..~ XOLVCa>VCœ -rl>v l>.cu6lpc.>V (2) Id., IV, 7, 5 (1328 b 20-24) : 8tî &pœ ytpyl>v -r• CÎVll.L 7tÀl)6oc, ot 7tll.• pœaxcu J.• il8LXoÜVTo.
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primitive, parmi lesquels sont. de nombreux serviteurs. On a discuté pour savoir.s'il s'agissait. ou non d'esclaves (1). La question importe peu. Mais assurément, dans la réalité ath~nienne, tous n'étaient pas des citoyens (2). Dès lors, on peut. se demander si Platon confond réellement. la Cité avec le groupe humain des citoyens, si n'intervient. pas aussi la notion plus moderne du territoire et. de ses habitants. Une autre définition d'Aristote met. encore l'accent. sur la complexité du contenu de la notion de Cité: «Ce qui constitue la Cité, ce n'est. pas d'habiter les mêmes lieux, de ne se faire aucun tort. les uns aux autres, et. d'avoir des relations de commerce, quoique ces conditions doioenl nécessaireme11l ilre remplies pour que la Cité uisle; mais à elles seules, elles ne font. pas le caractère essentiel de la Cité. La seule association qui forme une Cité est. celle qui fait. partager aux gen~ et. à leurs descendants le bonheur d'une vie parfaitement à l'abri du besoin et. indépendante (3). 1 Le groupe humain est. ici défini : « Les genè et. leurs descendants•, c'est-à-dire les habitants primitifs du sol. Mais pour que la Cité existe, il faut. que tous ceux qui la consti· tuent. habitent les mêmes lieux (4), obéissent. aux mêmes règles juridiques, et qu'existent. entre eux ces relations de commerce qui supposent. une certaine division du travail et. l'usage de la monnaie, c'est-à-dire un certain état. de développement. de la production des biens matériels. Le soin même avec lequel d'ailleurs les deux grands philosophes déterminent. ce que doit. être le territoire de la Cité idéale, aes limites, sa situation, ses ressources, prouve assez qu'ils ne concevaient. pas la Cité indépendamment. d'un territoire donné. Et quelle que soit. la place laissée par eux aux citoyens dans la production des biens matériels, et. dans les échanges, ils ne conce· vaient. pas de Cité qui ne soit. aussi une communauté économique. Certes, on ne peut. rejeter pour autant. tous les arguments de (1) Cf. 1upra, p. 203.
(2) Platon tait. d'allleun figurer dans la composltlon de sa Cité primitive des commerçants, inférieurs certes, mals dont rien ne permet de dire s'ils sont. ou non clloyens. Dans la Cll6 des Loll, Ils seront étrangers. (3) Pol., Ill, 5, 13 (1280 b 3o-35) : - - ~ mi~ oùx lan xotvc.>vtœ-rcSm>u xi:il 'rOÜ IL'ÏJ ci!Lxciv aipëil; ctùTOü; xœl 'Tilç 11CT
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la critique moderne (1). D'autre part, la Cité grecque demeure difTérente de la Nation moderne: une faible partie seulement. des habitants de son territoire avaient le privilège d'être des citoyens. Et. c'est. parce qu'ils songeaient. encore à la restreindre que les penseurs du ive siècle mettaient. surtout. l'accent. sur la communauté humaine. Enfin la Cité n'était. pas un gtat., doté d'un appareil bure~ucratique comparable à celui de l'l!:tat. moderne. Chaque citoyen pouvait. être juge ou magistrat., ambassadeur ou stratège. L'armée n'était. pas encore un corps spécialisé. Les relations entre l'individu et. l'gtat. n'étaient. pas ce qu'elles sont. ou peuvent. être aujourd'hui, mais des relations naturelles, quasi familiales. Il suffit. de rappeler ce que disait. Démosthène des devoirs de la Cité à l'égard des citoyens pauvres (2). Et. l'on comprend ainsi que les revenus de la Cité n'aient. jamais été. pour un Grec distincts des siens propres. Tout. cela explique le caractère particulier des théories poli.. tiques du ive siècle. Parce que c'est. d'abord du groupe humain qu'il faut. s'occuper, la solution, en définitive, sera de réformer l'homme par l'éducation. Cette éducation, Platon la définit. au terme de sa vie comme c •. .la formation qui, dès l'enfance, entraine un sujet. à la vertu et. lui inspire le désir passionné de devenir un citoyen accompli, sachant. commander et. obéir selon la justice (3) 1. C'est. aussi la valeur de l'éducation que démontre le discours Sur l'échange d'Isocrate (4). Xénophon at.t.ribue à l'éducation qu'ils ont reçue les mérites des Spartiates ou des Perses. Aristote enfin consacre tout. un livre de sa Politique à l'éducation des citoyens dans la Cit.é idéale (5). Certes, tous n'ont. pas de l'éducation la même conception. Celle d'Isocrate est. assez proche, bien qu'il s'en détende, de celle des sophistes, et. essentiellement fondée sur l'apprentissage de l'éloquence (6). Celle qu'envisage Xénophon est. militaire d'abord, essentiellement phy.. (1) F. Hampl a'allache surtout au cas des cités annexées et des c16rou· qules. Mala il y a a usai l'exemple de Phocée et le projet que p~t.e Isocrate au rol de Sparte Archidamos (lsocRATE, .Archldamo•, 71 eL as.; cf. notre article Sur un passage del' •Archidamos• d'Isocrate, dans R. S. A., t. LV, 19&3, p. 30, n. 2). (2) Cf. 1upra, p. 159. a~ 7tp~ clptrl)v lx 7tŒt3<.i>v 7'C'Œl.3ekw, 7t0,000tlV èm0u(3) Lou, 643 e:
'"'V
v."'"4v. TC x«l lpœ~ 'tOÜ 1t0).(niv ycvEa6ŒL -rt>..cov, lmcmiµcvov ~ 3CX.,,ç. (4) Sur rkhange, 174 et as.
~xci.v TC
xœl ~xcaOin
(5) Pol., V (1337 a 10-1342 b 34). (6) Sur r'change, 255; cf. Nlcoclù, 1 : • La parole convenable est le signe le plus sQr do la pensée juste. •
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sique. Platon et. Aristote, plus abstraits, plus philosophes, songent. d'abord à l'acquisition de la vertu, ont. des préoccupations surtout. éthiques. Nous n'entreprendrons pas ici une analyse des c programmes• d'éducation des penseurs grecs du 1v 8 siècle. D'autres l'ont. fait. magistralement. (1). Nous voudrions seulement. montrer qu'une telle éducation est. inséparable de la solution du problème politique. Aristote, dans !'Ethique d Nicomaque et. dans la Polilique, revient plusieurs fois sur la question, en dégage bien les différents aspects: il importe d'abord de savoir si l'éducation doit. être affaire d'~tat, comme à Lacédémone, ou afTaire privée comme à Athènes (2). Platon, tant dans la République que dans les Lois, envisage une éducation collective et. réglementée par l'~tat. Xénophon l'admire à la cour de Cyrus et. à Sparte, si ail· Jeurs, dans l'-gconomique, il semble plutôt. se rallier à l'éducation individuelle (3). Mais Isocrate, professeur de rhétorique dont. les élèves payent. mille drachmes chacun un cycle complet. d'enseignement. (4), ne songe nullement à une telle éducation collective sur laquelle la Cité exercerait. un droit. de regard. Et. Aristote, dans l'~lhique, n'est pas loin de préférer en fin de compte l'éducation individuelle qui convient. mieux à chacun (5). On voit. aussitôt l'arrière-plan de la question. Qui dit. éducation individuelle dit aussi éducation réservée à une minorité : les leçons d'Isocrate ou des sophistes coO.taient. cher, et avoir un pédotribe n'était pas à la portée de tout. le monde. L'éducation collective, donnée par la. Cité, était. au contraire accessible à tous. Mais elle supposait. préalablement. une réforme totale des institutions (6). D'autre part, il est. évident. que si la Cité prend en mains l'éducation des citoyens, celle-ci ne peut. être la même dans une Cité démocratique et dans une Cité oligarchique (7). Si donc la Paideia, l'éducation, apparait. aux penseurs grecs du ive siècle comme le remède essentiel aux maux dont soufTre la Grèce, ils n'oublient. pas pour autant. que ce remède, pour être valable, présuppôse une réforme de la polileia. (1) W. JAEGER, Paideia, lhe ldtal1 of Greek Cunure, trad. angl., 3 vol., Oxford, 1939-1943: MARRou, Hl1lolrederiducaliondan1r Anllqum, Pari•, 1948. (2) .Slhlqut d Nlcomaque, X, 9, 13-14 (1180 a 25-30). (3) Cf. Economique, XXI, 11-12. (4) Ps.-PLUT., l1ocralt, 837 e. (5) .Sthlqut d Nlcomaqut, X, 9, 15 (1180 b 11-12}. (6) Pol., JI, 5, 15 (1263 b 36-1264 a). C'est Je cas de Sparte otJ l'Mueatlon eolleclive est llée à la communauté des biens. C'est aussi Je cas des deux cités platoniciennes. Mais, nlors que seuls les gardiens de la-Rlpubliqu1 reçoivent 11.ne éducation collective, les citoyens des Lol• y ont tous droit. (7J PoL, VIII, 7, 20 (1310 a 12-19).
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Qu'est.-ce donc que la polileia? A vrai dire, une notion corn· plexe et. ambiguê qui n'a pas d'équivalent. exact. en français et. que traduisent. bien imparfaitement. les termes « constitulion », c institutions 1 ou 1 gouvernement. •· Les Grecs n'avaient. pas l'esprit. juridique, et. les définitions qu'ils ont. données de la polileia, l'emploi qu'ils en ont. fait. ne peuvent. qu'accroilrc l'embarras du traducteur. D'une analyse des textes, trois interprétations ditTérent.es peuvent. se dégager. Le terme polileia est. souvent employé au ive siècle avec un sens voisin de celui que les juristes romains donneront. au latin civilaa : la polileia c'est le droit. de cité, et. en régime démocratique, le droit. de participer à la vie politique. Nous avons déjà relevé les expressions, courantes dans la littérature politique du ive siècle c donner la polilela 1 (rlJv 1tOÀt-rdœv tt:xpœSoüvcxt), c participer à la polileia • (Tijt; ttoÀtnC~ IUTtxt:tv), dont le sens n'est pas douteux (1). Mais parliciper à la polileia signifiant.. aussi participer à la vie politique telle qu'elle est. organisée dans la Cité dont. on est. membre, le terme polileia devient. le synonyme de c constitulion •:c'est. alors l'ordre établi entre les ditTérent.s pou· voirs. Ilol.1.Tda. µ.lv yclp fcrTt. -rcl~~ç 'T:ot!; 1t61.tcrt. iJ mpl -rŒç Œpxclç écrit. Aristote dans la Politique (2). Parmi ces arkhai entre les· quelles la polileia établit. un certain ordre figurent. aussi bien -r~ ~ouÀEU6p.cvoy 7tEp( -r&lv xotv&lv ou -r~ Sud.~ov que les magistratures proprement. dites, c'est-à-dire que la polileia détermine à la fois le pouvoir judiciaire, le pouvoir délibérant.. el ce que nous appelons aujourd'hui le pouvoir exécutif (3), en même temps qu'elle définit. exactement. en qui réside la souveraineté dans la Cité : c La poliltia d'une Cité, écrit encore Aristote, est. l'organisation de toutes les arkhai, principalement. de l'arkh~ souve· raine (4). •
cr.
1upra, pp. 141 el. ss. (2) Pol., VI, 1, 5 (1289 a 15): cf. aunt Ill, 1, 1 (1274 6 39): ~ 8l no).lTM
(l)
~ 'lt'6>.iv obcomv lcnl û~te -rte. Cette dêfiniUon dt.frère de la pré· cédente en ce que la polilela concerne tous ceux qui habitent la CUJ, c'est-à-dire aussi les non-citoyens dont elle règle le sort. Elle se confond alors avec l'ensemble des nomol (cf. EnRBNBERO, Der htlltni1che Slaal, p. 29-38; cf. également Too, Il, n• 123, l. 21 (décret d'Arlstotelb); n• 144, l. 30-31 (alllance entre Athènes, l'Arcadie, l'Achate, FJls et Pbllonte); n• 177, J. 14 (pacte de la ligue de Corinthe) oil le sens de polilela - consUtuUon n'est pas douteux). (3) ARISTOTE, Pol., VI, 11, 1 (1297 b 37-1298 a 7): ~ ~oU>.cuôl'ftOY mpl
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mpl ~ clpx~ - - -rpCTOV 31 8nccltov. (4) Io., Ibid., Ill, 4, 1 (1278 b 8-10) fcrn 31 m).r:rcl« 'Jt6)&~ ~'; 'f:Wv -es m.w, 6.px&v XCll ~ 'fij~ xup[«c dvna>v.
'rWv xoLm, 3côupov 31
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Enfin, quand les théoriciens politiques du ive siècle emploient. le terme polileia, ils le chargent souvent d'un sens plus riche, plus nuancé aussi, qui ne se limite pas à une quelconque définition juridique, mais embrasse l'ensemble des problèmes éthiques et philosophiques qui se posent à l'homme. Dans le Menezème, Platon définit la polileia comme la nourriture (-rpo
1
(4)
Dans leur quête de la meilleure polileia, les penseurs politiques du ive siècle ont donc été amenés à analyser les polileiai existantes, à les classer, à les juger. Cette analyse est du plus grand intérêt pour l'historien. Elle lui permet de pénétrer plus avant dans les rouages complexes de la Cité antique, elle lui permet aussi de déceler des courants d'idée. qui n'ont pas peu contribué à donner naissance â Ja pensée hellénistique. Les écrivains politiques du 1v" siècle avaient hérité du v• siècle une classification des polileiai qu'ils n'ont fait. le plus souvent que reprendre en la modifiant légèrement. Trois types fondamen· taux existaient qu'on peut ainsi définir : le gouvernement. du Démos ou démocratie, le gouvernement du petit. nombre ou oligarchie, le gouvernement d'un seul, ou monarchie. Au 1v• siècle, (1) Menu., 238 c.. (2) Rlp., 427 d et es. (3) ISOCRATE, Arlop., 14; ARISTOTE, Pol.,
vr, 9, 3 (129S a 40-41); lbld., J, 5 (1289 a 17). (4) D va de sol que nous donnons Ici à politela le sens de • constituUon •.
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on nuance davantage. Si la souveraineté populaire est toujours le rondement. de la démocratie, le choix du critêre pour déterminer le 1 petit. nombre • conduit. à de subtiles distinctions entre aristocratie, ploutocratie, oligarchie, ces deux dernières étant. sou\•ent. confondues. C'est. là le résultat d'une évolution que nous avons déjà. soulignée, qui tend de plus en plus, dans la réalité, à confondre les meilleurs avec les plus riches. Les oligarques du ve siècle méprisaient. les marchands enrichis par le commerce, et. les philosophes du ive siècle, du moins Aristote et. surtout. Platon, restent. fidèles à ce mépris. 'Mais Jes oligarques du ive siècle · sont. de plus en plus Jes riches possédants qui s'éloignent. de la démocratie qui les accable de charges et. de procès. Et. Aristote peut. avec raison, à la fin du siècle, définir l'oligarchie comme le «gouvernement. des riches (1) ». Par aiJleurs, Ja naissance n'est plus que rarement. un critère valable du gouvernement. aristocratique : au siècle de la Paideia, dans les constructions idéales des philosophes, c'est. leur• vertu •seule qui assure la souveraineté aux arisloi. Quant. à la monarchie, c'est. pour un Grec du ive siècle, soit Ja tyrannie toujours abhorrée, soit le gouvernement. d'un homme supérieur et juste, formé par l'élude et. la philosophie, et. qui tient son autorité du libre· consentement de ses sujets. Mais d'autres critères interviennent. également, qui distinguent. les bonnes constitutions des mauvaises : le respect. dû aux lois, la nature du régime de la propriété, l'attribut.ion des différentes arkhai. Les trois types fondamentaux deviennent. quatre, six, même sept, tandis qu'en flligranne, se dessine Ja Cité idéale (2). (1) Pol., VI, 6, 4 (1294 a 10-11); cr. aussi l!thlque, VIII, 10, 1·3. (2) PLATON, dans la Rtpubll que, dénombre cinq types de polilela : l'aristocraUe, la Umocratle, l'ollgarchfe, Io. démocratie et. la tyrannie (R,p., 544 e). Dons la Politique, 11 revient aux trois types fondamentaux, monarchie, gouvernement du petit nombre et démocraUe, les deux premiers types, il est vrai, présentant chacun deux formes, car la monarchie peut être royauté ou tyrannie, le gouvemement. du peUt. nombre, arJstocraUe ou oligarchie (Polit., 291 d-e). Dans lei Lol1, enfin, PLATON revient aux cinq types de poliltla, mals la UmocraUe a dllparu tandis que monarchie et. tyrannie sont. devenues deux types disUncts (712 e). Isocrate reste dans la trad1Uon en dénombrant 1eulement trois types de polilela (Panalh., 132); mals XtNOPHON (Mtm., IV, 6, 12) en compte clnq : la monarchJe, la tyrannie, l'aristocratie, la ploutocratie et la démocratie. Quant à ARISTOTE, si dans rl!thlque il dlsUngue trois types de polilela, la royauté, l'aristocratie et la UmocraUe, dont tyrannie, oligarchie et démocratie sont les aspects dégénérés, il écrit dans la Rhtlorlgu1 : • Il y a quatre polilelal : la démocratie, l'ollgarchJe, l'arlatocratie, la monarchJe •, et précise : • •• Ja monarchJe est, comme l'indique son nom, celle ota un seul homme est mattre souverain de toutes choses; elle a deux formes : celle qui est soumise à un certain ordre est la royauté, celle dont le pouvoir ne connatt point ,de llmltes est la tyrannie • (Rhtt., I, 8, 1365 b 21, 35 et as.).
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LA CRISE POLITIQUE
Nous sommes ici au cœur même de notre analyse de la pensée politique grecque du ive siècle. Plusieurs méthodes s'offraient. à nous. Prendre séparément, chaque auteur, comme on l'a déjà fait souvent.? Suivre chronologiquement. l'évolution de cette pensée politique, en fonction des événements historiques qui se développent à l'arrière-plan? C'eût été peut-être l'idéal, et nous tenterons de le faire pour expliquer l'évolution de Ja pensée d'lsocratc en face des problèmes de politique extérieure. Mais ce qui sera possible pour Isocrate, Pest moins pour Platon ou Aristote, voire Xénophon, raisonnant sur les prob~èmes de politique intérieure (1). C'est pourquoi nous avons préféré une analyso des différentes polileiai. Elle nous permet, en efTet, en partant de la démocratie que les écrivains grecs du 1v• siècle avaient sous Jes yeux, d'aboutir à la monarchie qui sera la forme de gouver· nement caractéristique de l'époque hellénistique.
1. LA
D4MOCRATIE.
n· est courant de faire des penseurs politiques du ive siècle des adversaires de la démocratie. De fait, ils n'ont pas ménagé leur critique à l'égard d'un régime dont, le principe même, la souveraineté du Démos ignorant, ne pouvait les satisfaire. Leur origine sociale les incitait par ailleurs à rejeter un régime fondé sur l'égalité de tous, des bons et des méchants, des riches et des pauvres, des philosophes et. des banausoi (2). Enfin la liberté même, dont. Aristote dit qu'elle est la fin de la démocratie (3), leur paraissait. nuisible quand elle devenait licence (4). (l) n faut mettre à parties llewnu1 de Xf.NOPUON, œuvre de circonstances dont on a pu penser qu'elle était desUnée à renforcer la propagande d'Eu· boulos (et. •upra, pp. 94, 208-209, 293). (2) PLATON (lllp., 558 e) dJt de Ja dêmocraUe: • ... C'est un gouvernement agréable, anarchique et bigarré, qui dlapense une sorte d'égalité aussi bien à ce qui est Inégal qu'à ce qui eat. égal•; cf. AarsTOTB, Pol., VII, 1, 6 (1317 6 2): il définit l'égalité sur quol repose la dêmoeraUe comme • •••l'égalité en nombre, et non celle qui se tonde sur le mérite •· (3} Pol., VII, 1, 6 (1317 6). (4) cr. PLA.TON, lllp., 557 • : • Dans cette cité •••on n'est pas contraint de commander ai l'on en est capable, Dl d'obéir al l'on ne veut pas, non plus que de faire la guerre quand Jes autres la font, nl de rester en paix quand les autrea y restent ai l'on ne désire point la paix.• Un demi-siècle plut tard, Aristote lui fait écho dana la PolUiqu1 : • Un autre caractère de la d6mocraUe, c'est de vivre comme on veut, car c'est, dJt-on, le résultat de la liberté, a'il est vrai que la marque disUncUve de l'esclave aolt. de ne pas vivre comme bon lui eemble • VII, J, 7 (1317 b 11-13); et. ausal Pol., VII, 7,22 (1310 a
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363
Mais plus encore que les principes. c'était. la réalité même de la démocratie athénienne qui détournait, d'elle les penseurs politiques. En effet, le Démos, au ive siècle, se confondait. de plus -en plus avec la masse des hommes libres pauvres (1). Do ce ~aractère •de classe • de la démocratie découlaient. l'injustice et. l'anarchie, tandis que les lois des ancêtres étaient foulées aux pieds (2). Les magistratures étaient devenues une source de pro.. fils (3). Enfin la misthophorie aggravait. encore les choses 1 habituant. les citoyens à l'oisiveté et. grevant. le trésor public (4). Le régime était. donc condamné. Mais de cette condamnation tous ne tiraient. pas les mêmes conclusions. Pour Platon, elle était. irrémédiable : jamais les avis de la multitude ignorante ne pourraient. déterminer le juste et. l'injuste (5). Ce n'était. pas là seulement. l'opinion d'un aristocrate aigri, d'un fidèle disciple hostile à ceux qui avaient. fait mourir son maitre. Le rejet de la démocratie par Platon s'intégrait dans l'ensemble de sa philosophie, particulièrement dans sa théorie de la connaissance et. sa conception aristocratique de la science réservée à un pelit nombre d'élus. Par là même, il n'admettait. aucune concession : il n'était pas, il ne pouvait êlre de bonne démocratie, parce que 28-36). De la dêmocraUe des ancêlres dont Il 1ouhalle le rêlabllS10ment, Isocrate dit qu'elle n'était pas • ... celle qui se gouverne au hasard, qui regarde la licence comme la liberté et le droit accordé à chacun de falre ce qu'll yeut comme le bonheur suprême (Panalhin., &l). (1) PU.TON, Rip., 557 a : c •••la démocratie apparait. lorsque lea pauvres, ayant remport.6 la viclolre sur les riches, massacrent Jes uns, bannfuent les autres, et partagent également avec ceux qui restent le gouvernement et lea charges publlquea •;ARISTOTE, Pol., VI, 3, 8 (1290 b 17-18): c ••• La dêmocraUe n'existe que dans Je cas ota les citoyens libres et pauvre&, formant Je plus grand nombre, sont matlrea du gouvernement. • (2) Pol., VII, l, 8 (1317 b 8-11); VI, 4, 2 (1291 b 3o-38); VIII, 4, 6 (1305 a 29-34) : 1 ... Lorsque c'est le peuple qui nomme aux places, ceux qui ambiUonnent les honneurs, afin d'acquérir du crédit auprès de la mulUtude, amènent les choses au point de la rendre mattresse même des loi• •; cr. Pu· TON, Rip., 563 d: • (les citoyens) ... en viennent à la fln à ne plus s'inquiéter des Iola écrites ou non écrites, afin de n'avoir absolument aucun mattre •· (3) lsoCRATB, .Arlop., 24; Panafh., 58; ARISTOTE, Pol., VIII, 7, 9 (1308 b 33-38). (4) Pol., VII, 1, 9 (1318 a}. (6) Rtp., 492 lH:: • •• lorsqu'ils siègent ensemble, en foule pressée, dana lea assemblées pollUques, dans les tribunaux, dans les thêltres, dans los campa et dans quelque autre réunion publique. et qu'ils bllment ou applaudissent à grandi cria certaines paroles ou certaines acUons, également outrêl dans leurs huées et dana leurs applaudissements, et que les rochera et les lleux ofl. Ils sont font écho à leurs cris et doublent le tracas du bl4me et de la louange.-•. La conclusion de Platon est qu'il est impossible que • ...le peuple aolL philo· 1ophe • (494 a).
364
LA CRISE POLITIQUE
Je Démos ignorant ne pouvait juger du bien et. du ma], du beau et du laid, du juste et de l'injuste, qu'il s'agit de politique ou de théâtre, de morale ou d'esthétique. Et même lorsque Platon affirmait que la démocratie était un régime agréable (1), même lorsqu'il écrivait que, dans le dérèglement général, • ...c'est. en
'"xi tilv
(3) Celte condamna lion du principe même de la démocraUe, reposant sur l'lncapaclt6 du Dêmos à bien juger, se trouve déjà exprimée au v• siècle dans HtnonOTE, III, 81 : •La foule n'a point de sens pratique, rien de plus inintelligent, de plus excessif••• Je tyran au moins sait ce qu'il fait, le peuple ne le sait pas. Et comment le saurait-Il, lui qui n'a ni lnstrucUon, ni discernement naturel du Beau et du Bien? Il se précipite dans les entreprises et les pousse sans réflexion, comme un torrent d'hiver•; et. aussi EURIPIDE, Supplianfu, 412 et ss.: • Comment le peuple, Incapable d'un raisonnement droit, pourrait-il conduire la Clt6 dans le droit. chemin? •C'était donc là une opl· nlon assez communément répandue, dont les sophistes s'étaient faits sans aucun doute les porte-parole, mafs que Platon jusUflait, par l'ensemble de sa théorie de la connaissance. Il est d'autant plus remarquable que Platon, dons sa jeunesse, eL peuf..êlre encore sous l'Jnfiuence de Socrate, ait dans le Crilon talL une véritable apologie de la dêmocraUe athénienne. (4) Mlm., l, 2, 45; III, 5, 15. (5) Cf. Mlm., 1, 2, 42, où Il prête à Périclès ces paroles: •On appelle loi tout ce que le peuple assemblé approuve et décrète pour Indiquer ce qu'il faut faire eL ce qu'il ne faut pas taire. • (6) Cl. S1NcLA1R, op. cit•• p. 135 : • He haa ldeu about pollUcs rather than poliUcal Jdeas. •
LES T11aoRICIENS ET LA CRISE POLITIQUE
365
geois » athénien n'a comme véritable grief contre le régime de sa Cité que les maux qu'il fait. subir aux possédants (1). Il est. tout prêt à se rallier à un régime de démocratie modérée, où règnerait la véritable égalité, celle qui ·c •••honore et. châtie cha· cun selon son mérite (2) 1, où les magistratures ne seraient plus des occasions de s'enrichir, ce qui implique qu'elles seraient. réservées aux riches (3), où les lois enfin seraient respectées (4). Ce n'est donc pas le principe même de la démocratie que condamne Isocrate. Assurément, il est comme Platon convaincu de l'ignPrance de la multitude, et comme à Platon, l'éducation des diri· geants lui paratt. être la solution fondamentale du problème politique, mais il ne repousse pas la souveraineté populaire, à condition toutefois qu'elle soit. contenue dans certaines limites, et qu'en particulier les différentes arkhai soient réservées à un petit nombre de privilégiés. C'est aussi, semble-t-il, la conclusion à laquelle aboutit Aristote, au terme de son étude des difTérentes polileiai. Mais sa posi· tion est infiniment. plus intéressante, parce que fondée sur une analyse précise et documentée qui examine le problème sous tous ses aspects multiples et variés. Il part du principe lui-même : • Faut-il, écrit-il dans la Politique, remettre la souveraineté à la multitude plutôt qu'aux hommes les plus éminents, toujours en petit nombre? Cette solution du problème présente quelque embarras, mais peut-être aussi renferme-t.-elle la vérité. Car il est possible que ceux qui composent. la multitude; bien que chacun d'eux ne soit pas un homme supérieur, l'eDJportent. lorsqu'ils sont réunis sur les hommes éminents, non pas individuellement., mais pris dans leur ensemble (5 ). • Pour Aristote, la supériorité quantitative de la masse sur l'individu, si éminent. (1) Âriop., 32. (2) hiop., 22: '"1v 81 xœTik ~" ~lœv lxœcn'OY nµ&csœv xcù xoMCouoœv. (3) Cf. Panalh., 68, ofl. 11 dit. de la palrlo1 polilda : • ••• parmi les citoyens personne n'était. comme aujourd'hui occupll de parvenir aux magistratures: on les fuyaU plus qu'on ne les recherche aujourd'hui, et tous étalent convaln• eus qu'il n'existerait jamais de démocraUe plus :vraie, plus assurée, plus favorable aux Intérêts du peuple que celle qui, tn ranranchl11anr de partillu /oncllom, le rendait. maitre de désigner ceux qui devaient les remplir et de punir CellX qui manquaient à leur devoir, privilège réservé aux souverains les plus heure11X •· (4) Panalh., 51. (5) Pol., III, 6, 4 (1281 a 40-1281 b) : 3n 31 3ci xÜp\ov· ctvtU ~., Tla
"'°ùç tlp[CJTOU<; l1lv ~>Jyo~ 3~. 86~UC'I ch >.ûca6œc. xœt nv•
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LA CRISE POLITIQUE soit-il, finit. par devenir qualitative. Cette supériorité n'est. pas seulement. de jugement, elle est. même morale, car la foule est plus difficile à corrompre que le petit. nombre (1 ). Aristote, sans pour autant. admettre le principe d'égalité absolue (2), se rallie donc à celui de la souveraineté du peuple. Mais pour la restreindre· aussitôt. : s'il est. prêt. en effet. à donner au peuple une part dans. les délibérations publiques, il lui refuse le droit. de remplir les. magistrnlures les plus importantes, financières et. militaires (3). Aristote rejoint. donc la position d'Isocrat.e : l'ensemble des citoyens doit. pouvoir siéger à l'Assemblée et. dans les tribunaux, mais seul Io mérite (ou la fortune) détermine l'accès aux. magistrat.ures (4). D'autres justifications, de principe ou de lait, viennent. consolider la position d'Aristote : d'abord, la démocratie lui parait.. être le régime fatalement. nécessaire lorsque les cités s'agrandissent., l'exemple d'Athènes en est la preuve (5). La démocratie a aussi pour elle l'avantage de la stabilité, et. l'on sait combien. les philosophes du ive siècle sont hostiles au changement sous. toutes ses formes (6). Cet.te stabilité est liée au fait. que partout. Je Démos forme la majorité. Or, le peuple ne s'insurge jamais. contre lui-même (7). Enfin et surtout, c'est. de tous les régimes. existant réellement. celui qui se rapproche le plus de la polileia idéale, laquelle n'est. au fond qu'une forme de démocratie modérée (8). Une fois admis Je principe de la démocratie, il n'est. pas interdit. d'envisager par quels moyens on pourrait. l'améliorer et la st.abiliscr. Ainsi fait. Aristote, qui, après avoir tenté d'élaborer une polileia idéale, s'occupe ensuite des polileiai existantes et particulièrement des possibilités de vie d'une démocratie modérée. Partant. d'une étude approfondie des institutions, il examine les améliorations susceptibles, selon lui, de remédier aux maux qu'il a lui-même dénoncés. Ses projets de réforme peuvent se résumer ainsi : respect de la 'loi, fragmentation du pouvoir déli(1) Ibid., Ill, 10, 6 (1286 a 31·33). (2) 16ld., VII, l, 6 (1317 b 2). (3) Ibid., Ill, 6, 6 (1281 b 31). (4) Ibld., VIII, 4, 6 (1305 a 29-32). (5) I6ld., lII, 10, 8 (1286 b 20-22). (6) Tout J'enort de PLATON dans la Rlpubliqut tend à créer une cité stable. Dana lu L.oia, J'Jostitutlon des nomophylaques et du Conseil nocturne répond eu mlme but. Quant. à 1'.riatote, il consacre Je livre VIII de la Politique aux moyens propres à mettre fin aux révolutions. (7) Pol., VIII, 1, 9 (1302 a 8·13). (8) Jbld.1 VI, 7·9 (1293 6-1294 b); IV, 7·10 (1328 a-1330 a).
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bérant, limitation de l'autorité des magistrats, équilibre entre les pauvres et les riches et prédominance accordée à la classe moyenne. Le respect dl1 aux lois est pour Aristote la condition première du maintien de la démocratie et de sa justification : • Ne point déroger à la loi et éviter même d'y porter une légère att.einle •, telle doit être la maxime fondamentale de l'homme politique (1). Mais pour que cela ait un sens, il importe que les décisions les plus graves ne soient pas prises par une assemblée turbulente : seuls quelques citoyens parliculièremenl éminents doivent décider de la paix et de la guerre et des afTaires les plus importantes (2). Cela revient à fragmenter le pouvoir délibérant mais n'implique pas une autorité accrue des magislrals. A ceux-ci, Aristote recommande la modération : ils doivent. avoir grand soin de se montrer justes envers ceux qui dépendent d'eux, leur laissant une part plus ou moins grande des honneurs et des profils, en faisant preuve à leur égard de celle afTabilit.é qu'apprécie le peuple (3). Cette modération recommandée aux magistrats est complétée par deux mesures qui limitent leuiaut.orilé. Il faut. • ••. n'établir que des magistrat.ures peu consi.. dérables lorsqu'elles doivent. durer longtemps, ou de peu de durée quand elles sont considérables (4) •; et d'autre part. éviter qu'une charge officielle puisse devenir une source de profils. Si l'on ne peut en cfTet. !aire fortune en remplissant une magistrature, les pauvres s'en détourneront. pour se livrer à des occupa.. lions plus utiles. Quant. aux riches, ils les rempliront avec d'autant plus de probité qu'ils n'ont nul besoin de s'enrichir davantage (5). Ainsi se trouvera réglé sur le plan politique le grave problème de l'antagonisme entre riches et pauvres. Arislole suggère d'ail.. leurs d'autres moyens complémentaires d'y remédier. On sourit. lorsqu'il conseille aux démagogues de ne pas dresser le peuple contre les riches, mais au contraire de parler en leur faveur. On rejoint la pensée profonde du philosophe quand il prétend rétablir l'éga!ité absolue entre pauvres et. riches en ne rétribuant qu'autant. de pauvres qu'il y a de riches, ou encore en n'accordant l'accès à l'Assemblée délibérante, qu'à un nombre limité de pauvres, désignés par tirage au sort. (6). ( l) (2) (3) (-1)
Ibid., VI, l, a (1289 a 14) : "'ro~ v6µouç 8ci "tt0ca0~ xŒl.Tt0cvnxL Ttâ.~. Pol., VI, li, 7 (1298 b 5-8). Ibid., VIII, 7, 3 (1308 a 5-13). Ibid., VIII, 7, 7 (1308 b 12-14) : µLXpŒ; xŒl Tto>.uxpov[o~ 3L86vŒL
'"~ ~ TœXÔ l'CY~·
(5) Ibid., VIII, 7, 10 (1309 a 3-7). (6) Pol., VI, li, 8 (1298 b 23-26).
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LA CRISE POLITIQUE
Aristote, à la différence de Platon, admet donc le principe sur lequel est fondé le régime démocratique, le principe de la souveraineté populaire. Son acceptation de la démocratie n'est pas seu· Jement résignation et soumission à la réalité; c'est aussi l'abou· tissement d'une analyse approfondie des institutions. Certes la démocratie n'est. pas le régime idéal. Mais à condition d'y inlro. duire quelques éléments c aristocratiques >,ce peut être un régime tout à fait valable, dont le philosophe doit s'accommoder. La condamnation de la démocratie par les théoriciens est. donc infiniment plus nuancée qu'il paraît d'abord. Est-ce là de leur part simple conformisme, dicté par une prudence élémentaire? Nous savons les précautions prises par tous ceux qui émettaient. quelques critiques (1). Le Démos demeurait. redoutable, le régime était encore solide. Et cela explique une certaine modération dans l'attaque, et qu'à Athènes, au ive siècle, le c parti » oligarchique ait renoncé à toute activité réelle. Mais il est permis de se demander si la faiblesse du parti oligarchique ne tenait pas aussi à la faiblesse de ses théoriciens. L'hostilité nuancée de ceux-ci à Ja démocratie n'impliquait pas pour autant. en effet. leur raUiement. à l'oligarchie.
2.
L'OLIGARCHIE•
.Nous avons indiqué déjà l'évolution que subit, au cours du siècle, le t.erme oligarchie. Dans Je dernier tiers du ve siècle, on avait. coutume de distinguer, parmi les oligarques, deux tendances: la tendance modérée et la tendance extrémiste. Les oligarques modérés n'avaient. pas, à l'ég~rd du régime démocratique, une hostilité de principe. Simplement, ils songeaient. à exclure de la communauté politique certaines catégories sociales, tous ceux qui formaient la classe des thètes, et, selon l'expression prêtée par Xénophon à Théramène étaient. « prêts à vendre la Cité pour une drachme (2) 1. Pour ces oligarques modérés, le régime idéal était une démocratie, dans laquelle Je droit de siéger à l'Assemblée serait réservé à ceux« ••.qui sont à même de ~ervir comme cavaliers et. comme hoplites (3) ». Socialement,
cr. •upra, p. t97. (2) Htll., Il, 3, 48 : - - ot dnop[ixv 8pqµll; av dm>36(1EVOI. 7t~.LV. (3) Ibid., : • - '\'O~ 8UV«~~ xœ:l p.r;6' tmrC.>v nl ~ i
a.•
'"4"
LES TJI20RICIENS ET LA CRISE POLITIQUE
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cela représentait rensemble des classes moyennes, et. essentiellement la paysannerie aisée, dont on vantait les vertus morales et guerrières. Mais chaque fois qu'ils avaient songé à agir, ces oligarques modérés avaient. été débordés par les extrémistes et leur action avait échoué. Au ive siècle, on retrouve l'écho de ce courant modéré chez tous les théoriciens politiques. Xénophon ne cesse de vanter les mérites de la paysannerie, d'insister sur la valeur morale et militaire de l'homme habitué à travailler aux champs, sur la valeur éducative de l'agriculture (1). Isocrate, lorsqu'il regrette la palrios polileia, évoque un temps où les citoyens vivaient tous des revenus du sol et servaient eux-mêmes comme hoplites (2). Platon, au terme de sa vie, se rallie égale· ment à la c République des paysans (3) 1 : la cité des Lois est un mélange d'oligarchie, par le Conseil Nocturne, les nomophylaques, et surtout. la répartition des citoyens en quatre classes censitaires, et de démocratie. Tous les citoyens, dont le nombre est fixé à 5.040, reçoivent un cléros, c'est-à-dire que tous sont des paysans aisés. Les artisans, les commerçants n'ont. pas droit de cité, et toute activité autre que rurale est. interdite aux citoyens (4). On ne peut évidemment manquer de rapprocher le chiffre de 5.040 obtenu par calcul arithmétique des chiffres 5.000 et 3.000, auxquels les oligarques modérés du ve siècle entendaient limiter le nombre des citoyens de plein droit. Certes, il serait absurde de ramener la pensée politique de Platon à une illustration du «programme • théraménien. Il n'en reste pas moins vrai qu'on retrouve, dans les Lois, des éléments de ce programme. Mais encore plus évidente est la sympathie d'Aristote pour l'oligarchie modérée. Dans l'Alhenaion Polileia, il ne tarit pas d'éloges sur le régime de 411 et sur Théramène : le gouvernement des hoplites lui parait être le plus favorable qui soit pour Athènes (5). On retrouve celle même altitude dans la Politique. Certes, il souhaiterait que, dans la Cité parfaite, les citoyens fussent libé· rés de tout souci matériel, y compris du travail de la terre, aban(1) Xbr., aconom., IV, 15; V, 1; XV, 12; XVIII, 10, etc. (2) Artop., 26: sur l'élabora lion de la palrlo1 polilda, cr. E. RuscRENBUSH
IlATPIOI: IlOAITEIA, Theseus, Drakon, Solon und Klelslhenes ln Publl· zfsllk und Gcschlscbtesschrelbung des 5. und 4. Jahrhunderls v. cbr. (Hl•·
lorla, VII, 1958, pp. 398-424.)
(3) Nous reprenons Ici l'expression de M. R. GoossENs, • La Rêpubllque des paysans •, Revus lnlunalionale dei Droil• de r AnliquiU, IV, 1950 (Mtlangu F. de Vl11cher, t. Ill), pp. 551·577. (4) Loil, 744 d et ss. (5) Alh. Polit., 33, 2. C. MOiii
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donné au'\ esclaves et. aux périèques ( 1). Mais dans la Cité• réa li· sable•, c'est aux classes moyennes que doit être confié le pouvoir politique (2), ce qui a pour eJTet d'établir un équilibre durable pour la polileia (3). Ailleurs, Aristote remarque que lorsque la classe des agriculteurs détient le pouvoir politique, les lois sont respectées; en effet, retenus par leur travail, les paysans n'ont pas le loisir de se réunir souvent en assemblée générale, ils fuient. !'Agora et répugnent à faire des décrets à tort et à travers (4). Pour Aristote, l'assimilation entre le gouvernement des classes moyennes et la c République des paysans • est donc totale, et c'est finalement celte forme de polileia qu'il juge la meilleure. Mais Aristote n'ignorait pas que son établissement supposait une nouvelle répartition de la propriété, c'est-à-dire une révolution qu'il ne souhaitait pas. La situation n'était plus dans le dernier tiers du ive siècle ce qu'elle était un siècle auparavant. La paysannerie de l'Attique avait été décimée par la guerre et. les troubles qui avaient suivi. Le problème agraire se posait aussi dans les autres parties du monde grec, même là où, jusqu'au début du siècle, la terre n'était pas encore aliénable. Les théoriciens demeuraient fidèles à la c République des paysans 1 1 mais ils ne trouvaient plus, comme à la fin du ve siècle, un parti et des hommes politiques prêts à la faire triompher. Les • modérés •, amis d'Euboulos, avaient surtout des préoccupations d'ordre extérieur, dictées par le souci de diminuer les charges pesant sur les riches, et de rétablir l'ordre dans les finances (5). Entre eux et. les théoriciens, les rapports demeuraient vagues; ceux-ci n'étaient pas les porte-parole de ceux-là. Et tous d'ailleurs acceptaient bon gré mal gré la démocratie. L'autre tendance oligarchique, la tendance extrémiste, avait été représentée à la fin du ve siècle par Critias et son groupe de jeunes aristocrates. Elle était liée au mouvement sophiste. Elle s'exprimait par la célèbre opposition entre la loi des hommes et la loi naturelle, c'est-à-dire la loi du plus fort. On en trouve l'écho dans les fragments qui subsistent de l'œuvre de Critias et de celle d'Antiphon (6), et. surtout dans les interventions fougueuses (1) Pol., IV, 8, 2 (1329 a 2); ibid., 5 (1329 a 24-26). (2) Jbld., VI, 9, 7 [1295 b 30-32).
(3) Ibid., VI, 9, 9 (1296 b 38-1297 a). (4) Ibid., VI, 5, 3 (1292 b 25-29); cf. également VII, 2, 1 (1318 b 9-16); blet., 7 (1319 a 19-30). (5} Cf. lupra, pp. 292 el SS. (6) CRITIAS, frag. 22-25; sur AnUphon, cf. aupra, pp. 350·351.
LES TlltORICIENS ET LA CRISE POLITIQUE
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de Calliclès dans le Gorgias et de Thrasymaque dans la République (1 ). Il n'était. plus ici question de principes : la force justifiait tout, l'injustice, le crime, le mépris des lois. Seule elle devait. déterminer l'accès aux responsabilités politiques. Elle n'était pas incompatible avec l'intelligence el le courage, rarement. avec la vertu morale; mais ces qualités n'étaient nullement. indispensables à Phomme fort.. Ces oligarques extrêmes par deux lois réussirent à s'emparer du pouvoir à Athènes, dans des circonstances il est vrai exceptionnelles, et. sans réussir à se maintenir. Chaque rois ils agirent par surprise, et chaque fois ils réservèrent le pouvoir politique à un «petit. nombre 1 d'hommes fort restreint. l\lais après l'échec des Trente, il ne semble pas que les oligarques extrêmes aient de nouveau tenté quelque action politique. Bien plus, leur alliance ~vec Sparte les avait. déconsidérés. Ils devaient. sans doute rechercher le silence et l'oubli. Certes, on peut se demander si Platon n'entendait. pas, en mettant en scène Calliclès et Thrasymaque, raire allusion à des contem· porains qui eussent. encore déCendu les mêmes positions. En tout cas, ils demeuraient. isolés, sans influence sur le plan politique. Et les grands théoriciens du ive siècle n'avaient pour eux que méfiance et. hostilité, se retrouvant., sur ce point, aux côtés des plus ardents défenseurs de la démocratie (2). Mais ils n'approuvaient. pas davantage le sens nouveau qu'avait. pris le terme oligarchie, dès le début du ive siècle, se confondant de plus en plus avec ce que Xénophon, dans les Alémorablu, appelle la ploutocratie. Il importe ici de bien préciser le sens des mots et leur valeur: ce n'est vraiment qu'à la fin du siècle qu'oJigarchic prend le sens absolu de gouvernement. des riches, dans l'œuvre d'Aristote (3). Cela résulte des transCo1·mations sociales qui ont. approCondi le fossé existant entre riches el pauvres, diminuant le nombre des uns et multipliant. les autres. Au début du siècle cependant. la notion ne s'est pas encore précisée, la conru(1)
PLATON,
Gorg., 482 e-488 b; Rtp., 338 c-344 c.
(2) Dans Je Gorgia1 comme dans la RtpubUque, Socrate porte-parole de la pensée platonicienne réfute les thèses de Calllclès et de Thrasymaque. Xénophon ne cache pas sa sympathie pour Théramène (lltll., II, 3, 14 et as.). Dans lt• 1\1tmorablu, l'atUtude de CrlUas est. sévèrement condamnée (1, 2, 12). Enfin, dans l'Athtnaion Poliltia, Aristote manifeste sa désapprobaUon à l'égard de Crilias et de ses amis (cl. également lsocRATE, Arlop., 70). (3) ArJstote pousse son raisonnement Jusqu'à l'absurde, se demandant a'il y aurait olignrchie dans le cas où les riches, maitres du pouvoir, seraient plus nombreux que les pauvres, mais pour reconnaitre aussllOt que cela ne se produit Jamais, que toujours les pauvres consUtuent la majoritJ.
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LA CRISE POLITIQUE
sion subsiste. Dans les ltlémorables, Xénophon distingue l'arislocralic, qui pour lui est le régime de Sparte, de la ploutocratie, où le pouvoir appartient aux riches (1). Mais dans la République, Platon définit l'oligarchie comme c •• .le gouvernement qui csL Condé sur le cens, où les riches commandent et où les pauvres ne participent point au pouvoir (2) »,tandis qu'il appelle limocralie le régime spartiate (3). Ces distinctions, si elles permettent à Platon ou à Xénophon de condamner la ploutocratie, tout en restant fidèles à leur admiration pour Sparte, ne correspondent plus à la réalité. Eri fait, Sparte est pour l'Athénien le symbole même de la Cité oligarchique. Cela lient au !ait qu'au v 0 siècle, c'est vers elle que se sont par deux !ois tournés les oligarques athéniens. Mais Sparte a aussi cessé d'être une timocralie. La richesse y est devenue le critère d'accès au pouvoir. Et partout, dans la réalité quotidienne, l'oligarchie se confond de plus en plus avec le gouvernement. des riches (4). A Athènes même, les conséquences de celle évolution se font sentir : nous avons vu que c'est parmi les possédants que, de plus en plus, se rencontrent les adversaires de la démocratie (5). Quand le régime s'clTondre en 322, c'est la fortune qui devient désormais le critère d'accès à la pleine citoyenneté. Or de celle oligarchie. fondée sur le cens, les théoriciens ne veulent pas. Certes tous n'ont pas à l'égard du gouvernement. des riches la même hostilité. Xénophon ne méprise nullement. la richesse; bien au contraire, il est toujours soucieux des moyens de l'accroitre décemment. (6). Isocrate détend également les intérêts des possédants contre une démocratie de plus en plus hos· lile à ceux qui détiennent. la fortune (7). En revanche, la condam· (1) Mém., IV, 6, 12.
(2) Rtp., 550 d : T~" cln~ -nµ.1)µ.«T(I)" - - no>.Ln[ccv, lv i) ol !px_oucn..,, 1tivlin 31 oô jduan" à?xijç. (3) Ibid., 650
e.
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n>.ouato'
(4) Il Importe de bien souligner ce qu'on entend par •riches •· L'arist°"' cralie arcbatque, l'oligarchie de type spartiate réservaient également le pouvoir à une minorité de possédants. Mais ceux-cl étaient d'abord des pro· priêlnlres fonciers, tandis que la fortune mobilière, celle qul élnlt ncqulse par l'Jndustrle et Je commerce, ne donnait nucun droit politique. Telle avait été la situation A Athènes jusqu'au début du , ••• slède. AWeurs, le mépris pour ln forlnnn mollill~re nvniL subsisté (à Sparte, à Thèbes), Désormais, au conlrnlro, loulo forme de richesse est valable. Et.. cela explique qu'à Athènes les riches mnrchnnds et lnduslriels se détachent progressivement de la démocratie. (5) cr. 1upra, pp. 301 et ss. (6) cr. 1upra, pp. 48, 91. (7) Cf. 1upra, pp. 283 el ss.
