_______¿. Jacques Rancière
Le destin des images
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Sommaire
I - Le destin des images - 7
Ualtérité des images - 11 Image, ressemblance, archi-ressemblance - 16 D'un régime d'imagéité à un autre _ 19 La fin des images est derrière nous _ 26 Image nue, image ostensive, image métamorphique - 31 II - La phrase, Pimage, Phistoire - 41
Sans commune mesure ? _ 44 La phrase-image et la grande parataxe - 54 La gouvernante, l'enfant juif et le professeur - 61 Montage dialectique, montage symbolique - 66 III - La peinture dans le texte - 79 IV - La surface du design - 103 V - S'il ya de l'irreprésenta.ble _ 123 © La Fabrique éditions, 2003
Conception graphique : Jérôme Saint-Louhert Bié/design dept. Révision du manuscrit: Maria Muhle Réalisation: Elisabeth Welter Impression: Floch, Mayenne
La Fabrique éditions 9, rue Saint-Roch 75001 Paris
[email protected]
ISBN: 2-913372-Z7-9
Diffusion: Les Belles Lettres
Ce que représentation veut dire - 129 Ce qu'anti-représentation veut dire -- 134 La représentation de l'inhumain - 139 L'hyperbole spéculative de Firreprésentable _* of W
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Notes - 155
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I. Le destin des images
Mon titre pourrait laisser attendre quelque nouvelle odyssée de l'image, nous conduisant de la gloire aurorale des peintures de Lascaux au crépuscule contemporain d'une réalité dévorée par l'image médiatique et d'un art voué aux moniteurs et aux images de synthèse. Mon propos pourtant est tout différent. En examinant comment une certaine idée du destin et une certaine idée de l'image se nouent dans ces discours apocalyptiques que porte l'air du temps, je voudrais poser la question: est-ce bien d'une réalité simple et univoque qu”ils nous parlent? N'y-a-t-il pas, sous le même nom d”image, plusieurs fonctions dont l'ajustement problématique constitue précisément le travail de l'art ? À partir de là, il sera peut-être possible de réfléchir, sur une base plus ferme, à ce que sont les images de l'art et aux transformations contemporaines de leur statut. Partons donc du commencement. De quoi parle-ton et que nous dit-on au juste lorsque l'on affirme que désormais il n'y a plus de réalité mais seulement des images ou, à l'inverse, qu'il n'y a désormais plus d'images mais seulement une réalité se représentant incessamment à elle-même ? Ces deux discours semblent opposés. Nous savons pourtant qu'ils ne cessent de se transformer l'un dans l'autre au nom d'un raisonnement élémentaire: s'il n'y a plus que des images, il n'y a plus d'autre de l'image. Et s'il n'y a. plus d'autre 9
Le destin des images de l'image, la notion même d'image perd son contenu, il n'y a plus d'image. Plusieurs auteurs contemporains opposent ainsi l'Image qui renvoie à. un Autre et le Visuel qui ne renvoie qu'à lui-même. Ce simple raisonnement suscite déjà une question. Il est aisé de comprendre que le Même est le contraire de l'Autre. Il est moins aisé de comprendre ce qu”est l'Autre ainsi invoqué ? À quels signes, d'abord, reconnait-on sa présence ou son absence ? Qu'est-ce qui nous permet de dire qu'il y a de l'autre dans une forme visible sur un écran et qu'il n'y en a pas dans une autre ? Qu'il y en a, par exemple, dans un plan de Au hasard Balthazar et qu'il n”y en a pas dans un épisode de Questions pour un champion ? La réponse la plus couramment donnée par les contempteurs du <
Le destin des images de la caméra de Bresson. Il est donc clair que /ce s0nt ces performances qui sont intrinsèquement differentes. La nature du jeu que la télévision nous propose et des affects qu'il suscite en nous est independante du fãlî que la lumière vienne de notre appareil. Et la nature intrinsèque des images de Bresson demeure lnühflngée, que nous voyions les bobines projetées salle, une cassette ou un disque sur notre écran de television ou encore une vidéo-projection. Le même n'est pas d'un côté et l'autre de l°autre. Identité et altérite se nouent différemment 1'une a l”autre. Notre poste a lumière incorporée et la caméra de Questions pour un champion nous font assister a une performance de mémoire et de présence d'esprit qui leur @St en elle-même étrangère. En revanche la pellicule de la salle de projection ou la cassette de Au hasard Balthazar visualisée sur notre écran nous font voir des images qui ne renvoient a rien d'autre, qm sont ellesmêmes la performance. L'a1térité des images
Ces images ne renvoient à «rien d'autre››. Cela ne veut pas dire qu'elles sont, comme l'on dit vol0nt1eI“S, intransitives. Cela veut dire que l'altérite entre dans la composition même des images, mais aussi que cette altérité tient à autre chose qu'aux pr0Pf1et9§ mate' rielles du médium cinématographique. Les images de Au hasard Balthazar ne sont pas d'abord_ les mamfestations des propriétés d'un certain medium technique, ce sont des opérations: des relations entre un tout et des parties, entre une visibilité et une puissance de signification et d'affect qui lui est aSSOC1B€, entre des attentes et ce qui vient les remplir. Regardons le début du film. Le jeu des «images» a C0111mencé déjà quand l'écran était encore noir, avec, les notes cristallines d'une sonate de Schubert. Il s est
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Le destin des images poursuivi quand* tandis (1116 le générique défilait sur 32 Îänd ãvoquant aussi bien une muraille rocheuse, braierlÿlr Ê pierres seches ou du carton bouilli, un _ en s est substitue a la sonate, puis la Sgnaœ a repris son cours, recouverte ensuite par un bruit de grelots qui s'enchaîne avec le premier plan du film; âne tete d anon, tetant sa mère en plan rappr0(;hé_ ne main tres blanche descend alors le long du Cou Êgligbiîle de l anon tandis que lacarnéra remonte en \verse vers la fillette proprietaire de cette main, son frere et son père. Un dialogue accompagne ge Îlht/Èlvenljifent («ll nous le faut» - <
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Le destin des images Les «images» de Bresson, ce ne sont pas un âne, deux enfants et un adulte; pas non plus seulement la technique du cadre rapproché et les mouvements de caméra ou fondus enchaînés qui Félargissent. Ce sont des opérations qui lient et disjoignent le visible et sa signification ou la parole et son effet, qui produisent et déroutent des attentes. Ces opérations ne découlent pas des propriétés du médium cinématographique. Elles supposent même un écart systématique par rapport a son usage ordinaire. Un cinéaste «normal ›› nous donnerait un indice, si léger soit-il, du changement de décision du père. Et il cadrerait plus large la scène du baptême, ferait remonter la caméra ou introduirait un plan supplémentaire pour nous montrer fexpression du visage des enfants pendant la cérémonie. Dira-t-on que la fragmentation bressonienne nous donne, a la place de Fenchaînement narratif de ceux qui alignent le cinéma sur le théâtre ou le roman, les pures images propres a cet art? Mais la fixation de la caméra sur la main qui verse l'eau et sur celle qui tient la bougie n'est pas plus propre au cinéma que ne l'est à la littérature la fixation du regard du médecin Bovary sur les ongles de Mademoiselle Emma ou de Madame Bovary sur ceux du clerc de notaire. Et la fragmentation ne brise pas simplement l'enchaînement narratif. Elle opère a son égard un double jeu. En séparant les mains de l'expression du visage, elle réduit Faction à son essence: un baptême, c'est des paroles et des mains versant de l'eau sur une tête. En resserrant l' action sur Fenchaînement des perceptions et des mouvements et en court-circuitant l'explícation des raisons, le cinéma bressonien n'accomplit pas une essence propre du cinéma. Il s'inscrit dans la continuité de la tradition romanesque ouverte par Flaubert; celle d'une ambivalence où les mêmes procédures produisent et retirent du sens, assurent et 13
Le destin des images
Le destin des images
défont la liaison des perceptions, des actions et des affects. Uimmédiateté sans phrase du visible en radiCelíse sans d0Uîe 1'Gff8t. mais cette radicalité opère elle-même par le jeu de ce pouvoir qui sépare le cinéma des arts P1eStÎq1leS et le rapproche de la littérature- le pouvoir d'anti'ciper im effet pour mieux le déplacer .ou le contredire. L'image n”est jamais une réalité simple. Les images ' d _ , › , _
eåtîèiïïiîíïîlfiîlîîšåiîeå desjouer ““°°“S , , es manières de ava; avan et l apres, la cause et 1 effet. Ces operations enga_
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gent des fonctions-images différentes des sens diffé
* ' . rim1;S d _u 1,n0t1me«gePGIIX plans ou enchainements de' p ans Cmematogfephlfilles Peuvent ainsi relever d' imagéité différente. Et inversement un plan cinérbne tographique peut relever du même type dimagéiflé (TU Une P11I“ãSe romanesque ou un tableau C'est pour 1
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Êããglï lålããîsäem e PU Chercher dans Zola ou Dickens, t _ 1 reco ou Piranese, les modeles du mondage Cmematogfephlque et Godard composer un éloge u cinéma avec les phrases d'Eli F de Rembrandt. G ame sur la pemture
fuSi1åÎ1a§§nΧ1(fif“lf?_S PPPQSB dffnfr pas a la teiedif_ a erite a l identite. La telédiffusion Îeläsãl Êtslgn Îlufreï le Performance effective du pla' , enCmema reproduit une performance effectuee face d ,aussl une caméra Simplement u d on parle des images de Bresson, ce n'est pasqdãlëe rappQrt'1à flU,011 Peflei 11011 pas de la relation entre Ce (IU1 a eu lieu ailleurs et ce qui a lieu sous nos yeux m als ' d es 0PeI`&î10ns ' ' . _ qui- font la nature artistique de äçfgpe nous Voyons- Image désigne ainsi deux choses l
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à en tenir lipeu* E Ê 11'B YB,ämals qui Suffit le JeuSuîlplçment d operationscequi produit ce que nous ePPe10I1S de l'art: soit précisément une 14
altération de ressemblance. Cette altération peut prendre mille formes: ce peut être la visibilité donnée a des traits de pinceau inutiles pour nous faire savoir qui est représenté par le portrait; un allongement des corps qui exprime leur mouvement aux dépens de leurs proportions; un tour de langage qui exacerbé l'expressi0n d'un sentiment ou rend plus complexe la perception d'une idée; un mot ou un plan à la place de ceux qui semblaient devoir venir... C'est en ce sens-là que l'art est fait d”images, qu'il soit ou non figuratif, qu'on y reconnaisse ou non la forme de personnages et de spectacles identifiables. Les images de l'art sont des opérations qui produisent un écart, une dissemblance. Des mots décrivent ce que l'œil pourrait voir ou expriment ce qu'il ne verra jamais, ils éclairent ou obscurcissent à dessein une idée. Des formes visibles proposent une signification à comprendre ou la soustraient. Un mouvement de caméra anticipe un spectacle et en découvre un autre, un pianiste attaque une phrase musicale «derrière›› un écran noir. Toutes ces relations définissent des images. Cela veut dire deux choses. Premièrement les images de l'art sont, en tant que telles, des dissemblances. Deuxièmement l'image n'est pas une exclusivité du visible. Il y a du visible qui ne fait pas image, il y a des images qui sont toutes en mots. ' Mais le régime le plus courant de limage est celui qui met en scène un rapport du dicible au visible, un rapport qui joue en même temps sur leur analogie et sur leur dissemblance.' Ce rapport n'exige aucunement que les deux termes soient matériellement présents. Le visible se laisse disposer en tropes significatifs, la parole déploie une visibilité qui peut être aveuglante. Il pourrait sembler superflu de rappeler des choses aussi simples. S'il faut le faire, pourtant, c'est que ces choses simples ne cessent de se brouiller, que l'altérité identitaire de la ressemblance a toujours interféré 15
Le destin des images avec le jeu des relations constitutives des images de l'art. Ressembler passa longtemps pour le propre de l'art, alors même qu'une infinité de spectacles et de formes d'imitation en étaient proscrits. Ne pas ressembler passe en notre temps pour son iinpératif 3,101-S même que photographies, vidéos et étalages d'objets semblables à. ceux de tous les jours ont pris dans les galeries et les musées la place des toiles abstraites Mais cet impératif formel de non-ressemblance est pris lui-même dans une singulière dialectique Car Finllüíelude 8381192 Ile pas ressembler, n'est-ce pas šãäãläîfàäåleèflãlble, ou bien en soumettre la richesse 1 perations et artifices qui trouvent dans e langage leur matrice ? Un contre-mouvement se dessine alürsf Ce qlllen 0PP0Se à la ressemblance ce îíglsš iîaãsl opeãativite de l'art, c'est la présenœ Sen_› DFI alt chair, l absolument autre qui est aussi absolument meme. « L'Image viendra au temps
?§iî. *f:.î.L;l.: :°: :ï;>>.;
Fils qui est non oåit B Ê theologle (îhrenellnel le ticipant de sa nIé.ture«Ê)em mille» au Pere mms pariota àqui separe 'l n nd eS lçntretue plus pour le nue y Voir unecette ronåmaged autre. Mais`on_ contiensemble propre a les dlsslpe-r ñœs d 1, les simriilacrîssã S _ e lea Cham ressemblance, artie art et la tyrannie de la lettre. Imaãei ressemblance, archi-ressemblance
L” › pas seulement double mais trîgîîgîíilîlfi bfeã, IÎ,est 1 age 9 eft separe ses operations de la techmque 9111 P1`0
Le destin des images munauté ou marque de la chose même. Appelonsla archi-ressemblance. L'archi-ressemblance, c”est la ressemblance originaire, la ressemblance qui ne donne pas la réplique d'une réalité mais témoigne immédiatement de l'ail1eurs d'où elle provient. Cette archi-ressemblance, c'est cela l'altérité que nos contemporains revendiquent au compte de l'image ou dont ils déplorent qu'elle se soit évanouie avec elle. Mais, a la vérité, elle ne s'évanouit jamais. Elle ne cesse en effet de glisser son propre jeu dans l'écart même qui sépare les opérations de l'art des techniques de la reproduction, dissimulant ses raisons dans celle de l'art ou dans les propriétés des machines de reproduction, quitte à apparaître parfois au premier plan comme la raison ultime des unes et des autres. C'est bien elle qui apparaît dans l'insistance contemporaine à vouloir distinguer la vraie image de son simulacre à. partir du mode même de sa production matérielle. On n'oppose plus alors a la mauvaise image la forme pure. À l'une et l”autre on oppose cette empreinte du corps que la lumière grave sans le vouloir, sans en référer ni aux calculs des peintres ni aux jeux langagiers de la signification. Face à l'image «cause de soi ›› de l'idole télévisuelle, on fait de la toile ou de l'écran une véronique où vient s'imprimer l'image du dieu qui s'est fait chair ou celle des choses en leur naissance. Et la photographie, naguère accusée d'opposer à la chair colorée de la peinture ses simulacres mécaniques et sans âme, voit son image s'inverser. Elle est désormais perçue, face aux artifices pictiuaux, comme Fémanation même d'un corps, comme une peau détachée de sa surface, remplaçant positivement les apparences de la ressemblance et déroutant les entreprises du discours qui veut lui faire exprimer une signification. Uempreinte de la chose, l'identité nue de son altérité à la place de son imitation, la matérialité sans 17
