SEMINAIRE Stagiaires IEC
EVALUATION DES ENTREPRISES présenté par
Madame Pascale TYTGAT REVISEUR D’ENTREPRISES
2 OCTOBRE 2010
Evaluation des entreprises Séminaire IEC _________________________________________________________________________________
TABLE DES MATIERES
I.
INTRODUCTION - ..................................................................................................................... 2
II.
CONTEXTE DE L’EVALUATION.................................................................................................. 4
III.
PREALABLE : LA FIABILITE DE L’INFORMATION FINANCIERE.................................................. 5
IV.
PREALABLE : LA NATURE DE L’INFORMATION FINANCIERE DE REFERENCE ......................... 7
V.
METHODES INTRINSEQUES ................................................................................................... 10
A. METHODE « STATIQUE », dite également « METHODE DE L’ACTIF NET CORRIGE ou REEVALUE » ...................................................................................... 10 1. Introduction ................................................................................................ 10 2. Détermination des éléments de correction de l’actif net comptable .......... 11 3. Prise en compte de l’impact fiscal des corrections .................................... 12 4. Exemple...................................................................................................... 13 5. Points d’attention liés à la fiscalité............................................................. 13 • Partage de l’impôt latent ............................................................................ 13 • Asset deal vs Share deal............................................................................. 14 • Impact des réserves immunisées ................................................................ 15 • Cas particulier des réserves immunisées visées à l’article 47 du CIR ....... 15 • Existence de déficits fiscaux reportables. .................................................. 17 6. Limites à la méthode statique..................................................................... 18 7. Exercice...................................................................................................... 19 B. 1. 2. 3. 4.
METHODES « DYNAMIQUES » ...................................................................... 22 Introduction ................................................................................................ 22 Valeur de rendement .................................................................................. 22 Discounted free cash-flows – Actualisation des cash-flows libres ............ 28 Avantages et inconvénients des méthodes dynamiques............................. 30
C. METHODES « MIXTES » ................................................................................. 31 1. Rente de goodwill ...................................................................................... 31 2. Méthode dite des multiples ........................................................................ 32 VI.
METHODES ANALOGIQUES- .................................................................................................. 34
A. METHODE DITE DES MULTIPLES BOURSIERS................................................ 34 B.
METHODE DITE DES TRANSACTIONS COMPARABLES .................................. 39
VII.
METHODE DITE DE « SUM OF THE PARTS »-....................................................................... 40
VIII.
DÉCOTES ET SURCOTES -........................................................................................................ 41
A. DECOTES......................................................................................................... 41 B. IX.
SURCOTES....................................................................................................... 44 CONCLUSIONS-....................................................................................................................... 45
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INTRODUCTION -
I.
Valeur et Prix sont deux notions distinctes. La Valeur d’une entreprise est celle qui résulte de l’application de méthodes généralement admises par la doctrine financière. Celles-ci sont destinées à estimer le mieux possible le montant qu’un tiers serait prêt à payer pour acquérir les titres d’une société, en tenant compte de paramètres les plus objectifs possible. Le Prix est celui qui fera la transaction, qui résulte de l’un accord final conclu entre cédant et cessionnaire sur la base de négociations impliquant davantage des éléments de contexte qu’une évaluation ne peut intégrer parfaitement. Il en va ainsi du nombre d’acheteurs intéressés, ou de l’importance de la cible pour un candidat acquéreur, qui pourrait impliquer qu’il accepte de payer une prime plus importante. La doctrine financière actuelle aborde essentiellement l’évaluation des entreprises selon deux approches : •
les méthodes intrinsèques, reposant sur les données chiffrées de l'entreprise à évaluer, et privilégiant selon les cas les données statiques (capitaux propres corrigés), dynamiques (résultat et cash flow) ou mixtes (combinant les deux);
•
les méthodes analogiques, reposant sur la référence à des transactions comparables récentes ou la capitalisation boursière de sociétés considérées comme comparables
étant entendu qu’il est important, pour toute rigueur, d’adopter une approche « multi-critères ». Il convient de veiller à ne pas confondre Equity Value (EqV) (valeur des capitaux propres, pour l’actionnaire) et Enterprise Value (EV) (valeur d’entreprise, indépendamment de sa structure financière), avec Equity Value (EqV)= Enterprise Value (EV) moins Dette Financière Nette normative _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 2 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT
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Notons également que des approches d’évaluation dites coutumières peuvent parfois être utilisées, pour l’évaluation de l’activité. Celles-ci se basent sur des évaluations forfaitaires (pourcentage du chiffre d’affaires, …). Bien que ces méthodes coutumières soient encore fréquemment utilisées dans le cadre de l’évaluation de PME ou de professions libérales, elles apparaissent aujourd’hui obsolètes par rapport aux méthodes intrinsèques et analogiques. Elles ne seront donc utilisées que dans le cas où l’application des deux approches ci-avant énoncées s’avérerait complexe, trop fastidieuse (par manque d’information, par exemple), ou utilisées à des fins de « grosse louche » ou simple recoupement. Ce syllabus se veut être un document permettant aux stagiaires IEC d’avoir une vue synthétique sur les différentes méthodes d’évaluation d’entreprises couramment utilisées. Il a pour objectif d’également d’aborder des questions pratiques qui se posent dans la mise en œuvre d’une évaluation, et de susciter des réflexes pour le praticien.
Avertissements A des fins didactiques, le présent syllabus traite de manière simplifiée certains aspects, pour éviter de rendre trop complexe l’exposé qui sera fait, et d’aller audelà de l’ambition du séminaire compte tenu du temps nous imparti.. Nous n’avons pas voulu faire de ce syllabus un recueil de formules (Cook Book), comme on retrouve dans la plupart des ouvrages consacrés aux techniques d’évaluation. L’évaluation d’une entreprise ne consiste pas en l’injection de chiffres dans une moulinette ; bien au contraire, il s’agit d’un travail de fond où le jugement, l’expérience et le discernement par rapport aux résultats obtenus doivent primer.
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CONTEXTE DE L’EVALUATION
II.
En préambule à toute mission d’évaluation, l’expert évaluateur veillera à préciser : •
• • • •
•
le contexte dans lequel l’évaluation est menée (réorganisation, apport en nature, quasi-apport, acquisition, cession, détermination d’un rapport d’échange en cas de fusion…) ; les documents et informations financières passées et prévisionnelles mis à sa disposition (les lister !) l’identité des personnes ou organes auxquels le rapport d’évaluation est destiné, et le caractère confidentiel du rapport ; une réserve d’usage précisant que le rapport ne peut être utilisé que dans le contexte pré-décrit ; qu’il n’a pas procédé à l’audit des situations comptables lui communiquées (en précisant toutefois et le cas échéant, si le commissaire de la société a certifié les comptes annuels statutaires/consolidés mis à sa disposition) ; qu’il ne se prononce pas sur la pertinence des informations prévisionnelles et business plan mis à sa disposition.
Ces précisions sont importantes car elles permettent de ne laisser aucune ambigüité quant à la mission et au rôle de l’ « expert-évaluateur » ou à la portée de son rapport.
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III.
PREALABLE : LA FIABILITE DE L’INFORMATION FINANCIERE
Les méthodes d’évaluation font référence aux informations financières disponibles publiquement (comptes annuels déposés), mais également à des informations internes à l’entreprise telles les balances générales, tableaux d’amortissements, etc. Elles utilisent également des informations financières prévisionnelles, telles budgets, plans d’affaires à 3 ou 5 ans, données stratégiques afférentes au développement, etc…. Fiabilité de l’information financière disponible : Etant donné que ces données sont des éléments-clé de la détermination de la valeur de l’entreprise, l’évaluateur devra porter une attention toute particulière à la fiabilité et à la cohérence des informations financières mises à sa disposition. C’est par ailleurs ce qui est attendu implicitement, dès lors qu’il est considéré comme un spécialiste du chiffre ! L’évaluateur veillera donc (idéalement, mais difficile parfois en pratique !): • à s’assurer, dans la mesure du possible, que l’organisation comptable et administrative de la société est fiable ; • à identifier tout litige potentiel pouvant impacter la situation patrimoniale de la société ; • à s’assurer que les opérations de césure des exercices (« cut-off ») ont été correctement réalisées, tout particulièrement si l’évaluation doit être réalisée à une date précise ; • à identifier tout risque d’irrécouvrabilité de créances ; • à analyser la récurrence des résultats, la stabilité de la marge ou du résultat d’exploitation, etc… • de manière générale, à identifier toute surestimation des capitaux propres comptables de la société à évaluer. Cette étape permet de vérifier que le point de départ de l’évaluation, c’est-à-dire l’information financière, constitue une base solide et fiable.
