Encyclopédie Médico-Chirurgicale 50-470-B-10
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Varices tronculaires et réticulaires AA Ramelet
Résumé. – Le traitement des varices doit obligatoirement être précédé d’un bilan veineux permettant d’évaluer la compétence des saphènes et du réseau profond, et de déterminer les « points de fuite ». Le traitement conservateur (hygiène de vie, médicaments veinoactifs, contention) doit toujours être envisagé. En l’absence d’atteinte ostiale des saphènes, les varices tronculaires, tronculaires accessoires et réticulaires, peuvent être traitées par phlébectomie et/ou sclérothérapie. Le praticien doit parfaitement maîtriser la technique qu’il désire engager, mais aussi connaître et expliquer au patient ses limites et ses complications potentielles. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : varices, télangiectasies, sclérothérapie, phlébectomie.
Introduction Les affections veineuses des membres inférieurs sont extrêmement fréquentes et créent un double préjudice, fonctionnel et esthétique [16]. Le risque fonctionnel est trop souvent sous-estimé, aussi bien par les patients, les médecins, que par les assurances sociales. – Le reflux veineux superficiel entraîne une stase, souvent symptomatique, susceptible de se compliquer progressivement de troubles trophiques, allant jusqu’à l’ulcère [5, 6, 16]. Le reflux superficiel surcharge le réseau profond, pouvant entraîner progressivement sa défaillance secondaire et le cortège de complications qui en découlent [6]. – Le reflux veineux profond, primitif ou secondaire, a toujours valeur de maladie, même si ses premiers stigmates peuvent paraître uniquement esthétiques. – Même les simples télangiectasies des membres inférieurs sont souvent révélatrices d’un problème veineux sous-jacent, constituant un marqueur de l’insuffisance veineuse et imposant un bilan [20]. L’insuffisance veineuse, même superficielle, ne doit donc en aucun cas être considérée comme un problème purement esthétique. Son traitement, en revanche, doit être entrepris dans une conception fonctionnelle et esthétique, ces deux composantes étant indissociables si l’on veut respecter les tissus cutanés et lymphatiques avoisinants. Il n’y a donc pas de phlébologie esthétique en opposition à une phlébologie inesthétique. Il ne devrait exister qu’une phlébologie respectueuse du patient, préoccupée de lui offrir un résultat élégant et durable, tenant compte de tous les acquis physiopathologiques et thérapeutiques des dernières années.
Albert-Adrien Ramelet : Spécialiste FMH en dermatologie et en angiologie, 2, place Benjamin-Constant, 1003 Lausanne, Suisse.
Tableau I. – Classification des varices. Couleur Télangiectasies rouges Télangiectasies bleues Veinectasies violacées Varices réticulaires Varices tronculaires et tronculaires accessoires
Écarlate Bleue Violacée Bleue Bleue
Diamètre (mm)
Profondeur (mm)
0,1 - 0,4 0,4 - 1,0 0,6 - 2 0,6 - 4
0,4 0,6 0,6 0,7 3->
De même, il n’est pas possible de vouloir s’intéresser seulement au traitement d’un type de varices, sans chercher une vision globale du patient, de ses problèmes veineux et de leur prise en charge à long terme.
Varices et insuffisance veineuse Une varice se définit comme étant l’association d’une dilatation et d’une élongation d’une veine superficielle dont le trajet devient tortueux. Les varices peuvent être primaires (ou idiopathiques), ou secondaires (post-thrombotiques ou, plus rarement, consécutives à une autre cause) [16]. Leur classification est précisée dans le tableau I. Toutes les veines superficielles peuvent devenir variqueuses, quel que soit leur calibre : – les saphènes et leurs branches : varices tronculaires et tronculaires accessoires ; – les veines réticulaires des faces externes et postérieures des membres inférieurs : varices réticulaires ; – le plexus veineux sous-papillaire : télangiectasies ou varicosités télangiectasiques. Ces dernières sont isolées ou nourries par le reflux d’une veinule ou d’une veine variqueuse, pas toujours visible, car elle peut être perpendiculaire au plan cutané ; – les veines périnéales, vulvaires...
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ramelet AA. Varices tronculaires et réticulaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cosmétologie et Dermatologie esthétique, 50-470-B-10, 2000, 6 p.
