Malo GOHIER
MEMOIRE DE FIN D’ETUDE
Comment identifier les centralités urbaines et quelles relations entretiennent-elles entre elles?
Figure 1: zone commerciale de Cormontreuil (source: site Internet de la commune de Cormontreuil)
UNIVERSITE PARIS-EST MARNE-LA-VALLEE MASTER 1 GENIE URBAIN Année 2007-2008
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Malo GOHIER
MEMOIRE DE FIN D’ETUDE
Comment identifier les centralités urbaines et quelles relations entretiennent-elles entre elles?
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Comment identifier les centralités urbaines et quelles relations entretiennent-elles entre elles?
RESUME FRANÇAIS
Une centralité, contrairement au centre n’est pas définie directement par un lieu. Ce dernier est défini par un lieu alors que la centralité est plutôt synonyme de contenu. « La centralité est la qualité attribuée à un espace » [MONNET Jérôme, 2000]. Lorsqu’il existe plusieurs centralités urbaines au sein d’une même ville, il est possible de les différencier entre elles. Celles-ci peuvent avoir des natures différentes de par leur contenu. Ainsi on peut en mettre en évidence un certain nombre. « Culturelle, économique et financière, commerciale, politique, technologique, de loisir » [DAWANCE Thomas, 2004], chacune de ces fonctions peuvent permettre à une centralité d’exister. C’est par leur niveau de spécialisation fonctionnelle qu’elles peuvent se démarquer les unes des autres. « Le contenu ne prenant de la valeur qu’à l’examen du vide relatif avoisinant, […] un centre fonctionnel va se détacher [des autres lieux] par la quantité et/ou la qualité de son contenu » [LEBRUN Nicolas, 2002]. Ainsi, le niveau de performance fonctionnelle d’un lieu va décider de la centralité ou non de celui-ci. Des relations de complémentarité se mettent se mettent parfois en place entre toutes ces centralités au sein d’une ville ou d’une agglomération. Des flux importants peuvent exister entre elles, indiquant ainsi qu’elles peuvent tisser de fortes relations. Par leur complémentarité des centralités différentes peuvent se renforcer mutuellement. Autre caractéristique : elles sont capables de changer dans le temps et dans l’espace. Elles ne sont en effet pas toujours figées, ce sont des entités mouvantes.
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RÉSUMÉ ANGLAIS
Centrality is, in contrast to the centre, not directly defined by a place. The latter is referring to a location, whereas centrality is rather synonymous to its content. In his article, “Centrality is a feature attributed to space” [MONNET Jérôme, 2000]. If there are more urban centralities included in the same city, it is possible to distinguish them from each other. They can in fact have different characters based on their content. “Cultural, economic, financial, commercial, political, amusement, technological” [DAWANCE Thomas, 2004], each of those functions can bring a centrality into existence. It is by their level of spezialisation that they can set themselves off from different places, having the same function in a less accentuated manner. “It is only by comparison with the neighbouring relative emptiness, that the content is bestowed with value, […] a functional centre will distinguish itself [from different places] by the quantity and/or quality of its content” [LEBRUN Nicolas, 2002]. Thus the level of a place’s functional performance will decide about its (non-) centrality. All these centralities with diverse contents can act complementary within a city or agglomeration. Important synergies can exist between them, which are evidence of strong linkages. Through their complementarity the different centralities can mutually reinforce each other. Another characteristic of urban centralities is their capability to change within time and space. In fact, they can never become steady - they are developing entities.
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SOMMAIRE
Introduction............................................................................................................................... 6 I-
Définitions ......................................................................................................................... 8 1- Centre ............................................................................................................................ 8 2- Centralité ..................................................................................................................... 11
II- Les facteurs expliquant la production de centralités ....................................................... 14 1- L’accessibilité, critère de localisation........................................................................... 14 2- L’étalement urbain révèle des centralités oubliées ...................................................... 17 3- L’intégration urbaine, élément indispensable aux centralités contemporaines ........... 18 4- Les choix politiques ..................................................................................................... 19 5- Quelques contenus de centralités ............................................................................... 21 a) Commerciales .......................................................................................................... 21 b) Technologiques et scientifiques ............................................................................... 22 c) Touristiques et historiques ....................................................................................... 23 III-
L’importance de l’usager ............................................................................................. 25
1- Une perception différente ............................................................................................ 25 2- La concertation, solution de points de vus divergents ................................................. 28 IV-
Le polycentrisme ......................................................................................................... 30
1- Définition...................................................................................................................... 30 2- Relations...................................................................................................................... 31 d) Dépendance et complémentarité ............................................................................. 31 e) Domination et hiérarchisation .................................................................................. 32 Conclusion.............................................................................................................................. 34 Bibliographie........................................................................................................................... 35 Webographie .......................................................................................................................... 37
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INTRODUCTION Rappelons-nous : avec la construction des grands ensembles dans les années 60, l’état français a voulu répondre rapidement à la forte demande en logements. L’idée était de placer une grande quantité de ménages dans des bâtiments importants, peu chers à construire. La compacité de ceux-ci devait permettre la réalisation de vastes espaces publics sur leur pourtour. Le but était donc de créer de véritables centralités en mélangeant socialement les individus mais aussi en leur apportant des commerces et des équipements à proximité. Si à l’origine l’idée était bonne on se rend compte aujourd’hui que l’objectif recherché n’a pas été atteint et que ce fut plutôt une erreur urbanistique et sociale. La mixité sociale à peu à peu disparue, laissant place à des guettos. Les commerces ont eux aussi déserté les lieux. Enfin, les espaces publics sont devenus d’immenses stationnements. Aujourd’hui, les urbanistes essaient d’apprendre de ces erreurs passées et tentent de créer dans chacun de leurs projets des lieux facilement accessibles, plus proches des grands espaces de vie traditionnels qui fonctionnent (place du marché, de l’église, de la mairie). Cette façon de procéder, projet par projet, parfois sur des territoires relativement proches peut créer une certaines compétition entre ces espaces. Lorsque l’objectif d’un projet est de concevoir une véritable centralité, une hiérarchie et/ou une complémentarité de fonctions, d’usages, ou au contraire une incompatibilité entre elles, peuvent apparaître. Récemment, notamment avec les différentes réflexions entreprises sur le projet du Grand Paris, on se rend compte que les villes, agglomération ou autres aires urbaines deviennent de plus en plus polycentriques. Quels phénomènes peuvent alors en résulter ? Cela nous amène à nous demander ce qu’est une centralité. Quels sont les critères d’une centralité ? Toutes ces interrogations et bien d’autres encore devront nous aider à répondre à la problématique suivante : « comment identifier les centralités urbaines et quelles relations entretiennent-elles entre elles? ». Pour répondre à l’ensemble de ces questions et plus clairement à la problématique nous nous efforcerons de suivre une démarche précise. Le travail sera essentiellement limité à une étude théorique. Des cas pratiques ou exemples concrets illustreront dans l’ensemble du dossier les données théoriques. Tout d’abord nous tenterons de définir les termes « centres » et « centralités ». Ceux-ci seront fréquemment utilisés dans le reste du mémoire, une précision s’impose donc pour Malo Gohier, 2009 6
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éviter toute confusion dans l’esprit du lecteur. D’autres termes, moins importants et moins fréquemment utilisés, seront définis au fur et à mesure du contenu. Il s’agira ensuite de poser les bases, dans un cadre théorique, permettant d’identifier une centralité urbaine. Ces bases serviront à construire une démarche simple pouvant être utilisées en urbanisme. Cette démarche s’appuiera sur la structure urbaine et des centralités, la nature des activités qui s’y déroulent et enfin nous verrons que le polycentrisme est de plus en plus fréquent dans les milieux urbains et ce phénomène sera expliqué.
