T. S. ELIOT
Quatre Quatuors texte anglais traduit par
PIEIUU LEYIUS Notes Je foltn HaywarJ
LE DON DES LANGUES
ÉDITIONS DU SEUIL '-7• rue Jacob, Paris-VI•
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T. S. ELIOT
ŒUVRES DE T. S. ELIOT
Quatre Quatuors
aux mêmes éditions texte anglais traduit par
PoÈMEs 191o-r 9 ;o
PIEIUU LEYIUS Notes Je foltn HaywarJ
traduit et présenté par Pierre Leyris EssAIS CHOISIS
traduit et présenté par Henri Fluchère MEURTRE DANS LA CATHÉDRALE
traduit et présenté par Henri Fluchère A paraître: LA RÉUNION DE FA~ILLE LA COCKTAIL PARTY
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LE DON DllSI.AK~UfS
traduits par Henri Fluchère ÉDITIONS DU SEUIL '-7• rue Jacob, Paris-VI•
Il a . été tiré de cet ouvrage .2.05 exemplaires sur vélin blanc des Papeteries de Lana, numérotés de I à .zo~, dont 5 hors commerce.
-roli À6you 1l'€6no; Euvoli ~wouatY o[ 1toÀÀo{ rb; 11l[œy EXOY'tE.
poYY)ŒtY . I. p. 77· Fr. 2. 080~ ~Yw xci-rw p.{o: X!X~ Wu'tl). I. p. 89. Fr. 6o.
Diels: Die Fragmente der Vorsokratiker (Herakleitos).
La version originale de cette œuvre a paru à Londres aux Éditions Faber and Faber, sous le titre FouR QUARTETS
BURNT NORTON
BURNT NORTON
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I
Time present and lime past Are both perhaps present in lime future, And lime future contained in lime past. If ali lime is eternally present Ali time is unredeemable. What might have been is an abstraction Remaining a perpetua/ possibility On/y in a world of speculation. What might have been and what has been Point to one end, which is a/ways present. Footfalls echo in the men101y Down the passage which we did not lake Towards the door we never opened lnto the rose-garden. My words echo T hus, in y our mind. But to what purpose
Le temps présent et le temps passé Sont tous deux présents peut-être dans le temps futur Et le temps futur contenu dans le temps passé. Si tout temps est présent pendant l'éternité Tout temps est irrémissible. Ce qui aurait pu être est une abstraction Qui ne demeure un perpétuel possible Que dans un monde de spéculation. Ce qui aurait pu être et ce qui a été Tendent vers une seule fin qui est toujours présente. Des pas résonnent en écho dans la mémoire Le long du corridor que nous n'avons pas prisl Vers la porte que nous n'avons jamais ouverte Sur le jardin de roses. Mes paroles font écho Ainsi, dans votre esprit. Mais à quelle fin
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Prière de se reporter aux notes page 1 2.9. II
Disturbing the dust on a bowl of rose-/caves I do not know. Other echoes Inhabit the garden. Shall we follow? Quick, said the bird, ftnd them, ftnd them, Round the corner. Through the ftrst gate, Into our ftrst world, sha/1 we follow The deception of the thrush? Into our ftrst world. There they were, dignified, invisible, Moving without pressure, over the dead leaves, In the autumn beat, through the vibrant air, And the bird ca/led, in response to The unheard music hidden in the shrubbery, And the unseen eyebeam crossed, for the roses Had the look of flowers that are looked at. There they were as our guests, accepted and accepting. So we moved, and they, in a formai pattern, Along the empty ailey, into the box circle, To look down into the drained pool. Dry the pool, dry concrete, brown edged, And the pool was ft/led with water out of sunlight, And the lotos rose, quiet/y, quiet/y, The surface glittered out of heart of light, And they were behind us, reflected in the pool.
12.
Troublent-elles la poussière d'une coupe de roses Qu'en sais-je? D'autres échos zo Habitent le jardin. Les suivrons-nous? Vite, dit l'oiseau, vite, trouve-les, trouve-les Au détour de l'allée. Par la première grille, Au dedans de notre premier monde, allons-nous suivre Le leurre de la grive? Dans notre premier monde. 2 5 Ils étaient là, dignes et invisibles, Se mouvant sans peser parmi les feuilles mortes, Dans la chaleur d'automne, à travers l'air vibrant, Et l'oiseau d'appeler, en réponse A la musique inentendue dissimulée dans le bosquet, 30 Et le regard inaperçu franchit l'espace, car les roses Avaient l'air de fleurs regardées. Ils étaient là, nos hôtes, acceptés, acceptants. Et nous procédâmes avec eux en cérémonieuse ordonnance, Le long de l'allée vide et dans le rond de buis, Pour plonger nos regards dans le bassin tari. Sec le bassin, du ciment sec bordé de brun, Et le bassin fut empli d'eau par le soleil, Et les lotus montèrent doucement, doucement, La surface scintilla au cœur de la lumière, 40 Et ils étaient derrière nous, se reflétant dans le bassin. Puis un nuage passa, et le bassin fut vide.
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Then a cloud passed, and the pool was empty. Go, said the bird,for the /caves were full of children, Hidden excited!J, containing laughter. Go, go, go, said the bird: human kind Cannot bear very much reality. Time past and time future What might have been and what bas been Point to one end, which is a/ways present.
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Va, elit l'oiseau - les feuilles étaient pleines d'enfants Fébrilement cachés, qui réprimaient leurs rires. Va, va, va, elit l'oiseau: le genre humain Ne peut pas supporter trop de réalité. Le temps passé, le temps futur, Ce qui aurait pu être et ce qui a été Tendent vers une seule fin, qui est toujours présente.
II
II
Garlic and sapphires in the mud Clot the bedded axle-tree. The thrilling wire in the blood Sings below inveterate scars Appeasing longforgotten wars. The dance along the artery The circulation of the lymph Are jigured in the drift of stars Ascend to summer in the trec We move above the moving treee In light upon the ftgured leaf And hear upon the sodden .ftoor Below} the boarhound and the boar Pursue their pattern as before But reconciled among the stars.
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Ail et saphir parmi la boue Bloquent le moyeu enlisé. Le fil qui vibre dans le sang Chante au-dessous des cicatrices Invétérées en apaisant D'anciennes guerres oubliées. La danse le long de l'artère La circulation de la lymphe Sont figurées parmi les astres S'élèvent vers l'été dans l'arbre Au faîte de l'arbre mouvant Nous nous meuvons dans la lumière Parmi les feuilles imagées Entendant sur le sol trempé Sanglier et vautre poursuivre Leur motif ainsi que devant Mais réconciliés dans les astres. 17
At the still point of the turning world. Neither flesh nor fleshless ,Neither front nor towards ,- at the still point, there the dance is, But neither arrest nor movement. And do not cali it jixity, Where past and future are gathered. Neither movement from nor towards, Neither ascent nor decline. Except for the point, the stil/ point, There would be no dance, and there is on/y the dance. I can onfy say, there we have been: but I ca1mot say where. And I cannat say, how long,for that is to place it in lime. The inner freedom from the practical desire, The release from action and suffering, release from the inner And the outer compulsion,yet surrounded By a grace of sense, a white light sti/1 and moving, Erhebung without motion, concentration Without elimination, botb a new world And the old made explicit, understood In the completion of its partial ecstasy, The resoltttion of its partial horror. Yet the enchainment of past and future
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Au point-repos du monde qui tourne. Ni chair ni privation de chair; 65 Ni venant de, ni allant vers; au point-repos, là est la danse; Mais ni arrêt ni mouvement. Ne l'appelez pas fixité, Passé et futur s'y marient. Non pas mouvement de ou vers, Non pas ascension ni déclin. N'était le point, le point-repos, Il n'y aurait nullement danse, alors qu'il n'y a rien que danse, 70 Je ne puis que dire: nous avons été là, mais où, je ne saurais le dire. Et je ne saurais dire pour combien de temps : ce serait situer la chose dans la durée. La liberté intérieure à l'égard du désir pratique, La délivrance de l'agir ct du souffrir, la délivrance de la contrainte Intérieure et extérieure, encore qu'environnées 75 D'une grâce du sentir, d'une lumière blanche en repos et mouvante, Erhebung sans mouvement, concentration Sans élimination, à la fois nouveau monde Et l'ancien rendu explicite, appréhendé Dans l'accomplissement de sa partielle extase, 80 La résolution de sa partielle horreur. Pourtant l'enchaînement du passé et de l'avenir
Woven in the weakness of the changing bot/y Protects mankind from heaven and damnation Which flesh cannat endure. Time past and lime future Allow but a little consciousness. To be conscious is not to be intime But on!J intime can the moment in the rose-garden, The moment in the arbour where the rain beat, The moment in the draughty church at smokefa/1 Be remembered; involved with past and future. On!J through time time is conquered.
2.0
Tissés dans la faiblesse du corps changeant Protège l'homme du ciel et de la damnation Que la chair ne peut supporter. Le temps passé le temps futur Ne permettent guère de conscience. Être conscient c'est n'être pas dans la durée Mais dans la durée seule le moment au jardin des roses, Le moment sous la tonnelle où la pluie battait, Le moment dans l'église venteuse à l'heure où la fumée retombe Peuvent être remémorés; enchevêtrés dans le passé et le futur. Et c'est dans le temps seul que le temps est conquis.
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III
Here is a place of disaf!ection Time before and lime after In a dim light: neither dqylight Investingfornt with lucid stillness Turning shadow into transient beauty With slow rotation suggesting permanence Nor darkness to purify the sou/ Emptying the sensual witb deprivation Cleansing affection from the temporal. Neither plenitude nor vacanry. On!J a fticker Over the strained time-ridden faces Distracted from distraction 1?J distraction Fi/led with fancies and empty of meaning Tumid apathy with no concentration Men and bits of paper whirled I?J the cold wind Thal blows bejore and after time1 Wind in and out of unwholeson;e lungs 1
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C'est ici un lieu de désaffection Le temps d'avant et le temps d'après Dans une lumière confuse: ni la lumière du jour Qui investit la forme de lumineuse tranquillité Transformant l'ombre en beauté transitoire Suggérant par sa lente rotation la permanence Ni l'obscurité propre à purifier l'âme Vidant le sensoriel par la privation Purgeant l'affect du temporel. Ni plénitude ni vacuité. Rien qu'une lueur Sur les visages tendus harassés par le temps Distraits de la distraction par la distraction Emplis de fantasmagories, vidés de sens Apathie boursouflée sans concentration Hommes et bouts de papier tourbillonnant dans le vent froid Qui souffle avant et après le temps Le vent qu'aspirent, rejettent des poumons viciés
Time before and time after. Eructation of unhealt~ souls Into the faded air, the torpid Driven on the wind that sweeps the gloomy hills of London, Hampstead and C/erkenwe/1, Campden and Putney, Highgate, Primrose and Ludgate. Not here · Not here the darkness, in this twittering world. Descend lower, descend on/y Into the world of perpetuai solitude, World not world, but thal which is not world, Interna/ darkness, deprivation And destitution of al/ property, Desiccation of the world ofsense, Evacuation of the world ofjaney, Inoperancy of the world of spirit; This is the one way, and the other Is the same, not in movement But abstention from movement; while the world moves In appetency, on ils meta/led ways Of lime past and time future.
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Le temps d'avant, le temps d'après. Éructation d'âmes malsaines Dans l'air fané, miasmes Emportés par le vent qui balaye les hauteurs lugubres de Londres, H~mpstead et Clerkenwell, Campden et Putney, 1 I 5 Highgate, Primrose et Ludgate. Pas ici Non, pas ici l'obscurité, dans ce monde de piaillements. Descends plus bas, descends seulement Dans le monde de la solitude perpétuelle, Un monde non monde, mais bien cela qui n'est pas monde 110 Obscurité interne, privation Destitution de toute propriété Dessication du monde du sentir Évacuation du monde des images Inopérance du monde de l'esprit; 115 C'est là l'un des deux chemins, l'autre Étant le même, non mouvement Mais abstention de mouvement; cependant que le monde se meut Dans l'appétence, sur ses voies métalliques De temps passé, de temps futur.
IV
IV
Time and the bell have buried the day, The black cloud carries the sun away. Will the sunflower turn tous, will the clematis Stray down, bend tous,· tendril and spray C/utch and ding? Chili Fingers ofyew be cur/ed Down on us? After the kingftsher' s wing Ras answered light to light, and is silent, the light is sti/1 At the sti/1 point of the turning world.
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Le temps et la cloche ont enfoui le jour La nuée noire emporte le soleil Le tournesol va-t-il se tourner vers nous, la clématite Errer vers le sol, se ployer vers nous : vrilles et branches Saisir, gripper? Glacés, Les doigts de l'if se recourber Sur nous? Après que l'aile du martin-pêcheur A répondu par la lumière à la lumière, et puis se tait, La lumière est en repos Au point-repos du monde qui tournoie.
