Thierry Souccar &Isabelle Robard
SANTE. MfNSONGfS fT PROPAGANDE ARRÊTONS D'AVALER N'IMPORTE DUOI ~
SEUil
SANTE, MfNSONGfS fT PROPAGANDE
Déjà des réactions favorables «le sujet de ce livre est extrêmement important et il est formidable que cette question soit soulevée en Frimee . Je suis persuadé que cet ouvrage aura un impact. » PR WALTER WILLETI - Président du département de nutrition de l'~cole de santé publique de Harvard (Boston. Massachusetts) «Ennn un /ivre de qualité qui tranche dans le vif! Thierry Souccar et Isabelle Robard y exposent de manière détaillée et sans pitié à quel point l'information sur ce qui est vraiment essentiel pour notre santé, est déformée pour servir des inté rêts économ iques ou conforter les préjugés de personnes au pouvoir qui craignent de perdre leur influence en admettant les données scientifiques réelles. Santé, mensonges et propagande nous montre à quel point nous devons être critique vIs-à-vis de toutes les recommandations diététiques et médicales officielles gouvernementales ou Industrielles. C'est un livre essentiel que toute personne réellement préoccupée de sa santé et qui cherche à bien s'alimenter et à corriger ses déficits par des suppléments naturels, devrait lire.» Olt THIERRY HERTOCHE - Président de l'Académie européenne pour la qualité de vie et la longévité (EAQUAll, Bruxelles) «les altérations de l'image du produit agroalimentaire, de la vache folle à la dioxine, les nécessités criantes de la santé publique (surpoids, allergies, maladies dégéneratives) et les coûts de plus en plus insupportables entrainés; avant tout l'immense corps de nouvelles données claires qui pourraient donner des orientations plus radicales, mais plus durables au profit de la santé et du consommateur, de l'agriculture et des industries dérivées, offrent plus que jamais l'opportunité d'une mutation historique : à vous de joue r! )) DR JEAN-PAUL CURTAY - Président de la société de Médecine nutritionnelle (Paris) «Chaque cellule vivante, pour assurer son homéostasie et sa croissance exige des systèmes de rétrocontrôles négatif et positif. Cette balance assure ,'équilibre et l'harmonie des cellules dans l'organisme. Thierry Soutcar et Isabelle Robard ont réussi, avec un ouvrage clair et précis, à déclencher un système de "rétrocontrôle" qui sera bénéfique pour l'ensemble du monde nutritionnel, de même qu'il est indispensable à la cellule pour son développement. » D R MARVIN EOEAS - Président de la société française des Antioxydants (Paris) « la société de consommation est partout, dans l'alimentatio n, la nutrition, la diététique comme le reste. Je déteste la société de consommation, mais j'ai beaucoup aimé le livre de Thierry Souccar et Isabe lle Robard, Santé, mensonges et propagande. Il dénonce avec justesse les intrications entre l'industrie agroalimemaire et des conseils de nutritionnistes à la solde de cette industrie, et qu i therchent en fait à nous f
« le r61e du politique est, en démocratie, de veiller à l'inté rêt général. En matière de santé publique, il s'agit au-delà des législation s et des mesures à prendre visant à la promouvoir, d'inciter les citoyens à adopter des compo rtements et une hygiène de vie bénéfiques pour leur santé et celle de leurs enfants. Inciter ne signifie pas contraindre et encore moins manipuler à des fins étnngères à l'objectif poursuivi. A cet égard , le rôle des scientifiques et des experts est capital. Conseiller les politiques et prendre positio n dans les instances d'orientation voire de décision (agences et comités spécialisés) exige de leur part une honnêteté intellectuelle de tous les instants et une prise de distance par rapport à leurs intérêts personnels. l'indé pendance des experts à l'égard de groupes d'intérêt économique innuents (industrie pharmaceutique, group'es agroalimentaires) est un pré
Thierry Souccar &Isabelle Robard
SANTE. M[NSONG[S [1 PROPAGANDE ARRÊTONS D'AVALER N'IMPORTE OUOII
SEUil
ISBN
2-02-057372-5
© Éditions du Seuil, avril 2004 l e Code de la propriét~ intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utJlisation collectJve. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite pif quelque procédé que ce soit, sans le con~ntem~t de l'auteur ou de ses ayants cause. est illicite et constitue une contrefaçon sanction~ par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriét~ intellectuelle.
W\NIN.seuil.com
J'écris un livre parce qu'il y a un mensonge que je veux dénonce~ un fait sur lequel je veux attirer l'attention, et mon souci premier est de me faire entendre. GEO RGE ORWELL
À Paul et à Louis À la mémoire d'Anne Bousquet (1889- /983), leur trisaïeule, qui se méfiait des médecins et qui n'aimait ni les mensonges ni la propagande. TH IE RRY SO UCCAR
À Charles et à jade À ma grand-mère, modèle de courage À mon grand-père, pour qui la corruption et l'inj"stice étaient les pires des calamités. ISA BElLE ROBARD
Sommaire
Avant-propos. . . . • . • . • . • . • . . . . . . . . . . . . . . . . • . • . • . • . • . • . • . • . .
11
..... ... ....... . .. ..... ...... ..... . ...... ..... ,
15
Introduction
Nutritionnistes et agrobusiness: le grand flirt Nutritionnistes et industriels. des liens étroits .... ..... ........•..
21
Le livre. la presse et les parcs d'attractions: de puissants outils de promotion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
30
La propagande commence à l'école ... ....... .......•..........
39
Des médecins transformés en panneaux d'affichage par les industriels .......... . . .. .... .... . . ..... .....• . . .• . • ..
44
L'éthique et le droit mis à mal. . . . . • . • . • . • . • . • . . . . . . . . . . . . . . . . .
50
Aliments et santé : ce qu'on vous fait avaler Laitages et os : une hystérie collective. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
57
Maudites graisses! ... .... ...................................
87
Maigrir après 40 ans: ce qu'on ne vous dit pas ........... ..•.. ...
94
Les aliments du goûter nourrissent l'épidémie d'obésité. . . . . . . . . . ..
105
Sucres, céréales et diabète: le sujet tabou .... . . ... . . . . ...... . ...
120
L'huile de toumesol, une huile à ne pas prendre à la légère .....•...
140
Comment la France part en guerre contre les plantes et les compléments alimentaires Haro sur la créatine! ............................. ... ........
157
Les plantes de la France d'outre-mer discriminées par l'AFSSAPS ......
168
Vitamines: le mythe de l'alimentation «équilibrée» ......... . .....
183
Dangereuses vitamines ...................................... 197 L'étude SU.VI.MAX, ou comment manipuler médias et public ......... 223 Antioxydants et médicaments importés: le dernier rideau de fer .... 235 Stupéfiant : des sels minéraux assimi lés aux drogues dures! ......... 25 1
A quand une vraie politique de santé et de prévention dans l'intérêt exclusif des consommateurs français! Agences sanitaires françaises: une indépendance en trompe-I'ceil
275
Des agences sanitaires à reformer et à démocratiser .............. 299 Un entretien avec le premier directeur général de l'Agence du médicament. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3 15
Le guide pour manger sainement, de Harvard ............... ..... 323
Conclusion .. .. .. , . • . • . • ... • . ....•.• . ...................... 339 Agissez .. . . .. .. ................................ , .......... 343 Notes ....•.•.•.•...•....................... ..... . ...... .. 345
Table ......... . . .. . .... . .. . .. ........ . ........ ..... ..... .. 363
Avant-propos
Nous avons fait un mauvais rêve, L'industrie agroalimentaire sponsorisait les scientifiques chargés par le gouvernement de nous dire ce qu'il fallait manger. Nos enfants étaient encouragés par la classe politique à consommer des aliments pour en écouler les surplus, Des recommandations alimentaires qui auraient pu sauver des milliers de vie étaient étouffées pour satisfaire aux intérêts économiques de quelques multinationales, Des agences gouvernementales de sécurité sanitaire interdisaient à des malades du sida l'accès à des produits nécessaires à leur survie, Le gouvernement menaçait de prison des médecins et des commerçants pour avoir vendu des vitamines pourtant indispensables à la santé, Des Antillais se voyaient interdire l'usage de plantes médicinales qui poussent ~ur leur île, Sauf que ce n'est pas un mauvais rêve, mais la situation de notre beau pays telle que nous l'avons découverte au terme de trois années d'enquête, et telle que nous vous la restituons dans les pages qui suivent. Mais disons d'abord ceci: nous sommes fatigués de souligner les dérapages de notre système sanitaire, Ce n'est pas de gaieté de cœur que nous avons entrepris au printemps 2002 l'écriture de ce livre, qui repnésente autant de jours et de soi nées soustraits à nos proches, Nous y avons été contraints par une sorte d'obligation morale face aux graves dysfonctionnements que nous avons rencontnés, et aussi parce que nous avons la chance de disposer de tribunes médiatiques et de regards complémentaires Il
Santé, mensonges et propagande
sur le système de santé. Qu'on le veuille ou non, nous étions idéalement placés pour accomplir ce travail. Alors nous l'avons fait Quelques exemples de ce que nous avons trouvé? Les avis de l'Agence sanitaire des aliments revêtent parfois des contenus tellement aberrants qu'on peut légit imement se demander sur quelles bases ils sont rendus. Parfois. ce qui plus grave encore, des avis ou des rapports sont rendus dans des conditions qui rappellent plus un procès inquisitorial qu'un débat équilibré mené dans la transparence. Ou encore ceci : un petit groupe de médecins et chercheurs issus du même creuset est en charge de la nutrition «officielle» française. Ce petit groupe entretient pourtant les meilleures relations avec quelques poids lourds de l'agroalimentaire. Ces scientifiques, qui se font parfois le relais de messages douteux avec la bénédiction des ministères et des agences gouvemementales, constituent une menace pour l'équilibre de l'information à laquelle tous les Français ont droit Pour autant. on aurait tort de voir en ce livre une attaque en règle contre l'industrie et les experts avec lesquels elle collabore. Nous ne sommes pas choqués que l'industrie finance les études de chercheurs français. Un t rès grand nombre d'unités de recherche dépendent pour leur développement. de ces fonds privés. N ous ne sommes pas plus choqués que l'industrie enrôle ces mêmes scientifiques et experts pour cautionner ses messages comme c'est le cas chaque jour dans les salons et les congrès médicaux, les conférences de presse, les médias et même la publicité, mais à trois réserves près. D'abord, restons vigilants sur les résultats des études sponsorisées. Il est établi que les chercheurs dont l'étude est financée par des intérêts privés sont quatre fois plus enclins à publier des résultats favorables à leur sponsor que lorsque le financement est indépendant '. Plus de mille articles scientifiques ont été décortiqués pour parvenir à cette conclusion. Ensuite, exigeons des agences de publicité dont le métier est de promouvoir les produits alimentaires, une communication véritablement éthique, comme nous devons l'exiger des experts qui collaborent avec ces agences. Comment accepter qu'une friandise au chocolat soit présentée comme un aliment santé de l'enfant sous le prétexte qu'elle contient du lait en poudre? 12
Avant~propos
Enfin, il est anonnnai que la collaboration entre experts et industries se poursuive lorsque ces mêmes experts sont amenés à fonnnuler des recommandations officielles concemant la santé de tous. Il est anonnnai que ces recommandations soient directement ou indirectement influencées par les liens t issés de longue date avec tel groupe industriel ou telle organisation corporatiste. Il est inacceptable que le grand public ne soit pas tenu informé de ces liens, d'autant que les conseils de « bonne santé» sont parfois, on le verra, si peu soutenus par la recherche qu'ils risquent de faire le lit de l'obésité, du diabète et d'autres maladies chroniques. Ce livre plaide pour une remise en cause aussi bien de certains messages nutritionnels que du système français d'expertise scientifique. D'autres pays, qui nous ont précédé dans cette démarche, nous y encouragent. En octobre 2003, le Sénat des États-Unis a commencé l'audition de spécialistes de la nutrition qui réclament une refonte en profondeur des recommandations nutritionnelles en cours dans ce pays et de l'organisme qui les a établies. Pannni ces experts figure le professeur Walter Willett (université Harvard, Boston, Massachusetts), auquel ce livre doit beaucoup et qui depuis le début de l'année 2003 n'a pas ménagé ses critiques à l'encontre des conseils alimentaires en cours. Aux États-Unis comme en France, ces conseils visent à augmenter la consommation de céréales et de féculents et à diminuer celle des graisses. Ce type de recommandation serait, selon le professeur Willett, responsable de l'épidémie d'obésité qui affecte les pays développés. « Lorsqu'on regarde certaines de ces recommandations, a-t-il déclaré aux sénateurs, on a l'impression que ceux qui les ont formulées ont oublié qu'on nourrit des hommes, pas des chevaux.» Le sénateur Peter Fitzgerald, représentant républicain de l'Illinois, souhaite faire voter un texte qui retirera au ministère de l'Agriculture des États-Unis la responsabilité des recommandations nutritionnelles. Le ministère de l'Agriculture soutient en effet les producteurs de céréales, de lait et de sucre, ce qui, selon le sénateur. conduit à un conflit d'intérê~. « Donner au ministère de l'Agriculture la mission d'édicter des conseils nutritionnels, estime Peter Fitzgerald, c'est un peu comme donner au renard la mission de diriger le poulailler.» Nous vous invitons maintenant à découvrir en France qui dirige le poulailler ... Thierry Souccar et Isabelle Robard, janvier 2004
Introduction
Nutrition, comment s'y retrouver? On ne peut plus ouvrir un magazine, écouter la radio ou regarder la télévision sans être abreuvés de publicités pour des aliments de toutes sortes, tous plus alléchants les uns que les autres, nous promettant santé, minceur et beauté à grand renfort d'études scientifiques, de blouses blanches et de produits labellisés «santé». Pourtant si l'on en juge par la masse de courrier que nous recevons, vous êtes nombreux à perdre pied dans le concert cacophonique des études contradictoires et des messages incohérents dont nous sommes bombardés. Le plus drôle, c'est que vous ne devriez pas vous sentir perdus car. ces demières années, les autorités sanitaires ont accompli des efforts méritoires pour éclairer la population. En 1997, l'Organisation mondiale de la santé épinglait la France pour son inaction dans le domaine de l'infonmation nutritionnelle : « II n'y a [en France], relevait-elle, aucune initiative politique, académique ou gouvemementale en rapport avec l'alimentation et les maladies chroniques comparable aux efforts entrepris ailleurs '.}) Ce temps est bien révolu. À la passivité a succédé un activisme de tous les instants. Jamais les pouvoirs publics n'ont autant communiqué sur la nutrition, soulignant à juste titre l'impact de l'alimentation comme moyen de prévention des maladies. En 2000, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AfSSA) a publié dans un volumineux ouvrage ses recommandations nutritionnelles pour la population française. Un an plus tard, les ministères de la Santé, de l'Éducation nationale et de l'Agriculture, en liaison avec l'AfSSA, lançaient leur programme national Nutrition-Santé, destiné à améliorer. par des choix alimentaires judicieux et scientifiquement fondés, la santé des Français. En principe, ces recommandations 15
Santé. mensonges et propagande
supposées objectives et fiables devraient dissiper toute ambiguïté dans le public puisque les experts nutritionnistes qui les ont mises en place sont réputés compétents et indépendants. D'où vient alors que ces recommandations officielles ne suffisent pas à balayer les doutes et les interrogations? Cette question s'est imposée à nous à la faveur d'un événement survenu en avril 1999. Le docteur Jean-Paul Curtay et Thierry Souccar venaient de publier Le Programme de longue vie', leur tout nouveau livre sur la prévention du vieillissement. Dans ses conseils alimentaires, fondés sur des études récentes, le docteur Curtay dressait les contours d'un régime alimentaire «optimisé ». Moins de graisses saturées, de sel, de sucres rapides et de céréales raffinées. Plus de fruits et de légumes, d'huiles d'olive et de colza, de poissons gras (pour les désormais célèbres «oméga-3 ») et de céréales complètes. Un régime de bon sens, très éloigné de l'avalanche de produits transformés, raffinés, cuits et recuits, salés, sucrés et gras que fait pleuvoir sur nous l'agrobusiness et que l'on soupçonne de faire flamber les épidémies d'obésité et de diabète. Ces conseils (en tous points confirmés depuis) auraient dû être applaudis par les nutritionnistes français. À la place, un petit groupe d'entre eux parmi les plus influents fit circuler une pétition stigmatisant les «mensonges », «tromperies », «inepties », «absurdités» et «contrevérités» qui caractérisaient selon eux, ce livre. Et d'en rèclamer à cor et à cri la censure. Cette pétition ne recueillit que soixante-dix signatures, et l'ouvrage, un best-seller dans son domaine, est devenu une référence. Restait une question: pourquoi une telle hystérie chez des médecins nutritionnistes réputés sérieux? Quels intérêts supérieurs ce livre avait-il, sans le savoir. dérangés? Nous avons mené l'enquête. Et nous voici rendu à la première partie de cet ouvrage. Quelles sont les méthodes de promotion utilisées par l'industre alimentaire? Quelle est l'influence rêelle de l'industrie dans les recommandations nutritionnelles et dans la recherche française? Pourquoi les recommandations les plus fermes des nutritionnistes « officiels» portent-elles sur des aliments et des groupes d'aliments produits par des filières dont ils sont à titre privé, les conseillers? Est-il normal que le ministère de l'Agriculture intervienne dans les recommandations faites aux Français? Les initiatives gouvernementales n'ont guère apaisé les inquiétudes des Français sur leur alimentation, et nous voici à la deuxième partie de ce livre, celle 16
Introduction
qu'ont inspiré vos questions les plus nombreuses. Des lettres sur les laitages, nous en avons reçu des centaines. « Ma fille a développé une allergie aux produits laitiers à l'âge de deux ans, dit Isabelle B. Depuis, je me suis aperçue qu'il y avait foule de choses en anglais à ce sujet mais pratiquement rien en français. Comme si en France on se voilait la face par rapport à ce problème ou que le lobby des produits laitiers est si puissant qu'il interdit toute infonnation contraire à la sacro-sainte loi du lait égale calcium.» Et Sacha L est stupéfaite: «Je ne comprends pas. Ma mère a bu du lait toute sa vie et elle fait de l'ostéoporose !» Alors nous sommes allés, avec l'aide de chercheurs indépendants, regarder du côté des laitages. D'autres courriers encore portaient sur les sucres, les biscottes, le pain, complet ou pas, au levain ou à la levure, de seigle ou bis, les sucres de fruits, les édulcorants ... Nous avons poursuivi avec plusieurs autres «idées reçues» notre analyse, en recherchant l'existence ou non de validations scientifiques et les implications juridiques. Cette démarche de questionnement portant sur quatre grands thèmes (lait, graisses, sucres/glucides et régimes) se sit ue dans un mouvement déjà avancé aux États-Unis et promu pour l'essentiel par les chercheurs de l'École de santé publique de Harvard (Boston, Massachusetts). Dans la plupart des cas, en liaison avec eux, nous avons adopté leurs préconisations et leurs critiques parce qu'elles reposent sur la science la moins contestable à nos yeux. Vous lirez dans ce livre ce qu'ils pensent de notre alimentation actuelle et ce qu'elle devrait être idéalement. La troisième partie de ce livre est consacrée aux plantes, aux vitamines et aux minéraux, autres sujets de grandes controverses. « j'ai entendu le docteur X dire hier à la télévision que les compléments de vitamines et de minéraux ne servent à rien si l'on mange varié et équilibré », nous écrit Linda B. Il fallait bien sûr explorer la réalité de cette fameuse alimentation «variée et équilibrée» que nous servent les nutritionnistes. Le résultat n'est pas triste. Au cours des quatre dernières années, de nombreux séropositifs nous ont fait part de leur difficulté à se procurer des vitamines et des antioxydants à l'étranger Avec eux, grâce à eux, nous avons mené l'enquête au prés des Douanes et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Ce que nous rapportons est grave et consternant 17
Santé. men songes et propagand e
Le livre se nourrit aussi de notre propre expérience. Le chapitre consacré à la créatine est un bel exemple d'aberration scientifique diffusé par une agence sanitaire que nous avons, seuls de toute la presse, dénoncé dès mars 200 1dans Sdences et Avenir. L'affaire des minéraux appelés « orotates» constitue une caricature de procès de santé publique qui fait froid dans le dos. Nous vous invitons à assister en direct à la manière dont la justice peut être rendue en matière de compléments nutritionnels. Vous découvrirez pourquoi et par quels artifices juridiques la France livre une guerre sans merci contre les compléments alimentaires au mépris du droit européen. Les résultats de la célèbre étude SU.~ . MAX - première étude française sur les effets de la consommation de vitamines et de minéraux antioxydants - ont fait couler beaucoup d'encre. Notre enquête montre comment cette étude entre au triste record de la manipulation informative. La France d'outre-mer n'est pas oubliée dans ce dédale de dysfonctionne ments des institutions sanitaires françaises, tout d'abord pour des raisons historiques tenant à l'esclavage, ensuite parce que l'agence française compétente, l'AFsSAPS, prétend faire des plantes de nos TIes des plantes dangereuses alors qu'elles sont utilisées là-bas depuis des centaines d'années. Enfin, dans une demière parte abordant le thème des deux agences sanitaires (AFSSA et AFSSAPS) qui, comme vous l'aurez compris, sont au cœur de nos préoccupations, nous expliquons qu'elles constituent les deux structures les plus importantes du paysage sanitaire français. Elles détiennent un pouvoir-clé sur le devenir de notre santé et de celle des générations futures. Certes, tout n'y fonct ionne pas mal, mais nous avons voulu savoir comment ce pouvoir était réellement utilisé dans notre intérêt. Nous avons également interrogé le premier directeur de l'Agence du médicament qui, même sans texte de loi l'y contraignant, a eu le courage de mettre en place un système de filtrage des conflits d'intérêts de nos experts. Au terme de prês de trois années d'enquête vient le moment où le livre échappe à ses auteurs pour devenir la propriété de ses lecteurs. L'heure est donc venue pour vous d'ouvrir les yeux sur les messages qui vous sont adressés, histoire de ne plus avaler n'importe quoi!
Nutritionnistes et agrobusiness : le grand flirt
Nutritionnistes et industriels, des liens étroits
les médecins qui prennent part à des études sponsorisées par les industriels deviennent souvent les porteparole de ces sociétés ou rejoignent leurs conseils scientifiques. En prenant de l'importance, ils participent
à la rédaction de recommandations officielles. investissent les organisations professionnelles. Ils rédigent des articles et des livres, tous soutenus par l'industrie. D octeur JE ROME P. KASSIR ER,
ancien rédacteur en chef du New Eng/and Journal o( Mediane (1991-1999)
Jamais la connivence entre experts, médecins, nutritionnistes, professeurs et industriels de /'agroalimentaire n'avait été poussée à ce point. Voici quelques exemples choisis qui prouvent comment les uns et les autres, avec la bénédiction des pouvoirs publics, nous (ont croire et avaler n'importe quoi.
« Français, vous
mangez mieux qu'avant»
« Les Français mangent plus équilibré qu'avant. » Le 15 mai 2002, Le Parisien se faisait l'écho d'une étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Le soir même, la bonne nouvelle était reprise sur France 3 et au joumal télévisé de TF 1. À croire qu'aucun de ces médias n'avait réellement lu l'étude de la division Synthèse des biens et services de l'INSEE. 21
Santé. mensonges et propagande
Son titre seul annonce la couleur: «La consommation alimentaire depuis quarante ans: de plus en plus de produits élaborés.» Selon l'INSEE, les Français abandonnent peu à peu les produits alimentaires frais - leur consommation a baissé de 60 %- pour consommer des plats préparés (+ 5.5 % par an depuis les années 1960) ou des produits très transformés. En quarante ans, la consommation de confiseries et de pâtisseries industrielles a augmenté de 200 %. Celle de sodas a progressé de 4,5 % par an. Les produits laitiers, riches en graisses saturées, ont fait un bond spectaculaire : + 200 %. Bref, non seulement les Français ne mangent pas plus équilibré qu'avant, mais ils s'alimentent probablement plus mal. Pour preuve, la progression des maladies liées à des facteurs alimentaires comme le diabète, le cancer ou l'obésité, qui touchent 10% des adultes et ont augmenté de 3,2 % entre 1997 et 2000. Qui sont les pourvoyeurs de cette surabondance d'aliments hautement transformés, sucrés et gras, à l'origine des désordres métaboliques dénoncés par les chercheurs indépendants? Les grandes multinationales de l'industrie agroalimentaire. Celles-là mêmes qui, nous assurent-elles, «œuvrent pour la nutrition », main dans la main avec la nouvelle caste des « nutritionnistes ». Pour pousser ses produits dans les assiettes des Français soucieux d'équilibre et de santé, l'industrie agroalimentaire enrôle des scientifiques et les traîne de colloques grand public en salons médicaux, où ils vantent les qualités de ses produits. Pourquoi pas? Cela devient gênant lorsque ces experts occupent en même temps des postes-clés dans les institutions gouvemementales ou dans les agences sanitaires et qu'ils sont amenés à émettre des recommandations nutritionnelles ...
Qui n'a pas son conseil scientifique 1 Ëvian, une marque du groupe Danone, a créé en 1999 le Centre Évian pour l'eau, une association loi 190 1 dont l'objectif est de «faire progresser la recherche sur l'eau et les minéraux et rendre ces connaissances accessibles à tous ». Pour accomplir cette mission, le Centre Ëvian pour l'eau édite des« brochures pédagogiques destinées à aider les médecins à conseiller leurs patients ». Ces brochures sont «disponibles dans les salles d'attente ». 22
Nutritionnistes et Industriels. des liens étroits
Le Centre Évian pour l'eau s'appuie sur un conseil scientifique qui ne comprend pas moins de trente experts. Que font-ils? Ils corrigent les comportements alimentaires de certains de nos concitoyens. Prenons le cas d'Éric, « 19 ans, 1,80 m, 66 kilos, étudiant non sportif» qui consomme trop de «sucreries» et de « boissons sucrées ». L'expert du Centre Évian pour l'eau propose à Éric une refonte en profondeur de ses habitudes alimentaires: il devra, par exemple, choisir au déjeuner« une bouteille d'eau faiblement minéralisée de type Évian» avec « une bouteille de yaourt aromatisé à boire », tandis que le repas du soir sera agrémenté de «trois petits suisses à 40 % de matières grasses» et de « deux verres d'eau minérale gazeuse calcique de type Salvetat », tous produits estampillés Danone ou figurant en bonne place dans le catalogue du groupe alimentaire. Lorsqu'ils ne sont pas occupés à œuvrer pour le chiffre d'affaires de Danone, un cinquième des membres du conseil scientifique du Centre Évian pour l'eau élaborent, pour ces mêmes Français, les recommandations gouvemementales officielles en matière de choix alimentaires, Ainsi, 20 % des membres du conseil scientifique du Centre Évian pour l'eau ont-ils participé en parallèle à l'élaboration des très officiels Apports nutritionnels conseillés pour la population (i'ançaise de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AfSSA).
Amour du bœuf Créé en 1987 à l'initiative des professionnels de la filière viande et avec l'aide des pouvoirs publics, le Centre d'infonmation des viandes (ClV) a pour mission de diffuser auprès du public des infonmations sur la viande et les abats des bovins et des ovins. Il utilise les relais d'infonmation que constituent les médias, le corps médical, le corps enseignant et les associations de consommateurs. Le cw s'est doté d'un conseil scientifique qui «valide le contenu scientifique et la valeur informative des brochures » qu'il diffuse. Les membres du conseil scientifique du CIV aiment la discrétion. La composition de cette assemblée n'apparaissant sur aucun des documents diffusés par le Centre, il a fallu la demander expressément à son directeur. Louis Orenga, qui nous l'a aimablement adressée non sans préciser qu'il recueillait d'ordinaire l'assentiment des membres du conseil scientifique avant de divulguer leurs noms. 23
Santé. mensonges et pr opaga nde
Cette discrétion est-elle liée à la présence sur la liste de l'ancien directeur scientifique et actuel membre du conseil d'administration de l'AFSSA, Gérard Pascal? Monsieur Pascal est considéré comme un chercheur sérieux et compétent Il est coprésident du comité scientifique directeur de l'Union européenne et directeur du département Nutrition et Sécurité alimentaire de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Que fait-il donc dans une structure financée à 75 % par les producteurs de viande et tournée vers la promotion de ses intérêts particuliers? La même question se pose pour un ex-membre du conseil scientifique et actuel membre du conseil d'administration de l'AFssA, le chercheur Claude Fischler. qui conseille le Centre d'information des viandes.
Conseil national des charcuteries? Le comité scientifique du Centre d'information sur les charcuteries (oc), dont l'un des objectifs avoués est « d'intégrer les charcuteries dans une alimentation équilibrée », a été mis sur pied par une agence de communication parisienne pour vanter les atouts de la charcuterie auprès du corps médical et du grand public. Elle a placé à sa tête le docteur Jean-Marie Bounre, familier de l'agence, chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et membre de l'Académie de médecine. Le docteur Bounre a participé pour l'AFSSA à l'élaboration des Apports nutritionnels conseillés pour la population française. Ce comité scientifique du oc compte quelques membres particulièrement bien introduits dans les agences gouvernementales qui traitent de notre alimentation : Gérard Pascal, ancien président du comité scient ifique et actuel membre du conseil d'administration de l'AFSSA; le professeur Christian Cabrol, qui, de 1995 à 2000, alors qu'il assurait le lundi la valorisation scientifique des charcuteries, présidait le mardi le Conseil national de l'alimentation (CNA), une instance gouvernementale qui a pour mission «d'adapter la consommation aux besoins nutritionnels» ; le professeur Jean-Jacques Bernier. qui avait lui-même présidé le CNA jusqu'en 1995. Grâce à ses experts, le Centre d'information sur les charcuteries ne manque pas une occasion d'informer les Français sur l'intérêt qu'ils ont de consommer des charcuteries pour rester en bonne santé, mais ces mêmes experts sont plus 24
Nutritionni s tes et industriels. d es liens étroi ts
discrets sur le fait qu'une consommation élevée de charcuteries est associée à un risque accru de cancer colo-rectal', et peut-être de diabète 2,
Un authentique omniscient La même agence s'occupe de la promotion du pain pour le compte de l'Association nationale de la meunerie française, Et qui retrouve-t-on dans le « comité scientifique du pain» mis sur pied pour la circonstance en 1999? Le professeur Christian Cabro!. bien entendu, accompagné du docteur Serge Hercberg, qui n'est pas le premier venu puisqu'il est responsable au ministère de la Santé du programme national Nutrition-Santé (PNNS), Le PNNS a pour mission de donner des conseils nutritionnels aux Français dans le but de prévenir les maladies chroniques, Mais un comité scientifique n'en serait pas un sans la présence de l'incontournable Jean-Marie Bourre, lequel est d'ailleurs titulaire d'une espèce de record: ce véritable cumulard du conseil scientifique est un authentique omniscient puisqu'on le retrouve aussi à la tête du comité scientifique du Comité national pour la promotion de l'œuf mis en place par les producteurs d'œufs en 1998, Preuve que, sur le plan diététique également œufs, bacon et pain font bon ménage! Le docteur Bourre préside aussi le «comité scientifique de l'huître» (sic), mis en place par le conseil régional de Poitou-Charentes pour mettre en valeur les «vertus sanitaires» de l'huître, En fait. rien ne semble pouvoir arrêter le docteur Bourre dans sa soif de communiquer sur les qualités nutritionnelles des aliments, souvent ceux des clients de la même agence, En 2002, elle a hérité du budget du Bureau national interprofessionnel du pruneau avec la mission d'assurer la promotion de ce fruit sec. Le 18 septembre 2002, le pruneau était donc à l'affiche des Entretiens de Bichat sous le thème « Pruneau et fonctionnement cérébral », Un dossier qui passionne la communauté scientifique, bien sû~ et qui ne peut avoir aucun lien avec de sombres considérations de marketing ! « Quelle est l'action directe de ces glucides au niveau du fonctionnement cérébrai? » s'interrogeait gravement le programme de la conférence, « Comment les autres atouts nutritionnels du pruneau renforcent-ils ce rôle?» Des questions palpitantes auxquelles l'agence avait confié le soin de répondre à son conseil scientifique vedette, Jean-Marie Bourre, qui se prêtait récemment dans un magazine 15
Santé, mensonges et propagande
féminin 3, à des commentaires scientifiques sur le pruneau dans le cadre d'un communiqué publicitaire. On y apprend que « le professeur Bourre [ ... ] note que le cerveau consomme en moyenne 5 grammes de sucre à l'heure ». On y apprend aussi que « le professeur Bourre a [ ... ] remarqué que la nature même des glucides contenus dans le pruneau d'Agen (harmonieusement répartis entre glucose, fructose et sorbitol) lui conférait un effet intermédiaire entre les sucres lents et les sucres rapides ». En somme, le docteur Bourre passe un temps important dans son laboratoire à traquer les substances actives du pruneau. À croire qu'à conduire toutes ces recherches, toutes ces actions en faveur des œufs, des oméga-3, de la charcuterie, des pruneaux, des huîtres, etc .. il a transformé les locaux de l'INSERM en véritable épicerie.
Des études épatantes Marketing et science n'ont jamais fait aussi bon ménage qu'aujourd'hui car. pour« communiquer» sur les vertus d'un aliment. rien n'emporte plus la conviction qu'une étude scientifique; cela fait sérieux et crédibilise. Encore faut-il que les résultats soient au rendez-vous. C'est ainsi que l'étude Fleurbaix Laventie Ville Santé, une expérience menée auprès de deux mille cinq cents habitants du nord de la France, a pour objectif de « mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la prise de poids excessif et la répartition des graisses ». L'étude est sponsorisée, entre autres, par le Centre d'études et de documentation du sucre (CEDus), Lesieur et Brasseurs de France, et elle est animée par le docteur Jean-Michel Borys. Ce demier. l'un des responsables de l'agence de communication Protéines, spécialisée dans le marketing agroalimentaire, est membre du groupe de travail sur les glucides (sucres) mis sur pied par l'AFSSA et y est chargé d'analyser les «relations entre glucides et état de santé ». L'étude Fleurbaix Laventie Ville Santé aurait montré que les enfants qUI consomment le plus de glucides sont les plus minces, y compris lorsque ces glucides sont des sucres simples, ce qui est une bonne nouvelle pour le CEDUS. L'étude a aussi trouvé que les enfants qui mangent le plus de graisses présentent plus de risques d'être gros. A priori, rien de bon pour le sponsor Lesieur. qui 26
Nutritionnistes et indust r ie l s. des l iens étroits
commercialise des huiles végétales, mais les chercheurs ont tenu à préciser que seules les graisses animales « semblent jouer un rôle ». Enfin, l'étude a montré, à la grande satisfaction des Brasseurs de France, que les hommes et les femmes qui boivent chaque jour leur chopine de bière sont plus minces que celles et ceux qui ne boivent pas.
À la soupe! Parmi les études sponsorisées qui ont servi de bannière publicitaire à quelques poids lourds de l'industrie, SU.vI.MAX (Supplémentation en vitamines et minéraux antioxydants) tient une place à part. Cette étude très médiatisée a eu pour objectif principal de tester, entre 1994 et 2002, les effets sur la santé d'un complément alimentaire antioxydant. Elle a été mise sur pied par un chercheur du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), le docteur Serge Hercberg, devenu depuis le « Monsieur Nutrition» français puisqu'il dirige le programme national Nutrition-Santé mis en place par le ministère de la Santé pour conseiller le public dans ses choix alimentaires. En plus de ses compétences de chercheur, le docteur Hercberg sait faire preuve de qualités de persuasion rares : pas moins de vingt et un sponsors ont accepté d'apporter de l'argent à son étude. Mais un sponsor, ça veut des retombées. L'un des moyens imaginés pour « rentabiliser» l'investissement de cette étude a été de « louer» à des organismes et à des entreprises de l'agroalimentaire les milliers de volontaires qui ont participé à l'étude, sous le prétexte d'enquêtes scientifiques dont les résultats sont habilement exploités. « Moyennant plusieurs dizaines de milliers d'euros par enquête, commentait récemment Le Canard enchaÎné, les industriels de l'agro ont ainsi fait le plein d'arguments de vente sur le dos des cobayes de SU.VI.MAX. » Voici un exemple pris parmi d'autres: le fabricant de soupes Knorr étant « partenaire» de SU.VI.MAX, nos nutritionnistes se sont lancés dans une enquête grandeur nature sur la consommation de soupe en France. Grâce à eux. Knorr saura que 35 % des hommes et que 38 % des femmes prennent de la soupe de deux à quatre fois par semaine et surtout, élément important pour la communication de la marque, que ceux qui consomment de la soupe gardent mieux la 27
Santé. mensonges et propagande
ligne que les autres, qu'ils répartissent mieux leurs calories dans la joumée et qu'ils dînent légèrement le soir. C'est tout juste s'ils ne sont pas aussi plus grands, plus forts, plus beaux et plus riches!
Charcuteries: la vérité scientifique Pour n'être pas en reste, le Centre d'information sur les charcuteries a lui aussi puisé dans le vivier des volontaires SU.V1.MAX pour mener une grande enquête sur la « consommation française de charcuteries ». Le 26 juin 1997, le docteur Serge Hercberg révélait les résultats de cette remarquable enquête conduite dans l'intérêt de la science. Sous le titre « Les Français et les charcuteries : des préjugés à la réalité scientifique », le chercheur révélait que les Français « consomment en moyenne des quantités três raisonnables de charcuteries », sans préciser sur quels critères se fonde la « raison» en matière de charcuteries. Quoi qu'il en soit, assurait le chercheur. la consommation de charcuteries n'a pas d'influence directe sur les taux de cholestérol ou de triglycérides, pas plus que sur la glycémie (taux de sucre sanguin). Les charcuteries n'apportent pas beaucoup d'acides gras saturés (les mauvais), mais elles constituent « une source en fer de bonne qualité ». En conclusion, cette étude conduite dans le cadre de SU.VI.MAX et sponsorisée par les charcutiers « fait la preuve que l'on peut concilier charcuteries, alimentation équilibrée et santé ». Aucun aliment « n'est à lui seul diabolique », ce qui arrange bien les affaires des nutritionnistes en mal de sponsor. La cohabitation entre sponsors de la même étude n'est cependant pas toujours aisée. Ainsi Fruit d'Or. qui sponsorise alors aussi SU.VI.MAX, conseille-t-il d'éviter la charcuterie pour prévenir 1'« excès de cholestérol ». Mais on n'en est pas à une contradiction près, comme on va le voir. En 1997, le docteur Serge Hercberg apportait son soutien aux charcutiers, lesquels finançaient en partie son étude. Six ans plus tard, c'est un certain docteur Hercberg Serge, responsable (sans l'aide d'aucun charcutier) du très officiel PNNS, qui attirait l'attention sur les risques des charcuteries. Dans le livret Alimentation, nutrition et cancer du PNNS, publié en 2003 et qu'il a cosigné, le docteur Hercberg découvre que les charcuteries augmentent probablement le risque de cancers; 28
Nutritionnistes e t indu striels, des li ens ëtroits
il indique qu'elles « sont composées de plusieurs éléments qui sont susceptibles d'expliquer l'augmentation du risque de cancers observée dans les travaux épidémiologiques ». Ces études épidémiologiques qui montrent une association entre la consommation de charcuteries et les risques de développer un cancer étaient pourtant bien connues dès 1997, à l'époque où le même docteur Hercberg stigmatisait ceux qui voulaient « diaboliser» les charcuteries. Elles sont toutes citées et analysées dans le volumineux ouvrage consacré à l'alimentation et au cancer édité par le Fonds mondial de recherche sur le cancer et paru en 1997 4. Il suffisait de lire ...
Plus on goûte, plus on maigrit Lu, la marque de biscuits de Danone, a également fait appel aux ressources inépuisables de SU.VI.MAX. Il s'agissait de savoir si les Français qui goûtent régulièrement sont plus gros ou plus minces que les autres. Lu en a eu pour son argent : non seulement l'étude sur les goûters qu'il a financée dans le cadre de SU.VI.MAX a trouvé que les personnes qui goûtent sont plus minces que les autres, mais il y est aussi déclaré que plus on s'alimente entre les repas plus on est mince (voir p. 106) ! Bref. une avalanche de résultats épatants, à peine temie par la publication dans leJournal orthe American Medical Association, en janvier 2003, d'un article sur les confl its d'intérêts dans le monde de la recherche médicale. Selon ses auteurs, les chercheurs qui ont reçu des fonds pour conduire leur étude rapportent. par comparaison avec des chercheurs indépendants, près de quatre fois plus souvent des résultats favorables à leurs sponsors 5.
Le livre, la presse et les parcs d'attractions: de puissants outils de promotion
Le succès de l'industri e de la propagande à nous persuader. depuis si longtem ps. que nous sommes libres de to ute propagande est l'une des réussites propagantistes les plus significatives du xxI! siècle. ALE X CAREY
Communiquez, il en restera quelque chose Pour communiquer sur les vertus des aliments, le livre reste une valeur de référence. Il y a bien sûr les classiques, qui annoncent la couleur. En 2000, le ClV (Centre d'infomnation des viandes) a réalisé un ouvrage de promotion intitulé Viande et santé. D'abord encarté dans l'hebdomadaire Impact Médecin, il a ensuite été tiré à deux cent mille exemplaires et distribué dans quarante mille phamnacies·. « Une première, commente le CIV, puisqu'il n'existait pas encore de documents du ClV spécifiquement destiné aux officines.» Autre exemple: en 1998, l'éditeur Lec a réalisé un « info-guide» intitulé /'Invitation au goOter dont le véritable commanditaire était Lu, la marque de biscuits de Danone. Objectif: inciter la population à consommer des produits Lu sous le prétexte nutritionnellement correct du goûter « facteur d'équilibre ». On y trouve en effet toutes les incitations à manger des « aliments céréaliers », entendez des biscuits et des gâteaux. Le livre cible bien sûr les enfants, comme 30
D e pu issants o u t il s d e pr o m otio n
«Marc-Alexis, 8 ans », dont le goûter ne se compose pas d'un fruit frais et de noisettes, mais de deux Oursons au chocolat (Lu), ou de deux Prince (toujours Lu) ou de six Barquettes à la fraise (encore Lu), additionnés de divers laitages (toujours chez Danone). Comme modèle d'équilibre, il y a mieux !
L'avez-vous bien Lu ? Les femmes enceintes ne sont pas oubliées, comme « Sonia, 32 ans, enceinte de six mois.» Que mange Sonia au goûter? Un fruit frais? Des noix? Du soja? Une crudité? Pas du tout! Trois Véritable Petit-Beurre (Lu) ou trois Croquant goût chocolat (Lu). «Arnaud, 35 ans, [est] cadre dans une entreprise.» Que prend-il à quatre heures pour effacer « une sensation de faim» ? Une tisane accompagnée d'une poignée d'amandes? Vous n'y êtes pas. Trois Beurré N antais (Lu) ou Trois Pim's à l'orange (Lu) arrosés de café. Le livre se termine par une ode aux «chercheurs de Lu », auxquels les Français sont redevables de l'avalanche de biscuits et de gâteaux à emporter partout avec soi qui s'est abattue depuis dix ans sur les rayons de supermarchés. O n les soupçonne pourtant de contribuer à l'obésité .. . Vous l'avez compris, on cherchera en vain dans cet « info-guide» une réhabilitation des aliments non transformés qui devraient idéalement composer un goûter équilibré. Le plus étonnant réside dans la caution scientifique accourue pour bénir cette littérature. La préface est en effet signée du docteur Serge Hercberg, qui dirigeait alors l'étude nutritionnelle SU.Vi.MAX. Il y salue« un guide [ ... ] riche en informations pratiques» qui sera «particulièrement utile à tous ceux qui souhaitent développer leurs connaissances dans le domaine de la nutrit ion pour pouvoir les appliquer dans leur vie quotidienne : enfants, adolescents, jeunes adultes, futures mamans ou jeunes mamans, seniors, sportifs ». Cette contribution n'a bien sûr rien à voir avec le fait que Lu est depuis 1994 le sponsor des études conduites par Serge Hercberg: l'étude SU.VI.MAX jusqu'en 2002 et l'étude SU.FOL.OM3 depuis. Rappelons que le docteur Hercberg est aujourd'hui à la tête du PNNS (programme national Nutrition-Santé) mis en place par le gouvemement français pour guider les choix alimentaires des Français ... 3i
Santé. mensonges et propagande
Du lait à la « une» La presse est l'une des cibles privilégiées de l'information agroalimentaire, à commencer par la presse médicale dont certains articles sont souvent « inspiréS» par les laboratoires et les annonceurs. Le 25 septembre 2002, à l'occasion du salon mondial du lait Congrilait, Le Quotidien du médecin a publié un numéro spécial sur le thème «produits laitiers, nutrition et santé ». Dans sa préface (non signée), le journal rappelle que « les professionnels de santé ont un rôle important à jouer dans le domaine de l'information et de la formation nutritionnelles ». À condition bien sûr de rapporter les messages du Centre interprofessionnel de documentation et d'information laitières (ClDIL), avec lequel Le Quotidien du médecin confesse, en petits caractères, avoir « réalisé» ce numéro très spécial. L'objectivité règne d'ailleurs à toutes les pages de ce monument érigé à la gloire de l'industrie laitière. On y apprend que l'intolérance au sucre du lait, le lactose, est souvent« psychosomatique », et qu'elle permet de toute façon de «tolérer l'équivalent d'un quart de litre de lait ». Et voilà allègrement évacué le fait que l'intolérance au lactose, qui se manifeste par des troubles digestifs, ne concerne - excusez du peu! - que les trois quarts de la population de la planète. On apprend aussi dans ce numéro que le lait contient des acide gras, les CLA (acides linoléiques conjugués), qui« auraient un effet protecteur vis-à-vis [ ... ] du cancer, de l'obésité, des maladies cardio-vasculaires, du diabète ». Pas un mot en revanche sur les études montrant que les laitages sont soupçonnés d'augmenter le risque de plusieurs cancers. Le calcium des laitages, nous indique aussi le CIDIL par l'intermédiaire du Quotidien du médecin, aiderait au contrôle du poids. Par quel mécanisme? Probablement par « une diminution de l'activité de la 1,25-dihydroxyvitamine D ». En clair - et les rédacteurs ne s'y attardent bien sOr pas -, vous échangez grâce au calcium laitier quelques centaines de grammes sur la balance contre une baisse de votre taux de vitamine D active, l'une de nos meilleures armes anticancer ... Mais ce tableau des effets bénéfiques du lait ne serait pas complet sans l'inévitable couplet sur la « protection osseuse ». Et le quotidien de citer une poignée d'études témoignant du « bénéfice durable sur l'os» de la consommation de cal32
De puissants outils de promotion
cium laitier. Bizarrement. pas un mot sur les études moins réjouissantes que nous citons dans ce livre (voir p. 63 à 65), et qui sont pourtant à la portée d'un journal aussi bien informé que Le Quotidien du médecin.
Les recettes d'un nutritionniste éclairé Le 5 avril 200 l, un grand hebdomadaire publie sous le titre « Les recettes d'un nutritionniste éclairé» une longue hagiographie du dernier livre du docteur JeanMarie Bourre, expert auprès de l'AFssA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) présenté par l'auteur de l'article comme « chercheur à l'INSERM» sans qu'il soit fait mention de sa fonction de président du conseil scientifique du CIC (Centre d'infonmation sur les charcuteries). Les charcuteries, elles, ne vont pas se faire oublier. « Voici un livre, commence avec ferveur le journaliste, qui étonne par rapport à la profusion de tous ces ouvrages pseudoscientifiques écrits par des gourous qui n'y connaissent rien et prétendent nous dicter nos menus. Il est en effet rarement arrivé qu'un nutritionniste de premier plan s'avise d'éclairer directement le grand public sur la meilleure façon de manger. » Mais en quoi consistent les « avis éclairés» de ce phare de la nutrition? Eh bien, tout d'abord, que la « secte des végétariens» n'est rien moins qu'une réunion de « pauvres idiots» (il est vrai qu'ils n'alimentent pas le budget de fonctionnement du ClC). Les végétariens, ajoute le docteur Bourre, accumulent les tares : non seulement ils sont carencés en vitamine B 12, mais ils manquent d'albumine et. preuve suprême qu'ils sont dans l'erreur. « les exemples sont innombrables de végétariens sanguinaires (Hitler. le révolutionnaire Saint-Just, l'anarchiste Bonnot), et [à l'inverse] de doux pacifistes, carnivores acharnés. Ceci sans compter le célèbre Paco Rabanne, lequel, malgré ses divagations apocalyptiques démenties par les faits, s'autoproclame sain d'esprit sous prétexte qu'il a cessé de manger de la viande depuis vingt ans.» On appréciera le niveau ... Mais, nous direz-vous, quels sont les préceptes de ce grand lama de la nutrition? Que« la viande est indispensable à l'équilibre nutritionnel, et [que] la tripaille, c'est encore mieux.» Et d'une pour le Cie. Trois lignes plus loin, on apprend que le grand manitou de la nutrition «se méfie des aliments crus [ ... ] 33
Santé. mensonges et propagande
et autres « inepties nutritionnelles» tellement à la mode. Il vante à l'inverse [ ... ] les charcuteries les plus périssables.» Et de deux pour le Cie. Trés inspiré, le docteur Bourre « dresse une couronne aux produits tripiers, malheureusement de plus en plus délaissés par les consommateurs ». Et de trois pour le Cie. Conclusion du joumaliste : « Par son prix, le livre du docteur Bourre équivaut [ ... ] à quatre ou cinq repas équilibrés. D'où le dilemme: aller manger dans un néfaste-food? Ou acheter le livre?» En ce qui nous conceme, le choix est fait: ni l'un ni l'autre.
En famille Les joumalistes se font parfois tout simplement abuser sur l'identité réelle de leurs intervenants, comme dans cette émission de France 5 consacrée à la vache folle qui réunit. entre autres, le président du Cry, Louis Orenga, et le chercheur Gérard Pascal, présenté par France 5 comme étant le président du conseil scientifique de l'AFSSA et celui du comité scientifique directeur de l'Union européenne. Personne ne saura ce jour-là que Gérard Pascal est aussi membre du conseil scientifique du ClV. Évidemment. c'est tellement plus consensuel de débattre entre amis!
Des parcs d'attractions enchanteurs Des parcs éducatifs et des expositions pédagogiques fleurissent un peu partout en France à l'initiative des industriels, qui y voient l'occasion de « communiquer ». L'Espace des sciences de Rennes bénéficie du soutien du ministère de la Recherche et de celui du ministère de la Culture. Il a abrité, du 9 janvier au 3 avril 2002, l'exposition La Vie lactée, sponsorisée par le ClDIL (Centre d'information et de documentation de l'industrie laitière). Le public le plus jeune pouvait y découvrir « dans un décor enchanteur» que le lait est « pour les enfants synonyme de croissance et de bonne santé ». Quant au rôle du lait dans le risque de diabète de l'enfant, on n'en disait bien sûr pas un mot (voir p. 76). Et en plus, l'entrée de l'exposition était payante! 34
De puissants outils de promotion
Il en va de même pour Terre de Lait, le parc d'attractions situé près de Nantes et dédié au lait Moyennant un droit d'entrée, il valorise un corps de ferme du seizième siècle (tant mieux) et y accueille petits et grands sur dix hectares. L'initiative en revient à la mairie, qui finance en partie les installations, mais le support logistique (matériel réfrigérant, microscopes, etc.) et les brochures informatives sont fournis par le ClDIL, organisme financé par les producteurs de lait Autre décor enchanteur, celui de l'exposition Sucres ... en corps conçue par la Fondation pour la recherche médicale (FRM), afin, selon l'un de ses porteparole, de rétablir la vérité sur les sucres. Quelle vérité? Eh bien, toujours selon la FRM, les sucres ne sont responsables ni du diabète ni de l'obésité, contrairement à ce que pense le publ ic. Cette initiative a tout de suite plu au CEDUS (Centre d'études et de documentation du sucre), le comité de promotion de l'industrie sucrière, lequel a mis la main à la poche pour que l'exposition itinérante voit le jour. Généreux, le CEDUS a même fourni « un médecin nutritionniste qui a participé au conseil scientifique» dont s'est dotée l'exposition. Ce conseil scientifique est visiblement peu empressé de se pencher sur les études liant la consommation de produits sucrés à l'obésité et au diabète, que nous rapportons dans cet ouvrage (voir p. 90, 122 et 130) et qui font dire à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) que« le niveau de consommat ion de boissons sucrées par les enfants de nombreux pays est une sérieuse source d'inquiétude» et que « chaque verre supplémentaire de boisson sucrée qu'ils consomment chaque jour augmenterait le risque d'obésité de 60 %» ' . Dommage pour les visiteurs que l'OMS n'ait pas été invitée à participer au conseil scient ifique de Sucres ... en corps.
Les enfants du mauvais goût Les Enfants du Goût est un salon organisé chaque année depuis 1999 pour « donner envie aux enfants d'adopter une bonne hygiène de vie ». Impossible d'en douter : le salon se déroule sous la multiple et rassurante bénédiction du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, du Centre français d'éducation pour la santé, du 35
Santé. mensonges et propagande
Comité d'éducation pour la santé, du Sénat. du ministère de la Jeunesse et des Sports et de l'Éducation nationale! Si l'on en croit le s~e e-sante, qui s'enthousiasme pour la manifestation, les Enfants du Goût ont une mission noble : « Au-delà du plaisir du jeu et de la dégustation, écr~ la rédactrice, ils s'inscrivent aussi dans une démarche d'information et de prévention, En effet. l'obés~é des enfants a été multipliée par trois en à peine dix ans, si bien qu'aujourd'hui 12 % des enfants sont concernés. Il est fondamental de donner [à l'enfant] une image attrayante des aliments sains et bénéfiques pour sa santé, Il est également important de lui faire comprendre combien sont néfastes les effets du grignotage: surcroît de graisses alimentaires, de sucre, de sel et au final de calories. » Pour bien faire comprendre à l'enfant les méfaits du grignotage, des graisses alimentaires, du sel et du sucre, les Enfants du Goût font bizarrement confiance à des «partenaires» parmi lesquels figurent Lu, La Confiturerie, Univers Céréales, le ClC ou encore Croustipâte, qui commercialise notamment des minicroissants pur beurre. De quoi faire douter sur les bonnes intentions consistant à éradiquer des comportements le grignotage entre les repas chez les enfants, .. Le salon est abrité par une association loi 1901 créée pour la circonstance mais, lorsqu'on compose le numéro de t éléphone des Enfants du Goût. on se retrouve au standand de l'agence de public~é Nutrilys, filiale du groupe Protéines, qui se spécialise dans la promotion de l'industrie agroalimentaire à l'aide d'arguments santé, L'association les Enfants du Goût ne serait-elle donc qu'une banale manifestation commerciale?
Merveilles de l'alimentation équilibrée Pour en avoir le cœur net nous avons ouvert le premier guide de cette «exposition ». Il commence par un message du Comité français d'éducation pour la santé (CFES) , enrôlé on ne sait comment ni pourquoi dans cette aventure, «Le CFES [ . . .] souha~e vous faire comprendre qu'une alimentation variée et équilibrée, consistant à manger de tout et de façon modérée, est un facteur important pour la santé. » Pour ce qui est de manger de tout, les enfants vont être servis, car le guide est en soi une merveille d'ingéniosité marketing. Du pet~ déjeuner 36
D e puis sa n ts o utils de promotion
au dîner en passant, bien sOr, par le goûter, le contenu rédactionnel du « guide» - donc les conseils de nutrition - a été confié aux « partenaires» qui ont bien voulu payer pour y figurer. Le tout constitue une merveille d'alimentation «variée et équilibrée» comme l'annonce le CFES, et comme on va le voir. La rubrique petit déjeuner a ainsi été vendue par les organisateurs à Nestlé, qui s'en donne à cœur joie: «Un produit laitier, c'est bien! Un yaourt à emporter c'est mieux!» Coïncidence? Nestlé est l'un des poids lourds des yaourts à emporter. Les céréales, le matin, quoi de mieux? Eh bien des céréales «au délicieux goût de pommes au four qui apportent tous les matins huit vitamines, du fer et des nutriments indispensables à la croissance ». Mais où trouver ce trésor de bienfaits? Chez Nestlé bien sûr ! Et le lait? « Le lait, on le sait, c'est plein de calcium indispensable pour la croissance. Mais additionné de poudre cacaotée, le lait devient encore plus rigolo !» Comme les choses sont bien faites, c'est encore chez Nestlé que l'on a le plus de chance de trouver la poudre cacaotée qui rend le lait « rigolo ». Yaourts et chocolat sucrés, céréales extrudées, il ne manque à ce modèle de petit déjeuner« équilibré» que les biscottes, un aliment qui élève si brutalement le sucre sanguin qu'il exerce sur le pancréas de l'enfant un stress presque aussi intense que le glucose pur. Fort opportunément, Heudebert, une marque de Danone, s'est installée en page 24 avec son Biscoto salé ou sucré, «naturellement riche en céréales et [ .. .] en cinq vitamines».
{( Halte au grignotage! » Après cette entrée en matière, la rubrique déjeuner de ce «guide» s'ouvre sur un autre canon de la nutrition: la pizza, promue par Avenance, une société de plats préparés pour les collectivités et les cantines scolaires. On y apprend avec curiosité que la pizza, qui fait partie des aliments soupçonnés de favoriser l'obésité et dont le fromage fournit des graisses saturées (les «mauvaises»), est en réalité «un modèle d'équilibre» car elle apporte notamment « du fromage ». Le fromage, les enfants n'en manqueront pas, car le voilà en vedette de la page 35, page achetée par le CIDIL. Le fromage, y lit-on, est« indispensable à la 31
Santé. m e n so nges et propagande
constitution et à la protection de tes os ». Et tant pis pour les enfants chinois ou japonais, qui ne consomment pas de fromage et ont des os en parfaite santé ... Mais l'heure du goûter est anrvée. « Halte au grignotage 1 » déclarent les organisateurs du salon ... avant de vendre une pleine page à Lu pour la promotion de ses biscuits, une autre à N utribio pour faire la réclame de ses barres chocolatées Yeah! (<< C'est comme si tu mangeais autant de calcium qu'il y en a dans un verre de lait!»), une troisième au Syndicat des fabricants industriels de glaces, de sorbets et de crèmes glacées (<< une excellente façon de consommer du calcium»). Et voilà un goûter «équilibré », garanti anti-grignotage ! Pour conclure cet instructif guide, la rubrique consacrée au dîner échoit notamment à Germicopa, qui présente ses pommes de terre (associées, dans plusieurs études, à un risque accru de diabète), et au CIC pour la charcuterie, aliment dont la consommation régulière est liée à un risque accru de cancers digestifs. Pour la petite histoire, l'agence Protéines, à l'origine de cette manifestation, n'est pas conseillée par n'importe qui puisque son« conseil scientifique» compte en son rang les deux principaux responsables de la politique nutritionnel le du gouvernement français: le docteur Serge Hercberg, patron du PNNS (au ministère de la Santé), et Gérard Pascal, ancien président du comité scient ifique et actuel membre du conseil d'administration de l'AFSSA. Sans compter un autre membne de l'AFSSA (au conseil scientifique de l'Agence jusqu'en novembre 2002, et à son conseil d'administration depuis juillet 2002) et du comité stratégique de suivi du PNNS, le chercheur Claude Fischler. Et encore bravo !
La propagande commence à l'école
Nous savons que nos enfants ne sont pas totalement capables de prendre des décisions fondées; c'est la raison pour laquelle nous contrôlons la promotion de "alcool et du tabac. Et pourtant, nous faisons comme si nos enfants étaient capables de faire des choix alimen-
taires qui ont des conséquences importantes sur la santé en les laissant à la merci d'un marketing efficace et agressif qui fait la promotion d'aliments sans intérêt nutritionnel mais bourrés de calories. WALTER WILLETT
Objectifs instits Les industriels de l'agroalimentaire sont passés maîtres dans la mise au point de « kits pédagogiques ». Parmi les plus actifs figurent le CEDUS (Centre d'études et de documentation du sucre) et le ClC (Centre d'information sur les charcuteries), lequel diffuse depuis 1995 aux instituteurs qui le demandent un « document pour le maître» servant « de support à la formation nutritionnelle» des enfants. Ce document est complété de fiches, que le maître distribuera aux enfants et aux parents, et d'une cassette vidéo. Le ClC précise que ces documents sont « en nombre suffisant pour la classe» (nous voilà rassurés !). En 1998, pour « répondre aux demandes des écoles », deux mille kits complets ont été tirés. 39
Santé. mensonges et pr opagan de
Mais c'est l'industrie laitière - et para-laitière - qui se montre le plus soucieuse de planter et de faire germer les bonnes graines dans la tête de nos chers enfants. Cette démarche est d'autant plus douteuse que le lait certes source de calcium, est aussi soupçonné de faire courir à certains enfants et adultes un risque de maladies chroniques, comme le montrent les documents présentés plus loin dans ce livre. Le CIDIL (Centre interprofessionnel de documentation et d'information laitières) a édité une impressionnante batterie de fiches, de livres, de posters et de jeux que les enseignants sont invités à commander (moyennant une modeste participation aux frais) afin de faire des enfants de dévoués consommateurs de lait. Ainsi, le colis
« Grandir, quelle aventure» destiné aux cycles 1
et 2 comprend un album de soixante-douze pages de récits, d'images et de jeux avec «un dossier détachable pour les parents, "Alimentation et croissance" », un dossier «pédagogique» et une plaquette «scientifique "Croissance et calcium" pour répondre aux questions-pièges parfois posées par les enfants ... et les parents ». Le CIDIL invite aussi enseignants et enfants à «découvrir le goût avec les produits laitiers» grâce à un «guide d'information pour l'instituteur» et à un «livret élève ».
Bourrage de têtes (blondes) Au moins aussi créative que le CIDiI.. la société Tetra Pak, qui commercialise des emballages et des briques pour l'industrie agroalimentaire, s'est investie dans la promotion du lait à l'école. Cette initiative aurait-elle un rapport avec le fait que Tetra Pak foumit plusieurs millions de briquettes aux écoles, lesquelles bénéficient d'une distribution de lait financée à la fois par la Communauté européenne et par l'État français? Tetra Pak organise chaque année « plus de mille rendez-vous» entre ses déléguées régionales et les municipalités pour «favoriser le développement de cette activité ». Elle distribue bien sûr dans les écoles des milliers de «kits ludo-pédagogiques », pour« développer l'éveil des enfants» mais surtout «communiquer sur les bienfaits du lait ». Si vous êtes enseignant, il serait dommage de vous priver du plaisir de lire les kits ludo-pédagogiques de Tetra Pak car ils valent leur pesant de lactose (le sucre du lait) ! 40
l a propagande commence à l'école
Le lactose, justement, il en est question dans le poster Vive le lait à l'école, Si vous croyez naïvement - comme la plupart des spécialistes d'ailleurs ... - que le lactose est à l'origine d'intolérances et de troubles digestifs chez la majorité des enfants de plus de trois ans qui vivent sur cette planète, vous vous trompez! La vérité, selon Tetra Pak, c'est que le lactose «protège la flore intestinale»! Si vous pensez que le lait apporte des graisses saturées qui favorisent les maladies cardia-vasculaires, vous vous mettez le doigt dans l'oeil! En réalité, nous dit Tetra Pal<. les graisses du lait « ressourcent le corps en énergie» ! Mais c'est avec les kits pour la classe de matemelle que se déchaîne tout le potentiel créatif du magic team de Tetra Pak. Dans les «Exercices pour la petite et moyenne section », l'enfant est invité à donner la bonne réponse à cette question : «Quand je t ranspire, c'est bon de boire : - du lait; - du soda; - du café.» Eh oui, mesdames.et messieurs, chez Tetra Pal<. l'eau ne sert qu'à laver le plancher des vaches.
La rédemption par le lait La classe de maternelle est décidément choyée par Tetra Pal<. qui a conçu pour les enseignants un conte édifiant à lire aux enfants, intitulé Les journées de Benjamin. En voici un résumé: C'est donc l'histoire de Benjamin, un petit garçon toujours très fatigué car il a du mal à s'endormir le soir et à se réveiller le matin. En classe, c'est la désolatian: Benjamin, qui semble «ailleurs », n'écoute pas sa maîtresse. À la récré, la subversion régne: « Benjamin est parfois agité et préfère chahuter plutôt que de boire tranquillement la briquette de lait que lui proposent les dames de la cantine.» Benjamin est tellement fatigué à l'heure du déjeuner qu'il n'avale rien et « s'endort, épuisé ». Heureusement, Benjamin est invité à passer la journée de mercredi chez son copain Octave. Contrairement à la maman de Benjamin, celle d'Octave est une mère modèle puisqu'elle connaît les vertus du lait. Pendant que les enfants 41
Santé. mensonges et propagand e
s'amusent. elle leur prépare un bol de chocolat. que Benjamin refuse (l'histoire ne dit pas s'il lui envoie le bol à la tête).« Cela l'a beaucoup étonnée de voir un petit garçon ne jamais boire de lait à quatre heures. Elle sait combien c'est bon pour la santé des enfants.» Bon, les enfants vont se coucher. mais Benjamin ne parvient pas à s'endormir, et ce n'est pas parce qu'une adulte inconnue a tenté un peu plus tôt de lui faire ingurgiter un bol de chocolat au lait. La maman d'Octave connait la raison de ce t rouble: elle sait« qu'un enfant qui ne boit jamais de lait dort mal, se réveille fatigué, est toujours agité, comme Benjamin! Aussitôt elle lui proposa de boire une bonne tasse de lait frais [ .. .J. Benjamin trouva ainsi rapidement le sommeil.» Le lendemain au petit déjeuner, c'est la révélation! Benjamin engloutit un bon lait chaud chocolaté. Le voici transfiguré:« La journée qu'il passa en classe n'était pas comme les autres. Ravie, la maîtresse le félicita même plusieurs fois pour son travail. Pour une fois, il se réjouit d'aller boire sa briquette de lait à la pause d'avant 10 heures avec tous ses. ~amarades. » Il y a bien sûr une morale à cette belle histoire. Grâce au lait, Benjamin est devenu un petit garçon en pleine forme qui «n'hésite pas à boire du lait à tout instant de la journée ». Et les familles d'Octave et de Benjamin sont enfin à l'unisson puisqu'« on y répète chaque jour "Vive le lait qui aide à grandir" ». Il est regrettable que l'Éducation nationale ferme les yeux sur cette prose édifiante, qui jette l'opprobre sur des parents indignes pour n'avoir pas servi de lait à leurs enfants. Il est surprenant qu'elle ferme les yeux sur cet argumentaire lamentable, tant sur le plan pédagogique que sur le plan scientifique, car rien, absolument rien, ne permet de dire que les enfants qui ne boivent pas de lait sont insomniaques, fatigués, agités, nêveurs, chahuteurs. Rien, absolument rien, ne permet de justifier une consommation de lait «à tout instant de la journée» si ce n'est pour augmenter le chiffre d'affaires de la société Tetra Pak. Si les responsables de l'Éducation nationale laissent pénétrer dans les salles de classe un tel matériel «pédagogique », c'est probablement qu'ils sont, à l'instar de Benjamin, «toujours ailleurs », «fatigués» et peut-être même «agités ». Ils devraient consulter Tetra Pak: un bon verre de lait, et tout rentrera dans l'ordre.
42
la propagande commence à l'école
Fromage et
dessert
Les gestionnaires des restaurants scolaires ne sont pas oubliés par les vendeurs de lait. Pour s'assurer qu'ils serviront généreusement des laitages à la cantine, le Centre interprofessionnel de documentation et d'information laitières a élaboré à leur attention un «guide du gestionnaire» dans lequel figurent en bonne place les laitages. Le ClDIL édite aussi pour les responsables de la restauration scolaire L'École à table, un périodique qui ménage bien sûr une place de choix aux laitages. L'un des numéros récents consacre par exemple un dossier à un sujet bnûlant: « Les fromages à pâte molle ». Cet article ayant sûrement fait un tabac, L'École à table remet le couvert dans le numéro suivant avec un dossier intitulé « Savoir gérer. présenter et animer vos fromages ». Le CIDIL aurait tort de ne pas pousser les gestionnaires de restaurants scolaires à la commande de laitages. En effet. sous réserve de satisfaire à certaines conditions peu contraignantes, ils sont en partie remboursés de leurs achats par les contribuables européens et français. Cette mesure, que l'on connaît sous le nom de « lait dans les écoles », a pour objet de favoriser la consommation de lait et de certains produits laitiers (yaourts et fromages) par les élèves dans les maternelles et les établissements élémentaires et secondaires. Jusqu'en 200 l, les aides étaient limitées à un quart de litre de lait ou équivalent par jour et par élève ayant réellement bénéficié de cette distribution. Depuis, le mode de calcul a été modifié pour favoriser les achats de lait: la quantité maximale autorisée est maintenant calculée non pas sur la base des élèves qui consomment effectivement du lait et des laitages, mais sur celle du nombre d'élèves inscrits dans l'établissement. En 2002, les établissement scolaires ont donc administré à près de cinq millions d'élèves français des laitages qu'ils n'avaient pas demandé et qui s'ajoutent souvent à ceux pris à la maison, laitages dont la consommation régulière et importante est associée, dans de nombreuses études, à des problèmes de santé. Le tout pour un coût d'environ 27 millions d'euros payé par les contribuables.
Des médecins transformés en panneaux d'affichage par les industriels
N ous n'avons pas perdu la foi, mais au lieu de la place r en Dieu nous l'avons transférée à la profession méd icale. G EORGE BERNARD SHAW
Docteur en publicité Les médecins généralistes sont, de leur côté, devenus des supports publicitaires pour une gamme toujours plus vaste d'intérêts privés qui vont des médicaments aux aliments. Les salles d'attente se sont depuis quelques années gamies de présentoirs qui proposent des petits prospectus publicitaires censés apporter au patient en transit des conseils nutritionnels frappés au coin de la rigueur scientifique. Le CIC (Centre d'information sur les charcuteries) a réalisé trois dépliants, l'un sur les qualités nutritionnelles des charcuteries, le deuxième sur les lipides des charcuteries et le troisième sur l'importance des protéines dans l'alimentation. Destinés aux patients, ils ont été distribués dans quatre mille salles d'attente sélectionnées par un réseau spécialisé qui les équipe d'un {( relais-patients». C'est aussi en salle d'attente que la future ou la jeune maman trouvera un dépliant intitulé Sécurité alimentaire et qualité nutritionnelle, édité par le Syndicat français des aliments de l'enfance. 44
Des médecins transformés en panneaux d'affichage
Se pose alors pour les médecins, qui ne sont pour rien dans la conception des brochures, la question du comportement qu'ils doivent adopter face à ces fameux documents publicitaires, Relayer une information nutritionnelle venant d'un organisme neutre, d'accord; diffuser une infomnation en provenance directe des industriels, non, Car, à leur insu quasiment, ils se font les relais de l'industrie agroalimentaire et orientent des comportements alimentaires autour de marques et de produits précis, ce qui pose un problème de neutralité et d'indépendance sur le plan déontologique, La déontologie médicale ne s'y est pas trompée: elle prévoit que la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce, interdisant tous procédés directs ou indirects de publicité et prohibant les locaux professionnels à allure commerciales, Le Conseil national de l'ordre des médecins, probablement préoccupé par l'allure « agence publicitaire» que prenaient certains locaux médicaux, n'a pas hésité à produire un rapport sur les « informations dans la salle d'attente du médecin» (2000), Il Y dénonce le démarchage commercial, indiquant que « c'est au praticien que revient la responsabilité d'évaluer avec bon sens les limites de ce qui est admissible», et indique que, « lorsqu'il s'agit de pures entreprises commerciales visant à faire connaître ou à vendre un produit ou une marque, la pratique est bien entendu interdite et répréhensible», Pour ce qui est du bon sens dans le choix des prospectus, c'est cependant loin d'être évident. Et pour le reste, c'est-à-dire interdire les actions purement commerciales, il n'y a plus qu'à mettre en application .. ,
Une avalanche de laitages Nestlé, qui commercialise des céréales infantiles, s'est fendu d'un prospectus sur le sujet « rédigé avec l'aide de diététiciennes et de médecins», On y apprend que « les céréales sont la base de notre alimentation» depuis l'antiquité, mais la brochure passe sous silence le fait que, pendant quatre millions d'années et jusqu'à dix mille ans avant notre ère, aucun être humain n'en avait jamais consommé, Une autre brochure, consacrée, elle, au « petit déjeuner et au goûter », promet « des repas vitalité », Qu'on en juge plutôt avec ce «goûter facile à préparer. 45
Santé. mensonges et prop
économique et bien composé: pain, beurre et quelques carrés de chocolat ou morceaux de sucre et confiture: pain + crème de gruyère: pain + pâte à tartiner au chocolat: à accompagner d'un grand verre de lait ». Beurre, sucre, gruyère, lait, pâte au chocolat: un vrai modèle d'équilibre alimentaire! Les laitages figurent d'ailleurs en première place de ces « repas vitalité» : « lait, yaourt, fromage blanc, fromage ... C'est la meilleure source de calcium indispensable à la santé des os. » Sans oublier « le beunre, pour la vitamine A et le goût ». Aucun des visiteurs potentiels d'une salle d'attente de médecin n'a été oublié par les concepteurs de ce dépliant Les enfants et les adolescents sont invités à choisir un « yaourt à boire », les sportifs « un berlingot de lait », les femmes enceintes « un yaourt », les seniors « une crème à la vanille ». À tous, le prospectus rappelle que « le goûter pêche souvent par excès de produits sucrés au détriment des laitages. [ ... ) Si vous n'aimez pas le lait, il suffrt de le remplacer par un autre produit laitier, au choix yaourt, fromage blanc, fromage ... ou de l'incorporer à des préparations: riz ou semoule au lait, crème pâtissière, flan.» On comprend mieux l'obsession des laitages qui saisit chaque page de ce prospectus en découvrant son auteur: il émane du Centre de recherche et d'infonmation nutritionnelles (CERIN), un organisme au nom quasi officiel mais en réalité un sous-marin de l'industrie laitière. Les salles d'attente des médecins sont d'ailleurs un lieu où l'on a peu de chance d'échapper aux vendeurs de laitages. Candia y est bien sOr présent avec une brochure intitulée Deux adultes sur trois manquent de calcium, et vous / qui rappelle opportunément que « les nutritionnistes recommandent de consommer trois ou quatre produits laitiers par joun>. Vous êtes loin du compte? «N'hésitez pas à en parler à votre médecin », conseille-t-on chez Candia. Bref, une vraie propagande dont les visiteurs médicaux sont les médecins eux-mêmes.
Cacophon ie dans la salle d'attente Les patients venus plutôt consulter leur médecin pour un cholestérol élevé liront avec profit la brochure Cholestérol: soyez Pro-Activ, qui fait de la réclame pour la margarine du même nom, fabriquée par Fruit d'Or. Mais même si vous n'êtes pas là pour le cholestérol, les rédacteurs du prospectus ont pensé à tout 46
Des médecins transformés en panneaux d'affichage
En effet, dit ce demier« certains d'entre nous devraient surveiller leur taux de cholestérol ». Vous êtes de ceux-là si vous répondez au moins une fois « oui» aux questions de la page 4, par exemple: « Un membre de votre famille a-t-il un taux de cholestérol élevé?» ou « Dans votre famille, certaines personnes souffrent-elles de problèmes cardiaques?» ou encore « Est-ce que vous fumez?» et « Avez-vous un problème de surpoids?» À ce stade, difficile de ne pas se sentir concemé ! La brochure en question ne se contente pas de ratisser large, elle édicte les «règles d'or d'une vie sans cholestérol» (la première d'entre elles étant de choisir « Pro-Activ de Fruit d'On». L'une de ces règles est d'éviter les fromages gras, ce qui est en totale contradiction avec les règles du « petit déjeuner et du goûter» énoncées par le dépliant lu un peu plus tôt Parmi les autres conseils anticholestérol de Fruit d'Or figure celui de se contenter de «deux œufs par semaine », de quoi achever de déstabiliser le patient qui, toujours dans la salle d'attente, vient justement de se saisir du prospectus L'Œuf et la Santé édité par le Centre de documentation sur l'œuf. L'œuf responsable du cholestérol élevé? Pas du tout, proteste-t-on dans ce dépliant jaune : « Le cholestérol: non coupable! [ .. .] En effet, 20 % du cholestérol sanguin provient du cholestérol apporté par l'alimentat ion. [ ... ] Ainsi, la quantité de cholestérol alimentaire a, en définitive, peu d'effet sur le taux de cholestérol sanguin. » En somme, de quoi y perdre son latin!
Quand l'argent public finance la communication des industriels Le CERlN, véritable sous-marin de l'industrie laitière, est passé maître dans l'art d'utiliser les fonds publics européens pour communiquer en faveur du lait et des produits laitiers. Il a édité à l'intention des professionnels de santé un petit livret dont le seul but est de favoriser leur prescription par le corps médical. Dans cet ouvrage, consacré à l'ostéoporose, sont occultées les ét udes ne montrant aucun effet du calcium sur le risque d'ostéoporose. Seul est martelé à chaque page le vieil argument, pourtant erroné, selon lequel plus on avale de calcium, plus les os sont en bonne santé (voir p. 57). 47
Santé. mensonges et propagande
La désinformation est complète lorsqu'on en vient aux recommandations pratiques: «Seule la consommation de produits laitiers en quantité suffisante, écrivent les auteurs du livret, permet d'assurer la couverture des besoins calciques. » Et de donner des exemples. Ainsi, «300 mg de calcium ça peut-être un quart de litre de lait [ ... ) ou deux yaourts, alors qu'il faudrait cinq baguettes ou un kilo d'oranges pour apporter la même quantité de calcium ». Éloquent, n'est-ce pas? Ce doit être pur hasard si on oublie de parler dans ce livret de l'eau minérale calcique, dont trois verres quotidiens seulement fournissent leurs 300 milligrammes (mg) de calcium hautement disponible.
Plats à la poudre de lait Mais c'est dans leurs conclusions que les auteurs se surpassent véritablement. Si l'on veut suivre leurs recommandations visant à «augmenter facilement les apports en calcium », il faut littéralement renoncer à sa ligne et à sa santé cardio-vasculaire. Jugez-en plutôt: « - boire du lait aux repas et lors des collations; - ajouter du lait dans les préparations (potages, t hé, café ... ); - favoriser les sauces béchamels, les crèmes pâtissières ; - préférer les milk-shakes aux traditionnels sodas dans les fast-foods, - enrichir les plats avec de la poudre de lait; - ajouter du fromage dans les salades composées, les sandwiches, les potages; - favoriser les gratins (légumes, fruits); - ajouter du fromage lors des goûters. » À ce rythme, l'écoulement des surplus laitiers est assuré, ce qui explique peut-être que ce chef-d'oeuvre ait été pour l'essentiel financé par la Communauté européenne et les contribuables français. Les stocks de viande doivent également être trop importants si l'on en juge par les campagnes de presse du ClV (Centre d'information des viandes), elles aussi généreusement financées par l'argent des contribuables européens et français. Interrogée sur ces pratiques, la Commission européenne nous a envoyé un courrier expliquant qu'en effet ces campagnes entrent dans le cadre de la « politique d'information et de promotion des produits agricoles. [ ... ) Les organisa48
Des médecins transformés en panneaux d 'a ffich age
tions professionnelles ou interprofessionnelles intéressées élaborent des propositions de programmes de promotion ou d'information qui sont tran smises à la Commission après que l'État membre concerné a confirmé l'utilité et la conformité avec la réglementation en vigueur [et] les dispositions en matière de santé.» Que se passe-t-il ensuite? Après accord de la Commission de Bruxelles et des États membres, l'Europe finance 50 % de ces campagnes un peu particulières, et l'État membre concerné 20 %. De quelle information au juste la Commission dispose-t-elle sur les organismes auxquels elle accorde un financement? La question mérite d'être posée. En effet. dans le counrer qu'elle nous a adressé, la Commission de Bruxelles qualifie de manière ambiguë le CERIN de « Centre de recherche et d'information nutritionnelles de la France », tel qu'on le ferait pour un organisme d'État. La Commission croit d'ailleurs savoir que le CERIN est «sous la tutelle de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers» (ONllAIT), un établissement public à caractère industriel et commercial qui dépend des ministères de l'Agriculture et du Budget. Interrogé le 15 décembre 2003, dans le cadre d'un entretien téléphonique, sur les liens entre ONllAlT et le CERIN, monsieur Farges, un responsable d'ONllAlT, a confirmé qu'il n'yen avait aucun, le CERIN étant « une émanation de l'interprofession laitière ». Les affirmations qui figurent dans le livret sur l'ostéoporose du CERIN ont-elles au moins été validées par des scientifiques indépendants avant d'être disséminées? La réponse est non si l'on en croit le responsable d'oNllAlT, qui explique que le CERIN «dispose de diététiciens ». Les nouvelles dispositions européennes prévoient que ces campagnes «d'information et de promotion des produits agricoles» financées en majorité par les cont ribuables reçoivent dorénavant l'aval du ministère de la Santé de l'État membre. On les guettera avec d'autant plus d'attention ...
L'éthique et le droit mis à mal
Répétez un mensonge suffisamment longtemps et il deviendra vérité. LENINE
Un code de déontologie biaisé Ces liens étroits qui existent entre l'industrie agroalimentaire et les experts de l'État n'effraient plus personne semble-t-il, La plupart des experts sont des médecins à la base et même s'ils sont dans le secteur publ ic, le code de déontologie médicale s'applique, L'éthique médicale remonte à la nuit des temps : c'est le fameux serment d'Hippocrate (environ 450 avant Jésus-Christ !), qui dans les circonstances présentes aurait tendance à devenir le serment de l'hypocrisie «
« le médecin ne peut cumuler des fonctions susceptibles d'entamer son indépendance professionnelle ou de le faire bénéficier d'avantages indus», L'artcle 5 insiste: « Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.» Le Conseil national de l'ordre des médecins cite, dans ses commentaires de 1998, une très belle phrase sur l'indépendance, 50
L 'é thique et le droit mis à mal
presque poétique tant la réalité peut se révéler différente: «Cette indépendance est acquise quand chacun de ses actes professionnels est déterminé seulement par le jugement de sa conscience et les références à ses connaissances scientifiques, avec, comme seul objectif, l'intérêt du malade 9.»
L'indépendance: une réalité ou un souvenir déontologique 1 C'est pourtant l'indépendance professionnelle qui sert à asseoir la confiance indéfectible devant exister entre un médecin et son patient C'est cette même confiance qui devrait normalement exister entre les Français, avides de conseils pour une vraie santé, et les experts des ministères et des agences gouvemementales, les nutritionnistes, censés participer à une œuvre d'intérêt général, la protection de la santé publique. Le code de déontologie parle effectivement de santé publique, en précisant que le médecin est justement à son service. La loi a même consacré ce principe d'" indépendance professionnelle et morale 10 ». Il est vrai que, quand on est dans le secteur public (et c'est une règle spécifique aux médecins de ce secteur), le poids de l'institution ordinale se fait tout de suite de plume puisqu'on sait que l'Ordre des médecins ne pounra être saisi que par le ministre de la Santé, le procureur de la République ou le directeur départemental de la Santé. Cette situation est très confortable, notamment lorsqu'on est conseiller du ministre. Les médecins libéraux, eux, peuvent être poursuivis par toute personne en faisant la demande, y compris le patient. ce qui au passage constitue une inégalité devant la loi et la justice. Selon que l'on sera médecin hospitalier ou médecin libérai, le niveau de responsabilité déontologique ne sera en pratique pas le même. Mais les médecins ne sont pas les seuls concemés par l'éthique. Les pharmaciens, eux aussi, ont un code de déontologie, datant de 1995, dont l'ancêtre est notamment le serment de Mont pellier : «Je jure [ ...] d'exercer. dans l'intérêt de la santé publique, ma profession avec conscience et de respecter [ ... ] aussi les règles de l'honneur. de la probité et du désintéressement » Après avoir rappelé que le pharmacien est également au service de la santé publique, le code de déontologie des phanmaciens vient préciser que « le phanmacien ne doit 51
Santé. mensonges et propagande
se soumettre à aucune contrainte financière, commerciale, technique ou morale, de quelque nature que ce soit, qui serait susceptible de porter atteinte à son indépendance professionnelle» (article R 50 15-18). Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a élaboré un guide destiné à régir les rapports avec les laboratoires. Le raisonnement est ici le même. Des médecins (des pharmaciens également) ayant des responsabilités de santé publique sont amenés à prêter leur nom pour « crédibiliser», « lancer» ou « relancer» des produits alimentaires auprès de nous, Français, les consommateurs. Quels moyens avons-nous de vérifier la véracité des informations nutritionnelles avancées si elles le sont, non par des organismes objectifs et indépendants, mais par la corporation agroalimentaire concernée? Du statut de patient, nous accédons à celui de consommateur et souhaitons faire de la prévention - c'est aussi le rôle des médecins comme l'indique l'Ordre des médecins dans un rapport de juin 200 l , rapport qui insistent sur la délicatesse de ce rôle - un enjeu majeur pour l'avenir. En recevant un financement pour une étude d'un côté et, par la suite, en prêtant son nom, même gracieusement, à la firme qui a contribué à son financement, aurait-on encore un doute sur les avantages, réciproques, qui animent ce type de relations industrialo-médicales ?
Quand l'Ordre se fâche, il est relayé par le code pénal À propos d'éthique, l'Ordre des médecins a jugé en 2000 un médecin qui, dans le cadre de simples consu~ations en cabinet libéral, commettait une infraction déontologique en recevant des avantages en nature d'une société de produits protéinés en contrepartie de recommandations données à des patients de recourir à ces produits, cela entraînant une violation des articles 23 et 24 du code de déontologie médicale venant compléter concrétement les dispositions sur l'indépendance par une interdiction de recevoir des cadeaux ou avantages. Le médecin a été condamné à un mois de suspension d'exercice de sa profession. Depuis 1993, et de façon plus générale, la loi française interdit de recevoir des cadeaux ou des avantages de la part de laboratoires, en nature ou en espèces, de quelque nature que ce soit ; des sanctions pénales sont fixées à 52
L'éth iq u e e t le dr oi t mis à mal
hauteur de 75 000 euros et de deux ans de prison, Cette loi a été renforcée en 2002 du côté des laboratoires, qui ne peuvent faire de telles propositions sauf dans le cas de contrats de recherche et d'évaluation scientifique, Ces conventions doivent dorénavant (depuis 2002) être soumises aux ordres professionnels concemés pour accord ou refus, Les professionnels de santé qui ne respectent pas ce texte peuvent être condamnés jusqu'à dix ans de suspension d'exercice, Le code pénal français a également prévu'la prohibition de la corruption passive (du côté de l'autorité publique détentrice du pouvoir qui sollicite et accepte des avantages ; du côté du particulier qui sollicite des avantages de l'autorité publique) et du trafic d'influence, punis de 150 000 euros d'amende et de dix ans de prison, En bref. un arsenal déontologique et juridique qui ne demande qu'à être appliqué
Vous avez dit: quand je parle. je déclare mes liens Ah bon ! C'est nouveau? Oui, tout nouveau; depuis la loi « droits des malades» de mars 2002, les professionnels de santé ayant des liens avec des entreprises et des établissements produisant ou diffusant des produits de santé, ou avec des organismes de conseil intervenant sur ces produits, sont dans l'obligation, avant de s'exprimer oralement ou par écrit dans le public, de nous faire connaître ces liens, Voilà une bonne nouvelle .. , qui risque de mettre un peu d'ordre dans la communication «scientifico-nutritionnalo-médicale », Ce sont les ordres professionnels qui sont chargés, moyennant sanctions disciplinaires, de contrôler cette nouvelle régie, Compte tenu de l'inégalité qui régne entre médecins hospitaliers - nombreux à servir d'experts à l'État français - et médecins libéraux, espérons que cette mesure sera suivie d'effets,
Les déclarations d'intérêts: une nécessité vitale Curieusement, au fur et à mesure que la France s'organise pour lutter contre la corruption, cette dernière semble prendre des proportions de plus en plus organisées, C'est en 1993, lors de la création de l'Agence du médicament, que 53
San t é . me n so n ges et p r opaga nd e
Didier Tabuteau, nommé directeur général de cette institution, décide de rendre obligatoires les déclarations d'intérêts pour tous les experts siégeant à l'Agence. Ces déclarations consistent. pour l'expert. à déclarer ses liens économiques ou autres, directs et indirects, avec les industriels et divers groupements. Cet exemple - car la loi à l'époque n'avait rien prévu - a été pérennisé et inscrit dans la loi en 1998. Et il a déjà fait des petits, ce système, puisqu'il a été étendu en mars 2002 à l'ensemble des personnes siégeant dans les conseils et les commissions auprés des ministres de la Santé et de la Sécurité sociale. À partir de là, si des liens existent, les personnes concernées ne pourront plus prendre part aux délibérations ou aux votes des conseils ou des commissions en question, sous peine de sanctions pénales. Il faudra aller encore plus loin. Comment peut-on accepter que les responsables d'une agence de sécurité alimentaire ou d'un programme national de santé publique puissent avoir des liens économiques quels qu'ils soient avec les industriels phanmaceutiques ou du secteur agroalimentaire? Quel crédit faut-il dès lors accorder à leurs avis et à leurs recommandations? Nous vous invitons à cette revue de détail dans les pages qui suivent ...
Aliments et santé: ce qu'on vous fait avaler
Laitages et os : une hystérie collective
le problème des rapports entre activités scientifique et m édiatique a pris une dimension inédit e avec la création de
services de communication attachés à des instituts ou laboratoires de recherche. [ .. . ] Dans la m esure où ils recourent
à des techniques de commu nication inspirées par le souci d'une promotion efficace. le risque existe que "information
se trouve biaisée dans ses choix ou sa présentation. Ce problème relève non plus seulement de comportements indivi-
duels , mais de politiques instituti onnelles. Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie de la santé, 1995 1
Avec des apports conseillés en calcium sans cesse revus à la hausse, les laitages sont devenus incontournables: trois par jour au minimum, préviennent les nutritionnistes, sinon c'est l'ostéoporose. Hélas, ce n'est pas tout à fait ce que disent les études scientifiques. Histoire d'une hystérie collective sur fond d'intéréts économiques ...
La Marie Pitchoune l ongtemps, l'ostéoporose, «maladie de vieilles », n'a intéressé personne. À Alet-l es-Bains, le petit village de l'Aude où il a grandi, Thierry Souccar a vu la voisine du bout de la rue, qu'on appelait en raison de sa petite taille la Marie Pitchoune, se voûter dans l'indifférence générale jusqu'à offrir, des lombaires aux 57
Santé, mensonges et propagande
cervicales, un profil à angle droit. Aujourd'hui, il serait impossible à la Marie Pitchoune d'échapper non pas à l'ostéoporose mais à l'avalanche de conseils, de campagnes, de tests, d'aliments et de médicaments qui ont fait de l'os vieillissant l'un des business les plus lucratifs de la santé. L'ostéoporose, nous dit-on, se prévient dès le plus jeune âge, et la première mesure pour se « constituer un capital osseux» n'est-elle pas de manger des laitages, la meilleure source de calcium alimentaire?