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De la même manière, il conviendra d’examiner l’information prévisionnelle avec circonspection, c’est à dire se poser par exemple la question de la cohérence des hypothèses de croissance adoptées Comme indiqué dans le chapitre précédent, ces vérifications préalables doivent être considérées comme normales pour un praticien diligent sans toutefois être assimilées à un « audit » des comptes. Il est évident que, dans le cas où l’information financière est contrôlée par un commissaire, les diligences portant sur l’examen circonstancié des comptes, à mener par l’évaluateur pourront être considérées comme allégées, mais cet état de fait ne doit pas occulter le regard critique de l’homme des chiffres. Exhaustivité de l’information financière disponible : D’une manière générale, et de par la complexification des affaires, le « Hors-bilan » est devenu de plus en plus important. Il en est ainsi des Droits et Engagements hors bilan, dont l’inventaire doit normalement soigneusement être comptabilisé (classe 0) et repris en annexe aux comptes annuels déposés. En matière d’évaluation, une attention toute particulière devra être accordée : • au caractère quitte et libre des actifs (un actif hypothéqué ou gagé vaut-il moins ?) • à l’existence de litiges non provisionnés • à l’existence d’engagements d’acquérir, de céder, de faire ou de ne pas faire,… C’est dire qu’il faudra examiner si ce « Hors-bilan » est susceptible d’affecter l’évaluation, ou doit simplement faire l’objet d’une information particulière à notre mandant.
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IV.
PREALABLE : LA NATURE DE L’INFORMATION FINANCIERE DE REFERENCE
Comptes statutaires vs comptes consolidés En fonction des méthodes d’évaluation utilisées, les informations financières de référence peuvent reposer : • sur les comptes statutaires • sur les comptes consolidés La référence aux capitaux propres des comptes statutaires sera d’application, principalement, dans le cas d’évaluations dites « statiques » (méthode patrimoniale, …) applicables aux holdings passives, sociétés immobilières, …, ou d’une évaluation de type « sum of the parts » dans le cadre d’une holding chapeautant divers pôles d’activités. La référence au compte de résultats des comptes consolidés sera d’application dans le cas d’évaluations dites « dynamiques » lorsqu’il convient d’évaluer la capacité de la société analysée à générer du rendement. Ces méthodes seront décrites plus après. Référentiel comptable utilisé Une attention toute particulière doit également être portée au référentiel comptable utilisé. En effet, les comptes consolidés peuvent être établis selon le référentiel comptable belge ou selon les normes internationales IFRS (obligatoirement pour les sociétés cotées, facultativement pour les sociétés qui en auraient pris l’option). L’application des normes IFRS implique, entre autres et pour information seulement, que : • certains actifs soient déjà évalués à leur valeur de marché (ex. certains actifs financiers) ; • certains éléments se trouvant hors bilan en droit comptable belge soient valorisés en IFRS (ex. la juste valeur des instruments financiers) ; _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 7 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT
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• • • •
les actions propres ne soient plus comptabilisées à l’actif du bilan mais en déduction des capitaux propres ; les immobilisations corporelles et stocks soient, le cas échéant, évalués de manière moins conservatrice ; les impôts différés actifs et passifs ne seront pas reconnus / comptabilisés dans le bilan de la même manière qu’en normes belges ; …
L’évaluateur veillera donc à identifier les discordances pouvant exister entre les référentiels comptables et leur impact éventuel sur les variables utilisées dans le cadre de son évaluation. En particulier, il pourrait être mis en possession de comptes statutaires BGAAP et comptes consolidés IFRS. Il lui faudra donc du discernement dans la manière d’analyser et extraire l’information financière de référence. Règles particulières d’évaluation Le Conseil d’Administration ou la Gérance d’une société doit arrêter (dans un Procès-verbal) les règles particulières d’évaluation. Ce point a toute son importance, car il affecte la manière dont les actifs et passifs sont inventoriés et valorisés. Il en est par exemple ainsi notamment des: • frais de recherche et développement (activés ou non ?) • immobilisations incorporelles (règles d’activation et taux d’amortissements) • immobilisations corporelles (taux d’amortissements et frais accessoires) • stocks et commandes en cours d’exécution (coûts plus ou moins complets) • règles en matière de dotations aux réductions de valeurs sur créances commerciales, prise en considération des écarts de conversion,… Environnement sectoriel Un évaluateur diligent devra toujours se poser la question de la situation dans laquelle évolue l’entreprise à évaluer.
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Business model L’évaluateur prendra le temps de se poser la question de savoir si le business model a ou non du sens par rapport aux années futures (organisation, avantages concurrentiels, pérennité,…). Si la réponse est négative, il est hasardeux de prendre en considération « telles quelles » des informations financières prévisionnelles qui reposeraient sur le passé.
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V.
METHODES INTRINSEQUES
Les méthodes d’évaluation dites « intrinsèques » se basent sur les informations financières issues de la société : • comptes annuels statutaires et, le cas échéant, consolidés • comptes statutaires et, le cas échéant, consolidés internes et détaillés (balances générales des comptes) • informations prévisionnelles : budget n+1, business plan à 3 ou 5 ans • annexes normalisées aux comptes annuels, et les annexes libres (telles le rapport de gestion (ou, à défaut, les mentions légales à reprendre), le rapport du commissaire, les règles particulières d’évaluation, …)
A.
1.
METHODE « STATIQUE », dite également « METHODE DE L’ACTIF NET CORRIGE ou REEVALUE »
Introduction
La méthode de l’Actif Net Corrigé est une méthode patrimoniale permettant d’évaluer l’existant, ce que l’entreprise possède déjà. Dans ce cas, il n’est pas tenu compte de la capacité bénéficiaire de la société et de son rendement futur probable. Cette méthode se base sur l’actif net comptable de la société à évaluer, lequel est corrigé des différences existant entre la valeur comptable des actifs et passifs et leur valeur réelle (ou valeur vénale). Les corrections à la hausse peuvent consister, entre autres, en : • une valeur vénale des actifs supérieure à leur valeur comptable ; • des excédents de provisions ; • toute surestimation de passif et, partant,, toute surestimation de charges ; • des produits latents donc, non comptabilisés ; • …
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A l’inverse, les corrections à la baisse peuvent consister en : • une valeur vénale des actifs inférieure à leur valeur comptable ; • des sous-estimations de provisions et dettes; • des non-valeurs (dont des créances irrécouvrables, des actifs obsolètes, des frais d’établissement activés) ; • toute sous-estimation de passifs ; • des charges latentes donc, non-comptabilisées ; • …
2.
Détermination des éléments de correction de l’actif net comptable
Afin de déterminer la valeur vénale des actifs, l’évaluateur : • fera, le cas échéant, appel à des experts spécialisés dans la valorisation desdits actifs (experts immobiliers, par exemple) lorsqu’il s’agit de biens évalués à leur valeur de revente probable ou valeur vénale; • effectuera des contrôles de vraisemblance par rapport à la valeur à neuf des actifs lorsque les biens sont évalués à leur valeur d’usage (dans le cas, par exemple, de machines pour lesquelles l’évaluateur estime qu’il existe un risque de vétusté ou d’obsolescence) Généralement, on prendra en compte la valeur de revente probable pour des biens facilement cessibles et ne rentrant pas directement dans le cycle d’exploitation / de production de l’entreprise évaluée. Pour les biens spécifiques à l’exploitation, la valeur de revente est moins pertinente car ces biens sont, en général, difficilement cessibles. On retiendra alors la « valeur d’usage en l’état » de ces actifs.