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Varices tronculaires et réticulaires
Les varices peuvent être consécutives à une altération dégénérative de la paroi veineuse, qui s’étend progressivement de proche en proche (maladie pariétale), ou à un reflux depuis la crosse d’une saphène (maladie ostiale) ou une perforante [16]. Le reflux veineux et la stase entraînent progressivement une hyperpression veineuse et des troubles trophiques, signes de l’insuffisance veineuse chronique. Celle-ci peut être superficielle, profonde ou mixte [16].
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Tableau II. – Principales indications de la contention élastique. Contention quotidienne à long terme Syndrome post-thrombotique et insuffisance veineuse profonde Insuffisance veineuse superficielle avancée (avant traitement si celui-ci est possible) Grossesse, en particulier chez les patientes à risque (dès le début de celle-ci et jusque après l’accouchement) Contention quotidienne, limitée dans le temps
Bilan L’examen clinique ne suffit pas à fournir une évaluation correcte des réseaux veineux superficiel et profond des membres inférieurs. Les techniques doppler et échodoppler ont révolutionné notre approche de la maladie veineuse. Un bilan avec un doppler de poche permet déjà un bon « débrouillage » dans la majorité des cas [16]. Le bilan veineux est défini dans le fascicule 50-470-A-10 de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Le duplex couleur est devenu incontournable lors d’un bilan préopératoire des saphènes ou pour l’évaluation de cas plus complexes.
Traitement Un traitement de varices ne doit jamais être entrepris avant un bilan veineux méticuleux, visant à repérer les « points de fuite » et les reflux, ainsi que l’état des réseaux veineux superficiel et profond. Certains principes de base doivent être impérieusement respectés si l’on souhaite obtenir des résultats esthétiques et durables : – tout traitement phlébologique doit s’intégrer dans un ensemble, diagnostic, thérapeutique et préventif ; – les « points de fuite » et la portion proximale des trajets variqueux doivent être traités en priorité ;
Contention après éveinage, phlébectomie ou sclérose Contention après phlébite ou thrombose veineuse profonde Contention occasionnelle Insuffisance veineuse superficielle légère, lors de symptômes Prévention de l’œdème du voyageur Prévention des symptômes de l’insuffisance veineuse lors de stations prolongées en orthostatisme
Les médicaments phlébotropes (gamma-benzopyrones, telles que la diosmine et les rutosides, extraits végétaux, dobésilate de calcium...) sont indiqués lors de certains symptômes, tels que les différents types d’œdème lié à l’insuffisance veineuse, les lourdeurs de jambe... Prescrits lors d’une bonne indication, ils soulagent efficacement le patient et s’intègrent à l’ensemble de la prise en charge phlébologique [14, 16]. L’importance de la contention élastique est trop souvent sousestimée ; celle-ci est indispensable lors de nombreuses situations résumées dans le tableau II. La contention peut s’exercer par bandes élastiques ou par bas à varices, décrits dans des ouvrages spécialisés [3, 16] . Le patient doit être dûment instruit de l’intérêt de la contention, de la manière de la poser, et des bienfaits qu’il peut en retirer. Il faut prévoir des consultations de contrôle pour vérifier la pose et le port des bas ou des bandes, et motiver le patient.
– une insuffisance ostiale (grande ou petite saphène) doit toujours être corrigée avant de s’attaquer au traitement de varices tronculaires, à l’exception des situations suivantes : – insuffisance isolée de la crosse de la grande saphène, sans atteinte de son trajet crural, avec insuffisance d’une saphène accessoire antérieure de cuisse (écharpe). Le reflux ostial correspond presque toujours à un « effet siphon » qui disparaît lorsque le reflux de la saphène accessoire est supprimé. La crossectomie peut ainsi être évitée ; – très faible calibre d’une saphène crurale, incompétente au doppler, mais dont le diamètre échographique est minime (2-3 mm) ; – varice tronculaire accessoire relativement isolée, avec un reflux modéré d’une saphène peu dilatée en échographie, dont le traitement serait disproportionné ou non souhaitable (besoin potentiel de greffon saphénien en présence d’un risque artériel élevé, lors de tabagisme par exemple) [15]. Le risque, lors du traitement isolé de la branche variqueuse, est le développement de néotélangiectasies (matting). Ces situations restent des exceptions à évaluer par un phlébologue compétent et ne doivent pas servir d’excuse à la négligence d’un reflux saphénien. Le choix d’un traitement chirurgical (phlébectomie) ou par sclérose dépend des écoles et de la dextérité du praticien. Nous discuterons ci-après les indications de chacune de ces méthodes après les avoir décrites.
