FIN DE PARTIE
Pour Roger Blin
Fin de Partie a été créée en français le Ier avril 1957 au Royal Court Theatre, à Londres, avec la distribution suivante : ...................................... ....................... ........................ .......................... ................Geo ...Geo rge s Ad et. N a g g .......................... Christine Tsingos. N e l l ...................... ..................................... ......................... .......................... ........................ .............. ... Ro ge r Blin . H a m m ......................... ........... ............ ............ ............. .......
Cl
o v
......................... ..................................... ........................ ......................... ......................... ................Jean ....Jean Ma rtin .
La pièce a été reprise reprise le même même mois au Studio des Champs Élysées, à Paris, avec la même distribution, à cette seule exception près que le rôle de Nell était alors tenu par Germaine de France.
Intérieu Intérieurr sans sans meub meuble les. s. Lumière Lumière gris grisâtr âtre. e. Au x murs urs de droit droitee et de gauche gauche,, vers vers le fond, deux petites fenêtres haut perchées, rideaux fermés. Porte à Vavant Vavant-sc -scène ène à droite droite.. Accroché Accroché au mur, mur, près de la porte, porte, un tablea tableau u retou retourn rné. é. A Vavant Vavant-scè -scène ne à gauche gauche,, reco recouv uver ertes tes d'un vieux drap, deux poubelles Vune contre Vautre. Au centre centre,, recou recouver vertt d'un vieux drap, drap, assis assis dans dans unfauteu fau teuil il à roulettes, Hamm. Hamm. Immo Immobil bilee à côté du fauteuil, Clov le rega regard rde. e. Il I l va se mettre mettre sous sous la fenêtre fenêtre à gauche. gauche. Démarch Démarchee raide et vacillante. Il regarde la fenêtre à gauche, la tête rejetée en arrière. Il tourne la tête, regarde la fenêtre à droite. droite. Il va se mettr mettree sous sous la fenêtre à droite. Il regarde la fenêtre à droite, la tête rejetée en arrière. Il tourne la tête et regarde la fenêtre à gauche. Il sort, revient aussitôt avec un escabeau, Vinstalle sous la fenêtre à gauche, monte dessus dessus,, tire le rideau. Il descend de Vescabeau, fait six pas vers la fenêtre fen être à droite, retourne prendre Vescabeau, Vescabeau, l ’ins talle sous la fenêtre à droite, monte dessus, tire le 143
THEATRE I
FIN DE PARTIE
rideau. Il descend de Vescabeau, fait trois pas vers la fenêtre fenê tre à gauche, retourne retourne prendre l ’escabeau, l ’installe ’i nstalle sous la fenêtre fenê tre à gauche, monte dessus dessus,, regarde par la fenêtre. Rire bref. Il descend de l’esca beau, fait un pas vers la fenêtre à droite, retoune prendre prendre l’ escabe escabeau, au, l ’installe sous sous la fenêtre à droite, droite, monte monte dessus, dessus, regard regardee par la fenêtr e. Rire bref. I l descend de l’ l ’ escabeau, va vers les poubelles, retourne retourne prendr prendree l ’escabe ’escabeau au,, le prend, prend, se se ravise ravise,, le lâche, lâche, va aux poubell poubelles, es, enlève enlève le drap drap qui les les recouv recouvre, re, le plie soig soigne neu u sement et le met sur le bras. Il soulève un couvercle, se penche penche et rega regard rdee dans dans la poubel poubelle. le. Rire bref bref.. I l rabat rabat le le couvercle couvercle.. Même jeu avec l’autre l ’autre poubelle. poubelle. Il va vers Hamm, Hamm, enlève enlève le drap drap qui le recou recouvre vre,, le plie soi soi gneusement et le met sur le bras. En robe de chambre, coiffé d’une calotte en feutre, un grand mouchoir taché de sang étalé sur le visage, un sifflet pendu au cou, un plaid sur les genoux, d’épaisses chaussettes aux pieds, Hamm semb semble le dormir. dormir. Clov Clo v le l e regarde. regarde. Rire bref. bref. Il va à la porte, porte, s’arrête, s’arrête, se retou retourne rne,, contemple la scène, se tourne vers la salle.
mètres sur trois mètres sur trois mètres, attendre qu’il me siffle. (Un temps). Ce sont de jolies dimen sions, je m’appuierai à la table, je regarderai le mur, en attendant qu’il me siffle.
c’est C l o v (regard fixe, voix blanche). — Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. (Un temps.) Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c ’est un tas, un petit tas, l’impos l’im pos sible tas. (Un temps.) On ne peut plus me punir. (Un temps.) Je m’en vais dans ma cuisine, trois 144
Il rest restee un mom momen entt imm immobile obile.. Puis il sort. sort. Il revient revient aussitôt, va prendre ll’escabeau, ’escabeau, sort en emportant l ’ escabeau. escabeau. Un temps. temps. Hamm bouge bouge.. Il bâille bâil le sous le moucho mouchoir. ir. Il I l ôte le mouchoir mouchoir de son son visage. visage. Lunettes noires.
moi. (Un H a m m . — A — (bâillements) — à moi. temps.) De jouer. (Il tient à bout de bras le mouchoir, ouvert devant lui.) Vieux linge! (Il ôte ses lunettes, s’essuie les yeux, le visage, essuie les lunettes, les remet, plie soigneusement le mouchoir et le met délica tement dans la poche du haut de sa robe de chambre. Il s’éclaircit s’éclaircit la gorge gorge,, joint les bout boutss des des doigts.) doigts.) Peut-il Peut-il y a — (bâillements) — y avoir misère misère plus...
plus haute que la mienne? Sans doute. Autrefois. Mais aujourd’hui? (Un temps.) Mon père? (Un temps.) Ma mère? (Un temps.) Mon... chien? (Un temps.) Oh je veux bien qu’ils souffrent autant que de tels êtres peuvent souffrir. Mais est-ce dire que nos souffrances se valent? Sans doute. (Un temps.) Non, tout tout est est a — (bâille bsolu, (fier) plus on est grand et plus ments) — bsolu, on est plein. (Un temps. Morne.) Et plus on est vide. (Il renifle.) Clov! (Un temps.) Non, je suis 145
10
FIN DE PARTIE
THEATRE I
seul. (Un temps.) Quels rêves rêves — avec un s! Ces forêts! (Un temps.) Assez, il est temps que cela finisse, dans le refuge aussi. (Un temps.) Et cepen dant j’hésite, j’hésite à... à finir. Oui, c’est bien ça, il est temps que cela finisse et cependant j’hésite encore encore à — (bâillements) — à fini finir. r. (Bâillements.) Oh là là, qu’est-ce que je tiens, je ferais mieux d’aller me coucher. (Il donne un coup de sifflet. Entre Clov aussi aussitôt tôt.. Il s'arrêt s'arrêtee à côté du fauteui l.) Tu empestes l’air! (Un temps.) Prépare-moi, je
vais me coucher. C l o v . — Je viens viens de te lever. H a m m . — Et après? C l o v . — Je ne peux pas pas te lever et te coucher toutes les cinq minutes, j’ai à faire. Un temps. H a m m . — T u n’as C l o v . — Non. Non. H a m m . — T u n’as
jamai jamaiss vu mes yeux?
H a m m . — T u as regardé? regardé? C l o v . — Oui. Oui. H a m m . — Et alors? alors? C l o v . — Zéro Zéro.. H a m m . — Il faudrait qu’il pleuve. C l o v . — Il ne pleuvra pas. pas. H a m m . — A part ça, ça, ça va? va? C l o v . — Je ne me plains plains pas. pas. H a m m . — T u te sens dans ton C l o v (agacé). — Je te dis que je
pas. Ha mm.
Un temps.
état normal? ne me plains
— Moi je me sens un peu drôle. (Un
temps.) Clov.
C l o v . — Oui. Oui. H a m m . — Tu n’en as pas pas assez? assez? C l o v . — Si! Si! (Un temps.) De quoi? H a m m . — De ce... de cette... chos chose. e. C l o v . — Mais depuis depuis toujours toujours.. (Un temps.)
Toi non? non?
jamai jamaiss eu la curiosité, pen dant que je dormais, d’enlever mes lunettes et de regarder mes yeux? C l o v . — En soulevant soulevant les paupières? paupières? (Un temps.) Non. montrerai. (Un H a m m . — Un jour je te les montrerai. temps.) Il paraît qu’ils sont tout blancs. (Un temps.) Quelle heure est-il? C l o v . — La même même que d’habitude. d’habitude.
H a m m (morne). — Alors il n’y a pas de raison pour que ça change. C l o v . — Ça peut fini finir. r. (Un temps.) Toute la vie les mêmes questions, les mêmes réponses. H a m m . — Prépare-moi. Prépare-moi. (Clov ne bouge pas.) Va chercher le drap. (Clov ne bouge pas.) Clov. C l o v . — Oui. Oui. H a m m . — Je ne te donnerai plus rien à manger. manger.
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THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
mourrons. ns. C l o v . — Alors nous mourro H a m m . — Je te donnerai juste juste
assez assez pour t’em pêcher de mourir. Tu auras tout le temps faim. C l o v . — Alors nous ne mourrons pas. ( Un Un temps.) Je vais chercher le drap. Il I l va vers vers la porte. porte. H a m m . — Pas la peine. (Clov s’arrête.) Je te donnerai un biscuit par jour. (Un temps.) Un biscuit et demi. (Un temps.) Pourquoi restes-tu
avec moi? C l o v . — Pourquoi me gardes-tu gardes-tu??
H a m m . — Il n’y a personne personne d’autre. C l o v . — Il n’y a pas d’autre place.
Un temps. H a m m . — T u me quittes quittes quand même. même. C l o v . — J ’essai ’essaie. e. H a m m . — Tu ne m’aimes m’aimes pas. pas. C l o v . — Non. m’aimais. H a m m . — Autrefois tu m’aimais. C l o v . — Autrefoi Autrefoiss ! H a m m . — Je t’ai trop fait souffrir. souffrir. (Un temps.)
N ’est-ce ’est-ce pas?
C l o v . — Ce n’est pas pas ça. H a mm (outré). — Je ne t’ai pas trop fait
souffrir? C l o v . — Si. H a m m (soulagé).
temps. Froidement.) Pardon. (Un tem temps. ps. Plus for t.)
J’ai dit, Pardon. C l o v . — Je t’entends. t’entends. (Un temps.) Tu as saigné? H a m m . — Moin Moins. s. (Un temps.) Ce n’est pas l’heure de mon calmant? Non. C l o v . — Non. Un temps. H a m m . — Comment vont tes yeux? yeux? C l o v . — Mal. Mal. H a m m . — Comment vont tes jambes jambes?? C l o v . — Mal. Mal. H a m m . — Mais tu peux bouger. bouger. C l o v . — Oui. H a m m (avec violence). — Alors bouge! bouge! (Clov
va jusqu’ jusqu ’ au mur mur du fond, fon d, s’y appuie du front fro nt et des mains.) Où es-tu? C l o v . — L à . H a m m . — Reviens ! ( Clov retourne à sa place
à côté du fauteuil. fauteui l. ) Où es-tu? C l o v . — L à . H a m m . — Pourquoi Pourquoi ne me tues-tu tues-tu pas pas?? C l o v . — Je ne connais pas la combinaison
Un temps. Ha mm.
— Ah! Quand même! même! (Un 148 148
du
buffet.
clette. Cl o v .
— Va me chercher deux roues de de bicy
— Il n’y a plus de roues roues de bicyclette. 149
FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I Ha m m.
clette?
— Qu’est-ce que tu as fait de de ta bicy
jamais eu de bicyclette. C l o v . — Je n’ai jamais est impossi impossible. ble. H a m m . — La chose est des bicylettes C l o v . — Quand il y avait encore des
j’ai pleuré pour en avoir une. Je me suis traîné à tes pieds. Tu m’as envoyé promener. Maintenant il n’y en a plus. alors? Quand t u allais H a m m . — Et tes courses alors? voir mes pauvres. Toujour Touj ourss à pied? Quelquefois à cheval. cheval. (Le couvercle C l o v . — Quelquefois d’une des poubelles se soulève apparaissent, accrochées au émerg émerge, e, coiffée d ’un bonnet de Nagg bâille, bâille, puis écoute.) écoute.) Je
et les mains de Nagg rebord. Puis la tête nuit. Teint très blanc. blanc.
te quitte, quit te, j’ai à faire. faire.
cuisine? e? H a m m . — Dans ta cuisin C l o v . — Oui. ’est la H a m m . — Hors d’ici, c ’est
mort. mort. (Un temps.) sort. Un temps.) Ça avance. Bon, va-t’en. ( Clov sort. bouillie! e! N a g g . — Ma bouilli H a m m . — Maudit progéniteur ! bouillie!! N a g g . — Ma bouillie H a m m . — Ah il n ’y a plus de vieux ! Bouffer, bouffer, ils ne pensent pensen t qu ’à ça! (Il siffle. Entre Clov. I l s’arrête s’arrête à côté dufaute uil.) Tiens ! Je croyais que tu allais me quitter. pas encore, pas encore. C l o v . — Oh pas bouillie! e! N a g g . — Ma bouilli
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bouillie. H a m m . — Donne-lui sa bouillie. bouillie. ie. C l o v . — Il n ’y a plus de bouill H a m m (à Nagg). — Il n’y a plus
de bouillie. bouillie. Tu n’auras jamais plus de bouillie. bouillie! N a g g . — Je veux ma bouillie! biscuit. (Clov sort.) H a m m . — Donne-lui un biscuit. Maudit fornicateur! Comment vont tes moignons? pas de mes mes moignons. moignons. N a g g . — T ’occupe pas Entre Clov, un biscuit biscuit à la main. ain. Cl o v .
