Alain BADIOU - « L’autonomie du processus esthétique » CAHIERS MARXISTES-LENINISTES (du cercle de l’U.E.C. de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm) N°12-13, « ART, LANGUE : LUTTE DES CLASSES », Juillet - octobre 1966, pp.77-89. N. B. : Les numéros en gris entre crochets [78] indiquent la pagination de l’édition d’origine. Pagination originale : [77] Les développements qui suivent ont pour fonction de clarifier les implications des deux énoncés dogmatiques dogmatiques que voici: Enoncé 1:
L’art n’est pas l’idéologie. Il est tout à fait impossible de l’expliquer par le rapport homologique qu’il soutiendrait avec le réel historique. Le processus esthétique décentre la relation spéculaire où l’idéologie perpétue son infinité fermée. L’effet esthétique est bien imaginaire : mais cet imaginaire n’est pas le reflet du réel, puisqu’il est le réel de ce reflet. Enoncé 2: L’art L’art n’est n’est pas pas la scien science. ce. L’effe L’effett esthé esthétiq tique ue n’est n’est pas pas un effe effett de conn connais aissan sance ce.. Cependant l’art, en tant que réalisation et dénonciation différentiante de l’idéologie, est struct structure urelle llemen mentt plus plus proch proche e de la scien science ce que que de l’idéol l’idéolog ogie. ie. Il produi produitt la réalit réalitééimaginaire de ce dont la science s’approprie la réalité-réelle.
Dans Dans la trad tradit itio ion n marx marxis iste te,, l’ar l’artt est est clas classé sé parm parmii les les « form formes es idéo idéolo logi giqu ques es ». Et cependa cependant, nt, dans dans cette cette tradition tradition même, même, l’évaluat l’évaluation ion des œuvres uvres engage engage des critères critères dérivés du concept de vérité (l’œuvre est « reflet réel de la vie »), dont l’usage assimile implicitement certains niveaux de l’œuvre au fonctionnement d’un savoir théorique. Tout se pass passe e comm comme e si la théorie générale de l’ar l’artt étai étaitt une une régi région on de la théo théorie rie des des idéologies; et comme si, en même temps, la pratique critique tendait à différencier l’art de l’idéo l’idéolog logie ie en lui lui confé conféran rantt une foncti fonction on compl complexe exe,, simult simultan anéme ément nt descr descript iptive ive et critiq critique ue,, à trave travers rs l’exer l’exercic cice e de laque laquelle lle l’idé l’idéolo ologie gie se trouv trouve e déno dénoncé ncée e et le « réel réel exhibé. En somme, nous avons là comme une discordance croisée : la théorie assigne à l’art l’art une une fonct fonction ion idéolo idéologiq gique ue.. Mais Mais le bon bon usage usage (idéol (idéologi ogiqu que) e) de cette cette fonct fonction ion,, la détermination de l’ œuvre utile, présuppose une sorte de rapport clandestin entre l’ œuvre et le vrai, donc entre l’ œuvre et la pratique théorique. C’est la forme de ce rapport qui soutient l’évaluation Tolstoï, explique Lénine, doit être valorisé en tant que reflet réel des contradictions du paysannat russe. En revanche, Dostoïevsky est « archi-mauvais », si
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l’on peut dire, pour pour les mêmes raisons raisons : en tant que reflet réel lui aussi, mais d’une classe classe contre-ré contre-révolu volution tionnaire naire.. La grande grande œuvre uvre est ainsi ainsi repré représen sentée tée comme comme une une essence essence théoriqu théorique e (le Vrai qu’elle qu’elle enveloppe enveloppe)) voilée par une existenc existence e idéologi idéologique que (l’imaginaire des formes). De là l’ambiguïté des tâches critiques du Réalisme Socialiste. Cette tâche critique, c’est en effet de déterminer [78] l’existence idéologique des œuvres d’art, en produisant les concepts de leur appartenance historique. Mais c’est aussi de dévoiler l’essence théorique par quoi se singularisent les « grandes œuvres ». celles qui ont droit au panthéon socialiste. C’est dans ces termes généraux que Mao Tse Tung caractérise le rapport critique à la tradition esthétique ancienne «Elucider le processus de dével dévelop oppem pemen entt de la brilla brillante nte cultu culture re antiq antique ue,, la débar débarras rasser ser de ses ses scorie scories s de nature féodale et en assimiler l’essence démocratique est une condition indispensable du dével dévelop oppe pemen mentt de la nouve nouvelle lle cultu culture re natio national nale. e. » L’intério L’intériorité rité démocra démocratiqu tique e de l’œuvre est ainsi le résidu inaltérable d’une réduction critique. Ce qui veut dire que la théorie théorie de la littératu littérature re féodale féodale comme fait appa appara raîtr ître e cela cela même même que que cette cette comme féodale féodale fait théorie ne pouvait pas prévoir son anti-féodalisme essentiel. Ou encore la théorie de la littérature comme processus historique a pour vérité, non ce qu’elle signifie l’historicité de l’œuvre, uvre, mais mais ce qu’el qu’elle le est est impuis impuissan sante te à signi signifie fierr sa valeu valeurr trans transhis histor toriqu ique e et prophétique. On voit donc qu’une pareille approche ne peut se soutenir qu’en pensant les produits esthétiq esthétiques ues selon selon des opérateu opérateurs rs essentie essentiellem llement ent bâtards ni Théori Théorie, e, ni Idéolo Idéologie gie,, l’œuvre uvre est l’app l’appara araîtr ître e idéolo idéologiq gique ue du théori théoriqu que, e, le non-v non-vra raii comme comme enve envelop loppe pe glorieuse du vrai. En réalité, elle a très exactement le statut que Platon déclare être celui de l’Opinion Droite : vérité de hasard, vérité produite en tant que pur fait, l’œuvre d’art se maintient entre l’être et le non-être. Et cette bâtardise est si fondamentale que Lénine finit finit par par recon reconna naîtr ître e dans dans la fausseté théoriqu théorique e une condition condition presque presque inévitable inévitable de l’efficacité pratique des œuvres. En Art, l’éclectisme est de rigueur. Ce qui lui permet d’écrire à Gorki : « J’estime que l’artiste peut retirer beaucoup de profit de chaque philosophie (…) dans les problèmes de la création artistique, vous êtes meilleur juge que personne, et, tirant de pareilles conceptions de votre votre expé expéri rien ence ce arti artist stiq ique ue et d’un d’une e philo philoso soph phie ie,, fût-e fût-ell lle e idéal idéalist iste, e, vous vous pouve pouvez z arrive arriverr à des des conclu conclusio sions ns qui qui profit profiter eron ont t énormément au Parti ouvrier. »
Comme dans le cas de l’opinion droite, la validité conclusive de l’art peut s’accommoder de prémisses fausses. Or, toutes ces remarques indiquent en effet le vrai problème celui de l’ambiguïté de l’art au regard du couple d’opposition Science/Idéologie. On ne peut déclarer à la fois qu’il qu’il y a une une esse essenc nce e démo démocr crat atiq ique ue de l’art l’art féod féodal al et que que cet cet art art est est un pur pur refl reflet et idéolo idéologiq gique ue à voca vocatio tion n unive universe rselle lle du « vécu vécu » de la classe classe domin dominan ante te.. On ne peut peut remarquer que l’art produit le vrai à partir du faux, et déclarer, comme le fait un certain réalisme socialiste, que la vérité théorique conditionne en dernière instance la validité esthétique.
