JEAN PIERRE KAYA
THEORIE DE LA REVOLUTION AFRICAINE TOME II
M A A T. L IDEOLOGIE A FR I A C N I A NE ’ ’
COLLECTI N O N IE POLITIQUE THEOR O N E IBUC EDITI N NS M A NA
A
Cheik Anta DIOP, qui est, et demeurera à jamais pour la communauté africaine un Ouvreur de chemins, et un Guide. Malgré les critiques et les rectifications rectifications Que je me suis permis ici de faire subir à son oeuvre, et que seul un disciple véritable est autorisé autorisé à adresser à son Maître.
«THEORIE DE LA REVOLUTION AFRICAINE» PRESENTATION DE L’OUVRAGE 4 VOLUMES
Tome I REPENSER LA CRISE AFRICAINE Au Professeur Théophile OBENGA
Tome II MAAT : L’IDEOLOGIE AFRICAINE Au Professeur Cheik Anta DIOP
Tome III STRATEGIE GLOBALE, ETAPES, ET FINALITE Au Président Nelson Madiba MANDELA
Tome IV L’EDIFICATION L’EDIFICATION DE LA SOCIETE INITIATIQUE Au Pharaon NARMER, Fondateur de la plus Grande civilisation humaine
HYMNE AU SOLEI L
Tu Ô Une Tu Tu Tes
apparais merveilleux à l’horizon l’horizon du ciel.
Toi Aton vivant, commencement de la vie ! fois que t’es levé au dessus de l’horizon oriental, as conféré ta beauté à tous les pays. es Gracieux, Grand, Brillant et haut au dessus des pays. rayons atteignent les terres situées à la limite de tout ce que as crée.
Comme
Tu es Rê, Tu atteins la fin de tous; Tu les soumets pour Ton fils aimé AKHENATON. Bien que Tu sois loin, Tes rayons sont sur la terre; Bien que Tu sois en vu des Hommes, aucun d’eux ne connaît tes voies.
Lorsque
Tu disparais à l’horizon l’horizon occidental, Le pays est dans l’obscurité, et semble comme mort. Les Hommes dorment dans une pièce, avec leur tête recouverte, Et un œil ne voit pas l’autre. Tous leurs biens qu’ils qu’ils cachent sous leur tête pourraient être volés, Qu’ils s’en apercevraient pas. Les lions sortent de leurs antres, Toutes les choses rampantes, qui piquent. L’obscurité L’obscurité est comme un linceul, et la terre est silencieuse, l’horizon. Car celui qui les a créées se repose dans l’horizon. A l’aube, ’aube, lorsque Tu Te T e lèves à l’horizon, Lorsque Tu brilles comme Aton le jour,
Tu chasses l’obscurité, et donnes Tes rayons. Combien divers est ce que Tu as fait ! Ils sont cachés à la face de l’homme. Ô Dieu Unique, semblable à nul autre ! Tu créas le monde selon Ton désir alors que Tu étais seul. Tes rayons allaitent chaque prairie. Lorsque Tu Te lève, ils vivent, ils poussent pour Toi. Tu fais les saisons de manière à faire croître tout ce que Tu as fait, L’hiver pour les rafraîchir, et la chaleur afin qu’ils puissent Te goûter. Tu as fait le ciel distant afin de pouvoir t’y élever, De manière à voir tout ce que Tu as fait, alors que tu étais seul, Te levant sous Ta forme comme Aton Vivant, A pparaissant, pparaissant, brillant, T’éloignant ou t’approchant, Tu as fait des millions de formes de Toi-même seul. Cités, villes, champs, routes et rivières, Chaque œil te contemple par -dessus, Car Tu es Aton du Jour sur la Terre… Tu es dans mon cœur, Et là, il n’ y a personne d’autre qui Te connaisse, Si ce n’est Ton fils NEFER-KEPEROU-RE-W NEFER-KEPEROU-RE-WA-EN-RE A-EN-RE (AKHENATON)
Car Tu l’as fait savant dans la connaissance de Tes plans et de Ta Force. AKHENATON, Pharaon Mystique, Fondateur du monothéisme.
l’Afrique » ; Robert Laffont, Paris, 1972. Source : R. CORNEVIN ; « Les Mémoires de l’Afrique »
PREFACE
L’origine monogénétique de l’humanité est aujourd’hui confirmée par toutes les disciplines qui s’occupent des origines de l’Homme. On sait de ce fait, que l’Afrique est le berceau de l’humanité, à l’exclusion de toute autre région du monde. D’après le savant américain, GLOGER, tous les animaux à sang chaud, et vivant sous un climat chaud et humide développent nécessairement une pigmentation eumélanine, c'est-à-dire une peau noire. Si, l’on interprète cette idée, il en re ssort que les premiers Hommes sur Terre étaient donc tous Noirs. Or, on sait aussi, que se sont ces premiers Hommes, qui ont quitté l’Afrique par vagues successives, pour conquérir et peupler toute la planète Terre. Les Africains forment ainsi une ethnie solaire, et une caste de fondateurs, qui a donné naissance à l’Humanité actuelle. Jusqu’ici, personne n’a osé tirer des conséquences sur le plan philosophique et cosmologique de ces faits. Qu’en est -il exactement ? a)-Tous les peuples et toutes les races de l’Humanité, descendent tous sans exception, des Africains, qui doivent être considérés comme le premier peuple de l’Humanité. Ainsi, chaque être humain dans le monde possède dans son patrimoine génétique, un pourcentage structurel d’africanité. Par ailleurs, il a été été démontré que toutes les langues parlées dans le monde monde entier, avaient pour origine l’Afrique. Africains n’ont pas seulement donné naissance aux différentes b)-Les Africains ethnies de l’humanité, mais ils ils ont transmis transmis à ces ethni ethni es la capacité d’inventer la civilisation. Car, les premiers éléments de la civilisation sont apparus sur le sol africain, avant que l’Homme ne sorte de son berceau pour aller a ller peupler le reste du monde. De D e même, la plus grande civilisation du monde, l’Egyp te des pharaons est ethniquement, et culturellement africaine. c)-La pensée africaine, l’Initiation, qui au bout de son évolution se transforme en science de développement psychique de l’Homme, c'est -àdire de son développement spirituel, et reçoit le nom de MAAT, est aussi la matrice de la pensée humaine. FREUD affirme comme nous le verrons qu’elle a été intégralement transmise à Israël par MOÏSE, pour constituer
la religion et la culture du peuple juif, et aux Grecs anciens pour créer les fondements de la civilisation occidentale. Rigoureusement, la MAAT, est donc à l’origine de la civilisation humaine actuelle. d)-Toutefois, les Hébreux et les Grecs de l’antiquité, n’ont retenu que le premier degré de la MAAT. Dans ce transfert de connaissances de l’Afrique à l’orient et à l’occident, il s’est produit à travers le processus de routinisation, une déperdition d’informations. D’où la crise d’une part de la pensée scientifique moderne, à la recherche d’une méthodologie unifiée, pour expliquer la complexité du cosmos, et de l’autre, la crise de la civilisation occidentale elle -même, qui fondée sur l’individualisme, a coupé l’Homme de la partie la plus noble de son être, sa Nature Divine. Or ce décalage n’existe pas dans la MAAT, où il n’y a pas de discontinuité entre nature humaine et Nature Divine. e)-Aussi, la pensée africaine, qui est à l’origine de la civilisation humaine doit-elle revenir au premier plan pour donner à la science et à la civilisation mondiale, une cohérence interne. En même temps, la MAAT, sera pour la communauté africaine, l’outil de la Révolution africaine , donc l’instrument de sa libération et de son émancipation. Elle va donner à l’aspiration la plus puissante qui affecte de nos jours cette communauté au niveau mondial, un sens historique, avec l’édification de la Société Initiatique , qui protégera efficacement chaque africain dans le monde entier, d’abord par les qualités (la mentalité pharaonique) que la pratique de la MAAT, va générer en lui, puis par la solidarité massive, qui doit s’instaurer entre tous les Africains du monde entier, en réaction à l’exclusion systématique que chaque Noir subit aujourd’hui dans n’importe quel pays du monde. Ainsi, la fréquentation de l’institution, et la pratique de la MAAT, vont créer à l’échelle mondiale, une nation africaine , qui constituera le socle de la Renaissance Africaine et l’éclosion d’une nouvelle civilisation africaine fondée sur l’acquisition de la mentalité pharaonique, dont le contenu est l’esprit d’entreprise, l’esprit de bâtisseur et l’esprit de conquérant. Ce pour donner à l’Humanité les bases d’une Fraternité Universelle. J.P KAYA
Paris le 10 Février 2007
1
INTRODUCTION
Les
peuples africains considèrent l’Initiation comme étant le noyau dur de la culture africaine, c'est-à- dire comme l’idéologie de cette société. Le plus souvent, cette conviction est tacite, ce qui apparaît après coup sur le plan sémiologique comme le signe d’une intériorisation profonde qui n’a besoin d’être, ni justifiée, ni discutée pour constituer la structure même d’une civilisation. Mais curieusement le plus grand défenseur de l’Afrique, de son histoire et de sa culture (Cheik Anta DIOP), nous est apparu avec étonnement et surprise, comme le plus impitoyable pourfendeur de son idéologie. Ce paradoxe est pour nous, qui nous considérons comme un diopiste afrocentriste, un véritable « crève-cœur». C’est pourquoi, il nous fallait nécessairement commencer cette étude de l’idéologie africaine , par l’analyse la plus minutieuse, et esp érons-le la plus objective possible de ce paradoxe, avec comme but, d’unifier la pensée africaine, afin de doter la communauté africaine contemporaine d’une idéologie opératoire. Car aucun peuple dans l’Histoire de l’Humanité, n’a réussi à construire quelq ue chose de grand et de durable, sans se donner une pensée, capable d’exiger de ses membres la faculté de se surpasser pour donner le meilleur de soi, et même de se sacrifier pour accéder à l’absolu. L’Initiation, que nos ancêtres de l’époque pharaonique avaient baptisé MAAT, a toujours joué ce rôle dans n’importe quelle société africaine. C’est pourquoi nous prendrons soin de traiter le paradoxe diopien dans « le ventre du village », pour ne pas laisser la moindre chance aux ennemis de l’Afrique : les africanistes intégristes, de venir semer comme d’habitude la confusion et la haine parmi les descendants des pharaons, à l’heure même où l’Afrique aspire à la Renaissance et à l’édification d’une Union Politique.
2
Si, l’Initiation est bien l'idéologie et la pensée de toutes les sociétés africaines, comme le montre les études de terrain, menées par des générations d’ethnographes et d’ethnologues 1 , cependant, au premier abord, seule l'Egypte des Pharaons nous dévoile son efficacité cathartique et son action prométhéenne au sein de la société africaine de façon exemplaire. Mais l'Egypte était-elle une société africaine ? Après un demi-siècle de débats et de controverses, qui n'ont rien changé aux conclusions de «Nations Nègres et Culture» 2 , nous avons décidé ici, de transformer ces conclusions en postulat fondamental de l'histoire africaine. Si donc, l'Egypte pharaonique était bien une société africaine, si son peuplement était nègre, et si sa culture était initiatique, posons néanmoins la question suivante, que nous tenons pour fondamentale:
«Pourquoi malgré cette parenté profonde qui unit l'Egypte ancienne au reste de l'Afrique Noire, sur le plan culturel, existe-t-il dans le même temps, une différence radicale entre l'Egypte et les autres sociétés africaines sur le plan de la civilisation ?» 3
1-Voir bibliographie générale en fin de texte. 2-DIOP (C.A), « Nations Nègres et Culture » ; Présence Africaine, Paris 1954. Cet ouvrage est considéré comme fondant la recherche africaine contemporaine, Il a permit aux Africains de se réapproprier leur mémoire historique, C.A DIOP a posé dans ce livre le concept d'unité culturelle de l'Afrique, qui implique une parenté génétique qui lie les sociétés africaines entre elles, dont l'Egypte, Il prouve par la même occasion la négritude des anciens Egyptiens. 3-Nous postulons que, la civilisation peut être envisagée comme étant le développement de la culture.
3
Il y a là incontestablement un paradoxe. Et, il semble que cette question soit irritante ou angoissante pour les Africains, parce qu'ils la croyaient résolue par le concept de «l'unité culturelle de l'Afrique» , résultat des recherches : historiques, linguistiques, sociologiques et anthropologiques, de C.A. DIOP. Mais ce n'est pas le cas. C'est en y répondant méthodiquement, en prenant au sérieux la valeur de la culture africaine elle même comme facteur de développement, que nous affirmons avoir découvert la clé et les mécanismes de développement propres aux sociétés africaines. Nous avons déjà exposé dans le tome I de cet ouvrage, le schéma conceptuel de développement du système communautaire. Ainsi nous savons maintenant que cette découverte nous donne la réponse à la crise de la société postcoloniale. Par conséquent elle pose les fondements de la Renaissance Africaine, qui constitue la grande aspiration de toute la communauté africaine en ce début du XXIe siècle. Cette découverte nous a ainsi fourni des arguments pour proposer un projet de société à l'Afrique du troisième millénaire : la Société Initiatique . Nous montrerons que cette clé du développement de la société africaine, était déjà connue des initiés égyptiens depuis la plus haute Antiquité. Elle est révélée de façon parabolique dans une phrase au contenu métaphysique et à la puissance mystique, gravée dans la pierre de tous les temples de l'Egypte ancienne: «Dieu, a envoyé Pharaon sur Terre, pour qu'il remplace Isfet par la Maât dans l'Île des flammes»1 Avant de revenir à la question que nous avons posée ci-dessus, qui est devenue pour nous la question fondamentale de la Recherche Africaine, il nous faut justement reproblématiser et mettre en perspective la Recherche Africaine elle même, puis la confronter aux études africanistes.
1-Voir, J.ASSMANN; «MAAT. L'Egypte pharaonique et l'idée de justice sociale » ; Julliard Paris, 1979.
4
Grâce donc, à l'oeuvre puissante de C.A. DIOP, toute l'Humanité est confrontée aujourd'hui à la réalité d'une Egypte pharaonique dont la culture était africaine et la population nègre. Pour avoir voulu occulter ces faits, aux fins de priver la communauté africaine d'en tirer un bénéfice moral légitime, l'historiographie mondiale et notamment occidentale, s'est rendue coupable, d'une monstrueuse falsification de l'Histoire universelle. Et ce, malgré le révisionnisme de certains africanistes qui, aveuglés par la passion, tiennent absolument à nier l’évidence. A la suite de C.A DIOP, toute une génération de chercheurs et de savants africains, avec à leur tête le Professeur OBENGA 1 , poursuivent implacablement l'effort de réécriture de l'Histoire de l'Afrique, et de reproblématisation de l'Histoire universelle, afin de redonner aux Africains à travers l'EGYPTE, mais aussi la NUBIE et AXOUM, leur vraie place dans l'Histoire de l'invention de la civilisation. Mais si, certains africanistes ne veulent pas regarder la réalité en face, ou encore si certains d'entre eux 2 , cultivent le rêve imbécile de vouloir détruire totalement l'oeuvre de C.A DIOP, chaque scientifique pourra constater à la lecture de leurs écrits que leurs aspirations ne relèvent plus de la science, mais de l'idéologie et des passions humaines. Leur propre méthodologie les trahit. Elle met en scène désormais l'esprit querelleur de l'homme de la rue, l'esprit de critique, et non pas l'esprit critique du savant.
1-OBENGA (Th.) « Cheik Anta DI0P, VOLNEY et le SPHINX » ; Présence Africaine, Paris 1996. 2-C'est à notre avis le cas d'Alain FROMENT et de F. X. FAUVELLE, Voir références dans la bibliographie générale, en fin d'ouvrage, Alain FROMENT, déclare lui-même vouloir détruire totalement l'oeuvre de C.A DIOP, dans une série d'articles parue dans la revue « Cahiers de la société des africanistes ». Xavier FAUVELLE, affirme adhérer à la démarche de FROMENT, Cf. FAUVELLE (F.X) ; « L’Afrique de Cheik Anta DI0P ».Karthala, Paris, 1996.
5
Et si, certains intellectuels africains, comme par exemple, les membres de l'école de «la philosophie critique africaine» 1 , dont la doctrine affirme tranquillement que la civilisation africaine est désormais surannée, devenue archaïque, et doit donc être détruite et remplacée par la culture occidentale et la religion chrétienne pour permettre à l'Afrique d'accéder à la rationalité, à la modernité et au développement, adhérant ainsi passivement à la démarche et aux arguments, non pas de l'africanisme en général, mais à ceux du noyau dur de l'africanisme, le groupe restreint que C.A. DIOP avait baptisé de «secte des africanistes» , courant intellectuel rétrograde, dont les arrières pensées et les présupposés méthodologiques sont consciemment fondés sur des convictions immuables, des préjugés ineptes, bref sur le racisme; leur cas, comme on le verra dans le tome IV, relève de la psychanalyse et de la psychiatrie 2. De ce point de vue, on peut penser qu'ils sont victimes, plus que les autres Africains, à la fois d'une décolonisation mentale chaotique, et d'un retour dévastateur du «refoulé collectif de la communauté africaine» , qui écrase les personnalités les plus faibles. Ils adhérent ainsi d'après le Prince DIKA AKWA, au mythe de la Malédiction du Nègre. Ce comportement névrotique et psychotique, n'est d'ailleurs pas spécifique à certains intellectuels africains. Il frappe sous de multiples formes, une bonne partie de la communauté africaine. Ainsi peut-on interpréter sous ce rapport certains cas de racisme intra africain 3 ou des cas spectaculaires de changement de couleur de la peau4 , qu'on appelle au Sénégal Xeasal.
1-Cf, ELUNGU (PEA) ; « Tradition Africaine et Rationalité moderne » ; L'Harmattan, Paris, 1987, Voir aussi, P. HOUNTONDJI ; « Sur la Philosophie Africaine » ; Gallimard, Paris, 1977. 2-Cf. LAPLANTINE (F) ; « Les trois voix de l'imaginaire » ; Ed. Universitaires, Paris, 1974. 3-Nous pensons ici à une version plus virulente du tribalisme, Celui qui s'instaure entre deux communautés africaines prétendument de « race différente », c'est le cas entre Hutu et Tutsi au Rwanda ou au Burundi. 4-Cette pratique est en fait très répandue dans toute la communauté africaine, notamment aux USA.
6
Dans ces conditions le simple fait de se décrêper les cheveux pour des raisons esthétiques, peut devenir éminemment suspect. Dans tous les cas, qu'il s'agisse des africanistes intégristes ou de leurs laquais indigènes, les philosophes critiques africains, et assimilés, l'Histoire elle même, avec l'aide de la critique historique africaine, se chargeront de leur faire prendre durement conscience de la réalité. En effet, contrairement aux faits sociologiques 1 par exemple, qui sont construits, les faits historiques 2 sont quant à eux singuliers et particuliers. Car l'Histoire est en fait une science du particulier. Son objet est de nous livrer avant tout le récit des événements du passé. Pour construire ce récit, elle a la charge, de restituer du passé des sociétés humaines, un tableau chronologique et synthétique des faits ayant véritablement eu lieu. De sorte que, mêmes les passions humaines les plus acharnées, ne peuvent pas détruire effectivement le passé humain, ni même le modifier. Elles ne peuvent seulement que, le falsifier (sic !) 3. Ainsi, viendra toujours le moment où les savants de bonne foi interviendront pour rétablir la vérité historique. Un peu comme, l'oiseau de Minerve qui ne prend son envol qu'au crépuscule venu 4. (Sic !). Prenons un exemple. Qui peut douter aujourd'hui qu'un certain Adolf HITLER a vraiment vécu, ou que la Révolution française a bien eu lieu ou enfin que l'Union Soviétique a réellement existé ?
1-DURKHEIM (E) ; « Les règles de la Méthode sociologique »; PUF, coll. Quadrige, Paris 1986. 2-HALKIN (L) ; « Introduction à la critique historique »; A. Colin, Paris, 1961. 3-Cf., DIOP (C.A) « Nations Nègres et Culture », Opcit. 4-HEGEL (G.W.F) ; « Principes de la philosophie du droit »; Gallimard, Paris, 1991, p.46.
7
Même si dans un million d'années, l'Humanité perdait le souvenir de ces faits après un cataclysme, ils continueraient quand même à exister, indépendamment de la conscience des Hommes, comme archivés dans la mémoire du cosmos lui même. Et, c'est le cas pour de nombreux éléments de la civilisation pharaonique dont l'existence est établie théoriquement sur la foi des visiteurs de l'Antiquité, mais qu'aucun archéologue n'a pu encore découvrir les traces. Que l'on songe par exemple au fameux Labyrinthe d'HERODOTE, ou aux codes de la loi pharaonique, abondamment évoqués par des textes égyptiens, maintes fois représentés sur des monuments, mais qui restent introuvables par les archéologues. Autrement dit s’il était établit que la civilisation égyptienne était africaine, et si les anciens Egyptiens étaient des Nègres, ni la passion, ni la haine, ni le racisme, ne peuvent modifier ces faits. Or c'est le cas. Et, c'est cela la spécificité des faits historiques. Ils sont en soi, insensibles aux préjugés qui faussent les résultats de la recherche scientifique. L'argumentation proposé par C.A DIOP, Théophile OBENGA et quelques autres chercheurs de la communauté africaine 1 , et qui démontre l'appartenance de l'Egypte à la civilisation africaine, ainsi que l'origine africaine du peuplement de la vallée du Nil, nous permet de croire, que cette question a été sérieusement abordée, et correctement traitée. Nous adhérons intégralement aux résultats obtenus. C'est à dire aux concepts: d'unité culturelle de l'Afrique (qui suppose la parenté non accidentelle, mais génétique entre toutes les sociétés africaines, y compris l'Egypte, de continuité historique des sociétés africaines , et enfin à celui d'antériorité des civilisations africaines 2.
1-Voir, l'exposé de cette argumentation dans l'ouvrage du Professeur OBENGA, consacré à la mise en place des principes fondamentaux de la Renaissance Africaine contemporaine, in « Cheik Anta DI0P, VOLNEY et le sphinx » ; opcit. 2-Voir DIOP (C. A); « Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique ? » Présence Africaine, Paris, 1967.
8
Cela étant, une question qui ne faisait pas partie des préoccupations de ces savants, et qui donc n'avait été qu'effleurée et superficiellement abordée, s'est imposée à nous, et nous semble être aujourd'hui devenue, la question fondamentale et vitale qui donne accès à la connaissance de la capacité endogène de développement de la société africaine. En effet, si l'Egypte ancienne est bien une société africaine, qui de ce fait partage la même culture avec les autres sociétés africaines, comment s'explique la différence entre elle et ces autres sociétés africaines sur le plan de la civilisation ? Autrement dit, d'où vient la colossale distance qui sépare la société égyptienne, dès qu'elle est confrontée avec n'importe quelle autre société africaine, sur les plans: des réalisations matérielles, du développement intellectuel, de l'évolution spirituelle, du raffinement des manières, et de l'épanouissement de la civilisation en général, et ce, malgré la parenté culturelle, dont le caractère non accidentel, mais génétique a été prouvé par ailleurs ? Ces questions en appellent d'autres. Comment l'Egypte a-t-elle fait pour se hisser à un tel niveau de perfection ? Et pourquoi les autres sociétés africaines, et notamment les sociétés précoloniales n'y ont-elles pas eu accès ?
9
Confronté à ces questions, C.A DIOP 1 , se contente d'abord d'affirmer que l'Egypte pharaonique est la plus grande hypertrophie culturelle de l'Afrique (C.A. DIOP, 1981). Nous verrons plus loin que cette phrase pleine de sous-entendus, est symptomatique de l'attitude qu'il finira par adopter face à la culture africaine. Attitude qui transpire dans un point de vue qu'il partage avec Théophile OBENGA, selon lequel , la civilisation égyptienne est un accident historique 2.
Ces questions hélas n'étaient pas au centre de leurs préoccupations. Mais les réponses qu'ils y ont fournies, parce que mal argumentées, sont de nature à troubler les scientifiques africains. Les africanistes quant à eux profitent de ce flou de l'argumentation 3 , pour semer le doute dans l'esprit des Africains, et inoculer l'idée selon laquelle la civilisation a donc bien été introduite dans la vallée du Nil, par un peuple étranger à cette vallée, la culture africaine étant notoirement incapable d'engendrer une expérience historique aussi brillante.
1-DIOP (C. A) ; « Civilisation ou Barbarie » ; Présence Africaine, Paris, 1981. 2-OBENGA (Th,) ; « La philosophie africaine de la période pharaonique » ; L'Harmattan, Paris, 1991. 3- FROMENT (A) ;
10
La question de la différence de civilisation entre l'Egypte et les autres sociétés africaines qui a été négligée, voire même ignorée jusqu'ici par la recherche africaine, accident historique ou pas, pose en substance le problème du développement des sociétés africaines. Il a été affirmé que si l'Egypte a pu avoir accès à un très haut niveau de civilisation, c'est nécessairement parce qu'elle a découvert des mécanismes spécifiques de développement1. Lesquels ? Personne ne le dit. Ainsi l'expérience historique de l'Egypte ancienne, permettrait de constater au moins un cas de développement endogène d'une société africaine. Mais en réalité, si l'Egypte constitue un type idéal, en raison du haut niveau de civilisation qu'elle a connu, elle n'est pas néanmoins seule dans ce cas. La Nubie à l'époque méroïtique, et Axoum à l'époque de l'Empire, peuvent être retenus eux aussi comme d'autres exemples africains de développement endogènes. Ainsi la thèse de l'accident historique est au moins provisoirement écartée. Demeure cependant la question que nous avons déjà posée plus haut: «Comment expliquer la différence de civilisation entre l'Egypte et les autres sociétés africaines malgré leur parenté culturelle ? Et pourquoi les autres sociétés africaines, notamment, les sociétés précoloniales, n'ont- elles pas pu rééditer la même trajectoire de développement ?»
1-VIDROVITCH (C.C) ; & al. ; « Pour une histoire du développement» ; L'Harmattan, Paris, 1988.
11
Voici un aperçu des résultats auxquels nous sommes parvenus, au bout de notre enquête: Nous affirmons que, le rayonnement de l'Afrique dans l'Antiquité, autrement dit, le haut niveau de civilisation atteint par les trois grandes puissances africaines de l'Antiquité: NUBIE, EGYPTE, et AXOUM, n'est ni un hasard, ni l'oeuvre de fantomatiques Hamites «civilisateurs et développeurs des sociétés africaines» , ni moins encore, un accident historique. Mais il s'agit pour nous, du résultat du développement de la société africaine elle même, sur la base de la mobilisation de ses propres ressources culturelles. En effet, si la fortune des empires égyptien, méroïtique et axoumite, n'est pas le fait d'une suite d'accidents historiques à répétitions, c'est parce qu'il existe un mécanisme, une trajectoire de développement, ou encore un schéma conceptuel de développement propre à la société africaine. C’est au sein de ce schéma et de cette trajectoire de développement spécifique , que l’Initiation, c'est à-dire la MAAT, joue un rôle décisif, que personne n’avait soupçonné jusqu’ici. Pour l'identifier, il nous a fallu étudier la société africaine avec comme objectif de repérer et de dégager sa logique sociale propre et aboutir ainsi à une définition scientifique de son Mode d'Organisation et par la suite, d'un Mode de Production Africain, ou initiatique (Se reporter au Tome I, chapitre 2). Il apparaît qu'une telle analyse de la société africaine doive s'envisager sur trois niveaux de compréhension ou de signification. a) -Le premier niveau de l’architecture du mode d’organisation des Négro-africains est le domaine des cosmogonies et des représentations qui définissent les archétypes, lesquels donnent au système communautaire sa logique sociale.
12
Toutes ces variables relèvent d'une conception du monde particulière aux Africains, fondée sur la croyance en la Force Vitale qui, non seulement habite le monde, mais dans laquelle tout l'univers se trouve plongé, comme dans un océan cosmique. Or pour les Africains, cette Force Vitale, c'est Dieu Lui Même. Mais aussi, le KA ou la MAAT, des anciens Egyptiens. Dans la mesure où pour les Initiés égyptiens, MAAT est le KA de RÊ. Contrairement à l'univers mental abrahamique, c'est à dire judéo-chrétien et islamique, dans la conception africaine du monde, Dieu est perçu comme une entité intimement liée à sa propre Création, au lieu d'en être séparé. Il n'apparaît pas dans l'univers mental africain, comme chez «les Gens du Livre», un Etre qui après avoir créé le monde, le dirigerait ensuite par des lois et des décrets qu'il lui imposerait d'en haut, de l'extérieur à la nature. Les Africains au contraire perçoivent Dieu comme une énergie qui anime le cosmos de l'intérieur. C'est ce principe qui fonde l'unité du monde dans la pensée africaine. C'est à dire l'unité de Dieu et de sa propre Création. Elle implique l'absence d'une barrière entre le monde visible et le monde invisible. Cette cohabitation entre le Créateur et sa Création, n'est pas sans conséquences pour cette dernière. En effet, ce contact entre l’Homme et la Force Vitale, engendre une tension qui suscite une mobilisation des ressources psychiques de l'Homme et engendre un désir puissant de s'identifier à Dieu. Cette tension pose donc le problème du développement spirituel de l'Homme.
13
Pour satisfaire à ce besoin fondamental, l'Africain va créer des techniques afin d'organiser: l'accumulation, l'instrumentalisation et la manipulation de la Force Vitale. Nous affirmons donc que le développement spirituel et notamment son objectif suprême, l'identification de l'Homme à Dieu, est la finalité ultime vers laquelle tend la civilisation africaine elle même. La différence entre l'Afrique et les autres civilisations animistes de l'Humanité, réside dans la manière de satisfaire à cette tension vers le développement spirituel, qu’engendre dans toute culture animiste, la cohabitation entre Dieu et sa propre Création. b)-C'est ici qu'intervient le deuxième niveau de signification et de compréhension du Mode d'organisation des Négro-Africains. Le besoin de s'identifier à Dieu, va donc engendrer des techniques qui sont aussi des idéologies; destinées à manipuler la Force Vitale pour atteindre ce Haut Idéal. On peut réunir dans la société africaine toutes ces pratiques sous les six chefs de: Magie, Sorcellerie, Fétichisme, Mythe, Totémisme et Initiation. Mais seule l'Initiation propose une réponse adéquate pour répondre au besoin fondamental de la civilisation africaine, né de la cohabitation entre Dieu et sa propre création: le développement spirituel. En effet, nous pouvons observer immédiatement, que la Magie, le Totémisme, la Sorcellerie, et le Fétichisme, ne satisfont pas justement aux exigences de la finalité que la civilisation africaine s'impose à elle même. Car, leur pratique si elle participe bien de la psychologie initiatique en visant l'appropriation et l'identification avec la Force Vitale d'un totem ou d'une entité quelconque, ne va pas jusqu'au bout de la démarche initiatique qui est d'éveiller la Nature Divine de l'Homme et
14
de s'identifier à elle. Pour cela, il faudra découvrir les concepts de nature humaine et de Nature Divine. C'est pourquoi la Magie, le Fétichisme la Sorcellerie et le Totémisme, ne sont que des formes inférieures de l'Initiation. Ainsi au lieu de développer spirituellement l'Homme, leur but sera de satisfaire ses appétits, ses fantasmes, et ses fantasmagories, lesquels vont justement à l'encontre de son épanouissement spirituel. Quant au Mythe, en l'absence de l'Initiation il fournit une théorie générale, qui, remplit les blancs dans la connaissance, mais, manque d'efficacité explicative et opératoire. Seule l'Initiation, dans la culture africaine, pose clairement le problème de l'évolution spirituelle de l'Homme. Par conséquent, elle se donne les moyens de l'organiser et de la réaliser 1. Au premier abord, l'Initiation2 apparaît dans la société africaine comme une pédagogie, à la fois individuelle et collective, faisant office d'instrument d'intégration des individus au groupe. Il s'agit donc d'une technique de socialisation. Mais ce qui caractérise cette pédagogie, c'est sa volonté d'agir sur la structure mentale de l'être, dans l'intention de la transformer. De ce fait, l'Initiation est fondamentalement une science de développement des capacités mentales de l'Etre. En Egypte ancienne, le concept de MAAT, identifie la pratique initiatique, à l'Intelligence Cosmique, elle même. La MAAT est ainsi la version la plus évoluée de l'Initiation. Mais si l'Initiation découle de la conception vitaliste du monde, en tant que technique spécifique de manipulation de la Force Vitale, son invention, n'est pas pour autant automatique, et à la portée de n’importe quel groupe humain.
1-KAYA (J, P) ; « Initiation et développement du système communautaire » ; Bull, du LAJP. N°20, Sorbonne, Paris, 1993. 2-BALLA TRAORE (M); « Société initiatique et régulation sociale chez les Bambara et Malinké du Mali »; Thèse de doctorat de l'université de Paris I, 1980.
15
Elle relève d'un génie particulier, et sans doute de l'exercice de la pensée intuitive, qui a permis aux Africains, de trouver la bonne technique pour répondre à la tension créée par la cohabitation entre l'Homme et Dieu au sein de l'univers mental animiste. La société africaine seule a donc trouvé historiquement cette réponse, pour la première fois. Nous verrons que l'Inde elle-même, selon toute probabilité, a reçu en héritage de l 'Afrique sa pensée initiatique, à une époque très reculée. Mais chez elle, cette pensée, s'est engluée dans une organisation sociale fondée sur les castes, et qui empêche l'Initiation d'agir sur la structure de la société, en livrant toute sa puissance prométhéenne 1. C’est pourquoi, ici, la pratique initiatique a la propension de déboucher sur le mysticisme et la contemplation, au lieu de produire comme en Egypte pharaonique, un Mode de Production Initiatique et la Fraternité Universelle. En effet, l'Initiation poursuit un but précis: «tuer» chez l'adepte de l'Initiation, sa nature humaine, considérée comme un obstacle sur la voie du développement spirituel car étant une entité égocentrique, source de toutes les pathologies humaines: individuelles et collectives, et donc de tous les dysfonctionnements de la société. L'Initiation entend remplacer cette nature inférieure, de l'Homme par sa Nature Divine. Cette dernière est déjà présente en lui, mais ne se manifeste que ponctuellement, rarement, et pour autant que l'Homme, le lui permette. Le Moi Supérieur de l'Homme dont la caractéristique fondamentale est le désintéressement , source de toutes les qualités: spirituelles, morales, intellectuelles et physiques, est le contraire de sa nature inférieure égocentrique , qui se caractérise par la propension à prendre. Tant que l'Homme préfère mener une vie ordinaire fondée sur la satisfaction des appétits inférieurs de sa nature humaine, il reste sujet à la médiocrité dans tous les domaines. Il n'évolue pas spirituellement. Il tend vers la pétrification et finira par disparaître, socialement, psychologiquement, puis biologiquement. 1-NATIONAL GEOGRAPHIC N° spécial : « L’Inde des Intouchables » ; Juin 2003.
16
Mais lorsque par l'Initiation, il parvient à maîtriser, enfin, sa nature inférieure, alors, Son Moi supérieur, c'est à dire sa Nature Divine, se manifeste en majesté, et s'installe définitivement dans son psychisme. Par la suite, des capacités mentales supérieures s'éveillent en lui, et il devient capable de poser des actes hors du commun. Il acquiert la capacité de réaliser des choses qui dépassent la Raison et l'entendement humains. La pédagogie initiatique ayant déclenché en lui une aspiration puissante à l'excellence et à la perfection. Sous l'action de l'Initiation, l’Homme devient un entrepreneur, un bâtisseur, et un conquérant. L'ensemble de toutes ces qualités nées de la pratique initiatique, constitue, ce que nous appellerons désormais, la « Mentalité pharaonique».
Le but de l'Initiation est donc comme on le verra de construire et de produire un Homme: responsable, excellent et parfait , dont la plus haute aspiration est de s'identifier, et de fusionner avec sa Nature Supérieure. Il devient alors un IMAKHOU, ou un MA-HAROU, c'est à dire un Initié ou un Immortel, ou enfin un « Maâtisé, juste de voix» : ainsi qu'appelaient les Initiés Egyptiens, les Hommes purs, autorisés à séjourner au Paradis. c)-Le troisième niveau de signification et de compréhension, établit la relation entre la transformation de l'homme par l'Initiation et les conséquences qui en résultent pour la société. En effet on peut dire que l'Initiation possède incontestablement une efficacité cathartique qui lui permet d'agir au plus profond de l'être, il en résulte pour toute la société une véritable puissance prométhéenne, qui lui permet d'atteindre des fins téléologiques. Forte de cette véritable puissance révolutionnaire elle va d'abord, en s'appuyant sur sa fonction socialisatrice, évincer les
17
unes après les autres, toutes les idéologies qui au départ partageaient avec elle le champ idéologique de la société africaine. Ces idéologies, nous l'avons dit sont: la Magie, la Sorcellerie le Fétichisme et le Mythe, qui disparaissent ou entrent dans une relation de complémentarité avec l'Initiation qui finira néanmoins par s'imposer au bout d'un processus déterminé, que nous avons déjà exposé dans le Tome I, comme la seule idéologie de la société, c'est à dire la pensée officielle de la société africaine. Dès à présent, nous pouvons donc affirmer que de par son efficacité cathartique qui lui permet d'agir et de transformer en profondeur la structure mentale de l'Homme pour en faire un être doté de capacités supérieures, l'Initiation confère ainsi une puissance prométhéenne à la société africaine. En transformant l'Homme, elle est donc capable de changer et de transformer la société elle même, en agissant ainsi, directement sur son système d'action sociale et d'action historique. Elle constitue donc la clé du développement de la société africaine. Nous montrerons par conséquent que l'Initiation est véritablement le moteur de l'Histoire dans la civilisation africaine. Car, elle est non seulement l'instrument du changement social, mais également celui des mutations révolutionnaires au sein de la société africaine. C'est la variable indépendante la plus lourde dans notre recherche car elle explique deux faits majeurs de la société africaine: le développement de l'Homme et celui de la société, qui sont ici liés. Sous son action, l'Homme se transforme en profondeur et entraîne dans son sillage un bouleversement considérable et sans fin, de toute la stratification et de la structure de la société africaine elle même, donnant lieu ainsi à une mobilité sociale puissante.
18
D'après tout ce qui précède, nous pouvons maintenant poser que, sous l'action de sa propre idéologie (l'Initiation), la société africaine « ou système communautaire » , peut se transformer et se développer. Elle peut ainsi passer d'un Type I, ou société communautaire de base , à un Type II, ou société communautaire en transformation ou en voie de développement, à un Type III, ou société communautaire développée. Ce sont là trois formes de sociétés communautaires vérifiables sociologiquement et historiquement. Elles ont été déjà soumises à un effort de conceptualisation dans le Tome I de cet ouvrage. Nous y revenons encore dans cet ouvrage, pour confronter à une grande échelle, le schéma conceptuel que nous avons obtenu précédemment, à la réalité sociologique et historique africaine. Il est bien entendu inutile de fixer ici un terme à ce processus de développement. Si notre typologie permet de façon certaine d'identifier le Type III du système communautaire comme l'expérience la plus accomplie du développement de la société africaine, laquelle est historiquement représentée par l'Egypte, la Nubie et Axoum, nous n'avons pas manqué de constater qu'un dépassement du Type III, s'était déjà réalisé en Egypte même à la fin de la XVIIIè dynastie. Elle résulte de la formidable Révolution du Pharaon AKHENATON. Cette expérience n'a duré que le temps de son règne (soit vingt ans), nous verrons pourquoi. Mais dès à présent il est possible d'affirmer qu'il s'agissait du dépassement du système communautaire, et de l'avènement d'une société post-communautaire, où l'Initiation réorganise totalement la Formation Sociale africaine. Nous avons appelé cette expérience : «Société Initiatique» . Elle est en réalité le résultat de la mutation de la société communautaire elle même, au sein de laquelle, l'Initiation qui se comporte d’abord comme un véritable paradigme, passe du statut d'idéologie de la société africaine à celui de culture de cette société. Elle crée de ce fait une rupture dans le système communautaire, et inaugure alors, un nouveau cycle de développement dans cette société.
19
Elle instaure la Société Initiatique . Le Pharaon AKHENATON, n'a fait que prendre conscience de la nécessité de cette mutation. Ensuite, la socialisation à l'Initiation ayant développée des qualités mentales supérieures chez les agents sociaux, il se produit chez les plus évolués parmi eux, la découverte de la fonction initiatique universelle du soleil qui, affirment les initiés, est le centre spirituel de notre système planétaire, dont le rôle caché, comme on le verra est de promouvoir le développement spirituel de toute l'humanité. D’où le caractère so laire de la première religion monothéiste de l’Histoire fondée par AKHENATON, que nous étudierons dans cet ouvrage. Le projet de la Société Initiatique , fondé sur une civilisation solaire sera alors, la réalisation d'une véritable Fraternité Universelle entre les Hommes sur Terre comme elle existe déjà dans le Cosmos d'après les initiés. La société africaine prend ainsi une dimension universelle. C'est ce projet de société qui représente le stade le plus avancé du développement de la société africaine, que nous choisissons comme réponse à la crise de la société africaine postcoloniale. Car précisément, c’est dans la Société Initiatique, que l’Initiation, ayant atteint son plus haut niveau de perfection en tant que MAAT, donc devenue science de développement spirituel de l’Homme, devient capable de conférer à l’Homme les qualités de la Nature Divine. Nous avons donné à la première étape de ce second cycle de développement de la société africaine, le nom conventionnel de «Renaissance Africaine». Sociologiquement, c'est la société lignagère qui représente le Type I, alors que le Type II fut à la fois expérimenté par les sociétés nilotiques protodynastiques et par nombre de sociétés précoloniales telles que: le Kongo, le Ghana, le Mali, le Songhaï, le Cayor, le Maproussi, le Bamoun, le Muéné Mutapa etc.
20
Incontestablement, la société communautaire développé ou Type III est représentée de façon privilégiée par l'Egypte de la période pharaonique. Mais nous avons déjà signalé qu'il fallait ajouter à cette catégorie les expériences historiques de la Nubie méroïtique et de l'empire d'Axoum. Si l'Egypte était donc bien une société africaine développée, fruit de la transformation et du développement de la société africaine, sous l'action de sa propre idéologie, alors, nous allons assister à l'écroulement de la dernière idole de la tribu des égyptologues, la plus chère à leur coeur peut-être: l'opinion selon laquelle, la civilisation égyptienne serait le résultat des contraintes exercées par le milieu géographique et l'écologie de la vallée du Nil sur les Hommes et les structures des sociétés de cette vallée 1. L'opinion mille fois répétée, et partout répandue selon laquelle l'Egypte est un don du Nil, ne résiste pas à une enquête socio-historique sur la longue durée. La finalité réelle de cette opinion est en fait hautement idéologique. En faisant dépendre la civilisation égyptienne des contraintes matérielles, on accrédite l'idée que cette civilisation ne doit rien à la culture africaine, car elle n'est qu'un accident historique. Et puisqu'il s'agit d'un accident, cette expérience n'est donc pas susceptible de se reproduire. On a souvent laissé entendre qu'il s'agirait là de l'avis du savant Grec de l'Antiquité, le très célèbre HERODOTE, qui visita l'Egypte vers 450 avant J.C, et qui aurait laissé à la postérité la non moins célèbre formule : «l'Egypte est un don du Nil» . Mais vérification faite, la formule exacte d'HERODOTE, ne concernait qu'une petite partie du pays: le delta du Nil. «Le delta est un don du Nil» 2 a t-il réellement écrit.
l-Cf. MOKTAR (G) & VERCOUTTER (J) ; « Introduction Générale » ; in « Histoire Générale de l'Afrique » ; Tome II, UNESCO/Jeune Afrique, Paris, 1984. 2-HERODOTE ; « Histoires »; TOME II, Les Belles Lettres, Paris, 1986.
21
Ce qui correspond à une vérité géographique, puisque c'est par l'accumulation progressive des alluvions charriées par le Nil, au fil des millénaires, que le delta a effectivement émergé de la mer. En transposant cette relation à la civilisation égyptienne elle-même, les égyptologues montrent par ce «matérialisme géographique » , qu'ils sont victimes d'une réminiscence méthodologique douteuse, d'une mauvaise interprétation du matérialisme historique , qui bien qu'ayant tendance à expliquer la conscience sociale par l'être sociale, n’oublie jamais d'évoquer (pour la forme, certes), la relation dialectique qui existe entre les deux niveaux d'explication. Il nous a paru néanmoins nécessaire de détruire la méthodologie, qui à l'origine a déclenché ce fantasme de la surdétermination du facteur géographique, pour mieux intégrer l'Egypte dans son contexte culturel africain. Il s'agit du Mode de Production Asiatique (MPA)1. Pour nous en effet, les conditions matérielles inclinent, mais ne déterminent pas l'action historique, donc le destin d'un peuple. Pour cela il faut une volonté de puissance inspirée par des valeurs. Il est bien dommage, que C.A DIOP et Th. OBENGA, bien que sachant tout cela, n'aient pas pu déceler à temps le piège que représentait cette instrumentalisation de la société pharaonique. La solution était du côté de l'ethnogenèse. On verra par la suite, qu'il en découle, pour C.A.DIOP notamment, des conséquences épistémologiques imprévisibles dans l'appréciation de l'identité et de la valeur de la culture africaine elle même, notamment sur les plans philosophique et scientifique.
1-Voir le chapitre II de cet ouvrage, section 2.
22
Nous pouvons donc affirmer quant à nous, qu'en prenant au sérieux la valeur de la culture africaine, et notamment de sa pensée initiatique, comme facteur majeur de développement de la société africaine, il nous est possible d'apporter une réponse valable et convaincante à la question qui nous préoccupe depuis le début, à savoir: «D'où vient la différence de civilisation qui sépare l'Egypte pharaonique des autres sociétés africaines, malgré la parenté culturelle qui les unit»
La réponse à cette question est donc l'Initiation ou la MAAT, sa version pharaonique. Elle nous livre le secret du mystère de la civilisation égyptienne. Elle nous explique pourquoi les Egyptiens ont pu accéder à un degré de perfection inégalée, qui suscite aujourd'hui encore l'admiration et la fascination de toute l'Humanité. L'avantage exclusif de l'Initiation comme critère explicatif du développement sur tous les autres critères proposés jusqu'à ce jour, est qu'elle concerne la totalité des dimensions de l'être et donc affecte de la même façon tous les domaines de l'activité humaine, et débouche sur notre concept de double polarité du développement. C'est à dire, qu'elle procède par la même action au développement de l’Homme et à celui de la société. L'Initiation s'applique à la totalité de l'action humaine. C'est un critère explicatif multidimensionnel et multipolaire. Il devient donc possible d'identifier une trajectoire de développement spécifique aux sociétés africaines, et de proposer une conception africaine ou initiatique du développement.
23
La connaissance scientifique des mécanismes internes de transformation et de développement des sociétés africaines, conduit alors, logiquement à l'édification d'une théorie générale de développement du système communautaire. Cette théorie est non seulement capable de dégager un schéma conceptuel de développement du système communautaire, mais aussi d'identifier, et d'en définir les différentes phases. Elle pourra donc apprécier le niveau de développement atteint par les sociétés africaines de l'Antiquité et par celles de l'époque précoloniale. Cette théorie rend ainsi non contradictoires entre elles, l'ensemble des informations que nous possédons à ce jour sur l'histoire et la civilisation africaines. Elle possède trois niveaux d'abstraction. Au premier niveau qui relève de la conceptualisation, nous nous sommes consacré à l'élaboration d'une typologie que nous avons ébauchée ci-dessus, et qui a déjà été exposée dans le tome I. Au second niveau, sur la base de la définition scientifique de la société africaine, nous proposons ce qu'on appelle un modèle théorique qui relève d'une abstraction logicoexpérimentale, impliquant une reconstruction mentale de la société africaine, laquelle tient compte de sa dynamique interne et de ses mécanismes de changement. Enfin au plus haut niveau de notre théorie générale de développement de la société africaine, nous sommes convaincus, d’avoir identifier un paradigme qui organise la dynamique de la civilisation africaine elle même. C'est l’Initiation ou MAAT. Nous montrerons qu’il existe une différence qualitative entre ces deux notions. La MAAT nous étant apparue en fin de compte, comme une véritable science de développement spirituelle de l’Homme. Alors que l’Initiation est essentiellement l’idéologie de la société africaine. Elle provoque le développement de la société africaine, cycle par cycle. Le premier cycle que nous avons identifié est celui qui part du Type I au Type III du système communautaire. Le second cycle commence avec la sortie de l'expérience communautaire de la société africaine. Lorsque l’Initiation atteint un certain niveau de développement et d’abstraction, elle connaît enfin une mutation et apparaît comme une véritable science de transformation psychique de l’Homme. C’est ici qu’elle devient la MAAT.
24
Cette mutation donne naissance à la Société Initiatique . A l'heure actuelle il nous est impossible d'imaginer tous les développements ultérieurs de cette société africaine avancée. Nous pouvons simplement affirmer pour l'instant, qu'au vu de toutes ses potentialités, elle représente à nos yeux, non seulement la réponse la plus efficace à la crise de la société postcoloniale, mais aussi, à celle de la société moderne elle même, car leurs problèmes se superposent. De cette théorie scientifique découle une théorie politique, dont l'ambition est de changer le monde, et de bouleverser la science. Et d'abord l'Afrique. Il en résultera des explications précises sur les raisons qui ont empêché les sociétés africaines précoloniales de poursuivre leur processus de développement, suivant leur propre trajectoire. Ce qui nous permet de définir scientifiquement la situation historique dans laquelle se trouve actuellement la communauté africaine en général, et la société africaine postcoloniale en particulier. Il est possible d'analyser la logique et de connaître les mentalités qui dominent dans cette dernière. On aboutit alors à la connaissance de la nature même de sa crise: la crise de la personnalité africaine. On parvient ainsi, à la compréhension des traumatismes et des inhibitions qui accablent la communauté africaine, et qui empêchent l'épanouissement des citoyens africains et le développement de l'Afrique. Une fois établie, cette appréciation, comme on le verra dans le tome III, implique par nécessité historique, une rupture révolutionnaire avec la société postcoloniale. Pour notre part cette rupture doit donner naissance enfin à un Etat Fédéral Africain, seule entité politique capable à nos yeux de mobiliser les ressources colossales de l'Afrique pour les mettre au service du développement du continent afin de déclencher une Renaissance Africaine.
25
La théorie générale du développement du système communautaire que nous allons promouvoir, montrera que toutes les sociétés africaines, parce qu'elles partagent la même conception du monde, fondée sur la croyance en la Force Vitale, parce qu'elles possèdent la même idéologie, l'Initiation, partagent aussi, les mêmes symptômes de développement. Autrement dit, chacune d'entre elles possède toutes les ressources nécessaires pour expérimenter la trajectoire spécifique de développement du système communautaire, dont l'expérience la plus accomplie est celle de l’Egypte pharaonique. Si donc, théoriquement, n'importe quelle société africaine est capable de reproduire l'expérience pharaonique, qui n'est elle même que la mise en oeuvre du schéma de développement de la société africaine, une question grave se pose: «Pourquoi les sociétés africaines précoloniales, qui possédaient elles aussi, toutes les ressources nécessaires pour y parvenir, n'y sont-elles jamais arrivées?».
Est-ce le fait d'une malédiction Divine ? Les Africains seraient-ils victimes de leur «race» ? Serait-ce la culture Africaine qui constitue un obstacle à l'acquisition de l'esprit philosophique et scientifique, ainsi qu'à la réalisation du développement ? Au problème de la malédiction divine, il est facile de montrer qu'un tel préjugé était né dans l'esprit pervers de tous les Négriers et tous les Colonisateurs qui ont sévit en Afrique, pour se donner bonne conscience. Dieu n’ayant aucune Raison particulière, d’accabler la communauté africaine d’une malédiction perpétuelle.
26
Quant à la Race, la génétique a affirmé que ce concept n'est pas viable scientifiquement. Tous les êtres humains appartiennent pour ainsi dire à une même race. On pourrait pratiquement y inclure certains grands singes comme les bonobos et les chimpanzés dans la mesure où la différence génétique qui nous sépare d'eux est extrêmement infime 1. D’ailleurs les Africains, parce qu’ils constituent le p remier peuple de l’Humanité, forment aussi l’ethnie qui a engendré toutes les autres ethnies de l’Humanité. S'agissant de la culture africaine, les africanistes intégristes, y ont vu, à défaut d'explications plus massives, la cause majeure de « l'arriérisme » des Africains. Or, cette culture animiste et initiatique était précisément celle de l'Egypte des Pharaons. Elle n’a pourtant pas empêché cette société d'atteindre le haut degré de civilisation que l'on connaît, et qui éblouit aujourd'hui encore tous les peuples du monde. L’argument culturel, avec lequel l’africanisme croyait tenir la preuve même de la Malédiction du Nègre, va se révéler être une arme à double tranchant, qui va se retourner contre lui, et saper définitivement sa légitimité et sa crédibilité. Car, de la culture animiste africaine, va se dégager la notion de compacité conceptuelle, qui va permettre la découverte de la double structure du psychisme humain, laquelle permettra de repenser la Raison, de comprendre les raisons de sa faillite, et de son incapacité à trouver une méthodologie unifiée pour penser et expliquer la complexité du cosmos, et l’irrationalité du comportement humain. Nous allons montrer ici, contre toute attente et contre tous les préjugés érigés en muraille contre la pensée et la culture africaines, que c’est la MAAT, pensée authentiquement africaine, qui va répondre audacieusement aux questions qui désespèrent les savants modernes. Mais, aussi, à la crise de la civilisation occidentale elle-même. De même, pour nous l'explication de la situation actuelle de la communauté africaine ne se trouve pas dans les couches sédimentaires de préjugés accumulés par les africanistes intégristes, mais simplement dans l’histoire récente de l’Afrique. L’histoire des derniers siècles de l'Afrique, marquée, par des dominations, des violences et des destructions inouïes et systématiques qu'elle a subies de la part de
26 (suite)
Négriers et de Colonisateurs, de tout acabit avides des ressources colossales du continent Noir 2. Mais, la redécouverte de la MAAT par les Africains, puis sa pratique, et la construction de la nouvelle société africaine (la Société Initiatique) , sur les principes de la MAAT, va bouleverser la stratification établie par la culture dominante, qui maintient les Africains au niveau le plus bas de l’échelle humaine. Ainsi pour retrouver l’unité et la mentalité pharaonique des fondateurs de la race humaine, il est urgent pour les Africains de renouer avec la MAAT. C’est ici que l’adage de la Bible selon lequel « les premiers deviendront les derniers et donc inversement les derniers peuvent devenir les premiers » , va trouver son vrai sens. Il est temps que les Africains reprennent ce qui leur appartient. Car la plaisanterie n’a que trop duré.
1-UNESCO ; « Le racisme devant la science »; Gallimard/UNESCO, Paris, 1960. 2-MBOKOLO(E); « Afrique Noire. Histoire et Civilisations » ; Tome I, Hatier, Paris 1995, p. 165 à sq.
27 CHAPITRE I
L’INITIATION EST LE MOTEUR DE L’HISTOIRE DANS LA CIVILISATION AFRICAINE
D'après le schéma conceptuel de développement du système communautaire que nous avons construit et exposé dans le tome I de cet ouvrage, l'Initiation nous apparaît désormais comme le moteur de l'Histoire dans la civilisation africaine et l'outil de développement du système communautaire. On peut comparer ce rôle à celui reconnu au conflit et à la lutte des classes dans la civilisation occidentale. Mais l'Initiation, n'est pas que cela. Son action sur la structure et la stratification de la société africaine, rappelle, le rapport identifié par Max WEBER entre l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme. Cette découverte, du rôle révolutionnaire de l'Initiation au sein de la société africaine, modifie radicalement notre perception de la société africaine. Elle rend caduque le point de vue africaniste, fondé sur la vision d'une société africaine archaïque à laquelle il faut apporter le changement de l'extérieur. Elle redéfinit la valeur de la culture africaine ainsi que la nature de ses rapports avec tous les domaines de l'activité humaine. On passe ainsi du concept ethnologique au concept initiatique de la société africaine, qui exprime toutes ses potentialités. Nous consacrons ce chapitre à un travail de définition, pour situer et préciser la place de l'Initiation au sein de la société africaine. Puis, nous commencerons à tester, et à mesurer ses capacités opératoires, sur les sociétés africaines précoloniales.
28
1-L'INITIATION DANS LA RECHERCHE AFRICAINE
CONTEMPORAINE : C.A. DIOP FACE A L'IDEOLOGIE AFRICAINE CHEIK ANTA DIOP, est donc, le seul grand penseur de l'Afrique contemporaine à avoir adopté une attitude foncièrement négative face à l'Initiation 1. Son alter ego: Théophile OBENGA, sur ce point, semble être aux antipodes. Il affirme dans un livre écrit justement pour défendre l'oeuvre de C. A DIOP, «qu'il faut considérer les cercles initiatiques de l'Afrique profonde comme de véritables écoles philosophiques»2. Un autre de ses brillants disciples: le Prince DIKA AKWA Nya BONANBELA, n'hésite pas à dédicacer son livre intitulé:«Les descendants des pharaons à travers l'Afrique» 3 , ainsi: « A Jacqueline ROUMEGUERE EBEHRART, pour que vive et perdure l'Afrique Initiatique», Ailleurs4 , Il observe que l'action de l'initiation s'exerce en Afrique traditionnelle à travers la confrérie. Il écrit: «Ainsi la confrérie se saisit comme une société plurifonctionnelle, centre d'un cercle, qui se situe entre la secte religieuse ouverte du temple à la congrégation, une école spécialisée, une juridiction, une académie et la communauté de vie, d'un ordre, révélant tantôt l'une tantôt l'autre. Elle opère à la fois dans le cadre lignager et dans le cadre clanique qu'elle intègre et adapte dans une vaste construction, se fixant elle même des buts politiques, économiques et scientifiques une tradition philosophique» 5. Comment dans ce cas expliquer l'attitude de Cheik Anta DIOP ? 1-DIOP (C.A) ; « Antériorité des civilisations Nègres, Mythe ou vérité historique? » ; Présence Africaine, Paris, 1967. 2- OBENGA (Th.) « Cheik Anta DI0P, Volney et le sphinx » ; Présence Africaine, Paris, 1966 3- DIKA AKKWA Nya BONANBELA (Prince) ; « Les descendants des pharaons à travers l’Afrique » ; Ed, Osiris-Africa, Bruxelles, 1986. 4-DIKA AKWA Nya BONANBELA (Prince) ; « Les problèmes de l'anthropologie et de l'histoire africaines » ; Editions Clé, Yaoundé, 1982, pp. 216-213. 5- Voir aussi DIKA AKWA Nya BONANBELA (Prince) ; « La Bible de la sagesse bantoue » ; Ed. Centracam, Paris, 1955.
29
1.1. Le point de vue de Cheik Anta DIOP Soulignons d'abord, que sans aucun doute, C. A. DIOP a bien perçu la valeur fondamentale de l'Initiation dans la culture africaine, puisqu'il déclare: «La civilisation égyptienne était initiatique et élitiste: la Franc-maçonnerie moderne, issue d'elle, est la dénaturation abusive de son modèle» 1.
Mais en réalité son jugement sur ce phénomène est totalement négatif. Ainsi dans «Civilisation ou Barbarie» , il écrit: «Une idée maîtresse existe, comme partout en Afrique Noire, celle d'initiation à différents niveaux ou degrés, et qui n'a pas peu contribué à la dégradation et à la ossilisation des connaissances autrefois quasi scientifiques» 2.
Plus loin, il dit: «… la tradition initiatique africaine dégrade les pensées quasi scientifiques qu'elle a reçues à des époques très anciennes, au lieu de les enrichir avec le temps» 3.
Avant de proposer une explication de cette attitude négative face à cette ressource culturelle dont nous allons montrer le rôle décisif en tant que facteur essentiel de développement du système communautaire, il nous faut compléter le point de vue de C.A. DIOP par une citation tirée de «Antériorité des civilisations Nègres. Mythe ou vérité historique ?».
1-DIOP (C.A) ; « Antériorité des civilisations nègres, Mythe ou vérité historique ? » opcit. p.422 2-DIOP (C.A); « Civilisation ou barbarie » ; opcit, p.393 3-DIOP (C.A) ; opcit. p.405
31
Car la civilisation égyptienne n'a pu devenir ce qu'elle a été, que grâce à la puissance de la science initiatique, depuis le début, jusqu'à la fin. Et, même après que le peuple égyptien ait perdu sa souveraineté nationale, les peuples du bassin méditerranéen, venaient encore s'abreuver à la source de sa sagesse millénaire. On sait que c'est le cas de tous les illustres savants Grecs de l'Antiquité: PLATON, PYTHAGORE, THALES, EUDOXE, ARISTOTE, SOLON, etc. . . Donc, le jugement que porte l'auteur sur la qualité du système éducatif égyptien ne nous semble pas fondé, d'autant plus qu'il ne l'a pas étudié de près ainsi qu'il le reconnaît lui même. Il est sans doute lié à la recherche des causes du déclin de la civilisation égyptienne. Mais celles-ci semblent bien connues. Et, c'est l'auteur lui même qui nous l'apprend par ailleurs. En effet, la perte de la souveraineté nationale, et surtout celle de la maîtrise du système de reproduction sociale justifie amplement ce déclin. Quant à l'aspect méprisant et rébarbatif des savants égyptiens, il est lié à la nature même de la connaissance initiatique. En effet, et les initiés le savent bien la science initiatique en tant que science de la transformation psychique de l’Homme, recèle des méthodes , d’une puissance dangereuse, qui peuvent être fatales aux individus psychologiquement faibles. Seuls, les plus évolués peuvent accéder à ces secrets. Il ne s'agit donc pas de discrimination ou d'orgueil mais de précautions d'usage que l'on découvre avec la pratique initiatique elle même. Nous y reviendrons bientôt. L'attitude de C.A. DIOP, ne s'explique en réalité, que lorsqu'on prend en compte sa formation intellectuelle et ses choix idéologiques marxistes.
32
De «Nations Nègres et culture» à «Civilisation ou barbarie» , le marxisme apparaît de façon constante dans ses écrits comme outil d'action politique, et comme méthode d'analyse de la réalité. On peut ainsi rapprocher pour le vérifier, deux textes fort éloignés dans le temps. On peut en effet lire dans la conclusion du livre «Les fondements économiques et culturels d'un futur Etat édéral d'Afrique Noire» 1 ce qui suit : « Prendre dans la constitution les dispositions nécessaires pour qu'il ne puisse pas exister une bourgeoisie industrielle. Prouver ainsi qu'on est réellement socialiste en prévenant l'un des maux fondamentaux du capitalisme. Qui pourrait, aujourd’hui s'opposer décemment à une mesure préventive contre une classe encore inexistante en Afrique ?» Dans «Civilisation ou barbarie» il écrit aussi 2 : «Mais faudrait-il démontrer que ce sens africain de la solidarité est un trait psychologique et social susceptible de survivre à la révolution, un invariant culturel. N'appartient-il pas à une superstructure idéologique condamnée par l'histoire et le progrès et devant sombrer entièrement dans la vague révolutionnaire qui bouleversera l'ordre social ? N’est-il pas incompatible avec la conscience révolutionnaire de l'Homme nouveau africain en gestation dans toute l'action environnante, orientée vers l'élucidation de tous les rapports sociaux ?»
Les marxistes reconnaîtront aisément dans la première citation, une application locale de la «dictature du prolétariat», et dans la seconde celle du « matérialisme historique ». Or, parce qu'il tient en dernière instance l'action de la superstructure sur la vie matérielle des Hommes comme sans intérêt car privilégiant à l'inverse celle des forces productives, le Marxisme ne permet pas de comprendre aujourd'hui la problématique contemporaine du développement culturel. 3 1-DIOP (C.A) ; « Les fondements économiques… »; Présence Africaine Paris, 1960, p.121. 2-DIOP (C.A) ; « Civilisation ou barbarie »; opcit. P.467 . 3-CHASLE (R); « L'alternative culturelle »; Publisud, Paris, 1994.
33
En effet qu'est ce que le Marxisme 1 ? En tant que pensée, le marxisme, s'affirme comme un matérialisme philosophique. C'est à dire, qu'il réfute toute création du monde par une quelconque instance supérieure et surnaturelle indépendante de la volonté humaine. Le marxisme apparaît ainsi comme la radicalisation de la pensée occidentale, laquelle pour s'affirmer comme on le verra commence d' abord par se couper du Cosmos et de l'intelligence qui la gouverne: Dieu. Il tient pour des fantasmagories, les entités spirituelles et tous les phénomènes surnaturels. Nous sommes bien conscients du fait que chez C.A. DIOP, le choix du marxisme comme idéologie et méthode s'explique par la nécessité d'un engagement militant dans des conditions historiques particulières. En effet le combat politique à l'époque où ses convictions idéologiques se sont formées, était la lutte pour l'indépendance 2. Et, le marxisme était à cette époque, la seule idéologie dont la puissance révolutionnaire fût en mesure de barrer la route à l'impérialisme et au colonialisme. Ces convictions doivent donc être replacées dans un contexte historique qui les explique. Sous cet angle on peut même affirmer que tous les intellectuels africains ont été historiquement marxistes, sans exception. Néanmoins le seul fait d'adopter le Marxisme comme outil intellectuel d'analyse des faits et comme instrument de combat politique, entraîne des conséquences sur tous les plans.
1-ENGELS, expose clairement la position philosophique du marxisme dans « Ludwig euerbach et la fin de la philosophie classique allemande » Editions sociales, Paris, 1976, pp. 25-41 2-C'est l'époque de la rédaction de « Nations Nègres et cultures » ; Présence africaine, Paris 1954.
30
«Il manque, dans la littérature scientifique, un ouvrage consacré exclusivement aux méthodes universitaires égyptiennes, donnant des détails sur l'enseignement à tous les degrés; il semble qu'il ne serait pas difficile, à la lumière de tout ce qui précède, de montrer alors que le déclin de la civilisation égyptienne a été précipité durant les derniers siècles de ce contact avec les jeunes civilisations issues d'elle, par cet immense orgueil qui empêchait l'Egypte d'emprunter à ses élèves de naguère et par ce système défectueux de «l'initiation». Cette dernière institution, fatale au développement intellectuel des peuples, tout le reste de l'Afrique Noire l'a eue en commun avec l'Egypte. Dans certains cas, cela reflète une influence culturelle directe, dans d'autres une origine culturelle commune» 1.
Ainsi, ces jugements portent sur le système éducatif initiatique, c'est-àdire sur la MAAT, elle-même, qui selon l'auteur, dégrade la qualité scientifique des connaissances et les fossilise. En plus, il s'agirait d'un système qui rend les détenteurs de la connaissance peu communicatifs. Ailleurs, l'auteur souligne en effet, qu'en Egypte, les connaissances les plus avancées étaient en quelque sorte verrouillées, et au peuple n'était dispensé qu'un enseignement exotérique. Si ce que l'auteur affirme est vrai, une question vient alors immédiatement à l'esprit: comment malgré ce système «défectueux», l'Egypte a pu s'imposer pendant des millénaires comme la plus grande puissance culturelle et scientifique de l'humanité ? Lui même a consacré une grande partie de son oeuvre à défendre la rigueur de l'esprit scientifique des savants égyptiens. Si réellement cette institution devrait être «fatale au développement intellectuel des peuples», pourquoi n'a t-elle pas étouffé celui de L'Egypte elle même dès la période prédynastique, de sorte que celle-ci n'aurait jamais pu engendrer le développement culturel et le très haut niveau de civilisation qui fascine encore l'humanité aujourd'hui ?
1- DIOP (C.A) ; « Antériorité des civilisations Nègres… » ; opcit, p.102
34
Posons par exemple la question suivante à C.A. DIOP: «La culture africaine peut-elle servir de moteur au développement des sociétés africaines contemporaines, anciennes ou précoloniales?» En effet c'est dans cette question, que le rôle de l'Initiation devient explicite. Quelle peut en être la réponse ? Celle-ci peut être 1: Nous sommes persuadés comme tout le monde, que l'on ne crée pas sans la foi en quelque chose. C'est ainsi que la mythologie gréco-latine a donné naissance, provisoirement, à une civilisation féconde. C'est ainsi que la foi chrétienne, islamique, bouddhique a crée à l'origine de créations artistiques. Mais rien ne garantit la durée de telles croyances devant l'éternité de l'univers; elles semblent liées à des nécessités géographiques et historiques. Tandis que la croyance laïque en la nature, n'a rien de spécifiquement absurde, de caduc, de limité; c'est pour cela que nous espérons qu'elle est appelée à remplacer dans l'avenir tous ces faux contacts avec la nature. C'est ainsi que nous demeurons convaincus que le bienfait incontestable de la colonisation est le rationalisme laïc qui nous permet d'envisager les choses en dehors des catégories religieuses, quelles qu'elles soient, et de nous libérer ainsi intellectuellement». C'est ce choix matérialiste très clair, qui nous donne en définitive l'explication de son appréciation négative du fait initiatique, qui est la pensée africaine elle même, et qui croit en la toute puissance de l'esprit sur la matière. On le devine aussi dans ce passage 2: « A force d'enseigner la cosmogonie (...) Pendant des millénaires, les prêtres égyptiens s'étaient parfaitement rendus compte de l'importance relative des principes purement physiques et de la carapace divine de la théorie. S'ils n'ont pas secoué cette dernière, ce n'est pas par manque de logique ou de maturité scientifique, mais parce que leur prestige et les intérêts mêmes de leur caste sacerdotale militaient pour ce maintien, pour cette coexistence du divin et du profane dans la théorie. (...) Ce sont les disciples Grecs des prêtres égyptiens qui, à force de s'initier séparément, en Egypte, pour fonder des écoles rivales qui se critiquaient mutuellement, ont fini par créer les conditions générales d'une critique de ces doctrines, d'où sortirent progressivement une philosophie et un esprit scientifique débarrassés de leur ancienne gangue religieuse égyptienne.» 1-DIOP (C.A) ; « Les fondements économiques… » ; Opcit, p44. 2-DIOP (C.A) ; « Antériorité des civilisations Nègres… » ; Opcit, p.217.
35
En réalité, C. A. DIOP, ne nie pas l'existence de la philosophie et de la science du côté africain. Certes il précise que la présence de ces faits ne font aucun doute dans l'expérience intellectuelle égyptienne, alors qu'ils étaient pratiquement inexistants dans le reste de l'Afrique, mais sa vraie préoccupation, si l'on peut dire, est d'une façon générale, l ’archaïsme de cette pensée africaine enrobée dans une atmosphère métaphysique et qui finalement n'a pas inventé l'esprit scientifique au sens moderne et strict. Il écrit 1: « L'esprit scientifique au sens moderne naquit. Pendant longtemps cette science eut l'aspect d'une philosophie spéculative tournant le dos à l'expérimentation et se contentant, sans l'aide d'aucune divinité de déduire le monde de principes premiers sans tomber en contradiction. (...) A la suite de l'école de MILET, l'esprit scientifique est apparue, donc, d'abord sous la forme d'un divorce total entre principes physiques et le facteur divin de la théorie cosmogonique égyptienne ancienne. Celle-ci cède la place à une explication du monde qui se veut physique, strictement profane».
Plus loin l'auteur de «Antériorité des civilisations nègres...» ajoute 2: « Bien que les liens de parenté avec le pôle matérialiste de la pensée égyptienne restent visibles, on ne peut nier que cette école philosophique, scientifique devrait-on dire, ait bâti dans l'histoire de la pensée humaine, la première théorie scientifique au sens strictement moderne du terme (,,,) A côté de son oeuvre, toutes les manifestations antérieures de l'esprit humain, y compris les systèmes égyptiens, apparaissent comme des balbutiements. Le courant de pensée qu'elle représente marque une démarcation radicale, dans cet effort constant depuis l'origine des temps, de l'esprit humain pour accéder à la lumière. Or cette école fut incontestablement grecque; et c'est à l'honneur de la pensée grecque de l'avoir engendrée, quelles que urent les circonstances de sa naissance.»
1-DIOP (C.A) ; « Antériorité… » ; Opcit, p.220 2-Opcit, p.223.
36
On doit déduire de cette position intellectuelle qui est demeurée intacte tout au long de l'oeuvre du Grand Homme, un premier fait: C.A DIOP était matérialiste, et de ce fait il n'avait pas confiance dans la pensée africaine qui n'avait pas pu se libérer de sa «gangue métaphysique» pour devenir complètement laïque. Pour lui aussi, l'homme ne peut accéder à la connaissance scientifique que par une rupture décisive qui doit se produire entre la Raison et le Cosmos, et Dieu. C'est point par point l'argumentation de l'école de la philosophie critique africaine, que nous avons mis en exergue dans le tome I et que nous examinerons plus en profondeur dans le quatrième tome de cet ouvrage. Notre position intellectuelle, clairement affirmée et librement assumée, sera de partir, en rupture épistémologique avec notre Maître, de la pensée africaine telle quelle. Enrobée dans sa gangue métaphysique. A moins que ce ne soit la pensée africaine elle même qui soit essentiellement métaphysique; comme l'affirment les philosophes critiques africains et dans ce cas, enrobée dans la gangue du monde matériel. C'est à partir de cette spécificité radicalement africaine, que nous comptons faire la preuve du développement du système communautaire, grâce à l’action de ses propres ressources culturelles, sur sa structure. Et démontrer que l'Initiation, pensée africaine par excellence, dont le principe est la croyance en la toute puissance de l'esprit sur la matière, va bouleverser les fondements mêmes de la pensée scientifique, et provoquer une révolution paradigmatique et syntagmatique, dans la pensée humaine.
37
1.2. Discussion du point de vue de C.A. DIOP
Avant de réfuter son argumentation ici et plus loin, nous devons d'abord reconnaître que C.A DIOP a eu le grand mérite de réconcilier les Africains avec leur mémoire historique. Rappelons que la mission sacrée qu'il s'était imposée à lui même, a consisté à rétablir la continuité du passé de l'Afrique, de la Préhistoire à nos jours, en reproblématisant la période qui couvre l'Antiquité. Période au cours de laquelle l'Afrique a joué dans l'histoire universelle un rôle fondamental, dans l'invention de la civilisation. C'est l'affirmation fracassante de la négritude et de l'africanité de la civilisation égyptienne. Or, la mémoire de cette période avait été perdue pour les Africains, escamotée notamment par la recherche occidentale, qui ne pouvait se résoudre à révéler aux peuples africains la grandeur de leur passé, le rôle premier que jouèrent leurs ancêtres dans la naissance de la philosophie, de la science, de la technique et de la civilisation, au moment même où l'Occident impérialiste, les réduisait en esclavage puis les écrasait sous le joug colonial. En exhumant, et en ressuscitant ce passé glorieux, C.A. DIOP espérait, qu'une conscience historique puissante et révolutionnaire allait naître dans la psychologie des peuples africains. Elle devait les pousser à se re-prendre en charge et à secouer leur médiocrité actuelle, qui pour lui n'était que le produit d'une domination extérieure passagère.