PHLÉBECTOMIE AMBULATOIRE
La phlébectomie selon Muller est une technique chirurgicale visant à l’extraction totale de trajets variqueux de tout types, localisés ou étendus, par des incisions cutanées minimales, à l’aide d’un crochet (fig 1), sans risques et sans cicatrices [16]. Cette intervention ambulatoire, élégante, simple et économique, a été mise au point par un dermatologue suisse, le Docteur Robert Muller, à Neuchâtel [10]. La technique n’est pas très difficile à acquérir mais nécessite un apprentissage auprès d’un praticien bien entraîné. La phlébectomie se pratique sans risque particulier, dans un cabinet médical adapté à la petite chirurgie dermatologique, par un dermatologue, un angiologue ou un chirurgien.
TRAITEMENT CONSERVATEUR ET PRÉVENTION
Tout patient souffrant d’insuffisance veineuse doit adopter un certain nombre de mesures d’hygiène de vie, efficaces tant comme prévention que comme traitement des symptômes ressentis : pratique régulière de sports favorables, gymnastique antistase, recherche d’un meilleur drainage veineux au travail et au repos, ablutions froides... [16]. 2
1
Crochets à phlébectomie. De gauche à droite : crochets de Oesch, de Ramelet, de Tretbar, de Muller, de Varady. En bas, PIN-« strippers ».
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Tableau III. – Principales complications potentielles de la phlébectomie ambulatoire. Complications cutanées - Phlyctènes - Hyper- ou hypopigmentations - Infection locale - Cicatrices visibles Complications vasculaires - Hémorragies postopératoires et hématomes - Phlébite superficielle - Néotélangiectasies - Pseudokyste lymphatique et lymphorrhée Complications neurologiques - Lésions de nerfs sensitifs
2 Phlébectomie. La varice est harponnée par son adventice avec la pointe du crochet bleu de Ramelet et extériorisée. Une pince Moskito, tenue dans la main gauche de l’opérateur, est prête à saisir la veine pour poursuivre son extraction.
- Drop foot - Syndrome du tarse - Neuromes Complications générales - Malaise exceptionnel
¶ Aspects techniques Le patient rase ou épile sa jambe avant l’opération qui se déroule le plus souvent au cabinet médical, sans prémédication, dans des conditions d’asepsie simple. Les trajets variqueux et les éventuelles perforantes insuffisantes sont soigneusement repérés sur le patient, d’abord en orthostatisme, puis en clinostatisme. L’opérateur les marque au KMn04 ou au stylofeutre pour rétroprojecteur. Après désinfection, les trajets sont anesthésiés avec de la lidocaïneépinéphrine tamponnée ou diluée selon la technique de la tumescence, beaucoup moins douloureuse, mieux tolérée et entraînant des suites beaucoup plus légères [16, 18, 19]. Les risques liés à une telle anesthésie, effectuée selon les règles de l’art, sont pratiquement inexistants. Pratiquée immédiatement avant l’intervention, la sclérose fine permet d’atténuer ou d’effacer les télangiectasies proches des trajets opérés. L’intervention débute par les incisions cutanées à la pointe du bistouri ou à l’aide d’une aiguille, orientées verticalement (cuisse, jambe) ou selon les lignes de la peau (genou, cheville). La varice est disséquée et saisie par son adventice par la pointe acérée d’un crochet à phlébectomie [12], puis extraite à l’aide d’une pince Moskito (fig 2). Tout le trajet variqueux est extirpé en faisant coulisser la veine insuffisante d’une incision à l’autre, sans ligature ni suture des incisions. Après nettoyage de la jambe avec de l’eau oxygénée, un pansement stérile absorbant est appliqué le long des trajets opérés, puis recouvert d’une bande élastique. Le patient doit marcher immédiatement et peut reprendre ses activités normalement. Les douleurs postopératoires sont exceptionnelles. Le pansement est changé à 24 ou 48 heures, et la contention élastique portée le jour pendant 3 semaines. De brèves douches sont autorisées dès le quatrième jour.
¶ Indications et contre-indications Les principales indications de la phlébectomie sont données cidessous. Il n’y a pas de limite d’âge à cette technique.
