financière, La crise, qu r V e s i pa seulement économique mis à nu ces mécanismes pervers qu r é g i s s e n t aujourd nui le f o n c t i o n n e m e n t de la Cilé. S'il faur s ' e m p r e s s e r de le révéler, fort p o s s i b l e q u e bientôt, attendant c'est p a r c e qu'il une nouvelle crise de plus grande ampleur e n c o r e , r o u t r e d e v i e n n e comme avant. E n t r e - t e m p s , nous a u r o n s m e s u r é l'ampleur de dégâts. Nous vivons dans un univers qui a fait de l'égoïsme, de ntérêt principe p e r s o n n e l , du s e l f love, on principe premier. commande désormais tous les comportements, ceux de l'« hyperbourgeoisie » ou des bander de jeunes délinquants comme ceux des classes intermédiaires. Destructeur de l'être ensemble et de l'être-soi, nous conduit vivre dans une Cité perverse. Pornographie, égorisme, contestation de toute loi, acceptation du darwinisme social i n s t r u m e n t a l i s a t t o n de l'autre notre monde est devenu sadien. îl célèbre désormais l'alliance d'Adam Smith et du marquis de Sade. l'ancien ordre moral qui commandait chacun de réprimer se pulsions, s'est substitué un nouvel ordre incitant le exhiber q u e l l e s qu'en soient le conséquences. Revisitant l'histoire de Pascal, Dany-Robert Dufour la p e n s é e , jusqu'à saint Augustin éclaire notre parcours. Afin de mieux savoir comment sortir de nouveau piège piège (a)mo ral. ce nouveau
Dany-Robert Dufour QJ OC
Libéralisme et pornographie
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Dany-Robert Dufour, philosophe, directeur de programme au Collège international de philosophie, professeur en sciences l'auteur de nombreux de l'éducation à l'université Paris-VÏII, ouvrages, dont Folie et démocratie Gallimard, 1996 ), L'Art de achève bien les hommes réduire les têtes Denoël, 2 0 0 3 ) , (Denoël, 2005) Le Divin Marché Denoël, 2007).
JIATIONS .denoel.fr
10.09 ISBN 978.2.20726120.0
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sujets sont bloqués dans u n f o n c t i o n n e m e n t pulsionnel. Il sera alors bon que le psychanalyste se souvienne que^our Freud, la pulsion se présente comme une lamelle à double face, s o m a t i q u e psychique (voir définition fragment 299). Dans le motions normales, la décharge énergétique s'inscrit p s y c h i q u e m e n t , sous forme d'une marque mnésique enregistrant le plaisir ou le déplaisir disons qu cela fonctionne comme une entaille sur le manche du couteau qui a servi tuer l'animal, c'est ne encoche, ne lettre, disons d'autres et faire disengrarnmage » qui peut s'articuler cours. Mais dans l'ex ploitatio n industrielle, il y a comm e un pompage direct de l pulsion, le sujet voit alors son corps, à l'instar du s u j e t sadien, de façon apathique. Ce qui signale décollement, ne dissociation de la pulsion. Autrement dit, le q u a n t u m d'énergie libidinale prélevé sans produire d'inscription psychique. C'est alors une s o u f f r a n c e psychique inédite qui se fait j o u r , m e t t a n t e n j e u d e p u i s s a nt nt s mécanismes de désubjectivation et de désymbolisation, qu ne sont pa sans rapport avec rapathie sadienne déjà évoq u é e et que nous allons retrou ver ( c f . f r a g m e n t 292), consistant à s'inscrire non plu s dans la loi de la cu ltur e, mais à s'en rem ettre à la la loi de la nature.
Aujourd'hui: La Cité perverse
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C e t t e é t u d e st centrée, on l'aura compris, sur le bascul e m e n t d e l a Cité classique classique en Cité perverse — ques tion u r g e n t e à n o t r e s e n s p u i s qu qu e c e r e t o u r n e m e n t e s t e n t r a i n d'entrer aujo urd'hu i dans une phase décisive. décisive. Mais comm ent définir ces deux Cités l'une l'une par ra pport à l'aut re? — ce sera l'objet de cette ultime partie. Conce rnant la Cité classique, oh p o u r r a i t dire que c'est un Cité qu obéit à des lois créées par les hommes pour échapper aux lois de la nature ~ la question est si essentielle qu'elle a occupé une place centrale dès les débuts de la philosophie, philosophie, puisque Platon y aura consacré deux études décisives: La République Les Lois. peut dire ceci ceci d ' u n e façon b e a u c o u p p l u s m o d e r n e e t m ê m e f r e u d i e n n e : une Cité classique est composée de névrosés qui croient qu'il existe existe un Maître à qui ils doivent obéir et de qui ils sont persuadés qu'ils tienne nt leur existence. Pour que cela fonctionne, il faut et il suffit qu'au moins un se prenn e pou r ce qu'il n'est pas: le M a î t r e , et que les a u t r e s le croient. On p e u t le dire encore, a u t r e m e n t : le Maître e s t f o u e n tant qu'il prend pour c e l u i devant qui les autres doivent s'agenouiller, c'est-à-dire courber l'échiné. l'échiné. Il est fou , mais personne ne doit le savoir c'est pour cela qu'il y a de Tin-conscient, au sens littéral d'Un-bewust: « i n - s u » . Toutes les éventuelles incohérences incohérences 27
du Maître seront mises au compte de mystères inaccessibles au c o m m u n . De cette définition de la Cité classique, on peut déduire celle de la Cité perve rse : c'est un Cité quis'emploie à remettre au premier plan le lois de la nature. Ce qui peut également se dire de façon moderne: le fonctionnement pulsionnel sera alors privilégié sur le fonctionnement symbolique. Est-ce
dire en ce cas que tous les habita nts de cette Cité deviennent pervers? Non, nous avons vu dès le prologue q u ' u n e Cité pouvait devenir perv erse sans que les individus qui la comne suivent nécessairement le même chemin. Il suffit en effet que la Cité perverse mette en place une «sélection naturelle» des habitants les plus aptes à suivre cette pente. La pression sera alors si forte sur les individus restants que, m ê m e no pervers, ils se trouveront contraints d'adopter de comportements pervers. Cette remarque conduit supposer que, dans la Cité perverse, il peut exister de (nombreux) névrosés comportement pervers pervers 21
Nous venons donc de rencontrer trois t e r m e s : névrosé, pervers et fou ou, de façon plus savante, psychotique. Avec ce trois termes, nous avons fait le tour de différentes positions subjectives possibles, telles qu'elles s'énoncent depuis Freud
Et nous sommes en train de nous apercevoir que, si elles servent caractériser l'être-soi, elles elles peuve nt aussi être très utiles pour décrire l'être-ensemble tel qu'il se révèle dans la Cité des hommes. Essayons donc de bien différencier ce trois positions. Partons de ceci ceux qui nous intéressent ici ne sont pas des pervers, des névrosés ou des psychotiques en soi ou par nature. Ce qui nous intéresse ce sont les énonciatïons perverse, névrotique ou psychotique c'est-à-dire de formes discurparlent, sives dans lesquelles les sujets, du fait même qu'ils parlent, 1. Voir les différents textes de Freud réunis dans le volume Névrose, psychose et perversion (PU£; Paris, 1999).
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peuvent se trouver pris, autrement dî prisonniers, pour un temps plus ou moins long. Plus exactem ent, jusqu'à ce qu'ils soient délogés de la position qu'ils ont cru être obligatoirement la leur. En ce sens, on peut donc dire qu'on n'est pa au sens où on ne naît pas — pervers, névrosé ou psychotique. On n'est rien de tout cela pa nature, mais pa culture. le très-bas et le Très-Haut
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n'est rien de tout cela pa nature parc que la n a t u r e est ce do nt nous, les hommes, manq uons le plus. Nou s naissons en effet prématurés. Pour ceux qui en dou teraient, voic quelques preuves de la p r é m a t u r a t i o n de l'homme la naissance cloisons cardiaques non fermées, immaturité postnatale du système nerveux pyramidal, insuffisance des alvéoles pulmonaires, boîte crânienne no fermée (ce qui explique la développées, fontanelle), circonvolutions cérébrales à peine développées, absence de pouce postérieur opposable, absence absence de système sans pileux, absence de dentition de lait à la naissance compter, chez le hommes, la très regrettable absence d'os pénien à la naissance qui pourra éventuellement être douloureusement éprouvée plus tard... L'humain est donc un être à naissance prématurée, sujet à un très long mate rnage, incapable d'atteindre so développement germinal complet et cependant capable de se reproduire et de transmettre ses caractères de juvénilité, normalem ent transito ires chez les autres animaux, îl en résulte que cet étrange animal, non fini, à la différence des autres anim aux , doit se parachever ailleurs qu dans la première nature, c'est-à-dire dans un seconde nature, généralement appelée culture. On n'a pas attendu notre époque pour s'apercevoir de cette faiblesse de l'homme. J'ai essayé de montrer dans un travail antérieur qu'il existe un grand récit, courant tout au long de la civilisation occidentale, fondé sur cet inachèvemen t originaire de l'homme. Plus même, on sait aujo urd'h ui qu toute la métaphysique occidentale, qu'elle procède 1. D.-R. Dufour, On achève bien les hommes, Den oël, P aris, 2005. 2005.
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d'Athènes ou de Jérusalem, fait de la détresse de L'homme à la naissance et dans la prime enfance le point de départ de l'aventu re humaine. Il se trouve que ce récit des origines se f o n d e sur une raison dans le réel: depuis le début du xx siècle, les anthropologues parlent, pour évoquer cette prématuration, de la néoténie de l'homme 22 C'est donc par là que tout comm ence, ence, avec un être nul et no advenu, incapable de se débrouiller — rappellerai le très-bas. Freud, pour sa part, avance ici le terme de la Hilflosigkeit humaine, qui se rapporte à la détresse originaire
de l'homme. Il est remarquable que ce concept scintille tout au long de la longue élaboration freudienne. Certes ce n'est pas un concept-vedette comme l'Œdipe, comme le moi/ça/ surmoi ou comme le refoulement, mais c'est un concept de fond, sans lequel les autres ne seraient pas appar us. Il recevra des d éfin itio ns successives, de plus en plus précises, mais ne sera jamais abandonné. Il indique qu'il n'est qu'une seule seule solution à l'homm e pour sur viv re: qu'il supplée supplée à ce manque de première nature par une seconde nature, la culture..La culture.esten.quelque_sortej.e..remède à la Hilflosigkeit humaine. seul remède possible. Celui qu peret l ' h o m m e de sortir de son état marqué no seulement pa ce inachèv em ent originaire, mais aussi par sa finitude dans le temps (je ne suis pa pour toujours; un jour , cel va s'arrêter) et par sa clôture dans l'espace (je ne suis pa partout, mais assigné à résidence ici). Il y aura rem édiation si moi, être si mal fini dans le temps et dans l'espace, je parviens à supposer un être infini par rapport auquel je m e mets en position de tout devoir. Or, supposer ce être, je le peux puisque je parle et que parler, c'est fabuler. Rien donc ne m'empêche d'inventer ce qui n'existe pas, ais dont j' ai beso in pour vivre. Car, si je le suppose, Lui, direction pa Marc Levivier en 1. Je renvoie la thèse soutenue sous n o v e m b r e 2008 : Manq ue et puissance ~ Généalog ie, concepts et interprétation de l'hypothèse néoténique dans les sciences humaines, université de Paris VIII,
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le Très-Haut, c'est-à-dire le grand Sujet, alors je pourrai me «sous-poser» comm e son sujet sujet — c'est exactement ce que le mot «sujet» veut dire: le subjectum en latin signifie le «soum i s » , c'est-à-dire celui celui qui est «m is sous», posé dessous. Il faut et il suffit donc que je con jecture un grand Sujet supposé tout savoir, tout pouvoir et tout voir pour qu je trouve enfin ma place, comme sujet de cet être. Le grand Sujet répond alors à cette définition d'Aristote: «I est celui, disait-il dans la Métaphysique, dont tout le reste s'ordonne.» Autrement dit, la survie de l'homme, animal néoténique, anquant com me tel de nature, passe par la création d'êtres de surnature, c'est-à-dire d'êtres de culture qui, bien que n'existant pas, pas, se révèlent dotés d'une puissante efficacité symbolique.
un sujet
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al barré
r, c'est très fatigant de créer créer des êtres de surnat ure. Il faut en effet mobiliser toutes les capacités de représentation sonore, visuelle et narrative afin de donner une allure, une figure, une voix, une histoire, une résidence à ce grand Sujet qu'à défaut de présence, il faut bien re-présenter y compris sous la forme de l'irreprésentable. Bref, l'art (récits, musique, arts plastiques...) sert à créer du grand Sujet. Mieux: l'art, c'est l'art de créer du grand Sujet.Tel est le travail de la culture: il permet tout simplem e n t la subjectivat ion. Dès que ce grand Suj et est en en place, on obtient la structure fondamentale de la subjectivation, qu'on peut représenter ainsi: Dans cette structure que, par économie, on pourrait simplement écrire s/S, le minusSupposition Sous-position cule barré du bas (s) deS de* figure le petit sujet (c'est-à-dire tel ou tel Figure
individu) et le S majUScule du haut, le grand
Structure simplifiée
de la subjectivisation
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Sujet c'est-à-dire, si l'on parle un peu la l a n g u e lacanienne, la place de l'Autre, commu nément occupée, dan le social, social, par tel ou tel dieu. Je rappelle que s est barré pour deux raisons: 1° une raison ontologique (il est fini dans le tem ps et d ans l'espace); et 2° une raison ontique ontique ou anthropo logique (il est certes fini, mais mal fini, autrement dit inachevé dans sa nature même). Oserais-je le dire ainsi: s est barré, et même si mal barré qu'il ne peut que se barrer ailleurs pour voir s'il est? L'étrange est que ça marche: cela s'appelle l'assomption subjective. Elle passe par la supposition de l'Autre. Le r a p p o r t de s et S donne donc une fort intéressante structure deux termes, dont on va bientôt voir qu'elle porte les positionnemen ts discursifs possibles qui feront du sujet individu pris dans ne énonciation névrotiqu e, perverse ou psychotique,
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Cependant cette structure est assez étrange pour qu'on s'y attarde un instant, avant même d'examiner les position-
nements qu'elle induit. Tout d'abord , ce n'est pas une st ruc tur e au sens où, autre l'entendaient lorsqu'i lorsqu'ils ls parlaient des fois, les structuralistes l'entendaient structures binaires de type cru/cuit (issues (issues de la cybernétique de cette époque fonctionnant sur une algorithmique binaire de forme 0/1 ou oui/non) qui entho usiasm aient Lévi-Strauss et ses amis d'alors: Jakobson,Lacan Jakobson,Lacan et quelques autres. C'est C'est ici une autre structu re de type circulaire où, en l'occurrence, l'un suppose l'Autre, qui «sous-pose» l'un. Nous avons donc affaire à ce que, depuis le théoricien théoricien audacieux de l'intelligence artificielle Douglas Hofstadter, on appelle une «boucle é t r a n g e » issue issue d'une «hiérarch ie enchevêtrée ».
Parfait. Le seul problème , c'est qu'un cercle cercle renv oyant indéfiniment de s à S et de S à s, cela risque assez vite de devenir lassant parce cme vicieux. Impossible, en effet, d'en sortir, moins que... moins que la praxis (qui, rappelonsle signifie « a c t i o n » chez le Grecs), résultant comme telle d ' u n e décision, ne provoque l'enclenchement t e m p o r e l b r u s q u a n t le choses. On ne p e u t en effet t o u r n e r en rond toute un éternité comme hamster dans la structu re cir culaire de la subjectivation. Il faut bien commencer par un bout. Ce qui implique de rompre la circularité et de réintro- \e un différentes en p a r t a n t de S, le grand Sujet — ce sera le choix du croyant. C'est un choix fréquent parce qu'il tranquillise l'être en détresse qu'est l'homme, l'homme, tou coup réconforté de s'imaginer procéder de quelque dieu ; ou en partant de s — ce sera le choix de l'athée. C'est choix plus rare parce qu'il refuse la consolation tant recherchée et prolonge l'inquiétude. C'est p o u r q u o i l'athée grince grince souvent — tout en cherchant à donner une forme acceptable à ce grincement: l'humour, par exemple. Cioran grinçait beaucou en voilà un qui grinçait qu savait donne qu'est l'hu mou r, disait disait : « S'il so désespoir cette forme polie qu'est a quelqu 'un qui doit tou t à Bach, c'est c'est bien Dieu .» Façon élégante d'affirmer qu Dieu, dans perfection même, été créé par les hommes... essentiellement pour les calmer de le urs angoisses. angoisses. On pourrait ici se se d em ander si, en dernier ressort, les vrais athées existent. as sûr, en effet. Tout simplement parc qu la structure fonctionnera d'autant mieux que le sujet ignorera que c'est lui qui a inventé le grand Sujet (ou son substitut). Dans tous les cas, il devra faire preuve d'ignorance et
enchevêtrée, écrit Douglas Ho fstadte r, quand ce 1. «Il y a hiérarchie enchevêtrée, que vous croyez être des niveaux hiérarchi hiérarchiques ques bien nets vous surprennent, se r a b a t t a n t les uns sur les autres au mépris de la hiérarchie. L'élément de surprise es important; c'est à cause de lui que j'ai a insi baptisé les boucles boucles étranges», cf. Douglas Hofstadter, Godet, Escher, Bach Le brins d'une
guirlande éternelle. Inter éditions , Paris, 1985, p. 778. On a une bonne idée de la «boucle étrange» en considéra nt le célèbre dessin d'Escher d'Escher de 1948 1948 Mains se dessinant^ où l'on voit la main droite qui dessine la main gauche qui dessine la main droite... 1. E. M. Cioran, Syllogismes de l'amertume, Gallimard , Paris , 1952, 1952, p. 119119120.
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causalité, qu peut alo
c'est j u s t e m e n t ce non-savoir un être sujet l'inconscient
qu fera nécessairement de lui
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ïl es cependant bien évident que ces deux façons de commencer sont tout aussi mauvaises l'une que l'autre en ce prétendent trancher l'endroit de ce qui est rigoureusement indécidable. Bref, l'homme est un être beckettien: fini, mal fini et, surtout, toujours nécessairement mal parti. Dans ce conditions, on se doute bien que le remède la détresse humaine peut être bien pire que le mal Ce remède symbolique à la détresse réelle de l'homme relève de ce que Platon appelait un pharmakon:\in remède et un poison Bref, l'Autre, ce grand Sujet qui n'existe pas, es d'un grand secours...jusqu'à secours...jusqu'à ce qu'il devienne extrême-
ment embarrassant. C'est pourquoi on ne cesse tuer notre sauveur. Mais comme le bougre est, si je puis dire, malin, il a un jour pris les devants en disan t qu'il qu'il était était m ort pour n ous — cela cela s'aps'appelle le christianisme. Du coup, il est devenu difficile de le tuer... puisqu 'il était déjà mort Nietzsche s'y est pourtant employé, on sait ce que cela lui a coûté.
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Autre trait caractéristique de cette structure étrange: elle permet d'affirmer qu'à strictement parler, il n'y a p as de sujet. Il n'y a en effet q u ' u n infrasujet (manquant lui-même) un sursujet. Les deux, le très-bas et le Très-Haut, étant en rapport d'implication réciproque. l'on voulait vraiment qu'il y ait du sujet, il faudrait alors l'imaginer comme ce qui se produit de l'interaction de ces deux instances.
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Cette structure s/ p e r m e t , semble-t-il, de d o n n e r un forme nouvelle, dépassant la clinique individuelle, à ce que Freud avait appelé, dans un texte aussi bref ue décisif, parm i ses tout derniers, la division subjective (l Spaitung) La division subjective, c'est ce qui fait de nous des êtres clivés, ne se trouvant jam ais vraiment, car au moment même où l'on pourrait se trouver, on se perd dans l'Autre. Le psychanalyste Alain Didier-Weill a su trouver les paroles le plus simples et les plus précises précises pou r dire ce clivage originaire: «Aussitôt que le sujet parle, se signifiant dans une parole qui tranche et qui distingue, une part de lui, insignifiable par la parole, se retire de ce qui a été signifié et choit comme voilée .»
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Lacan fut un véritable continuateur de Freud, c'est parce qu'il repris cette question de la division subjective exactement là où le f o n d a t e u r de la psychanalyse fu arrêté par la mort, aux prémices m êmes de son ultim e découverte. Cette reprise es lourde conséquences puisqu'elle permis de passer du p r o g r a m m e freudien d'exploration de toutes les formes du refoulement secondaire (opération par laquelle le sujet rejette certaines de ses pulsions et motions considérées comme désagréables) au programme lacanien lacanien d'exploration du refoulement originaire (opération ar laquelle le sujet renonce l'objet au profit signifiant, s'aliénant alors au langage) — ce qu'Alain Didier-Weill présente avec précision:
2. Je renvoie bien sûr à la lecture du Phèdre de Platon par Jacques Derrida dans La Dissémination, Seuil, Paris, 1972, 1972, « La ph armac ie de Platon ».
1. Freud, La Scission du moi dans le processus de défense [1938], [1938], dispo nible sur http://www.psychanalyse.lu/articles/FreudScission.htm. Le terme allemand Spaltung est la traduction pa Freud d'une expression fréquente dans la psychiatrie française, celle de «dissociation» référant entre autres à ce que Pierre Janet appelait la «double conscience». On le rend aussi en français par le terme de «clivage». Voir à c sujet Roland Chemama, Clivage et modernité, Ères, Ramonville-Saint-Agne, 2003. 2. Alain Didier-Weill, Lila et la lumière de Vermeer: la psychanalyse l'école des artistes, Denoël, Paris, 2003.
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1, C'est exactement ce qu'avance Lacan lorsqu'il dit: «L'hypothèse de l'inconscient, Freud le souligne, ne peut te nir qu'à s upposer le Nom-duPère. Supposer le Nom-du-Père, certes, c'est Dieu», J. Lacan, Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Seuit, Paris, 2005, p. 139
A l o r s q u e T i n s u a u q u e l s'attache Freud es celui du refoulere L a c a n [...] es celui que le m e n t s e c o n d a i r e , Finsu qu a c c a p a re r e f o u l e m e n t o r i g i n a i r e nstitue comme inc ognito radical. La d i f f é r e n c e m a j e u r e e n t r e ce qui est caché pa Le r e f o u l e m e n t origin a i r e et ce qui l'est p a r l e r e f o u l e m e n t s e c o n d a i r e t i e n t à ce que le second est remémorable en t a n t qu situé dan s l'histoir du sujet, t a n d i s que le premier, anhistorique, est i m m é m o r a b l e ' .
Certes, en parlant, on gagne, mais au prix de la perte de l'objet. sera ce o b j e t d é f i n i t i v e m e n t p e r d u Lacan appellera l'objet han tant, comme tel, tel, tout tout discours. Il est aisémen t situable dans mo n schéma comme ce qui tombe m o m e n t d u t r a n s f e r t d e s su su r S . l'Autre et ses avatars
228 La question est aujourd'hui de savoir si Lacan a mené à -'terme so p r o g r a m m e . Je r é p o n d r a i oui et n o n . parce ue Lacan s y s t é m a t i q u em em e n t e x p l o r é le effets de r e f o u lement produits par la confrontation du sujet au grand Sujet, c'est-à-dire l'Autre. E t n o n parce qu'il 'a qu'occas i o n n e l l e m e n t a b o r d é l 'é 'é t u d e de effets spécifiques p r o d u i t s par la variation historique de l'Autre. Lacan a été, en ce sens, l'homm e de son tem ps, c'est-à-dire l ' h o m m e d e s t e m p s structuralistes qui ont privilégié la synchronie et négligé la d a n s sa complexité que si on saisit, identifie, répertorie le avatars d i f f é r e n t s sous lesquels il ne cesse de se présenter dans l'histoire, jusqu'au point où des mutations peuvent se produire C o n t i n u e r cette partie programme L a c a n , ce serait donc n o n p a s l e répéter, mais s'engager dans historicil.Ibid.,p.S2.
sation des figures de l'Autre. Mais pour ce faire, il f a u t sorti Lacan de la prison structu raliste dan s laquelle ses élèves r e n f e r m e n t t r o p s o u v e n t . D ' a u t a n t q u e c 'e 'e s t e x a c t e m e n t à cela que Lacan nou s semble inciter, lorsque, dans u n e c o n f é rence prononcée en 1968, il d i s a i t : Vous savez la gran de bêtise qu'on n ous i n v e n t é e r é c e m m e n t . Il y a la structure et il y a l'histo ire. Les gens qu'on a mis d a n s le pot de la s t r u c t u r e — e le suis, ce n'est pas moi qui m'y suis mis, on m'y a mis c o m m e ça sont censés cracher su l'histoire. C'est absurde. Il 'y a é v i d e m m e n t p a s d e s t r u c t u r e sa sa n s r é f é rence à l'histoire
Pas de s t r u c t u r e s a n s r é f é r e n c e l'histoire, c o m p r i s l'histoire train d e s e faire p a r u n r e n o u v e l l e m e n t p e r m a n e n t de la figure de l'Autre. Si ce pas n ' e s t f r a n c h i , il n'y a u r a a u c u n m o y e n de c o m p r e n d r e p o u r q u o i nous e n t r o n s dans phase l ' o r d i n a i r e d e l a c o n d i t i o n s u b j e c t iv iv e n'est plus constitué, comme au temps de Freud, de la névrose, mais, comme le di l e p s y c h a n a l ys ys t e J ea ea n - P i e r r e L e b r u n , q u i n ' e n t e n d p a s se c o n t e n t e r de b i e n r é p é t e r le discours du maître, par .une névrose très imprégnée p e r v e r s i o n , ce q u ' i l appelle la «perversion ordinaire seulement on ne le comprendr pas, m a i s s u r t o u t on risque de ne même pas le voir. 22
cette structure circulaire l'un (s suppose l'Autre (S) qui «sous-pose» l'un, il y a trois façons de s o r t i r : pa la névrose, par la perversion ou par la psychose. Ce qui r e p r e n d à nouveaux frais l ' i n t u i t i o n d e Freud, qui av ait distingué trois pathoîogies fondamentales.
2. Dans l ' h i n d o u i s m e , u n avatar est une des formes possibles sous lesquelles peut s'incarn er la divinité suprême (Vi shnu) pour les hommes. Par e x e m p l e , B o u d d h a é t a i t u n a v a t a r d e V i sh sh n u . 3. Fait significatif: les structuralistes, structuralistes, qui voyaie nt en Ferdinan d de Saussure leur maître, ont presque tous voulu ignorer que son Cours de linguistique générale ne contenait pas seulement une «linguistique synchronique»,
mais aussi aussi un «linguistique d i a c h r o n i q u e » . R a p p e l o n s q u e l ' a p p ro ro c h e s y n chronique s'intéresse à une langue en faisant ressortir ses structures à un m o m e n t p r é c i de son histoire, alors qu l'approche diachronique s'intéresse l'histoire de la l a n g u e et é t u d i e se évolutions. 1. Jacques Lacan, Mo enseignement, Seuil, Paris, 2005, p. 87-88. 2. Jean-Pierre Lebrun, La Perversion ordinaire, Denoë'l, Paris, 2007.
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230 La névrose résulte de la dette symbolique contractée l'endroit de l'Autre. Une adresse directe au lecteur attentif devrait me permettre de le p r o u v e r : si vous avez souri au bon m ot, cité plus haut, de Cioran sur D ieu, débiteur à l'endroit de Bach, c'est très probablement que vous êtes encore un bra ve névrosé. Vous avez perçu comme un impertinence caractérisée so propos et vous vous êtes déchargé de cette tension en souriant. Et si vous êtes, en plus d'être normalemen t névrosé, plus ou moins croyant, vous avez même pu rire ou sourire un peu jaune. Pourqu oi? Parce que l'aphorisme de Cioran inverse manifestement ce qui doit être, pour vous, le sens effectif de la dette. Vous étiez sûr que c'était l'homm e qui devait à Dieu et voilà que, tou t à coup, on vous dit que c'est Dieu qui doit à l'homme. Mais comment Dieu peut-Il devoir quelque chose à un h o m m e , si génial soit-il, alors même que c'est Lui qui donne au petit sujet ce qu'il n'a pas: un a p p u i pour se fonder. Ce que j ' a p p e l l e la solution névrotique consiste: 1° croire, comm comm le disait Leibniz, qu'« il existe quelque chose plutôt que rien » ; 2° à recon naît re que, que, dans ce m onde dans lequel je suis selon toute apparence tombé, c'est l'Autre qui donne et que je lui dois tout. Notamment deux donations, l'une réelle (la vie) et l'autre symbolique (le langage), si exorbitantes l'une et l 'autre que je ne pou rrai jamais les rembourser. De sorte que je ne peux que culpabiliser. culpabiliser. Si l'hystérie constitue le prototype de la névrose, c'est parce que l'hystérique est celui (celle) qu vénère l'Autre de lu avoir tout donné et en même temps le déteste de l'avoir mis(e) dans la situation de t a n t et de tout lu devoir. Il/elle aimera l'Au tre en le détestant ou le détestera en l'aimant. C'est là le lieu lieu d'un nœud psych ique majeur où se remotive sans cesse le conflit névrotique dans toutes ses formes poscelle-ci, qu fait le délices de l'hystésibles. Par exemple, celle-ci,
rique :j>éduiire.L'Autre sous la figure de Dieu, d'un m aître, d'un grand h omme, etc tout en lui échappant. 23
La solution psychotique est plus coûteuse. coûteuse. Elle dit que si pas. Parce q u'être comm e sujet, c'est D i e u est, alors je ne suis pas. être comme tel assujetti, soumis, c'est-à-dire «mis sous». Et être « mis sous », c'est ne pas être. Car c'est être par délégation, pa autrui, autremen t dit, c'est se faire rapter so être par un Dieu voleur d'identité. La solution psychotique sera donc radicale: elle se présentera comme u n c o m b a t sans merci avec Dieu. Un combat qui peut prendre deu x formes opposées complémentaires. forme paranoïaque, comme telle persécuté : il existe un Dieu qui ne cesse de vouloir me voler mon être, qui m'espionne et me persécute. Et une f o r m e schizophrène et triomphante: Dieu, en fait, c'est moi. Dans les deux cas, cette puissance se manifeste comme surna turelle , le plus souvent par une voix impérieuse qu occupe le sujet, au sens d'en prendre possession, de s'en s'en empare r. Si la solution psychotique es coûteuse, c'est parce qu'elle pousse e n t r e r en concurrence avec le geste divin. Et le geste divin par excellence, c'est celui de l'autofondation. fonder moi-même, tout comm je suis Dieu, alors, e peux le
de la Bible s'est
dans cette
Leibni Leibn iz, z, Principes de la nature et de la grâce fondés en raison [1714], en ligne su http://www.ac-nice.fr/philo/textes/Leibniz-Principes.htm, cf. § 7.
laire: «J suis celui qu suis.» La solution psychotique laisse donc penser que, que, mêm si D i e u fait de S on m ieux pour sauv er les petits sujets, il y en aura quand même, parmi eux, certains qui Lui disputeront grandeur et Sa puissance sur Son propre terrain. C'est ainsi que les psychotiques inscriront la plupart du temps leurs délires en metta nt Die e n j e u , c'est-à-dire exactement là où le geste geste aut ofond ateur est est le plus fort. Les grands psychotiques aiment en effet jouer d'égal égal avec Dieu, en le mimant, là où ils ils sont dire ctem ent aux prises avec l'auto fondation. On ne compte pas les délires qui se rapportent plus ici, un n o u ou m o i n s d i r e c t e m e n t au affaires divines civilisation est en passe de voir le jou r; plus loin, une velle civilisation
288
289
nouvelle nouvelle écriture; là, une nouvelle Loi; là encore, il s'agit de prendre des mesures pour sauver le monde. Il suffit de penser aux cas du président Schreber ou du président Wilson qui ont fait les délices de Freud. Ou de penser n'importe lequel de ces grands délirants qui portent une motion christique, par exemple Guillaume Postel, lecteur royal de François I er qui mit au point un fantastiqu e théologie délirante fort savante où un e vieille religieuse, religieuse, mère Jeanne, est nommée «la mère du monde» cependant que «la nouvelle E v e » , rencontrée à Venise, "est élue comme le second messie, le messie féminin, appelé sauver le monde. Ou encore de penser Artaud, qui n'a cessé de dire qu'il était mort au Golgotha il y a deux mille ans et que Dieu, c'était lui Assertion que le psychotique n'a de cesse de prouver: c'est pourquoi, comme le disait Lacan, la psychose est une «cure de rigueur».