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Le destin des images phrase, insensée, du visible a la place des figures du discours, c'est cela que revendique la célébration contemporaine de limage ou son évocation nostalgique: une transcendance immanente, une essence glorieuse de l°image garantie par le mode même de sa production matérielle. Nul sans doute n'a mieux exprimé cette vision que le Barthes de La Chambre claire, ouvrage devenu par ironie le bréviaire de ceux qui veulent penser l'art photographique alors même qu'il entend démontrer que la photographie n'est pas un art. Barthes veut faire valoir, contre le multiple dispersif des opérations de l`art et des jeux de la signification, l'immédiate altérité de l'Image, c'est-a-dire, stricto sensu, l'altérité de l'Un. Il veut établir un rapport direct entre la nature indicielle de l'image photographique et le mode sensible selon lequel elle nous affecte: ce punctum, cet effet pathique immédiat qu”il oppose au studium, soit aux renseignements que transmet la photographie et aux significations qu'elle accueille. Le studium fait de la photographie un matériau à. déchiffrer et expliquer. Le punctum, lui, nous frappe imédiatement de la puissance effective du çaa-été: ça, c'est-à-dire cet être qui, indiscutablement a été devant le trou de la chambre obscure, dont le corps a émis les radiations, captées et imprimées par la chambre noire, qui viemient me toucher ici et ma.intenant à travers le «milieu charnel» de la lumière « comme les rayons différés d'une étoile“››. Il est peu probable que l'auteur des Mythologies ait cru à la fantasmagorie para-scientifique, qui fait de la photographie une émanation directe du corps exposé. Il est plus vraisemblable que ce mythe lui a servi à expier le péché du mythologue d'hier: celui d'avoir voulu ôter au monde visible ses prestiges, d'avoir transformé ses spectacles et ses plaisirs en un grand tissu de symptômes et en un louche commerce des signes. Le sémiologue se repent d'avoir 18
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Passe ”°““° Paf” de sa »“-Îia mîisîiîlåîšfîn Ce que Vous prenez pO'ur une evl lance société ou un
fait un message crypte Per lefluîi “nf n se fondant pouvoir se legitime en se natura iãalu ,líštord le baton dans l'évidence sans phrase du vis tet. e du unctum dans l`autre sens en valorisant, au i r _ P _ : Févidence sans phrase de la photographle POW Tele ter dans la platitude du studium le déchiffrement des messages. _ _ _ , Mais le sémiologue qui lisait le mesãagegšpšesîãî images et le theoricien du punctum _e 1 g_ _ phrase s'appuient sur un meme Pflfielpej un Pfmclpe d”équivalence réversible - entre la -mutite **des images 't 't et leur parole. Le premier montrait queμl imagele Et en fait le véhicule d'un discours muet fI11_1l S en? OY a traduire en phrases. Le second nous dit que mage nous parle au moment ou elle se tait, ou elle ne nous transmet plus aucun message- Lun ell Êllmîe °(tÎn.ç0lt vent limage connue une parole qui se tait. Lun, aisai parler son silence, l'autre fera de (àe sile§ã:nltÎIå_11l1E'L lation de tout bavardage. Mais tous euXJ d 1__ e_ même convertibilité entre deux puissances e irnag 1'image comme présence sensible brute et limage comme discours chiffrant une histoire. Dmn régime d'imagéité à un autre Or une telle duplicité ne va p,as,de soi., Elle defiiät un régime spécifique d'imageite, un reg_1i_ï11)¢l% parmi culier d'articulation entre le visible et le dici e, pei a au sein duquel est nee la ph0î10gTePh1e et qlål ll_leS_ permis de se développer comme Pfeducllon, 9 semblance et comme art. La photographie Il GSI Pes devenue un art parce flulelle mettralt ef] œuvre im dispositif opposant Pempreinte des corps a leur flellleElle l'est devenue en exploitant une double Pefflïlïlue de l”ima.ge, en faisant de ses images, Slmuliflflemem 19
Le destin des images åtîlîltšeplajiãnientz deux choses:_ les témoignages lisibles oire ecrite sur les visages ou les objets et de ÊUÎS IÎIOCS de Vlslbflllifl, imperméables à toute narraï}V1Säï1011,,a toute traversée du sens. Cette double poétiqiše de limage comme chiffre d”une histoire eerite îlîwflãigiãîl visibles ãt comme réalité obtuse, mise en sitif cîlls}dliS1ÈènäÎi,i est p1¿a'ee. S legãispo, de la cliîiliîilîife _ H _ a inven e est ïfÿg aj/Îlllï 1111, lorsque l ecriture romanesque a redisri ue es rapports du visible et du dicible propres au regime representatif des arts et exempliñés par le parole dramatique. par le regime representatif des arts n”est pas le regime de la ressemblance auquel s'opposerait la îišolieïièite d art non figuratif, voire d'un art de _ p sen a e. C est le regime d une certaine altération de la ressemblance, c'est-à-dire d'un certain système de rapports entre le dicible et le visible entre le visible et l'invisible. ljidée de la picturalité du poème fllfellgage le célèbre Ut pictura poesis définit deux rapports essentiels: premièrement, la parele fait vehparla narration et la description, un visible non pre: sent. Deuxièmement elle fait voir ce qui n”appartiem pas au visible, en renforçant, atténuant ou dissimuOÎÎE Κäîessieln d une idée, en faisant sentir la force d lv nue un sentiment. Cette double fonction 9 _UÎ1äg0 SLlRp0se_un ordre de rapports stables entre le visible et l invisible, par exemple entre un senti glfsrsl de langage quilesquels Pexprimem» mais d _ lãetsltšiãaîltoïfs 1 S ÊXPYGSSIOH par la main du essinateur tradiut celui-là et transpose ceux-ci Que la , ` , _ . . on se refère a la demonstration de Diderot dans la Lettre sur les sourds-muets: le sens d'un mot altéré d , l A ` _ dšïrselsessevãfã QE H0IIlere prete a Ajax mourant et la. _ ` Ii omme qui demandait seulement a mourir a la face des dieux devient le défi d'un rebelle qui leur fait face en mourant. Les gravures jointes au 20
Le destin des images texte en donnent l'évidence au lecteur qui voit se métamorphoser non seulement fexpression du visage d`Ajax mais l'attitude des bras et l'assise même du corps. Un mot changé, et c`est un sentiment autre, dont Faltération peut et doit être exactement transcrite par le dessinateur°. La rupture avec ce système, ce n'est pas que 1'on peigne des carrés blancs ou noirs a la place des guerriers antiques. Ce n'est pas non plus, comme le veut la vulgate moderniste, que se défasse toute correspondance entre l'art des mots et celui des formes visibles. C'est que les mots et les formes, le dicible et le visible, le visible et l'invisible se rapportent les uns aux autres selon des procédures nouvelles. Dans le régime nouveau, le régime esthétique des arts, qui se constitue au xixe siècle, l'image n'est plus l'expression codiñée d'une pensée ou d'un sentiment. Elle n'est plus un double ou une traduction, mais une manière dont les choses mêmes parlent et se taisent. Elle vient, en quelque sorte, se loger au cœur des choses comme leur parole muette. Parole muette s'entend en deux sens. En un premier sens, l'image est la signification des choses inscrite directement sur leur corps, leur langage visible à déchiffrer. Cest ainsi que Balzac nous place devant les lézardes, les poutres de guingois et Fenseigne à demi-ruinée où se lit l'histoire de la Maison du chat qui pelote ou nous fait voir le spencer démodé du Cousin Pons qui résume à la fois une période de Phistoire, une destinée sociale et un destin individuel. La parole muette, c'est alors Féloquence de cela même qui est muet, la capacité d'exhiber les signes écrits sur un corps, les marques directement gravées par son histoire, plus véridiques que tout discours proféré par des bouches. Mais en un second sens, la parole muette des choses est au contraire leur mutisme obstiné. Au spencer 21
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l Le destin des images
él t du cousin - Pons s › oppose le discours _ d,0quen muet un autre accessoire vestimentaire de roman le ees guette de Charles Bovary, cette casquette dorrt le leieur › . Visagg ãlîãåšîšgngelï d expression muette coimne le n'échangent ici eue. 1 a ca-squqttç çt,S0n propriétaire q, ,e, d'une eur lmbecllllîf-J, p 1us a1 ors la propriete personne oulaquelle d,une hn'est mais le statut même du rapport indifférent de Ose? 1”C$;tš0i1ãeSÎ1éttL:t t A ›› qui. fait. de cette imbéUn a del › art <<_ bete _ T _ e incapacite au transfert adéquat des Slgíni ications - sa puissance même n' ãuerhnšcùpîlsališäidápppioser d * › _ neI Saš a` l ,'adrt des images on e es ` touches du tableau. C'est l'imIa1šèSelllepl)rÎênrrîeOu des ', tl, . ' _ a ge 6 art qui est devenu un deplacement entre åÎSSCÎieL:iÎ)£:nCt10QS'1m&g9S, entre le déroulement des t, p POÎÎGÊS Par les corps et la fonction interrup ive de leur presence nue, sans signification Cette puissance double de limage, le parole littéraire ra gaglïee en nouant un rapport nouveau avec la pein ture. Ell , ' Vie an0IÎyIÎ1`é0å'ålS1Ê1`Î)IïSD0Ser dans l art des mots cette veau découvrait fil Gauã de ,gQnre_, qu un oeil nou. , __ P US I`1C e d histoire que celle des actions heroiques des tableaux d'histo' b" aux hiérarchies et aux codes expresifsliîîlgoîlssant les arts 't' * es par
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- t re decouvre , ou a manger que le jeune pein par 3*saSalle fenêtre empruntent aux tablea ' recemment * , f ux h ollandais redecouverts leur pro usion de details, offrant l'expression muette intime, d' * la vision dLi]l1nI1Iê(i)Il1<=Ê((ÎilÎ Vlle. Iîa casqllette de Charles ou d , ar es a sa fenetre, ouverte sur le gran desoeuvrement des choses et des êtres leu empruntent, à l'inverse, la splendeur de “msi .” antr - mverse: ,gmfi_ ' ,Mais _ _ l 0 rapport est aussi- bien les ecrivains 11
Le destin des images bilité nouvelle, que leurs phrases instruisent un regard nouveau en apprenant à lire, à la surface des toiles qui racontaient les épisodes de la vie quotidienne, une autre histoire que celles des faits grands ou petits, l'histoire du processus pictural lui-même, de la naissance de la ñgure émergeant des coups de brosse et des coulées de la matière opaque. La photographie est devenue un art en mettant ses ressources techniques propres au service de cette double poétique, en faisant parler deux fois le visage des anonymes, comme témoins muets d'une condition inscrite directement sur leurs traits, leurs habits, leur cadre de vie et comme détenteurs d'un secret que nous ne saurons jamais, un secret dérobé par l”image même qui nous les livre. La théorie indicielle de la photographie comme peau décollée des choses ne fait que donner la chair du fantasme a la poétique romantique du tout parle, de la vérité gravée sur le corps même des choses. Et l'opposition du studium au punctum sépare arbitrairement la polarité qui fait voyager incessamment l'image esthétique entre le hiéroglyphe et la présence nue insensée. Pour garder a la photographie la pureté d'un affect, vierge de toute signification offerte au sémiologue comme de tout artifice de l'art, Barthes efface la généalogie même du ça-a-été. En projetant Fimmédiateté de celui-ci sur le processus de l'impression machinique, il fait disparaître toutes les médiations entre le réel de l'impression machinique et le réel de l°affect qui rendent cet affect éprouvable, nommable, phrasable. Effacer cette généalogie qui rend nos « images ›› sensibles et pensables, effacer, pour garder la photographie pure de tout art, les traits qui font qu'une chose en notre temps est ressentie par nous comme de l'art, c'est le prix assez lourd dont se paie la volonté de libérer la jouissance des images de l'emprise sémiologique. Ce qu'efface le simple rapport de l'impression 23
l Le destin des images Le destin des images machinique au_ P un Umm, C * est toute llnstoire , . . des rapons lïl entre trois choses: les images de l'art les form sociales_ de ' 9théori ues es _ l'imagerie et l BS procedures deîîla cfišitîlque de l imagerie. q n e e e moment '* ~ ~ l'art se sont redéfinieshdšiîse lséeiîlΛ Orl: *ges lllîïges de › mo' ll e de la presence brute a_ l'histoire chiffrée Estr aus ou s'est créé le grand commerce de l" S1 B emps lective, où se sont développées les forlilfimgîilfœ C01* a~ un ensemble de voue ' - GS - un art , et , _ fonctions a` la fois disperseeg Complémentaires: donner aux membres d'u « societe ›› aux repères indécis les mo (1 n~e et de s'amuser d`eux-mêmes sous la fldšns lise vou définis; constituer, autour des pmduitsrme îtylåes un halo de mots et d" marc an 5' rames; rassembler glfâïîîgãã qui les rendent _désiet au preeedé nouvèau d 1 ff Presses mecaniques clopédie du patrimoine hi(îiiilIailll1c(ô{(îr1llÎ-lšhie pue encyvie lointaines œuvres de l'art connaislšn' Orme? de - › ' › ~ risees. Le moment où B ,ances . vu g edes Signes écrits sur la ããšîlc falit du^dech1ffrement Visages le moteur de ralãfione, es vetements et les critiques (Part se mettent à Vromanesque et ou les de brosse dans les représentapir uni chaos de coups hollandaise du siècle d'or est lzîililsssi Êäl pollrgeglsie cent le Ma asin itto L-H ou se an-
1,étudiam ge la lofietteffäïãšlí, les Physionomies de
tous les types Sociaux ñna _n:}1)<Î1lI`, de l epicier et de se mettent à pmliférer sagfis 1. QS- C est le temps où h. t . ` _, i imites les vignettes et ls oriettes ou une societe apprend à se 1. . eue_même dans le do _ _ econnaitre › uble miroir de ' - ñcatifs et des an ecdotes ' ' ' S portmlts S1gm` les métonymies d'un monldsèlgmfitantes qul dessment » . _ sociale _ , en rans osant d negociation des ressemblance? les praågîlle artistiques de Finie °' es . ge/hleroglyphe et de l'i pensive. Balzac et nombre de ses pairs nbntrgïše S135; de se livrer eux -memes ^ Gramla a` cet exercice , d'a ssurer 24