• Indications de la phlébectomie selon Muller – Varices tronculaires (sauf en cas d’insuffisance ostiale).
– Perforantes. – « Perles variqueuses ».
• Autres indications – Curetage de télangiectasies (cf fascicule 5-0470-C-10). – « Varices » des bras (cf fascicule 5-0470-D-10). – Veines dilatées des paupières, des membres, du tronc, etc (cf fascicule 5-0470-D-10).
• Contre-indications Les contre-indications sont rares, voire relatives : coagulopathies, troubles immunitaires sévères...
¶ Complications La phlébectomie est un acte chirurgical qui requiert une réflexion, une formation et une certaine dextérité. Les complications sont presque toutes liées à la maladresse de l’intervenant, beaucoup plus rarement à la technique [13]. Les complications liées à une mauvaise indication opératoire se traduisent par des nappes télangiectasiques et pigmentées particulièrement inesthétiques. Elles sont dues à la persistance d’un « point de fuite », témoignant d’une méconnaissance de la phlébologie et d’un bilan insuffisant. Les hémorragies postopératoires, les cicatrices disgracieuses, les troubles pigmentaires, la persistance d’un trajet variqueux, témoignent le plus souvent de la maladresse de l’opérateur, soit au cours de l’intervention, soit lors de la pose du pansement. Les complications liées à la méthode doivent être mentionnées au patient avant l’intervention. On distingue des complications cutanées, vasculaires, neurologiques et générales. En des mains entraînées, ces complications posent exceptionnellement problème. Elles sont énumérées dans le tableau III et discutées en détail dans les références bibliographiques [13, 16].
¶ Résultats Les résultats sont excellents et durables, pour autant que l’indication soit correcte et la technique bien maîtrisée (fig 3, 4).
– Varices tronculaires accessoires. – Varices réticulaires. – Varices périnéales. – Varices des veines du dos du pied.
AUTRES MÉTHODES CHIRURGICALES
La chirurgie des varices se pratique de plus en plus ambulatoirement ou en hospitalisation de jour, combinant la crossectomie, l’éveinage et les phlébectomies complémentaires. 3
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La crossotomie, interruption de la crosse saphène interne sans ligature de ses afférentes, ou la ligature haute de la saphène interne, sont pratiquées par certains phlébologues. Cette approche incomplète ne nous paraît défendable que chez des patients très âgés. Des variantes chirurgicales sont régulièrement proposées, visant à « économiser » le trajet saphénien, telle que la cure conservatrice et hémodynamique de l’insuffisance veineuse en ambulatoire (CHIVA). Ces méthodes, souvent ingénieuses, n’ont pas fait leurs preuves et le recul ne leur est pas favorable. SCLÉROTHÉRAPIE
Le but de la sclérose est l’oblitération fibreuse de la veine et non sa thrombose. L’injection intravariqueuse d’un produit sclérosant dissipe le film de fibrinogène qui protège l’intima et altère l’endothélium veineux. La fibrine se dépose dans la paroi veineuse et autour de celle-ci, provoquant une importante réaction inflammatoire qui évolue lentement vers la fibrose.
¶ Technique Nous résumons ci-après un certain nombre de principes concernant la sclérose [4, 8, 16]. Cette technique ne peut s’apprendre en lisant un manuel, mais nécessite un apprentissage par compagnonnage auprès d’un phlébologue expérimenté.
* A 3
* A 4
* B
A. Varice tronculaire accessoire (depuis une perforante de Dodd, récidive après éveinage de la grande saphène). B. Résultat 6 semaines après la phlébectomie de tout le trajet variqueux.
