N° 40, Avril 2018
Sommaire Editorial L’Afrique doit s’industrialiser ou périr
Olivier A. Ndenkop & Carlos Sielenou
« La Zone de libre-échange africaine va d’abord bénéficier aux grands groupes européens, chinois, turcs et américains » Par Ndongo Samba Sylla L’Afrique draguée par Israël
Par Raouf Farrah
La Russie en Afrique : le grand retour? Par Mikhail Gamandiy-Egorov
Enjeux miniers en Guinée Par Frédéric Frédéric Thomas
Francophonie : la langue des armes Par Survie
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Editorial L’Afrique doit s’industrialiser ou périr Le 21 mars 2018, 44 pays africains ont signé l’Accord de mise en place de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC) à Kigali. Cette étape présentée comme décisive est l’aboutissement d’un processus engagé depuis plus ieurs années. Il devrait mener vers un marché unique africain. Les avantages d’une Zone de libre échange regroupant autant de pays sont nombreux : nombreux : doter l’Afrique d’une importante force de négociation face à ses partenaires extérieurs, promouvoir le commerce intracontinental, supprimer les barrières tarifaires et non tarifaires… Ces avantages potentiels requièrent des préalables. Car, faut-il le rappeler, il est impossible d’échanger ce que l’on n’a pas ? pas ? Autrement dit, pour échanger, il faut d’abord produire produi re et surtout transformer ce qui est produit. Or il se trouve que l’essentiel des pays ayant signé l’Accord de Kigali sont des vendeurs des matières premières. D’où leur vulnérabilité. Selon la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA), « La contribution du secteur manufacturier à la croissance du PIB africain a reculé, passant de 12% en 1980 à 11% en 2013, et stagne depuis ». Le groupe de recherche britannique The Economist Intelligence Unit, estime que « l’Afrique représentait plus de 3% de l’industrie manufacturiè manu facturière re mondiale mond iale dans les les années 1970. Depuis, ce pourcentage a diminué de de moitié et cette tendance tendance risque de se poursuivre ». On le voit, pour que la Zone de libre-échange
continentale profite pleinement aux Africains, il faut mieux que de simples paraphes sur une feuille de papier! Bien plus, plus, certaines questions pourtant de fond, n’ont pas suffisamment été abordées à Kigali. Il reste à préciser la situation des pays qui ont déjà signé un Accord de partenariat économique (APE) avec avec l’Union européenne. En Afrique centrale par exemple, le Cameroun à signé un APE d’étape avec l’Union européenne européenne en 2014. Depuis le 4 août 2016, 1760 produits européens peuvent accéder au Cameroun en bénéficiant d’un abattement douanier de 25% chaque année. Les Les produits concernés par l’APE seront libres d’accès dès 2020. Le Cameroun ayant aussi signé l’Acc ord instituant la Zone de libre-échange continentale, il est fort probable que ce pays devienne à terme un relais de distribution des produits européens franchisés en Afrique. Ce qui rend inéluctable la question suivante : à qui va réellement profiter la Zone de libre-échange africaine ? Tentative de réponse dans cette édition du Journal de l’Afrique. Par Carlos Sielenou et Olivier A. Ndenkop
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« La Zone de libre-échange africaine
va d’abord bénéficier aux
grands groupes européens, chinois, turcs et américains » Économiste de la Fondation Rosa Luxembourg, le docteur Ndongo Samba Sylla explique les risques économiques, politiques, sociaux et environnementaux de la ZLEC.
Quels sont les enjeux autour la signature de l’accord sur la Zon e de libre-échange continentale[dont l’accord d’instauration a été signé le 21
mars dernier à Kigali]? Les chefs d’État s’accordent sur le principe que cette zone de libre-échange libre -échange pourrait être mise en place. Et aussi les modalités à travers lesquelles cette ZLEC va être mise en place car je suppose que les pays devront ratifier cet accord. Donc ils vont faire tout le travail juridique pour dire comment ça se passera. Qu’est qu’on sait vraiment de cet accord ? Très peu de textes sont disponibles, le processus de négociations n’est pas encore connu.
On ne sait pas grand-chose. Des textes ont été publiés par la Commission économique pour l’Afrique. Il y a des études d’impact qui sont disponibles au niveau de cette Commission. Mais d’une manière générale si on lit la presse,
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on l’impression que cette ZLEC là va booster les échanges intra-africains, intr a-africains, va créer de la croissance, des emplois. Donc c’est une impression assez euphorique qu’on trouve. Mais je suis un peu surpris de l’absence de discours critique sur cette ZLEC. Peut être que je me dis que, comme il s’agit d’une initiative panafricaine, panafricaine, les gens se disent que pour une fois il faut que ça marche et donc les cœurs c œurs sont à l’unisson même s’il y a beaucoup d’aspects sur lesquels il n’y a pas d’éléments très clairs. Par exemple, qui va gagner, qui va perdre ? Comment on indemnise les perdants ? Ce genre de chose. A qui va vraiment bénéficier la ZLEC ? Est ce que ça va vraiment bénéficier aux Africains ?
Quelle est votre analyse personnelle ? La ZLEC est une initiative prématurée. Elle obéit toujours au modèle de développement extraverti qui consiste à dire que si ça ne va pas en Afrique, c’est que voilà, il n’y a pas assez d’investissements, pas assez de libéralisation commerciale, ce genre de chose. Et donc il faut mettre en place un cadre qui serait favorable à l’investissement direct étranger, é tranger, réduire les couts de transaction. C’est l’approche typiquement libérale et qui n’a jamais permis de développement économique en fait. Et donc nous, en Afrique, je pense qu’il y a cet élan panafricaniste panafricaniste qui fait qu’on semble courir vers notre ruine ruin e aveuglément sous prétexte que ce sont des Africains qui ont fait ça. Lorsqu’on voit que les chefs d’État eux-mêmes eux-mêmes ne sont pas capables de financer l’Union africaine et qu’ils se disent qu’il faut aller vers la ZLEC, ça pose quand même problème.