23
Remarque : si ces délires s'épanouissa ient dans le contexte occuqu'ils pourraient connaître dans un contexte où il n'y aurait plus rien pour occuper cette place
où il y avait déjà Quelqu'un, et pas des moindres, pour per la place de l'Autre, qu'imaginer de la fréquence
233 Je trouve très
juste l'expression populaire, aujourd'hui presque disparue, qui, tout particulièrement pour évoquer ce cas, utilisait la formule : « la folie de grandeurs ».
234 D'autant que la folie de grandeurs, parfois, ça marche. Je vois comme un épisode psychotique caractérisé cet instant majeur de l'histoire de France daté du 13 avril 1655 où un roi très affaibli par la très grave révolte de la Fronde (16481. Je Je m permets de renvoyer à mon étude sur Artaud dans D.-R. D.-R. Dufour, Moi, Antonin Artaud, je suis mon fils, mon père, ma mère... On achève bien les hommes, op cit., chap. III.2
290
1652), numéro 14 de la série des Capet, se rendit, en habit de chasse, devant le Parlement et déclara: «L'État, c'est moi.» Ce cas, comme tant ta nt d'autres, montre que le peuple constitué de
en
sinon le premier ou venu, du moins celui qu aura fait montre déjà plus grande rigueur.
235 Lorsque le peuple de névrosés n'a personne sous la main, pas un seul volontaire dans se rangs pour jouer de façon crégrave. La narration p eut p rendre le relais. relais. En effet, si aucun grand Sujet ne se présente, il suffira de le représenter. C'est justement à cela que servent les grands récits. récits. Les hum ains n'ont jamais manqué à cette fonction fabulatrice qui leur va si bien. de Dieu, qu'il est fou pour nous
236 J'espère ici que le chevalier philosophe Ren es Cartes (selon l'ancienne graphie) me pardonnera de me parer un instant de sa fameuse maxime: Larvatusprodeo «j m'avance masqué ». Des Cartes était bien bien nomm : il n'abattait pa toutes se cartes en même temps. Toujours il jouait en gardant en réserve quelque botte secrète. Un cartésien militant comme moi ne peut donc avancer sans dissimule quelques cartes, sachant qu vient toujours un moment opportun pour jouer découvert. Or, ce moment est arrivé. Aussi, pour explorer la troisième et dernière sortie possible de cette structure circulaire où l'un (s suppose l'Autre (S qu «sous-pose» l'un, la solution perverse, tomberai-je le masque. La structure simple que j'ai mise en place n'était qu'un paravent — que j'espère avoir été heuristique dissimulant une autre structure, également simple, mais plus
complète. C'est tout simplement celle de renonciation. Après avoir beaucoup fréquenté les écrits d'un géant du xx siècle, le linguiste Emile Benveniste, j'ai fini par donner de renonciation, c'est-à-dire de la situation de l'homme
29
définition très s i m p l e : p a r t e r c'est dire il '. Je n'hésite p as affirmer que dans cette très triviale défi-
dans
angue, cette propos
je à un tu
nition tient toute la condition hum aine tant ue marquée qu'on rem arquera sans peine, peine, c'est par la discursivité. trinitaire. ue cette structure st d'allure trinitaire. Pour faire un pas supp lém enta ire, je m e dois donc de circulaire deux termes première structure circulaire transformer en une seconde structure, toujours circulaire, circulaire, ais à trois termes — ceux qu constituent précisément le pivots de toute énonciation p ossible: ossible: « j e » , « t u » « i l » . n'est qu'après cette am élioration que je pourrai rendre compte troisième dernier type dénonciation p o u vant échoir à un sujet p a r l a n t : renonciation perverse. Ceci n'invalidera rien de ce que j'a i dit de la structure circulair circulair m e n a n t de s à S : elle reste suffisante pour l'exploration des deux premières énonciations possibles, la névrotique et la psychotique, mais elle elle est imp uissante uissante à rendre compte de renonciation perverse. Cette transform ation se déroulera en deux tem ps: nous considérerons d'abord ce qu'il convient de mettre à la place de S, puis nous nous occup erons de s. Pour S, c'est très très simple c'est le II » qui convient. L'Autre est en effet désignable par « II». C'est d'ailleurs ce que nous di le texte biblique mêm e, dan l'épisode fondateur raconté dans Exode. Ainsi, après que d ans Exode III, 14, Dieu se fut n o m m é à la première personne par ces paroles fameuses «Ehyeh ascher ehyeh» (plus ou moins bien traduites par «Je suis celui qui suis»), dès Exode III, 14-18, et au début d'Exode VI, ce D i e u r e d e v i e n t « Y H W H » , ce qui, précisém e n t , signifie II st Y H W H é t a n t la troisiè troisième me personne du verbe hyh, hayah, « ê t r e » . s'accorde généralement Y H W H («II est») reprend le ehyeh («je suis») dire Ehyeh a scher ehyeh. Bref, le textes de fondation ne sont 1. Cf D a n y - R o b e r t Du fou r, Le Mystères de la trinité, Gallimard, Paris, 1990. 2. La Bible I, Gallimard, Paris, 1956. f. l'introduction d'Éd. Dhorme,
p. XL.
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tenu quelques millénaires, c'est as tels pour rien s'ils parce qu'ils qu'ils me ttent en jeu une véritable véritable gramm aire énonciative qui dit l'essence de la condition humaine. On trouve d'ailleurs la même désignation l'Autre à la troisième personne dans l'islam puisque Dieu st couramment désigné par huwa huwa. huwa correspond tout à la fois à la troisième personne du pronom personnel et à la copule qui tient lieu de verbe être langue arabe. Ce passage du « j e » au « I I » est hautem ent instructif: il montre, comme j'ai tenté l'établir ailleurs, Dieu, étant le seul être capable prodigieux mystère l'autofondation — c'est le sens exact de la f o r m u l e Ehyeh ascher ehyeh est aussi aussi le seul être à pouvoir figurer com com me référence souveraine pour le sujets détresse, recherche d'un ap pui tiers tiers pour se fonder leur tour. Q u a n t au s de m première structure, qui figure le petit sujet, doit substituer le circuit « j e - t u » . ar « j e » sans «tu », cela cela ne se peut. Pour parler, en effet, il faut être au moins deux, avec un « j e » qui parle à un « t u » , a c t u e l virtuel C'est ainsi ue Ja f o r m u l e de renonciation, je parle tu à prop os de il, s'éclaire: elle signifie ue « j e » «tu» ont à charge charge d'«halluc iner» ce tiers ui l e u r m a n q u e afin trouver le remède leur détresse. détresse. Ils le font g é n é r a l e m e n t en interchangeant de temp s à autre leur position: celui qui versa. parle devient celui qui Ces de ux substitutions substitutions faites, on obtient un e au tre figuration possible possible de la struc ture de la subjectiva tion, analo gue à la précédente, mais plus complète, représentable ainsi: IL
Figure2. Énonciation
et structure de la subjecti subjectivatio vationn
Cette figure présente traits extrêmement intéressants vont perm ettre de comprendre com ent fonctionne accéder, renonciation perverse. Pour il faut remarquer cette particularité: il existe deux circuits de forme identique intriqués l'un dans l'autre. second circuit, le pe tit, celui du bas, liant le je » au tu », répète, de façon récursive, récursive, le circuit 29
principal, le premier, le grand, celui corrélant le pôle (jet u ) » a u pôle «II». Rien n'est changé au deux sorties (névrose et psychose) qu nous avions déjà signalées. ceci près que ce schéma fait mieux voir que, dans la solution névrotique, la dette symbolique, nœud de tous le conflits, es conjointement supportée pa je et par « tu », représentant l'ensemble de parlants. Cette figuration montre en outre quejoéns la soiution psychotique, le refus de s'assujettir l'Autre (puisque, selon la formule de Lacan, l'Autre y est forclos) conduit le «je» du petit circuit à se mettre dans la position du « I I » du grand circuit — ce qui l'exclut donc de tou te interloc ution avec «tu». Exclusion qui se constate pratiquement et empiriquement ar tous ceux qui ont vraiment essayé parler avec un vrai fou: ça ne l'intéresse pas. Q u a n t renonciation perverse, elle s'éclaire dans ce schéma. Elle permet comprendre que les enjeux grand circuit énonciatif (avec le « I I » ) en vienn ent à se jouer dans «tu» le petit, de façon à ce que le « j e » occupe vis-à-vis tout la position éminente que le « I I » occupe vis-à-vis sujet parlant («j e» et «tu» ). Bref, Bref, le pervers se place, vis-àvis de tout autre, dans la position de l'Autre. On pou rra s'ofaurait tort ca elle rencontre fusquer cette définition. et donne sens à la façon dont Lacan définissait le pervers: «L pervers s'imagine être l'Autre pour assurer sa jouiseffet, cette proposition ne se comprend véritasance .» blement qu'en mettant en jeu les théories renonciation fondées sur l'analyse du rappo rt de place existant entre le trois personnes verbales: « j e » (l'un), «tu» (l'autre) et « I I » (l'Autre). La perversion apparaît alors comme un déni de la grand e structure, compensé par un gonflement de la petite, comme si cette structure secondaire pouva it et devait supporter seule le enjeux de la grande/ pourrait ic par'ler d'une translation es enjeux de la structure principale dans la structure secondaire. Cela explique probablement p. 825.
Lacan, Subversion du sujet et dialectique du désir », in Écrits, op cit.
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le sérieux avec lequel le pervers machine se mises en scène parfois minables, comme s'il occupait vis-à-vis de son alter ego la place de l'Autre. 237
pervers joue, à son partenaire, La Comédie de Dieu. J'emprunte cette expression grand metteur scène portugais Joâo César Monteiro, qui a réalisé en 1995 film extraordinaire, irrésistiblement burlesque et inquiétant, portant ce titre. Dans ce film, Monteiro interprète le personnage de Jean de Dieu, qu'il avait déjà créé dans des films précédents et qui possède cette fois métier: inventeur de glaces au parfums incomparables. Il règne sur ses vendeuses qu'il compare à des madones vénitiennes dont il serait le dieu, exigeant d'elles une propreté parfaite, leur limant les ongles et s'occupa nt de leur toilett e intime, collectionnant à ses moments perdus leurs poils pubiens déposés dans la baignoire après qu'il leur fait prendre de bains de lait servant fabriquer se incomparables glaces. glaces. sont ces poils poils qu'il classera classera avec minutie dans un précieux album qu'il appelle «l Livre es pensées». qu paye se dettes 238 Contrairement au névrosé, écrasé par une dette symbolique impa yable, con traint à la culpabilité, le pervers pervers ne doit rien. On lui doit tout.
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constate aujourd'hui un inversion sens de la dette. l'adolescence parlen t d'enfants qu i, désorLe cliniciens de l'adolescence mais, déclarent leurs parents qu'ils n'ont as d e m a n d é venir au mond e. Intiman t ainsi à ceux qui les ont mis là d'assumer leurs actes. Car eux ne doivent rien personne et encore moins l'Autre, en l'occurrence ceux de la génération antérieure. Cette inversion est un indice sérieux indiquant qu'une mutation historique historique est en train d'avoir lieu, puisque voici 295
dans la position de ceux à qui Ton doit doit tou alors des enfan ts dans q u ' a u p a r a v a n t ils étaient en position de dette.
240
On constatera qu'il n'y a pas Loin de renonciation perverse l'énonciation psychotique. Si le «je» s'échappe en « I I » , nous sommes dans renonciation psychotique. Si le « I I » vient en « j e » , nous sommes dans L'énonciation perverse. Dans renonciation .psychotique, le sujet tente donc d'occuper la position de Dieu dans la structure principale. Pour ce faire, il s'extrait du petit circuit pour se projeter dans grand. Ce qui donne toutes ces scènes, évidemment grotesques, où le fou vous explique qu'il n'est pa fou, mais un personnage très important, Napoléon par exemple, ou le nouveau Messie. Dans renonciation perverse, la transla tion se fait dans l'autre sens, du circuit principal vers le circuit
secondaire.
Mais dans les deux cas, il s'agit d'occuper la position du maître maître du grand circuit dans renonciation psychotique, du petit dans renonciation perverse. On p e u t en déduire que le pervers est un fou qui n'a pas réussi aller jusqu'au bout de son projet de m a î t r i s e sinon il serait psychotique. Ce qui peut se dire autre me nt: la perversion constitue le dernier rempart avant la psychose. Problème: c'est un r e m p a r t fragile. Et, de fait, on observe souvent, lorsque le mises en scène du p e r v er er s t o u r n e n court, le surgissement de francs délires. la bonté du mouton
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sible de l'Autre. D'où l'accr l'accroisse oissement ment présumé, aujo urd'hui, de cas de perversion et de psychose dite sociale l'autre grande forme de ratage Mais comm ent situer alors l'autre dans la subjectivation si spécifique de l'heure postmoderne: dépression qu l'on rapproche souvent de la mélancolie à tort, puisque la mélancolie ressortit plutôt de la psychose en étant, comme Freud l'expliquait, un délire spécial qu'il qualifiait de «délire de petitesse J'avancerai ici une proposition proposition clinique: je tiens que l a | dépression est pensable comm e l'envers l'envers de la perversion,! son autre face Qu'est-ce en effet qu'un dépressif? C'est un sujet qui ne parvient pas à faire face à l'autofondation qui est requise de lui. Il reste alors en deçà de lui-même là où le pervers va au-delà de lui-même. pourrait dire que, dans le mouvement circulaire de l'autofondation, le dépressif effectue un trajet centripète d'enfermement à l'intérieur du cercle et le pervers un mouvement centrifuge de sortie hors circulaire, l'un reste en du cercle. Bref, dans ce mo uvem ent circulaire, deçà de lui-même cependant que l'autre, le pervers, s'éjecte au-delà de lui-m ême, ce dont il s'autorise pour affirmer un sorte d ' i n f a t u a t i o n subjective, laquelle ne va jamais sans tentatives d'emprise sur l'autre. Cela pourra it se dire autre men t: le dépressif est un sujet, le dépresqu ne parv ient pas à d evenir pervers. Ou encore : le sif est un pervers qu s'ignore. sorte que le pervers est. celui qui po urra it dire : 'ai réussi là où le dépressif a échoué (et j'ai échoué là où le ps ychoti que a réussi). Je fais en somme l'h ypo thèse que la dépressio n est le pend a n t de la perversion. Ce qui revient à conjecturer que les dépressifs sont des sujets qui auraient très bien pu être pervers.. s'ils en avaient eu les moyens.Toute révérence gardée,
Occuper la position du maître n'est pas de tout repos. Ca maître, le vrai, est celui qui, l'instar de Dieu, réussit s'autofonder. O r/la chute de la référence divine classique classique (transcendante) dans no sociétés conduit l'individu postmo derne à devoir affronter de plus en plus l'aporie de l'autofondation. Affronter cette aporie est le prix à payer pour s'être libéré des grands récits qui soutenaient une figure pos-
Su cette question, voir l'article de Marcel Czermak Peut-on parler de psychose sociale ? », disponible sur http://www.freud-lacan.com/articles. 2. Freud, «U enfant est ba ttu » [1919], [1919], in Névrose, psychose et perversion, op. cit. dépression comm encent enfin d'apparaître dans 3. Quelques études sur la dépression le champ psychanalytique, qui n'a longtemps vu là qu'une invention de la psychiatrie. Cf Roland Chemama, Dépression, la grande névrose contemporaine^ Ères, Ramonville, 2006,
296
297
le
Nous avons d o n c é t a b l i,i, a u s s i r i g o u r e u s e m e n t possible, le trois sorties concevables, c'est-à-dire le trois énonciations possibles échéant sujet parlant dans le procès s u b j e c t i v a t i o n : n é v r o t i q u e , p s y c h o ti ti q u e perverse. Il es bien évident que dès ce repérage réalisé arrive très vite la question subsidiaire, notamment chez le névrose" m o y e n , volontiers coupable et i n q u i e t tout: penser chac u n e de ces énonciations ? Et si l'autre que je côtoie tous le jours était grand névrosé ou un pervers légende ou un psychotique non encore déclaré ? Et moi-même, ne serais-je pas un peu psychotique o u u n p e u p e r v e r s ?
Or, il n'y a bien sûr rien à juger de cette f açon mora lisante. Tout sim plem ent parce que ce n'est n'est jama is le sujet qui choisit, moins façon consciente, sa position c h a c u n est en fait conduit vers la position qui sera la sienne en fonction de la configu ration, oujours spécifique, dans laquelle il s'est trouvé. Qu'il a it dû consentir au choix qui s'est finalement imposé lui, c'est très proba ble, mais ce consentement n'en reste pas moins, toujours ou presque, un consentement inconscient la possibilité ui s'est présentée avec le plus d'évidence. C'est pourq uoi le jugem ent moralisant sur le fait névrotique, pervers ou p s y c h o t i q u e est nul et non a v e n u . P o u r juger, il a u r a i t fallu que le sujet ai délibéré et o p t é en toute responsabilité, ce qui n'est év idemm ent jamais le cas. sa n t es f r é q u e n t . Il n'empêche que le j u g e m e n t m o r a l i sa entend souvent dire de pauvres névrosés vivant sans cesse dans la culpabilité qu'ils n'ont pas de chance, mais leur sort aurait pu être pire. es méchan ts pervers, qu'ils mériteraient de souffrir ce qu'ils font souffrir. D e s m a l h e u r e u x psychotiques, que leur vie leur a été i n j u s t e m e n t volée. O r , c e s j u g e m e n t s s o n t faux. sont ( p a s t o u j o u r s ) es p a u v r e s es n é v r o s é s gens dignes de pitié dans leur recherche maître, ils en sont souvent venus à instrum entalise r es fous pour utiliser utiliser leurs délires leur profit en p r o j e t a n t ce q u ' e u x - m ê m e s n'osaient d i r e — il n'empêche, après coup, il d i r o n t , pa exemple, ue tout a été de la f a u t e de Hitler, comme si euxmêmes n'avaient pa voté pour lui. Q u a n t au p s y c h o t i q u e s , moins l'époque où ils n'étaient éteints n e u r o l e p t i q u e s , c e r t a i n s ont eu faire baver d'encommun, susceptibles es vies hors vie nombre névrosés, en a y a n t ét capables créations d'une audace inouïe (il suffit d'évoquer le noms de Hôlderlin, d'Ar taud, d e V a n Gogh et bien d ' a u t r e s ).
1. On désigne par là des troubles mentaux qui ne relèvent ni de la névrose ni de la psychose, mais se situent à la frontiè re. Voir sur cette question le travail inaugu ral de Jean Jean B ergeret, La Dépression et le étals limites, Payot, Paris, 1992.
1. Par exem ple, ceux révélés par C ompagn ie de l'art brut créée par Jean Dubui'fet, ou par la psychiatre et psychanalyste Lise M a u r e r (ainsi Jeanne Tripier, artiste « p r a u l é t a i r e » , Emile Josome Hodinos...), ou encore par la collection L'Aracine (ainsi Henri Darger, Auguste Forestier, Magde GUI,
ils se trouvent dans la position du... mouton. Celui dont le mauvaises langues disent qu'il n'est pas bon par nature, mais seulement parce qu'il n'a pas les m o y e n s d'être loup.
242 Est-ce dire ue nous assistons à recul de la névrose cette configuration dépressivo-perversoet à une montée .psychotique? Il f a u t ic répondre en deux temps. 1° II y montée en puissance cette configuraeffectivement tion — on peut en voir la preuve dans le développe men actuel es « é t a t s l i m i t e s qui, bien sûr, peuvent prospérer sur ce terreau. 2° Mais cette montée en puissance ne signifie peut-être pas le r e c u l de la névrose. Pourquoi? C'est nous verrons bientôt. Je l'ai dit: je peux abattre toutes es cartes en même temps. B r e f , arrivé à c point, t r o u v e p r é f é r a b l e remettre le masque p o u r q u e l q u e temps. Mais je me permets de suggérer au lecteur impatient que la réponse se trouve dans la figure 2 du schéma de la subjectivatio n articulant deux structures analogues telles que la seconde es récursivement imbriquée d a n s la première. 24
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Quant aux pervers enfin, p u i s q u e c'est surtout eux que je veux considérer ici, ils ont souvent apporté la liberté dans de systèmes n é v r o t i q u e s é t o u f f a n t s verrouillés par des dogmes indémontrables, ruais répétés à l'etivi parce qu'ils rassuraient les névrosés. 24
Ce qui distingue Le pervers du névrosé, c'est f o n d a m e n t a lement la question du rapport à la loi. Le névrosé est celui qui subit la loi, de gré ou de force. Content ou pas (et la plupart temps,c'est « p a s c o n t e n t » ) , i l s'y soumet, au risque d'en pâtir. Tandis que le pervers, non. Il déroge à la loi, il récuse la loi. Certes, p o u r le deux, «il existe existe quel que chose
plutô t que rie n», mais alors alors que le névrosé croit devoir obéir à la loi supposée régir ce quelqu e chose le pervers croit que la loi, c'est t o u j o u r s celle des autres obéissant à l'Autre, ce n'est jam ais la sienne, la seule qui l 'intéresse. beau, le pervers? 245
On p eut aisément en d éduire que le pervers peut s'avés'avére être u n p e r s o n n a g e e x t r ê m e m e n t utile à la civilisation. P o u r q u o i ? Parce que la perversion fait en e f f e t de insoumis et que, de insoumis, on en a besoin. On en a besoin dans le régimes verrouillés ar l'assujettissement et la soumission. Que ce soit dans le domaine des arts, dans celui de la science, dans celui du gouvernement des hommes ou du rapp ort entre les hommes et et les femmes. Le pervers est en effet celui qui s'autorise à aller voir là où c'est interdit, qui procède ar effraction et qui creuse es brèches dans le systèmes murés. Mais on en a besoin aussi dans nos démocraties. NotamM a r g a r e t h e Held, Jules Leclercq, Alexandre Lobanov, Raphaël Lonné, G u i l l a u m e Pujolle, Emile Ratier, Hélène Reimann, Kurt W a n s k i , Théo Wiesen, Carlo Zinelli.. .)• On peut voir quelques-unes de leurs œuvres sur Internet. A cette liste, on peut ajouter Séraphine Louis dite «de S e n l i s » , peintre di naïf, qui a inspiré le film de Martin Provost sorti en 2008, avec Yolande Moreau, Séraphine. 300
ment pour échapper au troupeaux, c'est-à-dire c'est-à-dire au troup e a u x de névrosés, qui ne cessent de se reformer. Que ce soient ceux que dénon çait Kant lorsque, dans Qu'est-ce qu le Lumières (1784), (1784), il adm on estai t ceux qui se placent sous la p r o t e c t i o n d e « g a r d i e n s q u i , p a r "bonté", se proposent veiller su e u x » et « r e n d e n t a i n s i s t u p i d e ce t r o u p e a u [...] dont les paisibles créatures ne doivent pas oser faire le moi ndre pas hors du parc où ils sont enferm és» (§ 2). 2). Ou ceux que craignait Tocqueville, fustigeant la passion dém ocratique l'égalité qu peut «réduire chaque nation n'être plus qu'un tro upeau d'animaux timides et industrieux», délivrés du « t r o u b l e de penser» Soit deux formes classiques classiques de trou peau x de névrosés névrosés quoi le pervers a pu objecter en acte. Sa passion d'échap per autre, a p p o r t e r à la loi c o m m u n e même pu, de temps de l'eau au m o u l i n ceux c a m p a i e n t sur une définition radicale de la pensée, définie comme i r r é d u c t i b l e m e n t critique, sans bornes, ou de ceux qui, dans le dom aine polidieu maître» et/ou tique, misaient sur les roboratifs ni d i e u , ni César, ni t r i b u n ». J'ai it «de t e m p s à autre », car le reste temps, le perpassion d'im poser sa loi, vers était simplement tenu p ar sa passion ce qui p o u v a i t le placer dans n ' i m p o r t e quelle position compris celle du loup solitaire tournant autour des troup e a u x p o u r m i e u x f o n d r e su quelques proies plus fragiles que les autres. 246 Que le pervers dénie la loi des hommes, on vient de le effet, le dire. Mais cela ne suffit pas. Car il va plus loin. déni pervers ne vise pas seulement la loi, avec un petit /. Il porte aussi sur la Loi, avec un g r a n d L. A t t e n t i o n d o n c ne pas confo ndre la loi, qui concerne la loi des hom mes, et la Loi, qui renvoie aux Lois de la nature. Bref il faut p o u r s' retrouver reprendre ici la d i s t i n c t i o n faite par les Grecs, 1. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1991, p. 840.
30
(E vres II,
déjà rencontrée, entre convention
n a t u r e , c'est-à-dire
entre nomos et phusis. J'illustrerai cette distinction d'un e x e m p l e très s i m p l e ; le gouvernement peut décider de fixer
les vacances au mo is d'août, mais il ne peut pas décider du temps qu'il fera alors. Ces deux domaines sont cependant nomos d ' u n bien régis par d es lois, mais il s'agit de celles côté et de celles de [a phusis de l'autre. Cela p our dire que le dé ni pervers pervers veut aussi touche r l Loi, celle laquelle tout névrosé comme tel se soumet, aussi b i e n p o u r e n souffrir. Le pervers veut en somme décider du temps qu'il fera. Ou des paren ts qui auraien t dû être les siens. O u d u sexe qu d e v r a i t être le sien. O u q u i d e v r a i t être celui de l'autre. Il v e u t en somme ne pas savoir que le sexe est aussi une affaire de nature. De nature au sens où le genre auquel on appartient, le genre humain, est, si l'on nous perm et cette expression, que nous avons déjà utilisée utilisée ailleurs sexionné, c'est-à-dire régi par la Loi de la reproet en le et les femmes. Alors que, par exemple, le monde des amibes est, lui, unisexu é et marq ué par u ne repro duction par scissipa scissipa rité. Il est bien évident que les «Lois de la n a t u r e » telles que je les i n v o q u e ici me r a n g e n t d a n s la position du scélérat sadien, mais dans celle du «sot» — ce que j'assume volontiers. Sade en effet exécrait exécrait cette nature perm ettan t l « p r o p a g a t i o n » ( c h a n t é e , s e l o n l u i , p a r «les sots [qui] appellent [cela] le lois de la n a t u r e ») pour m ieux exalter en éminen t pervers, une au tre n atur e, criminelle, où le sexe doit d é n i e r ou défier la division sexuelle. sexuelle. O n m e s u r e r a t o u t e l a différence entre le névrosé et le pervers face à c e t t e q u e s t i o n a n t h r o p o l o g i q u e c a p i t a l e e n comparant leurs énoncés. Là, donc, où le névrosé se dit que, s'il s'il est tombé du côté ho mme (ce qui peu t être regrettable ), il se doit d'acce pter qu'il n'e st pas une femm e, et vice versa il plaira au pervers de croire que cette Loi de la nature n'est qu'u ne simple convention huma ine qu'il qu'il peut contester. l.Cf. D a n y - R o b e r t D u f o u r , L'Art de réduire les têtes, op. cù.,chap. 3, «L déni de la "sexion"», p. 179 et sq.
302
Bref, il aurait fallu lui demander son avis avant de le jeter dans le monde puisque cette question le concerne au tout
prem ier chef. Et là, peut-être aurait-il consenti, mais mais pu isque cela ne s'est pa passé ainsi, il ne p e u t qu suspendre so adhésion t o u t . Ce qui peut servir beaucoup de causes, bonnes et m a u -
vaises.