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I- DEFINITIONS 1- Centre En aménagement, lorsque l’on parle de centre il est généralement fait référence au centreville. C’est l’échelle la plus utilisée en urbanisme local. Il existe en revanche d’autres centres à d’autres échelles : la ville centre d’une intercommunalité, la région centre d’un territoire national ou même international. Il existe donc une multitude d’interprétations de ce mot, selon qu’on se place, travaille à l’échelle communale, intercommunale ou à de plus larges périmètres d’étude. Dans notre étude, qui se restreint à l’échelle d’une agglomération, nous allons discutés de la définition du centre-ville. Fréquemment, le centre ville ou « le centre de la ville » est clairement représenté sur les plans municipaux, sur les guides touristiques. Ses limites sont bien définies et il entre le plus souvent dans un cadre, sorte d’agrandissement qui ignore le restant de la ville (figure suivante)
Figure 2: plan de centre-ville courant
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Afin de bien discerner ses caractéristiques pour ensuite identifier les possibles similitudes qu’il peut entretenir avec les centralités, nous devons nous interroger sur la pertinence de cette représentation tronquée. Nous nous interrogerons ici sur ce que peut évoquer le centre-ville, comment peut-on le figurer et l’identifier ? D’après les écrits étudiés pour la rédaction de ce mémoire et qui ont pu être réalisés sur les centres-villes, celui-ci est définit en un seul lieu. Il n’existe pas une multitude de centre-ville. Comme nous allons le voir par la suite avec la définition d’une centralité, c’est bien ce qui différencie principalement les deux termes. En revanche, deux types de centres peuvent être identifiés comme nous l’explique très clairement Nicolas Lebrun [2004] dans sa thèse. Tout d’abord, ce qu’il appelle le centre extraverti. Il est défini géographiquement et possède un référentiel. Sa deuxième appellation physique pourrait être « centre de gravité d’une ville ». Situé le plus souvent au cœur du tissu urbain le plus dense, il n’a pas réellement de caractéristiques propres. Sa localisation est définie de façon assez arbitraire par les instances de décisions (mairie, office de tourisme, CCI). Cette absence de rigueur dans la définition n’est pas sans conséquence. Sans caractéristiques préalablement déterminées, sans réelle définition urbanistique, morphologique, la localisation du centre-ville [ou en tout cas l’image que l’on s’en fait] est assez vague. Difficile à imaginer sans l’avoir vu, il n’est souvent pas transposable d’un contexte urbain à un autre. Définir un centre sans trop de précision équivaut à le démarquer de ce qui n’est pas le centre, c'est-à-dire le « hors centre ». Comme l’écrit Roger Caenen [1992], cela revient à faire de la ségrégation intraurbaine. Ainsi, la ville est définie par son centre et tout ce qui est autour est caché. Cette visions orientée peut devenir dangereuse [au sens urbanistique] dans le fait que ce lieu soit grandement privilégié par rapport aux autres [les hors centres] pour tout ce qui est aménagement, transport, activités, etc. Cela donne au centre-ville une situation géographique enviable. Cette dernière est souvent historique du fait de l’histoire de la création et de l’évolution de la ville à travers le temps. Ainsi on le localise plutôt au bord de la mer ou le long d’un fleuve ou d’une rivière, vers les bâtiments les plus anciens. Ensuite Nicolas Lebrun présente ce qu’il nomme « le centre introverti ». Contrairement à l’extraverti, celui-ci est défini clairement, et ce, par son contenu. Ainsi il existe dans beaucoup de villes européennes un centre-ville historique. Ce dernier rassemble tous les monuments d’importance, tous les bâtiments administratifs, religieux et politiques si ces derniers n’ont pas été déplacés dans de nouveaux locaux « hors centre ». Ces déplacements de lieux emblématiques et les conséquences qui s’en suivent feront l’objet d’une précision par la suite. Malo Gohier, 2009 9
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Généralement, cette deuxième classe de centres peut aussi être définie par son accessibilité. Celle-ci est en effet plus importante car c’est ici qu’est dirigé le visiteur à son arrivée en ville. Cela pose toujours le problème de la réduction de la ville à un seul contenu et par là même, à une assimilation et à une confusion entre la ville et son contenu. Si son centre-ville est classé comme historique on aura tendance à dire que la ville est historique, s’il est administratif qu’elle est administrative. Le centre introverti est considéré comme certaines sociologues (Manuel Castells [1977, page 200], André Laurentin [1974, pages 131 à 144] comme lieu faisant place à la symbolique. Ainsi, selon eux, chaque personne peut avoir sa propre notion du centre-ville selon ses propres valeurs. Par exemple, une société basée sur la religion, comme ce fut le cas au moyen âge en Europe, place le centre vers la cathédrale ou à défaut, à proximité de tout monument ayant un rapprochement religieux fort. Aujourd’hui, dans notre société, c’est le centre d’affaire qui est souvent considéré comme le centre-ville, notamment en Amérique du Nord, car la finance est devenue une valeur importante.
Figure 3: le centre-ville selon la théorie des lieux centraux de W. Christaller
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2- Centralité Une centralité, contrairement à un centre n’est pas définie directement par un seul lieu. Cela peut d’abord s’expliquer par l’étymologie du mot lui-même. En effet, le suffixe nominal –ité, rattaché à une racine nominale est assimilé à une notion de propriété, de fonction. Ceci implique que nous pouvons définir la centralité comme le fait d’être [un] centre. Ce dernier est exprimé en un seul lieu alors que la centralité l’est plutôt par son contenu. Or comme nous allons le voir par la suite, il existe une grande diversité de ce que peut être ce contenu et ainsi autant de centralités associées, et ce, au sein d’un même territoire. Comme l’exprime Jérôme Monnet dans son article : « la centralité est la qualité attribuée à un espace » [décembre 2000, pages 399 à 418]. Il est toutefois vrai qu’un contenu possède toujours un contenant et, par voie de conséquence, une centralité peut être géographiquement localisée dans le centre [particulièrement d’un centre introverti], si ce dernier est le reflet d’un contenu bien spécifique et déterminé. Nous devons donc, à partir d’ici, bien faire la différence entre « le centre-ville » localisé en un endroit et « une centralité », localisable en plusieurs lieux. En effet, comme nous avons pu le voir, le centre-ville est toujours établi à un endroit particulier décidé arbitrairement. Une centralité urbaine possède aussi cette caractéristique, la différence vient du fait du caractère unique du centre alors qu’une centralité urbaine peut se répéter un certain nombre de fois au sein d’une même ville. Selon les spécificités de ces dernières, plusieurs centralités peuvent cohabiter sur un même territoire urbain.
Figure 4: les centralités selon la théorie des lieux centraux de W. Christaller
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La multiplicité de centralités urbaines implique la possibilité qu’elles interfèrent entre elles selon différentes manières exprimées par la suite. La première chose qui peut les différencier est leur contenu qui peut être de diverses natures. Il est en effet possible d’en mettre en évidence un certain nombre. Ainsi, Thomas Dawance [2004] nous en cite plusieurs : culturelle, économique et financière, commerciale, politique, technologique, de loisir, de détente, etc. Chacune de ces fonctions peut permettre l’existence d’une centralité. Cette dernière peut en posséder une seule ou plusieurs à la fois. C’est alors par leur niveau de spécialisation fonctionnelle qu’elles se démarquent d’autres lieux ayant la même fonction mais de manière moins visible. Nicolas Lebrun explique : « le contenu ne prenant de la valeur qu’à l’examen du vide relatif avoisinant […], un centre fonctionnel va se détacher [des autres lieux] par la quantité et/ou la qualité de son contenu ». Ainsi, le niveau de performance fonctionnelle d’un lieu va décider de la centralité ou non de celui-ci. Toutes ces centralités aux contenus différents peuvent traduire entre elles une certaine complémentarité au sein d’une ville ou d’une agglomération. Des flux importants peuvent exister entre elles. Par leur complémentarité, des centralités différentes peuvent aussi se renforcer mutuellement. Ainsi, par exemple, une ville possédant une centralité technologique pourra utiliser cette compétence afin de conforter son niveau de recherche en vue de créer ou développer une centralité économique et/ou industrielle. Même situées dans des lieux différents, leur relative proximité spatiale permet de créer des liens plus ou moins forts. Malgré tout, peut-on dire qu’il existe une possible domination d’une centralité sur une autre ? Plusieurs critères pourraient permettre de les hiérarchiser entre elles comme l’indique Denise Pumain [2004]. Leur taille peut par exemple varier assez fortement. Il est alors possible de dire que celle occupant le plus de surface serait une centralité prédominante par rapport aux autres. Le même constat peut être déduit avec l’aire d’influence. Dans cette hiérarchisation, il faut une fois de plus essayer de ne pas retomber dans la volonté d’exprimer une centralité unique. On retomberait alors dans la définition du centre qui exclurait toutes les autres centralités. Une autre caractéristique des centralités urbaines est leur capacité de changement dans le temps et l’espace. Elles peuvent en effet ne pas être figées, ce sont des entités mouvantes. Certaines fonctions on en effet la possibilité d’avoir des rythmes périodiques dans leur intensité, plus ou moins forts dans le temps. Ceux-ci sont définis à la fois par la politique Malo Gohier, 2009 12
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urbaine de la ville (qui décide par exemple de créer un nouveau bâtiment afin d’augmenter la force de la centralité et sa surface) et à la fois par les usagers eux-mêmes. Par exemple, une zone commerciale sera considérée comme une centralité pendant la durée d’ouverture de ses magasins, donc probablement et dans la majorité des cas le jour. Le reste du temps [la nuit], sa fonction est inexistante ou presque et son rôle de centralité en est d’autant réduit. A contrario, un complexe de loisir regroupant des équipements tels que des cinémas, des pistes de bowling ou encore des restaurants, verra sa nature de centralité mise en avant plutôt en soirée. Spatialement, ce rôle de loisir peut le jour se déplacer vers un parc d’attractions ou un complexe sportif. On voit donc bien dans ces deux derniers cas que des centralités aux mêmes fonctions [ici le loisir] peuvent être complémentaires sans toutefois laisser apparaître une dominance de l’une sur l’autre.