Une attention toute particulière devrait idéalement être portée sur la rubrique des Stocks, s’il en est, afin de déceler le cas échéant des anomalies dans la mesure où sa valeur comptable évolue dans le temps. Dans une entreprise à mauvaise santé financière, la valeur comptable des stocks a tendance à gonfler, et masque le plus souvent des non-valeurs et, partant, un actif net comptable artificiellement gonflé.
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L’évaluateur accordera une importance particulière aux « Droits et engagements hors bilan » susceptibles d’avoir un impact sur l’évaluation de l’entreprise. C’est le cas des engagements suivants : • hypothèque ou mandat hypothécaire • gage sur fonds de commerce • engagement d’acquisition/de cession d’un actif • existence d’un complément de prix à payer suite à une acquisition • engagement de ne pas faire (exemple, engagement de ne pas céder un actif) • … Ces éléments hors bilan sont susceptibles d’avoir un impact sur le résultat de l’évaluation, dès lors que : • un actif gagé/hypothéqué ne peut avoir la même valeur qu’un actif quitte et libre ; • un actif incessible doit voir sa valeur diminuer d’une décote d’illiquidité (cfr chapitre sur les décotes) ; • un actif que l’entreprise s’est engagée à céder doit normalement être évalué à sa valeur de cession.
3.
Prise en compte de l’impact fiscal des corrections
L’évaluateur devra tenir compte de l’impact fiscal des corrections apportées à l’actif net comptable. En effet, la plupart des corrections prises en considération dans le cadre de la détermination de l’Actif Net Corrigé ont pour effet d’augmenter ou de diminuer potentiellement la base imposable de la société ; Cela revient à dire que l’évaluateur devra considérer le fait que si certains éléments d’actifs et passifs de la société évaluée devaient être aliénés à leur valeur vénale, il en résultera une imposition fiscale différente que si l’aliénation s’effectuait sur la base des seules valeurs comptables.
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4.
Exemple
Une société présente un actif net comptable de 100.000 EUR. Il existe une plus-value latente sur un immeuble pour 50.000 EUR. L’Actif Net Corrigé pourra alors être calculé comme suit : Actif net comptable : Plus-value immobilière 1: Fiscalité latente sur plus-value immobilière :
100.000 EUR + 50.000 EUR - 17.000 EUR2 ___________ 133.000 EUR
Notons que la prise en compte d’un impôt latent dans le cadre d’une évaluation patrimoniale dépend fortement du contexte dans lequel se place l’évaluation.
5.
Points d’attention liés à la fiscalité
•
Partage de l’impôt latent
Dans le cas de l‘évaluation d’une société immobilière à actif immobilier unique (contexte achat/vente), la question qui peut se poser est de savoir si l’acquéreur va uniquement acheter le bâtiment (« asset deal ») ou les titres de la société (« share deal »). Il est fréquent que l’acquéreur préfère acquérir les titres de la société, lui permettant d’épargner les droits d’enregistrement sur l’acquisition de l’immeuble. Le vendeur, quant à lui, pourra bénéficier de l’exonération de la plus-value réalisée sur la cession de ces titres en vertu de l’article 192 du CIR. Dans un tel cas, et pour le calcul de la valeur de la société, on opte généralement pour un partage dit "fair" (50/50) de l’impôt latent (33,99 %) sur la plus-value latente afférente aux actifs immobilisés, entre l’acquéreur et le vendeur, partant de 1 2
Hypothèse : valeur nette comptable = 100.000 Eur et valeur vénale expertisée = 150.000 Eur 50.000 EUR * 34% d’ISOC = 17.000 EUR, pour autant toutefois qu’il n’y ait pas de pertes fiscales récupérables, déductions pour intérêts notionnels ou pour investissements et RDT reportés / récupérables.
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l'idée que l'acquéreur des titres fera l'économie des droits d'enregistrement s'il a acquis les titres plutôt que les actifs, et que la société (et donc ses actionnaires) fera l'économie de l'ISOC sur les plus-values comptablement non réalisées. L’Actif Net Corrigé « fair » pourrait alors être calculé comme suit : Actif net comptable : Plus-value immobilière 3: Fiscalité latente sur plus-value immobilière :
•
100.000 EUR + 50.000 EUR - 8.500 EUR4 ___________ 141.500 EUR
Asset deal vs Share deal
Dans l’exemple simplifié repris ci-dessus, comparons une transaction sur titres à une transaction sur actif.
Plaçons-nous dans le chef d’un candidat acheteur du bien immobilier, seul actif de la société, et examinons le coût global pour lui, mais également les conséquences pour l’actionnaire ou la société cédante. •
Achat de l’actif : coût pour l’acquéreur : 150.000 Eur + 14% de frais et droits d’enregistrement
•
Achat des titres : coût pour l’acquéreur : 141.500 Eur
Sans rentrer dans les détails complexes qui sont nécessaires pour aller au bout du raisonnement (identité de l’acquéreur personne physique ou morale, la manière de traiter le bénéfice pour le vendeur des titres personne physique ou le vendeur société qui vend l’actif, la manière de sortir les liquidités de la société,…) signalons qu’il existe une « équation » qui permet de passer du prix de cession de l’actif au prix de cession des titres.
3
4
Hypothèse : valeur nette comptable = 100.000 EUR et valeur vénale expertisée = 150.000 EUR 50.000 EUR * 34%/2 d’ISOC = 8.500 EUR, pour autant toutefois qu’il n’y ait pas de pertes fiscales récupérables, déductions pour intérêts notionnels ou pour investissements et RDT reportés / récupérables.
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•
Impact des réserves immunisées
Par ailleurs, le professionnel sera attentif à la composition fiscale des capitaux propres de la société évaluée. Si ces capitaux propres contiennent des réserves non taxées, il conviendra d’en tenir compte et de dégager une latence fiscale passive étant donné que ces réserves subiront l’impôt lorsqu’elles ne satisferont plus à la condition d’intangibilité (ce qui arrivera par exemple si la société aliène un actif concerné, ou distribue des réserves disponibles immunisées).
Prise en considération des plus-values de réévaluation comptabilisées, dans le calcul des latences fiscales Les plus-values de réévaluation « intangibles » et donc non encore taxées doivent quant à elles être extra-comptablement extournées contre la réévaluation de l’actif réévalué. La latence fiscale se calculera sur base de la valeur nette comptable du bien (hors plus-value actée). Exemple •
Terrains (valeur nette comptable) :
3.000.000 EUR
•
Terrains (réévaluation) :
2.000.000 EUR
•
Plus-value de réévaluation (compte #12) :
2.000.000 EUR
•
Valeur d’expertise de
6.500.000 EUR
La plus-value réelle, par rapport à la valeur nette comptable, est de 3.500.000 EUR (et non de 1.500.000 EUR). L’impôt latent à considérer en déduction doit donc être calculé sur ce montant.
•
Cas particulier des réserves immunisées visées à l’article 47 du CIR
Un cas particulier se pose à l’évaluateur dans le cas de réserves immunisées constituées dans le cadre d’une taxation étalée de plus-values réalisées (article 47 du CIR). Ce cas est relativement fréquent dans le cadre de sociétés immobilières immunisant temporairement les plus-values réalisées sur ventes d’actifs, sous conditions de remploi.
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L’évaluateur devra vérifier si les conditions visées à l’article 47 du CIR sont respectées. Dans le cas contraire, l’impôt sur la plus-value temporairement exonérée, majoré des intérêts de retard légaux, viendra impacter négativement la valeur de la société. Il est à noter que, dans ce cas, l’impôt n’est pas latent mais bien exigible. Il s’agit d’une dette certaine. Dans le cas de réserves immunisées valablement constituées, l’évaluateur devra actualiser l’impôt qui sera effectivement payé au cours des exercices futurs, faisant en sorte que, au moment de l’évaluation, l’évaluateur appliquera un taux d’impôt plus faible que le taux réel d’impôt, compte tenu de son actualisation. . Il conviendra dès lors de revoir extra-comptablement le montant comptabilisé sous la rubrique des « impôts différés » (comptes 168).
Exemple Considérons une plus-value étalée de 10.000 KEur et donc un impôt latent de 3.400 KEur. Le bien acquis en remploi (en 2010) est amorti en 10 ans. En actualisant, au 1er janvier 2010, l’impôt à payer (340 KEur par an) à un taux d’actualisation s’élevant, par hypothèse, de 5%5, on s’aperçoit que le taux d’impôt est de 26,26% au lieu de 34%.