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Words move, nmsic moves Only in time/ but that which is on/y living Canon/y die. Words, after speech, reach Into the silence. On/y by the form, the pattern, Can words or music reach The stillness, as a Chine se jar still Moves perpetuai/y in its stillness. Not the stillness of the violin, while the note lasts, Not that on/y, but the co-existence, Or sqy that the end precedes the beginning, And the end and the beginning were alwqys there Bejore the beginning and after the end. And ali is alwqys now. Words strain, Crack and sometimes break, under the burden, Under the tension, slip, slide, perish,
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Les paroles se meuvent, la musique se meut Seulement dans le temps, mais cela qui vit seulement Peut. seulement mourir. Les paroles, après le discours Atte1g?ent au silence. Ce n'est que par la forme, le motif Que.les paroles peuvent, ou la musique, 14 5 Attemdre le repos, comme un vase chinois Se meut encore, perpétuellement, dans son repos. Non pas le repos du violon cependant que la note dure, Non pas cela seulement, mais la co-existence Ou disons que la fin précède le commencem~nt, qo Que la fin et le commencement ont toujours été là Avant le commencement, après la fin. Et tout est toujours maintenant. Les mots se tendent, Craquent et parfois se brisent, sous le fardeau, Sous la tension, trébuchent, glissent, périssent, 140
Deccry with imprecision, will not stcry in place, Will not stcry sti/1. Shrieking voices S co/ding, mocking, or mere/y chattering, Alwcrys assai/ them. The Word in the desert Is most attacked by voices of temptation, The crying shadow in the funeral dance, The loud lament of the disconsolate chimera. The detail of the pattern is movement, As in the figure of the ten stairs. Desire itselj is movement Not in itself desirable,· Love is itself unmoving, On/y the cause and end of movement, Timeless, and undesiring Except in the aspect of time Caught in the form of limitation Between un-being and being. Sudden in a shaft of sunlight Even while the dust moves There rises the hidden laughter Of children in the foliage Quick now, here, now, alwcrysRidiculous the waste sad lime Stretching before and after.
1''
Pourrissent d'imprécision, ne veulent pas tenir en place, Ne veulent pas rester en repos. Des voix criardes Grondeuses, moqueuses, ou simplement bavardes, Sans cesse les assaillent. La Parole au désert Est attaquée surtout par les voix de la tentation, 1Go L'ombre qui mène deuil dans la danse funèbre, La plainte retentissante de la chimère inconsolée.
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Le détail du motif est mouvement Comme dans la figure des dix degrés. Le désir lui-même mouvement Non désirable par lui-même. L'amour est lui-même immobile Étant seulement cause et fin du mouvement Intemporel et sans désir Excepté sous l'aspect du temps Pris en des limites formelles Entre le non-être et l'être. Soudain dans un rai de soleil Parmi les poussières mouvantes S'élève le rire caché Des enfants dans le feuillage Vite, ici, maintenant, toujours ... Ridicule le triste temps vain Qui s'étend avant et après. 31
EAST COKER
EAST COKER
I
I
In my beginning is my end. In succession Houses rise and fa/1, crumble, are extended, Are removed, destroyed, restored, or in their place Is an open field, or a factory, or a by-pass. 0/d stone to new building, old timber to new ftres, 0/d ftres to ashes, and ashes to the earth Which is already flesh, fur and faeces, Bone of man and beas!, cornstalk and /caf. Houses live and die: there is a time for building And a time for living and for generation And a time for the wind to break the loosened pane And to shake the wainscot where the fteld-mouse trots And to shake the tattered arras woven with a silent molto.
En mon commencement est ma fin. Successivement Les maisons s'élèvent et croulent, sont agrandies, Déplacées, détruites, restaurées, ou bien à leur place S'étend un champ ouvert, une usine ou un autostrade. La vieille pierre se mue en bâtiments neufs, le vieux bois en feux nouveaux, Les vieux feux en cendres, et les cendres en terre, Laquelle est déjà chair, fourrure et fèces, Ossements d'homme et de bête, tuyaux de céréale et feuilles. Les maisons vivent et meurent : il y a un temps pour bâtir Et un temps pour vivre et pour engendrer Un temps pour que le vent brise la vitre disjointe Et secoue le lambris où trotte la musaraigne Et secoue la tenture en loques tissée d'une devise silencieuse.
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. In my beginning is my end. Now the Jight falls Across the open field, leaving the deep fane Shuttered with branches, dark in the afternoon, Where yon lean against a bank white a van passes, And the deep Jane insists on the direction Into the village, in the electric beat Hypnotised. In a warm haze the sultry light Is absorbed, not refracted, by grey stone. The dahlias sleep in the empty silence. Wail for the early owl. In thal open field close, ifyon do not come too close, On a summer midnight,you can hear the music Of the weak pipe and the little drum And see them dancing around the bonfire The association of man and woman In daunsinge, signifying matrimonieA dignifted and commodious sacrament. . Two and two, necessarye coniunction, Holding eche other by the han~ or the arm Whiche betokeneth concorde. Round and round the fire
Ifyon do not come loo
En mon commencement est ma fin. Voici que la lumière tombe 15 Sur le champ ouvert, délaissant le chemin creux Clos de branchages, obscur l'après-midi, Où l'on se presse contre un talus pour laisser passer un camion, Et le chemin creux d'insister sur la direction Du village, dans la chaleur électrique 20 Hypnotisé. Dans la brume chaude la lumière oppressante Est absorbée, non réfractée par la pierre grise Les dahlias dorment dans le silence vide. Attendez la chouette précoce. Dans ce champ ouvert 25 Si l'on ne vient pas trop près, si l'on ne vient pas
trop près, Par un minuit d'été l'on peut entendrè la musique Du pipeau grêle et du petit tambour Et voir danser autour du feu de joie: L'associement de l'homme et de la femme 30 En la dance signifiant mariage Lequel est sacrement digne et commodieux. Deux par deux vont, conionction nécessaire, L'un l'autre se tenans par la main ou le bras En gage de concorde. Tournant, tournant autour du feu 37
Leaping through the flames, or joined in circ/es, RPstically solemn or in rustic laughter Lifting heavy feet in clumsy shoes, Barth feet, loam feet, lifted in country mirth Mirth of those long since under earth Nourishing the corn. Keeping time, Keeping the rhythm in their dancing As in their living in the living seasons The time of the seasons and the constellations The time of mi/king and the time of harvest The time of the coupling of man and woman And that of beasts. Feet rising and fa/ling. Eating and drinking. Dung and death. Dawn points, and another day . Prepares for heat and silence. Out at sea the dawn wmd Wrinkles and slides. I am here · Or there, or elsewhere. In my beginning.
Bondissant à travers la flamme ou bien encore nouant des rondes, Avec solennité rustique ou rustique joyeuseté Levant des pieds pesants dans leurs lourds brodequins, Pieds de terre, pieds de glaise levés en liesse campagnarde La liesse de ceux qui sont depuis longtemps sous terre 40 Et nourrissent le blé. Battant la mesure, Battant le rythme dans leur danse Ainsi que dans leur vie dans les saisons vivantes Le temps des saisons et des constellations Le temps de la traite et le temps des moissons 4' Le temps de l'accouplement de l'homme et de la femme Et de celui des bêtes. Pieds qui se lèvent, pieds qui retombent. Manger et boire. Fiente et mort.
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L'aube point, et un nouveau jour S'apprête à la chaleur et au silence. Le vent de l'aube Ondule et glisse sur la mer. Je suis ici Ou là, ou bien ailleurs. En mon commencement.
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II
What is the late November doing With the disturbance of the spring And creatures of the summer beat, And snowdrops writhing under fee! And hol(yhocks thal aim loo high Red into grey and tumble down Late roses ft/led with early snow? Thunder rolled l!J the rolling stars Simula/es triumpha/ cars Deployed in constellated wars Scorpion ftghts against the Sun Unti/ the Sun and Moon go down Comets weep and Leonids fly Hunt the heavens and the plains Whirled in a vortex thal shal/ bring The wor!d to thal destructive ftre Which burns bejore the ice-cap reigns.
II
Que fait donc ce tardif Novembre Avec son trouble printanier Ses créatures de l'été, s5 Ses perce-neige que le pied broie Ses passe-roses qui visent trop haut Rouges sur gris, et dégringolent Ses roses tardives qu'emplit la neige? Roulant aux astres, le tonnerre 6o Simule des chars de triomphe Déployés en arrois stellaires Le Scorpion combat le Soleil Qui décline ainsi que la Lune Comètes pleurent, Léonides volent 65 Tous vont chassant par cieux et plaines Pris au vortex qui commettra Le monde à ce feu destructeur Dont l'action précède le règne De la calotte glaciaire.
Thal was a wcry of putting it-not very satisfactory: A periphrastic stuc/y in a worn-out poetical fashion, Leaving one stiJl with the intolerable wrestle With words and tmanings. The poetry does not matter It was not ( to start again) what one had expected. What was to be the value of the long looked forward to, Long hopedfor calm, the autumnal serenity And the wisdom of age? Had they deceived 11s Or deceived themselves, the quiet-voiced eiders, Bequeathing us mere/y a receipt for deceit? The serenity on/y a deliberate hebetude, The wisdom on'fj the knowledge of dead secrets Useless in the darkness into which they peered Or from which they turned their eyes. There is, it seems to us, At best, on/y a limited valm In the knowledge derived from experience. The knowledge imposes a pattern, and falsifies, For the pattern is new in every moment And every moment is a new and shocking Valuation of ali w~ have been. We are on!J 11ndeceived
C'était une façon de dire les choses- mais pas très satisfaisante : 70 Une étude périphrastique sur un mode poétique désuet, Vous laissant toujours en proie à l'intolérable lutte Avec les mots et les sens. La poésie n'importe point. Ce n'était pas (pour recommencer) ce que l'on avait escompté. Quelle allait être la valeur du calme longtemps attendu, 7' Longuement espéré, la sérénité automnale Et la sagesse de l'âge? Nous avaient-ils leurrés Ou s'étaient-ils leurrés eux-mêmes, les aînés à la voix tranquille? Nous avaient-ils légué simplement une recette de duperie? La sérénité n'était-elle qu'hébétude délibérée, lo La sagesse que la connaissance de secrets morts Inutiles dans la ténèbre où ils plongeaient Ou dont ils détournaient les yeux? Il n'y a, à ce qu'il nous semble, Au mieux, qu'une valeur limitée Dans le savoir dérivant de l'expérience. 1, Le savoir impose un motif, et falsifie. Car le motif se renouvelle à chaque moment Chaque moment est une neuve et bouleversante Évaluation de tout ce que nous fûmes. Nous sommes seulement détrompés 43
Of that which, deceiving, could no longer harm. In the middle, not on!y in the middle of the way But ali the way, in a dark wood, in a bramble, On the edge of a grimpen, where is no secure foothold, And menaced by monsters,fancy lights, . Risking enchantment. Do not let me hear Of the wisdom of old men, but rather of their fol!y, Their fear offear and fren-zy, their fear of possession, Of belonging to another, orto others, orto God. The on!y wisdom w~..can hope to acquire Is the wisdom of bilmility: humility is endless. The bouses are ali gone under the sea. The dancers are ail gone under the hill.
De tout ce. qui, en nous trompant, ne pourrait plus nous nutre. 9° Étant à nii-chemin, pas seulement à mi-chemin, Tout le long du chemin, dans un bois noir dans la . ' ronça1e, Sur le bord d'un bourbier où le pied ne peut s'assurer ~enacés p~r des monstres, des lueurs fantastiques, R1squant 1 ensorcellement. Que je n'entende pas parler 95 De la sagesse des vieillards, mais bien plutôt de leur · folie, De leur crainte de la crainte et de la frénésie, de leur crainte d'être possédés, d'appartenir A un autre, à d'autres, à Dieu. La seule sagesse que nous puissions espérer acquérir Est la sagesse de l'humilité; car l'humilité est sans bornes. wo Les maisons s'en sont allées toutes sous la mer.
Les danseurs s'en sont tous allés sous la colline.
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III
III
0 dark dark dark. They ali go into the dark, The vacant interstellar spaces, the vacant into the vacant, The captains, merchJ.;>l bankers, eminent men of /etiers, The generous patrons of art, the statesmen and the ru/ers, Distinguished civil servants, chairmen of many cotnmittees, Industriallords and petty contractors, ali go into the dark, And darkthe Sun and Moon, and the Almanach de Gotha And the Stock Exchange Gazette, the Directory of Directors, And cold the sense and /ost the motive of action. And we ali go with them, into the silent funeral,
0 noir noir noir. Tous s'en vont dans le noir ' au Dans les vides espaces interstellaires, dans le vide dedans du vide, Les capitaines, les négociants, les hommes de lettres éminents, 10 5 Les généreux patrons des arts, les hommes d'État, les gouverneurs, Les fonctionnaires distingués, les présidents de comités, Les magnats, les entrepreneurs, tous, ils s'en vont tous dans le noir, Et noirs le soleil et la lune, noir l'Almanach de Gotha Noirs la Gazette de la Bourse et l'Annuaire des Directeurs, no Et froid le sens, perdu le mobile de l'action? Et nous tous entrons avec eux dans le silence funéraire47
Nobody' s funeral,for there is no one to bury. I said to my sou/, be sti/1, and let the dark come upon you Which sha/1 be the darkness of Cod. As, in a theatre, The lights are extinguished, for thescene to be changed With a hollow rumble of wings, with a movement of darkness on darkness, And we know thal the bills and the trees, the distant panorama And the bold imposingfaçade are al/ being rolled awayOr as, when an underground train, in the tubs, stops too long between stations And the conversation rises /liid slow/y fades into silence Andyou see behind every face the mental emptiness deepen Leaving on/y the growing te"or of nothing to think about; Or when, under ether, the mind is conscious but conscious ofnothing~
I said to my sou/, be sti/1, and wail without hope For hope would be hope for the wrong thing,· wail without love
Les funérailles de personne, car il n'y a personne à enterrer. J'ai dit à mon âme tiens-toi tranquille et que l'obscur tombe sur toi Qui est l'obscurité de Dieu. Tout de même que, dans un théâtre, On éteint les lumières pour changer les décors Avec un roulement caverneux de coulisses, avec un mouvement de l'obscur sur l'obscur, Et nous savons que les collines et les arbres, le panorama éloigné Et la fière façade imposante sont tous en train d'être emportésOu comme, lorsqu'un train souterrain, dans le métro, s'arrête trop longtemps entre deux stations Et que les conversations s'élèvent pour retomber lentement dans le silence Vous voyez derrière chaque visage s'approfondir le vide mental Qui ne laisse que la terreur croissante de n'avoir rien à quoi penser; Ou lorsque l'esprit sous l'éther est conscient mais conscient de rien J'ai dit à mon âme tiens-toi tranquille et attends sans espérance Car l'espérance serait l'espérance fourvoyée; attends sans amour 49
For love would be love of the wrong thing; there is yet faith But the faith and the love and the hope are ali in the waiting. Wail without thought, for you are not reat!J for thought: So the darknes s shall be the light, and the stillnes s the dancing. Whisper of running streams, and winter lightning. The wild thyme unseen and the wild strawberry, The laughter in the garden, echoed ecstasy Not /ost, but requiring, painting to the agony Of death and birth. You say I am repeating Something I have said before. I sha/1 say if again. Sha/1 I stry it again? In order to arrive there, To arrive where you are, to get from where you are not, You mtut go by a way wherein there is no ecsta.ry. In order to arrive at whatyou do not know Yo11 must go by a way which is the way of ignorance. In order to possess what you do not possess You must go by the way of dispos session. In order to arrive at what you are not You must go through the way in which you are not.
