ÉCONOMIE POLITIQUE : TOME II MACROECONOMIE
I. L’EQUILIBRE MACROECONOMIQUE AVEC DES PRIX FLEXIBLES : L’APPROCHE « CLASSIQUE » OU « NEOCLASSIQUE » Elle part d’une hypothèse centrale : les prix sont parfaitement flexibles et assurent un équilibre automatique et instantané de l’offre et de la demande sur tous les marchés, et regroupe plusieurs écoles : • Classique : fondatrice de l’économie politique moderne ; • Néoclassique : accorde la prépondérance aux choix individuels, coordonnés par les marchés ; • Monétariste : supériorité des politiques budgétaires sur les politiques monétaires ; • Les nouveaux classique : hypothèse des anticipations rationnelles. Conséquences : • Les producteurs se préoccupent surtout de leur efficience productive, puisqu’ils sont assurés de trouver un débouché à leur production ; • Le plein-emploi des facteurs de production est garanti : si l’un d’entre eux est trop cher, son prix baisse jusqu’à ce qu’il soit pleinement utilisé. ⇒ La logique de l’offre prédomine.
1. L’équilibre sur le marché du travail a. Le fonctionnement du marché du travail Il est supposé en situation de concurrence pure et parfaite. Alors : • L’offre de travail est une fonction croissante du salaire réel. A l’équilibre, l’utilité marginale du revenu retiré du travail s’égalise avec l’utilité marginale du temps de loisir sacrifié pour accomplir ce travail. Les salariés raisonnent en terme de salaire réel : ils ne sont pas victimes d’une illusion monétaire qui les conduirait à ne s’intéresser qu’au salaire nominal. • La demande de travail par les employeurs est une fonction décroissante du salaire réel, la courbe de demande de travail est confondue avec la courbe de productivité marginale. La concurrence entre les travailleurs pour obtenir des emplois, associée à la concurrence entre les employeurs pour attirer les salariés, garanti la flexibilité parfaite des salaires réels (on suppose par exemple que l’ensemble des contrats est renégocié à chaque variation de la situation sur le marché). b. Interprétation néoclassique du chômage Il y a chômage involontaire quand des individus souhaitent travailler au taux de salaire courant offert sur le marché et ne trouvent pas d’emploi, et chômage volontaire quand des individus ne trouvent pas d’emploi parce qu’ils demandent un salaire supérieur au salaire d’équilibre du marché. Au vu des hypothèses posées ci-dessus, seul le chômage volontaire est possible. Mais cette conclusion est en contradiction trop flagrante avec la réalité. Comment expliquer alors l’apparition d’un chômage involontaire ? • La rigidité des salaires empêche les ajustements nécessaires sur le marché du travail, et les entreprises n’embauchent pas car cela ne serait pas rentable. Les responsables de ce chômage classique sont donc les institutions qui limitent la flexibilité des salaires : État, syndicats… • L’indemnisation du chômage inciterait les employés à résister plus fermement à une baisse de leurs revenus (non indemnisée) qu’à une réduction de l’emploi. • L’imperfection de l’information amène les agents à allonger leur temps de recherche : il existe en permanence un chômage incompressible ou frictionnel. Mais il correspond à un chômage de plein-emploi : o Tous les individus souhaitant travailler au salaire d’équilibre trouvent un emploi ; o Le temps consacré à la recherche ne correspond pas au sous-emploi d’un facteur de production, car il conduit à une meilleure utilisation de ce facteur.
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L’inadaptation entre la structure des offres et des demandes de travail donne naissance à un chômage structurel, qui prend la forme d’un excès d’offre pour les qualifications les moins recherchées.
⇒ Il s’agit donc d’un chômage naturel : il correspond au fonctionnement normal et efficace du marché du travail compte tenu de l’imperfection de l’information et des contraintes institutionnelles.
2. L’équilibre sur le marché des biens et services a. L’offre globale de biens et services L’ensemble des facteurs de production étant toujours pleinement employé, le volume de la production dépend du volume disponible de ces facteurs. Même si les prix augmentent, les entreprises ne pourront augmenter leur production faute de facteurs disponibles : l’offre globale est indépendante du prix, et peut donc être représentée par une droite verticale. b. L’équilibre entre l’offre et la demande La loi des débouchés est formulée en 1803 par Jean-Baptiste Say. Elle exprime l’impossibilité d’un déséquilibre entre offre et demande globales, car la valeur des biens et services offerts se transforme en un revenu intégralement dépensé pour l’achat de biens et services : seuls des déséquilibre sectoriels sont possibles. De plus, les transactions se font uniquement dans le but d’obtenir des produits : « la monnaie est un voile », elle n’est pas désirée pour elle-même. Que se passe-t-il si une partie du revenu n’est pas dépensée ? • Les individus n’ont pas de préférence pour la liquidité : s’ils épargnent, c’est uniquement pour effectuer des placements rémunérés qui augmenteront leur richesse future. N’étant pas victimes de l’illusion monétaire, ils s’intéressent donc au taux d’intérêt réel, dont l’épargne est une fonction croissante. • Celui-ci détermine également le coût d’opportunité des investissements (le prix du capital, c’est-à-dire le coût de l’emprunt ou, quand une entreprise s’autofinance, la somme qui aurait été gagnée si l’argent avait été placé au lieu d’être investi) : l’investissement est donc une fonction décroissante du taux d’intérêt réel. ⇒ Il existe alors un taux d’intérêt d’équilibre qui égalise la demande et l’offre fonds prêtables (I=S). Ainsi, le marché financier étant parfaitement concurrentiel, l’épargne n’est pas une fuite dans le circuit économique. Elle correspond à une demande en biens d’investissement.
3. L’équilibre monétaire a. La demande et l’offre de monnaie La monnaie, au sens strict, est constituée de l’ensemble des moyens de paiement immédiatement utilisables pour effectuer des règlements et acceptés par tous dans une communauté donnée. N’importe quel bien peut remplir le premier rôle de la monnaie, celui d’étalon, de surcroît sans qu’il soit nécessaire de le détenir. Les individus n’ont pas non plus de préférence pour la liquidité puisque l’information est parfaite et sans incertitude. Le seul motif de la demande de monnaie est donc le financement efficace des transactions. D’où : • La quantité de monnaie en circulation (Md) dépend du niveau général des prix (P) et du revenu réel (ou PIB en volume : Y), un coefficient k mesurant l’intensité de cette relation : Md = k×P×Y. • La vitesse de circulation de la monnaie mesure la valeur des échanges de biens et services qui peut être assurée par la circulation d’une unité monétaire : V = (p×Y) / Md = 1 / k. Apparaissent ainsi les trois facteurs déterminants la demande de monnaie, qui est : • Fonction décroissante de la vitesse de circulation ; • Fonction croissante du niveau général des prix ; • Fonction croissante du revenu réel. Dans les modèles simples, on admet que l’offre de monnaie est exogène : elle est parfaitement contrôlée par les autorités monétaires ou le gouvernement (Mo = Μ : la barre indique une quantité constante pour un politique économique donnée).
