous conduira à croire que le monde part à vau-l’eau. Bien évidemment, les maux qui affligent la Terre ne vont pas disparaître et la presse doit y être attentive. Mais tant que les événements non violents continuent de faire l’objet d’une couverture insuffisante, l’esprit ne les prendra pas en compte pour évaluer l’état du monde.
D’où vient alors cette idée que tout va mal ? La presse est en partie responsable. Les journalistes ont tendance à s’intéresser davantage aux calamités qu’à ce qui réussit. Cela s’explique notamment par le fait que les désastres se produisent rapidement – pensons à l’effondrement d’un immeuble, à un tsunami, à une attaque terroriste –, alors que le progrès se déploie de façon graduelle. Comme le dit l’économiste britannique Max Roser, les journaux auraient pu titrer en « une » « 137 000 personnes ont échappé hier à l’extrême pauvreté » chaque jour des trente dernières années, mais ils ne l’ont jamais fait, car le recul de la pauvreté est un phénomène au long cours, et non soudain. Cette tendance à couvrir davantage les événements plus spectaculaires n’est pas le seul problème. La presse, qu’elle soit de droite ou de gauche, a une vision dystopique de la société : elle régresse, elle est un puits sans fond d’inégalités, de racisme, de terrorisme, de violence, de chômage. Cela s’explique par le fait que, au sein des rédactions, on a souvent tendance à croire que, pour pratiquer un journalisme sérieux, il faut s’intéresser à ce qui va mal. Les journalistes estiment que les bonnes nouvelles, les articles positifs relèvent du publireportage, de la propagande, du divertissement. Penser une telle chose est ridicule.
Sur le plan politique, quelles sont les conséquences de notre habitude de voir les choses de façon aussi sombre ? Ce biais pessimiste nous conduit au fatalisme, à croire que tout effort pour améliorer le monde est une perte de temps, car tous les efforts déjà consentis en ce sens n’ont mené qu’à une aggravation de la situation. Pire, ce biais peut aussi nous pousser au radicalisme, à croire que, si toutes nos institutions ont échoué, il est inutile de chercher à les réformer, il vaut mieux les détruire et tenter quelque chose d’entièrement différent. Dans la sphère politique, ce radicalisme a permis l’essor du populisme et l’élection de Donald Trump. Le cynisme s’est aussi installé, et il a, lui aussi, contribué à la montée du populisme. Plusieurs de nos concitoyens croient qu’il n’y a pas de différence entre les populistes et les centristes. Ils font le choix de l’abstention, en croyant qu’entre les différents partis c’est « bonnet blanc et blanc bonnet ». Or nous avons maintenant la preuve qu’il y a une profonde différence entre Donald Trump et Hillary Clinton. Ceux qui ne croient plus en nos institutions, en la démocratie libérale, en la régulation des marchés, font souvent le choix de rester chez eux le jour du vote. Et i ls permettent aux électeurs les plus radicaux de peser plus lourd.
« SI LA NATURE HUMAINE EXISTE, AVEC SES DÉFAUTS, NOUS SAVONS AUSSI RÉGLER DES PROBLÈMES, COMMUNIQUER » Pour vous, le pire peut être évité. Pourquoi êtes-vous si confiant ? Si la nature humaine existe, avec ses défauts, ses instincts égoïstes, agressifs, concupiscents, nous disposons aussi de capacités cognitives. Nous savons régler des problèmes, nous savons communiquer, grâce à un instinct du langage. Nous savons donc surmonter les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nous avons su créer, au cours du siècle des Lumières, deux précieuses institutions qui reconnaissent les limites de la nature humaine et fonctionnent de manière à permettre une amélioration de notre bien-être : la démocratie et les marchés. La démocratie prévoit des contrepouvoirs et repose sur une déclaration de droits inaliénables qui empêchent un dirigeant corrompu d’abuser de son autorité. Pour leur part, les marchés reconnaissent qu’en général les êtres humains travaillent plus dur pour leur propre bienfait et celui de leurs proches que pour celui de la société. Les marchés permettent donc à chacun de prospérer et d’améliorer sa situation. Vous mettez en cause la presse, mais que peut-elle faire pour aider nos instincts les plus nobles ? Je ne voudrais pas passer pour un critique de la presse, car nous ne pouvons pas nous passer d’elle. Les grands médias d’information nous rendent de précieux services. Nous ne pouvons pas laisser se propager les théories conspirationnistes, la désinformation. J’ai un respect d’autant plus grand pour le travail des journalistes que nous vivons à l’ère de Donald Trump, qui considère que toute critique de sa personne relève de l’infox et regarde la presse comme un « ennemi du peuple ». Je trouve ce discours terrifiant. Nous devons reconnaître que la vérification de l’information, l’objectivité, le travail de relecture, les standards de fabrication de l’information maintenus par les grands titres de presse sont des choses