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nation de Platon est. totale : en aucune manière, la richesse ne peut. être un critère valable pour accéder à la direction de la Cité. Platon interdit. aux gardiens de la Cité idéale toute activité rémunératrice et. prohibe rusage de la monnaie. Dans les Lois, il admet. une certaine inégalité des !ortunes, il établit. même un régime censitaire. Mais la fortune de chacun reste limitée et. contrôlée par la Cité (1). Platon dénonce donc l'oligarchie comme un des pires régimes qui soient. Dans la mesure où il en fait. la forme dégénérée de l'aristocratie, c'est. un régime plus mauvais encore que la démocratie, le plus injuste, le plus violent., le plus instable aussi (2). Aristote également. nie que la richesse soit. un critère valable. Dans sa Cité idéale, les riches n'ont. aucun privilège et. tout.e activité rémunératrice est. interdite aux citoyens (3). Mais, dans la mesure où l'oligarchie est. une réalité objective dont, il faut. tenir compte, Aristote se préoccupe des moyens de remédier à ses défauts, d'évilersurtou t. les révolutions qui ensanglantent. le monde grec. Pour ce faire, il envisage deux sortes de remèdes, l'un purement. moral, l'autre qui consiste en une réforme des institutions. Le remède moral ne manque pas de natveté: de même qu'il conseille aux démocrates d'avoir des égards pour les riches, de même aussi les oligarques doivent, être pleins d'attentions pour les pauvres, leur abandonner les emplois lucratifs et. s'abstenir de toute violence envers eux (4). Mais il faut. aussi modifier certaines des institutions oligarchiques, en particulier fragmenter la souverainetê. L'accès au pouvoir délibérant. reste déterminé par des conditions de cens. Mais il est. possible de modifier ce cens, de l'abaisser pour appeler un plus grand nombre de citoyens à l'assemblée délibérante. 11 est. possible aussi, dans les cités où l'exercice d'une profession manuelle est. exclusive de la participation à la souveraineté politique, de prévoir des clauses transit.aires, comme à Thèbes (5). Sans élargir le• corps délibérant.•, on peut encore appeler le peuple à certaines !onctions. C'est. ainsi que, (1) Lol1, 744 e. (2) Rlp., S50 e : c N'y a-t-ll pas en ettet entre la richesse et la vertu cette
dlJrérence que, placées l'une et. l'autre sur les plateaux d'une balance, elles prennent t.oujours une dlrecUon contraire• (et. aussi Lol1, 741 e et 11.). Déjà, à la On du slêcle précédent, EURIPIDE déclarait dans ~ltdre (v. 374) que la richesse ne pouvait. en aucune manière être un critère de vertu. Sur les llens d'Eurlplde et. du• paru• modéré, et. R. GoossENs, op. cil. (3) Pol., IV, 8, 12 (1328 b 33-1329 a 2). (4) Ibid., VIII, 7, 12 (1309 a 20.23). (5) lbld., VII, 4, 5 (1321 a 27·28}.
374
LA CRISE POLITIQUE
dans la polileia des Marseillais, les magistratures peuvent être attribuées à ceux qui sont. en dehors du te politeuma » par ceux qui le constituent. (1). Ailleurs, Aristote rappelle l'exemple d'lléracléc Pontique où les tribunaux sont choisis en dehors du r politeuma (2} •· A côté de ces solutions qui peuvent. surprendre rcspril moderne, Aristote en suggère une autre beaucoup plus banale : réserver l'accès des magistrntures aux hommes fortunés, mais laiss'!r à l'ensemble du Démos Je droit d'élire les magistrats {3). Aristote la rejette d'ailleurs immédiatement. parce qu'alors les magistrats recherchent les faveurs du peuple, c'est-à-dire, versent. dans la démagogie et la flatterie (4). Beaucoup plus eflicace, en ce qui concerne les arkhai, lui apparait la mesure qui consiste à les rendre coûteuses : le commun peuple acceptera alors plus volontiers de n'y pouvoir accéder (5). Cette proposition rejoint. celle déjà envisagée pour les démocraties, qui interdit. nux magistratures d'être une source de profits. Mais ce sont là réformes de détail. Et comme aussi la démocratie où règne la Loi est de toutes la meilleure, de m~mc, c•cst. Io respect. de la Loi qui seul ju.sLifie l'oligarchie (6). Pas plus qu'il n'est hostile au principe de la démocratie, Aristote ne l'est. donc à celui de Poligarchie. Dans la mesure où il reste proche de la réalité grecque contemporaine, et en dépit. des solutions utopiques auxquelles il rêve, il paraît soucieux de prévoir des améliorations de détail. Sans toutefois, il faut le souligner, envisager les possibilités pratiques de telles améliorations, sans tenir compte aussi du lait, qu'il ne peut. ignorer, qu'elles ne sont. pas partout. et. toujours réalisables. Il importe ainsi de nuancer l'affirmation traditionnelle du caractère oligarchique de la pensée politique grecque du ive siècle. Dans ln tradition de roligarchie modérée, elle condamne en généra) les outrances des extrémistes. Dans la mesure où l'oligarchie contemporaine tend de plus en plus à se confondre avec le gouvernement des riches, elle s'en détourne également. Mais elle (1) Ibid., 1321 a 31. On voit lclt avec l'exemple de J.faneillet combien dJverses étalent, dans la réalit.6 grecque du 1v• siècle, les formes politiques. (2} Ibid., VIIJt 5, 5 (1305 6 33-35). Sur le sens du mot 1to;.!nu114 dan5 l'œuvre d'Aristote, et. aapra, p. 144, n. 2. (3) Ibid., VIII, 5, 5 (1305 b30..33}. (4) Ibid. (5) Ibid., VII, 4, 5 (1321 a 33-35). (6) Ibid., VI, 5, 1 (1297 6 7); VI, 11, 6 (1298 a 37}, etc.
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est oligarchique cependant, car, dans l'absolu, elle ne peut admettre de Cité parfaite que dirigée par des hommes ayant retu une certaine éducation, qui suppose des loisirs, l'aisance matérielle, ou encore une organisation de la société telle que l'élite des dirigeants soit entièrement libérée du souci de son enlreticn. La place accordée par les penseurs politiques du ive siècle à l'éducation, la nature même de celle éducation, les conduisent. à réserver peu à peu le droit de diriger la Cité à ceux qui en auront reçu Je fruit.. Rien de tel évidemment. dans la réalité grecque, sauf à Sparte peut-être. Encore l'éducation spartiate, toute tournée vers la guerre, est-elle assez difTércnle
LES TENDANCES l\IONARCHISTES
DANS LA PENSÉE POLITIQUE GRECQUE DU
1ve
SIÈCLE.
Si nous abordons en efTet le troisième et dernier type de poliltia, la monarchie, nous· allons voir se dégager de la pensée poli(1) C'est. également. à celle élite qu'opparliennent les compagnons de Cyrus dans la CyropUie de XiNOPHON. Nous avons délibérément dans ce développement, laissé de côté la question de J'atUtude des théoriciens en face de Sparte. Nous renvoyons à l'ouvrage de F. OLLIER, Le Afiragt1 1parliare. Admirateurs de la Sparte légendaire, aucun des théoriciens politiques du 1v• siècle, pas même Xénophon, n'ignorait l'écart existant entre la • consUtutfon de Lycurgue • et la réalité du 1v• siècle. Ils n'hésitaient. pas, quand cela servait. leur démonstration, à recourir à la légende. Ils n•en mar· quaient pas moins les limites entre Jeurs propres constructions idéales et. les • lnsumsances • de la législation spartiate (cf. en particulier, la critique d'Aristote au llvre II de la Politique et. la description de l'évoJuUon du régime UmocraUque dans la Ripubliqut1 de PLATON (54&-548)).
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LA CRISE POLITIQUE
tique grecque du ive siècle, des lend.ances monarchistes, qui, plus que les sympathies pour l'oligarchie~ héritage du v• siècle, annoncent. et. préparent la forme que va prendre J'J;:tat. grec à la fin du 1v• siècle, la monarchie hellénistique. Aussitôt., se présentent un certain nombre de questions : Qu'est-ce que la monarchie dans le monde grec du 1v• siècle? Existe-t-il des exemples concrets à partir desquels raisonnent. les théoriciens politiques? N'élaborent-ils pas plutôt un régime idéal? Dans quelle mesure enfin ces tendances monarchistes dépassent.elles le cadre d'un petit, groupe d'intellectuels vivant. à l'écart des réalités contemporaines? Nous allons partir d'une définition d'Aristote pour tenter de répondre à la première question : c Les différentes espèces de royautés, écrit-il dans la Politique, sont au nombre de quatre : l'une, celle des temps héroïques, librement. consentie, mais limitée à certaines attributions; car le roi était stratège et juge et. maitre de tout ce qui avait rapport au culte des dieux; la seconde, celle des Barbares, est absolue, héréditaire et. fondée sur la Loi; la troisième, celle qu'on appelle aisymnétie, est. une tyrannie élective; la quatrième est celle de Lacédémone : c'est. à proprement parler une stratégie à perpétuité et héréditaire... Il y en a une cinquième, où un seul homme est maitre de touL (1 ). » Si nous laissons de côté l'aisymnétie qui paraît avoir élé un phénomène transitoire et limité chronologiquement. (2) nous voyons
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(1) Pol., III, 10, 1·2 (1285 6 20-30) : BiUJW:~ d31'totime ~œ il 'Kq)l 'tOÙÇ .,,p6>LXOÔÇ ipôvouç (ixrfnJ 3" Vb6VTCi>v p.évl
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principale foncUon de promulguer un code de lois écrit.es. Pit.t.acos de Mytl· lène, Aristarchos d•tpbêse ont ét.6 alsymnêtes et. aussi sans doute Zaleukos de Loeres, Charondas de Catane, Phllolaos de Corinthe, t.ous personnages plus ou moins lêgendalrea. Sur Zaleukos, cr. AnrsTOTE, Pol., Il, 12, 6 (1274 a 22); Dix., XXIV (ConlN Tlmocralù), 139 et ss.; .D100., XII, 20 et ss.; sur Charondas, ARISTOTE, Pol, 11, 12, 6; 11(1274a23, 1274 b 5);VI, 9, 10 (1296 a 21); DIOD., XII, 11 et ss.; cf. BUSOLT, I, pp. 424 et ss.; sur Philolaos, ABIS• TOTE, Pol., 11, 12, 8 (1274 a 31 et es.); sur PUtacos, ARISTOTE, Pol., II, 12, 13 (1274 b 17 et as.). Comme ailleurs, la monarchie, l'aisymnêlle a survécu dans certaines cités, mais vidée de son contenu primitif (cf. Inacr. gr. ant.,
•
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donc que les Grecs connaissent quatre sortes de monarchies. En premier lieu, vient. la monarchie dite homérique; elle subsiste encore dans certaines parties non évoluées du monde grec ou para-hellénique ( 1) : le roi est. essentiellement. le chef militaire, le prêtre et. le justicier. Des formes secondes découlent. de cette monarchie primitive, qu'on rencontre dans presque loules les cités grecques, mais vidées de leur contenu primili[ : à Sparte, les rois (2) ont. conservé du roi homérique les attributions militaires; et. celle double monarchie est. restée héréditaire; à Athènes, le roi est. un magistrat. élu, l'un des dix archontes, et. sa fonction est. surtout. religieuse (3). Hors du monde grec, les Barbares se soumettent. à l'nulorilé d'un maitre absolu, légitime et. qui lient. son pouvoir de sa naissance : c'est. le basileus, celui que les Grecs désignent par ce seul mot. et dont. ils sont souvent, au ive siècle, obligés d'nccepler l'arbitrage. Enfin, lorsqu'un seul homme est. maître de loul, c'est la quatrième et. dernière forme de monarchie, celle que le plus souvent. on appelle une tyrannie. Un certain nombre de cités grecques ont. connu au vie siècle celle forme de monarchie; elle correspondait. alors à une certaine étape de leur évolution politique et. de leur développement. social; elle apparaissait. partout où s'était. consliluée, à la faveur de la multiplication des échanges, une classe de marchands et. d'artisans désireuse de détruire les privilèges de la vieille aristocratie foncière (4). Au v• siècle, on trouve encore des tyrans à Syracuse, les Deinomenides, et. dans nombre de cités du monde grec occidental. La tyrannie réapparaît. enfin, à la fin du ve siècle, à Syracuse avec Denys, et aussi dans certaines cités du monde grec continental, mais une tyrannie dont. les caractères semblent différents de ceux des premières tyrannies grecques (5). n• 497 pour Teos; B. C.11., t. VIII, 1884, p. 23, A, 1. 1 pour Naxos; Dialekl. Imchr., n• 3053 pour Mégare et. ses colonies). (1) Pour autant. qu'on la puisse connaitre, la monarchip macédonienne, avant. l'avènement. de Philippe, se rapprochait. par certains t.rails - l'existence en parllculler de l'assemblée de l'armée - des monarchies homérique& (cf. R. PARIBENI, La .Macedonia 1lno ad Aleuandro !tlagno, Milan, 1947). (2) Cf. XtN., Rlp. du Lac., XIII. (3) cr. GLOTZ, Cill grecque, pp. 71-73, 109. (4) GLOTZ, op. cil., pp. 126 et. ss.; Hi1l. grecque, t. I, pp. 242 et. ss.; LENS• CRAU, art.. Tgranni1, dans R. E., VII A, col. 1821 et. ss.; P. N. URE, The orlgln of Turanny, Cambridge, 1922; N1LSSON, The Age o/ lhe Early Tgranl1, Belfast., 1936; A. ANDREWES, The Greek Tyrant1, 2• éd., Londres, 1958. (5) Sur l'origine· et. l'évolullon du sens du mot. TÜpœwoi;, cf. URE, op. cil. p.134, n. 5; Curcy, R. S. A., XXIV, 1922, p. 89; A. l\tEILLET, Mllange1 Glolz, pp. 587-589; H. ScHAEFER, Rhein. Mu1eum, XCV, 1952, pp. 150 et. ss.;
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li est. bien évident. que, ni la monarchie homérique ni la monarchie 1 dégénérée> de Sparte ou d'Athènes, n'étaient plus capables de tenter les adversaires de la démocratie, partisans d'un régime fort, d'un gouvernement. plus efficace qui assurerait. l'ordre et la sécurité. Quant. à la monarchie orientale, elle semblait. révoltante aux Grecs (1) : c'csL parce que les Darharcs étaient esclaves par nature qu'ils acceptaient un tel despotisme qui n'aurait. pu convenir ou libre citoyen grec, car, Aristote Je souligne, • ...l'autorité sur les hommes libres ne diffère pas moins de l'autorité sur les esclaves que la condition de l'homme libre par nature ne difI'ère de celle de l'esclave par nature (2) •. Ainsi, la monarchie de type oriental apparalt-cllc à l'inlelligenlsia athénienne du ive siècle, comme inacceplnblc pour un Grec, qui est par définition un homme libre. Les Grecs, d'ail· Jeurs, ne l'ont jamais connue; ils ne peuvent. admettre la prosternation et l'adoration. Mais ils ne peuvent. non plus souhaiter un retour de la tyrannie que leurs ancêtres ont. connue et. que d'autres Grecs supportent. encore au 1v• siècle. Quelle que soit. l'origine de cette tyrannie, Aristote et. Platon admettent qu'elle a eu autrefois un caractère populaire (3), elle entraîne toujours une disparition de la libcrlé, l'asservissement physique et. moral de ceux qui sont. sous le joug. c Pouvoir absolu et arbitraire (4) », la tyrannie est. c •• .la monarchie absolue qui, sans aucune responsabilité, et dans l'intérêt seul du tyran, gouverne des hommes qui valent. autant et mieux que lui (5) •· L'absence de responsabilité, l'absence de souci de l'intérêt des autres, et. surtout l'absence de droit à celle suprématie, telles sont les trois accusations formulées par Aristote contre Je tyran. Mais il en est d'autres : parvenu au pouvoir, le tyran A. A.1tonzwES, op. dt., pp. 20 et ss. Sut l'équivalence prlmillve entre ~rxcn>dç et -Npa.wo~, cf. ARCHJLOOUB, frag. 2S (Bergk). Au v• siècle, le mot 1uvait encore à qualifier le pouvoir souverain de certains dieux (cf. EscunE, Promtlhu, 736; A1usTOPH., Nutu, 564). Il n'avait alors aucun contenu péjoratif. Mala son origine orientale implique qu'il traduisait. une réalité étrangère à l'esprit. gree. (1) IsocaA.TE, Panig., 151, à propos des sujets du Grand Rol. (2) Pol., IV, 3, 2 (1325 a 28-30): OÔ r«p 0.œnov 81.lO'nlXCY 'la T~V è>.cv-
Gipc.v ilpxia ~ç ~., 8oo).(l)v ~ «ùW 'fÔ q:ioœt. t>.cGOcpov "l:OÜ 9Uact. Soul.ou. (3) Ibid., v111. 4, 4; s, 2-3 (1305 a 7·10, 1310 b 12-14); Rtp., 005 e-566 a;
déja au v• siècle, Hérodote l'avait. souligné (V, 91). 11 s'aglssait. là d'un lieu commun, mals qul renêlait une réalité objective. ('4) Pol., VI, 8, 2 (1295 a 17) : - 8cmt0-nx&M; !px.cLv xœTà. ~v M&vyYl>P.'l"· (5) Ibid., 1295 a 19-22: ij 'tL; clvu~ ciPXtt. T~v oµo(6>V xcrl fkl:n.6wa>v
nmc.>'I n~ 'fÔ a9mpov cxônl~ <7U1Lrpipov.
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en profile pour spolier les riches, car il a besoin d'argent. pour satisfaire à ses plnisirs et pour payer le service de ses mercenaires (1) c'est. pourquoi il est. redoutable surtout pour ceux qui possèdent. quelque bien. Il n'hésite pas, pour se rendre maitre de la Cité, à • •• .laisser entrevoir la suppression des dettes el le partage des terres (2) •· Mais les pauvres, trompés par de fallacieuses promesses, ne lardent. pas à se repentir de leur crédulité. La tyrannie a pour compagnes la misère et. la guerre • ... pour que le peuple nit besoin dtun cher..• et. aussi pour que les citoyens, appauvris par les impôts, soient. obligés de songer à leurs besoins quotidiens et. conspirent. moins contre lui (3) •· Enfin, ln tyrannie a également. pour efTet. de provoquer la déchéance mornle des sujels : la délation devient. une pratique courante; les réunions d'amis, les repas en commun, tout. ce qui !ait. l'attrait. de la vie d'un homme libre doit. disparaître, car le tyran vit. dans la terreur des complots. La peur règne dans la Cité : chacun est. pour son voisin un ennemi virtuel (4). Ainsi sont. éliminés tous ceux qui ont. du courage ou de la grandeur d'âme (5). Cependant. que le tyran, pour surmonter ses craintes, doit. s'entourer d'une garde nombreuse, constituée par des esclaves afTranchis et. des mercenaires, qui lui doivent. tout. et. deviennent les véritables maîtres de la Cité (6). La tyrannie aboutit ainsi à avilir les citoyens, 6. faire naître entre eux la méfiance, à leur ôter Loule possibilité d'agir (7). Cet. avilissement du citoyen par le tyran correspond à l'anéantissement. du barbare esclave en race du roi tout-puissant., et la condamnation de l'un rejoint la condamnation de l'autre. Est-ce pour autant. le principe du gouvernement d'un seul, le principe monarchique qui est ainsi rejeté? Il ne le semble pas. Ce que l'on reproche au tyran, ce n'est pas tant. d'être seul à (1) ARISTOTE, Pol., VIII, 8, 6 (1311 a 2-4); ibid., 8, 7 (1311 a 10·11). (2) PLATON, Rlp., 566 a : - - - XŒl Ô1t007Jµ«Cvn XPCWY '" cXltOX01ti~ xœl Yil~ ùvet3Œaµ.6v; cr. aussi Gorg., 466 c; ARISTOTE, Pol., VIII, 8, 7 (1311 a 18·20). (3) Rip., 666 e-667 a : t...• lv ipc~ ofiycµ6vo; 6 8ijp.o; ~ - - - xŒl tvœ xp-/iµ«'TIX cla~ipo~s ~u; J'î"61LCVYTtn dwtL X«l ~" CXU'r
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LA CRISE POLITIQUE
décider, mais de le faire sans qu'aucune supériorité morale ou intellectuelle puisse justifier celle prééminence; de le raire aussi, non pas dans l'intérêt de tous, mais pour son seul avantage; d'avilir enfin ceux qu'il domine et. de leur ôter toute qualité d'hommes libres. Au contraire, pour justifier le principe monarchique, les penseurs grecs ne manquent pas d'arguments: le Roi sc:ul peul ossurcr Je maintien de l'ordre social; et. d'autre part, le gouvernement d'un seul est plus efficace que le gouvernement de la multitude. Main lien de l'ordre et. efficacité, tels sont les deux premiers avantages de la monarchie. Le premier découle des conditions mêmes d'apparition du gouvernement royal. Le Roi s'oppose au tyran par son origine sociale (1). Par là même, loin de troubler l'ordre !- ••• il veut et doit être le protecteur de ses sujets, il protège les riches possédants contre les injustices et le peuple contre les outrages (2) 1. Son autorité étant librement consentie (3), nul ne songe par ailleurs à le renverser, si ce n'est. pour des motifs ina- · vouables el injustifiés. Et surtout., il peut assurer le maintien de l'ordre parce que son pouvoir s'exerce efficacement.
Celte efficacité parait à Isocrate la meilleure justification du pouvoir monarchique. Dans son Nicoclès, plaçant l'éloge de la monarchie dans la bouche même du tyran, il insiste sur sa permanence el son unité, la première assurant la continuité de la politique de la Cité, bénéfice d'une riche expérience (4); la seconde évitant. le partage des responsabilités, c'est-à-dire l'irresponsabilité (5). La même idée est reprise dans !'Archidamos, lorsque Isocrate oppose aux armées placées sous les ordres de nombreux chefs irresponsables l'armée idéale toute soumise à un chef dolé d'une autorité sans partage (6). Il n'est. pas sans intérêt. de retrou•
(1) cr. ARISTOTE, PoL, VIII, 8, ~ (1310 b 7-14): • Des causes diamétralement opposées donnent naissance à chacune de ces deux monarchies : la royauté a él6 6tablle pour soutenir la classe aisée contre toutes les entreprises de la mullitude, et dons cette classe, on nomme roi l'homme le plus dlstlngu6 par &a vertu, la noblesse de ses actions, ou parce qu'il appartient à une famille qul réunit ces titres de gloire. Le tyran, au contraire, est pris dans le sein du peuplo et de la multitude : on l'oppose aux hommes puissant.a, afin que le peuple n'alt. pas à souffrir de leur violence. 111 (2) Pol., VIII, 8, 6 (1310 b 40-1311a2): ~oo>.cTot' 3'6 f3cicnÀCÙt; cTvcx' cpû>.œ~ li7t6>; ot µh XCXn)lÛVO' -rà:r; ow[ixr; IL'Jlen &3LXOV 7"cl
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ver l'écho des préoccupations d'Isocrate dans certains discours de Démosthène, qui, soucieux de justifier à maintes reprises les principes de liberté de la démocratie athénienne, n'en oppose pas moins l'inefficacité du Démos athénien, à l'action cohérente et. rapide de son adversaire, que précisément Isocrate n'est pas loin de considérer comme le souverain idéal (1). Cc souci d'efficacité dans l'action n'est pas cependant. prédominant chez les penseurs grecs du ive siècle lorsqu'ils tentent. de justifier le gouvernement. d'un seul. Leur préoccupation est. d'abord d'ordre éthique, si l'on met à part celle affirmation d'Isocrate que la monarchie est. le régime le plus agréable, car il est. plus aisé de plaire à un seul homme qu'à une foule changeante (2). Platon, Xénophon, Isocrate et. Aristote affirment., avec plus ou moins de vigueur d'ailleurs, la nécessité, pour réformer la Cité et. rendre les citoyens meilleurs, de remettre le pouvoir politique entre les mains de l'homme prédestiné, de l'homme supérieur, seul capable de réaliser la transformation qu'exigent. l'anarchie contemporaine et les désordres politiques et sociaux. La monarchie est le seul régime juste (3). A la fausse égalité des démocraties, elle oppose la vraie égalité (4) en réservant. cr •• .la place prépondérante au meilleur, la seconde à celui qui vient. ensuite, la troisième, la quatrième et les autres conformément. à la même règle (5) .1. Par là même, elle appartient au meilleur dont. le souci est. d'élever la valeur des sujets et. d'assurer leur bonheur (6). L'expression la plus parfaite de cette 'conception de la monarchie royale se trouve dans le Philosophe-Roi de la République. Platon, partant. de la constatation cr ••• qu'aucune des polileiai actuelles ne convient. au vrai p~ilosophe (7) 1 pense que la solu-
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(1) Dix., XIX (Sur .Amba11ade), 185; lsOCRATE, Philippe, 14-15; il est. Intéressant. de noler auBBl celle remarque d'lsocrale : • Il serait. même possible de prendre en exemple la Cilê qui déleste le plus fortement. le pouvoir aulorilalre : lorsqu'elle envole plusieurs généraux en expédlllon, elle connait. la détalle; loules les fois, au contraire, qu'elle afTronle la lulle sous la conduite d'un seul, elle réuaaU dans aea enlreprisea (Nlcodù, 24). (2) Nicodù, 16. (3) JsocRATB, .Arlop, 21; PLATON, Rlp., 558 c; Loi1, 756 e. (4) Sur les diftérenles concepllons de l'égalité, cf. ARISTOTE, Pol., VII, 1, 6 (1317 b 2}; PLATON, Rlp., f>58 c. (5) ISOCRATE, Nicoclù, 15 : 7tMÎCJTOV µl;v .,,q,,.oucn ~ fk>.rl
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(6) ISOCRATB, Nicoclù, 5; XtN., Mtm., IV, 2, 11; III, 6, 2; Il, 8, 4; 1, 18-19. (7) Rtp., 497 b : IL"l&µCn ~(œy cîv«L ~wv wv xœricnœcnv ~ ipLloa&pou f Ô
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lion aux problèmes de l'individu et de la Cité ne sera pas trouvée • ••. avant que ce petit nombre de philosophes qu'on traite, non pas de méchants, mais d'inutiles, soient Iorcés par les circonstances à s'occuper bon gré mal gré de la Cité et que la Cité soit contrainte de leur obéir, ou avant que les dynasties ou les rois actuels ou leurs flls s'éprennent par quelque inspiration divine d'un véritable amour pour la vraie philosohie (1). 1 C'est alors seulement, quand le Philosophe aura pris le pouvoir, qu'il parviendra à changer la multitude et à assurer son bonheur. C'csL alors que sera possible la réalisation de la polileia idéale, décrite par Socrate (2). Le Philosophe-Roi de la Rép~iblique est ainsi le type même du Roi idéal. Cependant Platon, dans cc dialogue, ne se montre pas encore nettement partisan du gouvernement d'un seul. Bien plus, il met ses concitoyens en garde contre les dan~crs d'une trop grande autorité laissée à l'homme supérieur (3). Mais dans les dialogues ultérieurs, dans le Politique et dans les Lois, Platon s'affirme plus résolument monarchiste, au moment où il s'efforce, pratiquement, de réaliser en Sicile sa polileia idéale. Il conclut, dans les Lois, que s'il y a un jour un homme de caractère vraiment royal, il faudra lui confier la direction de la Cité, car lorsque l'homme qui détient Je pouvoir est à la fois sage et tempérant, alors la polileia idéale est réalisée et fa Cité connait véritablement le bonheur (4). Quant à Aristote, c'est avec une certaine réticence, semble-t-il, qu'il finit par conclure en faveur du gouvernement d'un seul, de l'homme que ses qualités placent ou-dessus des autres hommes (5). Mais on peut. alors se demander en quoi réside celle supério.. rité qui justifie le gouvernement monarchique. Avec Platon, la réponse est aisée : le Roi, le Politique doit être un philosophe, c'est-à-dire atteindre à la plus haute vertu ( 1) Ibid., 499 b-c : - - - ttpl" clv TOÎt;
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morale et. à la connaissance supérieure du Sage (1). Seul, il possède la vraie science, seul il distingue le Juste de l'injuste el le Ilien du l\lal (2). Si l'exigence morale n'est. pas aussi élevée dans la conception du «bon tyran• de Xénophon ou d'Isocrate, elle apparaît néanmoins, liée à la sagesse théorique cl à l'expérience. Xénophon, dans la Cyropédie, insiste sur la supériorité intellectuelle du jeune Roi : « Les hommes, dit. Cambyse à son fils, obéissent. très volontiers à celui qu'ils croient. plus éclairé qu'eux-mêmes sur leurs propres intérêts {3). »Agésilas, qui pour n'être que l'un des deux rois sans pouvoir réel de Sparte, a cependant joué un rôle qui dépasse ses attributions (4), fournit. à Xénophon un autre lype de roi idéal, général habile, adversaire loyal, chef dévoué à l'intérêt. de sa Cité (5), homme d'une grande vertu (6). Enfin, c'est. paradoxalement. l'un des plus cruels tyrans de Syracuse, qui devient., dans le lliéro11, le modèle du a bon tyran•, soucieux d'être aimé des hommes cl de les rendre heureux, et docile aux conseils de son ami, le poète Simonide (7). Isocrate s'inspire davantage de la réalité contemporaine, mais c'est pour idéaliser ses correspondants réels ou imaginaires. Il invite Nicoclès, le jeune roi de Chypre, à s'inspirer à la fois de la philosophie el de l'expérience quotidienne (8). En cela d'ailleurs, Nicoclès ne ferait que suivre l'exemple de son père, Evagoras, duquel le même Isocrate dit. qu'il était à la fois un grand homme de guerre, un esprit. supérieur el un grand politique qui avait su dégager de chaque polileia ce qu'elle avait. de meilleur (9). Mais jamais le bon tyran ne doit. négliger d'exercer sur lui-même autant que sur les autres son autorité : a Considère, dit encore Isocrate à Nicoclès, que la conduite la plus digne d'un roi est de n'être l'esclave d'aucun plaisir el de commander à ses désirs plus encore qu'à ses compatriotes (10). • (1) Rlp., 484 a-487
a.
(2) Ibid., 587 c et ss.; cr. oussi Polit., 293 d. (3) Cyrop., I, 6, 21 : iv yci.p civ 7)-yljaVTŒ' ncp1 TOÜ cruµ
:m.
(A) A Nir.nr.lb1, (9) Hvagf)ra!f, •16.
( 10) A Nicoclê1, 2!» : xœ1 TOUO' 7)yoü ~czaV.LXwTœTov, civ µl)8tµ~ 8ou>.cl?lt; Twv 'Îl3ovwv, cXlli xpœtjj; Twv lntOuµtwv µillov Yi Twv noÀtTwv.
384
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Mais alors se pose une question : dans quelle mesure celte supériorité du monarque idéal s'nccommode-t,..elle du respect. dû aux lois de la Cité? Nous avons vu précédemment, que toute forme de polileia peut présenter un double aspect, selon que la loi y est ou non respectée. Il apparaît bien que le respect des lois distipgue aussi la royauté de la tyrannie. Quand Aristole examine, au livre VIII de la Polilique, les causes qui déterminent le dépérissement de la royauté, il indique d'abord la violation des lois (1). C'est aussi parce que Thèsée a su •..respecter les lois et gouverner avec équité que son nom est toujours honoré par les Athéniens (2). Mandane, s•adressant à Cyrus, lui dit : «Ton père, le premier, ne fait que ce que l'Stat. lui ordonne et. ne reçoit que ce que la Cité lui alloue; et Ja mesure pour lui ce n'est pas son caprice, mais la loi (3). • Et d' Agésilas, Xénophon dit encore : « Parmi les plus grands services qu'il ait rendus à son pays, je place aussi celui-ci, c'est qu'étant le plus puissant de la Cité, il était. aussi visiblement le plus soumis aux lois (4). • C'est. cette soumission aux lois qui apparaît. à J. Luccioni, dans son introduction au Hiéron de Xénophon (5), comme le cri· tère essentiel pour distinguer le Roi du Tyran, dans toute la pensée politique grecque du ive siècle. Et c'est à Socratet selon le m~me auteur (6) qu'il faudrait faire remonter cette alti· tu de. Il apparaît cependant que les choses ne sont pas aussi simples. Le pouvoir absolu du Roi est justifié par le fait qu'il est supérieur à ses sujets, qu'il a acquis, par expérience, ou, nous y rcvien· drons, par une grâce divine, un savoir supérieur à celui du (1) Pol., VIII, 8, 22 (1313 a 2-3). (2) ISOCRATE, HIUnt, 36-37. (3) Xtllr., Cyrop., 1, 3, 18 : K«l 6 a~ mirljp 1tp,~'n:oç 't'ik "'l.'C"C'~m ~ 7tOU:Î Tjj 'lt6).ei, -rrl ~ 8è ).cqt.6civc,, IÛTPO'I 3è mi;> OÔX 'iJ 4'ùxiJ ~·
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{4) Agù., VII, 2 :
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Y&µotç lœfpCÛ<.>'1. (5) Hitron, texte établi et traduit par J. Lucclonl, Paris, 1948. (6) Op. tit., p. 18 : c Socrate avait le respect des lois, comme le prouve sa
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conduite au moment du procès des Arginuses d'abord, et. sous le régime des Trente, ensuite. En outre, il souhaitait que la poUUque de,1nt quelque chose de rationnel li ne pouvait donc pas êlre partisan d'un régime où Je caprice du souverain tenait. lieu de loi, d'un régime qu'll jugeait contralto à la justice et à la ral&on. •
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commun des mortels. Cet homme au-dessus des autres hommes peut-il aussi être placé au-dessus des lois humaines, des lois de la Cité? Platon, sans hésiter, répond par 1'affirmative. Dans la mesure où les lois ont été faites par la multitude, sont le résultat d'une connaissance plus pratique que scientifique, il est bien évident. que le Philosophe ne saurait en tenir compte. La contradiction avec le Criton ou le Gorgias n'est qu'apparente. Si Socrate se soumet. aux lois de la Cité, s'il réfute Calliclès pour qui la Loi est. l'expression des faibles, c'est essentiellement parce que celui qui la transgresserait serait un rebelle. Et que la rébellion, pas plus que 1a loi du plus fort, ne lui paraissent j uslifiées (1). Il en va tout autrement pour le Roi philosophe qui a besoin d'une entière liberté pour construire l'~lat idéal, et qui par définition ne peut. mal faire. Dans la République, Platon n'oppose pas, de façon nette, le Philosophe aux lois de la Cité. Mais il !ait du Philosophe-Roi le législateur par excellence; et lorsqu'il développe le processus d'établissement de la Cité idéale à partir de la Cité réelle, il insiste bien sur le fait que le législateur doit. préalablement la rendre nette (2). Celle même idée de la xrf6otpa~ initiale préalable à toute législation nouvelle se retrouve dans les Lois (3). Elle suppose que le législateur souverain est au-dessus des lois existantes. Mais c'est dans l'un des derniers dialogues de Platon, le Politique, que nous trouvons les arguments les plus Corts en faveur de la liberté du Roi devant une loi inadaptée aux transformations d'une réalité llans cesse mouvante : • Parmi les politeiai, dit l'~tranger, celle-là sera éminemment et uniquement la vraie politeia, qui montrera des chefs doués d'une science véritable et. non d'un semblant de science, et, que ces chefs s'appuient sur des lois ou s'en passent, qu'ils soient agréés ou seulemenL subis, riches ou pauvres, rien de tout cela ne doit compter dans l'appréciation de celle norme droite ... et, qu'il leur faille tuer ou . exiler celui-ci ou celui-là pour purger cl assainir la Cité, exporter des colonies comme on essaime des abeilles pour la Caire plus pet.ile, ou bien importer des gens de l'étranger et créer des citoyens nouveaux pour la faire plus grande, tant. qu'ils s'aident. de la science et de la justice pour la conserver, et., de mauvaise, la rendre la meilleure possible, c'est alors et c'csL définie par de (l) Criton, 51 a; Gorg., 484 a; Lellru, VII, 331 d; Loi1, 634 d-e; (2) R~p., 501 a. (3)
Lol1, 735 b-73G c. C. MOiii
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G~I)
c.
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pareils termes qu'une polileia doit être pour nous la seule politeia droite (1). • Cc texte appelle bien des remarques. Alors que Platon jus.. qu'alors avait. toujours pris soin de mettre ses lecteurs en garde contre le recours à la violence, el tenait. la royauté pour supérieure à la tyrannie parce que la première était librement. consentie et la seconde imposée par la force, il accepte désormais le recours à la violence : le ou les chefs de la Cité pourront. exiler ou tuer qui ils jugeront bon et ils n'auront pas besoin du consentement. de tous pour s'imposer. Cc ou ces chefs no seront en aucune façon choisis en raison de leur fortune : le Politique peut. être riche ou pauvre, cela importe peu. L'essentiel est qu'il soit. en possession de la science véritable et non d'un semblant de science. Par là, Plat.on dénonce aussi bien les régimes où l'exer· cice du pouvoir est. Condé sur la possession d'un certain cens que ceux - et c'est. évidemment. la démocratie athénienne qui est ici en cause- oû les dirigeants ignorants prétendent. être capables de juger de tout. Parmi les mesures que le Politique pourra décréter, il en est deux qui mérilent d'être retenus : l'envoi de certains citoyens dans des colonies, afin de rendre la Cité plus petite, ou au contraire la création de nouveaux citoyens pour l'agrandir. Quels seraient parmi les citoyens ceux qui se verraient ainsi contraints à l'exil? Les plus turbulcnls, les plus pauvres, ceux qui s'adonnent à des professions décriées? Platon ne le. dit pas. Mais on voit bien qu'il rejoint. ici le courant. de pensée que nous avons essayé déjà de défmir et. qui voit dans la colonisation le remède le plus sûr aux maux dont souffre la Cité (2). L'autre mesure est. plus surprenante : on sait en effet combien les écrivains politiques du ive siècle sont hostiles à la créalion de nouveaux citoyens, d'abord parce que la population de la Cité doit. être limitée, ensuite parce que lorsqu'on crée de nouveaux citoyens,
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c'est généralement avec des gens d'origine douteuse : élrangers venus s'établir dans le pays pour y commercer, mercenaires sans loi ni loi, et. aussi, bien souvent., des esclaves afTranchis.ll est. pour le moins surprenant. que Platon, qui dans la République préconisait. une Yéritable politique d'eugénisme, accepte ici une mesure si contraire à ses principes. Est.-ce pour affirmer l'infmie liberté du Politique? Et. faut-il croire que dans la pensée du philosophe, le danger que pourrait. présenter pour la Cité ces neopolitai serait. réduit dans la mesure où l'éducation les rendrait. tous meilleurs? Tellé paraît. bien Hre en dernier ressort. la mission du Poli· tique, rendre meilleurs, donc plus heureux, ses concitoyens ou ses sujets. Dès lors, non seulement. il peut. transgresser les lois établies, mais encore les propres règles édictées par lui, s'il s'avère qu'elles ne correspondent plus à la réalité humaine perpétuelle· ment. mouvante (1). Les démocraties préservent les lois des ancêtres en prévoyant. contre quiconque veut. les modifier une procédure redoulable. N'est-ce pas là une grave erreur, et le législateur sage et. bon, doué de la véritable science et du sens de la. justice n'a-t-il pas le droit de se libérer de la tut.elle des lois écrites (2)? Ainsi donc, avec le Politique, Platon aboutit à une définition du pouvoir monarchique absolu, dans lequel toute la souverai· nelé réside en la seule personne du Roi, du Politique, qui est. à l'origine des lois et. dont. il peut. ne pas tenir compte. Mais ce même dialogue, qui contient. une condamnation de la Loi que les sophistes ne renieraient. pas, amorce cependant. un retour vers le respect dû aux lois, que Platon prêchait au début. de sa carrière et. qui justifie le titre même de son dernier dialogue. Et. celle ultime justification de la légalité est encore une façon de glorifier le pouvoir absolu du Politique et du Philosophe. En efTct, le respect. des lois est. nécessaire, ·mais comme second parti (3toupo; ùoü;) (3), et de lois qui seraient.• ••. en chaque domaine des imitations de la vérité, tracées le plus parfaitement possible (1 J Polit., 294 b, 205 e-296 a. (2) Polil., 206 e-297 a-b.
(3) Ibid., 300 c: c'est ce • second parti 1 que représentent les Loil, quand Platon a définitivement renoncé à trouver l'Homme supérieur, capable de transformer la Cité. Il donne lui-même la jusliflcaUon de son atlilude en cet termes : • SJ, en etret, un homme naissait, par grAce divine, avec celte science parfaite, Il n•aurait aucun besoin de lois qui le gouvernent: la science est audessus de toute loi et de toute réglementation, el le droit exige que l'intellect. ne soit soumis ni o.sservl à rien, mals qu'il commande à tout, a'U est, comme le veut sa nature, toute vérité et toute liberté. :Malheureusement il n'ul lcl
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sous l'inspiration de ceux qui savent {l) ». Il n'y a qu'une seule c droite polileia 1, celle dans laquelle le pouvoir absolu appartient au Politique, à celui qui sait et qui n'a nul besoin de s'inspirer des lois promulguées par ses devanciers et. par lui-même, lorsqu'elles ont cess6 de correspondre à la réalité du moment (2). Les autres polileiai ne sont. que des imitations de celle « droite polileia ». Pour subsister, il leur faut. au contraire imposer le respect. des lois des ancêtres et. punir quiconque les transgresserait. (3). Nous retrouvons alors ici la distinction entre les difJérenles polileiai, en fonction du respect. ou du non-respect. des fois. Mais celle distinction ne joue pas pour le Politique. El par conséquent, en affirmant. qu'il est. au-dessus des lois, Pla.ton ne se contredit. pas lui-même. Il conclut. seulement, avec une certaine amertume : c Mais puisqu'en fait., comme nous le disions, il ne pousse point de Roi dans les Cités, comme il en éclôt dans les ruches, tout, de suite unique par sa supériorité de corps et d'âme, il faut. donc, semble-~il, se rassembler pour écrire des codes, en essayant de suivre les traces de la plus véritable polileia (4). »Ce qui distingue Platon de Calliclès, c'est. qu'il ne croit. pas à la supériorité c naturelle 1. Isocrate n'est, pas aussi subtil que Platon. S'il loue Thésée de sa soumission aux lois de la Cité, il affirme au contraire, dans le discours A Demonicos (5) que la volonté des rois est la plus impérieuse des lois (6). Nous reconnaissons là le pragmatisme d'lsocrate et. cc souci de plaire aux puissants, roi ou peuple, qui répugne tant. à Platon. Mais l'on voit. néanmoins que le respect. dû aux lois compte peu, en fait, pour un des écrivains les plus nulle pari, 1au/ de raru uctpllona. Aussi faut-il nous résoudre au second paru, et choisir la rêglemenlallon et· la loi qui volent et considèrent la n!aJorilé des cas, mals ne sauraient les embrasser tous 11 (Lola, 874 e-875 d; souligné par nous). (1) Polil., 300 c: 11'1-'~!Jl'Tat ~ ~ b~CfT(l)V uÜTœ CÎ1J '"lç cb:q6d~, "nÎ 1totptl. TC>v da6T(l)'\I dt; au'V«l-UV EÎV~ ycypœµjÛ'Vœ; (2) Polit., 300 e. (3) Ibid., 297 t, 301 a. (4) Ibid., 301 t: Nüv ai 'YE ~7tm OÔ)( fan YL'Y"Ô~t; ~t; 8~ ~cxµn, L'Y UÎÇ 1t6M
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avertis d'Athènes, dans lequel on se plaît à voir un prophète de l'unité grecque réalisée à l'époque hellénistique sous l'égide macé· donienne. C'est. au maître d'Alexandre, toujours modéré en ses affirmations que nous demanderons de conclure : • Si un citoyen a une telle supériorité de mérite, ou si plusieurs citoyens, trop peu nombreux cependant pour former à eux seuls une Cité, sont. tellement. supérieurs qu'on ne puisse comparer à tous les autres ni le mérite ni l'influence politique de ce citoyen oû de ces citoyens, il ne faudra plus les regarder comme faisanl parlie de la Cité. Ce serait leur Caire tort que de les y admettre sur le pied de l'égalité, eux qui l'emportent tant. sur les autres par leur propre mérite cl par l'influence politique; il semble en effet. qu'un être de celte espèce, doive être considéré comme un dieu parmi les hommes. On voit donc que les lois ne sont nécessaires que pour les hommes égaux par leur naissance et par leurs facultés; quant. à ceux qui s'élèvent à ce point au-dessus des autres, il n'y a point de loi, ils sont eux-m~mes leur propre loi (1). , Cette conclusion appelle plusieurs remarques : Aristote insiste sur le caractère exceptionnel de celle supériorité. Pas plus que Platon, il ne croit à l'existence de tels hommes extraordinairement doués. Mais il en admet, comme Platon, la possibilité, et il en tire toutes les conséquences logiques. Parmi ces conséquences, il en est deux qui doivent retenir notre attention : Aristote d'abord exclut de la Cité le ou les hommes supérieurs, qu'il serait injuste de placer au milieu de la communauté des citoyens (2). Par là, nous retrouvons les thèmes chers à l'auteur de la Politique, que l'idéal ne peut résider que dans la médiocrité. Mais l'autre (1) "Polit., III, 8, 1-2 (1284 a 2-14): Et 8! ne; lanv etc; "i"OCJOÜTOV 8L0tq>ipC1>V µ~ µbrroL 8uv0tTOl Tt>.~pV-Ot 7t0tpœoxiaOœL nOÀ.t~, &>au µ~ auµ6).'Jl~V CÎVIXL ~V 'fWV cillc&>v clpnTjv 7t~Y p.'Jl31-riiv 3wœµ"' ~" m>>.Lnx~ Ttpbç ~" bcCv<.t>v, et TtùCou.;, et 3'ctc;, -riJv bcLvou µ6vov, oô>dn 8mov "i"OÜTOu.; Jdpoç Tt6ù<.t>c; • ciBf.X~aonOtL ycip cl· ~r.o6'""°r. Té:)v (a(a)v, &vLaor. -roaoÜTOv xcx-r9 àprrlJv ~vn; xid niv no>.r.nx~v 31.MX· p.LV • i:>cmcp yt\p 8c~v 1v clv6pW7tOLc; clx~c; CÎVIXL 'f~V 'TOLOÜTOV• .,08tv 8i)>.ov 6-rL >e«l ~V voµoOcaCœv clvœyxœiov CÎVIXL mpl 'TOÙc; (aou.; xetl -rcj> yML xetl Tjj 8u~' X0t't'tk 8~'fWV "i'OLOÛ'tta>V oôx lan v6µoc;. AôTOl y«p cm v6µoc;. La dernière
u-i clptrijc; ômp6o>.~v, ~ TtùCou.; (.Ch h~~
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phrase est particulièrement importante. Elle annonce la formule ~œar.ÀCÔc; v6µoc; !!l~oC de Dfotogenès, philosophe néopythagorlclen auteur d'un traité Ilcpl ~cnù(~ qul vécut sans doute dans les premières années du 111• siècle (cf. A. AYKARD, R. S. A., L, 1948, pp. 375-376; XiN., Curop., VIII, 1 (un bon chef est une lol voyante); cf. également M. GIGANTE, N6µoe ~œaW6ç, Ricuche Filot., I, Naples, 1956). (2) cr. plus haut. Il n'est pas indifférent qu'il conclue cette analyse parla lêgiUmitê, admise, de l'ostracisme (III, 8, 6, 1284 b 15-25).