b. L’équilibre monétaire
Il implique simplement Mo = Md, c’est-à-dire Μ×V = P×Y. Or on peut considérer comme fixes : • Y car il correspond au PIB Ype qui assure le plein-emploi des facteurs de production, et ne dépend donc que du volume ces facteurs et du progrès technique ; • V qui est fonction des habitudes et des techniques de paiement
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⇒ Les variations de la masse monétaire se répercutent sur le niveau général des prix (on parle d’inflation lorsque P augmente, de déflation lorsqu’il diminue). C’est la théorie quantitative de la monnaie : la monnaie n’a aucune influence sur la production et l’utilisation des facteurs (Y), elle est neutre. L’ajustement entre Μ et P est assuré par le mécanisme d’encaisse réelle (variation des dépenses monétaires décidée par les détenteurs de monnaie en vue de ramener au niveau désiré la valeur réelle de leurs encaisses monétaires après qu’elles ont été modifiées par un choc quelconque). Comment expliquer alors que la demande de monnaie fluctue ? Pour les monétaristes, le rapport entre la quantité de monnaie et le revenu courant peut être instable, car un tel phénomène masque la stabilité à long terme de la relation entre demande de monnaie et revenu permanent. Or la demande des agents dépend de l’anticipation de leur revenu permanent (flux de revenu perpétuel qu’un agent peut escompter retirer de l’exploitation de son patrimoine sans diminuer la valeur de ce dernier). Par ailleurs, ils expliquent comment les imperfections dans le fonctionnement des marchés et la lenteur des agents à percevoir correctement l’inflation permettent à la monnaie d’avoir des effets réels sur l’économie (mais à court terme seulement). Cette hypothèse est remise en cause dans les années 1970 par la théorie des anticipations rationnelles : les individus anticipent l’inflation dès que le gouvernement annonce une politique monétaire expansionniste. C’est un donc un retour à la théorie de la monnaie neutre.
4. Résumé de l’approche néoclassique En situation de concurrence pure et parfaite, les équilibres s’appellent mutuellement et se réalisent au mieux. Le seul rôle des politiques économiques est alors de favoriser au maximum la flexibilité des marchés. Les caractéristiques méthodologiques de cette approche sont cependant particulières : • L’analyse est microéconomique : elle cherche à expliquer le fonctionnement d’une économie nationale par la rationalité des comportements individuels ; • L’analyse est statique et non dynamique : les mécanismes permettant de passer d’un équilibre à un autre ne sont pas décrits, on se contente d’étudier la nouvelle situation d’équilibre. • L’analyse se situe dans le long terme : c’est-à-dire sur une période suffisamment longue pour que tous les ajustements soient réalisés.
II. L’EQUILIBRE MACROECONOMIQUE AVEC DES PRIX RIGIDES : L’APPROCHE KEYNESIENNE Le véritable intérêt de la théorie de Keynes est d’avoir étudié les situations où la régulation se fait non par les prix, mais par les quantités. Constatant l’imperfection des mécanismes qui déterminent les prix d’équilibre, il pose en effet l’hypothèse de la rigidité des prix en courte période. La loi des débouchés n’est alors plus valable, et l’offre dépend de la demande effective. L’approche classique est complètement renversée. ⇒ La primauté échoie donc à une logique de la demande.
1. Les déterminants de la demande globale a. La demande de consommation et l’épargne Selon la loi psychologique fondamentale de Keynes, la consommation (C) des agents augmente avec le revenu (Y), bien qu’une fraction de ce revenu supplémentaire soit aussi épargnée. On appelle propension marginale à consommer (c) la variation de la consommation induite par une variation la plus petite possible du revenu. On suppose également qu’il existe un seuil de consommation incompressible (C0), indépendant du revenu, d’où : C = C0 + cY. L’épargne quant à elle, est définie de manière résiduelle : les individus cherchant avant tout à satisfaire leurs besoins de consommation, elle est indépendante du taux d’intérêt. La propension marginale à épargner (s) est alors complémentaire de la propension marginale à consommer : s = 1 – c.
b. La demande d’investissement L’investissement (I) est une fonction décroissante du taux d’intérêt réel (i). En effet : • Le bénéfice actualisé doit être positif : les revenus futurs que l’on attend de l’investissement doivent être supérieurs à son coût.
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Le taux de rendement interne (ou efficacité marginale du capital) doit être supérieur au taux d’intérêt : la somme investie doit rapporter plus que si elle avait été placée sur les marchés financiers.
c. La demande extérieure La demande extérieure nette s’obtient en déduisant des exportations (X) des importations de biens et services (M) :
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Les exportations sont considérées comme exogènes car elles dépendent de la situation économique des pays étrangers. Les importations en revanche, dépendent directement du volume de l’activité intérieure : la propension à importer (M) est une fonction croissante du revenu intérieur.
⇒ Si m représente la propension marginale à importer, la demande extérieure nette est égale à X – mY.
2. L’équilibre sur le marché des biens et services a. L’équilibre offre-demande globales L’équilibre entre offre et demande globales suppose, en économie fermée, l’égalité I=S. L’approche classique montre que I et S sont tous deux fonction du taux d’intérêt, dont les variations conduisent automatiquement à l’équilibre. Mais admettre avec les keynésiens que S est fonction du revenu revient à la détacher de I : épargne et investissement dépendent de variables différentes et reflètent des comportements non coordonnés d’agents souvent différents. Il n’y a aucune raison a priori d’arriver à l’équilibre, la loi des débouchés ne tient plus. La demande globale (DG) est égale à la somme de la consommation (C0 + cY), de l’investissement (I) et de la demande extérieure nette (X – mY) : DG = C0 + cY + I + X – mY. Elle comprend donc une partie indépendante du revenu, appelée demande autonome : DA = C0 + I + X, et une partie dépendante ou demande variable : cY – mY. Sur une courbe, on porte le revenu (Y) en abscisse et la demande globale (DG) en ordonnée. La courbe de demande est représentée par une fonction affine d’équation DG = DA + Y× (c-m). L’équilibre est atteint en Ex, lorsque cette courbe coupe la droite d’équation Y = DG (droite à 45 degrés qui part de l’origine, ou ensemble des points ou revenu et demande globale s’égalisent). A cet équilibre est associé un certain niveau du revenu réel (Yx). Si Ype désigne le niveau de l’offre globale correspondant au plein emploi, deux cas sont possibles : • Yx < Ype : l’équilibre est dit de sous-emploi et génère du chômage : la demande est suffisante pour écouler la production, mais insuffisante pour employer tous les travailleurs à la recherche d’un emploi (point E1 sur la courbe). • Yx > Ype : la demande est excédentaire, la production qu’elle suppose est impossible car elle serait supérieure au maximum possible en utilisant pleinement tous les facteurs de production. Elle provoque alors une augmentation du niveau général des prix, ou inflation (point E2). On peut déduire de cette analyse la courbe d’offre globale : • Tant que la demande globale est inférieure au niveau correspondant au plein-emploi, les entreprises peuvent augmenter leur production pour répondre à une hausse de la demande (l’offre est élastique), et n’ont nul besoin d’augmenter leurs prix : la courbe est horizontale. • Au-delà de ce point, l’offre devient rigide : seuls les prix peuvent augmenter si la demande globale s’accroît encore : la courbe est verticale. ⇒ La courbe d’offre globale à la forme d’un L renversé (↵). Dans le premier cas, l’équilibre génère du chômage, mais il n’y a pas d’inflation. Dans le second cas, il s’accompagne de l’inflation mais il n’y a pas de chômage. Cette relation, appelée courbe de Phillips, révèle l’existence d’un taux de chômage incompressible (Upe) correspondant au fonctionnement normal du marché du travail au pleinemploi. Dans la réalité, la courbe est continue : les tendances inflationnistes se font sentir avant l’arrivée au plein-emploi, ne serait-ce que parce que cette arrivée n’est pas simultanée dans tous les secteurs.