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II- LES FACTEURS EXPLIQUANT LA PRODUCTION DE CENTRALITES Nous avons défini brièvement dans la partie précédente ce qu’est une centralité et déjà identifié quelques unes de ses caractéristiques. La principale est qu’une centralité n’est pas forcément unique et c’est ce qui la démarque du centre. Elle n’est pas non plus figée : elle peut être changeante dans le temps et dans l’espace. Enfin, lorsque plusieurs centralités se localisent sur un même territoire elles peuvent entretenir des relations de domination, de complémentarité permettant quelque fois de les hiérarchiser. Dans cette deuxième partie nous développerons leurs différentes caractéristiques. Notre objectif final sera de trouver des outils permettant d’identifier une ou des centralités. Pour cela nous allons présenterons d’abord les facteurs permettant aux centralités d’émerger ou de conforter leur rôle. Nous verrons que malgré des contenus différents elles possèdent à la fois des caractéristiques communes [les invariants] et des caractéristiques spécifiques. Dans un second temps nous constaterons qu’une centralité est généralement dépendante de ses usagers et des instances décisionnaires de la ville. Enfin nous expliquerons ce qu’est le polycentrisme et sa généralisation de plus en plus frappante dans les agglomérations contemporaines. Les centralités sont issues de différents processus (urbanistique, géographique, politique) qui peuvent expliquer leur localisation, leur intensité ou encore leur contenu. Toutefois, malgré qu’elles soient parfois différentes, on note l’existence de caractéristiques invariantes. Nous allons le voir, celles-ci ne sont pas toujours les mêmes au cours du temps ou ne possèdent pas toujours les mêmes attributs. Ces facteurs expliquent aussi pourquoi les centralités ne sont pas omniprésentes sur l’ensemble d’un territoire donné alors que théoriquement l’ensemble d’une ville, d’une agglomération a un potentiel de centralité. Comme nous l’expliquerons, ce potentiel n’a pas toujours l’occasion de s’exprimer.
1- L’accessibilité, critère de localisation C’est un des premiers facteurs. Une centralité est un lieu de rassemblement, un endroit où les gens viennent travailler, s’amuser, se cultiver, dépenser leur argent. Ce sont des carrefours d’informations, d’idées, de marchandises. L’objectif d’une centralité est généralement de capter les flux lui permettant de conforter sa place ou de l’améliorer. Ainsi, Alain Bourdin [septembre 2003, page 76] affirme que « la centralité est par définition un lieu accessible ou attractif où s’opèrent des échanges ».
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Ainsi elles se situent, à quelques exceptions près, à proximité ou sur de grands axes de circulations. Ces derniers sont différents selon l’agglomération où l’on se situe et n’ont pas non plus toujours été les mêmes au cours du temps. Ainsi, dans les années 60 et les trente glorieuses, lorsque « le tout automobile » est devenu dominant par rapport aux transports collectifs, l’accessibilité était réduite aux infrastructures routières et autoroutières. Peu importait la proximité ou non de la présence d’un métro ou d’un tramway. De plus, l’étalement urbain et les distances de parcours de plus en plus longues ont favorisé l’utilisation de la voiture. Le manque de place dans la zone dense de la ville a obligé le déplacement des centres commerciaux plutôt en périphérie, même raison pour les bases de loisirs et autres parcs d’attraction. Les zones d’activités et industrielles quand à elles, de part leurs activités, souvent bruyantes, parfois polluantes sont aussi reléguées loin des zones denses notamment celles constituées d’habitat. Les périphériques, les autoroutes ne sont jamais loin et des échangeurs sont créés. La volonté, rien de plus normal, est de vouloir attirer le plus de monde possible. Dans le cas d’une centralité commerciale, pour s’affirmer, celle-ci doit faire venir le plus d’acheteurs potentiels. Un moyen d’y parvenir est d’augmenter la zone de chalandise qui dépend directement des accès pas la route et créer d’importantes zones de stationnement. Dans le cas d’zone d’activité, il faut pouvoir acheminer et expédier le plus rapidement les marchandises car le transport du fret par camion étant majoritaire, la proximité d’axes routiers est primordiale. On peut aujourd’hui affirmer que cette utilisation importante [et excessive] de la voiture a favorisé l’émergence de centralités de périphérie au détriment de celles situées plus profondément dans le tissu urbain. Il est sûr qu’avant la seconde guerre mondiale, lorsque l’automobile n’était pas encore appropriée par un large public, les distances de parcours étaient nécessairement plus courtes. Les centres commerciaux de périphéries n’existaient pas. A cette époque, les grands magasins intra-muros ou les commerces de proximité étaient largement majoritaires. Les rues que l’on pouvait considérer comme des centralités avec leurs boucheries, leurs boulangeries ou leurs magasins de vêtement ont commencé à disparaître avec l’apparition des nouveaux centres commerciaux. Voilà donc une preuve que les centralités ne sont pas figées éternellement. De nos jours de nouvelles préoccupations apparaissent comme l’écologie ou la rentabilité des déplacements en temps et en argent. Hier l’accessibilité se faisait par la voiture, aujourd’hui c’est par les transports en communs. Les temps changent, les mentalités aussi, la volonté de sauvegarder l’environnement et d’avoir un mode de vie durable se sont généralisés depuis le citoyen lambda jusqu’au politique. De nouvelles lignes de transport en Malo Gohier, 2009 15
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commun sont mises en service fréquemment en France et en Europe pour répondre à cette demande de plus en plus forte. Ces ouvertures se localisent généralement dans le tissu urbain le plus dense et exclue dans ces cas les centralités de périphérie. L’homme contemporain veut pourvoir se déplacer rapidement et de façon aisée d’un endroit à un autre. Les nouveaux transports en commun doivent donc être performants et fiables. Or pour que les projets soient viables financièrement il faut qu’ils transportent le plus de monde possible, c’est donc dans les zones les plus denses qu’ils se réalisent et relient en général les centralités existantes et identifiées. Toutefois entre celles-ci sont tout de même créés d’autres arrêts qui sont en général porteurs de nouvelles centralités grâce à l’apport d’un nouveau flux important de personnes. On peut illustrer cette remarque avec l’axe du RER A en Ile-de-France. Ainsi, sur son parcours de très nombreuses centralités sont identifiées d’Ouest en Est : l’Université de Cergy [culture], La Défense [économie], Noisy-le-Grand [économie, commerciale], NoisyChamps [culture], Val d’Europe [commercial, économie, loisir], Disneyland [loisir, transport]. Dans le cas de cette ligne, des centralités ont émergé grâce au RER [Cergy, Noisy-le-Grand, Noisy-Champ, Val d’Europe] et d’autres se sont renforcées [La Défense, Disneyland]. Ces dernières années, en plus de l’engouement pour une accessibilité propre, l’accessibilité universelle est aussi mise en avant. Les critères sont de plus en plus draconiens pour que les transports soient accessibles aux personnes à mobilité réduite. Pour cela les réseaux doivent mettre en place des aménagements spécifiques. Aujourd’hui toutes ces contraintes techniques sont prises en compte par les constructeurs ce qui permet aux plus grands nombres de personnes de se rendre dans les centralités. Ainsi, la localisation des centralités est fortement influencée par leur accessibilité. Dans la seconde moitié du 20ème siècle la voiture à permis l’émergence de centralités de périphérie accessibles par les autoroutes alors que ces dernières années [sans toutefois compromettre de manière visible les centralités de périphérie] la tendance revient à l’émergence de centralités moins périphériques, plus urbaines, intégrées au tissu de la ville et accessibles par les transports en commun.