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conclusion d'Aristote ne manque pas non plus d'intérêt : il faut, dit-il, considérer un être de celle espèce • comme un Dieu parmi les hommes (1) •. Malgré les réticences du slagyrite, nous '\'Oyons déjà formulée clairement la notion du caractère divin du monarque absolu, qu'Alexandre fera sienne. Extérieur à la Cité, mais pour la mieux dominer, semblable aux dieux, source de toute loi, t .. 1 apparaît le monarque dans la Politique, ébauche presque dChcvée du souverain hellénistique. Une dernière question se pose alors : une !ois admise ln supériorité d'un individu, une fois librement consentie l'obéissance à ses décrets et à sa volonté, et si l'on est prêt à croire que cette supériorité soit illimitée da~ le temps et dans l'espace, peut-on aussi admettre qu'elle soit transmissible? La difficulté de la réponse apparaît aussitôt. Lorsque le Roi était toujours choisi parmi les membres d'un même clan, puis d'une même famille, lorsque donc la naissance était le seul critère d'accès nu pouvoir royal, le problème de l'hérédité ne se posait.
pas. Que la prise du pouvoir ait été légitime ou non, il était admis que le fondateur d'une « dynastie lt transmît, à ses ms le pouvoir dont il s'était emparé à plus ou moins juste titre. Mais, nous l'avons vu, ce n'est plus la naissance qui, au 1ve siècle, peut justifier l'accès à la royauté. Que le critère moral l'emporte, que la supériorité soit d'ordre intellectuel, ou qu'elle embrasse tous les domaines de l'activité humaine, il apparaît d'abord qu'elle est personnelle (2), qu'elle est le fruit d'une lente éducation dont les éléments peuvent être différents, qui peut n'être que politique, ou l'aboutissement d'une incessante recherche; qu'elle est par conséquent intransmissible. (1) Pol., Ill, 8, 1-2 (1284 a 9). Déjà PLATON', dans le Polilique, disait de la monarchie Idéale, que• ••.comme un dieu parmi les hommes, Il faut la mettre à part de toutes les autres polilelah (Polil.,303 b) (cf. également F. TA.EGER, Htrmu, LXXII, 1937, pp. 355 et ss.; ERRENBERG, Alezandtr and the Greekl, p. 73, n. 1). (2) Sur la notion de charlama personnel, cr. les remarques de M. A. AY MARD (R. B. G., LXI, 1948, pp. 502-505) à propos du livre de P. DE FRANCISCl1 Arcana lmperii, 2 vol., Milan, 1947-1948; cr. également Revue du Nord, XXXVI, 1954, p. 127 : • C'est, en théorie, dans lesseules qualités militaires, morales et Intellectuelles de l'homme que (la doctrine hellénistique) aperçoit la jusUOcaUon du Utre de •rot • dont on le salue. • C'est pourquoi aussi un homme peut être •royal • sans posséder la moindre autorité politique dans la Cllê. C'est ainsi que le maitre qui sait se raire obéir de ses esclaves possède •quelque chose de royal• (-n i)Oouç ~cn>.u
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De fait, el bien qu'on ait voulu voir, dans la République, une adaptation à la Cité grecque des castes orientales, Platon admet. que la science royale n'est. pas héréditaire. Certes, il y a, au départ., des dispositions plus ou moins favorables; mais, dans la mesure où l'éducation est. une institution d'f.:tat. et. non pas le privilège de la fortune ou de la. naissance, ces dispositions peuvent. apparaitre aussi bien dans la classe des artisans et. des laboureurs, que dans celle des auxiliaires : il n'est. pas de cloisons étanches entre les trois classes de la Cité platonicienne; le philosophe peut. naitre d'un père artisan, son propre fils peul n'être pas digne de garder la Cité. Il est. possible d'étendre cc raiaonnement. au gouvernement. d'un seul, du Politique, du roi par excellence. Il n'est dit. nulle part, dans cc dernier dialogue, que le souverain absolu tienne son pouvoir de la naissance, non plus qu'il lui soit. possible de le transmettre à ses fils. Platon n'est. donc pas ici en contradiction avec lui-même. La rigueur de son raisonnement. lui interdit. de plaider en faveur de l'hérédité du pouvoir royal. D'ailleurs les exemples concrets, offerts par les cités grecques, incitaient. plutôt. les penseurs politiques à se méfier d'un tel principe : Aristote, étudiant. au dernier livre de la Politique les causes du dépérissement. du pouvoir monarchique, y incluait. la naissance (1). Cependant, il semble bien que déjà apparaisse la justification du pouvoir héréditaire par le biais de r • homme providentiel •• C'est Isocrate qui en fournit. la meilleure définition dans le Philippe (2). La divinité n'agit pas personnellement. sur la destinée humaine, mais elle inspire certains hommes qui, soit. par la parole, soit par l'action, doivent entraîner les autres. A partir de là, il est. possible d'admettre la transmission du pouvoir royal : car la divinité peut. choisir un individu, elle peut. aussi choisir une Camille. Il n'y a plus besoin de logique ou de ·raison. C'est pourquoi le même Isocrate prêle à Nicoclès celte justification de son pouvoir : cr Je vous montrerai que je possède ce pouvoir, non pas contre le droit, ni par usurpation, mais en vertu d'une règle sacrée, d'un droit juste, à cause de nos ancêtres qui remontent. à l'origine des temps, à cause de mon père, à cause de moi-même (3). 1 Justification qui s'appuie à la Cois sur le mérite personnel du souverain, cl sur la destinée privilégiée de (1) Pol., VIII, 8, 3 (1313 a 10-14). (2) Phil., 150-151. (3) Nicoclù, 13 : ly~ ~v fx -rl)v clpx~v oô rc«pcxv6µ<.>; olW IDoTp'""' c00.· 6alc..>; xrd BLXŒlç xcil a~ 'fOÙÇ l~ èlpxl)i; npoy6vo~ xcil 8Li m
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sa famille. Et c'est au plus rationnel des philosophes grecs du ive siècle qu'une fois de plus nous emprunterons la conclusion : «Lors donc qu'il se trouve une famille entière ou un seul individu, doué de vertus tellement éminentes qu'elles surpassent celles de tous les autres, alors il est juste que celte famille soit élevée au pouvoir royal, et qu'elle soit maitresse de tout, et qu'on fasse roi cet individu si éminent (1). »Le maître d'Alexandre justifiait ainsi la monarchie nouvelle, dont son élève, homme prédestiné s'il en fût, allait être l'initiateur. Au terme de celle étude des théories monarchistes au ive siècle, comment. pouvons-nous conclure? Les quatre grands penseurs du ive siècle, à travers leurs contradictions, leurs réticences, les précautions aussi auxquelles ils étaient astreints, vivant et écrivant dans la Cité « ••• qui déteste le plus fortement le pouvoir autoritaire (2) », s'affirment, finalement, partisans du pouvoir d'un seul. Ils le justifient par l'efficacité politique, par le raisonnement logique, par la prédestination, par la justice. Chez tous, la royauté apparait comme la meilleure polileia. Mais pour être telle, elle suppose de la part. du Roi un efTort vers une perfection morale, plus ou moins élevée selon qu'il s'agit de Platon, de Xénophon ou d'lsocrate; une culture très large, un savoir, fruit. d'une éducation philosophique. Cependant sur deux points nos auteurs divergent : le libre consentement des sujets, le respect. dO. aux lois. Platon seul se passe de l'un et de l'autre, tant la supériorité du Politique sur la masse ignorante est évidente. Isocrate et Aristote sont. plus réservés, plus nuancés; le premier, parce qu'il appartient aux milieux conservateurs d'Athêncs et qu'il lui reste un vieux fonds de méfiance à régard des tyrans; le second parce qu'il est. plus objectif, et ne croit pas, au fond, à la possibilité d'existence d'un homme à ce point. (1)
ARISTOTE,
Pol., III, 11, 12 (1288 a 15-19) : - - - ~TIXV oiSv ~ yivoç
~ xœl TWV ~., hot nvœ OUJl6n s,œ~ipovœ ynio6œf. xœ~ #triJY TOaoütov, &xre' ÔJœpfxr:w '"1v bc[vou Tij; 't'wv ~v n~v, 'tÔ"te 3lxatLov ~ yho; c!vat TOÜtO ~aW><'W xixl x6ptov mmv, x«l ~a.enlia. TOY fvœ TOÜWV'
alov
cf. l'interprétation dUtérente de ce passa'e par
EHRENDERO,
Ale.rander
and lhe Greek1, p. 75. L'emploi du terme ytwç par Aristote se référerait au
principe du gouvernement aristocratique et non à un quelconque principe dynasUque, ce qui n'exclut pas pour autant la conception du ybx>i; üncpqov, de la famllle royale (cf. Polil., III, 1288 a 35). Le bot d'Ehrenberg est de montrer qu'Aristote ne s'est en rien inspiré, dans la rédaction de ce passage, de l'exemple macédonien. (2) Isocn.uz, Nlcoclu, 24 : • - °"'v Bl n6>.tv °"'v µb.t
~ '1'00ÜGIXV • - •
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supérieur aux autres hommes. Quant à Xénophon, si nous ne pouvons suivre J. Luccioni quand il affirme que, dans son éloge du bon tyran, il a voulu surtout tenir compte des réalités el s'efforcer de remédier au mal qu'était la tyrannie dans le monde grec du ive siècle (1), si donc nous persistons à voir en lui un partisan du pouvoir monarchique, nous sommes néanmoins obligés de conslaler que le Roi dont il rêve est plus proche d'un Agésilas que d'un Cyrus : lui aussi adopte la vieille alliludc conservatrice, lui aussi sait par expérience que le pouvoir d'un seul, non contrôlé ou limité par la loi, peul êlre lourd de conséquences pour l'équilibre de la société. Mais il reste alors deux problèmes à examiner : dans quelle mesure ces théories monarchistes dépassaient-elles le cadre d'un cercle limité d'inlellecluels hostiles à la démocratie? El y avait-il, d'autre parl, dans le monde grec du ive siècle, des exemples concrets de « bons tyrans 1? Nous nous heurtons ici aux difficultés déjà soulignées. Il est presque impossible de connaître l'opinion, sinon de loul le peuple athénien, du moins de celle minorité active qui avait coutume de suivre régulièrement. les séances de l 'Assemblé.e el du Tribunal el qui constituait. le principal soutien des orateurs populaires. Ce que pouvaient. êlre les réactions de cc qu'il faut bien appeler l'opinion publique athénienne en face de ces tendances monarchistes si évidentes chez les penseurs politiques, nous devons avouer que rien, ou presque, ne nous permet de le savoir. Mais sans être aussi nellcmenl formulées, elles peuvent avoir existé, en liaison avec la désafTeclion pour la démocratie el pour son fonctionnement. régulier, el plus encore pour Loule aclivilé politique concrète. Cela ne paraît pas évident à priori. La politique est, avec la guerre, l'occupation par excellence du libre citoyen grec. L'inslilulion des difTérenls misllioi, qui répond au souci d'assurer l'équilibre social el politique dans la Cité, devrait. permellre à chacun de consacrer une partie de son Lemps à celle activité. En fait, l'inslilulion du mislhos ekldesiaslikos au début du ive siècle, est la preuve que l'assiduité du Démos n'était. pas continue, et qu'il tallait un appât pour amener le peuple à s'intéresser à la vie de la Cilé (2). !\lais désafTeclion pour la vie de la Cité ne veut pas dire prise de position posilive en laveur du pouvoir monarchiqu e. Faut-il suivre l'opinion de K. Von 0
(1) Op. cil., p. 23; et. également J.
pp. 54-70. (2)
ISOCRATE,
HATZFELD,
R.
S. G., 1946-1947,
.Ariop., 38; ARISTOTE, .Alh. Polit., 41, 3; et. 1upra, p. 266.
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LA CRISE POLITIQUE
Frilz (1), qui suppose quo les opinions monarchistes d'Isocrate, de Xénophon ou de Platon étaient ·celles de certains milieux aristocratiques d'Athènes, lesquels, depuis le double échec des oJigarques à la fin du v 8 siècle, ne pouvaient. plus s'avouer partisans de l'oligarchie, et. qui voyaient. dans la monarchie le seul régime capable d'assurer le maintien de l'ordre? C'est possible, encore qu'il soit nécessaire do faire· quelques réserves En effet, certains faits le prouvent, ces tendances monarchistes s'exprimaient. aussi dans les classes populaires (2). L'en· gouement pour certains hommes politiques parait. chose évidente au ive siècle. Déjà Alcibiade à la fin du siècle précédent. avait su déchaîner un enthousiasme qui tenait plus à sa personne qu'à son mérite. Si nous laissons de côté le cas du spartiate Lysandre, un peu exceptionnel, les hommes politiques ne manquent. pas qui, au ive siècle, tentent. à Athènes de jouer un rôle qui va au-delà de leurs attributions légales : un Timothéos, un Chabrias, un lphicralès, pour être stratèges, c'est-à-dire magistrats élus pour un an et. tenus de rendre des comptes à la Cité, n'en paraissent. pas moins mener po.rlois sur le plan des afTaircs exté-
rieures au moins, leur propre politique (3). Certes, ils ne s'intéressent. qu'exceptionnellement aux affaires intérieures de la Cité. Mais dans la mesure où ils l'engagent au-dehors, ils se situent déjà au-dessus de la Cité et de ses lois. Lié au problème social des mercenaires, le problème politique du chef de mercenaires peut être rattaché à l'~pparition de tendances monarchistes au ive siècle. L'Anabase de Xénophon nous en fournit. la preuve. Il prête à Clearchos, s'adressant. à ses hommes, ces propos qui sont. significatifs : u Vous êtes pour moi ma patrie, mes amis, mes compagnons d'armes; avec vous j'en suis sûr, partout où. j'irai, je serai honoré; sans vous, je ne serai capable, je le sens, ni d'aider un ami, ni de repousser un ennemi (4). > Pour tous les (1) Conservative Re ac lion and One Man's Rule ln Anclent Greece (Polilical Quarlerlg, L LVI, 1941, pp. 51-83). (2) La chose est surtout vraie hors d'Athènes, mals on en trouve la preuve à Athènes même (cf. les conclusions de M. A. AYMARD, Sur quelques vers d'Eurlplde qui poussèrent Alexandre au meurtre, M tlange1 Grlgoire, 1, pp. 7071, sur l'importance de la guerre du Péloponnèse et. de ses séquelles dans le développement. de la mystique de • l'homme prov!denUel •.) (3) Cf. •upra, pp. 273 et. as. Certes, au v• siècle, Périclès avait. détenu à Athènes un pouvoir très grand. Mals en se faisant. chaque nnnêe réélire stratège il tenait à respecter les formes légales, à ne Jamais violer la consUlulion, à faire sancllonner par l'Assemblée les déclslons qu'il avait prises. (4) Xt.N., Anab., I, 3, 6 : Noµt?: y(Îp Ô'1~ lµol dv~L xœl :rt1Tpt8cx xcd fEÀoui; xcd aup.(.14xoui;, xcd OÙ'I ôµtv vJv ch o!y.œ dvœL 'rl'1Loi; 6m>u clv ~. Sclen~
LES THEORICIENS ET LA CRISE POLITIQUE
395
déshérités, les pauvres contraints de se louer comme mercenaires, le chef qui remporte la victoire et. en lire les moyens de payer ses hommes est tout à la rois la loi même cl la patrie, au-dessus des lois de la Cité et. de toute loi, quelle qu'elle soit. Mais cette mystique du chef, si elle existe évidemment. dans le monde particulier des mercenaires, se rencontre-t.-elle aussi parmi les citoyens pauvres d'Athènes, parmi ceux qui assistent. aux séances de l 'Ekklesia, se battent. pour siéger au Tribunal, discutent. sur l'Agora, ou déchargent le blé dans les docks du Pirée? Notre réponse ne peut. se fonder que sur quelques remarques glanées ici et. là. Et. d'abord chez Aristophane. Même si l'on lient. compte de l'exagération du poète comique et. de l'indulge.nce de son public, il n'en reste pas moins qu'à plusieurs reprises, il remarque combien l'opinion publique athénienne est. méfiante envers tous les aspirants à la tyrannie (1). Quand Platon dit. que le Démos craint. les hommes supérieurs (2), il rejoint. le poète comique, même si l'on fait. la part. de l'esprit. partisan. Et. quand Isocrate explique l'échec de Timolhéos par la haine des orateurs et. du peuple c ••• pour tous ceux qui les dépassent. (3) », il confirme, à propos d'un exemple concret, l'opinion de Platon. C'est le même Isocrate, qui, à la veille de la guerre qui met. fin à la libre démo· cralie athénienne, écrit à Philippe que ses ancêtres grecs avaient été sages de devenir rois des Macédoniens, car« ••• les Grecs n'ont. pas l'habitude de supporter la monarchie, tandis que les autres peuples ne peuvent. pas régler leur vie sans celle !orme de domi· nation (4) 1. Il faut. faire la part. de la flatterie et. de la c propa· gande 1. Mais il y a là une indication qui paraît. valable pour !'Athènes du 1ve siècle, sinon pour l'ensemble des cités grecques: la grande masse des libres citoyens d'Athènes, fussent-ils réduits à la plus extrême pauvreté, demeuraient attachés à la démocratie, quand bien même elle avait. perdu son contenu politique initial, et. hostiles à tout ce qui pouvait. rappeler la tyrannie des Pisis· lratides. Les réticences d'Aristote sont. à cet égard significa· lives (5). Elles reflètent un état d'esprit général en Grèce. Elles ~" 81 lp'lµoç ~" oôx civ txœvOç otµœ ctvcn o\W civ cpl>..ov oGt' ch q6pbv ~(Xae(X,. (1) ARJ&TOPH., Gulpu, v. 488-492
~~ù.i)a(X'
(2) Rlp., 493 d et. 88.; cf. au88l ARISTOTE, Pol., VI, 4, 5 (1292 a 18-21). (3) ISOCRATE, Surf lchange, 138 : - - TOÎÇ Ô7tlp Cl'ÔTOÙÇ m9ux6cnv.
(4) Phil., 107 : Toùç µ1v "'E>J.~ oôx ct6iaµivouç ô1t0~Y T~ 3'!llouç OÔ Buv(Xµiv<>UÇ «vcu '"iç TO~Ç 3uv(X(Jn[(X;
IJ.OY(Xpxt~. TOÙÇ
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mè;)v.
(5) Pol., III, 11, 2-9 (1287 b-1288 a).
396
LA Cl!llSE POLITIQUE
nous permettent. de situer, socialement, ce courant. monarchiste, dont. nous avons essayé de dégager les principaux aspects. Il traduisait les préoccupations d'un petit groupe d'intellectuels inquiets devant le déséquilibre social et politique, et prêts à placer leur confiance dans un monarque dont l'autorité ferait. taire les mécontents et dont les c bienfaits 1 mettraient. fin à la misère générale (1). Il reste, avant de conclure, à aborder la dernière question : y a-l-il eu, dès avant la conquête macédonienne, de tels « bons
tyrans • qui ont pu être les précurseurs des souverains hellénistiques? Isocrate, dans .son Archidamos (2) fait état d'une recrudescence de la tyrannie nu ive siècle. De fait, les contemporains ou les historiens postérieurs ont laissé un certain nombre de noms : Lycophron et Jason de Phères (3}, Euphron de Sicyone (4), Philippe de Thèbes (5), Timophanès de Corinthe {6), Clearchos d'Héraclée (7), Hermias d'Alamée (8), Chairon de Pellène, Philisios et lphiadès d'Abdère, Neogenes d'Oreos, Themison d'Eretrie (9) Evagoras de Chypre (10), etc. La plupart. de ces noms nous sont. donnés par Xénophon, à propos de tel ou tel événement politique, sans que nous sachions d'eux: autre chose. D'Hermias d'Atarnéc, nous savons qu'il !ut l'ami d'Aristote et que celui-ci résida quelque temps à sa cour {11 ). Jason de Phères n été, un temps, le cher auquel songeait Isocrate pour unir la Grèce dans sa lutte contre les Barbares {12). Quant à Evagoras, nous le (1) La loi sur la tyrannie votée au lendemain de Chéronée sur proposltlon d'Eucratês (lle1p., XXI, 1952, pp. 35&-359) peut évidemment Indiquer qu'un réel danger monarchiste existait à Athènes. Nous croyons plutôt que c'était là une mesure de circonstances, dictée par le souci de satisfaire aux recom· mandations de Philippe (cf. 1upra, p. 282, n. 3). (2) Archldamo1, 66. (3) XtN., Htll., II, 3, 4; VI, 1, 2, 19; Id., 4, 32. (4) Hell., VII, 3. (5) Hell., V, 4, 2. (6) ARISTOTE, Pol., VIII, 7, 9 (1306 a 23-24); Corn. NEPOS, Tlmolh., 3; Dion., XVI, 65; PLUT., Tlm., 4-7. (i) DtM., XX (Contre üpline), 84; Dion., XV, 81, 5; JcSTr!"I, XVI, 4; POLYEN, II, 30. (8) DtM., X (4• Phil.), 32; Dion., XVI, 52, 3. (9) Cités dans GLoTz, Cild grecque, p. 452, n. 2. (10) lsocRA.TE, Evagora1; cf. en particulier la notice de G. Mathieu dans !SOCRATE, Dl1couri, t. II, Coll. des Unlv, de France. (Il) cr. W. JAEGER, Arl1lolle, pp. 112 et SS. (12) Cl. G. MATHIEU, Lei Idéu polillque1 d'l1ocralt, Paris, 1924.
LES THaoRICIENS ET LA CRISE POLITIQUE
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connaissons par l'éloge qu'a fait. de lui ce même Isocrate. Mais
il est bon de se méfier. Il nous est difficile de savoir si Evagoras a été pour Isocrate un modèle idéalisé, comme Hiéron pour Xénophon; ou si la réalité correspondait au portrait élogieux qu'a laissé le rhéteur athénien. Il est bien évident que la recrudescence de la tyrannie au ive siècle est liée d'une part à la recrudescence des luttes entre cités, d'autre part à l'aggravation du péril extérieur, provoqué par la constitution, aux frontières du monde grec, d'états semi-bar~ares de plus en plus menaçants (1). Mais elle est. liée aussi au déséquilibre social, à cette lutte qui, dans les cités grecques, met aux prises la minorité des riches et. la majorité des pauvres. Tantôt Je tyran est appelé par les uns, tantôt par les autres. Le plus souvent, il profite des troubles pour assurer contre les riches et les pauvres sa domination personnelle, n'hésitant. pas, si besoin est, à partager les terres ou â émanciper les esclaves (2). Il reste Ja philosophie. Elle règne à Tarente avec Archytas (3), Je pythagoricien passionné de musique et de mathématiques; à Assas avec Hermias qui accueille Aristote, à Syracuse enfin lorsque Dion, un temps, réussit. à s'emparer du pouvoir (4). Ce sont là des expériences sans lendemain, qui ne sont. pas des solutions. Mais eUes annoncent. Jes amitiés storciennes d'Antigonos Gonalas.
•
• • Il fauL conclure. Ni Athènes, ni, pour autant qu'on la puisse connaître, la Grèce ne sont. pl'êtes à se jeter dans les bras d'un monarque uniqu.-,. Les Grecs dans leur grande majorité, les Athéniens plus encore, restent hostiles à la monarchie. Ils demeurent. surtout. incapables de concevoir la monarchie en dehors du cadre de la Cité : le Roi idéal, dont. Jeurs théoriciens dessinent. Je por• (l) Ainsi, par exemple, la recrudescence du danger carthaginois en Sicile peut-elle expllquer la relaUve faclllt.é avec laquelle Denys a au reconaUtuer la tyrannie à son profit.. (2) L'exemple te plus frappant à cet égard eat celui de Clearcbo1 d'H6n· clée qui, appelé par le parti des riches qu'inquiétaient. le& revendfcaUon1 populaires, ae tourna contre ceux qui l'avalent porte\ au pouvoir, se fit le •patron •des pauvres et libéra les etelavea de ses advenalres(cf. D101>., XV, 81, 5; JvsT1N, XVI, .f, 2 et sa.; cf. 1upra, p. 231, n. 1). (3) Sur Archyt&1 de Tarente, cr. P. WVILl.BUJCIE'R, Tarmte du orlginu 4 la tonqulle romaine, Paris, 1943, pp. 181 ei as. (.f) Cf. 1upra, p. 343. .
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LA CRISE POLITIQUE
trait, ntesl appelé à exercer son autorité qu'à l'intérieur de ce cadre rigide. Et si certains d'entre eux, tel Isocrate, peuvent. envisager la constitution d'une union panhellénique sous l'égide du Roi de l\~acédoi~c (1 ), ils n'en demeurent pas moins étrangers à l'idée d'une monarchie nationale. A cet égard, l'apport macédonien sera considérable. Alexandre ajoutera la marque orientale. Il n'en reste cependant pas moins vrai que la conception du monarque hellénistique est. déjà en J>:>rtie réalisée au ive siècle (2). Ce qu'il faut. retenir de celle élude, c'est que la monarchie apparaît. aux ,inlcllcclucls athéniens du ive siècle comme la forme de polileia la plus proche de leur idéal. S'ils acceptent la démocratie, avec réticence, c'est qu'ils vivent à Athènes cl qu'il leur faut bien s'accommoder de ln réalité. Stils rejettent l'oligarchie, c'est à la fois par principe et par opportunisme. Mais, sous le nom dtaristocratic, ils sont prHs à se rallier au gouvernement du c petit nombre 1, Car la polileia décrite par Platon dans les Lois tout. comme la polileia pnr excellence, reposant sur le gouvernement de la classe moyenne don.t. rêve Aristote, sont. en fait. des conslilulions oligarchiques. JI y a bien la Cité idéale construite par Platon dans la République. Mais elle n'est pas pour lui une solution, tout au plus un rêve de retour à l':ige d'or qu'il sait impossible. En fai~ l'altitude des difTérents théoriciens du 1v 8 siècle en face du problème politique de la crise de la Cité confirme cc qu'avait. déjà révélé l'analyse de leur attitude en faco de la crise sociale. Aucun d'entre eux ne songe réellement à jouer un rôle efficace, à intervenir personnellement, à se mêler aux discussions de l'Assemblée ou du Conseil. Hommes de pensée plus que d'action, ils peuvent. être liés personnellement à certains hommes politiques, leur fournir des arguments, servir leur propagande. Mais leur ambition ne va jamais au-delà. Ce sont d'abord des éducateurs, cl _il n'est pas étonnant. que l'éducation leur pàrnissc être finalement le seul et. universel remède aux maux de la Cité. Par là même, leurs critiques et les remèdes qu'ils suggèrent (1) et. Infra, pp. 435 et. as. V. EHRENBERG, Aluander and the Greekl, p. 83, fait la remarque qu'Arislole n'est même pas allé aussi loin et conclut : • Klngshf p ln the Polillc• always and excluslvely signifies kingshlp wilhln a Polis.:., nnd never hegemony or a League of Polels. • (2) Sur les di1Jérents caractères de la monarchie belléplsUque, cf. l'important. rapport. de M. A. AYMARD ou X• Congrls inlernalional des Sclencu hisloriquta, t. II, Rome, 1955, pp. 215-234.
LES Tll~ORICIENS ET LA CRISE POLITIQUE
309
n'ont. aucune efficacité réelle. C'csL en dehors d'eux que se joue le destin d'Athènes cl de la Cité grecque. Leur contribution à l'élaboration d'une nouvelle forme de civilisation ne sera elTcctivc que lorsque militairement et politiquement la démocratie athénienne aura été vaincue.
IV I,'f'S
ECHECS DE LA POLITIQUE ~D'ATHENES:
LA FIN DE LA GRECE DES CITES La crise économique que traverse le monde grec .en général, et Athènes, jusque-là au premier rang, en particulier, le déséquilibre social qui en résulte et. qui affecte d,autant plus les cilés grecques que la ·1émocratie y est moins fortement. installée, ont eu pour effet, li. Athènes, de fausser les inslilutions démocratiques traditionnelles, viciées par les luttes qui opposent sourdement riches et pauvres. Ailleurs, les régimes moins solides ou plus archaiques ont été ébranlés. Si la démocratie subsiste à Athènes, elle est plusieurs fois renversée et rétablie élans d'autres cités. La constitution spartiate ne correspond plus à la réalité sociale nouvelle dans Je Péloponnèse et c'est. vers un idéal bien éloigné de faits contemporains que se tournent. les penseurs athéniens. La Cité déchirée comme le remarque Platon en deux cités rivales (1) n'a plus la force de se maintenir. Il serait toutefois arbitraire, quelles qu'aient pu être la force et. la justification du principe d'autonomie dans les cités grecques, de ne concevoir le problème de la crise de la Cité que comme un problème intérieur, affectant. les structures internes de chaque Cité prise à part. L'équilibre réalisé par certaines cités grecques au ve siècle, et en premier lieu par Athènes, n'avait. été possible que parce que ces cités exerçaient souvent. sur leurs voisines une hégémonie qui au cours du siècle s'était transformée en domination. Justifiée au départ. par une prééminence souvent. militaire, elle avait rapidement pris un caractère difTérent, les problèmes économiques et politiques passant. au premier plan. L'exemple le plus caractéristique de ce passage de l'hégémonie à l'arkhé demeure évidemment l'exemple athénien. De même qu'Athènes (1)
PLATON, R~p.,
422 t, 551 d.
LA FIN DE LA GRÈCE DES ClTtS
401
avait réalisé au v• siècle la forme la plus perfectionnée de démocratie politique, de m~me aussi qu'elle avait acquis la première place dans tous les domaines de la production, tant matérielle qu'intellectuelle ou artistique, elle avait. réussi à fonder un empire dont l'existence était un gage à la fois d'équilibre social et. de sécurité politique. Dominant. des cités contrôlées par les démocrates, leur imposant. sa monnaie et. les produits de son indus. trie, installant. sur leur territoire les plus pauvres de ses citoyens, Athènes avait. réussi à imposer à une partie du monde égéen la reconnaissance implicite de sa suprématie. Le triomphe de la démocratie, incarnée par la grande figure de Périclès, demeurait inséparable de rimpérialisme dont. ce même Périclès avait. affirmé les principes et jeté les bases. Mais ce sont. là remarques banales dont. on ne saurait. se contenter : le problème de 1a crise de la Cité grecque au 1v• siècle, et particulièrement. de la crise de la démocratie athénienne, ne peut. être complètement. abordé sans une étude de la faîllitc de l'impérialisme athénien et. de l'échec de toute solut{on fédérale dont certains pensent qu'elle eQt peutêt.re pu éviter à la Grèce la conquête macédonienne. A)
LA FAILLITE DE L,IMP~RIALISME AU IVe SI~CLE
ATH~NIEN
L'historien de r Antiquité doit. toujours aborder avec prudence les notions générales qui prêtent. à contusion avec les réalités du monde contemporain. Il est aujourd'hui courant. de parler de l'impérialisme athénien (1). l\lais l'arkhé exercée par At.br.Je& sur ses «alliés 1 n'était en rien comparable à cc qu'a pu être, par exemple, l'impérialisme anglais au xxxe siècle. Et il faut se gar.. der de présenter le soulèvement de ces mêmes alliés contre Athènes, leur ralliement. autour de Sparte comme une quel· conque explosion de «nationalisme». Il importe donc d'abord de rappeler ce qu'était. l'impérialisme athénien, pour mieux comprendre en quoi sa faillite au ive siècle a contribué à précipiter la fin du régime de la Cité. Le problème de l'impérialisme athénien a été étudié récemment. dans un travail important de )tme J. de Romilly (2). )lme do (1) et. en particulier FERGUSON, Greek lmpulaliam, Boston et New York, 1913; J. R. PALANQUE, Lea lmpuiali1mu anllquu, Paris, 1948, etc. (2) J. DB ROMILLY1 Thucydide et f imJJ'riali1me afhlnien, 2• éd., Paris, 1951. c.
11011i
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LA CRISE POLITIQUE
Romilly n'a pas analysé l'impérialisme en soi, mais bien plutôt l'altitude de Thucydide en face de la politique athénienne, et son effort pour en dégager les principaux aspects et les grandes lignes de l'évolution au cours de son récit de la guerre du Péloponnèse, et à travers les discours qu'il prête aux adversaires, ainsi qu'aux principaux dirigeants de la démocratie athénienne. De cet.te étude extrêmement brillante, il ressort que Mme de Romilly fait sienne l'interprétation générale de Thucydide. Nous aurons à plusieurs reprises l'occasion de revenir sur ses conclusions, d'autant qu'elle situe nombre des passages les plus importants du texte dans une rédaction tardive qui daterait. des années 404-403 (1), et que son interprétation ouvre des aperçus particulièrement intéressants sur l'état de l'opinion athénienne au lendemain de la défaite d' Aigos Potamos. Nous nous arrêterons d'abord aux conclusions auxquelles elle aboutit au terme de la seconde partie de son travail, consacrée aux• aspects de l'impérialisme dans l'œuvre de Thucydide (2) ». Mme de Romilly souligne en premier lieu que, dans l'œuvre du grand historien athénien, l'impérialisme se présente comme la politique athénienne dans son unité • ... tout se fond dans une unité de fait, comme s'il n'y avait qu'une volonté en jeu, et toujours la même, comme si Athènes en bloc était impérialiste, et toujours de la même façon (3) 1. MiDe de Romilly remarque que les interventions de Diodote contre Cléon ou de Nicias contre Alcibiade ne portent. que sur des détails : « ••• car entre les deux programmes impérialistes, il n'y a en réalité qu'une difTérence de degré. Extrême quand les circonstances le permettent. et quand la situation est prospère, modérée quand celle-ci l'est moins, l'ambition d'Athènes tend toujours, par nature, à n'avoir point. de limites : elle tend à lutter contre Sparte, à s'imposer à ses sujets, à.étendre à l'Est. et à l'Ouest le champ de ses conquêtes : tel est le seul véritable impérialisme qui se manifeste seulement. plus ou moins selon les possibilités qui lui sont offertes (4) 1. C'est pourquoi aussi, si l'impérialisme s'explique par la recherche de satisfactions matérielles, celle~-ci ne sont que secondaires par rapport aux raisons d'ordre psychologique c ••• qui sont le gollt. de l'action et. le besoin d'autorité (5) ». Et c'est précisément parce que l'impérialisme est d'abord d'ordre psycholo(1) J. DE ROMILLY, Thucydide d rlmph'lali•me alhinien, pp. 287 et. (2) Ibid., pp. 56 et. 11.
(3) Ibid., p. 57. (4) Ibid., pp. 61-62.
(5) Io., Ibid., p. 72.
u.
LA FIN DE LA GRÈCE DES CIT~S
403
gique qu'il est possible d'en affirmer l'unité et d'en découvrir les lois internes (1). Mme de Romilly conclut. : •Ce qui anime la passion des Athéniens, c'est. en effet. le goût. qu'ils éprouvent. pour l'admiration, le renom, les marques d'honneur : sous sa forme la plus haute, cette passion tend à la gloire; sous sa forme la plus basse à l'usage du pouvoir; dans le premier cas l'on a Périclès, dans le second l'homme de la rue (2). » . Ainsi donc, Thucydide a volontairement, par souci d'abstraction philosophique, dissimulé les difTérents • programmes » impériaJistes. Mais parce que l'impérialisme athénien est. essentiellement. un phénomène psychologique, son souci d'abstraction rejoint. en fait. la réalité profonde. Or, il peut. sembler utile sur l'un et. l'autre point de faire quelques réserves. Peut-on d'abord affirmer de façon certaine qu'il y avait. à Athènes, au ve siècle, en face du problème impérialiste les trois groupes - adversaires, impérialistes modérés et extrêmes - auxquels Mme de Romilly fait. allusion? Certes, on ne peut. nier qu'il y ait. eu des adversaires de l'impérialisme en la personne des oligarques, des représentants de la vieille aristocratie foncière, qui, comme l'auteur anonyme de la Ripublique des Athéniens, voyaient. clairement, le lien existant entre démocralie et. impérialisme, et. étaient opposés à run parce qu'opposés à l'autre. Mais il paraît. plus difficiJe de croire à la difTérence posée par Mme de Romilly entre modérés et. extrémistes, les premiers bornant. leur ambition à la domination orientale du monde grec, et. souhaitant. une entente Sparte-Athènes pour une lutte contre les Barbares (3), tandis que les autres voulaient. établir l'hégémonie athénienne non seu· lement. sur la mer ~gée, mais encore en Méditerranée occidentale, pour mieux ensuite asservir Sparte (4). ?t{me de Romilly appuie son argumentation sur des passages des difTérents discours prêtés par Thucydide aux hommes politiques athéniens, tout. en remarquant. qu'il • •..s'est. délibérément. refusé à nous renseigner sur ces tradilions (politiques) (5) ». N'est-ce pas là la preuve qu'au ve siècle, ces oppositions n'étaient. pas aussi fortes qu'elles le deviendront ensuite? Ne faut-il pas imputer aux rédactions tardives les nuances qui sont, certainement. plus valables en 404 qu'elles ne l'étaient. en 431? (1) C'est à quoi est. consacrie la quatrième partie de l'ouvrage de M•• de Romilly (cf. en particulier pp. 261 et 88.). (2) Op. cil., p. 73. (3) Op. cil., p. E'>9. (4) Cf. le discours d'Alclblade, dans THoc., VII, 90, 2. (5) Op. cil., p. 61.
404
LA CRISE POLITIQUE
Mais cela nous amène à la seconde réserve : certes, on ne peut. nier l'importance du facteur psychologique et de ses lois dans Je développement. de l'impérialisme. Nous le verrons prendr~ au ive siècle une importance encore plus grande. Mais doit-on lo considérer comme Je facteur fondamental, et faut.-il rejeter au second plan la recherche des satisfactions matérielles? Nous ne le pensons pas, et. si nous admettons volontiers avee Mme de Romilly que les adversaires et. les partisans invoquent. le plus souvent. les motifs d'ordre psychologique (mais a-t-on l'habitude d'avouer les autres?) tout prouve en fait. que les objectifs matériels étaient. essentiels et primordiaux. Certes la tha· lassocratie devait. flatter les Athéniens, et. tous pouvaient. souhaiter également la maintenir. Mais le problème du ravitaille· ment. en blé n'en demeurait. pas moins fondamental. Le tribut, Aristophane et. Aristote ont. souligné le fait, faisait vivre de nombreux. Athéniens et. assurait. le paiement des différents mislhoi (1). L'existence d'une flotte puissante nécessitait. de nombreu.~ rameurs que leur solde nourrissait pendant. une grande partie de l'année (2). Elle assuraii en outre une certaine sécurité des mers dont bénéficiaient. en tout. premier lieu les marchands athéniens ou domiciliés à Athènes. La création des clérouquies sur le terri· toire des cités alliées avait. permis aux dirigeants de la démocratie de résoudre le problème agraire (3). Enfin l'industrie du Lau· rion trouvait. dans ces mêmes cités une clientèle avide de recevoir les précieuses • chouettes •· Si le passage de la sgmmachia à rarkhl exprimait. une évolution naturelle liée au développement. de l'hgl>rir, il manifestait. surtout. les transformations profondes de l'économie et. de la société athéniennes au cours du v• siècle. Est.-ce à dire qu'il s'agissait. d'un impérialisme économique? Nous sommes tout. à fait. d'accord avec Mme de Romilly quand elle remarque : c •••d'une façon générale, il parait. tout. à fait. certain que les circonstances d'ordre économique jouaient. dans l'Atbènes du v• siècle un moins grand rôle que dans l'Europe (l) ARISTOPH., Gulpu, v. 707-109; ARISTOTE, Ath. Polil., 24, 3; cf. Tnuc., VI, 24, 3. (2) PLUT., Plriclu, u, 4; THuc., VI, 24, 3; et. J. DE RoanLLY, op. eit., p. 69, D. 2. (3) PLUT., Plrlclù, 11, 6, 19; 0100., XI, 88; Tuuc., Ill, 50, 2, etc.; cf. R. MEIGGS, The Growth of lhe Athenian lmperiaU1m (J.H. S., LXIII, 1943, pp. ~l et as.); A Note on Athenlan Jmperlaliam (C. !}., 1949, pp. 9 et ss.). Sur les clêrouqulea en particulier, cr. M. WAGNER, Zur Geichlchtt der Alti•.. dlen Kleruchtn, Tublngen, 1915; BusoLT·SwoaooA, Il, pp. 1271 et ss.; ScuuLTHESS, art.. xl."')pO\ixot, dans R. B., XI, 1, 1921, col. 814.s:n; E. C.A.11.LEMBR, arL Colonie, dana D. A., 1, 2, pp. 1301·1302.
LA FIN DE LA GRtCE DES ClTtS moderne. La Cité ne se désintéressait. pas du profit., mais cet objectif même ne lui inspirait. qu'une action secondaire et fragmentaire (1) ». Nous ajouterons seulement. qu'elles jouaient. un rôle différent, qu'il ne s'agissait certes pas de rechercher un profit, mais bien plutôt. que l'impérialisme répondait à une nécessi~ interne, qu'il avait. pour but. de maintenir l'équilibre social sur lequel reposait la démocratie, qu'il créait les conditions mêmes de cet. équilibre puisqu'il assurait le ravitaillement. à bon marché, un salaire minimum à peu près constant. pour un grand nombre de citoyens, une clientèle aux produits de rindustrie athénienne, des terres à ceux qui en manquaient (2). Dans ces conditions on s'explique l'unité de rimpérialisme athénien : la majeure partie des citoyens, au milieu du ve siècle ne pouvaient. qu'approuver une politique qui leur assurait. la sécurité matérielle et. qui satisfaisait leur vanité. Seuls étaient host.ilesles adversaires de la démocratie, les représentants de la vieille aristocratie, tous ceux qui répugnaient à partager avec les plus misérables la direction de la Cité, et qui par ailleurs, tirant. l'essentiel de Jeurs ressources des revenus de leurs terres, n'étaient pas directement intéressés à la politique expansionniste d'Athènes (3). Les autres, commerçants, concessionnaires de mines, propriétaires d'esclaves ou d'ateliers, petits artisans du Céramique, paysans, dockers. marins, multiples revendeurs étaient tous également. satisfaits et. prêts à tout faire pour détendre ce qui assu-rait. leur sécurit6 matérielle. La guerre cependant. allait détruire cet. équilibre. Il est. hors de doute qu'elle fut amenée directement. par la cristallisation des mécontents autour de Sparte. l\{me de Ro111illy distingue, dans son analyse des aspects de l'impérialisme, les buts qui sont essentiellement. dictés par des préoccupations d'ordre psychologique, et. les manirestalions qui sont autant. d'expressions de l'/JgbriB (4). En réalité, nous pensons que buts et. manifestations étaient. lnlimement liés; et que, parce que l'impérialisme correspondait. à une nécessité interne pressante, iJ ne pouvait. pas ne pas recou· rir aux exactions, à la répression, aux procès politiques, suscitant. des haines qui appelaient. de nouveaux recours à la vio(1) J, DB ROJULLY, op. dl., p. 71. (2) Sur rlmportance du commerce athénien et ses 1Jen1 avec l'Jmp6rlaJlsme politique, cf. 1upra, pp. 110 et. u., 124 et ss. (3) C'est ta ce çoupe 6v1demment qu'apparUent rauteur anonyme de la lllpublique du .A.lhlnie,.. (et en parUculler I, 13). (4) Op. cil., pp. 61 et. BI.; PP• 81 et. 81.
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lence (1). Toutes ces haines, d'abord isolées, avaient fini par se cristalliser autour de Sparte. Nous n'avons pas ici l'intention de reprendre la question de la responsabilité de Sparte dans le déclenchement. de la guerre du Péloponnèse. Il faudrait savoir exactement. ce qu'était Sparte au milieu du ve siècle. Mais le caractère archaique de sa politei"a en faisait tout naturellement. un pôle d'attraction pour les adversaires de la démocratie impérialiste. Il ne faut pas négliger cependant l'affirmation que Thucydide prête à Phrynichos (2) qu'à un certain moment les options politiques cessèrent d'être volables, el que les alliés se soulevèrent. pour leur indépendance, sans souci des formes politiques. Quoi qu'il en soit, c'est d'abord autour de Sparte que se groupèrent. les mécontents, et. c•est. la force militaire de Sparte qui donna à la guerre son caractère acharné. :Mais les destructions mêmes qu'elle provoqua, les lourdes pertes, la peste, la stratégie préconisée par Périclès, n'allaient pas tarder à faire nattre des divisions dans le camp des impérialistes. Les paysans, astreints au service d'hoplites, contraints de vivre à la ville et. d'abandonner leurs terres dévastées par les razzias des armées lacédémoniennes aspiraient. à la paix, et. ne comprenaient. pas que la guerre se prolongeât inutilement. et sans profit. pour personne. On peut admettre que les marchands ou les industriels étaient, pour des raisons différentes, du même avis. Pour eux aussi la guerre était coQteuse. C'est. sur eux que retombaient. la triérarchie et. les frais d'entretien de la cavalerie. L'eisphora les frappait aussi. Enfm les relations commerciales ne pouvaient. qu'être affectées par la guerre maritime et. la piraterie renaissante. Eux aussi aspi(1) Cf. l'analyse de l'êvolullon de la ligue alllco-délienne, dans G. TENE• x1nt1, La Nollon juridique d'lndlpendante d la tradlllon helllnlqu1, aulono. mlt et /lduali1mt auz V'-IV• llitlu au. J •• c., Colt de l'Institut français d'Athênes, Athênes, 1954, pp. 55 et ss. L'auteur dlstlngue les dUTérentea manllestaUons de cette évolution : suppression de l'autonomie des cltês, suppression des organes communs de la confêdêraUon, dlsparlUon du but. commun par la conclusion de lac paix• de camas. Le serment. prêté par les Chaleldiens révèle assez bien le nouveau caractère du lien qui unissait. les Athéniens à leurs alliés: c Je ne me aêpareral du peuple athénien par aucun moyen, ni aucune manœuvre, nJ en paroles, nJ en actions. Je n•obêlral point à quiconque s•en 16pareralt, et si quelqu'un pousse à la détection, je Je dénoncerai aux Athéniens. Je paierai Je tribut aux Athéniens après entente avec eux. Je serai un allié aussi zélé, aussi loyal qu'il me sera posslble; Je me porterai au secoun et. 6. la défense du peuple athénien • (Ton, 1, n• 42, pp. 82· 86). Sur l'établissement. forcé de Ja démocratie chez les aW6s, cf. ARISTOTE, Pol., IV, 11 (1296 a 32 et ss.); PLATON, Ltllru, VII, 332 e; ISOCRATE, Panalh.., 54, 68, 99-100 (JusUficatlon du principe). (2) Teuc., VIII, 48, 5.
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raient à la paix, et l'on comprend ainsi que Trygée ait applaudi à la paix de Nicias. Le petit. paysan d'Aristophane et. le riche propriêlaire d'esclaves se rejoignaient. dans une même lassitude. Mais il en allait. autrement du Démos de la ville et. de ses représentants. A lui, la guerre ne coQtait. rien, ou presque rien. Bien au contraire, le service dans la flotte lui assurait. la solde quotidienne. L'afflux de la population des dèmes ruraux à l'intérieur des murs de la ville devait favoriser le petit commerce. D'autre part. la guerre pouvait aussi rapporter des avantages matériels, du butin, des terres nouvelles (1). Certains stratèges et. certains orateurs poussaient à la guerre pour d'autres raisons. Ils espéraient. en tirer honneurs et bénéfices. Il ne faut pas perdre de we non plus les intérêts de ces marchands de lances et. de boucliers que fustigeait. Aristophane (2}; et le tanneur Cléon n'était. peut.-.être pas tout. à fait. désintéressé quand il· préconisait la guerre à outrance. Mais Cléon avait. aussi des mobiles plus élevés. Il était, dans un style plus vulgaire, le véritable continuateur de Périclès, dans une situation qui s'était modifiée. Il savait que la perte de l'empire pouvait. être fatale à la démocratie. Et. pour la maintenir, il acceptait. le recours à la violence. Ainsi les difTérents aspects de l'impérialisme athénien doivent-ils être étudiés, non seulement. de façon statique, mais aussi dans le temps et compte tenu des intérêts particuliers des différent.es catégories sociales, de l'ambition aussi, et. de la person· nalité des différents individus dans lesquels ils s'incarnaient.. Il est certain qu'avant. 421. les nuances sont moins sensibles qui distinguent. extrémistes et. modérés. Dans la Paix, Aristophane admet ·qu'après tout. le Démos rural a eu souvent. les mêmes intérêts que le Démos urbain. Les distinctions n•apparaissent. · qu'au fur et à mesure que la guerre approfondit. les contradictions entre les différents éléments de la société athénienne. Elles finissent. par créer de véritables c partis • qui s'opposent. après 411. Mais alors même on peut. se demander si les c programmes 1 que croit. reconnaître Mme de Romilly étaient.· aussi nettement. formulés. Ces programmes se sépareraient sur la double question des rapports avec Sparte et des zones d'expansion (3). En (1) et. l&OCRATE, Paiz, 79 : • ••• qul en effet e1lt. pu supporter l'insolence de nos pères qul appelaient de toute la Grece les gens les plus paresseux, ceux qui parllcfpalent à toutes les méchancetés, pour en emplir leurs trières et se faire détaler des Grecs, qui expulsaient. les meilleurs d'entre les citoyens de ces cités, pour distribuer Jeun biens aux plus mauvais des Grecs •· (2) Cf. ARISTOPH., Palz, v. 1211 et. ss. (3) Cf. J. DE ROMILLY, op. cil. 1 p. 59.
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réalité, parce que Sparte était devenue incontestablement le chef de la coalition contre Athènes, tous ceux qui aspiraient. à la paix devaient. nécessairement. souhaiter un rapprochement avec Sparte et., la guerre n'ayant pas absolument tranché, un partage d'in· fluence avec elle. Les autres, au contraire, voyaient. dans Sparte l'ennemi à abattre, et, dans la mesure où ils défendaient. la dém~ cratie, n'avaient. que haine pour la Cité qui symbolisait. l'oligar· chie, l'élément. psychologique venant. ainsi renforcer l'antag~ nisme de fait. Quant. au problème des zones d'expansion, il nous semble un peu arbitraire de distinguer entre partisans d'un impé· rialisme oriental exclusivement, et. partisans d'un impérialisme total. Là encore, il faut tenir compte des faits et. des individus. Périclès avait. favorisé la fondation de Thourioi et. ne négligeait pas l'Occident. (1). Alcibiade rêvait. d'un monde à la mesure de son ambition, et l'on peut difficilement. en faire un chef de parti. Il y avait. aussi le problème du ravitaillement. en grains. La perle de l'~gypte, les communications plus difficiles avec la région du Pont. pouvaient, à certains moments, donner à la Sicile une plus grande importance, sans qu'il y ait. pour autant. chez certains un plan précis et conscient. d'expansion à l'Ouest. (2). Pour revenir à Thucydide, nous sommes tenté, enfin, de tirer parti, contre lt{me de Romilly, de sa prop~e démonstration. L'un des multiples intérêts de son travail, dont. nous n'avons retenu que quelques aspects qui nous intéressaient plus particulièrement, est. d'avoir tenté une datation logique de l'ouvrage deThucydide. Elle est. parvenue à la conclusion que de nombreux passages de l'œuvre, ceux qui précisément posaient. le problème de la justification de l'impérialisme et. de la condamnation de ses outrances provenaient. d'une rédaction tardive qu'elle situe après 404, c'està-dire après la dislocation de l'empire (3). On ne peut s'étonner qu'alors les nuances apparaissent. plus fortement marquées. La défaite a encore approfondi les antagonismes, la révolution oligarchique a donné libre cours à toutes les haines accumulées. (1) Dion., XII, 10, 7 et ss.; Pt.UT., PirlcU1, 11. (2) Cf. lsocRATE, Sur la palz, 84-85 : • Ils en arrivèrent. à un tel point. d'insouciance pour leurs a.f?alres personnelles et de convolUse pour le blen d'autrui, qu'au moment où les Lacédémoniens avalent envahi leur pays et o'il la forteresse de Décélie était déjà construite, ils équipaient des trières pour la Sicile, et n'avaient pas honte de laisser leur patrie dévastée et saccagée, pour envoyer une armée contre des gens qul ne nous avalent. jamais fait de tort; fis en vinrent à un tel degré d'aberrallon, que n'étant plus maitres de leur propre banlieue, ils a'allendalent à dominer la Sicile et Carthage. • (3) Op. cil., pp. 290 et as.
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Enfin, le problème se pose de l'avenir de la démocratie athé.. nienne restaurée. Nous avons déjà décrit, dans les pages précédentes, la situation au lendemain de la guerre du Péloponnèse, la ruine des campagnes, la misère du Démos, le trésor de la Cité complètement vide, les murs détruits, les garnisons lacédémoniennes dans les îles. Il ne pouvait être question de rétablir l'hégémonie athénienne et, par celte hégémonie, de créer les conditions d'un nou .. vel équilibre. La marine athénienne était inexistante, et partout régnait la loi de Sparte ou de ses alliés {l). Cependant, déjà Conon contribuait à faire renaître la marine athénienne et Thrasybule entreprenait une campagne victorieuse dans !'Hellespont (2). La réaction contre cet effort de rétablissement de l'hé· gémonie athénienne n'allait pas tarder à se faire sentir : en 386, · le Roi, à l'appel de Sparte, imposait. à la Grèce la paix d'Antalki .. das dont le principe premier était le respect de l'autonomie des cités, c'est.à-dire la condamnation de tout impérialisme en géné· ral, de l'impérialisme athénien en particulier (3). l\f ais c'est précisément au moment. où Athènes s'engageait solennellement à respecter l'autonomie des cités grecques que se développait dans la Cité un nouveau courant impérialiste qui allait donner naissance à l'ultime tentative de rétablissement de l'hégémonie athénienne.