39
Et il affirmait, que le Progrès et la Révolution (socialistes en ce qui le concerne) devraient détruire ce trait psychologique et social chez I’ Africain. Trait qui selon lui, n'est pas un invariant culturel, mais qui appartient à une superstructure idéologique condamnée par l’Histoire. On peut donc dire que dans une certaine mesure, si C.A. DIOP a incontestablement réconcilié les Africains avec leur passé en les décomplexant en quelque sorte, il leur a fermé en même temps, malheureusement, la porte d'accès à l'héritage le plus précieux de ce passé: l'INITIATION, c'est-à-dire la MAAT. En condamnant sans concession l’Initiation, C.A. D IOP s'est ainsi aliéné le concours du facteur culturel le plus puissant qui aurait permit de réaliser son propre testament intellectuel (voire politique), puisqu'il a laissé à la communauté africaine la recommandation suivante 1: «Pour nous, le retour à l'Egypte dans tous les domaines est la condition nécessaire pour réconcilier les civilisations africaines avec l'histoire, pour pouvoir bâtir un corps de sciences humaines modernes, pour rénover la culture africaine. Loin d'être une délectation sur le passé, un regard vers l'Egypte antique est la meilleure façon de bâtir notre futur culturel. L'Egypte jouera, dans la culture africaine repensée et rénovée, le même rôle que les antiquités gréco-latines dans la culture occidentale».
Alors nous posons la question suivante: qu'est ce qu'il faut retenir au juste de l'héritage pharaonique ? Les pyramides ? Les temples ? Les sphinx ? Les obélisques ? Les statues ? Les momies ?... Pour nous l’Initiation, la MAAT est le plus beau cadeau, l'héritage le plus précieux que les Pharaons aient pu léguer à l'Afrique contemporaine, car elle représente une clé qui ouvre deux serrures. D'abord celle du développement spirituel de l'Homme puis celle du développement de la société africaine elle même. 1-DIOP (C.A) ; « Antériorité… » ; Opcit.
40
L'Initiation nous le verrons plus loin, va être la pierre angulaire du plus grand bouleversement qui va affecter la pensée scientifique moderne, et la pensée humaine elle même. Il serait donc absurde, que les Africains eux mêmes qui en sont les inventeurs, n'en tirent pas profit. Au contraire, grâce à cet héritage fabuleux, c'est le moment pour l'Afrique d'inverser le cours de son histoire et d'apporter à l'humanité sa plus brillante contribution. L'Initiation constitue donc le trait d'union entre le passé, le présent et le futur de l'Afrique. Pour le reste, les emprunts se feront sélectivement au gré de l'inspiration et de la nécessité. Mais la question reste ouverte. On continue à discuter (sic !). Néanmoins, puisque C.A. DIOP affiche au total envers la culture africaine la même attitude que l'école de la philosophie critique africaine nous lui appliquerons donc la même critique, Son point de vue en effet mérite d'être réfuté sur au moins deux points. a)-C.A. DIOP avait tort de croire que l'Initiation était responsable d'une mentalité anti-scientifique. b)-Sa foi dans les capacités de la Raison nous paraît démesurée. Nous renvoyons pour le premier point à ce qui sera dit dans le tome IV de la critique de l'école de la philosophie critique africaine 1. Pour la suite, c'est à dire la démonstration que l'Initiation est un mode d'accès à la connaissance scientifique, puis dépassement de la Raison pour accéder non seulement à la connaissance formelle, mais aussi stable du cosmos, nous renvoyons au dernier chapitre de ce présent volume.
1-A paraître : JP KAYA ; « Théorie de la Révolution Africaine. Tome IV : L’édification de la Société Initiatique » ; Voir notamment le chapitre intitulé : « Ce que philosopher veut dire… »
38
C’est pour avoir fait ce travail ardu, qui du reste lui a valu beaucoup d’inimitiés, que C.A DIOP restera dans la mémoire des Africains un Grand Homme. Dans l’oraison funèbre qu’il lui consacrât à la télévision sénégalaise, le Professeur Théophile OBENGA a qualifié ce savant panafricaniste « d’Homme transcendantal »1 et nous pouvons ajouter qu’il fût aussi un Homme providentiel pour l’Afrique. Notre critique ne portera pas justement sur cet aspect impérissable de son œuvre auquel nous allons apporter plus loin notre soutien total et indéfectible. Nous ferons tout juste remarquer que, si l’émergence de cette conscience historique dans laquelle il mettait tous ses espoirs était indispensable pour que les Africains reprennent confiance en euxmêmes, elle reste cependant insuffisante pour leur proposer un projet de société précis. Pour que cette conscience historique se transformât en conscience révolutionnaire, il aurait fallu s’appuyer sur le contenu de l’héritage historique de l’Afrique, sa culture, et son idéologie pour construire « une théorie de la Révolution Africaine »2. C’est ce que nous faisons ici, justement. Car pour nous, il n y aura pas une Renaissance Africaine viable, sans une Révolution Africaine préalable. C’est justement ce que C.A DIOP ne pouvait faire, comme nous l’avons montré plus haut. Nous touchons ici aux limites de sa pensée. Pourquoi ? Parce qu’il était matérialiste, et ne croyait pas en l’efficacité d’une culture et d’une pensée africaines, enrobées dans une « gangue métaphysique » d’après ses propres mots. L’une et l’autre selon lui n’ont pas su créer une science au sens moderne. Nous avons souligné aussi comment pour lui la nature communautaire de la société africaine représentait un handicap pour le développement de cette société.
1-PRESENCE AFRICAINE N° SPECIAL ; « Hommage à Cheik Anta DIOP ». 2-DIOP (C.A) ; « Quand pourra-t-on parler d’une Renaissance Africaine ? » ; in « Alerte sous les tropiques » ; Compilation d’articles. Ouvrage posthume .
41
2-LA FONCTION IDEOLOGIQUE DE L'INITIATION
Au sein de la société africaine, l'Initiation apparaît habituellement comme un groupe parmi d'autres groupes, souvent même comme une société secrète à laquelle n'accède qu'une certaine élite. Ceci est vrai uniquement pour le Type I du système communautaire, dans lequel, l'Initiation n'est pas encore la pensée officielle de la société africaine. Mais lorsqu'elle finit par accéder à ce statut avec le Type II, elle exerce alors au sein du système communautaire, une fonction qui lui confère un rôle socialisateur spécifique, élargi et privilégié qui est le propre même d'une fonction idéologique. C'est cette fonction qui fait de l'initiation le moteur de l'histoire dans la civilisation africaine. Mamadou BALLA TRAORE, reconnaît lui aussi à l'Initiation cette fonction idéologique au sein du système communautaire. Mais nos points de vue divergent sur la définition de l'idéologie. Et, la chose a son importance. «Si l'on peut définir l'idéologie comme le produit de tout système social, estime t-il, à savoir l'ensemble des représentations, des normes et des valeurs qui ournissent jusqu'au moindre détail formel des modèles de comportement à l'individu, on peut alors dire que l'initiation dans la société Mandeng fonctionne comme une idéologie ». 1
1-TRAORE BALLA (M); « Société Initiatique et régulation sociale chez les Malinké et Bambara du Mali » ; Thèse de doctorat, Université Paris 1, 1980, p.192.
42
Cette acceptation de l'idéologie, très proche de la définition qu'en donnait MARX 1 , tend à confondre l'idéologie avec la culture elle même. « Dans « L’Idéologie allemande» il parle de « la morale, la religion, la métaphysique et le reste de l'idéologie», c'est en particulier le droit, la politique, les idées, les représentations et la conscience qu'ont les Hommes des choses et de la société, la langue qui sert à faire pénétrer toute cette « production» spirituelle ou mentale dans la pensée et dans la conduite. MARX a utilisé la même notion de l'idéologie dans l'avant propos de la « Critique de l'économie politique», où il dit que l'idéologie comprend « les formes juridiques, politiques et religieuses, artistiques, philosophiques » et il semble d'après le contexte, qu'elle s'étende aussi à la science. Bref l'idéologie de MARX recouvre, selon l'expression de G. GURVITCH, « toutes les oeuvres de civilisation».»2 Or, l'idéologie n'est qu'un élément de la culture. Qu'est ce que la culture ? On entend par là: «Un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins ormalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte » 3.
1-MARX (K) & ENGELS (F) ; « L’idéologie allemande » ; Ed. Sociales, Paris, 1968 ; 2-ROCHER (G) ; « Introduction à la sociologie générale. Tome I. L’action sociale » ; HMH, coll. Points, Paris, 1968, p.125. 3-Opcit, p.111.
43
Face à la culture, (ou plutôt dans la culture) la tradition sociologique définit l'idéologie comme : «un système d'idées et de jugements, explicite et généralement organisé, qui sert à décrire, expliquer, interpréter ou justifier la situation d'un groupe ou d'une collectivité et qui s'inspirant largement de valeurs, propose une orientation précise à l'action historique de ce groupe ou de cette collectivité». 1 L'idéologie, apparaît ainsi comme «une technique de définition de situation». Elle est la façon dont une collectivité ou les membres d'une collectivité expliquent et interprètent la situation présente de cette collectivité et attribuent une signification à cette situation. En plus de cette capacité à définir une situation, G. ROCHER ajoute trois éléments qui permettent d'expliciter la fonction de l'idéologie 2: a)-d'idéologie revêt une forme assez systématique, cohérente, organisée, du fait qu'elle est explicite et verbalisée ; elle prend ainsi le caractère d'une «doctrine», au sens large du terme; cette systématisation exige que les éléments de la situation soient mis en relief, qu'un accent particulier soit mis sur certains liens entre des éléments de la situation… b)-l'idéologie fait abondamment référence à des valeurs dont-elle s'inspire et qu'elle réorganise dans le schème de pensée qu'elle formule; F. DUMONT dit qu'on pourrait considérer l'idéologie comme «la rationalisation d'une vision du monde (ou d'un système de valeurs). c)-l'idéologie a une fonction conative, elle pousse ou incite une collectivité à l'action, ou du moins dirige celle-ci en fournissant des buts et des moyens» 3
Ainsi, contrairement à l ’approche marxiste du phénomène, l'idéologie n'est pas la totalité de la culture. Elle en est un élément, mais pas n'importe lequel, Elle est «son véritable noyau». 1-ROCHER (G) ; opcit, p.127. 2-OPCIT, p.128. 3-Voir aussi DUMONT (F) « Idéologie et savoir historique » ; cah. Int. De Soc. Vol. XXXV, Juil-déc. 1963, pp. 43-60.
44
« Dans l'idéologie, la collectivité se construit une représentation d'elle même, elle se donne une interprétation de ce qu'elle est, en même temps qu'elle explicite ses aspirations. S'inspirant à la fois de certaines valeurs et de certains éléments de la situation, entre lesquels elle cherche à opérer une jonction, inspiratrice à sa manière de modèles culturels, de sanctions et de symboles, l'idéologie occupe assurément dans la culture une position privilégiée.» (ROCHER, 1968, tome I, p.128)
L'Initiation occupe exactement cette situation dans la société africaine. Elle informe alors le contenu de l'action sociale et de l'action historique. Elle devient ainsi dans la société africaine le facteur majeur du changement social, et même du changement révolutionnaire. En effet, la première Révolution enregistrée dans l'histoire de l'humanité, qui eut lieu en 2100 avant J.C en Egypte, peut être considérée comme une Révolution Initiatique (en creux). Le peuple s'était soulevé contre le pouvoir pharaonique, réussissant même à destituer le Pharaon et le séquestrer, simplement pour réclamer l'extension des savoirs initiatiques à l'ensemble de la population. Lorsque ce fut fait, les choses rentrèrent dans l'ordre. Cette Révolution engendra la première période intermédiaire dans l'histoire de l'Egypte. En tant qu'idéologie, l'Initiation a pour fonction de donner sens à la logique du mode d'organisation communautaire. Ou plutôt elle a pour rôle de mettre cette logique en oeuvre. Nous avons déjà vu que la logique du système communautaire consistait à mettre chaque groupe et chaque membre du groupe en situation de se prendre charge lui même. L'initiation apparaît comme l'instrument qui permet de façon technique de faire l'apprentissage de cette auto prise en charge, en portant à l'absolu comme on le verra, le sens de la responsabilité de l'individu et en créant chez lui, une aspiration puissante à l'excellence et à la perfection.
45
On peut donc dire que la logique plurale de la société africaine ne fait que mettre l'individu en situation d'autonomie. Il faut par la suite l'intervention de l'Initiation pour que cette logique soit inscrite dans le programme génétique de l'être pour que le système communautaire se développe. L'Initiation apporte ainsi la science et la technologie nécessaire au bon fonctionnement du système communautaire. Si l'on supprime l'Initiation, le système communautaire entre en crise. C'est exactement la situation dans laquelle se trouvait la société coloniale, et à plus forte raison la société postcoloniale. C'est ici que l'Initiation, nous révèle son sens profond. On peut affirmer, qu'elle constitue le lieu de la pensée claire, au sein de société africaine, où se définissent le rôle de l'Homme dans la société et son destin dans le cosmos. C'est aussi le lieu où s'élabore un projet pour la collectivité, et se fabrique la stratégie et les moyens pour l'atteindre. Mais une telle aspiration n'est pas une idée en l'air. Car pour la produire, l'Initiation, commence par considérer la nature humaine comme un obstacle au développement spirituel de l'homme, parce que foncièrement égocentrique. C' est sur cette base technique peut-on dire, qu'elle postule la transformation psychique de l'être pour lui permettre d'accéder à une conscience absolue de la responsabilité et aussi à des qualités morales élevées afin d'acquérir un esprit d'entrepreneur, de bâtisseur et de conquérant, autrement dit, une Mentalité Pharaonique.
46
3-L'INITIATION COMME FORCE DE TRANSFORMATION DU SYSTEME COMMUNAUTAIRE. L'EXPERIENCE DE L'AFRIQUE PRECOLONIALE : ESSAI D'AXIOMATIQUE
Si, l'initiation nous apparaît telle qu'elle est aujourd'hui, c'est à dire comme une survivance archaïque, de la société africaine antique et précoloniale ; et suscitant tout au plus une curiosité folklorique et touristique, c'est pour une raison à ne jamais perdre de vue: les violences et les traumatismes que la société africaine elle même a subis historiquement, et qui ont pétrifié sa pensée et son idéologie. Notre but sera ici et plus loin de la réanimer et de lui redonner vie. Une telle mission nous conduit d'abord en Afrique précoloniale pour évaluer les capacités opératoires de l'idéologie africaine. Si l'objectif fondamental de l'initiation est de produire un individu: responsable, excellent et parfait, on veut savoir comment les Africains précoloniaux ont compris et mis en oeuvre cet impératif. Quelles étaient leurs méthodes. Comment organisaient-ils l'institution initiatique ? Que valaient leurs connaissances dans ce domaine ?
47
3.1. Connaissance de soi et pédagogie initiatique L'Initiation vise la production d'un être responsable, excellent et parfait. Cette volonté de transformer l'être et de le conduire à l'excellence et à la perfection, au point où il devient capable de s'identifier avec sa propre Nature Divine, ne se fait pas aveuglement. L'initiation commence par faire une place très importante à la connaissance de soi. C'est à dire à la connaissance de la structure psychique de l'être et de ses éléments, sur lesquels va porter par la suite son action. Dominique ZAHAN 1 a pu ainsi se rendre compte par lui même que : « … en Afrique, ce qui est caché est plus profond et plus vrai que ce qui est visible. L'Homme intérieur est plus estimé que l'Homme extérieur; la pensée s'affirme comme une valeur supérieure à l'acte; l'intention prévaut vis à vis de l'action (...) C'est grâce à la valorisation de l'Homme intérieur que l'être humain se hisse au-delà de ses limites pour ainsi dire naturelles et accède aux dimensions des dieux. Il devient autre en refusant la valorisation des apparences, pour exploiter en profondeur son être secret. Cela ne va pas sans l'acquisition d'un véritable « sens du dedans», d'une véritable science de l'âme. Et cela ne va pas, non plus, sans une transformation totale de la personnalité qui se réalise au cours d'initiations marquées principalement par la mort du « vieil Homme» et «la résurrection d'un être nouveau».
1-ZAHAN (D) ; « Religion, spiritualité et pensée africaine » ; Payot, Paris, 1970, p. 89. Voir aussi D. ZAHAN ; « Sociétés d’initiation Bambara. Le N’Domo, le Koré » ; La HayeMouton, Paris, 1960.
48
Cette présence spécifique au monde de l'Africain, est quelque chose de totalement partagé par tous les peuples du continent noir 1. Il serait ainsi possible de multiplier des exemples sur le fait initiatique, en évoquant plusieurs expériences à travers le continent, telles celles: des Joola, des Sara, des Douala (Gondo), des Kongo (Kimpasi), des Fang (MBuiti), des Sénoufo (Poro), des Vili (Tchikoumbi); ou encore la trilogie initiatique (Khomba, Tshikanda, Domba) des peuples du Sud-Est africain: Sotho, Swazi, Tsonga, Zulu, Xhoza, etc... En fait la liste des sociétés initiatiques est pour ainsi dire illimitée, dans le temps et dans l'espace. Essayer d'en rendre compte, n'aurait pas de sens. Mais n'y a pas que partage du phénomène lui même. Il y'a aussi partage du sens profond du phénomène. D. ZAHAN constate encore 2: « De l'analyse succinct de ces quelques types de passage à la connaissance, il ressort que, considéré sous l'aspect d'introduction de l'homme à ses propres mystères et à ceux de l'univers, le schéma initiatique se présente avec une similitude remarquable chez les populations les plus différentes, aussi bien chez celles du Sud de l'Afrique que chez les nomades lancés à travers les steppes et qui, en apparence, sont ort éloignés, culturellement parlant des premières».
1-FROELICH (J,C); « Animismes »; Editions de l'Orante, Paris, 1964, pp.129-l57. 2-ZAHAN; Opcit, p.97.
49
Nous ne nous intéresserons ici, qu'à l'expérience manding qui associe deux peuples de l'ouest africain: Bambara et Malinké. Ce cas est intéressant, parce qu'il a donné lieu à une chaîne initiatique complète. Et apparaît ainsi comme représentatif de la pratique initiatique précoloniale. Elle s'articule de la manière suivante: «La connaissance de soi (NDOMO) engendre l'investigation au sujet de la connaissance elle-même (NKOMO) et amène l'Homme en face du social (NAMA): de là, naissent le jugement et la conscience morale (KONO). Elargissant son champ visuel, la connaissance aborde le cosmos (CYWARA) pour aboutir à la divinité (KORE)» 1. Mamadou BALLA TRAORE, qui a consacré au système initiatique mandeng une thèse de doctorat, nous a permis de suivre à travers les différentes étapes du processus initiatique, le développement psychologique de l'individu. Dans la culture mandeng, les institutions initiatiques reçoivent le nom générique de JOO (Joow au pluriel). Chacun des joow nous dit l'auteur, représente non seulement un aspect de l'homme, mais se situe à un moment critique de son développement psychologique. Ces joow sont au nombre de six: Ndomo, Komo, Nama, Kono, Nama-Korokun (ou Cywara) et oré.
1-BALLA TRAORE (M) ; « Société Initiatique et régulation sociale… » ; Opcit, p.231.
50
Cet ordre d'énumération, correspond également à celui des initiations successives que tout Mandeng devait subir pour se réaliser totalement. Nous allons présenter cette chaîne initiatique en nous référant entièrement au texte de l'auteur. (BALLA TRAORE, 1980, p.179) «1°-Le NDOMO. Considéré comme le premier âge de l'homme, ce Joo est une institution pré-initiatique qui se propose de reveiller la conscience des enfants noncirconcis (bilakoro) en vue de leur ouvrir la route, la voie (sira) qui mène au savoir (doni-ya). 2°-Le KOMO. Littéralement pèche des choses concrètes et abstraites, est pour ainsi dire l'âge de la raison. On y accède après avoir subi l'acte de différenciation et de confirmation qu'est la circoncision. L'organisation toute entière de ce Joo est structurée autour d'une notion clé. «L' homme-verbe, l'homme-savoir». Son enseignement tend à élargir la prise de conscience de soi-même (Ndomo) en l'étendant à la connaissance des «choses concrètes et abstraites» qui constituent ce que les Mandeng nomment doni-ya, connaissance. 3°-Le NAMA est un Joo dont l'orientation instruit l’initié des relations créatrices de vie. Son enseignement porte sur la complémentarité et l’opposition des différences dans le dualisme sexué. Le NAMA développe à l’instar des autres Joow, certains thèmes du mythe de la création, en montrant que société, culture et savoir, ne peuvent résulter que des relations entre élements marqués de masculinité et de éminité. Ce Joo, comme le KOMO, est chargé de veiller à la santé et à la prospérité de la société.
51
4°-Le KONO, littéralement oiseau, intérieur, ventre, est un Joo qui se propose d'enseigner à l'initié les rapports dialectiques entre la pensée (miri) et le corps, (farikolo). Il approfondit à cet effet certains aspects particuliers de la «théorie» de la personne abordés par les Joow précédents. 5°-Le NAMA-KOROKUN ou CYWARA est le Joo qui célèbre l'union du soleil et de la terre. Lié aux techniques de production des biens vivriers, le Nama-Korokun est la seule institution initiatique masculine qui admet en son sein la présence de tous: emmes et enfants. Chargé de magnifier les vertus du travail de la terre (cy), ce Joo est associé à la graine primordiale (Fini) dont la fécondation a permis l'émergence de l’agriculture comme procès d’humanisation des hommes. 6°-Le KORE est l'institution initiatique qui couronne et totalise l'intégralité des autres Joow. Cette société propose d'élever ses membres, parvenus au sommet de leur ormation, au-dessus des contingences matérielles. L'enseignement dispensé par ce oo a trait à la transcendance et à la divinisation de l'Homme. Son vaste programme initiatique tout comme le caractère mystique de ses révélations, font du Koré, la fin et l'aboutissement du savoir mandeng.» A l'examen de cette chaîne initiatique, on se convainc facilement de la volonté et de la capacité de l'Initiation de soumettre l'être et le cosmos à une connaissance approfondie. L’Initiation L’Initiation apparaît comme un discours et une pratique, qui permettent à l'Homme de prendre conscience de la signification de sa propre présence au monde. Cette prise de
52
conscience passe par la connaissance de soi, puis par le développement de toutes les capacités mentales de l'être. Ce qui conduit à sa propre divinisation. Ainsi le développement spirituel permet l'éclosion des capacités mentales supérieures, qui permettront à l'Homme d'accéder à la structure même du cosmos, telle qu'elle a été posée de façon permanente par son Créateur. Citons ici une fois encore Dominique ZAHAN 1 pour expliciter le rapport qu’entretiennent l'Initiation et la connaissance. «Mais qu'il s'agisse des rites Sénoufo ou de rites Bambara, un élément identique caractérise toutes ces cérémonies: l'effort de l'homme vers un dépassement de soi-même. Qu'une certaine ascèse soit de rigueur dans ce mouvement de conquête spirituelle, cela n'étonne point. Par contre, ce qui peut frapper notre esprit occidental, habitué au monopole du savoir, c'est de constater que pour réaliser cette transcendance, l'homme emprunte la même voie en Afrique qu'ici. Car l'Africain est conscient, lui aussi, de ce que seule la connaissance libère l'être humain des étreintes de la matière et lui permet de se hisser au-dessus des conditions ordinaires de l'existence. Et ce qui est plus surprenant encore, c'est de découvrir à quel point ces idées sont répandues sur le continent Noir: pratiquement, le passage, à la connaissance n'y admet pas d'exceptions, car il constitue le véritable titre de noblesse de l'Africain».
Ici, nous nous souvenons de la critique adressée à la pensée africaine par l'école de la philosophie critique. Pour elle, parce que liée au mythe, non séparée de la vie, la pensée africaine ne pouvait pas développer l'esprit philosophique, lequel par ailleurs ne se distingue pas de l'esprit scientifique. En réalité, la rupture opérée par l'Africain est d'une autre nature. Si la pensée occidentale rompt les liens avec Dieu pour accéder à la connaissance, la pensée africaine, elle le fait avec la nature humaine, dans ce cas elle crée un autre mode d'accès à la connaissance. Nous y reviendrons plus loin. 1-ZAHAN (D) ; Opcit, p.105.
53
C'est en cela souligne D. ZAHAN, que consiste à proprement parler, le passage de l'homme à la connaissance. Dans sa capacité à se dépasser. C'està-dire, à rompre les liens avec la nature inférieure de l'Homme qui est égocentrique et primitive. Et qui de ce fait rend l'entendement obscur et la pensée épaisse. D'après Mamadou BALLA TRAORE: T RAORE: «Chez les populations mandeng, il existe un véritable culte rendu au savoir: (doni), d'où le nom de DOMA donné à ceux qui en possèdent. Le savoir fait l'objet d'une classification selon les catégories suivantes: de l'obscur: DONIFIN et du clair: DONIGBWE, du lourd: DONIGIRIMAN au léger: DONIFEGMAN. Au premier niveau de l'édifice, nous trouvons le DONIFEGMA, le savoir ou la connaissance légère, celle qui est accessible à tout un chacun. Au second palier, nous avons le DONIGIRIMAN qui peut être soit obscur DONIFI, soit clair, DONIGBWE. Ce deuxième type de savoir appelé «connaissance profonde» se profonde» se rattache à des niveaux protégés par des pratiques appropriées. Sa transmission t ransmission s'opère toujours par le biais de l'initiation au sens restreint du terme; il ne peut être communiqué qu'à ceux qui le sollicitent en prouvant par leurs efforts, leur désir de l'acquérir» l'acquérir» (M.BALLA TRAORE, 1980, p. 189) Voilà qui explique clairement l'attitude peu communicative des Grands Maîtres Initiateurs Egyptiens envers les Grecs qui venaient justement solliciter l'acquisition du savoir obscur en Egypte ancienne. La volonté de transformer l'Homme, oblige l'enseignement initiatique à développer un savoir précis sur celui-ci, ainsi que sur le monde monde qui l’entoure.
54
Parce que l'homme est considéré comme habité par la même énergie que celle qui circule dans le cosmos, entre Dieu et sa Création. Ainsi, la logique même du travail initiatique, ne peut que croître en rigueur, puisque le résultat recherché doit à la fin être tangible, c'est à dire, le sens de la responsabilité, l'excellence et la perfection doivent être constatés chez l'homme pour justifier l'existence même de l'institution initiatique. L'enseignement s'oriente donc d'abord vers la connaissance de la structure psychique de l'être, car c'est en agissant sur elle, que la transformation de l'être devient possible. C'est ainsi qu’on retrouve chez tous les peuples africains une même préoccupation à appréhender l'homme de l'intérieur qui ne se justifie que par les exigences du travail initiatique. Dans le processus mis oeuvre, une importance fondamentale est accordée à l'étude de la personne, qui est considérée comme une pluralité d'éléments (âmes, principes vitaux, noms etc.) d’origines diverses, qui peuvent se rapprocher ou s'éloigner, se disperser ou s'agglomérer. Etienne Le ROY 2 rapporte, que chez les Wolof : «Le Jiko (personnalité) est ainsi constitué par l'être humain (nit) dans son aspect corporel qui, lui même, comprend le corps (yaram) et le souffle (ruu). Le rab (esprit) est la zone invisible, toujours ac tualisable de la personne. (…) Mais le Jiko, resterait incomplet sans référence à ce qui, chez les Wolof est considéré comme la Force Vitale (fit) pour en faire un «porte-bonheur».
1-BALLA TRAORE (M) ; Opcit, p.186. 2-Le ROY (E) ; « L’individu face au pouvoir. Communauté d’Afrique Noire et protection des droits de l’individu : problématique, modalité et actualité » ; Ed. Dessain et Tolora, Paris, 1988, pp.41-42.
55
«Car le rab , et le fit , parties invisibles et diversement manipulables du nit , sont d'autres contrepoids à l'expression incontrôlée de l'individualité (...) Assane SILLA écrit ainsi: «Il y a interconnexion étroite entre les trois principes fondamentaux de l'existence de l'être humain, certaines maladies pouvant être interprétées comme résultant d'un relâchement de cette union (l'éloignement du fit ) et la mort comme la dissolution complète, chaque principe retournant à sa source, le corps à la terre, le demeurant peut être attaché à la lignée, d'où possible réincarnation uu à Dieu, le fit demeurant de l'ancêtre», et de l'intervention des rab , ajouterons-nous» 1.
Nous constatons ici cette «acquisition d'un véritable «sens du dedans», d'une science de l’âme» dont parlait D. ZAHAN (plus haut). On doit aussi, souligner que la différenciation que nous avons déjà vu à l'oeuvre chez les êtres (qui impose la complémentarité) et dans la société (qui entraîne la pluralité sociale), se retrouve également dans la structure psychique même de l'homme. C'est justement grâce à cette pluralité intérieure, que le travail initiatique est rendu possible, puisqu'il porte sur le développement équilibré entre les différents éléments du psychisme humain: la volonté, l'affectivité, et l'intellect. Eléments dont les Africains ont une perception claire, et une conscience intime. C'est précisément sur ces éléments de la structure mentale de l’homme que s'exerce le travail initiatique.
1-LE ROY (E) ; Opcit, pp.41-42
56
Cependant, nous ne sommes plus d’accord d’accord avec avec M. B. TRAORE lorsqu'il prétend que ce travail vise entre autre l'«intégration personnelle qui est aptitude à totaliser en un Moi unitaire toutes les multiples influences qui s'exercent du dehors», (M.BALLA TRAORE, 1980, p. 200). Nous ne voyons pas pour quelle raison le développement psychologique devrait se traduire par la réduction de la pluralité intérieure à un seul élément. Ce dont il s'agit, C’est C’est de développer parallèlement la volonté, le coeur et l'intellect et non de les réduire dans un moi unitaire, ce qui n'a pas de sens. On verra plus, qu'il existe une hiérarchie et une complémentarité indispensable entre ces éléments éléments de la structure mentale de l’Homme. l’ Homme. Chez les Mandeng, la pédagogie initiatique consiste à éprouver l'individu dans son être, pour l'endurcir l'e ndurcir afin de le préparer à l’existence. l’exis tence. C’est C’est en effet par la souffrance physique, que l'on espère atteindre la structure psychique psychique de l’homme. L’Initiation L’Initiation des anciens Congolais, le KIMPASI, signifie de ce fait, «lieu de souffrance». Tout commence en général avec la circoncision. «Dans la théorie de la personne chez les Malinké et les Bambara, l'incirconcis, le BILAKORO est porteur d'un élément, principe ambivalent appelé WANZO. La circoncision en le débarrassant de ce principe, affûte en même temps son intelligence et facilite, dit-on la socialisation (M. BALLA TRAORE, 1980, p. 213). Ainsi l'être devient sur le plan de la méthodologie initiatique, le terrain privilégié des enquêtes et de toutes les expériences. Seul capable de fournir fou rnir le critère de la vérité.
57
«L'apprentissage commence dès les premières années de la vie. Il est centré d'emblée sur la domination de la souffrance, tant sur le plan physique que moral. L'individu apprend constamment à contenir ses réactions vis à vis des situations qui lui sont imposées par le groupe lors de son insertion progressive au sein de la société des hommes. En développant, par le truchement du sentiment de l'honneur, la capacité de résister aux émotions que procurent habituellement la douleur physique et la souffrance morale, le code des valeurs engage chacun à faire preuve de CEYA(courage, bravoure), condition pour être un homme.» homme.» (M. BALLA TRAORE, 1980, p.208). Dans l'expérience mandeng de l'initiation, ce sont notamment les Joow: NDOMO, KOMO, et KORE, qui structurent la pratique autour de l'épreuve physique. «Les rites initiatiques sont toujours des épreuves destinées à éprouver le courage personnel, ils se déroulent toujours dans le silence opposé à la souffrance. C’est là que réside toute l’e fficace de la pédagogie. Car une fois les épreuves passées, et toute souffrance oubliée, il subsiste toujours un « surplus » irrévocable : les traces que laissent le fouet (NDOMO) et (KORE) ou la marque du couteau (KOMO). La ustigitation rituelle disent les Bambara et les Malinké dans leurs chants, est destinée à « tremper » le corps de l’initié, à vivifier sa pensée en oeuvrant à sa réflexion afin de ortifier sa personnalité. Le corps disent les Mandeng, médiatise l’acquisition du savoir, et c’est ce qui explique que l’initiation en son moment sublime c'est-à-dire lors des cérémonies appropriées, prend complètement possession du corps de l’initié pour y inscrire la « loi » de la société, y rassembler « l’éthos communautaire ». Ce aisant la marque devient par sa proximité même, un obstacle à l’oubli, une partie intégrante de la mémoire de la société ». » . (M. B. TRAORE, 1980, p.208).
58
Pour se faire une idée exacte de ces pratiques, il nous faut citer l'abbé HENRY 1 témoin oculaire des faits qu'il rapporte: « Sur la place publique, en face des tambours qui donnent la mesure et battent la cadence, nos jeunes NDOMO DEON (initiés au NDOMO) vont se flageller et, pour la plupart, jusqu'au sang. Les vieux accourent, traînant leurs nattes après eux, les emmes accroupies sur leurs tabourets minuscules frappent des mains et chantent, et les mamans ceignent les reins de leurs enfants d'une longue écharpe blanche pour leur protéger le bas-ventre d'un mauvais coup...Tous, deux par deux, par rang d'âge et de taille, les enfants se flagellent et durant des heures souvent c'est, surpassant les applaudissements de la foule et ses cris d'encouragement, le flic et flac des coups de gaule faisant jaillir le sang, meurtrissant les chairs, laissant toujours pour marque un sillon gros comme le pouce. Les petiots de six à sept ans, s'arrêtent souvent au deuxième coup, pour se gratter l'échine, ouvrir la bouche et pleurer, mais j'en ai vu rester impassibles tout comme leurs aînés de dix à douze ans, pas une larme, pas une plainte, pas un cri de douleur, c'est à les croire de bronze tant ils sont insensibles.»
Ainsi on attribue à la douleur une fonction pédagogique. Elle participerait à la destruction de l'ancienne personnalité pour imposer la nouvelle, et la fortifier dans son rôle. La discipline, la mise à l'épreuve morale et physique sont partout en Afrique précoloniale des techniques qui furent largement utilisées pour réglementer l'acquisition du statut d'initié. En réalité cette souffrance physique administrée à l'individu, ne se justifie que parce qu'elle est doublée d'un processus symbolique profond celui de la Mort nitiatique , à l'issue de laquelle, le postulant à l'Initiation, se réveille à une autre personnalité, considérée comme une Nature Divine et Supérieure 2. 1-Cité dans BALLA TRAORE (M) ; Opcit, p.209 2-Voir VAN WING (R.P) « Études Bakongo, Sociologie, religion et magie » ; Désclée de Brouwer, Bruxelles, 1959, p.455-457.
59
Dominique ZAHAN1 écrit en effet: « … L’I nitiation africaine comporte un autre aspect non moins prenant que celui que nous venons d'analyser. Elle se veut être une sorte de sacrement qui, après une mise à mort symbolique du novice, est susceptible de lui octroyer la résurrection et une nouvelle vie.».
Il nous faut introduire à ce stade de notre argumentation un nouveau concept. Celui de « nature humaine» , que nous avons abondamment évoqué jusqu'ici, mais qu'il faut maintenant situer et expliquer. Ce concept n'a de sens, que dans une culture où la croyance en un démiurge, en une entité transcendante, responsable de la création de la nature et expliquant son fonctionnement comme dans l'expérience animiste, ne pose pas de problèmes. Car dès qu'on croit que le monde a existé de tout temps, et qu'il n'est habité ou gouverné par aucune intelligence supérieure à celle de l'Homme, il n'y a plus aucune raison de penser que l'Homme possède une nature opposable à une nature qui lui soit meilleure et supérieure. C'est le point de vue existentialiste défendu par SARTRE 2 , mais en réalité pouvant être étendu à l'idéologie individualiste de la société moderne elle même. Or, pour l'Africain, l'existence d'une nature humaine ne fait aucun doute. La seule présence d'institutions initiatiques le prouve. En effet, il est absurde de vouloir transformer l'homme afin de faire émerger en lui une Nature Supérieure et Divine, si l'on croit que celle-ci ne correspond à rien de concret. Et donc qu'une simple socialisation suffirait à donner sens à sa vie et une instruction appropriée à lui donner des compétences nécessaires pour qu'il se prenne en charge. En fait la croyance en l'existence d'une nature humaine est liée à la découverte d'une double structure du psychisme humain en Initiation.
1-ZAHAN (D); Opcit, p.98. 2-SARTRE (J.P) ; « L'existentialisme est un humanisme » ; Nagel, Paris, 1960, pp.21-22.
60
Le sens profond du travail initiatique réside dans l'idée que, la nature humaine est quelque chose de négatif. Elle est à l'origine de tous les maux de la société, de toutes les aberrations mentales. Elle explique la violence et l'injustice, la médiocrité comme le racisme. La raison à tout cela est que, cette nature inférieure se caractérise par l'égocentrisme , qui est sa caractéristique fondamentale, la même chez tous peuples de notre humanité, et opposable à une Nature Supérieure Divine, qui habite aussi le psychisme humain et qui est l'opposé de la nature humaine, représentation de toutes les qualités: le désintéressement . Les paysans africains ont ainsi une perception nette de la nature de la nature humaine. A tel point qu'ils identifient systématiquement le moindre comportement égoïste des personnes venant de la ville comme le résultat d'une exposition prolongée de l'être à la culture occidentale. L'égocentrisme est donc le pire défaut dont on puisse taxer le membre de la société africaine. Il équivaut à l'exclusion sociale de celui-ci. La société africaine considère réellement l'égocentrisme comme l'expression d'une psychologie primitive. L'idée d'une Nature Divine s'impose ainsi comme le but suprême à atteindre par le travail initiatique. Car, du moment où l'on engage un processus de développement spirituel, il faut bien se donner un idéal, se fixer un but clairement défini à atteindre. On verra que ce haut idéal est en soi indispensable pour le travail initiatique lui même, car il mobilise de façon permanente l'attention sur la vie que l'on mène, sur les actes que l'on pose, sur les sentiments que l'on éprouve, et sur les idées que l’on produit.
61
En effet la pédagogie initiatique, est un processus sans fin, de l'exercice de l'effort, sans rupture, pour atteindre un Haut Idéal. Au cours de ce processus, l'adepte de l'initiation découvrira avec étonnement l'apparition dans son propre psychisme des qualités mentales supérieures, que l’on appelle vulgairement des « pouvoirs » . Ces transformations sont inévitables, puisque le travail initiatique agit sur la structure psychique profonde de l'être. Mais un vrai initié ne fait pas de l'acquisition de ces qualités, sa préoccupation majeure. Tout son être doit être tendu vers l'identification avec la Nature Divine. Celle-ci se produira en raison inverse, du niveau d'évolution de chaque adepte. Pour accélérer ce processus, il doit considérer la vie quotidienne comme une matière à transformer. C'est pourquoi l'Initiation s'impose à l'observation comme avant tout une école de l'effort. L'effort permanent exercé par soi sur soi même, donne à la pédagogie initiatique son identité profonde. C'est cet effort résolument orienté vers une finalité, qui à la longue, provoque en l'Homme une rupture des barrières internes accumulées par une vie précédente fondée sur l'égocentrisme. La Force Vitale, jusque là entravée dans sa tendance à la mobilité, peut enfin circuler dans des voies énergétiques que l'organisme a prévu à cet effet. Le travail initiatique est donc l'action d'intensifier la force vitale, dont la circulation réveille progressivement les centres énergétiques et spirituels qui sommeillent en l'Homme. Un tel processus conduit à provoquer l'éveil et la manifestation, de la Nature Divine de l'Homme, qui vient prendre alors la direction du psychisme humain. A ce stade, l'Homme atteint l'idéal fixé par la science initiatique. Il s'identifie à Dieu.
62
3.2. La mort Initiatique et la renaissance spirituelle: ou deuxième naissance
C'est pour atteindre le Haut Idéal que représente la Nature Divine, que la pédagogie initiatique reste à l'affût des techniques de travail toujours plus efficaces. Elle est poussée vers cette recherche de l'efficience par la logique et la dynamique mêmes du travail initiatique, qui est inconciliable avec toute forme de médiocrité. On a vu par exemple, qu'elle n'hésitait pas à infliger au corps physique des traitements atroces pour respecter cette logique. L'expérience de la mort initiatique que nous avons brièvement évoquée cidessus, vient clore ce processus d'auto transformation. Selon D. ZAHAN1 , «On admet habituellement que la mort et la résurrection du néophyte correspondent à l'idée de renouvellement de l'être humain qui grâce à ce traumatisme symbolique dépouille le «vieil homme» qu'il était pour se muer en «nouvel homme» correspondant à son état spirituel d'initié».
La mort initiatique était d'après le R.P Van WING 2 , dans le système initiatique de l'ancien royaume kongo, (Le KIMPASI), le mystère le plus profond, le moment le plus mystérieux. Celui qui l'avait connu et vécu, se considérait par la suite comme l'égal des dieux.
1-ZAHAN (D) ; opcit, p.99. 2-VAN WING (R, P) ; « Etudes Bakongo. Sociologie, Religion et Magie » ; opcit.
63
C'est en effet, à ce moment que s'opère la transmutation de la personnalité. B. HOLAS 1 observe à propos de l'institution du PORO chez les SENOUFO que: « Le but final de cette instruction est de conduire l'homme de son état primiti d'animalité à celui d'unité sociale parfaite, ou en d'autres termes, créer, réaliser l'homme (...) Nous assistons ici en fait à une métamorphose laborieuse et à longue échéance, avec au bout une sorte de divinisation du mortel qui parvient à une place centrale dans le système phénoménologique».
Soulignons donc que, la décision de tuer l'homme dans sa nature humaine inférieure et égocentrique pour le ressusciter dans une Nature Supérieure et Divine, est une décision consciente, découlant d'une connaissance préalable de cette nature, c'est à dire de son caractère négatif et égocentrique. Il ne s'agit donc pas d'une improvisation, ou d'une curiosité ethnologique et folklorique qui n'a pas de sens. Dans cet acte, s'explique l'identité profonde de la science initiatique. L'homme est considéré comme un être primitif et nuisible tant qu'il n'a pas fait par l'effort, l'expérience directe de la divinité. Il ne s'agit donc pas d'adresser des prières intéressées à Dieu, ou d'aller à la messe une fois par semaine, mais de mener une vie qui permette à la divinité qui habite l'Homme de s'éveiller et de s'imposer. C'est le but que vise clairement et volontairement le travail initiatique. Car pour l'Africain, Dieu n'est pas séparé de l'homme. Il porte en lui la divinité de façon très consciente. Le travail initiatique créé les conditions qui permettent à l'Homme de céder le pouvoir et l'autorité à cet être supérieur qui l'habite, par l'acte le plus symboliquement puissant que la pédagogie initiatique africaine ait inventé: la mort initiatique.
1-HOLAS, cité dans ZAHAN (D); « Religion, spiritualité et pensée africaines »; opcit, p.100.
64
C'est la raison pour laquelle, les écoles initiatiques africaines prescrivent toujours une période de réclusion ou une retraite aux candidats au statut d'initié. Les candidats y vivent coupés du monde extérieur. Et cette réclusion symbolise «la vie du cadavre dans la tombe et aussi l'attente du foetus dans le sein maternel» nous dit Dominique ZAHAN. Il précise: «En somme, le temps de gestation spirituelle des néophytes et leur vie «tombale» correspondent à une mutation: ils s'éloignent de l'humanité en acquérant une sorte de Nature Divine. C'est pourvus d'un tel «capital» qu'ils «renaissent» ou «ressuscitent» au terne de leur réclusion spirituelle» (D. ZAHAN, 1970, p.103). Le travail initiatique montre donc que, le but de l'Initiation est effectivement de produire un être responsable, excellent et parfait. Et, la cérémonie de la mort initiatique correspond au moment critique de la réalisation de ce très haut idéal. Comme personne n'est sensé échapper à l'Initiation dans la société africaine, il se créé une internormativité à travers laquelle, un individu n'est apprécié, que par rapport à la puissance qu'il manifeste. Au pouvoir de maîtrise qu'il possède sur lui-même, de sa capacité à juguler ses instincts et ses penchants égocentriques. C'est à de tels hommes d'un mérite exceptionnel ayant atteint un haut niveau de développement spirituel, que la société confie l'autorité et le pouvoir. C'est pourquoi la stratification du système communautaire développé ressemble à une pyramide dont la base est formée par les postulants à l'initiation, le tronc par les initiés et le sommet par les Maîtres et Grands Maîtres initiateurs.
65
Sous l'action pédagogique de l'Initiation, il se produit dans le psychisme de l'être humain une véritable révolution. Un des résultats visibles en est l'apparition des individualités et des entrepreneurs dans tous les domaines de l'organisation sociale. Autrement dit l'acquisition d'une mentalité pharaonique, laquelle sanctionne, l'éclosion d'un pouvoir et d'une maîtrise totale sur soi même. Sur le plan social, l'Initiation fait éclater la conception de la parenté fondée sur une base restreinte, pour l'étendre au cosmos lui-même. En effet, en mourrant dans sa nature inférieure pour renaître dans une nature supérieure, l'initié ne peut plus être simplement le membre de son lignage, de son clan, de sa tribu ou de son ethnie. Il devient un frère pour tous les êtres de la Création. La structure de la société africaine elle même se transforme donc. L'Initiation procède ainsi à une parentalisation universelle des rapports sociaux. C'est cela la parenté cosmique (DIKA AKWA, Le Nyambéïsme, 1984) ou Fraternité Universelle. Nous avons noté plus haut qu'elle est un état de conscience supérieur qui permet de considérer l'autre comme fondamentalement identique à soi même, car au niveau de la Nature Divine de l'Homme, la dynamique interne à cette nature: le désintéressement exclut tout sentiment de séparation et impose la propension à l'unité, à la conscience de tous les êtres. Chaque être humain sur terre est capable d'entrer spontanément dans cet état de conscience. A la seule et unique condition de poser comme fondement de son existence: la pureté. Pureté au niveau des sentiments, au niveau des pensées, et dans les actes qu'il doit poser quotidiennement. Nous préciserons dans le prochain chapitre, en quoi consiste cette notion de pureté.
66
3.3. Axiomatisation. Trois postulats pour guider la transformation psychique de l'être
A la lumière de tout ce qui précède, il est permis de supposer que les sociétés africaines précoloniales, étaient engagées dans une expérience devant les conduire sans nul doute vers une société communautaire développée, dont la dynamique devait être supportée par le travail initiatique, que l'on peut désormais considérer comme un processus sans fin dans la production de l'excellence et dans la recherche de la perfection. L'idéologie de chaque institution initiatique le montre clairement, le but poursuivi à travers la pédagogie initiatique est bien l'avènement chez l'homme d'une Nature Supérieure, Divine. Néanmoins faisant ici œuvre de théoricien nous sommes poussés à nous interroger sur la qualité et non sur l'efficacité des méthodes utilisées pour atteindre ce but ultime. La souffrance physique et morale constitue-t-elle une méthode de travail initiatique performante ? La mort symbolique de la nature humaine aussi puissante soit-elle, est-elle concluante ? Nous proposons trois postulats sur la base de notre propre expérience d'adepte de l'initiation, pour clarifier la démarche méthodologique de la pédagogie initiatique africaine traditionnelle. Il s'agit de: -la clarté idéologique -l'efficacité pédagogique -du facteur temps
67
1°-La clarté idéologique. Elle signifie que, par la nature même de sa fonction, toute institution initiatique doit être consciente d'elle même. L’Initiation est sensée remplir ici tout simplement la fonction idéologique qui justifie son existence, en définissant comme nous l'avons vu plus haut la situation du groupe et en lui assignant des buts clairs et bien définis à atteindre. Quand on sait que le but de l'Initiation est le développement spirituel de l’individu par la maîtrise de sa nature humaine, inférieure, cette vision claire des objectifs permet non seulement aux disciples d'une école initiatique de savoir exactement ce que la pédagogie initiatique attend d'eux mais elle permet en même temps à la pédagogie initiatique de se définir consciemment et rationnellement, afin de rechercher les méthodes les mieux adaptées au travail initiatique. D'après ce que nous avons vu ci-dessus, il ne fait aucun doute que chez les Maîtres de l'Initiation des sociétés africaines précoloniales cette clarté idéologique est parfaitement exprimée. Car, elle se mesure par la précision des buts fixés à l'institution initiatique. Mais en était-il autant des méthodes choisies pour exécuter le travail initiatique ?
2°-L'efficacité pédagogique . Ce postulat suggère que, les résultats attendus du travail initiatique dépendent de la performance des méthodes mises en oeuvre pour exécuter ce travail. Or, l'efficacité technique de la pédagogie initiatique est elle même dépendante du développement de la science initiatique, lequel permet l'accumulation du savoir et la constitution d'une tradition initiatique.
68
En effet, dans son approfondissement, la pédagogie initiatique engendre une science initiatique par accumulation et systématisation du savoir. Celle-ci apparaît véritablement sur le plan épistémologique comme une science exacte de l'Homme, puisqu'elle vise à la connaissance la plus précise de l'homme, pour atteindre un but clairement défini: sa transformation. Lorsqu'on a pris conscience d'un tel enjeu, on est conduit à mettre en problème la souffrance physique et psychologique sur laquelle s'appuient la plupart des expériences initiatiques précoloniales. Certes on ne peut pas douter du fait que la douleur physique ait un impact sur le psychisme de l'homme. Mais ne risque t-elle pas d'y provoquer aussi des traumatismes ? Quant à la mort initiatique, on sait que sa signification symbolique est très puissante. Il est certain qu'à l'issue d'une telle expérience, un individu se sentira déterminé par la fonction que lui impose son nouveau statut et agira en conséquence pour se montrer digne de la place qu'il occupe désormais dans la société. Mais la nature humaine qui a été tuée symboliquement a-telle pour autant été liquidée réellement ? Nous pensons en fait que la souffrance et la violence ne sont pas encore de bonnes méthodes pour provoquer l'apparition d'une Nature Supérieure chez l'Homme. Au niveau du Type III du système communautaire seulement apparaissent des méthodes plus «psychologiques». Donc jusqu'ici, tout se passe comme si, décidés à aller de l'avant, les Africains précoloniaux, utilisaient plus leur volonté que leur intellect. Or, avec l'Initiation les Africains disposent d'une technologie capable de développer simultanément la volonté, le coeur et l'intellect.
69
Par ailleurs cette marche forcée de l'avant peut faire perdre de vue à la pédagogie initiatique la prise en compte d'un facteur fondamental du travail initiatique: le facteur temps.
3-Du facteur temps. En effet, la pratique même du travail initiatique qui préconise que l'initié entretienne un regard intérieur permanent, convainc à la longue, que la nature humaine ne se laisse pas vaincre dans l'intervalle d'une cérémonie initiatique. Si l'on imagine que cette nature égocentrique est apparue avec l'homme lui même, on doit supposer aussi, que pendant des millions d'années, elle a eu le temps de se renforcer et de s'enraciner dans le corps physique comme dans le psychisme de l'homme. Alors, une mort symbolique suffirait peut être à la déstabiliser, mais sûrement pas à la domestiquer. Pour y parvenir, l'enseignement initiatique doit non seulement identifier des techniques performantes, mais aussi les associer à une conception spécifique du temps. C'est ici qu'intervient la théorie de la réincarnation qui est génétiquement associée à celle de l'évolution spirituelle de telle sorte qu'il est impossible de les distinguer. L'une ne va pas sans l’autre. Cette théorie n'est pas encore clairement formulée dans les initiations précoloniales.
70
Si l'idée de réincarnation1 est bien connue dans la société africaine précoloniale, elle ne semble pas encore être systématisée comme en Egypte ancienne2. En Afrique précoloniale la réincarnation est vécue de façon anecdotique. Elle consiste généralement en la réincarnation d'un ancêtre (généralement le grand père) dans son petit fils. Mais chez les anciens Egyptiens et aujourd'hui encore dans la spiritualité hindoue, il s'agit d'une loi générale qui réglemente le développement spirituel des êtres (cf. voir chapitre III). Cette loi connue chez les Hindous à travers la double notion du KHARMA et du DHARMA, nous apprend un fait important. D'abord, tout être humain est soumis à la loi de l'évolution spirituelle. Mais cette évolution est un processus de très longue durée et lié à la volonté de chacun. Ce processus s'accélère si l'être s'applique dans le travail initiatique et mène une vie fondée sur la pureté, respectant ainsi les lois morales de la nature, il est alors pris en charge par le DHARMA, c'est à dire la prédestination. Mais, si au contraire il n'a aucune conscience de la nécessité de l'évolution spirituelle et mène par conséquent une vie ordinaire, qui est entendue comme une simple satisfaction des besoins biologiques de l'être, de ses instincts et ses fantasmes, vie qui renforce sa nature inférieure au lieu de la domestiquer, alors, l'évolution spirituelle s'avère impossible.
1-ZAHAN (D), éd. « Réincarnation et vie mystique en Afrique Noire » ; PUF, Paris, 1965. 2- Cf. « Le Livre de la Réincarnation »
71
L'homme est dans ce cas soumis à la loi du KHARMA. Quand il meurt, il revient sur terre où il recommence sa vie là où exactement il l'avait laissée dans sa précédente incarnation. Ses vies antérieures, les crimes et les fautes qu'il y a commis pèsent lourdement et négativement sur l'existence en cours. La Terre devient ainsi pour ceux qui aspirent uniquement à une vie égocentrique, une véritable maison de correction. Nous y reviendrons plus loin. La théorie de la réincarnation opère ainsi une véritable révolution dans la pensée initiatique. Mircéa ELIADE 1 la considère comme un véritable paradigme qui donne un contenu absolu au sens de la responsabilité. En effet lorsqu'on sait, que sa prochaine vie sera déterminée par les actes que l'on pose dans celle que l'on mène aujourd'hui, on est obligé de développer un sens absolu de la responsabilité. Car chaque incarnation sur terre est une synthèse des actes que l'on a posé antérieurement dans les vies précédentes. Les anciens Egyptiens le savaient bien. «Le LIVRE des MORTS»2 dont le vrai titre est «Le Livre de sortie vers la lumière» 3 , explique que lorsqu'un homme mourrait en Egypte ancienne il était reçu dans la SALLE des DEUX MAÂT, Tribunal Divin dirigé par le Roi du Monde Invisible, le Grand OSIRIS, qui est assisté par quarante deux divinités, dont Maître TOHT patron des Initiés, et ANUUBIS, qui procède à la pesée de l'âme du défunt. Celui-ci est invité à répondre à un questionnaire précis et impitoyable sur la qualité de la vie qu'il a précédemment menée sur terre.
1-ELIADE (M) ; « Initiation, rites, et sociétés secrètes » ; Gallimard, coll. Folio, Paris, 1359. 2-MAYASIS (S) ; « Mystères et initiations de l'Egypte ancienne » ; Arché Milano, Paris, 1988. 3-MAYASIS (S) ; « Le livre des morts de l'Egypte ancienne est un livre d'initiation matériaux pour servir à l'étude de la philosophie égyptienne » ; Arché Milano, Paris. 1980 ;
72
Si le résultat final s'avère être négatif pour lui, selon la gravité des cas, il est soit instamment dévoré par un monstre, baptisé «la Grande Mangeuse», qui le fait disparaître à tout jamais de la Création. Soit il est expédié dans un lieu dit «Douât», (Enfer) et ce, pour y être damné pendant toute l'éternité. Ou il est renvoyé sur Terre pour poursuivre son évolution spirituelle. Si par bonheur pour lui, le résultat était positif, il était «justifié» et recevait le nom d'Osiris, qui lui permettait d'entrer au Paradis. Nous verrons au chapitre III, la spécificité de la théorie pharaonique de la réincarnation. Mais d'ores et déjà, au regard de la visibilité globale qu'apporte à la science initiatique la théorie de la réincarnation, on peut se demander si les sociétés africaines précoloniales étaient en situation de perfectionner la notion qu'elles en avaient. On peut ici répondre par l'affirmatif, car, il ne faut pas perdre de vue le lien fondamental qui existe entre réincarnation et responsabilisation. On peut postuler que la théorie de la réincarnation n'a dû être découverte qu'avec le développement de la conscience de la responsabilité. Processus qui fonde la logique de la société communautaire. Il y découle de l'inclination naturelle des communautés à la création d'un espace décisionnel autonome, rejetant l'autorité d'un pouvoir extérieur à la communauté, et donnant lieu à une volonté de se gouverner de façon autonome, ce qui nécessite la production d'un esprit de responsabilité de chaque membre du groupe.
73
Mais nous avons vu aussi par la même occasion que pour développer ce sens de la responsabilité les membres de la société africaine, s'en remettaient à l'expertise de la pédagogie initiatique. Autrement dit, avec le développement de la science initiatique, les Maîtres initiateurs de l'Afrique précoloniale en seraient naturellement venus à approfondir cette théorie importante de la réincarnation qui renforce la performance de la pensée initiatique, mais qui surtout y introduit une «notion de temps», laquelle permet par la suite de ne pas précipiter ou bâcler l'enseignement lui même par la recherche hâtive de résultats. Le premier pas vers cette théorie était déjà posé à travers la croyance largement partagée en Afrique précoloniale, que les ancêtres sont susceptibles de se réincarner dans leurs descendants. Au total nous sommes maintenant convaincus que le développement culturel des sociétés africaines précoloniales fut une expérience trop brève qui n'a pas eu le temps de mûrir. On voit bien que l'enseignement initiatique lui même, malgré la clarté affichée des ambitions, reste méthodologiquement mal dégrossi. Ainsi, tout le projet de développement de la société communautaire, reste potentialisé dans l'idéologie initiatique. Il a donc manqué de temps aux sociétés précoloniales pour vérifier la très noble ambition qu'elles s’étaient im posées: promouvoir le développement spirituel de l'Homme, pour faire naître en lui une nature supérieure, divine. On ne peut pas douter par ailleurs, qu'un tel projet mené à son terne, devrait permettre l'apparition des individualités dans une société communautaire qu'il conviendrait alors de qualifier de développée par opposition au système communautaire de base fondé sur une complémentarité mécanique, que nous avons définie comme la matrice de la société communautaire.
74
Et, nous avons clairement montré plus haut que c'est la Traite et la Colonisation qui sont responsables de cette pétrification de la société et de la pensée africaines. Cependant cette expérience inachevée, fondée sur un programme de développement culturel où la puissance de la pédagogie initiatique joue un rôle de premier plan, fait irrésistiblement, penser à l'expérience très réussie dans ce domaine de l'Egypte des Pharaons. En se fondant sur la définition de l'idéologie donnée plus haut, selon laquelle, elle représente un élément spécifique mais déterminant de la culture, on se rend compte, qu'en Egypte ancienne comme dans les autres sociétés africaines, l'idéologie initiatique occupe non seulement la même place dans la culture, mais y remplit les mêmes fonctions, c'est à dire: produire un homme responsable, excellent et parfait. Il y a ainsi homologie structurale parfaite entre les deux expériences sur ce plan. Contre toute attente, c'est l'Initiation mieux que tout autre facteur qui constitue dans ce cas le meilleur ciment culturel dans la civilisation africaine. Rendant ainsi indestructible, le concept d'unité culturelle de l'Afrique, posé par Cheik Anta DIOP, lui même 1. On notera simplement que l'expérience pharaonique est une mise en oeuvre réussie de la trajectoire, de développement propre à la société africaine, elle même, que nous avons déjà exposé dans le tome I de cet ouvrage, alors que les sociétés africaines précoloniales n'ont pas pu expérimenter cette même trajectoire de bout en bout car empêchées par des handicaps historiques majeurs que sont la Traite et la Colonisation.
1-DI0P (C, A) ; « L'unité culturelle de l'Afrique Noire » ; Présence Africaine, Paris, 1969.
75
CHAPITRE II
LE RÔLE DE L’INITIATION DANS LA FORMATION DE LA CIVILISATION PHARAONIQUE
Nous soutenons depuis le début de notre argumentation que le système communautaire peut se développer en s'appuyant sur ses propres ressources culturelles et notamment sur son idéologie initiatique. Nous avons montré plus haut quels sont les mécanismes impliqués dans ce processus de changement et de transformation. L'Initiation avions-nous expliqué, affecte le psychisme de l'être, lequel finit par acquérir au bout d'un processus déterminé des qualités d'entrepreneur, de bâtisseur et de conquérant. C'est grâce à ces qualités qu'il devient l'agent efficace et puissant de la transformation de la société africaine. Comme quoi l'Initiation est bien le moteur de l'Histoire dans la civilisation africaine. La découverte de ce rapport entre Initiation et développement nous a conduit à élaborer un schéma conceptuel de développement du système communautaire que nous avons exposé. Le moment est venu de passer de la théorie pure, à la vérification: sociologique et historique de cette hypothèse générale de travail. Il s'agira pour nous dans ce chapitre de donner des preuves formelles et vérifiables, de cette capacité d'auto-transformation du système communautaire sur le terrain, donc d'après notre typologie du passage du Type II au Type III du système communautaire. L'Egypte pharaonique avions-nous affirmé est l'exemple type de cette transformation.
76
Nous estimons ainsi que les sociétés nilotiques du protodynastique, représentent le Type II du système communautaire, alors que l'Egypte pharaonique est la représentation idéale typique du Type III, la société communautaire développée. Ainsi, c'est dans le passage historique du protodynastique au dynastique dans la vallée du Nil, que notre schéma trouve sa validation la plus complète. Rappelons que pour nous ce schéma, est une trajectoire de développement propre à la société africaine elle même. Et pose donc le problème de la parenté entre l'Egypte et les autres sociétés africaines. Or, si pour l'historiographie et la recherche africaines, la parenté entre l'Egypte et l'Afrique Noire est un problème définitivement réglé, l'africanisme (Etudes africaines en dehors de la communauté africaine mondiale), sans parler de l'Egyptologie moderne, au contraire, ne sont pas encore résolus ouvertement et totalement à valider cette parenté que les Africains tiennent quant à eux pour culturelle, historique et génétique, c'est à dire non accidentelle. C'est pourquoi nous pouvons nous y appuyer pour faire notre démonstration sans états d'âme particuliers. Néanmoins à cause du blocage psychologique dont certains africanistes et la plupart des égyptologues sont victimes face au concept d'unité culturelle de l'Afrique, nous commencerons par faire le point sur cette question cruciale de l'historiographie africaine et mondiale : l'origine des anciens Egyptiens. Ensuite nous préconisons de réexaminer de façon critique la méthodologie qui a servi médiocrement jusqu'ici, à analyser l'expérience socio-historique de l'Egypte: il s'agit du Mode de Production Asiatique (MPA). On verra qu'il est nécessaire de détruire cette méthodologie évolutionniste et archaïque pour mieux intégrer l'Egypte dans son contexte culturel négro-africain.
77
Enfin dans un dernier point, nous aborderons à travers un raccourci macro-historique, l’histoire de la vallée du Nil depuis la fin de la préhistoire jusqu’à l’unification politique pour constater concrètement comment ont eu lieu la transformation et le développement du système communautaire, et quels sont les facteurs historiques et sociologiques qui l’expliquent et le prouvent. On verra alors, que ce qui frappe l’attention de l’observateur ici, c’est l’homologie structurale (ressemblance de structures) entre les royaumes protodynastiques de la vallée du Nil comme : Hiérakonpolis, Nagada et Abydos et les sociétés africaines précoloniales comme : Ghana, Mali, Kongo, Zimbabwé etc. Lesquels partagent les mêmes croyances , la même idéologie (l’Initiation), la même organisation etc… Or, si les premiers ont pu comme on va le voir, donné naissance à un système communautaire développé avec l’Egypte pharaonique, il n’y a pas de raison pour que les sociétés précoloniales ne fussent pas en mesure d’expérimenter la même trajectoire de développement puisque, comme nous l’avons souligné , ils partageaient tous les mêmes symptômes de développement.
1- LA NEGRITUDE DE L’EGYPTE PHARAONIQUE EST-ELLE UN MYTHE ?
Pour avoir montré le rôle révolutionnaire que joue l’Initiation au sein de la société africaine, et qui en fait le facteur majeur de développement du système communautaire, nous avons par là même rendu indestructible la parenté qui unit toutes les sociétés africaines entre elles , l’Egypte compris. Cela nous oblige ici, à faire le point sur la question toujours brûlante de l’origine des anciens Egyptiens, pour en rappeler et préciser les arguments fondamentaux.
78
1.1.Un dernier argument pour clore la controverse du Caire
Nous abordons ce travail d'autant plus librement que nous avons cidessus, résolu nos contradictions avec C.A. DIOP. Ici, notre adhésion est totale comme nous l'avons déjà affirmé, à son concept d'unité culturelle de l'Afrique, qui implique la question de la négritude de l'Egypte. Nous adhérons donc d'abord à l'affirmation de l'unité culturelle de l'Afrique qui constitue l'argument le plus solide que le colloque du Caire de 1974 sur «le peuplement de la vallée du Nil» 1 n'a pas pu contester. En effet s'il est possible de discuter indéfiniment sur la couleur de la peau des anciens Egyptiens, au contraire, l'appréciation de leur culture: la langue, les institutions, les cosmogonies, les rites, la pensée, les croyances, les représentations, le tempérament; bref la logique de leur société, les rattachent automatiquement à l'Afrique Noire. Or si la culture d'un peuple n'implique pas de droit une appartenance ethnique déterminée, nous faisons observer qu'elle ne l'infirme pas non plus. Si les Egyptiens anciens étaient des Nègres, il doit être possible de l'affirmer sans discussion. C'est la nature même de l'histoire en tant que science du particulier qui l'autorise. La question qui mérite d'être posée ici est la suivante. Comment les Africains, s'ils se trouvaient dans une situation servile ont-ils réussi à imposer totalement leur culture à la vallée du Nil ? En effet c’est ce que rend compte l' analyse des cosmogonies, des croyances, des rites, des religions, de l'organisation politique, sociale, et économique et de la langue même de l'Egypte. Il a donc fallu pour y parvenir qu'ils dominent totalement les autres ethnies présentes dans la vallée: socialement, économiquement, politiquement et militairement.
1-Voir UNESCO ; « Histoire générale de l'Afrique » ; Tome II, opcit, Annexe, pp.796-830.
79
Il est logique de penser que cette domination ait commencé dès la préhistoire. Un tel raisonnement n'implique à aucun moment une hiérarchie entre race et culture. C'est sans doute MARX (Cf.L'idélogie allemande) qui peut nous éclairer le mieux ici: les idées de la classe dominante, sont les idées dominantes. Elles n'ont pas de puissance indépendante de celle de cette classe dit-il. Ce sont les idées de sa domination. C'est bien à un phénomène semblable que nous assistons dans la vallée du Nil.
1.2. Des critiques qui n'apportent rien de nouveau Mais face à cette évidence les égyptologues nous ressortent toujours les mêmes arguments éculés, qui ces dernières années ont refait surface à travers une démarche «travestie», mais qui en fait est déjà très ancienne. C'est la problématique du «type humain» , défendue par Alain FROMENT (1992) et François Xavier FAUVELLE (1996). L'idée avait déjà été expérimentée par Jean VERCOUTTER et G. MOKTAR, dans l'introduction du tome II de l'Histoire Générale de l'Afrique (UNESCO, 1984, p.26). D'après cette théorie les anciens Egyptiens sont ethnographiquement inclassables, d'autant plus qu'«il n'est pas facile de trouver une définition physique du «Noir», qui soit accepté par tous». Ils ne seraient ni Noirs ni Blancs, mais relèveraient d'un mélange de peuples dû à la situation géographique même de l'Egypte, à mi-chemin entre l'Europe et le Proche Orient. Selon Gamal MOKTAR et Jean VERCOUTTER: « C'est cette variété même qui montre que dans la vallée du Nil nous avons affaire à un type humain, non à une race, type que les habitudes et les conditions de la vie particulières à la Vallée ont, peu à peu, créé au moins autant que les mélanges dont -il est produit.» (UNESCO, 1984, P.27)
80
Du côté africain, un livre a fait sensation à sa sortie. C’est « Afrique Noire : Histoire et Civilisations » , d’Elikia MBOKOLO1. L’auteur y rejette l’idée d’antériorité des civilisations africaines défendue par C.A DIOP, il remet également en cause la périodisation historique élaborée par ce dernier, qui rend compte de la spécificité de la période précoloniale, enfin il dénonce à la fois l’africanité et la négritude de l’Egypte pharaonique, et affirme que pour lui, la Nubie et Axoum seuls, représentent les premiers Etats africains , l’appartenance de l’Egypte au monde négro-africain étant controversée. Après cela, il n’est pas étonnant qu’il ait préfacé l’ouvrage réactionnaire de FAUVELLE : « L’Afrique de Cheik Anta DIOP ». Le concept de « Type humain » , sur lequel certains égyptologues se cramponnent pour maintenir l’Egypte ancienne hors de l’Afrique, est fondé sur une démarche impressionniste. Elle consiste à valider sans les approfondir, les informations que nous livre notre intuition sensible, en freinant des quatre fers, pour ne pas accéder à l’étape de la conceptualisation. ARISTOTE2 qui affirmait en son temps que si la sensation est le point de départ de la connaissance, seule la réflexion cependant nous fait atteindre les principes et les causes. « On ne regarde d’ordinaire écrit-il, aucune des sensations comme constituant la science. Sans doute elles sont le fondement de la connaissance du particulier, mais elles ne nous disent le pourquoi de rien ».
Le dernier bastion des égyptologues qui s’oppose à la négritude de l’Egypte, est donc d’abord confronté à un problème de méthode. Ils s’acharnent à essayer d’expliquer le particulier par du particulier.
1-MBOKOLO (E) ; « Afrique Noire ; Histoire et civilisation » ; Tome I, Hatier, Paris, 1995. 2-ARISTOTE ; « Métaphysique » ; Tome I, Vrin, Paris, 1933. P.5.
81
Ensuite, il est clair, que cette carence méthodologique découle ou renvoi à des préjugés racistes tenaces. Car, pour quelle raison obscure refuserait-on une parenté biologique évidente entre les Egyptiens anciens et les Africains ? La théorie du type humain rejoint celle du métissage culturel. Toutes les deux sont fondées sur la croyance atavique en l'incapacité de l'Africain à fonder une civilisation, et attribuent à toutes les civilisations africaines, des origines hamitiques, c'est à dire sémitiques. Mais il s'agit là d'une plaisanterie qui a trop duré. Quant à Elikia MBOKOLO, il est confronté au même problème de méthode. Pour lui par exemple, il suffirait d'opposer les documents épigraphiques proposés par C.A. DIOP, pour prouver la présence africaine dans la vallée du Nil depuis le Prédynastique, à une quelconque collection de portraits leucodermes, pour l'invalider. Curieuse façon de pratiquer la science. Car C.A. DIOP, voulait ainsi confondre l'opinion à laquelle adhérent tous les Egyptologues selon laquelle, les Egyptiens seraient entrés en contact avec les Nègres qu'à partir de la XVIIIè dynastie. Mais si l'on découvre que depuis le protodynastique par exemple, tous les Rois des sociétés de la vallée du Nil étaient africains, ce sont les bases mêmes de l'égyptologie occidentale qui sont sapées. Et ceci pose bien un problème de méthode. Le chapitre que M'BOKOLO, réserve dans son livre à la question de l'origine des anciens Egyptiens, manque de consistance. La précipitation avec laquelle il prend position est suspecte. Il ne se livre pas de façon même superficielle à la critique des informations que nous détenons aujourd'hui sur cette problématique. Le réquisitoire dont-il accable le pauvre HERODOTE, à propos de la fragilité du témoignage humain, ses prises de position intempestives à propos de la périodisation, ou de l'antériorité des
82
civilisations africaines, nous obligent à croire, que se sont des raisons extrascientifiques qui l'ont conduit à forger son opinion. En fait rien de sérieux ! E. M'BOKOLO, s'acharne à défendre pour des raisons mystérieuses une position qui est perdue d'avance. Au total son analyse en demie teinte n'effleure même pas la question posée: d'où viennent les anciens Egyptiens ? 1.3. Le fond de l'argumentation reste stable L'historiographie africaine ne réfute pas l'existence d'un métissage des populations dans la vallée du Nil. L'époque pharaonique, la seule période pour laquelle nous disposons des informations qui permettent de poser un jugement sûr, montre que ce métissage était voulu par les Egyptiens eux mêmes. Par absence de préjugés racistes, pour des raisons de pénurie de main-d'oeuvre, ou pour des motifs qui impliquaient des mariages politiques. Au delà de ces faits anecdotiques, les chercheurs africains, mettent en exergue des variables historiques lourdes qui démontrent dès la préhistoire, l'origine africaine du peuplement de la vallée du Nil, et qui font de l'Egypte à l'origine un pays ethniquement africain. En effet dans la mesure où le caractère africain de la civilisation pharaonique n'est contesté par personne, il a fallu bien, à un moment ou un autre, que ce soit dès la préhistoire, au prédynastique ou à l'époque pharaonique proprement dite, que les Noirs dominent parmi d'autres ethnies, en tant que gens pensant: socialement, politiquement et économiquement pour imposer leur culture à l'Egypte, et à la vallée du Nil.