magnifiques que nous devons défendre et célébrer. Néanmoins, toute institution doit exercer un contrôle constant de son fonctionnement, afin de corriger ses erreurs et de s’améliorer. C’est dans cet esprit que je m’autorise à faire certaines observations à propos de la presse. Et je crois que les journalistes doivent s’attacher à ce qui constitue le cœur de leur métier, recueillir des informations, s’appuyer sur des données chiffrées. Ainsi, leurs articles ne deviendront pas plus optimistes, mais plus fidèles à la réalité. Quels sujets font l’objet, à votre avis, d’une couverture excessive ? Le premier exemple qui me vient en tête est le terrorisme. Les dommages commis en son nom sont graves, mais moins importants que d’autres phénomènes, les accidents de voiture, par exemple. On insiste également sur les méfaits de la mondialisation, et certes, elle a entraîné la destruction de nombreux emplois. Mais elle a aussi rendu les vêtements et la nourriture moins chers, les pauvres ne sont plus vêtus de haillons, et ne sont plus émaciés comme cela a longtemps été le cas. Quelles informations démontrant que le progrès est possible et qu’il existe ont, selon vous, été trop peu traitées au cours de l’année qui vient de se terminer ? Je me réjouis de la fin de la guerre entre l’Erythrée et l’Ethiopie. Près de 80 000 personnes sont mortes à cause de ce conflit à la fin des années 1990. Cette guerre séparait des familles, empêchait l’Ethiopie d’accéder à la mer. Aux Maldives, un gouvernement démocratique a été élu en septembre. En Afrique, la transition démocratique au Nigeria et en Tunisie se poursuit. Il faut aussi saluer le développement de nouveaux antibiotiques qui permettront de dissiper la menace de bactéries résistant à ce type de traitement. L’essor de réacteurs nucléaires modulaires est une autre bonne nouvelle. Cette quatrième génération de technologie nucléaire permettra de construire plus facilement des centrales énergétiques. En outre, elles ne produiront pas de déchets radioactifs et seront plus sûres. Enfin, l’ONU avait désigné en 2000 huit Objectifs du millénaire pour le développement, et celui qui concernait la réduction de la pauvreté, avec l’espoir de la voir reculer de moitié, a été atteint avec cinq ans d’avance. p propos recueillis par marc-olivier bherer
Michel Barnier « Barnier « Réinventer Réinventer notre monde est impératif » Pour l’ancien commissaire européen, il faut adapter l’Union aux enjeux mondiaux, notamment écologiques et économiques
Par MICHEL BARNIER
L
a colère exprimée ces dernières semaines en France [avec France [avec les mamanifestations des « gilets jaunes »] interpelle bien au-delà de notre Hexagone. Les frustrations, incertitudes et peurs sont les produits de décennies de choix politiques qui ont laissé se creuser les inégalités économiques et sociales, mais aussi d’une mondialisation féroce qui menace et qui précarise. Nous sommes face à des choix de société et à un double défi : générationnel et européen. Le premier est celui de préparer nos concitoyens au monde qui vient. Nous ne pouvons pas nous contenter d’un monde toujours plus injuste, plus fragile, plus instable, où on nous espère parfois mais où plus personne ne nous attend. Pour reprendre une formule de Nicolas Hulot, il faut réconcilier « la fin du mois avec la fin du monde » . Nous devons réinventer notre monde. L ’Europe,
c’est moins de 7 % de la population et moins de 22 % de la richesse mondiale, mais 50 % des dépenses sociales. Nous ne pourrons maintenir notre bien-être collectif qu’en nous réformant. Le second défi est celui de réinventer nos pays, nos nations, dans l’Europe. En d’autres mots : construire une Europe qui allie la proximité dont nous avons tant besoin et la souveraineté nationale et européenne revendiquée par Emmanuel Macron. Au moment où les Européens posent des questions sur l’avenir de leurs enfants, leur pouvoir d’achat, la menace terroriste qui a encore durement frappé la France, il est plus que nécessaire de rappeler pourquoi il faut être ensemble, nous, Européens. Je veux évoquer quatre chantiers qu’il faut porter ensemble, au niveau européen, pour recoudre nos déchirures et resserrer les mailles de nos sociétés. Quatre chantiers qui seront autant de tests de la crédibilité et de la valeur ajoutée du projet européen ! Le premier chantier est celui de l’Europe verte. En 2050, le monde pourrait compter 250 millions de réfugiés climatiques. Aujourd’hui, déjà, nos campagnes sont frappées par les sécheresses et les incendies, nos villages et nos côtes par les inondations et les ouragans. Oui, nous faisons face à une urgence écologique. C’est maintenant qu’il faut agir sur nos modes de production et consom-
mation pour atteindre l’objectif zéro émission de CO2 en 2050. Faisons-en un agenda posit if ! A travers l’investissement en commun dans l’efficacité énergétique, les technologies de stockage et les voitures électriques. L’Europe peut devenir le premier continent « électrique » ! Il en va de notre compétitivité et de nos emplois futurs, mais aussi de la lutte contre le cancer et les maladies respiratoires, donc de notre santé à tous. UN MOMENT DE RUPTURE