relation à double sens entre le travail des images de la littérature et la fabrication des vignettes de l'imagerie collective. Le moment de cet échange nouveau entre les images de l'art et le commerce de Yimagerie sociale est aussi celui où se sont formés les éléments des grandes herméneutiques qui ont voulu apppliquer au déferlement des images sociales et marchandes les procédures d'étonnement et de déchiffrement initiées par les formes littéraires nouvelles. C'est le moment où Marx nous apprend a déchiffrer les hiéroglyphes écrits sur le corps apparemment sans histoire de la marchandise et à pénétrer dans l'enfer productif caché derrière les phrases de l'éoonomie, comme Balzac nous a appris a déchiffrer une histoire sur un mur ou un habit et a entrer dans les cercles souterrains qui détiennent le secret des apparences sociales. Après quoi Freud viendra enseigner, en résumant la littérature d'un siècle, comment l'on peut trouver dans les détails les plus insignitiants la clef d'une histoire et la formule d'un sens, quitte a ce que ce sens s”origine lui-même dans quelque non-sens iréductible. Ainsi s'est tissée une solidarité entre les opérations de l'art, les formes de l'imagerie et la discursivité des symptômes. Cette solidarité s'est encore compliquée, à mesure que les vignettes de la pédagogie, les icônes de la marchandise et les étalages marchands désaffectés ont perdu leurs valeurs d'usage et d'échange. Car elles ont alors reçu en contrepartie une valeur nouvelle d'image qui n'est rien d'autre que la double puissance des images esthétiques: l'inscription des signes d'une histoire et la puissance d'affection de la présence brute qui ne s'échange plus contre rien. C`est a ce double titre que ces objets et icônes désaffectés sont venus, au temps du dadaïsme et du surréalisme, peupler les poèmes, toiles, montages et collages de l'art, pour y figurer aussi bien la dérision 25
l Le destin des images d`une société r ' -* que l`absolu diîîllgšlaågèee par 1dans analyse marxiste Docteur Freud, ouvert les ecrits du La fin des imaÿes est derrière nous -Ce
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-Xe...1........:1siztiigfaagt
ogies était ce mode de discours ' tra uaitesle yt 0-_ sages de la marchandise et tl qm _ S mes dans l'innocence de l'im ' u pouvolr dlssimulés . . agerie médiati ue t ' citaire eu dans la prêtent. , fl e publi. d auton ' ' Ce discours était lui mê lon Omle de 1 art' . me au centre d'un d' ' ' ambigu. D”un côté il' veul . lpositif ,1 art pour se rh , › t seconde l ,_ al _ r es efforts de maitrise de S16Îlãlggeçlsiišiãgleäg, pour acquérir une
pouvoir de Subversion à Pégard dlélîšsàåle 'soiîii propîle tique et marchande * De l' UG, ll' sembl 'a on ' po U' der avec une cons ' . alt 5 “COTles formes de l'ar(fl:l1l:spfΛ1il'tiiiî1s.edqSlam au-delà Où plus reliées par les formes équivoîluîšuã ellleseraient imagerie 26
Le destin des images mais tendraient à s'identifier directement les unes avec les autres. Mais le deuil déclaré de ce dispositif, semble oublier qu'il était lui-même le deuil d'un certain programme: le programme d'une certaine fin des images. Car la «fm des images» n'est pas la catastrophe médiatique ou médiumnique, contre laquelle il faudrait aujourd°hui ressusciter on ne sait quelle transcendance incluse dans le processus même de Fimpression chimique et menacée par la révolution numérique. La fin des images est bien plutôt un projet historique qui est derrière nous, une vision du devenir moderne de l'art qui s'est jouée entre les années 1880 et les années 1920, entre le temps du symbolisme et celui du constructivisme. C'est en effet pendant cette période que s'est affirmé de multiples façons le projet d'un art délivré des images, c'est-a-dire délivré non pas simplement de la figuration ancienne mais de la tension nouvelle entre la présence nue et l`écriture de l'histoire sur les choses, délivré en même temps de la tension entre les opérations de l'art et les formes sociales de la ressemblance et de la reconnaissance. Ce projet a pris deux grandes formes, plus d'une fois mêlées l'une a l'autre: l'art pur, conçu comme art dont les performances ne feraient plus image mais réaliseraient directement l'idée en forme sensible auto-suffisante; ou bien l' art qui se réalise en se supprimant, qui supprime l`écart de l'image pour identifier ses procédures aux formes d'une vie tout entière en acte et ne séparant plus l'art du travail ou de la politique. La première idée a trouvé sa formulation exacte dans la poétique mallarméeenne telle que la résume une phrase célèbre de son article sur Wagner: « Le Moderne dédaigne d'imaginer; mais expert a se servir des arts, il attend que chaque l'entraîne jusqu'où éclate une puissance spéciale d'illusion, puis consent*.››
27
Le destin des images Cette formule propose un art entièrement séparé du commerce social de Fimagerie - de l'universel reportage du journal ou du jeu de reconnaissance en miroir du théâtre bourgeois: un art de la performance, tel que le symbolise le tracé lumineux auto-évanouissant du feu d'artifîce ou encore l”art d'une danseuse qui, comme il le dit, n'est pas une femme et ne danse pas, mais trace seulement la forme d'une idée avec ses pieds «illettrés›› - ou même sans ses pieds, si l'on songe à l'art de Loïe Fuller dont la « danse ›› consiste dans les plis et déplis d'une robe illuminée par des jeux de projecteurs. C'est à un même projet que s'apparente ce théâtre rêvé par Edward Gordon Craig: un théâtre qui ne jouerait plus de «pièces›› mais créerait ses propres œuvres - œuvres éventuellement sans paroles, comme dans ce «théâtre des mouvements» où l'action consisterait dans les seuls déplacements des éléments mobiles constituant ce qu`on appelait auparavant le décor du drame. C'est encore le sens de la claire opposition que dessine Kandinsky: d'un côté l'habituelle exposition d'art, vouée en fait à l'imagerie d'un monde, où le portrait du Conseiller N et de la baronne X voisinent avec un vol de canards ou une sieste de veaux à l'ombre; de l'autre, un art dont les formes seraient l'expression en signes colorés d'une nécessité idéelle intérieure. Au titre de la deuxième forme, nous pouvons penser aux œuvres et aux programmes de l'époque simultanéiste, futuriste et constructiviste: une peinture, coimne la conçoivent Boccionj, Balla ou Delaunay, ime peinture dont le dynamisme plastique épouse les mouvements accélérés et les métamorphoses de la vie moderne; une poésie futuriste, en phase avec la vitesse des voitures ou le crépitement des mitrailleuses; un théâtre à la Meyerhold, inspiré des pures performances du cirque ou inventant les formes de la biomécanique pour homogénéiser les jeux scéniques 28
Le destin des images avec les mouvements de la production et de l'édification socialistes; 1111 Cílïéma de 1 °e'1'm¿Î'Chme Vertovien' dant s nchrones toutes les machines: les Petmÿs ren ' 321 bras et des jambes de l'animal humain låzîãîlërezîndîass machines à turbines et pistons; 1111 art pictural des pures formes suprematistes, homogeiîe avec la construction architecturale des formes dãfla vie nouvelle; un art gïäphïque a la Roçltchenkofo 6' rant aux lettres des messag9§ tfansnns e_t aux (Îrmfîî des avions représentés le meme dynamisme geome trique en harmonie avec le dynamisme des constructeurs et pilotes de l'aviation soviétique comme ELVGC celui des constructeurs du socialisme. _ L'une et l'autre forme se proposalenî de Süppfllïtlîf la médiation de l'image, c'est-3-dH`e,I101} Semenÿnmå ressemblance mais le IJ0UV01I` (185 OPGÎWOÎÎS de tecl S frement et de suspension, tout comme le Jeu e?lretrÊ_ opérations de l'art, le commerce des imëfgeff 9 *it it vail des exégèses. Supprimer cette med1ation,fc e a réaliser l`immédiate identite de l acte et de la orme. C'est sur ce programme commun que les deux figurçs de l'art pur - de l'art sans images - et du deve11lI`*V1G de l'art - de son devenir non-art - ont pu s entrelacer dans les armées 1910-1920, que les artistes symb(1l1SteS et suprématistes ont pu rejoindre les contemp teiurs futuristes ou constructivistes de l art pour idendi ier les formes d'un art Pllïemem _aV(`Îc,leS formes run? vie nouvelle supprimant la SD901Î_ÎC1_œ }nÊn_1e de ar ' Cette fin des imageS, la 591119 (Im alîete 1`1g0U1`9ÈSe' ment pensée et poursuivie, est_derriere nous,fineme si architectes, designers urbains, Ch0I`0_g1`aP A95 ou hommes de théâtre en p011rSU1VeI1îl PaI`f01_5 le reve eln mineur. Elle s'est achevée quand 16$ POUVOÈYS auxqlše était offert ce sacrifice des images ont clairement al savoir qu'ils n'avaient que faire des artistes constructeurs, qu'ils s'occupaient eux-meme de lafconstruction et ne demandaient aux artistes Dfefilsement que 29
Le destin des images Le destin des images des ima es, t ãlållfîllããåteëihíilin sins bien . circonscrit: _ des musãaüoîî , ir
expositions vouées aux «images ››, mais aussi la dialectique qui affecte chaque type d'image et mêle ses légitimations et ses pouvoirs a ceux des deux autres.
'ecart de Fimage a alors re . Pahsolutisat' ' ,pus ses dm“S› dans la Critiåîllè Îãäîäããtãeîe l « explosantetixedans ›› pu
Image nue, image ostensive,
le deuil de la «tin des imagesÎPpî1renceS'.Ce,tïÃm deià mise par le sémiologue à pourcgaî Porltaitl energie cachés dans les images pour purifie ser es^messages les surfaces d'inscription des fornIienãnelÎ1etemPS conscience des acteurs des révolutioeiîs `e 1 am gt la faces à purif.
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plaisir e iàetla pulsion . de mort. Slmplfl du principe de être la tr; En témoigne peutp 30
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mon que 110115 presentent aujourdhui 195
image métamorphique Les images que nos musées et galeries exposent aujourd`hui peuvent en effet se ranger en trois grandes catégories. Il y a d'abord ce qu'on pourrait appeler l'image nue: l'image qui ne fait pas d'art, car ce qu'elle nous montre exclut les prestiges de la dissemblance et la rhétorique des exégèses. Ainsi une récente exposition Mémoire des camps consacrait-elle une de ses sections aux photographies faites lors de la découverte des camps nazis. Ces photographies étaient souvent signées de noms illustres - Lee Miller, Margaret Bourke-White. .. -, mais l'idée qui les assemblait était celle de la trace d'histoire, du témoignage sur une réalité dont il est communément admis qu'elle ne tolère pas d'autre forme de présentation. De Yimage nue se distingue ce que j'appelerai limage ostensive. Cette image aussi affirme sa puissance comme celle de la présence brute, sans signification. Mais elle s'en réclame au nom de l'art. Elle pose cette présence comme le propre de l”art, face a la circulation médiatique de Yimagerie mais aussi aux puissances du sens qui altèrent cette présence: les discours qui la présentent et la commentent, les institutions qui la mettent en scène, les savoirs qui Yhistoricisent. Cette position peut se résumer dans le titre d'une exposition récemment organisée au Palais des BeauxArts de Bruxelles par Thierry de Duve pour exposer « cent ans d' art contemporain ››: Voici. ljaffect du çaa-été y est apparemment renvoyé à l'identité sans reste d'une présence dont la « contemporanéité ›› est l'essence même. La présence obtuse qui interrompt
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Le destin des images histoires et discours y devient ' * , l ' d un face-à-face : facingness ditalgliîîmsamnliîåälïnneuse sant cette notion, bien sûr ,à la flatnegg de ãjãggå; Gr
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rafišn (gag îlãslîilioppçslmfn meme du le Sens de 1 OpéI ,' p Ce S Y dédouble en presentation de da presence. Face au spectateur la puissance obtuse e 1"Image comme etre ^ _la* _ sans-raison . devient le rayonÊãïllïlå îieiîièe facie, conçue sur le modèle de l'icône, gïîlr de latranscendance divine. Les œuvres des artistes - peintres, sculpteurs vidéagtes installateurs - sont isolées dans leur sim le h " ', Mais cette heccéité se dédouble aussitôt pLe ecœlte. sont autant d°icônes attestant un mode .sins Oleiïšrãs åï PYÉSGHCG SeI1Síble, soustrait aux autres iîânière: 0 td ' ' * Voici» P ence sensible. «Me voici››, «Nous , «Vous voici››, les trois rubriques de l'exp0Si tionl f ' ` * › » _ _ _ `
.aaïnrmWMmMMMtisse? d *me
des hommes entr 5 C 0Se§_, des choses _entre elles et _ e eux. Et l mcrevable urmoir duchamFlen reprend du 5e1`V1œ› Par le biais du socle sur lequel " Stieglitz. ' * Il devient , _ d'avait Ph,O t 08T3~Dh1e un presentolr 6 la pr9591109 permettant d'identiñer les dissemblances de l'art aux jeux de l'archi-ressembl A cette image ostensive s”oppose lïmage 1209' pelerai métam01`Phiflue. Sa puissance d'ariI Jtap_ résumer dans l'exact antagonjque du Voie,-. 626$ qui donna récemment son titre à une expositio Oïia Musée d'art moderne de la Ville de Paris s P 'u «Le monde dans la tête ››. Ce titre et ce sous t:(i)ti*1:-'mrîie quent une idée des rapports entre art et imaglènãui inspire beaucoup plus lar em t , . tions contemporaines. Seloi1gcetfΫ1I1log,1i(();iinebIil3e(:âteiîi(ii);?(î1sibl_e d e circonscrire ' ° une sphere « specifique , _ ” de presence , S' gm lsoleralt les 0Pe1`äÎ1011S et 19$ Produits de l'art des or mes d e circulation ' * de l i-imagerie . sociale . et marchande et des OPÉTMÎOHS dïflîefprétation de cette 32
Le destin des images imagerie. Il n'y a pas de nature propre des images de l'art qui les sépare d'une manière stable de la négociation des ressemblances et de la discursivité des symptômes. Le travail de l'art est alors de jouer sur l'ambiguïté des ressemblances et l'instabilité des dissemblances, d'opérer une redisposition locale, un réagencement singulier des images circulantes. En un sens la construction de ces dispositifs met à la charge de l'art les tâches qui étaient naguère celles de la << critique des images ››. Seulement cette critique, laissée aux artistes eux-mêmes, n'est plus encadrée ni par une histoire autonome des formes ni par une histoire des gestes transformateurs du monde. Aussi est-elle amenée à s'interroger sur la radicalité de ses pouvoirs, à vouer ses opérations à des tâches plus modestes. Elle entend jouer avec les formes et les produits de l'imagerie plutôt que d'en opérer la démystification. Ce glissement entre deux attitudes était sensible dans une exposition récente, présentée a Minneapolis sous le titre Let's entertain et a Paris sous celui d'Au-delà du spectacle. Le titre américain invitait à la fois à jouer le jeu d'un art délesté de son sérieux critique et à marquer la distance critique vis-à.-vis de l'industrie des loisirs. Le titre français jouait, lui, sur la théorisation du jeu comme l'opposé actif du spectacle passsif dans les textes de Guy Debord. Le spectateur se trouvait ainsi appelé à donner leur valeur métaphorique au manège de Charles Ray ou au baby-foot géant de Maurizio Cattelan et a prendre la mi-distance du jeu avec les images médiatiques, sons disco ou mangas commerciales retraités par d'autres artistes. Le dispositif de l'installation peut aussi se transformer en théâtre de la mémoire et faire de l'artiste un collectionneur, archiviste ou étalagiste, mettant sous les yeux du visiteur moins un choc critique d'éléments hétérogènes qu'un ensemble de témoignages 33