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Mao Mao Tse Tse Tung Tung l’a si bien ien sent senti, i, que que pour pour éluc élucid ider er le rapp rappor ortt que que la prod produc ucti tion on esthétique soutient avec la réalité théoriquement construite des classes, il ne lui faut pas moins moins de quatre conce concepts pts,, là où la critiqu critique e marxis marxiste te pares paresseu seuse se établi établitt une simple simple bijection entre le sens de l’ œuvre et l’idéologie d’une classe. Mao Tse Tung distingue en effet : -
L’être-de-classe : la classe à laquelle l’écrivain appartient par sa naissance. [79]
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La Position-d Position-de-Cla e-Classe sse : l’espa l’espace ce problé probléma matiq tique ue généra générall à partir partir de quoi quoi toute toute pratique théorique se définit l’écrivain progressiste doit se tenir « sur les positions » de la classe classe ouvrièr ouvrière. e. Autre Autremen mentt dit, dit, poser poser les problè problèmes mes selon selon le « voir voir » de la clas classe se ouvr ouvrièr ière e : La posi positi tion on est est l’esp l’espace ace des des questio questions ns.. Mais au sens où Canguilhem dit qu’on peut être dans le vrai sans dire le vrai, on peut être sur une position de classe sans pour autant que la pratique théorique particulière soit celle de la classe.
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L’attitude-de-classe L’attitude-de-classe : l’investisse l’investissement ment de la positionposition-de-c de-class lasse e dans dans un problème problème pratique particulier. L’attitude structure donc, non la problématique mais l’articulation des problèmes sur la problématique. L’attitude est l’espace des réponses.
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L’étude-de-classe L’étude-de-classe : la structure et les instruments du théorique, en tant qu’ils ont pour charge de produire la légitimation de la position de classe.
Il est clair que ces termes ne sont nullement liés de façon nécessaire si l’on prend, par exemple, le cas de Tolstoï, sur lequel nous reviendrons, on peut dire :
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que que son son être être de classe classe le défin définit it comme comme propriét propriétair aire e foncie foncier, r, et l’ancr l’ancre e dans dans la féodalité ;
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que sa position de classe est celle du paysannat ;
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que son attitude de classe est complexe, et dépend de la structure, négative ou positive, du problème : attitude cohérente à la position dans la critique du régime foncier, cohérente, en reva revanc nche he,, à l’êt l’être re de clas classe se dans dans la véhém véhémen ence ce antiantisocialiste, voire dans le style de son hostilité au libéralisme bourgeois ;
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que sa culture de classe est essentiellement bourgeoise.
On voit que les concepts mis en place par Mao-Tse-Tung à seule fin de sauver la validité validité des œuvres uvres ancie ancienn nnes es brise brisent nt le rappo rapport rt simpl simple e de l’écriv l’écrivain ain à sa classe classe,, désa désart rtic icul ulen entt et reco recomp mpos osen entt ce rapp rappor ortt de tell telle e sort sorte e qu’a qu’app ppar araî aîtt une une série série de décentrements entre le réel historique, l’idéologie et le processus esthétique. C’est cette
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distorsion que Lénine soulignait dans une célèbre boutade à propos de Tolstoï : « Avant ce Comte, il n’y avait pas de vrai moujik dans la littérature.» Malhe Malheur ureu euse semen ment, t, Léni Lénine ne comme comme Mao tienn tiennen entt ces déce décentr ntrem emen ents ts pour pour des des disco discorda rdanc nces es certe certes s explic explicab ables les,, mais mais en derni dernière ère instan instance ce regret regrettab tables les : à peine peine repé repéré rés s théo théori riqu que emen ment, ils ils sont sont désig ésigné nés s prat pratiq ique ueme ment nt comm comme e ce que que l’ar l’artt révolutionnaire doit réduire. Ainsi réapparaît la discordance croisée de la théorie — l’Art est idéologique — et de la critique — l’Art dit le Vrai —mais sous sa forme inversée : dans l’évaluation des œuvres uvres du pass passé, é, il import importe e de décou découvri vrirr par par réduc réductio tion n une une essence essence théoriqu théorique e plongé plongée e dans dans une apparenc apparence e idéologi idéologique que.. Dans la production des œuvres de l’avenir, il convient de réduire l’apparence idéologique de telle sorte qu’elle manifeste directement [80] la vérité théorique. La réduction régressive, qui impliquait les concep concepts ts du décen décentre tremen ment, t, se renver renverse se ici en réduc réductio tion n progre progressi ssive, ve, qui qui disso dissout ut la spéc spécif ific icité ité de ce déce décent ntre reme ment nt.. Dès Dès lors lors sont sont rend rendue ues s poss possib ible les s les les aber aberra ratio tions ns dogm dogmat atiq ique ues s du Réal Réalis isme me Soci Social alis iste te.. Si l’on l’on veut veut porte porterr sur sur ces ces desc descrip ripti tion ons s un jugement équitable, équitable, on pourra dire, je crois, ceci Elles ont repéré l’essentiel (le décentrement), mais l’ont aussitôt renversé en inessentiel. L’Art désiré ne tombait plus sous sous les les conc concep epts ts de l’Art l’Art réel réel.. L’as L’aspe pect ct prog progra ramm mmat atiq ique ue de la crit critiqu ique e marx marxis iste te dissi dissimul mulait ait la porté portée e théoriq théorique ue vérita véritable ble des des descr descrip iptio tions ns et évalu évaluat ation ions s sur quoi quoi ce progra programme mme préten prétenda dait it établ établir ir sa vérité vérité exempl exemple e remar remarqu quab able le d’un d’un projet projet théor théoriqu ique e littéralement refoulé par les productions normatives qu’il rend possibles.