83
Après quoi, l'on peut constater à posteriori, que pour l'Egypte, l'appartenance culturelle se superpose à la domination ethnique. Donc on répondra à ceux qui attirent systématiquement l'attention sur la proximité de l'Egypte avec l'Asie pour argumenter sur l'origine de son peuplement, qu'ils oublient un fait qui tombe vraiment sous la science, (sic !) que l'Egypte est d'abord un pays africain. Il n'est donc pas étonnant qu'on y trouve des Africains dès l'origine temps. Remarquons donc que de façon récurrente l'historiographie occidentale a toujours classé l'Egypte sans raisons, parmi les pays du Proche Orient. Ainsi une ancienne édition encyclopédique prestigieuse de chez Larousse1 commence l’étude de l’histoire de l'humanité par: «Livre I: L’Orient classique. Chapitre I: l'Egypte» . Cette vieille démarche est symptomatique du problème que pose la civilisation égyptienne aux savants, c'est à dire, essentiellement celui de son peuplement. Le Professeur OBENGA2 rappelle que le bon sens voudrait pourtant, que l'on replace l'Egypte en Afrique et non pas en Orient (simple évidence géographique). De fait la vallée par laquelle ce pays fut colonisé plonge directement au coeur de l'Afrique, comme un boulevard. C'est justement dans cette région de l'Afrique autour des Grands Lacs, aux sources mêmes du Nil, que les savants affirment depuis plus d'un demi-siècle avoir trouvé le berceau de l'humanité3. Le plus lointain ancêtre de l'homme y signale sa présence dès 7 millions d'années (B.P). Cependant l'Homo sapiens-sapiens, l'Homme actuel n'y serait apparut que vers -150.000.
1-PETIT (M) éd ; « Histoire générale des peuples » ; 3tomes, Larousse, Paris 1925. 2-OBENGA (Th.) ; « Cheik Anta DIOP, Volney et le sphinx… » Opcit. 3-COPENS (Y); « Le singe, l'Afrique, l'homme » ; Fayard, Paris, 1983.
84
Il faut souligner que depuis son apparition, l'homme est sorti par trois fois du continent africain soit par le Sahara, soit par cette voie naturelle et immédiate que lui offrait la vallée du Nil. L'Homo erectus il y a 1.000.000 d'années, le Néander talien il y a 200.000 ans, et l’ homo sapiens-sapiens il y a 70.000 et 60.000 ans. Or, la loi de GLOGER 1 affirme que tous les animaux à sang chaud vivant sous un climat chaud et humide développent une pigmentation eumélanine. On sait que cette loi s'applique aussi à l'espèce humaine. Et, dans la mesure où la première humanité est apparue et s'est développée sous une latitude tropicale on peut donc penser, qu'elle était Noire à l'origine. Il n'y a là aucun pésuposé raciste comme l'affirme F.X FAUVELLE 2. Par ailleurs, on a aucun mal à imaginer ces premiers hommes poussés par la nécessité ou obéissant à un tempérament d'explorateur et de conquérant, en train d'occuper du Sud vers le Nord la vallée du Nil, dans laquelle, on a retrouvé effectivement des vestiges humains remontant à la plus haute préhistoire 3. En outre, les recherches archéologiques menées dans la vallée pour la période -5000 à -3000, montrent clairement que la civilisation égyptienne a commencé dans la haute vallée (Sud) et non pas dans le delta (basse vallée). De fait l ’ensemble des datations au Carbonne 14 effectuées jusqu'en 1975 montre que les objets fabriqués par les hommes remontent à la plus haute antiquité en Haute Egypte et dans les pays voisins (Soudan).
1-GLOGER, cité par C.A DIOP; « Origines des anciens Egyptiens » in UNESCO, Tome II, opcit, p.39. 2-FAUVELLE (F, X); « L'Afrique de Cheik Anta DIOP »; opcit, 3-ETORE (J) ;
85
La raison à cela est simple: le delta égyptien n'était pas habité avant -3500 ans, car il était occupé par la mer. C'est à partir de cette date qu'il en est sorti. L'antériorité de la Haute Egypte par rapport à la basse Egypte est donc un fait physique d'histoire indiscutable 1. Ainsi lorsque HERODOTE rapporte que le Delta (non pas l'Egypte elle-même) est un don du Nil, il transmet une vérité historique qui remonte à cette date où le Nil par une activité alluvionnaire intense a physiquement comblé la mer qui s'étendait dit-on, jusqu'à la ville de MEMPHIS. Dans la célèbre introduction de «Nations Nègres et Culture», C.A DIOP écrit2: «Supposons, avec l' Egyptologie moderne, que les Egyptiens anciens aient été de race blanche. Ils ont eu des contemporains Grecs ou Romains qui avaient l'esprit scientifique autant que les Occidentaux modernes. Ils ont écrit sur eux mêmes, et sur les peuples qu'ils ont fréquentés. Leurs écrits se sont révélés si justes après vérification, que pour écrire l'histoire de l'Antiquité, on a fait que recopier les anciens. Ils étaient donc les mieux placés pour renseigner la postérité sur l'ethnie des anciens Egyptiens. Et, ils n'ont pas manqué de la faire». Cette vérité historique qu'énonce C.A, DIOP, a la puissance d'un axiome. Elle est évidente par elle même. Or donc, HERODOTE, qui comme un enfant incorrigible, n'a pas manqué en toute innocence de nous rapporter ce qu'il a vu dans la vallée du Nil, n'est que l'un des témoins de cette affaire. Avec lui, toute l'Antiquité savante corrobore le fait que les anciens Egyptiens étaient des Noirs.
1-LABEYRIE (J) ; « L’Homme et le climat. L’émergence du delta du Nil. Descente des eaux et montée de la civilisation égyptienne » ; Paris, Denoël, 1985, pp. 139-142. 2-DIOP (C.A) ; « Nations Nègres et Cultures » ; Opcit.
86
En effet, HERODOTE1 affirme que : «Mélanchrès, eisi kai oulitrichès» : «Les Egyptiens ont les cheveux crépus et la peau noire». Il faut rappeler que HERODOTE a longuement séjourné dans la vallée du Nil, a parcouru la vallée du Nord au Sud jusqu'en Nubie. Il a donc vu toutes les couches de la population. Il s'est entretenu avec le haut clergé égyptien et a obtenu de précieux renseignements sur l'histoire et la science égyptiennes. Mais pour faire plaisir aux Africanistes, il n'est pas interdit de supposer qu'il était daltonien ou naïf. F.X FAUVELLE 2 , qui tenait absolument à démontrer la supercherie dans l'argumentation de C.A. DIOP, s'est cassé la figure sur le postulatum diopiste: l'évidence première de l'histoire africaine, la négritude de l ’Egypte ancienne3. Par conséquent, il n’a pu éviter, de céder à la réaction psychologique spécifique aux membres de la secte des africanistes. Celle là même que C.A DIOP avait mis en équation. Face à l'incapacité d'argumenter, on cède à la colère et à la haine. Nous prenons donc la responsabilité de l'affirmation selon laquelle, dans le cas de l'Egypte ancienne, la domination culturelle, explique la domination ethnique 4. Même si l'histoire des peuples ne vérifie pas toujours avec la même rigueur ce postulat en toutes circonstances. Il faut donc estimer, que ce n'est pas à la légère, que l'on est arrivé à affirmer la parenté non seulement culturelle, mais aussi biologique entre l'Egypte ancienne et l'Afrique noire.
1-HERODOTE ; « Histoires »; Belles Lettres, 3è édition, Paris 1961, livre II p.104 2-FAUVELLE (F, X); « L'Afrique de Cheik Anta DIOP » ; opcit. 3-DIOP (C, A) ; « Origines des anciens Egyptiens » ; in UNESCO, Tome II, opcit. Pp.51-59. 4-Cf. FERAN INIESTA ; « Apppoche historique des cultures Noires » L'Harmanttan, Paris 1995.
87
En tout cas, si au Vè siècle avant J.C, HERODOTE, (s'il ne se trompe pas avec tous les auteurs anciens qui confirment son témoignage), peut affirmer que les Egyptiens étaient Noirs et avaient les cheveux crépus, ceux-ci n'ont pas pu le devenir par génération spontanée, ils devaient donc l'être essentiellement depuis le début, et avant la fondation de l'Egypte. Le métissage de la population de la vallée du Nil étant intervenu progressivement pour des raisons que nous avons indiquées ci-dessus. L’intérêt que porte les savants de bonne fois à cette question est déjà très ancienne. Pour l’époque contemporaine, nous nous limiterons à rappeler que
les travaux sur la parenté culturelle (Afrique-Noire et Egypte) ont commencé en 1914 avec le grand égyptologue anglais Flendrie PETRIE 1. Ses recherches ont porté sur l'anthropologie sociale: parenté et organisation sociale. Ils se poursuivent aujourd'hui avec les travaux de B.M LAM (de l'université C.A. DIOP de DAKAR) sur la circoncision, les rites funéraires, les cosmogonies etc. Au niveau des systèmes de pensée il faut citer les travaux du Professeur OBENGA2 et ceux de M. BILOLO 3. De leur côté les chercheurs AfricainsAméricains s'intéressent davantage aux sciences (médécine, astronomie, mathématiques...) aux codes moraux (la notion de MAAT), à la religion égyptienne, à la Nubie. Il faut souligner que toute l'oeuvre de C.A. DIOP a été traduite en américain sur ces questions. Au cours du colloque du Caire en 1974, les égyptologues ont avancé des jugements qui justifient aujourd'hui tout l'intérêt que l'on peut porter à cette question de la parenté culturelle. 1-PETRIE (F) ; « Egypt in Africa » cité dans OBENGA, opcit. 2-OBENGA (Th.) ; « La philosophie africaine de la période pharaonique, 2780-330 avant notre ère » ; L'Harmattan, Paris, 1990. 3-BILOLO (M) ; «Les cosmo-théologies philosophiques d'Héliopolis et d'Hermopolis, Essai de thématisation et de systématisation » ; Publications universitaires africaine, KinshasaLibreville-Munich, 1986.
88
Ainsi le Professeur VERCOUTTER a déclaré que pour lui: «L'Egypte était africaine dans son écriture, dans sa culture et dans sa manière de penser» 1. Quant au Professeur LECLANT2 , il a insisté sur le caractère africain de la civilisation égyptienne, tout en demandant de distinguer race et culture. Sur le plan linguistique, le projet des chercheurs africains, est au delà de la parenté entre l'Egyptien ancien et les langues négro-africaines actuelles, de retrouver une matrice linguistique commune aux langues africaines, comme cela s'est fait pour l'indo-européen avec les travaux de Georges DUMEZIL. Selon le Professeur Théophile OBENGA 3 «la recommandation relative à la linguistique est sans doute la plus importante de toutes les recommandations du colloque du Caire...» et explique que, «La parenté de l'Egypte avec le reste de l'Afrique suppose fondamentalement, la parenté linguistique génétique de l'égyptien et des autres langues du domaine négro-africain dans sa totalité temporelle et spatiale. La parenté linguistique relie de façon intrinsèque le monde pharaonique à l’ensemble de l’univers culturel négro -africain. La Parenté linguistique est absolument essentielle». L’auteur conclut:
1-Voir la synthèse du rapport final du colloque tenu au Caire le 28 Janvier au 3 Février 1974, sur «Le peuplement de l'Egypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique » ; pp.795-823, in UNESCO, tome II, opcit. 2-Opcit, p.800. 3-OBENGA (Th.) ; «Cheik Anta DIOP, VoIney et le sphinx » ; Présence Africaine-Chépéra, Paris, 1996, p.232
89
«Si, par absurde, c'est à dire contrairement à toutes les dépositions des auteurs anciens relatives à la «race» des anciens Egyptiens, les «squelette exhumés»,les «caractéristiques ostéologiques» de ces squelettes, le «matériel humain entreposé dans les musées du monde entier», les «vestiges de peau examinables», etc. aboutissaient à la conclusion, sans nuance aucune, que les anciens Egyptiens étaient des «Blancs», habitants de la Vallée du Nil égyptienne, et responsables de la civilisation pharaonique, du prédynastique à la fin des dynasties indigènes, cela ne changerait absolument rien à la profonde parenté de l'Egypte pharaonique avec le reste de l'Afrique Noire si la linguistique comparée et historique concluait, quant à elle, à la parenté linguistique génétique de la langue égyptienne et toutes les autres langues négro-africaines anciennes et modernes. Ainsi, même par absurde, l'Egypte pharaonique serait encore ce qu'elle est en fait: une part du monde culturel et linguistique négro-africain, par origine, par genèse, par nature. L' «argument linguistique» est par conséquent d'une extrême importance». l
Or, au demeurant, le colloque du Caire avait lui même reconnu en conclusion que si la langue égyptienne a fait quelques emprunts aux langues sémitiques, lesquelles en ont fait également à l'égyptien, le sémitique cependant, ne rendait pas compte de la naissance de l'égyptien, que l'égyptien ne pouvait être isolé de son contexte africain «Il était donc légitime de lui trouver des parents ou des cousins en Afrique» 2. D'où la recommandation suivante: «La coopération des spécialistes de linguistique comparée devrait être mise à contribution sur le plan international pour établir toutes les corrélations possibles entre les langues africaines et l ’égyptien ancien.» 3
1-OBENGA (Th.); opcit, p.233 2-OBENGA ; opcit, p.100 3-OBENGA; opcit, p.103
90
D'où le commentaire suivant du Professeur OBENGA 1 en quatre points:
a)-L'égyptien ancien n'est pas une langue sémitique, ni même une langue apparentée au sémitique: ce fut une erreur linguistique d'avoir considéré endant presque un siècle l'égyptien ancien comme relevant du domaine sémitique. b)-Par conséquent, il est également erroné d'inclure l'égyptien ancien et le sémitique dans une même famille linguistique appelée la «famille chamitosémitique» ou «afro-asiatique», qui n'existe pas dans la matérialité des faits. oseph GREENBERG et ses disciples sont dans l'erreur sur ce point bien récis de la linguistique générale. c)-L'égyptien ancien a des «parents» ou des «cousins» en Afrique même, avec l'ensemble du domaine négro-africain qui s'étend en Afrique orientale, centrale méridionale et occidentale. d)-En conséquence, il est parfaitement légitime de comparer l'égyptien haraonique et le copte, avec toutes les langues négro-africaines, «pour établir toutes les corrélations possibles», d'ordre phonétiques, orphologiques, syntaxique, grammatical, lexicologique, etc.
OBENGA (Th.) ; « Cheik Anta DIOP, Volney et le Sphinx » ; Présence Africaine/Khépéra, Paris, 1996.
91
Ce travail de comparaison avait été lancé par C.A. DIOP lui même dès 1954 dans «Nations Nègres et Cultures»1 , travail poursuivi et approfondi dans une recherche publiée en 1977 2. A la fin du XXe siècle le Professeur OBENGA a consolidé ce projet qui a pour objectif la mise au jour d'une langue matricielle: «le négro-égyptien», commune à tous les peuples négro-africains 3. Le Professeur Théophile OBENGA précise enfin, que : «La parenté génétique entre l'égyptien ancien pharaonique, le copte et les langues négro-africaines modernes relève de la linguistique historique stricte. Cette méthode a ses exigences, son raisonnement propre, sa finalité scientifique. On peut expliquer valablement cette méthode en étudiant le fait linguistique négro-africain, dans le temps et dans l'espace, depuis l'Antiquité. Ce travail ardu est parfaitement faisable.» 4
1-DIOP (C.A) ; «Nations Nègres et Cultures » ; opcit. 2-DIOP (C.A) ; « La parenté génétique de l'égyptien ancien pharaonique et des langues négroafricaines. Processus de sémitisation » IFAN, Dakar, 1977. 3-OBENGA (Th.) « origine commune de l'égyptien ancien, du copte et des langues négroafricaines modernes, Introduction à la linguistique historique africaine »
4-OBENGA (Th.) ; opcit.p.4
92
Nous terminerons ce tour d'horizon très sommaire en rappelant que si l'apport considérable de l'Egypte pharaonique à la formation des autres civilisations de l'Antiquité (grecque, phénicienne, romaine, hébraïque, perse etc.), est bien connu dans les domaines «scientifiques (mathématique, médecine, astronomie, architecture), religieux (codes spirituels relatifs à l'audelà), philosophique (éducation de TIHALES et de tant d'autres savant Grecs: SOLON, EUDOXE, PYTHAGORE, PLATON etc.), artistiques (sculpture grecque selon le canon des proportions de l'Egypte d'après DIODORE de SICILE), ésotériques (diverses initiations), musique, jeux, linguistique etc...» ,l son écriture (hiéroglyphique, hiératique, démotique) lui aussi a survécu à la disparition de la civilisation égyptienne elle même. Contrairement aux écritures suméro-assyro-babylonienne (les «cunéiformes», les formes clous) qui ont disparu de l'histoire sans laisser aucun descendant graphique, l'écriture pharaonique elle, est à l'origine de l'alphabet latin tel que nous l'employons aujourd'hui (à travers les emprunts phéniciens, grecs, romains...); Enfin selon le Professeur OBENGA 2 «le mot SOPHOS (sophia, sophon, philo-sophie) n'a pas d'étymologie ni en grec ni en indo-européen: l'étymologie de ce mot est à chercher dans la langue pharaonique, car le contexte historique et culturel de la naissance de la philosophie et de la science, dans la Grèce d' Asie (Milet, Samos, Halicarnasse, Chios, Clazomènes, Mytilène, Phocée, bien avant Athènes, Sparte et Delphes), semble indiquer et confirmer cette direction de la recherche». 3
1-OBENGA ; opcit, p.5 2-Idem. 3-KAYA (J.P) ; « Théorie de la Révolution Africaine », Tome IV, « L’édification de la société nitiatique » , Voir le chapitre intitulé : « Ce que philosopher veut dire… »
93
1.4. Une problématique d'avenir : La MAAT
Ainsi, loin d'exclure l'origine africaine, les recherches sur la formation de l'Egypte ancienne confirment nettement celle-ci. Mais, bien qu'abondante la recherche sur la parenté culturelle entre l'Egypte et les autres sociétés africaines, n'a pas encore accordé à l'idéologie toute l'attention qu'elle mérite. Pourtant l'idéologie en tant qu'aspect le plus dynamique de la culture serait l'argument qui établirait cette parenté de la manière la plus irréfutable. C'est précisément cet aspect de la problématique qui constitue notre contribution personnelle à la question de la parenté entre l'Egypte et les autres sociétés africaines. Mais notre réflexion entend aller au delà de ce simple travail de consolidation de la parenté entre les différentes sociétés africaines. En effet dès que l'on introduit un nouveau facteur: le développement, dans la relation Egypte-Afrique, ce n'est plus la parenté qui devient la question centrale, mais bien la différence entre l'expérience de l'Egypte ancienne et celle des autres sociétés africaines. Mais avant d'approfondir cette remarque, il nous faut expliquer que, tenir compte de cette différence ne signifie pas que nous critiquons ou que nous réfutons l'existence de la parenté, ni même le travail qui a été fait dans ce domaine et qui doit se poursuivre. Il nous est apparut objectivement, que si l'on cherche à comprendre le rôle de la culture dans le développement de la société africaine, la clé du mécanisme est donnée par la différence qui existe entre l'Egypte et les autres sociétés africaines. Par conséquent on ne doit pas avoir peur de cette différence, ce qui conduirait à l'occulter et à la passer sous silence.
94
Car, elle prouve, que l'expérience pharaonique n'est pas un accident, mais le résultat du développement du système communautaire, autrement dit : toutes les sociétés africaines parce qu'elles partagent la même culture avec l'Egypte peuvent reproduire l'expérience pharaonique, ou plus exactement la trajectoire de développement de la société africaine, que l'Egypte a pu parcourir de bout en bout. Car en raison de leur idéologie commune, l'Initiation, toutes ces sociétés partagent aussi les mêmes symptômes de développement. Par conséquent, non seulement nous ne détruisons pas l'affirmation de la parenté, qui implique celle de l’unité culturelle entre toutes les sociétés africaines, y compris l’Egypte pharaonique, mais nous la considérons co mme notre propre point de départ. Ensuite, nous expliquons que justement à cause de cette parenté, la différence dont-il est question n'est pas une différence de nature; mais une différence de qualité. Elle s'explique par l'écart de développement entre l'Egypte et les autres sociétés africaines , qui s’explique par l’usage intensif de l’Initiation du côté égyptien. Ainsi donc, la réflexion sur la différence entre l'expérience de l'Egypte haraonique et celle des autres sociétés africaines, donne la clé du développement de la société africaine. Elle dévoile le rôle et la puissance de l'initiation en tant que moteur de l'Histoire dans la civilisation africaine. Mais pour apprécier pleinement cette nouvelle approche, il faut détruire la méthodologie qui a fait autorité jusqu'ici dans l'analyse de l'expérience historique de l'Egypte ancienne: le Mode de Production Asiatique: le MPA.
95
2-CRITIQUE DU CONCEPT DE MODE DE PRODUCTION ASIATIQUE COMME PREALABLE A LA REINTEGRATION DE L’EGYPTE DANS SON CONTEXTE CULTUREL NEGROAFRICAIN
Le concept de Mode de Production Asiatique (M.P.A), a été décrit par MARX et ENGELS dans «L'Idéologie allemande», et appliqué à l'analyse d'un certain nombre de sociétés (dont l'Egypte pharaonique) répondant à certains critères 1. Pour eux, le M.P.A est d'abord une «étape progressive de la ormation sociale». Cette expression contient une charge évolutionniste maximale. En effet le Marxisme considère le M.P.A comme une étape dans le développement de la société humaine. Encore faut-il préciser qu'il s'agit de l’étape qui suit immédiatement la communauté primitive. Or pour nous, le M.P.A, dans la mesure où il concerne l'Egypte, représenterait la version historique connue, la plus évoluée du mode d'organisation communautaire. «La querelle entre MARX et C.A. DIOP» sur la validité du MPA en tant que modèle d'analyse de la société égyptienne nous permettra de montrer sa caducité. Ce qui doit conduire en ce qui concerne les sociétés africaines à son abandon définitif. Seule condition pour découvrir la structure africaine de la civilisation pharaonique. D'une façon plus précise, selon J. KI-ZERBO 2 , il semble que ce soit «en 1859 dans «Formen» que MARX formula pour la Première fois le concept de Mode de Production Asiatique, une des trois formes de communautés agraires «naturelles» fondées sur la propriété commune du sol.» 1-MARX (K) & ENGELS (F) ; « L'idéologie allemande » ; Editions Sociales, Paris, 1968. 2-KI-ZERBO (J) ; « Conclusion Générale au Tome I de l'Histoire Générale de l'Afrique » ; Jeune Afrique/UNESCO, Paris, 1984, p.781.
96
Le mode de production asiatique se caractériserait par l'existence de communautés villageoises de base dominées par un corps étatique bénéficiaire des surplus de production des paysans, lesquels sont soumis, non à un esclavage individuel, mais à «un esclavage général», les assujettissant en tant que groupe. Il y a donc de la part des dirigeants, concurremment à un pouvoir de fonction publique, un pouvoir d'exploitation des communautés inférieures par cette communauté supérieure qui s'adjuge la propriété éminente des terres, commercialise les surplus et lance des grands travaux surtout d'irrigation pour promouvoir la production, bref, exerce sur les masses une autorité qualifiée de «despotisme oriental». Le M.P.A apparaît ainsi comme la combinaison de communautés villageoises et d'un pouvoir despotique. Un tel régime fondé sur la mobilisation générale, autoriserait le pouvoir politique à réquisitionner une main d'oeuvre gratuite et considérable pour la réalisation de travaux colossaux, parfois improductifs, comme les pyramides, mais généralement d'intérêt public comme les ouvrages hydrauliques de l'Egypte ancienne. De manière stricte, le M.P.A est une formation sociale engendrée par de grands travaux, dont l'Etat serait l'entrepreneur. L'élément dominant de cette société est donc l'existence de grands travaux qui engendrent la formation et le développement d'un Etat extrêmement centralisé. Le MPA serait ainsi le fait d'une collectivité qui pour relever un défi lancé par la nature, produit un effort collectif puissant pour vaincre l'obstacle. On a réuni sous cette étiquette des expériences aussi variées que celle de l'Inde de Kautylia, la Perse, la Chine, le Viet-Nam, le Japon, les royaumes précolombiens, etc... Et l'Egypte pharaonique.
97
Ainsi Charles PARRAIN 1 considère t-il «les grandes civilisations du Proche Orient comme étant toutes de type «asiatique» et tout particuliérement l'Egypte, le modèle le plus achevé». L'Egypte est en effet l'exemple qui confirme la théorie. Certains cas comme l'Inde de Kautylia ou les régimes patrimoniaux du Golfe persique qui sont rattachés au modèle, n'ont pas réellement connu de grands travaux mais uniquement un despotisme. Quant à d'autres comme la Perse, l'existence de grands travaux n'y coïncide pas forcément avec un défi lancé par la nature. Ce pourrait être aussi le cas de la Chine ou du Japon etc. La théorie du M.P.A, semble ainsi fondée sur des cas qui n'ont rien avoir à faire les uns avec les autres. Car la spécificité de chacun d'eux cache par exemple le poids de facteurs culturels que le marxisme ne veut pas toujours prendre en compte à cause du peu d'intérêt qu'il accorde aux superstructures idéologiques. S'agissant de l'Egypte, C. A. DIOP 2 explique que «La soudaineté et l'ampleur de la crue du Nil obligèrent les premières populations africaines que le hasard avait conduit dans cette vallée à dépasser les égoïsmes individuels, claniques et tribaux, ou à disparaître. Ainsi émergea une autorité supra tribale, une autorité nationale, acceptée par tous, investie de pouvoirs nécessaires pour la conduite et la coordination des travaux d'irrigation et de distribution de l'eau, indispensable à l'activité générale. Alors naquit un corps hiérarchique d'exécutants...»
1-PARRAIN (Ch.) ; cité dans C.A DIOP, 1967, p.259 2-DIOP (C.A) ; « Civilisations ou barbarie… » ; opcit. p.166
98
Il écrit encore: «L'Etat à M.P.A naît chaque fois que des tribus s'intègrent pour devenir une nation, afin de survivre, en relevant un défi de la nature, grâce à une organisation rationnelle et une division du travail.» 1 L'Etat à MPA apparaît ainsi comme un «Etat du peuple tout entier» Il agit pour le plus grand bien de tous, dans l'intérêt général. Il n’est pas l'otage d'une classe exploiteuse. L'Etat est poussé ici à la différenciation par les circonstances matérielles et historiques. C. A. DIOP fait remarquer pour contester l'explication marxiste traditionnelle, que l'Etat n'apparaît pas ici après coup pour limiter la guerre de tous contre tous, mais il est le produit des circonstances qui l'ont engendré. Il écrit: «Nous pensons que le processus envisagé par MARX devrait, pour une fois, être renversé. C'est la cause matérielle qui est à la base de la naissance de l'Etat qui détermine le processus d'apparition de celui-ci, le type d'Etat, sa forme politique spécifique. Donc, la forme des rapports de production est déterminée par le type d'Etat créé; par conséquent, des rapports de production de type esclavagiste sont exclus par le M.P.A 2 ». C.A DIOP nous explique aussi que, parce qu'il est né pour répondre aux attentes collectives d'un groupe, pour servir l'intérêt général, l'Etat à MPA, entretient des relations spéciales avec ses gouvernés. Sa superstructure idéologique et religieuse, serait intensément vécue par les citoyens, qui ne se sentent pas ainsi aliénés par le travail colossal que leur réclame l'Etat. «C'est ainsi dit-il que furent accomplies des tâches qui nous étonnent encore aujourd’hui...»3.
1-DIOP (C,A); opcit, p, 242 2-DIOP (C,A); opcit, p, 260 3-DIOP (C,A); opcit, p, 121
99
Il rejoint ainsi Ion BANU 1 qui constate la spécificité de l'expérience pharaonique dans l'identification de l'Etat à l'ordre cosmique et divin. Il écrit: «L'intervention du souverain dans les travaux hydrauliques est bénéfique et sacrée. L'Etat accomplit une fonction économique et technique bénéfique. Il y a association des significations sociales et cosmiques dans la conception de l'Etat (...). Dans l'univers la même force vitale entretient, par l'intermédiaire de la royauté, la fertilité de la terre, en même temps que celle de l'espèce humaine ». Il y a là sans doute la raison fondamentale qui explique le dynamisme de l'Egypte des pharaons, et qui pousse M. GODELIER 2 à reconnaître que: «Si l'Egypte (…) appartient au MPA, celui-ci correspond aux brillantes
civilisations de l'âge des métaux, aux temps où l'homme s'arrache définitivement de l'économie d'occupation du sol, passe à la domination de la nature et invente des ormes nouvelles d'agriculture, l'architecture, le calcul, l'écriture, le commerce; la monnaie, le droit, de nouvelles religions etc. Le MPA ne signifie donc pas stagnation, mais le plus grand progrès réalisé sur la base de formes communautaires de production.»
Mais pour MARX comme nous l'avons déjà noté, ce mode de production communautaire explique aussi la nature de l'Etat, c'est à dire son despotisme qui le pousse à recourir à l'esclavage généralisé. Cette appréciation n'a pas d'ailleurs de connotation négative ou péjorative chez lui. Cohérent avec sa propre façon de penser, il guette toute contradiction entre forces productives et rapports de production susceptibles de créer un processus révolutionnaire.
1-BANU (I) ; p.251 2-GODELIER (M) ; p.247
100
Il soutient ainsi que l'esclavage généralisé est l'élément dynamique du MPA, susceptible de faire prendre conscience aux masses laborieuses, de leur condition d'opprimées. Toutefois, l'analyse qu'il fait par ailleurs des rapports de production du MPA, le pousse à constater que, les communautés villageoises y vivent en économie fermée. L'agriculture et l'industrie domestiques sont liées dans l'activité villageoise. Cette autarcie économique confine à l'immuabilité et constitue une des raisons de la stagnation du MPA. Celui-ci ne parviendrait pas à réaliser le divorce entre le travail et les conditions du travail. Or pour le Marxisme, «il est nécessaire que les masses paysannes soient expropriées pour devenir des travailleurs aliénés, ne possédant plus les moyens de production et n'ayant que leur force de travail à vendre, soit au fermier campagnard, soit au chef d'entreprise des villes: cette main d'oeuvre salariée est la condition nécessaire et suffisante pour que naisse et fonctionne le système capitaliste devant conduire à la révolution, par le soulèvement des masses exploitées» 1. Aussi pour Jean SURET CANALE 2 , le MPA est structurellement incapable de mener à terme la contradiction principale qui le caractérise. Celle-ci ne peut se résoudre en un sens progressif par le développement interne de cette formation sociale, car dit-il, « l’agencement de l’exploitation de classe, loin de détruire les structures fondées sur la propriété collective de la terre, les renforce.»
1-MARX (K) ; cité dans C.A DIOP, opcit, p.175 2-SURET CANALE (J) ; opcit, p.248
101
Il dit encore1 , «Dans l'Etat asiatique, une classe dominante, dégagée du travail directement productif, apparaît et se confond avec l'appareil d'Etat. Celui-ci en tant que tel ne s'est pas encore dissocié de la société qui l'a engendré (…) L'appareil confondu avec la classe dominante appartient encore à la base» . Voilà qui expliquerait bien en définitif que la contradiction principale du M.P.A, est incapable de se développer en un antagonisme de classe bien marqué, et de se résoudre, dans une révolution au profit de la classe exploitée. «On appelle contradiction fondamentale des sociétés à MPA le fait qu’une production «capitaliste d'Etat» se développe sur des bases communautaires caractérisées par l'appropriation collective de la terre. La société à M.P.A ne recèlerait pas assez de forces internes pour développer cette contradiction jusqu'à son terne, c'est à dire jusqu'à dissolution de la propriété collective et l'apparition de la propriété privée individuelle du sol.»2
Mais C.A. DIOP3 n'accepte pas ce verdict. Dans «Civilisation ou Barbarie» il déploiera une grande énergie à réfuter point par point l'analyse marxiste classique du M.P.A. Et il parvient à la conclusion suivante : «En résumé, les éléments distinctifs cités ci-dessus, à savoir; « l'esclavage généralisé», le régime de la propriété du sol et la contradiction fondamentale des sociétés à M.P.A, l'économie villageoise de type domestique, l'importance de la vie urbaine et le type du commerce individuel et non étatique, tous ces facteurs ont suffisamment évolué, ça et là, dans les sociétés à M.P.A pour devoir engendrer des germes de dissolution conduisant à de véritables révolutions, qui ont éclaté effectivement mais ont échoué par la suite.»
1-SURET CANALE (J); p.248 2-OPCIT, p.176 3-DIOP (C.A) ; «Civilisation ou barbarie » ; Présence Africaine. Paris1981, p.177
102
Dès lors, la spécificité de l'Etat à MPA, telle qu'elle a été entendue jusqu'ici, n'entre plus en ligne de compte. C.A DIOP en effet cite et analyse l'exemple de la Révolution osirienne en Egypte (2100 av J.C) qui avait vu la révolte du peuple contre la monarchie. On apprend que le Roi fut kidnappé, les administrations pillées, l’aristocratie dépouillée, et les secrets initiatiques divulgués. C'est l'exemple même d'une bonne petite révolution «prolétarienne» qui avait pour but de renverser la monarchie et d'installer un régime républicain nous assure l'auteur. Au total, tout l'effort que développe C.A. DIOP pour réfuter l'analyse marxiste du MPA, n'a pour but que de rendre le modèle d'analyse en cause plus marxiste qu'il ne l'était avant. On a vu en effet que MARX se désespérait du caractère communautaire du M.P.A. C'est à dire à la fois de l'autonomie des communautés qui le forment et en même temps de leur adhésion à l'idéologie de la société, ce qui ne facilite pas le développement des antagonismes de classes. Mais C.A DIOP par une analyse minutieuse, lui prouve à travers l'exemple égyptien que, cette société est parvenue à se liquéfier, puis à connaître des révoltes et même une vraie révolution. Le problème de C.A DIOP est dès lors de découvrir pourquoi cette révolution a échoué, et pourquoi d'une façon générale les révolutions n'aboutissent jamais dans les Etats à MPA ? Il expliquera que ces échecs sont imputables principalement à l'étendue des territoires couverts par ces Etats et par la complexité imposante de leurs machines administratives.
103
C'est pourquoi selon lui 1 «En créant un appareil étatique (celui du MPA) permettant la coordination de l'action sociale, militaire et politique à grande échelle sur un vaste territoire groupant plusieurs cités, les peuples ont forgé, sans le savoir, des chaînes qui ne pouvaient être brisées que par le progrès des temps modernes, rendant possibles l'éducation, l'instruction, l'information et la coordination de la lutte des classes laborieuses à grande échelle également...». A vrai dire, pour nous, le concept de MPA est beaucoup trop vague pour rendre compte de l'expérience historique des différentes sociétés qu'il prétend analyser. D'abord il s'agit d'un concept foncièrement évolutionniste, qui ne s'intéresse au système communautaire que dans la mesure où celui-ci est en mesure d'entrer de gré ou de force dans la grille d'analyse marxiste pour laquelle les sociétés humaines ne peuvent se transformer que sous la dynamique d'antagonismes de classes. Ensuite, le MPA en tant que concept marxiste cède trop facilement à une surdétermination de l'être social sur la conscience sociale, c'est à dire celles des conditions matérielles sur l'idéologie. Or cette attitude intellectuelle ne permet pas de comprendre pourquoi le peuple égyptien coopère sans protester à de travaux gigantesques dont, pour certains, l'intérêt économique est nul. C'est ce qui a fait croire à MARX que cette mobilisation générale ne pouvait être qu'une forme généralisée d'esclavage. Fatalement, il ne pouvait que se tromper encore plus, en faisant de celle-ci un facteur d'aliénation devant déboucher sur une prise de conscience révolutionnaire.
1-DIOP (C.A) ; p.182.
104
Bref: évolutionniste et abusivement historiciste le concept de MPA a contribué à couper l'expérience pharaonique de celles des autres sociétés africaines. En effet en mettant les conditions naturelles en avant pour expliquer la formation de la société égyptienne, notamment le rôle de la domestication du Nil dans l'apparition de l'esprit scientifique, avec l'invention de la géométrie et des mathématiques, ou dans le développement de l'administration et de sa capacité a conduire des ouvrages colossaux, on a tout simplement oublié que toute action humaine est informée et contrôlée par la culture (T. PARSONS, The social System , 1967). Ainsi la critique du concept de MPA doit spécialement restituer a l'expérience pharaonique la liberté d'être analysée autrement que, comme une étape dans le développement de la société humaine, ou comme un accident historique provoqué par la nécessité de surmonter un défi lancé par la nature aux hommes. Les Incas ou les Aztèques n'ont pas eu besoin des crues «d'un Nil» pour se livrer a des travaux également gigantesques. Enfin cette critique doit aussi rendre au communautarisme sa particularité en tant que Mode d' Organisation des Négro-Africains, susceptible d'apporter à l'humanité une autre vision des relations humaines et une conception spécifique du développement des sociétés et de l'Homme. Et, enfin la définition d'un Mode de Production Initiatique ou Africain a laquelle nous avons déjà procédé dans le tome I de cet ouvrage.
105
Nous allons voir plus loin, que ce n'est pas le Nil qui a fait l'Egypte, mais d'abord sa propre culture, c'est à dire la culture africaine. Or, cette culture, se confond avec l'idéologie initiatique qui représente la puissance d’action la plus colossale dans la société africaine. Nous soutenons que c'est en s'appuyant sur celle-ci, que l’Egypte prédynastique a pu se transformer pour donner naissance à l’extraordinaire aventure pharaonique. Toutes les questions que se sont posées Karl MARX et C. A. DIOP sur la nature du système communautaire, notamment sur son imperméabilité au conflit, plus préciséciment à la lutte des classes, puis à sa faculté d'être mobilisée totalement et puissamment pour consacrer son énergie à la réalisation des ouvrages colossaux, trouvent leur explication dans l'idéologie africaine: l’INITIATION. C.A DIOP lui même admet que l’ Etat pharaonique n'est pas l'Etat d'une classe exploiteuse, et que son idéologie est intensément vécue par les citoyens qui, ainsi ne se sentent pas aliénés par le travail colossal qui leur est demandé. Il estime alors, qu'il n'est pas possible de le considérer comme un Etat esclavagiste. Pour Ion BANU l'explication de cette communion entre le peuple et ses dirigeants vient du fait que la même force vitale circule entre l'univers et la structure sociale. Enfin GODELIER affirme que le MPA est en réalité un mode de production performant et très avancé fondé sur des formes d’organisation communautaires.
106
Aucun doute n'est plus possible, comme nous l'avons posé en postulat plus haut, c'est bien l'INITIATION en tant que pensée et idéologie du système communautaire qui est le véritable moteur de l'Histoire dans la civilisation africaine. Car elle seule explique la nature du mode d'organisation communautaire et sa dynamique interne, que ni MARX, ni DIOP, n'ont pu identifier, à cause de leur idiosyncrasie commune: le matérialisme philosophique1. Nous allons voir plus loin comment l'Initiation est capable de réaliser concrètement, sur le plan socio-historique, de véritables transformations révolutionnaires qui engendrent le développement du système communautaire.
1-Voir LENINE (I.O) ; « Matérialisme et empiriocriticisme » ; Editions du Progrès, Moscou, 1975. Voir aussi, Georges PLEKANOV ; « Le matérialisme militant » ; Editions du Progrès, Moscou, 1980.
107
3- NAISSANCE DE LA MENTALITE PHARAONIQUE : ENQUETE SUR LA LONGUE DUREE
Rappelons que notre hypothèse générale de travail est l'affirmation de la capacité de la société africaine à se transformer sous l'action de sa propre idéologie, l'Initiation; provoquant ainsi le développement du système communautaire. Dans l'exposé du schéma qui démontre cette idée, nous avons donné l'Egypte ancienne comme exemple historique de cette transformation. Et en même temps, nous avons souligné comment à travers cette transformation de la société africaine ; de sa forme la plus élémentaire : la société communautaire de base, ou Type I du système communautaire, à sa forme la plus avancée , le Type III du système communautaire, ou société communautaire développée, surgit grâce à la pratique de l’Initiation, se structure et s’ y installe, ce que nous avons appelé la « Mentalité haraonique » , qui est l’ensemble des manières les plus nobles et les plus dynamiques engendrées par la civilisation africaine, et qui donnent à cette civilisation son style, et définissent son code. Par ailleurs, présenter l'Egypte ancienne comme type idéal de la société communautaire développée, c'est à dire comme vérifiant notre schéma conceptuel de développement du système communautaire, en tant que trajectoire de développement partagée par toutes les sociétés africaines, suppose résolu le problème de la parenté entre l'Egypte et les autres sociétés africaines. Et, pour nous ce problème est considéré comme définitivement réglé. Notre propre argumentation, a contribué à rendre cette parenté indestructible en montrant que, le fait de partager la même idéologie, laquelle en remplissant les mêmes fonctions dans toutes les sociétés africaines et en jouant le même rôle déterminant dans leur développement permet de rendre cette parenté entre l'Egypte et les autres sociétés africaines, définitivement insoluble.
108
Ensuite, pour éliminer toute incohérence sur la crédibilité de cette affirmation, il nous faut obtenir des garanties sur au moins deux points concernant l'évolution historique de la vallée du Nil. En premier lieu il faut qu'il y ait eu au cours de la période décisive du Prédynastique, laquelle prépare l'avènement de la civilisation pharaonique dans laquelle nous reconnaissons le type idéal du système communautaire développé, une continuité culturelle parfaite dans le temps, entre la première civilisation apparue dans la vallée du Nil et celle des pharaons. Autrement dit, il convient que l'autonomie culturelle, des sociétés de la vallée du Nil notamment, par rapport à l'Asie et plus précisément à la Mésopotamie, au cours de la période indiquée soit un fait incontestable sur la base des informations que nous possédons à ce jour sur la question. Par conséquent, en second lieu, cela suppose qu'il n'y ait pas eu durant les phases du Prédynastique, des invasions ou interventions extérieures à la vallée, susceptibles d'y introduire de modifications décisives dans le système de valeurs locales et incidemment dans le mode d'organisation des sociétés en place. Le niveau de connaissances accumulées à ce jour en Egyptologie, Permet de valider les propositions ci-dessus énoncées. Nous nous appuierons pour démontrer cela, notamment, sur les travaux du Professeur J. VERCOUTTER 1.
1-Voir notamment, VERCOUTTER (J) ; « L'Egypte et la vallée du Nil » ; Tome I, PUF, Paris, 1996. Voir aussi, MASSOULARD (E) ; « Préhistoire et Protohistoire de l'Egypte » ; Institut d’Ethnologie de Paris, 1949.
109
3.1. Genèse de la civilisation pharaonique: le Prédynastique
La période de l'histoire de la vallée du Nil qui précède celle très connue, de l'unité politique sous la domination pharaonique s'appelle le Prédynastique. Pourquoi cette appellation ? Tout simplement parce qu'elle vient avant l'époque pharaonique qui se caractérise par une succession de dynasties, laquelle a d'ailleurs permit de comprendre et d’écrire l’histoire de la période pharaonique. Mais cette époque avec son écriture, son développement matériel, intellectuel et spirituel exceptionnel, ses sciences, et sa colossale organisation administrative n'est compréhensible que si l'on a compris ce qui s'est passé durant les 5000 ans ou plus qu'a duré le Prédynastique. Le Prédynastique s'étale de la fin de la Préhistoire (vers -8000?) de la vallée du Nil jusqu'à 3100 avant JC, «date retenue» de l'unification politique de la vallée avec le premier Pharaon de la dynastie 0: NARMER. Il faut noter que l'Egypte n'a pas connu de Néolithique, elle l'a survolé. Puisque, si cette période décisive de l'histoire de l'humanité se caractérise par la pierre polie, l'invention de l'élevage et de l'agriculture, les occupants de la vallée du Nil, eux, utilisaient déjà les métaux dès la fin de la Préhistoire sans pour autant cesser d'utiliser les outils en pierre, jusqu'à la fin de la période pharaonique. Ils avaient déjà fait aussi connaissance avec l'agriculture vers -5000. Alors que l'écriture comme on va le voir fait son apparition au IVe millénaire dans la Vallée du Nil.
110
Le Prédynastique se subdivise en trois parties: -le Prédynastique ancien -le Prédynastique récent -le Protodynastique A l'intérieur de ce découpage qui n'a d'autres fins que de permettre un exposé pédagogique des faits, se succèdent plusieurs civilisations, souvent sur les mêmes sites archéologiques, à tel point qu'il devient difficile de les distinguer les unes des autres. On observe néanmoins les civilisations suivantes pour le Prédynastique ancien:1. BADARIEN : Niveau inférieur…………………………………………… -6115 ( ?) Niveau supérieur………………………………………….. -5440
-4955 -4080
FAYOUM A
-5200
-4700
TARIFIEN
-4350
-3810
AMRATIEN
-4780
-3900
MERINDE-BENI-SALAME -4600 EL OMARI : Niveau inférieur…………………………………………. -4200 Niveau supérieur………………………………………. -3900
-3500 -4000 -3400
a)-Le Prédynastique ancien :
Est une période dominée par deux grandes civilisations que l'on peut situer au sud de la vallée: le Badarien (qui est lui même précédé ou lié à une civilisation plus ancienne appéllée Tasien et l' Amratien qui lui succède sur les mêmes sites. Au nord, le Fayoumien , le Mérimdien, El Omari et le Tarifien à l'ouest dans le désert semblent un peu décalées et repliées sur elles mêmes. En réalité ces civilisations tirent leurs ressources de la vallée du Nil, et entretiennent des relations économiques et culturelles avec la Haute vallée. 1-Source : J.VERCOUTTER, opcit .
111
Soulignons qu'à cette époque, conformément aux informations archéologiques actuelles, le Delta est inexistant. J. VERCOUTTER l'a souligné maintes fois, et C.A. DIOP 1 l'avait déjà remarqué, et en avait tiré argument pour montrer que si la civilisation pharaonique avait été apportée de l'extérieur, les envahisseurs auraient dû nécessairement s'établir dans le delta avant de progresser vers le sud. Or dès cette époque c'est dans le sud que se manifeste la plus grande civilisation de la vallée, qui imposera par la suite sa culture à toutes les autres sociétés. C. A. DIOP avait raison, car, le delta à cette époque était occupé par la mer comme nous l'avons indiqué plus haut. Celui-ci a émergé lentement au fil des siècles grâce à l'intense activité alluvionnaire du Nil. HERODOTE lui même le notait sans ambiguïtés puisqu'il a écrit: «le delta est un don du Nil», Et, c'est à tort que par la suite on a prit l'habitude de dire que c'était l'Egypte elle même qui l'était. Les sociétés du Prédynastique ancien, nous semblent être des sociétés communautaires du premier Type. Certes on ne peut plus les observer directement, mais les archéologues apprennent à les reconstituer en interprétant les vestiges matériels qu'elles ont laissé: habitations, outils, bijoux, objets rituels, tombes, mobilier funéraire etc. Ainsi, J. VERCOUTTER parle t-il de «sociétés égalitaires» en examinant la topographie des vestiges des habitations. Les tombes montrent que les individus étaient inhumés les jambes repliées vers l'abdomen de façon systématique, la face tournée vers l'ouest, ce qui laisserait entendre qu'ils pratiquaient le culte du soleil couchant, Certains cadavres sont parfois démembrés, on a trouvé des tombes avec seulement des têtes ou des membres.
112
Cela permet de penser à une domination sur le plan idéologique des pratiques magiques liées à la sorcellerie. Ces tombes contiennent aussi un mobilier funéraire souvent abondant surtout pour le BADARIEN et AMRATIEN. b)-Le Prédynastique récent
Est dominée par une brillante civilisation: Le GERZEEN (-3600-3200). Le Gerzéen succède directement à l'Amratien. Il s'agit d'une civilisation brillante sur le plan technologique. Les outils sont désormais façonnés non pas par des artisans isolés, mais par des ateliers spécialisés où travaillent patrons et employés. Cette civilisation connaît la division du travail. On peut presque parler d'un début de production industrielle. C'est à partir d'ici qu'apparaît le Type II du système communautaire , qui va fonder le mode production initiatique et amorcer la transformation du Mode d’Organisation Communautaire. En effet selon J. VERCOUTTER 1 , les techniques acquises au Badarien et développées à l'Amratien se perfectionnent encore au Gerzéen: « La taille du silex, entre autres, très bonne précédemment atteint un niveau inégalé avec les lames légèrement incurvées obtenues après un polissage initial, par des retouches par pression d'une très grande régularité. «Le couteau du Gebel el rak» en demeure le meilleur exemple. Ces objets sont de véritables oeuvres d'art, dont la fabrication ne paraît pas justifiée par des nécéssités fonctionnelles. Ils n'ont pu être obtenus, semble t-il, que par des artisans très spécialisés qui compte tenu de la période pendant laquelle ces lames ont été confectionnées, ont dû transmettre leurs techniques de travail dans des ateliers comportant Maîtres et élèves ».
1-VERCOUTTER (J) ; « L’Egypte et la vallée du Nil » ; Tome I, opcit. p.153
113
Sur le plan des croyances, les tombes gerzéennes se distinguent par un très abondant mobilier funéraire. Les corps portent de plus en plus d'ornements: penditifs, amulettes, bracelets et colliers. J. VERCOUTTER en tire la conclusion que : «Le nombre et la variété de ces objets, leur couleur et leur matière témoignent d'un développement important des croyances en leur valeur prophylactique, et par conséquent de la magie, non seulement dans la vie sur terre, mais aussi pour celle d'outre-tombe». En tout cas nous y voyons déjà l'avènement de l'Initiation comme idéologie officielle de la société. Elle n'entre pas forcément en contradiction avec la magie, mais élimine les pratiques de sorcellerie qui dominent dans le Type I. Le Prédynastique récent comporte néanmoins une autre civilisation dans le nord de la vallée: MEADI, dont les débuts sont estimés vers 3500 av JC. Cette civilisation n'est qu'en partie contemporaine du Gerzéen. Elle semble constituer le lien entre les civilisations du FAYOUM et de EL OMARI. Elle ressemble au Gerzéen surtout sur le plan technologique. Ici aussi, on connaît une division du travail très poussée, et surtout, un rôle nouveau: l'exportation des technologies et de matières premières nilotiques vers l'Asie et d'abord la Palestine. Mais par l'intermédiaire de celle-ci, la Vallée du Nil importe des produits asiatiques. C'est par de tels contacts commerciaux dont les Méadiens avaient une très grande maîtrise, qu'on a pu penser que la présence de très rares objets Mésopotamiens en Egypte expliquait une invasion asiatique dans la vallée du Nil, ayant apporté la civilisation et l'écriture. Or comme on l'a vu le développement de la civilisation dans la vallée du Nil a des origines locales très anciennes qui remontent à bien avant même l'apparition de la civilisation en Mésopotamie. On y reviendra.
114 c)-Le proto-dynastique ou Gerzéen récent (-3200-3100)
Cette période d'un siècle seulement se caractérise par une évolution rapide de la vallée du Nil à tous les niveaux: économique, culturelle, politique et technologique. C'est la phase du passage du Type II au Type III, du système communautaire ; le moment du passage à la société communautaire développée. Il s'agit d'une période d'urbanisation, de développement institutionnel accéléré, de domination définitive de la culture de la Haute Egypte (Sud) jusqu'à la Méditerranée. Enfin en -3100, intervient l'unification politique de la vallée par un Roi établi à HIERAKONPOLIS dans le sud: MENES, ou NARMER. Ultime période «protohistorique», avant l'unification politique, le Protodynastique se distingue avant tout par sa prospérité économique qui se manifeste à travers l'accroissement des offrandes funéraires. Cette prospérité est liée à l'émergence des premières grandes agglomérations en Haute Egypte: ABYDOS (Thinis), OMBOS (Nagada-Noubet), COPTOS, NEKHEB (El Kab), NEKHEN (Hierakonpolis), et peut être ERMENT, EDFOU, et ELEPHANTINE. On trouve dans ces premiers centres urbains, des artisans de plus en plus nombreux et d'une très grande habileté au regard de la qualité, de la quantité et de la variété de leurs productions: poteries, vases de pierre, palettes, couteaux, haches, etc. J. VERCOUTTER1 qualifie cette production de quasi industrielle. Elle impose une division du travail très poussée et implique une stratification déjà complexe de la société, «ce qui suppose un embryon au moins d'organisation politique, avec une élite dirigeante et des exécutants paysans et artisans»,
1-VERCOUTTER ; opcit, p.174
115
D’après le docteur Emile MASSOULARD, le moyen le plus sûr de mesurer cette stratification sociale, est d'examiner les nécropoles situées près des nouvelles agglomérations. On y constate que les tombes les plus importantes par leur dimensions au par la richesse de leur mobilier funéraire sont parfois groupées à l'écart des autres comme c'est le cas dans le cimetière T de NAGADA et à HIERAKONPOLIS. Certains ont cru y voir les sépultures des premiers rois d'une Egypte alors déjà politiquement unifiée du sud au nord de la vallée. Une autre conséquence de cette hiérarchisation poussée est la disparition d'un certain type de mobilier (vases décorés) et la raréfaction des vases de pierre constatée dans la majorité des tombes de cette époque. On pense que seules les élites auraient pu disposer alors d'un mobilier funéraire important. Ainsi, il en serait résulté un accroissement du nombre d'objets de valeur dans un nombre limité de sépultures, en même temps qu'un déclin de la qualité et de la quantité du mobilier funéraire dans la plupart des nécropoles. J. VERCOUTTER souligne enfin que l'habileté des artisans de cette époque caractérise aussi la production et la décoration des objets comme: les couteaux à taille par pression, les cuillères, les palettes de schiste et nombre d'objets en ivoire et en os, Il écrit: «Les décors sur ces divers objets témoignent de la maîtrise des graveurs et sculpteurs qui travaillent dans les grandes agglomérations. Ils établissent les débuts d'un art autochtone qui évoluera de façon continue sans qu'il soit possible de discerner la moindre césure lors de l'unification politique de la vallée du Nil durant la première dynastie aux alentours de -3100». (J. VERCOUTTER, 1996, p.175).
116
3.2. Relations: Afrique-Asie au Protodynastique
Cette information est justement d'une très grande valeur, car elle nous conduit à examiner le problème d'une éventuelle influence asiatique sur la formation de la civilisation pharaonique à sa source. Nous nous appuierons encore ici sur l'argumentation de l'auteur de «L'Egypte et la vallée du Nil». En effet selon lui, non seulement dès le Protodynastique, les grandes palettes décorées et les têtes de massues en utilisant les signes hiéroglyphiques témoignent de l’existence de l'écriture lorsqu'elles ont été fabriquées, mais, elles attestent également que l'art égyptien possède alors tous les traits qui font son originalité: «…par leur technique , le bas-relief sur champ levé; par leur maîtrise de la taille de la pierre; par les conventions du dessin figures humaines à tête de profil, mais oeil de ace, torse de face, hanches et jambes de profil, jambe gauche avancée; enfin par les sujets traités: chasse des animaux du désert, massacre des ennemis, représentation de l'intronisation du roi, ou fête du Sed»
1-VERCOUTTER (J) ; opcit, p.193
117
Or ce sont ces objets sculptés: couteaux décorés, palettes et massues etc... qui montrent que la civilisation pharaonique est en place, et qui témoignent de l'évolution des institutions et de l'Art, qui ont paradoxalement permit à certains auteurs de soutenir l'hypothèse d'une influence et même d'une invasion asiatique sur l'Egypte. «Pour l'essentiel, trois arguments sont mis en avant à l'appui de cette supposition1: -La présence de motifs «mésopotamiens» dans le décor des palettes et manches de couteaux: « Maîtres des animaux» du couteau de Gebel-el-Arak, animaux fabuleux des palettes («griffons ailés,» rustres à tête de panthère et corps de reptile) -L'architecture de briques à redan des premiers édifices égyptiens, tombes royales notamment. -Enfin, la trouvaille de cylindres-sceaux mésopotamiens dans des sépultures égyptiennes de la fin du Prédynastique.»
Aucun de ces trois arguments n'est réellement recevable. Après un examen critique et approfondi de «la thèse de l'invasion» sur chacune des périodes du Prédynastique (ancien, récent, tardif (protodynastique), le Professeur VERCOUTTER conclut que le seul argument qui présente quelque intérêt est celui de la présence des cylindres mésopotamiens dans la vallée du Nil. Mais ces cylindres sont très peu nombreux (quatre au plus) constate t-il. De plus leur origine mésopotamienne ainsi que le caractère prédynastique des tombes d'où ils proviennent ont été contestés.
1-Opcit. P.197
118
Par ailleurs, pour l'architecture «à redan» typique de la première dynastie, il n'est pas nécessaire de chercher son origine en Mésopotamie alors que celle-ci peut provenir des techniques de construction prédynastiques qui utilisaient à la fois : bois, pisé, nattes et briques. Donc s'il est possible que les artistes égyptiens aient emprunté quelques motifs décoratifs au domaine asiatique, nous dit l'auteur, on peut aussi supposer qu'ils ont vu ces décors sur des petits objets gravés, tels les cylindres-sceaux qui circulaient dans tout le Proche-Orient. Aussi, pour lui, l'hypothèse qui voit une influence directe de la civilisation mésopotamienne sur la formation de celle de l'Egypte est peu convaincante, car elle s'appuie sur des observations qui peuvent s'interpréter par des rapports indirectes; ceux-ci établis à l'époque de la monarchie archaïque, et non pas au Prédynastique, entrent dans le cadre des échanges entre la Palestine et la vallée du Nil. Au cours des échanges entre les deux pays, les Egyptiens des premières dynasties ont pu voir ou acquérir des objets mésopotamiens. Il est donc inutile de recourir à l'hypothèse d'une invasion venue du lointain Euphrate, ou même de la présence de Mésopotamiens en Egypte, pour rendre compte de quelques faits avancés en sa faveur. Si donc l'hypothèse d'une présence mésopotamienne en Egypte ou celle de contacts directes entre les deux peuples est exclue, en revanche, l'éventualité de rapports indirects par le couloirs syro-palestinien paraît vraisemblable: les liens fréquents et réguliers entre Palestine et Egypte sous la première dynastie suffisent à expliquer la présence de rares objets mésopotamiens dans la vallée du Nil, ainsi que l'emprunt de quelques motifs décoratifs asiatiques par les artistes égyptiens (VERCOUTTER, 1996, p.198).
119
Sur un autre plan, J. VERCOUTTER souligne que l'hypothèse d'une influence déterminante de la civilisation mésopotamienne sur celle de l'Egypte à la fin du IVe millénaire impliquerait une rupture entre les cultures prédynastiques et celle de la monarchie archaïque (-3100 à -2700), rupture dont on ne constate aucune trace. Au contraire l'évolution culturelle de la vallée du Nil se caractérise par sa continuité: on n'observe aucun hiatus entre les civilisations du FAYOUM ou de MERIMDE et les cultures d'EL-OMARI et de MEADI dans le nord, ou celles du TASIEN, du BADARIEN, de l'AMRATIEN et du GEEZEEN dans le sud. Aucun hiatus non plus entre le GERZEEN classique, le PROTODYNASTIQfIE et l'époque archaïque des souverains de la première dynastie. Il semble donc clair que les populations fixées sur les rives du Nil à la fin du VIe millénaire se soient progressivement adaptées au rythme imposé par les crues du fleuve qui libéraient chaque année des terres cultivables; la richesse écologique de la vallée a facilité le passage du nomadisme du paléolithique final à la sédentarité du Prédynastique. Ainsi, de la civilisation Tasa-Badarienne à celle de NARMER, les diverses cultures qui se succèdent sur les bords du Nil se transmettent les mêmes catégories d'objets: palettes, armes et outils de pierre, ainsi que les mêmes techniques: de poterie, de taille du silex et des pierres les plus dures, comme du tissage. Elles utilisaient les mêmes symboles de puissance et d'autorité: massue, bâton à crosse, poignard bifide. Toutes ces civilisations manifestent une vénération identique pour certains animaux et la même conception de la vie d'outre-tombe.
120
Les signes hiéroglyphiques qui apparaissent dès le milieu du Vè millénaire, d'abord isolés, se développent progressivement en un système d'écriture cohérent. L'art enfin, avec ses conventions évolue de façon continue depuis les rigides statues de l'Amratien jusqu'à celles de l ’époque archaïque, puis de l'Ancien Empire. «Lorsque, aux alentours de -3100 apparaissent de rares traits culturels empruntés à l'Asie, ils sont aussitôt absorbés et transformés par la civilisation nilotique qui possède alors, et ce depuis des millénaires, son caractère propre; elle ne s'en trouve ni altérée ni même accélérée.» (VERCOUTTER, 1995, p. 199).
D'ailleurs, il n'est pas exclu, que c'est l'inverse qui soit vrai. Que ce soit la Mésopotamie elle même qui aie été engendrée par la Vallée du Nil. L'argumentation proposée par C.A DIOP dans Nations Nègres et Cultures, ne manque pas d'intérêt, et mérite d'être vérifiée et approfondie. Elle contribuerait alors à asseoir son concept d'antériorité des civilisations africaines. C.A. DIOP, s'est aussi vivement élevé contre les manipulations dont la chronologie et la périodisation de l'histoire de la vallée du Nil a fait l'objet, dans le seul but, de faire apparaître la civilisation mésopotamienne comme plus ancienne que celle des Pharaons. Au-delà de cette supercherie, on devine les manœuvres souterraines de l’idéologie hamitique, ancêtre de la
théorie contemporaine du métissage culturelle.
121
L'histoire lui donne raison à titre posthume, puisqu'il est certain désormais que la date de l'invention du calendrier dans la Vallée du Nil, correspond à celle qu'il soutenait (-4125) et par conséquent, c'est toute la périodisation de l'histoire de la vallée du Nil qu'il va falloir reconsidérer. Mais dès à présent cela implique l'invention de la science et notamment des mathématiques dès cette époque, et aussi celle de l'écriture. Ce qui au total, confirmera plus que jamais l'antériorité des civilisations africaines sur toutes les civilisations humaines. En définitive, si la civilisation égyptienne de l'époque pharaonique n'a pas été introduite de l'extérieur dans la vallée, peut-on identifier les processus nternes aux sociétés de la vallée qui nous expliqueraient l'ethnogenèse de l'extraordinaire aventure pharaonique ?
122
3.3. L'Action de l'initiation: Le passage du Type II au Type III du système communautaire La question se pose en effet de savoir quelle est l'origine de la transformation qui affecta les sociétés nilotiques du Prédynastique, laquelle, donnera par la suite son visage définitif à la civilisation pharaonique. Le Professeur VERCOUTTER se pose la même question au terme du raisonnement suivant: C'est l'exploration des grands sites que sont ABYIDOS, NAGADA et HIERAKONPOLIS qui permet aujourd'hui de souligner l'importance très ancienne de deux agglomérations, Hierakonpolis, l'antique NEKHEN et NAGADA, l'ancienne NOUBET ou OMBOS. Or, dit-il: «Il est maintenant possible d'entrevoir le changement d'une société paysanne, égalitaire, pratiquant encore la pèche, la chasse, la cueillette en même temps que l'agriculture et l'élevage, en un «proto-Etat» hiérarchisé qui connaît la division du travail: les artisans y tiennent une place importante, une élite dispose de ressources considérables qui lui permettent d'aménager dans les cimetières séparés de grandes tombes pourvues d'un abondant mobilier funéraire et parfois décorées, alors que dans les vastes nécropoles contemporaines les sépultures sont petites et pauvrement équipées. A Hierakonpolis comme à Nagada c'est autour de -3500, lors du passage de l'Amratien au Gerzéen que se manifeste cette mutation du type de société, changement qui détermine une plus forte densité de la population, la concentration de l'habitat et son installation à proximité de la plaine inondable. En d'autres termes, c'est alors que s'organise la société pharaonique telle qu'elle se maintiendra jusqu'à sa disparition. Quelles peuvent-être les causes de cette mutation profonde d'une société restée stable pendant deux millénaires ?»
1-VERCOUTTER (J) ; « L'Egypte et la vallée du Nil » ; Tome I, opcit, p.239
123
J. VERCOUTTER note que confrontés au problème du changement et de la transformation de petites sociétés égalitaires en « Etats » hiérarchisés plus ou moins importants, dirigés par une élite, les sociologues contemporains proposeraient des réponses qui se ramènent à trois schémas (VERCOUTTER, 1996, p.239). L'apparition de l'«Etat » hiérarchisé pourrait résulter soit d'une compétition violente entre groupes d'hommes qui cherchent à s'assurer la possession de terres cultivables; soit de la nécessité pour le groupe d'obtenir par des échanges les matières premières qui lui manquent; soit encore de l'organisation de la défense du groupe contre un ennemi. Mais justement aucun de ces mobiles ne s'applique vraiment au cas de la vallée du Nil. La population prédynastique y est clairsemée, elle dispose de ressources abondantes grâce à la chasse, la pèche, l'élevage, la cueillette et la culture des terres enrichies par la crue annuelles du Nil. La vallée proprement dite et ses abords fournissent les matières premières (bois, peaux, argile, pierre, métaux : or, argent et cuivre), nécessaires à une société aux besoins encore réduits. Enfin au IVe millénaire, aucun grand «Etat » n'est assez proche de l'Egypte pour menacer l'existence de ses habitants. Aussi, le problème de savoir quelles sont les circonstances qui auraient pu donner naissance à l'Etat pharaonique tel qu'il apparaît à la fin du IVè millénaire, reste entier. J. VERCOUTTER propose une réponse qui vérifie pratiquement notre propre hypothèse de travail, sans que nos postulats respectifs de départ ne soient identiques.
124
Il observe d'abord que l'apparition de «proto-Etats» en Haute Egypte coïncide avec une aggravation des conditions climatiques dans la vallée du Nil. A la phase d'humidité relative qui régnait au BADARIEN et à l'AMRATIEN, succède une phase aride vers -3500, -3400. L'exploitation des plateaux limitrophes de la vallée pour l'élevage des ouadis pour l'agriculture est abandonnée, et la vie ne dépend désormais que du fleuve et de ses crues. J.VERCOUTTER y voit le facteur indirect de la grande transformation qui affecta la vallée du Nil autour de -3500. Il écrit 1: «Les nouvelles conditions de vie qui découlent de ce changement de climat avorisent l'apparition d'individus auxquels les groupes humains attribuent le pouvoir magique de commander à la pluie ou à la crue. Durant ces dernières décennies encore, des tribus du Haut Nil possédaient de tels sorciers-magiciens qui aiseurs de pluie (rain-makers), disposaient d'un pouvoir quasi monarchique sur la tribu. L'ethnologie nous apprend que le pouvoir magique se transmet de père en fils ou fille. S'il en était ainsi au IVè millénaire dans la vallée du Nil, on pourrait voir dans l'institution de «chefs faiseurs de pluie» une des origines du pharaon égyptien. Depuis longtemps en effet, la mise à mort rituelle du roi dont le pouvoir magique s'était affaibli avec l'âge, telle que la pratiquaient naguère les tribus nilotiques, a été comparée à la fête du Sed égyptienne au cours de laquelle les pouvoirs du pharaon étaient renouvelés grâce aux rites qui figuraient sa mort symbolique et lui permettaient de renaître rajeuni. Ainsi, en tant que sorciers ayant autorité sur la pluie ou la crue, certains individus et leur famille auraient accaparé une part de ressources du groupe, et en les accumulant auraient renforcé leur autorité sur l'ensemble du groupe. Dès lors les détenteurs du pouvoir pouvaient par volonté de puissance s'attaquer aux communautés voisines, les conquérir et s'imposer sur leurs territoires.»
L'idée qu'exprime le Professeur VERCOUTTER dans ce texte est d'une grande importance pour notre propre argumentation. En effet nous voyons dans ces fameux «sorciers-faiseurs-de-pluie», la marque même d'une culture initiatique, ainsi que nous l'avons déjà établi, plus haut. 1-VERCOUTTER (J); opcit, p.240
125
Le mot sorcier étant utilisé ici non pas dans son sens habituel, mais au sens du dot congolais NGANGA, c'est à dire: mage, guérisseur etc...Nous ferons simplement remarquer que la dévolution du pouvoir magique de père en fils ou fille, tient moins de l'hérédité que de la pédagogie. C'est par socialisation plus ou moins étendue, que cette dévolution s'opère. Dans ce cas, elle touche un nombre beaucoup plus important d'individus que celui des personnes qui forment l'entourage immédiat du Maître de l'initiation. Au total l'argumentation du Professeur VERCOUTTER, écarte de façon définitive l'hypothèse de l'irruption dans la vallée du Nil au IVè millénaire «d'une nouvelle race» qui y aurait apporté la civilisation et l'organisation sociale, et affirme que, la mutation de la société égyptienne qui aboutit à la création de petits Etats à caractère monarchique proviendrait d'une part de l'importance prise par les détenteurs du «supposé pouvoir magique» sur les éléments, et d'autre part de l'agressivité et du désir de puissance de certains de ces individus. J.VERCOUTTER, 1995, p.240) L'auteur montre que l'avènement de ces individus «hors du commun» a des conséquences directes sur le processus de production. Il s'agit pour lui de la nécessité pour ces chefs magiciens d'affirmer et d'accroître leur autorité, désir puissant qui aurait conduit à la multiplication du nombre des artisans indispensables pour produire l'armement et l'outillage nécessaire aux conflits, mais aussi pour construire et équiper les sépultures qui contribuaient à déployer le prestige du chef et de son entourage.
126
L'auteur montre encore, que, l'accroissement du nombre des artisans serait à son tour une des causes du développement des centres urbains. A ces facteurs qui favorisent la création de petits Etats séparés viendraient s'ajouter le commerce pour les régions les plus riches en ressources agricoles minérales ou minières: pour maintenir le libre accès de leurs produits dans les régions voisines, les maîtres du pouvoir leur auraient imposé leur domination, pacifiquement ou au besoin par les armes. Les Etats qui incarnent cette transformation sont au nombre de trois. Il s'agit du nord au sud de: ABYDOS, NAGADA, HIERAKONPOLIS. Tous les trois appartiennent à la Haute Egypte, et se sont constitués entre -3500 et -3200. Le plus ancien et plus évolué d'entre eux étant HIERAKONPOLIS à l'extrême sud. Ces trois Etats témoignent cependant de la même culture matérielle très évoluée, et permettent de constater grâce aux fouilles archéologique la même évolution selon l'auteur d'une «société paysanne égalitaire» vers une société urbaine hiérarchisée. Cette évolution se traduisant sur le terrain par l'abandon d'un habitat clairsemé sur la frange de la vallée alluviale et ce qui constitue le désert avoisinant, au profit d'un habitat plus dense au sein même de la vallée. Ainsi a-t-on pu prouver à Hiérakonpolis la continuité d'une occupation du site du milieu du IVè millénaire jusqu'à la première dynastie (-3100). A la même période dans le nord de la vallée les connaissances archéologiques à ce jour montrent que le Delta n'était pas encore sorti des eaux et ne pouvait donc être occupé.
127
Les cultures comme celles de MEADI et d'EL-OMARI malgré leurs contacts anciens que nous avons déjà évoqués avec le couloir syropalestinien, semblent rester en retrait du formidable mouvement de développement culturel et matériel que nous venons d'évoquer, qui a lieu dans le sud de la vallée. «La Basse Egypte est à cette époque divisée en petites unités indépendantes les unes des autres, alors que la Haute Egypte possède déjà des «Etats» assez étendus et bien organisés» (J.VERCOUTTER, 1995, p.242). Il faut voir dans cette distribution de rôles, la dernière étape sur le plan sociologique et historique avant l'unification politique et culturelle imposée à toute la vallée par le sud (Haute Vallée du Nil). En somme, pour expliquer la grande transformation qui affecte la vallée du Nil aux environs de -3500 et qui prépare l'avènement de la brillante civilisation des pharaons, le Professeur VERCOUTTER pose au centre de son raisonnement un fait majeur: l'apparition de personnages extraordinaires maîtrisant un pouvoir magique ou une Force Supérieure, leur donnant automatiquement accès à l'autorité politique. Pour l'auteur cette dynamique s'accompagne à la fois du développement urbain, technologique, économique et d'une expansion commerciale, et militaire. Ces personnages ne sont pas des êtres de légendes. Les anciens Egyptiens eux-mêmes en ont gardé un souvenir très vivant. Il s'agissait pour eux, eut égard à leur capacités supra-normarles, des compagnons d'HORUS le dernier dieu selon la légende à avoir régner sur terre, le fils d'OSIRIS lui même. Leur appellation en égyptien ancien est SHEM-CHOU-HOR.
128
Ces Maîtres de l'Initiation ont bel bien existé, puisque les archéologues ont retrouvé leurs tombes. L'un d'entre eux n'est autre que NARMER, anciennement Roi d'HIERAKONPOLIS à l'extrême sud de la vallée. Et cidevant le premier des PHARAONS. Les explications de J.VERCOUTTER, fondées sur une synthèse de toutes les connaissances dont nous disposons actuellement sur l'histoire de la vallée du Nil, recoupent totalement le schéma conceptuel de développement du système communautaire que nous avons posé plus haut en hypothèse stratégique et générale de travail. Cette hypothèse trouve ici sa confirmation la plus éclatante dans la mesure où le Professeur VERCOUTTER s'appuie sur l'exploitation d'une très abondante documentation de terrain, réunit par des générations d'Egyptologues, que son ouvrage propose en synthèse. Néanmoins il nous faut souligner encore que nos postulats de départ ne sont pas identiques, J. VERCOUTTER ne cherche pas au départ à reconstituer un schéma conceptuel de développement des sociétés africaines. Il découvre presque, par accident les raisons d'un changement social dans un contexte donné en faisant son métier d'historien. Or, cette découverte vient confirmer la théorie du développement du Mode d'Organisation Communautaire que nous avons formulée à partir de préoccupations différentes. En l'occurrence la recherche de la confirmation que l'Initiation, donc la MAAT est bien la clé du développement des sociétés africaines. Du reste, les bras nous en tombent pour ainsi dire, car, alors que le Professeur J. VERCOUTTER défendait avec Gamal MOKTAR dans l’introduction générale du tome II de l’Histoire Générale de l’Afrique publiée par l’UNESCO, la thèse du type humain, qui est sensée asseoir l’idée d’une
population non africaine, mais métissée et donc hamitique, ayant peuplée à l’origine la vallée du Nil, le voilà, qui confronté à la ri gueur des faits historiques, est obligé de retourner sa veste et de déployer une énergie surhumaine, pour démontrer, que la civilisation égyptienne a radicalement des origines nilotiques et africaines, et n’a rien a voir à faire avec la Mésopotamie et l’Orient. Nous y voyons le retour du réfoulé du savant de
bonne foi, contre lequel, il est vainc de se battre.