247
Ce qui intéresse le pervers, c'est d'aller voir exactement là
c'est interdit. Il veut voir pour savoir ce qu'on ne p e u t as savoir. Et qu'est-ce qu'il es interdit de voir ? Ce que, usuellemen t, on ne montre pas. Soit deux choses. Premièrement, le cadavres, qu doivent être ensevelis. Lorsque le corps tombent, les hommes veulent en général qu'ils tombent dans la t o m b e et pas à côté — le théâtre le sait depuis toujou rs puisqu c'est exactemen t là le problème que che rche à résoudre A n t i g o n e propos de son frère mort, Polynice. Et deuxièm e m e n t , certains trous trous e t appendices du corps, au centre desquels il y a ceux qu servent à la reproduction de la vie. Pour abord er cette question , l'adresse directe au l e c t e u r me semble indispensable, dans la mesure même où il doit être fait appel à son expérience et à sa sagacité. Si, donc, vous êtes attentif, vous aurez remarq ué que/dans le corps, il y a des trous (comme la bouche, le trou du cul, le vagin) et il y a des appen dices (comme la langue et la «pin e» — je ne fais que reprendre ici les termes de Beckett qui parlait de «l'obscè ne protusion protusion de la langue [et de] la tuméfaction de la pine »). Les appendices sont faits pour foutre. Foutre où et quoi? Justement le t r o u s de autr es corps en les y emboîtant.
Il «trous servent à la reproduction reproduction de la v i e » , c'est c'est me ttre indûm ent l'accen t sur ceux-ci au détriment de ceu x-là, les autres, ceux que l'on peut foutre, disons disons,, impu néme nt. Ce ne serait pas un peu suspect cette mention, voire réactionnaire? Certes, 1. Samuel Beckett, L'Innommable, 10/18, Mi nu it, Paris, 1953, 1953, p. 67.
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un p e u , mais pas tan t qu'on le croit. En fait, cela vient du fait que, comme on L'aura encore probablem ent remarqué si on est vraiment attentif, nous vivons dans une espèce sexuée — ce qui est sûrement très regrettable, mais en attendant, c'est comme ça. Cel v e u t dire au m oins deux choses: premièrem e n t , n o u s avons besoin de l'autre, de l'autre sexe, qu'on le veuille ou non, pour prolonger la farce humaine ou la trag é d ie ie h u m a i n e ( a u c h o i x ) d ' u n e génération. On peut évid e m m e n t s ' a m u s e r déjoue r cette cette fatalité. Il suffit d'enfiler p e r v e r s e m e n t l'appendice sexuel dans le mauvais trou, ou d'utiliser le bon trou, mais avec le mauvais appendice. Certains veule nt croir qu'en p r a t i q u a n t ainsi, ils commettent une imm ense rév olution. Ils devraient devraient déchanter. Au mieux, cette pe tite perversion est a mus ante ou divertissante, divertissante, mais elle ne change as grand-chose au problème fond. p e u t e n effet s'amu ser à tirer tous les coup s à côté que l'on souhaite, mais si l'on veut faire tourner d'un cran la roue générationnelle, faut passer l'autre, l'autre sexe, de gré ou de force (par exemple, par des éprou vettes). Cel v e u t dire une de uxièm e chose; que la caractéristiq ue des individus, en tant qu'issus de la reproduction sexuée, c'est ça m e u r t , c'est qu'ils m e u r e n t . es deux considérations sexué — p e r m e t t e n t de dégager une loi, ou p l u t ô t la Loi à laquelle nous sommes soumis : nous sommes des êtres pour la mort au sens où la survie de l'espèce i m p l i q u e l a m o r t des individus. Je fais l'hypothèse que c'est précisément ce qu'il f a u t cacher/Et qu c'est précisément ce que le pervers v e u t voir. Autre men t dit, il faut cacher et ce par quoi passe la vie dans les corps sexués et ce que ces corps deviennent lorsqu'ils ont rempli leur office: des cadavres.Tout cela est ob-scène, au sens déjà repéré au d é b u t de cette étude, correspond ant à «ce qui ne doit pas être montré sur scène». Pourquo i répute-t-on cela cela obscène? Parce qu 'on ne veut rien savoir de ce q u ' o n découvert à cet end roit: le fait qu la vie et la mort ont partie liée. C'est en effet scandaleux que la vie, la belle vie implique la mort, l'affreuse m o r t . L a m o r t qui regarde chacun de nous avec se gros yeux de g o u d r o n . La d é m o n s t r a t i o n de cette implication est p o u r t a n t 30
simple. En effet, il y a de la mort parce qu notre vie se déploie dans le conditions de la reprodu ction sexuée Si on était des amibes, il n'y aurait pas de problème, on vivrait
éternellement, en se séparant soi-même, par scissiparité.
M a i s , a p p a r e m m e n t , ce n'est pas le cas, du moins j u s q u ' à présent. Cela va peu t-être changer avec le clonage hum ain et les manipulations génétiques. Mais pour l'instant, nous sommes encore dans l'ancien régime, il y a de la vie parce qu'il y a deux sexes, des hommes hommes et des femmes dont un cer tain nombre finiront bien ar devenir de parents ar rapp o r t à des enfants. p a r e n t s qu sont appelés m o u r i r cependan t q ue leurs enfan ts seront appelés à vivre, avant de devenir parents et de m o u r i r leur tour. Donc il y a de la vi et de la mort parce que, dans notre espèce, la reconduction de la vie passe par la rencontre avec un représentant de l'autre sexe. C'est là le sort de espèces sexionnées en d e u x , c'est-à-dire marquées par la sexion. C'est p arce qu'on ne veut pas savoir cette triste vérité sur notre compte qu'on cache, généraleme nt, ce qu'on découvre à cet e ndroit. Pourtan t, on le sait. C'est mêm e un vrai secret de polichinelle. Pou rquo i? Parce qu e, lorsqu 'on use de nos organes sexuels, appendices à foutre, enfoncer ou à défoncer, ou trous recevoir la défonce, on est avertis. Prévenus qu'on va m o u r i r . .> p o u r eu qu'il nous soit arrivé un j o u r de c'est le cas de le jouir en usan t de ces ustensiles. Du coup dire — on comprend p ourquoi cela n'arrive n'arrive pas toujours, de jouir. Parce que c'est dange reux, cette présence -de la mort dans la vie. Cette mort qui se rappelle n o t r e bo souveni puisque, justem ent, nous ne jouissons qu'à la condition condition expresse de n'y être plus. Quejious perdions toute notion de nous-même. Cela p e u t se dire a u t r e m e n t : l'instant où je jouis, je ne p e u x le faire qu'en disparaissant moi-même. Présenté de cette façon, cela cela peu t paraître étrange, mais c'est pourtant ainsi ainsi q u a n d on j o u i t , somme, c'est qu'il n' a plus personne personne pour jouir. C'est embêtant parce qu vous, pour peu qu e vous soyez sympathique, que vou s baisi baisiez ez pour rencontrer l'autre, vous voilà bien coincé. Parce qu c'est au m o m e n t précis où vous pourriez enfin le rencontrer dans so
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-.
être et dans sa chair qu survient la petite syncope qu vous empêche précisément de le ou de la rejoindre. C'est partir de cela qu'on peut, à mon sens comprendre la provocation de Lacan disant qu'tV n'y a pas de rapport sexueL Parce qu'au moment vous entrez vraiment en rapport avec l'autre, dans les profondeurs, vous disjonctez — il y a perte m o m e n t a n é e de conscience. conscience. V ous n'êtes plus sujet, mais objet. C'est vraiment bête. C'est vraiment al fait. Du coup, c'est autr e chose, chose, tout autre chose qu nous arrive. Quelque chose qui a à voir avec le fait qu c'est à cet instant, c'estque/e fais l'épreuve de où « j e » on humanité. ar l'absence de moi à moi, l'occasion m'est donnée de faire l'épreuve de ma condition d'être mortel. n'est donc pas l'autre que je rencontre, mais l'Autre. D'un coup — vertiges de l'amour et de la mort je m'élève à dix mille pieds au-dessus de la condition individuelle, je saisi l'espèce comme succession d'individus soumis à la mort. s'éprouve la vérité misérable, douloureuse, grandiose, ridicule, risible de l'individu dans l'espèce. En faisant l'expérience de l'absence, je comprends qu l'espèce exigera, exige déjà qu'un jour je meure comme individu. Quand je jouis, c'est donc l'espèce qui jouit en moi d'un plaisir sans aucune commune mesure avec le dimensions de mon indijouissant, comprends, pour revienne moi, que je ne suis qu'un jouet de l'espèce qu jouit en moi en signifiant ce quoi ce misérable je qui se croyait vivant, es promis... Il s'agit là de ce que,depuis Bataille, on appelle la petite mort. Bref, il n'y a pas de rap por t sexuel parce que, au mo ment du rap port, il y a petite mort. Et, Et, par cette petite mort, je devance l'autre mort, la grande qui est ma seule certitude et dont je ne pourrai jamais faire l'expérience. is le seul moyen de faire l'expérience de la grande et donc de comprendre sa position dans l'espèce es d'accepter toutes le implications de la petite. Cette expérience, pour Bataille, définissait l'érotisme même: «II est l'approbation de la vie jusque dans la m o r t Étrange condition que de devoir 1. G. Bataille, L'Érotisme, Gallimard,
306
1957,
p.17.
mourir pour éprouver la vie — ce que Bataille énonçait ainsi dans Somme athéoiogique: « Q u i ne "meurt" pa [de la petite mort] de n'être qu'un homme ne sera jamais qu'un homme .» Quant à la grande, Bataille l'approchait par un commentaire de ia seconde pa rtie de la préface à Phénoménologie de l'esprit de Hegel: «La mort [la grande, donc] n'enseigne rien, puisqu'en mourant, nous perdons le bénéfice de l'enseignement qu'elle pourrait nous donner .» La différence, donc, entre la grande et la petite, c'est qu'en principe, de la petite, on revient. Souvent penaud, en préférant ignorer l'enseignement ou l'avertissement que nous avons reçu. C'est voir cet endroit, ce point aveugle de la vie, ce point où elle s'inverse en son contraire, qu passionne le pervers, afin de produire là, sur ce que les hommes ne veulent pas savoir, un savoir (c'est pourquoi Bataille faisait des conférences sur le «non-savoir»). t, contrario, c'est cacher cet endroit qui intéresse le névrosé. sociétés humaines, comC'est ia raison pour laquelle les sociétés posées névrosés, cachent le cadavres et les organes sexuels — ou du moins les.cachaient. S'il y lieu de conjec-,; turer qu'il a dû arriver quelque chose dans le monde, c'est parce que, aujourd'hui, le organes sexuels et les cadavres, on les mo ntre. Cela Cela s'exhibe. es organes sexuels, sexuels, on n'a cessé d'en parler dans cette étude en montrant la place prise pa l'obscène et la pornographie dans la Cité perverse. Qua nt à la mort, elle elle s'expose s'expose désormais, ell aussi. Non seulement l'exhibition de la violence et des corps déchiquetés es devenue un lieu commun, mais aussi et surtout un art. place de morts n'est plus au cimetière, mais mais d ans de expositions qui font le tour des grandes villes du monde et
attirent des centaines de milliers de spectateurs. Il
suffit
de
penser aux «événements culturels» intitulés Kôrperwelten ou Body Worlds ou corps ouverts de G u n t h e r vo Hagens, l.G.
p. 127.
Bataille, L'Expérience intérieure, Gallimard, Paris, 1943 et 1954,
2. G. Bataille, «L'enseignement de la mort»,conférence du 8 mai 1952,in Œuvres complètes VIII, Gallimard, Paris, 1976, p. 199. 30
l'inventeur la plastination, ce procédé qui remplace les fluides du corps par des résines plastiques. Ce qui p e r m e t de mon trer des corps morts ou de s organ es stabilisé stabiliséss et solidisolidifiés dans des positions « a r t i s t i q u e m e n t » choisies. choisies. La seu le expression qu c o n v i e n n e i c i c'est celle de pornographie de la mort. Et comme toujours, ell se présente sous de airs ludiques et pédagogiques: «Bienven ue à Bodywood! lance joyeusement la plaquette d'accueil. Et, en sous-main, entend cette instruction p e r v e r s e qu c o m p r o m e t a u t a n t qu savait le faire la voix s a d i e n n e : Venez adm irer la sublim e diss dissecti ection on de ces corps, la magnifique cancérisation de ces organes, l'admirable écartèlement de ces membres, l supplice de ces chairs empoisonnées ! »
248 L'expression «aiguillon de la civilisation» semble convenir pour désigner l'action du pervers. terme renvoie en effet à «ce qui excite, anime, encourage, incite à agir» et au « d a r d effilé et rétractile, p o r t a n t g é n é ra ra l e m e n t glande venin, l'extrémité de l'abdomen de certains insectes» (Le Robert). 249 On connaît, par exemple, le prestige prestige dont jouit aux Éta tsUnis un écrivain comme Henry David Thoreau, ami et disciple du père de la philosophie pragmatique américaine, Ralph Em erson, l'inspirate ur de Nietzsche. Thoreau fut l'auteur en 1849 de La Désobéissance civile, régulièrement encensé par des génération s d'Américains d'Américains — dont celle celle de hippies de années 1960. Dans La Désobéissance civile, Thoreau soutient l'idée de la nécessité nécessité d'une résistance individuelle à tout gouvernement en tant que tel, coercitif et oppresseur Or, il est tout fait possible de juge r ce posit i o n n e m e n t c o m m e significatif d'une attitu de perverse, dans 1. Voir le cours de mon collègue et ami Patrick Berthier sur la philosophie pragm atique am éricaine, disponibles http://sophi.over-blog.net/. 308
la mesure où celui qui s'y installe abjure, nie et renie tout ce fait loi commun e, loi collective. On sait combien ce tex te et le positionnement qu'il défend ont pu être utiles dans le années 1960 à une partie de la jeunesse américaine qu s'est opposée l'inique guerre V i e t n a m menée par ses gouver nem ents success successifs ifs 25
Cela laisse penser toute l'ambiguïté liée cette position d'aiguillon de la civilisation, afférente à la perversion. ambiguïté telle que la mission mission civilisationnelle peut se retourner en son contraire. contraire. En fait, l'utilité de la perversion s'avère qu dans le époques de prévalence de la f o r m e n é v r o t i q u e , l o r s q u e le névrosés sont assemblés autour de leur grand Sujet favori, t r a i n de répéter lib. le dogmes, le normes, le codes, le valeurs et autres vérités «éternelles». Mais si ces sociétés/de névrosés sont dispersées et sont remplacées par des agrégats improbables d'ego où c h a c u n rêve que d'imposer sa domination à l'autre, bref, si la subversion perverse devient la norme, alors on s e u l e m e n t elle ne subve rtit plus rien parce qu'elle ne se dialectise plus avec la névrose, mais de surcroît elle crée leurre où la subversion cette v aleur civilisationnelle décisive décisive — se transforme comédie puisqu'en fait plus rien n'est interdit. Sans com pter que ce n'est nullement incompatible avec la création création d'un nouv eau type de troupeau post-névrotique et perverso-compatible que, dans Le Divin Marché, j'ai tenté d'analyser d'analyser repéré sous le nom de troupeaux egogrégaires où chacun se croit libre en satisfaisant ses appétences alors qu'il st pris la main dans le sac, refermée su l 'o 'o b j et et m a n u f a c t u r é qu'il a saisi avec la même v i g u e u r que celle du poisson qui happe le ver accroché à l'hameçon
ou celle du singe qui se fait piéger en a t t r a p a n t la noisette convoitée, disposée disposée dan boîte. 1. Cf D.-R. D.-R. Dufou r, Le Divin M arché, op. cit.,chap. 1.2. 09
attraper un Européen d'aujourd'hui
Voici le procédé le plus efficace pour attraper un singe. dispose un noix dans ne boîte reliée au sol par une chaîne, percée d'un petit trou où la patte du singe peut se faufiler, trou si étroit que, quand l'animal referme la patte su l'appât, il ne peut plus la retirer. Comme l'animal s'avère incapable de lâcher l'objet, il se trouve pris
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Lors du creusement de ïa route Transamazonienne au Brésil dans les années 1970, l'État brésilien alors aux mains contact es militaires mit au point la politique dite forcé» pour contraindre le Indiens abandonner leurs mythes, rites et croyances, condition nécessaire et suffisante de leur soumission La technique d'approche es simple, mais d'une redoutable efficacité: on édifie es tapini, abris rudimentaires en feuillage où sont accrochés accrochés d es «ca dea ux ». Q u a n d l'Indien referme la main sur l'appât, il ne peut plus la retirer. Il est pris dans l'engrenage fatal es échanges marchands. Ainsi pris la main dans le sac, il est transféré dans un camp d'attraction indigène indigène » où il doit bien finir par aliéner sa liberté et se vendre au(x) nouveau(x) maître(s) pendant que son village es détruit. Le processus d'acculturation es brutal, destructeur et extrêmement rapide. En quelques semaines sont détruites es milliers milliers d'année socialité dite primaire, impliquant un réciprocité réciprocité fond ée sur le cycle symbolique donner-recevoir-rendre mis au jour pa r Ma rcel Mauss Dans ce camps d'attraction indigènes, le taux collectif, sont considérables suicide, individuel 1. Le piège à singe est présen té par le politologue Benjamin Barber dans Fayard , Paris, 2007 2. Voir le remarqu able long métrag e documenta ire d'Yves Billon sur les Indiens parakanas, La Guerre de pacification en Amazonie, Les films du village, 1973. 3. Sur la socialité prim aire, voir les travaux d'Alain Caillé, n o t a m m e n t Anthropologie du don, La Découverte, Paris,2007, chap. 1.3. « D o n , socialité primaire et socialité secondaire». 4. Aujourd'hui, la route Transamazonienne a été abandonnée et les miliComment le capitalisme nous infantilise,
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Européen moyen vivant début Pour attraper xxi siècle, c'est très simple. Il suffit de lui montrer des objets dans ne boîte appelée téléviseur. S'il flashe sur l'objet, il n'a qu'un pas à faire vers le supermarché tout proche où il se trouve. Variante: on peut aussi lu montrer l'objet dans une boîte légèrement différente appelée ordinateur. Un clic de souris suffit alors. Dans le deux cas, le résultat est le même: quand l'Européen referme la main su l'appât, il ne
peut plus la retirer. À la différence de Indiens, il est content (nous verrons pourqu oi plu s loin) : il croit qu'il saisi l'objet de sa convoitise. Il ne sait pas encore qu'il est en fait attrapé par ce qu'il saisi. Il est pris comme un petit pervers qui se fait prendre en croyant simplement jouir. Pri par ce qu'il croyait prendre. Pris, en somme, plus pervers lui. Ainsi pris, peut le conduire où on veut puisque, ayant attrapé so objet de convoitise, il se croit libre. Cela s'appelle Yaddiction. permettent Elle est au cœur es processus pervers de créer les nouveaux troupeaux ego-grégaires, ceux des consommateurs ceux es «pride parades» toute obédience, où l'ego et ses satisfactions pulsionnelles sont mis en exploités. a v a n t afin d'être industriellement exploités.
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Le r e t o u r n e m e n t en son contraire de la « m i s s i o n » civilisation p ortée par la perversion peut d'aiguillon de la civilisation parfaitement être illu stré avec un aut re usage d e ce texte Thoreau que je viens mentionner comme ayant été si
taires ont été chassés du pouvoir, mats le missions évangéliques fondamentalistes sont venu es. Elles on repris le mêmes techniques. Sous couvert d'évangélisation, elles cachent de trafics divers (déforestation et revente du bois, prélèvement et revente du sang de Indiens, enlèvements et reventes d'enfants pour adoption, biopiraterie de semences...). Voir le docum ent acca blant de la FUNA I (Fonda tion nationale de l'Indien) rattachée au ministère de la Justice du Brésil, « Mîssào : o v eneno lento létal do Suruwahâ », sur les activités de la mission évangélique nord-américaine, la Jocum (Jovens com um Missào) sur http://groups.google.com/group/etnolinguistica/attach.
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utile pou r échappe r au au conformisme agressif agressif américain américain des années 1950 1950 et 1960 caractér isées par le patriotism e maccarthyste de temps de guerre froide. Il se t r o u v e qu c'est ce texte même, qu fu la bible de contestataires il y a une génération, qui est aujourd'hui fortement prisé par ceux qu'on appelle les libertariens. Soitfces extrêmes libéraux qui rêvent de briser toute lo humain e, considér considérée ée comme oppressive, pour laisser s'installer la compétition compétition permanente entre le individus ainsi placés en position de calculateurs rationnels évalu ant sans cesse cesse lès-gains lès-gains et les risques de tous leurs actes difficile de faire mieux au hit-parade de la perverpuisque ce projet assez sadien, s'il était sion contemporaine puisque appliqué stricto sensu^ serait l'un de meilleurs pour opérer la transformation de toute société humaine en jungle pleine de prédateurs en concurrence d 'aut ant plus sauvage sauvage les uns avec les autres qu'ils se confient aux bons soins de la Providence divine supposée produire de la richesse globale.
Lorsque Lorsque nous étions dans ne époque de prévalence de la névrose, névrose, l'aiguillo n détenu par le pervers le mettait dans la position de celui qu excitait et incitait agir. Il exaspérait le névrosés. Dès lors que nous passons dans ne époque de prévalence de la perversion, cet aiguillon le met dans la position de celui qu porte ne glande venin qui le pousse à entrer en co mpétit ion avec les autres qui, du cou p, doivent aussi porte r des glandes glandes à venin . Autrement dit, il s'agit d'une autono misation de la perversion. Elle tend à perdre son rôle d ' « a u t r e » de la névrose et à créer un nouveau monde bien elle, i n d é p e n d a n t ; monde dont voici quelques traits caractéristiques: dans le d o m a i n e de arts, chacun affirmera son ego — ce sera la civilisation du tout à l'ego. Le domaine scientifique sera caractérisé pa le relativisme et par le subjectivisme en sciences humaines, par la réduction systématique de phénomènes symboliques à des données de n a t u r e en sciences sociales (cognitivisme et sciences neuronales), et par le pragmatisme en philosophie. domaine politique, celui du gouve rnem ent des hommes, ne sera sera plus 31
privés, mais défini comme étant le lieu au-dessus des intérêts privés, comme le lieu investi et même surinvesti par les intérêts privés. gouvernement ne sera donc plus ne instance qu lieu qu comdécide en fonction de l'intérêt général, mais mun ique en raco ntan t des histoires destinées faire plaisir à ceux qui les écoutent — ce g o u v e r n e m e n t d o i t avoir comme méthode le storytellïng management cependant que la tête de l'État pourra s'employer donner de leçons de perversion, comme telles décomplexées, destinées à convaincre les derniers névrosés de s'autoriser enfin d'eux-mêmes. 25 Plus
je sais bien, mais quand mêm e...
nous quittons un monde marqué par la prévalence de la névrose au profit d'un au tre, marqu é par la prépond érance de la perversion, et plus se font entendre des formulations qu objectent à la Loi de l'espèce, la sexion. Normal, le pervers es celui qu objecte au lois, celles de hommes aussi bien que celles de la nature. Ce qui donne ce genre de formulations: «J suis un homme dans on corps, mais «J suis une femme dans m a tête, je suis une 'femme» dans corps d'homme». Il faut pas s'y t r o m p e r : ce formules, bien que devenues très commun es, sont frappées frappées au coin de la rhétorique perverse la plus m anifeste, celle-là celle-là même qu'avait épinglée Octave Mannoni dans sa fameuse ritournelle destinée à formuler le mécanisme du déni, central dans la perversion je sais bien (que je suis homme), mais quand même (j suis f e m m e ) Le «mais q u a n d même signifiant que, quoi qu'il en soit du réel de ma sexuad'autres termes, il tion, je peux décider ce que je veux. st hors de question que je me laisse laisse arrêt er par de sordides détails matériels puisque, de toute façon, ce que j'ai dans la tête prime sur ce qu'est on corps. Donc, je suis femme. Cela s'appelle tout simplement subvertir la Loi puisqu'en et
Christian Salmon, Storytellïng. La Machine à fabriquer fabriquer des histoires histoires formater les esprits, La Découv erte, Paris, 2007. 2. Cf. Octave Mannoni, Clés pour l'imaginaire, Seuil, Paris, 1969. 1. Cf.
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un fait dont je ne veux plus rien savoir —Je suis un fait homme. Qu'on m'entende bien, je ne conteste ni ne juge en rien cette passion d'être a u t r e qu peut insister en tout être humain, je maint iens même que personne n'a rien à en dire d'u n poin t de vue norm atif, sauf à reconnaître q u'elle existe. existe. Mais ce qu'il faut bien re marq uer, c'est que ceux qui en sont habités peuv ent développer deux attitudes bien différentes qui, n'étant «naturelles» ni Tune ni l'autre, mais culturelles, mérite nt analyse. Soit ils s'arrangeront comme ils peuvent avec le fait qu'ils sont tombés côté de la sexuation qu ne leur co nvient pas. Toutes leurs solutio ns possibles seront alors de l'ordre de l'imaginaire (soit (soit les multiples faço ns et fictions ui p e r m e t t e n t de se prendre pour ce qu'on n'est pas). pas). Soit ils refuseront de s'arranger im aginairem ent et d e m a n d e r o n t un solution symbolique (que la loi des h o m m e s m e r e c o n n a is is s e j u r i d i q u e m e n t p o u r c e q u e j ' a i décidé d'être) ou une solution réelle (que, homme biologique et gé nétique, je coupe dans mon corps ce qui objecte à mon affirmation ou que, f e m m e biologique et génétique, j' a j o u t e ce d o n t il m a n q u e p o u r la soutenir). Il es r e m a r q u a b l e que ce genre de f o r m u l e s en f o r m e de déni je sais bien (que je suis un h o m m e ) , mais quand même (je suis un femme) — ait pu motiver le travail de quelqu'un d'aussi sérieux sérieux et informé q u ' I r è n e T h é r y ( c f . so livre récent intitulé La Distinction de sexe — U n e nouvelle approche de l'égalité ). L'auteur agit en so ciologu e, ce qui est normal puisque c'est son métier. Elle part du constat ue b e a u c o u p d ' i n d i v i d u s c a m p e n t a u j o u r d ' h u i sur ce type de f o r m u l e et elle elle exam ine le dispositions juridico-sociales juridico-sociales envisageables tenant compte de ce fait sociologique, et non plus le niant. C'est là que se mesure la différence entre le travail du sociologue et celui du philosophe, puisque là où le premier part de ce qui est pour lui un donné, en l'occurrence des données sociales recueillies, répertoriées, classées et quantï1. Livre par u chez Odile Jacob, Paris, Paris, 2007
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fiées en toute neutralité axiologique, en vue de mieux légi-
férer ou de mieux amén ager les institutions, par exemple en un sens plus égalitaire, le second second interrog era ce fait c o m m e une construction culturelle qui n'a rien de l'évidence, m ê m e si beaucoup, voire m ê m e la majorité de individus, la partagent. Ce qui, de ce de rnier point de vue, appara ît alors, alors, c'est que la solution juridico-symbolique (changer la loi afin qu je sois reconnu pour ce que j'ai décidé d'être) de même qu la solution réelle (refa ire son corps d -façon à ce qu'il ressemble à ce que j'ai décidé d'être) engagent l'une et l'autre un rapport à la vérité problématique qui ne peut pas laisser indifférent le philosophe. Car, dans le deux cas, cela aboutira tenter de soutenir un rapport mensonger soi-même. Dans le premier, en effet, j'obligerai tout le monde à dire que je suis une femme là où chacun qui m'aura c o n n u h o m m e sait que je suis bel et bien un hom me. Dans le second, je tenterai prendre paraître pour être. Car mon être, lui quoi que la loi des h o m m e s en dise ou quoi que mon corps paraisse sera toujours le m ê m e cjU'avant: l'écriture g é n é t i q u e e n X X o u e n X Y q u i m e définit n'aura pas été changée d'u n iota par ces opérations. Et cela, au demeu rant, ne semble guère envisageable avant longtemps. longtemps. Les Grecs appelaient ce «dire vrai» la parrhesia, qui enjoint au citoyen de ne pas mentir avec de vérités qui le d é p a s s e n t . Or, il est intéressant de relever que ce terme a r é c e m m e n t donné lieu à des m alentend us majeurs. On a voulu croire, à la suite de conférences données pa Michel Foucault Berkeley en 1983 \e leparrhesiastes était celui qui osait courageusement dire au souverain «sa» vérité personnelle et singulière, en pre nant éventu ellem ent des risques. risques. Aussitôt — et probablement était-ce là l'intention de Foucault — les « m i n o r i t é s sexuelles» de la postmodernité on voulu entendre qu'il fallait affirmer « s a » vérité à l 1. Voir le séminaire de Foucault qui reprend de façon abrégée le contenu de ses conférences de Berkeley, cf. M. Foucault, Le Gouvernement de soi et des autres [1982-1983], Seuil, Paris, 2008.
face du monde. Or, c'est manifestement là une interprétation fautive puisque [a parrhesia renvoie l'opposition classique rationnelle faux/vrai et non à L'opposition archaïque mythique antérieure vérité/oubli où aléthéla est alors le ['a-léthéia (la vérité) signifiant littécontraire de léthéia ralement « non-oubli» . L parrhesia, ce n'est donc pas seulement dire sa vérité soigneusement oubliée par les autres, c'est surtout dire la vérité, celle qui s'oppose au faux et qui
s'impose à tout un chacun et à celui qui parle en premier
lieu. Il y aura it fort à réfléchir sur ce retourne me nt postmoderne, l'intérieur même de la philosophie, de La signification de la parrhesia. solutions, procéda nt d'un rapport mensonger à soi Que ces solutions, ou au autres, soient si répandues aujo urd'hui dans le corps social ne peut signifier qu'une chose : la Cité ne cherche plus, ou même, ne veut plus s'accorder à la vérité, sur un point aussi capital que celui où porte La pérennité de l'aventure humaine Cela peut se dire en un mot : nous avons alors affaire à une Cité qui est devenue perverse. Elle accepte en effet que la distinction sexuelle, loi centrale de l'espèce, loi phylogénétique, ne s'impose plus aux individus. Ce qui ouvre bien sûr un abîme car l'ontogenèse (le développement de l'individu) perd tout sens dès lors qu'elle n'intègre plus les Lois phylogénétiques présidant au développement de l'espèce. Il apparaît donc un conflit phylo-ontogénétique m a j e u r puisque là l'individu se désaccorde de son espèce.
l'époque où, de Pla1. Cette opposition n'était en effet plus de mise ton au stoïcien Épictète, on parle de la parrhesia ( c f . Marcel Détienne, Le Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, F. Mas pero, Paris, 1967). 2. Je renvoie ici aux travaux de Marilia A m o r i m qu montrent comment la Cité p ostmoderne se caractérise par le déclin des deux grands régimes de vérité (narratif et logique) et par la mise en avant d'une forme de savoir, semblable à ce que les Grecs anciens appelaient la métis, où le mensonge et démontrer... surla simulatio n devien nent la norme. M. Amorim, Raconter, démontrer...
vivre. Formes de savoir et formes de discours dans la culture contemporaine,
Ramonville-Saint-Agne,2007. Eres, Ramonville-Saint-Agne,2007.
