Pollution industrielle de l’eau Stratégie et méthodologie par
Jean-Claude BOEGLIN Ingénieur chimiste, Docteur ès sciences Président d’honneur de l’Institut de recherches hydrologiques (IRH) – environnement, Nancy Conseiller scientifique de l’Institut de promotion industrielle (IPI) – environnement industriel, Colmar
1. 1.1 1.2 2. 2.1 2.2 2.3
2.4
2.5 2.6 3. 3.1 3.2
Vers une approche globale et la maîtrise de la pollution industrielle.................................................................... Contraintes liées à l’origine de l’eau........................................................... Contraintes liées aux rejets .........................................................................
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Étude-diagnostic de la pollution aqueuse émise ............................. Enquête préliminaire.................................................................................... Établissement du bilan détaillé de la pollution et de l’utilisation de l’eau Examen des possibilités technico-économiques de réduction des débits d’eaux à traiter .................................................................................. 2.3.1 Lutte contre le gaspillage.................................................................... 2.3.2 Définition des mesures visant à une meilleure utilisation de l’eau Réduction de la pollution à la source. Technologies propres................... 2.4.1 Limitation de la pollution par récupération des matières premières, déchets et sous-produits ................................................. 2.4.2 Techniques propres ............................................................................. 2.4.3 Mise en œuvre de procédés propres ................................................. Restructuration du réseau d’assainissement ............................................. Avant-projet définissant le schéma directeur d’assainissement ..............
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Étude du schéma de traitement des eaux résiduaires ................... Méthodologie utilisée pour la définition des filières de traitement des eaux usées et des boues.............................................................................. Méthodes et matériels d’évaluation ........................................................... 3.2.1 Essais de laboratoire et en petite installation pilote......................... 3.2.2 Essais en installations pilotes semi-industrielles .............................
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4.
Prestations d’un bureau d’ingénieur-conseil. Maîtrise d’œuvre .......................................................................................
5.
Conclusion ..................................................................................................
Références bibliographiques ..........................................................................
L
es problèmes posés par les ressources en eaux et leur pollution sont à présent de plus en plus à l’ordre du jour ; longtemps négligés, ils ne peuvent plus être considérés comme accessoires. Pour l’industriel, l’eau est devenu un critère important, une matière première comme les autres. Il doit tenir compte de son coût pour établir ses prix de revient. L’augmentation continue des besoins en eau, dans la grande majorité des techniques de fabrications industrielles, le conduit à faire face à un certain nombre de contraintes liées à cette consommation d’eau. L’objet de cet article est de montrer comment il convient d’aborder un problème de pollution industrielle sur le plan stratégique et méthodologique dans la mesure où il faut considérer la station d’épuration, non comme une machine épurante à tout faire, mais comme l’ultime remède à apporter aux méfaits de la pollution car, de toute évidence, c’est la solution la plus onéreuse et la moins satisfaisante pour l’environnement.
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1. Vers une approche globale et la maîtrise de la pollution industrielle 1.1 Contraintes liées à l’origine de l’eau Pour l’alimentation des sites industriels, on peut avoir recours à l’eau de ville mais son coût est élevé et ne fait qu’augmenter. La contribution des eaux souterraines va en décroissant, les eaux de forage possèdent une qualité généralement satisfaisante et sont peu taxées, mais la taxation devrait nettement augmenter au cours du 6e plan de l’Agence de l’eau. On est de plus en plus contraint de recourir à des eaux de surface malheureusement soumises à la pollution. La qualité dégradée des eaux de rivière impose à l’industriel de réaliser un traitement de l’eau souvent très poussé avant utilisation, qui par la suite est de plus en plus onéreux.
1.2 Contraintes liées aux rejets Pour ses eaux résiduaires, l’industriel paie une taxe d’assainissement à la municipalité qui traite ses effluents et une taxe de rejet à l’Agence de l’eau. Là encore, il faut prévoir une augmentation substantielle de cette taxe en cours du 6e plan de l’Agence de l’eau. On note d’une manière générale un renforcement de la législation qui réglemente de plus en plus sévèrement, la qualité de l’eau au rejet et les performances épuratoires des stations d’épuration. Une nouvelle directive européenne impose, par ailleurs, aux industriels un degré de fiabilité d’exploitation des installations de traitement très élevé. Enfin, on ne peut plus négliger l’importance des facteurs de relation de l’entreprise avec son voisinage, la presse et l’opinion. Aujourd’hui, les aspects liés à l’environnement font partie des éléments stratégiques qui permettent d’apprécier la valeur d’un établissement industriel dans son ensemble. L’image de marque d’une entreprise peut être renforcée ou détériorée, dans son impact commercial, selon que le public ressent positivement ou négativement son approche environnement. Face à ces contraintes, il apparaît de plus en plus fondamental, de raisonner sur les besoins globaux en eau d’un site industriel et par suite dans une nouvelle approche : — modifier et redéfinir notre réflexion sur l’utilisation de l’eau en quantifiant les besoins exacts en qualité et en quantité, aux divers stades du procédé de la fabrication ; — puis trouver et mettre en œuvre des solutions techniques qui permettront de mieux maîtriser les flux polluants, en apportant une plus grande valeur ajoutée globale à l’industriel. L’industriel se trouvant dans la nécessité d’épurer les eaux usées rejetées par son usine pense immédiatement à la solution qui consiste à implanter une station d’épuration adaptée à la nature des rejets à traiter et susceptible d’atteindre les performances exigées pour préserver le milieu naturel. Le choix d’une filière de traitement des effluents et le dimensionnement des ouvrages constitutifs nécessitent une connaissance précise non seulement de la quantité globale de pollution rejetée mais aussi de son évolution au cours du temps. Ces renseignements peuvent être obtenus en effectuant l’opération appelée bilan de pollution. Cette opération est de toute façon indispensable lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une station de traitement. Une autre démarche
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plus fructueuse est possible sur le plan technico-économique, elle consiste : — dans l’optique d’une meilleure gestion de l’eau, d’accepter de remettre en cause l’utilisation de l’eau dans l’usine et la conception des circuits d’eau existants, dans le but de réduire au moyen de mesures préventives les débits d’eau à traiter ; — à considérer que, en fabrication, produire c’est gérer un bilan matière et du travail, et que lutter contre la pollution industrielle revient à analyser ce bilan matière au regard de tous les sousproduits et contaminants indésirables que l’on est susceptible de retrouver dans l’eau. Instruire et poser de façon rationnelle un problème d’eaux résiduaires industrielles rend obligatoire la gestion et la maîtrise de la pollution, qui doit être analysée à la source des activités de l’usine et dans les procédés de fabrication eux-mêmes. Pour procéder selon cette démarche, une étude détaillée du problème de pollution posé doit être réalisée, en vue de l’établissement d’un schéma directeur de lutte antipollution approprié pour le traitement des rejets évacués par l’usine. Pour créer une démarche logique de l’esprit envers ces problèmes de pollutions industrielles, nous allons rassembler ici les idées générales qui gouvernent les choix techniques conduisant à la résolution du problème considéré et dégager une sorte de trame utilisable dans la plupart des cas pour l’étude des eaux résiduaires. Le contenu de toute « étude » sérieusement menée [2] doit comporter deux phases successives : — l’étude-diagnostic de la pollution aqueuse de l’usine avec la définition des mesures visant une meilleure utilisation de l’eau et la recherche des possibilités de réduction de la pollution au niveau de l’outil de production ; — puis l’étude du schéma de traitement des eaux résiduaires portant sur l’analyse des différentes solutions de traitement envisageables en vue du choix du traitement à retenir sur la base de considérations aussi bien techniques qu’économiques.
2. Étude-diagnostic de la pollution aqueuse émise On considérera comme principe de base que l’épuration proprement dite des eaux résiduaires émises par un établissement industriel ne doit être envisagée qu’à la suite d’un processus dont les premières étapes consistent à intervenir dans l’usine elle-même, pour rechercher par tous les moyens une réduction du flux polluant, puis une collecte et une évacuation rationnelles des effluents résiduaires à traiter. L’étude sur le plan de sa consistance comportera plusieurs parties dont la réalisation pratique s’effectue selon une certaine chronologie.
