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MAUPASSANT
Bel-Ami E´dition avec dossier d’Adeline Wrona no 1356 / 3,30 €
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L
es e´le`ves de premie`re doivent de´sormais aborder l’objet d’étude intitule´ « Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde ». Les supports ne manquent pas – la profusion en la matie`re peut meˆme devenir facteur d’embarras. Or Bel-Ami, re´cit d’un se´ducteur ambitieux qui, graˆce a` son charme, re´ussit dans les milieux de la presse sous la IIIe Re´publique, se re´ve`le eˆtre un choix pe´dagogique judicieux. En effet, l’œuvre de Maupassant s’inscrit remarquablement dans la perspective du nouveau programme : le roman propose une histoire singulie`re sur un mode réaliste tandis que la fiction offre une repre´sentation du monde et des personnages à valeur emble´matique. Ainsi, l’e´crivain se penche sur les mœurs journalistiques non seulement parce qu’il les connaıˆt bien (Maupassant est un chroniqueur prolixe), mais parce qu’elles pre´sentent un inte´reˆt romanesque e´vident. Raconter le parcours d’un journaliste permet a` la fois de re´ve´ler un destin singulier et de proposer un regard sur la socie´te´ d’une fac¸on d’autant moins artificielle que le he´ros a charge professionnelle d’observer et de de´crypter l’actualite´. Par l’e´vocation des enqueˆtes de Duroy ou de ses colle`gues, le lecteur de´couvre ainsi certains arcanes peu reluisants de la France de la fin du XIXe sie`cle. Mais le mime´tisme entre presse et socie´te´ va plus loin. C’est moins dans les articles publie´s que dans l’organisation meˆme de La Vie franc¸aise, conside´re´e comme entreprise et comme microsocie´te´, que se
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I . P OURQUOI
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manifeste l’esprit du temps : la ve´rite´ y est manipule´e au profit des puissances d’argent. Les inte´reˆts particuliers de la finance, de la politique et de la presse convergent au me´pris de la plus e´le´mentaire morale re´publicaine qui privile´gie l’inte´reˆt de tous. Dans cette perspective, les personnages se parent d’une dimension exemplaire : par leur comportement, ils rendent lisible leur e´poque. Le manque d’inde´pendance des journalistes, leur insuffisance intellectuelle et morale pre´sentent ainsi un symptoˆme saisissant de la maladie de´mocratique qui gangre`ne le nouveau re´gime. Et Georges Duroy fait figure de catalyseur : he´ros me´diocre, individualiste, sans scrupule, avide de gloire et d’argent, il est un excellent repre´sentant de sa ge´ne´ration et de sa profession. De meˆme, le roˆle des femmes reveˆt une importance particulière puisqu’il re´ve`le entre autres la place primordiale de la libido dans les rapports humains, notamment quand re´side un enjeu de pouvoir. Le dessin de la socie´te´ qui transparaıˆt en filigrane a` travers l’histoire singulie`re et fictive de Bel-Ami n’a, a` l’e´vidence, rien d’objectif. Mais la force du roman tient aussi a` la fac¸on implicite dont s’exprime le cynisme du romancier. L’efficacite´ de la charge critique naıˆt pre´cise´ment de la rarete´ du discours (pre´sent tout de meˆme a` travers les propos pessimistes de l’homme de lettres Norbert de Varenne) : c’est en exposant plus qu’en de´nonc¸ant que Maupassant distille son jugement. La part de suggestion inhe´rente a` l’e´criture romanesque laisse ainsi au lecteur le loisir de l’interpre´tation et a` l’e´le`ve le plaisir de l’explication. Enfin, Bel-Ami demeure captivant de bout en bout : le style simple et nerveux, le re´cit tendu e´pousent l’e´volution fulgurante de l’impatient he´ros et e´vitent les longues descriptions qui font fuir les lecteurs les moins avertis. Il est vrai que l’histoire fait re´fe´rence a` l’actualite´ des anne´es 1880. Cependant, les escroqueries de fin de sie`cle, les interviews truque´es, le trouble me´lange entre argent, politique et journalisme rencontrent, dans notre monde « moderne », un e´cho que les e´le`ves savent entendre. Arriviste cupide, tricheur sans scrupule, menteur consomme´, vulgaire et inculte parvenu, Duroy peut ainsi faire penser a` quelques-uns de nos me´diatiques chevaliers d’industrie. Maupassant donne donc de violents coups de pied dans la fourmilie`re : re´publique bananie`re, religion moribonde, morale en berne, justice de´risoire, argent roi, e´goı¨sme triomphant, gouˆt de l’exhibitionnisme, art pompier... Comment rester insensible a` la satire ?
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L’e´dition avec dossier GF-Flammarion re´pond au souci de rendre l’œuvre parfaitement accessible. Une chronologie substantielle du XIXe sie`cle permet de situer le roman par rapport a` l’œuvre et a` la vie de Maupassant, aux courants litte´raires et esthe´tiques de l’e´poque, ainsi qu’a` tous les faits historiques importants, notamment ceux auxquels le roman fait allusion. La pre´sentation rappelle le contexte imme´diat de l’œuvre. Elle expose, en termes simples, la proble´matique romanesque chez Maupassant et propose un parcours the´matique de Bel-Ami. Les e´le`ves peuvent donc y trouver des clefs de lecture qui leur permettront de de´passer le simple inte´reˆt narratif. Le texte est nume´rote´ en marge, ce qui permet de faire des renvois rapides et des de´coupages qui e´vitent toute ambiguı¨te´. Les notes ont e´te´ place´es en bas de page, afin de ne pas obliger le lecteur a` naviguer sans cesse entre le texte et la fin du volume. L’appareil critique, volontairement sobre, e´vite de s’e´garer dans un paratexte trop dense. Il donne la de´finition des mots rares ou de´suets, explique pre´cise´ment les faits d’e´poque auxquels le re´cit fait re´fe´rence, situe les lieux et rapproche certains passages d’autres e´crits du romancier. Enfin, dans la partie dossier, l’e´dition propose un choix varie´ de textes de Maupassant (lettres a` Flaubert, articles, pre´face) et de Zola (extrait de L’Argent), qui informent notamment sur la gene`se et la re´ception du roman.
