Les sanctions contre les chômeurs Le principe de sanctions contre les chômeurs existe depuis plus de 15 ans en France : article R311-3-5 du code du travail : « Le délégué départemental de l'Agence nationale pour l'emploi radie de la liste des demandeurs d'emploi les personnes qui refusent, sans motif légitime, d'accepter un emploi compatible avec leur spécialité ou leur formation et avec leurs possibilités de mobilité géographique compte tenu de leur situation personnelle et familiale et des aides à la mobilité qui leur sont proposées et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et dans la région. »
Le demandeur demploi (DE) a donc des obligations (4) : y y
y y
ccomplir des "actes positifs et répétés" en vue de retrouver un emploi" Suivre, sauf motif légitime de refus, les actions de formation ou d'aide à la recherche d'emploi proposés. Répondre aux propositions ou convocations de l'ANP ANPE, de l ASSEDIC, de l'AFPA "Accepter, sauf motif légitime de refus, un emploi compatible avec sa spécialité ou sa formation, ses possibilités de mobilité géographique". A
Une personne qui ne remplit plus les conditions pour être inscrite sur la liste des demandeurs demploi pour des motifs autres que la reprise demploi, lentrée en formation, lindisponibilité pour maladie, etc. doit être rayée de la liste des demandeurs demploi . Si elle est indemnisée par lassurance chômage (ou par le régime de solidarité), le versement de lallocation doit sinterrompre . On assiste à la mise en place dun système rationalisé de sanctions, entrepris pas la loi de cohésion sociale de 2005, et renforcé par la loi du 1er aout 2008 relative aux droits et devoirs des demandeurs demploi. Néanmoins, on attend toujours le décret dapplication de la loi de 2008. Les dispositions en vigueur sont donc celles de 2005 , et on ne peut que spéculer sur les effets que produira la réforme de 2008, qui sarticule autour de plusieurs axes majeurs explicités ci-après. En outre, ces effets devront être gérés par Pole Emploi, entité unique nouvelle résultant de la fusion récente de l ANPE et des ASSEDIC, ce qui pose également des questions en termes defficacité de gestion du système.
I.
La loi de cohésion sociale de 2005 (en vigueur aujourdhui) met en place un système rationalisé de sanctions et de contrôle des DE
1. Les sanctions : introduction des concepts de gradation et de récidive Avant la réforme de 2005, il était possible de sanctionner les DE qui manquaient à leurs obligations, mais il nétait possible que de supprimer définitivement leurs allocations. La loi de cohésion sociale de 2005 et son décret dapplication changent significativement la donne. La nouveauté principale réside dans la possible gradation des sanctions (article L. 351-17 du Code du travail). La décision de sanction, moins lourde de conséquences pour le chômeur quauparavant, sera
sans doute plus facile à prendre pour le Préfet. La loi de cohésion sociale introduit aussi la notion de récidive, notion nouvelle en France. Ainsi, le refus dune proposition demploi convenable ou un manquement dans les obligations de recherche demploi entraîne désormais : sil sagit de la première fois, une réduction de 20 % du revenu de remplacement pendant deux à six mois ; en cas de récidive, une réduction de 50 % ou de 100 % pendant une durée de deux à six mois. En cas de non-réponse à une convocation, le revenu de remplacement est désormais supprimé pendant deux mois sil sagit dun premier manquement ou plus longtemps sil y a récidive. Enfin, une fausse déclaration entraîne désormais, sil sagit de la première fois, une suppression du revenu de remplacement pendant deux à six mois et en cas de récidive, une suppression définitive. La possibilité reconnue aux ASSEDIC de suspendre le versement du revenu de remplacement (ou, chose nouvelle, de réduire le montant) à titre conservatoire en attendant la décision du préfet est confirmée pour les seuls cas de refus de se rendre soit à une convocation des ASSEDIC (ou des organismes mandatés par elles) soit à une visite médicale devant vérifier laptitude au travail, ou de fausse déclaration.