C’es C’estt – à ma conn connai aiss ssan ance ce – à Pier Pierre re Mach Macher erey ey qu’o qu’on n doit doit la cons consti titu tuti tion on en problème de ce qui était pratiqué dans la discordance croisée de la description et de l’évalu l’évaluati ation on.. Dans Dans un article article de La Pensée, Pensée, Mache Macherey rey pose pose en effet effet le princ principe ipe de l’irréductibilité du processus esthétique. On ne saurait, déclare-t-il, le confondre ni avec la saisi saisie e théori théoriqu que e de la réalit réalité, é, ni avec avec le proces processus sus idéolo idéologi giqu que, e, bien bien que que de toute toute évide évidence nce,, et selon selon l’exp l’expres ressio sion n même même de Mache Macherey rey,, l’écri l’écriva vain in se « déba débatte tte » avec avec l’idéologie :
« L’analyse d’une œuvre littéraire ne peut pas se contenter des concepts scientifiques qui servent à décrire le processus hist histor oriq ique ue,, ni de con concept cepts s idéo idéolo logi giqu que es. Il lui lui faut faut de nouveaux concepts qui permettent de rendre compte de ce qu’il y a de littéraire dans le livre. »
Allant plus loin, Macherey introduit expressément expressément le concept de retournement retournement pour caractériser l’opération à laquelle l’ œuvre soumet les contenus idéologiques «L’idéologie spontanée (...) n’est pas simplement reflétée par le miroir du livre ; par lui elle est brisée, retournée, mise à l’envers d’elle-même, dans la mesure où la mise en œuvre lui donne un autre statut que celui d’état de conscience. » Pour Macherey, l’ œuvre n’est pas ce
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qui traduit l’idéologie, ni non plus ce qui l’efface elle est ce qui la rend visible, déchiffrable frable,, en tant tant qu’el qu’elle le lui confèr confère e l’uni l’unité té disco discorda rdante nte d’un d’une e forme forme : exhib exhibée ée comme comme l’idéolog logie ie parle parle de ce dont, dont, en tant tant que que telle, telle, elle ne peut pas parler: ses contenu, l’idéo contou contours, rs, ses limite limites. s. La « mise mise en œuvre uvre » en tant tant que que mise en forme, forme, c’estc’est-à-d à-dire ire l’agen l’agence cemen mentt des des signi signific ficat ation ions s en un résea réseau u de signes, affe affect cte e si l’on l’on peut peut dire dire l’idéologie l’idéologie d’un dehors qui qui est est son son iné inévita vitab ble retournement, puis puisq que la loi loi de fonctionnement de l’idéologie est l’infinité fermée de la relation spéculaire, infinité fermée qui ne peut sans briser le miroir où elle se multiplie, montrer sa fermeture.
Dans Dans la méta métaph phor ore e du visible, de l’idéo l’idéolog logie ie non non pas connue, mais montrée, Macher Macherey ey trouva trouvait it de quoi quoi indiqu indiquer, er, sinon sinon opére opérer, r, la déter détermina minatio tion n de l’aut l’autono onomie mie stru struct ctur ural ale e du proc proces essu sus s esth esthét étiq ique ue,, en même même temp temps s qu’i qu’ill anno annonç nçai aitt la pare parent nté é « polémique » de l’art et de la science. [81]
Je suis cependant convaincu que P. Macherey n’est pas allé jusqu’au bout de son idée. Je voudrais en indiquer la raison en commentant l’énoncé dogmatique suivant, où figure le concept de retournement :
Enoncé 3:
Il faut faut conce concevoi voirr le proce processu ssus s esthé esthétiq tique ue non non comme comme redoub redouble lemen ment, t, mais mais comme comme retourneme retournement. nt. Si l’idéolog l’idéologie ie produit produit le reflet reflet imaginai imaginaire re de la réalité, réalité, l’effet esthétiq esthétique ue produit en retour l’idéologie comme réalité imaginaire. On peut donc dire que l’art répète dans dans le réel réel la répé répéti titi tion on idéo idéolo logi giqu que e de ce réel réel.. Cepe Cepend ndan antt ce reto retour urne neme ment nt ne reproduit pas le réel il en réalise le reflet.
Refusant Refusant de l’identif l’identifier ier à la Connaiss Connaissance ance,, Macherey Macherey problémat problématise ise néanmoins néanmoins le décentrement de la production littéraire par rapport à l’idéologie. Comment schématise-til ce décen décentre tremen ment, t, et quelle quelles s sont sont pour pour lui les opérations success successives ives de la théorie théorie esthé esthétiq tique? ue? Si je le compr compren ends ds bien, bien, il faut faut pren prendre dre en consid considéra ératio tion n non non pas deux termes termes (l’œuvre uvre et le réel réel), ), mais mais quatre la pens pensée ée du rapp rappor ortt de l’œuvre uvre au réel réel hist histor oriq ique ue impl impliq ique ue la repr représ ésen enta tati tion on d’un d’un doub double le décr décroc ocha hage ge de ce rapp rappor ortt : le décrochage idéologique et le décrochage « topique », qui concerne la « place » ou point de vue de l’auteur. Nous aurions en somme un schéma qui aurait cette allure :
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Fixons bien le sens des mots :
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par Réel, il faut faut ente entend ndre re la stru struct ctur ure e hist histor oriq ique ue glob global ale e scie scient ntif ifiq ique ueme ment nt déte déterm rmin inée ée.. Par Par exe exemple mple,, dans dans le cas cas de Tols Tolsto toï, ï, le réel réel est est prod produi uitt comm comme e comb combin inai aiso son n de quat quatre re term termes es dans dans une une stru struct ctur ure e à dominante dominante déplaçable déplaçable : Aristocratie foncière, bourgeoisie, bourgeoisie, masses paysannes, classe ouvrière.