Un deuxième chantier est celui de la migration. En 2050, nous serons 700 millions d’Européens. A moins de 15 km au sud de l’Espagne, l’Afrique comptera 2,5 milliards d’habitants. L’Afrique et l’Europe sont étroitement liées : nous avons besoin d’un partenariat fort, qui allie développement économique et gestion des flux migratoires. La migration n’a pas de solutions simples, et Bruxelles ne peut pas s’imposer contre les débats et identités nationaux. Mais ce n’est pas non plus aux passeurs de décider qui entre en Europe parce que nous avons échoué à agir collectivement ! Plus que jamais il nous faut des moyens communs. Pour garantir nos frontières, en consolidant Frontex, en démantelant les réseaux de passeurs, en européanisant les centres d’accueil sur notre territoire et au-delà. Il faut aussi
pousser plus loin notre cadre réglementaire en matière de droit d’asile, de migration légale et de refoulement, et compenser les Etats membres qui portent les efforts pour d’autres. Le troisième chantier est la construction d’une nouvelle économie bénéficiant à tous. En 2050, aucun pays européen seul ne comptera parmi les plus grandes puissances économiques. Aujourd’hui, déjà, l’Europe exporte ses cerveaux et ses données, et dépend de technologies importées des pays-continents comme les Etats-Unis ou la Chine. Nous sommes à un moment de rupture. Intelligence artificielle, supercalculateurs, cybersécurité, puces électroniques, technologies spatiales : autant de domaines où nous devons investir massivement. Nous devons aussi réguler et exporter nos normes, développer un tissu de compétences humaines et soutenir les nouvelles entreprises de l’économie solidaire et circulaire. Le quatrième chantier est celui de notre action extérieure et de la défense européenne. L’Europe est attendue. Face aux retraits de l’Amérique, Amérique, à l’avancée de la Chine, à l’affirmation de la Russie, l’Union doit porter une voix forte. Dans notre voisinage. Mais aussi dans le concert du monde. Face aux menaces pour la sécurité de notre continent, nous ne pouvons plus sous-traiter notre sécurité. Nous devons être ca-
pables. L’acuité des nouvelles menaces – terroriste, numérique, conventionnelle – exige que nous relevions le défi de la défense européenne, en développant une culture stratégique, une base industrielle, des forces communes et des capacités mutualisées. Jean-Claude Juncker et la Commission européenne en ont posé les premiers jalons. Enfin, l’urgence, c’est de défendre nos valeurs et notre modèle démocratique. A la veille des élections européennes, prenons le temps du dialogue, écoutons les propo sitions, argumentons ! Mettons notre capacité d’indignation et d’enthousiasme au profit d’un débat sur l’Europe que nous souhaitons. Etre européen, ce n’est pas renoncer à être français, au contraire ! C’est se donner une plus grande chance de relever ces grands défis. C’est transmettre cette chance aux générations futures. p Cette tribune est une version abrégée d’une conférence prononcée à Bruxelles le 5 novembre.
¶ Michel Barnier, ancien commissaire européen, est chef de la négociation européenne avec le Royaume-Uni pour le Brexit
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débats & analyses
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La France mise hors jeu dans le conflit syrien Analyse marc semo Service International
SANS LES AMÉRICAINS, RIEN N’EST POSSIBLE. « NOUS NE POUVONS PAS RESTER S’ILS PARTENT », SOUPIRE UNE SOURCE PROCHE DU DOSSIER
L
es militaires des forces spéciales françaisesont ostensiblement patrouillé, le week-end de Noël, dans les rues de Manbij. Depuis, redevenus plus discrets, les 4 × 4 ornés du drapeau tricolore étaient là pour bien signifier que, malgré l’annonce du retrait américain, ils restent, au moins pour le moment, déployés dans le nord-est de la Syrie et en premier lieu dans cette petite ville à l’ouest l’ou est de l’Euphrate qui depuis des mois est le lieu d’un bras de fer entre les forces turques, les milices arabo-kurd arabo-kurdes es des Forces démocratiques syriennes et les troupes du régime d’Assad. Au-delà de ce geste symbolique, la France n’a pourtant jamais semblé autant isolée sur ce dossier, alors même que les Kurdes syriens demandent au président français un soutien diplomatique, diplomatiq ue, voire une protectionmilitaire. « Un allié se doit avant tout d’être fiable », a lancé Emmanuel Macron à N’Djamena, le 23décembre, taclant ouvertement sonhomologue américain pour son désengagement de Syrie, imposé contre sa propre administration et prenant de court tous ses alliés. A commencer par la France, alors même que son président pensait avoir réussi à le convaincr convaincree de rester. Paris insiste notamment sur la protection des forces arabo-kurdes qui ont joué
un rôle crucial contre les djihadistes. La France pourra-t-elle néanmoins se montrer elle-même « fiable » vis-à-vis de ces alliés, alors même qu’Ankara masse ses forces le long de la frontière et que les Kurdes négocient avec le régime syrien un accord chaudement appuyé par Moscou ? Sans les Américains, rien n’est possible.
voit mal ce que peut et surtout ce que veut faire la France en Syrie », s’interroge Marc Pierini,
ancien ambassadeur de l’Union européenne à Damas et à Ankara, désormais chercheur à Carnegie Europe, relevant qu’en outre « les Nations unies elles-mêmes sont désormais courtcircuitées par la Russie, la Turquie et l’Iran ».