Pensez-vous que la ZLEC va, comme tous les accords de libre-échange, profiter à des grands groupes ? Notamment étrangers, car beaucoup d’entre eux sont implantés en Afrique. Eux aussi pourront bénéficier de
cette zone. Oui c’est ce que je pense. Elle va d’abord bénéficier bé néficier aux grands groupes français, européens, chinois, turcs, américains, etc. Et aussi à certains pays et à certains secteurs. Il y a certains pays qui vont en bénéficier et d’autres qui pourront perdre, selon le secteur. Tout dépendra des spécialisations. Moi ce qui m’inquiète un peu, c’est de dire qu’il faut réduire les tarifs douaniers entre Africains, sachant qu’il y a aussi des pays africains qui tirent une part de leur recette publique de ces tarifs douaniers là. Après, comment on fait pour les indemniser ? Surtout qu’il y a beaucoup de petits pays qui, peut être, sans ces sources de revenus là ne seraient pas si viables et seraient donc mis dans la position d’être encore plus dépendant de l’aide au développement, ce genre de de choses. cho ses.
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Ce qui paraît paradoxal, c’est que l’accord crée un marché commun de 1,2 milliard de personnes, entre des pays qui sont à des niveaux de développement très différents, avec de grosses disparités économiques. Comment est ce que cela peut marcher ? Je ne pense pas que ça pourrait marcher. Ce qu’il faut d’abord avant d’échanger, c’est d’avoir quelque chose à échanger. Mais la plupart des pays africains sont des exportateurs de produits primaires. Donc ce qu’il faudrait, c’est qu’au niveau national, il y ait une base product ive ive qui permette la diversification des exportations qui pourraient élargir le marché intérieur pour que ce qui est produit localement puisse être consommé par les consommateurs locaux de prime abord. Après, s’il y a un surplus, il pourra être exporté. Mais Mais là on est dans une logique totalement folle qui dit qu’il faut le commerce pour le commerce, mais le commerce pour le commerce, ce n’est pas une une fin en soi. Il faut produire pour satisfaire les besoins, il faut produire pour créer des emplois. Il faut produire pour élargir le marché intérieur. Mais il y a beaucoup de pays qui n’ont absolument rien, à part les matières premières. Et donc en quoi le commerce intra-africain serait dopé par le fait de réduire ces tarifs là ? Ce qui va se passer probablement, c’est que c’est les grands groupes étrangers qui viendront produire à la place des Africains et bénéficier de ce système de libre-échange libre- échange là. C’est le plus probable, d’autant plus que dans beaucoup de pays africains, il y a beaucoup de préalables qui ne sont pas remplis. Par exemple, si vous voulez produire, il faut quand même avoir un secteur bancaire qui soit assez fonctionnel. Si les PME/PMI n’ont pas accès aux financements, comment pourraient -elles -elles entrer en concurrence avec les grands groupes étrangers ? Donc cela veut dire qu’à qu’ à un moment donné, même au a u sein de l’Afrique, l’Afrique, ce sont son t les les pays où les les entreprises ont un certain accès au capital et au crédit qui pourront, dans une certaine mesure, mieux s’en sortir que les autres. Et dans les pays de l’espace français par exemple, on voit que les crédits à l’économie sont très faibles donc il y a beaucoup de pays qui ne s’en sortiront pas et qui seront de plus en plus obligés de se restreindre à être des pays exportateurs de matières premières.
Vous parlez des PME/PMI, pensez- vous qu’on puisse redouter que les conséquences pour les petites entreprises et les petites exploitations agricoles agricol es soient néf néfastes astes ? Oui ça pourrait l’être. Après tout dépend des conditions. Est - ce que l’agriculture fera partie des secteurs secteu rs libéralisés ? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr c’est que l’agriculture généralement, n’est pas un secteur qu’il faut libéraliser. La population rurale représente plus de la moitié de la population
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active et si ces gens-là se retrouvent sans aucune perspective économique, qu’est ce qu’il pourrait advenir ? D’autant plus que, si l’on regarde au Ghana, on sait qu’il y a beaucoup de Ghanéens qui ont été victimes de la concurrence des produits européens et chinois, et qui ont pris les barques pour venir en Europe. Rien que du fait que le Ghana ait un régime assez laxiste concernant les produits agricoles et avicoles. Imaginons qu’on aille plus loin dans cette dynamique là, cela veut dire qu’on va détruire des millions de vies en catastrophe. Donc quelles mesures prendre pour indemniser ces perdants-là prévisibles ? Il n’y a pas de discussions sur ces questions-là. questions -là.
Vous venez du Sénégal, est ce que la population est informée de cet accord ? Est ce qu’il y a des mouvements de résistance ? L’écrasante majorité, majorité, 99,999 % de la population n’est pas avertie de ces enjeux autour de la ZLEC. Même les intellectuels ne sont pas avertis. Les APE (Accords de partenariat économique, ndlr), oui, il y a eu beaucoup de mobilisation autour des APE. La ZLEC, c’est autre chose. Généralement, on est dans l’illusion que le librelibre -échange, tel qu’il est conçu par les Africains, est meilleur que le libre-échange proposé par les autres, ce qui est une illusion. Ca reste du libre-échange.
Justement sur les APE, le Mozambique en Afrique australe a rejoint l’APE avec l’Europe, la Gambie a changé de politique. Où en est -on -on en Afrique de de l’Ouest ? ? On est dans une position de statu quo. Car l’Union européenne veut que le Nigéria signe et ratifie l’APE. Mais le Nigéria n’est pas intéressé par l’APE en l’état. Du coup, c’est le statu quo car l’Union européenne n’envisage pas les APE sans le Nigéria. Le Nigéria a raison de dire qu’il n’est pas intéressé. Donc, certains pays ont signé comme le Sénégal mais le Nigéria et la Mauritanie ne l’ont pas pas fait. Et comme il y a un tarif extérieur commun au niveau de de l’Afrique l’Afrique de l’Ouest, l’Ouest , on suit le le Nigéria, Nigér ia, ou bien c’est l’impl l’ implosion. osion.
Au Kenya, Kenya, il y a eu une initiat initiativ ivee du Forum des des petits petits agricult a griculteurs eurs qui a porté plainte contre le gouvernement, contre le manque de participation publique aux négociations des APE et la Cour a alors décidé que le Kenya devait s’assurer qu’il y ait participation publique.
Est ce que cela cela pourrait pourra it être reproduit reproduit aill ai lleurs eurs ? C’est une chose inédite et qui mériterait d’être promue davantage. da vantage. Car, si justement un tribunal statue en disant qu’il n’y a pas assez d’inclusivité dans les négociations, c’est quelque chose qu’on devrait tenter en Afrique de l’Ouest et ailleurs. Généralement ces négociations restent des choses
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d’experts et sont fait dans la plus grande opacité. J’espère que l’input des paysans kenyans donnera un autre cours à ces négociations autour des APE.