• •• Si, jusqu'en 421, le nombre des adversaires de l'impérialisme avait été assez limité, et si, par souci d'abstraction, Thucydide pouvait à juste titre confondre le parti impérialiste avec la Cité tout entière, présentant. les Athéniens dans leur ensemble, sans distinction de tendance, nous avons vu qu'il en allait différemment après la paix de Nicias, et que déjà apparaissaient. des nuances sensibles entre extrémistes et. modérés. La défaite et la pénible reconstitution de la puissance maritime et financière d'Athènes devaient aggraver encore ces contradictions, et. nous avons essayé de déceler les facteurs réels de ces antagonismes qui déchiraient. la société athénienne du IVe siècle. Or, la politique (1) Cf. Lvs., XXXIII, 5; ANoocmE, III (Sur la palz), 15 et 1upra, pp. 303 et SB. (2) Xtz.1., Htll., IV, 8, 25 et ss.; D10D., XIV, 94; Dtx., XX (Contre Ltpllne), 59-60. (3) XtN., Htll., V, 1, 31; DroD., XIV, 110.
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extérieure, et tout. particulièrement Je problème de l'impérialisme n'était. pas un des moindres sujets de discorde. Tandis que des milieux de plus en plus étendus se détachaient du régime, certains remettaient. en cause toute la politique suivie par Athènes au ve siècle. Il ne s'agissait plus seulement d'impérialisme violent. ou d'impérialisme modéré, d•impérialisme oriental ou occidental. Le principe même de l'arkhl était combattu, les droits qu'Athènes prétendait avoir de contrôler le monde égéen étaient contestés par des Athéniens. Nous ne disposons malheureusement pas, pour Je 1ve siècle, de témoignages aussi importants que celui de Thucydide, et nous n~ voyons pas, comme dans le dialogue entre Diodote et Cléon, s'afTronter ouvertement les adversaires. Mais toute la littérature politique du. ive siècle témoigne de l'existence de ces antagonismes, et. à travers elle, il est possible de déceler l'évolution de l'opinion publique sur ce problème fondamental. Il est hors de doute qu'au début. du ive siêcle, la majeure partie de l'opinion publique athénienne rêvait d'une reconstitution de l'empire (1). Athènes n'avait. pas accepté sa défaite et. le prompt. succès des démocrates en 403, venant après rodieuse tyrannie des Trente, n'avait pas manqué, nous l'avons déjà dit, d'assurer un regain de faveur à la démocratie et. à ses dirigeants. Certes, les modérés, les Théraméniens, étaient restés nombreux à la Boula et. détenaient une grande partie des magistratures. Mais s•ils avaient. réussi â s'opposer victorieusement à toute tentative d'élargissement. de la démocratie, ils n'en restaient. pas moins légèrement. compromis par leur altitude neutre. Il est remarquable d'ailleurs de constater qu'alors qu'on élisait un modéré comme Euc1ide à l'archontat, la stratégie qui restait la plus haute magistrature de r.atat, allait. de préfér~nce aux démocrates les plus acharnés. Thrasybule ne réussissait. pas à faire passer son décret accordant la citoyenneté aux métèques, mais sa poli.. tique extérieure était approuvée par la majorité de l'Assemblée. Entre les orateurs démocrates et les stratèges, s'ébauchait. cette association que devaient par la suite dénoncer les écrivains politiques (2). Or, Jes uns et les autres avaient intérêt à rétablir l'hégémonie (1) Cependant les opposants étalent encore nombreux, même après les premières victoires de Conon (cf. ARISTOPH., Au. du f., v. 197, qut prouve que Jes • riches •et les • paysans 1 demeuraient méfiants en race de tout projet. d'aventures maritimes; cf. également Lvs., XXVIII, 11 et. as. sur l'opposlUon à la pollllque de Thrasybule). (2) Cf. aupra, p. 273.
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athénienne dans la Mer Egée. Les orateurs démocrates comprenaient. que leur sort était lié à celui de la démocratie, c'est.-à-dire à l'empire. Pour résoudre les multiples problèmes auxquels ils devaient. raire face, les expéditions extérieures fructueuses, le rétablissement. des clérouquies, le contrôle des roules d'arrivée du blé, les taxes établies au Bosphore leur paraissaient. nécessaires. Le problème des terres se posait avec une gravité plus grande. Le nombre de citoyens vivant. aux frais de la Cité mena· çait. de s'accroître. Le paiement. du mislhos ekklesiaslikos grevait. le budget de 1•gtat. et. exigeait des ressources nouvelles que l'Atlique seule ne pouvait procurer. Il fallait. rétablir la prépondérance commerciale d'Athènes, le contrôle sur les iles. Plus encore qu'au v• siècle, le sort de la démocratie était. lié au rétablissement. de l'Empire. Mais, il va de soi que ces nécessités internes, pour impérieuses qu'elles fussent, ne suffisaient. pas à cimenter l'unité du « parti • impérialiste. Il ne faudrait. pas négliger l'ambition des stratèges, avides de gloire militaire à bon marché et. qui souhaitaient. des expéditions lucratives. Le plaidoyer de Lysias, Sur les biens d'Arislophane, montre assez éloquemment. comment. certains stratèges réussirent., dans les années qui précédèrent. la constitution de la seconde confédération maritime, à réaliser des fortunes importantes (1). L'exemple de Conon et de ses amis fut suivi par les stratèges de la première moitié du siècle. La richesse d'lphicrat.es ou de Timothéos était considérable et résultait. pour une grande partie de leurs expéditions militaires (2). Certes, les stratèges levaient. arbitrairement. des taxes pour entretenir leurs armées de mercenaires. Mais on peut facilement. admettre qu'une partie du butin restait. entre leurs mains. Même Timothéos, s'il hérita sa fortune de son père Conon, n'a pas dû manquer de la compléter par des opérations fructueuses, et. il faut admettre avec réserve l'affirmation d'Isocrate que les alliés d'Athènes n'eurent. à souffrir aucun dommage de sa part (3). liais, il va de soi qu'orateurs et stratèges n'agissaient. ainsi que parce qu'ils avaient derrière eux la grande masse du Démos. On ne peut manquer de rappeler ici la formule que prête Andocide aux adversaires de la paix avec Sparte, qui pourtant. laissait. Athènes reconstruire ses murs : « Ce ne sont. pas les murs qui leur donnent. de quoi manger {4}. 1 La guerre pour le rétablissement. (1) Lvs., XIX, 35. (2) Cf. 1upra, p. 147. (3) lsOCRATE, Sur rlchange, 127. (4) ANDOCIDE, III (Sur la palz), 36: 4Tt~ ~ -r(;)v 'Tl'X~V oô>e ctvcu °'lcn
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de l'empire laissait espérer un riche butin, l'existence matérielleassurée pendant. plusieurs mois, des terres à conquérir. Elle permettrait. à Athènes de recouvrer sa puissance d•autrefois et ce n'était. pas l'un des moindres arguments évoqués par les ora... teurs du parti impérialiste, car ils savaient. par là pouvoir toucher des couches plus larges de la population, tous ceux qui n'avaient. pas directement intérêt. au rétablissement. de l'Empire, qui peut,.. être n'en concevaient. pas la nécessité, mais qui ne pouvaient. rester insensibles devant. la perspective d'un retour à la grandeur passée. Ceux-là d'ailleurs n'allaient. pas tarder à se détacher du parti impérialiste lorsque la guerre coûterait. plus qu'elle ne rapporterait, lorsque surtout. le poids de l'eisphora et. de la trié-rarchie allait. peser sur eux plus complètement. encore qu'au ve siècle: ainsi la rupture qui déjà s'amorçait. à la fin du ve siècle ne fera-t.-elle que s'approfondir au cours du ive siècle. De cette évolution des classes possédantes, l'exemple d'Jsocrate est. assez caractéristique, qui du Panégyrique au Sur la paiz, de partisan de l'hégémonie athénienne se fait adversaire irréductible de l'impérialisme. · Entre le Panégyrique de 380 et. le discours ~crit en 356, à la veille de la bataille d'Embata, il y a une apparente contradiction (1). Le premier justifie l'impérialisme athénien que le second dénonce avec vigueur. Et. tous les critiques ont été embarrassés par cette ombre dans le tableau qu'ils ont. dressé d'un Isocrate partisan de l'unit.6 hellénique. basée sur le respect de l'autonomie. l\f ais un tel embarras nous semble procéder d•une conception a priori de la littérature politique. Isocrate n'est. pas un individu isolé, sans lien aucun avec l'évolution de la Cité dans laquelle il vit et dont. il suit. passionnément. les problèmes - sans lien non plus avec un milieu social auquel il ne manque pas de se vanter d'appartenir. Nier qu'lsocrate soit. lié aux milieux aisés d'Athènes aux possédants dont, le sort l'intéresse tant,, c'est. faire abstraction de la réalité historique (2). Or, en 380, ces milieux aisés sont. favorables dans leur ensemble au rétablissement. de l'hégémonie athénienne. Leurs intérêts rejoignent. tout naturellement ceux de la masse du Démos. Des éléments psychologiques viennent. encore -rpo91j"; sur ce Jlen entre le parti Impérialiste et la masse appauvrie du dêmo•. cr. aussi A1usTOPH., .A11. du f., v. 197-198; Htll. d"Oxyrbynch., 1, 2-3; ls
5-7, 12. (1) Sur les datea des deux discours, cf. G, MATHIEU dans lsOCMTBt D,._ cour•, t. Il, p. 5; t. III, p. 5, Coll. des Unlv. de France. (2) Sur Isocrate et. son milieu, cr. G. MATHIEU, lnll'Odudlon, dans Coll. des Univ. de France, t. 1, pp. 1 et. as. CBATE, Sur la palz,
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renforcer celle entente : les uns et. les autres sont. éga]ement. att.achés au régime, les premiers parce qu'ils souffrent. du mépris des aristocrates et. des oligarques pour la richesse qui ne vient. pas de la terre (1), les seconds parce qu'ils lui doivent. leur sécurité, et le sentiment, d'être des citoyens complets. Ce lien entre l'impérialisme et. la démocratie, Isocrate en fera foi plus tard : c Nous sommes hostiles, écrit-il dans le Sur la paiz, aux gena qui sou· haitent. la paix, et. nous les regardons comme des partisans de l'oligarchie, et ce sont. les instigateurs de la guerre que nous jugeons attachés et. dévoués à la démocratie (2). • A ce commun sentiment. de défendre la démocratie s'ajoutait, une commune haine à l'égard de Sparte qui faisait. subir aux Grecs une domination insupportable (3). Il importe enfin de ne pas négliger le sentiment réel qu'avaient les Athéniens d'avoir droit. à l'hégémonie par la supériorité de leur culture et, de leur civilisation. Plus que jamais, Athènes ét.ait. c l'école de la Grèce », et. plus que jamais, elle pouvait, à ce t.itre, réclamer la première place dans le monde grec. On peut se demander dans quelle mesure cet argument, était. mia en valeur par les orateurs invitant le peuple à voter la guerre, et. quelle portée réelle il pouvait. avoir? Nier l'importance d'un tel senti· ment serait. méconnaître les lois de la psychologie collective. Et. il serait. absurde de tirer parti de ce que la majeure partie des Athéniens vivaient. à côté de ce développement intellectuel et. artistique pour lui ôter sa valeur d'argument.. Il n'est donc pas étonnant. qu'Isocrate, dans le Panégyrique, insiste surtout. sur cet. aspect de la question, et. jusli fie par la supériorité de sa culture, les prétentions d'Athènes à exercer l'hégémonie sur les Grecs. Certes, on dira qu'Isocrate insiste déjà sur l 'import.ance de la culture commune des Grecs pour fonder une unité panhellénique et. désigne déjà l'adversaire aux dépens duquel elle devra se faire. On objectera aussi les critiques, et la condamnation de la situation actuelJe. Il n'en reste pas moins vrai qu'au moment. où à Alhènes, les dirigeant.a de la démocratie se préparaient. à rétablir l'hégémonie maritime de la Cité, et. à sanctionner cet.le hégémonie par la création de la seconde confédération maritime, le discours d'lsocrate, maitre et ami de Timo-
cr• .upra, p. 371 et ss. (2) Sur la palz, 51: 1t~Ç µh 'fO~ ~ç elp~ lm9uµoüv-r~ ~~ 1t~ 6>.Lyœpxuc®ç g~ 3uox6>.c.>ç fxop.cY, 'fOùÇ 3i: -iôv "6).q.l.ov no'°m~ &; Til~ (1)
&l)p.oxpœt(œç X7)8oµ.ivo~ eüvo~ ctvcu w~oiicv. (3) Ibid., 96-97; cf. Panlg., 123·129. D'autant plus lnaupportablo d'ail• Jeun qu'ello a'appuyalL 1ur la force du rol des Penes.
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theos qui allait en être le principal animateur, apportait. aux impérialistes les argumenta idéologiques propres à justifier leur entreprise (1). Nous n'entendons pas étudier en elle-même la seconde conf&. dération maritime (2). Nous nous bornerons à rappeler quelles limites les alliés avaient imposées à l'hégémonie athénienne et de queUe manière les Athéniens les outrepassèrent (3). Le décret d'Aristotelès, créant la seconde confédération maritime était en réalité l'aboutissement d'une politique menée depuis 395 par les dirigeants de la démocratie athénienne, et principalement par Conon et Thrasybule. La paix d'Antalkidas. sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir (4) avait un temps arrêlé les progrès athéniens. Mais dans la mesure où précisément elle symbolisait l'alliance de l'impériaJisme spartiate et de l'ambition du Grand Roi, il était possible de rassembler contre l'un et l'autre les cités grecques qui avaient. jadis cru échapper à la domination athénienne en s'alliant. avec Sparte et qui, en fait, étaient passées d'une domination à l'autre. Une série d'alliances bilatérales furent successivement. conclues avec Chios (5), Mytilène, Byzance, et Melhymna (6). On ne peut manquer de remarquer qu'Athènes, une fois de plus, regardait d'abord vers l'Est, et vers les Délroit.s. C'est. à la suite d'une conférence tenue entre les représentants de ces cités et ceux d'Athènes que l'alliance fut conclue (7). Le décret d'Aristolelès, par lequel l'Assemblée ratifia la conclusion
cr. G.
MATHIEU, Lu ldltl politiques d' I1ocrale, pp. ~3; Wn.A.MOArl1loltlt1 und Alhens, Il, p. 387; DRERUP1 Epikritlscbes zum Panegyrikoa des lsokratea, ~ans Phllotogu1, LIV, 1895, p. 639. (2) cr. en parUculler BusoLT. Der zweite athenlsche Bund., J. fur Kla11. PhiL, suppl. VII, 1875, pp. 641 et. ss.; H. SwoaooA, Der bellentsche Bund des Jahr. 371 v. Chr. (Rhein. Mu1., XLIX, 1894, p. 321); T. Il. LrPsrus, Btilrdge 1ur Gt.1ehlchlt gritchi1cher Bundt1verfa11ungen1 Sit:unglbtrichta der Sl2th1i1ehtn Akadtmit, 1898, pp. 185 et. as.; F. H. MARSHALL, The Second Alhtnlan Confederacg, Cambridge, 1905; BusOLT-SwoeODA, Il, 1360 et. H.; EHRENBERO, Zum zwelten atUschen Bund (Hume1, LXIV, 1929, pp. 322 et. 88.); S. AcCAME, La Ltga atenitat del 1tcolo JV a. C., Roma, 1941; CLocut, La Dlmocrallt ath6nltnne, pp. 296 et. sa. (3) cr. TE.NEKIDb, op. cil., pp. 70-71; V. MARTIN, La Vit lnltrnallonale dan1 la Grict dei cill1, pp. 281 et as.; Il. G. ROBERTSON, The Admf nlslrat.lon of JuaUce in the Second At.henian Confederacy (Cla81. Phil., XXIII, 1928, pp. 30 et ss. ). (4) Cf. infra, pp. 457·458. (S) Syll.•, 142 - Too, Il, n• 118. (6) /. G., 111, 40 (Mytilène), 41 (Byzance == Too IJ, n• 121), 42 (Methymna Too Il, n• 122). (7) D100., XV, 28, 3.
(1)
WITZ,
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de la seconde confédération maritime fut voté en 378-377 (1). Les alliés avaient. exigé des garanties pour éviter tout. ret.our à la situation du ve siècle (2). C'est ainsi que le pacte reconnaissait Ja complète autonomie de toute Cité, membre de la Confédération. Les alliés étaient. proclamés ŒÜ"r6VOEJ.Or. xcx1 ~AEÛ6cpo,. Il était. spécifié qu'ils n'auraient. pas à recevoir de garnisons, qu'ils ne seraient astreints au paiement d'aucun tribut., qu'enfin Athènes n'enverrait. pas de clérouquies sur leur territoire (3). Il était. prévu aussi que tous les symmachoi participeraient. aux organes de la Confédération, chaque Cité, grande ou petile, disposant. d'une voix aux synedrion des alliés (4). On peut. se demander quelle était. l'intention des dirigeants athéniens en concluant. une telle alliance. ataient-ils décidés à ne pas tenir compte des promesses auxquelles ils s'engageaient. et. ne s'agissait-il que de concessions de pure forme? Ou croyaientils au contraire, en toute bonne foi, être en mesure de respecter leurs engagements? Il est. extrêmement difficile de répondre de façon catégorique, et même si révolution ultérieure de la Confédération a en fait. abouti à détruire toutes les garanties otTertes aux alliés, il n'est pas sûr que les hommes politiques athéniens l'aient prévue au départ. Sans doute songeaient-ils tout simple· ment. à libérer la mer llgée des harmostes lacédémoniens, condition première de tout. réveil de la puissance athénienne. Mais en fait., les nécessités mêmes de la sauvegarde de la démocratie, les frais sans cesse plus élevés occasionnés par la guerre de mercenaires, les exactions et. la politique· personnelle des stratèges n'allaient. pas tarder à créer une situation qui rappelait. celle du ve siècle, mais dans des circonstances générales infiniment. plus tragiques. Et., de même qu'après la paix de Callias, par la disparition de l'ennemi commun, la Ligue do Délos avait. perdu sa raison d'être, pour n'être plus que l'Empire d'Athènes, de même aussi Je rapprochement qui s'ébauche entre Sparte et. Athènes après 371, et. la fin des prétentions spartiates à l'hégé.. (1) Too, Il, 123 ( ... I. G., Il', 43 ... Syll.•, 147). (2) Cf. la remarque de G. TENEKIDÈs, op. cil., p. 64 : • •••chaque clause de la charte prend Je çontrepled de la praUque qui tuL suivie par Athènes au temps, vers Je milieu du v• siècle, oCa son hégémonie tut t.ransformêe en arkhl. On a l'impression que, sur chaque point parUculier, Athènes désavoue ses erreurs passées et. la politique anUlêdèraJe qul fut. Ja sienne lors du fonctionnement. de la première ligue marlUme •· (3) lsoCRATE, Sur la pal:r, 16. (4) D100., XV, 28, 4 : ,;6).tv 31 1~ t~ xœl l"îb.'f' xœl fLLXp
xupl«v c?vœt..
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monie, supprimaient la raison d'être officielle de la seconde confédération maritime .. Nous connaissons assez bien les étapes de sa désagrégation par l'analyse qu'en a faite Isocrate dans le Sur la pai:J:, par le récit. de Diodore et par une série d'inscriptions (1). Il semble bien que dès après 371, les exactions des stratèges se soient. multipliées (2). La raison essentielle en était qu'il leur fallait. entretenir des armées de mercenaires dont. la fidélité ne durait. qu'aut.ant. qu'on les payait (3) .. Isocrate remarquait: c Nous en sommes venus à cette folie que, manquant. nous-mêmes du nécessaire quotidien, nous nous sommes mis à entretenir des mercenaires, et nous tourmentons et. pressurons chacun de nos alliés pour verser leur solde aux ennemis communs de toute l'humanité (4). • Il y avait. aussi le rétablissement des clérouquies. En 362 une clé· rouquie était fondée à Potidée (5); en 361 une autre clérouquie était. envoyée à Samos (6). Athènes, comme le remarque encore Isocrate, revenait. aux pratiques qui lui avaient fait perdre l'empire de la mer (7). Mais la politique impérialiste ne mécontentait pas seulement. ceux qui en étaient victimes et. qui devaient finir par se soulever en 357. La guerre continuelle qu'elle supposait. accroissait. les charges et, les dépenses de l'~tat. Or, nous avons déjà vu qu'en fait. Je poids en retombait sur les riches astreints à la triérarchie et. au paiement. de la proeisphora (8). Il ne serait. pas étonnant. dans ces conditions que certains d'entre eux se fussent séparés du parti impérialiste, et l'on peut. admettre qu'lsocrate dans le Sur la paiz, Xénophon dans les Reoenus exprimaient. une pensée qui était celle d'un certain nombre de grands propriétaires fonciers, d'industriels et même de négociants. Isocrate posait. clairement. le problème au début. du Sur la paiz: c Nous nous figurons qu'en tenant. la mer avec beaucoup de trières, en forçant. (1) Cf. SEALBY, I.G., Il' 1609 and lha Tram/ormaUon of the Second Alhenian St4 Ltague, Phœnlx, XI, 1957, pp. 95-111. (2) Sur la palz, 124; Esce., Il (Amb.), 71; PLUT., Phocion, 14,2. (3) IsoCRA.TB, Sur la palz, 44. (4) Io., Ibid., 46 : EEç -ioüw 31 (Lc.>p(~ l>.~l.û&œµcv &,r:rr' a:ihol µh Mc· ~v xcdf ijµ.fpœv laµh, ~cwrpo
eît;
œJtmc.>v clvëp@nc.>v xo1.vot't; q8potc ~" µ1.aO~v lxnopltl'C"· (5) D100., XV, 81, 6; Too, Il, n• 146; ISOCRA.TB, Sur rtchange, 108, 113. (6) DIOD., XVIII, 18, 9; Esca., I (Contre Tim.), 53; PHILOCHOROS, frag. 154 (JACOBY).
(7) IsocRA.TB, Sur la paiz, 69. (8) Cf. 1upra, pp. 307 eL sa.
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les cités à nous verser des contributions, et à envoyer ici des députés, nous obtiendrons un résultat convenable. Mais nous sommes bien loin de la vérité. De nos espoirs, aucun ne s'est réalisé, et par là même sont nées pour nous des haines, des guerres et des dépenses en foule (1 ). » La politique impérialiste coûtait plus qu'elle ne rapportait, et pour cette raison, les riches s'en détournaient. La position d'lsocrate n'était donc pas au départ une position de principe. L'homme qui, en 380, dans le Panégyrique, répondait aux objections de ceux qui accusaient les Athéniens d'avoir transformé leur hégémonie en arkhê et qui n'hésitait pas à justifier même les faits les plus révoltants comme le traitement. infligé aux habitants de Skionè et de .Mélos (2), ne pouvait être un adversaire réel de tout impérialisme. Dans le Sur l'échange encore, rappelant l'Empire du ve siècle, il condamnait surtout la raçon maladroite dont il avait été dénaturé par les sycophantes qui, en pressurant. les alliés, les avaient. amenés à se détacher d'Athènes et à se tourner vers les Lacédémoniens (3). Ce qui lui permettait de leur opposer Timothéos, toujours soucieux de ne pas effrayer les alliés, et qui exerçait sur ses soldats une stricte surveillance, leur interdisant tout pillage (4). Toutefois, de plus en plus Isocrate était tenté de justifier sa condamnation de fait par une opposition dont il cherchait à définir les fondements théoriques. Il s'attaquait au principe même de l'impérialisme: l'empire de la mer a détruit la démocratie d'autrefois, et il est la cause de tous les maux dont souffre aujourd'hui la Grèce (5). (1) JsocRATE, Sur la paiz, 29: "Hµd'c; yœp ot6iu()% µtv, i')v -rl)v 6%>.rtr:xv 7tlic.>µcv ?tollatîc; -rpLljpccn xœl ~Lœ?:~µt6œ -rŒc; ?t6>.tLc; CJWTCÎ~ELc; 8L86vœL x~l 'auvt8pouc; h6ii8c ttfµmiv, 3Lrt1tp~co0œ( 'n 'rWV 3c6vTV • 7tÀtÎGTOV 31 3LC9cuaµ.c()œ '"le; &>..,,ece~. 7 '1v µèv yŒp 7)>.nltoµcv, oôaèv cinoôiô"l:uv, t1.0pxL 3'~µîv ~ cxÙ't'wv xxl 7tÔÀtiJ.OL xœ1 8œnivœL 1'-C'YWL j'C"(ÔVxcnv; cf. également Ibid. 131. (2) Pan~g., 100 eL ss. (3) Sur Nchange, 318; cr. également. Panalh., 63; Phil., 146. (4) Sur Nchange, 107-139 et. parllcullêrement les paragraphes 123-124. (a) Sur la palz, 6.i. Fout-Il penser, comme le suppose M.uuum (op. cil., p. -t8) que les sentiments panhelléniques d'lsocrole êlolenL à l'origine Je celle condamna lion de principe? Le passage cil6 par ~lATlllEU à l'oppul de !a lhèse (Plalalque, 8) n'est. puS' nbsolumenL convaincu nt. Lul·m~me reconnait. (p. 87), que Io Plril11lque CMt. un • ... ouvroi.:e c..le propa1,rtmdo en faveur de la sccondo confêt.léralion olhénlcnnc •, C!lscnliellmm!nt. diri:.;o conlro les errorl:i do Thêhci ponr reconsliluer uno confê11t!rallon IJêolicnno. Uuo ru1:1 tJo plus, les vues c..1' bocralo sont. conformc:1 il celle~ cJo ses conciloyen:1 (et Io point tlo vue do CALLl!JTRATO" dnns Xt:11., Jlell., VI, 3, 10.16; .Mlm., 111, a; CLocnt, R. ~. A., 1!)23, p. 18). A la fin de sa vie, l&ocrole, s'adrossanL à Philippe,
~~~
"
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Les Athéniens prétendent haîr la tyrannie, mais l'autorité qu'ils exercent sur leurs alliés ne se diSlingue en rien du pouvoir monarchique (1). Cette condamnation de principe qui ne concernait d'ailleurs pas le seul impérialisme athénien mais aussi l'impérialisme spartiate (2) et l'impérialisme thébain (3), rejoignait certaines critiques déjà formulées par Thucydide et par Platon, ces derniers situant le débat sur le plan philosophique (4) : l'empire de la mer était mauvais en soi parce qu'il entraînait nécessairement à la démesure, à l'hybris. Certes, un individu de qualité supérieure, comme Périclès, pouvait par sa seule force le contenir dans des limites décentes (5). Mais les successeurs de Périclès ne lui ressemblaient guère, et, en se faisant les esclaves dociles de la foule, incapable d'atteindre à la a~poaûvtJ, ils ne pouvaient arrêter la démesure et le recours à la force (6). Ainsi l'impérialisme étaitil condamnable non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan moral. On peut se demander dans quelle mesure celte condamnation morale de l'impérialisme dépassait les limites d'un pelit cercle d'intellectuels et de philosophes. En réalité, c'était bien plus parce que le maintien de l'empire coûtait cher et ne rapportait guère que les possédants s'en détournaient (7). Le souci du respect. de la justice dans les relations avec les cités, évoqué par Isocrate et qu'on trouve aussi exprimé dans les Revenus de Xénophon, ne devait pas beaucoup tourmenter les hommes qui, dans les années 360-356, étaient rassemblés autour d'Euboulos. Leur programme se résumait ainsi : économie à l'intérieur, paix à l'extérieur. Tout en demeurant fidèles dans leur ensemble au régime, ils se retrouvaient surtout pour préconiser une politique reconnaissait d'ailleurs explicitement les raisons- pour lesquelles il avait renoncé à réclamer l'hégémonie pour sa patrie (et. Phil., 128-129). (1) Sur la palz, 115; cf. Sur rtchange, 63-6-1 : •J'attaque la domination qui pèse sur les Grecs et l'empire de la mer, et je démontre que cet empire, nl par ce qu'on en fait, nl par ce qu'on subit, ne dUYère de la tyrannie. • (2) Sur la paiz, 101, 104. (3) Ibid., 115. (4) Cf. le développement extrêmement pénétrant de .M•• de Romilly sur •les lois de l'lmpérialiame • (op. cil., pp. 260 el ss.). (5) Tnvc., li, 75; on peul rapprocher du jugement de Thucydide celui favorable d'lsoCRAT& (Sur l'ichange, 234-235) el plus réservé (Sur la paiz, 126) et. celui assez. hostile au contraire de PLATON ( Gorg., &15 e-516 b; 518 t· 519 a; cf. Loi1, 630 d et ss.). (6) Tnvc., Il, 65, 4; IV, 28, 3; VI, 63, 2; VIII, 1, 4. (7) Sur les dépenses qui Incombaient en particulier aux triérarques, cf. lt discours Contre Polyclù, attribué à Démosthène, §§ 7 et ss.
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extérieure d'abstention à l'égard de toute entreprise lointaine (1). liais, il est évident que des ouvrages comme ceux de Xénophon ou d'Isocrate leur apportaient des arguments et. des justifications. Il est. intéressant de voir comment Isocrate envisageait. le rétablissement. de la position extérieure d'Athènes : il lui faudrait. renoncer à toute politique belliciste. De cette façon, elle pourrait regagner c son bon renom auprès des Grecs (2) 1. La politique pacifique aurait. un autre avantage : elle libérerait les classes possédantes des charges qui pèsent. sur elles, et. par là même, elle rétablirait la prospérité intérieure de la Cité (3). L'activité commerciale d'Athènes renaitrait., et. les marchands étrangers reprendraient le chemin du Pirée (4). Une telle politique pacifique ne signifiait pas pour autant qu'Athènes renoncerait. à ses alliances et se replierait sur elle-même. Une fois de plus, comme dans le Panégyrique, Isocrate évoque les ancêtres pour indiquer la voie à suivre : aider les opprimés sans convoiter le bien d'autrui (5). Athènes ainsi pourra de nouveau espérer recevoir des Grecs, spontanément, le commandement.. Son hégémonie sera librement. consentie. On ne peut manquer de souligner ici le parallélisme entre la Cité-tyran et. le tyran. De même que le tyran, s'il exerce une autorité librement. consentie par ses sujets devient. un bon tyran, de même aussi la Cité qui reçoit. spontanément l'hégémonie se distingue-t.-elle de la Cité-tyran (6). Isocrate décrit alors la nouvelle alliance qui (1) Pour MATHIEU (op. cil., p. 87), ce paru aurait existé dès 371. Toutefois ll est permis de supposer que l'opposition â Ja politique impérialiste s'est monifestée surtout dons les années 360-356. Cette période, qul précède lmmé· dlatement la guerre des alliés, est assez troublée. Les premiers échecs de la seconde confédéraUon ont pour conséquence des dissensions internes au sein du • parti • impérialiste. Le rappel de Tlmolheos par Callistralos, puis le procès Intenté en 366 à Calli.slratos el à Chabrlas par Jes phUothébains d'Athènes à propos de l'aJ1'alre d'Orôpos, la chute enfin de Calllstratos après Mantinée marquent les différentes étapes de cette désagrégation qui profite d'abord, semble-t-il, eux lmpérlallsles extrêmes (Charès, Aristophon). Mais les excès memea de leur politique vont précipiter la révolte des aillés, tandis qu'à Athènes tes possédants se détachent de plus en plus du •paru• fmp&rialiste pour se regrouper autour d'Euboulos, dont la pollUque va l'emporter partiellement après 355. L'Artopagllique et Je Sur la paiz d'lsOCRATE, lu Revenu• de XtNOPHON, Jea premiers discours de Démosthène témoignent de l'oppositlon grondlssante parmi les possédants aux excès de la pollUque Impérialiste (cl. W. JAEGER1 l}(moilene, pp. 71 et. ss.). (2) Sur la palz, 19. (3) Ibid., 20. (4) Ibid., 21; Cf. aussi Xtr1., Rtvenua, chap. Il et Ill. (5) Sur la paiz, 30. (6) Cf. notre étude sur Ja tyrannie, 1upra, pp. 378 et ss.
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s'ébauchera : fondée sur la confiance réciproque, elle sera inébranlable et. face au danger, tous s'uniront. pour défendre Athènes. Tous ses adversaires seront. désarmés, parliculièrement. Kersebleptès qui renoncera à recouvrer la Chersonèse, et Philippe qui abandonnera Amphipolis. Mais pour parvenir à un tel résult.at, il faut. qu'Athènes s'engage résolument dans une voie nouvelle: c ••• Accepter de traiter les alliés en vrais amis, au lieu de leur laisser en principe l'indépendance, pour les livrer en fait. au bon plaisir des stratèges; les diriger non plus en esclaves, mais en alliés, en nous rendant. compte que si nous sommes· plus fort.s que chaque Cit6 prise séparément, nous sommes plus faibles que tout.es ensemble; essayer de gagner les alliances, non par des guerres de siège, mais par des bienfaits, car il est naturel que l'amitié résulte de cela, et. la haine de notre conduite présente (2).1 Et Isocrate concluait., reprenant. la comparaison avec la royauté : c ••• Si nous voulons nous délivrer de la mauvaise réput.ation que nous avons à présent., mettre fin aux guerres inutiles et gagner d noire Cilé une hégémonie qui dure toujours, nous devons détester tous les empires tyranniques et. toutes les dominations, en faisant.
le compte des maux qu'ils provoquent; et il nous faut rivaliser avec la royauté qui existe à Sparte et. l'imiter (3). • Ainsi donc, vers 356, Isocrate rest.e encore partisan de l'hégémonie athénienne, mais d'une hégémonie librement. consentie, qui ne s'accompagnerait. ni d'exactions, ni de tributs, ni de main-mise sur les terres, ni de violence d'aucune sorte (4). (1) Sur la palz, 21. (2) Sur la palz, 134 : ...... ëeù..~a(i)µcv v=ija6ri' TOÎt; auµµlixo~ oµo{c.)t; &>am:p TOÎt; 'fO.ott;, xœl 11~ ).6y
cW.ck G'U(J.11«.XlXWt; CXÙTwv m
'rit; au~lœç x-;üa6œL l'iJ TtO>.i(J.oC.Ç, 11-1)8! mhopx(cnç à»..' EôtpyccrCa:lt; • Ttpocm:iœr. yœp T«; flh qir.>.!cxt; lx TOÔ'f(i)v ytyve:a6in, Td:t; 3'fx.Opcxt; t~ llv vüv wyxcfvop.cv TtpŒnovn:ç. (3) Ibid., 142: Aci y«p ~µ~, ctm:p pou>.6JU6œ 8W.ôcrœo0rtL flh dt; 814f5oU; c2ç qoµcv h 'T(j) 11:ccp6vn, wa:ûaœoOa:L Bt 'TWV m>..f y.c.>v 'TWV v41'llv "(Lyvo~v, X"C"ljaa:a6a:L 81 'TÎ) Tt6Àt:f. -rtv 1rvt11ovCœv c~ 'fbv aTttXVTIX Xp6vov, l.f.Lcriicra:L flh in:ia~ ù; TUpa:wa.xd:; clpxd:; xiXi "l:d:; Suvricrut~. civlXÀoyt.crriµivou; 'Td:; CJU(J.q>Opd:; 'Ta; ~ CXÙTwv "fCYCY'l!Ltvcxt:, C1)>.i:>crin ai nl (J.L(J.7'cr:xa6:x, "l:tiç h Acxxcaccl(J.ovr. ~cn>.e:tœç. (4) Cf. le même développement dans XtN., Reu., V, 5-6: •Peut-être y o· t-il des citoyens qui, Jaloux de rendre à notre pays Ja suprématie, se figurent. qu'on y arriverait. mieux par la guerre que par la paix. Qu'ils se rappellent les guerres médiques. Esf...ce par la violence ou par les services rendus à la Grèce que nous obUnmes l'hégémonie sur mer et. l'intendance du trésor commun? Puis la CU.é, pour s'être montrée cruelle da~ l'exercice de la aouve-
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Le pacifisme d'lsocrate n'est donc pas, à proprement parler, une hostilité de principe à toute hégémonie athénienne, hostilité liée à un profond sentiment. de Punité panhellénique. Il s'explique en rait par deux composantes de la personnalité d'lsocrate : d'une part le philosophe et. Je rhéteur., partisan de la monarchie librement. consentie par les sujets, et. qui applique aux relations enlre cités les principes qu'il pose dans les relations entre citoyens; d'autre part. l'homme de condition aisée, qui, solidaire des possédants athéniens, refuse Jes Jourdes charges qu'impose la guerre, charges que ne compense aucun avantage matériel. l\lais Isocrate, tout. rhéteur qu'il soit, reste assez près de la réalité politique pour comprendre que l'empire a été aussi, pour Athènes, un moyen de résoudre la crise agraire toujours menaçante et. de donner des terres aux malheureux. Il sait aussi qu'ailleurs ces antagonismes provoquent. des crises et. des révolu· lions politiques auxquelles Athènes n'échappe que par la !orme de son régime et. ses expéditions extérieures. C'est pourquoi il envisage déjà une forme de colonisat.ion pacifique qui serait à même de résoudre Je problème social : établir en Thrace tous ceux des Grecs que la misère contraint à une vie de vagabondage (1). Des années plus tard, rappelant. dans le Philippe son action passée il ~crivait: c Je trouvais qu'Athènes ne pourrait. rester en paix que si les principales puissances se réconciliaient pour porter la guerre en Asie, et voulaient. obtenir sur les barbares les avan• tages qu'elles réclamaient. maintenant. des Grecs (2). • Le but. économique et social était alors plus nettement formulé qu'en ralnet6, se vit dépouillée du commandement... Or, même alors, n'est-ce pas notre retour à la justice qui décida Jes lnsulalres à nous rendre l'bêgémonle marlUmeT N'est.-ce pas en consldêraUon de nos bons omces que lea Tbêbalns mirent les Athéniens à leur tête? Les Lacédémoniens cédalent-il1 à la force ou à la reconnaissance, quand Us permirent aux Athéniens d'user à leur gr6 de tthêgémonle. Maintenant. que la Grèce est. troublée, je vols Jà l'occasion de la regagner sans a.fTecUon, sans peine, sans danger, sans dépense ••• Et si l'on vou1 volt. travalller à l'établissement. d'une patx universelle sur terre et. sur mer, je crois que tous les hommes, après le salut. de leur patrie, souhaiteront aurtoui celui d'Athènes.• (1) Sur la palz, 24. Les dtmcultés qu'Athènes avait rencontrées en Thrace dans les années qui précêdeni la publication c:!u Sur la palz, expliquent. sans doute le choix de cette région pour l'~tabllssement de futures colonies grecques.
(2) Phlt., 9: a~~tàv 3è ncpt -n.i6Tc.>v ne~ ltJ.œum EGptoxov oM«µi;)~ ~ ~" ~aux_Eœv clyouaœv, 7tli}v et 36l;c~ 'l'!lîç nô).gcn. 'l'llî~ pqiat.~bca:u; ù npOç a,iit; ~' cl~ Tflv AoEœv "'6uµo" !~nrpctv
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356 : « ••• Délimiter un territoire aussi grand que possible et couper l'Asie, comme on dit, de la Cilicie à Sinope, et. en outre fonder des villes dans ce pays et. y établir ceux qui errent. maintenant. faute de moyens de vivre et. qui font du mal à tous ceux qu'ils rencontrent (1). » Dans une lettre à Philippe, Isocrate précisait· le sort qui serait réservé aux barbares : « ••• Lorsque tu auras forcé les barbares à rexception de ceux qui auront combattu à tes côtést d devenir les hiloles des Grecs (2). • Il avait désormais renoncé à toute hégémonie athénienne. Athènes n'avait d'ailleurs plus aucun droit pour Ja revendiquer, pas plus qu'une autre Cité : «Je sais, écrivait-il encore dans le Philippe, que le malheur les a toutes mises sur le même plan, et ainsi je pense qu'elles préféreront les avantages de la concorde aux privilèges dus à leur conduite passée (3). » Ainsi l'union panhellénique apparaissait.-elle à Isocrate, à la fin de sa vie, comme une nécessité subie plutôt que comme une fin en soi. C'est que les années 356-338 avaient. vu le déclin rapide de la puissance d'Athènes> et l'échec de toµtes les tentatives faites par ses dirigeants pour rétablir son hégémonie. En 356, la bataille d'Embata, puis l'intervention du Grand Roi avaient. contraint Athènes à renoncer à une partie de ses possessions extérieures. C'est. à partir de ce moment qu'Euboulos et son entourage commencent à prendre la direction de la politique de la Cité. Leur 1 pacifisme• apparait plus négatif que constructif (4), plus soucieux d'éviter les lourdes charges imposées par la guerre que de pratiquer la justice dans les relations entre ~Lats. Dès lorst il était. susceptible d'attirer les mécontents, et. en premier (1) Ibid., 120·122 : - .. - x@pœv gn nÀCCcn-rJv «
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(2) Letlru, 111, 5 : - - oTœv -roôc; fjœp61.ipouç ~Olle; ct>.c.>-rclce.v TWV ool O'l.Nr(Ci>Vl.o'OCµ.iveaw - - .. EHRENBERG (Alezander and lh1 Grukll, p. 90) rejette raulbcntlcil6 de cette lettre précisément. à cause de ce passage. Il nous ~emble au contraire tout. à fait dans la tradition de la pensêe d'Jsocrate (cl. infra, p. 441, n. 1). (3) PhU., 40 : Ot3œ y.îp d:":t
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lieu, les armateurs, les négociants, les industriels sur lesquels pesaient précisément. ces charges (1). Or, nombre de ceux-ci étaient, au début. du siècle, les principaux animateurs de la politique impérialiste. Leur renoncement, leur défection n'a pas dtl manquer d'affaiblir le •parti• impérialiste dans son ensemble. Que devient-il après 356? Cert.es, Ja grande masse du peuple demeure favorable à la politique maritime, aux efforts faits pour reconquérir des positions fermes dans l'Hellcspont., pour garder Amphipolis..Aux intérêts matériels qui expliquent. cette attitude du Démos, il faut. ajouter l'engouement. de 1'Assemblée pour certains stratèges, qui ont intérêt. à poursuivre la politique de guerre (2). Nous avons déjà vu que certains de ces généraux, chefs de mercenaires, tendent à prendre une place de plus en plus grande dans la vie de la Cité, et surtout., fait plus grave, à avoir leur propre politique extérieure. C'est en particulier le cas de Charès qui, après avoir tait. rappeler ses collègues Iphicratès et Timothéos, entreprit. sur sa propre initiative une campagne en Asie contre le Grand Roi, et fit de Sigée qu'il avait conquise sa capitale personnelle (3). Faut-il en conclure que Charès était. à la tête du parti impérialiste à Athènes, et bénéficiait, à l'Assemblée, de l'appui de Démosthène et d'Arislophon (4}? En réalité, Démosthène ne faisait alors que timidement son apparition dans la vie politique athénienne : il parait difficile de croire que ses paroles avaient déjà assez de poids pour influencer les votes de l'Assemblée (5). Et il n'avait alors pour Arislophon et ses amis qu'hostilité et. méfiance (6). (1) JI y a cependant le caa un peu exceptionnel des concessionnaires de mines qui, d'une port, sont exemptés de charges, d'autre part redoutent la concurrence macédonienne (cf. LAUFFER, op. cil.). (2) Cf. Esen., Il (Amb.), 80; ISOCRATE, Sur la paiz, 51. (3) Dbr., JI (!• Olynlh.), 28; IV (Jer Phil.), 19, 24, sur l'indépendance des stratèges; sur Choris en particulier, TutoPOMPE, frag. 213 (JAcoav); Diou., XVI, 22, 1; 34, 1. Il faudrait ajouter qu'en ce domaine, Charis ne fait que suivre l'exemple déjà donn6 par Tlmothêos (0100., XV, 29, 6; Pa.·PLUT., /1ocrate, 9). (4) J. DB ROMILLY, op. til., p. 327. (5) La première Intervention de DémostMne en faveur de Chnris date seulement de 34g..349 (Conlre Arisloualù, 173). A ce moment, il est. encore un personnage de second plan. (6) En fait, comme l'a fort justement démontré \V. JAEGER (Demosfene, pp. 73 et ss.), Démosthène est d'abord assez proche du • parti • d'Eubouloa. Seule la nécessité de la lutte contre Philippe l'en détachera. Alors, toutes les lnlUaUves propres à contrecarrer l'action du roi de Macédoine auront &on appui. 11 soutiendra aussi bien Charis qu'Arlstophon, l'un et l'autre vie· Umes de l'hostilit6 d'Euboulos (cf. XXI (Contre /tlid.), 218; ARISTOTE, Rhét., l, 15 (1376 a)).
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LA CRISE POLITIQUE
D'ailleurs, les circonstances extérieures se modifiant. allaient. nécessairement. donner un tout.· autre contenu à la politique athénienne. Depuis 359 en efTet., Philippe s'était rendu maître du pouvoir en Macédoine. Ses premiers coups allaient. frapper durement. Athènes: en 357, il s'emparait. d'Amphipolis, positionclé à l'entrée de la région du mont. Pangée; en 356, fait. plus grave encore, il se rendait. maître de la clérouquie de Potidée. La guerre sociale n'avait. pas encore pris fin, Athènes ne pouvait. intervenir efficacement. Mais il va de soi que la saùvegarde de la démocratie athénienne impliquait le maintien des clérouquies. Les auteurs anciens ne disent pas ce que devinrent. les clérouques renvoyés par Philippe. Mais on voit. bien que les dirigeants démocrates ne pouvaient. admettre que la situation s'aggravât., une situation dont les répercussions pouvaient. être importantes sur l'équilibre intérieur de la Cité. Certes, pendant. quelques années, Philippe allait. tourner ses regards vers les Balkans, laisser à la Grèce un certain répit.. C'est. à ce moment. qu'Euboulos, devenu préposé au Theorikon, taisait. afTecter à la caisse des spectacles tous les revenus disponibles de la Cité. C'est. assez dire que,
plus que jamais, le sort. du régime était. lié au maintien de la position extérieure d'Athènes. Mais l'affirmation du danger macédonien n'est pas seule en cause pour expliquer la situation nouvelle : comme le remarquait. justement. Isocrate quelques années plus tard, aucune Cité ne pouvait. désormais prétendre en Grèce à l'hégémonie. La faillite d'Athènes, c'était. aussi celle de Sparte et celle de Thèbes. Leuctres, Mantinée, Emba.ta, étaient. autant. de manifestations d'une même crise, dans des contextes différent.s (1). Dès lors, l'impérialisme en soi n'était. plus possible. Et. devant la menace grandissante, c'est. une attitude de défense qu'il fallait. adopter. Les Athéniens de la seconde moitié du 1v 8 siècle, et principalement. les .démocrates, n'avaient. plus que de lointains rapports avec leurs ancêtres du dialogue de Mélos, et les problèmes ne se posaient. plus à eux dans les mêmes termes. Certes le peuple croyait. encore au mirage de la guerre pourvoyeuse de richesse, certes les stratèges continuaient. à aspirer à la gloire et à mener leur propre politique. Mais de Charès à Diopeithès, il y avait. eu quinze années d'échecs successifs et. de reculs. Dès lors, il fallait. se défendre ou songer à autre chose; et. d'abord (1) Çf. notre développement, 1upra, pp. 333 et ss.
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faire taire les querelles qui opposaient les cités les unes aux autres. Ainsi se posait. la question du panhellénisme. B) F~D~RALISME
ET PANHELL~NISl\IE
C'est en effet. devant la puissance grandissante de la Macédoine qu'on a commencé à penser sérieusement. en Grèce à !aire taire les anciennes querelles et. à !aire front contre l'ennemi commun. L'historien qui connaît d'avance le déroulement des événements sait. que la victoire de Philippe a mis fin à la liberté de la Grèce et. à toute une civilisation, celle de la Polis classique. Il lui vient. alors le regret. qu'une Grèce unie n'ait. pas été capable de s'opposer au Macédonien et. de sauver la civilisation grecque; taisant. sienne la lutte engagée par Démosthène, il s'efforce de trouver dans la Grèce du ive siècle les !ondements d'un sentiment. panhellénique. Et. il découvre, non sans réticence, que le partisan le plus avoué de l'unité grecque était. aussi l'homme qui, à partir de 346, se !ait, dans ses écrits, le zélé dé!enseur de Philippe. Il y a là une contradiction que depuis plus d'un siècle on a essayé de résoudre. La passion, politique ou nationale, a souvent. déterminé bien des jugements. Il est. inutile de redire, après d'autres, ce que l'historiographie allemande ·en particulier a !ait. de Philippe et. de ses partisans. La France démocratique a pris le parti de Démosthène. Et. pour just.ifier Isocrate, G. Mathieu a surévalué ses sentiments panhelléniques (1). Nous ne prétendons pas ici résoudre dans son ensemble le problème du panhellénisme, et, après d'autres, supputer les chances de survie qu'aurait. pu avoir une confédérationgrecque. (1) cr. J. R. KNIPFmG, German Hislorfans and Macedonlnn Imperfallsm (Amerlcan llillorlcal Revlew, 1920-1921, pp. 657-671); J. KESSLER, Isokrales und dJe panhellenlsche Idee (Sludlen zur Guchichle und Kullurdu Allerlul1l8, IV, 3, Paderborn, 1911); J.H. SussMANN, Die Grund:üge der panhtlltnilchtn Idte im V und IV /ahrhund. von Chr., Zurich, 1921; U. WtLCKEN, Phlllp II von Makedonlen und die panhellenlsche Idee (Sil:ung1bulchle du Berliner .Akademle der Wl11e111cha/ten, 1929); W. Meredith HuGILL, Panhellenl1m ln .Arl1lophane1, Chicago, 1930; A. l\1011rnuANo, Filippo Il /tlacedone, Saggio 1ulla 1lorla greca dtl 1ecolo IV, Florence, 1934; H. DuNKEL, Panhelleni1m ln Grttk Tragedg, Chicago, 1937; F. R. \VusT, Philip II von Maktdonlen und Grit(htnland in den Jahren von 818 bl1 338, Munich, 1938; F. CARRA.TA, Cullura greca e unild macedone ntlla polilica dl Filippo 11, Turin, 1949; \VALBAl'CK, The Problem of Greek Nallonalily, Phœniz, V, 1951, pp. 41·60; et. auul ?tfATHIEu, l1ocrale, pp.17-28; V. MARTIN, Vie lnlunalionalt, pp. 585689; w. JAEGER, Paideta, III, pp. 71-83; J. DE ROMILLY, Thucydide, p. 91, n. 3; p. 154.