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Les Idéologies sont organisées en série. La théorie des idéologies les décrit comme reflets significatifs fragmentaires. Elles sont définies « par l’ensemble des pressions exercées sur la classe qu’elles représentent » . C’est ainsi que l’idéologie paysanne reflèt reflète e la positio position n struc structur turale ale du paysan paysannat nat dans dans son rappo rapport rt à la domina dominatio tion, n, écono économiq mique ue et cultu culturel relle le de la bourg bourgeo eoisie isie,, politi politiqu que e de l’aris l’aristoc tocrat ratie ie fonciè foncière, re, organisationnelle et théorique de la classe ouvrière. De là vient qu’elle juxtapose une représ représen entat tation ion révolu révolutio tionna nnaire ire des des fins fins (criti (critiqu que e de la propri propriété été fonciè foncière) re) et une une représentation archaïque des moyens (non-violence évangélique)
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par par l’auteu l’auteur, r, il ne faut faut évide évidemme mment nt pas pas enten entendre dre une une subje subject ctivi ivité té créatr créatrice ice,, une une intériorité projective. etc. L’auteur est le concept d’une place. Il est [82] défini comme point de vue, c’est-à-dire situé par la théorie dans la série idéologique. C’est ainsi que que Tolsto Tolstoïï se voit voit assign assigner er une place place mobile, une place place déplacé déplacée e représen représentant tant spontan spontané é de l’aristocra l’aristocratie tie foncière, foncière, il est un idéologu idéologue e paysan. paysan. C’est sans sans aucun aucun doute doute ici que que les les conce concepts pts de Mao être, être, posit position ion,, attit attitude ude et cultu culture re doive doivent nt être être investis. Autrement dit, le concept d’auteur n’est pas un concept psychologique, mais exclusivement un concept topique. topique.
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Enfin l’ œuvre soutient avec sa production le rapport de décentrement spécifique qui n’est pas traduction du point de vue, vue, mais mais dona donation tion de forme, forme, et par conséq conséque uent nt exhibition des limites. En ce sens, les romans de Tolstoï, ne sont pas des traités d’id d’idéo éolo logi gie e pays paysan anne ne,, mais mais selon selon l’ex l’expr pres essi sion on de Léni Lénine ne,, le « miroi miroirr » d’un d’une e révolution russe que pourtant Tolstoï n’a nullement comprise.
Tel est le sens complexe du schéma en Z. Et tel qu’il est, ce schéma répond bien à la question que pose Macherey, à la structure de son problème : « Etudier l’ œuvre de Tols Tolsto toï, ï, cela cela cons consis iste te à mont montre rerr quel quels s rapp rappor orts ts elle elle entre entreti tien entt avec avec la stru struct ctur ure e historique. » Ce rapport, le schéma en Z nous montre qu’il n’est pas diagonal, direct, ni même simplement médiatisé par l’auteur. C’est en fait un rapport doublement décentré :
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par ce qu’on qu’on pourrait pourrait appeler appeler le « défilé défilé » idéologiq idéologique, ue, ou la structure structure historique historique globale s’annonce dans le reflet métonymique produit par l’un de ses éléments sous la « pression » des autres.
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par la topique singulière où Tolstoï apparaît comme élément déplacé.
Si cependant cette description ne nous donne pas entièrement satisfaction, c’est que la ques questio tion n même même qu’e qu’elle lle pose pose n’est n’est pas pas comp complèt lèteme ement nt déga dégagé gée e d’une d’une perce percepti ption on idéologique de l’ œuvre littéraire. La théorie littéraire reste pour Macherey la description d’un rapport, c’est-à-dire la mise en relation de l’ œuvre comme être, ou agencement de signes, avec son dehors (idéologique ou historique). Sans doute déforme-t-il le schéma ordinaire de la critique idéologique sur deux points essentiels :
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L’œuvre n’est pas pour lui une totalité, mais une multiplicité effective de niveaux.
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Le rapport qu’elle soutient avec son dehors n’est pas causal ou analogique, mais décentré.
Pourtant, il s’agit là d’une déformation plutôt que d’une rupture. Et je vois le signe de ce caract caractère ère pré-th pré-théor éoriq ique ue dans dans le mainti maintien en de l’ œuvre comme comme unité pertinente de l’examen critique. Pour Macherey, ce dont il faut représenter le décalage reste, en son fond, le rapport Réel - Œuvre, conçu comme donation problématique ultime. Mais en réalité, c’est dans la conception qu’il se fait du processus esthétique que nous devons saisir à la fois l’ultime obstacle qui sépare Macherey de la construction conceptuelle de ce processus même, et la possibilité de cette construction. Visiblement, Macher Macherey ey pense pense que que l’art l’art trava travaille ille des des cont conten enus us idéolo idéologiq gique ues. s. Ou encor encore, e, il place place l’autonomie du processus esthétique dans les opérateurs de transformation, mais non dans les contenu contenus s transfor transformés. més. [83] Le décal décalag age e saisis saisissab sable le à l’intér l’intérieu ieurr même même de l’œuvre tient justement justement à ce qu’y figurent figurent des éléments éléments hétérogènes, des généralités généralités idéologiques : « L’ œuvre ne peut exister que si elle introduit en elle ce terme étranger qui lait éclater en elle la contradiction. » Il y a dans l’ œuvre l’autre comme tel, montré dans dans sa diff différ éren ence ce.. Il en résu résult lte e que que le repé repéra rage ge des des élém élémen ents ts idéo idéolo logi giqu ques es et hétérogè hétérogènes nes est présuppo présupposé sé dans dans l’explica l’explication tion de l’ œuvre comme comme producti production on d’une d’une différence. De ce point de vue, l’ œuvre reste intérieurement rapportée à ce dont elle diffère il ne faut pas s’étonner qu’à ce point, Macherey puisse retrouver et sauver le vocab vocabula ulaire ire de la causal causalité ité expres expressiv sive e rapp rapport ort intern interne e à son altéri altérité té,, contr contrad adict iction ion immanent immanente, e, l’œuvre uvre est est le phén phéno omène mène de la diff différ éren ence ce inte intern rne, e, et ce qui qui en elle elle appartient à la présence tient sa valeur manifeste de ce qui ne se manifeste pas, de ce qui se tient dans l’absence « L’absence de certains reflets, ou expression, voilà l’objet véritable de la critique. Le miroir est, par certains côtés, un miroir aveugle mais il est miroir aussi d’être aveugle. » Dans mon langage, je dirai que pour Macherey, l’effet de