Pour conclure, l’économiste Jacques Berthelot qui travaille beaucoup sur les APE a affirmé que les dirigeants africains doivent cesser d’être au garde à vous devant les règles façonnées par les Occidentaux. Et quand on regarde, entre le colonialisme, les prêts de la Banque mondiale, les fonds d’ajustement structurels du FMI, les accords de Lomé, de Cotonou et les APE, on a l ’impression que l’on reste toujours
dans cette même dynamique. Comment est ce que vous interprétez cela ? Jacques Berthelot a raison même si son propos est encore en deçà de la réalité. Ils ne sont pas au garde-à-vous, ils sont à plat ventre, comme disait Thomas Sankara. Tout le monde passe dessus. Ce qui est dommage parce que le type de chefs d’État que nous avons, même s’ils ont été élus démocratiquement, ce qui les intéresse, c’est ce qu’on appelle le libre marché, la libre-entreprise. Comment les capitaux étrangers, les intérêts étrangers présents sur place peuvent opérer dans la plus grande sécurité, sans trop de contraintes règlementaires. Et malheureusement ce modèle de développement extraverti, est ce qui est suivi par la plupart d’entre eux et c’est ce qui fait mal à l’Afrique. Et donc, on voit dans tous les domaines que c’est le même type de raisonnement. Par exemple, on va dire qu’il faut une zone de libre-échange continentale, il faut des zones monétaires, il faut réduire le déficit public, il faut faire en sorte que les capitaux étrangers puissent entrer et sortir librement. Autant de choses qui font que, si on les réunit, on n’est même plus un Etat. On ne dispose plus du tout de souveraineté. Et s’il y a des crises, il n’y a pas de mécanisme d’aj ustement. Et après ce sont les plus vulnérables qui en souffrent. Et malheureusement, ce sont les conséquences prévisibles d’un modèle de développement extraverti. Et dans tous les les domaines, domaines, voilà ce que nos n os chefs che fs d’État suivent.
Source : bil bilateral aterals.org s.org …………………………………………………………………………………………………………
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L’Afrique draguée par Israël
Comme jamais auparavant, Israël espère regagner une place de choix au sein sei n de de la la diplomatie diplomatie des État Étatss du continent continen t afin de légi légitimer timer sa sa posture internationale et rassembler le soutien des pays autrefois hostiles à son « agir politique ». Par Raouf Farrah
Le dimanche 26 mars 2017 à Washington, le président rwandais Paul Kagamé, actuel président en exercice de l’Union africaine africaine a monté les marches de la très controversée Conférence de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) qui est le lobby sioniste le plus puissant au monde. Considéré par les organisateurs de l’événement comme un « invité de marque qui saura porter les intérêts du sionisme », chaque bribe de son discours était accompagnée par un tonnerre d’applaudissements. Une véritable consécration pour un homme politique qui n’a jamais caché sa fidélité envers les États-Unis et son soutien à Israël. Faisant face à des invités triés au volet, Kagamé a chanté les louanges de l’Etat hébreu et porté sur ses épaules la justification de la colonisation des territoires occupés, défendant un régime d’apartheid, sans concession aucune. Mais l’invitation du rwandais à l’AIPAC recèle des enjeux bien plus importants. De véritables intérêts géopolitiques, sécuritaires et économiques placent désormais le continent africain dans le mirador israélien, et expriment le désir grandissant des élites sionistes de nouer des relations privilégiées avec l’Afrique.
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Kagamé à l’AIPAC ou la mort des idéaux africains
Paul Kagamé, actuel président de l’Union africaine, photo Dr
Malgré la tentation d’une analyse « froide », la réalité est que d’un point de vue symbolique, l’appui ouvert de Kagamé à Israël, présenté par l’AIPAC comme le dignitaire africain, est lourd de sens. Impossible donc de rester indifférent face un tel choix politique, tant une partie des idéaux qui ont marqué l’histoire du continent sont battus en brèche. Au nom de qui Kagamé ose-t-il ose-t-il défendre l’étendard d’un État qui fût l’allié l’allié le plus sûr du régime d’Apartheid en Afrique du Sud ? Quid alors sur les luttes pour les indépendances, les libérations nationales et le droit des peuples à l’autodétermination. Comment oublier les brulures aux fers du colonialisme et de l’esclavage, tous deux inscrits comme éléments constitutifs de l’identité africaine, en soutenant un régime épinglé par plusieurs rapports internationaux comme ségrégationniste ? Et finalement, comment fermer les yeux sur le racisme d’une grande partie de la classe politique politique israélienne envers les Africains Africain s dont Netanyahou Netanyahou en e n est le digne représentant représentant ? Les récentes déclarations du ministre de la Culture et du sport israélien, Miri Regev, en sont une des meilleures démonstrations. Dans une diatribe passée sous silence, Regev avait comparé et assimilé les réfugiés noirs à « un cancer qui gangrène l’État hébreu de l’intérieur »..