2.1 Enquête préliminaire Toute étude concernant les possibilités de traitement des effluents résiduaires d’une usine doit être précédée par une enquête approfondie, qui a pour but de préciser les éléments nécessaires à une bonne connaissance de la pollution de l’usine : — caractéristiques de la production de l’usine (nature, quantités et qualités des fabrications), avec examen des projets d’extensions ; — bilan quantitatif de la production, distribution et utilisation de l’eau dans l’usine (eau industrielle, déminéralisée et potable) ; — recensement et localisation des diverses sources de pollution solide et liquide (sources permanentes ou accidentelles) ;
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— analyse des divers modes de collecte, à l’intérieur de l’usine, des eaux pluviales, des eaux de refroidissement, des rejets industriels de fabrication et de lavage des sols ; — analyse des divers modes d’évacuation hors usine de la production « polluante ».
Parallèlement, chaque poste de mesure est équipé d’un préleveur automatique, permettant la constitution en continu, proportionnellement au débit, d’échantillons représentatifs qui seront soumis à l’analyse pour, d’une part, la détermination des caractéristiques globales de pollution (voir encadré « Définitions des principaux critères de pollution relatifs aux effluents ») :
2.2 Établissement du bilan détaillé de la pollution et de l’utilisation de l’eau
— pour la pollution organique : DCO, DTO, DBO5 ; — pour la pollution particulaire : MEST (matières en suspension totale), MVS et MM (fractions organique et minérale des MEST), MESD et MESND (matières en suspension décantables en 2 h ou non décantables) ;
Le choix d’une filière de traitement des effluents et le dimensionnement des ouvrages de la station d’épuration nécessitent une connaissance précise, non seulement de la nature et des caractéristiques physico-chimiques des eaux résiduaires, mais aussi de la quantité globale de pollution rejetée et de ses fluctuations au cours du temps. Ces renseignements peuvent être obtenus en effectuant l’opération bilan pollution, qui consiste à procéder à une campagne de prélèvements et de mesures de débit permettant de saisir les variations de la pollution industrielle à traiter. Mais dans une approche, souvent plus fructueuse, il est particulièrement intéressant de compléter cette démarche en procédant au bilan de l’utilisation de l’eau dans l’usine et à l’étude d’une meilleure gestion de l’eau à ce niveau [2] [3]. Pour mener ces investigations, il est nécessaire de mettre en évidence dans l’usine les diverses utilisations de l’eau et les débits qu’elles requièrent, de relever le schéma des circuits et postes d’utilisation d’eau existants, et de déterminer la qualité de l’eau aux différents niveaux des circuits. L’évaluation de la pollution sera effectuée non seulement sur les collecteurs généraux, mais sur les rejets élémentaires issus des différents ateliers de fabrication et, si cela s’avère nécessaire, sur les rejets unitaires par machine ou poste de travail, ce qui permet d’élaborer un « graphe » des effluents de l’usine comportant, à chacun de ses niveaux, les caractéristiques des rejets. Une telle démarche diffère évidemment, dans sa finalité, du simple bilan de pollution, trop souvent effectué uniquement au niveau du collecteur général de l’usine, dans le souci immédiat de dimensionner une station de traitement. La prise en compte des caractéristiques de l’effluent global, sans se préoccuper de son origine, conduit souvent à une installation complexe, avec des dimensionnements et des coûts d’exploitation excessifs. Dans la méthodologie que nous préconisons, il s’agit d’intervenir le plus en amont possible, au niveau des utilisations et des rejets élémentaires, pour les caractériser, analyser les possibilités et les modes de regroupement des différents effluents selon leur nature et leur composition, et étudier les conditions de réutilisation par recyclage des eaux non polluées. Ces travaux doivent être effectués par une équipe spécialisée, expérimentée dans ce domaine et rompue aux conditions de travail, souvent difficiles, imposées par la conception des installations de fabrication, leur mode d’utilisation et la nécessité de ne pas perturber leur exploitation. Lors de son intervention, cette équipe doit disposer du matériel pour mesurer en continu et simultanément en plusieurs points (en pratique au moins 5 à 6) : — les débits par la mise en œuvre ou l’installation de seuils déversoirs, avec enregistrement continu des hauteurs de lames déversantes, de dispositifs déprimogènes, de moulinets hydrométriques et de traceurs chimiques ; — les paramètres de qualité, en rapport avec l’utilisation de l’eau et caractéristiques d’un comportement global, comme le pH, le potentiel d’oxydo-réduction, la température, la conductivité, l’oxygène dissous.
et, d’autre part, de certaines grandeurs analytiques spécifiques : — matières grasses, hydrocarbures ; + – – — composés azotés (azote Kjeldahl, NH 4 , NO 2 , NO 3 ) et phosphatés (phosphore total, orthophosphates) ; — substances inhibitrices ou toxiques : métaux lourds, cyanures, phénols, chromates, etc. La durée de la campagne de prélèvements et de mesures de débit, ainsi que le programme analytique réalisé, sont fonctions de la variabilité des consommations d’eau et des rejets élémentaires, ellemême liée au caractère cyclique des processus de fabrication et au fonctionnement de l’usine. Selon la nature des fabrications des usines, on réalisera des bilans sur une période de 24 heures ou sur plusieurs jours, l’échantillonnage réalisé pouvant être horaire, bihoraire ou porter sur des périodes plus longues, 4 à 6 heures par exemple. Bien entendu, il convient de tenir compte des variations saisonnières ou annuelles (congés) de la production polluante de certaines usines, et également des prévisions d’extension de certains ateliers. On appliquera pour cela des facteurs correctifs, par exemple en admettant la proportionnalité entre certains débits ou quantités de pollution et les tonnages de matières premières utilisées ou de produits finis fabriqués, déterminés lors de l’enquête préliminaire. Les résultats du bilan initial constituent donc un constat de la situation existante, qui servira de référence pour l’évaluation de toutes les modifications pouvant être proposées pour une meilleure utilisation de l’eau et une réduction à la source de la production polluante.
2.3 Examen des possibilités technicoéconomiques de réduction des débits d’eaux à traiter Il n’est plus nécessaire de souligner l’importance de l’eau dans l’industrie ; utiliser plus d’eau, c’est dépenser plus d’argent si elle est achetée au distributeur d’eau, dépenser plus pour la puiser en rivières et éventuellement pour la corriger (déferrisation, adoucissement, déminéralisation). C’est aussi évidemment construire une station d’épuration plus importante, car plus on emploie d’eau, plus certains ouvrages (comme les décanteurs par exemple) doivent être dimensionnés de façon importante. Il s’avère par ailleurs que dans bien des cas, un excès de dilution rend le traitement plus difficile. Pour réduire les volumes des rejets, il convient tout d’abord d’entamer la lutte contre le gaspillage et, ensuite, de définir des mesures visant à une meilleure utilisation de l’eau [3].
2.3.1 Lutte contre le gaspillage Il s’agit là le plus souvent d’un problème de bon sens, de volonté et de formation du personnel. Des résultats spectaculaires pourront être obtenus par des mesures simples.