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En somme, le roman, bien loin de sentir la poussie`re, est propice a` re´veiller les consciences et invite, sans le savoir, a` ope´rer d’e´ventuels rapprochements avec la vie publique contemporaine.
Se´ance 2 L’organisation dramatique du roman Se´ance 3 Lecture analytique Se´ance 4 La come´die sociale dans Bel-Ami Se´ance 5 Lecture analytique Se´ance 6 La morale du roman Se´ance 7 Bel-Ami est-il un « roman de formation » ? Se´ance 8 La fiction au service de la ve´rite´ Se´ance 9 E´valuation
Se´ance Se´ance 1 Introduction a` la lecture de Bel-Ami de Maupassant
Lecture analytique.
E´tudier le pacte de lecture qui se noue au de´but du roman. Interpre´ter la the´aˆtralite´ dans la repre´sentation sociale. Montrer comment le re´cit re´ve`le le portrait de Bel-Ami. De´crypter la vise´e morale du roman. Caracte´riser le genre romanesque et voir la corre´lation re´cit/personnage. E´tudier le rapport entre fiction et vision de l’homme et du monde. Pre´parer l’e´crit du baccalaure´at.
Incipit du roman (p. 45-46).
Extrait du chapitre II de la premie`re partie (p. 61-62). Ensemble du roman. – Ensemble du roman. – Extrait du chapitre X de la deuxie`me partie (p. 370-371). – Ensemble du roman. – Extrait de la pre´face de Pierre et Jean. – Ensemble du roman. – Extrait du chapitre VIII de la premie`re partie (p. 202-203).
Dissertation, commentaire et e´criture d’invention.
Lec¸on.
Lec¸on ; lecture analytique et initiation a` la dissertation.
Lec¸on et lectures analytiques.
Lecture analytique.
Lec¸on.
E´tude structurelle et actancielle ; lecture analytique.
Ve´rifier la lecture cursive et de´terminer les actants du re´cit.
I I . T ABLEAU
Ensemble du roman.
Activite´s Recherche documentaire ; lecture de l’image.
Objectifs Contextualiser l’œuvre.
Supports – Chronologie et pre´sentation de l’e´dition GF (p. 6-41). – Iconographie : Henri Gervex, Rolla, ou le premier monsieur venu. Ensemble du roman.
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SE´ANCE 1 INTRODUCTION A` LA LECTURE DE BEL-AMI DE MAUPASSANT 씮 Pre´sentation (p. 23-40). 씮 Chronologie (p. 6-22). 씮 Iconographie : Henri Gervex, Rolla, ou le premier monsieur venu (1878).
• Le contexte historique L’ancrage re´aliste du roman impose que l’on s’inte´resse a` l’arrie`re-fond historique du roman. Il serait donc inte´ressant de demander aux e´le`ves de faire une recherche documentaire portant essentiellement sur les points suivants : – Le re´gime re´publicain de la IIIe Re´publique ; – Les principaux gouvernements et gouvernants (notamment l’importance de Jules Ferry) ; – L’essor de la presse (les grandes lois de libe´ration de la presse, notamment celle du 29 juillet 1881) ; – L’expansion coloniale (re´pression des Kroumis, protectorat tunisien, intervention au Tonkin) ; – Le krach de l’Union ge´ne´rale en 1882 et la re´cession e´conomique a` partir de 1885 (voir la situation mise´rable de Georges Duroy au de´but du roman) ; – Les principaux scandales qui jalonnent la vie publique ; – La monte´e de l’antiparlementarisme de l’antise´mitisme (Auguste Chirac publie Les Rois de la Re´publique en 1883, ouvrage dans lequel les banquiers juifs sont accuse´s d’eˆtre les assassins de la France ; E´douard Drumont publie La France juive en 1886).
• L’auteur et son œuvre Le travail pre´alable consistera a` faire lire la chronologie aux e´le`ves pour qu’ils rele`vent les points essentiels, notamment le rapport qu’entretient Maupassant avec la presse. ` noter qu’en 1881, Maupassant fut envoye´ spe´cial pour A Le Gaulois en Alge´rie ou` il rendait compte de la re´volte
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Objectifs : Contextualiser l’œuvre.
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arabe. Il s’inspire de son expe´rience pour donner corps au « Souvenirs d’un chasseur d’Afrique », le premier article de Duroy.
• Le courant litte´raire Il s’agit la` de re´investir les acquis de la classe de seconde. Les e´le`ves doivent rappeler les grands noms du re´alisme et quelques points de doctrine. On insistera sur le genre romanesque comme forme privile´gie´e de l’expression de la ve´rite´.