Le destin des images
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sur une histoire et un monde communs. C'est ainsi que l'exposition Voilà entendait récapituler un siècle et illustrer l'idée même de siècle, en alignant, entre autres, les photographies faites par Hans-Peter Feldmann de cent personnes de O à 100 ans, l'installation des Abonnés du téléphone de Christian Boltanski, les 720 Lettres d'Afghanistan d'Alighiero e Boetti ou la salle des Martin consacrée par Bertrand Lavier a exposer cinquante toiles unies par le seul nom de famille de leurs auteurs. Le principe unificateur de ces stratégies semble bien être de faire jouer, sur un matériel non spécifique à l'art, indiscernable souvent de la collection d'objets d'usage ou du défilement des formes de l'imagerie, une double métamorphose, correspondant à la double nature de l'image esthétique: l'image comme chiffre d'histoire et l'image comme interruption. Il s'agit, d'un côté, de transformer les productions finalisées, intelligentes, de l'imagerie en images opaques, stupides, interrompant le flux médiatique. Il s'agit, de l'autre, de réveiller les objets d'usage assoupis ou les images indifférentes de la circulation médiatique, pour susciter le pouvoir des traces d'histoire commune qu”ils recèlent. L'art de l'installation fait ainsi jouer ime nature métamorphique, instable des images. Celles-ci circulent entre le monde de l'art et celui de l'imagerie. Elles sont interrompues, fragmentées, recomposées par une poétique du mot d'esprit qui cherche à instaurer entre ces élements instables des différences nouvelles de potentiel. Image nue, image ostensive, image métamorphique: trois formes d'imagéité, trois manières de lier ou de délier le pouvoir de montrer et celui de signifier, l'attestation de présence et le témoignage d`histoire. Trois manières aussi de sceller ou de récuser le rapport entre art et image. Or il est remarquable qu'aucune des trois formes ainsi définies ne puisse 34
Le destin des images fonctionner dans la clôture de sa propre leåîfluî-nîhå; cune d'elles rencontre dans son feneïleflflem
point dfindéeiaabiiiié qui1'0b1ise H emimmtef quelque
chose aux autres. _ _ (Test le cas déjà pour Fimage qui semblerait pouvoir et devoir le mieux s`en garantir, lmãgîfi vouée au seul temoignage. Car le temoigîlëlge es des jours au-dela de ce qu il presente. Les imag l_ camps témoignent non seulement des corps supp 1ciés qu'ils nous montrent mais aussi de ce qulllltståluflï montrent pas: les corps disparus,_bien sur, mais s _ , le processus même de Yanéantissement. Les clichãs des reporters de 1945 2_\PP9u_9nt amsfl åfaufš rešraåeš distincts. Le premier voit la violence in iigeettli dou; humains invisibles a d autres humains on a leur et l'épuisément nous font face et suspendent îellte appréciation esthétique. Le second voit non la violence et la douleur mais un processus de deshumanisation, la disparition des frontieres entre l humain, l'animal et le minéral. Or ce second regard est,luimême le produit.d'une éducation esthetique, fl 11119 certaine idée de lïlnege- Une Ph0Î08TaPhï9 de Georges Redger présentée à l'exposition Mémoire des camps nous montre le dos d'un cadavre (1_0nÈdfl0l£1Înt(=:t\'0iå'1(:Îî pas la tête, porte par un SS prisomiier on a e e née soustrait le regard à notre regard. Cet assemblage monstrueux de deux corps HODCIUGS 1å0}1lS1l31`e:lÎi2î une image exemplaire de la commune es um_ tion de la victime et du bourreau. Mais il le fait seulement parce que nous le voyons avec un regardfqui est passé par la contemplation du boãuf ecorcslèelåe Rembrandt et par toutes ces formges e lreipfreement tion qui ont égale la Qmssaliœ de,-1 art a `e Il-É vivant des frontières entre l huma_in,et l inhulmain,t Ombuet le mort, l°ammal et le mineral, ega emen cr de la dus dans la densite de la phrase OU 1 GPEUSSBU pâte picturalei. 35
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Le destin des images Une même dialectique marque les images métamorphiques. Ces images, il est vrai, s'appuient sur un postulat d'indiscernabilité. Elles se proposent seulement de déplacer les figures de l'imagerie, en les changeant de support, en les mettant dans un autre dispositif de vision, en les ponctuant ou en les racontant autrement. Mais la question se pose alors: qu'est-ce qui est exactement produit comme différence attestant le travail spécifique des images de l'art sur les formes de l”imagerie sociale ? C'était cette question qui inspirait les considérations désenchantées des derniers textes de Serge Daney: toutes les formes de critique, de jeu, d'ironie qui prétendent perturber la circulation ordinaire des images n'ont-elles pas été annexées par cette circulation même ? Le cinéma moderne et critique a prétendu interrompre le flux des images médiatiques et publicitaires en suspendant les connexions de la narration et du sens. L'arrêt sur image qui termine les Quatre cents coups de Truffaut a emblématisé cette suspension. Mais la marque ainsi mise sur l'image sert finalement la cause de l'image de marque. Les procédures de la coupure et de l'humour sont devenues elles-mêmes Fordjnaire de la publicité, le moyen par lequel elle produit à la fois l'adoration de ses icônes et la bonne disposition qui naît à leur égard de la possibilité même de l'ironiser°. Sans doute l'argument n'a-t-il pas de valeur décisive. L'indécidable, par définition, se laisse interpréter en deux sens. Mais il faut alors emprunter discrètement les ressources de la logique inverse. Pour que le montage ambigu suscite la liberté du regard critique ou ludique, il faut organiser la rencontre selon la logique du face-à-face ostensif, re-présenter les images publicitaires, sons disco ou séries télévisuelles dans l'espace du musée, isolées derrière un rideau dans de petites cabines obscures qui leur donnent 36
Le destin des images l”aura de l'œuvre arrêtant les flux de la communication. Encore l'effet n'est-il jamais assure, DUISCIU ll faut souvent mettre à. la porte de la cabine un petit carton spécifiant au spectateur qUe› dalls 1 eïfpaœ ou il va pénétrer, il réapprendre 3 Pe}`C_eVP11` et 3* ÎÎ1ettr_e a distance le flux des messages medletlC{l_1GS QU1 Offilj nairement le subjuguent- Ce P0UV0_11` e§0Î`b1Îam Cogfçre aux vertus du dispositif répond lui-meme a ime vislen quelque peu simpliste du pauvre cretin de la societe du spectacle, baignant sans resistance dans le flnX deS images médiatiques. Les interruptions, derivations et réagencements qui modifient, moins pelïlpellsemfîlntf la circulation des images n'ont pas de sanctuaire. E es ont lieu partout et n'importe quand. Mais ce sont sans doute les metan_10I`Ph05Ê5 de l'image ostensive qui manifestent le mieux la dialectique contemporaine des images. Car il s avere blell difficile de donner les criterespropres a distinguer le face-à-face revendiqué, ä Dfesentlfiÿr la presençei La plupart des œuvres mises sur le piedestal du Voici ne se distinguent en rien de celles qui C0ne0U1`enÎ aux étalages documentaires du Voila. Portraits de stars d'Andy Warhol, documents de la nlyîhlflue Sficnon des Aigles du Musée de Marcel Broodthaers, installation par Joseph Beuys d'un lot df* marchalidlies de la défunte R.D.A., album de famille de Christian Boltanski, affiches décollées de,ll.aym0nd He1I1S OU miroirs de Pistoletto semblent mediocremenîl PTOPTGS à glorifier la présence sans phrase du Voici. _ Il faut alors là aussi empruntera la logique inverse. Le supplément du discours exegetique s avere necessaire pour transformer un ready-matledlleiïflmplen en présentoir mystique ou_Un Pflfälleleplpede Îmÿn lisse de Donald Judd en miroir de räPl)01`tS Cmlses' Images pop, décollages néo-reahstes, pemtines monochromes ou sculptures minimalistes doivent etre placés sous la commune autorité d'une scene pr1n1lt1V9› 37
Le destin des images occupée par le père putatif de la modernité picturale, Manet. Mais ce père de la peinture moderne doit, luimême, être mis sous l'autorité du Verbe fait chair. Son modernisme et celui de ses descendants sont en effet définis par Thierry de Duve à partir d'un tableau de sa période «espagnole ››: le Christ mort soutenu par les anges, inspiré d'une toile de Ribalta. À la différence de son modèle, le Christ mort de Manet a les yeux ouverts et se tient face au spectateur. Il allégorise ainsi la tâche de substitution que la «mort de Dieu ›› a conférée à la peinture. Le Christ mort ressuscite dans la pure immanence de la présence picturaleï. Cette pure présence n'est pas celle de l'art mais bien celle de l'Image qui sauve. Uimage ostensive célébrée par l`exposition du Voici, c”est la chair de la présence sensible élevée, dans son immédiateté même, au rang d'Idée absolue. À ce prix, ready-made et images pop en série, sculptures minimalistes ou musées fictionnels sont par avance compris dans la tradition de l'icône et l'économie religieuse de la Résurrection. Mais la démonstration est évidemment a double tranchant. Le Verbe ne se fait chair qu'à travers un récit. ll faut toujours une opération de plus pour transformer les produits des opérations de l”art et du sens en témoins de l*Autre originaire. L'art du Voici doit se fonder sur ce qu°il récusait. Il a besoin d'une mise en scène discursive pour transformer une « copie ››, soit un rapport complexe du nouveau a l'ancien, en origine absolue. Sans doute les Histoire(s) du cinéma de Godard offrent-elles la démonstration la plus exemplaire de cette dialectique. Le cinéaste met son Musée imaginaire du cinéma a l'enseigne de l'Image qui doit venir au temps de la Résurrection. Ses propos opposent au pouvoir mortiiîere du Texte la vertu vivante de l'lmage, conçue comme une toile de Véronique où s'imprimerait le visage originaire des choses. Ils opposent 38
Le destin des images aux histoires caduques d”Alfred_Hitchcock les pures résences picturales que constituent les bouteilles Ide Pommard de Notorious les ailes de moulin de Foreign Correspondant, le sac de,Mornze ou le verrq de lait de Suspicion. J Îai montre ailleurs commqià ces pures icônes devaient elles-memes etredprle ur vées par l'artiñce du montage, ^detour_neéS , 6 0 agencement hitchcockien pour etre reinsferedes, pal' les pouvoirs fuãionnels di-aSl'nIÎ<¿;“fÈ,1Î`Î)?ä7llÎã;i\¿1I(11f:gšu:*ñl: \(112 pur royaume es image . _ , _ _ la pure présence iconique, reveI1d1CI119f_> Paf le dls cours du cinéaste, n'est elle-mem? lmsslble, QP? par le travail de son contraire: la poétique schlegellînäe du mot d'esprit qui invente, entre les fragnàentsonî films, les bandes d'actualite, photos, IÎGPÊO UC È us de tableaux et autres toutes les combinaison? îles les écarts ou rapprochem6I1iS› PTOPTGS 3 Suscl er se formes et des signiñcationsnouvelles. Cela suppîfîni l'existence d°un Magasin/Bibliotheque/Musee “EBS où tous les films, tous les textes, les photoglãiÿ 1 _ et les tableaux coexistent, et ou tous soiqnt 1€->C(¿1š_ POSables en éléments dotes chaciinid 11119 TIP 9 P) de sance: la puissance de singularité (le punctum_ l'image obtuse; la valeur d'enseignement (le studium) du document portant la trace d'une histoire et la capacité combinatoire du signe, suscêptlble de Sfissoclîlï avec nimporte quel élement d une autre_SéI“19 P0 composer à l'infini de nouvelles phrases-images. Le discours qui veut saluer les « imageS,›› 001111119 des Ombres perdues, fugitivement convoquecs (18, la pff* fondeur des Enfers, semble donc ne tenir Gill au PIE: de se contredire, de se transformer_en_ unl immfãs et poème faisant communiquerysans limite es arf ns les supports, les œuvres de l art et les illustra 10 e du monde, le mutisme des images et leur GÎOCIUBUC L Derrière l'apparence de la contradiction, il faut regal" der de plus près le jeu de ces echanges. 39
1 7" II. La phrase, Pimage, Phistoire
I
Les Histoire(s) du Cinéma de Godard sont commandées par deux principes apparemment contradictoires. Le premier oppose la vie autonome de l'image, conçue comme présence visuelle, à la convention commerciale de l'histoire et à. la lettre morte du texte. Les pommes de Cézanne, les bouquets de Renoir ou le briquet de L'Inconnu du Nord-Express témoignent de la puissance singulière de la forme muette. Celle-ci rejette dans l'inessentiel la composition des intrigues, héritées de la tradition romanesque et agencées pour satisfaire les désirs du public et les intérêts de l'industrie. Le second principe fait a l'inverse de ces présences visibles des éléments qui, comme les signes du langage, valent seulement par les combinaisons qu'ils autorisent: combinaisons avec d'autres éléments visuels et sonores, mais aussi des phrases et des mots, dits par une voix ou écrits sur l'écran. Extraits de romans ou de poèmes, titres de livres ou de íílms effectuent souvent les rapprochements qui donnent sens aux images ou plutôt qui font des fragments visuels assemblés des «images ››, c'est-à-dire des rapports entre une visibilité et une signification. Siegfried et le Limousin, le titre du roman de Giraudoux, écrit en surimpression sur les chars de l'invasion allemande et sur un plan des Nibelungen de Fritz Lang, suffit a faire de cette séquence une image conjointe de la défaite des armées françaises en 1940 et de la. 43
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La phrase, limage, l 'histoire Le destin des images défaite des artistes allemands devant lé nazisme, de la capacité de la littérature et du cinéma a prédire lés désastres dé leur temps et de leur incapacité à les, prévenir. D”un côté donc l'image vaut comme puissance déliante, forme pure et pur pathos défaisant l'ordré classique des agencements d'actions ñctionnéls, des histoires. De l'autre, elle vaut comme élément d'uné liaison qui composé la figure d'une histoire commune. D'un côté elle est une singularité incommensurable, de l'autré elle est une opération de mise en communauté. SEIIS COI'I.`I.II'l.ll.II.E IIIGSIIIG ?