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Définitions des principaux critères de pollution relatifs aux effluents (eaux résiduaires urbaines et/ou industrielles) ■ Matières en suspension totales (MEST) : paramètre (exprimé en mg/L) qui correspond à la pollution insoluble particulaire, c’est-à-dire à la totalité des particules solides véhiculées par les eaux résiduaires constituées par : — les matières en suspension décantables en 2 heures (MESD), le chiffre 2 est arbitraire mais correspond à de bonnes conditions de décantation de la fraction grossière et dense des particules ; — les matières en suspension non décantables (MESND), il s’agit de la fraction colloïdale du MEST. La calcination à 550 oC des MEST permet de connaître l’importance relative des matières minérales (MM) et des matières organiques ou matières volatiles solides (MVS). ■ Demande chimique en oxygène (DCO) : représente la consommation d’oxygène (exprimée en mgO2/L) dans les conditions d’une réaction d’oxydation par le bichromate de potassium, en milieu sulfurique à chaud et en présence d’un catalyseur, de l’ensemble des matières oxydables (sels minéraux oxydables et la majeure partie des matières organiques). ■ Demande totale en oxygène (DTO) : mesure de la consommation d’oxygène (exprimée en mgO2/L) par une technique instrumentale qui réalise l’oxydation directe des matières organiques par une combustion catalytique à 900 oC. ■ Demande biochimique en oxygène (DBO5) : quantité d’oxygène consommée (exprimée en mgO2/L) dans les conditions d’essai (incubation à 20 oC et à l’obscurité après un laps de temps de 5 jours) pour assurer par voie bactérienne l’oxydation biologique des matières organiques dites biodégradables. ■ Azote global (NGl) : quantité (exprimée en mgN/L) qui correspond à l’azote organique et ammoniacal et aux formes oxydées de l’azote (nitrites et nitrates). ■ Azote Kjeldahl (NTK) : quantité (exprimée en mgN/L) correspondant aux formes réduites de l’azote (azote ammoniacal et azote organique). ■ Phosphore total (PT) : quantité (exprimée en mgP/L) qui correspond à la somme du phosphore contenu dans les orthophosphates, les polyphosphates et les phosphates organiques. ■ Ces principaux critères peuvent être appliqués aux boues résiduaires (suspensions concentrées de matières solides). ● Pour ne pas confondre avec les MEST des effluents, on définit par MST les particules solides totales (exprimées en mg/L) contenues dans les boues résiduaires ou dans une biomasse épuratrice. Une calcination à 550 oC permet de définir l’importance relative de la fraction minérale (MM) et organique (MVS : matières volatiles solides) des boues. ● NGl, PT et NTK ont la même définition mais en considérant les boues et non pas les effluents.
Il n’est pas besoin, en effet, de beaucoup de moyens financiers ni techniques pour mettre en œuvre quelques-unes des méthodes suivantes d’économie d’eau : — mise en place de vannes automatiques, coupant l’eau quand la machine est à l’arrêt, et de voyants lumineux indiquant les vannes ouvertes ; — pose de compteurs généraux et divisionnaires et équipement des tuyaux de lavage de vannes-pistolets à fermeture automatique ; — généralisation du rinçage à contre-courant, qui consiste à faire progresser l’eau en sens inverse du produit à rincer ;
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— contrôle automatique des opérations de rinçage par des mesures de conductivité ; — non-dégradation de l’eau, qui sera utilisée successivement à des fabrications de moins en moins exigeantes en ce qui concerne la qualité de l’eau, etc.
2.3.2 Définition des mesures visant à une meilleure utilisation de l’eau La modification des conditions d’utilisation de l’eau dans l’usine nécessite une connaissance précise de la qualité d’eau requise pour chacun des usages de l’eau. Cette évaluation est difficile et doit se faire en commun avec l’industriel, qui connaît mieux que quiconque ses installations et les problèmes liés à la fabrication. La définition de la qualité minimale acceptable pour chaque poste utilisateur fait appel à des critères tels que : — la connaissance de l’incidence de la qualité de l’eau sur la qualité du produit fabriqué, le rendement des opérations industrielles, les consommations en réactifs, fluides, énergie ; — les spécifications imposées par les fournisseurs pour leurs matériels (exemple : chaudières) ; — les données générales relatives à l’incidence de la qualité de l’eau sur son comportement vis-à-vis des matériaux (agressivité, corrosion, entartrage, salissures biologiques) ; — la référence à des situations déjà rencontrées dans l’usine ; par exemple, les observations faites en période de restriction d’eau ou la référence à des situations rencontrées dans d’autres usines mettant en œuvre les mêmes procédés. Dans ce cas, l’extrapolation ne doit se faire qu’avec beaucoup de prudence. 2.3.2.1 Étude des modifications à apporter aux circuits existants Les modifications proposées se fixent pour but soit la réduction de la consommation globale en eau, soit la réduction des débits d’eaux usées à traiter ou de la quantité de pollution qu’elles renferment. Les études menées dans ce cadre consistent à comparer différents aménagements possibles des circuits par mise en œuvre d’utilisations de l’eau en cascade, de recyclages plus ou moins poussés, de séparation des rejets en fonction de leurs caractéristiques. Cette comparaison s’effectue en tenant compte non seulement de la localisation et de l’importance des besoins, mais également du coût des modifications, de leur incidence sur la qualité de l’eau, et de leurs répercussions possibles pouvant conduire à l’intégration de traitements et de conditionnements d’eau au niveau même des circuits. 2.3.2.2 Étude de l’intégration de traitements au niveau des circuits La nécessité de maintenir en permanence un niveau de qualité d’eau suffisant pour chaque utilisation pourra conduire à intégrer des traitements spécifiques dans les circuits lors de leur conception. On est alors amené à définir et à dimensionner les traitements possibles, puis à effectuer un choix non seulement sur la base de leur efficacité mais compte tenu de critères spécifiques : automaticité, sécurité, fiabilité, faible encombrement, adaptation aux conditions locales diverses. Il est en outre parfois nécessaire d’ajouter aux eaux en circulation des réactifs chimiques destinés à lutter contre : — l’entartrage ; — la corrosion ; — les salissures biologiques ; — le dépôt de matières en suspension. L’importance de ces phénomènes est accrue d’une façon générale par l’accroissement de la concentration de l’eau en éléments divers, dissous ou insolubles, ainsi que par l’élévation de température qui résultent généralement de la réduction des consommations d’eau.
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Le conditionnement nécessaire peut alors être défini soit directement en tenant compte de l’expérience acquise, soit après évaluation expérimentale à partir de mesures effectuées en laboratoire ou d’essais réalisés sur circuits pilotes.
2.4.1 Limitation de la pollution par récupération des matières premières, déchets et sous-produits
■ Choix définitif d’une conception de circuit
Résoudre de façon rationnelle un problème de pollution consiste, d’abord, à tout mettre en œuvre pour permettre la récupération de certaines matières très polluantes, afin de réduire les coûts d’investissement et les frais d’exploitation de la future station d’épuration, et de parfaire la qualité des eaux à épurer, tout en assurant dans beaucoup de cas un revenu supplémentaire parfois appréciable à l’usine intéressée.
Après avoir déterminé, en fonction des critères précédemment décrits, les combinaisons de circuits possibles (besoins qualitatifs et quantitatifs pour chaque poste, débits disponibles aux différents niveaux, intérêt de traitements intégrés ou de conditionnements), il convient de faire un choix de modification des circuits ou conception de nouveaux circuits à partir d’une optimisation économique tenant compte des conditions locales et de l’incidence : — du coût et de la disponibilité de l’eau d’alimentation ; — du coût de l’investissement (modification des circuits, implantation de pompes de reprise, de capacités de stockage, etc.) ; — du coût du traitement final des rejets (fonction de leur débit et de la quantité de pollution à éliminer) et, dans la mesure du possible, de leur incidence sur l’environnement ; — des coûts d’exploitation divers (notamment de celui de l’énergie nécessaire pour le pompage de l’eau d’alimentation et des eaux recyclées, et éventuellement celui des réactifs de conditionnement).
2.4 Réduction de la pollution à la source. Technologies propres L’eau est un énorme facteur de dilution qui cache bien souvent l’importance absolue des rejets. On peut estimer, grossièrement, que le coût de l’épuration est sensiblement proportionnel à la charge de pollution de l’effluent industriel autrement dit, du volume d’effluent et de la quantité de produits polluants présents dans les eaux résiduaires. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que la pollution industrielle est, pour l’essentiel, constituée par les pertes diverses qui se produisent tout au long des processus de fabrication.