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Car l'amour seraitl'amour fourvoyé; il y a encore la foi · Mais foi, amour et espérance sont tous contenus dans l'attente. Attends sans penser, car tu n'es pas prête à pens~r: Ainsi l'obscur sera lumière; le repos danse. Murmures d'eaux vives, éclairs d'hiver; J..e thym sauvage inaperçu, la fraise des bois, Les rires au jardin, extase réverbérée Non point perdue, mais requérant, mais s'efforçant vers, l'agonie De la mort et de la naissance.
Vous allez dire que je répète Quelque chose que j'ai déjà dit. Je le redirai. Le redirai-je? Pour en arriver là, Pour arriver là où vous êtes, pour partir d'où vous n'êtes pas, Vous devez passer par une voie où il n'est pas d'extase. 140 Pour arriver à ce que vous ne savez pas Vous devez passer par une voie qui est la voie de l'ignorance. Pour posséder ce que vous ne possédez pas Vous devez passer par la voie de la dépossession. Pour arriver à ce que vous n'êtes pas 145 Vous devez passer par la voie dans laquelle vous n'êtes pas. 135
And what you do notknow is the on!J thingyou know And what you own is what you do not own And where you are is where you are not.
Et ce que vous ne savez pas est la seule chose que vous sachlez Et ce que vous possédez est ce que vous ne possédez pas Et là où vous êtes est là où vous ·n'êtes pas.
IV
IV
Th6 wounded surgeonplies the steel Thal questions the 1Yistempered part,· Beneath the bleeding bands wc fee/ The sharp compassion of the bea/er' s art Resolving the enigma of the fever chari. Our on!J bea/th is' the disease If wc ohey the dying nurse Whose constant care is not to please But to remind of our, and Adam's curse, And thal, to be restored, our sickness must grow worse. The whole earth is our hospital Endowed by the ruined millionaire, Wherein, if we do weil, wc sha/1 Die of the absolute paternal care Thal will not /cave us, but prevents us everywhere. S4
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L'acier du chirurgien blessé Questionne la partie viciée; Nous sentons sous les mains sanglantes Appliquées à guérir la pitié pénétrante Qui de la fièvre cherche à percer le secret.
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Notre mal seul nous est santé Si nous écoutons l'infirmière Mourante et qui ne veut nous plaire Mais nous remémorer Adam, notre douaire Et que le mal, pour mieux guérir, doit empirer.
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Cette terre est notre hôpital Don du milliardaire failli : Si tout va bien, c'est donc ici Que nous mourrons du soin paternel et total Qui toujours nous harcèle et partout nous poursuit.
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The chili ascends from feet to knees, The fever sings in mental wires. If to be warmed, then I must freeze And quake in frigid purgatorial jires Of which the flame is roses, and the smoke is briars. The dripping blood our only drink, The bloody Jlesh our only food: In spite of which we like to think That we are sotmd, supstantial flesh and bloodAgain, in spite of thdt; we cali this Friday good.
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Monte, froid, au long des jarrets; Chante, fièvre, aux fibres mentales. Je dois, pour être réchauffé, D'abord transir au gel du feu purgatorial Dont roses est la flamme, épines la fumée. Seul b~euvage: un sang qui ruisselle; Seul aliment : la chair qui saigne. Pourtant nous voulons qu'il soit dit Que nous sommes vraiment chair et sang substantiels Et persistons à nommer saint ce Vendredi.
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So here I am, in the middle way, having had twentyyearsTwenty years large!J wasted, the years of l'entre deux guerresTrying to /carn to use words, and every attempt Is a whoi!J new stdrt, and a different kind offai!ure Because one bas on!J learnt to get the better of words For the thing one no longer has to say, or the way in which One is no longer disposed to say it. And so each venture Is a new beginning, a raid on the inarticu!ate With shabqy equipment a/ways deteriorating In the general mess of imprecision offeeling,
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Me voici donc à mi-chemin, ayant eu vingt années En gros vingt années gaspillées, les années de l'entre deux guerres Pour essayer d'apprendre à me servir des mots, et chaque essai Est un départ entièrement neuf, une différente espèce d'échec Parce que l'on n'apprend à avoir le dessus sur les mots Que pour les choses que l'on n'a plus à dire, ou la manière IBo Dont on n'a plus envie de les dire. Et c'est pourquoi chaque tentative Est un nouveau commencement, un raid dans l'inarticulé Avec un équipement miteux qui sans cesse se détériore Parmi le fouillis général de l'imprécision du sentir, 175
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Undisciplined squads of emotion. And what there is to conquer By strength and submission, bas already been discovered Once or twice, or severa! times, by men whom one cannot hope To emulate-but there is no competitionThere is only the ftght to recover what bas been /ost And found and !ost again and again: and now, under conditions Thal seems unpropitious. But perhaps neither gain nor los s. For us, there is on/y the trying. The rest is not our business. Home is where one starts from. As we grow older The world becomes stranger, the pattern more complicated Of dead and living. Not the intense moment Isolated, with no before and after, But a lifetime burning in every moment And not the lifetime of one man only But of old stones that cannol be deciphered. There is a time for the evening under starlight, A time for the evening under lamplight (The evening with the photograph album).
Les escouades indisciplinées de l'émotion. Et ce qui est à conquérir 18~ Par la force et la soumission a déjà été découvert Une ou deux fois, ou davantage, par des hommes qu'on n'a nul espoir D'égaler- mais il ne s'agit pas de concurrenceIl n'y a ici que la lutte pour recouvrer ce qui fut perdu, Retrouvé, reperdu: et cela de nos jours, dans des conditions 190 Qui semblent impropices. Mais peut-être ni gain ni perte. Nous devons seulement essayer. Le reste n'est pas notre affaire.
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La maison est là d'où l'on part. Comme nous avançons en âge Le monde devient plus étrange, et plus compliqué le motif De morts et de vivants. Non le moment intense Isolé, dénué d'avant comme d'après, Mais bien tout une vie brûlant à chaque moment Et non le temps de vie d'un homme seulement Mais celui-là de vieilles pierres indéchiffrables Il y a un temps pour la soirée à la lueur des étoiles, Un temps pour la soirée à la lueur de la lampe (La soirée des photographies que l'on feuillette) 61
Love is most near!J itself When here and now cease to matter. 0/d men ought to be explorers Here and there does not matter We must be sti!l and sti!l moving Into another intensity For a further ttnion, a deeper communion Through the dark cold and the empty desolation, The wave cry, the wind cry, the vast waters Of the petrel and the porpoise. In my end is my beginning.
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L'amour est le plus près d'être lui-même Lorsqu'ici-et-maintenant cesse d'importer. Les vieillards doivent être des explorateurs Ici-et-là n'importe pas Il nous faut toujours toujours nous mouvoir Au sein d'une autre intensité Pour une union plus intime, une communion plus profonde A travers le froid obscur, la vacante désolation, Le cri de la vague, le cri du vent, les vastes eaux Du marsouin et du pétrel. En ma fin mon commencement.
THE DRY SALVAGES
LES DRY SALVAGES
(The Dry Salvages - presumably les trois sauvages is · a small group of rocks, with a beacon, off the N .-E. Coast of Cape Ann, Massacbussetts. Salvages is pronouoced to rhyme with asslltlges. Groaner : a whistling buoy.)
(Les Dry Salvages -probablement Les Trois Sauvages à l'origine - sont un petit groupe de rochers, avec un feu, au large de la côte Nord-Est du Cap Ann, Massachussetts. Geignarde: bouée à sifflet.)
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I do not know much about gods; but I think that the river Is a strong brown god-sullen, untamed and intractable, Patient to some degree, at jirst recognised as a frontier ,· Useful, untrustwortf?y, as a conveyor of commerce,· Then on!J a problem confronting the builder of bridges. The problem once solved, the brown god is a/most forgotten By the dwellers in cities-ever, however, implacable, Keeping his seasons and rages, destroyer, reminder Of what men choose to forget. Unhonoured, unpropitiated
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Je ne sais pas grand'chose des dieux, mais je crois que le fleuve Est un puissant dieu brun - buté, sauvage et intraitable, Patient jusqu'à un certain point, reconnu d'abord pour frontière; Expédient, pas de tout repos, pour transporter des marchandises; Puis tout simplement un problème qui s'offre au constructeur de ponts. Une fois le problème résolu, le dieu brun est presque oublié Des habitants des villes ~ il demeure, pourtant, implacable, Gardant ses saisons et ses rages, destructeur, rappelant aux hommes Ce qu'ils préfèrent oublier. Frustré d'honneurs propitiatoires
By worshippers of the machine, but waiting, watching and waiting. His rhythm was present in the nursery bedroom, In the rank ailanthus of the April dooryard, In the sme!! of grapes on the autumn table, And the evening circ!e in the winter gaslight. The river is zvithin us, the sea is al! about us; The sea is the land's edge also, the granite Into which it reaches, the beaches where it tosses Its hints of earlier and otber creation: The starftsh, the horseshoe crab, the whale 's backbom; The pools 1vhere it offers to our curiosiry The more delicate algae and the sea aneJJtone. It tosses up our fosses, the torn seine, The shattered lobsterpot, the broken oar And the gear offoreign dead men. The sea has ma'!)' voices, Matry gods and matry voices. The salt is on the briar rose, The fog is in the ftr trees. The sea howl And the se a ye!p, are different voices Often together heard: the whine in the rigging, The menace and caress of wat•e that breaks on water,
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>ar les fidèles de la machine, mais attendant, guettant ct attendant. Son rythme était présent dans la chambre d'enfants 1 )ans l'ailante luxuriant de l'avant-cour d'avril ' Dans l'odeur des raisins de la table d'automne', 1)ans la veillée en rond sous le gaz hivernal. 1
1,c fleuve est au dedans de nous, la mer partout
autour de nous; ,a mer est aussi bien le finisterre, le granit <)ù elle s'enfonce, les grèves où elle rejette Ses vestiges d'une création plus ancienne, autre : 1 ,'étoile de mer, la limule, l'épine dorsale de baleine; 2o 1,cs mares où elle propose à notre œil curieux 1,es algues délicates et l'anémone de mer. 1me rejette nos pertes, la senne déchirée, 1 ,e casier à homards fracassé , la rame brisée , 1,cs apparaux d'étrangers morts. Et la mer a beaucoup de voix, 25 Beaucoup de dieux beaucoup de voix. Le sel saupoudre l'églantine 1,a brume est dans les pins. La clameur de la mer 1':t l'aboi de la mer sont des voix différentes 3° <2u'on entend souvent de concert: la plainte parmi les cordages, 1,a menace et la caresse dela vague quise brise sur l'eau, 1
The distant rote in the granite teeth, And the wailing warningfrom the approaching head/and Are ali sea voices, and the heaving groaner Rounded homewards, and the seagull: And under the oppression of the silent fog The tolling bell Measures time not our time, rung by the unhurried Ground swell, a time Older than the time of chronotneters, older Than time counted by anxious worried won;en Lying awake, calculating the future, Trying to unweave, unwind, unravel And piece together the past and the future, Between midnight and dawn, when the pastis ali deception, The future futureless, before the morning watch When time stops and tiJJJe is never ending; And the ground swell, that is and was from the beginning, Clangs The bell.
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Le va-et-vient lointain dans les dents de granit Et l'alarme gémie par le cap qui s'approche Sont tous voix de la mer, et la geignarde Que la houle soulève, et que l'on double, et la mouette; Et sous l'oppression du brouillard silencieux La cloche tinte Mesurant un temps qui n'est pas notre temps, un temps sonné Par la houle sans hâte, un temps Plus ancien que le temps des chronomètres, plus ancien Que le temps calculé par des femmes inquiètes Qui restent éveillées, supputant l'avenir, Cherchant à dévider, à démêler, à débrouiller Pour les recoudre ensemble et le passé et l'avenir Entre minuit et l'aube, quand le passé n'est plus que leurre Quand l'avenir est sans avenir avant le quart du matin Quand le temps s'arrête, quand le temps n'en finit pas; Et la houle marine qui est et qui était dès le commencement Tinte La cloche:
II
II
Where is there an end of it, the sound/eu wailing, The silent withering of autunm flowers Droppi~g their petais and remaining motion/eu; Where ts there an end to the drifting wreckage, The prayer of the bone on the beach, the unprayable Prayer at the calamitous annunciation?