— Je suis suis de retour, avec le biscuit.
Il I l met le biscuit biscuit dans dans la main de de Nagg qui le prend prend,, le palpe, le renifle.
Qu’est-ce que c’est? c’est? N a g g (geignard). — Qu’est-ce C l o v . — C’est le biscuit classique. N a g g (de même). — C’est dur! Je ne peux Boucle-le ! H a m m . — Boucle-le
pas!
Clov enfonce Nagg dans la poubelle, rabat le cou vercle. C l o v (retournant à sa place à côté du fauteuil). — Si vieillesse savait ! dessus. H a m m . — Assieds-toi dessus. l o v asseoir. r. C . — Je ne peux pas m’ asseoi ’est juste. juste. E t moi je ne peux pas pas H a m m . — C ’est me tenir debout.
’est comme ça. C l o v . — C ’est
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THEATRE I
FIN DE PARTIE
— Chacun sa spécialité. spécialité. (Un temps.) Pas de coups de téléphone? (Un temps.) On ne rit pas? C l o v (ayant réfléchi). — Je n’y tiens pas. (U n non plus plus.. (Un H a m m (ayant réfléchi).— Moi non temps.) Clov. Ha mm.
C l o v . — Oui. nous a oubliés. oubliés. H a m m . — L a nature nous nature. C l o v . — I l n ’y a plus de nature. nature! T u vas fort. H a m m . — Plus de nature! environs.. C l o v . — Dans les environs changeons ! H a m m . — Mais nous respirons, nous changeons
Nous perdons nos cheveux, nos dents! Notre fraî cheur! Nos idéaux! pas oubliés. C l o v . — Alors elle ne nous a pas plus. H a m m . — M ais tu dis qu’il n’y en a plus. Personne ne au au monde monde n’a C l o v (tristement). — Person jamais jamais pensé aussi tordu tord u que nous. peut. H a m m . — On fait ce qu’on peut.
— N on . (Un temps.) Je te quitte, j’ai à
faire.
H a m m . — Dans ta cuisine? Oui. C l o v . — Oui. H a m m . — A faire quoi, je me le demande. regarde le mur. C l o v . — Je regarde que tu y vois, vois, H a m m . — L e mur! Et q u’est-ce que
sur ton mur? Mané, mané? Des corps nus? vois ma lumière qui meurt. C l o v . — Je vois lumière re qui qui — ! Qu’est Qu’est-c -cee qu’il qu’il H a m m . — Ta lumiè faut entendre ! Eh bien, elle mourra tout aussi bien ici, ta lumière. lumière. Regarde-moi un peu et tu m’en diras des nouvelles, de ta lumière. Un temps. Cl o v .
— T u as tort de me parler comme comme ça. Un temps.
H a m m (froidement). —
Pard Pardon on.. (Un temps. Plus
for t.) J’ai dit, Pardon.
C l o v . — On a tort.
Un temps. H a m m . — T u te C l o v . — Mille.
Cl o v .
crois un morceau, hein? hein? Un temps.
Hamm. — Ç a ne va pas vite. (Un temps.) Ce n’est pas l’heure de mon calmant?
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Cl o v .
— Je t’entends t’entends..
Un temps. Le couvercle de la poubelle de Nagg se soulève. Les Le s mains mains apparaissent, accrochées au rebord. rebord. Puis la tête tête émer émerge ge.. Dans une une main main le biscui biscuit. t. Nagg écoute. H a m m . — Tes Non. C l o v . — Non.
graines graines ont levé? levé? 153
FIN DE PARTIE
THEATRE I Ha mm.
germé?
— T u as gratté un peu voir si elles ont
Elles n’ont pas germé. C l o v . — Elles ’est peut-être peut-être encore trop tôt. H a m m . — C ’est C l o v . — Si elles devaient germer elles auraient
germé. Elles ne germeront jamais.
Un temps. H a m m . — C ’est moins gai que tantôt. (Un temps.) Mais c’est toujours comme ça en fin de
journée , n’est-ce n’ est-ce pas, Clov? Clo v? Toujours.. C l o v . — Toujours journée comme les H a m m . — C ’est une fin de journée autres, n’est-ce pas, Clov? C l o v . — On dirait.
Un temps. H a m m (avec angoisse). —
Mais qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce qui se passe? cours. C l o v . — Quelque chose suit son cours. Un temps.
va-t’en.. (Il renverse la tête contre H a m m . — Bon, va-t’en le dossier dossier du faute fa uteuil uil,, reste immobile. immobile. Clov Clo v ne bouge pas. pas. Il pous pousse se un grand soup soupir. ir. Hamm Hamm se redresse redresse.) .) Je croyais que je t’avais dit de t’en aller. J’essaie. (Il va à la porte, s’arrête.) C l o v . — J’essaie. Depuis ma naissance. Il sort. sort. 154
Ha mm.
— Ça avance. avance.
Il I l renv renver erse se la tête contre contre le doss dossier ier du fauteu il, reste immo immobile. bile. Nagg Nag g frappe fra ppe sur le couvercle de l ’autre poubel poubelle. le. Un tem temps. ps. I l frappe plus for t. Le douv douver ercle cle se soulève, les mains de Nell apparaissent, accrochées au rebord, puis la tête émerge. Bonnet de dentelle. Teint très blanc. Ne l l .
— Qu ’est-ce ’est-ce que c ’est, mon gros? gros? (Un
temps.) C ’est pour pour la bagatelle? N a g g . — Nel l . — N a g g . — Nel l . — N a g g . —
Tu dorma dormais? is? Oh non! non! Embrass Embrasse. e. On ne peut pas. pas. Essayons. Essayons.
Les têtes têtes avance avancent nt pénible pénibleme ment nt l ’une vers vers l ’autre, ’autre, n’arrivent pas à se toucher, s’écartent. Nel l .
— Pourquoi cette comédie, tous les jours? Un temps.
perdu ma dent. N a g g . — J’ai perdu Quand cela? N e l l . — Quand hier. N a g g . — Je l’avais hier. hier! N e l l (élégiaque). — Ah hi Ils se tourne tournent nt pénib péniblem lement ent l ’un vers l ’autre. ’autre. N a g g . — Ne l l . —
Tu me voi vois? s? Mal. Mal. Et toi? 155
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
N a g g . — Quoi? N e l l . — Tu me vois? Mal. N a g g . — Mal. mieux, tant mieux. mieux. N e l l . — Tan t mieux, N a g g . — Ne dis pas ça. (Un temps.) Notre vue
a baissé. N e l l . — Oui.
Je gbit. (Un temps.) Tu veux rentrer? Oui. Oui. Alors Alors rentre. (Nell ne bouge pas.) Pourquoi ne rentres-tu pas? pas. N e l l . — Je ne sais pas. Un temps.
Un temps. Ils se détournent Vun de Vautre.
m’entends? nds? N a g g . — T u m’ente N e l l . — Oui. Et toi? N a g g . — Oui. (Un temps.) Notre ouïe n’a pas baissé. N e l l . — Notre quoi? N a g g . — Notre ouïe. N e l l . — Non. (Un temps.) As-tu autre chose à
me dire? N a g g . — Tu te rappelles... Non. N e l l . — Non. N a g g . — L ’accident de tandem
sâmes nos guibolles. Nel l . —
N a g g . — Nel l . — N a g g . —
sciure? N a g g . — On a changé ta sciure? N e l l . — Ce n’est pas de la sciure. (Un temps. Avec lassitude.) lassitude.) Tu ne peux pas être un peu pré
cis, Nagg?
N a g g . — Nel l . —
To n sable, sable, alors. alors. Quelle importance? C ’est importa important. nt. Un temps.
N a g g . — Autrefois c’était de la oui. N e l l . — Hé oui. maintenant c’est N a g g . — Et maintenant
sciure. sciure.
(U n du sable. sable. (Un temps.) De la plage. (Un temps. Plus fort.) Mainte
où nous lais lais
C ’était dans dans les les Ardennes.
Ils rient. rient.
nant c’est du sable qu’il va chercher à la plage. N e l l . — H é oui. changé? N a g g . — Il te l ’a changé? Non. N e l l . — Non. moi N a g g . — A moi
la sortie de Sedan. (Ils rient encore moins moins fort. for t. Un temps.) Tu as froid? N e l l . — Oui, très froid. Et toi?
non plus. plus. (Un temps.) Il faut gueuler. (Un temps. Montrant le biscuit.) Tu veux un bout? N e l l . — Non. (Un temps.) De quoi? moitié. N a g g . — De biscuit. Je t’en ai gardé la moitié. (Il regarde le biscuit. Fier.) Les trois quarts. Pour
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Ils rient rient moins oins fort. N a g g . — A
FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I
toi. Tiens. (Il lui tend le biscuit.) Non? (Un temps.) Ça ne va pas? H a m m (avec lassitude).— Mais tais taisezez-vo vous, us, taisez-vous, vous m’empêchez de dormir. (Un temps.) Parlez plus bas. (Un temps.) Si je dormais je ferais peut-être l ’amour. J’irais dans les l es bois. Je verrais... le ciel, la terre. Je courrais. On me pour suivrait. Je m’enfuirais. (Un temps.) Nature! (Un temps.) Il y a une goutte d’eau dans ma tête. (Un temps.) Un cœur, un cœur dans ma tête. Un temps. N a g g (bas). —
sa tête!
T u as entendu? entendu? Un cœur cœur dans dans Il glou glousse sse préca précauti utionn onneus eusem emen ent. t.
N e l l . — Il ne faut pas'rire de ces choses, Nagg. Pourquoi en ris-tu toujours? N a g g . — Pas si si fort fort!!
N e l l (sans baisser la voix.). — Rien n’est plus plus drôle que le malheur, je te l’accorde. Mais — Nagg (scandalisé). — Oh ! N e l l . — Si, si, c’est c ’est la chose la plus comique au monde. Et nous en rions, nous en rions, de bon cœur, les premiers temps. Mais c’est toujours la même chose. Oui, c’est comme la bonne histoire qu’on nous raconte trop souvent, nous la trouvons toujours bonne, mais nous n’en rions plus. (Un temps.) As-tu autre chose à me dire?
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N a g g . — Non. Non. N e l l . — Réfléchis Réfléchis
bien. (Un temps.) Alors je
vais te laisser. laisser. N a g g . — T u ne veux pas ton biscuit? (Un temps.) Je te le garde. (Un temps.) Je croyais que tu allais me laisser. N e l l . — Je vais te laisser. laisser. N a g g . — T u peux me gratter gratter d’abord? d’abord? N e l l . — Non. (Un temps.) Où? N a g g . — Dans le dos. dos. N e l l . — Non. Non. (Un temps.) Frotte-toi contre le rebord. N a g g . — C ’est plus plus bas. bas. Dans le creux. N e l l . — Quel creux? creux? N a g g . — L e creux creux.. (Un temps.) Tu ne peux pas? (Un temps.) Hier tu m’as gratté là. N e l l (élégiaque). — Ah hi hier! N a g g . — Tu ne peux peux pas? pas? (Un temps.) Tu ne veux pas que je te gratte, toi? (Un temps.) T u pleures encore? N e l l . — J’essayais. J’essayais. Un temps. Ha mm
(bas). — C ’est peut-être une petite petite
veine. Un temps. N a g g . — Nel l . —
Q u’est-ce qu’il a dit? C ’est peut-être peut-être une petite veine. 159
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
N a g g . — Qu ’est-ce que ça veut dire? (Un temps.) Ça ne veut rien dire. (Un temps.) Je vais
vitesse pour les fêtes du Nouvel Nou vel An se rend chez son tailleur qui lui prend ses mesures. (Voix du tailleur.) «Et voilà qui est fait, revenez dans quatre jours, il sera prêt. » Bon. Quatre jours plus tard. ( Voix du tailleur.) «Sorry, revenez dans huit jours, j’ai raté le fond. » Bon, Bon , ça va, le fond, c’ est pas commode. Huit jours plus tard. (Voix du tailleur.) «Désolé, revenez dans dix jours, j’ai salopé l’entre jambes. » Bon, d’accord, d’ac cord, l’ entre-jambes, c’ est déli cat. Dix Di x jours plus tard. ( Voix du tailleur.) «Navré, revenez dans quinze jours, j’ai bousillé la bra guette. » Bon, à la rigueur, une belle braguette, c’est calé. (U n temps temps.. Voix normale.) Je la raconte mal. (Un temps. Morne.) Je raconte cette histoire de plus en plus mal. (U n temps. temps. Voix Vo ix de raconteur.) Enfin bref, de faufil en aiguille, voici Pâques Fleuries et il loupe les boutonnières. (Visage, puis voix du client.) «Goddam, sir, non, vraiment, c’est indécent, à la fin! En six jours, vous entendez, six jours, Dieu fit le monde. Oui monsieur, par faitement monsieur, le ! Et vous, vous n’êtes pas foutu de me faire un pantalon en trois mois! » (Voix du tailleur, scandalisée.) « Mais Mais milord! milord! Mais milord! milord! Regar dez— (geste mépri monde de.. .... (un temps)... et sant, avec dégoût) — le mon regarde regardezz — (geste amoureux, amoureux, avec orgueil) — mon
te raconter l’histoire du tailleur. N e l l . — Pourquoi? N a g g . — Pour te dérider. N e l l . — Elle E lle n’est n ’est pas pas drôle. drôle. N a g g . — Elle t ’a toujours fait rire. (Un temps.)