* B
A. Varices du dos du pied. B. Résultat 6 semaines après la phlébectomie de l’arcade dorsale du pied.
Suivant leur formation et les traditions médicales de leur région, certains dermatologues pratiquent cette approche chirurgicale, incontournable en présence d’un reflux significatif de la crosse saphénienne. La crossectomie est un geste minutieux, à pratiquer dans un environnement hospitalier. La qualité des résultats à long terme dépend de la précision du geste. Celui-ci peut être difficile, chez l’obèse par exemple, ou lors d’une atteinte de la petite saphène. La crossectomie ne doit être entreprise que par un médecin bien formé en chirurgie veineuse. 4
Classification des sclérosants et mode d’action. • Osmotiques : solution glucosée ou saline hypertonique. La déshydratation et la destruction des tuniques de la paroi veineuse sont assez lentes, ce qui limite ces préparations au traitement de vaisseaux de petit calibre. Les préparations osmotiques ne doivent pas être diluées car elles perdent alors leur efficacité. • Détergents : lauromacrogol ou polidocanol, tétradécylsulfate de sodium, morrhuate de sodium, oléate d’éthanolamine. La dissolution de la membrane cellulaire endothéliale, suivie de l’altération de la média et de l’adventice sont rapides et proportionnelles à la concentration du sclérosant. • Irritants chimiques : iode, glycérine chromée. Les cellules endothéliales sont dénaturées par un effet toxique. Le choix du sclérosant et la dose injectée dépend de la position du patient (moindre si la veine est collabée, jambe surélevée), de la concentration du produit, du calibre, de la longueur et de la localisation du trajet variqueux, de l’importance du reflux, de la distance entre les points d’injection, de la tolérance et de la réponse au traitement. Le liquide sclérosant est injecté en utilisant des seringues transparentes de 2,5 à 5 mL, en plastique (à usage unique) ou en verre (plus douces à l’injection, indispensables pour préparer de la mousse de polidocanol), le calibre de l’aiguille variant en fonction du vaisseau que l’on désire scléroser et de la viscosité du produit utilisé. La position du patient lors de l’injection dépend du calibre du vaisseau et de la technique du praticien. Le phlébologue porte des gants à usage unique et contrôle la présence de sang veineux et non artériel à la ponction des varices tronculaires et tronculaires accessoires. La compression après sclérose est affaire d’école [3]. Le patient va devoir impérativement marcher la demi-heure qui suit les injections pour prévenir les complications potentielles de thrombose. L’injection paraveineuse doit absolument être évitée étant donné le risque de périphlébite et de nécrose cutanée qu’elle peut entraîner. Ces complications peuvent être limitées par l’injection immédiate de sérum physiologique et de hyaluronidase dans la zone meurtrie. L’injection intra-artérielle est encore plus désastreuse, puisqu’elle peut entraîner des nécroses tissulaires périphériques nécessitant une amputation dans les cas les plus sévères.
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Différents artifices permettent d’améliorer la technique : – l’air-bloc. L’injection du sclérosant est précédée de 0,3 à 0,5 mL d’air, ce qui limite la dilution du sclérosant et freine sa diffusion dans la veine ; – l’échosclérothérapie. La ponction de la varice est effectuée sous contrôle échographique, ce qui limite le risque d’injection intraartérielle dans les zones « à risque », tout en permettant une sclérose efficace de perforantes, de la petite saphène ou de récidive d’une saphène accessoire crurale après éveinage ; – la mousse de polidocanol. Raffinement très prometteur : l’embout de la seringue en verre de 3 cm3 est fermé hermétiquement après aspiration de 0,25-0,5 cm3 de polidocanol. La traction lente et régulière du piston génère une dépression ; un appel d’air entre la jupe et le piston de la seringue entraîne la formation d’une mousse de sclérosant. L’injection de cette mousse présente plusieurs avantages intéressants : moindre dilution dans le sang, capacité sclérosante accrue, oblitération de toute la section veineuse, persistance du contact sclérosant-intima, contrôle échographique aisé, étant donné l’échogénicité particulière de la mousse, sécurité d’injection si l’on respecte les consignes des promoteurs de la technique [7, 9].
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Tableau IV. – Complications potentielles de la sclérothérapie. Complications allergiques - Choc anaphylactique - Urticaire Complications thromboemboliques - Injection intra-artérielle accidentelle - Injection paraveineuse (abcès aseptique, nécrose cutanée) - Caillot intravariqueux, thrombophlébite superficielle - Thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire Complications cutanées - Pigmentations - Réactions urticariennes et vasculite - Nécroses - Télangiectasies secondaires (matting) Autres complications - Œdème du pied - Troubles sensitifs - Amaurose transitoire - Troubles généraux (malaise, nausée, fièvre, hématurie)
¶ Indications et contre-indications Les indications de la sclérothérapie varient selon les écoles. Les indication suivantes font l’objet d’un certain consensus [1] : – varices de petit calibre : réticulaires et télangiectasiques ; – varices non saphéniennes de gros calibre : varices tronculaires accessoires, résiduelles, perforantes ; – varices de la petite saphène ; – varices du sujet âgé ; – patient anticoagulé. Les contre-indications sont : – absolues : allergie à l’agent sclérosant, maladie de système, thrombose récente, infection locale ou générale, patient alité, ischémie critique des membres inférieurs ; – relatives : diathèse allergique, allergie au latex, grossesse (en particulier le premier trimestre) et allaitement, hypercoagulabilité (déficience en protéine S, C, etc), thromboses veineuses profondes récidivantes, antécédent d’embolie pulmonaire, microangiopathie diabétique, hypertension artérielle non compensée.