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parents libérés, enfants abandonnés
257 Ce qui corrobore ce jugem ent (qui un fois de plus, pas moralisant, mais logique), c'est que la conséquence directe de la division sexuelle se retrouve elle aussi en cause. Je veux parler de la différence générationnelle. C'est en effet parce qu'il y a différence sexuelle qu'il y a moit des individus (ce phénomène, très regrettable, nous dispose être sans cesse affectés par l'angoisse, pour le dire à la façon de Heidegger). Autrement dit, jusqu'à nouvel ordre, la vie de l'espèce implique la mort de individus, le vieux, et la naissance d'autres, le jeunes. La différence générationneîle es donc un conséquence de la différence sexuelle. Il en découle un autre tâche pour la Cité consistant accorder le individus cette Loi de la succession des générations. Ce dont la Cité s'acquitte par l'éducation, qui ne peut, dès lors, se définir, comme Kant l'a parfaitement énoncé dans so Traité d'éducation, que par ce théorème : « II faut que la génération antérieure fasse l'éducation de celle qui suit.» Mais dè lors que la Cité devient perverse (oublie ou nie la Loi), elle ne peut que jeter cette règle aux orties en affirm a n t qu'il n'y a pas de génération qu tienne qu'il faut laisser le individus faire le expériences vers lesquelles leur nature le conduit — ce qui est précisément le discours de sont nées au philosophies pragmatiques de l'éducation États-Unis d'Amérique, pays du libéralisme triomphant On a parlé à cet égard, bien imp roprem ent, de «libération de enfants ». En fait, il faudrait ne pas disjoindre cette prétendue libéra tion d'un congédiement es parents, brusquement déliés de leur traditionnel devoir d'éducation envers la génération nouvelle. La formule est d'ailleurs trompeuse puisque les enfants, ainsi «libérés», ne l'ont pas été bien longtemps dans la 1, Voir le cours de Patrick Berthier, notamm ent sur John Dewey, en ligne sur son blog: http://sophi.over-blog.net/. 2. Cf A. Renaut, La Libération des enfants, contribution philosophique une histoire de l'enfance, Bayard-Calmann-Lévy, Paris, 2002. 31
m e s u r e où on a amené dans l'espace familial, et j u s q u e ou v e a u m a î t r e a u t r e m e n t p l u dans l e u r c h a m b r e , u n n ou redoutable, la télévision, ce t r o i s i è m e p a r e n t qui est vite d e v e n u p l u s p u i s s a n t que les deux autres. Ce nouveau maître fu chargé de dispenser dispenser une éducation nouvelle non p l u s entr aîne r les enfants à renoncer aux multi ples petites jouissances p o u r se consacrer à l'essentiel, une capacité se gouverner soi-même afin de tenir sa place dans la Cité, mais au contraire les encourager à céder sans cesse à tout pulsionnelle présentée comme ce qui p r o m e t la satisfaction pulsionnelle a c c o m p l i s s e m e n t de l'individu (j rappelle qu'un e n f a n t américain voit en m o y e n n e 40000 spots de publicité par an, séquences exhibant possibles objets qu sont autant de convoitise). Cette pseudo-libération de enfants es donc inséparable du dépl oieme nt d'un discours libéra libérall pro me ttant un élargisélargissement de droits de l'individu fondamentalement indexés indexés sur une promesse de satisfaction pulsionnelle toujours plus vaste. Beaucoup, notre époque, ne veulent surtout pa voir qu cela constitu e un dévoiement, autre men t dit une perversion supplémentaire, puisque le discours démocratique se trouve démocratie ainsi complètement inversé ou renversé. était en effet ce qui devait permettre aux individus d'accéder au gouvernemen t de soi, impli quant une maîtrise de ses propres passions, faute de quoi il ne p o u v a i t être question de p r é t e n d r e au gouvernement de autres. r, corrélée au marché, ravalée à la promotion du simple droit à consomdroit très théorique au d e m e u r a n t er pour tous la démocratie d evient tout le contraire puisqu'elle puisqu'elle rime désormais avec la satisfaction pulsionnelle. Cette méprise sur la démocratie, savam ment entretenue, constitue le m e i l l e u r gage du déploiement de la Cité perverse. 25
Ce n'est pas porter un jugem ent moralisa nt que que de dire que nous vivons désormais dans dans une Cité perverse puisque, 31
très précisé ment, ell s'est affranchie, et a exemp té les individus, des Lois gouvernant notre n atur e, celles de la diff érenc sexuelle et de la différence générationnelle, et réorganisé les grandes institutions en ce sens. Et p o u r q u o i pas? me dira-t-on. Pourquoi pas en effet,c'est à chacun d'en décider... pour pe qu'il soit inf orm é, c'est-à-dire qu'il veuille savoir quelque chose de ses passions. Ce qui, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas le cas quand il s'agit de la perversion, puisque le seul enjeu, c'est de les assouvir. le
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projet pervers
On mesurera sans peine que la conséquence directe de cette pervers ion, devenue ordinaire c'est la mise au premier plan de l'individu, de l'individu seul avec se passions. C'est lu qu'il s'agit de promouvoir. C'est p o u r cette raison qu'il se dispense aujourd'hui tant de leçons de perversion. Car enfin il ne s'agit pas que les indivi dus se repli ent sur la vieille solution névrotique qui risquerait de faire capoter le «proje p e r v e r s » .
260
« p r o j e t p e r v e r s » a été p r é p a r é longue main. Comm e nous l'avons mon tré, l'arrivée de cette personnalité perverse est annoncée depuis plus de deux siècles par Sade, qui a non seulement construit (littérairement et p h i losophiquement), avec un constance logique impressionnante, cette personnalité, mais qui, en plus, s'est livré à un extraordinaire prosélytisme prosélytisme pour la promouvoir. Il ne f a u t pas oublier en effet que les grand s livres de Sade se veulent traités d'éducation, d'éducation à la perversion, bien sûr. Certains, en effet, p a r m i le plus accomplis accomplis dans ce que peut avoir d'insoutenable la perversion poussée à ses limites extrêmes se présentent dès le titre comme Philosophie dans de traités d'éducation. Qu'on en j u g e : le boudoir, sous-titré Les Instituteurs immoraux, Les Cent 31
Vingt Journées de Sodome, sous-titré L'École du libertinage, ou encore L'Histoire de Juliette ou les Prospérités du vice, qui se présente comme un grand roman de formation. 26
le « d o n » de l'extrême
perversion
estime environ 3 % par génération le nombre d'individus qui présentent un don particulier pour les mathématiques. De même existe-t-il probablement un taux incompressible d'in dividu s mo ntra nt des aptitudes particulières pour l'e xtrêm e perversi perversion. on. Ceux qui ont réussi à expri mer socialement c « d o n » sont entré s dans la légende légende sous le no d'ogres, de croque-mitaines ou de loups-garous. La liste de ces pervers de légende est longue. Elle va de l'empoisonneuse romaine Locusta, ayant tué au I er siècle avant J.-C. nombre de victim es pour le simple plaisir plaisir et la beauté du geste, à Marc Du troux , en passan t par Gilles de Rais, le comte de Charolais déjà rencontré, Marie de Brinvilliers, Jeremiah Johnson, Jack l'Éventreur, Albert DeSalvo dit « T E t r a n g l e u r de Boston», Peter Kiirten dit «le Vampire Diis'seldorf », sans oublier no chers Emile Louis ou Michel Fourniret Puisque ce ouvrage ne se propose pa comme un étude su le bon usage des dons, je ne d irai rien de ceux qui sont affectés cette disposition l'extrême perversion. Sauf ceci : l'avènement récent de la Cité perverse constitue très probablement contexte particulièrement favorable au déclenchement de la sinistre motion qu habite es individus Ainsi, pa exemple, si on en croit le statistiques concernant les États-Unis, la police enregist rait entre 1900 et 1959 un moyenne de deux tueurs en série » par a dans tout le pays. partir de 1969, le autorités comptaient si cas par an. Dans les années 1970, ce nombre triplé. C'est
assez com plète de plus récents dans Wikipédia 1. On trouvera un liste assez l'article Liste de tueurs en série ». 2.1! existe d'excellentes études sur les tueurs en série, pa exemple celle de Denis D uclos Le Complexe du loup-garou: la fascination de la violence 1994. dans la société américaine, La Décou verte, Paris, 1994.
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cette époque qu'on a dû créer terme, celui «sériai killer», pour désigner cette réalité. Depuis 1985, on signale
un moyenne de trois tueurs en série pa mois. Le nombre tueurs en série au États-Unis avoisinerait aujou rd'hu le 500, qu'ils soient en sommeil ou en activité Le domaine du meurtre en série es donc devenu un activité pleine d'avenir. Il est en effet très probable qu'il donne beaucoup de travail dans les secteurs de la police et de la justice au xxi siècle. 262
Ces statistiques sont bien sûr sujettes à caution, au moins pour ne raison: plus parle de tueurs en série, plus on de chances d'en voir. Mais cela n'autorise pas à négliger l'hypothèse qu l'augmentation soit bien réelle. On ne peut échapper à la question de savoir si la montée en puissance de la Cité perverse n'est pa susceptible de constituer un facteur déclenchant de la motion perverse éventuellement présente chez individu. On peut en effet raisonnablement conjecturer que les D u t r o u x et autres Fourniret sont particulièrem ent sensibles au violent conflit pulsionnel qui se trouve trouve au cœur de notre ie sociale depuis le révolutions culturelles libérales entreprises à la suite de la crise de 1929 1929 pour sauve r le le capitalisme. conflit se caractérise par le fait qu Fo rd» et se compè res, comme no us l'avons u, incitaient et interdisaient à la fois, en prescrivant les «bons» objets et en proscrivant le «mauvais» (ceux qui ne leur rap porta ient rien). On a une autre expression de ce même conflit à partir d'autres contradictions, dont celle-ci: au moment où, comme nous l'avons longuement évoqué, Bernays envoyai se belles dans un attitude joliment fellatoire le j o u r de Pâques, et à l'heure où George Petty et Alfredo Vargas dessinaient leurs pin-up pour érotiser t out objet m anuf actur é, jusqu'à des clefs à molette — ce qui relève quand même, reconnaissons-le, de 1. Statistiques disponibles sur le site (bien documenté) http://www. tueursenserie.org. 21
c'était aussi, comme on le sait, l'époque de La L'exploit prohibition, laquelle a duré jusqu 'en 1933 bordel puritain
263 Ce fonctionnements présentent un étrange alliance de
puritanisme et de perversion qui demande qu'on s'y arrête, tout simplement parce qu'elle continue de valoir de nos jours — ils ils sont le symptômes manifestes de ce qu'on a p p e l é le pervers-puritanisme engendré par. le_ libéralisme. En d'autres termes, l'entreprise de perversion nécessaire à la sortie de la crise de 1929 s'est déroulée sur un fond puritain qui non seulement n'a jamais disparu, mais qui a pris aujourd'hui une nouvell forme, qu'il convient de cerner. Au fond de ce conflit, il y a la contradiction entre le vice de l'incitation à la satisfaction pulsionnelle, c o n s t a m m e n t relancé par les petits récits publicitaires, et la vertu prêchée de telle sorte que la libido se tourne uniquement vers consommation d'objets rentables pour «Notre Ford» et ses amis afin que rien, dans cette force, ne se perde dans de vains objets. Cette con tradic tion laisse laisse penser qu nous vivons de plus plus dans un sorte de grand bordel puritain l'on doit satisfaire deux exigences contradictoires à l fois. es tiraillements contradictoires de ce type se laissent décrire par le concept de double bina («double contrainte», en français). Le double bind est, rappelons-le, une notion qui avait ét proposée dans le anné es 195 par le grand anthrop o l o g u e Gregory Bateson avant qu'elle ne soit reprise ar l'école de Palo Alto et les antipsychiatres anglais Laing et Cooper. Bateson donnait beaucoup d'exemples de double contrainte, dont celui-ci, très parlant. C'est la situation où se retrouve le petit enfant à qui la mère ne cesse de répéter «Viens embrasser mam an ! » et qui voit sa mère se raidir de dégoût et se reculer d'effroi chaque fois qu'il s'exécute. En 1956, après une longue étude sur la communication chez les schizophrènes, Bateson écrit avec ses élèves un 32
article intitulé «Vers un théorie de la schizophrénie », où il montre quVle schizophrène est celui vers qui convergent paradoxales — ce qui fait de lui une «vicde injonctions paradoxales
time émissaire» qui doit en quelque quelque sorte assumer le le défaut de communication, voire même en être l'incarnation. La victime se trouve donc être le membre « schizophrénique » du système, et le dédoublement de la personnalité, caractéristique de la schizophrénie, se présente alors comme un mécanisme de défense résultant de cette double injonction. En d 'autres termes, termes, le schizophrène est celui qui assume le défaut de communication de son environnement en se m u r a n t dans le mutisme, verbal ou postural, ou en produisant du «charabia» schizophrénique, lequel peut, bien sûr, être extrêmement réussi — qu'on pense par exemple à Jeanne Tripier, sans même parler d'Artaud. Au niveau du discours, on aboutit soit au silence, soit à la verbigération. Et au niveau pulsionnel, on aboutit à des situations littéralement explosives dans la mesure t o u t se passe comme s'il fallait accélérer accélérer et f reiner en même temps. Or, accélére accélérerr et faire v rombi r le le moteu r pulsionnel, cela cela ne peut que faire chauffer la machine. De même que freiner et se dresser droit debout sur le frein, cela brûle quelque peu les garnitures. garnitures. Mais accélérer fond et freiner à mort en m ê m e temps, cela ne peut qu provoquer intervalles réguexplosions en plein vol. liers quelques explosions Je ne sais si on peut encore parler aujou rd'hu i de schischizophrénie, zophrénie, tant la schizophrén schizophrénie ie ne semble plus réductible à de données sociales, sociales, mais il se pourr ait bie que/l'analyse de Bateson reste intéressante pour décrire des cas de psycho-névrose (pour reprendre ce terme freudien) et de perversion sociales, sociales, au sens où ces pathologies semblent causées par une culture mettant l'injonction à jouir au premier plan en la doublant d'une véritable interdiction. interdiction. 1. G. Bateson, D. D. Jackson, Haley et J. H. Weakland, «Vers une théorie de la schizophrénie», Behaviorat Behaviorat Science, vol. I, n° 4,1956, repris dans G. Bateson, Vers une écologie de l'esprit, Seuil, Paris, 1980
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D'autant cette double contrainte pris aujourd'hui de prop ortion s coloss colossale ales. s. Qu'on en juge : on ne peut feuilleter un magazine ou voir se couvertures affichées dans es kiosques ou sur le mu rs de l ville sans trouver quantité de photos montrant très jeunes filles, paraissant douze quatorze ans au plus, dans de poses très suggestives, c'estprovocantes, comme des fem mes sachant parfaià-dire très provocantes, tement user leurs charmes au point paraître prêtes recevoir et à assumer des propositions très directes, voire à les faire. Cela, c'est pour le côté pervers. Mais le côté puritain n'es as loin. Parce qu s'il prenait quiconque la mauvaise idée de lorgner, même de sourire gentim ent, voire voire innocemment, à une j e u n e fille de douze an dans la rue, il ne faudrait pas longtemps avant que cet individu soit identiservice, service, sus ceptible fi comme le dangereux pédophile d'être is hors d'état nuire par une escouade mamans en colère prêtes à lui tomber dessus ou appeler la m a r é chaussée à la rescousse. Bref, aimer les jeunes filles et faire es photos d'elles ou leur offrir de jouets, comme Lewis Carroll ou comme Pierre Louys en leur temps, con duirait aujourd'hui l'individu qui se livrerait à ces turpitudes subir 'obligation judiciaire desoins telle qu'instituée par la loi du 1998, pour les auteu rs d'agressions sexuelles. juin 1998, sommes aujou rd'hui l'époque clivage: es r, nous sommes photos de Lolita provocantes, il y en a partout. Tellement qu'on ne les voit même plus. Elles ne cessent d'émettre de incitations sadiennes directes directes en ce sens qu'elles s'adressent celui qui les regarde en le chauffant, c'est-à-dire en lui inti! mant un comm andem ent disant: «Jo uis! » Et cep endant, le spectateur doit freiner des quatre fers pour résister à la tentation. Bref, il faut bien qu'il se mette en tête que la photo es seulement faite pour qu'il achète le magazine et éventuellement qu'il offre la chemise affriolante que la jeune fille porte à sa petite amie. Mais pa davantage. Or, c'est c'est bien sûr to ut un circuit pulsionnel qui est mis en branle. circuit pulsionn el activé de façon très sadienne. Il existe de belles études sur la question, don t celle Philippe 324
Mengue, parue dans L'Ordre sadien*. L'auteur montre fort bien comment fonctionne la narration chez Sade elle vise inciter le lecteur consentir à ce c o m m a n d e m e n t de jouissance. ne démonstration très rigoureuse en est faite avec l'étude du d é b u t de Cent Vingt Journées..., le roman le plus Sade. Mengue se demande effroyable su quels éléments le narrateur compte pour réaliser ce prog r a m m e de perversion de façon qu'il soit soit entièremen t assuré de l'effet de son livre? [...] texte sadien fonctionnant comme une m achinerie de dé sir, une ruse, qui vise à capter le lecteur d force dans un processus de jouissance pervertissant, réclame un minutieuse étude narratique [...] Cette machinerie narrative implique un «intéressement» de l'autre. [...] Au d é b u t récit, le narrateur emprunte le code idéologique supposé de son lecteur en marquant sa désapprobation l'égard de scènes qu'il décrire et les conditions d'injustice sociale qui les a rendues possibles comme en témoignent les premières lignes. L'utilisation de termes infamants pour se démarquer de la conduite de personnages est une technique efficace. [...] [Mais,se] prépare prudemm ent le retournem e n t du code emprunté qu bascule insensiblement, passé la première page Ce sont de petits pas qui «peu à p e u » — la terrible lenteur sadique, bientôt suivie d'une accélération et précipitation quand on a la certitude qu tout es joué font avancer le processus de captation qu porte en premier lieu sur le dévoilement progressif du visage du narra teur. [...] [...] L'emploi du possessif à la première personne du pluriel p o u r effet de mettre en « c o m m u n a u t é » les personnages avec le narr ate ur et son narrataire. er degré: « n o s quatre personnages» (XIII, 3): c'est assez neutre et e x t é r i o r i s a n t ; degré: « n o s quatre héros» (XIII, 4) c'est plus accueillant; degré: «nos quatre amis» (XIII, 4). [.,.] Cette gestion minutieuse du temps [permet de] fondre sur le lecteur pour l'inclure dans la catégorie des libertins dont deviendra « l ' a m i » 1. P h i l i p p e Mengue, L'Ordre sadien, loi et narration dans la philosophie de Sade, op cit. 2. voix narratique renvoie à l voix impersonnelle mais impérattve qu é m a n e d ' u n texte, distinguer de voix narratives qu réfèrent au diffé-
rentes voix entrelacées dans le 3. Ibid., p. 124 et sq.
texte.
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Cette analyse permet de c o m p r e n d r e c o m m e n t le commandement sadien se réalise: par la compromission du lecteur auquel est arrachée sa connivence. Le procédé de compromission est le même dans le cas du spectateur spectateur voya nt les images de Lolita de magazines. Dans tous le cas, la compromission déclenche donc un processus qui, un fois l a n c é , . doit arriver à ternie. C'est ici que, dans ce «sadisme appliqué à la consommation», intervient un seconde ruse: à la Lolita promise on substitue. Le p r o d u i t qu présente la fille (l magazine) et/ou le produit qu porte la fille (son pull, ou so jean, ou sa lingerie fine...). C'est finalement un processus assez dangereux qui est activé, remon té et lancé: il suppose en effet que le spectateur puisse se contenter, au terme de ce processus destiné l'intéresser et le c o m p r o m e t t r e , consolation destinée faire retomber d'un expédient, d'une consolation la tension. C'est justement là que la Cité perverse, saturée de ces processus sadiens, sadiens, peut constituer un facteu r déclenchant de la motion perverse éventuellement présente chez individu. Il s u f f i t en effet que cet individu compromis refuse l'expédient et veuille la chose promise pour que l'accident survienne. En d'autres termes, il est à crain dre que certains, chauffés blanc, ne parviennent pas à s'arrêter en cours de route, en achetant simplement soit le magazine montrant la petite fille, soit sa culotte. Car ce qu'ils veulent, ce n'est ni l'un ni l'autre, c'est la petite fille. peut donc conjecturer que les D u t r o u x , le Fourniret et autres grandes figures perverses actuelles, actuelles, dignes de Dolmancé, Durcet et autres héros sadiens, ne sortent pas de n'importe où comme ar hasard, contrairemen à ce qu'on v o u d r a i t croire en les rattachant au quota incompressible de pervers de légende qui naissent aléatoirement dans une génération. Cela ne veut pa dire que ce quota n'existe pa et que les pervers de légende n'ex istent pas, mais il n'empêche que les passages l'acte de certains se c o m p r e n n e n t très bien aujourd'hui en ce sens qu'ils sont suscités. suscités. Il sont suscités par la «culture» pornographique de leur époque, alors même qu'on voudrait bien croire que la culture n'y 32
es pour rien et leur nature, pour tout. Ca c'est toujours la l'acte pervers: on ne même litanie après chaqu passage comprend pa ce qu s'est passé. C'est un cas isolé, c'était probablement inscrit dans ses gènes, cet homme (ou cette f e m m e ) est une aberration de la nature. Bref, c'est un acci-
dent isolé regrettable, personne n 'y peut rien. Eh bien, non, ce n'est pas un accident de la nature, c'est un pur produit de la culture, un pur pr oduit des révolutions culturelles produites par le capitalism e pour se survivre. Certes, peu y succo mbe nt. Mais, comme on l'a d it, cela met n éanmo ins en branle un processus pulsionne l qui doit bien trouver quelque résolution. crises crises de masturbit
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Et c'est ic qu'on voit le côté sublime de la production capitaliste capab le de tran sfo rm er les activités activités les les plus vaines en objets r e n t a b l e s . Il propose en effet un issue issue pulsio nnelle dérivée au processus qu'il ne cesse de lancer. C'est le philosophe et math ématic ien Olivier Rey, déjà m e n t i o n n é , qu me l'a suggéré récemment lorsqu'il 'a fait remarquer qu le capitalisme capitalisme é tait le seul régime au monde capable d'avoir transformé un activité aussi vaine que la masturbation en activité rentable. Examinons cette question. Si la fillette affichée a mis en branle la pulsionnalité de celui qui la regarde, de deux chose l'une alors. Soit ce dernier dispose de débouchés substitutifs possibles et, dans ce cas-là, il se débrouille avec. C o m m e n t ? C'est simple. Il faut partir ic d'une proposition de Lacan ma position de philosophe ne m'autorise pas, on l'a compris, prend re to ut ce que le grand psychanalyste a dit et écrit pour argent comptant, c'est même le contraire, mais elle m'oblige à reconn aître comme comme remarquables nom bre de ses thèses. thèses. Il s'agit ici de la fameuse proposition où il avance qu'«il n'y a pas de rapport se xuel». L'expres L'expression sion possède possède sûrem ent plusieurs significations nous en avons repéré un plus haut mais aussi une autre que je retiendrai ici. Celle-ci: q u a n d on a des relations sexuelles avec quelqu'un, on ne sait 32
pas du tout avec qui L'autre baise au juste, cependant que l'autre ne sait jamais avec qui, vous-même, vous baisez au juste, sachant que, dans le fantasme, cela peut parfaitement être avec la petite fille du magazine. Soit donc, disais-je, celui qui re garde la peti te fille fille dispose d'un débouché, soit il n'en dispose pas. Et, dans ce cas, il lui faut se débrouiller tout seul il lui suffira alors de se soutenir d'autres supports fantasmatiques qu'il devra payer en sus. Ce qui ne manque pas. Ainsi, quand vous aurez fini de lire cette portion de phrase en italique, 28258 internautes seront allés mater une ou des porno-stars en pleine action sur l'Internet et auront versé 2304 euros aux sites qui les e x h i b e n t Or, à quoi cela sert un site porno? Il suffit de le demander à une experte, par exemple, l'ex-porno-star Tiffany Hopkins. Elle définit, fort judicieusement, la pornographi e comm « un objet de divertissement qui a pour finalité la masturbation » autrement dit la plus prisée des activités préœdipiennes. C'est là que To comprend qu'il y a du sublime dans la producti on capitaliste elle a réussi à rendre hautem ent rentable une activité aussi vaine que la masturbation. Et c'est là aussi que l'on comprend qu'il n'y a d'activités prohib ées que qu'elles peuv ent rapporcelles qui ne rapportent rien. Dès qu'elles ter quelque chose: la prohibit ion tend à tomber. On voit même alors des programmes s'attacher à la propromotion de ces activités et diffuser des leçons de perversion. Ce qui révèle cela, c'est un délicieux lapsus fait par un 1.Tenir un site porno est une affaire juteuse, si l'on peut dire. Il existe en effet 1° un demandesoutenue et m ê m e tendue : un q u a r t de requêtes faites
sur le Net sont d'ordre pornographique (il reste une marge de manœuvre importante puisque seules 30 % des requêtes sont féminines);2°des perspectives de gains importants (un site porno moyen peut gagner entre 000 et 15 000 dollars pa jour 100 000 pour les plus performants). Sources :http:// www.psycho-ressources.com/bibli/stats-pornographie.html. Pas étonnant que les fonds de placement s'intéressent de près aux industries du sexe, tels Vice Fund (alcool, paris, armement et sexe) et AdultVest (sexe). Vice Fund, pa exemple, engrangé un retour sur investissement de 24 % en 2007... tandis que l'Ave Maria Fund (fonds de pension américain conforme aux principes de l'Église catholique romaine) perdait 4 %. 2. Voir l'interview «J'arrête le X» dans la revue Technikart, revue pour grand public jeune, attentive au questions actuelles (n° du 30 avril 2007).