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Mais il importe de savoir si le sentiment panhellénique en Grèce était. assez fort. pour faire éclater les cités au sein d'un J;;tat. national grec, et si, à défaut. de cet. i;;lat national, une confédération panhellénique eût pu leur permettre de surmonter leurs contradictions et de résister à Philippe.
1. LE
SENTIMENT PANHELLÉNIQUE : FONDEMENTS ET EXPRESSION.
Il est bien évident. que pour comprendre ce qu'a pu être le sentiment panhellénique dans la Grèce du ive siècle, et pour apprécier son importance, il faut d'abord en déterminer les fondements théoriques, et analyser la réalité dans laquelle ils ont. été élaborés. Nul ne saurait nier que les Grecs avaient. tous le sentiment d'appartenir à une même communauté. Il faut. tout de suite remarquer que cette communauté était rarement évoquée comme une communauté raciale. L'infériorité du barbare par rapport au grec n'était jamais présentée comme une intériorité physique. Seul peul-être Aristote, à la fin du siècle, s'efforça de démontrer que la nature avait fait. l'homme né pour être esclave différent de l'homme né pour être libre (1). Encore était-il luimême contraint de nuancer ses affirmations. On comprendrait mal d'ailleurs, si les Grecs avaient. eu le sentiment d'appartenir à une race élue, que certains penseurs politiques, et. d'abord Platon et. Xénophon, aient pu faire de chefs barbares des modèles et. des héros (2). En fait, c'est sur d'autres réalités que se fondait la communauté grecque. Hérodote, au Livre VIII de ses llisloires donne de ce qu'il appelle -r~ ':EAA7Jvtx6v une définition qui fait intervenir, à côté de la communauté raciale, les notions de langue, de religion, de civilisation, par lesquelles les Hellènes se distinguaient de tous les autres hommes (3). Au ive siècle, l'unité linguistique et. l'unité religieuse avaient. encore fait. des progrès. La domination exercée par Athènes dans tous les domaines de la civilisation, au ve siècle, n'avait pas peu contribué à accélérer le processus d'unification. La koin~, la langue dans laquelle s'exprimaient tous les lettrés était. déjà formée et ~lie dérivait. (1) Pol., I, 1, 5 (1252 b); IV, 9, 9 (1330 a), etc.; cr. aupra, pp. 210 et. ss. (2) Cf. PLATON, Lola, III, 694 a et ss.; Alcib., 121 c et. ss.; XtN., Cyrop. et Anab. (3) HiROD., VIII, 144 : oro 'E)J."1,lVLXbV lbv ~µixtµ.6v 'TC xo:l oµ6y)..ea>aaov,
xixl 6cC>v l3p6µœ"C'ci
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-rc 6µ.6't'po'ltc.c.
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427
directement du dialecte attique (1) La monnaie athénienne avait. peu à peu fait. disparaître les monnaies des autres cités. La c Grèce de la Grèce • avait. imposé ses méthodes commerciales, son système des poids et. mesures, autant. que sa polileia ou les conceptions esthétiques de ses artistes. Isocrate pouvait. rai.. sonnablement, dans le Panégyrique, revendiquer pour Athènes, à ce titre, la direction de la Grèce unifiée. L'impérialisme athénien avait. ainsi jeté les bases d'une future communauté hellénique réalisée sous l'égide d'Athènes (2). L'empire détruit, cette communauté subsistait. Les alliés sou.. levés contre la domination athénienne, rejetant. la démocratie qui leur était imposée, refusant peut-être de renouer avec Athènes des accords commerciaux, n'en continuaient pas moins à se réclamer d'une civilisation dont. l'éclat. rejaillissait. sur eux. Il est. toutefois intéressant. de remarquer que si l'on peut. à juste titre considérer l'unité de civilisation comme le fondement. essentiel du panhellénisme, cette unité de civilisation n'était peutêtre pas également ressentie par tous. Il ne faut. pas perdre de vue, une fois de plus, le caractère presque exclusivement. athénien de notre documentation. Certes, il est. des exceptions, et elles ne sont. pas négligeables : quand Hérodote rapporte la simultanéité des batailles de Salamine et. d'Himère et. la double victoire de l'hellénisme, c'est. en Grec qu'il parle. Gorgias et. Lysias sont. Siciliens et. l'on trouve exprimé par eux ce même sentiment. de la supériorité grecque sur les barbares. Mais tous .trois ont. été attirés par Athènes, y ont. vécu. Que pensait l' c homme de la rue 1, à Athènes et. ailleurs? Nous pouvons - et la méthode reste contestable - supposer connus les sentiments de l'homme de la rue à Athènes. Le t.héAtre, moyen d'expression éminemment populaire, abonde en profes.. sions de foi panhelléniques (3), tandis que maintes fois s'affirme la supériorité des Grecs sur les barbares, les deux aspects, négatif et. positif du panhellénisme, étant. intimement. mêlés. Le recours fréquent. des orateurs politiques à l'argument. de la défense hellénique, l'exemple auquel on se réfère toujours de Marathon et. (1) Cf. P. CHANTRAINE, ltlude1 1ur le vocabulaire grte (ltlude1 d Commenlalre1, XXIV, Paris, 1956, pp. 24 et. ss.); P. Cosus, An Oulline of lhe Hl1lory of lhd Greek Language, wilh Parlicular Emphall1 on lht Koini and lht 1ub1equenl 1lage1, Chicago, 1936, pp. 41-71. G. THOMSON, The greek Language, Cambridge, 1960, pp. 34-35. (2) Cr. ISOCRATE, Panlg., 21 et. SS. (3) Cr. en particulier lu Phfoicitnnu de PHRYNICHOS, OU lu PtrlU d'Escevu~; ARlSTOPR., Paiz, 302-303, 508-511, 867, 996-997, 1082; Lyli1lrala, 1128-1134, 1247·1261, etc.
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de Salamine, tout. prouve assez que les Athéniens étaient. dans leur majorité conscients de l'unité grecque. Par ailleurs, l'apostrophe célèbre de Démosthène, dans la Quatrième Philippique, témoigne, sinon de l'écho de la prédication d'Isocrate, du moins d'un sentiment. profondément. ancré dans le peuple athénien : Je roi est. un barbare, donc un ennemi (1). L'unité de la civilisation grecque était bien une réalité, et. elle était ressentie comme telle par la majorité du peuple athénien. Qu'en était-il des autres cités grecques? Nous sommes obligés, pour tenter une réponse, de tenir compte des rares éléments d'information que nous possédons. Or, la plupart de ceux-ci, à l'époque qui nous intéresse, sont. de provenance athénienne, et. ce sont. les propos prêtés par les historiens athéniens aux Spartia tes, aux Thébains, aux Syracusains, qui seuls peuvent donner quelque idée de l'attitude de ces difTérents peuples en lace du sentiment. panhellénique. Ainsi, Brasidas affirme-t.-il l'unité fondamentale du peuple grec, et. qu'il ne faut. pas réduire des Grecs en esclavage, et. son exemple est. suivi par Callicratidas (2). Le Sicilien Hermocrat.ès, cherchant à rassembler autour de Syra· cuse les villes grecques de Sicile, fait appel au même sentiment (3).
Mais dans quelle mesure s'agit-il là de propos réellement. tenus, et. non pas d'interprétations assez libres? Et surtout, si l'on peut admettre que certains dirigeants spartiates ou syracusains ont. eu de tels sentiments, les partageaient-ils avec la majorité de la population de leur Cité? Nous ne pouvons répondre de façon cer· taine. Mais l'hostilité dont. fait. preuve Isocrate à l'égard des Thébains ou des Spartiates (4) et. le mépris pour l'infériorité de leur culture permettent. au moins de poser la question. C'est. donc essentiellement. dans certains milieux athéniens ou proches d'Athènes que vont. se développer au cours du ive siècle, des théories qu'on peut appeler panhelléniques. Quel était. Io contenu de ces théories panhelléniques, dans quelles limites se situaient-elles, allaient-elles inspirer l'activité des hommes politiques. C'est à ces trois questions qu'il faut essayer de répondre. La guerre dµ Péloponnèse, née de l'opposition à l'hégémonie do plus en plus Jourde exercée par Athènes sur ses alliés, avait. eu (1) X (I• Phil.}, 33. (2) Tnuc., IV, 78, 4; 108, 2; XtN., Htll., 1, 6, 7.
(3) Tauc., VI, 77-80. (4) Pour les premiers, cf. Plafalque, Archldamo1,Phlllppe, pour lea seconda, Panalh., 208 et H.
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pour efTet, d'aggraver les antagonismes entre cités grecques. Si les guerres médiques avaient, comme tout le prouve, ciment.é jadis sur le plan politique l'unité grecque, les haines s'étaient. réveillées depuis. Les dévastationst les répressions, puis la lourde domination exercée par Sparte, succédant. à Athènes, ne créaient. pas des conditions favorables à la naissance ou à la renaissance d'un sentiment. panhellénique. Bien plus, au cours du conflit, des alliances s'étaient. nouées avec le Grand Roi et ses satrapes, c'est-à·dire avec des gens qui, par la race et. par la culture, se distinguaient. des Grecs. C'est. pourtant au début. du 1v• siècle, dans les années qui suivent. immédiatement. la fin de la guerre, que se répand la vogue du discours olympique par lequel s'exprime d'abord le sentiment panhellénique (1 ). Trois de ces discours olympiques sont. parvenus jusqu'à nous, intégralement ou sous forme de fragments: deux sont l'œuvre de Siciliens, le sophiste Gorgias et. le métèque athénien Lysias; le troisième est le Panégyrique d'Isocrate. Nous ne possédons que des fragments du discours olympique de Gorgias (2). Le célèbre rhéteur sicilien, évoquant. le souvenir des guerres médiques, prêchait. la concorde entre les Grecs et. la lutte contre les barbares, c'est.à-dire contre les Perses. Il n'y avait. là rien que de très banal, la reprise d'arguments dont avaient abusé les écrivains athéniens de la période précédente. L'unU6 grecque n'apparaissait. réalisable qu'avec son complément habituel, la lutte contre les Perses. Celle-ci n'était. justifiée· que par la nécessité de délivrer du joug perse les cités grecques d'Asie mineure. Cet argument. de propagande avait.il encore quelque valeur aux yeux des Grecs? Nous le verrons par la suite s'efTacer de plus en plus derrière des arguments plus réalistes et. plus concrets, sans toutefois jamais disparaître tout à fait (3). Ce qui permet. de croire qu'il avait. encore une certaine force de persuasion. Nous connaissons. mieux le discours olympique de Lysias rapporté par Denys d'Halicarnasse qui en résume ainsi le sujet : (1) Sur la vogue du discours panégyrique, et. W. JAEOER, Paldtia, 1, pp. 171·172. (2) ARISTOTE, Rhlt., IJI, 141( 6 29 et ss.; PHILOSTRATE, Vit du Sophi1le1, I, 9, 4-5. (3) IsocJU.TB, Panalh., 106; PLATON, Menez., 245 6-e. Nous ne suivons pas cependant G. l\IA.THl&U lorsqu'il affirme (op. dt., p. 58) que le but. esseoUel de la guerre préconisée par Isocrate était la délivrance des villes grecques d'Asie abandonnées aux barbarea par le traité d' Antalkidas.
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« On a de lui un discours panégyrique où il engage les Grecs
assemblés aux fêtes d'Olympie, à renverser Denys le tyran, à libérer la Sicile, et à commencer immédiatement. les hosLiJités en pillant. la tente du tyran, enrichie d'or, de pourpre et. de toutes sortes de choses précieuses (1). 1 Cet. objet. peut d'abord sur· prendre. On comprend que le démocrate syracusain Lysias ait invité les Grecs rassemblés à Olympie, à délivrer sa patrie du tyran. :Mais peut-on alors parler de discours panhellénique? En fait, si le début du discours conservé par Denys d'Halicarnasse fait allusion au tyran de Syracuse, mis sur le même plan que le Roi (2), il invite surtout les Grecs à faire taire leurs querelles intestines et. à se soumettre délibérément à l'hégémonie de Sparte, seule capable de détendre la Grèce contre le double péril, oriental et occidental, qui la menace (3). L'argument traditionnel se retrouve donc: nécessité de l'union entre Grecs, lutte contre les barbares. Est-ce à dire qu'il y ait là une profession de toi panhellénique. Un passage du même discours incite à la prudence : « ••• Si les rivalités sont permises aux nations prospères, les sages résolutions s'imposent. dans une situalion comme la. nôlro (4). • Cette union que.Lysias appelle de tous ses vœux, elle n'est. pas dictée par une quelconque nécessité interne, par un sentiment profond de la communauté de culture entre les Grecs, mais par les circonstances immédiates (5). La reconnaissance de l'hégémonie spartiate qui peut. surprendre a priori dans la bouche de Lysias en est la preuve. Elle contredit. en tout cas l'affirmation de G. :Mathieu que cette prédication olympique et. panhellénique provenait des milieux démocratiques athéniens « ••• où l'on songeait à réaliser l'union des Grecs par un Empire athénien inspiré de la confédération attico·délienne (6). » Un peu auparavant cependant., dans un autre discours, dont l'authenticité (1) DENYS D'JIALICARMASSE, Lyl.1 '28-29 :
"Et:n1. 3-li
"'t'~ tXÙT(j> 7tllV"FJYU-
lv i;, ix&:ille~v .:li.ovûa,ov "tOv "l:Upœvvov be "Cili; cip:x'Yli; xœl !:r.xc>.(œv iùu6cpc'.;)acn, iîxœo6œ( "ri: -iT.ç lx,6pœi; œûdx:z µilœ 8,i:xpmÎOCXVT~ -rijv 'tOÜ 'tUpcXWOU oxr;~v xpua
l2) XXXIII,&.
(3) Ibid., 6.
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(5) Sur la dato du discours, 388 ou 38-1, cr. M. Dlzos, t. Il, p. 201, qul tuJopte la seconde dale comme étant Ja plus probable, la paix d'Antalkldas juslifümt. l'hosUJitê conlro la Perse, et. la paix relative avec Sparte justifiant le recours à son hégémonie. {6} Op. cil., p. 25.
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il est, vrai a été contestée (1), Lysias, prononçant. l'éloge funèbre des morts de la guerre de Corinthe, évoquait. cette solidarité des Grecs contre les Barbares, et, cette unité de la Grèce, et. con· cluait : •Les Athéniens méritent. seuls d'être les patrons des Grecs et, les guides des cités (2). » Faut-il déduire de ces apparent.es contradictions que les deux discours ne sont pas l'œuvre du même homme? Cela est possible, mais nous ne nous permettrons pas de trancher. Bien plutôt, il apparaît que le panhellénisme de Lysias est. surtout une attitude de circonstances. Métèque d'origine syracusaine, il souffre de voir sa pat.rie sous le joug du tyran. Lié aux démocrates athéniens, il compose pour eux des discours qui glorifient. sa cité d'adoption et les hommes qui défendent les mêmes principes que lui. Dans l'un et, l'autre cas, le sentiment de la communauté hellénique est. subordonné aux intérêts particuliers de telle ou telle Cité. Et Je patriotisme civique paraît. chaque fois l'emporter sur le sentiment panhellénique. Avec le Panégyrique d'Isocrale, le problème apparaît. plus complexe et. plus nuancé. Ce discours d'Isocrate a été jugé très diversement par la critique moderne. Certains ont. vu dans le Panégyrique une sorte de programme préparatoire à la seconde confédération maritime (3). L'amitié d'Isocrate et. de Timothéos, le rôle de ce dernier dans la renaissance de l'empire maritime d'Athènes, les termes mêmes du décret. d'Aristot.elès, apparaissent comme autant de preuves d'une telle affirmation que renforce encore le plaidoyer éloquent. en faveur d'Athènes qu'est le Panégyrique à partir du paragraphe 21 et. suivants. Mais d'autres critiques, et. essentiellement. \V. Jaeger {4), insistent. davantage sur le caractère théorique de l'ouvrage, sans rapport. avec la réalité politique, mais se présentant. au contraire comme l'expression d'un sentiment. panhellénique, reposant sur la certi.. tude de la supériorité de la culture grecque. Toutefois, comme Athènes est. le berceau même de cette culture grecque, comme elle est. aussi )a seule force politique capable do venir à bout. de la Perse et. de rassembler les Grecs, tout naturellement. le Pané· · gyrique se transforme en une glorification de l'hégémonie athénienne. La thèse de G• .Mathieu se situe dans une position moyenne (lJ Cf. Noltce de M. B1zos, t. 1, pp. 41·45. (2) Il, 57: "Ov lvcxœ 3ci p.ôvouç xœ.1 npocrr:iTœç Téi'.w•Eu~\1(1)" xœ.l ~YCJLÔVCXÇ TW" r:G>..w" y(yveoO:i&.. (3) En purliculier VRERUP, Epikrilische zum Panegyrikos des lsokralc& (l'hilologu1, LIV, 1895, p. 639); \VJLAMOWITZ, Arisloltltr und Allieru, 11, 31:;7 (4) Paidela, Ill, SO.R.l.
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qui ne laisse pas d'être ambiguë. • J;;crivant. à Athènes, bien que pour loul le public grec, Isocrate insiste naturellement sur les luttes que sa patrie a menées contre les barbares (1). • « ••• Le but. avoué d'Isocrate dans son Panégyrique est. double, rétablir la concorde entre les Grecs et. les décider à la lutte contre les barbares. Mais comme cette lutte ne peut. avoir lieu avec succès que si les Grecs sont. réunis sous une direction unique, l'appel à la concorde s'accompagne d'une propagande en faveur de l'hégé· monie athénienne (2). • Ainsi, c'est. d'abord pour exprimer la nécessaire union des Grecs qu'Isocrate écrivit. le Panégyrique, manifeste panhellénique. Mais en même temps, dans la pratique, il eut. pour effet. de préparer les esprits à la formation de la seconde confédération maritime (3). Nous avons déjà, au chapitre précédent, t.entê de donner une explication de l'évolution de la pensée d'lsocrate, en face du problème de l'impérialisme. Il est. hors de doute, et. W. Jaeger lui-même doit. en convenir (4), que le Panégyrique se présente comme une apologie de l'hégémonie athénienne, justifiée non seulement. par la supériorité de sa culture (5), mais encore par sa suprématie commerciale (6). De fait., toute la politique d'Athènes au ve siècle est. défendue par Isocrate qui insiste tout. particulièrement. sur les bienfaits de la paix athénienne (7). On a montré à juste titre (8) qu'lsocrate avait. repris, dans ce développement. (1) Op. cil., pp. 56-57.
(2) Op. cil., p. 69. (3) Op. cil., pp. 82-83. Mathieu constate cependant que rien, dans le programme de la seconde confédération, n'évoque la tulle contre la Perse: • Il eaL vrai que la seconde parue de la propagande !socratique, la lulle contre ln Perse, eaL absolumenL laissée de côté par les fondateurs de la confédéroUon. Dien au contraire, lis prennenL Jeun précautions pour ne pas violer sur ce polnL les dlsposlUons de la paix d'Antalkldns eL excluent de la condéférallon loua ceux qui apparUennenL au Grand Roi. • Mals au lieu de conclure, solL que le panhellénisme d'Isocrale esL louL relollt, soit qu'il n'eaL pour rien dons la formation de la seconde confêdéraUon, Molhleu ajoute : • Mols Il eaL probable qu'en 377, l'oroteur l'acceplo comme une concession provisoire que l'on devalL faire pour rendre possible l'unll6 grecque. • (.C) Paldda, III, pp. 74 el H. (5) Panig., 40, 45eL11., 50: • Notre Cité a lant distancé les outres hommes pour la pena6e eL la parole que ses élèves sonL devenus les martres des autres, qu'elle a toit employer le nom de grec, non plus comme celui de la race, mols comme celui de la culture, el qu'on appelle grecs plulOL lea gens qui parll· clpenL à notre MucaUon que ceux qui onL la m~me origine que nous • (cf. THUC., II, 41). (6) Panig., 42 et ss. (7) Ibid., lM et 11. llême les clérouqules sont jusllfi6es (cf. 1 107). (8) W. JAEGER, Paldda, III, p. 306.
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les principales idées exprimées par Thucydide (1). On ne saurait mieux dire qu'il se fait le défenseur de l'hégémonie athénienne. L'orateur n'hésite même pas, pour les besoins de la cause, à justifier les actes les plus répréhensibles auxqueb s'étaient livrés les dirigeants athéniens : le massacre des habitants de Skionè et la réduction des l\léliens en esclavage (2). La réalité, d'autre part, des liens personnels qui existent, entre Isocrate d'une part, Timothéos et Callistratos de l'autre, incitent à penser que, s'il n'a pas directement inspiré la création de la seconde confédération maritime, du moins en a-t-il vu avec faveur la réalisation. On peut alors se demander ce qu'il en est du panhellénisme d'Isocrate que Mathieu place au cœur des idées politiques du célèbre rhéteur athénien. Il faut préalablement se défaire de l'erreur qui consiste à placer tous les discours d'Isocrate sur le même plan, à affirmer l'unité de son panhellénisme, l'évolution dans le temps se ramenant au simple choix d'un hégémon (3). En réalité, Isocrate, au début de sa carrière d'orateur politique exprime, nous l'avons vu, les opinions de certains éléments de la société athénienne, qui voient dans l'impérialisme, à la fois une garantie de sécurité intérieure et de suprématie extérieure. Ces c bourgeois» démocrates partagent le point de vue des orateurs et des stratèges, et aussi de la grande masse du peuple athénien. S'ils font, avec Isocrate, des réserves sur certains aspects de la politique contemporaine, s'ils s'inquiètent de la stérilité des luttes entre cités, qui favorisent l'arbitrage du Grand Roi, ils n'en demeurent pas moins fidèles à l'héritage de Périclès, et tout naturellement, pour formuler leur opinion, Isocrate emprunte à Thucydide une démonstration qui lui convient. Mais parce que, depuis la guerre du Péloponnèse, Sparte a presque continuellement bénéficié de l'appui du Roi, parce que ce dernier, grâce à l'appel spartiate, a pu imposer sa volonté aux cités grecques, et a sanctionné l'hégémonie spartiate, c'est contre lui que se tourne l'hostilité des Athéniens. Et parce qu'enfin les guerres médiques ont fondé jadis la puissance athénienne et ses droits il l'hégémonie, la guerre contre la Perse devient tout naturellement un thème de propagande lié à la revendication de l'hégémonie athénienne. Mais cc serait trop simplifier la pensée d'Isocratc que la ramener à ces simples remnrques, qu'en faire un simple démarquage (1) Tuuc., J, 73-76; II, 41, 1. (2) Panlg., 100 et ss. (3) C'esL là toute l'idée autour de laquelle est construit Je livre de G. Mathieu. C. MOiii
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de la pensée de Thucydide. Le Panégyrique contient. plus qu'une apologie cl.'Athènes. En rappelant. le but, des années plus tard, dans le discours Sur féchange, Isocrate écrivait : c Le premier discours qui va vous être présenté a été écrit au temps où les Lacédémoniens commandaient aux Grecs et. où nous étions abattus. Il invite les Grecs à marcher contre les barbares, et conteste aux Lacédémoniens le droit. à l'hégémonie• (1). Or, l'une des raisons, et. la plus essentielle (2), pour laquelle Isocrate invitait les Grecs à • ••. marcher contre les barbares•, c'était la colonisation possible des territoires soumis au Grand Roi. Cette colonisation, qui se ferait sur les territoires conquis en Asie mineure (3), permettrait. l'établissement. de tous ceux qui, en Grèce même et dans les îles, n'ont. pas assez de terres pour vivre, et constituent un danger permanent pour la Grèce (4). Elle s'accompagnerait. de la réduction en esclavage des barbares, qui deviendraient les r périèques :a des Grecs (5). Isocrate paraît ainsi, tout naturelle· ment, avoir tiré les conclusions de l'échec du premier Empire athénien, et, dans le même temps qu'il invitait. ses concitoyens à renoncer à leurs erreurs passées, à ne plus traiter les alliés en sujets, à ne plus saisir leurs terres, il leur montrait une solution nouvelle du problème des terres, encore aggravé par les désastres de la guerre (6). La contradiction apparente entre l'impérialisme et. le panhellénisme d'Isocrate se résout donc en une unité profonde (7). Et l'on peut, sans craindre d'aller lrop loin, suppo-
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(1) Sul' tlchange, 57 : µh ycip l6yoc; 6 µ~v n_pwTOc; Ô(.LÎV a~,x &ijoco6«L Xr:t.~ bct(vouç typcXtplJ -roôc; v6vouç, O'TC Acxxc8cx~µ6vLOL µèv ~
~JUÎÇ 3~ 'tœ7"LVWÇ bpœnolLCY• "EOTW 8! -roÔc; ncxpœxi:W;)y mt ~ -rë:>v ~cxp6œpv cnpetulœv, A!Xxc3œtµO'll ot; 8l mpl 'ri}c; ilycµov(ixç clµf&o671-rwv. (2) Mathieu indique comme buta assignés par Isocrate à la guerre commune: 1• rendre la liberté à l'Asie; 2° • ... à cela s'ajoute, accessoirement, le désir d'enrichir les Grecs par la conquête de l'Asie, car les Grecs du 1v• siècle qui connaissaient mieux que Jeurs ancêtres les richesses de ln Perse sont. facilement portés à voir dans cette expédiUon le moyen de remédier à la détresse économique de leur pays • (op. cil., p. 58). (3) Panlg., 36, 166. (4) Ibid., 131·138, 182. (5) Ibid., 36, 131. (6) bocrate n'était pas d'allleurs un précurseur; déjà dans l'Anabast, XtNOPHON affirmait:• Nous prouverons aux Hellènes que, s'ils sont. pauvres, c'est parce qu'ils le veulent bien, puisqu'ils ont toute liberté de conduire lei ceux qui là-bas mènent aujourd'hui une vie pénible, dans les voies do l'opu· lence • (Anab., I 11, 2, 26; cr. aussi VI, 6, 3-4j VII, 2, 36). Xénophon Indiquait déjà la Thrace comme lleu de colonisation. lsocralc la désignera nommément. en 356 dans le Sur la pair. (7} Plus tard, dans un contexte historique ditrérent, Isocrate, résumant
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ser que la seconde confédération maritime aurait peut-être vécu et que le pacte aurait. été respecté, si la conquête de la Perse avait été alors possible. Mais il n'en était rien. Et si Isocrate était assez bien informé des problèmes grecs, il avait tendance à exagérer la faiblesse du Roi; enfin, il ne voyait pas encore poindre la menace thébaine. L'un et. l'autre fait. expliquent sans doute le « recul • du Plalalque par rapport au Panégyrique. Sparte a cessé d'être l'adver· saire le plus dangereux. Le· Roi s'est montré plus favorable à Athènes et. la seconde c paix du Roi• en 374 a reconnu l'existence de la seconde confédération maritime. Enfin la situation financière d'Athènes n'est guère brillante et. incite les dirigeants de la Cité à un certain pacifisme (1). C'est, en efTet, la forme« pacifique• que va prendre désormais le panhellénisme d'Isocrate. Tandis que s'affirment et se précisent. à l'arrière-plan les buts impérialistes et. les projets de colonisa· t.ion destinés à résoudre un problème social dont la gravité ne fait que croître, ce n'est plus tant l'hégémonie athénienne qui est revendiquée, qu'un partage d'influence entre les difTércntes cités grecques, et surtout l'établissement d'une paix générale, condition indispensable à la préparation de la guerre contre le barbare. Nous avons déjà indiqué précédemment les raisons évident.es de cette évolution : les échecs de la seconde confédération maritime, la résistance de plus en plus nette des alliés inquiets du rétablissement des clérouquies, les exact.ions des stra.. tèges, les charges de plus en plus lourdes pesant sur les riches, tout cela détournait un certain nombre de gens de la politique impérialiste traditionnelle, qui s'avérait de moins en moins rentable. Dans le même temps, Sparte menacée dans le Péloponnèse comme Athènes l'était en mer Jlgée, cessait d'être dangereuse. La puissance thébaine, dont les bases étaient fragiles, était à la merci d'un échec militaire. Thèbes n'était dangereuse qu'autant qu'elle risquait de cristalliser autour d'elJe les mécontents, de jouer le rôle qu'avait tenu Sparte au milieu du ve siècle. La son acUon passée, pouvait écrire:• ...Je trouvais qu'Athènes ne pouvait. rester en paix que si les principales puissances se réconcfllalent. pour porter la guerre en Asie et voulaient. obtenir sur les barbares les avantages qu'elles réclament. maintenant. des Grecs. C'est d'ailleurs ce que j'ai conseillé dans le Pan#gyriqut • (Phil., 9). (1) CLocuË, n. ~-A., 1923, pp. 18 et ss.; MATHIEU, op. cil., p. 87; XtN., Htll., V, 4, 66; VI, 2, l; 3, 3; lsocRATE, Sur rtchangt, 120; DtM., XLIV, 13·15: cr. aussi Xb•., Mtm., II, 5, 16 et. ss. Sl}r la portée et la date de publi· ·cation du Plalalqut d'ISOCRATE, cr. \V. JAEGER, Dtmoaltnt, p. 233.
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naissance d'un impérialisme thébain provoquait cependant, à un rythme plus accéléré, les mêmes réactions qu'avaient déjà sus.. citées l'impérialisme d'Athènes et celui de Sparte. Parvenues à un certain degré de maturité, les petites cités secouaient le joug (1). L'évolution de la pensée d'lsocrate, à travers les multiples contradictions formelles, apparatt assez nette: en 380, il réclamait la guerre immédiate contre le barbare, une guerre dont Athènes aurait pris le commandement, rassemblant les Grecs unis sous son hégémonie. En 356, au moment où il publie le discours Sur la paiz, il ne lui est plus possible de revendiquer pour Athènes cette hégémonie dont elle a fait, pendant. près d'un quart de siècle, un si mauvais usage. Mais les nécessités matérielles qui justifiaient la conquête de terres nouvelles en Asie n'ont fait que croitre. Dès lors, Ath~nes doit renoncer à ses ambitions impé.. rialistes, accepter la réconciliation avec les autres Grecs, se soumettre à la Paix édictée en 374 par le Roi (2). C'est seulement lorsque Athènes et les autres cités grecques auront reconstitué leurs forces, pris l'habitude de vivre ensemble dans un monde pacifié, qu'il sera possible d'envisager à nouveau la réalisation de l'objectif principal : la conquête de l'Asie. Et peut-être alors les Grecs remettront.ils à Athènes, spontanément, la direction de cette entreprise. Le panhellénisme d'Isocrate s'affirme donc, non pas comme un principe absolu, mais bien plutôt comme la condition du rétablissement en Grèce de la paix sociale et de l'équilibre politique : l'unité grecque n'est qu'un moyen, c'est la conquête de l'Asie qui reste le but fondamental. Dès lors, les modalités de cette unité peuvent évoluer en fonction des circonstances : en 380, elle aurait pu se faire sous l'hégémonie d'Athènes, en 356, c'est paradoxalement sur la paix du Roi de 374 qu'elle pourrait se fonder; en 346, c'est à Philippè qu'lsocrate confiera le soin de la réaliser pour mener enfin à bien la conquête de l'Asie. Y avait.il à Athènes, au ive siècle, d'autres théoriciens du panhellénisme, et donnaient.ils à ce sentiment un contenu plus positif? En fait, nombreuses sont les professions de foi en faveur de la réconciliation des Grecs, qui toujours s'accompagnent de la haine pour le barbare. Platon, dans la République, affirme que les guerres entre Grecs sont des luttes fratricides, que l'hostilité (1) cr. F. CARRA.TA, Egemonla beolica e potenza mariUima ntlla politica dl Epamlnonda, Turin, 19S2; BusoLT-SwosooA, II, pp. 1414 et ss. (2) Sur la palz, 16.
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entre Hellènes et Barbares est une chose naturelle (1). Il conclut. qu'il faudrait« ••• traiter les barbares comme les Grecs se traitent maintenant entre eux (2) 1. Xénophon, dans son Agésilas, idéalisant le Roi et la politique de Sparte, exprime des sentiments analogues : « S'il est beau qu'un Grec aime la Grèce, quel autre général a-t-on vu refuser de prendre une ville quand il pensait qu'elle serait saccagée, ou regarder comme un désastre une victoire remportée dans une guerre contre les Grecs (3)? » Lui aussi incite les Grecs à lutter contre le Perse, l'ennemi héréditaire qui jadis a tenté de subjuguer la Grèce, qui aujourd'hui entretient par ses intrigues les rivalités entre Grecs (4). La campagne d'Agé· silas en Asie, manifestation de l'impérialisme spartiate se trouve ainsi justifiée au nom du panhellénisme, par le laconisant Xénophon; dans le Panlgyrique, Isocrate justifiait de la même manière l'impérialisme athénien. Il est intéressant de remarquer d'ailleurs le parallélisme entre l'évolution des deux hommes, qui tous deux, au milieu du 1ve siècle, après les échecs de la politique extérieure de Sparte, après la faillite de la seconde confédération maritime, également inquiets de l'évolution de la démocratie athénienne, de la menace qui pèse sur les possédants dans les cités grecques, s~ font les apôtres d'une politique de paix internationale, seule condition pour qu'Athènes puisse récupérer ses forces, et même obtenir des Grecs une hégémonie librement consentie (5). Enfin, Démosthène lui-même, peu suspect. d'hostilité systématique à l'égard de la Perse, se faisait l'écho de ce courant pan· hellénique quand il s'écriait, dans le discours sur les Symmories : « ••• La guerre contre le barbare n'est-elle pas une guerre pour le pays natal, pour la vie et les coutumes nationales, pour la liberté, pour tout ce qui nous est cher (6}? » (1) Rlp., 470 c; 471 a. (2) Ibid., 471 b: - - TL'~~ 31-ro~ P0tp6&po~, ~ vüv ol "Ell~ np~ clÀ•
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Cependant, dans sa lhêse complémentaire, l'Archlologie de Plalon (exempl. dacl., Parts, 1958), M. R. \VEIL, lout en reconnaissant que s'exprime dans l'œuvre de Platon, parllcullêrement. dans les Loi1, un senUment. profond de la communauté hellénique, remarque que l'idée d'une guerre de conquête qui permellrait. l'exploilaUon du monde barbare ne paraU pas avoir Intéressé le philosophe. (3) Agu., VII, 4: d yc µY)" Ot~ xoc).l!.,, "Ell?lW ~'ITCC ~ùJ).).TJVCC cTw.a, -riw on; d8"' &>l.o" cnp0t'"l"(~" ~ n6ÀL" oôx iOO.ovrœ cxlpcî.,,, ~TIX'I ot'J)Tœ&. 1t0p~au.,,, ~ auµ~p«-,, wµlCo'ITœ -rO .,,i.xœ.,, h Têi> np~ "Ellr,~ 1t0).fy.
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Le sentiment. panhellénique existait donc au ive siècle. Les Grecs, ]es Athéniens surtout, avaient conscience d'appartenir à une même communauté culturelle et linguistique, et devant ]es échecs successifs des principales cités pour établir leur hégémonie sur le monde grec, les écrivains et certains hommes politiques ( 1h conscients des graves dangers qui pesaient sur la Grèce du !ait des mercenaires et. des hommes privés de terres, envisageaient une conquête de l'Asie dont la condition préalable était l'établissement d'une paix générale entre les cités. Il importe en efTet de remarquer aussitôt que le sentiment panhellénique n'aboutissait jamais à la conception d'une Grèce unifiée politiquement. Nulle part, il n'est question d'un quelconque abandon de ce que nous appellerions aujourd'hui la~souveraineté nationale. Quand les théoriciens ou les hommes politiques prêchent la concorde entre les Grecs, ils n'envisagent jamais la possibilité que cette concorde fasse éclater dans un organisme confédéral les cadres rigides de la Cité (2). L'étranger, fût-il un Grec, reste un étranger, et l'on que les m~mes hommes qui conseillent à la Cité do prêter secours aux ~gyp· tiens contre le roi des Perses, aienl peur de lui lorsqu'il s'agit. de défendre le peuple de Rhodes. Personne n'ignore cependant que les Rhodiens sont des Grecs, tandis que les autres comptent parmi ses sujets • (Sur le panbellé· nisme de Démosthène après 316, cr. infra, pp. 461-463). (1) Parmi ceux-cl figurait sans d.oule Androtion, ancien élève d'lsocrote, partisan comme lui d'une réforme conservatrice à l'intérieur, d'une politique · d'hostilité à la Perse à l'extérieur, mais qui, par souci d'efficacité, allait se trouver peu à peu amené à rejoindre les rangs des démocrates exlrômes, seuls capables de promouvoir une poUUque extérieure active. Il rêvait en parti· eulier de soulever l'Asie contre le Roi, et c'est évidemment à lui ol au groupe des amis d'Arislophon que Démosthène tait allusion dans le passage cité dans la note précMenle. Sur Androllon qui est aussi l'un des alt.hidographes, cf. J ACODY, Fragmente der Griechilchtn Hlsloriker, 111 b, suppl., 1, pp. 85 etss. (2) On a cru trouver cependant. une exception, postérieure il est vrai, dans un passage de la Politique d'ARISTOTE, oil le philosophe affirme qu'une Grèce unie • ••. µLi; ,;o>.LTd.œ; "NYX:ivov • pourrait gouverner Je monde (Pol., IV, 6, J, 1327 b 29 et ss.; cr. le commentaire de W. JAEGER, Arislolele•, p. 123 et l'analyse de R. \Veill, Arlstot~ el r Histoire, p. 402 et ss). Mals c'est là une conslatalion qu'il serait arbllraire de détacher de son contexte ; la comparaison établie par Aristote entre les dUTérentes races el destinée à montrer la supériorité de la race grecque. 11 s'agit Ici d'une supposiUon plutôt que d'une recommandallon. En réalité, comme l'a rait Justement remarquer V. EnnENDERG (Alexander and lhe Gretk1, p. 65), toute la pensée politique d'Aristote est centrée sur les problèmes de la Cité, au point. qu'il ne se préoccupe même pas des fédérations de cités telle celle qul s'est. consUluée dans son propre pays, la Chalcidique. JI serait donc orbi· traire de voir en lui un propagandiste de l'idée panhellénique poussée à son plus haut degré, la fusion du monde grec dans une Polis unique. Cependant, comme Isocrate, Aristote pensait que les barbares étalent. rails pour obéir aux Grecs.
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ne fait à Athènes guère de difTérence entre les métèques grecs ou barbares. L'alliance envisagée et recommandée reste une alliance strictement militaire, plus proche de ce qu'avait été la ligue hellénique d'avant Marathon et Salamine que de ce que sera la ligue de Corinthe. Le sentiment qu'ont les Grecs d'appartenir à une même communauté; l'orgueil qu'ils éprouvent. de leur supériorité sur les barbares, ne les conduisent pas à la conception d'un ~lat national grec. Bien plus, l'un des éléments de cette supériorité, la liberté dont se réclament les Grecs et qui les distingue des barbares, s'oppose à toute tentative de cet ordre, même dans le simple domaine des idées. Le panhellénisme d'lsocrate, dont on a fait grand bruit, se trouve ainsi ramené à des proportions singulièrement étroites ( 1). Il reste, avant de passer du domaine de la théorie à celui de la réalité, à analyser l'évolution du sentiment panhellénique dans la seconde moitié du siècle et le dernier aspect de la pensée politique d'lsocrate : son ralliement à Philippe de Macédoine. L'expansion macédonienne, l'entrée sur la scène politique grecque de Philippe apparaissent en effet comme l'élément déterminant de toute l'évolution d'Athènes et de la Grèce dans la seconde moitié du ive siècle. Les premières attaques de Philippe, sur Amphipolis et la Thrace, menaçaient directement des régions qui de tout temps avaient été des domaines réservés à Athènes, laquelle, dans ces pays semi-barbares, avait fondé des clérouquies ou des comptoirs commerciaux, et entretenait des relations amicales avec leurs souverains, relations que doublaient des rapports commerciaux, sanctionnés parfois par de véritables accords (2). Là Athènes se procurait les matières premières brutes nécessaires à son industrie, les esclaves dont la Thrace était. devenue l'un des principaux fournisseurs, cependant que semi-barbares et Grecs constituaient une clientèle pour les produits de l'industrie athénienne (3). La perte de ces régions pouvait être dramatique pour Athènes, mais pour Athènes seule, et l'on s'explique l'inquiétude qui s'empara de ses dirigeants démocrates. Bientôt cependant l'ambition de Philippe dépassait les limites des régions traditionnellement dominées par Athènes. Son intervention dans la guerre sacrée posait le problème macédonien à toutes les cités grecques, qui se voyaient, à plus ou moins brève échéance, mena(1) Sur la portée limitée du panhellénisme d'Isocrate,
Demoaltne, 2• éd. ll., Turin, 19·13, p. 281, n. 42. (2) (3)
cr. Too, Il, n cr. aupra, pp.
09
115, 117, 129, 151, 157, etc.
112 et ss.
cr.
\V.
JAEGER,
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cées d'un sort analogue à celui des Thessaliens ou des Phocidiens. La situation était comparable à celle qui, au début du ve siècle, avait. contraint les cités grecques, redoutant de perdre leur liberté, à se rassembler dans une ligue panhellénique. Alais cette fois, le barbare venait du Nord. Le sentiment panhellénique qui s'exprime dans les grands discours de Démosthène s'inscrit directement dans la tradition classique. En face du danger qui les menace toutes, les cités grecques doivent oublier leurs querelles, se faire des concessions mutuelles, s'unir dans une commune défense de la liberté qui est leur patrimoine commun (1 ). Mais les cités grecques font la sourde oreille, refusent de faire taire leurs querelles, voire même prêtent. obligeamment l'oreille aux propositions de Philippe (2). Or, tandis que Démosthène prêche l'union pour résister à Philippe, c'est vers ce même Philippe qu'Isocrate se tourne pour l'appeler à prendre la tête des Grecs et à les conduire dans cette Asie riche et attirante dont la possession mettra fin à la crise sociale que traversent les cités grecques. Le ralliement d'Isocrate à la cause macédonienne ne laisse pas de poser un certain nombre de problèmes délicats à résoudre. On sait quelle est la position de G. Mathieu, le traducteur le plus récent d'Isocrate en France, position partagée par une grande partie de la critique moderne (3). Isocrate, profondément pénétré par le sentiment de la communauté panhellénique, et soucieux par ses discours de préparer l'unité grecque, avait d'abord songé à Athènes, sa patrie, pour la réaliser. Mais le refus de cette dernière de réformer ses mœurs politiques avait amené Isocrate à renoncer à son projet primitif, et. à chercher ailleurs l'hégémon qui prendrait la tête de la croisade contre la Perse. Après avoir songé à ~vagoras, et à Nicoclès de Chypre, à Archidamos de Sparte, à Denys de Syracuse, à Jason (l)IX (3• Phil.), 28. Sur Je panhellénisme de Démoslhêne, cf. U. DoNKEL, Was Demosthenes a Panhellenlst (Cla11. Phil., XXXIII, 1938, pp. 291-305); W. JAEGEn, Demoslene, pp. 203 et ss., 281·282 et n. 43-44; MATHIEU, op. cil., p. 197, écrit : c Démosthène a bien des Idées panhelléniques, mals c'est. ou profit d'Athènes qu'il prétend réalJser l'alUance des peuples grecs, et 11 revendique, pour sa patrie, le droit de régler les a!falres de la Grèce, droit que Philippe a usurpé par son lnlervenUon à Delphes. • Mals y a-t-il là une diJJérence fondamentale avec l'altitude d'Isocrate en 380T Ce qui sépare les deux hommes, plus qu'une conception di!rérenle de l'unll6 grecque, c'est leur position en face de l'évolution de la démocratie athénienne, èn face du problème politique et du problème social qui se posent à elle. (2) X (I.• Phil.), 52;
cr. XVIII
(Cour.), 109.
(3) et. la bibliographie donnée p. 425. Ajouter MoMIGUANO, L'Europe come concetlo poliUco presso Isocrate e gll Isocrate! (Rlv. Fil., LXI, 1933, pp. 447· 487).
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de Phères, Isocrate s'était enfin tourné vers Philippe. Et pour concilier son hostilité contre tout ce qui n'était pas grec et son ralliement au chef d'un pays barbare, Isocrate prenait bien soin de souligner l'origine grecque de son héros, et la diversité de l'autorité qu'il aurait à exercer sur les Grecs, sur les Macédoniens et sur les barbares. Il concluait le Philippe par cc conseil qui contient en germe la définition du roi hellénistique:• Il faut être le bienfaiteur des Grecs, le roi des Macédoniens, le maître des barbares (1). • Cette analyse correspond, dans ses grandes lignes, à la réalité, et l'on en peut trouver la confirmation dans le discours publié par Isocrate en 346 et nommément adressé à Philippe (2). Son but, plusieurs fois reconnu par Isocrate, est de recommander la lutte contre la Perse, et la réconciliation des Grecs (3). C'est donc le thème même de toute l'œuvre politique d'lsocrate et celui-ci peut à juste titre affirmer qu'il est toujours resté fidèle à lui-même. Mais désormais, il lui apparaît que l'unité grecque ne (1) Phil., 154 : - - -ro~ µh "IDJ..11-n; côcpyncîv, Mœxc36vc.>v 3~ ~œoV.CU. nv, Twv 3~ ~rxp6iipc.>v ~; itÀ.Cmc.>v «PXELV. Nous ne suivons pas V. EHRENauo, Alezander and lhe Grtekl, p. 90, lorsqu'il affirme qu'lsocrale Invitait. Philippe à étendre ses bienfaits aux barbares aussi - ce qui lui permet. de nier l'authenticité de la lettre à Ph111ppe, dans laquelle Isocrate conseille au roi des Macédoniens de faire· des barbares les • bilotes • des Grecs. De fait, dans le passage que nous c1tlons plus haut. du Panlgyrique ( § 36), JsocRATB emploie le terme • périêques • pour désigner la condition de dépendance des barbares par rapport. aux Grecs. Il est. hors de doute cependant que dans l'esprit. d'Jsocrate, et. quel que soit. le sens précis donn6 par lui aux termes ·• hllotes • et. • périêques • empruntés à la réalité spartiate, il ne saurait y avoir d'égalité possible entre Grecs et. Barbares. Pas plus qu'Aristote, lorsqu'il recommande à Alexandre d'être un hlglmon pour les Grecs et. un despote pour les barbares (frag. 658, Ross), Isocrate n'est. un précurseur de l'idée de fusion des races qu'Alexandre essaiera de réaliser dans son empire (cl. les conclusions de M. A. AYMARD, I1ocralt, IV (Panlgyrique), 60 (Mllangt1 Magnien, 1949), pp. 8-9.) (2) Pour la date du discours, cr. MATHIEU, op. cil., pp. 155-156; Buss, AUl1che Btrtd1., II, 314; \VENDLAND, Btilrtlgt zur Alhtni1chtn Polilik und Publlclallk du 1. Jahr., 1910, p. 121. Sur aa 11ignificalion, cl. le récent. article de S. PERLMAM, Jsocrates Phllfppus. A Reinterpretation (lli1lorla, VI, 1957, pp. 306-317), qui 11e refuse à voir dans le Philippe un manifeste panhellénique, non plus d'ailleurs qu'un ~uvrage de propagande pro-macédonienne. Pour l'auteur, le Philippe serait. seulement un écrit de circonstance, anim6 par la préoccupation de trouver face à une situation déterminée une solution susceptible de satisfaire les deux adversaires. Il y a là un souci Intéressant. de replacer le Philippe dans un contexte historique. Néanmoins, li est impossible de ne pas reconnaitre dans les derniers discours d'Isocrate certains thèmes chers à son auteur et. de ne pas y voir l'aboutissement de toute son œuvre politique. (3) Philippe, 9, 11, 84, 93, etc.