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2- L’étalement urbain révèle des centralités oubliées L’étalement urbain est la production sans limite de la ville. Il n’y a pas de frontière rien, pour arrêter sa croissance. En dehors des effets négatifs comme la diminution des espaces agricoles ou encore l’augmentation des distances de transport, accompagnées de conséquences telles qu’une hausse de la pollution atmosphérique, nous pouvons tout-demême identifier un effet morphologique majeur : l’absorption par l’agglomération principale des communes périphériques. Sans l’étalement urbain, tout village ou ville serait amené à rester isoler. Pour les grosses agglomérations, cela ne pose pas de problème. Elles regroupent toutes les activités permettant de vivre en quasi-autarcie : des entreprises, des loisirs, de la main d’œuvre et un territoire rural plus ou moins conséquents. Leur continuité dans le temps n’est pas remise en question, à moins d’un changement radical du mode de vie ou des activités qu’elles possèdent. Ce fut ainsi par exemple le cas dans les années 80-90, avec la fermeture les unes après les autres des mines de charbon du nord de la France. Des villes qui étaient autrefois prospèrent ont décliné. Heureusement, elles ont souvent eu le temps de pratiquer une reconversion de leurs activités et ainsi remonter la pente dangereuse sur laquelle elles étaient lancées. Aujourd’hui, on ne voit pas, à moyen ou long terme (malgré la crise), de tels changements bouleversants. Par contre, dans les villages situés près de grande agglomération une tendance est nettement vécue (même si il ne faut pas généraliser) : l’exode des commerces de proximité. Après l’exode rural où ces villages ont vu disparaître une partie de leur population, c’est aujourd’hui les petits commerces qui disparaissent, au profit des grandes surfaces des villes plus importante. Leur « mini-centralité » s’efface au profit d’autres plus lointaines. Ces villes et villages deviennent des cités dortoirs pour les gens qui travaillent à la ville, mais qui y font aussi leurs courses avant de rentrer chez eux le soir. L’étalement urbain remédie un peu à ce portrait négatif de la petite ville de campagne. Les centralités oubliées sont en effet peu à peu rattrapées par la forte urbanisation de l’agglomération voisine. Elles sont totalement absorbées par le tissu urbain et au bout de quelques années en font partie intégrante. Des centralités « ont émergé dans des contextes […] de rattrapage et d’inclusion dans l’aire urbaine de villes anciennes » [SAINT JULIEN Thérèse & LE GOIX Renaux, 2007, page 12]. C’est avec cette assimilation que les tendances peuvent s’inverser, même s’il est vrai ce n’est pas toujours le cas. Comme nous le verrons ultérieurement, ce sont les usagers qui font les centralités. Comme au théâtre un acteur n’existe pas sans publics, en urbanisme une centralité n’existe pas si personne n’y va,
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soit pour se divertir soit pour travailler. La densité de population est donc très importante. Pour Catherine Baumont [1993, page 26] « il existe un seuil de concentration spatiale [de la population] en-deçà duquel les économies d’agglomération jouent favorablement sur la rentabilité d’une centralité ». Il est en effet rare qu’en rase campagne le potentiel de centralité se révèle important, à quelques exceptions près. Ainsi certaine gares tgv (Macon, Bezanne) sont situées à plusieurs kilomètres de la ville qu’elles desservent mais leur rôle de pôle d’échange est tout de même important et incontestable. Enfin, si l’étalement urbain devient très important, deux agglomérations relativement éloignées au départ peuvent se rencontrer par la suite. C’est le cas avec Paris dont l’aire urbaine tend à en rejoindre d’autres. « L’étalement urbain parisien se heurte désormais aux limites d’autres aires urbaines et des territoires de franges deviennent centralisés et multipolarisés » [LARCENEUX André & BOITEUX-ORAIN Céline, 2006, page 20].
3- L’intégration
urbaine,
élément
indispensable
aux
centralités
contemporaines Comme nous l’avons vu précédemment, un éloignement des centralités s’est produit dans les années 70 avec l’utilisation en masse de la voiture. Les périphéries des zones urbaines ont été largement plébiscitées par l’offre d’espace, au détriment de la relation de proximité avec la ville. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Comme nous le dit François Ascher [septembre 2003, page 22], professeur à l’IFU, les centralités deviennent maintenant les « critères d’une qualité urbaine ». Sans centralité, une ville est considérée sans intérêt ou dynamisme ; comme morte. C’est pour çà que les urbanistes essaient au maximum de les concrétiser dans leurs projets urbains. Selon Jean-Jacques Fournier [septembre 2003, page 47], président de l’Association Française des Villes Nouvelles, en milieu urbain il est facile d’intégrer « des équipements qui concours à la création de centralité ». Les centralités périphériques étaient comme isolées du reste de la ville par de grandes étendues agricoles. Depuis, l’étalement urbain, principalement résidentiel, les a rattrapés. Ce rattrapage n’a toutefois pas effacé la rupture urbaine qui existe entre ces différents usages [le résidentiel versus les activités, les industries, l’économie]. Cette rupture s’exprime surtout par une différence des formes urbaines. Un centre commercial, une usine, n’auront pas la même apparence qu’un lotissement pavillonnaire. Si autrefois ces préoccupations esthétiques et paysagères n’existaient pas, elles entrent aujourd’hui en jeu dans les cahiers des charges des projets, qu’ils soient urbains ou pas et en conséquence dans la réalisation d’éléments de centralités (équipements, bâtiments publics ou privés, infrastructures). Les études d’impacts sont de plus en plus demandées, notamment dans les dossiers de création Malo Gohier, 2009 18
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de ZAC. Celles-ci doivent analyser les impacts que peut avoir un projet d’aménagement sur le milieu dans lequel il s’insère, si l’état initial du site est fortement modifié, négativement ou positivement et dans ce cas, les mesures qui sont prises pour y remédier. Les centralités brassent généralement une population nombreuse et peuvent être localisées sur un vaste territoire, ce qui n’est pas sans conséquence sur le quartier où elles sont implantées et sur leur voisinage. Par conséquent, une intégration urbaine sans nuisance est importante afin que le projet voie le jour ou qu’il soit bien accepté par la population. Pour cela, des recommandations architecturales et paysagères prenant en compte le bâti existant doivent être intégrées dans les documents d’urbanisme. Un traitement des espaces publics est aussi préférable afin qu’une harmonie du design urbain soit visible. Dans la continuité de cette réflexion, l’urbaniste essai parfois de mettre en scène l’espace urbain dans le but de créer une centralité nouvelle. Il joue alors sur les éléments visuels et sur la pratique de l’espace par l’usager. L’intégration de mobiliers urbains spécifiques, de jeux sur les couleurs, sur les formes, peut créer une originalité dans le quartier. C’est cette liberté de style qui peut mettre en avant un espace qui sera par la suite assimilé à une centralité. On a dit que l’homogénéité urbaine favorisait l’intégration des centralités, mais l’inverse peut aussi se faire. Dans ce cas, il faut que l’hétérogénéité soit appréciée par les usagers. Nous le verrons dans la partie suivante, mais le ressenti des usagers d’un espace peut conduire ou non à l’émergence d’une centralité. C’est ainsi que la qualité des matériaux des espaces publics et des bâtiments, est souvent de meilleure qualité que ce que l’on peut trouver autre part. Une centralité doit attirer le regard, être esthétiquement attractive. C’est une façon de se différencier de ce qui n’est pas un lieu central.