« Nos amis pour la vie» Le calcium est un minéral essentiel. Nous en avons besoin pour que notre sang coagule, que nos cellules nerveuses transmettent leurs messages, que notre coeur batte. Nos os et nos dents en réclament pour leur structure: 99 % du calcium y est stocké. De là à croire que pour avoir des os solides il suffit de se gaver d'aliments riches en calcium comme les laitages, il y a un pas que la plupart des experts français franchissent allègrement. « Les laitages sont nos amis pour la vie », résumait ainsi récemment une nutritionniste dans un grand hebdomadaire. Et de poursuivre : « Ils sont notre principale source de calcium. Notre corps a besoin de 1gramme (g) de calcium par jour; 1 litre de lait en contient 1,2. Trois portons de laitages par jour - lait, yaourt ou fromage blanc - et un morceau de fromage, et vos besoins en calcium seront comblés.» Le PNNS (programme national Nutrition-Santé) du ministère de la Santé ne recommande-t-il pas aux Françaises et aux Français de consommer un laitage à chaque repas?
Hors des laitages. point de salut? Les laitages ne font pas que contribuer à la couverture de nos besoins en calcium. L'idée est largement répandue chez les médecins, et donc dans le public, que sans eux il est impossible de se procurer suffisamment de calcium. Dans son miniguide Le Bon Mangeur. la Fédération française de cardiologie affirme allègrement qu'il faut « consommer à chaque repas un produit laitier [ ... ] ; 58
La itages et os : une hystérie collective
c'est la seule façon de couvrir le besoin en calcium, du plus jeune au plus âgé}), Même discours au CNA (Conseil national de l'alimentation), un organisme gouvememental qui dépend des ministères de l'Agriculture, de la Santé et de l'Économie et qui est censé informer les consommateurs sur les produits alimentaires, Le CNA propose un dépliant intitulé 7 Conseils pour la pleine forme, On y apprend que seuls « le lait. les yaourts, les fromages ou desserts lactés» sont des sources de calcium, Et si l'on y regardait de plus près?
Il n'y a pas que les laitages En moyenne, l'homme absorbe 30 % des sels de calcium contenus dans les aliments et les suppléments, Le calcium des laitages est absorbé à 32 %, une valeur intéressante, mais supplantée par celle des légumes crucifères (brocoli, chou de Bruxelles, chou frisé, chou chinois, etc.), dont le coefficient d'absorption peut aller jusqu'à 6 1%, Ainsi, 100 g de chou chinois apportent à l'organisme plus de calcium qu'un verre de lait Certaines eaux minérales renferment de grandes quantités de calcium, mais il se trouve toujours quelque grand nutritionniste 2 pour affirmer que ce calcium-là n'est pas aussi intéressant que celui du lait, En réalité, le calcium des eaux est mieux absorbé que celui des laitages '! Autre exemple? Lorsque vous avalez des petits poissons avec leurs arêtes, comme les anchois ou les sardines, vous retenez plus de calcium que lorsque vous buvez du lait': par exemple, 100 g de sardines entières apportent 330 mg de calcium hautement disponible, alors qu'un verre de lait en fournit 285 mg, Contrairement à ce que prétend le CNA, il existe donc dans l'alimentation, à côté des laitages, de multiples occasions de se procurer du calcium,
Une orgie de laitages Repris à l'unisson, ce discours a porté ses fruits: les Français n'ont jamais autant avalé de laitages, Il suffrt, pour s'en persuader, de pister l'évolution des 59
Santé. mensonges et pr o p aga nd e
linéaires consacrés aux produits laitiers dans un supermarché. La consommation de fromage a été mu~ipliée par plus de trois depuis la fin des années 1950, et celle de yaourts a plus que doublé en vingt ans. Les enfants, cibles de choix de l'industrie agroalimentaire, consommeraient en moyenne bien plus de calcium que nécessaire. Une étude a montré qu'entre deux et huit ans les petits Parisiens avalent plus de 1 g de calcium par jour, alors que les nouveaux chiffres pour les apports conseillés (année 2000), déjà copieux, ne pnévoient« que» 500 mg de calcium jusqu'à 3 ans, 700 mg entre 4 et 6 ans, et 900 mg jusqu'à 9 ans. La quantité de calcium qu'il faut consommer chaque jour pour conserver des os en bonne santé est l'objet de débats passionnés. Une chose est certaine: elle n'a cessé, depuis quinze ans, d'être revue à la hausse. En 1992, le Comité scientifique pour l'alimentation de l'Union européenne conseillait aux adu~es de la Communauté européenne de se procurer 700 mg de calcium par jour, une valeur qui reste en vigueur en Grande-Bretagne. La même année, la France retenait pour ses apports conseillés le chiffre de 800 mg. Huit ans plus tard, elle les augmentait de 100 mg. Allemagne, Autriche et Suisse faisaient mieux: + 200 mg. «C'est ahurissant d'avoir fixé les besoins en calcium à un niveau si élevé», commente le docteur Marion Nestle, qui siège à la Food and Drug Administration des États-Unis. Et de rappeler que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un minimum de 500 mg de calcium par jour aux adultes vivant dans les pays où l'incidence des fractures d'ostéoporose est élevée. Mais justement. quels sont ces pays?
Les os des Suédoises Aux yeux de la plupart des nutritionnistes français, Suède, N orvège, ÉtatsUnis, Allemagne, Irlande et Finlande ont en commun une enviable caractéristique: on y consomme plus de laitages que partout ailleurs. Les laitages étant «nos amis pour la vie », on aurait tendance à croire que l'ostéoporose est inexist ante dans ces pays. Bizarrement, la Suède, la Norvège, les États-Unis, l'Allemagne, l'Irlande et la Finlande figurent parmi les pays les plus affectés par l'ostéoporoses. La Suède détient même un t riste record du monde: une femme sur deux y a des os anormalement fragiles" 60
Laitages et os : une hystérie co ll ective
En Gambie, à l'inverse, les laitages sont absents de l'alimentation t raditionnelle, et on se contente d'à peine 360 mg de calcium par jour. soit près de trois fois moins qu'en Suède. Si laitages et calcium préviennent l'ostéoporose, les os des Gambiens devraient littéralement s'effriter. En réalité, l'ostéoporose est pratiquement inconnue dans ce pays 7. Et les Chinois? Ils ne boivent pas de lait. reçoivent deux fois moins de calcium que les Américains, et pourtant les fractures d'ostéoporose sont cinq fois moins fréquentes après 50 ans en Chine qu'aux États-Unis. Dans la plupart des pays en voie de développement ainsi qu'au Japon, où l'on consomme peu ou pas de laitages, et en tout cas pas plus de 300 mg de calcium par jour. l'ostéoporose est très rares' L'OMS a clairement ident ifié ce paradoxe lors d'une conférence sur les besoins en vitamines et en minéraux qui s'est tenue en 2002 9 ... sans pouvoir y apporter de réponse franche.
Une histoire de fuite L'os est un tissu vivant. en perpétuel renouvellement, qui gagne et perd du calcium. On peut bien sOr voir dans l'ostéoporose une maladie que l'on préviendrait en mangeant toujours plus de calcium (c'est le point de vue de nos nutritionnistes), mais il serait scientifiquement plus juste de voir en elle une maladie que l'on peut prévenir en empêchant les fuites de calcium osseux d'être supérieures aux apports de calcium alimentaire. En 1968, Aaron Wachman et Daniel Bemstein ont émis l'hypothèse que le calcium osseux était utilisé par l'organisme pour neutraliser l'excès de charge acide apporté par l'alimentation. Ils écrivaient de manière prémonitoire: « Il peut être intéressant de diminuer la perte osseuse par une alimentation qui favorise les "cendres alcalines". Un régime de ce type mettrait l'accent sur l'ingestion de fruits, d~ légumes, de protéines végétales et d'une quantité modérée de lait 10. » Mais qu'est-ce que la charge acide? L'alimentation fournit des ions hydrogène, ammonium et sulfates (acides) ou bicarbonates (basiques). Toute la vie, le corps s'efforce de n'être ni t rop acide ni trop alcalin; il tente de se maintenir dans ce qu'on appelle l'équilibre acide-base. Lorsqu'il y a trop d'acide, l'organisme puise dans le minéral osseux - citrate et carbonate de calcium, notamment - pour rétablir l'équilibre Il. Les os se fragilisent 12. 61
Santé. mensonges et propagande
De piètres plombiers Le régime alimentaire moderne, riche en céréales, en laitages, en sel et en sucre, est fortement acidifiant Les céréales à elles seules entrent pour prés de 40 % dans la charge acide libérée par notre alimentation, Les protéines animales apportées par les laitages et la viande, riches en soufre, génèrent de l'acide sulfurique, Le sel fait fuir le calcium osseux, Une étude récente a montré que les femmes ménopausées dont le régime alimentaire apportait trop de protéines animales et trop peu de protéines végétales présentaient un risque de fracture de la hanche quatre fois plus élevé que celles dont l'alimentation était équilibrée 1'. À l'inverse, les fruits et les légumes sont riches en citrate et en bicanbonate de potassium basiques, Les personnes qui consomment suffisamment de fruits et de légumes ont des urines alcalines, et une meilleure densité osseuse que celles qui en mangent peu 14, Nos ancêtres du paléolithique avaient des os en parfaite santé sans consommer le moindre laitage, Ils mangeaient certes de grandes quantités de viande, mais ni sel ni sucre; surtout, ils recevaient près de trois fois plus de potassium que nous, bien assez pour compenser l'acidité des viandes et se mettre à l'abri d'une fuite de calcium osseux IS, Selon une étude récente portant sur cent cinquante-neuf aliments consommés à l'ère pré-agricole, 87 % d'entre eux apportaient une charge nette basique à l'organisme par leurs ions bicanbonates, En passant, il y a dix mille ans, d'un régime de chasseur-cueilleur à une alimentation agricole, l'homme a vu la production acide nette de l'alimentation prendre le dessus sur la production basique, Cela s'explique essentiellement par le fait que les aliments alcalins (racines, tubercules, légumes à feuilles, fruits, etc.) ont été supplantés par les céréales et les sucres qui, n'étant pas alcalins, n'ont pu contrebalancer les acides produits par les fromages, le lait, les yaourts et les viandes 16, L'ostéoporose, dans les pays les plus touchés par cette maladie, est vraisemblablement liée à un environnement discrètement acide, qui s'accentue la vie durant sous l'influence d'une alimentation trop riche en laitages, en céréales, en sel et en sucre, et trop pauvre en fruits et en légumes, Les protéines du lait entraînent d'ailleurs une fuite de calcium osseux 17, plus ou moins compensée par 62
Laitages et os : une h ystérie co ll ecti .... e
le calcium attaché au lait En dépit de cela, les autorités sanitaires recommandent toujours plus de laitages pour prévenir l'ostéoporose, sans comprendre ou vouloir comprendre que les fuites mériteraient d'abord d'être colmatées. Nos nutrit ionnistes feraient de piètres plombiers! Finalement c'est le cercle vicieux parfait. Le niveau du calcium à avaler devient si élevé qu'on entend par exemple les responsables du PNNS affirmer qu'« il est très difficile de couvrir ses besoins en calcium en supprimant les prcduits laitiers 18». Il serait plus intéressant de savoir si on rend réellement les os plus solides en surconsommant des laitages ...
Les laitages, de drôles d'amis pour la vie Au début des années 1990, afin de mieux cemer les facteurs qui conduisent à une fracture d'ostéoporose, des chercheurs australiens ont interrogé 209 victimes d'une fracture de la hanche et 2 16 personnes en bonne santé sur leur mode de vie passé (toutes avaient plus de 65 ans). Les résultats furent sans surprise pour la plupart de ces personnes; les victimes d'une fracture étaient plus nombreuses à avoir fumé, souffert de surpoids à 20 ans ou de maigreur à un âge avancé. La surprise est venue de l'association avec les laitages. Les victimes de fractures étaient aussi celles qui avaient consommé le plus de laitages, en particulier à 20 ans. En fait les plus grcsses consommatrices de produits laitiers présentaient un risque de fracture trois fo is plus important que les autres. Ce résultat parut si stupéfiant aux chercheurs qu'ils se demandèrent s'ils n'avaient pas fait une erreur quelque part. Dans leur conclusion, ils indiquaient que si une telle découverte était confirmée par d'autres études « cela serait de nature à remettre en cause les recommandations actuelles pour prévenir les fractures de la hanche 19». Des chercheurs de l'université de l'Arkansas (Fayetteville) avaient eux aussi émis l'hypothèse qu'une consommation élevée de laitages protégeait des fractures de la hanche. Pour étayer leur démonstration, ils analysèrent les données d'une grande étude américaine sur la santé de la population (NHANES III) en se basant sur un échantillon de 2 336 femmes âgées de plus de 50 ans. Là encore, surprise totale des chercheurs; les femmes ayant subi des fractures étaient celles qui avaient consommé le plus de laitages 20. Un résultat « si dramatiquement 63
Santé. mensonges et propagande
contraire» aux données alors en vigueur qu'il poussa les auteurs de l'étude à s'interroger sur la validité de leur travail.
Du lait. mais pas moins de fractures Les deux études citées plus haut présentent un handicap: elles font appel aux souvenirs, avec les aléas qui sont attachés à ces derniers. Elles n'ont pas la force des études prospectives au cours desquelles un groupe de personnes en bonne santé est suivi pendant plusieurs années. L'une des plus importantes études prospectives au monde se déroule en ce moment aux États-Unis. Elle suit depuis plus de quatorze ans l'état de santé et le mode de vie de près de 80000 infirmières. Les résultats issus de cette étude sont toujours accueillis avec intérêt par l'ensemble de la communauté médicale en raison du sérieux et de la rigueur avec lesquels est conduite l'étude. En 1997, Diane Feskanich et les chercheurs de Harvard qui dirigent cette monumentale étude ont rapporté que les femmes qui consommaient le plus de laitages n'étaient pas mieux protégées du risque de fracture de la hanche ou de l'avant-bras. En réalité, plus elles consommaient de calcium laitier. plus le risque de fracture était élevé: les plus grosses consommatrices de laitages présentaient ainsi deux fois plus de risques de fractures que les femmes qui en consommaient peu 21 (il est à noter que Diane Feskanich n'a pas observé de risque plus élevé de fracture pour le calcium non laitier). La même équipe de Harvard n'a pas non plus trouvé que le lait protégeait des fractures les 43 063 hommes âgés de 40 à 75 ans dont elle suit aussi la santé 22. Une autre étude prospective s'est intéressée au risque de fracture vertébrale. Publiée en janvier 2003, l'étude européenne EPOS (European Prospective Osteoporosis Study) a suivi pendant quatre ans 3 402 femmes et 3 173 hommes âgés de 50 à 79 ans dans le but d'identifier les facteurs qui influencent le risque de ce type de fracture. La consommation de lait n'y joue aucun râlen.
64
Laitages et os
une hystéri e co ll ect iv e
Un intérêt extrêmement fa ible Quand on considère l'ensemble des études - cinquante-sept au tournant de l'an 2000- menées pour savoir si l'on a des os plus solides lorsqu'on consomme des laitages, on n'est pas au bout de ses surprises. Le docteur Roland Weinsier. qui dirige le département Sciences de la nutrition à l'université de l'Alabama (Birmingham), a voulu savoir si, prises dans leur ensemble, ces cinquante-sept études démontraient bien l'intérêt des laitages. Il a publié ses conclusions en septembre 2000 dans le plus prestigieux des journaux scientifiques de nutrition, l'American Journal o( C/inical Nutrition 24. Les voici: « Même en ne retenant que les études qui trouvent que les laitages améliorent la santé de l'os, dit le chercheur. on a du mal à voir l'intérêt pour la population parce que le bénéfice sur la densité osseuse y est extrêmement faible. » Selon Roland Weinsier. seules les femmes de moins de trente ans pourraient éventuellement avoir intérêt à consommer des laitages. Pour les autres, et notamment celles qui approchent de la ménopause ou ont atteint cette dernière, il n'existe aucune preuve que les laitages soient bénéfiques. En résumé, conclut-il, les éléments scientifiques dont on dispose « ne permettent pas de soutenir la recommandation qui vise à encourager la consommation quotidienne de laitages pour favoriser la santé des os ». Voilà qui a le mérite d'être três cl air
Les enfants ciblés L'industrie ne ménage pourtant ni ses dollars ni ses euros pour montrer que les jeunes enfants qui consomment du lait ont une densité osseuse plus élevée que ceux qui n'en consomment pas 2S Cette augmentat ion de la densité osseuse est réelle, mais elle est minime et le plus souvent transitoire. L'intérêt de la densité osseuse comme marqueur du risque d'ostéoporose est d'ailleurs controversé 26. Chez l'adulte, selon un rapport récent du ministère de la Santé canadien, « les données de la recherche ne permettent pas de soutenir l'hypothèse qu'en analysant la densité minérale osseuse on peut prédire les 65
Santé. mensonges et propagan d e
fractures futures des femmes en bonne santé préménopausées ou ménopausées ». Si la densité osseuse d'un adulte en bonne santé ne donne pas d'indications fiables sur son ri sque d'ostéoporose, on peut nourrir des doutes sérieux sur son caractère prédictif chez l'enfant Les enfants nourris au lait, nous disent encore les producteurs de lait, grandiraient aussi un peu plus tôt que les autres 27. Le gain précoce de taille n'est cependant pas un gage de bonne santé osseuse, pas plus qu'il ne garantit une meilleure santé: les enfants qui grandissent précocement. par exemple, ont souvent un risque plus élevé que les autres d'être obèses 28 et diabétiques 29. En fait, la seule bonne question est de savoir si en consommant une grande quantité de laitages dans l'enfance et l'adolescence on est protégé plus tard du risque d'ostéoporose. Les études étant contradictoires, il est impossible de conclure. À partir des données issues du suivi des 80000 infinmières, les chercheurs de Harvard n'ont de leur côté pas trouvé« d'association significative entre la consommation de lait à l'adolescence et le risque de fracture à l'âge adultelO ». Pour l'un des auteurs de l'étude, le professeur Walter Willett, « le battage autour du lait et des laitages est le fruit des campagnes marketing très efficaces de l'industrie laitière. En réalité, nous n'avons absolument pas besoin de lait.»
Pas de preuves scientifiques. les scientifiques eux-mêmes Si elle dispose de peu de preuves concernant l'intérêt des laitages, l'industrie lait ière peut compter. pour promouvoir ses messages, sur le soutien sans faille des grands noms de la nutrit ion française ... à commencer par l'incontournable docteur Serge Hercberg. Ce médecin est membre du comité scient ifique de 1'« institut» du lait ier Candia, qui par ailleurs finançait l'étude SU.vI.MAX du docteur Hercberg et a remis ça pour sa nouvelle ét ude, SU.FOLOM3. La fréquentation assidue de Candia n'a en rien empêché Serge Hercberg d'être propulsé à la tête du PNNS, à la fin de l'année 1999, par les ministères de la Santé, de l'Éducation nationale et de l'Agriculture. Dès l'année suivante, le PNNS se fixait l'objectif prioritaire « d'augmenter [chez tous les Français1 la consommation de calcium ». Comment? En consommant notamment «trois produits laitiers par jour», comme le recommande depuis l'automne 2002 son 66
Laitages et os : une hystérie collective
guide, La santé vient en mangeant édité par le ministère de la Santé. Ces recommandations ont été d'autant plus facilement entérinées par le PNNS qu'y partcipaient deux cadres de Candia. Les recommandations du PNNS ont valu au docteur Hercberg la reconnaissance de toute une profession. À l'occasion du salon Diétécom 2002, une manifestation destinée aux médecins, le laitier Lactel a ainsi «demandé au professeur Serge Hercberg de venir parler des enjeux du PNNS en général et pour les produits laitiers en particulier». Mission accomplie. Quant au fait qu'un expert de l'industrie laitière soit également haut responsable de la santé publique, il ne semble troubler personne, surtout pas au ministère de la Santé.
Experts ès fromages Le guide ministériel La santé vient en mangeant coordonné par le docteur Hercberg, est soutenu par l'AFssA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), qui a apposé son logo en couverture. On aurait pu redouter que les relations du docteur Hercberg avec Candia fassent grincer des dents à l'AFSSA. Non par crainte d'un conflit d'intérêts, mais parce qu'au plus haut niveau de l'AFSSA on «est» plutôt Danone : Gérard Pascal, directeur scientifique de cette prestigieuse agence jusqu'en novembre 2002 et membre de son conseil d'administration depuis juillet 2002, est en effet membre du «conseil scientifique de l'Institut Danone ». Mais, à l'AFSSA, on a visiblement l'esprit large. Pour preuve, l'AFSSA a publié, au début de l'année 200 l, un guide de recommandations alimentaires sous le titre Apports nutritionnels conseillés pour la population (i"ançaise. La rédacton du chapitre consacré au calcium a été confié par l'AFSSA à Léon Guéguen, un ex-chercheur de l'INRA (Institut national de la recherche agronomique), spécialiste des minéraux et comme Serge Hercberg et Gérard Pascal, «expert ès fromages ». Il siège en effet au sein du comité scientifique de 1'« institut» du laitier Candia, un endroit visiblement chaud et accueillant Les apports en calcium conseillés par Léon Guéguen et les experts de l'AFSSA ont été revus à la hausse pour les enfants de 7 à 9 ans, qui ont dorénavant 67
Santé. mensonges et p r opagande
besoin de 900 mg de calcium par jour (+ 30 %) ; les enfants de 10 à 12 ans, les femmes de plus de 55 ans et les hommes de plus de 65 ans ont quant à eux besoin désormais de 1,2 g de calcium par jour (soit + 20% pour les enfants et + 33 % pour les adultes concemés), Pour monsieur Guéguen, il existe un moyen simple d'identifier les Français qui risquent de manquer de calcium: « Il s'agit de tous les individus dont la consommation journalière est inférieure à un quart de litre de lait ou à son équivalent [Iaitier) l',» Car (et la phrase est mise en exergue)« un régime sans produits laitiers ne fournit pas plus de 400-500 mg par joun), Et notre expert de poursuivre pour ceux qui n'auraient pas compris : <
Tous aux abris Le 11 juin 200 l , Sciences et Avenir a demandé aux trois ministres concernés par la gestion de l'AFSSA s'ils trouvaient normal que la rédaction de recommandations nutritionnelles officielles soit confiée à des chercheurs proches de l'industrie, et ce sans que le public soit informé de ces liens, Un courrier a été adressé à messieurs Glavany. ministre de l'Agriculture, Patriat, secrétaire d'État chargé des PME, de l'Artisanat, du Commerce et de la 68
L aitages et os : un e h ysté r ie co ll ec ti ve
Consommation, et Kouchner. ministre délégué à la Santé. « Les lecteurs de
Sciences et Avenir. disait cette lettre, souhaitent connaître les raisons qui ont conduit à cette situation, et savoir si vous l'entérinez.» À Bernard Kouchner. il était également demandé d'expliquer pourquoi il avait nommé un conseiller de Candia, d'Évian et des meuniers français à la tête du programme national Nutrition-Santé. Les lecteurs de Sciences et Avenir attendent toujours une réponse. Un courrier avait été parallèlement adressé aux présidents des groupes de l'Assemblée nationale. Les parlementaires français ont fait preuve du même grand enthousiasme que les ministres pour débattre de ces questions. Aucun n'a réagi. Bien sOr. nous ne sommes pas aux États-Unis. Dans ce pays, rappelons-le, les parlementaires ont mis en place une commission d'enquête sur les recommandations nutritionnelles et les liens unissant responsables de ces recommandations et industriels.
Sucre et café au lait C'est au titre d'expert en laitages que Léon Guéguen a participé à la rédaction d'un volumineux ouvrage intitulé Lait, nutrition et santé dans lequel il renouvelle son enthousiasme pour le lait 33. Un enthousiasme communicatif et qui fait plaisir à voir. puisque le livre, coordonné par le professeur Gérard Debry (Centre de nutrition humaine, Nancy), a reçu en 200 1 le prix Candia, décerné par le fameux comité scient ifique de 1'« Institut» du même nom. Le professeur Debry, un chercheur réputé et compétent. s'est fait une spécialité de l'écriture de livres utilisés par les industriels comme support scientifique de leurs messages promotionnels. Il a ainsi consacré un gros ouvrage de huit cent cinquante pages aux relations rassurantes que le sucre entretient avec la santé, livre financé par la chambre syndicale nationale de la Confiserie et par la chambre syndicale nationale de la Chocolaterie, et généreusement distribué à qui en fait la demande par le CEDUS (Centre d'études et de documentation du sucre), l'organisme de promotion de la filière sucre. Bizarrement, ce livre est cité comme référence scient ifique par les experts de l'AFSSA qui ont rédigé les recommandations sur les sucres dans la demière édition des Apports nutritionnels conseillés pour la population française (voir p. 120). 69
Santé. m enso nges et propagande
Auparavant le professeur Debry avait rédigé, avec « l'aide du Syndicat national de l'industrie et du commerce du café et l'institute for Scientific Information on Coffee» un livre de six cents pages sur les bienfaits du café. Sucre, café, lait ... à quand un livre sur les tartines? L'ouvrage sur le lait que le professeur Debry a dirigé n'est pas vraiment de nature à distiller le doute scientifique dans la profession. On y lit en guise de conclusion que, « du fait de leurs qualités nutritionnelles spécifiques, le lait et les produits lait iers sont recommandés à tous les âges de la vie ». Le professeur Debry en est apparemment persuadé, puisqu'il a légué son fonds documentaire au CERJN (Centre de recherche et d'information nutritionnelles), un organisme dont il faut dire quelques mots.
Vitrine scientifique Le CERIN est l'un des acteurs majeurs de l'information sur la nutrition que reçoit le public, les médias et le corps médical. Grâce à son nom rassurant. il passe aux yeux des journalistes et du grand public pour un organisme indépendant voire officiel. Il est constitué en association loi 190 l , se présente comme « un organisme scientifique dont la mission est de favoriser le développement et la diffusion des connaissances sur les relations entre alimentation et santé », et se fixe officiellement comme objectif de « valoriser les bénéfices des comportements alimentaires équilibrés dans une perspective de prévention nutritionnelle adaptée aux différents groupes de population ». En réalité, le CERJN est une émanation directe du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL) créée afin d'assurer « la promotion collective à la hauteur des enjeux liés à la réussite de la fi lière laitière française », et le CNIEL lui-même est une créat ion de la Fédération nationale des producteurs de lait de la Fédération nationale des coopératives laitières et de la Fédération nationale des industries laitières. Le CERJN est donc une très efficace et t rès habile machine de propagande au service de la profession laitière. Sa mission est de multiplier les messages pour renforcer l'idée que les laitages sont non seulement bons, mais indispensables à la santé. Pour cela, tous les moyens sont employés. Le CERIN 70
laitages et os : une hystérie collective
adresse tous les mois aux journalistes une revue d'actualité scientifique du nom de Nutrinews qui ne manque pas une occasion de marteler l'intérêt que présentent les laitages,
Salles d'attente Le CERIN édite aussi des petits fascicules qui sont diffusés dans les salles d'attente des médecins (voir p, 45), comme Du calcium pour la vie. En fait de calcium, ce fascicule ne s'intéresse bien sû~ dès la première page tournée, qu'aux laitages. On y apprend - ce qui est faux - que « le calcium du lait serait mieux utilisé [que celui des végétaux]», et que ce document «a été conçu pour [ ... ] vous aider à mieux comprendre combien le lait et les produits laitiers sont des aliments indispensables tout au long de la vie » (cet objectif ne pourra manquer d'être atteint. puisque lait et laitages sont mentionnés soixante-deux fois en douze pages). Le plus étonnant est que ledit document a été financé par la Communauté européenne! Le CERIN peut aussi compter sur les fidèles porte-parole que sont le ministère de la Santé, le Comité français d'éducation pour la santé et la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Ces trois organismes publics ont publié à l'intention des retraités un fascicule sur 1'« équilibre alimentaire» fortement inspiré par la prose du CERlN, dont le logo figure d'ailleurs sur la couverture. On y lit « qu'il est souhaitable d'inscrire un produit laitier au menu de chaque repas et de penser à en inclure le plus souvent possible dans les préparations ». Apparemment. les experts du ministère de la Santé qui cautionnent ce discours ignorent qu'il n'y a pas de lien entre la consommation de calcium et la rapidité avec laquelle on perd du t issu osseux". Pas moins de cinq pages de ce document. qui en compte seize, sont consacrées à des idées de recettes présentées comme «une façon agréable d'augmenter vos apports en calcium» (et accessoirement le chiffre d'affaires des producteurs de lait). De l'équilibre alimentaire promis par nos dirigeants, les retraités retiendront donc la« soupe de lait à la citrouille », le « lait chaud au miel
à la fleur d'orangen>, les «fromages accompagnés» ou encore la «tarte au fromage blanc de chèvre ». La créativité du CERIN mérite d'être saluée. 11
Santé. mensonges et p r opagande
Du 16 octobre au 18 novembre 200 l, la Cité des sciences et de l'industrie, à Paris, a présenté une ambitieuse exposition intitulée Voyage au centre de /'05. Une fois les incontournables considérations physiologiques évacuées, le message résiduel portait encore une fois sur la nécessité de consommer des laitages. Du 9 septembre au 12 octobre 2003, c'est le palais de la Découverte qui a pris le relais pour présenter cette exposition, laquelle a aussi été montrée dans quelques villes de province, comme Villeneuve-d'Ascq et Bourg-en-Bresse. À Arras, où elle a été proposée du 23 janvier au 29 février 2004, l'achat d'une entrée donnait également accès à l'exposition Sucrez-Vous (un vrai bonheur n'arrive jamais seul). Voyage au centre de /'05 a reçu le financement de l'industrie laitière via sa vitrine scientifique, le CERJN .. .
Le CNRS à l'ouvrage Honmis le CERJN, le CNIEL est à l'origine d'une autre structure de propagande, le ClDll (Centre interprofessionnel de documentation et d'infonmation laitières), créé en 1981. Le ClDll contribue selon sa propre profession de foi « au développement de la consommation du lait et des produits laitiers, par des programmes de promotion collective ». Le département Information du CIDll a fort judicieusement constitué un « observatoire de l'harmonie alimentaire» (OCHA), qui s'est bien évidemment doté d'un « comité scientifique ». Celui-ci compte plusieurs experts, le plus actif étant un chercheur du Centre national de recherche scientifique (CNRS), Claude Fischler Comme il se doit. ce dernier était par ailleurs membre du conseil scientifique de l'AFsSA jusqu'en novembre 2002; il est membre du comité d'experts spécialisé « nutrition humaine » de la même agence, membre de son conseil d'administration depuis juillet 2002 et membre du comité stratégique de suivi du PNNS du ministère de la Santé.
72
L aitages et os
une hystérie collective
Les enfants font baisser les surplus laitiers Impossible de douter encore de la toute-puissance de la filière laitière si l'on avait assisté, du 24 au 27 septembre 2002 à Paris, à la grand-messe de l'industrie laitière. Baptisée Congrilait, cette manifestation réunissait deux mille participants de quatre-vingts pays venus célébrer la réussite de toute une profession. Congrilait a bien sûr une histoire. Le père de l'un de nos ministres dirigeait une des plus importantes unités de production laitière du Poitou ; il présidait le Congrilait de 1978. Auparavant, il avait été député et secrétaire d'État à l'Agriculture sous le gouvernement de Pierre Mendès-France (1954-1955). C'est cet homme, tout à la fois lié à la production laitière et homme politique, qui suggéra - probablement en toute bonne foi - à Mendès-France d'instaurer le célèbre « lait à l'école».
À partir de 1954, t ous les écoliers de France se virent ainsi servir tous les jours un grand verre de lait. Pour quelle raison? L'initiative est présentée dans les livres d'école comme une mesure sanitaire. Pourtant, dans l'esprit des artisans de cette idée, «il s'agissait de stimuler la consommation de lait et de certains produits laitiers par les enfants en créant une habitude alimentaire de consommation», ainsi que l'a reconnu, le 4 novembre 1997, le ministre de l'Agriculture Loui s Le Pensee 3S. Objectif accompli: les rayonnages des produits frais ont explosé dans les supermarchés, et la consommation de laitages a augment é de 220% depuis les années 1960 selon un rapport récent de l'INSEE 36
Toujours plus Le bulletin officiel du ministère de l'Éducation nationale daté du 28 juin 200 1 fixe la composition des repas servis en restauration scolaire. Il recommande l'augmentation des apports en calcium. Grâce aux eaux minérales? Aux légumes? A ux amandes? Pas du tout: en faisant consommer aux enfants plus de «fromages ou autres produits laitiers contenant au moins 150 mg de calcium ». Et ce n'est pas tout puisque « la distribution de lait à l'arrivée en classe le matin est à encourager». 13
Santé. mensonges et propagand e
Qui est à l'origine de ces recommandations? Le bulletin du ministère de l'Éducation nationale fait référence à un obscur Groupe permanent d'étude des marchés de denrées alimentaires (GPEM/DA). Selon ce dernier. un petit déjeuner équilibré doit comprendre « un fromage ou autre produit laitier et une boisson ou un jus de fruit ». Le lait étant à considérer à la fois «comme une boisson et un produit laitier», cela peut fai re deux laitages dès le matin. Le repas principal doit comporter « fromage ou yaourt ou lait fermenté », sachant que « la distribution de lait au cours des repas dans les établissements scolaires type collège ou lycée peut être recommandée ». Ce qui nous fait potentiellement deux laitages de plus, soit quatre laitages par jour pouvant être servis avec la bénédiction du GPEM/DA, et ce avant l'indispensable goûter. À ce rythme-là. les surplus laitiers n'ont qu'à bien se tenir. Le GPEM/DA est présidé par un haut fonctionnaire du ministère de l'Agriculture, ce qui nous renvoie à la fameuse métaphore du renard et du poulailler (voir p. 14). Y figurent aussi, entre autres, des représentants du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, et deux représentants de l'Association nationale des industries agroalimentaires ainsi que quelques nutritionnistes. Parmi eux, Geneviève Potier de Courcy, qui travaille au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers, Paris) et qui, après avoir avalisé en 200 1 les recommandations pro-laitages du GPEM/DA, se laissait aller en 2003 à des états d'âme dans le mensuel Que Choisir. À la question de savoir si les bienfaits du lait et des laitages ne seraient pas« légèrement» surévalués, elle répondait ceci : « La question mérite d'être posée. Mais les Français, y compris les scientifiques, ont beaucoup de mal à être objectifs sur cette question, à cause de l'arrière-plan à la fois culturel et économique 37.»
Les politiques se mobilisent La distribution de lait à l'école se poursuit grâce à des subventions européennes et nationales. En 1999, l'Europe a cependant fait savoir qu'elle envisageait la suppression pure et simple de son aide, avant de trouver. sous la pression de quelques lobbyistes, un compromis se traduisant par une baisse de 20 % de cette aide. En décembre 200 l, le ministre de l'Agriculture Jean Glavany a 74
laitages et os : une hystérie co l lect iv e
consenti à augmenter les subvent ions françaises afin de compenser la baisse de l'aide communautaire. L'un des groupes de pression qui militent pour le maintien et le développement de la distribution de lait à l'école est une association française baptisée Amalthée et disposant de nombreux relais au sein de l'industre et des mondes politique, enseignant et médical. Amalthée se présente comme une association de bénévoles disposant de moyens limités, mais elle est particulièrement efficace pour asseoir l'idée que le lait est un «aliment complet» et que la distributon de lait à l'école pemret 1'« acquisit ion de bonnes habitudes alimentaires ». Au sein du conseil d'administration d'Amalthée siège la présidente de l'Association générale des institutrices et instituteurs des écoles et classes maternelles publ iques (AGIEM), mais aussi un représentant du ClDIL et un représentant de la société Tetra Pak 38. Amalthée se prévaut du soutien de nutritionnistes comme le docteur JeanMarie Bourre, mais surtout d'élus comme le ministre Christian Jacob, le sénateur de la Gironde Gérard César, le sénateur du Jura Gilbert Barbier et le député du Pas-de-Calais Jack Lang. La sénatrice du Val-d'Oise Marie-Claude Beaudeau, se joignant le 4 décembre 200 1à cette coalition en faveur du lait à l'école, résumait assez bien le sentiment général de la classe politique: « Et pourquoi ne pas concilier alimentation saine, résorption des surplus laitiers dont souffrirait l'agriculture et aide aux collectivités locales? Il faut passer outre les oukases de Bruxelles et prendre de nouvelles mesures au nom d'un intérêt national évident. Le sénat se doit de défendre le lait, comme beaucoup d'autres produits, d'ailleurs. »
Bruxelles à "écoute Madame Beaudeau a tort de croire que Bruxelles est insensible au problème des surplus laitiers. Le journal officiel des Communautés européennes énumère dans son édition du 23 décembre 2000 les secteurs agricoles qui peuvent bénéficier d'actions d'infomration et de promotion. Parmi eux se t rouve celui du lait Le Conseil de l'Union européenne enregistre bien la «diminution de la consommation de lait liquide, particulièrement accentuée dans les pays gros 75
Santé. mensonges et propagande
consommateurs, due essentiellement à la concurrence des soft drinks auprès des jeunes. En revanche, progression globale de la consommation de produits laitiers exprimés en quantité lait. )} Un constat plutôt positif pour les producteurs, n'est-ce pas? Eh bien, pas aux yeux du Conseil, qui détaille ensuite ses objectifs: « augmenter la consommation de lait liquide: consolider la consommation de produits laitiers: encourager la consommation auprès des jeunes ». Les personnes ciblées sont « les enfants et adolescents, les jeunes femmes et mères de famille de 20 à 40 ans ». Les principaux messages à faire passer? « Le lait et les produits laitiers sont des produits sains, naturels, dynamiques, adaptés à la vie moderne de tous les jours et qui se consomment avec plaisir. » Budget de communication: 6 millions d'euros. Mais peu importe que les petits Européens soient conditionnés à écouler les surplus de lait. Pour nos « experts» du programme national Nutrition-Santé, « il est plus dangereux de se priver de laitages que d'en consommer J9 ». C'est une remarque intéressante, qui mérite un petit développement
Les amis du diabète infantile 1 « Je n'ai rien contre l'industrie laitière, prévient le professeur Walter Willett, d'Harvard, mais je crains que la promotion effrénée des laitages fasse en réalité du mal.» Le déluge lacté qui pleut sur nos chères têtes blondes aurait-il des conséquences néfastes? Interrogées, l'association Amalthée et l'AGIEM disent ignorer qu'une partie des enfants auxquels on donne des rations régulières et conséquentes de lait - à l'école par exemple - sont susceptibles de rencontrer de sérieux problèmes de santé. Les résultats de ces études sont pourtant connus des nutritionnistes qui conseillent Amalthée. Le diabète de type 1 est une maladie grave de l'enfant au cours de laquelle le système immunitaire se retourne contre les cellules du pancréas chargées de produire de l'insuline, et les détruit. Cette maladie augmente considérablement les risques d'infarctus, de cécité et d'amputation. Le diabète de type 1 se déclare à la croisée d'un terrain génétique sensible et d'un environnement alimentaire particulier. Il est plus fréquent dans les pays 76
La i tages et os : une hyst é de c o llective
où l'on consomme le plus de protéines animales, et en particulier de laitages 40• Ainsi, pour cent mille habitants, on relève de t rente à quarante nouveaux cas chaque année en Finlande ou en Suède ; c'est entre trente et cent fois plus qu'au Japon et qu'en Chine, où l'on ne consomme pas de lait de vache". Plusieurs études ont explicitement accusé l'introduction du lait de vache dans l'alimentation du petit enfant d'être à l'origine du diabète 42 Certaines protéines de ce lait. comme la bêta-caséine A l , sont en effet soupçonnées de déclencher la production d'anticorps affectant les cellules du pancréas et conduisant à l'apparition du diabète de type 143. Mais ce n'est pas tout
Les amis de l'infarctus 1 « La vache et les coronaires », tel est le titre d'une étude britannique de 2003 sur la consommation de lait par habitant et le risque de mortalité coronarienne pays par pays. Conclusion de l'auteur: le lait est un facteur spécifique du risque cardio-vasculaire 'l'l, Les statistiques internationales ne sont pas seules à accuser la consommation de lait. L'étude des Sept Pays, qui a duré vingt-cinq ans et portait sur 12763 hommes d'âge moyen recrutés aux États-Unis, en Finlande, aux Pays-Bas, en Italie, en Yougoslavie, en Grèce et au Japon, a trouvé que la mortalité coronarienne était étroitement associée à la consommation de beurre et de lait 4s L'étude MONICA, quant à elle, a été mise sur pied par l'OMS (Organisation mondiale de la santé) pour mieux cerner la réalité des maladies cardio-vasculaires dans trente-huit régions du monde. Sur dix ans, entre 1985 et 1994, des chercheurs du monde entier ont suivi la population de ces trente-huit régions, soit 7,2 millions de personnes réparties dans vingt et un pays, pour la plupart industrialisés. L'étude n'a confirmé que partiellement l'hypothèse selon laquelle les facteurs de risque classiques, comme le cholestérol sanguin, pouvaient laisser présager la mortalité coronarienne. Si l'on prend par exemple les populat ions de Belfast et de Toulouse, on s'aperçoit qu'elles affichent des facteurs de risque identiques, mais que le taux de mortalité coronarienne de la première est plus de trois fois supérieur à celui de la seconde. En s'appuyant sur les données de MONICA, le chercheur néo-zélandais Corran McLachlan a trouvé que la mortalité 77
Santé, mensonges et propagande
coronarienne était étroitement associée à la consommation d'une protéine du lait. la bêta-caséine A 146, Ainsi, les Toulousains consommeraient trois fois moins de cette protéine que les habitants de Belfast Une autne étude, conduite sur vingt pays, a elle aussi mis en cause la bêta-caséine A 1 du lait dans le risque de maladie cardiaque ischémique", Le lait n'étant pas idéal pour les artènes en raison de sa richesse en graisses saturées, il suffit peut-être de boine du lait écrémé? Pas si simple! En fait. il est possible que les protéines du lait nous empêchent d'absorber des substances antioxydantes contenues dans les fruits et les légumes, et qui protègent de l'infarctus", Cela expliquerait le fait que les Britanniques, qui avalent pourtant de grandes quantités d'antioxydants avec leur thé quotidien, ne soient pas épargnés par les maladies cardio-vasculaires (ils pnennent leur thé avec du lait), Au moment où les autorités sanitaires, la classe politique et les industriels encouragent de concert les Français, petits et grands, à surconsommer des laitages, peutêt re est-il utile de rappeler que les pays qui ont œuvré pour faire baisser la consommation domestique de lait ont vu leur taux de mortalité coronarienne diminuer. alors que ce taux a augmenté là où l'on s'est mis à boine plus de lait",
Les amis du cancer? Les Français qui, croyant bien faine, suivent les conseils des experts sponsorisés par l'industrie laitière ignorent qu'ils mettent peut-êtne leur santé en danger d'une autne maniène, Il est impossible à ce jour de le conclure formellement, mais, selon plusieurs études, les personnes qui consomment de grandes quantités de lait présentent un risque plus élevé de cancer des ovaines so, de lymphomes non hodgkiniens et de sarcomes des tissus mous Sl , Au début des années 1990, des chercheurs de l'école de médecine de l'université de Harvard ont émis l'hypothèse que des taux élevés de galactose, un sucne issu de la digestion du lactose (le sucne du lait), pouvaient endommager les ovaines, Plusieurs études ont depuis testé cette hypothèse. « Les pneuves ne sont pas concluantes, dit le professeur W illett, mais je pense qu'un lien positif entne galactose et cancer des ovaines apparart trop souvent pour qu'on ignone la possibilité que le galactose puisse êtne dangeneux, » 78
Laita ge s et os : une hystérie collective
Mais l'association la plustroublante conceme le cancer de la prostate. En 1995, le cancer de la prostate a touché environ t rente mille Français, soit près de quatre fois plus qu'en 1975. Même si l'amélioration du dépistage et le vieillissement de la population expliquent une bonne partie de cette progression, plusieurs chercheurs pensent qu'elle reflète aussi un changement dans les habitudes alimentaires. «Je suis inquiet des incitations actuelles à consommer plus de laitages et plus de calcium », dit Edward Giovannucci, l'un des meilleurs épidémiologistes américains (École de santé publique de Harvard, Boston, Massachusetts). En octobre 200 l, il a publié une étude effectuée sur vingt et un mille médecins qui montrait que ceux, parmi ces médecins, qui suivaient les recommandations des nutritionnistes et consommaient leurs trois laitages quotidiens avaient un risque de cancer de la prostate accru de 34 % par rapport à ceux qui consommaient un laitage par jour au maximum.
Quinze études sur vingt-deux Dès 1986, une analyse faite par l'OMS sur cinquante-neuf pays a trouvé que la consommation de lait par habitant était étroitement associée à la mortalité par cancer de la prostate S2. Récemment, des chercheurs japonais ont examiné la relation entre l'alimentation et le cancer de la prostate dans quarante-deux pays, à partir des données du Centre international de recherche sur le cancer (Lyon) et des chiffres de la Food and Agriculture Organization (FAO). Ils ont trouvé, comme l'OMS, que l'aliment le plus étroitement associé au risque de cancer de la prostate était le lait. Pour la mortalité par cancer de la prostate, ce sont deux laitages - le fromage et le lait - qui montrent l'association la plus étroite. Cette analyse portait aussi sur le cancer du testicule : là encore, de tous les aliments étudiés, c'est un laitage, le fromage, qui présente la plus forte association avec la maladie S3. Ces études internationales ne sont pas considérées comme particulièrement probantes dans la mesure où de nombreux biais peuvent en fausser les résultats. Pour se faire une idée plus précise, il faut recourir à l'épidémiologie. Six études épidémiologiques dites « cas-contrôles », au cours desquelles on interroge des malades et des personnes du même âge en bonne santé sur leur mode 79
Santé . m e n so nges et propagande
de vie passé, ont établi que les gros consommateurs de laitages ont un risque de cancer de la prostate augmenté de 50 à 250 %S4. Quatre études de ce type ont rapporté la même association, mais ne l'ont pas jugée significative sur le plan statistique". Seules deux études« cas-contrôles» n'ont pas trouvé de lien entre la consommation de laitages et le risque de cancer de la prostateS6• Au contraire des études« cas-contrôles », les études prospectves suiventl'évoluton de l'état de santé d'un groupe de personnes pendant plusieurs années. Dix études de ce type ont été conduites sur les relations entre alimentation et cancer de la prostate. Cinq ont trouvé que la consommation de laitages augmentait le risque de cancer de la prostate S7. Ainsi, l'étude des Professionnels de santé, qui suit quarante-huit mille Américains, a trouvé que le risque de cancer avancé était multiplié par trois et le risque de cancer avec métastases par quatre et demi chez les hommes qui consommaient plus de 2 g de calcium par jour par rapport à ceux qui en consommaient moins de 500 mg S8. Cinq études n'ont pas mis en évidence de lien entre consommation de laitages et cancer de la prostateS" En résumé, au moment où nous écrivons ce livre, toutes les études de consommation par pays et quinze études épidémiologiques sur vingt-deux ont rapporté une association entre laitages et risque de cancer de la prostate. Impossible bien sûr de conclure pour l'instant; disons simplement qu'il est possible que soit augmenté le risque de développer un cancer de la prostate si l'on mange de grandes quantités de laitages.
Laitages et cancer : une idée « fausse» 1 Évidemment. ce genre de nouvelle préoccupante ne plaît pas à la grande famille des amis du lait. qui ne ménage pas ses efforts pour épargner au grand public de tels traumatismes. En septembre 2003 est paru, dans le cadre du PNNS, un livret sur les relations entre alimentation et cancer publié par le ministère de la Santé. Ce document donne l'état «officiel» des connaissances sur le sujet. celles que les médecins doivent transmettre à leurs patients. la question d'une association entre laitages et cancer est bien abordée, mais pas là où on s'attend à la voir figurer. Au lieu d'être citée dans la liste des facteurs possibles de cancer, elle est reléguée dans 80
Laitages et os : une hystérie co ll ective
celle des « idées fausses pseudoscientifiques» qu'il est particulièrement important de « battre en brèche» ! Et il ne s'agit pas d'une erreur, puisqu'on y lit aussi qu'on ne peut« en aucun cas mettre en accusation le lait et les produits laitiers en termes de risque de cancer». Ceux qui prétendent le contraire se livrent. selon le docteur Serge Hercberg, responsable du PNNS et cosignataire du livret Alimentation, nutrition et cancer. à rien moins que de la «désinformation 60 ». Ce livret du PNNS présente bien sûr les états de service de ses signataires. Dommage qu'à l'instar de ce qui se fait dans plusieurs journaux scientifiques anglo-saxons lesdits signataires n'aient pas été contraints de déclarer leurs liens avec l'industrie. Le lecteur aurait appris avec intérêt que le principal auteur de ce document est le conseiller d'une des plus grosses sociétés laitières.
Il Ya experts et experts L'avis des experts français du PNNS est-il au moins partagé par les autres experts qui se sont penchés sur la question? Le docteur Peter Gann, de l'école de médecine de la faculté Northwestern (Chicago) est à la fois médecin et spécialiste d'épidémiologie. D iplômé de Harvard, il a publié de très nombreuses études sur les facteurs de risque du cancer de la prostate, ce qui en fait un spécialiste mondialement reconnu. Pour cela, il a reçu le prestigieux prix d'Oncologie préventive décerné par l'Institut national du cancer des États-Unis. En 2002, le docteur Peter Gann a résumé les connaissances sur les facteurs de risque du cancer de la prostate. Voici ce qu'il écrit dans le chapitre qu'il consacre à l'alimentation: « Plus de vingt études épidémiologiques ont examiné le lien entre la consommation de laitages et le risque de cancer. Ces études montrent une association positive [entre laitages et cancer de la prostate) ·'.» Le docteur Edward Giovannucci, de l'École de santé publique de Harvard, est un autre grand spécialiste du cancer de la prostate, de renommée mondiale. Il lui a consacré en 2000 un épais livre universitaire, The Management o(Prostate Cancer", qui fait autorité dans le domaine. Dans son livre, Edward Giovannucci et ses co-auteurs estiment que les laitages sont le premier facteur de risque 81
Santé. m e n so nges et propagande
alimentaire pour le cancer de la prostate, avant même les graisses saturées. Les preuves qui permettent d'affirmer cela sont qualifiées de «substantielles à modérées ». Ces avis ne sont pas isolés. En fait, ils sont partagés par l'écrasante majorité des experts qui ont eu ou qui ont à se prononcer sur le sujet. En 1997, le World Cancer Research Fund (Fonds mondial de recherche sur le cancer) et l'American Institute for Cancer Research (Institut américain de recherche sur le cancer) ont publié un document qui fait le point sur les connaissances en matière de cancer'J. Voici ce que disent sur les laitages et le cancer de la prostate les cent vingt chercheurs de premier plan qui ont participé à la rédaction de ce document: « Il est possible que les régimes riches en lait et en laitages augmentent le risque de cancer de la prostate.» On est loin de 1'« idée fausse» stigmatisée par les experts du PNNS. De leur côté, les spécialistes du Centre international de recherche sur le cancer (Lyon) ont publié en 2002 leur propre état des lieux sur les causes environnementales du cancer. Eux aussi, aprés avoir examiné les études épidémiologiques publiées, confirment qu'elles suggèrent une «association positive» entre laitages et cancer de la prostate. Tous ces spécialistes de premier plan qui évoquent un lien possible entre laitages et cancer de la prostate sont donc forcément. selon la prose péremptoire des experts du ministère de la Santé, des «pseudoscientifiques» qui propagent des « idées fausses ». L'Institut américain pour la recherche sur le cancer (AICR, Association for Intemational Cancer Research) a estimé en février 2002 qu'en l'état des connaissances il n'était pas possible d'affirmer ou de nier que la consommation de laitages augmentait le risque de cancer de la prostate. L'AICR juge cependant les preuves suffisamment t roublantes pour émettre, pour la première fois de son histoire, un conseil de prudence: les laitages devraient être consommés «en faible quantité ». Au-delà du problème posé par la proximité de certains experts français avec l'industrie, cette affaire plaide pour qu'une expertise aussi importante que la relation entre alimentation et cancer associe des spécialistes internationaux aux scientifiques français (lire à ce sujet l'affaire de la créatine, p. 157 à 167).
82
L ai tages et os
une hystérie collectI ve
Des « amis» bien ingrats Mais comment« nos amis pour la vie» pourraient-ils être ingrats au point de favoriser certains cancers? Edward Giovannucci pense qu'ils diminuent le niveau de vitamine D. La vitamine D est une quasi-honmone aux propriétés anticancéreuses largement démontrées. Dans le corps, vitamine D et calcium sont intimement liés. Avec leur contenu anormalement élevé en calcium, les laitages « écraseraient» le niveau de vitamine D, laissant les cellules de la prostate sans leur protection naturelle contre les phénomènes cancéreux. D'autres pistes sont explorées. Une étude récente conduite sur l'ADN (support génétique) de globules blancs a montré que les gènes des nourrissons qui reçoivent du lait de vache sont deux fois plus endommagés que ceux des enfants nourris au sein 64, La recherche s'intéresse aussi à une protéine naturellement présente dans le sang qu'on appelle IGF- I (insu/in-Iike growth (aaor- I). L'IGF- I est un facteur de croissance. Nous en avons besoin pour que nos cellules se multiplient. pour que nos muscles et nos os se régénèrent Mais, comme tout facteur de croissance, l'IGF- I peut conduire des cellules cancéreuses à proliférer. Et de fuit, les personnes qui ont des taux d'IGF-I élevés ont un risque de cancer plus élevé, qu'il s'agisse du cancer du sein ou de celui de la prostate 6S Le taux d'IGF-I fiuctue avec la quantité et la nature de nos aliments. Des taux d'IGF-I élevés se rencontrent chez les gros consommateurs de laitages, et surtout chez les amateurs de lait". Une étude effectuée chez des jeunes filles âgées de 12 ans a trouvé une augmentation nette de leur IGF-I lorsqu'elles buvaient plus de lait 6'. Les adultes qui consomment trois verres de lait écrémé ou demi-écrémé par jour pendant douze semaines voient leur taux d'IGF-I grimper de 10 %68. Serait-ce la raison pour laquelle la Suède, qui détient le record d'Europe de la consommation de laitages, est également en tête de l'incidence européenne de cancers avec, chaque année, 3 OSO nouveaux cas pour 100 000 habitants?
83
Santé . mensonges et prop a gande
Les amis de Parkinson 1 L'étude des Professionnels de santé, conduite à Harvard, a mis en évidence un autre effet potentiellement inquiétant des laitages: ils conduiraient à un risque plus élevé de maladie de Parkinson, au moins chez l'homme (ce lien n'a pas été netrouvé chez la femme). Le docteur Honglei Chen (École de santé publique de Harvard, Boston, Massachusetts) a en effet rapporté à la fin de l'année 2002 que les hommes qui avaient. dans son étude, suivi les recommandations des nutritionnistes de consommer trois laitages ou plus par jour pour avoir des os plus solides s'étaient netrouvés avec un risque de maladie de Parkinson pnesque trois fois plus élevé que ceux qui avaient avalé un laitage au maximum par jour. Aucun autne groupe d'aliments n'était associé à cette maladie. Pour les auteurs, les pesticides et autnes produits contaminants (byphényls, tétrahydroisoquinolines), parfois netrouvés en grande quantité dans les laitages, pourraient êtne mis en cause. Étant donné que les femmes qui mangent de grandes quantités de laitages ne semblent pas courir de risque plus élevé de maladie de Parkinson, il faudra bien sûr d'autnes études avant de pouvoir conclune 69.
Quatre millions d'années sans laitages Si certains d'entre nous réagissent mal aux laitages, c'est tout simplement pance que l'homme est génétiquement peu adapté à la consommation de ces aliments. L'espèce humaine est vieille de 4 millions d'années et. pendant cette considérable période, Homo sopiens et ses ancêtnes n'ont pas consommé le moindre laitage après la période d'allaitement. C'est seulement depuis vingt mille ans, avec la sédentarité et l'élevage, que l'homme a commencé à se nourrir de lait de ruminant. La plupart d'entre nous en sont nestés à l'équipement génétique hérité de nos lointains ancêtres: nous ne savons pas digéner les laitages. Après le sevrage en effet. l'organisme ne fabrique normalement plus une enzyme, la lactase-phlorizine hydrolase, dont le rôle est de digérer le sucne du 84
l ai t a g es et os : u ne h yst é r ie c oll ect i ve
lait, le lactose, pour le transformer en glucose et en galactose. Cette enzyme est présente dans les premières années de la vie parce que le bébé humain en a besoin pour digérer le lait de sa mère, et elle disparaît ensuite chez 75 % des êtres humains car. une fois sevrés, nous ne sommes pas faits pour digérer du lait qu'il vienne de notre mère ou d'un autre mammifère. Ainsi, 80 % des Asiatiques, 80 % des Africains et 60 % des populations méditerranéennes sont incapables de digérer le lactose. Les populations d'Europe du Nord sont moins touchées par l'intolérance au lactose parce que le lait de vache fait partie de leur alimentation depuis plus longtemps, et qu'elles bénéficient d'une mutation génétique qui les aide à le digérer. Pour de tnès nombreux adultes, la diminution de la place du lait dans l'alimentation se t raduit par une amélioration de la santé. Un exemple extrême en est donné par les personnes qui souffrent de fibromyalgie, une maladie chronique qui se manifeste par des douleurs articulaires et musculaires, de la dépression, de la fatigue. Selon une étude préliminaire conduite par le docteur Joel Edman (université Thomas Jefferson, Orlando, Floride), ces patients t rouvent le soulagement en évitant le mais, le blé, les laitages et le sucre, tous aliments absents du régime ancestral pour lequel nous sommes génétiquement faits 70.
Un laitage par jour Ce livre ne plaide pas pour l'élimination des laitages du régime alimentaire, mais nous avons aujourd'hui toutes les raisons de douter du discours de l'industrie lait ière, et de ses relais gouvernementaux et scientifiques, selon lequel il faut consommer encore et toujours plus de laitages pour venir à bout de l'ostéoporose. Cette course en avant a échoué. L'Europe et les États-Unis sont les plus gros consommateurs de laitages au monde, et le coût sanitaire annuel de l'ostéoporose ne cesse d'y croître, avec 10 milliards d'euros pour l'une et 14 milliards pour les autres. Les fameux trois laitages par jour n'ont d'intérêt au mieux, que pour une minorité de la population (10 %) qui consomme trop peu de calcium li. Pour les autres, un laitage est largement suffisant comme le recommande l'École de santé publique de Harvard. 85
Santé. m e nsonges et propagande
Par ailleurs, il n'est pas honnête de faire croire aux femmes et aux écoliers que, sans laitages, il est impossible de se procurer assez de calcium. La vérité, c'est que le calcium de l'eau est aussi bien absorbé que celui du lait Un litre et demi d'une eau riche en calcium fournit 92 % des apports en calcium conseillés à une jeune femme ! Enfin, la teneur des os en calcium ne dépend pas uniquement de la quantité de calcium que l'on avale, mais d'un grand nombre de facteurs. Les sels de potassium, les fruits et les légumes apportent une charge basique nette qui limite les fuites de calcium osseux. Les protéines végétales, telles celles du soja, semblent à même de protéger de l'ostéoporose. Les vitamines D et K améliorent l'absorption et la rétention du calcium. Les exercices physiques qui exercent un stress physique sur l'os (musculation, danse) réduisent la perte de calcium. Selon une hypothèse récente, les graisses végétales riches en oméga-3 (voir p. 145) pounraient aider à renforcer l'os en décourageant les phénomènes inflammatoires 12. Le tabac, la caféine, l'alcool. le sel, le sucre, l'excès de protéines animales et de céréales ainsi que certains médicaments (corticoïdes) favorisent au cont raire la fuite de calcium. En matière d'ostéoporose, il est largement temps de sortir de la caricature « laitages = os solides» qui nous est servie sous prétexte que le consommateur ne peut comprendre que des arguments simples. Au moins peut-il comprendre qu'il est l'enjeu de puissants intérêts économiques ...
Maudites graisses!
la communauté scientifique a contribué à l'épidémie
d'obésité en faisant passe r le message se lo n leque l seules comptent les calo ries venues des graisses. et cela a con du it beaucoup à croire qu'o n pouvait consommer de grandes quantités de sucre , de céréales, de fécul ents sans payer un prix en termes de poids. Professeur W ALTER W ILLETT. t cole de santé publique
de "université de Harvard. Boston. Massachusetts
« Pour maigrir. il (aut manger moins gras» est le message véhiculé par les grands experts et /'industrie agroalimentaire, laquelle nous a inondés d'aliments allégés. Seul problème, les preuves scientifiques qui accusent les graisses sont plut~t minces.
Des raisons de s'alarmer Depuis bientôt trente ans, les nutritionnistes et les industriels de l'agrobusiness nous expliquent que la cause de nos bajoues, de nos triples mentons et de nos culottes de cheval, ce sont les graisses alimentaires. Avec 9 kilocalories par gramme, les graisses ne font-elles pas un coupable idéal? Ainsi, le CFES (Comité français d'éducation pour la santé) tire la sonnette d'alanme dans un livret intitulé Question de poids, rédigé entre autres par le professeur Amaud Basdevant (Hôtel-Dieu, Paris) et le docteur Jacques Fricker (hôpital Bichat Paris): « Faites attention aux graisses », mettent en gance ces nutritionnistes réputés. 87
Santé. mensonges et propagande
Il faut dire que les experts ont des raisons de s'alarmer. Selon l'enquête ObEpi 2003, menée depuis 1997 auprès d'un échantillon représentatif de personnes âgées de plus de 15 ans, 42 % de la population française était en surpoids ou obèse en 2003, une progression de cinq points en six ans ; plus de 5,3 millions d'adu~es étaient obèses, et 14,4 millions en surpoids. Entre 1997 et 2003, les Français ont pris en moyenne 1,7 kilo. En seize ans, de 1980 à 1996, le pourcentage de Françaises obèses est passé de 5,4 à 10,1%. Chez les hommes, c'est à peine mieux, l'obésité ayant grimpé de 6,7 à 8,6 % dans la même période. Alors faut-il diminuer les graisses pour espérer perdre du poids?
Les pays où l'on mange le moins gras Est-on plus mince dans les pays où l'on mange le moins gras? Oui lorsqu'on compare les pays développés aux pays en voie de développement : on consomme plus de corps gras dans les premiers et l'on y est généralement plus touché par le surpoids. Mais peut-on réellement tirer des conclusions de populations dont les niveaux d'activité physique sont si éloignés? Lorsqu'on compare les pays européens entre eux, on ne voit pas de relation, chez les hommes, entre la part des graisses dans l'alimentation et l'indice de masse corporelle. Et les femmes des pays où l'on consomme le plus de graisses (Belgique, Danemark, Suisse) sont globalement plus minces que celles des pays où la part des graisses est limitée (Pologne, Yougoslavie, URSS) 7J Enfin, une étude conduite dans soixante-cinq contés de Chine n'a pas trouvé de corrélation entre le pourcentage des calories provenant des graisses (qui variait de 8 à 25 %) et la corpulence 74.
Échec des régimes Lorsqu'on suit un régime pauvre en graisses, on perd assez rapidement du poids, mais on regagne à long terme la plupart des kilos perdus. Ainsi, pour une étude américaine, on a réduit de 38 à 20 % la part des graisses alimentaires d'un groupe de femmes. Après deux ans de ce régime, les volontaires avaient maigri 88
Maudites graisses
de seulement 1,8 kilo par rapport à celles qui n'avaient rien changé à leur consommation 7S. De plus, le poids perdu n'était pas toujours de la graisse. Dans une étude pour laquelle la part des graisses alimentaires avait été ramenée à 17,6 % des calories, les graisses corporelles n'ont baissé que de 0,7 %, et ce sans aucun effet sur le rapport taille/hanche 76. Plus surprenant: une étude de 1997 a assigné à des volontaires quatre régimes alimentaires qui différaient par leur teneur en graisses, de la plus riche à la plus pauvre. Après un an, il n'y avait aucune différence de poids corporel d'un groupe à l'autre 77
Les aliments allégés sur la sellette Puisque l'ennemi c'est le gras, l'industrie n'a pas tardé à nous proposer des aliments allégés. Le premier fromage à 0 %, Taillefine, a été mis sur le marché en 1964. Même si la phase de croissance des aliments allégés est révolue depuis 1995, ces derniers trônent toujours en bonne place dans les rayons de nos supenmarchés: laitages, biscuits, plats préparés et même chocolats allégés sont devenus une philosophie de consommation. En France, deux catégories de produits allégés ont la cote: les « ultra frais» (fromages, yaourts et crème fraîche), consommés régulièrement par 10,8 % des hommes et par 20,4 % des femmes; les beurres, les margarines et les sauces, consommés régulièrement par 12,4 % des hommes et par 16,7 % des femmes 7B. Tous les pays développés s'y sont mis, mais c'est aux états-Unis que l'on est allé le plus loin dans la chasse au gras. « Il y a trente ans, les Américains consommaient 42 % de leurs calories sous fonme de graisses. Cette part est tombée à 33 % aujourd'hui », précise le docteur David Ludwig (École de médecine de l'université de Harvard, Boston, Massachusetts). Et voici un drôle de paradoxe: entre 1988 et 2000, le pourcentage d'Américains en surpoids est passé de 56 à 64 %. Entre 1980 et 2000, le pourcentage d'obèses a plus que doublé, passant de 13 à 30%7'. C'est vrai chez les hommes comme chez les femmes, quel que soit le groupe ethnique et quel que soit l'âge. Ainsi, le pourcentage d'enfants trop gros a été multiplié par trois en vingt-cinq ans. Une tendance identique est observée en Europe. 89
Santé, m e n so nges et propag a nd e
Pourquoi? Certains chercheurs pensent qu'en voulant limiter les corps gras, comme le recommandent depuis des années les nutritionnistes, et qu'en choisissant des aliments céréaliers pauvres en graisses mais bourrés d'amidons transformés nous avons fait le lit de l'épidémie d'obésité 80•
Moins de glucides Selon David Ludwig, et un nombre croissant d'autres chercheurs, les farineux modernes ne sont pas adaptés au mode de vie sédentaire qu'est le nôtre. Ces aliments entraînent une élévation brutale du sucre sanguin, suivie d'une chute t out aussi brutale. Ils favorisent l'appétit et la mise en réserve de ce surplus d'énergie sous fonme de graisses. David Ludwig a voulu savoir si on maigrissait plus avec un régime pauvre en glucides (sucres), notamment raffinés, ou avec un régime traditionnel, pauvre en graisses et en calories. Les résultats de cette étude sur des adolescents obèses ont été publiés en août 2003. Ils montrent effectivement qu'en limitant simplement les glucides raffinés on perd plus de poids et plus de graisses corporelles qu'en limitant graisses alimentaires et calories. Dans cette étude, qui s'est poursuivie une année durant, on trouve que diminuer la part des graisses ne sert à rien SI.
Quand les graisses font maigrir Pour maigrir. il paraît judicieux, dans le cadre d'une alimentation de type méditerranéen, de ne pas faire la chasse au corps gras mais au contraire de réhabiliter les graisses de bonne qualité (telles celles qui sont apportés par l'huile d'olive ou par les noix). C'est ce que vient de montrer une étude conduite par le docteur Kathy McManus (Brigham & Women's Hospital de Boston, Massachusetts). Elle a comparé la perte de poids chez trente et une personnes qui suivaient un régime pauvre en graisses et trente autres pour qui les lipides étaient autorisés. Après six mois, les kilos perdus dans l'un et l'autre groupe étaient identiques mais, au bout d'un an, les personnes qui avaient continué de consommer des 90
Maudites g r aisses!
graisses avaient perdu près de 4 kilos alors que les autres avaient gagné 2 kilos! Ce qui est notable dans cette étude, c'est que 54% des volontaires assignées au régime avec corps gras poursuivaient encore ce dernier après dix-huit mois, alors qu'elles n'étaient que 20% à continuer leur règime dans l'autre groupe, preuve qu'en introduisant le plaisir qu'apportent les corps gras dans un régime on tient plus longtemps. Une autre étude, conduite par Eric Westman (université Duke de Durham, Caroline du Nord), a comparé deux groupes de soixante volontaires pendant six mois. Le premier a suivi un régime riche en graisses, pauvre en glucides, complémenté en huiles de lin, de poisson et de bourrache. Le second a suivi une alimentation pauvre en graisses (moins de 30% des calories). Les volontaires de ce dernier groupe ont perdu 9 kilos en six mois, et les autres 14 kilos, avec un profil de cholestérol amélioré (un effet probable des huiles de lin et de poisson) 82.
Nous sommes faits pour les corps gras Notre patrimoine génétique est très proche de celui de nos ancêtres du paléolithique, et de nombreux chercheurs pensent que le régime préhistorique est celui qui convient le mieux à notre métabolisme. Selon leur chef de file, le docteur Loren Cordain (université du Colorado, Fort Collins), ce régime apportait par rapport à l'alimentation moderne relativement peu de glucides (moins de 40 % de l'énergie) mais jusqu'à 60 % des calories sous forme de graisses. Cordain vient d'ailleurs de publier une étude sur l'alimentation de treize sociétés de chasseurs-cueilleurs du vingtième siècle qui montre une répartition de type préhistorique puisqu'on y consomme de 28 à 58 % des calories sous fonme de graisses, sans trace de surpoids ni de maladies cardio-vasculaires 83. Mais ces graisses sont surtout mono-insaturées (comme dans l'huile d'olive) et polyinsatu rées, avec un ratio oméga-6/oméga-3 favorable (comme dans les noix, l'huile de colza et le poisson). Question corps gras, ce régime se rapproche du régime méditerranéen, qui a fait l'objet. en janvier 2000 à Londres, d'une déclaration de consensus portant sur les graisses alimentaires. Réunis à cet effet. les chercheurs ont en effet rappelé qu'« aucune association forte n'a été mise en évidence entre les graisses 91
Sa nt é. m e n so nge s et prop aga nde
alimentaires et la masse grasse corporelle », ajoutant qu'un régime de type méditerranéen «n'a pas besoin d'être réduit en graisses totales tant qu'il n'y a pas d'excès de calories ».
Pourquoi il ne faut pas éliminer les graisses Les régimes pauvres en graisses s'accompagnent d'une baisse du «bon » cholestérol (HDL), des acides gras essentiels, des vitamines liposolubles A, D, E et K, ainsi que des caroténoïdes. Lorsque les graisses sont remplacées par des glucides, on assiste à une augmentation des triglycérides. Tous ces événements sont potentiellement indésirables, mais l'on ignore encore si les personnes qui évitent systématiquement les graisses souffrent à terme de troubles de la santé. En restreignant les graisses alimentaires, on réduit aussi le niveau de ses hormones stéroïdes (DHEA, œstrogènes, progestérone, testostérone), or il s'agit d'hormones anabolisantes, c'est-à-dire qui aident à construire du muscle et à brOler des graisses. C'est une autre raison pour laquelle on aurait tort d'éliminer les graisses alimentaires dans le but très aléatoire de maigrir.
Les régimes pauvres en graisses ne sont pas la solution à l'épidémie d'obésité ... Le professeur Walter Willett dirige, à l'École de santé publique de Harvard (Boston, Massachusetts), la plus prestigieuse équipe d'épidémiologistes en nutrition au monde. Nous lui avons demandé son avis sur le rôle des graisses dans l'obésité et le surpoids.
À quoi peut~on attribuer l'épidémie d'obésité
qui touche les pays occidentaux? De nom breu x facteurs y contribuent, mais tous se ramènent soit à une baisse de l'activité physique soit à une augmentation des calories consommées . Malh eureuse ment, notre société encourage l'inactivité; les programmes d'activité physique à l'école sont trop souvent r éduits ou supprimés. Le nombre d'heures passées devant la télévision est énorme, et dans de nombreuses études il s'agit du facteur le plus soli dement associé au surpoids. Bien sOr, l'industrie agroalimentaire
92
Maudites graisses!
a sa part de responsabilité. Elle conduit de vastes programmes de recherche pour trouver comment nous faire manger plus, par exemple en maximisant la praticité, en jouant sur la couleur. les sucres, les calories. En d'autres mots, elle crée des hameçons pour exploiter les faiblesses humaines. et nous y mordons. Malheureusement. la communauté scientifique a contribué à ce problème en faisant passer le message selon lequel seules comptent les calories venues des graisses, et cela a conduit beaucoup à croire qu'on pouvait consommer de grandes quantités de sucre, de céréales et de féculents sans en payer le prix en termes de poids. De tres nombreux Français tentent pourtant, sur le conseil de leur médecin, de perdre du poids en mangeant moins de graisses. Je viens de publier une synthèse des études sur les relations entre graisses alimentaires et poids corporel. 1/ est vrai que certains, lorsqu'on leur prescrit un régime pauvre en graisses, vont perdre quelques kilos en quelques mois, mais la plupart les regagnent avant un an. Si l'on considère les études de ce type qui ont duré plus d'un an, elles ne montrent aucune réduction appréciable du poids corporel. L'une des meilleures études contrôlées a été rapportée l'an dernier par les docteur Sacks et McMannus: après dix-huit mois, les personnes qui suivaient un régime pauvre en graisses ont en fait perdu moins de poids que celles qui suivaient un régime de type méditerranéen avec un apport de graisses modéré 8" . Ainsi, on dispose main tenant de preuves solides pour dire que les régimes pauvres en graisses ne seront pas la solution à l'épidémie d'obésité.
Maigrir après 40 ans: ce qu'on ne vous dit pas
les aliments jouent un rôle important dans un régime équilibré. FRAN LEBOWITZ
Le marché de la minceur se développe sur un postulat: pour maigrir. quel que soit votre ilge, il (out suivre un régime. Pourtant. après 40 ans, les régimes sont de moins en moins efficaces, et le combat contre la calorie de plus en plus incertain. Voici pourquoi.
Cachotteries On vous cache tout. on ne vous dit rien. Prenez les régimes amaigrissants: si l'on en croit leurs promoteurs, les mêmes conseils produisent les mêmes effets sur la silhouette, qu'on ait 30 ou 60 ans. Dans son best-seller sur le « bien maigrin>, le docteur Jacques Fricker (hôpital Bichat. Paris) ne consacre que trois pages à la situation des « plus de 65 ans », et c'est pour les inviter à se conformer comme les autres aux préceptes nutritionnels universels égrenés au fil des pages: beaucoup de glucides et d'eau, des graisses en quantité limitée s5 ... Malheureusement. pour un grand nombre d'hommes et de femmes mûrs, ça ne marche pas, ou plutôt ça ne marche plus. Et les voilà qui enrent de nutrit ionniste en nutritionniste, incapables malgré leur régime alimentaire à 1200 ou 94
Ma ig rir apr è s 40 a n s : ce qu'on ne v o u s d i t p as
1500 calories (kCaI) par jour de perdre le moindre gramme. Or. comme l'explique le docteur Jody Clasey (université de Virginie, Charlottesville), après 40 ans il devient t rès difficile de faire fondre un tour de taille ou de hanches par les seules méthodes t raditionnelles: régime alimentaire ou activité sportive sont souvent voués à l'échec. Une informat ion capitale savamment tenue secrète par tous ceux qui prospèrent sur le juteux marché de la minceur. « Avec l'âge, explique Jody Clasey, le niveau des hormones qui mobilisent les graisses diminue ; c'est notamment le cas de l'horm one de croissance (GH). » L'hormone de croissance est amplement sécrétée dans les deux premières décennies de la vie : c'est elle qui nous fait grandir. elle aussi qui nous permet, à l'adolescence, d'avaler sous le regard envieux des adultes pâtisseri es, glaces et confiseries sans prendre un gramme, car elle empêche les graisses de s'accumuler. Dans une ét ude récente, le docteur Clasey a montré que plus il y a de graisse abdominale, moins il y a de GH, et cela est valable chez l'homme comme chez la femme. Q ui est concemé? Pour l'hormone de croissance, un homme de 2S ans en synthét ise 350 microgrammes (~g) par jour; à 40 ans, il n'en synthétise plus que 200 ~g par jour. et 80 ~g s'il est obèse.
Q uand les hormones nous lâchent La GH n'est pas seule à nous lâcher au fil des ans : la plupart des horm ones qui s'opposent au stockage des graisses et préservent la masse musculaire piquent du nez à la quarantaine. Une femme dispose de deux fois moins de testostérone à 40 ans que lorsqu'elle a 20 ans. À l'université de Gand (Belgique), l'équipe du professeur Alex Vermeulen a mont ré que le niveau de t estostérone libre chez l'homme est divisé par deux ent re les deuxième et sixième décennies de la vie, alors que dans le même temps 20 % des muscles disparaissent. « Le niveau de testostérone, dit le chercheur. est inversement associé au pourcentage de graisses corporelles et de graisses abdominales. » En mesurant cette hormone avant 40 ans, il serait même possible de prédire l'évoluton de la silhouette. C'est la conviction d'Elaine Tsai (université de 9S
Santé. mensonges et propagande
Washington, Seattle), qui a relevé le taux de testostérone et le pourcentage de graisses abdominales chez cent dix hommes en bonne santé, Sept ans et demi plus tard, ceux dont la testostérone était au départ la plus basse avaient accumulé plus de gras que les autres autour de la taille,
Remplacement hormonal Pour faire face à la débâcle hormonale qui s'accentue après 40 ans, les médecins sont de plus en plus nombreux à prescrire un remplacement hormonal. Dès 45 ans, les femmes peuvent déjà opter pour un traitement à base d'hormones femelles, œstrogènes et progestérone. Un tel t raitement ne fait pas grossir ; il affine au contraire la silhouette, en particulier au niveau de la taille, malheureusement avec des inconvénients potentiels sur la santé (comme on le verra plus loin). Et voici venu le tour des hommes: lors du Il' Congrès mondial sur le vieillissement masculin, qui s'est tenu à Genève, plus de 80% des praticiens présents se sont déclarés favorables à la prescription de testostérone à partir de 50 ans. Il faut dire que cette hormone se comporte comme une authentique baguette magique. Chez ceux dont la testostérone est basse, le traitement augmente la masse musculaire et diminue le tour de taille. l a DHEA (déhydroépiandrostérone), qui peut être proposée aux hommes comme aux femmes, semble moins efficace sur le tour de taille, mais l'équipe du docteur Femand l abrie (université de Québec, Canada) a montré qu'une crème à base de cette hormone diminuait d'environ 4 % les graisses corporelles et qu'elle augmentait les muscles chez les femmes de plus de 60 ans. Toutes ces hormones stéroïdes agissent directement selon des mécanismes qui leur sont propres, mais elles modulent aussi le niveau de l'hormone de croissance, celle qui fait aujourd'hui l'objet des études les plus prometteuses.
96
Maigrir après 40 ans
ce qu ' on ne vous dît pas
L'hormone de croissance à l'étude La plus importante de ces études est conduite par l'équipe du docteur Michael Hartman (Institut national du vieillissement, Bethesda, Maryland): des volontaires des deux sexes reçoivent depuis 1998 des injections d'honmone de croissance, accompagnées ou non de testostérone chez les hommes et d'œstrogènes chez les femmes. Parmi les paramètres mesurés, on trouve la masse musculaire, la masse grasse et la graisse abdominale. « Nos premiers résu~ats, dit le docteur Hartman, montrent que la fameuse "bouée" autour de la ceinture peut être rapidement réduite par la GH, mais il faut plus d'un an de traitement pour voir la masse musculaire remonter.» L'association d'honmones de croissance et de stéroïdes autorise aussi de grands espoirs, et certains praticiens, comme le docteur Thienry Hertoghe, préconisent un remplacement personnalisé portant sur l'ensemble des honmones lorsque les taux de ces demières sont trop bas. Selon le docteur Hertoghe, les bénéfices vont souvent au-delà de l'embellissement de la silhouette : « En l'espace de six mois à un an, si l'on associe au traitement un programme d'activité physique, on peut "rajeunir" de trois à dix ans. Parallèlement, les patients récupèrent l'énergie qu'ils avaient quinze, vingt voire quarante ans plus tôt pour une personne âgée très carencée. Très souvent, les états dépressifs reculent spontanément Enfin, de très nombreuses études ont montré qu'un remplacement hormonal prévient ou ralentit les maladies cardio-vasculaires. »
Des risques pas encore maîtrisés Cependant, un traitement honmonal n'a rien d'anodin. L'étude américaine Women's Health Initiative, qui évaluait les effets sur la santé de femmes ménopausées d'une association d'œstrogène et de progestérone ou d'un placebo a fait apparaître en 2002 un risque accru de certains cancers, mais aussi de troubles cardio-vasculaires. Un an plus tard, une étude épidémiologique britannique qui portait sur un million de femmes ménopausées a confinmé que les traitements honmonaux substitutifs classiques augmentaient de manière significative 97
Santé. mensonges et propagande
le risque de cancer du sein, probablement parce qu'ils font « flamber» de petits cancers pré-existants. Selon des résultats préliminaires publiés en 2003, ces risques pourraient peut-être être réduits avec des doses plus faibles, mais aussi un traitement s'étendant aux androgènes (DHEA, testostérone). Les études américaines sur les suppléments d'hormone de croissance (avec ou sans hormones sexuelles), tout en enregistrant des résultats prometteurs sur la masse musculaire, le tour de taille, le volume respiratoire ou la force physique, ont elles aussi mis en évidence des effets indésirables: arthralgies, syndrome du canal carpien, mais aussi intolérance au glucose voire diabète.
Maigrir sans traitement hormonal N'y a-t-il donc point de salut, hors de ces traitements, pour le tour de taille? Bien évidemment si ! Chacun peut au quotidien préserver au mieux le niveau de ses hormones en suivant quelques règles simples, et tout d'abord en commençant par dormir mieux. Les perturbations du sommeil affectent la synthèse de GH et peuvent accélérer l'accumulation des kilos en trop, en particulier à l'approche de la quarantaine. « Aprés 35 ans, les phases de sommeil profond sont réduites, explique le docteur Eve Van Cauter (université de Chicago, Illinois). Si l'on trouvait le moyen d'améliorer le sommeil dès cette période, on pourrait retarder de dix ou vingt ans l'appariton de la "bouée" chez l'homme. » Le stress chronique, la dépression et les attitudes de soumission et de dépendance entraînent de leur côté une baisse de la testostérone. Si vous dormez mal, si vous déprimez et si vous subissez vos supérieurs hiérarchiques sans broncher, vous pouvez toujours installer un sauna chez vous car c'est un excellent moyen de faire grimper l'hormone de croissance. En théorie, on pourrait attendre la même chose de l'exercice physique; hélas, explique le docteur Hartman, «ce n'est vrai que chez les jeunes. Aprés 50-60 ans, on sécréte très peu de GH en réponse à un exercice d'endurance ou de musculation.» Ne parlons pas des quadragénaires et des quinquagénaires qui se lancent dans le marathon et autres triathlons sans se douter qu'ils risquent d'y perdre leur testostérone. L'alimentation peut aussi être une alliée, à condition d'éviter les régimes 98
Ma i grir après 40 ans: ce qu'on ne vous dit pas
amaigrissants traditionnels, les régimes « très basses calories» déprimant la testostérone et l'hormone thyroïdienne T3. Quant aux régimes sans graisses et aux aliments allégés, leur succès est un mystère. Ces aliments sont le plus souvent lestés d'amidons transformés à l'index glycémique élevé, arme parfaite contre l'hormone de croissance.
Mieux connaître les hormones Apprenez à mieux connaître les hormones importantes pour préserver la masse maigre et prévenir l'excès de poids.
Déhydroépiandrostérone, ou DHEA ... Qu'est-ce que c'est? La DHEA est fabriquée à partir du cholestérol par les glandes surrénales (et le cerveau), qui la sécrètent dans le sang sous sa forme
libre ou sous forme de sulfate (S-DHEA). La DHEA donne naissance à l'hormone mâle testostérone et aux œstrogènes œstradiol et œstrone. ~
Pourquoi elle est importante lorsqu'on tient à sa ligne
La DHEA diminue l'appétit selon un mécanisme mal connu mais qui passerait par une augmentation dans le cerveau du taux de sérotonine, un messager chimique qui agit comme coupe-faim. Des études chez le porc , modèle proche de l'homme, ont aussi montré que la DHEA empêchait les cellules graisseuses de grossir avec l'âge. Enfin, la DHEA stimule l'horm one de croissance, un puissant anabo li sant. 11 pourrait donc être judicieux, pour éviter de prendre du poids après 40 ans, de maintenir sa DHEA a un niveau adéquat, notamment chez la femme car les études chez l'homme sont contradictoires. ~
Façon dont elle évolue avec l'âge La DHEA augmente jusqu'à l'âge de 25 ans, après quoi elle chute bru-
talement.
A4S ans, son niveau a été divisé par deux. A 7S ans, nous
n'en synthétisons plus que de 10 à 20 %. La DHEA diminue avec: -le tabac; - les régimes pauvres en graisses; - la prise de vitamine E à dose élevée et la carence en vitamine E; - la pilule; le traitement hormonal substitutif (œstrogènes-progestérone) par voie orale.
99
Santé. mens o nges et pr o p a g a nde ~
Comment freiner la baisse de DHEA après 40 ans 1
• ALIMENTATION
Éviter les régimes sans graisses ou pauvres en graisses, les aliments all égés, le sucre et les aliments glycémiants. Manger des protéines animales. • COMPLÉMENTS ALIM ENTA IRES
Contrairement à ce que soutiennent certains laboratoires, l'igname sauvage, ou wild yam, n'a aucun effet sur la DHEA. • A CTIVITÉS
Exercices d'endurance (mais les résultats sont médiocres après 60 ans); • PSYCHOLOGIE
Le niveau de DHEA est plus élevé chez les femmes à caractère nateur.
domi~
Hormones féminines! œstr adiol, progestérone .. Qu'est-ce que c'est? Les ovaires séc rètent des œstrogènes (œstradiol et œstrone) et de la progestérone, respectivement à partir de la testostérone, de l'androstènedione et de la pregnénolone . .. Pourquoi ces hormones sont importantes lorsqu'on tient à sa ligne L'œstradiol et la progestérone favorisent l'oxydation des graisses, augmentent le nombre de calories au repos, préservent la masse musculaire. Après la ménopause, le traitement hormonal substitutif (THS), surtout par voie transdermale, prévient l'augmentation du poids qui survient à la ménopause et favorise la pe rte des kilos et des centimètres en trop, en particulier au niveau de la taille . .. Façon dont elles évoluent avec l'âge Entre 45 et 55 ans, parfois plus tôt, la synthèse d'œstrogènes et de progestérone par les ovaires se tarit. Certes les ovaires fabriquent toujours un peu de testostérone, que le corps transforme en œstradiol, et les glandes surrénales de l'androstènedione, également convertie en œstradiol, mais pas suffisamment pour compenser la perte de synthèse ovarienne. La chute des hormones féminines est précipitée par: - le tabac (plus de dix cigarettes par jour) ; -les régimes très pauvres en graisses (10 % des calories); La chute de la progestérone est précipitée par: 100
Maigrir après 40 ans: ce qu'on ne vous dit pas
- les régimes pauvres en protéines et en calories; - la mauvaise santé cardio-vasculaire; - le chômage; - la séparation, le veuvage, le divorce . ... Comment freiner ou compenser la baisse des hormones féminines après 40 ans 1 • POU R LES FEMMES QUI ONT ENCORE LEURS RÈGLES
Consommer de l'huile d'olive et suffisamment de protéines ; évi ter les excès de céréales complètes. Prendre la pilule et ne pas avoir d'enfants retardent l'apparition de la ménopause . • UNE FOI S LA MÉNOPAUSE INSTALLÉE
Rechercher des aliments riches en phyto-œstrogènes qui miment les hormones féminines, et en particulier le soja et ses dérivés, le fenouil, l'ail, les oignons, les lentilles, les fèves, les pois chiches, les haricots, les germes de blé, le riz complet, les flocons d'avoine, les pommes, les poires, la réglisse (attention si vous êtes hypertendue), l'huil e de lin. Prendre, le cas échéant, des compléments: isoflavones de soja, sauge, alfalfa, actée à grappes noires (Cimicifuga racemosa), qui ne renferme pas de phyto-œstrogènes mais agit sur les bouffées de chaleur.
Hormone de croissance (GH), ou somatotropine ~
Qu'est-ce que c'est 1 La GH est une proté ine constituée de cent quatre-vingt-dix acides aminés. Elle est sécrétée par l'hypophyse sous l'influence principale d'une hormone de l'hypothalamus, la GHRH (growth hormone releasing hormone). Elle est inhibée par une autre hormone protéique, la somatostatine. La GH agit directement sur les cellules, mais elle utilise aussi des médiateurs. Le plus important est l'IGF-I (insulin-like growth
factor-I ). ... Pourquoi elle est importante lorsqu'on tient à sa ligne Les cellules graisseuses (adipocytes) possède nt des récepteurs à la GH. En s'y liant, celle-ci leur donne l'ordre de se débarrasser de leurs réserves, de les brûler, et elle les empêche d'en constituer de nouvelles. C'est surtout le cas pour la graisse abdominale. De son côté, l'IGF-I stimule la différenciation et la prolifération des myoblastes, à l'origine des muscles. L'IGF-I augmente aussi la synthèse de protéines par les muscles et prévient la fonte musculaire, qui augmente avec l'âge. 101
Santé. mens o nges et propagande
.. Façon dont elle évolue avec l'âge Après les deux premières décennies de la vie, le niveau de GH baisse de 14 % en moyenne tous les dix ans à cause de la baisse de la GHRH et des autres substances qui stimulent la GH, de la perte de sensibi-
lité de l'hypophyse et de l'augmentation de la somatostatine. Avec la baisse de la GH. le tour de taille augmente. les muscles s'atrophient. Le niveau de GH diminue avec: -l'obésité; - le sucre sanguin élevé; - le sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité, l'apnée du sommeil; - l'excès d'aspirine ; - les œstrogènes par voie orale .
.. Comment freiner la baisse de GH après 40 ans? • ALIMENTATI O N
~viter les aliments très glycémiants (aliments allégés, céréales raffinées, sodas sucrés, barres chocolatées , etc .). • COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
La glutamine (2 g par jour) é lève le niveau de GH. La vitamine B3 sous la forme d'acide nicotinique (de 200 à 500 mg par jour, sous survei ll ance médicale) s'accompagne d'une augmentation
de la GH. La créatine s'est traduite dans certaines études (mais pas toutes) par
une augmentation de la GH. La mé latonine (O,5 mg par jour, sous surveillance médicale) stimule laGH. • ACTIVITÉS
Endurance ou muscu lation d'intensité élevée en s'hydratant régulièrement (l'exercice sans hydratation élève moins la GH). Hélas, les effets sont limités après 60 ans .
Le sauna augmente la GH.
Testostérone .... Qu'est-ce que c'est? C 'est j'hormone mâle. Les testicules sécrètent la testostérone à partir de la DHEA, elle-même issue du cholestérol. Les femmes elles aussi synthétisent un peu de testostérone, par conversion périphérique de l'androstènedione produite par leurs ovaires et leurs glandes surrénales .