Cependant, la notion demploi « convenable » est définie plus ou moins précisément selon les pays. En France, la dernière rédaction de larticle L. 311-5 du Code du travail le définit ainsi : pour les demandeurs demploi, il sagit dun emploi « compatible avec leur spécialité ou leur formation, leurs possibilités de mobilité géographique compte tenu de leur situation personnelle et familiale et des aides à la mobilité qui leur sont proposées (), et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région ». Il est, dautre part, précisé qu un contrat aidé, un contrat dapprentissage ou un contrat de professionnalisation sont des emplois convenables.
Dans le cas de suspension ou de réduction de son allocation dune durée supérieure à deux mois, le demandeur demploi peut demander à être entendu par une commission composée dagents de lÉtat, de l ANPE et de l ASSEDIC.
2. Les modalités de contrôle En France, un demandeur demploi doit pouvoir « justifier dactes positifs et répétés de recherche demploi » (dernière version de larticle R. 311-3-5 du code du travail après publication du décret dapplication de la loi de cohésion sociale). Il ne peut refuser une action de formation ou dinsertion . Les textes ne donnent cependant aucun critère objectif permettant dapprécier leffectivité de la recherche demploi. Cette dernière est donc évaluée de manière pragmatique en fonction des caractéristiques du chômeur et du bassin demploi. Le DE doit actualiser chaque mois sa situation pour continuer à être inscrit sur la liste des demandeurs et, le cas échéant, percevoir lallocation chômage. Lobjectif est de savoir si la personne est toujours au chômage, si elle est immédiatement disponible et quel type demploi elle recherche (à temps plein ou partiel). La déclaration de situation mensuelle (D SM) peut être faite par simple appel téléphonique, par courrier électronique ou papier, etc. La D SM ne permet pas de contrôler leffectivité de la recherche demploi. En revanche, labsence dactualisation est un facteur de radiation fréquent. Les entretiens à lANPE, quil sagisse des rendez-vous semestriels dans le cadre du projet daction personnalisé (aux 1er, 6ème, 12ème, mois de chômage) ou des autres rencontres avec les conseillers de lagence et les possibles entretiens semestriels à l ASSEDIC doivent permettre de faire le tour des démarches de recherche effectuées par le chômeur. En France, le contrôle de leffectivité de la recherche demploi et le pouvoir de sanction étaient, avant la loi de cohésion sociale, de la compétence exclusive des représentants du ministère de lEmploi au niveau du département (DDTEFP). Les ASSEDIC et lANPE participaient néanmoins au suivi et au contrôle, l ASSEDIC uniquement pour les chômeurs indemnisés par lassurance chômage et l ANPE pour tous les
chômeurs. Mais ni lANPE ni lASSEDIC nétaient habilitées à sanctionner un demandeur demploi ne respectant pas ses obligations. La loi de cohésion sociale et son décret dapplication du 2 août 2005 changent quelque peu la donne en matière de contrôle. LANPE et lASSEDIC sont plus étroitement associées au contrôle, bien que nétant toujours pas habilitées à sanctionner. Enfin, les droits du demandeur demploi menacé dune sanction lourde (suppression de lallocation supérieure à deux mois) sont améliorés. Sil conteste la procédure, son dossier est transmis à une commission composée de représentants de lÉtat, de l ANPE et de l ASSEDIC. Il a alors dix jours ouvrés pour formuler des observations écrites ou demander à être entendu par cette commission, accompagné, le cas échéant, par la personne de son choix. Le Préfet nest cependant pas engagé par la décision de la commission.
La loi du 1 er aout 2008 relative aux droits et devoirs des demandeurs demploi devra permettre lamélioration du système, avec des sanctions plus lourdes et plus systématiques, mais en contrepartie un accompagnement et une protection des droits du DE plus efficaces
II.
1.
ssurer un meilleur accompagnement du DE : le projet personnalisé daccès à lemploi (PPAE) A
Le texte organise les relations entre le demandeur demploi et le service public. Il a pour objectif affiché de mettre en place une approche personnalisée du parcours de recherche demploi permettant de construire un "projet personnalisé daccès à lemploi" qui servirait de base à la définition dune "offre raisonnable demploi".