4- Les choix politiques Les décisions prises par les instances responsables de la ville ou des différents acteurs urbains (équipement, éducation, santé, urbanisme, industrie, commerce, etc.) peuvent être lourds de conséquences et peser fortement dans le choix de localisation, de contenu, ou encore d’intensité d’une centralité nouvelle ou existante. Ainsi, lors de l’élaboration des documents d’urbanisme, les élus envisagent l’aménagement à long terme du territoire local (PLU, PLH, PDU, etc.) et intercommunal (SCOT, Plan paysage, etc.). Cela implique la conception de règlements contraignants pour tous les projets situés sur les territoires concernés et par conséquent sur tous les lieux de centralités. Ils encadrent des règles, parfois strictes, que les aménageurs doivent suivre afin que leur travail soit compatible avec ces documents et qu’une validation soit possible. Les influences concernent
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la hauteur du bâti, l’aspect en façade, l’écoulement des eaux. Autant d’éléments techniques ou administratifs (règlement de ZAC, financement) qui donneront raison ou pas au projet. Même si ces contraintes existent, la ville ne doit pas rester figée ou être inactive. Elle doit être en développement continu. C’est en tout cas ce que peut souhaiter tout maire. Ce développement doit permettre l’épanouissement des habitants actuels, en attirer de nouveaux, répondre à la demande en locaux commerciaux. La recherche d’un équilibre entre logements et emplois contribue aussi à ce dynamisme urbanistique. Avant la réalisation concrète de ces nouveaux bâtiments, immeubles, équipement ou espaces publics des études sont menées. Elles concernent des études de marché, des études de paysage, d’insertion urbaine, des études d’impact. Autant d’éléments qui doivent être pris en compte et contribuent à la naissance d’un bon projet et répondent aux attentes des élus. Pour fonctionner, la ville a besoin d’infrastructures performantes. Des équipements publics tels que mairie, préfecture, centres sociaux, hôpitaux, équipements sportifs, lycées, sont autant de centralités potentielles car leur attrait peut être important. Ce sont des lieux où la vie communautaire peut se faire, des lieux de rencontre, de flux. Tous ces critères sont pris en compte. De même, le choix du type de transport en commun à mettre en place pour améliorer un réseau peut jouer sur l’environnement urbain proche. Par exemple, si le parcours se fait en souterrain, dans le cas de la mise en place d’une ligne de métro, les aménagements urbains ne se feront qu’au niveau des stations de surface. Une ligne de bus à haut niveau de service ou un tramway, demandent quand à eux des aménagements conséquents, qui se feront sur l’ensemble du parcours et augmenteront la possibilité d’émergence d’une centralité. Ainsi, aucun choix politique concernant le fonctionnement et l’aménagement urbain n’est sans conséquence et l’ensemble peut se révéler important. De même, les mandats politiques ont une durée déterminée à l’avance et généralement courte ou à la fin incertaine. Nous remarquons généralement que les hommes politiques ayant des responsabilités nationales ou locales, désirent laisser une trace de leur passage par un programme ambitieux. Il peut être totalement administratif, par exemple une réforme (santé, administration). Mais en général c’est plutôt quelque chose qui se voit, qui attire, qui a un impact fort sur la ville et au-delà. C’est donc souvent un bâtiment (musée) qui marque une centralité à lui tout seul.
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5- Quelques contenus de centralités Comme nous avons pu le voir plusieurs fois dans notre démarche, plusieurs centralités différentes existent. Nous allons ici en citer quelques-unes et en donner les caractéristiques les plus importantes. a) Commerciales Commençons par les centralités commerciales. Ce sont les plus étonnantes car elles ont subit le plus de changement ces dernières années. Nous en avons déjà discuté dans la partie concernant la localisation des centralités. A partir du dernier quart du 20ème siècle elles ont migré dans les grandes périphéries des agglomérations. La clientèle a fait part d’une plus grande demande en diversité de produits. Pour y répondre, la réponse a été la création d’immenses complexes dans lesquels toutes sortes de magasins pouvaient s’installer. Ce changement à permis de concentrer en un même lieu des activités, parfois différentes (nourriture, jardinage, bricolage, jeux) qui autrefois était divisées ou regroupées uniquement par type d’activité (tous les magasins de bricolage dans un quartier, la nourriture dans un autre). De plus, l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages les amené à dépenser plus. Les stocks et les surfaces de ventes ont dû suivre l’augmentation. Or la place suffisante pour l’installation de tels complexes ne pouvait se trouver dans le tissu urbain existant. C’est donc en périphérie, principalement sur les terres agricoles, que les grands bâtiments commerciaux, accompagnés de leurs immenses parkings, se sont localisés. Cette démarche de délocalisation des activités commerciales n’a pas été sans conséquence sur les commerces de la zone dense. Nombre d’entre eux ont fini par fermer leurs portes. Aujourd’hui la tendance s’inverse par la remise en question de ces grands centres commerciaux et par une volonté de redonner vie aux commerces de proximité. Pour faire face à cette nouvelle concurrence, les grosses centralités commerciales de périphérie accroissent d’autant plus leurs offres qu’elles se diversifient. Aujourd’hui ce ne sont plus seulement des commerces alimentaires ou d’habillement qui s’installent. On voit de plus en plus de complexes de loisirs s’y greffer, comprenant cinémas multiplexes, chaines de restaurants et hôtels. Des centres de loisirs tels des casinos ou encore des aquariums s’y installent. Pour rivaliser avec l’urbanité de la ville dense, la centralité commerciale essaie aujourd’hui de recréer une véritable ambiance urbaine. Elle souhaite que le client reste la journée entière sur son territoire, qu’il puisse trouver tout ce qu’il cherche, se détendre, seul ou en famille.
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Les centralités commerciales se sont donc tellement diversifiées qu’on peut se demander si elles méritent toujours ce nom qui rappelle leur première nature, aujourd’hui disparue. Ce sont des centralités générales aux contenus divers et mélangés. De plus, selon David Mangin [juin 2004, page 118], dans certains pays, comme en Amérique du Nord « on tente de fonder des urbanisations à partir de nouvelles centralités commerciales » car dit-il [page 13 du même livre], « il est communément admis que les lieux de grand commerce forment aujourd’hui les rares lieux de brassage social à grande échelle ». Cette urbanisation crée de nouvelles villes que l’on nomme Edges Cities traduit en français par « villes lisière ». Selon Joel Garreau [1992] plusieurs critères permettent de les identifier : -
Elles doivent avoir une superficie de plus de 500 000 m² de bureaux dans lesquels travaillent de 20 000 à 50 000 personnes ;
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Elles doivent compter plus de 60 000 m² de commerces de détail, c'est-à-dire la taille d'un centre commercial moyen. Les "edges cities" sont des quartiers administratifs et de services aussi bien que des lieux de loisirs et de magasinage ;
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Le nombre de chambres doit être inférieur à celui des emplois ;
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Elles doivent être perçues et vécues comme des lieux bien identifiés par la population ;
-
Leur développement urbain doit être récent (moins de 30 ans).
On voit bien ici la volonté toujours présente de développer les centralités commerciales de périphérie existantes. Toujours selon David Mangin [juin 2004, page 109, chiffres de 2004], « aujourd’hui en France 70% des centres d’activité commerciale sont réalisés en préiphérie, 10% dans les quartiers et 20% dans les centres-villes. En revanche en Allemagne ces chiffres sont respectivement 30%, 40% et 30% ». Cela montre aussi que selon les pays les méthodes d’urbanisations et d’implantations des centres commerciaux peuvent être différentes. b) Technologiques et scientifiques Ce deuxième type de centralité est rattaché à l’emploi de pointe et la recherche. Par conséquent ses employés possèdent une formation parfois très diplômée. Or pour attirer cette main d’œuvre qualifiée et spécialisée, la centralité doit se faire remarquer des jeunes diplômés. Cette visibilité se fait par sa localisation qui se rapproche de celle des universités spécialisées dans le secteur professionnel recherché.