• Lecture de l’image Henri Gervex (1852-1929), e´le`ve de Cabanel et de Fromentin, peint en 1878 Rolla, ou le premier monsieur venu (voir page ci-contre). Le tableau est cense´ illustrer un poe`me d’Alfred de Musset, e´vocation du libertin Jacques Rolla. La crudite´ du motif fit scandale mais l’œuvre du peintre trouva un de´fenseur de renom, Huysmans, qui, dans L’Artiste du 4 mai 1878, note : Rolla, ou le premier monsieur venu, – le titre de M. Gervex n’est qu’un pre´texte, et je l’en fe´licite car il est impossible de faire avec l’emphase et le lyrisme de pacotille de ce poe`me, une œuvre vivante et vraie − a ouvert la croise´e toute grande. Paris s’aperc¸oit, un Paris re´veille´ dont les tie`des alcoˆves vont s’ouvrir sur le pillage des oreillers et la de´baˆcle parfume´e des draps ! Brun, maigre, les orbites creuses, les joues haˆves et tire´es, la chemise tasse´e dans la culotte qu’elle bosse`le aux fesses, le jeune homme regarde, regrettant et de´gouˆte´, la fille inerte, avachie dans son long somme. Cette figure ravage´e et sombre, de´tache´e dans un flux de lumie`re blonde est vraiment belle. Dans ce de´poitraille´ de costume, dans cette chemise au plastron et aux manches froisse´es, cet homme a grande allure et je vois dans cette fille e´boule´e, apre`s des intimite´s haletantes, sur un lit, un coin de parisianisme et de modernite´ qui e´voque en moi des souvenirs du grand et divin poe`te, Charles Baudelaire. Si le tableau de Henri Gervex rappelle l’œuvre de Baudelaire, il semble e´galement annoncer Maupassant. Non seulement les deux personnages masculins, Rolla et Duroy, pre´sentent une ressemblance physique e´vidente, mais le de´cor
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Rolla, ou le premier monsieur venu Huile sur toile de Henri Gervex (1878) Muse´e des Beaux-Arts, Bordeaux © RMN/A. Danvers
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bourgeois de la chambre, la vue sur Paris et la pose provocante de la jeune femme nous font penser aussi a` certaines sce`nes du roman, notamment celles ou` Clotilde rejoint Duroy dans sa garc¸onnie`re de la rue de Constantinople. Bel-Ami offre a` son tour a` la contemplation du lecteur un « coin de parisianisme et de modernite´ ».
SE´ANCE 2 L’ORGANISATION DRAMATIQUE DU ROMAN 씮 Ensemble du roman. Objectifs : Ve´rifier la lecture cursive ; de´terminer les principaux actants du re´cit.
• E´tude de la structure narrative Il s’agit de s’assurer que les e´le`ves ont bien retenu les moments forts du parcours de Duroy. On proposera un de´coupage du re´cit en re´sumant les grandes e´tapes du roman. Une sche´matisation pertinente est propose´e par Anne-Marie Cle´ret et Brigitte Re´aute´ dans leur e´tude de Bel-Ami 1. Les auteurs proposent en effet de se´quencer le roman en fonction des personnages fe´minins : une partie « Clotilde » (I, I a` I, V) ; une partie « Madeleine » (I, VI a` II, II) ; une partie « Virginie » (II, III a` II, VI) ; une partie « Suzanne » (II, VII a` II, X). Si ces intitule´s peuvent poser proble`me (l’influence de Madeleine est sensible de`s le deuxie`me chapitre et la liaison avec Clotilde, intermittente, ne connaıˆt pas de fin), ils ont le me´rite de mettre en lumie`re le roˆle des femmes dans l’ascension et la transformation de Bel-Ami.
• Le sche´ma actanciel dans Bel-Ami L’e´tude du sche´ma actanciel ouvre des pistes inte´ressantes pour montrer que le roman est le re´cit d’une queˆte.
1. Anne-Marie Cle´ret, Brigitte Re´aute´, Bel-Ami, de Maupassant, Hachette, « Repe`res », 1999, p. 58-61.
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L’objet Georges Duroy cherche avant tout a` s’enrichir. De`s la premie`re rencontre avec Forestier, le personnage de´clare sans ambages : « j’ai voulu venir ici pour... pour faire fortune » (p. 50, l. 202). La soif d’argent va de pair avec la recherche d’une position sociale toujours plus e´leve´e. Au de´but du re´cit, Duroy, employe´ aux bureaux du chemin de fer du Nord, meurt litte´ralement de faim. La charge de reporter a` La Vie franc¸aise propose´e par Forestier et re´mune´re´e « dix centimes la ligne, plus deux cents francs de fixe » (p. 106, l. 520) semble alors convenir a` son aspiration. Mais son train de vie augmente plus rapidement que ses revenus. Tre`s vite, il peine comme au premier jour et envie certains de ses confre`res qui ont constamment « la poche pleine d’or » (p. 106, l. 525). Il fait alors tout pour obtenir des promotions : d’abord chef des E´chos (p. 150), puis re´dacteur politique (p. 171 et p. 189), il devient, enfin, re´dacteur en chef de La Vie franc¸aise (p. 364). Au faıˆte de sa carrie`re journalistique, Duroy, insatiable, songe a` la politique, nouvelle terre de conqueˆte : « Cristi, si j’avais seulement cent mille francs nets pour me pre´senter a` la de´putation dans mon beau pays de Rouen, [...] quel homme d’E´tat je ferais » (p. 288, l. 152). L’argent de Suzanne Walter, que Georges e´pouse a` la fin du roman, semble alors amplement suffisant pour financer une campagne (p. 371). En outre, le de´sir d’argent et l’ambition sociale s’assimilent, chez Duroy, au de´sir de conqueˆtes fe´minines. Ainsi, le statut social n’est-il pas le moindre charme qui se´duit Bel-Ami chez Mme de Marelle. Celui-ci s’exclame en effet : « Enfin, une femme marie´e ! une femme du monde ! du vrai monde ! du monde parisien ! » (p. 119, l. 481). 1. Les Walter par exemple, lorsqu’ils viennent de de´couvrir la disparition de leur fille Suzanne (p. 353 sq.).