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
340
340
340
340
340
340
340
340
340
340
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
324
308
294
280
266
254
242
230
219
209
5
TOTAL 3.400
TOTAL 2.626
La détermination du taux d’actualisation sera abordée plus loin dans ce syllabus _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 16 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT
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•
Existence de déficits fiscaux reportables.
La prise en compte ou non d’un impôt latent peut être influencée par l’existence de déficits fiscaux reportables (pertes reportables, excédent de déduction pour capital à risque, de revenus définitivement taxés ou de déductions pour investissement). Il est important de retenir que l’utilisation / la valorisation de ces déficits ne pourra s’effectuer que dans le cas où aucun changement de contrôle de la société ne répondant pas à des besoins légitimes à caractère financier ou économique n’est intervenu ou n’interviendra consécutivement au rapport d’évaluation. En effet l’article 207 al.3 du CIR prévoit que : « En cas de prise ou de changement, au cours de la période imposable, du contrôle d'une société, qui ne répond pas à des besoins légitimes de caractère financier ou économique, ne sont pas déductibles des bénéfices de cette période, ni d'aucune autre période imposable ultérieure : - par dérogation à l'article 72, la déduction pour investissement non accordée en cas d'absence ou d'insuffisance de bénéfices des périodes imposables qui précèdent la période citée en premier lieu; - par dérogation à l'article 205quinquies, la déduction pour capital à risque non accordée en cas d'absence ou d'insuffisance de bénéfices des périodes imposables qui précèdent la période citée en premier lieu; - par dérogation à l'article 206, les pertes professionnelles antérieures. » Dans le cas fréquent d’évaluation pour le compte d’un acheteur potentiel, les déficits fiscaux reportables devraient être considérés comme des non-valeurs. Par contre, dans le cas contraire, il conviendra de déduire des latences fiscales passives dégagées, l’impôt économisé du fait de l’existence de latences fiscales actives (déficits fiscaux reportables). Il est par ailleurs possible de valoriser les déficits fiscaux lorsque ceux-ci sont supérieurs aux latences fiscales passives dégagées. Le solde pourrait être actualisé sur la durée prévisionnelle dont la société aura besoin pour utiliser cet excédent de déficit. L’évaluateur veillera donc à ce que la société soit un jour à même de les utiliser, faute de quoi ces déficits seront à nouveau considérés comme étant des non-valeurs.
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6.
Limites à la méthode statique
La méthode statique permet d’évaluer la valeur patrimoniale de la société à un moment donné, indépendamment de sa capacité à générer des revenus futurs ou de son niveau de rentabilité, ce qui rend son application limitée à certains types de sociétés. La méthode patrimoniale ne prend en effet en compte que ce qui est repris au bilan pour le porter à sa « valeur de marché estimée ». Or, une partie significative de la « valeur incorporelle » d’une entreprise peut ne pas être valorisée à son bilan.
Cette méthode n’est donc relevante que pour des sociétés sans réelle activité, si ce n’est la détention et la gestion d’actifs immobilisés, telles les « sociétés-villas », holdings passives ou sociétés à portefeuilles. Notons par ailleurs, qu’en général, la valeur patrimoniale d’une société consistera le prix-plancher au dessous duquel un cédant n’acceptera pas de descendre.
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7.
Exercice
Vous êtes chargés d’évaluer la société X dont les comptes vous sont présentés cidessous. ACTIF Frais d'établissement
3.000
Immobilisations incorporelles Logiciels informatique
20.000 20.000
Immobilisations corporelles
425.000
Terrains et constructions
300.000
Autres immobilisations corporelles
125.000
Immobilisations financières Cautions diverses
2.000 2.000
Créances > 1 an
125.000
Stock de marchandises
250.000
Créances < 1 an
550.000
Créances commerciales Valeurs disponibles Comptes de régularisation TOTAL DE L'ACTIF
550.000 135.000 35.000 1.545.000
PASSIF Capital
125.000
Réserves disponibles
250.000
Réserve légale
12.500
Bénéfice reporté
150.500
Dettes > 1 an
450.000
Etablissements de crédit Dettes < 1 an
450.000 517.000
Dettes > 1 an échéant dans l'année
102.000
Dettes commerciales
310.000
Dettes fiscales, salariales et sociales
105.000
Comptes de régularisation TOTAL DU PASSIF
40.000 1.545.000
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Les informations suivantes vous sont par ailleurs communiquées : • Les immobilisations corporelles comprennent l'immeuble abritant l'exploitation, acquis pour une valeur historique de 400.000 € ; • Sa valeur actuelle après expertise s'élève à 750.000 € ; • Les autres immobilisations corporelles concernent des machines, outillages, mobiliers et matériels roulants régulièrement amortis et dont la valeur de marché est sensiblement identique à leur valeur nette comptable ; • Les stocks comprennent un lot stock dormant depuis 3 ans pour 50.000 €. Le dirigeant estime pouvoir encore vendre ce lot en 2010 et en récupérer 10.000 € ; • Les créances commerciales comprennent des clients en retard de paiement de plus de 12 mois, pour un montant TVA 21% incluse de 60.500 €. • Les dettes commerciales présentent des soldes fournisseurs de plus de 2 ans pour un montant TVA 21% incluse de 24.200 €. L'analyse de ces comptes montre que 12.100 € correspondent à des dettes vis-à-vis d’un fournisseur tombé en faillite courant 2005 et pour lesquelles le curateur ne s'est jamais manifesté. • La société est en base imposable
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Réponse EUR Actif Passif exigible Actif Net non corrigé
1.545.000 -1.007.000 538.000
Corrections de l'actif - Frais d'établissement = non valeur - Plus-value latente sur l'immeuble (750.000 - 300.000) - Stock dormant - Créances commerciales agées ( 60.500 / 1,21)
-3.000 450.000 -40.000 -50.000
Corrections du passif - Dettes commerciales (12.100 / 1,21) Corrections totales Impact fiscal (34% * 367.000) Valorisation finale
10.000 367.000 -124.780 780.220
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B.
1.
METHODES « DYNAMIQUES »
Introduction
Comme expliqué ci-dessus, l’approche « statique » présente l’inconvénient majeur de ne traiter que les « acquis » de la société à évaluer, sans prendre en considération le futur de celle-ci, soit ses perspectives de développement et ses capacités à générer du rendement dans le futur. Des modèles plus « dynamiques » reposant sur la rentabilité « normative » de l’entreprise à évaluer ont donc été développés. Un très grand nombre de méthodes d’évaluation de type « dynamiques » coexistent. Il faudra réellement combiner jugement et expérience, pour ne retenir que celles qui sont véritablement pertinentes, et dont l’application convergera vers un faisceau de valeurs cohérentes.
2.
Valeur de rendement
Cette méthode, très générale, est basée sur l’actualisation sur une période de temps limitée des résultats futurs de la société, corrigés, le cas échéant, des éléments non récurrents et tenant compte de l’inflation, afin de dégager des résultats dits « normatifs ».
ou
Où i = taux d’actualisation t = durée d’actualisation _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 22 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT
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Méthodologie : a)
Détermination de la composante à actualiser
Les résultats normatifs soumis à l’actualisation peuvent être les suivants : • le résultat net récurrent6 ; • les dividendes distribués moyens ; • le cash-flow. Le choix de la composante qui sera utilisée est dépendant de l’activité de la société. Retenons que l’actualisation de flux de dividendes n’est applicable que si la société évaluée a mis en place une politique de distribution systématique.