b. Les effets multiplicateurs et la politique budgétaire L’analyse précédente prouve la nécessité de la politique économique, soit pour stimuler la demande globale en situation de sous-emploi, soit pour freiner la demande en situation d’inflation. Lorsque les entreprises investissent, elles distribuent un revenu supplémentaire équivalent à la valeur des investissements. La part de ce revenu qui n’est pas épargnée est consommée et constitue un revenu supplémentaire pour autre agent. Celui-ci va également contribuer à alimenter la consommation et par conséquent, l’offre, et ainsi de suite. Au
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final, l’effet d’une augmentation de l’investissement sur la production est bien supérieur à l’effet initial. Ce phénomène est appelé multiplicateur d’investissement ; sa valeur est 1 / (1 – c) en économie fermée, 1 / (1 – c + m) en économie ouverte. Il caractérise également les dépenses publiques (qui font partie, avec les exportations, de la demande autonome). Le multiplicateur des transferts publics est en revanche plus faible : comme il correspond à une distribution de revenu (et plus d’un achat direct), il est multiplié par la propension marginale à consommer des agents qui en bénéficient. Les impôts agissent de la même manière, mais en sens inverse (l’augmentation des impôts est supérieure à la baisse de la demande qui en résulte). D’après les théorème de Haavelmo, le budget de l’État n’est pas neutre : même quand les dépenses sont intégralement financées par des impôts, elles exercent un effet stimulant sur l’activité. Les impôts en effet, bloquent le processus multiplicateur en retirant un revenu équivalent à celui qui a été engendré par les dépenses supplémentaires, mais ils n’éliminent pas l’effet initial de ces dépenses sur la production. Le multiplicateur est d’autant plus élevé que la propension marginale à consommer est forte et que la propension marginale à importer est faible. Il ne stimule la demande que s’il existe des capacités de production inutilisées. Dans le cas contraire, il conduit à une hausse de l’inflation. Enfin, la variation des taux d’intérêt agit dans le sens inverse du multiplicateur (la hausse de r tend à réduire les effets d’une politique stimulant l’activité). Le taux d’intérêt est déterminé par l’offre et la demande de monnaie : le marché monétaire agit donc sur l’investissement et la production, l’économie monétaire n’est plus séparée de l’économie réelle. L’épargne pour sa part, ne contrarie vraiment l’équilibre du marché des biens et services que si elle thésaurisée, ce qui implique que les agents ait une préférence pour la détention d’encaisses oisives et liquides.
3. L’équilibre monétaire a. L’offre et la demande de monnaie
L’hypothèse d’une offre de monnaie exogène (Mo = Μ) est reprise. En attendant d’effectuer leurs dépenses, les agents détiennent des encaisses destinées à financer les transactions (motif de revenu pour les ménages, motif d’entreprise pour les producteurs) ou à faire face à des dépenses imprévues (motif de précaution). Ces motifs étant tous liés aux transactions sur les biens et services, on les regroupe en une seule composante : la demande de monnaie de transaction (L1). Celle-ci est fonction croissante de l’activité économique : on peut écrire L1 = gY, où g représente un indicateur de l’élasticité de la demande de monnaie par rapport au revenu (g > 0). La monnaie constitue également une réserve de valeur, et peut donc être détenue pour elle-même afin de spéculer sur le marché financier. Cette demande spéculative (L2) varie en sens inverse du taux d’intérêt : plus les taux d’intérêt sont élevés, plus les cours des actions sont bas et plus les agents anticipent un retournement à la hausse. Ils achètent donc des titres à bas prix dans l’espoir de réaliser un gain, et leurs encaisses spéculatives diminuent (et inversement). Alors L2 = hi, où h représente un indicateur de l’élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d’intérêt (h < 0). ⇒ Md / P = gY + hi (les agents s’intéressent à la valeur réelle de la monnaie en circulation).
b. L’équilibre du marché monétaire On porte la demande et l’offre de monnaie en abscisse, le taux d’intérêt en ordonnées : • L’offre de monnaie est indépendante de i (puisqu’elle est exogène) : elle est donc représentée par une droite verticale au niveau Μ / P fixé par la politique économique. • La demande de monnaie : o La composante L1 ne dépend que du revenu, elle est aussi représentée par une droite verticale au niveau L1 : le taux d’intérêt atteint un niveau tellement élevé que les agents sont convaincus qu’il ne pourra que baisser, et que par conséquent le cours des actions ne pourra que monter. Ils remplacent alors massivement leurs encaisses par des actions. o Au-delà de cette quantité commence l’encaisse de spéculation, fonction décroissante du taux d’intérêt. o Keynes suppose toutefois l’existence d’un taux d’intérêt plancher i0, à partir duquel les agents sont convaincus que les taux ne pourront qu’augmenter : il n’ont alors aucune raison de détenir des actions dont le titre ne peut que baisser, leur préférence pour la liquidité est absolue d’où le nom de « trappe à liquidité » donné à cette situation (représentée par une droite horizontale en i0). ⇒ Le taux d’intérêt effectif i* est déterminé par la rencontre des courbes d’offre et de demande.
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On comprend alors pourquoi l’efficacité du multiplicateur dépend du taux d’intérêt : à mesure qu’il agit sur le PIB (Y), la demande de monnaie pour financer les transaction augmente, ce qui provoque une hausse de i. Or un taux d’intérêt élevé constitue un frein à l’investissement : à plus long terme, cela signifie une baisse du niveau de la production et de l’emploi. ⇒ Le secteur réel et le secteur sont interdépendants.
4. L’équilibre du marché du travail a. Le fonctionnement du marché du travail A court terme, les individus raisonnent sur le salaire nominal, qui est le seul indicateur pertinent dont ils disposent : prévoir l’évolution précise du pouvoir d’achat prend en effet du temps. De même, la comparaison entre les salaires relatifs ne peut se faire que sur leurs valeurs nominales. Le salaire reflète un consensus social : il est l’issue du rapport de forces entre employeurs et employés dans la négociation salariale, qui détermine les justes rémunérations pour chaque niveau de qualification. Le niveau de rémunération est donc une donnée exogène par rapport à la conjoncture et au niveau de l’emploi. Pour un salaire nominal donné, l’offre de travail (Lo) est rigide : elle ne devient croissante qu’à partir d’un niveau très élevé de l’emploi (E1), qui correspond à une augmentation des salaires. La demande de travail (Ld) pour sa part, est une fonction décroissante du salaire réel (w / P), dont le niveau dépend de celui de la production. L’insuffisance de la demande sur le marché des biens et services conduit alors à un équilibre de sous-emploi (L2), générant un chômage involontaire (Lpe – L2). La baisse des salaires n’est alors pas un bon remède contre le chômage : elle entraîne en effet une baisse du revenu distribué aux ménages, et déclenche un effet multiplicateur à la baisse sur la demande globale. Celle-ci appelant une diminution du niveau de la production accompagnée de nouvelles baisses de salaires, et ainsi de suite. On risque d’entrer dans un processus cumulatif de récession. Keynes convient cependant de la nécessité de réduire le coût du travail : il suggère de diminuer le salaire réel par une hausse des prix, car c’est exactement ce qui se passerai si la demande augmentait. Enfin, la théorie du salaire d’efficience montre que la productivité du travail peut être une fonction croissante du salaire : l’effort réellement consenti par les travailleurs ne dépend que leur motivation, et donc du sentiment d’être traités justement par leurs employeurs.
b. Les fondements microéconomiques de la rigidité des salaires La théorie du capital humain remet en cause l’hypothèse de l’homogénéité du facteur travail : la productivité des salariés croît avec l’expérience (c’est-à-dire l’ancienneté). Pourtant, tous les salariés sont payés au même salaire d’équilibre : la rémunération… • … d’un travailleur récemment embauché est supérieure à sa productivité marginale, les entreprises sont obligées de payer le salaire d’équilibre pour attirer les meilleurs candidats. • … d’un employés de longue date est inférieure à sa productivité marginale : l’entreprise récupère le rendement de son investissement en capital humain, de la formation qu’elle a offert. ⇒ Tant qu’elle s’attend à une reprise de l’activité, l’entreprise préfère payer des « sur-salaires » pour conserver ses travailleurs expérimentés. Les entreprises sont moins sensibles que les individus aux aléas de la conjoncture, car il leur est plus facile de diversifier leurs activités. En échange d’une rémunération plus faible, elles peuvent alors proposer des contrats de travail stabilisés (le salaire est indépendant de la conjoncture) : il s’agit en fait d’une forme d’assurance. De tels engagements sont toujours implicites, ils sont maintenus pour préserver la réputation des agents sur le marché du travail. • •
L’hypothèse classique de flexibilité des salaires est contestable de part les hypothèses qu’elle implique : Les ajustements de salaire n’engendrent aucun coût : or la gestion du personnel, les négociations, les pertes en capital humain… pèsent parfois lourdement ; Il existe un mécanisme de circulation de l’information qui permet de déterminer le nouveau salaire d’équilibre suite à un choc quelconque : le marché du travail aurait donc une existence concrète, de la forme d’une bourse. En réalité, les employeurs ne connaissent pas le nouveau salaire d’équilibre et procèdent par tâtonnement. Cela a un coût.