Il n’est évidemment pas possible d’effectuer la récupération des matières très polluantes sur l’effluent général, au sein duquel elles sont trop diluées : cette opération doit être envisagée dans l’atelier qui produit les eaux résiduaires. Cela oblige l’industriel à reconsidérer la question de l’eau et de sa pollution, donc à faire un effort au niveau de sa fabrication et plus particulièrement des machines. Des résultats spectaculaires de réduction de pollution peuvent être obtenus par des mesures simples consistant souvent essentiellement en une préparation psychologique du personnel exécutant et une remise en cause de certaines conditions de travail. Au niveau des ateliers, toutes les précautions doivent être prises pour assurer la récupération des matières à l’état sec et sous forme concentrée, car il est évidemment plus facile d’empêcher les produits de se mélanger à l’eau que d’extraire ces derniers d’une eau résiduaire. Il est maintenant tout à fait commun (et c’est heureux) de considérer que certaines fabrications exigent l’installation contiguë et systématique d’une station de récupération ou d’extraction. C’est le cas notamment dans l’industrie agroalimentaire où la récupération du sérum, dans les grandes fromageries, permet la fabrication de levures ou d’aliments pour le bétail après concentration. Dans l’industrie de la bière, la récupération maximale de sousproduits (drèches, levures, kieselguhr) à l’état sec permet de réduire, d’environ 50 %, la pollution organique exprimée en DCO et DBO5 et de 85 % la pollution physique sous forme de matières en suspension.
Il existe une manière intelligente de lutter contre la pollution au moindre coût qui consiste évidemment à éviter de produire de la pollution pour ne pas avoir à la détruire ensuite. Elle consiste à mettre en œuvre ce que l’on rassemble généralement sous le titre de technologies propres [1]. Ces technologies ne peuvent faire l’objet d’une définition technique simple, tant sont diverses les opérations industrielles qu’elles recouvrent, la seule définition possible est d’ordre économique.
Mais c’est le cas aussi dans bon nombre d’autres industries : les industries de décapage sulfurique souvent équipées d’une sulfaterie annexe ; les usines de pâte à papier, dont les liqueurs noires concentrées subissent une régénération par combustion en vue du recyclage des matières premières minérales récupérées ; les sucreries, pour lesquelles, par exemple, l’installation de séparateurs à radicelles a permis de réduire la pollution des effluents, tout en récupérant près de 5 % de la masse des betteraves entrant en fabrication.
Une technologie propre est une manière moins polluante de produire que celle qu’elle remplace et qui entraîne, à un moment donné, soit des économies, soit des frais de fonctionnement inférieurs à ceux qu’engendrent une station d’épuration pour éliminer la même pollution.
On objectera souvent que les extractions et récupérations sont longues ou délicates et exigent des investissements coûteux. De plus, l’industriel n’est pas toujours assuré de trouver le débouché des sous-produits ainsi extraits. Mais, et nous insistons sur ce point, même si la valorisation des sous-produits reste douteuse, elle est à notre connaissance, dans la plupart des cas, finalement meilleur marché que l’épuration proprement dite qui, par définition, est une technique de destruction ou de séparation, sous forme insoluble, des produits de pollution.
La diversité des réalités pratiques, que recouvre l’expression technologies propres, est telle qu’une classification en plusieurs catégories s’impose. Une technologie propre est rarement une transformation miraculeuse d’un procédé industriel qui va supprimer d’un coup toute la pollution de l’usine. Dans la majorité des cas, il s’agit de techniques propres. Elles résultent d’interventions diverses et multiples, qui par un aménagement soit du procédé de fabrication, soit de ses conditions de mise en œuvre, contribuent à la réduction de la production polluante. Enfin, plus rares et plus spectaculaires sont les procédés propres dans lesquels la logique de la production est radicalement changée avec un bénéfice important pour l’environnement. Nous examinerons ci-après les diverses procédures assurant une réduction plus ou moins importante de la pollution.
Entre deux maux, il faut choisir le moindre ; la séparation en amont de la station d’épuration de la production « polluante » s’avère d’une manière générale moins onéreuse et présente l’intérêt, si elle a un caractère toxique, de faciliter l’épuration ultérieure de l’ensemble des eaux résiduaires.
2.4.2 Techniques propres La technique propre par définition ne modifie pas la nature même du procédé industriel, mais l’améliore dans un sens moins polluant, sans que sa mise en œuvre soit irréversible. Elle consiste à apporter des modifications, des aménagements ou des compléments à un
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procédé de fabrication, susceptibles de réduire l’impact de la pollution en procédant par exemple : — au remplacement de produits trop polluants par d’autres qui le sont moins ; — au perfectionnement de certains matériels au niveau du procédé industriel afin de permettre une meilleure séparation et, éventuellement, une réutilisation en fabrication ou à l’extérieur de l’entreprise des matières premières ou sous-produits autrefois perdus ; — enfin à l’optimisation de l’utilisation de l’eau par le passage en circuit fermé intégral d’un atelier.
●
Dans l’industrie chimique
La récupération, par distillation, de la guanidine et de bon nombre de solvants. On tend de plus en plus vers une insertion du traitement des effluents dans les procédés de fabrication. Le traitement des eaux résiduaires devra intervenir au niveau de la conception des procédés ; il doit être considéré dorénavant comme faisant partie intégrante de ces derniers.
Nous citerons ci-après, à titre indicatif, quelques exemples. ■ Mise en circuit fermé Le recyclage, d’abord imposé en réfrigération pour diminuer les consommations d’eau, s’est largement développé dans le but de permettre une meilleure maîtrise des rejets polluants. Il a été très utilisé en sidérurgie (consommations de 200 m3 par tonne d’acier, ramenées à des appoints de 5 m3 par tonne) et également dans les papeteries et les cartonneries (réduction de 50 à 100 m3/t à moins de 5 m3/t de produit fini). Cette procédure est envisageable essentiellement lorsque la pollution principale est insoluble et éliminable par un procédé physico-chimique simple situé sur le circuit ou en dérivation. ■ Utilisation dans le procédé de formulations moins polluantes ● Dans l’industrie textile, on a pu montrer, si l’on considère les pertes en colorants, que l’utilisation de certaines classes de colorants (pigmentaires) présentait un intérêt certain par opposition aux colorants réactifs. Il semblerait, dans un même ordre d’idées, qu’une bonne utilisation de certains colorants (comme les colorants à mordants) doive permettre de diminuer considérablement la perte en chrome hexavalent par une meilleure fixation sur la laine, obtenue à pH convenable (de l’ordre de 3,5). Par ailleurs, des études sont en cours pour trouver des produits d’encollage moins polluants que ceux à base de fécule et des substituts au savon pour l’opération de savonnage. ● En tannerie, le changement des bains de pelanage sulfurés, particulièrement toxiques, par des bains contenant un réducteur organique (amines probablement) a été étudié et a permis de constater que ces réactifs n’avaient aucune incidence fâcheuse sur la qualité du cuir produit. L’adoption de ces bains nécessitait cependant le remplacement de certains matériels, notamment des coudreuses (cuves à ciel ouvert) par des foulons (cuves fermées) et le perfectionnement de certains traitements mécaniques, comme la mise en place d’un épilage très poussé. ■ Séparation de composés (matières premières ou sous-produits) en vue d’une éventuelle réutilisation interne ou externe à l’entreprise On trouve de nombreuses applications de cette catégorie de technique propre. ● Dans l’industrie agroalimentaire On assure la séparation puis la valorisation : — du sang, des graisses et des protéines des abattoirs ; — des huiles des raffineries alimentaires et issues de la fabrication de la margarine ; — de la gélatine dans les usines de traitement de déchets animaux ; — de l’amidon provenant de la fabrication de pommes de terre frites, etc. ● Dans l’industrie du papier et du carton La récupération des boues de décantation avec réintégration dans le procédé de fabrication. ● Dans les ateliers de décapage et de traitement de surface : — la régénération de l’acide chlorhydrique utilisé dans le décapage de l’acier ; — la séparation, par fixation sur résines, du chrome provenant des bains de passivation chromique.