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peut. se réaliser qu'avec l'arbitrage de Philippe, seul capable d'imposer aux: cités grecques la paix à laquelle elles refusent de souscrire, et. de mener à bien Ja conquête miJitaire de l'Asie. Isocrate n'ignore pas cependant que beaucoup trouveront à redire à son attitude, alors qu'Athènes n'est pas encore abaltue. Aussi éprouve-t-il le besoin de se justifier : •Peut-être certains de ceux: qui ne savent qu'adresser des critiques diront-ils qu'en me décidant. à t'inciter à l'expédition contre les Barbares et. à la direct.ion des Grecs, j'ai négligé ma. patrie. Pour moi, si j'entreprenais d'en entretenir d'autres avant ma patrie, qui, par trois fois, a délivré les Grecs, deux fois des Barbares, une fois de la domination des Lacédémoniens, j'avouerais que je commets une faute; mais on verra bien que c'est. elle la première que j'ai poussée à cela, avec le zèle le plus grand possible, et que, la voyant moins s'intéresser à ce que je disais qu'aux foJics débitées à la tribune, je l'ai laissée de côté, mais sans abandonner ma tAchc (1 ). • Ce sont donc des raisons politiques qui l'ont. amené à se détourner d'Athènes. Il peut être intéressant. d'essayer de les préciser un peu. De l'aveu m~me d'Isocrate, c'est l'intérêt do ses concitoyens pour « les folies· débitées à la tribune • qui l'a fait. renoncer à confier à Athènes la mission de rassembler les Grecs contre la Perse. Or ces c folies» nous savons, par Isocrate lui-même, et. par les orateurs contemporains, en quoi elles consistaient : faire voler des expéditions hasardeuses, accroître le poids de l'eisphora et des autres charges, promettre d'illusoires bénéfices (2). Isocrate se détourne d'Athènes parce que ses orateurs et ses stratèges se refusent. à écouler les conseils qu'il leur prodigue, et, pour satis.. faire le peuple et leur ambition, poussent. la Cité à adopter une politique belliciste qui coll te cher et. dont le poids retombe sur les possédants. l\lais si les excès mêmes de la démocratie athénienne, déjà dénoncés par Isocrate dans I'Aréopagiliqut, 'expliquent sa désaffection pour sa patrie, si d'autre part. la gravité du pro-
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hlème social dans tout le monde grec rend à ses yeux plus immi.. nente la nécessité de conquérir l'Asie, l'un et l'autre !ait ne jus· tifient, pas son ralliement. à Philippe de Macédoine. . Il faut faire ici intervenir un autre élément. dans la discussion, le développement des tendances monarchistes au ive siècle, et. leur expression dans l'œuvre d'Isocrate. Or, nous avons déjà montré (1) comment, à travers un certain nombre de discours, !'Archidamos, l' ~vagoras, le Nicoclès, s'élabore chez Isocrate la conception de la supériorité du monarque, du souverain unique, sur toute autre forme de gouvernement. Dès lors, il parait. naturel, si l'on passe du plan de la Cité au plan de la Grèc~ entière, qu'à une confédération, il préfère l'hégémonie d'un chef unique, surtout. si l'autorité de celui-ci s'exerce sur des cités Jibrement. con· sentantes. C'est le thème du bon tyran qui réapparaît. dans le Philippe, thème qui se double de l'apologie de l'homme prédestiné, celui auquel la divinité recourt pour faire exécuter ses desseins (2). Il est. évident, et c'est déjà la conception qui prévaudra à l'époque hellénistique, que les victoires mêmes déjà remportées par Philippe, fût-ce aux dépens des Grecs, le désignent. tout. naturellement. pour être le chef de la Grèce unie. Est-ce à dire, pour autant, qu'avant Philippe Isocrate avait songé à .d'autres chefs éventuels? Les arguments avancés pour justifier une telle attitude de sa part sont. tirés de lettres dont l'authenticité est. généralement. contestée. Il est. bien vrai qu'avant. de s'adresser à Philippe, Isocrate s'est. adressé à d'autres rois grecs ou semi·barbares. Mais, à ceux-ci, il n'a jamais demandé do prendre Ja tête d'une croisade hellénique contre Ja Perse. Tout au plus vantait,..il leurs qualités morales ou intellectuelles, ou leur sens politique. Ce n'est pas par pure diplomatie que, s'adressant. à Philippe, il prétend n'avoir songé, avant lui, qu'à Athènes. Et cela rejoint. tout. ce que déjà nous avons dit du • panhellé· nisme • d'Isocrate. La démarche d'Isocrate s'éclaire alors : Athénien de classè aisée, il rêve de voir sa Cité reprendre sa place dans le monde grec, et. il trouve pour justifier son hégé· (1) CC. 1upra, pp. 380 eL ss. (2) Cf. Phil., 150 et. ss.: c Je crois que tu n'ignores pas comment les dieux gouvernent. les affaires des hommes : lis ne causent. pas directement. Je bonheur ou Je malheur qui nous atteint, mals ils donnent. à chacun des dlsposillons telles que biens et. maux nous arrivent. par notre action réciproque. C'est ainsi sans doute que maintenant. même, ils nous ont attribué les discours et f.'ont chargé des acUons, pensnnt. que c~esL toi qui pourrais Je mleux les diriger, mals que mon discours ne serait. pas désagrénble nux auditeurs. Je pense aussi que tes exploits précédents n'auraient. pas été si granda sl quelque Dieu n'avait. pas aidé à leur succès• (trad. G. Mathieu).
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monie des raisons que n'auraient. pas démenties Thucydide ou Périclès. Mais devant les échecs répétés de la seconde confédé.. ration maritime, devant la politique d'hostilité aux riches que prônent les démagogues, devant la lourdeur des charges de la politique belliciste, il condamne la guerre et. préconise un pacifisme qui n'est pas sans rapport avec celui des Théraméniens de la fin du ve siècle. Host.ile à Sparte autant. qu'à Thèbes, il demeure persuadé de la supériorité athénienne, mais il pense que celle supériorité serait plus rentable si elle s'exerçait. par des moyens différents. Dans le même temps, il prend conscience de la gravité de la crise agraire, des répercussions qu'elle risque d'entrainer sur le plan social et politique, de la nécessité qu'il y a par conséquent de détourner vers l'Asie tous ceux qui, en Grèce, manquent de terres. Cet impérialisme d'un type nouveau est jus-· tifié à la fois par les souvenirs héroiques des guerres médiques qui ont vu nattre la puissance athénienne, et par le sentiment profond qu'ont. les Grecs en général, et les Athéniens en parti.. culier, d'être supérieurs aux Barbares, nés pour la servitude. Mais la conquête de l'Asie implique préalablement. la récon-
ciliation des cités grecques, et leur entente en vue d'une expédition commune. Or, cette réconciliation, les Grecs s'obstinent à la refuser, et à Athènes, les démagogues, les orateurs et les stra· tèges s'accrochent de plus en plus à la politique de guerre qui les enrichit. ou fait leur gloire. Dès lors, il devient évident qu'il faut trouver un arbitre. Et parce qu'aucune Cité en Grèce n'est. capable de tenir ce rôle - toutes sont également afTaiblies c'est vers un étranger que se tourne Isocrate, Philippe étant. en quelque sorte appelé à réaliser, entre les Grecs, ce que le Roi avait tenté de faire quarante ans plus tôt. Mais alors qu'en 386 la Paix du Roi n'avait d'autre but. qu'assurer le maintien du slalu quo, la paix dictée par Philippe ne devait être qu'une étape vers la réalisation du but essentiel: la conquête de l'Asie. C'était donc en dernier lieu la puissance de Philippe, et ses victoires, dans lesquelles il fallait voir un signe de la préférence des dieux, qui le désignaient tout naturellement aux yeux d'lsocrate comme hégémon de la Grèce réconciliée. Il n'ignorait pas cependant. qu'une telle attitude lui vaudrait des critiques de la part de ses adversaires. 11 tenait d'autre part à se distinguer des laudateurs malhabiles (1). L'existence de ceux-ci ne fait aucun doute : Philippe avait des partisans dans toute la Grèce (2). (1) Phil., 75. (2} Phil., 70 ; • Quand tu sauras que toute la Grèce est anxieuse de ce que tu proposes, el que nul n'est J.ndlitérenl à ce qui se décide près de toi, les uns
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Mais, et c'est là le dernier point sur lequel nous voudrions insister, il n'est pas certain que ceux·ci partageaient absolument les vues d'lsocrate et. étaient amenés à soutenir Philippe pour des raisons aussi complexes (1). Il est évidemment difficile de juger exactement les hommes qui composaient. Je« parti» macédonien en 346, et dans les années qui précédèrent Chéronée. Nous avons déjà eu l'occasion de dire qu'à Athènes on ne saurait, sans forcer. la réalité, les confondre avec les tenants de l'oligarchie, au moins jusqu'en 336. Il est encore plus difficile de savoir dans quelle mesure les partisans de la :Macédoine avaient un programme « hellénique 1 bien défini. Nous disposons, en eiîet. de deux sortes de témoignages : ceux: des adversaires de Philippe, Démosthène, Hypéride, et. ceux de son principal défenseur à l'Ekklesia, Eschine. Or, ce dernier, s'il multiplie les professions de foi en faveur du régime démocratique, ne semble jamais s'élever au-dessus des querelles de personnes et. des problèmes immédiats. Si l'on peut trouver une certaine analogie entre ses accusations contre les excès de l'impérialisme athénien, et celles formulées en 356 par Isocrate, c'est. une analogie qui demeure superficielle, dans la mesure où les problèmes qui se posent à Athènes en 343 sont autres que ceux qu'elle avait à résoudre en 356 (2). Et c'est. Démosthène, plutôt demandant oil en sont tes aO'alres, les autres souhaitant que tu atteignes tout ce que tu désires, les autres craignant qu'il ne t'arrive quelque accident avant que tu ales achevé ce que tu fais. • (1) Il faut mellre à part bien entendu les disciples d'lsocrate et en premier lieu :epbore, TMopompe et. Call1sthêne (cf. MoNrGLlANO, Filippo il Macedone, pp. 131·133, 183 et ss.). Faut-li néanmoins suivre BrcKERKANN lorsqu'il amrme, à propos de la lettre de Speuslppos à PhlUppe (Btrlchle Obtr dit Verhandlungen der Sach1l1chen Akademle der Wi,,en1chafltn, voL LXX, fasc. 3), que l'éllle lntelleetuelle d'Athènes était favorable à la Macédoine, dans son ensemble? C'est peut-êlre aller un peu loin. La posillon des lntelJeetuels athéniens et grecs en général n'était nf aussl catégorique, ni surtout auBSl dê8nillve. L'évolution, réelle ou supposée, de Théopompe en eat la preuve. (2) Mathieu fait cependant remarquer l'existence d'une analogie qul n'est pas que tonnelle entre certains passages du discours Sur ramba11ade et du Philippe. Ainsi, Phil., "1 : •Mieux valait faire (la paix) à n'importe quelles conditions qu'être en proie aux maux de la guerre. • On retrouve la même Justification dans Ambauade, 10 et. ss.; 70.76. Il faut. remarquer cependant une dU?érence essentielle. Isocrate jusUtle la paix en sol. Eschine n•y voit, au contraire, qu'une mesure de circonstances, imposée par les événements. De m~me, les attaques contre les Thébains ne sont pas absolument compa• rables. Il est intéressant, à ce sujet, de souligner qu'lsocrate, homme de cabinet, est. plus dur pour les Thébains, alliés de Philippe, que le pollUclen Eschine, obligé de tenir compte de la réallt.6 politique.
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qu'Eschine, qui se fait le défenseur de l'unité grecque (1 ). Quant aux autres partisans de Philippe, nous ne pouvons les juger que par ce qu'en disent les orateurs démocrates, et singulièrement. Démosthène. Certes, ses accusations sont sujettes à caution. Pourtant les précisions mêmes qu'il donne à ses auditeurs, à même de les vérifier, ne laissent pas d'être éloquentes. C'est ainsi que Philocratès aurait reçu des terres dont le revenu s'élevait à un talent, tandis que toutes facilités lui étaient ofTertes d'importer à bon compte du bois de Macédoine (2). Eschine tirait des propriétés que Philippe lui avait données trente mines de revenu (3). L'acteur Neoptolemos avait, avec l'argent. reçu pour prix de ses services, acheté des propriétés, les avait ensuite revendues pour aller s'installer en Macédoine (4). S'agit-il là de pures calomnies? La chose est possible. Mais l'accusation ne laisse pas d'être grave, car elle sous-entend que la victoire de Philippe était liée à la défense d'intérêts considérables. Peu importe qu'à l'origine Eschine ou Philocratès aient été des démocrates convaincus. Ils ne pouvaient plus renoncer à une fortune qui les plaçait au pre.. mier rang do la Cité. D'où leur désir de maintenir à tout prix la paix avec Philippe. Hors d'Athènes, ce sont aussi des intérêts privés qui dictent l'attitude des partisans du Macédonien. Un certain Lasthenès à Olynthe devient importateur de bois de :Macédoine, tandis qu'un autre, Euthycratès, élève des bœuCs qu'il n'a jamais achetés, et tel autre encore des moutons, tel autre des chevaux (5). Mais, la corruption n'explique pas seule le ralliement de certains à Philippe : c Les plus notables dans chaque Cité, ceux qui étaient jugés dignes de diriger les affaires communes, livrant leur propre liberté, les malheureux, attirant sur eux-mêmes une servitude volontaire et parlant gentiment en faveur de Philippe d'hospitalité, de camaraderie, d'amitié, etc. Les autres, tout ce qui a de l'autorité dans chaque pays, ceux qui devraient châtier ces gens-là et les mettre à mort sur--le-champ, bien loin d'agir ainsi, les admirent, les envient, et voudraient chacun person.. neJlement être comme eux (6). • Est-ce la peur qui dictait leur (1) Cf. 8Upra, p. 437, infra, pp. 461 et. SS, (2) XIX (Amb.), 145, 114. (3) Ibid., 145. (·I) V (Sur la paiz), 8. (5) XIX (Amb.), 265. (6) (Amb.), 259 : 01 y&p iv -rcxtç 7t6ùat yvr;tµ~TCXTOL xcxl 7t;>OtaT
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attitude? Peur d'être dépossédés de leur pouvoir ou de leur fortune, peur aussi peut-être de cette plèbe misérable qui partout. s'agitait. et. profitait des guerres et des désordres pour piller et. massacrer les riches. Les précautions contre de tels dangers, prises par le pacte de la Ligue de Corinthe, si elles traduisent. le souci de Philippe d'avoir ses arrières tranquilles, ont. pu lui être dictées par ses partisans, soucieux de garanties contre un éventuel réveil des troubles, après le départ. de Philippe pour l'Orient.. Enfin, à Olynthe, à ~retrie, à Oreos, comme à Athènes, les partisans de Philippe apparaissent. comme des démagogues qui flattent. le peuple et. se dressent. contre les orateurs patriotes qui pour faire la guerre, réclament. de nouveaux impôts. Et. l'on retrouve ici la méfiance des possédants à l'égard de la politique belliciste dont. ils doivent. supporter le poids (1). En tout. cas, nulle part n'apparaît. la préoccupation d'unifier la Grèce, nulle part n'apparait un quelconque sentiment. panhellénique. Si, objectivement, la conquête macédonienne a réalisé l'unité, toute relative, de la Grèce dans une semi-servitude, nul saur ·Iso~rate et quelques-uns de ses disciples, ne l'avait. d'abord envisagée ainsi. Et Isocrate lui-même ne songeait qu'à une alliance militaire, qu'à une paix générale. Ce que fut d'abor.d le pacte de Corinthe (2). Mais avant que Philippe impose aux Grecs son alliance et l'abandon d'une partie de leur souveraineté pour mener à bien la conquête de l'Asie, d'autres tentatives avaient été raites dans le même sens par les Grecs eux-mêmes, avec ou sans l'aide du Roi. . 2.
LES TENTATIVES ET LES ÉCHECS.
Si l'on passe en cfTet du domaine théorique à celui des faits, on se heurte à une complexité beaucoup plus grande. Tandis que les théoriciens, dont les liens avec les orateurs politiques sont. plus ou moins étroits, prêchent l'union des Grecs et l'abandon des querelles stériles opposant. les cités les unes aux autres, les hommes politiques réalisent. pratiquement, à Athènes ou ailleurs, des unions plus ou moins générales, plus ou moins valables, mais xci\ TOLciùO' Ôm>xopLt:6iuvoL • ol 8! Àonro1 xœ1 ù x\ipL' &nœ 7t6-r' lcn' l:v bcl'fWV 7t6ltv, oljç latL TOÛTOUt; xoM~tLV xix1 7tllP~?ll(L cim>xnwûvixL, -roaoü-r' ciTt!xouaL TOÜ 'foLo\h6v 'f1 m>LCÎv &>an OŒVµx~ouaL xœl t:"lÀoÜaL xixl ~oÛÀOL'\1": civ c.Wrôt; lxixa-rot; TOLOÜ'rot; tîvixL. (1) DtM., IX (3• Phil.), 56-62, 64. (2) Cf. infra, pp. 464 et SS,
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qui presque toutes semblent vouées à l'échec. Avant d'essayer de dégager les raisons de cet échec, il est. nécessaire de caractériser les tentatives, de déterminer dans quelle mesure elles s'jnscrivent ou non dans une évolution panhellénique. Or, ces tentatives peuvent. être ramenées à deux types principaux : les fédérations de cités, les paix générales (1). L'étude du fédéralisme grec au ive siècle nous entrainerait bien au-delà des limites de ce travail. Nous nous bornerons à confronter quelques expériences (2). . Il y a d'abord celle d'Athènes. Nous avons déjà dit ce qu'il en faut. penser. Au ive siècle, comme au ve siècle, l'alliance qµi unit. Athènes à certaines cités maritimes ou Iles de la mer f:gée, perd très tôt. son caractère égalitaire pour devenir une hégémonie qui s'accompagne de violences et. d'exactions. Et. les garanties otlerles, les engagements pris ne tiennent pas devant la nécessité de faire face à des difficultés intérieures de plus en plus graves (3). En va-~il de même des autres confédérations qui se constituent ou réapparaissent dans le monde grec du ive siècle? La plus importante, après la confédération athénienne, était. la Ligue péloponnésienne (4). Comme la Ligue attico-délienne ou la (1) Dans un article de mise· au polnL de la question, paru en 1944 (Federatlon for Peace ln AnclenL Greece, Cla,,. Phil., XXXIX, 1944, p. 145-162), J. A. O. LAasu distinguait quatre types principaux d'organisation : les amphictyonJes ou assoclaUons organisées en relaUon avec le culte de certains dieux; les symmachles, ou alliances aemf.fédérales d'étals tbêoriquemenL libres et autonomes; les sympolitles ou états fédéraux; enfin les l.raités de paix générale. En riali~, l'importance toute particulière de la koint eirent au 1v• siècle nous Incite à ramener à deux ces quatre types. (2) En nous plaçant du seul point de vue qui tel nous Intéresse, celui du panhellénisme. Il va de sol que nous laisserons de côté l'étude des lnstiluUons fédérales elles-mêmes. La grande ligne de démarcation entre les confédérations helléniques est déterminée par l'existence ou la non-existence d'une nationalité fédérale (cf. A. AYMARD, Lea A11embUe1 de la Conf~d~ralion achalenne, '1ude crlllque d' lMlilullon1 tl d' Hllloln, Paris-Bordeaux, 1938, p. 2, n. J), accessoirement par la nature des organismes confédéraux dont nous connaissons três mal et très Imparfaitement le foncllonnement. Sur le fédéralisme grec en général, cf. G. FouatREB, art. Kolnon, dans D, A., III, pp. 83~851: BusoLT-SwoeoDA, pp. 1395 et ss.; W. ScHWAHN, art. Symmachla, dans R. E., IV, A-1, 1931, col. 110~1134: art. l:uµ1toÀLn(œ, ibid., col. J 171 et 68.; Das Burgerrecht. der sympolitischen Bundeslaaten bel den Griechen (Hermu, LXVI, 1931, pp. 97 eL ss.); A. AYMARD, op. cil., pp. 52 et as. et. notes; J. A. O. LARSEN, Reprt1tnlall~ Governmenl ln Grttk and Roman Hl1lory, Berkeley, 1955, pp. 22 et as. (3) cr. 1upra, pp. 416 et 18. (4) Sur la constitution et. Je développement de la Ligue péloponn~sienne, et. BusoLT-SwOBODA, II, pp. 1320 et as.; U. KAHRSTEDT, Grlechllche Slaalsrechl, vol. 1, Sparla und Seim Symmachle, Gottlngen, 1922; H. W. PARKE,
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seconde confédération maritime, c'est une symmachia, c'est-à-dire une alliance dont le caractère premier est d'être militaire, qui ne suppose par conséquent aucune limitation de l'autonomie des cités qui en font. partie. Un organisme commun, composé des délégués de ces cités, prend les décisions en matière de politique extérieure (1). Et parce que Sparte est, militairement, la Cité la plus puissante, c'est à elle tout naturellement qu'est confié le commandement des armées. Mais, en principe, Sparte n'intervient pas dan~ les afTaires intérieures des cités membres de la Ligue et. n'exerce sur elles aucune domination d'ordre écono· mique.. On peut admettre que la Ligue péloponnésienne avait conservé, à la veille de la guerre du Péloponnèse, son caractère d'alliance militaire. On s'expliquerait mal autrement l'attrait qu'elle exerça sur les cités asservies par Athènes, et aussi les propos que prête Thucydide aux délégués de Sparte (2). Mais au cours de la guerre, le caractère de la Ligue a changé. Sparte soutient. désormais partout l'établissement de gouvernements oligarchiques. La politique de Lysandre illustre ces transformations et son rappel n'entraine pas de modifications sensibles. En fait, au ive siècle, Sparte exerce sur les cités membres de la Ligue péloponnésienneAthènes en !ait même quelque temps partie - une hégémonie qui est, .par bien des points, analogue à celle d'Athènes sur les cités membres de la seconde confédération maritime. C'est-à-dire qu'elle impose à ses alliés d'avoir mêmes amis et mêmes ennemis qu'elles (3), qu'elle intervient dans leurs afTaires intérieures et qu'elle établit partout des régimes politiques à sa dévotion. Isocrate prétend même (4) que c'est par imitation de la politique spartiate que les Athéniens ont, cherché à intervenir dans la politique intérieure des autres cités grecques. Isocrate n'est pas toujours tendre pour Sparte et son témoignage peut être contesté. Sur ce point particulier, il est sûrement de mauvaise foi. Mais ce qu'il dit en général de l'impérialisme spartiate au ive siècle paraît confirmé par les laits. Et comme jadis ou plus tard la The Development of the Second Sparlan Empire, 40a.371 (J.H. S., L, 1930, pp. 37 et ss.); J. A. 0. LARSEN', The Constitution of the Peloponnesian League (ClalB. Phil., XXVIII et XXIX, 1933-1934); Reprt,enlallve Governmtnl in Greek and Roma11 Hisloru, pp. 47 et ss. (1) Ou plutôt rntuie les décisions prises, individuellement, par chacun des ~tnts membres (et. Tuuc., J, 119, 125). Toutefois, la décision prise à la majorit6, tous devuicnt s'y soumettre (cf. Tuuc., V, 30, 1). (2) Tuuc., 1, 83 et. ss.; 119, 125, 141, 6-7. (3) XtN., Hell., VJ, 5, 7. (4) Panalh., 99-100. C:. NOBSt:
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Confédération athénienne, la Ligue péloponnésienne connait les délections Intérieures (1). Le discours que Xénophon prête aux délégués thébains, venus à Athènes en 395, est à cet égard signiflca tif, d'autant que Xénophon ne peut être, comme Isocrate, accusé d'animosité .partiale à l'égard de Sparte. Les envoyés de Thèbes affirment que, partout., les anciens alliés de Sparte sont prêts à se soulever contre elle, Argiens, ~léens, Corinthiens, · Arcadiens, Achaiens attendent qu'Athènes et. Thèbes prennent ensemble l'initiative de la lutte. C'est que Sparte, après les avoir associés aux dangers et. aux dépenses de la guerre contre Athènes, s'est refusée. à partager avec eux les bénéfices de la victoire. Bien plus, elle leur a inspiré le contrôle de ses harrnostes, les réduisant ainsi à une véritable servitude (2). Il serait intéressant. de comprendre pourquoi Sparte a peu à peu transformé son hégémonie militaire librement acceptée par ses alliés en une arkhè autoritaire. L'explication psychologique est évidemment tentante : Sparte a subi, comme Athènes, un demi-siècle auparavant, la loi de l'hybris. Enivrée par sa puissance, elle a été amenée à contrôler de plus en plus étroitement. ses alliés, à ne supporter de leur part aucune initiative, à étendre plus encore sa domination. Mais on sait. aussi qu'au ive siècle, Sparte a subi une évolution intérieure qui a rompu l'équilibre existant a.u ve siècle. L'égalité des citoyens n'est. plus qu'un vain mot : une minorité de riches s'oppose aux citoyens appauvris et sans doute relégués au rang des inférieurs, qui font peser sur la Cité une menace constante qui s'ajoute à la peur séculaire des révoltes d'hilotes. Les auteurs anciens avaient. coutume de lier cette évolution à c l'amour des richesses » que la guerre du Péfoponnèse fit nattre dans le cœur des Spartiates : l'impérialisme . serait ainsi à l'origine de l'évolution interne de la société spartiate au ive siècle (3). Mais ne peut-on admettre la relation inverse? Il semble bien en effet que la loi d'f;pitadeus n'ait. fait que sanctionner une évolution déjà· antérieure. L'impérialisme. animé par un Lysandre ou un Agésilas, ne serait que le résultat de ces transformations mal connues, mais dont les répercussions sur le plan de la politique intérieure de Sparte ont dû être impor.. (l) Cl. 0100., XIV, 17, 6, à propos des ~lêens; XtN., llell. Il, 4, 30, à propos des Corinthiens. C'est d'ollleurs pour pouvoir contrôler plus étroitement ses alliés que Sparte, après 378, procéda à leur répartillon à l'intérieur de onze cercles (et. D100., XV, 31, 2). (2) Hell., III, 6, 10-13. (3) ARISTOTE, Pol., JI, 6, 10 (1270 a 15 et ss.); PLtiT., Agi1, v. 8 et ss.; XtN., Rép. de• Lac., XIV., 3; et. aupra, pp. 217 et ss.
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tantes, tandis que la tradition résistait, incarnée par les éphores et. la gerou1ia. En tout cas, l'impérialisme à son tour accélère ces transformations, tandis que se développe le mercenariat et que l'or du Grand Roi affiue, tous ces facteurs réagissant les uns sur les autres, sans qu'il soit toujours bien facile, à un moment déterminé, de savoir auquel accorder la prépondérance. Le caractère nouveau de la Ligue péloponnésienne est évident, et l'on ne saurait trouver meilleure preuve de la dépendance non seulement politique mais économique des alliés de Sparte, que dans le dis.. cours d'lsocrate, intitulé Archidamos, dans lequel il prête au jeune roi de Sparte des propos où l'on retrouve certes ses propres idées, et aussi les traditionnelles banalités nées de la légende spartiate, mais où la nécessité pour Sparte de dominer le Péloponnèse apparait comme une question vitale (1). La Ligue péloponnésienne, comme la seconde confédération maritime d'Athènes, ne peut donc faire figure de tentative d'unité grecque. C'est un Empire, à l'intérieur duquel une seule Cité, Sparte, exerce son hégémonie. Et qu'à la différence d'Athènes, Sparte soutienne partout les gouvernements oligarchiques ne change rien à la similitude. Dans l'un et l'autre cas, il s'agit de tenir en mains les alliés afin de pouvoir, en les exploitant, main.. tenir un équilibre intérieur menacé. La nature de la confédération béotienne est assez sensiblement difTérente : c'est un • ~tat fédéral •, ce qui implique l'existence d'une nationalité commune, et, de la part des cités membres, l'abandon d'une partie de leur souveraineté. Avant38G au moins, son fonctionnement est assez bien connu grâce aux Hellenika d'Oxyrhynchos (2). Après 378, lorsque la confédération est recons.. (1) Arthldamoi, 8 el ss.; cr. notre arllcle, Sur un passage de l' • Archl· damoa • d'lsocrale, dans R. S. A., LV, 1953, pp. 29-35. (2) La première édillon de ce lexle a élé donnée par D. P. GRENFELL et. A. S. HUNT, Ozyrhynchu• Papyrl, V, n• 892, Londres, 1908 (2• éd. Oxford, 1909); cf. également. JA.COBY, Fragmente, JI, A, n• 66, 1926; E. KAurntA, Leipzig, 1927; M. GIOANTE, Rome, 1949; cr. GLOTZ, Le Conseil fédéral des Béollens (B. c. 11., XXXII, 1908, pp. 271-278); \V. A. GoUOHER, The Beotlan ConsUlulion (Cla11. Rev., XXII, 1908, pp. 80 el ss.); G. W. BESTFORD The Conslllulfon and Polllfcs or the Beolfan League {Pol.Sc. Quarter., XXV, 1910, pp. 271 et H); H. SwoeoDA, Sludlen zurVerrassung BoioUens (Klio, X, 1910, pp. 315 el ss.); E. M. WALKER, The Hellenica Ozyrhynchia, Oxford, 1913, pp. 134 el 88.; BUSOLT-SWOBODA, pp. 1414 et ss.; P. Il. SBYNOUa, Notes on the Beolian League(Cla11.Rev., XXXVI, 1922,p. 70 el XXXVII, 19"...3, p. 63); LARSEN, Rtpruenlalive Govtrnmtnl, pp. 31 el ss.; P. SALMOM, L'Armée fédérale des Béotiens (L'AnliquU. tlcu1iqut, XXII, 1953, pp. 347 el 68.); Les Dlslrlcls béotiens (R. S. A., LVIII, 1956, pp. 51·70).
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tituée par Epaminondas, elle parait surtout destinée à servir l'impérialisme thébain (1 ). On ne peut manquer de lier le déve- • loppement de cet impérialisme au triomphe des démocrates. Il serait intéressant de savoir ce que représentaient, socialement, les hommes qui soutenaient. la politique d'Epaminondas, dans quelle mesure cette politique pouvait être autre chose qu'une politique de prestige. Il ne faut pas non plus perdre de vue le rôle de Thèbes dans la dislocation de la Ligue péloponnésienne. l\fais force nous est de suggérer seulement des hypothèses. Une des manifestations de l'impérialisme thébain fut la créa· tion par Epaminondas de la confédération arcadienne. Son orga· nisation, calquée sur celle de Ja confédération béotienne, reste assez mal connue. Par ailleurs, dotée d,une capitale artificielle, déchirée par des rivalités anciennes, elle allait. très tôt manifester sa faiblesse (2). Plus obscures encore apparaissent les autres formes de grou· pements de cités dont l'existence est attestée au ive siècle. Le koinon des Thessaliens se présente, ayant 352, comme un J;;tat fédéral de type démocratique : c'est l'exemple même de l'J;;tat fédéral issu directement de l'elhnos, dans une région où le développement urbain est resté limité, et où la difrérenciation sociale n'a pas atteint le degré de complexité qu'elle présente dans des régions plus évoluées comme Athènes .ou les tles (3). Enfin la « ligue • chalcidienne et la • sympolitie • de Keos ofrrent des exemples d'intégration plus poussée sur le plan économique et (1) Cf. CLoc1d:, Th~bu de Béolie dt1 orlglnu 4 la conqulle romaine, Porls, 1952, pp. 111-112, 134-135, 240-242; LARSEN, op. cil., pp. 71 et ss. Le centralisme au service de Thèbes est al évident qu'on a suggéré la possiblllt6 qu'après 378 la ConrédéraUon béotienne ail pris la forme d'un ~lat unitaire plus que d'un ~tat. fédéral (cf. la bibliographie dans BusoLT·SwoaonA, p. 1426, n. 2). L'évolution de la Béotie serait ainsi analogue à celJe de l'At· Uque, avec un décalage de plusieurs slèclea.. Sur la Béotie au 1v• siècle, cf. également. XËN., Bell., VII, 1, 42; JsocRATE, Paiz, 59; Dtlf., XVIII (Cour.), 43. Sur l'impérialisme thébain à l'époque d'~pamlnondas, cr. F. CA.RRA.TA THOMEs, Egemonia beollca d polen:a marltllma nella polilica dl Epamlnonda (PubI. de la Fac. des Lettres et de Philosophie de l'Univ. de Turin, lV, 4), Turin, 1952; A. AYMARD, n. a. .A., LVJ, 1954, p. 201. (2) BusoLT·SwoeonA, pp. 1395 et. ss.; LARSEN, Repreienlalive Governmenl, pp. 72-73. L•organe essenUel du gouvernement. fédéral était rassemblée des Dix mille (Syll.•, 183 - Ton., Il, 132) (et. également. D100., XV, 62, 2; 67, 2). (3) cr. H. D. WESTLAKE, Thtllaly in the Fourlh Ctnlurg b. C., Londres, 1939; M. Soanr, La lega lessala flno ad .Alt18andro Magno, Rome, 1958. BusoL~SwoeonA, pp. 1478 et. ss.; LARSEN, Repruenlatlve Governmenl, pp. 40 et ss.; d. TRUC., IV, 78, 3; Sgll.1, 18.t (alliance entre Athènes et les The.. saliens); Dt~., 1 ( l" Olgnlh.J, 2Z (sur la compétence économique du gouvernement fédéral).
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social (1). Dans les Helléniques, Xénophon fait faire par Cleigenès d'Acanthos, cité voisine d'Olynthe et menacée par elle, le récit de la fondation de la Ligue chalcidienne. II rappelle d'abord comment s'est constituée la Ligue: les Olynthiens ont imposé à leurs voisins leurs lois et leur polileia; en même temps, ils se posaient en libérateurs des villes de Macédoine. Ils ont acquis de ce fait le contrôle du commerce des bois de construction. Si on les laisse agir, ils ne tarderont pas à soumettre aussi les Thraces 1 tl~cxa(>.EU
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au ive siècle représentent un effort. vers la réalisation d'une fédération de toutes les cités grecques, s'inscrivant dans une tra· dition nationale ou panhellénique. De fait, ces groupements de cités, plus qu'une manifestation du sentiment national hellé· nique, apparaissent. comme le résultat des conflits qui déchirent. les cités grecques. et de l'Apreté des antagonismes qui les séparent les unes des autres. Alliances défensives ou offensives, elles ont. toujours un caractère militaire, eJles s'accompagnent toujours de la domination politique et économique de l'une d'entre elles. Toutefois, par souci plus grand d'efficacité ou pour créer entre leurs membres des liens plus étroits, certaines d'entre elles renforcent. le lien fédéral. soit par une organisation politique plus unit.aire, un abandon plus grand de rautonomie et de la souveraineté des cités, soit par des privilèges d'ordre social ou économique, qui compensent. l'abandon de la liberté politique, mais aussi peut.-être ne sont possibles que dans des cités de faible envergure et. dont le développement. est encore assez embryonnaire. A Athènes ou â Sparte, il ne pouvait. en être ainsi, parce que le corps civique était déjà trop complexe. Cependant, si ces
confédérations fondées sur des liens plus étroits entre les cités membres, ne sont pas la manifestation du développement d'un sentiment panhellénique dans le monde grec du ive siècle, leur . existence traduit. en revanche le déclin de la Cité de type classique dont. les membres gardaient jalousement les privilèges qui les définissaient.. Désormais, la Cité cesse d'être la forme idéale vers laquelle tend tout groupement socialement différencié. Des solutions nouvelles apparaissent qui s'épanouiront. au siècle suivant (1). (1) n resterait cependant à mellre à parL une organisation parUculière qui, si elle n'a pas faH. son apparition au 1v• siècle, o pu cependant servir de aupport au panhellénisme. Nous voulons parler de la Ligue amphietyonique de Delphes (cf. :R. FLACEL1ÈRE, Un organisme JnternaLlonal dans la Grèce anUque, ttAmpbJctyonlepylaeo-delpblque, lnform. Jllal., 1953, pp. 121·133). Son origine, ses caractères en faisaient. quelque chose de tout. à fait. dl.fférent. des fédéraUons de clt.68 dont il a ét.6 question lei. Dons un ortlclo récent lnUtuJê: La fondation du collège des Naopes etle renouveau poUllque dei• Amphictyonie au 1v• siècle (B. C. H., LXXXI, 1957, pp. 38-75), M. SORDI met l'accent sur la t.entaUve thébaine de rendre à J'AmphiclyonJe, à partir de 366, son O..Ôtlque Importance panheUénlque, d'en faire le support. d'une unité panhellénique sous l'hégémonie thébaine. Celle t.enlaUve se serait. heurtée à l'opposltlon des deux principales cités grecques, alors unies contre Thèbes, Athènes et. Sparte. La première ne disposait que d'une voix au Consell amphict.yonJque, la seconde n'avait même pas droit à une représentation permanente, et ne disposait qu'à Intervalles éloignés de la voix des Doriens de la Métropole (nous nous rallions sur ce point aux arguments tout. à fait
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Fauf....il pour autant. nier qu'il y ait. eu, sur le plan des réalisa· lions pratiques, des manifestations d'un sentiment panhellénique, des efforts pour mettre fin au morcellement de la Grèce. Ce serait nier aussi la réalité même de la communauté hellénique, dont. il serait. étrange qu'elle ne se soit. pas manifestée sur le plan politique. l\fais ce n'est pas dans une forme nouvelle d'gtat. qu'il en faut. chercher les preuves : les cités grecques ont. prouvé la réalité des liens qui, par-delà leurs querelles, les unissaient, dans l'effort. fait. pour réaliser la c paix commune •·
•
• • Le problème de la xor.~ Elp~V7J, de la paix commune, est. l'un des plus complexes qui soit, et. il a fait. l'objet. de nombreuses convaincants de li. Georges DAux, Remarques sur la composition du Conseil amphlctyonique, B.C.H., LXXXI, 1957, pp. 95-120}. Cela ne les avait pas empêchées l'une et. l'autre d•essayer d'établir leur contrôle sur Je temple de Delphes, de façon plus ou moins Indirecte. Mals sur le plan qui Jcf nous lnté· resse, celui de l'unité panhellénique, les deux grandes cités s•étaient e.frorcées de substituer à l'Amphlclyonle les congrès panhelléniques qui, bien mieux que l'AmphJctyonle, fondée sur les structures politiques de la Grèce arehalque (les ethni}, correspondaient nu triomphe du système des polti1 autonomes. M. Sordf volt dans le réveil de l'Ampbfctyonle à partir de 366 l'opposition de deux formes de panhellénisme : d'un côté • ...le panhellénisme traditionnel des Congrès, fondé sur l'autonomie et la liberté pour toutes les cités petites et grandes, rendu vain à chaque fois par les ambillons hégémoniques des cités les plus puissantes •; de l'autre le panhellénisme très ancien de l'Amphlctyonle • ... fondé eur les liens religieux et en même temps politiques des dhnt à la culture moins évoluée, disposés à sacrifier à l'efficience poliUco-mililalre de la nalfon le principe de l'autonomie des cités. A ces tlhni, à ces koina devait appartenir l'avenir de la Grèce•· L'1ntervenlfon de Philippe dans la guerre sacrée, la subsUtuUon de son autorité à l'autorité défaillante de Thèbes, allaient. raire t.rlompbercette seconde forme de panhellénisme en 346 : l'AmphJctyonle victorieuse proclama elle-même, pour la première rois de Jthlstoire grecque, une kolni tirent (cr. infra, p. 459}. 1\1. Sordl remarque en conclusion que par la &ufte, Philippe • ••. pour coordonner les forces disper· lêes de la Grèce •, n'hésita pas à revenir à la formule du Congrès. C'est là, noua aemble-t-il la preuve de la taWlt.e de l'AmphlclyonJe. On remarquera cependant, qu'au Synedrlon de Corinthe, Philippe réalise une sorte de syn• crétlsme des deux formes de panhellênJsme définies par M. Sordl. D'une part., il renonce à l'AmphJctyonle el fonde la koint tirent qu'il Impose aux Grecs sur une 1gmmaehie du t.ype traditionnel. D'autre port, dans Je Syne· drlon, qui est l'organe dirigeant de cette 1ymmachle, li place à côté de repré· sentants des polei• autonomes, ceux des antiques elhn'- et de ces koina dont M. Sordl écrit que •l'avenir de la Grèce •leur appartenait. Nous entrevoyons par là la suprême habile~ politique de PhiJlppe, mals aussi une preuve nou· velleidu déclin de la poli• autonome, disparaissant pour faire place à des formes politiques dl.fTérentes à la rois plus nrchalques et plus nouvelles. Sur la Ligue de Corinthe, cr. notre analyse infra, pp. 464 et. ss.
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éludes d'ensemble ou de détail, destinées à la fois à déterminer quels traités méritaient d'être appelés ainsi et ce qui les caracté· risait (1). Tous les auteurs sont d'accord sur un certain nombre de points qu'il importe de rappeler brièvement. D'abord, il appar.att clairement que l'état de paix était dans le monde grec, un état exceptionnel : les traités de paix n'étaient conclus que pour une durée limitée, et n'engageaient que les contractants nommément désignés, qui avaient eux-mêmes juré la paix. Au 1v8 siècle cependant, les progrès de l'idée de paix, de la notion que, loin d'être un état exceptionnel, la paix est l'état normal, se manifestent essentiellement par l'apparition de traités d'un type nouveau qui se distinguent des traités ordinaires par trois points essentiels : d'abord, leur durée illimitée; ensuite, l'apparition de garanties pour les cités ayant juré la paix, garan· ties appuyées par des sanctions prévues contre quiconque violerait le traité; enfin, l'élargissement de la paix, et des garanties qui lui sont liées, à tous les Grecs, même à ceux qui n'ont pas participé à la guerre à laquelle le traité met fin. Quels sont les traités qui, au ive siècle, peuvent être appelés koin~ eirenê (2), s'accompagnent-ils de la conclusion d'une symmachia, tels sont les points qu'il convient. d'examiner et sur lesquels les avis difTèrent. J. A. O. Larsen, dans un article paru en 1944 {3), liait étroitement le mouvement fédéral et le mouvement pour la conclusion de la paix générale, et leur donnait une origine commune, la Ligue amphictyonique de Delphes : le serment prêté par ses membres comportait en effet l'interdiction de détruire les cités et. de les priver d'eau. Cependant, l'ori(1)
cr. BENGTSON, Gritchl1che Gtschichlt, p. 239;
MOMIGLIANO, La xotviJ dal 386 al 338 a. C. (Rio. Fil., LXII, 1934, pp. 482-514); F. HAMPL, Die Griechl1chen Slaal1vutr'1ge du 1. Jahr. v. C/1r., Leipzig, 1938 (C. R. de LARSEN, dans Cla11. Phil, 1939, pp. 375-379}; V. MARTIN, La Vie lnlerna· lionale dan• la Gr~a du Cilt1, Y Je.JY• 1Uclu av. J.-c., Genève, 1940; Le Traitement. de l'histoire diplomatique dans la tradilionlilléraire du IV• siècle av. J.-C. (.Museum Hdv., III, 1946, pp. 13-30); CALDERINI, Trallatl interna· zlonali ntlfanllchila greca, Milan,, 1951. (2} L'évolution même de la terminologie est. signlflcative. 11 est. Intéressant de rappeler lei la distinction que taisait Andoclde entre la paix (elp~) : • On tait. la paix sur pied d'égalil6 après s'être accordé sur ce qul faisait le ditrérend •, et Je traité (crno"3œl) • •••ce qu'après sa victoire le vainqueur impose au vaincu a (Sur la palz, 11 ). Au 1v• siècle, Je terme elren~ qui désl· gnalt auparavant l'état de paix, se confond avec l'acte juridique qul établit celle paix, c'est-à-dire avec le traité lui-même. Cependant, encore en 380, pour désigner la paix du Roi, Isocrate emploie l'expression: • -r~ ncpl Tij; c!p~ auvO-/pca:; • (Panlg., 172). (3} cr. 1upra, p. 448, n. 1. clp~
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gine ancienne de la Ligue, son caractère religieux et surtout. sa structure même, n'en faisaient. pas encore, au début. du ive siècle, un élément. capable de maintenir la paix entre les cités grecques (1). Or,.e'est. surtout. au lendemain de la guerre du Péloponnèse et de ses prolongements au début du ive siècle, que la nécessité d'une paix générale allait devenir de plus en plus évidente. La paix du Roi de 386 est-elle la première koinè eirenè? Diodore la qualifie comme telle (2), mais elle est. appelée seulement eirenè dans l'alliance conclue entre Athènes et. Chios en 384-383 (3). Elle n'en contient. pas moins des clauses particulières qui retien .. nent l'attention. D'une part, elle ne comporte aucune limitation de durée. Or avant cette date, on ne connait. aucun autre traité de paix perpétuelle. Le traité conclu au vie siècle entre ~lis et. Heraia était. limité à un siècle. Quant. aux deux traités conclus en 433-432 entre Athènes et. Rhégion d'une part, Athènes et. Leontinoi d'autre part., ils peuvent difficilement. être considérés comme des traités de koinè eirenè. Il s'agit. plutôt. de traités d'alliance faisant partie intégrante de la constitution de la Ligue at.tico-délienne (4). La paix du Roi pourrait. donc à juste titre être considérée comme la première paix perpétuelle. D'autre part., le Roi, qui à l'appel de Sparte a accepté d'arbitrer les conflits entre Grecs, s'engage à intervenir contre quiconque refuserait. la paix, ou dans l'avenir la violerait. Enfin cette paix est générale, puisqu'elle s'applique à toutes Jes cités grecques sans exception, même à celles qui n'ont pas pris part à la guerre qui s'achève (5). Faut-il cependant., avec Momigliano, faire de Ja paix de 386 Ja première koinè eirenè? (6). Cela paratt difficile, si l'on songe qu'elle a été imposée par le Roi, et. non librement. consentie; et surtout qu'elle a contribué en fait. à renforcer l'impérialisme de S:eart.e (7). La première paix commune serait. alors la seconde (l) Cf. 1upra, p. 456 n. 1. (2) Droo., XV, 5, l. (3) Sgll.•, 142.
(4) cr. LARSEN, op. cil.; l\IERITT, The Athenlan Alliance wilh Rheglon and LeonUnol (C. ()., 1946); 1. G., J• 61·52 - Too, J, no 57-58. (5)
(6)
D100.,
XIV, 110, 4; XtN., Htll., V, 1, 31.
cr. l\loar1ouANO, op. cil., pp. 483-484; ce point de vue est partagé par
V. MARTIN (A-fu1eum lltlv., 1, 1944, pp. 13 et. ss.; III, 1946, pp. J3-30; VI, 1949, pp. 127·138) et R. WILCKEN, Uber Enstehung und Zweck des KOnfgstrtedens (Abhandl. Prtu,,. Akad., 1941, 15).
(7) Telle était bien l'opinion d'Isocrate qui écrivait en 380, c'est-à-dire alx ans après la paix du Roi, dans le Panlggrique: c llalnlenant en e.rret c'est.
en vain que nous concluons des tratlés de paix; nous ne terminons pas les
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paix du Roi de 375-374, à laquelle se réfère plusieurs fois Isocrate et qu'il conseille aux Grecs de renouveler (1 ). Le traité prévoyait en eiTet des sanctions contre quiconque violerait la paix rétablie entre les cités grecques. Les circonstances générales différentes faisaient d'autre part qu'il n'apparaissait plus comme un arbitrage imposé, mais bien plutôt comme un accord librement consenti. Toutefois, Larsen se refuse à voir en lui une koinè eirenè, et pense qu'il sanctionnait seulement la réalité de l'hégémonie spartiate sur terre, et de l'hégémonie athénienne sur mer {2). La paix jurée à Athènes en 371-370 a fait également l'objet de nombreuses discussions. Hampl en fait une koinè eirenè qui prévoit des sanctions, non seulement. contre les signataires ayant. violé le traité, mais encore contre les attaques des cités non participantes (3). Mais Larsen, après Swoboda et Momigliano, pense que le congrès d'Athènes avait surtout pour objet l'expansion de la seconde confédération athénienne (4). La protection contre les attaques d'un tiers correspond à run des principaux points du programme de la seconde confédération maritime (5). Larsen pense en outre que rien ne prouve la participation de Sparte à cette paix (6). En revanche, tous les auteurs s'accordent .sur la guerres; nous Jes dilrérons et nous attendons les circonstances où nous pourrons nous faire inutilement quelque mal Irréparable ... il tif lmpo11iblt d•auoir une paù: a11une li nou1 ne /al1on1 pa1 en commun la guerre auz barbaru • (Panlg., 172--173). Ainsi Isocrate ne considérait pas la paix de 386 comme une paix réelle et appelait·il de ses vœux une koln~ eireni doublée d•une •ymmachie. (1) Sur la Paiz, 16. Ce lraitê lui parait.être• •• Je plus juste et le plus avan· tageux •pour Athènes (d. Plafalque, 10; Sur rlchange, 109; Dion., XV, 38, l; PHILOCHOJlOS, frag. 151 (JACOBY): .MOMIGLIANO, op. dl., pp. 485-486;} HAMPL, op. tif., s'appuie également sur XtN., Hell., VI, 3, 18; Escu., II, 32. On sait que l'annonce de celle paix provoqua à Athènes une explosion de Joie. Le culte de la déesse Elrenê tut Institué dans la Cité, un autel lul fut dédié et le premier sacriOce fut oB'erL par les stratèges au mols d'Hekatom· beon 374-373 (cf. Com. NEPOS, Tlmolh., CZ; ISOCRATE, Sur rlchange, 110; PHJLOCHORos, trag. cIL). (2) Op. cil., p. 376. • (3) HAMPl., op. cil., pp. 20 et ss.; et. également M. SoRDI, La Pace dl Alene (371·370) (Riv. Fil., XXIX, 1951, pp. 34-64). (4) H. SwooooA, DerbelleniscbeBunddes Jahre 371 v.Chr. (Rhein •.Mu1., XLIX, 1894, 321.a52); MoMIGLIA."fO, op. cil., pp. 487-490; LARS&N, Clasa. Phil., XXXIV, p. 377. (5) XtN., Hell., VI, 5, 2. (6) Op. cil., p. 376, n. 2 et HAMPL, op. cil., p. 20, n. J. Fauf.·ll, avec Momf· gliano, supposer l'existence d'une koint elrent jurée au congrès de Sparte en 371 t Les textes sur lesquels il appuie son argumentation sont D100., XV, 50, 4; DENYS D•HALICARNASSB, Ly1ta1, 12; Xf:N., Hell., VI, 3, 12--18. L'allusion de XtN. (Hell., VI, 5, 1), se rapporterait à cette paix, ainsi que celle de
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paix de362-361, dont. rimport.ance viendrait surtout de ce qu'elle est. Ja première paix générale dont le roi est. absent, la première paix spécifiquement grecque (1 ). De Sanctis y voit même une sorte de préparation à toute la propagande isocratique. Cet.te koinè tirenê était-elle accompagnée d'une symmachia, c'est-à-dife d'une alliance à caractère militaire? Diodore l'affirme (2). Mais son témoignage a été contesté par certains auteurs modernes, particulièrement Ham pl qui appuie son argumentation sur la réponse des Grecs aux Satrapes perses révoltés (3), dans laquelle aucune allusion n'est faite à une telle symmachia, et De Sanctis qui argue du silence de Xénophon, et voit dans la paix de362-361 une simple reprise de la paix de 366-365, jurée en présence des délégués du Grand Roi (4). En revanche Taeger, Berve, Mornigliano et Larsen croient à l'existence de cette symmachia. Elle témoigne. rait à la fois du besoin plus grand de garanties, mais aussi d'une moindre efficacité de l'arbitrage perse. La paix de 346 enfin contient. des clauses de koinè tirenè qui sont bien définies par Hegesippos dans son discours Sur l'Halonnèse (5). Momigliano pense Sgll.1 182 - Too, Il, n• 145, que l\fomlgllano, contre toute la crtuque, date de 371. Cette koinl tirent serait une simple reprise de la paix de 375-374. (1) Sur la paix de 362-361, cf. F. TA.EGER, DerFriedevon362-361, Tubingtr Beltnlge zur AUtrlum1wl11e111claa/t, XI, Stuttgart, 1930; H. BBRVB, Gn3mon, IX, 1933, pp. 306 et ss.; DB SANCT1s, La pace di 362-361 (Riv. Fil., LXII, 1934, pp. 145 et as.); A. l\foMIGLIANO, La xoc.v~ dpiJV7J, ibid., pp. 482, 494 et as.; F. J-IAMPL, Staatsvutrage, pp. 26 et ss., 103 et ss.; S. AccAMB, La ltga altnlue, pp. 172 et ss., 245 et. ss.; M. N. Too, J.H. S., LXIV, p. 100. (2) D100., XV, 89, 1 : ol 't/ ••• E>J.71'1CÇ prrck "CiJv µtij;-qv auv64'cvoL 3l XOL• ~ clpf>Vlf' X«l auµµœx[œv (3) SyU.•, 182 - Too, Il, n• 145. (4) Cette paix a-t-elle été une koint tirentt La plupart des auteurs ne le pensent pas, en dépit de DronoRE (XV, 16, 3); XtN., (Hell., VU, 4, 10), parle seuiement d'un accord entre Thèbes, Corinthe et Phlionte. MoMJGUA.NO (op. cil., p. 489) suppose que Thèbes suivait l'exemple d'Athènes et cher· chait à Introduire des clauses de koinê tirtnl dans une •ummaclaie (cf. égale· ment T. T. B. RYDER, The Supposed Common Peaceot366-365 b. C., C. Q., LI, 1957, pp. 199.) (5) •Reste le second amendement inlroduitpor vous dans le traité de paix, pour que les autres peuples grecs qui n'y ont pas été compris soient libres et autonomes, et que, dans le cas où une attaque serait dirigée contre l'un d'eux, celui-cl soit. secouru par les signataires du traité. Car, à vos yeux, ce qu'exige Ja justice et. l'humanité, ce n'est pas seulement que la paix règne entre vous et vos alliés d'une part, Philippe et ses alliés d'autre part, tandis que les peuples étrangers à l'une ou à l'autre de ces alliances reslerafent comme un enjeu et seraient détruits par les plus torts; non, mais c'est qu'à eux aussl le salut. soit assuré grAce au traité conclu par vous, et que nous puissions alnsl Jouir d'une paix vêritable, en déposant les armes• (Sur rHalonnùe, 30-31; cl. aussi ibid., 34, 37-38); DtM., VI (Z• Phil.), 31 : c Et pour comble d'huml-
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qu'il s'agit. même de ]a forme ultime prise par la koinê eirenè : la paix est. garantie par le ConseiJ amphictyonique et toute violation de ses cJauses entrainerait une guerre sacrée. Ainsi se trouverait résolu le problème de la constitution d'un organisme permanent de tutelle (1). En réalité, le caractère tout. provisoire de la paix de 34G en fait, une ébauche, plus qu'une solution réelle. Telles sont, brièvement. rappelées, les principales tentatives de paix générale au ive siècle. Expriment-elles les progrès du sentiment. panhellénique? Larsen s'est plu, nous l'avons vu, à souligner le fait que bien des clauses de la koinè eirenè rappellent le serment. des Amphictyons; qu'il y aurait là par conséquent. une survivance ou une renaissance du vieux mouvement en faveur de la paix patronné par l'Amphictyonie delphique, le traité de paix apparaissant toujours comme un acte religieux (2). Si l'on admet d'autre part. que ces paix communes étaient généralement accompagnées d,une 1ymmachia, d'une alliance militaire, on voit réapparaitre un trait qui déjà caractérisait, les confédérations de cités : le sentiment panhellénique, pour réel qu'il soit, n'amène jamais les Grecs à la conception d'un Etat. national unique, ne va jamais au-delà d,une alliance militaire de cités. Quant aux sanctions prévues dans la koinè eirenl, elles ne procèdent. pas d'un quelconque sens de la sécurité collective, qui annoncerait une mentalité moderne. Elles s'inscrivent plutôt dans le cadre des préoccupations des cités dominantes, soucieuses de légaliser Jeurs interventions contre tout allié récalcitrant., soucieuses peutêtre aussi d'offrir à leurs alliés des garanties contre la menace d'un tiers. C'est pourquoi aussi elles aboutissent finalement à un échec, qui est l'échec même dè toutes les tentatives faites par les principales cités du monde grec pour raire reconnaitre et admettre leur hégémonie. Une seule de ces koinai eirenai aboutit, à une paix effective entre les cités grecques : e,est celle imposée par Philippe en 338-337. ltlais avant d'en faire une rapide analyse, il nous reste à rappeler le dernier effort. fait pour unir les Grecs, celui de Démosthène, dans les mois qui précédèrent, Chéronée. Uo.Uon vous twez décrété, sur ces belles espérances, que ce lrailé vaudra.il pour nos descendants. • (1) cr. Mor.uOUANO, op. cil., pp. 493 eL &9.; J. T. GRIFFITH, The so-called Koinê Elrenè of 346 b. C. (J.H. S., 1939, pp. 71·79). (2) LARSEN, Ftderallon /ot' Peace1 pp. 145 et ss.; FLACEUÈRE, op. cil.