⇒ La rigidité des salaires n’est pas la conséquence de blocages institutionnels, mais résulte du fonctionnement normal du marché du travail.
5. Résumé de l’approche keynésienne
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Dans un contexte d’incertitude, les agents anticipent la demande à laquelle ils vont être confrontés. La confrontation de l’offre globale et de la demande globale effective détermine l’équilibre sur le marché des biens et services. Celui-ci est toutefois dépendant du taux d’intérêt, fixé par le marché monétaire et financier. Enfin, Y et i ayant été déterminés non en fonction du travail disponible, mais de la demande effective, rien ne garanti de parvenir au pleinemploi. L’intervention de l’État est alors nécessaire (en jouant sur son budget, il peut remédier à une insuffisance de la demande) et d’autant plus efficace qu’elle a un effet multiplicateur.
Quelles sont les caractéristiques méthodologiques de cette l’approche keynésienne ? • L’imperfection et la rigidité des prix constituent le postulat essentiel : l’information est toujours imparfaite ; • L’analyse est dynamique : l’équilibre n’étant jamais garanti, ce sont les mécanismes qui permettent d’y arriver qu’il est intéressant d’étudier ; • L’analyse se situe dans le court terme : le long terme néoclassique (au-delà duquel tous les ajustements ont été réalisés) est en effet supposé extrêmement long, alors que les préoccupations réelles des agents se situent dans le court terme.
III. LE MODELE IS-LM : LES POLITIQUES MACROECONOMIQUES EN ECONOMIE FERMEE Proposé par John Hicks en 1937 comme une interprétation de la théorie de Keynes, il représente l’interaction entre le secteur réel et le secteur financier, et constitue un outil d’analyse des effets des politiques conjoncturelles.
1. La construction du modèle a. La courbe IS Elle représente l’ensemble des combinaisons de taux d’intérêt et du revenu qui assurent l’équilibre du marché des biens et services. La relation entre i et Y est décroissante : un taux d’intérêt fort entraîne une chute de l’investissement et une réduction du produit intérieur, alors qu’un faible taux d’intérêt stimule l’investissement et la production. Si l’on porte Y sur les abscisses et i sur les ordonnées, la courbe IS est décroissante. L’élasticité du revenu par rapport aux taux d’intérêt correspond à la pente de la courbe : plus celle-ci est faible, plus l’influence du taux d’intérêt est forte (et inversement). Pour une pente donnée, la position de la courbe dépend de la demande autonome (DA = C0 + I + X).
b. La courbe LM Elle représente l’ensemble des combinaisons de taux d’intérêt et de revenu qui assurent l’équilibre du marché monétaire. La relation entre i et Y est ici croissante : si le revenu national augmente, les agents ont besoin de davantage de moyens de paiements pour financer les échanges, et le taux d’intérêt augmente (et inversement, car on suppose l’offre de monnaie inchangée). La courbe LM est croissante. La pente de la courbe reflète l’influence du revenu sur le taux d’intérêt. On distingue trois phases : • La trappe à liquidités : le niveau des encaisses spéculatives est tel que les agents acceptent de les réduire sans hausse du taux d’intérêt (demande de monnaie est parfaitement élastique à i). • La phase normale : la demande de monnaie est imparfaitement élastique à i. • La phase classique : les encaisses spéculatives sont nulles, aucune augmentation du taux d’intérêt ne peut donc dégager d’encaisses supplémentaires (la demande de monnaie est parfaitement inélastique à i). ⇒ Pour une pente donnée, la position de LM dépend de l’offre de monnaie.
c. L’équilibre global en économie fermée L’équilibre est atteint sur les deux marchés à l’intersection des courbes IS et LM. Sinon : • Sur le marché des biens et services : o L’économie nationale se situe en dessous de IS : elle est confrontée à une demande excédentaire de biens (DEB), qui exerce une pression à la hausse sur Y (points A et B). o L’économie nationale est au dessus de IS : l’offre de biens est excédentaire (OEB) et exerce une pression à la baisse sur y (points C et D). • Sur le marché monétaire :
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L’économie nationale est au dessus de LM : l’offre de monnaie, excédentaire (OEM), exerce une pression à la baisse sur le taux d’intérêt (points A et D). L’économie nationale est en dessous de LM : le taux d’intérêt est trop faible et la demande de monnaie est excédentaire (DEM), (points B et C).
2. Les politiques conjoncturelles a. La politique budgétaire Elle déplace la courbe IS vers la droite lorsqu’elle est expansionniste : l’introduction de revenus supplémentaires exerce un effet multiplicateur sur la production. Mais le développement de l’activité entraîne une demande supplémentaire de monnaie et une hausse du taux d’intérêt qui freine l’effet final sur la production (Y2 est atteint au lieu de Y3). Le raisonnement est inverse pour une politique budgétaire restrictive qui déplace la courbe IS vers la gauche. Les conditions d’efficacité des ces politiques sont alors : • Un multiplicateur élevé (c’est-à-dire une forte propension à consommer) ; • Une demande de monnaie peu élastique au revenu (les répercussions de la hausse du revenu sur le taux d’intérêt seront plus faibles) ; • Une demande de monnaie fortement élastique au taux d’intérêt (une faible hausse de i suffit à diminuer les encaisses spéculatives, donc à dégager des encaisses supplémentaires pour les échanges) ; • Une faible élasticité de l’investissement au taux d’intérêt (l’augmentation de i nuira peu à l’investissement) ; • Des capacités de production inutilisées et une offre de biens élastique à court terme (faute de quoi l’augmentation du revenu provoquera de l’inflation).
b. La politique monétaire Une augmentation de l’offre de monnaie (c’est-à-dire une politique expansionniste), déplace la courbe LM vers la droite : le taux d’intérêt baisse, les investissements sont stimulés et ont un effet multiplicateur sur le revenu. Inversement, une politique monétaire restrictive réduit le revenu en déplaçant LM vers la gauche. Ces politiques sont alors d’autant plus efficace que : • La demande de monnaie est peu élastique au taux d’intérêt (une forte baisse de i est nécessaire pour que les agents acceptent d’absorber la monnaie offerte supplémentaire) ; • Une forte élasticité de l’investissement au taux d’intérêt (pour que I soit largement stimulé par la baisse de i) ; • Un multiplicateur élevé ; • Des capacités de production inutilisées et une offre de biens élastique à court terme (sinon, le multiplicateur s’exerce sur les prix). ⇒ Certaines conditions d’efficacités de ces politiques sont inverses : quand l’une atteint son efficacité maximale, l’efficacité de l’autre est minimale.
c. Interprétations keynésienne et néoclassique Le plein-emploi peut être atteint grâce à ces deux politiques. Cependant : • La politique budgétaire favorise la consommation privée et le secteur public, au détriment des investisseurs privés ; • La politique monétaire utilise et se fait au profit des investissements privés. ⇒ Il est également possible de pratiquer une combinaison de ces deux politiques (policy mix), par exemple pour limiter l’effet pervers de la relance sur le taux d’intérêt. Dans la logique keynésienne, ces mouvements se font sans inflation tant que le plein-emploi n’est pas atteint. Dans une analyse néoclassique, l’économie est déjà parvenue au plein-emploi, les politiques économiques sont par conséquent inutiles : • L’inflation répond à la politique budgétaire : au final, ses effets sont nuls ; • La politique monétaire aboutit seulement à une élévation du taux d’intérêt. ⇒ On assiste à un effet d’éviction : les dépenses publiques développent une partie de la production, mais au détriment du secteur privé. L’effet total est alors nul, puisque seule la structure des dépenses est modifiée. Nonobstant, l’interprétation néoclassique présuppose l’inefficacité, elle ne la démontre pas.