La demande de soutien des représentants du Rojava – la région kurde syrienne – s’enracine dans une forte relation franco-kurde remontant aux années Mitterrand. Ce fut la du dossier. Les forces françaises dépendent de France qui, en avril 1991, après la première leurs partenaires d’outre-Atlantique, y com- guerre du Golfe et l’écrasement dans le sang pris pour les évacuations par hélicoptère des par Saddam Hussein de la grande révolte blessés. Quelque 200 hommes sont impli- kurde, prit l’initiative au nom du droit d’inqués dans cette opération très spécifique au gérence humanitaire d’une résolution – la sein de l’opération « Chamal », quelque 1 100 688 – au Conseil de sécurité. Celle-ci instauhommes, ainsi que des moyens aériens et des rait une zone d’exclusion aérienne dans le bateaux déployés depuis septembre 2014 nord de l’Irak, garantie par les Occidentaux, dans le cadre de la coalition internationale et la création d’une entité régionale kurde incontre l’organisation l’organisationEtat islamique (EI). dépendante de facto de Bagdad. Un tel scénario est inimaginable sur la Syrie. « LES NATIONS UNIES COURT-CIRCUITÉES » Quelles que soient les dérives autocratiques La volte-face américaine met crûment en lu- de son raïs et sa volonté de briser les milices mière l’impasse de la politique syrienne de la kurdes syriennes, qu’elle accuse d’être organiFrance. Paris avait d’autant plus misé sur la quement liées aux rebelles kurdo-turcs du coopération avec Washington que l’adminis- PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), la tration Trump semblait nettement plus enga- Turquie de Recep Tayyip Erdogan, pilier du gée sur la Syrie que celle de son prédécesseur, flanc sud-est de l’OTAN et pays candidat à l’UE n’hésitant pas, par deux fois, à ordonner des n’est pas l’Irak de Saddam Hussein. frappes contre des installations du régime en En outre, le président américain, en rappereprésailles contre des attaques chimiques. lant que les Etats-unis ne veulent plus être «le « La priorité des autorités françaises est de ter- gend gendarme armedu mond mondee », lui a sous-traité la lutte miner la destruction de Daech [acronyme pour l’éradication de ce qui reste de l’EI. « Il arabe de l’EI], mais, au-delà de cet objectif, on n’est pas encore clair si Donald Trump se retire « Nous ne pouvons pas rester s’ils partent et nous n’avons d’ailleurs même pas les moyens de partir sans eux », soupire une source proche
Du danger de « l’appropriation culturelle » pour les sciences humaines La professeure de droit Wanda Mastor déplore la contagion dans le domaine scientifique de ce concept sévissant outre-Atlantique qui voudrait « interdire de parler d’un objet parce que l’on n’est n’est pas, précisément, cet objet »
Par WANDA MASTOR
E
n décembre 2018, la prestigieuse marque de luxe Prada a été contrainte de retirer de ses vitrines un accessoire représentant un petit singe noir avec une grosse bouche rouge. Accusée aux Etats-Unis de racisme et de blackface par le tribunal de la vindicte, l’entreprise italienne a publié sur son compte Twitter des excuses, précisant qu’elle n’avait « jamais eu l ’intention d’offenser qui que ce soit » . Il n’est pas question ici de
férieurs (puisque non normatifs) et supérieurs (puisque inscrits dans l’ordre de la nature). Voici qu’à la norme qui contraint, ordonne et habilite, l’homme décide d’ajouter ce qui n’est pas « bon » pour la société. Les personnes qui participent à un spectacle de lancers de nains dans une boîte de nuit, ce n’est pas bien. Les relations sadomasochistes extrêmes, ce n’est pas bien. Et tant pis si tous ces adultes étaient consentants. Il faut les protéger contre euxmêmes, rendre à la société ses lettres de noblesse. Celle-ci est devenue notre mère, à défaut d’avoir un État pour père. Elle nous dit, dans son extrême bienveillance, ce qui est bon pour nous, dresse la liste de tous ces fauteurs de trouble qui viennent assombrir ou mettre en danger la cohésion nationale. Comme, à une certaine époque, elle rappelait à Flaubert et Baudelaire, à travers la bouche de la justice, leur réalisme grossier.