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présence est production de ce que toute signification idéologiquement produite ne peut que tenir dans l’absence. Mais la présence de cette absence est, elle, repérable comme étrangeté au c œur de ce qui présentifie l’absence même. Elle est le matériau. Nous Nous nous nous propo proposon sons s de montre montrerr au contra contraire ire que que l’aut l’auton onomi omie e du proce processu ssus s esthétique interdit de le penser comme rapport. Dans ce processus, l’effet de présence ne se surajoute pas à un effet de signification produit en dehors de lui ou pour ainsi dire injecté comme témoin de la différence. En effet, aucun élément du processus n’est par soi idéologique ou esthétique. Le problème du passage de l’idéologie à l’art ne peut pas être être posé posé.. Un élémen élémentt est est produit comme comme idéologi idéologique que dans la structur structure e du mode de production esthétique. Retournement ne signifie pas en toute rigueur que le processus esthétique produit un effet de présence de la signification (le processus, dans ce cas, travaillerait des matériaux idéologiques). Retournement signifie que le processus produit un effe effett de sign signif ific icat atio ion n de la prés présen ence ce,, prés présen ence ce qui qui est est elle elle-mê -même me un effe effett du proces processu sus. s. Voilà Voilà pourq pourquo uoii le mode mode de produ product ction ion du retour retourne nemen mentt est est doublement articulé l’effet de signification est produit au même titre que l’effet de présence. En fait, j’ai moi-même longtemps commis la même erreur que Macherey. Et je crois qu’elle tient à un phénomène trop évident de la production littéraire, qui est l’existence, dans l’objet immédiat, de contenus idéologiques séparables. J’appellerai « énoncé idéologique séparable » un énoncé du discours romanesque qui obéit aux trois conditions suivantes :
I) Il produit à lui seul un effet de signification complet et sans enclave.
II) Il a la structure logique d’une proposition universelle.
III)
Il n’est n’est pas contextuel contextuelleme lement nt rapporté rapporté à une subjecti subjectivité vité..
Prenons quelques exemples dans L’Homme sans qualités de Musil : [84]
a) Un éno énonc ncé é comm comme: e: « Je sui suis s conv convain aincu cu que que c’e c’est st le le nuag nuage e impén impénét étra rabl ble e du préten prétendu du progrè progrès s qui qui l’a fait fait desce descend ndre re de nos nos cintre cintres s » n’obé n’obéit it à aucun aucun des des trois trois critères. Il est absolument inséparable : -
Le « l’ » est une enclave dont le sens n’est déterminable que par le contexte.
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L’énoncé ne produit aucun effet de signification complet.
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C’est une proposition singulière avec « suppôt individuel ». C’est une phrase prononcée par Ulrich : Elle est du type X [d (Y)] (X dit (ou pense) que Y a telle propriété)
b) Un énon énoncé cé comme comme : « Du fon fond d des des étro étroite ites s rues rues,, les les autos autos filaien filaientt dans dans la clar clarté té des places sans profondeur » (I, 9) ou comme : « L’homme sans qualités dont il est question dans ce récit s’appelait Ulrich » (I, 21) n’obéissent pas à la condition II. Ce sont des des éno énoncé ncés non sépa sépara rabl ble es. Ils Ils son sont du type type d’(A d’(A)) ou d’(X d’(X). ). (Un (Un obje objet, t, ou un personnage, ont telle propriété.)
c) Un énon énoncé cé comm comme e : « Tout Tout le déso désord rdre re psy psychiq chique ue de l’hu l’huma mani nité té,, ave avec ses ses questions toujours sans réponse, s’accroche à chaque question particulière de la plus dégoûtante façon. » (I, 164) satisfait aux conditions I et II, mais non à la condition III : c’est, en effet, un énoncé « entre guillemets », une phrase dite par Ulrich. Les énoncés de ce type sont dits obliquement inséparables. Ils sont du type X [S]. (X pense que telle affirmation est universellement vraie.)
d) Enfin Enfin,, un éno énonc ncé é comm comme: e: « La voi voix x de la la véri vérité té est est tou toujo jour urs s acco accomp mpag agné née e de paras parasite ites s assez assez suspec suspects, ts, mais mais ceux ceux qui qui y sont sont le plus plus intére intéressé ssés s n’en n’en veulen veulentt rien rien savoir » (I, 339) obéit aux trois conditions. Il est absolument séparable. Nous le dirons du type S. L’existence – fréquente – d’énoncés séparables (ou du type S) paraît bien introduire dans l’ œuvre des témoins idéologiques de la différence produite par l’ œuvre. De tels énoncés ne doivent en effet rien à la structure de l’ œuvre. Ils fonctionnent isolément. Ils témoignent donc, dans la structure littéraire, de ce qui n’est pas elle. Dès lors, l’ œuvre apparaît comme l’indication interne de sa scission, et l’essence de son pouvoir peut bien être, comme dans un texte non publié l’indique J.A. Miller, la faille qu’elle ouvre à vouloir se fermer. Ou plutôt la faille qu’elle opère en transgressant vers la Présence de son propre texte ce que d’ailleurs ce texte signifie. Si nous comparons en effet le statut d’un énoncé du type S et d’un énoncé du type X [S] : soit, dans Musil :
I) (S)
« La voix de la vérité est toujours accompagnée de parasites assez suspects »
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Il) « Tout le désordre de l’humanité s’accroche à chaque question particulière de la plus dégoûtante dégoûtante façon » (X [S], pensé par Ulrich).