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IV. O FFRE GLOBALE, DEMANDE GLOBALE, INFLATION ET CHOMAGE Selon le degré de confiance dans les mécanismes d’ajustement, on peu dégager trois grandes écoles : • La logique classique affirme que la flexibilité des prix suffit à assurer l’équilibre, à court terme comme à long terme ; • La logique monétariste explique que les processus d’ajustements sont inefficaces à court terme, mais permettent à plus long terme la convergence de l’économie vers l’équilibre ; • La logique keynésienne met en doute la capacité des prix à rétablir l’équilibre, quel que soit le terme.
1. Offre globale, demande globale et courbe de Phillips a. La demande globale La courbe de demande globale donne l’ensemble des combinaisons du revenu réel (Y) et du niveau général des prix (P) pour lesquelles le marché des biens et services (IS) et le marché monétaire (LM) sont simultanément en équilibre. Pour construire cette courbe, il suffit d’étudier comment évolue le revenu d’équilibre (l’intersection de IS et LM) quand P varie. On distingue trois effets : • L’effet Keynes : la baisse des prix élève le niveau des encaisses réelles, ce qui signifie que la masse monétaire augmente (LM se déplace vers la droite). Les agents restructurent alors leurs portefeuilles d’actifs, en échangeant de la monnaie contre des titres : le taux d’intérêt baisse, l’investissement et la production sont stimulés. • L’effet de richesse : quand le niveau général des prix diminue, la valeur réelle de tous les actifs détenus par les agents augmente. En un mot, la richesse des ménages s’accroît, ce qui stimule la consommation (IS se décale sur la droite). • L’effet du taux de change réel : si le taux de change nominal et le niveau des prix à l’étranger restent inchangés, une baisse des prix augmentent la compétitivité : les exportations sont stimulées, les importations freinées (la courbe IS se déplace à nouveau vers la droite). ⇒ La pente de la courbe de demande globale est d’autant plus faible que ces effets sont forts. Tout déplacement de IS ou LM entraîne un déplacement dans le même sens de la courbe de demande globale.
b. L’offre globale La courbe d’offre globale indique le volume global de biens et services que l’ensemble des producteurs nationaux est disposé à offrir pour chaque niveau général des prix. L’offre dépend directement du coût des facteurs de production (dont on suppose qu’ils sont déjà utilisés au mieux, les producteurs étant rationnels). A court terme, on ne retient qu’un seul facteur variable : le travail. Il s’agit donc d’étudier les effets des variations du niveau général des prix sur le coût du travail : • Selon la logique classique : le marché du travail étant en situation de concurrence pure et parfaite, la flexibilité des prix est totale et suffit à assurer le plein-emploi. A long terme, les agents anticipent parfaitement les conséquences des variations des prix, celles-ci sont donc sans effet sur le niveau de l’emploi (par exemple, les employés acceptent une baisse du salaire nominal, car ils anticipent la déflation qui va l’accompagner et maintenir constant le salaire réel). La courbe d’offre de travail à long terme est une droite verticale. • Selon la logique keynésienne : à court terme, les salaires nominaux sont flexibles à la hausse (les individus n’ont aucune raison de s’opposer à une hausse de salaire !) mais rigides à la baisse : à cause de l’imperfection de l’information, les anticipations des prix sont rigides et les agents refusent une baisse des salaires (qu’ils interprètent comme une baisse du pouvoir d’achat) pour compenser la baisse des prix. Inversement, ils ne perçoivent pas immédiatement l’inflation et tardent à demander des augmentations de salaire. Ainsi, la courbe est horizontale à gauche du point correspondant au plein-emploi, inclinée après. • Selon la logique monétariste : l’offre keynésienne est valable à court terme seulement (théorie des anticipations adaptatives : les agents modifient leurs anticipations au fur et à mesure qu’ils reçoivent de l’information). Le long terme permet aux ajustements de prix de se réaliser, l’offre est par conséquent classique. Mais, d’après la théorie des anticipations rationnelles, les agents connaissent le fonctionnement de l’économie et prévoient donc correctement les effets des politiques économiques : l’offre de travail est alors insensible aux variations des prix, la courbe d’offre de travail est une droite verticale à court et à long terme.
c. La courbe de Phillips Le niveau général des prix dépend de quatre facteurs : • Le taux de marge exigé par les producteurs pour poursuivre leur activité (tm) ;
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• • •
Le coût fixe moyen, qui mesure le coût de tous les facteurs autres que le travail (CFM) ; Les salaires nominaux (w) ; La productivité du travail (PM).
⇒ Variations des prix et variations des salaires sont liées : P = (1 + tm ) × (CFM + w/PM). Or le coût fixe moyen est stable par définition, et le taux de marge est une donnée exogène en situation de concurrence pure et parfaite. Seuls les salaires et la productivité sont susceptibles d’évoluer, d’où : ∆P = ∆w / ∆PM. ⇒ Toute hausse des salaires supérieure à l’augmentation de la productivité entraîne de l’inflation. Soit Un le taux de chômage naturel correspondant au plein-emploi, et U le taux de chômage effectif : • Si Un = U, le marché du travail est en équilibre et il ne s’exerce aucune pression sur les salaires. Un est le taux de chômage pour lequel il n’y a pas de variations des salaires (NAWRU). • Si Un < U, l’offre de travail est excédentaire : la concurrence entre les travailleurs exerce une pression à la baisse sur les salaires. • Si Un > U, la demande de travail est excédentaire : la concurrence entre les travailleurs conduit à une augmentation des salaires. ⇒ La variation du taux de salaire est une fonction croissante de l’écart Un – U. On constate ainsi que le taux d’inflation dépend du taux de chômage : toute réduction du chômage en deçà du taux de chômage naturel entraîne une hausse des salaires, et quand cette hausse dépasse la croissance de la productivité, elle engendre l’inflation. Inversement, les prix baissent lorsque les gains de productivité sont supérieurs à l’augmentation des salaires. Le taux de chômage compatible avec la stabilité des prix est appelé NAIRU.