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Le sujet Bel-Ami, personnage e´ponyme et acteur principal du re´cit, est pre´sent a` chaque chapitre, c’est donc clairement lui le sujet de ce roman. Cependant, il arrive parfois que le narrateur abandonne Georges Duroy et s’attarde sur quelques personnages secondaires 1.
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Il se re´signe d’ailleurs assez vite a` se faire entretenir par sa maıˆtresse 1. Cependant, il faut attendre le veuvage de Madeleine pour que, chez Duroy, de´sirs d’argent, de reconnaissance sociale et de conqueˆtes fe´minines viennent totalement se confondre. En effet, s’il e´pouse la jeune femme (deuxie`me partie, chapitre I), c’est autant par de´sir que parce qu’elle lui apporte « quarante mille francs », ses talents de re´dactrice et des informations pre´cieuses sur les milieux politiques qu’elle coˆtoie. Graˆce a` elle, il devient rapidement un journaliste politique influent et redoute´ (p. 239). Il re´ussit meˆme a` s’approprier la moitie´ de l’he´ritage Vaudrec, originellement destine´ a` son e´pouse. Plus tard, il se´duit Mme Walter, puis la repousse... mais ne refuse pas l’argent qu’elle lui offre ` la fin du roman, il de gagner dans l’affaire du Maroc. A obtient finalement la main de la riche et gracieuse he´ritie`re Suzanne. De`s le de´but de son re´cit, le narrateur fait part des ambitions de Duroy : Il s’e´tait remis [...] a` reˆvasser, comme il faisait chaque soir. Il imaginait une aventure d’amour magnifique qui l’amenait, d’un seul coup, a` la re´alisation de son espe´rance. Il e´pousait la fille d’un banquier ou d’un grand seigneur rencontre´e dans la rue et conquise a` premie`re vue (p. 79, l. 151). L’« espe´rance » du he´ros se re´alise donc pleinement. Il peut eˆtre utile, un peu plus tard peut-eˆtre, d’interroger les e´le`ves sur le sens que l’on peut attribuer a` l’amalgame de ces diffe´rents types de de´sir (la reconnaissance sociale, l’argent, le sexe). Cette queˆte de Duroy structure tout le roman et s’effectue par degre´ (voir la symbolique des escaliers analyse´e dans la pre´sentation de l’e´dition GF, p. 37 sq.). On pourra alors montrer en quoi l’insatiabilite´ du personnage relance la dynamique narrative : a` chaque nouvelle conqueˆte, Duroy se fixe un nouvel objectif.
1. Avant qu’il n’e´pouse Suzanne, Clotilde lance a` Duroy : « Tu trompes tout le monde, tu exploites tout le monde, tu prends du plaisir et de l’argent partout » (p. 362, l. 36). Cette phrase re´sume bien le personnage.
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Certes, il re´ussirait avec cette figure-la` (p. 62, l. 55). Toutes les femmes avaient les yeux sur lui (p. 68, l. 304). Il avait la parole facile et banale, du charme dans la voix, beaucoup de graˆce dans le regard et une se´duction irre´sistible dans la moustache (p. 72, l. 444). — Vous eˆtes irre´sistible, monsieur Duroy (p. 73, l. 494). — Tiens, voila` Laurine apprivoise´e [par vous], quel miracle (p. 74, l. 499) ! Il est donc le Bel-Ami – meˆme Walter l’appelle ainsi (p. 278, l. 344), comme si la se´duction de Duroy s’exerc¸ait e´galement sur les hommes 1 – dont le charme ne subit aucune de´faite. Ainsi, Rachel, la prostitue´e des Folies Berge`re, accepte-t-elle de lui vendre ses services a` prix re´duit, puis gratuitement, meˆme si elle subodore qu’il ment sur l’e´tat de ses finances. Clotilde de Marelle lui loue un appartement et lui preˆte de l’argent quand il n’est que simple reporter. Mme Forestier, « avec ce sourire ami qui ne quittait point sa le`vre » (p. 71, l. 416), re´dige ses articles et, une fois marie´e avec lui, dirige entie`rement ses de´marches aupre`s des milieux politiques 2 (il est « [s]on petit e´le`ve » p. 223, l. 493). 1. Il se´duit M. de Marelle, Vaudrec... 2. Il veut e´pouser Madeleine parce qu’il la perc¸oit comme une allie´e dans sa queˆte : « Comme il serait fort avec elle, et redoutable ! Comme il pourrait aller vite et loin, et suˆrement » (p. 204, l. 600).