La première fois j’ai cru que tu allais mourir. N e l l . — C ’était sur sur le lac lac de Côme. Côme. (Un temps.) Une après-midi d’avril. (Un temps.) Tu peux le croire? N a g g . — Quoi Quoi?? N e l l . — Que nous nous sommes sommes promenés sur le lac de Côme. (Un temps.) Une après-midi d’avril. N a g g . — On s’ était fiancé fiancéss la veille. N e l l . — Fiancé Fiancéss ! N a g g . — T u as tellement ri que tu nous nous as fait fait chavirer. On aurait dû se noyer. N e l l . — C ’était parce parce que je me sentais heu reuse. N a g g . — Mais non , mais mais non, c ’était mon his toire. La preuve, tu en ris encore. A chaque fois. N e l l . — C ’était profond, profond. Et on voyait le fond. Si blanc. Si net. N a g g . — Écoute-la encore. (Voix de raconteur.)
Un Anglais — (i l prend prend un visage visage d’Anglais, d’ Anglais, reprend reprend
m o n d e
PANTALON ! »
le sien) — ayant besoin besoin d’un pantalon rayé en
160
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THEATRE I
Un temps. Il fixe Nell restée impassible, les yeux vagues, part d’un rire forcé et aigu, le coupe, avance la tête vers Nell, lance de nouveau son rire. Ha mm.
— Assez Assez ! Nagg Nagg sursau sursaute, te, coupe coupe son son rire. rire.
N e l l . — On voyait le fond. H a m m (excédé). — Vous n ’avez
pas pas fini? Vous n’allez donc jamais finir? (Soudain furieux.) Ça ne va donc jamais finir! (Nagg plonge dans la poubel poubelle, le, rabat rabat le couv couver ercle cle.. Ne ll ne boug bougee pas.) Mais de quoi peuvent-ils parler, de quoi peut-on parler encore? (Frénétique.) Mon royaume pour un boueux! boueux ! (Il siffle. Entre Clov.) Enlève-moi ces ordures! Fous-les à la mer!
FIN DE PARTIE Cl o v .
— Elle m’a dit de m’ en aller, dans le le
désert. H a m m . — De quoi je me mêle? mêle? C ’est tout? tout? C l o v . — Non. Non. H a m m . — Et quoi encore encore?? C l o v . — Je n’ai pas pas compris. compris. H a m m . — Tu l’as bouc bouclée lée?? C l o v . — Oui. Oui. H a m m . — Ils sont bouclés bouclés tous les deux? C l o v . — Oui. H a m m . — On va condamner les les couvercles. couvercles.
(Clov va vers la porte.) Ça ne presse pas. (Clov s’arrête.) Ma colère tombe, j’ai envie de faire pipi. Cl o v .
— Je vais vais chercher le cathéter. cathéter. Il I l va vers la porte. porte.
Clov va aux poubelles, s’arrête.
blanc. N e l l . — Si blanc. H a m m . — Quoi? Qu ’est-ce
qu’elle raconte raconte??
Clov se penche penche sur sur Nell, Nel l, lui tâte le poignet. poignet. N e l l (bas, à Clov). —
Désert Déserte. e.
Clov lui lâche le poignet, la fait rentrer dans la poube poubelle, lle, rabat rabat le couve couvercl rcle, e, se redr redres esse se.. C l o v (retournant à sa place à côté du fauteuil).
— Elle n’a plus de pouls. pouls. H a m m . — Oh pour ça elle est formidable, formidable, cette poudre. Qu’est-ce qu’elle a baragouiné?
162
H a m m . — Ça ne n e presse presse pas. (Clov s’arrête.) Donne-moi mon calmant. Clov. — C ’est trop tôt. tôt. (Un temps.) C ’est trop tôt après ton remontant, il n’agirait pas. Hamm. — L e matin on vous stimule et le soir on vous stupéfie. A moins que ce ne soit l’inverse. (Un temps.) Il est mort naturellement, ce vieux médecin? C l o v . — Il n ’était ’était pas vieux. vieux. H a m m . — Mais il est mort? mort?
C lo v .— Natu Nature rell lleme ement nt.. (Un temps.) C’est toi qui me demandes ça?
163
'
FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I
Un temps. H a m m . — Fais-moi faire un petit tour. (Clov se met derrière le fauteuil et le fait avancer.) Pas trop vite! (Clov fait avancer le fauteuil.) Fais-moi faire le tour du monde! (Clov fait avancer le fauteuil.) Rase les murs. Puis ramène-moi au centre. (Clov fa it avan avancer cer le fauteuil.) faute uil.) J’étais bien au centre,
n’est-ce pas? C l o v . — Oui. Oui. H a m m . — Il nous faudrait un vrai fauteuil rou lant. Avec de grandes roues. Des roues de bicy clette. (Un temps.) Tu rases? C l o v . — Oui. H a m m (cherchant en tâtonnant le mur).
n’est pas vrai! Pourquoi me mens-tu?
— Ce
C l o v (serrant davantage le mur). — Là, faute uil H a m m . — Stop ! ( Clov arrête le fauteuil
là. là.
tout tout près près du mur du fond. Hamm Hamm pose pose la main ain cont contre re le mur. Un temps.) — Vieux Vieux mur mur!! (Un temps.) Audelà c’ est... est... l ’autre enfer. enfer. (Un temps. Avec violence.)
Plus près! Plus près! Tout contre! C l o v . — Enlève ta main. main. (Hamm retire sa main. Clov colle le fauteuil contre le mur.) Là. Hamm Hamm se penche penche vers vers le mur, ur, y colle colle Voreil Voreille. le. H a m m . — Tu ente entend nds? s? (Il frappe le mur avec son doigt replié. replié. Un temps.) Tu entends? Des briques creuses. (Il frappe encore.) Tout ça c’est
164
creux! (Un temps. Il se redresse. Avec violence.) Assez! Assez ! On rentre. C l o v . — On n’a n ’a pas pas fait le tour. H a m m . — Ramène-moi Ramène-moi à ma place. place. (Clov ramène le fauteuil à sa place, Varrête.) C’est là ma place? C l o v . — Oui, ta place est là. H a m m . — Je suis suis bien au centre? C l o v . — Je vais mesurer. mesurer. H a m m . — A peu près ! A peu près ! C l o v ( déplaçant Là. déplaçant insensible insensibleme ment nt le fau teui te uil) l).. — Là. H a m m . — Je suis suis à peu près au centre? C l o v . — Il me semble. semble. H a m m . — Il te semble! Mets-moi bien au centre! centre! C l o v . — Je vais vais chercher la chaîne. chaîne. H a m m . — A vue de nez! A vue de nez! (Clov déplace insensiblement le fauteuil.) Bien au centre! C l o v . — Là. Un temps. Ha mm.
— Je me sens un peu trop trop sur la gauche. gauche.
(Clo (C lov v déplace insensiblem insensiblement ent le fauteu fau teuil. il. Un temps.)
Maintenant je me sens un peu trop sur la droite. (Même jeu.) Je me sens un peu trop en avant. (Même jeu.) Maintenant je me sens un peu trop en arrière. (Même jeu.) Ne reste pas là (derrière le fauteu il), tu me fais peur. Clov retourne à sa place à côté du fauteuil.
165
FIN DE PARTIE
THEATRE I Cl o v .
content.
— Si je pouvais le tuer je mourrais Un temps.
Ha m m . — Quel temps fait-il fait-il?? C l o v . — Le même même que d’habitud d’habitude. e. H a m m . — Regarde la la terre. terre. C l o v . — Je l’ai regardé regardée. e. H a m m . — A la lunette? C l o v . — Pas besoin besoin de lunette. H a m m . — RegardeRegarde-la la à la lunette. C l o v . — Je vais chercher la lunette.
— Pas besoin de lunette !
l’escabeau. H a m m . — Pourquoi? T u as as rapetiss rapetissé? é? (Clov sort, la lunette à la main.) Je n’aime pas ça, je n’aime pas ça.
Entre Entre Clov avec avec Vesca Vescabe beau au,, mais ais sans sans la lunet lunette. te.
— J’apporte l’escab l’ escabeau. eau. (Il installe /’esca
beau sous la fenêtre à droite, monte dessus, se rend compte qu'il n’a pas la lunette, descend de Vescabeau.)
Il me faut la lunette.
Il I l va vers vers la porte porte..
166
Il sort sort..
— C ’est ’est d’un triste. triste.
Entre. Entre. Clov, la lunette lunette à la main. ain. Il va vers vers l ’esca ’esca beau.
Entre Clov, la lunette lunette à la main. main. C l o v . — Je suis suis de retour, avec la lunette. (I l va vers la fenêtre à droite, la regarde.) Il me faut
Cl o v .
as la la lunette! Mais non, non, je je
n’ai pas la lunette! Ha mm.
I l sort sort.. Ha mm.
H a m m (avec violence). — Mais tu C l o v (s’arrêtant, avec violence). —
C l o v . — Ça redevient gai. gai. (I l monte monte sur sur l ’esca ’esca beau, braque la lunette sur le dehors. Elle lui échappe des mains, mains, tombe. tombe. Un temps.) temps. ) J’ai fait exprès. (I l descend descend de l’escabea l ’escabeau, u, ramass ramassee la lunette, l ’ examine, examine, la braque sur la salle.) Je vois... une foule en délire. (Un temps.) Ça alors, pour une longue-vue c’est une longue-vue. (Il baisse la lunette, se tourne vers Hamm.) Alors? On ne rit pas? H a m m (ayant réfléchi). — Moi Moi no non. C l o v (ayant réfléchi). — Moi non plus. plus. (Il monte monte sur l ’ escabea escabeau, u, braque braque la lunette sur le dehors.) Voyons Voyon s voir... (Il regarde, en promenant la lunette.) Zéro... (il regarde)... zéro... (il regarde)... et zéro. (Il baisse la lunette, se tourne vers Hamm.) Alors?
Rassuré? H a m m . — Rien ne bouge. bouge. C l o v . — Zér Zér — H a m m (avec violence). —
T out est... est... Je ne te parle pas!
(Voix normale.) Tout est... tout est... tout est quoi? (Avec violence.) Tout est quoi?
167
THEATRE I
FIN DE PARTIE
C l o v . — Ce que tout est? En un mot? C ’est ça que tu veux savoir? Une seconde. (Il braque
la lunette sur le dehors, regarde, baisse la lunette, se tourne vers Hamm.) Mortibus. (Un temps.) Alors?
Content?
plomb.
C l o v . — Jamais Jamais vu une chose comme ça! H a m m (inquiet). — Quoi? Une voile?
nageoire? Une fumée?
Une
Le fanal est dan danss
H a m m (soulagé). — Pah! Il l ’était déjà. déjà. C l o v (de même). — Il en restait restait un bout. H a m m . — La base base.. C l o v (de même). — Oui. Oui. H a m m . — Et maintenant? maintenant? C l o v (de même). — Plus rien. H a m m . — Pas Pas de mouettes mouettes ? C l o v (de même). — Mouette Mouettes! s!
168 168
ait à
H a m m . — Les flots, flots, comment sont les flots? C l o v . — L es flots? flots? (Il braque la lunette.) Du
Clov descend de Vescabeau, fait quelques pas vers la fenêtre à gauche, gauche, retourne prendre l ’escabeau, ’escabeau, l ’ installe sous sous la fenêtre fenê tre à gauche, monte monte dessu dessus, s, braque braque la lunette l unette sur le dehors, regarde longuemen longuement. t. Il sursa sursaut ute, e, bais baisse se la lunett lunette, e, l ’exam ’examine, ine, la braq braque ue de nouveau.
le canal.
exaspéré). — Mais que veux-tu qu’il y
l’horizon? Un temps.
H a m m . — Regarde Regarde la mer. mer. C l o v . — C’est pareil. H a m m . — Regarde Regarde l ’Océan !
C l o v (regardant toujours). —
H a m m . — Et l’horizon? Rien à l’horizon? l’horizon? C l o v (baissant la lunette, se tournant vers Hamm,
H a m m . — Et le soleil soleil?? C l o v (regardant toujours). — Néant. Néant. H a m m . — Il devrait devrait être en train de se
coucher
pourtant. Cherche bien.
C l o v (ayant cherché). — Je t’en fous. fous. H a m m . — Il fait donc nuit déjà? déjà? C l o v (regardant toujours). — Non. Non. H a m m . — Alors quoi? quoi? C l o v (de même) . — Il fait gris. (Baissant la
lunette et se tournant vers Hamm, plus fort. ) Gris ! (Un temps. Encore plus fort.) G r r i s ! Il desc descen end d de l ’escab ’escabea eau, u, s’appro s’approch chee de Hamm Hamm par derrière derrière et lui parle à l ’oreille. H a m m (sursautant). — Gris! T u as dit dit gris? gris? C l o v . — Noir clair. clair. D ans tout l’univers l’univers.. H a m m . — T u vas vas fort fort.. (Un temps.) Ne reste
pas là, tu me fais peur.
Clov retourne à sa place à côté du fauteuil.