2. Déséquilibre économiques et stratégies d’ajustement a. L’ajustement aux chocs sur la demande Une économie confrontée à une baisse soudaine et inattendue de la demande globale voit sa production baisser et ses prix régresser : désormais en situation de sous-emploi, elle constate également l’apparition du chômage. Dans la logique classique, le retour à l’équilibre est automatique : l’excès d’offre sur le marché des biens et services entraîne la chute des prix jusqu’à ce que la demande soit équivalente à la production correspondant au pleinemploi. Comme les salaires nominaux diminuent dans les mêmes proportions, le coût réel du travail ne varie pas : les entreprises ne sont pas incitées à modifier la production et l’emploi au cours de l’ajustement, on reste au plein-emploi. Selon la logique monétariste, la production diminue bien dans le court terme : le prix de vente recule, mais les individus s’opposent à une baisse des salaires. Le coût réel du travail augmente, et les entreprises réduisent l’emploi et la production. C’est bien l’insuffisante flexibilité des prix et des salaires qui empêche la mise en place des mécanismes prévus par la logique classique. A long terme cependant, le chômage exerce une pression à la baisse sur les salaires alors que les travailleurs prennent conscience de la baisse des prix en cours : ils acceptent alors plus volontiers la diminution des salaires nécessaire au rétablissement du plein-emploi. L’économie converge d’elle-même vers le plein-emploi. La logique keynésienne conteste ces analyses pour deux raisons : • La flexibilité des salaires ne résorbe pas le chômage : o La rigidité des salaires à la baisse est rationnelle : elle préserve les investissements en capital humain de l’entreprise, qui par les garanties qu’elle offre peut attirer les travailleurs pour un salaire plus faible (théorie du contrat implicite). Enfin, les coûts d’ajustement et les risques d’erreur associés aux variations des prix et des salaires sont généralement plus élevés que ceux attachés aux variations des quantités, en raison de l’incertitude. o Les chômeurs ne sont pas toujours concurrents des salariés : à la fois parce que les travailleurs provenant des secteurs en déclin ne sont pas assez qualifiés pour être employés dans les secteurs en expansion, mais aussi parce que l’employabilité décroît avec l’allongement de la durée du chômage. o La baisse des salaires n’augmente pas suffisamment l’emploi : si elle produit un effet de substitution favorable au travail (au détriment du capital), elle exerce aussi une effet revenu défavorable. Le recul de la consommation des travailleurs employés risque d’accentuer la récession. • La demande reste insuffisante : o La baisse des salaires peut réduire la productivité : en diminuant la volonté des salariés (théorie du salaire d’efficience). Pour compenser ce phénomène, la baisse totale des salaires sera certainement
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bien supérieure à celle prévue par la logique classique, car la diminution des coûts de production ne lui est pas proportionnelle. En outre, les entreprises prennent à nouveau le risque d’un effet revenu négatif. La baisse des salaires peut gonfler les marges : la concurrence étant le plus souvent imparfaite, les producteurs ont la possibilité de moduler leur taux de marge. Or ils sont les premiers frappés par les récessions : quand les entreprises ont la possibilité de baisser les salaires nominaux, il y a de bonnes chances pour qu’elles en profitent d’abord pour rétablir leurs marges.
⇒ La politique économique est nécessaire : le processus d’ajustement classique est en effet trop incertain et surtout trop long pour que l’on puisse se contenter d’attendre un retour automatique à l’équilibre de plein-emploi, très coûteux en chômage.
b. L’ajustement aux chocs sur l’offre Les coûts réels de production subissent une hausse brutale (suite à un choc pétrolier par exemple) : les entreprises sont incitées à augmenter leurs prix et à réduire leur production. La courbe d’offre se déplace vers la gauche, on s’éloigne du plein-emploi. Selon la logique classique, l’apparition de chômage exerce une pression à la baisse sur les salaires nominaux, ce qui compense la hausse des autres composantes du coût de production : l’offre revient à son niveau initial. Les monétaristes tiennent le même raisonnement, mais considère qu’il faut un temps plus élevé pour retrouver l’équilibre. Quand il est atteint, le niveau général des prix est à son niveau initial, alors que les salaires nominaux ont baissé : ce sont les travailleurs qui supportent la totalité des coûts de l’ajustement. Toutefois, étant plus sensibles aux variations de leurs revenus permanents qu’à celles de leurs revenus courants, ils acceptent cette baisse momentanée de leur pouvoir d’achat pour conserver leurs emplois et leurs revenus futurs. L’intervention de l’État est inutile. Mais le court terme n’est jamais très court ; or un chômage durable n’est pas acceptable politiquement, et risque de provoquer un enlisement dans la crise. Une relance doit être envisagée. Elle provoquera aussi une baisse de salaires réels par l’inflation qu’elle va engendrer ; néanmoins, elle permet d’éviter la période d’ajustement par le chômage et la confrontation directe entre employeurs et employés. Lorsque les travailleurs réaliseront qu’ils ont payé la facture par la baisse de leur pouvoir d’achat, ils demanderont certainement une hausse des salaires nominaux pour déplacer une partie du coût sur les employeurs. Ces derniers essayeront à leur tour de reporter cette augmentation de leurs coûts sur les prix : l’économie risque de s’enfermer dans une spirale d’inflation par les coûts. Le problème est donc bien celui du partage de la valeur ajouté, qui doit être jugé équitable par les agents en présence. Ici, il pourrait passer par une réduction du taux de marge.
c. L’arbitrage inflation-chômage La logique keynésienne est mise en échec dans les années 1970 : on ne peut plus abaisser le chômage au prix d’une inflation élevée, mais au prix d’une inflation de plus en plus élevée. A long terme, et dans le meilleur des cas, le chômage stagne et l’inflation s’accélère. Il n’est pas rare non plus d’observer une aggravation conjointe de ces deux variables. Une telle situation a été qualifiée de stagflation. Dans la logique classique, l’offre de long terme ne dépend que du volume des facteurs de production disponibles : l’arbitrage entre inflation et chômage n’a de sens qu’à court terme. Une politique de relance peut en effet permettre d’abaisser momentanément le chômage. La hausse de la demande va exercer une pression à la hausse sur la production et les prix, mais les travailleurs n’anticipent pas immédiatement cette progression de l’inflation : les salaires nominaux restent inchangés, le coût réel du travail diminue et les entreprises augmentent leur demande de travail. Cette situation ne peut durer : les employés constatent progressivement la baisse de leur pouvoir d’achat, réclament des augmentations de salaire et font s’accroître le coût du travail. Les entreprises réduisent emploi et production, ce qui provoque une hausse des prix. A long terme, le chômage revient à son niveau naturel, seule l’inflation a augmenté. Enfin, si l’on considère les anticipations comme vraiment rationnelles, les salariés prévoient l’inflation et demandent une hausse des salaires qui lui soit proportionnelle dès que le gouvernement annonce une politique expansionniste : même à court terme, les politiques de relance sont inefficaces. Ces analyses relèvent cependant de la tautologie : elles expliquent simplement que, dans une situation de pleinemploi où une politique de lutte contre le chômage n’est par définition pas nécessaire, une telle politique serait inefficace ! La logique keynésienne prône pour sa part la relance lorsque la faiblesse de la demande aboutit à un sous-emploi des facteurs de production, c’est-à-dire lorsque le chômage effectif est supérieur au chômage naturel : dans ces conditions, un politique expansionniste permet effectivement une augmentation durable de l’emploi. Et ce, d’autant plus que les anticipations des agents sont rationnelles : leurs décisions ne peuvent qu’améliorer les effets d’une politique dont on sait déjà qu’elle sera efficace.
