Le bon usage, M. Grevisse. Éd. Duculot Chapitre V: Le verbe
EMPLOI DES MODES ET DES TEMPS L’INDICATIF – LE SUBJONCTIF – L’IMPÉRATIF I.
L’INDICATIF
L’indicatif est le mode des phrases énonciatives et des phrases interrogatives, ainsi que des phrases exclamatives. C’est le mode du fait. Temps du passé: 1. L’imparfait a) Valeur générale. L’imparfait montre un fait en train de se dérouler dans une portion du passé. Il convient pour la description ou pour peindre les circonstances, le milieu où un fait se produit. Ex.: “Il neigeait. On était vaincu par sa conquête”. b) Emplois particuliers. L’imparfait narratif ou historique marque un fait qui a eu lieu à un moment précis du passé (indiqué par un complément de temps). Ex.: “Une demi-heure plus tard, il se déshabillait pour se mettre au lit” L’imparfait d’atténuation concerne un fait présent que l’on rejette dans le passé, pour ne pas heurter l’interlocuteur. Ex.: “Bonjour, monsieur. Je venais voir si vous aviez réfléchi” Après le “si” de condition, pour marquer un fait hypothétique présent ou futur. Le verbe principal est alors au conditionnel présent. Ex.: Si j’avais de l’argent, je vous en donnerais”. 2. Le passé simple Il exprime un fait complètement achevé à un moment déterminé du passé. Cela ne veut pas dire que le fait est dépourvu de durée, mais celle-ci n’est pas prise en considération. Ce temps a presque totalement disparu de la langue parlée (sauf, par exemple, dans le Midi, où il est encore vivant). Dans la langue écrite, il reste de plein usage: tant dans les journaux que dans la littérature. Quand il s’agit d’actions multiples, le passé simple les présente comme successives; c’est pourquoi il convient particulièrement à la narration. Ex.: “Claire écrivit la lettre. Mais le soir elle se plaignit d’être fatiguée et elle monta dans sa chambre plus tôt que d’habitude”. Dans l’expression “s’il en fut”, on a un passé simple figé. Ex.: “J’ai connu votre père, un digne homme s’il en fut”. 3. Le passé composé a) Valeur générale. Dans la langue écrite, ce temps exprime un fait passé, achevé au moment où l’on parle, mais que l’on considère comme en contact avec le présent. Ex.: “Aujourd’hui 5 janvier, je suis parti de Naples à sept heures du matin”. Mais il peut avoir aussi la valeur qu’a le passé simple dans la langue écrite. Ex.: “Guy de Maupassant est né le 5 août 1850, près de Dieppe”. b) Emplois particuliers. Il peut indiquer un fait futur, mais présenté comme s’il était déjà accompli. Le verbe est généralement accompagné d’un complément de temps. “Un peu de patience: j’ai fini dans un instant”.
Le bon usage, M. Grevisse. Éd. Duculot Chapitre V: Le verbe Après le “si” de condition, on emploie obligatoirement le passé composé pour exprimer un fait futur, antérieur à un autre fait futur exprimé par le verbe principal. Ex.: “Si dans deux heures la fièvre a monté, vous me rappellerez”. 4. Le plus-que-parfait a) Valeur générale. Il exprime un fait accompli qui a eu lieu avant un autre fait passé, quel que soit le délai écoulé entre les deux faits. Ex.: “Alain tourna la tête vers la porte-fenêtre béante d’où venait une douce odeur d’épinards et de foin frais, car on avait tondu les gazons dans la journée”. b) Emplois particuliers. Le plus-que-parfait d’atténuation concerne un fait présent que l’on feint en quelque sorte de rejeter dans le passé. Ex.: “J’étais venu pour vous rappeler ma pension”. Après le “si” de condition, on l’emploie obligatoirement pour exprimer un fait irréel situé dans le passé, le verbe principal étant au conditionnel passé. Ex.: “Si vous m’aviez appelé, je serais venu”. 5. Le passé antérieur Il est propre à la langue écrite. Il exprime un fait accompli, soit par rapport à un autre fait passé, soit par rapport à un repère appartenant au passé et explicité par un complément de temps. Ex.: “À Tahiti où il vivait après qu’il nous eut quittés …”, “Après que Jacques fut reparti, je me suis agenouillé près d’Amélie”. Les temps surcomposés du passé (surtout usités dans la langue parlée) marquent des faits accomplis par rapport à d’autres temps passés. Le passé surcomposé s’emploie le plus souvent par rapport à un passé composé. Ex.: “Quand il m’a eu quitté, j’ai réfléchi que …”. Le plus-que-parfait surcomposé s’emploie surtout par rapport à un plus-que-parfait. Ex.: “Un instant après que Zanga avait eu rapporté chez elle le coffre de ses marchandises, un homme tout sanglant s’était élancé dans sa chambre”. II.