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Ce sont des lieux de création, qui, comme les centralités commerciales, ont besoin de bâtiments de plus en plus grands pour mener leurs expériences et concevoir leurs prototypes. Ainsi, elles sont aussi souvent positionnées en périphérie. Cela est d’autant plus vrai qu’elles se rattachent généralement aux centralités industrielles qui ont pour objectifs de produire en grandes quantités les produits inventés. Ces deux centralités travaillent de concert et entretiennent entre elles des relations de proximité et de complémentarité comme nous le verrons dans la partie sur le polycentrisme. De même, lorsque la recherche est importante, toute une ville peut se créer autour de ces centralités. Ainsi, dans le cas du programme internationale de recherche sur la fission nucléaire ITER, situé près du parc du Lubéron en région PACA, aucune ville importante ne se situe à proximité immédiate. C’est pourquoi les chercheurs sont parfois logés sur place avec leur famille. Des bâtiments d’habitation sont ainsi construits ainsi que des équipements publics. Ce programme est aussi coordonné au niveau départemental et régional par un développement territorial prenant en compte les villes touchées directement par les retombées économiques. D’après la CCI PACA, « un pôle de compétitivité "cap énergie" favorise le rapprochement des laboratoires de recherche, des institutions de formation de tous niveaux et des industriels » [avril 2006]. D’autres projets, comme l’opération d’intérêt national du plateau de Saclay, ont les mêmes prétentions de centralité. Dans cette dernière, l’idée est de valoriser les compétences françaises en matière scientifique. Ainsi une université doit voir le jour pour former les futurs chercheurs, ingénieurs et techniciens qui travailleront dans les entreprises et organisations déjà présentes (industrie pharmaceutique, CEA). Cette centralité technologique et scientifique à l’ambition d’être l’une des plus importantes au monde. « Le site doit s’inscrire dans un projet territorial d’ensemble, se développer […] comme un cluster-cité, mixant les populations de chercheurs et d’étudiants avec d’autres populations, organisé autour de lieux animés où les gens aient envie non seulement de travailler, mais de vivre, de se divertir, d’élever leurs enfants » [VELTZ Pierre, 2 avril 2009]. c) Touristiques et historiques Ce sont parfois les plus anciennes centralités. Totalement urbaines, encrées dans le tissu dense, elles portent parfois le nom de centre, centre-ville [de façon arbitraire]. Ce sont les plus vieux quartiers et comprennent des bâtiments anciens. Ces derniers, selon leur attractivité plus ou moins forte peuvent ensemble créer une centralité historique. En général ils s’accompagnent de musées, boutiques de souvenirs, restaurants et cafés, qui en font, une fois de plus, des centralités plus générales. Y sont aussi regroupés les bâtiments Malo Gohier, 2009 23
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administratifs tels qu’hôtel de ville, palais de justice. Ces centralités se localisent aussi près des églises qui sont les bâtiments les plus anciens et généralement les mieux conservés. C’est pourquoi toute ville ou tout village [en France et en Europe] possède potentiellement une centralité historique. Même les villes nouvelles reposent sur un ensemble de villes et villages plus anciens et comprennent par conséquent plusieurs centralités historiques sur leur territoire. Pour Alain Bourdin [CERTU, décembre 1998, page 85] « la centralité traditionnelle est une mise en scène de l’espace urbain ». Le patrimoine qui la compose est en effet mis en valeur afin d’atteindre l’attractivité voulu, et ce, par des évènements, des spectacles, des ambiances particulières. Nombre de villes et villages ne sont connus que pour leur festival au niveau régional ou national, sans pour autant avoir un patrimoine remarquable. Ces centralités sont généralement de taille réduite. La densité y ait souvent plus forte que dans le reste de la ville, le bâti serré et on y retrouve une multifonctionnalité [commerces, bâtiments administratifs et culturels, musées].
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III-
L’IMPORTANCE DE L’USAGER
Dans la partie précédente nous avons identifié les différents facteurs pouvant expliquer l’émergence du potentiel de centralité d’un lieu. Nous avons vu que ce potentiel s’exprime différemment selon les époques. Il est parfois localisé dans le tissu urbain, parfois en périphérie. Les centralités, en devenant de plus en plus fortes, plus attractives, ont tendances à se diversifier afin d’accroitre d’autant leur potentiel. Dans cette troisième partie nous révèlerons l’importance de l’usager dans la révélation des centralités. Nous indiquerons d’abord brièvement les différences de points de vue en urbanisme entre le professionnel et les non spécialistes. Nous verrons ensuite que la perception de ces derniers est importante et à prendre en compte dans un projet d’aménagement. En effet, cette perception peut aller à l’encontre de la volonté de l’aménageur, d’où l’importance de la concertation. Dans un dernier temps nous étudierons et chercherons des propositions permettant aux différents acteurs de créer ensemble de véritables centralités.
1- Une perception différente Une centralité ne fonctionne par définition que si des personnes y vont et la considèrent comme telle. L’avis personnel de chacun est donc important pour lui donner cette dénomination. Les acteurs de l’aménagement doivent donc prendre fortement en compte ceux-ci afin de réussir leur projet. Le non initié est ignorant des pratiques de l’urbanisme. Il ne tient pas compte de toutes les données qui gravitent autour d’un projet. Il ne voit que ce qui est évident : ce qui peut apporter un bien être pour lui-même et ce qui est visible directement. Il ne prend pas en considération la multitude de paramètres sociologiques, environnementaux, techniques, juridiques, qui concernent non seulement le projet lui-même, mais aussi une un grand nombre d’usagers aux gouts, aux comportements très différents. L’objectif d’une centralité et d’un projet urbain en général est de contenter le maximum de personnes à défaut de ne pouvoir satisfaire tout le monde. Cette différence de jugement peut être dangereuse pour la pérennité d’un projet, l’émergence d’une centralité ou sa durabilité. Les attentes concernant le contenu ou la forme d’une centralité peuvent être différentes selon les personnes. Les attentions portées sur tels ou tels critères seront plus ou moins fortes selon l’individu interrogé. Ainsi, pour une personne handicapée, un accès pratiques et aisé à tous les lieux sera privilégié. Pour un
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homme d’affaire pressé ce sera plutôt la proximité d’un lieu de restauration rapide. Nous pouvons tout de même citer quelques critères: l’accessibilité, la compétitivité, l’attractivité, le coût, l’architecture. De même, il est très difficile pour un non initié en urbanisme de comprendre qu’un projet doit répondre à un cahier des charges précis répondant aux critères posés par le maitre d’ouvrage mais aussi à des critères spécifiques, indépendants de sa volonté, afin de répondre aux dispositions des documents règlementaires (PLU, code de l’urbanisme). Or le non respect de ces dernières règles peut entrainer un refus du permis de construire. Ces conditions sont souvent invisibles pour un œil étranger au domaine (recul par rapport à la voie, hauteur de faitage maximale) mais peuvent être décisives. Ainsi, si le non initié pense au côté esthétique d’un bâtiment et tente de voir ce qui correspond à ses gouts le professionnel essai d’atteindre une esthétiques optimale pour lui, mais qui rentre avant tout dans les recommandations d’urbanisme. Ce dernier est prêt à faire des concessions afin que son projet soit accepté alors que le premier ne pense qu’à une chose : que le projet plaise à lui-même. Il est alors difficile pour le professionnel de concilier les attentes exigeantes des usagers ou riverains de la centralité avec les attentes parfois strictes des documents d’urbanismes et autres (incendie par exemple). Ainsi, selon Emmanuelle Gallot-Delanézide [septembre 2003, page 62], « il existe un décalage entre les centralités prévues à l’origine par les aménageurs et l’usage qu’on fait une majorité d’habitants ». On a vu ici que des centralités voulues par l’urbaniste ne pouvaient pas nécessairement correspondre aux attentes des usagers et ainsi échouer. Il arrive aussi parfois le contraire : un projet qui n’était à l’origine pas censé devenir une centralité peut voir son potentiel révélé par ces mêmes usagers. Ces centralités involontaires peuvent se faire sur un lieu qui pendant longtemps n’avait pas cette destinée. Par exemple, durant des années, une rue peut ne pas être attractive car trop circulée, avec une ambiance urbaine repoussante, peut, du jour au lendemain, être perçue comme attractive. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer, par exemple un changement du plan des circulations du quartier. Si la volonté de la commune peut simplement être de faciliter les déplacements, éviter les embouteillages, mais dans une perspective d’ensemble, sans nécessairement vouloir favoriser une rue par rapport aux autres, dans la pratique, ce changement peut avoir des conséquences inattendues. Ainsi, la rue qui était autrefois à double sens peut passer à simple sens avec moins de circulations et plus de stationnements. Cette voie autrefois passante peut devenir un axe où les gens s’arrêtent et s’y déplacent à pied. La conséquence de ce passage d’un flux de Malo Gohier, 2009 26
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voiture à un flux de piéton peut développer un commerce de proximité et d’une certaine manière une centralité. Ainsi, tout vient des différences de perceptions entre les individus. « La perception, c’est d’abord l’objet d’une expérience vécue : par définition, l’espace vécu est l’espace perçu ; on ne peut séparer le fait que l’individu vit, ou utilise l’environnement et la manière dont il le perçoit. L’individu, dans son expérience, se construit en permanence des images de l’espace dans lequel il vit. On vit toujours dans un environnement, dans un espace donné, et c’est à partir de l’expérience dans l’espace qu’il faut aborder la question de la perception. » [CERTU, décembre 1998, page 10].