129
Au total, force est de constater, qu'effectivement comme nous le soutenons depuis le début, le système communautaire, peut se transformer et se développer sous l'action de sa propre idéologie, l'INITIATION. Car les chefs-magiciens de J. VERCOUTTER ne sont pas autre chose que des Maîtres initiateurs, des initiés ou adeptes de l'Initiation, praticiens de la MAAT, connaissant et pratiquant la science initiatique. Et, pour nous, la dynamique de créativité technologique qui apparaît dans ce contexte, ainsi que le dynamisme économique dont-il parle, ne sont que les conséquences prévues par notre théorie. Car effet, l'action de l'Initiation par son efficacité cathartique agit sur la structure mentale de l'être et engendre à la longue des individualités et des acteurs doués de Force Vitale, d'un esprit d'entrepreneur, de bâtisseur et de conquérant, bref d'une mentalité pharaonique. C'est précisément ici le cas de dire, car la théorie y rejoint directement la réalité historique. La vérification de cette hypothèse fondamentale de notre recherche nous aura en dernière instance permit d'approfondir la connaissance de notre schéma conceptuel de développement en le confrontant à l'histoire et à la sociologie. La vallée du Nil à cet égard représente du début du Prédynastique à la fin de la période pharaonique, la trajectoire type de développement de la société africaine. On peut pratiquement dans le détail retrouver type par type, le contenu du schéma que nous avons exposé dans le tome I. Ainsi comme l'avait affirmé un C.A. DIOP 1 ou un DIKA AKWA2 , l'Egypte est bien la clé pour comprendre l'Afrique et inversement, l'Afrique permet de comprendre l'Egypte.
1-DIOP (C, A) ; «Nations Nègres et Culture »; opcit. 2-DIKA AKWA ; « Les problèmes de l'anthropologie et de l'Histoire africaines » ; Ed . Clé Yaoundé, 1982, pp. 46-53.
130
Enfin remarquons que la grande transformation qui affecte la vallée du Nil vers -3500 n'est pas le résultat direct des conditions écologiques sur les Hommes. Ces conditions ont d'abord provoqué l'apparition d'une culture de l'effort, d'une idéologie de l'excellence: l'INITIATION, la MAAT. En dernière analyse, c'est bien cette idéologie qui est la cause directe et surtout reproductible de la transformation du système communautaire. Ainsi comme nous l'avons postulé, le système communautaire, peut effectivement se transformer sous l'action de sa propre idéologie: La MAAT, et provoquer le développement de la société africaine. C.Q.F.D.
131 CHAPITRE III
PRINCIPES FONDAMENTAUX FONDAMENTAUX DE LA SCIENCE INITIATIQUE : HERITAGES PHARAONIQUES A présent, nous sommes très convaincus que les Africains de la période prédynastique1 , comme ceux de l'époque précoloniale2 , connaissaient un phénomène social total spécifique à l'Afrique, appelé «INITIATION». Celle-ci a pris un nom différent d'une société africaine à l'autre. Ainsi, à l'époque pharaonique, elle a reçu celui de MAAT 3. Mais Il s'agit là d'une simplification des choses, de notre part, à but pédagogique, car la relation entre INITIATION et MAAT, est beaucoup plus complexe. L'Initiation est à la Maât, ce que la logique est à la Raison, mais sur un plan supérieur comme nous le verrons dans le prochain chapitre. Cependant l'objet de l'Initiation nous est parfaitement connu à présent. Dotée d'une puissante efficacité cathartique, son but est d'abord d'accéder à la connaissance la plus exacte de l'être, pour procéder par la suite à sa transformation. Nous visons dans ce chapitre à dégager une structure théorique cohérente, qui confère à l'Initiation la qualité de science que nous lui avions déjà reconnu implicitement Jusqu'ici. Or, le contenu du savoir initiatique que les Maîtres de l'époque pharaonique avaient atteint et formulé, est précisément celui qui aujourd'hui s'est répandu dans les écoles initiatiques occidentales4. Savoir hérité par la Grèce directement de l'Egypte ancienne 5 , et retransmis au monde occidental. 1-MAYASIS (S) ; « Les Initiations dans la préhistoire » ; Arche Milano, Paris. 2-ZAHAN (D) ; « Religion, spiritualité et pensée africaines »; Payot, Paris, 1970. 3-ASSMANN (J); « Maât : l'Égypte et l'idée de justice sociale » ; Julliard, Paris, 1979 . 4-MAYASIS (S); « Mystères et initiations de l'Égypte ancienne » ; Arché Milano, Paris, 1988. 5-MAYSIS (S) ; « Le Livre des Morts de l'Éqypte ancienne est un livre d'Initiation » ; Arché Milano, Paris, 1980.
132
Sous cette nouvelle forme, un pseudo savoir initiatique revient en Afrique contemporaine sous l'apparence de sectes malfaisantes, ne visant le plus souvent que des intérêts matériels, profitant cyniquement de la fragilité psychologique actuelle des Africains. Notre intention ici, est de définir les principes fondamentaux de la science initiatique, si distinctement, qu'ils permettront de distinguer à coup sûr entre vrais et faux enseignements initiatiques1. Après quoi, nous pourrons affirmer, que ce savoir qui donne accès non seulement à la connaissance exact de l'être humain, mais aussi à celui de l'être du monde, c'est à dire de l'essence permanente du cosmos, ou encore de l'intelligence de la nature, est de droit l'héritage le plus précieux des descendants des Pharaons eux mêmes: les Africains 2. Et que, cette pensée originellement africaine, a un nouveau rôle à assumer dans la société africaine postcoloniale et dans la société moderne elle-même, actuellement en crise. Ici notre démarche démarche sera la suivante : après avoir exposé exposé le contenu contenu théorique de la science initiatique, nous envisageons de le confronter à l'Histoire, pour vérifier que dans leur vie quotidienne, cette science (la MAAT) était intériorisée, assimilée, vécue et appliquée par les anciens Egyptiens, dans tous les domaines de leur existence, ce qui comme nous l'avions affirmé dès le début de cette recherche, explique le caractère exceptionnel de leur civilisation et son très haut niveau de développement par rapport aux autres sociétés africaines.
1-Pour définir l'objet de la science initiatique, nous nous inspirerons ici de l' œuvre de deux grands initiés modernes, qui à notre avis possèdent une connaissance approfondie de la pensée initiatique pharaonique, Il s'agit de OMRAAM MIKHAEL AIVANOV et de Helena PETROVNA BLAVATSKY, Voir références bibliographiques à la fin de l’ouvrage. 2-DIKA AKWA Nya BONANBEMLA « Les descendants des pharaons à travers l'Afrique » ;
Ed. Osiris-Africa, Bruxelles, 1988.
133
1-OBJET DE LA SCIENCE INITIATIQUE
Ainsi que nous l'avons vu plus haut, l'affirmation du fait initiatique se justifie par la conviction qu'il qu 'il existe une nature humaine. Cette nature parce qu'égocentrique et primitive, est jugée nuisible 1. Elle est à l'origine de toutes les pathologies individuelles psychosomatiques, ainsi que des crises sociales qui engendrent des conflits, des discordes et des blocages dans la société, et entre différents Etat-nations. C'est pourquoi elle doit se soumettre à la rigueur initiatique2. C'est à dire à la domestication, pour permettre à une autre nature, de venir occuper sa plac e: la Nature Divine de l’Homme 3. Aussi, l'Initiation peut-elle se définir comme la science du développement spirituel de l'être 4. Cette approche spécifique du destin de l'être, ouvre des perspectives philosophiques et scientifiques nouvelles dans la connaissance de l'Homme et de l'univers; de leur structure et de leur dynamique qui s'inscrivent directement dans la problématique de la postmodernité 5. En tout cas, elles ont conduit les initiés à affirmer l'existence d'une Intelligence Cosmique: MAAT, qui gouverne le cosmos, comme une subtile et très haute instance administrative, et qui gère le destin et l'histoire de chaque être et des groupes d'êtres.
1-OMRAAM (M.A); « Nature humaine et Nature Divine » ; Prosveta, Fréjus, 1985. 2-OMRAAM (M.A); « La clé essentielle pour résoudre les problèmes de l'existence » ; Prosveta, Fréjus, 1386. 3-BLAVATSKY (H.P) ; « La doctrine secrète » ; 6volumes, Editions Adyar, Paris, 1948. 4-BLAVATSKY (H.P); « Isis dévoilée » ; Editions Adyar, Paris. 5-FOUGEYROLLAS (P) ; « Vers la nouvelle pensée. Essai post-philosophique » ; L'Harmattan, Paris, 1994.
134
1.1. Connaissance de la nature de la nature humaine. La question de la nature humaine 1 , ou de l'être2 , de son existence ou de son non-existence, n'a cessé d'opposer les savants et philosophes occidentaux depuis l'Antiquité grecque. C'est JP. SARTRE qui à l’époque contemporaine, l’a formulé de la manière la plus radicale. Il affirme que la nature humaine n'existe pas, et que l'existence précède l'essence. Il écrit 3: «Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgi dans le monde, et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il puis qu'il n'y a pas de Dieu pour p our la concevoir, L'homme L' homme est seulement non seulement tel qu'il se conçoit, mais tel qu'il se veut, et comme il se conçoit après l'existence, comme il se veut après cet élan vers l'existence, l'Homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait.»
A cette position radicalement matérialiste, DESCARTES oppose le doute suivant4: «Car comment serait-il possible se demande t-il, que je puisse connaître que je doute et que je désire, c'est à dire qu'il me manque quelque chose et je ne suis pas totalement parfait, si je n'avais pas en moi aucune idée d'un être plus parfait que le mien par la comparaison duquel, je connaîtrais les défauts de ma nature.»
1-OMRAAM (M.I); « Nature humaine et Nature Divine » ; Prosveta, Fréjus, 1985. 2-PARMENIDE; « De la Naturel » ; in «Les penseurs Grecs, avant Socrate »; GarnierFlammarion, Flammarion, Paris, 1964. Voir aussi, HEIDEGGER (M); « L'être et le temps »; Gallimard, Paris, 1964. Voir aussi, HEIDEGGER (M) ; « Lettre sur l'humanisme » ; Aubier, Paris, 1957. 3-SARTRE (J.P) ; « L'existentialisme est un humanisme » ; Nagel, Paris, 1960. 4-DESCARTES (4) ; « Méditations métaphysiques »; Gallimard, Paris, 1953.
135
Cependant pour la science initiatique, un tel débat n'a aucun intérêt. Car comme nous l'avons déjà annoncé, elle dissout la contradiction entre l'existence et l'essence, autrement dit entre Nature Divine et nature humaine. Elle substitue une hiérarchie entre ces deux catégories. Et affirme la toute puissance de l'esprit sur la matière. En effet, la nature humaine et la Nature Divine sont toutes les deux déjà présentent dans le psychisme de l'homme. La seule préoccupation des initiés est de savoir comment domestiquer et maîtriser la nature humaine pour permettre à la Nature Divine de l'Homme de s'imposer et de s'y manifester souverainement. Ainsi pour eux, la nature humaine est une réalité objective, tangible que chacun peut observer, constater, vérifier les manifestations sur lui même, les mesurer, les quantifier, et les qualifier; à chaque instant de l'existence. Sa manifestation de base est l'égocentrisme l'égocentrisme.. C'est sa caractéristique universelle. Elle se résume par un seul mot: prendre. prendre. Aucun être humain sur Terre n'est épargné par cette tendance fondamentale. Ainsi définie, nous verrons que la nature humaine s'oppose à la Nature Divine qui elle se caractérise par une manifestation radicalement contraire: le désintéressement ; qualité qui est l'opposé de l'égocentrisme et qui peut aussi être résumé par un seul mot: donner . L'Homme possède en même temps ces deux natures qui se manifestent en lui, en s'opposant. On peut simplement constater, que dans la situation spirituelle actuelle de l'humanité, c'est la nature inférieure, égocentrique et primitive de l'Homme qui possède toutes les possibilités de manifestation et qui détermine donc la psychologie humaine.
136
Autrement dit, le niveau de conscience de soi atteint actuellement par l'humanité, n'est rien d'autre, que la conscience de soi de la nature inférieure de l'Homme. Nature Divine et nature humaine, reçoivent dans la science initiatique d'autres appellations comme: «nature inférieure et Nature Supérieure», «personnalité et Individualité» , etc... Nous utiliserons indifféremment ces couples de termes, lorsque nous développerons la comparaison entre ces deux natures. Mais avant, il convient de poser la question de l'origine de la nature de la nature humaine, c'est à dire de cet égocentrisme qui caractérise et détermine la psychologie humaine. Les Maîtres de l'Initiation estiment que, la nature inférieure qui nous habite est l'héritage d'une époque où l'Homme partageait avec les autres animaux des caractères communs. On peut identifier cette période comme étant la Préhistoire. Pendant des millions d'années, ces caractères, ont eu ainsi le temps de s'installer profondément dans le psychisme de l'Homme et de lui donner une structure durable, et permanente. On peut dire donc aujourd'hui, que la nature humaine est devenue parfaite dans ses manifestations. Elle s'est muée en une véritable entité vivante et autonome. C'est pour cette raison qu'il paraît impossible à l'être humain de se distinguer ou de se différencier d'elle. La conscience à laquelle l'Homme est parvenue aujourd'hui, qu'il croît être la conscience de soi, est en fait la conscience de sa nature inférieure. Donc sans qu'il en ait conscience, son comportement, les actes qu'il pose, ses sentiments, et sa pensée même, sont fondamentalement inspirés par cette nature inférieure égocentrique.
137
Or si cette nature primitive a pu avoir sa légitimité pendant des millions d'années, dans un environnement où l'Homme était un «chasseur chassé», d'après l'expression d'Edgar MORIN 1 , les initiés considèrent que désormais cet héritage psychologique de la préhistoire devient caduque et constitue un handicap pour l'évolution spirituelle de l'Homme et le développement des sociétés humaines. Pour se rendre compte de la pertinence de cette affirmation, il convient d'approfondir la connaissance de la nature humaine. D'après ce que nous avons posé ci-dessus, on peut affirmer que l'Homme est doublement polarisé, D'un côté nous avons une nature inférieure égocentrique et de l'autre une nature supérieure désintéressée. Mais l'expérience nous enseigne que la nature humaine se confond pour l'instant avec la nature inférieure de l'Homme. Quant à la Nature Divine, elle se limite à de brèves apparitions chez les hommes ordinaires, et s'exprime librement chez les initiés et Maîtres de l'Initiation. Mais ces derniers sont rares sur Terre. Aussi, la majorité des humains mène t-elle une vie psychologique primitive, sans s'en douter. Parce que le principe dynamique de la nature inférieure est le besoin de prendre, l'Homme qui se laisse entraîner par cette dynamique devient égoïste et tend à voir partout la séparation: au niveau intellectuel comme sur le plan affectif et social. Il s'accroche ainsi à la forme des choses qu'il transforme en absolu d'être et de connaissance. Mais l'initié qui connaît la Nature Divine, et qui cherche à s'identifier à elle, découvre progressivement que son moi n'est qu'une partie de la divinité.
1-MORIN (E) ; « Le paradigme perdu; la nature humaine » ; seuil, Paris, 1973.
138
Par la méditation, l'étude de soi, et l'identification, l'adepte de l'Initiation finit par comprendre qu'il n'existe pas une multitude d'êtres séparés, mais un seul Etre Universel Unique, qui travaille à travers la pluralité des existences distinctes, les anime et se manifeste à travers eux, même à leur insu. Donc bien qu'ayant une existence individuelle, nous vivons aussi dans d'autres créatures, puisqu'au total, la vraie nature de l'Homme, celle dans laquelle il s'épanouit réellement et devient puissant, est sa Nature Supérieure. Alors que, la nature inférieure affaiblit notre volonté, borne nos capacités affectives et intellectuelles, la Nature Divine au contraire, élargit à l'infini notre perception, notre affectivité et notre volonté. C'est pourquoi, c'est uniquement à travers elle que nous pouvons réellement faire l'expérience de la Fraternité, de la puissance créative, de la sainteté et du génie. L'Homme est donc une trinité par sa volonté, son coeur et son intellect qui forment une structure psychique agissante. Mais puisqu'il est doublement polarisé, cette trinité est aussi double: elle caractérise aussi bien sa nature inférieure que sa Nature Supérieure. C'est à dire, s'il est clair, que l'Homme agit, sent, et pense sur le plan physique, il peut agir, sentir et aussi penser dans sa Nature Divine. C'est pourquoi, le but ultime de l'Initiation, est de domestiquer notre nature inférieure, et de permettre à la Nature Divine de se substituer à elle. Mais tant que la nature inférieure est toute puissante, c'est à dire, tant que l'Homme mène une vie ordinaire, la nature intérieure ne tolère aucune obstruction à la réalisation de ses tendances égoïstes.
139
Quand elle se trouve devant une force qui fait obstacle à son besoin fondamentale de prendre; elle est capable de mobiliser toutes les ressources à sa disposition: affectives, intellectuelles et volontaires, pour parvenir à ses fins. C'est pourquoi avions-nous affirmé ci-dessus, que tous les problèmes tant individuels que collectifs des Hommes, sont la conséquence directe de la vie ordinaire qu'ils mènent, et qui se déroule étroitement sous l'influence de notre nature inférieure. Or cette tendance à prendre qu'inspire la nature humaine, a des conséquences très pernicieuses pour l'Homme lui même. Ainsi lorsqu'un être se laisse conduire par cette tendance prédatrice et consumériste, les canaux qu'emprunte l'énergie vitale se bouchent dans son organisme. La source de la vie se tarit en lui. Alors il se produit des fermentations qui créent un marécage intérieur, dû à une accumulation de pensées, sentiments, fantasmes et pulsions inférieurs qui finiront par le rendre malade et même le détruire. La nature inférieure peut ainsi être comparée à une eau stagnante qui attire la vermine. La science initiatique a bien fixé la nature de notre nature inférieure. Chacun peut l'observer dans sa propre subjectivité, car elle ne peut se cacher. Lorsqu'elle se manifeste, ses tendances sont de nature grossière et prosaïque. Ayant à sa disposition la volonté, le coeur et l'intellect, elle peut soit exiger, s'imposer, réclamer, frapper ou tuer; ou séduire, amadouer, charmer, ou encore ruser, combiner, intriguer, etc... Mais comme nous l'avons dit, le paradigme de toutes ces manifestations reste l'égocentrisme. Et, personne sur Terre, n'est épargné par cette nature dont le siège est le psychisme de l'Homme.
140
Au contraire la Nature Divine qui d'après la science initiatique y réside aussi, ne peut se manifester que pour autant que l'Homme le lui permette, en adoptant une vie compatible avec sa tendance principale à donner. Ainsi, lorsque l'Homme fonde sa vie sur le désintéressement, son cœur devient plus généreux, son intellect s'éclaire, et sa volonté s'affermit. Pourquoi ? Parce que, la volonté de donner et de rayonner ouvre des canaux intérieurs à travers lesquels coule puissamment la Force Vitale qui irrigue l'organisme, apportant: l'énergie, l'équilibre, l'harmonie, le discernement et la plénitude. La science initiatique considère la tendance à prendre et à la tendance à donner, comme deux lois absolues et vérifiables. L'être qui fonde son existence sur la volonté de donner finit tôt ou tard par ressembler au soleil, alors que celui qui adopte l'individualisme et l'égocentrisme comme mode de vie finit par se dessécher, se détruire et disparaître. L’aboutissement de l'une ou l'autre de ces deux tendances, n'étant qu'une question de temps. La qualité fondamentale de notre Nature Divine, est donc de donner, de et rayonner. Par conséquent toutes les vertus doivent être considérées comme un rayonnement de l'intérieur de l'être vers l'extérieur, une projection du centre vers la périphérie. Un besoin d'arracher et de sacrifier quelque chose de soi même. Aussi, l'homme qui tend à mettre un tel comportement en oeuvre, est obligé de vaincre les tendances de sa nature inférieure. Le soleil est la plus sublime illustration de cette tendance à donner. Lorsque l'individualité (Nature Divine) apparaît dans le psychisme de l'Homme, cela ressemble exactement au lever du soleil.
141
On ressent en soi une source qui jaillit et dilate: le coeur en y apportant l'amour; l'intellect en y produisant la lumière et la volonté en la transformant en puissance. La manifestation de la nature supérieure purifie l'Homme, lequel devient alors rayonnant, et épanoui. C'est ainsi que toutes ses faiblesses, ses appétits, ses instincts... sont vaincus. Aussi selon qu'il choisit de servir sa nature inférieure ou sa Nature Divine, l'Homme détermine librement son destin.
1.2. L'évolution spirituelle comme retour aux sources de la Création Face à notre nature inférieure, la science initiatique ne préconise pas la destruction et la violence. Elle prescrit un processus de domestication qui s'inscrit dans la très longue durée, sans rupture d'effort, qui est connue sous le vocable d'«évolution spirituelle» . Celle-ci se ramène à la volonté de transformer l'Homme pour le développer spirituellement, afin qu'il retrouve la pleine possession de toutes ses capacités mentales, « comme lorsqu'il est sorti pour la première fois des ateliers de l'Intelligence Cosmique ».
L'Initiation est donc une véritable science, dont le but est de permettre l'identification de la nature humaine avec la Nature Divine. Pour cela, les initiés ont conçu des postulats, des théorèmes, des formules, des règles, des lois et des exigences, qui s'appliquent à tous les domaines de l'existence: la nutrition, l'amour, la sexualité, le sommeil, le réveil, le travail, les relations humaines, l'éducation, l'organisation et le fonctionnement de la société, la santé. La psychologie: les pensées, les sentiments
142
et les actes que pose l'Homme... L'initiation se fixe un but précis, changer l'Homme, pour le rendre excellent et parfait. Et, s'en donne les moyens. Voici trois des postulats de base de la science initiatique. a)-Toutes les faiblesses de l'Homme, ont pour origine sa nature inférieure. C'est à travers elle que se commettent toutes les lâchetés, tous les crimes, ous les excès et toutes les transgressions. Et quoique l'on fasse, il est mpossible d'entraîner la Nature Divine de l'Homme dans ces basses anifestations. Elle ne peut être mobilisée que par des pensées et des sentiments purs, c'est à dire non égoïstes, et donc par des actes désintéressés. b)-Toutes les pathologies psychosomatiques et sociales dont l'Homme est victime sont le fait de sa nature inférieure et primitive, au contraire, tous les rogrès, les créations sublimes, les comportements et les élans généreux dontl est capable de temps à autre lui viennent de sa Nature Supérieure. c)-Par sa conscience l'Homme se place entre ces deux natures qui l'habitent. l est donc responsable de leurs manifestations, bonnes ou mauvaises en lui. insi, fondamentalement le développement spirituel est un choix conscient et libre pour lui de décider de servir sa Nature Supérieure afin de devenir uissant, généreux, intelligent et sage, à l'image même de cette nature. Alors que s'il choisit de perpétuer la vie ordinaire, égoïste et primitive que lui nspire sa nature inférieure, il stagne, régresse, et tôt ou tard finit par éricliter et disparaître.
143
1.3. La mise en oeuvre de l'évolution spirituelle, ou processus de Maâtisation
Si l'homme fait le choix de la transformation, pour se développer spirituellement, la méthode la plus élémentaire que lui propose l'Initiation est l'observation permanente de sa propre subjectivité. Cet exercice doit devenir un véritable automatisme. Il s'agit d'examiner chaque pensée, chaque idée, chaque sentiment, chaque désir, chaque pulsion,... avant de les laisser entrer en soi. L'adepte de l'initiation est tenu d'apprécier la nature de chaque pulsion qui le sollicite afin de savoir dans quelle direction, elle va l' entraîner: vers la satisfaction de ses tendances égocentriques ? ou vers la réalisation de projets nobles ? Ainsi rien de ce qui émane de notre nature inférieure ne doit jamais manquer de passer par le filtre de notre conscience. Cette attitude qui pousse à mettre la conscience en éveil à tout instant, caractérise l'initié, et le distingue véritablement du commun des mortels. On peut considérer cette attitude comme une forme particulière de nutrition. De même que l'homme doit consommer des aliments sains et digestes pour maintenir son organisme physique en bonne santé, de même, il est tenu de ne laisser entrer dans son psychisme que des matériaux purs: c'est à dire des idées, des pensées, et des sentiments lumineux et chaleureux; autrement il mettrait à la longue en péril sa santé mentale qui ne peut qu'influencer son corps physique. Pour les Initiés, toutes les maladies ont leur origine, dans la nature des pensées et des sentiments que l'homme consomme quotidiennement.
144
Or, par une conduite consciente, l'Homme empêche sa nature inférieure de lui imposer sa conduite et prépare ainsi les conditions de la manifestation de la Nature Supérieure. On associe à l'observation de soi, une autre technique de base extrêmement importante en Initiation: il s'agit de la concentration. Elle implique l'exécution de chaque geste et de chaque acte avec une pleine conscience. Car la façon dont nous agissons envers les êtres vivants ou envers les choses retentit et se répercute sur notre propre être, en créant l'harmonie ou le désordre. Et là aussi, contribuer à notre santé ou provoquer la maladie. L'apprentissage de l'observation de soi, et de la concentration, aussi insignifiantes qu'apparaissent de telles techniques sont des voies qui conduisent vers la connaissance de soi, et vers la maîtrise de soi. A la longue, l'initié n'ignorera plus rien de se qui se passe dans les moindres recoins de son être. Il peut même alors intervenir par la puissance de sa pensée dans son propre organisme, pour rétablir l'équilibre et le fonctionnement de certains organes défaillant. L'acquisition d'un tel pouvoir sur soi même, permet d'apprécier l'efficacité d'une autre technique qui contribue à améliorer la maîtrise de soi: le silence. Il faut ici rappeler que la nature inférieure se caractérise fondamentalement par l'égocentrisme. L’observation a convaincu les initiés que cet égocentrisme ne peut se manifester que par et dans la grossierté, dans le bruit, le tapage, la violence, la colère... Que ces phénomènes soient vécus extérieurement ou intérieurement par l'homme, ne change rien à la question, c'est à dire au caractère spécifique de la nature inférieure.
145
Autrement dit, même les bonnes manières ne supposent pas la domestication de la nature inférieure, mais son camouflage. Donc parce qu'elle ne cherche qu'à servir des tendances égoïstes, la nature inférieure est poussée de ce fait à mordre, à se révolter, à se venger, à tuer.... Par conséquent elle ne peut pas supporter le silence. Elle a peur du silence, car elle n'y trouve pas les conditions favorables pour mettre ses projets à exécution. Le silence est ainsi considéré en Initiation comme une porte ouverte sur la Nature Divine. Pratiqué à travers la prière, la méditation, la concentration, le silence a pour vertu d'intimider la nature inférieure, afin de la juguler et de la neutraliser. Mais le silence signifie aussi symboliquement pour l'initié, la nécessité de taire en soi même les passions, la haine, la colère, la vengeance... C'est à dire tous les états de conscience susceptibles de nourrir et de renforcer sa nature inférieure. Or, la Nature Divine ne peut apparaître dans l'Homme, que lorsqu'il a réussit à imposer un silence complet à l'activité de son espace intérieur. A certains stades du travail initiatique, même le bruit que produit la pensée dans son mouvement, est considéré comme une nuisance. L'initié doit parfois être en mesure d'arrêter sa pensée pour laisser s'exprimer sa Nature Divine, qui se manifeste dans le silence. Ainsi l'être du cogito de DESCARTES, n'est plus la réalité première de l'existence.
146
Notre seule volonté de surveiller étroitement la nature inférieure, en jetant en quelque sorte la lumière sur ces agissements (qui risquent de nous entraîner à la régression psychique) crée un rapport de force qui l'intimide. Nous envoyons ainsi un signal à l'Individualité (Nature Divine), pour lui demander d'intervenir. L'adepte d'un enseignement initiatique doit traduire ce rapport de force dans des actes les plus concrets comme la nutrition par exemple, acte à travers lequel, il ne se contente plus de satisfaire uniquement son corps physique, siège de la nature inférieure. Mais il doit veiller également à nourrir tous les corps supérieurs qui forment son Individualité. La nutrition devient alors un acte hautement magique, qui a lieu dans un silence absolu. Il est dit que, l'initié mastique les liquides, mais boit les aliments solides . C'est à dire, quelque soit l'aliment qu'il consomme il doit accéder à sa structure la plus élémentaire pour en tirer les énergies qui iront alimenter ses corps subtils. La domestication s'applique aussi à la force sexuelle. Elle est considérée en Initiation comme la Force la plus forte de toutes les forces. Autrement dit la Force Vitale elle même, avec laquelle l'homme pourrait réaliser les travaux les plus gigantesques qui soient, et voyager dans toutes les régions de l'espace. On peut comparer cette force au pétrole ou à l'énergie nucléaire. «Seuls les ignorants se brûlent avec, alors que les initiés en tirent d'innombrables applications» , affirment les Initiés.
147
Constatons d'abord, que cette force se manifeste comme une pression, un désir puissant qui pousse l'Homme à lui donner issue vers le bas, cédant ainsi aux sollicitations de sa nature inférieure. Il gaspille de ce fait une énergie rare. Et ce gaspillage le précipite vers la vieillesse, la maladie, la faiblesse, l'ignorance et la mort. L'immense majorité des humains, n'en sait pas plus sur l'usage de la force sexuelle. Mais les initiés, eux, savent que cette pression de base, doit être utilisée pour diriger et propulser l'énergie sexuelle non vers le bas, mais vers le haut, vers le cerveau. Des canaux spéciaux ont été prévus par la nature pour son transport. Tout au long du voyage qu'elle effectue du bas de la colonne vertébrale vers le cerveau, la Force Vitale réveille de nombreux centres énergétiques dans l'organisme humain. Lorsqu'elle arrive enfin au cerveau, des centres plus puissants entrent alors en activité. Ce sont ces centres qui permettent à l'homme d'entrer en contact avec l'Intelligence Cosmique (MAAT), qui peut ainsi s'exprimer puissamment et librement à travers lui. Alors, l'homme devient un génie, une divinité. En Egypte ancienne, le port d'une coiffure rehaussée d'un Uréus, indiquait que celui qui la portait, était parvenu au plus haut degré de domestication de la force sexuelle. Car, le symbole de la force sexuelle en Initiation est le serpent. Mais seule l’adhésion à une conception différente de la conception dominante de l'amour, c'est à dire à une conception désintéressée de l'amour permet d’obtenir un tel résultat1.
1-OMRAAM (M.A) ; « L’Amour et la sexualité » ; 2tomes, Prosveta, Fréjus, 1987.
148
On estime en Initiation, qu'il existe trois niveaux de manifestation de l'amour: le niveau physique, le niveau sentimental et le niveau spirituel. Le premier niveau, est le plus archaïque et le plus destructeur pour l'homme. Il est uniquement fondé sur la satisfaction des tendances égocentriques à travers la sensualité, les émotions et la sexualité. L'homme détruit ici son potentiel vital et tend vers l’abrutissement. Quant au niveau sentimental, il se caractérise par l'instabilité. En effet au niveau de la nature inférieure de l'homme, le sentiment est à l'image même de cette nature: versatile et instable, car cette nature ne possède pas de conscience morale. Déterminée par le désir de prendre, son affectivité s'exprime à la fois par la recherche du plaisir, par le narcissisme et la possessivité lesquels, s’ils sont déçus se transforment en agressivité et en haine. On peut conclure ici que l'infidélité et l'instabilité caractérisent l'affectivité de la nature inférieure. Et, l'amour ne peut s'y établir de façon durable. C'est pourquoi lorsqu'un couple a usé les niveaux physique et sentimental de l'amour, seuls les intérêts communs, les enfants, l'habitude ou la résignation permettent de continuer à vivre ensemble. Mais alors il n'est plus possible de parler d'amour. Pour les initiés, la seule conception valable de l'amour, est celle fondée sur un état de conscience permanent. Donc un amour hors d'atteinte de toutes les circonstances. Dans une telle situation on aime sans attendre d'être aimé, sans rien demander en retour à tous ceux qui bénéficient des bienfaits et conséquences de cet amour. Cet état de conscience est produit par l'activité spirituelle de l'initié lui même.
149
Il est le résultat de la vie qu'il mène, qui est fondé sur la pureté des pensées et des sentiments. Bref cet amour est fondé sur le désintéressement, donc il est l'expression même de l'Individualité (Nature Divine de l'homme). C'est le soleil qui illustre parfaitement cet état de conscience. Lorsqu'on réussit à l'établir en soi, on est à tout instant animé par un état de félicité indescriptible, de plénitude et d'abondance. Ainsi, l'amour ne dépend pas de conditions extérieures à l'homme, mais de son état de conscience intérieur. Voici comment s'éveille la Force Vitale en l'Homme. C'est une expérience stupéfiante que nous avons personnellement vécue et dont nous pouvons donc témoigner. C'est ce que les Hindous appellent l'éveil de la KUNDALINI. «Il y'a plusieurs années, j'étais encore étudiant, au cours d'un après-midi, j'étais installé à mon bureau pour travailler. Puis je fus pris d'assoupissement. J'allai alors n'étendre un moment sur le lit. Au bout de quelques minutes, je sentis au bas de la colonne vertébrale une chaleur inhabituelle très vive. Rapidement cette chaleur a commencé à progresser le long de na colonne vertébrale vers le cerveau. Je pouvais pratiquement suivre son évolution centimètre par centimètre. Parvenue au cerveau, cette chaleur devenue très intense a entamé le processus inverse. Elle a commencé à se répandre dans tout le corps, jusqu'aux extrémités. Tout mon organisme fut alors pris d'une effervescence extraordinaire. Cela ressemblait à de véritables convulsions. u bout de quelques heures, lorsque le calme se rétablit, je compris alors, que la Force Vitale venait de s'éveiller dans non psychisme».
La science initiatique est riche d'un nombre considérable de techniques de travail, qui forment la pédagogie initiatique. Il faut souligner que chaque civilisation de l'humanité a contribué selon son intérêt pour le développement spirituel de l'homme, à enric hir l’éthique et la méthodologie de la science initiatique.
150
Pour s'en faire une idée, nous prendrons ici l'exemple de l'Inde. L'intérêt de s'arrêter ici sur l'Inde est que, ce pays a reçu dans des temps anciens, sa pensée initiatique de l'Afrique comme il en ressort de l’étude de l’histoire des migrations dans la haute antiquité. Les Hindous ont appelé leurs techniques de travail spirituel, les YOGAS. Chaque yoga est destiné à développer un élément de la structure psychique de l'homme. Voici la présentation qu’en fait le Maître OMARAAM, MIKHAEL AIVANOV. a)-Pour certains individus qui sont attirés par l'étude, la réflexion le travail de la pensée; la spiritualité hindoue, a crée le JNANA-YOGA, c'est à dire le oga de la connaissance, afin qu'ils puissent s'identifier par l'approfondissement de la pensée, à l'intelligence suprême de Dieu. b)-Pour d'autres, qui possèdent une puissante volonté, des énergies à dépenser, un grand dévouement qui les pousse à servir les autres, il existe le HARMA-YOGA. C'est le yoga des oeuvres, des devoirs à accomplir sans attendre ni paiement ni récompense. Le Kharma-Yoga, est le yoga de l'action ratuite et désintéressée. c)-Pour ceux qui veulent se dominer, maîtriser leurs instincts, leurs pulsions, l existe le RADJA-YOGA (Radja, veut dire roi). Ce yoga prescrit la concentration et la domination de soi. Celui qui s'y adonne devient roi de son propre royaume intérieur. En fait il laisse ainsi s'exprimer de façon souveraine la Nature Divine en lui même. d)-Quant au CHABDA-YOGA, ou yoga du verbe, il consiste à prononcer certaines formules ou MANTRAS, à tel moment, tel nombre de fois, avec telle ntensité... étant entendu que, le verbe est en Initiation une puissance, un véritable outil avec lequel on peut obtenir de grands résultats. Il sert
151
énéralement à guérir, à désenvoûter, à chasser les esprits maléfiques, à créer l'harmonie et des conditions favorables à la concorde et à la tolérance. A l'inverse il est bien connu que la parole peut blesser, tuer, rompre des liens, endre malade, provoquer de véritables catastrophes, etc. e)-Le HATHA-YOGA, s'adresse surtout à ceux qui aiment faire des exercices hysiques, en prenant de postures compliquées appelées «âsanas», lesquelles mposent de se plier, se tordre, se rouler en boule, faire passer les jambes derrière la tête... Notons que ces postures sont fondées sur une connaissance récise des centres spirituels de l'Homme, que chaque posture exécutée à la erfection déclenche le fonctionnement. Ce yoga demande beaucoup de volonté et de persévérance et aussi une constitution physique adaptée. C'est du reste le yoga le plus répandu dans le monde. f)-Il existe aussi le KRIYA-YOGA ou yoga de la lumière. Il consiste à ravailler avec la lumière, penser à elle, s'entourer de toutes les variantes de ses couleurs, les introduire en soi et les projeter autour de soi, pour éclairer les autres et les vivifier. C'est un travail qui accélère le développement spirituel de l'être. Car comme on le verra plus loin, par l'évolution spirituelle, l'homme tend à s'approprier le comportement et les qualités de la lumière. )-Enfin l'AGNI-YOGA ou yoga du feu constitue une technique extrêmement uissante. L'initié appelle en lui le feu divin qui doit venir consumer toutes ses faiblesses, ses instincts et tendances égocentriques afin de terrasser sa ature inférieure.
152
L'initié cherche aussi à s'identifier au feu, et pénétrer ses mystères. C'est en réalité vouloir s'identifier à Dieu Lui Même, car en Initiation, c'est le feu qui représente Dieu, et la lumière, sa manifestation. La contribution de l'Inde à travers l'Hindouisme et le Bouddhisme à la constitution de l'Initiation en tant que science du développement psychique de l'homme, est donc très importante. Mais tous les yogas ou techniques de travail spirituel que nous venons de voir, peuvent se résumer en une seule: c'est ce que l'on pourrait appeler le SURYA-YOGA, ou YOGA du SOLEIL. C'est à dire la MAAT. Car comme nous le verrons bientôt, MAAT est le KA de RÊ, c'est-à-dire la Force Vitale du dieu Soleil. Mais les Hindous n'ont pas inventé le Yoga du Soleil, la quintessence de tous les yogas. Cette technique de travail initiatique est l'apport des anciens Egyptiens à la science initiatique. Elle est véritablement leur invention et constitue le premier apport historique de l'humanité à la fondation de la science initiatique. La théorie solaire initiatique des habitants de KEMIT, pose avant tout la perfection comme le but ultime du développement spirituel de l'Homme. Celui-ci ne doit pas se contenter d'acquérir séparément certaines qualités, mais par une méthodologie unifiée il doit aspirer à les acquérir toutes. Nous étudions un peu plus loin, cette théorie à travers la religion solaire de façon systématique. Quant à l'Inde, elle est fondamentalement un pays métis. Les premiers habitants à avoir occupé son territoire sont les Africains. Venus de l'Abyssinie et de la vallée nubienne et égyptienne du Nil. Ils y ont apporté dans leurs bagages la pensée initiatique. Puis, les peuples leucodermes aryens (d’origine perse et russe notamment) sont venus se mêler à cette population originelle. Progressivement, le rapport démographique a changé. Les Noirs sont devenus minoritaires, mais leur pensée a continué à dominer la société, récupérée par les Aryens.
153
Nous estimons que le développement des castes en Inde est une perversion du mode d'organisation des Négro-Africains au profit des Aryens. En effet en Afrique les castes constituent un phénomène spécifique, mais marginal, concernant généralement le secteur professionnel. (Cf. DIOP, « l'Afrique Noire Précoloniale » , 1960, pp.7-8). En Inde par contre, les castes fondent la structure sociale elle même. Ce phénomène étranger à la pensée initiatique a eu pour conséquence de matérialiser le nouveau rapport de force entre les Indo-européens, qui occupèrent les castes supérieures et les Africains qui furent relégués dans les castes inférieures, voire même hors castes pour devenir des intouchables. Or, l'existence des castes pervertie la pensée et la pratique initiatiques, qui sont étouffées et handicapées par cette pétrification des structures sociales. L'Initiation ne peut plus alors comme en Egypte pharaonique, communiquer à la société sa puissance prométhéenne et son projet de société: réaliser la Fraternité Universelle entre les Hommes sur Terre. La spiritualité est ainsi acculée vers une voie collatérale restreinte: le mysticisme et la contemplation. C'est pourquoi l'Hindouisme n'est pas une religion universelle, mais une religion sociocentrique, c'est à dire liée aux structures de la société indienne. Seule en Afrique, l'Initiation n'a pas été entravée dans son élan, en raison de la cosmogonie africaine qui prescrit la complémentarité entre tous les êtres du cosmos, et la fusion entre l'Homme et Dieu. L'Initiation joue ainsi dans la société africaine un rôle éminemment révolutionnaire. Elle brise toutes les barrières sociales, en créant une mobilité puissante et débouche sur une parentalisation cosmique de tous les rapports sociaux: la Fraternité Universelle. L'Egypte pharaonique en tant que type idéal de la société africaine développée en donne l'exemple le plus brillant. Au contraire en Inde l’existence des castes implique le rejet pathologique des castes estimées inférieures, par des castes prétendument supérieures, réflexe dont la conscience sociale est fortement imprégnée, s’oppose à la finalité même de la Société Initiatique : l’avènement d’une Fraternité Universelle entre les Hommes sur Terre, et entre tous les êtres qui peuplent le cosmos. C’est pourquoi, la Renaissance Africaine, ne peut pas s’ aligner sur le modèle hindou, malgré l’adhésion des deux civilisations (africaine et
indienne) à la conception initiatique du monde.
154
Qui peut informer les hommes sur ce qu'est la perfection de façon directe et tangible ? C'est le soleil d'après les initiés. On verra bientôt que les Egyptiens ne le confondaient pas avec Dieu. Mais ils reconnaissait en lui un être supérieur ayant achevé le processus de l'évolution spirituelle. Et qui en outre a reçu sur le plan cosmique la mission de guider les humains vers ce très haut idéal. Récapitulons et précisons: le rôle de l'homme dans l'évolution spirituelle, est de créer des conditions qui éveillent en lui la Nature Divine et qui lui permettrait de se manifester puissamment et souverainement. Ceci signifie en réalité, que la nature inférieure ne peut pas changer. Rien, ni l'éducation, ni l'instruction, et même pas les méthodes de travail initiatiques ne peuvent transformer sa nature. En fait tout ce qu'elle doit faire, c'est de laisser en l'homme, sa place à la nature supérieure. Car, sa nature est faite d'une matière grossière et périssable. Donc quoique l'on fasse, sa structure ne peut ni changer, ni s'améliorer. On peut à force de s'occuper d'elle, réussir à la rendre très capable, très puissante, gigantesque, au point où elle peut engendrer des artistes, des savants, des ingénieurs, des hommes de talents, voire des génies, mais toutes ces qualités ne changent pas la nature de la nature humaine. Elle reste égocentrique. C'est cette caractéristique fondamentale qui fait que, l'humanité à beau être savante, mais tant que les hommes restent soumis au comportement de la nature inférieure, elle restera potentiellement malade, et en voie de régression spirituelle. Si elle persiste dans cette voie elle finira tôt ou tard par s'autodétruire. Et personne d'autre ne l'aura aidé pour cela que sa propre dynamique mentale.
155
Les Maîtres de l’Initiation insistent sur le fait qu’aucune éducation ne peut rendre la nature inférieure divine. Elle gardera toujours son égocentrisme. Si elle le perd, c'est qu'une autre nature aura prit sa place. Par conséquent, on doit comprendre que ce n'est pas le même moi, qui est sujet à des variations, dans l'homme, qui devient pire ou meilleur suivant les circonstances. En fait, ce sont deux natures absolument différentes qui font alternativement irruption à travers notre conscience, qui se comporte alors comme un écran sur lequel viennent se refléter des images de diverses qualités à tour de rôle. La Nature Divine de l’Homme garde sa nature. Elle n'est jamais ténébreuse ou égoïste. S'il se produit en l'homme la moindre manifestation de cette qualité, c'est forcément la nature inférieure qui en est la cause. Or, l'Homme n'est pas équipé pour lutter contre sa nature inférieure. Nous avons vu que cette nature tout au long des millénaires est devenue toute puissante, et l'Homme qui ne sait pas exactement qui il est, lui même, a fini par s'identifier complètement à elle, à tel point que l'individualisme devient de nos jours un mode vie que les institutions internationales elles mêmes font la promotion à travers les droits de l'homme, le libéralisme et l'ajustement structurel, qui avec la mondialisation, est devenue un ajustement culturel. Mais s'il a compris la nécessité d'évoluer spirituellement, l'homme devra trouver des alliés pour parvenir à la domestication de sa nature inférieure: source de toutes ses pathologies. Le seul allié puissant, capable de nous aider dans cette tâche est justement la Nature Divine. Aucun initié n'a jamais pu vaincre la nature inférieure avec sa propre volonté. Lutter contre la nature inférieure est donc inutile. Si nous essayons de le faire, nous gaspillons nos forces et nous finirons épuisés et anéantis. Car la nature inférieure possède des ressources colossales et variées qu'elle sait manipuler pour nous vaincre: instincts, pulsions, passions,
156
vices, désirs etc... Il faut donc laisser faire une entité possédant une puissance supérieure à celle de la nature inférieure: «Il arrivera même un moment où vous regarderez comme au spectacle comment le Ciel en vous se bagarre avec la personnalité. Vous regarderez et vous verrez comment à la fin, la lumière, la paix s'installent, et la personnalité se tait, assommée, vaincue. Vous n'avez presque rien fait, ce sont d'autres qui sont venus vous aider.» (OMRAAM, «La lumière, esprit vivant» , p. 195).
On sait en Initiation que dans le cosmos, tous les êtres servent de nourriture à d'autres. Si le désir de la nature inférieure est de nous manger sous plusieurs formes: les maladies, les vices, les angoisses, la violence, la sensualité etc, qui sont autant de ressources et d'énergies qui la renforcent, la Nature Supérieure qui elle aussi a faim, serait en mesure de manger la nature inférieure à tel point qu'il en resterait plus aucune trace. Mais ceci n'est possible, que si l'homme en manifeste librement la volonté en créant les conditions qui permettront à la Nature Supérieure de se manifester, c'est à dire en menant une vie fondée sur le désintéressement. Donc en soumettant son comportement à la pureté des pensées et des sentiments. Ce qui permet de juguler la nature inférieure, donnant ainsi à la Nature Divine la possibilité de se manifester, de s'installer en nous, jusqu'à ce qu'elle deviennent toute puissante. Dans cette optique, la conscience humaine ressemblera de plus en plus à une boule incandescente, aussi son intellect deviendra t-il plus puissant, plus pénétrant, donc plus lumineux. Son coeur deviendra de plus en plus généreux et tolérant, et sa volonté deviendra toute puissante. L'évolution spirituelle tend ainsi à tout transformer en lumière. La Terre elle même perdra un jour son opacité. Et, revêtue d'un corps de lumière, toute la Création retournera un jour au sein de l'Intelligence Cosmique, qui elle, n'a ni commencement ni fin et donc échappe à l'évolution spirituelle. Aussi, pour la science initiatique, les êtres humains obéissent à la hiérarchie suivante : au plus bas niveau de l’évolution spirituel, se trouvent des brutes. Ce sont des êtres humains qui sont uniquement déterminés par une vie fondée par le besoin de consommer, donc une vie fondée sur le
156 (suite) principe du plaisir. Dans ces conditions, l’Homme mène une vie dénuée de sens moral. Au dessus de cette catégorie, il y a des Hommes ordinaires, c'est-à-dire des Hommes qui obéissent à une existence considérée normale par la société, mais qui aux yeux de la science initiatique, n’est qu’une vie ordinaire, parce qu’elle est fo ndée sur la satisfaction des désirs de la nature inférieure, que l’Homme moderne, croit être sa véritable nature. Au dessus des Hommes ordinaires, il y a des Hommes de talent. Mais, pour les initiés, le talent, ne protège pas l’Homme de l’égocentrisme de sa nature inférieure, bien au contraire, il développe souvent le narcissisme et la recherche effrénée de l’originalité. Au dessus des Hommes de talent, on trouve des Hommes de génie, qui ont le pouvoir de faire avancer l’Histoire, par leurs facultés qui sont capables de capter ce qui échappe à tout le monde. Mais, même les génies, ne sont pas nécessairement dignes de confiance, car la Nature Divine, n’a pas encore élu définitivement domicile en eux, elle n’y fait que des apparitions intermittentes, voire intempestives. Au dessus des génies, il y a les Saints. Pour la science initiatique, ce qui caractérise les Saints, c’est la prise de conscience de l’existence de la Nature Divine, puis la volonté de lui consacrer de façon unilatérale sa vie, en se coupant de la société. Donc bien qu’on soit ici déjà sur la bonne voie, la compréhension du rôle de l’Homme dans le cosmos n’est pas encore parfaite. C’est seulement avec les Initiés que ce stade est atteint. C’est à partir de cette catégorie, que la Nature Divine devient active chez l’Homme. Alors, il commence à se comporter de façon solaire. Au dessus des Initiés, il y a des Maîtres de l’Initiation. C’est à eux qu’est confiée la mission de guider les autres êtres humains, sur la voie de l’illumination et du développement spirituel. En conclusion, il faut se méfier de l’utilisation du mot Initié. N’est pas Initié, qui veut. Car c’est le statut le plus sublime auquel peut accéder un être humain. La condition pour parvenir à ce statut est l’expression d’une foi absolue, qui permet l’identification avec la Nature Divine.
157
2-THEORIE DE LA REINCARNATION
Pour les Initiés, il ne fait aucun doute, que l'homme a pour finalité l'évolution spirituelle1. C'est pourquoi, toute l'existence d'un adepte de l'Initiation est organisée autour de ce très Haut Idéal. Mais cette idée fondamentale, est elle même éclairée par une autre: la réincarnation 2. Celle-ci nous explique pourquoi tout au long du processus de développement spirituel les êtres humains connaissent des sorts et vivent des situations fort différentes les unes des autres. Pourquoi certaines personnes naissent riches et d'autres pauvres, pourquoi certaines meurent jeunes et d'autres vivent très vieux, pourquoi certains sont intelligents et d'autres ignares. Pour les Initiés, seule la réincarnation est capable d'expliquer cette extrême dispersion des destins de façon absolue. Auquel cas, il faudrait chercher un bouc émissaire: les parents, les gènes, les autres, la société, l'Etat, les conditions, l'environnement et souvent Dieu lui même. La réincarnation rend absolument l'homme responsable de la situation exacte dans laquelle il où se trouve 3. Non qu'il n'y ait pas d'injustice sur terre, mais elle montre qu'il est capable grâce à l'Initiation de tout surmonter, l'injustice comme ses propres carences 4.
1-TEILHARD De CHARDIN; « Le phénomène humain » ; Seuil, Paris, l955. 2-NN; « Le Livre de la Réincarnation » ; 3-OMRAAM (M.A) ; «Les lois de la morale cosmique » ; Prosveta, Fréjus, 4-Voir aussi OMRAAM (M.I); « Vie et travail à l'Ecole Divine » ; Tome II.
158
2.1. Le sens de notre existence sur Terre.
La science initiatique, considère le cosmos comme un organisme soumis à un processus général de transformation et d'évolution spirituelle devant le conduire à réintégrer la Nature Divine. Elle seule justement n'est pas concernée par ce processus de transformation, parce qu'elle est parfaite dans ses manifestations. L'homme par contre n'y échappe pas. Qu'il en ait conscience ou pas. La finalité de sa présence au monde est donc également au bout de son développement spirituel de réintégrer la matrice divine. Ou encore de créer des conditions favorables à l'émergence et à la manifestation de cette Nature Supérieure en lui même. Théoriquement l'Homme peut accéder à tout moment et même instantanément à cette Nature Divine. Mais l'obstacle majeur à cette transformation est on l'a vu sa propre nature. En effet la nature inférieure de l'homme qui est égocentrique et qui s'oppose en cela à la Nature Divine, a eu depuis des millions d'années toutes les possibilités de s'enraciner en nous, au point que, nous sommes parvenus aujourd'hui à considérer ses manifestations comme étant nos propres choix. Or, la conduite de l’homme, envers lui-même, envers les autres, ou même envers la nature est soumise à une loi implacable identifiée par la science initiatique, comme étant la loi générale qui gère l'évolution spirituelle et donc détermine le destin des êtres. Cette loi est appelée la loi des causes et des conséquences, elle est dénommée aussi, loi des correspondances, ou encore la loi d'affinité, ou enfin la loi de la sympathie.
159
On peut brièvement commenter cette loi de la manière suivante. La science initiatique définit l'homme comme une entité qui se caractérise par la liberté, car, il est symboliquement situé entre la nature inférieure et la Nature Divine. Il est donc libre de se laisser influencer par l'une au l'autre de ces deux natures. Mais quel que soit son choix, ses manifestations (c'est-à-dire ses idées, ses pensées, ses sentiments, ses souhaits, ses intentions, ses actes...) tombent sous le coup de la loi des causes et des conséquences. C'est à dire chaque acte posé par l'homme, déclenche des forces dans son propre organisme et dans le cosmos qui entraînent des conséquences positives ou négatives pour lui. Les conséquences sont négatives, lorsque qu'un acte n'est pas exécuté à la perfection. Mais au contraire quand un acte est parfaitement exécuté les conséquences pour l'homme sont positives. En Initiation, un acte est jugé négatif lorsque l'homme introduit dans son activité: la cupidité, la ruse, les calculs louches, bref lorsqu'il vise à satisfaire des tendances égoïstes. Il se crée ainsi des dettes qu'il finira par payer d'une façon ou d'une autre; on verra plus loin comment. En tout cas il se place lui même sous l'empire de la fatalité et du destin, qui entraînent justement des réincarnations à l'infini. Au contraire, si grâce à la pédagogie initiatique l'homme parvient à développer une activité harmonieuse, en introduisant le désintéressement dans chacun de ces gestes, ses paroles, ses sentiments, ses pensées... alors, il attire des conséquences bénéfiques qui activeront son évolution spirituelle. Nous expliquerons bientôt comment la même loi, peut permettre à l'homme de se créer ainsi un avenir positif ou négatif.
160
2.2. lntelligence de la Nature. Donc, les actes que l'homme pose produisent infailliblement des conséquences bonnes ou mauvaises. La loi générale qui affirme cela, la loi des causes et des conséquences, se vérifie à tous les niveaux du cosmos: sur le plan physique, morale et spirituelle. C'est pourquoi, les initiés considèrent cette loi comme étant la loi fondamentale de la science initiatique à partir de laquelle dérivent toutes les autres. Le meilleur exemple qui permet d'observer à l'oeuvre cette loi sur le plan physique est celui de l'agriculture. Parmi les Hommes, les cultivateurs seuls possèdent d'après les Maîtres initiateurs, la conscience la plus nette quant aux conséquences des actes que l'Homme pose. En effet, lorsqu'on plante un manguier on ne peut s'attendre à récolter des goyaves, mais des mangues. Et sur un pommier, il est impossible de ceuillir des poires. La loi des causes et des conséquences se manifeste ici dans sa plus grande rigueur, de la façon la plus nette qui soit. Pourquoi ? Parce que dans la graine d'un arbre la nature a enregistré des propriétés, des couleurs, des dimensions, un goût et un parfum particuliers. Et lorsqu'on la plante, la graine reproduit à l'identique l'arbre avec toutes ses particularités. Or cette loi avec toute sa rigueur, se retrouve également sur le plan moral, c'est à dire pour la science initiatique, le plan psychique, qui est le domaine des pensées et des sentiments. En effet, on montre ici, que, tous les actes que l'homme pose, s'enregistrent très profondément dans la mémoire de chacune de ses cellules.
161
En Initiation, la morale est fondée sur cette mémoire fossile de la nature que rien ne peut effacer, même pas la mort de l'Homme. Car les informations sont simultanément enregistrées dans le corps physique et dans son double éthérique qui survit à la mort. Ainsi, tout ce que l'Homme dit, fait, souhaite, pense, s'enregistre en lui même. C'est ainsi, que tôt ou tard il finit par récolter les conséquences, bonnes ou mauvaises de ce qu'il a semé lui même. C'est pourquoi, on ne récolte que des fruits correspondant aux graines qu'on a semé. En Initiation, les règles de la morale découlent scientifiquement pourraiton dire de ce postulat. Nous en citerons deux. La première règle de la morale est non seulement celle qui est la plus connue parce que prescrite par toutes les religions, mais aussi la plus bafouée, parce que les hommes en la transgressant pensent ne redouter aucune sanction. Seule la science initiatique peut expliquer scientifiquement les dangers encourus à travers une telle attitude. Cette règle prescrit de ne jamais tolérer de soi même une pensée, un sentiment, une pulsion, un souhait au un acte dangereux ou nocif contre autrui, car comme on l'a vu, une telle action, s'enregistre d'abord dans l'organisme de celui qui l'accomplit. Il sera en quelque sorte obligé de récolter et de manger en premier sa propre action. S'il s'agit d'un poison, il sera ainsi le premier empoisonné, avant même d'atteindre les autres. C'est en considérant cette précaution comme une règle absolue, que l'homme acquiert une conscience absolue de la responsabilité, et qu'il commence alors à se développer psychologiquement et à se perfectionner.
162
Une autre règle de la morale que l'on rencontre aussi dans diverses religions du monde, est l'incitation à traiter les autres comme on aimerait être traité ou servi soi même. Pour la science initiatique cette règle de la morale cosmique n'est qu'une application de la loi des causes et des conséquences. Si l'on souhaite obtenir des autres par exemple: la sympathie, la loyauté, l'affection, la confiance, rien ne sert de les menacer, de les écraser, de les brimer, de les séduire, de les envoûter et moins encore de leur mentir. Il faut commencer par produire en soi même les qualités que l'on désire voir chez les autres. Ainsi, en raison de la loi des causes et des conséquences qui est aussi, on l'a dit une loi de la sympathie, qui fonctionne sur la base de la résonance, on parvient à transformer les individus les plus rébarbatifs, et mêmes les plus méchants. Cette loi étant absolue, il suffit d'agir avec persévérance pour obtenir tôt ou tard des résultats. L'exemplarité des comportements est la seule technique dans la pédagogie initiatique, qui puisse réellement transformer le comportement des autres de façon irréversible. A ce stade de notre raisonnement on peut faire l'observation suivante: c'est donc rigoureusement l'homme lui même et tout seul, qui produit son destin. Car finalement c'est bien à lui qu'appartient le choix de se lier à sa Nature Supérieure pour tendre vers la perfection ou de se laisser dominer par sa nature inférieure et régresser spirituellement. Répétons ici, que seule la qualité des matériaux (pensées et sentiments) qu'il choisira d'absorber le rendra malade, médiocre et nuisible ou au contraire résistant, créatif, puissant et bénéfique pour lui même et pour les autres.
163
C'est pourquoi, l'homme qui ne bénéficie pas d'un enseignement initiatique va inévitablement accumuler sur son propre destin des handicaps à l'infini, qui sont autant de dettes à payer à ceux qu'il a lésé, maltraité, abusé, etc. Mais en fait par notre ignorance, nous contractons des dettes non seulement envers nos semblables mais aussi envers la nature elle même. Autant d'handicaps qui vont maintenir notre psychologie dans la primitivité. Et, il n'existe aucune autre thérapie connue de la science initiatique pour se débarrasser de ces dettes cosmiques que de réparer. C'est ce que les Hindous appellent le KHARMA, et ce que les anciens Egyptiens appelaient la voie osirienne de la transformation. C'est la voie de la souffrance. Il n'y a pas d'autres moyens de liquider un tel passif, que de revenir sur terre autant de fois qu'il sera nécessaire. En Inde le KHARMA YOGA, est justement la méthode qui permet par le sacrifice, le don de soi, la générosité, les bonnes actions et les bonnes oeuvres... de liquider ses dettes. On verra plus loin, qu’à travers la pratique de la MAAT les anciens Egyptiens avait en quelque sorte socialisé cette loi. Donc au sein de la science initiatique, la théorie de la réincarnation nous instruit non seulement sur les lois morales de la nature et sur leur efficacité, mais aussi, sur notre propre destin et les raisons qui l'expliquent. La loi des causes et des conséquences agit de façon mécanique, impitoyable et aveugle. Précisément parce qu'il s'agit d'une loi. Elle est cohérente. Les initiés estiment que, l'Intelligence Cosmique, la Maât qui est une entité consciente, pensante et agissante, s'appuie sur cette loi pour préserver l'unité, l'équilibre et l'harmonie du cosmos.
164
Au niveau humain, cette loi non seulement atteint l'homme dans sa biologie comme on l'a vu, mais elle l'atteint aussi moralement, car elle lui impose le paiement intégral de toutes ses mauvaises actions. Voilà qui explique donc la diversité extrême de la condition des hommes sur terre. Les dettes accumulées pendant de nombreuses incarnations, écrasent parfois littéralement un homme dans son existence en cours. Alors, la malchance, le hasard, le mauvais oeil... sont souvent invoqués pour trouver une explication à la situation. La Terre devient pour lui une maison de correction. Mais il suffit de savoir, que pour la Maât, tous les aspects de la vie du cosmos sont mis en équation: il n'y a ni hasard, ni probabilité. Tout est calculé rigoureusement. Elle utilise à cette fin toutes les incarnations passées d'un homme comme une banque de données pour déterminer très exactement la nature et qualité de son existence à venir. Cette opération a lieu au moment de la mort. En effet, cet intervalle de temps est propice à une révision générale de la vie de l'Homme. Car, c'est à ce moment là, que sa structure psychosomatique précédente arrive au terme de son processus d'usure. Aussi, une révision s'impose. Elle peut être imaginée comme une opération portant sur la synthèse entre actes positifs et actes négatifs posés par un homme au cours de sa vie. Le résultat obtenu influencera positivement ou négativement le stock de Force Vitale qui lui sera attribué administrativement par la MAAT à l'issue de cette opération. Alors une structure psychosomatique nouvelle se cristallise, déterminant exactement le physique et le psychisme de l'homme, son potentiel vital, ses chances, son horoscope sa position sociale etc... dans sa prochaine incarnation.
165
Nous restituons par cette explication le sens exact de la pesée des âmes après la mort, devant le Grand OSIRIS dans la salle des deux MAAT, chez les anciens Egyptiens1. Un moins de l'un étant compensé par plus de l'autre. Donc une fois revenu sur terre, la vie d'un homme se déroule d'après un plan rigoureusement établi, lequel tient compte de l'équilibre général des forces dans l'univers. C'est ainsi que les systèmes osseux, musculaire, circulatoire, nerveux ; la santé, l'intelligence, sont d'avance affectés d'un coefficient de vitalité. La cristallisation en cours, ne peut pas être modifiée, ni remplacée avant usure complète. Cette révision n'est possible avions nous dit que lorsque l'homme meurt. Ainsi, la vie que nous menons aujourd'hui est la synthèse de celles que nous avions vécues avant, Mais nous disposons de toute notre liberté pour modifier notre vie future. Comment ? En faisant de nouveaux enregistrements dans notre corps éthérique. Car, c'est sur la base de la mémoire de notre propre organisme que l'Intelligence Cosmique fixe notre sort. Qu'est ce que le destin dans ce cas ? C'est un enchaînement implacable et parfait de causes et de conséquences auquel cependant, seule une vie primitive et égocentrique, est absolument soumise, car étant la seule concernée par l'évolution spirituelle. Cette vie justement est celle que mène un homme ordinaire. C'est à dire un homme qui se contente de gagner sa vie même honnêtement, de se reproduire, de manger et de s'amuser. Pour la science initiatique, cette vie est purement primitive, instinctive et végétative. Elle expose l'Homme au destin et à la réincarnation.
1-Voir dans MAYASIS (S) ; « Le Livre des Morts de l'Egypte ancienne est un Livre d'initiation »; opcit, le chapitre 125 qui traite de la pesée des âmes.
166
Car, qu'il le sache ou non, cette vie se déroule indépendamment de lui même, de sa conscience et de sa volonté, parce que inspirée par les manifestations égocentriques de sa nature inférieure. Or le destin qui est la mise en oeuvre de la loi des causes et des conséquences, n'est pas conscient, n'éprouve aucune pitié, et s'applique infailliblement comme une loi physique. En menant une vie purement matérielle et égocentrique, l'homme se place volontairement sous la sanction du destin. Tout ce que l'Intelligence Cosmique a décidé à son sujet s'accomplit inexorablement. On peut dire donc que c'est la nature des besoins de l'homme qui détermine sa destinée. MAAT classe les êtres d'après leurs prédilections, leurs choix et leurs désirs profonds, qui sont enregistrés profondément dans la mémoire de leurs propres cellules.
2.3. L’Initiation enseigne la libération de la volonté Par conséquent, pour pouvoir échapper au destin, il faut cesser d'être faible, asservi, esclave de la vie inconsciente, instinctive et égocentrique de notre nature intérieure. Cela se produit dès que l'Homme avec sa conscience, son intelligence et sa volonté, commence à se contrôler et à s'opposer aux tendances égocentriques de sa nature inférieure. Par cette simple attitude, il crée une rupture, et Il ajoute ainsi progressivement un élément spirituel à son existence, qui deviendra un facteur puissant, capable de changer son propre destin. L'homme y parvient, lorsqu'il a réussi à rendre sa volonté parfaitement libre, pour qu'elle puisse permettre à la Nature Supérieure de prendre entièrement possession de lui, et le contrôle de sa vie. Il entre alors sous l'influence de ce que la sagesse populaire appelle la prédestination, ce que les Hindous ont appelé le Dharma, et ce que les Egyptiens anciens appelaient la voie Horuéenne 1 de la transformation. 1-SCHWALER DE LUBICZ ; « Le roi de la théocratie pharaonique »; Flammarion, coll. Champs, Paris, 1971.
167
A ce niveau, pour les initiés, l'Homme entre dans la zone d'influence de la Nature Divine. Progressivement les équilibres vitaux vont se rétablir dans son psychisme et son organisme. Puis le sens de sa vie va radicalement s'inverser. S'il persiste dans ce sens, il pourra sentir couler en lui même la Force Vitale, qui va éveiller peu à peu tous ses centres spirituels. Alors, l'homme redeviendra tout puissant, tel qu'il l'était à l'origine au moment de sa création, rien ne peut plus résister à sa volonté ou à sa puissance mentale, dans la mesure où celles-ci sont mises au service du Bien, c'est-à-dire de sa Nature Supérieure. Donc l'Homme ne peut échapper au destin, que s'il cesse de s'identifier à son corps physique et à ses désirs. Car l'avenir de ce dernier, est de tomber malade, de mourir et d'aller pourrir dans un cimetière. En ajoutant par la volonté et la conscience, la pureté, à sa vie ordinaire, l'homme tend à échapper au champ gravitationnel de la nature inférieure pour entrer dans celui de la rature Supérieure. Ainsi, la même loi des causes et des conséquences, qui soumet l'homme à la puissance du destin, permet aussi de l'y soustraire 1 , car si l'homme choisit de se lier à ce qui est parfait par l'intelligence, parfait par la puissance, parfait par la forme, par la couleur, par le parfum, parfait par la beauté, il bénéficie de cette perfection, car celle-ci s'introduit et s'installe en lui. Lorsque la science initiatique prescrit à l'homme de s'identifier à sa Nature Supérieure, cela signifie, qu'elle le pousse à se perfectionner. Donc cette loi suprême de la science initiatique représente en même temps un outil d'une puissance considérable capable de sortir l'Homme de sa médiocrité et ses souffrances. Cette loi est donc la clé pour résoudre les problèmes de l'existence 2.
1-OMRAAM (M, A) ; « La pédagogie initiatique » ; Tome III, opcit. 2-OMRAAM (M, A) ; « La clé essentielle pour résoudre les problèmes de l'existence » ; Prosveta, Fréjus, 1986.
168
L'initié qui connaît cette loi et qui travaille avec consciemment sait que chaque pensée qu'il a, chaque sentiment qu'il éprouve, chaque acte qu'il pose, s'en vont éveiller dans l'espace des forces de même nature et qui reviennent vers lui chargés de matériaux d'une qualité correspondante. Cette loi d'affinité nous explique enfin, que l'homme est construit à l'image du cosmos. Sa structure mentale dans son essence est semblable à celle du cosmos lui même. C'est pourquoi en s'appuyant sur cette loi qui gouverne le cosmos et qui se manifeste suivant le principe de la résonance, l'homme peut attirer vers lui des trésors, des vertus et des entités capables de changer complètement sa destinée. Ou au contraire attirer des matériaux qui vont l'empoisonner, et handicaper son développement psychologique, le rendre maladif et médiocre. Ainsi en Initiation, le destin est une énigme qui peut se résoudre mathématiquement. En définitive, c'est la réincarnation qui nous a permit de comprendre la morale cosmique et d'apprécier l'efficacité de ses lois. En retour lorsqu'on accepte la réincarnation elle même comme loi, on entre dans l'intelligence même de l'histoire, des faits sociaux, des expériences sociales et enfin de l'histoire des peuples ou de celle particulière de chaque être. Cette compréhension ne peut qu'influencer les sentiments d'un homme face à son sort. Il ne devrait plus tenter de résoudre ses problèmes par la violence, ou par la haine. Lorsqu'on a compris que la vie actuelle n'est que la projection arithmétique des vies qu'on a mené antérieurement, on assume son sort, et on décide de le changer 1.
1-Voir « le Mythe d'Er » de PLATON, qui traite, de la Réincarnation, in le Livre I de « La République », PLATON, transmet ici la conception pharaonique de la Réincarnation qui montre comment les hommes choisissent eux mêmes librement leur prochaine incarnation, même si une fois revenus sur Terre, ils sont incapables de se rappeler ce choix, car, ayant bu au fleuve de l'oubli.
169
Ainsi la croyance en la réincarnation permet d’éduquer la volonté car, l’Homme devient fort et puissant dès lors qu’il sait qu’en évitant de commettre des actes répréhensibles, en contradiction avec les lois de la morale cosmique, il améliore d’avance sa vie future. De même la réincarnation élargie ses capacités de perception. Il acquiert une vision macroscopique de l’histoire. Enfin la réincarnation rend l’Homme optimiste voire enthousiaste. Car, il sait que rien n’est irréparable. Il peut souhaiter et obtenir la perfection, en choisissant de bonnes méthodes de travail, c'est-à-dire la voie horuéenne de la transformation. C’est pourquoi enfin, la réincarnation rend l’Homme actif, conceptif et entreprenant, car il a conscience que, s’il le veut, il peut créer un avenir meilleur pour lui-même et pour l’humanité. Enfin la réincarnation relativise la mort, qui n’est qu’un moment de révision générale de notre mécanique psychosomatique. Ajoutons enfin pour terminer une information qui relève de la connaissance obscure à laquelle seuls les initiés ont accès. Pourquoi justement les Initiés et Maîtres de l’Initiation qui ont achevé leur processus de développement spirituel, et qui acceptent de se réincarner sur Terre pour aider les Humains à progresser dans cette même voie, sont systématiquement victimes de la haine et de la méchanceté des Hommes ? La réponse à cette question est simple. La lumière entre nécessairement en conflit avec les ténèbres. Toutefois il est bon de savoir, qu’il est extrêmement dangereux de s’attaquer à des Initiés qui sont en réalité des fonctionnaires de l’administration divine, en mission. Ils bénéficient d’une protection à toute épreuve. Et malheureusement ceux qui s’acharnent à les détruire, finissent tôt ou tard, conformément à la loi des causes et des conséquences, par se détruire tout seuls.
170
3-LA RELIGION SOLAIRE PHARAONIQUE ET LA RECHERCHE DE LA PERFECTION SUR TERRE
Nous venons de voir, que finalement le but ultime de l'évolution spirituelle est l'identification de l'homme avec sa Nature Divine. Or, pour les anciens Egyptiens, seul le soleil, est capable de nous renseigner véritablement sur la structure et la dynamique de cette Nature Divine 1. Pourtant cela ne signifiait aucunement pour eux que le soleil pouvait être Dieu. Ils avaient une idée précise et claire du Dieu créateur du cosmos: mystérieux, inaccessible et inconnaissable c'est AMON. Mais le soleil, RA était pour eux la seule entité visible, manifestant au plus haut degré de perfection les qualités divines. La Réforme religieuse d'AMENOPHIS IV 2 et son échec, permet d'apprécier justement cette distinction entre le Dieu créateur, et le soleil qui est sa représentation physique la plus grandiose. Il faut croire que AKHENATON n'avait pas saisi cette différence cosmique, puisqu'il souhaitait décimer le contenu du panthéon égyptien pour ne conserver que le culte du soleil, et plus précisément celui du disque solaire. C'est pourquoi il fallait s'attendre à ce que le tout puissant clergé d'AMON à KARNAK décidât d'effacer l'hérésie de ce pharaon de la mémoire même de la civilisation égyptienne3. Ainsi pour saisir la portée révolutionnaire de la pensée solaire de ce Pharaon, il faut d'abord reconnaître qu'il s'était trompé.
1-MAYASIS (S) ; « Mystères et Initiations de l'Egypte ancienne » ; opcit. 2-ALFRED (C); “Akhenaten, pharaoh of Egypt: a new study ” Thames and Hudson, London, 1968. 3-Voir aussi, FREUD (S) ; « Moise et le monothéisme » Gallimard, Paris, 1948.
171
AKHENATON avait commis deux erreurs de sens. La première fut de vouloir remplacer DIEU par le soleil, ou par le dieu soleil, et la seconde d'instaurer le culte strict du disque solaire. Ceux qui ont voulu voir dans sa réforme une tentative de sortir l'Egypte et l'Afrique du paganisme pour imposer un monothéisme avant l'heure, n'expriment qu'un point de vue évolutionniste attardé, car le monothéisme avait été inventé par les Egyptiens depuis le IVè millénaire avant J.C. En outre la croyance en un Dieu unique et créateur du monde, n’est pas en contradiction avec l’existence de plusieurs dieux secondaires. L’échec, de la Révolution solaire d’AKHENATON, va
néanmoins nous permettre d'entrer dans l'intelligence même de la spiritualité animiste négro-africaine. Mais il n'enlève rien au véritable contenu de la pensée d'AKHENATON, qui dévoile l'importance capitale, mais méconnue du soleil dans le développement spirituel de toute l'humanité. Nous envisageons, sur ses traces, et à la suite des Maîtres de l'Initiation contemporains, de préciser et de reconstituer les véritables bases de la religion solaire pharaonique dont le seul but est de permettre à l'homme d'atteindre la perfection ici bas, sur Terre , afin que l’Afrique contemporaine, puisse renouer avec son héritage spirituel le plus positif, celui là même qui est à l’origine des religions monothéistes actuelles.