169
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
C l o v . — Pourquoi cette comédie, tous les jours? H a m m . — La L a routine. On ne sait jam jamais ais.. (Un
temps.) Cette nuit j’ai vu dans ma poitrine. Il y
avait un gros bobo. C l o v . — T u as vu ton cœur cœur.. H a m m . — Non, c’était vivant. vivant. (Un temps. Avec angoisse.) Clov! C l o v . — Oui. Oui. H a m m . — Qu’ est-ce qui se passe? passe? C l o v . — Quelque Q uelque chose suit son cours. cours.
ment.) Dire que tout cela n’aura peut-être pas été
pour rien! angoisse, segrattant grattant). ) . — J’ai une puce C l o v ( avec angoisse puce ! H a m m . — Une Un e puce! Il y a encore des des puces? C l o v (se grattant). — A moins que ce ne soit soit
un morpion. Ha mm
partir de de là là (très inquiet).— Mais à partir
l’humanité pourrait se reconstituer! Attrape-la, pour l’amour du ciel ! C l o v . — Je vais vais chercher la poudre. Il sort sort..
Un temps. H a m m . — Clov! Clov! C l o v (agacé). — Qu ’est-ce ’est-ce que c’est? c’est? H a m m . — On n’ est pas en en train de... de... de...
Ha mm. —
journée! signi
fier quelque chose? C l o v . — Signifier? Nous, signifier! signifier! (Rire bref.) Ah elle est bonne! H a m m . — Je me demande. demande. (Un temps.) Une intelligence, revenue sur terre, ne serait-elle pas tentée de se faire des idées, à force de nous obser ver? (Prenant (Pre nant la voix de Vintelligence. ) Ah, bon, je vois ce que c ’est, oui, je vois ce qu’ils qu’ ils font!
Une puce ! C ’est épouvant épouvantable. able. Quelle
Entre Entre Clov, un carton carton verse verseur ur à la main. ain. C l o v . — Je suis de retour, avec H a m m . — Flanque-lui en plein
l’insecticide. la lampe! lampe!
Clov Cl ov dégage dégage sa chemise chemise du pantalon, panta lon, déboutonne déboutonne le haut de celui-ci, récarte de son ventre et verse la poudre poudre dans dans le trou. trou. Il se penche penche,, regar regarde de,, attend attend,, tressaille, reverse reverse frénétiquement de la poudre, se penche penche,, rega regard rde, e, atten attend. d.
( Clov sursaute, sursaute, lâche la lunette et e t commenc commencee à se gratter le l e bas-ventre bas-ventre des deux mains. mains. Voix Voi x normale.) Et même sans aller jusque-là, nous-mêmes... (avec émotion)... nous-mêmes... par moments... (Véhé
ses vêtements.) A moins qu’elle ne se tienne coïte.
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C l o v . — La vach vachee ! H a m m . — T u l ’as ’as eue? eue? C l o v . — On dirait. dirait. (Il lâche le carton et arrange
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
H a m m . — Coïte Coïte ! Coite, Coite, tu veux dire. dire. A moins moins qu’elle ne se tienne coite. C l o v . — Ah! On dit coite? On ne dit pas coïte? coïte? H a m m . — Mais Ma is voyons ! Si elle se tenait coïte nous serions baisés.
C l o v (avec violence violence) .
— Non Non ! Il I l va vers la porte porte..
H a m m . — Attends! Attends! (Clov s’arrête.) Ce n’est pas encore l’heure de mon calmant?
— Attends! Attends! (Clov s’arrête.) Comment vont tes yeux? yeux ? C l o v . — Mal. Mal. H a m m . — M ais tu vois. vois. C l o v . — Suffisamme Suffisamment. nt. H a m m . — Comment vont tes jambes? jambes? C l o v . — Mal. Mal. H a m m . — Mais tu marches. marches. C l o v . — Je vais, vais, je viens. H a m m . — Dans ma maison. maison. (Un temps. Prophé tique et avec volupté.) Un jour tu seras aveugle. Comme moi. Tu seras assis quelque part, petit plein perdu dans le vide, pour toujours, dans le noir. Comme moi. (Un temps.) Un jour tu te diras, Je suis fatigué, je vais m’asseoir, et tu iras t’asseoir. Puis tu te diras, J’ai faim, je vais me lever et me faire à manger. Mais tu ne te lèveras pas. Tu te diras, J’ai eu tort de m’asseoir, mais puisque je me suis assis je vais rester assis encore un peu, puis je me lèverai et je me ferai à man der. Mais tu ne te lèveras pas et tu ne te feras pas manger. (Un temps.) Tu regarderas le mur un peu, puis tu te diras, Je vais fermer les yeux, peutêtre dormir un peu, après ça ira mieux, et tu les Ic-rmeras. Et quand tu les rouvriras il n’y aura plus
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173
Un temps.
C l o v . — Et ce pipi? fait. H a m m . — Ça se fait. bien, ça c ’est ’est bien. bien. C l o v . — Ah ça c ’est bien,
Un temps. H a m m (avec élan). — Allons-nous-en tous les deux, vers le sud! Sur la mer! Tu nous feras un radeau. Les courants nous emporteront, loin, vers d’ autres... mammifères ! C l o v . — Parle pas de malheur. H a m m . — Seul, je m’embarquerai m’embarquerai seul! PréparePréparemoi ce radeau immédiatement. Demain je serai loin. C l o v (se précipitant vers la porte). — Je m ’y mets tout de suite. H a m m . — Attends! Attends! (Clov s’arrête.) Tu crois qu’il y aura des squales? C l o v . — Des squales? Je ne sais sais pas. pas. S ’il y en a il y en aura.
Il I l va vers la porte porte..
Ha mm.
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
de mur. (Un temps.) L ’infini du vide sera sera autour autour de toi, tous les morts de tous les temps ressuscités ne le combleraient pas, tu y seras comme un petit gravier au milieu de la steppe. (Un temps.) Oui, un jour tu sauras ce que c’est, tu seras comme moi, sauf que toi tu n’auras personne, parce que tu n’auras eu pitié de personne et qu’il n’y aura plus personne de qui avoir pitié.
(U n H a m m . — Tu n’as qu’à qu’à nou nouss ache acheve ver. r. (Un temps.) Je te donne la combinaison du buffet si tu
Un temps. C l o v . — Ce n ’est pas pas dit. (Un temps.) Et puis tu oublies une chose. H a m m . — Ah. C l o v . — Je ne peux pas m’asseoir. m’asseoir. H a m m (impatient). — Eh bien, tu te coucheras, coucheras, tu parles d’une affaire. Ou tu t’arrêteras, tout sim plement, tu resteras debout, comme maintenant. Un jour tu te diras, Je suis fatigué, je vais m’arrê ter. Qu’importe la posture!
Un temps. Cl o v .
— Vous voulez donc tous que je vous
quitte? H a m m . — Bien sûr. C l o v . — Alors je vous quitterai. quitterai. H a m m . — T u ne peux pas pas nous quitter. quitter. C l o v . — Alors je ne vous quitterai pas. pas.
Un temps.
174
jures de m’achever. m’ achever. C l o v . — Je ne pourrais pourrais pas t ’achever. ’achever. H a m m . — Alors tu ne m ’achèveras ’achèveras pas. pas. Un temps. C l o v . — Je te quitte, j’ai à faire. H a m m . — T u te souviens souviens de ton ton arrivée C l o v . — Non. Tr op petit, tu m’as dit. dit. H a m m . — T u te souvien souvienss de ton père? père?
ici?
réplique. (U n C l o v (avec lassitude). — Même réplique.
temps.) Tu m’as posé ces questions des millions de fois. H a m m . — J’aime les vieilles questions. questions. (Avec élan.) Ah les vieilles questions, les vieilles réponses, il n’y a que ça! (Un temps.) C’est moi qui t’ai servi de père. C l o v . — Oui. (Il le regarde fixement.) C’est toi
qui m’as servi de cela. H a m m . — Ma maison maison qui t’a servi de home. C l o v . — Oui. (Long regard circulaire.) Ceci m’a
servi de cela. H a m m (fièrement). — Sans Sans moi (geste vers soi), pas de père. Sans Hamm (geste circulaire), pas de home. Cl o v .
— Je te quitte. quitte. 175
Un temps.
FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I H a m m . — As-tu jamais jamais C l o v . — Jamais Jamais.. H a m m . — Qu’ici Qu’ ici nous
pensé à une chose?
sommes sommes dans un trou. (Un temps.) Mais derrière la montagne? Hein? Si c’était encore vert? Hein? (Un temps.) Flore! Pomone! (Un temps. Avec extase.) Cérès! (Un temps.) Tu n’auras peut-être pas besoin d’aller loin. C l o v . — Je ne peux pas pas aller loin. (Un temps.) Je te quitte. H a m m . — Mon chien est est prêt? prêt? C l o v . — Il lui manque une patte. H a m m . — Il est soyeux? C l o v . — C’est le genre loulou. H a m m . — Va le cherch chercher. er. C l o v . — Il lui manque une patte. patte. H a m m . — Va le chercher chercher!! (Clov sort.) Ça avance. Il sort sort son son mouch ouchoir oir,, s’en essu essuie ie le visag visagee sans sans le déplier, le remet dans sa poche. Entre Clov, tenant par une une de ses ses trois trois pattes pattes un chien chien noir noir en peluch peluche. e. Cl o v .
— Tes chiens chiens sont sont là.
Il donn donnee le chien chien à Hamm Hamm qui l ’assied ’assied sur sur ses ses genoux, le palpe, le caresse. H a m m . — Il est est blanc, blanc, C l o v . — Presque.
H a m m . — Comment presque? Il est blanc ou il ne l’est pas? C l o v . — Il ne l ’est pas pas..
Un temps. H a m m . — T u as oublié oublié C l o v (vexé). — Mais il
se met en dernier. Un temps. H a m m . — T u n’as pas mis mis C l o v (avec colère). — Mais
son ruban. ruban. il n’est pas pas fini, fini, je te dis ! On finit son chien d’abord, puis on lui met son ruban! Un temps. H a m m . — Est-ce qu’il tient debout debout?? C l o v . — Je ne sais sais pas. H a m m . — Essai Essaie. e. (Il rend le chien à Clov qui le
pose pose sur sur le sol.) Alors? Cl o v .
— Attends Attends..
Accroupi il essa essaie ie de faire tenir tenir le chien chien debou debout, t, n’y arrive pas, le lâche. Le chien tombe sur le flanc. H a m m . — Alors Alors quoi? quoi? C l o v . — Il tient. tient. H a m m (tâtonnant). — Où? Où est-il?
Clov Clo v remet le chien debout debout et le maintient. maintient.
n’est-ce n’est-ce pas?
176
le sexe. sexe. n ’est pas pas fini. L e sexe
Cl o v .
— Là. Là. 177 12
THEATRE I
FIN DE PARTIE
Il I l prend la main de Hamm Hamm et la guide vers vers la tête tête du chien. H a m m (la main sur la tête du chien). —
regarde?
C l o v . — Oui. Oui. H a m m (fier).
d’aller promener.
Il me
— Comme s’il me demandai demandaitt
comme s’il me deman deman dait un os. (Il retire sa main.) Laisse-le comme ça, en train de m’implorer. Clov se redresse. Le chien retombe sur le flanc.
Pegg?
vision visions? s? lumière lumière chez la mère
C l o v . — De la lumièr lumière! e! Comment veux-tu qu’il y ait de la lumière chez quelqu que lqu’un? ’un? H a m m . — Alors elle s’est éteinte. éteinte. C l o v . — Mais bien sûr qu’elle s’est éteinte! éteinte! S ’il n’y en a plus c’est qu’elle s’est éteinte. H a m m . — Non, Non , je veux dire la mère mère Pegg. Pegg. C l o v . — Mais bien sûr qu ’elle s’est éteinte ! Qu’est-ce que tu as aujourd’hui? H a m m . — Je suis suis mon cours. (Un temps.) On l’a enterrée?
178
veux-tu qui l’enterre? l’enterre?
pas assez à faire sans enterrer les gens? H a m m . — Mais moi tu m’enterre m’enterreras ras.. C l o v . — Mais non je ne t’enterre t’ enterrerai rai pas ! Un temps.
C l o v . — Si l’on veut. H a m m (de même). — Ou
C l o v . — Je te quitte. quitte. H a m m . — T u as eu eu tes C l o v . — Moins. Moins. H a m m . — Il y a de la
C l o v . — Enterrée! Enterrée! Qui H a m m . — Toi. Toi. C l o v . — Moi ! Je n ’ai
H a m m . — Elle était jolie, autrefois, autrefois, comme un cœur. Et pas farouche pour un liard. C l o v . — N ous aussi on était jolis jolis — autrefois. autrefois. Il est rare qu ’on ne soit pas pas joli — autrefois autrefois..
Un temps. Ha mm.
— Va me chercher la gaffe. gaffe. Clov va à la porte, s’arrête.
C l o v . — Fais ceci, fais cela, et je le fais. Je ne refuse jamais. Pourquoi? H a m m . — Tu ne peux peux pas. pas. C l o v . — Bientôt je ne ne le ferai plus. plus. H a m m . — T u ne pourr pourras as plus. plus. (Clov sort.) Ah les gens, les gens, il faut tout leur expliquer.
Entre Clov, la gaffe à la main. main. Cl o v .
— Voilà ta gaffe. gaffe. Avale-la. Avale-la.
Il I l donn donnee la gaffe à Hamm Hamm qui s’efforce, s’efforce, en pren prenant ant appui dessus dessus,, à droite, à gauche, devant lui, lui , de déplacer le fauteuil. 179
FIN DE PARTIE
THEATRE I H a m m . — Est-ce C l o v . — Non.
que j’avance? j’avance? Hamm Hamm jette la gaffe. gaffe.
H a m m . — Va chercher la burette. burette. C l o v . — Pour quoi faire? faire? les roulettes. H a m m . — Pour graisser les C l o v . — Je les ai graissées graissées hier. H a m m . — Hier! Hier! Qu’est-ce que ça veut
Hier!