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2.4.3 Mise en œuvre de procédés propres Sous cette appellation, sont regroupées les opérations où intervient une modification radicale du procédé de fabrication avec, pour conséquence particulière, une réduction sensible de la pollution rejetée. Il n’y a donc pas action de dépollution, même liée à la production, mais procédé de fabrication différent et moins polluant. Un procédé propre implique qu’il n’y ait aucune possibilité technique de revenir à la situation antérieure pour polluer comme avant tout en produisant normalement. La contrainte technique est la garantie absolue de la limitation définitive de la pollution. Les procédés propres ainsi définis sont assez rares et leur mise en œuvre doit faire l’objet d’études approfondies. Il s’agit, en général, de modifications de procédés de fabrication réalisées par un industriel pour un ensemble de raisons (rentabilité, énergie, main-d’œuvre) où la lutte contre la pollution n’est pas toujours la plus importante mais peut jouer un rôle déterminant [1] [4]. Nous prendrons trois exemples différents de procédés propres pour illustrer nos propos. ■ Dans l’industrie chimique ● Cas de la neutralisation par voie sèche des alkylats dans la fabrication du styrène (Usine CdF Chimie, Saint-Avold). La synthèse du styrène est réalisée en deux étapes. L’alkylation du benzène en phase liquide, avec de l’éthylène en présence de trichlorure d’aluminium (catalyseur), aboutit à la production d’éthylbenzène qui ensuite subit une déshydrogénation catalytique en phase vapeur pour donner le styrène. Dans l’ancien procédé de fabrication schématisé par la figure 1a, la neutralisation des alkylats produit des rejets huileux polluants (chargés en hydrocarbures, en hydroxydes d’aluminium, etc.) traités dans une station physico-chimique (floculation-décantation et strippage). La réalisation du nouveau procédé de purification par voie sèche des alkylats schématisé par la figure 1b a permis de supprimer totalement les rejets polluants et de valoriser les sels récupérés. ● On peut également citer des cas similaires de suppression d’effluent ou de rejet par la création de procédés nouveaux « à sec » dans l’industrie du traitement de surface : — remplacement du chromage par une nitruration ionique à chaud ; — remplacement du cadmiage par une application d’aluminium en vapeur ionisée. ■ Dans l’industrie de traitement de surface Cas du décapage chimique des bandes d’acier inoxydable (usine des Forges de Gueugnon). Dans l’ancien procédé, le décapage chimique est réalisé au trempé, par un défilement continu des bandes en acier inoxydable dans des bains fluonitriques chauffés entre 45 et 50 oC. Les bains usés et les eaux de rinçage renferment des nitrates, des fluorures et des éléments métalliques ; leur dépollution par pyrolise entraîne des coûts importants (figure 2a).
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Ammoniac
Eau
Soude
Eau Éthylbenzène
Éthylène Neutralisation
Lavage
Lavage
Lavage
Réacteur Hydrocarbures, sels
Benzène
Important effluent chargé d'hydrocarbures de chlorure d'ammonium et hydroxyde d'aluminium
Catalyseurs Chlorure d'éthylène Trichlorure d'aluminium
Boues incinérés Gaz
Traitement par floculation et strippage
Rejet dans La Merle
a procédé ancien
Ammoniac Éthylbenzène
Éthylène
Vers fabrication du styrène
1) Floculation 2) Décantation
Neutralisation Réacteur Benzène
Centrifugeuse
Sécheurs sous vide
Catalyseurs Produits pulvérulents (NH3,NH4Cl,AlCl3...)
b procédé propre
Figure 1 – Fabrication du styrène (Usine CdF chimie, Saint-Avold)
Dans le nouveau procédé UGP3, l’eau oxygénée est substituée à l’acide nitrique et est ajoutée en continu au bain fluorhydrique. Le procédé conduit à la précipitation des fluorures métalliques, séparés sous forme de boues, les bains usés sont régénérés et réutilisés dans les bains neufs (figure 2b).
Vapeurs nitreuses vers atmosphère Appoint pour bain neuf (HNO3)
■ Dans l’industrie agroalimentaire Décapage chimique (HF + HNO3)
Pyrolise
La production de levure à partir de mélasses de sucrerie, selon le procédé ancien (figure 3a) s’accompagne de rejets très chargés en matières oxydables dont la dépollution est assurée, après neutralisation, par une station d’épuration biologique classique.
Bains usés et eaux de rinçage
a ancien procédé HF Bains neufs H2O2
Décapage chimique (HF + H2O2)
Cas de la fabrication de levure (usine de la société industrielle de levure FALA à Strasbourg).
Stériles vers décharges
Précipitation Bains usés
b nouveau procédé
Figure 2 – Décapage chimique des bandes d’acier inoxydable
Dans le nouveau procédé propre mis en œuvre (figure 3b), on procède à la récupération des sels minéraux et des protéines des rejets, en réalisant une évaporation du moût délevuré et des rejets concentrés issus des lavages de la levure, puis une cristallisation du concentrat à 75 % d’extrait sec. Les produits récupérés sont valorisés comme engrais et aliments pour bétail. Le nouveau procédé permet par tonne de mélasse traitée : — une réduction de la pollution émise par l’usine de 180 à 800 kg DCO/t ; — une valorisation de 66 kg/t d’extrait potassique et de 260 kg/t d’extrait protéique.
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Eau Mélasse Ensemencement Eau distillée
Cuve de fermentation
Levure
Moût levuré
Levure propre
Laveur
Séparateur
Moût délevuré (5% d'extrait sec)
Eaux de lavage
Traitement biologique Boues
Eaux usées
a ancien procédé Eau Mélasse Ensemencement Eau distillée
Cuve de fermentation
Levure
Moût levuré
Levure propre
Laveur
Séparateur
...........
Rejets concentrés Rejets dilués
Moût délevuré (5% d'extrait sec) Eau
Égout Eau propre
Évaporateur
Moût à 75% d'extrait sec Sulfate d'ammonium
Condenseur
Eau propre
Vapeur d'eau
Sulfate de potassium (engrais) Cristallisation Centrifugation Concentré protéique (alimentation animale)
b procédé propre Figure 3 – Production de levure à partir de mélasses de sucrerie
2.5 Restructuration du réseau d’assainissement Si l’on peut prétendre qu’il y a autant d’eaux résiduaires que de produits fabriqués, il n’en demeure pas moins que l’on se trouve toujours, heureusement, en présence d’un certain nombre de types d’eaux résiduaires renfermant une pollution dissoute ou sous forme d’insolubles à caractère organique, minéral, éventuellement toxique, et les procédés de traitement susceptibles d’être mis en œuvre s’appliquent chacun à un type bien défini. Par suite, il est indispensable de diviser les eaux résiduaires en un certain nombre de catégories justiciables, chacune, d’un traitement approprié. D’où l’idée de la séparation des circuits qui s’avère absolument indispensable dans la mesure où elle est la condition sine qua non de toute épuration efficace. On ne saurait trop insister sur ce point,
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car la tendance, pendant très longtemps, a été de construire un égout dans lequel on envoyait toutes les eaux résiduaires. On aboutissait ainsi à un mélange hétérogène, pour lequel il était difficile, voire impossible, de concevoir un schéma de traitement rationnel, fiable et économique. La séparation des circuits consiste à définir plusieurs circuits d’évacuation d’eaux résiduaires industrielles, de la même façon que l’on a, dans les usines, plusieurs circuits d’alimentation en eau : eau adoucie, eau de rivière filtrée, eau potable. On peut concevoir par exemple : — un circuit d’eau de pluie, qui pourrait recevoir les eaux de refroidissement (non recyclées), l’ensemble de ces eaux peu polluées étant évacué vers le milieu naturel sans traitement particulier ; — un circuit d’eaux-vannes, dans lequel viendraient se déverser les eaux résiduaires organiques biodégradables qui pourront être traitées dans une station d’épuration biologique ;
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— un circuit d’eaux résiduaires industrielles, pouvant comporter lui-même, selon les cas, des sous-circuits aboutissant chacun à un traitement approprié. Tel est le cas des effluents à caractère toxique des ateliers de galvanoplastie, pour lesquels il convient de prévoir un réseau d’évacuation pour les eaux acides ou alcalines, pour les eaux chromées, pour les eaux cyanurées, etc. Cela exige évidemment une certaine éducation des responsables d’ateliers, qui doivent veiller à ce que les différentes eaux soient envoyées dans les seuls égouts prévus à cet effet. On objectera évidemment bien souvent le cas des usines anciennes, où la séparation est beaucoup plus difficile à réaliser que dans les usines de conception récente et laisse prévoir des travaux très coûteux d’aménagement des ateliers. Nous dirons seulement que c’est un mauvais service à rendre aux industriels que d’accepter le rejet tel quel, et qu’il est de loin préférable de modifier le mode de rejet que de construire une station pratiquement inexploitable.
