Oswald Ducrot Oswald Ducrot (né en 1930) est un linguiste français. Agrégé de philosophie, ancien attaché de recherches au CNRS, il est Directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris.
Il est l'auteur de nombreux ouvrages, en particulier sur l'énonciation. Ducrot a élaboré, avec Anscombre, une théorie de l'argumentation dans la langue qui consiste à saisir le déploiement de l'argumentation non pas uniquement dans le discours, la prise en pratique des potentialités linguistiques, mais au niveau de la langue elle-même. L'idée maîtresse est que la langue n'a pas comme but principal la représentation du monde, mais l'argumentation. En d'autres termes, le langage naturel n'entretient pas uniquement (parfois il semble dire pas du tout) un lien de référence au monde, mais constitue le lieu d'échange d'arguments, dont la structure est logée à même le langage.
Un des exemples sur lesquels Ducrot a le plus écrit est l'opposition qui existe en français entre « peu » et « un peu ». Il oppose ainsi des énoncés comme « J'ai peu faim » et « J'ai un peu faim ». Apparaît tout de suite au locuteur francophone que le premier énoncé suggère que la personne n'a pas faim ou à peine, alors que le second indique que le locuteur a faim. Ducrot parle dès lors d'orientations argumentatives inverses. Sommaire 1 Présupposé, posé, sous-entendu 1.1 La polyphonie 1.2 Nouveaux développements
2 Bibliographie 2.1 Littérature primaire 2.2 Littérature secondaire
Présupposé, posé, sous-entendu[modifier] sous-entendu[modifier]
Ducrot s'est beaucoup intéressé à la question de ce que l'on dit lorsque l'on parle, comme l'indique le titre de ses ouvrages (La preuve et le dire, Dire et ne pas dire, Le dire et le dit). Ainsi, il distingue le présupposé, le posé et le sous-entendu. Alors que l'on s'engage quant aux présupposé et au posé, il
n'en va pas de même du sous-entendu. Ce dernier, en effet, est toujours niable, au sens où l'on peut affirmer que l'on ne l'a pas dit, à strictement parler, mais tout au plus suggéré ou laissé penser. A l'inverse, on s'engage quant à ce qui est posé ou présupposé. Ce qui distingue à présent le posé du présupposé est que seul le posé est focalisé et tombe dès lors sous le coup de la négation. Ainsi, dans "Le Roi de France est chauve", il est présupposé qu'il existe un Roi de France et il est posé qu'il est chauve. C'est la raison pour laquelle la négation de "Le Roi de France est chauve" continue de s'engager quant à l'existence du présupposé, même s'il nie le posé, à savoir la calvitie du souverain.
La polyphonie[modifier]
La notion de polyphonie est une des pièces centrales de l'oeuvre de Ducrot. Il s'agit du phénomène constaté par Bakhtine et Charles Bally dans le discours: il n'y a pas une voix unique dans les énoncés, mais plusieurs. Bakhtine s'est en particulier intéressé à la polyphonie littéraire, telle qu'elle apparaît dans les textes de Dostoievski ou de Rabelais. Ducrot pour sa part semble s'inspirer davantage de Bally, lequel perçoit la polyphonie jusque dans les structures beaucoup plus restreintes que les textes que sont les énoncés. Ducrot reconnaît en outre sa dette envers le théoricien de la littérature Gérard Genette, lequel a procédé à de subtiles distinctions entre narrateur, auteur, personnage et locuteur.
Nouveaux développements[modifier]
Le stade actuel de la théorie de l'argumentation dans la langue s'appelle la théorie des Blocs sémantiques, que Ducrot met au point avec Marion Carel. Cette théorie reprend les acquis de la théorie de l'argumentation dans la langue, en tâchant de ne pas succomber à l'une des critiques émises à son endroit: celle d'une trop grande normativité.
Les auteurs de la ScaPoLine ont proposé une théorie de la polyphonie largement inspirée de Ducrot, et qui privilégie une approche qui rend compte tant de la polyphonie linguistique que de la polyphonie littéraire.