3.1. Le Soleil, Comme modèle de perfection Que représente le soleil pour les humains ? «Un astre lumineux autour duquel gravitent la Terre et les autres planètes»1 Certes on connaît sa nature et sa structure qui ont été analysées scientifiquement. Ainsi sait-on que son énergie provient d'une réaction de fusion nucléaire transformant de l'hydrogène en hélium. On sait aussi que sa surface lumineuse, ou photosphère a une température voisine de 6000°C, que son rayon est de 695.000 Km. Enfin, les humains ont pris conscience aujourd'hui, que face à l'épuisement inéluctable des ressources énergétiques fossiles, l'énergie solaire représente la seule alternative crédible et sûre, parce que inépuisable et bon marché. 1-PLURIDICTIONNAIRE LAROUSSE ; Edition 1983, p.1287
172
Mais à part cette attitude consumériste et l'intérêt scientifique qui lui est porté en tant que phénomène cosmique ayant une influence physique déterminante sur l'humanité, le soleil ne semble pas attirer l'attention et susciter l'intérêt de nos contemporains autant au moins que les Anciens Egyptiens . Pourtant il est bien connu, grâce à la science, que le soleil est aussi le père de toutes les planètes qui gravitent autour de lui. C'est à dire qu'elles sont littéralement sorties de lui. Et que la vie sur terre a été rendue possible par le rayonnement calculé au degré près par le soleil. Et qu'elle s'y entretient et prospère à cause de lui. Mais là encore, cette importance fondamentale, par rapport à notre propre présence au monde, ne suscite rien de transcendant chez les humains, qui continuent à le traiter comme un objet; ou dans le meilleur des cas, comme un objet de consommation. Nous allons découvrir que cette attitude est non seulement pernicieuse pour l'Homme, mais, elle révèle le plus grand drame actuel des humains: la perte de sens de leur propre présence au monde. Quant à la science initiatique, elle a toujours reconnu au soleil sa véritable place dans la vie de notre système planétaire et dans celle de l’humanité. C'est à dire une place centrale et un rôle dirigeant sur le plan spirituel.
173
Pour les initiés1 en effet, non seulement le soleil a crée notre planète, et la vie qui y règne, mais il est aussi le véritable initiateur de la civilisation sur Terre: c'est à dire pour résumer : de la science, de la religion et de l'art. Posons d'abord, que sans lumière, aucune science n'est possible. c'est grâce à la lumière du soleil que l’H omme a pu découvrir le phénomène de la nature: les objets, leurs formes, les reliefs, les couleurs, les distances... c'est aussi grâce à la lumière que nous pouvons nous orienter, observer, comparer, mesurer et calculer. Par ailleurs, pour le Maître OMRAAM, quoique l'on puisse dire de savant sur la religion 2 , c'est aussi le soleil qui l'a apporté aux Hommes. En donnant sa chaleur aux humains, il a introduit en eux un besoin de se dilater, d'aimer, d'adorer. Car dans le froid il ne peut y avoir d'Amour. C'est lorsqu'on chauffe quelqu'un, notamment son coeur, qu'il s'épanouit, il se sent bien et il commence à aimer. Donc, on peut estimer, qu'à l'origine, c'est grâce à la chaleur du soleil que la religion est apparue parmi les hommes. Pour l'Initiation, en effet, l'origine de la religion, est le besoin d'aimer et d’adorer. Enfin, c'est également le soleil qui a initié l'art: parce qu'il apporte la vie. Or dès qu'un être est doué de vie, il commence à se mouvoir à bouger, à agir, à s'exprimer. N'est ce pas là les fondements de la danse du chant, de la peinture, de la sculpture et de l'architecture ? On peut dire donc, que l'art commence avec la vie, or la vie vient du soleil.
1-Voir l'hymne solaire d'AKHENATON, in CORNEVIN « Les mémoires de l'Afrique » ; opcit. 2 -Voir FREUD; “Totem et tabou” ; Payot, Paris, 1965.
174
D'une façon générale, et toujours pour les Maîtres de l’Initiation, rien de ce qui compose la Terre et de ce qui s'y trouve n'a une origine indépendante du soleil. En effet, la Terre contient à l'état solide les mêmes éléments que le soleil. Car, les minéraux, les métaux, les pierres précieuses, les plantes, les gaz, les corps subtils ou épais qui se trouvent dans le sol, dans l'eau, dans l'air et dans le plan éthérique, proviennent du soleil. Donc, tous les matériaux qui font fonctionner l'économie des sociétés humaines viennent du soleil: l'or, les diamants, le charbon, le pétrole, le bois etc... Il n'est pas exagérer d'affirmer dans ces conditions, que le soleil est la cause première de l'existence sur Terre, Or, si les humains ne peuvent se passer de ses matériaux ou si on veut de ses créations, ils en oublient, systématiquement l'origine , et l’auteur. En tout cas ils en tiennent compte ni dans leurs systèmes de pensée, ni dans l'organisation de leurs sociétés, ni dans leurs religions, ni enfin dans leurs systèmes éthiques et normatifs. Et à cause de cette indifférence ils ne peuvent savoir que le soleil ne fournit pas à la Terre uniquement des ressources physiques. Il lui fournit en même temps des ressources qui sont de nature psychique et spirituelle. Il y a bien là un paradoxe, sinon une contradiction majeure dans le comportement des humains. Comment peut-on dépendre sur tous les plans d'un facteur donné, et, ignorer complètement celui-ci dans la vie quotidienne, dans les plans, les programmes et les projets de sociétés que l'on élabore pour penser le futur ?
175
Normalement, on aurait dû constater dans la culture, et dans la vie des ses sociétés humaines des manifestations, des cérémonies ou des rites pour rendre hommage à cet être à qui les humains doivent tout, puisque la même attitude existe dans toutes les sociétés pour cultiver le souvenir de grands événements ou de certains grands hommes. En ce qui concerne le soleil, sur le plan symbolique, cette simple attitude de gratitude d’après les initiés , aurait changé la mentalité des hommes et bouleverser complètement le cours de l'histoire de l'humanité, car comme nous le verrons bientôt, selon les Grands Maîtres de l'initiation, le soleil est un être conscient et intelligent dont la mission cosmique est justement d'accompagner et de soutenir l’évolution spirituelle de chaque être de l'humanité. C'est donc par rapport à un tel paradoxe que l'on pourrait analyser de façon intelligente la situation spirituelle de notre époque. Si l'on interprète autrement ce paradoxe, on peut montrer que nos contemporains attachent plus d'importance à la périphérie qu'au centre. Ou encore ils s'intéressent plus à la matière qu'à l'Esprit, ou enfin le plan physique borne complètement leur existence et leur capacité de perception. Or accorder une importance déterminante au plan physique en Initiation signifie également, vouloir une existence fondée sur l'égocentrisme, donc dominée par la nature inférieure de l'homme. Au total cette manière d'être contemporaine, et surtout occidentale, ne peut ne pas avoir des répercussions sur le contenu même de l'esprit scientifique.
176
Nous verrons dans le chapitre suivant que, la crise de l'explication de la pensée scientifique moderne qui apparaît nettement comme une faillite de la Raison est la conséquence directe des choix opérés par la culture des sociétés occidentales elles mêmes. Le drame de l'humanité s'explique par cette déperdition du sens, qui, pour les initiés résulte d'abord de l'incapacité des humains à apprécier la hiérarchie qui existe entre le centre et la périphérie au niveau cosmique. Donc la compréhension claire de cette hiérarchie et du choix qu'elle devrait inspirer à l'Homme, n'est possible pour celui-ci, qu'en se situant d'abord au sein de son propre système planétaire, qui est doté de sens. S'il parvient à comprendre quelle est sa place au sein de cet environnement qui lui est immédiat et symbiotique, il prendra conscience du sens de sa vie et du but que poursuit cette vie. Or ce repositionnement ne peut se faire que par rapport au soleil. Ceci nous amène à reformuler notre première question. Comment les humains devraient-ils considérer le soleil ? Le soleil s'impose de lui même à nous, comme un être ou une entité supérieure, par la dépendance totale dans laquelle nous nous trouvons par rapport à lui. Si nous prenons conscience de ce premier fait fondamental, nous finirons par découvrir, qu'il est aussi pour nous, un modèle de perfection.
177
En Initiation on pense que l'Homme a toujours besoin d'un modèle pour progresser ou se perfectionner dans tout ce qu'il entreprend. Cette question de modèle a une importance considérable dans la vie spirituelle, car on estime que lorsqu'on fréquente un être (celui-ci pourrait être simplement un ami), nous recevons à notre insu, à la fois, les qualités et les défauts de cette personne. On comprend ainsi la gravité du problème lorsqu'il s'agit d'un modèle auquel on souhaite s'identifier consciemment. C'est précisément lorsque l'homme prend conscience de la nécessité d'évoluer spirituellement, que la question d'un modèle qui lui montre à la fois le chemin et l'aboutissement de cette évolution devient cruciale. On peut nous retroquer que l'humanité a toujours eu de grands hommes qui ont su jouer ce rôle de guide et de modèle. Certes, et la science initiatique ne désire en aucune façon retirer à ces êtres là leur prestige. Mais ces saints, ces philosophes, ces prophètes, et ces messies, ne répondent pas toujours aux critères de perfection que pose l'Initiation. Car en effet dès qu'un être s'incarne dans un corps physique il se trouve de ce fait même déjà limité. D'une façon au d'une autre, comme tous les hommes, il subit l'influence de sa nature inférieure qui est toute puissante sur le plan physique. Même si l'être en question est un initié, il risque d'avoir à un moment ou un autre des défaillances. C'est ainsi que mêmes les fondateurs des grandes religions se sont parfois montrés de parti pris.
178
Souvent ils se sont laissés aller à la vengeance, pour réprimer ceux qui ne partageaient pas leur point de vue, cautionnant ainsi fatalement des exécutions ou des massacres. Sous prétexte de convertir des incroyants et des infidèles, l'Islam par exemple prescrit la guerre sainte, qui malgré tout demeure une guerre, Le judaïsme revendique pour le peuple Juif le statut privilégié de peuple choisi par Dieu, rejetant ainsi automatiquement les autres peuples dans la situation de créatures non reconnues par Dieu. Quant au Christianisme, il n'a pas hésité à participer à la Traite des Nègres et à leur colonisation en détruisant leur culture , et n’a rien fait pour empêcher le massacre et la réduction en esclavage des millions d’Indiens d’Amérique par
les conquérants espagnols. Les religions humaines, s'imposent ainsi à elles mêmes des limites ethnologiques et mêmes géographiques infranchissables. Leur langage devient incompréhensible pour des peuples ayant des manières de penser et de vivre différentes. Pour la science initiatique les différentes religions du monde ne sont que des sectes. La raison à cela est le fait que le modèle qui les a inspiré n'était pas suffisamment parfait et universel. Qu'est ce qu'un modèle parfait et universel ? C'est l'exemple que nous donne le soleil à travers son comportement et les conséquences de celui-ci sur les humains, mais aussi sur les autres créatures 1. «La leçon la plus sublime que nous donne le soleil, c'est son amour pour toutes les créatures. Il ne se préoccupe pas de savoir à qui il envoie ses rayons. Que les humains soient intelligents ou stupides, bons ou criminels, qu'ils méritent ou ne méritent pas ses bienfaits, il les éclaire tous sans distinction.» (OMRAAM ; « La lumière, esprit vivant » ; p.125) 1-La maîtrise de la pensée symbolique est indispensable ici, pour situer le point de vu héliocentrique, et l'action du soleil sur son environnement. Si l'on accepte qu'il peut exister dans l'univers des êtres intelligents autres qu'humains, alors, nous avons sous les yeux à travers le soleil un être hautement développé sur le plan spirituel, La science initiatique, s'en tient pour l'affirmer, à des critères objectifs et vérifiables, comme on va le voir par la suite. Rappelons que pour les Initiés, le soleil en tant qu'être intelligent, ne se réduit pas au disque solaire visible dans le ciel, mais à ce qu'ils appellent le soleil initiatique; l'esprit du soleil, son psychisme ,
179
C'est sur ce point que le soleil se distingue radicalement de tous les modèles humains de perfection. Il fait crédit de lumière, de chaleur et de vie à toutes les créatures sans discrimination, aux criminels comme aux saints et aux justes. Pourquoi le fait-il ? Est-il est une simple machine inconsciente, irresponsable, qui agit mécaniquement ? Ne peut-il distinguer entre la bonté des uns et la méchanceté des autres ? Et donc par conséquent donner aux uns et aux autres de façon inversement proportionnelle ? En réalité de par sa position par rapport aux hommes, et parce qu'il est un être intelligent, le soleil voit mieux que quiconque leurs faiblesses. Mais ce qui explique son comportement c'est très précisément le degré de perfection qu'il a atteint. La perfection, suppose le développement idéal et proportionnel des trois facteurs qui composent le psychisme humain: l'intellect, le coeur et la volonté. Or si la vie des hommes ne cesse de nous montrer des êtres remarquables dans certains domaines, mais handicapés dans d'autres, le soleil au contraire nous montre le développement et l'aboutissement souhaitables de toutes les qualités. Symboliquement, sa lumière nous apprend qu'il sait tout ce qu'il est possible de savoir. Sa chaleur exprime un amour universel, pur et désintéressé. Sa puissance, qui permet de donner la vie et de la soutenir, montre que nous avons à faire à un créateur. C'est pourquoi pour les initiés, le soleil est la représentation la plus grandiose de la Nature Divine. On peut le considérer comme un être ayant achevé le processus de développement spirituel. A ce niveau là, la tendance fondamentale d'un être est le désintéressement, son comportement exprime le désir de donner et de servir.
180
Lorsqu'il parvient à un tel niveau de perfectionnement, un être ne peut plus être atteint par le mal, l'injustice ou le destin, car la loi de la sympathie que nous avons déjà vue ne lui attire que des bénédictions et des bienfaits pour son équilibre et son harmonie. Il vit ainsi plongé dans la plénitude. Cet état de conscience exceptionnel qui caractérise le soleil lui vaut d'être considéré en science initiatique comme le modèle de la perfection divine 1. Mais ce que nous ignorons, et que les initiés savent, c'est que, conscient de sa position dans notre système planétaire, le soleil développe à l'égard des humains la même action que celle qui lui permet de faire croître les plantes et mûrir les fruits. Au niveau humain cette action ne concerne plus uniquement le côté physique, mais aussi le plan psychique. Les rayons du soleil n'apportent pas aux Hommes uniquement des bienfaits pour leur biologie, mais aussi des ressources indispensables à leur croissance psychique. Les Maîtres de l'Initiation nous apprennent que c'est parce que le soleil est conscient de son rôle de tuteur et de guide envers l'humanité, qu'il continue sans défaillance à nous éclairer et à nous chauffer depuis des millions d'années. Etant donné qu'il est le créateur de toutes les planètes qui gravitent autour de lui et de la vie qui y prospère, il a envers elles, la responsabilité d'un chef de famille. Son rôle est de les conduire à leur développement spirituel complet, c'est à dire jusqu'au point où toutes ces planètes et leur habitants puissent ressembler au soleil lui même. Alors, leur ayant insufflé sa Force Vitale, il décidera se retirer.
1-OMRAAM (M, A) ; « Vie et travail à l'Ecole Divine » ; Tome I, opcit.
181
C'est pourquoi l'attitude de l'homme envers le soleil doit changer, Le premier geste qu'il doit accomplir pour réhabiliter le soleil dans sa conscience, est de s'ouvrir à lui, pour recevoir les ressources qui lui sont indispensables pour sa propre croissance psychique. Dans le langage initiatique1 on dit, qu'il doit rechercher le centre pour se fusionner avec lui. Cette recherche du centre passe ainsi par la réhabilitation du soleil dans notre conscience. Et nous allons voir, qu'en réhabilitant le soleil, nous trouverons plus facilement et plus rapidement notre propre centre spirituel qui est notre point d'équilibre, la Nature Divine de l'Homme. Ce qui veut dire qu'en menant une vie purement égocentrique, ordinaire, nous vivons à la périphérie de notre propre centre spirituel, de notre Nature Divine.
1-OMRAAM (M, A) ; «Le langage symbolique »; Prosveta, Fréjus. 1983.
182
3.2. A la recherche du centre spirituel
La science initiatique explique qu’en s'éloignant de son centre spirituel, l'homme subit le sort de ce qui est arrivé aux planètes elles mêmes dès qu'elles sont sorties du centre du soleil et s'en sont éloignées. Leurs matériaux qui étaient en effet subtils au départ, se sont condensés et sont devenus opaques, lourds et pesants, perdant ainsi leur légèreté et leur lumière d'origine. Il existe une loi en Initiation qui veut que plus on s'éloigne du centre plus on est victime des forces désordonnées, chaotiques. Peu à peu on perd l'équilibre et la paix. Mais lorsqu'on s'approche du centre, le mouvement s'inverse et devient plus harmonieux, on ressent le calme intérieur, la joie et la dilatation. Réhabiliter le soleil dans la conscience de l'Homme, c'est donc avant tout réaliser son importance en tant que centre spirituel de notre système planétaire, comme le symbole vivant de Dieu Lui Même. Par le seul fait de le regarder, notre conscience s'approche de notre propre centre spirituel, la Nature Divine de l'Homme. Par ailleurs si nous faisons ce travail avec une conscience claire du fait que le soleil est le symbole de la divinité, et la synthèse de toutes les qualités, et qu'enfin autour de lui tournent des planètes dans un mouvement harmonieux, cette conscience de la perfection et de l'harmonie finira à la longue par nous influencer nous mêmes, et alors, nos propres particules entreront à leur tour dans le rythme de la vie universelle. Nous commencerons ainsi à éprouver des états de conscience si sublimes qu'il est impossible de les décrire avec des mots.
183
Car, en vertu de la loi de la sympathie qui veut qu'un être finisse par ressembler au milieu qu'il fréquente, si l'homme s'ouvre au soleil, s'il le regarde régulièrement, quotidiennement (s'il assiste chaque matin à son lever comme le faisaient les anciens Egyptiens, car le lever du soleil est le moment où l'on peut observer et comprendre ce que signifie le désintéressement), s'il l'aime comme un guide et un maître et laisse pénétrer en lui ses rayons qui sont chargés rappelons-le de toutes les ressources nécessaires à son évolution et à son épanouissement, s’il le fait avec abnégation, alors, notre conscience s'embrase et prend la forme du soleil. Elle devient une sphère incandescente. Notre propre centre spirituel apparaît, s'affermit, se dilate et s'impose et nos instincts, nos caprices, nos convoitises, nos pulsions et toutes nos tendances inférieures se mettent à tourner autour de ce centre, lui obéissent, se soumettent à sa volonté, et se mettent à son service, au lieu de nous asservir. Au contraire, en l'absence d'un centre actif en l’homme, c'est lui qui tout au long de sa vie devra courir pour satisfaire toutes ses tendances égocentriques jusqu'à épuisement total. Donc il est clair, que la formation d'un centre spirituel en lui, permet à l'homme de remettre de l'ordre dans son royaume intérieur, d'y créer de l'harmonie et une hiérarchie, c'est ce qu'on appelle en Initiation la synarchie intérieure. Nous y reviendrons. Il reste maintenant une dernière question à examiner. Si le soleil est la meilleure image que nous pouvons connaître de la divinité, qu'en est-il de Dieu Lui même ?
184
On peut répondre à cette question par une boutade: Dieu est le modèle sur lequel le soleil s'est formé et dont-il imite le fonctionnement. Tous les récits de la création du monde, dans toutes les religions, et dans tous les temps, affirment que Dieu est une entité mystérieuse, inaccessible et inconnaissable. Et, on est bien obligé de reconnaître que Dieu est un vrai mystère pour les humains. Qui est-Il ? A-t-il toujours existé ? A-t-il une origine particulière ? Est-Il marié ? ... Toutes les questions à son sujet restent sans réponse, car la Raison ne nous donne pas les moyens intellectuels pour y répondre. Pourtant il a bien fallut un Créateur pour que le cosmos vienne à l'existence. Vu ses dimensions incommensurables, sa complexité extrême, mais aussi l'harmonie subtile qui préside au fonctionnement de ce complexe, on ne peut que raisonnablement supposer l'action d'une intelligence suprême qui serait sa cause première et dernière. MONTESQUIEU écrit: «Ceux qui ont dit qu'une fatalité aveugle a produit tous les effets que nous voyons dans le monde, ont dit une grande absurdité; car quelle plus grande absurdité qu'une fatalité aveugle qui aurait produit des êtres intelligents ? Il y a donc une Raison primitive; et les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les différents êtres, et les rapports de ces divers êtres entre eux. Dieu a du rapport avec l'univers, comme créateur et comme conservateur: les lois selon lesquelles il a créé sont celles selon lesquelles il conserve. Il agit selon ces règles, parce qu'il les connaît; Il les connaît parce qu'il les a faites. Il les a faites, parce qu'elles ont du rapport avec sa sagesse et
185
sa puissance. Comme nous voyons que le monde, formé par le mouvement de la matière, et privé d'intelligence, subsiste toujours, il faut que ses mouvements aient des lois invariables, et, si l'on pouvait imaginer un autre monde que celui-ci, il aurait des règles constantes, ou il serait détruit. Ainsi la création, qui paraît avoir être un acte arbitraire, suppose des règles aussi invariables que la fatalité des athées. Il serait absurde de dire que le créateur, sans ces règles, pourrait gouverner le monde, puisque le monde ne subsisterait pas sans elles.» 1.
Ainsi même si Dieu n'existait pas, la connaissance des lois physiques, morales et spirituelles qui gouvernent le cosmos, imposent qu'on l'invente. Nous devons donc par hypothèse affirmer qu'il y a un auteur à la nature puisqu'il n' y a pas de création sans cause. Soulignons cependant, que la question de savoir si Dieu existe ou pas, ne s'est jamais posée aux initiés, qui ne doutent pas de son existence. Leur seule préoccupation, est la manière d'entrer en contact avec cet Esprit Absolu. C'est sur ce point que l'éclairage de la science initiatique devient précieux. Elle affirme et montre que nous vivons plongé en Dieu, et que Dieu vit déjà en nous. Comment ? Dieu existe déjà en nous. Cette affirmation ne relève pas en Initiation de la spéculation. Elle peut être contrôlée. Notre Nature Divine est en effet une particule de Dieu Lui Même, puisque les initiés lui reconnaissent par comparaison au soleil, les mêmes qualités divines.
1-MONTESQUIEU (C. de) ; «De l'esprit des lois » ; Garnier, Paris 1949, pp.5-6
186
Lorsqu'elle se manifeste à travers un être, celui-ci devient capable de réalisations hors du commun. On ne peut pas ainsi douter du fait que, se soit la Nature Supérieure qui ait visitée les saints, les martyrs, certains grands penseurs, les prophètes, les messies, les initiés et maîtres initiateurs dans l'histoire de l'humanité. Nous avons vu ci-dessus, que si l'homme par sa volonté et sa conscience créait des conditions favorables à son évolution spirituelle, en fondant son existence sur le désintéressement, la pureté des pensées et des sentiments, la Nature Supérieure pourrait alors se manifester de manière vraiment souveraine, transformant totalement notre existence. On sait ainsi, que le but de l'évolution spirituelle, est l'incarnation de la Nature Divine dans le psychisme humain. Les initiés nous donnent la preuve que l'Homme est programmé pour atteindre cet objectif, et leur comportement le prouve. Donc Dieu vit déjà en nous, et il nous appartient de faire le choix de lui donner la possibilité d'agir librement et puissamment dans notre psychisme en fondant comme on l'a dit notre existence sur la pureté. C'est à dire en développant des qualités reconnues en Initiation comme étant précisément les attributs de Dieu Lui Même. D'autre part, la science initiatique nous enseigne aussi, que nous vivons déjà plongés en Dieu. Mais si nous ne le sentons pas, c'est que notre nature et notre comportement sont à l'opposé des Siens. Nos vibrations ne peuvent pas ainsi s'aligner sur les Siennes. A cause de la vie égocentrique que nous menons, nous avons formé au niveau psychique une carapace qui ne laisse pas passer l'information divine.
187
Pour comprendre cette affirmation, il nous faut expliquer que, tout être propage autour de lui une lumière invisible, mais que seuls les clairvoyants peuvent voir. Cette lumière s'appelle; l'aura. L'aura exprime la quintessence d'un être, ce qu'il est exactement donc la synthèse de ses qualités et de ses défauts. Si un être est puissant, sage, généreux et chaleureux, cette lumière invisible se manifestera par des couleurs extraordinairement pures et limpides, alors que si un être est vicieux, ou violent, sensuel ou retors, son aura serait effrayant à observer. Mais ce qu'il y a d'important à connaître à son sujet, c'est que l'aura est l'instrument invisible avec lequel les initiés communiquent avec le monde extérieur pour agir sur lui et le transformer. Elle leur sert aussi, lorsqu' elle est pure, de bouclier pour se protéger des mauvaises influences. Nous retiendrons surtout que l'aura est la matière avec laquelle les initiés réalisent leurs projets les plus grandioses. Mais ce qui est possible pour un initié l'est d'abord pour Dieu lui Même. Il est dit que l'aura de Dieu enveloppe toute la Création. On peut alors l'imaginer comme une lumière fossile présente depuis le jour de la création du monde. Certains savants, physiciens notamment, affirment avoir prouvé l'existence de cette lumière fossile, peut être la fameuse matière noire. Est ce l'Aura Divine ? l Contrairement à la lumière du soleil qui parcourt des millions de kilomètres pour venir toucher les créatures afin de les transformer, la lumière invisible de Dieu constitue un océan cosmique dans lequel baigne toutes les créatures depuis le commencement. Or avions-nous dit, cette lumière est la quintessence de l'être qui la produit.
1-Voir T. LOBSANG RAMPA ; « Les secrets de l’aura » ; Editions J’ai lu, Paris, 1965.
188
Donc l'aura de Dieu, c'est aussi Dieu lui même. L'homme peut donc entrer en contact avec Dieu par l'intermédiaire de cette lumière qui est son émanation. Mais ici se pose le même problème que celui que nous avons déjà évoqué. L'homme doit pour cela, se mettre sur le même diapason que sa propre Nature Divine. Il doit se transformer pour que son psychisme puisse supporter le magnétisme divin, sans quoi, celui-ci, le désintégrerait purement et simplement. Pour s'aligner sur les vibrations divines, l'Homme doit fonder sa vie sur la pureté et manifester le désintéressement. C'est pourquoi nous avons besoin d'un guide, d'un modèle, donc on l'a vu du soleil, pour nous éclairer et nous réchauffer afin qu'apparaisse, s'affirme et croisse notre propre centre spirituel, notre Moi Supérieure, la Nature Divine. Au terme de cette évolution, la transformation de notre psychisme nous permettra de supporter directement le contact avec Dieu. Ainsi, d'après ce que nous venons d'exposer, on comprend mieux l'erreur d'AKHENATON, de vouloir remplacer Dieu par le soleil. Il s'agit d'une erreur sémantique (de sens), dans la hiérarchie qui existe entre RÊ et AMON. Le soleil est certes la représentation visible de la perfection divine, mais ne peut se substituer à Dieu. Il a un rôle à jouer dans le développement spirituel de l'Humanité, c'est ce que les Humains doivent comprendre. Ils doivent accepter ce rôle dirigeant s'ils veulent accélérer leur propre transformation. Cette critique faite, nous pouvons reconnaître à la pensée du Pharaon AKHENATON, qu'elle pose les fondations d'une religion solaire universelle, qui a par la suite engendré le monothéisme abrahamique (FREUD, Moïse et le monothéisme, 1948, p.81 & sq.). La religion solaire qui est la plus vielle religion du monde, est la seule par son contenu initiatique dans notre humanité en perdition, à pouvoir développer spirituellement l’Homme. Nous affirmons que la Renaissance Spirituelle de l’Humanité se fera avec cette vieille religion africaine.
189
3.3. L'homme est construit pour fonctionner comme le soleil
Malgré ses faiblesses actuelles, malgré la barbarie et la cruauté dont-il est capable de faire preuve à l'égard de ses semblables et des autres espèces animales, l'Homme est néanmoins destiné dans le long terme à ressembler au soleil, car ils sont construits l'un et l'autre sur le même modèle symbolique, puis à réintégrer la matrice divine. Telle est l'enseignement qu'énonce la cosmologie initiatique. Notons simplement que l’Homme a la possibilité d'accélérer cette évolution ou au contraire de la faire traîner en menant une vie trop personnelle, individualiste et matérialiste; avec toutes les conséquences que cela suppose pour lui sur le plan de la réincarnation, et des souffrances qui en découlent. Car pour l'Intelligence Cosmique, le temps ne compte pas. On peut même dire, qu'il n'existe pas tout simplement. Pour elle il n'y a qu'un temps qui compte, c'est le temps présent. De son de point de vue, il n' y a ni passé, ni futur; car, elle n'est pas soumise à l'évolution comme le monde physique, parce qu'elle est parfaite dans ses manifestations. Au contraire sa finalité est l'involution , c'est à dire, l'incarnation dans le monde physique. D'où l'idée d'éternité. Aussi, si pour l'homme le temps de l'évolution peut paraître très long à cause des réincarnations successives qu'il doit endurer, pour la MAAT, ce sentiment n'est qu'un détail, dépourvu d'intérêt.
190
Pour comprendre et entrer dans les plans de la MAAT, l'homme doit évoluer. Il le peut, car il est construit sur le même modèle symbolique que le soleil, c’est pourquoi nous allons voir qu'il possède les mêmes capacités de manifestation que celui-ci. La pensée symbolique affirme que, comme l'Homme, le soleil possède un corps physique que l'on peut observer à l'oeil nu: c'est le disque solaire visible dans le ciel. Mais de ce corps physique sortent des rayons qui diffusent dans l'espace la lumière et la chaleur. On estime que, ces rayons sont les idées, les sentiments et les pensées du soleil. Or, pour qu'il soit capable d'éprouver des sentiments et d'avoir des pensées, le soleil devrait nécessairement avoir un psychisme en plus de son corps physique. En réalité ce soleil vivant qui pense et qui agit, qui a des pensées et des sentiments c'est le soleil noir , ou soleil initiatique . Double du soleil physique. Nous avons conscience qu'il s'agit là de cette dimension de la science initiatique, que les Humains ne peuvent assimiler. Mais comme l'Initiation est appelée dans un avenir proche à bouleverser totalement le mode de pensée dominant, l'heure est donc venue d'exposer un certain nombre de vérités. Nous demandons qu'elles nous soient accordées ici à titre de postulat. En somme, le soleil comme l'Homme constituent donc chacun une trinité: ils possèdent une volonté, un coeur, et un intellect, facteurs qui rendent possibles la vie psychique. Mais force est de constater que ces deux trinités ne sont pas de même nature.
191
On peut ainsi dire que la trinité solaire est «sainte» (car on a vu du point de vue initiatique, qu'elle remplissait les conditions de la perfection divine) alors que celle de l'homme ne l'est pas encore. Elle le sera quand le psychisme de l'homme deviendra aussi rayonnant que celui du soleil. Que fait le soleil ? Il rayonne sur sa périphérie avec l'intention et la volonté de la transformer. La science initiatique affirme que chacun de ses rayons est doté d'une richesse inouïe. Personne sur Terre ne peut capitaliser autant de puissance, de richesse et d'intelligence, qu'un seul rayon solaire. On a pu le comparer à un train de marchandises dont les wagons chargés de victuailles diverses, allaient se décharger à la périphérie du système solaire, pour alimenter des milliards d'êtres. En effet, ces rayons n'arrivent pas vides : «ils transportent partout dans l'espace non seulement les éléments nécessaires à la vie et à la croissance des végétaux des animaux et des hommes, mais aussi des éléments beaucoup plus subtils dont nous pouvons nous servir pour notre développement spirituel»1.
Donc pour la science initiatique, la lumière est bien plus qu'une simple vibration physique. Pour elle, chaque rayon solaire est un esprit vivant, une véritable entité douée de vie, de conscience, d'intelligence et de volonté. Ces milliards d'entités que le soleil envoie à sa périphérie comme des missionnaires, ont un travail précis à faire, et s'en acquittent de façon parfaite. Ainsi, sur Terre, du règne minéral jusqu' aux humains, tous les êtres sont dépendants de la lumière du soleil.
1-OMRAAM ; (M, I) ; « Vers une civilisation solaire »; opcit, p.26
192
Notons rapidement, que même les pierres, malgré leur apparence immobile ont besoin de cette vie qu'apportent les rayons du soleil. Les Maîtres de l'initiation affirment que dans chaque bloc de roche est enfermé une entité, qui attend le moment d'être libérée ! L'action des rayons solaires est déjà plus conséquente chez les plantes, qui croissent et se multiplient grâce à la lumière solaire. Chez les animaux, cette lumière se transforme non seulement en vitalité mais aussi en sensibilité. Ainsi, c'est grâce à l'action du soleil, que les animaux commencent à sentir aussi bien la souffrance que la joie. Enfin chez l'homme, les rayons du soleil se transforment en intelligence, car à partir du règne humain, la lumière trouve des instruments assez complets pour pouvoir s'exprimer comme pensée et sentiment. C'est pourquoi, pour son évolution il est indiqué à l'homme de s'ouvrir à l'action des rayons solaires qui, à son niveau, ont pour mission de créer les conditions de manifestation de sa Nature Supérieure. En effet, l'Intélligence Cosmique a déposé au moment de la Création, des qualités, des dons des pouvoirs magiques... en nous, sous forme de germes et de graines. Comme avec les plantes, la chaleur et la lumière du soleil ont le pouvoir, de les faire germer. Ainsi, sous l'action du soleil, les germes et les graines déposées en nous à l'origine vont croître et pousser pour donner des fruits. C'est à dire des vertus et des qualités. Ensuite il nous appartient d'aider ce processus, en arrosant les bourgeons afin qu'ils ne dessèchent pas. Comment ? Avec notre volonté, notre persévérance et notre amour.
193
Le comportement solaire préfigure donc le futur de l'homme. L'Homme est programmé pour se manifester, pour agir, et créer comme le soleil. Comme le soleil, l'Homme aussi, utilisant sa pensée et ses sentiments, est capable de diffuser dans le monde entier des rayons bénéfiques capables d'aider, de soutenir, de soigner et d'éclairer toutes les créatures. Comme le soleil, les véritables créations de l'Homme sont ses idées ses pensées et ses sentiments, car grâce à la puissance dont elles sont dotées, elles sont en mesure de provoquer des événements considérables sur le plan psychique, lesquels finissent par se réaliser tôt ou tard sur le plan physique. Mais pour le moment, l'homme ne parvient à créer que des monstres, car la loi d'affinité veut que la création soit semblable à son créateur. Si sur le plan physique ses possibilités de création sont limitées, sur le plan psychique au contraire, elles sont sans limites. Mais il n'en est pas conscient. Ainsi toutes les pensées (bonnes ou mauvaises) de l'homme se réalisent, même s'il ne voit pas ces réalisations. Comme pour le soleil, les pensées et les sentiments de l'homme sont des entités vivantes et agissantes. Ces entités peuvent être réellement vues par les initiés ayant développés la clairvoyance. Les pensées et les sentiments de l'homme étant de même nature que lui même, provoquent des événements dans le monde psychique de même qualité. Par exemple si en un point donné du globe terrestre, un Homme a des pensées criminelles, mais ne se trouve pas en mesure de les mettre lui même en oeuvre, les pensées qui voyagent plus vite que la lumière, peuvent aller n'importe où dans le monde trouver un homme prêt pour des raisons quelconques à passer à l'acte. D’où l’extrême importance pour chacun de ne produire que des pensées positives et harmonieuses pour soi même et pour l’humanité.
194
Le monde psychique avions nous dit, est soumis à la loi des correspondances ou encore loi de la sympathie, Aussi, les pensées d'un homme peuvent être captées par un autre à l'autre bout du monde dans la mesure où leurs caractères sont semblables. C'est pourquoi beaucoup de gens commettent des crimes qu'ils ne peuvent pas par la suite expliquer la raison, en raison même de leur médiocre niveau d'évolution spirituelle. Ainsi on peut dire, que la vie psychique de l'homme ne lui est pas personnelle. Elle touche la totalité des êtres qui peuplent notre planète. Mais plus encore, par sa pensée, l'homme peut instantanément entrer en contact avec n'importe quelle région du cosmos. Il dispose là donc d'un instrument extrêmement puissant, mais comme psychiquement il vit dans la primitivité, il ne parvient à poser en général que des actes nuisibles pour lui même et pour ses semblables. Aussi pour les initiés, l'humanité actuelle est-elle gravement menacée par la nature inférieure de l'Homme. Pour que l'homme parvienne à se manifester comme le soleil, la science initiatique renvoie dans sa théorie de la connaissance à un chapitre essentiel, celui de la purification. Un postulat de base permet ici de saisir toute l'importance des méthodes de purification. La vie est dans toutes ses manifestations un phénomène de combustion or toute combustion génère des déchets d'où la nécessité de purifier à tout moment l'organisme humain pour le débarrasser des déchets engendrés par sa propre activité. Ainsi, toutes les activités humaines qu'elles soient physiques ou psychiques, sont des opérations de combustion. Lorsque nous mangeons et respirons, nous brûlons des matériaux. L'Initiation nous apprend aussi que toute notre vie affective et mentale sont également des opérations de combustion.
195
Or, si les règles élémentaires de l'hygiène prescrivent à l'homme de ne consommer que des aliments digestes et sains, pour qu'ils occasionnent le moins d'impuretés possibles dans l'organisme, il n'existe malheureusement aucune règle de vie prescrivant la même hygiène sur le plan mental. Les humains ne se doutent pas que, d'après leur qualité, les sentiments et les pensées peuvent soient améliorer la santé de l'homme ou au contraire la détruire. Donc des idées, des pensées, des sentiments inférieurs, c'est-à-dire égocentriques, produisent beaucoup de déchets sur le plan psychique, lesquels en s'accumulant produisent des sortes de couches sédimentaires, qui forment à la fin une vraie carapace qui isole l'homme de l'intérieur comme de l'extérieur du monde divin. Ainsi, lorsque son corps mental (intellect) et son corps astral (coeur), sont saturés d'impuretés, à cause de la vie égocentrique et primitive qu'il mène, l'Homme s'abrutit, son organisme s'affaiblit et devient perméable à la moindre maladie. En un mot il devient nuisible pour lui même et pour autrui. Son psychisme aussi se fragilise. Il devient sujet aux névroses et aux psychoses. C'est là une situation inévitable pour nos contemporains, car la société moderne dans sa dynamique interne, ne peut pas exister sans la fabriquer. D'où l'importance de la purification. On doit la considérer comme une grande opération de nettoyage, qui permet à l'Homme de maintenir tous ses corps dans un état de pureté qui lui permettrait de garder de façon stable son équilibre physique et mental.
196
La méthode de purification la plus connue en Initiation est le jeûne. Il est recommandé à tous les adeptes de l’Initiation de jeûner au moins un jour par semaine. Le jeûne a des conséquences très positives pour la santé. Non seulement il nettoie les tissus de l’organisme mais il rend les cellules très dynamiques et les empêche d’accumuler dans l’organisme des matières impossibles à éliminer naturellement et qui finissent par fermenter et provoquer des maladies. La pureté commence ainsi par la propreté physique. Le jeûne sert aussi à réaliser avec efficacité certains travaux spirituels urgents comme par exemple, éliminer un défaut du caractère, acquérir une qualité, ou aider une personne qui se trouve dans une situation critique. Car, cette situation de privation qu’impose le jeûne, attire vers nous des entités lumineuses qui nous prête leur force. Il existe bien d’autres méthodes de purification : la respiration, la transpiration, le travail avec la lumière, avec le feu, avec l’air, avec la Terre, etc. Mais la purification en soit, se ramène à l’objet même de l’Initiation. C'est-à-dire à la qualité de la vie mentale compatible avec l’évolution spirituelle. Il s’agit pour l’adepte de l’Initiation de faire de l’identification avec sa Nature divine, son idéal permanent. Car par cette volonté de se hisser très haut, l’Homme reçoit la pureté sans même l’avoir demandé. L’état de pureté permet à l’Homme par sa seule présence de créer l’harmonie et la concorde partout où il passe. Par ses seules pensées et ses sentiments, il peut tout soigner, vivifier, chauffer et soutenir autour de lui.
197
Car, la purification en détruisant les couches opaques qui encombrent le psychisme de l'Homme, ouvre en même temps les portes par lesquelles s'engouffrent toutes les entités qui ont pour mission d'accélérer l'évolution spirituelle de l'homme. La pureté est donc en fin de compte la condition essentielle du développement spirituel. L'instrument formel qui sert à la mesurer est la lumière du soleil: plus précisément sa vitesse et son intensité. La vitesse et l'intensité sont en Initiation des critères de perfection. La vitesse donne à la vie une grande intensité qui se manifeste sous forme de vibrations. C'est pourquoi l'idéal d'un adepte de l'initiation est comme la lumière du soleil de se dégager de toutes les limitations, et de rejeter toutes les entraves. Qu'arrive t-il à un Homme lorsque sa vie se ralentit: sur le plan physique comme sur le plan psychique ? Physiquement il tombe malade et dégénère, car par exemple les fonctions d'élimination de toxines de son organisme ne s'accomplissent plus au bon rythme. Ou encore, son cerveau ne réagit plus assez vite. Sa mémoire n'est plus assez vive. Autant d'handicaps qui rendent l'existence difficile. Sur le plan psychique, le ralentissement de l'intensité de la vie signifie que l'Homme n'est plus capable de juger de façon juste les situations critiques. Il n'a plus la capacité de conceptualiser, ou de percevoir l'essentiel, et la structure des choses. Dans tous les cas, l'Homme s'expose ainsi à l'accident, au danger, aux malentendus et à la confusion. On ne lui fait plus confiance individuellement et professionnellement.
198
Celui qui vit au ralenti, ressemblerait ainsi à une roue qui tourne lentement et sur laquelle , la boue vient s’y coller, alors que si la roue tournait plus vite, la boue serait rejetée plus loin. Cette diminution de l’intensité de la vie est la direction vers laquelle l’Homme est inéluctablement poussé lorsque son existence est fondée sur la satisfaction de ses tendances inférieures égocentriques. Car, cette vie ne peut que conduire à l’épuisement de ses propres ressources vitales. Tout autre est l’exemple que nous donne la lumière. Elle est la conséquence d’une existence fondée sur la pureté. Elle représente ce que l’on peut entendre par vertu et qualité. Elle fonde le comportement sur le désintéressement. Ainsi, lorsqu’on projette quelque chose de l’intérieur vers l’extérieur de soi, du centre vers la périphérie, sur la base du désintéressement, il ne peut qu’en jaillir la bonté, la sagesse, la tolérance, c'est-à-dire la lumière sur le plan psychique. C’est pourquoi en Initiation, la lumière est-elle le critère de la vitalité et de la perfection. Et elle s’obtient par la pureté : des pensées et des sentiments. C’est pourquoi un comportement désintéressé, donc « lumineux », donc généreux, et sage se caractérise par la très forte intensité de la vie de celui qui le manifeste. Ainsi, l’intensité des vibrations caractérise les différents règnes de l’univers. C'est-à-dire, la différence entre ces règnes réside dans l’intensité de leurs vibrations. Du règne minéral au règne humain et de celui-ci à Dieu Lui-même, en passant par la hiérarchie des divinités, la vie se manifeste avec une intensité subtile croissante.
199
On peut ajouter aussi que, si la lumière est si mobile, si rapide, c'est parce qu'elle est, elle même une matière pure et pour les initiés comme on l'a vu une entité désintéressée. Rappelons qu'en Initiation, les rayons de la lumière du soleil notamment sont des esprits vivants qui vont accomplir à la périphérie du système solaire une mission de la plus haute importance: aider des milliards d'êtres à évoluer. Or la lumière ne peut accomplir un tel travail, que parce qu'elle est pure. Et c'est grâce à cette pureté qu'elle est légère et qu'elle parvient à se déplacer à des vitesses colossales. Précisément pour les initiés, la légèreté et la pureté sont des états auxquels l'on accède lorsqu'un être est libéré de tout ce qui est égocentrique. Car l'égocentrisme accumule sur l'homme des fardeaux, et il ne peut plus courir, «se déplacer vite». Par conséquent l'égocentrisme est l'obstacle majeur à l'intensification de la vie. La vie intense est l'exemple même que nous donne le soleil. C'est le résultat de la pureté. Celui qui est capable de la vivre, raisonne mieux, réfléchit vite et donc analyse les situations, les phénomènes, et les événements de manière plus juste et exacte. Il acquiert ainsi le discernement et la clairvoyance. C'est donc par l'intensification de la vie que l'Homme peut faire les découvertes les plus essentielles, concernant les mystères de sa propre vie et de celle du cosmos. C'est en intensifiant sa vie qu'il parviendrait à entrer en contact avec Dieu Lui Même.
200
Au total, le soleil dans toutes ses manifestations préfigure donc le futur de l'Homme, car étant tous les deux construits sur le même modèle symbolique. Mais, même si l'homme est construit pour fonctionner comme le soleil, il ne peut acquérir la vie intense du soleil, c'est à dire la puissance de sa volonté, sa chaleur qui représente l'amour universel et impersonnel, sa lumière qui est le symbole de la plus haute intelligence et de la sagesse, que s'il décide de placer la pureté à la base de sa vie quotidienne et de prendre le désintéressement comme très Haut Idéal. Ainsi, progressivement, les équilibres vitaux commenceront à se rétablir en lui, et sa Nature Divine fera surface et s'imposera. Alors, il expérimentera une dimension insoupçonnée de l'existence, la vie intense, qui est l'état de félicité et de plénitude dans lequel vivent les êtres accomplis: les Initiés. Tout ce que nous avons dit du soleil en tant que modèle de perfection est en quelque sorte synthétisé dans le texte fondateur de la religion solaire universelle, par le Pharaon AKHENATON, qu'on trouvera en dédicace au début de cet ouvrage. Pour finir nous pouvons maintenant répondre à une question posée par C.A DIOP. L'Initiation est-elle une éducation élitiste ? On peut y répondre par l'affirmative. Car, si la pédagogie initiatique s'adresse à tous, l'éthique initiatique s'oppose à ce que l'on oblige quiconque à évoluer spirituellement, par la contrainte. Seuls ceux qui montrent librement une volonté exceptionnelle, deviennent des « loués », c’est le mot pharaonique pour « élus ». C’est naturellement à eux qu’échoie nt les plus hautes responsabilités sociales et politiques. La Société Initiatique est l'opposée d'une société totalitaire. L'initiation part du fait que l'être humain se caractérise par la liberté. C'est pourquoi il lui est possible de choisir entre évoluer spirituellement pour s'épanouir, ou régresser mentalement et s’abrutir.
201
Mais dans la mesure où certains sont incapables d'accomplir l'effort que leur réclame la pédagogie initiatique, il est juste, qu'une société fondée sur l'Initiation, donc sur l'aspiration à l'excellence et à la perfection, refuse d'être gouvernée par des individus faibles, pervers et médiocres. D'où son caractère élitiste. Ceci nous oblige à revenir sur la définition même de l'Initiation. Enfin de compte, elle ne nous semble plus s'identifier uniquement à la science. Elle est autre chose que la science. L'initiation nous apparaît comme une synthèse entre la science, la philosophie, la religion et la technique. En effet, si elle nous permet de connaître le monde et aussi l'être du monde, il est dans ses attributions, de nous conduire vers le dépassement de notre être vers sa transformation, avec comme idéal suprême l'identification de l'Homme à Dieu. De ce point de vue l'Initiation met en oeuvre des qualités propres à la technique qui sont d'éprouver et d'appliquer les connaissances scientifiques. L'Initiation soumet aussi dans sa pédagogie, l'être à un regard intense et critique sur lui même, par la refléxion et la méditation. Ici, elle se rapproche de la conception occidentale de la philosophie. Mais une telle activité conduit en Initiation à la sagesse. Qu'est ce donc l'initiation ? Provisoirement nous utilisé le vocable de CATHARSIS, pour la définir. Car il évoque la capacité de connaître, l'être intimement, de comprendre ses pathologies, puis de les soigner, et finalement de le purifier. Ce mot semble réunir à la fois la science et la technique. Mais il est préférable de se reporter au concept pharaonique de MAAT, qui est sa définition authentique. Car comme nous allons le voir le mot pharaonique de MAAT, embrasse l’universalité, le multiple, la totalité, tout en renvoyant à l’UN, à DIEU.
202
4-MAAT: CLE DU MYSTERE DE LA CIVILISATION PHARAONIQUE. LECTURE CRITIQUE DE LA SYNTHESE DE JAN ASSMANN. APPROCHE SEMIOTIQUE
Aux égyptologues comme aux Africains contemporains, la civilisation pharaonique malgré sa parenté évidente avec les autres sociétés africaines, apparaît comme un véritable mystère. Nous avions affirmé que ce mystère avait du rapport avec le degré de civilisation, en fait de développement atteint par l'Egypte ancienne. Les Egyptiens anciens sont ainsi doués de telles capacités de bâtisseur, d'entrepreneur et de conquérant qu'ils semblent incommensurables aux autres Africains. Nous pensons que c'est là la véritable raison qui empêche l'égyptologie moderne d'adhérer au concept diopiste d'unité culturelle de l'Afrique. Mais notre schéma conceptuel de développement du système communautaire doit maintenant avoir détruit ce doute. Nous envisageons ici de pénétrer le mystère même du concept de MAAT qui selon nous est la clé qui explique le développement de l'Egypte ancienne et donc sa différence face aux autres sociétés africaines. MAAT, est le mot clé qui permet de comprendre non seulement la pensée pharaonique mais, aussi toute la civilisation de l'Egypte ancienne. Car il s'agit d'une pensée pratiquée. Autrement dit la version pharaonique de l'Initiation. Et en tant que telle, elle a modelé le comportement des habitants de KEMIT et a structuré leur civilisation. Ce que nous dirons ici de la MAAT, servira à vérifier et à valider les principes fondamentaux de la science initiatique que nous avons exposés ci-dessus et dont nous avons dit, qu'ils étaient l'héritage de l'Egypte pharaonique. Nous montrerons alors que dans leur vie quotidienne et dans chacun de leurs actes les Egyptiens anciens, mettaient en application les principes de la MAAT. D'où le caractère exceptionnel de leur civilisation.
203
4.1. Variation autour du concept de MAAT Pour espérer comprendre le concept de MAAT, il faut l'étudier en rapport avec la vision africaine vitaliste du monde. C'est seulement dans cet univers mental, que ce concept devient lisible. Mais l'Egyptologie moderne victime de ses préjugés, n'a jamais pris cette précaution. Elle s'est ainsi heurtée à la globalité et à la compacité du concept de MAAT, qui l'oppose à la pensée occidentale, et qui rend sa définition difficile pour un occidental. En fait cette difficulté consiste tout simplement dans le caractère symbolique de la pensée africaine, qui comme on le sait est: polysémique. Ainsi Jan ASSMANN 1 constate-t-il que: «En Egypte il n' y a pas de philosophie dans le sens d'une discipline qui traiterait des phénomènes logiques, cosmiques, politiques etc... selon ses propres règles et de açon purement théorique, et il n'y a pas de «religion» dans le sens d'un champ culturel différencié qui pourrait être opposé à d'autres champs comme la politique ou la morale. Mais il y a beaucoup de concepts et de textes se rapportant à des questions qui seront reprises plus tard dans les discours proprement religieux et philosophiques. Il n' y a pas de notion égyptienne qui exprime plus clairement cette unité originelle que la notion de MAAT, signifiant à la fois Vérité, Ordre et Justice et englobant ainsi ce que nous différencions comme religion, sagesse, morale et droit»
Jan ASSMANN qui tente dans son ouvrage de proposer une synthèse sur la notion de MAAT, montre dans le passage précité qu'il y' a une première difficulté qui se présente au chercheur face à MAAT, celle de la définition. Si cette définition n'est pas correctement posée, les déductions que l'on tirera et les spéculations que l'on développera sur ce concept risquent d'être hors sujet.
1-ASSMANN (J) ; « L’Egypte pharaonique et l’idée de justice sociale » ; Julliard, Paris, 1979, p.12
204
L'auteur avoue d'ailleurs, que si en tant que mot de la langue pharaonique MAAT est traduisible; en tant que concept central de la philosophie égyptienne, MAAT n'est pas traduisible 1 , et pour lui cette difficulté réside essentiellement dans l'étendue «singulière de ce concept, qui englobe des notions comme: vérité, authenticité, justesse, droiture, ordre, sacrifice etc..» 2. Partant du postulat selon lequel, «il y' a des choses qu'il faut saisir directement au coeur, si l'on veut les comprendre», Siegfried MORENZ3 a d'abord proposé que l'on considère MAAT comme le centre de l'éthique égyptienne. Mais dans les années trente il est apparut que c'est au contraire l'éthique qui occupait le centre de MAAT. Or par la suite cette définition elle même s'est avérée insuffisante. Ce ne fut plus l'éthique que l'on considérât comme le coeur de MAAT, mais l'ordre universel. «De ce point central, résultent d'une part la définition de la VERITE en tant que paroles en harmonie avec l'ordre réel des choses, et d'autre part de la JUSTICE en tant qu'action en harmonie avec les forces régulatrices actives dans le maintien de cet ordre universel». Aussi MAAT apparaît-il comme l'état juste dans la nature et dans la société, comme il a été posé dans l'acte de création, dont dérivent des notions plus spécialisées tels le droit, l'ordre, la justice et la vérité. C'est à peu près la définition qui a été retenue en Egyptologie, qui cependant ne satisfait pas Jan ASSMANN, nous verrons plus loin pourquoi.
1-ASSMANN (J); opcit, p12. 2-IDEM, p. 17, 3-S. MORENZ, cité par ASSMANN, opcit, p.17
205
Cette définition que l'on doit à S. MORENZ, trouve son écho dans les travaux de plusieurs autres chercheurs qui ont tous, chacun à leur manière contribué à asseoir l'idée de compacité comme caractéristique de la pensée pharaonique, et qui la distingue du monde judéo-chrétien, même si comme le reconnaît Jan ASSMANN, celui-ci trouve ses origines en Egypte. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, après la crise de la civilisation occidentale provoquée par le nazisme avec l'Holocauste, les philosophes s'interrogent sur l'origine et la nature de la civilisation. C'est dans ce contexte nous dit ASSMANN, que le concept égyptien de MAAT est lui aussi redevenu de circonstance. C'est ainsi que, Karl JASPERS1 , à la recherche des traces les plus lointaines de la mémoire culturelle occidentale à travers son concept de «l'âge axiale», définit l'expérience pharaonique en négatif par rapport à l'expérience occidentale de la civilisation. L'âge axial est en quelque sorte le moment critique qui dans l'histoire de l'humanité sépare l'expérience des sociétés dans lesquelles domine l'ordre transcendant qui demeure immanent aux choses, de celles où il y' a désormais une tension entre la réalité transcendante et la réalité du monde. C'est l'expérience de la Grèce ancienne et d'Israël. Mais c'est Eric VOEGELIN 2 qui traduit encore le mieux cette idée. «Sa thèse peut se résumer ainsi: au commencement il y' avait l'ordre; l'histoire de l'humanité est une histoire transformationnelle de l'ordre; avant les visions transcendantes de l'ordre, il y' avait les visions cosmologiques.»
1-JASPERS (K) ; « La situation spirituelle de notre époque » ; Desclée de Brouwer, Bruxelles, 1966. 2-VOGELIN (E); cité dans J. ASSMANN, opcit.
206
Cet auteur affirme ainsi, que les sociétés de la haute antiquité, notamment l’Egypte , aspirent à faire coïncider leur organisation avec l'ordre universel. Or cet ordre fut précisément aboli avec Israël et la Grèce. Il en découle un premier concept : «le mythe cosmologique» , dans la tradition duquel, le cosmos apparaît comme le prototype de tout ce qui est permanent, significatif et ordonné, et tout ce qui aspire dans le monde humain à la permanence, la signification et l'ordre, doit s'adapter et s'intégrer dans l'ordre cosmique. De cette appréciation, découle une sorte de philosophie de l'histoire, qui explique que l'histoire intellectuelle de l'humanité apparaît comme un progrès de différenciation menant des formes symboliques compactes aux formes symboliques différenciées, aussi, la compacité de la conceptualisation mythique est-elle fondée sur l'identité, voire sur l'identification programmatique du cosmos et de la société, de la nature et de la culture. Pour E. VOEGELIN: 1 «Cette façon de penser à travers des symboles ou des concepts « compacts», autrement dit cette «compacité mythologique», appartient, à ce qu'il appelle le «style cosmologique de la vérité ». Pour cette forme d'appréhension, il n'existe rien en dehors du cosmos et celui-ci est également dans toute chose; c'est pourquoi dans la plupart des langues de « style cosmologique», il n'y a de mot ni pour « cosmos», ni pour «ordre cosmique», Ils n'en ont pas besoin, puisqu'il n' y a pas d'opposé. Voilà le point du discours où la MAAT égyptienne fait son entrée. Ce qui correspond le mieux à ce que nous nommons « ordre universel», c'est selon Voegelin, le concept égyptien de la MAAT. MAAT représente le prototype d'un concept « compact». Parce qu'il concerne en même temps la «vérité» et la «justice», il réunit les sphères de l'être et du devoir (sein et sollen), de la nature et de la société, de l'ordre cosmique et de l'ordre humain (éthique) et exprime exactement par cela cette unité universelle sur laquelle le « mythe cosmologie» est fondé.»
1–E.VOEGELIN, cité dans J. ASSMANN, optit, p.18.
207
VOEGELIN a appliqué sa théorie à l'analyse politique des sociétés fonctionnant sous le signe du mythe cosmologique et en a tiré le concept «d'empire cosmologique». Ces empires seraient tous organisés de façon strictement monarchique, hiérarchique et théocratique. Tous associent au fondement cosmologique une sacralisation du pouvoir, c'est à dire un ordre à la fois religieux et politique que VOEGELIN nomme l'«ordre théo-politique». Le mythe cosmologique vise le monde sous forme d'une perspective centrale: au centre, un Dieu suprême, créateur, préservateur et gouverneur du monde se manifeste sur terre dans la personne du monarque. Mais il ne s'agirait pas pour l'auteur d'un monothéisme. Car le monde crée et gouverné par un seul dieu et son représentant terrestre, est un monde plein de dieux. Ce qui amène VOEGELIN à construire un néologisme pour rendre compte de cette complexité conceptuelle: «Le Summodéisme». Ainsi, le Summodéisme, la monarchie divine et le mythe cosmologique forment-ils ensemble un syndrome typique: «le syndrome cosmologique». Celui-ci correspondrait à l'expérience compacte de l'ordre qui refuse ou est incapable de faire la distinction entre le divin et le politique, le salut et la domination, le cosmique et le social. C'est ce dernier concept qui a permit à VOEGELIN de reconstruire l'histoire intellectuelle de l'humanité comme un processus de différenciation qui commence avec la destruction des formes estimées archaïques de la civilisation parce que fondées sur une compacité conceptuelle, vers des formes qui mettent en oeuvre la différenciation des champs sociaux.
208
Ce serait enfin, à H.H. SCHMID 1 , que l'égyptologie doit une analyse détaillée du concept de MAAT, vue sous l'aspect de la théorie socioanthropologique de «Weltordnung» : style cosmologique de la vérité . Il exposa son interprétation en 1968 dans un article intitulé «Justice comme ordre cosmique». On peut résumer les conclusions de son travail qui recoupent complètement celles de VOEGELIN, de la manière suivante: a)-MAAT signifie essentiellement «ordre cosmique» ou «ordre universel» b)-Ce concept ainsi défini trouve ses équivalents exacts , d’après J. ASSMANN dans la pensée, sinon dans le vocabulaire des « autres »2 civilisations orientales : «Les grandes civilisations orientales ont ceci en commun qu'elles partent dans leurs réflexions sur le monde d'une expérience commune d'un ordre cosmique absolu ». Le garant de cet ordre «est le créateur unique qui créa non seulement le monde, mais les dieux eux-mêmes et qui préserve l'ordre cosmique en tant que Seigneur suprême. Le roi est, dans la même fonction : son représentant terrestre ». On a là, une sorte de réminiscence du Mode de Production Asiatique, dont nous avons déjà mesuré les limites opératoires plus haut.
1-SCHMID (H.H) ; « Justice comme ordre cosmique » ; cité par ASSMANN ; opcit. 2-C’est nous qui soulignons.
209
A son tour, SCHMID aboutit à la même conception tripartite que Eric VOEGELIN: a)-Croyance en un Dieu Suprême garantissant l'ordre cosmique en tant que Créateur et Préservateur. b)-Structure politique de la monarchie divine qui fait du roi le représentant terrestre de l'Etre Suprême. c)-Existence d'un concept d'ordre universel unifiant les deux sphères du cosmique et du social.
Approfondissant sa recherche, SCHMID met en oeuvre une démarche philologique fondée sur l'étude approfondie des textes et aboutit à la découverte de six sphères de significations qui seraient réunies dans ce concept d'ordre. Il s'agit de: la monarchie, la sagesse, la justice, la nature ou la fertilité, la guerre ou la victoire, et le culte ou le sacrifice. Mais toutes ces tentatives de définition, restent encore ethnocentriques, et partent d'un préjugé évolutionniste atavique, qui les handicape. Jan ASSMANN, estime pouvoir proposer une méthodologie plus convaincante de l'étude de la MAAT.
210
4.2. Méthodologie spécifique de l'étude de MAAT Existe t-il une démarche, une approche, ou enfin une méthode reproductible et acceptable pour tous, capable de permettre l'étude objective du concept de MAAT; clé essentielle pour comprendre la pensée de l'Egypte des pharaons, et en réalité de celle de la civilisation africaine elle même ? La proposition que fait Jan ASSMANN a retenu notre attention dans la mesure où elle semble tenir compte des erreurs et des insuffisances des démarches précédentes. Il commence cependant d'abord par proclamer sa solidarité avec l'essentiel des résultats obtenus antérieurement. Ainsi dit-il à propos des auteurs dont nous avons examinées les thèses ci-dessus:
«Je ne conteste pas le bien fondé de cette reconstruction dans ses traits essentiels. e pense au contraire qu'une vision de grande portée se dessine ici. Ce sont surtout trois points que je voudrais retenir de cette analyse.» (ASSMANN, opcit, p.251)
a)-Les catégories de «compacité» et de «différenciation» et l'idée de remplacer la notion d'évolution par celle de différenciation. C'est un résultat très important qui nous permet de définir MAAT comme un concept englobant des éléments qui, par la suite et dans des contextes culturels différents, seront isolés comme religieux, philosophiques, politiques et sociaux.
211
b)-L'interprétation de cette «compacité» conceptuelle comme l'indistinction de la nature et de la culture d'un côté et du sacré et du pouvoir de l'autre. c)-Le «syndrome cosmologique» qui est formé par l'union tripartite du «Summmodéisme», de la monarchie divine et du mythe cosmologique. L'auteur marque ensuite son désaccord notamment avec Karl JASPERS et E. VOEGELIN. Sa première objection stigmatise leur ethnocentrisme. «C'est d'abord et surtout l'ethnocentrisme humaniste, cette idée qu'il y a quelque chose comme l'humanité générale absolue, vers laquelle la conscience humaine aurait avancé à l'âge axial. Les Grecs et Hébreux c'est bien notre début, mais ce n'est pas le début de l’humanité et de l'histoire. Ce n'est que l'effet de notre ancrage dans les traditions antiques et bibliques qui nous fait entendre dans ces textes-là la voix de l'Homme général et absolu. Si nous sommes incapables d'entendre cette voix dans les textes égyptiens et mésopotamiens, ce n'est pas la faute de ces textes, mais de notre mémoire culturelle qui ne s'étend guère au delà des traditions classiques et bibliques.» (ASSMANN, opcit, p.26) Pour J. ASSMANN il y a dans le cadre de chaque civilisation, des discours d'une portée plus ou moins générale et qui s'orientent dans deux directions, celle de l'importance (qui est concerné par ce qui est dit ?) et celle de la thématisation (qu'est ce qui est mis en discussion ?) Entre ces deux directions il y a une solidarité. Et, pour qu'un discours intéresse beaucoup de monde, il faudrait qu'il mette beaucoup en discussion.
212
Selon lui il faut mesurer la grandeur des textes, c'est à dire leur généralité, leur portée, en fonction de l'horizon culturel spécifique qui leur est propre. Des méthodes existent pour cela, il en propose lui même une que nous allons examiner bientôt. Sa deuxième objection découle de la précédente. Il constate que VOEGELIN et SCHMID, ont présenté le concept de MAAT, comme n'ayant aucune structure, ni perspective, alors qu'un grand discours est toujours affecté de ces deux facteurs dans une civilisation. Il faut donc apprendre à préciser au sein d'un discours, ce qui appartient au centre, de ce qui relève de la périphérie; ce qui est au premier plan et ce qui forme l'arrière-fond. L'auteur souligne de ce fait, que si le concept de MAAT est compact, les discours qui en relèvent ne le sont pas, car derrière les discours, il y a des institutions, des organisations, des groupes d'intérêts, des stratégies bien délimitées, concrets, différenciés; qu'il faut identifier. Ce faisant, on trouvera que ces discours renvoient à des phénomènes sociaux, politiques et religieux. C'est à la fois sur la base de ces objections et des thèses qu'il partage avec les autres analystes de la pensée pharaonique, que l'auteur nous propose une méthodologie qui nous a paru digne d'intérêt, pour être restituée ici; même si, à cause de ce qui l'unit aux autres, la démarche de l'auteur reste fondamentalement évolutionniste et ethnocentrique, sans qu'il ne le sache apparemment. Mais nous y reviendrons à la fin de ce chapitre.
213
L'auteur constate d'abord, que l'étude de la MAAT sur la base de la seule compilation de références (signes), en partant de l'étymologie pour trouver la signification n'a abouti à rien. Conformément à ce qui vient d'être dit cidessus, l'étymologie et la graphie appartiennent pour Jan ASSMANN à la périphérie. Il choisit quant à lui de concevoir l'étude de la MAAT à partir des discours dans lesquels MAAT est thématisée d'une façon centrale. «Le grand avantage d'une analyse textuelle (à partir des discours) sur une analyse sémiologique (à partir des références), nous dit-il est qu'on ne risque pas de manquer les passages qui traitent de la Maât sans en dire le nom. C'est le cas par exemple des textes qui parlent de Maât à contrario, c'est à dire où il est question du mensonge, de l'injustice, de l'ingratitude, de la rébellion, de l'égoïsme, de l'avidité, etc. On verra que se sont là les textes les plus significatifs.» (ASSMANN, opcit, p.28) L'auteur qualifie sa méthode d' «histoire du discours». Par discours il entend non pas un seul texte, mais toute une famille de textes qui relèvent d'un «univers de discours» commun. Il s'agit de traditions orales et écrites, qui débouchent sur la textualisation. Mais, avant qu'il y ait textualisation, il faut qu'il y ait thématisation nous dit-il. Car, si l'univers sémantique dans lequel nous vivons, est réglé essentiellement par la censure pour P. BOURDIEU, il est aussi marqué par l'implicite d'après ASSMANN, ce qui constitue la «dimension tacite», selon Michel POLANYI. L'implicite, c'est donc le naturel, l'évident. Il est soustrait à la thématisation, «parce qu'il n'est point besoin communicatif d'en parler», car tout le monde le sait, c'est un objet de confiance, non de communication .
214
Pour qu'il devienne l'objet d'une communication, c'est-à-dire thématisable, J.ASSMANN postule qu'il faut qu'il y ait crise, un choc de confiance, une décomposition de certitudes engrenées (habitus de BOURDIEU). De telles conditions historiques, rendraient possible le déplacement de l'implicite vers l'explicite. La textualisation, constitue alors la deuxième étape. Une thématisation se transforme en texte par le biais de la répétion, de l'utilisation comme recours et instance de référence. Cela implique des procédés de conservation. L'écriture n'en est que le plus répandu. Ajoutons que le recours au texte requiert des cadres sociaux, des institutions. Il faut des récitateurs, un public, des transmetteurs, voire des exégètes. Enfin le discours ne se transforme d'une thématisation en textualisation qu'avec le concours des institutions comme l'école, la maison des tables mésopotamienne, la maison de vie égyptienne, le monastère, le musée etc... Le discours peut enfin franchir une troisième étape: celle de la canonisation. Mais celle-ci n'arrive qu'exceptionnellement. Elle comporte deux aspects: la canonisation d'un texte classique et celle d'un texte sacré. La canonisation relève de la décision d'une société d'attribuer au texte un caractère obligatoire. C'est pourquoi elle vise essentiellement des textes centraux et non pas périphériques. La canonisation est ainsi un fait social qui met en oeuvre une stratégie de «mémoire culturelle» qui selon ASSMANN, fait qu'une société préfère se fonder sur tel ou tel texte pour stabiliser sa propre image et son identité. Donc la mémoire culturelle d'une société répond à la nécessité de se reproduire, de garder une identité reconnaissable à travers les générations.
215
De tout ceci on doit retenir qu'il y a à l'intérieur de la documentation littéraire d'une civilisation une structure de centre et de périphérie qu'il faut reconnaître si l'on veut déduire de l'étude de ces sources des renseignements sur la contuinité historique de la mémoire culturelle d'un peuple ou sur l'action d'une influence extérieure éventuelle. Bref on peut parvenir à la distinction claire entre «Grands Textes» d'une civilisation et des textes plus périphériques au moyen de la thématisation, la textualisation et de la canonisation. Les Grands Textes sont ceux qui forment donc la «Grande Tradition» selon la théorie de R. REDFIELD1 et donc constituent le fondement de l'identité culturelle. Pour appliquer cette méthode à l'Egypte ancienne, J.ASSMANN propose d'isoler dans sa documentation littéraire, les discours qui parlent de la MAAT tout en rendant compte de leur position par rapport aux structures centrale et périphérique. On peut effectivement identifier deux univers de discours dans lesquels MAAT joue un rôle de premier plan. Dans le premier, MAAT relève de la dimension tacite, car ces discours-là parlent de la MAAT comme d'un concept bien connu et qu'il n'est pas nécessaire d'expliquer. Mais dans le second univers, apparaît un discours qui va plus loin dans l'explication du concept de MAAT. Jan ASSMANN y reconnaît un discours qu'il est légitime d'appeler «discours de la MAAT». Ces discours forment une littérature abondante, et constituent le centre de la documentation sur la MAAT, et aussi la «Grande Tradition» égyptienne. Pour l'auteur, ce recueil de textes qui fut considéré comme un classique dans la tradition du Nouvel Empire, appartient aux Grands Textes de l'Histoire de l'Humanité.
1-R. REDFIELD ; cité dans J. ASSMANN ; opcit, p.31
216
Reste à déterminer les conditions historiques qui ont permis de thématiser la MAAT, et constituer ainsi le point de départ d'une tradition littéraire sur la MAAT. Conformément à la méthode exposée ci-dessus, l'auteur postule que MAAT est en soi la création de l'ancien Empire. Ce concept est lié à la conception d'une souveraineté qui pour la première fois dans l'histoire de l'humanité possède des dimensions supra locales. C'est l'idée unificatrice par laquelle on pouvait rassembler les habitants des régions du Delta du Nil jusqu'à la première cataracte sous une domination commune. MAAT joue ici pleinement le rôle d'une idéologie stabilisatrice. Mais de ce fait même, elle demeurait nécessairement implicite nous dit l'auteur. Si la civilisation pharaonique se limitait à l'Ancien Empire, dit-il, il nous faudrait (en ce qui concerne le concept de MAAT) nous contenter des formules comme «Il (le Roi) a remplacé l'Isfet par MAAT » , ou «J'ai dit la MAAT, j'ai accompli la MAAT». La valeur et la signification du concept de MAAT sont partout implicitement présupposées, de sorte qu'on ne parvient pas à se faire une idée différenciée de la nature de MAAT. C'est avec la chute de l'Ancien Empire, qu'il devient enfin possible de thématiser la MAAT. Pourquoi ? Parce que, tout au long de cette période, le sens et la souveraineté forment un tout compact. Le sens consistait dans le maintien de la souveraineté pharaonique. Le roi était le centre de gravité du pays: toute initiative vient de lui; tout l'agir procède de son ordre et aboutit à sa reconnaissance.
217
On dit et on accomplit la MAAT parce que le roi l'aime, ce qui ne signifie rien d'autre que: la MAAT est la volonté du roi. Le roi est l'institutionnalisation de la MAAT. Or, avec la chute de l'Ancien Empire, le sens et la souveraineté se séparent. Pour la première fois se pose la question de la nature de la MAAT. Si elle n'est pas la volonté du roi, qu'est-elle donc ? Ainsi, la MAAT devenue problématique, devient thématisable. L'espace d'action qui s'est ouvert par suite de la disparition de l'ordre pharaonique demande de nouvelles orientations. C'est de ce besoin que provient le discours sur la MAAT. Ce discours a donc un contexte précis dans l'histoire: il se place entre deux Empires. Il a pour conditions la ruine de l'Ancien Empire et la possibilité de réfléchir sur l'ordre. Il forme la base intellectuelle du Moyen Empire. Selon Jan ASSMANN, sans la décomposition de l'Ancien Empire, la MAAT ne serait jamais devenue thématisable et sans le rétablissement de la monarchie, les thématisations de la MAAT n'auraient jamais été institutionnalisées et développées comme discours ni même comme Grande Tradition.
