Le théâtre français au XVIIe siècle
Durant le XVIIe siècle, le théâtre français atteint un véritable apogée, grâce à un concours de circonstances particulièrement heureux qui conjugue la qualité des auteurs dramatiques, la considération de Louis XIV et le développement de lieux de représentation stables.
Lieux de représentation en France Très curieusement, pendant les trente premières années du XVIIe siècle, Paris ne possède pas de théâtre régulier, tout comme les autres villes françaises, n'offrant des spectacles que lorsqu’une troupe ambulante s'installe pour quelques semaines. Ces troupes ont d'ailleurs plus de mal à trouver des lieux de représentation à Paris qu'en province. En effet, le monopole des spectacles est tenu, dans la capitale, par une société dénommée la “ Confrérie de la Passion et Résurrection de notre Sauveur et Rédempteur Jésus Christ ” qui possède une salle de spectacle à l'Hôtel de Bourgogne et par laquelle il faut passer pour pouvoir louer la dite salle. Celle-ci est d'ailleurs assez misérablement installée et fort incommode. Aussi, de nombreuses troupes préfèrent jouer soit en plein air dans les cours d'hôtels, soit, à l'abri, dans l’innombrable jeu de paume (Salle, dans les jardins des Tuileries, où l´on jouait à la paume ; jeu de balle, ancêtre du tennis). Parisiens où elles peuvent construire des décors de fortune et une scène sommaire. Pourtant, même dans ces lieux, la Confrérie de la Passion doit donner son autorisation qui, bien entendu, se monnaye à des tarifs souvent exorbitants. La vie théâtrale se développe donc davantage en province où l'activité dramatique est assez intense. Heureusement pour la capitale, l'intérêt que Richelieu (Cardinal de (1585-1642). Premier ministre de Louis XIII de 1624 jusqu´à sa mort. Il triomphe des Protestants au siège de la Rochelle, et lutte contre la Noblesse, en interdisant les duels, et en déjouant les différents complots et intrigues visant à diminuer le pouvoir du Roi, en cela inspiré du modèle britannique) porte au théâtre permet une évolution. Il intervient auprès de Louis XIII ((16011643).Fils d´Henri IV et de Marie de Médicis. Il combat les Protestants et s´appuie sur Richelieu pour gouverner. Roi de France de 1610 à1643) pour qu'une troupe s'installe à demeure à l'Hôtel de Bourgogne, en 1629, avec le titre de “ Comédiens du roi ”. Désormais, cette salle se consacre au théâtre littéraire, excluant les farces (pièce de théâtre bouffonne) de son répertoire. Parallèlement, dans le jeu de paume du Marais, une autre troupe, qui vient de Rouen et qui est dirigée par Montdory, joue une comédie intitulée Mélite d'un jeune auteur nommé Pierre Corneille. Pierre Corneille (1606-1684) Pierre Corneille est un homme bon et doux, honnête bourgeois, plutôt embarrassé dans le monde, avec une vie aux antipodes des destins passionnés et complexes de ses personnages. Né à Rouen en 1606 d'une famille de magistrats, il fait tout naturellement des études de droit, comme son frère cadet, Thomas Corneille, après avoir suivi un enseignement secondaire jésuite. C'est un avocat piètre plaideur, timide et sans élocution, qui va trouver au théâtre, par
personnages interposés, la vocation d'orateur qu'il n'a pas dans la vie. Doté d'une sensibilité et d'une générosité hors du commun, et rompu, par sa formation, au raisonnement rigoureux des plaidoiries, il met ainsi, avec génie, ses qualités au service d'une carrière talentueuse d'auteur dramatique. Son œuvre est riche et variée. Il passe avec succès de comédie, à la tragi-comédie et à la tragédie, se jouant souvent des règles théâtrales et de l'évolution des genres que traverse le théâtre classique du XVIIe siècle. Le Cid, dont il trouve l'inspiration dans la comédie espagnole, représente, sans conteste, son œuvre charnière. Pierre Corneille excelle particulièrement dans les débats oratoires ; ses pièces, construites avec méthode et mouvement, offrent à Rodrigue dans Le Cid, puis à Horace ou à Cinna l'occasion de développer des tirades enflammées, ardentes mais aussi rigoureusement composées. En fait, il exalte la grandeur humaine et recherche toujours un langage et une éloquence à la mesure de ses héros. Cette éloquence s'exprime tantôt avec ampleur, dans des conférences ou des discours, tantôt sous forme condensée, dans des formules à effet. Corneille a aussi une prédilection pour les scènes de délibération politique où s'affrontent des thèses opposées. Il possède en fait toutes les qualités du grand orateur : beaucoup d'invention, le sens des tirades rythmées, les nuances subtiles dans le ton qui se fait sobre ou pompeux, le recours à une structure démonstrative pour convaincre, ainsi que des formules saisissantes. Le génie oratoire de Pierre Corneille est certainement ce qui marque le plus son œuvre, et qui s'accorde aussi parfaitement avec un siècle où le verbe a tant d'importance. Le succès est tel que cette troupe entre en concurrence directe avec l'Hôtel de Bourgogne. Elle va subir les assauts de la Confrérie de la Passion et déménager plusieurs fois pour s'installer