.. Pourquoi elle est importante lorsqu'on tient à sa ligne La testostérone est un puissant anabolisant : elle stimule la croissance des muscles et des os . Elle prévient l'accumulation des graisses, en
102
Maigrir après 40 a ns : ce qu 'on ne vous dit pas
particulîer au niveau de l'abdomen, en inhibant l'activité de "enzyme lipoprotéine lipase. Enfin, la testostérone mobili se les graisses stoc· kées en augmentant le nombre de certains récepteurs adrénergiques. Le niveau de testostérone chez les obèses avec un excès de graisses abdominales est généralement bas. ~
Façon dont elle évolue avec l'âge
Après avoir culminé entre 20 et 30 ans, le niveau de testostérone
libre (disponible) baisse progressivement. Un ad ulte de 60 ans dispose en moyenne de deux fois moins de testostérone qu'un jeune
homme de 25 ans, et plus de 20 % des hommes de 60 ans présentent des taux très bas. Chez la femme, la testostérone. bien que plus basse, diminue de même avec l'âge. Le niveau de testostérone libre diminue avec: - les régimes basses calories; '-Ia consommation de soja et de ses dérivés, de légumineuses, d'alî·
ments fibreu x (céréales complètes), d'huile de lin; -l'excès d'alcool, la prise de cocaïne et d'h éroïne; -l'exposition à certains pesticides (Iindane); - le stress chronique et la dépression ; - une activité professionnelle sur laquelle pèse une forte demande avec latitude d'action réduite (serveur. par exemple) i - l'altitude (les montagnards ont moins de testostérone que les per· sonnes qui vivent en plaine);
-les efforts physiques intenses (sport de haut niveau) . .. Comment freiner la baisse de testostérone après 40 ans • ALIMENTATION
Consommer environ 30 % des calories sous la forme de graisses, ne pas éliminer totalement les graisses animales. • COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
Le zinc (de 5 à 15 mg par jour) permet parfois de maintenir des taux adéquats de testostérone. • ACTIVITÉS
Endurance ou musculation d'intensité modérée (mais peu d'effets
après 60 ans). L'activité sexuelle stimule la production de testostérone (mais si elle est effectuée plusieurs fois par jour, elle consomme de la testostérone). • PSYCHOLOGIE
Conserver en affaires et dans la vie une certaine agress ivité (positive et raisonnable) .
103
Santé, mensonges et propag ande
Triiodothyronine, ou Tl ~ Qu'est-ce que c'est? Sous l'influence d'une hormone hypophysaire, la TSH, la glande thy-
roïde sécrète une hormone à base d'acides aminés appelée thyroxine. ou T 4 car elle porte quatre atomes d'iode. La T 4 est elle-même transformée en triiodothyronine, ou T3 (trois atomes d'iode), qui est en moyenne cinq fois plus active que son précurseur. ~
Pourquoi elle est importante lorsqu'on tient à sa ligne
Les hormones thyroïdiennes augmentent la consommation d'oxygène
et la production de chaleur: c'est le fameux taux métabolique de base (BMR) qui permet de brûler des calories, même au repos. Le BMR diminue avec l'âge, et près de 75 % de ce déclin peut être attribué à des altérations qui touchent les hormones thyroïdiennes et leurs cibles. ~
Façon dont elle évolue avec l'âge Le niveau réel de T3 diminue modestement, de l'ordre de 10 à 20 %
au cours d'une vie d'adulte. En revanche, avec l'âge, les tissus périphériques répondent de moins en moins bien aux sollicitations de cette hormone. Le niveau de T3 diminue avec: - certains polluants, comme les dioxines (aliments contaminés par des fumées d'incinérateurs); -l'insuffisance ou l'excès d'iode; - les régimes basses calories;
- les régimes hyperprotéinés ; -les régimes végétariens, et surtout végétaliens; - l'excès de thé vert;
- l'obésité; - le manque de sommeil. ~
Comment freiner la baisse de T3 après 40 ans
• Alimentation Consommer régulièrement crustacés et fruits de mer.
Manger des fruits (le fructose accélère la conversion de T4 en Tl) . • Compléments alimentaires
Le zinc (de 5 à 15 mg par jour), le sélénium (de 50 à 200 ~g par jour) et la tyrosine (de 0,5 à 1 g par jour) favorisent la sécrétion de T3.
Les aliments du goûter nourrissent l'épidémie d'obésité
Quelques gros industriels de l'agroalimentaire ch erchent
à contrôler le contenu des communications scientifiques. Plusieurs ont menacé des organisateurs de retirer leur
financement si j'y participais. W ALTER W ILlETT
Promus à grand renfort d'études sdentiftques, les aliments du goQter seraient selon leurs fabricants, indispensables à l'équilibre du poids. La réalité est un peu différente.
Le grignotage avance masqué Comment quand on est un industriel de l'agroalimentaire, augmenter son chiffre d'affaires? Soluton nO 1 : inciter les Français à manger plus à chacun des trois repas. Mais voilà, les apports caloriques n'ont cessé de baisser depuis le début du siècle. Voici donc la recette magique: inciter la population à manger plus entre les repas ! A ux États-Un is, c'est mission accomplie. Il y a trent e ans, les goûters, ou snacks, apportaient chaque jour aux enfants américains 450 calories (kCal) ; aujourd'hui, ils leur en apportent 600. Selon le chercheur Barry Popkin (université de Californie, Chapel Hill), il s'agit là d'un « fadeur majeur dans l'épidémie d'obésité que connaît ce paysB6.» lOS
Santé. mensonges et propaga nd e
Comme le grignotage n'a pas bonne réputation, il a fallu trouver une manière de l'imposer en déculpabi lisant celles et ceux qui s'y adonneraient. C'est ainsi qu'au début des années 1990 a commencé sur une grande échelle la réhabilitation du goûter. appelé aussi « quatrième repas ». Une entreprise soutenue par tous les acteurs de l'agroalimentaire, et en particulier les fabricants de biscuits et de gâteaux.
Le « quatrième repas» Danone a ainsi commandé dans le cadre de l'étude SU.VI.MAX une enquête sur 5094 Français qui «goûtent », et dont voici le résultat tel qu'il est rapporté avec allégresse par Danone : «À en croire les dernières grandes enquêtes nutritionnelles, [ceux] qui goûtent régulièrement sont plus minces que les autres!» C'est oublier un peu vite que, dans les «grandes enquêtes nutritionnelles », les personnes en surpoids ont la fâcheuse tendance à sous-estimer leur consommation de snacks 87, et que les chercheurs qui conduisent de telles études ont une curieuse tendance, eux, à trouver des résultats favorables à leurs sponsors 88. Tout à la joie de faire partager la bonne nouvelle, Lu a sponsorisé, lors du MEDEC 1999,Ie salon annuel de la médecine, une «journée de nutrition» consacrée au goûter sous le titre: « Le 4< repas: un atout supplémentaire dans la gestion du poids?» Pour convaincre les médecins présents que le point d'intenrogation était de trop, Danone avait réuni un prestigieux plateau de grands noms de la nutrition, parmi lesquels le docteur Serge Hercberg, venu présenter les bonnes nouvelles sur le goûter issues de son étude SU.VI.MAX. Ce chercheur a depuis été nommé par le ministre de la Santé à la tête du PNNS (programme national Nutrition-Santé).
Goûter n'est pas grignoter Mais, se hâte-t-on de préciser chez Danone, goûter n'est pas grignoter: «Motivé par la faim, le goûter est un vrai mini repas, contrairement au grignotage, qui répond à l'ennui ou simplement à la gourmandise. [ ...] Le goûter [ ...] 106
les aliments du goOter nour r is se nt l'épidémie d ' obésité
aide à rester en forme jusqu'à la fin de la journée et favorise les dîners légers.
À condition, bien sûr, que le goûter soit composé comme un vrai repas. Salé ou sucré, à vous de le choisir selon votre gOÛt.» Et le choix est là: Prince, Pepito, Petit Écolier, Barquette, Petit Beurre, Crakers Belin, Chipster, Tuc, etc. L'antigrignotage même! Même refrain chez Kraft Foods, qui vend le chocolat Milka:
« Le goûter est
un véritable repas [ . .. ] qui participe au bon équilibre alimentaire de chacun [et] évite les grignotages intempestifs.» Un exemple emblématique de la fusion opérée par les industriels du goûter avec le grignotage est donné par le célèbre Choco BN, La Biscuiterie N antaise l'avait créé en 1933 pour remp lacer le traditionnel pain au chocolat dans le goûter des écoliers, Racheté en 1998 par U nited Biscuits, deuxième biscuitier européen, le BN n'a pas tardé, en changeant de format, à fusionner l'univers du goûter et celui du snacking. offrant aujourd'hui - comme l'écrivait récemment un journal spécialisé -« une parfaite illustration du mariage biscuitlsnacking avec les mini-BN qu'on grignote à toute heure s9 ».
Le marché du snacking Moyennart quoi, sous couvert de répondre aux besoins des «goûteurs» potentiels, Kraft. Nestlé et les autres ont progressivement mis sur le marché une vraie panoplie d'aliments pour grignoteurs, créant de toutes pièces, avec d'autres, le marché du snacking, qui désigne la consommation hors repas, Danone, qui officiellement part en guerre contre le grignotage, suit en réalité la même stratégie de produits à grignot er que ses concurrents, Ce n'est pas nous qui le disons, mais le groupe lui-même dans son rapport d'activité 1999. On peut y lire, page 42, que «le Groupe Danone va continuer à mettre en œuvre une politique axée sur la différenciation et la valorisation [ .. .] : des formats et des conditionnements favorisant de nouvelles opportunités de consommation ("hors domicile" et "snacking") ». Ce marché est aujourd'hui en telle expansion qu'il a dorénavant son salon professionnel, l'European Sandwich Show, le « rendez-vous incontournable de la fi lière sandwichs et snacks. » 107
Santé. m ensonges et propagande
Petits. petits, petits ... Si le snacking s'est si fortement développé, c'est d'abord grâce à la miniaturisation, qui penmet de transporter les aliments avec soi et qui favorise la surconsommation. Selon le quotidien économique La Tribune, cette vague de miniaturisation « déferle dans l'univers de l'alimentaire », le consommateur recherchant « la rapidité et la commodité de ces monodoses généralement prêtes à l'emploi ». Prince, une marque de Lu (Danone), a réduit la taille de ses biscuits et conditionne ces derniers par paquets de sept un « format spécial pour petits gourmands ». Gourmandise, donc, mais l'argument nutrition est bien sOr là pour rassurer les parents. L'emballage annonce que les biscuits Prince sont « source de fer et de magnésium », et invite même à « appeler les diététiciennes et les experts de Danone Conseils ». « Que des bonnes choses!» affinme pour n'être pas en reste Kellogg's, qui a lancé Smacks Choco Trésor Pocket des minicéréales riches en « glucides complexes pour l'énergie, riches en nutriments nécessaires aux enfants en pleine croissance ». Des céréales pour le goOter, bien sOr, mais qui restent faciles « à emporter partout» si bien que l'on pounra les « dévorer en rentrant de l'école ou en faisant ses devoirs ». Mais attention, ce n'est pas du grignotage ! Tout le monde n'avance pas masqué sur ce marché lucratif. Par exemple, McDonald's invite dans sa communication les Français à adopter le comportement des Américains, qui s'alimentent à toute heure du jour et de la nuit. « À chacun son heure chez McDonald's », annonce la chaîne de fast food avant de mu~iplier les exemples. Face à une photo de hamburger: « Il h. Midi est encore loin. » En regard de la photo d'un Big Mac: « 15 h. Pas vu passer midi. » À côté d'une photo de crème au chocolat: « 17 h. L'heure du 4 heures. » Et devant le visuel d'une crème glacée: « 22 h. Faim de soirée. » Pour surfer au mieux sur cette très lucrative vague, les grandes sociétés de l'agroalimentaire se sont dotées de départements « snacking ». Ainsi la chef de marché snacking de Materne se félicite-t-elle dans La Tribune du succès de Pom'Potes, une compote à consommer partout qui fait un tabac auprès des petits mais aussi des ados: « C'est sans doute le conditionnement innovant qui nous a penmis de faire la différence », explique-t-elle. 10 8
les a limen ts du goûter nourrissent l'épid é mie d 'obési t é
Le consommateur-brouteur Des aliments qui se vendent non pas à cause de leurs qualités intrinsèques mais gràce à leur emballage, c'est nouveau, et la société d'emballage alimentaire Sonoco n'a pas mis longtemps à l'intégrer dans son développement. Son directeur marketing Europe, Mike Bridge, explique que «le snacking ce n'est pas prendre un repas où les aliments sont ingérés au même moment. C'est vraiment comme brouter. manger un peu maintenant, un peu plus tard. » Les emballages cartonnés mis au point par Sonoco «facilitent cette actvité parce qu'ils sont faciles à ouvrir. faciles à refenmer. faciles à ranger et faciles à reprendre lorsqu'on a faim ». Pour la seule année 1999, explique Mike Bridge, Sonoco a foumi des emballages pour plus de dix nouveaux snacks, lancés notamment par United Biscuits et par... Danone, l'entreprise où l'on se défend de promouvoir le snacking selon Sonoco. Le «snacking packaging» n'est pas à court de créativité, avec les barquettes alvéolées qui penmettent de réchauffer au four à micro-ondes. Les packageurs travaillent actuellement sur des emballages qui permettront au consommateurbrouteur de pouvoir se déplacer n'importe où avec son menu à la main. La société américaine Pulp Mold Packaging Global a ainsi mis au point le couvercle d'un gobelet qui se transfonme en plateau-repas compartimenté. Gràce à ces emballages ingénieux, «on grignote une aile de poulet ou un mini-Cornetto à toute heure de la journée », comme le rapporte La Tribune: « Exit le repas de famille traditionnel. Le plateau télé ou le grignotage remplacent souvent le cérémonial du soir.»
Sucré ou salé? Si les produits sucrés représentent encore deux fois le chiffre d'affaires des salés, l'écart se comble rapidement gràce aux assauts des fromages, de la charcuterie et des produits à base de volaille. La Tribune nous raconte que «c'est pour accompagner cette mutation que le généraliste de la volaille Maître Coq a investi l'univers du snacking depuis déjà cinq ans ». Après avoir vendu des morceaux de poulet prêts à consommer dans 109
Santé. mens onges et propag an de
des sachets individuels et «micro-ondables» (Coq Ailes ou W ings Party), l'entreprise vient de lancer des mini-brochettes. Pour le directeur marketing de Maître Coq, «chacun pourra se retrouver dans ce produit. La mère au foyer qui a un petit creux dans la joumée, son rejeton qui consommera ses brochettes le soir devant la télé ou l'ado qui revient de boîte de nuit à l'aube». La communication public cible bien sûr «le snacking et le nomadisme ». Le filon est lucratif, comme le souligne La Tribune: « Le mini-Président, le mini-Caprice des Dieux ou le mini-Bâton de Berger sont vendus plus de 30 % en plus de leur prix initial sans réelle valeur ajoutée.» Mais peu importe le surcoût : «Toutes les générations plébiscitent ces mini-versions pour le plaisir des yeux et l'achat d'impulsion. [ .. .) Les stations-service, les sandwicheries et, demain, les gares et pourquoi pas les écoles proposeront ces produits en selfservice dans des distributeurs automatiques 90. »
« Le goûter qui rend mince» Les aliments proposés par Danone et d'autres sous l'heureux prétexte du «goûter qui rend mince» encouragent une consommation de tous les instants parce qu'ils sont pratiques à transporter et qu'ils sont disponibles à tous les coins de rue. Ils sont à l'origine dans tous les pays développés d'un bouleversement radical des habitudes alimentaires, directement accusé de favoriser l'obésité 9 ' . Aux États-Unis, l'explosion de l'obésité est allée de pair avec celle du snacking et de la consommation hors domicile. Entre 1977 et 1994, le pourcentage d'Américains s'adonnant au snacking a augmenté de 25 % en moyenne, mais il a progressé de 35 % chez les femmes et de 31 % chez les enfants et les adolescents, une catégorie où l'obésité fait des ravages. Les fabricants de snacks ne font, selon eux, que « répondre aux attentes des consommateurs» comme l'écrit Nestlé en exergue d'une étude réalisée en 2000 sur la consommation hors repas. En clair, c'est parce que les gens veulent grignoter qu'on leur propose des choses à mastiquer ou à boire. Il est toutefois légitime de penser que l'abondance artificiellement créée par ces linéaires d'aliments prêts à consommer est à l'origine du grignotage, une hypothèse validée par plusieurs arguments scientifiques. 110
L es aliments du goOte r n o urr issent l 'épidémie d'obésltè
Accros aux snacks La plupart des animaux - et il n'y a pas de raison de penser qu'il en va différemment chez l'homme - savent spontanément composer des menus équilibrés lorsqu'on leur propose un choix de protéines, de glucides et de graisses, mais ce bon sens nutritionnel s'évanouit quand le choix s'élargit à des aliments sucrés et gras. Les rats auxquels on offre chaque jour une ration de protéines, une de graisses et une de glucides se développent nonmalement. Si on leur propose trois rations supplémentaires de glucides ou de graisses, la plupart de ces rats meurent de malnutrition par manque de protéines, alors même que celles-ci étaient à leur disposition. Les chercheurs qui ont conduit ces expériences ont voulu savoir ce qui se passerait si l'on offrait aux animaux une boisson sucrée. Pendant trente-cinq jours, ils ont proposé à des rates soit six rations d'eau, soit cinq rations d'eau pure et une ration d'eau sucrée à 32 %, soit enfin une ration d'eau pure et cinq rations d'eau sucrée. Les animaux de ce dernier groupe ont bu beaucoup plus d'eau sucrée, consommé plus de calories et grossi plus que les autres. Le groupe qui n'avait que de l'eau à son ondinaire est celui qui a pris le moins de poids 92. Peut-on devenir accro aux snacks? La spécialiste des neurosciences Ann Kelley (université du Wisconsin, Madison) pense que oui. Elle a donné pendant deux semaines à des rats des aliments riches en graisses et en sucres, et s'est aperçu que ce régime entraînait au niveau cérébral des changements identiques à ceux que provoque l'usage prolongé de morphine ou d'héroine. « La simple exposition à des aliments au goût agréable suffit à modifier l'expression de certains gènes, et cela veut dire qu'on peut devenir accro à certains aliments », dit-elle.
La marmotte victime du grignotage Les trente manmottes de la colonie de Mont-Dauphin, dans les Hautes-Alpes, sont (de moins en moins) là pour témoigner de cette fonme de dépendance, comme l'a déjà rapporté Sciences et Avenir. En 1999 paraît dans une brochure III
Santé. mensonges et propagande
touristique la photo d'un enfant donnant un biscuit à une marmotte. Les touristes ont donc pris l'habitude d'offrir chips et gâteaux à ces animaux, qui se sont retrouvés en peu de temps perclus de rhumatismes, défigurés par les pelades, essoufflés par la graisse en excès et ralentis par les difficultés respiratoires. Chaque année désormais, plusieurs marmottes ne se réveillent pas au printemps car la graisse qu'elles ont ainsi stockée n'est pas adaptée à l'hibemation, et la colonie a vu ses effectifs fondre de moitié en quatre ans. Ces expériences imposées aux rats et aux marmottes, les Américains les subissent« grandeur nature» depuis vingt ans. Globalement, leur consommation calorique a augmenté, avec un déplacement des repas (pris à la maison) vers la restauration rapide et les snacks (pris à l'extérieur), le plus souvent constitués de chips, de biscuits, de pizzas et de sodas". Chez les 19-39 ans, la consommation hors repas a doublé entre 1977 et 1996; les jeunes Américains étaient 28 % à manger tous les jours à l'extérieur en 1996, alors qu'ils n'étaient que 14 % à le faire deux décennies plus tôt. Parmi les aliments dont les ventes ont le plus progressé, on trouve les pizzas et les chocolats 94. En 1977, les snacks foumissaient 11% des calories quotidiennes, mais ce chiffre était de 17 % en 1994, et même de 21 % chez les enfants et les adolescents!
A l'américaine! Mais inutile de railler les Américains. Comme aux États-Unis, où les enfants avalent aujourd'hui en moyenne un minimum de deux collations par jour. le snacking se développe chez nous. Aujourd'hui, selon une étude Secodip réalisée pour l'industrie, les ménages français consacreraient au snacking 10 % de leurs dépenses alimentaires. C'est un marché en forte croissance, avec une progression en 2001 de plus de 10 euros par ménage, soit plus de 5 % en valeur. Si l'on en croit Le Canard enchaîné, l'étude Secodip décrirait « les stratégies des enseignes comme Monoprix, Atac et Casino, qui jouent la carte du snacking pour capter une clientèle jeune et familiale's». Et ce avec succès : si, en 1995, 23,6 % des Français avouaient plus de six prises alimentaires par jour Gusqu'à quinze), ils étaient 40,2 % à reconnaître la même chose deux ans plus t ard'·. Parmi les adultes, seul un Français sur cinq ne prend rien entre les trois repas; 112
L es a l ime nt s du goO t e r n o ur r isse n t l 'ép i démie d' o b és i té
les quatre autres ont un comportement de snacking 97. Les 18-24 ans étaient 62 % à grignoter en 1988, et 79% en 1997. Chez les 25-39 ans, le pourcentage passe dans la même période de 56 à 64 %. Comme aux États-Unis, les snacks les plus populaires sont aussi les plus douteux pour la santé: gâteaux, barres chocolatées, sodas, chips en tout genre. Plus on est « snackeur », plus on consomme de jus de fruits et de sodas aux t rois repas ainsi que de sandwichs au déjeune~ moins on consomme de thé, de café, de fruits et de soupe '8. Selon une enquête réalisée en 1997 par la Fédération nationale des familles de France, 21 % des jeunes prennent du Coca-Cola au déjeune~ et deux sur cinq grignotent pendant la matinée des gâteaux, des biscuits, des viennoiseries et autres aliments chocolatés 99. L'aliment le plus consommé en dehors des repas est le chocolat (8 1% de la consommation chez l'adulte, 66 % chez l'enfant I()O). Les parents sont pourtant invités à garder l'oeil sur la consommation de sodas par leurs enfants. Selon une étude de dix-neuf mois menée chez des enfants américains âgés de 11 à 12 ans, l'obésité va de pair avec la consommation de sucres. Chaque verre supplémentaire de boisson sucrée consommé par jour augmente le risque de surpoids et d'obésité 101.
Chéri, l'école n'a pas rétréci les enfants! En 2002, l'Académie de Haute-Saône a eu la bonne idée d'aller regarder ce qui se passait dans les écoles maternelles et primaires du département, où collations et goûters sont des institutions comme partout en France. Ce que les médecins et les enquêteurs ont trouvé donne froid dans le dos. En classe de maternelle, dans 99 % des cas, à peine les enfants sortent-ils de la table familiale du petit déjeuner qu'ils se voient servir une collation le matin à l'école. Près d'un tiers des classes proposent des gâteaux sucrés ou des barres de céréales plusieurs fois par semaine, les fameux « aliments du goûter qui rend mince ». Dans 65 % des cas, les enfants peuvent se resservir. Seules 2 % des classes maternelles proposent des fruits frais ou des compotes plusieurs fois par semaine. Ce n'est pas tout : un tiers des enfants prennent aussi un goûter l'aprèsmidi à l'école, parfois avant de remettre ça une fois rentrés à la maison. Dans III
Santé, mensonges et pr o pagande
76 % des cas, ce sont des gâteaux sucrés et des barres de céréales qui sont donnés plusieurs fois par semaine au goûter. Des résultats similaires ont été enregistrés dans les classes du primaire 102 Conclusion du docteur Jean-Luc Robbe, médecin conseil de l'académie que nous avons interrogé en novembre 2003 sur ces résultats: « La collation était peut-être justifiée dans les conditions socio-économiques de l'après-guerre. Aujourd'hui que les enfants évoluent vers l'obésité, nous pensons que la collation du matin est inutile, car elle redouble le petit déjeuner avec un apport calorique important. » Et le docteur Robbe de lister les aliments sélectionnés par les parents d'élèves lorsqu'ils sont chargés de fo umir la collation : gâteaux, chips, cakes, barres chocolatées, bonbons. Preuve que le message publ icitaire des vendeurs de «goûters» a bien été entendu. Au moment où ce livre est imprimé (mars 2004) - et ce passage sur le caractère pemicieux des collations scolaires rédigé depuis plusieurs mois - , l'AFssA reconnaît dans un avis t rès médiatisé que« la collation du matin à l'école, de par sa composition, son horaire, son caractère systématique et indifférencié, n'est pas justifiée et ne constitue pas une réponse adaptée à l'absence de petit déjeuner ». Dont acte. Mais avant de stigmatiser les parents qui lestent les cartables de goûters promoteurs d'obésité, peut-être faut-il se rappeler avec quelle agressivité les fabricants de goûters et les grands nutritionnistes qui les appuient ont depuis plus de dix ans fait la promotion de ces aliments, présentés comme des «trésors de santé ».
De plus en plus faim Les fabricants de snacks - pardon, de goûters - sont dotés de services de recherche sophistiqués et compétents qui connaissent sur le bout de leurs cellules la physiologie et la psychologie humaines. « L'industrie, précise le professeur Walter Willett (université Harvard, Boston, Massachusetts), conduit de vastes programmes de recherche pour savoir comment nous faire manger plus, par exemple en maximisant la praticité, en jouant sur la couleur, les sucres, les calories. En d'autres mot s, elle crée des hameçons pour exploiter les faiblesses humaines, et nous y mordons.» 114
L es aliments
du goOte r
n our r issent l 'épidémie d'ob ésité
Walter Willett sait de quoi il parle. À Harvard, on a voulu savoir comment nous réagissons à ces aliments aimablement transformés et mis à notre disposition par les industriels. Le docteur David Ludwig et ses collaborateurs ont étudié les réactions de douze garçons obèses à trois types de repas. Tous les repas avaient le même nombre de calories, mais ils différaient par leur index glycémique (IG), c'est-àdire leur capacité à augmenter le sucre sanguin. Les céréales raffinées ont généralement un IG élevé, qui entraîne une élévation brutale et importante du sucre sanguin, alors que les fruits et les légumes, qui sont aussi des glucides, ont un IG bas. Ludwig a trouvé que les repas dont l'IG est bas ou modéré sont plus efficaces que ceux dont l'IG est élevé pour calmer la faim et éviter le grignotage. Il s'agit de la première étude à montrer que la consommation de céréales raffinées augmente l'appétit. Plus précisément, les garçons qui avaient consommé un petit déjeuner dont l'IG était élevé (pain, croissants, confitures, biscuits, etc) suivi d'un déjeuner lui aussi riche en céréales raffinées ont consommé plus de calories au cours de l'après-midi. Le hasard a fait que les résultats de cette étude ont été présentés en petit comité à l'université Harvard un jour où nous étions sur place pour rencontrer le professeur Walter Willett. Voici ses commentaires: «Lorsqu'on consomme trop de céréales raffinées ou de sucres, il devient difficile de contrôler son poids dans la mesure où ces aliments entraînent des taux de sucre sanguins élevés, suivis d'une montée de l'insuline. Après deux à trois heures, l'insuline fait s'effondrer le niveau de sucre sanguin, parfois en-deçà de la nomnale. C'est alors que les gens éprouvent le besoin d'avaler des snacks avant le prochain repas.» Le 3 mars 2003, le docteur Shauna Bail (université de l'Utah, Salt Lake City) a confimné les résultats obtenus par David Ludwig dans une étude publiée par le joumal Pediatrics 101. Depuis, David Ludwig a montré que des adolescents obèses perdent plus de poids et plus de graisses corporelles lorsqu'ils suivent un régime pauvre en glucides raffinés qu'avec un régime pauvre en calories et en graisses 104,
115
Santé. mensonges et propagande
Le régime méditerranéen version snacking Si l'obésité était inconnue des rivages de la Méditerranée, ce n'est plus le cas, En 2000, trois chercheurs de l'université Paris X ont publié une étude sur l'évolution de l'obésité entre 1987 et 1996 chez les appelés du contingent Ils relevaient alors que la progression la plus spectaculaire et la plus inquiétante concernait l'arc méditerranéen: de 9 à 11% d'obésité en 1987; de 19 à 22 % en 1996! À l'entrée en sixième, 18,5 % des petites Gardoises et 15,4 % des jeunes Gardois sont obèses, Selon le docteur Patrick Garandeau (institut Saint-Pierre de Palavas), la fréquence de l'obésité chez les enfants du Languedoc-Roussillon a triplé en quinze ans: « Si l'on ne fait rien, dans dix ans nous atteindrons le niveau des Américains,» Une étude menée par le Comité régional d'éducation pour la santé révèle des comportements alimentaires erratiques : petit déjeuner sauté, ruée vers les pains au chocolat vendus à la récréation ou les barres chocolatées des distributeurs, frites, pizzas ou quiches au déjeuner. désaffecton pour l'eau au profit des canettes de soda, « Au lycée Champollion de Lattes (Hérault), qui compte deux mille élèves, neuf cents canettes de soda sont écoulées chaque joun>, détaille Patrick Garandeau 105, Une autre région inquiète les médecins, Il s'agit des Antilles, En Martinique, 20 % des adolescents répondent déjà aux critères du surpoids et de l'obésité, « Il s'agit, expliquent les chercheurs de /'Institut de recherche et développement (Montpellier), d'une tendance lourde amorcée dans les années 1980,» Est montrée du doigt l'évolution des habitudes alimentaires avec un recul de la cuisine créole traditionnelle et la place de plus en plus importante prise par les aliments sucrés et par les laitages (consommés au petit déjeuner par 53 % des filles et par 64 % des garçons) 106,
Moins de vitamines Tous les chercheurs le répètent: pour prévenir les maladies chroniques, comme le cancer. les maladies cardio-vasculaires et l'ostéoprose, il faut manger au moins cinq fruits et légumes par jour Dans la réalité, un aliment chasse l'autre, 116
Les aliments du goOter nourrissent l' é pid é mie d' obési t é
Chez les adolescents des pays développés en particulier, la fréquence hebdomadaire de consommation des fruits et des légumes diminue lorsque celle des boissons sucrées 107 et des snacks sucrés-gras 108 augmente. Les adultes qui consomment plus d'aliments sucrés reçoivent globalement moins de micronutriments protecteurs. Une étude sud-africaine a t rouvé que les apports en vitamines Blet E, en zinc, en fer, en magnésium et en cuivre diminuaient au fur et à mesure que les aliments sucrés représentaient une part plus importante de la consommation d'énergie. Chez les enfants de 6 à 9 ans, un phénomène identique est retrouvé pour la vitamine BI, le fer et le zinc, le minéral de la croissance 109. Les laitages, omniprésents dans les goûters occidentaux, perturberaient l'absorption des molécules protectrices présentes dans les fruits et les légumes, qu'on appelle flavonoïdes et qui nous préservent d'un vieillissement accéléré et du risque de maladie chronique.
Ouvrir les yeux Les produits dits «nomades» représenteraient déjà 43 % des glucides (sucres) chez les femmes adultes et autant chez les 15-24 ans. Des glucides très particuliers: céréales hautement raffinées, très glycémiantes, sollicitant à l'excès la sécrétion d'insuline, avec des effets qui se font sentir jusque dans les domaines les plus inattendus. Selon des travaux récents conduits à l'université de Sydney (Australie) et à celle du Colorado (Fort Collins), il faudrait chercher dans ces céréales raffinées la raison de l'épidémie de myopie qui frappe les pays développés IIO! La myopie, pratiquement inconnue il y a deux cents ans, toucherait un enfant sur trois en Europe et aux États-Unis. Dans les civilisations t raditionnelles qui se sont brusquement converties à l'alimentation moderne, les chiffres sont encore plus saisissants : il y a cent ans, les Inuits n'étaient myopes qu'à hauteur de 1%. Aujourd'hui, 50 % de la population est atteinte. Selon l'Australienne Jennie Brand Miller, « l'hypothèse est la suivante: si la myopie est plus fréquente qu'autrefois, c'est que notre alimentation contient des sucres qui provoquent une réponse très importante de l'insuline ». Or qui dit insuline dit facteurs de croissance, notamment sous la forme d'IGF (insulin-like growth factors). «Apparemment, 117
Santé. mensonges et propagande
poursuit le professeur Brand Miller. l'œil grossit trop sous l'influence de cet excès d'insuline et il a du mal à accommoder, ce qui se traduit par une myopie.»
Sale temps pour les dents Le snacking est une bénédiction pour les bactéries qui s'attaquent aux dents. En fait, selon la Fondation britannique pour la nutrition (BNF, British Nutrition Foundotion), la fréquence avec laquelle les personnes consomment des aliments sucrés est « le facteur alimentaire le plus important dans le développement des caries». Selon le rapport publié récemment par cet organisme, les personnes qui consomment des aliments et des boissons sucrées plusieurs fois par jour ont un risque de caries dentaires plus élevé que celles qui consomment la même quantité de sucres lors d'un seul repas. Lorsqu'on mange des aliments sucrés, la cavité buccale s'acidifie. Cette acidité est néfaste à l'émail, ce qui le rend vulnérable aux caries. Lors d'un repas, en revanche, la salive produite, très alcaline car riche en bicarbonates, aide à neutraliser les acides à la surface des dents.
L'enfer du pancréas Les snacks sont généralement des aliments à index glycémique (IG) élevé, qui sollicitent le pancréas et pounraient faire flamber l'épidémie d'obésité et de diabète qui touche la plupart des pays. Mais même des aliments dont l'IG parait bas peuvent brutaliser le pancréas. Rappelons que l'IG rend compte de la capacité d'un aliment à élever le sucre sanguin. Cette valeur est indexée à la même quantité d'un aliment de référence, en l'occurrence le glucose ou le pain blanc. Par exemple, comparés au pain blanc (IG = 100), un yaourt nature a un IG de 62, ce qui est assez bas, alors que l'IG d'une barre chocolatée est de 80, ce qui est plutôt élevé. Tout récemment, Jennie Brand Miller. de l'université de Sydney (Australie), a introduit le concept d'index insulinémique des aliments (II). Il s'agit de s'intéresser à l'élévation de l'insuline provoquée par la digestion d'un aliment Si index 118
les aliments du goOter nourrissent l' épidé mie d'obésité
glycémique et index insulinémique se recoupent souvent, ce demier concept névèle des sunprises. Pour reprendre les exemples citées plus haut, la barre chocolatée, dont l'IG est élevé, obtient effectivement un score d'II très haut (122). Mais le yaourt, dont l'IG n'est pourtant que de 62, entraîne une néponse du pancnéas quasiment aussi forte (II = 115) ! Il faut saluer ici l'initiative de Danone, qui propose aujourd'hui quelques biscuits à index glycémique bas (baptisés EDp, pour énergie à diffusion progressive), hélas encore bien isolés au sein d'une gamme de biscuits et de gâteaux classiques, à l'IG élevé.
Une maman contre l'industrie Le goûter peut être une bonne chose chez l'enfant comme chez l'adulte, à condition de ne pas alourdir la consommation énergétique au-delà du nécessaire. La plupart des aliments transformés par l'agrobusiness, formatés pour le goOter. entraînent une augmentation de l'appétit qui conduit au grignotage. Idéalement, les aliments du goûter devraient d'abord être le moins transformés possible: principalement des fruits, sous toutes leurs formes (y compris noix, noisettes, amandes, olives, marrons, châtaignes, etc.), et accessoirement des biscuits secs ou du pain complet, du chocolat noir peu sucné, du fromage ou un yaourt nature. Mais comment. lorsqu'on est parent soucieux de la santé de ses enfants, peser dans la balance, faire entendre à son fils ou sa fille la voix du bon sens 1 D'un côté, le bombardement incessant des messages publicitaires télévisuels (plusieurs milliers par an), conçus par des as du marketing et vantant des aliments fabriqués pour favoriser la dépendance. De l'autre, les efforts sporadiques d'une maman pour faire avaler à ses enfants autre chose que des produits dénatu nés et conditionnés ... Bon courage aux parents du siècle nouveau!
Sucres, céréales et diabète: le sujet tabou
Il parait que l'industrie nous prépare des oignons sans larmes. je pense qu'ils
y arriveront -
après tout, ils nous
ont déjà donné du pain sans goût. RO BE RT ORBEN
Les glucides (sucres) n'ont aucune responsabilité dans l'épidémie mondiale de diabète. C'est le discours officiel, preuves scientifiques à l'appui. Dommage que ces preuves soient largement édulcorées.
Une explosion épidémique
« Le diabète non insulino-dépendant connaît en France et dans le monde entier une explosion de type épidémique », s'alanmait récemment le professeur Philippe Passa (hôpital Saint-Louis, Paris). Ce diabète, que l'on appelle aussi « diabète de type 2 » (par distinction avec le diabète de type l , qui touche surtout les enfants) , apparaît chez des personnes d'âge mûr et est une maladie sérieuse par ses complications. Le diabète de type 2 est précédé d'une phase au cours de laquelle les cellules ne répondent plus aux injonctions de l'insuline, une hormone sécrétée par le pancréas, qui nonmalement leur commande de capter le sucne sanguin. Cet état. qualifié de « résistance à l'insuline », est un drame pour le pancréas, qui s'épuise à fabriquer toujours plus d'insuline dans l'espoir de 120
Sucres . cé r éa l es e t di a bète : le s ujet t abou
ramener le sucre sanguin à son taux physiologique ( 1gramme par litre environ). Si rien n'est fait, un diabète s'ensuit. Le pourcentage de diabétiques de type 2 a presque triplé en France entre 1970 et 2000, passant de 1 à 2,8 % de la population. Les diabétiques étaient 500000 en 1970, près de 1.3 million en 1980, et ils sont plus de 2 millions aujourd'hui. Les dépenses en médicaments ont suivi. passant de 500 millions d'euros en 1995 à 1 milliard aujourd'hui. Selon les experts, il faut chencher les raisons de cette épidémie dans les modifications du mode de vie, qu'il s'agisse de la sédentarité ou de l'alimentation moderne. Notre alimentation est donc montrée globalement du doigt, sans que les spécialistes s'accordent vraiment sur le type d'aliments susceptibles de précipiter durablement le sucre sanguin vers des sommets.
Des Français na:ifs Si les incertitudes sont nombreuses, il y a au moins une chose sur laquelle les experts français sont formels : les glucides (sucres de tous types, simples et complexes) sont hors de cause. Dans la toute récente édition (2000) des Apports nutritionnels conseillés pour la population (i'ançaise, ouvrage officiel de référence, les experts de l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) se gaussent de celles et ceux d'entre vous qui pensent bien naivement qu'en consommant trop de glucides on risque le diabète. « Le rôle diabétogène des glucides et notamment du saccharose, écrivent-ils, est une croyance populaire très répandue mais ne reposant sur aucune base scientifique I I I.» À l'appui de cette affirmation sont citées plusieurs études chez l'animal. Elles tendent à prouver que les animaux que l'on gave de sucres ne développent un diabète que s'ils sont génétiquement sélectionnés. Les experts français s'appuient aussi sur les résultats d'études cliniques et épidémiologiques. Conclusion imparable: les glucides, c'est-à-dire les céréales, les féculents et les sucres simples ne favorisent pas le diabète chez les personnes bien portantes.
121
Santé. m e nsonges et propagande
L'expert oublié L'ouvrage dans lequel ces affirmations sont publiées est paru à l'automne 2000. Les deux seules études chez l'animal citées par les experts de l'AFSSA sont - jugez-en - d'une grande actualité puisque l'une date de 1964 et l'autre de 1974! À croire que la recherche dans ce domaine s'est arrêtée un quart de siècle avant la rédaction de ce livre. Pourtant, elle ne s'est jamais ralentie. Elle occupe même de façon quasi exclusive une équipe de chercheurs de l'université du Colorado, équipe dirigée par le docteur Mike Pagliassotti. Ce chercheur est aujourd'hui considéré comme le meilleur spécialiste mondial pour ce qui est des effets des sucres sur l'animal en relation avec le risque de diabète. Les travaux de Mike Pagliassotti, récents et publiés dans les meilleurs journaux scientifiques. n'ont pas été cités par les experts de l'AFSSA, pas plus que son avis n'a été recueilli par ces mêmes experts. Nous lui avons donc posé les questions qu'auraient dû lui poser les experts de l'AFssA avant de balayer d'un revers de la main la responsabilité possible des sucres en général, et des sucres simples en particulier : • Quels sont les effets de la consommation de sucres chez le rat? « Les sucres simples, qu'il s'agisse de saccharose, de glucose ou de fructose, favorisent l'apparition d'une résistance à l'insuline (voir ci-contre). Ils semblent affecter en priorité le foie.» • Utilisez-vous pour vos expériences des animaux génétiquement susceptibles au diabète ou à la résistance à l'insuline? « Non. Nous voyons les mêmes résultats quelle que soit la population de rats. » • En quoi ces résultats s'appliquent-ils à l'homme? « Le sucre est métabolisé de la même manière chez le rat et chez l'homme, il n'y a donc aucune raison de penser que le sucre aurait des conséquences différentes chez l'homme. Le sucre favorise donc l'apparition de résistance à l'insuline, mais ce processus est probablement long. Les quatre à six mois évoqués pour le rat représentent de dix à quinze ans chez l'homme.»
11 2
Sucres. céréales et diabète : le sujet tabou
Résistance à l'insuline et syndrome X Qu'est-ce au juste que cette résistance à l'insuline dont parle Mike Pagliassotti, qui guetterait les gros consommateurs de sucres qu'ils aient ou non un pelage? C'est une histoire qui a déjà plus de soixante ans, quand des chercheurs ont soupçonné l'insuline de jouer un rôleclé dans certaines maladies chroniques. L'insuline est une hormone
sécrétée par le pancréas et libérée dans le sang lorsqu'on consomme des glucides (sucres, céréales, pommes de terre, etc.) et, dans une moindre mesure, lorsqu'on mange des protéines et des graisses. Les glucides que nous avalons sont transformés en glucose. L'insuline a pour rôle de conduire nos cellules à capter ce glucose sanguin pour les besoins d'énergie de l'organisme. Ainsi, notre taux de sucre sanguin, qu'on appelle « glycémie », reste relativement stable. Lorsq ue les cellules musculaires (mais aussi celles du foie, du tissu adipeux, des parois vasculaires) ne répondent plus aux sollicitations de l'insuline, on parle de résistance à l'insuline. Le sucre sanguin a alors tendance à rester élevé, et le pancréas s'épuise à produire toujours plus d'insuline pour remédier à cette situation. La résistance à l'insuline a des conséquences importantes sur l'organisme. Elle entraîne à la longue un taux d'insuline chroniquement élevé et un
ensemble de dérèglements, qu'on a baptisé « syndrome X» et qui comprend notamment de l'obésité, un diabète ou pré-diabète. des
problèmes cardiaques, de j'hypertensio n, un « bon» cholestérol (HDL) trop bas, des triglycérides élevés ... Qui est concerné par la résistance à l'insuline? Personne ou pratiquement personne dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs et dans les populations restées fi dèles à un mode de vie traditionnel, mais il en va autrement dans les pays développés ...
Tous les glucides ne sont pas égaux Dans les deux heures qui suivent la consommation de glucides, le glucose est rapidement extrait des aliments et le taux de glucose sanguin s'élève. Les aliments sont classés selon leur capacité à élever ainsi la glycémie. Schématiquement les aliments dont l'index glycémique est élevé entraînent une élévation rapide et importante du sucre sanguin. En revanche, les aliments dont l'index glycémique III
Santé. m ensonges et propagande
est bas libèrent leur glucose lentement Concrètement on utilise le concept de charge glycémique, qui est simplement le produit de l'index glycémique par la quantité de glucides que contient une portion de l'aliment De très nombreuses études montrent que les aliments dont la charge glycémique est la plus élevée provoquent des bouleversements dans l'organisme qui, à la longue, conduisent à une résistance à l'insuline 112. Quels sont ces aliments? Il s'agit du glucose, du pain blanc, du riz blanc, des céréales du petit déjeuner type corn flakes, du riz soufflé, des pommes de terre, des confiseries, des barres chocolatées, des viennoiseries, du sucre blanc, des confitures et de certains gâteaux. Si le cas des aliments sucrés comme les bonbons ou les sodas est limpide, la confusion règne en ce qui concerne le pain et les pommes de terre. Dans l'esprit du grand public - et dans celui de nombreux médecins - , il s'agit de «sucres lents» libérant peu à peu leur glucose dans le sang (c'est d'ailleurs ainsi que les présente le marketing très pointu des filières de production, de transformation ou de distribution). En réalité, eux aussi peuvent provoquer une résistance l'insuline 11 3 Hormis le fait qu'ils appartiennent à la famille des glucides, ces aliments partagent d'autres points communs. D'abord, il s'agit d'aliments« modernes» en ce sens qu'ils sont apparus très tardivement dans l'alimentation humaine. Les céréales, et notamment les céréales raffinées, et les sucres simples ajoutés sont inconnus de nos ancêtres du paléolithique. Absents pendant plusieurs millions d'années de notre régime, ils n'apparaissent qu'à partir du néolithique, il y a dix mille ans, avec la sédentarisation et le développement de l'agriculture. Céréales raffinées et sucres, très peu présents dans le régime des chasseurs-cueilleurs du vingtième siècle 114, sont rarement consommés par l'Européen moyen jusqu'aux dix-septième et dix-huitième siècles. Ce n'est qu'après la révolution industrielle que leur part va enfler (par exemple, on ne mangeait que 6,8 kilos de sucre par personne et par an en Angleterre en 18 15, mais 54,5 en 1970) . .Leurs caractéristiques particulières rendent ces aliments extrêmement délicats à gérer sur le plan physiologique, en particulier par des organismes qui ne les avaient jamais rencontrés auparavant
124
Sucres. cér éa les et diabète
le su j e t tabou
Dans le secret de l'amidon Les céréales offrent un bon exemple. Non seulement, en effet, elles sont aujourd'hui consommées raffinées, mais leur natune même a changé. Les céréales modemes favorisent, encone plus que par le passé, l'élévation du sucre sanguin. Pour compnendne pourquoi, il faut entrer dans le secnet de l'amidon. Il existe deux types d'amidon: l'amylose et l'amylopectine. L'amylose se présente un peu comme une chaîne de perles dans laquelle chaque perle est une molécule de glucose. Pour figurer l'amylopectine, prenez la même chaîne, mais ajoutez toutes les vingt-cinq perles, de part ou d'autre de l'arête centrale, d'autnes chaînes de perles. Amylose et amylopectine sont digérées par un groupe d'enzymes appelées « amylases ». Nous avons des amylases dans la salive, donc la digestion commence dès que l'on mâche de l'amidon, mais la plus grosse part de l'amidon est digérée dans l'intestin grêle. Comment font les amylases? Elles attaquent les chaînes d'amidon pour les fragmenter en unités plus petites, dont d'autnes enzymes spécialisées extrairont le précieux glucose. L'amylose ne se laisse pas facilement démanteler par les amylases parce qu'elle fomre facilement des structunes en hélice qui s'empilent les unes sur les aulnes, ce qui les nend difficiles à digéner. À l'inverse, l'amylopectine présente une structure plus ouverte. Sa composition, faite de nombreuses branches, offne aux amylases de multiples endroits où attaquer la liaison entne les molécules de glucose. Les aliments riches en amylopectine ont donc - parce qu'il pemrettent aux enzymes digestives. de libérer plus rapidement le glucose qu'ils nenfemrent - un index glycémique plus élevé que les aliments riches en amylose. Des études conduites dès 1993 à l'université de Sydney par Suzy Brynes ont montré que les rats auxquels on donne un régime alimentaine riche en amylopectine deviennent résistants à l'insuline, une condition qui prédispose au diabète. Cela est vrai quel que soit l'âge auquel ce régime est introduit, et même le changement d'alimentation au profit de l'amylose ne permet pas à ces animaux de retrouver la santé. L'idéal serait de consommer des céréales dont l'amidon est constitué en majorité d'amylose. C'est le cas de certaines céréales que l'on mange dans le 12S
Santé. mensonges et propagande
tiers-monde. Chez nous, c'est le contraire. Les céréales « modernes)} contiennent une majorité d'amylopectine: le blé, par exemple, renferme en moyenne 25 % d'amylose et 75 % d'amylopectine. Il en va de même pour la plupart des riz de consommation courante, dont les variétés les plus cultivées ont été sélectionnées au fil des années pour avoir le taux d'amylose le plus bas afin de faciliter leur cuisson (le riz basmati, lui, contient plus d'amylose). La pomme de terre, enfin, qui n'est pas une céréale mais qui est une source importante d'amidons, est elle aussi surtout faite d'amylopectine (80 %). Voilà l'une des raisons pour lesquelles la plupart des aliments farineux que l'industrie nous propose ont un index glycémique élevé.
Sucres à tous les rayons Si le sucré reste dans l'inconscient collectif associé au saccharose (le sucre blanc), l'industrie alimentaire n'en est pas restée là. Aujourd'hui, le goût sucré est obtenu en ajoutant du sucre, bien sûr, mais aussi de plus en plus souvent du glucose, du fructose et surtout du sirop de ma:!s, riche en fructose (high fructose corn syrup, ou HFCS), ou encore du maltose, un sucre composé de deux molécules de glucose. Le fructose bénéficie d'une bien meilleure réputation que le sucre blanc car on le trouve naturellement dans les fruits. Baptisé «sucre de fruits », il est aujourd'hui un argument marketing utilisé par les industriels pour vendre confrtures, biscuits diététiques ou compotes aux mamans qui cherchent dans les rayons de supermarché une «alternative santé» au sucre blanc. Il est aussi conseillé par les médecins aux patients diabétiques en lieu et place du sucre blanc parce qu'il ne stimule pas la sécrétion d'insuline par le pancréas. Chouette, enfin un sucre dont l'index glycémique est bas! Malheureusement, le fructose présente quelques petits inconvénients ...
126
Sucres, cé r éa l es et d i abète: l e sujet tabou
Le fructose, chouchou de l'industrie Le fructose, on l'a dit, ne sollicite pas l'insuline du pancréas, mais il entraîne une élévation des graisses circulantes et la baisse d'une honmone qui contrôle l'appétit, la leptine. Les animaux auxquels on donne un régime riche en fructose se mettent à manger plus, et leur poids aussi bien que leurs graisses corporelles augmentent Chez l'homme, il semble que le fructose conduise aux mêmes effets, avec de surcroit une élévation de la pression artérielle si l'on en croit le petit nombre d'études publiées Il s Présenté par certains médecins comme un bon sucre pour les diabétiques, le fructose provoque une résistance à l'insuline chez le rat et chez le chien, et une augmentation de la production de radicaux libres, des particules réactives qui endommagent tissus et cellules en particulier au niveau du foie, du pancréas, des reins et du coeur. Il existe encore peu d'études chez l'homme, mais celles dont on a connaissance vont dans le même sens. Selon le docteur Sharon Elliott (université de Californie, Davis), la consommation chronique de fructose ajouté conduit vraisemblablement à une augmentation de la consommation énergétique, au gain de poids, à l'obésité et au syndrome de résistance à l'insuline 11 6 Plus inquiétant: chez un diabétique, le fructose pounrait accélérer l'évolution vers les complications tant redoutées par les médecins (rétinopathies, gangrènes, etc. 117). Un comble! La consommation de fructose n'a cessé de croitre dans les pays développés depuis trente ans, en particulier parce que l'on boit plus de sodas et que ceuxci sont de plus en plus souvent sucrés au fructose ou au HFCS. Aux États-Unis, alors que la consommation de sucre (saccharose) diminuait entre 1970 et 1997, passant de 46,4 à 30,5 kilos par personne, celle de HFCS faisait un bond sidérant, de 0,23 à 28,4 kilos par personne. La composition du HFCS changeait dans le même temps: en 1970, il contenait 42 % de fructose; en 1997, la majorité des HCFS fournissaient 55 % de fructose. Le résultat est que chaque Américain consommerait aujourd'hui plus de 30 kilos de fructose ajouté (en dehors du fructose apporté naturellement par les fruits) par personne et par an; chez les adolescents, le chiffre réel serait plutôt proche de 40 kilos! Étant donné que le saccharose, au moment de la digestion, se transfonme pour moitié en glucose 127
Santé. mensonges et propagande
et pour moitié en fructose, on a pu calculer que la consommation totale de fructose libre (ne provenant pas des fruits) a augmenté de 4 800% aux États-Unis entre 1970 et 2000 li S ! En France, où l'on s'engage sur les pas des États-Unis, les industrels utilisent de plus en plus le fructose pour édulcorer leurs produits. Comme la consommation totale de saccharose ne diminue pas, notre consommation quotidienne de fructose libre explose.
Nos enfants en première ligne Nous avons demandé à Mike Pagliassotti son avis sur ces sucres simples et les aliments qui en contiennent • Pensez-vous que les sucres soient à l'origine de cas de diabète chez l'homme? « Il n'existe pas de données épidémiologiques liant la consommation de sucre blanc à l'apparition de diabète. Le problème pourrait venir du sucre, du glucose et du fructose ajoutés aux aliments. On peut s'attendre alors à une susceptibilité plus grande à développer une résistance à l'insuline, mais on ignore la magnitude de cet effet» • Si vous deviez (ormuler des conseils alimentaires, que diriez-vous? «Je conseillerais aux gens d'essayer d'éviter les aliments auxquels on a ajouté sucre et fructose, par exemple ceux qui contiennent du sirop de maIs.» Suivre ce conseil est cependant loin d'être simple, car glucose, fructose et HFCS sont aujourd'hui incorporés à une gamme d'aliments si vaste qu'elle donne le tournis: aliments pour bébés et enfants, gâteaux et biscuits, pain, confrtures, yaourts, bière, chewing-gums, confiseries, barres chocolatées, poudres chocolatées, pâtisseries, céréales du petit déjeuner. boissons aux fruits, fruits en conserve, pop corn, sodas, chocolat. boissons du sportif... La consommation régulière, en grande quantité, de ces aliments riches en glucose et en fructose est-elle innocente?
128
Suc r es. céréa l es et diabète
le sujet tabou
Frankensucres En plus de la surcharge métabolique que représentent ces sucres simples, nous devons faire face à celle des céréales raffinées, dont la charge glycémique, on l'a vu, est particulièrement élevée. Ces aliments représentent de nos jours envinon 85 % des céréales consommées dans les pays développés I l'' Aux États-Unis aujourd'hui, plus du tiers de l'énergie est apportée par des aliments qui entraÎnent une résistance à l'insuline, qu'il s'agisse des sucres ajoutés ou des céréales raffinées. Il n'est donc pas étonnant que, dans nos pays développés, jusqu'à 40 % des personnes en apparente bonne santé soient résistantes à l'insuline 120 ! Pour l'homme du néolithique que nous sommes resté, ces glucides-là sont une forme de «sucres fous»; on pounrait même parler de « Frankensucres ». Sur leurs traces, une maladie nouvelle fait son apparition. La plus ancienne description du diabète date du quatrième siècle avant Jésus-Christ: des médecins indiens constatent que des fourmis se pressent autour de l'urine de certains malades; cette nouvelle affection est baptisée Modhumeho. Au cours du premier siècle après Jésus-Christ, Arateus de Cappadoce, qui vit en Asie Mineure, détaille lui aussi une maladie rare qui affecte certains de ses concitoyens: il lui donne le nom de «diabète» (qui en grec signifie « excès d'urine »). Six siècles plus tard, le diabète fait son apparition en Chine. Les symptômes en sont parfaitement décrits par le médecin Chen Chuan. Aujourd'hui, l'incidence du diabète augmente dans toutes les sociétés traditionnelles qui se convertissent aux aliments raffinés et sucrés 121. Ainsi, les Indiens pimas d'Arizona, qui renoncent à leur régime traditionnel à base d'aliments complets, de légumes, de légumineuses et de fibres insolubles pour adopter le régime anglo-saxon, riche en amidons raffinés et transformés, voient leur risque de diabète multiplié par deux et demi 122 En Guadeloupe, où une population d'origine africaine est exposée à une consommation élevée de sucre, le diabète touche de 7 à 10% des adultes.
129
Santé. m e nsonges et propagand e
L'AFSSA
fait disparaître 36000 femmes!
Les études épidémiologiques citées par les experts de l'AFSSA pour affirmer que les sucres ne donnent pas le diabète datent, pour les plus récentes, de 1992, soit huit bonnes années avant leur rédacton des Apports nutritionnels conseillés
pour la population française. Il est vraiment regrettable que l'œil sagace de ces spécialistes n'ait pas été attiré par l'étude de Katie Meyer. parue en avril 2000. Cette année-là, le docteur Meyer et des chercheurs de l'université du Minnesota ont publié les résultats d'une étude qui avait duré six ans. Elle suivait 36000 femmes âgées de 55 à 69 ans. Les chercheurs n'ont pas trouvé que les femmes ayant consommé le plus de glucides (en général) avaient plus de diabète que les autres, mais ils ont trouvé en revanche que celles qui avaient mangé le plus de glucose et de fructose - deux sucres - avaient un risque de diabète accru de 30 % 123.
Encore plus fort: l'AFSSA volatilise 108 000 volontaires! Tout à leur démonstration que les sucres ne favorisent pas le diabète, les experts de l'AFSSA n'avaient pas plus remarqué, en 1997, les résultats de deux monumentales études épidémiologiques conduites sur plus de 108000 personnes aux États-Unis 124. Ces résultats, publiés dans des journaux médicaux de premier plan, avaient alors été rapportés jusque dans La Dépéche du Midi. Les voici résumés dans leurs conclusions les plus récentes. En 1986, l'équipe d'épidémiologistes de l'École de médecine de l'université de Harvard, dirigée par le professeur Wa~er Willett, a recueilli des infonmations sur les pratiques alimentaires de 42759 hommes âgés de 40 à 75 ans et de 65 173 femmes âgées de 40 à 65 ans. Ces hommes et ces femmes, dont aucun ne souffrait de diabète au début de l'étude, ont été suivis pendant six ans. Au tenme de cette période, 523 cas de diabète non insu lino-dépendant ont été diagnostiqués chez les hommes, et 915 cas chez les femmes. Les deux études ont identifié les principaux aliments associés au risque de diabète, et ils sont les mêmes chez les hommes comme chez les femmes: il s'agit encore une fois de 130
Sucres. céréales et diabète
le su jet tabou
glucides. Celles et ceux dont le régime alimentaire est pauvre en fibres mais riche en sodas, en riz et en pain blancs ainsi qu'en pommes de terre présentent donc un risque de diabète multiplié par 2, 17 chez les hommes et par 2,5 chez les femmes.
Mauvaises nouvelles pour le cœur Depu is cinquante ans, les graisses alimentaires sont accusées par les experts de favoriser les maladies cardio-vasculaires et le diabète. Depuis cinquante ans, la population occidentale a été, année après année, invitée à manger moins de graisses et plus de glucides, mais les glucides consommés par la majorité d'entre nous aujourd'hui sont des « Frankensucres», des aliments hautement transformés qui ont perdu leurs principales qualités nutritionnelles et devraient inciter ceux qui en font la promotion à la prudence. Les chercheurs de Harvard ont en effet découvert un autre effet indésirable des aliments dont l'index glycémique est élevé: ils augmentent. au moins chez la femme, le risque d'infarctus du myocarde 125. On croit d'ailleurs savoir comment. puisque les amidons raffinés lorsqu'ils sont consommés en grande quantité font baisser le niveau de « bon» cholestérol et monter celui des triglycérides, deux facteurs importants du risque cardio-vasculaire 126. Ils élèvent aussi le niveau d'une protéine pro-inflammatoire (C-réactive), qui augmente le risque de maladie cardiaque 127. Ces études ont semble-t-il échappé à la Fédération française de cardiologie qui, dans son miniguide Le Bon Mangeur, conseille de « consommer davantage de pain et de féculents». Les aliments raffinés, qui font brutalement grimper l'insuline, sont aussi accusés dans plusieurs études d'augmenter le risque de cancer du pancréas, en particulier chez les femmes en surpoids 128, mais aussi les risques de cancer du côlon 129, de cancer du sein IJO et de cancer des ovaires 131.
131
Santé. mensonges et prop aga nde
Le lobby du sucre Si les Français consomment de plus en plus de glucides transformés, on le doit en partie aux efforts de l'Association sucre-produits sucrés communication consommation (ASPCC). Cette structure a été créée par les grands noms de l'alimentaire sucré pour assurer la promotion de leurs produits. On y trouve CocaCola, Eridiana Béghin Say, Danone, Mars, Nestlé, Saint-Louis Sucre et d'autres. Le 7 juin 2000, l'ASPCC a publié une étude sur la consommation de glucides en France, étude dont les résultats ont fait l'objet d'une monumentale campagne de presse sur le thème: les Français ne consomment pas suffisamment de glucides. « La part des glucides totaux dans les apports énergétiques quotidiens est en moyenne de 40,5 %, valeur nettement inférieure aux 50 à 55 % recommandés », écrivent en effet les auteurs du rapport. L'ASPCC s'est faite plus discrète sur l'un des résultats éloquents de l'enquête. Celle-ci révèle en effet que les sucres inutiles, les « Frankensucres », représentent déjà plus du tiers des glucides consommés en France, soit environ 70 g par jour apportés par des sodas, des biscuits, des barres chocolatées ou des yaourts. Impressionnant? Pas pour les auteurs du rapport. qui jugent cette «valeur très inférieure à ce qui est observé dans d'autres pays », comme l'Amérique du Nord. Une référence, en effet Peu importe donc que chaque Français avale, selon les études, de 25 à 34 kilos par personne et par an de ces sucres sans intérêt nutritionnel. Le message à reteni" c'est que « les Français ne consomment pas suffisamment de glucides ». Mais pas de crainte pour l'avenir des vendeurs de produits sucrés, car selon des travaux très récents on pourrait devenir «accro » à ces aliments. Telle est en tout cas l'hypot hèse avancée par John Hoebel (université Princeton, New York). Hoebel a montré récemment que des rats auxquels on donne un régime alimentaire riche en sucre (25 %) montrent tous les symptômes de la dépendance lorsque le sucre leur est ret iré. Ces symptômes s'apparentent à ceux du sevrage de la nicotine et de la morphine chez l'homme. Selon Hoebel, «certaines personnes peuvent devenir dépendantes à l'excès d'aliments sucrés. Les drogues ont un effet plus important mais c'est pour l'essentielle même processus 132.» 132
Sucres. cé r éales et diab è t e
le sujet tabou
Le pain, une affaire d'État De leur côté, les amidons, les céréales (raffinées ou pas) constituent plus que jamais le socle des recommandations alimentaires françaises. Il faut dire que les ramifications de la filière céréalière française rejoignent le cœur même de l'État Céréaliers de France est ainsi à l'origine d'une « collective» appelée Univers Céréales, qui se présente sans ambages comme le « centre d'infonmation et de promotion des produits céréaliers ». Panmi les membres de ce centre de promotion, on relève la présence du ministère de l'Agricu~ure, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales, mais aussi celle. plus surprenante, de la Direction générale de la concurrence. de la consommation et de la répression des fraudes, qui dépend du ministère de l'Économie. Dans un document récent, Univers Céréales détaillait ses « objectifs de communication nutritionnelle », orientés à la fois vers les professionnels de la santé et vers le consommateur: il s'agit de valoriser les « atouts nutritionnels des produits céréaliers» et de « s'inscrire dans la démarche du programme national N utrition-Santé (PNNS, ministère de la Santé) en réhabilitant les produits céréaliers comme base de l'équilibre alimentaire tout en tenant compte de l'impact du raffinage sur les produits finis ». De son côté, l'Association des meuniers de France se félicite d'avoir créé un « comité scientifique » qui permettra de promouvoir les produits céréaliers et de les « défendre si [leurs] farines étaient l'objet d'attaques injustifiées» (sic). Les vendeurs de céréales n'auront aucune difficulté à atteindre l'objectif de « s'inscrire dans la démarche du PNNS» puisque c'est déjà fait: le directeur du PNNS, le docteur Serge Hercberg, est en effet au civil membre du fameux « comité scient ifique» créé par les meuniers. Par ailleurs, le docteur Hercberg a bénéficié pour l'étude SU.VI.MAX, qu'il coordonnait, du financement des Grands Moulins de Paris.
III
Santé. mensonges et propagande
Le plein d'amidon Intervenant le 5 avril 200 1 lors du Symposium Pain et Santé, puis en juin 2001 au III' Congrès de la boulangerie, le docteur Hercberg a défendu l'intérèt nutritionnel du pain, « un aliment simple, naturel, de trad~ion pour préserver le tfench paradox ». Et tant pis si rien dans la I~érature scientifique ne pemnet de dire en quoi le pain explique le french paradox, la particularité française qui veut qu'en dépit d'un taux de cholestérol comparable à celui de leurs voisins les Français ont moins de maladies cardio-vasculaires. Le docteur Hercberg a fixé comme objectif au PNNS d'augmenter «la consommation de glucides afin qu'ils contribuent à plus de 50 % des apports énergétiques joumaliers en favorisant la consommation des aliments source d'amidon 1J3 ». À l'unisson, les experts de l'AFSSA recommandent que l'essentiel des calories glucidiques soit apporté par «le pain, les céréales et les produits céréaliers, les pommes de tenne, les légumes secs ». L'idée est en effet répandue chez les nutritionnistes que la consommation de céréales a atteint des niveaux bas jamais connus dans le passé, une situation alarmante qui do~ être corrigée. La vérité, c'est que les Français consomment plus de produ~ céréaliers qu'il y a trente ans. S'il est incontestable que la part du pain a fortement baissé, celle des autres produits céréaliers a plus que doublé, au point de compenser le recul du pain. Lorsqu'ils soulignent que les Français mangent beaucoup moins de pain qu'autrefois, les céréaliers et leurs alliés nutritionnistes font généralement référence au début du vingtième siècle, or il s'ag~ d'un point haut, un niveau que l'on peut considérer comme accidentel dans l'histoire alimentaire française. Jusqu'au milieu du dix-huitième siècle, les céréales et les féculents n'apportent pas plus de 1200 calories par jour (kCal/j). À partir de 1750, leur part ne cesse d'augmenter pour atteindre 2400 kCal/j en 1890, avant de régresser à nouveau. Aujourd'hui, les céréales ont largement retrouvé la place qu'elles ont trad~ion nellement occupé, d'autant que la consommation totale de calories a fortement baissé depuis un siècle (voir graphique page ci-contre). Enfin, les céréales peuvent poser à l'organisme plusieurs problèmes.
134
Sucres, céréa l es et diabète : le sujet tabou
Contribution des céréales et des féculents à la consommation énergétique (en kCalijour) CJ céré"les + féculents
2 500
......
2 000 C-
1 500 1 000
r
,-
1"""
~
500
o 1750
1800
1900
1850
1950
2000
Trop d'acide Les céréales comme les légumineuses apportent de grandes quantités de composés antinutritionnels appelés « lectines ». Ces protéines un peu particulières rendent nos intestins perméables, c'est-à-dire qu'elles permettent le passage dans la circulation sanguine d'autres lectines et de fragments de protéines qui ressemblent aux protéines de l'organisme. C'est le cas de la gliadine du blé; la présence de cette dernière dans le sang peut déclencher une réaction des globules blancs destinée à l'éliminer; mais comme elle a des points communs avec des protéines normalement présentes dans le corps, le système immunitaire peut se retourner contre le corps lui-même et provoquer des maladies auto-immunes. Les céréales, tout comme les sucres simples et les légumineuses, sont aussi des pourvoyeuses d'acide à l'organisme. Elles contribueraient pour 40 % à la charge acide nette de l'alimentation moderne, elle-même tnès acide, en rupture totale avec la charge basique nette que fournissait l'alimentation préhistorique 134. Ce basculement. il y a vingt mille ans, d'un état profondément alcalin à un état acide est associé à un risque accru d'ostéoporose, de fonte musculaire 135, de calculs rénaux 136 ou encore d'insuffisance rénale 137. Les recommandations actuelles qui visent à faire consommer par la population française près de la moitié de ses calories quotidiennes sous la forme de glucides, en particulier de céréales et de féculents, s'éloignent visiblement du régime alimentaire pour lequel nous sommes génétiquement faits. Les meilleurs Il5
Santé, mensonges et propagande
spécialistes de nutrition au monde, les chercheurs de l'École de santé publique de Harvard, estiment aujourd'hui, arguments à l'appui, d'une part que cette place est excessive, et d'autne part qu'une distinction nette doit être faite entre céréales complètes et céréales raffinées, ces derniènes devant êtne très fortement limitées.
Notre pain quotidien Si le PNNS, dans son document de travail, admet qu'il faut augmenter «de 50 % la consommation de fibnes », si l'accent est mollement mis sur le pain complet. peu est fait dans la communication destinée au grand public pour décourager la consommation d'aliments raffinés. À aucun moment ne sont divulgués au grand public les résultats d'études mettant en cause les céréales raffinées dans l'apparition de maladies chroniques graves, ce qui permet à Univers Céréales d'écrine dans un document récent que les céréales - sans préciser lesquelles - participent à la prévention des maladies cardio-vasculaires et à celle du diabète en favorisant la «sécrétion réguliène de l'insuline ». La caution des scientifiques français proches du lobby des céréales permet au président de la Confédération nationale de la boulangerie et boulangeriepâtisserie française, Jean-Pierne Crouzet. d'affinmer, lors de la Fête du pain (une manifestation promotionnelle créée en 1996), que l'absorption des glucides du pain est « lente, [que) l'énergie est libérée au fur et à mesure des besoins de l'organisme» ou encone qu'avec« une ration quotidienne de 300 g de pain nous sommes sûrs de necevoir une bonne part des éléments nutritifs dont nous avons besoin chaque jour: glucides, protéines, vitamines, minéraux ... ». Pourtant. promouvoir les aliments à base d'amidon sans souligner les effets néfastes de certains d'entre eux nevient implicitement à nenforcer les pratiques alimentaires modernes pourtant si décriées. Les Français mangent de plus en plus leurs céréales sous la fonme de plats cuisinés, de sandwichs, de quiches, de pâtisseries industrielles. Lorsqu'ils achètent du pain, il ne s'agit presque jamais de pain complet. En l'an 2000, il ont choisi dans 96 % des cas du pain blanc, c'est-à-dine un aliment à l'index glycémique très élevé, 136
Sucres. cé r éales et diabète; le sujet tabo u
pauvre en nutriments. La vitamine E, la vitamine B6, le magnésium, les fibres insolubles sont importants pour la santé cardio-vasculaire et la prévention du diabète. Or. aprés raffinage, la farine blanche a perdu 95 % de sa vitamine E d'origine, 87% de sa vitamine B6, 85 % de son magnésium.et 78% de ses fibres 138. Les céréaliers et les scientifiques qui tartinent sur les céréales nous répètent à l'envi que le pain ne fait pas grossir. C'est peut-être vrai pour le pain complet, mais le pain blanc, lui, est dans une population sédentaire un moteur probable d'obésité, comme le suggèrent des études récentes 139. En fait, lorsqu'on conseille à des adolescents obèses de manger moins de féculents et de céréales, et de puiser surtout leurs glucides dans les fruits, les légumes, les oléagineux ou les laitages, ils maigrissent plus que lorsqu'ils suivent un régime pauvre en calories et en graisses 140, probablement parce que les céréales, surtout raffinées, ne bénéficient pas d'un index glycémique bas.
Les biscottes des tennismen français Si les céréales, comme les laitages, occupent une place de choix dans l'imagerie d'Épinal de la nutrition française, c'est le résultat d'années de campagnes publicitaires réussies, du Iobbying achamé des filières de production et de transformation, et des rapports privilégiés entretenus avec les « nutritionnistes ». Il ne reste qu'à capitaliser sur cette vision édulcorée par des actions publicitaires bien ciblées. En témoigne l'avalanche de produits céréaliers pour enfants bondissants, mamans radieuses, sportfs inépuisables qui s'abat sur les écrans publicitaires et dans les rayons des supermarchés. Un bon exemple en est donné par la campagne de spots télé qu'Heudebert. une marque de Danone, a lancée au second semestre 2002 et répétée au cours de l'année 2003 avec la complicité du sympathique entraîneur de l'équipe de France masculine de tennis. Sympathique, mais piètre diététicien. « Tous les matins, y déclarait Guy Forget je croque des céréales, mais en biscottes.» Avec un index glycémique très élevé dû à la cuisson de l'amidon, les biscottes sont l'antithèse des fameux « sucres lents ». Elles élèvent le sucre sanguin environ trente minutes après avoir été consommées; une heure plus tard cependant, 137
Santé. mensonges et propagande
le niveau de sucre sanguin chute en deçà du taux de base: c'est ce qu'on appelle 1'« hypoglycémie réactionnelle ». Cette hypoglycémie est généralement modérée, mais elle peut détériorer les perfonmances physiques et la sensation d'énergie. Si l'on enchaîne un exercice, le niveau de sucre sanguin s'élève à nouveau pendant la première heure d'effort, puis décline, si bien qu'il est plus bas (et que la sensation d'énergie est par conséquent plus faible) à la fin de l'exercice lorsqu'on a mangé des biscottes que lorsqu'on a avalé des aliments à index glycémique bas 141. Les biscottes ne sont donc pas indiquées pour l'effort sportif. De plus, la consommation régulière de biscottes, comme celle de tou s les aliments à index glycémique élevé, s'accompagne d'une hausse des triglycérides et d'une baisse du bon cholestérol, facteurs de risque candio-vasculaire 142.
Céréales à l'acrylamide L'index glycémique n'est pas la seule raison de limiter céréales et fécu lents dans l'alimentation. Des chercheurs suédois ont rapporté récemment la présence, dans les céréales cuites (et dans les frites et les chips), d'une substance, l'acrylamide, que l'Agence internationale de recherche sur le cancer considère comme un «cancérogène probable ». Liliane Abramsson-Zetterberg, l'une des toxicologues auxquels on doit cette découverte, estime que le « risque de cancer par l'acrymalide est bien plus élevé que le niveau accepté pour des carcinogènes connus ». Si d'autres scientifiques se veu lent rassurants, si des études récentes sont moins alanmantes, les experts de l'Union européenne ont avoué qu'ils étaient incapables de dire si le niveau d'acrylamide dans les aliments courants, comme le pain, les biscottes ou les biscuits, posait un risque de cancer chez l'homme 14] Les autorités norvégiennes de la santé ont. de leur côté, demandé aux gros consommateurs de ces aliments d'en manger moins 144. Cette prudence s'explique peut-être par les résultats troublants d'études épidémiologiques liant la consommation importante d'amidon aux risques de cancers digestifs I4S et ovariens ,.6
138
Sucres. c é r éa l es et diabète
l e sujet tabou
Retour au bon sens Nos glucides quotidiens devraient d'abord provenir des fruits, des légumes, des tubercules et des oléagineux comme ce fut le cas pendant quatre millions d'années, jusqu'au néolithique. Les fruits ont généralement un index glycémique (IG) bas, et leur caractère modérément acide diminue encore l'IG du repas. Les vinaigrettes à base de vinaigre ou de jus de citron réduisent aussi la réponse du pancréas 147. Le docteur Loren Cordain (université du Colorado), chef de file du régime préhistorique, conseille d'éliminer totalement les céréales, les légumineuses, les féculents et les aliments sucrés de l'alimentation parce qu'ils étaient absents du régime ancestral. C'est une position excessive, d'abord parce que les céréales, lorsqu'elles sont complètes, semblent protéger des maladies cardio-vasculaires, ensuite parce qu'un tel régime est aujourd'hui très difficile à suivre. On peut donc continuer à consommer des féculents, mais en réduisant leur place et en limitant fortement les pommes de terre, comme le recommandent les chercheurs de Harvard, et en privilégiant surtout des aliments à IG faible. Comment les reconnaître? Ils sont en général peu transformés, comme le pain et le riz complets, ou lentement digérés, comme les pâtes, les flocons d'avoine et le riz basmati. Un grain de riz non cuit riche en amylose se reconnaît à son aspect translucide. Un grain de riz riche en amylopectine a l'aspect opaque. Il faudrait, en parallèle, réduire la consommation d'aliments auxquels on a ajouté des ({ Frankensucres» : sirop de glucose, fructose ou HFCS. Attention: il n'est cependant pas judicieux d'interdire à l'enfant tout aliment sucré (bonbons, sodas et autres) car on risque alors de provoquer des réactions de compensation; mieux vaut les intégrer avec mesure au régime hebdomadaire.
L'huile de tournesol, une huile à ne pas prendre à la légère
La vérité a besoin de mensonge car comment la défi nir
sans contraste? PAUL VAl~RY
L'huile de tournesol, l'huile la plus consommée en France, (ait tout. Elle allège la cuisine, assaisonne la salade, cuit dans la pol!le et ... arrose la recherche française. Si l'on en croit ses promoteurs, elle serait ml!me un véritable élixir de jouvence. Vous n'êtes pas convaincu? Vous avez raison!
Une bande de jeunes Dans une pub télé que vous n'avez pu manque" un groupe de sexagénaires joue au football dans un cadre champêtre. «Quel âge donneriez-vous à cette bande de jeunes d'une soixantaine d'années?» interroge l'annonceur Et de livrer la réponse: « L'âge que l'on donne à ceux qui ont depuis longtemps choisi Fruit d'Or dans leur alimentation. [ ... ) Pour le plaisi" bien sû" mais aussi pour leur santé [ ... ) Voilà pourquoi, en commençant dès maintenant à manger Fruit d'Oc vous serez peut-être plus tard aussi dynamique que cette bande de jeunes. » Tout est dans le «peut-être.» 140
L'huile de tourneso l . une huile à ne pa s prendre à la légère
Cholestérol; l'ennemi numéro un Fruit d'Or est arrivée sur nos tables à la fin des années 1960, lancée en fanfare par la multinationale néerlandaise Uni lever. Tels des professeurs Tournesol, les chercheurs d'Unilever étaient depuis une dizaine d'années attelés à un projet qui devait se révéler une extraordinaire poule aux œufs d'or: proposer aux populations occidentales le premier aliment-santé, un ingrédient qui trônerait sur la table fami liale et dont la consommation quotidienne serait censée prévenir les maladies cardio-vasculaires, Au milieu des années 1960, alors que l'on s'agitait chez Unilever, l'ennemi numéro 1 des artères avait, croyait-on alors, été identifié: le cholestérol! Qu'il augmente dans le sang et la mortalité faisait un bond; qu'il diminue et l'infarctus passait au large, Comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, des chercheurs américains avaient fait une découverte révolutionnaire: les corps gras, selon leur nature, ont des effets contrastés sur le cholestérol sanguin, Ces propriétés leur sont données par les« briques» qui les constituent, qu'on appelle « acides gras », Les graisses animales, comme le beurre, ont tendance à faire monter le cholestérol sanguin, Les graisses végétales sont le plus souvent sans effets, Cependant, les graisses végétales qui contiennent un certain type d'acide gras, appelé «acide linoléique », font baisser le cholestérol 148, Il ne restait plus à Unilever qu'à sélectionner une huile végétale très riche en acide linoléique, et c'est ainsi que le tournesol, un oléagineux abondant, peu onéreux à produire et dont la culture est un rève pour agriculteur, allait coloniser sous la forme de bouteilles et de barquettes en plastique jaune la quasi-totalité des tables françaises,
L'huile qui allège votre cuisine En 1968, persuadée de détenir la potion magique qui transformera les sexagénaires en footballeurs, Uni lever lance à grand renfort de publicité l'huile et la margarine « Fruit d'Or [qui) allège votre cuisine », Pas d'allusion directe à la santé cardio-vasculaire, mais l'objectif est bien de bouter hors de la cuisine familiale les 141
Santé. mensonges et propagande
autres huiles de table ainsi que le beurre, dont les médecins commencent à décliner les conséquences catastrophiques sur les artères. Ce marketing grand public s'accompagne d'un effort intense de lobbying auprès du corps médical. Des relais sont trouvés dans le monde de la recherche, à l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) ; une fondation pour la prévention des maladies cardiovasculaires est mise sur pied. Le succès est immense ... mais pas total. Le Midi méditenranéen fait bien un peu de résistance avec son huile d'olive, mais le phénomène est jugé marginal. Plus préoccupante pour les stratèges d'Unilever est la place de l'huile de colza - alors vendue sous le nom «huile de table» - , une concunrente directe de l'huile de tournesol car bon marché et facile à produire. Le colza est cultivé depuis le treizième siècle en Europe, et les Français s'y sont progressivement convertis après la guenre (en 1960,500000 hectares de sol national étaient plantés de colza, donnant 7,4 millions de tonnes de grain). À la fin des années 1960 cependant la culture du colza est surtout l'apanage des Américains, que l'on soupçonne de vouloir inonder le marché de leurs stocks pléthoriques.
Méchants Américains C'est certainement une co'lncidence maiS, au moment où le tournesol déferle sur les tables françaises, la presse nationale part soudainement en guenre contre «l'invasion du colza et du soja dont les USA veulent abreuver l'Europe ». Au ministère de l'Agriculture comme à l'Institut national de la recherche agronomique, il paraît salutaire de pousser des contre-feux, en l'occunrence la culture de tournesol. Pour Fruit d'Or. l'horizon paraît dégagé. Un événement va le rendre canrément radieux. Au début des années 1970, des études révèlent que les rats que l'on gave d'huile de colza accumulent de minuscules lésions au niveau du cœur. Les associations de consommateurs français, jamais en retard pour mener des combats d'anrière-garde dans le domaine nutritionnel, tombent à bras raccourcis sur le pauvre colza, exigeant son retrait du marché. Fer de lance de cette campagne, le journal 50 Millions de consommateurs (qui, co'incidence encore, dépend de l'État via le ministère de l'Économie et des Finances) part en guerre contre cette 142
l'hu ile de tourne so l, un e huile à ne p as pr en d re à la légère
huile «dangereuse pour la santé» 149 Le message anti-colza est promptement relayé par le reste de la presse, et bientôt pas un consommateur n'ignore qu'après avoir assaisonné sa salade d'huile de colza il risque de tomber raide mort au pied de son assiette. Le directeur de l'unité INRA de Dijon, Jean Causeret. explique alors que les effets toxiques de l'huile de colza sont dus à sa richesse en une substance appelée «acide érucique », et annonce un vaste programme de recherche pour «trouver des solutions permettant d'assurer au consommateur la protection à laquelle il a droit». Le Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF), une brillante institution que le monde entier nous envie, réclame dans la foulée la diminution drastique de la surface cultivée en colza au profit de celle pour le tournesol. Pourtant. comme l'indique timidement Jean Causeret. «on ignore si des effets identiques peuvent se produire chez l'homme ».
Panique générale De fait les études brandies par 50 Millions de consommateurs font silence sur plusieurs faits, et tout d'abond que les lésions ne sont apparues que chez les rats recevant une alimentation dans laquelle l'huile de colza était le seul corps gras, situation impensable chez l'homme. Dès qu'on ajoute d'autres graisses à leur pitance, les rats se portent parfaitement bien. Ce n'est pas tout. En dépit de leur acharnement. les chercheurs ne parviennent pas à démontrer que l'huile de colza est dangereuse pour l'homme: seuls les rats semblent sensibles à l'acide érucique 1 Enfin, personne à l'époque n'ose faire remarquer que l'huile de colza est la première huile de table dans le pays où la longévité est la plus grande, le Japon, ou que des millions de Chinois et d'Indiens consomment chaque jour depuis des décennies des huiles dont la teneur en acide érucique atteint 40 % sans rencontrer les ennuis de santé des rats. Mais il est trop tand pour faire dans la nuance. Affolés par les articles de 50 Millions de consommateurs. les Français se mettent à fuir l'huile de colza, renforçant du même coup le succès de l'huile de tournesol. On découvrira par la suite que l'acide érucique de l'huile de colza n'était que pour peu de chose dans les problèmes rencontrés par les rats. Des expériences 143
Santé. m ensonges et propagande
ultérieures montreront que l'huile de tournesol - comme l'huile de maïs - provoque les mêmes altérations cardiaques que l'huile de colza; en fait, les rats tolèrenttout simplement très malles huiles végétales ISO! L'acide érucique aurait peut-être même des effets bénéfiques sur l'homme: ces dernières années a été mise au point une prèparation à base d'acides érucique et oléique pour traiter une maladie génétique rare, l'adrénoleucodystrophie. Pour le consommateur français de l'époque, l'huile de colza est devenue quasi introuvable, aucun distributeur n'osant prendre le risque de commercialiser un produit aussi sulfureux. À 50 Millions de consommateurs, on exulte. Les consommateurs ont gagné. Triste victoire pourtant, à l'instar de celle remportée, à la même époque et par le même journal, sur les producteurs d'huile de lin, elle aussi jugée « impropre)} à la consommation humaine après une campagne acharnée du mensuel: qu'il s'agisse de la guerre contre l'huile de colza ou de celle contre l'huile de lin, les initiatives de ce magazine vont en réalité se révéler calamiteuses pour la santé des « 50 millions de consommateurs)} que nous sommes.
Les acides gras Nous vous invitons l'espace de quelques lignes à entrer dans l'intimité des corps gras.
À première vue, toutes les graisses se ressemblent, mais en réalité leur structure présente des différences notables. Les corps gras sont constituées d'un alcool auquel sont fixés (comme au manche d'une fourchette) trois
« branches», qu'on
les appelle
« acides gras », faites
chacune de carbone, d'oxygène et d'hydrogène. Les acides gras sont dits saturés lorsqu'ils ne peuvent plus accepter d'hydrogène: on les rencontre dans les graisses animales (le beurre, par exemple), et ils ont tendance à favoriser les maladies cardio-vasculaires. Les acides gras mono-insaturés peuvent recevoir une molécule
d'hydrogène. Ils ont bonne réputation, car ils protègent de nombreuses maladies chroniques, et le plus connu d'entre eux est l'acide oléique, composant principal de l'huile d'olive. Les acides gras polyinsaturés, qui peuvent recevoir plusieurs molécules d'hydrogène, constituent une bonne partie des acides gras que l'on trouve dans les huiles végétales les plus communes. On aurait cependant tort de les considérer comme interchangeables, car il existe deux grandes familles bien distinctes d'acides gras polyinsaturés. aujourd'hui
popularisées par la presse: les oméga-6 et les oméga-3. 144
l 'huile de t ou rnesol , une huile à ne pas pr endre à la légère
Oméga-6 et oméga-3 Chacune des deux familles a un chef de file, une molécule à partir de laquelle sont élaborés les autres membres. Ces deux acides gras doivent être apportés par l'alimentation car l'organisme ne sait pas les synthétiser Dans le cas des oméga-6, c'est l'acide linoléique, que l'on trouve en abondance dans le toumesol et dans le mais. Dans le cas des oméga-3, c'est l'acide alpha-linolénique, que l'on t rouve surtout dans les noix, le colza, le soja et le lin. Une fois ingérés, l'acide linoléique d'une part et l'acide alpha-linolénique . d'autre part sont transformés par notre corps pour donner naissance à une multitude de composés qui vont intervenir dans des réactions d'une importance considérable pour la santé. Certains des dérivés oméga-6 de l'acide linoléique permettent aux vaisseaux de se dilater. diminuent la pression artérielle, rendent le sang fluide. D'autres ont en revanche des effets radicalement opposés: ils favorisent les caillots, contractent les parois artérielles, augmentent la pression artérielle; l'un de ces dérivés favorise l'inflammation. Les dérivés oméga-3 de l'acide alpha-linolénique sont bien moins puissants que ceux de la famille oméga-6 : leurs effets sur la coagulation sont mineurs, et ils sont infiniment moins inflammatoires que ceux de la famille oméga-6. Par ailleurs, ils aident à réguler le rythme cardiaque.
Équilibre disparu Comme la santé vient de l'équilibre, nous avons besoin des uns et des autres en quantités à peu prés équivalentes. C'est d'ailleurs cette égalité que nos ancêtres ont connu pendant des centaines de milliers d'années, l'homme préhistorique trouvant ces deux fam illes dans la proportion physiologique de 1 pour 1. En France, ce rapport optimal n'a cessé de se dégrader au détriment des oméga-3 depuis plusieurs siècles du fuit du recul de la consommation de noix. Celles-ci constituaient. avec marrons et châtaignes, l'un des aliments de base dans les provinces françaises les plus pauvres. 145
Santé. m e n so n ges et propagande
Depuis quarante ans, le rapport oméga-6 sur oméga-3, déjà médiocre, est devenu catastrophique du fait des attaques menées par les associations de consommateurs et les autorités de la santé contre les huiles de colza et de lin, et surtout de l'irrésistible montée en puissance du maïs dans l'alimentation animale et du tournesol dans l'alimentation humaine IS ' . En effet, l'huile de tournesol, la plus consommée en France, ne contient prat iquement pas d'acide alpha-linolénique, mais au contraire des quantités importantes d'acide linoléique, avec un rapport du premier sur le second de l'ordre de 11135. Plusieurs études françaises, dont celle conduite par Philippe Guesnet de l'INRA auprès de femmes allaitant, traduisent bien ce formidable déséquilibre alimentaire en défaveur de l'acide alpha-linolénique : le lait de ces Françaises contient jusqu'à deux fois moins d'acide alpha-linolénique que celui des autres Européennes, et le rapport acide linoléique sur acide alpha-linolénique figure parmi les plus élevés des pays occidentaux 152. « La majorité de la population, qui consomme du tournesol, est aujourd'hui carencée en acide alpha-linolénique», explique le docteur François Mendy, l'un des meilleurs spécialistes français des lipides. Mais, après tout, pourquoi s'inquiéter de ce déséquilibre en faveur de l'acide linoléique si l'huile de tournesol, même déséquilibrée, fait baisser le cholestérol ?
Une huile à ne pas prendre à la légére Selon les producteurs de Fruit d'Or. «sa richesse en acide gras essentiel oméga-6 contribue, en réduisant le taux de cholestérol, à la prévention des problèmes associés à un taux de cholestérol trop élevé». Dès 1978, Fruit d'Or crée Astra-Calvé Information Lipo-Diététique (sic), un «service d'information sur l'équilibre alimentaire et les corps gras» qui va renforcer auprès du public et des médecins l'idée que l'huile de tournesol est idéale pour la santé. Le problème, c'est que si l'huile de tournesol fait un peu baisser le cholestérol sanguin, là s'arrètent ses états de service. Car non seulement la consommation élevée des acides gras de l'huile de tournesol ne diminue pas le risque de décès d'origine cardiaque 153, mais il n'est pas exclu qu'elle l'augmente 154. En 146
l 'h uil e de tournesol. une huile à ne pas prendre à la l égère
dépit de ses médiocres états de service, l'huile de tournesol est devenue l'un des piliers du régime alimentaire prescrit par les cardiologues français à leurs patients victimes d'infarctus. Certains chercheurs restaient cependant sceptiques. Les docteurs Serge Renaud et Michel de Lorgeril, en particulier, avaient depuis longtemps les yeux fixés sur le régime méditerranéen et sur ses caractéristiques propres, qui ne se limitent pas à la présence d'huile d'olive. L'alimentation méditenranéenne tradit ionnelle apporte plus d'acide alpha-linolénique et d'acide oléique, et moins d'acide linoléique, que l'alimentation occidentale type. Les Crétois, qui bénéficient d'un des taux de maladies cardio-vasculaires les plus bas sur terre, ont un taux sanguin d'acide linoléique bas et un taux d'acide alpha-linolénique très élevé (il est, par exemple, trois fois supérieur à celui des Hollandais ISS) .
Des résultats stupéfiants Peut-on diminuer le risque qu'ont Français les plus à risque de mourir d'un accident cardiaque en leur apportant plus d'acide alpha-linolénique et d'acide oléique, et moins d'acide linoléique, comme c'est le cas en Crète? Pour en avoir le cœur net. Renaud et de Lorgeril décident de conduire, de 1988 à 1997, une étude de prévention des t roubles cardiaques auprès de six cents volontaires victimes d'infarctus. Les uns suivront les recommandations classiques données dans les services de cardiologie, les autres un régime alimentaire de type méditenranéen à base de fruits et de légumes, d'aliments complets et, surtout. en ce qui concerne les corps gras, d'huile d'olive et d'une margarine à base de colza. « Les Crétois et les Japonais, deux populations qui ont la meilleure espérance de vie au monde, consomment des quantités importantes d'acide alpha-linolénique, explique Serge Renaud. Nous avons donc donné à une partie de nos patients une margarine à base d'huile rich e en cet acide gras.» L'étude, baptisée Lyon Diet Heart Study, dure deux ans. En mars 1994, les premiers résultats tombent: ils sont stupéfiants. Il y a eu vingt décès dans le groupe qui suivait le régime classique à base, notamment. d'huile de tournesol, mais seulement huit dans le groupe « crétois». En février 1999, Michel de Lorgeril publie dans Orcu/odon les résu~ats définitifs. La mortalité cardiaque et 147
Santé. mensonges et propagande
l'infarctus non fatal ont été réduits de 70% dans le groupe «colza». Lorsqu'on prend en compte l'ensemble des complications cardiaques, y compris les événements mineurs nécessitant une hospitalisation, le groupe «colza» est deux fois moins touché que celui qui a bénéficié des conseils diététiques classiques 156, un effet largement attribué par les chercheurs à l'apport en acide alpha-linolénique du colza. L'étude de Renaud et de Lorgeril montre qu'un tel rééquilibrage procure des bénéfices rapides, d'autant que, souligne-t-il. «ils s'étendent vraisemblablement aux personnes en bonne santé ». Depuis, Michel de Lorgeril, auteur avec Serge Renaud de l'étude de Lyon, a eu la bonne idée d'évaluer l'incidence de cancers chez les participants. Les résultats sont éloquents: le groupe «crétois» a connu 6 1% de cas de cancer en moins. Pour le chercheur. « la protection rapide s'explique d'abord par les effets favorables des acides gras du colza». Allait-on vers la mise à disposition au grand public de cette fameuse margarine?