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Où trouver une cesse à la plainte muette, A l'automnal silencieux déclin des fleurs Qui perdent leurs pétales et restent immobiles; Où trouver une cesse à l'épave en dérive, A l'os priant sur la grève, à l'irrécitable Prière à la calamiteuse annonciation?
There is no end, but addition: the trailing Consequence offurther days and hours, White emotion takes to itself the emotion/eu Year s of living among the breakage Of what was believed in as the most re fiableAnd therefore the ftttest for renunciation.
Point de cesse, mais adjonction : la languissante Séquelle d'autres jours encore et d'autres heures, Quand l'émotion prend les années sans émotion 6o En charge pour les vivre au milieu des décombres De ce qu'on avait cru le plus inébranlable, Le plus digne, partant, de renonciation.
Th~re
Il y a l'adjonction finale, le défaillant Orgueil ou le dépit devant les forces défaillantes, 65 La dévotion inattachée qui semble être sans dévotion
is the final addition, the failing Przde or resentment at failing powers, The unattached devotion which might pass for devotionless,
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In a drifting boat with a slow leakage, The silent listening to the undeniable Clamour of the bell of the fast annunciation. Where is the end of them, the jishermen sailing Into the wind' s tai/, whcre the fog cowers? We cannot think of a lime thal is ocean/css Or of an ocean not littered with wastage Or of a future that is not fiable Like the past, to have no destination. We have to think of them as forevcr bailing, Setting and hauling, white the North 'East lowcrs Ovcr shallow banks unchanging and erosion/css Or drawing their moncy, drying sails at dockage; Not as making a trip that will be unpayable For a bau/ that will not bear examination.
Sur un navire à la dérive affecté d'une voie d'eau lente, La silencieuse écoute de l'indéniable Branle de cloche de la dernière annonciation. 70
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So
There is no end of if, the voiceless wailing, No end to the withering of withered jlowcrs, To the n;ovement of pain that is pain/css and motion/css, To the drift of the sea and the drifting wrcckage, The bonc's prayer to Death ils God. On!J the hard!J, bare!y prayable Prayer of th1 one Annunciation.
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Où trouver une cesse aux pêcheurs qui font voile Dans la traîne du vent où s'embusque la brume? Comment imaginer un temps sans océan Ou bien un océan que les débris ne jonchent Ou bien un avenir qui serait incapable D'être, telle passé, sans destination? Si nous pensons à ces pêcheurs, c'est écopant, Larguant, hâlant, tandis que le nordé menace Sur l'eau maigre des bancs pareils, inérodés, C'est recevant leur paye ou séchant leur voilure Et non lancés dans un voyage improfitable Pour un butin qui ne souffrirait pas l'inspection. Il n'y a point de cesse à la plainte muette, Point de cesse au déclin recommencé des fleurs, Au sursaut de douleur indolore, immobile, A la mer dérivante, à l'épave en dérive, A l'os qui prie la Mort son Dieu. Rien que l'à peine récitable Prière, celle de l'unique Annonciation. 15
seems, as one becomes older, Thal the past bas another pattern, and ceases to be a mere sequenceOr even development .~ the latter a partial jal/acy Encouraged by superftcial notions of evolution, Which becomes, in the popular mind, a means of disowning the past. The moments of happiness-not the sense of well-being, Fruition, fu!ftlment, securiry or affection, Or even a very good dinner, but the sudden illuminationWc had the experience but missed the !IJeaning, And approach to the meaning restores the experience In a different form, beyond a??J meaning We can assign to happiness. I have said before That the past experience revived in the meaning Is not the experience of one /ife on!J But of ma??J generations-not forgetting Something thal is probab!J quite ineffable: The backward look behind the assurance Of recorded history, the backward halj-look 1t
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On elirait, à mesure que l'on avance en âge, Que le passé offre un autre motif, n'est plus simplement succession Ou même développement : ce dernier erreur partielle Encouragée par des notions superficielles d'évolution Qui devient, dans l'esprit populaire, prétexte à renier le passé. Des moments de bonheur - non au sens de bienêtre, De fruition, d'achèvement, de sécurité, d'affection, Ou même d'un très bon dîner, mais d'illumination soudaineNous avons eu l'expérience, non pas saisi la signification; Et l'approche de la signification nous restitue l'expérience Sous une forme différente, passant toute signification Attribuable au bonheur. Comme je l'ai dit auparavant, L'expérience passée que la signification fait revivre N'est pas l'expérience d'une vie seulement, Mais de maintes générations - sans oublier Quelque chose qui est sans doute inexprimable : Le regard jeté en arrière au delà de la certitude De l'histoire consignée, le demi-regard en arrière
Over the shoulder, towards the primitive terror. Now, we come to discover that the moments of agony (Whether, or not, due to misunderstanding, Having hopedfor the wrong things or dreadedthewrongthings, Is not in question) are likewise permanent With sll(h permanence as lime has. We appreciafe this better In the agony of others, near!J experienced, Involving ourselves, than in our own. For our own pastis covered by the currents of action, But the forment of others remains an experience Unqualified, unworn by subsequent attrition. People change, and smile: but the agony abides. Time the destroyer is lime the preserver, Like the river with its cargo of dead negroes, cows and chicken coops, The bitter apple and the bite in the apple. And the ragged rock in the restless waters, Waves wash over it,fogs conceal it,· On a ha/cyon day it is mere!J a monument, In navigable weather it is a/ways a seamark To lay a course by: but in the sombre season Or the suddenfury, is what if a/ways was.
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Que l'on jette par dessus l'épaule vers l'épouvante primitive. Or, nous le découvrons, les moments de souffrance (Qu'ils soient, ou ne soient pas, dûs au malentendu De l'espoir fourvoyé, de la crainte fourvoyée N'importe pas ici) sont, tout de même, permanents De cette permanence que possède le temps. Nous l'apprécions mieux Dans la souffrance d'autrui, ressentie de tout près, Nous impliquant, que dans la nôtre propre. . Car notre propre passé, les courants d'action le recouvrent Mais le tourment d'autrui demeure une expérience Non étiquetée, non usée par l'attrition subséquente. Les gens changent, sourient, mais la souffrance reste. Car le temps qui détruit est le temps qui conserve, Ainsi que le fleuve, avec son chargement de nègres morts, de bestiaux et de cages à poules, Ainsi que la pomme âcre et la pomme mordue. Le roc déchiqueté dans les eaux inquiètes Est couvert par la vague, enfoui dans le brouillard; Par un jour alcyonien, ce n'est qu'un monument, Par temps propice à la navigation, c'est un amer Sur lequel se guider : mais dans la saison sombre Ou la fureur soudaine, il redevient lui-même.
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1 sometimes wonder if that is what Krishna meantAmong other things--or one way ofputting the same thing: That the future is afaded song, a Rqyal Rose or a lavender spray Of wistful regret for tho se who are not yet here to regret, Pressed betweenyellow /caves of a book that bas never been opened. And the way up is the way down, the way forward is the way back. You cannat face it steadily, but this thing is sure, That lime is no healer: the patient is no longer here. When the train starts, and the passengers are settled
Je me demande parfois si c'est là ce que Krishna voulait dire Entre autres choses - ou une façon de dire la même chose: Que l'avenir est une chanson fanée, une Rose Royale ou un brin de lavande Nostalgique, en regret de ceux qui ne sont pas encore ici à regretter, Pressé entre les feuilles jaunies d'un livre qui n'a jamais été ouvert. Et la montée est la descente, comme l'avance est le recul. C'est une chose qu'on ne peut pas regarder en face, mais elle est sûre : Le temps n'est pas un guérisseur, car le patient n'est plus ici. Quand le train part et que les voyageurs sont installés
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To fruit, periodicals and business letters (And tho se who saw them off have left the platform) Their faces relax from grief into relief, To the sleepy rhythm of a hundred hours. Fare forward, travellers! not escapingfrom the past Into different lives, or into any future,· You are not the same people who left that station Or who will a"ive at any terminus, While the narrowing rails slide together behind you; And on the deck of the drumming liner Watching the furrow that widens behindyou, You shall not think 'the pastis ftnished' Or 'the future is before us'. At nightjall, in the rigging and the aerial, Is a voice descanting ( though not to the ear, The murmuring shell of time, and not in any language) 'Fare forward,you who think that you are voyaging,· You are not those who saw the harbour Receding, or those who will disembark. Here between the hither and the farther shore White time is withdrawn, consider the future
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Devant leurs fruits et leurs journaux ou devant leurs lettres d'affaires (Ceux-là qui les accompagnaient ont maintenant quitté le quai) Leur visage se détend, du chagrin au soulagement, Au rythme somnolent d'une centaine d'heures. En avant, voyageurs! Sans vous évader du passé 140 Dans quelque vie changée ou dans quelque avenir; Vous n'êtes pas les mêmes gens qui sont partis de cette gare Ou qui arriveront à quelque terminus Tandis que les rails glissent ensemble et se rétrécissent derrière vous; Et sur le pont du liner qui bourdonne, 1 45 En guettant le sillon qui s'élargit derrière vous, Vous ne penserez pas « Le passé est fini >> Ou <. A la tombée du jour, dans le grément et dans l'antenne, Habite une voix qui sussure (non pour l'oreille, 150 Conque murmurante du temps, ni dans aucun langage) cc Vous autres, en avant 1 qui croyez voyager; Vous n'êtes pas ceux-là qui ont vu s'éloigner Le port, ni davantage ceux qui débarqueront. Ici, entre le proche et le lointain rivage, 155 Maintenant que le temps s'est retiré, considérez
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And the past with an equaJ mind. At the moment which is not action or inaction You can receive this: "on whatever sphere of being The mind of a man may be intent At the time of de ath" -that is the one action (And the time of de ath is every moment) Which shalJ fructify in the lives of others: And do not think of the fruit of action. Fare forward. 0 voyagers, 0 seamen, Y ou who come to port, andyou who se bodies ~FiJI suffer the trial and judgement of the sea, Or whatever event, this is yo11r real destination.' So Krishna, as when he admonished Atjuna On the field of battle. Not fare weJJ, But fare forward, voyagers.
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L'avenir, avec le passé, d'un œil égal. En ce moment qui n'est d'action ni d'inaction Vous pouvez recevoir ceci : « Sur quelque plan De l'être que l'esprit de l'homme se concentre A l'heure de la mort » - c'est là l'unique action (Et l'heure de la mort est à chaque moment) Qui doive, dans la vie des autres, porter fruit. Qu~nt au fruit de l'action, n'allez pas y songer, Mals en avant! 0 voyageurs, ô matelots, V o~s qui entrez au port; vous aussi dont le corps Sub1ra de la mer l'épreuve et le verdict Ou connaîtra tout autre sort, telle est Votre destination réelle )), Ainsi Krishna , Comme en ce jour qu'il exhorte Arjuna Sur le champ de bataille. Et point d'adieux, Mais en avant, ô voyageurs.
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Lat!J, whose shrine stands on the pro111ontory, ali those 1vho are in ships, those Whose business has to do with jish, and Those concerned with every lawful trajjîc And those who conduct the111. Pr~ for
Repeat a pr~er also on behalj of Wo!llcn who have secn thcir sons or husbands Settingforth, and not returning: Figlia del tuo jiglio, Qucen of Hcaven. Also pr~ for those who were in ships, and Endcd thcir vrryage on the sand, in the sea' s lips Or in the dark throat 1vhich will not reject the111 Or wherever cannot rcach thetn the sound of the sea bell' .r Perpetuai angelus.
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Notre-Dame du sanctuaire du promontoire, Priez pour ceux qui sont en mer, pour ceux 175 Qui ont affaire avec la pêche, pour tous ceux Qui font par métier quelque trafic li~ite Et pour leurs dirigeants.
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Dites encore une prière pour Les femmes qui ont vu leur fils ou leur mari Appareiller, sans jamais revenir: Figlla del tuo figlio, Reine du Ciel.
Priez aussi pour ceux qui naviguaient et dont Le voyage a pris fin sur le sable, dans les lèvres de l'océan 18 5 Ou dans le gosier noir qui ne les rendra point, Là où la cloche marine ne peut plus les atteindre De son angélus perpétuel.