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Quelques jours après, elle a souhaité demander pardon et rattraper son erreur : « Je présente mes excuses aux survivants du cancer pour les avoir assimilés assimilés à des noirs noir s ». Rien de moins! Offensive diplomatique diplomatique en Afrique Au-delà Au-delà de la participation saugrenue de Kagamé à la conférence de l’AIPAC, l’État israélien voit beaucoup plus loin. L’Afrique est désormais au cœur d’une stratégie géopolitique de haute importance. Comme jamais auparavant, Israël espère regagner une place de choix au sein de la diplomatie des États du continent afin de légitimer sa posture internationale et rassembler le soutien de pays autrefois hostiles à son « agir politique ». Aujourd’hui, cette diplomatie de la « conquête africaine » se décline sur plusieurs formes : tractations et cooptations politiques par des réseaux d’influence, mise en place de projets de rapprochement culturel, activation de programmes économiques de hauts ha uts niveaux, accélération de l’aide au développement… etc. Dès lors, chaque rencontre internationale où des officiels africains sont présents est une occasion idéale pour faire avancer les pions sur l’échiquier du continent. Chefs d’État et ministres, lobbyistes et membre de l’opposition, tous sont interpellés pour accroitre une coopération en croissance permanente. En marge de la dernière Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2016, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a regroupé à New York une dizaine de chefs d’État africains afin d’accélérer le rapprochement l’Afrique et Israël. Cette rencontre a été un véritable succès pour les autorités israéliennes puisqu’elle a posé les jalons du futur sommet Afrique-Israël en octobre 2017. Une première du genre. Interrogé à la sortie de la réunion, Netanyahou avait déclaré : « L’Afrique est un continent qui monte. Après de nombreuses décennies, je peux dire qu’Israël revient en Afrique et que l’Afrique revient en Israël ». Des réseaux alliés au sionisme et des programmes spécifiquement africains Grâce à ses relais en Afrique de l’Est — — notamment celui de Kagamé au Rwanda —, mais également ses contacts dans le Makhzen marocain, Israël entend à la fois renforcer ses leviers géopolitiques dans la corne africaine et pénétrer les réseaux de l’ouest du continent, bien connus par les proches du roi Mohammed VI. D’ailleurs, les derniers mois ont été marqués par des avancées diplomatiques considérables. En juillet 2016, Netanyahou avait entrepris son premier voyage en Afrique qui l’a menée en Ouganda puis au Kenya, suivie par l’Éthiopie et le Rwanda. Sa visite succède au très lointain voyage d’Yitzhak Shamir en 1987, soit 30 ans auparavant. Une tournée historique qui a
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consolidé des liens économiques et politiques p olitiques forts avec les pays de l’Afrique de l’Est. Accompagné d’une délégation de 80 hommes d’affaires, le déplacement a été marqué par le lancement de plusieurs projets de développement économique, particulièrement dans le domaine agricole et technologique. technologi que. Israël s’est présenté comme un partenaire de premier ordre qui possède le savoir-faire nécessaire au continent comme l’irrigation des champs ou les télécommunications. Grâce à des compagnies telle que la compagnie AFI GROUP Africa Israël Investment, les investissements israéliens dans la construction d’infrastructures touristiques et dans les médias connaissent une croissance à deux chiffres. La chaine i24NEWS, diffusée depuis Tel-Aviv, a récemment conclu un partenariat média avec les organisateurs du sommet Afrique-Israël et en sera le diffuseur officiel. La chaine internationale va couvrir les préparatifs du Sommet et entend s’implanter durablement en Afrique où elle diffuse déjà ses programmes. Un autre levier au cœur de la stratégie diplomatique du gouvernement Netanyahou est la Mashav : l’agence israélienne pour la coopération internationale et le développement. Depuis quelques années, l’organisme a mis en place un ensemble de programmes de coopération internationale exclusivement orientés vers l’Afrique, afin d’apporter des solutions concrètes aux défis du continent, notamment dans la sécurité alimentaire et les changements climatiques. Microfinance d’entreprises, jeunesse et innovation, technologie et d’internet, la Mashav surfe sur tous les programmes programmes « tendances » du développement international. Aujourd’hui, l’institution intervient dans une quinzaine de pays. Tout ce travail de fond, basé sur une coopération triangulaire entre les secteurs public et privé israélien et les gouvernements africains vise à construire un réseau de partenaires fiables, qui sauront, lors des prises de décision dans le système international, apporter un soutien symbolique ou réel à Israël. Aujourd’hui, l’Éthiopie et le Sénégal sont les seuls pays africains qui siègent comme membres non permanents du Conseil de sécurité. Pour le gouvernement israélien, ces deux membres sont des votes à petit prix qui pourraient rehausser l’image du régime au sein des Nations Unies, car même si le veto américain permet de couvrir les abus d’un d’ un État épinglé depuis des décennies, l’impunité israélienne pose de véritables défis en termes d’images, surtout dans un u n mond mo ndee où l’information circule circule de de plus en plus vite. À long terme, Israël souhaite décrocher le sésame continental : obtenir le statut de membre observateur au sein de l’Union africaine (UA). Pendant des années, Israël était membre observateur de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), puis avait été écarté en 2002 lors de la dissolution de celle-ci
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au profit de l’Union africaine. Dès lors, elle n’a jamais été réintégrée dans la nouvelle institution. Forte aujourd’hui de ses échanges économiques avec plusieurs pays du continent, Israël entend s’affirmer davantage dans le domaine de la sécurité et l’agriculture en Afrique de l’ouest. Grâce Gr âce à des réseaux bien implémentés, notamment au Maroc et au Togo, le gouvernement de Netanyahou souhaite accentuer sa coopération avec les membres de la communauté économique de l’Afrique de l’Ouest. Ainsi, le premier sommet Afrique -Israël va se tenir en octobre 2017 à Lomé, capitale du Togo. Si la rencontre et la date sont déjà fixées, les pays présents restent une énigme. L’homme de main de Netanyahou est incontestablement le ministre des Affaires étrangères du Togo Robert Dussey. Sioniste forcené, il considère que le sommet permettra de « tracer les frontières de la renaissance des relations du continent avec l’État hébreu ». Dussey est allé jusqu’à considérer la rencontre comme « un formidable accélérateur de développement pour l’Afrique de l’Ouest ». Le ministre togolais a été également l’un des fondateurs avec Netanyahou du Africa-Israel Africa-Israel Connect , un projet de coopération en innovation technologique qui joue un rôle central dans l’esquisse dans la préparation du sommet. Avec des alliés solides à l’est et des négociations en cours à l’ouest du continent, la stratégie africaine de l’État sioniste est en marche et s’implémente durablement dans le paysage africain. Ceci pourrait mener à plus de clivages entre les États membres de l’Union africaine (UA), déjà mise déjà mise à mal par un manque de solidarité flagrant et des divergences politiques importantes. Par conséquent, l’UA va ajouter un dossier supplémentaire dans l’imbroglio qui la guette, sachant que l’Algérie, l’Afrique du Sud et l’Égypte, trois puissances régionales régionales opposées à la politique ségrégationniste de l’État d’Israël, ne voient pas d’un bon œil ce rapprochement. Un travail de longue haleine les attend donc pour contrer l’offensive israélienne. Mais cette tâche incombe, surtout, à tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les mots de Paul Kagamé à l’AIPAC. Elle interpelle les africains qui ne souhaitent pas sacrifier les valeurs universelles de justice et de liberté sur l’autel des intérêts économiques et diplomatiques car « nous ne sommes rien sur terre si nous ne sommes d’abord esclaves d’une cause : celle des peuples, celle de la justice et celle de la liberté ». [1] Citation d’une lettre de Frantz Fanon, envoyée un mois avant sa mort à l’un de ses amis, Roger Taib.
Source : Monde Afrique ……………………………………………………………………….............................. ........................................... .............