finalement rue Vieille-du-Temple sous l'enseigne du Théâtre du Marais, en donnant ainsi une deuxième scène théâtrale à Paris. Les luttes entre ces deux théâtres sont incessantes mais elles sont bénéfiques à la création, pour le plus grand bonheur du public. En 1644, une troisième salle ouvre ses portes à Paris et tente sa chance, sous la houlette du jeune auteur Jean-Baptiste Poquelin qui y installe sa troupe : L'Illustre Théâtre. Malheureusement, la troupe ne résiste pas longtemps aux difficultés financières qui l'accablent et part en province. Pendant ce temps, les comédiens italiens continuent leurs séjours réguliers à Paris et c'est au théâtre du Petit Bourbon qu'ils se fixent. Ils y accueillent, quelques années plus tard, Poquelin devenu Molière lorsqu'il revient à Paris et, à partir de ce moment-là, les deux troupes jouent en alternance. La vie parisienne peut compter à présent sur trois théâtres permanents. Comme il l'a fait pour le théâtre du Marais, l'Hôtel de Bourgogne entre en guerre avec ce nouveau théâtre. Mais Molière est assuré du soutien de roi et quand la salle du Petit Bourbon est démolie pour des raisons d'extension des bâtiments du Louvre, le roi gratifie la troupe de la vieille salle du Palais Royal, jadis construite par Richelieu. Restaurée au frais du roi, le Palais Royal ouvre ses portes en 1661, et pendant douze années Molière y enchaine une série de succès et de luttes célèbres. Sa troupe est, après sa mort, transférée à l'Hôtel Guénégaud. Ces théâtres vont ensuite évoluer au gré des rivalités entre les acteurs et du goût du jour, mais ce siècle est définitivement celui qui dote la capitale de lieux de représentation stables, écrins d'une production riche et féconde. Dans les dernières décennies du siècle, l'Hôtel de Bourgogne et l'Hôtel Guénégaud fusionnent pour devenir la Comédie française et le Palais Royal est donné à Lulli (Jean-Baptiste (1632 - 1687) d´origine italienne ; il devient en 1661 surintendant de la Musique. Il sait concilier la tradition italienne à l´esprit français pour devenir le véritable fondateur de l´opéra en France) pour y installer l'opéra.
En fait, dès le début du siècle, Louis XIII et Richelieu donnent déjà une forte impulsion à l'expression théâtrale. Le Premier ministre est amoureux du théâtre et encourage fortement le mécénat en sa faveur. Le roi, qui s'aligne sur sa politique culturelle, installe officiellement à l'Hôtel de Bourgogne, à Paris, une troupe qui prend dès lors le titre de “ Comédiens du roi ”. Il publie par ailleurs, en 1641, une déclaration qui affirme la dignité de la profession de comédien et fait taire, pour quelque temps, la querelle sur le théâtre entretenue par l'Église. Sous le règne de Louis XIV, le théâtre se développe considérablement et devient à la mode. D'autres troupes, comme celle du Marais, ou plus tard celle de Molière entrent en concurrence avec les “ Comédiens du roi ” et l'émulation est stimulante pour la production autant que l'évolution des genres. L'influence étrangère, qui vient d'Italie et d'Espagne, est aussi source de dynamisme et de renouvellement. Ainsi, les Comédiens italiens, présents à Paris tout au long du siècle, font évoluer la mise en scène avec l'introduction du théâtre à machines et avec un jeu d'acteurs qui donne une place importante au mouvement et à la gestuelle. De même, la Comedia espagnole apporte un souffle nouveau à la création et inspire fortement les auteurs français qui puisent directement dans son répertoire. Le genre théâtral est en pleine mutation. Si la farce connaît un regain de succès au début du XVIIe siècle, elle s'éclipse presque complètement avec la disparition des principaux acteurs qui assuraient sa réussite et avec l'évolution du goût du public. La pastorale(= Œuvre littéraire ou musicale qui met en scène des bergers, des pasteurs et qui traitent d´un sujet champêtre), directement inspirée de pièces italiennes et fortes en vogue au XVIe siècle et au début du XVIIe, décline à son tour. La tragi-comédie, extrêmement prisée durant ce siècle, laisse peu à peu sa place aux deux genres dont elle s'est fait le conciliateur temporaire : la tragédie et la comédie qui triomphent dans la deuxième moitié du siècle. Un nouveau théâtre régulier s'impose, régi par des règles strictes. Malgré cette effervescence, la situation du théâtre en France est très paradoxale à la fin du XVIIe siècle. S'il occupe une place importante dans la société, il a perdu le soutien du roi sous l'influence de Mme de Maintenon (Françoise d´Aubigné, Marquise de (1635-1719) Elle épouse Scarron en 1660 et devient en 1669 la gouvernante des enfants que Louis XIV eut de Mme de Montespan. Après la mort de Marie-Thérèse, l´épouse de Louis XIV, elle se marie avec le roi en secret. C´est en matière de religion qu´elle exerce le plus d´influence sur le roi qui devient dévot à la fin de son règne) et se retrouve à nouveau en conflit avec l'Église. Avec la mort des principaux auteurs dramatiques qui ont fait sa renommée, le théâtre classique s'éteint lui-aussi, avec le siècle.