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Les adjuvants Nombre d’adjuvants contribuent a` l’ascension de Duroy. Forestier lui offre ainsi l’occasion d’entrer a` La Vie franc¸aise (premie`re partie, chapitre I). Au journal, le reporter SaintPotin lui apprend les « ficelles » du me´tier (p. 97). Quant au directeur Walter, il perc¸oit rapidement les qualite´s de Duroy et lui donne toutes ses chances. Mais ce sont surtout les femmes qui participent a` sa re´ussite. L’atout majeur de Duroy re´side dans sa « force de se´duction [...], force vague et irre´sistible que subiss[ent] toutes les femmes » (p. 211, l. 17). On peut ainsi demander aux e´le`ves de repe´rer les indices de cette se´duction. Le chapitre II de la premie`re partie en pre´sente de nombreux, par exemple :
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C’est elle aussi qui lui souffle de rendre visite a` Mme Walter. De fait, cette me`re de famille, secre`tement se´duite, interce`de en sa faveur pour le poste de chef des E´chos (p. 150, l. 329). Enfin, il y a Suzanne, qui lui apporte sa fortune et, par ce biais, la possibilite´ de se lancer dans la politique. Le parcours de Duroy illustre donc pleinement ce que Forestier dit a` propos des femmes au chapitre I : « C’est encore par elles qu’on arrive le plus vite » (p. 59, l. 546). Les opposants L’ascension de Duroy est fulgurante puisqu’elle dure a` peine plus de deux ans (du 28 juin 1882 au 20 octobre 1884 1). De fait, rien ou presque ne s’oppose au de´sir de conqueˆte du personnage. Chef des E´chos, il doit certes subir les attaques d’« un petit journal frondeur ». Mais il efface bien vite cette « tache dans [...] son horizon » (p. 171, l. 9) en se battant en duel avec le re´dacteur ennemi. Il sort meˆme de l’e´preuve plus fort qu’auparavant (« Il lui semblait [...] qu’il se serait battu contre l’univers entier » p. 185, l. 569). Quant aux autres opposants, il faut remarquer qu’ils occupent, au de´part, le roˆle d’adjuvants dans la queˆte de Duroy ; mais leur soutien, par trop protecteur ou inte´resse´, finit par entraver la marche du he´ros. Ainsi, Charles, qui met le pied de son ami a` l’e´trier du journalisme, tend-il, malgre´ lui, a` barrer le chemin a` Duroy qui convoite a` la fois son ` la poste de re´dacteur politique et son e´pouse Madeleine. A mort de Forestier, Georges ne peut donc qu’e´prouver « un sentiment de de´livrance » (p. 190, l. 55). De meˆme l’aide des femmes peut-elle parfois brider ses de´sirs. Rachel provoque ainsi la premie`re rupture de Georges avec Mme de Marelle. Mme Walter, a` cause de ses cheveux retrouve´s sur le gilet de Bel-Ami, est a` l’origine de la troisie`me. Quant a` Madeleine, dans un premier temps, l’alliance qu’elle conclut avec Duroy revient a` une pure et simple instrumentalisation du journaliste au profit de sa propre ambition. Elle de´posse`de Duroy de son roˆle actif dans la queˆte et le re´duit au rang de simple adjuvant. Georges permet ainsi a` Madeleine de continuer le travail entrepris avec Charles : e´tendre l’influence de la jeune femme dans les milieux poli` la re´daction, les railleries dont Duroy est l’objet lui tiques. A 1. Anne-Marie Cle´ret et Brigitte Re´aute´, Bel-Ami, de Maupassant, op. cit.
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font prendre conscience que Madeleine fait de´sormais obstacle a` son ascension. Il n’est plus, croit-il, que ce « cocu de Duroy », entie`rement soumis a` la « domination » de son intrigante e´pouse (p. 235, l. 9). De`s lors, elle devient « un boulet a` son pied » (p. 324, l. 350) dont il doit se de´barrasser pour retrouver sa pleine autonomie. Les chapitres III a` VIII de la deuxie`me partie retracent donc l’e´mancipation de Duroy. Au chapitre VIII, apre`s le flagrant de´lit d’adulte`re, il s’e´crie :
Il sera utile d’interroger ulte´rieurement les e´le`ves sur le sens de cette incroyable facilite´ a` gravir les diffe´rents degre´s de l’e´chelle sociale pour Duroy. Le destinataire Pour qui Duroy accomplit-il tout ce chemin ? Une re´ponse s’impose : pour lui-meˆme. En effet, le he´ros apparaıˆt comme un monstre d’e´goı¨sme dont les moindres pense´es, faits et gestes n’ont d’autre fin que sa re´ussite personnelle. On pourra le montrer en faisant ressortir la re´currence des verbes re´fle´chis ayant Duroy pour sujet grammatical (« Alors il s’e´tudia [...]. Il se sourit, se tendit la main » p. 62, l. 41) ou bien l’inflation du nombre d’indices de la personne renvoyant au personnage : — Tout le monde croirait la chose, tout le monde en jaserait et rirait de moi. Les confre`res sont de´ja` trop dispose´s a` me jalouser et a` m’attaquer. Je dois avoir plus que personne le souci de mon honneur et le soin de ma re´putation. Il m’est impossible d’admettre que ma femme accepte un legs de cette nature [...]. Forestier aurait pu tole´rer cela, lui, mais moi, non (p. 310, l. 200). — Il n’a pas vu dans quelle position fausse, ridicule, il allait me mettre... Tout est affaire de nuances dans la vie... Il fallait qu’il m’en laissaˆt la moitie´ [...] (p. 310, l. 215). Dans l’esprit de Duroy donc, « tout le monde » doit s’inte´resser a` lui, l’envier, le jalouser. Il ne peut en eˆtre autrement. ` la fin du re´cit, cet e´gocentrisme se trouve pleinement A
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Je suis maıˆtre de la situation [...]. Me voici libre [...]. Elle m’avait pris comme un niais, elle m’avait enjoˆle´ et capture´ [...]. J’ai les mains de´lie´es. Maintenant, j’irai loin. (p. 345, l. 469)