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Réfléchir à cette doublé puissance mise sous le même nom d'image, c'est a quoi nous invite tout naturellement le cadre d'une exposition consacrée aux rapports des images et des mots. Cette exposition est intitulée Sans commune mesure°. Un tel titré fait plus que décrire les assemblages d'éléménts verbaux et visuels présentés en ce lieu. Il apparaît comme une déclaration préscriptivé, définissant le critère de la «modernité ›› des œuvres. Il présuppose en effet que Yincomménsurabilité est un caractère distinctif de l'art de notre temps, qué le propre de celui-ci est l'écart entré les présences sensibles et les significations. Cette déclaration a elle-même une assez longue généalogie: valorisation siu'réalisté de la rencontre impossible du parapluie et de la machine à coudre, théorisation par Benjamin du choc dialectique des images et des temps, esthétique adornienné de la contradiction inhérente à l'œuvré moderne, philosophie lyotardienné de l'éca;rt sublime entré l'Idée et toute présentation sensible. La continuité même de cette valorisation de l'lncommensurable risque de nous rendre indifférents à la pertinence du jugement qui y fait entrer telle ou telle œuvré, mais aussi à la signification même des termes. 44
. - t ce titre comme une Aussi prendrai-Je Wîusr älîsiäfiäls à nous demander: - * ' ` oser 6 11,85 -CB' Îliïãléela veut dire au juste . , “ sans œmmune t ` lllwltalmn ` dee de mesure e a mesure››? Par rapport il Cillene 1 A _ _ml 1u_ lle idée de communaute ? Peut-etre y a P q-ue t dïiicommensurabilité. Peut-être Chflfillfle Îjœurs e ces ãor mcoemsménsurabilités est-elle elle-mêmfi la» mise en œuvré d'une certaine forme de communaute. ' ljapparénte contradiction des Histotre(S) du Êäeãlî * ' nous éclairer sur ce con Pourrait btiãnsaågšîmlmautés Je voudrais le mûmrer Se é _. Énšïïiî d'un petit épisode extrait de leur derniere Daf' 3. _ - *' `mle Les si- nes parmi' nous. Ce titré, tie. Celle 'Cf Èlnãuz impfiqge en lui-même une doublé emprunte autîå » ' Cîést d'abord la communauté entré muna 1 s '_ `* ceux-ci sont dotés d une pãé «(< lt-(>)snsig11es›› et «nous» , -- " 'nfont lusque 95 sence et d “ne.fam1l1îmte qlliliîexté soïuinis ã HOÎYG outils a notre disposition ou d des ep ' hiffr ment- des habitants de notre mon B, P dec e fluilnous font un monde. C'ést ensuite la sonnag6S , conce t de signe, tel C01ï1mUna“œ Compnsê dans le' 1 pt textuels sont ici. Éléments visué e aux autres, qu *'il fonc tonne 1 _ 1 lacés less uns en effet saisis énsemb Ê, en. es «parmi nous» Cela
ire ue é
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iliîêltts ont 12 poids des réalités visibles. que 165 Slgnffs ment leurs p011V01ïS et formes- relanœilšl m1ftd1:lägni'fication. de les présentfäiqln sãiãsànnîfã cette «mesure commune» dpoqnant GS S1gI19S 11iiéaflorme concrète qui , , semblé- en 1contré_ ,. , ›1 ments visué S h'téG dire lidee. Il l illustré Par iîîêscltlaîl est énigmatique et mgènes dont la dont halson Slšrne saisissons pas le raPP01`t par dés paroles nou Après un extrait «Alexandre é nous vo ons. _ ,_ ia\l](ïs*IÎ_lî glliuvre un é}II>iSode auquel l”ins1stance d 9 d OHne . ' deux a* deux,imagéS en surimpression, se réplûndanånuité de deux textes, Luie unité que corrobore a 0011
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La phrase, l'image, l'histoire
Le destin des images apparemment empruntés Yun à un dj
›
.
Em poème' Ce petit épisode apparaît fïfféurîehfe a “Té par uat 'l ' ' , uc' sont aiséiilientliîiéšnîilfilzîllillîessVlfuelsl De'uX d entre eux au magasin des images sigiïifïiléldîiïllênåqelîjlîn effet et du cinéma d e '* es e, moire Séquence, la ph01i0Êaï]lã'iZlä.uCé ãpnt, au début de la les bras lors de la reddition däeghštîôçã leve à la fin, une Omb _ _ , G arsovié et, et les Vampires å: lîyfålšî (gi résurné tous les fantômes le Nosfératu de Murnau Il iiîléîisslonnlsåe du cméma: les deux éléments avec -1 va pas e mémé pour ,_ ls sont coup 1'es. Sur jlmage de renfant du ghetto esquese ils trouve sur' ' ' Phlque jeune femme qui descend un mystérieuse* * ' c' es1; une _ qui_ dé bougœ éscalier en port ant une le mur. Quanê5(åU£ÊSStiëîãtîciäzäïiînfiént son ombre sur une salle de Spectacle Où Cou izarrémént face à . _ ple ordinaire au _ é aleplan. nt_ <1é bon cœiu, dans l › anonymat d .'un public 111101' Pre g ment hilaré que decouvre le recul de la camera. '
Comment penser lé rapport entre ce clair-obscur cinématographique et Féxtérmination des juifs polonais ? Entre cette foulé bon enfant de film hollywoodién et le vampire des Carpathes qui semblé, depuis la scène, orchéstrer sa jouisssance ? Les visions fugitivés de visages et de cavaliers qui meublént l'intervalle ne nous renseignent guère à ce sujet. Nous demandons alors des indices aux paroles dites ét écrites qui les relient. Ce sont, a la fin de l”épisode, des lettres qui s'assémblent et se désassémblent sur l'écran: l'ennemi public, le public; c'est, au milieu, un texte poétique qui nous parlé d'un sanglot qui monte et retombe; c`ést surtout, au début, donnant sa tonalité a l'ensémble de l'épisodé, un texte dont la solerinité oratoiré est accentuée par la voix sourde et légèrement emphatiqué de Godard. Ce texte nous parlé d'uné voix par laquelle l°orateur aurait aimé être précédé, dans laquelle sa voix aurait pu se fondre. Le parleur nous dit qu'il comprend maintenant sa difficulté à commencer tout a l'heuré. Et nous comprenons ainsi, pour notre part, que ce texte qui introduit l'épisode est en fait une péroraison. Il nous dit quelle est la voix qui lui aurait permis de commencer. Façon de parler, bien sûr: en fait de nous le dire, il le laissé à entendre a un autre auditoire qui justement n'a pas besoin qu`on le lui dise, puisque la circonstance du discours suffit a le lui faire connaître. Ce discours est en effet un discours d'intronisation, genre oii il est requis de faire l'élogé du défunt auquel on succède. On peut le faire de façon plus ou moins élégante. Ijorateur en question a su choisir la plus élégante, celle qui identifié l°élogé circonstanciel de l'aîné disparu a l'invocation essentielle de la voix anonyme qui rend possible toute parole. Ces bonheurs d'idéé et d'éxpression sont rares ét signalent leur auteur. C°est Michel Foucault qui est l'autéur de ces lignes. Et la « voix›› ainsi magnifiée est celle de
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Le destin des images Jean Hyppolite auquel il succède, ce jour-là, dans la chaire d'Histoire des systèmes de pensée au Collège de France". C'est donc la péroraison de la leçon inaugurale de Foucault qui doit donner le liant des images. Godard l'a mise ici comme il avait, vingt ans plus tôt, dans La Chinoise, introduit une autre péroraison également brillante: celle par laquelle Louis Althusser avait conclu le plus inspiré de ses textes, son article d'Esprit sur le Piccolo Teatro, Bertolazzi et Brecht; «Je me retourne. Et à nouveau m'assaille la question...“ ›› C'était alors Guillaume Meister, le militant/comédien incarné par Jean-Pierre Léaud, qui littéralisait le propos en se retournant effectivement pour marteler le texte, le regard droit dans les yeux d'un interviewer imaginaire. Cette pantomime servait à mettre en scène le pouvoir des mots du discours maoïste sur ces jeunes corps d'étudiants parisiens. À cette littéralisation, d'esprit surréaliste, répond ici un rapport énigmatique du texte à la voix et de la voix aux corps visibles. Au lieu de la voix claire, sèche et légèrement rieuse de Michel Foucault, nous entendons la voix grave de Godard, habitée par une emphase à la Malraux. L'indice nous laisse donc dans l'indécision. Comment l'accent d”outre-tombe mis sur ce morceau de bravoure lié a une situation institutionnelle d'investiture peut-il bien lier la jeune femme à la bougie et l'enfant du ghetto, les ombres du cinéma et Pextermination des Juifs ? Que font les mots du texte par rapport aux éléments visuels ? Comment s`ajustent ici le pouvoir de conjonction, présupposé par le montage, et la puissance de disjonction impliquée par la radicale hétérogénéité d'un plan d'escalier nocturne non identifié, du témoignage sur la fin du ghetto de Varsovie et de la leçon inaugurale d'un professeur au Collège de France qui ne s'est occupé ni du cinéma ni de Pextermination 48
La Phrase, l'im<19e› Vhistoire ›-*
° ' 'que le com-
' °? us ouvons deja entrevoir ici _ _ mme mun, laîlieesuîe et leur rapport se dlsent et ee eemmgnent de Plusieurs_f&Ç:_m5- enœmem Le montage de ons ar e c mm ' . Gcååîãlåietáesuppîse un -acquis' de ce que 'certains 0 › fere, ' le s apãëelté éo- * pour eviter lent. modermte et que le pre 1 a - » ° dicateurs tempore S. PP ejer logies inhérentes aux in _ ésu posé , * * de l'art. Cet acqU1S PY P * feglme estheeeee * , _ - ` 1'egard d ' une cert aine forme C est la dlstenee pnse e ne qu * exprimait ' ' l B concept de commune mesure, Ce _ , . › - ' "tait cet « assembl age d,ac_ de l histoire. Lhistoire, C B _ _ ___ rationalité . ' Aristote, definissai il tions ››. qui, depms _ienne du p06me ~ S 61011 un du Pœme- cette mesure eee › ^ ent Par la f lité ideal -l enchalnem schema . aussi- une cer, . ,de causa ' blance -, c ,,etait necessite oula vraisem . h ames ° ' ' ' ' des actions , Um . ~ e d ›-intelligibilite teÎ1»ne*f0I]:lm ' instituait une communaute des s1gI1GS C etait e e qui “té entre «les Signes» et «nous ››: et une communa . 1 énérajes et - " ' ts selon des reg 95 g Combmeleen 'd elemen ' de ces pro1,duc trice communaute entre Fintelligeiice _ _ _ , à en épmu* ' les sensibilités combmaisons _ appe _ . 065 . . et re lmpliquait un r apl) Ort de ver le plaisir. _ dirigean _ _ te, la f0nC_ . . Cette mesu fonction Submdmaeee une- * et une foncti0u imageante *'entre lligibilite, mm textuelle d mœ ' ' port er a leur . ` jmager, c * etait _ Plus mise a son service. , ntlmems ' sensi'ble les pensees et haute expression _ , . se nt Ca_u_ . nifestait l enchaineme a travers lesquels se ma , .fi nes ren_ ,» 'ter des affects speül Q sal. C etait aussi susci _ h înemem tion de cet enc a forçant 1 effet. ee - le perce? de 1'« Image » au « ÎZBXte ›› dans la Cette ,subordination * ' si_ la correspond allce des pensee du poeme_fo_i_1da1t aus ' 's a ion. ., 1 011. ' des mots et celle du visib e est aboh. C1119 la Pmssanœ . d tte Com' deux Slee " les ' affranchis e ce se sont, delïuls : comment Pe nser mune mesure, la ClU_9SU°n se pese l'effet de cette déliaison? 49
Le destin des images On connaît la réponse la plus commune a cette question. Cet effet, ce serait tout simplement 1':-iutonomie de l'art des mots, de l'art des formes visibles et de tous les autres arts. Cette autonomie aurait une fois pour toutes été démontrée, dans les années 1760, par Fimpossibilité de traduire dans la pierre, sans rendre la statue repoussante, la « visibilité ›› donnée par le poème de Virgile a la souffrance de Laocoon. Cette absence de commune mesure, ce constat de disjonction entre les registres d'expression, et donc entre les arts, formulé par le Laocoon de Lessing, est le noyau commun de la théorisation « moderniste ›› du régime esthétique des arts, celle qui pense la rupture avec le régime représentatif en termes d'autonomie de l'art et de séparation entre les arts. Ce noyau commun se laisse traduire en trois versions que je résume à grands traits. Il y a d”abord la version rationaliste optimiste. Ce qui succède aux histoires et aux images qui leur étaient subordonnées, ce sont les formes. C'est la puissance de chaque materialite specifique - verbale, plastique, sonore ou autre - révélée par des procédures spécifiques. Cette séparation des arts se voit gagée non par le simple fait d'un défaut de mesure commune entre la parole et la pierre mais par la rationalité même des sociétés modernes. Celle-ci est caractérisée par la séparation des sphères d'expérience et des formes de rationalité qui sont propres à chacune, séparation que doit seulement compléter le lien de la raison communicationnelle. On reconnaît là la téléologie de la modernité qu'un discours célèbre d'Habermas oppose encore aux perversions de Pesthétisme «poststructuraliste ››, allié du néo-conservatisme. ll y a ensuite la version dramatique et dialectique d`Adorno. La modernité artistique y met en scène le conflit de deux séparations, ou, si l'on veut, de deux incommensurabilités. Car la séparation rationnelle 50
La phrase, l'ima9€› rhistoire . , * t fait l'œuvre d'un6_ des spheres d exîãïåîäã Î_Î_____e_Îî___________ d,U1ySSe qm certaine raison, _ _ . ui sépare , des sirenes, la 1`&1S0n C1 s oppose au chant_ L___u________m_e des formes le travail et le Jomssenee' ts et des formes, de artistiques, la_ÎeP_ar_:¢_Î_:1__(Îã:_ãÎ__1_(î__S de 1, art Savant et la musique et es l a1ors un autre - et nnent des formes dlvîritilîleeleeîãelreeleeformes de 1' ãfî des sens. El esde ecar - e - * tmarchan d e G sthéü__ formes de le Vw qu1Ot1i`ei›Î<:eiIiÉeeE1leS permettent ainsi sée qui dissiinulen'å__9_-____1_:___ de @S formes autonomes que la tension so _ __ ___ les fOnde_ fasse manifeefe le ,seeereeoîï ãäeieefîiliîlél et raPP9Ue rexi' apparaitre l «_ image ›_ __________ gence dfuièe v_ie n0H_Î_î?pathètique dont témoignent 11 y a en in a versi _ d Ommmw _ d. Labsence e C les derniers . . - 1 rs (yop, hvres de Ly0'L€\I` he.Et11Sãg1ta0 mesure S Y appelle Catastrep . « d eux catas* t 5 mais _ poser non plus deux S_<-íP2î_I__Î___i;I_1_S_ en effet assimflee U`0Phe5* La Sepereeçlle (fu sublime a la défection de à la cassure oi*_1g$_î eî_____ idée et présentation Sentollillt est pen* si, e.relpîåerišcåmmensurabilité G * elle-même de l'Autre de cette puissance see comme la marque _ 1 le a , » la raison occiden a , pro_ dont la denegatlm* dans . , art moderne doit Pre_ . ' Sil duit la folie exterininatrice. _ * ' tions, C _ @St Pour inscrire server la purete de ses Sepafa trophe sub __11118 dom rms-
la _marque . - de Celle - ' “ales
age contre 1 8. C atastrophe
CTIPUOD fall “S51 temelgn mais aussi celle de totalitaire T _ce_lle des_gf*1_Iåfiî__de_S_,_ _________ _m__S__h__,_S_ée_ la vie esthetisee, _: esoíãoncfién digjonctive des images Comment situer a C ~ t _ fi res d 9 1,-nc0m_ 1 _
de Goderdjpîzešepliféliheifiteåoldtšïd šudes sympathies inensurab . ' su1-tout › , e, . SSU . d la urete,
pour la teleologlefãîåifllãïïåroîhisee. Tout au long blenlî eee; Sîu cinéma ' ,il oppose des is otre , . - la vertu - rédemlïerdu e . 9. " h mn a p trice de l ilïlflgeflcone au pee e 0 em 51
Le destin des images cinéma et sa puissance de témoignage: la soumission de l'« image ›› au «texte ››, du sensible à «l'histoire››. Pourtant les << signes ›› qu'il nous présente ici sont des éléments visuels agencés dans la forme du discours. Le cinéma qu'il nous raconte apparaît comme une série d'appropriations des autres arts. Et il nous le présente dans un entrelacs de mots, de phrases et de textes, de peintures métamorphosées, de plans cinématographiques mélangés à. des photographies ou bandes d'actualité, éventuellement reliés par des citations musicales. Bref, les Histoire(s) du cinéma sont tout entières tissées de ces «pseudomorphoses››, de ces imitations d'un art par un autre que récuse la pureté avant-gardiste. Et, dans cet enchevêtrement, la notion même d'iinage, en dépit des déclarations iconodules de Godard, apparaît comme celle d'une opérativité métamorpliique, traversant les frontières des arts et déniant la spécificité des matériaux. Ainsi la perte de la commune mesure entre les moyens des arts ne veut pas dire que désormais chacun reste chez soi, en se donnant sa mesure propre. Cela veut bien plutôt dire que toute commune mesure est désormais une production singulière et que cette production est possible seulement au prix d”affronter, dans sa radicalité, le sans-mesiire du mélange. De ce que la souffrance du Laocoon de Virgile ne puisse se traduire à l'identique dans la pierre du sculpteur, il ne s'en tire pas que désormais les mots et les formes se séparent, que certains se consacrent à l'art des mots, tandis que d'autres travaillent les intervalles des temps, les surfaces colorées ou les volumes de la matière résistante. Il s”en déduit peut-être tout le contraire. Quand se trouve délié le fil de l'histoire, c°est-à-dire la mesure commune qui réglait la distance entre l”art des uns et celui des autres, ce ne sont plus simplement les formes qui s`analogisent, ce sont les matérialités qui se mélangent directement. 52
La phrase, limage, l'histoire ,
' ' 1't's est idéel avant d'êtl'e
réel. ans ou - -' _ tre sur les toi-1 GS des _. et dadaiste pour voir apparal . S ou (les des Paik lmeme peintres les mots des __ journaux, N Jme pour transtickets d' autobus; 1 âge de am ' a la hauts parleurs voues former. en sculptures les ' . , ia la reP1`0 _ destines diffusion des sons et les ecrans _ . . *^ de Wodiczko ou de P_1P1_u__t_ duction des images, 1 age _ ' biles sur les statueS Rist pour projeter des images m0 _ .ls et ~ des bras de fau eui , des Peres fondateurs * ou sur trechamPS dans .