2. Favoriser le retour à lemploi en contraignant plus fortement le DE : loffre raisonnable demploi (ORE) Le demandeur demploi doit sengager à ne pas refuser plus de 2 offres demploi correspondant à "loffre raisonnable" telle quelle sera définie dans son projet professionnel personnalisé. La définition de loffre raisonnable prendra en compte les emplois précédents du demandeur demploi, sa durée de chômage et son lieu de résidence. Le salaire de lemploi proposé devra être au moins équivalent à 95% du salaire antérieur après 3 mois de chômage, à 85% après 6 mois et au moins égal à lallocation perçue après un an. Un amendement voté à l Assemblée nationale prévoit que ces durées sont "prorogées du temps de formation". Le salaire proposé doit correspondre au salaire "normalement pratiqué" dans la région et dans la profession et être conforme aux règles relatives au salaire minimum. Loffre raisonnable doit également après 6 mois de chômage se situer au maximum à 30 kms du lieu de résidence ou à une heure au plus de transport en commun.
3.
A
ssurer une meilleure défense du DE : le médiateur national
Un médiateur du service public de lemploi doit être créé pour servir de voie de recours des chômeurs dans leurs relations avec Pole Emploi. Il remet chaque année au conseil dadministration de Pole Emploi un rapport dans lequel il formule les propositions qui lui paraissent de nature à améliorer le fonctionnement du service rendu aux usagers.
4. Rationaliser et étendre le processus de radiation : élaboration dune liste des cas dapplication La loi détaille les motifs de radiation de la liste des demandeurs demploi :
-
non justification "de laccomplissement dactes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise", refus à 2 reprises dune offre raisonnable demploi, refus de suivre une action de formation ou daide à la recherche demploi, refus de répondre à une convocation, refus de se soumettre à une visite médicale auprès des services médicaux de main-duvre destinée à vérifier son aptitude au travail ou à certains types demploi, refus dune proposition de contrat dapprentissage ou de contrat de professionnalisation, refus dune action dinsertion ou dune offre de contrat aidé, fausses déclarations, refus de définir ou dactualiser le projet personnalisé daccès à lemploi (amendement adopté lors du débat au Sénat).
Un décret en Conseil dEtat devra préciser les conditions précises et la durée des radiations prononcées par le service public de lemploi. La loi prévoit aussi la suppression progressive dici à 2012 de la dispense de recherche demploi pour les seniors dont bénéficiaient jusqualors les demandeurs demploi âgés de plus de 57,5 ans.
Conclusion. Les sanctions contre les chômeurs depuis 2005 : premier bilan Le nombre de sanctions prononcées contre les chômeurs a triplé entre 2005 et 2006, passant de 7 200 à 24 800. Un chiffre à relativiser : seulement 2% des personnes indemnisées sont concernées. Le nombre de sanctions prononcées à lencontre de chômeurs indemnisés pour défaut de recherche demploi est jusquà présent faible en France. In fine, seuls 6 % des demandeurs demploi dont les dossiers avaient été transmis par les ASSEDIC ont été exclus définitivement du bénéfice de lindemnisation, et 8,2 % ont vu leur droit à indemnisation provisoirement suspendu. Cela signifie que, parmi les allocataires convoqués à un entretien de contrôle par les ASSEDIC, seuls 0,9 % ont été exclus définitivement et 1,2 % temporairement. Ce faible nombre de sanctions prononcées peut sexpliquer de diverses manières. Dabord, lexistence dune politique de contrôle peut ex ante inciter les demandeurs demploi à respecter leurs obligations (effet préventif). Il faut pour cela que la menace de sanction soit suffisamment crédible. Une autre explication paraît plus vraisemblable. Jusquau décret dapplication de la loi de cohésion sociale, la seule sanction possible était la suppression temporaire ou définitive du bénéfice de lindemnisation, sanction très forte, donc utilisée avec précaution. La possibilité de ne réduire que de 20 % le montant de lallocation a pu modifier les choses. Enfin, la procédure permet aux chômeurs convoqués par l ASSEDIC à un entretien et à ceux qui sont informés que leur dossier est transmis au DDTEF P de réagir en modifiant leur comportement de recherche. Sils peuvent apporter la preuve quils ont renforcé leur recherche, ils ne seront pas sanctionnés, mais lobjectif du contrôle (renforcer leffort de recherche) sera bien atteint. On attend à présent le décret dapplication de la loi du 1 er aout 2008, qui viendra renforcer et rationaliser davantage le système, avec des contraintes plus fortes pesant sur le DE, mais aussi en contrepartie un accompagnement plus efficace.