218
4.3. Objet de la MAAT. Sa présence et Son absence
Les discours les plus connus sur la MAAT, sont désignés en Egyptologie par le nom de «Sagesses» ou encore «littérature sapientale» . Ils se subdivisent en deux genres: enseignements et plaintes. Les enseignements donnent des conseils pour une façon d'agir et un comportement conformes à la MAAT. Au contraire, les plaintes décrivent un monde privé de la MAAT et donc de la nécessité de celle-ci. Les enseignements se réfèrent directement à l'individu qu'on pense éduquer dans le sens de la MAAT et les plaintes à la société dont l'existence dépend de la MAAT. Ces deux genres sont complémentaires et sont à l'origine du développement du concept de MAAT. Il existe un deuxième genre de textes qui ont pour objet la MAAT: les biographies autothématisantes et les biographies professionnelles; qui décrivent le développement spirituel d'un individu sa réussite professionnelle et sociale sur la base d'une socialisation réussie à la MAAT. Tous ces textes permettent de dégager une doctrine de la MAAT, et de comprendre à quoi conduit une vie et l'organisation d'une société fondée sur la MAAT ou maâtisation. A cette dernière idée est attachée un dernier genre de texte les Héliographies qui porte directement sur la nature de la MAAT. Après avoir cerné la MAAT, nous verrons les conditions historiques du passage de l'univers de signification pharaonique à la conception d'un univers dominé par un dieu unique, ou monothéisme. C'est ce que Jan ASSMANN appelle, la sortie de la MAAT. Mais pour nous cette sortie n’est en fait que sa routinisation et sa sécularisation dans spiritualité juive d'après FREUD ( Moïse et le monothéisme , 1948, p.81).
219
Nous nous référerons encore ici à Jan ASSMANN dont l’ouvrage1 , propose une synthèse sur la doctrine de la MAAT, avant de discuter toutes ces idées dans la conclusion de ce chapitre. L’auteur considère une oeuvre du Moyen Empire, connue sous le nom de «les Plaintes du paysan volé» , qui appartient donc au genre des «Plaintes», comme un véritable traité sur la Maât. L'oeuvre en question comprend neuf plaintes qui culminent dans une parole énigmatique prononcé par le paysan, originaire d'une oasis. «Il n'y a pas d'hier pour le paresseux, pas d'ami pour celui qui est sourd à la MAAT, pas de jour de fête pour l'avide.» Notre auteur pense que, la paresse , la surdité mentale et l'avidité apparaissent comme des principes fondamentaux opposables à la MAAT et qui font donc par opposition ressortir clairement son essence. Selon lui, inversement, la MAAT se structure autour de trois idées: a)-«solidarité active: agir l'un pour l'autre, réciprocité» b)-«solidarité communicative: la Maât en tant que langage» c)-«solidarité intentionnelle: la Maât comme altruisme prescriptif»
1-ASSMANN (J) ; « MAAT : L'Egypte pharaonique et l'idée de justice sociale »; Julliard, Paris, 1979.
220
a)-La MAAT en tant que solidarité active
Cette idée renvoie à une théorie de l'action qui place l'agir dans un enchaînement relevant de la communication. Ce qui implique pour chaque individu la nécessité de rester actif pour ne pas interrompre la communication qui repose sur l'engrenage de l'agir. Cette théorie s'exprime dans des formules très répandues dans la société pharaonique, telles que: «Agis pour celui qui agit» . «La récompense pour celui qui agit consiste en ce qu'on agira pour lui. Cela est Maât dans le coeur (c'est-à-dire l'opinion) du dieu». Cette dernière phrase donnerait selon ASSMANN la définition de la MAAT. Il explique qu'agir l'un pour l'autre suppose «penser l'un à l'autre» , «connaître celui qu'on a connu » comme le disait les anciens Egyptiens eux-mêmes (ASSMANN, opcit, p.40). D'autre part, l' «Agir l'un pour l'autre» s'insère dans la dimension du temps. Une parole l'exprime : «Le paresseux n'a pas d' hier». Ainsi l'agir fructueux suppose une mémoire sociale et un horizon de motivation qui remonte dans le passé, englobant «hier» et «aujourd'hui». L'action idéale, pour les Egyptiens est donc celle qui intègre la dimension du temps fondée sur une mémoire sociale intacte. Par conséquent, pour eux, lorsque la mémoire sociale se désintègre, l'hier est oublié, le réseau de solidarité se disloque. C'est pourquoi, celui qui reste inactif, interrompt le lien entre l'action et ses conséquences qui reposent sur l'engrenage de l'agir. Ainsi MAÂT apparaît comme une fonction de la mémoire sociale.
221
Donc sur le plan de l'action et de la communication, MAAT, d'après ASSMANN s'identifie à l'ordre, et à la solidarité produite par l'agir réciproque, inséré dans la dimension du temps, devenant une contuinité qui doit être garantie par le maintien de l'hier dans aujourd'hui. Ici apparaît clairement la mise en oeuvre consciente de la loi des causes et des conséquences qui gouverne l'évolution spirituelle, et que nous avons exposée plus haut et qui structure ici toute la pratique sociale de la société pharaonique, autrement dit, notre Type III du système communautaire, ou encore, la société communautaire développée. b)-La MAAT en tant que solidarité communicative
Est une idée qui se rapporte à la parole du paysan qui dit: «Il n'y a pas d'ami pour celui qui est sourd à la Maât». Cette parole selon ASSMANN pose le problème de l'écoute et de la langue. De même pense t-il, la paresse comme on l'a vu correspond à l'opposé de l'action, de même la surdité correspond à celui de l'écoute. L'auteur pense que, si le premier verset de la parole de l'oasien lie l'action à l'hier, c'est à dire à la dimension temporelle, le second lie la langue à l'amitié, c'est à dire à la dimension sociale. Le paresseux se détache de l'hier, le sourd se détache de l'autre. Tous les deux rompent le lien de solidarité: le paresseux celui de l'engrenage diachronique de l'agir, le sourd celui de l'engrenage synchronique de la communication. Ces deux catégories, l'action et la parole sont d'ailleurs à rapprocher aux deux catégories principales de la MAAT, à savoir «Justice» et «Vérité»; la Justice étant la MAAT que l'on fait en agissant, la Vérité étant la MAAT que l'on dit en parlant.
222
Donc, l'incapacité sur le plan de l'action est la paresse; et l'incapacité qui lui correspond sur le plan de la communication est l'incapacité d'écouter. L'art d’écouter nous dit ASSMANN est le grand thème de l'anthropologie égyptienne , la vertu principale. Le but de l'éducation égyptienne est l'Homme qui sait écouter, l'homme qui entend, qui obéit, l'homme attentif, bienveillant, docile, qui s'incline devant celui qui parle et accepte le conseil qu'on lui donne. Toute la civilisation égyptienne semble être fondée, animée par, cette faculté de s'écouter l'un l'autre. Toute la vie sociale dépend de la faculté de s'entendre. Si pour les Occidentaux, c'est le commerce qui sert de modèle à la vie sociale, ce qui pousse à concevoir le langage comme un échange, pour les Egyptiens, c'est moins l'activité de la parole que la réceptivité de l'écoute qui est à la base du phénomène langagier. C'est justement par l'écoute que le sens entre dans l'homme, le forme et le transforme en un être sensible. On peut faire du troc dit J. ASSMANN sans se transformer. Mais on ne peut pas participer à l'échange langagier sans se transformer, parce que la langue nous pénètre et que le sens écouté prend place dans notre for intérieur. Sinon ditil, c'est la surdité qu'évoque l'Oasien. Or la surdité envers la MAAT, c'est l'insensibilité. Aussi, l'insensé qui n'écoute pas est exclu de la solidarité de l'agir l'un pour l'autre: il n' y a personne qui agisse pour lui et il ne sait pas agir lui même, mais «fait tout ce qui est odieux» : on passe son existence sous silence et il ne dit lui même que des mots qui détruisent.
223
Cela exprime l'idée selon laquelle on vit de parole. C'est la théorie égyptienne du langage: la parole est une substance, et une subsistance vivifiante. L'homme vit d'abord de ses propres paroles, parce qu'elles sont le moyen (le milieu) qui relie l'individu à la communauté. L'Homme vit de ce qu'il dit selon la qualité intégrante de ses paroles. D'où vient cette qualité intégrante se demande ASSMANN ? De la bonne écoute d'après PTAHOTEP (Initié Egyptien): «Si l'écoute est bonne dit-il, la parole est bonne». Celui qui n'écoute pas est donc incapable de la bonne parole. Puisque ses paroles sont mauvaises, elles sont une nourriture empoisonnée et, au lieu de l'intégrer, elles l'isolent. Il est condamné à vivre de ce dont on meurt. La parole vivifiante, c'est précisément MAAT. MAAT est le discours solidaire, intégrant. Le discours solidaire est celui par le moyen et au milieu duquel on vit. Celui qui est sourd à la MAAT est exclu de la vie, donc un mort vivant. «Dire la Maât» ne signifie donc pas seulement «dire la vérité», pas plus que «faire la Maât» ne signifie seulement «exercer la justice». Faire ou accomplir la MAAT veut dire pour ASSMANN, agir pour celui qui agit, agir de manière à ne pas interrompre l'engrenage de toute action et le réseau de l'agir l'un pour l'autre (ou plus brièvement agir de manière solidaire). Agir solidairement veut dire justifier par l'action la confiance que la société confère à l'agir.
224
La tournure «dire la Maât» exprime pour lui exactement quelque chose d'analogue, à savoir: parler en harmonie avec la confiance conférée à la parole, ne pas détruire avec la langue la solidarité de la confiance, l’harmonie sociale. Qu'en est-il de l'insensibilité collective, lorsque la société toute entière désapprend le langage solidaire se demande encore ASSMANN ? Une image apocalyptique s'y dessine, d'un monde dont la MAAT a disparu dit-il, les symptômes en sont la disparition de l'échange des mots, de l'amitié, du respect et de la confiance. Quand la MAAT disparaît du monde, la parole et l'écoute mutuelles cessent. «Le coeur de l'homme ne se tourne que vers lui même» , dit NEFERTI (Sage Egyptien). Ce dont il s'agit ici souligne Jan ASSMANN, c'est la perte du sens social (sensus communis). Les enseignements traitent sous le thème de l'insensé, le manque individuel de sens social, les plaintes esquissent l'image de toute une société dépourvue de sens social. La qualité fondamentale de l'éducation égyptienne (selon Jan ASSMANN): l'écoute, qui suppose aussi l'humilité se définit en Initiation comme la réceptivité. Elle joue un rôle essentiel dans l'évolution spirituelle, car c'est cette attitude qui rend possible l'identification de l'Homme à sa propre Nature Divine. De même la prudence dans l'usage de la parole, la nécessité de l'utiliser pour faire le Bien, témoignent d'une profonde intériorisation de la science initiatique chez les anciens Egyptiens. Mais les commentaires de Jan ASSMANN ne saisissent à aucun moment l’épaisseur de la science sur laquelle se fondent les préceptes qu'il analyse. Nous verrons plus loin à quelles déconvenues, et à quelles contradictions insurmontables ce manque de culture initiatique peut exposer.
225
c)-La Maât en tant que solidarité intentionnelle ou altruisme prescriptif
Cette idée s'exprime d'après Jan ASSMANN dans le troisième verset de l'oasien: «Il n' y a pas de jours de fête pour l'avide». L'auteur rappelle que selon Marcel MAUSS 1 dans chaque système moral, c'est l'autarcie individuelle qui est le plus profondément, le plus catégoriquement et le plus explicitement interdite. La morale vise à mettre et à maintenir l'Homme dans la dépendance des autres. Elle noue le réseau des dépendances mutuelles, qui est le fondement de la confiance. Dans cet ordre d'idées, la MAAT s'avère être une élaboration et une sublimation de cette loi morale fondamentale qui est l'interdiction de l'égoïsme ou bien la prescription de l'altruisme. Le troisième verset de l'oasien, nous fait entrer ainsi dans le domaine de l'homme intérieur. Car, pour les anciens Egyptiens, l'avidité est une prérogative du coeur. En effet le coeur et le KA (Intellect supérieur de l'Homme) sont dans les représentations égyptiennes le siège de la pensée, de la volonté, de la connaissance et de la sensation. Or la fête (dans le sens de chaleur humaine) sert selon ces mêmes représentations à la réintégration de la personnalité, que les affaires de la vie professionnelle tendent à réduire à l'unidimensionnalité. Aussi, parce que l'avide est inapte aux fêtes, il porte atteinte à son coeur et à son KA. L'avidité détruit littéralement la personnalité de l'Homme. Par conséquent dans la pensée égyptienne cette destruction s'étend aussi aux relations sociales.
1-MAUSS (M); « Essai sur le don » ; in « Sociologie et anthropologie » PUF, Paris1966 .
226
Il faut considérer l'avidité comme la notion égyptienne de l'égoïsme nous dit Jan ASSMANN, donc le contraire par excellence de tous les principes d'intégration sociale que nous avons déjà identifiés comme inhérents à la MAAT. Pour PTAHOTEP, avidité et MAAT s'opposent comme deux principes foncièrement antagonistes. Il explique que l'avidité détruit les relations sociales et, en cela, elle représente le pôle opposé du sens social et de la solidarité. On peut donc récapituler de la manière suivante la substance des trois versets de l'oasien : confronté à la paresse, MAAT se définit comme l'agir, soit l’agir « l'un pour l'autre» avec la conscience de l'hier ; c’est à dir e d'un horizon temporel et social qui constitue la condition de la confiance et de la réussite. Confrontée à la surdité mentale (insensibilité), Maât se définit comme «sensibilité sociale», écoute mutuelle et intégration communicationnelle dans un monde social qui est au fond langagier et dont la violence et la brutalité sont exclues. Enfin confrontée à l'avidité, MAÂT se définit comme altruisme, charité, formation d'un «moi social» dans le for intérieur de la personne. C'est là le fondement de la notion de circulation de richesses qui est à la base de l'économie du Type III du système communautaire, et sur laquelle nous reviendrons plus en détail, dans le tome IV. Et, J. ASSMANN de conclure: on peut dire à la manière de Saint PAUL, trois choses demeurent: la paresse, l'insensibilité et l'avidité, la pire est l'avidité parce que c'est l'égoïsme et qu'avec lui nous touchons le roc (ASSMANN, opcit, p.53). Nous avons maintenant la certitude que, à l'inverse de la société moderne fondée sur l'égocentrisme, la civilisation pharaonique était fondée sur le désintéressement, qui procède de l'identification de l'Homme avec sa propre Nature Divine.
227
4.4. MAAT comme facteur de développement spirituel, de réussite sociale et professionnelle
Nous rencontrons encore le concept de MAAT dans un autre univers de discours appelé «discours autothématisants ». Ces discours sont matériellement des inscriptions tombales, lesquelles instituent une mémoire commémorative de la société, en rendant compte de l'accomplissement moral du défunt, grâce à une vie menée conformément la MAAT. Ces inscriptions existent par milliers et nous renseignent sur la valeur et la nature d'une vie façonnée par les principes de la MAAT. Ainsi nous accédons à une définition non pas générale comme plus haut, mais spécifique de la MAAT. En donnant une biographie, ou un portrait moral de l'Homme, le discours autothématisant, nous révèle aussi la finalité de la pratique de la MAAT. Elle conduit à l'état d'IMAKOU, c'est à dire initié, ou encore de MA-HAROU, c'est à dire immortel. Le discours autothématisant était à l'origine double, plus précisément dans l'Ancien Empire. Il consistait en deux textes de qualité différente. L'un donnait le portrait moral proprement dit, tandis que l'autre établissait la trajectoire professionnelle du défunt, sa réussite sociale. Autrement dit, l'un portait sur l'intégration sociale, et l'autre sur la distinction.
228
Avec la chute de l'Ancien Empire et au cours de la première période intermédiaire, les deux genres se confondent et donnent naissance à un genre que les égyptologues ont appelé «modèle de vertu». Désormais le comportement moral et l'activité professionnelle se confondent. On considère que la pratique de la MAAT permet de triompher de tout, de se forger un caractère qui est l'équivalent d'un monument, de réussir dans la vie, de se développer spirituellement et enfin de pouvoir entrer au paradis. On voudrait souligner ici simplement que la pensée pharaonique vérifie totalement notre schéma conceptuel de développement du système communautaire. Nous avons en effet régulièrement noté que l'Initiation non seulement avait pour finalité de produire un individu responsable, excellent et aspirant à la perfection, mais aussi la socialisation à l'Initiation créait chez l'Homme une mentalité d'entrepreneur, de bâtisseur, et de conquérant. C'est exactement ce dont témoignent «les discours auto-thématisants», dont-il est question ici. Lorsqu'on passe de la vie sur Terre à la vie dans l'au delà, la MAAT reste présente. Elle apparaît maintenant comme un code qui conditionne l'accès de l' AMENTIT (paradis), royaume dont le dieu OSIRIS est le gouverneur sous l'autorité du dieu soleil Rê. Les textes qui permettent à ce niveau de saisir la signification de la MAAT, forment un nouvel univers, celui de la littérature funéraire.
229
Il s'agit d'une littérature profondément ésotérique qui traite de la magie. Le livre des morts en est le texte le plus connu, mais pas le seul. Nous abordons maintenant la MAAT comme Science de la Haute Magie. Selon J. ASSMANN, à l'entrée du Royaume de Dieu, MAAT, désormais revêt une forme exacte et exhaustive. Elle est codifiée. La magie exige que soit précisé exhaustivement ce que signifie «faire» et dire» la MAAT. Cette codification est exposée dans les chapitres 30 et 125 du Livre des Morts. Ces chapitres traitent de la fameuse pesée des âmes ou encore du Jugement des morts. Le défunt doit d'abord produire une longue série de déclarations d'innocence, destinée à établir son dégré de développement spirituel, sur la base de la qualité de la vie qu'il a menée sur Terre. Ensuite son cœur est placé sur le plateau d'une balance, l'autre plateau reçoit une plume qui est le symbole de la MAAT, tandis que l'âme du défunt lui sert de témoin dans cette douloureuse épreuve. Ce procès a lieu dans la salle dite des DEUX MAAT en présence du Grand OSIRIS lui même, de TOHT, dieu de la sagesse et patron des initiés, d'Annubis, et de quarante deux ascesseurs. J. ASSMANN affirme que la fonction des déclarations d'innoncence est initiatique. Car, l'Initiation est le rite de passage par excellence. En effet, le jugement des morts dans sa version originale égyptienne est d'abord un rite d'Initiation calqué sur le modèle sacerdotal terrestre. D'ailleurs les sources qui ont permis de réaliser le codage de ces déclarations relèvent visiblement de deux genres: le serment initiatique des prêtres et l'instruction sacerdotale. Nous affirmons que, le décalogue biblique y tire clairement son origine. Les dix commandements s'y retrouvent intégralement et explicitement exposés.
230
Les instructions sacerdotales codifient les règles terrestres d'après lesquelles les prêtres sont censés vivre; le serment initiatique représente quant à lui leur promesse solennelle de vivre selon ces règles. L'auteur nous explique que, ordinairement, l'initiation implique le rôle d'un mystagogue qui conduit le novice à travers diverses épreuves. L'initiation est donc un acte de socialisation. Le novice devient initié, c'est à dire membre de «l'association divine», s'il s'en révèle digne en réussissant les épreuves. La procédure se divise en deux scènes principales: celle de la qualification et celle de la réception/admission. Or la qualification dans le sens sacerdotal du terme, précise l’auteur, signifie purification. C'est en se purifiant qu'un prêtre se qualifie pour entrer en présence du divin. Justement la scène de la pesée du coeur revêt-elle aussi une telle signification purificatrice. Il s'agit aussi bien de juger que de purifier le défunt. De le «séparer de ses péchés» comme s'intitule le titre du chapitre 125 du Livre des Morts. On sait qu'en cas de résultat favorable de la qualification, le défunt obtiendra le statut de loué , et devient membre de l'association divine. Donc MAAT est le critère de la qualification et de l'admission du défunt dans le royaume de Dieu. Elle était déjà le principe de son intégration sociale sur Terre, et à nouveau c'est elle qui joue le même rôle pour son intégration dans l'au delà. Jan ASSMANN constate ainsi qu'elle règne sur les deux sphères, sur la Terre comme au Ciel et, à cause de cela, rend possible la transition de l'un à l'autre. L'adéquation à la MAAT ou maâtisation est à la fois la condition du succès de l'homme sur Terre et de celui de son intégration au ciel. En réalité, selon nous, la première conditionne la seconde.
231
4.5. MAAT comme Intelligence Cosmique Or, la MAAT n'est pas seulement une catégorie attachée au destin de l'homme. Elle règle le fonctionnement et le destin du cosmos lui même. Car pour les anciens Egyptiens, l'univers était un processus en équilibre instable dont MAAT constitue le principe régulateur. Il est important de dire quelques mots sur la raison de cette instabilité cosmique qui nécessite une justification correspondante par l'intervention de la MAAT. Le mythe de la création du monde chez les Egyptiens 1 ne rapporte pourtant pas l'histoire d'un antagonisme primordial qui impliquerait le triomphe de l'Etre sur le néant, du mal sur le bien..., la cosmogonie égyptienne n'est pas dualiste en son essence. Ici la création du monde se fait par différenciation, comme dans toutes les sociétés négro- africaines, ainsi qu’on l’a vu dans le tome I . Un texte nous l'apprend de façon allégorique. C'est le dieu ATOUM (TOUT/NEANT) qui parle 2: «TEFNOUT est ma fille vivante, elle est avec son frère CHOU. Il s'appelle «Vie», elle s'appelle «Vérité». e vie dans la compagnie de mes deux enfants, e vis dans la compagnie de mes deux jumeaux, étant au milieu d'eux, l'un auprès de mon dos, l'autre auprès de mon ventre. «Vie» se couche avec «Vérité», ma fille, l'un à l'intérieur de moi, l'autre autour de moi. e me suis dressé entre eux, leurs bras étant atour de moi.» 1-SAUNERON (S) & YOYOTTE (J); « La naissante du monde selon l'Egypte ancienne » ; Seuil, Paris, 1969. 2-Cf, ASSMANN; opcit p.101.
232
Selon Jan ASSMANN, c'est le «moment cosmogonique» qui est décrit ici, celui où le dieu préexistant, «ATOUM », prend conscience de soi même et par là, se transforme en trois: le TOUT, la VIE, et la VERITE. La création se fait donc par la différenciation de l'UN en MULTIPLE. L'auteur ajoute en commentant ce texte cosmogonique, qu'au commencement, l'Etre éclata sans opposition aucune, en forme d'un auto déploiement de l'un devenant trois, du néant devenant l'être, du dieu devenant monde 1. Or s'il n' y a pas d’antagonisme dans l'acte mêm e de création, d'où vient que par la suite le cosmos ait besoin d'être sauvé perpétuellement par l'intervention de la MAAT ? C'est ici qu'intervient une autre idée essentielle (d’après l’auteur) de la pensée égyptienne: «la chute» 2. Plusieurs textes en font état. Mais le texte le plus complet que l'on dispose sur cette question est, «Le livre de la vache du ciel». Il raconte l'histoire de la naissance d'un clivage fondamental entre l'humanité et le monde divin d'où l'idée de chute, qui doit être interprétée comme une séparation entre l'homme et son Créateur. Ce qui implique 3: -la différence entre la vie et la mort -différence entre jour et nuit -séparation du ciel et de la terre -séparation des dieux et des hommes, etc... l-ASSMANN, opcit, p.102 2-Cette idée de « chute », est une interprétation personnelle par Jan ASSMANN d'une situation qui peut être perçue différemment sous l'éclairage de la science initiatique. Nous avons déjà affirmé dans le tome I que l'idée de chute ou de péché originel n'existait pas dans l'univers mental africain, et non plus l'idée d'une séparation entre Dieu et sa propre Création, qu'il continue d'habiter sous la forme d'une Force Vitale. Ce qu' exprime cette idée de chute, est selon nous la prise de conscience dans la pensée initiatique égyptienne, de l'opposition qui existe entre la Nature Divine et la nature humaine, et dont il est urgent de surmonter par la complémentarité verticale, c'est à dire, l'identification de l’Homme à Dieu. 3-ASSMANN (J) ; opcit, p.103
233
Le monde a besoin d'être sauvé à cause de «la chute », en fait de cette opposition que nous connaissons bien maintenant, entre la Nature Divine et la nature humaine qui a créé chez les Egyptiens anciens, une incertitude et une véritable angoisse métaphysique qu'il fallait surmonter à tout prix, par la maâtisation. À nouveau nous dit J. ASSMANN, nous entrons dans un univers de discours différents sur la MAAT: Les «Hiélographies» . Il s'agit d'une part d'une littérature ésotérique exprimée aussi bien par l'image que par le texte, et qui contribue à la décoration des tombes royales, décrivant minutieusement la course solaire nocturne à travers l'enfer et d'autre part de plusieurs centaines d'hymnes solaires. «Les hymnes solaires brossent un tableau de la traversée céleste qui fait ressortir la figure de la MAAT de la façon la plus brillante. Elle apparaît cette fois-ci comme une déesse, fille du dieu soleil, qui se tient tel le pilote à la proue de la barque solaire ou qui se love sous la forme de serpent uréus au front du dieu. Les hymnes célèbrent l'apparition de la MAAT comme signe de la victoire du soleil, de son triomphe sur son adversaire. L'adversaire c'est le prototype de tout ce qui s'oppose au mouvement et au rayonnement du soleil, l'incarnation donc de l'arrêt et de l'obscur. Il est le plus souvent représenté sous forme d'un gigantesque serpent aquatique (APOPIS) qui menace la course solaire par son mauvais oeil et sa soif insatiable; il absorbe l'océan céleste jusqu'à faire s'échouer la barque solaire sur un banc de sable». (ASSMANN,
opcit, p.104) Les Egyptiens s'étaient donnés en relation avec leurs croyances animistes, une vision du monde conçue d'une part comme un processus, et d'autre part comme un ensemble de forces en action, un système d'actions diverses d'après J. ASSMANN qui apparaît comme un drame dont le dieu soleil est le protagoniste principal. Il joue dit-il le rôle d'un monarque qui domine le monde par son mouvement et son rayonnement.
234
Ce drame cosmique, que les hymnes solaires et les héliographies mettent en scène, déploie un symbolisme clairement politique: le drame du dieu soleil qui se déroule au ciel et en enfer reflète le drame du Pharaon sur terre. L'auteur souligne que c'est fondamentalement cette analogie qui importe, et non l'idée de course solaire. «Par cette dramatisation, qui traduit les événements cosmiques en action, le cosmos est rendu lisible et ce sont les structures et les principes de l'agir humain qui se lisent dans la course solaire.» (ASSMANN, opcit, p. 105) ainsi pour les Egyptiens, le cosmos était à tout moment menacé d'une crise imminente. Jan ASSMANN pose la question de savoir si: «Est-il concevable que les Egyptiens, constructeurs de pyramides et d'empires, aient effectivement vécu dans la crainte que l'univers soit à chaque instant sur le point de se dissoudre ? Ont-ils vraiment cru qu'Apopis puisse réussir à faire échouer la barque solaire sur un banc de sable ?»
En fait «le banc de sable d'Apopis» pense t-il est une métaphore courante pour exprimer la famine ou plus généralement la détresse, car dans une conception du monde où tout se tient, où toutes les dimensions de la réalité, cosmique, politique, sociale, individuelle, se réfèrent les unes aux autres, la crise peut en effet se produire partout (sous forme de maladie, famine, rébellion, guerre, tempête, ténèbres, etc... ), et tout l'univers en sera affecté.
235
Ainsi les Egyptiens se sont d'abord préoccupés non de la course physique du soleil, mais de la signification du «tout», de la corrélation universelle des différentes régions de signification, de la cohésion significative du monde. L'auteur souligne que les Egyptiens ont fait l'expérience que cette cohésion était menacée, car c'est au travers d'expériences que se traduit une conviction profonde. C'est dit-il un «sens vécu», et non pas «conçu» (ASSMANN, opcit. p.l13). 4.6. La Maâtisation
Aussi pour triompher des ténèbres, des forces du mal qui entravent l'harmonie et la justice, dans le cosmos, le dieu soleil a t-il besoin de la MAAT. Comment le dieu soleil se maâtise t-il pour surmonter la crise permanente, pour triompher à tout moment d'Apopis, afin que le processus cosmique continue et que le monde reste stable ? Rappelons ici d'abord la définition de la maâtisation ou justification. «La justification, nous le savons maintenant, se fait par l'union entre l'être ustifié et la MAAT. Il faut se conformer à la MAAT se remplir de MAAT, se «maâtiser» afin de triompher des échecs de la vie terrestre, de la caducité et enfin de la mort même. (ASSMANN, Opcit, p.105) D'innombrables textes traitent de la maâtisation du dieu soleil. Il y est dit que Maât embrasse continuellement le dieu. Maât est présenté aussi comme la nourriture du dieu; lequel vit de Maât, et s'en abreuve. Jan ASSMANN cite par exemple ce texte du rituel héliopolitain qui exprime cette relation privilégiée du dieu soleil avec la Maât: (ASSMANN, opcit, p.107)
236
«O ! Rê, Seigneur de Maât, Qui vit de Maât, Qui jubile de Maât, Qui es parfait par Maât, Qui dure par Maât, Qui est loué par Maât, Qui persiste par Maât, Qui est puissant par Maât, Qui règne par Maât, Qui persévère par Maât, Qui est couronné par Maât, Qui se lève en Maât, Qui se couche en Maât, Qui s'est nourri de Maât, Qui s'est uni à Maât, u front duquel Maât s'est unie! O ! Rê persistant d'actions, arfait de projets, uste de coeur, qui établit la MAAT, en tout ce qu'il crée...!»
En Egypte ancienne, l'initiation subit une véritable mutation. De science de développement spirituel de l'être qu'elle était, elle s'identifie maintenant à l'objet de ce développement: la Nature Divine de l'Homme. C'est pourquoi la MAAT dont nous avions dit qu'elle était la version pharaonique de l'Initiation, est aussi perçue par les anciens Egyptiens comme la Force Vitale elle même dont l'imprégnation ou maâtisation, est capable de sanctifier le dieu soleil en personne comme dans le texte ci-dessus. Pourquoi une telle adéquation entre la science et sa finalité ? A notre avis, cela ne peut signifier qu'une chose. Après avoir pratiqué pendant des millénaires l'Initiation, les Egyptiens n'en avaient plus besoin. Car ils avaient si bien développé leurs capacités de réceptivité (écoute), comme l'affirme Jan ASSMANN, qu'ils pouvaient entrer instantanément en contact avec la Nature Divine. C'est pourquoi la MAAT de science de développement spirituel, se confond maintenant avec le Haut Idéal de ce Développement : DIEU Lui Même. D’où la très grande fascination que le pays des Pharaons exerce aujourd’hui encore sur l’Humanité. Les Grands Maîtres de l'Initiation savent en effet qu'à un
certain niveau d'élévation spirituelle l'initié n'a plus besoin de recourir
237
à des techniques ou à des formules. Tous ses désirs sont immédiatement exhaussés car fondés sur le désintéressement. Il devient réellement capable de commander à la nature. C'est ce qu'on entend par faire des miracles. Enfin, l'Etat pharaonique lui aussi a pour identité la MAAT. Selon Jan ASSMANN, pour les anciens Egyptiens: l'Etat est là pour que la MAAT soit réalisée. La MAAT doit être réalisée pour que le monde soit habitable. En effet, la naissance de l'Etat pharaonique est conceptualisée par un mythe fondateur que l'on retrouve gravé dans la plupart des temples de l ’ancienne Egypte. Il s’agit d'après J. ASSMANN d'un texte d'une portée canonique, Ce texte dont nous avons cité un extrait au début de cet ouvrage est divisé en trois parties. Seule la troisième partie nous intéresse ici: «Rê a installé le Roi sur la terre des vivants, à jamais et à toute éternité de sorte que qu'il juge les hommes et satisfasse les dieux, qu'il réalise Maât et anéantisse ISFET. il (le Roi) donne des sacrifices aux dieux et des offrandes funéraires aux morts immortalisés.» 1.
ASSMANN interprète ce texte de la manière suivante. Le Roi est installé sur Terre par Rê pour remplir une fonction définie, donc au titre d'un fonctionnaire responsable devant lui; la fonction du Roi consiste en la réalisation de la MAAT et l'anéantissement de ISFET (le Mal) 2. L'auteur souligne que l'on retrouve la même idée exprimée pour la première fois dans les textes des pyramides: «Le Roi y est décrit comme arrivant au ciel, après avoir mis la Maât à la place d'lsfet dans «l'île des flammes».
1-ASSMANN ; opcit, p.l17 2-IDEM
238
«L'Ile des Flammes», c'est le monde dans son état rudimentaire d'antagonisme et d'ambiguité. Le Roi a levé l'équivoque et l'a rendu habitable en plaçant MAAT à la place d'ISFET 1. Autrement dit la MAAT dépend du Roi pour être réalisée, le monde dépend de la MAAT pour être habitable. Nous interprétons quand à nous cette mission de Pharaon sur Terre par: «La réalisation du Royaume de Dieu ici bas». C'est ainsi que l'on peut qualifier sans ambiguïté d'après les données que nous avons examinées ci-dessus, le projet de société de l'Etat pharaonique. Pour mettre en oeuvre ce projet, les textes précisent que le rôle spécifique du Roi, est de réaliser la MAAT, alors que chaque Egyptien est tenu de faire la MAAT. Pour ce faire le Roi dispose d'une administration et d'une classe politique rigoureusement socialisée à la MAAT, dont les membres sont qualifiés de serviteurs ou prophètes de la MAAT. Nous savons que le Premier Ministre, le DJATY, était baptisé premier prophète de la MAAT. Dans l'exercice de leur fonction, les fonctionnaires et les hommes politiques avaient pour devoir de faire remonter la MAAT jusqu'au Pharaon. Faire la MAAT pour l'Egyptien ordinaire, comme on l'a vu signifiait poser des actes parfaits. Notamment, exprimer des pensées, des idées et des sentiments purs. Donc, se conformer dans sa conduite, au comportement du dieu soleil, dont la quintessence (c'est à dire Force Vitale), comme on le sait, est la MAAT.
1- ASSMANN, opcit. p.l16
239
Dans ces conditions, dans son essence même, l'Etat égyptien ne pouvait pas être un Etat oppresseur, mais un Etat libérateur, et même on le verra plus loin un Etat de droit, dans la mesure même où sa substance est la MAAT. On ne devrait plus interpréter la puissance de travail et la rigueur professionnelle des anciens Egyptiens, justifiées par la nécessité de réaliser des travaux colossaux à une époque où les machines n'existaient pas encore pour soulager le travail de l'homme, comme, la preuve du caractère autoritaire ou totalitaire de l'Etat pharaonique. L'Egyptologie moderne, a elle même reconnu contrairement à la propagande hollywoodienne, que l'Egypte était le seul pays de l'Antiquité à ne pas avoir un mode de production fondé sur l'esclavage: ni individuelle, ni collectif 1. Sur ce point, MARX s'est totalement fourvoyé. Il a confondu la capacité de mobilisation générale de l'Etat pharaonique, résultat d'une socialisation réussie à la MAAT, avec une réduction du peuple égyptien à l'esclavage collectif. Maintenant que la pensée de l'Egypte pharaonique est mieux connue, on constate que pour un Pharaon, l'esclavage devait être assimilable au concept d'ISFET: le mal absolu, dont il avait précisément la mission de combattre et de remplacer par la MAAT avant de s'en retourner vers le dieu soleil. Cette tâche, c'était tout simplement la construction du Royaume Divin sur la Terre. Pour les Pharaons, il ne s'agissait pas d'une tâche renvoyée à la fin de l'Histoire. Mais d'une urgence sociale, quotidienne.
JAQ (Ch.); «L'Egypte des Grands Pharaons» ; France Loisirs, Paris, 1991.
240
4.7. Qu'est ce que la MAAT ? En définitive, si Jan ASSMANN a le mérite d'avoir posé le problème de la MAAT sous le triple aspect de la définition, de la méthodologie et de la signification, nous avons néanmoins remarqué maintes fois, que sa démarche butait sur la question de l'objectivité. Ses préjugés sur la civilisation égyptienne ne lui ont pas permis d'accéder à la compréhension de ce phénomène dont il est pourtant le seul à notre connaissance à avoir abordé de manière globale et pertinente. Nous retiendrons dans l'argumentation de l'auteur deux jugements sur la pensée égyptienne qui sont irrecevables et qui méritent d'être discutés:
a)-Le premier qualifie la Maât de système d'interdépendance sociale.
b)-Le second postule l’absence du concept de religion chez les anciens Egytiens, ce qui permet à l'auteur de considérer la pensée égyptienne, comme une pensée archaïque par rapport au judaïsme et au christianisme. Il faut souligner que dans l'opinion de l'auteur, ces deux jugements sont de nature à retirer tout intérêt philosophique au concept même de MAAT dans l'histoire de la pensée humaine.
241
Le premier jugement porte sur la réalité sociale de la Maât: qu'est ce que la MAAT en tant que fait social ? L'auteur s'appuie sur une phrase qui revient systématiquement dans les textes égyptiens à propos des rapports sociaux et humains: «Agis pour celui qui agit». Pour lui, c'est là le signe que MAAT traduirait l'essence d'un système social fondé sur ce qu'il appelle «l'échange social balancé». D'après Marcel MAUSS, ce système placerait l'Homme dans la dépendance de l'Homme. Ainsi Maât ne met réellement en jeu que la stratégie et les enjeux sociaux. L'auteur affirme alors, que si l'Egyptien est prêt à sauver le misérable de la main du puissant, s'il distribue ses richesses aux pauvres, c'est uniquement pour se faire aimer. Mais lui même, n'est pas tenu d'aimer. C'est pourquoi selon lui, Maât n'implique pas la religion, qui place l'Homme dans l'intimité et la dépendance de Dieu, mais n'impliquerait que la dépendance de l'Homme en vers d'autres Hommes. Jan ASSMANN peut ainsi avancer sa grande conclusion: «Pour découvrir la religion (la dépendance de l'Homme à l'égard de Dieu), l fallait non seulement sortir de la MAAT, mais aussi de l'Egypte elle même. C'est ce que firent les Hébreux». Mais pour nous, cette thèse que l'auteur affiche triomphalement dans la conclusion de son livre, n'est qu'un profond préjugé, qui va rejoindre l'héritage déjà bien fourni de l'africanisme. Celui-ci s'explique à la fois par son ethnocentrisme colossal, sa mauvaise connaissance de la société égyptienne, donc africaine, et par l'inefficacité globale de sa méthodologie.
242
En effet, reposons ici tout simplement la question de savoir ce qu'est la MAAT au regard des informations que la littérature philosophique égyptienne, elle même, met à notre disposition ? Les Initiés égyptiens répondent à cela que MAAT est le KA de RÊ , c'est à dire, MAAT est la quintessence même du dieu soleil, sa Force Vitale, ce qu'on appelle aussi le soleil initiatique. Cette quintessence nous le savons maintenant, n'est rien moins que la Nature Divine. D'ailleurs les Egyptiens eux-mêmes opposent radicalement MAAT à ISFET. D'un côté le Bien, l'Intelligence cosmique, la Vérité et la Justice, de l'autre, le Mal absolu, et par extension la nature humaine. Jan ASSMANN n'a pas compris qu'en tant que FORCE VITALE, du dieu soleil, MAAT, était la quintessence de DIEU lui même, car la conception africaine de Dieu est à l'opposé de la conception abrahamique, Ici Dieu est la Force Vitale. Habité par la MAAT, l'Homme s'identifie à la Nature Divine elle même. Son comportement se fonde maintenant sur le désintéressement, la qualité fondamentale de DIEU, dont le soleil avions nous dit est la représentation physique la plus sublime et la plus grandiose. Là où Jan ASSMANN voit un quelconque échange balancé, se manifeste en réalité ce que Marcel MAUSS, n'a pas pu conceptualiser: le don, mais sans contre don. Les Africains ne considèrent pas la religion sous une forme passive: entrer dans la dépendance de Dieu. Mais toute leur civilisation est tendue vers l'identification à Dieu. La religion africaine et notamment la religion solaire qui est le plus pur prototype du monothéisme d’après FREUD, est u ne forme de relation dynamique à DIEU. C'est-à- dire la volonté de l’Homme de fusionner avec Dieu. Une manifestation de la volonté de l’Homme de s’identifi er à DIEU, et non seulement de lui être soumis. L’identification est du point de vue initiatique supérieure à la soumission, car en s’identifiant à Dieu on acquiert aussi ses qualités. Alors que la soumission expose à l’aveuglement, et fait courir le risque de poser des actes que l’on croit relever de la volonté divine alors qu’ils ne sont inspirés que par l’obscurantisme et la mauvaise
connaissance de la science divine. Là est la différence fondamentale entre la spiritualité africaine, et celle du monde abrahamique.
243
Peut-on continuer à soutenir que les Egyptiens ne connaissaient pas la nature de la religion et de Dieu Lui même ? Donnons ici la parole à Sigmund FREUD le père de la psychanalyse en personne, qui à ses heures perdues, a consenti à nous éclairer sur l'histoire du monothéisme: selon lui: « Les conquêtes de la XVIIIe dynastie ont fait de l'Egypte une puissance mondiale. Le nouvel impérialisme se reflète dans l'évolution des concepts religieux, dans le peuple tout entier (...) Sous l'influence des prêtres du dieu solaire d'On (Héliopolis)(…) surgit l'idée d'un dieu ATON , qui n'est plus le dieu d'un seul peuple et d'un seul pays, En la personne du jeune AMENHOTEP IV (Akhenaton), c'est un pharaon, aux yeux duquel l'intérêt pour le développement de l'idée divine prime tout, qui monte sur le trône. Il fait de la religion d'Aton la religion officielle et, grâce à lui, le dieu universel devient le dieu unique. (...) Avec une étonnante intuition des vues scientifiques ultérieures, il proclame que l'énergie solaire constitue la source de toute vie sur la terre et doit être adorée en tant que symbole du pouvoir divin, Il est fier de jouir de la création et sa propre vie dans Maât (Vérité et Justice)» (FREUD, Moïse et le monothéisme, 1948, pp.81-82)
«C'est là le premier et sans doute le plus pur cas de religion monothéiste dans l’histoire de l'humanité; (…) » (FREUD, opcit, p. 82.) « Si nous voulons bien admettre un moment que c’est à la puissance mondiale de l'empire des pharaons que fut due l'apparition de l'idée monothéiste, nous voyons que cette idée, arrachée à son sol, transplantée chez un autre peuple, fut, après une longue période de latence, adoptée par ce peuple, conservée par lui comme le bien le plus précieux tandis qu'elle lui permit de survivre en lui donnant la fierté de se croire un peuple élu (...) ». (FREUD, 1948, p.116) « (...) les particularités du monothéisme venu d'Egypte on dû agir sur le peuple juif, laisser à jamais une empreinte sur son caractère en l'incitant à rejeter la magie et le mysticisme et à progresser dans la spiritualité et dans la sublimation. Nous dirons comment ce peuple heureux de se croire en possession de la vérité, pleinement conscient du bonheur d'être élu, en vint à placer très haut les valeurs intellectuelles et éthiques et comment un triste destin, une décevante réalité ont accentué chez lui toutes ces tendances.» (FREUD, 1948, p. l16)
244
Posons maintenant la question de savoir qui a transmit le monothéisme aux Juifs ? (qui aux dires de FREUD est intégralement la religion solaire égyptienne) La Bible nous le dit elle même: c'est MOÏSE. Qui fût-il ? Selon FREUD, la sortie d'Egypte s'explique par une déception personnelle de MOISE, qui n'a pas supporté la répudiation du monothéisme, après la mort d’AKHENATON, dont-il était sans doute un des proches collaborateurs. Ces motifs sont ainsi radicalement opposés à ceux invoqués dans la Genèse. MOÏSE lui même n'a pu mener son action à bien que dans la mesure où, il était nécessairement Egyptien, haut fonctionnaire ou membre de l'aristocratie. FREUD montre en outre que, la légende, par ailleurs très répandue dans le monde antique, de l'abandon d'un nourrisson aux eaux d'un fleuve, montre très vite ses limites dans le cas égyptien, confrontée à la logique la plus élémentaire. A tout cela nous ajoutons, que si MOÏSE était bien Egyptien1 il y a de fortes chances pour qu'il fût aussi Noir. Autrement dit les Juifs contrairement à ce que ASSMANN affirme, ne sont pas sortis de la MAAT, en sortant d'Egypte, mais d'après FREUD, ils l'ont simplement routinisé, intériorisée comme un paradigme et intégrée à leur propre culture. Et c'est ce qui leur a permis de survivre et de durer en tant que peuple dans l’Histoire de l'humanité. Ainsi la MAAT, pensée africaine par excellence est aussi le socle spirituel du monde abrahamique. Contre toute attente, Israël a ainsi non seulement hérité de la totalité de la spiritualité africaine, mais, s’avère être le peuple le plus proche spirituellement de l’Afrique Noire, à travers l’héritage spirituel de l’Egypte pharaonique. Ainsi, la MAAT, cette pensée mystérieuse, qui aura traversé les millénaires, en se réincarnant à la manière hégélienne à travers l’Afrique, Israël , et l’Occident, se prépare à réinvestir la pensée humaine, pour déclencher une révolution paradigmatique capable de sortir définitivement l'humanité de la Modernité, c'est à dire, sortir la société humaine de la primitivité mentale, en revenant à son point de départ, l’Afrique Noire. 1-ASSMANN (J); « Moïse, l'Egyptien. Un essai d'histoire de la mémoire » ; Aubier, Paris, 2001.
245 CHAPITRE IV
LA CRISE DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE MODERNE ET LA REVOLUTION PARADIGMATIQUE INITIATIQUE
Dans le tome IV de cet ouvrage nous montrerons que la Modernité en tant qu'époque historique et contenu culturel de cette époque, caractérisée par le triomphe de la Raison dans tous les domaines de l'activité humaine, était parvenue au bout de son développement à entrer en contradiction avec sa propre logique. On peut alors postuler, qu'elle a certainement épuisé toutes ses ressources culturelles, et toute son énergie mentale. Ainsi sur le plan politique par exemple, la différenciation de l'Etat (considéré comme expression de la raison naturelle) est-elle aujourd'hui contestée. Sur le plan social, l'individualisme, idéologie de la société moderne, dont la justification était la rationalisation du comportement des acteurs sociaux, n'a eu pour résultat que d'enkyster leur Moi dans un égocentrisme pathologique, qui a fermé la conscience de l'homme moderne aux manifestations de sa Nature Divine. Sur le plan économique, le néo-libéralisme, malgré sa domination totale sur toute l'étendue de l'époque actuelle, ce qui a fait croire à certains que la fin de l'Histoire était arrivée, maintient toute l'humanité, dans la préhistoire de la société humaine, c'est à dire dans la primitivité psychologique. Donc, si jamais la Modernité a eu un jour sa légitimité historique, il nous faut constater que, celle-ci a atteint maintenant son niveau d'incompétente. Aussi la critique de la modernité est-elle désormais ouverte dans tous les domaines. Nous tentons de l'approfondir ici sur le plan scientifique, d'après les prémisses que nous avons posées plus haut.
246
1- MECANISMES DE PRODUCTION DE LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE
Le contenu actuel de la pensée scientifique, auquel les savants du monde entier adhèrent, vient des Temps Modernes, qui ont consacré la rupture avec la pensée du Moyen Age: la scolastique, et promu la Renaissance, comme retour à l'Antiquité savante, d'où le triomphe de la Raison comme matrice de la connaissance. La Raison est réputée se caractériser par sa réflexivité. C'est à dire par son autonomie, par rapport à Dieu et à toutes les déterminations extérieures à elle. 1.1. Le processus de la connaissance scientifique
Pour comprendre comment l'esprit humain accède à la connaissance scientifique, il nous faut ici, reconstruire le processus d'acquisition de ce type de connaissance. 1.1.1. Les facteurs de la Connaissance scientifique: L’intelligence logique et l'atten tion
L'être humain doit mobiliser un certain nombre de facteurs mentaux pour être en mesure d'accéder à la connaissance scientifique: l'intelligence, l'attention, la volonté, la mémoire, la conscience, etc... Nous n'examinons ici que les deux premiers facteurs qui sont déterminants dans le déclenchement de «l'énergie spirituelle» 1.
1-BERGSON (H); « L'énergie spirituelle » ; PUF, coll. Quadrige, Parisis 1958.
247
A)-L'Intelligence logique
La connaissance en générale, et la connaissance scientifique en particulier, est l'oeuvre de l'intelligence humaine 1. Le propre de l'intelligence humaine est de saisir les rapports, donc l'intelligible, en vue d'une connaissance désintéressée du vrai. Mais chez l'Homme, l'intelligence semble avoir été pratique (ou plutôt pragmatique) avant de devenir désintéressée. Avant d'être l'Homme pensant, l’homo sapiens, l’être humain fut d' abord l ’homme artisan, l’homo-faber. L'intelligence envisagée dans sa démarche originelle nous dit BERGSON, est une faculté fabricatrice. Elle se manifeste dès l'apparition de l'Homme par la fabrication des outils. En effet lorsqu'il s'agit de L'Homme au contraire des autres animaux, l'adaptation au milieu n'est plus une simple interaction milieu-organisme, mais il s'agit d'une adaptation offensive. C'est à dire l'Homme ne s'adapte plus seulement au milieu, mais il s'adapte le milieu, en le transformant par le travail et par la technique.
1-Voir CUVILLIER (A) ; « Précis de philosophie » ; Colin, Paris, 1954, p.13. Nous lui empruntons ici et plus loin, les notions de base sur le processus de production de la connaissance. Comme il ressort de la démarche de cette recherche, nous prenons les idées et les opinions exprimées sur un sujet donné, là où elles sont exposées le plus clairement possible, cela nous permet de créer les conditions d'une rupture paradigmatique, qui est l'intention fondamentale de notre argumentation dans cet ouvrage.
248
Un outil en effet n'est plus un simple instrument, comme le bâton utilisé par le chimpanzé: c'est un instrument fabriqué ou tout au moins transformé, façonné, consciemment adapté à une fin déterminée, et cela non plus occasionnellement en vue d'un emploi particulier, mais en vue d'un usage général. Or ceci suppose déjà tout un système de rapports clairement pensés indépendamment d'une situation particulière. L'outil est ainsi sur le chemin du jugement et du concept. Mais, il ne résulte guère de là que, ces fins pratiques constituent comme l'a soutenu BERGSON, la démarche essentielle de l'intelligence. Ce sont là uniquement ses origines, son éveil. L'essence de l'intelligence qui est à l'origine de l'activité scientifique, se ramène à la capacité de l'homme à prendre conscience des rapports entre les faits. L'étape de la prise de conscience selon PIAGET1 , représente un véritable décalage des représentations mentales, qui sont alors transposées du plan de la simple action sur le plan de la pensée proprement dite, celle-ci étant associée au langage. Ainsi, prendre conscience d'une opération, c'est la faire passer du plan de l'action à celui du langage, c'est donc la réinventer en imagination pour pouvoir l'exprimer en mots. Là est la différence entre l'intelligence pratique et l'intelligence logique.
1-PIAGET (J) « Psychologie de l'intelligence » ; A. Colin, Paris, 1947.
249
C'est cette dernière qui est à la base du travail scientifique. En quoi consiste t-elle ? Pour répondre à cette question il est utile de se demander ce que l'on veut faire entendre lorsqu'on dit d'une personne qu'elle est intelligente. Cela signifie deux choses: -Etre intelligent, c'est d'abord comprendre; et comprendre, c'est précisément prendre conscience de certains rapports entre les choses. On verra que la faculté qui nous permet de prendre conscience des rapports n'est autre que le jugement. -Etre intelligent, c'est aussi être en mesure de se tirer d'affaire dans une difficulté, de résoudre un problème (pratique ou théorique), de faire face à une situation nouvelle. En somme c'est découvrir des rapports, c'est être capable d'invention. Ainsi tout acte d'intelligence se caractérise par une compréhension de relations entre les éléments de ce qui est donné et une invention de ce qui est à faire, étant donné ces relations pour sortir d'une difficulté et réaliser les fins proposées à l'activité. Donc étudier l'intelligence, revient à étudier α)
-
α
)
l
-
e
L
j
e
u
g
j
u
e
g
m
e
e
m
n
t
e
e
n
t
t
β
)
-
l
'
i
n
v
e
n
t
i
o
n
.
Pour la pensée scientifique, et d'après KANT, penser c'est juger. En effet, les logiciens ont défini le jugement, l'assertion: (affirmation ou négation) d'un rapport entre deux idées. Dire que: «le chien est un mammifère», c'est établir un rapport entre l'idée de «chien» et l'idée de «mammifère ».
250
Le discernement du rapport exige cependant le discernement des deux termes entre lesquels il est établi, donc une dissociation des éléments de la perception concrète. La pensée analytique, celle qui distingue, qui dissocie, qui classe, est la condition première du jugement. Mais pour que le rapport soit aperçu, il faut aussi que les deux termes, préalablement dissociés, soient rapprochés l'un de l'autre, unis par un acte propre de l'esprit.De quoi s'agitil ? La vraie nature du jugement c'est d'être une prise de conscience du rapport pensé pour lui même, en tant que rapport 1. Cette prise de conscience suppose que les deux termes du rapport ont été clairement distingués: c'est pourquoi le jugement suppose d'abord une activité de dissociation ou d'analyse. Mais il faut ensuite que ces deux termes soient pensés ensemble. Ceci suppose une activité de l'esprit capable de maintenir les deux termes simultanément présents à la conscience. Cependant le jugement n'est pas seulement conception du rapport; il est aussi assertion, c'est à dire adhésion de l'esprit à ce rapport: croyance. Lorsque cette croyance n'est que partielle, elle engendre l'opinion; lorsqu'elle est complète, lorsque nous adhérons avec l'âme tout entière, c'est la certitude. Ainsi la croyance consciente doit être distinguée de la crédulité spontanée (celle de l'enfant au de l'Homme sans culture), qui n'est qu'acceptation passive, et qu'elle se constitue même en opposition avec celle-ci.
1-DEWEY (J) ; « Logique. Théorie de l'enquête »; PUF, Paris, 1993,
251
En ce sens, l'affirmation explicite suppose comme condition préalable, la capacité de concevoir l'hypothèse contraire, donc de nier, à titre provisoire, le jugement jusque là accepté, en un mot: formuler un doute critique. Cet esprit critique qui se ramène en fait, au besoin de preuve et qu'il ne faut pas confondre avec l'esprit de critique, constitue comme on le verra un des éléments essentiels de l'esprit scientifique. Se pose enfin la question de savoir de quoi est fait la croyance ? Relève telle des seuls éléments intellectuels (force de l'image, clarté de l'idée), ou bien des éléments affectifs et actifs (sentiments, tendances, désirs), ou bien enfin de la volonté ? La plupart de nos jugements courants mettent en jeu nos sentiments et nos tendances au moins autant que notre intelligence: nous avons toujours une forte propension à croire ce que nous désirons. Mais dans l'ordre des jugements objectifs et scientifiques, nos préférences intimes n'ontplus guère d'influence1 ; les éléments intellectuels prédominent, mais toujours sous forme synthétiques 2; sauf dans le cas des axiomes logiques. Ce n'est pas la clarté, l'évidence intrinsèque du rapport lui même qui nous le fait admettre, mais bien sa cohérence avec tout un système d'autres jugements (par exemple, pour un théorème, cohérence avec toutes les autres propositions dont il résulte, cohérence interne des arguments qui constituent sa démonstration) 3.
1-CAVAILLES (J) ; « Logique et la théorie de la science » ; Puf, Paris, 1947. 2-RUSSEL (B) ; « Signification et vérité » ; Flammarion, Paris 1959. 3-BLANCHE (R) ; « L'axiomatique » ; Puf, coll. Quadrige, Paris, 1990.
252
C'est pourquoi même en ce cas la volonté joue un rôle dans la croyance : cette cohérence ne peut être en effet être saisie que grâce à un effort de l'esprit qui nous fait concevoir à la fois l'ensemble de tous ces rapports, et ici cet effort se ramène, en somme, à l'attention. Au total, c'est à une double fonction d'analyse ou de dissociation d'une part, de synthèse ou d'attention, d'autre part, que se ramènent le discernement et la prise de conscience des rapports. β
)
-
L
’
I
n
v
e
n
t
i
o
n
ou découverte scientifique
L'invention (ou découverte) est le second versant de l'intelligence logique. L'esprit humain est généralement prisonnier des rapports anciens qui en vertu d'une loi qu'on appelle la «loi de la rédintégration» , tendent toujours à se reconstituer tels quels dans la pensée. De là une tendance à retomber toujours dans les mêmes combinaisons d'idées, de formules, de gestes. Or l'esprit d'invention s'oppose précisément à cette inertie. La découverte de rapports nouveaux suppose d'abord que l'esprit soit capable de briser les systèmes anciens, de se libérer des liaisons préétablies: le premier travail de l'inventeur consiste à dissoudre ces groupements familiers, ces routines obsédantes. La puissance de l'invention se mesure d'abord à la puissance de dissolution, qui libère l'esprit. C'est pourquoi l'inventeur doit exercer à l'infini son imagination intellectuelle, cultiver l'art de la dialectique dissolvante, s'amuser aux fictions qui font voir les choses les plus communes sous un jour inattendu, ne pas dédaigner même le jeu du paradoxe, tout cela pour s'affranchir de la tyrannie du tout fait.
253
C'est la raison pour laquelle, même dans le domaine scientifique, la découverte suscite toujours, dans la mesure même où elle est novatrice, des réactions hostiles: dans tous les domaines, les inventeurs sont le plus souvent tournés en ridicule ou bien condamnés au nom du bon sens, de la morale ou de la tradition. Il ressort de tout cela que l'esprit critique ou d’analyse considéré comme destructeur, est la condition de l ’esprit d'invention ou de découverte, perçu comme constructeur. En quoi consiste exactement la découverte scientifique ? D'après le témoignage des savants sur leur propre expérience de la découverte ou de l'invention, celle-ci serait un acte proprement intellectuel. Elle se ramène à l'usage de la pensée analogique, elle implique l'aptitude à saisir des rapports imprévus. Le don d'invention, dit le physicien Louis de BROGLIE1 , est une sorte de flair qui permet d'apercevoir d'un seul coup, souvent comme une sorte d'illumination, des relations plus ou moins cachées entre certains problèmes ou certaines difficultés. C'est dans le même sens que AMPERE2 définissait le génie, la faculté d'apercevoir des rapports et qu'Henri qu 'Henri POINCARE3 disait: Ce que le vrai physicien seul sait voir, c'est le lien qui unit plusieurs faits dont l'analogie est profonde, mais cachée. Il semble alors, que cette aptitude à opérer des rapprochements, à saisir des relations, rappelle une forme de cette puissance de synthèse qu'on a vu ci-dessus, sous une forme plus modeste, dans le jugement.
1-BROGLIE (L, de) ; « Savants et découvertes » ; Albin Michel, Paris 1963. 2-AMPERE, cité par CUVILLIER (A) ; opcit, p.24 3-POINCARE (H) ; « La science et l'hypothèse l'hypothèse » ; Flammarion, Paris, 1968,
254
Ainsi l'intuition inventive n'est rien d'autre qu'une sorte «d'anticipation rapide de ce qui n'est pas encore discursif» 1 , une vue instantanée et souvent un peu confuse de ce qui se développera plus tard en rapports clairement et distinctement pensés. Du point de vue positif, une telle intuition n'a rien de mystérieux: loin de s'opposer à l'intelligence, c'en est une des formes. Selon E. ESCLANGON, l'intuition est l'intelligence de l'inconscient qui travaille dans les profondeurs obscures de la pensée. Lorsqu'elles sont mûres pour l'éclosion, ses créations viennent émerger brusquement à la lumière du conscient c onscient qui s'en empare, les examine, les dépouille de leur gangue, les soumet à son esprit critique, en poursuit le développement si l'examen est favorable, les refoule dans le cas contraire vers leur source en vue de nouvelles gestations et de nouveaux jaillissements 2.
1-LE ROY (Ed.) « La pensée intuitive » 2tomes, 2tomes, Boivin, Paris 1930. 1930. 2-ESCLANGON, cité dans A, CUVILLIER ; opcit, p.25
255
B-L'attention
A ce premier facteur de la connaissance qu'est l'intelligence logique, nous ajoutons un second facteur, comme condition de la connaissance scientifique: l'attention. L'attention est le facteur fondamental de la vie psychologique de l'être humain, et donc par conséquent de l'activité intellectuelle. Nous avons déjà vu plus haut, qu'elle est aussi à la base du travail initiatique. On peut la définir comme une adaptation motrice et mentale à un objet donné. Adaptation motrice: parce que l'attention s'accompagne d'un comportement caractérisé et de réactions physiologiques caractéristiques: inhibition des mouvements, attitude «en arrêt», contraction du muscle frontal; modifications dans le rythme de la respiration; afflux du sang au cerveau; et surtout adaptation des organes de sens (par exemple fixation du regard, accommodation et convergence des yeux, etc. » Adaptation mentale: car en un sens l'attention est selon RIBOT 1 un «monoïdéisme»; l'esprit se ferme aux perceptions ou aux idées étrangères et se concentre sur un objet unique (il est difficile de faire attention simultanément à plusieurs choses à la fois); mais, en un autre sens l'attention est aussi un «polyïdéisme». Loin de s'absorber en un état unique (ni la fascination ni l'idée fixe ne sont l'attention), l'esprit s'enrichit d'une multitude d'idées en rapport avec l'idée centrale, perçoit de nouveaux détails, saisit de rapports nouveaux.
1-RIBOT (Th.) ; « Psychologie de l'attention » ; Alcan, Paris 1889.
256
L'unité mentale, dans l'attention, n'est donc pas une unité en quelque sorte arithmétique; c'est une unité de composition, un état de synthèse. L'attention apparaît donc comme un effort qui consiste à dominer les impressions reçues du monde extérieur. C'est l'attitude de l'esprit maître de soi et non à la merci des excitations étrangères. C'est pourquoi elle va souvent à l'encontre de la sensation la plus forte. On distingue différentes formes de l'attention: d'après son objet (ce à quoi l'on fait attention) et d'après ses facteurs déterminants (pourquoi on fait attention). Il en résulte deux formes principales de l'attention: l’attention l ’attention spontanée et l'attention volontaire. L'attention spontanée, est celle provoquée par l'intérêt que nous portons à une chose ou à une idée. La source de l'attention ici se trouve dans l'objet, parce qu'il répond en nous à certaines tendances, à certains goûts, à certaines préoccupations. L'attention volontaire vient se greffer sur l'attention spontanée. Elle s'accompagne au moins au début, d'un effort pour fixer notre esprit sur un sujet ou un spectacle qui ne nous intéressent pas par eux mêmes. C'est cette dernière forme d'attention qui constitue l'attention proprement dite. On remarquera que cet intérêt indirect qui la caractérise, est superposé à l'intérêt naturel de l'attention spontanée par l’éducation. l ’éducation. Ainsi l'attention qu’individuelle.
volontaire
est
donc
d’origine
sociale
plutôt
257
On peut affirmer alors, que l'attention volontaire s'oppose à l'attention spontanée. Tandis que celle-ci demeure au service de nos instincts naturels, de nos tendances individuelles, l'attention volontaire les refoule au contraire, leur impose une contrainte en raison d'impératifs sociaux. Tandis que l'attention spontanée est provoquée par un objet présent, qui sollicite actuellement notre esprit, l'attention volontaire anticipe sur l'avenir: elle implique une attitude «préparante» de l'esprit qui consiste en une préperception, c'est à dire une représentation qui soit tantôt une image anticipée, tantôt une hypothèse relative à la signification de ce qu'on va percevoir. Il s'agit selon BERGSON 1 , en somme d'un schéma dynamique qui est un mouvement de l'esprit, une projection excentrique d'images qui descendent vers la perception. Dans l'attention intellectuelle, le schéma dynamique consiste plutôt en prénotions qu'en préperceptions: nous évoquons, non plus des images, mais des idées en rapport (ou que nous croyons en rapport) avec le travail que nous allons faire, ou par exemple la conférence que nous allons écouter. D'où viennent ces représentations anticipées ? Evidemment de notre propre fond, de notre mémoire, de notre acquis intellectuel. L'attention volontaire consiste donc, en définitive, à faire appel à toutes nos ressources mentales, à rassembler tout notre « bagage » intellectuel: elle est en définitive une forme de cette activité de synthèse dont nous avons reconnu l'importance plus haut.
1-BERGSON (H) ; « L'effort intellectuel » ; in «L'Energie spirituelle » ; opcit.
258
Ainsi définie, l'attention, nous permet de comprendre en quoi consiste l'effort intellectuel, non qu'elle se confonde absolument avec celui-ci: car une fois établie, consolidée, elle ne demande plus d'effort. Elle n'en est pas moins le type même de cet effort; car toutes les autres formes de l'effort intellectuel: effort de remémoration, effort d'invention etc. la supposent, et l'effort de volonté lui même s'y ramène. Ainsi l'effort d'attention est enfin de compte un effort de l'esprit d'une part pour écarter les représentations étrangères et importunes, d'autre part pour réaliser cette synthèse des préperceptions et des prénotions que nous venons d'évoquer. En définitive, l'attention joue un rôle capital dans toute la vie psychologique de l'Homme. D'abord dans la vie intellectuelle. On a vu que l'intelligence consistait essentiellement à saisir des rapports, et nous avons vu que ce discernement des rapports n'est possible que par un acte synthétique de l'esprit qui maintient simultanément présent à l'esprit les termes de ces rapports. Nous savons maintenant que cet acte synthétique n'est autre que l'attention, et celle-ci se trouve ainsi être la condition de toutes nos opérations intellectuelles, dont le jugement est la base. Mais elle est en même temps la condition de la croyance consciente d'elle même. Car celle-ci suppose un doute critique préalable, une suspension provisoire du jugement. Or ainsi que l'a remarqué MALEBRANCHE : «Si nous n'étions nullement les maîtres de notre attention, nous ne pourrions pas même suspendre notre consentement, puisque nous n'aurions pas le pouvoir de considérer les raisons qui peuvent nous porter à le suspendre» 1.
1-MALEBRANCHE (N) ; « De la recherche de la vérité » Tome I, Vrin, Paris 1962.
259
Dans la vie morale, la même activité de synthèse commande l'ordre de nos décisions pratiques aussi bien que celui de nos jugements théoriques: elle est donc la condition de l'acte volontaire comme de nos opérations intellectuelles et, par suite la condition de notre vie morale dans son ensemble. Elle est aussi, par le fait même, la condition de notre liberté. En effet comme le dit encore MALEBRANCHE: la liberté n'est rien d'autre que le pouvoir de disposer de notre attention. C'est ce pouvoir qui q ui nous empêche en effet de céder à la première apparence de bien que peut nous suggérer le désir ou la passion et qui nous permet, au contraire, de nous attacher au vrai bien, de sorte que sans l'attention, «nous serions point libres, ni en état de mériter»1. Enfin on peut soutenir que l'attention est la condition de toute vie spirituelle digne de ce nom. MALEBRANCHE écrivait que «l'attention de l'esprit est une prière naturelle, par laquelle nous obtenons que la raison nous éclaire» 2. L'attention en effet, est au sens strict du mot, un recueillement, un
acte par lequel l'esprit descend en lui même, se replie sur soi et puise en ses propres ressources pour s'arracher à l'esclavage des impressions extérieures ou à celui des tendances spontanées, instinctives, qui, tant qu'elles ne sont pas réfléchies, ne sont encore que des forces de la nature. C'est donc l'acte par lequel il entre vraiment en possession de lui même et s'affirme comme autonomie spirituelle.
1- MALEBRANCHE MALEBRANCHE opcit, p.36 2-MALEBRANCHE (N); « Entretiens sur la métaphysique » ; 2tomes, Vrin, Paris, 1688.
260
1.1.2. L'accès à la connaissance: L'intuition, le raisonnement et la logique
La pensée utilise deux procédés spécifiques pour accéder à la connaissance positive: l'intuition et le raisonnement. La logique apparaîtra dans ce contexte, comme la science du raisonnement correct. a)-L'intuition
Du latin: intuiri , voir, contempler. La pensée intuitive, semble saisir son objet par une sorte de vue directe, d'appréhension immédiate. Certains philosophes ont pu ainsi attribuer à l'intuition une très grande importance et une très grande valeur, en la considérant au sein de la science comme le seul procédé fécond et au delà de la science comme le seul capable d'atteindre l'objet de la métaphysique, l’absolu , l'être en soi1. On peut dénombrer au moins quatre types d'intuition: psychologique, sensible, intellectuelle, et métaphysique. Un seul type d'intuition seulement représente un intérêt immédiat pour la connaissance positive, c'est à dire objective et fondée sur les faits. Il s'agit de l'intuition intellectuelle. L'intuition intellectuelle se caractérise par rapport aux autres types d'intuitions, par sa capacité à nous faire saisir des rapports. Elle peut donc être considérée comme une connaissance au sens scientifique du terme. Cette intuition se subdivise elle même en deux formes différentes: l'intuition d'invention et l'intuition d'évidence.
1-HUSSERL (E) ; « Logique formelle et logique transcendantale » ; Puf, paris, 1966.
261
L'intuition d'invention que nous avons étudiée ci-dessus, consiste dans le fait de d'effectuer une découverte grâce à un trait de lumière soudain, donnant ainsi au savant le sentiment d'avoir trouvé: c'est le fameux «eurêka» d'Archimède. Elle apparaît donc comme une anticipation de la pensée claire, représentée dans la science par le raisonnement. Elle constitue une aperception rapide des rapports. Dans tous les cas, cette intuition joue un rôle essentiel et très fécond dans la science, puisqu'elle est à la source de presque toutes les découvertes. Cependant elle ne suffit jamais en tant que telle, elle nécessite la preuve obtenue par le raisonnement et l'argumentation. Quant à l'intuition d'évidence, elle intervient après le travail de la pensée discursive: le raisonnement. Son rôle est de nous faire saisir sans aucun doute possible, la clarté d'une idée ou encore la vérité et même la nécessité logique d'un axiome mathématique, ou enfin celui de nous faire saisir synthétiquement la liaison logique des différentes articulations d'un raisonnement. Dans ce dernier cas, on peut invoquer la recommandation de DESCARTES1 (règles pour la direction de l'esprit, n° XI), où il est question d'une intuition récapitulative qui nous fait apercevoir d'un seul coup d'oeil (uno intuito disait-il) , le rapport ou l'ensemble des rapports précédemment établis par la pensée analytique et le raisonnement. C'est pourquoi il recommandait de parcourir d'un mouvement continu de l'esprit et sans interruption de la pensée, la suite des arguments d'une démonstration jusqu'à ce qu'on les aperçoive tous à la fois comme les anneaux d'une seule et unique chaîne.
1-DESCARTES (R); « Règles pour la direction de l'esprit »; Gallimard, coll. La pléiade, Paris, 1953.
262
Le rôle de l'intuition d'évidence est donc de résumer et de récapituler les démarches successives du raisonnement, afin de les apercevoir comme en un tableau, en une vue unique de l'esprit. Ainsi cette intuition d'ordre intellectuel qui parachève l'oeuvre du raisonnement, suppose préalablement la pensée discursive. Elle est même, en un sens, immanente à celle-ci: car celle-ci suppose l'aperception des liens logiques qui en unissent les différentes articulations. b)-Le raisonnement
S'il est vrai que c'est par l'intuition que l'on trouve, c'est bien par le raisonnement que l'on prouve. Or prouver, c'est intégrer la proposition à prouver dans un système intellectuel, qui ne soit plus un simple donné, mais qui soit compénétrable à l'esprit, parce que, partiellement au moins construit par lui, et qui devienne de ce fait de l'intelligible. Le raisonnement 1 est une forme de pensée, qui procède par démarches successives en passant par différents intermédiaires que sont les concepts. Par rapport à l'intuition, il s'agit d'une connaissance médiate, indirecte. C'est ce que signifie l'idée de pensée discursive. Les logiciens ont distingué un certain nombre de formes de raisonnement. L'efficacité et la valeur du raisonnement leur apparaissent comme étant fonction de la capacité de chaque forme de raisonnement à utiliser l'élément intermédiaire qu'est le concept 2 , et qui confère au raisonnement une grande fécondité 3.
1-Voir GOBLOT (E) ; « Traité de logique » ; Armand Colin, Paris, 1962, pp.263-266. 2-GOBLOT, opcit, pp.102-110 3-Voir aussi KANT (E) ; « Critique de la Raison Pure » ; Vrin, Paris 1963, pp.87-89
263
Il est donc nécessaire de définir le concept avant d'exposer les principaux types de raisonnement. α )-Le concept
Est une idée abstraite et générale, que l'esprit substitue aux choses sensibles pour les rendre intelligibles. Car, d'après GOBLOT, l'esprit pense par concepts et non par images. En effet, on n’explique pas le particulier par du particulier, toute explication met en jeu certains rapports généraux qui sont le fondement à la fois de notre intelligence de la nature et de notre action sur elle. ARISTOTE a pu ainsi dire, «Il n' y a de science que de ce qui est énéral», Pour KANT, les concepts reposent sur des fonctions, et par fonction il entend: l'unité de l'acte qui range diverses représentations sous une représentation commune. Ce qui veut dire que poser un concept, c'est formuler une sorte de loi générale de tout un groupe d'êtres ou d'objets mentaux. Dans ce cas le jugement est donc la connaissance médiate d'un objet, par conséquent la représentation d'une représentation de cet objet. C'est de cette généralité du concept qui transcende les cas particuliers, que le raisonnement va tirer sa fécondité. Donc le raisonnement est une reconstruction à l'aide de concepts, de ce qui est donné dans l'intuition sous forme d'expérience vécue. C'est une rationalisation, une élévation au niveau de l'intelligible de ce qui n'était que senti, éprouvé ou pressenti à travers l'intuition.
264
β la déduction )
-
C’est la forme logique la plus parfaite de cette reconstruction, car elle est effectuée avec de purs concepts, d'où une certitude plus grande. La déduction est le raisonnement qui va des principes à la conséquence. On entend par conséquence la conclusion logiquement nécessaire (GOBLOT, 1952, pp.253-255). On donne généralement comme type de la déduction le syllogisme. Mais il existe d'autres types de déduction, comme la déduction constructive en mathématiques. Le syllogisme est un raisonnement déductif formé de trois propositions et tel que la troisième, appelée conclusion, est logiquement contenue dans l'ensemble des deux premières, appelées prémisses. Il s'agit ici d'une nécessité analytique, c'est à dire où le raisonnement se borne à tirer des prémisses une conclusion qui s'y trouve déjà implicitement. Prenons un exemple de syllogisme: «Les maladies infectieuses sont contagieuses. Or la scarlatine est une maladie contagieuse. Donc la scarlatine est contagieuse.» L'analyse du mécanisme psychologique d'un tel raisonnement fait apparaître une réponse à une question posée: la scarlatine est-elle contagieuse ? Pour y répondre, l'esprit cherche un terme intermédiaire, un «moyen terme», d'après la terminologie des logiciens, et ce moyen terme est comme an l'a vu cidessus un concept: c'est ici la notion générale de «maladies infectieuse», or ce concept est comme il l'a été dit, un système de rapports: il est fait de toutes les notions apportées par PASTEUR sur les maladies microbiennes, de celle des bactéries pathogènes qui sont les agents spécifiques de ces maladies, celle des toxines qu'elles sécrètent dans l'organisme, etc. Et c'est la portée générale de ce concept qui permet d'appliquer à un cas particulier ce qui est vraie universellement de ce type de maladies.