@ertrG°ti*䧧rt:.ï:“i::ti::a°t.i..¢
un ta eee e de tableaux ` ` hollandais , ' e t Hu3o transPler ses mmene » drale ou une Cathédrale en fflfmfif ““1“”“* en “eeeWagner peut cele * 'iirer iwmion_ _ hvre. Vingt ans plus tard _ _ f,ml_ * lin et de la m\1S1qU<'»` 9 charnelle du Pœme mascu _ _ , . 1 se ^ ' lite sensible et a PW nine dans une meme materia _ le peintre contempo rain des Goncourt transformer 1 que Zola transform ___ son (De<>amPSl en t'maçon” even 'ta1agîste/ins_ Claude Lantier, en G _, _ ïellnleãrdåéîîélgfit oeuvre l ep_he3 3 ' _ . . comme- sa plus belle `sses et bou ÎHS mère redisposition des dindes, sauci Dès es annee _ . `, les . , * ' tion motivee de t0\1S attire par avance l execra , ation ~ * trant que la sepaf modernismes a venir en mon A . l'auto* ' lité entrainait non paS rte de des spheres _ la . - de rationa ' t des arts mais pe nomie glorieuse de l art› e ne _ de pensee » p 1.0_ 19111' Pulssanœ ee pensee comme de l'écart . * t du commun, et que dilillalem s Aime (fevînellllïãelhe résiiltait * 'que ››, le al) eee' te _ › ' , , duP9Ut'êtœ «fantaisiste 21-fane indéfiniment relïete. _ de la _ _ , ,_ Que les artistes a unir tout a n imD01`te quol 11 eu , , . *' 1, asluouma LLP generation sii_i\{_a_i:.__i_t_e__l _a_l_Î_Î__'¢ dlånïonstration quîls ont lelporïlei de leur art nenmais pas TBPUU gnecîherchant le. PTÎUCÎPG a chacun dans quelque mesure qul Seïälï PYOPTB 53
La phrase, limage, l'histoire
Le destin des images là où, au contraire, tout «propre ›› s'effondre, où toutes les mesures communes dont se nourrissent les opinions et les histoires sont abolies au profit d'une grande juxtaposition chaotique, d'un grand mélange indifférent des significations et des matérialités. La phrase-image et la grande parataxe
Appelons cela la grande parataxe. Au temps de Flaubert, la grande parataxe, cela peut être Feffondrement de tous les sytèmes de raisons des sentiments et des actions au profit de l'aléa des brassages indifférents d'atomes. Un peu de poussière qui brille dans le soleil, une goutte de neige fondue tombant sur la moire d'une ombrelle, un brin de feuillage au museau d'un âne sont les tropes de la matière qui inventent des amoius en égalant leur raison à. la grande absence de raison des choses. Au temps de Zola, ce sont les empilements de légumes, charcuteries, poissons et fromages du Ventre de Paris ou les cascades de tissus blancs embrasés par le feu de la consommation d'Au Bonheur des Dames. Au temps d'Apollinaire ou de Blaise Cendrars, de Boccioiii, de Schvvitters ou de Varèse, c'est un monde où toutes les histoires sont dissoutes en phrases, ellesmêmes dissoutes en mots, échangeables avec les lignes, les touches ou les « dynamismes ›› en quoi s'est dissous tout sujet pictural, ou avec les intensités sonores où les notes de la mélodie se fondent avec les sirènes des navires, les bruits des voitures et le crépitement des mitrailleuses. Tel est par exemple le «profond aujourd'hui››, célébré en 1917 par Blaise Cendrars dans des phrases qui tendent à se réduire a des juxtapositions de mots, ramenés a des mesures sensorielles élémentaires: «Prodigieux aujourd'hui. Sonde. Antenne. Porte-visage. Tourbillon. Tu vis. Excentrique. Dans la solitude intégrale. Dans la communion anonyme [. _ .] Le rythme parle. Chimisme. Tu es. ›› 54
buvons. Ivresse. LB Ou» encore: «Nousun appreîoîisuëliîililã signification ' Tout * sen . reel n a plus aîåle vie [ 1 Révolution. JeuI1BSSB du est räthîîeî 1ÎlÎd,hl;iiz » (jet aujourdhui des histoires mon e. u_]0 . -* . ° ments d une matiere abohes au profit des niliãiã ãgïvãiest celui qui quatre ' t«r h1I16,Pfl1`0 * _ , ' qm eslus tyaúrd consacrera le jeune art cmematogmk alliîqîle dans les phrases également Pafataxlques par p ' ' e Cendrars, le chiÎGSCIUGUGS le Jeune ann de B.1als, l iera à exprimiste et cinéaste Jean Elïsœm S @mp . * uve od es p 1 all S du mer la puissance sensorielle ne *\
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Selîmeme a commaiiiie mesure nouvelle ' ainsi , , OPPOSÉB , -È ran' 1 de _ vita , est celle du rythme, de l element _ ,. clenne tome sensible délié qui fait passer “mage ãhamîe a t , le mot dans la touche ” la touche daI1S 111t ans e. mo _ -* ouvement. On pell vibration de la lumiereoãl låfond aujOm_d,hui», le dire autrement: la 101 u estqu'il n'y a plus de 13101 de ïa grande pîlraégiîîmun Cest le commun de meãure, il n Y aufläî Cllïïaos qui áonne désormais sa la émesure o ' puissance a` l'art. Chaos ou de la Mais Ce Commun, Sansfmesÿrãedgar une frontière grande parataxe nest separe q _ _ _ _l i ne oul i r sqd Q, uasi ' indiscernable de deux territoires d ur un bor , 21 gf an e
egalement de se Plîrdre. Il yoãili phrase S, abîme dans 'on schizo remque , _ îxplifisèt le seiislîians le rythme des etats du c0I'_PS› e C1' tre la grande communauté identifiee a la lux' sur doubles, 011à tap0S1 ion ,des marchandises et de leurs . . es vides ou encore bien au ressassement, des Plãralslées des corps map l'ivresse des intensites man _ › D,un t en cadence ' Schizophrénie ou c0nSGI1S11SChA 3-11 , ° d 1'idi0t ›› ¿ , ion, l «affeux rire e cote, la granlcäellïiåiåolsmais expérimenté ou redoute nomme par _ . t 9A '
par tout 1 age *Im Va de Baudelaire a
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Par Nietzsche, M&11PaS5am*Van Gogh' An el
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Le destin des images Virginia Woolf. De l'autre, le consentement à la grande égalité marchande et langagière ou à la grande manipulation des corps ivres de communauté. La mesure de l'art esthétique a dû alors se construire comme mesure contradictoire, nourrie de la grande puissance chaotique des éléments déliés mais propre, par là même, à séparer ce chaos - ou cette «bêtise ›› - de l'art des fureurs de la grande explosion ou de la torpeur du grand consentement. Cette mesure, je proposerai de l'appeler la phraseimage. J'entends par là autre chose que l'union d'une séquence verbale et d'une forme visuelle. La puissance de la phrase-image peut s`exprimer en phrases de roman mais aussi en formes de mise en scène théâtrale ou de montage cinématographique ou en rapport du dit et du non-dit d'une photographie. La phrase n'est pas le dicible, l'image n'est pas le visible. Par phrase-image j'entends l'union de deux fonctions à déñnir esthétiquement, c'est-à-dire par la manière dont elles défont le rapport représentatif du texte à l'image. Dans le schéma représentatif, la part du texte était celle de Fenchaînement idéel des actions, la part de l'image celle du supplément de présence qui lui donne chair et consistance. La phrase-image bouleverse cette logique. La fonction-phrase y est toujours celle de Penchaînement. Mais la phrase enchaîne désormais pour autant qu'elle est ce qui donne chair. Et cette chair ou cette consistance est, paradoxalement, celle de la grande passivité des choses sans raison. L'image, elle, est devenue la puissance active, disruptive, du saut, celle du changement de régime entre deux ordres sensoriels. La phrase-image est l'union de ces deux fonctions. Elle est l'unité qui dédouble la force chaotique de la grande parataxe en puissance phrastique de continuité et puissance imageante de rupture. Comme phrase, elle accueille la puissance parataxique en repoussant l'explosion 56
La Phrase, Fimage, Fhistoire _ , . 11 ousse de sa Sch1Z0phrenlque.1C0maI,i1i(:l èndiîiïièš ãiïîîssassement ' t' e Y . ïOrçe'd1S1tuïiill`aegrašde ivresse communielle desgrande corps. indiífleren oimage retient la puissance de la La p rase' ~ * d dans la schiparataxe et s oå›P0Sî a Cenšëlfsuãsse per e ' ' ns e co › Zoãiliuiîéliiï gèlnsîr à ces filets- tendus par * ' sur le la chaos puissance 1 e et Guattari definisseiit äîllïïillîilîiîoîiuhzie paï-a _ _ , . . ou de l'- art. * Mais, "'11puisque t erainous lutot
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Le destin des images et sans correspondance. Lé résultat est qu'on ne voit rien: on ne voit pas ce que dit ce qu°on voit, ni ce que donné à voir ce qu'on dit. Il faut donc entendre, sé fier à l'oréillé. C'ést elle qui, en repérant une répétition ou une assonance, fera savoir que la phrase est fausse, c°ést-à-dire qu°éllé n'a pas le bruit du vrai, le soufflé du chaos traversé et maîtrisé“. La phrase juste est celle qui fait passer la puissance du chaos en la séparant de l'explosion schizophrénique et dé Phébètemént consensuel. La vertu de la phrase-image juste est donc celle d”nne syntaxe parataxique. Cette syntaxe, on pourait aussi l'appeler montage, en élargissant la notion audelà de sa signification cinématographique restreinte. Les écrivains du xixe siècle qui ont découvert, derrière les histoires, la force nue des tournoieménts dé poussière, des moitéurs oppressives, des cascades de marchandises ou des intensités en folie ont aussi inventé le montage comme mesuré du sans-mesure ou discipliné du chaos. L'éxemple canonique en est la scène des Comices de Madame Bovary, où la puissance de la phrase-image s'élèvé entre les deux discours vides du séducteur professionnel ét de l'orateur officiel, à la fois extraite de la torpeur ambiante dans laquelle l'un ét l'autre s'égalisent et soustraite à cette torpeur. Mais je crois plus signiñcatif encore, pour la question qui m'occupe, lé montage que présente dans Le Ventre de Paris l'épisode dé la préparation du boudin. J'en rappelle le contexte: Florent, républicain de 1848, déporté lors du coup d'État de décembre 1851 et évadé du bagne guyanais, habité, sous une fausse identité, dans la charcuterie de son demi-frère Quenu, où il suscité la curiosité de sa nièce, la petite Pauline, qui l'a entendu par hasard évoquer des souvenirs de compagnon mangé par les bêtes, et la réprobation de sa belle-soeur, Lisa, dont lé commerce baigné dans la prospérité impériale. Lisa voudrait lui voir accepter, 58
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Le destin des images l'image qui rétablit la distance. Je n'évoque pas par simple analogie la complémentarité conflictuelle de Forganique et du pathétique, conceptualisée par Eisentein. Ce n'est pas pour rien que celui-ci a fait des vingt tomes des Bougon-Macquart les «vingt piliers de soutènement›› du montage“. Le coup de génie du montage opéré par Zola ici est d'avoir contredit la victoire sans partage des Gras, Fassimilation de la grande parataxe au grand consentement, par une seule image. Il a en effet donné au discours de Florent un auditeur privilégié, un contradicteur qui le réfute visuellement par sa prospérité bien enveloppée et son regard désapprobateur. Ce contradicteur silencieusement éloquent est le chat Mouton. Le chat est, on le sait, l'animal fétiche des dialecticiens du cinéma, de Sergei Eisenstein à Chris Marker, celui qui convertit une bêtise en une autre, qui renvoie les raisons triomphantes aux superstitions bêtes ou à l'énigme d'un sourire. Ici le chat qui souligne le consensus le défait en même temps. Convertissant la raison de Lisa en sa simple paresse sans phrase, il transforme aussi, par condensation et contiguïté, Lisa elle-même en vache sacrée, figure dérisoire de la Junon sans volonté ni souci dans laquelle Schiller résumait la libre apparence, l'apparence esthétique qui suspend l'ordre du monde fondé sur le rapport ordonné des ñns aux moyens et de l'actif au passif. Le chat, avec Lisa, vouait Florent à consentir au lyrisme de la marchandise triomphante. Mais le même chat se transforme et transforme Lisa en divinités mythologiques de dérision qui rendent cet ordre triomphant a sa contingence idiote. C'est cette puissance de la phrase-image qui, malgré les oppositions convenues entre le texte mort et limage vivante, anime aussi les Histoire(s) du cinéma de Godard et tout particulièrement notre épisode. Il se pourrait en effet que ce discours de réception appa60
La phrase, limage, l'hiSî0îT€ remment déplacéjoue un rôle comparable à Cîluí du chat de Zola, mais aussi du muet soutenant e mur qui sépare la parataxe artistique de l'effondr_emeã1t indifférent des materiaux pel,e-mele, le ÉOUÈ fe Hem U tout se touche. Sans doute n est-ce pas au regne sans complexe des Gras que Godard est confronte. Car yustement ce règne a su, depuis Zola, se mettre au regime de la marchandise esthétisée et du raffinement publicitaire Le problème de Godard est précisément la: sa pratique du montage s'est formée à l'âge pop, ä Page où le brouillage des frontieres entre le haut et le bas, le sérieux et la dérision, et la Pfãtlque _dU Coq' a-l'âne semblaient opposer leur vertu critique au règne de la marchandise. Mais, depuis lors, la l_"l1f111" chandise s'est mise elle-même a l age de la,der1S10I1 et du coq-à-l'âne. La liaison de tout avec n importe qugi, qui passait hier pour`subversive,`est aåijqurš d,hui de plus en plus hornogene avec le relgne u est dans tout journalistique et du c0q-a- 3111? PU citaire. Il faut donc que quelque chat emginatl/que OU quelque muet burlesque vienne remettre du desordre dans le montage. C'est peut-être ce que fait notre GDI' sode, fort éloigné pourtant de toute tonalite coimque. Une chose est sûre en tout cas, chose evidemment imperceptible pour le spectateur des Histozretsj qui ne
connaît de ia jeune fille à la bougie qu? Sfldfillhfiëletåî
nocturne. Cette Jeune femme a au moins eux tra t communs avec Harpo. Premierement elle aussi ieili , du moins au sens figure, une maison qui s ecrou e. Deuxièmement elle aussi est muette. La gouvernante, Penfant juif et le professeur
C'est le moment d'en dire un'peu plus Sllr 10 fllm d'où ce plan est extrait. The Spzral Staircase l'&C0Ilï9 l`histoire d'un meurtrier qui 5,911 Pllenfi 'É des femmes victimes de handicaps divers. Or l heroine, devenue 61