Annexe 1 Grille des sanctions contre les chômeurs fautifs - 08 août 2005, toujours en vigueur Infraction : refus sans motif légitime d'un emploi, formation, ou contrat d'apprentissage
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Sanction en cas de manquement : baisse de 20% des allocations pendant 2 à 6 mois + 15 jours de
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radiation Sanction en cas de récidive : baisse de 50% des allocations pendant 2 à 6 mois ou de façon définitive + 1 à 6 mois de radiation
Infraction : refus de répondre à une convocation et non-accomplissement de recherche d'emploi
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Sanction en cas de manquement : suppression des allocations pendant 2 mois + 2 mois de
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radiation Sanction en cas de récidive : suppression des allocations pendant 2 à 6 mois ou de façon définitive + 1 à 6 mois de radiation
Infraction : déclaration inexacte pour demeurer sur la liste des demandeurs d'emploi
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Sanction en cas de manquement : suppression définitive des allocations mais si l'activité déclarée
est très brève, la suppression est de 2 à 6 mois
Annexe 2 La procédure de contrôle des chômeurs avant 2005 Au titre du suivi des conditions de réalisation des engagements que le demandeur demploi a pris dans le cadre du projet d'action personnalisé, lASSEDIC avait lobligation deffectuer un certain nombre de contrôles, les chômeurs contrôlables étant ceux dont lallocation est en cours de renouvellement, car arrivée au terme des 182 jours dindemnisation. Seul un certain pourcentage dentre eux était contrôlé (environ 10 % en 2001, plus de 30 % en 2005), le choix se faisant par un tirage aléatoire. Un certain nombre de chômeurs identifiés comme manquant potentiellement à leurs obligations de recherche étaient également sélectionnés. Lentretien de contrôle qui avait lieu à lantenne locale de lA SSEDIC portait sur les modes de recherche demploi. En cas de non transmission de documents demandés ou dabsence non justifiée à lentretien, lASSEDIC avait la possibilité de suspendre le versement de lallocation, à titre conservatoire, et transmettait le dossier au DDTEFP , seul habilité à trancher. LASSEDIC ne peut prendre une mesure conservatoire de suspension ou de réduction du revenu de remplacement quaprès avoir permis au chômeur de présenter sa défense, soit par écrit, soit lors dun entretien contradictoire. Le DDTEFP avait ensuite soixante jours pour prendre une décision pouvant être : exclure lallocataire du revenu de remplacement (temporairement ou définitivement) ce qui entraîne aussi une radiation de la liste des demandeurs demploi ; lui adresser un simple avertissement ; considérer quil remplit la condition de recherche demploi et le rétablir dans ses droits. La décision définitive ne pouvait intervenir quaprès que le chômeur ait pu présenter ses observations. LAN PE participait également au contrôle de leffectivité de la recherche demploi mais pour tous les chômeurs, quils soient ou non indemnisés. Quand elle constatait que certaines obligations (cf. liste des 4 obligations en intro) navaient pas été respectées, elle pouvait prendre une décision de radiation de la liste des demandeurs demploi. Le demandeur demploi concerné devait en être prévenu et avait le droit de fournir des observations écrites dans les 15 jours. La radiation pouvait durer entre deux et six mois, selon la gravité des faits, sauf en cas de fausse déclaration où elle durait entre six et douze mois. Si la décision de radiation relevait de la seule responsabilité du délégué départemental de lANPE , elle devait néanmoins être transmise au DDTEFP . Pour un chômeur non indemnisé par lassurance chômage, la procédure sarrêtait là. Pour un chômeur indemnisé, le DDTEFP devait alors décider pendant quelle durée suspendre le versement du revenu de remplacement.