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To communicate with Mars, converse with spirits, To report the behaviour of the sea monster, Describe the horoscope, haruspicate or sery, Observe disease in signatures, evoke Biography from the wrinkles of the palm And tragedy from fingers; release omens By sortilege, or tea leaves, riddle the inevitable With playing cards, fiddle with pentagran;s Or barbituric acids, or dissect The recurrent image into pre-conscious terrorsTo explore the womb, or Iomb, or drean;s; al/ these are usuai Pas times and drugs, and features of the press: And a/ways will be, some of them especiaily When there is distress of nations and perplexity
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Communiquer avec Mars, converser avec des esprits
R~pporter le comportement du serpent de mer,
' Tuer des horoscopes, lire dans le cristal, Déc~ler des maladies dans les signatures, décrire La bwgraphie d'après les rides de la paume, La trag~die d'après les doigts; pronostiquer Par sortilège où grâce à des feuilles de thé 11;5 Scru~er l'inévitable avec des cartes à jouer,' Mamer des pentagrammes ou des acides barbituriques, Disséquer l'image récurrente au fond des terreurs pré-conscientes, Fouiller le sein, ou bien la tombe, ou bien les rêves, ces choses sont Passe-temps et drogue commune, rubrique à l'usage de la presse : 2oo Et toujours le seront, surtout certaines d'entre elles Quand les nations sont en détresse et que l'anxiété 1
Whether on the shores of Asia, or in the Edgware Road. Men' s curiosiry searches pas! and future And c/ings to thal dimension. But to apprehend The point of intersection of the timeless JV'ith lime, is an occupation for the saintNo occupation either, but something given And laken, in a lifttime' s death in love, Ardour and seljlessness and self-su"ender. For most of us, there is on/y the unattended Moment, the moment in and out of lime, The distraction fit, /ost in a shaft of sunlight, The wild thyme unseen, or the winter lightning Or the waterfa/1, or music beard so deepfy Thal it is not beard at ali, butyou are the music While the music lasts. These are on/y hints and gues ses, Hints followed by gues ses; and the rest Is prqyer, observance, discipline, thought and action. The hint halfguessed, the gift halfundersfood, is Incarnation. Here the impossible union Of spheres of existence is actual,
2.05
2.10
2.15
2.2.0
Règne aux rives d' A~ie ou sur les Boulevards. La curiosité des humains fouille le passé et l'avenir Et se cramponne à cette dimension. Quant à saisir Le point d'intersection du règne intemporel Avec le temps, c'est là l'occupation du saintNon pas même l'occupation: quelque chose qui est donné Et reçu, au long du mourit: d'amour d'un temps de vie Dans l'ardeur, l'abnégation, l'abandon de soi. Pour la plupart d'entre nous il y a seulement le moment D'inattention, le moment dans et en dehors de la durée, L'accès de distraction dans un rai de soleil, Le thym sauvage inaperçu, l'éclair d'hiver, Ou la cascade, ou la musique entendue si profondément Qu'on ne l'entend plus du tout, mais que l'on est la musique Tant que la musique dure. Ce ne sont là Qu'allusions et conjectures; allusions Suivies de conjectures; le reste étant Prière, observance, discipline, méditation et action. L'allusion à demi devinée, le don à demi compris est l'Incarnation. Ici l'impossible union
Here the past and future Are conquered, and reconciled, Where action were otherwise movement Of that which is on/y moved And has in it no source of movementDriven by daemonic, chthonic Powers.. And right action is freedom From past and future also. For most of us, tbis is the aim Never here to be realised; Who are on/y undefeated Because we have gone on trying; We, content at the last If our temporal reversion nourish (Not too far from the yew-tree} The /ife of signiftcant soi/.
Des sphères d'existence est en acte, Ici le passé, le futur Sont conquis, réconciliés, Là où l'action serait, autrement, mouvement !2.5 De ce qui est seulement mû et ne possède Aucun principe, en soi, de mouvement Entraîné par des forces démoniques, chtoniques. Et bien agir, c'est être libre Du passé, du futur aussi. .~ ;o C'est pour la plupart d'entre nous Le but, toujours inaccessible, Nous qui ne restons invaincus Que pour avoir persévéré; Contents en fin de compte si .·) 5 Notre réversion temporelle Nourrit (mais pas trop loin de l'if) La vie du sol signifiant.
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LITTLE GIDDING
LITTLE GIDDING
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Midwinter spring is its own season Sempiternal though sodden towards sundown, Suspended ùz time, between pole and tropic. When the short day is brightest, with frost and jire, The brief s11n .flames the ice, on pond and ditches, In windless cold that is the heart' s beat, Re.flecting in a watery mirror A glare that is blindness in the ear(y afternoon. And glow more intense than blaze of branch, or brazier, Stirs the dumb spirit: no wind, but pentecostal jire In the dark time of the year. Between me/ting and freezing The sou/' s sap quivers. There is no earth sme/1 Or smell of living thing. This is the spring time But not in time 's covenant. Now the hedgerow
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Le printemps du cœur de l'hiver est une saison par lui-même, Sempiternelle, quoique détrempée vers le couchant, Suspendue dans le temps, entre pôle et tropique. Quand la courte journée resplendit de gel et de feu, Le bref soleil enflamme la glace, sur les mares et les fossés, Dans un froid sans rafales qui est chaleur au cœur, Réverbérant dans un miroir aqueux Un éclat qui est cécité au début de l'après-midi. Et l'embrasement plus intense que flambée de branches ou brasier Ranime l'esprit engourdi: nul souffle, un feu de Pentecôte Au temps obscur de l'an. Entre dégel et gel La sève de l'âme grelotte. Nulle senteur de terre, Ni de chose vivante. C'est le temps du printemps Mais non selon le covenant du temps. Voici que la haie
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Is blanched for an h(Jur with transitory blossom Of snmv, a bloom more sudden Than that of summer, neither budding nor fading, Not in the scheme of generation. Where is the summer, the unimaginable Zero summer?
Ifyou came this Wt!J, T aking the route you would be like(y to take From the place you would be like(y to come from, Ifyou came this wqy in mqy time,you would jind the hedges White again, in Mqy, with voluptuary sweetness. It would be the same at the end of the journey, Ifyou came at night like a broken king, Ifyou came by dqy not knowing what you came for, It would be the same, when you leave the rough road And turn behind the pig-sty to the du/1 façade And the tombstone. And what you thought you came for Is on/y a shell, a husk of meaning From which the purpose breaks on(y when it is fulftlled If at ali. Either you had no purpose Or the purpose is beyond the endyou jigured And is altered in fu/filment. There are other places
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Est blanchie pour une heure d'un bouquet transitoire De neige, efflorescence plus soudaine Que celle de l'été, ne bourgeonnant ni ne fanant, Échappant au dessein de la génération. Où est l'été, l'inconcevable Été zéro?
Si vous veniez par là, Prenant la route que sans doute vo~s prendriez A partir de l'endroit dont sans doute vous viendriez, Si vous veniez au temps du mai, vous trouveriez les haies 2. 5 Blanches encore, en Mai, de douceur voluptueuse. Il en serait de même à la fin du parcours, Si vous veniez de nuit ainsi qu'un roi défait, Si vous veniez de jour et sans savoir pourquoi, Il en serait de même quand vous quitteriez la route pierreuse )O Pour contourner la porcherie en gagnant la terne façade Et la pierre tombale. Et ce pourquoi Vous aviez cru être venu est seulement Une coquille, une écorce de sens Dont le propos ne se dégage qu'une fois qu'il est accompli Si toutefois il l'est. Ou vous n'aviez pas de propos 15 Ou le propos passe la fin que vous aviez imaginée Et s'altère dans l'accomplissement. Il y a bien d'autres endroits
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Which also arli the world' s end, some at the sea jaws, Or over a dark lake, in a desert or a ciryBut this is the nearest, in place and time, Now and in England.
Ifyou came this wqy, Taking atry route, startingfrom atrywhere, At atry lime or at atry season, It would alwq_ys be the same: you would have to put off Sense and notion. You are not here to verify, Instruct yourself, or inform curiosiry Or carry report. You are here to kneel Wbere prqyer has been va/id. And prqyer is more T han an order of words, the comcious occupation Of the praying mind, or the sound of the voice prqying. And what the dead had no speech for, when living, Thry can tell you, being dead: the communication Of the dead is tongued with ftre bryond the language of the living. Here, the intersection of the timeless moment Is England and nowhere. Never and alwqys.
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Qui sont aussi le bout du monde, certains aux mâchoires de la mer, Ou sur un sombre lac, dans un désert, dans une ville ... Mais celui-ci est le plus proche, et dans l'espace et dans le temps. Maintenant et en Angleterre.
Si vous veniez par là, Prenant n'importe quelle route, partant de n'importe où, A n'importe quelle heure, n'importe quelle saison, Il en serait toujours de même : car vous devriez dépouiller 4 5 Sens et notion. Vous n'êtes pas ici pour vérifier Vous instruire, satisfaire à la curiosité Faire un rapport. Mais bien pour vous agenouiller Où la prière fut valide. Et la prière est davantage Qu'une suite de mots, l'occupation consciente 50 De l'intellect priant, ou le son de la voix priante .. Et ce pour quoi les morts n'avaient pas de mots quand ils vivaient Ils peuvent vous le dire morts : la communication Des morts est languée de feu par delà l'idiome des vivants. Ici, l'intersection du moment intemporel 55 Est l'Angleterre et nulle part. Jamais et toujours. lOI
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Ash on an o/d man's sleeve Is al/ the ash the burnt roses leave. Dust in the air suspended Marks the place where a story ended. Dust inbreathed was a bouseThe wall, the wainscot and the mouse. The death of hope and despair, This is the death of air. There are flood and drouth Over the ryes and in the mouth, Dead water and dead sand Contendingfor the upper band. The parched eviscerate soi/ Gapes at the vanity of toi/, Laughs without mirth. This is the death of earth.
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Un peu de cendre sur la manche D'un vieillard est toute la cendre Que laissent les roses brûlées. De la poudre en suspens dans l'air Marque une histoire terminée. Cette poudre fut un logis Murailles, lambris et souris. Quand espoir et désespoir meurent, C'est la mort de l'air. Inondation et sécheresse Noient les yeux et gercent la bouche; Eau morte contre sable mort, Qui des deux sera le plus fort? Le sol broui, éviscéré Bée au spectacle de l'effort En dénonçant sa vanité Avec un rire sans gaîté. Ainsi meurt la terre. 103
Water and ftre succeed The town, the pasture and the weed. Water and jire deride The sacrifice that we denied. Water and jire shall rot The marred foundations we forgot, Of sanctuary and choir. This is the death of water and ftre.
L'eau et le feu ont succédé A la ville, au pâtis, à l'herbe. L'eau et le feu ont bafoué 75 Le sacrifice non offert. L'eau et le feu vont émietter Les fondations dilapidées Du sanctuaire et de son chœur. C'est la mort de l'eau et du feu.
In the uncertain hour before the morning Near the ending of interminable night At the recurrent end of the unending After the dark dotJe with the flickering tongue Had passed below the horizon of his homing While the dead leaves still rattled on like tin Over the asphalt where no other sound was Between three districts whence the smoke arase I met one walking, loitering and hurried As if blown towards me like the metal/caves Before the urban dawn wind unresisting. And as I jixed upon the down-turned face That pointed scruti'!} with which wc challenge The ftrst-met stranger in the waning dusk I caught the sudden look of some dead master Whom I had known, forJ!.Often, hal{ recalled Bath one and ma'!}; in the brown baked features
A l'heure indéfinie qui précède l'aurore Et comme s'achevait la nuit interminable V ers la fin récurrente du sans-fin, après Que l'obscure colombe à la langue flammante Eut émigré sous l'horizon de sa retraite, 85 Cependant que les feuilles mortes cliquetaient Sur l'asphalte où ne résonnait nul autre bruit, Entre trois quartiers d'où montait la fumée, J'ai croisé un passant traînassant et pressé, Balayé devers moi tel le clinquant des feuilles 90 Et qui s'abandonnait au vent urbain de l'aube. Or, comme je fixais sur sa face baissée Ce regard scrutateur par lequel nous défions L'étranger rencontré dans l'ombre blêmissante, Je surpris le regard d'un ancien maître mort 9~ Hier oublié, puis à demi remémoré; Un et plusieurs ; avec, dans ses traits bruns recuits
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The ryes of a familiar compound ghost Both intimate and unidentifiable. SoI assumed a double part, and cried And heard another' s voice cry: 'What! are you here?' Although we were not. I was stiJl the same, Knowing myselfyet being someone otherAnd he a face sti/1 forming ,· yet the words sujjiced To campel the recognition thry preceded. And so, compliant to the common wind, Too strange fo each other for misunderstanding, In concord at this intersection time Of meeting nowhere, no before and after, We trod the pavement in a dead patrol. I said: 'The wonder thal I fee! is easy, Yet case is cause of wonder. Therefore speak: I may not comprehend, may not remember.' And he: 'I am not eager to rehearse My thought and theory which you have forgotten. The se things hmJe served their purpose: let them be. So with your own, and pray thry be forgiven By others, as I pray you to forgive Both bad and good. Last season 's fruit is eaten And the fullfed beas/ sha/1 kick the empty pail. For last year' s words belong to last year' s language And nextyear' s words await another voice.
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Les yeux d'un familier fantôme composite Intime et non-identifiable tout ensemble. Je criai, jouant double rôle, et j'entendis 1• lO La voix d'un autre qui criait : << Quoi 1 Vous ici? » Encor qu'il n'en fût rien: j'étais toujours le même, Me connaissant, et néanmoins j'étais un autre ... Lui, un visage encore informe; mais les mots Parfirent après coup notre reconnaissance 1'> 5 Et là-dessus, obéissant au vent commun, Trop étrangers vraiment pour ne point nous entendre, En bon accord à ce moment d'intersection De nulle part, de nul avant, de nul après, Nous arpentâmes le pavé, patrouille morte. 11 0 «La surprise que je ressens, dis-je, est aisée, Mais l'aise est cause de surprise. Aussi, parlez: Je puis ne pas saisir, ne pas me souvenir. » Et lui: « Je ne tiens pas à récapituler Mes théories dont vous avez perdu mémoire. 115 Ces choses ont servi leur propos : laissons-les. Quant aux vôtres, priez qu'elles soient pardonnées En pardonnant vous-même et le bien et le mal. Car le fruit est mangé de la saison dernière Et la bête gavée ruera dans le seau vide. l lO Les mots de l'an passé sont d'un discours passé Les mots de l'an prochain voudraient une voix neuve.