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Quelles sont alors les sources de la stagflation ? Comment expliquer le déplacement vers le haut de la courbe de Phillips ? • Les chocs d’offre : entraînent simultanément une hausse des prix et une récession de la production (cf. supra) ; • La montée des causes structurelles du chômage et de l’inflation : qui ont pu se développer séparément et indépendamment des politiques conjoncturelles. En outre, il peut y avoir des déséquilibres sectoriels : certains secteurs en plein expansion travaillent déjà au maximum de leurs capacités et augmentent leurs prix pour répondre à une demande excédentaire, alors que le chômage est fort dans les secteurs en déclin. La stagflation devient macroéconomique lorsque, faute de qualifications suffisantes, les travailleurs ne migrent pas d’un secteur à l’autre. • Taux de marge, taux de change et profitabilité à court terme : la conjonction d’une monnaie dépréciée (qui réduit la pression de la concurrence extérieure) et de taux d’intérêt réel élevés (qui augmentent la préférence pour des profits immédiats) provoque une hausse du taux de marge. ⇒ Un arbitrage existe entre inflation et chômage keynésien (du à l’insuffisance de la demande), mais pas entre inflation et chômage classique (provoqué par des salaires trop élevés), structurel (causé par l’inadaptation des travailleurs) ou frictionnel (qui correspond à la mobilité indispensable au fonctionnement du marché du travail). L’efficacité des politiques économiques dépend de l’exactitude des diagnostics. Aujourd’hui, ces trois types de chômage coexistent et plusieurs types de politiques sont combinées. La lutte contre le chômage keynésien se heurte toutefois à la contrainte extérieure : une relance contribue inévitablement à creuser le déficit extérieur, d’autant plus que l’économie est ouverte à l’étranger. La seule façon de contourner cet obstacle est de coordonner internationalement les politiques économiques.
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LE MODELE IS-LM-BP :
L’EQUILIBRE GENERAL EN ECONOMIE OUVERTE Dans une économie ouverte, il faut ajouter une nouvelle condition à l’équilibre : la balance des paiements, représentée par la courbe BP.
1. La construction du modèle a. Incidence de l’ouverture extérieure sur IS et LM L’introduction de la balance des paiements accentue la pente de la courbe IS : Y est moins sensible aux variations de i en économie ouverte qu’en économie fermée. La propension à importer réduit en effet le multiplicateur d’investissement, car elle détourne une partie de la demande intérieure vers l’extérieur. De même, une augmentation du taux de change réel déplace IS vers la droite : la dépréciation du taux de change nominal ou une élévation relative des prix étranger stimulent les exportations et freinent les importations en modifiant artificiellement la compétitivité. En régime de changes parfaitement flexibles, la position de LM dépend de l’équilibre des paiements extérieurs (un excédent de ces derniers par exemple, se traduit par une entrée nette de devises que le système bancaire est obligé de convertir à taux constant en monnaie nationale : l’offre monétaire augmente). En revanche, LM est indépendante de la balance des paiements en régime de changes parfaitement flexibles (les variations du taux de change compensent tout déséquilibre).
b. Construction de la courbe BP La balance des paiement (BP) est équilibrée si la balance des transactions courantes (BTC) est exactement compensée par la balance des capitaux (BCA) : BP = BTC + BCA = 0. La courbe BP représente l’ensemble des combinaisons de taux d’intérêts et de revenu compatibles avec l’équilibre de la balance des paiements globale ; elle décrit une relation croissante entre i et Y. Supposons par exemple une augmentation du revenu (Y) : les importations augmentent (à cause de la propension à importe). Il n’y a pas contre aucune raison pour que les exportations évoluent, et la balance des transactions courantes devient négative : l’économie nationale doit attirer des capitaux étrangers pour financer ce déficit, ce qui implique d’augmenter le taux d’intérêt. Y et i varient bien dans le même sens.
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c. Interprétation et déplacement de la courbe BP La pente de BP, c’est-à-dire l’effet sur le taux d’intérêt d’une variation du revenu, est d’autant plus forte que la demande d’importations est élastique au produit intérieur et que l’offre de capitaux est inélastique au taux d’intérêt : en d’autres termes, elle est dépend des indicateurs d’ouverture commerciale et d’ouverture financière. Par suite, on peut dégager trois cas : • Les capitaux sont immobiles : par conséquent, la balance des paiements se confond avec la balance des transactions courantes. Elle est insensible aux variations du taux d’intérêt, on la représente donc par une droite verticale. • La mobilité internationale des capitaux est parfaite : ceux-ci sont alors infiniment élastiques au taux d’intérêt, qui devient une variable exogène (il s’agit en fait d’une prix d’équilibre dans une situation de concurrence pure et parfaite). La courbe BP est une droite horizontale. • La mobilité internationale des capitaux est imparfaite : cas le plus conforme à la réalité, la pente de BP est plus ou moins forte.
La position de BP dépend de plusieurs variables : • La demande étrangère (Y*) : elle stimule les exportations lorsqu’elle s’accroît : la BTC est excédentaire, la BCA devient déficitaire pour compenser et le taux d’intérêt baisse (BP se décale à droite). Inversement, une baisse de Y* aboutit à une hausse de i et déplace BP vers la gauche. • Le taux de change réel (er) : lorsqu’il croît, il augmente la compétitivité, c’est-à-dire les exportations. La encore, le taux d’intérêt baisse et BP glisse vers la droite (et inversement). • Le taux d’intérêt étranger (i*) : sa hausse provoque une sortie de capitaux et un déficit de la BCA. Retrouver l’équilibre nécessite alors soit d’augmenter les importations (et diminuer la production Y), soit d’élever le taux d’intérêt : dans les deux cas, la courbe BP se déplace vers la gauche. • Le taux de change anticipé : s’il augmente, les agents n’accepteront de conserver le même volume de capitaux qu’en échange d’une hausse du taux d’intérêt : BP glisse à gauche. ⇒ BP se déplace à droite lorsque la balance des paiements s’améliore, et à gauche lorsqu’elle se détériore.
2. Dilemmes de politique économique a. La contradiction entre équilibre interne et équilibre externe Selon que l’économie connaît un excédent ou un déficit extérieur, et qu’elle est en situation de sous-emploi ou d’inflation, quatre situations sont envisageables : • Excédent et sous-emploi ; • Excédent et inflation ; • Déficit et sous-emploi ; • Déficit et inflation. L’équilibre de la balance des transactions courantes est parfois trompeur, lorsqu’il masque l’endettement extérieur du pays. Or les capacités de financement ne peuvent provenir que d’un excédent de la balance des transactions courantes. C’est donc elle qui est contraignante à long terme, le raisonnement est aussi efficace sur un modèle IS-LMBTC. Soit Ybtc le niveau de revenu pour lequel la balance des transactions courantes est équilibrée : • Le pays est structurellement déficitaire (Ybtc < Ype) : si le revenu actuel est compris entre Ybtc et Ype, les équilibres interne et externe sont contradictoires : le gouvernement doit choisir entre une récession qui réduit le déficit mais aggrave le chômage, et une expansion qui rapproche du plein-emploi mais creuse le déficit. Dans les autres cas (Y < Ybtc = zone 1 ou Ype > Y = zone 3), il n’y a pas dilemme car on peut se rapprocher des deux équilibres à la fois. • Le pays est structurellement excédentaire (Ybtc > Ype) : si Ype < Y < Ybtc (zone 2), on est à nouveau confronté à un dilemme : une politique restrictive freine l’inflation mais accentue l’excédent extérieur, une politique expansionniste réduit l’excédent mais accélère l’inflation. Les zones 1 et 3 ne suscitent pas de dilemmes pour la raison citée plus haut.
b. L’arbitrage délicat entre changes fixes et changes flexibles L’obligation de maintenir le taux de change fixe contraint la banque centrale à faire varier la masse monétaire : si la balance des paiements est excédentaire, elle doit créer de la monnaie pour compenser la fuite des capitaux ; dans le cas inverse, elle rachète l’excédent de monnaie introduit par une balance des paiements déficitaire. Or la flexibilité des prix n’est pas suffisante pour permettre le retour instantané à l’équilibre : l’ajustement à un déficit éloigne l’économie du plein-
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emploi, l’ajustement à un excédent l’en rapproche. Dans ce contexte, il est préférable d’avoir un excédent plutôt qu’un déficit, ce qui risque d’engager les pays dans la voie de pratiques protectionnistes dommageables pour tous. En régime de changes flexibles, la banque centrale n’intervient plus pour maintenir le taux de change : un déficit de la balance des paiements entraîne une hausse de la demande en devises étrangères et une dépréciation du taux de change, comme un excédent fait monter ce taux. Deux dilemmes se résolvent alors automatiquement : o sous-emploi – déficit (déficit > baisse du taux de change > hausse exportations, diminution importations > réduction du déficit, hausse de la production) ; • inflation – excédent (excédent > hausse du taux de change > hausse importations, diminution exportations > baisse de la production > réduction de l’inflation et de l’excédent). ⇒ La flexibilité des changes compense, en quelque sorte, l’insuffisante flexibilité des prix. Mais son efficacité suppose une réponse instantanée des importations et des exportations aux variations des taux de change. C’est loin d’être le cas !