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••• C'est. peut-être alors, et. alors seulement, qu'on tente véritablement de faire taire les rivalités, de mettre fin aux luttes séculaires qui oppo]ient les cités les unes aux autres. Il ne nous appartient. pas de juger la valeur de l'homme Démosthène. Défendait.il des intérêts particuliers, était-il l'agent. du Grand Roi, c'est. là un problème qui au fond importe peu. Par sa voix s'exprime l'angoisse de la Grèce menacée de perdre son indépendance. Certes, il n'oublie ni les problèmes propres à sa Cité, ni ses adversaires personnels. liais devant. la menace toujours plus proche, il trouve les accents qui vont rassembler autour d'Athènes les défenseurs d'une société et d'une civilisation, celle de la Polis grecque classique. Devine-t-il confusément que, cette fois, l'échec militaire sera irréparable? qu'une victoire de Philippe libérera les forces nouvelles qui surgissent. déjà dans le monde grec et détruira à jamais les chances de survie de la démocratie athénienne? Dans les deux derniers discours politiques qu'il ait prononcés avant sa mission dans le Péloponnèse, la Je et la 4e Philippique, il insiste à plusieurs reprises sur le fait. que la Grèce tout entière est. menacée (1). Il est. remarquable d'ailleurs que Démosthène n'hésite pas à comparer l'hégémonie que Philippe prétend imposer aux Grecs à celle autrefois exercée par Sparte ou par Athènes (2). C'est. assez dire le sentiment exacerbé des Grecs contre toute atteinte à leur autonomie. Démosthène utilise là un argument. qu'il sait devoir être de poids, et pas seulement. à Athènes. Cependant, et c'est. là que reparait le sentiment panhellénique, l'hégémonie de Philippe serait. pire, car Philippe est un barbare. « Et. vous savez fort. bien aussi que tout. ce que les Grecs subissaient. de la part. des Lacédémoniens et. de vous-mêmes, c'étaient. du moins des fùs légitimes de la Grèce qui le leur infligeaient. (3). • Les Grecs doivent. donc faire taire leurs rivalités, s'unir contre le danger qui les menace tous. Il n'est plus question d'hégémonie imposée ou librement. consentie. Athènes renonce à toute prétention, et devant le danger commun, appelle les cités à se rassembler, comme autrefois quand le barbare de l'Est était venu 1
(1) IX ( 3• Phil.), 20 : - - - ~ou).cÔga6xL µhToL 7tcpl 1tiivrc.iw EU~w.>v,
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terre, gn gaœ l!h Ô7tb AŒXtSœLµovL(i)v ow Ô7tb "('l'l;aki>v y'6VTC&>v '"lç 'E>.>.ti8o~
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menacer la liberté grecque. Athènes, Thèbes, Sparte, Argos, doivent oublier leurs querelles, mettre en commun leur faiblesse. Aucune Cité désormais ne doit avoir des droits sur les autres. Toutefois, là encore, Athènes a une mission à remplir : celle de rassembler les énergies de toute la Grèce, en multipliant les ambassades, en donnant l'exemple,« ••• car alors même que tous les autres Grecs se résigneraient à la servitude, notre· devoir à nous est de combattre pour la liberté (1) 1. Et Démosthène insiste encore : c ••• Quand nous ferons les premiers ce qu'il faut, appeler à nous les autres Grecs, les rapprocher, les éclairer, leur adresser des reproches, seule conduite qui convienne à une ville aussi renommée que la nôtre. Oh, si vous croyez que la Grèce sera sauvée par les Chalcidiens ou les Mégariens et que vous esquiverez, vous, toutes les difficultés, vous vous trompez; esti· mons-les heureux, s'ils se tirent d'affaire tout seuls, chacun en particulier. Le salut commun, c'est à vous de l'assurer, ce privilège-là, vos ancêtres l'ont acquis pour vous et ils vous l'ont légué, au prix de tant et de si grands dangers (2). • Ces appels à l'union se heurtent. cependant. à une mauvaise ,·olonté évidente. Seules, réduites à leur propre territoire, les cités grecques ne peuvent. survivre, dans un monde démesuré· ment. élargi. Mais elles ne peuvent non plus, de propos délibéré, se détruire pour fusionner en un vaste koinon dont tous les membres seraient. égaux. Dans chacune d'entre elles, les éléments dominants tiennent. à conserver leurs privilèges particuliers. Les antagonismes politiques passent. avant. les intérêts communs (3). D'où l'attitude d'hostilité ou de passivité de la plupart des cités: • Quand nous voyons cela, nous Grecs de tous pays, et quand nous l'apprenons, nous n'échangeons pas nos délégués pour en délibérer, nous ne nous indignons pas; nous avons si peu de cœur, nous sommes si étroitement parqués derrière les fossés de nos (1) IX (3• Phil.), 70: xcxl yŒp ch &r.CXVTC; 8-IJ 7tOU 8ou>.Wc,v O'JlXc.>p~acnv ot cDJ.oL, i)µiv y'ünip 'ril; iMuOipCcx; ciyvirnov. (2) Ibid., 73-74 : - - XCll npwTOUÇ ! XPlJ r.o,oüncx; -r6TC xcxl 'tOÙÇ mou; "EU7)v:x; cruyxwîv, auv~yciv, 3'8xaxtiv, vou6cuîv • -r«üT' lan n6Mç ci;Cµ' ~o6m;ç 7i>Jxov ôµîv ümpxcL. El 8"ofco0c Xw,Bér.i:; -ri;v 'E>.M3a: aC.:.Ouv ~-)ltycx~écx;, üµc'Lc 8'ci7t08ptiaca0«L -rp6w; ofcaOc • «;«m;Tbv yŒp hv CXÙTOl a~VTCXL TOÜTv lxcxaTO,. •AXJ..' üµîv TOÜW np«>
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villes que, jusqu'à ce jour, il nous est impossible de rien faire d'utile, rien de ce qui est indispensable, impossible de nous grouper, de former une association de secours et. d'amitié (1). • Cette xoLvv(œ ~o~6e:Coc.; x«l
":'OGµ.cv, oGT(i) 81 xetXwç 8c.axc[µc0œ xœl 8toppuy11c6œ xctTii n6ùLÇ &>ou &xpt Tljµcpov 'i)µ.ép«; oôaèv oGu Twv cru11ipcp6vrC1>V oiSn: Twv 8c6-r.(a)v 7rpi~cn BuvciµcOœ, o~8è
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TtOL7)GotG0iX,.
(2) X (I• Phil.}, 51-52. (3) Op. cit., p. 13 : • L'olUludè de défense qu'elles dol vent observer envcr~ des empiètements possibles portant. atteinte à leur structure économique ou à Jeur constitution tait que les cités grecques sont nécessn.ircment, dès l'ori· glnc, des étals autonomes. 1 . (4) Op eit•• p. 157; cr. ARISTOTE, Rhll., I, 10, 3. Porter olleinle à l'OU• lonomle d'une Cité, c'est commettre une injustice.
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à partager avec leurs alliés les avantages d'une nationalité fédé-rale, leur souci de maintenir les organismes fédéraux dans la dépendance étroite de leurs propres assemblées. A cet égard, la victoire macédonienne aura une importance considérable : en mettant, un terme à l'ambition impérialiste d'Athènes et. de Thèbes, en favorisant. au contraire le groupement des petites cités, le pacte de Corinthe annonçait la physionomie nouvelle qu'allait. prendre le monde grec au 111• siècle•
•
• • La paix jurée à Corinthe en 338-337 par Philippe et les états grecs convoqués par lui est. aussi une koin~ eiren~. Nous en connaissons les principales dispositions par une inscription très mutilée qui .a déjà fait. l'objet. de nombreux commentaires (1). Il a été possible de compléter le texte de la paix par une inscription postérieure, trouvée à J;:pidaure, et qu'on suppose être un renouvellement. de J•aniance par les rois Antigonos et De met.rios (2) ainsi que par un certain nombre de textes Jit,t,éraires dont. le plua important. est. assurément. le discours Sur le lraité avec Alezandre
qui figure dans la coUeclion des discours de Démosthène (3). Le texte du traité a suscité de multiples discussions. Pour certains auteurs, il s'agit d'une koinê eirenè distincte de la symmachia entre Philippe et. les états grecs, qui aurait ét.é conclue posté(1) 1. G., 111, 236 - Sgll.1, 260 - Too, Il, n• 177, pp. 224 et ss.: et. ScawJ.arr, Rhtln. Mu1., LXXVIII, pp. 188 et.ss.; Heeresmat.rikel und Land· friede, Philippa von ?tlakedonien (Klio, Beiheft. 21, Leipzig, 1930); BuvE, Gn6mon, IX, pp. 311 et 11.; W. W. TARN, Cla11. Rtu., XLV, pp. 88 et sa.; )1. SBGRB, Hi1lolr1, V, pp. 443 et ss.; U. W1LCKEN, Silzungsbtrichlt München, X, 1917, pp. 35 et as.; Silzunglberlchlt Berlin, 1929, pp. 303 et. ss.; 316 eL as.; F. ScHEtn., Zum korinUtcbe Bond vom Jahre 338·337 v. Cbr. (Jahruht/lt du Oil. al"Ch. ln1l. ln Wlen, XXVII, 1932, pp. 115-145); MoMIGLIANO, Filippo il Maudone, pp. 161 et ss.; Rio. Fil., XLII, pp. 498 et ss.; HAM PL, Slaal1uerlrdg1, pp. 34 et. BS., 89 et ss., 134 et ss.; cr. également WrLHELM, Atll1ch1 Urkunden, Sit:ung1berlchlt \Vien, CLXV, 1911; LARSEN, Clau. Phil., XX, pp. 319 et. ss.; XXI, pp. 58 et ss.; Rtprt1tnlatlN Gouernmtnl, pp. 49, &2 et ss., !)6, 64 et ss.; BUSOLT•SWOBODA, Il, pp. 1389 et ss.; KAERST, Gt.achlchlt Htlltnl1m., I, pp. 268 et.as., 530 et sa.; K. D1&~ELT, Der Korlnt.Li;che Bund, Jahnaht./lt. du Oalerrelcht.n ArchlJologl1chtn lnslilut11 XLIII, 1956, pp. 247·274. (2) S. B. G., 1, 15 .. 1. G., IV8, 1, 68; cf. TAR!'f, J.H. S., XLII, pp. 198 et.11.; P. RousSEL, Rev. Arch., XVII, 1923, pp. 117 et ss.; l\I. CARY, C. !}., XVII, pp. 137 et ss.; LARSEN, Cla11. Phil., XX, pp. 313 et ss.; XXI, pp. 52
et u.
(3) Dt111.1 XVII (Sur le tram avec .Alezandre), Haranguea, t. Il, pp. 162 et. sa.; cr. aussi D100., XVI, 89; JusT1N, IX, 5, 1·7; ARRIEN, Anab., Ill, 24, 5.
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rieurement, tandis que d'autres tels Wilcken, Berve, Hampl et. surtout. Larsen affirment la simultanéité des deux actes (1). La nature même de cette symmachia a donné lieu à des controverses. Certains pensent qu'elle avait une portée générale, d'autres qu'elle était. nommément dirigée contre la Perse (2). Enfm la répartition des voix à l'intérieur du Synédrion de la Ligue a suscité également des tentatives d'évaluation qui ne coïncident pas toujours (3). Que faut-il retenir de tout cela? D'abord que, même si la symmachia est un acte distinct de la koinè eirenè, l'une ne va pas sans l'autre. Le rôle attribué à Philippe ne se comprendrait pas, ou se comprendrait. mal, si la paix n'était pas accompagnée d'une alliance militaire, dont certaines dispositions ne sont pas sans évoquer le pacte de la seconde confédération maritime (4). Quant au motif invoqué pour justifier la guerre contre la Perse, il ne s'inscrit nullement dans le cadre d'une koinè eirenè. Mais il était plus avouable que l'ambition ou l'espoir de conquérir de nouvelles terres. On ne peut manquer cependant de noter la référence au mobile religieux : il ne s'agit plus comme dans la Ligue (1) Cf. SCHWAHN, Heenamalrikd, pp. 55-57; 5CHEHL1 op. cil., pp. 115 et ss.; Mo1o110L1AN0, Filippo il .Maudone, p. 163, n. 2; Riu. Fil., XLII, pp. 499 et. u.; Ton (Il, p. 228) remarque que le terme CJU(ljltXX(œ a pu être rétabli seulement à la ligne 4, que jamais les • olliés •ne sont désignés par le terme cN!lllCXX~• mais par l'expression ot 'tii; dp-q'17l; xotvvoÜVTC; (1. 9-10); cl. aussi D~M., XVII, 6, 10, 16, 19; ARRIEN, Ill, 24, 5 (• np~ 'tii; ctp-qV')~ u xœl 'tii~ tuµµczxtŒ; 'tii; np~ MŒXC86vœ; ycvoµMj; •) qui semble confirmer l'existence de deux actes distincts. W1LCKEN (op. cil., pp. 304 et ss.) appuie son argumentation contraire sur Dion., XVII, 63, 1 et ARRIEN, 1, 9, 9; Il, 1, 4. (2) C'est le cas de \Vilcken, Schehl et l\lomigliano. Ce dernier (Riu. Fil., XLII, pp. 510-511) &'appuie sur Dion. (XVI, 89, 2-3; 91, 1; JUSTIN, IX, 5, 8). 11 dlstlngue ainsi trois étapes successives : la paix, la symmachie, Io guerre contre la Perse. (3) Cf. WILHELM, op. cil.; 5CHWAHN1 Heeresmalrikel, pp. 7 et SS., 25; TARM, Cla11. Reu., XLV, p. 88; SEGRE, op. cil., p. 445; BERVE, op. cil., pp. 311 et. ss.; LARSEN, Cla,,, Phil., XX, p. 319. La plupart. des auteurs s'accordent avec Schwahn sur un nombre total de 100 voix (ou délégués, ce qul revient. au même). Ton (op. cil., p. ~l) pense cependant. que Phllippe avait dll prévoir un éventuel élargissement de la Ligue, et que par conséquent Je nombre des voix n'ovalt pas dll être fixé de façon définlUve. (4) Cf. Too, op. cil., p. 229. Derve o insisté cependant sur certaines ditTé· rences : la défense de recourir à des changements constftutlonnels ou de se livrer à des octivités révolutionnoirts; le maintien d& l'ordre assuré par l'instollaUon de gamisons mricMonlenncs dans certaines places strntégiques telles Thèbes, Ambracie, Chnlcis et Corinthe, et surtout l'établissement pour la première fols en Grèce d'un systôme représentatif (cf. LARSE::iir, Cla11. Phil., XXXIX, p. 150). C. MOiii
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attico--délienne de libérer les cités grecques d•Asie, mais de venger un affront fait. aux dieux de la Grèce (1). Enfin le problème peutêtre Je plus important reste celui de la répartition des voix à rint.érieur du Synédrion et du mode de représentation des J;:tats membres. C'est. assurément le plus complexe. D'abord, parce que nous possédons un texte très mutilé, et. que les reconstitutions qui ont. été faites sont sujettes à caution (2). Ensuite, parce qu'il pose le problème de l'introduction d'un système représentatif dans le monde grec (3). Parmi les noms qui ont été transmis ou restitués figure un seul nom de cité, Thasos (4). Les autres noms désignent des peuples ou des fédérations de cités. Hampl en a tiré la conclusion que lé Synédrion de Corinthe ne représentait pas les cités grecques, mais les Grecs dans leur totalité (5), et était. ainsi capable de prendre des décisions concernant les intérêts panhelléniques. Plus suggestive cependant est. l'opinion de \Vilhelm qui remar-quait. que la ligue de Corinthe, par sa constitution interne, tendait à provoquer la formation de nouveaux koina, ou • du J'I!Oins la division du territoire grec en un certain nombre de cercles où les petits états se· grouperaient, se rapprocheraient, et seraient. conduits à la fusion par une progression insensible (6) 1. On voit bien quelle ét.ait. l'intention de Philippe en agissant ainsi : une Grèce divisée en grands ensembles politiques serait. plus facile à contrôler et. moins sujette à l'anarchie. Sparte avait déjà pro.. c~dé de la sorte après 378, lorsqu'elle avait divisé la Ligue péJoponnésienne en onze cercles (7). (1) On peut d'ailleurs se demander s'il n'y a pas là un rapport avec le renouveau de l'Ampbldyonle delpbique. (2) Cf. ScnwAHN, op. cil., pp. 7, 16, 25. Les noms qui subsistent. ou ont été rétablis avec certitude sont. ceux des Thessaliens, des Tbaslens, des AmbracJotes, des Phocldiens, des Locriens, des Maliens, des Doiot>es, des Perrbal· biens et des Cephallèniens. Schwahn a cru pouvoir ajouter le Démos de Corcyre, Zacynthe el Samothrace, les Magnésiens, les Achaiens de Phthiotide, les Iles de Ja côte thessalie11De, les ~toliens, les Acarnaniens, les Doriens, les Œllens, Jes Anianes, les Agraéens et. les Atbamaniens. Schwabn pensait. que la partie supérieure de la liste comprenait la Béotie, Mégare, Athènes, les états péloponnésiens sauf Sparte, !'Eubée et les Cyclades. (3) Cf. LARSEN, Representatlve Governmenl ln the Panbellenic League (Cla11. Phil., XX, 1925, pp. 313-326; XXI, 1926, pp. 52-71). (4) L. 29, auquel ll faut. ajouter les noms donnés par J'lnscription d'~pl· daure (cf. 1upra, p. 464, n. 2). (5) Op. eit., pp. 39 et as. (6) .A. AYMARD, ~n ordre d'Alexandre(R. S. A., XXXIX, 1937, p. 12); cf. \\ ILHELM. op. c1t., pp. 30-31; LAl\sEN, Cla11. Phil., XX, pp. 322-323. (7) Dioo., XV, 31, 2; cf. A. AYMARD, op. tif., p. 12, n. 4.
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La Ligue de Corinthe présentait donc quelques différences avec les autres symmachies du ive siècle. Mais il faut souligner qu'en aucune manière le Synédrion ne représentait, pour les Grecs, une sorte de Parlement fédéral: la Ligue demeurait une alliance militaire, et chaque Cité ou groupe de cités conservait son autonomie. Seul un souci plus grand d'efficacité avait pu dicter l'action de Philippe et des Grecs rassemblés à Corinthe (1). Les autres mesures prévues dans le pacte de 338 n'ont. rien d'exceptionnel : nous avons dit ce qu'il fallait penser des clauses concernant. le maintien de l'ordre et des constitutions établies L'installation de garnisons macédoniennes aux principaux points stratégiques n'est pas, en soi, surprenante. Sparte en avait fait. autant, à la fin du ve siècle, plaçant des harmostes sur le territoire des cités qui avaient été contraint.es d'entrer dans la Ligue péloponnésienne. Ainsi, et. malgré toutes ces réserves, le pacte de Corinthe apparatt.-il comme une koinê eiren~ comparable à celles qui l'ont précédée au ive sièclet doublée d'une symmachia dont. le but. est. la conquête de la Perse, la réalisation de ce but étant. assurée par les contributions militaires et financières des J;;tats membres. Il y a cependant. quelque chose de nouveau dans le fait. que l'hégémon de cette nouvelle symmachia n'est plus une Cité, mais un homme : Philippe. A la différence du Grand Roi en effet, Je · roi des Macédoniens ne se borne pas à imposer son arbitrage aux Grecs. Il conclut avec eux une alliance militaire dont. il prend le commandement. C'est. là le fait. nouveau, qu'éclaire toute l'évolution de la pensée athénienne, telle que nous avons essayé de la définir et. parliculièrement l'évolution de la pensée d'lso crate (2). La supériorilé du roi sur la masse ignorante, du commandement. unique sur le commandement multiple s'affirme pour la première fois dans une alliance entre Grecs, passe du domaine de la théorie au domaine de la réalité. Certes, on dira que c'est la force militaire qui a imposé aux Grecs cette solution qu'ils n'ont. pas choisie. Mais cela aussi, lés théoriciens l'avaient. (1) LARSEN, op. dl., pp. 324-325. Dans sa dernière mise au point, Larsrn écrit cependant (op. cil., p. 56) : • Jt was more lhan a mecbanical reform. It most have tended to produce the Impression that the asscmbly was no longer an assembly of representallves of separale slates, but an assemb1y of the Hellens ln wbtcb eacb section of Hellas was represenled ln proportion to ils importance ,, semblant oins! rejoindre Hampl. (2) Ct. supra, p. 380; et. LARSEN, op. cil., p. 49 : c IL was the mosl ad\·:mced and stu.tesmanlike of all the symmacbles, but the hegemony - that ls the leadership - was held not by a Greek cily, but by a Mu.cedonla.n King, and this was the rub. 11
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prévu, dans la mesure où, pour eux, la victoire militaire est. un signe par lequel la divinité d~signe aux hommes celui entre les mains duquel ils doivent remettre le pouvoir. Ce renoncement. à l'hégémonie de la part des cités grecques, cet abandon de leur sort aux mains d'un homme, ce triomphe du pouvoir monarchique sur la Cité, c'est. le symbole même de la fin de la Polis grecque classique. Celle-ci pourra bien survivre encore, son auto-nomie garantie par le lien même qui l'asservit. Elle a perdu désormais toute existence réelle. La faillite de l'impérialisme athénien, l'échec des autres grandes cités grecques, Sparte ou Thèbes, dans leur effort pour imposer leur domination et créer des confédérations puissantes, le caractère limité de ce qu'il faut bien appeler le panhellénisme, achèvent de définir la crise de la Polis grecque au ive siècle. Seule, l'hégémonie exercée par quelques grandes cités sur des régions politiquement et économiquement moins évoluées avait permis à ces cités de se développer harmonieusement, et. à Athènes en particulier d'assurer la stabilitê du régime démocratique, condition favorable au développement. d'une civilisation brillante et. équilibrée. Mais une telle hégémonie s'accompagnait nécessairemênt de violences, et surtout créait entre la Cit.é dominante et. la Cité sujette des liens de dépendance à sens unique. D'où les révoltes, trouvant. toujours, comme le souligne Xénophon dans les Helléniques (1), une Cité autour de laquelle pouvaient. se grouper les mécontents. Les guerres succédant. aux guerres aggravaient encore le déséquilibre interne des cités : misère des uns, enrichissement rapide des autres, influence de plus en plus grande des chefs militaires, tandis que dans les démocraties, sous la pression des orateurs populaires, les charges s'appesantissaient sur les possé· dants. D'où l'interpénétration des luttes idéologiques et des luttes entre cités, la possibilité pour les adversaires de trouver des appuis chez l'ennemi, l'approfondissement des haines, tandis que le problème social demeurait entier. Certes il y avait. en Grèce, et à Athènes en particulier, des hommes assez lucides pour comprendre que la faiblesse même des cités grecques, déchirées par les luttes intérieures, ne leur permettait. plus de s'imposer à leurs alliés; qu'il valait mieux renoncer aux querelles, et. porter la guerre en Asie, là où se trouvaient des terres nombreuses et. riches, peuplées de barbares voués (1) Xt:itt., Hell., Ill, 5, 10.
LJ'l FlN DE LA GRÈCE DES CITÉS
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par nature à resclavage. Mais pour mener à bien une telle entre· prise, encore fnllait.-il une alliance, une symmachia, et à la tête de cette alliance, une Cité hégémon. Tout naturellement, pour Isocrate ou pour Xénophon, ce devait être Athènes, à laquelle spontanément, les cités grecques remettraient le commandement de Ja guerre contre le Barbare - à condition toutefois qu'elle renonçât. à ses visées expansionnistes. Mais c'était là rêve d'hommes de cabinet. Dans l'immédiat, il fallait assurer le paie· ment. des différents mislhoi. Généraux et orateurs menaient. leur propre politique. Et. avant de songer à coloniser l'Asie, il fallait défendre les clérouques installés dans la mer Égée. Paradoxalement, alors que l'union des Grecs avait pour objet la conquête de l'Asie, c'est le maitre de l'Asie qui parvenait à imposer aux Grecs la paix. générale. Seule, peut-être, la paix de 362-361 avait. été librement consentie par les Grecs. Mais c'est. aussi en 361 qu'Athènes envoyait. une clérouquie à Potidée, rompant le pacte de la seconde confédération maritime, et inaugurant. la politique qui devait. aboutir à la guerre « sociale ». Ainsi, les contradictions mêmes qui déchiraient. la Cité grecque, les intérêts, à Athènes, de cette classe priviligiée qu'était. le Démos, interdisaient. toute union réelle qui eût permis peut-être la conquête de 1'Asie et. la solution du problème des terres. C'est Philippe d•abord, Alexandre ensuite, qui réaliseront le rêve d'Isocrate. Il est juste de rappeler que le vieux rhéteur · athénien avait envisagé cette solution, avait conçu cette néces· sité. Certes, nous l'avons dit, tous ses mobiles n'étaient. pas désin téressés. Son inquiétude de possédant. renforçait sa lucidité d'observateur. Du moins restait-il sur le terrain du possible et. ne versait,..il pas dans l'utopie dans laquelle se plaisaient certains de ses concitoyens. Mais il n'entrevoyait pas toutes les consé quences de son choix, que d'autres, plus proches des réalités et plus désespérés que lui, devinaient. mieux. peut-être. Un Démos· thène, altach,é à la démocratie, al.taché à la Cité qui se débat.tait pour survivre, ne savait pas qu'elle était. condamnée par la réalité même. Du moins sentait-il que la défaite militaire, que l'abandon de la souveraineté d'Athènes entre les mains de Philippe, marqueraien.t. la fin de la liberté grecque et de. la civilisation grecque classique.
CONCLUSION
Au terme de cette analyse de quelques aspects de la crise que traverse le monde grec au ive siècle, il semble qu'il soit. possible de formuler quelques conclusions. En premier lieu, l'étude des conditions de la vie économique à Athènes au ive siècle a permis de dégager les grands traits d'une évolution qu'on peut ainsi caractériser : d'une part, la propriété privée de la terre a cessé d'être le privilège des vieilles familJes de l'Attique. Objets de transactions et. de spéculation, les biens fonds tendent. à se concentrer en un petit. nombre de
mains, et. cette concentration favorise l'adoption de méthodes plus rationnelles de mise ~n valeur du sol, jointes à une utilisation plus systématique de la main-d'œuvre servile. Mais elle détermine aussi une crise agraire qui, pour n'avoir pas en Attique la gravité qu'elle présente dans le reste du monde grec, n'en contribue pas moins à briser la communauté civique. Tandis que l'adoption de méthodes plus rationnelles de mise en valeur n'aura son plein effet. que lorsque les Grecs, après la conquête d'Alexandre, pourront. adapter leur technique plus évoluée aux ressources naturelles immenses de l'Orient.. Les difJérentes branches de la production industrielle ont., en revanche, peu évolué. Seule, peut-être, l'industrie des armes a vu croître la demande, sans que cela ait pour autant déterminé des modifications sensibles dans l'organisation et les méthodes de travail. Mais, à Athènes au moins, les techniques commerciales et bancaires ont fait des progrès considérables, la monnaie est devenue un instrument. de plus en plus maniable, et. bien que ces progrès aient. paradoxalement cotncidé avec un déclin du grand commerce athénien et. de l'industrie minière du Laurion, ils n'en ont pas moins créé chez les marchands professionnels des traditions qui se retrouveront à l'époque hellénistique à Délos, à Rhodes, à Alexandrie. Ces progrès techniques limités n'ont. pu cependant enrayer la crise que la guerre du Péloponnèse avait déclenchée. Et. cette
CONCLUSION
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crise a eu de graves répercussions sur les rapports sociaux, a contribué à accélérer partout. la rupture de la communauté civique, à détruire un équilibre reposant jusqu'alors sur l'existence d'une classe puissante de pet.ils producteurs directs. Le déséquilibre social, l'opposition croissante entre une minorité de riches, dont. l'origine de la fortune n'importe plus, où les dis-tances tendent. à disparaitre entre richesse foncière et. richesse née de l'industrie et. du commerce, et. une majorité de pauvres qui, hors des démocraties où il leur est. encore possible de vivre aux frais de rËtat, n'ont. d'autre solution que de choisir le métier de soldat., annoncent. également. la société hellénistique, dominée par cette •bourgeoisie • riche et. privilégiée qu'a si bien caractérisée M. Rost.ovtzefT et qui, détenant. le monopole du pouvoir. dans. les cités grecques asservies, exploite le travail des indigènes à demi libres ou des hommes libres pauvres, le plus souvent incapables d'exercer leurs droits politiques et. contraints à vivre d'expédients ou d'un modeste travail salarié, prêts aussi à se louer au plus ofTr~nt, réclamant. parfois des terres, parfois se contentant. d'une part. de butin, au gré des circonstances. Entre ces hommes et. les libres citoyens grecs de l'époque classique, il n'y a plus guère de comparaison possible. Et. pourtant, ils parlent la même langue, évoquent les mêmes souvenirs héroiques, habitent. souvent les mêmes lieux, se parent des mêmes titres et. remplissent les mêmes [onctions en apparence que leurs ancêtres. l\lais, ces fonctions, ces titres ont été vidés de leur contenu. Car, la réalité de l'autorité leur échappe. · Or, nous l'avons vu par l'exemple athénien et. par quelques autres, c'est au cours du 1v8 siècle que déjà se révèlent, sur le plan politique comme sur le plan social, des traits nouveaux qui traduisent. la fin de la libre Cité grecque, mais aussi la naissance de concepts politiques différents. La démission du peuple athé nien qui ne se rend aux séances de l'assemblée que parce que sa présence y est. rétribuée, le pouvoir démesuré de certains hommes, qui certes pour s'imposer flattent. le Démos, mais n'en mènent. pas moins leur propre politique sans être le plus souvent pourvus d'aucune fonction officielle, la séparation des pouvoirs civils et, militaires, et., avec le perfectionnement de l'organisation juri dique et financière, le caractère de plus en plus 1 professionnel • de la vie politique, l'autorité absolue des stratèges sur des hommes qui, n'étant. pas citoyens, n'ont pas de comptes à leur demander, et. dépendant. entièrement. d'eux, leur sont fidèles autant qu'ils peuvent. les payer, sont. autant. d'aspects d'une même réalité : la disparition du citoyen soldat. de la Cité grecque classique,
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attaché à sa terre et prêt à mourir pour la défendre, jaloux de ses droits, conscient de ses devoirs envers la communauté civique, fier de sa patrie et de ses ancêtres. Et ce qui est vrai d'Athènes l'est aussi de Sparte sa rivale qui, .à la fin du siècle, ne compte p1us qu'un nombre dérisoire de libres citoyens, les autres étant. tombés au rang des inférieurs ou ayant fui au service de quelque chef de mercenaires, tandis que des rois de Sparte se font. eux-mêmes chefs de bande. Au siècle suivant, ils n'hésiteront. pas, pour mieux assurer leur pou.. voir personnel, à faire leurs les plaintes des pauvres, accablés de dettes, privés de terre et. prêts à s'allier aux hilotes détestés pour retrouver des conditions décentes de vie. Cela est vrai aussi de Syracuse où le titre de citoyen ne veut plus dire grand-chose tant. il a été galvaudé par les tyrans qui le distribuaient à tous ceux qui les servaient, mercenaires, esclaves, indigènes plus ou moins hellénisés, et où le siècle s'achève par une révolution qui allie aux revendications traditionnelles du partage des terres et de l'abolition des dettes l'avènement. d'un monarque de type hellénistique. Cela est; vrai sans doute, sans qu'il soit possible aussi clairement de Je discerner, des autres cités grecques oû les luttes entre oligarques et démocrates et l'avènement de tyrans témoi.. gnent. d'une instabilité politique générale. Devant cette réalité, ces révolutions et. cette démission du Démos, les théoriciens proposent. des solutions. Mais s'il leur arrive de mettre à nu les causes du déséquilibre, s'ils sentent pour la plupart. que le déclin de la Cité est lié à la disparition de cette classe robuste de paysans soldats qui en était le support., ]es solutions qu•ils préconisent. restent utopiques, irréalisables, et. c'est. finalement par une réforme morale des citoyens qu'ils espèrent sauver ce à quoi ils tiennent. désespérément. Cet.te réforme, il Jeur parait que seul un homme exceptionnellement, doué, philosophe ou roi, peut. à l'intérieur de la Cit.6 la promouvoir. Or, il est. remarquable et tout à fait excitant pour l'esprit. de constater que, partant. d'une préoccupation uniquement morale et presque c pédagogique 1, ils parviennent. à définir dans l'abstrait le monarque hellénistique, sans que, l'exemple d'Aristote le prouve, ils soient. inOuencés par la réalité qui s'élabore en dehors d'eux, sans que non plus ils ne déterminent. le sens de cette réalité, la correspondance finale traduisant ainsi une nécessité élaborée en dehors des hommes et. cependant accomplie par eux. Mais, il est un point cependant sur lequel ces théoriciens ont buté, une réalité au-delà de laquelle ils n'ont pu parvenir : au
CONCLUSION
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moment où la Cité-~tat s'apprêtait. à succomber, les hommes qui la composaient n'ont pu imaginer d'autre forme politique quo celle qui mourait sous leurs yeux. Certes, ici ou là, chez l'un ou l'autre, s'exprime le regret qu'une Grèce unie ne puisse imposer sa force au monde barbare. Aristote va même jusqu'à envisager la supériorité des Grecs s'ils étaient soumis à une seule polileia, s'ils ne formaient. qu'une seule Cité. Toute l'œuvre du philosophe dément cependant qu'il ait songé à unir les Grecs en un seul ~taL Pour lui comme pour Isocrate, qui n'est pas citoyen est automatiquement un ~Évoç ou un esclave. Et le terme ~Évoç que nous traduisons par « étranger 1 a bien ce sens-là pour un Grec du ive siècle. L'l!tat national recouvrant un vaste territoire n'est pas concevable, ou seulement dans le monde barl:;are, r.'est-à-dire est indigne du libre citoyen grec. La seule forme d'unité grecque, c'est la symmachie, Palliance à caractère essentiellement militaire conclue avec un but précis, défensif ou ofîensif. Quant. aux fédérations de cités, quand elles ne sanctionnent pas l'hégémonie plus ou moins avouée de l'une d'entre elles, elles concernent surtout les régions les moins évoluées du monde grec, celles oil la Cité-État vient à peine de faire son apparition et où des !ormes d'intégration plus poussées sont ou seront. possibles. A l'intérieur du monde hellénistique, les cités grecques auront cessé d'être des États indépendants, mais il est remarquable qu'en Grèce propre au moins elles ne soient. jamais devenues tout. à fait. des villes, c'est-à-dire des organismes urbains plus ou moins autonomes sur le plan de l'administration municipale. Elles resteront des Étals, sans indépendance réelle, où les fonctions publiques ne seront plus qu'administratives, mais où la cit.oyenneté demeurera un privilège exclusif. Telles sont les conclusions qu'il est possible de for.muter au terme d'une analyse qui reste limitée à certains aspects de la crise de la Cité grecque au ive siècle et. de la civilisation dont elle était à la fois le cadre et l'expression. Pour êt.re complète, une telle analyse n'aurait pas dQ se bomcr à l'élude du déséquilibre social et du déclin politique. Sur le plan moral, sur le plan artistique, sur le plan religieux, la crise n'a pas manqué de se manifester également par des transformat.ions plus ou moins pro.. fondes, plus ou moins sensibles aussi aux contemporains. La crise religieuse en particulier a dû prendre des proportions importantes, la religion étant. l'un des ciments les plus puissants des sociétés antiques et le fondement de leurs civilisations (1). L'ana(1) Il ne saurait. être fcl quesUon de donner une blbllographle complète des ouvrages consacrés à l'histoire de la religion grecque. 11 faut. seulement.
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lyse eût pu faire l'objet d'une étude comparable à celle qui a ét.é ici tentée. On retiendra simplement. le déclin de la religion t.raditionnelle, l'engouement. de plus en plus grand pour les culles orientaux, les progrès, dans les masses populaires, de la superstition. Il importe cependant. de ne pas schématiser : la religion traditionneJle continuait. à tenir une place importante dans la vie quotidienne des Grecs en général et. même des Athéniens (1), et. surtout elle demeurait. l'un des principaux fondements de l'unité hellénique (2) et. c'est. seulement. lorsqu'il sera possible de lui substituer d'autres cultes plus attirants et. plus oecuméniques qu'elle disparaitra vraiment.. Mais avant qu'une telle substitution, souvent précédée d'ail· rappelerd'abord Je grand travail de M. P. Nn.ssoN, Guchlchle der grltchi1chen Religion (Handbuch der klasalschen Allerlumswissenachafl, V, 1 et 2), Munich, 1950. Le chapitre V du premier volume concerne porUculiêremenL l'évolution de la relfgion grecque au 1v• siècle. De Nilsson également un ouvrage riche de notations concernant. les rapports de la religion et. de la politique: Cull1, Mglh1, Oraclu and Polillc1 in Anclenl Greece, Lund, 1951 et dans la traduction française parue chez Payot, Les Croyancu religleuse1 de la Grtce ancienne, Paris, 1955. Citons également. quelques travaux parU· cullers récemment. parus : W. K. GUTHRIE, The Greekl and lhelr Godl, Londres, 1950; H. JEANMAIRE, Dlong101, Hl1lolre du eu/le de Dacchu1, Paris, 1951; R. PETAZZONI, La Rellgloni ne/la Grtcla anlica {lno ad Aleuandro, Turin, 1953 (trad. franç., La Religion grecque du orîginu c} Aluandre le Grand, Paris, Payot, 1953); Les Mystères grecs et. les religions à mystères dans l"An· tlqull6, Recherches récent.es eL problèmes nouveaux (Cahier1 d' Hisl. Mond., II, 1954-1955, pp. 302-313); F. RoBER1', Polillque et Religion dans la Grèce anUque (Rev. Phil., CXLIII, 1953, p. 496); J. DEFRADAs, Lei Thlme1 de la propagande dllphique, ~tudes eL Commentaires, XXI, Paris, 1954; M. DEL· COURT, L'OracledeDelphe1, Paris, Payol, 1955; H. W. PARKE, o. E. \V. \VOR• MEU., The Delphlc Oracle, I; The Hlalorg, If; The Oracular Re1pon1u, Oxford, 1956. (1) L'lnscrlpllon sur la mise en culture de la plaine de l'Orgas en apporte la preuve (B. c. H., XIII, 1889, pp. 433-467; cf. 1upra, p. 300, n. 1). Non seulement. le problème en cause, la mise en culture d'un terrain sacré, met. en branle tout. le mécanJsme des lnslltutlons démocraUques, mals encore on n'hésite pas à consulter l'oracle de Delphes, et pour ce faire, à envoyer auprès du dieu une ambassade dont. l'utilité immédiate pourraiL sembler contes· table. (2) C'esL la raison pour laquelle Philippe choisit le prétexte de venger les sanctuaires vénérés des dieux pour jusUfler l'exp6diUon de la ligue hellé· nique contre la Perse. Sur la valeur de ceL argumenL de propagande, cf. POLYBE, ur, 6, 13. Il va de sol que Phillppe, dans la mesure oCa les rêsiatanC8S les plus fortes venaient des cités les plus organiquement. consUluêes, avaiL besoin d'appuyer sa domination en Grèce sur des forces plus primitives, tels les peuples qui étalent représentés au sein de l' Amphictyonie de Delphes et. qul êtalent. llês surtout par la communauté du senUment. religieux. Dès lors, 11 étaiL tout. naturel eL très politique pour lui d'invoquer ce sentiment rell· gleux sur lequel 11 lul étalL aisé de faire l'unanimité.
CONCLUSlON
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leurs d'une tentative de syncrétisme, ftlt possible, il fallait. que s'opérât, sous la conduite d'Alexandre et de ses successeurs, la fusion du monde grec et de l'Orient. barbare. Et. dès lors, il est permis de se demander si 1 pJus que le résultat. d'un déclin interne, la fin de la civilisation de la Polis grecque classique n'est pas la conséquence directe de la conquête d'Alexandre, elle-même rendue possible par la victoire militaire de Philippe. Le problème est. important, et il a déjà suscité de multiples analyses (1 ). Pour le résoudre, il importe que soient clairement entrevus les buts auxquels tendaient Philippe et. Alexandre en entreprenant. la conquête du monde grec. Pour Philippe, la réponse est d•autant plus délicate que, la soumission de la Grèce achevée, il n'a pu mener à bien les projets qu'il avait peut-être conçus et. préparés avant. Alexandre. Par ailleurs, nous ne pou· vons le juger que sur les résultats de son action, en faisant abstraction du sens qu'ont. pu donner à cette action des théoriciens comme Isocrate ou des hommes politiques comme Démosthène. Pour le premier, Grec régnant. sur des barbares, il était le chef tout. désigné pour mener à bien la conquête de l'Asie à la t.ête d'une Grèce unie sous son hégémonie. Pour le second, barbare étranger au monde grec, il avait. pour but. d'asservir la Grèce et de ruiner la civilisation dont. elle était. le suppor~ L'un et. l'autre avaient raison, puisque Philippe en fait. a détruit le sys· t.ème de la Polis sur lequel reposait la civilisation grecque classique, mais a créé en même temps les conditions dtune expansion de l'hellénisme en Orient. et de la conquête de l'Asie par des Grecs, alliés il est. vrai aux Macédoniens. Certes, le problème demeure de la conscience qu'avait Philippe de la portée de son action, même si plus tard la réalité est. venue donner à cett.e action une signification démesurée. Il n'a certainement pas été ce champion lucide du panhellénisme, ce Bismarck de la Grèce que les historiens allemands se sont. plu à voir.en lui, et. ce en dépit, de la Ligue de Corinthe. Mais, il n'a pas été non plus le brutal destrucleur de la civilisation grecque. Bien plutôt, at.rat.ège {1) Sur la portée de rœuvre de Philippe, cf. les ouvrages cllfa p. 425, n. 1. La bibJiographle d'Alexandre esl lnépuisoble. Le problème de la portée de son œuvre et de ses rapports oveo l'hellénisme o étô posô par toua ceux qui ont consacré une étude au grand Macédonien (cf. en particulier G. RA.on, Aluandrti lt Grand, Paris, 1931; U. W1LCKEN, Altzander der Gro11e, Lelpdg, 1931, pp. 82 el ss.; EnRE.NDERO, Aluander and th~ Greeks, Oxford, 1938; L. Hoxo, Aluandn lti Grand, Paris, 1951 1 pp. 117 et ss.; 165; W. W. TARN, Aluanda IM Grtal, 2• éd., Cambridge, 1951; CLOCHit Aluandr« d lu uaau de fualon enlr1 rOccldtnl grico-macldonitn el rOrit:nt, NeuchAtel, 1953, pp. 17
et
18.,
etc.).
47G
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génial et politicien remarquable, il a su tirer parti d'une situation terriblement compromise. Et. si sa victoire militaire a sonné le glas de la Grèce des cités, sans doute n'en eut-il pas clairement conscience. Ses contemporains non plus d'ailleurs. Il n'est que de lire le discours d'Eschinc Conlre Ctésiphon et le Sur la couronne de Démosthène pour mesurer à quel point, au moment où Alexandre entreprenait la conquête de l'Orient, les Grecs dcmeu .. raient étrangers au considérable bouleversement qui s'opérait sous leurs yeux. Alexandre lui-même était-il conscient de la portée de son œuvre? C'est là une question qui dépasse largement lo but de cette analyse. Seule peut.-être son attitude à l'égard des Grecs et. de leur civilisation permet-elle de discerner la réalité de ses intentions. Dans un article déjà ancien mais toujours précieux, M. E. Bicke~ann avait, tout à fait. justement souligné qu'en aucune manière Alexandre ne pouvait apparaître comme le libérateur des Grecs d'Asie (1). Bien au contraire, il traita sans ménagement. aucun, et guidé par son seul intérêt, les communautés helléniques auxquelles il appliqua des condilions difTérentes de celles qui régissaient les rapports entre la monarchie macédonienne et les cités membres de la Ligue de Corinthe. Aux yeux des Grecs d'Asie, il n'était plus l' hégémon ou le slralegos aulocralor, mais le basileus avec toute la distance et la soumission que ce lerme implique (2). Après 331, il ne fut plus question d'un quelconque programme hellénique dans l'expédition d'Alexandre. Et. bientôt le maitre de l'Asie ne s'embarrassait même plus de la Ligue de Corinthe. Est.-ce à dire pour autant. qu'Alexandre a délibérément. souhaité rompre avec l'hellénisme? Ce serait méconnaître la complexité de la réalité profonde. Nourri de civilisation hellénique, il a été pendant. sa courte vie cet homme providentiel dont les théoriciens athéniens avaient, dans l'abstrait, tracé le portritit. idéal. En ce sens, il est l'aboutissement. de tout un courant de pensée né au sein de la Cité grecque. Même ce qui demeure le plus spectaculaire dans son œuvre, la conquête de l'Orient, avait été prévu et réclamé pendant. un demi-siècle par le plus conformiste mais aussi le plus lucide des écrivains · athéniens. On voit. combien contradictoires sont. les appréciations possi.. (1) E. BrcKERMANN, Alexandre le Grand et les villes d'Asie (R. S. G., XLVII, 1934, pp. 346 et. ss.); cf. également. EHRENBERG, .Aluander and the Greekl, pp. 33 et. ss. (2) Ton, JI, n°192,1. 15-19.