But, as the passage now presents no hindrance To the spirit unappeased and peregrine Between two worlds become much like each other, SoI ftnd words I never thought to speak In streets I never thougbt I sbould revisit Wben I lift my botfy on a distant shore. Since our concern was speech, and speech impelled us To purify the dialect of the tribe And urge the mind to aftersight and foresight, Let me dise/ose the gifts reserved for age To set a crown uponyour lifetime' s effort. First, the coldfriction of expiring sense Witbout encbantment, offering no promise But bitter tastelessness of shadow fruit As bocfy and sou/ begin to fall asunder. Second, the conscious impotence of rage At buman foi!J, and the laceration Of laughter at wbat ceases to amuse. And las!, the rending pain of re-enactment Of ali thatyou bave done, and been; the sbame Of motives late revealed, and the awareness Of tbings ill done and done to otbers' harm Which once you look for exercise of virlue. Then fools' approval stings, and honour stains. From wrong to wrong the exasperated spirit Proceeds, unless reslored l?J thal reftningftre 108
Mais comme le passage à présent s'ouvre libre A l'esprit pérégrin qui erre, inapaisé, Entre deux mondes devenus presque pareils, 12~ Des mots me viennent dont jamais je n'eus l'idée En des rues qùe jamais je n'aurais cru revoir Quand j'ai laissé mon corps sur un lointain rivage. Notre souci fut le discours, et de vouloir Donner un sens plus pur aux mots de la tribu 11 0 Pour disposer l'esprit à postvoir et prévoir; Eh 1 bien donc, apprenez de quels dons la vieillesse Couronnera l'effort de toute votre vie. Primo le froid contact du sentir expirant, Sans plus rien d'enchanteur, n'offrant d'autre promesse 1 15 Que l'amère insipidité du fruit fantôme Quand de l'âme et du corps le divorce commence. Secundo la fureur qui se sait impuissante Devant la sottise des hommes et le rire Qui lacère devant ce qui n'amuse plus. 1.1 0 Enfin la peine déchirante de revivre Tout ce que l'on a fait, été, avec la honte Des mobiles anciens révélés, la conscience Du mal que l'on a fait, et fait au dam d'autrui Bien qu'il eût les dehors de la vertu. Aussi 1.15 Les suffrages des sots blessent et l'honneur souille. De tort en tort l'esprit exaspéré procède S'il n'est purifié par le feu guérisseur
Where you must move in measure, like a dancer.' The day was breaking. In the disftgured street He lift me, with a kind of valediction, And faded on the blowing of the horn.
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Où l'on doit se mouvoir en mesure, tel un danseur.» L'aube pointait. Avec une espèce d'adieu Il me quitta dans cette rue défigurée Et je le vis s'évanouir au son du cor.
III
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III
There are three conditions which often look alike Yet differ complete/y, ftourish in the same hedgerow: Attachment to self and to things and to persans, detachment From self and from things and from persans,· and, growing between them, indifference Which resembles the others as death resemhles !ife, Being between two lives-unftowering, between The live and the dead nettie. This is the use of memory: For liberation-not less of love but expanding Of love beyond desire, and so liberation From the future as weil as the pas!. Thus, lo~e of a country Begins as attachment to our own field of actiOn And comes to ftnd that action of little importana
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Il y a trois conditions qui souvent paraissent semblables Mais diffèrent complètement, et croissent sur la même haie: · L'attachement à soi, aux choses, aux personnes, le détachement De soi, des choses, des personnes; et, entre elles, l'indifférence Qui ressemble aux deux autres comme la mort à la vie, Étant entre deux vies - poussant, sans floraison, Entre l'ortie brûlante et l'ortie blanche. L'utilité De la mémoire est de nous libérer : Non pas diminution d'amour, mais expansion De l'amour au delà du désir, et de la sorte Libération de l'avenir en même temps que du passé. Ainsi l'amour pour un pays est tout d'abord Attachement à notre champ d'action, puis il en vient II3
Though never indifferent. History may be seroitude, History may befreedont. See, now th~y vanish, The faces and places, with the self which, as it cott!d, loved them, To become rmewed, transftgured, in another pattern. Sin is Behove!y, but Aff sha/1 be weil, and Aff manner of thing shall be weil. If I think, again, of this place, And of people, not wholly commendable, Of no immediate kin or kindness, But some of peculiar genius, Ali touched by a comn;on genius, United in the strife which divided theJJJ ,· If I think of a king at nightfa/1, Of three men, and more, on the scaffold And a few who died forgotten In other places, here and abroad, And of one who died blind and quiet, Why should wc celebrate These dead men more than the cfyù1g? It is not to ring the bell backward Nor is it an incantation
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A trouver cette action de médiocre importance Quoique jamais indifférente. L'histoire peut être servitude 1 G5 L'histoire peut être liberté. Voyez, void que s'évanouissent Les lieux et les visages avec le moi qui, de son mieux, les chérissait Afin d'être renouvelés, transmués dans un motif autre. Le Péché est Inéluctable Mais toute chose sera bien 170 Toute manière de chose sera bien. Si je songe, encore, à ce lieu Et à ces gens, pas tout à fait recommandables, De parenté ni de bonté immédiates Mais quelques-uns doués d'un génie singulier, 17 5 Tous empreints d'un génie commun, Unis dans le conflit qui les mettait aux prises, Si je songe à un roi au soir tombant, A trois hommes, et plus encore, sur l'échafaud, A quelques-uns qui sont morts oubliés r!lo En d'autres lieux, ici ou bien à l'étranger, A celui qui mourut aveugle mais tranquille, Pourquoi donc célébrer Ces hommes morts plutôt que les mourants? Ce n'est pas là un carillon rétrospectif 185 Ce n'est pas davantage une incantation 115
To summon the spectre of a Rose. We cannot revive old Jactions We cannot restore old policies Or follow an antique drum. These men, and those who opposed them And those whom they opposed Accept the constitution of silence And are folded in a single party. Whatever we inherit from the fortunate We have taken from the defeated What they had to leave us-a symbol: A symbol peifected in death. And ali shall be weil and Ali manner of thing shall be weil By the purification of the motive In the ground of our beseeching.
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Pour évoquer le spectre d'une Rose A quoi bon réveiller d'anciennes factions Ou remettre en honneur d'anciennes politiques Ou suivre les accents d'un antique tambour? 1
IV
IV
La colombe fend l'air, flamme D'incandescente terreur Ses langues de feu proclament L'unique rémission du péché, de l'erreur Point d'espoir hormis d'élire L'un ou l'autre des bûchers Afin d'être du feu p~r le feu racheté.
The dove descending breaks the air With flame of incandescent terror Of which the tangues declare The one discharge from sin and error. The on/y hope, or else despair Lies in the choice of pyre or pyreTo be redeemed from ftre by ftre.
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Who then devised the forment? Love. Love is the unfamiliar Name Behind the hands that wove The intolerable shirt of flame Which human power cannot remove. We on/y live, on/y suspire Consumed by either ftre or ftre.
Amour conçut ce supplice. o Amour, Nom mal familier Dessous la main tisserande Qui ourdit la tunique ardente, torturante Que nul ne peut arracher Point de vie, point de respir -'· 1 5 Hormis par l'une ou l'autre flamme consumé.
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What wc calf the bcginning is oftcn the end And to makc an end is to makc a bcginning. The end is where we start from. And every phrase And sentence that is right (where every word is at home, Taking ifs place to support the others, The word neither dijjident nor ostentatious, An easy commerce of the old and the new, The common word exact without vulgariry, The formai word precise but not pedantic, The complete consort dancing together) Every phrase and every sentence is an end and a beginning, Every poem an epitaph. And any action Is a step to the block, to the jire, down the sea's throat Or to an illegible stone: and that is where we start.
12.0
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Ce que nous nommons le commencement est souvent la fin Finir c'est commencer. La fin est là d'où nous partons. Chaque proposition Et chaque phrase juste (où chaque mot est bien chez lui, 220 Prenant sa place pour soutenir les autres, Sans modestie outrée ni ostentation, Dans un commerce aisé de l'ancien et du neuf, Le mot courant exact mais non vulgaire, Le mot correct précis mais non pédant, ! Z5 Le tout dansant en un parfait ensemble) Chaque phrase ou proposition, donc, est fin et commencement, Chaque poème une épitaphe. Et toute action Est un pas fait vers l'échafaud, le feu,le gosier de lamer Ou vers une pierre illisible; et c'est de là que nous partons. 12.1
We die with the dying: See, they depart, and we go with them. We are born with the dead: Sec, they return, and bring us with them. The moment of the rose and the moment of the yew-tree Are of equal duration. A people without history Is not redeemed from lime, for history is a pattern Of timeless moments. So, while the light fails On a winter' s afternoon, in a secluded chape/ History is now and England.
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With the drawing of this Love and the voice of this Ca/ling We sha/1 not cease from exploration And the end of ali our exploring Will be to arrive where wc started And know the place for the ftrst lime. Through the unknown, remembered gate When the last of earth lift to discover Is thal which was the beginning; At the source of the longes/ river The voice of the hidden waterfa/1 And the children in the apple-trec Not known, because not looked for But beard, half-heard, in the sti/lness Between Iwo waves of the sea. 122
Nous mourons avec les mourants: Voyez-les s'en aller et, avec eux, nous-mêmes Nous naissons avec les défunts : Voyez-les revenir et, avec eux, nous-mêmes. Le moment de la rose et le moment de l'if Sont d'égale durée. Un peuple sans histoire N'est pas racheté du temps, car l'histoire est un motif De moments intemporels. Ainsi, quand le jour baisse Par un après-midi d'hiver, dans cette chapelle écartée L'histoire, c'est maintenant et l'Angleterre. Avec l'attrait de cet Amour, avec la voix de cet Appel
Nous ne cesserons pas notre exploration Et le terme de notre quête Sera d'arriver là d'où nous étions partis Et de savoir le lieu pour la première fois. l4 5 A travers la grille inconnue, remémorée Quand le dernier morceau de terre à découvrir Sera celui par quoi nous avions commencé; A la source du plus long fleuve La voix lointaine de la cascade l50 Et les enfants dans le pommier Non sus parce que non cherchés Mais perçus, à demi perçus dans le silence Entre deux vagues de la mer.
Quick now, here, now, aiWCfJSA condition of complete simplic'ity (Casting not less than everything) And ali shall be weil and Ali manner of thing shall be weil When the longues ofjlame are in-folded Into the crowned knot of ftre And the ftre and the rose are one.
12.4
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Vite, ici, maintenant, toujours Une simplicité complète (Ne coûtant rien de moins que tout) Et toute chose sera bien Toute manière de chose sera bien Lorsque les langues flamboyantes S'infléchiront dans la couronne Du nœud ardent et que le feu Et la rose ne feront qu'un.
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NOTES PAR JOHN HAYWARD
Les notes qui suivent ne se proposent pas de servir de commentaire aux Quatre Quatuors, mais simplement d'aider le lecteur de cette traduction à discerner les principales allusions du texte. Nous recommandons The Art ofT.S. Eliot par Helen Gardner (London 1949) comme une ana!Jse et une interprétation qui éclairent l'ensemble de l'œuvre; mais plus secourable et plus suggestif que toute étude critique est l'arrière-plan de connaissance fourni par les écrits antérieurs du poète, en prose aussi bien qu'en vers. Seule cette connaissance permettra de comprendre adéquatement l'évolution et, pour une grande part, la signification des Quatre Quatuors. · « Chacun des quatre poèmes doit son titre à un lieu, et l'expérience propre à chacun d'eux s'exprime par une imagerie surgie d'une impression profonde du lieu et du temps. Dans Burnt Norton, le lieu ne comporte pas d'associations particulières. Le temps
non plus ne revêt pas de signification particulière; c'est un après-midi d'été. East Coker est un village du Somersetshire... Le poète y réside à la fin de l'été, et ses pensées sont pleines de sa famille et de ses ancêtres. Les Dry Salvages sont un groupe d'ilots rocheux au large de la côte du Massachussets, qui fit partie du paysage de l'enfance du poète comme elle avait fait partie de la nouvelle expérience que ses ancêtres connurent après avoir traversé les mers. Ce poème ne roule pas sur un lieu visité, mais sur un lieu où le poète a vécu, remémoré avec la vivacité particulière avec laquelle nous nous remémorons le paysage de notre enfance. Little Gidding, d'autre part, comporte des associations historiques, non personnelles... Il est [décrit] par un après-midi d'hiver [comme un lieu où la prière est toujours «valide»]. H. Gardner. Op.cit. p. 159. Dans une lettre à un étudiant américain, M. Eliot déclare que les quatre poèmes cc commencèrent graduellement à assumer, peut-être seulement par commodité, un_e relation aux quatre saisons et aux quatre éléments >>. Cette relation est simplement impliquée et ne doit pas être accentuée. A savoir Burnt Norton: l'air, le début de l'été. East Coker: la terre, la fin de l'été. Les Dry Salvages: l'eau, l'automne. Little Gidding: le feu, l'hiver.