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La Russie en Afrique : le grand retour? Après une périod période e rel relati ativement vement f aibl aible e en rel relations, ations, l’heure pour
Moscou est au retour sur le continent africain. Alors que la Russie ne cesse de diversifier largement ses relations extérieures, l’Afrique fait désormais partie des des priorités. p riorités. Par Mikhail Mikhai l Gamandiy-Egorov
Relations intenses durant la période soviétique, notamment dans le cadre de la guerre froide, puis perte de vitesse dans les relations russo-africaines à la chute de l'URSS. Il serait d'ailleurs juste de rappeler que les élites libérales russes de l'époque de Boris Eltsine avait fait en sorte de diffuser une sorte de propagande affirmant que l'URSS ne faisait que nourrir d'autres nations, notamment africaines, en lieu de se focaliser sur ses propres problèmes. Ce qui était était très général gén éralement ement faux.
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© Sputnik. Alexei Nikolskiy
Contre Contre vents vents et e t marées, marées , la la Russie Russi e diversifie ses relations relations extérieures Certes, l'Union soviétique accordait un soutien important à plusieurs nations africaines, notamment durant la période ayant suivi la décolonisation de ces pays. Il y avait bien sûr aussi une conjoncture idéologique derrière, sachant que dans le cadre de la guerre froide deux systèmes, deux visions opposées, s'affrontaient. Mais il était totalement faux de dire que ce soutien, y compris en direction de l'Afrique, n'était pas dans l'intérêt de la Russie. Au contraire, ces relations d'alliance avaient fortement permis d'accroitre l'influence politique, culturelle, militaire et aussi commerciale de l'URSS à destination de ces pays. Et les nombreux spécialistes russes, militaires comme civils, ayant travaillé en Afrique à cette période pourront le confirmer. La page des années libérales pro-occidentales étant, heureusement, en bonne partie tournée, l'heure est au renouveau des relations. Si l'espace eurasiatique, ainsi que celui du Proche-Orient, représentent indéniablement un intérêt de premier plan pour la Russie, il n'en reste pas moins que l'Afrique et l'Amérique latine font partie également des grands projets de Moscou à l'international. Et si jusqu'ici les relations les plus intenses étaient avec les pays du nord et du sud du continent africain, on arrive désormais à l'étape où la présence russe s'élargira certainement à toutes les parties de l'Afrique.
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Moscou dispose de plusieurs avantages évidents: absence d'histoire coloniale vis-à-vis du continent africain. Plus que cela, l'URSS avait accordé un soutien de premier plan aux mouvements africains de libération nationale dans leur lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme. Cela sans oublier une importante participation dans la formation des cadres africains, soit via la venue de spécialistes russes en terre africaine, soit en invitant des milliers d'étudiants africains à venir se former dans les universités soviétiques. Beaucoup de ces anciens étudiants occupent aujourd'hui des postes de première responsabilité dans un certain nombre de pays du continent. Tout cela ne s'oublie pas jusqu'à ce jour.
© Sputnik Dmitry Astahov
En quoi la coopération russo-algérienne russo-algérienne est-ell est-ellee stratégique? stratégique? D'autre part, la politique actuelle de la Russie attire nombre d'Africains. Sachant que Moscou axe sa politique extérieure sur trois piliers fondamentaux: attachement au droit international, respect de la souveraineté des nations, de même que de leurs valeurs et traditions historiques. Enfin, soutien au concept du monde multipolaire — le seul pouvant garantir des relations équitables et justes. L'Afrique montre clairement qu'elle attend le plein retour de la Russie. La nouvelle nouvelle Russie, qui le le souhait souh aitait ait aussi, au ssi, passe p asse désormais désormais aux actes concret c oncrets. s.
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Liens d'alliance stratégique historique qui se renforcent avec l'Algérie, aussi bien dans la coopération militaro-technique que civile, zone de libre-échange qui se prépare au lancement avec le Maroc, construction de centrales nucléaires dans une perspective proche en Afrique du Sud et en Egypte (avec laquelle une zone de libre-échange est également en discussion). Exportations des céréales russes à destination de plusieurs pays du continent au moment où la production nationale est en train de battre tous les records. Collaboration aussi dans le domaine minier, sans oublier le domaine éducatif sachant que la Russie continue d'attirer des étudiants de pratiquement tous les pays du continent. Enfin, lancement de nouveaux projets à participation russe en Guinée équatoriale, Ouganda, Burundi, Zambie, Zimbabwe.
Ethiopian Painting Depicting The Battle Of Adwa.
L’histoire méconnue des relations russo-africaines
En parlant justement des deux derniers cités, le président du conseil d'administration d'Uralchem et vice-président du conseil d'administration d'Uralkali — grande entreprise russe de production et d'exportation d'engrais potassiques, Dmitri Mazepine, s'y est rendu début février et a rencontré les présidents des deux pays Edgar Lungu et Emmerson Mnangagwa. Lors de de ces rencontres il a été décid décidéé d'ét d'é tablir un u n hub russe pour la fourniture directe des engrais de l'entreprise russe à destination des acheteurs africains. Sachant que la demande pour ces produits en Afrique ne cesse d'augmenter,
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et est appelée à augmenter encore plus dans les prochaines années. A titre d'exemple donné par l'homme d'affaires russe, le volume actuel des livraisons d'Uralchem et d'Uralkali en Afrique du Sud-Est représente près de 100 000 tonnes par an. Mais sur le court terme, ce volume est appelé à augmenter jusqu'à 500-600 000 tonnes annuelles. Cette coopération russo-zambienne et russo-zimbabwéenne (et avec d'autres pays africains certainement) permettra de réduire considérablement les prix des engrais pour les agriculteurs africains, en y éliminant les intermédiaires: le plus souvent ni russes, ni africains… Des intermédiaires qui revendaient ces engrais sur place au prix de 450-500 dollars la tonne. La création dudit hub russe sur place et des livraisons directes dans les ports africains permettront de le diminuer jusqu'à 250-300 dollars la tonne. Rien que cela. cela. Tout en e n sachant sa chant que ce que la première phase ph ase du retour retou r véritable véritable de de la Russie en Afrique. L'intérêt réciproque n'a jamais été aussi important depuis la fin de l'URSS. Suivez donc l'actualité russo-africaine! Source : Sputnik
Le Journal de l’Afrique N°40, avril 2018 « Un autre monde est possible et nous le démontrons dans Le Journal Journal de l’Afrique » l’Afrique » Directeur de publication: Michel Collon Rédacteur en chef : Olivier Atemsing Ndenkop Chroniqueur: Carlos Sielenou Ont contribué à ce numéro: Mikhail Gamandiy-Egorov, Frédéric amandiy-Egorov, Frédéric Thomas, Olivier A. Ndenkop Raouf Farrah, Ndongo Samba Sylla Infographie :BAF.F :BAF.F ! www.investigaction.net& www.michelcollon.info Yaoundé-Bruxelles, avril 2018 ----Diffusion gratuite----INVESTIG'ACTION gratuite----INVESTIG'ACTION
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Enjeux miniers en Guinée Le secteur minier, moteur de la croissance, assurant jusqu'à 25% des recettes publiques, est l'objet de nombreux calculs et d'intenses convoitises. Avec une vingtaine de mégaprojets prévus et le récent accord de 20 milliards de dollars avec la Chine, il devrait d'ailleurs connaître un essor considérable dans les années à venir [3]. Mais le développement minier en Guinée suscite autant d'attentes que de problèmes et de défis. Par Frédéric Frédéric Thomas
« Scandale géologique » est l'expression qui revient le plus souvent pour qualifier la situation de la Guinée, État d'Afrique de l'Ouest situé entre le Sénégal, le Mali et la Côte d'Ivoire [1]. On entend par-là le paradoxe d'une population majoritairement (55%) pauvre, vivant dans un pays riche en ressources minérales, et pourtant membre des Pays les moins avancés (PMA). Il est d'ailleurs classé, dans le dernier rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), 183ème sur 188 pays selon l'Indice de développemen éveloppementt humain [2].