265 λ
)
1 -
L
'
I
n
d
u
c
t
i
o
n
Est un autre type de raisonnement aujourd'hui couramment utilisé, notamment dans les sciences expérimentales. Elle est dite amplifiante, car elle consiste à affirmer au delà de ce qui est constaté, à dire plus que ce nous n'avons vu. Ici, la pensée discursive devient un procédé qui va des faits à la loi. Donc l'inverse de la déduction. Ainsi d'un certains nombre d'observations ou d'expériences on abouti à la conséquence, ou la formulation d'une loi. On constate alors que la loi est un rapport non pas tant entre les faits acceptés dans leur complexité concrètes qu'entre certains éléments intelligibles, nettement définissables, abstraits des faits, et qui sont les concepts. Toute l'oeuvre de la science expérimentale consiste ainsi à abstraire du réel de tels éléments et aboutir à une conceptualisation de la nature, afin de mettre de l'intelligible à la place du sensible et à déterminer mathématiquement les liaisons entre ces éléments intelligibles. Il s'agit donc d' «un ensemble complexes de procédés où entrent à la fois constations empiriques, mesures, déterminations de concepts et ajustage de ces concepts au réel, raisonnements et même déductions, etc. C'est comme l'a dit P. JANET, une conduite caractérisée par un va et vient perpétuel entre le fait et l'idée» 2. Pour Karl POPPER3 , l'induction est par excellence le type du raisonnement scientifique. Le seul capable de conduire à découverte des lois. Pourtant du point de vue logique l'induction apparaît après coup, comme un faux raisonnement car, passer de l'observation de quelques faits à l'affirmation d'une loi générale c'est conclure de quelques uns à tous. C'est donc commettre une faute logique.
1-Voir ARISTOTE; « Premiers Analytiques » ; Vrin, Paris, 1966, pp.312-314 2-tiré dans CUVILLIER, opcit, p.43, 3-POPPER (K, R); « La logique de la découverte scientifique »; Payot, Paris 1970.
266
δ
)
-
L
'
a
n
a
l
o
g
i
e
Est enfin le dernier type de «raisonnement» identifié par les logiciens. Ceux-ci, cependant ne lui reconnaissent pas une grande valeur discursive. On peut néanmoins y voir avec COURNOT, «un procédé de l'esprit qui s'élève, par l'observation des rapports, à la raison de ces rapports», DOROLLE1 à son tour y voit un procédé très général de la pensée qui se trouverait à la base de la formation des concepts. L'étymologie de ce mot, analogie, nous renvoie aux mathématiciens grecs de l'antiquité, tel EUCLIDE, qui avaient baptisé analogie, la proportion mathématique. C'est à dire: répétition (ana) d'un rapport (logos) identique. Donc raisonner par analogie, c'était alors, étant donné par exemple deux nombres, en déterminer un troisième qui présente avec l'un d'eux le même rapport que ces deux nombres présentent entre eux. Tel quel ce raisonnement était rigoureux. Mais aujourd'hui, sauf exception le mot analogie a complètement perdu ce sens: il ne désigne plus que des ressemblances qualitatives. Le «raisonnement par analogie» serait alors celui qui consiste à «passer d'un cas particulier à un autre cas particulier pour conclure à une ressemblance constatée dans les deux cas à une ressemblance non constatée dans le second.» (CUVILLIER, 1954, p.44) Mais si l'analogie n'est pas un raisonnement au sens logique du terme, mais une association mentale, et si la preuve par analogie est, par suite toujours indécise, il est très vrai que l'analogie joue un rôle important dans la pensée qui se cherche. On déjà aperçu son rôle dans l'invention.
1-COROLLE (M) ; « Le raisonnement par analogie » ; Puf, Paris, 1949
267
Et nous avons souligné son importance fondamentale dans la découverte des grandes théories. Ces trois types de raisonnement que nous venons d'exposer sont les outils principaux d'accès à la connaissance d'après les logiciens. Leur valeur individuelle par rapport à la logique est inégale. Si la déduction est le raisonnement logique par excellence, qui démontre réellement ses conclusions, l'induction est par contre considérée comme un faux raisonnement alors que l'analogie n'a pour ainsi dire aucune valeur discursive. Car le raisonnement est un procédé employé pour justifier une proposition. Une proposition étant un jugement représenté par son expression verbale. Justifier une proposition c'est la rattacher à d'autres propositions déjà admises, la déduire de ces propositions. C-La logique
La logique, est justement la science de la preuve, c'est à dire la discipline qui établit les règles du raisonnement correct. D'après le Traité de Logique de Port Royal1 , «c'est l'art de bien conduire sa Raison». Elle consiste alors en l'analyse des quatre principales opérations de l'esprit humain: concevoir, uger, raisonner, ordonner. De nos jours la logique se donne comme objectif l'étude de la formalisation de la pensée mathématique ou celle des raisonnements et inférences considérés du point de vue de leur validité 2. Notre but ici n'est pas d'examiner les différentes formes de logiques formelles, mais de nous interroger sur ce que vaut la logique en tant que science du raisonnement efficace.
1-ARNAUD (A) & NICOLE (P); “La lo gique de Port-Royal” , PUF, Paris, 1965, p37 2- BLANCHE (R) ; « Introduction à la logique contemporaine » ; A. Colin, Paris, 1957.
268
La logique repose sur la distinction du vrai et du faux. Car le vrai est une valeur qui se distingue du faux comme le bien se distingue du mal, le beau du laid. Le vrai est une norme, une règle et un idéal pour nos jugements, comme le bien est une norme, un idéal pour notre conduite. C'est pourquoi la logique est-elle considérée comme une science normative. Les logiciens défendent donc quant au fond, l'idée que la logique est la science même des idées vraies, qui se situe au delà de la psychologie individuelle et collective. C'est à dire une science que personne ne peut juger. Elle se confond avec l'intelligence pure. Elle apparaît donc comme l'ensemble des règles de fonctionnement de la Raison elle même, qui est considérée comme l'esprit humain 1. Ainsi l'activité du logicien consiste à analyser le jugement, pour en apprécier la valeur par rapport à une norme qui est le vrai. Il cherche à mettre en lumière les raisons d'un jugement. Car l'homme qui est capable de porter un jugement vrai, est de ce fait même parvenu d'après DESCARTES, à «ajuster sa pensée au niveau de la raison». Il s'identifie ainsi à la Raison Universelle. Il en résulte qu'il n y a qu'une manière de penser vrai sur un problème et cette vérité vient non de nous même, de notre personnalité singulière, mais de la structure objective de notre affirmation. La vérité est impersonnelle. Alors que l'erreur est plurivoque. Il y a mille manières de se tromper. L'erreur comporte toute une épaisseur psychologique, qu'il est nécessaire d'explorer pour éviter d'en être victime
1-HUISMAN (D) et VERGEZ (A) ; « La connaissance » ; Fernand Nathan, Paris, 1965, pp.94 -111
269
Les logiciens arrivent ainsi à la croyance que la vérité est indépendante du caractère, du sentiment, et des passions de l'homme 1. Les conditions de production de la vérité se trouvent dans les idées elles mêmes et non dans la nature psychologique du sujet qui pense et juge. Ils aboutissent alors à l’affirmation de l'existence d'un monde d'idées extérieur à la pensée humaine. L'autonomie de la logique exigerait ainsi une métaphysique de style platonicien. Le vrai existerait en soi et par soi et tout savoir humain serait la conquête progressive des parcelles de la Vérité idéale et infinie. Cependant cette façon de voir a été mise en cause par l'attitude que l'on qualifie de psychologisme. Issue de l'empirisme philosophique et du pragmatisme2 , celle-ci refuse l'autonomie de la logique et prétend expliquer la pensée vraie elle même, par des causes purement psychologiques. Le psychologisme abouti ainsi à un scepticisme radical: il n' y a plus de jugements vraie et de jugements faux, il n' y a seulement comme le pensait le sophiste PROTAGORAS, des opinions différentes, relatives à la psychologie de chacun. Si le vrai est ce qui répond à des besoins psychiques, ce qui satisfait mes tendances, il y 'aura autant de vérités que d'individus: il n'y aura plus de vérité.
1-HUSSERL (E) ; « Logique formelle et logique transcendantale » ; opcit. 2-JAMES (W) ; «Le pragmatisme » ; Flammarion, Paris, 1912.
270
Pour le psychologisme donc, tous les jugements sans exception peuvent être expliqués par la psychologie. Alors que les logiciens soutiennent que le jugement vrai échappe à toute réduction psychologique. Qu'en pensent deux éminents logiciens comme GOBLOT et PIAGET ? GOBLOT, affirme dans un premier temps que la logique transcende le domaine des tendances, des passions, de l'affectivité, mais se confond avec la psychologie de l'intelligence. Autrement dit il est possible de maintenir l'autonomie de la logique sans être obligé pour autant de situer le principe de la Vérité à l'extérieur de la pensée humaine. Il écrit : «Les lois logiques ne sont que les lois naturelles d'une intelligence pure. C'est parce qu'une intelligence pure est une abstraction que ses lois semblent autre chose que des lois naturelles et que la logique paraît s'opposer à la psychologie comme une science de l'idéal à une science du réel». 1
Donc on peut dire, que la logique demeure normative par rapport à l'homme concret qui juge (et qui ne se réduit pas à une pensée pure), mais elle n'est plus normative par rapport à la Raison elle même, telle qu'elle fonctionne naturellement. La logique n'est qu'une psychologie de l'intelligence considérée dans l'exercice normal de sa fonction essentielle. GOBLOT estime que le fonctionnement de l'intelligence se distingue par lui même des autres fonctions psychologiques, sur le plan des faits sans qu'il soit nécessaire d'introduire une métaphysique normative. En effet tandis que les goûts et les passions différent d'un individu à un autre, les pensées rationnelles sont communes à tous les hommes.
1-GOBLOT (E) ; « Traité de logique »; opcit. P.23
271
Pour lui l'idée de Vérité ne se conçoit que par la vie sociale; sans elle la pensée ne dépasserait jamais les fins de l'individu. C'est donc par son caractère social d'après GOBLOT, que la pensée se distingue du psychisme de l'individu. Mais ici, GOBLOT, cède au sociologisme, qui définit la vérité par l'accord social. Or, on le sait bien, les erreurs sont aussi souvent collectives. Et les illusions collectives sont souvent les plus difficiles à déraciner, parce qu'elle constituent pour l'individu un moyen d'intégration social. Et celui qui tente de s'en délivrer subit inévitablement les conséquences douloureuses de l'anticonformisme. On peut se remémorer ici le sort des philosophes et savants qui ont voulu dépasser la pensée de leur époque, de SOCRATE en passant par GALLILEE, à PASTEUR etc. Or l'universalité logique est une universalité de droit qui transcende l'accord des membres d'une collectivité, nécessairement finie, si vaste soit-elle. GOBLOT finira par reconnaître que la logique est une «extension indéfinie du rapport social que la dialectique réduisait aux seuls interlocuteurs présents». Il sort ainsi du positivisme sociologique où il paraissait enfermer sa conception de la logique et reconnaît de ce fait, implicitement la transcendance des normes logiques. PIAGET1 lui aussi, commence par s'opposer à la conception d'une logique antipsychologique, d'inspiration platonicienne, qui fait de la vérité une entité métaphysique «qu'on saluerait avec respect sans pouvoir rien dire des processus par lesquels elle se réalise».
1-PIAGET (J) ; « Introduction à l'épistémologie génétique » ; opcit Tome I, p.17
272
Pour lui également la logique se ramène à une psychologie de l’intelligence. Il peut ainsi entreprendre une explication génétique de la pensée logique, une « embryologie de la raison ». La logique dans ce cas apparaît comme une axiomatique, une schématisation abstraite des états d’équilibre de la pensée. En bref d’après lui, la formation de l’intelligence logique se ramène à ce que nous avons dit plus haut. Elle résulte du processus d’adaptation de l’Homme à son milieu. Cette adaptation se réalise par une double série de processus ; d’une part, l’individu assimile par sa structure propre, par ses schèmes les données de l’expérience. C’est donc par un jeu d’assimilation, et d’accommodations, d’adaptations réciproques de l’individu au milieu et du milieu à l’individu que se façonne petit à petit la structure de la raison. Ainsi, la pensée logique se constitue par une intériorisation d’opérations d’abord concrètes et matérielles. L’action précède la pensée et les opérations proprement logiques ne font que « prolonger les actions en les intériorisant ». (Piaget, opcit, p.34). Autrement dit les normes de vérité « expriment d’abord l’efficacité des actions, individuelles et socialisées, pour traduire ensuite celle des opérations et enfin seulement la cohérence de la pensée formelle ». Cependant J. PIAGET va être obligé comme nous l’avons montré cidessus de reconnaître une discontinuité entre l’intelligence pratique et l’intelligence logique. En effet, bien qu’issue de lointaines fonct ions d’adaptation de l’être vivant, que nous avons évoquées avec BERGSON au début de ce chapitre, l’intelligence logique les transcende tout en les prolongeant. PIAGET semble ainsi avoir mieux mis en lumière la genèse de la pensée logique, que sa nature. Mais il reconnaît que le règne de la logique pure ou des mathématiques supérieures « constitue un monde de transformations opératoires débordant de toutes part les frontières de l’expérience réelle et effectivement réalisables ».
273
Ainsi de même que GOBLOT a fini par admettre que l’universalité logique dépassait de plein droit tout accord collectif effectivement réalisé, de même PIAGET semble reconnaître que les normes logiques transcendent les opérations dans lesquelles elles s’incarnent, mêmes si elles tirent leur origine des opérations concrètes de la pensée. En définitive, l’accord semble être fait sur le fait que la logique en tant que science du vrai, constitue les lois de la Raison elle-même, qui est réputée autonome et extérieure à la condition humaine.
274
2. LA RAISON : STRUCTURE ET DYNAMIQUE « Peut-on isoler la Raison ? » A cette question de Emmanuel KANT, DESCARTES répondait déjà par anticipation que la Raison est « la puissance de bien juger et de distinguer le vrai d’avec le faux »1. Et il croyait à son universalité. Pour LEIBNIZ2 , la Raison se ramène à quatre degrés : a)-découvrir des preuves, b)-les ranger dans un ordre qui en fasse voir la connexion, c)-s’apercevoir de la connexion dans chaque partie de la déduction, d)-en tirer la conclusion. D’après KANT3 , la Raison est la faculté des principes. Notre connaissance selon lui, commence par les sens, passe de là par l’entendement et s’achève dans la Raison. Cette faculté est ainsi la plus élevée qui soit en nous. Elle a pour tâche d’élaborer la matière de l’intuition et ramener la pensée à sa plus haute unité. Ce qui implique deux usages de la Raison : a)-un usage formel, c'est-à-dire logique, b)-un usage réel, puisqu’elle contient elle-même l’origine de certains concepts et certains principes qu’elle ne tire ni des sens, ni de l’entendement. Au total les philosophes classiques ont fait consister la Raison en un système de principes. Ce sont les principes dits rationnels ou « principes directeurs de la connaissance ». A ces principes ils ont ajouté des « catégories de l’entendement ». Le tout est censé représenter l’armature de la pensée logique.
1-DESCARTES (R) ; « Discours de la méthode » ; opcit, p.126 2-LEIBNIZ (G.W) ; « Nouveaux essais sur l’entendement humain » ; Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p.421 3-KANT (E) ; « Critique de la Raison pure » ; opcit, p .287
275
2.1. Les Principes de la Raison
1°- Le principe le plus fondamental d’entre tous est le principe d’identité , que l’on peut énoncer de la manière suivante : « Ce qui est, est », ou « A est A ». Il représente l’expression codifiée du besoin de cohérence logique qui est l’exigence essentielle de la Raison. Elle postule que la « la condition première de la vérité est que la pensée soit d’accord avec elle-même ». Ainsi même dans les sciences expérimentales, expliquer, c’est souvent identifier, ramener au même, c'est-à-dire à ce qui est déjà connu. Cependant, l’identité ne se trouve atteinte le plus souvent, que par un mouvement dialectique de la pensée qui consiste à surmonter des contradictions. Dès l’observation des faits, l’esprit se trouve en présence d’erreurs à rectifier, d’oppositions apparentes à dépasser. Ce caractère se retrouve éminemment dans les grandes théories , si bien qu’on y a vu la caractéristique fondamentale même de l’esprit scientifique. En ce sens, on pourrait dire presque, que la connaissance est tout entière, un effort pour résoudre des contradictions, car dans le domaine expérimental, l’identité se heurte à la structure d’un réel qui ne se laisse pas immédiatement et sans effort, réduire aux normes de la Raison. 2°- Le principe de non-contradiction et le principe d’alternative ou du Tiers exclu. Ces principes expriment deux relations fondamentales entre un attribut A et l’attribut contradictoire non A. Tous deux bien définis par rapport à un même sujet.
276
ARISTOTE formule le principe de non contradiction de la manière suivante : « Une même chose ne peut pas, en même temps et sous le même rapport, être et ne pas être dans un même sujet », autrement dit, « A n’est pas non A ». Par exemple si un nombre entier est pair, il n’est pas impair, et réciproquement. Quand au principe du Tiers exclu, il pose une alternative : étant supposé que A et non-A sont contradictoires, un sujet est soit nécessairement soit A, soit non-A , et il n’ y a pas de troisième solution possible. Par exemple un nombre entier est nécessairement ou bien pair ou bien impair, et le principe du tiers exclu nous contraint à affirmer l’un ou l’autre. 3°- Le principe de causalité ou de Raison suffisante : Peut s’énoncer de la manière suivante : « Tout fait a une cause et, dans les mêmes conditions, la même cause est toujours suivie du même effet ». Il signifie donc qu’aucun changement n’est absolument inintelligible, car au dessous de tout changement on peut découvrir quelque chose qui n’a pas changé, une cause qui se prolonge dans un effet, une permanence ou tout au moins une équivalence. Le principe de causalité apparaît ainsi comme une sorte de compromis entre l’exigence d’identité de la Raison, et l’irrationalité apparente , d’un univers en perpétuel devenir. C’est le principe d’identité appliqué à l’existence des objets dans le temps. Par exemple c’est la même cause, la poussée d’ARCHIMEDE, qui explique qu’un corps flotte ou qu’il s’immerge. S’agissant de la notion de permanence, LAVOISIER a montré qu’à travers les changements des propriétés physiques et chimiques d’un corps, on retrouve dans le composé le poids des composants.
277
De même sous les transformations qualitatives de l’énergie d’un corps les physiciens ont pu retrouver l’équivalent de sa valeur quantitative. 4°- Le principe du déterminisme énonce que : tout phénomène est déterminé par ses conditions d’e xistence et donc rigoureusement révisible si l’on connaît celles-ci. Il n’est qu’une autre formulation du principe de causalité. Ce qui demeure constant en effet aux yeux d’un savant moderne, c’est beaucoup moins une réalité substantielle, une « chose », qu’un rapport. Car lorsqu’un savant ramène à un « type », une diversité d’êtres, il découvre dans ces êtres peut-être très différents en apparence, une identité de structure, ou une homologie structurale. En ce sens, le type est déjà une sorte de loi qui veut que certains caractères essentiels soient toujours unis. Ainsi la loi proprement dite plie les phénomènes divers dans leurs particularités de détail à l’identité d’un même rapport. Une loi est donc un rapport constant entre éléments qui varient. C’est pourquoi l’explication scientifique consiste toujours à découvrir sous le changement apparent une identité fondamentale. 5°- Le principe de Finalité enfin, affirme que les éléments d’un tout, ar exemple un organisme, sont comme des moyens ordonnés en vue d’atteindre une fin. Ce principe exprime tel quel une vision animiste du monde, car il signifiait à l’origine, que chaque être avait vocation à réintégrer la divinité. C’est sans doute pour cela qu’il a été vite abandonné, car représentant d’après les savants modernes, un « obstacle épistémologique » à la formation de l’esprit scientifique.
278
2.2.
Les catégories de l’entendement
On rattache également à la Raison les catégories de l’entendement.
C'est-à-dire les concepts les plus généraux qui constituent les cadres de la pensée. Selon KANT l’entendement se situe par rapport à la Raison d e manière suivante : « Si nous disons écrit- il, de l’entendement qu’il est le pouvoir de ramener les phénomènes à l’unité au moyen des règles, il faut dire de la raison qu’elle est la faculté de ramener à l’unité les règles de l’entendement au
moyen des principes » (KANT ; Critique de la Raison pure, 1946, opcit, .256). La Raison se situe donc à un niveau supérieur par rapport à l’entendement, car son divers est constitué non par l’intuition sensible, mais par les concepts et jugements de l’entendeme nt.
ARISTOTE
avait à son époque dénombré dix catégories de l’entendement humain : ESSENCE : exemple : Homme, cheval. QUANTITE : long de trois coudées. QUALITE : blanc, grammatical. RELATION : double, demi. LIEU : au Lycée, au marché. TEMPS : hier, l’an passé. SITUATION : couché, assis. MANIERE D’ETRE : chaussé, armé. ACTION : couper, brûler. PASSION : être brûlé, être coupé. A son tour, KANT va identifier douze catégories, groupées sous les quatre rubriques de : la QUANTITE, de la QUALITE, de la RELATION, et de la MODALITE. On observe que chez ses successeurs néo-criticistes (RENOUVIER : 1815-1903 et HAMLIN : 1856-1907), la Raison devient totalement un système de catégories. Ils en dressent le tableau autour de la catégorie fondamentale de « relation ». Mais on entre ainsi dans une phase de simplification où ces systématisations prennent un caractère arbitraire.
279
2.3. Origines de la Raison
Deux doctrines classiques avancent deux conceptions radicalement différentes sur l’origine de la Raison : Le Rationalisme et l’Empirisme. Pour le Rationalisme classique, la Raison est un système rigide de principes et de catégories. Celui là même que nous venons d’exposer ci dessus. Ce système serait inhérent à la structure de l’esprit humain lui même. D’après cette doctrine, la Raison est universelle et éternelle : elle est la même chez tous les Hommes, et elle ne change pas, n’évolue pas. Pour DESCARTES1(1596-1650), elle est la « lumière naturelle », qui se confond avec l’exercice propre de la pensée attentive, soucieuse de « clarté » et de « distinction » : c’est dans ce sens qu’on peut parler d’ »idées innées », or celles-ci ne sont pas pour DESCARTES, différentes de la faculté que l’âme a de penser. KANT2(1724-1804) est l’autre éminent représentant de ce courant. Il fait cependant dans sa conception de la Raison une plus large part à l’expérience. Il existe selon lui, dans notre esprit des « formes à priori » c'est-à-dire antérieures à toute expérience ; telles que les formes à priori de la sensibilité (espace et temps), « les douze catégories de l’entendement », et « les idées de la Raison » ; mais toutes ces « formes » ne sont que des cadres vides que l’esprit impose au donné brut de l’intuition et elles ne prennent valeur de connaissance que par la « matière » que l’expérience y introduit.
1- DESCARTES (R) ; « Principes de la Philosophie » ; Gallimard, Paris, 1953 2- KANT (E); « Critique de la Raison pure » ; Vrin, Paris ? 1963.
280
L’Empirisme quant à lui, ne voit dans l’esprit qu’une table rase, qui reçoit simplement des empreintes qui lui viennent de l’extérieur. Toute connaissance est donc a posteriori , et la Raison n’est que l’ensemble des
habitudes qui se sont ainsi peu à peu imprimées en lui. David HUME 1 (1711-1776) explique que la catégorie de causalité par exemple, loin d’être une idée innée, n’est rien qu’une habitude, ou une croyance qui
résulte dans notre esprit, des successions régulières, des « conjonctions constantes » que nous présente l’expérience, et qui nous fait attendre l’effet quand nous percevons la cause. STUART MILL2 à son tour précisera que ces séquences répétées créent dans notre esprit une « association inséparable » qui nous donne l’illusion d’une nécessité logique, et SPENCER3 , invoquera le long passé de l’espèce humaine , l’expérience ancestrale devenue héréditaire grâce à laquelle seule, l’esprit a cessé d’être une table rase. 2.4. Dynamique de la Raison
Les philosophes du XXè siècle estiment que ces deux doctrines, pêchent par une conception trop étroite de la Raison. Pour ROUSTANT, la Raison est l’effort même par lequel l’esprit loin de s’adapter passivement au monde extérieur, comme le voudrait l’empirisme, s’adapte le monde extér ieur en créant lui- même l’outillage conceptuel nécessaire pour se l’assimiler.
1- HUME (D) ; « Traite de la Nature Humaine » ; Alcan, Paris, 1930. 2- STUART (M) ; 3- SPENCER (B) ; « Principes de sociologie » ; 3tomes, Germer & Cie, Paris, 18781896.
281
De même , loin d’être un système de cadres rigides posés une fois pour toutes, la Raison, dans son application aux problèmes incalculables que lui posent la nature et la vie, manifeste une souplesse singulière, une surprenante faculté d’adaptation aux circonstances, une ingéniosité inépuisable. Aucun effort pour inventorier a priori ses richesses ne peut nous révéler les ressources qu’elle découvrira elle-même quand nous la mettrons aux prises avec l’expérience1. Léon BRUNSCHIVICG2 constate ainsi que : Rationalisme et Empirisme classiques ont été conçus à l’aide d’une logique antérieure à l’apparition de la science expérimentale, et c’est pour quoi ils ont séparé Raison et expérience « comme on sépare le moule qui a reçu la pâte et le gâteau qui sort du moule ». Tandis que le premier rêvait d’un savoir rationnel qui se dispenserait d’interroger l’expérience, l’Empirisme imaginait une expérience purement passive qui dispenserait d’exercer l’activité propre à la pensée. Mais l’histoire de la science nous montre par exemple que la pensée expérimentale, loin d’être un enregistrement passif des faits, implique une continuelle interaction entre l’esprit et les faits, dès la constatation même de ces faits, puis dans la conception de l’hypothèse, dans le raisonnement expérimental et dans la création des formes mathématiques destinées à exprimer l’expérience, enfin dans ce processus dialectique par lequel se trouvent rectifiées les erreurs antérieures et dépassées les contradictions.
1-ROUSTAN (D) ; « La Raison et la vie » ; Puf, Paris, 1946. 2- BRUNSCHVICG (L) ; « La philosophie mathématique et la causalité physique » ; Puf, Paris, 1953.
282
Ainsi E. BOUTROUX1 , peut-il conclure : une éducation constante, une formation de la Raison en vue de l’interprétation de l’expérience, voilà ce que nous montre l’histoire de l’entendement humain. La Raison n’est nullement demeurée immobile et identique, comme on l’a cru. La Raison est une réalité, donc elle vit, donc elle se nourrit de réalités, et par là même s’adapte et se développe. Cette dynamique de la Raison, prend toute fois au cours de l’histoire deux formes que A. LALANDE2 a pu identifier. Il distingue « la Raison constituée » , qui est la Raison telle qu’elle existe à un moment donné : par exemple dans une civilisation à une époque précise. Elle est alors cristallisée dans un code de règles constituées et de vérités reconnues. Elle est ainsi établie et posée comme un absolu pour tous : savants, peintres, musiciens, romanciers, mais aussi pour l’homme ordinaire. Cependant il oppose à cette Raison momentanément pétrifiée, une « Raison constituante » , qui reste la Raison elle-même dans ce qu’elle a de plus essentiel, qui est tendance active, personnelle et inventive, de sorte que la pérennité qu’on ne trouve pas dans la statique de la Raison, peut avoir place dans sa dynamique ou, dans sa dialectique. Cette Raison constituante nous donne alors peut être la définition de la Raison, sa vraie nature 3.
1-BOUTROUX (E) ; «De l’idée de loi naturelle » ; Alcan, Paris, 1895. 2-LALANDE (A) ; « La Raison et les normes » ; Hachette, Paris, 1948. 3-Voir aussi, KHUN (T, S) ; « La structure des révolutions scientifiques » ; Flammarion, Paris, 1983.
283
Elle se manifeste comme un effort d’assimilation : au degré le plus bas, assimilation des choses entre elles ; puis assimilation des choses à l’esprit ; enfin assimilation des esprits entre eux (d’où création d’une communauté intellectuelle et morale) : la communauté scientifique mondiale. La Raison apparaît ainsi dans son activité comme étant essentiellement normative : elle est créatrice de normes et constitutive de valeurs. La plus fondamentale de toutes ces valeurs, celle vers laquelle semblent s’orienter toutes les « transformations convergentes » de nos principes et nos catégories, est en définitive, « la supériorité du Même sur l’autre » , comme disait PLATON, la valeur de l’identité ou, tout au moins, de « la décroissance des altérités ». Ainsi à travers ses multiples inventions ou créations, la Raison vivante manifeste une tendance constante à organiser, à unifier, à ramener le divers à l’identique. Car, expliquer dans la science, c’est généralement identifier ou encore résoudre des contradictions. C’est pourquoi en fin de compte, le principe d’identité exprime bien l’exigence de la Raison. En dernière analyse la Raison s’avère être un effort d’identification, en somme une faculté d’ordre. Elle n’est rien d’autre que l’esprit même considéré dans son dynamisme unificateur, dans son effort immanent d’organisation interne. Sa caractéristique principale est donc la plasticité, ce qui indique une structure a priori de la Raison. La croissance de la connaissance scientifique1 , qui engendre sans fin des concepts nouveaux, ne change pas fondamentalement la structure de la Raison.
1-POPPER (K.R) ; « La croissance de la connaissance scientifique » ; Payot, Paris, 1968.
284
Ce qui change c’est la Raison constituée, qui est assimilable à un corps de principes établis et valables pour une époque, d’une mentalité, caractéristique d’un moment donné de l’évolution du savoir. Ainsi, les expériences scientifiques sans cesse plus fines, finissent par contredire la Raison constituée d’une époque. Le réel apparaît alors comme une masse d’objections à la Raison constituée. Il revient ainsi à la Raison constituante de susciter de nouveaux concepts pour résoudre les contradictions qui se révèlent entre concepts périmés et expériences nouvelles. Aussi, BACHELARD recommande t-il un dialogue permanent entre la Raison et l’expérience. Il est bien prêt de décréter la caducité de l’intuition elle même1. Et affirme que l’alternance de l’a priori et de l’a posteriori est obligatoire, que l’empirisme et le rationalisme sont liés, dans la pensée scientifique, par un étrange lien, aussi fort que celui qui unit le plaisir à la douleur2. En définitive, affirme t-il, la connaissance cohérente est un produit, non pas de la Raison architectonique mais de la Raison polémique3.
1-BACHELARD (G) ; « Le nouvel esprit scientifique » ; Puf, Paris, 1963, p.141. 2-BACHELARD (G) ; « La philosophie du non » ; Puf, Paris, 1949, p.4 3-BACHELARD (G) ; « La philosophie du non » ; opcit, p.140.
285
3. POURQUOI L’ESPRIT SCIENTIFIQUE EST -IL NE ?
La démarche positive, c'est-à-dire fondée sur l’objectivité et sur les faits, n’est pas donnée naturellement à l’esprit humain. Les savants affirment que l’Homme aurait plutôt tendance à interpréter les phénomènes de la nature comme le prolongement de sa propre subjectivité1. La question se pose donc de savoir pourquoi est né l’esprit scientifique, qui au-delà du chaos que nous offre le spectacle de la nature, est capable de saisir des rapports invisibles entre les faits et accéder ainsi, apparemment au mystère même du monde ? 3.1. Des obstacles épistémologiques à surmonter
Jean PIAGET a montré que la pensée consciente et l’intelligence se sont éveillées sous l’influence des exigences pratiques et des obstacles à surmonter. La même relation existe entre la science et les exigences vitales de l’Homme. Lesquelles, ont engendré des techniques empiriques. Or la technique implique une sorte de connaissance rudimentaire de la nature. En effet, d’après Auguste COMTE la technique contient en elle, des «germes de positivité ». L’action sur la nature implique en effet un contact direct avec les forces naturelles, une sorte d’expérimentation pratique. Comme la technique est directement au service des besoins de l’Homme, l’erreur semble devoir s’y révéler rapidement sous forme d’insuccès : la pensée fausse conduit à l’échec pratique. La science résulterait ainsi de la technique.
1-BACHELARD (G) ; « La formation de l’esprit scientifique » ; Vrin, Paris, 1965 .
286
Ceci serait tout à fait vrai si l’Homme était uniquement un être biologique fait de besoins et d’appétits. Mais il est aussi un être social, c'est-à-dire un être fait de croyances et de préjugés collectifs. Or ces croyances résistent souvent aux démentis de l’expérience, et l’Homme a toutes sortes d’échappatoires pour justifier ses insuccès. Voilà qui explique d’après les savants modernes que la mentalité positive qui devait donner naissance à la science, n’ait triomphé que lentement de la « mentalité primitive » qui l’aurait précédée. En effet, les travaux des ethnologues et des anthropologues ont montré qu’il existait chez l’Homme, une mentalité que Lucien LEVYBRUHL, a d’abord qualifié de « pré-logique », en ce sens que ses normes seraient profondément différentes de celles de la Raison, de la Logique formelle et de la science positive. Il montre que là où l’Homme de la société moderne voit des causes naturelles, la mentalité primitive admet pour expliquer ces phénomènes, des influences non perceptibles aux sens, et aussi toutes sortes de « participations », qui font qu’un être est à la fois et de façon mystérieuse pour l’Homme moderne, lui-même et autre chose que lui-même. D’où une formule rendue célèbre par lui, qu’il a trouvé dans les récits de voyage de Von Den STEINEN : « Les Bororos sont des Araras ». Notons que les BOROROS sont une tribu du centre du Brésil, et les ARARAS, des perroquets, et le totem de cette tribu. Il ressort de ce rapport d’après Lévy BRHUL, que les Bororos ne se distingueraient pas de leur totem, se considérant comme des perroquets. Si en vertu du principe d’identité, A est A, donc A n’est pas A’, pour les Bororos au contraire on peut être à la fois Homme et perroquet, non pas au sens symbolique du terme, mais au sens réel. Le Bororo participerait ainsi réellement à l’essence du perroquet. Aussi, au lieu du principe d’identité, qui est le fondement de la pensée logique, les Bororos
287
affirment comme tous les peuples animistes du monde une catégorie de participation qui selon Lévy-BRHUL, fonde la mentalité primitive. Il en découle une forme de l’explication qui a été qualifiée d’anthropomorphique et ceux qui la pratique, de « primitifs »1. C'est-àdire ces Hommes se sont d’abord figurés les forces de la nature à leur propre image, ils les ont considérées comme des âmes et ont projeté sur elles les caractéristiques psychologiques humaines. On a donné à une telle conception du monde le nom d’ «animisme ». Aussi, les « primitifs » ont cru ainsi naturellement pouvoir agir sur la nature par des moyens psychologiques. Il en a résulté des techniques et des procédés magiques, qui constituent la stratégie de l’animisme. C’est pourquoi les « primitifs » tentent d’agir sur les vents, sur la pluie ou les maladies à coup de formules magiques, avec la conviction que les forces de la nature se laisseraient à l’instar des Hommes conduire par des mots. Une telle explication serait donc naïvement psychologique, et constituerait une forme inférieure de l’explication2 . Pour se constituer,
BACHELARD3 estime que la science devait substituer à ces formes de pensée des modes clairs et rationnels d’explications, par des causes constatables. Il s’agit d’abord d’éliminer de la connaissance les projections psychologiques spontanées et inconscientes, pour opérer d’après lui une psychanalyse de la connaissance. Car la connaissance spontanée du réel est anti-scientifique. C’est une connaissance non psychanalysée où nous projetons nos rêves et nos passions. L’idéal d’après Max PLANCK4 , est de parvenir à poser des relations objectives qui ne soient plus le reflet de nos dispositions subjectives.
1-LEVY BRHUL (L) ; « Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures » ; Alcan, Paris, 1910, voir aussi, du même auteur : « La Mentalité Primitive » 2-ESSERTIER (D) ; « Les formes inférieures de l’explication » ; Alcan, Paris, 1927. 3-BACHELARD (G) ; « La formation de l’esprit scientifique » ; opcit. 4-PLANCK (M) ; « Initiation à la physique » ; Flammarion, Paris, 1941.
288
En fait à tout être humain le spectacle de la nature s’impose à la fois comme : -Qualificatif : l’univers nous est donné comme un enchevêtrement complexe de sons, de couleurs, d’odeurs qui constituent ce qu’on nomme les « qualités sensibles ». -Divers et hétérogène : c’est un fouillis d’évènements complexes. -Constitué par des «êtres » distincts et autonomes : c'est-à-dire composé par de « substances », caractérisées par des « attributs ». Aussi sommes-nous tentés de tenir pour essentiel ce qui s’impose directement à la perception. Or cette propension ne conduit pas à la science. Selon G. BACHELARD, paraphrasant lui-même ARISTOTE, il n’ y a de science que de ce qui est caché. Ainsi la perception immédiate, loin d’être la clé de la science comme le soutient l’Empirisme, a fait longtemps échec au progrès scientifique. L’observation empirique fait partie des obstacles épistémologiques recensés par BACHELARD, à la formation de l’esprit scientifique. Face à la perception immédiate, ou selon Karl MARX au perçu concret, la connaissance scientifique oppose le perçu pensé ou construit : Elle transforme les qualités en quantités : en soumettant les faits à la mesure. A la place du vécu sonore et coloré, la science découvre des vibrations dont on peut mesurer la longueur d’ondes et la fréquence.
289
3.2. Le fait scientifique est un fait reconstruit
A la diversité empirique, la science substitue donc l’unification. Ainsi pour la Chimie par exemple, la diversité infinie des corps se ramène à une centaine de corps simples, susceptibles de se combiner de diverses manières. Là où l’observation immédiate voyait des êtres, la science reconnaît des rapports. C'est-à-dire toutes les propriétés apparentes des choses se ramènent en réalité à des relations avec d’autres choses. Par exemple le poids dépend du champ de gravitation. Donc, la réalité scientifique, n’est pas une réalité donnée. C’est une réalité construite. Le fait ne prend une signification scientifique que lorsqu’il a été transposé de façon à pouvoir nous livrer des caractéristiques objectives, et mesurable. Ainsi la construction du fait scientifique consiste généralement à imaginer une série d’artifices techniques pour transposer l’observation dans le champ visuel et spatial. Elle suppose donc des instruments, elle requiert une manipulation. Aussi, au monde perçu la science substitue un monde construit. Mais cette construction est désormais à la fois conceptuelle et technique. Elle va des techniques opératoires les plus abstraites du mathématicien, jusqu’aux manipulations matérielles de l’expérimentateur en laboratoire. Si bien que, plus la science progresse, plus le fait scientifique s’éloigne du fait brut, c'est-à-dire du fait tel qu’il est donné à la perception vulgaire.
290
On peut dire alors, parce qu’il est est transposé et reconstruit à travers tout un réseau de manipulations techniques et d’opérations intellectuelles, le monde scientifique, est un monde objectif. Le fait scientifique apparaît comme pratiquement fabriqué par le savant. Mais les constructions scientifiques ne sont pas des inventions arbitraires, elles sont sont objectives, puisqu’elles puisqu’elles se vérifient les unes par les autres et se prêtent à des applications pratiques et techniques. Au total, cette objectivité conquise contre les illusions subjectives propres aux données sensorielles brutes, n’est atteinte que par une médiation, par un détour théorique et technique dont la complexité s’accroît sans cesse. Si le fait n’est pas construit de toutes pièces , pièces , il est du moins refait. Il est toujours un résultat obtenu dans des conditions déterminées précises, instaurées à partir d’un capital de savoir et de technique. Donc l’activité scientifique suppose en tout cas, dans la mesure où elle est construction et non contemplation, à la fois des théories et des instruments. Cependant, bien que la science dérive de la rupture avec la « mentalité primitive » et d’une approche empirique du réelle, elle n’est pas non plus un prolongement de la technique. Quels que soient les services qu’elle rend rend à l’industrie, la la science répond d’abord à un besoin besoin comprendre. C’est spécifique chez l’Homme : l’Homme : celui de comprendre pour comprendre. cette connaissance désintéressée qui qui a réellement donné naissance à la science.
291
Elle se ramène à une conduite particulière : la curiosité intellectuelle qui se manifeste par la faculté de s’étonner devant les phénomènes inhabituels. Par exemple se demander pourquoi tel corps flotte alors que tel autre tombe au fond de l’eau l’e au.. L’étonnement est le point de départ de la pensée scientifique. C’est cette attitude qui abouti à la connaissance des lois qui régissent les phénomènes de la nature. La connaissance des lois de la nature apparaît ainsi comme le but ultime de la science, car elle explique ce qui nous étonne en observant la nature. Si l’on admet que la science répond à un besoin intellectuel, on peut se demander comment elle satisfait à ce besoin. Autrement dit comment elle explique les choses. Nous avons vu ci-dessus, que les phénomènes que nous présentent l’expérience se révèlent à nous sous forme d’un chaos, aucun d’eux ne se reproduit jamais exactement dans les mêmes conditions. conditions. C’est pourquoi la connaissance du particulier comme tel non seulement serait inféconde, mais aussi inexhaustive, et dénuée de toute valeur explicative. L’étude de l’induction, plus haut a montré comment des faits concrets et particuliers, l’esprit est capable de dégager dégager par analyse certains éléments généreux qui sont des concepts, et d’établir d’é tablir entre ces éléments des relations constantes, qui sont des lois. Aussi l’explication scientifique tend t-elle t -elle à abandonner la notion de cause, pour faire de la recherche des lois son but ultime. La science tout entière apparaît désormais comme une conceptualisation de la nature, laquelle prend la forme d’une d’une conceptualisation mathématique de la nature. C'est-à-dire elle recherche les propriétés fonctionnelles, structurales et systématiques de la réalité que les mathématiques sont chargées de représenter sous une forme simple et compréhensible pour tout le monde.
292 3.3. Définition de l’esprit scientifique
En tant que savoir organisé, objectif et positif, la science intègre les exigences de la Raison que nous avons exposées ci-dessus. Il en résulte alors l’esprit scientifique. Certes celuicelui -ci à l’image l’image de la Raison elle-même n’est pas statique. L’esprit scientifique scientifique apparaît comme un produit de l’Histoire, une acquisition progressive de l’Humanité. Il en a résulté une communauté scientifique dont les coutumes et les lois constituent justement cet esprit. Il en découle au sein de cette communauté une solidarité que BACHELARD a appelée « Union des travailleurs de la reuve ». ». Si par la suite ce dernier a pu parler d’un nouvel esprit scientifique, il faut noter que celui-ci celui-ci s’applique aux principes généraux générau x de la science. C'est-à-dire à la Raison constituée. Aussi, malgré leur diversité diversité et leur spécialisation, il n’en reste pas moins que toutes les sciences présentent dans l’esprit qui les anime, dans l’attitude mentale qu’elles requièrent, certains caractères caractères communs et que, par suite il est possible de déterminer les éléments de cet esprit scientifique.
a)-Il va de soi que l’esprit scientifique implique d’abord une certaine a)-Il curiosité. Il suppose, non seulement le désir de connaître, mais aussi l’assimilation l’assimilation de tout acquis scientifique antérieur : chaque savant ne peut prétendre refaire à lui seul l’œuvre de tous ses prédécesseurs, il doit commencer par s’informer de l’état de la question. Mais cette curiosité n’est pas quelconque. C’est une curiosité curiosi té intellectuelle qui est besoin de comprendre plus encore que de connaître, et donc distincte de la curiosité purement sensible.
293
b)-L’esprit b)-L’esprit scientifique est en effet un esprit d’analyse, qui cherche à décomposer les données concrètes et complexes en leurs éléments simples et généraux en éliminant les détails particuliers. En ce sens l’esprit scientifique se distingue, distingue, sans s’y opposer de l’esprit philosophique, qui est plutôt un esprit de synthèse. c)-C’est c)-C’est un esprit positif, c'est-à-dire c'est -à-dire de soumission aux faits : l’esprit scientifique, souligne Boutroux, c’est essentiellement le sens du fait, comme source, règle, mesure et contrôle de toute connaissance. Le fait scientifique en effet loin d’être une donnée brute, est en grande partie, interprété et exige donc une activité de l’esprit. d)-L’esprit d)-L’esprit scientifique implique encore le souci de la précision et des idées claires. Il répugne à peu près aux idées équivoques, mal définies, dans lesquelles se complaisent et le sens commun et la pensée littéraire. Cette précision se traduit le plus souvent par la mesure. G. Bachelard écrit à ce propos que « Les différents âges de la science peuvent se déterminer par la technique de ses instruments instruments de mesure mesure ». e)-Un e)-Un des éléments les plus importants de l’esprit scientifique est l’esprit critique, dont critique, dont on a vu toute l’importance à propos de la croyance. Il se manifeste ici par le doute scientifique, c'est-à-dire la suspension provisoire du jugement, qu’il ne faut pas confondre avec le doute Bernard, sceptique, lequel ne croit pas à la vérité. « Le douteur dit Claude Bernard, est le vrai savant : il ne doute que de lui-même et de ses interprétations ; mais il croit à la science ».
294
L’esprit critique est donc loin d’être purement négatif : il est au contraire principe de recherche et implique le culte du vrai. Au fond il se ramène au besoin de preuve : la science, comme le dit expressément expressément Bachelard c’est « l’union des travailleurs travailleurs de la preuve ». f)-L’esprit scientifique est un esprit de relativité. f)-L’esprit relativité. Tandis que la Métaphysique ontologique prétend atteindre la vérité absolue, la science procède par approximations successives. La science moderne est moderne est d’après Bachelard, essentiellement une connaissance approchée. D’autre part la science évolue : elle repose sur la notion du perpétuel devenir des êtres et des choses et de la connaissance que l’Homme peut en prendre. Selon Boutroux, Le savant considère toute explication comme relative et au nombre des phénomènes connus et à l’état, peut-être peut -être passager, où luimême se trouve actuellement. Cette relativité, d’ailleurs n’entame pas sa valeur et ne fait pas obstacle à cette addition continue des connaissances qui est le premier article de sa méthode ; la croissance de la connaissance scientifique de Karl POPPER . g)-Enfin g)-Enfin l’esprit scientifique scientifique implique le libre examen : la science se proclame souveraine dans son propre domaine. Elle n’admet sur son terrain, ni intrusion d’une autorité étrangère, quelle qu’elle soit, religieuse ou politique, ni limitation de son propre champ de recherches : et toujours d’après Boutroux, elle croit à sa puissance d’expansion illimitée et à sa valeur indéfiniment croissante. Bien entendu, cet esprit de libre examen ne doit pas être confondu avec la recherche de l’originalité à tout prix qui domine trop souvent dans le domaine littéraire, où, une pensée paraît parfois d’autant plus « originale « originale » qu’elle est plus paradoxale paradoxale et, en définitive, plus fausse.
295
Dans la science, il y a lieu au contraire, de développer cet instinct d’objectivité sociale qui exige le travail d’équipe (l’interdisciplinarité et (l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité) , , qui fait de l’enseigné un enseignant et réciproquement, et qui selon Bachelard l’on méconnaît pour développer de préférence l’instinct d’originalité, sans prendre garde au caractère truqué de cette originalité apprise dans les disciplines littéraires.
En définitive, le propre de la science est de ne jamais être achevée. La vérification expérimentale apparaît comme une perpétuelle crise de croissance de la pensée. Dans une dialectique sans fin, la réalité propose propose une masse d’objections à la Raison constituée d’une époque, auxquelles la Raison constituante réplique par de nouvelles théories qui seront rectifiées à leur tour.
296
4. LA CRISE DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE MODERNE
Le point de départ de cette réflexion est le problème soulevé par Edgar MORIN1 et que nous avons déjà évoqué dans le tome I. Nous la reprenons ici pour l’approfondir. E. MORIN constate cons tate que, suite à l’héritage de la logique formelle classique , dont la Raison constituée contemporaine, est incapable de se séparer, la pensée scientifique a fini par atteindre son niveau d’incompétence. Elle s’est laissée ainsi enfermer dans une sorte de bande moyenne, où l’explication des phénomènes d’une certaine qualité, enregistrée par l’expérience, lui échappe. C’est notamment le cas des phénomènes parapsychologiques, voire de ceux qui relèvent du domaine infra-atomique. Nous estimons que cette crise n’est pas une une crise quelconque. Elle affecte en effet la capacité d’explication de la science elle-même, elle-même, et met en cause la valeur de la connaissance qu’elle propose à l’Humanité.
297
4.1. Comment situer la Raison ?
L’opposition traditionnelle entre Rationalisme et Empirisme qui a suscité une critique en règle de la Raison à l’époque contemporaine, s’est soldée en réalité par la reconnaissance de la toute puissance de la Raison, malgré les recommandations d’un BACHELARD pour un dialogue permanent de la Raison avec l’expérience. Mais la solution n’est pas de ce côté. Car les questions soulevées par la mécanique quantique notamment, obligent les logiciens contemporains à considérer qu’il est impossible d’étendre les méthodes qui permettent de comprendre la partie de l’univers soumise à la gravité et pour laquelle la théorie de la relativité générale de EINSTEIN reste valable, à l’univers infra-atomique, pour lequel, la mécanique quantique, a du mal a définir une méthodologie sûre. Le cosmos apparaît ainsi aux savants contemporains comme en principe un tout, mais dont les deux aspects relèvent de logiques diamétralement opposées. En effet l’infiniment grand qui est soumise à la gravité, s’accorde à la logique classique, alors que l’infiniment petit , qui échappe à la gravité, est réfractaire à cette même logique, d’où la crise de la pensée scientifique moderne. Nous estimons que dans cette affaire, ce qui est en cause , c’est la Raison elle-même. En effet, si les savants sont incapables d’expliquer la nature d’après une méthodologie unifiée, c’est parce que la Raison qui a été longtemps considérée par eux à tort comme l’esprit humain luimême, se comporte désormais comme le plus grand obstacle épistémologique à la connaissance scientifique. Il faut donc situer la Raison pour apprécier sa véritable place au sein du psychisme humain. On découvrira ainsi la solution au plus grand problème de la science : l’explication par une seule méthode, de la complexité du cosmos. C’est à partir d’ici, que la science Initiatique, autrement dit la MAAT, entre en scène, au cœur même de la pensée scientifique moderne en crise. Nous avons déjà évoqué le fait que pour les Initiés, l’Homme
298
possédait une structure mentale doublement polarisée : d’une part une nature inférieure qu’ils considèrent comme primitive, qui se caractérise fondamentalement par l’égocentrisme et qui se manifeste par la propension à prendre. D’autre part, l’Homme possède en lui également une Nature Supérieure, appelée aussi Nature Divine, ou encore individualité, caractérisée par le désintéressement, et se manifestant par la propension à donner. Ces deux natures qui font partie toutes les deux du psychisme humain, se manifestent pour l’instant en s’opposant, car l’Homme contemporain, membre de la société moderne, adhérant à son idéologie : l’individualisme, s’identifie totalement à la nature inférieure de l’Homme. La conscience qu’il a de lui même est en fait la conscience de la nature inférieure. Quant à la Nature Supérieure et Divine de l’Homme, elle se contente de brèves incursions chez les Hommes ordinaires, mais se manifeste librement chez les Initiés et les Maîtres de l’Initiation. Or la loi de l’évolution spirituelle à laquelle l’être humain est soumis, veut que, inévitablement tôt ou tard, la Nature Divine finisse par s’imposer dans le psychisme humain, et phagocyter la nature inférieure. Où se situe la Raison dans cette double structure mentale de l’Homme ? Il faut noter que chaque nature, se subdivise en trois éléments. Au niveau inférieur comme au niveau supérieur, on distingue : la volonté, le cœur et l’intellect. Cette structure mentale permet ainsi à l’Homme de se manifester, c'est-à-dire d’agir, d’aimer et de penser. Il peut le faire tant sur le plan inférieur que sur le plan supérieur de son être. La Raison s’identifie à la nature inférieure de l’Homme. A cette place, les Initiés ne confondent pas la Raison avec l’Esprit humain, mais uniquement avec son intellect inférieur. En tant qu’élément de la nature inférieur de l’Homme, la Raison est tout simplement sous domination de cette nature inférieure. Donc son autonomie, vantée par la philosophie,
299
n’est qu’un pur fantasme. C’est pourquoi malgr é le noble idéal de la science, l’idéologie 1, les préjugés et autres prénotions restent inséparables de l’activité scientifique. C’est pourquoi aussi toutes les connaissances accumulées par la science sont mises au service des fins égoïstes et narcissiques par l’Homme. Car la nature inférieure de l’Homme on l’a vu est amorale. C’est pourquoi enfin, malgré le souci de la précision et de la preuve qui est la règle d’or de l’intelligence et la forme la plus haute de l’altruisme d’après Albert BAYET 2 , car il « implique selon lui le désir de s’accorder avec autrui sur les choses essentielles et le désir que cet accord ne soit pas un accord de surprise, mais bien l’expression d’une union réelle » , la qualité de savant hélas n’implique pas à priori une vie irrépro chable en dehors du laboratoire. D’ailleurs, il est facile de perdre la Raison. En effet dans le travail intellectuel, lorsque la complexité de la réalité devient extrême, ou dans la vie sociale, lorsqu’un individu est soumis à une pression insupportable, la Raison ne tarde généralement pas à faire faillite, et la logique devient inopérante. Mais l’un des résultats de la pédagogie initiatique est que, au milieu des tourments, lorsque tout le monde s’effondre, l’initié seul reste debout, stable. L’Initiation confère à ses adeptes un caractère inébranlable, quels que soient les tourments et les catastrophes qui les accablent. La Révolution paradigmatique que la crise de la pensée scientifique moderne rend indispensable tient essentiellement dans la découverte de la double structure du psychisme humain. Cette découverte rend possible, tout ce que la Raison est incapable de fournir à l’Homme : l’accès à la connaissance stable du monde, c'est -à-dire à l’intelligence même du cosmos. Les premiers à découvrir cette double structure du psychisme humain d’après H.P BLAVASTKY 3 , furent les Maîtres de l’Initiation de l’Egypte ancienne. Et nous avons montré que les Inités de l’Afrique précoloniale ne l’ignoraient pas. Nous la redécouvrons aujourd’hui à travers les travaux des Grands Maîtres 4 contemporains. 1-HILARY (R) & alii ; « L’idéologie de/dans la science » ; Seuil, Paris, 1977. 2-BAYET (A) ; « La morale de la science » ; Ed. Rationalistes, Paris, 1953. 3-Cf. BLAVASTKY (H.P) ; « La doctrine secrète » ; opcit. 4-Cf. OMRAAM (M. A) ; « Nature humaine et Nature Divine » ; opcit.
300 4.2. La crise de l’explication dans la science moderne
Les normes de la Raison ont conduit comme nous l’avons vu la science à choisir pour objectif, la découverte des rapports entre les faits. Ces rapports s’organisent en systèmes et permettent de connaître les lois de la nature. La science tend ainsi vers une conceptualisation de la nature car le concept est lui même un système de rapports.
Nous nous posons la question de savoir, quelle est la valeur de ce type de connaissnace ? Certainement la connaissance des lois nous permet-elle de comprendre le mystère des phénomènes qui nous étonnent dans la nature. Elle permet aussi à la technique d’en ti rer des applications pratiques pour satisfaire les besoins matériels, les désirs et mêmes les caprices des Hommes. Mais il faut bien constater que cette connaissance des rapports entre les faits, nous laisse plutôt à la surface de la réalité. Elle ne nous permet pas de connaître la nature de la nature, comme dirait Edgar MORIN. Les savants nous objecteraient sans doute qu’il s’agit là d’une question qui regarde la Métaphysique ontologique. Mais la Métaphysique qui compte elle aussi sur la Raison pour comprendre les mystères du monde, est confrontée à la même difficulté : la crise de l’explication. Par ailleurs, ces questions se posent désormais dans le domaine de compétence de la science elle-même. Et elle ne peut plus les esquiver, en les « passant par-dessus la jambe ». En effet la connaissance de l’être des choses, implique la connaissance de l’être du monde, donc aussi de l’être de l’Homme ; c'està-dire de la nature humaine, comme nous l’avons vu plus haut.
301
Cette connaissance de la nature humaine telle que l’Initiation la conçoit, est indispensable à la transformation de l’Homme et de la société humaine. D’elle, dépend l’avenir de l’humanité. C'est -à-dire la sortie réelle de la société humaine de la primitivité psychologique . C’est cette connaissance de la nature humaine qui nous permet de comprendre la faillite de la Raison et par conséquent la crise de la pensée scientifique moderne, qui se manifeste par la réduction de sa capacité d’explication. Si la Raison ne tient pas ses promesses, c’est parce qu’elle en a pas les moyens. Elle souhaitait établir les normes du vrai. Mais n’a pas les moyens d’accéder à la Vérité elle -même. Elle est limitée par la nature inférieure de l’Homme. Elle est obligée de se contenter de la connaissance formelle des choses. Or le monde physique est soumis à une transformation et un changement sans fin des formes et des contenus, car du point de vue de l’initiation, le monde matériel est soumis à la loi de l’évolution spirituelle. Les théories des savants devront donc être continuellement ajustées, revues ou dépassées. La science positive est ainsi incapable par nature d’accéder à l’intelligence du cosmos, la connaissance stable, qui nous explique la raison des rapports qui existe entre les faits. Or cette connaissance nous introduit à la connaissance de la nature humaine, mais aussi de l’irrationalité du comportement humain , de laquelle dépend la réforme de l’entendement humain et la transformation de la société elle même. Pour remédier à cette réduction des capacités explicatives de la pensée scientifique, Edgar MORIN (La Méthode III. La connaissance de la connaissance, 1973), affirme que la réalité est faite de plusieurs dimensions qui se superposent, et que l’on peut rendre compt e par le terme « méta » , et propose de réintroduire dans les normes de la Raison : la pensée symbolique, mythologique, animiste et magique que l’esprit scientifique triomphant avait rejeté dans la préhistoire de la pensée humaine. Et, demande la constituti on d’une nouvelle logique qui soit capable d’appréhender la complexité du réel.
302
Autrement dit, même revenu de ses exagérations comme il le reconnaît lui-même, dans ses « carnets » publiés à titre posthume, Lévy BRUHL, était encore dans l’err eur en croyant que ce qui manquait aux Primitifs, c’est l’esprit critique, c'est -à-dire la méthode expérimentale, car finalement la Raison et ses principes comme l’affirmait déjà DESCARTES sont universels. En effet les Primitifs utilisent un autre instrument du psychisme humain pour accéder à la connaissance : l’intellect supérieure de l’Homme, qui fait voir le monde avec les yeux de l’Esprit. Faculté que les anciens Egyptiens appelaient KA, qui n’est qu’une parcelle de la MAAT. En tout cas, la seule issue pour la Raison qui n’est que l’intellect inférieur de l’Homme, est de fusionner avec son intellect Supérieur, avec le KA pour accéder à ce que nous appelons l’intelligence du cosmos. Mais alors se pose le problème de la transformation de l’Homme luimême. Car un tel changement ne saurait être partiel, concerner uniquement l’intellect. Pour la société moderne il s’agirait d’un bouleversement total. Il s’agirait de changer de projet de société. De rompre avec l’individualisme, comme idéologi e, et avec le matérialisme philosophique, qui est devenue de fait sa conception du monde, même si elle est vécue de façon honteuse. Il s’agit en tout cas d’une autre histoire.
1-MORIN (E) ; « Pour la pensée complexe » ; in « science avec conscience » ; opcit.
303 CHAPITRE V
THEORIE DE LA CONAISSANCE INITIATIQUE
La conception africaine vitaliste et animiste du monde, crée chez l’Homme un besoin spirituel éminent d’accéder à l’intelligence du cosmos. C’est le concept de l’unité du mo nde, qui découle de la cohabitation de Dieu avec sa propre Création, qui en est à l’origine. Il implique comme on le sait l’absence d’une barrière entre le monde visible et le monde invisible, mais au contraire prône la complémentarité entre les deux ; et engendre une tension vers le développement spirituel au sein de la Création. La science initiatique seule, est capable de satisfaire à ce besoin.
1. LA RUPTURE AVEC LA NATURE INFERIEURE DE L’HOMME : CONDITION D’ACCES A LA MAAT Il nous faut ici rappeler le malentendu engendré par un préjugé tenace contre la culture africaine. Qualifiée de primitive et d’archaïque, à cause du rôle que le mythe et la pensée magique jouent en son sein, la culture africaine a toujours été regardée comme réfractaire à l ’esprit scientifique, à l’esprit philosophique et au développement, voire à la religion. Ce jusqu’à ce que la définition scientifique de cette société nous dévoile le rôle puissant qu’y joue l’Initiation. Et, les conséquences qui en découlent à tous les niveaux. Nous allons examiner ici ce rôle en rapport avec la connaissance. L’Homme animiste on l’a assez dit ne voit pas le monde comme l’Homme moderne.
304
En effet pour lui le monde visible, physique est plongé dans le monde invisible : domaine de la Force Vitale, ou MAAT, qui est l’intelligence cosmique. C'est -à-dire Dieu Lui-même. Ici, accéder à la connaissance, c’est s’introduire dans le monde invisible. Mais cela ne va pas tout seul. Il faut d’abord rompre les liens qui rattache l’Homme à sa propre nature, la nature inférieure. L’Initiation seule pose un tel préalable dans l’univers mental africain. On se rappelle qu’au niveau de la société communautaire de base, le Type I du système communautaire, l’Initiation n’est pas encore la pensé e officielle de la société africaine. Elle partage le champ idéologique de cette société avec d’autres idéologies : la magie, la sorcellerie, le fétichisme, le mythe, et beaucoup d’autres pratiques magico -religieuses. En l’absence d’un rôle prépondérant de l’Initiation, c’est le mythe qui remplit la fonction de théorie générale de la connaissance dans cette société africaine de base. Car l’efficacité de la magie demeure à ce niveau aléatoire. Mais dès que l’Initiation affirme sa présence avec le Type II du système communautaire, elle commence par préscire (en tant que mécanisme de socialisation et pédagogie individuelle et collective), une rupture avec la nature inférieure. Car celle-ci se comporte comme un obstacle majeur au développement spirituel de l’Homme : finalité de la civilisation africaine elle-même. Cette rupture avec la nature humaine permet à la Nature Supérieure et Divine de l’Homme de se manifester. Or c’est avec son intellect, dénommé KA par les anciens Egyptiens, que l’Homme peut accéder à la connaissance stable du monde. C'est-à-dire à ce que la science initiatique baptise l’Intelligence Cosmique. Donc aussi, à la connaissance des phénomènes parapsychologiques. Mais cette démarche, ne suppose, ni ne signifie le rejet du monde matériel, physique, puisque celui-ci est dans la théorie de la connaissance initiatique, le prolongement ou la reproduction du monde invisible, et se trouve en relation de complémentarité avec ce dernier. C’est pourquoi la connaissance initiatique est nécessairement
305
une connaissance à plusieurs dimensions. Elle développe à la fois une approche positive sur le monde physique et une démarche compréhensive et intuitive sur le monde invisible, plus précisément l’être du monde. Le résultat en est, l’accès à la structure même de l’univers. René LACHAUD1 a pu ainsi constater par exemple que la façon de procéder d’un médecin égyptien de l’époque pharaonique, comporte au moins deux étapes : a)-face à un patient, il fait d’abord son diagnostic comme n’importe quel médecin : il établie l’étiologie de la maladie, puis prescrit un traitement approprié. b)-mais dans un second temps, il complète ce premier traitement par des remèdes magiques qui s’adressent aux corps invisibles de l’Homme, à son âme et à son e sprit. Cette démarche qui peut étonner un médecin moderne signifie que pour les anciens Egyptiens, il y avait continuité entre le monde visible et le monde invisible. La maladie est comprise comme un dérèglement des principes vitaux, et la manifestation physique de ce dérèglement. Donc il convient de s’adresser à la fois l’esprit et au corps physique. C’est pourquoi, les ethnologues et les ethnographes qui n’ont pas eu la patience d’examiner le rôle de l’Initiation dans la société africaine, ont pris le Type I du système communautaire, comme le modèle fixe de la société africaine elle-même, et se sont fourvoyés. Ils ne pouvaient pas alors comprendre que pour accéder à la connaissance stable de l’univers, il fallait au préalable rompre avec la nature humaine, par la pratique de l’Initiation, c'est-à-dire la MAAT.
1-LACHAUD (R); « Magie, religion et Initiation en Egypte pharaonique » ; Editions Dangles, Paris, 1995.
306
2. PRINCIPES DE LA MAAT : AXIOMATISATION
Dans « La philosophie africaine de la période pharaonique » , le Professeur OBENGA1 considère que le concept de MAAT, est le prototype sur lequel, les Grecs anciens, ont imaginé le logos comme Raison Universelle, car la MAAT elle-même remplissait déjà ce rôle avant la découverte du logos par les Grecs. Nous ajoutons que, en tant qu’Intelligence Cosmique, MAAT s’identifie à la Nature Divine de l’Homme, et donc à son Intellect Supérieur, où elle prend le nom de KA. En tout cas, c’est MAAT qui établit les normes du vrai dans l’ univers mental africain, et supplante ainsi la faillite de la Raison, le logos des anciens grecs. On va voir qu’elle est capable ainsi de répondre à la crise de l’explication dans la science moderne. Nous allons essayer ici, dans un effort d’axiomatisation d’établir ses principes fondamentaux. a)-Le Principe De Complémentarité
Il fut formulé par le légendaire HERMES TRISMEGISTE. Qui étaitil ? On l’identifie généralement à un Grand Maître de l’Initiation Grec de l’antiquité. Mais en réalité, il s’agit, comme pour beaucoup d’autres emprunts culturels, de la grécisation du fameux dieu pharaonique de la sagesse, patron des Initiés : THOT. Il affirma que : « Ce qui est haut est comme ce qui est en bas (…) »
1-OBENGA (Th.) ; « La philosophie africaine de la période pharaonique » ; L’Harmattan, Paris, Paris, 1991.
307
C’est le premier principe de la science initiatique. Il implique que le monde physique, n’est qu’une reproduction du monde invisible. Ainsi l’Homme de par sa structure mentale, reproduit la structure du cosmos lui-même. C’est pourquoi la connaissance de la structure psychosomatique l’Homme permet d’accéder de façon très précise aux différentes régions du cosmos. On comprend alors que dans la science Initiatique, le procédé d’accès à la connaissance le plus puissant, ne soit pas le raisonnement, donc la logique formelle, mais l’analogie. Car étant posée l’homologie structurale du monde physique et du monde invisible, le raisonnement ici, devient inutile et même nuisible. Il renvoie à une pensée en peine, qui souffre à découvrir la vérité. L’analogie, nourrie de la pensée symbolique, magique, mythologique, et rendue sûre par la connaissance initiatique du cosmos, permet à l’Homme d’accéder à l’être des choses, et à la raison des rapports qui existe entre les faits. Ce principe agit également sur le plan de la signification de l’existence et de la vie dans le cosmos. Nous avons vu plus haut que pour la cosmogénèse africaine, lors de la création du monde, Dieu a émané des êtres différenciés et incomplets, qui par suite se trouvent animés par un besoin de complétude et de plénitude. Ils peuvent satisfaire à ce besoin de deux façons différentes: a) en entrant dans un rapport de complémentarité avec un autre être, ou, b) en évoluant spirituellement, par la pratique de l’Initiation, ce qui n’est qu’une autre manière d’instaurer une complémentarité entre la nature inférieure de l’Homme et sa Nature Supérieure et Divine. Dans les deux cas, il se produit un dépassement de la situation antérieure. Le principe de complémentarité rend ainsi non-contradictoire les principes d’identité ou de Tiers exclu appartenant à la logique classique et tous les principes de la dialectique : « passage de la qualité à la quantité et inversement, coexistence et lutte des contraires, négation de la négation ». Les Initiés ont découvert que non seulement tous les êtres de la création étaient soumis à la loi de l’évolution spirituelle, mais chaque
308
être était doublement polarisé en masculin et féminin. Ce qui implique que des êtres différents, des réalités contraires ne s’excluent pas, mais s’attirent, pour se fusionner et engendrer une réalité supérieure, qui introduit l’être à sa propre connaissanc e et à sa propre réalisation, et lui donne la capacité d’accéder à la connaissance totale du monde. C’est là le fondement de la raison des rapports entre les faits. C’est aussi la raison qui explique que pour l’Initiation, ce n’est pas le conflit qui est le moteur de l’Histoire, ou de la vie, mais la capacité à surmonter le conflit. b)-Le Principe De La Causalité Elargie, Ou Sans Fin
Le principe de causalité est aujourd’hui de plus en plus délaissé par la science positive au bénéfice de la recherche des lois et des fonctions. Car il semble en apparence difficile d’établir l’origine d’une cause, même lorsque les faits nous paraissent évidents. Lorsqu’on s’y emploie, plusieurs facteurs surgissent pour mettre l’explication en échec. La causalité semble alors rejoindre des fins métaphysiques, car les variables indépendantes, les plus lourdes, ne sont pas toujours faciles à identifier. Mais en Initiation, le problème est résolu de façon compréhensive. Car ici, le monde physiq ue n’est que le prolongement du monde spirituel. Donc une cause est toujours la conséquence d’une cause antérieure. C'est-à-dire une cause est toujours dans un rapport d’homologie proportionnelle avec un acte posé antérieurement. La notion initiatique de cause, nous montre au niveau physique, une chaîne rigoureuse des causes et des conséquences, et au niveau humain, l’intervention d’une dimension morale dans l’action, qui veut que qu’à chaque acte posé corresponde une conséquence positive ou négative. Une telle conception renvoie donc à l’existence d’une Intelligence Cosmique, la MAAT qui veille sur une justice immanente, et gère administrativement le cosmos. Le principe initiatique de causalité comporte ainsi un élément de compréhension qui retire à la notion de cause le caractère indécis qu’elle a dans la science positive.
309
c)-Le Principe D’indéterminisme Ou De Liberté Spirituelle
Dans la logique formelle, le principe de déterminisme, se superpose à celui de causalité. En Initiation, on montre qu’un être doué de qualités supérieures peut s’affranchir des lois de la nature, et donc commander à la nature, sans lui obéir. Ceci ne retire pas néanmoins au déterminisme physique sa rigueur habituelle. La mécanique quantique a justement soulevé la question de savoir si le principe du déterminisme, qui est le fondement de la science positive ne devait pas être remis en question. L’observation du monde infra atomique permet de poser le problème. En effet, pourquoi les particules les plus élémentaires de la matière, les photons, affichent-ils un comportement qui met en échec les fondements de la logique elle même, notamment le principe fondamental d’identité ? Comment un photon peut- il passer sans transition de l’état de corpuscule à celui d’onde et inversement ? Qu’est ce qui explique cette ubiquité qui fait songer à la magie et que Werner EISENBERG avait qualifié de liberté spirituelle ? On sait que Louis de BROGLIE 1 a répondu à cette question par l’hypothèse de la double solution, qui n’a pas été retenue. Même EINSTEIN2 lui-même, n’a pu imposer son point de vue, à cette nouvelle génération de la physique. Werner EINSERBERG 3 semble clarifier la situation en proposant l’idée selon laquelle, les particules infra atomiques sont animées d’une sorte de liberté spirituelle : 1-BROGLIE (L. de) ; « Albert EINSTEIN et la coexistence des ondes et des corpuscules » ; in UNESCO ; « Science et Synthèse » ; Gallimard, Paris, 1967, pp159-163. 2-Voir L. de BROGLIE opcit . 3-EISENBERG (W) ; « La nature dans la physique contemporaine » ; Gallimard, Paris, 1962, pp.46-48.