2.6 Avant-projet définissant le schéma directeur d’assainissement Séparation et restructuration des circuits, réduction des débits, récupération et extraction de sous-produits, mise en œuvre de technologies propres, autant de problèmes soulevés par la dépollution des effluents résiduaires industriels, avant même que ne commence le travail proprement dit, qui consiste à faire l’analyse, sur un plan aussi bien technique qu’économique, des différentes solutions de traitement envisageables en vue du choix du schéma d’épuration susceptible de restituer un effluent traité satisfaisant aux normes de rejet prévues par la législation. Toute étude-diagnostic de pollution doit donc obligatoirement aboutir à l’élaboration d’un dossier d’avant-projet sommaire définissant le schéma directeur d’assainissement le plus approprié pour assurer une collecte et une évacuation rationnelle de la production polluante. Le schéma sera élaboré sur la base : — des données fournies par l’enquête et le bilan quantitatif de la pollution émise par l’usine ; — de l’examen technico-économique des possibilités de restructuration des circuits d’eau et de réduction de la pollution à la source, en vue d’abaisser les débits et les flux polluants à traiter ; — enfin, de l’analyse des modes de regroupements des rejets (séparation des réseaux) et des prétraitements éventuels (homogénéisation ou détoxication des effluents par exemple) à mettre en œuvre pour permettre une épuration rationnelle, fiable et économique des eaux résiduaires rejetées par l’usine.
3. Étude du schéma de traitement des eaux résiduaires Elle consiste à déterminer le schéma global d’épuration le mieux adapté pour les effluents résiduaires d’une usine, en procédant à une comparaison technico-économique des diverses solutions envisageables pour le traitement des eaux résiduaires et des boues issues de l’épuration, en tenant compte : — de leurs performances épuratoires ; — des coûts d’investissement et des frais d’exploitation ; — des contraintes pour l’environnement. Il est important de rappeler que l’hétérogénéité de composition des effluents industriels renfermant des polluants aussi bien minéraux qu’organiques, qui sont par ailleurs présents généralement sous les trois formes : soluble, colloïdale et en suspension, conduit
toujours à la conception d’une chaîne de traitement qui devra être suffisamment souple pour permettre des aménagements ultérieurs tenant compte de l’évolution rapide des techniques d’épuration. Enfin, tout traitement d’eau pose le problème des boues issues de l’épuration, problème essentiel et délicat qu’il convient d’examiner en profondeur et de façon réaliste sur les plans technique et économique, ainsi que dans ses répercussions sur l’environnement. Le traitement et l’élimination finale des boues occupe une place de plus en plus importante dans l’ensemble d’une station d’épuration et conditionne, dans bien des cas, le choix de la solution de traitement des effluents.
3.1 Méthodologie utilisée pour la définition des filières de traitement des eaux usées et des boues La méthodologie suivie à cet effet [2] consiste : — à définir, chaque fois que nécessaire, les filières de traitement pouvant être envisagées, par la réalisation, d’une part, au niveau du laboratoire, d’essais permettant d’effectuer des choix rapides grâce à la mise en œuvre en parallèle d’un nombre élevé d’installations pilotes, d’autre part, sur le site lui-même, d’essais en installations pilotes industrielles, pour tester un nombre limité de filières définies à partir des essais précédents ; — à suivre une démarche absolument identique en ce qui concerne les boues résiduaires produites, puis à définir leurs possibilités d’élimination (évaluation des risques potentiels de mise en décharge ou d’utilisation agricole, étude des possibilités d’incinération ou de valorisation) ; — à regrouper l’ensemble des résultats obtenus pour permettre d’optimiser l’ensemble collecte des effluents – traitement de ces effluents – élimination des boues et déchets à partir de la connaissance des relations qui existent entre le dimensionnement des ouvrages constitutifs et leurs performances. Cette démarche permet de ne pas rigidifier, sur le plan technologique, le ou les procédés avant leur évaluation et leur optimisation technico-économique ultérieure.
3.2 Méthodes et matériels d’évaluation Le lecteur pourra se reporter aux articles Inventaire des traitements d’eaux résiduaires [J 3 940], [6] et Traitements biologiques des eaux résiduaires [J 3 942], [7]. Il nous paraît utile d’insister sur les méthodes d’évaluation et les matériels utilisés pour la réalisation des essais nécessaires à la définition et à la comparaison des filières de traitement des eaux usées et des boues. Nous nous limitons au cas des techniques les plus classiques, tout en rappelant la possibilité d’utiliser des techniques originales pour la résolution de problèmes particuliers. Les essais décrits ici sont ceux couramment mis en œuvre pour la résolution des problèmes de pollution industrielle.
3.2.1 Essais de laboratoire et en petite installation pilote 3.2.1.1 Protocole expérimental pour l’épuration des effluents par voie biologique
3.2.1.1.1 Traitements biologiques aérobies ■ Détermination de la biodégradabilité des effluents L’examen du rapport DCO/DBO5 fournit des indications utiles sur les possibilités de biodégradation des effluents. Pour avoir une idée plus précise concernant notamment la cinétique de la biodégradation, on aura recours à des essais « batch » et à la méthode manométrique de Warburg.
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● Essais « batch » : effectués en discontinu, ils consistent à maintenir en aération, dans des verres à pied ou des bechers, l’effluent industriel, éventuellement neutralisé, mis en contact avec des bactéries banales adaptées à la biodégradation d’effluents domestiques (boues activées prélevées en station d’épuration urbaine) ou des bactéries acclimatées progressivement à la nature particulière des rejets (boues activées prélevées dans une installation pilote acclimatée à l’effluent étudié). On suivra, en fonction du temps, la réduction progressive de la pollution exprimée en DCO ou DBO5, cette mesure s’effectuant sur l’eau interstitielle, c’est-à-dire sur une aliquote de liqueur mixte eau-boue biologique filtrée. ● Méthode manométrique de Warburg : elle permet d’établir la courbe de consommation d’oxygène en fonction du temps et de mettre en évidence, par rapport à un témoin, une inhibition due à un toxique ou à une carence en éléments indispensables. Rappelons que de par son principe, cette méthode permet la mesure des échanges gazeux, lors de l’étude de réactions chimiques ou biologiques, par la détermination, à température et volume constants, de la pression partielle d’un gaz dégagé ou consommé pendant un temps donné de la réaction en étude, dû à la dégradation, par des bactéries aérobies, de la pollution organique de l’effluent considéré.
■ Évaluation des effets toxiques ou inhibiteurs éventuels des effluents On peut utiliser une méthode d’évaluation plus pratique que celle de Warburg et aussi plus générale, puisqu’elle est également applicable à l’étude de la toxicité vis-à-vis de la microflore anaérobie. Elle consiste à déterminer l’impact du rejet ou du produit étudié sur la concentration en adénosine triphosphate (ATP) d’une masse biologique (boues activées par exemple) considérée. Elle met à profit le fait que l’ATP est un constituant universel des cellules vivantes (c’est sous cette forme que se trouve stockée l’énergie au niveau intracellulaire), qui en contiennent une quantité sensiblement constante, si bien qu’une mesure d’ATP permet d’apprécier la biomasse viable et active ; en effet dans les cellules mortes, l’ATP se trouve presque instantanément hydrolysé. Chaque essai consiste à déterminer l’évolution de l’ATP au cours du temps, consécutivement à l’addition du rejet étudié à concentration déterminée. Les courbes représentatives des résultats permettent de mettre en évidence des phénomènes d’inhibition temporaire ou définitive, et de déterminer les domaines de concentration auxquels ils se manifestent. Cette méthode d’évaluation s’avère particulièrement intéressante pour la détermination des possibilités de traitement mixte d’effluents urbains et industriels, dans la mesure où elle permet l’étude des critères de compatibilité des rejets industriels vis-à-vis de l’épuration biologique. ■ Estimation des performances épuratoires pouvant être obtenues par un traitement biologique des effluents L’évaluation des performances d’épuration possibles par les traitements biologiques aérobies, en fonction des paramètres opératoires, notamment des charges appliquées, s’effectue à partir d’essais dynamiques entrepris à l’échelle de petits pilotes de laboratoire. Pour l’épuration par boues activées, chaque installation comporte un bassin à boues activées avec aération par insufflation d’air comprimé (capacité 10, 20, 50 L), un clarificateur raclé de 10 à 20 L, une alimentation en effluent et un recyclage de boues activées, à l’aide de pompes péristaltiques à débit variable. Les pilotes de laboratoire du procédé par lit bactérien comportent chacun un élément de garnissage plastique de 3 m de hauteur et de 10 cm de diamètre, un décanteur, une alimentation et un recyclage indépendants assurés par deux pompes à débit réglable. Toutes ces installations sont alimentées à débit constant, à l’aide d’effluents représentatifs ramenés au laboratoire et stockés en cuves réfrigérées de grand volume pour éviter leur évolution. La mise en œuvre d’un nombre élevé de telles installations dynamiques, fonctionnant en continu, permet d’étudier les conditions d’acclimatation en fonction des paramètres opératoires : débits, durées de rétention, charges massiques et volumiques appliquées.