Privés de margarine C'était sans compter avec Unilever. La margarine à base de colza utlisée dans l'étude avait été réalisée à la demande de Serge Renaud par un spécialiste des corps gras: Astra Calvé, filiale d'Uni lever et producteur des huiles et margarines ... Fruit d'Or. La réaction du fabricant aux bonnes nouvelles apportées par sa margarine expérimentale sur les cardiaques fut immédiate et passablement déconcertante: plutôt que de promouvoir ce nouveau corps gras qui bénéficiait, lui, d'une étude clinique positive, Astra-Calvé choisit l'enterrement de première classe. Massivement engagée dans le tournesol et le lancement d'une margarine contre le cholestérol à base de stérols végétaux, la filiale d'Unilever a donc verrouillé l'innovation.
148
L'huile de tournesol. un e huile à ne pas prendre à la l égè r e
Le retour manqué du colza À défaut de margarine, allait-on au moins assister à une réhabilitation du colza? On pouvait le croire, À la suite de la campagne de presse anti-colza des années 1970, les agronomes s'étaient lancés dans une course de vitesse destinée à modifier le patrimoine génétique du colza pour limiter la présence d'acide érucique. Les Canadiens les premiers réussirent à mettre au point une huile à 0,2 % d'acide érucique (contre 50% auparavant), et les gènes de ce colza nouvelle vague furent int roduits en 1970 dans la variété de colza d'hiver (plus productive) par des chercheurs de l'INRA. Le colza alla~ désormais, sans nul doute, pouvoir relever la tête ... C'était sans compter avec la sagac~é des instances de la santé de notre pays. Le 12 février 1973, d'éminents experts fran çais décrétèrent en effet que l'acide alpha-linolénique (qui fa~ tout l'inténêt de l'huile de colza) ne do~ pas être chauffé. Nos experts croyaient. à tort que l'acide linoléique de l'huile de toumesol resta~ stable lorsqu'il éta~ chauffé alors que l'acide alpha-linolénique donna~ naissance, dans les mêmes conditions, à des sous-produits toxiques. Conclusion: au contraire de l'huile de toumesol, l'huile de colza se voyait cantonnée à l'assaisonnement, une situation toujours en vigueur aujound'hui. Pourtant, quelle que soit la teneur en acide alpha-linolénique d'une huile - jusqu'à 10 % -, les indicateurs de qualité n'évoluent guère tant que la température ne dépasse pas 180 degrés Celsius. Une étude australienne récente a même relevé que l'huile de colza éta~ plus stable en fr~ure que l'huile de toumesol, pourtant autorisée 157. Le biochimiste et médecin François Mendy (Saint-Cloud), l'un des meilleurs spécialistes français des lipides, va même plus loin : « Les dérivés oxydés de l'acide linoléique sont dangereux. On arrivera un jour à la conclusion que, des deux acides gras, l'acide linoléique n'est pas le plus recommandable à la cuisson!» Aujourd'hui, la France et le Portugal sont les seuls pays à restreindre l'usage des huiles riches en acide alpha-linoléique, comme le colza. Cette situation réglementaire déplorable s'est révélée extnêmement préjudiciable à la santé globale des Français car elle a contribué à marginaliser l'acide alpha-linolénique dans l'alimentation. En effet, les huiliers savent que les consommateurs recherchent 149
Santé. mensonges et prop aga nde
une huile à tout faire, bonne pour l'assaisonnement comme pour la cuisson et la friture, mais la législation leur intercit de proposer une huile tous usages contenant plus de 2 % d'acide alpha-linolénique, Conclusion: toutes les huiles de table « pour friture et assaisonnement », y compris les huiles dites de mélange, sont déséquilibrées au désavantage de l'acide gras dont on manque aujourd'hui le plus, l'acide alpha-linolénique,
Les experts français continuent de se distinguer L'huile de lin, de son côté, se caractérise par une teneur élevée (de 50 à 55 %) d'acide alpha-linolénique. Elle aurait pu contribuer à améliorer le statut des Français en oméga-3, d'autant que le lin améliore l'immunité, qu'il prévient la formation de caillots 158 et qu'il pourrait protéger du cancer. au moins dans ses premiers stades 15'. Mais les mêmes instances scientifiques françaises qui ont limité à 2 % la présence d'acide alpha-linolénique dans les huiles pour cuisson ont refusé d'autoriser l'huile de lin à la consommation, prétextant à tort 160 qu'elle serait toxique alors qu'elle est consommée en Suisse, en Allemagne, en GrandeBretagne, aux États-Unis ou au Canada. Les occasions n'ont pourtant pas manqué de réparer les erreurs du passé. Un exemple: dans sa séance du 14 octobre 1997, le CSHPf (Conseil supérieur d'hygiène publique de France) examine la demande faite par une société de réintroduire l'huile de lin dans l'alimentation humaine. Les « experts » de cette savante institution, qui a été créée en 1902 pour délivrer de simples avis, la rejettent sans surprise au motif habituel que « l'huile de lin n'est pas dénuée d'effets nocifs potentiels ». L'avis devient loi comme par magie, et nos experts d'ajouter dans la foulée, histoire de torcre le cou à ceux qui s'alarment du risque de déficit en acide alpha-linolénique en France: « Il n'existe pas de carence en acide alpha-linolénique dans la population générale. L'alimentation équilibrée est susceptible de fou mir des quantités d'acide alpha-linolénique. » Pas du tout, rétorqueront trois ans à peine plus tard d'autres spécialistes officiels, ceux de l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), conduits il est vrai par des experts incontestés. Il existe bien en France un « risque de surcharge en acide linoléique» et « le rapport acide linoléique sur 150
l ' huile de tournesol , un e huile à n e p as pr endre à la l égè r e
acide alpha-linolénique devrait tendre vers la valeur de 5, ce qui est loin d'être le cas dans la population française '6' .» Artemis Simopoulos (Washington, OC), la grande spécialiste de ce domaine, estime même que ce chiffre de 5 est trop élevé. Selon elle, il faudrait se rapprocher d'un rapport de l, soit autant d'acide linoléique que d'acide alpha-linolénique '62. Il Yavait parmi les experts de l'AFSSA qui ont rédigé le chapitre des recommandations sur les graisses alimentaires le docteur Serge Renaud et le docteur Jean-Marie Bourre (INSERM, Institut national de la santé et de la recherche médicale). Le cas du docteur Bounre est intéressant. Ce bon connaisseur des graisses n'a jamais caché son intérêt pour les acides oméga-3, dont il a, l'un des premiers, souligné les bénéfices ; on le retrouve pourtant en mars 2003 vantant dans un salon médico-promotionnel les avantages d'Isio 4 de Lesieur, une huile de mélange apportant, réglementation oblige, très peu d'oméga-3, puis six mois plus tard louant les bienfaits de l'huile de colza dans une manifestation organisée par des producteurs d'oléagineux. Comprenne qui pourra ... Pendant que nos experts français se contredisaient ainsi, on apprenait que les femmes dont les taux d'acide alpha-linolénique étaient les plus bas avaient un risque plus élevé de cancer du sein '63, et que les personnes qui consommaient le moins d'acide alpha-linolénique avaient un risque d'infarctus plus élevé '04.
Recommandations zéro Les experts de l'AFssA ont bien évidemment raison de pointer le risque de surcharge en acide linoléique. Pourtant, lorsqu'on presse les spécialistes de formuler, pour y remédier, des recommandations en termes de sélection précise de corps gras, ils font preuve d'une grande réserve à quelques exceptions près, comme le professeur Philippe Legrand (INRA, Ëcole nationale supérieure agronomique de Rennes) ou le docteur Jean-Marie Bounre (INSERM Paris). Cette timidité aurait-elle à voir avec les liens étroits ti ssés depuis des années entre Fruit d'Or et les milieux de la recherche française? Dès le milieu des années 1970, Unilever se montre très actif dans son sout ien financier à des programmes de recherche à l'INRA et à l'INSERM, cela posant à nouveau le problème de l'indépendance de la recherche; Arcol (Comité IS 1
Santé. mensonges et propagande
français de coordination des recherches sur l'athérosclérose et le cholestérol) et la Fédération française de cardiologie bénéficieront aussi du soutien d'Unilever. En mars 1993, Unilever-Fruit d'Or organise les «Assises de la prévention des maladies cardio-vasculaires ». Fruit d'Or a sponsorisé depuis l'origine l'étude SU.VI.MAX, dirigée par le docteur Hercberg, cet expert que l'on trouve à la fois à l'AFSSA et. surtout, à la tête du PNNS (programme national Nutrition-Santé). En retour. le docteur Hercberg s'est prêté de bonne grâce à la promotion des huiles et des margarines au tournesol Fruit d'Or en apparaissant. par exemple, dans La Lettre nutri60n et santé de Fruit d'Or Recherche; il est de plus traditionnellement l'animateur et le soutien de poids du colloque que consacre chaque année Fruit d'Or. dans le cadre du salon médical MEDEC, à la «prévention cardiovasculaire ». Unilever a d'ailleurs accepté de sponsoriser la nouvelle étude du chercheur. baptisée SU.FOL.OM3. On comprend mieux que les travaux de Serge Renaud et de Michel de Lorgeril n'aient guère bouleversé les habitudes alimentaires françaises en matière de corps gras.
Varier les huiles Aujourd'hui, plus de 60 % des huiles de table consommées en France sont des huiles de tournesol, et le colza représente moins de 3 % du marché. Cela pourrait cependant changer. Après avoir contribué depuis près de quarante ans avec son tournesol à marginaliser les apports en oméga-3 des Français, Unilever vient subitement de prendre conscience en 2003 de « la trop faible consommation en acides gras oméga-3» des Français, et cela grâce à l'étude SU.VI.MAX. Quelle surprise! Unilever promet d'ailleurs de s'appuyer sur les données recueillies par SU.V1.MAX pour «faire évoluer [ses] produits en fonction des besoins réels des consommateurs 165 » : un bel exemple de « partenariat» entre la «science» et le marketing. Réalisant que les Français commencent à comprendre qu'on leur a, avec Fruit d'Or. raconté des salades, et que les oméga-3 ont le vent en poupe, Unilever a jugé le moment opportun pour en faire un prochain argument de vente. Good bye tournesol! Et voilà Unilever qui nous propose Fruit d'Or Oméga-3, une 15 2
l 'hui l e de tournesol. une huile à ne pas prendre à la l égè re
margarine aux acides gras oméga-3 car. dit la société, les Français « n'en consomment pas assez ». Il fallait oser ! Attendons-nous à l'arrivée prochaine dans la gamme Unilever d'une huile estampillée « oméga-3 ». Il se murmure dans la profession que le ... lin entrerait dans la composition de la prochaine huile d'Unilever. dès que la France aura donné son feu vert.
L'exemple finlandais Célèbres aux États-Unis, Serge Renaud et Michel de Lorgeril. les pères du nègime crétois et vraisemblablement parmi les meilleurs chercheurs en nutrition français, sont ignorés dans leur propre pays! Le premier a vu son unité INSERM dispersée juste après la publication de l'étude de Lyon, et le second admet aujourd'hui que sa carrière au CNRS (Centre national de recherche scientifique) est dans une impasse. Alors que leurs études pionnières sont citées en exemple dans le monde entier. est-il normal que la Fédération française de cardiologie les ignore dans son miniguide Le Bon Mangeur (dans lequel on peut notamment lire qu'il faut« varier les huiles ») ? Le PNNS - c'est à saluer - se montre moins timide dans l'édition de son guide La santé vient en mangeant, puisque les huiles d'olive et de colza y sont citées en bonne place, mais c'est pour aussitôt rattraper cette audace par un texte qui recommande lui aussi de «varier les huiles ». Les autorités sanitaires françaises auront donc une fois encore raté une bonne occasion d'améliorer la santé de leurs concitoyens, à l'inverse de ce qui s'est produit en Finlande. Au cours des vingt-cinq dernières années, ce pays s'est lancé dans une campagne d'intervention sur le plan diététique pour faire reculer la mortalité. L'une des principales mesures a consisté à promouvoir la consommation d'huile de colza, riche en acide alpha-linolénique. En vingt-cinq ans, la mortalité coronarienne y a reculé de plus de 65 %. Chez les hommes de 40 à 50 ans, elle a même baissé de 80 % 166.
Comment la France part en guerre contre les plantes et les compléments alimentaires
Haro sur la créatine!
Le nombre des journalistes scientifiques [ ...] est en France insuffisant - environ deux cents sur quelque vingt-huit mille journalistes. [ ... ] De cette situation préoccupante résultent des phénomènes redoutables de dépendance en chaîne par rapport à des informateurs réputés, et des cas trop nombreux de mésinformation
flagrante. Comité consultatif national d'éthique
pour les sciences de la vie de la santé. 1995
1
Une substance naturelle utilisée par les sportifs du monde entier pourrait étre la réponse ou problème du dopage. On préfère en Fronce, pour mieux /'interdire, l'accuser de provoquer des cancers. Histoire édifiante d'une cabale.
Dérapages médiatiques Le 23 janvier 200 l , la presse internationale relaie une annonce spectaculaire: la créatine, une substance naturelle présente dans la viande et utilisée par les athlètes pour améliorer leurs performances, est potentiellement cancérogène. La nouvelle n'émane pas du premier venu : elle a pour source un rapport de la tnès officielle AfSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), un organisme récemment mis en place par l'État pour garantir que l'alimentation des Français est sans danger. Cest le directeur de l'AfSSA lui-même, Martin Hirsch, qui a pris soin d'informer les médias du caractère dangereux de la créatine. 157
Santé. mensonges et propagande
La créatine est alors l'objet d'un vif débat en France. Plusieurs athlètes de haut niveau, telle la tenniswoman Mary Pierce, reconnaissent qu'ils en consomment pour obtenir des performances. La créatine permet en effet de gagner naturellement en force, en souffie, en récupération. Une solution naturelle permettant d'éviter le dopage? Non, car les milieux gouvernementaux français souhaitent justement que ce complément alimentaire soit considéré comme un pnoduit «dopant », et ce contre l'avis du Comité international olympique et celui de l'ensemble des pays eunopéens. C'est la position défendue par la ministre de la Jeunesse et des Sports de l'époque, Marie-George Buffet, un avis qui aura son importance dans la genèse du rapport de l'AFSSA. Parce que l'opinion est t nès sensible aux affaires de dopage réel ou supposé, l'idée qu'un stimulant de la perfonmance consommé dans le monde entier par une majorité d'athlètes soit cancénogène fait aussitôt la une de la presse internationale. Du Monde aux radios périphériques, le communiqué de l'AFSSA est repris sans un bémol, et surtout sans éviter les dérapages. Aux États-Unis, l'agence Reuters annonce même qu'« une étude française a conclu que la créatine est cancérogène », alors qu'il ne s'agit que d'un avis fondé sur une analyse de la littérature scientifique.
Stupeur chez les experts Un avis surprenant pour nous qui, à Sciences et Aveni~ suivons depuis des années la littérature scientifique sur la créatine. Quelques mois seulement avant l'avis de l'AFSSA, le pnofesseur Jacques Poortmans, pnofesseur de biochimie à l'université libre de Belgique (Bruxelles). a publié un article sur les risques éventuels liés à la consommation de créatine. Poortmans a de sérieuses références: son équipe a mené plusieurs études au cours desquelles des centaines de volontaires ont ingéré cette substance. Que dit Poortmans dans son article? Que les effets secondaires pnètés à l'usage de créatine relèvent largement du fantasme. Bref, que cette substance, prise par voie orale, est globalement sûre. Le risque de cancer? Pas une ligne ne lui est consacrée. Si la créatine risque de pnovoquer des cancers comme l'affinme l'AFSSA, comment l'un de ses meilleurs spécialistes aurait-il pu l'ignorer? IS8
H aro s ur la créatine!
Le 25 janvier 200 l, vers 16 heures, nous parvenons à joindre Jacques Poortmans par téléphone. Le chercheur belge n'est pas au courant de l'avis de l'AfSSA et se dit« époustouflé» par ses conclusions. «Je n'ai jamais vu, confirme-t-il, ni dans nos travaux ni dans la littérature scientifique, la moindre étude pouvant suggérer un lien entre créatine et cancer.» À ce moment. la démonstration par les experts de l'AfSSA du caractère cancérogène de la créatine n'est pas connue dans ses détails. Il faudra attendre le soir du 25 janvier pour en prendre connaissance : la «preuve» avancée par l'agence française pour prétendre que la créatine est cancérogène repose en grande partie sur le docteur Markus Wyss, un chercheur de Bâle (Suisse) auteur d'un article intitulé « Métabolisme de la créatine et de la créatinine ». Si l'on en croit les experts français, qui citent Markus Wyss à onze reprises, cet article suggère que la créatine, lorsqu'elle est ingérée, peut donner naissance à des composés potentiellement cancérogènes, que l'on appelle amines hétérocycliques aromatiques (AHA).
Agent anticancer Joint à 18 heures le 25 janvier à son bureau, Markus Wyss se dit « énormément» étonné. «Je présume, ajoute-t-il, que [les experts de l'AFssA) n'ont pas lu correctement mon texte. Les produits potentiellement carcinogènes de la créatine, pour lesquels des preuves concluantes manquent encore, pourraient se former pendant la cuisson de la viande contenant de la créatine, et non l'ingestion de créatine.» Le commentaire de Markus Wyss ouvre une incroyable perspective : celle d'une monumentale bourde, volontaire ou involontaire. Il se trouve que la France compte un spécialiste de ces fameux AHA en la personne de Maurice Rabache (CNAM Paris). Joint partéléphone, il apprend par nous l'existence du rapport. alors qu'il est lui-même ... expert auprès de l'AfSSA ! L'agence n'a même pas jugé utile de prendre son avis éclairé. Le voici: « Les AHA confirme-t-il ce jour-là, apparaissent lorsqu'on chauffe de la viande, mais leur formation dans l'organisme n'est absolument pas démontrée. Cette probabilité à partr des aliments est faible, et encore plus faible avec de la créatine pure. Même s'il en allait ainsi, il s'agirait de doses infinitésimales ne posant guère de risque. » 159
Santé, mensonges et propagande
Non seulement la créatine ne serait pas cancérogène, mais, selon Markus Wyss, «il s'agit même d'un agent anticancer potentiel »! La méprise de l'AFSSA serait-elle totale?
Ni équilibré ni scientifique Un homme peut t rancher Il s'appelle Theo Wallimann; il est professeur à l'Institut de biologie cellulaire de Zürich (Suisse) et considéré par ses pairs comme le meilleur connaisseur mondial de la créatine, une substance dont il étudie le métabolisme depuis plus de dix ans. Justement il vient de rédiger un article sur créatine et cancer, et voici ce qu'il nous déclare à son tour :« En l'état actuel des connaissances, soit la créatine n'a pas d'effet sur le cancer, soit elle freine la
croissance des tumeurs. » Entre-temps, le rapport de l'AFSSA circule parmi les spécialistes mondiaux de la créatine et se taille un franc succès. Les chercheurs reprochent aux rédacteurs français d'avoir sélectonné les rares travaux allant dans le sens de la toxicité de la créatine (une étude isolée montre in vitro la production d'AHA à 37 oC), et négligé la masse d'études qui prouvent le contraire. Markus Wyss: «On trouve toujours une étude négative, ou des scientifiques qui publient des données erronées. Les gens de l'AFSSA ont mal interprété les résu~ats de la recherche ou les ont réinterprétés en les exagérant Ce n'est ni équilibré ni scientifique. Le résultat auquel ils parviennent est faux. » Theo Wallimann: «Le rapport de l'AFSSA est non professionnel et plutôt embarrassant pour une agence officielle. Les soidisant experts qui l'ont rédigé sont des bureaucrates, certainement pas des chercheurs. » Tour à tour, les plus grands spécialistes écrivent au docteur Gilbert Pérés et au directeur de l'AFSSA pour dire leur mécontentement. Le docteur Paul Greenhaff (Queen's Medical Center, Nottingham, Royaume-Uni) leur adresse une lettre qui se conclut ainsi: « Je vous conseille de retirer votre rapport, et de vous efforcer de présenter un avis mieux informé après avoir pris les conseils des experts de ce domaine. »
160
H aro s ur la c r éa ti ne !
Les procès de la créatine Il est temps d'en savoir un peu plus sur la genèse de ce rapport. La consommation de créatine en France est alors marginale. Pourquoi l'AfSSA, alors pressée par les demandes qui Dortent sur les risques de transmission de la maladie de la vache folle à l'homme ou sur la montée inquiétante des allergies alimentaires, a-t-elle choisi de mobiliser ses «experts» sur ce dossier marginal ? Le rapport de l'AfSSA a été piloté par le docteur Gilbert Pérès, un médecin du sport de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Le docteur Pérés est probablement un expert dans l'alimentation du sportif, mais il connart mal la créatine. Il n'a jamais conduit la moindre étude sur cette substance. Conscient de ses lacunes, il avait pris longuement le conseil de Jacques Poortmans en novembre 1998, alors que l'on accusait la créatine d'être à l'origine du décès de trois lutteurs. Pour Gilbert Pérés, Jacques Poortmans est d'ailleurs « un des physiologistes [ ... ] de référence [au niveau mondial] ». En décembre 2000 cependant. alors qu'il est occupé par le rapport demandé par l'AfSSA, le docteur Pérés croise Jacques Poortmans dans un congrès. «II ne m'a pas dit un mot du rapport qu'il préparait », confie ce dernier Si Jacques Poortmans avait été consulté, il aurait bien évidemment fait part de ses réserves. La demande d'un rapport sur la créatine émane de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRf), un organisme qui dépend du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, chargé d'appliquer la réglementation sur les compléments alimentaires (comprenne qui pourra !). Pour décider des compléments alimentaires autorisés en France, la DGCCRf fait référence à une liste datant de ... 1912. La créatine n'y figurant pas, elle est de focto interdite, et la DGCCRf est alors occupée à traîner devant les tribunaux français des sociétés comme RCS Distribution (Le Mans) et Inko France (Peyruis) qui proposent de la créatine dans leur catalogue. Mais voilà: la créatine circulant librement en Europe, la DGCCRf a les plus grandes peines du monde à obtenir des condamnations, sauf à enfreindre la réglementation européenne sur la libre circulation des marchandises. Seule possibilité laissée par Bruxelles aux États récalcitrants: prouver que ladite marchandise représente un risque pour la santé publique. 161
Santé. mensonges et pro p aga n de
Miracle à la
DGCCRF
En mars 2000, la DGCCRF demande donc à l'AFSSA un avis sur la créatine, avis qui apparaît doublement miraculeux pour l'administration. Premièrement. il est publié le jour où se tient devant la cour d'appel d'Angers le procès de la société RCS, vainqueur dix mois plus t6t en première instance. Deuxièmement. il intervient alors que la Cour de justice des communautés européennes doit statuer sur la plainte déposée par Inko contre la France pour «obstacle à la commercialisation » de créatine. Mais notre enquête va nous persuader que le rapport de l'AFSSA n'intéresse pas que la DGCCRF. Il sort en effet au moment où le Conseil d'État examine une plainte de la société Inko visant Marie-George Buffet. alors ministre de la Jeunesse et des Sports, qui le 27 janvier 2000 avait maladroitement accusé Inko «d'incitation au dopage» parce que cette société commercialisait de la créatine. Quels sont les liens qu'entretient l'AFSSA avec le pouvoir? Depuis sa création, l'AFSSA se présente volontiers comme une organisation indépendante. L'affaire de la créatine va être l'occasion de sonder la réalité de cette « liberté d'esprit ». En réalité, le sort de la créatine avait été scellé bien avant la sortie du rapport de l'AFSSA. En décembre 2000, soit près de deux mois avant de se prononcer sur la créatine, cette agence avait publié une nouvelle édition des Apports nutritionnels conseillés pour la population française. Dans un chapitre consacré à l'alimentat ion du sportif, on pouvait découvrir un très intéressant article sur la créatine. «Ce supplément n'est pas justifié [ .. .J. Il porte par ailleurs atteinte à l'éthique sportive.»
Un rapporteur pas vraiment pour la créatine Qui est l'auteur de ces lignes? Le docteur Pérès ... rapporteur du texte sur la créatine! Quand le docteur Pérès a-t-il rédigé ces lignes dans les Apports nutritionnels conseiffés? Le livre ayant été imprimé à la fin de l'année 2000, ce texte a été remis au plus tard au cours de l'été 2000, soit plusieurs mois avant la publication par l'AFSSA du rapport officiel sur la créatine du même docteur Pérès. Ainsi, bien avant l'émission d'un rapport censé refléter de manière objective 162
H aro s ur l a c r éatine!
l'état des connaissances scientifiques sur la créatine, son auteur prenait de manière très nette position contre l'utilisation de cette substance. Or là, il Y a un petit problème puisqu'un rapporteur doit être parfaitement objectif. ne prendre position ni pour ni contre, mais faire la synthèse des t ravaux de la commission en toute t ransparence et dans le respect du débat contradictoire. C'est d'ailleurs bien pour cela que les experts, aux États-Unis, doivent déclarer leur prise de position sur les sujets traités. Pour le coup, c'est manqué ! En effet, tout expert, s'il se sait avoir des liens ou des opinions déjà prises sur un sujet, doit se déporter. se récuser. c'est-à-dire refuser d'être rapporteur. C'est une règle absolue dans tous les milieux de l'expertise, qu'apparemment l'AFSSA avait complètement oubliée. Pourtant, les textes d'éthique internationaux et européens le chantent sur tous les tons. Le Guide européen d'éthique médicale de 1987 fait de ce principe un mot d'ordre: « Tant pour conseiller que pour agir. le médecin doit disposer de son entière liberté professionnelle et des conditions techniques et morales lui permettant d'agir en toute indépendance» (article 5). L'Ordre national des médecins rappelle cette régie tenant à « l'obligation d'être tout à fait objectif2 », tandis que le « symbole » même de l'éthique, le docteur Louis René, ancien président de l'Ordre national des médecins et ancien membre du Comité national d'éthique, indique que « l'objectivité de l'expert ne doit pas être compromise, ni même soupçonnée, du fait de ses relations personnelles, de quelque type que ce soit, avec une personne ou un groupe ayant un intérêt quelconque dans l'expertise ' ». Pour cette seule raison, l'avis est nul et ne peut produire d'effets. À cela s'ajoute néanmoins le fait que c'est la DGCCRF qui a saisi l'AFSSA et qui, avant cette saisine, avait engagé les poursuites en correctionnelle contre RCS Distribution. Comme modèle de neutralité, on peut faire mieux.
Médecin ou juriste? Aucun texte n'a, à ce jour. interdit la créatine. Pourtant, dans l'édition 2000 des Apports nutritionnels conseillés pour la population française, le docteur Pérês indique que « le principe de précaution a conduit le législateur français à ne pas l'autoriser. et donc [la créatine1est interdit[e1de prescription comme de vente ». 163
Santé. m e nsonges et p r opagande
Et voici comment, dans cet ouvrage, des docteurs en médecine forcément omniscients bien qu'ils n'aient jamais mis les pieds à la fac de droit se muent en juristes, et affirment que la créatine est strictement interdite par la loi! Cette interprétation juridique originale nous ayant interpellés, nous avons demandé par courrier son avis au professeur Ambroise Martin, directeur de l'évaluation des risques nutritionnels et sanitaires à l'AfSSA et principal artisan de l'édition des Apports nutritionnels conseillés. Il nous a tout d'abord remercié de lui « faire remarquer la faiblesse juridique de la phrase» que nous avions relevée. Tout en reconnaissant qu'il n'était pas spécialiste du droit alimentaire, il a tenu à préciser que cette phrase n'avait pas «effectivement une formulation idéale» ... Dont acte.
« Dopage aux vitamines» Mais la liste des griefs formu lés contre la créatine ne serait pas complète sans l'accusation de dopage. À l'instar de nombreux «experts» gouvernementaux, le docteur Pérès a en effet une vision très personnelle de l'usage par les sportifs des compléments alimentaires, qu'il confond facilement avec des substances prohibées par le Comité international olympique. En 1994, déjà, il jugeait que « les sportifs sont [ .. .lles plus gros consommateurs de vitamines : ils avalent de dix à cent fois l'apport quotidien recommandé. Avec ces "mégadoses", nous ne sommes pas loin d'une autre forme de dopage'.» Pour rappel - destiné aux autorités -, il est intéressant de savoir que le produit dopant. bien sûr interdit aux sportifs, ne peut être confondu avec un complément alimentaire. L'usage et les effets ne sont pas «tout à fait» les mêmes, puisque l'objectif d'un dopant est de modifier artificiellement les capacités ou de masquer l'emploi de substances qui auraient de telles propriétés'. La question est: la créatine modifie-t-elle les capacités? On en doute lorsqu'on apprend, à la lecture de l'avis de l'AFSSA (mais nous n'en sommes plus à une contradiction près), que la créatine ne produirait pas les effets avancés par les fabricants! Petite précision: les substances dopantes sont inscrites sur une liste ... sur laquelle ne figure pas la créatine. Incompétence ou désinformation de l'AFssA? Le Comité national d'éthique, dans un rapport de 1995·, reconnaît 164
Haro sur l a c r éatine!
que de plus en plus « d'annonces inconsidérées, rétention d'informations, connivences intéressées, tentatives de manipulation des décideurs, propagation impénitente d'idées fausses incitent à penser qu'à ces difficultés classiques de la transmission d'informations scientifiques viennent désormais se surajouter des
dérives nouvelles, particulièrement préoccupantes en matière biologique et médicale ». Bref. tout à tour cancérogène, sans effets et, au final, substance dopante, la créatine a de quoi faire perdre la tête.
L'autre face cachée du Monde Notre enquête paraît dans le numéro de mars 2001 de Sciences et Avenir Elle met, dans ce dossier de la créatine, directement en cause la compétence et l' objectiv~é de l'AFSSA. Le directeur de cette dernière, Martin Hirsch, entre dans une colère noire. N'a-t-il pas lui-même annoncé un mois plus tôt à la presse que la créatine est cancérogène? Les voilà, lui et son agence, contestés par des dizaines de chercheurs et par un journal scientifique qui met en doute l'objectivité et la compétence de l'agence dont il a la charge. Il lui faut répondre, mais comment? Surprise! Cette réponse empruntera les colonnes du joumal Le Monde. Dans son édition du 25 mars 200 l , sous le titre « Haro sur la créatine », le quotidien consacre une page entière au dossier. Il rappelle que « le mensuel Sciences et Avenir [a qualifié]I'AFSSA d'agence étatique et [l'a accusée] d'incompétence et de désinformation ». Impossible au lecteur du Monde d'en savoir plus sur le fond du dossier, car le journal n'en dit pas un mot. pas plus qu'il ne mentionne la mobilisation des chercheurs, ni leurs arguments scientifiques. À la place, les lecteurs de ce grand quotidien n'ont dro~ qu'aux propos de Martin Hirsch et de Gilbert Pérès, propos qui, on va le voir, élèvent le débat Si le rapport dont il est l'auteur est attaqué par des chercheurs, explique très sérieusement le docteur Pérés dans les colonnes du Monde, ce n'est pas parce qu'il aurait mal condu~ son travail d'évaluation mais parce que les « scientifiques [qui le critiquent] cherchent à promouvoir» la créatine. Même son de cloche du côté du directeur de l'AFSSA. Si Sciences et Avenir s'en prend ainsi à l'AFsSA, indique sans rire Martin Hirsch, ce n'est pas du tout parce que l'agence a publié un 165
Santé . mensonges et propagande
rapport bâclé mais parce que ce joumal trouve intérêt à la vente de créatine! Et de pointer. pour preuve, une publicité parue dans Sciences et Avenir pour une lettre d'information sur la nutrition, laquelle lettre serait liée à une société ayant un site Intemet qui proposerait, parmi une fouMude de compléments alimentaires, une boîte de créatine! Chacun sait, en effet, que la presse et la recherche scientifiques sont sous la coupe des nouveaux barons de la créatine, qui de leur fief de Medellin ou d'ailleurs tirent les ficelles de ce complot planétaire. Emporté par son élan, le directeur général de l'NSSA ira jusqu'à réclamer dans Le Monde «des poursuites pénales» à l'encontre de Sciences et Avenir. Et pourquoi pas le bagne?
Le plus grand flou Mais l'article du Monde recèle quand même quelques perles. C'est ainsi que le docteur Pénès reconnârt, au détour d'une ligne, que «pour ce qui est des effets potentiellement cancérogènes [de la créatine1nous sommes dans le plus grand flou ». Au moment où ce livre est imprimé, le flou n'entoure que les intentions réelles poursuivies par l'NSSA avec son rapport. Sur le fond, aucun chercheur digne de ce nom ne défend aujourd'hui l'hypothèse que la créatine serait cancérogène. L'N SSA n'a toujours pas retiré son rapport, mais elle s'est bien gardée d'en exploiter les conclusions. Dans cette affaire, le seul à avoir quelque peu sauvé la réputat ion de l'N SSA fut encore une fois le professeur Ambroise Martin, directeur de l'évaluation des risques nutritionnels. Il avait admis, quelques jours avant la publication de ce fameux rapport dont il était destinataire:« La créatine n'est sûrement pas dangereuse.» Dommage qu'il n'en ait pas parlé à son directeur.
166
Ha r o su r l a c r éatine
Post-scriptum: les boissons sucrées bientôt interdites? Pour le docteur Gilbert Pérès, auteur du rapport de l'AFSSA sur la créatine, la prise de cette substance « porte atteinte à l'éthique sportve ». Elle serait, de surcroît, « potentiellement cancérogène ». Il faudrait donc doublement l'intendire. C'est pourtant le même docteur Pérès qui, dans l'édition 2000 des Apports nutritionnels conseillés pour la population française, invite le sportif de haut niveau à« accroître [ses] réserves glycogéniques» avant une épreuve, notamment par l'ingestion de «boissons glucosées », et conseille lors d'un exercice de plus d'une heure« la prise régulière [ ... ] d'une solution de glucose ou de polymères de glucose et fructose ou saccharose [ ... ] ». À la fin de l'épreuve, dit-il,« la consommation immédiate de [ .. .] boissons contenant du glucose [ ... ] permet la resynthèse musculaire de glycogène la plus importante». Quelles sont les différences entre supplément de créatine et supplément de sucres simples? Il n'yen a pas. « La supplémentation en créatine est tout à fait comparable à la supplémentation en glucides. Les deux contribuent à remplir les réserves énergétiques », analyse le professeur Theo Wallimann (Institut de biologie cellulaire, Zurich, Suisse). «Si la France assimile les suppléments de créatine au dopage, il faut aussi interdire la recharge glucidique, qui procède de la même manipulation diététique.}} Mieux : alors qu'il n'existe toujours, en dépit des efforts de l'AFssA, aucune preuve du caractère cancérogène de la créatine, de très nombreuses études suggèrent qu'une consommation élevée de glucides à index glycémique élevé augmente le risque de cancers digestifs 7. Nous attendons donc avec impatience le rapport de l'AFSSA sur le risque de cancer lié à la consommation de suppléments de glucose ...
Les plantes de la France d'outre-mer discriminées par l'AFSSAPS
La République française reconnaît que la traite négrière
transatlantique ainsi que la traite dans "océan Indien.
d'une part. et l'esclavage, d'autre part, perpétrés à partir du xve siècle aux Amériques et aux Cara"lbes , dans
l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines. amérindiennes. malgaches et indiennes constituent un crime contre J'humanité. Article 1'" de la loi du 2 1 mai 200 1 tendant à la reco nnaÎssance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanÎté
Alors que les plantes de la Fronce d'outre-mer sont utilisées depuis des générotions par la population locale, il est impossible aujourd'hui de se les procurer dans les pharmacies guadeloupéennes, martiniquaises, réunionnaises ou guyanaises. Seules les plantes métropolitaines ont droit de cité. Pourquoi? Car la Fronce a « oublié» de les insérer dans un document qui constitue la bible pharmaceutique, la Pharmacopée française 8, dont le contr6le appartient à l:4gence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Chronique d'un combat pour la réhabilitation de cette pharmacopée locale.
168
Les plantes de la France d'outre·mer discriminées
De Nice à Gosier L'histoire commence en septembre 1999, à Nice, lors d'un colloque sur la phytothérapie, Alors que je9 venais de terminer une conférence juridique, un pharmacien antillais, le docteur Henry Joseph, m'interpelle: « Savez-vous que les pharmaciens d'outre-mer ne peuvent pas vendre leurs propres plantes?» Il explique alors que les plantes médicinales d'outre-mer n'étant pas inscrites à la Pharmacopée française, elles ne peuvent pas être vendues en officine et, par conséquent. qu'il ne peut satisfaire la requête de ses clients en demande de plantes bénéficiant de la garantie pharmaceutique. Il expose aussi les démarches entreprises depuis 1999 auprès de l'AFSSAPS - qui seule détient le pouvoir d'accepter ou de refuser l'inscription de plantes - pour faire entrer de nouvelles plantes dans la Pharmacopée française et les difficultés qu'il rencontre malgré des t ravaux scientifiques rigoureux. Le dossier est bloqué. Deux ans plus tard, en octobre 200 l, le docteur Joseph, président de l'Association pour la promotion des plantes médicinales et aromatiques de Guadeloupe 10 (APlAMEDAROM), organise à Gosier. en Guadeloupe, le Il' Colloque intemational sur les plantes aromatiques et médicinales d'outre-mer et décide d'y convier l'AFSSAPS. J'y suis aussi invitée, et chargée de trouver une solution juridique pour sortir de cette impasse. Le problème est alors le suivant: malgré un travai l scientifique intemational de grande envergure mené depuis 1984 par deux cents chercheurs (programme de recherche appelé TRAMIL), l'AFSSAPS n'a pas levé le petit doigt pour au moins tenter de faire avancer les choses.
Débuts de correspondance avec
l'AFSSAPS
Les relations avec l'AFSSAPS ont démarré officiellement en avril 200 1 seulement car. avant. l'AFSSAPS invoquait qu'elle n'était pas en mesure de répondre à une telle demande, aucun groupe d'experts (groupe « Pharmacopée - drogues et extraits d'origine végétale») n'ayant été constitué à cet effet 9. Il s'agit d'Isabelle Robard. 169
Santé, men songes et propagande
L'agence sollicitait deux choses auprès de l'APlAMEDAROM : d'une part indiquer quelles plantes «domiennes» (c'est-à-dire issues des départements français d'outre-mer) devaient être maintenues dans la liste des plantes médicinales et. d'autre part quelles plantes devaient être ajoutées à cette liste. Elle précisait que, pour les nouvelles plantes, une documentation complète I l devait être foumie dans la limite des connaissances actuelles. Dans sa réponse, l'APLAMEDAROM sollicitait le maintien des dix-neuf plantes déjà inscrites à la Pharmacopée française , ces plantes étant surtout des épices, comme le curcuma, la citronnelle ou le gingembre. En octobre 200 l , l'association du docteur Joseph demandait l'entrée à la Pharmacopée française de deux plantes importantes pour la santé de la population: Senna a/ata (dartrier) et Uppia a/ba (nom créole vemaculaire; twa tass).
Entrée officielle de deux plantes prétendument dangereuses à la Pharmacopée française Le lundi 22 octobre 200 1 s'ouvrait donc, en présence de spécialistes venus du monde entier, le colloque sur les plantes aromat iques et médicinales d'outremer. L'APlAMEDAROM avait convié un des experts de la commission Pharmacopée de l'AFSSAPS ainsi qu'un représentant administratif de la même agence sanitaire. Le représentant administratif de l'AFssAPS annonça officiellement. le mercredi 24 octobre, l'entrée des deux plantes Senna a/ata et Uppia a/bo à la Pharmacopée (rançaise. La situation avec l'agence semblait se dégeler, et les participants étaient réjouis même s'ils restaient vigilants. L'expert de l'AFSSAPS prit la parole en faisant un rappel de la réglementation et en montrant combien, selon lui, tout était complexe et difficile, bref en semblant vouloir nous décourager. Il concluait sur le principe de précaution ", en indiquant que les plantes domiennes ne semblaient pas satisfaire à ce principe. Il n'avait hélas même pas pris soin de consulter le livre Pharmacopée caribéenne, ouvrage de référence rassemblant tous les travaux scientifiques pertinents. Cela ne l'empêchera pas de prendre position sur la valeur insuffisante des t ravaux fournis par l'APlAMEDAROM. Ainsi, pendant qu'on annonçait d'un côté 170
Les plantes de la Fr ance d'outre-mer discriminées
l'entrée de deux plantes à la Pharmacopée française, de l'autre on mettait en avant le risque de dangerosité des plantes domiennes, Curieuse contradiction .. .
La loi « droits des malades », un berceau idéal pour enclencher une réforme À l'occasion de ce colloque, le projet de loi « droits des malades» semblait pouvoir servir de berceau pour accueillir une réfonme du code de la santé publique en vue de penmettre une prise en compte des plantes de la France d'outre-mer indispensables à la santé des populations locales. Après l'intervention de l'expert de l'AFSSAPS, je commençai ma confénence par les textes juridiques intemationaux et européens sur les droits des patients. Je soulignai que, dès 1978, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) avait mis l'accent sur les soins de santé primai ne et sur l'insertion des nemèdes traditionnels dans les politiques nationales de santé, et qu'en 1989 elle invitait à faine une évaluation des systèmes traditionnels de médecine ainsi qu'un inventaine et une évaluation des plantes médicinales utilisées par les praticiens traditionnels et par la population. Je rappelai les fondements juridiques de droit français, et notamment l'article 73 de notre constitution qui prévoit que les départements d'outremer « peuvent faine l'objet de mesunes d'adaptation nécessitées par leur situation particuliène ». j'évoquai ensuite la nécessité économique de réfonmer. le chômage des jeunes pouvant atteindne plus de 60 % en France d'outne-mer. En outre, qu'imaginer en cas de conflit intemational? Ces départements devraient-ils compter uniquement sur les approvisionnements métropolitains de médicaments pour se soigner alors qu'ils disposent d'un fonmidable patrimoine de plantes médicinales et qu'ils pounraient, en ce domaine, êtne autosuffisants? Les départements d'outne-mer devaient quitter cette dépendance systématique envers les plantes de la métropole pour contribuer à leur propne développement économique et sauvegander. dans la dignité, leurs connaissances des plantes. Je proposai alors une modification précise du code de la santé publique par le dépôt d'un amendement au sein de la loi « droits des malades », car compte tenu qu'il nestait quatne-vingt-huit plantes des départements d'outne-mer à faine entner à la Pharmacopée française, nous ne pouvions espérer y voir entner 171
Santé. mensonges et propagande
l'ensemble des plantes domiennes ayant fait l'objet de t ravaux scientifiques que dans cent soixante-seize années au rythme où allaient les choses avec l'AfSSAPS (quatre ans pour y inscrire deux plantes), et d'ici là il serait trop tard.
Spécialités pharmaceutiques métropolitaines inefficaces ou médecine locale adaptée 1 Trop tard, car la population a besoin dès aujourd'hui de ses plantes, non seulement sur le plan économique mais aussi pour sauvegarder sa propre santé. Des pathologies très spécifiques à ces régions tropicales que l'on ne retrouve pas en métropole, comme les dermatoses, les mycoses (très courantes), la dengue ou la drépanocytose n'ont pas de solution concrète avec les médicaments des grands laboratoires pharmaceutiques. Les plantes locales en revanche, qui n'ont pas d'équivalent en France métropolitaine, apportent des réponses efficaces et peu coûteuses. Cela s'explique peut-être par le fait qu'il existe, à titre d'exemple, trois mille deux cents espèces de plantes pour la seule Guadeloupe, dont six cent vingt-cinq plantes médicinales. À superficie égale, selon les estimations du docteur Joseph, il y a ainsi cent fois plus de plantes en Guadeloupe qu'en métropole! Je terminai mon intervention sur une citation d'un rapport de l'OMS IJ : « Pour faire évoluer la situation sanitaire, il faudra que les dirigeants soient en mesure d'écouter. Ils devront écouter ce que les individus ont à dire et leurs préoccupations au niveau local .. . » J'ajoutai enfin que l'heure était donc venue pour les dirigeants d'écouter la population domienne ...
Madame Michaux-Chevry: « Les actes suivent les paroles» Et les dirigeants écouteront À peine avais-je formulé ma proposition que la présidente de la Région Guadeloupe et sénatrice, Lucette Michaux-Chevry, déclarait qu'elle défendrait au Sénat la proposition d'amendement Elle en profrta aussi pour annoncer la mise à disposition de terres pour les agriculteurs et la création d'une technopôle 14 pour permettre le développement d'une véritable filière des plantes 172
le s plantes de la France d'outre-mer discrimin ées
aromatiques et médicinales aux côtés de scientifiques, qui pourraient accompagner le développement de cette filière pour le plus grand intérêt de la population,
Des chercheurs internationaux pour un patrimoine mondial Le bassin caribéen dispose d'une formidable richesse en matière de plantes aromatiques et médicinales. C'est pourquoi. dès 1984, une équipe de deux cents chercheurs internationaux composée de chimistes, de toxicologues, de pharmacognostes IS et de botanistes, entre autres, répartis sur trente pays (ÉtatsUnis, Allemagne, bassin caribéen, Amérique du Sud, Espagne, Suède, Pays-Bas, France, Suisse, etc.), a établi de nombreux travaux scientifiques à partir des usages populaires des plantes. L'objectif est de parvenir à la classification de ces dernières en troi s catégories : les plantes en cours d'investigation, les plantes toxiques et les plantes recommandées. Ce travail a débouché sur l'édition, en 1999, d'une première Pharmacopée caribéenne 16.
Qu'est-ce
TRAMIL?
Deux cents chercheurs travaillent dans le cadre d'un projet, dénommé TRAM tL, visant à mieu x connaître la médecin e traditionnelle, ancestrale,
et en particulier les plantes. Ce sont les usages des parties (tiges, fleurs, feuilles, etc .) des pl antes qui sont classés en trois catégories : - les usages des parties de plantes en investigation (INV) pour leur indice d'efficacité, mais sur lesquel s les informations scientifiques sont inexistantes ou insuffisantes;
- les usages de parties de plantes toxiques (TOX), pour étude de 1. toxicité des plantes ; - les usages de parties de plantes recommand és (REC), très fréquemment utilisés et/ou bien connus pour leur innocuité et qui o nt été validés scientifiqu ement.
15. Pharmacognosie : « D iscipline d'étude et de recherche concemant les matières premières naturelles servant à la préparation des médicaments. en particulier des plantes médicinales, ainsi que de leurs constituants [ ... ]. Elle s'intéresse aussi aux effets toxiques éventuels des produits naturels », in Dictionnaire des sciences pharmaceutiques et biologiques. Acad. Nat Pharm .. 1997.
173
Santé. men so nges et propagande
Qui ne respecte pas le principe de précaution? On remarquera que les données de cette Pharmacopée caribéenne sont plus complètes que celles de la Pharmacopée française en ce qui concerne l'utilisation et la toxicité, alors que le leitmotiv de l'AFSSAPS pour justifier le refus d'entrée d'une plante à la phanmacopée est le principe de précaution. Curieux ... Aucune donnée toxicologique ne figure dans la Pharmacopée fi"Onçaise, alors que les chercheurs internationaux travaillant sur la Pharmacopée caribéenne n'ont pas manqué de procéder à des essais toxicologiques. Je n'avais pas manqué de souligner ce fait dans mon intervention en octobre 2001 devant les représentants de l'AFSSAPS, qui n'avaient rien trouvé à répondre.
Quand la science fait un pont entre hier et aujourd'hui Pour mieux comprendre l'utilisation des plantes tropicales, les chercheurs sont partis des usages populaires des plantes par pathologie. Pour une pathologie donnée, ils ont intenrogé des mères de famille, notamment afin de savoir comment elles soignaient cette pathologie. Lorsque le taux de réponses atteignait au moins 20 % de concordance sur une plante, les chercheurs étudiaient la plante en question en recueillant auprès de la population les données concrètes d'utilisation (tisane, cataplasme, décoction, teinture mère, etc.) et les dosages. Le processus est donc inversé; il ne s'agit pas de partir d'un postulat t héorique d'utilisation en extrapolant sur des vertus ou des risques, mais au contraire de respecter la mémoire des ancêtres en confinmant ou en infinmant scientifiquement les données ancestrales. On remarquera que cette méthodologie consistant à partir des usages populaires pour parvenir à une explication scientifique est corroborée par l'OMS. Dans une note de 1991 17, cette dernière indique en effet qu'« il importe de tenir compte de l'expérience traditionnelle, c'est-à-dire de l'utilisation prolongée ainsi que de l'origine médicale, historique et et hnologique de ces produits. La définit ion de l'utilisation prolongée variera en fonction de l'histoire du pays et devra être au moins de plusieurs dizaines 17 4
Les plantes de la France d ' outre-mer discriminé es
d'années. [ .. .] L'utilisation prolongée et apparemment inoffensive de la substance est généralement la preuve de son innocuité. »
Le défaut d'inscription à la pharmacopée: un héritage de l'esclavage Pourquoi les plantes de la France d'outre-mer sont-elles les grandes absentes de la Pharmacopée française alors que les départements d'outre-mer sont censés appartenir à une République une et indivisible? Il Y avait là discrimination. Avec le docteur Joseph, nous avons fait venir des archives de la Martinique un certain nombre de textes qui confirmaient les soupçons que nous avions à propos de la période esclavagiste. Les choses étaient on ne peut plus claires: si l'esclavage est aboli en 1794, il est nétabli dès 1802, et c'est alors qu'« il est défendu à tous gens de couleur et nègres des deux sexes, libres ou esclaves, de composer. vendre, distribuer ou administrer aucun remède en poudre ou sous quelque autre forme que ce puisse être, ou d'entreprendre la guérison d'aucun malade 18 ». Pourquoi? Tout simplement parce que le colon a peur d'être empoisonné par ceux qui ont la connaissance des plantes. On retire donc aux« Nègres », libres ou esclaves, le droit d'exercer la médecine, la chirurgie et la phanmacie, ainsi que celui de vendre et de distribuer drogues et plantes dès 1802. Or c'est une loi du Il avril 1803 qui prévoit la mise en place du premier codex 19 : « Le gouvernement chargera les professeurs des écoles de médecine, réunis aux membres de l'école de pharmacie, de nédiger un codex (ou fonmulaire) contenant les pnéparations médicinales ou phanmaceutiques qui devront être tenues par les phanmaciens 2o.» Ce codex paraîtra en 18 18, alors que l'esclavage était loin d'être supprimé (il ne sera définitivement aboli qu'en 1848) ; cela explique pourquoi les plantes françaises d'outre-mer sont complètement passées à la trappe ... Faire voter une loi le 10 mai 200 121 consacrant l'esclavage comme crime contre l'humanité est très louable, mais supprimer définitivement les traces de cet esclavage par l'inscription des plantes domiennes à la phanmacopée serait 19. Ancien terme pour désigner la pharmacopée.
175
Santé. mensonges et propagande
beaucoup plus digne d'un État de droit, la France, symbole des droits de l'homme à travers le monde.
Amendement pour séance de nuit Suite à ma proposition de modifier le code de la santé, l'APLAMEDAROM me demanda de suivre le dossier C'est donc tout naturellement que des contacts furent entretenus avec les ministères de l'Outre-mer et de la Santé. Un amendement, déposé officiellement par madame Michaux-Chevry, présidente de la Région Guadeloupe, et par les sénateurs loueckhote et Blanc, fut présenté au Sénat lors de la première lecture du projet de loi « droits des malades ». Cet amendement vint au vote le 6 février 2002 en séance de nuit. Ce n'est qu'à minuit moins vingt que le sort des plantes d'outre-mer fut débattu devant une poignée d'environ quinze sénateurs. À peine le sénateur l oueckhote avaitil pris la parole pour lire la motivation de l'amendement que le ministre de la Santé, Bernard Kouchner commença à dialoguer comme si de rien n'était avec ses voisins, créant un brouhaha au sein duquel monsieur l oueckhote tenta vainement de se faire entendre. l'amendement ne sera finalement pas soutenu par le ministre, qui indiquera avec détachement « défavorable: il existe une seule sorte de pharmacopée et il faut avoir le temps de la consu~er». C'était faire bien peu de cas de l'énorme travail fourni depuis presque vingt ans, par les scientifiques d'abord, par les politiques et les juristes ensuite. Que Bernard Kouchner se rassure, nous avions eu le temps de consulter la Pharmacopée française en long, en large et en travers. De plus, il existe au moins deux pharmacopées: la française et l'européenne, cette dernière s'imposant à la France depuis 1996. La Commission des affaires sociales du Sénat reconnaîtra l'utilité d'un tel amendement, contrairement au ministre. Malgré un vote final négatif. l'amendement aura l'avantage de porter le problème à tous les niveaux, parlementaire et ministériel, préparant ainsi la seconde étape.
176
Les plantes de la France d'o u tre-mer discriminées
Le ministère de l'Outre-mer se mobilise pour la seconde étape Le 20 juin 2002, le ministère de l'Outre-mer répondit à l'APtAMEDAROM : « Les départements d'outre-mer bénéficient sans aucun doute d'une flore endémique importante représentant un gisement de molécules à principes actifs non développées. Il convient de réfléchir à la manière de faire reconna1tre ces plantes dans les cadres juridiques et réglementaires.» Le prochain berceau de la réforme était sans conteste possible la loi de programme pour l'outre-mer, puisque cette loi voulait privilégier la « République des proximités », la décentralisation et le transfert des responsabilités.
Des dossiers à géométrie variable Depuis l'annonce officielle par l'AFSSAPS, en octobre 200 l , de l'entrée de deux plantes d'outre-mer à la Pharmacopée française, nous n'avions aucune nouvelle, aucune confirmation écrite. Inquiète de ce silence, l'APtAMEDAROM relança donc en janvier 2002 l'AFSSAPS, qui répondit en février 2002 22 avec de nouvelles exigences, très lourdes, fournies par le groupe d'experts siégeant à l'agence. La fiche technique à respecter équivalait quasiment à un dossier d'autorisation de mise sur le marché (AMM), comme pour un médicament Or rappelons qu'il ne s'agissait de faire inscrire à la Pharmacopée que de simples parties de plantes brutes (non transformées), et non d'en faire des spécialités phanmaceutiques. Des éléments nonmalement spécifiques aux médicaments furent demandés pour les deux plantes domiennes, notamment des travaux très poussés sur la toxicité (rappelons, à titre d'exemple, que le tilleul n'avait jamais eu besoin de tests de toxicité pour être inscrit à la Pharmacopée française). De plus, les travaux fournis par l'APLAMEDAROM à l'AFSSAPS étaient pointus, et le principe de précaution y était parfaitement respecté pour deux raisons: d'une part, on disposait d'un recul de plusieurs siècles pour juger de l'utilisation de ces plantes, et ce sans aucun problème (l'OMS considère qu'une plante est réputée bénéficier de la qualité d'innocuité en raison de son utilisation prolongée), et d'autre part l'APLAME177
Santé, mensonges et propagande
DAROM avait réalisé des travaux de toxicité que l'on ne trouvait même pas dans la Pharmacopée française. De mon côté, je correspondais avec un des experts de l'AFssAPS, qui me fournit en octobre 2002 un modèle de dossier à constituer encore différent des précédents ... Nous en étions rendus à trois versions pour un même dossier entre avril 2001 et octobre 2002. Quel était l'objectif poursuivi par l'AFssAPS? Nous décourager?
Qui sont les experts compétents à l'AFSSAPS
?
L'APlAMEDAROM profitait de sa lettre de relance de janvier 2002 pour demander qui étaient les spécialistes compétents en matière de pharmacopée tropicale siégeant dans le groupe d'experts, et qui étaient les personnalités issues de l'outre-mer. Voici ce que répondit le directeur général Duneton en octobre 2002: « Le groupe de travail « Drogues et extraits d'origine végétale» [ .. .] réitère sa décision favorable à l'inscription de ces deux plantes sur la liste des plantes médicinales sous réserve d'avoir les données complémentaires déjà demandées.» Il ajoutait cependant que la fiche technique n'était qu'un modèle de présentation. À la fin de sa lettre, tout en rappelant que le groupe d'experts était favorable à l'inscription des plantes, il indiquait qu'il souhaitait que la collaboration se poursuive. Dans cette lettre, par ailleurs positive, aucune réponse n'était faite sur la qualification des experts, et pour cause: aucun d'eux n'était spécialiste de la pharmacopée tropicale, et encore moins originaire d'outre-mer!
Première convocation officielle avec les experts de l'AFSSAPS Ces échanges de courriers se terminèrent par une lettre du directeur générai de l'AFSSAPS, datée du 24 décembre 2002, convoquant l'APlAMEDAROM le 7 mars 2003. Il ne s'agissait plus de discuter de façon informelle sur la façon de monter les dossiers, mais de venir soutenir devant le groupe d'experts de 178
L es pl antes de la France d'outre-m e r discriminées
l'Agence les deux plantes en question, en présentant des dossiers complets.
À partir de là, une réponse négative ou positive serait faite. Nous avions jusqu'au 21 février 2003 pour déposer les dossiers selon les consignes données par le directeur général. Le compte à rebours avait démanré, et il restait très peu de temps pour présenter des dossiers respectant la trame extrèmement Iource de la fameuse fiche technique à géométrie variable ... L'équipe de scientifiques de l'APLAMEDAROM devait donc, en deux mois, réunir la bibliographie mondiale, la lire, en faire la synthèse et rédiger les dossiers des plantes Senna a/ota et Uppia a/ba selon les normes déterminées par l'AfSSAPS. Le challenge fut relevé par le docteur Henry Joseph (pharmacognoste) et par les professeurs Jacques Portecop (botaniste) et Paul Bourgeois (chimiste), en dépit de leurs obligat ions professionnelles et malgré un cortège d'embûches en tout genre que, par souci de discrétion, nous ne pouvons révéler ici. Nous n'avions plus qu'à attendre le rendez-vous du 7 mars 2003 avec le groupe d'experts.
Dix-sept personnes pour « accueillir» les scientifiques guadeloupéens Le professeur Bourgeois et le docteur Joseph s'étaient spécialement déplacés depuis la Guadeloupe pour répondre à la convocation de l'AFSSAPS. Les deux scientifiques et moi avions rendez-vous à 11 heures à l'Agence. Pas moins de dixsept personnes s'apprêtaient à « juger », tels les membres d'un tribunal, les travaux et les propositions de trois spécialistes des plantes tropicales. À tour de rôle, le docteur Joseph et le professeur Bourgeois exposèrent les dossiers des deux plantes, demandant leur inscription à la Pharmacopée française. Ensuite, une des responsables du groupe « Pharmacopée », après avoir consulté son code de la santé publique, précisa que l'entrée des plantes à la pharmacopée ne règlerait rien car les pharmaciens ne pounraient pas davantage les utiliser; elle indiqua même que les pharmaciens d'officine pouvaient les vendre sans cette inscription, qui finalement n'était pas utile dans notre situation. Stupéfaits de cette affirmation gratuite, nous précisâmes que nous voulions être dans la légalité et non dans l'illégalité. J'ajoutai que si le code de la santé publique prévoyait la possibilité de recourir à des substances non inscrites à la pharmacopée, cette situation 179
Santé. mensonges et propagande
induisaIT des conséquences en termes de responsabilité, et que j'étais bien placée pour le savoir puisque j'avais déjà défendu, devant l'Ordre des pharmaciens, des officinaux qui avaient vendu des plantes non inscrITes à la Pharmacopée. Des questions techniques furent posées par les experts, auxquelles il fut répondu aisément par les scientifiques guadeloupéens. L'une d'elles fut assez cocasse, puisqu'elle consista à savoir si nous comptions venir souvent présenter des plantes pour les faire entrer à la Pharmacopée française . Le docteur Joseph répondIT que oui étant donné le nombre de plantes intéressant la santé de la population d'outre-mer Un des experts indiqua ensuite que l'on pouvait demander des AMM (autorisations de mise sur le marché) pour la fabrication de médicaments avec les plantes domiennes, en demandant à figurer sur la liste des plantes pouvant faire l'objet d'AMM allégées 23 , En fait, l'AFSSAPS semblait plus intéressée par le dépôt d'autorisations de mise sur le marché allégées que par de simples inscriptions de plantes brutes à la Pharmacopée française, peut-être en raison du faIT que, pour déposer des autorisat ions de mise sur le marché - passage obligé si on souhaITe commercialiser des médicaments - , les coOts sont assez stupéfiants (22 000 euros environ pour une AMM allégée et 450 000 euros pour une AMM normale). À la fin de la réunion, nous demandâmes quand la réponse nous seraIT transmise. Il nous fut répondu: « Dans quelques mois,» Cette réponse est tombée le 17 juillet 2003 dans le sens du «oui mais», avec encore de nouvelles informations à transmettre.
La loi de programme: une grande loi pour abriter nos amies les plantes domiennes Parallèlement à ce travail scientifique et aux contacts avec l'AFSSAPS, la réforme juridico-polITique continuait de se mettre en place avec, comme tenre d'accueil, la loi de programme pour l'outre-mer Il suffisaIT de transférer la réforme initialement prévue pour la loi «droits des malades» à la loi de programme. La néceSSITé sanitaire de légaliser ces plantes s'accompagne de néceSSITés et d'aberrations économiques. 180
Les plantes de la Fr a n ce d'outre-mer discrim inées
La «banane dollars », banane américaine venant concurrencer la banane française, entraîne une chute de la fil ière de la banane et. à partir de 2006, les subventions cesseront. Il est donc nécessaire de prévoir dès maintenant une diversification et une revalorisation de l'agriculture par d'autres cultures, en l'occurrence celles des plant es aromatiques et médicinales. En légalisant les plantes d'outre-mer. on rend possible le développement d'une véritable filière de plantes médicinales et aromatiques, allant de la culture jusqu'au produit fini . Mais l'outre-mer peut devenir un allié économique en contribuant au comblement du déficit de la balance commerciale de la France en matière de plantes médicinales et aromatiques brutes et transfonmées (- 854 millions de francs, c'est-à-dire - 130 millions d'euros en 1998). N'est-il pas choquant que la France importe des plantes de l'étranger alors qu'elle peut les cultiver dans ses propres départements d'outre-mer?
12 mars 2003 : la date du changement Madame la ministre de l'Outre-mer. Brigitte Girardin, indique dans son projet de loi de programme que celui-ci «vise à promouvoir un développement économique de l'outre-mer. fondé sur une logique d'activité et de responsabilité, et non d'assistanat ». La ministre prévoit à propos du droit de la santé une « meilleure prise en compte des plantes médicinales de ces départements par la Pharmacopée française ». Le 12 mars 2003, le conseil des ministres a voté la loi de programme dans son ensemble, et donc notre réforme. C'est l'article 43 de cette loi de programme qui autorise le gouvernement à prendre nos mesures. Cet article 43 a été voté par le Sénat le 22 mai 2003 et. dans les dispositions nous concernant. par l'Assemblée nationale le 6 juin 2003. Le principe de la réfor me a donc été définitivement vot é. C'est une avancée importante.
Les plantes d'outre-mer, on ne pense qu'à elles! Petite parenthèse avant de clore le sujet Le gouvernement français, via ses deux agences sanitaires (AFSSA et AFSSAPS), prépare une réforme sur la régle181
Santé . me n so n ges et p r opaga nd e
mentation des plantes afin de combler les lacunes dans ce domaine. De nouvelles listes sont à l'étude. au sein desquelles, une fois encore, on ne voit quasiment pas apparaître les plantes tropicales à quelques exceptions près, comme le roucou (Bixa orellana). C'est très signiticatif: la France d'outre-mer est régulièrement oubliée ou ignorée dans les réfomnes, ce qui pose la réelle question de son intégration véritable dans tous les aspects de la société française et de la citoyenneté française.
Depuis deux cents ans, la population attend L'esclavage avait été rétabli en 1802. Deux cents ans plus tard, une de ses conséquences disparaissait. Les plantes issues des départements d'outre-mer font partie du patrimoine de la France, elles méritent donc la même attention et le même traitement. Il est désomnais important, non seulement pour des raisons juridiques, économiques et culturelles, mais également pour une question de dignité, que la population française d'outre-mer puisse entin accéder dans de bonnes conditions à son propre patrimoine végétal. La loi «droits des malades» du 4 mars 2002 prévoit que «le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne », en ajoutant «qu'aucune personne ne peut faire l'objet de discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins ». En continuant d'ignorer cette réalité culturelle, outre les conséquences économiques, on impose une phamnacopée métropolitaine à la population et, parlà même, on interdit aux phamnaciens et aux médecins de remplir leur mission. Il était temps que la population soit écoutée et qu'une réfomne intervienne. Aujourd'hui, la population et les scientitiques attendent l'achèvement de la réfomne juridique française (qui doit passer par la rédaction d'ordonnances et de décrets) et une ouverture de l'AFSSAPS. La population attend donc des décisions positives de l'AFSSAPS, déconnectées de tout autre intérêt que celui de la santé publique des citoyens français d'outre-mer Affaire à suivre ...
Vitamines: le mythe de l'alimentation « équilibrée»
La seu le chose qui nous sauve de la bureaucratie, c'est le manque d'efficacité. Des bureaucrates efficaces. voilà la plus grande menace pour la liberté.
Eugene McCarthy
Cest le CSHPF (Conseil supérieur d'hygiène publique de France) qui l'affirmait haut et (ort le 12 septembre 1995 : si vous mangez « varié» et « équilibré », alors vous recevez (orcément les doses de vitamines et de minéraux qui vous sont nécessaires. Un pieux mensonge.
Les limites de l'alimentation Le CFES (Comité français d'éducation pour la santé), dans un livret intitulé Bien se nourrir au (éminin, n'est pas en reste: « Une alimentation variée pennnet de couvrir tous les besoins [en vitamines]. [C'est] le résultat d'une étude scientifique.» On ne saura pas laquelle ... Ce credo, repris à l'unisson par une majorité de nutritionnistes de tous les pays, Judith Hallfrisch l'avait fait sien jusqu'à ce que l'Institut national du vieillissement des États-Unis (Baltimore, Maryland) lui confie le suivi du statut nutritionnel de seniors alertes et ne manquant de rien. Stupéfaction du chercheur: « Si l'on en croit les nutritionnistes, les personnes qui ont une alimentation variée 183
Santé. mensonges et prop aga nd e
et équilibrée n'ont pas besoin de suppléments de vitamines. Mais même dans cette population éduquée et bien nourrie, l'alimentation n'apporte pas les quantités adéquates de nutriments. Les utilisateurs de suppléments eux-mêmes ne reçoivent pas toujours les quantités adéquates!» Les déficits ne sont pas légion que chez nos seniors. Ils sont fréquents chez les fumeurs, les femmes enceintes, celles qui allaitent, celles qui suivent un régime hypocalorique, les sportifs ou les personnes en situation précaire, comme le montrent la quasi-totalité des enquêtes alimentaires. Même lorsque nous pensons nous nourrir de manière équilibrée, nous sommes exposés à un risque mécanique de déficit, notamment parce que la quant ité de calories et de protéines n'a cessé de décliner depuis un siècle. Des études ont montré qu'il n'était pas possible, à moins de 2 700 kCal/j, d'atteindre les apports recommandés en minéraux, et que 80 % des besoins en vitamines ne sont pas satisfaits lorsqu'on est à moins de 2 500 kCal/j24. Or les Françaises, en moyenne, consomment moins de 2 000 kCal/j.
Les enfants aussi Les enfants ne sont pas à l'abri de déficits. Plus de 15 % des petits Français partent à l'école l'estomac vide. De surcroît, les enfants se déclarent surtout attirés par les frites, les pâtes, les glaces et le chocolat, aliments dont la valeur nutritionnelle est limitée. Conséquences: - 20 % des Français âgés de 18 mois à 4 ans et demi ont des réserves de fer basses, et 8 % sont anémiés; - 40 % des petites Françaises de plus de 4 ans ne reçoivent pas deux tiers des apports conseillés en fer; - 20 % des jeunes filles françaises reçoivent moins de deux tiers des apports conseillés en vitamine B6 ; - 75 % des filles et 80 % des garçons français âgés de 2 à 10 ans ne reçoivent pas suffisamment de zinc; - pratiquement toutes les jeunes Françaises âgées de 10 à 18 ans présentent une déficience en zinc. 184
Vit a mines : le mythe de l 'al im e nt a ti o n « é quilibr ée»
Enfin, si les suppléments de vitamine D assurent une bonne couverture jusqu'à l'âge de 2 ans, ils ne sont plus prescrits ensuite. Des études récentes montrent que les déficit s ne cessent pas pour autant. et qu'ils se poursuivent tard dans l'adolescence.
De nombreux odultes ne reçoivent pas les apports conseillés en vitamines et en minéraux (données de 1999"). Pourcentave de Francais Pourcento~e de Francaises oui ne reco;vent bas ou; ne recoivent bat ..........___...._____-"'.;;'.;:ap orts conse;,;;l11;,;;é,; ...._..;';e;. ;s apports conseillés Mlcronutriments
Vitamine BI
56,5
56,3
Vitamine 82 26
39,S
41,2
Niacine (Vitamine B3) " Vitamine B6 " Vitamine B9 (acide folique) VitamineBl2 24 Vitamine C Vitamine E Calcium Magnésium
35,8 60,3 39,7 2,7 29,4 42,5 34,1 30
44,9 54,9 51 10,7 29,3 42,8 37 37
9,2 75
30,9 75
Fer 24 Vitamine D (citadins l'hive r)
24 27
Altération des chromosomes Ces déficits n'entraînent pas de signes et de symptômes visibles, sauf peutêtre en ce qui concerne le fer. En revanche, ils diminuent la qualM de vie et augmentent le risque de maladies dégénératives à long et moyen terme. Une inquiétude pour le professeur Bruce Ames (université de Californie, Berkeley), autorité mondiale en matière de cancer: «Des déficits communs, ceux qui concern ent les vitamines B 12, B9, B6, B3, C et E, le fer et le zinc, miment les effets des irrad iations en provoquant des altérations des chromosomes et en endommageant l'ADN , voire les deux'·.» Selon Ames, jusqu'à 20 % de la population américaine court un risque de cancer simplement parce que l'alimentation n'apporte pas ces nutriments en 185
Santé. m e nsonges et pr o pagande
quantité suffisante.
La situatio n est probablement identique en France, et les
pouvoirs publics qui, comme le CFES, continuent depuis des années de faire croire
qu'une alimentation variée couvre les besoins en vitamines et en minéraux port ent une lourde responsabi lité dans cette situation. Consé ouences
PObulotlons
RISQues
...;.;.;;.0:.;;;.____ à risque
b;och;m;q.:;u;;e,; ..__...mo;;é:;t:.o;; :: b;;o.. liq,~ u:;; e;;. , __....
Antioxydants (vitamines C et E. sélénium. zinc. caroténoïdes)
• Personnes âgées • Fumeurs actifs et passifs ~ Habitants de villes polluées ~ Grands sportifs • Asthmatiques • Amateurs excessifs de soleil ~ Petits consommateurs de fruits et légumes
~ Protection réduite contre les radicaux libres: - oxydation des bases de l'ADN; - peroxydation lipidique ~ Baisse de l'immunité
Vitamines BI. B2. B3. BS. B6 et C, magnésium
~ Enfants et adolescents consommateurs d'aliments sucrés et d'aliments à index glycémique élevé (pommes de terre, corn flakes, pain et riz blancs, barres chocolatées, sodas ... ) ~ Gros consommateurs d'alcool • Personnes âgées
~ Baisse des neurotransmetteurs de la mémoire et de la vigilance
~ Baisse du QI avec retard scolaire ~ Troubles cognitifs ~ Maladie d'Alzheimer (vitamine B3)
Vitamines B6, 89 et BI2
~ Futures mamans (fumeuses, prenant
~ Augmentation de l'homocystéine (sous-produit toxique de la dégradation des protéines alimentaires)
~ Malformations du fœtus (femmes enceintes) ~ Infarctus et accident vasculaire cérébral ~ Maladies d'Alzheimer et de Parkinson .. Cancer colorectal ~ Dépression
la pilule) ~ Buveurs excessifs
d'alcool ~ Personnes âgées • Végétaliens
186
~ Cancer (estomac,
prostate, poumons, ovaires, vessie) ~ Infarctus et accident vasculaire cérébral ~ Cataractes et dégénérescence maculaire liée à l'âge ~ Susceptibilité aux infections
Vitamines
Situation de déflclt
Vitamine 0
le mythe de l'alimentation « équi l i brée »
PObulat;ons
à ris ue
RisQues métoboJiques
Citadins J'hiver Adeptes des crèmes de jour avec filtres anti·UV
~ Diminution ~ Ostéoporose ~ Cancer (prostate, du remodelage sein, côlon, peau) osseux ~ Protection réduite contre l'initiation de cancers
~ Nouveau·nés ~ Adeptes des
~ Baisse de la synthèse d'un neurotransmetteur de la mémoire
~ ~
Choline
Conséouences biochimiques
régimes pauvres en graisses ~ Immunodéprimés
~
Déficit cognitif
Acide alpha.linolénique
~ Consommateurs exclusifs d'huiles et de margarines de tournesol o u de maïs
~ Troubles du rythme ~ Infarctus cardiaque et troubles de la coagulation
Déficit en fer
~ Enfants. adolescentes ~ Femmes non ménopausées, femmes enceintes
~ Altération ~ Anémie ~ Retard intellectuel du transport de l'oxygène sanguin (enfant)
Déficit en zinc
~ Enfants, adolescents
~
~
Baisse de l'immunité
• Susceptibilité accrue aux infections ~ Retard de croissance (enfants)
Personnes âgées
Déficit en chrome. en magnésium, en vitamine E. en zinc, en acides gras oméga.3
~ Gros consomma· teurs d'aliments à index glycémique élevé
~
Diminution de la sensibilité à l'insuline
• Intol érance au glucose
Déficit en potassium
~ Petits consomma· teurs de fruits et de légumes ~ Amateurs de sel. y compris caché (plats préparés)
~ Diminution du pH sanguin avec fuite calcique • Excès de sodium intracellulaire
~
187
~
Ostéoporose Hypertension
Santé, mensonges et propagande
Inaccessibles ANC En 1999, Nicole Darmon, chercheur au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers, Paris), a fait appel à la programmation linéaire pour savoir si l'alimentation actuelle des Français leur permettait de respecter les apports nutritionnels conseillés (ANC). Sa conclusion: «Que ce soit pour l'homme, la femme ou l'enfant de 1à 3 ans, la construction d'une ration respectant les ANC est tout simplement impossible à réaliser quand on impose au programme de ne pas dépasser les quantités d'aliments effectivement consommées par 50 à 75 % de la population. » La couverture des besoins est particulièrement difficile pour les vitamines BI, B6, E et D, le niveau des recommandations de 1992 (1 0 ~g par jour) étant «impossible à atteindre lorsque tous les autres ANC sont respectés ». Côté minéraux, les apports en magnésium, en fer; en zinc et en cuivre sont problématiques. Un exemple? Pour atteindre les ANC, une femme adulte devrait consommer chaque jour 1,25 kg de fruits et de légumes frais. «Ceci, commente N icole Darmon, est probablement impossible à réaliser; d'autant que les Français, et notamment les Françaises, sont déjà les plus gros consommateurs de fruits et légumes d'Europe 29. »
Le mythe de la « variété» Pourtant peut-on lire dans le texte du PNNS (programme national NutritionSanté), «une consommation variée avec une répartition satisfaisante des quantités ingérées [permet], par la consommation régulière d'aliments et de plats largement disponibles en France, de préserver un bon état de santé et la qualité de vie». En réalité, la« variété» alimentaire n'est pas associée à une meilleure densité nutritionnelle 30 mais plutôt à une augmentation des apports énergétiques et de la masse adipeuse 31• Selon Nicole Darmon, la diversité alimentaire n'est d'ailleurs pas la clé de l'équilibre nutritionnel: « Une ration monotone mais bien conçue - par exemple à base de choux, de lentilles, de pommes de terre, de pain complet. d'huile végétale, avec, comme produits animaux, un peu de foie et des sardines - peut apporter beaucoup plus qu'une alimentation variée mais bancale. 188
Vitamines: l e mythe de l 'alimentatio n « équilibrée»
La notion de diversité est un peu un piège en nutrition: tout dépend de ce que l'on entend par-là. Par exemple, la diversité des produits au sein d'une catégorie donnée - par exemple fromages ou charcuteries - ne présente généralement pas d'intérêt. sauf, peut-être, pour les fruits et les légumes. »
Abats, fruits secs et oléagineux Dans ces conditions, comment faire, en France, pour couvrir les besoins en vitamines et en minéraux? Première option: orienter les consommateurs vers les aliments les plus denses sur le plan nutritonnel. Mais, prévient le professeur Jean Nève (université libre de Bruxelles, Belgique),« respecter les ANC est relativement illusoire. Ce n'est qu'au prix d'intenses modifications de leurs habitudes que les Français pourraient y arriver. du moins si on vise cette perspective d'alimentation "optimale". » Selon Nicole Danmon, il faudrait, outre les fruits et les légumes frais, augmenter la part d'aliments que 75 % de la population ne consomme pas, tels que les abats, les mollusques, les fruits secs et les oléagineux ou le pain complet. Pas impossible à réaliser. donc, mais sacrément difficile au pays de la baguette de pain blanc! Comme le rappelle le docteur Paul Lachance (université Rutgers, New Brunswick. N ew Jersey), une «alimentation équilibrée sera toujours un idéal qu'actuellement peu de consommateurs atteignent ». Deuxième option (qui n'exclut d'ailleurs pas la première): reconnaître que l'alimentation n'est pas idéale et enrichir les aliments de base tout en incitant la population à consommer des suppléments de vitamines et de minéraux. C'est l'option choisie aux États-Unis et dans d'autres pays inspirés par le pragmatisme. Aux États-Unis, des recommandations nutritionnelles ont été édictées pour la première fois en 1980, puis révisées en 1985, en 1990 et en 1995. Réalisées par les autorités de la santé (HHS) et par le ministère de l'Agriculture (USDA), elles mettent en priorité l'accent sur des modifications souhaitables des comportements alimentaires, mais reconnaissent que certains groupes de la population peuvent avoir besoin de suppléments. À cet effet. des suppléments sont ajoutés depuis 1970 aux aliments de base. Ce sont actuellement les vitamines A, D, BI, B3, B6 et 89, le fer et l'iode. Cette stratégie a des implications importantes en tenmes de santé publique, puisque 189
Santé. m e n so nges et propagande
25 % des nutriments-clés ingérés par les Américains sont apportés par le seul enrichissement des aliments 32 Grâce à ce dernier. les céréales du petit déjeuner contribuent à 19 % de l'apport quotidien en vitamine B9 et à 15 % de celui en vitamine B6. Au total, la consommation de vitamines d'origine alimentaire a augmenté depuis trente ans grâce aux mesures prises alors " .« L'enrichissement des aliments. estime Paul Lachance, contrbue de façon conséquente à l'équilibre nutritionnel de la population et. s'il était éliminé, des cas de malnutrition apparaîtraient. même dans des pays industrialisés comme les États-Unis.)} Une étude publiée en 2003 a même montré que la prise quotidienne d'une «multivitamine)} par les personnes âgées réduirait de 1,6 milliard de dollars les coûts de santé liés aux déficits immunitaires et aux maladies coronariennes. L'alimentation étant l'objet d'une véritable idéalisation en France, pas question pour les autorités sanitaires de reconnaître qu'elle est imparfaite. " n'est pas question non plus de cautionner une «dérive à l'américaine)} qui verrait les Français avaler chaque jour leurs petites pilules vitaminées.
Comment améliorer le statut nutritionnel des Français en une nuit En France, où l'on a des idées, l'AfSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) en a eu une formidable pour, d'un seul coup, résoudre le problème des apports en vitamines et en minéraux. En 2000, elle a diminué le niveau des apports conseillés de plusieurs vitamines et minéraux. Ainsi les besoins des Français en vitamines BI, B2, B3 et B5 ont-ils été, du jour au lendemain, réduits respectivement de 13, 1l, 22 et 41 % sous le prétexte que la quantité de calories consommées a diminué et que les besoins en vitamines ont suivi. «Ceux qui disent que nous avons besoin de moins de vitamines parce que nous consommons moins de calories ont tort. analyse Paul Lachance. La seule vitamine associée à la consommation énergétique est la vitamine BI.)} Le niveau optimal de vitamine D, trop éloigné des apports réels, a lui aussi été divisé par deux malgré les protestations de plusieurs experts. Au total, neuf vitamines sur treize ont vu leurs apports conseillés revus à la baisse; seules deux (B9 et C) ont bénéficié d'un coup de pouce. La valeur 190
V i tam in es: le mythe de l 'a l ime n tatio n
« équIli b rée»
retenue pour la vitamine C reste malgré tout trés insuffisante. Selon une étude récente, les dégâts en termes d'oxydation subis par l'organisme diminuent de 50 à 80 % lorsqu'on consomme de 500 à 1000 mg de vitamine C par jour 34 , un niveau d'apport probablement bien adapté à l'espèce humaine puisque l'alimentation préhistorique (avant le néolithique) apportait justement de 600 à
1000 mg de vitamine C par joue , itamines Vitamin e A (ER l5 par jour)
Écar. (%
ANC 1992
ANC 2000
1050
800
-24 %
Vitamine D (~ g/j)
la
5
- 50 %
Vitamine E (mg/j)
12
12
Vitamine K ( ~ g/j)
45
45
a a
Vitamine BI (mg/j)
1,5
1,3
- 13 %
Vitamine B2 (mg/j)
1,8
1,6
-11 %
Vitamine B3 (mg/j)
18
14
-22%
5
- 41 %
Vitamine B5 (mg/j)
8,5 en moyenne
Vitamine B6 (mg/j)
2,2
1,8
- 18 %
Vitamine B8 (mg/j)
200
50
- 75 %
Vitamine B9 (mg/j)
300
330
+ 10 %
3
2,4
-20 %
80
110
+ 37,5 %
Vitamine B 12 (~g/j) Vitamine C (mg/j)
Des preuves cliniques. aussi Kathleen Fairlield et Robert Fletcher, deux chercheurs de l'École médicale de Harvard ont analysé les résultats de centaines d'études parues depuis 1966 sur les vitamines et les minéraux. Leur travail est paru dans le prestigieux Journal of the American Medical Association GAMA) 36 Les études montrent que les déficits en vitamines peuvent exposer à de nombreuses maladies, et que ces pathologies peuvent être prévenues par la prise de suppléments. Ainsi, la vitamine B9 prévient des malformations du fœtus, et pourrait diminuer les risques cardio- et cérébro-vasculaires. La vitamine E peut prévenir le cancer de la prostate. La vitamine D prévient les fractures liées à l'ostéoporose. 191
Santé, m enso nges et propa ga nd e
Prises globalement, les études montrent un bénéfice réel des suppléments de vitamines et de minéraux, comme le souligne l'article paru dans le JAMA Contrairement à ce que l'on croit souvent, ces études ne sont pas qu'épi démiologiques: de très nombreuses études cliniques contre placebo en double aveugle ont été conduites. Vous trouverez ci-dessous les plus récentes (s'agissant d'études d'intervention, elles ont ciblé le plus souvent des populations à risque, mais leurs conclusions rejoignent celies des études prospectives et s'étendent donc à la population générale) .
• Prévention des malformations de l'enfant et des troubles de la naissance - Un complément de mu~ivitamines contenant de la vitamine B9 donné avant la grossesse diminue de 70 % le risque de malformations (spina bifida, appareil cardio-vasculaire, becs-de-lièvre ... ) 37. - Un complément de vitamines et de minéraux pris pendant la grossesse par des femmes pourtant en bonne santé permet d'augmenter de 10 % environ le poids de naissance de l'enfant et de réduire le nombre de nouveau-nés de trop faible poids 38.
• Prévention cardia- et cérébra-vasculaire - Trois études d'intervention ont penmis de tester les effets d'un supplément de vitamine E sur le risque d'infarctus chez les cardiaques. L'ét ude HOPE n'a pas trouvé de bénéfice. En revanche, dans l'étude CHAOS, les suppléments ont réduit de 77% le nombre d'infarctus non fatals. Dans l'étude GISSI, les patients sous vitamine E ont connu significativement moins de décès. - Chez des personnes en bonne santé, les suppléments de vitamine C (2 glj) diminuent la rigidité des artères et l'agrégation plaquettaire, deux conditions associées à un risque d'athérosclérose 39, - Chez des personnes en bonne santé présentant un cholestérol élevé, la prise pendant trois ans d'un complément quotidien de vitamines C (250 mg) et E (136 UI) diminue de moitié l'épaisseur de la plaque d'athérome par rapport à la prise d'un placebo 40. 192
Vitamines : le mythe de l'a l imentation
« équi l ibrée»
- Une étude suisse en double aveugle vient de montrer qu'après une angioplastie (dilatation des artères) la prise d'un supplément quotidien de vitamines B9 ( 1mg), B6 (10 mg) et B 12 (400 ~g) réduit de 32 % le risque d'accident majeur à un an. - Selon une étude publiée en mars dans The Lancer, un complément quotidien de vitamines C (500 mg) et E (400 UI) chez les patients ayant subi une transplantation cardiaque parvient en un an à stabiliser la plaque d'athérome (responsable du rétrécissement des vaisseaux), alors que celle-ci augmente de 8 % dans le groupe ayant pris un placebo". - Le risque d'accident vasculaire cérébral est réduit de moitié chez les personnes qui consomment un supplément vitaminique contenant de la vitamine E par rapport à celles qui n'en consomment pas 42 - Les personnes qui prennent un supplément de multivitamines voient très sensiblement baisser leur niveau sanguin de protéine C-réactive (CRP). Lorsqu'elle est élevée, la CRP est associée à un risque accru de maladie cardiovasculaire et de diabète 4] - Un supplément de magnésium 44, de potassium 4S ou de calcium 46 réduit significativement la pression artérielle chez des personnes souffrant d'hypertension faible ou modérée. - Les enfants qui souffrent de cholestérol élevé d'origine héréditaire ont en l'espace de six semaines une circulation sanguine améliorée et des artères plus souples lorsqu'ils prennent des suppléments quotidiens de vitamines C (500 mg) et E (400 UI) 47 .
• Prévention des cancers - Dans une région à forte mortalité par cancers digestifs, un complément quotidien de bêta-carotène (15 mg), de vitamine E (30 mg) et de sélénium (50 ~g) réduit après cinq ans la mortalité totale de 9 %, la mortalité par cancer de 15 %, la mortalité par cancer de l'estomac de 23 %, l'incidence de cancer de 7 % et l'incidence de cancer du poumon de 45 %48. - Les Français qui prennent pendant huit ans une capsule apportant 6 mg de bêta-carotène, 120 mg de vitamine C, 30 mg de vitamine E, 20 mg de zinc et 100 ~g de sélénium connaissent 31% de cancers en moins et une mortalité réduite de 37 % par rapport à ceux qui prenaient un placebo 49. 193
Santé. mens o nges et propagande
- La prise quotidienne d'un supplément de sélénium (200 ~g) pendant trois ans réduit de 25 % le risque de cancer (tous sites) et de 52 % le risque de cancer de la prostate 50 - Les fumeurs et les anciens fumeurs qui prennent des suppléments de vitamine E (50 mg/j) ont un r isque de cancer de la prostate inférieur de 36 % à ceux qui n'en prennent pas SI , - Les hommes âgés de plus de 40 ans qui consomment peu de fruits et de légumes mais prennent un supplément de bêta-carotène (50 mg tous les deux jours) ont un risque de cancer de la prostate réduit de 32 % par rapport à ceux qui n'en prennent pas s>, - Les personnes soignées pour un cancer de la vessie qui prennent un complément de vitamines et de minéraux à dose t rès élevée (40000 U I de vitamine A, 100 mg de vitamine B6, 2000 mg de vitamine
C.
400 UI de vitamine E et
90 mg de zinc) divisent par deux le risque de voir les tumeurs réapparârrrent cinq ans plus tard 53, - Le 2 1 mai 2003, une équipe de chercheurs américains a publié une étude sur 864 personnes ayant subi une ablati on de polypes du côlon (tumeurs bénignes pouvant évoluer vers un cancer), Elles ont pris pendant quatre ans un supplément quotidien de 25 mg de bêta-carotène ou un placebo, Résultats? Chez les personnes qui ne fumaient ni ne buvaient, le bêta-carotène a permis par rapport au placebo une diminution de près de moit ié du risque de réappariton d'un polype, En revanche, chez les fumeurs et, plus encore, chez les fumeurs qui buvaient plus d'un verre d'alcool par jou" la prise de bêta-carotène est associée à un ri sque de récurrence élevé",
• Prévention des maladies dégénératives liées à l'âge - Un complément quotidien de vitamine D (800 UI) et de calcium ( 1 200 mg) pendant dix-huit mois diminue de 43 % l'incidence des fractures du col du fémur chez des femmes âgées de plus de 69 ans S5 , - L'administration de 2000 UI de vitamine E par jour dans les formes modérées de la maladie d'Alzheimer retarde par rapport à un placebo de 230 jours la perte d'autonomie, l'institutionnalisation ou le décès56, - Les personnes qui présentent un début de dégénérescence maculaire liée 194
Vitamines: le mythe de l ' alimentation
« équilibrée»
à l'âge ont un risque de progression vers la maladie diminué de 25 à 30 % dès lors qu'elles prennent pendant trois ans un complément quotidien de zinc et de cuivre (respectivement, 80 mg et 2 mg) et/ou de vitamine C (500 mg), de vitamine E (400 UI) et de bêta-carotène ( 15 mg)S7. - Les personnes atteintes de cataracte qui prennent trois fois par semaine pendant deux ans un supplément de 15 mg de lutéine (un caroténoïde présent dans les épinards, les brocolis, les petits pois, le cresson, le persil, le mais, le chou frisé, le poivron jaune) connaissent une amélioration de la vision, avec une baisse de la sensibilité à la lumière. Les suppléments de vitamine E ( 100 mg trois fois par semaine) stabilisent la maladie S"
• Amélioration de l'immunité - Les fonctions immunitaires des personnes âgées sont améliorées par des suppléments de vitamine ES9. - Les personnes âgées institutionnalisées qui reçoivent pendant deux ans un supplément de sélénium et de zinc ont significativement moins d'infections respiratoires6() - Les personnes âgées qui prennent pendant six mois un complément nutritionnel à base de vitamines, de minéraux et d'antioxydants voient leur immunité augmenter après un vaccin antigrippal. Elles ont aussi beaucoup moins d'épisodes infectieux que celles qui se contentent de la seule alimentation 61. - Les malades du sida qui prennent pendant un an un complément alimentaire contenant des vitamines A. B6, B 12, C et E à des doses supérieures aux apports conseillés ont deux fois moins de risque de mourir que celles qui prennent un placebo. La mortalité est même diminuée de 74 % chez les malades dont le système immun itaire est le plus affaibli 62
• Amélioration des facultés intellectuelles - Les enfants qui prennent pendant t rois mois un complément de vitamines et de minéraux faiblement dosé voient leur quotient intellectuel non verbal augmenter de 2,5 à 15 points selon leur statut nutritionnel (les suppléments sont surtout efficaces chez les enfants qui se nourrissaient mal) 6] 195
Santé. men songes et propagande
- Les personnes de plus de 65 ans qui prennent pendant un an un supplément minéro-vitaminique fai blement dosé voient une amélioration de leur mémoire immédiate, de la capacité à résoudre des problèmes, du raisonnement abstrait et de l'attention 64 •
• Amélioration de l'humeur - Les hommes qui prennent pendant un mois un complément de vitamines, de magnésium, de calcium et de zinc se décrivent moins anxieux, moins stressés, moins fatigués et plus capables de se concentrer que ceux qui prennent un placebo ". - Les femmes souffrant de dépression qui reçoivent pendant dix semaines, en plus de leur traitement antidépresseur (20 mg de fluoxétine), un complément de vitamine B 12 (500 ~glj) voient leurs symptômes s'améliorer beaucoup plus nettement que celles qui ne prennent que le médicament 66• - L'état des enfants qui souffrent du syndrome d'hyperactivité avec déficit d'attention s'améliore avec un supplément de vitamines, de minéraux, d'acides aminés, d'acides gras et de phospholipides autant qu'avec la ritaline - le médicament de référence -, et ce sans effets secondaires·'.