porter un jugement sur le caractère inapproprié ou non de l’accessoire, prénommé « Otto ». Mais il est important de s’interroger sur les limites de ce qu’il « convient » de faire ou de ne pas faire, de représenter ou de ne pas représenter. Cet événement n’est que l’une des récentes illustrations de « l’appropriation culturelle » qui, sévissant déjà outre-Atlantique, gagne progressivement notre pays. Qui prend place dans un phénomène social plus vaste, au sein duquel MONDE ORWELLIEN il est devenu gênant d’adorer certai- Cette même société pointe du doigt nes idoles, gênant d’aimer des auteurs les « micro-agressions», certains autrefois qualifiés de géniaux, cours dans des campus américains se aujourd’hui de trop sulfureux, gênant voyant affublés de la pancarte « trigwarnings gs ». Certains sujets ne peude faire de l’humour aisément qualifié ger warnin de « déplacé ». Il est devenu gênant de vent plus être évoqués en cours, de penser librement. crainte de heurter des potentielles vicSoufflant déjà fort s ur l’Amérique Amérique pa- times de l’auditoire. Certains déguiseradoxale, voici venir le vent de la po- ments sont indignes car offensant des lice de la liberté. De la bienséance, du cultures que les déguis és « s’approrègne du politiquement mais aussi du prieraient ». On peut trouver que le scientifiquement correct. Ce n’est pas « Otto » de Prada et autres blackfaces, un problème de morale, comme on le des tresses nouées dans les cheveux pense parfois à tort. Elle a juste ceci d’une petite fille rêvant d’être Pocad’« emmerdant» qu’elle est « toujours hontas le temps d’un carnaval sont de la morale des autres », pour reprendre mauvais goût. Mais l’expression du les mots de Léo Ferré, celui-là même mauvais goût est celle d’une liberté. qui est aujourd’hui excommunié pour Sans parler de l’impossibilité de créer cause de misogynie aggravée. « Ce une police du bon goût qui relève à la n’est pas bien » est une assertion qui a fois de la prétention impossible et du l’habitude de se mouvoir dans les cer- monde orwellien. cles de moralité. « Il ne faut pas » est Dans le domaine des sciences huvenu marquer le progrès de l’huma- maines, il ne faudrait plus parler d’un nité, recevant les dix commande- objet que l’on ne peut pas connaître ments avant de bâtir des Etats de droit. parce que l’on n’est pas, précisément, Le « ce n’est pas bi en » ajoute à l’inter- cet objet. Ou parce qu’on n’appartient dit juridique existant la présomption pas à « sa » catégorie. Il va devenir qu’il en existerait d’autres, à la fois in- compliqué pour une chercheuse de
Le Livre
L’
tion tous plus insultants les uns que les autres, ils ne peuvent ni ne doivent accepter de se plier au verdict d’un jury multitudineux et autoproclamé » . LIBERTÉ ET INDÉPENDANCE
¶ Wanda Mastor est professeure de droit public à l’universit l’université é Toulouse-IToulouse-I-Capitol Capitole. e.
relève Michel Duclos, conseiller spécial de l’Institut Montaigne. Le premier bénéficiaire en est la Russie de Vladimir Poutine, qui, forte de son rang retrouvé de grande puissance grâce à son interventio intervention n militaire syrienne à l’automnee 2015, est désormais la seule à parler l’automn avec tous les protagonistes directs ou indirects d’une guerre civile syrienne de plus en plus régionale. La marge de manœuvre des autorités françaises dans un tel contexte est pour le moins limitée. Une fois acté le retrait américain, avec qui pourraient-elles agir ? Il est toujours hors de question de coopérer avec le régime d’Assad ou avec son parrain iranien. Avec la Russie, les relationsrestent marquéespar la méfiance. Le partenaire le moins illogique serait donc la Turquie. Au début du conflit, Paris et Ankara étaient les plus grands soutiens de la rébellion. Ensuite, les ambiguïtés du pouvoir islamo-conservateur mo-conserv ateurturcvis-à-vis desdjihadistes et la carte kurde jouée par Paris comme par Washington ont changé la donne. La Turquie est redevenue incontournable. Ce qu’a rappelé son ministre des affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, en déclarant que le maintien de forces françaises pour soutenir les milices kurdes « ne serait bénéfique pour personne », tout en soulignant que leur maintien « pour contribuer à l’avenir de la Syrie » pourrait être positif. Des menaces inacceptables pour Paris, qui se trouve néanmoins complètement hors jeu. p
Le crépuscule du « moment kur kurde de » ?