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Le sous-sol guinéen contient en effet les plus grands gisements de bauxite du monde, d'importantes réserves de fer, d'or, de diamant, ainsi que de considérables potentialités pour l'exploitation du zinc, du cobalt, du nickel et de l'uranium… l'uranium… L'essentiel de l'exploitation minière est destinée à l'exportation, dont elle représente jusqu'à 90% des recettes totales . Cela crée un double problème de dépendance et de concentration. La Guinée est ainsi très dépendante de l'exportation de quelques matières premières, dont les prix fluctuent grandement sur le marché mondial – au risque de provoquer une gestion des ressources publiques en « dents de scie » – et sur lesquels elle n'exerce pratiquement aucun contrôle. Concentration également en termes de destination : principal destinataire, l'Inde absorbe plus d'un quart des exportations guinéennes, et celles-ci étaient composées à 65% d'or (à près de 95% de ressources minières et pétrolières). À l'instar des pays riches en ressources naturelles, la Guinée est également engagée dans un rapport asymétrique et dépendant avec la Chine, principale source de ses importations. Les exportations vers le géant asiatique sont composées à 99% de bauxite [4] . Deux défis majeurs en ressortent : la diversification économique et la durabilité. Par nature, l'extraction minière n'est pas une activité durable. Sa grande consommation d'eau, son utilisation de produits toxiques (cyanure, mercure, etc.) et le le caractère caract ère intensif inte nsif de cette expl ex ploit oitation ation expliquent expli quent qu'elle qu'elle a un impact négatif considérable et à long terme sur l'environnement et la biodiversité en général, et l'eau en particulier. L'activité minière artisanale soulève, à son échelle, le même type d'impacts. L'orpaillage – pratique traditionnelle, qui se développe essentiellement en Haute Guinée – et le diaminage (surtout dans le centre et l'Est du pays). En Guinée, les femmes jouent un grand rôle dans l'extraction artisanale d'or et de diamants. Cette activité peut contribuer à la création d'emplois, à l'augmentation des revenus, voire au développement local, mais elle soulève aussi des problèmes d'ordre social, environnemental et financier qui peuvent nuire au développement : manque de sécurité et de protection sociale dû au caractère informel du travail, dégradation de l'environnement, tensions sociales, qui peuvent dégénérer en violence armée comme ce fut récemment le cas à Mandiana. Le développement minier va de pair avec une perte de diversité des activités économiques, mettant particulièrement à mal l'agriculture et l'élevage, par la
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pression qu'il exerce sur les ressources hydriques et naturelles. Or, la Guinée est un pays majoritairement rural (62%), qui abrite une biodiversité unique en Afrique de l'Ouest et détient un fort potentiel agricole, et ce alors même, qu'en 2012, près d'un tiers de la population vivaient en situation d'insécurité alimentaire [5] . À plusieurs reprises, le président guinéen s'est prononcé pour mettre en avant l'importance du secteur agricole et relativiser les mines comme « levier du développement de la Guinée », sans pour autant que ne s'affirme une cohérence politique [6]. Le recentrage des activités sur l'extractivisme accentue ce problème et accroît la vulnérabilité des populations locales. Et ce y compris en milieu urbain, comme le démontre le cas de la ville de Fria [7]. On présente régulièrement le secteur minier comme une opportunité pour l'emploi, et, en conséquence, un espoir pour les jeunes, qui représentent plus de la moitié de la population du pays. D'aucuns affirment que le secteur minier serait le second employeur après la fonction publique. Mais c'est là une vision biaisée, dans la mesure où elle ne tient compte que de l'emploi formel, très minoritaire. En réalité, la première source d'emplois est l'agriculture, et la deuxième, l'économie informelle, y compris le secteur minier artisanal où sont impliqués entre 150 et 300.000 personnes [8] . Les espoirs mis dans l'industrie minière en termes d'emplois sont infondés car il s'agit d'une activité qui nécessité beaucoup de capitaux et peu de main d'œuvre [9]. Ainsi, selon une étude de 2010 de la Banque mondiale, le secteur minier industriel ne fournirait que 22.000 emplois directs dans le pays. L'impact du secteur minier est donc cumulatif et intense, mais il se décline différemment, en fonction de la position occupée au sein de la famille et de la société, et de l'accès aux revenus et aux ressources. Les jeunes et les femmes sont particulièrement affectés. Ces dernières occupent une place importante dans l'extraction artisanale. De plus, elles ont traditionnellement à leur charge les soins et l'alimentation des familles ; elles sont donc directement affectées par l'accaparement de l'eau et la pression sur l'environnement qu'exercent les mines. L'exploitation minière est par ailleurs une activité génératrice de conflits. Elle entraîne des déplacements de populations, des flux migratoires, une réorientation économique, des pollutions, une déstructuration des relations sociales, et des violations des droits humains, qui sont autant de sources de conflits. Ceux-ci sont aggravés et catalysés par les espoirs déçus, le manque de transparence et de participation des communautés locales, l'accroissement des inégalités, l'invisibilité de certains « coûts » (sanitaires, environnementaux, sociaux, culturels) de l'exploitation et la pression sur les
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pratiques traditionnelles et le caractère sacré de certains lieux près des sites miniers. Si la source la plus visible des conflits tourne autour de la rente minière, du fait de l'opacité, de la faible capacité de gestion et de l'évasion fiscale, il y a une démultiplication des conflits à tous les niveaux. Ils opposent notamment les populations locales aux acteurs miniers et l'État aux populations allochtones venues à la recherche de ressources de revenus. Mais ils opèrent également entre autorités locales et autorités nationales, et entre ces dernières et les opérateurs miniers, principalement autour de la répartition des responsabilités et bénéfices et le (non-)respect des engagements. Ces conflits peuvent diviser les communautés elles-mêmes, et provoquer de véritables émeutes, comme à Siguiri, en 2015, et à Boké, en 2017 [10] . La Vision africaine des mines appelait à désenclaver l'activité minière, en l'inscrivant dans « une nouvelle approche axée sur le développement » [11]. Le défi de canaliser et de réorienter l'activité minière afin qu'elle bénéfice au pays, à sa population et aux générations à venir relève en grande partie du contrôle des institutions publiques, du contre-pouvoir démocratique et de la participation de la société civile.