Un temps. Hamm soulève sa calotte. H a m m . — Je l’ aimais aimais bien. (Un temps. Il remet sa calotte. Un temps.) Il faisait de la peinture.
dire?
C l o v (avec violence). —
Ça veut dire ilil y a un foutu bout de misère. J’emploie les mots que tu m’as appris. S’ils ne veulent plus rien dire apprends-m’en d’autres. Ou laisse-moi me taire. Un temps.
— J’ai connu un fou qui croyait que la fin du monde était arrivée. Il faisait de la peinture. Je l’aimais bien. J’allais le voir, à l’asile. Je le prenais par la main et le tramais devant la fenêtre. Mais regarde! Là! Tout ce blé qui lève! Et là! Regarde! Les voiles des sardiniers! Toute cette beauté! (Un temps.) Il m’arrachait sa main et retournait dans son coin. Épouvanté. Il n’avait vu que des cendres. (Un temps.) Lui seul avait été épargné. (Un temps.) Oublié. (Un temps.) Il paraît que le cas n’est... n’était pas si... si rare. C l o v . — Un fou? Quand cela? cela? Ha mm.
180 180
— Oh c’est loin, loin. loin. T u n’étais n’étais pas encore de ce monde. C l o v . — La belle époque ! H a mm.
C l o v . — Il y a tant de choses choses terrible terribles. s. H a m m . — N on non, il n ’y en a plus tellement. tellement.
(Un temps.) Clov. C l o v . — Oui. Oui. H a m m . — T u ne penses pas pas que ça a assez duré? C l o v . — Si! Si! (Un temps.) Quoi? H a m m . — Ce... cette... cette... chose. chose. C l o v . — Je l’ai l’ ai toujours pensé. (Un temps.)
Pas toi?
H a m m (morne). — Alors c’ est une journée journée comme les autres. C l o v . — Tant qu’elle qu’elle dure. dure. (Un temps.) Toute la vie les mêmes inepties.
Un temps. H a m m . — Moi je C l o v . — Je sais sais..
ne peux pas pas te quitter. quitter. Et E t tu ne peux pas me suivre. suivre. Un temps.
— Si tu me quittes comment le sauraisaurai. (avec animation). — Eh bien tu me siff siffle less
Ha mm.
je? Cl o v
181
FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I
Il I l s’arrête s’arrête..
et si je n’accours pas c’est que je t’aurai quitté. me dire adieu?
Quel penseur! penseur! (Un temps.) Alors? concentre. Pas très Attends. Attends. ( I l se concentre. convaincu.) Oui... (Un temps. Plus convaincu.) Oui. (Il relève la tête.) Voilà. Je mets le réveil.
Un temps.
Un temps.
— Mais tu pourrais être seulement seulement mort dans ta cuisine. C l o v . — Ça reviendrait au même. même. H a m m . — Oui, Ou i, mais comment le saurais-je, saurais-je, si tu étais seulement mort dans ta cuisine?
— Je ne suis suis peut-être pas dans un de mes bons jours, mais — C l o v . — T u me siffles siffles.. Je ne viens viens pas. L e réveil sonne. Je suis loin. Il ne sonne pas. Je suis mort.
Un temps. H a m m . — Tu ne viendras pas C l o v . — Oh je ne pense pense pas. pas.
H a mm.
C l o v . — Eh bien... je finira finirais is bien par p uer. H a m m . — T u pues déjà déjà.. To ute la maison maison pue le le
cadavre.
C l o v . — Tout l’univers. H a m m (avec colère). — Je m’en fous de l’univers !
(Un temps.) Trouve quelque chose. C l o v . — Comment? H a m m . — Un truc, trouve trouve
un truc. (Un temps. Avec colère.) Une combine! C l o v . — Ah bon. bon. (Il commence à marcher de long en large, les yeux rivés au sol, les mains derrière le dos. Il s’arrête.) J’ai mal aux jambes, c’est pas croyable. Je ne pourrai bientôt plus penser. H a m m . — T u ne pourras pas pas me quitter. (Clov repart.) Qu’est-ce que tu fais? C l o v . — Je combine combine.. (Il marche.) A h! 182
H a mm. — Cl o v . —
H a mm.
Un temps. H a m m . — Est-ce qu’il marche? marche? (Un temps. Impatient.) Impatient.) Le réveil, est-ce qu’il marche? C l o v . — Pourquoi Pourquoi ne marcher marcheraitait-il il pas? pas? H a m m . — D ’avoir ’avoir trop trop marché. marché. C l o v . — Mais il n’ a presque presque pas pas marché. H a m m (avec colère). — Alors Alors d’avoir d’avoir trop trop
marché ! Cl o v .
peu peu
— Je vais vais voir. (Il sort. Jeu de mouchoir.
Brève sonn sonner erie ie du réveil en coul couliss isse. e. Entre Entre Clov, le réveil à la main. main. I l l ’approche ’approche de l’ oreille de Hamm Hamm,, déclenche déclenche la sonner sonnerie. ie. Ils l ’ écoutent écoutent sonne sonnerr jusqu’ jusqu ’ au bout. Un temps.) Digne du jugement dernier! Tu
as entendu? H a m m . — Vaguement Vaguement.. 183
THÉÂTRE I
C l o v . — La fin est inouïe. inouïe. H a m m . — Je préfère préfère le milieu. (Un temps.)
FIN DE PARTIE
Ce
n’est pas l’heure de mon calmant? C l o v . — Non. (Il va à la porte, se retourne.) Je te quitte. H a m m . — C ’est l’heure de mon histoire. histoire. T u veux écouter mon histoire? C l o v . — Non. H a m m . — Demande Demande à
mon histoire.
mon père s’il veut écouter
Clov va aux poubelles, soulève le couvercle de celle de Nagg, regarde dedans, se penche dessus. Un temps. Il se redr redres esse se.. C l o v . — Il dort dort.. H a m m . — Réveille-le.
Clov se penche, réveille Nagg en faisant sonner le réveil. Mots confus. Clov se redresse. C l o v . — Il ne veut pas écouter ton histoire. histoire. H a m m . — Je lui donnerai donnerai un bonbon.
Clov Clo v se penche. Mots Mo ts confus. Clov Clo v se redr redress esse. e. C l o v . — Il veut une dragée dragée.. H a m m . — Il aura une dragée.
Clov Clo v se penche. Mots Mo ts confus. Clov C lov se redres redresse. se. Cl o v .
— Il marche. marche. ( Clov va vers la porte. Les 184
mains de Nagg apparaissent, accrochées au rebord, rebord, rnis rni s la tête émerg émerge. e. Clov Cl ov ouvre la porte, se retourne.)
Tu crois à la vie future? toujours été. été. (Clov sort I Iamm. — La mienne l’a toujours ni claquant la porte.) Pan! Dans les gencives. N a g g . — J’écou J’écoute. te. H a m m . — Salopard! Pourquoi m’as-tu m’ as-tu fait? N a g g . — Je ne pouvais pas savoir. savoir. II a m m . — Quoi? Q u’est-ce que tu ne pouvai pouvaiss pas savoir? N a g g . — Que ce serait toi. (Un temps.) Tu me donneras une dragée? 1I a m m . — Après l’écoute. l’écoute. Na g g . — Juré Juré?? II a m m . — Oui. Oui. N a g g . — Sur quoi? quoi? II a m m . — L ’honneu ’honneur. r. Un temps. temps. Ils rient. N a g g . — Deux? Deux? I I a m m . — Une. Une. Na g g . — Une pour moi et une — H a m m . — Une! Silence! Silence! (Un temps.)
Où en 1 l a i s - j e ? (Un temps. Morne.) C’est cassé, nous sommes cassés. (Un temps.) Ça va casser. (Un temps.) Il n’y aura plus de voix. (Un temps.) Une l'.outte d’eau dans la tête, depuis les fontanelles. ( Hilarité étouffée de Nagg.) Elle s’écrase toujours au ineme endroit. (Un temps.) C ’est peut-être une 185
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
petite veine. (Un temps.) Une petite artère. (Un temps. Plus animé.) Allons, c’est l’heure, où en temps. Ton de narrateur.) narrateur. ) L ’homme étais-je? (U n temps. ’homme s’approcha lentement, en se traînant sur le ventre. D ’une pâleur et d’une maigreur admirables admirables il temps. Ton nor parais paraissai saitt sur le point d e — (U n temps. mal.) Non, ça je l’ai fait. (U n temps. temps. Ton T on de narra teur.) Un long silence se fit entendre. (Ton normal.) Joli ça. (Ton de narrateur.) Je bourrai tranquillement tranquillement ma pipe — en magnésite, l’allumai avec une... mettons une suédoise, en tirai quelques bouffées. Aah! (Un temps.) Allons, je vous écoute. (Un temps.) Il faisait ce jour-là, je m’en souviens, un froid extraordinairement vif, zéro au thermo mètre. Mais comme nous étions la veille de Noël cela n’avait rien de... d’extraordinaire. Un temps de saison, comme cela vous arrive. (Un temps.) Allons, Allon s, quel sale vent vous amène? Il leva vers moi son visage tout noir de saleté et de larmes (U n temps. temps. Ton normal.) Ça va aller. (Ton mêlées. (Un de narrateur.) Non, non, ne me regardez pas, ne me regardez pas! Il baissa les yeux, en marmottant, des excuses sans doute. (Un temps.) Je suis assez occupé, vous savez, les préparatifs de fête. (Un tem temps. ps. Avec Ave c force.) force. ) Mais quel est donc l’objet de cette invasion? (Un temps.) Il faisait ce jour-là, je me rappelle, un soleil vraiment splendide, cin quante à l’héliomètre, mais il plongeait déjà, dans
la... chez les morts. (Ton normal.) Joli ça. (Ton de narrateur.) Allons, allons, présentez votre sup plique, mille soins m’appellent. (Ton normal.) Ça c’est du français! Enfin. (Ton de narrateur.) Ce fut alors qu’il prit sa résolution. C’est mon enfant, dit-il. Aïeaïeaïe, un enfant, voilà qui est fââcheux. Mon petit, dit-il, comme si le sexe avait de l’impor tance. D ’où sortait-il? sortait-il? Il me nomma nomma le trou. Un e bonne demi-journée, à cheval. N ’allez pas me raconter qu’il y a encore de la population là-bas. Tout de même! Non, non, personne, sauf lui, et l’enfant — en supposant supposant qu’il existât. Bon bon. Je m’enquis de la situation à Kov, de l’autre côté du détroit. Plus un chat. Bon bon. Et vous voulez me faire croire que vous avez laissé votre enfant là-bas, tout seul, et vivant par-dessus le marché? Allons! (Un temps.) Il faisait ce jour-là, je m’en souviens, un vent cinglant, cent à l’anémomètre. Il arrachait les pins morts et les emportait... au loin. (Ton normal.) Un peu faible ça. (Ton de narrateur.) Allons, Allons , allons, qu’est-ce qu’ est-ce que vous me voulez à la fin, je dois allumer mon sapin. (Un temps.) Enfin bre f je finis par comprendre qu’il qu’ il me voulait du pain pour son enfant. Du pain ! Un gueux, comme d’habitude. Du pain? Mais je n’ai pas de pain, je ne le digère pas. Bon. Alors du blé? (Un temps. Ton normal.) Ça va aller. (Ton de narrateur.) D u blé, j’en j’ en ai, il est vrai, dans mes greniers. Mais
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THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
réfléchissez, réfléchissez. Je vous donne du blé, un kilo, un kilo et demi, vous le rapportez à votre enfant et vous vous lui en faites faites — s’il vit encore — une bonne bouillie (Nagg réagit), une bonne bouillie et demie, bien nourrissante. Bon. Il reprend ses couleurs couleurs — peut-être. Et puis? (Un temps.) Je me fââchai. Mais réfléchissez, réfléchissez, vous êtes sur terre, c’est sans remède! (Un temps.) Il faisait ce jour-là, je me rappelle, un temps excessivement sec, zéro à l’hygromètre. Le rêve, pour mes rhuma tismes. (Un temps. Avec emportement.) Mais enfin quel est votre espoir? Que la terre renaisse au printemps? Que la mer et les rivières redeviennent poissonneuses? Qu’il y ait encore de la manne au ciel pour des imbéciles comme vous? (Un temps.) Peu à peu je m’apaisai, enfin suffisamment pour lui demander combien de temps il avait mis pour venir. Trois Tro is jours pleins. Dans quel état il avait laissé l’enfant. Plongé dans le sommeil. (Avec force.) Mais dans quel sommeil, dans quel sommeil déjà? (Un temps.) Enfin bref je lui proposai d’entrer à mon service. Il m’avait remué. Et puis je m’imaginais m’ imaginais déjà n ’en avoir plus pour longtemps. (Il rit. Un temps.) Alors? (Un temps.) Alors? (Un temps.) Ici en faisant attention vous pourriez mourir de votre belle mort, les pieds au sec. (Un temps.) Alors? (Un temps.) Il finit par me deman der si je consentirais à recueillir l’enfant aussi
— s’il vivait encore. (Un temps.) C ’était l’instant que j’attendais. (Un temps.) Si je consentirais à recueillir l’enfant. (Un temps.) Je le revois, à genoux, les mains appuyées au sol, me fixant de ses yeux déments, malgré ce que je venais de lui signifier à ce propos. (Un temps. Ton normal.) Suffit pour aujourd’hui. (Un temps.) Je n’en ai plus pour longtemps avec cette histoire. (Un temps.) A moins d’introduire d’autres personnages. (Un temps.) Mais où les trouver? (Un temps.) Où les chercher? (Un temps. Il siffle. Entre Clov.) Prions Dieu. N a g g . — Ma dragé dragée! e! C l o v . — Il y a un rat dans dans la cuisine. cuisine. H a m m . — Un rat! Il y a encore encore des des rats? rats? C l o v . — Dans la cuisine il y en a un. un. H a m m . — Et tu ne l’as pas pas exterminé? C l o v . — A moitié. T u nous as dérang dérangés. és. H a m m . — Il n e peut pas se sauver? C l o v . — Non. Non. H a m m . — Tu l’achèvera l’achèverass tout à l ’heure. ’heure. Prions Prions Dieu. C l o v . — Encore? Encore? N a g g . — Ma dragée! dragée! H a m m . — Dieu d’abord! d’abord! (Un temps.) Vous y êtes? C l o v ( résigné Allons-y. résigné). ) . — Allons-y. H a m m (à Nagg). — Et toi? toi?