b)
Détermination du taux d’actualisation (méthode très simplifiée)
Après avoir déterminé la composante qu’il faudra actualiser, il faut déterminer le taux d’actualisation à retenir, c'est-à-dire le taux de rendement théoriquement exigé par les actionnaires de la société, eu égard au degré de risque rencontré. En tout état de cause, ce taux doit correspondre au minimum au taux sans risque (en Belgique, taux OLO, c'est-à-dire rendement des Obligations de l’Etat belge à 10 ans, à la date de l’évaluation) sans quoi l’investisseur actionnaire préférera se tourner vers un placement sans risque. En pratique donc, et de manière simpliste, on ajoutera toujours à ce taux une prime de risque dépendant de l’activité de l’entreprise et des attentes du marché. La prime de risque s’établira dans une fourchette comprise entre 50% et 200% du taux sans risque, selon les caractéristiques de l’entreprise. Ces primes de risque sont publiées par les services Corporate Finance des banques d’affaires. Des méthodes plus élaborées sont utilisées pour déterminer le taux d’actualisation à retenir :
6
C’est-à-dire corrigé des éléments exceptionnels (hors activité) et/ou non récurrents _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 23 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT
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c)
Détermination du taux d’actualisation (méthode dite du WACC)
Le coût moyen pondéré du capital (CMPC) (en anglais, weighted-average cost of capital – WACC) correspond au taux de retour sur investissement exigé par l’actionnaire, compte tenu du niveau du risque encouru et du coût net de l’endettement de la société visée. En somme, il s’agit d’effectuer la moyenne pondérée du coût de tous les modes de financement de la société, qu’ils soient internes (capitaux propres) ou externes (emprunts). Ce qui permet de faire calquer le plus fidèlement possible le taux d’actualisation sur la structure réelle du financement de l’entreprise. Les coûts de financement interne correspondent au pourcentage de return sur capitaux propres attendu/exigé par les actionnaires ; Les coûts de financement externe correspondent au(x) taux d’intérêt de l’endettement financier, après correction pour tenir compte de l’économie fiscale liée à la déductibilité des charges d’intérêts. C’est ainsi qu’à un taux d’intérêt bancaire (brut) de 6% correspond un taux d’intérêt bancaire (net d’économie fiscale) de 6% moins (1-33,99%) x 6%, soit 3,96 %. Le WACC peut ainsi être calculé selon la formule suivante :
Où k = WACC VCP = valeur des capitaux propres VD = valeur de la dette kCP = coût des capitaux propres (rendement exigé par les actionnaires) kD = taux d’intérêt auquel la société peut s’endetter IS = le taux d’impôt des Sociétés
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Le WACC accorde une importance particulière au mode de financement de la société à évaluer. En effet, selon cette méthode, le taux d’actualisation appliqué à une même société sera différent selon qu’elle se finance surtout via capitaux propres ou via emprunt à des tiers. En pratique, c’est parfois un WACC calculé sur la base d’une situation normative du rapport capitaux propres/dettes qui est calculé, pour éviter de prendre la référence sur une situation qui serait non représentative du rythme de croisière de l’entreprise.
d)
Coût des capitaux propres et CAPM
La principale difficulté est la définition de la composante kCP (coût des capitaux propres) qui représente l’exigence rentabilité des capitaux propres. Sauf cas particuliers, cette exigence de rentabilité correspond à ce qui pourrait être obtenu par les actionnaires de la société en cas d’investissements dans des sociétés comparables, présentant un même risque spécifique, sur un marché financier ouvert. Pour cela, on utilise le modèle d’équilibre des actifs financiers (en anglais, capital asset pricing model – CAPM) qui revient à rendre une évaluation théorique d’un actif financier sur un marché équilibré. Cette méthode sous-tend l’existence d’un marché où les actifs financiers sont aisément négociables. Selon cette méthode, la rentabilité attendue par un actionnaire équivaut au taux d’intérêt sans risque augmenté d’une prime de risque de marché. Cette prime de risque de marché correspond à la différence entre le taux de rendement moyen du marché des actions et le taux d’intérêt sans risque. La prime de risque ainsi dégagée est une prime moyenne basée sur l’analyse de portefeuilles diversifiés. Elle doit donc être affinée en tenant compte du risque spécifique de l’entreprise évaluée. Ce risque spécifique est représenté par le coefficient β qui traduit la volatilité du titre évalué par rapport à l’ensemble du marché. Dans le cas d’un risque spécifique correspondant au risque moyen, le coefficient β sera égal à 1.
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La formule de détermination du coût des capitaux propres peut donc être représentée comme suit : kCP = Ro + β (Rm – Ro) Où kCP = coût des capitaux propres (rendement exigé par les actionnaires) Ro = taux sans risque Rm = taux de rendement moyen du marché La détermination du coefficient β posera problème lorsqu’il s’agira d’évaluer une société non cotée car il sera impossible de déterminer un β historique sur base de l’évolution de son cours de bourse par rapport au marché. Afin de déterminer le β de société non cotées, il faudra se référer à des sociétés cotées aux caractéristiques comparables ou actives dans le même secteur. Les banques d’affaires et autres cabinets spécialisés disposent de bases de données relatives aux β dits sectoriels tirés de sociétés cotées actives sur un même marché et calculés de manière homogène. Exemple de calcul d’un WACC
Taux sans risque Bêta
3,50% 0,85
Prime de risque du marché
7,50%
Coût des capitaux propres
9,88%
Coût de la dette (brut) Taux d'impôt Coût de la dette
5% 30% 3,50%
% capitaux propres
60%
% dette
40%
WACC
7,33%
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e)
Détermination de la période d’actualisation
Etablir des prévisions de résultats sur une longue durée n’est pas chose aisée, étant donné la difficulté de prévoir les événements internes ou externes qui se produiront dans le futur (exemple : crise financière de fin 2008-2009). Par conséquent, la durée d’actualisation doit être limitée à une période raisonnable afin d’éviter des prévisions trop hypothétiques. En pratique, l’évaluation s’effectue sur une période de 3 à 8 ans. Plus le business dans lequel la société est active est en évolution, plus il sera conseillé d’appliquer l’actualisation sur une période courte. Notons aussi que plus la durée d’actualisation est longue, plus la prime de risque sera élevée, étant donné le niveau accru d’incertitude. f)
La méthode « Gordon Shapiro »
Notons que, dans le cas d’une actualisation des flux de dividendes, une méthode appelée « Gordon Shapiro » est fréquemment utilisée. Cette méthode consiste en l’actualisation des flux de dividendes futurs attendus par la société, compte tenu d’une croissance linéaire du dividende distribué. La valeur de l’action est alors égale au rapport du dividende sur la différence entre le taux de rentabilité exigé des actionnaires et le taux de croissance linéaire du dividende. La formule de la méthode « Gordon Shapiro » est donc la suivante :
Où Po = valeur de l’action D1 = dividende normatif k = taux de rendement exigé de l’actionnaire g = taux de croissance linéaire du dividende
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3.
Discounted free cash-flows – Actualisation des cash-flows libres
Cette méthode revient à évaluer un actif économique à la somme des (de tous les) flux de trésorerie qu’il sera amené à rapporter dans le futur. Pour ce faire, l’évaluateur se basera sur des flux de trésorerie prévisionnels fournis par la société. Ces flux devront être actualisés à un taux de rendement représentatif du risque encouru par les investisseurs. La méthode des free cash flow est incontestablement la méthode préférée des experts financiers, car elle est précise et aborde l’évaluation de l’entreprise de manière globale et complète. Méthodologie a)
Détermination des cash-flows libres
Le cash-flow libre correspond à l’ensemble des flux financiers générés par l’activité de la société et qui sont susceptibles de retourner vers les bailleurs de fonds et les actionnaires.
Ceci nécessite donc l’établissement d’un budget prévisionnel, sur base d’une hypothèse de croissance définie par le management de la société, ce qui implique une incertitude quant à la réalisation effective de ce plan d’affaires. L’évaluateur se trouvera dans l’impossibilité de se prononcer sur des éléments prévisionnels. Il devra néanmoins analyser avec un regard critique la cohérence du plan d’affaires et la rigueur méthodologique avec laquelle ce plan a été élaboré, en particulier les données de référence et les hypothèses de croissance qui leur seront appliquées.