Bibliographie[modifier]
Littérature primaire[modifier] La preuve et le dire, Maison Mame, 1973 Le structuralisme en linguistique, Seuil, Points, 1973 (d'abord publié dans un Collectif sur le structuralisme en 1968).
Dire et ne pas dire. Principes de sémantique linguistique, Hermann, 3e éd. aug., 1998 Le Dire et le Dit, Minuit, 1980 Les Echelles argumentatives, Minuit, 1980 et al. Les Mots du discours, Minuit, 1980 avec Jean-Claude Anscombre, L'argumentation dans la langue, Mardaga, 1983 Logique, structure, énonciation. Lectures sur le langage, Minuit, 1989 avec Jean-Marie Schaeffer, Nouveau Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Seuil, 1999. avec Marion Carel, La semánticaargumentativa. Una introducción a la teoría de los bloques semánticos. Traduit et édité par María Marta García Negroni et Alfredo Lescano. Buenos Aires, ColihueUniversidad, 2005.
Littérature secondaire[modifier] François Recanati, Les énoncés performatifs, Minuit, Propositions, 1981 Jean Cervoni, L'énonciation, PUF, Linguistique nouvelle, 1987 Christian Plantin, L'argumentation, PUF, Que sais-je?, 2005
Théorie
des blocs sémantiques
La théorie des blocs sémantiques (TBS) est une théorie sémantique des langues naturelles développée par Marion Carel (EHESS) et Oswald Ducrot (EHESS). Elle se place à l'intérieur du paradigme de l'Argumentation dans la langue, fondé par Jean-Claude Anscombre et Oswald Ducrot dans les années 1970. Plus particulièrement, la TBS a été proposée par M. Carel (1992) comme une version technique de la théorie de l'Argumentation dans la langue, en tant que réponse aux problèmes que posait une version précédente, à savoir la Théorie des topoï d'Anscombre et Ducrot. En réalité, plus qu'une "nouvelle version technique", la TBS peut être vue comme une authentique évolution du paradigme de l'Argumentation dans la langue lui-même, car loin de se limiter à proposer des outils formels de calcul du sens, elle en radicalise la posture philosophique. L'aspect de cette théorie qui fait le plus débat est son immanentisme, qui la rapproche du structuralisme. Ainsi, selon la TBS, le sens linguistique est régulé de manière autonome par le système de la langue et la signification ne fait intervenir que des entités de nature linguistique : les
mots ne renvoient pas à des entités cognitives, mais à des discours argumentatifs virtuels; les énoncés ne décrivent pas des états de choses, mais évoquent des discours argumentatifs concrets. Bibliographie
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Carel, M. (1992) Vers une formalisation de la théorie de "l'argumentation dans la langue" . Thèse de doctorat, Paris (EHESS). Carel, M. (1994) « L'argumentation dans le discours : argumenter n'est pas justifier », Langage et Société, 70, p. 61-81. Carel, M. (1995) « Pourtant: argumentation by exception », in Raccah, P.-Y. (éd.) Journal of Pragmatics, vol. 24, 1-2, p. 167-188. Carel, M. et Ducrot, O. (1999a) « Le problème du paradoxe dans une sémantique argumentative », in O. Galatanu et J.-M. Gouvard (éds.), Langue française, 123, p. 6-26. Carel, M. et Ducrot, O. (1999b) « Les propriétés linguistiques du paradoxe : paradoxe et négation », , in O. Galatanu et J.-M. Gouvard (éds.), Langue française, 123, p. 27-40. Carel, M. et Ducrot, O. (2005) La semánticaargumentativa. Una introducción a la teoría de los bloques semánticos. Buenos Aires : ColihueUniversidad. Carel, M. et Schulz, P. (2002) « De la généricité des proverbes : une étude de largent ne fait pas le bonheur et il ny a pas de roses sans épines », Langage et société, 102, p. 33-70. Ducrot, O. (2001) « Critères argumentatifs et analyse lexicale », Langages, 142, p. 22-40. Ducrot, O. (2002) « Les internalisateurs » dans Macro-syntaxe et macro-sémantique, Berne, Peter lang, pp.1-11.