Notes [1] Le président lui-même, Alpha Condé, affirme que la Guinée est « un scandale géologique dont les ressources n'ont jamais profité à la population ». Muriel Devey Malu-Malu, « Guinée : remédier au « scandale géologique » », http://www.jeuneafrique.com/ http://www.jeuneafrique.com/.. [2] (IDH) http://www.undp.org/ http://www.undp.org/.. [3] Charles Bouessel du Bourg, « Mines : la Chine et la Guinée signent un accord à 20 milliards de dollars », http://www.jeuneafrique.com/ . [4] Sébastien Le Belzic, « La relation Chine-Afrique entre croissance et dépendance », http://www.lemonde.fr/ http://www.lemonde.fr/.. [5] Ministère de l'agriculture et WFP, Enquête Nationale de la Sécurité Alimentaire et de la Vulnérabilité (ENSAV), juin-juillet 2012. [6] Aboubacar Yacouba Barma, « Alpha Condé : '' Les mines ne peuvent pas être le levier de notre développement '' », https://afrique.latribune.fr/ https://afrique.latribune.fr/.. [7] Située à 160 km de Conakry, la ville de Fria accueillait la première raffinerie d'alumine en Afrique. La fermeture de l'usine il y a cinq ansa eu des effets néfastes sur les conditions sociales des habitants, tant le tissu économique de la ville avait fini par en dépendre. La réouverture de l'usine est programmée pour 2018. [8] Egis international, Etude Stratégique Environnementale et Sociale (ESES) de la réforme du secteur minier en République de Guinée, avril 2016. [9] Et, de toute façon, la main d'œuvre locale n'a généralement accès qu'à des emplois précaires, à durée déterminée et peu rémunérés. [10] TV5 Monde, « Guinée : la bauxite au cœur des émeutes de Boké », http://information.tv5monde.com/ http://information.tv5monde.com/.. [11] Commission économique pour l'Afrique, Les ressources minérales et le développement de l'Afrique, https://www.uneca.org/ https://www.uneca.org/..
Source : Cameroonvoice
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Francophonie : la langue des armes La Francophonie n'est pas qu'un outil de rayonnement culturel pour la France. Elle permet aussi de développer sa domination militaire et d'ouvrir des des marchés marché s pour l'industrie l'industrie de de l'armement l' armement.. Par Survie
En novembre 2014, à Dakar, le colloque du Front contre le sommet de la Francophonie qui devait se tenir à l'université Cheikh Anta Diop était interdit. Ses organisateurs avaient alors réagi dans une tribune dénonçant la Francophonie comme « un instrument de la Françafrique ». Ils y rappelaient les dégâts concrets de l'expansion culturelle française : « pour l'Afrique, ce que l'on appelle pudiquement la francophonie consiste d'abord en l'imposition de la langue française comme unique langue officielle, donc d'administration et d'enseignement dans des pays où seule une infime minorité dominante en possède la maîtrise, créant ainsi un fossé insurmontable entre les élites et les masses. » Ils poursuivaient : « l'aliénation culturelle que cela implique se double d'une politique de domination militaire » et dénonçaient « l'objectif sécuritaire calqué sur l'agenda de l'Etat français » du sommet officiel.
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Pax francophonia En plus de l'agenda politique du sommet, cette même année, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), lançait le Réseau d'expertise et de formation francophone pour les opérations de paix (REFFOP). Ce réseau vise notamment à « favoriser l'usage de la langue française dans les opérations de paix et d'y renforcer la participation des francophones ». La grande majorité des structures de formation membres du REFFOP se trouvent dans les pays d'Afrique francophone. Le site internet communique fièrement sur la hausse de la participation des troupes francophones aux opérations onusiennes, et rappelle d'ailleurs utilement que si les « États francophones du Nord » sont les principaux contributeurs sur le plan du financement, de la formation et de l'équipement, ce sont les « États du Sud » qui fournissent l'essentiel des troupes sur le terrain. terrain . Au regard de la prédominance du commandement français de ces opérations (à commencer par l'hégémonie tricolore à la tête du Département des opérations de maintien de la paix à l'ONU [1]), cette répartition des tâches n'est pas sans rappeler celle de l'armée coloniale, où les tirailleurs africains, commandés commandés par pa r des des officiers off iciers français, formaient le gros des troupes. Parlons la même langue…
Une activité importante du REFFOP est la diffusion du « Français langue militaire » (FLMi) par le biais d'une méthode intitulée En avant !. Lancée en 2010 par la Direction de la coopération de sécurité et de défense (direction du ministère français des affaires étrangères), elle fournit des rudiments
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permettant à des troupes ne maîtrisant pas le français une « interopérabilité » avec des militaires francophones. Au-delà d'une pittoresque version numérique diffusée sur le site du REFFOP, la méthode En avant ! est surtout enseignée dans les centres de formation des différents pays. Le scénario proposé par la méthode est sans ambiguïté sur la cible principale de ces cours : on y suit un groupe d'officiers africains engagés dans une opération au « Canara », un pays fictif. fictif.