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Le cash-flow libre se calcule comme suit : Résultat d’exploitation Impôts + Charges non décaissées Produits non encaissés Investissements financés sur fonds propres + Valeur de réalisation des désinvestissements +/- Variation du besoin en fonds de roulement +/- Variation de l’endettement financier (à long et court terme)7 Il conviendra d’être prudent sur la définition des produits non encaissés et des charges non-décaissés. En effet, les dotations aux réductions de valeur sur créances commerciales et stocks sont fréquemment considérées erronément comme des charges non-décaissées. Si d’un point de vue comptable, il s’agit effectivement de charges non décaissées, d’un point de vue opérationnel, il s’agit en fait d’une sorte d’absence d’encaissement de produits qui ne devrait pas, de notre point de vue, être retraitée en tant que charge non décaissée. Il existe deux types de cash flow-libres : •
•
b)
Le cash-flow libre opérationnel (Free cash flow to the firm), qui se calcule avant remboursement de la dette et charges d’intérêts. Il permet de calculer le flux de trésorerie disponible pour les bailleurs de fonds et les actionnaires. Le cash-flow libre après remboursement de la dette et charges d’intérêts (Free cash flow to Equity). Il permet de calculer le flux de trésorerie disponible pour les actionnaires uniquement. Détermination du taux d’actualisation
Dans le cas d’une évaluation basé sur le Free cash flow to the firm, le taux d’actualisation sera calculé sur base du WACC (cfr ci-dessus).
7
Variation de l’endettement financier exclue dans le cadre du calcul du Free cash flow to the firm. _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 29 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT
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S’il s’agit d’une évaluation basée sur le Free cash flow to Equity, on ne prendra en compte que le taux de return exigé des actionnaires. La seconde composante du WACC, à savoir le coût du financement externe, n’est pas relevant car le Free cash flow to Equity permet de dégager les flux de trésorerie distribuables aux actionnaires, qui sont donc les seuls concernés. c)
Détermination de la durée d’actualisation
Les cash flows libres sont considérés sur deux périodes. Pendant une première période (3 à 5 ans le plus souvent) pour laquelle la visibilité est suffisante, ils sont calculés selon un business plan détaillé. Ensuite, la société est supposée garder un rythme de croisière, en effectuant les investissements de remplacement nécessaires pour le maintien de son activité. Un taux de croissance constant est dès lors appliqué aux cash flows libres, correspondant à l’inflation prévue à long terme. d)
Détermination de la valeur de l’entreprise
Aux cash-flows libres de croissance actualisés, on ajoute la valeur terminale telle que décrite ci-dessus, on obtient ainsi la valeur d’entreprise (Entreprise Value) qui est censée représenter la valeur du business dans laquelle l’entreprise évaluée est active. La valeur des titres (valeur de l’entreprise – Equity value) sera déterminée en ajoutant à la valeur d’entreprise la trésorerie nette de la société8 ou en soustrayant son endettement net9
4.
Avantages et inconvénients des méthodes dynamiques
Contrairement aux méthodes patrimoniales statiques, les méthodes dynamiques présentent l’avantage d’évaluer les perspectives d’avenir de la société et non pas uniquement son passé. Et l’on sait que lorsque par exemple un acheteur/investisseur envisage de racheter une société au prix correspondant à l’évaluation qui en est faite, il espère récupérer le prix investi par le rendement procuré par la société elle-même. Le rendement de son investissement (création de valeur et dividendes) est directement fonction de la rentabilité susceptible d’être générée par la société au lendemain de sa reprise. Il en découle que le juste prix à payer pour la société doit être directement lié à sa rentabilité escomptée. 8
Equivalents de trésorerie – dettes financières long terme et court terme Dettes financières long terme et court terme – équivalents de trésorerie _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 30 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT 9
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Les méthodes dynamiques permettent donc d’avoir une vue plus complète sur le potentiel de l’entreprise en valorisant indirectement des éléments incorporels (savoir-faire, clientèle…) qui ne sont pas valorisés comptablement. Les méthodes statiques ne procèdent quant à elles qu’à la revalorisation de l’existant. Les méthodes dynamiques présentent toutefois le désavantage d’être très sensibles aux variations de taux et de durée d’actualisation des flux économiques. C’est la raison pour laquelle, au terme des diligences accomplies lors du calcul d’une valeur de rendement, il est d’usage de faire une « analyse de sensibilité » de la valeur à la variation d’un ou plusieurs paramètres. On observe ainsi de combien bouge la valeur si l’on fait varier un rien le taux d’actualisation, le taux de croissance à long terme ou encore le β. Par ailleurs, le recours nécessaire à des business plan, informations prévisionnelles et autres budgets implique un degré d’incertitude assez élevé que l’évaluateur s’efforcera de réduire en analysant consciencieusement ces documents prévisionnels quitte à prendre lui-même position, en précisant lui-même l’hypothèse retenue.
C.
METHODES « MIXTES »
Les méthodes mixtes consistent en une combinaison entre des éléments de valorisation intrinsèque et de valorisation dynamique. Elles sont très couramment utilisées par les experts-comptables, car elles sont relativement faciles à mettre en œuvre, et à expliquer aux clients.
1.
Rente de goodwill
Cette méthode consiste à ajouter à l’actif net corrigé tel que déterminé selon la méthode statique (voir supra) la capitalisation d’une survaleur (le « goodwill) déterminée de manière forfaitaire, lié à sa réputation, à la valeur de son équipe, à son nom, ses marques, son réseau de distribution. Cette survaleur correspond à la différence de return entre un investissement dans la société évaluée et un investissement sans risque.
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Où ANC = Actif net corrigé t = taux risqué B= Bénéfice net moyen i = taux sans risque Le goodwill peut donc être estimé comme suit : Bénéfice net moyen10 – (Actif net corrigé * taux sans risque) Le but de cette méthode est de remédier à l’une des limites de la méthode statique : l’absence de valorisation d’éléments incorporels qui ne sont pas repris dans l’actif net comptable de la société, et qui sont susceptibles de créer de la valeur demain, et sont donc à prendre en considération. Cela revient à attribuer une valeur au « fonds de commerce » (clientèle, savoir-faire, etc…) de la société. Ce goodwill sera ensuite multiplié par un coefficient d’actualisation (taux risqué) et actualisé sur une période de 5 à 8 ans, selon la doctrine la plus générale.
2.
Méthode dite des multiples
Dans ce cas, on ajoute à l’actif net corrigé un multiple d’agrégat financier (bénéfice, EBIT, EBITDA, bénéfice net, chiffre d’affaires…)
Pour certaines professions libérales, il existe des multiples communément admis. Par ailleurs, des tables barémiques ont été mises en place par certaines administrations fiscales (françaises notamment) reprenant, pour un grand nombre d’activité, le multiple à appliquer, généralement sur le chiffre d’affaires mais parfois également sur le bénéfice net. La doctrine financière a évolué les dernières années.
10
corrigé des éléments exceptionnels afin de dégager un bénéfice moyen « normalisé » _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 32 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT
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Ces méthodes très forfaitaires apparaissent dès lors quelque peu obsolètes par rapport aux autres méthodes désormais davantage retenues. Elles sont cependant toutefois encore utilisées dans le cadre d’évaluation de fonds de commerce de professions libérales, ou de certains types de commerces. Il n’est pas interdit de les utiliser comme méthodes de recoupement.
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VI.
METHODES ANALOGIQUES-
Les méthodes d’évaluation dites « analogiques » consistent à valoriser les titres d’une société par référence au cours de bourse d’une société cotée comparable, ou par référence à des transactions elles-également considérées comme comparables (transactions récentes). Pour que les références puissent être qualifiées de comparables, il faut idéalement : • qu’elles portent sur des secteurs d’activité identiques • que les tailles soient relativement similaires • que leur niveau de développement soit comparable C’est malgré tout rarement le cas. Mais cela n’empêche pas que ces méthodes soient appliquées car elles apportent la vision d’un angle complémentaire, en objectivant les valeurs par rapport à un marché ou à des références de transactions concrètes.
A.
METHODE DITE DES MULTIPLES BOURSIERS
Cette méthode consiste à appliquer à des données issues du compte de résultats de la société à évaluer, des facteurs de capitalisation (multiples) déduits de l’observation d’un échantillon international de valeurs du secteur le plus proche des activités de la société. Méthodologie La méthode des multiples vise à déterminer la valeur d’entreprise (EV) de la société par le biais d’un multiple de son EBITDA, de son EBIT, de son chiffre d’affaires, ou de son résultat net. La difficulté est d’estimer la valeur de ce multiple. Pour ce faire, la méthode des multiples revient à sélectionner une série de sociétés cotées, agissant dans un secteur identique à celui de la société cible et de déterminer leur valeur d’entreprise (EV).