CONCLUSION
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bles de l'œuvre d'Alexandre, et quelle part de vérité contient chaque interprétation absolue, qui, parce qu 'absolue, ne peut. qu'être partielle. Philippe et Alexandre ont soumis la Grèce et mis fin à sa liberté, tout. en créant. les conditions de l'expansion de la civilisation et de la culture grecques dans le monde oriental. Mais la Grèce qu'ils ont. ainsi réduite en servitude n'était plus celle de Thémistocle ou de Périclès : déchirées par des rivalités internes, affaiblies par les luttes politiques et une grave crise économique et sociale, les cités grecques, et particulièrement Athènes, n'étaient plus en mesure d'opposer une sérieuse résistance à tout danger extérieur d'où qu'il vînt. Isocrate voyait clair lorsqu'il disait. que le malheur les avait mises toutes sur le même plan, qu'aucune n'avait plus la force de rassembler les autres autour d'elle pour tenter enfin de résoudre Ja crise dont elles se mouraient. La victoire de Philippe a précipité l'évolution, tout. en apportant provisoirement la solution. Mais une solution qui devait aller bien au-delà de ce qu'Isocrate avait prévu, puisqu'en fait elle impliquait la fin de la libre Cité grecque. Il reste alors une dernière question qu'on ne peut manquer de se poser si l'on compare les destinées d'Athènes et de Rome. En 338, au moment où les Grecs succombaient à Chéronée, Rome entreprenait la conquête du Latium. Peu après, la deuxième guerre samnite allait permettre à Rome de mettre la main sur la Campanie dont la soumission était sanctionnée par la construction à la fin du ive siècle de la Via Appia. Tandis que la lex Paelelia Papiria abolissait la servitude pour dettes, qu'était réglementée l'occupalio de l'ager publicus, Rome élaborait le programme qui allait la rendre maîtresse du monde méditerranéen. On peut alors se demander pourquoi Athènes n'a pas su réaliser à son profit dans la Méditerranée orientale ce que Rome accomplissait en Italie et bientôt dans la Méditerranée occidentale. La question est. importante, !ondamenlale même pour comprendre le déclin de la Cité grecque. Pour qui étudie les premiers siècles de l'histoire de Rome, il apparaît en efTet que la cité italienne, Cité-~tat elle aussi, a connu les mêmes problèmes qu'Athènes et que les principales cités du monde grec, à un rythme différent il est vrai, et avec un décalage de deux ou trois siècles : problème des dettes, problème des terres, luttes politiques opposant les patriciens aux plébéiens, etc. Mais elle les a résolus d'une manière différente, par la conquête et la soumission de l'Italie d'abord, du monde méditerranéen tout entier ensuite.
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Certes, avant. même d'être parvenue au terme de cette conquête, elle a connu la longue crise des guerres civiles, qui traduisait l'inadaptation des institutions de la Cité-J;;tat. aux vastes territoires passés sous son contrôle, et. elle n'a pu la surmonter qu'en donnant naissance à une forme nouvelle d'J;:tat.. Du moins, la continuité de la civilisation romaine devait-elle être préservée, et. maintenue la position éminente de l' U rbs. C'est donc à l'échec d'Athènes qu'il faut. revenir en dernière analyse. Et. cela justifie la valeur exemplaire que nous lui avons délibérément donnée. Athènes, en effet, a réussi partiellement., au temps de Périclès, ce que Rome accomplira trois siècles plus tard. Alors, établissant. progressivement sa domination sur le monde égéen, Athènes a su imposer commercialement, culturellement., politiquement. ses méthodes et ses institutions, sans jamais toute Cois, et. la chose est importante, élaborer une citoyenneté commune, sans parvenir non plus au distinguo subtil établi par les juristes romains entre droit romain et droit latin, et. à l'échelle complexe de conditions juridiques des alliés à l'intérieur de la fédération latine. Cela se peut. certes expliquer par la conception différente de l'~tat. qu'avaient. les Grecs et les Romains ( 1). Pour les premiers, l'J::tat n'existait, pas en dehors des citoyens, c'est-à-dire du groupe humain qui formait la Cité et gui ne pouvait. être inJéfiniment. agrandi. Pour les seconds, l'~tat. constituait déjà une entité, un concept extérieur à la communauté civique et que symbolisait l'imperium des magistrats. Dès lors, il était possible d'étendre indéfiniment, en théorie du moins, les limites territoriales de la Cité : c'est pourquoi Rome put. créer des tribus de plus en plus éloignées de son territoire propre, et accroitre ainsi le nombre des cives romani. Mais, il est permis de se demander si, en tout état de cause, Athènes, parvenue relativement tard à maturité dans Je monde grec, aurait pu faire ce que Rome devait réaliser dans une Italie encore primitive, où l'organisation tribale demeurait la forme dominante de groupement des hommes. En face d'Athènes, en cJTet, se dressaient des cités puissantes militairement et politiquement, suffisamment différenciées socialement. pour que la qualité de citoyen y ait une valeur bien définie. lmagine-t-on, par exemple, les Thasiens, les Chalcidiens, les Naxicns abandonnant leur citoyenneté pour devenir Athéniens? Athènes a peut-être fait preuve d'égoîsme en la matière. Mais, en supposant. qu'elle eût. ofTert à ses alliés (l} Cf. E. MEYER, Von grltchlschen und rGmischen Slaalsgedanktn, Eumu•
&ia, Festgabe lür Ernst Howald. •• , 1947, pp. 30-53.
CONCLUSION
479
d'être citoyens athéniens, elle se ftlt sans doute heurtée à un refus hautain de leur part.. Seuls, quelques souverains étrangers ou des notables qui en tiraient quelque avant.age matériel pouvaient s'enorgueillir d'être aussi citoyens athéniens. Les càs de sympolitie sont rares dans le monde grec, et concernent seulement des cités de faibl.e importance. L'avance de la Grèce dans l'histoire du monde méditerranéen l'a paradoxalement condamnée à disparaître. Mais, il est une autre raison qui peut-être explique mieux encore l'échec d'Athènes. Et celle autre raison, c'est son régime même, cette démocratie qui représente la forme politique la plus achevée atteinte dans l'Antiquilé, qui a été le support d'une des plus brillaJ?.leS civilisations qui soient, mais qui, en dernière analyse, a contribué à précipiter la chute d'Athènes, cl avec elle la fin de la civilisation grecque classique. Car, en faisant du pauvre l'égal du riche, en faisant de la citoyenneté athénienne un privilège et une sinécure, la démocratie, après avoir fait sa grandeur, a entraîné Athènes dans le désastre. Tandis que l'homme libre se détournait de plus en plus du tr~vail productif, devenu de moins en moins rémunérateur, tandis que se développait, par à-coups, l'économie servile, la Cité
480
LA FIN DE LA D2MOCRATIE ATH2NlENNE
encore cet,te enquête à d'autres cités. La valeur exceptionnelle de l'exemple athénien méritait, qu'on centrât sur lui une analyse qui se voulai.t générale. :&fais, il n'est pas exclu qu'une connaisaancè plus précise de l'évolution de Sparte, de Thèbes, de Corinthe d'Argos, de Syracuse, n'ouvre des aperçus nouveaux, n'appelle des explications plus sat.isfaisant.es, et permet.te de mieux embrasser l'histoire d'une civilisation que son déclin a renouvelée dans un monde démesurément agrandi.
INDEX
1-
NOMS PROPRES (!}
Acharnes (dème d') : ~ 323 n. ~ 32.4... AGATHOCÙS: 222, 34.5. 1. Aats1LAS : 1.90 n.. ~ 23.l n. ~ 339, 383 ••• 393, 437, 45.D..
ARISTOPHANE:~~
Ao11: 33i.
ARISTOPHOM : 261 D.. ~ 292 n. ~ 3.0.9 n. ~ i l l
AGYRIUUOS : ALCIBIADE ;
260, 28.4 n. ~ 3.Q3. 221, 262, 289, 314,
394, .COI, 408.. ALEXANDRE : 128, 302 D.. ~ 344, 3.8.2 n.. §, 390, 392, 398, il! n. ~ 469, 4.75 as.
Auun.uu.s: .214.. 12.9.. Ambracie : 46?i n.. 4.. Amphipolis : 131. 420. 423 1., 4.39... AJlcDOCIDB: ~ ~ 289, 314, 411, i l l n.. 2. ANDROTION : 4.3.8 n.. L ANTALKIDAS (paix d') : 409, 414, 4.30 n. ~ 4..32 n.. ~ 4.5.6 n. ~ 4li2a ANTIPATROS:~ 137, 140, 1.Hn. ~ 148, 252, 296, ~ ANTIPBON : 35Q S., 37ila ANYTOS : fil.a 260, 299... APOLLODÔROS : 4.2 D. 7-8, 4Jl D... !_i 139 n. 1i li9 •., ~ 1.98 n. !. 299, 321 n. ~ 33.0 n.. L AltADOXOS :
Arcadlenne (conlêdêralion), 339, 450, ISZ. MCHIDAM'OI :
35.7 n.
L 380, 440
üL
t
ARCHINOS : 259 S., 299, 297 D.. ~ ARCHYTAS de Tarente ; 1.3.0. Argos : ~ ~. 225 462, t8tl. MISTARCHOS : ~ 7.5 S., 103, la6,
s.,
54 8., ~ ~ 107, 1.08 n. ~ 109, 158, 158, 1!13 ss., 186, 201 •• , 236, 240 •• , 252 s., 262, 268, 283, 349, 395, 401, to.z. ~
4.3.8 n. L
ARISTOTE : ~ ~
li1 8. 1 ~ ~ 109, 143 s., 146, 11., 17.Z n. §i 178, 182, 203 s., 208, 21.Q as., 228, 234 ss., 2i.1 ss., 255, 2fill 11. 1 288, 301, 319, 323,333ss.,:HSH., 38.9 ss., 401. 42s. ut n.. ~ms. ATHÉNÉE : w •., 1..8!.
™
Béotienne (Confédération) :..Hi ss., 4.6.6. n. 2. Bosphore: W n. !.. 113 1., 118 1., l2ft sa., 1.82 n. !a 184. 191, :ilL BRASIDAS : 231, 27.5 n. !_. 3.3.8.. Byzance : il4... CALUCLts : 289, 3lil a., 371. 385, ~ CALUSTHblB : 4J5 n. L CALUSTRATOS : ~ 269 D.. ~ 216 n. ~ 2.8.4. n. ~ 299, 3(11, i l l n. ~
ru n. L 4.33.. Carle: ll3.
Céramique : ~ tœ. CHADRJAS: 150, 274, 278, 300 n. !.. 317, 394, ru n. L CnAIREPHILOS :
ra •.
Chalcfdlenne (Ligue) : 4.3.8 n. 452
l.6L
2Zi D.. ~ n. !.. 423,
~
s.
(!} Athènes qui est au centre de celle étude ne figure pH dans cet Index, Pour tout ce qui la concerne, on se reportera à la Table des l\latlères. C. MOiii
31
LA FIN DE LA DtJrfOCRATIE ATH2NIENNE
482
Chalcis d'Eubée : 406 n. !, 462, 4.65 n. !t 428. CHAJ\ts : 216 n. t 'ZZl 65., 292 n. ~ 317, 4..lll n. L 423. s. Chéronée (!} : 322, 328, 330, ~ Ch8rsonèse : fil.. 121, 254, 420. Chloa : 226, 414, ~ Chypre : 1..13. C1ctnoN : 21.L C1NADON : 225 a., 230, 3.3..8. CHEARCHOS d'Héraclée : 227,
231
IL!, 232 n. !.._ 335, 39.& 1. CLtoN : ~ fili 150, 163 n. ~ 262, 27rl n..
!a 279, 298, 402, 407, .4..1.0.
CLiOPHON : 262, 279, 298, 3.1.L CLl&THtNE: ~ 133, 141, 2.85 n. ~
:m.
Z!., ~ 149, 152. 147, 254, 273, 275, 305, 314, 329, 409 ss., 4.14.. Corcyre : 225 !!a 4..6.6 n. ~ 316 n. 2. Corinthe: 182, 2J..6 n.. ~ 223, 225, 282 n. ;!,. 285 n. ~ 450, 459 n.. ~ COMOM : CoNON :
4.GS n.
!. 4.80..
Corinthe (ligue de) : 296, 301, 439, 447. 4.M n. L 464. 475 a. CNTIAS : 173. 23.l n. !.. 252, 260, 370. 371 n. 2.. CTESIPHON :
268.
Cyrène : 113. 220 s. CYRV& l'ancien : 358, L ~ 384, 393..
.
Décelle :
~ ~
3.75 n. L 383.
181, 1.96 n.
~
408
n. 2. Délos : 233, 420. Délos (ligue de):~ 105. 406 n. L 415, 448, 457, 4..65. Delphes (amphlctyonle de) : ~ n. !.. 456, '60.. Delphes (oracle de) : 4.24 n.. L Dt11tTn1os de Phalère : 7Q n. Zt 137, 140, 171, 181, ~ DtMOSTlltNE : ~ ~ !Q. ~ ~ 78 •. , 80 n. ~ 102, 131, 140, 149, 152, 159 61., 182 n. !. 1.86 n. ~ 187, 194, 209 n. h272ss., 228 s., 283 n. g, 299, 301 s., 309 as., 319 ... , 324, 327, 359, 381, 4.19 n. L 423, 425, 428, 432 s., 440,
™
ss., i60 69., 464,
469, 475 s. l'ancien : 113, 221 a., 230, MO ss., 377, 397, 430, 44Da DENYS le Jeune: 3.4.2.. D1onons de Slclle : 333, 336, 340, 459.. DIODOTOS ! fil.t ll9 D. ~ 121, li9. D10GtNE : 2.1.L DION : 34.3 8., 397. DIOPElTHtS : 278, 311, 321, 424..
4.4.5
DENYS
DIOPHANTHOS : ~ 1.85. 0IPHILOS : 87 n. ~ &l D. !a~
~GINE :
138.
1.82..
tgypte: ll3, 186 a., 317, 4.08.. ~LEUSIS ! ~ n. ~ ~ fil.t ~ 96 H.,
158, 195, 200. Dlde : 2.16 n. !. 450, 457. ~rd:E le tacticien : ;!..!,. 228 ~ 306 D. ~ 333 SS. ~PAMINONDAS : 316 D. !. 339, 452. ~PHIALTtS : 133. ~PHORE : 4.4.5 D. 1.. F!pldaure : 464. 466 n. L ~PITADEUS : 4.fi D. ~ 217 8., 240,
450..
Erechtéion :
~ 9.6 ss. n. ~ ~22:281. 1
280, 295 s., 319, "5 &., 4.76.. Eubée: 3illi n. ~ 4..6.6 n. 2.. EUBOULOS : ~ 12.l n. §, 1.74 8., 22fi a., 283. n. ~ 292 1., 295, 30.6 n. !a 309 s.,3 62. n. L 370, 418, 419. n. L 4.22. ss. EUCRAd:s (d6eret. d'} : 282 n. ~ 39.6 n. L EuPHRON de Sicyone : 226, 335, ESCHINE! 73
3.96.
107, J..64 n. g. 201, 213 8., 252, 349, 373 D. 2. EvAGoRAs de Chypre : 113, 383. 396 ••, 4.4..0. EURIPIDE :
GORGIAS : 427, 4.29. Gortyne:™ n. !.. 219, 229.
HAGNIAS : 50 D. ~ ~ HEGESIPPOS : 459..
fi4..
HiRAcl.ts du Pont. : 207
226. a.' 23.l n.
!. :ru.
n. !r
{!) Ne 1ont pu mentionnées les pages où le nom de Chéronée eat uUlls6
comme repère chronologique.
483
INDEX JliRACLtDE :
Hera la : 4li7..
3J3..
LYSIAS :
HE'Rlll.U d'Atarnée : 396 a. HiRODOTB : 349, 4.26. •• HIHODAMOS de )filet : 167, 20.3. n.~239,~ SS. HYl'BRBOLOS : ~ ~ 163 n. ~
t99, 3.02..
HYPiRIDB : ~
87 n.
~ ~
139.
n. ~ 179, 181, 197, 202 n.. I., 230,
!SI• 4.4.5..
6L
IMBROS:
lPHICRATti:s :
278 1., 423.
m
~9.
n..
315
g.
ss.,
148, 274, 394, 411,
38. 811., ~ ~ 5Q 8.1 54,SG u., 60 n.. !t li,~ 98.n.. ~ 148, 150, 186, 200 n.. !t 208, 219.. JsOCR.ATB: g§.~ ll,~ 122, 124, 17.f, 178. 226 1., 23.4 n.. L 236, 11., 211, 334, 35311., 41118•• 42.5 se., 18., HO. 11., 449, ~ n.. ~ ru n.. ~ .C67, 469, 473, t7.5 ss. ISCBOKAOUB :
™
J'ASON
ms., ms., m
«o..
de Phèrea : 216. n.
~
KBRSODLEPTàs :
LAURION: 85 as.,
w
Da
n.
!t rn
!. 304, 4.70...
108.
105, 1..4.9 a., lS6 s.,
!. aœ. a.,
aœ
27.4. U.
~
328.
Locride : fil n.. L
(Mgislateur spartiate): 203, 207. 218, 232, 337 s., 352, 3.7.5 n.. L LYCURGUE (orateur athénien) : ~ 131, 152, 170, 175, 190. 270, 278 88., n. ~ 293, 295, 312 s., 322 SS. LYSANDRE : 27â n. !_. 30.f, 338 s., 394, f i 8. LYCVRGUB
™
H.,
Macédoine : ~ 114, 129, 256, ru a., 4!51., 45.3. MANTITHEOS : ~ 150, 152, 289.,, )1 arseille : 37.4.. MAUSOLE : l.1..3. Mégare : ill n. ~ 173, 196, 316 n. 2.. 4 62, 4.66. n. 2.. Messenle : 339.. Methymna : 41!. MIDIAS : 87 n. ~ 148, 152 •• , w n. fi. Mytilène : ~ 190, 414.. Naxos: 316 n.. ~ 428.. NICIAS : 81 n. ~ B.8 8., OO n. 181, 194, 401, 407, 409.. NICOCLÈS :
g_. ~
380, 383, 4..42.
Olympie : 43.Q. Olynthe: 11.6 n.. ~"61., 453. 81n.!.88n..l.,
atn..L
PASION : ~ D.. 7-8, 4.6 n. !, 60 n. ~ Mn.~ tQ. ~80n..~ 121, 149s•• 152, 1.68 n.. ~ n. !. 176, 195, 199, 298 8. PAUSANIAS (rol de Sparte) : 259,
3.3.9..
Péloponnésfenne (Ligue) ; Ma ss., lli 8. Pl:RIANDRB : 153, 308. Pl:RJCLts : ~ 105, 114, 133 ... 147, 163, 167, 254, ~ ~ 275, 279, 401, t0.6 ss., ·US, 433, 444,
ru 8.
6L Leonllnol : 4EL LEJINOS:
LBOSTHEtd:s:
'.!!. 7.8. 1., 147,
rn
129, 4.2Q.
n..
~
PANTAINÊTOS: ~
396,
K.\sSAMDROS: l.!Q.. KEOI : 4_52 8. KEPIULOS : 6.9. S., ~ 8Q D.. ~
n. !. 176, 178, 194, 3JL
51 SS,,
122 a., 176, 260, 264, 298 314, 340, 427, !.29 ss. LYSICLÈS : 6.5..
P~rlntho : 5.9 n.. 3. Perse : 121 s., 130, 170. 191, 252. · 349, illl n. ~ 431, i33 ..., 437, 4.il ss., 465, 467. n. L
ru
PRA.INIPPOS :
il. ~ Mi ~ M s.,
mi n. ;!i fil,
1.8.6.
~
107, 149. 181,
Chalcédoine : 20.3 n.. !t 2il ss., 2il. PHrl.t~1orr le comique : 2li.. Pn1uPPB de Macédoine : ~ Ma i§.. 131, 140, 200 n. 1... 22.t, ma., PHALlis de ~39,
LA FIN DE L.A naMOCRATIE ATIIENIENNE
484
282 n. ~ 285 n. ~ 295. sa., 301, 309, 321, 329 s., 339, 312 n. !a 39!i 1., ill n. ~ 420, 423 n. !t ru as., 436, j39 ss., 45.9 n. ~ 460 as., 4..6.4 sa., 469, i l l n. L 4.25 ... PmLOCRATi!:s (paix de) : 321, 4..4..6... Phllous : 223 n. ~ 4.59 n. 4.. PHOCION: 278, 281, 282 n. ~ 2.9.5... PHOIDIDAS : 339. PHORMION : ll.9 &., 121, 168 n. ~ rn n. L 176, 195, 1.98 n. ~ 1..99. PUORMISIOS (décret de): 4.0 s., 141. 252, 2&9, 290. 298, 3.LL PllRYl'UCllOS : 289, 406.. Phylè : 173 n. EL Pirée : ~ ~ ~ lD5 1., llQ s., 116 BS., 121, 167, 2-U, 304, 3261. 1 329 1., 395, 4..19. PJSISTl\A TE : ~ 5.9. n. ~ 105. PLATON : ~ ~ ~ 5.1 s., 60 n. L ~ ~ ~ 83 a., 100, 108, 121, 151, 155, 1M ss., 168, 172 1 •• 193, 192 n., 201 89., 214, 227 s., 234 ss., 2M. u., 255, 260, ~68, 288, 294, 299, 319, 336, MO ss., 3.4.tl ••• 3i9. u., 385 &B., 400, 418, 426, 4.3.6. PoUdêe : 416, 42-i, 4..6.9.. PRAXAGORA : 155, 202, 24.Cl S., 244, 246, 266. Priène : 5.9 n. :L
Rhégion : 457. Rhodes : ~ 225. 410.. Rome : 412 ss. Snmoa: 1..4.0 n. ~ 314, ~ Scillonte : 219.. Scythes : 125, l S.f, lfil> s. Sicile : 170, 22.l s., 230, 232, 314. 3lO as., 382, 408, 428, 4.3fl. Sicyone, 226.. Skyros : fil. SOCRATE : 68 S., ~ fili 85 D. ~ 92 n.. ~ 108, 148, 150, 1.!i5 ••• Ui3 s., 201, 208. 237, 260, 3M n. ~ 382, 3.8i 1. SOLON: 24, ~ 4.6n.~59D.~141, li.3 Ui3 n. ~ 193, 285 n. 3. $t)SJAS : 88 S. Sparte : ~ ~ 4..6 n. ~ 145, 203.
a.,
205 n.
!. 201, 216 n. L 217 ss.,
22S s., 230. ss. 240, 245, 200 ss., 333 ss., 349, 3ss. ru s., m ss., 4.0..1 s., 405 ss., 4.l3 ss., 420, 424, {28 s., 433, 4.3!i 8., 444, j!9 ss., 4.53 s., 4.aZ 8., 4..6..1 ss., 4..66 n.. ~ 461 s., 472, 419 S. 5PEUSIPPOS : 4.A.5. n. L SPJIODRJAS : 339. STEPHANOS : '20. Syracuse:~ 113. 222, 230, MO 89., 377. 397. 428. -t30, 472, 480. Tarente : 130, 392. Tauromenion : fil! n. 3.. Têg6e : 223 n. 2.. Ténos : 229.. Thasos : 466, 4.28. Thèbes : 216 n. L 223, 312 n. ~ 373, 411 n. ~ 4.20 n. !a 424, 428, 435, 444, Ha n. g__. 450, 452, 4.M n.. !a 459n.. ii 462, 464, 4..6li n.. ~ 468. ms. TutMJSTOCLE ; 105, 167. ~ THEOPOMPB : fil n. L THtRAMÈNB : 8.L ~ 25~. 260. 290. 293 n. !t 3.68. s., 311 n. g. 4..6.6 n.. 2.. Theselon : ~ 196.. Thessalie: 202 n. L 219 s., 231 n. 1, 452. Thouriol: 241, 4JlB. Thrace:~ W n. L 114, ll6 n. ~ 125 ss., 140, 170, 190. 255, 421, ill n. ~ 439. 4..53.. TJJRASYBULE : 173, 197, 20!1 n.. L 230. 25.!l s., 29..2 n. ~ 299. 305. 316, 329, 4.09. ss., 414, .4.A.9.. THRASYllAQVE : 350, 3.2L TnucvomE : ~ 105, 112, 181, 254, 262, 3~ "°2ss., 418, rus., LU. TnrARCHOS: fil.a 149, l..8l. n. ~ l!lJ n. ;!. 2GS, 274, 280, 2.9.9. TrnoL~O:'f : 222, 31.,1 s. TUIOTUtos : 147, 150. 25.f. 27' s., 305, 317, s., 411. 414. 417, 41!1 n. !, 423, 431, 4.33..
™
X~NOPJION : ~
:.rz ss., 1.L ~ ~
[l. ~ 9Q ss., ~ 101. 1.23 1., 145, 1.5.l s., 1M ss., 174, 189, 208 ss., 214, 219. ss., 252, ru a., m s., 2~4. ao 1. aos. 3.1.!l
™
INDEX
485
n. ~ 3.3.3 ss., 337, 3l9. ss., 418 ••• 426, 43A n. ~ 437, 449, 4..68 s.
JI. 300.~
Agoranomol : 9..6 n. 2.. Alsymnêles : 31..6.. Amphlctyorue : i l l n. L Anasaxlma : 8.6 s. Andrapoda mJstbophorounta : M n.. !a "1L Andropodistol : 1.90. s. Andrapodokapelol : mL Antldosls : 153 s., 301. Apophora : fil n. 2 et !a l.9J s.,
2illt n. L
ApoUrnerna: ~ l.!i3.. Archontes : 280, 311.& Aréopage : 280 ss. Arkhel (magistratures) : 143, 269, 351, 359, 361, 365, 374, 4..ao.. Arkhè (exercée par Athènes sur ses olllés): 4.0.Q s., 404, 410, 417. Aslynomol : 9..6 n. 2. Autourgol: ~ 66. Banausol: Th~ 1.62.ss., 177, 3..62. Boulê : 100, 2.63 2.8!i n. ~ 4..lD.. Brasidlens : 23.L
ss.,
Chôris oikountes : ~ 73, 9.1 n. !. rn n. ~ 1ss. 194, 2illl n.. !i ~ Claroles : 212 n. !. 219, 229, 232. CJérouques : 2.5. n. !i fili 105, lJD n..~ 254, 305, 401,404, 416, 424, 435, 439, ~ Cosmête : 326.
Cryplle : 23.0a 135, 145, 167, 325, ~ Démocratie : ~ 1..3.3. s., 146, 173, 1so, 215, 225, 237 s., 265. 297 as., aso JL ~ 36Q 88., 398, 401, 405, 408, 410, 413, 424, 437, 468, 41..9.. Dêmos: 133 s., 137, 14.f, 178, 215, 237, 251, 256, 262 ss., 301, 331, 3fil s., 363 ss., 381, 395, 407, m ~ 469, ru a. Dikal emporlkal : 116 n.. ~ 212 n. 3.
ma.,
2.. Uft
S,
INSTITUTIONS
Agora : lil2 ss., 13·1, IGS, 188, 266.
Dèmes:~
ZACYNTHE : 46.6 n. ZENOTHE)llS ; 113,
Dikè apostaslou : l.8!l n. Doklmasle : 2.6L
~
1.98 s.
Ekklesia : fil!.t li3 s., 157, 263 ss., 285 n. ~ 300, 395, 3J1 n. 1 (à Sparte). Elsangelie : 2.3.B n.. ~ '264, 285.. Elsphora : 4.8 n. ~ 168, aot: 6&., 406, 412, 442. Emporol : 110, l..llL 122, 176, l.OOa Enkll-sis : 46 n. ~ fil, 1..68. s., 175, n. L 4S3.. tphéhle : 322 SS. ~phores: 337, 339, 4.5.L eptclères : 145, 217, 32.5 n. 3.. ~plgnmle : 118 s., 4..53.. tplmelêles : l.fil... Eplstatal : fil!t 9.6 s., 9.9. Ergaslma : 8.6 s. Esclaves : ~ ~ s., M u., fil, 69 ss., 76 ss., 82 ss., 89 sa., 9.8 as., 1..03 ss., 114. 134. 139, 141, 145, li.B s., 15'2, 1..6.Q ss., 170. 172, 177, 17D ss., 2..1.9. ss., 2.21 89., 240, 242. B., 248, 253, 256, 313, 370, 378, 397, 405, 439, Ethnos: 45'2, ~ n. L Eupatrides : ~ 105, W.
m
m •.
Genos : 1.35 s., 35..6.. Gerousla: 337, ~ Grapbè paranomOn : 179, 2.68. Graphè xcnlas : lB.9. n. 3.. Hêgêmon : 433, 440, i l l n. ~ 40, 467, 469, 416. Héliée : ~ ~ 144, 282 ~ 300.. Hiloles : 203 ss., 219, ~ n.. ~ 228 ss., 246, 256, i l l n. L 4.5..0.. Hipparque : 313.. Hoplite : ~ 143, 146, 1..62 n.. ~ 168, 171, 174, 246, 25..1 a., 290, ru s., n. ~ m s., 368, 4fili.. Horol : ü ss., M.
m
l&otélie ;
~
113 n.
~
118a
486
LA FIN DE LA DtAIOCRATIE ATJitiVIENNE
Kapelol: 107n.!,109 s., 118, 177, 1..90... Klllyrfens : 230, 2.3.3.. Koinè elrenè : US n. !.. iM ss., 4.M 69. Koinon : lli n. !. 452, ru n. L 462, 4.6.6. Liturgies : 48 n. §, ~ 148, 153, 168, 176. 305 as., 3.25.. · llarfandyniens: 219, m n. L 23.1 n.L li ercenairea : ~ fil, 162, 168 n. 12.. 123 a., 221. 232, 21>&, 306 n. L 315 ss., 334, 338, 3.4.1 ss., 379, 41.5 .... 438, m. Métèques : il. ~ 69. as., 8.2 s., 88 ss., 9.8. as., 103, 122 ss., 132, 134, 139, 141. 145, 187 81., 181, 191, 20.4 n. ~ 206, 232, 305 n. Q.. 313. 3l!l •• , 431, 4.39... Metoiklon: 161 s., 171, 118.
)liaLhos :
Z!.t 1..5.7. 11., 2M, '279, 40.(,
&S., 303, 4.l1 (mlslhos ekklesiasUkos), li.tl n. ~ 283 (mlsthos heliastlkos). )fl1thosis oikou : 49 n. 5. l\llathotoi : ~ )lothaques : 230. l l i (en général), 2.6!i
uz.
Nauklerol : 110, 118, 120, 122.. Naupêgol : 10.L Neodamodes : 225 n. L 2.3L Neopollt.al : 230, Ml (à Syracuee), 3BZ. Nomos : 350 ss. Nomothètes:~
Oiketal : li7 n. ~ 120 n. ~ 194, 2DJ n. 2. Oligarchie : ~ 223 n. g. 225, 237 s., 264, ~ ss., 35n n. ~ 3fil} ••• 368 as., 398, 408, 445, 449. Orgeones ; l3Q. Paldela : 357 s. Palladlon : 1.93.. Panhellênlame : 190. 398, 4.13 1., œ a., 125 u., 4.M 1., 460, 4..68. Penestes : 219 1., 229. n. ~ 23.1 n. 1,
m.
Pérlêques : 22.5 n. lli n. L
~
244, 370, 434,
Phratrie : 135. s. Polémarque : 161. Polèles : 42 n.. ~ 4.6 n. ~ ~ 81 n. ~ l..D8. Polis : 23 ss., ~ 134. ~20, 234, 353 ss., 3.98 o. la 425, 4.3.8. n. g, 4.M n. !.. 461, 463, 468. m. Polltal : ~ 135 ss .• l 43, l6n u. Politela : ~ 40 s., 1ü as., 146, 1.2!i o. !.. 23.6 s., 2.il 89., 2.4.B ss., 314. 331, 340, 353, 359.ss., 3M ss. (pat.rios politeia), 3.69 s., m a., 381 ss., 398, 406, 427, 453, 473. Politeuma : lli n. ~ li.. Proeisphora : 307 n. ~ 41.6.. Proslatès : 1.67. Proxenol : 17.9.. Prytanes : 266. Sitophylaques : 5.9 n. ~ ll7.. Sophroniste : 325 s. StraUotJka : 309 s., 321 n. 5. Stratèges: li.219•• 162, 168. 27319., 313. 315. s., 32.6 ••• 335, 407. 4.10 a., 415 s., 435, 442. 444, 471. Sycopbantes : ~ 269 1., 289.. Symmachie : MS n. L 404, 415, 4..4.8 n. !.r 449. 4.M n. Lü.& i l l ss., i23.. Symmories : 222 n. §., n. !.r 307, 3.27.. Sympolille: üS n. !t i l l 1., il9. Synedrion : il.5 (Confédération athénienne), 4M n. L l i a. (de la ligue de Corinthe). Syntaxels : 305, 3.1.ft
ss.,
m
Taxlarque : 313.. Theorikon : 1S.8 s., 250, 268, 272 n. ~ 278, 300, 303. 3..0.6 IL L 3.Q9
ss., ru..
Thêtes : ~ 139 ss., 143, ü5 a., 165, 29 l, 32.4 n. 2. Tblase : l.3fi a., 1.70.. Trapèzlte : ll2.. TrférarchJe: 87 s., 145, HZ as., 153, 168. 313, 3.28 ss., 406. il.6. Trleropolol : 1.00.. Tyrannie : 105, 220 s., 232, 238, 335, 3.4.0 ss., 361, 377 as., 398 as., 41 s. 412.
ru •··
Zeugltes : t5 ss., 14.6.
INDEX
487
TERMES ET EXPRESSIONS NON TRADUITS.
u;(V[':'i:U ! 22.
-rpoq>~ : ~ W ~
XtPvil'rot\ :
~
!!a 1..95.
X?twv cir;oxo1t"li : 224, 238, 3.79...
III. -
TEXTES DISCUTgs ou COMMENTgs
ARISTOTE.
Polllique :
!. !t !t !t b II, li, U, II, Il,
!.. 4 (1252a 30-34) • 3 (1253 b 20-23) • ~ & (1253 ~ 7 (1254 a 14-15) • ~ 13 (1254 b 20-24). ;!.. !l (1261 b 33-35). ~ 3 (1263 a 9-10) • ~ 3 {1263 a 10-11). ~ 5 [1263 a 22 ss.) • ~ 8 (1268 a 17-25). ~
bru . .
2lDa 2.1.0. 2.1..2. 2lL 21.L
2A.5a 2.4..5.. 24..6. 24..5.. 242,
2A:L 111, L 1 (1274 b ;!fil • • 359. III, ~ 4 (1275 a 26-27) • li.3. n.L 111, ~ 1 (1271 b 381278 a). U.3. n. !l. Ill, ~ 2 (1278 a 6-8). ~ 1.6.5. Ill, ~ 3 [1278 a 20-211. l.Ji5. III, ~ 1 (1278 b 8-10) • 35.9. Ill, ~ 1 (1278 b 11-13). l l i n. 2.. Ill, !a 7 (1279a W . . 355.. III, ~ 13. (1280 b 30-35) • 3fili. III, ~ 4 (1281 a 401281 ~. • • 365. III, ~ 1=2 (1284 a Z. !.!} • • • 389. s. III, !Q. b2 (1285 b 20. ;!fil • • • 376 s. Ill, !L 12 (1288a 15-19). 392a IV, ~ 2 (1325 a 18-30) • 378. IV, ~ 1 (1327 b 29 ss.) • 4.3.8 n. 2..
IV, 'b 5 11328 b 20-24) • 3..5.5.. IV, ~ 2 _1328 b 411329 a ~ • • l6J.. IV, ~ 9 ( 1330 a 32-33) • 2.1.2.. V, ~ 2 (1337 b 14-151 • 1..65. VI, !.. 3 (1288 b 31 ss.) • ~ VI, L 5 (1289a !.!} •• 3.67. VI, !.. 5 (1289a ~ • • ~ VI, !t 6(1289a!fil •• lJ3a VI, ~ 15. (1291 b. 6-8; ~• • • 236-'237. VI, ~ 2 (1291 a 17-22) • ~ VI, ~ 1 (1295 a 30-31) • 249250,
VI, ~ 7 (12951130-32) • VI, !.!.. 5 (1298 a 28-31). VU, !t 9 (1317 b iQ.l • • VII, ~ 4 (1318 b 9-15). VII,;!.. 4(1320a3B) •• VIU, ~ 11 (1303 b 3-7}. • VIII, 'b 7 (1308 b 12--14). VIII, ~ 6 (1310 b 40· 1311 a ~ • • Alhenalon Polileia : 2. • • • • • • • • • • I qus d Nicomaque: IV,!.. 6:2 (1120a 5-6). Rhllorique: !I fi (1361a17-18). • • • •
11·
250. 263. 2.6.5. inj.
250a 239.
3..67...
380. 26.1. ~
2..4.0. l::conomlque : 1 ( 1344 b 1.5 ss.). • • • • • 213. DtJ.IOSTHtNE.
IV, 1.9. IV, 2.3. IV, 3..6.... VI, 2s... • •
• • • • 320. • • 320-321. .209 n. !..; 320.
• • • • 295..
LA FIN DE LA naMOCRATIE ATII11NIENNE
488
VIII, 21... • JX, ~ • IX, ~ • IX, an. • IX, 70... • IX, 73=74... ·X, a . X' :Ci. • XIV, 32... • XVII, 13. • XVII, 15. • XVJll,5.1. •
• • • 3.11. • • • 4.61.. • • • • • :4.63..
• . • • . 4.6.l. • • • 322; 462. • • • • • 4.62... . . . . . Ui9.. • • • • • 311. • • • • • il.Z. • • • 282 n.. 3.. • • • • 224 s. • • • 5.0.n..3.
XIX. 259 •
• • • 4..4..6.
XIX, 2.63. • •
• • '53.. • • • 5.8 s. XXIV, 1..4.9. • • • • 285 n.. 3. XXVII, 9 • • • 301 n. L XXXIII,~- • • • • • • ll.9. XXXIV, 5:7.. • • 1.2.Q n. 5.. X.XXIV, 8 • • 1.2.5.. XXXVII, 22.. • 8.6 n. 2.. XL, 5.2.. • • 86 n. 2.. XLII, 1 ss. • • 153 n. 6. XLII,' • • lM.. XLII, 31. • 65.. XLVII, 5!i as. 1..98 n.. 3.. LVU, 3.fi. • • • • • • lllll. • • LVJI, 4.5.. • XX,~.
JsOCRATE.
115-116 • 166 • • • • • • • • • • •
22. 255.
122 • • • • • • • • • 456 n.. 2.. • • • • • •
Plalalquc: 411 • • .. • • Sur la
25.5...
50n.3..
Pa~:
u . . . . . . . . . '.
2.9 • • • • • , • • • • • 4.6. • • • • • • • • • • • ~ • • • •
• • • • •
Panalhlnalque :
. .. ..
...
224 n. 1.
. .. ... .. .. .. . .. .
421. 422. 395.
259. • • •
Philippe: 9 • :{{}
434. 276.
•
lD7. •
• • • • • •
. . . . . .• .. .. • 1M.. . • • . . ..• 120..122
l28-12D •
4ll. 4.1..2. 441.
Trapliitique: •
lll5. n. 6.
A Nicodè.1: 29 . . . . .
.. ......
383.
. ..
39.1..
1.4. SS.
•
•
Nlcocll1:
13. • • • • • • • • 15.. • • • • • •
. ..
24... ••
381. • • 39.2..
Ltllre: III, 5 •
• 4.22..
Lvsu.s.
Panigr;rlquc : in.a • • • • • • • I 142 L 3a
182 • • ..
Sur r8changt: 57 • • • • • • lil3 • • • • • • •
292. 4.17. .4..16..
318-319.
5J • • • • • • • • • 4.13. 13.4. .. • • • • • • • • • • .420... U2.
... . . . . ...
Arlopagllique : Ili • • • . • • • • • • •
29.2.
Il, 57 • V, 5.. • • • VI, '6 . • XII, tl2 •• • .. • XVIII, 1•••
xx.1s ..
• •
431.
• • 1.86. • • • ..
• • • .
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W. 141 18.
• • 1.li6. XX, 33 •• • • 111. XX II, ll:.12. XXII, 2.Q •• • • • • • l.18.. xxrv. 9 ••• • • • 1..53 n. 6. 14.2.. XXV, 3••• • • 289. XXV, 8; Il •• XXV, l.D • • • .. • 27.0.. XXV, 30 •• xxvr. 2. • • . • • 282. XXVI, 19·20. • • • • • 288. XXVII, 1. • • • • • • • 284.. XXXIII, 4. • • • • • • • 430.. XXXIV, 4:.5... W as., 3.li n. ~
JNDEX
489
zu Alcibiade : 122 d-t• •
..... . '
.. ... . .. . . .. .. • . .• • 422e . . . . . . . . b • . 499 b·e. 550 ..• 651 d . . . . . 656d • . . . . . 658 c: . • • • . . • . . . 665 a-b-e. . . . . 497
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566 a ss •• Politique: m d-c• • • • • • 300
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157. 7fi. 236.. 3B.L 382. 312.a 23..8.. 235.
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238; 31.9. 38.6 s. 387-388.
3.Dlc . . . . . . . . .
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II 1, ll:.10. • IV, l SS. • • • • • IV, G • • ••• IV, 1.2.. • • • • • • • IV, U . . . • • IV,!Z . • • • • • IV, 2.1. • • • • V, 4 • • . • •
3filL
GA.3 e 846 t • • •
91 n. 5... 208 ss.
4.J n. l. 88 n. 3.
OO. SSn.3..
90. n. r, ll5...
AUTEURS DIVERS
Lois:
Ltllre VII: .332 c • 3.3.3. a • • .
3.90 n.. 2.
. .. ..
. ... ..
Gorgia1: t83 b-c. • • Rlpubllque : 3..3.8 e • • 3..6U b-c. 311 t • • 313c • •
« n. 3.
XX, 22 s.••• XXI, 10 • • • •
PLATOk,
ANDOCIDE.
lll,
.. .. ..
456 n. 2.. ill.
ANTIPHO~.
Sur la Vlrill: Frog.
XbfOPRON.
Agulla1: VII, 2 • • •
... Anaba.te: ~-· . . . . . . .
u. . .
III, 3G ••
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.. .... . . . ARISTOPHANE,
vu, •...
rus.
.Assemblée dei Femmea: V. 137-13!) • Gutpe1: .. V. 1007 .• •
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Cgropldie:
!J ~
18• • • • • • J, 6. 21 • • • •
VIII,; 5 • • • • • • • •
VI, 26.3 t.
22.9 n. a.
DENYS D'HALICARNASSE.
8conomlque : •
Lysia1:
X 1, LO. • • • • • • • • 1..5.5.. XVI, li . • • , . . ~
Discours XXXIII •• Discours XXXIV.
• • •
4.3.Q..
füUL
490
LA FIN DE LA DSlilOCRATIE ATHSNIENNE LYCURGUE.
XV,~
1. • • • • • • • 4.5.9.. 4. • • • • • • • 4.15.. 4 • • W s.; W n. 2.
XV,~ XVIII, ~
C. LéocraU1 : 4 • • • • • • •
PLUTARQUE.
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!., 132. • • • • • • • • • 11, 27.. • • • • • • li, 3Z. • • • •. • • • • • • • • !!.. 22. ...
27L 265.. 3.3.0. 266.
Il, w. • • • • 295... JU, 25... • • • • • • • • • 228. III, 26. •• • • • 272 n. '2; 27.8. Ill, 7CL •
• • • • • 220.
• • • • • •
Plioclon: 28:. • • •
......
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THUCYDIDE.
VJ, !Z 2 ss. • • • • • • • 22L
322.
Ill, 1.96 •• • • • • • • • 27L, IJI, 22.Q • • • • • • • • • 22.2.
Ps.·XiNOPHON.
Rlpubliqu' du A.lhtnien1 : L Lh.12 • • • • • • • • •
EURIPIDE.
Ion, v. 854 ss.. • • • • 213. v. 1381·1382 • • • • • 213.
12.9..
INSCRIPTIONS
HARO DOT B.
VIII, W. • • • • • • • • 4.26.. HYPtJUD&.
L 1•••• • • • • Il, 2 • • • •
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V, 31l • • • • • •
•
1. G., 111, 1.23. • • I. G., Ill, 1.21. • • • • 1. G., JJI, 236. • • • • 1. G., IP 1672 • • • • Tod, Il, n° l1lO.. • • • no 1.08 • • • • n• 123, L 2L • n• 144. L 3Q,,,3l n• 177, L 1.4. • Pouilloux, n• 32.. • • •
• • l.3.5.. .26 n. 8.. • 4.6! ss. • 58 a. • • 115.. 3J2 n. 3a • • 359. • •
282 n. 3.
TABLE DES
MAT~ Pages
Ay.&Nr-PaoPos • • •
. .
B1auOCBAPBIB.
.
• •
OaA.TBURS ATTIQUES •
Anniyu.Tro:«s . IrrrnoDUCTION •
.
.. .
.
. .
.
... •
i 5 • • • • !
•
•
•
17 22 23
PREMitRE PARTIE
LA CRISE SOCIALE ET ÉCONOMIQUE 1. - Lu conditions ginlralea ds la production st du icAangu en AttÎqus au IV• siècle. • • • • • • • • • •
35
A) La production agricole • • • • • • • • • • • Les techni ues. • • • • • • • • • • Le r~me de la propriété. • • • • • • • •
36
~volution du régime de la propriété ••
43
. . ..... . Les aetita métiers. • • • Uin~strie textile . . . L'industrie des métaux. L'industrie du cuir. . •
..... . .
.
. . . . . .
Les travaux ~=bJics • • • • • • • • • • •
36
40 41
54 66 67 72
75 77
81 82
85 96
101
C Le commerce athénien. • . • • • • • • • • 105 e petit commerce. • • • • • • • • • • • i07 Le grand commerce • • • 110
....
492
LA FlN DE LA Dlli\JOCRATIE ATHtNJENNE Pages Produits . . . . . . . . • . . Organisation • • • • • • • • • •
Les marchands et les banquiers . •
H2 118
121
123
L'évolution au ne siècle : Je déclin .•
II. - L'éyolution dei rapport1 aociatiz en Attique au IV• 1iècle 133 A Les cito ens •. • • • , • • • • • • • • • • 135 on 1t1ons accès à la citoyenneté. . • . •
137
Les riches . . . . . . . . . . . • . . .
147
Les ~auvres. • • • . • • • . • • • • • • 155
160
166
B Les rnétè
....
...
167
170 t?l
175
Rôle dans la vie sociale.
179
C) Les esclaves. • • • Activités
181 185
Condition •uridi ue .
189
Nombre • . . • .
193 Affranchissement . . . . • 196 Situation morale et théories sur l'esclavage. 199 Sta_it . . . • .
Platon . , 202 Xénophon et Aristote • • • . • . • • 208
I 11. - La crise économique d sociale dam le ruts du monde grec. 216 217 A) La crise agraire . . .
..
Dans les îles B L'évolution des ra
217 221
orts sociaux.
222 • • • • 224 228
IV. -
Lu théoricieru en ace de la crise
et de riné ale • • . • • • • 234 . • • • 239
IOCÜÙB
répartition u rie su •. . • • Position du problème • A
. .. .. .. . . .. . . .
493
TABLE DES MATIÈRES
Pages
21a
Phaleas . . . . . . .
.
242
. 243
Critique d'Aristote. • • 245 B) Le rétablissement de la classe 1 moyenne» • • 247 Les Loi.a de Pl.at.on. . . . . . . . . . • . 248 Aristote et le gouvernement de la classe moyenne • • • • • • • • • • • 249 La c République des paysans 1 • • 251
....
c
253
....
1t1onne.
DEUXl~ME PARTIE
LA CRISE POLITIQUE
1. - La cri11 intérieure à Athènes : la aillite
La Boulè et l'Ekklesia • Les orateurs. . . . . .
...
2 263
...
269 273 278
263
280
287
B La lutte des c artis • • • • ompos1t1on-. • . •
. • • . • • 288
291
293 « ~~~ie~ oli~a~chi:ue et : p.ar~i ~ ~acé~ 295 Le c arti • démocrati ue. • , • • . . 297 301 C Les roblèmes . • . • • • • • • • Réformes financières. . Démosthène Conclusion .
..
• •
303
307 310 312
494
LA FIN DE LA Dt!t10CRAT1E ATHtNIENNE Pages
Le problème militaire • • • • • Les mercenaires. • . . • . La politique de Démosthène La réforme de éphébîe Ili Hotte • • . . • , , . . Conclusion . . . , , • • ,
r
.
.....
.... .. .... ......
313 314
320
322
328 3.'U
333 333 336 340 345
Agathoclès • • • • • •
III. - Lu thioricûru et la crû" politique. • • • • • • • 348 A Position du roblème: la Polit~ia et les lois •• 348
La Paideia • • • I.a Politeia . , . . .
0
357
•
....
'f o l,a démoc tie • • 20 L'oligarchie • • • • • • • • • • • • • L'olt1trchie modérée•• • • • • Les tiêmistes. . . • . • Oligarchie et ploutocratie. • • • • • • • 30 Les tendances monarchistes dans la pensée politique grecque du ne siècle. • •
Ü8
360 362 368
370 371
375 378
L ~&f
:f:: p~~b~~ e~ l~s ~e~d~n~e~ ~o~a~
393
Théorie et réalité . , , , , . , , , , .
396
1
IV. -
359
échtu de la oliti r ~
UIJ
eztéri1ure cr AtlzènH: la n d1
La faillite de l'im érialisme athénien • • • Nature de r1mpériahsme athénien. • • • •
® 401
Le • parti • impérialiste. • • • • 409 Le PanlgyrÎqua d'Isocrate. • • • • • • • • 412
TABLE DES lUATIÈRES
495
..
Pnges
..
414 416
B) Fédéralisme et panhellénisme. • • • • • 10 Le sentiment panhellénique : fondements
425
La seconde confédération maritime. .
et expressions. • • • • • , •
Les discours olympiques.
423
426
• • . • • 429
Gorfrlas • . • • • • • . • • • . • 429 429 L~s1as. . • • • • • • • • • • ,31 li: cratc . , . . . , . , Réalité du sentiment panhellénique • • • 436 Isocrate et Philippe. • • . , • • • 439 447
20 I.es tentatives et les échecs
Les fédérations de cités . . • .
448
451 453 La li~e chalcidienne • . • • • • • ,55 Les traité de kôinè eîienè . 457 La paix du Roi. • ••• 1..a c nié éra on béotienne.
458
Les autres ~aix. • • • Les efforts de D mosthêne .
C0Nc1.1111o!'f • •
•
• •
INDEX • • • • • • • • • •
l. Noms propres. Il. Institutions. .
•
,
.. .... .. ' . ... .. . . . . • •
111. Textes discutés ou commentés
,
.
.
461 464 468 470 481 481 485
'87