Tout le monde devrait prendre des vitamines Kathleen Fairfield et Robert Fletcher concluent leur analyse par ces mots: «Tout le monde devrait prendre chaque jour un complément de vitamines pour pallier les insuffisances de l'alimentation. » Un message qui a dix ans, voire vingt, d'avance sur le discours qui nous est servi par les autorités sanitaires françaises, pour lesquelles les compléments alimentaires n'ont bien sûr officiellement aucun intérêt et sont même dangereux ...
Dangereuses vitamines
Il serait bien à désirer qu'il
y eOt cette même liberté en
France. [ ... ] C'est ici qu'il faut voir ce qu'un gouvernement libre permet pour l'extension de tout ce qui peut se faire. On n'est point comprimé. ni par son voisin. ni arrêté par les autorités. ni les administrations et le gouvernement
vous laisse entièrement le maître de vous ruiner ou de
vous enrichir dans vos spéculations, mais en France, on ne peut rien faire sans que le gouvernement soit de la partie, ce qui paralyse tout et arrête ce qui est utile. lettre de CHARLES -ALE XA NDRE LeSUEUR à son père.
Philadelphie (Pennsylva nie). juin 1816
Dans quel pays un commerçant vendant des vitamines favorobles à la santé est-il systématiquement intimidé, traîné en justice comme un malfaiteur et menacé de prison? Pas en Corée du Nord, ni en Birmanie, mesdames et messieurs, mais bien en Fronce.
Une r églementation d'allure brejnévienne La France n'aime pas les compléments nutritionnels. C'est comme ça. Cette classe de produits est du ressort sans que l'on sache vraiment bien pourquoi, de la OGCCRf (Direction générale de la concurrence, de la consommat ion et de la répression des fraudes), qui dépend du ministère de l'Économie. des Finances et de l'Industrie. 197
Sa nt é . me n so n g es et pr o p agan d e
Pour réglementer la commercialisation des vitamines, des minéraux et autres compléments alimentaires, la DGCCRF s'appuie sur un décret qui fixe la liste exhaustive des substances autorisées et les doses admises. Un texte d'une grande modernité, puisqu'il a été pris le 15 avril 19 12. Comme à cette date la plupart des molécules figurant dans les compléments alimentaires n'étaient pas connues, tout ou presque est interdit, ce qui permet à la DGCCRF de livrer régulièrement aux médias des bilans flatteurs. En 2000, 60 % des 5 346 produits analysés ont ainsi été déclarés «non conformes». En réalité, la plupart des produits « non conformes» ou «falsifiés» sont en vente libre au-delà de nos frontières, et ne présentent aucun risque pour la santé. Leurs principaux torts sont de n'avoir pas été découverts il y a quatre-vingt-onze ans ou d'être proposés à des doses supposées «toxiques». Pour bouter la vitamine ou l'antioxydant hors de France, les agents de l'administration utilisent des pratiques dignes de l'époque du célèbre décret: intimidat ion, saisies discrétionnaires de stocks et poursuite des commerçants, des médecins, des pharmaciens et même des utilisateurs devant les tribunaux, devant lesquels de lourdes amendes et des peines de pr ison sont réclamées. D es mét hodes qui ont fait de la France une exception d'allure brejnévienne. Pourquoi ?
De Brejnev à Pétain Tout d'abord parce que la définition du médicament est interprétée de façon extensive en France. Étant donné qu'il n'y a pas de texte adapté et spécifiq ue aux compléments alimentaires, tout est prétexte à devenir médicament.
À titre
illustratif de cette imprécision, un jugement du tribunal correctionnel de Chalons-en-Champagne de 1998. Ce tribunal se livre à une analyse des termes contenus dans la définition du médicament fixée par le code de la santé publique. Produit substances, propriétés, autant de termes à la «signification imprécise», constate-t-il, rappelant la période de Vichy où la loi du 7 septembre 194 1 instituant un tribunal d'État incriminait à l'époque «tout acte de nature à nuire au peuple français». Puis, comme le médicament est censé - d'après la définition du code français - modifier les fonctions organiques, ce même tribunal constate que les 198
Dangereuses vitamines
fonctions organiques «englobent aussi bien la vision, l'expiration, la circulation ou la digestion que la locomotion, la sudat ion, l'intelligence ou la libido ». Le tribunal conclura par une relaxe à propos de vitamine C, rappelant que le « juge judiciaire [est] gardien de la liberté individuelle». Bref. de quoi faire rêver.
Entre médicament et aliment: quel mal choisir? Cette situation française anachronique n'est pas uniquement due à la définition du médicament; elle tire aussi sa force de la réglementation sur les aliments. Eh oui : comme il n'y a pas de réglementation adéquate du complément nutritionnel, ou on fait entrer le produit dans le champ du médicament et il y a exercice illégal de la phanmacie, ou on fait entrer le produit dans le champ juridique de l'aliment et là on est poursuivi pour falsification. À vous de choisir entre ces deux maux puisqu'il n'y a pas de réglementation adaptée. Comment faire? Nonmalement en créer une, de telle sorte que nos fabricants, nos distributeurs et nos importateurs puissent travailler en toute sérénité dans l'intérêt économique de la France. Oui, mais « mamie France fait de la résistance », mauvaise celle-là car, d'une part, de nombreuses procédures sont engagées et que, d'autre part, la France ne bouge pas d'un pouce sa réglementation, se contentant de réfléchir depuis déjà de nombreuses années sans que rien ne change, excepté des projets dont nous reparlerons tout à l'heure.
Un décret du siècle dernier pour ouvrir le III" millénaire La France traîne des pieds pour mettre en place de vrais textes adaptés, alors que cela existe dans d'autres États membres de l'Union européenne. Soit des textes adaptés ont été pris, comme en Belgique avec l'arrêté royal de mars 1992, en Grande-Bretagne avec des textes de 1996 et de 2002 ou encore aux Pays-Bas avec une loi de 1992, soit les autorités ont adapté la situat ion dans les faits de telle sorte que les fabricants ne soient pas pénalisés. Souvent, en effet un décalage existe entre l'évolution de la société et la mise en place d'un droit adapté, le droit suivant l'évolution des mentalités. En France, depuis 19 12, il ne 199
Santé. mensonges et propagande
s'agit plus d'un décalage mais d'un siècle de retard, même si les produits naturels et les compléments alimentaires ont commencé à se développer en Europe dans les années 1970. Mais que dit ce décret de 1912?
Compléments alimentaires, viandes et boîtes de conserve: tous dans le même bateau juridique Le décret du 15 avril 1912 complète une loi d'août 1905 sur les fraudes et les falsifications de denrées alimentaires «en ce qui concerne [ ... ] spécialement les viandes, produits de la charcuterie, fruits, légumes, poissons et conserves». Difficile de voir le rapport avec les compléments alimentaires! Entre les aliments et les médicaments, il existe désormais un intermédiaire, le complément alimentaire. Un aliment à l'état bnut n'est pas un complément alimentaire: d'ailleurs, c'est bien pour cela tout de même que la France s'est dotée d'une modeste définition du complément alimentaire en 1996. Cela n'entame pourtant pas la volonté farouche de la DGCCRF, qui poursuit les fabricants et les commerçants devant le procureur de la République pour falsification s'il vous plaît. L'infraction pénale de falsification ne va pas résulter ici d'une composition qui ne conrespondrait pas à l'étiquetage, mais du simple fait qu'une ou plusieurs substances entrant dans la composition du complément alimentaire ne figurent pas sur la fameuse liste de 1912! Cette infraction n'est pas à prendre à la légère, puisque les sanctions peuvent aller jusqu'à deux années de prison et plus de 38000 euros (250 000 F) d'amende ...
Compléments alimentaires et additifs: logés à la même enseigne Mais ce n'est pas fini. Car en plus, tenez-vous bien, ce texte de 19 12 vise les additifs alimentaires contenus dans les fameuses viandes, charcuterie, conserves ... Additifs, compléments alimentaires. Ah bon, c'est la même chose? Tiens, tiens, nous aurions juré que non. Voyons, ouvrons le dictionnaire, nous avons peut-être loupé une page de notre manuel d'écolier. Le Petit Robert est clair 100
Dangereuses vitamines
sur l'addrtif: «Substance ajoutée à une denrée alimentaire pour des raisons de fabrication, de présentation ou de conservat ion.» Un addrtif n'a donc rien à voir avec un complément alimentaire. Les additifs, ingrédients trés minorrtaires du produrt lui-même, ont d'ailleurs fait l'objet d'une réglementation communautaire le 21 décembre 1988, ainsi que les édulcorants et les colorants. Les additifs autorisés font l'objet d'une codification marquée avec la lettre« E ». En bref. ce sont les conservateurs, les colorants, les agents de sapidité, les arômes, les antioxygènes. Un additif alimentaire est d'ailleurs défini par le texte européen comme «toute substance habituellement non consommée comme aliment en soi, et habrtuellement non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l'alimentation, possédant ou non une valeur nutritive ». C'est évident: lorsque nous achetons un complément alimentaire, nous l'achetons pour ses apports nutrrtionnels. En résumé, ce décret de 19 12 ne devrart pas s'appliquer aux compléments alimentaires puisque, par définition, un complément alimentaire n'est pas un composé d'additifs alimentaires (colorants, conservateurs, antioxygènes, agents de sapidrté, d'aromatisation ou de texture), mais un composé d'ingrédients visant un objectif nutritionnel comme le prévoit d'ailleurs la définition française du complément alimentaire depuis le 12 avril 1996 68• Mais nous ne sommes plus à une incohérence près. Plusieurs juridictions ont du reste confirmé que «les notions d'additifs alimentaires et de compléments alimentaires sont bien dist inctes, et obéissent à des régimes juridiques différents », indiquant que « l'application du système dit de la "liste positive" spécifique aux addrtifs alimentaires ne peut pas être étendu aux compléments alimentaires par une interprétation extensive de la loi pénale, qui est contraire à notre droit positif, au seul prétexte qu'ils figurent dans le même décret 69 ».
Bruxelles adresse toutes ses félicitations à la France Que pense la Commission de Bruxelles de notre décret de 1912? Dans une lettre qui nous était adressée en 2000, la Commission indiquait tout simplement que « les mesures prises par les autorités françaises ne sont pas conformes au principe de reconnaissance mutuelle 70. Par ailleurs, la réglementation qui est utilisée par ces autorités (décret du 15 avril 1912 modifié sur la répression des 201
Santé. mensonges et pr o pagande
fraudes dans la vente de marchandises et la falsification des denrées alimentaires) ne permet pas aux opérateurs économiques d'obtenir l'ajout de substances d'addition non autorisées en France sur la liste des substances autorisées, en vertu du décret de 1912, à l'issue d'une procédure simplifiée et dans un délai raisonnable. » Oui, c'est certain, pas de quoi développer le commerce, non seulement franco-français mais aussi européen. Vive l'ouverture des frontières !
Le CSHPF: l'arme fatale de la Répression des fraudes Mais, va-t-on vous dire, le texte de 1912 n'est pas immuable; il peut être complété. Comment? Trés simple: quand une substance n'est pas sur la liste positive de 19 12, il suffit de demander un avis au CSHPF (Conseil supérieur d'hygiène publique de France), la DGCCRF vous autorisant ensuite ou non, en fonction de l'avis, à mettre cet ingrédient dans votre complément alimentaire. Ouf! Jusqu'ici, tout est simple, à condition de pouvoir ({ décrocher» un avis positif... Et c'est là que les choses se compliquent. Trés fréquemment, les avis rendus ont été négatifs et ont abouti à des interdictions ... pour des plantes comme l'artichaut. Il faut savoir que, n'ayant aucun texte précis sur les compléments alimentaires à se mettre sous la dent, la Répression des fraudes a souvent dO improviser. Pamni ses amnes fatales, les avis du CSHPF figurent au rang des leaders. Reste à savoir quelle est la valeur réelle de ces avis.
Le CSHPF prend des airs de supériorité Cette instance, très mode me puisqu'elle a été créée en 1902, aura au moins l'avantage d'être dotée d'une expérience certaine: celle d'être née dix ans avant notre vieux décret de 1912. Cette vieille dame âgée de plus d'un siècle est-elle pour autant dotée de la sagesse qui sied si bien aux anciens? On en doute, au vu du nombre impressionnant d'avis négatifs ou restrictifs rendus par sa section Alimentation et Nutrition. Cette section a été transférée au comité d'experts Nutrition de l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de 2 02
Dangereuses vitamines
santé) lors de sa création en 1998-1999. Le but du CSHPF est-il d'interdire systématiquement ce que tous nos partenaires européens vendent librement voire même réglementent? À en juger par le nombre d'avis négatifs, on s'interrogera: avis négatif en alimentation humaine pour une algue américaine, pour les graines de lin, pour la plante Muim puama, pour les feuilles de patate douce. pour l'huile de lin, pour l'artichaut pour l'extrait de luzerne ... Dans le domaine des vitamines, la OGCCRF se fonde sur un avis du CSHPF du 12 septembre 1995 fixant des limites de sécurité extrêmement basses par rapport à d'autres États européens, comme on va le voir plus loin. Grâce à cela, elle verbalise et poursuit en justice. Quelle valeur doit-on accorder à ces avis? Voyons. Tout d'abord, le code de la santé publique nous enseigne que « le Conseil supérieur d'hygiène publique de France est une instance consultative à caractère scientifique et technique, placée auprês du ministre chargé de la Santé et compétente dans le domaine de la santé publique» et qu'il « est chargé d'émettre des avis ou recommandations ». Ce n'est donc qu'une instance consultative se contentant de rendre de banals avis qui ne lient absolument pas l'administration. Il ne faudrait pas confondre avec une loi, votée par le Parlement et publiée au Journal officiel!
Des avis très confidentiels Et c'est ici que le bât blesse. Les avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France ne sont jamais publiés. Réussir l'exploit de se les procurer relève presque de la contrebande. On entend donc opposer aux fabricants et aux distributeurs de compléments alimentaires des avis invisibles qui sont seuls détenus par la OGCCRF et que parfois, avec un peu de chance (!), on réussit à découvrir lors du procès. Quelle transparence aux pays des droits de l'homme! Si on résume, ces textes sont des avis n'ayant aucune valeur juridique et ne faisant pas l'objet d'une publication au Journal officiel. Si « nul n'est censé ignorer la loi », encore faut-il qu'il s'agisse de textes juridiques et que ces derniers fassent l'objet d'une publication. C'est la moindre des choses ... mais apparemment c'est encore trop demander.
lO ]
Santé. mensonges et propagande
Vous avez dit séparation des pouvoirs 1 Pour compléter le tout, il faut savoir que ces avis sont produits à partr de dossiers présentés par les fabricants eux-mêmes concernant le produit qu'ils souhaitent voir autoriser. C'est ainsi que l'on peut lire dans un avis: « Le dossier présenté par le pétitionnaire est très incomplet [ .. .]. Le Conseil émet un avis défavorable. » Selon que le dossier du fabriquant est ou non étayé ou complet, il en ressort un avis négatif ou positif. En principe, cet avis ne devrait concerner que le demandeur d'avis lui-même, et non pas l'ensemble des distributeurs ou importateurs de la même substance de France et de Navarre. Or on s'aperçoit, en lisant les avis, que la plupart d'entre eux sont rendus à partir de dossiers mal montés ou présentés comme tels. D'une demande particulière d'un unique fabricant, il est fait une nomne juridique opposable à tous! Tout cela grâce au tour de passe-passe de la OGCCRF, qui fonde ses poursuites sur ces avis. Par un coup de baguette magique, voici les avis du CSHPF prenant du galon: de simples avis ils deviennent lois, sans être jamais passés ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, et encore moins au journal officiel. En somme, un système bien pratique et peu coûteux.
La DGCCRF fait la pluie et le beau temps Preuve de cette absence de valeur juridique des avis du CSHPF, que ce soit à propos de vitamines ou de toute autre substance, la OGCCRF ne tient pas toujours compte de l'avis lorsqu'il est négatif. C'est l'exemple de la propolis (produit de la ruch e), pour laquelle un avis négatif avait été rendu. Dans une note juridique de la Répression des fraudes de 1995, on lit qu'« étant donné que les risques présentés par ces produits sont limités à un risque d'allergie sans que des cas graves aient été relevés alors que ces produits sont commercialisés depuis plusieurs années, il n'y a pas lieu de s'opposer à leur commercialisation mais de demander toute infomnation concernant leur caractérisation, leurs critères de pureté et leur éventuel effet allergène ». Pourtant, dans le cas des vitamines, les choses sont plus compliquées. En 2 04
Dangereuses vitamines
vendant des v~amines, vous êtes dangereux et devez être poursuivi. Telle est la position de la DGCCRf, un point c'est tout
Les vitamines pire que le haschisch Encore faut-il convaincre les juges de l'extrême dangerosité des v~mines. La DGCCRf n'a longtemps disposé, à cet effet. que d'un document maison de septembre 1992, établi par la responsable du secteur, le docteur Dominique Baelde. On y I~ des histoires propres à faire défaillir le juge le mieux disposé, comme par exemple que les femmes ayant consommé de grandes quantités de vitamine C pendant leur grossesse peuvent donner naissance à de pet~ scorbutiques! Peu importe qu'au même moment des spécialistes de renommée mondiale, tel le professeur Anthony Diplock (univers~é de Londres, Royaume-Uni), rappellent que « la consommation de quant~és élevées, ou même très élevées, de vitamine C est sOre et entièrement dépourvue d'effets secondaires 71»; à la DGCCRf, on préfère de loin les histoires d'ogre à l'austère réalité scientifique. C'est ainsi que l'on assure, dans un document officiel, que « la consommation prolongée de vitamines [ ... ) peut entraîner un état de dépendance ». Surtout quand elles viennent de Colombie?
Pesticides, pollution et vitamines Christian Babusiaux, à l'époque directeur de la DGCCRf, ira même jusqu'à déclarer sans rire que les résidus de pesticides et la pollution font courir autant de risques à la population que l'adjonction de v~mines et de minéraux dans les aliments n. Il est aujourd'hui président de l'Institut national de la consommation, mais aussi du CNA (Conseil national de l'alimentation), un « machin» gouvernemental qui dépend des ministères de l'Agriculture, de la Santé et de l'Économie et qui a précisément pour objectif d'informer les Français sur l'alimentation. Avec objectivité bien sOr, promis-juré! Pour preuve, le CNA distribuait jusqu'à une date très récente un dépliant intitulé 7 Conseils pour la pleine (orme, dans lequel on pouvait trouver le conseil suivant: « Éviter compléments alimentaires et gélules miracles. » 205
Santé. mensonges et p ro p aga n de
Juges rétifs En dépit de ce tir de barrage antivitamines, les juges sont, au début des années 1990. de plus en plus nombreux à renâcler: la vitamine C est peut-être dangereuse. relèvent-ils au cours des procès intentés par la DGCCRF à des magasins diététiques, mais quel crédit peut-on accorder à un document écrit par cette même DGCCRF? C'est ainsi que germe peu à peu à la DGCCRF l'idée d'un rapport « officiel», signé par des scientifiques, qui démontrerait par A + B qu'un soupçon de vitamines en plus de celles amenées par l'alimentation suffirait à mettre la santé en péril et que la plupart des « compléments» vendus dans le commerce seraient par définition dangereux. L'administration disposerait enfin d'un argument imparable pour obtenir devant les tribunaux la condamnation de ceux qui font le commerce de suppléments de vitamines à doses supérieures aux seuils fixés, de ceux qui les prescrivent et, pourquoi pas. de ceux qui les consom'Y1ent.
La mission du professeur Bernier Un tel rapport ne peut être confié qu'à un spécialiste proche du point de vue de la DGCCRF. Comme les choses sont bien faites, ce « problème des vitamines» taraude depuis des années le professeur Jean-Jacques Bernieé à l'époque président du CNA. Pour cet homme de science, la prise de compléments de vitamines et de minéraux « n'est justifiée que pour des raisons médicales ». Adversaire déclaré des « cocktails de vitamines» comme en consomme quotidiennement un Américain sur deux, il est donc l'homme de la mission. C'est ainsi que, le 11 février 1993, au moment même où fleurissent dans le monde entier des comités chargés d'évaluer l'intérêt des vitamines et des minéraux sur la santé, la DGCCRF française confie officiellement à Jean-Jacques Bernier le soin de mettre en place un comité d'experts sur « les effets secondaires (ou indésirables. ou toxiques) des vitamines et minéraux, en vue de proposer le cas échéant des seuils de sécurité ».
20 6
D ange r euses vit amines
Équipe de choc Pour concocter son rapport, Jean-Jacques Bernier est bien entouré. Il y a là le professeur Pierre Louisot. un membre de l'ex-csHPF et grand pourfendeur de vitamines: « L'illusion des produits allégés, aime-t-il à dire, appartient au passé, mais semble remplacée par celle des produits vitaminés n» À ses côtés, on trouve aussi Geneviève Potier de Courcy, chercheur au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) qui s'illustrera un peu plus tard en se lançant dans une véritable croisade contre les promoteurs de la prise de compléments alimentaires. La solution aux déficits constatés dans la population, soutent-elle, «n'est pas d'apporter des vitamines mais de simplement faire redécouvrir ce qu'est une alimentation variée». Peu importe que l'alimentation française, fûtelle «variée», se montre peu efficace pour couvrir les besoins en vitamines et en minéraux (voir p. 183,226-227). Cette équipe de choc s'entoure de collaborateurs réputés dociles. Pour fixer la dose limite de sécurité de la vitamine E, par exemple, il eut été logique de faire appel au meilleur spécialiste français, Claude-Louis Léger. chercheur montpelliérain qui a conduit plusieurs études sur le sujet; mais jugé incontrôlable (il milite pour une augmentation des apports en vitamine E), il est écarté au profit d'un chercheur n'ayant qu'une expérience limitée de cette famille de molécules.
Sus aux vitamines! Pour se faire une idée des circonstances qui ont présidé à l'élaboration du rapport sur les limites de sécurité, il faut lire l'article que signe le 20 octobre 1995 le professeur Bernier. À quelques mois de la remise du rapport dont il a la charge, sur quel thème choisit-il de s'exprimer? Sur les « pathologies induites par de fortes doses de vitamines». En toute objectivité, bien sûr ... Car le professeur Bernier en est persuadé: les suppléments de vitamines sont forcément dangereux, même à doses «modérées». Comment expliquer alors qu'il y ait si peu de publications mettant en cause la toxicité des vitamines 1 Le professeur Bernier. en scientifique à qui on ne la fait pas, livre son explication. Elle 20 7
Santé. mensonges e t propagande
est lumineuse. Si la littérature scientifique est maigre en ce qui concerne la toxicité des vitamines, ce n'est pas parce qu'elles sont sans danger. comme on pourrait bêtement le croire, c'est simplement parce que les consommateurs ne pensent pas à signaler aux médecins qu'ils sont tombés malades en prenant des vitamines! Dommage que le raisonnement n'ait pas été poussé aux rats de laboratoire : s'ils sont si peu malades avec des suppléments de vitamines, ce n'est bien sûr pas parce que les vitamines ne leur font pas de mal, mais parce que ces braves animaux ne pensent pas à alerter les chercheurs en agitant leurs petites pattes.
Grand-messe
à Bercy
Le rapport sur les « limites de sécurité dans les consommations alimentaires de vitamines et minéraux» est rendu public le 1'" février 1996 lors d'une grande messe organisée au ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie sous un ciel chargé de stratus. Comme il fallait s'y attendre, le rapport propose des limites de sécurité pour la plupart ridiculement basses, une façon de montrer que du complément censé œuvrer pour la santé à la dose dangereuse il n'y a qu'un petit pas. C'est notamment le cas pour les vitamines B6, B9, E et D. À tous les niveaux se fait sentir l'hostilité envers les compléments nutritionnels qui règne chez les responsables du rapport Les antioxydants pour piéger les radicaux libres? «Je n'ai pas encore vu un seul radical libre », ricane le professeur Louisot ce qui déclenche des gloussements chez le professeur Bernier. Le cas de la vitamine C est éloquent Le rapporteur de cette vitamine démontre sur six pages qu'elle est globalement sans danger, y compris à dose élevée, avant de proposer brutalement une dose limitée à 1 g par jour.
La philosophie au secours de la science Le rapport fait aussi preuve d'un amateurisme inquiétant à ce niveau. Ainsi, pour retenir la dose «limite de sécurité» de 1 g de vitamine C par jour, est-il fait référence à deux reprises aux travaux du docteur Ursula Wintermeyer. 208
Dangereuses vitamin es
Renseignements pris, le docteur Ursula W int ermeyer n'a jamais publié la moindre ét ude sur la vitamine C, mais un simple livre de synthèse 74. Interrogé sur cette référence pour le moins douteuse, le rapporteur admettra que « la dose proposée par cet auteur n'est pas le résultat d'une étude scientifique, mais plutôt d'une réflexion philosophique». Le cas le plus intéressant est sans conteste celui de la vitamine D. Si vous demandez à votre médecin de vous prescrire des suppléments de vitamine D, ou à votre pharrracien de vous en délivrer. vous les verrez probablement lever les bras au ciel et vous alerter sur les graves ri sques que vous encourez. L'idée que les suppléments de vitamine D sont dangereux repose sur les conclusions du rapport du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, présidé par le professeur Bernier. On y lit à la page 117 que, chez l'adulte, des signes de toxicité ont été observés à partir de l a 000 UI par jour (et jusqu'à 50 000 UI). Et de citer. comme seule source, une étude de 1948 75 . Les auteurs du rapport Bernier ont appliqué à cette valeur de la 000 UI un coefficient de sécurité de dix, et donc jugé qu'il ne fallait pas prendre plus de 1 000 UI de vitamine D par jour. CQFD. Cette démonstration est reprise au mot près par l'AFSSA dans son ouvrage de 2000 consacré aux apports nutritionnels conseillés pour la population française. Apparemment personne, ni parmi les rapporteurs ni parmi les nombreux experts de l'AFSSA, n'a pris la peine de lire cette fameuse étude de 1948 - qui, rappelons-l e, est brandie par le gouvernement français pour démontrer la dangerosité de la vitamine D - , car les doses administrées n'allaient pas de la 000 à 50 000 UI, mais de 100 000 à 150 000 UI par jour ! Ses auteurs concluaient donc logiquement que « la vitamine D à des doses de 100 000 à 150 000 UI par jour peut provoquer des symptômes de toxicité ou des modifications biochimiques qui indiquent une toxicité». On est loin des interprétations françaises. Pour obtenir une dose limite de sécurité, ce n'est pas la valeur seuil de 1a 000 UI par jour que les rapporteurs français auraient dû diviser par dix, mais bien celle de 100 000. La dose limite de sécurité n'aurait alors pas été arrêtée à 1 000 U I par jour. mais à l a 000. Une toute petite erreur. . . Cette valeur ( la 000 UI par jour) est en tout point conforme aux résultats des études similaires conduites sur le sujet Nous avons demandé au professeur Reinhold Vieth, de l'hôpital Mont-Sinai de Toronto (Canada), considéré comme 209
Santé. mensonges et propagande
le spécialiste mondial de la vitamine D, de nous en donner une synthèse, Selon lui, sources à l'appui, aucune étude scientifique sérieuse (pour laquelle sont connues à la fois la dose de vitamine D ingérée et la concentration sérique) n'a montré d'effet indésirable à la dose de 10 000 UI par jour. Toutes les études ayant montré des effets toxiques, comme l'hypercalcémie, avaient été effectuées avec des doses de vitamine D au moins égales à 40 000 UI par jour 7', L'histoire ne s'arrête pas là, En France, les déficits en vitamine D concerneraient en hiver 75 % des citadins 77, ce qui expose ces derniers â un risque plus grand de fragilité osseuse, et peut-être même de certains cancers, À défaut de pouvoir s'exposer au soleil, combien de vitamine D doivent absorber ces citadins français pour atteindre une concentration optimale de vitamine D dans le sang, soit, de l'avis général, de 75 à 100 nmol/l? Eh bien, ils doivent se procurer de 1 000 à 4 000 UI par jour. comme l'ont montré Reinhold Vieth 78 et Robert Heaney (université Creighton, Omaha, Nebraska), l'autre grand spécialiste de la vitamine D 79, En 2000, l'AFSSA a pourtant jugé que les adultes français, pour rester en bonne santé, n'avaient besoin que de", 200 UI par jour. ce qui est cinq fois inférieur aux besoins minimaux estimés par les chercheurs les plus sérieux, À titre d'exemple, Robert Heaney explique qu'une personne âgée dépendant, pour la vitamine D, des seuls apports conseillés en France pour cette catégorie de la population (soit de 400 à 600 UI par jour) présenterait une concentration de vitamine D faisant d'elle une candidate à l'ostéomalacie, un ramollissement osseux comparable au rachitisme de l'enfant, qui est provoqué par une carence en vitamine D! Plus cocasse (si l'on ose ainsi s'exprimer) : les besoins réels, que Vieth et Heaney estiment à plus de 1 000 Ul/jour. sont jugés inacceptables par les autorités sanitaires de notre pays, puisque d'après le désormais illustre rapport Bernier ils se situent au-delà de la dose de sécurité! Même le seuil de tolérance de 2 000 UI retenu par les autorités sanitaires américaines (sur la foi, là-bas aussi, d'une erreur de calcul!) est jugé beaucoup «trop bas» par Heaney et par Vieth8() Dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, nous demandons que la France revoie sa copie, en corrigeant son erreur grossière et en relevant à la fois les besoins nutritionnels en vitamine D et la dose limite de sécurité,
210
Dangereuses v i tami n es
Importation franco-française Au pays de la Révolution française, il ne fait pas bon tenir un magasin de diététique ou êtne importateur puisque vous pouvez vous netrouver en cornectionnelle pour avoir vendu deux flacons de vitamines en provenance de GrandeBnetagne en l'espace de deux ans, et ce n'est pas une blague. C'est ce qui estanrvé au nesponsable d'un magasin de diététique français qui avait eu le malheur d'acheter sur deux années six flacons d'un complément alimentaine composé de vitamines BI, B2, B3, BS, B6, B 12, de choline, d'inositol, de PABA (acide para-aminobenzoïque) et de silice, substances bien évidemment anodines mais ne figurant pas sur la liste de 1912. Il avait passé sa commande à une succursale française de la société britannique et, en deux ans, il en avait écoulé deux à la vente (les quatne autnes ayant été saisis par la DGCCRf). Alors qu'aucune commande n'avait été passée en Angleterne et que les seuls contacts commerciaux qu'il avait se déroulaient sur le tenritoine français, la Répnession des fraudes va l'affubler du rang d'importateur. et ainsi lui faine endosser la nesponsabilité pénale en découlant pour falsification puisque le code de la consommation prévoit que le pnemier importateur est nesponsable du nespect des lois concernant le produit importé 81 .
Les importateurs dépriment: l'Europe en France, c'est quand ça nous arrange! Enfin, en admettant l'impossible, c'est-à-dire qu'il soit importateur. le nesponsable du magasin poursuivi ne pouvait pas êtne en infraction. Il devait pouvoir se fier aux lettnes de son fournisseur lui garantissant la confonrnité aux lois et ainsi écarter toute responsabilité. C'est d'ailleurs ce qui a été jugé par un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en 1989, l'importateur devant «pouvoir se fier aux certificats délivrés par les autorités de l'État membne de production [ ... ] ou, si la législation de cet État n'impose pas la production de tels certificats, à d'autnes attestations présentant un degré de garantie analogue ». La Commission européenne, dans le compte-nendu d'audience, faisait valoir que le droit communautaine n'autorise pas «un État membne, dans le cadne d'une 211
Santé. mensonges et propagande
réglementation visant la loyauté des transactions commerciales et la prot ection des consommateurs, à engager la responsabilité pénale d'un importateur qui s'est fié dans des conditions objectivement justifiées aux déclarations d'une entreprise établie dans un autre État membre », L'avocat général (celui qui conseille les juges européens), quant à lui, estimait qu'« une mesure qui impose
à un importateur-distributeur [",] une obligation de vérifier la conformité des produits importés avec les prescriptions nationales, alors que la loi pénale n'impose pas la même obligation aux distrbuteurs de produits nationaux, constitue à première vue une mesure pouvant défavoriser le commerce intracommunautaire », précisant qu'il « ne peut être exclu qu'un distributeur renonce à l'importation de produits par crainte de voir sa responsabilité pénale engagée », L'importateur peut donc se fier aux documents délivrés par les autorités des États membres où s'est effectuée la production selon la position non seulement des juridictions européennes mais également de la Cour de cassation, Pourtant, malgré un certificat du ministère anglais de la Consommation fou mi par le laboratoire fabriquant anglais et donné par le petit importateur français au tribunal, le commerçant sera condamné, Normal : en France, l'Europe est adorée pour ses subventions et détestée lorsqu'elle remet en cause la sacrosainte souveraineté des institutions et des administrations françaises,
Il vaut mieux consommer des additifs dangereux que des vitamines bénéfiques Il sera condamné car. en matière d'alimentation humaine, « les plus grandes précautions s'imposent» et qu'« il est de jurisprudence constante que la méthode de la liste positive, justifiée par la nécessité de protéger la santé humaine en écartant les additifs dont l'innocuité n'a pas été suffisamment démontrée et raisonnablement démontrée, ne contredit pas le principe de légalité des délits », Ça y est le mot d'ordre est lancé: danger. protection du consommateur, " Sauf que les vitamines, l'inositol et la choline ne sont pas des additifs, On oublie aussi que certains additifs (pas moins de trois cents), des vrais cette fois, sont légalement autorisés tout en étant nocifs pour la santé, Dans leur ouvrage Guide des additifs alimentaires·2, le député européen Paul III
Dangereuses vitamines
Lannoye, docteur en physique, et Maria Denil expliquent qu'à « la demande de l'industrie agroalimentaire de nombreux additifs sont en effet d'usage courant, alors qu'ils sont suspectés de menacer la santé des consommateurs ». Ils constatent que le fait d'éviter« des produits alimentaires où se retrouvent des additifs suspects ou réputés dangereux est un acte politique », ajoutant que cet acte « passe cependant par une infomnation correcte, infomnation que les pouvoirs publics ne donnent que de manière gravement lacunaire». Exemples: l'acide benzoïque, les sulfates d'aluminium, le biphényle ... Mais on n'est pas à un détail près. Tout de même, c'est curieux non? Nos fameuses vitamines portent le drapeau « Danger en France» avec des doses nettement inférieures à celles de nos amis européens, et le drapeau « Salutaire en Europe» avec des dosages pulvérisant les reconds français. Allez savoir où se trouve la logique. Le bon sens juridique et sanitaire est plutôt perturbé quand on sait que toutes les substances entrant dans la composition des produits litigieux se trouvent dans les aliments.
Dangereux pour les adultes. bénéfiques pour les bébés On trouve certaines substances bénéfiques, notamment, dans les laits pour bébés. C'est le cas de la choline et de l'inositol, ce qui n'empêche pas la OGCCRf de souligner sans froncer les sourcils dans ses rapports - mais sans venir à l'audience soutenir sa thèse - que la consommation de ces deux substances est dangereuse pour les adu~es. Je S3 suis arrivée un jour à l'audience avec des boîtes de lait en poudre premier âge Guigoz et Nidal et un biberon, et j'ai annoncé que les dosages contenus dans les laits pour bébés étaient carrément supérieurs aux doses contenues dans les gélules du commerçant poursuivi. L'inositol, que l'on trouve dans les céréales, et la choline, qui est le principal consttuant de la lécithine de soja, sont à coup sûr dangereux! La choline se trouve notamment dans les noix et le foie. Le corps humain synthétise la choline, ce qui démontre son caractère totalement inoffensif et, surtout, indispensable. C'est le constituant privilégié à 80 % des membranes des cellules, le matériau à partir duquel le 83. Il s'agit d'Isabelle Robard.
213
Santé . m e nsonges et propagande
cerveau fabrique l'acétylcholine, principal messager chimique de la mémoire, qui manque si cruellement aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Le lait Guigoz premier âge, pour 100 grammes de lait en poudre, contient 51 mg de choline ; cela représente, pour une boîte de lait de 450 g, plus de quatre gélules du produit litigieux vendu ... pour des adultes! On conseille six biberons par jour. soit environ 1 litre de lait par jour. et la valeur conseillée de lait en poudre est de 4,3 g pour 30 ml, ce qui équivaut, ramené au nombre de biberons, à une gélule par jour pour un bébé âgé de 4 semaines, les doses augmentant au fil des mois! Le principe est le même pour l'inositol ... À croire que les bébés sont moins fragi les que les adultes.
Dangereux pour la DGCCRF, bénéfique pour les spécialistes Comment expliquer que l'on puisse engorger les tribunaux de procès sur les vitamines alors qu'un spécialiste français incontesté des vitamines, le docteur Alain Lemoine (service de gastro-entérologie, centre hospitalier de Nevers), écrit dans un artc!e intitulé « Risques liés à la consommation de vitamines» que « les intoxications vitaminiques d'origine alimentaire sont [ ... ] tout à fait exceptionnelles et relèvent de l'anecdote. Elles ne concernent que les vitamines A et D, et dans des circonstances faciles à repérer.» Il ajoute que la «vitamine B6, elle, peut à très fortes doses - prise quotidienne, pendant plusieurs mois, de plus de 250 mg (quantité équivalente à quatre mois d'apport recommandé) - entraîner une polyneuropathie [et que] toutes les autres vitamines n'ont, en pratique, pas de toxicité chronique réelle connue (ni parfois d'intérêt thérapeutique démontré) à des doses quotidiennes de l'ordre de cinquante fois les apports quotidiens recommandés ».
Comment, en une simple lettre, une doctrine administrative devient loi La DGCCRF de la région ayant verbalisé puis t raduit en justice ce modeste responsable de magasin de diététique fournira une prose ô combien passionnante. Morceaux choisis ... 214
Dangereuses vitamines
«À ce JOUr. aucun ajout de substance à but nutritionnel n'est admis en alimentat ion non diététique.» Effectivement il faut savoir que depuis 1991 existe en France, suite à une directive européenne de 1989, un statut juridique du produit diététique destiné à une alimentation particulière et qui fixe une liste de vitamines et de minéraux autonsés. Le problème est que le produit diététique vise des catégories précises de consommateurs présentant un métabolisme perturbé ou se trouvant dans des conditions physiologiques particulières. Ce sera le cas des laits pour nourrissons, des aliments pour bébés, des denrées à faible valeur énergétique, des aliments pauvres en sel. des aliments sans gluten ou encore des produits pour diabétiques ... Jusqu'ici, tout va bien. C'est ensuite que les choses se gâtent puisque la DGCCRF développe le fond de sa pensée: «Cependant à la demande des opérateurs, l'administrat ion a élaboré une doctrine qui a apporté certains assouplissements en ce qui conceme les compléments alimentaires renfermant certaines vitamines et/ou certains minéraux. L'ajout de vitamines et/ou minéraux doit présenter un intérêt nutritionnel certain pour le consommateur qui n'a pas de besoins spécifiques. Un consensus communautaire a été t rouvé sur les nutriments figurant à l'annexe de la directive 90/496 relative à l'étiquetage nutritionnel, à l'except ion de la vitamine D. [ .. .] Seuls ces nutriments sont donc actuellement admis en compléments alimentaires. » On doit donc retenir que, face au vide juridique français relatif aux compléments alimentaires, cette DGCCRF régionale n'a rien trouvé de mieux que de boucher les trous de notre droit français en utilisant des textes européens faits pour les aliments. Le tout bien sûr sans aucune publication au Bulletin officiel ou au Journal officiel. C'est plus rapide et plus efficace. Or cela tombe t rès mal, puisque la directive européenne évoquée par la Répression des fraudes précise en son article 1'" que la « présente directive ne s'applique pas aux compléments alimentaires» mais uniquement aux denrées alimentaires. C'est bien d'ailleurs ce qu'a jugé la cour d'appel de Paris en 1997. estimant qu'une telle façon de faire méconnaissait le principe de légalité des délits et des peines. Faute de réglementation française du complément alimentaire, la DGCCRF ne saurait jouer le rôle de législateur de façon totalement arbitraire et incohérente. C'est vraiment pas de chance 1
21S
Santé. mensonges et propagande
Il est urgent de ne rien faire Certes, des projets français sont en cours pour mettre en place une véritable réglementation du complément alimentaire. Rassurez-vous, ce n'est pas par volonté des institutions françaises, mais parce que, le 10 juin 2002, une directive européenneS' a été votée visant à harmoniser les réglementations dans le domaine du complément alimentaire. Comme il y avait feu au lac, c'est-à-dire obligation de transposer la directive pour le 3 1 juillet 2003, la France a semblé vouloir accélérer ses réflexions en ce domaine; elle est néanmoins largement en retard sur les dates de transposition à l'heure où nous écrivons ces lignes. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle ne se précipite pas (ses premières moutures de textes sont mises en place depuis 1995).
Li directive européenne sur les compléments alimentaires La directive européenne a prévu une liste positive révisable, dès que nécessaire, de vitamines et de minéraux. Ensuite, après consultation de diverses instances, dont l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA, European Food Safety Authority), des limites minimales et maximales de vitamines et de minéraux seront déterminées. Contrairement à ce qui est véhiculé par certains, Bruxelles sera amenée à réglementer sur d'autres substances susceptibles d'entrer dans les compléments alimentaires, comme le prévoit d'ailleurs expressément la directive. En attendant, pour ces substances, les règles relatives au traité communautaire s'appliquent: libre circulation des marchandises et principe de reconnaissance mutuelle. Par ailleurs, cette liste bruxelloise peut être enrichie par des demandes faites à la Commission de Bruxelles auprès de l'EFSA avant le 12 juillet 2005 et permettant de vendre les compléments alimentaires contenant des substances non visées dans la directive jusqu'au 3 1 décembre 2009. Reste à savoir comment seront appréciés les dossiers et si les avis seront positifs, et ce qui se passera après le 31 décembre 2009.
216
Dangereuses vitamines
À propos des contre-vérités circulant sur la réglementation communautaire du complément alimentaire De fausses interprétations ont circulé à propos de la directive euro· péenne du 10 juin 2002 sur les compléments alimentaires qu'il convient de rectifier ici. 1. Trois directives européennes visant à interdire la vente libre de tous les compléments alimentaires sont en cours d'élaboration, selon ce qui est avancé par certains . ... En novembre 2003, divers textes n'ayant aucune incidence avec les complé ments alimentaires étaient en cours à Bruxelles: texte sur les plantes, texte sur les médicaments, texte sur les aliments enrichis. Des confusions sont faites entre tous ces textes, qui n'ont rien à voir les uns avec les autres. et surtout rien à voir avec les compléments alimentaires. 2. Plusieurs directives sur les compléments alimentaires sont évo· quées . ... Une seule directive existe à ce jour, celle relative aux vitamines et aux minéraux.
l. Une directive sur les compléments alimentaires relatives aux vitamines et aux oligoéléments est mentionnée . .. La seule et unique directive qui a été votée à Bruxe lles concerne exclusivement les vitamines et les minéraux (et non pas les oligoéléments). 4. Des projets de directives sur les enzymes et les acides gras sont mentionnés. ~ En novembre 2003, aucun projet n'était en cours à Bruxe lles à ce sujet, et ne le sera de sitôt, ou alors pas avant 2007. 5. Des centaines de substances sont évoquées comme devant être interdites à cause de Bruxe lles . .. C'est fau x. La seule et unique directive votée sur les compléments alimentaires concerne exclusivement les vitamines et les minéraux, ce qui signifie que toutes les autres substances peuvent être vendues selon le principe de la libre circulation des marchandises. 6. La liste des vitamines et des minéraux visée par la directive est positive. ce qui signifie que toutes les substances vitaminiques ou minérales ne figurant pas sur la liste sont interdites. 217
Santé. mensonges e t propagande
.. C 'est inexact. Tout d'abord. la liste est révisable régulièrement, et il clair que les laboratoires et les fabricants de ces produits ne man~ queront pas de la faire évoluer. Ensuite. un processus d'autorisation jusqu'en 2009 a été fixé par la directive sous deux conditions: d'une part que la substance ne figurant pas sur la liste ait été vendue avant l'entrée en vigueur de la directive européenne, soit avant le 12 juillet 2002, d'autre part que l'EFSA n'ait pas émi s un avis défavorable sur l'utili sation de cette substance à partir de la présentation d'un dossier devant être re mis avant le 12 juillet 2005.
Les projets français de réglementation à l'heure européenne Que prévoit la France face à ce texte européen? Un projet beaucoup plus progressiste que notre actuelle réglementation, certes, mais qui comporte apparemment quelques lacunes. Le projet de décret français prévoit la possibilité d'insérer dans les compléments alimentaires des vitamines, des minéraux, des nutriments divers et des plantes. Cependant. il prévoit l'interdiction d'importer et de vendre des compléments alimentaires n'entrant pas dans le cadre des exigences françaises. Étant donné le lourd passif des autorités françaises en ce domaine, c'est inquiétant. Il ne faut pas oublier que le principe fondateur de la Communauté européenne est la libre circulation des marchandises, et de cela découle un principe de reconnaissance mutuelle des nomnes nationales existantes. Un exemple très significatif s'est produit à propos de la bière. Un commerçant italien vendait de la bière française. Les services des fraudes italiens passèrent pour un contrôle et s'aperçurent que la bière française n'était pas confomne à la loi italienne: elle contenait des taux d'anhydride sulfureux supérieurs aux taux prévus par la réglementation italienne. Que fit-on? Une question fut posée à Bruxelles pour savoir si la loi italienne devait ou non s'appliquer ou si, plutôt. le droit communautaire ne devait pas être prioritaire. La réponse de la Cour de justice des communautés européennes fut claire: le droit italien devait ici être écarté. Peut-être est-ce pour cette raison que dans son projet, une fois de plus, la France nie la supériorité du droit européen; peut-être a-t-elle peur de perdre 218
D ange r e u ses vitami n es
ses prérogatives en ne respectant pas le principe de proportionnalité, c'est-à-dire la nécessité de rendre ses restrictions - en l'occurrence, elle interdit dans le projet les importations de produits non conformes au droit français - proportionnées à l'objectif de protection de la santé publique. Il est à souligner que la France avait jusqu'au 31 juillet 2003 pour transposer la directive européenne. Début 2004, rien n'était encore fait. ..
De nouvelles listes de plantes
La France réfléchit également à élaborer, aux côtés des listes de vitamines et de minéraux, de nouvelles listes de plantes qui pourront servir notamment à la composition des compléments alimentaires. Il était temps, nos textes étant fondés sur une liste exclusive datant de 1979 de trente-quatre plantes, alors que nos partenaires européens ont des listes de plusieurs centaines de plantes pouvant être vendues librement. Soulignons que le décret français de 1979 ne peut produire d'effets juridiques puisque les plantes y figurent sous leur nom vemaculaire (nom vulgaire) et non sous leur nom latin scientifique, qui seul permet de déterminer avec précision une plante. C'est ainsi que la menthe figure sur la liste des plantes libérées, mais qu'on ne sait pas de quelle(s) variété(s) de menthe il s'agit (il en existe de nombreuses). Reste à savoir si toutes ces réformes françaises seront conduites avec compétence, rigueur et transparence. Reste à savoir si un réel dialogue contradictoire a lieu et aura lieu avec les partenaires concernés par ces réformes. Quoiqu'il en soit, au vu de la météo réglementaire, le sort des vitamines et des plantes est encore loin d'être réglé.
Cacophonie Voici une synthèse des doses de sécurité quotidiennes en sus de l'alimentation, chez l'adulte, adoptées pour les vitamines en Europe, en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis (les chiffres français sont les moins à jour, car déjà anciens). La dose de sécurité ne constitue pas un seuil au-delà duquel un 219
Santé. m ensonges et prop aga nd e
nutriment est dangereux, mais un apport qui ne présente, en toute certitude, aucun dangec À partir des mêmes données scientifiques, la France a fixé pour la vitamine B6 un seuil de sécurité vingt fois inférieur à celui des États-Unis, et pour la vitamine E vingt-cinq fois inférieuc Vitamines
Doses de séc:urité
Doses de sécurité
Cff
Doses de séc:urlté France
Royaume~Uni
Doses de sécurité États.Unis
Vitamine A
Non établie
3300 UI
Non établie
7800 UI
Vitamine BI
Pas de limite
Pas de limite
100 mg
Pas de limite
Vitamine B2
Pas de limite
Pas de limite
100 mg
Pas de limite
Vitamine B3 (aCide nicotinique) Non établie
33 mg
17 mg
35 mg
Vitamine B3 (nicotinamide)
Non établie
33 mg
500 mg
35 mg
Vitamine 85
Pas de limite
Pas de limite
200 mg
Pas de limite
Vitamine B6
23 mg
5 mg
IO à 200mg
98 mg
Pas de limite
980
~g
Vitamine Ba
Pas de limite
Vitamine B9 85
600
Vitamine B12
Pas de limite
Pas de limite
1 mg
Pas de limite
Vitamine C
Pas de limite
1000 mg
1000 mg
1900 mg
Vitamine D
Non établie
25 ~g ( 1 000 UI)
25 ~g ( 1 000 UI)
45 ~g ( 1 800 UI)
Vitamine E
Non établie
40 mg
727 mg
1000 mg
~g
600
~g
1 000
~g
Pas de limite
600
~g
Le retour du scorbut de la vitamine C Dans l'édition 2000 des Apports nutritionnels conseillés pour la population (rançaise, publiés par J'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), le chapitre concernant la vitamine C a été notamment confié à deux chercheurs qui, un an plus tôt, jugeaient « inacceptable» que J'on encourage les Français à prendre un complément quotidien de vitamines et de minéraux. L'un d'eux 110
Dangereuses vitamines
s'était d'ailleurs illustré en février 1995 en réclamant rien moins qu'une «loi pour réglementer la vente de suppléments nutritionnels86 ». Au secours! Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a prévu une obligation de déclarer les opinions émises sur les sujets que l'expert ou le scientifique aura à traiter. ce qui a le mérite de clarifier les choses et de mesurer les conséquences objectives qui peuvent être tirées de l'émission de tels avis. En France, on ne s'embarrasse pas de ces détails. Abordant dans leur rapport la limite de sécurité de la vitamine C. ces experts ne se privent pas de rapporter qu'il « existe un risque d'accoutumance à la vitamine C », lequel pourrait conduire au scoribut (la maladie par carence de vitamine C) « après l'arrêt de la supplémentation ». Ils ne citent bien sûr pas la moindre étude scientifique à l'appui de ces perspectives alarmantes, et ce pour une raison simple: il n'yen a pas. Huit ans après le rapport désopilant de la DGCCRF, c'est donc le retour avec les « scoributiques de la vitamine C» d'un autre grand motif de réjouissance dans un document officiel français.
Plus fort que le scorbut: le dopage Non seulement la vitamine C conduirait au scoribut, mais il s'agit aussi d'une substance « dopante ». Vous êtes obligé de le croire, puisque c'est le ministère français des Sports qui l'affirrre. Après avoir été saisie par ce demier. l'AFSsA a rendu le 6 juin 2003 un intéressant avis sur les compléments de vitamines et de minéraux utilisés par les sportifs87 (passons sur le fait que l'AFSSA ne peut être saisie, d'après les rapports officiels de l'agence, que par ses trois ministères de tutelle, dont ne fait pas partie le ministère des Sports). L'AFSSA indique dans son avis que les sportifs ont « d'abord besoin d'une alimentation équilibrée, suffisante et diversifiée, utilisant les aliments courants », ajoutant que « l'usage des compléments alimentaires doit se faire uniquement en fonction de besoins spécifiques lors d'insuffisances d'apports révélées par un bilan alimentaire et se traduisant par des signes de déficiences ou de carence ». Bref. tant pis si l'activité sportive de haut niveau génère des déficits parfois graves pour 1'0rganisme 88 . Pour l'AFSSA, les compléments alimentaires ne sont utiles qu'en cas de carence avérée, qu'il vaut mieux par prudence laisser s'installer. 221
Santé. m enso nges et pr o pagande
Cet avis va recevoir une application originale par le ministère des Sports. Sans même citer précisément l'avis de l'AFSSA, tout occupé à en faire une interprétation inédite, le ministère évoque dans une lettre du 4 septembre 2003 adressée à l'ensemble des directeurs régionaux et départementaux de la Jeunesse et des Sports le caractère « potentiellement dangereux» des compléments alimentaires. Après avoir pourtant rappelé qu'il n'y a pas de corrélation entre les perfonmances sportives et l'usage de vitamines et de minéraux (ce qui est exact), le ministère ne peut pas résister à la tentation de l'amalgame en évoquant une loi de 1999 relative aux risques inhérents à la pratique sportive intensive et à la lutte contre le dopage. Hormone de croissance et vitamine C. même combat ! Décidément. dès qu'on en vient au thème des compléments alimentaires, la créativité de l'administration semble ne pas connârtre de limite. Pour éviter toutefois que les plus créatifs de nos fonctionnaires ne se retrouvent en mal d'idées, nous leur suggérons, pour de prochains rapports, lettres et avis, les thèmes suivants : - la vitamine C détraque le climat; - le magnésium fait chuter le dollar; - les pluies acides sont provoquées par l'acide fol ique (vitamine B9). Écrivez-leur. le concours est ouvert ...
L'étude SU.VI.MAX, ou comment manipuler médias et public
la création de services de relations publiques attachés à des laboratoires et instituts de recherche a répondu à des nécessités nouvelles et peut beaucoup favoriser la compréhension et la transmission correcte de l'infor~
matian scientifique. C'est moins le cas lorsque ces ser-
vices ont recours - et inc itent par là-même des chercheurs à recourir - à des techniques de communication issues de la compétition marchande et visant avant tout l'efficacité de la promotion, laquelle fait rarement bon ménage avec "impartialité de l'information. Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie de la santé. 1995 89
Une étude française qui démontre qu'une capsule prévient le cancer, bravo! Mais quand cette capsule se transforme en fruits et légumes, on est perplexe. Histoire d'une transmutation.
Gladiator à Roland -Garros Il Ya parfois des signes qui font redouter le pire. Prenez l'annonce des résultats de l'étude française SU.VI.MAX (Supplémentation en vitamines et minéraux 223
Santé. m e nsonges et propagand e
antioxydants) le 2 1juin 2003. Alors que les chercheurs du monde entier accomplissent cet exercice dans la sobriété et la rigueur. on a eu droit au stade RolandGarros (Paris) et sous la bénédiction de trois ministres, à un cérémonial jamais osé, entre Gladiator et la Fête à neu-neu. La « fiamme SU.Vl.MAX» (sic) transportée par« cent Suvimaxiens depuis la station de métro Volontaires jusqu'à la Porte de la Muette », puis « l'inscription au Livre Guinness des records du plus grand rassemblement des croqueurs de fruits et légumes ». Bref. SU.VI.MAX, ça partait mal. Ça ne s'est pas arrangé.
Antioxydants contre cancer L'étude elle-même ne manque pourtant pas d'intérêt Elle a été lancée en 1994 par l'Institut scientifique et technique de la nut rition et de l'alimentation (lSTNA), le CNAM (Conservatoire national des arts et métiers), l' INRA (Institut national de la recherche agronomique) et l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) pour savoir si un complément quotidien de vitamines et de minéraux antioxydants (voir p. 186- 187, 233) pouvait prévenir les maladies chroniques (cancers, maladies cardio-vasculaires, cataracte, infections). Jusque-là, la démarche est plutôt positive. Pour cette étude, 13 017 hommes et femmes ont avalé pendant huit ans soit un placebo, soit une capsule apportant 6 mg de bêta-carotène, 120 mg de vitamine C. 30 mg de vitamine E, 20 mg de zinc et 100 ~g de sélénium. Divulgués le 21 juin, les résultats, s'ils sont confirmés, sont impressionnants: les hommes qui ont pris le complément antioxydant de vitamines et de minéraux ont connu 31 % de cancers en moins et une mortalité réduite de 37 % par rapport à ceux qui prenaient le placebo. Aucun bénéfice sur le cancer n'a cependant été trouvé chez les femmes, pas plus que sur la santé cardio-vasculaire dans les deux sexes.
224
l 'étu de SU.V1.MAX,
ou
comment
manipuler médias et public
Les antioxydants, ça protège, mais c'est dangereux! C'est ici que les problèmes commencent En science, la régie veut que les auteurs d'une étude de cette ampleur n'annoncent leurs résultats qu'aprés validation du comité de lectune d'un grand journal scientifique. Dans le cas de SU.VI.MAX, la régie a été allègrement piétinée. Les résultats, justement, apparaissent le 21 juin limpides comme l'eau de roche : en complémentant son alimentation par une capsule d'antioxydants, un Français de 45 à 60 ans peut espénervoir son risque de cancer diminuer de prés d'un tiers. Clair, n'est-ce pas? Curieusement, lors de la conférence de pnesse annonçant officiellement les résultats, les conclusions de l'essai vont êtne quelque peu bizannement restituées. Les auteurs de l'étude vont s'employer à imposer leur propre interprétation, quitte à accumuler les contradictions. C'est ainsi que l'on peut lire dans le dossier de pnesse résumant l'ét ude, en guise de conclusion, que « l'utlisat ion d'une capsule [ ... ] répond uniquement à des impératifs mét hodologiques. Nos résultats ne justifient pas l'utilisation de suppléments sous forme de "pilules miracle".» S'ajoute à cela que « la prise de suppléments médicamenteux [ ...] pourraient avoir des effets négatifs, contraines à ceux attendus». Si le « long cours» ne se chiffne pas sur pnesque huit années, autant dine qu'il ne se chiffne pas du tout. Si c'est si dangereux, pourquoi les personnes ayant accepté de se livner, durant toutes ces années, à une consommation de « pilules miracles» n'ont-elles nessenti que des effets positifs? Silence radio.
Les fruits et les légumes ont bon dos Et d'affirmer que « les doses d'antioxydants données dans l'étude sont accessibles par voie alimentaine », en particulier fruits et légumes. Bnef, de tels bénéfices, bien qu'obtenus avec une capsule, «viendraient tout simplement soutenir les recommandat ions sur la consommation de fruits et légumes - au moins cinq par jour ». SU.VI.MAX se résumerait à faine huit ans de necherche pour s'entendne dine ce que nos grands-parents savaient déjà et qui a été confirmé, depuis des 225
Santé . m e nsonges et propa ga nde
années, par des centaines de publications. Beaucoup de bruit et d'argent pour pas grand-chose. Pour les responsables de SU.VI.MAX, en effet. «cinq fruits et légumes courants par jour apportent faci lement les doses qui ont été utilisées dans SU.VI.MAX» (pour le bêta-carotène et la vitamine C). Pour la vitamine E, nous dit-on, «2 cuillerées à soupe d'huile de toumesol apportent 10 mg de vitamine E (un t iers des doses testées dans SU.VI.MAX) ». Quant au zinc et au sélénium, poursuivent-ils, « 150 g de pain complet apportent 50 % des 100 ~g de sélénium et 15 % des 20 mg de zinc. Combiné avec un steak et 200 g de riz, il couvre totalement les apports de zinc. » CQFD. Sauf que cette démonstration lumineuse relève plus de la cuisine pseudo-scientifique que de l'analyse rigoureuse.
14 kilos de légumes par jour Trois spécialistes des antioxydants, le professeur Jeffrey Blumberg, directeur du laboratoire de recherche sur les antioxydants à l'université Tufts (Boston, Massachusetts), le docteur Marvin Edeas, président de la Société française des antioxydants (Paris), et le docteur Jean-Paul Curtay. président de la Société de médecine nutritionnelle (Paris), se sont depuis prononcés sur la question de savoir si la seule alimentation pouvait réellement apporter les doses d'antioxydants reçues par les volontaires de SU.VI.MAX. Leur réponse est nette. Si un régime riche en fruits et en légumes peut certes apporter plus de vitamine C et de bêta-carotène, cela n'est possible ni pour la vitamine E, ni pour le sélénium, ni pour le zinc.« La vitamine E de l'huile de toumesol, explique le docteur Curtay, est surtout là pour protéger de l'oxydation les graisses de la plante. Il n'en reste pas suffisamment pour les besoins de l'organisme. Il faudrait consommer 200 g d'amandes ou de noisettes ou 3 kilos de fruits et de légumes par jour pour parvenir aux doses de vitamine E données dans cette étude », relève-t-il. Ces spécialistes contestent aussi que le pain complet soit une bonne source de zinc en raison de sa teneur élevée en acide phytique, un composé qui freine l'absorption des minéraux. Seules les protéines animales pemnettent des apports conséquents. Mêmes réserves pour le sélénium: « Il est trés difficile, dit le professeur Blumberg, de se procurer de 100 à 150 ~g de sélénium par jour par la 226
L'étude SU .V I.MA X , ou comment manip ul er méd ias et public
seule alimentation, y compris dans les pays qui enrichissent leur sol en sélénium.» Quant aux fruits et aux légumes, relève le docteur Edeas, il faudrait en avaler ... de 13 à 14 kilos par jour pour atteindre les doses de zinc et de sélénium reçues par les volontaires de SU.VI.MAX. Leur conclusion: l'affirmation selon laquelle le contenu de la capsule peut êt re obtenu par la seule alimentation ne tient pas.
Le programme national Nutrit ion-Santé donne l'écho Pourtant, chose curi euse, le livret Alimentation, nutrition et cancer produit en septembre 2003 par le ministère de la Santé dans le cadre du PNNS (programme national Nutrition-Santé), et rédigé notamment par le directeur de SU.VI.MAX, n'hésite pas une seconde à répercuter l'info. Laquelle 1Celle concemant les fruits et les légumes. On lit ainsi que «SU.VI.MAX a évalué sur huit ans les effets d'une association synergique et complémentaire de vitamines et de minéraux antioxydants à doses nutritionnelles », reprenant un peu plus loin que «ces doses accessibles par une alimentation diversifiée et équilibrée (riche en fruits et en légumes, en produits céréaliers complets, etc) ont eu un effet protecteur sur le risque de cancer chez les hommes ». En somme, on lance une expérimentation sur un sujet grave, l'incidence des vitamines et des minéraux à des doses qui ne sont pas nutritionnelles sur les risques de cance" et on nous fait croire ensuite qu'en mangeant des fruits et des légumes les besoins sont couverts pour atteindre le même objectif: réduire l'apparition des cancers de 3 1%.
Des questions embarrassantes Avait-on besoin de SU.VI.MAX pour savoir que les fruits et les légumes sont bons pour la santé 1 Plusieurs centaines d'études, dont les premières ont été publiées il y a plus de vingt-cinq ans, nous ont appris qu'en mangeant plus de fruits et de légumes on réduisait la fréquence de la plupart des cancers, mais aussi celle des maladies cardio-vasculaires, des démences, de la cataracte et même de l'ostéoporose. 227
Santé. mensonges et propagande
D'ailleurs, la brochure Afimenwtion, nutrition et cancer du ministère de la Santé ne manque pas de relever qu'« au cours de ces trente dernières années, plus de deux cent cinquante études d'observation de ce type écologique, cas-témoins ou prospectif ont étudié la relation entre la consommation de fruits et/ou de légumes et les cancers ». Dont acte. « Si le message c'est que SU.VI.MAX = fruits et légumes, ne r isque-t-on pas de croire que les fruits et les légumes, qui contiennent beaucoup plus de substances protectrices que le complément antioxydant (polyphénols, phytoœstrogènes, magnésium, etc), ne sont bénéfiques que sur les cancers et que chez les hommes?» interroge le docteur Curtay. L'étude CARDIO 2000 publiée en mai 2003 90, pour ne citer que la plus récente, a montré que les hommes et les femmes qui consommaient des légumes au moins trois fois par semaine ou cinq fruits au moins par jour avaient un risque de maladie coronarienne réduit de 70 %. Si la pilule SU.VI.MAX n'apporte rien de plus que ce qui est apporté par les fruits et les légumes, pounquoi un bénéfice cardio-vasculaire, fût-il modéré, n'a-t-il pas été retrouvé chez les hommes et les femmes ayant pris le complément antioxydant? Question embarrassante s'il en est pour la version officielle qui a été propa. gée dans tous les médias .. .
Manipulation médiatique Afin d'être certains que les journalistes garderaient bien le secret à ce sujet. c'est-à-dire qu'ils ne diffuseraient que la version officielle sur la nécessité de consommer cinq fruits et légumes par jour et se tairaient sur l'intérêt de consommer des compléments nutritionnels, le principal responsable de SU.VI.MAX a pris soin d'en faire la demande « solennelle» à la presse. Le communiqué de presse relatant les résultats était en effet accompagné d'un courrier dans lequel il demandait aux journalistes leur aide « dans la diffusion de [se,] messages pour que les résu~ats que nous avons retrouvé (sic) n'incitent pas les consommateurs à rechercher une quelconque pilule ». Sur les chaînes de radio et de télé, le chencheur a ensuite répété que « la pilule SU.VI.MAX ne serait pas commencialisée ». 228
L'étud e SU.VI.MAX, ou comment man i puler m éd i as et public
En réalrté, il existe depuis des années en pharmacie ou dans les magasins de produits diététiques des dizaines de formules d'antioxydants proches de celles utilisées dans SU.VI.MAX. Mais chut. ne le répétez surtout pas ...
Éducation sanitaire ou cours de cuisine Le moins que l'on puisse dire, c'est que la rigueur de la communication n'a pas suivi la rigueur scientitique qui, espérons-le, a été respectée dans cette étude. Or la communication est à la base de toute politique de santé publique, surtout lorsqu'on prétend mettre en place une véritable prévention (cette dernière étant l'une des préoccupations de l'actuelle politique de santé). On retrouve donc cet objectif en évidence dans la loi «droITs des malades », qui indique que « la polrtique de prévention a pour but d'améliorer l'état de santé de la population [ ... ] en favorisant les comportements individuels et collectifs pouvant contribuer à réduire le risque de maladie et d'accident », cette politique donnant «à chacun les moyens de protéger et d'améliorer sa propre santé », par l'alimentation et des actions d'éducation pour la santé notamment D rôle de façon d'éduquer la population que de donner les résultats d'une étude (SU.VI.MAX) nous faisant croire que la seule consommation - certes nécessaire - de cinq fruits et légumes par jour va suffire tout au long des années et de la vie à optimiser nos besoins en vitamines et en minéraux antioxydants, à plus forte raison lorsque l'enjeu est d'éviter l'apparition des cancers. Pourtant le code de déontologie médicale indique non seulement que le médecin est au service de la santé publique, mais qu'il «doit prêter son concours à l'action entreprise par les autorités 9l » dans ce domaine et dans celui de 1'«éducation sanitaire ». Déformer les conclusions d'une étude est une bien curieuse façon de faire de l'éducation sanitaire !
229
Santé. mensonges et propagande
Excès de timidité La déontologie des médecins ne s'arrête cependant pas là, puisqu'elle prévoit que « lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il ne doit faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d'une cause qui ne soit pas d'intérêt général» (article 13 du code de déontologie médicale). L'Ordre des médecins s'érige ainsi contre les excès de communication (presentation, commentaire, personnalisation). En l'espèce, le médecin doit faire état des données confirmées par l'étude SU.VI.MAX: cette étude a-t-elle porté sur l'incidence durant huit ans de la consommation de fruits et de légumes en matière de prévention du cancer? Point du tout. Faire preuve de prudence, nous dit le code des médecins ... Ce qui est certain, c'est que la prudence a été de mise chez SU.YI.MAX, au point de ne parler que de fruits et de légumes, en oubliant soigneusement d'évoquer le sujet même de l'étude: la supplémentation nutritionnelle.
L'incidence des cancers; une vraie priorité gouvernementale L'étude SU.VI.MAX, qui portait sur le lien entre vitamines-minéraux et cancer. était d'autant plus intéressante que le cancer reste, et cela depuis des années, la première cause de mortalité pour les hommes (ces derniers meurent 1,6 fois plus de cancer que les femmes 92, ce qui fait un t iers des décès masculins). Les cancers représentent la deuxième cause de mortalité en France derrière les maladies cardio-vasculaires. Tout ce qui peut faire baisser le nombre de morts par cancer. comme les compléments antioxydants, doit donc être porté à la connaissance des Français. Leur masquer cette information, les décourager d'adopter un comportement pouvant leur épargner. à eux et à leur famille, de la souffrance en réduisant d'un tiers leur risque de cancer pose un vrai problème éthique. 230
L'étud e SU.V I.MAX, o u comment manipuler médias et public
Que faut-i l penser de la responsabilité du patron de SU.VI.MAX qui, à la question évidemment sensée d'une journaliste médicale voulant savoir «s'il faut conseiller une supplémentation à toute la population masculine », répond: «Surtout pas 93 !»? Que faut-il penser lorsque, dans le livret consacré à l'alimentation et au cancer, dont il est co-signataire, ce même chercheur classe panmi les « idées fausses» celle selon laquelle les compléments de vitamines et d'oligoéléments préviennent le cancer, après avoir lui-même démontré exactement le contraire ? Pourtant. le médecin participe à une mission de santé publique comme il lui en est fait obligation à l'article 2 du code de déontologie médicale. «L'acte médical est acte humanitaire », nous dit l'Ordre national des médecins 94, reprenant le célèbre senment de Genève de 1948 de l'Association médicale mondiale, qui déclare en premier lieu que tout médecin est «au service de l'humanité ». Le Conseil national de l'ordre des médecins ajoute «ce service fait la grandeur de la médecine » et « consiste à appliquer toutes les connaissances scientifiques [ ... ] afin de prévenir la maladie, de prodiguer des soins et de soulager la souffrance». Tout est dans la notion de «grandeuC» ...
Le bal des sponsors Enfin, le code de déontologie médicale nous dit que le médecin doit se garder de toute attitude publicitaire, qu'elle soit personnelle ou en faveur des organismes auxquels il prète son concours. Le dossier de presse et la manifestation publique organisée à l'occasion des résultats de l'étude SU.V1.MAX sont à faire pâlir d'envie les plus grandes agences de pub. C'est le jeu du «je te tiens, tu me tiens par la barbichette », où sponsors et médecins investigateurs avancent main dans la main. D'ailleurs, l'article 20 de ce code rappelle que« le médecin doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations », qu'il ne doit «pas tolérer que les organismes publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prète son concours, utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité professionnelle ». La communication scientifico-médicale de SU.VI.MAX reste une énigme; en effet. l'étude fut financée par Unilever Best Food, Céréal, Lipton, Candia, Kellog's, 231
Santé. mensonges et propagande
Lu, Danone, entre autres, et le dossier de presse s'accompagnait de toutes les publicités des groupes ayant financé l'étude ainsi que d'une lettre d'accompagnement à en-tête de l'ISTNA 95 (dont le président est aussi le médecin directeur de l'étude), lettre adressée à l'ensemble des milieux joumalistiques concernés. Le poids des sponsors se fait sentir jusque dans le communiqué officiel: ce dernier conseille, pour obtenir de la vitamine E, d'utiliser de l'huile de tournesol (marché sur lequel règne Fruit d'Or); or l'huile de tournesol est dépourvue d'un acide gras essentiel, l'acide alpha-linolénique, et son utilisation exclusive est implicitement déconseillée par les experts de l'AfSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) qui ont établi les apports conseillés en graisses pour la population française. L'Ordre des médecins indique que l'appréciation du caractère publicitaire prend en compte « la volonté publicitaire» et « la notion de proportionnalité, lorsque dans le message transmis l'impact publicitaire submerge manifestement l'information elle-même 96 ». Tout est dans la notion de «volonté» et dans celle de «proportionnalité » ...
La vraie conclusion de SU.VI.MAX Les experts du monde entier s'accordent aujourd'hui sur l'intérêt d'une alimentation riche en fruits et en légumes, en eaux minéralisées, en thé ou en tisanes, en poissons gras, en huile de colza (et non de tournesol !), en légumes secs, en céréales complètes et en oléagineux. «Mais ce n'est pas, dit le docteur Curtay. parce qu'on mange des fruits et des légumes qu'on doit s'abstenir de prendre un complément de vitamines et de minéraux. Ces compléments ont par définition mission de compléter l'alimentation, non pas de la remplacer comme le suggèrent les auteurs de SU.V1.MAX. » « L'étude SU.vI.MAX, rappelle le professeur Blumberg, a démontré la sécurité et l'efficacité d'un complément ant ioxydant pour diminuer le risque de cancer. C'était l'une des questions auxquelles elle devait répondre. Elle n'était pas conçue pour tester les effets de la consommation de fruits et de légumes.» Et il émet à l'encontre des auteurs de l'étude un sévère rappel à l'ordre dont se serait bien passé la recherche française: « Les responsables de SU.VI.MAX, comme 232
L'étud e SU.VI. MAX, ou comment manipul e r média s et pub li c
tout scientifique prudent, devraient restreindre leurs conclusions aux résultats de leur étude plutôt que les extrapoler à des recommandatio ns alimentaires qu'ils n'ont pas t estées.»
Les antioxydants de su, VI.MAX Indispensable à la vie, l'oxygène est très instable. Il donne naissance à des particules réactives appelées « radicaux libres». Le simple fait de respirer ou de manger génère ces fameux radicaux libres; les inflammations, l'actÎvité du système immunitaire engendrent d'autres radicaux libres ; les polluants, les pesticides, le fer en excès, les sucres rapides, le soleil et le tabac sont d'autres sources importantes de radicaux libres. Les scientifiques spécialistes du vieillissement pensent que les radicau x libres sont les premiers responsables des maladies liées à l'âge, comme le cancer ou les maladies cardia-vasculaires. Pour neutraliser les radicaux libres, le corps fait appel à des substances appelées « antioxydants »; une partie de ces derniers est fournie par les aliments, d'où l'idée de prévenir le cancer en conso mmant plus d'antioxydants. L'étude SU.VI.MAX en avait choisi cinq pour sa capsule: -la vitamine C, un antioxydant du plasma et des milieu x aqueux, qu e l'on trouve surtout dans les cassis, les choux, les agrumes, les fraises, les kiwis ; "apport conseillé est de 110 mg par jour en moyenne ; - la vitamine E, un antioxydant des membranes et des milieu x lipidiques que l'on trouve surtout dans les amandes, les noisettes, l'huile de germe de blé, l'huile de noix; l'appo rt conseillé est de 12 mg par jour en moyenne; - le bêta-carotène, un antioxydant lipophile qu e l'on trouve surto ut dans les carottes, les épinards, les abricots; les apports conseillés sont de 4 à 5 mg par jour en moyenne; - le zinc, qui active une enzyme antioxydante (superoxyde dismutase) et que l'on trouve surtout dans la viande, les œufs, les huîtres ; les apports conseillés sont de 7 à 14 mg par jour; - le sélénium, qui active une enzyme antioxydante (glutathi on peroxydase) et que l'on trouve surtout dans la viande, le poisso n, les oeufs; l'apport conseillé est de 1 ~g par kilo de poids corporel et par jour, soit 55 ~g par jour pour une femme pesant 55 kilos.
233
S a nté. m e n so nges e t pr o p aga nde
Pilule su.VI.MAlC même avec cinq fruits et légumes par jour, le compte n'y est pas Nutriment
Teneur du comp'~ment
antioxydont
Dose totale T moyenne estimée dons le groupe te actif" de SU.VI.MAX
Dose moyenne apportée par un régime avec cinq fruits et légumes traditionnels
Quantité de fruits et de légumes à consommer chaque}our (en plus des cinq) pour atteindre la dose T
Vitamine C
120 mg
de 200 à 210 mg
de 120 à 160 mg
de 0,3 à 0,4 kg
Bêta-carotène
6 mg
9mg
de 4 à 6 mg
de 0,2 à 0,5 kg
Vitamine E
33 UI
de 46 à 49 UI
de IJà 16 UI
3kg
Zinc
20 mg
de 30 à 32 mg
de 10 à 12mg
13 kg
Sélénium
100 ~g
de 140 à 150 ~g
de40 à 50~g
14 kg
Antioxydants et médicaments importés: le dernier rideau de fer
Ce n'est pas compliqué d'être drôle quand tout le gou· vernement travaille pour vous. WILL ROGERS
Pour empécher des séropositifS et des malades du sida de se procurer les substances nécessaires à leur santé, l'administration française évoque un « risque pour la santé publique». Et qui ose encore dire qu'elfe manque d'humour ?
Recherche antioxydants Comme de nombreux séropositifs, Jean-Louis, un Parisien de 48 ans, est attentif à toutes les pistes thérapeutiques qui pemnettraient de contrôler. voire de combattre le sida. Parmi les options les plus prometteuses figurent les antioxydants, des substances nat urelles qui protègent nos tissus et nos cellules de molécules extrêmement agressives, les radicaux libres. Les séropositifs sont en effet littéralement bombardés de radicaux libres. Il s'agit là d'un mécanisme utilisé par le virus pour progresser dans l'organisme, comme l'a montré le découvreur des virus HI\/, le docteur Luc Montagnier (Queens College, New York). Nomnalement. les antioxydants apportés par l'alimentation (vitamines E et C. caroténoïdes - pigments jaune-orange des végétaux -, sélénium, zinc) et ceux 23S
Santé . m e nsonges et propagande
fabriqués par l'organisme (acide urique, N -acétylcystéine, acide alpha-lipoïque, coenzyme Q 10, glutathion) empêchent le niveau des radicaux libres de s'élever au point de mettre en danger le système immunitaire. Chez les séropositifs cependant, les défenses antioxydantes sont débondées. En témoignent leurs concentrat ions très basses de vitamines C et E ou d'enzymes antioxydantes, comme la superoxyde dismutase, à base de zinc, ou encore les glutathions peroxydases, à base de sélénium. Une aubaine pour le virus.
« Il faut prendre des suppléments» l e professeur Montagnier pense qu'il est très important de diminuer le niveau des radicaux libres chez les séropositifs9'. l'alimentation étant incapable d'apporter à ces derniers suffisamment d'antioxydants pour cela, la majorité des spécialistes du sida recommandent aux porteurs du VIH de prendre des suppléments d'antioxydants. Par exemple, des vitamines C et E. ou du sélénium. «D'autant, indique le chercheur Marvin Edeas (Hôpital Antoine-Béclère, Clamart), que les antioxydants inhibent le virus du VIH. l es séroposit ifs et les malades devraient donc prendre ces compléments en sus de leur traitement. » Cela est d'ailleurs valable pour d'autres pathologies, comme le cancer. que le stress oxydatif contribue à favoriser.
Parcours du combattant Mais en France, suivre les conseils du professeur Montagnier sur la consommation d'antioxydants relève du parcours du combattant, comme en témoigne le cas de Jean-l ouis, car la plupart de ces molécules sont bannies au nom d'une réglementation - on va le voir - particulièrement adaptée. En janvier 200 l , Jean-louis, qui est porteur du virus HIV et de ce fait soumis à un stress oxydatif chronique menaçant l'équilibre fragile de sa santé, décide de suivre les conseils des médecins et des chercheurs spécialistes du sida en prenant des antioxydants. Premier problème: impossible de s'en procurer dans sa ville, l'administration faisant la chasse à tout ce qui ressemble à un complément 236
Antioxydants et médicaments importés
alimentaire. jean-Louis passe donc commande à une société américaine, ces molécules étant vendues librement aux États-Unis. Voici le détail de sa commande: - acétylcamitine ;
°;
- coenzyme QI - vitamine BI; - acide alpha-lipoïque ; - vitamine C; - extrait de réglisse. Toutes ces substances sont naturelles. Toutes ont fait l'objet d'études qui mettent en évidence leur intérêt dans le traitement du sida. Toutes sont conseillées par des médecins de premier plan. Aucune n'est toxique, comme le confirme l'édition 200 1 du principal ouvrage de référence en la matière. l'équivalent américain de notre Vidal, le PDR (Physicians' Desk Reference 98). Seul l'extrait de réglisse peut élever transitoirement la pression artérielle. Le colis, acheminé par UPS, arrive en France le 3 1 janvier. Au lieu de le remettre simplement à son destinataire, le transporteur saisit les douanes, qui demandent l'avis de l'ex-agence du médicament l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Saint-Denis). L'administration va s'en donner à cœur joie,
Délire médico-bureaucratique La réponse de l'AFSSAPS, datée du 2 1 février. parvient le 24 à jean-Louis. La lettre est signée de l'adjointe au directeur de l'évaluation des médicaments et des produits biologiques, France Rousselle. Il « apparaît» à madame Rousselle que la coenzyme Q 10, une substance produite naturellement par nos cellules, est un « médicament ». Cette chasseuse de médicaments en débusque deux autres dans la commande de jean-Louis: l'acide alpha-lipoïque, naturellement fabriqué par l'organisme, et ... la vitamine BI, que l'on trouve dans les céréales, les fruits et les légumes. un nutriment pour lequel n'existe aucun seuil de toxicité. Or. se justifie-t-elle pour refuser l'entrée des produits précités, « ces médicaments ne bénéficient pas en France d'une autorisation de mise sur le marché. 237
Santé. mensonges et propagande
En conséquence, ils sont susceptibles de présenter un risque pour la santé publique.» Ce qui, s'adressant à un séropositif qui lutte pour survivre, est la preuve qu'à l'AfSSAPS on manie mieux l'humour noir que les données toxicologiques. La zélée madame Rousselle ne s'en tient pas là. Pour l'acétylcamitine, elle invite jean-Louis à prendre contact « avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, secteur des Produits diététiques, fax 01 44 97 05 27, afin de vérifier que la formulation de ce produit est bien conforme à la réglementation relative à l'alimentation humaine ». Pour chacun des autres produits, madame Rousselle, magnanime, demande à jean-Louis de ne lui adresser que « la composition qualitative et quantitative détaillée, l'étiquetage, la notice ainsi que toute information disponible ». Une demande qu'aurait appréciée le père Ubu puisque ces informations figuraient dans la commande que l'administration a refusé de délivrer. La réponse de jean-Louis à ce brillant counrier est devenue inutile: le délai de garde de vingt jours ayant été dépassé par suite du retard de l'AfSSAPS, le colis a déjà été retoumé aux États-Unis.
{( Mission de protection de la santé publique)} jean-Louis, qui a un besoin vital de ces produits et sait qu'ils sont sans danger, est atterré. Et ulcéré. Le 8 mars, il alerte Gilles Brucker, alors chargé de mission du secrétaire d'État à la Santé (il est aujourd'hui directeur de l'Institut de veille sanitaire, un organisme chargé de « surveiller l'état de santé de la population» particulièrement performant, comme l'a montré le drame de la canicule au cours de l'été 2003). Le conseiller de Bemard Kouchner répond deux semaines plus tard sur entête du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. «La réponse de madame F. Rousselle, tranche Gilles Brucker, me paraît bien argumentée. Il faut impérativement veiller à ce que l'ensemble des régies de sécurité soit respecté dans l'intérêt des personnes qui consomment ces produits.» De son côté, l'administration, qui n'a pas l'habitude qu'un simple citoyen ose venir contester ses décisions, monte au créneau. Le 23 avril, piquée au vif par 238
Antioxydants et médic aments Importés
ce qui ressemble de la part de Jean-Louis à une remise en question de ses compétences, l'AFSSAPS expédie au front de la lutte contre les antioxydants le supérieur de madame Rousselle, le professeur Jean-Hugues Trouvin. Mêlant considérations scientifiques et toumures verbales visiblement inspirées par le théâtre de Courteline, ce grand spécialiste confirme sur deux pleines pages « les termes de la lettre en date du 21 février», sans manquer d'apporter des précisions savoureuses. Ainsi, il ne saurait échapper à l'œil exercé de ce remarquable expert que la coenzyme Q 10 entre bien dans la catégorie du médicament En effet. argumente-t-il, « selon les données bibliographiques », la coenzyme Q 10 a des propriétés « antioxydantes» et « stabilisatrices des membranes [intra-cellulaires] ». Sachant que, par définition, un médicament a pour but de « restaure~ corriger ou modifier les fonctions organiques », la coenzyme QIO fait partie des médicaments! S'il est suivi au pied de la lettre, ce brillant raisonnement devrait bientôt permettre de confier aux pharmaciens la vente sur ordonnance d'œufs, de beurre, de côtes de porc (riches en cholestérol aux propriétés« stabilisatrices des membranes cellulaires»), de vin, de t hé, de café, de légumes, de fruits et de jus de fruits, d'aromates et d'épices (riches en composés phénoliques et terpéniques aux propriétés« antioxydantes »). Quant à la vitamine BI, explique doctement le professeur Trouvin, son dosage étant« trés supérieur» à celui de l'apport joumalier recommandé, il est évident qu'il s'agit là aussi d'un médicament « En outre, proteste-t-il, je tiens à vous rappeler la mission de protection de la santé publique à laquelle s'attache l'AFSSAPS. » À ce stade, cela ne fait bien sûr pour Jean-Louis, comme pour nous, plus aucun doute.
L'AFSSAPS
a tout faux
Les séropositifs comme les personnes en bonne santé qui importent des compléments alimentaires se heurtent sans cesse au barrage que leur oppose les transporteurs, ou plutôt les douanes, qui sollicitent systématiquement l'avis de l'AfSSAPS. Or si les douanes peuvent consulter l'AfsSAPS dans le cas d'importation de médicaments, rien ne leur permet de le faire pour des compléments 239
Santé. mensonges et propagande
alimentaires. Rien n'autorise non plus l'AfSSAPS à statuer en matière de compléments alimentaires, sauf à prouver qu'il s'agit en réalité de médicaments et que ces derniers sont dangereux pour la santé. Une telle appréciation doit cependant être étayée, or la Direction des douanes reconnaît que « les échanges entre les agents des douanes et l'AFSSAPS se font par téléphone ». Pas de traces écrites, pas de justifications, aucun argument toxicologique, alors que seuls ces derniers seraient éventuellement recevables au regard de la réglementation européenne. Bref, voilà une administration - les Douanes - qui s'oppose à la libre circulation de produits en vente dans d'autres pays européens, en s'appuyant sur les avis arbitraires et non justifiés d'une agence gouvernementale - l'AFssAPS - qui n'a aucune compétence en la matière. En effet, seule l'AFssA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) devrait pouvoir émettre une opinion puisque cette agence sanitaire est consacrée aux aliments et aux compléments alimentaires. Tout repose donc sur le problème de frontière entre médicament et complément alimentaire. De plus, les deux agences ont des compétences un peu fioues parfois, ce qui les amènent à agir sur le même terrain. Pourquoi ne pas avoir au moins tenté de contacter l'AFSSA pour avis? Le statut juridique de médicament ne se décréte pas un beau matin mais se prouve. Complément alimentaire au États-Unis, médicament en France en l'espace de quelques jours ... Sacrée performance !
Entre médicament et complément alimentaire, en France, mon cœur balance La manière de définir un médicament en France est loin d'être un modèle de précision, et c'est le moins que l'on puisse dire. En effet, un médicament peut être défini de trois façons, dont une au moins a déjà été mise en échec par Bruxelles: la définition par présentation. Qu'est-ce que c'est? Eh bien, comme son nom l'indique, c'est le « look» du produit qui va être pris en compte, ce que l'on appelle la forme galénique (gélules, liquide, capsules, etc), le fait qu'il nous semble avoir affaire à un médicament lorsqu'on regarde le produit. Bruxelles vient de donner tort à la France aprés un nombre incalculable de procédures pour exercice illégal de la pharmacie à l'encontre de compléments nutritionnels 24 0
Antioxydants et médicament s importé s
de tout poil ayant eu l'audace de se présenter sous des formes variées. Comment? En adoptant. en juin 2002, une directive 99 consacrée aux compléments alimentaires qui prévoit noir sur blanc que les formes galéniques autorisées sont «les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules, les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d'un compte-gouttes ». En somme, de quoi donner le tournis aux autorités françaises. La présentation va aussi se définir par le type d'informations circulant autour du produit. En générai, ce qu'il faut retenir, c'est que plus il y a d'allégations - surtout thérapeutiques mais pas seulement - , plus les risques de procès sont patents. La deuxième façon de définir un médicament est la composition de celui-ci. Les ingrédients du produit font-ils du produit un médicament? Par exemple, il est clair qu'un produit contenant de l'aspirine va être classé comme médicament. Enfin, la troisième manière de définir un médicament est sa fonction (c'est la définition avancée comme un paravent par le professeur Trouvin à notre pauvre Jean-Louis, qui doit non seulement se battre contre sa maladie mais en plus affronter les autorités françaises pour avoir le droit de survivre). Est alors considérée comme médicament toute substance permettant de modifier les fonctions organiques. Mais au fait, quand nous buvons un verre d'alcool, quand nous prenons un bain chaud, est-ce que nous ne modifions pas nos fonctions organiques? Chut ... Pour info, sachez que la définition du médicament par fonction a été créée pour la pilule contraceptive, ce qui est logique puisque, dans ce cas, on modifie les fonctions organiques sans être dans la pathologie. Cette définition, c'est vrai, était bien trouvée, sauf que depuis on a voulu y engouffrer tout et n'importe quoi.
Commission européenne des droits de "homme et définition française En France, la définition du médicament est tellement géniale dans ses applications que l'on ne résiste pas à la tentation d'en porter le contenu à la Commission européenne des droits de l'homme pour imprécision entraînant une insécurité juridique. Un jour, un distributeur qui en avait assez des persécutions françaises à propos des vitamines et des oligoéléments, et qui ne savait plus s'il 24 1
Santé. men so nges et propagande
était dans la légalité ou dans l'illégalité, se plaignit au gouvemement français de l'époque; il lui fut répondu que le droit français avait été établi sur la base de la définition européenne du médicament et qu'en conséquence il ne pouvait y avoir la moindre imprécision. Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, si ce n'est curieusement que les membres de l'Union européenne - qui ont bien sûr la même définition communautaire que nous - peuvent vendre librement les compléments alimentaires en disposant d'une réglementation adéquate. La Commission européenne des droits de l'homme a jugé en 1995 '00 (elle ne sera pas ensuite suivie par la Cour européenne des droits de l'homme) que la France avait bel et bien violé la Convention européenne des droits de l'homme car il lui appartenait de déterminer «cas par cas quel produit [constituait] un médicament [afin de ne pas laisser] subsister l'incertitude ». Elle relevait que, selon les tribunaux, il y avait relaxe ou condamnation pour le même produit et en déduisait que si le requérant avait été jugé ailleurs il n'aurait pas été condamné, sachant qu'en outre « l'engagement des poursuites [était] égaIement aléatoire, puisqu'il [résultait] la plupart du temps de l'action délibérée des pharmaciens ». Sa conclusion était: « Dans ces conditions, la Commission estime que la frontière entre l'insécurité juridique et l'arbitraire est très mince. » Cette imprécision n'est pas anodine si l'on en juge par le nombre de procédures engagées, pour exercice illégal de la pharmacie notamment. C'est ainsi que l'Ordre national des pharmaciens y a consacré en 2002 un budget de 438000 euros 101. Il relatait dans son BufleUn que cent soixante-quatorze procédures étaient en cours en 2000. En 2002, deux cent deux procédures étaient en cours sur ce fondement juridique 102.