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Pour ce faire, l’évaluateur prendra en considération la capitalisation boursière de sociétés cotées comparables, qui représente leur valeur de marché des capitaux propres (EqV). Afin de dégager la valeur d’entreprise (EV), il conviendra d’ajouter à cette capitalisation boursière la dette nette de la société comparable, ou de retrancher la trésorerie nette. Valeur d’entreprise = capitalisation boursière + dette (- trésorerie) nette (Enterprise Value = Equity Value + Net Debt) Ensuite, la valeur d’entreprise (EV) sera divisée par les agrégats économiques (EBITDA, EBIT, chiffre d’affaires ou résultat net) de chaque société comparable, afin de dégager une sélection de multiples. Multiple = Valeur d’entreprise / valeur de l’agrégat économique L’évaluateur dégagera alors un multiple moyen pour chaque agrégat, en prenant soin, le cas échéant d’éliminer les multiples qu’il considère, sur la base de son discernement et de son jugement professionnel, comme « anormaux ». Ce multiple moyen sera appliqué à l’agrégat le plus pertinent pour la société évaluée, permettant ainsi d’estimer la valeur de la société.
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Quelles variables choisir ? Le choix des agrégats économiques à utiliser dépend des spécificités de la société à évaluer par rapport à celles constituant l'échantillon de sociétés comparables. Les ratios (multiples) les plus couramment utilisés mettent en rapport : • P/E = Cours de bourse et résultat net courant • EV/EBITDA • EV/EBIT • EV/Sales Avec : • • •
EV = Enterprise Value P = capitalisation boursière = Equity Value = EqV = cours de l’action x nombre d’actions en circulation E= Earnings = résultat (normal) annuel P/E
On calcule ainsi le nombre de résultats (acquis à l’année n ou attendus pour l’année n+1) que représente la cotation actuelle de l’action.
EV/EBITDA
Ce paramètre revient à évaluer la société sur la base du profit généré indépendamment de sa structure de financement (charges d’intérêts), des contraintes fiscales ou avantages fiscaux, des amortissements et des provisions. EBITDA = Earnings Before Interest, Tax, Depreciation and Amortization = +/- Cash flow d’exploitation L’EBITDA est un des agrégats privilégiés car il permet de dégager un nombre plus important de comparables étant donné que ni la fiscalité locale, ni le mode de financement de la société n’ont d’impact sur la valorisation de la société. Cela permet d’étendre le spectre de sociétés comparables à analyser et d’utiliser des critères plus pointus pour la sélection de ces comparables.
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Etant une notion non normalisée, il faut être attentif aux différentes définitions qui peuvent être données à l’EBITDA. En effet, nombreux sont ceux qui considèrent que toutes les charges non décaissées doivent être exclues de l’EBITDA, en ce compris les réductions de valeurs actées sur stocks et autres actifs circulants. Comme expliqué ci-dessus, nous considérons que ces éléments doivent être inclus dans l’EBITDA, notamment au motif qu’il s’agit de produits qui auraient dus être encaissés mais qui ne le sont finalement pas. L’évaluateur fera également attention au traitement du résultat exceptionnel et à l’interprétation qui en est faite.
EV/EBIT
L’EBIT revient à évaluer une société sur la base du profit généré hors impact des charges financières et contraintes fiscales. EBIT = Earnings Before Interest and Tax = +/- Résultat d’exploitation
En comparaison à l’EBITDA, cet agrégat exclut les sociétés comparables ayant une stratégie d’investissement et d’amortissement différente de la société évaluée. Elle reste néanmoins un des paramètres les plus utilisés par les professionnels.
EV/Sales
Dans ce cas, l’évaluation se base sur la capacité de la société à générer des ventes. On valorise la part de marché de l’entreprise indépendamment de sa structure de coût et de sa capacité à dégager du profit. L’utilisation du chiffre d’affaires dans le cadre de l’évaluation par multiples boursiers est assez rare étant donné que peu de sociétés tirent un avantage concurrentiel déterminant sur la seule base de leur chiffre d’affaires sans tenir compte d’autres paramètres.
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EV/Equity
Les capitaux propres sont également parfois cités comme agrégat possible. Néanmoins, ils sont peu utilisés dans le cadre de l’évaluation par multiples boursiers car leur niveau est fortement dépendant de la politique de distribution de dividendes des sociétés. De plus, depuis l’apparition des IFRS, les capitaux propres des groupes cotés sont plus volatiles suite à l’existence d’opérations comptabilisées directement contre les capitaux propres (juste valeur des instruments financiers de couverture, actions propres…) Obstacles et limites La difficulté pratique liée à l’application de la méthode dite des « multiples » réside tout d’abord dans la disponibilité de l’information. En effet, en cas d’absence de marché comparable et/ou de sociétés cotées comparables, la méthode des multiples boursiers ne peut être appliquée. La société évaluée doit donc être active dans un marché concurrentiel et être de taille significative afin qu’il soit possible de constituer l’échantillon de sociétés cotées comparables. L’accès à de telles bases de données a un coût très important, qu’il est impossible d’amortir sur un petit nombre de missions. Seules les banques d’affaires et cabinets spécialisés y ont donc accès. Par ailleurs, la valeur d’entreprise (EV) calculée sur la base de multiples boursiers implique, par définition, que les titres des sociétés comparables sont parfaitement liquides, car cessibles à tout moment sur un marché réglementé. Dans le cas où la société évaluée n’est pas cotée, la liquidité des titres évalués est évidemment diminuée. Il en résulte que l’évaluateur devra, pour toute rigueur, prendre en compte une décote d’illiquidité (voir ci-après) par rapport à la valeur d’entreprise calculée sur base de comparables boursiers.
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L’approche par comparables boursiers présente certaines limites liées notamment à l’absence d’harmonisation des normes comptables et à l’imprécision engendrée par les différences de métiers et de taille entre les différents intervenants d’un même secteur. Enfin, l’approche par les multiples ne traduit que très imparfaitement les besoins d’investissement des sociétés. Enfin, en présence d’un tel marché, il reste encore la difficulté d’effectuer une analyse de comparables cohérente et de s’assurer que certaines sociétés comparables n’aient pas été retirées de la sélection car ne correspondant pas à la valeur souhaitée.
B.
METHODE DITE DES TRANSACTIONS COMPARABLES
La seconde méthode analogique est une variante permettant de déterminer les multiples à appliquer aux agrégats économiques (EBIT, EBITDA…) sur la base des multiples pratiqués lors de transactions récentes dans un secteur similaire à celui de la société évaluée. L’approche de valorisation par les transactions comparables du secteur constitue une approche dite « majoritaire » qui est traditionnellement utilisée dans le cadre d’opérations conférant une majorité du capital des sociétés acquises. Les valeurs auxquelles l’évaluateur aboutira seront des valeurs incluant implicitement une prime de contrôle. Celle-ci est généralement de l’ordre de 25 à 30%. L’évaluateur sélectionnera des transactions récentes dans le secteur visé et déterminera, sur base des données chiffrées à sa disposition, à quel multiple d’EBIT, EBITDA, chiffre d’affaires… les transactions ont été conclues. Cette méthode permettra à l’évaluateur de se rendre compte des multiples pratiqués récemment et le confortera (ou non) dans les hypothèses qu’il a posées en utilisant d’autres méthodes. Tout comme expliqué pour la Méthode des comparables boursiers évoquée ciavant, l’accès à de telles bases de données est parfois complexe (difficulté à obtenir des données fiables sur l’ensemble des conditions de réalisation de ces opérations, ainsi que sur le montant des synergies anticipées) et a un coût très important, qu’il est impossible d’amortir sur un petit nombre de missions. Seules les banques d’affaires et cabinets spécialisés y ont donc accès. _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 39 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT
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VII.