Rien ne les sépare dans leur structure logique. Mais leur position dans la structure du discours romanesque leur assigne deux fonctions différentes, de [85] telle sorte que cette cette diffé différen rence ce exhibe exhibe ce qui qui sépar sépare e l’éno l’énonc ncia iation tion roman romanesq esque ue,, dans dans son effica efficace ce propre, de l’énonciation idéologique dans le premier cas, S est validé comme tel. Il ne s’accompagne d’aucun dehors, sinon sa négation. Il est donc produit comme vérité, et requiert une évaluation. Dans le second cas, S est retourné, puisque différencié c’est en effet une phrase prononcée par Ulrich. Autrement dit, l’énoncé est cette fois affecté d’un dehors, qui est le système des conditions qui rendent possible pour Ulrich cette énonciation plutôt qu’une autre la discrimination entre l’énoncé et sa négation n’est pas ici une une quest question ion d’éva d’évalua luatio tion, n, c’est c’est une ques questio tion n de cohér cohéren ence ce subjec subjectiv tive e qui qui requie requiert rt l’ext l’extér ério iori rité té de la formu formule le de cohére cohérence nce prop propre re au syst systèm ème e de la subj subje ectiv ctivit ité é romanesque. Ce dehors est aussi, pour S, l’assignation d’une présence. Cet énoncé est présent en effet en ceci que ce dont il tire sa légitimité est le système romanesque du « quelqu’un-parle ». Ce système est le fond de sa présence. L’écart entre S et X [S] serait dans ce cas le produit de la structure romanesque. Et cet écart serait attesté dans le roman même, par la mention d’un S non transformé S X [S] serait l’espace de parcours du processus, espace figuré dans l’œuvre même. Mais en réalité, je pense que ce n’est pas ainsi qu’il faut présenter les choses. Car si S fonctionne de part en part comme idéologique, idéologique, alors il ne peut pas indiquer à l’intérieur du processus l’effet de ce processus. Il lui est en effet intégralement extérieur. Ici encore il fau faut se gard garder er de conf confon ondr dre e l’obj l’objet et tel tel qu’i qu’ill se donn donne e (le (le roma roman) n) et le proc proces essu sus s esthétique. Un énoncé absolument séparable figure empiriquement dans l’objet. Mais il est exclu exclu par principe principe de ce qui garantit garantit l’intelligib l’intelligibilité ilité de cet objet, puisque puisque l’effet l’effet de signification qu’il produit ne doit rien à la loi propre du processus esthétique. En réalité, un tel tel énon énoncé cé est est idéologiquement produ produit, it, et renvoi renvoie e à la théor théorie ie des des idéolo idéologie gies. s. Prendre au sérieux l’autonomie du processus esthétique, c’est donc d’abord rejeter de ce processus même tout élément dont la théorie des idéologies produit à elle seule la connaissance. Et tel est, par définition, le cas des énoncés séparables. Plus généralement, il faut bien comprendre que ce sur quoi « travaille » la pratique esth esthét étiq ique ue,, les les géné généra ralit lités és qu’e qu’elle lle tran transf sfor orme me,, ne peuv peuven entt être être des des élém élémen ents ts hétérogènes la « matière première » du processus de production est elle-même « déjà esth esthét étiq ique ue.. La prat pratiq ique ue esth esthét étiqu ique e est est impui impuiss ssan ante te à esth esthét étis iser er des des élém élémen ents ts idéologiq idéologiques ues (par exemple) exemple) bien au contraire contraire,, elle sait signifie signifierr idéolog idéologique iquement ment des éléments éléments « percepti perceptibles bles », des présence présences s spécifiqu spécifiques es produites produites selon selon des modes de productio production n déterminé déterminés. s. Nous ferons de ces remarques remarques l’objet d’un quatriè quatrième me énoncé énoncé dogmatique :
Enoncé 4 :
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Ce que le processus esthétique transforme est différentiellement différentiellement homogène homogène à ce qui transforme transforme.. La « matière matière première première » de la product production ion esthétique esthétique est déjà elle-même elle-même esthétiquement produite. Il y a donc une autonomie régionale de l’histoire de l’art. Mais cette histoire n’est d’aucune façon celle des créateurs ni celle des œuvres. Elle est la théorie de la formation et de la déformation des Généralités Esthétiques. Pour Pour fixe fixer les les idée idées, s, appe appelon lons s E ( ) la fonc foncti tion on de tran transf sfor orma mati tion on esth esthét étiq ique ue appliq appliquée uée à un élémen élémentt (ce qui revien revientt à dire dire que que l’élém l’élémen entt prend prend plac place e dans dans une une struct structure ure et se trouve trouve soumi soumis s à l’effi l’efficac cace e de la causal causalité ité struct structura urale) le).. Appel Appelon ons s i un élément idéologique « pur » (par exemple un énoncé [86] absolument séparable), e un élément esthétique, s l’effet de signification, p l’effet de présence. Je considère comme inadéquat le schéma :
E (j) s, p
Des éléments idéologiques idéologiques ne peuvent « entrer » comme tels dans le processus processus esthétique esthétique pour y être ê tre retournés en présence. Ou encore i ne peut « entrer » dans d ans le l e processus pr ocessus que s’il est d’abord assigné comme esthétique esthétique par la structure. structure. De telle telle sorte que le schéma serait serait le suivant suivant (sous la réserve réserve que nous distinguons distinguons deux opérations opérations qui n’en font qu’une)
E (i)
e
E (e) p, s
Je donnerai un exemple exemple pris dans une traduction traduction française française de Dostoïevsky : il s’agit s’agit d’une scène des Démons, où Varvara Varvara Petrovna chasse le doux libéral qu’elle qu’elle protège, protège, Stepane Trophimovitch :
« (...) ce qui me stupéfia par-dessus tout, ce lut la dignité de son attitude (...) devant devant la «malédic «malédiction tion » de Varvara Varvara Pétrovn Pétrovna. a. Où puisa-t-i puisa-t-ill cette cette force d’âme? (...) C’était une douleur profonde et réelle cette fois, tout au moins à ses yeux, pour son c œur. Mais à cette douleur venait se joindre encore une autre la conscience d’avoir agi lâchement. Il me l’avoua plus