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Figure 5 : la perception de l'espace: mieux comprendre l'espace vécu (source CERTU)
2- La concertation, solution de points de vus divergents Pour résoudre les problèmes d’incompréhension entre les différents acteurs participant à l’élaboration d’une centralité, de façon directe (aménageurs, politiques) ou indirectes (usagers, voisinage), la concertation est le moyen le plus efficace pour contenter le plus de monde possible. L’objectif est d’utiliser une méthode participative. Nous allons ici présenter une démarche à suivre pour définir le territoire, son contenu et l’intensité de celui-ci avec l’ensemble des participants. Il faut faire attention de ne pas confondre réunions de concertation et réunions d’informations. Ces dernières sont les plus souvent utilisées lors de la phase d’avant projet. Elles ne donnent aucun pouvoir aux personnes extérieures à la conception et les met simplement au courant de l’avancée du projet. C’est un débat à un sens unique où l’avis des non initiés n’est pris en compte. Les consultations publiques sont importantes. Elles permettent de connaître les avis et les demandes de chacun et d’en tenir compte dans la suite du projet. A ces réunions doivent évidemment être présent l’ensemble des personnes concernées. Elles permettent de mettre
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à plat les perceptions de chacun et de créer un socle commun de connaissances et de travail. Pour cela, une base de données, comprenant les différents documents réglementaires, doit être fournie et simplifiée pour être comprise de tous, également des non initiés. Ensuite, tout au long du processus, des réunions fréquentes doivent permettre de mettre à niveau chacun des membres. Ainsi, de cette manière, les quelques points réglementaires seulement connus des professionnels sont révélés au grand public. Ce dernier a alors les moyens d’en tenir compte dans sa réflexion et d’élargir son champ de vision. Il peut alors comprendre que l’aménageur a, par certains documents d’urbanisme, en quelques sortes les poings liés et devient alors plus indulgents vis-à-vis de ses idées. Ces différentes réunions de consultation doivent être placées le plus en amont possible du processus d’élaboration du projet ou de l’avant-projet. En effet, moins celui-ci est avancé, moins les coûts de modification seront importants et plus l’influence du non initié sera importante.
Figure 6: influence des parties prenantes en fonction du temps (source: PMBOK)
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IV-
LE POLYCENTRISME
Dans la partie précédente nous avons fait le point sur les différentes raisons qui poussaient un lieu à devenir une centralité et pas un autre. Le potentiel d’une centralité est fortement influencé par son environnement extérieur. Certains facteurs peuvent être contrôlés (contenu, accessibilité) et d’autres sont aléatoires et difficilement maîtrisables (usagers, attractivité). Nous savons maintenant comment peuvent naitre des centralités même si toutes les raisons n’ont certainement pas été expliquées. Dans cette nouvelle partie nous verrons comment s’organisent les centralités entre elles. Les relations qu’elles peuvent s’échanger. Nous expliquerons aussi la théorie de la centralité de Walter Christaller, les différents indicateurs relationnels.
1- Définition Le polycentrisme est le contraire du monocentrisme. Cette deuxième notion signifie qu’un territoire donné est composé d’une centralité principale qui domine largement tous les autres lieux. On dit souvent que c’est le centre ville. Tous les réseaux (communications, routiers) sont organisés en radioconcentrisme, c’est-à-dire tracés de telle sorte à aller directement vers cette centralité. Généralement elle possède plusieurs fonctions (économique, commerciale, politique, culturelle). De nombreux pays, notamment la France, voient leur structure basée sur ce principe. Jusque dans les années 1990, en France, le radioconcentrisme se concentre sur la capitale Paris et efface toutes les autres villes qui ne sont alors pas considérées comme importantes. Ainsi toutes les autoroutes convergent vers Paris, de même que les lignes ferroviaires à grandes vitesses. Les diagonales sont exclues du raisonnement. Si vous voulez aller de Marseille à Nantes en train, il faut obligatoirement passer par Paris. Il n’est pas possible (à moins d’utiliser des lignes classiques à vitesse réduite et de ne pas craindre les nombreux changements), de prendre un chemin direct qui ferait passer par Clermont Ferrand par exemple. Le monocentrisme est en quelque sorte un égoïsme urbain car une ville, un quartier, ou un ensemble de bâtiments, gardent pour euxmêmes l’ensemble des fonctions pouvant potentiellement révéler une centralité. Dans le polycentrisme il y a généralement un partage des fonctions. Plusieurs centralités se localisent sur un même territoire. Comme on l’a vu précédemment, elles peuvent être nées d’une volonté politique, urbanistique, ou encore s’être révélées toutes seules, par le seul fait du temps. Au niveau national, le polycentrisme s’est révélé par la volonté du gouvernement de décentralisés ses moyens administratifs et par conséquent humains. Cette politique bénéficie aux villes de provinces qui voient leur attractivité augmenter. Au niveau urbain, Malo Gohier, 2009 30
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selon Catherine Baumont [1993, page 63], le polycentrisme est « la phase d’évolution actuelle des villes ». La spécialisation des fonctions, devenue de plus en plus importante contribue à leur séparation. Les technicités et les connaissances requises pour chaque fonction a obligé ces dernières à se regrouper par secteur d’activité et à se décentraliser. Ainsi, les villes nouvelles avaient pour but de compléter l’offre de la grande centralité de Paris et de rétablir un équilibre dans l’aire urbaine parisienne. Cette multiplication des lieux d’importance n’a toutefois pas empêché les différents métiers d’échanger des informations et d’entretenir des relations entre elles comme nous allons le voir dans la partie suivante. Selon David Mangin [2004, page 26] « différentes centralités peuvent être plus ou moins complémentaires ». Ainsi la théorie des lieux centraux de Walter Christaller [1933] veut que la répartition des centralités se fasse en réseau et que celui-ci favorise les flux d’informations. Mais nous verrons aussi que certaines centralités peuvent avoir une intensité telle qu’elles peuvent dominer leurs congénères. Nous verrons alors que certains critères permettant de les hiérarchiser existent, ainsi que des indicateurs mathématiques permettant de calculer l’intensité d’une centralité.