METHODE DITE DE « SUM OF THE PARTS »-
Lorsqu’il s’agit de procéder à l’évaluation d’une société holding qui possède des activités diverses, exploitées au travers de filiales opérationnelles, l’approche d’évaluation à adopter consiste à faire la « Somme des parties » logées dans le holding. Cette méthode n’est qu’un cas particulier de la méthode d’Actif Net Corrigé. On procède habituellement comme suit : • On part des comptes statutaires de la société holding de tête, et l’on passe en revue chacune des filiales et chacun des actifs. • Les filiales opérationnelles sont évaluées sur la base de méthodes dynamiques (valeur de rendement, Discounted Free Cash Flow, multiples,..). • Les filiales immobilières sont évaluées sur la base du rendement des actifs immobiliers. On prend on considération un impôt latent passif sur les plusvalues latentes. • Les latences fiscales actives sont valorisées (s’il existe par exemple des actifs fiscaux telles pertes fiscales récupérables), en fonction des prévisions d’utilisation. • Les frais de gestion du holding (normaux annuels) sont actualisés, et déduits de la valeur. En procédant de la sorte, on revalorise ainsi de la manière la plus correcte chacun des pôles d’activités.
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VIII. DÉCOTES ET SURCOTES Les évaluations dont question aux chapitres précédents aboutissent toutes à approcher la valeur de 100% des titres, donc de la société dans son ensemble. Or, il arrive fréquemment que l’évaluation visée ne concerne qu’un certain pourcentage des titres d’une société. Dans ce cas, la simple multiplication de la valeur globale de la société par le pourcentage des titres n’est pas suffisante. En effet, selon le contexte dans lequel l’évaluation prend place, il peut y avoir lieu de tenir compte d’une décote ou d’une surcote (prime). L’analyse du contexte sera à faire avec circonspection. Avant d’appliquer de manière trop mécanique une décote, il faudra réfléchir à sa justification économique.
A.
DECOTES
Décote de minorité / décote d’illiquidité Deux états de fait sont susceptibles d’entraîner une décote : • lorsque les titres à évaluer ne permettent pas à l’acquéreur éventuel de devenir majoritaire, voire de « contrôler » la société ; • lorsque les titres à évaluer ne sont pas liquides, c’est-à-dire qu’il n’existe pas ou peu de marché pour leur revente (cas des sociétés non cotées). Cette seconde situation est cependant à nuancer. Les paquets de titres évalués en vue de leur cession subissent une décote si leur cession n’entraîne pas dans le chef de l’acheteur une prise de contrôle de la société dont les titres sont cédés. C’est particulièrement vrai dans le cadre de titres de sociétés non cotées pour lesquels le marché d’acheteur est relativement faible et où le pouvoir attaché aux actions cédées est très important.
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A l’opposé, on peut penser que des titres « minoritaires » d’une société cotée, facilement négociables sur un marché réglementé, ne doivent pas faire l’objet de décote étant entendu que le but de leur achat est de dégager à la revente une plusvalue spéculative et qu’il n’a jamais été question d’obtenir un contrôle de la société. Cette observation n’est évidemment pas valable dans le cadre d’offres publiques d’achat ou d’échanges où, au contraire, le but de l’opération est la prise de contrôle d’une société cotée. Dans ce cas-là, il faut envisager une surcote (prime) car la vente des titres conférera à l’acquéreur le contrôle de la société. Notons également que des actionnaires peuvent ajouter des conditions à la cession des actions, par la conclusion d’un pacte d’actionnaires prévoyant des clauses d’incessibilité ou de cessibilité limitée aux actionnaires existants. Dans ce cas, une importante décote d’illiquidité est à prévoir. Il n’existe aucune règle mathématique permettant de déterminer le pourcentage de décote à prendre en considération par rapport à la valeur de 100% des titres d’une société. Néanmoins, en pratique, il apparaît que les décotes constatées sont comprises dans une fourchette de 20 à 50%. On peut néanmoins avancer que l’importance de la décote sera inversement proportionnelle à la liquidité des titres à céder et à l’importance que leur détention revêt dans le chef de l’acquéreur. A titre d’exemple par l’absurde, admettons un actionnaire détenant 2% des titres d’une société et souhaitant s’en défaire. Aucun pacte d’actionnaire n’a été conclu. 1er cas : 98% des titres appartiennent à un seul actionnaire. 2nd cas : deux actionnaires détiennent 49% des titres chacun. Dans le 1er cas, une décote importante sera appliquée car : • il n’y a aucun marché extérieur pour ses titres étant donné que le seul acheteur intéressé est l’actionnaire majoritaire ; • les titres cédés n’apportent aucun contrôle complémentaire à l’actionnaire existant.
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Dans le 2nd cas, aucune décote ne sera appliquée. Il est même probable qu’il faille ajouter une surcote (prime) car : • il n’y a à nouveau aucun marché extérieur pour ces titres car seuls les actionnaires existants ont un intérêt à acheter ; • mais les titres cédés apporteront à l’acheteur le contrôle de la société étant donné qu’il détiendra alors 51% des titres. Décote de holding La décote de holding provient de la constatation que la capitalisation boursière de holdings cotés apparaît toujours plus faible que la somme des participations revalorisées qu’elle détient. Plusieurs explications justifient la décote de holding : • l’absence de choix par l’investisseur du portefeuille d’actifs dans lequel il souhaite être intéressé (particulièrement dans des holdings au portefeuille diversifié) ; • l’illiquidité du portefeuille titres (cfr ci-dessus) • l’existence de frais généraux et de fonctionnement inhérents à l’activité de holding • les déperditions fiscales inhérentes à l’activité de holding. Par ailleurs, la décote de holding sera d’autant plus importante si elle se couple à une participation minoritaire. Le minoritaire n’aura en effet aucun pouvoir sur l’octroi du dividende, ce qui constitue son unique motivation. Décotes de structure Certains évaluateurs préconisent également la prise en considération de décotes de structure pouvant représenter tant la dépendance d’une structure à la personnalité de ses fondateurs. Cette décote s’inscrit généralement dans la fourchette de 10 à 20%. De pareilles décotes sont également susceptibles d’être appliquées lorsque, dans le cadre d’une évaluation sur la base de comparables boursiers, l’échantillon des sociétés comparables sélectionnées comprend des entités de plus grande taille que la société évaluée.
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B.
SURCOTES
Comme indiqué ci-dessus, une surcote pourra être d’application lorsque les titres faisant l’objet de l’évaluation permettront à l’acquéreur de passer un seuil stratégique, augmentant son pouvoir de contrôle dans la société dont les titres sont cédés. Ce sera par exemple le cas à l’occasion de sortie d’actionnaires ayant une minorité de blocage aux Assemblées Générales ou dans le cadre d’opérations réglementées d’Offre Publique d’Achat ou d’Echange. Les primes de contrôle d’OPA observées en Belgique sur les dernières années étaient de l’ordre de 25%.
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IX.
CONCLUSIONS-
L’évaluation d’une entreprise n’est pas un exercice de mathématique, où l’on injecte des valeurs données à certains paramètres dans une ou plusieurs formules toutes faites. Il faut bien comprendre le métier de l’entreprise, d’où viennent la marge, la création de résultat et de la valeur. Etre capable de jeter un œil critique sur l’information financière passée et prévisionnelle, pour éviter de retenir des données qui ne seraient pas normatives. Il faut ensuite ne retenir que les approches et formules applicables au cas d’espèce, eu égard au contexte de l’évaluation. Et se rappeler que seule une approche « multi-critères » peut être adoptée, si l’on veut donner du crédit aux diligences accomplies. In fine il faudra également analyser soigneusement les résultats fournis par chaque approche retenue et essayer de comprendre les raisons pour lesquelles ils sont, le cas échéant éloignés ou divergents11. Une moyenne arithmétique simple ou pondérée des résultats obtenus pourra être calculée pour arriver à une valeur moyenne ou à une fourchette de valeurs finales, en ayant soin de prendre en considération des décotes ou primes, en fonction des cas d’espèces.
11
On pourrait par exemple observer que l’approche d’actualisation des cash flows conduit à une valeur supérieure à la méthode des multiples, et l’expliquer en disant que le plan d’affaires intègre un plan de développement audacieux, non encore traduit dans les résultats « multipliés ». _________________________________________________________________________________ BST Réviseurs d'Entreprises page 45 le 2 octobre 2010 Pascale TYTGAT