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FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I
fermant les yeux , débit N a g g (joignant les mains, fermant
êtes aux... précipité). — Notre père qui êtes Ha mm.
— Silence! En silence! Un peu de tenue!
Allons-y. Allon s-y. (Attitudes de prière. Silence. Se découra geant le premier.) Alors? C l o v (rouvrant les yeux). Je t’en fous! Et toi? H a m m . — Bernique! Bernique! (A Nagg.) Et toi? N a g g . — Attends. Attends. (Un temps. Rouvrant les yeux.) Macache! H a m m . — Le salaud salaud!! Il n ’existe ’existe pas pas ! C l o v . — Pas encore. N a g g . — Ma dragée dragée!! H a m m . — Il n’y a plus de dragées.
Ce n’était pas indispensable, tu n’avais pas vrai ment besoin besoin que je t’écoute. D ’ailleurs ’ailleurs je ne t’ ai pas écouté. (Un temps.) J’espère que le jour viendra où tu auras vraiment besoin que je t’écoute, et besoin d’entendre d’ entendre ma voix, voix , une voix. (Un temps.) Oui, j’espère que je vivrai jusque-là, pour t’en tendre m’appeler comme lorsque tu étais tout petit, et avais peur, dans la nuit, et que j’étais ton seul espoir. ( Un temps. temps. Nagg frappe frapp e sur le couvercle de la poubelle poubelle de Nell . Un temps.) Nell! (Un temps. Il frappe plus for t.) Nell ! Un temps. Nagg rentre dans sa poubelle, rabat le couvercle. Un temps. temps.
Un temps.
H a m m . — Finie la rigolad rigolade. e. (Il cherche en tâton nant le chien.) Le chien est parti.
— C ’est normal. normal. Après tout je suis ton père. Il est vrai que si ce n’avait pas été moi ç’aurait été un autre. Mais ce n’est pas une excuse. (Un temps.) Le rahat-loukoum, par exemple, qui n’existe plus, nous le savons bien, je l’aime plus que tout au monde. Et un jour je t’en demanderai, en contrepartie d’une complaisance, et tu m’en promettras. Il faut vivre avec son temps. (Un temps.) Qui appelais-tu, quand tu étais tout petit et avais peur, dans la nuit? Ta mère? Non. Moi. On te laissait crier. Puis on t’éloigna, pour pouvoir dormir. (Un temps.) Je dormais, j’étais comme un roi, et tu m’as fait réveiller pour que je t’écoute.
C l o v . — C e n’est pas un vrai chien, il ne peut pas partir.
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N a g g .
H a m m (tâtonnant). — Il n’est pas pas là. là. C l o v . — Il s’est couché. Clo v ramasse ramasse le chien chien et H a m m . — Donne-le. Donne-le. ( Clov
le donne à Hamm. Hamm le tient ti ent dans ses ses bras. bras. Un temps. Hamm jette le chien.) Sale bête! (Clov commence à ramasser les objets par terre.) Qu’est-ce
que tu fais? ’ordre. e. (Il se redresse. Avec élan.) C l o v . — De l ’ordr Je vais tout débarrasser! Il se rem remet à ram ramasse asser. r. Ha mm.
— De l ’ord ’ordre re !
FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I Cl o v
(se redressant). — J’aime l ’ordre ’ordre.. C ’est
mon rêve. Un monde où tout serait silencieux et immobile et chaque chose à sa place dernière, sous la dernière poussière. Il I l se rem remet à ramas ramasse ser. r. H a mm
fabriques?
que tu (exaspéré). — Mais qu’est-ce que
C l o v (se redressant, doucement).
fabriquer un peu d’ordre. H a m m . — Laisse tomber. tomber.
Ha mm
— Après tou t, là ou ailleurs. (agacé). —
Qu’ est-ce est-ce qu’ils qu’ils ont, tes tes
C l o v . — Mes pieds? pieds? H a m m . — On dirait dirait un régiment de dragons. dragons. C l o v . — J’ai dû mettre mes brodequins. brodequins. H a m m . — Tes Te s babouches babouches te faisaient faisaient mal?
Un temps.
C l o v . — Je te quitte. quitte. H a m m . — Non Non ! est-ce que je sers? sers? C l o v . — A quoi est-ce H a m m . — A me donner la réplique. (Un temps.)
J’ai avancé mon histoire. (Un temps.) Je l’ai bien 192
jours.
H a m m . — A h tu Voilà. C l o v . — Voilà.
veux dire mon roman roman?? Un temps.
H a m m (avec colère). —
Il I l va vers la porte. porte.
pieds?
C l o v . — Celle Celle que tu te racontes depuis depuis tou
— J’essaie J’essaie de de
Clov laisse tomber les objets qu’il vient de ramasser. Cl o v .
avancée. (Un temps.) Demande-moi où j’en suis. C l o v . — Oh, Oh, à propos, ton histoire? H a m m (très surpris). — Quelle histoire? histoire?
Mais pouss poussee plus plus loin, loin,
bon sang, pousse plus loin! C l o v . — T u l ’as ’as bien avancée, avancée, j’espère. j’espère. H a m m (modeste). — Oh pas de beaucoup, pas de beaucoup. (Il soupire.) Il y a des jours comme ça, on n’est pas en verve. (Un temps.) Il faut attendre que ça vienne. (Un temps.) Jamais forcer, jamais forcer, c’ est fatal. (Un temps.) Je l’ai néanmoins avancée un peu. (Un temps.) Lorsqu’on a du métier, n’est-ce pas? (Un temps. Avec force.) force .) Je dis que je l’ai néanmoins avancée un peu. C l o v (admiratif). — Ça alors! alors! Tu as quand quand même pu l ’avancer ’avancer ! H a m m (modeste). — Oh tu sais, sais, pas de beau coup, pas de beaucoup, mais tout de même, mieux que rien. Mie ux que rien! Ça alors tu m’épates. m’épates. C l o v . — Mieux H a m m . — Je vais vais te raconter. Il vie nt à plat ventre — 193
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
C l o v . — Qui Qui ça? H a m m . — Comment? C l o v . — Qui, Qui, il? il? H a m m . — Mais voyons ! Encore un. ’étais pas pas sûr. C l o v . — Ah celui-là! Je n ’étais H a m m . — A plat ventre pleurer du pain
H a mm.
Un temps.
pour son petit. On lui offre une place de jardinier. Avant Avan t d’a... (Clov rit.) Qu’est-ce qu’il y a là de si drôle? C l o v . — Une place de jardini jardinier! er! H a m m . — C ’est ça ça qui te fait fait rire? rire? C l o v . — Ça doit être être ça. ça. H a m m . — Ce ne serait pas plutôt le pain? C l o v . — Ou le petit. Un temps.
— Tout To ut cela est plaisant plaisant en effet. effet. VeuxVeu xtu que nous pouffions un bon coup ensemble? C l o v (ayant réfléchi). — Je ne pourrais plus pouffer aujourd’hui. Ha mm.
H a m m (ayant réfléchi). — Moi non plus.
(Un
temps.) Alors je continue. Avant d’accepter avec gra
titude il demande s’il peut avoir son petit avec lui. C l o v . — Quel âge? H a m m . — Oh tout petit. petit. C l o v . — Il aurait grimpé aux arbres. arbres. H a m m . — Tous Tou s les petits travaux. travaux. C l o v . — Et puis il aurait aurait grandi. grandi.
194
— Probablem Probablement. ent.
C l o v . — Mais pousse plus loin , bon sang, pousse plus loin! H a m m . — C ’est tout, je me suis suis arrêté arrêté là. là.
Un temps. C l o v . — T u vois la suite suite?? H a m m . — A peu prè près. s. fin? C l o v . — Ce n’est pas bientôt la fin? H a m m . — J’en ai peur. peur. C l o v . — Bah, tu en feras feras une autre. autre. H a m m . — Je ne sais pas. (Un temps.)
Je me sens un peu vidé. (Un temps.) L ’effort créateur créateur prolongé. (Un temps.) Si je pouvais me tramer jusqu’à jusqu ’à la mer! Je me ferais un oreiller de sable et la marée viendrait. C l o v . — Il n’y a plus de marée. Un temps. Ha mm.
— Va voir si elle est morte. morte.
Clov va à la poubelle de Nell , soulève le couvercle, se penche. Un temps. temps. C l o v . — On dirait que oui.
Il I l rabat rabat le couv couver ercle cle, se redresse. Hamm soulève sa calotte. Un temps. temps. Il la remet. remet. H a mm
(sans lâcher sa calotte). — Et Nagg? Nagg? 195
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
Clov soulève le couvercle de la poubelle de Nagg, se penche penche.. Un temps temps..
jour!
C l o v . — On dirait que non.
Il I l rabat rabat le couver couvercle cle,, se redr redres esse se..
Qu’est-ce qu’il (lâchant sa calotte). — Qu’est-ce
H a mm
fait? Clov soulève le couvercle de la poubelle de Nagg, se penche. Un temps. temps. Cl o v .
— Il pleur pleure. e. Clov rabat le couvercle, se redresse.
— Donc il vit. vit. (Un temps.) As-tu jamais eu un instant de bonheur? bonheu r? Ha mm.
C l o v . — Pas à ma connaissance. connaissance.
Un temps. H a m m . — Amène-moi sous la fenêtre. (Clov va vers vers le fauteui l.) Je veux sentir la lumière sur mon visage. (Clov fait avancer le fauteuil.) Tu te rap
pelles, au début, quand tu me faisais faire ma pro menade, comme tu t’y prenais mal? Tu appuyais trop haut. A chaque pas tu manquais de me ver ser! (Chevrotant.) Héhé, on s’est bien amusés tous les deux, bien amusés! (Morne.) Puis on a pris l’habitude. (Clov arrête le fauteuil face à la fenêtre à droite.) Déjà? (U n temps. temps. Il renverse renverse la tête. tête. Un temps.) Il fait jour? 196
C l o v . — Il ne fait pas nuit. nuit. H a m m (avec colère). — Je te Cl o v .
demande s’il fait
— Oui. Oui. Un temps.
H a m m . — Le rideau rideau C l o v . — Non. Non.
n’est pas pas fermé? Un temps.
H a m m . — Quelle fenêtr fenêtree c’est? C l o v . — La terr terre. e. H a m m . — Je le savais! (Avec colère.)
Mais il n’y a pas pas de lumière par par là! L ’autre! (Clovpousse le fauteuil vers Vautre fenêtre.) La terre! (Clov arrête le faut fa uteu euil il sous Vautre fenêtre. fenê tre. Hamm ren ren verse la tête.) Ça c’est de la lumière! (Un temps.) On dirait un rayon de soleil. (Un temps.) Non? C l o v . — Non. Non. H a m m . — Ce n ’est
pas un rayon de soleil soleil que je sens sur mon visage? C l o v . — Non. Non. Un temps. H a m m . — Je suis suis très très blanc? (Un temps. Avec violence.) Je te demande si je suis très blanc! Cl o v .
— Pas plus que d’habitude.
H a m m . — Ouvre la C l o v . — Pour quoi
fenêtre. fenêtre. faire? faire? 197
Un temps.
FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I H a m m . — Je veux entendre la mer. C l o v . — Tu ne l’entendrais pas. H a m m . — Mêm e si tu ouvrais ouvrais la fenêtre? C l o v . — Non. Non. H a m m . — Alors ce n’est pas pas la peine de de l’ouvrir? C l o v . — Non. Non. H a m m (avec violence). — Alors ouvre-là! ouvre-là! (Clov
monte monte sur sur Vescabeau Vescabeau,, ouvre la fenêtre. fenê tre. Un temps.)
Tu l’as ouverte? C l o v . — Oui. Oui.
Clov va à la poubelle de Nagg, soulève le cou vercle, se penche dessu dessus. s. Mots M ots confus. confus. Clov Clo v se redresse. redresse. C l o v . — Oui. Oui. H a m m . — Les
deux fois?
Clov Clo v se penche. Mots Mo ts confus. Clov C lov se redresse redresse.. Un temps.
Ha mm. — T u C l o v . — Oui. Oui.
retournee à sa place à là, tu me fais peur. ( Clov retourn côté du fauteuil. ) Père! (Un temps. Plus fort.) Père! (Un temps.) Va voir s’il a entendu.
me jures jures que tu l’ as ouverte? Un temps.
— Eh ben... (Un temps.) Elle doit être très calme. (Un temps. Avec violence.) Je te demande si elle est très calme! C l o v . — Oui. Oui. Ha mm.