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e n f a n t , un garçon de neuf-dix ans, intervie wé pour le journal de la chaîne France 2 au sortir de l'exposition faite à la Villette en 2008 intitulée «Zizi sexuel». L'intervieweur lui demande; «Alors, as-tu aimé cette e x p o s i t i o n ? » Réponse de l'enfant, légèrement gêné;« Euh... oui! « N o u v e l l e question: «Mais est-ce que tu as bien tout compris?» Et l'enf a n t de répondre: «Euh... oui, mais je n'ai pas très bien compris ce que c'était que la... masturbite... euh, non, la... masturbitation.» L'enfant a dit la vérité de cette exposition elle dispensait une leçon de «masturbitation», comme le font tous les programmes d'éducation sexuelle actuels. Parce que la masturbitation, c'est toujours la solution qui permet de donner une issue à la mise en branle de la pulsion. Il f a u t ici remarquer que c'était autrefois une solution gratuite, mais c'est de plus en plus une solution payante puisqu'elle suppose: 1° une pédagogie; 2° l'appui sur les contenus diffusés par les industries culturelles. Il est vrai que, dans le contexte culturel post-sadien 01 nous vivons, ces leçons de masturbitat ion son très utiles: elles permettent de faire baisser le taux moyen de «dutrou-isation» ou de « fourniret-isation » lié à l'exhibition pornographique des fillettes dans les magazines. oh, my gode
26 Beaucoup de femmes seront probablement tentées de croire que le champ parcouru ici relève avant tout d'une affaire de mecs aux prises avec leurs fantasmes. Elles doivent être rassurées : on est en train de s'occuper d'elles. Il se trouve que l'aboutement du clean et de l'extrême, caractéristique du pervers-puritanisme actuel, constitue aujourd'hui un lieu extraordinairement prometteur pour le développement d' un nouv eau marché : celui celui d' une pornograph ie enfin clean. Il suffit de penser à tout ce qui se développe autour de l'industri e en pleine croissance croissance des jouets sexuels (sexuaï \9
toys ou sextoys). Ce sont de objets électriques et électroniques, de toutes les formes possibles (du petit canard au siège siège porno-erg onom ique à simp le ou double action, de type Oh, my gode(s) /) qu s'appliquent tous le lieux possibles du corps où une jouissance peut être obtenue — il existe même, le dames doivent en être informées, un iPod qu fait iBod (mot-valise réunissant « i P o d » et « b o d y » ) . LiPod est ainsi présenté par son fabricant: «Un nouveau type de vibromasseur qui se branche à votre iPod iPod et v ibre au rythme et l'intensité de votre mu sique préférée.» es sextoys sont tellement répandus qu'on le trouve dans le magasins de lingerie (c'est la fameuse styliste Sonia Rykiel qui a ouvert la voie). Il est désormais courant que des magazines féminins offrent à leurs lectrices un vibromasseur en cadeau ou en supplément. Mais il-y en a ma intenan t pour tous les sexes sexes puisqu'on trouve aussi le O n a n i c u p s de Tenga, dessinés par l'exingénieur automobile devenu designer Koichi Matsumoto. C'est masturbateur masculin seize centimètres de long. on fonctionnement es extrêmement simple. prend le sextoy, on l'ouvre en deux et on y insère so pénis. Trois types de gels lubrifiants (un très liquide noir, un normal rouge et un épais blanc ) sont disponibles. Il existe existe cinq modèles: le Soft Tube Cup correspond à une pénétration génitale en face face ; le Rolling Head up simule le mouvement de roulis produit par une fem me qua nd elle elle cheva uche un h o m m e ; le Double Hole up offre recto verso deux orifices, « d u r » e t u n « d o u x » ; l'Air C ushion Cup, remp li de coussins d'air, est une canette pneumatique renforcée de capsules à air comprimé pour de sensations de glisse vertigineuses; et enfin le best-seller, l'Inside Deep Throat, qu repro duit fidèlem ent, dit-on, les les sensations de succion caractéristiques d'une fellation de rêve. rêve. Trois Trois b outons perm ettent d'actionner le coussins siliconés intérieurs pour régler le cadences. L'objet est réutilisable. Il suffit, après sa petite séance, de le passer sous l'eau. Il s'en vend 100000 pa mois au Japon. L'objet arrive en Europe, légèrement agrandi pour correspondre au mensurations de pénis gaulois. 33
l'heure actuelle, l'emploi du sextoy est de moins en moins un sujet tab ou : près de la moitié des utilisateurs déclarent aborder le sujet avec des amis proches. Mais, là encore, les femmes son en avance: selon un enquête menée pa une enquête de SexyAvenue, leader de la vente en ligne d'objets erotiques, 22.,% de femmes affirment discuter de avantages respectifs de différents sextoys avec leurs amies, alors que 7 % seulem ent des hommes assurent oser oser aborder la question avec leurs semblables. Ajoutons à_cela rin^dustrie de love dolls, qu n'ont plus. j;ien_dela..poupée gonflable. Le concepteurs, en effet, rivalisent d'ingéniosité pour donner à ces poupées de silicone grandeur nat ure l'apparenc e la plus réaliste, réaliste, inspirée de celle d'un mannequin top-modèle dont le formes anatomiques le plus saillantes saillantes aura ient ét renforcées. trouve ainsi su l'Internet Brigitte (qui n'est n'est pas sans évoquer l'actuelle première dame), avec avec «squelette en alum inium a rticulé», (« avec en option la possibilit poitrine 90 possibilitéé d'au gm enter la poitrine de 30% ), «taille 1,73 mètre» et avec «bouche, vagin et anus fonctionnels» et «gra nde soupless et grande résistance de seins» (Mechadoll, France). France). A n d y , qu «gémit lorsque vous la caressez», et Loly, qui possède une tête interchangeable et dont les yeux «vo ient» grâce à son logiciel de reconnaissance de formes (First Androids, Allereste avec une cohorte magne). Les Japo nais ne sont pas en reste de Candy Girls asiatiques très douces et très réalistes (Orient Industry, Japon). En cherchan t bien, bien, on peut m ême rencontrer Charlie, bel homme à la peau mate, d'allure obamesque, doté d'un pénis de taille « m o y e n n e » en état de fonctionner (ReaiDoîl, États-Unis). fait donc tout pour que cette pratique du safe se porno, convena nt si bien aux pervers pu ritains, puisse s'épanouir. e st rien au regard de ce que prédi t David Levy, Mais cela n'est cherc heur britan niqu e en intelligence artificielle. La thè se qu'il soutenue, en octobre 2007, l'université de Maastricht (Pays-Bas), «Relation intime avec avec un partenaire artificiel», permet de répondre au ultimes questions qu nous 33
nous posons propos de la pornographie saine venir Il est prévu que ce poupées, championnes dusafesex. sachent bientôt se mouvoir «naturellement», fassent preuve d'initiative, puissent prononcer fort propos quelques phrases p r o g r a m m a b l e s volonté du t y p e : «Je t'aime, prends-moi vite partou t !» (restons poli) et, surto ut, fassent preuve de comme l'empathie. .. quels ue soient les,, (bons) sentiments comme traitemen ts reçus. reçus. David Levy assure qu'il y aurait beauco up à g a g n e r d e ce ce c o m p a g n o n n a g e : fidélité absolue, humeur constantejeunesse éternellérperformances sexuelles toute épreuve, échange standard en cas de court-jus fatal. Sans c o m p t e r que ce partenaire pourrait être p r o g r a m m a b l e volonté, être is en mode apprenant » ou en mode professeur connaissant «les positions et techniques erotiques du monde entier». tout sans panne psychologique (ce qui n'exclut pas la panne électronique) ni migraine (d moins, du côté de ce partenaire) Enfin, ultime solution pour un p o r n o g r a p h i e t o u j o u r s distance, ar ordi{plus intense et p l u s saine: l ' a m o u r nateurs interposés connectés Net. c h a m p d'avenir découle d'un vaste vaste program me de recherche sur les technojlogies d i t e s « h a p t i q u e s » , r é f è r e n t t o u t ce qui simule les sensations liées au toucher. es recherches devraient p e r m e t t r e le d é v e l o p p e m e n t d ' i l l u s i o n s h a p t i q u e s — c e d o m a i n e est en a t t e n t e très prochaines explorations, aussi riches, voire davantage, qu celles liées au illusions d'optique es recherches devraient bientôt permettre de développer des combinaisons (dites « f e u i l s » ) couvertes de microscopiques capteurs-stimulateurs, recouvrant parfaitement la peau. Il suffira alors d'enfiler cette peau «intellig e n t e » et de se connecter au cyberespace pour émettre et recevoir le sensations tactiles de son choix. 1. Un livre en a été tiré, intitulé Love and Sex with Robots. Th Evolution of Human-Robot Relationships, de David Levy, HarperColIins, New York,
2007. 2. Je me réfère ici à l'excellent article de C a t h e r i n e Vincent, «Faire l ' a m o u r en 2050 », paru dans Le Monde du 22 avril 2008. 3. Voir l'article très instructif sur l'« haptique» dans Wikipédia.
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es considérations nous f o n t mettre en doute l'avis du sociologue sociologue James H ugues, du Trinity Trinity Collège Collège de H artford (Connecticut), directeur de l'Association mondiale de transhumanisme. Il avance que ces techniques devraient nous perm ettre de bientôt goûter tous les plaisirs plaisirs d'une relation sexuelle électronique «aussi satisfaisante que si elle était charnelle 0n n o u s p e r m e t t r a de penser ici que le sociologue du collège de la Sainte-Trinité n'ose pas aller jusqu'au b o u t de son audacieuse pensée. Il a en effet p r o b a b l e m e n t voulu dire que'ces techniques devraient nous permettre goûter^des relations sexuelles beaucoup plus satisfaisantes\e des relations classiques. Car s aussi satisfaisantes qu celles qu nous connaissons depuis toujours, p o u r q u o i cela vaudrait-il la peine de se donner tant de mal... si c'est p o u r n ' o b t e n i r que ce que nous avons déjà?
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la rhétorique du second degré
cœur de ces dispositifs narratifs d'incitation à l perver'sion se trouve, on Ta vu au cours de l'analyse de l ' i n t r o d u c tion au Cent Vingt Journées... de Sade, la compromission du spectateur dont il faut susciter ntéressement avant d'arracher sa connivence. On p art donc d ' u n individu susceptible de résister pou r arriver à un individ u qui doit consentir. Cela pourrait por ter un nom : il s'agirait d'un piège névrosés perm e t t a n t de passer de leur résistance leur consentement. Au treme nt dit, ce piège piège permet de faire adopter à des névrosés des compo rteme nts pervers. pervers. Comm ent fonctionne-t-il? Ce piè ge met en jeu , on l'a vu, deux ruses : 1° la captatio de l'intérêt et, une fois le processus lancé; 2° la s u b s t i t u t i o n de l'objet au moment décisif. Il faut ici remarq uer qu e ce (telle dispositif ne met pas en jeu une discursivité critiqu e (telle qu'elle se donnerait dans un jeu de questions/réponses ou de propo sitions/objections) mais une discursivité n arrative capable de rendre caduc ou désuet ce ordre linguistique 1. Cf. le site de James H u g u e s : « C y b o r g D e m o c r a c y » .
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critique. Cette autre dtscursivité se présente donc comme un métalangage capable de briser et de dépasser le niveau
critique. Nous ferons l'hypothèse ici que la connivence, premier temps du consentement, s'arrache aujourd'hui par ce qu'il est convenu d'appeler le second degré. C'est grâce au second degré que le propos échappe au q u e s t i o n n e m e n t critiqué, autrement dit ne devient plus objectable Notons tout d'abord cette rhétorique loge au cœur mêm e du discours libéra l. Dès les origines, en effet, ce discours a fonctionné comme une machine à détruire le discours critique en t a n t f o n d é su l'opposition vrai et du faux. Ainsi en est-il de renoncé f o n d a t e u r d e M a n d e ville que nous avons déjà r e n c o n t r é : «Les v ices privés font la vertu publique.» Que dit-il d'autre que ceci: ce que vous encore: si prenez p o u r du vice, c'est en fait de la v e r t u . vous le prenez au premier degré, c'est du vice, mais si vous le p r e n e z au second, c'est de la vertu. discours brouille donc tout repère et annule toute pensée dém onstrative : il revendique de pouvoir dire tout et son contraire puisqu'il affirme qu'en fin de compte, le blanc est noir et que le faux est vrai exacteme nt comme dans le discours pervers Voyons maintenant comment cette rhétorique procède pour s'imposer. Pour atteindre ce supposé second degré, il s u f f i t que le narrateu r fass ne provocation en disant tout provocatio en latin, de go ce que personne ne doit dire. c'est l'appel et c'est parfois le défi. Q u a n d j e fais une provocation, j'appelle donc l'autre à me suivre, en le mettant au défi d'oser suivre. Provoquer, en ce sens, c'est d o n c savoir qu'on dit... ce qu'il ne faut pas dire. Mais comme je le sais (que je ne devrais pas le dire), non seulement on ne p e u t pas me le reprocher, mais surtout j'institue un lieu où je hisse l'autre, celui qui m'écoute, à m on niveau, c'est-àJe me perme ts d'adresser ce r e m a r q u e s Marilia A m o r i m . E l l e s vont en effet dans le sens de ce qu'elle a dégagé dans son travail fondamental sur la culture c o n t e m p o r a i n e concernant la d é s u é t u d e d u logos et l'usage de la ruse (Marilia Am orim Raconter, démontrer... démontrer... survivre. Formes de savoir et formes de discours dans la culture contemporaine, op. cit.). 33
dire en un lieu où il apparaît que nous sommes entre nous,
lieu restreint d'esprits supérieurs désinhibés où Ton peut tout dire, au contraire l'espace public, marq ué ar le inhibitions m ultiples c o u p , il d e v i e n t difficile p o u r l'autre, le narra taire, hiss à cet endroit, c'est-à-dire mis dans le coup, coup, de refu ser la marq ue d istinctive qui lui a été proposée. Ceîui qui n'accepterait pas de jouer ce jeu se mettrait en effet d a n s la position de s'exclure lui-même du cercle de affranchis où il vient d'être introduit. ..C'est exactement comme lorsque quelqu'un dit à un autre, d'un air entendu : «Vous voyez ce que je veux dire... » Même si l'autre ne voit rien et ne comprend rien, il tout intérêt à répondre «Mais bien sûr ! » Sinon il s'exclut lui-même de ceux qui savent et... il se place lui-même dan s la position de celui qui ne comprend rien et qui ne mérite pa rimbécile l'offre qu'on lui a faite d'entrer dans le cénacle de initiés. 26
Mickey-Pange et le Flamand rosé
On applique aujourd'hui, non seulement dans la publicité, mais aussi dans l'art co ntemporain, cette recette recette narrativ et ce n'est pas un hasard parce que ces deux domaines passe en effet sans constituent désormais un c o n t i n u u m . hiatus de la pub à l'art contemporain et de l'art contem- \n à la pub. Cela a été rendu
1960 1960 par Andy Warhol, dont on a vu récemment une grande rétrospective au Grand Palais. «Je montre la boîte de soupe Campbell, mais, bien sûr, ce n'est pas la boîte de soupe Campbell que je m ontre, vou s voyez ce que je v eux dire ? ou : « Je fais de la pu blicité pour Cam pbell, mais, bien sûr, ce n'est pas la pu blicité, vous v oyez ce que je v eux d ire ? On p e u t dire cela autrement: Part contemporain est d e v e n u a u j o u r d ' h u i un un e tête de pont de la pub, son laboratoire de recherche. Ce n'est pas étonnant, à cet égard, que ce secteur secteur soit tenu, aujou rd'hu i, par des grands industriels et financiers , comme l'homm e d'affaires François Pi nau lt, la tête tête d'un grand nombre d'objets dits d'art contemporain, propriétaire du palazzo Grassi à Venise, capable de faire la 335
pluie et le beau temps sur le marché de Part en ce sens qu'il peut faire et défaire Les cotes (dont celles de ses objets). Ce qui atteste de la transformation de l'art en laboratoire de recherche pour la pub, c'est qu l'art es devenu un lieu où se cherchent et se recherchent tous le moyens possibles et imaginables de comprom ettre l'autre, le spectateur. Les exemples ne manquent pas. Il suffit de penser, par. exemple, aux œuvres de deux des artistes parmi les plus réputés de notre époque, le Belge Ja Fabre et L'Américain Jeff Koons. Ja Fabre es celui qu vient d'accueillir un des plus grands et des plus fameux musées du monde, le Louvre. Louvre accueilli dans trente-neuf salles, celles a en effet récemment accueilli qu abritent le Crucifixions, le Pietà, le Martyres et autres Cènes de maîtres du Nord (Memling, Rubens, Van der Weyden, Rem brandt, V ermeer, Van Eyck et autres), les fientes de pigeons très réalistes en cristal de Murano destinées conchier les c imaises et corniches des trop belles salles, salles, les têtes de mort serrant dans leurs dents des rats crevés, les objets pourris, macabres insidieusement insidieusement ram pant de Jan Fabre le F l a m a n d , le Flamand pa très rosé d'ailleurs, sans oublier les éjaculats et a utres excrétions et excrémen ts du maître lui-même: ses rag eurs gribo uillis de sang, de foutre et de pipi-caca. Jeff Koons, c'est l'artiste néo-pop le plus cher du monde, lancé ar l'homme d'affaires susnommé François Pinault, qu possède plusieurs de ses œuvres. II n'est pa inutile, pour notre propos, de savoir qu Jeff Koons es aussi ex m a r i de l'ex-porno-star Cicciolina, ancien trader en Bourse à Wall Street et qu'il s'est lancé dans l'art considérant qu celui-ci était vecteur privilégié de merchandising le merchandising, rappelons-le, se rapporte aux techniques qu visent favoriser l'écoulement l'écoulement comm ercial d'un produit par un travail sur sa présentation et sa réception. l.T. de Wavrin, «Atelier de Chelsea, la fabrique de Jeff Koons», Koons, Versailles, Beaux-A rts éditions, Boulogne-Billancourt, Boulogne-Billancourt, 2008.
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in
Jeff
Jeff Koons ne réalise aucune de ses œuvres pa lui-même, mais les fait exécuter par ses collaborateurs et des techniciens (au nombre d'une centaine) dans un atelier, situé à Chelsea, près de New York. Il a été fait chevalier de la Légion d'honneur de la République française, sur présentation de Jean-Jacques Aillagon, qu était alors président du centr^ Georges-Pompidou av ant de devenir ministre de la Culture, puis, grâce à son grand ami, François Pinault toujours, directeur du palazzo Grassi de Venise, puis dire cteur de l'établissement public du château de Versailles. C'est à c titre que le château de Versailles, fleuron de l'architecture classique classique frança ise, a accueilli accueilli penda nt l'été 2008 Jeff Koons, afin que soient exposés, dans l'un des monu men ts les les plus plus fréquentés du monde, ses objets kitscho-dysneylandesques (dont plusieurs sont détenus par François Pi nau lt) très semblables à des jouets de plage clinquants en plastique gonflable (caniches géants, homards, lapins...). C'est pourquoi on surnomme Jeff Koons, ce grand fournisseur d'objets dysneylandesques, Mickey-l'ange. À ces deux artistes postmodernes peut ajouter quelques quelques nom fort soutenus l'hyperbourgeoisie financière actuelle comme: Dam ien Hirst, avec, entre au tres œuvres,son Veau d'or: un vrai veau de 18 mois installé dans un aquarium rempli de formol, dont le cornes et les sabots ont été dorés l'or fin et dont l'encolu re porte un disque d'or à 18 carats (18 millions d'euros chez Sotheby's). es frères Jake et Dinos Chapm an avec entre autres, onze aquarelles d'Adolf Hitler datant de la Première Guerre mondiale, retouchées par leurs soins grâce à quelques taches colorées. L'œuvre des frères Chapman est emblématique: il s'agit de ne surtout pas interroger la matière de départ, mais seulement d'utiliser le nom de Hitler pour faire monter le enchères (opération réussie puisque l'œuvre a été vend ue en deux heures au prix de 815000 euros à la FIAC 2008). Tracey Emin, célèbre depuis so installation de 1999, Bed, composée de son propre lit défait ainsi que de 337
préservatifs usagés et de sous-vêtements tachés de sang, qu lu a valu le fameu x prix Tur ner décerné par laTate Gallery (elle vend chaque année pour un million demi d'euros d'objets), Maurizio Cattelan, dit « le Bouffon pour riches », connu lui aussi pour ne jamais fabriquer lui-même se œuvres, avec, entre autres, ses chevaux empaillés et pendus au plafon.d (2 millions de dollars Pexemplaire chez Sotheby's)... Arrêtons là, sachan t qu'il faudrait ajouter tous les artistes l'qui appliquent la recette miraculeuse suivante : 1° provoq uer le plus cyniquement possible pour affirmer qu'on peut tout faire et tout dire (ce qui revient à s'affirmer «sans tabou ») surtout jamais produire aucune signification; afin de produire le m a x i m u m de «buzz» (bruit médiatique) visant engendrer un cycle spéculatif partir du produit ' r é p u t é provocant. Rappelons que le buzz ( o n o m a t o p é e signifiant « b o u r d o n n e m e n t » en anglais) est une stratégie de mark eting qui a pour but de prom ouvoir u ne action, un produit, un service, service, une personne ou un événem ent en utilisant modes de propagation médiatiques mettant œuvre tous les relais classiques (jour naux , revues, radio,TV...) toutes le technologies de comm unication électroniques sussusceptibles de propagations dites «virales» (e-mail, blogs...) où les consommateurs renvoient exponentiellement le m essage initial, provoquant ainsi l'effet de buzz recherché Il faut ic savoir que le « b r u i t » , dans le théories de la communication, réfère initialement à ce qui se s u r a j o u t e occasionnellement message, veut rien dire, et doit donc être réduit au m i n i m u m . Là, il s'agit au contraire de faire en sorte que le bruit prenne toute la place au détriment message. Il se se trouve que le prem ier « b r u i t » susceptible de lancer un processus viral dans le domaine de l'art contemporain es constitué par le temps temps (évalué en secondes) qu'un acteu majeur du marché de l'art comme le milliardaire François l.Voir Karim Stambouli et Éric Briones, d'Organisation, Paris, 2002.
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Buzz marketing,
Éditions
ce,
Pinault passe devant un œuvre. Dès le «bruit» lancé ar ce événement premier, il en ressort pour l'œuvre un cote directement indexée sur le temps consenti par le décideur au «p rod uit» ainsi sorti des limbes. limbes. Cela avait ét remarquablement bien vu, dès 1996, pa Jean Baudrillard, qui, dans un retenti retentissant ssant article paru dans Libération, avait déclaré que, sauf notables exceptions, «l'art contemporain st Dans ce article courageux au sens où Baudrillard était alors fréquemment invoqué par les tenants de cet art dit «de second degré» le philosophe expliquait qu «toute cette médiocrité prétend se sublimer passant niveau second et ironique de l'art». Et là, Bau drillard ajouta it cette pointe pointe assassin assassin définitive: « M a i s c'est tout aussi nul et insignifiant niveau second qu'au premier. passage niveau esthétique ne sauve rien, bien au contraire: c'est un médiocrité à la puissance !" — et c'est deux. prétend être nul. Ça dit: "Je suis nul !" vraiment nul.» Baudrillard voyait dans cette nullité à la puissance deux véritable galvaudage de la négativité porte l'art: L'insignifiance — la vraie, le défi victorieux au sens, le dénuement du sens, Fart de la disparition du sens — est une qualité exceptionnelle de quelques œuvres rares, et qui n'y prétendent jamais.» Il suffit de penser à des œuvres aussi qu de Bram Van de de Jean Duffubet, de Paul Rebeyrolle et de beaucoup d'autres. Il s'agit d'ceuvres qui, justem ent parce qu'elles ne p réten dent jamais à la disparition du sens, peuvent vraiment atteindre. Cette nullité à la puissance deux ne relève donc pas du rire salutaire , celui qui défait un sens plus ou moins spécieux c'est cela sanction st double : on rit encore et plus fort. le rire salutaire: c'est celui qu permet de défaire le système
1. Jean B audrilla rd, Le Complot de l'art, Sens & Tonka, Paris, 1997. Il s'agit d'une réédition de l'article paru sous le même titre dans Libération du 20 mai 1996
phonolog ique, les règles synt axiq ue s et les nuances lexicales. lexicales. C'est donc celui qu p e r m e t de tout casser, mairpour m i e u x refaire. Là il s'agit d'un autre rire, le rire cynique et nihiliste qu affirme qu'il se se moqu é p e r d u m e n t de to ute valeur et de toute recherche axiologiqu e car il sou tient qu'il n'y n'y a rien à chercher au-delà de la puissance autorisant dire que c'est de l'art.
268 ,• Je
de la
vraie merde, mais très chère
de cet art sur le dans les arts pornographiques ou post-pornographiques contemporains s o u t e n u s par ce qu'on appelle Thyperbourgeoisie. Cet art m a r c h e à l performativité : il s'agit d'attraper le specta teur, grâce grâce à un antidiscours, grâce à un fonctionnement n a r r a t i q u e d ' u n e efficacité qui non seuleme nt ne le cède en rien à celle de la narra tion sadienne, mais encore la porte à de nouv elles conséquences. Cet antidiscours, il vaut m i e u x le d é c r y p t e r si on ne v e u t pas en être la victime ~ je pèse mes mots, Or il est redoutablement difficile à démasquer parce qu'il repose sur une prémisse hyperdém ocratiste, très en vogue aujo urd 'hu i, c'est-à-dire c'est-à-dire très diffusée dans la doxa postmod erne. Ce discours s'appuie en effet sur la considération selon laquelle il est impossible de distinguer un obje réellement artistique d'un objet quelconque, au motif qu'il f a u d r a i t alors introduire une hiérarchie. On ajoute qu'introduire une hiérarchie, ce serait imposer des vale urs arbiarbitraires. traires. Cela Cela pe ut même se dire à la façon façon de B ourd ieu (ce q u i e s t e n c o r e m i e u x p u is is q u e c e l a p e r m e t d e p r e n d r e u n e pose de « g a u c h e » ) : parlera alors l'imposition arbitraire d'u n arb itraire culturel. Mais pose gauche pose droite, pe i m p o r t e , car dé-ci, comme dé-là, on p e u t conclure qu'imposer des valeurs arbitraires, arbitraires, c'est soupçonnable d'un penchant plus ou moins avoué pour l'ordre, donc p o u r ne f o r m e q u e l c o n q u e de totalitarisme politique. agite alors le s p e c t r e du fascisme ou du stalinisme, ou on brandit la menace du totalitarisme philosophique, comme buzz
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le criticisme par exemple, qui suppose en effet t o u j o u r s quelque p art un trib unal de la raison raison . Ce raisonnem ent permet de donner à un tas de fumier — ou mieux, à une merde ou à un é j a c u l a t — la Dignité de l'objet artistique, d a n s la mesure où il est supposé valoir c o m m e n ' i m p o r t e q u e l a u t r e . Voire même valoir plus qu n'importe quel autre puisque, ayant renoncé à la re-présentation, il présente directement la pulsion , soit celle de l'artiste, soit celle par laq uelle il a été investi comme objet d'art, ar P i n a u l t et compagnie. C'est pour cela qu c'est pornographique, parce qu cela de la de la affirme chère, sublime, c'est-à-dire transmuable, par alchimie libérale, en or. Ce qui est une façon d ' a f f i r m e r qu'on peut et surtout qu'on doit pouvoir tout constituer en objet, en produit vendable. l'objet présenté, même déchu, déjeté, même objet de' r e b u t ( c o m m e d a n s le e x p o s i t i o n s d ' a r t c o n t e m p o r a i n si de de tas de b o n , de p o u p é e s d é m a n t i b u l é e s , de peignes édentés, d'étagères obliques, roues bicyclette t o r d u e s . . . ) , v a u t comme v a u t c o n t r e n ' i m p o r t e q u e l a u t r e , c'est nous sommes alors entrés dans un monde où, tout valant tout, tout étant deve nu valeu r d'échange , tout peut s'échange r. C'est l'échange g énéralisé; c'est c'est cela qui se joue dans l'art en régime ultralibéral, où il s'agit de mon trer qu'une merde p e u t valoir quelques millions de dollars. Pour adm inistrer la preuve ultime de la « pertinen ce» de cette théorie, il suffira de faire « d i a l o g u e r » c e s déjections avec des œuvres jusqu'alors ten ues pour sublime s et pieusement conservées comme telles dans no grands musées depuis des g é n é r a t i o n s — on p o u r r a i t a l i g n e r q u a n t i t é de p r o p o s sur ce « d i a l o g u e » . On se d e m a n d e p o u r q u o i le commissaire commissaire de l'exposition Jeff Koons n'a pas jugé bon de mettre en dialogue le quatre chevaux du bassin d'Apollon 1. O n p o u r r a lire à ce propos l'excellent article d'Aude de Kerros « A r t m o d e r n e , art contemporain: l'impossible "débat"», dans la r e v u e Le Débat, n° 150.
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de Versailles et le crustacé g é a n t en plastique rouge de Mickey-l'ange quel beau dialogue c'eût été 1
un nouvelle nouvelle b royeuse chocolat 269 La plus belle métapho re de ce système système visant à p r o d u i r e de la merde, mais chère, est une création très ironique de l'artiste belge W i m D e l v o y e (2000), intitulée Cloaca. Il existe huit versions de cette œuvre. La p r e m i è r e est une énorme machine de douze mètres de long, trois trois m ètres de large et deux de haute ur, qui se présente comme un tube digestif humain géant et fonctionnel. Elle est composée de si cloches en verre, contena nt des liquides liquides brunâtres saturés d'enzymes, de bactéries, d'acides, etc. Ces cloches sont reliées entre elles par des tubes, de t u y a u x et des pompes. Contrôlée pa o r d i n a t e u r s , la machine es m a i n t e n u e à la t e m p é r a t u r e du corps humain (37,2 °C) et digère de aliments fournis par des traiteurs (et parfois par des grands chefs) en vue de produ ire, au terme d'un cycle cycle d'une journé e n v i r o n , de excréments qu sont ensuite emballés sous vide et marqués d'un logo qui pastiche ceux de Ford et de Coca-C ola. I existe désormais h uit machines, don t la Turbo (digestion rapide) ou la Mini (pour petit appétit) ou encore la Personal Cloaca (végétarienne). Chaque merde produite es v e n d u e au sortir de la grand e machine cloacal au environs de 1000 dollars pièce Il va sans dire que les plus avisés des acheteurs gardent ensuite précieusement précieusement leur étron dans l'espoir de le voir se constituer comme la base solide d'une spirale spéculative. 27
Cette tolérance de l'art contemporain pour le n'importe q u o i n'est pas si anodine qu'elle p a r a î t.t. N o t a m m e n au plan politique. En effet, l'extension de la tolérance pour l'insignifiance, prônée par l'art contemporain, conduit à la nécessité impérative de devoir tout tolérer, y compris l'intolérable. C o m m e n t ne pas voir que cet ultradémocratisme es exactement ce qui peut directement conduire à la tyrannie 342
on sait d'aill eurs possible cette conv ersion de la démocratie en tyrannie depuis le livres VIII et IX de La République de Platon . Ici au no m ê m e de la liberté d'expression, le propositions le plus intolérables devront être acceptées sans broncher. C'est là une stratégie rhétoriq ue rusée que la Cité perverse pratique avec brio : ce n'est, à mon avis, pas un hasard si c'est au nom d e l'art contemporain que « l ' h u m o r i s t e » Dieud o n n é a fait monter et applau dir sur la scène scène du Zénith de fossile négationn îste Faurisson (soit ce «gran Paris le vieux fossile penseur», exclu toutes le universités, ui affirmait qu «les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le p r é t e n d u génocide de Juifs f o r m e n t un seul et même menso nge his t o r i q u e » ) . Il Il a d o n c fait monter sur scène ce vieux négationniste, totalement discrédité, pour lu décerner, devant 5000 spectateurs, dont un dénommé Jean-Marie Le Pen, le «prix... de l'insolence» remis par... un figurant habillé en juif un su la rapport avec l'art c o n t e m p o r a i n ? s e d e m a n d e r a - t -o -o n . B e a u c o u p . D ' u n e p a r t , ce ce l se v e u t de second degré. D'autre part , cel se revendique c o m m e de l'art c o n t e m p o rain. En effet, à l'issue de la représentation, ledit «humoplus grosse connerie riste» a fièrement déclaré: « C ' e s t [...], c'est p e r f o r m a n c e h u m o r i s t i q u e , c' c' e s l'art cerc o n t e m p o r a i n .» En voilà un de plus qui a bien com pris cert a i n f o n c t io io n n e m e n actuel d e l ' a r t c o n t e m p o r a i n , d e v e n u lieu de recherche en acte et m ê m e en passages à l'acte, d e v e n u l ie ie u d ' e x p é r i m e n t a t i o n de n o u v e a u x f o n c t i o n n e m e n t s n a r possibles,, destinés à être appliq ués dans r a t i q u e s sadiens possibles l'espace public, au plan des petits récits publicitaires, qui ont chauffer les corps p o u r fonction corps des conso mm ateurs et de les inviter à la décharge pulsionnelle afin de d e v e n i r ce que S ade appelait des «scélér ats». C'est ainsi ainsi qu'on p eut faire acquérir à un peuple de névrosés des comp ortements pervers 1. L'événement a eu lieu le 26 décembre 2008. Cf. « L ' h u m o r i s t e Dieudonné dérape une nouvelle fois », in Le Monde du 28 décembre 2008. 34
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coup second degré es pratiqué pa toute la culture postmoderne, de h aut en bas, de Thyperbourgeoisie, celle qu porte Pinault au pinacle, à la «caillera» qu rappe et dérape sans vergogne Partout, le même « h u m o u r » es invoqué, tenant Heu de viatique. Comm e dans cette belle chanson d'amour, pa exemple, qui a dernièrement fait parle d'elle T'es juste bonne à te faire péter le rectum
M ê m e si tu disais de trucs intelligents t'aurais t'aurais l'air conne. [..,] J'te déteste, j'veux que tu crèves lentement JVeux que tu tombes enceinte et que tu perdes l'enfant. [...] On verra com ment tu ssuces uces quand j'te déboîterai la mâchoire, T'es juste ne truie tu mérites ta place l'abattoir. [...] Je vais te m e t t r e en cloque sale pute. Et t'avorter l'opiné!.