Une discipline coloniale L'enseignement du FLMi connaît ainsi un renouveau, après le Règlement pour l'enseignement du français aux militaires indigènes en 1926, né de la volonté de mieux faire comprendre les ordres des officiers français aux militaires colonisés après l'expérience de la première guerre mondiale. Brice Poulot [2] mentionne également « La méthode Mamadou et Bineta utilisée pour l'apprentissage du français qui avait été écrite dans les années 1930 par un instituteur, servait de référence aux tirailleurs. Chacun devait en posséder une dans sa musette. » À l'époque déjà les objectifs étaient clairs : « comme le signale Michel Bodin, « le respect des consignes, la compréhension des ordres, et la rapidité de leur exécution, confèrent à toute armée une grande part de son efficacité ». C'est pourquoi l'armée a, par nécessité opérationnelle, largement contribué à la diffusion du français […] Les mythes de l'universalisme républicain et de l'humanisme colonial français s'évaporent face au pragmatisme des besoins opération-nels militaires de la métropole. » [3] Lors de la guerre d'Indochine, l'armée française déplora ainsi le faible niveau de français des soldats africains et il y eut alors « un regain d'intérêt pour la question de l'enseignement du français aux troupes africaines ».
La Francophonie des puissances Aujourd'hui, l'intérêt de l'OIF pour les « opérations de paix » et la diffusion de la francophonie parmi les armées du monde ressemble à un nouvel outil au service des ambitions militaires de la France. En 2008, Bernard Cazeneuve, alors député, y voyait une manière de « multilatéraliser nos interventions », tout en s'inquiétant : « Il ne faut pas que nos actions autour et sur la base de l'OIF pour favoriser le développement du maintien de la paix soient perçues par nos partenaires comme une manière, détournée, de revenir à une prédominance française »5. Le député devenu ministre semble là s'inquiéter plus de l'image que de la réalité. Dans une étude conjointe de l'IRSEM et de l'OIF [4], le constat est fait que ce sont « les autorités militaires francophones des pays développés » qui sont à l'initiative « de nombreuses actions afin de conforter le rayonnement
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militaire du français à l'international. » Cette étude défend l'idée que la Francophonie peut être utilisée comme moyen de « profondeur stratégique », terme qui désigne « un ensemble de ressources sur la base desquelles un acteur international peut s'appuyer en vue de mettre à distance une menace. [ …] Il ne s'agit pas de contrôler directement un territoire mais de tisser un ensemble de relations et de partenariats à l'étranger. » Un article donne en exemple le cas du Canada qui est intervenu en Haïti sous l'étiquette de l'OIF, notamment pour des « enjeux de sécurité intérieure au Canada ». « La communauté haïtienne est déjà très présente sur le sol canadien mais éprouve de très grandes difficultés socio-économiques. L'essor de la criminalité en Haïti via les trafics de tous ordres (drogues, armes, humains) a des incidences directes sur la situation du Canada. En d'autres termes, l'implication du gouvernement canadien en amont, sur le sol haïtien, entend « mettre à distance » la diffusion de ces processus conflictuels. » L'auteur relève que « l'OIF, qui compte en son sein de nombreux pays d'Afrique, bénéficie indéniablement d'une perception positive de la part des autorités publiques de la « première République noire de l'Histoire », qui peuvent se montrer très sourcilleuses de la défense de leur souveraineté dans le cadre de relations bilatérales classiques. » [5] L'OIF apparaît alors comme un paravent bien pratique pour les puissances francophones.
Enjeux sonnants et trébuchants rébuchants
En plus d'une plus grande capacité de commandement de troupes étrangères par des pays francophones, la diffusion du français militaire est indéniablement un moyen de puissance culturelle. « Au croisement entre le soft power (ou puissance douce) et le hard power (ou puissance coercitive), la formation en langue des armées constitue le transmetteur de savoirs au sein du triptyque armée, langue, culture. » [6]L'auteur relève que si les moyens alloués aux réseaux culturels baissent, la multiplication des
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interventions militaires françaises participe « à la propagation du français en tant que langue de communication civile et militaire. » Mais il y a aussi un intérêt direct pour les ventes d'armes françaises : « Il existe un lien réel entre la francophilie d'une armée étrangère (ou du moins de son état-major) et la provenance de son matériel de défense. Certains affirment que le matériel de défense des pays francophones (au premier rang desquels la France) s'exporte mieux dans un pays francophile. »Et l'auteur d'ajouter, manifestement très concerné : « Il nous appartient aujourd'hui d'inciter les grands groupes de défense à dominante francophone à s'intéresser de près à l'action du FLMI. » Total (au Liban) ou Thalès (au Chili ou auprès d'étudiants de pays émergents) ont ainsi investi dans l'enseignement du français auprès des armées. La Francophonie apparaît donc non seulement comme un moyen de puissance culturelle, mais aussi militaire et économique : tirant sa source de la période coloniale, la diffusion du français militaire permet de faciliter « l'interopérabilité » des troupes internationales (et donc leur commandement par des officiers français par exemple), mais est aussi considéré comme un avantage pour les ventes d'armes. « Il convient désormais d'observer que les pays francophiles ont été conquis par les cultures véhiculées par le français, à l'inverse de la majorité des pays p ays francophones francop hones qui, aux siècles siècles précéd préc édent ents, s, ont on t été conquis par les armes ». Instrument de conquête de puissance sur de nombreux plans, la Francophonie joint l'utile à l'agréable pour les tenants de la domination française. française . [1] Voir Billets n°204 (juillet 2011) et n°265 (février 2017) et, sur le commandement français de l'opération de l'ONU au Mali, Billets n°227 (septembre 2013) [2] Brice Poulot, « L'enseignement du français aux troupes coloniales en Afrique », Revue historique des des armées, 265 [3] Ibid. [4] Institut de de recherche re cherche stratégiq stratégique ue de l'École l 'École militaire. Étude Étude n°26 n° 26 Francophonie Francopho nie et profondeur stratégique, 2013. La lecture de l'ensemble de cette étude est conseillée pour comprendre comment peut être envisagée la francophonie dans les milieux militaires. H aïti, illust il lustration ration de de la francophonie francoph onie [5] Stéphane Jans, « L'implication du Canada en Haïti, comme profondeur stratégique » [6] Brice Poulot, « Le français langue militaire, instrument de la profondeur stratégique de la francophonie ».
Source: https://survie.org
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