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L’évolution et l’acclimatation de la microflore épuratrice sont suivies par l’étude de l’évolution des caractères biochimiques (activités enzymatiques, hydrolytiques et d’oxydo-réduction), par l’observation microscopique de la microfaune associée (protozoaires, métazoaire, etc.) et enfin par le suivi des grandeurs classiques de contrôle de l’épuration (indice de Mohlman, DCO, DBO5 et MEST des effluents, brut et traité permettant l’évaluation des rendements d’épuration). Après atteinte de l’état d’équilibre, les résultats d’exploitation de ces installations pilotes permettent d’estimer l’influence, sur les performances épuratoires, des paramètres de fonctionnement : charges volumiques et massiques appliquées, durées de rétention des effluents en aération, taux de recyclage, etc., et de sélectionner ainsi rapidement les conditions de marche les plus intéressantes, qui seront testées en installations pilotes semi-industrielles. Parallèlement à l’étude des performances d’épuration en fonction des conditions opératoires, les installations pilotes fournissent de la boue acclimatée dans diverses conditions de charge, qui est utilisée pour la réalisation d’essais respirométriques permettant de déterminer, pour chaque charge étudiée, les coefficients respirométriques intervenant dans le calcul des besoins en oxygène et de la production de biomasse en excès.
3.2.1.1.2 Traitements biologiques anaérobies Une procédure similaire à la précédente est utilisée pour l’étude du traitement biologique anaérobie d’effluents industriels, en particulier d’effluents très concentrés. Seules diffèrent la conception des installations pilotes (fermenteurs agités de 10 L à température réglable) et les méthodes de contrôle : mesure du débit et analyse des gaz de fermentation, contrôle des conditions de pH et d’oxydoréduction, contrôle des produits intermédiaires de la dégradation (acides volatils), soit globalement par la méthode potentiométrique, soit individuellement par chromatographie en phase gazeuse avec détection par ionisation de flamme. 3.2.1.2 Protocole d’évaluation des traitements physicochimiques des effluents L’élimination des substances en solution ou en suspension, non biodégradables ou toxiques, nécessite la mise en œuvre de traitements physico-chimiques selon des procédés divers. Nous allons examiner comment on réalise l’approche de ces divers traitements au stade du laboratoire.
3.2.1.2.1 Procédés d’élimination des matières en suspension et des insolubles liquides ■ Coagulation-floculation. Méthodes d’évaluation du conditionnement chimique à appliquer. Détermination des dosages La séparation de la pollution particulaire finement dispersée ou à l’état colloïdal implique la rupture de la stabilité colloïdale de la suspension aqueuse par l’intermédiaire de réactifs chimiques : sels métalliques à base de fer et d’aluminium (coagulants) et de polymères organiques de synthèse (floculants). Pour procéder au choix du conditionnement à appliquer et fixer correctement les doses de réactifs nécessaires au traitement, on a généralement recours aux essais traditionnels type Jar-test, consistant à introduire, dans des floculateurs renfermant les effluents, divers types de réactifs en quantité variable et à juger la qualité de la floculation selon certains critères tels que la dimension des flocs et leur plus ou moins bonne décantabilité, l’aspect du surnageant contrôlé par des mesures de turbidité et surtout la réduction de la pollution exprimée en MEST, DCO et DBO5, évaluée sur l’eau décantée après 30 min et 2 h. On peut aussi utiliser avec succès une technique d’électrophorèse (emploi du Zêta-Meter), qui permet de suivre l’évolution progressive du potentiel Zêta des particules en fonction d’un dosage croissant en réactifs introduits dans le milieu réactionnel. La coagulation se produisant théoriquement lorsqu’on atteint le point isoélectrique,
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on peut procéder ainsi très aisément au choix du réactif et définir rigoureusement son dosage. ■ Séparation par décantation et flottation Les essais de faisabilité réalisés en laboratoire permettront d’évaluer l’intérêt d’assurer une clarification des effluents par décantation ou flottation en donnant par ailleurs une bonne idée de la qualité de l’effluent traité. Le dimensionnement des appareillages industriels et la détermination précise des paramètres de fonctionnement impliquent par contre, obligatoirement, des essais dynamiques en pilotes semiindustriels.
■ Enfin pour guider le choix entre les diverses possibilités d’élimination des boues (valorisation agricole ou autre, mise en décharge, incinération), il conviendra évidemment de tenir compte des caractéristiques des boues mais aussi d’impératifs technico-économiques (économie d’énergie, fiabilité de la chaîne de traitement, facilité et souplesse d’exploitation) tout en ne négligeant pas pour autant les raisons écologiques, réglementaires et même psychologiques qui peuvent faire abandonner un schéma d’élimination des boues même s’il est possible sur le plan technique et économique. Des études souvent approfondies sont nécessaires pour appréhender le problème très épineux que constitue les boues des stations d’épuration industrielles.
3.2.1.2.2 Procédés d’élimination des matières en solution ■ Traitements de neutralisation, d’oxydo-réduction et précipitation Ils sont étudiés en laboratoire par le tracé automatique des courbes de titrage, qui révèlent l’évolution des équilibres physicochimiques. Le contrôle des vitesses de titrage permet en outre d’apprécier la cinétique des réactions. L’influence de facteurs tels que les durées de rétention, les cinétiques de précipitation, d’oxydation ou de réduction, qui présentent une grande importance pratique, est étudiée en petites installations pilotes continues (réacteurs homogènes ou écoulement en flux piston). ■ Adsorption sur charbon actif Une première estimation des pourcentages d’épuration, des vitesses et des capacités d’adsorption peut être obtenue au laboratoire, en mettant en contact des quantités connues de différents types de charbons avec l’effluent à épurer. Le tracé des isothermes d’adsorption, en fonction des conditions physico-chimiques du milieu, permet de faire la sélection des charbons les plus efficaces. Des essais dynamiques, réalisés dans des colonnes de hauteur industrielle et de section fortement réduite, permettent de faire l’étude de la cinétique, des capacités d’adsorption et du déplacement des fronts d’adsorption en fonction des vitesses de passage (charges spatiales appliquées), des hauteurs de couche, etc. ■ Traitements sur résines échangeuses d’ions Les essais de laboratoire doivent être essentiellement dynamiques (essais en petites colonnes) et aboutir au choix des résines, des vitesses de passage et des hauteurs de couche, et à la détermination des capacités de fixation et des modes de régénération. Les possibilités d’étude ne doivent évidemment pas se limiter aux techniques conventionnelles ; c’est pourquoi on pourra faire appel, selon les cas, à d’autres procédés tels que le stripping, l’ultrafiltration, l’osmose inverse, l’extraction liquide-liquide, etc. 3.2.1.3 Protocole de définition du schéma de traitement des boues Pour pouvoir résoudre convenablement et rationnellement un problème de boues, il est essentiel de savoir : — caractériser les boues (composition physico-chimique, état physique et structurel) ; — choisir une filière de traitement selon le type de boue et la destination finale possible.