On doit les paroles de cette délicate chanson, intitulée Sale pu te », dont il faut rem arque r les riche riche rîmes, au rappeur Orelsan, souvent présenté comme l'Eminem français. Le responsables politiques de la Région Centre ont eu la mauvaise idée menacer le responsables Pri nte m mps ps Bourges, festival it «de s musiques actuelles», éditi édition on 2009, réduire un partie es aides aides pu bliques pour le années si le rappeur n'était pa dé progra mmé . al leur en pris: de pa rtout, le défenseurs de la liberté d'expression sont montés au créneau, criant l'oppression et à un insupportable étouffement de la liberté d'expression contraire à la démocratie Prié justifier sa création, Orelviolents se désignent eux-mêmes 1. Les groupes m argina ux plus ou m oins violents du nom de «cailïera», verlan de «racaille». Selon Jean-Claude Michéa, «l caillera n'est pas intégrée à la "société". [En revanche, elle] est infiniment mieux intégrée au système capitalist capitalistee que ne le sont les populations, indigènes et imm igrées, dont elle assure Incontrôlé et l'exploitation à l'intérieur de ces quartiers expérimentaux qu l'État lui a laissés en gérance ». f. JeanClaude Michéa, L'Enseignement de l'ignorance, Climats, Castelnau, 1999. 2. Ajoutons qu nous sommes instamment priés par les autorités de considérer les décharges décharges ultra-haineuses d'Orelsan d'Orelsan comm e du grand art. C'est le ministre de la Culture lui-même, Frédéric Mitterrand, qui l'a dit es qualités, 34
san a évidemment sorti l'imparable coup, celui du second degré: «C n'est pas de la misogynie, juste du second degr é, de l'hum our.» Ne lui restait restait alors alors qu'à enfoncer le clou en ridiculisant les bonnes intentions éducatives: «De s gens ne vont toujours pa tout comprendre Pour le aider, on verra dans le clip clip des pom -pom girls agiter des^pancartes "second degré" pour éviter tout malentendu .» ceux qui, malgré cette évidente bon ne volonté, doutaient encore l'accès garanti au second degré pa tous se auditeurs, Orelsan indiquait alors Ceux qu disent "les jeunes ne peuvent pa comprendre le deuxième degré de la chanson" se trompent su toute la long ueur. [... [... Le second degré , nous [les [les jeune dès son entrée en fonction, lors de la garden-party de l'Elysée du 14 juillet 2009: «Je ne trouve rien de choquant ni de répréhensible à la manière dont
il le chante [.,.], Rimbaud écrit de choses bien plus violentes.» Qu'on se le tienne donc pour dit : Orelsan navigue dans le même bateau (ivre) que Rimbaud ! Quant à ceux qui insisteraient pour entendre ce dernier sans avoir à subir l'autre, ils sont purem ent et simplement invités à se considérer comme de dangereux partisa partisans ns de la «censure». Soit. Mais il faut remarquer ic qu'on ne peut adopter ce raisonnement sans avoir changé changé le sens de mots. En effet, hier, censure signifiait vouloir réduire au silence ceux qu disent au puissants de vérités dérangeantes ». Alors qu'aujourd'hui, on peut accuser de «censure» celui qui n'admet pas que l'espace public (de surcroît, subventionn é) soit utilisé utilisé pa quiconque pour décharger se vociférations individuelles et ses exécrations privées, voire ses appels personnels au meurtre. Pour croire qu'il y a une «censure» d'Orelsan, il faut donc avoir adopté, en le sachant ou non, la novlangue libérale postmoderne autorisant le changement de sens de mots (je me permets ici de renvoyer au chapitre 7,2 de mon précédent livre, Le Divin Marché: «De la novlangue — en ses six caractéristiques». Ce pouvoir de changer le sens de mots avait déjà ét repéré pa Lewis Caroll dans Alice au Pays de merveilles: «Quand j'emploie un mot, di
Gros Coco (Humpty Dumpty), il veut dire exactement ce qu'il me plaît qu'il veuille dire,., ni plus ni moins [car] la question est de savoir qui est le clair que le m aître du sens maître, un point c'est tout.» Aujour d'hui, ilil est clair n'est plus celui qui sublime ses passions dans un rythme et une versification si exigeantes qu'on n'en a pas encore fait le tour comme Rimbaud (relire par exemple «Le Bateau ivre»),mais celui qui crache ses pulsions haineuses
comme Orelsan dans de vers de mirliton, soutenus par un lourdin lourdingue gue rythm défonçant. Que dire encore, sinon qu'après une telle entrée en m atière de l part du ministre de la Culture, nous n'étions sûrement pas à l'été 2009 au bout de nos surprises... l.Cf Interview d'Orelsan dans la page « Cultu re» du Journal du Dimanche du lundi
avril 2009 : «Je ne vais pas m'auto-censurer ». 34
de 15 à 35 ans], nous connaissons! » Oielsan ne sait probablement pas à quel point il a ici raison: cette génération a en effet été « élevée » a second degré. degré. Tellemen t même qu le public de cette culture postmoderne ne connaît que le second degré. À un point tel qu'il est devenu incapable de fonctionner au premier degré. Il est essentiellement composé de ce qu'à la suite de Lacan on pourrait appeler des non-dupes », c'est-à-dire de individus qui, littéralement, c'est-à-dire au premier degré, on ne la fait pas. On pourrait dire qu'ils sont installés dans un cynisme absolu. Mais, comme cela cela risque d 'être pris pour un jugem ent moral, il est préférable de le dire de façon analytique : ces in divid us sont tout simplement installés dans une vraie position sadienne. J'entends objection: de bouffons du second degré, dans l'art et la culture de notre époque, certes, il en existe, mais il serait souhaitable de ne pas y mêler le vrais artistes, toujours en recherche d'u n authentiq ue sublim e... tout autre, pour eux, que celui de la p roduct ion capitaliste, ce sublime «toc» de l'économie capitaliste réglée sur une seule Idée: la richesse ou la puissance infinies, procédant du déchaînement de la libido dominandi L'objection L'objection est d'autan plus recevable que ces excès dans le «n'imp orte quo i» élevé élevé au rang d'art officiel ne peuvent qu susciter de oppositions multiples, véritablement inspirées.
Il n'en
pas moins que la pression du marché de l'art devenue considérable. Il en est ainsi de tous les milieux nobles (caractérisés par l'élévatio n intellectuelle et morale) et désintéressés:ils peuvent se trou ver lar pervers. C'est ainsi, par gement contaminés par un principe pervers. exemple, que les 3 ou 4 % de mathématiciens potentiels qu compte généralement un classe d'âge se trouvent désor-
su l'art
reste
lui-même est
1. Je m'inspire ici des propositions de J.-F. Lyotard, formulées dans L'Inl'avant-garde», l'avant-garde », p. 115 et sq.) à propos de l'art
humain (op. cit., «Le sublime et contemporain justement.
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mais, pour la plupa rt, détournés vers des études financières où il produisent de formules qu permettent de bien spé(les meilleurs d'entre eu peuvent même culer en Bourse (les être récompensés par le prix dit Nobel d'économie ). J'ai essayé de montrer ailleurs que, dans le arts plastiques, le choses on probablement al tourné partir de années 1960, au moment où les artistes se sont mis à reproduire le geste non reproductible de Duchamp, remontant au temps où ce dernier avait exposé, en 1917, au Salon de la Society of Independent Artists de New York, le premier ready-made: un urinoir standard rebaptisé Fontaine. geste était hautement subversif puisqu 'il interrogeait interrogeait tout: le statut de l'objet industriel, le statut du geste créateur, le statut d'un objet ready-made, l'art au États-Unis le sexe de objets la fonction d'une exposition et tout ce qu'on voudra. Or, ce geste unique a été reproduit. Indéfiniment reproduit et il ne cesse, aujourd'hui encore, de l'être. sorte que nous sommes sortis de l'acte subversif et entrés indéfiniment dupliquée de l'acte subversif. dans de la copie indéfiniment En d'autres termes, nous sommes sortis de l'auth enticité et entrés dans l'ère du « c o m m e si», qui ne pouvait conduire qu'à la « c o m m é d i e » de la subversion (le mot est de Philippe M u r a y ) qu nous connaissons connaissons aujourd'h ui et qui a fait de l'art le lieu de recherche en s ubve rsion s applica bles à la publicité — c'est dire la portée de ces subversions. 1. C'est ainsi qu l'«école de Chicago» (groupe informel d'économistes néoclassique de prix, du libre marché ibertalibéraux adeptes de la théorie néoclassique rien, du monétarisme et fermement opposés au keynésianisme) raflé près de d'économie au cours des trente dernières années. la moitié des «prix Nobel» d'économie 2. Dans le commandement du Divin Marché (op. cit., chap. 9) qui, dans le domaine de l'art, s'énonce ainsi : « Tu enfonceras indéfiniment la porte déjà
ouverte par Duchamp !»
3. Béatrice Wood, ami de D uchamp, écrivait qu «les seules œuvres d'art qu l'Amérique données sont se tuyauteries et ses ponts». Cf Béatrice Wood, «Marcel», in Marcel Duchamp Artist of thé Century, M.I.T. Press, Cambridge, 1990, p. 14. 4. Ducham p disait disait joliment : « On n'a pour femelle que la pissotière et on en vit », cité cité dans Th Marcel Duchamp Studies Online Journal. 347
la commédie de La subversion 273 Ce n'est pas le lieu ici d'explorer les nombreuses altern a t i v e s qu se p r é s e n t e n t h e u r e u s e m e n t p o u r obvier à ce destin f u n e s t e où se j o u e et se rejoue indéfiniment cette « c o m m é d i e » de la subversion. Disons s i m p l e m e n t que les c o n t r e - f e u x ont été allumés dès les années 1960. On en a eu une belle idée récemment avec L'exposition du G r a n d Palais qui a abrité en 2008 la plus remarquable des écoles françaises des années I960, celle dite «de la figuration narr a t i v e » . On pouvait, entre autres, y voir une œuv re en hu it tableaux de Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo et A n t o n i o Recalcati de 1965» intitulée Vaincre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp, L'œuvre montre, avec une ironi consommée, comment le trois peintres torturen t, jugent
Selon Aillaud, Arroyo et Recalcati, la révolution duchampienne n' j a m a i s fait qu donner un nouvelle vie à la très classique « exalt ation de la to ute-puissa nce » de l'artiste, sans jamais rompre avec «l'idéalité de l'acte créateu r». Aillaud, A r r o y o et Recalcati, très très instru its en ces riches années 1960 des enjeux de l'art viva nt, avaient perç a v a n t tout le monde que le duchampisme, deve nu religion artistique, mèn erait tout droit la grotesque sacralisation de l'acte... fumiste, laquelle on assiste aujourd'hui. Si, au moins, ce grotesque se connaissait par ceux qui le pratique nt, s'i se revendiquait rabelaisien, mais non! Il se prend au sérieux, et du coup il a p p a r a î t p o u r ce qu'il est: simplement pornographique
ment abusé Du cham p lui-même. lui-même. Ducham p ava it d'ailleurs accordé si peu d'importance l'urinoir standard rebaptisé Fontaine par ses soins qu'il l'avait laissé, après l'exposition de 1917, l'un des curateurs de l'exposition, qui avait rangé l'objet... sans jamais se souvenir ensuite où il avait pu le m e t t r e — a point qu'il ne le retrouva même pas lors d ' u n d é m é n a g e m e n t . La Fontaine réexposée au Pasadena Muséum of Art de Los Angeles en 1963 est donc un f a u x . . . signé «Duchamp» par Duchamp. La demande fut d'ailleurs telle dans les années 1960 que D u c h a m p dut signer une vingtaine d'autres pissotières qu font a u j o u r d ' h u i la fierté des plus grands musées du monde.
1, Pa exemple, dans The Crying Body, chorégraphie de Jan Fabre présentée au T h é â t r e de la Ville Paris en 2005, on p o u v a i t voir de femmes en train de pisser d e b o u t su scène, un danseur patauger dans la flaque de façon éclabousser le spectateurs du premier rang et quelques scènes collectives de m a s t u r b a t i o n miné e. Soi un grand spectacle porno, tendance pipi-caca, q u ' u n e grande partie de spectateurs on adoré. Bis repetita avec L'Orgie de la tolérance, p r o g r a m m é au Festival d'Avignon de 2009. L'œuvre se joue à nouveau au-dessous de la ceinture masturbiîe aiguë, voire chronique,orgasmes à gogo... Et toujours la même recette: le coup du second degré. Ce qui faisait dire à la critique du Monde Rosita Boisseau que «Jan Fabre se dresse en critique et dénonciateur de l'obscénité et du cynisme qu régnent actuellement, mais se sert é v i d e m m e n t de m ê m e s outils [...], il se v a u t r e aussi d e d a n s » (L M o n d e du avril 2009). On pourrait croire que les spectateurs vont se fatiguer q u ' o n leur fasse toujours le coup du second degré, mais non, il marche mieux que jamais: «Aussi provocant et sale soit-il, le spectacle fait un tabac au Théâtre de la Ville. Aucun scandale comme on aurait pu s'y attendre, mais de rires réguliers et de chauds applaudissements, p r e u v e que le seuil de tolérance du s p e c t a t e u r est de plus en plus haut» (ibid). n'est pas seulement la scène expérimentale qui d e v i e n t pornographique, la scène classique se trouve elle aussi contaminée. récente présentation de VArmida de Gluck faite au Komische Oper de Berlin donne livret de Quinaud (qui était aussi celui le ton: c'était Gluck avec Sade! de VArmide de Jean-Baptiste Lully) donnait lieu à une scénographie et des jeux d'acteurs, le plus souvent nus, dignes dignes de La Philosophie dans le boudoir. m e t t e u r en scène, Calixto Bieito, n' d'ailleurs pa hésité délivrer le pensées fortes qu l'ont inspiré: «l modération tu l'esprit», «l colère et la haine peuvent être un force motivante u t i l e » , «l'animalisme es parfaitement sain», « v o u s p o u v e z s e u l e m e n t c o m p r e n d r e q u e l q u ' u n d e votre sexe», etc. C'est donc avec ce pense-bête sadien au rabais que, de plus en plus souvent, on aborde aujourd'hui le œ u v r e s classiques.
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et assassinent le c r é a t e u r du ready-made et de l'art conceptuel, alors encore v i v a n t , en le j e t a n t du h a u t d'un escalier (parodiant ainsi le f a m e u x Nu descendant l'escalier, peint par D u c h a m p en 1913). Aucune confu sion n'était possible possible ici entre le premier et le second degré: Aillaud, Arroyo et Recalcati détournaient manifestement le genre m i n e u r du roman et du film noirs pour l'insérer dans le genre majeur de la pensée critique, témo ignant ainsi de leur volonté d'action. ag n a n t la première exposition de ces Le m a n i f e s t e a c c o m p ag tableaux se m o q u a i t e f f r o n t é m e n t de la grande révolution d u c h a m p i e n n e . . . q u i , p r o b a b le le m e n t , n'a jamais complète-
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Je me surprends ici à penser qu'Aillaud, Arroyo et Recalcati ont probablement produit le seul acte authentiquement ducharnpien depuis Pexposition en 1917 de la Fontaine — vouant d'un coup les innombrables répétitions qu'a connues cet acte à la « c o m m é d i e » de la subversion et à Finauthentique. Dans le dernier tableau de leur série. Aillaud, A rroyo et Recalcati montraient l'enterrement de Duchamp après qu'ils l'eurent soumis à u interrogatoire musclé, puis précipité dans l'escalier. L'humour y était féroce: le cercueil de Duchamp était drapé dans la bannière étoilée américaine et
était porté pa trois artistes po new-yorkais (dont Warhol et Rauschenberg), ainsi que par trois peintres parisiens d'« avant-garde» surpris en train de singer leurs maîtres.
les pervers, vus de près
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us de loin, tous les pervers se ressemblent. Mais, de explorations nou on plus près, l'affaire se complique. os explorations conduits à dénombrer jusqu'à présent (sous réserve d'inventaire plus détaillé) trois variétés: les pervers de légende, le vrais pervers et les névrosés à comportement pervers. Les abominables pervers de légende, il y en a encore et peut-être même, comme nous l'avons vu, de plus en plus, puisque le «don» exceptionnel dont ils disposent tend à se trouve r davantage déclenché dans notre culture postmoderne. Les vrais pervers, il en existe encore, mais ils ont tenda nce à être moins beaux qu'autref ois lorsqu' lorsqu'ils ils empêchaient les névrosés de t o u r n e r en rond raison pour laquelle la civilisation pourrait, sous condition, leur rendre hommage. Ils Ils ont en effet changé de s t a t u t l'occasion du passage d'un monde marqu é par la prévalence de la névrose à la Cité perperverse. Cette vraie perversion tend alors perdre son rôle d'«autre» de la névrose et à devenir un monde intégré. Du coup, ces pervers sont nettement moins beaux. Et puis,' il y a les les pervers ordinaires, le plus souvent des 350
névrosés comportement pervers, à qui certains psychanalystes commencent d'autant plus s'intéresser qu'ils se mettent à en rencontrer un certain nombre sur leur divan je renvoie aux importants travaux sur la question de JeanPierre Lebrun, notamment so dernier livre, La Perversion ordinaire Si le pervers extraordinaire d'autrefois pouvait, l'occasion, être b eau, c'est parce qu'il était celui qui avait, en quelque sorte, choisi la perversion contre la névrose. M ê m e si ce choix était pour l'essentiel inconscient, il révélait un certain courage de la part de celui qui se trouvait alors devoir tenir cette position contraire à la pente commune, celle de la
névrose sujet soumet, soumet, m oyennant psychanalystes appellent la castration, l'injonction paternelle de renoncer à la mère. Ce pervers alors faisait le choix beau, problé mat ique et désespéré désespéré — de se placer dans la position position de rincastrable. La perversion ordinaire d ' a u j o u r d ' h u i résulte d'un autre
fait que la fonction paterfonctionnement. Elle découle nelle, n'ét ant plus soutenue par les grand s récits, récits, ne p e u t plus s'exercer. Or, sans fictions soute nant telle ou telle figure du grand Sujet, pas de fonction paternelle Ici, en somme, ce n'est plus à un incastrable que nous avons affaire, mais à un simple incastré. Bref, on n'a plus affaire là à quelqu'un qui a coupe. S'il S'il en a encore, c'est parce qu'il refusé qu'on les lui coupe. n' a plus eu personne pour faire ce qui est de plus en plus a p p a r u comme le sale sale bou lot, c'est-à-dire le trava il symbolique. Cela peut s'analyser comme la généralisation de ce que Freud appelait la perversion polymorphe de l'enfant, lequel n'a pas fait la rencontre conflictu elle avec le non du père, impliquant réorganisation réorganisation ph allique discours, 1. Jean-Pierre Lebrun, La Perversion ordinaire, Denoël, Paris, 2007. JeanPierre L e b r u n est un ami. Nous échangeons beaucoup et il me passe a u t a n t de données psychanalytiques, n o t a m m e n t cliniques, que je lui passe de données philosophiques (relevant de la philosophie politique, morale et de la métaphysique). 2. Je me perme ts de renvoyer à l'analyse que j'ai dévelop pée à ce propos dans la partie intitulée «Fictions et fonction paternelle» dans Le Divin Marché, p. 314 et sq.
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marquée par le passage d'une économie de la jouissance à une économie du désir, puisque alors le mot s'interpose entre la pulsion et sa satisfaction Ce n'est évidemment pas sans rapport avec la prédiction faite par Lacan en 1967 de
l'apparition prochaine dans le monde d'un nouvel adulte qui ne serait autre qu'un « e n f a n t généralisé autrement di un pervers polymorphe prolongé. dont rend assez bien compte le mot-valise d'adidescence («adolescence» 4- «adulte») apparu il y a quelques années.
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On peut don c espérer que le monde ps ychanaly tique saura accomplir une nouvelle révolution copernicienne puisque l'époque ne tourne plus autour de la névrose comme du temps de Freud, mais est, de plus en plus, en train de tourne autour du soleil noir de la perversion, devenue pour le coup ordinaire. Il est vrai qu l'idée commence pénétrer le monde psychanalytique, psychanalytique, non sans provoquer bien des résistances, comme en témoignent les réactions au livre récent de Jean-Pierre Lebrun, évoqué plus haut. Il me semble que révoluso travail n'introduit rien de moins qu'une petite révolution dans la pensée psych analy tique et il est à souhaite r que ses collègues voudront bien entendre ce qu'il essaie de leur dire qu'il y a du nouveau et qu'il faud rait s'en s'en aviser avant qu'il ne soit trop tard, c'est-à-dire avant que les sociétés psychanalytiques ne mettent, un jour, la clef sous la porte pour n'avoir pas su comprendre ce qui arrivait, se manifestant par des symptômes nouveaux présenté par les patients venus parler dans leur officine. Sinon ces patien ts iront voir
1. Je fais référence ici à une commu nication faite par le professeur de psychologie clinique et psychanalyste Régnier Pirard à une journée d'étude su «Les perversions ordinaires» (Nantes, 9 avril 2005). 2005). Dans cette comm unication intitulée «Clinique de la banalité: perversions ordinaires», il nomme «néo-perversion» cette «"perversion ordinaire"ou géné ralisée [qui] évoque le passage à la limite, sur la scène du social, de la sexualité polymorphe caractéristique de l'enfant dit préœdipien». Disponible su http://llibertaire.free. fr/PerversionsOrdinaires.html. 2. Lacan, Autres Écrits, «Allocution sur les psychoses de l'enfant» [1967], Seuil,,Paris,2Û01,p.369. 35
ailleurs : il y a déjà toute une gamme de thérapies perversocompatibles puisqu'elles se présentent souvent comme des aides directes à la jouissance demandée, prêtes à les accueillir. Et il ne restera aux psychanalystes que les dinosaures de notre culture: le bons vieux névrosés d'autrefois. intéresse Le brun c'est, pour autant que je puisse Si ce qui intéresse en uger, d'élaborer un nouveau cadre conceptuel même de rendre com pte des symptômes qui se présentent à lu dans sa pratique, e vise, pour ma part, à essayer de comprendre comment fonctionne aujourd'hui la Cité postmod erne. IlIl me semble à cet égard que ce pourrait bien être tout le rapport entre le trois grandes affections psychiques cernées pa névrose, perversion et psychose — qui est en train Freud de changer. Certes, la perversion devient ordinaire, mais je crois, crois, comm je l'ai soutenu depuis Folie et démocratie publié en 1996, que c'est aussi le rapport à la psychose qui est en elle aussi devient moins extrao rdinaire et train d'évoluer: elle plus ordinaire. Je pense en effet qu'on se rapproche d'une banalisation des phénomènes psychotiques tout simplement parce que la perversion constitue, comme je l'ai déjà d it, le lorsque le barrage dernier rempart contre la psychose. ne tient pas, comme c'est souvent le cas, on observe alors le basculement vers certaines formes psychotiques, ou prépsychotiques, ou parapsychotiques, souvent dénommés caslimites. limites. Quan à la névrose, elle n' bien sûr pas disparu. Mais si elle reste, c'est très probablement en s'articulant cette nouvelle perversion. Reste essayer d'entrevoir comment. Ce que j'essaierai d'approcher plus loin l'aide d'un cas.
«I y a eu la civilisation athénienne, il y a eu la Renaissance, et maintenant,
on entre dans la civilisation du c u l »
(J.-L. Godard, Pierrot le Fou, 1966)
277 L'un des traits de la perversion, c'est, comme je l'ai déjà dit, de contester la Loi, en l'occurrence celle de la différence sexuelle. Or c'est exactement l'endroit de cette contestation que réapparaît la question pornographique, si l'on
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e n t e n d par là la présen tation crue, directe , dans la Cité, de l'organe sexuel, n o t a m m e n t e n action. B i e n , m a i s l e q u e l ? Tous, Tous, bien sûr. Mais un en particulier. particulier. Celu i juste me nt qui p e u t échapper à toute captu re dans la différence sexuelle. Or, il en est un p a r t i c u l i e r : le cul. Q u e l c u l ? d e m a n d e r a t-on. Je r é p o n d r a i : le cul au sens large et au sens étroit. Un indice c'est p r é c i sé sé m e n t a u t o u r de la célébration du cul que se déroulent les plus g r a n d e s manifestations d e r n i è r e m e n t célébrées dans les grandes villes d u m o n d e p o s t m o d e r n e : 700 000 personnes à la Gay Pdde de Paris en 2008,3 millions à Sào P a u l o en 2007,1 million Cologne en 2006... Le slogan retenu à Paris en 2008 confirme ce que j ' a i déjà avancé sur la de leçons de perversion. Il s'énonçait ainsi: « P o u r u n e école sans aucune d i s c r i m i n a t i o n ! » Pour bien ente ndre ce slogan, slogan, il faut le prendre au pied de la lettre. lettre. Ce qui suppose de conn aître le sens sens prem ier de « d i s c r i m i n e r » : savoir distinguer entre deux objets différents. C'est ce qui donné cette règle énoncé par le g r a n d T h é o d u l e R i b o t , philosophe et f o n d a t e u r de la psychologie française: La d i s c r i m i n a t i o n , c'est l e f o n d e m e n t d e n o t r e intelligence» ce q u ' o n t a m p l e m e n t confirmé le t r a v a u x de Jean Piaget, grand spécialiste spécialiste d e la psychologie du dé velo ppem ent. par« P o u r u n e école sans aucune discrimination!» v e u t ticulier dire qu'on i n t i m e a u x e n f a n t s de ne plus distingue les deux sexes ! C slogan tient donc un place d'honneur p a r m i le leçons perversion incessamm ent dispensées a u j o u r d ' h u i . Celle-ci di l i t t é r a l e m e n t q u ' i l c o n v i e n t d e s ' y p r e n d r e tôt, c'est-à-dire ès leur plus tendre e n f a n c e , p o u r é d u q u e r le e n f a n t s au d é n i de la différence sexuelle. Qu'on m'en tende bien, une fois encore : e n e suis ni pour ni contre. Je sais bien qu cette abstention suffira s û r e m e n t au nouveaux idolâtres pour me rejeter du côté de leurs ennemis, c'est-à-dire du côté des réa ctionn aires, puisque, eux, se croyant révolutionnaires, exigent l'adhésion aveugle et enthousiaste leur credo. Ce que l'auteur de ces propos peut évid emm ent leur accorder accorder pu isqu'ils vont simpleme nt dans le sens commun , celui celui du m a r c h é et de la doxa. Mais 35
je n'ai cure de ces mauvais procès. ar j ' œ u v r e ic c o m m e un e t h n o l o g u e à qui on n'a jamais demandé de croire aux mythe s qu'il étudiait étudiait pour en rendre compte. Et si je pratique la suspension jugem ent, c'est c'est pour véritablement m'interroger sur ce que signifie cette nouvelle célébration du cul d a n s le grandes cités postmodernes. ar c'est bien le cul qui est m is en vedette, le cul et ses entours, le fesses elles sont montrées, que dis-je, exaltées, moulées, vibrionnantes, parées plumes et d'atours divers, ou simplement triomph aleme nt expos exposées ées — grâce grâce au «string», tenue de combat des gay prides, prides, universellemen porté. Le Brésiliens on apporté beaucoup à la civilisation postmoderne en inve ntant l fameux maillot, dit «fil d e n t a i r e » , qui cache le d e v a n t et exhibe presque presque e ntièrement le derrière, et qui conn aît un gran d succès succès mondial au près de tous les sexes. sexes. Tout ça pour exhiber un cul dans sa nullité cul, puisqu 'un cul, ce n'est rien qu'un pauvre trou, un trou du cul. Un simple trou, donc, incapable de sup porter la moindre comparaison avec l'autre t rou , sexuellement sexuellement marqué, celui l'organe féminin, aussi aussi follement beau qu'une orchidée orchidée surprises. Cattleya, si complexe, si peu trou et si plein Qu'est-ce donc qui explique qu'une époque puisse s'assernbler autou r d'un organe aussi nul, jusqu'à en faire so organe prédilection? 278 Autre men t dit, pourquoi le cu donne-t-il lieu lieu aujourd'hu à un culte qui tien t lieu de culture 279
II y a deu x explications explications com plém entaire s possibl possibles. es. La première, c'est qu'on n e voit pas quel a utre organe aurait pu être choisi dans un contexte perversion polymorphe triomphante puisque celle-ci et précisément en jeu une économie si bien dite (par Freud ) sadiqu e-anale , sur laquelle nou allons revenir. La seconde, seconde, c'est que le cul nie la différence sexuelle, tout simplement parce que, notre connaissance,
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tout le m o n d e a un cul. Lorsqu'on sodomise, en effet, pe imp orte l'assignation sexuelle de celui qu'o n encule. Je v e u x dire que tout le monde est encuiable, qu'il soit homme ou f e m m e '. eu importe même, à la limite, qu'il soit h u m a i n ou non. C'est proba blem ent pour cette raison qu'on peut indiff é r e m m e n t enculer les hommes, les les f emmes, les enfants, de même que les chèvres, ou encore les canards, comme Sartre le démontre en r a c o n t a n t une scène assez rabelaisienne de L'Enfance d'un chef où un protagoniste coince la tête d'un p a u v r e volatile de cette espèce dans un tiroir pour lui faire subir les derniers outrages. Qu'on se rassure, je n'oublie évidemm ent pas les mouches — encore encore que cela reste une spécialité presque entièrement réservée aux intellectuels. Résumons-nous ; si on s'en tient au hum ains, c'est donc la différence sexuelle qu l'enculage nie. cela, il faut le savoir, est caractéristique d'un positionnemen t sadien. Je ve ux dire que Sade, dans son génie visionvisionnaire, avait compris que cela allait venir un jou r. Il n'est n'est que de considérer les multiples déclarations de Dolmancé dans La Philosophie dans le boudoir (celle-ci, par exemple: «Je suis sodomite par principe») et le nombre d'occurrences du ot « c u l » nous le avons comptées, il y en a 243. la f a m e u s e h a r a n g u e que le duc de Blangis, dans es Cent Vingt Journées... adresse au f e m m e s du château de Silling au premier jour de la terrible plongée plongée dans l'exploration des six cents passions. Il vient d'exalter le cul et il conclut en leur d i s a n t : «E général, offrez-vous toujours très pe p a r - d e v a n t ; souvenez-vous qu cette partie infecte que la nature f o r m a qu'en déraisonnant est toujours celle qui nous répugne le plus.» 28 Que trouve-t-on d'abord dans les livres de S a d e ? La confusion des sexes. Le juriste et philosophe François Ost,
d a n s son rem arquable livre sur Sade, l'a très bien dit: «Tri-
1. C'est ce que Pierre Klossovvski avait bien repéré dans «Sade ou le philosophe'scélérat », in Tel Quel, n° 28 (« La pensée Sade »), p. 13.