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tard tard en toute toute franc franchis hise. e. Or, une douleur douleur réelle, réelle, incontes incontestabl table, e, peut rend rendre re parf parfoi ois s séri sérieu eux x et coura courage geux ux,, ne fûtfût-ce ce que que pour pour peu peu de temps, l’homme le plus léger, le plus insouciant. Bien plus même, une une vrai vraie e doule douleur ur est est capa capabl ble e de donn donner er de l’in l’inte tell llig igen ence ce à un imbéc imbécile ile,, toujo toujours urs pour pour un temps, temps, nature naturelle llemen ment. t. C’est C’est l’une l’une des carac caractér térist istiqu iques es de la doule douleur. ur. S’i S’il en est ain ainsi, si, on ima imagine ine les les changements qui pouvaient se produire dans un homme tel que Stepane Troph Trophimo imovit vitch. ch. Il s’agit s’agit alors alors d’une d’une trans transfor format mation ion tota totale, le, mais, mais, bien bien entendu, entendu, temporaire. temporaire. Il s’inclina avec dignité devant Varvara Petrovna sans proférer un mot... »
Il est clair que le passage souligné de « une douleur... » à « caractéristiques de la douleur » est un segment séparable, un énoncé du type S entendons par là qu’il pourrait figur figurer er comme comme tel tel dans dans un recu recuei eill de maxim maximes es,, puis puisqu qu’i ’ill énon énonce ce des des prop proprié riété tés s générales de la douleur, et que rien en lui n’annonce la singularité, la présence de l’effet romanesque c’est une proposition abstraite. A quelles conditions cependant cependant vient-il à figurer dans une scène de roman? Quelle est la règle règle de possi possibi bilit lité é de sa perti pertine nenc nce e roman romanesq esque ue ? Il est est clair clair qu’à qu’à la fin du paragraphe, l’universalité idéologique de l’énoncé apparaît comme le moyen d’un geste déterminé de Stepane Trophimovitch, comme une [87] condition de la plausibilité de ce geste. Mais justement, la présentification de l’universel idéologique dans la « sortie » du personnage requiert une pré- transformation : l’esthétisation « première » de cet élément est assuré assurée e par par des des ancra ancrage ges s synta syntaxiq xique ues s qui qui le libère libèrent nt de son son auto-s auto-suf uffis fisanc ance e idéologiq idéologique ue : c’est c’est le «Or » init initia iall et le «S’il «S’il en est ainsi ainsi » final final qui trans transfor formen mentt la fermeture idéologique de l’énoncé séparable en une ouverture par quoi il se présente dans dans le proce processu ssus s comme comme déjà transf transform ormé. é. Nous Nous avons avons – linéa linéaire iremen mentt – le mode mode d’occurrence suivant :
X [d(X)] — Or... S... — Donc — d(X)
Les ancrages marginaux de S n’en affectent pas la séparabilité quant au contenu. Mais, l’ouvrant à des des énon énoncés cés insép insépara arable bles, s, ils prod produis uisen entt un effac effaceme ement nt forme formell de la séparabilité. On pourrait ici utiliser une comparaison topologique. Le « même » intervalle peut être considéré comme un ouvert ]a,b[ ou comme un fermé [a,b]. Un fermé est, si l’on peut dire, signé par ses bornes, qu’il contient. En revanche, un ouvert plongé dans la droite droite n’a plus plus rien rien qui qui le puiss puisse e distin distingu guer. er. Nous Nous dirons dirons qu’un qu’un énon énoncé cé sépara séparable ble n’entre dans l’homogénéité du processus esthétique que s’il est ouvert, en ce sens qu’il est bien fermé, mais ne contient plus sa fermeture. Dans l’exemple précédent, l’élément i, délivré de sa fermeture par ses ancrages syntaxiques, est un élément e. Il peut donc fonctionner à son tour dans la production de l’effet de présence de la scène : en fait, sous sa forme ouvert, il est tout entier retourné à la fin dans la dignité avec laquelle
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Stepane s’incline. Ce geste contient dans la présence l’implication de l’intelligence de la douleur. Il est la présence de la Généralité ouverte.
On voit comment nous entendons préserver l’autonomie du processus esthétique. Sans doute la présence est-elle un effet de réalité. Sans doute aussi une signification renvoie-t-elle en dernière instance (au niveau de sa « réception ») à la série idéologique. Mais le double effet s’articule de façon homogène à l’intérieur du processus esthétique sans qu’y puissent entrer et demeurer des généralités d’un autre ordre. De sorte qu’au schéma en Z de Macherey, il faudrait substituer le schéma problématique suivant :
[88]
Sur cette base, pourrait se développer la théorie des modes de production esthétiques, ou simplement l’Esthétique Théorique. Il n’est pas question de donner ici l’idée des problèmes que soulève cette discipline encore évanescente. Mais puisque j’ai commencé par des énoncés dogmatiques, je terminerai de même, conscient cependant d’ouvrir à plus d’énigmes que je n’ai tenté d’en résoudre.
Enoncé 5 :
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Par mode de production esthétique, nous entendons la combinaison de facteurs dont l’effet l’effet est d’opérer le retourne retournement ment.. Opérer Opérer le retourne retournement ment,, c’est c’est faire fonctionner fonctionner idéologiq idéologiquem uement ent des éléments éléments réels-imag réels-imagina inaires ires régionale régionalement ment produits produits par un état état historiquement déterminé du processus esthétique.
Enoncé 6 :
Plus Plus précis préciséme ément nt : Un mode mode de produc productio tion n esthé esthétiq tique ue est est une une struc structur ture e invar invarian iante te invisible qui distribue des fonctions de liaison entre éléments réels de telle sorte que ces éléments puissent fonctionner comme idéologiques. idéologiques. Remarque Remarque:: Un mode de product production ion n’est n’est nulleme nullement nt un art, comme la musique ou la peintu peinture. re. Les Les mode modes s de produ product ction ion sont sont trans transve versa rsaux ux à la classi classific ficati ation on des des arts. arts. L’espace L’espace figuratif figuratif,, dont dont Franca Francaste stel, l, dans dans « Peint Peinture ure et sociét société é », tente tente d’étab d’établir lir la généalogie, est un mode de production, non la peinture en général. Pareillement, sont sans doute des modes de production le système tonal, le système de la métrique du vers grec, le système de la subjectivité romanesque.