faire une thèse sur « Les chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru », sans être une descendante desdits chevaliers. Après la controverse rela Kanata ta, le Cirque du tive au spectacle Kana Soleil a décidé de maintenir cette œuvre mettant en scène des tribus indiennes. Rappelant que ce spectacle n’enfreignait aucune loi, le communiqué de presse souligne avec superbe qu’« après un déluge de procès d’inten-
En principe, un scientifique doit prendre de la distance avec son objet. À titre personnel, ce qui me plaît le plus dans les sciences humaines, c’est qu’elles sont plus humaines que scientifiques. Je suis incapable d’écrire sur des choses que je n’aime pas. Et, au-delà, je n’écris même que sur des choses qui me passionnent. J’ai écrit sur les Noirs, les homosexuels, les Indiens d’Amérique. Je ne suis ni noire, ni homosexuelle, ni indienne. Mais les aime, profondément. profondément. On me répondra que « les aimer » ne veut rien dire. Bien au contraire. Cela signifie que je mettrai tout en œuvre pour toujours mieux connaître et comprendre comprend re leurs histoires, leurs figures, leurs souffrances, le rapport du droit dominant à leur groupe. Pour mieux ensuite les enseigner. Selon la philosophie de l’appropriation culturelle, je ne devrais pas avoir le « droit » d’écrire sur ces groupes, n’en faisant pas partie. Le juge Clarence Thomas est le seul Noir de la Cour suprême des Etats-Unis. Est-il considéré comme le plus protecteur des droits des Noirs américains, à travers notamment la question de la discrimination positive ? Certainement pas. Toutes les causes méritent d’être étudiées, défendues, valorisées. Par quiconque entend le faire. Au nom de ces principes suprêmes qui font la grandeur de notre métier d’enseignantchercheur: la liber té et l’indépendance. Si on empêche un chercheur d’utiliser son énergie pour faire avancer une cause, pour valoriser une civilisation, on glorifie le même mal que l’on croyait vouloir détruire. p
seulement de Syrie ou s’il veut le faire de tout le Moyen-Orien Moyen-O rient, t, mais mais le proce processus ssus est amorc amorcéé » ,
LES KURDES. UN PEUPLE SANS ÉTAT EN 100 QUESTIONS de Boris James et Jordi Tejel Gorgas éd. Tallandier, 377 pages, 16,50 €
histoire d’une nation n’est jamais simple à raconter et à décrypter. Surtout quand celle-ci traverse le temps et l’espace depuis des millénaires et se trouve aujourd’hui principalement divisée sur plusieurs Etats : les Kurdes sont, dans ce cas, partagés entre la Turquie, la Syrie, l’Iran et l’Irak, autant dire assis sur une marmite que l’actualité réchauffe toujours un peu plus à chaque pic de violence au Proche-Orient. C’est pourtant le pari que se sont lancé Boris James, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient et ancien responsable de son antenne à Erbil (Kurdistan irakien), et Jordi Tejel Gorga, professeur titulaire à l’université de Neuchâtel (Suisse), Kurdes.. Un peuple peuple sans sans Etat Etat en 100 questi questions ons, livre dans Les Kurdes consacré à ce peuple dont les origines remontent à la haute Antiquité. Le résultat est d’autant plus éclairant et percutant que la collection « Un peuple en 100 questions » peut parfois conduire à la simplification ou à un choix arbitraire d’occurrences, en prenant au passage quelques libertés avec l’Histoire. Mais là, les deux auteurs, fins connaisseurs de la question, ont contourné les généralités et proposé une plongée dans le monde kurde aussi passionnante qu’inquiétante. Passionnante, car le sens commun se limite t rop souvent à présenter un profil kurde incarné par le peshmerga ou la combattante, alors que la société sort peu à peu de son moule traditionnel sous l’effet d’une forte diversité culturelle (cinéma, littérature et musique), trop souvent oubliée ou négligée. Inquiétante, car les Kurdes ont toujours été ballottés par l’histoire des empires rivaux et sont devenus les orphelins du système international depuis l’entre-deux-guerres. TECTONIQUE DES PLAQUES GÉOPOLITIQUES
C’est contre cette tectonique des plaques géopolitiques et l’ordree mondial que les Kurdes se battent depuis des décenl’ordr nies afin d’obtenir une reconnaissance internationale qui va au-delà d’un vague droit à l’existence qu’on leur lance trop souvent au visage pour les rassurer, comme s’ils n’avaient pas droit eux aussi à l’autodétermination, surtout quand leurs armes servent de rempart contre la barbarie de l’organisation Etat islamique et constituent ainsi les premières lignes de défense de la civilis ation contre la barbarie. Le « moment kurde » auquel nous assistons depuis la chute de Saddam Hussein en Irak en 2003 et la guerre en Syrie en 2011 se heurte cependant à la logique souverainiste des deux vieux Etats de la région, l’Iran et la Turquie. Les deux auteurs l’expliquent avec précision quand ils abordent l’évolution de la question kurde dans ces deux anciennes puissances impériales, notamment la Sublime Porte, qui multiplie les déclarations d’intervention au Rojava (Kurdistan syrien), après le retrait annoncé des troupes américaines et après avoir pris possession de la poche d’Afrin, Afrin, dans le nord de la Syrie, au début de l’année 2018. Ni fatalistes ni dupes, les Kurdes savent pourtant que les Occidentaux ne sont pas fiables, que leur promesse de liberté universelle et de solidarité ne peut pas tromper la vigilance de la chaîne du Zagros. Car comme le dit l’adage : « Les seuls amis des Kurdes sont les montagnes. »