LE SUBJONCTIF Le subjonctif indique que le locuteur (ou le scripteur) ne s’engage pas sur la réalité du fait. Au contraire de l’indicatif, le subjonctif dispose de moyens limités pour l’expression du temps: en particulier, il n’a pas de futur. Ces moyens sont encore plus réduits dans la langue courante que dans le registre soigné. Dans la langue parlée (ou dans la langue écrite ordinaire) le subjonctif a trois temps : a) Le présent : Il s’emploie pour exprimer le présent ou le futur ou un fait simultané ou postérieur par rapport au verbe principal. Ex. : « Qu’il sorte ! », « Je veux / voulais qu’il vienne ». b) Le passé : Il s’emploie quand il s’agit d’un fait passé par rapport au moment de la parole ou par rapport à un autre fait, même au futur ou pour exprimer un fait antérieur par rapport au verbe principal ou par rapport à un autre fait. Ex. : « Qu’il soit parti quand je rentrerai », « Je doute qu’il ait écrit hier ».
Le bon usage, M. Grevisse. Éd. Duculot Chapitre V: Le verbe c) Le passé surcomposé s’emploie lorsqu’on veut insister sur l’idée d’achèvement. Ex. : « Je suis parti avant qu’il ait eu fini de manger ». Dans la langue écrite, et surtout dans la langue littéraire, le subjonctif a quatre temps : le présent, le passé, l’imparfait et le plus-que-parfait. Leur usage est régi par ce que l’on appelle la concordance des temps. a) Lorsque le verbe principal est au présent ou au futur : on met le subjonctif présent pour exprimer un fait simultané ou postérieur par rapport au verbe principal et le subjonctif passé quand il s’agit d’un fait antérieur. Ex. : « Je souhaite qu’il accepte notre proposition ». b) Lorsque le verbe principal est au passé, il y a un usage propre à la langue écrite. Elle emploie l’imparfait pour exprimer un fait simultané ou postérieur par rapport au verbe principal et le plus-que-parfait du subjonctif quand il s’agit d’un fait antérieur par rapport au verbe principal. Ex. : « J’ai ordonné qu’il partît sur le moment, sans tarder » ; « Je regrettais qu’il fût parti depuis une heure ». On doit cependant signaler qu’il y a des exceptions à ces règles ou des emplois plus particuliers. Dans des expressions comme rien qui vaille, âme qui vive, coûte que coûte, vaille que vaille, on a un présent figé. Ex. : « Nous marchions depuis un bon bout de temps sans rencontrer âme qui vive… ». Après un conditionnel présent, on peut mettre le verbe de la proposition soit à l’imparfait, soit au présent du subjonctif, mais on conseille ce dernier. Ex. : « Il faudrait que chacun donnât son superflu aux pauvres » ; « La politesse voudrait que je vous dise merci ». « Avant que » est souvent suivi d’un temps marquant l’antériorité par rapport au verbe principal, alors que, logiquement, le verbe de la proposition exprime un fait postérieur. Ex. : « Mathias la perdit de vue avant qu’elle ne fût arrivée en bas ». III.
L’IMPÉRATIF
L’impératif est le mode des phrases injonctives et des phrases optatives. Il n’existe qu’à deux personnes : à la première du pluriel (nous) et à la deuxième du singulier et du pluriel (tu, vous). Et il s’emploie sans sujet exprimé. Ex. : « Dors bien ». Certains verbes sont dépourvus d’impératif, comme par exemple, pouvoir et devoir. Les temps de l’impératif On emploie d’ordinaire le présent, qui concerne le futur ou le présent. Ex. : « Partez la semaine prochaine », « Partez tout de suite ». Le passé est d’un emploi très restreint. Il concerne un fait qui devra être accompli à tel moment du futur (par rapport auquel il sera passé). Ce moment du futur est exprimé par un complément de temps (proposition, syntagme nominal, adverbe). Ex. : « Aie terminé ce travail quand je reviendrai », « Soyez partis demain »
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TABLEAU DE CONCORDANCE DES TEMPS Verbe principal
Relation entre les 2 Verbe subordonné verbes
Présent
Simultanéité ou
Impératif
Postériorité
Je doute qu’il vienne (aujourd’hui ou demain)
Futur Conditionnel
Subjonctif présent
Exemples
Antériorité
Subjonctif passé
Je regrette qu’il soit parti sans prévenir
présent
Elle fut heureuse Subjonctif imparfait qu’il acceptât son offre (français soutenu)
Imparfait Passé composé Passé simple
Simultanéité ou Postériorité
Subjonctif présent
Elle fut heureuse
(français standard)
qu’il accepte son
Plus-que-parfait
offre Subjonctif plus-que-
Passé antérieur Conditionnel passé
Antériorité
parfait (français soutenu)
Il attendit qu’il fût parti
Subjonctif passé (français standard)
Il attendit qu’il soit parti