Une même définition pour deux concepts juridiques contradictoires Les produits qui ne sont pas des médicaments et qui veulent faire figurer quelques allégations santé se doivent de disposer d'un visa PP. dit «visa publicitaire ». Ce sont les produits supposés bénéfiques pour la santé car présentés comme tels. Intéressant, surtout quand on découvre les catégories de produits devant être soumis à cette exigence (le thé, par exemple, qui «aide à mincir » 242
Antioxydants et médicaments importé s
ou qui «décont racte et régularise le sommeil »" .). Quelle est la définition de ces produits dits bénéfiques pour la santé? Ce sont les « produits autres que les médicaments présentés comme favorisant le diagnostic. la prévention ou le t raitement des maladies, [ ".] la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques 103 ». Cela ne vous rappelle rien? Mais si : la définition du médicament pour modification des fonctions organiques mise en avant par l'AFssAPS pour empêcher les produits de Jean-Louis d'entrer sur le territoire français. D'un côté on nous dit qu'un produit modifiant les fonctions organiques est un médicament, de l'autre on nous indique qu'un produit bénéfique pour la santé modifie lui aussi les fonctions organiques mais n'est pas un médicament Bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre". Une chose est sOre: les producteurs et les laboratoires. phannnaceutiques ou non pharmaceutiques, qui commercialisent ou fabriquent des compléments nutritionnels en ont par-dessus la tête de travailler dans de telles condit ions de complexité, de répression et de statisme juridico-administratif, et cela explique que beaucoup partent à l'étranger.
Transmutation
expresse
Pour classer vitamines et minéraux importés dans les médicaments. l'AfssAPS se livre à un intéressant tour d'alchimie, comme l'illustre la lettre du professeur Trouvin. À l'en croire, une vitamine se transmute brutalement en médicament dès que sa dose dépasse l'apport journalier recommandé (AJR). Mais la Commission européenne n'a pas trouvé l'expérience concluante: en février 1999. elle a transmis au gouvernement français un avis circonstancié sous peine de poursuite. La Commission souligne qu'en faisant reposer la définition des compléments alimentaires sur les seuls AJR la France entrave la libre circulation des produits plus dosés autorisés par d'autres États membres. Cette mise en gande officielle faite aux autorités de Paris n'a visiblement pas franchi le périphérique et atteint Saint-Denis, siège de l'AfSSAPS, puisque rien n'a changé depuis.
243
Santé. men so nge s et p r opagande
France. revoyez votre copie Jusqu'en 1996, la France n'a même pas l'ombre d'un texte en matière de compléments alimentaires. Elle produit une timide définition en avril 1996, mais sans aucune véritable réglementation de ces produits. C'est dans ce contexte qu'elle se décide tout de même à soumettre en 1998 à la Commission de Bruxelles, comme le droit communautaire lui en fait obligation, un projet de décret à ce sujet Mais, en février i999, la Commission t ransmet aux pouvoirs publics français un avis circonstancié invitant la France à revoir sa copie, et avertit cette dernière sous menace de poursuites.
La critique du projet repose sur le fait que la France entend considérer les compléments alimentaires comme des produits destinés à « pallier l'insuffisance [ ... ] des apports journal iers alimentaires», ces compléments répondant uniquement à un besoin nutritionnel proche des doses journalières recommandées. Les autres États membres de l'Union, remarque la Commission de Bruxelles, ont prévu des dosages bien supérieurs aux doses journalières recommandées ; le projet français empêcherait donc les produits européens de pénétrer le marché français, or la libre circulation des marchandises est le principe fondateur de l'Union européenne. Depuis 1998, c'est-à-dire depuis cinq ans, la France n'a pas avancé du tout dans ce domaine, et les projets néanmoins en cours - comme nous l'avons vu précédemment - ne respectent pas le droit communautaire. Par ailleurs, la France avait jusqu'en juillet 2003 pour transposer la directive européenne de juin 2002 sur les compléments alimentaires. Fin 2003, aucune transposition n'avait été faite. Il est donc clair que la France accumule un retard en matière de réglementat ion qui ne l'autorise pas, comme si absolument rien ne se passait. à cont inuer de poursuivre en correctionnelle les fabricants et à bloquer aux frontières des produits parfois vitaux pour les malades, alors que l'application du droit communautaire laisse à désirer.
24 4
Antioxydants et médicaments impo rt és
Jean-Louis n'est pas tout seul: accumulation de plaintes à Bruxelles De nombreuses plaintes ont en effet été déposées contre la France auprès de la Commission de Bruxelles à propos de plantes, de vitamines, de minéraux, etc. Le département qui, au sein de la Commission européenne, s'occupe de la libre circulation des marchandises (et qui détient l'initiative quant à la suite à donner aux plaintes qui sont déposées auprès de ses services) souligne à propos du comportement français une « incompatibilité avec le droit communautaire des mesures d'interdiction des produits visés prises par les autorités françai ses ainsi que des saisies et des poursuites judiciaires engagées à l'encontre des opérateurs économiques ayant commercialisé ces produits en France, compte tenu du fait que ces mesures ou poursuites ont été engagées sans que soit établi que les produits en cause présentaient un risque pour la santé publique ». Dans une lettre qui nous était adressée par la même direction générale dans le courant de l'année 2000, la Commission rappelait qu'elle avait « effectivement été saisie d'un nombre important de plaintes portant sur des difficultés relatives à la commercialisation de compléments alimentaires en France» et que les mesures prises par les autorités françaises n'étaient pas conformes au « principe de reconnaissance mutuelle ».
Compléments et médicaments, même combat La situation n'est guère meilleure pour les médicaments que les Français souhaitent faire venir de l'étranger pour leur usage personnel, alors que le droit d'importation par des particuliers est expressément prévu depuis une loi de 1992 qui était venue confirm"r des textes administratifs remontant à 1988. Très fréquemment. les demande, sont lourdes: composition, étiquetage, notice et toutes autres informations. Une fois que vous avez réussi l'exploit de réunir l'ensemble des éléments demandés, on vous annonce tranquillement au bout de plusieurs semaines - après avoir de surcroît relancé la demande initiale restée sans réponse - que votre demande est refusée. Il vous faudra donc patienter 245
Santé . m ensonges et propagande
dix-huit semaines, soit quatre mois et demi, pour obtenir une réponse alors que vous êtes peut-être en danger de mort en raison d'une pathologie lourde 1 Motivation pour un refus le 13 mars 2003 : « L'AfSSAPS ne dispose d'aucun dossier penmettant d'évaluer les effets thérapeutiques et la sécurité d'emploi de ces médicaments dans les indications revendiquées ci-dessus.» L'AFssAPS invoque le sacro-saint « risque pour la santé publique », bien pratique pour faire banrage à l'industrie phanmaceutique concunrente, en l'espèce allemande .. . Vive l'Europe ! Là encore - et ce cas est loin d'être isolé - , la réglementation française multiplie obstacles et tracasseries, ce qui commence à sérieusement agacer Bruxelles. La Commission européenne a ainsi annoncé le jeudi 25 août 2002 qu'elle allait entamer une procédure à l'encontre de la France pour entrave à l'importation de médicaments destinés à l'usage personnel. La Commission reproche à la France sa réglementation t rès contraignante, qui soumet les importations personnelles à une autorisation préalable, véritable entrave à la libre circulation des marchandises. Pour pouvoir se procurer un médicament vendu dans un autre pays européen, un particulier doit remplir une demande préalable abusivement détaillée. La Commission estime qu'une telle procédure peut retarder des traitements parfois vitaux, et qu'elle fait donc obstacle aux intérêts des patients. La Commission a fait part de ces remarques aux autorités françaises le 23 octobre 200 1. N'ayant reçu aucune réponse, comme c'est souvent le cas, elle a décidé de porter l'affaire devant la Cour de justice des communautés européennes le 15 mai 2003.
Le dernier rideau de fer Comme Jean-Louis, vous êtes chaque jour des milliers confrontés aux embûches dressées par les transporteurs, les douanes, l'AFSSAPS pour vous empêcher de recevoir les substances dont votre organisme a besoin ... Pour vous aider dans vos démarches d'importation, nous vous proposons de suivre les recommandations ci-dessous. N'hésitez pas le cas échéant à saisir le Parlement européen, voire à déposer plainte contre les fonctionnaires qui piétinent allègrement vos droits. Aux dernières nouvelles, Jean-Louis a réussi à passer quelques colis à travers le rideau de fer administratif. En revanche, son homologue (encore français) a 246
Antloxydants et méd i caments importés
eu moins de chance pour importer de la coenzyme QI 0 (une des substances dont Jean-louis avait eu bien du mal à faire lever le tabou), puisque son colis vient à son tour d'être bloqué à la frontière. Et les exemples pourraient être multipliés.
Plaidoyer pour une véritable liberté thérapeutique: des consommateurs et des malades pris en otage l es débats parlementaires, au moment du vote de la loi de 1992 sur le droit d'importation de médicaments non autorisés 104, furent nobles et emprunts d'une réelle volonté de faire avancer les choses. Morceau choisi: « Certes, des raisons fortes, tel le traitement du sida ou d'autres pathologies, souvent graves, exigent le recours à des médicaments non encore commercialisés en France lOS. » Ou encore: « [ .. .]Ie droit qu'a toute personne atteinte d'une maladie grave [ ...] de prendre des risques pour essayer coûte que coûte de sauver sa vie 106". » l 'ancien ministre de la Santé Bernard Kouchner '07 ajoute même: « Il y aura donc, c'est d'ailleurs souhaitable, beaucoup d'autres médicaments qui, n'ayant pas reçu l'AMM, pourront tout de même constituer [ ...] un espoir pour les personnes atteintes de cette maladie [le sida] » (il parlait ici du ddi et du ddC, médicaments contre le sida qui ont été utilisés sur des patients, sans autorisation de mise sur le marché). Parallèlement à tout cela, nous aspirons à une prise de contrôle de notre propre corps et de notre santé. l es droits des patients sont d'ailleurs affirmés à de nombreuses reprises dans les textes internationaux et françai s, à commencer par le code civil où il est déclaré que « chacun a droit au respect de son corpS» (article 16-1), que« la loi assure la primauté de la personne» et qu'il est « interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci ». Est-on digne et respecté lorsque les autorités sanitaires entendent, sans états d'âme, priver les patients de médicaments destinés à les soulager ou à les sauver? Est-on digne et respecté lorsque, simples consommateurs, nous souhaitons nous nourrir comme nous l'entendons - en fonction d'une information vraiment loyale et transparente - et que l'administration française entend mener les débats à sa guise, c'est-à-dire selon la politique du «il est urgent de ne rien faire» en matière de réforme? Cette même administration semble en revanche 24 7
Santé. mensonges et propagande
trouver urgent de verbaliser. de poursuivre, de refouler aux frontières pour continuer à asseoir le pouvoir des autorités françaises, qui, pour certaines encore, considèrent que l'Europe n'existe pas et que le droit français est le meilleur. et quoi qu'il en soit toujours supérieur au droit européen. À la lecture des plaintes et des condamnations déjà à l'actf de la France, penmettez-nous d'en douter.
Démocratie sanitaire: quand, derrière les mots, les actes doivent suivre Plus récemment en 2002, la loi novatrice «droits des malades» a posé un principe jamais formulé aussi haut et fort que celui de la «démocratie sanitaire». Elle consacre un chapitre entier« aux droits de la personne », ce qui est intéressant car elle vise non seulement les malades mais aussi les bien-portants, sachant qu'avant d'être malades nous sommes effectivement des« personnes» avec une individualité, des choix, et pas des robots conduits sous les slogans de l'industrie. Cette loi «droits des malades» affinme
« le droit fondamental à la
protection de la santé» comme devant «être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne 10a. .• » Elle met aussi en place une réflexion sur la prévention, qu'elle soit primaire (empêcher l'apparition de la maladie) ou secondaire (traiter pour éviter la rechute). L'alimentation est par excellence un moyen de prévention. Le respect de la liberté de prescription et de conseil pour les médecins et les professionnels de santé est important pour aider les consommateurs et les malades sur le chemin de la guérison ou de la prévention. Mais comment faire lorsque les autorités françaises nous prennent pour des incapables majeurs, des zombies sous tutelle? Comment faire lorsque ces autorités se substituent à nous-mêmes et à nos praticiens de santé, et nous imposent au nom de la protection de la santé publique, ce qui est prétendument bon pour nous?
248
Antioxydants et médicaments impor té s
Concrètement: comment se procurer médicaments et compléments alimentaires à l'étranger • Vous ave z besoin d ' un m é dicament aut orisé da ns un a utre pays
Si vous souffrez d'une maladie rare ou grave, votre médecin traitant peut demander une autorisation d'importation spéciale (autorisation temporaire d'utilisation, ou ATU) à l'AFSSAPS ou à la pharmacie centrale de l'hôpital, qui transmettra la demande à l'AFSSAPS. Dans les autres cas, demandez une ordonnance à votre médecin. Vous avez alors deux possibilités: soit commander le médicament par voie postale ou fret, auquel cas une autorisation préalable doit être obtenue auprès de l'AFSSAPS pour éviter une saisie en douanes, soit aller personnellement le chercher à l'étranger, muni de l'ordonnance, auquel cas aucune autorisation préalable n'est nécessaire. Dans tous les cas, la quantité importée ne doit pas excéder trois mois de prescription.
• Vous souhaitez importe r des compléments alimentaires Vous n'avez pas à demander d'autorisation à l'AFSSAPS. qui n'est pas compétente. Les compléments alimentaires venant de pays membres de l'Union européenne circulent librement (par vo ie postale ou par valise). Ceux en provenance des États-Unis sont, dans la pratique, souvent illégalement interceptés par les douanes. Pour éviter cet inconvénient, on peut les faire transiter par un autre pays européen, ou demander à l'expéditeur de ne pas mentionner su r le paquet dietary supplement (<< complément alimentaire »). mais girt (<< cadeau ») ou sample (<< échantillon »).
• Vos compléments ali ment a ires sont interceptés pa r l'administrat ion
Si les douanes vous demandent de produire une autorisation de l'AFsSAPS, rappelez que cette agence n'a aucune compétence en la matière; sommez que l'on vous livre vos produits sous peine d'entrave à la libre circulation des marchandises. Et, par la même occasion, demandez donc à l'AFSSAPS, avant qu'elle n'interdise l'entrée sur le ter-
249
Sant é . mensonges et propagande
ritoire français de vos produits. qu'elle s'engage à vous confirmer par écrit que, si vous consommez les produits retenus à la frontière, votre santé se trouvera plus gravement menacée qu'actuellement, sachant que c'est votre médecin traitant qui vous les a conseillés. Vos courriers sont toujours à adresser en lettre recommandée avec accusé de réception, afin de faciliter la preuve lors d'une éventuelle plainte en responsabilité. Si votre commande ne vous parvient pas, vous pouvez pétitionner auprès du Parlement européen en invoquant l'entrave à la libre cir· culation des marchandises; vous pouvez saisir la Commission de Bruxelles, qui décidera en fonction de votre cas d'ouvrir une plainte contre la France si les réponses de celle·ci ne sont pas satisfaisantes. Vous pouvez aussi contacter votre député pour qu'il pose une question écrite au ministère des Affaires sociales, mais c'est très long. Enfin. il est possible de saisir le tribunal administratif après un refus opposé par l'Agence, voire, si votre vie est en jeu. de déposer plainte contre X auprès du procureur de la République pour mise en danger
de la vie d'autrui.
Stupéfiant: des sels minéraux assimilés aux drogues dures!
La faiblesse de la force est de ne croire qu'à la force. PAUL VAl~RY
Imaginez un instant que vous preniez régulièrement des orotates, un banal complément alimentaire à base de minéraux que vous avez l'habitude de trouver en vente libre, au gré de vos voyages, partout en Europe, Sans le savoir. vous consommez une drogue dure, un stupéfiant au même titre que le LSD, la cocaine ou l'héroine! Ce n'est pas une fiction, mais un drtlle de film qui dure depuis bient6t cinq ans et que l'on doit à l'imagination débordante des autorités françaises, Chronique d'un procès stupéfiant. "
Mauvais scénario C'est à ce mauvais scénario qu'ont été très récemment confrontés un fabriquant et un distributeur de compléments alimentaires à base de sels d'acide orot ique, ou orotates, Ils se sont retrouvés, à grand renfort de points d'exclamation médiatiques, devant le tribunal correctionnel en décembre 2000, Tout commence en 1998, À la suite d'une perquisition chez un praticien de santé naturopathe, la gendarmerie découvre des flacons de gélules d'orotates de calcium, de zinc, de magnésium, etc. Du sérieux! L'enquête aboutit à la mise en garde à vue et à l'interrogatoire de plusieurs dizaines de personnes; au total, 251
Santé. men songes et propagande
vingt-sept d'entre elles sont citées directement à comparaître devant la juridiction correctionnelle, sans aucune instruction préalable par un juge d'instruction pour un dossier lourd et complexe, Cette procédure fut bien sûr ponctuée d'un matraquage médiatique, à la radio, à la télévision et dans la presse, qui ne laissait aucun doute sur la culpabilité des prévenus. Morceaux choisis: «Un important trafic de faux médicaments démantelé en France»; «Des médecins écoulaient des gélules miracles»;
« Marché noir sur ordonnance» ; « Le circuit tortueux des gélules douces ».
L'adjudant sort de sa réserve Ces « informations» étaient bien sûr agrémentées des déclarations des officiers chargés de l'enquête, officiers pourtant tenus tant disciplinairement que pénalement au devoir de réserve et au secret professionnel. « C'est un véritable marché paral lèle de prescriptions », expliquait l'adjudant
Y.
qui conduisait
l'enquête. «Cette affaire concerne plus d'un millier de médecins, dont certains de renommée. [ ... ] C'est par la présentation et par le manque de contrôle de ces produits tant dans la posologie que ça devient dangereux.» Dans un pays où le principe fondamental qui régit la procédure pénale est la présomption d'innocence, nous avons pu découvrir que 1'« on n'est pas innocent, o n le devient 109 ». On le devient sans écho médiatique cette fois, malheureusement. laissant ainsi perdurer les marques injustifiées du passé même si l'on a prouvé son innocence (voir ci-contre). Cette enquête de gendarmerie aboutit en 200 1à des poursuites pénales pour mise en danger de la vie d'autrui (tarif: 15 245 euros d'amende - 100000 francset un an de prison), exercice illégal de la pharmacie et infractions à la réglementation sur les substances vénéneuses (tarif: deux ans de prison). Vingt-sept personnes seront donc traduites en correctionnelle, parmi lesquelles, pour la première fois en France, huit médecins, trois kinésithérapeutes, un ostéopathe et même un chirurgien-dentiste ayant conseillé ou prescrit des compléments alimentaires à base d'orotates en provenance d'Italie et de Grande-Bretagne, sans oublier un professeur de sport et un consommateur ayant conseillé les produits! 2 52
Stupéfiant : des sels minéraux assimilés aux drogu e s dure s!
La présomption d'innocence et le secret de l'enquête La présomption d'innocence est un principe fondamental rappelé par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, texte à valeur constitutionnelle : « Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable. » Ce principe est repris à l'article 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950: « Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie», ainsi que par le Pacte international rela· tif aux droits civils et politiques de 1966 et, plus récemment, par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne de décembre 2000. Le code civil a introduit, par la loi du 4 janvier 1993, un nouvel article, l'article 9.1, prévoyant que « chacun a droit au respect de la présomption d'innocence», ce même article prévoyant la possibilité pour le juge de faire cesser ces atteintes: « Le juge peut, même en référé, ordonner l'insertion dans la publication concernée d'un communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence.» Plus récemment, une loi pénale de juin 2000 sur la présomption d'innocence s'est efforcée d'améliorer la situation. Le secret de l'enquête n'est que la conséquence du principe de pré· somption d'i nnocence. C'est ainsi que l'article Il du code de procé· dure pénal précise que « toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal ». Les sanctions sont de un an de prison de 15 244 euros d'amende ... Un officier de police a été jugé par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 1995 (Gaz Pal, 16-18 mars 1997, nO. 75-77, chronique p. 65) : « les fonctionnaires de police sont tenus au secret pro· fessionnel en ce qui concerne les informations parvenues à leur connaissance dans l'exercice de leur profession, et auxquelles la loi a conféré un caractère confidentiel dans un intérêt général et d'ordre public» ; la Cour de cassation l'a donc condamné. En vertu de la loi nO2000-494 du 6 juin 2000 Uournol officiel du 7 juin 2000), une commission nationale de déontologie de la sécurité a été créée, permettant dorénavant de déposer plainte contre tout officier de police ou de gendarmerie ayant manqué à ses obligations. L'article 1er dispose « la Commission nationale de déontologie de la sécu· rité, autorité administrative chargée. sans préjudice des prérogatives 253
Sa n té. m enso n ges e t p r o p aga n de
que la loi lui attribue, notamment en matière de direction et de contrôl e de la police judiciaire, à l'autorité judiciaire, de veill er au respect de la déontologie par les personn es exerçant des activités de sécurité sur le t erritoire de la République ». L'articl e 4, quant à lui, prévoit que « toute personn e qui a ét é victi me ou té moin de faits dont ell e est ime qu'il s constituent un manquement aux règles de la déonto logie, comm is par une ou plusieurs des personnes mentionnées à l'article 1er , peut, par réclamation individu elle, demander qu e ces faits soient portés à la connaissance de la C ommission nationale de déontologie de la sécurit é».
Les orotates. indispensables à la vie Les orotates appartiennent à la famille des minéraux: orotates de calcium, de magnésium, de zinc, de fer ... Pour obtenir un orotate, on prend de l'acide orotique auquel on adjoint un minéral (calcium, magnésium .. .). Le docteur Hans Niepe" physicien et médecin allemand (1928- 1998), se rend compte lors de la consommation d'orotates par plusieurs centaines de patients que les sels d'acide orotique peuvent franchir la membrane cellulaire. Il va, avec le biologiste français Henri Laborit (1914- 1995), contribuer au développement de la médecine orthomoléculaire en étudiant les transporteurs de minéraux. L'acide orotique constitue un excellent transporteur du minéral (magnésium, zinc, calcium, etc) au coeur de la cellule. Il est indispensable à la vie: sans lui, il n'y aurait pas de mu~iplication cellulaire. Cette substance est donc naturellement synthétisée par l'organisme, qui en a un besoin vital pour fonctionner On trouve de l'acide orotique dans de nombreux aliments, comme le foie, le lait de vache ( 100 mg par litre) et le lait de brebis (300 mg par litre). On en trouve bien sûr en très grandes quantités dans les laits en poudre. Savez-vous que le fameux yaourt au goût bulgare ne pourrait être fabriqué sans acide orotique (il est indispensable à la fermentation du yaourt) ? Dans cette incroyable affaire d'orotates, les produits qui captivent l'attention des autorités judiciaires sont vendus en gélules, or on constate qu'il y a dans une gélule de 50 mg autant d'acide orotique que dans un demi-litre de lait ou dans quatre yaourts environ .. . 2 S4
Stupéfiant
des se l s m inéraux assi m ilés aux d r ogues dures
1
L'acide orotique: substance vénéneuse en France, complément nutritionnel en Europe Par le plus grand des mystères, la réglementation française classe l'acide orotique, et donc les orotates, sur la liste Il des substances vénéneuses depuis 1964, Aucune explication scientifique n'a pu être foumie sur les raisons de cette classification, tant par les enquêteurs que par le Parquet ou par l'Ordre des pharmaciens (qui n'a pas manqué de se constituer partie civile dans cette affaire pour demander des dommages et intérêts en raison du préjudice subi). Il est vrai que, même en cherchant bien, aucune motivation raisonnable ne peut être trouvée: mieux, cette « substance vénéneuse» protège la vie. Après des expérimentations menées par un scientifique de réputation mondiale à l'étranger- expérimentations foumies par la défense alors que c'était à l'Ordre des pharmaciens et au Parquet d'apporter les preuves des accusations -, cette substance protègerait le foie et possèderait des propriétés anticancéreuses. Ce professeur écrit également que « l'acide orotique est considéré comme une substance naturelle non toxique par suite de l'important apport alimentaire et aussi de sa présence dans le plasma humain (plus de 6 mg par litre); l'acide orotique se retrouve naturellement également dans les urines 110 ». Il peut être consommé en grandes quantités puisque, d'aprês plusieurs études, une consommation de 6 g (6 000 mg) d'acide orotique par jour n'entraîne aucun effet secondaire" '. La France, faisant une nouvelle fois bande à part présente une réglementation non seulement infondée sur le plan scientifique mais encore marginale par rapport à ses partenaires européens. Partout en Europe communautaire, les orotates sont en vente libre sous forme de compléments alimentaires mais, en 1972, la France a fixé une détention maximale au public de 1 g sur ordonnance médicale. Cette classification est si ridicule que, lorsque la ménagère achète 1 kilo de lait en poudre, elle dépasse la détention maximale autorisée au public. Si se rajoutent au caddy hebdomadaire des yaourts, des petits-suisses, de la crême fraîche et des fromages, les plafonds de la réglementation française sont explosés et l'overdose menace! Quelle ménagère a déjà songé à se rendre chez son médecin pour se faire prescrire son kilo de lait en poudre et ses produits laitiers pour nourrir sa 255
Santé. mensonges et prop a gande
famille? Quelles mères au foyer. quels supermarchés ont été poursuivis pour exercice illégal de la pharmacie, infraction à la réglementation sur les substances vénéneuses ou, mieux, mise en danger de la vie d'autrui?
Les producteurs de lait en prison! L'infraction pénale de mise en danger de la vie d'autrui suppose pour être réalisée la mort ou une infirmité permanente, Les sanctions en découlant sont lourdes de conséquence puisqu'elles peuvent aller jusqu'à deux ans de prison et 3 81 1 euros d'amende (250000 F), Comment ~es autorités françaises peuventelles concevoir que l'on puisse mourir ou être infirme en consommant des gélules d'orotates, de surcroît fabriquées par un établissement pharmaceutique? Comment peut-on accuser un médecin de tuer son patient en lui faisant consommer des produits laitiers? N ous savons non seulement que les orotates, ou sels d'acide orotique, ne sont pas dangereux (c'est-à-dire qu'ils sont non toxiques), mais qu'en plus ils sont bénéfiques pour la santé, À moins que nous ne laissions sur le marché français, dans les rayons de nos petits commerçants et de nos grandes surfaces, des produits mortels ou créateurs d'infirmité; nous voulons parler des produits laitiers sous toutes leurs formes, qui regorgent d'acide orotique, Sur les 3,5 milliards de litres de lait que commercialise la France chaque année, plus de 1 milliard est vendu par la société Candia 112, Chaque année, le leader du lait déverse donc sur le marché français 1 tonne d'acide orotique, Pour cette raison, je 113 ne manquai pas, puisque je défendais les auteurs principaux dans cette affaire, de soulever lors de ma plaidoirie en défense que j'en appelais à tous les parquets de France et de Navarre pour que Candia, Nestlé et toute l'industrie laitière soient immédiatement mis en examen pour mise en danger de la vie d'autrui, Cette argumentation valut quelques rougeurs à certains représentants de la partie adverse, se rendant soudain compte de la totale absurdité de leurs
accusations.
113. Il s'agit d'Isabelle Robard,
256
St up é f iant
des se l s m iné r a u x assi m i l és a u x d r ogues du r es
Préparatifs hors normes pour un procès stupéfiant Pour la bonne organisation de la défense de mes clients, j'avais pris soin de me rendre sur place au tribunal afin de prendre connaissance complète du dossier car. après transmission, il m'avait semblé que certaines pièces manquaient. Le dossier était énorme et donnait l'impression qu'un gang avait été démantelé. Les moyens déployés seraient-ils à la hauteur des condamnations escomptées? Après un entretien avec le procureur de la République, qui tenta de cerner mon système de défense par anticipation, notamment sur le droit communautaire, j'eus le loisir de pouvoir choisir la salle d'audience. On me fit donc visiter deux salles. La première, de taille plutôt moyenne, ne pouvait contenir plus de trente personnes. Or les accusés étaient déjà vingt-sept, et à eux s'ajoutaient onze avocats, les trois juges, le procureur de la Républ ique, le greffier. l'huissier audiencier. l'avocat de l'Oncre national des pharmaciens, sans compter quelques membres des forces de l'ordre à l'entrée de la salle. En bref, nous pulvérisions largement les consignes de sécurité avec plus de quarante-cinq personnes. Mon choix se porta donc sur la grande salle réservée aux assises, les assises n'intervenant normalement que pour les crimes. Décidément, même la salle était hors normes (rappelons que malgré deux ans de prison et de Iounces sanctions financières à la clé, il ne s'agissait de juger. dans cette affaire d'orotates aux allures de crime, que de simples délits)! Je fus au moins assurée que nous aurions suffisamment de place pour suivre ce procès stupéfiant, tant par son intensité que par le nombre de personnes poursuivies, et qui durerait deux jours complets.
Ouvert ure du procès Le procès se tenait en province, sur deux jours, un vendredi et un lundi de décembre 2000. Mes écritures avaient été transmises au procureur de la République et au président du tribunal avant l'audience. j'étais arrivée la veille et j'avais fait procéder toute l'aprés-midi du jeudi à une répétition générale de l'ensemble de mes clients afin d'être sûre qu'ils sauraient faire face, même si 257
Santé, mensonges et p r opagande
avec l'angoisse ils perdaient leurs moyens, aux questions des magistrats, du procureur de la République et de la partie civile. Le vendredi, à 8 h 30, s'ouvrait le procès dans la salle des assises, aprés deux années d'enquête préliminaire. Le dossier de plaidoirie et la documentation était tellement importants que je suis arrivée avec deux valises à roulettes à l'audience. j'avais, avec d'autres avocats de la défense, soulevé un certain nombre de vices de procédure, notamment le détoumement de procédure et le défaut de procès équitable en raison de l'absence d'instruction préalable pour une affaire qui semblait pourtant grave et qui impliquait beaucoup de monde. Les droits de la défense ne pouvaient pas avoir été pleinement respectés dans le cadre d'une enquête préliminaire longue de deux années et qui n'offrait pas les garanties d'une véritable instruction avec un magistrat instructeur où l'avocat de la défense participe véritablement et pleinement à l'instruction. De même, des anomalies figuraient dans certaines citations - la moindre des choses était que pour des accusations aussi graves la procédure soit régulière -, qui furent soulevées par plusieurs avocats dans les premières plaidoiries relatives aux vices de procédure. j'eus la surprise de constater que le Parquet nous avait fait l'honneur de se dédoubler puisque nous n'avions pas un représentant de ce demier contre nous mais deux: un sur la fomne, les vices de procédure, l'autre sur le fond, l'objet du litige. Le décor était planté. Lorsque vint mon tour de plaider les vices de procédure, pour garantir au maximum la défense de mes clients, je commençai à soulever des moyens de droit communautaire en demandant au tribunal de poser à la Commission de Bruxelles, avant de juger, un certain de nombre de questions 114 afin de résoudre au mieux le litige qui leur était soumis. En effet, le vieux texte français de 1964, repris successivement par des textes postérieurs et qui classe l'acide orotique sur la liste Il des substances vénéneuses, ne peut pas s'appliquer en raison du droit communautaire. Le droit européen fait échec à la vieille réglementation française pour deux raisons essentielles: la libre circulation des marchandises (les produits étaient anglais) et l'obligation de transmettre à Bruxelles pour avis, avant adoption, les nouvelles nomnes techniques françaises. Le traité de Rome de 1957, qui a créé la Communauté européenne, a pour objectif de pemnettre la libre circulation des personnes, des capitaux et des marchandises. En ce qui conceme ces demi ères, la seule restriction à leur libre circulation repose sur la 258
Stupéfiant: des sels minéraux assimi l és aux drogues dures!
protection de la santé publique, à condition que cette restriction soit strictement proportionnée à l'objectif de protection de santé publique. Depuis 1983, la France est, de plus, tenue de communiquer à Bruxelles ses projets de réglementations techniques avant leur entrée en vigueur. cela afin de vérifier que les normes françaises ne seront pas porteuses d'entrave à la libre circulation des marchandises. Or. dans notre affaire, les produits étaient anglais et vendus librement non seulement en Angleterre mais dans d'autres pays européens. Par ailleurs, la France n'a pas avert la Commission de Bruxelles de cette classification technique des substances vénéneuses, datant de 1964 mais entièrement reprise en 1990. C'est donc sur ces deux points que je posai le débat. Les forces commençaient à se dévoiler et à se répartir.
Glissement de terrain; de la substance vénéneuse au stupéfiant Vendredi, vers 18 heures, à la fin de la première journée d'audience, après avoir fait défiler vingt et un prévenus (six étaient absents) devant le tribunal pour interrogatoire, j'entendis soudain le Parquet s'exclamer que je lui avais« donné bien du fil à retordre quant à l'application du droit communautaire» et le vis brandir un texte international sur les stupéfiants adopté par les Nations unies: la convention internationale unique de New York sur les stupéfiants du 30 mars 1961 ... Ce texte international. sorti du chapeau à la fin de la première journée d'audience et qui provoqua la «stupéfaction », devait faire rempart au droit communautaire que je mettais en avant pour écarter notre droit français totalement obsolète. Il est tellement important... qu'il ne figure même pas dans le code de la santé publique, qui pourtant, dans cette affaire, sert ce fondement à l'ensemble des poursuites. En province, dans une petite ville sans bibliothèque de droit, un vendredi soir pour une audience qui reprenait le lundi suivant, cet argumentaire du Parquet qui pouvait faire basculer l'issue du procès rendait difficile le respect du débat contradictoire, obligatoire dans toute procédure, puisque ce fameux texte international ne nous avait absolument pas été communiqué en copie. 259
Santé. m e ns o n ges et propagande
Rentrant à l'hôtel quelque peu abasourdie, je réussis durant le week-end à grands renforts d'appels téléphoniques à récupérer ce texte régissant le dmit de la drogue et que l'on entendait nous opposer pour une simple affaire de compléments alimentaires en vente libre partout en Europe. j'appris qu'il avait d'ailleurs été modifié en 1972. Poursuivis à l'origine pour infraction à la réglementation des substances vénéneuses, comment pouvions-nous nous retrouver en plein procès relatif au droit de la drogue? Il ne manquait plus que la« Brigade des Stup » pour éviter l'application du droit communautaire. Ce dernier était-il si dangereux que l'on doive, pour l'écarter. se servir d'un texte international, impressionnant certes, mais qui ne semblait pas relever du tout de notre sujet?
Les Français à la santé si fragile Durant le week-end, sans ordinateur. à l'hôtel, j'avais rédigé à la main des conclusions sur ces points précis de la convention internationale de New York afin de démontrer qu'elle ne s'appliquait pas aux orotates, et d'apporter la preuve écrite des moyens juridiques soulevés pour le cas où nous aurions dû aller en appel. Car comment expliquer qu'un même produit ait, dans de nombreux pays de la Communauté européenne, le statut de produit nutritionnel et qu'en France il soit classé non seulement comme médicament mais comme substance vénéneuse? Les Français seraient-ils plus fragiles que leurs voisins européens? On sera d'autant plus troublé par la question que le ministère public et l'Inspection de la phanmacie n'avaient à aucun moment démontré le caractère dangereux des produits. Le rapport de l'Inspection de la phanmacie se contentait d'affinmer sans rien prouver que « le risque le plus important réside dans le fait que des personnes réellement malades croient se soigner avec ces produits et délaissent des thérapeutiques ayant prouvé leur efficacité », ajoutant qu'« il y a donc risque en matière de santé publique à laisser perdurer de tels agissements ». O r. dans notre affaire, il n'y avait aucune plainte de consommateurs, la qualité phanmaceutique des produits était réelle, sans compter la démonstration scientifique sur l'innocuité totale des orotates. Ce curieux raisonnement tient d'autant moins que l'on prône de plus en plus, en France et ailleurs, l'impact de 2 60
Stupéfiant : des se l s minéraux assimilés a u x drogues dures!
l'alimentation sur la santé. Un aliment devient-il médicament. substance vénéneuse ou stupéfiant entrant dans le monopole pharmaceutique parce qu'il joue un rôle favorable sur la santé et cont ribue à atténuer ou à faire disparaître certaines pathologies? En Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, les citoyens européens pensent-ils se soigner avec des minéraux, avec un complément alimentaire composé d'orotates? Certes non. Les Français seraient-il alors dotés d'un quotient intellectuel inférieur à la moyenne européenne? En fait, l'interdiction française et sa classificat ion sur la liste des substances vénéneuses n'est pas du tout proportionnelle à l'objectif de protection de la santé publique puisque nous avons démontré que les orotates sont bénéfiques pour la santé.
Plaidoirie: désolée, mais les orotates ne sont pas des stupéfiants! Le lundi suivant arriva très vite, avec le moment crucial des plaidoiries. L'Ordre national des pharmaciens, qui ne s'était constitué partie civile qu'en fin d'audience de la première joumée du vendredi, sollicita des dommages et intérèts en raison du préjudice subi par la distribution de produits non conformes à la réglementation. Le Parquet reprit la parole pour son réquisitoire et en plus de la convention de New York, nous opposa cette fois-ci la convention de Vienne de 197 1 sur les psychotropes I l s Le week-end semblait avoir été propice à la réflexion pour trouver pléthore de textes intemationaux inapplicables! Après le réquisitoire du procureur, qui réclamait de lourdes sanctions en indiquant que la défense «n'était qu'un écran du fumée derrière lequel il n'y avait rien », vint le moment pour moi de plaider le fond du dossier, de plaider pour des personnes qui durant plusieurs années avaient subi un calvaire moral, médiatique, fiscal et judiciaire; il fallait, après les avoir t raînées dans la boue, réhabiliter leur dignité au moins, puis faire triompher le droit, le bon sens. Durant une heure quarante, je démontrai point par point, tant sur le plan scient ifique que sur le plan juridique, que les incriminations ne pouvaient pas tenir. J'avais pris soin de demander un rétroprojecteur pour donner un côté visuel à ma démonstration scientifique nécessaire à l'incrimination particulièrement 261
Santé. mensonges et propagande
grave de mise en danger de la vie d'autrui et qui risquait d'entraîner des peines de prison femres. Ma plaidoirie, renforcée par les transparents, vibrait à chaque moment important au rythme des « diapositive suivante» que j'assenais à la personne chargée, au fur et à mesure que je parlais, de passer les transparents sur le rétroprojecteur. Je pus démontrer aisément qu'il y avait totale méprise et que cette convention internat ionale de New York. qui prévoit quatre tableaux distincts de substances stupéfiantes, n'avait rien à faire dans ce procès, et ce pour trois raisons principales: premièrement. les textes internationaux ne sont pas opposables à des particuliers mais ne concernent que les États qui y ont adhéré ; deuxièmement, une liste limitative de stupéfiants avait été dressée par cette convention dans laquelle, bien sûr. ne figurait ni l'acide orotique ni les orotates de magnésium, de calcium, de zinc, de fer. etc. ; troisièmement. on remarquait que les pays signataires de cette convention de New York amendée en 1972 étaient des pays où les orotates étaient justement en vente libre (il est à souligner d'ailleurs que la version de la convention de New York utilisée par la partie adverse n'était pas la version la plus récente de 1972 mais celle de 196 1). Je précisai bien sûr que la convention de Vienne, pour les mêmes raisons, ne s'appliquait pas à notre affaire.
La montagne qui accouche d'une souris Concernant les dommages et intérêts sollicités par l'Ordre national des pharmaciens, j'indiquais qu'il était quelque peu étonnant que l'Ordre ait pu subir un préjudice pour des produits fabriqués ... par un laboratoire phamraceutique qui avait perçu pour cette fabrication des sommes non négligeables. Tout en parlant. j'avais l'impression de transcender les centaines d'heures de travail passées à construire la défense. Mes confrères me raconteront par la suite, car je ne m'en étais pas rendue compte, qu'à un moment même je donnai, pour souligner l'aberration de la situation, quelques petits coups de poing sur le pupitre en bois réservé aux avocats, afin d'insister sur le fait que la convention intemationale sur les stupéfiants ne s'appliquait pas. j'indiquai, en citant les conclusions de l'expert qui avait travaillé avec moi sur le dossier. que celui-ci était dans la salle. Le tribunal le chercha des yeux pamri 262
S t u p éf i a n t: d es se l s min é r a u x ass i mi l és aux d rogues dures!
les nombreuses personnes présentes, sans comprendre qu'en fait l'expert était tout simplement la personne qui passait les transparents au rythme de la plaidoirie, Je sentis au fur et à mesure de la plaidoirie les choses basculer favorablement; le président se retourna par deux fois vers le Parquet, abasourdi par ce qu'il entendait. l'interrogeant du regard. Non, mes clients n'étaient pas de dangereux criminels, non ils n'avaient pas porté atteinte à la santé d'autrui. Mieux, ils avaient fourni des produits salutaires pour la santé. D'ailleurs, dans les coulisses du procès, certains auxiliaires de justice se seraient bien laissés «empoisonner» par les orotates en découvrant leurs vertus... Le président me demanda à la fin du plaidoyer si je disposais de toutes les références scientifiques que je venais d'exposeé ce à quoi je répondis par l'affirmative en lui indiquant que j'allais lui remettre un dossier de plaidoirie de cent cinquante pages comprenant toutes les preuves juridiques et scientifiques. Au moment de leur plaidoirie, après la mienne, tous mes confrères demandèrent pourquoi, sur plusieurs centaines de prescripteurs de ces fameux orotates, seuls leurs clients avaient été «sélectionnés» pour le procès ... Le dernier avocat à intervenié s'appuyant sur ma démonstration juridique et scientifique, termina ces deux jours d'audience sur ces mots: « En fait. c'est la montagne qui accouche d'une souris.» Nous sortions de vingt-quatre heures de marathon.
L'heure du délibéré Trois mois plus tard, le verdict sera rendu. Le tribunal nous suivra au sujet de la mise en danger de la vie d'autrui, en relaxant l'ensemble des personnes poursuivies. Pour cela, il relève «qu'aucune personne ne s'est plainte des produits» et que «l'innocuité de l'acide orotique est affirmée par plusieurs documents fournis par la défense». Nous avions échappé au pire. Pour le reste, j'avais demandé que soient posées sept questions dites préjudicielles à la Commission de Bruxelles avant de statuer sur le fond pour le cas où le tribunal aurait encore eu un doute quant à l'application du droit communautaire rendant obsolète le droit français. Normalement, le juge français est le premier juge d'application du droit communautaire. Le code pénal prévoit en effet que le juge répressif est tout à fait compétent pour refuser d'appliquer un 263
Santé. mensonges et pr opagan de
texte français. La Cour de cassation 116 confirme que le droit communautaire a une valeur supérieure au droit national: pour le juge, c'est donc non seulement une possibilité de passer outre le droit français, mais un devoir de le faire lorsque ce dernier viole le droit européen. Si le tribunal hésite quant à l'application d'office du droit européen, il peut poser des questions à Bruxelles avant de rendre son verdict. L'utilisation de questions préalables à la Commission de Bruxelles avant de juger n'est donc utile que si le tribunal a un doute, la juridiction française pouvant tout à fait appliquer d'elle-même le droit communautaire.
Pas de question à Bruxelles Malheureusement, le tribunal n'appliquera pas de lui-même le droit communautaire, ni ne passera par des questions auprês de Bruxelles. Il écartera purement et simplement cette demande en indiquant que «la réglementation instituant un monopole pharmaceutique, qui s'applique indistinctement aux produits importés des États membres de la CEE et aux produits nationaux, est justifiée au regard du traité CE par la protection de la santé publique ». Au contraire, il appliquera le droit international de la drogue à une substance qui n'en est pas (les orotates) et qui n'est pas concernée du tout par ce texte, en déclarant que « l'acide orotique se définit non par référence aux dispositions réglementaires du code de la santé publique ou à la réglementation communautaire, mais par référence à la convention internationale unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, laquelle a une autorité supérieure à la loi interne en application de l'article 55 de la Constitution ».
Un verdict lourd pour des listes à jour Deux autres erreurs seront commises par le tribunal. Tout d'abord, il indiquera que « l'acide orotique est inscrit au tableau C (dangereux) des substances vénéneuses », or les listes A et C n'existent plus depuis 1990: elles ont été remplacées par les listes 1 et II. D'autre part il sera également erroné d'indiquer 26 4
Stupéfiant: des sels min é rau x assimi lé s aux drogues dures!
«dangereux» en citant le tableau C, car le code de la santé publique 11 7 indique que « la liste 1comprend les substances [ ...] présentant les risques les plus élevés pour la santé» .. . et les orotates sont inscrits sur la liste Il. Concernant les praticiens de santé ayant prescrit ou conseillé les produits, le tribunal jugera «qu'il leur appartenait de vérifier si le fabriquant disposait d'une autorisation de mise sur le marché» - autorisation spécifique et obligatoire avant de mettre sur le marché un médicament - , leur attribuant ainsi des peines d'amende comprises entre 381 et 1 524 euros (de 2 500 à la 000 francs). Pour les fabricants et les distributeurs, les peines attribuées seront en revanche très loundes, avec des sanctions allant de un an de prison avec sursis à deux mois de prison avec sursis accompagnées d'amendes de 762 à 15245 euros (de 5 000 à 100 000 francs), Des dommages et intérêts ne manqueront pas d'être généreusement distribués à l'Ondre national des pharmaciens à hauteur de 6 098 euros (40 000 francs), à régler solidairement pour les fabricants, et de 320 1 euros (21 000 francs) pour les professionnels de santé. Nous étions sous le choc,
Les Nations unies à la rescousse Suite au jugement de première instance et à la désillusion qui s'en suivit nous avions néanmoins décidé de faire appel. Après avoir subi quelques contrôles fiscaux entre les deux étapes de première et de seconde instance, les principaux acteurs de ce procès retrouveront un peu de souffle pour tenter de faire appliquer le droit. Le litige reposait désormais sur la confrontation du droit communautaire et du droit intemational. Je décidai de me rapprocher des Nations unies, auteur de la fameuse convention, afin de m'entourer d'un avis éclairé, Les services compétents du Programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID), qui en principe ne répondent pas aux particuliers mais seulement aux États, stupéfaits de cette situation pour un texte qui non seulement ne concernait pas les particuliers mais qui en plus ne visait pas nos fameux orotates, activèrent carrément leurs équipes de chimistes et de juristes avant de nous répondre, Le PNUOD, par voie électronique via l'International Narcotics Control Boand, nous répondit: «De manière informelle sur la base des informations d'ores et 265
San t é . me n so n ges et pro p aga nd e
déjà disponibles, je peux vous dine que l'acide orotique n'est pas contrôlé en vertu de la convention unique. Il peut toutefois fonrner des sels avec la plupart des drogues contrôlées en vertu de cette convention (les sels de l'acide orotique sont appelés orotates). En vertu de la convention unique. les sels des narcotiques sont également contrôlés, de sorte que l'orotate de l'une quelconque des drogues énumérées dans la convention devrait êtne également contrôlé. Il est important de noter. cependant, que ce contrôle est le résultat du statut contrôlé de la drogue et non celui de l'acide orotique ! D'un point de vue pratique, nous n'avons pas actuellement connaissance de préparations commerciales de sels d'orotates de l'une quelconque des drogues énumérées dans les tableaux de la convention unique [ .. .]. Là encone, les sels d'orotates de substances figurant dans les tableaux, s'ils existent. devraient êtne cont rôlés du fait du principe actif et non de l'acide orotique. » Or les compléments alimentaines litigieux sont des orotates de calcium, de magnésium, de potassium, de fer. de zinc, etc., tous minéraux qui ne figunent pas bien sûr dans les listes établies par le texte intemational puisque ce ne sont pas des stupéfiants. De surcroît, aucune des drogues listées dans l'un des quatne tableaux de la convention n'est entrée dans la composition des produits faisant l'objet des fo udres des autorités françaises. En bne~ aucun orotate de cocalne ou d'amphétamine n'a été distribué! Notre argumentation de pnemiène instance se trouvait confinrnée par les auteurs mêmes de la convention! Nous nous sentions moins seuls.
Ouverture du procès d'appel Rassurée et confortée dans ma démarche juridique, je préparai le procès d'appel, étant certaine que sur ce point de droit la cour d'appel infinrnerait le jugement de pnemière instance. Le procès s'ouvrit en septembne 2002 par une belle joumée ensoleillée, et nous étions prêts. Après avoir obtenu la nelaxe en pnemiène instance pour mise en danger de la vie d'autrui et après avoir transmis mes conclusions en défense avant l'audience, nous eOmes l'agréable surprise de voir le Parquet abandonner ses poursuites pour ce grief. Pour le neste, j'avais bien sûr donné copie de la lettne en 266
Stupéfiant: des se l s minéraux assimilés aux drogues dures!
anglais des N ations unies, traduite par un traducteur assermentée, tant au procureur général qu'à l'Ordre national des pharmaciens. Curieusement, au moment de son réquisitoire, le représentant du Parquet ne fit aucun commentaire sur les éléments pivots du dossier transmis par la défense.
Réquisitoire du Parquet: quelles conclusions tardives 1 En guise d'introduction au réquisitoire d'accusation, j'eus la surprise d'entendre que mes conclusions avaient été transmises tardivement. alors que, dès début août pour une audience se tenant au cours de la deuxième quinzaine de septembre, j'avais adressé une lettre à Madame le Procureur pour lui indiquer que ma défense serait la reprise de celle développée en première instance avec des précisions sur certains points, en particulier la convention de New York. j'ajoutais dans cette lettre qu'elle pouvait d'ores et déjà, en attendant. prendre connaissance de mes écritures de première instance présentes dans le dossier. Il faut préciser que la procédure pénale est orale et que, dans l'absolu, les conclusions écrites ne sont pas prévues. Je pouvais donc développer tous les points de ma défense sans transmettre de conclusions ni préalablement ni durant l'audience. Par ailleurs, à souligner que dans le cadre du respect du débat contradictoire, qui suppose un échange des pièces plaidées et des conclusions, on relèvera que jamais le Parquet ne nous transmet de conclusions écrites avant l'audience qui nous permettrait. à nous avocats, de pouvoir préparer une réponse aux objections de l'accusation. C'est donc un débat contradictoire 118 qui peut apparaître déséquilibré, car parfois plutôt à sens unique.
Le Parquet et l'Ordre national des pharmaciens muetS d'émotion devant les Nations unies Si le Parquet reconnut que les officiers chargés de l'enquête s'étaient livrés à quelques excès de langage par voie de presse, ils furent vite excusés. Puis, rapidement, Madame le Procureur demanda à ce que le jugement de première 267
Santé. m e nsonges et propagande
instance soit purement et simplement confirmé, sans autre forme de langage. Cela signifiait-il que les sanctions seraient confirmées mais avec une autre motivation plus conforme au droit? Cela signifiait-il que les sanctions et la motivation juridique se trouveraient tous deux confirmés? Je n'allais pas tarder à découvrir la réponse. Les précisions sur la convention de New York ne tardèrent pas, en effet Qu'allait bien pouvoir répondre le Parquet à la lettre du PNUClD? Eh bien, rien. Rien de rien. j'attendais, suspendue aux lèvres du procureur, mais aucun son ne sortit de sa bouche à propos de cette lettre, comme si je n'avais rien transmis, comme si rien ne s'était passé. Mieux, les explications fournies sur l'applicabilité du traité international aux orotates, pour mieux pousser dehors l'application du droit communautaire décidément trop gênant furent totalement inexistantes. Aucune explication, ou plutôt si, une: il fut développé - et je crus alors que j'entendais mal - qu'étant donné que les orotates étaient classés sur la liste Il française des substances vénéneuses et que la convention prévoyait quatre listes de substances stupéfiantes (l, Il, III et IV), les orotates étaient visés par la convention! On bâtissait un lien juridique sur une histoire de chiffres romains identiques dans le code de la santé français et dans le texte international, alors que ces deux classifications, la française et l'internationale, n'avaient strictement rien à voir l'une avec l'autre. Après m'avoir transmis ses conclusions juste le jour de l'audience, comme le Parquet au moment de sa plaidoirie, l'Ordre national des pharmaciens ne frt aucun commentaire de près ou de loin sur la position des Nations unies, rédacteur de la fameuse convention internationale. Il ne fit d'ailleurs aucune remarque, même brève, sur la convention internationale, qui n'inspirait visiblement pas nos accusateurs. Il semble que ces derniers, face à la lettre du PNUCID mettant hors de cause les orotates, étaient décidément tous devenus muets.
Attention aux risques de confusion entre le lait et les stupéfiants La définition du terme «stupéfiant» se suffit d'ailleurs à elle-même pour comprendre que cet épouvantail juridique sorti de nulle part n'a rien à faire dans ce procès. Qu'on en juge à la lecture du dictionnaire réalisé par l'Académie nationale 268
Stupéfia nt : des sels minéraux assimil és aux drogue s dure s!
de pharmacie: «Substance médicamenteuse ou non, capable de provoquer un phénomène de dépendance
(à l'exception de l'alcool et du tabac) de telle sorte
qu'un consommateur recherchant un effet euphorisant est inéluctablement amené à augmenter les doses [ .. .]. Il s'agit des produits opiacés, cannabis [ ... J, coca, coca:lne, amphétamine et dérivés [ ... J, certains hypnotiques [ ... ]. certains
anorexigènes 119, » Quel rapport avec les complément alimentaires de mes clients? Quel rapport avec les produits laitiers, riches en acide orotique, qu'il ne m'a pas semblé voir inscrits sur la liste des substances stupéfiantes tant française qu'internationale? En consommant des produits laitiers, qui eût cru que nous, Français, devenions des toxicomanes?
La cour d'appel ; une seconde chance pour faire triompher le droit et le bon sens 1 Environ six mois plus tard, après avoir repoussé la date de la décision une première fois, le verdict tombera: confirmation pure et simple du jugement de première instance. Encore et toujours un an de prison avec sursis, 15245 euros (100 000 F) d'amende pour la plus lourde des sanctions et les mêmes dommages et intérêts pour l'Ordre des pharmaciens. Je pensais que la cour aurait au moins tenté de motiver ces sanctions sur un autre fondement juridique que celui de la convention unique internationale sur les « stuP» de 196 1, mais en vain. Les questions préjudicielles, à nouveau soulevées devant la cour. ne seront encore pas prises en compte. L'arrêt motivera sa décision en considérant, notamment. que la restriction que constitue le monopole pharmaceutique ne relève pas de la libre circulation du traité CE et est justfiée par la protection de la santé publique et de la vie des personnes, ajoutant que la réglementation française instaurée pour de tels produits est présumée constituer une forme adaptée de protection de la santé publique.
La décision reprendra mot pour mot la décision du tribunal de première instance en indiquant « que l'acide orotique se définit non par référence aux dispositions réglementaires du code de la sant é publique ou à la réglementation communautaire, mais par référence à la convention internationale unique sur les 269
Santé. mensonge s et prop aga nde
stupéfiants du 30 mars 1961 qui, en application de l'article 55 de la Constitution, a acquis une autorité supérieure à la loi interne ». Là encore curieusement. aucun commentaire (ou allusion) ne sera fait sur la lettre des Nations unies dans l'arrêt de la cour. Décidément. cette lettre savait bien se faire oublier. Décidément. le bon sens n'était plus de mise en France. La contradiction entre la relaxe de première instance suivie d'un abandon des poursuites pour mise en danger de la vie d'autrui et le refus d'appliquer le droit communautaire sous le prétexte de « la protection de la santé publique et de la vie des personnes» ne manquait pas de sel. Comment pouvait-on d'un côté motiver la relaxe pour mise en danger en soulevant que « l'innocuité de l'acide orotique est affirmée par plusieurs documents fo urnis par la défense 120 », et de l'autre invoquer la protection de la santé publique pour empêcher le droit communautaire de produire ses effets? Nous n'en étions plus à une contradiction prês.
Un première en France : les compléments alimentaires
« jugés» sous le coup du droit de la drogue À l'heure où para1t ce livre, cette affaire est montée en cassation et pourrait bien atteindre la juridiction européenne suite à une plainte déposée par les distributeurs auprès de la Commission de Bruxelles. Elle rejoindrait ainsi les nombreuses plaintes qui s'accumulent contre la France en matière de compléments alimentaires, et que la Commission bruxelloise me rappelait dans un courrier en précisant qu'elle avait «effectivement été saisie d'un nombre important de plaintes portant sur des difficultés relatives à la commercialisation de compléments alimentaires en France », m'invitant ainsi à déposer plainte. D'ailleurs, un laboratoire belge fabricant d'orotates, lassé du comportement des autorités françaises à ce propos, n'a pas hésité à agir en justice européenne contre la France. Jointe à d'autres, cette plainte a été transmise, car bien fondée 121, à la Cour de justice des communautés européennes. L'avocat général 122, qui conseille les juges européens avant que la décision ne soit rendue, a considéré que l'absence dans la réglementation française d'une procédure simplifiée permettant d'obtenir une autorisation justifie la condamnation de la France. L'anrêt de la Cour de justice des Communautés européennes est attendu. 270
Stupéfiant : des sels minéraux assim il és a u x d r ogues dures!
Les décisions de justice de première instance et d'appel rendues dans notre affaire française sont d'autant plus incroyables que la Cour de justice des Communautés européennes a jugé à propos de cette convention de N ew York qu'une pratique nationale consistant à interdire les importations de stupéfiants est contraire à la libre circulation des marchandises car elle affecte les échanges, démontrant sans conteste que le droit communautaire doit s'appliquer. Il est cocasse de préciser que l'Union européenne n'est pas liée par la convention de N ew York. qu'elle n'a même pas signée; comment dès lors pouvoir dire sans sourciller que cette convention est de valeur supérieure au droit communautaire? Mystère. La libre circulation des marchandises n'a pas été appl iquée. Pourtant. le représentant de la direction régionale des Affaires sanitaires et sociales (ORASS), constat ant qu'en l'espèce l'activité de vente des orotates se faisait à partir de deux États membres de l'Union européenne (en dehors de la France), affirmait lui-même dans son rapport que «les localisat ions étrangères du donneur d'ordre de fabrication et de l'expéditeur du "médicament" au client final rendent cependant plus difficile la caractérisation de l'exercice illégal de la pharma-
cie en France ». Les verdicts français relatifs aux orotates sont d'autant plus curieux qu'une autre cour d'appel, dans une autre région de France, avait jugé deux ans plus tôt que le droit français devait être écarté au profit du droit européen. Dans cette affaire, aucune évocation de ce texte international sur les stupéfiant s n'a bien sOr été faite . Il en résulte d'ailleurs une totale insécurité juridique pu isque, pour un même produit. une cour d'appel vous dit «pas de problème, votre produit est légal, le droit français ne s'applique pas» alors qu'une autre cour d'appel vous dit non seulement l'inverse mais en plus vous affuble de la casquette de «dealer » ou, mieux encore, de «trafiquant de drogue». Lorsque, dans une situation juridique donnée, nous justiciables ne savons plus si nos actes, nos activités, nos produits sont légaux ou illégaux, alors nous sommes en situation d'insécurité juridique, ce qui viole la Convention européenne des droits de l'homme . .. N ous sommes, à ma connaissance, les seuls à avoir eu l'honneur à ce jour d'être confrontés au droit international de la drogue pour de simples compléments alimentaires. Cela s'est pourtant passé quelque part en France . ..
,
A quand une vraie politique de santé et de prévention dans l'intérêt exclusif des consommateurs français?
Agences sanitaires françaises: une indépendance en trompe-l'œil
La santé des Français constitue à nos yeux une priorité 1. Claude Hurlee. sénateur
L'Agence française du médicament: une indépendance très théorique De 1993 à 1998, à la suite de diverses catastrophes sanitaires (dont l'affaire du sang contaminé), plusieurs agences sanitaires ont été créées pour garantir notre sécurité et promouvoir notre santé, Ces agences ont comme dénominateurs communs affichés l'indépendance et la transparence", au nom du principe de précaution, Après le drame humain et sanitaire à jamais gravé dans les mémoires du « responsable mais pas coupable », le ministre de la Santé Bemand Kouchner décida de mettre en place une « agence du médicament », de telle sorte que les décisions, les réglementations et les avis liés à la santé puissent se faire en toute indépendance et en toute transparence, dans le but d'assurer une véritable sécurité sanitaire de la population, C'est par une loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicaments que sera créée l'Agence du médicament son directeur général rappelant en 1996 qu'elle devait satisfaire à trois objectifs: « excellence scientifique », «meilleure efficacité administrative possible» et «grande rigueur déontologique» car. toujours selon les propos du directeur. « la 275
Santé, mensonges et propagande
neutralité et l'impartial ~é du service public sont, en matière de santé publique plus encore que dans les autres domaines, des garanties indispensables pour l'exercice des missions de service public ». Le code de la santé publique indique en effet qu'" afin de garantir l'indépendance, la compétence scientifique [ ... J, il est créé un établissement public de l'État dénommé Agence du médicament [ . ..J. Cet établissement public est soumis à un régime administratif. budgétaire, financier et comptable et à un contrôle de l'État.» Cette agence, financée par des subventions publiques notamment. est venue remplacer le Laboratoire national de santé, et a pris la plus grande partie des fonctions occupées jusque-là par la Direction de la pharmacie et du médicament.
Des fonctions aux intérêts contradictoires L'Agence du médicament occupa~ (elle sera supprimée en 1998) trois fonctions essentielles: la police san~ire, la promotion du bon usage du médicament et. enfin, une mission d'assistance aux entreprises pharmaceutiques.
La police sanitaire, comme son nom l'indique, visa~ à éviter les accidents liés à la consommation de médicaments en évaluant et en contrôlant ces derniers. D ans ce cadre, c'est elle qui délivrait les fameuses autorisations de mise sur le march é (AMM), préalable obligé lo rsque l'on souhaite vendre un produit pharmaceutique. La promotion du bon usage du médicament consistait à diffuser une information auprès des professionnels de la santé (médecins, pharmaciens et industriels), mais aussi, grâce à la commission de transparence, à donner des avis aux ministres de la Santé et de la Sécurité sociale sur l'opportunité d'accorder ou non le remboursement d'un médicament par la Sécur~é sociale. L'assistance aux entreprises pharmaceutiques alla~ jusqu'à la contribution au développement de l'industrie pharmaceutique. On remarquera là qu'il éta~ difficile de concilier ce dernier objectif avec les deux précédents puisqu'on ne peut promouvoir le médicament d'un côté et rendre de l'autre des avis objectifs et critiques sur ses risques et ses dangers ainsi que l'opportun~é de son remboursement. 276
Une indépendance en trompe·l'œi l
Comment assurer ces trois missions contradictoires dans la plus totale indépendance et de façon objective, tant vis-à-vis de l'État que vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique, alors que la mission
« d'encouragement de l'industrie
pharmaceutique» flirtait avec la sanction, la police ou le contrôle de cette même industrie pharmaceutique?
Des intérêts économiques non négligeables La Cour des comptes, dans un rapport annuel au Parlement de septembre 1998, a constaté que «le nombre élevé de liens avec l'industrie pharmaceutique reconnus par les membres des commissions conduit nécessairement à poser la question de leur neutralité'». D 'ailleurs, lors des débats parlementaires à l'époque, certains groupes politiques n'avaient pas approuvé la création de l'Agence du médicament. évoquant « le poids plus grand des intérêts privés, notamment pharmaceutiques, au sein de la nouvelle structure 3 ». Comme le relevaient ces groupes: « Le directeur de l'Agence du médicament prend bien ses décisions au nom de l'État; mais comment ne pas voir qu'il y a une implication plus forte des industriels dans la décision puisque plusieurs personnes liées à l'industrie pharmaceutique siègent en tant que personnalités qualifiées au sein du conseil d'administration? » Les membres siégeant à l'ex-Agence du médicament devaient remplir une déclaration sur l'honneur indiquant les liens qu'ils pouvaient avoir avec des organismes ayant une activité entrant dans les domaines de compétence de l'agence. Lorsque l'on prend connaissance de ces« déclarations d'intérêts» faites par les personnes siégeant dans les comités scientifiques, on reste rêveur.
À titre d'exemple, on constate ainsi dans le rapport 1995 de l'Agence du médicament que la très grande majorité des personnes siégeant dans les comités scientifiques avait des intérêts dans les laboratoires pharmaceutiques. Dans le rapport de 1996, onze personnes sur les vingt-cinq siégeant au conseil d'administration de l'Agence du médicament déclaraient des intérêts, tandis qu'au conseil scientifique de l'Agence, pourtant chargé de veiller «à la ' cohérence de la politique scientifique de l'Agence », seules cinq personnes 277
Santé. mensonges et propagande
sur vingt-sept ne déclaraient aucun lien avec les laboratoires. Sur les quatre cent dix-sept personnes présentes dans les commissions spécialisées rattachées à l'Agence du médicament. plus de trois cents avaient des intérêts dans les laboratoires pharmaceutiques les plus divers! Ce phénomène était d'autant plus marqué que le conseil d'administration de l'Agence du médicament était aussi composé de représentants de l'industrie phanmaceutique. Qui oserait scier la branche sur laquelle il est assis?
L'AFSSAPS et l'AFSSA: encore plus d'indépendance Pour perfectionner le fonctionnement de l'Agence du médicament. il a été décidé de scinder l'ex-Agence du médicament en deux: l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) et l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments). Sur fond de « vache folle», une proposition de loi « relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme» a été déposé au Sénat en avril 1997. Cette initiative faisait suite à un rapport qui avait constaté l'insuffisance des règles en matière de sécurité sanitaire des produits de santé, justifiant la création des deux agences par la « crainte qu'il puisse y avoir des interférences entre les considérations économiques et d'ordre sanitaire ' ». Bernard Kouchner, à l'origine de la création de l'ex-Agence du médicament. insistait sur la « rigueur déontologique» comme « une condition sine qua non de l'efficacité et de la crédibilité des autorités sanitaires», reconnaissant que « l'autorité de police sanitaire remet en cause par son action des habitudes, des intérèts, des pouvoirs, et cela en penmanence 5.».
La mise en place de "AFSSAPS Reprenant les compétences de l'Agence du médicament, l'AFSSAPS va s'occuper non plus seulement du médicament mais de toutes les catégories de produits de santé, regroupés dans une entité unique (médicaments, cosmétiques, 2 78
Une Indépendance en trompe-I'cell
Les commissions de
l'AFSSAPS
~ Commission d'autorisation de mise sur le marché ~ Commission consultative d'enregistrement des réactifs ... Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion des recommandations sur le bon usage des médicaments ~ Commission chargée du contrôle de la publicité en faveur des objets, appareils et méthodes présentés comme bénéfiques pour la santé ~ Commission nationale de pharmacovigilance ... Commission nationale de matériovigilance
.. Commission nationale de la pharmacopée .... Commission de cosmétologie ... Commission nationale des stupéfiants et psychotropes ~ Groupe d'experts sur les recherches biomédicales .... Groupe sur la sécurité virale des médicaments ... Commiss ion de la transparence ... Commission d'évaluation des produits et prestations .... Comité d'orientation de l'observatoire national des prescriptions et consommations des médicaments dans les secteurs ambulatoire
et hospitalier
produits sanguins, organes, tissus, cellules du corps humain, etc.), à l'exception des produits alimentaires, Elle est chargée de l'évaluation, du contrôle, de l'inspection et de la police sanitaire, Pour se donner les moyens nécessaire à sa mission, l'Agence s'est dotée de onze commissions spécialisées et d'un conseil scientifiq ue, Elle participe actuellement à la réforme sur la réglementation des plantes, Elle délivre égaIement des visas publicitaires en ce qui conceme les produits de santé qui ne sont pas des médicaments et qui voudraient vanter leurs bienfaits par certaines allégations, Elle s'occupe donc, par ce biais des visas Pp, des compléments alimentaires et de certaines catégories d'aliments, Lors des débats parlementaires, Bemard Kouchner rappelait qu'il avait été « demandé aux experts [travaillant] avec l'Agence du médicament quels étaient leurs liens avec l'industrie pharmaceutique afin que chacun sache si tel expert avait t ravaillé pour tel ou tel laboratoire », et indiquait que «cette manière de faire» était «devenue un modèle 6 », 279
Sa n té. me n so n ges e t pr o p a g a n de
Cette façon de faire avait été instaurée par le premier directeur général de l'Agence du médicament Didier Tabuteau, alors que la loi ne l'avait pas encore prévu. C'est effectivement ce modèle louable qui va être repris pour la nouvelle agence des produits de santé.
Des déclarations d'intérêts servant de paravent à la responsabilité? L'AFSSAPS a pris soin de pérenniser la cellule de veille déontologique qui avait été mise en place en 1997 sous l'Agence du médicament. Cette cellule, dirigée par un magistrat est chargée de surveiller l'application des règles déontologiques, notamment les déclarations d'intérêts. Si les rapports de l'AFSSAPS rappellent « qu'il n'y pas d'incompat ibilité de principe» à siéger à l'Agence tout en ayant des liens avec les secteurs universitaire, industriel ou de la recherche, l'Agence tente de nous rassurer en rappelant que «des régies ont été fixées afin d'assurer la transparence de ces liens 7 ». Encore faut-il que cette transparence serve à quelque chose. Pourtant, ce n'est pas parce qu'un expert ou un membre siégeant au conseil d'administration de l'AFSSAPS déclare ses liens qu'il doit être absous de tout soupçon, détenteur d'une sorte d'immunité qui lui pemnettrait de siéger partout et pour longtemps. Que l'on en juge à la lecture des déclarations d'intérêts 200 l , rendues publiques à la fo is sur Intern et et dans un fascicule relié.
Déclarations d'intérêts à l'AFssAPs (formulaire type) Les membres siégeant à l'Agence du médicament et, depuis 1998, à l'AFSSAPS doivent remplir une déclaration sur l'honneur indiquant les liens directs ou indirects qu 'ils peuvent avoir avec des organismes, des entreprises, des établissements, des sociétés de conseil ayant une activité entrant dans les domaines de compétence de l'AFSSAPS. Cette dernière précise que, lors de la toute première déclaration, « les activités à déclarer sont ce ll es exercées au cours des cinq dernières années» . invitant ainsi les experts à indiquer la date ou le caractère actuel ou passé de ces activités.
280
Une indépenda nce en t r ompe-l'œil
L'Agence définit ainsi les notions d'intérêts directs et indirects: La notion d'intérêts directs « implique la perception personnelle, directe, d'un apport en espèces ou en nature, de façon occasionnelle ou régulière; exemple : un expert se voi t confier par l'industrie pharmaceutique la rédaction de rapports concernant sa spécialité en éc hange d'une rémun ération » ; ...... La notion d 'intérêts indirects « s'entend de la même opération effectuée cette fois au bénéfice d'une personne, d'un département, d'un service avec lesquels est habituellement en rel atio n le membre visé, dont le comportement peut se trouver influencé même si cette personne ne reçoit rien à titre personnel ; exemple: une étude est réalisée par le professeur X pour le compte d'un laboratoire y, qui en échange de ce service rendu fournira de nouveaux éq uipements médicaux au se rvice ayant réalisé cette étude».
~
Le modèle de cette déclaration est le suivant: 1. Participations financières dans le capital d'une entreprise (actions .•. ): Code PF Notion de participation financière : « tout intérêt financier, y compris les valeurs en bourse, les capitaux propres et les obligations détenus dans le capital d'une entreprise pharmaceutique, d'une de ses filiales ou d'une société dont elle détient une partie du capital ». 2. Activité(s) donnant lieu à une rémunération personnelle: ~
Notion de rémunération personnelle : « activités effectuées pour le compte ou au nom des sociétés concernées impliquant une rémunération personnelle en espèces ou en nature ».
lien(s) durable(s) ou permanent(s) (contrat de travail, rémunération régulière ... ): Code LD .. Notion de liens durables ou permanents : « contrat de travail, rémunérations régulières, participation à un organe interne décisionnel ou consultatif d'une entreprise, d'une fi rme pharmaceutique ou d'une de ses sociétés filiales (ex. fonction de membre du conseil d'administratio n, d'administrateur exécutif ou à titre consultatif). II est deman dé aux personnes désignées dans les commissions au titre de la représe ntatio n d'intérêts privés de déclarer le nom de leur employeur dans cette rubrique.
281
Sant é , m e n s onges et propagande
Intervention(s) ponctuelle(s) Code IP: essais cliniques et travaux scientifiques, rapport d'expertise, activités de conseils, conférences, colloques, actions de formations ... , autres (par exemple: rémunération sous forme de prise en charge de frais de congrès à j'étranger) . ... Notion d'interventions ponctuelles: activités donnant lieu à un versement au budget d'une institution (établissement hospitalier, université, association ... ) . ... Notion de versement au budget d'une institution: sont concernées toutes les activités réalisées par l'expert ou par une personne travaillant sous son autorité ou habituellement avec lui, donnant lieu à un versement par une entreprise ou firme pharmaceutique (y compris des allocations d'études ou de recherches, des bourses universitaires ou des parrainages, des dons ou soutiens) lorsque ces fonds répondent à des fins collectives.
3. Autre(s) lien(s) (sans rémunération) Code SR: parentes) salarié(s) dans des entreprises visées ci-dessus (conjoint. parent, enfant, frère et sœur), autres. ~ Notion d'autres liens sans rémunération: il s'agit des liens financiers ou professionnels qui concernent un membre de la famille de l'expert : conjoint, ascendants ou descendants, collatéraux immédiats, y compris de leur conjoint ... Par souci du respect de la vie privée, l'indication du nom des membres de la famille est facultatif; seule la nature du lien de parenté et le nom de la société doivent être mentionnés.
Je, soussigné ...... .. ................. , déclare par la présente sur mon honneur qu'à ma connaissance tous les intérêts directs ou indirects susceptibles de porter atteinte à l'objectivité dont je dois faire preuve dans le cadre de mes mandats sont énumérés ci-dessus. Je m'engage en outre, si je devais acquérir ou détenir des intérêts autres que ceux mentionnés ci-dessus, à les déclarer immédiatement.
282
Une indépendance en trompe·I 'œ ll
Des commissions scientifiques qui savent {( accueillir» les laboratoires Sur six cent soixante-cinq personnes siégeant à l'AfSSAPS dans les diverses commissions ou au conseil d'administration, quatre cent quinze (c'est-à-dire 62,4 %) déclarent des intérêts. Seules deux cent sept personnes (3 1,1%) ne déclarent aucun lien, sous réserve que ces déclarations soient exactes. Par exemple, on remarquera que certaines personnes déclarent ne pas avoir de liens alors qu'elles occupent des fonctions dans les ordres professionnels (alors que d'autres experts, eux, les ont bel et bien déclarés) ou dans certains syndicats pharmaceutiques, ce qui démontre que les déclarations peuvent ne pas être complètes. Or des déclarations tronquées peuvent tomber sous le coup de l'article 441-1 du code pénal pour «faux et usage de faux 8 », avec à la clé des sanctions pouvant aller jusqu'à quatre ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (presque 300 000 F). Sur l'ensemble des déclarations, quarante-trois personnes (6,5 %) ne renvoient même pas leur déclaration ... Certains laboratoires sont présents pas moins de trente-cinq fois par l'intermédiaire des personnes siégeant à l'agence. Ces laboratoires réussissent l'exploit. grâce à des doubles casquettes, de siéger quarante fois dans les commissions! À titre d'exemple: six personnes ayant des liens avec le laboratoire concemé sont présentes dans la commission pharmacopée, onze personnes dans la commission AM M, qui délivre les précieuses autorisations pour mettre sur le marché un médicament. neuf dans la commission cosmétologie, deux dans le groupe d'experts sur les recherches biomédicales sur le médicament. une dans la commission publicité, une autre dans le groupe sécurité virale, une dans la commission de la transparence s'occupant d'accorder les autorisations pour le remboursement à la Sécurité sociale des médicaments, trois dans la commission pharmacovigilance et trois autres dans celle de la matériovigilance! Ajoutons une personne siégeant à la commission enregistrement des réactifs et une autre à la commission des stupéfiants, sans oublier une personne - et nous parlons toujours du même laboratoire - qui occupe un poste au conseil scientifique (un organisme chargé de conseiller les grandes orientations de la politique scientifique de l'Agence). 283
Santé. mensonges et propagande
Comment joindre l'utile à J'agréable Un même laboratoire est donc capable d'être présent successivement ou simultanément dans la quasi-totalité des commissions. On pourra aisément se rendre compte que les postes stratégiques sont investis en force dans les commissions-clés: onze personnes dans la commission AMM et six dans la commission pharmacopée
Une profession de foi battue en brèche Bernard Kouchner. alors secrétaire d'État à la Santé, indiquait dans une belle profession de foi en 1997, lors de la création de cette nouvelle agence, que «cette indépendance [devait) se concrétiser par l'existence d'un service public totalement dégagé des intérêts économiques du secteur» et « la définition de règles strictes pour les experts, externes à l'administration, qui collaborent à ses travaux 9 ». Il semble que l'objectf ait été manqué. Cette réflexion est d'ailleurs partagée par le sénateur Adrien Gouteyron, auteur d'un rapport sur l'AfSSAPS 10. « L'Agence, dit-il, ne saurait pas vraiment s'assurer de l'indépendance de l'expertise externe, ni même de son expertise interne.» Et de citer comme exemple un épisode presque caricatural de la « guerre» entre laboratoires. L'AfssAPS « aurait embauché un agent provenant du secteur privé qui ne serait resté que huit mois, au cours desquels il aurait contrôlé les activités de l'entreprise concurrente de son entreprise d'origine avant de retourner travailler dans cette dernière!» 284
Une ind é pendance en trompe· l 'œil
Si le rapport rappelle la nécessité de remplir des déclarations d'intérêts pour l'ensemble des experts, il souligne aussi que «ces bonnes intentions» se sont «heurtées aux faits », prenant notamment l'exemple de l'information médicale sur les médicaments qui n'a pas été largement diffusée par l'Agence, une carence qui conduit les médecins à consu~er le Vidal"~. Le sénateur Gouteyron relève à propos de ce dictionnaire, considéré comme la bible du médicament pour les professionnels de santé, que «si celui-ci est financé par les laboratoires pharmaceutiques privés, les notices qu'il contient sont rédigées le plus souvent par des membres de la commission d'AMM, évidemment rémunérés pour cette activité !»
Un absentéisme important Mais ce n'est pas tout Nous lisons dans les rapports d'activité de l'AFSSAPS qu'en 2000 et 200 1 le conseil d'administration s'est réuni sept fois et le conseil scientifique cinq fois. Le sénateur Gouteyron met en lumière l'absentéisme important au sein de ces deux organismes-clés. Il évoque qu'en 2002 certaines personnes (représentants des ministères) n'ont jamais mis les pieds dans les réunions du conseil d'administration. Au conseil scientifique, la situation est pire encore puisqu'à plusieurs reprises des réunions ont dû être reportées en raison de l'absentéisme de nombreux membres. Le sénateur explique, suite à l'enquête qui a été réalisée au sein de l'AFSSAPS, qu'entre le 9 février 200 1 et le 29 mai 2002 «treize membres du conseil scientifique n'ont jamais participé à plus de la moitié de ses réunions », tandis que deux membres n'ont jamais partcipé à aucune réunion. Il termine en s'interrogeant «sur la véritable implication de certains des membres des conseils de l'Agence et, par conséquent, sur le rôle de ces instances ». En fait, quand on voit le nombre d'activités, de fonctions occupées par la três grande majorité des membres de l'Agence, on comprend mieux leur absent éisme. Le cumul des activités et des intérêts ne permet pas d'assurer continuellement un travail de qualité, une présence effective, en bref la rigueur nécessaire aux enjeux sanitaires portés par l'AfSSAPS. 11. Dictionnaire des médicaments faisant l'inventaire des compositions, des utilisations, des risques. etc., des médicaments.
285
Santé. mensonges et propagande
Des règlements intérieurs très « intérieurs» Les règlements intérieurs de l'AFSSAPS viennent compléter l'organisation de l'Agence, pour mieux gérer les conflits d'intérêts en particulier. Des règlements intérieurs relatifs à chaque commission ont vu le jour et, comme l'indique l'AFSSAPS elle-même dans son rapport 200 l, {( la majorité d'entre eux sont entrés en application au cours de l'année 200 1», soit depuis deux ans. Cela permet de savoir ce qui se passe à l'intérieur de la maison AFSSAPS. Jusque-là tout est normal. C'est après que les choses se compliquent. Nous avons demandé ces règlements intérieurs, qui comme par hasand ne sont pas accessibles par Intemet, et voici la réponse qui nous a été faite: « La cellule de veille déontologique ne souhaite pas la diffusion des règlements intérieurs approuvés, car ils font encore l'objet de réflexions qui entraîneront une modification de contenu pour affiner et compléter les articles méritant de l'êt re. Désolée.» Aucun texte juridique ou administratif. sous prétexte qu'il est en cours de modification, ne fait échec à l'application de la version déjà adoptée. Voulant en avoir le cœur net. nous avons insisté directement auprès de la cellule de veille déontologique. Comme elle n'a pas répondu tout de suite, nous avons relancé la collaboratrice, qui nous a indiqué que la cellule de veille déontologique allait être supprimée pour être organisée différemment dans les services. Concemant les règlements intérieurs, une réponse écrite nous infomnera par la suite que, sur l'ensemble des quatorze commissions, seuls trois règlements intérieurs étaient visibles, mais en cours de modification. Bref. la transparence, ce n'est pas leur truc, à l'AFSSAPS; un vrai bunker. On ne peut qu'être étonné de constater que les règlements intérieurs de l'Agence, créée en 1998, soit cinq années avant que ce livre ne soit écrit, ne sont encore ni prèts, ni opérationnels, ni visibles. L'AFSSAPS est pourtant une continuité de l'Agence du médicament, créée dès 1993. Cela fait donc dix ans que les autorités n'ont pas le temps de mettre en place les règlements intérieurs qui régissent les procédures au sein de l'Agence! Par ailleurs, ce défaut d'accessibilité aux règlements intemes des commissions ne pemnet pas aux acteurs de l'industrie phamnaceut,que qui font une demande précise de jouer à {( égalité des amnes» puisqu'ils n'ont pas connaissance de la 286
Une Indépendance en trompe· l 'œi l
procédure. Le trartement de la demande sur le plan juridico-administratif est donc vicié à la base. Cela est d'autant plus curieux que l'autre jeune agence, celle des aliments (AfSSA), créée en 1998 et opérationnelle depuis 1999, dispose de son régiement intérieur depuis octobre 2000. Celui-ci nous a été transmis...
Quid de l'AFssA 1 Aux côtés de l'AFSSAPS, l'AFssA al lait se sentir moins seule puisqu'elle étart créée par la même loi du 1" juillet 1998. L'AFssA a un champ de compétences plus restreint: l'alimentation et les produrts vétérinaires. Elle est également dotée de moins de pouvoir car elle est avant toute chose une instance de référence pour l'expertise, sans réel pouvoir de police excepté dans le domaine vétérinaire. Tout comme l'AFSSAPS, l'AFSSA dispose d'un directeur général, d'un conseil d'administration et d'un conseil scientifique. À cela viennent s'ajouter dix comités d'experts spécialisés. Bref. de quoi travailler sérieusement pour protéger et favoriser notre précieuse santé.
Liste des comités d'experts spécialisés ... Nutrition humaine
.. Microbiologie .. Biotechnologie ... Résidus et contaminants chimiques et physiques ..... Alimentation animale ~ Matériaux au contact des denrées alimentaires ... Additifs, arômes et auxiliaires technologiques
.. Santé animale .. Eaux ... Encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles
287
Santé. mensonges et propagande
Un vrai challenge pour l'AFSSA: favoriser de bons comportements nutritionnels L'objectif de l'AfSSA est ni plus ni moins que d'assurer la protection de la santé humaine 12, Ce vaste programme se traduit par une compétence nettement affinmée dans le domaine de l'expertse, L'agence est avant tout chargée de faire des expertises qui vont aider à la prise de décision, Ce rôle d'expert est omni. présent dans ses textes fondateurs: «Elle fournit au gouvernement l'expertise et l'appui scientifique qui lui sont nécessaires 13 [ ... J elle recueille les données scientifiques et techniques nécessaires à l'exercice de ses missions [ .. ,J, elle procède ou fait procéder à toutes expertises, analyses ou études nécessaires; elle met en œuvre les moyens permettant de mesurer les évolutions des consommations alimentaires et évalue leurs incidences sanitaires 14 », le tout en veillant à « l'indépendance des études et contrôles» réalisés IS, Mais l'agence des aliments ne reste pas cloîtrée; elle communique, informe les consommateurs que nous sommes 16, Ce rôle est d'autant plus crucial pour l'avenir que, dans son rapport 2002-2003,I'AfSSA relève qu'il ya 10% d'enfants obèses en France 17, et qu'elle titre page 19 de ce même rapport: «Plus de 30 % des cancers liés à l'alimentation? » Nous aurons donc compris que la qualité, la loyauté, la véracité de l'information nutritionnelle qui est délivrée aujourd'hui produiront des effets positifs ou négatifs dans les vingt ans qui viennent; c'est dire combien il est fondamental que cette information, tant vers les professionnels de santé que vers les consommateurs, soit « propre », libérée de tout intérêt économique qui pourrait polluer son objectivité,
. Une volonté politique farouche C'est sans conteste l'objectif qui était visé lors de la création de cette nouvelle agence sanitaire, « Il faut que l'Agence de sécurité sanitaire des aliments soit un centre d'expertise indépendant [ .. ,J. Il faut essentiellement qu'elle acquière, auprès de l'opinion, une crédibilité qui ne pourra lui être assurée que par son 288
U ne indépe n dance en t r ompe· l 'œil
indépendance par rapport au pouvoir politique et au pouvoir économique. Cette cnédibilité, nous l'obtiendrons non pas, comme vous l'avez dit. Monsieur le Secrétaire d'État, par une intervention plus appuyée de l'État, mais par l'indépendance et la qualité de nos chercheurs et de nos experts, et par la pertinence de leurs avis.» Des propos tenus par le sénateur Charles Descours 18. Et Bernard Kouchner de surenchérir: «L'institution d'une agence à forte capacité d'expertise, indépendante de toute influence et hautement spécialisée, loin de constituer une néforme en trompe-l'œil [ ... J, manquera une étape décisive pour la sécurité alimentaire 19. » Qu'est-il advenu de ces belles intentions?
Vous avez dit «indépendance par rapport au pouvoir politique» 1 Un conseil d'administration décidément très « administratif» Tout d'abord, l'AFSSA est un «établissement public de l'État sous tutelle des ministères chargés de l'Agriculture, de la Consommation et de la Santé ». La triple tutelle ne nous échappera pas. Son organisation (fixée par un décret du 26 mars 1999) n'est pas anodine non plus. Sur les vingt-cinq membres qui composent son conseil d'administration -lequel détermine la politique générale de l'Agence - , douze repnésentent l'État; le pnésident du conseil d'administration, lui, est nommé 'o par décret du pnésident de la République". Treize membres sur vingt-cinq repnésentent donc l'État. Les ministères de la Santé, de la Recherche, de l'Agriculture, de la Consommation, du Budget. de l'Environnement et des Affaires étrangères y siègent. Le conseil d'administration a seulement le« droit » d'élire en son sein un vice-pnésident Vous nous direz que, dans les commissions scientifiques, l'État aura peut-être su se faire discret À voir.
Des scientifiques sous étroite surveillance Le conseil scientifique de l'AFSSA 22 veille à la cohérence de la politique scient ifique de l'agence. Sur les seize membres qui y siègent. dix sont choisis en raison de leur compétence scientifique. Bien. Mais par qui ? Par les ministères de la 289
Santé. mensonges et propagande
Santé, de l'Agricu ~ure et de la Consommation. Quid du président du conseil scientifique? Eh bien, il est encore nommé, certes aprés avis de ce conseil scientifique, par arrêté conjoint des ministres de la Santé, de l'Agriculture et de la Consommation, parmi les dix scientifiques déjà nommés par ces mêmes ministères. Les autres membres composant ce conseil scientifique sont les présidents des conseils scientifiques de l'AFSSAPS, de l'Institut de veille sanitaire et de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (ces trois présidents étant tous nommés par décret), ainsi que trois représentants des personnels de l'AFSSA. Ah, il ne faut pas oublier que les réunions du conseil scientifique se t iennent en présence des trois ministères de t utelle, qui ne prennent néanmoins pas part aux votes. Le directeur général de l'Agence est encore nommé par décret du président de la République 23 . Quant aux comités d'experts spécialisés, ses membres sont nommés par arrêté interministériel (c'est-à-dire des trois ministères de tutelle) aprês un appel à candidature, sur proposition du directeur général et après avis du conseil scientifique. Bref, le « pouvoir politique », si nobles soient ses intentions, est omniprésent dans tous les organismes qui composent cette agence, directement ou indirectement, que ce soit pour des fonctions purement juridico-administratives ou purement scientifiques. Même si le principe qui doit gouverner le fonctionnement de telles agences est celui d'une séparation entre 1'« évaluation des risques» et la «gestion des risques », donc la distinction nette entre le rôle scientifique et le rôle politique, l'organisation de l'AFSSA suscite des questions. «Ce principe existe au niveau européen », rappelait en 1998 à l'Assemblée nationale le député François Loos. « II est vertueux d'essayer de le mettre en œuvre 24 .»
Un arsenal juridique au service d'une noble cause ; l'indépendance des experts Le maître mot du fonctionnement de l'Agence, nous l'avons bien compris, c'est l'indépendance des scientifiques, des experts. C'est effectivement ce qui ressort de la loi 25. Les membres des comités et des conseils doivent donc effectuer une déclaration d'intérêts lors de leur entrée en fonction. Ils ne peuvent ni 290
Une indépendance en trompe-l'œil
siéger ni prendre part aux votes, aux débats, aux délibérations ou aux travaux lorsqu'ils ont un intérêt direct ou indirect à l'affaire qui est examinée par l'organisme auquel ils appartiennent ou participent Ce principe de transparence des liens économiques et de prévention des conflits d'intérêts est du reste rappelé dans le règlement intérieur de l'AfSSA, ce qui confirme les règles déontologiques qui doivent être appliquées pour le bon fonctionnement de l'Agence. Concrètement, l'expert doit se retirer si, sur le thème abordé par la commission, il y a pour lui conflit d'intérèts. Si ces règles ne sont pas appliquées et qu'un conflit d'intérêts appara1t, il y a tout d'abord des sanctions disciplinaires, puis le code pénal prend le relais avec la prise illégale d'intérêts fixée à l'article 432- 12, et sanctionnée par cinq ans de prison et 75000 euros d'amende (près de 500000 francs !). Cette infraction est classée dans le code pénal sur les « atteintes à l'administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique » dans le livre IV sur les « crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique ». Plus précisément, ce délit fait partie « des manquements au devoir de probité» après la concussion et la corruption.
l'organisation juridique de l'indépendance Article L 1323-9 du code de la santé publique Les agents contractuels [ ... ] ne peuvent, par eux-mêmes ou par personne interposée, avoir, dans les entreprises ou établissements en rel atio n avec l'agence, aucun intérêt de nature à compromettre leur indépendance. Les agents précités sont soumis aux dispositions prises en application
de l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique
et des procédures publiques. Les personnes collaborant occasionnellement aux travaux de l'agence et les autres personnes qui apportent leur concours aux conseils et commissÎons siégeant auprès d'elle, à l'exception des membres de ces conseils et commissions, ne peuvent, sous les peines prévues à
l'article 432-12 du code pénal, traiter une question dans laquelle elles auraient un intérêt direct ou indirect [ ... ]. Les membres des commissions et conseils siégeant auprès de l'agence ne peuvent, sous les mêmes peines, prendre part ni aux délibérations ni aux votes de ces instances s'ils ont un intérêt à l'affaire examinée [ ... ].