Enoncé 7:
Un mode de production se manifeste dans une double articulation : -
-
celle qui agence les opérateurs de transformation. [Effet-de-présence] [89] celle qui concerne les éléments transformés par la place que les opérateurs leur prescrivent. [Effet-de-signification] [Effet-de-signification]
Mais la réalité structurale du mode de production tient dans le mécanisme par quoi les premie premiers rs « renco rencont ntren rentt » les secon seconds ds.. En effet, effet, les opéra opérateu teurs rs ne sont sont nulle nulle part part donnés ailleurs que dans les éléments, car la structure comme telle est invisible. Il y a donc une réalité vectorielle, ou orientée, du processus de production : on peut le figurer par un « champ » où se distinguent deux régions hiérarchisées. L’une est la région des opérateu opérateurs, rs, l’autre l’autre des éléments éléments thématiqu thématiques. es. Mais les opérate opérateurs urs sont sont eux-mêmes eux-mêmes thémat thématiqu iques es,, de sorte sorte que que leur leur présen présence ce dans dans le champ champ struct structuré uré est est simple simplemen mentt donnée comme rencontre, ou double fonction, avec cette dissymétrie caractéristique qui fait que la première fonction rend possible la seconde, selon une règle (i visible) qui est la structure elle-même.
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Enoncé 8 :
La théorie d’un mode de production esthétique suppose : I) La définition de son articulation élémentaire. Il) Il) La loi loi sync synchr hron oniq ique ue de son son effe effett (pro (produ duct ctio ion n d’un d’une e réal réalit ité é nouv nouvel elle le comme comme idéologique). III) La loi diachronique des conditions de conservation de son efficace. (Un élément réel « idéologisé » risque en effet d’être désormais idéologiquement répété, c’est-à-dire nontransformé. Dans ce cas, il reste idéologique, sans doute. Mais le processus qui l’intègre à « l’œuvre d’art » est lui-même idéologique, et non esthétique. Ou encore, à l’intérieur même du processus esthétique, l’élément idéologique fonctionne comme tel pour son propre compte). compte ).
Enoncé 9 :
L’in L’inte tell llig igib ibil ilit ité é comp complè lète te d’un d’un mode mode de prod produc ucti tion on esth esthét étiq ique ue supp suppos ose e que que l’on l’on conceptu conceptualise alise sa généalogie : c’es c’estt-àà-di dire re le proc proces essu sus s de diss dissol olut utio ion n du mode mode,, antérieur ou coexistant, dont le mode étudié réarticule les éléments.
A. Badiou, juin 1965.
Cette tradition tradition est suffisamme suffisamment nt forte pour qu’en 1963, L. Althusser Althusser puisse encore écrire « (l’idéologi (l’idéologie, e, qu’elle soit religieuse, politique, morale, juridique ou artistique...) » (Pour Marx, p. 168). Cf. Lettre a Inès Armand Armand du 5 juin 1914. La culture et la démocratie nouvelle, nouvelle, janvier 1940. Lettre à Gorki , 25 février février 1908.
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Causeries sur la littérature et l’art. – Yenan, mai 1942. Allocution d’ouverture. Lénine critique de Tolstoï , La Pensée, juin 1965. Op. cit., p. 89. Voir plus loin la place du concept de retournement dans la définition d’un mode de production esthétique. Op. cit.
Pour le concept de structure-à-dominante, cf. L. Althusser, Pour Marx, pp. 206 et ssq. P. Macherey, op. cit. Op. cit., p. 84. Op. cit. Op. cit. Voir plus loin. Pour moi, l’effet esthétique est la présence d’une signification. Nous tenterons ailleurs de montrer que l’efficacité spécifique de la subjectivité romanesque, conçue comme mode de production esthétique, s’attache aux énoncés obliquement inséparables, du type X [...S...]. Dans ce cas, en effet, l’inséparabilité de l’énoncé idéologique S n’est pas automatique. Elle est un résultat, qui dépend dépend de condit condition ions s comple complexe xes. s. Autrem Autrement ent dit, dit, il se peut que l’énonc l’énoncé é S foncti fonctionn onne e en fait fait comme comme séparable, même s’il tombe dans le champ d’une subjectivité.
La théorie de la causalité structurale est encore fort obscure. Mon sentiment est qu’une telle théorie est impossible, si on prétend en produire des modèles formels. Il est à craindre que seules soient possibles des théories régionales. De ce point point de vue, vue, et à la différenc différence e de L. Althu Althusse sser, r, je redoute redoute de très très grave graves s difficultés dans le « passage » du matérialisme historique au matérialisme dialectique. Les Démons, traduction de P. Pascal, éd. La Pléiade, p. 214. Je dis une comparaison. Le statut épistémologique de la Topologie dans le psychanalyse et la théorie du Signif Signifian iantt est, est, selon selon J. Lacan, Lacan, beaucoup beaucoup plus plus ambiti ambitieux eux.. C’est C’est « réell réelleme ement nt », et non par figure figure,, que le rapport Signifiant/Signifié peut se voir présentifié dans le ruban de Möbius. Qu’on me permette de trouver cette cette affirm affirmati ation on aventu aventureu reuse. se. Car s’il s’il s’agit s’agit d’une d’une identi identité té réell réelle, e, il faudra faudra annonc annoncer er clair claireme ement nt que désorm désormais ais,, la théori théorie e du signi signifia fiant nt est une branch branche e de la topolo topologie gie,, une mathém mathémati atique que spécial spéciale. e. Inversement Inversement,, s’il s’agit d’une ressemblance, ressemblance, d’une métaphore, métaphore, qu’on ne croie pas par ce biais fournir fût-ce fût-ce un soupçon de scientificité supplémentaire à cette théorie. Bachelard, dont l’enseignement, en dépit des coups coups de chapea chapeau u dont dont on l’acc l’accabl able, e, reste reste méconnu méconnu,, a montré montré que le rapport rapport des mathém mathémati atique ques s aux scienc sciences es qui s’en s’en réclam réclament ent n’était n’était ni un rapport rapport d’iden d’identit tité, é, ni un rapport rapport analogiqu analogique, e, ni un rapport rapport instrumental. Il s’en faut de beaucoup qu’entre le ruban de Möbius et l’enseignement saussurien, entre la concaténati concaténation on signifiante signifiante et l’algorit l’algorithme hme par lequel lequel Frege tente —d’ailleurs —d’ailleurs en vain — de construire le nombre, nombre, se nouent nouent ces rapports spécifiques spécifiques qui garantis garantissent sent la rigueur rigueur d’un nouvel objet de connaissan connaissance. ce. Car à chaque fois, ou bien ce qui opère n’est qu’une impuissante image ; ou bien ce qui se trouve, non pas produit, mais vainement vainement traduit, c’es c’estt-àà-di dire re répét répété, é, n’es n’estt que que la rigu rigueu eurr du premi premier er objet objet l’ob l’obje jett mathématique.
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