VI POLITIQUES MONETAIRE ET BUDGETAIRE EN ECONOMIE OUVERTE Le modèle keynésien suppose la stabilité des prix tant que le plein-emploi n’est pas atteint : l’arbitrage entre chômage et inflation n’a pas de sens dans le modèle IS-LM-BP, les politiques économiques visent uniquement à concilier équilibres interne et externe.
1. Les politiques avec une mobilité parfaite des capitaux a. Régime de changes fixes Une politique monétaire expansive cherche à stimuler la production par une baisse du taux d’intérêt (ce qui équivaut à déplacer LM vers la droite), et va donc entraîner une fuite de capitaux et une diminution du taux de change. La banque centrale intervient pour empêcher la dépréciation : elle achète la monnaie nationale, réduisant ainsi la masse monétaire ne circulation (LM glisse alors vers la gauche). Ce phénomène se poursuit jusqu’à ce que la courbe LM ait retrouvé sa position initiale : la politique monétaire est impuissante. Une politique budgétaire s’accompagne d’une multiplication des transactions, c’est-à-dire d’une augmentation de la demande de monnaie. Le taux d’intérêt croît, et attire les capitaux étrangers : le taux de change s’élève à son tour. Pour le maintenir, la banque centrale doit émettre de la monnaie jusqu’à ce que le taux d’intérêt national retrouve la parité avec le taux d’intérêt international (LM se déplace vers la droite). Cette politique est efficace, car l’effet multiplicateur des dépenses initiales n’est en rien contrarié. En outre, la stabilisation du taux d’intérêt évite l’effet d’éviction au niveau national (il est reporté au niveau international).
b. Régime de changes flexibles La politique monétaire ne butte plus sur la fixité des changes : parallèlement à la baisse du taux d’intérêt, la dépréciation se produit effectivement. La compétitivité des produits nationaux augmente, stimule les exportations et freine les importations : l’excédent de la balance des transactions courantes vient compenser le déficit de la balance des capitaux, IS se déplace vers la gauche tant que la pression exercée par la croissance sur la demande de monnaie n’a pas fait retrouver au taux d’intérêt son niveau initial. Cette politique est efficace, mais au détriment des autres pays (qui accusent un déficit des transactions courantes et un endettement accru). La politique budgétaire s’accompagne d’une hausse du taux d’intérêt : les entrées de capitaux font augmenter le taux de change. La compétitivité des produits nationaux diminue, et par conséquent la demande étrangère nette : IS glisse vers la gauche, jusqu’à ce que le taux d’intérêt ait retrouvé son niveau initial. La balance des transactions courantes devient déficitaire et compense l’excédent de la balance des capitaux. La politique budgétaire est inefficace, car il s’est produit un effet d’éviction défavorable aux entreprises exposées à la concurrence étrangère.
2. Les politiques avec une mobilité imparfaite des capitaux On distingue deux cas selon la mobilité des capitaux : • Mobilité relativement faible : la pente de BP est plus forte que celle de LM ; • Mobilité relativement forte : la pente de BP est plus faible que celle de LM.
a. Régime de changes fixes
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Quelle que soit la mobilité des capitaux, la politique monétaire est inefficace (cf. supra). Une politique budgétaire entraîne un déficit de la balance des transactions courantes (en stimulant la demande et donc les importations), mais amène en contrepartie un excédent de la balance des capitaux (du à la hausse du taux de change) : • Si la mobilité des capitaux est relativement forte, les fonds étrangers affluent : l’excédent de la BCA est supérieur au déficit de la BTC : la balance des paiements est en excédent, et le taux de change tend à s’apprécier. La banque centrale intervient en créant de la monnaie (LM se déplace aussi vers la droite), ce qui renforce l’effet initial de l’expansion budgétaire. • Si la mobilité des capitaux est relativement faible, la hausse du taux d’intérêt n’entraîne que de faibles rentrées de capitaux. L’excédent de la BCA ne compense alors pas le déficit de la BTC. Le déficit de la balance des paiements tend à déprécier le taux de change : la banque centrale doit réduire l’offre de monnaie interne et LM se déplace vers la gauche. La politique budgétaire a bien eu un effet stimulant sur le revenu, mais il a été contrarié par le déficit extérieur. ⇒ La politique monétaire ne permet pas d’agir sur l’équilibre interne. Mais elle complète efficacement une politique budgétaire axée sur l’équilibre interne, en tant qu’instrument de recherche de l’équilibre externe.
b. Régime de changes flexibles Une politique monétaire expansionniste s’accompagne d’un déficit de la BCA (du à la baisse du taux d’intérêt) et de la BCT (la hausse de la demande stimule les importations). Mais cette tendance est corrigée par une dépréciation du taux de change, qui améliore la compétitivité et déplace les courbes IS et BP vers la droite. Le revenu augmente : cette politique est encore plus efficace en économie ouverte. Dans le cas politique budgétaire, la hausse du revenu stimule les importations, et la BTC devient déficitaire : • Si la mobilité des capitaux est relativement forte, l’augmentation de i attire beaucoup de fond étrangers : l’excédent de la BCA dépasse le déficit de la BTC. L’excédent de la balance des paiements est alors corrigé par une appréciation du taux de change qui, en réduisant la compétitivité des produits nationaux, limite les effets de la politique budgétaire. • Si la mobilité des capitaux est relativement faible, le déficit de la BTC n’est plus compensé par des fonds étrangers, le taux de change diminue et l’effet initial de la politique budgétaire est renforcé. • 3. Efficacité et combinaison des politiques économiques
a. L’efficacité dans la recherche de l’équilibre interne En régime de changes fixes, seule la politique budgétaire doit être utilisée dans la recherche de l’équilibre interne, pourvu que la mobilité des capitaux soir suffisante. Ce résultat est connu sous le nom de triangle des incompatibilités : la politique monétaire ne retrouve son efficacité que si le pays renonce à la fixité du taux de change ou à la libre circulation des capitaux. En régime de changes flexibles, la mobilité des capitaux devient le facteur déterminant : la politique monétaire est d’autant plus efficace, et la politique budgétaire d’autant moins efficace, que la mobilité des capitaux est forte. Il apparaît alors plus judicieux de combiner ces deux instruments pour rechercher simultanément équilibre interne et équilibre externe.
b. Les règles de combinaison des politiques économiques Une condition nécessaire mais non suffisante pour qu’une politique soit efficace est qu’il existe autant d’instruments indépendants que d’objectifs à atteindre (règle de Tinbergen). Il convient d’affecter la politique monétaire à la recherche de l’équilibre externe et la politique budgétaire à la recherche de l’équilibre interne. Cette règle (proposée par Mundell) n’est valable que dans le cadre d’un régime de changes fixes et de mobilité des capitaux, mais c’est la situation la plus fréquente dans la réalité.
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