BURNT NORTON
Le poème doit son titre au château de Burnt Norton, près Campden en Gloucestershire, propriété du Vicomte Sandon, fils aîné du Comte de Harrowby. Le château était inhabité lorsque 1e poète le visita en étranger pendant l'été de 1934, lors d'un séjour de vacances à Campden. Le château actuel s'élève à l'emplacement d'un château plus ancien, détruit par le feu au xvne siècle: d'où le nom qu'il porte aujourd'hui, son appellation ancienne étant simplement The Burnt House [La Maison Brûlée]. Les épigraphes d'Héraclite peuvent être traduites comme suit : 1) cc Bien que la Parole (Logos) soit commune à .tous, la plupart des hommes vivent comme s'ils avaient chacun en propre une sagesse particulière. ,, z) cc Le chemin qui monte et le chemin qui descend sont une et même chose. ,,
12.-14. Cf The Fall1ify Reunion (1939) p. 107: « I only looked through the little door
When the sun was shining on the rose-garden : And heard in the distance tiny voices ... >> [Je regardai seulement par la petite porte Comme le soleil brillait sur le jardin de roses Et j'entendis au loin de menues voix... ] 39· Cf Dante, Paradiso XII, 2.8 : <>. 44-4 5. <> (Le Tombeau de Charles BattdeJaire). 64. <
toute magie que de trouver le point-repos ou point d'équilibre. 9 3 et seq. La scène de cette section est le métropolitain de Londres. 1 1 5. Cf La description des spectres criards dans l'Hadès. Homère: Odyssée, livre XXIV. 5-9.
15 z-6.Cf le chœur de The Rock , IX, in Collected Poems 1909-193 5 : <> [Hors de la boue gluante des mots, hors du grésil et de la grêle des imprécisions verbales, Des à-peu-près de la pensée et du sentir... ] 15 8-61. Cf L'Évangile selon saint Jean, et La Tentation de saint Antoine de Flaubert. 174. V. infra note à Little Gidding, v. 250.
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EAST COKER
Le poème doit son titre au village d'East Coker, près Y eovil en Somersetshire, à quelque vingt milles du littoral de la Manche. C'est de ce village, foyer des ancêtres du poète, qu'Andrew Eliot émigra en 1667 pour fonder la branche américaine des Eliot dont le poète descend en ligne directe.
x. «In my beginning is my end JJ [En mon commencement est ma fin]. C'est la devise française, transposée et traduite, de Marie, reine d'Écosse, soit : « En ma fin est mon commencement JJ, 9 et seq. Cf Ecclésiaste III, 1-7: «Il y a sous le ciel un moment pour chaque chose. Il y a un temps pour naître et un temps pour mourir; un temps pour planter et un temps pour arracher ce qui a été planté; un temps pour tuer et un temps pour guérir; un temps pour pleurer et un temps pour rire; un
temps pour gémir et un temps pour sauter de joie; un temps pour jeter des pierres et un temps pour les ramasser; un temps pour aimer et un temps pour haïr ... , un temps pour déchirer et un temps pour recoudre; un temps pour se taire et un temps pour parler)), 2.4 et seq. Dans une lettre au professeur Hausermann (1943), le poète suggérait <
may be signified matrimonie, I could in declarynge the dignitie and commoditie of that sacrament make intiere volumes... In every daunse, of a most auncient custome, there daunseth together a man and a woman, holding cache other by the bande or the arme, whiche betokeneth concorde. » Les mots et les propositions en italiques de la citation précédente sont incorporés presque verbatim dans le texte anglais du poème avec l'orthographe archaïque de l'original. [L'association de l'homme et de la femme en la danse ... n'était pas sans une importance spéciale, tant pour la co,Yonction nécessaire de ·ces deux personnes que pour l'intimation de vertus diverses qui étaient représentées par elles. Et dans l'association d'un homme et d'une femme dans la danse peut être signifié le mariage, je pourrais écrire des volumes entiers en énonçant la dignité et la bienséance de ce sacrement... Dans chaque danse, selon une coutume très ancienne, dansent ensemble un homme et une femme, se tenant l'un l'autre par la main ou le bras en
gage de concorde]. Cf Dante, Inferno I, 1-.2.: Nel mezzo del cammin di nostra vita mi ritrovai per una selva oscura. »
90-1. <<
to.t et seq. Cf Milton, Samson Agonis/es, So et seq.: 136
<< 0 clark, clark, clark, amid the blaze of moon ... The Sun to me is clark And silent as the moon, When she deserts the night Hid in her vacant interlunar cave. » [0 noir, noir, noir parmi la flambée de midi... Le soleil à mes yeux est noir Et silencieux comme la lune Lorsqu'elle abandonne la nuit Et se cache en sa vide grotte interlunaire.]
136 et seq. Cf Saint Jean de la Croix, l'Ascension du Mont Carmel, I, XIII : << Afin de parvenir à prendre plaisir à toutes choses, Désire ne prendre plaisir à rien. Afin de parvenir à posséder toutes choses, Désire ne posséder rien. Afin de parvenir à être toutes choses, Désire n'être rien. Afin de parvenir à connaître toutes choses, Désire ne connaître rien. Afin de parvenir là où tu ne prendras nul plaisir, Tu dois aller par une voie où tu ne prendras nul plaisir, Afin de parvenir à ce que tu ne connais poiilt,
Tu dois aller par une voie que tu ne connais point. · Afin de parvenir à ce que tu ne possèdes point, Tu dois aller par une voie que tu ne possèdes point. Afin de parvenir à ce que tu n'es point, Tu dois passer par ce que tu n'es point.» 1 59· Cf Sir Thomas Browne, Religio Medici II, 1 z : "For the world 1 count it not an Inn, but an Hospital, and a place not to live, but die in" [Car je considère le monde non comme une Auberge, mais comme un Hôpital, comme un lieu fait non pour y vivre, mais pour y mourir]. Le symbole du monde en tant qù'hôpital, que lieu de confinement, est utilisé dans The Fami!J R eunion (1939), pp. 107-8. Dans le présent pastiche d'un poème « métaphysique >> sur la Passion, le « chirurgien blessé », « l'infirmière moribonde >> et << le millionnaire ruiné » sont des allusions métaphoriques respectivement au Christ crucifié, à l'Église et à Adam après la Chute. East Coker a été écrit pour le Vendredi Saint de 1940 (voir v. 17).
198. Ce vers contient une allusion particulière au cimetière de village d'East Coker, où les vieilles pierres tombales sont à présent indéchiffrables.
LES DRY SALVAGES
Le poème doit son titre à un petit groupe de rochers nommés Les Dry Salvages (corruption, probablem~nt, de << Les Trois Sauvages >>) marqués par une balise au large de la côte nord-est du Cap Ann Massachussets, familière au poète depuis sa jeunesse' durant laquelle il fut un fervent amateur d; yachting. I et seq. Le fleuve auquel il est fait allusion ici et à nou;eau ver~ la fin de la Partie II, est le Mississipi. Le poete naqutt et fut élevé à Saint Louis Missouri en aval du confluent du Mississipi et d~ Missouri~ n est clair, d'après les vers 11-14, que la présence de cette grande voie d'eau était profondément ressentie chez lui.
2.6~z7. L'implication de ces deux demi-vers est que . la presence de la mer persiste à l'intérieur des terres.
34· Dans le texte anglais, << groaner » [geignarde] - terme local - est défini en note par le poète comme << une bouée à sifflet ». Elle ne doit pas être confondue avec la bouée à cloche mentionnée quatre vers plus loin. 46. « Before the morning watch >> [avant le quart du matin]: le phrase fait écho à Psaumes CXXX, 6. 48. « That is and was from the beginning » [qui est et qui était dès le commencement], cf. la doxologie du service anglican : « As it was in the beginning, is now and ever shall be » [Comme il était au commencement, maintenant et toujours ... ] 69-80. Les pêcheurs en question sont ceux qui pêchent la morue sur les fameux Grands Bancs brumeux au large de la côte de Terre-Neuve. 119. La pomme est ici un symbole de la Chute. Cf. Milton, Paradise Lost I, 1-3 : " ... the fruit Of that forbidden tree, whose mortal taste Brought death into the world, and all our woe... » (... le fruit De cet arbre défendu, dont le goût mortel Apporta la mort en ce monde, et toute infortune ...]
12.6 11 seq. La Partie IJI, qui traite principalement
de la juste fin de l'action, rappelle le dialogue de la
Bhagavad-Cita entre Krishna, le Dieu, avatar de Vishnou, et Arjuna, son disciple-guerrier, sur le champ de bataille. « Ici Arjuna se préoccupe du problème de la culpabilité inhérente à l'action humaine, et Krishna répond à ses doutes en insistant sur la nécessité du détachement ,, (H. Gardner, op. cil., p. 17;).
1; 1. Voir épigraphe à Burnt Norton. 1 58-6o. La citation est tirée du discours de Krishna au chapitre VIJI de La Cita: « En quelque sphère de l'être que l'esprit de l'homme puisse être absorbé à l'heure de la mort, là il ira. »
16;. Cf. La Cita, chap. II:« Mais tu as seulement le droit de travailler; mais non point d'en recueillir le fruit. Que le fruit de ton action ne soit donc pas ton motif; et cependant ne t'éprends pas de l'inaction ». Il est peut-être opportun de rappeler gue le · poète a consacré deux années de Harvard à l'étude du sanscrit et de la métaphysique hindoue. 181. Cf Dante, Paradiso XXXIII, I, le début de la prière de saint Bernard : « V ergine madre, fig lia del tuo figlio » 141
182. Cf Dante, Paradiso XXXI, 100: « •.• la Regina del cielo ». 2 Io-I 1. Cf les Chœurs de The Rock, VII dans Collected Poems, 1909-1935: « ••• a moment in time and of time, A moment not out of time, but in time, in what we call history... >> [... un moment dans le temps et du temps, Un moment non pas en dehors du temps, mais dans le temps, dans ce que nous nommons l'histoire ... ]
LITTLE GIDDING
Le poème doit son titre au village écarté de Little Gidding en Huntingdonshire, à dix milles at: nord-ouest du chef-lieu du comté, et jadis fameux pour la communauté religieuse basée sur la famille chrétienne qui y fut fondée en 1626, en vue de la contemplation et de la prière, par Nicolas Ferrar, l'ami du poète Georges Herbert. La communauté fut dispersée vingt et un ans plus tard par les troupes de Cromwell. La chapelle qu'ils mirent à sac et ruinèrent, fut restaurée et rendue au culte au x1xe siècle et reçut le 2 5 mai 19 36, la visite du poète, qui était accompagné du Dr. H.F. Stewart, l'érudit pascalien. La communauté de Little Gidding fait l'objet d'une intéressante relation dans le roman historique de J.H. Shorthouse, John Inglesant (188o), et Izaak Walton, dans sa Life of Mr. George Herbert (1675) trace le portrait suivant de Nicolas Ferrar et de sa « famille » : 143
« Monsieur Nicolas Farrer 1 (qui est réputé avoir été surnommé Saint-Nicolas à l'âge de six ans) naquit à Londres. Il reçut sans nul doute une bonne éducation dans sa jeunesse, et c'est un fait certain qu'il fut nommé à un âge précoce jeflow [agrégé, chargé de cours] de Clare Hall, à Cambridge, où il continua à se distinguer par sa piété, sa tempérance et son savoir. Environ sa vingt-sixième année, il se prit à voyager, ajoutant ainsi à son latin et à son grec la connaissance parfaite de toutes les langues parlées dans les régions occidentales de notre monde chrétien; avec la compréhension des principes de leur religion, ainsi que des modes et des raisons de leur culte': Au cours de ces voyages, il fut souvent exhorté à entrer en communion avec cette Église qui se dénomme elle-même Catholique; mais il s'en retourna comme il était venu, remarquable pour sa loyauté envers sa mère, l'Église d'Angleterre. Pendant qu'il était absent d'Angleterre, le père de Monsieur Farrer (qui était négociant) lui octroya une pension libérale, et, peu de temps après son retour, Monsieur Farrer entra en possession, soit par la mort de ce père, soit par celle d'un frère aîné, soit par l'une et l'autre, d'une fortune qui lui permit 1.
Les deux orthographes Farrer et Ferrar étaient en usage
(N.d.T.)