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re´compense´, lorsque, sur le perron de la Madeleine, il est entoure´ par cette « foule noire, venue la` pour lui, pour lui Georges Duroy. Le peuple de Paris le contemplait et l’enviait » (p. 371, l. 408). Il ne peut en effet tole´rer qu’un autre l’e´clipse ou ne preˆte pas attention a` lui. Il supporte ainsi difficilement que Vaudrec n’ait pas songe´ a` le coucher sur son testament. Mais, en poussant l’analyse, on peut e´galement dire que l’ambition de Duroy relaie celle de ses parents. Les petits cabaretiers de Canteleu « avaient voulu faire de leur fils un monsieur » (p. 78, l. 120). Quand il est nomme´ chef des E´chos et que son salaire devient conse´quent (p. 152), il pense tout de suite a` la fierte´ qu’en tirera son pe`re (p. 154-155). Il ne renie donc absolument pas ses origines modestes (« Moi, je ne rougis pas d’eux » p. 213, l. 102). Ce sont d’ailleurs les seules personnes pour lesquelles il fait preuve d’une since`re ` l’inverse de l’attitude des filles du Pe`re Goriot, affection. A par exemple, Georges ne se sert pas de ses parents pour s’enrichir. Au contraire, il les fait profiter d’une part de l’argent acquis : cinq mille francs de l’he´ritage Vaudrec, cinquante mille du mariage avec Suzanne graˆce auxquels « ils ache`teraient un petit bien. Ils seraient contents, heureux » (p. 369, l. 339). Georges vise donc a` se satisfaire tout en contentant ses parents. Le destinateur Qu’est-ce qui motive Duroy dans sa queˆte ? « Le de´sir d’arriver y re`gn[e] en maıˆtre », e´crit le narrateur (p. 79, l. 150). Mais que cache cette ambition de´vorante ? D’abord, un tempe´rament envieux. Il est jaloux de Forestier – lequel, meˆme mort, l’empeˆche d’eˆtre vraiment luimeˆme 1 –, de Laroche-Mathieu qu’il estime pouvoir surpasser, du pre´tendant de Suzanne 2, de la re´ussite de son patron... Ce que les autres gagnent ou posse`dent, et qu’il n’a pas, entraıˆne chez Duroy une frustration personnelle qu’il lui faut impe´rativement compenser. 1. Georges, a` la mort de Charles, le remplace dans tous ses roˆles, jusqu’a` chausser sa chancelie`re. L’identite´ de Georges est donc comple`tement phagocite´e par celle du disparu : « On ne l’appelait plus que Forestier » (p. 241, l. 223). D’ou` la « rage » qu’il e´prouve contre le mort, sa volonte´ de toujours humilier sa me´moire pour s’en affranchir. 2. « Georges l’entendit nommer : le marquis de Cazolles, et il fut brusquement jaloux de cet homme » (p. 325, l. 367).
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Cette ambition de´vorante est aussi motive´e par un narcissisme de´mesure´. Cette tendance du he´ros est clairement reconnaissable dans sa complaisance a` s’admirer dans les miroirs. Elle explique en grande partie son de´sir constant de se´duire toutes les femmes, surtout les plus inaccessibles comme Mme Walter : « Il se frottait les mains, tout en marchant avec une joie intime, la joie du succe`s sous toutes ses formes, la joie e´goı¨ste de l’homme adroit qui re´ussit, la joie subtile, faite de vanite´ flatte´e et de sensualite´ contente, que donne la tendresse des femmes » (p. 255, l. 204). Un refus e´quivaudrait, pour lui qui a fait de son physique l’atout majeur de sa re´ussite, a` une ve´ritable blessure narcissique, au sentiment qu’on peut lui re´sister et donc qu’il n’est pas invincible. L’ambition de Duroy est double´e d’un fort de´sir de revanche sociale : « Il devenait un des maıˆtres de la terre, lui, lui, le fils des deux pauvres paysans de Canteleu » (p. 369, l. 331). Il souhaite donc ardemment e´chapper a` la mise`re noire de son enfance (voir l’opposition entre l’obscurite´ symbolique du logis parental et « l’e´clatant soleil » qui illumine le perron de la Madeleine, p. 371, l. 418). D’autres personnages lui servent d’ailleurs de mode`les : Forestier qui, a` l’arme´e, cinq ans avant leurs retrouvailles, en e´tait au meˆme point que lui et qui a re´ussi a` devenir « quelqu’un de tout autre » (p. 50, l. 186), ce « me´diocre parvenu » de Laroche-Mathieu et surtout Walter, figure de re´prouve´ du fait de ses origines : « [Il] e´tait devenu [...] un des maıˆtres du monde [...]. Il n’e´tait plus le juif Walter [...]. Il e´tait Monsieur Walter, le riche israe´lite » (p. 315, l. 16). « Fais-en autant », sugge`re Madeleine a` son mari, quand ils vont voir l’exposition de tableaux, symbole du triomphe de Walter, dans le nouvel hoˆtel particulier des Champs-E´lyse´es (p. 319, l. 166). Le destin de Bel-Ami re´pond donc a` un topos naturaliste, puisqu’il est en grande partie conditionne´ par le tempe´rament et les origines sociales du personnage. Mais la conjonction de ces deux faits n’explique pas tout. Le personnage transcende les circonstances pour atteindre a` l’universel. L’ambition de Duroy, en effet, semble marque´e par cette de´mesure (hybris) des he´ros tragiques, cette folle envie d’en finir avec la finitude humaine, cette « insouciance naturelle qui lui faisait ne´gliger les choses de´sagre´ables de la vie » (p. 215,
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l. 188). Duroy veut constamment repousser les limites (toujours plus de femmes, d’argent, de reconnaissance, de pouvoir) et devenir « un des maıˆtres de la terre » (le mot « maıˆtre » revient re´gulie`rement dans le roman). Mais cette volonte´ de puissance se heurte a` la mort, que Duroy croise souvent sur son chemin : mort de Forestier, mort de Vaudrec, me´ditation sur la mort de Norbert de Varenne, duel avec ` chaque fois, Duroy adopte une attitude Louis Langremont. A d’incompre´hension, de peur panique, de de´ni ou de fuite. Ainsi, un simple parfum de femme rallume ses espoirs et annule subitement, dans son esprit, la lec¸on de Varenne : le poe`te juge vains « l’amour », « l’argent », « la gloire » et proclame que « la mort seule est certaine » (p. 163, l. 866). De meˆme, l’impatience du he´ros est sans doute lie´e a` une