Le destin des images muetteza la suite d'un traumatisme, est une victime Îoute deslgflee P0_l1I`1 äSSï1-_SS1i1, d'autant plus que, nous e comprenons vite, celui-ci habite la maison même ou elle tient Femploi de gouvernante, commise au soin Ê ulne vieille dame malade et prise dans Patmosphère Re aine engendree par la rivalite de deux demi-frères. estee une nuit sans autre protection que le numéro de telephone du jeune docteur qui l'aime - ce qui n'est evidemment pas le recours le plus efficace pour une muette -, elle siibirait son destin de victime promise si le meurtrier n'était, au moment décisif, abattu par sa belle-mere -traumatisme nouveau a la faveur duquel elle retrouve la parole. Quel rapport avec le petit enfant du ghetto et le discours d'intronisation du professeur? Celui-ci apparemment î le meurtrier n'est pas la simple victime de pulsions irresistibles. C'est un homme de science méthodique dont le dessein est de supprimer pour leU1l` blllen et POUI _le_bien de tous, les êtres que la nature ou .e asard a fait infirmes, mcapables donc d'une vie pleinement normale. Sans doute l'intrigue est-elle tirée d'un roman anglais de 1933 dont l”auteur ne semble pas avoir eu de visée politique particulière, Mais le filfff SOI',t les ecrans en 1946, ce qui laisse penser qu il a ete realise en 1945. Et le réalisateur s'appelle jl?/pbert Siodinak, l un des collaborateurs du légendaire en/Îíflen am SOTÎHÈQ9, film/diagnostic de 1928 sur Line/ emagneprete a se donner a Hitler, l'un de ces cineastes et operateurs qui ont fui le nazisme et sont venbus transposer dans le film noir américain les om res plastiques et quelquefois politiques de l'expressionisme allemand. Tout semble donc ,s'expliquer: cet extrait est la, en 5U1`11T1PI`<îSS10I_1 sur l image de la reddition du ghetto, parce qu un cineaste qui a fui l'Allemagne nazie nous y parle, à travers une analogie ñctionnelle transparente, du programme nazi d'extermination des <
La phrase, limage, Fhistoire hommes ››. Ce film américain de 1946 fait écho a cet Allemagne année Zéro qu'un cinéaste italien, Rossellini, consacrera peu après a ime autre transposition du même programme, le meurtre par le petit Edmund de son père grabataire. Il atteste, a sa manière, la façon dont le cinéma a parlé de fexterinination a travers des fables exemplaires, le Faust de Murnau, La Régle du jeu de Renoir ou Le Dictateur de Chaplin. À partir de la, il est facile de compléter le puzzle, de donner son sens a chacun des éléments qui s'ajustent dans l'épisode. Le public rieur qui se tient face a Nosfératu est emprunté aux derniers plans de La Foule de King Vidor. Peu importe ici la donnée fictionnelle de ce film des derniers temps du muet: la réconciliation finale dans un music-hall d'un couple au bord de la rupture. Le montage de Godard est ici clairement symbolique. Il nous montre la captation de la foule des salles obscures par l'industrie hollywoodiennne qui la nourrit d'un imaginaire chauffé en brûlant un réel qui demandera bientôt son compte de vrai sang et de vraies larmes. Les lettres qui apparaissent sur l'écran (l'ennemi public, le public) le disent à leur manière. L'ennemi public est le titre d'un film de Wellman, une histoire de pègre interprétée par James Cagney, et de peu postérieure a La Foule. Mais c'est aussi dans les Histoire(s) le titre donné par Godard au producteur de La Foule, Irvin Thalberg, l'incarnation de la puissance hollyvvoodienne qui a vampirisé les foules des cinémas mais aussi liquidé les artistes/prophètes du cinéma a la Murnau. L”épisode met donc en strict parallèle deux captations: la captation des foules allemandes par l'idéologie nazie et celle des foules cinématographiques par Hollywood. C'est dans ce parallèle que viennent s'inscrire les éléments intermédiaires: un plan d'homme/oiseau emprunté au Judex de Franju; un plan rapproché sur les yeux d'Antonioni, le cinéaste 63
Le destin des images paralysé, aphasique, dont toute la puissance s'est retirée dans le regard; le profil de Fassbinder, le cinéaste exemplaire de l'Allemagne d'après la catastrophe, hantée par des spectres que figurent ici des apparitions qiiasi-subliminales de cavaliers issus de La Mort de Siegfried de Fritz Lang". Le texte qui accompagne ces apparitions furtives est emprunté à Simple agonie de Jules Laforgue, c'est-à-dire non seulement à un poète mort à vingt-six ans mais aussi à un écrivain français exemplairement nourri par la culture allemande en général et par le nihilisme schopenliauerien en particulier. Tout s'explique donc, à. ceci près que la logique ainsi reconstituée est strictement indéchiffrable dans la seule silhouette de Dorothy McGuire, une actrice aussi peu connue du spectateur normal des Histoire(s) que le film lui-même. Ce n'est donc pas la vertu allégorique de l'intrigue qui doit pour ce spectateur connecter le plan de la jeune femme à la photo de l'enfant du ghetto. C'est la vertu de la phrase-image en ellemême, c'est-à-dire le nœud mystérieux de deux rapports énigmatiques. C'est d'abord le rapport matériel de la bougie tenue par la muette de fiction et de l'enfant juif trop réel qu'elle semble éclairer. Tel est en effet le paradoxe. Ce n'est pas Fextermination qui doit éclairer l'histoire mise en scène par Siodmak mais bien le contraire: c'est le noir et blanc du cinéma qui doit projeter sur limage du ghetto cette puissance d'histoire qu'il tient des grands opérateurs allemands à la Karl Freund qui ont, nous dit Godard, inventé par avance les éclairages de Nuremberg, et que ceuxci tenaient eux-mêmes de Goya, de Callot ou de Rembrandt et de son «terrible noir et blanc ››. Et il en va de même pour le second rapport énigmatique que comporte la phrase-image: le rapport des phrases de Foucault au plan et a la photo qu'elles sont censées relier. Selon le même paradoxe, ce n°est pas le lien 64
La phrase, limage, l'histoire évident fourni par l'intrigue du film qui doit unir les éléments hétérogènes, c'est le non-lien de ces phrases. Uintéressant, en effet, ce n'est pas qu'un réalisateur allemand en 1945, souligne les analogies entre le scénario qui lui est confié et la réalité contemporaine de la guerre et de l'extermination, c'est la puissance de la phrase-image comme telle, la capacité du plan de l'escalier d'entrer directement en contact avec la photographie du ghetto et les phrases du professeur. Puissance de contact, non de traduction ou d'explication, capacité d'exhiber une communauté construite par la «fraternité des métaphores ››. Il ne s'agit pas de montrer que le cinéma parle de son temps. Il s'agit d'établir que le cinéma fait monde, qu'il aurait dû faire monde. Ijhistoire du cinéma est celle d'une puissance de faire histoire. Son temps, nous dit Godard, est celui où des phrases-images ont eu le pouvoir, en congédiant les histoires, d'écrire l'histoire, en enchaînant directement sur leur « dehors ››. Cette puissance d'enchaînement n'est pas celle de l'homogène - pas celle de se servir d'une histoire de terreur pour nous parler du nazisme et de l'extermination. Elle est celle de l'hétérogène, du choc immédiat entre trois solitudes: la solitude du plan, celle de la photo et celle des mots qui parlent de tout autre chose dans un tout autre contexte. C'est le choc des hétérogènes qui donne la mesure commune. Comment penser ce choc et son effet? Il ne suffit pas pour le comprendre d'invoquer les vertus de la fragmentation et de l”intervalle qui défont la logique de l'action. Fragmentation, intervalle, coupure, collage, montage, toutes ces notions volontiers prises comme critères de la modernité artistique peuvent recevoir des signiñcations très diverses, voire opposées. Je laisse de côté le cas où la fragmentation, cinématographique ou romanesque, n'est qu'ime manière de serrer encore plus fort le noeud représentatif. Mais 65
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Le destin des images même en omettant ce cas, il reste deux grandes manières d'entendre la façon dont Fhétérogène fait mesure commune : la manière dialectique et la manière symbolique. Montage dialectique, montage syrnbolique
Je prends ces deux termes en un sens conceptuel qui déborde les frontières de telle ou telle école ou doctrine. La manière dialectique investit la puissance chaotique dans la création de petites machineries de l'hétérogène. En fragmentant des continus et en éloignant des termes qui s”appellent, ou, à l'inverse, en rapprochant des hétérogènes et en associant des incompatibles, elle crée des chocs. Et elle fait des chocs ainsi élaborés de petits instruments de mesure, propres à faire apparaître une puissance de communauté disruptive, qui impose elle-même une autre mesure. Cette petite machinerie, ce peut être la rencontre de la machine a coudre et du parapluie sur une table de dissection, ou bien des cannes et des sirènes du Rhin dans la vitrine désuète du Passage de l'Opéra", ou encore de tous autres équivalents de ces accessoires dans la poésie, la peinture ou le cinéma surréalistes. La rencontre des incompatibles y met en évidence le pouvoir d'une autre communauté imposant une autre mesure, elle impose la réalité absolue du désir et du rêve. Mais ce peut être aussi le photo-montage militant à. la John Heartfield qui fait apparaître l'or capitaliste dans le gosier d'Adolf Hitler, c'est-à-dire la réalité de la domination économique derrière le lyrisme de la révolution nationale, ou, quarante ans plus tard, celui de Martha Rosler qui << transporte à. domicile ›› la guerre vietnamienne en mélangeant ses images avec celles des publicités pour le bonheur domestique américain. Ce peut être, plus près de nous encore les images de homeless que 66
La phrase, limage, l'histoire Krzystof Wodiczko projette sur les monuments officiels américains ou les tableaux que Hans Haacke accompagne de petites notices indiquant les sommes qu'ils ont coûtées à. chacun de leurs acheteurs successifs. Dans tous ces cas, il s'agit de faire apparaître un monde derrière un autre: le conflit lointain derrière le confort du home, les homeless expulsés par la rénovation urbaine derrière les buildings neufs et les emblèmes anciens de la cité, l'or de l'exploitation derrière les rhétoriques de la communauté ou les sublimités de l'art, la communauté du capital derrière toutes les séparations de domaines et la guerre des classes derrière toutes les communautés. Il s'agit d'organiser un choc, de mettre en scène une étrangeté du familier, pour faire apparaître un autre ordre de mesure qui ne se découvre que par la violence d'un conflit. La puissance de la phrase-image qui joint les hétérogènes est alors celle de l'écart et du heurt qui révèle le secret d'un monde, c'est-à-dire l”autre monde dont la loi s'impose derrière ses apparences anodines ou glorieuses. La manière symboliste aussi met en rapport des hétérogènes et construit des petites machines par montage d'éléments sans rapport les uns avec les autres. Mais elle les assemble selon une logique inverse. Entre les éléments étrangers, elle s'emploie en effet à établir une familiarité, une analogie occasionnelle, témoignant d'une relation plus fondamentale de co-appartenance, d'un monde commun où les hétérogènes sont pris dans un même tissu essentiel, toujours suceptibles donc de s”assembler selon la fraternité d'une métaphore nouvelle. Si la manière dialectique vise, par le choc des différents, le secret d'un ordre hétérogène, la manière symboliste assemble les éléments dans la forme du mystère. Mystère ne veut pas dire énigme ou mysticité. Mystère est une catégorie esthétique, élaborée par 67
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Le destin des images Mallarmé et explicitement reprise par Godard. Le mystère est une petite machine de théâtre qui fabrique de l'analogie, qui permet de reconnaître la pensée du poète dans les pieds de la danseuse, le pli d'une étole, le dépli d'un éventail, l'éclat d'un lustre ou le mouvement inattendu d'im ours dressé. C'est lui aussi qui permet au scénographe, Appia, de traduire la pensée du musicien/poète, Wagner, non plus dans des décors peints ressemblant à ce dont parle l'opéra mais dans les formes plastiques abstraites des praticables ou dans le faisceau de lumière qui sculpte l'espace, ou à la danseuse statique, Loïe Fuller, de se transformer, par le seul artifice de ses voiles et des projecteurs, en figure lumineuse de fleur ou de papillon. La machine de mystère est une machine à faire du commun, non plus à opposer des mondes, mais à mettre en scène, par les voies les plus imprévues, une co-appartenance. Et c'est ce commun qui donne la mesure des incommensurables. La puissance de la phrase-image est ainsi tendue entre ces deux pôles, dialectique et symbolique, entre le choc qui opère un dédoublement des systèmes de mesure et l'analogie qui donne forme a la grande communauté, entre limage qui sépare et la phrase qui tend vers le phrasé continu. Le phrasé continu, c'est le << sombre pli qui retient l'infini››, la ligne souple qui peut aller de tout hétérogène à tout hétérogène, la puissance du délié, de ce qui n'a jamais commencé, jamais été lié et peut tout emporter dans son rythme sans âge. C'est la prase du romancier qui, même si on n'y « voit ›› rien, atteste à l”oreille qu'on est dans le vrai, que la phrase-image est juste. Ijimage «juste ››, Godard le rappelle en citant Reverdy, c'est celle qui établit le rapport juste entre deux lointains saisis dans leur écart maximum. Mais cette justesse de l'image décidemment ne se voit pas. Il faut que la phrase en fasse entendre la musique. Ce qui peut 68
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être saisi comme juste, c'est la phrase, c'est-à-dire ce qui se donne comme toujours précédé par une autre phrase, précédé par sa propre puissance: la puissance du chaos phrasé, celle du brassage flaubertien d'atomes, de l'arabesque mallarméenne, du <
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Ce pouvoir d'enchaînement, le simple rapport de deux éléments visibles est apparemment incapable de le produire. Le visible n'arrive pas à se phraser en continu, à donner la mesure du « sans commune mesure ››, la mesure du mystère. Le cinéma, dit Godard, n'est pas un art, pas ime technique. Il est un mystère. Je dirais pour ma part qu'il ne l'est pas par essence, qu'il l'est tel qu'il est ici phrasé par Godard. Il n'y a pas d'art qui appartienne spontanément à l'une ou a l'autre forme de combinaison des hétérogènes. Il faut ajouter que ces deux formes elles-mêmes ne cessent d'entremêler leurs logiques. Elles travaillent les mêmes éléments, selon des procédures qui peuvent aller a la limite de Findiscernable. Le montage de Godard offre sans doute le meilleur exemple de la proximité extrême des logiques opposées. Il montre comment les mêmes formes de jonction des hétérogènes peuvent basculer du pôle dialectique au pôle symboliste. Connecter sans fin, comme il le fait, un plan d'un film avec le titre ou le dialogue d'un autre, une phrase de roman, un détail de tableau, le refrain d'une chanson, une photographie d'actualité ou un message publicitaire, c'est toujours faire deux choses en même temps: organiser un choc et construire un continuum. L'espace des chocs et celui du continuum peuvent même porter le même nom, celui d'Histoire. L'Histoire, ce peut être en effet deux choses contradictoires: la ligne discontinue des chocs révélateurs ou le continuum de la co-présence. La liaison des hétérogènes construit et réfléchit en même temps un sens d'histoire qui se déplace entre ces deux pôles. La carrière de Godard illustre exemplairement ce déplacement. Il n'a en effet jamais cessé de pratiquer le collage des hétérogènes. Mais, pendant très longtemps ce collage était spontanément perçu comme dialectique. C'est que le choc des hétérogènes possédait en lui-même une sorte d'automaticité dialectique. 70