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gaïdz minassian
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0123 MARDI 1ER - MERCREDI 2 JANVIER 2019
ÉCONOMIE | CHRONIQUE par stéphane lauer
Charité mal ordonnée
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endant que certains, sur les ronds-points de France et de Navarre, réclamaient de changer la vie en augmentant le pouvoir d’achat, d’autres proposaient de « Changer par le don ». Cette initiative, lancée, début décembre, en plein conflit des « gilets Jaunes », par Denis Duverne, président du conseil d’administration d’Axa, et Serge Weinberg, son homologue chez Sanofi, vise à faire appel à la générosité des plus riches en léguant au moins 10 % de leurs revenus ou de leurs fortunes au monde associatif. Prendre et donner : deux faces de la même pièce qui taraude une société obnubilée par la notion d’égalité. Bien sûr, on ne pouvait imaginer pire calendrier pour parler philanthropie. Alors que l’essentiel du débat est focalisé sur les fins de mois, la démagogie ambiante aura vite fait de classer l’initiative au ran g des « bonnes œuvres » d’une catégorie de population « fin de race », déconnectée de ce que vit la majorité des Français. Toutefois, en ces temps de jacquerie où le simplisme est devenu l’alpha et l’oméga de la réflexion citoyenne, le débat sur la fonction que peut jouer le don dans un pays qui est statistiquement le moins généreux du monde occidental mérite mieux que quelques slogans antiriches. Selon les données recueillies par les économistes Gabrielle Fack, Camille Landais et Alix Myczkowski dans leur ouvrage Biens publics, publics, charité privée (Cepremap, privée (Cepremap, éditions Rue d’Ulm, 104 pages, 9 €), les Français donnent en moyenne 0,3 % de leurs revenus, soit huit fois moins que les Américains. Et la situation ne s’améliore pas. Il y a quelques jours, Serge Weinberg nous confiait que, depuis la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) le 1er janvier, on constate une chute de près de 50 % des dons à certaines grandes associations. Ce contrecoup a de quoi faire réfléchir sur le système français, qui propose un abattement qui peut aller jusqu’à 75 % du montant du don pour un coût global de 2,2 milliards d’euros par an pour les caisses de l’Etat. La France est ainsi le pays où les incitations fiscales sont les plus généreuses du monde. On ne peut pas en dire autant des bénéficiaires, qui, lorsqu’ils n’ont plus besoin de défiscaliser, sont beaucoup moins enclins à partager leur fortune. « La France a sans doute utilisé de façon faço n exces excessiv sivee les les inci incitati tations onsfisc fiscaales », estiment les économistes, qui considèrent que les efforts devraient plutôt porter sur la structuration du secteur à but non lucratif afin de favoriser l’initiative privée dans les domaines d’intérêt général. « A quoi cela sert-il d’avoir de fortes incitations aux dons si les acteurs qui produisent ces biens publics publ ics ne ne sont sont pas orga organisé niséss pour pour faire appel appel aux dons? », s’interrogent-ils, tout en relevant que des institutions publiques comme les universités ou les hôpitaux faisaient jusque très récemment peu appel à la générosité, faute de structuresadéquates. Le cadre a évolué avec la création en 2007 du statut de fondation universitaire et en 2014 celui de fondation hospitalière. Mais, au
LES PROMOTEURS DE « CHANGER LE DON » NE PRÉTENDENT PAS SUPPLÉER À DES FINANCEMENTS PUBLICS DÉFAILLANTS
IL NE SEMBLE PAS INCONGRU D’ENCOURAGER DAVANTAGE LES DONS EN FIXANT DES OBJECTIFS PRÉCIS regard des limites de plus en plus flagrantes des finances publiques et du délabrement de plus en plus prononcé de nos facultés et hôpitaux, les besoins grandissants en matière de lutte contre la pauvreté et de promotion de la réinsertion, il ne semble pas incongru d’encourager encore davantage la collecte de dons en fixant des objectifs précis et en établissant clairement les règles et les contrôles sur l’utilisation des fonds. La France doit-elle pour autant basculer vers un modèle à l’américaine ? « ? « Cela ne peut pas être notre horizon,, affirme Serge Weinberg. horizon En revanche, revanche, il y a en France une sorte de respect immodéré de l’Etat comme seul détenteur du bien public. Je pense qu’il est nécessaire qu’il existe d’autres parties prenantes. Les associations sont des lieux d’innovation sociale, qui, en étant prochess du terra proche terrain, in, permet permettent tent d’apporter des réponses originales et efficaces là où l’Etat et les collectivités locales sont de moins en moins capables de le faire. » Les promoteurs de « Changer le don », qui réunit déjà plus de 60 donateurs et vise 400 engagements d’ici à la fin 2019, ne prétendent pas suppléer à des financements publics défaillants, mais veulent avant tout participer à l’invention de nouveaux modes opératoires, insiste M. Weinberg. On est effectivement loin du système américain. Aux Etats-Unis, la philanthropie est omniprésente. Selon David Callahan, le fondateur du site Web Inside Philanthropy, en moins d’un siècle, le nombre de fondations a été multiplié par 500 et le montant de leurs actifs est passé de 1 milliard de dollars à 800 milliards aujourd’hui. Un modèle ? Pas vraiment, répond le journaliste Anand Giridharadas, qui vient de publier Winners Take All. The The Elite Chara Charade de of Changin Changing g the World (Les World (Les gagnants prennent tout. Le simulacre des