angoisse face a` la fuite du temps : pour Duroy, tout temps mort est un temps de la mort qui le renvoie peu ou prou a` sa propre impuissance. D’ou` un he´ros qui jamais ne tient en place (le plus souvent, il est de´crit en train de marcher 1) et le rythme du roman, elliptique, e´chevele´, rapide comme l’ascension de Bel-Ami 2. Mais le refus de la mort transparaıˆt surtout dans l’e´pisode de la disparition de Charles. La veille´e du cadavre, dont la narration reveˆt des aspects fantastiques (la barbe de Charles continue de pousser 3), effraie conside´rablement Duroy. Cependant, lorsque, avec Madeleine, ils « m[ettent] Charles au cercueil, [...] ils se sent[ent] aussitoˆt alle´ge´s, rasse´re´ne´s » (p. 208, l. 756). Et Maupassant de conclure l’e´pisode par une formule e´tonnante : « Ils en avaient fini avec la mort » (p. 208, l. 760). La mort et non le mort. Comme si les deux personnages se persuadaient que seul Charles pouvait mourir mais qu’euxmeˆmes ne disparaıˆtraient jamais 4. Remarquons que cette pre´tention de Duroy a` nier sa condition d’homme mortel n’est 1. M. de Marelle remarque d’ailleurs que Bel-Ami marche toujours a` vive allure. 2. Voir e´galement dans la pre´sentation de l’e´dition GF (p. 23-24) l’influence qu’a eue la pratique de formes bre`ves (contes et chroniques) par Maupassant sur le rythme du roman. 3. Cette sce`ne en rappelle d’autres dans l’œuvre de Maupassant, notamment celle de la mort de Schopenhauer qui perd son dentier, dans « Aupre`s d’un mort », in Le Horla et autres contes d’angoisse, GFFlammarion, 1984, rééd. 2006, p. 187. 4. La lecture analytique du passage semble fructueuse. On pourra faire commencer l’explication a` « Ils le regardaient moins souvent [...] » (p. 207, l. 730) et la terminer a` « [...] devant la porte » (p. 208, l. 763). L’e´tude portera notamment sur les proce´de´s propres au fantastique chez
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sanctionne´e par aucun retour a` l’ordre. La catastrophe, a` laquelle on pourrait s’attendre a` la fin, n’a pas lieu, bien au contraire. Le roman s’ache`ve sur le triomphe, en grandes pompes et avec be´ne´diction de l’E´glise, du baron Du Roy de Cantel. Au temple ne´ogrec de la Madeleine, les dieux ne veillent plus contre la de´mesure des hommes qu’ils semblent avoir oublie´s. Cette fin cynique poussera donc a` s’interroger sur la vision particulie`rement pessimiste que Maupassant porte sur la socie´te´.
씮 Du de´but du roman (p. 45) a` « Notre-Dame-de-Lorette » (p. 46, l. 27). Objectifs : E´tudier le pacte de lecture romanesque.
• Travail préparatoire Ve´rifier la compre´hension du mot « e´pervier » (l. 8) ; indiquer que la rue Notre-Dame-de-Lorette est le haut lieu de la prostitution a` Paris au XIXe sie`cle (donner le sens du mot « lorette »).
• Proble´matique Les premie`res lignes du roman sont particulie`rement remarquables puisque non seulement elles plongent imme´diatement le lecteur dans l’univers singulier du he´ros mais elles rassemblent bien des the`mes de l’œuvre. C’est cette superposition du circonstanciel et du programmatique qu’il faut interroger.
• Pistes de l’explication I. L’incipit d’un roman re´aliste Le but est de montrer que le romancier dessine d’emble´e un monde fictionnel qui donne l’illusion du re´el. Maupassant, sur l’opposition entre E´ros et Thanatos, et sur l’hybris des personnages, prompts a` se laisser enivrer par une brise odorante de printemps, symbole de vie, qui contribue a` leur faire oublier le/la mort.
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SE´ANCE 3 LECTURE ANALYTIQUE DE L’INCIPIT
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1. La focalisation omnisciente. Le romancier adopte le point de vue de Dieu : l’univers qu’il explore est parfaitement connu de lui. 2. Un de´but in medias res. Technique qui donne le sentiment qu’une re´alite´ pre´existe au re´cit. C’est la « tranche de vie » naturaliste : le romancier ope`re une coupe dans la ligne d’un destin. 3. Un univers plausible. Les indices mate´riels, les effets de re´el confe`rent au roman sa dimension de document. II. Le portrait du personnage Le but est de mettre en e´vidence les proce´de´s de caracte´risation du personnage. 1. Caracte´ristiques physiques. Le releve´ doit faire apparaıˆtre la virilite´ et la beaute´ vulgaire du personnage. Duroy provoque la se´duction. On sera attentif a` la re´action des autres personnages mentionne´s. 2. Caracte´ristiques psychologiques. On interpre´tera l’arrogance, mais aussi les appe´tits du personnage : c’est un eˆtre de de´sir (« un de´sir le travaillait ») – de´sir de nourriture, d’argent et de sexe. Duroy est dote´ d’un tempe´rament sanguin. 3. Caracte´ristiques sociales. On travaillera sur la question de l’argent dans le passage. Duroy apparaıˆt comme un de´classe´. III. Le regard du romancier 1. Les marques du jugement. L’e´nonciation n’est pas neutre. Le registre est satirique. Maupassant se moque de son personnage, minable et craˆneur. Le regard du romancier n’est donc pas e´quivalent au regard social, repre´sente´ dans le passage. 2. Une e´criture symbolique. On rele`vera les effets de re´el. Par exemple, le choix du lieu, la composition du public, l’importance de l’argent : ces e´le´ments sont me´tonymiques de la socie´te´ bourgeoise de l’e´poque. 3. Un de´but programmatique. Il faut montrer que, sous forme indicielle, la plupart des grands the`mes du roman sont a` l’œuvre : argent, se´duction, vulgarite´, pre´tention, appe´tits personnels. D’emble´e, Maupassant singularise et ge´ne´ralise a` la fois. Il s’attache a` nous familiariser avec une figure particulie`re mais Duroy est un he´ros de son temps : son histoire est re´ve´latrice des mœurs de son e´poque.