2- Relations d) Dépendance et complémentarité Nous l’avons vu, certaines centralités se complètent par leurs usages. Il existe des interdépendances qui font que certains lieux ont révélé leur potentialité uniquement grâce à la présence proche d’une autre centralité. Ainsi « une métropole polycentrique fonctionnant en réseau peut être constituée d’un équilibre de centralités aux tailles et aux intensités similaires » [SAINT JULIEN Thérèse & LE GOIX Renaux, 2007, page 13]. Ces deux critères (intensité, taille) peuvent être déterminants dans les relations de dépendance et de domination. D’autres critères peuvent compléter la liste : le degré d’autonomie, les niveaux de spécialisation par exemple. L’intensité d’une centralité est la force que celle-ci a de montrer sa présence sur un territoire donné, elle peut aussi s’appeler intensité urbaine. « L’intensité est une grandeur mesurant l’ampleur d’un flux par unité de temps » [DA CUNHA Antonio & KAISER Christian, juin 2009]. Elle peut rendre compte de l’usage que l’on fait du sol, c'est-à-dire la densité des constructions. Or, des densités identiques (coefficient d’occupation des sols similaires), peuvent varier selon les contextes (site, place du végétal) et peuvent prendre différentes morphologies ou emprises au sol. Enfin, il y a une différence entre la densité pratiquée et la densité perçue. Cela montre que la densité, et par assimilation l’intensité urbaine, ne sont
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pas des critères pertinents car trop sujets à controverse. La densité humaine nette est peutêtre plus parlante car elle prend en compte des variables connues et parfaitement définies : le nombre d’emplois, le nombre d’habitants sur une surface donnée. En conséquence, nous pouvons admettre dans ce cas, que plus la densité sera importante, plus les flux de personnes seront importants et seront susceptibles de révéler une intensité urbaine et donc probablement une centralité. L’intensité peut aussi refléter la nature et l’importance de sa fonction. Ainsi une centralité commerciale verra normalement son intensité croitre avec le nombre de ses magasins. Encore une fois ce n’est pas une vérité absolue. Il faut en effet dans ce cas, non seulement prendre en compte la quantité des surfaces marchandes, mais aussi leur qualité. A quoi sertil d’avoir un grand nombre de magasins si ceux-ci n’attirent personne ? Une centralité est donc un espace de qualité. C’est celui-ci qui lui permet de se différencier d’autres lieux. Le niveau de spécialisation est aussi important. Si une centralité diversifie sa fonction trop fortement, elle deviendra trop générale, au risque de perdre son originalité et ce qui lui a valu d’être révélée comme telle : sa spécificité de fonction. Nous pouvons faire une comparaison avec la restauration : on dit généralement qu’un restaurant qui propose dans sa carte à la fois des pizzas, des crêpes, des fruits de mer ne sera pas bon, au contraire d’une pizzéria ou d’une crêperie qui se seront spécialisées dans un met particulier. Tous ces critères permettent de définir un niveau de centralité. Si deux ou plusieurs centralités ont le même niveau elles entretiennent alors une relation neutre. Il n’y a pas d’agression quelle qu’elle soit, juste des relations pacifiques de types dépendance ou complémentarité. Dans ces deux cas, les centralités ne peuvent subsister ou leur potentiel est engagé s’il manque un ou plusieurs membre(s). Leurs flux sont interconnectés. Si un de ces flux venait à disparaître, la symbiose d’ensemble, l’équilibre seraient rompus. La conséquence serait la disparition de certaines centralités ou la mise en place de nouvelles relations comme la domination. e) Domination et hiérarchisation La relation de domination est plus complexe. D’autres facteurs rendent compte d’une certaine compétition entre les centralités. Tout d’abord ces relations n’interviennent souvent qu’entre centralités de même fonction, par exemple entre deux zones commerciales d’une ville, mais rarement entre deux contenus différents comme une zone commerciale et un centre d’affaire composé de bureaux.
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Comment identifier les centralités urbaines et quelles relations entretiennent-elles entre elles?
D’abord elles possèdent une certaine autonomie ce qui les rend plus ou moins indépendantes des autres lieux centraux. La disparition d’un de ceux-ci n’affectera pas les autres, qui, au contraire, s’en retrouveront renforcés. « Une zone est considérée comme étant plus centrale qu’une autre si elle concentre un volume plus grand d’activités et si elle a une position privilégiée par rapport aux autres zones » [BAUMONT Catherine, 1993, page 22]. Ainsi selon l’auteur c’est la concentration (quantité de produits que l’on peut trouver sur la zone) et l’accessibilité (référence à la distance) qui déterminent le niveau de centralité d’une zone et sa domination sur les autres. Pour de bonnes performances il faut que ces deux facteurs soient les plus élevés possibles mais à niveau égal. En effet, si par exemple, dans le cas d’une zone commerciale, l’accessibilité est plus importante que la concentration, les flux de clients seront trop nombreux et importants par rapport à la marchandise proposée. La demande sera plus forte que l’offre, ce qui peut être favorable à court terme (stocks réduits), peut s’inverser à long terme (diminution du nombre de clients contents, mauvaise réputation pour la gestion de la clientèle). Un mauvais équilibre de ce rapport concentration/accessibilité peut devenir une limite à la croissance d’une centralité et favorisera d’autres centralités, qui auront, elles, un meilleur équilibre. Deux centralités relativement proches peuvent aussi, à un moment, fusionner. « La croissance et l’extension d’un ensemble de centres indépendants de taille similaire peuvent former une seule aire fonctionnelle intégrées » [SAINT JULIEN Thérèse & LE GOIX Renaux, 2007, page16]. De ce processus résultera une centralité plus forte capable de rivaliser avec ces congénères. Il existe plusieurs mesures du niveau de centralité permettant de déterminer des indicateurs afin de les comparer : -
FUSTIER – ROUGET. C’est l’indicateur de centralité urbaine qui calcule l’indice d’attraction. Celui-ci est déterminé par le rapport d’une masse (concentration) sur une distance (accessibilité).
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GARLANDIER – ROUGET 1. C’est aussi un indicateur de centralité urbaine. Cette fois l’indice d’attraction prend l’influence de la zone sur l’agglomération. C’est donc soit un rapport entre masses ou entre accessibilités de la zone sur l’agglomération.
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GARLANDIER – ROUGET 2. Cette fois c’est un indicateur d’influence qui mesure la concurrence interzone à l’aide des stocks et flux de chacune.
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Comment identifier les centralités urbaines et quelles relations entretiennent-elles entre elles?
CONCLUSION Ce dossier a d’abord permis de faire le point sur l’ambiguïté et la confusion entre les notions de centre et centralité. Le centre est un lieu unique d’une ville et est généralement désigné arbitrairement par les instances décisionnaires. La centralité est un lieu parmi d’autres, qui possède les caractéristiques d’être attractif, d’avoir une forte accessibilité ou encore une forte intensité urbaine. Les centralités peuvent se révéler de différentes manières. D’abord par le politique lui-même, qui par ses choix, peut influencer fortement la manière dont évolue un lieu. Ensuite, la localisation et l’intégration urbaine sont deux caractéristiques importantes. La localisation est directement liée à l’accessibilité. Une centralité doit attirer les plus grands flux de personnes mais aussi de marchandises selon ses fonctions. Ses fonctions sont diverses : culturelle, économique, commerciale, politique. L’intégration urbaine doit prendre en compte la morphologie du quartier ou elle s’implante, respecter une certaine harmonie d’ensemble. Elle doit aussi savoir se démarquer des autres lieux afin de ne pas rentrer dans la banalité. Les centralités sont fortement sujettes aux critiques et aux perceptions de leurs usagers. Un lieu peut être central du point de vue d’un urbaniste et sans intérêt de la part de l’usager, client, non-initié à la pratique de l’aménagement. Cette tendance peut aussi s’inverser, un lieu dont la fonction d’origine est sans importance peut se révéler central. Les centralités, lorsqu’elles sont multiples sur un même territoire défini, peuvent interagir ensemble. D’abord, des relations d’égale à égale, comme la dépendance ou la complémentarité, amènent les centralités à échanger des informations, des flux. Ensuite, des relations de domination sont aussi fréquentes. Une centralité plus forte peut supplanter toutes ses congénères, les faire disparaître ou les absorber (si elles sont relativement proches spatialement). Pour continuer plus loin notre réflexion, il faudrait se demander quelles sont les tendances actuelles des centralités ? Tendent-elles à disparaître au profit de micro-centralités plus encrées dans le tissu urbain tels les commerces de proximité ? Notre recherche n’a été que théorique, il faudrait tenter, à travers différentes exemple de villes d’illustrer nos propos plus concrètement.
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WEBOGRAPHIE
http://www.hypergeo.eu/article.php3?id_article=46 : définition du terme centralité. http://www.hypergeo.eu/article.php3?id_article=13 : définition des lieux centraux fondés sur
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du CNRS, Interview de Jean-Samuel Bordreuil à propos de « centralité urbaine, ville, mobilités ».
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