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badisme de ses héroïnes, pédérastie passive de ses héros sont des figures f r é q u e n t e s de la c o n f u s i o n des sexes que Sade expérimente à longueur de p a g e .» 28 Le sadisme d ' a u j o u r d ' h u i de m ê m e que la perversion
contemporaine ainsi ainsi que la pornograph ie actuelle sont à placer sous le signe de Yordinaire. Autrefois, ils dérogeaient l'ordre des choses usuelles. Alors qu'aujourd'hui ils participent du sens commu n en cherchan t à prescrire une nouvelle norme q ui, même énorme, es norme. Il est donc bien possible que ces pervers ordinaires soient soient en fait des névrosés d'un nouveau type en ce sens qu'ils font tout pour oublier qu'ils sont des névrosés. Ces pervers o rdinaires seraient seraient en quelque sorte des névrosés qui essaient de s'encanailler. Je vais sans délai tenter d'illustrer ces propositions l'aide d'un cas qui me semble très exem plaire, relaté par une amie psychanalyste au Brésil au dem euran t excellent lieu lieu pour observer c ertains aspects de la construction de la Cité postmoderne perverse. c'est le cas de le dire
282 Serge Leclaire nous manque. Il est le dernier psychanalyste à nous avoir don né à lire non pas de simples simples vignettes cliniques, mais de magnifiques cas. Le seul, ou presque, parmi le lacaniens, s'être autorisé braver le refus implicite du maître à rencon tre de l'écriture de cas (on ne trouve, en effet, pas un cas digne de ce nom dans les milliers milliers de pages d'écrits et de séminaires de Lac an). Mais, Mais, comme toujours, pour braver le maître, il faut pouvoir se le permettre. Autrement di écrire des cas vraiment magnifiques. Et ceux de Leclaire le furent. D'un e pa rt, parce que la belle écriture littéraire, celle qui sait manier la plus fine nuance, y a servi la très grande précision clinique. Et d 'autr e part, parce qu e ce qui, dans chaque cas, cas, s'énonçait comm e singularité absolue absolue es parvenu 1. François Ost, Sade et la loi, Odile Jacob, Paris, 2005, p. 51
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rencontrer et expliquer l'époque. Le grands philosophes des année s 196 et 1970 ( D e r r i d a , Deleuze et d'autres) ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, lecteurs qu'ils étaient des cas de Leclaire. C'était là, p o u r eux, un moyen privilégié d'accéder a u d é p l o i e m e n t historial de l'aventure humaine. Certes, on comprend la position de Lacan, q u i r é p u g n a i t à utiliser ce qu'il appelait «la carte forcée de la clinique Il craignait en effet d e u x effets « p e r v e r s » a u sens usuel du t e r m e : l'un relatif relatif au rédacte ur du cas l'autre au destinataire. D'u ne part, en effet, un cas peut toujou rs être présenté de telle sorte qu'il puisse justifier tou t ce que son rédacteur rédacteur entend d é m o n t r e r et d'autre part, il peut susciter chez chez le destinataire des effets imaginaires de tous ordres, comme la fascination ou la répulsion. Il est clair que ces craintes sont tout à fait justifiées. Mais il f a u d r a i t alors se demander en quoi le discours théorique ou métapsycholog métapsychologique ique pur qui évacue la présentation de cas : 1° échapperait davantage au risque de vouloir démontrer ce qu'il entend démontrer; 2° serait nécessairement exempt de la production d'effets l'absence de imaginaires. Si l'on ajou te à cette réserve q ue l'absence véritables cas, avec leu r systématicité, se solde souvent par l'usage intemp estif, lors journées d'études o u d e rencontres, de vignettes cliniques ad hoc plus ou moins allusives, sives, très suspec tes de s'avérer un peu trop com modes pou être vraiment « h o n n ê t e s » , on adm ettra que la question de la présentation de cas n'est pas facilement décidable. décidable. Nou ne p o u v o n s é v i d e m m e n t as t r a n c h e r à la place de psychanalystes. La seule chose que nous pouvons dire, c'est que, en t a n t que philosophe ayant beaucou p appris de la lecture des cas (de Freud et de Leclaire), Leclaire), ils ils nous man qu ent a u j o u r d ' h u i alors qu'on avance en terrain mal connu et qu'il faut bien fixer en ce moment exploratoire, n fût-ce qu'à titre provisoire, soire, quelqu es traits, sachant bien sûr qu e ceux -ci doivent toujours être ouverts ' i n t e r p r é t a t i o n . Cette carence en «matériel c l i n i q u e » est d'autant plus op.
1. Jacques Lacan, « S u b v e r s i o n du sujet et dialectique du d é s i r » , in Écrits, cit.,p. 800. 358
regrettable que des propositions majeures ont été avancées
ce dernières années tendant à accréditer l'idée qu'il y a eu m u t a t i o n anthropologique et que nous sommes passés dans une nouvelle économie psychique. Or, comment sou tenir ces hypothèses sans pré senter le moindre cas? C'est ce terrible terrible m anqu e que je vais m'efforcer d'affronter, avec les moyens du bord. Ces moyens seront philosophiques. E n d ' a u t r e s termes, je vais tenter de s u p p l é e r l'absence de cas cliniques correspondant correspondant cette supposée pourrait mutation en instruisant un cas philosophique être assez significatif de cette nouvelle Cité, Cité, postmo derne et perverse.
28
II existe trois façons de faire de la philosophie dans le boudoir. Dans le trois cas, il faut s'allonger sur un d i v a n . La
première est la façon sadienne, consiste dire le passions et mettre en scène, par la pratique sexuelle sexuelle pornographique, leur résolution immédiate. La deuxième est la façon freudienne, qui consiste consiste à dire les passions passions,, à emp êcher leu réalisation réalisation immédiate (ce qui pou rrait survenir dans la cure analytique qui met en jeu le transfert) de de façon à perme ttre ne résolution différée et déplacée quant au but (où la pulsion est sublimée en désir). La troisième consiste à déchiffrer les passions passions qui comp osent et recomposent sans cess cessee le monde, en vue de sa contemp lation activ activ C'est cette dernière façon nous ado pterons ici on sans ajouter que ces trois trois façons ne ne sont pro bable men t pas sans rapp ort mais c'est un a u t r e affaire. 1. Je rappell e que le mot « t h é o r i e » vient du grec theorein,«contempler». Il y a trois temps dans la dialectiqu e platon icienne de la connaissance. Au temps 1, c'est la dialectique ascendante (anagogie) ar l a q u e l l e la pensée remonte de concepts en concepts jusqu'aux principes premiers. Au t e m p s 2, c'est la dialectique de la contemplation, ou noésis, où l'es prit p e u t p e r c e v o i r l'essentiel l'essentiel par intu ition et produire d es concepts nouvea ux s'enchaîna nt et se s u b s t i t u a n t au anciens. Au temps 3, c'est la diairésis pa l a q u e l l e la pensée redescend dans le monde sensible en vue d'une activité morale (sur l'indiv i d u ) et politique (sur la Cité).
le cas Angelica 28 C'est Angelica que je vais, en premier lieu, allonger sur ce
d i v a n philosophique. Angelica est une é t u d i a n t e en médecine qu vient consulter p o u r ce qu'elle elle-même diagnostiqué comme étant es «crises p a n i q u e » . Après avoir consulté auprès médecins et essayé en vain es traitem ents médicamenteux (anxiolytiques et antidépresseurs), Angelica Angelica se décide, su le conseil d'un proche, voir un ou plutôt un psychanalyste. lyste. Laquelle Laquelle d emande comment su rviennent ce crises. Le scénario es toujours le même. Angelica, Angelica, comme beaucoup de ses amies et amis, aime participer en fin de semaine à des rave-parties. Pour pouvoir danser es heures d'affilée comme il se doit en pareille circonstance, elle pris aux premiers temps l'alcool pour s'encourager, mais découvert ensuite l'ecstasy l'ecstasy,, puissant stim ulant du système nerveux central qu possède es caractéristiques psychédéliques. La p l u p a r t es participants au r a v e s c o n s o m m a n t ce p r o d u i t s o u v e n t fourni su place, elle en avale régulièr e m e n t à son tour. Jusqu'au m oment surviennent certains épisodes marqués par une puissante désinhibition, où elle elle se retr ouv e, sans l'avoir véritablemen t décidé, à faire l'amour, éventuellement plusieurs fois de su ite, de toute s les les façons possibles, avec un ou plusieurs partenaires, partenaires, aupara d'elle, au cours de la nuit. Sous l'effet de la v a n t inconnus d'elle, prise du pro duit, la mus ique techno techno et sa cadence binaire obsédan te apparaissen t comme une puissante invite à l'acte sexuel avec le premier venu, et à son renouv ellement. Là, Angelica voit son corps comme ne lui appartenant plus, mais comm e agi par des force s qui la dépassent. E lle se sent alors alors d édoublée, comme si elle assistait au exploits comm is par son corps. Ce qu'elle appelle se «crises panique» survient en général dans la semaine qui suit ces actes, alors alors qu'Angelica f r é q u e n t e nouveau sagement se cours, en attendant la prochaine prochaine rave-party.
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285 Nous ne considérerons pas ce cas d a n s so évolutio n cli nique/— ce n'est pas notre rôle mais comme possible paradigme, comme te exemplaire de ce côté de la perversion ordinaire qui débouche sur la pornographie. Car voilà un étudiante qui, en fin de semaine, se comporte comme Juliette dans Le du vice, et qui, en milieu de semaine, it c o m m e un névrosée moyenne, moyenne, probableme nt assez prude et assez soucieuse de l'impression qu'elle peut faire auprès de ses professeurs, au point même qu rien n'objecterait à ce qu'elle participe alors à un de ces groupes évangéliques qui ne m a n q u e n t pas au Brésil. Elle n'est donc pa perverse au sens où elle assumerait certains actes pure jouissance puisqu'elle es régulièrement rappelée l'ordre par de violentes crises d'angoisse elle n'est pas non plus un névrosée classique puisqu'elle s'autorise aller voir là où le névrosé moyen ne pourrait jamais s'aventurer, sauf par le fantasme. Ce serait très exactement un névrosée qu passe parfois côté de la perversion et/ou un perverse quand l'occasion se présente, mais qui se replie ensuite sur la névrose la plus classiq classique. ue. Il apparaît donc tout autant impossible pour elle de se loger dans la perversion classique que de se réfugier dans un f o r m e névrotique caractérisée. Cela d o n n e penser que si Angelica est à ranger dans la classe de pervers ordinaires, alors ce qu caractérise cette position, c'est jouer sur les deux tableaux. 286 Jouer su deux tableaux, cela peut très bien conduire double vie. II se retrouver précipité précipité d ans un situation faut croire que ce s y m p t ô m e es aussi spectaculaire qu congruent avec l'époque puisqu'on trouve quantité « s u j e t s à la double vie» dans beaucoup d'émissions 1. On comprend ra bientô t pourquoi je préfère utiliser ce terme freudien de «crise d'angoisse» plutô t que celui issu des classifications classifications du D SM (en français, «ma nuel diagnostique diagnostique et statistique d es troubles m e n t a u x » ) .
télévision de ces dernières années. Par exemple dans «C'est mo choix », « Prostitution », « Bas les masques », «Vie privée, vie publique», «Ça se discute», etc. (je suis probablement en retard de quelques émissions). Je ne parle pas seulement de la situation vieille comme le monde où un homme ou une femme, menant une vie de famille « n o r m a l e » , se trouve embarqué(e) dans une autre histoire d'amour (avec un homme ou une femme) qui peut durer un temps indéfini, de sorte que cet individu se retrouve devoir assumer une double vie. Le sujet se trouve alors simplement (une simplicité qui peut, bien sûr, être très compliquée assumer pratiquement) dans un incapacité à s décider — ce qui peut, ou non, lui apporter quelques bénéfices. Nous avons ici affaire autre chose: une situation, asse nouvelle, où deux vies sans rappor t, voire incompatibles, sont menées par le même sujet. Par exemple, de jour, il sera juge d'instruction bien mâle et bien incorruptible, et la nuit, il sera strip-teaseuse tendance drag-queen poussant la goualante dans une boîte c'est ce que montre, très significativement, le film d'Almodovar, Talons aiguilles, où Ton voit un jeune juge en bois brut, nommé Dominguez, devenir le travesti si bien nommé Létal, chanteuse, sur qui se reporte l'affection d'une femme en manque de sa mère, ex-chanteuse
287
II existe un
solution au conflit entre une vie de névrosé
peu apte passer Pacte et une vie de pervers pornographe. Cette solution pour elle l'apparence de la logique et il n'est donc pas invraisemblable qu'elle se présente tout sujet dans cette situation, même si, dans ce cas d'espèce, elle n'a pas paru être l'ordre du jour. suffirait en effet, p o u r trancher le conflit entre ses deux vies, puritaine d'un côté, perverse de l'autre, qu'Angelica se dise avoir été victime d'agressions sexuelles par des inconnus qui l'auraient 1. Remarquons ici que le cinéma peut être un excellent p o u r v o y e u r de ca cliniques: le magnifique film de Luis Bunuel, Belle de jour, tourné dans le années 1960, présentait déjà une situation de double vie avec une femme puritaine d'un côté, perverse de l'autre.
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éventuellement encouragée à se droguer. Bref, il suffirait
qu'elle aille déposer plainte... auprès du juge Dominguez.
Elle imput erait alors le passage l'acte à l'autre, refoulant le sien propre. Cela permet peut-être de mieux comprendre pourquoi la Cité perverse d ' a u j o u r d ' h u i es pleine de victimes: il y a celles des prédateurs et il y a les victimes... de leur propre passage l'acte.
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David
Lynch et Samuel Beckett
entrevoit là comment la perversion ordinaire, m e t t a n t .
en jeu un tel clivage, clivage, peut déboucher sur ce qu'on appelle le syndrome dit «de personnalité multiple».!, dont on dit que
les cas seraient en considérable considérable augmentatio aux États-
Unis, comme toujours en avance même si beaucoup de psychanalystes français n'en veulent rien savoir Je trouve à cet égard remarquable que le grand roman a n n o n c i a t e u r de la p o s t m o d e r n i t é , L'Innommable de Beckett, ait très précisément mis en scène un personnage pris dans tant de personnalités qu'il en est devenu innommable — je rappelle le noms de ceux que le narrateur beckettien appelait sa galerie de crevés » : Molloy, Molloy, Malone Murphy, Mahood,Watt, Worm... On se trouve précisément là au point où la perversion ordinaire peut verser dans le états limites, limites, voire dans la psychose. Et on ne peut pas ici ne pas évoquer ces grands films si spectaculaires, même si on a du mal à les comprendre, comme ceux de David Lynch intitulés Lost Highway et Mulhoiland Drive, qu mettent en scène de personnages sujets cette si actuelle actuelle «personnalité multip le». On ne peut sur ce point s'en tenir aux analyses de Freud. celle de 1908 où il renvoyait la personnalité multiple l'attaque hystérique telle qu'il avait pu l'observer auprès de Charcot Ni celle de 1923 où il référait ces «cas mystérieux, 1. « Dans un cas que j'ai observé, écrivait Freud, la malade tient sa robe ser-
rée contre son corps (en tant que femme) tandis que de l'autre elle s'efforce
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m u l t i p l e p e r s o n n a l i t é » à des «identifications [...] dits trop nom breuses, trop intenses, incompatibles les unes avec
les autres [et provoquant] une dissociation du Moi ». ïi faut m e t t r e en jeu une autr e explication. explication. Elle peut
que sortir du cadre de la névrose ordinaire et nous projeter dans celui de la perversion ordinaire.
je vous présente mo avatar 289 N o t o n s a u p a r a v a n t que, sous., ne form e certes certes no psychotique, les personnalités multiples se portent bien. Surtout d e p u i s que l'Internet généralisé l'usage de n o m s d ' e m p r u n t , a u t r e m e n t d i t d e s « p s e u d o s » . Désormais, se donner un ou des avatars n'est plus réservé au dieux (voir la définition de avatar dans le fragment 228) ou aux fous. Grâce à l'Internet, c'est La portée de tout le monde. Chacun peut en effet disposer d'avatars susceptibles vivre toutes le doubles vies virtuelles virtuelles qu'il souhaite. C'est pratique : on reste mais quand on soi-même — d moins, c'est ce qu'on di veut s'aventurer en terre inconnue pour «faire une expérience», on envoie so n av atar en reconnaissance. reconnaissance. C'est ainsi que les sites de rencontre fleurissent. Les in dividus se rencontrent sous des « pseudos », si bien que ce n'est as véritablement eux qui font la rencontre, mais leurs avatars. Mais le site de rencontre avec no d ' e m p r u n t ou p s e u d o n'était que la préhistoire d ' u n mo nde v irtuel à venir. Or, ce monde es venu. Il s'appelle signiflcativement Second Life. Dans ce monde n u m é r i q u e en trois dimensions accessible o r d i n a t e u r , d a n s ce univ ers parallèle, parallèle, ar Internet depuis é v o l u e n t en permanence es centaines milliers d'avatars, es doubles f o r m e h u m a n o ï d e t é l éc éc o m m a n d é s par des utilisateurs réels, qui peuvent être constamm constamm ent m odifiés odifiés en de l'arracher (en t a n t q u ' h o m m e ) » . Cf Freud, «Les fantasmes hystériques et leur relation à la bisexualité [1908] », in Névrose, psychose et perversion, PUF, Paris, 1973, p. 155. 1. S i g m u n d F r e u d , «Le moi et le ça [1923], in Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 1968 (édition numérique disponible sur le site http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm). 36
taille, en proportions, en n o m , en âge, en sexe, en look, etc., l'aide de logiciels d'animation. Cette application connaît un succès exponentiel: le nombre des utilisateurs (10 millions d'utilisateurs fin 2008) double environ tous le d e u x ans — sans compter le déferlem ent prochain des millions de Chinois du réseau Shaoda, de même type. Le but est d'offrir à chacun la possibilité de vivre une nouvelle existence entièrem ent virtuelle. L'utilisateu r, qu choisit so a p p a rence es pieds à la tête et est à m ê m e de la modifier t o u t instant, peut en effet évoluer à sa guise, voyager, discuter avec d'autres avatars, faire du commerce, acquérir un terrain, construire sa maison, exposer se créations créations nu mériques (musicales,graphiques, (musicales,graphiques, textuelles...),faire es rencontres de toute nature,organiser es événements... Second Life est en passe de s'imposer comme une aubaine p o u r de millions de gens, c o m m e ce petits retraités bien sous tous rapports, qu sortent leur chien tous les j o u r s à 1 heures, qui appellent leur femm e «m am an» et qui vivent des vies vies de patachon sur Second Life, transfigurés en grands flambeurs engagés dans quantité d ' a v e n t u r e s torrides. Au po int qu 'on comm ence, paraît-il, à s'alarmer du no bre des divorces réels causés par les progrès de la cocufication virtuelle, Pour accéder à toutes les possibilités de l'application, il suffit créer c o m p t e et de p a y e r ès q u ' o n s o u h a i t e l o u e r o u a c q u é r i r u n a p p a r t e m e n t , a ch ch e t e r d e s v êt êt e m e n t s , des accessoi accessoires, res, une voi tur e... pou r son avatar préféré. L'économie de Second Life repose sur une monnaie virtuelle, le dollar L inden, convertible convertible en dollars auprès bourses d'échange gérées par Lin den Lab o u indép endantes. La vie l'avatar se déploie dans l'univers enchanté d'activités marchandes, dont les plus courantes sont les boutiques de vêtements, les discothèques, les casinos, les jeux vidéo, l'immob ilier et l'architecture, les jeux d e rôles, rôles, la pro stitu tion ou la baise virtuelle... L'activité L'activité p ulsionnelle de l'utilisateur projetée sur l'avatar devient donc l'énergie dont s'alimentent les activités marchandes dans l'univers virtuel. La libération de l'activi l'activité té pulsionnelle peu t m ener loin: en 2007, un reportage réalisé par une émission d'information
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de la c h a î n e a l l e m a n d e A R D , Report Mainz, a provoqué un g r a n d émoi en A l l e m a g n e . Il m o n t r a i t un a v a t a r m â l e adulte ayant une relation sexuelle avec un avatar d'apparence enfantine. Ce qui a déclenché une enquête de la police allemande ! A terme l a q u e l l e le d e u x utilisateurs se sont révélés être... un h o m m e cinquante-quatre ans et une jeune f e m m e de vingt-sept ans (on ne sait pas qui était l ' a v a t a r de qui). Nous voilà d o n c a r r i v é s d a n s u n m o n d e où la maréchaussée enquête avec le plus grand sérieux sur des a v a t a r s et leur vi sexuelle. Et ce , en vue d ' é t a b l i r une jurisprudence/C 'est exactem ent là que commence un bel exemple de casse-tête p o u r la profession (pleine d'ave; n i r ) d'éthicien l'Internet: soit on dit que des a d u l t e s ont le droit de se prendre pour qui ils veulent, compris [des e n f a n t s , et alors cela p e u t arriver (not in th first i i f c , \ofcourse, but in th Second); soit on dit qu'ils n'ont pas le :droit et d a n s ce cas, il faut f e r m e r le site solution horr i n q u e p r o p r e désespérer t o u te te l ' h u m a n i t é postrnoderne / c é l é b r a n t , à la suite de Deleuze, la fluidité subjective et les « d e v e n i r » femme, enfant ou animaux... Mais, qu'on se rassure, connaît déjà la réponse: elle st é v i d e m m e n t t e c h n i q u e . Il se p r é p a r e a c t u e l l e m e n t d'autres mondes virtuels (dont certains seront «réservés aux a d u l t e s c'est-à-dire pornos) et c o m m e le prédit un spécialiste, « o n p e u t i m a g i n e r q u e d e m a i n , l e s a v a t a r s p o u r r o n t se transposer d'un monde à l ' a u t r e Ouf! on a vraiment eu peur, mais finalement tout va bien: on pourra donc être à la fois purita in (sur Second Second Life et pervers (sur le futur Third Life). E n a t t e n d a n t , S e c o n d Life c o n s t i t u e d'ores et déjà un 1. Propos te nus par Fabrice Fabrice Tron (dire cteur de la société société Actengo d ont une b ranche est spécialisée dans le conseil, conseil, l'accompagnem ent et la construction d'unive rs dans Second Life) sur le site de l'association de l a com mun ication d'entreprise, 1'Ujjef.com. 2. Le m o d é r a t e u r du site écrivait sur le blog de Second Life : « Linden ab pratique la tolérance zéro pour tout ce qui touche à la pornographie infantile dans Second Life. Nous avons été outragés de voir les images que la chaîne ARD nous a montrées. Nous coopérerons sans réserve avec les autorités légales qui enquêtent sur les individus impliqués dans de telles activités.»
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extraordinaire terrain d ' e x p é r i m e n t a t i o n p o u r le entreprises en recherche recherche d 'un m arketing toujou rs plus corrélé au décryptage im médiat des pulsions anima nt les individus ramenés rôle de consommateurs potentiels, en vue de produ its adéquats censés censés satisleur fourn ir toujours plus faire toutes leurs appétences. Les entreprises l'ont très vite c o m p r i s en ouvra nt des bou tiques virtuell es sur Second Life. La plu part des grandes marques mondiales sont aujo urd'h ui présentes. présentes. Par exemple, Dell et IBM présentent da ns leurs m a g a s i n s virtuels les ordinateu rs de demain aux ava tars d ' a u j o u r d ' h u i p e n d a n t que les i n t e r n a u t e s p e u v e n t c o m mander (et payer via Second Life) leurs derniers derniers modèles afin de les recevoir sans déla i chez eux . Toyota y teste ses futurs modèles de voitures et vend se derniers. La Fox projette en a vant-prem ière ses films. La France n'est pas en reste. Le Crédit agricole est là puisqu'il «est là où sont ses clients». L'Oréal Paris y organise des défilés de M iss L'Oréal Glam our, qui devient un titre envié envié parmi les avatars. tars. Les Galeries La faye tte y proposent des jeux-conc ours pour le lancement de leurs nouvea ux produits e offrent de voyages dans des destinations de rêve et des dollars Linden. Les partis politiques politiques sont en train de s'im planter à vive allure dans ce mon de virtu el, cependa nt que les jésuites ont déclaré, urbi et orbi, vouloir évan géliser Second Life Il n'y ma nqua it que la Seine-Saint-Denis Seine-Saint-Denis : le dép artemen t, fief fief hishistorique de la gauche, acheté et créé so « î l e » pour prom o u v o i r et valoriser son image aup rès des «investisseurs». Et puis il y a les les inévitables success stories: la Chinoise Ailin Graef a tellem ent bien piloté son avatar Anshe Ch ung que celle-ci, commençant sa Second Life en 2004 avec 9,95 dollars, se retrouve aujourd'hui avec un e m p i r e de 36 kilomètres kilomètres carrés d'une v aleu r d'un m illion de dollars. En plus de ce domaine immobilier, elle détient plusieurs millions de Linden dollars (convertibles en véritables dollars 1. Dans son numéro de l'au tomne 2007, 2007, un article de La Civiltà cattolica, revue des jésuites italiens, italiens, imprim ée avec le contrôle du secrétariat d'État du Saint-Siège, propose d'évangéliser l'univers virtu el de Second Life.
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US), un paquet d'actions à l Bourse de Second Life et plusieurs chaînes de magasins, virtuels bien sûr. Comment tout cela marche-t-il? Je fais l'hypothèse que ce univers virtuels (dits mêtavers pour «méta-univers») mettent en jeu et en œuvre ce qui ét repéré dès le années 1880 par le psychologue Pierre Janet, travaillant alors à la Salpêtrière avec Charcot, sous le nom de dissociation repris ensuite (et autrement) par Freud et ses héritiers sous le nom de clivage. Nul ne savait alors que le capitalisme, capitalisme, sur La base cette pathologie, allait pouvoir créer de vastes mondes virtuels connectant le pulsionnel économie marchande «réelle».
290 Le schéma de la page 293, Énonciation et structure de la subjectivation», permet d'éclairer cette tension, ce clivage, si caractéristique de la perversion ordinaire, ordinaire, qu déjoue le nosologies usuelles. pourrait dire de ce type de sujet qu'il fonctionne comme névrosé dans le grand circuit «Il»/«(je-tu)>> et que, de temps à autre, il réalise un passage en force qu l'amène dans le petit circuit « j e » - « t u » , important alors en «je» l'éminence du «II», l'instar du positio nnem ent pervers classique. classique. S'i en est bien ainsi, alors alors se présentent à lui deux moments délicat : 1° lorsqu'il saute du grand circuit au petit; 2° lorsqu'il revient du petit circuit vers le grand. boum-boum 291 Pour résoudre le premier problème, celui qu l'amène du côté de la perversion, ou plutôt le ramène du côté de la perversion polymorphe, il doit donc faire taire le névrosé qu existe en lui. Ce qu'il fera en prenant des substances destinées endormir la vigilance surmoïque légendaire du l.Le concept de «dissociation» intéressait d'ailleurs assez Lacan pour qu'il l'utilise en évoquant brièvement un cas (voir la première version de «Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse»,paru dans La Psychanalyse, Psychanalyse, n° 1,1956).