291
Santé. mensonges e t propagande
Les personnes mentionnées aux deux alinéas précédents adressent au directeur général de l'agence, à l'occasion de leur nomination ou de leur entrée en fonctions, une déclaration mentionnant leurs liens, direct ou indirects, avec les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans son champ de compétence , ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ces secteurs. Cette déclaration est rendue publique et est actualisée à leur initiative dès qu'une modification intervient concernant ces liens ou que de nouveaux lien s sont noués. L'interdiction prévue au premier alinéa de l'article L 41 13-6 est applicable aux personnes mentionnées aux cinquième et sixième alinéas. Est interdit le fait, pour les entreprises mentionnées au premier alinéa de cet article, de proposer ou de procurer à ces personnes les avantages cités dans cet alinéa. Les personnes mentionnées aux cinquième et sixième alinéas ci-dessus sont également soumises aux di spositions du premier alinéa de
l'article L 41 13-13. En cas de manquement à ces dispositions, l'autorité administrative peut mettre fin à leurs fonctions.
À qui la faute? Quelle est la situation de l'expert en cas de conflit d'intérêts? L'AFssA est très claire à ce sujet : dans une «note sur la responsabilité des experts», elle explique que« l'expert bénéficie [ .. .] de la protection administrative de l'AFSSA contre les poursuites civiles et pénales et contre les attaques subies dans l'exercice de ses fonctions ». Elle ajoute qu'en cas de faute liée à l'exercice même de la fonction d'expert c'est l'AFSSA<< qui supporte la néparation du dommage ». Mais les choses changent s'il y a faute personnelle de l'expert et que celle-ci n'est plus liée à l'exercice même de la fonction d'expert mais à un comportement individuel. C'est le cas du conflit d'intérêts. L'Agence rappelle que «pour se couvrir d'une faute personnelle qui engagerait sa responsabilité propre et l'exposerait à des sanctions disciplinaires, l'expert doit en t outes circonstances conserver son indépendance
et agir dans l'intérêt public ». Elle indique que,
«concrêtement, l'expert se protège en attestant sur l'honneur qu'il jouit de ses 292
Une indépendance en trompe· l'œil
droits civiques, la probité de l'expert étant reconnue jusqu'à preuve du contraire, [et] en déclarant éventuellement ses liens ».
Des intérêts économiques «confortables» Tout cela part d'un très bon sentiment, mais reste à savoir ce qui se passe en pratique. Puisque ces déclarations d'intérêts sont mises en place au nom de la transparence, il devrait être possible de les trouver en ligne sur Intemet, comme c'est le cas pour les députés européens et les membres des agences européennes. En réalité, il faut les réclamer. Après en avoir fait la demande, nous avons reçu une brochure reliée intitulée N° 1 déclarations publiques d'intéréts contenant les fameuses déclarations d'intérêts. Qu'en ressort-il ?Eh bien, c'est pire encore que pour l'AfSSAPS, puisque le nombre de personnes détenant des intérêts est de trois cent trente-sept sur cinq cent vingt-six, soit 64, 1%. Le nombre de personnes ne déclarant aucun intérêt est de cent trente et un, soit 24,9 % (contre 31 % à l'AfsSAPS). Les experts qui, n'ayant pas de «temps à perdre en futi lités », ne renvoient même pas leur fiche de déclaration d'intérêts (ils se croient sans doute au-dessus des lois et de tout soupçon) sont au nombre de cinquante-huit, soit 11% (contre 7 % à l'AFSSAPS). À cela s'ajoutent quatre experts pour lesquels aucune mention ne figure: on ne sait pas s'ils ont des intérêts ou pas, ou s'ils n'ont tout simplement pas renvoyé leur formu laire ! Ce qui est sûr. c'est que personne ne semble traumatisé par l'obligation de déclarer ses intérêts.
Des sociétés et des organismes omniprésents: au nom de quels intérêts ? Et si l'on y regardait de plus près. Puisque nous parlons de nutrition, allons donc à la rencontre des experts siégeant ou collaborant au comité d'experts Nutrition humaine. Sur les soixante-quatre personnes liées à ce comité, quarante-deux experts déclarent avoir des intérêts (65,6 %), onze déclarent n'avoir aucun lien (17,2 %), 293
Santé. m enso n ges et propagande
tandis que neuf ont encore « oublié» de renvoyer leur déclaration (14, 1%), Bre~ ce comité a réussi à faire « mieux encore» que la moyenne globale de l'agence, De grands groupes de l'industrie agroalimentaire apparaissent liés à plusieurs experts, L'un d'entre eux, grâce aux personnes siégeant au comité Nutrition humaine par décret, lesquelles sont au nombre de vingt-neu~ est« représenté» pas moins de treize fois, ce qui constitue presque la moitié (44,8 %) des membres du comité! Ce même groupe à l'activité agroalimentaire très large et diversifiée est d'ailleurs tout de même «représenté» trente fois sur les cinq cent vingt-six membres de l'AFSSA (soit 5,7 %), On s'étonnera à peine d'une telle «concentration» de ce groupe industriel, par experts interposés, justement au sein du comité Nutrition,
Cumul de
« mandats» préoccupant
Enfin, on reste perplexe face à la multiplicité des fonctions occupées par une même personne: de deux à cinq postes différents au sein de l'AFSSA, et ce en plus des fonctions professionnelles qui la font vivre, bien sûr. Les qualités de disponibilité et de présence aux réunions sont indispensables, sans compter le travail, parfois lourd à réaliser, en dehors des réunions, Bre~ quelle qualité de travail possible, et donc quelle valeur pour les avis émis par l'Agence, si les experts cumulent trop de fonctions 1 Pourtant, le cumul semble de mise au sein de l'Agence, puisque sur les cinq cent vingt-six personnes qui déclarent leurs intérêts en 200 1 cent quatre-vingttrois occupent plusieurs fonctions (soit 34,8 %), pouvant aller jusqu'à siéger dans cinq groupes ou comités différents! Au conseil scientifique et dans les comités d'experts, des cumuls existent aussi pour neuf personnes (un siège dans le conseil et un ou plusieurs sièges dans les comités), Parfois viennent s'ajouter des cumuls de postes entre les deux agences, AFSSAPS et AFSSA. Plus surprenant encore est le cumul entre une présence au conseil d'administration de l'AFSSA et une présence dans un ou plusieurs groupes d'experts, Le conseil d'administration est en principe conseillé par les scientifiques 26 puisqu'il doit décider de l'orientation générale prise par l'AFSSA, et la règle qui doit aussi penmettre une objectivité et un partage des responsabilités est d'éviter que ceux 294
U ne
i n dépe n da n ce e n t ro m pe- l 'œ i l
qui «évaluent le risque» soient les mêmes que ceux qui vont «gérerce risque ». Il est important qu'il y ait une distinction, par séparation des fonctions, entre le pouvoir politique et le pouvoir scientifique, qui ne devraient pas s'entremêler. C'est d'ailleurs pour cette raison que le code de la santé publique a prévu que « les fonctions de membre du conseil d'administration sont incompatibles avec la qualité de membre du conseil scientifique », sans néanmoins interdire expressément le cumul entre comités d'experts et conseil d'administration. Cinq experts cumulent les fonctions entre expertise et conseil d'administration, Intrigués par ce type de cumuls entre l'administratif et le scientifique, ainsi que par le nombre de postes scientifiques occupés par certains experts, nous avons interrogé l'AFSSA, qui nous répondit qu'il y avait effectivement bien cumul des fonctions ...
Expert du secteur public ou du secteur privé? Si les intérêts économiques sont pesants en raison des intérêts liant les experts aux groupes agroalimentaires ou pharmaceutiques, le secteur public est loin d'être absent du paysage, offrant ainsi un drôle de kaléidoscope de l'expert ise où rien n'est totalement public ni totalement privé. Q u'on en juge. Tous les présidents des comités d'experts sont issus du secteur public: hôpitaux, CHU, organismes de recherche publics (CNRS, INRA, INSERM, etc.). Ce n'est pas tout: les vingt-neuf membres siégeant au comité d'experts Nutrition de l'AFSSA - et beaucoup d'autres encore dans d'autres comités de la même agence - sont également issus du secteur public, principalement du milieu hospitalier. Pourtant. paradoxalement. ces mêmes experts issus du service public déclarent très majoritairement des intérêts avec des entreprises du secteur privé, comme Findus, Servier. Sanofi, Danone, Masterfoods, Nestlé, Coca-Cola. Candia. etc. (des essais et des travaux scientifiques sont en effet fréquemment réalisés). L:exercice sera d'autant plus délicat pour rester dans un cadre autorisé que tout fonctionnaire doit se consacrer à sa fonction publique comme le prévoit une loi du 13 juillet 1983 ", l'article 25 précisant qu'il ne peut« exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ». Bien sûr. la règle suprême de « non conflit d'intérêts », protectrice de l'intérêt général, est affimnée haut et fort dans un décret de 1983 28, la violation de cette règle entraînant la «nullité de la décision ». 295
Santé. mensonges e t pr opagande
Textes relatifs aux fonctionnaires Loi du 13 juillet 1963 nO 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires ~
Article 25, alinéa 1"
Les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. ~
Article 25, alinéa 2
Les fonctionnaires ne peuvent prendre, par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette derni ère, des intérêts de nature à compromettre leur indépendance. ~
Article 29
Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exe rcice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction di sci plinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi
pénale.
Décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre (tadministration et les usagers ~
Article 13
Les membres d'un organisme consultatif ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en fait l'objet. La violation de cette règle entraîne la nullité de la décision subséquente lorsqu'il n'est pas établi que la participation du ou des membres intéressés est restée sans influence sur la délibération, la violation de cette règle entraînant la nullité de la décision.
L'AFSSA:
presque un avis par jour
Nous avions vu dans nos chapitres précédents que l'AFSSA avait émis différents avis sur le sujet qui nous intéresse: créatine, compléments alimentaires, etc. Sur les trois demières années, de juin 2000 à juin 2003, le nombre de fois où 296
Une
indépendance en
trompe- l' œil
l'AFSSA a été saisie (on appelle cela des« saisines ») a été d'environ trois cent cinquante par an 29. Sur ces trois cent cinquante saisines, trois cent dix-hu~ avis ont été rendus, les avis rendus en matière nut~ionnelle venant juste après les questions liées à l'eau (25 %), so~ en deuxième pos~ion avec 18 % JO. Bien sûr; ces avis vont avoir un impact sur la politique nutmionnelle. Mais qui peut saisir l'AFSSA ?Tout d'abord les trois ministères de tutelle (Santé, Agricu~ure et Consommation): ensu~e, les associations de consommateurs agréées depuis un décret du 13 décembre 2000: enfin l'Agence peut s'autosaisir. Les industriels concernés ont demandé à pouvoir également saisir l'AFSSA. Cette demande a reçu écho en 2002 auprès du CNA (Conseil national de l'alimentation), chargé d'émettre des avis.
Sueurs froides, ou l'art de la communication administrative Cette demande de saisine de la part des sociétés ou des industriels concernés par le secteur de l'alimentation et des compléments alimentaires est plutôt bienvenue lorsqu'on voit combien il est difficile d'obtenir (un vrai parcours du combattant) des autorisations pour certaines catégories de produ~, notamment destinés à l'alimentation humaine. Lorsqu'un fabricant de produ~ alimentaires ou de compléments nut~ionnels veut mettre sur le marché un produit qui ne rentre pas dans les textes français, il do~ demander une autorisation à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui dépend du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie i) sur la composition ou le procédé de fabrication de son produit. Pour cela, il lui faut avant l'avis d'un ou de plusieurs com~és de l'AFSSAPS, dont très souvent celui du com~é d'experts Nutrition. Comme la loi française n'a pas prévu de saisine directe de l'Agence par les acteurs de l'agroalimentaire, eh bien c'est «très simple»: il faut passer par la DGCCRF, qui transmet votre dossier et tous les commentaires qui vont avec, en espérant qu'elle ait bien saisi l'enjeu technique du dossier... qui va déterminer l'issue de l'avis qui sera émis par l'AFSSAPS: positif ou négatif. De quoi avoir des sueurs froides.
2 97
Santé. mensonges et propagande
Des experts invisibles; autorisation mission impossible! De plus, lors de ces demandes d'avis émis par les industriels, les experts de l'AFSSAPS ne sont pas« visibles», c'est-à-dire qu'ils peuvent refuser de vous rencontrer, et se contenter des contacts avec la OGCCRF par courrier et par téléphone. Le système est tellement «efficace» qu'il permet d'émettre un avis sans jamais avoir entendu le fabricant, et en se targuant, de surcroît, de pouvoir indiquer qu'il manque de nombreuses pièces au dossier... qu'il faudrait se donner la peine de lire pour certaines puisqu'elles peuvent déjà avoir été fournies 3 '. Pour les pièces manquantes, avant d'émettre un avis négatif. encore faudrait-il demander au fabricant s'il peut les fournir, ce qui est souvent le cas. Les choses vont tout de suite mieux lorsque l'on arrive à obtenir le règlement intérieur de l'AFSSA Que dit-il ?L'inverse de ce qui est dit par la OGCCRf aussi bien que par l'AFSSA, à savoir que l'auteur de la saisine peut être entendu comme le prévoit l'article 22. Le fabricant aussi peut d'ailleurs être reçu par les experts, comme l'indique ce même règlement intérieur. Dans un cas précis que nous avons été amenés à connaître, un nouvel avis a été demandé par le fabricant. Après un rendez-vous dans les locaux de la DGCCRf, et après avoir invoqué le règlement intérieur, dernier «coup de chapeau» de l'AFSSA: il faut refaire tout le dossier, déjà instruit depuis plus de deux ans, car ils viennent d'émettre de nouvelles normes sur le sujet faisant l'objet de la demande. Tant pis si le dossier déjà déposé est scientifiquement « béton» et a déjà fait l'objet d'une autorisation en alimentation animale, cela histoire de vous remercier de la qualité de votre produit et de vos compétences. Une seule critique néanmoins, il ne fallait pas être novateur. C'est certain, il vaut mieux laisser nos fabricants français partir développer à l'étranger et en Europe leurs gammes de produits, qui là-bas reçoivent le respect et l'écoute nécessaires. Malheureusement, en France, la communication est souvent fondée sur la règle du « non» systématique et sur la répression. Dommage car, pour le coup, cela ne sert pas les intérêts économiques de la France!
Des agences sanitaires à reformer et à démocratiser
La santé des personnes doit primer sur toute autre considération. notamment économique. HE RVÊ GAYMARO n , ministre de l'Agriculture
l'industrie alimentaire: un géant économique
à placer sous haute surveillance Nous l'avons bien compris, l'enjeu est important Important, pourquoi? Pour notre santé bien sOr, mais pour le porte-monnaie des industriels aussi! Les chiffres parlent d'eux-mêmes. D'après ceux prèsentés par l'Association nationale des industries alimentaires (ANlA) en 2002, le chiffre d'affaires de l'industrie alimentaire est de 134 milliards d'euros.« L'industrie alimentaire est le premier secteur industriel français, loin devant l'industrie automobile ou l'industrie électrique-électronique. Elle se situe au premier rang européen devant l'Allemagne, et occupe la deuxième place mondiale derrière les États-Unis.» La France est également le premier exportateur au monde de produits aliment aires transformés. L'industrie alimentaire passe même devant l'industrie pharmaceutique, dont le chiffre d'affaires pourtant rondelet n'est pas de nature à déprimer les responsables de ce secteur: 34 milliards d'euros, dont 42 % à l'exportation 33. La France, là encore, est le premier producteur européen de médicaments et le troisième exportateur mondial 34. La situation est clairement posée et clairement entendue. Plus un secteur économique est puissant plus les 299
Santé. mensonges et propagande
règles d'éthique et de surveillance doivent être respectées car les conflits d'intérêts potentiels se démultiplient
L'État c'est moi! Pour autant, nous l'avons vu, les choses sont loin d'être idéales en termes de fonctionnement institutionnel au sein de nos agences sanitaires: un pouvoir politique omniprésent, un secteur privé qui flirte constamment avec le secteur public, des liens économiques nombreux, un cumul de fonctions impressionnant. des déclarations d'intérêts non remplies ou mal remplies ... Ce qui ressort nettement de tout cela, c'est que les consommateurs que nous sommes sont loin d'envahir les commissions, les conseils et les comités de tous poils de nos agences sanitaires qui, pourtant, ont pour objectif affiché de nous protéger en garantissant la qualité de nos aliments (alertes en cas de danger. la « vache folle» par exemple) et de notre alimentation (une alimentation vraiment saine et équilibrèe à court, à moyen et à long tenme). Comment? En délivrant une infonmation claire, loyale et transparente. À partir de quoi? D'expertises et d'avis rigoureux et objectifs. Nous ne voulons pas être protégés malgré nous. Nous voulons participer et être présents. Nous voulons avoir un oeil sur nos experts et savoir ce qui se passe dans ces châteaux forts de la science. Les ministères ne sont finalement que nos représentants. Les experts, eux, accomplissent une mission de service public; à ce titre, ils nous sont redevables de comptes et d'explications. Ils sont nos humbles serviteurs, à qui nous devrions pouvoir faire confiance. En bref. l'État c'est nous, les consommateurs 1
Les consommateurs: les grands absents des agences sanitaires Curieusement, ceux que l'on est censé protéger. c'est-à-dire les consommateurs, sont quasiment absents, tant de l'Nssm (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) que de l'AFSSA (Agence française de sécurité 300
Des age nce s sanitaires à ref o rm e r et à démocratiser
sanitaire des aliments). En effet la présence et la participation des usagers de la santé, des consommateurs, est presque nulle, laissant la part belle à l'État et à l'industrie. À l'AFSSAPS, sur dix-neuf personnes composant le conseil d'administrat ion, une seule représente les consommateurs. À l'AFSSA, sur vingt-cinq personnes, seulement deux représentants des associations de consommateurs agréées. Et ailleurs, où est le consommateur? Dans les conseils scientifiques? Dans les commissions scientifiques? Encore moins. Point de consommateur à l'horizon; nous sommes dans la sphère scientificopolitique, un domaine très réservé où nos petites cervelles ne tiendraient pas le choc; pour pas nous perturber, l'État français a soigneusement omis de nous faire figurer dans l'ensemble des structures composant les agences sanitaires.
Les consommateurs davantage représentés dans les agences étrangères Pourtant cette situation française n'est pas reproduite à l'identique partout. La Belgique a créé, également en 2000 35 , une agence compétente en matière alimentaire, l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Les valeurs y sont « objectivité », «indépendance» et «compétence ». Pour cela. elle a également prévu un système de déclarations d'intérêts. Elle a mis en place un comité consultatif chargé de conseiller l'agence, comité où l'on trouve neuf représentants des consommateurs 36 aux côtés des scientifiques! Les États-Unis vont encore plus loin, puisqu'ils incluent les consommateurs ou les malades dans le déroulement des commissions de t ravail. Ce sont de véritables représentants des consommateurs ou des patients, appelés consumer representatives ou patient representatives. L'objectif est d'associer les consommateurs aux décisions d'ordre médical et scientifique. Ces représentants doivent donner leur point de vue, servir de liaison entre le comité et les consommateurs concernés, les associations et les groupements de consommateurs, faciliter le dialogue entre les consommateurs et le comité. Les consommateurs doivent cependant être capables d'analyser des données, de comprendre l'enjeu de la recherche et de discuter des bénéfices et des risques en évaluant l'efficacité du produit analysé. Ils ont un rôle dans les délibérations. Pourquoi les Français n'en seraient-ils pas 301
Santé. m e nsonges et propagande
capables? Les Belges et les Américains auraient-ils un quotient intellectuel supérieur au nôtre ?
Plus de consommateurs dans les agences sanitaires: proposition pour une réforme La loi française « droits des malades et qualité du système de santé» de mars 2002 a fait en ce domaine des progrès, puisqu'elle a prévu d'organiser des auditions publiques sur des thèmes de santé publique 37 ; il Y serait question, d'après les propos de Bernard Kouchner 38, de débats publics annuels sur des t hèmes de santé publique. Des débats publics exceptionnels, c'est très bien; une participation constante des consommateurs au sein des agences sanitaires, c'est beaucoup mieux, surtout lorsque l'on prétend assurer une réelle « démocratie sanitaire» selon l'un des intitulés de la loi «droits des malades ». Dans un schéma classique, les consommateurs seraient représentés par les associations de consommateurs agréées par les pouvoirs publics.
Associations agréées: au service de l'État ou des consommateurs? Encore faut-il que ces associations agréées par l'État restent libres et qu'elles ne se croient pas obligées d'épouser la «cause» des pouvoirs publics. Difficile en effet de garder son indépendance lorsque l'on dépend directement du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, comme c'est le cas pour l'Institut national de la consommation (lNe) avec sa revue 60 Millions de consommateurs. D'après une enquête menée par Isabelle Chaperon en mai 200 139, les associations agréées sont en fait financées par l'État La journaliste explique ainsi que les dix-huit associations agréées se sont partagées en 2000 pas moins de 50 millions de francs (761 084,81 euros) de subventions, ces dernières étant accordées en fonction de certains critères, comme le nombre d'adhérents ou le nombre d'activités de représentation. Cela n'empêche pas certaines associations de clamer haut et fort leur indépendance, en faisant de cette qualité un appel publicitaire. 302
Des agences sanitaires à refor m er et à démocratiser
Ce type de financement est d'ailleurs parfaitement organisé sur le plan juridique puisqu'une ligne budgétaire est carrément prévue dans la loi de finances, le bureau compétent de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) nous expliquant que les financements sont accordés en prior~é aux associations de défense des consommateurs agréées. Bien sOr: agréées par l'État et financées par l'État. Tout cela, c'est une grande et belle famille. Le montant des subventions totales accordées « plafonne» donc à 761 084,8 1 euros, avec deux orientations possibles : un financement pour le fonctionnement global de l'association ou le financement d'actions spécifiques sous forme de conventions passées avec la DGCCRF. Quand on connalt le retard réglementaire de la France en matière de compléments alimentaires composés de plantes et de minéraux ainsi que le nombre de poursu~es engagées contre les fabricants, les distributeurs, les importateurs ou les professionnels de santé - plaintes provenant souvent de la DGCCRF (émanation de l'État), qui encourage les associations de consommateurs à se const~uer partie civile (un comble, alors que les fabricants se battent pour un libre accès aux compléments alimentaires avec un vrai statut juridique !), et jugées ensu~e par la justice. que le Parquet représente (émanation de l'État également) -, on aura du mal à croire à l'objectiv~é de toutes les associations de consommateurs qui sont financées par l'État Comment faire progresser la réglementation dans l'intérêt véritable des consommateurs si les associations de consommateurs sont financées par ceuxlà mêmes qui financent la DGCCRF, laquelle engage les poursuites en justice? La DGCCRF va jusqu'à se constituer partie civile dans ce type de procédures en réclamant des dommages et intérêts, histoire de remercier ceux qui se battent depuis des années pour que la loi change, justement dans l'intérêt des consommateurs, la France ayant dans ce domaine des lois dignes de l'homme préhistorique. Difficile dans ces conditions de pouvoir continuer à faire confiance aux associations agréées, qui pourraient const~uer des sortes d'antichambres ministérielles car «juges et parties».
lOl
Santé. mensonges et p r opagande
À quand des jurés-consommateurs dans les agences sanitaires 1 Dès lors, on pourrait imaginer une autre façon de faire: tirer au sort des personnes qui deviendraient des «jurés-consommateurs» (comme il en existe pour les procès d'assises) et siégeraient dans les commissions de nos agences, Le problème étant le minimum de compétences requises pour pouvoir comprendre le cheminement des travaux et le déroulement de la procédure, un appel volontaire à candidatures pourrait être lancé, qui permettrait de constituer des listes puis, à partir de celles-ci, d'effectuer le tirage au sort. Autre idée: recenser l'ensemble des associations de défense des droits des malades, du secteur médical et de la santé ayant au moins cinq années d'existence et procéder à un tirage au sort des associations destinées à représenter les consommateurs dans les comités et les commissions de travail des experts. Ces personnes représentant les consommateurs seraient également soumises à une déclaration d'intérêts, car elles pourraient participer aux débats et aux délibérations avant le vote, voire même voter.
Pour des « audiences publiques» du conseil d'administration Les consommateurs, les citoyens que nous sommes pourraient d'autre part assister aux réunions du conseil d'administration, tout comme la justice est publique. C'est déjà une réalité à Bruxelles, où l'EFSA (European Food Safety Authority, ou Autorité européenne de sécurité des aliments) a prévu que «le conseil d'administration [tienne] ses réunions en public 40 ». Bruxelles a aussi prévu que des représentants de consommateurs, sur décision du conseil d'administration, puissent participer en tant qu'« observateurs» aux travaux de l'EFSA. La transparence, c'est un beau mot; c'est encore mieux quand la pratique vient donner à ce mot une réalité concréte.
304
Des agences sanitaires à reformer et à démocrat ise r
Les déclarations d'intérêts à prend re « un peu» plus au sérieux À l'étude de l'ensemble des déclarations d'intérêts françaises, nous avons pu constater que certains avaient carrément« omis» de déclarer leurs liens, et que d'autres les avaient« sous-évalués ». Ce genre de situation ne doit plus se reproduire. Il faut rendre véritablement obligatoire ce que certains experts tendent à considérer comme facultatif. De même, il est indispensable que chaque expert indique sa profession (hospitalier. chercheur. etc.), celle-ci n'étant quasiment jamais visible. Pour cela, le formulaire pourrait être modifié, en rappelant les risques encourus en cas de fausses déclarations. Les déclarations d'intérêts devraient par ailleurs être envoyées en recommandé avec accusé de réception, et effectuées chaque année de telle sorte que des listes annuelles à jour p~issent être établies. L'AFSSAPS explique en effet - c'est le même système à l'AFSSA - que, depuis le 1" mars 1999, le système de déclaration annuelle a été transformé en déclarations événementielles. Or. en permettant à l'expert de ne se m:inifester qu'en cas de changement de ses liens, on favorise le laxisme et le caractère totalement anodin de cette déclaration. Enfin, la nomination devrait êt re subordonnée à la déclaration d'intérêts. Un expert qui n'aurait pas renvoyé sa déclaration ne devrait ni pouvoir siéger ni même entrer en fonction. Sans déclaration, il n'y a aucun moyen de vérifier l'existence d'un conflit d'intérêts, ce qui devrait rendre nulles les délibérations.
S'abstenir plus souvent dans les réunions serait «parfois» bienvenu De même, durant les réunions, comme le prévoit le Guide de fonctionnement des commissions et conseils de l'AFSSAPS, une récusation systémat ique et effective doit avoir lieu en cas de conflit d'intérêts, c'est-à-dire que l'expert ne doit pas siéger. Or il ne semble pas que cela soit toujours de mise, surtout lorsque les groupes économiques «représentés» par leurs experts sont des groupes qui touchent à de nombreux secteurs de l'agroalimentaire. 3 0S
Sant é . men s onges et prop a g a nde
Cela est d'ailleurs visible dans le cadre du groupe de t ravail Oméga-3 qui a eu lieu en 2002, O n peut lire dans l'introduction du rapport " : « La qualification de certains experts, requise pour cette évaluation des allégations, a conduit au fait que certains des membres du groupe étaient impliqués dans des travaux scientifiques financés par des industriels concernés par le développement des acides gras oméga-3, Compte tenu de leur implication directe dans l'élaboration des apports nutritionnels conseillés CANC), leur participat ion au groupe de travail était néanmoins préférable dans l'optique d'une cohérence entre l'expertise des ANC et celle des allégat ions, )} Il Y a eu ici confl it d'intérêts conscient et volontaire, mais avoué, C'est alors le procès-verbal de chaque séance qui va permettre de consigner les intérêts déclarés, la liste des présents, les incidents de procédure et. bien sûr, le compte rendu de séance. C'est à partir de ce compte rendu qu'il est possible ou non, selon sa précision, de déceler des conflits d'intérêts et des violat ions de procédure. Encore faut-il que ces comptes rendus soient visibles.
Pou r une véritable transparence des déclarations d'intérêts Effectivement. on ne peut pas dire que toutes les données soient communiquées au public, loin s'en faut. La procédure de sélection des experts est une grande inconnue, surtout lorsque l'AFSSAPS écrit « les appels à candidature d'experts n'ont pas fait l'objet d'une publicat ion au Journal officiel )}, Comment avoir un large choix d'experts si l'information sur le recrutement reste limitée ? De plus, les noms exhaustifs accompagnés des professions des personnes siégeant dans les conseils d'administration, dans les conseils et dans les comités scientifiques ne sont ni sur Internet ni dans les rapports d'activité, lesquels sont de moins en moins complets, Les déclarations d'intérêts ne sont pas visibles sur le site Internet de l'AFSSA, contrairement à celui de l'AFSSAPS ; il faut écrire pour les avoir De plus, ces déclarations ne sont pas à jour puisqu'on lit dans le recueil n° 1 des déclarations d'intérêts de l'AFSSA que « le formulaire de déclaration publique d'intérêts a été adressé à chacun des membres des commissions de l'AFSSA au moment de leur nomination en leur indiquant qu'il leur appartenait de le compléter et de signaler ensuite toute modification de leur situation. Un cour306
Des agences sanitaires à reformer et à d émoc ratiser
rier a été adressé individuellement aux membres des commissions en juillet 2002 afin qu'ils puissent valider les déclarations qui allaient être publiées. En l'absence de réponse, c'est la demière déclaration transmise à l'Agence qui figure dans le présent document.» Rappelons qu'à l'heure où nous écrivons ce livre nous sommes fin 2003 .. . À Bruxelles, les choses sont trés différentes. Les experts, les membres du conseil d'administration notamment, de l'EFSA sont tenus de procéder à trois déclarations: une déclaration de confidentialité, une déclaration d'intérêts et une déclaration d'engagement, qui donne cela: «Je m'engage par la présente à agir indépendamment de toute influence exteme. En particulier, je sais que je suis tenu de faire annuellement une déclaration d'intérêts écrite et de déclarer à chaque réunion du comité scientifique, des groupes scientifiques ou de leurs groupes de travail tout intérêt pouvant être considéré comme préjudiciable à mon indépendance d'esprit par rapport aux points à l'ordre du jour.» On fait donc prendre conscience à l'expert de l'importance de la déclaration d'intérêts qui, non seulement, est annuelle, mais doit être révisée par la personne concernée dès qu'une modification se produit. En France, cette déclaration semble être plus une démarche d'ordre administratif sans grande conséquence qu'une démarche de rigueur éthique entraînant des conséquences en temnes de responsabilités pénale, administrative et disciplinaire.
Mince alors, je ne pourrai plus m'exprimer tranquillement! À l'Agence européenne (EFSA) par ailleurs, dans les intérêts à mentionner, figurent également« l'expression officielle d'opinions personnelles sur des questions se rapportant aux questions abordées par le conseil d'administration», comme les publications ou les déclarations publiques. À ce propos, la loi française a été modifiée, et c'est une bonne chose. Dorénavant, depuis la loi« droits des malades» du 4 mars 2002 42, les membres des professions de santé sont tenus, avant de s'exprimer oralement ou par écrit sur un produit de santé, d'indiquer leurs liens éventuels avec l'industriel chargé de la vente de ce produit En cas de manquement, des sanctions disciplinaires sont prévues. Certains vont sûrement se trouver coincés. 30 7
Santé. mensonges et propa ga nd e
Pour une vraie transparence: le libre accès à l'ensemble des informations Il est en effet crucial que toute l'information relative au fonctionnement des agences sanitaires puisse circuler. ce qui constitue encore un rivage un peu lointain. Aucune donnée n'est transmise au sujet des procès-verbaux de réunions (liste des présents, incidents éventuels de procédure, déclarations d'intérèts effectuées durant la réunion, etc.). Autre anomalie, non seulement les règlements intérieurs de fonctionnement des agences sanitaires ne sont pas sur les sites des agences, mais ils ne figurent pas non plus dans les rapports d'activité annuels. De plus, quand on fait des démarches pour les obtenir - plus précisément pour l'AFSSAPS - , c'est le parcours du combattant. L'Agence européenne pour l'évaluation des médicament (EMEA), créée en 1993, a quant à elle prévu dans son code de conduite 43 la mise à disposition la plus large possible de celuici « à tout citoyen en faisant la demande ». L'AFSSA ne joue pas non plus le jeu de la t ransparence. C'est ainsi que, dans un rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale ...., la Cour évoque « un document approuvé par le conseil d'administration » de l'AFSSA d'octobre 2000 définissant les partenariats avec le secteur privé, document d'autant plus important qu'il concerne le financement de l'AFsSA. Ce document n'est publié nulle part, ni sur Internet ni dans le rapport d'activité, au demeurant moins complet dans sa version papier que dans la version sur CD-Rom (cette dernière implique, pour lire le rapport, de disposer d'un ordinateur. ce que tout le monde n'a pas). À la décharge de l'AFSSA, nous avons obtenu ce document après en avoir fait la demande. Enfin, pour garantir une totale transparence et une parfaite objectivité, et ainsi penmettre un «droit de savoir » des consommateurs, les réunions pourraient être totalement enregistrées. Cela penmettrait de tenir compte de toutes les subt ilités des débats et des avis minoritaires, que les consommateurs et les ministères sont en droit de connâÎtre.
3 08
Des agences sanitaires à reformer et à démocrati se r
Le droit à la parole pour la minorité scientifique? L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), créée en janvier 2002 ' s, prévoit d'ailleurs expressément que les avis minoritaires doivent être rendus publics. Le règlement intérieur" du comité scientifique et des groupes scientifiques de l'EFSA indique que les avis minoritaires doivent être« attrbués à leurs auteurs» et qu'ils doivent comprendre «l'argumentation avancée à leur appui ». L'Europe a même prévu une procédure spécifique en cas d'avis scientifiques divergents" entre organismes. L'objectif est d'établir un document commun entre l'agence européenne et l'organisme qui partage un avis différent detel!e sorte que ce document soit rendu public. Pour l'AFSSA, c'est plus flou. Son règlement intérieur indique plutôt que les divergences doivent« refléter» dans le compte rendu, sans nécessairement exiger que les avis minoritaires soient intégralement reproduits et diffusés. Or l'avis minoritaire d'aujourd'hui peut être en fait la réalité d'aujourd'hui ou celle de demain, aussi chacun est-il en droit de connaître cette« minorité scientifique ».
Pour une communication réelle entre les agences sanitaires et les consommateurs S'il est bien de prévoir une présence effective des consommateurs, à la fois en quantité et en qualité, au sein même de nos deux agences, encore faut-il que le consommateur à l'extérieur de ces mêmes agences puisse obtenir des informations en dehors d'Intemet et puisse faire part de ses remarques et de ses griefs éventuels. C'est pour cela que la Belgique a prévu la mise en place d'un «point de contact permanent où le consommateur peut obtenir des informations objectives et déposer des plaintes individuelles concemant la qualité et la sécurité alimentaire 48 ». Les citoyens européens ne sont pas oubliés, puisque Bruxelles a prévu une «consultation des citoyens» de «manière ouverte et transparente, directement ou par l'intermédiaire d'organismes représentatifs» en matière d'élaboration, d'évaluation ou de révision de la législation alimentaire". 309
Santé. me n songes et propagande
Bruxelles et les Européens seraient-ils davantage capable de dialoguer que les Français entre eux?
Le financement des agences: un gage d'indépendance douteux Les agences, pour l'essentiel, sont financées par des fonds de l'État et de l'industrie (taxes et nedevances), et le moins que l'on puisse dine c'est qu'elles ne sont pas en faillite. La Cour des comptes mentionne «leur aisance financière »50 et explique que les nessources des agences ont connu une croissance rapide entre 1998 et 2001 . Le budget de l'AfsSAPS est passé de plus de 61 millions d'euros à pnesque 86 millions, soit une augmentation de 29 %. Celui de l'AfSSA est passé de presque 35 millions d'euros à plus de 61 millions, une progression de 42 %. La Cour des comptes explique que ces agences auraient même trop de fonds non utilisés en raison d'une «sous-consommation» entraÎnant une« accumulation de moyens financiers 51 ». D'autres financements, de moindre importance, interviennent aussi, comme les ressources propnes des agences provenant de la rémunération de services rendus. Et c'est là que les choses se compliquent. Les agences neçoivent égaIement des fonds privés pour la réalisation de travaux, d'essais, d'analyses, etc., demandés par les laboratoines. À l'inverse, elles peuvent accorder des subventions. Quid de leur indépendance? La Cour des comptes indique ainsi 52, pour l'AfSSAPS, que « les critènes d'attribution des subventions sont imprécis, engendrant des interrogations, comme le montne la longueur des débats au sein du conseil d'administration ». La Cour précise aussi, à propos de ces collaborations avec l'extérieu" que des précisions devront être apportées dans les règlements intérieurs pour« mettne fin aux incertitudes actuelles s3 .
Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais Enfin, nous appnenons que le conseil d'administration de l'AfSSA a approuvé en octobne 2000 un document - lequel ne se trouve pas sur Intemet ou dans 310
Des agences sanitaires à ref ormer et à démocratiser
les rapports d'activité - définissant précisément le cadre de ces partenariats avec l'extérieur afin d'éviter « tout conflit d'intérêts institutionnel S4 ». Après en avoir fait la demande par courrier électronique, nous avons obtenu ce document, dans lequel on remarquera que certains experts font figurer sur leur déclaration d'intérêts le nom de l'AFSSA au titre de sommes qui leur seraient versées. Il sera donc difficile d'envisager des mesures de sanction lors de contrôles ou de réalisations d'analyses qui se révéleraient négatives et devraient faire l'objet d'une alerte des pouvoirs publics si les agences reçoivent des fonds pour procéder à ces mêmes analyses ... car il y conflit d'intérêts. Pour autant, on apprend (après en avoir fait la demande écrite par courrier électronique) que dorénavant des clauses spécifiques et des conditions plus précises sont prévues lors de la réalisation d'analyses faites par l'AFSSA pour des partenaires privés. L'une d'entre elles notamment indique que « l'AFSSA se réserve le droit de communiquer aux autorités compétentestout résultat ou toute information obtenus dans le cadre de l'exécution du présent contrat qui feraient apparaltre un risque pour la santé humaine ou animale », Encore heureux! Il est grave qu'il faille l'écrire, On conviendra néanmoins que la double mission de faire des analyses pour le secteur privé et de prétendre ensuite (à juste titre) alerter les autorités en cas de problème, pour que d'éventuelles poursuites soient engagées, est quelque peu contradictoire, Il en va de même pour l'AFSSAPS: percevoir des redevances pour les mises sur le marché des médicaments tout en étant censé exercer un pouvoir de contrôle et de police sur ceux-là mêmes à qui on a accordé les autorisations peut troubler l'esprit. Bref. éclaircir la situation à ce sujet, c'est peut-être le moins que l'on puisse faire, car si, d'un côté, on fait signer des déclarations d'intérêts aux experts et que, de l'autre côté, l'institution elle-même ne respecte pas les règles éthiques, susceptibles d'ailleurs d'entraîner sa responsabilité, elle est en bien mauvaise posture pour montrer l'exemple à ses experts". D'ailleurs, il serait souhaitable que l'agence elle-même publie une déclaration d'intérêts mentionnant tous ses liens et partenariats avec l'extérieur. Bien sûr, cette déclaration devrait figurer noir sur blanc dans les rapports d'activité,
311
Santé. mensonges et propagande
Pour un financement économiquement et politiquement neutre Entre poids politique et poids économique mon cœur balance. Financement, quand tu nous tiens ... Certes, c'est le nerf de la guenre, et les agences pour fonctionner doivent avoir des fonds. Ces fonds ne doivent pas pour autant « acheter» leur indépendance au prix de notre santé. Pour un financement plus neutre, pourquoi ne pas envisager des subventions directes de l'État moins importantes, inférieures d'au moins 50 %, et le financement de l'autre partie par les laboratoires concernés sous forme de taxes, qui seraient créées ou prélevées à partir de la 1VA? Chaque aliment, chaque complément alimentaire, chaque produit alimentaire comporterait à l'achat un pourcentage qui serait reversé à l'AFSSA. Cette formule pourrait être reproduite à l'identique pour les médicaments achetés afin de financer indirectement l'AFSSAPS. Cela rendrait du même coup anonyme le financement par les laboratoires, qui seraient tous logés à la même enseigne.
Pour un maximum d'experts sans liens économiques Les experts, nous l'avons vu, sont souvent étroitement liés au secteur privé. Il serait souhaitable qu'aucun d'eux n'ait de liens avec ce dernier, mais ce n'est pas forcément possible compte tenu du nombre d'experts nécessaire pour mener à bien l'ensemble des avis et des expertises. Des aménagements pourraient néanmoins être faits, comme celui de prévoir au moins 50 % d'experts qui n'auraient pas de liens. Ce n'est pas parce qu'un expert n'a aucun lien avec un secteur qu'il est incompétent, contrairement à ce que certains pourraient penser et voudraient nous faire croire. Il est par ailleurs inadmissible que, dans une même commission, de nombreux scientifiques aient des appartenances avec les mêmes groupes ou les mêmes laboratoires. Il faudrait donc s'assurer qu'il n'yen ait pas plus d'un ou de deux issus de la même « appartenance» industrielle. La seconde option possible serait de ne pas permettre à quelqu'un de siéger dans le cas d'intérêts directs, 312
De s age nce s sanitaires à reformer et à démocratiser
comme c'est le cas pour l'EFSA. L'existence d'intérêts directs (avantages personnels au moment de la déclaration) est incompatible avec la qualité de membre à quelque niveau que ce soit. Si la personne désignée veut rester en fonctions, elle doit prendre ses dispositions pour mettre fin au confiit 55. Pourquoi les Français ne pourraient-ils pas faire de même ?
Pour une participation des experts étrangers et/ou européens Par ailleurs, la France ne fait appel qu'à des experts français alors que rien ne l'empêche de recourir à des scientifiques européens ou étrangers, comme le fait la Belgique par exemple. Cela permettrait d'éviter trop de liens de proximité entre l'industrie française et l'expert et apporterait une contribution scientifique incontestable. La Belgique a justement prévu dans sa réglementation que le comité scientifique soit composé d'experts non seulement belges mais aussi intemationaux 56, ce que la France n'a en revanche pas prévu. L'exemple de la créatine développé dans un chapitre précédent est éloquent Si la France s'était rapprochée des experts étrangers, elle aurait découvert qu'elle faisait erreur en affirmant que la créatine est cancérogène. À l'heure de l'Union européenne, c'est un leurre de penser que la seule connaissance est détenue par des Français.
Arrêtons le surmenage: les 35 heures ne sont apparemment pas pour les experts! Des experts plus neutres, mais aussi moins surmenés; telle pourrait être l'évolution des conditions de réalisation des expertises et des avis. Nous avons montré que de nombreux cumuls de postes avaient lieu, notamment entre le conseil scientifique et les comités ou les commissions spécialisées. C'est à se demander si nos experts dorment la nuit La France ne prévoit dans sa réglementation qu'une absence de cumul entre le conseil scientifique et le conseil d'administration, mais rien sur le reste des possibles cumuls. Aucune règle de non-cumul n'a été fixée. III
Santé. mensonge s et propagande
Il serait bienvenu tout d'abord d'éviter les cumuls entre le conseil scientifique de l'AFSSAPS et le conseil scientifique de l'AFSSA puisque nous avons remarqué une personne qui cumule ces postes, sans du reste mentionner dans sa déclaration AFSSAPS qu'elle siège aussi à l'AFSSA. Il est ensuite important de prévoir un noncumul entre le conseil scientifique et les comités spécialisés. Par ailleurs, il devrait être impossible à un même expert de cumuler jusqu'à cinq fonctions différentes au sein des agences. Il faut limiter les postes à deux comités d'experts spécialisés (AFSSA) ou à deux commissions (AFSSAPS) et limiter la participation aux groupes de travail, qui devraient davantage s'ouvrir sur des personnalités extérieures. Un tel cumul génère de l'absentéisme et de mauvais travaux. Faire beaucoup, vite et bien; cela va rarement ensemble.
Manque de participation: pas de fonction! En établissant une règle de cumuls limités, on limite le manque d'engagement des experts. L'Europe «sanctionne» d'ailleurs le manque de présence de ses experts et des membres du conseil d'administration. Pour ce demier. le réglement intérieur prévoit ni plus ni moins que le membre peut être remplacé s7 . Pour les experts siégeant dans les instances scientifiques européennes, le règlement intérieur indique que les membres qui ne contribuent pas efficacement au travail peuvent être purement et simplement remplacésSS. La France ferait bien de s'inspirer de cet exemple. Voilà en somme de quoi réfléchir...
Des agences sanitaires à reformer et à dém ocratise r
Un entretien avec le premier directeur général de l'Agence du médicament" Didier Tabuteau est le créateur et le premier directeur général de l'Agence du médicament. 11 est l'auteur de La Sécurité sanitaire (Berger-Levrault, 2002) et rédacteur en cher de la revue Sève: les tri-
bunes de la santé. ISABELLE ROBARD - En tant que premier directeur général de l'Agence du médicament, vous êtes à l'origine de la mise en ploce des déclaratÎons d'intérêts pour les experts siégeant dans cette agence. Qu'est
DIDIER TABUTEAU - Avec le recul, il y a deux raisons essentielles qui m'ont poussé à cela. 1) La réflexio n que nous avons eue par rapport à l'affaire du sang contaminé. Il est tout à fait évident que le rôle de juge et partie permanent que jouait le Centre national de transfusion sanguine dans le système était une inversion de toutes les règles déontologiques. 2) Et puis, dès les premières semaines qui ont suivi ma nomination, j'ai eu un rapport sur les pratiques de laboratoire qui mettait en lumière un certain nombre de dysfonctionnements dans ce secteur. J'ai eu l'impression que la place de l'expertise entre les industriels et les pouvoirs publics n'était pas clairement définie. De plus, cinquante problèmes par jour nous tombaient sur la tête. Face à cette avalanche de problèmes - problèmes sanitaires, médiatiques, politiques - , on m'a appelé plusieurs fois par semaine en me disant: « Vous êtes viré.» La pression était très forte. Pendant quelques mois, on a eu "impression qu'on avait le précipice en permanence, que tout était bloqué. Et donc, je me suis construit ma petite feuille de route avec quelques principes et points centraux, de façon très empirique Dans ces exigences, il était très clair que, pour pouvoir être in traitable avec l'industrie, aussi puissante soit-elle, il fallait être d'un très haut niveau scientifique et absolument irréprochable. On pouvait bien châtier dans le cadre des pouvoirs de police de l'Agence que si on avait une indépendance de jugement et un très haut niveau. Les deux éléments sont indissociables. Non par angélisme. Le sujet, c'est de concilier le plus haut niveau scientifique et la plus grande déontologie possible. Il faut couvrir ces deux objectifs à la fois . Si l'on en privilégie un par rapport à l'autre, on a un vrai risque de dérapage. ll5
S a nt é . m e n s ong e s et pr o pagand e
IR - VOUS
semblez toujours très intéressé par ce sujet.
DT - Oui, car c'est un sujet essentiel pour la santé publique. On est loin d'être au terme de la réflexion. C'est quelque chose que "on a appris dans des conditions difficiles et douloureuses. Il y a encore beaucoup de travail à faire. C'est une thématique que je poursuis, tant à travers des publications qu'au sein d'une association, Ingérence santé. Pas dans le cadre d'une mission officielle. IR - Une cellule de veilfe déontologique avait également été mise en place à l'Agence du médicament pour surveiller justement l'application des principes éthiques. DT - Oui, cela procède de la même démarche. Il y avait des règl es à fixer, car le droit français était particulièrement en retard par rapport à la déontologie. On a légalisé ces règles en 1998 et confirmé ces règles dans 1. loi sur les droits des malades. Je suis allé voir les commissions siégeant à l'Agence pour leur dire « dorénavant il y aura des déclarations d'intérêt à faire et on les rendra publiques.» Il n'y avait pas de texte à l'époque. Je reste quand même convaincu que dans ces domaines il faut des textes pour que le droit soit clair et sans ambiguïté. Puis, il y a eu une seconde étape, car le droit ne suffit pas et il faut le faire appliquer. Et pour le faire appliquer, le fait d'avoir des règles crée un autocontrôle parce qu'il y a déjà des gens qui vien nent vous en parler. C'est intéressant de voir qui s'est intéressé en premier aux déclarations d'intérêts : en fait, il y a un contrôle social qui s'exerce par la presse, l'industrie concurrente, etc. Vous avez un jeu de surveillance, parfois de dénonciation. Il y a aussi la responsabilité des pouvoirs publics de s'ass urer du mieux possible que ce qui est déclaré est bien respecté. Ce n'est pas facile sur des centaines d'experts qui tournent en permanence - c'est tout de même des grosses machines - et donc j'avais souhaité recruter un magistrat et mettre en place une cellule de veille déontologique. IR - Apparemmen~ cette cellule de veille déontologique va être supprimée. Par ailleurs, tout en parlant éthique et transparence, if se trouve que toutes les commissions qui siègent à "AFSSAPS n'ont pas établi de règles de fonctionnement, d'organisation interne. Trouvez-vous normal aujourd'hui que l'AFSSAPS n'ait que trois règlements intérieurs visibles sur quatorze commissions. alors que sa création date de 1998 ?
DT - Les règles résultent du droit positif. Les règlements intérieurs
ne peuvent rien ajouter. Ce dont il faut s'assurer, c'est que le droit 316
Des agences sanitaires à reformer et à d é mocratis e r
positif est respecté. Le règlement intérieur est une façon d'aider à ce qu'il soit respecté. Plus on les développe mieux c'est. Ceci dit encore une fois, le sujet principal, c'est que l'administration puisse s'assurer que sur chaque dossier les rapporteurs n'ont pas d'intérê ts ou s'ils ont des inté rêts, que ces intérêts sont justifiés. Les règlements intérieurs précisent la procédure. Les commissions qui n'ont pas de règlements intérieurs sont astreintes aux mêmes règles déontologiques que les autres. IR - Les règlem ents intérieurs ~xent les règles du jeu pour les industriels qui viennent présenter leurs dossiers en vue d'obtenir des autorisations ou un avis positif avant la mise sur le marché de leurs produits. Dans ma pratique d'avocat, je dois dire que cela relève du parcours du combattant que de pouvoir obtenir les autorisations en connaissant les règles du jeu. Trouvez-vous cela normal?
DT - Il n'y a pas de débat contradictoire, on dépose des demandes. Ce que vous dites est très important mais ne relève pas des règlements intérieurs. La façon dont on convoque les gens, comment on organise les débats, ces règles-là doivent être fixées dans les textes, je suis cent fois d'accord avec vous, mais pas dans les règlements intérieurs. Il faut que les textes réglementaires soient éventuellement plus précis sur, notamment, la procédure contradictoire et la façon dont on peut obtenir les informations qui résultent des commissions, cela relève alors des décrets, c'est très clair. C'est pourquoi je dis que l'on a fait une grande étape du droit de la déontologie, mais on n'a pas été jusqu'au bout du processus. IR - L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) n'a pas prévu que les industriels puissent la saisir directement pour demander des autorisations ou des avis. Le Conseil national de l'alimentation a émis un avis favorable pour cette saisine. On est confronté à ce problème: la Répression des fraudes présente les dossiers des industriels à la place des industriels concernés, ce qui aboutit très souvent à des avis négatifs car le dossier a été mal soutenu tant sur le plan scientifique qu'administratif. l'AFSSA répondant parfois même qu'il manque des pièces dans le dossier ... pièces pourtant déjà fournies. Cela ne l'empêche pas de rendre un avis négatif.
DT - C 'est vrai sur l'alimentaire, car l'alimentaire n'est pas soumis à autorisation ; il n'y a pas de procédure directe entre les industriels et l'Agence sanitaire des aliments. On a donc cette difficulté. Il faut sans
317
Santé, mensonges et propagande
doute adapter les règles, car on a décalqué tout ce qui pouvait l'être de l'AFSSAPS ou de l'Agence du médicament, mais il y a des choses qu'il faut adapter parce que les règles ne sont pas les mêmes. À l'AFSSAPS, cette question ne se pose pas, la plupart des dossiers sont sur demande directe des industriels. Cela ne me choque en rien, au contraire, que les industriels puissent saisir directement l'AFSSA. Il ne faut pas non plus que cela soit l'excuse pour les industriels de faire faire des expertises gratuites et sans intérêt pour la santé publique. Je crois qu'il faut bien en délimiter le champ. IR -
Pensez-vous que la présence des représentants des consommateurs
au sein des agences sanitaires soit suffisante? DT - Non, c'est clairement non. Maintenant que le mouvement associatif est structuré, a une expertise propre, je crois que les consommateurs peuvent non seulement accéder aux instances de type conseil d'administration, mais doivent être présents dans les instances scientifiques, en particulier à la commission de la transparence (commission déterminante où les industriels sont présents et où les consommateurs, les représentants des malades ne sont pas présents). je crois que c'est une anomalie qu'il faudra corriger. Évidemment, les associations ont la capacité de participer aux instances scientifiques. Ce n'est pas seulement par souci de transparence ou par principe moral, c'est aussi un problème d'efficacité technique. On a des problèmes soulevés par les usagers qui font avancer la réflexion ou lancent l'alerte sanitaire.
IR - Pensez-vous qu'un expert compétent est nécessairement un expert qui a des liens?
Non, Mais je n'estime pas non plus qu'un expert qui a des liens ne soit pas un expert compétent. Mais il y a bien sOr de nombreux experts très compétents qui n'ont pas de liens. Cela dépend des secteurs. Les bons experts sont très sollicités. Il y a de très bons experts à qui des industriels posent des questions et qui ne se font pas rémunérer, qui ne créent donc pas de liens d'intérêt. Cela existe. Des universitaires de la santé qui ne sont pas rémunérés ne rechignent pas à donner un avis, à consulter un dossier, car c'est important pour eux d'avoir "information et c'est important pour le laboratoire d'avoir leur avis. DT -
318
Des agences sanitaires à reformer et à démocratiser
Donc on peut très bien avoir de grands experts qui ont un mode de fonctionnement différent. Ce qui à mon avis est insurmontable, c'est d'être le consultant d'un laboratoire. C'est très différent d'avoir un lien sur un produit, car ce lien a souvent une origine assez légitime, par exemple la participation à des essais cliniques ou à des recherches. C 'est en revanche très différent d'être consultant d'un laboratoire, parce que là on est consultant attitré pour l'intérêt du laboratoire en général. Le type de lien n'est plus du tout le même. Je n'exclue pas qu'on puisse être expert mais, dans ce cas-là, je crois vraiment que quand un produit du laboratoire ou d'un laboratoire directement concurrent est en discussion, il ne faut pas que l'expert participe, il faut que l'expert se déporte systématiquement. THI ERRY SOUCCAR - Dans le domaine de l'alimentation, on est confronté à des situations qui sont proches et en même temps un peu différentes, où par exemple des experts nommés pour édicter des recommandations nutritionnelles sont conseils de grands groupes de l'agroolimentaire. [}T - Cela me pose un vrai problème de principe. Cela dit, je pense quand même que le fait d'être consultant d'une entreprise ne doit pas exclure de l'expertise, mais dans des domaines où l'entreprise n'i ntervient pas. Alors, établir des recommandations, cela ne va pas de soi.
TS -
Comment se foit-il qu'il n'y ait pas de garde-fous?
Les règles de non-conflit d'intérêts s'appliquent aussi au domaine de l'alimentation. D'ailleurs, dans la loi « droits des malades », on a imposé pour les experts de la santé que, lorsqu'ils prennent des positions dans un colloque, ils doivent obligatoirement indiquer s'ils ont de te ls liens. Dans ce cas-là, c'est très différent. Chacun Je sait, chacun peut donc savoir. Mais il faut l'afficher clairement. DT-
L'AFSSA a publié un livre de recommandations nutritionnelles rédigé par des experts dont certains ont des liens directs avec des industriels concernés par ces recommandations. À votre sens, ces liens auraient-ifs dû paraÎtre dans le livre même?
TS -
DT - Oui. il faut les mentionner s'ils ne "ont pas été par ailleurs. Dès lors qu'on les rend publics, le débat peut se nouer.
Pourquoi vous n'avez pas été associé au fonctionnement ou à la création de l'Agence fran çaise de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), qui a remplacé l'Agence du médicament ?
TS -
319
Sant é. m e nson g e s et pr o pa ga nde DT - Tout simplement parce que je me suis dis, quand je suis arrivé à l'AFSSAPS, que ce sont des postes que l'on ne doit pas exercer plus de trois à cinq ans. Trop difficile, trop exposé, trop permanent. A aucun moment il ne faut tomber dans une petite routine. j'avais par ailleurs d'autres projets, comme la couverture maladie universelle (CMU) ou la loi sur les droits des malades, sur laquelle j'ai travaillé durant une année.
Que faut-il manger pour vivre mieux et plus longtemps?
Le guide pour manger sainement, de Harvard
Je pense qu'il ya un problème sérieux quand les recommandations nutritionnelles sont sous le contrôle d'un organisme dont les membres entretiennent des liens étroits avec l'agroh usiness , parce que leur influence. pour ne citer que l'industrie de la viande et du lait. est
très puissante. [ ... ] Je serais bien plus à l'aise si ces recommandations étaient sous la responsabilité d'une organisation non gouvernementale. Professeur WALTER WILlETT. École de santé publique
de l'université Harvard, Boston. Massachusetts
En 200 l, la France a édiaé des recommandations nutritionnelles dans le cadre du PNNS (progromme national Nutrition-Santé). Certaines sont incontestables. D'autres ont
vingt ans de retard. Découvrez en exdusivité d-après le «guide pour manger sainement», un programme a/tematif élaboré par les meilleurs experts du monde.
Un bon programme En janvier 200 l, le ministère de la Santé a lancé avec le ministère de l'Agriculture un grand programme d'éducation et d'information d'une durée de cinq ans pour amener les Français à mieux s'alimenter afin de prévenir les maladies chroniques. Ce programme, le PNNS, est une excellente initiative. Certains des 323
Santé . men s onges et propagande
conseils qui y figurent comme celui de consommer plus de fruits et de légumes, et de manger moins de sucres simples, sont particulièrement bienvenus. Pour le reste, malheureusement. le PNNS ne remplit pas sa mission et entret ient la confusion. Plus inquiétant : certaines des recommandations qu'on y trouve n'auront probablement pas l'effet recherché, et pourraient même conduire à une détérioration de la santé avec augmentation de l'obésité et du diabète. Nous avons choisi de présenter au public français et aux membres du corps médical et paramédical qui liront ce livre les recommandations de la meilleure équipe de chercheurs en nutrition au monde, celle de l'École de santé publique de Harvard (Boston, Massachusetts), dirigée par le professeur Walter Willett. À partir des résultats des études qu'ils conduisent depuis plus de vingt ans, les chercheurs de Harvard ont élaboré un «guide pour manger sainement» (GMS). Le GMS ne s'oppose évidemment pas point par point au PNNS, mais il en diffère par plusieurs aspects. Avant de les détailler. nous vous devons quelques mots d'explication sur les raisons pour lesquelles les conseils du GMS nous paraissent mieux adaptés que ceux du PNNS aux enjeux de santé publique.
Vingt ans de retard La première critique que l'on peut faire au PNNS, c'est de refléter par de nombreux côtés l'état des connaissances, ou plutôt des croyances, d'il y a vingt ans. En résumé: « Faites attention aux graisses alimentaires, mangez plein de céréales et de féculents, et de laitages.» Le résultat est un message caricatural, déconnecté des résultats de la recherche la plus récente.
1. Les graisses «Dans les années 1980, expliquait récemment le professeur Walter Willett, le message était: "Diminuez toutes les graisses et gavez-vous de glucides complexes." Ce type de message n'a jamais été soutenu par aucune preuve scientifique. » Le PNNS le reprend pourtant, en conseillant de « réduire les lipides à moins de 35 % de l'apport journalier» et en encourageant les Français à consommer 32 4
Le guide pour manger sainement. de H a rv a rd
plus de la moitié de leurs calories sous la forme de glucides, féculents en particulier (pain, pommes de terre, etc.).
2. Les laitages et le calcium Il y a vingt ans, on croyait que la solidité de l'os dépendait essentiellement de la quantité de calcium que l'on consommait Le PNNS a repris cette vieille antienne (<< les deux nutriments les plus importants pour la santé osseuse sont le calcium et la vitamine D»), et recommande pour cela un laitage à chaque repas. Pourtant, explique le professeur Willett, « il n'existe pas de preuve solide qu'en mangeant simplement un peu plus de lait on prévienne une fracture de la hanche ou du poignet ». Ce livre l'a d'ailleurs largement démontré. Par ailleurs, comme nous l'avons expliqué, plusieurs études associent laitages et cancer (un lien que les experts du PNNS ont publiquement pris le risque de nier). Pour toutes ces raisons, souligne Walter Willett, « si vous êtes inquiet pour la santé de vos os, d'autres stratégies préventives sont plus raisonnables que les seuls laitages ».
3. Les farineux, les féculents Si l'on en croit le PNNS, ces glucides (sucres) dits «complexes» sont bons pour la santé et devraient représenter la première source de calories. D'où vient cette idée simpl iste? « De l'observation, il y a plus de vingt ans, rappelle le professeur Walter Willett, que les Chinois et les habitants d'autres pays en voie de développement, qui mangent beaucoup de riz mais peu de graisses, avaient un taux de maladies cardia-vasculaires plus bas que ceux que l'on rencontre en Occident. » Des nutritionnistes décrétèrent que la bonne santé de ces populations était due aux sucres complexes et transposèrent cette idée en Occident « L'idée que les "glucides sont bons", poursuit le professeur Willett. constitue donc aujourd'hui le socle des recommandations dans de nombreux pays. Mais comme de nombreuses greffes, celle-ci ne marche pas très bien. » Le PNNS recommande de consommer chaque jour de 500 à 700 g de pain (surtout complet), d'aliments céréaliers, de pommes de terre et de légumineuses. À l'exception des céréales complètes et des légumineuses, ces aliments 325
Santé. mensonges et pr opagan de
diminuent le « bon» cholestérol, et de trés nombreuses études indiquent qu'ils ont des effets néfastes sur l'appétit, l'équilibre du poids et peut-être la santé à long terme. Il aurait fallu relativiser la place des céréales et des pommes de terre, et surtout établir une différence trés nette entre les types de glucides, selon par exemple leur capacité à élever le sucre sanguin (ce qu'on appelle leur« index glycémique») ; cela aurait conduit à déconseiller la plupart des aliments céréaliers et les pommes de tenre. Les experts du PNNS ont jugé que les «données scientifiques [de l'index glycémique1 sont insuffisantes pour être t raduites en recommandations' » et que, de toute façon, les Français sont incapables de comprendre ces notions. Elles sont pourtant à la portée d'élèves de CM2, comme en témoignent les actions de sensibilisation à la nutrition que nous menons dans les écoles primaires. Pour les responsables du PNNS, l'index glycémique est une notion «très complexe ». Trop complexe en tout cas pour ces grands experts, puisqu'ils assimilent le pain, le riz et les pommes de terre à des sucres lents 2, alors qu'ils sont tout le contraire.
4. Les compléments de vitamines et de minéraux Comme on le faisait il y a vingt ans dans la plupart des pays, le PNNS décourage les Français d'utiliser des compléments alimentaires. Depuis, de nombreux pays incitent trés officiellement la population à prendre des suppléments de vitamines, ne serait-ce que par l'enrichissement des aliments ou la promotion de la vitamine B9 chez les femmes en âge d'avoir un enfant pour prévenir les malformations du fœtus. En France, rien d'approchant. Ce livre présente pourtant de multiples preuves de l'intérêt préventif et même curatif des compléments alimentaires (voir p. 183). « La recherche, confinme le professeur W illett, indique de plus en plus fortement que plusieurs ingrédients d'une multivitamine standard, en particulier les vitamines B6 et B 12, l'acide folique (B9) et la vitamine D, sont des acteurs essentiels dans la prévention des maladies cardiaques, du canceé de l'ostéoporose et d'autres maladies chroniques.» Pourquoi la France s'obstine-t-elle à nier l'évidence? Pourquoi les autorités sanitaires s'entêtent-elles depuis vingt ans à mentir aux Françaises et aux Français en prétendant que les vitamines « ne servent à rien » et qu'elles seraient même «dangereuses»? Idéalisation typiquement hexagonale de l'alimentation? La 326
Le guide po ur mange r sainement, d e Harvard
question nous a souvent été posée. la chose est d'autant plus incompréhensible que les associations de consommateurs, qui devraient les premières mettre en avant l'intérêt de ces compléments alimentaires, s'évertuent à les dénigrer ...
Ménager les industriels L'autre critique que l'on peut faire au PNNS, c'est d'éviter soigneusement tout ce qui pourrait conduire à privilégier un type d'aliment au détriment d'un autre. En témoigne le choix d'une huile de table dans l'objectif de santé à long terme tel qu'il est abordé dans le guide édité par le PNNS. Les responsables de ce dernier savent bien que seules quelques huiles végétales sont associées à une meilleure santé cardio-vasculaire (les huiles d'olive et de colza) mais, au lieu de conseiller clairement leur consommation régulière (ce qui revient à mettre hors jeu l'huile de toumesol), ils préfèrent entretenir la confusion en recommandant de «varier les huiles pour bénéficier de leurs avantages spécifiques ». Le PNNS se refuse en effet à« présenter de modèle [alimentaire] idéal, normatif et moralisateur ». Il ne faut pas «contraindre ou interdire certains aliments ». Cette timidité s'explique peut-être par la présence du ministère de l'Agriculture dans le poulailler du PNNS, et par les liens étroits qui unissent depuis de longues années certains des principaux responsables du PNNS à l'industrie agroalimentaire. Grâce au fiou qui l'entoure, le PNNS est d'ailleurs applaudi par l'ensemble des industriels et des filières de l'agrobusine>s. Mieux: le PNNS est devenu un argument marketing pour promouvoir une nuée de produits qui n'ont pas toujours grand-chose à voir avec la santé.
Programme nutrition-santé de l'industrie Le PNNS fait ainsi un tabac chez Milka, un chocolat qui appartient au géant de l'agroalimentaire Kraft Foods. Qu'a-t-on constaté chez Milka, qui propose des produits sucrés et gras? Que « beaucoup d'enfants bougent peu et consomment souvent, sous forme de grignotages, trop de produits sucrés ou gras ». 327
Santé. mensonges et propa ga nd e
Hélas« ces déséquilibres alimentaires sont à l'origine du développement des maladies les plus népandues en France. [ ... ] C'est pourquoi a été lancé en janvier 200 1 le programme national N utrition-Santé [quQ pnéconise notamment pour l'ensemble de la population de diminuer la consommation de corps gras et d'augmenter la consommation de glucides.» Quels goûters peuvent remplir les objectifs du PNNS? s'interrogeait-on chez Milka en mars 2003 dans une conférence de presse pnésidée par le professeur Bernard Guy-Grand (HôtelDieu, Paris), un spécialiste de l'obésité. Comme les choses sont bien faites, « le goûter pain et chocolat au lait » colle parfaitement aux recommandations du PNNS puisque c'est pnécisément «moins de lipides, plus de glucides », sans compter que «le chocolat au lait a l'avantage d'apporter du calcium à l'enfant ». Il s'agit donc «d'une véritable néponse aux recommandations médicales actuelles ». Certains vendeurs de fromage malins sont aux anges depuis que le PNNS existe. Pour lancer son fromage industriel Fine Bouche 3 %, Bongrain «aurait pu mettre à contribuition son service marketing (mét hode la plus fnéquente) », liton dans Le Manager de l'alimentaire d'avril 2003. Mais, chez Bongrain, on a vite compris l'intérêt qu'il y a à se néclamer du PNNS. Le fromager a donc demandé au professeur Bernard Guy-Grand, déjà rompu à cet exercice, de détailler dans une conférence de presse « les enjeux du PNNS, notamment pour le calcium, le cholestérol et les matières grasses». Peuit-on offrir à son organisme le calcium dont il a besoin sans manger trop de graisses satu nées ? s'est ensuite interrogée une nuitritionniste. Conclusion de cette «démonstration nutritionnelle imparable », Fine Bouche 3 % «est la soluition la plus commode pour nésoudre le dilemme calcium-matières grasses ». Les boulangers, à qui on doit un pain blanc débarrassé de la plupart de ses fibres, de ses vitamines, de ses minéraux et doté d'un index glycémique record, votent eux aussi pour le PNNS: « Les pouvoirs publics dans le cadre du PNNS, écrivent-ils, ont lancé une étude qui démontre, entre auitres, une consommat ion insuffisante de glucides complexes et de fibres dans l'alimentation des Français. Les recommandations pour pallier ces manques vont vers un renforcement de la consommation d'aliments tels que le pain et les cénéales. » Les vendeurs de viande se félicitent eux aussi du PNNS: «Améliorer le statuit et l'apport en fer des enfants, des adolescents et des femmes au cours de leur 328
Le gu i de pour manger sainem e nt, de Har va rd
grossesse est l'un des objectifs nutritionnels spécifiques du [PNNS].» Et bien sûr l'un des axes de communication du Cry (Centre d'infomration des viandes). Le MEDEC est un rendez-vous annuel pour les médecins généralistes soucieux de mettre à jour leurs connaissances ; il propose en effet chaque année en mars des colloques d'infomration sur une large variété de sujets. Le MEDEC tient une place importante sur l'agenda d'Unilever Bestfoods France, qui possède les marques Lipton, Knonr et Fruit d'Or, et qui y anime chaque année un colloque. En 2002, Unilever Bestfoods a sponsorisé un colloque sur la prévention cardiovasculaire. La matinée du 14 mars était consacrée «aux grands enjeux» du programme national Nutrition-Santé avec la présence du responsable même du PNNS, le docteur Serge Hercberg. Celui-ci est venu détailler deux mesures du PNNS qui sonnent agréablement aux oreilles d'Unilever Bestfoods: «réduire la cholestérolémie de la population adulte de 5 %», ce qui conrespond précisément au message délivré par Fruit d'Or; «manger plus de fruits et de légumes et augmenter la consommation en antioxydants », un message qui colle parfaitement avec le discours tenu par Lipton et par Knorr. Le tout dans une ambiance familiale, Fruit d'Or, Knorr et Lipton étant notamment par ailleurs sponsors depuis 1994 de l'étude SU.VI.MAX dirigée par le docteur Serge Hercberg, et ce demier étant l'un des piliers du colloque organisé chaque année par ces trois marques au MEDEC. La grande distribution n'a pas tardé à embrayer sur le filon marketing du PNNS. Carrefour a lancé une gamme de soixante-dix produits que l'enseigne qualifie de «sains et bons ». À la clé, cinq bénéfices : tonus et vitalité, transit et fib res, acides gras essentiels, minéraux et oligoéléments, légèreté. La chef de groupe Produits laitiers précise: « Notre démarche correspond aux principales problématiques de santé publique dont parle le PNNS.» Quels sont ces produits «sains et bons» qui s'inspirent du PNNS? Cela va, selon le magazine qui rapporte l'infomration, des «biscottes », dont l'index glycémique fait hurler les spécialistes de l'obésité, au risotto à base de riz blanc (associé à un risque plus élevé de diabète) en passant par le Ketchup (source de sucre et de sel ajoutés)]
329
Santé. mensonges et pr opagande
Les recommandations des meilleurs spécialistes du monde En matière de recommandations alimentaires, une équipe fait référence dans le monde, celle des chercheurs de l'École de santé publique de Harvard, dont le chef de file, largement cité dans ce livre, est le professeur Walter Willett Les chercheurs d'une univers~é n'ont a priori pas vocation à faire des recommandations au grand public. Aux États-Unis comme en France, celles-ci sont le fa~ d'experts «officiels», La raison pour laquelle Walter Willett et ses collaborateurs sont sortis de leur silence dès 2002, c'est que les recommandations officielles aux États-Unis sont, à l'instar de ce qu'elles sont en France, basées sur des croyances vieilles de vingt ans (<< des la~ges à chaque repas», « les graisses sont mauvaises», «les féculents sont bons») et qu'à Harvard on désespéra~ de voir ces recommandations révisées «sans subir l'influence des lobbies de l'agrobusiness)). À la tête des deux études prospectives les plus célèbres, l'étude des Infirmières et celle des Professionnels de santé - plus de cent vingt mille participants au total -, Walter Willett et ses collègues de Harvard observent depuis presque deux décennies l'évolution de la santé des Américains en relation avec leur alimentation. Ce qu'ils ont constaté au fil des années les a rendus t rès critiques à l'égard des recommandations officielles. « Elles sont en partie responsables de l'épidémie d'obésité et de diabète qui touche tous les pays», nous a déclaré Walter Willett. Avant de remettre en cause les recommandations alimentaires gouvemementales, les chercheurs de Harvard les ont testées sur les risques cardiovasculaire et de cancer. À partir d'un score alimentaire mesurant l'adhésion aux directives gouvemementales, ils ont cherché à savoir si celles et ceux qui observaient ces directives étaient en meilleure santé que les autres, L'étude a porté sur près de cent mille hommes et femmes. Les résultats sont décevants: si les hommes et les femmes qui se conforment aux recommandations officielles ont un risque d'infarctus légèrement réduit, ils ne sont pas moins touchés par le cancer que ceux qui s'alimentent mal. Pour les spécialistes de Harvard, «les recommandations nutritionnelles officielles ne préviennent pas les maladies chroniques et ne devraient pas être 330
le guide po ur manger sai n !!men t , de H arvard
suivies par le public ». Ils ont donc publié leurs propres conseils qui, assurent-ils, sont deux fois plus efficaces sur les risques d'infarctus et de cancer. Ces recommandations sont assises sur des faisceaux convergents de preuves scientifiques récentes. Les chercheurs qui les ont fonnulées n'ont pas de liens avec les lobbies de l'industrie agroalimentaire ; elles ont donc vocation à assurer la santé du grand public avant celle des multinationales de l'agrobusiness.
Une autre manière de manger: le
GMS
Le «guide pour manger sainement », ou GMS, est basé sur un nombre considérable d'études conduites depuis plus de vingt ans à Harvard et ailleurs. « Les preuves scientifiques sont suffisamment fennes pour que vous puissiez faire des choix infonnés dans votre régime alimentaire avec l'espoir raisonnable d'améliorer substantiellement vos chances de rester actif et en bonne santé jusqu'à un âge avancé », dit le professeur Willett Mais quelles sont les préconisat ions du GMS? Certaines sont proches de celles du PNNS, preuve qu'il existe des domaines consensuels en matière de nutrition, d'autres s'en éloignent. En voici un aperçu .
• Les graisses Le guide de Harvard commence par réhabiliter les graisses. La raison? «Nous n'avons observé aucune relation entre le pourcentage de calories foumi par les graisses et l'obésité ou même les maladies chroniques », explique Walter W illett qui a choisi de mettre l'accent sur le type de graisses plutôt que sur leur quantité. Il n'ya pas de raison de réduire outrageusement la part des graisses que vous consommez dès lors que vous ne mangez pas plus de calories que vous n'en dépensez et que vous adoptez un régime riche en fruits et en légumes, avec des céréales complètes. Pas de raison donc de ne sélectionner que des aliments allégés, de cuire sans corps gras et de mesurer chichement l'assaisonnement de vos salades. Vous pouvez en revanche être sélectif sur le type de graisses: un petit peu moins de graisses saturées (beunre, laitages) et un peu plus de graisses végétales, 331
Santé, mensonges et propa ga nde
qu'il faut choisir avec soin pour leur ratio oméga-6/oméga-3 le plus équilibré possible. Cela signifie que vous pouvez manger chaque jour quelques noix, noix de cajou, noix du Brésil (non grillées, non salées, comme on en trouve maintenant). Vous puiserez des oméga-3 à longue chaîne (EPA et DHA) dans le poisson gras et les crustacés, à inclure deux ou trois fois par semaine dans votre régime (voir schéma ci-après). Rayon huiles, il faut idéalement trois huiles végétales à la maison. Pour l'assaisonnement, vous po~vez par exemple alterner ou mélanger l'huile d'olive (source d'acide oléique mono-insaturé) et l'huile de colza (source équilibrée d'acides gras essentiels). Pour la cuisson à la poêle: l'huile d'olive ou encore l'huile d'arachide, t rès stable à la chaleur. Pour les fritures (déconseillées) et les cuissons au four; l'huile d'arachide. Ces recommandations figurent aussi dans le PNNS, Au moment où ce livre est rédigé, les huiles de mélange (qui associent plusieurs oléagineux) souffrent d'une réglementation contraignante qui ne les rend guère intéressantes du point de vue de l'équilibre entre acides gras essentiels. En plus, elles sont souvent chères. Les chercheurs de Harvard recommandent d'éviter ce qu'on appelle «acides gras trans », que l'on trouve surtout dans les corps gras solides pour fritures et dans certaines préparations comme les gâteaux (<< graisses partiellement hydrogénées », lit-on alors sur l'étiquette). À l'inverse des margarines américaines, encore riches en acides gras trans, les margarines européennes n'en renferment depuis 1995 que très peu, Il n'y a donc pas lieu de les écarter.
Teneur en EPA et en DHA de plusieurs poissons gras (en g/I 00 g)<
m EPA
1,2
DOHA
:1"
0,8
"~
!'
0,6 0,4
-~
r.~ ~..,
0,2
"'~
o ~ anchois
~r.,
r
,f,:-
;::"
•
"
7~
hareng
:',i ~
,.
r-
Il';
i'
Il mulet
332
..i
~
1'" truite arcen-ciel
~
Œ thon
le guide pour m ange r sainem e nt , de H a rvard
• Les céréales et autres glucides complexes « Les recommandat ions actuelles encouragent la surconsommation de glucides », estime le docteur Meir Stampfer, de l'équipe de Harvard. « De nombreux individus trouvent des bénéfices à consommer moins de glucides, ajoute le professeur Walter Willett Je pense qu'il y a vraiment un intérêt à les réduire fortement» Contrairement à ce que conseille le PNNS, les chercheurs de Harvard conseillent d'alléger la part des céréales et des féculents dans la ration calorique quotidienne. Ils recommandent de choisir des aliments complets, dont l'index glycémique est bas. « Ces derniers [doivent) être riches en fibres, et aussi peu raffinés que possible, dit Walter W illett Les pommes de terre ne sont pas souhaitables, car elles ne sont pas adaptées au mode de vie sédentaire. » Concrêtement. si vous prenez des céréales au petit déjeuner, choisissez-les plutôt complètes ou essayez les flocons d'avoine. Les corn flakes, le blé et le riz soufflés sont des aliments imaginés par l'industrie agroalimentaire et dont l'index glycémique est élevé. Privilégiez le pain complet, de préférence de seigle et au levain, car il bénéficie ainsi d'un index glycémique favorable. Un autre élément déterminant dans l'index glycémique du pain est la densité de sa mie: plus elle est resserrée, mieux c'est Le pain blanc et les viennoiseries ont peu d'intérêt, et les chercheurs de Harvard rappellent que leur consommation régulière peut entraîner des troubles de la santé, à commencer par la baisse du « bon» cholestérol, l'augmentation des triglycérides, la résistance à l'insuline. Les pâtes, le riz complet et le riz basmati (les riz « long grain» ont aussi un index glycémique plus favorable) sont de bons choix. Les riz cuisson rapide et le riz gluant devraient être consommés avec parcimonie. Les pommes de terre sous toutes leurs formes, et en particulier les frites, sont déconseillées dans le GMS, en tout cas sur une base régulière.
• Les fruits et les légumes Les conseils du GMS de Harvard rejoignent les recommandations françaises du PNNS qui visent à encourager la consommation de ces aliments. Fruits et légumes
333
Santé. mensonges et propa ga nde
aident à prévenir le cancer. même si leurs vertus ant icancer sont largement surestimées par les nutritionnistes français, Parmi les légumes anticancer les plus intéressants figurent les crucifères (voir ci-dessous) parce qu'ils activent dans l'organisme une famille d'enzymes qui neutralise un grand nombre de substances cancérogènes, comme les résidus de pesticides, Fruits et légumes offrent une protection réelle contre les maladies cardio- et cérébro-vasculaires, À raison de cinq par jour. vous pouvez espérer réduire de 15 % votre risque d'infarctus par rapport à un régime pauvre en fruits et en légumes, comme l'a montré une étude conduite à Harvard, Les chercheurs ont aussi observé que le risque d'accident vasculaire cérébral est diminué de 6 % chaque fois qu'on augmente d'une unité les portions quotidiennes de fruits et de légumes, On peut être plus précis encore en conseillant de manger chaque jour un aliment issu des groupes suivants: - crucifères (chou-fieur. choux rouge et blanc, chou de Bruxelles, chou chinois, chou frisé, chou romanesco, chou-rave, brocoli, radis, radis noir. navet, rutabaga, raifort, cresson, moutarde) ; - organosulfurés (ail, oignon, poireau); - oléagineux (noix, noisettes, etc); - légumes verts et jaunes; - aromates (gingembre, curcuma, romarin, sauge, t hym, etc) ; - fruits ou légumes orange; - fruits ou légumes verts; - fruits ou légumes violets, noirs ou rouges, Les légumes peuvent être consommés crus, c'est même préférable pour les crucifères (la cuisson les empêche d'activer nos enzymes protectrices), En revanche, les tomates seront cuites, de préférence avec un corps gras, pour bénéficier au maximum de leur teneur en Iycopène, la substance qui donne à la tomate sa couleur. Le Iycopène est en effet un puissant antioxydant, associé à un risque réduit de certains cancers,
334
Le guide pour manger sainement. de H arva r d
• Les protéines animales Si les viandes blanches (deux ou trois fois par semaine) et le poisson sont conseillés, les chercheurs de Harvard mettent en garde contre l'excès de viande rouge, et surtout de charcuteries, associé à un risque accru de cancers digestifs (pas plus de deux ou t rois fois par semaine), Cependant. les enfants, les adolescents ainsi que les femmes entre puberté et ménopause ne doivent pas négliger les viandes rouges et certaines charcuteries (boudin), qui aident à répondre aux besoins en fer. Dans ce cas, ils peuvent être consommés de trois à cinq fois par semaine. On devrait consommer du poisson gras deux ou trois fois par semaine (hareng, saumon, sardine, maquereau, anchois sans sel), des coquillages ou des crustacés une ou deux fois par semaine, du poisson maigre une ou deux fois par semaine. On peut consommer jusqu'à 400 g de saumon d'élevage par semaine sans risque de s'intoxiquer aux dioxines et aux PCB (polychlorobiphényles), 250 g pour une femme enceinte ou un enfant. Certains poissons gras ne doivent pas être mangés régulièrement car ils apportent trop de mercure. C'est le cas du thon, du brochet. de l'espadon, du flétan et du requin (pas plus d'une fois par semaine). Certaines protéines végétales, comme le soja, répondent aussi bien aux besoins de l'organisme que les protéines animales. Les chercheurs de Harvard estiment que le soja peut dans certains cas se substituer à la viande, mais ils mettent en garde contre une consommation quotidienne tant qu'on n'en sait pas plus sur les effets du soja à long terme .
• Les laitages Les laitages perdent dans le GMS la place prépondérante qu'ils occupent dans les recommandations du PNNS, d'une part parce que leur intérêt dans la prévention de l'ostéoporose est douteux, d'autre part parce que des études conduites à Harvard suggèrent qu'ils pourraient augmenter le risque de cancer. La plupart des adultes, estime Meir Stampfer. n'ont pas besoin de deux ou trois laitages par jour. Le GMS conseille un seul laitage quotidien. « Il y a plus de raisons de ne pas boire de grande quantités de lait qu'il y en a d'en boire, analyse 335
Santé . mensonges et p r opagan d e Wa~er Willett. Je ne recommande pas le lait comme boisson de l'adu~e, et je
crois que vous devez penser au lait comme un aliment optionnel, et non pas comme une eXigence à satisfaire trois fois par jour. » On trouve facilement du calcium dans les fruits et dans les légumes, dans le poisson (sardines) et dans les eaux minérales calciques, et la santé de 1'05 dépend aussi des apports en vitamine 0 (voir ci-après « Les compléments de vitamines et de minéraux »), en bicarbonates, en potassium (fruits et légumes) et. peutêtre, en antioxydants et en acides gras oméga-J L'activité physique, notamment la musculation à l'approche de la cinquantaine, est l'un des meilleurs moyens de renforcer les 05.
• Les boissons et l'alcool Il faut boire de l'eau. bien sûr. en priorité. Les sodas, et surtout les sodas sucrés, sont déconseillés. Les jus de fruits sont acceptables, à condition de ne pas en faire une boisson régulière. Le café ne pose pas de problème à moins de trois tasses par jour. Les boissons apportant des flavonoïdes - molécules antioxydantes - , comme le thé et les tisanes, peuvent être consommées chaque jour. même si les chercheurs de Harvard restent réservés sur leurs réels effets protecteurs, qu'ils jugent « montés en épingle ».
La consommation d'alcool n'est pas déconseillée. « L'alcool pris avec modération est probablement bon pour la plupart d'entre nous », dit Walter Willett, qui fait référence en particulier à ses effets protecteurs pour la santé cardiovasculaire. L'alcool est particulièrement bénéfique chez les personnes dont le cholestérol HDL (le
« bon ») est trop bas. Si vous buvez déjà, dit-il, faites-le
avec modération, à raison d'un ou deux verres au maximum par jour pour les hommes, et d'un par jour pour les femmes. Si vous ne buvez pas, ne vous sentez pas obligé de vous y mettre. Chez la femme, même un seul verre d'alcool par jour peut élever légèrement le risque de cancer du sein, mais ce risque-là est prévenu par la vitamine B9 (acide folique) lorsqu'elle est apportée en quantité suffisante.
336
L e gui d e pour m ange r sainement, de H arvard
• Les compléments de vitamines et de minéraux s Nouveauté spectaculaire, les membres de l'équipe de Harvard conseillent de prendre chaque jour un complément multivitaminé, parce qu'ils reconnaissent que l'alimentation ne couvre plus les besoins optimaux en vitamines et en minéraux, et qu'ils ont trouvé qu'une telle mesure réduisait cancers et maladies cardio-vasculaires. Pour cela, choisissez un complément de vitamines et de minéraux modérément dosé (de une à trois fois les apports conseillés) ne contenant de préfé-
rence ni fer; ni cuivre, ni manganèse. Ces trois minéraux peuvent en effet réagir avec la vitamine C et générer des radicaux libres. Les enfants peuvent bénéficier eux aussi d'un complément de vitamines et de minéraux. Un supplément de vitamine D, souvent insuffisante dans les produits du commerce, peut être ajouté pour tous entre octobre et mars. De nombreux Français ne reçoivent pas assez de potassium, un minéral très important pour la prévention de l'infarctus, de l'accident vasculaire cérébral et de l'ostéoporose. Si c'est votre cas, vous pouvez tirer bénéfice d'un complément de bicarbonate de potassium (prenez l'avis de votre médecin).
Deux fois plus efficace Le GMS est un pas fait par des chercheurs de premier plan vers l'alimentation des origines, celle de nos ancêtres préhistoriques pour laquelle nous sommes génétiquement faits mais qu'il serait trop long de détailler ici. En effet le GMS remet à leur juste place les aliments introduits depuis le néolithique: céréales, laitages, sel, sucre. Il n'est donc pas étonnant que cette réduction soit associée
à une meilleure santé. L'équipe de Harvard a voulu savoir quel impact le GMS pouvait avoir sur les maladies chroniques. Elle en a modélisé les recommandations et évalué leurs effets sur cent six miile personnes. Les résultats ont été publiés en 2002: les hommes qui s'alimentent selon les canons de Harvard ont un risque cardiovasculaire réduit de 40% (30% chez les femmes). Globalement avec un tel régime, le risque de maladie chronique grave est réduit de 20 % chez les 337
Santé. mensonges et p r opagande
hommes et de 10 % chez les femmes 6. C'est deux fois mieux que ce que permettent les recommandations officielles, relève le professeur Walter Willett qui invite les experts gouvernementaux à revoir leur copie.
Conclusion
Il vient une heure où protester ne suffit plus; après la philosoph ie il faut l'action; la vive force achève ce que
l'idée a ébauché. VICTOR HUGO.