310
ce qui fonde le principe d’indétermination. Certes ce principe ne s’étend pas à tous les domaines du monde physique, mais il ouvre une brèche dans le matérialisme philosophique qui règne dans la science positive. En Initiation, l’évolution spirituelle assure à l’être humain une véritable liberté. Alors que sous l’empire de sa nature inférieure égocentrique, il semble prisonnier du monde matériel, l’a pparition dans son psychisme d’un centre spirituel, ou Nature divine, lui donne la capacité de poser des actes inexplicables par la Raison, hors du commun. Il acquiert par exemple la faculté d’ubiquité, ou la capacité de se dédoubler, en sortant de son corps physique. Il développe des qualités de clairvoyance, la précognition, la télékinésie, etc. Bref il acquiert des « pouvoirs », pour parler vulgairement. C’est pourquoi, à juste titre, les ethnologues pouvaient s’étonner de voir que pour l’homme animiste « un être est à la fois et de façon mystérieuse lui-même et autre chose que lui-même ». On a cru pouvoir affirmer que la mentalité primitive reposait ainsi sur la catégorie de participation. Mais la formulation de cette idée nous paraît incorrecte. Ne participe pas à l’essence d’un être qui veut, sinon les ethnologues l’aurait fait pour vérifier la réalité de ce phénomène. En fait, il faut posséder les capacités requises, celles qu’engendre la pratique de l’Initiation, de la magie ou du totémisme. C’est pourquoi nous confirmons que les BOROROS sont bien des ARARAS. d)-Le Principe De Finalité
Nous avons noté ci-dessus que ce principe avait été vite écarté des normes de la Raison, pour « intelligence avec la mentalité primitive : l’animisme ». Il est vrai qu’il inspirât, la catégorie de substance, que l’on considérât, comme une « chose » qui se tient sous les apparences changeantes. Mais pour la science initiatique, le principe de finalité, est pour ainsi dire une évidence qui tombe sous la science (sic !). Car tous les êtres du cosmos, dans la mesure où ils portent en eux-mêmes une
311
parcelle de divinité, leur Nature Supérieure, le KA, une parcelle de la MAAT, sont tous destinés, obligés par la loi de l’évolution s pirituelle, à réintégrer la matrice divine. Les Pharaons déjà, d’après les textes de pyramides, en tant que Grands Maîtres de l’Initiation, rejoignaient après la mort directement, sans passer par le tribunal des Deux MAAT, le soleil, dont la substance est justement la MAAT elle-même. e)-Le Principe De l’Unité
C’est le couronnement de l’édifice de la connaissance initiatique. Les Initiés constatent l’existence de deux types de connaissance. D’une part la connaissance liée au monde physique, à laquelle la science positive peut accéder par la Raison. Cette connaissance est formelle, elle s’applique qu’aux formes des choses, donc à la surface de l’être. Or le monde physique est soumis à une dynamique de transformation sans fin, qui engendre un renouvellement ininterrompu des formes. L’Initiation est capable d’apporter à ce type de connaissance un plus grand éclairage. Car avec la science positive, la connaissance demeure superficielle et approximative aussi implique t-elle des remaniements continuels, sans jamais accéder à la certitude, à l’intelligence du cosmos, car celle -ci se subdivise en plusieurs dimensions et paliers, le monde physique, n’étant que le premier de ces paliers. Les autres étant inaccessibles aux non Initiés. La connaissance à laquelle on accède par la mobilisation de la Nature Supérieure de l’homme, est une connaissance stable, qui ne change pas. A ce niveau, ni le temps, ni l’espace n’exercent plus aucune contrainte sur l’Homme. Le passé et le futur se confondent dans un éternel présent. Cette connaissance est la MAAT, la science divine ou encore l’Intelligence Cosmique. Cette stabilité est due au fait que l’Intelligence Cosmique n’est pas concernée par l’évolution spirituelle parce qu’étant parfaite dans ses manifestations. L’Initié qui se hisse à ce niveau par la pédagogie initiatique, découvre, qu’un seul Etre, habite et anime tout les êtres de la Création. Nous revenons ainsi à la conception africaine vitaliste et animiste du
312
monde selon laquelle, Dieu cohabite avec sa propre Création, et se comporte comme une énergie qui anime l’univers de l’intérieur. C’est donc le principe de l’unité du monde qui ouvre la voie à la connaissance initiatique, et qui couronne aussi cette connaissance. Soulignons enfin, que cette unité qui instaure la Synarchie, c'est-à-dire une hiérarchie dans la Création, un centre, un ordre, une harmonie, et une justice immanente, fait apercevoir l’univers comme organisme vivant, qui respire. Les astrophysiciens ont par exemple découvert que le cosmos comportait des moments d’expansion et de contraction. Pour les Initiés qui ont accès à la connaissance de l’être du monde, et à la vision directe de la structure du cosmos, il s’agit là, d’une caractéristique qui témoigne que le cosmos est un organisme vivant. Or, l’un des traits apparents d’un organisme vivant, est la faculté de respirer. Ce qui permet cette respiration au sein de l’immensité cosmique, c’est justement la MAAT, son Intelligence. Le temps de chacune de ses inspirations et des expirations se mesure par milliards d’années.
313
3. LA MAATISATION DE LA SCIENCE
Le terme « maâtisation» , est sans doute le mot le plus puissant de la mystique pharaonique. Il signifie, l’action d’insuffler, ou d’imprégner un être ou une chose de la substance même de DIEU : la MAAT. Car MAAT, d’après les Inités de l’époque pharaonique, est rigoureusement le KA de RE, c'est-à-dire la Force Vitale du Dieu Soleil. Ainsi le dieu Soleil luimême en tire sa pui ssance. Car il est dit comme on l’a vu plus haut, MAAT embrasse continuellement RE. Lequel, vit de Maât, se nourrit de Maât, se couche en Maât, se lève en Maât, règne par Maât, est puissant par Maât et triomphe par Maât. Après la mort, et avant d’entrer au paradis ou d’en être refoulé, le commun des mortels subissait en Egypte ancienne l’épreuve de la pesée de l’âme, qui se déroulait dans la salle des deux MAAT, en présence du Grand OSIRIS, assisté de Maître THOT, d’ANUBIS, et de quarante deux assesseurs. C eux qui satisfaisaient à cette épreuve étaient qualifiés de « maâtisés juste de voix » et jugés dignes de vivre parmi les Immortels, dans l’AMENTI (paradis). Rappelons que s’est en se maâtisant, que l’Homme triomphe des échecs de la vie, se développe spirituellement et acquiert la mentalité pharaonique, c'est-àdire les qualités d’entrepreneur, de bâtisseur, et de conquérant, qui lui permettent de réussir socialement et professionnellement. La science moderne victime d’une Raison en faillite, dominée par la nature inférieure de l’Homme, nous semble avoir besoin en urgence d’être maâtisée ou justifiée. Car justement ainsi que nous l’avons montré plus haut, la MAAT correspond précisément à l’Intellect Supérieur de l’Homme, dont les capacités peuvent permettre l’accès à l’être du monde. Ce qui, bien que les savants modernes pensent le contraire, introduit l’Homme à la connaissance totale et stable du monde.
314
3.1. La nécessité d’un changement de point de vue
Une telle justification do it d’abord commencer par un changement de point de vue. Cela signifie qu’il faut accepter de comprendre que la Raison elle-même constitue un obstacle épistémologique pour accéder aux degrés supérieurs de la connaissance. Que l’autonomie de la Raison est une absurdité et une lubie. Car elle doit non seulement être éclairée par la Nature divine de l’Homme, mais doit finir par fusionner avec elle. Dans le cas contraire elle tombe sous la domination de la nature inférieure de l’Homme qui elle, est égocentriqu e et donc imparfaite. Si l’on accepte un tel préalable, cela implique l’abandon du point de vue matérialiste, qui conduit à faire dépendre la connaissance scientifique de la seule connaissance des rapports entre les faits. Il s’agit donc pour la science de transgresser la barrière invisible qui existe pour elle, entre le monde invisible et le monde visible. C’est donc reconnaître que MAAT, est la caractéristique ultime de la réalité. Dimension à laquelle on accède par une modification de la conscience, plus précisément, son élargissement, par identification du moi à la Nature Divine. On peut caractériser MAAT par la liberté spirituelle. Propriété résultant de l’adéquation de l’être au désintéressement. Autrement dit, face aux concepts de fonction, de structure et de système, qui forment les fondements théoriques mêmes de la science moderne, et qui supposent des propriétés systématiques, internes à la réalité, et qui sont sensées lui donner sa cohérence, il y a la MAAT, qui représente le caractère suprême de la réalité, qui se définit par le désintéressement, lequel engendre la liberté spirituelle, la puissance créative, la connaissance de l’essentiel, et la stabilité… que seul le moi Supérieur de l’Homme peut connaître.
315
3.2. La MA AT, comme forme Supérieure de la Raison et l’outil nécessaire pour pénétrer le mystère du monde
Notre but, n’est pas en réalité d’abolir ou de supprimer la Raison telle que nous la connaissons aujourd’hui. Elle trouvera toujours de qu oi s’occuper chez les hommes ordinaires. Nous montrons l’avantage qu’il y a de la remplacer par une Raison supérieure, qui est l’intellect de la Nature Divine de l’Homme. C’est le KA des anciens Egyptiens, parcelle de la MAAT. Nous avons vu ci-dessus, comment procéder pour mobiliser cette Nature Supérieure de l’Homme. On sait maintenant quelles sont les conséquences de sa manifestation. Sous sa domination, c'est-à-dire, par la maâtisation, l’Homme acquiert la qualité principale de désintéressement, qui est la somme de toutes les vertus. Ainsi, l’Homme devient capable de communiquer avec l’être du monde, car la pratique de la MAAT, active les capacités supérieures de son intelligence. Il peut maintenant comprendre les projets de l’Intelligence Cosmique, qui déroutent l’Homme ordinaire. Il peut ainsi ajuster sa conduite à cette compréhension, et devenir l’instrument même de la MAAT, pour participer à la maâtisation du monde. Donc si les propriétés fonctionnelles, structurelles, et systématiques de la réalité sont données d’office à la nature et à la société humaine, puisqu’il est possible de les y retrouver par analyse en usant de la Raison, les propriétés de la MAAT aussi sont déjà contenues dans l’être du monde, mais doivent être conquises par l ’Homme, car elles se trouvent à un niveau supérieur de la réalité, auquel on ne peut accéder que par une modification préalable de la conscience humaine, et l’activation du KA. Le remplacement de la Raison par la MAAT, développera dans des proportions inconnues des humains, la puissance de la pensée. Elle va engendrer des technologies auxquelles l’Homme, ne pouvait même pas rêver, car elle prend ses modèles et ses archétypes à la source, parce qu’elle est l’Intelligence cosmique Elle -même. Enfin la mise en œuvre de la MAAT, par la connaissance de la nature humaine qu’elle implique, permettra d’aborder sous un jour nouveau le problème de l’organisation sociale, des rapports sociaux, de l’économie,
316
de la politique, du droit, de la justice, et de leur dysfonctionnement. En posant la nécessité de modifier la conscience humaine pour accéder à la MAAT, on accepte de modifier l’avenir même de l’Humanité. Car l’action de la MAAT, préparera alors l’Humanité à une transformation radicale, en élargissa nt les dimensions de la conscience de l’Homme jusqu’à ce qu’il constate que tous les être de l’univers sont animés par un Seul Etre, qui agit et pense à travers eux, même à leur insu. C’est cette idée qui fonde la Fraternité Universelle. 3.3. La plasticité épistémologique : absence d’une barrière entre le monde physique et le monde invisible
Cette idée est sans doute la plus difficile à concevoir pour la science moderne, qui interprétant la notion de causalité dans l’u nivers mental animiste, s’étonne d’apprendre que des êtres invisibles peuvent agir sur le monde physique. Ce n’est toutefois pas sous cet angle qu’il faut aborder la question. Il faut partir des faits constatés 1. Comment des médiums parviennent-ils à faire apparaître dans le monde visible de véritables entités, humaines ou autres ? Pourquoi un être humain peut-il marcher sur des braises sans se brûler la plante des pieds ? Comment un être humain peut-il voler littéralement dans les airs, défiant ainsi les lois de la pesanteur ? Comment les Africains peuvent-ils interroger des cadavres juste avant leur enterrement ? ou encore, comment un médium peut-il faire un diagnostic médical exact, sur un individu qu’il ne connaît pas et ce à distance ? Comment est-ce possible de prévoir avec exactitude des événements à venir ? Enfin comment peut-on entrer en contact sans support technologique avec un individu qui se trouve à des milliers de kilomètres ?2 Les savants ne peuvent pas se contenter de hausser les épaules devant ce genre de phénomènes, aussi déroutants soient-ils pour la Raison. Ceux-ci, renvoient d’ailleurs à l’univers infra -atomique, dont les particules, affichent un comportement déconcertant, qui met en échec la logique elle-même. 1-Voir aussi TOCQUET (R) ; « Les pouvoirs secrets de l’Homme » ; J’ai lu, Paris, 1963. 2-OSTY (E) ; « La connaissance supranormale » ; J’ai lu, Paris, 1925
317
Nous affirmons que pour accéder à ces mystères, le scientifique doit avoir recours à son Intellect Supérieur, qui est activé par la pratique de la MAAT. Grâce à cet outil, il pourra voir le monde avec les « yeux de l’esprit », et compter moins sur la Raison dont les capacités d’explication sont bornées par la nature inférieure de l’Homme, qui l’influence nécessairement. La mathématisation de la nature ne suffit pas pour dominer le monde. Car les mathématiques ne sont que le langage le plus simple que la Raison ait inventé pour rendre compte de l’unité élémentaire et mécanique de la nature. Par contre la MAAT, elle, est capable d’expliquer pourquoi dans la nature certains phénomènes, peuvent prendre une véritable liberté vis-à-vis du déterminisme de la nature, sans nuire à l’équilibre global du cosmos. Confrontons les Mathématiques à l’un des problèmes émine nts que traite la MAAT, celui de la nature de la nature humaine, elles deviennent sourdes et muettes, comme frappées d’autisme, incapables de nous dire le pourquoi de rien ; car la nature humaine, n’est ni chiffrable, ni quantifiable, pourtant sa connaiss ance, ne manque pas d’intérêt pour les humains. Mieux, de sa connaissance dépend l’avenir de l’humanité. Donc la plasticité épistémologique, c'est-à-dire, la capacité de la pensée à transgresser les barrières mentales, a pour clé la MAAT. 3.4. La MAAT propose une méthodologie capable d’appréhender et de dépasser la complexité pour aboutir à la compréhension.
Les Initiés affirment que pour accéder à la Vérité, l’Homme doit posséder au préalable deux qualités : l’Amour et la Sag esse. Ce qui veut dire, comme nous l’avons déjà affirmé, il doit échapper d’abord à l’influence de sa nature inférieure, pour permettre à sa Nature Divine de s’exprimer souverainement. En d’autres termes, en fermant la porte à celle-ci, la pensée humaine s ’épaissie, et s’obscurcie. L’Homme n’est plus alors capable d’accéder à la connaissance de l’être du monde. Il se heurte à la complexité de la réalité qui paralyse ses capacités d’investigation : sa Raison. Ainsi, la Connaissance qu’il peut avoir du monde, le laisse à la surface des choses.
318
Nous savons maintenant que l’action de l’Initiation sur la structure mentale de l’Homme, lui donne la capacité non seulement de connaître et d’agir sur le monde physique qui l’entoure, mais aussi de connaître et d’agir sur le monde invisible. C’est précisément la pratique de la MAAT, qui donne cette double capacité à l’être humain. L’Egypte pharaonique qui a inventé la civilisation, la science et la philosophie, nous en donne la preuve historique. En effet, ce que C.A DIOP avait prit pour une gangue métaphysique entourant la pensée scientifique égyptienne, est en réalité la manifestation de la puissance de la pensée à agir dans le monde invisible. A condition donc d’avoir rompu avec la nature inférieure de l’Homme, la MAAT, peut nous faire accéder à l’Intelligence Cosmique, à la connaissance stable du monde, en provoquant une modification de la conscience humaine. Pour cela elle utilise au moins trois outils. a)-la pensée symbolique
On sait que le symbolisme est pour la pesée humaine en général, un langage avancé, qui confère à l’Homme le pouvoir de manipuler abstraitement la réalité. Pour la science Initiatique c’est la nature elle même qui est symboliquement saturée. La nature est ainsi regardée par les Initiés comme un véritable livre ouvert qui nous informe sur les œuvres et les projets de la MAAT. Le moindre phénomène interprété correctement, nous dévoile une grande vérité. Par exemple, l’observation de l’activité d’une araignée qui construit une toile aux formes géométriques parfaites, avec une substance qu’elle a secrétée elle même, nous instruit sur la façon dont DIEU a créé le monde. Car ainsi que nous l’avons dit plus haut, il y a homologie structurelle parfai te entre ce qui est en haut et ce qui est en bas.
319
b)-L’intuition
Elle permet justement de pénétrer la barrière symbolique de la réalité. En Initiation, le raisonnement devient une gêne. Car l’intellect supérieur de l’Homme fonctionne très vite. L’intuition est un procédé de la pensée qui nous donne accès directement à la connaissance de l’être. Chez les Initiés, elle se transforme en une sorte de clairvoyance, qui permet de voir la structure permanente du cosmos. c)-L’identification
C’est le procédé, qui permet réellement de comprendre l’être, en fusionnant avec lui. Un Initié est ainsi capable de fusionner avec l’essence d’un animal, d’une plante, ou d’un Homme, pour vivre leurs propriétés ou leurs qualités de l’intérieur, et les connaître intimement pour parvenir ainsi à la compréhension. On comprend donc comment en Afrique des Hommes parviennent momentanément à prendre la forme d’un animal, et poser des actes à travers elle 1. Si donc, la réalité est complexe, cette complexité ne pose problème qu’à ceux qui sont limités dans leurs capacités mentales pour l’appréhender et à la dépasser. L’usage de la MAAT permet de maîtriser et d’utiliser ces capacités.
1-JOSET (P.E) ; « Les sociétés secrètes des Hommes-léopards en Afrique Noire » ; Payot, Paris, 1959.
320
CONCLUSION
Ainsi, aux yeux du profane, comme à ceux du savant lui-même, la science moderne, brille de mille feux. Et, nous ne pouvons que nous incliner. En effet l’esprit positif qui, depuis son apparition dans la Grèce ancienne n’a pas cessé d’accomplir des révolutions dans la pensée humaine ; tant sur le plan proprement théorique, que sur le plan des applications pratiques qu’en tirent la technique et l’industrie. La connaissance scientifique possède ainsi une véritable efficacité opératoire, puisqu’elle permet non seulement d’identifier les problèmes qui se posent à l’Homme, mais se trouve en mesure d’y répondre. Pourtant cette capacité d’expansion cache une faiblesse irréductible. La science ne connaît du monde que son apparence physique. Le premier critère de cette difficulté est que, l’être humain reste pour lui un mystère. La science sait tout de l’Homme, sauf l’essentiel. C ette façon de poser le problème des capacités heuristiques de la science reste valable pour le cosmos lui-même. Là est son véritable point faible. Car l’ignorance de l’être de l’Homme par exemple, laisse l’Homme impuissant face à l’irrationalité, l’arbitra ire et la violence de la nature humaine qui présage un avenir calamiteux pour l’espèce humaine. C’est donc à partir d’ici qu’il faut se rendre compte, qu’il y a des barrières que la science n’est pas capable de franchir. La cause en est qu’elle s’appuie entièrement sur la Raison pour expliquer et comprendre le monde, or les capacités de la Raison ne sont pas infinies. Le drame est alors que fascinés par la puissance de la rationalité, l’homme de la société moderne en a fait un objet de culte en remplacement de la spiritualité. Mais cette foi qui conduit l’Homme à se couper de ce qu’il y a de plus noble en lui-même : sa Nature Divine, et le pousse à s’enfermer dans l’égocentrisme,
321
est aussi la preuve de l’échec de la modernité, culture qui a donné à la Raison des pouvoirs qu’elle ne possède pas et a fait de la rationalité une religion qui au lieu du salut, n’offre à l’Homme que la ruine de l’âme. Aussi le moment était propice pour que la pensée initiatique condamnée précisément par la Raison et la société moderne fasse son retour au cœur même de la science moderne et pas seulement à ses frontières sociologiques. Après avoir fait la démonstration que l’Initiation est l’idéologie de la société africaine, nous avons confronté cette assertion à la réalité historique africaine. L’Initiation nous est alors apparue comme le facteur fondamental de transformation et de développement de la société africaine, et finalement le moteur même de l’Histoire dans la civilisation africaine. Au sein du Type III du système communautaire, et à plus forte raison dans la Société Initiatique elle- même, l’Initiation qui n’était que l’idéologie de la société africaine, subit une véritable mutation, elle devient une science du développement psychique et spirituel de l’Homme. C’est lorsqu’elle atteint ce niveau, que l’Initiation, devient la MAAT. C’est là une subtilité qui avait échappée, à tous ceux qui s’étaient penchés tant sur l’étude de l’Initiation et celle de la MAAT. Enfin, dans la mystique pharaonique la MAAT opère une autre mutation. De science du développement psychique et spirituelle de l’Homme, la MAAT, s’assimile maintenant à son propre objet. Elle devient l’essence même de DIEU, la Nature Divine. On peut le vérifier dans l’affirmation selon laquelle : MAAT est le KA de RE. C’est la définition ultime de la MAAT, donnée par les Grands Maîtres de l’époque pharaonique. Pour eux MAAT était la substance même de Dieu, puisqu’elle est la Force Vitale du dieu Soleil. La MAAT apparaît donc comme le couronnement et la sublimation de la pensée africaine. Nous savons que la MAAT, pensée africaine par excellence, est à l’origine de la religion et de la culture hébraïque d’après Sigmund FREUD. En outre la recherche africaine depuis C.A DIOP, s’est empl oyée à démontrer que, il n’y aurait pas eu dans l’Histoire de miracle grec , sans l’influence que l’Egypte pharaonique a exercée sur elle. Autrement dit, la MAAT, est à
322
l’origine de la civilisation occidentale, mais aussi de l’univers mental abrahamique. Cependant selon nous Israël et la Grèce ancienne, n’ont emprunté à l’Afrique à travers l’Egypte, que l’aspect de la MAAT qui traite du premier degré du cosmos, et non de l’être du monde, d’où la crise de l’explication de la science moderne et la crise de la civilisation occidentale elle-même. Du point de vue de la philosophie de l’Histoire, l’Afrique se trouve ainsi à la croisée des chemins. Si elle le souhaite, elle peut jouer le rôle solaire, qu’elle a déjà joué au commencement de l’Humanité. Les Africains ne le savent pas, mais ils sont les seuls à détenir le secret de l’Histoire humaine, pour avoir été les premiers Hommes, et pour avoir engendré toutes les autres ethnies de l’Humanité. Pour jouer ce rôle pionnier, il a fallu que bien avant l’ apparition de la civilisation pharaonique (la mère de toutes les civilisations), que la communauté africaine soit dotée de la mentalité pharaonique, grâce à laquelle les Africains ont pu inventer la civilisation sur le sol africain avant de sortir de l’Afr ique pour peupler la planète Terre et la rendre habitable. Nous avons affirmé au début de ce texte, que les Africains avaient créé toutes les ethnies ou toutes les races qui composent l’Humanité actuelle, ce qui n’est qu’une évidence. Mais il y’ a mieux, d errière chacune de ces ethnies, malgré la différenciation qui s’est produite depuis des millions d’années, nous y voyons encore des Africains. Car c’est bien à cette conclusion que nous conduit la thèse de l’origine monogénétique de l’Humanité. Exactement comme lorsque le savant parvient à établir une loi en supputant au-delà de la diversité parfois irréductible de la réalité, une unité de principe. Ceci signifie enfin au-delà des opinions particulières, qu’il faut mettre sur le compte de la faiblesse de la nature humaine, que l’Histoire a un sens. La mentalité pharaonique, héritage principal de la communauté africaine n’a été temporairement perdue par cette dernière qu’en raison des agressions, des violences inouïes et des dominations que sa propre descendance lui a fait subir, répondant peut être au complexe d’Œdipe. Mais on le sent bien que le temps est venu pour l’Afrique de reprendre sa
323
vraie place dans le monde. Car en son sein l’aspiration à la Renaissance Africaine se fait de plus en plus irrépressible et même violente. Ainsi les derniers redeviendront les premiers à condition de renouer avec la pratique de la MAAT pour retrouver la mentalité pharaonique des premiers Africains, bâtisseurs de l’Humanité actuelle et fondateurs de la race humaine.
324
BIBLIOGRAPHIE
ABDERRAMHAN BEN ABDALLAH BEN IMRAN BEN AMIR ES SADI. « Tarrik es Soudan » ; Ernest Leroux, Paris, 1900. ADAMS (M.N) & COULIBALY (M) ; « La pédagogie africaine traditionnelle dans une perspective moderne » ; in PERSPECTIVES, vol. XV, N°2, 1985, pp. 275-280. ALFED (C) ; « Akhenaton, Pharao of Egypt: a new study » ; Thames and Husdon, London, 1968. ALEXANDRE; «L’animisme» ; Conférence du CHEAM, Paris, 1962. AMSELLE ; (J.L) ; « Logiques métisses » ; Payot, Paris, 1989. AMSELLE (J.L) & MBOKOLO (E); « Au coeur de l’Ethnie » ; La Découverte, Paris, 1985. ARNAUD (A) & NICOLE (P) ; « La logique de Port Royal » ; Puf, Paris, 1957. ARON (R) ; « Les étapes de la pensée sociologique » ; Gallimard, Paris, 1967. « Introduction à la philosophie de l’Histoire » ; Gallimard, Paris 1948. ASSMANN (J) ; « MAAT. L’Egypte pharaonique et l’idée de justice sociale » ; Julliard, Paris, 1979. ARISTOTE ; « Métaphysique » ; Vrin, Paris, 1993. AUGE (M) ; « Pouvoirs de vies, pouvoirs de mort. Introduction à une anthropologie de la répression » ; Flammarion, Paris, 1977. AUZIAS (J.M) ; « L’anthropologie contemporaine » ; Puf, 1976. BADIE (B) ; « Formes et Transformation des communautés politiques » , in GRAWITZ (M) & LECA (J) ; « Traité de Science Politique » ; Puf, Paris, 1981. BACHELARD (G) ; «La formation de l’esprit scientifique » ; Vrin, Paris, 1986. « Le nouvel esprit scientifique » ; Puf, Paris, 1963. BAHOKEN (V.C) ; «Clairières métaphysique africaines » ; Présence Africaine, Paris, 1967. BALLA TRAORE (M) ; «Société Initiatique et régulation sociale chez les Bambara-Malinké du Mali » ; Thèse de doctorat de l’Université de Paris I, 1980. BALANDIER (G) ; « Sens et Puissance » ; Puf, coll. Quadrige, Paris, 1971. « Anthropo-logiques » ; Puf, Paris, 1974. BAYET (A) ; « La morale de la science » ; Editions Rationalistes, Paris, 1965. BASTIDE (R) ; « Religions Africaines et Structures de Civilisation » ; in actes de la 2è Session du Congrès International des Africanistes, Dakar, Décembre, 1967, p.107. BAUDRILLARD (J) & GUILLAUME (M) ; « Figures de l’altérité » ; Ed. Descartes & Cie, Paris, 1994. BEBBE-NJOH (E); « Mentalité africaine et problématique du Développement ». L’Harmattan, Paris, 2002. BENNEDICT (R) ; « Echantillons de civilisation » ; Gallimard, Paris, 1950.
325
BERGSON (H) ; « L’évolution créatrice » ; Puf, coll. Quadrige, Paris, 1985. « Les sources de la Morale et de la Religion » ; Puf, Paris, 1961. BERGSON (H) ; « L’énergie spirituelle » ; Puf, coll. Quadrige, Paris, 1985. BIRNBAUM (P) & LECA (J) ; « Sur l’individualisme » ; PFNSP, Paris, 1986. BLANCHE (R) ; « L’axiomatique » ; Puf, coll. Quadrige, Paris, 1990. « Introduction à la logique contemporaine » ; Armand Colin, Paris 1967. BLAVATSKY (H.P) ; « La doctrine secrète » ; 6 vol. Paris, Editions Adyar, 1948. « Isis dévoilée » ; 4 Vol. Adyar, Paris, 1956. BLOOM (A) ; « L’âme désarmée. Essai sur le déclin de la Culture Générale » ; Julliard, Paris, 1987. BOLLINGER (D) & HOFSTEDE (G) ; « Les différences culturelles dans le management. Comment chaque pays gère t-il ses Hommes ? » ; Editions de l’Organisation, Paris, 1987. BONET-MAURY (G) ; « Les précurseurs de la Réforme et de la liberté de conscience dans les pays latins du XIIè au XVè siècle » ; Stlakine Reprints, Genève, 1969. BOURDIEU (P) ; « Le sens pratique » ; Minuit, Paris, 1980. BOURCAUD (F) ; « L’individualisme institutionnel. Essai sur la sociologie de Talcott Parsons » ; Puf, Paris, 1977. BOUTROUX (E); « L’idée de loi naturelle » ; Alcan, Paris, 1955. BRADBURY (R.E) & GEERTZ (C); « Essai d’anthropologie religieuse » ; Gallimard, Paris, 1966. BRACHET (Ph) ; « Science et société » ; Publisud, Paris, 1993. BRAUDEL (F) ; « Civilisation matérielle et capitalisme » ; Puf, Paris, 1967. BRILMAN (J) ; « Modèles culturels et performances économiques. Les Hommes, les entreprises, les Etats » ; Editions Hommes et Techniques, Paris, 1981. BROGLIE (L. de) ; « Sur les sentiers de la science » ; Albin Michel, Paris, 1960. « Savants et découvertes » ; Albin Michel, Paris, 1965. « Albert EINSTEIN et la coexistence des ondes et des corpuscules » ; in UNESCO ; « Science et synthèse » ; Gallimard, Paris, 1967. BRUNSCHWICG (L) ; « La philosophie mathématique et la causalité physqiue » ; Armand Colin, Paris, 1926. BRUYAS (J) ; « L’Afrique traditionne lle, vivant témoin du passé universel. Le culte des esprit de la nature » ; Pédone, Paris, 1974. CALLOIS (R) ; « L’Homme et le sacré » ; Puf, Paris, 1939. CALVIN (J) ; « L’institution de la religion chrétienne » ; Société des Belles Lettres, Paris, 1939. CARTINI (R) ; « Histoire critique de la pensée sociale » ; SEGHERS, Paris, 1986. CAVALLES (J) ; « Sur la logique de la théorie de la science » ; Puf, Paris, 1947. CHABOT (J.L) & MACAEZ (N) ; « Méthodes des sciences sociales » ; Puf, Paris1995. CHASLE (R) ; «L’alternative culturelle » ; Publisud, Paris, 1994. CHATELET (F) ; « La philosophie de Platon à Saint Thomas » ; Hachette, coll. Marabout Université, 1972.
326
CHATELET (F) & PISIER-KOUCHENER (E); «Les conceptions politiques du XXè siècle » ; Puf, coll. Thémis, Paris, 1981. CHAUNU (P) ; « Eglise, Culture et Société » ; SEDES, Paris, 1981. CHENAUX (J) ; « De la Modernité » ; Maspero-La Découverte, Paris 1983. CHENON (E); « Histoire de l’Eglise et l’Etat du Ier au XXè siècle » ; Bond & Cie, Paris, 1913. COLEMAN (J.S) ; « Introduction to the mathematical sociology » ; Free Press, New-York, 1964. COLLECTIF; « Tradition et modernisme en Afrique Noire » ; Rencontres Internationales de Bouaké. Janv. 1962, Seuil, Paris, 1972. COLLIN (R) ; « Physique et métaphysique de la vie » ; Doin, Paris, 1925. COLLOQUE ; « Les religions africaines traditionnelles. Rencontres Internationales de Bouaké » ; Seuil, Paris, 1965. COLLOQUE ; « Sacratité, Pouvoir et Droit en Afrique » ; CNRS, Paris, LAJP, Sorbonne, Février, 1978. COMTE (A) ; « Cours de philosophie positive » ; Puf, Paris, 1965. COPENS (Y) ; « Le singe l’Homme et l’Afrique » ; Paris, Fayard, 1983. CORNEVIN (R) ; « Les Mémoires de l’Afrique » ; R. Laffont, Paris, 1972. COUFIGNAL (L) ; « La Cybernétique » ; Puf, Paris, 1966. CNRS ; « La notion de personne en Afrique » ; Acte du colloque tenu à Paris, édité par G. Dieterlen, Paris, 1973. CRESWELL (R) & GODELIER (M) ; « Outils d’enquête et d’analyse anthropologique » ; Maspero, Paris, 1976. CROMBIE (A.C) ; « Histoire des sciences de Saint Augustin à Galilée » ; Puf, Paris, 1959. DACO (P) ; « Les triomphes de la psychanalyse » ; Hachette, Marabout Université, Paris, 1978. DAMMANN (E) ; « Les religions de l’Afrique » ; Paris, Payot, 1964. DAVY & MOREY ; « Des clans aux empires » ; La Renaissance du livre, Paris, 1923. DESCARTES (R) ; « Règles pour la direction de l’esprit » ; Gallimard, coll. La pléaide, Paris, 1953. « Méditations Métaphysiques » ; Gallimard, 1953. « Principes de la philosophie » ; Gallimard, 1953. « Discours de la Méthode » ; Le Livre de Poche, Paris, 1973. DESANTI (T) ; « Le rôle de la science dans la culture » ; in Rev. Int. De Sc. Sociales, vol. XXXVIII, N°3 et N°109, 1986, pp.491-502. DESCHAMPS (H) ; « Les religions d’Afrique Noire » ; Puf, QSJ, Paris, 1954. DELUMEAU (J) ; « Naissance et affirmation de la Réforme » ; Puf, Paris, 1973. DEWEY (J) ; « Logique. Théorie de l’enquête » ; Puf, Paris, 1993. DIA MAMADOU ; « Islam, Sociétés Africaines et cultures industrielles » ; NEA, Dakar Abidjan, 1975.
327
DIKA AKWA (N. B), (Prince) ; « Le Nyambéisme. Pensée et Mode d’organisation des Négro-Africains » ; 11 vol. Thèse de doctorat d’Etat, Université de Paris VII, 1984. « Les descendants des Pharaons à travers l’Afrique » ; Ed. Osiris-Africa, Bruxelles, 1985 ; « Les problèmes de l’Histoire et de l’anthropologie africaines » ; Editions Clé Yaoundé, 1982. DIOP (C.A) ; « Nations Nègres et Culture » ; Présence Africaine, Paris, 1954. « Les fondements culturels, techniques et industriels d’un futur Etat fédéral d’Afriqu e Noire » ; Présence Africaine, 1960. « Antériorité des civilisations Nègres. Mythe ou Vérité historique ? » ; Présence Africaine, Paris, 1967. « Civilisation ou Barbarie » ; Présence Africaine, Paris, 1981. « Origine des anciens Egyptiens » ; in UNESCO ; « Histoire Générale de l’Afrique » ; Tome II, Jeune Afrique/UNESCO, Paris, 1981, pp. 40-72. « L’Unité Culturelle de l’Afrique Noire » ; Présence Africaine, Paris, 1959. «La parenté génétique entre l’égyptien ancien pharaonique et des langues négro-africaines. Processus de sémitisation » ; Bull. IFAN, Dakar, 1977. « L’Afrique Noire précoloniale » ; Présence Africaine, Paris, 1960. « Alertes sous les tropiques » ; Présence Africaine, Paris, 1990, Oeuvre posthume. DOROLLE (M) ; « Le Raisonnement par analogie » ; Puf, Paris, 1949. DOZON (J.P) ; « Anthropologie et Histoire. Un mariage de Raison ? » ; Centre d’Etudes Africaines, EHESS, Paris, 1989. DUMONT (F) ; « Idéologie et savoir historique » ; Cah. Int. De Soc. Vol. XXXV, JulDéc. 1963, pp. 43-60. DUMONT (L) ; « Essai sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne » ; Seuil, coll. Points, Paris, 1983. DUMONT (R) ; « Pour l’Afrique j’accuse » ; R. Laffont, Paris, 1986. DUMONT (R) & PAQUET (Ch.) ; « Un monde intolérable. Le libéralisme en question » ; Seuil, Paris, 1988. DURAND (N) ; « Les structures anthropologiques de l’imaginaire » ; Bordas, Paris, 1973. DURKHEIM (E) ; « Les formes élémentaires de la vie religieuse » ; Puf, coll. Quadrige, Paris, 1990. EINSTEIN (A) ; « Comment je vois le monde » ; Flammarion, Paris, 1934. EISENSTADT (S.N) ; « L’analyse anthropologique des sociétés complexes » ; in Cah. Int. De Soc. Vol. IX, 1976, pp. 5-36. ENGELS (F) ; « Dialectique de la Nature » ; Editions Sociales, Paris, 1975.
328
ELA (J.M) ; « Innovations sociales et Renaissance de l’Afrique Noire » ; L’Harmattan, Paris, 1994. ELIAS (N) ; « La dynamique de l’Occident » ; Calmann-Lévy, Paris, 1975. ELUNGU (P.E.A) ; « Tradition africaine et rationalité moderne » ; L’Harmattan, Paris, 1987. ERMAN (A) & RANKE (H) ; « La civilisation égyptienne » ; Payot, Paris, 1954. EVANS-PRITCHARD (E.E) ; « Les anthropologues face à l’histoir e et à la religion » ; Puf, Paris, 1974. ESSERTIER (D) ; « Les formes élémentaires de l’explication » ; Alcan, Paris, 1927. FALLOT (J) ; « La pensée de l’Egypte antique » ; Publisud, Paris, 1992. FANON (F) ; « Pour la Révolution Africaine » ; Maspero, Paris, 1961. « Peau Noire, masques blancs » ; Seuil, Paris, 1952. FAUVELLE (F.X) ; « L’Afrique de C.A DIOP » ; Karthala, Paris, 1996. FEYRABEND (P) ; « Adieu à la Raison » ; Seuil, 1989. FERROL (G) & DUBEL (Ph.) ; « Méthodologie des sciences sociales » ; A. Colin, Paris, 1993. FINKIELKRAUT (A) ; « La défaite de la pensée » ; Gallimard, Paris, 1987. FORTES (M) & DIERTERLEN (G) ; « African system of through » ; IAI, Oxford, University Press, New-York, 1970. FREUD (S); “Totem et Tabou”; Payot, Paris, 1915. « Moïse et le monothéisme » ; Gallimard, Paris, 1948. « Malaise dans la Civilisation » FREUND (J) ; « Les Théories des sciences humaines » ; Puf, Paris, 1973. FREIDMANN (G) ; « Sept études sur l’Hom me et la technique » ; Gonthier, Paris, 1996. « La puissance et la sagesse » ; Gallimard, Paris, 1970. FROELICH (J.C) ; « Animismes » ; Ed. De l’Orante, Paris, 1964. GAUCHET (M ); « Le désenchantement du monde »; Gallimard, Paris, 1985. GIRAUD (P.N) ; « Géopolitique des ressources minières » ; Paris, 1983. GIVRY (De) ; « Anthologie de l’occultisme » ; Editions J’ai lu, Paris, 1931. GOBINEAU (C. de J.A) ; « Introduction à l’essai sur l’inégalité des races humaines » ; Nouvel office d’Edition, Paris, 1963. « Essai sur l’inégalité des races humaines » ; Firmin Didot, Paris, 1854. GODEFROY CHRISTIAN (H) ; « La dynamique mentale. Les secrets des pouvoirs intérieurs » ; Robert Laffont, Paris, 1976. GOODY (J) ; « La raison graphique » ; Ed. de Minuit, Paris, 1979. GOBLOT (E); «Traité de logique » ; A. Colin, Paris, 1952. GRAWITZ (M) ; « Méthodes des sciences humaines » ; Dalloz, Paris, 1952. GRIAULE (M) & DIETERLEN (C) ; « Le Renard Pâle : Le mythe cosmogonique » , fasc.I, « La création du monde » ; Mémoires de l’institut ethnographique, Paris, 1965.
329
GUERNIER (F) ; « L’apport de l’Afrique à la pensée humaine » ; Payot, Paris, 1952. HABERMAS (J) & al. « Le discours philosophique de la Modernité » ; Gallimard, Paris, 1988. HAGENBUCHER-SACRIPANTI (F) ; « Les fondements spirituels du pouvoir au royaume de Loango » ; ORSTOM, Paris, 1973. HALKIN (L) ; « Introduction à la critique historique » ; A. Colin, Paris, 1951. HAMBURGER (J), éd ; «La philosophie d es sciences aujourd’hui » ; Gauthier-VillarsBordas, Paris, 1951. HEIDEGGER (M) ; « L’être et le temps » ; Gallimard, Paris, 1964. HEISENBERG (W) ; « Physique et Philosophie » ; Albin Michel, Paris, 1961. « La nature dans la physique contemporaine » ; Gallimard, Paris, 1962. HEGEL (G.W.F) ; « Principes de la philosophie du droit » ; Gallimard, Paris, 1966. « La Raison dans l’Histoire. Introduction à la Philosophie de l’Histoire » ; Plon, Paris, 1965. HERBERT (J.P) ; « Race et Intelligence » ; Copernic, Paris, 1978. HERODOTE ; « Histoires » ; Les Belles Lettres, Paris, 1985. HEUSCH (L. de) ; « Le symbolisme de l’inceste royal en Afrique » ; Bruxelles, 1958. HILARY (R) & alii ; « L’idéologie de/dan s la science » ; Seuil, Paris, 1977. HIOH-MOUELE (E) ; « De la médiocrité à l’excellence. Essai sur la signification humaine du développement » ; Editions Clé, Yaoundé, 1970. HOLAS (B) ; « Mythologie des origines en Afrique Noire » ; in DIOGENE, N°48, pp.102-119, 1964. « La pensée africaine » ; Geuthner, Paris, 1961. « Dieux d’Afrique Noire » ; Geuthner, Paris, 1968. « Fondements spirituel de la vie sociale Sénoufo » ; in Journal de la Société des Africanistes, Tome XXVI, Paris, 1956. HOUNTONDJI (P) ; « Sur la Philosophie africaine » ; Gallimard, Paris, 1977. HUME (D) ; «Traité de la Nature Humaine » ; Alcan, Paris, 1930. HUSSERL (E) ; « Méditations cartésiennes » ; Vrin, Paris, 1966. « Logique formelle et logique transcendantale » ; Puf, Paris, 1965. HUSSON (B) ; « Transmutations alchimiques » ; Editions J’ai lu, Paris, 1974. JANICAUD (D) ; « La puissance du rationnel » ; Gallimard, Paris, 1985. « Les pouvoirs de la science » ; Vrin, Paris, 1987. JAMES (W) ; « Le pragmatisme » ; Flammarion, Paris, 1912. JASPERS (K) ; « La situation spirituelle de notre époque » ; Desclée de Broower, Bruxelles, 1966. JACQ (Ch.) ; « L’Egypte des grands pharaons » ; France Loisirs, Paris, 1992. JONAS (H) ; « Le principe de responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique » ; Edtions du Cerf, Paris, 1990.
330
JOSET (P.E) ; « Les sociétés secrètes des Hommes-léopards en Afrique-Noire » ; Payot, Paris, 1959. INIESTA (F) ; « L’Univers Africain. Approche historique des Cultures Noires » ; L’Harmattan, Paris, 1995. IRUNG- TSCHITAMBAL’ A MULANG ; « Mythe et philosophie. Réponse à Elungu, Towa et les autres » ; in LES NOUVELLES RATIONALITES AFRICAINES, vol.2, N°6, Janvier, 1987. KAGAME (A) ; « Philosophie bantoue comparée » ; Présence Africaine, Paris, 1976. KA-MANA. « Théologie africaine pour temps de crise » ; Karthala, Paris, 1993 KANT (E); « Fondements de la métaphysique des mœurs » ; Delagrave, Paris, 1962. « Critique de la Raison pure » ; Vrin, Paris, 1963. KAYA (J.P) ; « Initiation et développement du système communautaire » ; Bull. du LAJP, N°20, Sorbonne, 1995. « La personnalité animiste, contre la rationalité de l’Etat » ; Mémoire de DEA en science politique, Univeristé de Paris I, Sorbonne, 1987. KHERHARO (J) & BOUQUET (A) ; « Sorciers, Féticheurs, et Guérisseurs de la Côte- d’I voire, et Haute Volta » ; Vigot, Paris, 1950. KILANI (M) ; « Introduction à l’anthropologie » ; Payot, Lausanne, 1992. KI-ZERBO (J) ; « Histoire de l’Afrique Noire. D’Hier à Demain » ; Hatier, Paris, 1992. « Histoire de la conscience nègre » ; in Présence Africaine N°16, pp.53-69. KOUDOU KESSIE (R) ; « Education et développement moral de l’enfant et de l’adolescent africains. Pour ne pas en faire des délinquants » ; L’Harmattan, Paris, 1996. KUHN (T.S) ; « La structure des révolutions scientifiques » ; Flammarion, Paris, 1983. LABEYRIE (J) ; « L’Homme et le climat. L’émergence du delta du Nil. Descente des eaux et montée de la civilisation égyptienne » ; Denoël, Paris, 1985. LACHAUD (R) ; « Magie, religion et Initiation en Egypte pharaonique » ; Ed. Dangles, Paris, 1995. LAGARDE (G. de) ; « La naissance de l’esprit laïc » ; Nanwelaerts, Louvain, 1956. LALANDE (A) ; « La Raison et les normes » ; Hachette, Paris, 1948. LAPLANTINE (F) ; « Les trois voix de l’Imaginaire » ; Editions Universitaires, Paris, 1974. LAROUSSE ENCYCLOPEDIQUE ; « Histoire de l’art. Des Origines à nos jours » ; 2 vol. Larousse, Paris, 1925. LATOUCHE (S) ; « L’occidentalisation du monde. Essai sur la signification, la portée et les limites de l’uniformisation planétai re » ; La Découverte, Paris, 1989.
331
LATOUCHE (S) ; « Le sous- développement est une forme d’acculturation » ; Bull. du MAUSS, N°1-5, 1989. LEACH (E.R) ; « Critique de l’Anthropologie » ; Puf, Paris, 1968. LEBON (G) ; « Psychologie des foules » ; Puf, Paris, coll. Quadrige, Paris, 1983. LEFEBVRE (H) ; « Introduction à la Modernité » ; Ed. de Minuit, Paris, 1962. LEIBNIZ (G.W) ; « Nouveaux essais sur l’entendement humain » ; Garnier-Flammarion, Paris, 1966. LENINE (I.V.O) ; « Matérialisme et empiriocriticisme » ; Edtions sociales, Paris, 1974. LEROI-GOURHAN (A) ; « Le geste et la parole » ; 2 tomes, Albin Michel, Paris, 1964 et 1965. « Les religions de la Préhistoire » ; Puf, coll. Quadrige, Paris, 1986. LEROY (Ed.) ; « La pensée intuitive » ; Boivin, Paris, 1930. LE ROY (E) ; « Communauté et communautarisme chez les Wolofs ruraux du Sénégal » ; Documents du LAJP, Sorbonne, Juin, 1976. LEVI-STRAUSS(C) ; « La pensée sauvage » ; Plon, Paris, 1962. « Anthropologie structurale » ; 2 tomes, Plon, Paris, 1958& 1973. « Structures élémentaires de la parenté » ; Lahaye-Mouton, Paris, 1949 ; « Tristes Tropiques » ; Plon, Paris, 1955. « Race et Histoire » ; Denoël-Gonthier, Paris, 1967. « Le Totémisme aujourd’hui » ; Puf, 1962. LEVY-BRUHL (L) ; « La mythologie primitive » ; Puf, Paris, 1925. « Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures » ; Alcan, Paris, 1910 « L’âme primitive » ; Puf, Paris, 1970. « La mentalité Primitive » ; Retz-CEPL, Paris, 1976 LEWIS (B) ; « Race et Couleur en pays d’Islam » ; Payot, Paris, 1982. LIPOVETSKI (G) ; « L’ère du vide. Essai sur l’individualisme contemporain » ; Gallimard, Paris, 1983. LOMBARD (J) ; « Le collectivisme africain » ; Présence Africaine, Paris, 1959. « Autorités traditionnelles et pouvoirs européens en Afrique Noire » ; PFNSP, Paris, 1967. LOWIE (R) ; « Histoire de l’Ethnologie classique » ; Payot, Paris, 1991. MAC PHERSON (C.B) ; « La Théorie Politique de l’individualisme possessif » ; Gallimard, Paris, 1971. MAHIEU (F) ; « Les Fondements de la crise économique en Afrique » ; L’Harmattan, Paris, 1993. MAIR (L) ; « La sorcellerie » ; Hachette, Paris, 1969. MALEBRANCHE (N) ; « De la recherche de la vérité » ; Vrin, Paris, 1962. « Entretiens sur la Métaphysique » ; Vrin, Paris, 1688. MASIMI (E); « Visions of desirable societies » ; Oxford, New-York, Pergamon Press, 1983. MARCUSE (H); « Eros et Thanatos » ; Seuil, Paris, 1982.
332
MARCUSE (H) ; « Pour une théorie critique de la société » ; Denoël/Gonthier, Paris, 1969. MARTINO (E de) ; « Le monde magique. Parapsychologie, Ethnologie et Histoire » ; Hachette, coll. Paris, 1967. MARX (K) ; « Introduction à la critique de l’économie politique » ; Editions Sociales, Paris, 1966. MARX (K) & ENGELS (F) ; « Idéologie Allemande » ; Editions Sociales, Paris, 1968. MASSOULARD (E) ; « Préhistoire et Protohistoire de l’Egypte » ; Mémoire de l’Institut d’Ethnologie, Paris, 1949. MAUPOIL (B) ; « La géomancie et l’ancienne côte des esclaves » ; Paris, 1943. MAURIER (R.P. H) ; « Essai sur une théologie du paganisme » ; Editions de l’Orante, Paris, 1965. MAUSS (M) ; « Sociologie et Anthropologie » ; Puf, coll. Quadrige, Paris, 1966. « Manuel d’Ethnographie » ; Payot, Paris, 1992. MAYASIS (S) ; « Mystères et Initiations de l’Egypte ancienne » ; Arché Milano, Paris, 1988. « Le Livre des Morts de l’Egypte ancienne est un livre d’Initiation. Matériaux pour servir à l’étude à l’étude de la philosophie égyptienne » ; Arché Milano, Paris, 1980. M’BOKOLO (E) ; « Afrique Noire. Histoire et Civilisation » ; Tome I, Hatier AUPELFE-UREF, Paris, 1992. MEILLASSOUX (C); «Anthropologie de l’esclavage » ; Puf, Paris, 1986. « Femmes, Greniers et Capitaux » ; Maspero, Paris, 1975. MERLEAU-PONTY (M) ; « Eloge de la Philosophie » ; Gallimard, Paris, 1967. METRAUX (A) ; « Le vaudou haïtien » ; Gallimard, Paris, 1958. MEYER (F) ; « Problématique de l’évolution » ; Puf, Paris, 1954. MONTESQUIEU (C. de) ; « De l’esprit des Lois » ; Garnier, Paris, 1949. MORGAN (L. H) ; « Ancient Society » ; Henry Holt, Londres-New-York, 1907. MORIN (E); « La Méthode III: La connaissance de la connaissance »; Seuil, coll. Points, Paris, 1977. « La Méthode IV : Les idées, leurs mœurs, leur habitat et leur environnement » ; Seuil, Paris, 1991. « Science avec conscience » ; Fayard, Paris, 1990. « Le paradigme perdu : la nature humaine » ; Seuil, Paris, 1973. « Le développement de la crise du développement » ; in E. MORIN, éd. « Sociologie » ; Fayard, Paris, 1984. MUSTAR (T) ; « Science et Innovation » ; Economica, Paris, 1989. MUBUMBILA (V.M) ; « Sciences et tradition africaines. Le message du Grand Zimbabwe » ; L’Harmattan, Paris, 1992. N’VENG (R.P, E) ; « L’art d’Afrique Noire. Lithurgie et langage religieux » ; Mame, Paris, 1965.
333
N’KRUMAH (K) ; « Le consciencisme » ; Payot, Paris, 1965. OBENGA (Th.) ; « Cheik Anta DIOP, Volney, et le Sphinx » ; Présence Africaine/Khépéra, Paris, 1996. « La Philosophie Africaine de la période pharaonique.2700-330 avant Notre ère » ; L’Harmattan, Paris, 1991 . « L’Afrique dans l’Antiquité » ; Présence Africaine, Paris, 1973. « Origine commune de l’égyptien ancien, du copte et des langues négro africaines modernes. Introduction à la linguistique historique africaine » ; L’Harmattan, Paris, 1993. « Les Bantou » ; Présence Africaine, Paris, 1990. OMRAAM (M.A) ; « Nature humaine et Nature Divine » ; Prosveta, coll. Izvor, Fréjus, 1985. « Vers une civilisation solaire » ; Prosveta, coll. Izvor, Fréjus, 1985. « Qu’est ce qu’un Maître de l’Initiation ? » ; Prosveta, coll. Izvor, Fréjus, 1987. « La clé essentielle pour résoudre les problèmes de l’existence » ; Prosveta, Œuvres complètes, Fréjus, 1986. « L’Amour et la Sexualité » ; 2tomes, Prosveta, Œuvres complètes, Fréjus, 1983. « Les lois de la morale cosmique » ; Prosveta, Œuvres complètes, Fréjus, 1986. « Vie et travail à l’école divine » ; Prosveta, Œuvres Complètes, Fréjus, 1988. « La Pédagogie Initiatique » ; 2tomes, Prosveta, Œuvres complètes, Fréjus, 1989. « Les splendeurs de Tiphéret » ; Prosveta, Œuvres complètes, Fréjus, 1981. « Le langage symbolique » ; Prosveta, Œuvres complètes, Fréjus, 1980. « La nouvelle religion solaire universelle » ; Prosveta, Œuvres complètes, Fréjus, 1985. « L’harmonie » ; Prosveta, Œuvres complètes, Fréjus, 1983. ONU ; « Les perspec tives d’avénir de la population mondiale, évaluées en 1980 » ; New York, 1982. OSTY (E) ; « La Connaissance supra-normale » ; Ed. J’ai lu, Paris, 1925. PACAUT (M) ; « La Théocratie » ; Aubier, Paris, 1957. PACQUES (V) ; « Mythes et structures dans les sociétés africaines traditionnelles » ; Bull. de l’IFAN, vol. XXVI, N°1-2, 1964. PARIN (P) & MORGENTHALER (F) ; « Les Blancs pensent trop » ; Payot, Paris, 1966.
334
PARMENIDE ; « De la Nature » ; in « Les penseurs Grecs avant Socrate » ; GranierFlammarion, Paris, 1964. PARRINDER (G) ; «African mythology » ; Paul Hamlyn, London, 1969. PARSONS (T); “The social system” ; Routledge and Paul Kegan, London, 1967. “Sociological theory and modern society” ; Free Press, New-York, 1967. “Sociétés. Essais sur leur évolution comparée” ; Dunod, Paris, 1973; « Le système des sociétés modernes » ; Dunod, Paris, 1973. PARSONS (T), SHILS (E), NAEGELE (K.D), & PITTS (J.R); “Theories of Societies“ ; The Free Press, New-York, 1973. PETIT (M); éd. “Histoire Générale des peuples” ; 3tomes, Larousse, Paris, 1925. PERROUX (F) ; « Philosophie du nouveau développement » ; Aubier, Paris, 1981. PIAGET (J) ; « Psychologie de l’intelligence » ; A. Colin, 1947. « Introduction à l’épistémologie génétique » ; Puf, Paris 1950. PIAGET éd ; « Logique et connaissance scientifique » ; Gallimard, coll. La Pléiade, Paris, 1967. PIALOUX (J) ; « Le 8è Jour de Ptah. Traité des 22 arcanes de la science d’Al KEMI » ; Editions des Deux Océans, Paris, 1993. PLANCK (M) ; « Initiation à la physique » ; Flammarion, Paris, 1941. PLEKANOV (G) ; « Essai sur le développement de la conception moniste de l’histoire » ; Editions du Progrès Moscou, 1970. « Le matérialisme militant » ; Editions du Progrès, Moscou, 1971. POINCARE (H) ; « La science et l’hypothèse » ; Flammarion, Paris, 1968. POPPER (K.R) ; « La logique de la découverte scientifique » ; Payot, Paris, 1968. « La croissance de la connaissance scientifique » ; Payot, Paris, 1961. PRADINES (M) ; « Traité de psychologie générale » ; Puf, Paris, 1943. PRESIWERK (R) & PERROT (D) ; « Ethnocentrisme et Histoire » ; Anthropos, Paris, 1945. PYE (L) & VERBA (S) ; “Political culture and Political developement” ; PUP, Princeton, 1965. RADCLIFFE BROWN (A.R); “Structure et fonction dans la société Primitive” ; Ed. de Minuit, Paris, 1968. RPP (F) ; « L’Eglise et la vie religieuse en Occident à la fin du Moyen -Age » ; Puf, Paris, 1980. REIFFERS (J.L) ; « Les rapports entre la culture et le développement » , in MONDES EN DEVELOPPEMENT, vol. XII, N°46, 1984. pp191-205. RENAN (E) ; « Qu’est ce qu’une nation ? » ; Calmann-Lévy ; Paris, 1947. RESCHER (N) ; « Le progrès scientifique » ; Puf, Paris, 1975. RESWEBER (J.P) ; « Le questionnement éthique » ; Cariscript, Paris, 1990.
335
RIBOT (Th.) ; « Psychologie de l’attention » ; Alcan, Paris, 1889. RIESMAN (D) ; « La foule solitaire » ; Artaud, Paris, 1964. RIST (A) ; « Processus culturels et développement » ; Communication à la IVè conférence générale de l’EADI, Madrid, 1984. RIST (A) ; éd. « La culture otage du développement ? » ; L’Harmattan, Paris, 1994. RIST (A), & al ; « Il était une fois le développement » ; Editions d’En -Bas, Lausanne, 1986. RHINE (E.L) ; « Initiation à la parapsychologie » ; Presses de la Renaissance, Paris, 1977. ROSTW (w, w) ; « Les étapes de la croissance économique » ; Seuil, Paris, 1960. ROUCH (J) ; « La religion et la magie Songhay » ; Puf, Paris, 1960. ROULAND (N) ; « Anthropologie juridique » ; Puf, coll. Droit politique, Paris, 1988. ROUMEGUERE EBERHARDT (J) ; « Sociologie de la Connaissance mythique chez les Bantou » ; in Cah. Int. De Soc. , vol. XXXV pp. 113-126. ROUSTAN (D) ; « La Raison et la Vie » ; Puf, Paris, 1946. ROUSSEAU (J.J) ; « Le contrat social » ; Garnier Flammarion, Paris, 1966. ROCHER (G) ; « Introduction à la sociologie générale » ; 3tomes, HMH, coll. Points, Paris, 1968. RUSSEL (B) ; « Signification et Vérité » ; Flammarion, Paris, 1959. SALA-MOLINS ; « Le code Noir » ; Puf, Paris, 1987. SARTRE (J.P) ; « L’existentialisme est un humanisme » ; Nagel, Paris, 1960. SASTRE (R) ; « Spiritualité africaine et christianisme » ; in Présence Africaine N°13, Paris 1957. SAURENON (S) ; & YOYOTTE (J) ; « La naissance du monde selon l’ancienne Egypte » ; Seuil, Paris, 1957. SAUVIN-DUGERDIL (C.I) & GRINEVALD (J) éds ; « L’Homme inachevé. Un avenir à construire : les possibles lendemains » ; Puf, Paris, 1987. SHREIDER (E) ; « Les Types Humains » ; 3 vol. Paris, 1937. SCHEBSTRA (P) ; « Le sens religieux des primitifs » ; Mame, Paris, Paris, 1963. SCHIELE (E) ; « Vulgariser la science : le procès de l’ignorance » ; Editions champvallon, Seyssel, 1988. SCHWALER DE LUBICZ ; « Le Roi de la Théocratie pharaonique » ; Flammarion, Paris, 1974. SELIGMAN (C.G) ; « Les races de l’Afrique » ; Payot, Paris, 1996. SEGUY (J) ; «Christianisme et société » ; Editions du Cerf, Paris, 1982. SENGHOR (L.S) ; « LibertéI. Négritude et Humanisme » ; Seuil, Paris, 1964. SERTIMA (I.V) ; « Ils y étaient avant Christophe Colomb » ; Flammarion, Paris, 1981. SINDA (M) ; « Le messianisme congolais et ses incidences politiques » ; Payot, Paris, 1972.
336
STOCKING Jr. (G.W) ; « Race, culture and development » ; U.C.P, Chicago-London, 1982. SMITH (A); « La Richesse des Nations »; Methuen, Paris, 1904. SMITH (D.E) ; « Religion and political modernization » ; Yale University Press, Yale, 1974. SPENCER (H); « Principes de sociologie » ; Germer Baillère, Paris, 1978. SPINOZA (B de) ; « Court traité sur DIEU, l’Homme et la santé de son âme » ; GarnierFlammarion, Paris, 1964. SORMAN (G) ; « La nouvelle richesse des Nations » ; Fayard, Paris, 1987. « Les vrais penseurs de notre temps » ; Fayard, Paris, 1989. « La solution libérale » ; Fayard, Paris, 1985. SOROKIN (P) ; « Society, Culture, and personnality. Their structure and dynamics » ; Harper, New-York, 1947. STAVENHAGEN (R); “Problèmes et perspective s des Etats à Ethnies multiples » ; Université des Nations Unies, Tokyo, 1986. STRAYER (R.J) ; « Les origines médiévales de l’Etat moderne » ; Payot, Paris, 1979. TALAMONTI (L) ; « Univers Interdit » ; Albin Michel, Paris, 1970. TAPE (G) ; « L’Intelligence en Afrique. Une étude du Raisonnement expérimental » ; L’Harmattan, Paris, 1994. TAWNNEY (R.H) ; « La Religion et l’essor du Capitalisme » ; Marcel-Rivière, Paris, Paris, 1951. TEMPELS (Père) ; « La Philosophie Bantoue » ; Présence Africaine, 1949. THEILLARD DE CHARDIN (Père) ; « Le phénomène humain » ; Seuil, coll. Points, Paris, 1955. THOMAS (L.V), LUNEAU (R) & DONEUX (J) ; « Les religions d’Afrique Noire.Textes et Traditions sacrées » ; Fayard-Denoël, Paris, 1969. THOMAS (L.V) & LUNEAU (R) ; « La terre africaine et ses religions » ; Larousse, Paris, 1975. TIARKO-FOURCHE (J.A) & MORLIGHEM (M) ; « Les communications des indigènes du Kassaï avec les âmes des morts » ; Librairie Falk et Fils, Bruxelles, 1939. TIMBERLAKE (L) ; « L’Afrique en Crise. La banqueroute de l’environnement » ; L’Harmattan, Paris, 2000. TODD (E); «L’enfance du monde. Structure familiales et développement » ; Paris, 1984. TOLENTINO (H) ; « Origines du préjugé racial aux Amériques » ; Laffont, Paris, 1933. TONNIES (F) ; « Communauté et Société » ; Puf, Paris, 1946. TOCQUET (R); « Les pouvoirs secrets de l’Homme » ; Ed. J’ai lu, Paris, 1963. TORT (P) & DESALMAND (P) ; « Sciences Humaines et Philosophie en Afrique. La différence culturelle » ; Hatier, Paris, 1978.
337 338
TOURAINE (A) ; « Pour la sociologie » ; Seuil, coll. Points, Paris, 1974. « Critique de la Modernité » ; Grasset, Paris, 1992. « La société post-industrielle » ; Gonthier-Dénoël, Paris, 1969. « Modernité et spécificités culturelles » ; in Revue Int. Des Sc. Soc, N°118, 1988, pp. 497-510. TOWA (M) ; « Essai sur la problématique philosophique de l’Afrique actuelle » ; Editions Clé, Yaoundé, 1981. TREVOR-ROPER (H.R) ; « De La Réforme aux Lumières » ; Gallimard, Paris, Paris, 1972. TRILLES (RP.G) ; « Les Pygmées de la forêt équatoriale » ; Blond et Gay, Paris, 1932. « L’âme du Pygmée d’Afrique » ; Ed. du Cerf, Paris, 1945. TURNER (S.B) ; « Theories of Modernization and post-modernity » ; Sgae, London, 1990. TROELTSCH (E); “Protestantism and Progress” ; Beacon Press, Boston, 1955. TYLOR (E.B); “Primitive Culture” ; Boston, 1871. UNESCO; “Histoire Générale de l’Afrique” ; 8vol. UNESCO/Jeune Afrique/NEA, de 1980 à 1988. « Le Racisme devant la science » ; Gallimard/UNESCO, Paris, 1960. « La Décennie Mondiale du Développement culturel (1988-1997). Prog ramme d’action » ; UNESCO, Paris, 1990. « La culture, clé du développement » ; UNESCO, Paris, 1983. « Le concept du Pouvoir en Afrique » ; UNESCO, Paris, 1986. VALLOIS (H.V) ; « La place de l’Homme dans l’échelle des êtres » ; C.D.V, Paris, 1944. VAN WING (R.P) ; « Etudes Bakongo. Sociologie, Religion et Magie” ; Desclée de Broower, Bruxelles, 1956. « Etudes Bakongo. Histoire et Sociologie » ; Bruxelles, 1921. VAN GUENNEP (A) ; « Les Rites de Passage » ; Paris, 1909. VAUVENARGUES ; « Introduction à la connaissance de l’esprit humain » ; Flammarion, Paris, 1981. VERCOUTER (J) ; « L’Egypte et la Vallée du Nil » ; tome I, Puf, Paris, 1995. VIDROVITCH (C.C) ; & al, « Pour une histoire du développement » ; L’Harmattan, Paris, 1988. VIDROVITCH (C.C) ; « Afrique Noire. Permanence et Ruptures » . L’Harmattan, Paris, 1985. VILLIERS (G ; de) ; « Phénomènes informels et dynamiques culturels en Afrique » ; L’Harmattan, Paris, 1996. WALLERSTEIN (I) ; « The Modern World System » ; Academic-Press, New-York, 1976. WEBER (M); «L’Ethique Protestante et l’esprit du Capitalisme » ; Plon, Paris, 1964. « Economie et Société ». Plon, Paris, 1962.
338
WEBER (M) ; « Essai sur la Théorie de la Science » ; Plon, Paris, 1965. « Le Savant et le Politique » ; Plon, Paris, 1959. WILSON (C) ; « L’Occulte. L’histoire de la Magie » ; Editions J’ai Lu, Paris, 1971. ZAHAN (D) ; « Religion, spiritualité et pensée africaine » ; Payot, Paris, 1970. « Sociétés d’Initiation Bambara. Le Ndomo, le Koré » ; Lahaye-Mouton, Paris, 1960. ZAHAN (D), éd ; « Réincarnation et vie Mystique en Afrique » ; Puf, Paris, 1965.
.
339
TABLE DES MATIERES
PREFACE INTRODUCTION……………………………………………………………………………1
CHAPITRE I L’INITIATION EST LE MOTEUR DE L’HISTOIRE DAN S LA CIVILISATION AFRICAINE…………..………..……………………..27
1-L’INITIATION DANS LA RECHERCHE AFRICAINE CONTEMPORAINE : C. A. DIOP FACE A L’IDEOLOGIE AFRICAINE…….……………………………...28 1.1.Le Point de Vue de C.A DIOP……...………………………...………………………..29 1.2.Discussion…………….…………………...…………………………………………….37 2-LA FONCTION IDEOLOGIQUE DE L’INITIATION……………………………...…41 3- L’INITIATION COMME FORCE DE TRANSFORMATION DU SYSTEME COMMUNAUTAIRE. L’EXPERIENCE DE L’AFRIQUE PRECOLONIALE : ESSAI D’AXIOMATISATION……...…………………………………………………..46 3.1.Connaissance de Soi et Pédagogie Initiatique…………………….………………….47 3.2. La Mort Initiatique et la Renaissance Spirituelle, ou Deuxième Naissance..….....62 3.3. Axiomatisation. Trois postulats pour guider la transformation psychique de l’être……………………………………………….66
a)- La clarté idéologique……………………...……………………………..67 b)- L’efficacité pédagogique………………………………………………..67 c)- Du facteur temps………………………………………………………..69
340
CHATPITRE II LE ROLE DE L’INITIATION DANS LA FORMATION DE LA CIVILISATION PHARAONIQUE……….…….……………………75
1- LA NEGRITUDE DE L’EGYPTE PHARAONIQUE EST -ELLE UN MYTHE ?........77 1.1.Un dernier argument pour clore la controverse du Caire………………………….78 1.2.Des critiques qui n’apportent rien de nouveau au dossier…………………………79 1.3.Le fond de l’argumentation reste stable……………………………………...………82 1.4.Une problématique d’avenir : la maâtisation………………………………………..93 2-CRITIQUE DU CONCEPT DE MODE DE PRODUCTION ASIATIQUE COMME PREALABLE A LA REINTEGRATION DE L’EGYPTE DANS SON CONTEXTE CULTUREL NEGRO-AFRICAIN………………………………………..………………..95 3-NAISSANCE DE LA MENTALITE PHARAONIQUE. ENQUETE SUR LA LONGUE DUREE……….………………………………….107 3.1.Genèse de la civilisation pharaonique : Le Prédynastique………..………………109 a)-Le Prédynastique ancien (De la fin de la Préhistoire au IVè Millénaire)……..110 b)-Le Prédynastique Récent (-3600 -3200)…………………………….……………..112 c)-Le Protodynastique ou Gérzéen Récent (-3200 - 3100)…………………………..114 3.2.Relations : Afrique- Asie au Protodynastique………………………………………116 3.3. L’Action de l’Initiation : Le passage du Type II au Type III du système communautaire………… …………………………………………………………….122
341
CHAPITRE III PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA SCIENCE INITIATIQUE : HERITAGES PHARAONIQUES……….……………………………………131 1-OBJET DE LA SCIENCE INITIATIQUE………………………………………………133 1.1.Connaissance de la nature de la nature humaine………… ..………………...……134 1.2. L’évolution spirituelle comme retour aux sources de la Création…...…......……141 1.3. La mise en œuvre de l’évolution spir ituelle : Le processus de Maâtisation...…..143
2-THEORIE DE LA REINCARNATION………………………………………………..157 2.1.Le Sens de notre existence sur Terre………...………………………………………158 2.2.Intelligence de la Nature…………………...…………………………………………160 2.3.L’Initiation enseigne la libération de la Volonté……………………………………166
3-LA RELIGION SOLAIRE PHARAONIQUE ET LA RECHERCHE DE LA PERFECTION SUR TERRE……………………………………………………170 3.1.Le Soleil, comme Modèle de Perfection…...………………………………………...171 3.2.La Recherche du Centre Spirituel……....……………………………………………182 3.3. L’Homme est construit pour fonctionner comme le Soleil….…..…………….....189
4-MAAT : CLE DU MYSTERE DE LA CIVILISATION PHARAONIQUE : LECTURE CRITIQUE DE LA SYNTHESE DE J. ASSMANN.APPROCHE SEMIOTIQUE…..202 4.1.Variations autour du concept de MAAT……………………………………………203 4.2.Méthodologie spécifique de l’étude de la MAAT………………………………….210 4.3.Objet de la MAAT : Sa présence et son absence……………………………………218 4.4. MAAT comme facteur de développement spirituel, de réussite sociale et professionnelle…….…………………………………………………………………..227 4.5.MAAT comme Intelligence Cosmique……………………...……………………….231 4.6.La Maâtisation…………...…………………………………………………………….235 4.7.Qu’est ce que la Maât ?..................................................................................................240
342
CHAPITRE IV LA CRISE DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE MODERNE ET LA REVOLUTION PARADIGMATIQUE INITIATIQUE………………………...……245 1-MECANISMES DE PRODUCTION DE LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE...246 1.1.Le Processus de la Connaissance Scientifique…..………………………………….246
1.1.1. Les facteurs de la connaissance scientifique : l’Intelligence Logique et l’Attention……….………………………………………………………………..246 A- l’intelligence logique……………………………………………………....247 )-Le jugement……………………………………………………………………………..249 β)-L’invention ou découverte scientifique……...………………………………………252 B- L’attention…………………………………………………………………...255 1.1.2.L’accès à la connaissance : l’Intuition, le Raisonnement et la Logique.………..260 a)- L’intuition…………………………………………………………………..260 b)-Le Raisonnement...…………………………………………………………262 )-Le concept………………………………………………………………………………...263 β)-La déduction…………………………………………………………………...…………264 λ)-L’induction…………………………………………………………………….…………265 )-L’analogie……………………………………………………………………….………..266 C-La logique……………………………………………………………………267 2-LA RAISON : STRUCTURE ET DYNAMIQUE……………………………………...274 2.1. Les Principes de la Raison……………………………………………………………27 5
a)-Le principe d’identité…………………………………………………………275 b)-Le principe de non-contradiction et principe d’alternative ou du Tiers exclu…………………………………………………………….…..275 c)-Le principe de causalité ou de la Raison suffisante……………………….….276 d)-Le principe de déterminisme……………………………………………..…...277 e)-Le principe de finalité……………………………………………………..….277
2.2. Les Catégories de l’Entendement………......…………………………………….…278 2.3. Origines de la Raison…………………………………………………………………279 2.4. Dynamique de la Raison……………………………………………………………..280
343
3- POURQUOI L’ESPRIT SCIENTIFIQUE EST -IL NE ?.................................................285 3.1. Des obstacles épistémo logiques à surmonter……………………………………...285 3.2. Le fait scientifique est un fait reconstruit…………………………………………..289 3.3.Définition de l’esprit scientifique…………………………………………………….292 4- LA CRISE DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE MODERNE…………………………..296 4.1.Comment situer la Raison ?..........................................................................................297 4.2. La Crise de l’explication dans la Science Moderne…..…….…………………...…300 CHAPITRE V THEORIE DE LA CONNAISSANCE INITIATIQUE………………………..303
1- LA RUPTURE AVEC LA NATURE INFERIEURE DE L’HOMME : CONDITION D’ACCES A LA MAAT, L’INTELLIGENCE COSMIQUE………………………… 303 2- PRINCIPES DE LA MAAT : AXIOMATISATION……..……………………….…306 a)- Le principe de complémentarité…………………………………………………...306 b)-Le principe de causalité élargie, ou sans fin……………………………………….308 c)-Le principe de d’indétermination ou de liberté spirituelle…………………………309 d)-Le principe de finalité…………………………………………………...…………310 e)-Le principe d’unité…………………………………………………………………311
3- LA MAATISATION DE LA SCIENCE……………………………………………….313 3.1. La nécessité d’un changement de point de vue……………………………………314 3.2. La Maât, comme forme supérieure de la Raison et l’Outil nécessaire pour pénétrer le Mystère du Monde……..………………………………………..………315 3.3. La plasticité épistémologique : absence d’une barrière entre le monde physique et le monde invisible…………………………………………………………………316 3.4. La MAAT propose une méthodologie capable d’appréhender et de dépasser La complexité pour aboutir à la compréhension……….………………………317 CONCLUSION…………………………………………………………………………….320 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………….323 POSTFACE…………………………………………………………………………………339 TABLE DES MATIERES…………………………………………………………………..340
POSTFACE
Le dernier Grand évènement de l’Histoire de l’Humanité sera incontestablement la REVOLUTION AFRICAINE. Celle-ci est à comparer uniquement avec la fondation du premier Etat de l’Humanité, dans la Haute Antiquité, par le Premier des Pharaons, NARMER ; Nous invitons tous les membres de la Communauté africaine, et tous les amis de cette communauté, qui ont pris conscience du désespoir absolu et de la déchéance générale de la communauté africaine (ou qui désirent le faire), à rejo indre l’avant-Garde éclairée de la Révolution Africaine, au sein du PSI (Parti Solaire Initiatique ; le parti de la MAAT sur :
[email protected]). Son but est de conduire cette Révolution, à la Victoire finale. Ce parti révolutionnaire panafricain a pour objectif de s’implanter dans
chaque pays africain, et partout dans le monde où existe une diaspora africaine. Car la situation la situation actuelle de la Communauté Africaine n’est pas tolérable, et ne peut plus durer, et doit donc changer radicalement, dans les meilleurs délais. Pour tout contact et tout renseignement sur le PSI, et sur les modalités d’adhésion au parti, prière se connecter au Site REVOLUTION AFRICAINE , sur yahoogroupes, dans la rubrique : « Politique Internationale ». Il s’agit de participer à la dernière grande aventure humaine sur
Terre.
Le Comité Pour la Révolution Africaine.