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névrosé — de l'alcool et/ou de drogues. Mais on constatera que ce n'est pa tout, puisque ce passage es m a r q u é pa
Tusage intensif de la pulsation et de la cadence cadence hypnotiq ue de la musique techno des raves. Ce flux sonore énorme se résume, la plupa rt du temps, en une utilisation plus ou moins directe de la boîte à rythmes de façon à donner un «beat» de marteau-pilon atteignant les 120 à 140 battements pa minute, provoquant des accélérations limites du rythme cardiaque, l'instar de celles qu'on observe lors d'épreuves d'endurance. On sait d'ailleurs que certains sujets collent littéralement leurs oreilles oreilles aux très puissants baffles ou même y rentrent la tête lorsqu'ils sont creux , ce dont il résulte parséquelles organiqu es irréversibles. fois de séquelles C'est ce mélange détonant drogue «boum-boum» (n'osons pas dire «musiqu e» pour ne pas nous mettre à dos nos amis musiciens) qui rend le sujet littéralement sourd (assourdi) aux remontrances surmoïques et qui lui permet de passer du côté pervers. Il est à noter qu'il n' passe pa sans soumettre son corps à la puise pilonnante et oscillatoir qu es aussi, comme chacun sait, caractéristique de actes ma-sturbatoires et copulatoires. pulsation de marteaupilon peut donc devenir pulsion et, de là, motion pilonnante. encore, pour le dire à 1'emporte-pièce, c'est la musique boum-boum immensément amplifié qu incite le sujet faire crac-crac tout a. mélange détonant (drogue « b o u m - b o u m » ) s e r t donc littéralement — à se déchirer la tête, ou s'éclater la tête afin d'accéder à la jouissance — i faut donc prendre ce expressions (venues de amateurs de techno et de raves avant d'essaimer ensuite largement chez le jeunes) au pied de la lettre puisqu'il s'agit de faire sauter le lieu d'où pourrait peut-être émaner un jugement tenant le corps dans certaines règles. Ce que j'avance du «boum-boum» autorise, semblet-il, échafauder un hypothèse qui, si elle n' jamais encore été proposée, aurait dû l'être depuis longtemps: la musique (d moins ce flux sonore techno) peut être pornographique. croit généralement qu seules le images (dessins, photos, 369
fiîms) ou les textes textes peuvent ê tre pornographiques. II n'en est rien, le sonore peut l'être t o u t autant Et c'est d'ailleurs
celui d'un autre. Elle atteint le point où son corps devient un a u t o m a t e , en l'occurrence un automate sexuel.
un hasard si les pride parades de toute sorte en sont saturées. De ce point de vue pornographique, les deux musiques qu'on oppose souvent, la techno-rave des jeun es classes classes moyennes et le gangsta rap des jeunes pauvres, sont absolument équivalentes Elles servent au sujets à s bricoler, pour un laps de temps, un corps pornographique Il faut se souvenir ici de ce que Pascal Quignard écrivait dans son magnifique livre
29 Ce devenir d'automate sexuel apathique, comment ne pas mentionner'qu'il correspond très précisément au rêve du héros sadien? Lequel n'est pas en recherche de l'exaltation, comme les amateurs le croient, mais de l'apathie. Sade ne cesse en effet, par la voix de ses 'hérauts,' de le proclamer dans tous ses écrits. Par exemple, dans La Philosophie dans le boudoir, lorsque le scélérat Dolmancé fait l'éducation d'Eugénie: «Eugénie, croyez que les plaisirslcmi naissent de l'apathie valent bien ceux que la sensibilité vous donne.» Ou dans la deuxième partie d'Histoire de Juliette
utilisé dan la pou rquo i il est tant utilisé
Cité perverse.
n'est pa
La Haine de la musique: «Le son s'engouffre. IL est le vio[..;]. Les oreilles n'ont pas de paupières f.,.]. Ouïr,c'est obéir. Écouter se dit en latin obaudire. Obaudire dérivé en français sous la forme obéir. L'audition, c'est Vaudientia, est une obaudientia, est une obéissance.» Se placer dans cette
leur
position avec une musique aussi impérieuse, infiniment plus martiale qu'une musique militaire, c'est donc se mettre en situation d'obéir sans condition à ce qu'exigé cette pulsation pilonnante énorme appelée devenir pulsion pilonnante, pilonnante, s'exprimant par le va-et-vient incoercible, incoercible, pu isqu'elle agit
dans le sujet avant même qu'il it donné so consentement,
directement sur le corps. D'ailleurs, lorsque les sons de basse sont très puissants, o n n e les entend plus par la tête, c'est-àdire par les oreilles, mais on les ressent dans l'abdomen. En somme, le corps corps écha ppe alors et se met à vivre sa vie de son côté. C'est d'ailleurs ce que signale Angelica lorsqu'elle dit qu'elle regarde son corps agir comme s'il s'agissait de
1. Je ne veux p as seulement d i r e que la m u s i q u e peut être pornographique indirectement, par les paroles (comme dans le rap ou dans le porno
funk américain, ou brésilien, ou autre), mais aussi directement par le rythme (comme dans la techno de raves). 2. II peut bien sû exister de musiques techno et des musiques ra beau-
coup plus élaborées et, du coup, candidates
à une
reconnaissance
artistique.
Mais ce n'est pas, sauf exception, celles qu'on entend dans le pride parades et dans le raves. 3. Je ne parle pa seulement de noms de groupes, de titres ou des paroles lorsqu'il y en a, je parle de l'emprise que la puise binaire la plus gros-
sière exerce sur les corps. Cette puise, sans aucun contretemps ou jeu rythmique, emprisonne les corps (à la différence de infinies subtilités du rythme qu'on rencontre, pa exemple, dans le jazz). 37
ou les Prospérités du vice lorsque la
très libertine Clairwill prodigue Juliette sa leçon: «Voilà, Juliette, voilà les principes qui m'ont amenée cette tranquillité, à ce repos des passions, à ce stoïcisme qui me permet maintenant de tout faire et de tout soutenir sans émotion.» Ou encore dans Juliette de nouveau, lorsque l'héroïne discute avec le bourreau de Nantes, Delcour, persuadée que celui-ci commet ses exécutions sous l'emprise de l'exaltation. Ce à quoi ce dernier répond en lui administrant une claire leçon d'apathie puisqu'il évoque au contraire r«extrême sang-froid» qui l'habite à ces moments. Ce qui est donc remarquable, c'est qu* Angelica, grâce au mélange détonant qu'elle s'administre, peut atteindre en un rien de temps la visée visée ultim la plus complexe du héros sadien. Celle qui, d'habitude, exige de lui toute une ascèse, généralement transmise par voie initiatique. Car jouir n'est pas donné au premier venu. Il faut en effet mourir à soi-! même pour vraiment jouir. Or Angelica parvient. Ce quij atteste qu'elle jouit vraiment, c'est qu'elle perd de vue sonj corps. C'est une preuve indéniable. Car si elle ne j o u i s s a i t ) pas, elle resterait sagement dans son corps en train de courir derrière sa jouissance. Comme tout bon névrosé qui croit et \e qu'il va jouir ce n'est
jamais lu comme sujet
qui jouit. Tout
simplement
un jour. Or, ce qu'il
parce que. l o g i q u e m e n t , on p e u t pa devenir le sujet de sa jouissance.. La jouissance implique en e f f e t une perte m o m e n t a n é e de conscience, de sorte qiTon disparaît alors s o i - m ê m e , si bien que, quand j o u i t , il n'y littéralement personne pour jouir. IL faut que celui qui jouit, comme on le dit si b i e n , perde la tête. Tant qu vous êtes, c o m p r i s en train de vous encourager, par le discours par exemple, c'est que vous n 'y êtes êtes pas en core. La jouissance n'est rien d'autre que l'expérience de la m o r t . C'est ce qu'on appelle, depuis Freud et Bataille, la petite mort d o n t il se peut qu'on revienne pas si facilement. On m e u r t en petit lorsqu'on laisse la n a t u r e j o u i r en nous. Cette n a t u r e s o m b r e , t a n t exaltée par Sade, qui demande la destruction de laisser place place nette pour un éven tuel nou veau monde. occupe la position Voici donc le problème d'Angelica: elle occupe sadienne consistant à voir son corps comme un automate. Ce corps es d e v e n u c o m p l è t e m e n t a u t o n o m e pa r a p p o r t au discours. Ce qui est la la conditio n m êm e de la jouissan ce. Il suffit d'ailleurs de regarder un film film porno pour voir qu'il n'y a pas besoin de parler, encore m o i n s de s'aimer, pour jouir. Ang elica jouit. Mais elle ne peut pas le supporter. Elle ne peut pas sup porte r la la leçon leçon de perversion qu'elle s'administre. endormir le névrosé pou r éveiller le le pervers
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Le cas An gelica semble, on l'aura com pris, assez assez emblématique de la propension à la perversion ordinaire qui Cité po stmoderne. On pourra bien affecte a u j o u r d ' h u i la Cité sûr ajouter ou n uancer, examiner quantité de variantes, m a i s la d y n a m i q u e globale restera la m ê m e : _ s e déchirer la tête pour deven ir un auto ate sexuel. C'est exactement ce mo uvement que l'on re trou ve dans l'usage l'usage actuel des drogues, qui servent le plus souvent endormir le vieux névrosé qui veille en chacun pour laisser libre cours au petit pervers p o l y m o r p h e ui cherche sans cesse s'imposer dans le jeu jeu — ce n'est pa p o u r rien que la d r o g u e es devenue 37
une des grandes questions de notre époque. S i o n c o m p r e n d c o m m e n t cet usage usage fo nctionn e aujourd'hui, à la jonction de l'économie de la jouissance et de l'économie m a r c h a n d e , on peut comprendre b o n n e p a r t i e des problèmes actuels de la Cité perverse. Sade a comp ris cela cela avant to ut le monde. Notre époque suit sur ce point une méthode sadienne. C'est-à-dire une m é t h o d e que Sade, dans son gén ie visionn visionn aire, avait mise au point et expérimen tée. En effet, lorsqu'il est arrivé à l'hom Sade de vouloir, dans ses rares moments de liberté, devenir vraiment sadien, autrem ent dit s'appliquer s'appliquer à lui-mêm e son système, le sadisme, c'est exactement ce qu'il f a i t : d o n n e r de la drogue à tous, à lui probablement et aux filles filles de bo rdel à coup sûr, pour se dévergo nder davantage. On conn aît à cet égard l'affaire de Marseille survenue en juin 1772 Le marquis a donné à ses quatre partenaires des pastilles à la cantharide, réputée échauffer les esprits et libérer les ardeurs. Mais les filles sont tombées malades (l cantharide officinale est en effet très toxique). On sait l'issue: l e p a r l e m e n t d e Provence condamné à la peine de m o r t par contumace le marquis et son valet, enfuis e n I t al al ie ie , p o u r e m p o i s o n n e m e n t et sodom ie. Les deux larro ns seront brûlés en effigie. Il est fort significatif pour notre propos que cet épisode soit jugé avec avec beauco up de légèreté au jourd'hui. C'est Jean Paulhan qui a donné le la en 1951: «De simples bonbons à la cantharide [...], cela vaut-il dix ans de B a s t i l l e Il est désormais de bon ton de répéter à tout va ces propos, y compris dans les milieux psychanalytiques orgnant vers le foucaldisme, comme si cette «méthode» ne devait pas être analysée. On me permettra de penser que c'est justement la raison pour laquelle elle elle doit absolum ent l'être. l'être. Outre qu'elle nous aide pas à c o m p r e n d r e c o m b i e n utile la la com com passion passion actuelle actuelle pour Sade n'a pas saisi en quoi le 1. L'épisode est raconté dans les différentes biographies de Sade, celle de Lely et celle de Lever. 2. Jean Paulhan, Le M arquis de Sade et sa complice ou les Revanches de la pudeur [1951], édition s Com plexe, Paris, 1987, 1987, p. 32. 373
années d'enfermement de Sade furent notre chance! En effet, si le le Divin Marqu is rfavait pas écopé de vingt-six ans, il n'aurait probablement eu d'autres choix que de devenir vulgaire psychopathe, spécialiste en perversions sexuelles
et en comportemen ts criminels diver divers. s. C'est précisément cette t rès stricte mise l'ombre qui lui a permis de donner une oeuvre littéraire et philosophique si conséquente et si éclairante pour nous. Car ça ne s'invente pas comme ça les procédés procédés perm ettant à cou p sûr le passage passage à l'acte pervers. Il faut beaucoup réfléchir. Sade fu t, entre autres avec la cantharide, un pionnier. Certes, on dispose dispose d'infiniment mieux aujourd'hui que la cantharide. Il existe existe qua ntité de prod uits pou r se déchirer la tête afin devenir a u t o m a t e sexuel. Même es produits très traditionnels peuvent être détournés, comme le montre l'usage actuel, postmoderne, de l'alcool. Il ne s'agit plus, comm e jadis de pratiquer usage festif de l'alcool destiné à baisser baisser le niveau m oyen des inhibitions, et encore moins de le déguster. Chacun sait qu quelques coupes de Champagne, éventuellement accompagnées d'une petite fumée du diable, peuvent constituer d'excellentes mises en bouche préludant au festins amoureu x. Rien Rien de tel ici: il s'agit de boire le plus possible dans le moins de temps possible, avec n'importe quel mélange (coca vin, di Calimucho en Espagne, ou bière vodka, di Smirnoff) p o u r faire passer ne grande quantité d'alcool et se déchirer la tête. tête. Comm e le mo ntre par exem ple l'usage actuel de l'alcool dans les fêtes adolescentes ou étudiantes en France, ou dans les bottelones, venues d'Espagne, beuveries publiques publiques ent re jeunes qu gagnent l'Europe, ou dans le parties d'étudiants au États-Unis, États-Unis, souve nt suivies, soit de comas éth yliques, soi de franches partouzes qui pourraient sûrement satisfaire Dolmancé, l'« instituteur immoral» de La Philosophie dans le boudoir.
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lorsque les femmes s'y mettent
Les bons esprits aiment penser que la pornographie féminine relève purement et simplement d'un fantasme 37
masculin. Admettons, au moins par commoditç. Mais cela ne permet pas de se débarrasser si facilement dû problème. ïl resterait en effet à savoir savoir pourquoi les femmes peu vent être si intéressées pa le(s) le(s) fantasme(s) masculin(s), jus qu 'à le(s) devancer. Là encore, le cher Sade fut un visionnaire. Lorsque le femmes s' mette nt, elles sont capables, disait-il, de «dépasser les hommes en scélératesse». Sade ouvre un monde nouveau lorsqu'il fait de certains personnages féminins de héroïnes en libertinag e. Pensons, Pensons, parm i elles, elles, à la marquise de Saint-Ange, Eugénie de Mistival, à la Clairwill, Juliette, à la Dubois, à la Durand... Un monde nouveau vers lequel nous nous dirigeons, tant la pornographie tend devenir l'affaire es femmes en passe de rattraper leur «retard» sur les hommes. Le marché d'ailleurs les aidera, comme comme il a aidé les femmes de la génération précédente accéder leur «libération»,., grâce notamment à la cigarette, qui était alors un attribut à peu près entièrement masculin (l'épisode a été raconté et analysé fragment 156). Le libéralisme marchand fonctionnant su la libération et l'exploitation industrielle de pulsions, il n' aucune raison pour que la libido féminine échappe. Tout, à n'en pas dou ter, sera sera donc entrepris pour créer un marché féminin de la pornographie aussi vaste que celui des hommes. Il est d'ailleurs assez significatif que nous ayons été aiguillés vers la perversion ordinaire et la pornographie contemporaine à partir du cas d'une jeune femme. Angelica n'est pas une exce ption dans la la mesure m ême où le passage l'acte pornographique est en effet, aujourd'hui, souvent féminin. Il y a vingt ou trente ans, on a pu voir le prémices' de cette dy nam ique à l'œuvre, lorsque lorsque le strip-tease strip-tease m asculin fu inventé (phénomène dit des Chippendales). sait aujourd'hui que la pratique des «enterrements de vie de jeune fille», avec smooth operalors chippendaliens à l'appui, est désormais fréquemment l'occasion d'exhibitions classables comme «porno amateurs», moyennant alcool ou autres produits, car la dynamique en jeu est toujours la même : se déchirer la tête et se bricoler, bricoler, pou un laps de 37
temps, un corps pornographique f o n c t i o n n a n t comme un a u t o m a t e sexuel . Enfin, les « b o î t e s » sont devenues le lieu d'accueil de ces passages à l'acte pornographique de plus en plus osés que les téléphones portables et les appareils numériques peuvent sans peine enregistrer et mettre en ligne — il ne manque pas, bien sûr, de sites spécialisés pour accueillir et diffuser ces nouvelles leçons de perversion. Je dis « leçons leçons » parce parce que la brave je une fille névrosée rongée de culpabil ité en regard ant ces vidéos ne pourra alors se dire qu'un e chose: «Si «Si eux le font, pourquoi pas moi?» C'est exactement là la visée de la mention porno porno amateu », Et si la jeune fille décroche pour cause de suffocations d e v a n t la crudité de images en gros plans, il lui suffira de se tourner vers le genre noble de la littérature. Ce n'est probablement pas un hasard si l'espace de la littérature pornographique féminine de qualité (avec une histoire ou des situations construites et une langue» si l'on peut dire) s'est avec ce moment t a n t développée ce dernières années d'acmé constitué, en 2001, par le récit de Catherine Millet, La Vie sexuelle de Catherine
295 La rentrée littéraire de septembre 2008 fut à cet égard exaltante. Le milieu des gendelettres ne bruissait que d'un roman-de-rentrée Le Marché des amants, qui mettait en scène de « vraies gens » sous leur vrai nom : Christine Christine Angot, l'autrice, et un rappeur sarkozyste f a n , au dire de l'écrivaine, de sodomie, bien mal nommé Doc Gynéco. L'héroïne indiquait à longu eur de pages qu'a u mome nt crucial, elle devait c o n s t a m m e n t crier à celui qui eût mieux fait de s'appeler Doc Procto de se remémorer le droit chemin: «Te trompe pas de trou ! » Cette rentrée ut l'occasion d'une confrontation avec une autre p o r n o - s t a r écrivaine, la susnommée Catherine l.Voir le très intéressant récit du stripperTony Prado, qui travaille dans Globo, le Club de femmes de la Praça Quinze à Rio de Janeiro (journal segundo caderno, du 22 septembre 2008).
Millet, autrice de Jour de souffrance. Dans cet ouvrage, elle expliquait à son compagnon, parti voir ailleurs, qu'elle était prête, s'il revenait, à le consoler en pratiquant tous les Tous le journaux, le trous — autant qu'au golf, sinon plus. Tous revues, les émissions de radio, de télévision bavardant de
littérature montèrent donc de torrides débats entre la reine de r a u t o f i c t i o n , Angot, et Millet, par ailleurs spécialiste de l'art contemporain (directrice d'Art Press), pour savoir ce qu devait être la bonne supplique adressée par la femme postmoderne à l'homme postmoderne. Ce qui nous précipita dans un questionnement ontologique d'allure très shakespearienne: «Trompe-toi...» ou «Trompe-toi pas... de trou ! » this was thé question Que la question posée au cours d'une rentrée littéraire soit d'une telle intensité montre: que/la littérature actuelle actuelle est no seulement égotique, mais aussi aussi stupidemen pornoïsée, tellement coincée dans un pornographie littérale qu'elle est incapable de pratiquer l'ironie, l'instar de ces titres de films pornos détournés qui comme L'arrièrent le mérite de se moquer d'eux-mêmes, comme au des train sifflera fois, Ça \r bite, Happy
que des femmes écrivaines sont en première ligne de cette pornoïsation de la l i t t é r a t u r e ; que le roman es devenu, après l'art plastique, le lieu d'un véritable marché pornographique.,La preuve: il fait même courir et s'affronter de vénérables maisons d'édition... qui ne veulent voir que la qualité de l'écriture — laquelle peut exister, surtout,
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bien
lubrifier
M a i s rassurons-nous : les pouvoirs publics veillent au grain et suivent avec attention la généralisation des pratiques p o r n o g r a p h i q u e s . Aussi mettent-ils en œuvre une véritable politique de prévention, comme le montre, par exemple, une affiche éditée par le ministère brésilien de la Santé — il en existe des équivalents dans tout le monde postmoderne. 377
et on en
Dans cette affiche diffusée partout au Brésil, Brésil, une prise de vue plongeante montre un jeune homme nu reposer, dans
ne position quasi christique. sur un d o u x lit de sachets préservatifs rouges paraissant aussi doux que des pétales rosé. L'impérieuse voix du ministère de la Santé est imp rimée en h a u t l'affiche et dit: «Fais tout ce que tu v e u x , préservatif.» Et dans le coin en h a u t mais fais-le avec droite : « Utilise toujours du gel lubrifiant base d ' e a u . Là encore, il faut lire ces messages littéralement : ils r e c o m m a n d e n t chacun faire exactement ce qu'il v e u t et s'il veu t certai nes choses spéciales, de le faire avec du bon lubrifiant — ce qui fait directement allusion au pratiques liées l'enculage (sodomie, fi $t-fucking et autres). préoccupation affichée s'avère relever d'un souci puremen t hygiépratiques pourraient poser niste. Rien n'est dit sur ce que ces pratiques comme problème sur d'autres plans. Si entre évidemment dans la mission du ministère de la Santé la louable préoccupation prévenir la transmission sida et autres maladies sexuellement îransmissibles, il ne fait m a n i f e s t e m e n t pa partie de ses attributions d'éviter le possibles «crises de panique » ou autres séquelles psychiques ou sociales que son incitation à tout faire pourrait entraîner (sûrement parce que le ministère connaît déjà la solution: p r e n d r e es anxiolytiques). t, bien sûr, évaluer en quoi so incitation contribue transformer irrésistiblement l'espace public en Cité perverse entre encore moins dans se fonctions. p o r n o g r a p h i e es d o n c v a l i d é e par les p o u v o i r s publics... pourvu qu'elle soit propre. Bref, soyez pervers pornographe, mais clean D'où l'on peut déduire que la perversion pornographe p e u t très bien s'accommoder puritanisme. 297 On sait que le puritanisme peut aller aller jusqu'au refus du qu'il f a u t bien appeler contact avec autre individu. cette phobie du contact es d'ailleurs fort développée au 1. Visible su www.paradadadiversidade.org.br. 37
États-Unis, grand pays puritain, au po int que les aspects qui sont liés apparaissent très présents dans certaines œuvres majeures de la littérature d'outre-Atlantique — je pense pa exemple La Nuit de l'iguane Tennessee Williams, qui contient l'un des plus beaux personnages féminins créés pa Tennessee Williams: Hannah, que sa phobie contact physique vou e à la chasteté, mais à qui « rien d'hu main n'es étranger». Bien sûr, ce puritanisme peut être obstacle obstacle insurmon l'acte sexu el, et plu s encore table lorsqu'il s'agit d e passer à l'acte pornographiqu e, tel tel que ceux évoqué s plus haut. Je me per-] mettrai donc de recom mand er au lecteur lecteur curieu x de mener! à des fins de connaissance bien sûr — une expérience faire l'amour avec quelques déterminante. II s'agira Américaines. verra n'en pa douter qu c'est là bieni souvent, une recherche qui peut se révéler aussi passion-' nante que de mener enquête ethnographique su les pratiques chamanistiques chamanistiques des peuples peuples du G rand N ord. Le nombre de douches, d'ablutions, de purifications, de désinfections, de protections nécessaires en tout genre dépasse en général l'entendemen t. Tout contact rapproché même rapproché suscité, demand é, requis voire ardemment exigé sera suspecté pouvoir transmettre quantité maladies, toutes plus incurables le u n e s que les autres. Derrière chaq ue acte, quantité de virus ou de bactéries guettent, susceptibles de se transformer en animalcules, voire en monstres gélatineux protéiformes capables d'infecter instantanément tout l'univers, vers, comme se plaisent à le mon trer certains filins filins américains (la série des Alien, par exemple). Le message est donc clair: la pornograph ie doit être propre Ce qui p e u t se t r a d u i r e pa deux mots d 'ordre inverse et complémentaires: Soyez pervers, mais n'en soyez as moins puritain pour autant! Et: Soyez puritain, mais s'en pervers pou r autant ! Car l'objectif, c'est soyez pa moins pervers mener les expériences les plus extrêmes possibles et surtout de rester clean Sachant qu 'entre les deu x — du clean 1. D'ailleurs, en anglais, on ne fait pas une expérience, on «expérience» quelque chose (to expérience something). On peut en déduire qu'en français,
s'intercale bien souvent la prise nécessaire de l'extrême au sens littéral du terme. Car il s'agit produits stupéfiants toujours, comme dans le cas Angelica, de se stupéfier pour franchir Le pas qui mène de la névrose usuelle à la perversion pornographe. 29
Cela laisse à penser queja fonction du stupéfiant a beaucoup changé depu is Freud. Il le dé signait, en citant G o e t h e , comme le Sorgenbrecher, le «briseur de soucis»: «On sait bien qu'à l'aide "briseur soucis", on peut c h a q u e instant se soustraire au f a r d e a u d e la réalité et se réfugier dans un monde à soi qui réserve de meilleures conditions à la sensibilité», écrivait-il dans Malaise dans la civilisation (II, «Religion et recherche bonheur»). le stupéfiant, a u j o u r d ' h u i , ne sert plus simplement, à oublier, mais au contraire réaliser. pourrait mieux dire: il sert endormi le névrosé pour permettre au pervers de se révéler. 299
reste qu'un problème, pour l'instant no résolu, mais que le cas Angelica, si on veut bien le considérer par son p a n i q u e » , a m è n e à se poser. Angelica, versant «crise moyennant mélange détonant, passe côté de la jouissance dit, la l'apathie sadienne atteinte constituant, on preuve qu'elle jouissait. Le mouvement est identique pour le puritain qui, lui aussi, moye nnant l'usage d'objets sexuel clean et d'éventuels produits stupéfiants, passe du côté de la jouissance. r, tout le problème est là, il s'agit d'une jouissance trop forte pou r eux. Si on adm et que le cas Ang elica es paradigmatique, on peut dire alors qu'il s'agit pour le
sujet de revenir lui, après en être si bien sorti. Revenir soi, c'est, pour Angeiica, quitter le petit circuit pervers où elle s'est translatée pour un laps temps afin revenir au grand circuit, celui celui de la névrose usuelle, tel qu'on peut schéma «Énonciation « Énonciation et structure le voir représenté dans le schéma de la subjectivation» de la page 293. Comment donc revenir quand on est parti si loin? n'est pa facile. Je fais ici l'hypothèse que la crise d'angoisse d'Angelica, c'est la protestation de la névrose qu panique et rejette subitement le corps pornographique qu'elle s'est s'est bricolé, comme étrange
elle-même. Dans le Ma nuel diagn ostique et statistique des troubles mentaux (DSM) qu'Angelica, étudiante en médecine, doit panique es décrite comme un bien connaître, la crise période peur et d'inconfort extrêmes, extrêmes, survenan façon brutale et d u r a n t de quelques minutes plusieurs heures. es symptôm es vont des frissons frissons aux palpitations cardiaques en passant par des sueurs, es nausées, un impression impression d'étouffer, une hyperventilation, des impressions de picotement (paresthésie), des nausées, un sensation vertige ou d'évanouissement, une déréalisation ou une dépersonnalisation (impression d'être détaché soi), un p e u r perdre tout contrôle et de devenir fou. Il est à n o t e r que la crise de paniqu s'alimente d'un cercl vicieux : es symptômes psychiques et les symptômes ph ysiques s'aggravent s'aggravent mutuellement. Nous avons préféré employer le concept freudien de «crise d'angoisse» plutôt que les définitions empiriques du D S M . Il est aisé de comprendre pourquoi lorsqu'on li cette explication donnée par Freud dans Névrose, psychose et perversion: Le mécanisme de la névrose d'angoisse, écrivait-il, est à dérivation l'excitation distance du psychisme et dans une utilisation anormale de cette excitation
l'expérience reste extérieure au sujet (i peut donc, après coup, revenir lui), tandis qu'en anglais, sujet se trouve directement exposé et transformé pa le faitd'«expériencer» quelque chose. Si Benveniste raison d'avoir dit que c'était la forme du verbe « ê t r e » en grec qu avait permis la philosophie, il me semble qu'il faut envisager la possibilité que ce soit la forme transitive directe de ce verbe en anglais qui ait permis le développement de la philosophie pragmatique anglo-américaine.
1. Freud, «Qu'il es justifié de séparer de la n e u r a s t h é n i e un certain complexe sym pt orn tique sous le nom de névrose d'angoisse [1895], in Névrose, psychose et perversion, PUF, P aris, 1992, p. 31.
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Tout le génie de Freud est là: il ne fait pas que constater en alignant, comme Le DSM, de symptômes symptômes (qui para îtront d'auta nt plus pertinents qu'on disposera des molécules pour les juguler). La supériorité de Freud, c'est qu'il explique : il y une cause et il y a des effets. La cause, c'est une excitation sexuelle: 1° mise à distance du psychisme;2° utilisée intensément. Et l'effet, c'est la crise d'angoisse. C'est donc un clivage entre le soma et la psyché qui provoque la crise. On retrouve ici, ici, sous sous une autre formula tion, le le concept de Spaltung («clivage» ou «dissociation ») qu'on avait déjà rencontré. Il s'agit en l'occurrence cl'une dissociation de la pulsion qui, usuellement, présente comme un entité double face: Tune somatique, l'autre psychique. Dans «Pulsions et destin des pulsions», Freud en donne cette définition:
Le concept de pulsion (Trieb) nous appara ît comme un concept limite entre le psychique et le somatique,comme le représentant psychique de excitations issue de l'intérieur du corps et parven a n t au psychisme, comme mesure de l'exigence de travail qui est imposé au psychique en conséquence de sa liaison au corporel
Tout se passe donc comme si chez Angelica, la pulsion s'était dissociée dissociée lors de son passage réussi vers la perversion la face somatique s'est alors trouvée autonomisée lors
l'usage du corps pornographique qu'elle s'était bricolé sans que rien n'y corresponde au plan psychique. C'est donc cette face somatique qui se manifeste sujet revenu lui, comme une énigm e lourde de sourdes menaces, génératrice d'angoisse se manifestant par des crises paroxystiques. Mais ce n'est pas tout. Cette effraction vers la perversion es d'autant mieux réussie qu'elle réactualise l'organisation justement dite «sadique-anale» de la petite enfance. Celleci est, comme on sait, caractérisée par le fait que le dilemme (objectai) entre rétention et évacuation de la merde est exprimable sous la forme d'un choix entre refus et do de l'objet où le sujet peut à loisir imprimer sa marque subjective: il 1. Freud, «Pulsions et destin de pulsions»
Gallimard, Paris, p. 18-21.
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[1915], in Métapsychologie,
donnera... s'il le veut. C'est précisément cette alternative «je donne, si je veux»/« je garde, si e veux» qui installe l'enfant dans la position sadique-masochique et qui le définit comme pervers polymorphe, polymorphe, titulaire comme tel d'un pouvoir d'emprise sur l'autre. L'enfant sera sadique lorsqu'il utilisera ce pouvoir contre l'autre. Et il sera masochiste lorsqu'il pourra prendre personne à son jeu et se trouvera contraint de retourner ce pouvoir contre lui-même C^est précisément ce qui arrive Angelica. Elle n'est pa un vraie perverse perverse ayan fait le choix de la perversion contre la névrose. Elle n'est qu'une perverse d'occasion, un perverse ordinaire qui, comme telle, veut jouir, mais qui panique ès qu'elle joui. coup, elle se retrouve avec tous le s y m p t ô m e s de la perversi on polymorphe. À ceci près que ses symptômes sont aggravés par la dissociation pulsionnelle qu'elle a elle-même recherchée puisque le couplage sadiquemasochique peut se trouver contaminé par cette dissociation. Il en résultera que, pour Angelica comme pour tout pervers ! ordinaire, tout passage l'acte pervers ne p o u r r a se payer que par un masochisme secondaire résultant du retournement sur le sujet du mom ent sadique qu'il qu'il s'est offert. 300 Le cas Angelica tend à prouve r qu'il est possible de se bricoler un beau corps purement pornographique. Moyennant un «modeste» prix payer: puissantes crises d'angoisse. bien jouir de l'un Mais pe import e puisqu'on peut aussi bien que de l 'aut re : du sadisme comme du masochisme. 30
II me reste à dire qu'Angelica est un pur produit, à côté puritaines actuelles, du métaphysique occidentale survenue xvin siècle et accomplie au xx
de tant d'autres figures perverses
1. Je renvoie bien sûr ici au texte de Freud intitulé Paris.
rie sexuelle [1905], Gallimard,
Trois Essais sur la théo-