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Il renvoyait a une vision de l'histoire comme lieu de conflit. C'est ce que résume une phrase de Made in USA: << J 'ai l'impression, dit le héros, de vivre dans un film de Walt Disney joué par Humphrey Bogart, donc dans un film politique. ›› Déduction exemplaire: l'absence de rapport entre les éléments associés suffisait a attester le caractère politique de l'association. Toute liaison d'éléments incompatibles pouvait passer pour un «détournement» critique de la logique dominante et tout coq-a-l'â.ne pour une «dérive ›› situationniste. Pierrot le fou en fournit le meilleur exemple. Le ton était donné d'emblée par la vision de Belmondo dans sa baignoire avec sa cigarette, en train de lire a une petite fille l'Histoire de l'art d'Elie Faure. Nous voyions ensuite l'épouse de FerdinandPierrot réciter le couplet publicitaire des avantages que lui offrait la gaine Scandale et nous entendions celui-ci ironiser sur la « civilisation du cul ››. Cette dérision était prolongée par la soirée chez les beauxparents où les invités, sur fond monochrome, répétaient des phrases publicitaires. Après cela pouvait commencer la cavale du héros avec la baby-sitter, c'est-à-dire avec l'amoureuse retrouvée. Le message politique porté par cette entrée en matière n'était rien moins qu'évident. Mais la séquence «publicitaire ››, parce qu'elle renvoyait à une grammaire acquise de la lecture «politique ›› des signes, suffisait à assurer une vision dialectique du film et a indexer la cavale amoureuse au registre de la dérive critique. Raconter une histoire policière sans queue ni tête, montrer les deux jeunes en cavale prenant leur petit déjeuner avec un renard et un perroquet, cela entrait sans problème dans une tradition critique de dénonciation de la vie quotidienne aliénée. Cela voulait dire aussi que la liaison insolite du texte de la «grande culture» et des manières de vivre décontractées d'un jeune homme des temps de la Nouvelle 71
Le destin des images Vague suffisait à nous rendre indifférents au contenu du texte d'Elie Faure lu par Ferdinand. Or ce texte consacré à Velasquez disait déjà, a propos de la peinture, la même chose que Godard vingt ans plus tard fera dire au texte de Foucault sur le langage. Velasquez, dit en substance Elie Faure, a mis sur la toile «représentant ›› les souverains et les princesses d'une dynastie décadente tout autre chose: la puissance de l'espace, la poussière impondérable, les caresses iinpalpables de l'air, l'expansion progressive de l'ombre et de la clarté, les palpitations colorées de l'atmosphère'°. La peinture est chez lui le phrasé de l'espace, et l'écriture de l'histoire de l'art pratiquée par Elie Faure résoime en écho comme le phrasé de l'histoire. Ce phrasé de l'histoire imaginairement extrait du phrasé pictural de l'espace, Godard l'invoquait et l'occultait en même temps, à l'âge des provocations pop et situationnistes. Il triomphe, en revanche, dans le rêve du grand chuchotement originaire qui hante les Histoire(s) du cinéma. Les méthodes de «détournement ›› qui, vingt ans auparavant, produisaient, même à. vide, du choc dialectique, prennent alors la fonction inverse. Elles assurent la logique du mystère, le règne du phrasé continu. C'est ainsi que le chapitre d'Elie Faure sur Rembrandt devient, dans la premiere partie des Histoire(s), un éloge du cinéma. C'est ainsi que Foucault, le philosophe qui nous a expliqué comment les choses et les mots s'étaient séparés, est appelé à attester positivement l”illusion que son texte évoquait et dissipait, à nous faire entendre le chuchotement premier où le dicible et le visible sont encore confondus. Les procédures de liaison des hétérogènes qui assuraient le choc dialectique produisent maintenant l'exact contraire: la grande nappe homogène du mystère où tous les chocs d'hier deviennent à l'inverse des manifestations de co-présence fusionnelle. 72
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Aux provocations d'hier on peut alors opposer les contre-provocations d'aujourd'hui. J 'ai commenté ailleurs” l'épisode où Godard nous démontre - avec l'aide de la Marie-Madeleine de Giotto, transformée par ses soins en ange de la Résurrection - que la « place au soleil» d'Elisabeth Taylor dans le film homonyme a été rendue possible parce que, quelques années auparavant, le réalisateur du film, George Stevens avait filmé les survivants et les morts de Ravensbrück et racheté ainsi le cinéma de son absence sur les lieux de l'extermination. Or s'il avait été fait à l'époque de Pierrot le Fou, le lien entre les images de Ravensbrück et l'idylle d'Une place au soleil n'aurait pu avoir qu'un seul mode de lecture: la lecture dialectique dénonçant ce bonheur américain au nom des victimes des camps. Cette logique dialectique, c'est encore celle qui inspirait, dans les années 1970, les photomontages de Martha Rosler, liant le bonheur américain à l”horreur vietnamienne. Or, si anti-américain que soit le Godard des Histoire(s), sa lecture est strictement inverse: Elisabeth Taylor n'est pas coupable de son bonheur égoïste, indifférent aux horreurs du monde. Elle a positivement mérité ce bonheur parce que George Stevens a positivement filmé les camps et qu'il a ainsi accompli la tâche de la phrase-image cinématographique: constituer non pas la «robe sans couture de la réalité ›› mais le tissu sans trou de la co-présence, ce tissu qui autorise et efface à la fois toutes les coutures; constituer le monde des «images ›› comme monde de la co-appartenance et de l'entre-expression généralisées. Dérive et détournement sont ainsi retournés, absorbés par la continuité du phrasé. La phrase-image syinboliste a dévoré la phrase-image dialectique. Le << sans commune mesure ›› mène maintenant à la grande fraternité ou communauté des métaphores. Ce mouvement n'est pas propre seulement à un cinéaste coimu 73
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Le destin des images pour son tempérament particulièrement mélancolique. Il traduit à sa manière un glissement de la phrase-image, dont les œuvres d'aujourd'hui témoignent alors même qu'elles se présentent encore sous des legitimations empruntées au lexique dialectique. C'est le cas par exemple de l'exposition Moving Pictures que présentait récemment a New York le Musée Guggenheim. La rhétorique de l'exposition voulait inscrire les œuvres d'aujourd'hui dans une tradition critique des années 1960 et 1970 où les moyens du cinéaste et du plasticien, du photographe et du videaste se seraient unis dans une même radicalité pour remettre en cause les stéréotypes du discours et de la vision dominants. C'est autre chose pourtant que font les œuvres présentées. Ainsi la vidéo de Vanessa Beecroft, où la caméra tourne autour de corps féminins dressés nus dans l'espace du même musée ne s'occupe plus, malgré les similitudes formelles, de dénoncer le lien des stéréotypes artistiques aux stéréotypes féminins. Uétrangeté de ces corps déplacés semble bien plutôt suspendre toute interprétation de ce type, pour laisser ces présences à leur mystere qui s'en va alors rejoindre celui de photographies elles-mêmes attachées à recréer les formules picturales du réalisme magique: portraits d'adolescents au sexe, à l'âge et à l'identité sociale ambigus de Rineke Dijkstra, photographies par Gregory Crewdson de banlieues ordinaires saisies dans cette indécision entre la couleur terne du quotidien et la couleur glauque du drame dont le cinéma a tant de fois joué... Entre vidéos, photos et installations vidéo on voit l'interrogation, toujours invoquée, des stéréotypes perceptifs glisser vers un intérêt tout autre pour les frontières indécises du familier et de l'étrange, du réel et du symbolique. Ce glissement était au Guggenheim spectaculairement accentué par la présence au meme moment, dans les mêmes murs, de l'ins74
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tallation vidéo de Bill Viola, intitulée Going forth by Day: cinq projections vidéo simultanées couvrant les murs d'une salle rectangulaire obscure où les visiteurs s'installent sur un tapis central. Autour de la porte d'entrée, un grand feu originaire d'où confusément émerge une main et un visage humains; sur le mur opposé, c'est au contraire im déluge d'eau qui va envahir une multitude de personnages inbains pittoresques dont la caméra nous a d'abord longuement narré les déplacements et détaillé les traits. Le mur de gauche est tout entier occupé par le décor d'une forêt aérée dans laquelle interminablement passent et repassent avec lenteur des personnages dont les pieds effleurent à peine le sol. La vie est un passage, nous l'avons compris, et nous pouvons nous tourner vers le quatrième mur que se partagent deux surfaces de projection. Celle de gauche est divisée en deux: dans un petit édicule à. la Giotto, un vieillard est en train d'agoniser veillé par ses enfants, tandis que sur une terrasse à la Hopper un personnage scrute une mer nordique où, lentement, pendant que le vieillard meurt et que la lumière s'éteint dans la chambre, un bateau se charge et appareille. À droite, des sauveteurs épuisés d”un village inondé se reposent tandis que sur le bord de l'eau une femme attend le matin et la renaissance. Bill Viola ne cherche pas à cacher une certaine nostalgie pom' la grande peinture et les cycles de fresques d'antan et il déclare avoir voulu créer ici un équivalent des fresques de Giotto à la chapelle de l'Arena à Padoue. Mais ce cycle fait bien plutôt penser a ces grandes fresques des âges et des saisons de la vie humaine que l'on affectionnait à. l'â.ge symbolique et expressionniste, a l'époque de Puvis de Chavannes, de Klimt, d'Edvard Munch ou d°Erich Heckel. Sans doute dira-t-on que la tentation symboliste est inhérente a l'art vidéo. Et, de fait, Fiinmatérialité de limage 75
Le destin des images électronique a tout naturellement ranimé l'engouement de l'âge symboliste pour les états immatériels de la matière, engouement alors suscité par les progrès de l'électricité et le succès des théories sur la dissipation de la matière en énergie. Cet engouement avait, au temps de Jean Epstein et de Riccioto Canudo, soutenu Fenthousiasme pour le jeune art cinématographique. Et c'est tout naturellement aussi que la vidéo ofiîre a Godard ses capacités nouvelles pour faire apparaitre, disparaître et s'entremêler les images, et pour composer le pur royamne de leur co-appartenance et la virtualité de leur entre-expression à l'infini. Mais la technique qui permet cette poétique ne la cree pas. Et le même glissement du choc dialectique a la communauté symboliste marque des œuvres et des installations qui recourent aux matériaux et aux moyens d'expression traditionnels. L'exposition Sans commune mesure qui nous accueille présente par exemple sur trois salles le travail de Ken Lum. Cet artiste se réclame encore de la tradition critique nordaméricaine des amiées pop. Sur des enseignes et panneaux publicitaires, il a introduit des énoncés subversifs pronant le pouvoir du peuple ou la libération d'un imlitant indien emprisomié. Mais la matérialité hyperréaliste de l'enseigne dévore la différence des textes, elle met sans distinction le_s plaques et leurs inscriptions dans le musée imaginaire des objets témoins de la vie ordinaire de l”Amérique profonde. Quant aux miroirs qui tapissent la salle suivante, ils n”ont plus rien de commun avec ceux que Pistoletto, vingt ans auparavant, mettait, en y gravant parfois une silhouette connue, à la place des tableaux attendus, pour demander aux visiteurs contraints de s'y voir ce qu'ils venaient chercher en ce lieu. Avec les petites photos de famille qui les ornent, ils semblent au contraire nous attendre, nous appeler à nous reconnaître dans limage de la grande famille des humains. 76
La phrase, limage, l 'histoire J'avais naguère commenté l'opposition contemporaine des icônes du «voici» et des étalages du «voilà››, en soulignant que les mêmes objets ou assemblages pouvaient passer indifféremment d'une logique d'exposition à. l'autre. À la lumière de la complémentarité godardienne de l'icône et du montage, ces deux poétiques de l'image nous apparaissent comme les deux formes d'une même tendance fondamentale. Les séries photographiques, les moniteurs ou projections vidéo, les installations d”objets familiers ou étranges qui occupent l'espace de nos musées et galeries cherchent moins aujourd'hui a susciter le sentiment d'un écart entre deux ordres - entre les apparences quotidiemies et les lois de la domination - qu'à aviver une sensibilité nouvelle aux signes et aux traces qui témoignent d'une histoire et d'un monde communs. Il arrive que des formes d'art se déclarent explicitement à ce titre, qu'elles invoquent la «perte de monde ›› ou la défection du «lien social» pour domier aux assemblages et performances de l'art la tâche de recréer des liens sociaux ou un sens de monde. Le rabattement de la grande parataxe sur l'état ordinaire des choses porte alors la phrase-image vers son degré Zéro: la petite phrase qui crée du lien ou invite au lien. Mais en dehors même de ces formes déclarées, et sous le couvert de légitimations encore empruntées a la doxa critique, les formes contemporaines de l'art se vouent de plus en plus a l'inventaire unanimiste des traces de communauté ou à une nouvelle figuration symboliste des puissances de la parole et du visible ou des gestes archétypaux et des grands cycles de la vie humaine. Le paradoxe des Histoire(s) du cinéma ne se situerait donc pas la où il semblait d'abord: dans la conjonction d'une poétique anti-textuelle de l'icône et d'une poétique du montage qui fait de ces icônes les éléments indéfiniment combinables et échangeables d'un discours. La poétique des Histoire(s) ne fait que 77
Le destin des images radicaliser la puissance esthétique de la phrase-image comme combinaison des opposés. Le paradoxe est ailleurs: ce monument était comme un adieu, un chant funèbre àla gloire d'un art et d'un monde de l”art disparus, au bord de l'entrée dans la catastrophe dernière. Or les Histoires(s) pourraient bien avoir signalé tout autre chose: non point l'entrée dans quelque crépuscule de l'humain mais cette tendance néo-syinboliste et néo-humaniste de l'art contemporain.
III. La peinture dans le texte
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