¶ Complications Même si elles paraissent peu fréquentes (la majorité d’entre elles ne sont pas publiées et souvent même pas observées par le médecin qui les a causées), les complications potentielles de la sclérothérapie sont multiples et peuvent être dramatiques (tableau IV) [8, 11, 17].
CHOIX DU TRAITEMENT
C’est largement une question d’école. Le meilleur traitement est celui que le praticien maîtrise le mieux. Certains préfèrent recourir le plus possible à la phlébectomie, craignant les effets secondaires de la sclérose (pigmentations, récidives, difficulté des traitements après sclérose antérieure), d’autres manient bien la sclérothérapie et élargissent ses indications. La suppression chirurgicale d’un réseau veineux insuffisant est par essence définitive. Les veines d’un calibre important ou sujettes à un important reflux doivent être traitées prioritairement par les méthodes chirurgicales ; celles-ci sont devenues parfaitement esthétiques si l’on respecte les principes énoncés par Muller [10, 16]. La phlébectomie est une méthode incomparable lors du traitement de varices tronculaires, tronculaires accessoires, ainsi que dans certaines localisations « critiques » telles que les varices du dos du pied ou de la région prétibiale. Ses résultats sont également spectaculaires lors de varices réticulaires des faces postérieures et externes des membres inférieurs. La sclérose offre l’avantage d’une moindre agressivité, ses indications préférentielles étant les varices réticulaires et télangiectasiques. L’échosclérose permet de traiter avec succès des varices tronculaires accessoires situées assez profondément dans l’hypoderme (face interne de la cuisse chez l’obèse par exemple). Tout comme la mousse de polidocanol, l’échosclérose offre une nouvelle jeunesse à la sclérose. Une comparaison des indications de la sclérose et de la phlébectomie figure dans le tableau V.
¶ Résultats Les récidives après sclérothérapie ne sont pas rares, ce qui limite l’intérêt de cette méthode, dont les indications principales sont à nos yeux les varices réticulaires et télangiectasies. Comme pour la phlébectomie, l’expérience et la dextérité du praticien sont déterminantes. AUTRES MÉTHODES
De nouvelles techniques sont à l’étude, comme la destruction endoscopique de la paroi veineuse ou la correction de sa dilatation (VNUS procedures).
Conclusion Tant la sclérose que la phlébectomie permettent de traiter les varices tronculaires et réticulaires des membres inférieurs et d’obtenir des résultats très satisfaisants sur le plan esthétique, pour autant que l’indication du traitement ait été correctement posée et que la technique soit bien maîtrisée. Néanmoins, un petit pourcentage de malades n’obtiendra pas un résultat parfait, malgré la dextérité du praticien. Une information objective du patient avant le début du traitement est donc essentielle, à plus forte raison lorsque la motivation est esthétique.
Tableau V et Références ➤ 5
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Tableau V. – Indications de la sclérothérapie et de la phlébectomie. Localisation Aine Varices périnéales Cuisse Grande saphène (sans atteinte ostiale) Saphène accessoire Perforante de Dodd Varices réticulaires Genou Varices prépatellaires Petite saphène
Sclérothérapie
Phlébectomie
++
+++
+ échosclérose +++ + ++ ++
+++ +++ +++ +++
+ + échosclérose ++ + ++ ++
+++ +
++ ++ +
+++ +++ ++
-
+++ +++
Autres situations Varices nourricières de télangiectasies Télangiectasies violettes Fines télangiectasies rouges Récidives après chirurgie
+++ ++ +++ ++
+++ + +++
Autres dilatations veineuses Paupières, membres supérieurs, abdomen
(+)
+++
Perforante du creux poplité Perforante de la face externe du genou Varices poplitées Jambe Grande et petite saphènes jambières Saphènes accessoires Perforantes (Boyd, Cockett) Pied Perforantes Réseau veineux du dos du pied
++ +++ ++
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6
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