H a m m . — C’est parce qu’il qu’il n’y a plus de navi
gateurs. (Un temps.) Tu n’as plus beaucoup de conversation tout à coup. (Un temps.) Ça ne va pas? C l o v . — J’ai froid. froid. H a m m . — On est
quel mois? mois? (Un temps.) Ferme la fenêtre, on rentre. ( Clov ferme la fenêtre, descend descend de Vescabea escabeau, u, ramène ramène le fau teui te uill à sa place, p lace, reste derrière le fauteuil, tête baissée.) Ne reste pas
198 198
C l o v . — Une seule. seule. H a m m . — L a première ou
la seconde?
Clov Clo v se penche. Mots Mot s confus. Clov Cl ov se redresse redresse.. C l o v . — D ne sait pas. H a m m . — Ça doit être la seconde. seconde. C l o v . — On ne peu t pas savoir. savoir.
Clov rabat le couvercle.
toujours? H a m m . — Il pleure toujours? Non. C l o v . — Non. H a m m . — Pauvres morts! (Un temps.) Qu’est-ce
qu’il fait? C l o v . — Il suce son biscuit. biscuit. H a m m . — La vie continue. continue. (Clov retourne à sa place à côté côté du faute uil.) Donne-moi un plaid, je gèle. C l o v . — Il n ’y a plus de plaids plaids.. 199
FIN DE PARTIE
THEATRE I
Un temps.
— Embrasse-moi. Embrasse-moi. (Un temps.) Tu ne veux pas m’ embrasser? Ha mm.
C l o v . — Non. H a m m . — Sur Sur le front. C l o v . — Je ne veux t’ embrasser embrasser
gagne. (Il replie son mouchoir, le remet dans sa poche, poche, relève relève un peu la tête.) Tous ceux que j’au rais pu aider. (Un temps.) Aider! (Un temps.) Sauver. (Un temps.) Sauver! (Un temps.) Ils sor taient de tous les coins. (Un temps. Avec violence.)
ne pas rire, et peu à peu... une vraie tristesse vous
Mais réfléchissez, réfléchissez, vous êtes sur terre, c’est sans remède! (Un temps.) Allez-vous-en et aimez-vous! Léchez-vous les uns les autres! (Un temps. Plus calme.) Quand ce n’était pas du pain c’était du mille-feuille. (Un temps. Avec violence.) Foutez-moi le camp, retournez à vos partouzes! (Un temps. Bas.) Tout ça, tout ça! (Un temps.) Même pas un vrai chien! (Plus calme.) La fin est dans le commencement et cependant on continue. (Un temps.) Je pourrais peut-être continuer mon histoire, la finir et en commencer une autre. (Un temps.) Je pourrais peut-être me jeter par terre. (I l se soulève péniblement, se laisse retomber.) Enfoncer mes ongles dans les rainures et me traîner en avant, à la force du poignet. (Un temps.) Ce sera la fin et je me demanderai ce qui a bien pu l’amener et je me demanderai ce qui a bien pu... (il hésite)... pourquoi elle a tant tardé. (Un temps.) Je serai là, dans le vieux refuge, seul contre le silence et... (il (i l hésite)... l’inertie. Si je peux me taire, et rester tranquille, c’en sera fait, du son, et du mouvement. (Un temps.) J’aurai appelé mon père et j’aurai appelé mon... (il hésite)... mon fils. Et même deux
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nulle part. part. Un temps.
H a m m (tendant la main). —
Donne-moi la main main au moins. (Un temps.) Tu ne veux pas me don ner la main? C l o v . — Je ne veux pas te toucher. Un temps.
— Donne-moi le chien. chien. ( Clov cherche cherche le chien.) Non, pas la peine. C l o v . — Tu ne veu veuxx pas ton chien? H a m m . — Non. Non. C l o v . — Alors je te quitte. quitte. baissée, ée, distraitement). — C’est ça. H a m m ( tête baiss H a mm.
Clov Clo v va à la porte, se retourne. retourne. C l o v . — Si je ne tue pas pas ce rat il va mourir. H a m m (de même). — C ’est ça. (Clov sort. Un
temps.) A moi. (Il sort son mouchoir, le déplie, le tient à bout de bras ouvert devant lui.) Ça avance. (Un temps.) On pleure, on pleure, pour rien, pour
THÉÂTRE I
fois, trois fois, au cas où ils n’auraient pas entendu, à la première, ou à la seconde. (Un temps.) Je me dirai, Il reviendra. (Un temps.) Et puis? (Un temps.) Et puis? (Un temps.) Il n’a pas pu, il est allé trop loin. (Un temps.) Et puis? (Un temps. Très agité.) Toutes sortes de fantaisies! Qu’on me surveille! Un rat! Des pas! Des yeux! Le souffle qu’on retient et puis... (il expire). Puis parler, vite, des mots, comme l’enfant solitaire qui se met en plusieurs, deux, trois, pour être ensemble, et par ler ensemble, dans la nuit. (Un temps.) Instants sur instants, plouff, ploufF, comme les grains de mil de... (il cherche)... ce vieux Grec, et toute la vie on attend que ça vous fasse une vie. (Un temps. temps. Il veut reprendre, reprendre, y renonc renonce. e. Un temps.) Ah y être, y être! (Il siffle. Entre Clov, le réveil à la main. main. I l s’arrête à côté du fauteu fau teuil. il.)) Tiens! Ni loin ni mort? C l o v . — En esprit seulement. seulement. H a m m . — Lequel? Lequel? C l o v . — L es deux deux.. H a m m . — L oin tu serais serais mort. mort. C l o v . — Et inversement. inversement. H a m m (fièrement). — Loin de moi moi c’est c’ est la mort. mort. (Un temps.) Et ce rat? C l o v . — Il s’est sauvé. sauvé.
FIN DE PARTIE Cl o v .
— Il I l n’ a pas pas besoin d’aller loin. Un temps.
H a m m . — Ce n ’est pas l ’heure ’heure de mon C l o v . — Si. H a m m . — A h! Enfin! Donne vite! vite! C l o v . — Il n ’y a plus de calmant.
Un temps. H a m m (épouvanté). — Mon ... ! (Un temps.) Plus de calmant! C l o v . — Plus de calma calmant. nt. Tu n’auras n’auras jama jamais is plus de calmant.
Un temps. Ha mm.
pleine !
Cl o v .
— Mais la petite boîte ronde. ronde. Elle était
— Oui, mais maintenant maintenant elle est vide.
Un temps. Cl ov commence commence à tourner dans dans la pièce. pièce . Il I l cherc cherche he un endr endroit oit où poser poser le réveil. réveil. H a m m (bas). — Qu’est-ce Qu ’est-ce que je je vais vais faire. faire. (U n temps. Hurlant.) Qu’est-ce que je vais faire? (Clov avise le tableau, le décroche, décroche, l ’appuie par terre tou jours retou retourn rnéé cont contre re le mur, accr accroc oche he le réveil réveil à sa place.) Qu’est-ce que tu fais? Cl o v .
— T rois petits tours. tours.
H a m m . — Il n’ira pas loin. (Un temps. Inquiet.)
Hein?
Un temps. Ha mm.
202
calmant calmant??
— Regarde Regarde la terre. terre. 203 203
FIN DE PARTIE
THEATRE I
C l o v . — Encore Encore?? H a m m . — Puisqu’elle t’appelle. t’appelle. C l o v . — Tu as mal à la gorge? gorge? (Un temps.)
Tu veux une pâte de guimauve? (Un temps.) Non? (Un temps.) Dommage. Il va en chant chantonn onnan antt vers vers la fenêtre fenêtre à droite droite, s’ar rête devant, la regarde, la tête rejetée en arrière. H a m m . — Ne chante chante pas ! C l o v (se tournant vers Hamm). —
On n’a plus le droit de chanter? H a m m . — Non. C l o v . — Alors Alors comment veux-tu veux-tu que ça finisse? H a m m . — T u as envie envie que ça finiss finisse? e? C l o v . — J’ai envie de chanter. chanter. H a m m . — Je ne pourrais pas pas t’en empêcher. Un temps. temps. Clov Clo v se retourne retourne vers vers la fenêtre. fenêtre .
— Qu’ est-ce que j’ai fait de cet escabeau? escabeau? (Il le cherche des yeux.) Tu n’as pas vu cet esca beau? (Il cherche, le voit.) Ah tout de même! (Il (I l va vers la fenêtre à gauche.) Des fois je me demande si j’ai toute ma tête. Puis ça passe, je redeviens monte sur l ’escabeau, ’escabeau, regarde regarde par la lucide. ( I l monte fenêtre.) Putain! Elle est sous l’eau! (Il regarde.) Comment ça se fait? (Il avance la tête, la main en visière.) Il n’a pourtant pas plu. (Il essuie la vitre, regard regarde. e. Un temps temps.. I l se frappe le fron fr ont.) t.) Que je Cl o v .
204 204
suis bête! Je me suis trompé de côté! (Il descend de l ’escabeau,fait ’escabeau ,fait quelq quelques ues pas pas vers vers la fenêtre à droite.) Sous l’eau! (Il retourne prendre l’escabeau.) Que je suis bête! (Il traîne l’escabeau vers la fenêtre à droite.) Des fois je me demande si j’ai tous mes (I l esprits. Puis ça passe, je redeviens intelligent. (Il installe l ’ escabea escabeau u sous sous la fenêtre à droite, monte monte des sus, regarde regarde par la fenêtre. fenêt re. I l se tourne vers Hamm.) Ham m.)
Y a-t-il des secteurs qui t’intéressent t’intéressen t particulière particulière ment. (Un temps.) Ou rien que le tout? H a m m (faiblement). — Tout. Tout. C l o v . — L ’effet ’effet général? général? (Un temps. Il se retourn retournee vers la fenêtre.) fenêtre .) Voyons ça. Il rega regard rde. e. H a m m . — Clov! Clov! C l o v (absorbé). — Mmm. Mmm. H a m m . — Tu sais sais une chose chose?? C l o v (de même). — Mmm. Mmm. H a m m . — Je n’ai n ’ai jamais jamais été
Clov! Cl o v
là. (Un temps.)
(se tournant vers Hamm, exaspéré) . —
Qu’est-ce que c’est? H a m m . — Je n’ai jamais jamais été là. là. C l o v . — T u as eu de la veine veine.. Il se retou retourn rnee vers la fenêtre. fenêtre. H a m m . — Absent, toujours. Tou t s’est fait sans sans moi. Je ne sais pas ce qui s’est passé. (Un temps.)
205 205
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
Tu sais ce qui s’est passé, toi? (Un temps.) Clov! C l o v (se tournant vers Hamm, exaspéré). — T u
en l’air, l ’air, lespoings poings fermés. fermés. I l perd l ’équilibre, ’équilibre, s’ accroc accroche he à l’ l ’ escabeau. escabeau. Il I l descend quelques quelques marches, s’arrête. s’ arrête.
veux que je regarde cette ordure, oui ou non? H a m m . — Réponds Réponds d ’abor ’abord. d. C l o v . — Quoi? sais ce qui s’est s’est passé? passé? H a m m . — T u sais C l o v . — Où? Quand? H a m m (avec violence). — Quand! Ce
qui s’est passé! Tu ne comprends pas? Qu’est-ce qui s’est passé? C l o v . — Qu’est-ce que ça peut fou tre?
Il se retou retourne rne vers vers la fenêtre. fenêtre. Ha mm.
— Moi Mo i je ne sais sais pas. pas. Un temps. Clo C lov v se tourne vers Hamm.
Cl o v
(durement). — Quand la mère Pegg te
demandait de l’huile pour sa lampe et que tu l’en voyais paître, à ce moment-là tu savais savais ce qui se passait, non? (Un temps.) Tu sais de quoi elle est morte, la mère mère Pegg? D ’obscurité. ’obscurité. H a m m (faiblement). — Je n’en n’ en avais avais pas. pas. C l o v (de même). — Si, tu en avai avaiss ! Un temps. H a m m . — Tu as la la lunette lunette?? C l o v . — Non. C’est assez gros comme ça. la chercher. chercher. H a m m . — Va la
Un temps. temps. Clov Cl ov lève les yeux ye ux au ciel et les bras
206 206
C l o v . — Il y a une chose chose qui me dépasse dépasse.. (Il (I l descend jusqu’au sol, s’arrête.) Pourquoi je t’obéis
toujours. toujours. Peux-tu m ’expliquer ça? H a m m . — Non... C ’est peut-être de la pitié. pitié. (Un temps.) Une sorte de grande pitié. (Un temps.) Oh tu auras du mal, tu auras du mal. Un temps. temps. Clov Cl ov commen commence ce à tourner dans la pièce. Il cherch cherchee la lunette lunette..
— Je suis las de nos histoires, très las. (Il cherche.) Tu n’es pas assis dessus? Cl o v .
Il I l dépla déplace ce le fauteuil, rega regard rdee à l ’endroit ’endroit qui qui était caché, se remet à chercher. H a m m (angoissé). —
Ne me lais laisse se pas pas là! (Clov
remet rageusement le fauteuil à sa place, se remet à chercher. Faiblement.) Je suis bien au centre?
— Il faudrait un microscope microscope pour trouver ce — (Il voit la lunette.) Ah tout de même! Cl o v .
Il ram ramasse asse la lunette, lunette, va à l ’escabe ’escabeau au,, monte monte dess dessus us,, braque la lunette sur le dehors. H a m m . — Donne-moi le chien chien.. C l o v (regardant). — Tais-toi Tais-toi.. (plus fo rt) . — Donne-moi H a m m (plus
207
le le chien! chien!
FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I
Clov laisse tomber la lunette, se prend la tête entre les mains. mains. Un temps. Il descend desce nd précipitamment précipi tamment de Vescabeau, cherche le chien, le trouve, le ramasse, se précipite précipite vers vers Hamm Hamm et lui en assè assène ne un grand grand coup coup sur le crâne. Cl o v .
— Voilà ton chien chien!! Le chien chien tom tombe par terr terre. e. Un tem temps. ps.
H a m m . — Il m’a C l o v . — T u me H a m m . — Si tu
frappé. frappé. rends enragé, je suis suis enragé! enragé! dois dois me frapper, frappe-moi avec la masse. (Un temps.) Ou avec la gaffe, tiens, frappe-moi avec la gaffe. Pas avec le chien. Avec la gaffe. Ou avec la masse. Clov ramasse le chien et le donne à Hamm qui le prend dan danss ses bra bras. C l o v (implorant). — Cessons de jouer! jouer! H a m m . — Jamais! Jamais! (Un temps.) Mets-moi
dans mon cercueil. C l o v . — Il n’y a plus de cercueils. cercueils. H a m m . — Alors A lors que ça finisse ! (Clov va vers Vescabeau. Avec violence.) Et que ça saute! (Clov monte sur Vescabeau, s’arrête, descend, cherche la lunette, la ramasse, remonte sur Vescabeau, lève la lunette.) D ’obscurité! Et moi? Est-ce qu’on m’a
jamais pardonné, à moi? 208 208
C l o v (baissant la lunette, se tournant vers Hamm).
— Quoi? Quoi? (Un temps.) C’est pour moi que tu dis ça? H a m m (avec colère). — Un apart aparté! é! Con! Con! C ’est ’est la première fois que tu entends un aparté? (Un temps.) J’amorce mon dernier soliloque. C l o v . — Je te préviens. préviens. Je vais vais regarder cette dégoûtation puisque tu l’ordonnes. Mais c’est bien la dernière fois. (Il braque la lunette.) Voyons voir... (Ilpromène la lunette.) Rien... rien... bien... très très bien... bien... rien... rien... pa rf — (Il sursaute, baisse la lunette, l ’examine, la braque braque de nouveau. nouveau. Un temps.)
Aïeaïeaïe ! H a m m . — Encore des complications ! (Clov des cend de Vescabeau.) Pourvu que ça ne rebondisse
pas! Clov rapproche Vescabeau de la fenêtre , monte dessus, braque braque la lunette. lunett e. Un temps. temps. C l o v . — Aïeaïeaï Aïeaïeaïee ! H a m m . — C’est une une
feuille? feuille? Une fleur? fleur? Une toma toma — (il bâille) — te? te? C l o v (regardant). — Je t’ en foutrai foutrai des des tomates tomates ! Quelqu’un ! C’est quelqu’un ! H a m m . — Eh bien, va l ’extermine ’exterminer. r. (Clov des cend de Vescabeau.) Quelqu’un! (Vibrant.) Fais ton devoir! (Clov (Cl ov se précipite vers la porte.) porte. ) Non, pas la peine. (Clov s’arrête.) Quelle distance? 209 209 14
THEATRE I
FIN DE PARTIE
Clov retourne à Vescabeau, monte dessus, braque la lunette.
H a m m . — Il est peut-être peut-être mort. mort. C l o v . — Je vais y aller. aller. (Il descend de Vescabeau,
mètres. C l o v . — Soixante... quatorze mètres. H a m m . — Approchant? S’éloignant? C l o v (regardant toujours). — Immobile Immobile.. H a m m . — Sexe? C l o v . — Quelle importa importance? nce? (Il ouvre la fenêtre,
jette jet te la lunette, lunette, va vers vers la porte, s’arrête.) Je prends
se penche penc he dehors. Un temps. Il I l se redresse, baisse baisse la lunette, se tourne vers Hamm. Avec effroi.) On
dirait un môme. — Q u’est-ce qu’il fait? ne sais sais pas pas ce qu ’il fait! Ce que faisaient les mômes. (Il braque la lunette. Un temps. Il baisse la lunette, se tourne vers Hamm.)
Il a l’air assis par terre, adossé à quelque chose. H a m m . — La pierre pierre levée. levée. (Un temps.) Ta vue s’améliore. (Un temps.) Il regarde la maison sans doute, avec les yeux de Moïse mourant.
Ha mm.
— Pas la peine. Clov s’arrête.
Cl o v .
— Pas la peine? Un procréateur en puis
H a m m . — S’il existe il viendra ici ou il mourra là. Et s’il n’existe pas ce n’est pas la peine.
Un temps.
— Tu ne me crois crois pas? T u crois crois que j’invent j’ invente? e? Cl o v .
Un temps.
— C ’est fini, fini, Clov, Clo v, nous avons fini. fini. Je n’ai plus besoin de toi. Ha mm.
Un temps. Cl o v .
— Ça tombe bien. bien. I l va vers vers la porte.
pas pas ce qu ’il
braquee la lunette. Un temps. temps. Il I l baisse baisse regarde! ( Il braqu la lunette, se tourne vers Hamm.) Son nombril. Enfin par là. (Un temps.) Pourquoi tout cet inter rogatoire? 210
I l cherc cherche he la gaffe, la ram ramasse, asse, va vers vers la porte.
sance?
H a m m . — Occupation? C l o v . — Quoi? H a m m (avec violence). C l o v (de même). — Je
C l o v . — Non. Non. H a m m . — Qu’ est-ce est-ce qu’il regarde? regarde? C l o v (avec violence). — Je ne ne sais
la gaffe.
Ha mm.
— Laisse-moi la gaffe gaffe..
Clov lui donne la gaffe, va vers la porte, s’arrête, regarde le réveil, le décroche, cherche des yeux une meilleure meilleure place, va à l ’escabeau, ’escabeau, pose pose le réveil sur sur 211
FIN DE PARTIE
THÉÂTRE I
l ’ escabea escabeau, u, retourne retourne à sa place près du fauteuil faut euil.. Un temps. Cl o v .
— Je te quitte. quitte. Un temps.
H a m m . — Avant de partir, partir, dis C l o v . — Il n’y a rien à dire. H a m m . — Quelques mots... que
quelqu e chose. je puisse repas repas
ser... dans mon cœur. C l o v . — Ton cœur! H a m m . — Oui. Oui. (Un temps. Avec force.)
Oui!
(Un temps.) Avec le reste, à la fin, les ombres, les murmures, tout le mal, pour terminer. (Un temps.) Clov... (Un temps.) Il ne m’a jamais parlé. Puis, à
la fin, avant de partir, sans que je lui demande rien, il m’a parlé. Il m’a dit... C l o v (accablé). — Ah...! H a m m . — Quelque chose... de ton cœur. cœur. C l o v . — Mon cœur! H a m m . — Quelques mots... C l o v (chante).
de ton cœur. cœur.
Joli oiseau, quitte ta cage, Vole vers ma bien-aimée, Niche-toi dans son corsage, Dis-lui combien je suis emmerdé. Un temps.
Assez? Assez ? 212
amèrementt ). ■ H a m m ( amèremen —
U n crac cr acha hatt ! Un temps.
(regard fixe fi xe,, voix blanche). bl anche). — C l o v (regard
On m’a dit, dit, Mais c’est ça, l’amour, mais si, mais si, croismoi, tu vois bien que — H a m m . — Articule Articule ! C l o v (de même). — que c’est facile. On m’a dit, Mais c’est ça, l’amitié, mais si, mais si, je t’assure, tu n’as pas besoin de chercher plus loin. On m’a dit, C ’est là, arrête-toi, relève la tête et regarde cette splendeur. Cet ordre! On m’a dit, Allons, tu n’es pas une bête, pense à ces choses-là et tu verras comme tout devient clair. Et simple! On m’a dit, Tous ces blessés à mort, avec quelle science on les soigne. H a m m . — Assez! Assez! l o v (de même). — Je me dis — quelquefo C quelquefois, is, Clov, il faut que tu arrives à souffrir mieux que ça, si tu veux qu’on se lasse lasse de te punir — un jour. Je me dis dis — quelquefois, Clov, il faut que tu sois là mieux que ça, si tu veux qu ’on te laisse laisse partir partir — un jour. Mais je me sens trop vieux, et trop loin, pour pouvoir former de nouvelles habitudes. Bon, ça ne finira donc jamais, je ne partirai donc jamais. (Un temps.) Puis un jour, soudain, ça finit, ça change, je ne comprends pas, ça meurt, ou c’est moi, je ne comprends pas, ça non plus. Je le 213
THÉÂTRE I
FIN DE PARTIE
demande demande aux mots qui restent — sommeil, réveil, soir, matin. Ils ne savent rien dire. (Un temps.) J’ouvre la porte du cabanon et m ’en vais. Je suis si voûté que je ne vois que mes pieds, si j’ouvre les yeux, et entre mes jambes un peu de poussière noirâtre. Je me dis que la terre s’est éteinte, quoique je ne l ’aie jamais vue allumée. (Un temps.) Ça va tout seul. (Un temps.) Quand je tomberai je pleure rai de bonheur.
entre Clov. Clo v. Panama, Pa nama, veston de tweed, imperméable imperméable sur le bras, parapluie, valise. Près de la porte, impas sible, les yeux ye ux fixés fix és sur Hamm, Hamm, Clov Clo v reste immobile immobile jusqu’à la fin. fin . Hamm Hamm renonc renonce.) e.) Bon. (Un temps.) gaffe, veutjeter le chien, chien, se ravise.) Jeter. (I l jette la gaffe, Pas plus haut que le cul. (Un temps.) Et puis? (Un temps.) Enlever. (Il enlève sa calotte.) Paix à nos... fesses. (Un temps.) Et remettre. (Il remet sa calotte.) Égalité. ( Un temps. temps. Il enlève ses ses lunettes.) Essuyer. (Il sort son mouchoir et, sans le déplier, essuie ses lunettes.) Et remettre. (Il remet le mou choir dans sa poche, remet ses lunettes.) On arrive.
Un temps. Il va vers la porte. H a m m . — Clov ! (Clov s’arrête sans se retour ner. Un temps.) Rien. (Clov repart.) Clov!
teuil en prenant appui sur la gaffe. Pendant Pe ndant ce temps temps
Encore quelques conneries comme ça et j’appelle. (Un temps.) Un peu de poésie. (Un temps.) T u appelai appelaiss — (Un temps. Il se corrige.) T u r é c l a m a i s le soir; soir; il vient — (Un temps. Il se corrige.) Il d e s c e n d : le voici. (Il reprend, très chantant.) T u réclamais le soir; il descend : le voici. (Un temps.) Joli ça. (Un temps.) Et puis? (Un temps.) Ins tants nuls, toujours nuls, mais qui font le compte, que le compte y est, et l’histoire close. (Un temps. Ton de narrateur.) S’il pouvait avoir son petit avec lui... (Un temps.) C ’était l ’instant que j’attendai j’attendais. s. (Un temps.) Vous ne voulez pas l’abandonner? Vous voulez voule z qu’il qu’ il grandisse pendant que vous, vous rapetissez? (Un temps.) Qu’il vous adoucisse les cent mille derniers quarts d’heure? (Un temps.) Lui ne se rend pas compte, il ne connaît que la
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Clov s’arrête sans se retourner. C l o v . — C’est ce que nous appelons gagner la
sortie. H a m m . — Je te remercie, remercie, Clov. C l o v (se retournant, vivement). —
Ah pardon pardon,, c’est moi qui te remercie. (U n H a m m . — C ’est nous nous qui nous nous remercions. remercions. (Un tem temps. ps. Clov va à la porte.) Encore une chose. (Clov s’arrête.) Une dernière grââce. (Clov sort.) Cachemoi sous le drap. (Un temps long.) Non? Bon. (Un temps.) A moi. (Un temps.) De jouer. (U n temps. Avec lassitude.) Vieille fin de partie perdue, finir de perdre. (Un temps. Plus animé.) Voyons. (Un temps.) Ah oui! (Il essaie de déplacer le fau
THÉÂTRE I
faim, le froid et la mort au bout. Mais vous ! Vous devez savoir ce que c’est, la terre, à présent. (Un temps.) Oh je l’ai mis devant ses responsabilités! (Un (U n temps. temps. Ton normal.) Eh bien ça y est, j’y suis, ça suffit. (I l lève le sifflet, hésite, le lâche. Un temps.) Oui, vraiment! (I l siffle. siffle. Un temps. temps. Plus fort. Un temps.) temps.) Bon. (Un temps.) Père! (Un tem temps. ps. Plus for t.) t. ) Père! (Un temps.) Bon. (Un temps.) On arrive. (Un temps.) Et pour terminer? (Un temps.) Jeter. (Il jette le chien. Il arrache le sifflet.) Tenez! (Il (I l jette jet te le sifflet sifflet devant devant lui. lui. Un temps. Il renifle. Bas.) Clov! (Un temps long.) Non? Bon. (Il sort son mouchoir.) Puisque ça se joue comme ça... (il déplie le mouchoir)... jouons ça comme ça... (il déplie)... déplie)... et n’en parlons plus... (il finit de déplier)... ne parlons plus. (Il tient à bout de bras le mouchoir ouvert devant lui.) Vieux linge! (Un temps.) To i — je te garde. garde. Un temps. temps. Il I l ramène ramène le l e mouchoir vers lui, s’ s’en en couvre le visage, laisse retomber les bras sur les accou doirs et ne bouge plus. plu s. RIDEAU