Les Misérables
Arrêtons d'avaler n'importe quoi! Établir la réalité de l'infonmation nutritionnelle au plus près des connaissances actuelles, pointer du doigt les petits arrangements entre l'agrobusiness et les experts français, relever les dérapages de nos agences sanitaires, tel était l'objectif de cette enquête. Maintenant que vous savez, agissez. Dans vos choix personnels, d'abord. Vous en savez désormais assez sur les relations entre nutrition et santé et sur les pressions qui s'exercent sur vous à t ous les niveaux pour faire des choix alimentaires sensés pour vous et pour votre famille. Aucun aliment n'est à bannir, mais il est particulièrement important de disposer d'une « boussole diététique» qui pointe dans la direction générale à suivre, même s'il est naturel - et sans conséquence - de s'écarter occasionnellement de la route à suivre. Vous connaissez suffisamment les aspects scientifiques et réglementaires qui touchent à l'alimentation pour accueillir dorénavant avec la plus grande prudence les messages dont vous êtes le destinataire ... y compris les nôtres! Une publicité vante le riz soufflé sucré pour la santé de votre enfant? Vérifiez son index glycémique. Les médias vous disent que la créatine est interdite en France? L'erreur vous apparaîtra facilement Une étude qui rapporte les effets positifs des compléments antioxydants est interprétée par ses auteurs comme la preuve de 33 9
Santé. mensonges et prop aga nde
l'intérêt du riz, des gnocchis ou des berlingots? Vous ne vous laisserez pas manipuler. Un professeur en blouse blanche vous vante les vertus du saucisson sec? Regardez-y à deux fois. Une agence sanitaire émet un avis d'experts? Prenez celui d'autres experts. Des chercheurs rapportent les effets miraculeux sur le poids de la consommation de snacks? Demandez qui a financé l'étude. Votre rôle ne s'arrête pas là. Collectivement. nous devons exiger des industriels une communication éthique, favoriser la transparence, associer les consommateurs au cœur des agences sanitaires, réformer de fond en comble le droit séculaire des plantes et des compléments alimentaires, demander que des chercheurs indépendants et étrangers, s'ils sont compétents, soient associés aux avis et aux recommandations des autorités sanitaires, créer un organisme véritablement indépendant des logiques politique et industrielle pour émettre des recommandations nutritionnelles scientifiquement fondées, créer un véritable corps de professionnels éducateurs de santé en dehors des logiques économiques pour accompagner les Français sur le chemin de la santé et non plus de la maladie ... Ces réformes sont nécessaires et urgentes, au risque de voir sévir une catastrophe sanitaire à long tenme, où les Français, aprês avoir été mal nounris sur la foi de slogans «scientifico-économiques », devront se ruer sur les médicaments coûteux proposés cette fois par l'industrie phanmaceutique. De quoi faire exploser le budget de la Sécurité sociale. La loi «droits des malades» en 2002 et le Conseil économique et social en 2003 1 mettent l'accent sur la vraie prévention en constatant en France l'absence d'une réelle politique dans ce domaine. Mettons des actes derrière les paroles. La nutrition, au même titre que la lutte contre le tabac et contre l'alcool, est au cœur de cette prévention. Encore faut-il que les Français sachent quel crédit accorder à l'infonmat ion qui leur est délivrée. Le rapport du Conseil économique et social 2 sur la prévention en matière de santé consacre un passage au «poids des lobbies et des intérêts économiques ». Cette institution relève qu'« au niveau tant européen que national, certaines mesures pourtant essentielles d'un point de vue de santé publique n'ont pu être prises face à la pression d'intérêts économiques, dans les secteurs notamment de l'industrie automobile, du tabac ou de l'alcool. Certains professionnels de santé considèrent ainsi que "le risque majeur en matière de santé 34 0
Conc lu sion
publique est la recherche du profit", et que l'optimisation de celui-ci peut conduire à l'explosion de nouveaux risques comme l'obésité.» Elle dénonce aussi «les stratégies de contoumement de certaines industries» face aux lois mises en place pour lutter contre le tabagisme et l'alcoolisme. Malheureusement, le tabac et l'alcool ne sont pas les seuls domaines où l'industrie règne en maître. L'agroalimentaire, puissance économique plus colossale encore, y règne en véritable impératrice. Sous prétexte de canicule, on fait «sauter» le directeur général de la Santé en omettant les responsabilités de chacun à la base, alors même que, durant des années, aucun responsable politique n'a été troublé par des experts «juges et parties », Ces experts ont pourtant conditionné pour plusieurs décennies la politique de santé publique, avec des conséquences potentiellement catastrophiques. On en voit les prémisses avec une augmentation de l'obésité de 5 % par an. Cette politique nutritionnelle pourrait bien se révéler plus fatale et plus insidieuse qu'un épisode climatique historique. Donner l'illusion d'une prise de responsabilité pour une canicule, c'est bien, prendre ses responsabilités politiques et scientifiques sur le fond, c'est-à-dire pour les vingt à quarante ans à venir. c'est mieux. Comme c'est le cas aux États-Unis, les recommandations nutritionnelles dans notre pays sont édictées par des ministères qui entretiennent des liens étroits avec l'agrobusiness, ou par des agences gouvemementales qui dépendent de ces ministères, ou encore par des experts, dans les agences et dans les ministères, qui sont soutenus par l'industrie. En France aussi, le renard dirige le poulailler. Cela doit maintenant changer. Cela peut changer avec votre aide. Nous avons écrit ce livre pour qu'il vous aide à mieux comprendre les relations entre alimentation et santé, qu'il vous permette d'exercer un véritable choix dans les aliments qui vous sont proposés, qu'il vous conduise à la plus grande vigilance dans les messages qui vous sont adressés. En retour. nous avons besoin de vous. Nous vous demandons de saisir votre député, votre sénateur et/ou le Premier ministre pour que le système soit enfin revu en profondeur et que des mesures efficaces soient prises. Pour cela, utilisez le modèle de lettre qui figure en page 343 ou téléchargez-Ie sur le site www.thierrysouccar.com. Adressez ensuite votre lettre au représentant de votre choix ou au Premier ministre. 341
Sant.é, men so nges
et propagande
« VOUS pouvez apporter votre contribution », a dit un jour le Prix Nobel de chimie Linus Pauling, qui a obtenu le 24 avril 1962 de son gouvernement l'anrêt des essais nucléaires dans l'atmosphère et reçu pour cela un deuxième prix Nobel, celui de la paix. « Même si vous n'êtes pas sûr du résultat, ajoutait-il, vous pouvez agir Alors agissez. » Ce livre n'aura servi à rien si, à votre tour; vous n'agissez pas.
Pour faire changer les choses, manifestez-vous Voici une idée de lettre que vous pouvez faire parvenir au Premier ministre, au ministre de la Santé et à votre député en lettre recommandée avec accusé de réception. Les lettres doivent être individualisées pour avoir un impact et être crédibles. Plus vous serez nombreux à demander des réformes. plus la situation pourra changer.
Voici les adresses de chacun des ministres:
Premier ministre M. le Premier ministre Hôtel de Matignon 57, rue de Varenne, 75700 Paris
Ministre de la Santé 8, avenue de Ségur, 75007 PARIS Voici la trame de lettre à utiliser: Par LRIAR Monsieur le Ministre,
Phrase introductive à créer vous-même Idée-clé : désinformation manifeste lourde de conséquences potentielles en termes de santé publique (obésité. maladies cardia-vasculaires. etc.). Par ailleurs, le retard des lois françaises en matière de compléments alimentaires aboutit à bafouer nos droits de consommateurs étant donné les conditions d'accès difficiles à ce type de produits dans des conditions normales, à l'instar des autres Ëtats membres de l'Union européenne, États réussissant pourtant à allier liberté et principe de précaution. Ce retard français, puisque la loi date de 1912, ne permet plus à la France d'être crédible puisqu'elle se fait régulièrement condamner par la Cour de justice des Communautés européennes.
343
Santé. mensonges et propagande
Phrase au choix pour demander des réformes
Points de réforme à mentionner 1° Il faut que les déclarations d'intérêts des experts soient obligatoirement envoyées et à jour avant toute prise de fonction au sein des agences sanitaires et/ou ministérielles. r Il faut que les déclarations d'intérêts soient faites une fois par an systématiquement. 3° Il faut qu'en l'absence de ces déclarations d'intérêts, les experts ne puissent
pas siéger. 4° Il faut que toutes les fonctions occupées, sans exception, y soient mentionnées et que les informations soient vérifiées. 5° Il faut que toute fausse information soit sanctionnée. 6 ° Il faut que les consommateurs soient représentés de façon importante et systématique dans les diverses formations scientifiques des agences et commissions. 7° Il faut que les avis contestés ou minoritaires émis par certains experts soient portés à la connaissance du public et des scientifiques par tous moyens. 8° Il faut que soient privilégiés des experts compétents ayant peu ou pas de liens avec l'industrie, 9° 11 faut qu'un corps de professionnels de santé non-médecins « éducateurs de santé» soit créé en vue d'informer objectivement, et en dehors de tout intérêt économique, les consommateurs en matière nutritionnelle et de compléments alimentaires. 10° Il faut que la réforme en matière de plantes et de compléments alimentaires aboutisse et que cessent les poursuites inadmissibles engagées à l'encontre des fabricants, des distributeurs et même des consommateurs que nous sommes pour avoir osé consommer des compléments alimentaires. Formufe de politesse au choix
Notes
Avant-propos 1. J.E. BEKElMAN, « Scope and impact of financial conflicts of interest in biomedical research: a systematic review ». journol orthe Americon Medical Association, 2003; 289(4):454-465.
Introduction 1. W )AMES. « Nutrition policies in westem Europe: national policies in Belgium, the NetherJands. France. lreland. and the United I(;ngdom ». Nu!r Rev. 1997; 55( I l)54-520. 2 t 5ouccAR. J.-P. CURTAY, Le Programme de longue vie, Le Seuil. Paris, 1999.
Nutritionnistes et agrobusiness : le grand flirt 1. T. NORA. « Meat consumption and colorectal cancer risk : dose-response meta-analysis of epidemiological studies ». Int J Concer. 2002; 98(2):241 -256. 2. R.M. VAN DAM. «Dietary fat and meat intake in relation to risk of type 2 diabetes in men », Diabetes Core. 2002: 25(3):417-424 3. Marie-Fronce. décembre 2003. communiqué publicitaire «Branchez-vous pruneaux d'Agen! », p. 142- 143. 4. Food. Nutrition and !he Prevention Cancer: a global perspective, World Cancer Research
or
FundlAmerican Institute for Cancer Research, Washington (OC, USA), 1997. 5. JE BEKELMAN, « Scope and impact of financial conflicts of interest in biomedical research: a systematic review »,journal orthe American Medical Association, 2003: 289(4):454-465. 6. Viande et santé. Visa Viandes, 2000; disponible dans toutes les bonnes pharmacies; (4):3. 7. JOINT WHO/FAO EXPERT CONSULTATION, « oiet, nutrition and the prevention of chronic diseases», World Health Organization, Genève, 2003. 8. Article 19 du code de déontologie médicale. 9. H.P. KLOTZ, Premier Congrès intemational de morale médicale, Paris, Masson, 1955, p. 248. 10. Article L 162-2 du code de la sécurité sociale.
345
S a nté. m en s onges et propagande
Ce qu'on vo us fait croire sur les aliments 1. Avis sur les questions éthiques posées par la transmission de l'information scientifique relative à la recherche biologique et médicale. CCNE. rapport nO 45. 31 mai 1995.
2. J.-M. BouRRE. Le Loit un aliment à prescrire! Uvre blanc pour sensibiliser aux bienfaits de la distribution de loll dons les écoles. Amalthée. 2002 3. H. BoHMER. «Calcium supplementation with calcium-rich minerai waters: systematic review and meta-analysis of its bioavailability ». Osteoporosis Int. 2000; Il (1 1):938-943. 4. M. HANSEN. «Calcium absorption from small soft·boned fish ».) TfClCe 8em Med Biol. 1998;
12(3):148-154. 5. B.J. ABElOW. « Cross-cultural association between dietary animal protein and hip fracture: a hypothesis ». Colci(nssue lm. 1992: 50: 14- 18. 6. European Foundation for Osteoporosis and Bone Disease. Effo News. 1997; 1( 1):2. 7. A. PRENTICE. « Sone and minerai content of British and rural Gambian women aged 18-80+ years », Bone Miner; 1991 : 12:20 1-2 14. 8. B.E.C. NORDIN, « Calcium in health and disease» . Food Nutr Agrie. 1997 : 20: 13-24. 9. JOINT W HO/FAO EXPERT CONSUlTATION, « Human vitamin and minerai requirements», World Health Organization. Rome (Italie). 2002. 10. A. WACHMAN, « Diet and osteoporosis», The Lancet 1968: 1:958-959. Il . L K. MASSEr, « Dietary animal and plant protein and human bone health: a whole foods approach ».) Nu". 2003: 133(3):8625-8655. 12. U S. BARZa {( The skeleton as an ion exchange system : implications for the role of acid-base imbalance in the genesis of osteoporosis».j Bane Miner Res. 1995; 10:1431-1436. 13. D.E. SEUMEYER. «A high ratio of dietary animal to vegetable protein increases the rate of bone loss and the risk of fracture in postmenopausal women ». American joumal o(ainical Nutrition.
2001: 73: 118- 122. 14. SA NEW, «Dietary influences on bone mass and bone metabolism: further evidence of a positive link between fruit and vegetable consumption and bone heatth 7». American Journal o( Oinico/ Nutrition. 2000: 71: 142-15 1. 15. B.S. EATON, «An evolutionary perspective enhances understanding of human nutritional requirements ».) Nurr. 1996 : 126: 1732- 1740. 16. A SEBASTIAN, « Estimation of the net acid load of the diet of ancestral preagricultural Homo sapiens and their hominid ancestors », American Journal of Oinicol Nut.rition, 2002; 76: 1308-13 16. 17. B.H. ARjMANDI. « Say protein has a greater effect on bone in postmenopausal women not on hormone replacement therapy. as evidenced by reducing bone resorption and urinary calcium excretion ». j ain Endocrinol Mecob, 2003; 1048- 1054. 18. Débat France Info et la Fondation pour la recherche médicale dans le cadre des « Rencontres santé », 16 décembre 2002. Maison de la Radio (Paris). 19. RG. CUMMING. « Case-control study of risk factors for hip fractures in the elderly», Am)
Epidemio/. 1994: 139(5):493-503. 20. LW. TURNER. «Dairy-product intake and hip fracture among olderwomen: issues for health
behavior». Psycho/ Rep. 1999: 85(2):423-430. 21. D. FESKANICH. « Milk. dietary calcium. and bone fractures in women: a 12-year prospective study ». Am) Pub#c Heo/th. 1997; 87:992-997. 22. W ÜSlM'U. «Calcium intake and the incidence of forearm and hip fractures among men », ) Nurr. 1997: 127: 1782-1787.
346
Note
$
23. OK ROY. « Determinants of incident vertebral fracture in men and women: results from the European Prospect;ve Osteoporos;s Study (EPOS) », Osteoporos;s Int 2003; 14( 1); 19-26. 24. RL W EINSIER, «Dairy foods and bone health: examination of the evidence ». American )ournal of Oinical Nutrition, 2000; 72:681-689. 25. R Bt.J..cK. « Children who avoid drinking cow milk have low dietary calcium intakes and poor bone health ». American journal of Oinical Nutrition. 2002; 76:675-680. 26. S.R. CUMMINGS, «Risk factors for hip fracture in white women. 5tudy of Osteoporotic
Fractures Research Group», N Engl J Med, 1995; 332(12);767-773. 27. R. BlAcK. « Children who avoid drinking cow milk have low dietary calcium intakes and poor bone heatth », American journal ofOinical Nutrition. 2002; 76:675-680. 28. D.5. FREEDMAN. « Relation of age al menarche to race, lime period, and anthropometric dimensions: the bogalusa heart study», Pediatries. 2002; Il 0(4):E43-3. 29. EURODIAS Substudy 2 5tudy Group, «Rapid earty grolNlh is associated with increased risk. of childhood type 1diabetes in various European populations », Diabetes Core, 2002 ; 25( 10): 1755-1760. 30. D. FESKANICH, «Mill<. dietary calcium. and bone fractures in women: a 12-year prospective
study», Am) Public Heolth, 1997; 87;992-997. 31. L GUffiuEN, « À propos des enquêtes de consommation de calcium en France (identification des groupes à risque) ». ŒDAP. groupe de travail Vitamines et minéraux, 1994. 32. A MARTIN (ED.), Apports nutritionnels conseillés pour la population française. Tec & Doc. Paris, 200 1. p. 140. 33. G. D'BRY (ED.), loi, nutrition et SCJnté, Tec & Doc (Paris), 2001. 34. Bol RIGGs. «Dietary calcium intake and rates ofbone loss in women».j Oin lovest. 1987, 80979-982. 35. Séna~ séance du 4 novembre 1997. 36. La Consommation alimentaire depuis 40 ans: de plus en plus de produits élaborés, INSEE. Paris. 2002. 37, F. MALEYSSON. «Calcium: n'en faites pas un fromage », Que Choisir. janvier 2003, p. 52 à 55. 38. Entretien des auteurs avec Stéphanie Schliemer d'Amalthée le 24 janvier 2003. 39 Débat France Infa et la Fondation pour la recherche médicale dans le cadre des « Rencontres santé », 16 décembre 2002, Maison de la Radio (Paris). 40. S. MUNTONI, « Nutritional factors and worldwide incidence of childhood type 1 diabetes ». American journal ofOinical NuerirJon. 2000; 71: 1525-1529.· M.lAuGESEN,« Ischaemic heart disease,
type 1d;abetesand cow m;lkAI beta-case;n», N ZMedj, 2003; 116(1168);U295. 01. THORSDOTll~ « Dietary intake of 10- to 16-year-old children and adolescents in Central and Northem Europe and association with the incidence of Type 1 diabetes». Ann Nuer Mecabol, 2003: 47:267-275. 4 1. M. KAAvoNEN, « Incidence of Childhood Type 1 Diabetes Worldwide », Diabetes C!Jre, 2000; 23( 10); 1516-1526. 42. K DAHl-JORGENSEN, « Relationship between cow's milk consumption and incidence of lDDM in childhood », Diabeles C!Jre. 1991 ; 14: 108 1- 1083. • S. MUNTONI, « Cow's milk consumption and IDDM incidence in Sardinia », Oiabetes C!Jre. r 994 ; 17:346-347. 43. L. MONETINI. «Antibodies to bovine Beta-casein in diabetes and other autoimmune diseases», Horm MelOb Res. 2002: 34(8):455-459. 44. M. Moss. «The cow and the coronary: epidemiolagy. biochemistry and immunology», Int) Cardio/, 2003; 87(2-3);203-216. 45. A MENOTTI, « Food intake pattems and 25-year mortality from coronary heart disease: cross-cuttural correlations in the Seven Country Study », Eur j Epidemiol, 1999; 15(6):507-515.
347
Santé , mensonges et pr opagan d e
46. CN. MClAcHlAN, « Beta-casein A l, ischaemic heart disease mortality. and other illnesses », Med Hypo!heses, 200 1: 56(2);262-272
47. M. lAuGESEN, « Ischaemic heart disease, Type 1 diabetes and cow milk AI beta-casein», N Z Med J. 2003: 116( 1168);U295.
48. M. SEIW1N1, «Plasma antioxidants from chocolate », Nature, 2003; 424(6952): 10 13. 49. M. Moss « Does milk cause coronary heart disease? », J Nutr Environment Med, 2002; 12(3);207-216. 50. P.M. WEBB. «Milk consumption, galactose metabolism and ovarian cancer (Australia) », Cancer Causes Cancrol. 1998: 9(6);637-644. 51. A TAVANI, « Diet and risk oflymphoid neoplasms and soft. tissue sarcomas», Nul! Cancer, 1997: 27(3);256-260. 52. D.P. Rose, « Intemational comparisons of mortality rates for cancer of the breast. ovary. prostate and colon and per capita food consumption », Cancer; 1986 : 58:2363-237 1. 53. D. GANMM « Incidence and mortality of testicular and prostatic cancers in relation to world dietary practices», lm) Cancer, 2002: 98(2);262-267. 54. R TAl.AMINI, « Nutrition, social factors and prostatic cancer in a Northem ltalian population », Br J Cancer, 1986; 53:817-821 . • C. MmuN. « Beta-carotene and animal fats and their rerationship ta prostate cancer risk ». Cancer; 1989: 64:605-612 . • R TALAMINI, « Diet and prostate cancer : a case-control study in Northem Italy», Nul! Cancer, 1992; 118:277-286. · E. DESTEFAN1, «Tobacco, alcohol. diet and risk of prostate cancer», rumori, 1995; 81:315-320. · J.M. CHAN,« Dairy products. calcium, phosphorous. vitamin D, and risk of prostate cancer ». Cancer Causes and Control, 1998; 9:559-566. • RB. HAYES,« Dietary factors and risks for prostate cancer among blacks and whites in the United States ». Cancer Epidemiol Biomer Prev. 1999; 8:25-34. 55. ID. ROTKJN. «Studies in the epidemiology of prostatic cancer: expanded sampling», Cancer Treatment Reports, 19n: 61:173-180. • LM. SOfUMAN, «Minneapolis-St Paul, Minnesota casecontrol study, 1976-1979 », in Magnus K. Ed., Trends in Cancer Incidence: Causes and Practical Implications. Hemisphere Publishing (Washington. Oc, USA), 1982; 345-354 . • T MISHINA. «Epidemiological study of prostatic cancer by matched-pair analysis », Prostate, 1985: 6:423436. • A TZONOU, « Diet and cancer of the prostate: a case·contro! study in Greece», Int J Cancer: 1999 : 80;704-708. 56 H. GR6NBERG, « Tota! food consumption and body mass index in relation to prostate cancer risk: a case-control study in Sweden with prospectively collected exposure data ». J Urology. 1996: 155:969-974. · P. EWINGS. «A ca~e-control study of cancer of the prostate in Somerset and east Devon», BrJ Cancer; 1996: 74:661-6. 57. DA SNONDON. «Oiet obesity, and risk of fatal prostate cancer». Am) Epidemiology. 1984; 120:244-250. • L LEMARCHAND, « Animal fat consumption and prostate cancer: a prospective study in Hawaii», Epidemio/ogy. 1994: 5:276-282 · E. GIOIANNUCO.« Calcium and fructose intake in relation to risk of prostate cancer», Cancer Res, 1998: 58:442-447. · AG. 5cHWRMAN, «Animal products, calcium and protein and prostate cancer risk in the Netherlands Cohort Study ». Br) Cancer, 1999; 80:1 107-11 13. • J.M. CHAN, «Dairy products, calcium, and prostate cancer risk in the Physicians' Health Study», Am) Gin Nurr, 200 1: 74:549-54. 58. E. GIOVANNUCO, « Calcium and fructose intake in relation to risk of prostate cancer». Cancer Res, 1998: 58:442-447. 59. T. H1AAYAMA, « Epidemiology of prostate cancer with special reference to the role of diet», Nad Cancer Insl Monogr: 1979: 53: 149-155. • P.K. MlllS, « Cohort study of diet, lifestyle, and prostate cancer in Adventist men », Cancer. 1989: 64:598-604 . • RK. Severson. «A prospective study of demographics, diet. and prostate cancer among men of Japanese ancestry in Hawaii », Cancer Res, 348
Note s
1989; 49:1857-1860> M.M. THOMPSON, «Heart disease risk factors. diabetes. and prostatic cancer in an adult community », Am j Epidemiol, 1989; 129:5 11-5 17. • AW. HSING, « Diet tobacco use, and fatal prostate cancer: resutts from the Lutheran brotherhood cohort study », Cancer Res, 1990 ; 50:6836-6840. • M.B. VEJER0D, « Dietary fat intake and risk of prostate cancer: a prospective study of25,708 Norwegian men », Int) Cancer, 1997; 73:634-638. W. 5. HERCBERG, « Nutrition, combattre les idées fausses », Recherthe & Santé, 2003; 95: 15. 61. P. GANN, « Risi< factors for prostate cancer », Rev Urol, 2002; 4(suppl 5) :53-5 1O. 62. E. GlOVANNUCO, The Management of Prostare Cancer. Humana Press, Totowa (New Jersey.
USA). 2000. 63. World Cancer Research Fund/American Institute for Cancer Research, Food, Nutrition and the Prevention of Cancer: a global perspeaive, American Institute for Cancer Research, Washington (OC. USA). 1997. 64. R. DUNDARoz, « Preliminary study on DNA damage in non breast-fed infants », PediQVics Int, 2002 ; 44; 127- 130. 65. P. COHEN, «Serum insulin-like growth factor- I levels and prostate cancer risk - interpreting the evidence »,) Nod Cancer Inst. 1998; 90:876-879. 66. M. HOLMES, « Dietary Correlates of Plasma Insulin-like Growth Factor 1 and Insulin-like Growth Factor Binding Protein 3 Concentrations », Cancer Epidemi%gy Biomarkers & Prevention, 2002 ; Il ;852-86 1. 67. J. CADoGAN, « Milk intake and bone minerai acquisition in adolescent girls: randomised, controlled intervention trial », BM), 1997 : 315: 1255-1260. 68. R.P. HEANEY, «Dietary changes favorably affect bene remodeling in older adults »,) Am DieteUe Assa. 1999 ; 99; 1228- 1233. 69. H. CHEN, «Diet and Parkinson's disease: a potential role of dairy products in men », Ann Neurol. 2002; 52;793-801. 70. 42e Réunion de l'American College of Nutrition, Orlando, Floride, du 3 au 7 octobre 200 1. 7 1. JA. KANIS, «The use of calcium in the management of osteoporosis», Bone. 1999; 24:279290. 72. G. FERNAI\IDES, « Protective role of n-3 lipids and soy protein in osteoporosis», Prostoglandins Leukot Essen< Fatty Acids. 2003: 68(6):36 1-372. 73. L IJsSNER. «Dietary fat and obesity: evidence from epidemiology », Eur j Qin Nulf. 1995; 49:79-90. 74. J. CHEN, « Diet, lifestyle and mortality in China: a study of the characteristics of 65 Chinese counties », Oxford University Press, Oxford (Royaume-Uni), 1990. 75. L 5HEPPARD, «Weight loss in women partidpating in a randomized trial of low-fat diets », American Journal o( Oinical NutriUon. 1991 ; 54;82 1-828. 76. 5.E. KAslM, « Dietary and anthropometric determinants of plasma lipoproteins during a longterm low fat diet În healthy women », American journal ofQinica/ Nutrition, 1993; 57: 146-/53. n. R.H . KNopp, « Long-term cholesterol-Iowering efTects of 4 fat-restricted diets in hypercholesterolemic and combined hyperlipidemic men: The Dietary Altematives Study », Joumal of the American Medical Association, 1997 ; 278: 1509-1515. 78. F. GUillON, « L'h istoire des produits: analyse des succès et des échecs », conférence Marketing, média et messages nutritionnels, de l'IFN, Paris. l et" octobre 2002. 79. D. FREEDMAN, «Trends and correlates of dass 3 obesity in the United >tates from 1990 through 2ooo».Journal orthe American Medical AssociaUon. 2002; 288( 14);1758-1761. 80. C. EBBEUNG, «Childhood obesity: public health crisis, comman sense cure ». The Lancet. LOO2 : 360;473-482.
349
S a nt é , men s onge s et pr o pag a nde
81. C. EBBELlNG, «A reduced·glycemic load diet in the treatment of adolescent obesity », Arch PeeI/orr Adoles<: Mec!. 2003; 157:773-779. 82 E. WESTMAN, {( Effea of &-month adherence to a very low carbohydrate diet program», Am J Med. 2002; 113( 1):30-36. 81 L CORDAIN, «The paradoxical nature of hunter-gatherer diets: meat-based yet non atherogenie ». Eur J Q/n Nuer. 2002; 56 Suppl 1:542-552 84. K McMANUS. «A randomized controlled trial of a moderate-fat. low-energy diet compared with a Iow fat. low-energy diet for weight loss in overweight adults », lot J Gbes Relal MelOb Dis,
2001; 25(10:1503- 1511. 85. J. FRICKER. Le Nouveau Guide du bien maigrir. Odile Jacob, Paris. 1996. 86. D. W llUAMSON, «UNC scientists find U.S. children snack more now than they did two decades ago », University of North Carolina News, 26 mars 200 1. 87. B.L HEITMANN, «Obese individuals underestimate their food intake - which food groups are under-reported? ». Ugeskr Laeger. 1996; 158(48):6902-906. 88. J.E. BEKELMAN. « $cope and impact of financial conflicts of interest in biomedical research: a systematic review »,joumal orthe American Medical Association, 2003; 289(4}:454-465. 89. A MICHOT, « BN, un centenaire qui garde le sourire », Cuisiner. 1998, 6 1:53. 90. S. L'HERMINIER. «Les sociétés explorent avec succès le filon lucratif des mini-produits». La Tribune. 23 décembre 2002. p. 18 9 1. E. T AKAHASHI, « Influence factors on the development of obesity in 3-year old children based on the Toyama study». Prev Med. 1999; 28: 109- 114. 92. M.G. TORDOFF, {( Obesity by choice: the powerful influence of nutrient availability on nutrient intake ». Am J Phys/ol Regullntegr Comp Phys/ol. 2002 ; 282(5):R I536-RI 539. 91 S. N IELSEN, «Trends in energy intake in U.S. between 1977 and 1996: similar shifts seen
across age groups» . Obesity Res. 2002; 10(5):370-378. 94. S. NIELSEN, «US craving for hi-calorie, low·nutrient foods soaring», Experimental Biology conference, 23 avril 2002. New Orleans (Louisiane. Ëtats-Unis). 95. « Conflit de canard: grignotage », Le Canard encharné. 10 avril 2002. 96. J.-P. POUlAIN, ({ Évolution récente des pratiques alimentaires». La Lettre de l'Institut Danone.
2001; 57:3-9. 97. A Co..NREUR. «La consommation hors repas en France », conférence Nestlé, Paris, 15 juin
2000. 98. A COlNREUR. «La consommation hors repas en France », conférence Nestlé, Paris, 15 juin
2000. 99. S. de JACQUELOT, «Sucres, graisses et ... cigarettes: les jeunes se nourrissent mal », Le
Quotid/en du médedn. 1997; 6089:28. 100. A COlNREUR. « La consommation hors repas en France ». Conférence Nestlé, Paris, 15 juin 2000. 101. OS LUOMG, ({ Relation between consumption of sugar-sweetened drinks and childhood obesity: a prospective, observational analysis», The Lancer. 200 1; 357:505-508. 102. Inspection académique de Haute-Saône, « Ëtat des lieux en matière de collations et goûters dans les écoles de Haute-Saône », avril 2001 103. S. BAu.. ({ Prolongation of satiety after low versus moderately high glycemic index meals in obese adolescents», Pediotries, 2003 ; 1J 1(3):488·494. 104. C.B. EBBéUNG. « A reduced-glycemic load diet in the treatment of adolescent obesity », Arch Peel/arr Adoles<: Med. 2003; 157:773-779.
350
Not es
105. 1. VERBAERE, ({'Gard: un enfant sur quatre est trop gros ». La Gazette de Nimes, 2002;
173:16-17. 106. N. CAlus,« Food habits, physical activity and overweight among adolescents », Rev Epidemiol
Sante Publique, 2002: 50(6):531-542. 107. N. UEN. «Stability in consumption of fruit. vegetables and sugary foods in a cohort from
age 14 to age 21 », Pœv Med, 200 1: 33:217-226. 108. B.j. SPECK.« A food frequency questionnaire for youth : psychometrie analysis and summary
of eating habits in adolescents »,j Adol Healrh, 200 1: 28:16-25. 109. N.P. STEYN. «Evidence to support a food-based dietary guideline on sugar eonsumption in
South Africa », Bulletin de l'Organi,atian mondiale de la santé, 2003 : 81 (8):599-608. 110. L CORDAlN. «An evolutionary analysis of the aetiology and pathogenesis of juvenile-onset
myopia». Acta Ophrhalmol Scand, 2002; 80(2): 125-135. 1I l . A. MARllN (Ed.). Apports nutritionnels conseillés pour la population française, Tec & Doc. Paris. 200 I,p.9 1. 112. O.S.
lLJov.ttG,
« The glycemie index: physiological mechanisms relating to obesity. diabetes
and cardiovascular diseases »,j Am Med Assac, 2002: 287:2414-2423. I II A M. FONTVIEILLE, « The use of low giycemie index foods improves metabolic control of diabetic patients in a 10 week study », Diabet Med, 1992; (9):444-450. 114. L CORDAlN, «The paradoxical nature of hunter-gatherer diets: meat-based. yet non-
atherogenic », Eur j Oin Nutr, 2002; 56 Suppl. 1:542-552. 115. S.s. EWOTT, «Fructose. weight gain and the insulin resistance syndrome », American journal o(Oinical Nutrition, 2002 ; 76:9 11-922. 116. S.s. EwoTT, « Fructose, weight gain and the insulin resistance syndrome », American journal a(Oinical Nutrition, 2002; 76:91 1-922. 117. M. SAKAI. « Experimental studies on the role of fructose in the development of diabetic complications », Kobe j Med Sei.. 2002; 48(5-6): 125- 136. 118. L COODAIN,« Hyperinsulinemic diseases of civilization : more than just syndrome X ». Camp Biochem Physiol, 2003 ; Part A 136 :95-1 12. 11 9. L CoooAIN, « Hyperinsulinemie diseases of civilization : more !han just syndrome X ». Camp Biochem Physiol, 2003; Part A 136 :95-1 12. 120. S.M. HAfFNER.« Low insulin sensitivity (s(i) = 0) in diabetic and nondiabetic subjects in the insulin resistance atherosclerosis study: is it associated with components of the metabolic syndrome and nontradîtional risk factors? )}, Diabetes Core, 2003; 26( 10):279&-2803. 121. J. GIlTELSOHN. « Specific pattems of food consumption and preparation are associated with
diabetes and obesity in a Native Canadian community»,j Nutr. 1998; 128 (3):54 1-547. 122. D.E. W IWAMS. «The effect of Indian or Anglo dietary preference on the incidence of diabetes in Pima Indians ». Diabetes Care. 200 1; 24(5):8 11-8 16. 121 K. MEYER. «Carbohydrates. dietary fiber. and incident type 2 diabetes in older women ». American joumal o( Oinical Nutrition. 2000; 71 :921-930. 124. J. SALMERON, «Dietary fiber. glycemie load, and risk of NIDDM in men », Diabetes Core, 1997; 20 (4):545-550. - IDEM. « Dietary Fiber. glycemie load and risk of non-insulin-dependent diabetes mellitus in women»,j Am Med Ass, 1997; 2n:472-4n. 125. S. LIU. «A prospective study of glycemic load and risk of myocardial infarction in women », FASEB j. 1998; 12A260. 126. s.uv, « Intake of refined carbohydrates and whole grain foods in relation to risk of diabetes mellitus and coronary heart disease »,j Am Coll Nutr, 2002; 21 (4):298-306.
351
Sa nt é. m e n so nges et propa ga nde
127. S. ltu, «Relation between a diet with a high glycemic load and plasma concentrations of high-sensitivity C-reactive protein in middle-aged women », American journal of Gimcal Numûon, 2002; 75(3);492-498. 128. O.s. MICHAUD, « Oietary sugar. glycemic load and pancreatic cancer risk in a prospective study».) Nod Cancer Insê 2002; 94: 1293-1300. 129. S. FRANŒSCHI. « Oietary glycemic load and colorectal cancer risk», Ann Oncol, 200 1; 12(2): 173-178. 130. LS. AUGUSTIN,« Oietary glycemic index and glycemic load, and breast cancer risk: a casecontrol study», Ann Oncol, 200 1; 12( Il): 1533- 1538. 131. LS. AUGUSTIN, «Dietary glycemic index, glycemic load and ovarian cancer risk: a casecontrol study in ltaly », Ann Oncol, 2003 ; 14( 1):78-84. 132. D. MARTINDAlE, « Burgers on the brain», New Scienûst p. 27-29, 1et' février 2003. 133. Haut comité de la Santé publique, Rapport: pour une politique nutriûonne/le de santé en France, DGS, Paris, 1999, p. 227. 134. A SEBASTIAN, « Estimation of the net acid load of the diet of ancestral preagricultural Homo sapiens and their hominid ancestors», American journal ofOnical Nucrition. 2002; 76: 1308- 1316. 135. L FRASSmo. « Potassium bicarbonate reduces urinary nitrogen excretion in postmenopausal women treated with potassium bicarbonate ». j ain Endocrinol Mewb, 1997; 82:254-259. 136. J. Jr LEMANN. « Relationship between urinary calcium and net acid excretion as determined by dietary prote;n and potassium: a review», Nephron, 1999; 81 (Suppl) :18-25. 137. L FRASSfTTO.« Effect of age on blood acid-base composition in adult humans: role of agerelated renal functional dedine », Am) Physiol, 1996; 27 1: 1114- 1122. 138. S.W, «Intake of refined carbohydrates and whole grain foods in relation to risk of diabetes mellitus and coronary heart disease» ,) Am Cali Nuer, 2002; 21(4):298-306. 139. P.K NEWSY,« Oietary patterns and changes in body mass index and waist circumference in adults )), American joumal ofainicol Nutrition, 2003; 77(6): 14 17- 1425 . • R KEUSHADI,« Obesity and associated modifiable environmental factors in lranian adolescents: Isfahan Healthy Heart Program
- Heart Health Promotion from Childhood », Pediotr Int, 2003; 45(4):435-442, 140. C.B. E8BEUNG. «A reduced-glycemic load diet in the treatrnent of adolescent obesity ), Arch Pediatr Adolesc Med, 2003; 157:773-779. 141. c.- y. GUEZENNEC, «Oxidation rates, complex carbohydrates and exercise ), Sports Med, 1995; 19(6):365-372. 142. AE. BRYNES, «A randomised four-intervention crossover study investigating the effects of carbohydrates on daytime profiles of insulin. glucose, non-esterified fatty acids and triacylglycerols
in middle-aged men », Br) Nutr, 2003; 89(2):207-218. 143. D. SHARP, «Acrylamide in food)), The Lancer. 2003; 361:36 1. 144. Reuters.« Norwegian study backs fried food cancer danger)). Oslo (Norvège), 6 juin 2003. 145. A FAVERO, «Energy sources and risk of cancer of the breast and colon-rectum in ltaly)), Adv &p Med Biol, 1999; 472:51-55. 146. E. Bloou, «Nutrient intake and avarian cancer: an ltalian case-control study). Cancer Causes Control, 2002; 13(3):255-26 1. 147. H. ULJEBERG. «Oelayed gastric emptying rate may explain improved glycemia in healthy subjects to a starchy meal with added vinegar», Eur j Qin Nutr. 1998; 52:368-37 1. 148. S.M. GRUNDY, « The effects of unsaturated dietary fats on absorption, excretion, synthesis and distribution of cholesterol in man )), J Qin Invesc. 1970 ; 49: 1135-1 152 149. Anonyme. « Quand l'huile d'arachide devient supérieure pour nous cacher le colza ), 50 M i//ions de Consommateurs, 1971 ; (7):39-41. 352
Notes
150. U. ERASMUS. Fars /ha! heal. (ars tha< kill. Alive Books (Bumaby. Colombie Britannique. Canada). 1993. p. 116-118. 15 1. E. HEI..5ING.« Trends in fat consumption in Europe and their influence on the mediterranean die!». Eur J Gin Nurr. 1993: 475054-512. 152. P. GuESNET. «Variabilité de la teneur en acide linoléique et du rapport acide linoléique/acide alpha-linolénique des lipides dans le lait de femme en France ». Ann Pédiatrie, 1995; 42 (5):282-288. 153. M. de LORGERIl. «The 'diet heart' hypothesis in secondary prevention of coronary heart disease ». Eur Heart J.. 1997: 18( 1): 13-18. 154. T NAKAMURA. « Serum fatty acid levels, dietary style and coronary heart disease in three neighbouring areas in Japan: The Kumihama Study», Br j Nurr, 2003; 89(2):267-272 155. GN. SANDKER.« Serum cholesteryl fatty acids and yheir relation with serum lipids in elderly men in Crete and the Netherlands », Eur j Gin Nutr. 1993: 47:201-208. 156. M. DELORGERIL. « Mediterranean diet traditional risk factors. and the rate of cardiovascular complications after myocardiaJ infarction : final report of the Lyon Diet Heart Study », Oreu/arion, 1999 : 99(6):779-85. 157. W. HAMER.« Heat stability of milkfat in relation to vegetable oils », Australian Food Industry Science Centre, Veribee (Australie). 2000. 158. S. CUNNANE. «Nutritional attributes of traditional flaxseed in healthy young adults », Americon journa/ of Oinical Nutrition, 1995. 61 :62-68. 159. L THOMPSON, « Aaxseed and its lignan and oil components reduce mammary tumor grovvth at a late stage of carcinogenesis ». Careinogenesis. 1996: 17 (6): 1373-1376. 160. S. CUNNANE, F/axseed in human nutrition. AOCS Press, Champaign (Illinois. USA), 1995, p.367. 161. P.LEGRAND. « Les apports nutritionnels conseillés en lipides », MEDEC (Paris), 12 mars 2002. 162. A SIMQPOlIlOS. « Omega-610mega-3 Essential Fatty Acid Ratio: The Scientific Evidence », World Rev Nurr Die" 2003 : 92 163. V. KLEIN, « Law alpha-linolenic acid content of adipose breast tissue is associated with an increased risk of breast cancer». Eur j Cancer. 2000; 36:335-340. 164. L DjOUSSE. « Dietary linolenic acid and carotid atherosclerosis: the N ational Heart Lung. and Blood Institute Family Heart Study », American Journal o(Oinical Nutrition, 2003; 77(4):8 19-825. 165. D. CARO, « Antioxydants à dose nutritionnelle : un cancer sur trois évité chez les hommes », Le Quotidien du médecin. 2003: 7358: 13-15. 166. S. RENAUD, « The beneficial effect of alpha-linolenic acid in coronary artery disease is not questionable (lettre) ». American journal of Oinical Nutrition. 2002: 76:903.
353
Santé. mensonges et propagande
Comment la France part en guerre contre les plantes et les compléments alimentaires 1. CCNE, « Avis sur les questions éthiques posées par la transmission de l'inrormation scientifique relative à la recherche biologique et médicale », rapport n° 45, 31 mai 1995. 2. Commentaires du code de déontologie médicale 1998, Conseil national de l'Ordre des médecins. 3. Code de déontologie médicale (introduit et commenté par LouIS REN~), 1996, Le Seuil. p. 190. 4. L GR€ZAuD, ({«Anabolisants : attention danger», Globe, 23 mars 1994, p. 41 5. Définition légale du dopage: artide 17 de la loi nO99-223 du 23 mars 1999. 6. « Avis sur les questions éthiques posées par la transmission de l'information scientifique relative à la recherche biologique et médicale », rapport du Comtté national d'éthique nO45-31, mai 1995. 7. S. FRANCESCHt, «Dietary glycemic load and colorectal cancer risk», Ann Onco/, 200 1;
12(2): 173-178. 8. La Pharmacopée française, recueil à l'attention des pharmaciens, contient une liste révisable de drogues, de substances et de matières premières qui sont décrites tant dans leur constitution que dans leur identification, et qui vont donner des indications utiles aux proressionnels de la pharmacie pour réaliser des médicaments, des préparations magistrales ou pharmaceutiques. 9. Il s'agit d'Isabelle Robard. 10. L'association pour la promotion des plantes aromatiques et médicinales de la Guadeloupe (APlAMEDAROM Guadeloupe) a été créée en mai 2000. L'APlAMEDAROM est composée de scientifiques (chimistes, biologistes. botanistes. phytoécologistes. pharmaciens), de proressionnels de la santé (pharmaciens, médecins), d'enseignants et de personnalités ayant une expérience, une compétence ou un intérêt pour les plantes aromatiques et médicinales. Il . Les éléments demandés étaient les suivants: dénomination, composition, effet pharmacologique, indication traditionnelle. 12. Le principe de précaution est un principe qui a pris naissance en droit de l'environnement et qui a été consacré pour la première fois lors du sommet de Rio en 1992. Il sera ensuite repris par de nombreux t extes européens et internationaux. mais aussi rrançais. Le principe de précaution implique que lorsqu'il existe une incertitude scientifique quant à la survenue possible d'un risque environnemental - même si ce risque n'est donc pas certain - certaines mesures soient prises. Ce principe a ensuite été étendu à la protection de la santé. Il « La santé pour tous au ~ siècle », rapport SANTE 2 1, 1999. 14. Technopole: site où tous les aspects du secteur de la plante seront réunis, de renseignement jusqu'à la recherche de pointe. 15. Pharmacognosie:« Discipline d'étude et de recherche concemant les matières premières naturelles servant à la préparation des médicaments, en particulier des plantes médicinales. ainsi que de leurs constituants [ ...]. Elle s'intéresse aussi aux effets toxiques éventuels des produits naturels », in Dictionnaire des sciences pharmaceutiques et biologiques, Acad. Nat Pharm., 1997. 16. Ëditions L Germosèn-Robineau. 17.« Principes directeurs pour l'évaluation des médicaments à base de plantes », World Health OrganizationfTRM/9IA. 18. Article 29 du décret de Victor Hugues réorganisant l'esclavage en Guyane, in Pharmacopées trodWonnelles en Guyane, de Pierre GRENAND, Christian MORfTTI et Henri JACQJEMIN, éditions de l'ORSTOM, 1987. Les auteurs écrivent page 46: « Le système colonial et l'esclavage imposèrent les
354
Note$ conceptions médicales européennes du colon, L'esclavage représente une rupture profonde avec l'Afrique, et le guérisseur africain constitue un danger pour le maître dans la mesure où il prétend détenir un pouvoir sur le corps de l'esclave propriété du maître ... » 19. Ancien terme pour désigner la pharmacopée. 20. Extrait tiré de Droit pharmaceutique. de M. DUNEAU, Litec, fase 11- 1O. 21. Loi nO 200 1-434 du 2 1 mai 200 1 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité. 22. Lettre du 13 février 2002 évoquant la nécessité de présenter « un dossier complet rédigé sous forme de rapport. comportant des données parfaitement étayées ». En pièce annexe, nous pouvions découvrir un document non daté et non référencé portant le titre Monographie de plantes à élaborer en vue de l'évaluation scientifique de leur sécurité d'emploi. Il fallait fou mir désonnais, notamment, des données sur la toxicité avérée ou potentielle des constituants (carcinogénécité, mutagénécité, tératogénécité, allergénicité, etc), les interactions médicamenteuses, etc. 23. La réglementation française prévoit la possibilité, pour certaines plantes dont la liste est exhaustive, d'obtenir des AMM allégées. Ces AMM sont plus simples à obtenir étant donné que le dossier à constituer est moins lourd puisqu'il se base sur l'utilisation traditionnelle de la plante, ce qui évite d'avoir à prouver sa valeur thérapeutique. Il faut néanmoins que les plantes en question rentrent dans une liste exhaustive d'indication thérapeutique. 24. J.P. MARESCHI, «Valeur calorique de l'alimentation et couverture des apports nutritionnels conseillés en vitamines de j'homme adulte», Ann Nutr Metob, 1984; 28: 11-23. K PI8RzIK,« The functional significance of marginal micronutrient status », in Modem li(estyles,1ower energy intok.e and micronutrient stows, Springer. New York (New York. USA). 1990, p. 103- 114. 25. S. HERCBERG, «Les Français tels qu'ils mangent», Science et Vie. 1999; HS :40-49. 26. Les apports nutritionnels conseillés (ANC) correspondants ayant été. depuis. revus à la baisse, la situation des Français s'est «améliorée» depuis 1999. 27. M.-C. CHAPUY, «Prevalence of vitamin D insufficiency in an adult normal population»,
Osteoporos ln. 1997: 7:439-443. 28. B. AMES, « DNA damage from micronutrient deficiencies is likely ta be a major cause of cancer», Mut Res. 200 1; 475:7-20. 29. V. DUfLOT. «Respecter les ANC, est-ce possible ?». Tout prévoir. 2000. 317 :34-35. 30. K HuLSHOf, « Is food variety conducive to a more adequate diet? », in Assesment o(variety. dustering and odequocy ofeating patterns. Dutch national (ood consumption survey, thèse, bibliothèque de Médecine. La Hague. Hollande. 13 mai 1993. 3 1. M. McCRoRY, «Dietary variety with food groups: association with energy intake and body fatness in adult men and women », American journal o(Oinical Nutrition. 1999; 69:440-447. 32 P. lAcHANŒ. «Ta supplement or not ta supplement: Is it a question? ». j Am Coll Nutr,
1994: 13 (2):113-115. 33. A. SUBAR, «Dietary sources of nutrients among US adu!ts », j Am Dietetic Assac, 1998;
98(5):537-547. 34. CS. JOHNSTON.« Plasma-saturating intakes ofvitamin C confer maxima! antioxidant protection to plasma».) Am Coll Nutr. 200 1: 20(6):623-627. 35. ER ;;;; équivalent rétinel. 36. K FAiRFIELD, «Vitamins for chronic disease prevention in adults », Journal of the American
MedicolAssodoVon. 2002: 287:3116-3126. 37. AE. CzEIZEL. «Periconceptiona! folic acid centaining multivitamin supplementation ». Eur J Obst.t Gynecol Reprod Biol. 1998: 78(2): 151-161.
355
San t é . mensonges et propagande
38. L HININGER. « Effeàs of a combined micro nutrient supplementation on matemal biological status and nevvbom anthropometrics measurements: a randomized double blind placebo-controlled trial in apparently healthy pregnant women». fur j Gin Nutr. 2004; 58( 1):52-59. 39. I.B. WIlKINSON. « Oral vitamin C reduces arterial stiffness and platelet aggregation in humans ».) Cardiowsc Phormocol. 1999; 34(5):690-693. 40. J.T. SAlON EN, « Antioxidant supplementation in atherosclerosis prevention (ASA?) study». ) lotem Med. 2000; 248(5):377-386. 41. J. FANG. « Effeàs of vitamins C and E on progression of transplant-associated arteriosclerosis: a randomised trial», The Lancer. 2002; 359: 1108-1 113. 42. R. BENSON, «Vitamin E may reduce stroke risk », American Academy of N eurology, 51 st annual meeting, Toronto, Canada. 20 avril 1999. 43. T. CHURCH, « Multivitamin use reduces C-reactive protein levels», Nutrition Week. 2003, New York (New York. USA), 21 janvier 2003. 44. S.H. JEE, « The effect of magnesium supplementation on btood pressure: a meta-analysis of randomized clinical trials ». Am j Hypertens, 2002; 15(8}:69 1-696. 45. D. Gu, « Effect of potassium supplementation on blood pressure in Chinese: a randomized,
placebo-controlled trial ».) Hypertens. 200 1; 19(7):1325-1331. 46. Z. PAN, « Effeàs of oral calcium supplementation on blood pressure in population », Zhonghuo Yu Fong Yi Xue Za Zhi. 2000; 34(2): 109-1 12. 47. M.M. ENaER. «Antioxidant vitamins C and E improve endothelial function in children with hyperlipidemia: Endothelial Assessment of Risk from lipids in Youth (EARLY) Trial », Orcu/aûon. 2003; 108(9): 1059- 1063. 48. W.J. BLOT, «The linxian trials: mortality rates by vitamin-mineral intervention grouP», Americon)ournal o(Oinicol Nutrition. 1995; 62(6 Suppl) :14245- 14265. 49. Résultats de l'étude SU.VI.MAX, 21 juin 2003. Paris. AJ. DUffIELD-UWCO. « Baseline characteristîcs and the effect of selenium supplementation on cancer incidence in a randomized c1inical trial: a summary report of the Nutritional Prevention of Cancer Tria!». Cancer Epidemiol Biomorkers Prev. 2002; Il (7):630-639. 51. D. AlBANES, « Effects of alpha-tocopherol and beta-carotene supplements on cancer incidence in the Alpha-Tocopherol Beta-Carotene Cancer Prevention Study», American journal Oinicol Nulfition. 1995; 62(6 Suppl) :14275- 14305. 52. NR COOK. « Beta-carotene supplementation for patients with low baseline levels and decreased risks of total and prostate carcinoma», Cancer. 1999; 86(9): 1783-1792. 53. DL lAMM. « Megadose vitamins in bladder cancer: a double-blind dinical trial »,j Uro/, 1994;
sa.
or
15 1(1 ):2 1-26. 54. J. BARON, « Neoplastic and antineoplastic effects of beta-carotene on colorectaJ adenoma recurrence: results of a randomized trial }},j Nat Cancer Inst 2003; 95( 10):7 17-722. 55. M.C. CHAPUY, « Vitamin D3 and cancer to prevent hip fractures in elderfy women ». New Eng)Med. 1992; 327:1637- 1642. 56. M. SANa, « A controlled clinical trial of selegiline. alpha-tocopherol or bath as treatment for Alzheimer's disease ». N Engl) Med. 1997; 336: 1216-1222 57. Age-Related Eye Disease Study Research Group. «A randomized. placebo-controlled. clinical trial of high-dose supplementation with vitamins C and E. beta carotene, and zinc for agerelated macular degeneration and vision 1055: AREDS report no. 8». Arch Ophd1almo/, 200 1;
119(10):1417- 1436. 58. B. OLMEDlUA « Lutein, but not alpha-tocopherol supp!ementation improves visual function
356
Note s
in patients with age~related cataracts: a 2-y double-blind, placebo-controlled pilot study », Nutrition,
2003; 19(1):21-24. 59. SN. MEYDANI, «Vitamin E supplementation enhances cell~mediated immunity in healthy elderly subjects ». American Journal orOinicol Nutrition. 1990; 52:557~563. 60. F. GlRODON. « Impact of trace elements and vitamin sl:Jpplementation on immunity and infec~ tions in institutionalized elderly patients: a randomized controlled trial, MIN. VIT. AOX. geriatric networl<».
Arch Intem Med. 1999; 159(7):748-754.
61. B. l..ANGKAMP-HENKEN. « Nutritional formula enhanced immune function and reduced days of symptoms of upper respiratory tract infection in seniors»,) Am Geriatr Soc, 2004; 52 ( 1):3-12. 62 S. JIAMTON, « A randomized trial of the impact of multiple micronutrient supplementation on mortality among HIV-infected individuals living in Bangkok». AlOS. 2003 ; 17(1 ):2461-2469. 63. SJ, SOiOENn-tAlfR, « The effect of vitamin-mineral supplementation on the intelligence of American schoolchildren: a randomized, double-blind placebo-controlled trial ».) A/cern Complement
Med, 2000; 6( 1): 19-29. 64. RK CHANDRA. « Effect of vitamin and trace-element supplementation on cognitive function in elder~ subjects», Nutrition, 2001 ; 17(9):709-7 12.
65. D. CAARot.L.« The effects of an oral multivitamin combination with calcium. magnesium. and zinc on psychological weU-being in healthy young male volunteers: a double-blind placebo-controlled trial ». Psychopharm
66. A COPPEN. « Enhancement of the antidepressant action of fluoxetine by folic acid : a randemised, placebo centrelled trial»,) Affe<:t Disord, 2000; 60(2): 121 -130.
67. KL HARDING, « Outcome-based comparison of Ritalin versus food-supplement treated children with AD/HO »,
Altem Med Rev, 2003; 8(3):319-330.
68. « Les compléments alimentaires sont des produits destinés à être ingérés en complément de "alimentation courante. afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers.» 69. Tribunal correctionnel du Mans. ou encore cour d'appel de Douai, 2000 70. Le principe de reconnaissance mutuelle est le principe fondamental communautaire qui permet la libre circulation des marchandises de façon réciproque entre les États. 71. A. DIPlocK. « Safety of antioxidant vitamins and beta-carotene », Americon journal o(Oinica/ Nutrition, 1995; 62(5) :15 105-15155.
72. Colloque Les visions du futur. Paris (France). Il février 1997. 73. Colloque Les visions du futur. Paris (France), I l février 1997. 74. U. WINTERMEYER, « Vitamin C. Entdeckung. Identifizierung und Synthese », in Heutige Bedeuwng in Medizin und Lebensmitte/technologie. Deutscher Apotheker Verlag. Stuttgart (Allemagne). 198 1.
75. S.T. ANNING. « The toxic effect of calciferol ». Quart) Med. t 948; 17:203-228. 76. R VIETH, « Vrtamin 0 supplementation, 2S-hydroxyvitamin 0 concentrations and safety ». Am ) Gin Nw, 1999; 69:842-856.
77. M.-C. CHAPUY. « Prevalence of vitamin D insufficiency in an adult normal population », Osteoporos ln, 1997; 7:439-443. 78. M. HoucK, « Too little vitamin 0 in premenopausal women: why should we carel », Am) Gin Nu", 2002; 76:3-4. R VIETH. « Efficacy and safety of vitamin D intake exceeding the lowest observed adverse effect level », Am) Gin Nu", 2001 ; 73:288-294. 79. RP. HEANEY. « Human serum 25-hydroxycholecalciferol response to extended oral dosing with chelecalciferol l - 3 ». Am) Gin Nu", 2003; 77:204-210.
357
80. RP. HEANEY, ({ Human serum 25-hydroxycholecalciferol response to extended oral dosing with cholecalciferoll - 3 », Am) Qin Nutr; 2003; 77:204-210. R VIETH, « Efficacy and safety of vitamin 0 intake exceeding the lowest observed adverse effect level», Am J Clin Nut!; 200 1; 73:288-294. 81. Article L 212- 1 du code de la consommation. 82. Éditions Frison-Roche, 200 1 83. Il s'agit d'Isabelle Robard. 84. Directive 2002146 du Parlement européen et du Conseil, 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concemant les compléments alimentaires. 85. La vitamine 89 n'est pas toxique, mais un supplément à dose élevé peut masquer une forme rare d'anémie sensible à la vitamine 812. 86. in Le Quotidien du médecin, 27 février 1995, p. 18. 87. AFSSA: Avis relatif à la demande d'évaluation du concept de la « micronutrition» utilisée dans l'alimentation des sportifs, Maisons-Alfort, 6 juin 2003. 88. H. ScHRODER, «Nutrition antioxidant status and oxidative stress in professional basketball players: effects of a three compound antioxidative supplement», Int) Sports Med, 2000; 21 (2): 146-
ISO. 89. CCNE, « Avis sur les questions éthiques posées par la transmission de l'information scientifique relative à la recherche biologique et médicale », rapport nO45, 31 mai 1995. 90. 0.8. PANAGIOTAKOS, «Consumption of fruits and vegetables in relation to the risk of developing acute coronary syndromes ; the CARDI02000 case-control study», Nutr ), 2003; 2(1):2. 91. Article 12. 92. Rapport du Sénat nO 419 rectifié« La volonté de vaincre le cancer», Commission des affaires sociales, 2000-2001, p. 9. 93. D. CARo, «Antioxydants à dose nutritionneJle: un cancer sur trois évité chez les hommes », Le Quotidien du médedn, 2003; 7358: 13-1 S. 94. Commentaires du code de déontologie médicale, 1998. 95. L'ISTNA est un institut rattaché au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Le CNAM est un grand établissement d'enseignement supérieur et de recherche. L'ISTNA a pour objectifla recherche dans le domaine concemant les relations entre alimentation et santé, la surveillance de l'état nutritionnel de la population ainsi que la formation et la diffusion des connaissances en nutrition de santé publique. 96. Commentaires du code de déontologie médicale, 1998 97. MONTAGNIER, OLMER, PASQUIER (Eds). Oxidative Stress in Cancer. A/DS, and Neuro-Degenerotive Diseases, Marcel Dekker Inc, New York (New York. USA), 1998. 98. S. HENDLER, PDR for NutritJ'onal Supplements, Medical Economies, Montvale (New Jersey. U5A), 2ool. 99. Directive 2oo2l46/CE 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations des futs membres concernant les compléments alimentaires. 100. Rapport du 12 avril 1995, requête n° 1786219. 101. Rapport d'activité de l'Ordre national des pharmaciens paru en 2002, p. 29 102. Rapport d'activité de l'Ordre national des pharmaciens paru en 2003, p. 29. 103. Article L 5122-14 du code de la santé publique. 104. Loi nO 92-1279 modifiant le livre V du code de la santé publique, et relative à la pharmacie et au médicament journal offidel. Il décembre 1992.
358
Notes
105. Franck SERUSClAT, débats du Sénat. séance du 19 mai 1992, Journal officiel, 20 mai 1992. p.124 1-1273. 106. Pau15oŒFRJN, débats du Sénat, séance du 19 mai 1992,Joornol offidel, 20 mai 1992, p. 12411273. 107. Idem. 108. Article L Il 10-1 du code de la santé publique. 109. Sous-titre de l'ouvrage L'Innocence judiciaire, de maître IN~. litec, 200 1. 1la. In « Rapport de synthèse concemant l'acide orotique», docteur M.P., expert analyste près du Bureau de référence de la CEE. Il 1. Idem. 112. La Gronde Encyclopédie 2000, « Le marché du lait», 113. Il s'agit d'Isabelle Robard. 114. Questions dites préjudicielles. 115. Cette convention comporte quatre tableaux également: substances hallucinogènes (dont le LSD par exemple), amphétamines. analgésiques ainsi que barbituriques. et substances comme les hypnotiques (ou épileptiques). Pour qu'une substance soit classée, il faut en général qu'elle soit porteuse d'un état de dépendance ou qu'elle provoque des effets nocifs. 116. Ccas crim, 2 1 février 1994, Bull crim nO 74. 117. Article L 5132-6. 118. Le principe du contradictoire est un principe qui régit l'ensemble des procédures juridictionnelles. Il signifie que chaque partie au procès va pouvoir faire valoir son point de vue, notamment par la production de documents et de pièces diverses en vue de faire valoir sa défense, son point de vue. Ces pièces devront cependant être transmises à l'adversaire afin que ce demier puisse y répliquer. Il doit y avoir. selon les principes développés par la Cour européenne des droits de l'homme, une égalité des armes. 119. Dictionnaire des sciences pharmoceuriques et biologiques, Acad. nat pharm., 1997. 120. Selon les termes mêmes du jugement de première instance. 121. En effet. il faut passer par la Commission de Bruxelles. qui sert de filtre, pour déposer plainte contre un État. en l'occurrence la France. C'est ensuite la Commission de Bruxelles qui appréciera l'opportunité de donner suite ou non à cette« réclamation», après avoir interrogé les autorités françaises. Si la réponse des pouvoirs publiCS n'est pas satisfaisante, cela débouche sur un avis motivé et une transmission à la cour de justice des Communautés européennes. S'ouvre alors le procès de droit communautaire. 122. Commission/République française aff. C-24/00.
359
Santé. m ens o ng es et pr o p a gan d e
À quand une vraie politique de santé et de prévention dans l'intérêt exclusif des consommateurs français? 1.ln compte-rendu intégral de la séance du 24 septembre 1997 au Sénat,}ournal offICiel nO43 S. (CR.). 25 septembre 1997. Claude Huriet est le père de la réglementation des essais sur l'homme en France. 2. Rapport annuel de la Cour des comptes au Parlement sur la sécurité sociale. septembre 1998. J Sénat débats du 24 septembre 1997,Journol officiel, 25 septembre 1997, p. 2294. 4. Rapport nO413. Assemblée nationale, du 10 septembre 1997. 5. Sénat. séance du 24 septembre 1997,journal offidel, 25 septembre 1997. p. 2286. 6. Sénat, séance du 24 septembre 1997,journal offidel, 25 septembre 1997, p. 2303. 7. Déclarations d'intérêts 200 1 AFSSAPS. 8. Article 441- 1 du code pénal: «Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques.» 9. Sénat séance du 24 septembre 1997, Journal officiel, 25 septembre 1997, p. 2286. 10. Rapport d'information nO409 au nom de la Commission des finances. du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le contrôle portant sur l'AFSSAPS intitulé «AFSSAPS: sortir de la prise de croissance)) (2002-2003), Sénat 11. Dictionnaire des médicaments faisant l'inventaire des compositions, des utilisations. des risques, etc.. des médicaments. 12 Article L 1323- 1 du code de la santé publique. I l Article L 1323-2-2 du code de la santé publique. 14. Article L 1323-2-4 du code de la santé publique. 15. Article L 1323-2-9 du code de la santé publique. 16. Article L 1323-2- 11 du code de la santé publique. 17. Rapport d'activité 2002-2003, p. 18. 18. Sénat, séance du 24 septembre 1997,journal officiel, débats du 25 septembre 1997, p. 2289. 19. Sénat, séance du 24 septembre 1997.journal officiel, débats du 25 septembre 1997, p. 2287. 20. Article R 794-6 du code de la santé publique. 21. Décret du le" avril 1999 pour M. le président Louisot; décret du 15 juillet 2002 pour M. le président Vialle. 22. Article R 794- 19 du code de la santé publique. 21 Décret du 3 1 mars 1999 et décret du 29 mars 2002 pour M. Martin Hirsch. 24. F. Loos in séances de l'Assemblée nationale. 8 janvier J 998,journal offICiel nO2, 9 janvier 1998, p.90. 25. Article L 1323-9 du code de la santé publique. 26. Article R 794-2 1 du code de la santé publique. 27. Loi du 13 juillet 1983 nO83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires. 28. Décret nO83- 1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers. 29. Rapport AfSSAPS 2002-2003, p. IJ 30. Rapport AfSSAPS 2002-2(0), p. IJ 31. 11 s'agit d'un fabricant dont M ~ Robard a eu à s'occuper.
360
Not e s 32. ln compte-rendu intégral de la séance du B janvier 199B de l'Nsemblée nationale,Journal
offldel nO 2 [1), 9 janvier 1998. 33. D'après les chiffres présentés par le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique. Leem
2002 34. Idem. 35. Loi du 4 février 2000 relative à la création de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. 36, Arrêté royal du 19 mai 2000 - Qooo/22443 AV020665 relatif à la composition et au fonctionnement du comité consultatif institué auprès de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaine alimentaire modifié par l'arrêté royal du 31 janvier 200 1 - C 2001/22 123 AV03664660.
37. Arteles L 1323 AI 13 et L 531 1-1 du code de la santé publique. 38. Rapport de l'Assemblée nationale nO 3263 du 18 septembre 200 l, titre 1er « Démocratie sanitaire », audition du ministre B. KOUCHNER, p. lB. 39. « La difficile survie du mouvement consumériste, associations en mal d'autonomie », Les Echos, 25-26 mai 200 1. 40. Article 38.2 du règlement CE nO 178(2002 du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire. instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires. 41 . Rapport du groupe de travail « Acides gras de la famille oméga-3 et système cardio-vasculaire: intérêt nutritionnel et allégations », juillet 2003. 42. Article L 41 13-13 du code de la santé publique: « Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé [ ... ] sont tenus de les faire connaitre au public lorsqu'ils s'expriment lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits .. »
43. Artiele 25. 44. Rapport de septembre 2002, p. 397. 45. Règlement CE nO 178(2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des proCédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires. 46. Règlement de novembre 2002, article 19. 47. Article 30 du règlement du 28 janvier 2002 précité. 48. Article 9 de la loi du 4 février 2000 précitée. 49. Article 9 du règlement du 28 janvier 2002 précité. 50. Rapport de la cour des comptes « La Sécurité sociale », septembre 2002 p.404.
51. Rapport précité, p. 405. 52. Rapport précité, p. 396. 53. Rapport précité, p. 396. 54. Rapport précité, p. 397. 55. Artele 54.2 du règlement CEE nO2309/93 du 22 juillet 1993. 56. Article 8 de la loi du 4 février 2000. 57. Article 5 du règlement intérieur du 18.09.2002: «Si un membre du conseil d'administration ne remplit pas ses obligations en matière d'indépendance, de confidentialité ou de participation, de manière telle que le fonctionnement du conseil d'administration s'en trouve gravement affecté, le conseil d'administration peut. à la majorité des deux tiers. demander le remplacement de ce membre.»
361
Santé, men so nges et prop aga nde
58. Article 5 du règlement intérieur du 6 novembre 2002. le conseil d'administration. «agissant sur proposition du directeur exécutif. peut nommer un remplaçant figurant dans la liste de réservé ».
59. 15 septembre 2003.
Que faut-il manger pour vivre mieux et plus longtemps 1 1. Débat organisé par France lnfo et la Fondation pour la recherche médicale dans le cadre des {{ Rencontres santé ». 16 décembre 2002. Maison de la Radio (Paris). 2. Débat organisé par France Info et la Fondation pour la recherche médicale dans le cadre des « Rencontres santé }). 16 décembre 2002. Maison de la Radio (Paris). 3. Marketing Magazine nO 76. janvier 2003. 4. AP. SlMOPOULOS. «Omega-3 fatty acids in heatth and disease and in growth and development », American Journal Oinical Nutrition. 199 1; 54:438-463. 5. Vous trouverez une information détaillée sur les compléments alimentaires, comment les choisir et comment les utiliser; dans Le Programme de longue Vie et dans Le Nouveau Guide des vitamines, deux ouvrages écrits par Thierry Souccar avec le docteur Jean-Paul Curtay et publiés comme celui-ci au Seuil. 6. M. McCuu.OUGH, {( Diet quality and major chronic disease risk in men and women : moving toward improved dietary guidance », American joumal of Oinical Nutrition. 2002; 76: 126 1- 1271.
or
Conclusion 1. Avis du Conseil économique et social. {{ La prévention en matière de santé », adopté le 26 ne>vembre 2003. 2 Rapport {{ La prévention en matière de santé », présenté au nom de la section des Affaires sociales du Conseil économique et social le 25 novembre 2003 par Guy RoBERT, rapporteur.
Pour transmettre toutes informations aux auteurs et les tenir informés de vos démarches, é crire à: Alimentation· Prévention· Santé 12, rue de la Thur 68260 Kingersheim
Pour adhérer à un mouvement et être informé, écrire à: MILCT (Mouvement intemational pour le libre choix thérapeutique) 14, rue de la Pépinière
75008 PARIS Ce mouvement associatif. qui existe depuis 1960 et regroupe plusieurs milliers d'adhérents, a pour vocation de défendre l'accès à toutes les formes de soins aussi bien préventifs que curatifs. Il édite un bulletin inteme d'informations sur les médecines non-conventionnel1es. l'alimentation et les compléments alimentaires.
Table
Sommaire ....
9
Avant-propos
Il
Introduction ...
15
Nutritionnistes et agrobusiness: le grand flirt Nutritionnistes et industriels, des liens étroits ..
21
« Français. vous mangez mieux qu'avant» ................. . . • . , . Qui n'a pas son conseil scientifique ~ .......................•....•. Amour du bœuf .. . . . . . . . . . . . . . . . .... . • . •• .•.• • . . • . •...• . • .. • .. • ..• .. . Conseil national des charcuteries? ..
21 22 23
Un authentique omniscient
25
Des études épatantes . .
26 27
A la soupe 1 ........... . Charcuteries: la vérité scientifique. Plus on goûte, plus on maigrit
Le livre. la presse et les parcs d'attractions : de puissants ou[ils de promocion . . Communiquez. il en restera quelque chose L'avez-vous bien Lu? . Du laità la«une» . . Les recettes d'un nutritionniste éclairé . ..... .....•. En famille. . ........ • . Des parcs d'attractions enchanteurs .. . Les enfants du mauvais goût . ......... . Merveilles de l'alimentation équilibrée « Halte au grignotage !)}
24
28 29
30 30 31 32
33 34 34 35
36 37
La propagande commence à l'école Objectifs instits ..... Bourrage de têtes (blondes) ................. . . . La rédemption par le lait Fromage et dessert
39 39 40 41 43
Des médecins transformés en panneaux d'affichage
par les industriels .. .
44
Docteur en publicité ............. . Une avalanche de laitages Cacophonie dans la salle d'attente Quand l'argent public finance la communication des industriels Plats à la poudre de lait ... . ...... , . . ...... .. ,
44 45 46 47 48
L'éthique et le droit mis à mal Un code de déontologie biaisé . . .. L'indépendance: une réalité ou un souvenir déontologique? Quand l'Ordre se fâche. il est relayé par le code pénal .. Vous avez dit: quand je parle. je déclare mes liens. Les déclarations d'intérêts: une nécessité vitale ......... .
50
.
.. . . . .. .. . .
50 51 52 53 53
Aliments et santé: ce qu'on vous fait avaler Laitages et os: une hystérie collective La Marie Pitchoune ..... «Nos amis pour la vie» ... Hors des laitages, point de salut! Il n'y a pas que les laitages Une orgie de laitages Les os des Suédoises Une histoire de fuite. De piètres plombiers . Les laitages. de drôles d'amis pour la vie Du lait. mais pas moins de fractures Un intérêt extrêmement faible Les enfants ciblés Pas de preuves scientifiques, les scientifiques eux-mêmes Experts ès fromages ................................... • . Tous aux abris ............ . Sucre et café au lait Vitrine scientifique
57 57 58 58 59 59
60 61 62 63 64 65 65 66 67 68 69 70
Sallesd'attente ...... ,.".,.",. Le Q\lRS à l'ouvrage " """ "",. Les enfants font baisser les surplus laitiers Toujours plus . .... , , , , . , , Les politiques se mobilisent . . . . , .• • .. .• . .. . ... , Bruxelles à l'écoute. . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . • . . . . . . . . . . ......• ' Les amis du diabète infantile? Les amis de l'infarctus? Les amis du cancer? , . , Quinze études sur vingt-deux .. , ......... . ....•.•......•....• laitages et cancer : une idée «fausse» 1 , .. , .. • .. , Il Ya experts et experts, , , . , , . , , , , , , , , , , , ' , , , , , , , , , , . ' , . , , . , .. , .• ' Des « amis» bien ingrats . ,., Les amis de Parl
Maudites graisses ! Des raisons de s'alarmer Les pays où l'on mange le moins gras Échec des régimes ,,,,,.,.,,.,,.,,,,,,,. ' ,.,,,,,.,,,,.,,. Les aliments allégés sur la sellette Moins de glucides ......... ..... , Quand les graisses font maigrir , .. Nous sommes faits pour les corps gras Pourquoi il ne faut pas éliminer les graisses,
Maigrir après 40 ans: ce qu'on ne vous dit pas Cachotteries , . . ,,.,,.,,,,.,,.,,.,,.,,.,,,,,,,, Quand les hormones nous lâchent , , , . , , . , , , , , , , . , , . , , . , , .• ' Remplacement hormonal. , .. L'hormone de croissance à l'étude Des risques pas encore maîtrisés Maigrir sans traitement hormonal
Les aliments du goûter nourrissent J'épidémie d'obésité . . , . .....• ' Le grignotage avance masqué ......... . . , . , , . , , . , , . , , . , , , , , , , . •. Le «quatrième repas» . Goûter n'est pas grignoter. , Le marché du snacking .. Petits, petits. petits .. Le consommateur-brouteur , Sucré ou salé? ,
71 72
73 7l
74
75 76 77
78 79 80 81 83 84 84 85
87 87 88 88 89 90 90 91 92
94 94 95 96
97 97 98 105 105
106 106 107 108 109 109
«le goûter qui rend mince» . , , , , . , , .... • . •....•.. ..•... .•.•. . ..•.. .. •.•. ... , . Accros aux snacks ...... . . , .. •• ... •• . , .• , •• , , .•• , .• •. , • , ..•• , . la marmotte victime du grignotage. À l'américaine! .......... . Oléri, l'école n'a pas rétréci les enfants! De plus en plus faim, , . , ..... , ... , , . , ..... l e régime méditerranéen version snacking .... Moins de vitamines. , .. Ouvrir les yeux ..... . Sale temps pour les dents l'enfer du pancréas ... Une maman contre l'industrie
Sucres, céréales et diabète: le sujet tabou Une explosion épidémique .... Des Français nalrs l'expert oublié .......... . Tous les glucides ne sont pas égaux .....•• . . , .•. . Dans le secret de l'amidon. Sucres à tous les rayons .......... . . Le fructose. chouchou de l'industrie .. Nos enfants en première ligne . . ... Frankensucres .. , . , , .. , L'AFSSA fait disparaître 36000 femmes! Encore plus fort: l'AFSSA volatilise 108000 volontaires ! Mauvaises nouvelles pour le cœur . Le lobby du sucre .... .... . Le pain, une affaire d'État .. Le plein d'amidon ... Trop d'acide Notre pain quotidien Les biscottes des tennismen français Céréales à l'acrylamide . Retour au bon sens l 'huile de tournesol, un e huile à ne pas prendre à la légère Une bande de jeune .. . . , . . . . . ....... . . .......... . Cholestérol: l'ennemi numéro un L'huile qui allège votre cuisine Méchants Américains ... . . . .. , . • . . ... . Panique générale ........... . Oméga·6 et oméga-3 Équilibre disparu .
10 Il Il
12 13 14 16 16
17 18 18 19
120 120 12 1 122
123 125 126 127 128 129
130 130 13 1 132
133 134 135 136 137 138 139
140 140 141 141 142 143 145 145
Une huileàne pas prendre à la légère .. , ..•.... • ... , •. • .... • , ...• , • . " .• , •. . , . • .•... , Des résultats stupéfiants. , . . . . , •. , , , • . . . ..•.•. , .. Privés de margarine . , .... . ... , . Le retour manqué du colza ........ , . , Les experts français continuent de se distinguer Recommandations zéro ..... ', .. Varier les huiles L'exemple finlandais ".
146 147 148 149 150 151 152 153
Comment la France part en guerre contre les plantes et les compléments alimentaires Haro sur la créatine ! . Dérapages médiatiques Stupeur chez les experts .. Agent anticancer ................•.... . . • .... . ....•....•.•....•......•....•.•... , . Ni équilibré ni scientifique ........•. • ....•. ,.. . ....................... . .... . ........ l es procès de la créatine .. . Miracle à la DGCCRi ...... , ...... , ............ • .. ." Un rapporteur pas vraiment pour la créatine ..........•. Médecin ou juriste ? ....... . .................. . «Dopage aux vitamines» .... ... ... ... .. •. . ........... •. l 'autre face cachée du Monde . . . . . •• • • . .. •• . . l e plus grand flou .......... . Post-scriptum: les boissons sucrées bientôt interdites? .................. .
Les plantes de la France
d'out re~me r
discriminées par r AFSSAPS
De Nice à Gosier. Débuts de correspondance avec l'AFSSAPS . . . ..... ....... . Entrée officielle de deux plantes prétendument dangereuses à la Pharmacopée française La loi « droits des malades », un berceau idéal pour enclencher une réforme Spédalités pharmaceutiques métropolitaines inefficaces ou médecine locale adaptée 7 Madame Michaux-Chevry: « l es actes suivent les paroles» .......... . Des chercheurs intemationaux pour un patrimoine mondial Qui ne respecte pas le prindpe de précaution? ... Quand la science fait un pont entre hier et aujourd'hui ... l e défaut d'inscription à la pharmacopée: un héritage de l'esclavage Amendement pour séance de nuit l e ministère de l'Outre-mer se mobilise pour la seconde étape . Des dossiers à géométrie variable. . . . . .. .. ... . . Qui sont les experts compétents à 1'AfSSAPS? ..... . .. . Première convocation officielle avec les experts de 1'AFSSAPS ..........•..
157 157 158 159 160 161 162 162 163 164 165 166 167 168 169 169 170 171 172 172 173 174 174 175 176 177 177
178 178
Dix-sept personnes pour« accueillir» les scientifiques guadeloupéens ..... La loi de programme: une grande loi pour abriter nos amies les plantes domiennes 12 mars 2003 : la date du changement . ................. Les plantes d'outre-mer. on ne pense qu'à elles! Depuis deux cents ans, la population attend . . . . . . . ..... ,.
179
180 18 1
1BI IB2
Vitamines : le mythe de t'alimcnt.1tion « équilibrée» ......•.. Les limites de l'alimentation . Les enfants aussi . . Altération des chromosomes Inaccessibles ANC .. . ..... ........ . .• . Le mythe de la «variété» Abats, fruits secs et oléagineux Comment améliorer le statut nutritionnel des Français en une nuit Des preuves cliniques, aussi ........... • Prévention des malformations de l'enfam et des uoubles de la naissance . . . . . • • • • • • • . . .. • Prévention cardio- et cérébro-vasculalre •.... . . . . . •••••••. . • Préventson des cancers ................................. . .... •• •• •• •.... • Prévention des maladies dégénératives liées à l'dge . . .. . •• • .••••••••• •••• • ••• . • Amélioration de l'immunité "., . ", .......... ,..... . . . . .. . . . . . .... . . . ... • Amélioration des facultés intellectuelles . , , , . , , , , . . . •. . . . . . . . . . . . . . •. •••. • Améliorats"on de l'humeur . ... . ............. , , , , , • , . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •• Tout le monde devrait prendre des vitamines
183 IB3 IB4 IB5 IBB IBB IB9
Dangereuses vitamines . . . . . .
197
. ..... .. .. . ......... , . . . . . . . .... . . . .. .. . ... ...
Une réglementation d'allure brejnévienne . . . . . . •. . . . . . • . . . . • . . . . • . • . . . . • . . De Brejnev â Pétain ... . .. , .. , . . . . . . . . . . . . . . . . • . •• . . • • . •. . . • • . . . . • . Entre médicament et aliment: quel mal choisir? Un décret du siècle demier pour ouvrir le Ille millénaire ............ . Compléments alimentaires, viandes et boites de conserve: tous dans le même bateau juridique .. Compléments alimentaires et additifs: logés à la même enseigne Bruxelles adresse toutes ses félicitations à la France Le CSHPf: ranne fatale de la Répression des fraudes .... Le CSHPf prend des airs de supériorité Des avis très confidentiels ...... . Vous avez dit séparation des pouvoirs? La OGCCRF fait la pluie et le beau temps Les vitamines pire que le haschisch " , . Pesticides, pollution et vitamines ,., ... Juges rétifs . . .. . ... . La mission du professeur Bemier . Ëquipe de choc Sus aux vitamines! .. Grand-messe à Beccy ....
190 19 1 192 192 193 194 195 195 196 196
197 198 199
199 200 200 201 202 202 203 204 204 205 205
206 206 207 207
20B
La philosophie au secours de la science .... . Importation franco-française ....... . ......... . Les importateurs dépriment: l'Europe en France, c'est quand ça nous arrange ! ...... . .•... Il vaut mieux consommer des additifs dangereux que des vitamines bénéfiques ...... . Dangereux pour les adultes, bénéfiques pour les bébés .................... . Dangereux pour la DGCCRF, bénéfique pour les spécialistes .. . Comment. en une simple lettre. une doctrine administrative devient loi Il est urgent de ne rien faire. . . . ... . . .. ...... . .......... . La directive européenne sur les compléments alimentaires. ........•. les projets français de réglementation à l'heure européenne De nouvelles listes de plantes . . . .. ..... , • .. Cacophonie Le retour du scorbut de la vitamine C Plus fort que le scorbut: le dopage
208 211 211 212 213 214 214 216 216 218 219 219 220 221
l'étude SU.Vt.r1AX. ou comment manipuler médias et public
223 223
Gladiator à Roland-Garros .. , , . . . . . . . . . . . . . ........ . .. . ....•. Antioxydants contre cancer .. l es antioxydants, ça protège. mais c'est dangereux! l es fruits et les légumes ont bon dos 14 kilos de légumes par jour .. , ... le programme national Nutrition-Santé donne l'écho. Des questions embarrassantes .. . . ...... . , , Manipulation médiatique ., .. Éducation sanitaire ou cours de cuisine. Excès de timidité , ................. . ........... . l'incidence des cancers: une vraie priorité gouvemementale . le bal des sponsors ............... . .......... . La vraie conclusion de SU.VI.MAX
Antioxydants et médicamentS importés: le dernie r rideau de fer ..
224
225 225 226 227 227 228 229 230 230 231 232 235
Recherche antioxydants . , , . , , . .. . .... . 235 «II faut prendre des suppléments» .. 236 Parcours du combattant ......... . . . 236 Délire médico-bureaucratique ...... . 237 «Mission de protection de la santé publique» 238 L'AFSSAPS a tout faux .................... . 239 Entre médicament et complément alimentaire, en France, mon cœur balance ......... • . 240 Commission européenne des droits de l'homme et définition française ......... . ... .•. . .... , 241 Une même définition pour deux concepts juridiques contradictoires .. . 242 Transmutation expresse. . . . . . ........... . 243 France, revoyez votre copie .. . .. . 244 Jean-Louis n'est pas tout seul: accumulation de plaintes à BruxeUes 245
Compléments et médicaments. même combat. . . . . ......... Le demier rideau de fer. . . . . . . . . . . . . . . ......... Plaidoyer pour une véritable liberté thérapeutique: des consommateurs et des malades pris en otage.. .. . .. .. ................... .... . Démocratie sanitaire: quand, denière les mots. les actes doivent suivre . . ........ . ..........
StUpéfiant: des sels minéraux assimilés aux drogues dures! ...
245 246 247 248
. 251 251 252 254
Mauvais scénario .. . . L'adjudant sort de sa réserve . . Les orotates. indispensables à la vie . L'acide orotique: substance vénéneuse en France, complément nutritionnel en Europe Les producteurs de lait en prison? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Préparatifs hors normes pourun procès stupéfiant ...................................... Ouverture du procès . . . . . . . . . . . . . . . Glissement de terrain: de la substance vénéneuse au stupéfiant . ....... , ,. . Les Français à la santé si fragile . ... . ........ . .............. , , . . Plaidoirie: désolée. mais les orotates ne sont pas des stupéfiants 1 La montagne qui accouche d'une souris L'heure du délibéré ................. . Pas de question à Bruxelles ...... . .. . ......... • .... , .• Un verdict lourd pour des listes à jour Les Nations unies à la rescousse .. . . Ouverture du procès d'appel ........ . Réquisitoire du Parquet: quelles conclusions tardives? Le Parquet et l'Ordre national des pharmaciens muets d'émotion devant les Nations unies Attention aux risques de confusion entre le lait et les stupéfiants .......... . ... . . La cour d'appel: une seconde chance pour faire triompher le droit et le bon sens? .. . Un première en France: les compléments alimentaires « jugés» sous le coup du droit de la drogue ........ . .. . .... . .............. .
255 256 257 257 259 260
261 262 263 264 264 265 266 267 267 268 269 270
A quand une vraie politique de santé et de prévention dans l'intérêt exclusif des consommateurs français? Agences sanitai res françaises : une indépendance en trompe-l'œil '.
. .. 275 275 276
L'Agence française du médicament : une indépendance très théorique ....... . .....•.•...... Des fonctions aux intérêts contradictoires ............... .. . . ........ . ...... , ., •• ' ,., .. Des intérêts économiques non négligeables ..... . ... , , , .. , .. , ..... , ....• . •. ... ,. . . . L'AfSSAPS et l'AfSSA-: encore plus d'indépendance ............................. . . " •... ". La mise en place de l'AFS$APS . .. . . .............. , .. . " .. .. . • . • .. . ... Des déclarations d'intérêts servant de paravent à la responsabilité? . .. ..,................ Des commissions scientifiques qui savent « accueillir» les laboratoires ......• , , • .. , , , , • , ...
277 278 278 280
283
Comment joindre l'utile à l'agréable Une profession de foi battue en brèche .... Un absentéisme important Des règlements intérieurs très ({ intérieurs» Quid de l'AFSSA? ......... . Un vrai challenge pour l'Af5SA: favoriser de bons comportements nutritionnels Une volonté politique farouche .................. , ... . Vous avez dit ({ indépendance par rapport au pouvoir politique»? Un conseil d'administration décidément très « administratif» ..... ... . Des scientifiques sous étroite surveillance Un arsenal juridique au service d'une noble cause: l'indépendance des experts .. Aqui la faute? .... .. ........ . . ..... ........ . ......... . Des intérêts économiques ({ confortables» Des sociétés et des organismes omniprésents: au nom de quels intérêts? Cumul de «mandats» préoccupant ..... Expert du secteur public ou du secteur privé? . L'AFSSA: presque un avis par jour ........................ ....•. Sueu~ froides. ou l'art de la communication administrative Des experts invisibles; autorisation mission Impossrble! ' ..
Des agences sanitaires à reformer et il démocratiser L'industrie alimentaire: un géant économique à placer sous haute surveillance L'ttat c'est moi! ............. . .. , .... . Les consommateurs: les grands absents des agences sanitaires . . Les consommateurs davantage représentés dans les agences étrangères .................... . Plus de consommateu~ dans les agences sanitaires: proposition pour une réforme Associations agréées: au service de l'ttat ou des consommateurs? . . . . ........ . A quand des jurés-consommateurs dans les agences sanitaires? , .. Pour des « audiences publiques» du conseil d'administration .. , .. Les déclarations d'intérêts à prendre ({ un peu» plus au sérieux . S'abstenir plus souvent dans les réunions serait « parfois» bienvenu Pour une véritable transparence des déclarations d'intérêts ............... . Mince alors. je ne pourrai plus m'exprimer tranquillement! ........ . Pour une vraie transparence: le libre accès à l'ensemble des informations . Le droit à la parole pour la minorité scientifique? .............. , .. ..... . . Pour une communication réelle entre les agences sanitaires et les consommateurs Le financement des agences: un gage d'indépendance douteux .. Faites ce que je dis. mais ne faites pas ce que je fais . .. . ................ ... . Pour un financement économiquement et politiquement neutre ......•. ' . • . .•. Pour un maximum d'experts sans liens économiques .,.. . . , .. , , . , ... Pour une participation des experts étrangers et/ou européens Arrêtons le surmenage: les 35 heures ne sont apparemment pas pour les experts! Manque de participation: pas de fonction! ....... ..... .... .. . ..... . Un entretien avec le premier directeur généra! de l'Agence du médicament. , .
284 284 285 286 287 288 288 289 289 290 292
29J 29J 294 295 296
297 298
299 299 JOO JOO JOI J02 J02 J04 J04 J05 J05 J06 J07 J08 J09 J09 J IO JIO JI2 JI2 JIJ JIJ JI4 JI5
Le guide pour manger sainement.
de Harvard Un beau programme................................................... . . . .. 323 Vingt ans de retard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . •. . . . . . . . . . . . . .. 324 I.Lesgroisses ...................... ..... ...................... ....... 324 2. Les laiwges et le calcium .............................. . .... . ........... 325 3. Les farineux, les (éculents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 325 4. Les compléments de yiWmines et de minéraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 326 Ménager les industriels . . . . • . . . . . . . . . . . . . .. 327 Programme nutrition-santé de l'industrie .... . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . • . . . • . . .. 327 Les recommandations des meilleurs spécialistes du monde ... . . . . • ..... .•. ..• . .• . ....... 330 Une autre manière de manger: le GMS .. . . . . . • • •• . . . • .. . . • • . • . . 33 1 • Les graisses ........ . ..... ....... ................................... 33 1 • Les céréales et autres glucides complexes ..... .. . .. ........ .. . ... . ..... . . . . .. 333 • Les (ruits et les légumes ... """ .................. .................. ... 333 • Les protéines animales ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 33 5 • Les laiUJgeS ••••.•. , •• , ••••••••...•••.•.•••..........••••........ • •.• 335 • Les boissons et l'alcool . . ..... . ... . .. . .................................. 336 • Lescompléments de viWmines et de minéraux ...... .... .....•.••••• . • . ...... 337 Deux fois plus efficace... .. . . . ......... ... ... ... .. ..•... . ...•...•. .•. . . •• . • . . 337
Conclusion
339
Notes . . ... ..... ... . . . ........ .. . .......... . ........................•... . ......... 345
Des mêmes auteurs
I SA BELLE ROB AR D
Médecines non-conventionnelles et droit
Éditions Litec, «jurisclasseur)), 2002
THIERRY SOU CCA R
Toutes les vitamines pour vivre sans médicaments
Firs!, 1991 et j'ai lu, 1994
La Révolution des vitamines Firs!, 1995 et j'ai lu, 1998 Le Guide des nouveaux stimulants
(préface du Pr jean-Robert Rapin) Albin Michel, 1997 Vérités et Mensonges des produits amincissants
Albin Michel, 1998 Em ballage alimentaire et Santé
Axis, 1998 La Protection solaire
Flammarion, 1998 Avec le Dr Jean-Paul Curtay Le N ouveau Guide des vitamines
(préface du Pr jean Dausset) Seuil, 1996 Le Programme de longue vie
Seuil, 1999
DIRr,cnON ~DITOR IALE: l'l..ORE..'1CE LOCUYER SUIVI ËDITORIAL : SANDRA LUMIJROSQ CONCEPTION GRAPHIQUE ET RËALlSATION : CURSIVES À PARIS
GRO U PE CPI
Achel'é d'imprimer en avril 2004 par BUSStt:RE CAMEOAN IMPRIMERIES Ct S(lim-AmQnd.. Montrond (Cher)
W d'~dition: 57372. - W d'impression: 04 1932/ 1. Dépôt I~gal : mai 2004. Imprimé en France
ThierrySouccar &Isabelle Robard
SANTE, MfNSONGfS fT PROPAGANDE Trois ans d'enquête pour ce livre accusateur! Les auteurs dénoncent les pratiques des multinationales de l'agroalimentaire, relayées par les instances gouvernementales. Ils s'attaquent à ces conseils nutritionnels devenus véri tés premières: "les laitages ren forcent la solidité des os», "pour maigrir, il faut diminuer les graisses», " les vitamines sont dangereuses» .. Ils mettent en lumière les intérêts privés, le poids des lobbies, le rôle de la publicité, le retard réglementaire français. Ils proposent une alternative nutritionnelle mais aussi un cadre susceptible de garantir, dans l'avenir, l'indépendance de l'information médicale. "Ce livre illustre bien la d!!rive Me à la non-ind!!pendance d'experts dot!!s par ailleurs d'un
pouvoir exorbitant . 1# Paul l annoye. député européen ft
Le sujet de ce livre est extrêmement important et il est formidable que cette question soit
soulevée en France. Je suis persuadé que cet ouvrage aura un impact. Il Pr Wa lter Willett. président du département Nutrition de l'école de Santé publiq ue de Harvard
"Ce livre clair et pri!cis réussit à di!clencher un système de "r!!trocontra/e " qui sera bi!néfique à l'ensemble du monde nutritionnel. JI Or Marvin Edeas, président de la société française des Antioxydants
Thierry Souccar est journaliste et écrivain scientifique. Chargé des questions de nutrition pour Sciences et Avenir, il est membre de l'American College of Nutrition. Isabelle Robard, avocate, chargée de cours en faculté de droit. est spécialisée en droit de la santé, docteur en droit.
19€
9 www.seuiLcom/ISBN 2-l12-l1573J2-5 /lmpriméen mnce 05.04