144
d'acquérir un domaine de 400 ou 500 livres de revenu; lequel était sis pour la plus grande part à . Little Gidden, à 4 ou 6 milles de Huntington et à 18 milles de Cambridge. Il choisit ce domaine pour sa situation retirée et pour son manoir, duquel ' dépendait et auquel était adjacente l'église ou chapelle paroissiale; car Monsieur Farrer, ayant vu les manières et les vanités du monde et les tenant, selon l'expression de Monsieur Herbert, pour «un rien entre deux plats », le méprisait de telle sorte qu'il résolut de passer le reste de sa vie en mortifications, en dévotions et en charités, afin d'être toujours préparé à la mort : et sa vie se passa ainsi en effet. « Lui et sa famille, qui formaient comme un petit collège et qui étaient une trentaine en nombre, observaient strictement pour la plupart le carême et les quatre-temps, aussi bien en jeûnant qu'en recourant à toutes les mortifications et prières recommandées par l'Église en ces occasions; et lui et les siens faisaient de même les vendredis et aux vigiles des fêtes des saints pour lesquels le jeûne est prescrit; frugalité et abstinence qui concouraient à soulager des pauvres; mais ce n'était là qu'une partie des charités de Monsieur Farrer : nul, hormis Dieu et lui, n'en connaissait le reste. «Cette famille qui, ainsi que je l'ai dit, atteignait environ au nombre de trente, était composée pour 145
une part de ses parents et, pour le reste, de personnes choisies parce que leur tempérament était propre à être coulé dans le moule d'une vie dévote : tous de dispositions serviables et tranquilles et humbles et libres de scandale. Ayant ainsi constitué sa famille, Monsieur Farrer se consacra au service constant et méthodique de Dieu, et cela de la manière suivante. Accompagné de la plus grande partie de sa famille, il récitait les prières communes (car il était diacre) chaque jour, à dix et à quatre heures, dans l'église paroissiale toute proche de sa maison et qu'il avait restaurée et ornée; car elle était tombée en ruine, par suite de la dépopulation du ·village, avant que Monsieur Farrer eût acheté le manoir. Et il lisait aussi constamment les matines, chaque matin à six heures, soit dans l'église, soit dans un oratoire pratiqué dans sa propre maison. Et un grand nombre de membres de sa famille demeuraient avec lui après les prières et passaient quelques heures à chanter des hymnes et des antiennes, soit dans l'église, soit à l'orgue de l'oratoire. Là aussi ils se rendaient souvent afin de méditer, ou de prier en privé, ou de lire pour eux-mêmes un passage du Nouveau Testament, ou de poursuivre leurs prières communes, ou de réciter les Psaumes; et, au cas où les Psaumes n'avaient pas été récités dans la journée, Monsieur Farrer et d'autres membres de la congrégation se
rendaient la nuit, au son d'une cloche, à l'église ou à l'oratoire, et là se mettaient en prière et louaient Dieu, et récitaient les Psaumes qui n'avaient pas été récités dans la journée; et, lorsqu'ils avaient l'esprit ou le corps las, la cloche sonnait, tantôt avant minuit, tantôt après : et une autre partie de la famille se levait et continuait la veillée, soit en priant, soit en chantant des louanges à Dieu, soit en récitant les Psaumes: et lors qu'eux aussi, après quelques heures, devenaient las d'esprit ou de corps, ils sonnaient la cloche et étaient relevés à leur tour par quelques-uns des membres précédents ou par d'autres membres de la société, qui poursuivaient leurs dévotions (comme il a été mentionné) jusqu'au matin. Et il est à remarquer que, dans ce service divin continu, le Psautier, ou tout le Livre des Psaumes, était, dans chaque espace de vingt-quatre heures, chanté ou récité entièrement, du premier au dernier verset : et cela aussi constamment que le soleil effectue sa révolution chaque jour autour du monde, recommençant à l'instant qu'il a terminé. «Ainsi Monsieur Farrer et son heureuse famille servaient Dieu jour et nuit: se comportant toujours comme s'ils eussent été en Sa présence. Et, lorsqu'ils mangeaient et buvaient, ils se conformaient aux règles les plus strictes de la tempérance, mangeant et buvant de telle sorte qu'ils fussent toujours prêts
146
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à se lever à minuit ou à l'appel de la cloche pour leurs dévotions envers Dieu. Et il est bon de dire au lecteur que les membres du clergé qui avaient plus d'inclination pour les pratiques de piété et de dévotion que pour les disputes vaines et douteuses, venaient souvent au manoir de Gidden, et s'intégraient à cette heureuse société, restant une semaine ou davantage, se joignant à Monsieur Farrer et à sa famille dans ces dévotions, l'assistant ou les assistant, le relevant ou les relevant dans leurs veillées nocturnes; et ces dévotions diverses n'occUpaient jamais moins de deux membres de la famille pendant la nuit, et l'on veillait toujolJrs dans la chapelle ou dans l'oratoire, excepté toutefois par les nuits ·d'hiver extrêmement rigoureuses, pendant lesquelles l'on veillait dans un salon muni d'un feu et meublé à cette intention; et cette économie de piété et de grande libéralité envers ses voisins pauvres fut pratiquée par Monsieur Farrer jusqu'à sa mort, qui survint en l'an 1639· »
Nicholas Ferrar, his Household and Friends, 1892.).
~ccomplir
2.7. Charles Ier, «roi brisé>> et fugitif de Cromwell, après sa défaite définitive à la bataille de Naseby, trouva un refuge temporaire à Little Gidding en 1646. << Very privatel y, in the darkness of night, he came ... to Gidding >> [Très privément, dans les ténèbres de la nuit, il vint... à Gidding] (Carter :
36-38. Bien que «the sea jaws >> [les mâchoires de la mer] rappellent les vers 184-5 de Les Dry Salvages, elles sont spécifiquement associées dans ce passage à l'île écossaise d'Jona dans les Hébrides (cf. MRrder in the Cathedral, 1935. p. 86) où saint Colomban fonda un monastère, ainsi qu'à l'îlé de Lindisfarne, au large de la côte du Northumberland, où saint Cuthbert se retira pour mourir. Le_« clark lake» [sombre lac] est le lac de Glendalough dans le Comté de Wicklow, Irlande, où saint Kevin (ou Cœrugen) établit au-dessus du lac un ermitage qui est toujours un lieu de pélerinage. Le <> est la Thébaïde, associée à l'Égyptien saint Antoine et à d'autres solitaires (cf. Burnt Norton, vers 15 8-161). La <
8o et s'eq. La scène de cette section dantesque est une rue du district de Kensington, à Londres, juste avant 'l'aube, et après un raid aérien. Le narrateur est de garde comme chef d'îlot. Il y a dans tout ce 149
passage des allusions à la rencontre de Dante et de Brunetto Latini au Chant XV de l' Inftrno. 96-100. Cf. Dante, Inferno XV, 25-30: « Bd io, quando il suo braccio a me distese, ficcai gli occhi per lo cotto aspetto si che il viso abbruciato non difese la conoscenza sua al mio intelleto; e chinando la mia alla sua faccia risposi : « Siete voi qui, ser Brunetto? » n8-II9. Cf. Dante, Purgatorio XI, 73 et seq.: Oderisi de Gubbio déplore le caractère transitoire de la gloire humaine. 12.4. Cj. The Fami!J Reunion (1939), p. 12.1: "You and I, My dear, may very likely meet again In our wanderings in the neutral territory Between two worlds". [Toi et moi, Mon ami, pourrons fort bien nous rencontrer Lorsque nous errerons sur le territoire neutre D'entre deux mondes.]
127. Cf. Virgile, Enéide, VI, 314: « Tendebantque manus ripae ulterioris amore ».
1.i9. Cf. Mallarmé, Le Tombeau d'Edgar Poe: « Donner un sens plus pur aux mots de la tribu ».
137-1 39· Cf. Swift, Epitaph: « Ubi saeva indignatio cor ulterius lacerare nequit ». 147-148. Cf. Dante, Purgatorio, XXVI, 148: Poi s'ascose nel foco che gli affina ». La référence est au poète provençal Arnaut Daniel replongeant dans << le feu raffineur » qui purifie les luxurieux Cf. The Waste Land, 427. <<
15o-xp. Cf. Shakespeare, Ham/et, I, i, 157: « It faded on the crowing of the cock » en référence
au fantôme du père de Hamlet. "The blowing of the horn" [le son du cor] suggère ici, avec toutes les associations de la note mélancolique et bouleversante du cor («Dieu, que le son du cor est triste ... ») la sirène sonnant la fin de l'alerte après un raid aérien. 168-x7o. Ces vers sont une citation des Revelations of Divine Love de Juliana de Norwich, l'anachorète mystique du XIve siècle, qui, en l'an 13 7 3 - elle avait alors environ 30 ans- reçut seize "shewings" [ré:Vél~tio~s] de la Passion, sous forme de paroles qw lw étalent adressées de la Croix. Dans sa 1 3e Ré., . 151
· vélation, elle cite la voix mystique qui la rassure sur la nature du péché : "Sin is behovely, [i.e. unescapeable] but all shall be weil, and ali shall be weil, and aU manner of thing shall be weil". [Le péché. est inéluctable, mais tout sera bien, et tout sera b1en, et toute manière de chose sera bien]. 177. "A king at nightfall" [un roi au soir tombant] i.e. Charles Jer à Little Gidding. 178. "Of three men, and more, on the scaffold" [A trois hommes et plus encore, sur l'échafaud]: i.e. Charles Jer, l'archevêque Laud et le comte de Strafford, parmi d'autres royalistes condamnés à mort par le parti de Cromwell pendant la Guerre Civile. .179-18o. Le poète avait présent à l'esprit, parmi ceux qui "died forgotten ... abroad" [moururent oubliés... à l'étranger] le poète anglais Richard Crashaw, qui mourut à Lorette, converti au catholicisme en 1649, l'année du martyre de Charles Jer. Crasha~, lorsqu'il était à Cambridge, faisait de fréquentes visites à Little Gidding. 181. "And of one . who died blind and quiet"
[à celui qui mourut aveùgle, mais tranquille] i.e.: tp.
le poète Milton. «Il mourut ll, selon son ~eveu John Phillips cc d'un accès de goutte, avec s1 peu de douleur ou d'émotion que l'instant de son trépas ne fut pas remarqué de ceux qui se trouvaient dans la chambre. Et bien qu'il eût été longtemps affecté de cette maladie... on ne lui vit jamais beaucoup d'impatience. )) · .toi. Cf. Juliana de Norwich: Revelation XVI in jinem "I desired often times to wit in what was our Lords meaning : and fifteen years after and more, I was answered in ghostly understanding, saying thus: "What? Would'st thou wit thy Lord~s meaning in this thing? Wit it weil : Love was His meaning. Who shewed it thee? Love. What shewed . He thee? Love. Wherefore shewed He thee? For Love" ... Thus was I learned that Love is our Lords meaning. And I saw full surely that ere ~od made us, He loved us; which love was never slacked, nor ever shall be. And in this love He hath made all things profitable to us; and in this love is our life everlasting. In our making we had beginning but the love wherein He made us was in Him from without beginning; in which love we have our beginning. And ali this shall we see in God, without end." Oe désirai souvent savoir ce que voulait dire par
là Notre-Seigneur : et quinze ans après et plùs, je reçus cette réponse par entendement spirituel : <
celui-là que n'éveille point l'attrait de cet amour et la voix de cet appel?) 2.49-2.53. Cf. The Fami(y Reunion (1939), p. 59: " . .. the distant waterfall in the forest, Inaccessible, half beard. And I hear your voice as in the silence, Between two storms, one hears the moderate usual noises, In the grass and leaves, of life persisting." [... la cascade lointaine dans la forêt, Inaccessible, entendue à demi. Et j'entends votre voix comme dans le silence, On entend, entre deux orages, les bruits modérés .habituels, Dans l'herbe et dans les feuilles, de la vie qui persiste]. "The children in the apple-tree" [les enfants dans le pommier] du vers 2.50 est une réminiscence de l'enfance du poète en général et non de quelque incident spécifique. Cf Collected Poems 1909-1935, "New Hampshire" : "Children's voices in the orchard Between the blossom- and the fruit-time ... " [Des voix d'enfants au verger Entre le temps de la floraison et le temps des fruits ...] 2.54. Cf Bumt Norton, vers 176. 155
BIDLIOGRAPHIE
Burnt Norton a été écrit pendant l'automne de 1935 et imprimé pour la première fois dans Collected Poems 1909-1935 (publié le 2 avril 1936). La première édition séparée a été publiée le 20 février 1941. Les trois autres quatuors ont été écrits entre l'été de 1939 et l'été de 1942 et publiés originellement dans le périodique The New English Week!J: East Coker dans le numéro du 21 mars 1940; The Dry Salvages dans le numéro du 27 février 1941; Little . Gùlding dans le numéro du 15 octobre 1942. Des éditions séparées de chacun d'eux ont été publiées respectivement le 12 septembre 1940, le 4 septembre 1941 et le 1er décembre 1942. La première édition collective des quatre poèmes, sous le titre de Four Quartets, a été publiée à New-York par Harcourt, Brace and Co le I I mai 1943. La première . édition anglaise de Four Quartets a été publiée à Londres par Faber and Faber Ltd, le 31 octobre 1 944· 156
TABLE
Burnt Norton . . . East Coker . . . . Les Dry Salvages. . Little Gidding. Notes . . . . Bibliographie
9 H 65 95
COLLECTION POÉTIQUE BILINGUE dirigEe par Pie"e Leyris
T. S. ELioT: Poèmes I91o-1930 Texte anglais présenté et traduit par. . . . . . . . .
Pierre Leyris
LAo-TZEU : La voie et sa vertu Texte chinois présenté el traduit par Houang-Kia-Tcbeng et Pierre Leyris LE TAssE: Les Flèches d'Armide Texte italien présenté el traduit par. . . . . . . • . . • . AudiberJi FRAY LUIS DE LEoN: Poèmes Texte upagno/ présenté et traduit par. . . . . . .
P. Darmtmgeal
V. MAIAKOVSKY, B. PAsTERNAK, A. BLoK, S. EssENINE: Quatre poètes russes Texte "..!!!!.!_présenté et traduit par . . . . . . . . . .
Armand Robin
NIETZSCHE : Poésies complètes Texte allemand présent/ el traduit par G. Ribemont-Deuaignes PouCHKINE : Le Convive de pierre. La Roussalka Texte ':!!!!!_présenté et traduit par...........
Henri Thomas
Les sept Psaumes de la Pénitence Traduits librement par. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Paul Claude
SAINT PoL Roux : Anciennetés
ACHEVÉ D'IMPRIMER EN I9SO PAR L'IMPRIMERIE UNION