3.2.2 Essais en installations pilotes semi-industrielles Si bien menée soit-elle, l’étude en laboratoire ne peut être considérée, dans la majorité des cas, que comme une étape préliminaire permettant de définir des orientations et d’alléger le programme expérimental devant être menée à plus grande échelle pour permettre une extrapolation sûre des résultats et la définition des paramètres opérationnels des installations industrielles. L’installation, sur le site même de l’usine, de pilotes d’échelle suffisante, pouvant traiter plusieurs centaines de litres ou plusieurs mètres cubes, par heure d’effluents ou de boues, permet de prendre en compte des facteurs forcément négligés au niveau des essais de laboratoire. C’est en particulier le cas pour les variations de débit, de composition, de concentration des effluents au cours du temps qui, en pratique, conduisent à exploiter l’installation de traitement dans des conditions de fonctionnement s’écartant sensiblement de l’état d’équilibre. L’incidence de ces fluctuations peut être mise en évidence par les essais pilotes traitant en continu l’effluent tel qu’il est produit dans l’usine. Nous recommandons l’utilisation d’installations pilotes de conception modulaire permettant d’associer à volonté les différentes opérations unitaires classiques, qu’elles soient physiques, physico-chimiques ou biologiques, pour la réalisation de traitements complets (eau et boues) qui tient compte évidemment des premières évaluations dégagées par les essais au stade du laboratoire. Des schémas de traitement selon différentes configurations devront pouvoir être testés, en particulier si des performances épuratoires élevées sont exigées et si une certaine compacité des installations est rendue nécessaire par manque de superficies au sol ou si la lutte contre les nuisances olfactives implique le confinement des traitements dans des enceintes hermétiques. On réalisera alors des essais de traitement en plusieurs étapes moyennant la mise en œuvre par exemple : — en amont d’une épuration classique par boues activées, d’un traitement physico-chimique ou d’un prétraitement biologique par lit bactérien ou par méthanisation ; — en aval de l’installation à boues activées, de traitements d’affinage ou de finition par voie biologique (biofiltration-lagunage) ou physicochimique (filtration tertiaire, adsorption sur charbon actif...).
■ Dans le cadre de la réduction des nuisances olfactives des boues organiques, les techniques de stabilisation biologique, par voie aérobie ou anaérobie, sont étudiées en appliquant les mêmes méthodes que celles déjà décrites pour le traitement biologique des effluents. L’évolution quantitative du degré de stabilisation atteint est évaluée à partir de paramètres biochimiques.
Les appareils et ouvrages élémentaires correspondant aux différentes étapes du traitement des eaux (par exemple : floculateurs, réacteurs de neutralisation ou d’oxydo-réduction, appareillages de séparation de phases par décantation ou flottation, bassins d’aération et clarificateurs, etc.) sont montés sur palettes facilement transportables. Il en est de même pour les appareils et machines de traitement des boues.
■ La détermination des traitements assurant une réduction optimale du volume des boues s’effectue en utilisant des techniques originales d’évaluation, par la mesure de paramètres d’aptitudes à l’épaississement gravitaire ou à la flottation, à la filtration (résistance spécifique à la filtration, coefficient de compressibilité, siccité limite...) et à la floculation et à la centrifugation, etc.
On doit considérer par ailleurs que, outre le choix définitif de la filière de traitement le dimensionnement de base des ouvrages, la détermination des performances épuratoires, la réalisation des essais pilotes à l’échelle semi-industrielle permettent de déceler les problèmes d’exploitation possibles et de mettre en évidence la fluctuation des performances en fonction de la variabilité des rejets.
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4. Prestations d’un bureau d’ingénieur-conseil. Maîtrise d’œuvre
— le suivi de l’état d’avancement des travaux avec rédaction et diffusion des comptes-rendus, suite aux réunions de chantier. ■ Réception des installations de traitement. Dossier des ouvrages exécutés Le maître d’œuvre (bureau d’étude) aura pour rôle :
On doit considérer que l’optimisation technico-économique de tout projet de dépollution industrielle dépend, dans une large mesure, de la qualité des investigations préliminaires décrites précédemment, qui doivent être entreprises par un bureau d’étude compétent expérimenté dans le domaine considéré et, si possible, indépendant des sociétés spécialisées dans la construction des stations d’épuration (traiteurs d’eau). Ces études pourront être complétées par une véritable mission d’assistance technique à l’ingénierie ou de maîtrise d’œuvre qui sera réalisée par le bureau d’étude, conformément aux intérêts du maître d’ouvrage (l’industriel) soit dans sa totalité, soit avec les services propres du client pour certaines parties. Une mission de maîtrise d’œuvre comporte, dans sa globalité, plusieurs étapes successives sommairement évoquées ci-après.
— de vérifier que les travaux de procédé et de génie civil sont conformes au cahier des charges ; — de faire contrôler le fonctionnement des installations d’épuration (campagne de prélèvement et d’analyses sur au moins une semaine) pour s’assurer du respect des garanties sur les performances ; — d’établir le dossier de réception avec les observations si nécessaire ; — enfin, d’assurer la supervision du dossier des ouvrages exécutés.
5. Conclusion
■ Établissement du dossier de consultation des entreprises En vue du lancement du concours (appel d’offre) auprès des différentes entreprises de traitement d’eau susceptibles de réaliser les installations. Ce dossier comprendra : — le règlement particulier de l’appel d’offre et l’acte d’engagement de l’entreprise consultée ; — le cahier de clauses techniques particulières, définissant les données fondamentales du projet (caractéristiques des effluents, les débits et flux de pollution avec leurs fluctuations, le schéma d’épuration à proposer, les objectifs visés par l’épuration, etc.) ; — le cahier des clauses administratives particulières, définissant le mode d’établissement des propositions, le mode de passation des marchés, le planning d’exécutions des travaux, les conditions de règlement, les clauses de pénalité, etc. ■ Assistance marché travaux Elle concerne le dépouillement des offres, c’est-à-dire l’étude comparative des propositions sur le plan technique et financier avec harmonisation, si nécessaire, en vue du choix de l’entreprise lauréate (adjudication des travaux). ■ Contrôle général, suivi des travaux d’équipement et génie civil Cette phase de la mission comporte : — l’analyse et l’approbation des documents techniques présentés par l’entreprise retenue avec propositions de modification si nécessaire ; — la surveillance des travaux de génie civil et d’équipement avec l’organisation des réunions de chantier ; — la vérification des plans et notes de calcul des différents fournisseurs ;
Nous avons essayé de répondre aussi simplement que possible à la question : « Comment instruire et poser un problème d’eaux résiduaires industrielles ? ». Ce qui précède n’a évidemment pas pour but de démontrer que le problème du traitement des effluents, si complexe, est insoluble. Il ne dissimule pas, par contre, que les investissements nécessités sont lourds et seront jugés d’autant plus indésirables qu’ils paraissent improductifs. Il est donc essentiel qu’ils soient réduits au minimum, ce qui implique une étude rationnelle préalable. Nous considérons que la résolution des problèmes de pollution des eaux industrielles conduit à intervenir aux différentes étapes, qui sont la génération de la pollution au niveau du procédé industriel, la collecte des effluents, leur traitement, l’élimination des déchets qui en résultent, et que la filière de traitement choisie doit être le résultat d’une optimisation technico-économique de l’ensemble collecte-traitement-élimination des boues et déchets. Cette opération n’est rendue possible que par la réalisation d’études sérieuses portant sur ces différentes étapes et réalisées à l’aide d’un équipement adapté par un bureau d’étude compétent et expérimenté pour avoir mené de nombreuses études dans le secteur industriel concerné. On peut attendre d’une telle démarche, outre une minimisation des coûts d’investissement et d’exploitation de l’installation d’épuration, des avantages tout aussi importants bien que non quantifiables directement : garantie de bon fonctionnement, fiabilité, facilité d’exploitation, adaptabilité aux évolutions futures. C’est de toute façon, la seule qui conduise vers l’usine propre et sobre du futur.
Références bibliographiques [1]
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BOEGLIN (J.-C.). – Vers une approche globale et la maîtrise de la pollution industrielle. Intérêt des études préliminaires. Session de Formation Continue de l’Agence Rhône Méditerranée Corse (nov. 1988).
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GROS (D.). – Origine, nature et maîtrise de la pollution industrielle. L’autre manière d’épurer. Journées de Formation et Perfectionnement de l’IPI « Environnement Industriel » (avr. 1990).
G 1 220 - 12
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