élites qui allaient changer le monde, Knopf, 304 p., non traduit), un livre qui a eu un certain retentissement dans une Amérique qui devient de plus en plus ploutocratiqu ploutocratique. e. Pour lui, la philanthropie a été mise en place par les gagnants du système pour que celui-ci ne change pas. Il s’interroge sur le fait que les problèmes les plus cruciaux (inégalités, pauvreté, éducation) sont confiés à une caste non élue plutôt qu’à des institutions publiques qui sont sapées par le lobbying et l’optimisation fiscale. « Les philanthropes américains ont créé un système qui assèche le bien publicc et qui charge publi charge ceux qui l’ont ont ruiné de le réparer. On demande aux incendiaires d’être les pom pierss », accuse-t-il. Il reproche éga pier lement au système de contribuer à biaiser biaiser le débat d’idées : après avoir participé au déclin de l’université publique et assisté à celui de l’édition et de la presse, il place sous influence les intellectuels en finançant leur travail. La charge est lourde, mais elle donne à réfléchir sur l’évolution de la philanthropie que nous voulons en France. Si « le don doit changer », les missions d’intérêt collectif doivent rester sous le contrôle étroit d’institutions publiques et démocratiquement élues. La générosité privée, elle, ne peut venir qu’en appui. p
Tirage du Tirage du Monde daté dimanche 30-lundi 31 décembre : 225 287 exemplaires
NOTRE ERREUR ET NOTRE RESPONSABILITÉ
suite de la première page
Puiser dans le vocabulaire visuel d’un courant esthétique du début du XXe siècle, le constructivisme, qui a imprégné les représentations des dictatures qui l’ont suivi, n’était pas un bon choix, puisque cela exposait à ce risque de confusion. S’inspirer d’un graphiste qui avait déjà utilisé ces codes pour une illustration sur Hitler ne pouvait qu’accroître ce risque. Nous avons manqué de discernement dans la validation de cette couverture qui ne correspondait pas au fond du récit consacré à Emmanuel Macron dans ce numéro. Nous avons donc présenté nos excuses, dès samedi, aux lecteurs qui en ont été choqués. Nous considérons en effet que, pour un journal,
reconnaître ses torts ne revient pas à restreindre mais bien à augmenter sa liberté d’informer, et sa crédibilité pour y parvenir. Cette maladresse est d’autant plus regrettable qu’elle introduit du trouble dans une époque où notre rôle est, plus que jamais, d’apporter de la clarté, de la mesure et de la profondeur. La période extrêmement instable, et dangereuse, dans laquelle nous sommes entrés, tant en France que dans nombre de démocraties, accroît notre responsabilité de collectivité de journalistes dont l’indépendance éditoriale, qui s’est construite depuis bientôt soixante-quinze ans, a été intégralement maintenue. Cette responsabilité, nous serons encore plus vigilants pour la préserver des erreurs – aucune rédaction n’est infaillible – qui peuvent entamer la confiance de nos lecteurs. Cette liberté, nous veillerons aussi à la protéger des pressions qui ont pris de nouvelles formes, depuis l’avènement des réseaux sociaux. Car, depuis trois jours, en sus des courriers de nos lecteurs de bonne foi, nous voyons aussi se déployer, autour de cette couverture ratée, l’habituelle tentative de nous caricaturer en ce que nous ne sommes pas : un journal militant, voué au dénigrement systématique du président de la République – ce qui ne manque pas d’ironie quand on se souvient du reproche, tout aussi fallacieux, qui nous était adressé par ses opposants, de l’avoir soutenu durant sa campagne électorale. A cette mauvaise foi,
nous ne cesserons d’opposer notre travail de journalistes, qui dit chaque jour ce que nous sommes : un quotidien, un site et un magazine non partisans, qui cherchent toujours, par des informations inédites, des reportages ou des enquêtes originales, à alerter leurs lecteurs sur les grands mouvements de la planète ou du pays. Alerter signifie bien plus souvent inquiéter ou déranger que rassurer ou conforter dans ses certitudes. Cela nous vaut de prendre des coups et d’être attaqués sans cesse par tous les camps. Ces procès d’intention, nous y sommes confrontés depuis longtemps. Ils ont valu aux journalistes de notre service Planète d’innombrables critiques sur leur couverture de la catastrophe en cours du réchauffement climatique, avant que cette vérité finisse par s’imposer à tous, comme le décrivait très bien le précédent numéro de notre magazine. Aujourd’hui, ils se déploient à l’occasion de la crise politique et sociale majeure que révèle le soulèvement des « gilets jaunes », tout autant que la montée de nombre de mouvements populistes dans le monde. Nous ne renoncerons pas à décrire, sans concession pour aucune partie, les enjeux anciens et récents de cette fragmentation de nos sociétés. C’est par ce rôle que se construit l’utilité d’un journalisme indépendant, et la confiance de ses lecteurs. p
Une collection o c s a P / l i e p u a C d r a u o d E ©
Présentée par
HUBERT HUBER T REEVES
Quand Andromède rencontre la Voie lactée
ATLAS
DU
COSMOS Une collect collection ion essen essentielle tielle pourcontempler et compr comprendre endre stes de le spe spectac ctacle le du Cos Cosmos mos.. Réalisés par des spécialistes l’astrophysiqu l’astro physique, e, ces ouvrages accessibles et rigoureux décryptent l’Univers l’Univer s et donnent un sens à son histoire.
LE VOLUME 2
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jérôme fenoglio, directeur du « monde »