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SE´ANCE 4 LA COME´DIE SOCIALE DANS BEL-AMI 씮 L’ensemble du roman. Objectif : Interpre´ter la the´aˆtralite´ sociale.
• La come´die humaine
Duroy surgit dans le re´cit avec l’attitude d’un acteur entrant en sce`ne et de´montre, durant tout son parcours, qu’il est excellent come´dien. Un simple habit noir le transforme au point que lui-meˆme ne se reconnaıˆt pas dans l’image renvoye´e par la glace (p. 62, l. 35) 1. Il accroche le regard des femmes comme celui des hommes ; il sait parfaitement mentir (aupre`s des dames, dans ses articles...). Il posse`de donc toutes les qualite´s pour re´ussir dans un monde ou` seules comptent les apparences : en effet, « a` Paris, [...] il vaudrait mieux n’avoir pas de lit que d’habit », pre´vient Forestier (p. 54, l. 38). Ce dernier fait d’ailleurs de´couvrir a` Duroy toutes les couches sociales pre´sentes a` Paris en un lieu symbolique : le the´aˆtre des Folies Berge`re (p. 57). Dans ce monde, l’excellence ne revient pas a` celui qui est honneˆte, moral ou compe´tent (Duroy, jusqu’au bout, reste un pie`tre re´dacteur), mais a` celui qui a l’art de le faire accroire. Tout n’est qu’une question de paraıˆtre : il faut se montrer en voiture au bois de Boulogne, dans les salons mondains, aux feˆtes apparemment charitables comme celle organise´e par Rival 2. La socie´te´ est un immense trompe-l’œil, tout en miroirs et de´cors d’ope´rette. On pourra analyser a` cet e´gard la description des deux logements successifs des Walter. Pour le premier par exemple, on rele`vera la « mise en sce`ne de l’entre´e » avec les deux valets, la de´coration tape-a`-l’œil, 1. Avant d’entrer dans l’appartement des Forestier, Duroy s’e´tudie dans la glace « comme font les acteurs pour apprendre leurs roˆles » (p. 62, l. 41). La transformation de Duroy par l’habit noir est e´voque´e a` nouveau un peu plus loin (p. 155). 2. En fait, « c’e´tait une re´clame monstre que le journaliste adroit avait imagine´e a` son profit » (p. 256, l. 257).
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Comme il portait beau, par nature et par pose d’ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa moustache d’un geste militaire et familier [...]. (p. 45, l. 3)
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la « come´die mondaine » du salon de Mme Walter, et toujours les miroirs qui e´garent le visiteur : « Il [Duroy] se trompa d’abord de direction, le miroir ayant e´gare´ son œil » (p. 147, l. 212).
• La Vie franc¸aise, haut lieu de la come´die Un des passages les plus re´ve´lateurs de cette the´aˆtralite´ se trouve au chapitre III de la premie`re partie, quand Duroy arrive pour la premie`re fois dans les locaux de La Vie franc¸aise. L’escalier monumental, la salle d’attente, l’air se´rieux des garc¸ons de bureau, « la mise en sce`ne [est] parfaite pour en imposer aux visiteurs » (p. 88, l. 511). Passant dans la salle de re´daction, Duroy de´couvre l’envers du de´cor : les journalistes jouent au bilboquet et la confe´rence qui accapare Walter consiste en « une partie d’e´carte´ ». Fausses interviews, e´chos tronque´s, informations errone´es... peu importe la ve´rite´ pourvu que tout cela soit vraisemblable. De`s lors, le plus grand danger vient de celui qui re´ve´lera la duperie. Apre`s l’attaque de La Plume, Walter de´clare : « Pas plus que la femme de Ce´sar, un journaliste ne doit eˆtre soupc¸onne´ » (p. 173, l. 71). Le journal, reflet de la socie´te´ (comme le souligne le titre me´tonymique de La Vie franc¸aise), fonctionne donc comme la socie´te´ elle-meˆme : il s’y joue, litte´ralement, une « come´die humaine 1 ». Pour reprendre l’expression de Duroy, le monde n’est qu’un « tas d’hypocrites » (p. 166, l. 974). Or, l’immoral Duroy devient le premier d’entre ces hypocrites, comme en te´moigne le choix de sa « spe´cialite´ » au journal : « Il prit la spe´cialite´ des de´clamations sur la de´cadence des mœurs, sur l’abaissement des caracte`res, l’affaissement du patriotisme et l’ane´mie de l’honneur franc¸ais » (p. 189, l. 3).
1. Le mot est employe´ pour de´signer les journalistes, « de´bitants de come´die humaine a` la ligne » (p. 66, l. 205).
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SE´ANCE 5 LECTURE ANALYTIQUE 씮 Premie`re partie, chapitre II : de « Il montait lentement les marches » (p. 61, l. 21) a` « il sonna » (p. 62, l. 63). Objectif : Montrer comment l’histoire construit le portrait du he´ros.
Dans l’extrait a` e´tudier, Duroy n’en est qu’au de´but de son parcours. Il a rencontre´ un vieil ami, Forestier, re´dacteur a` La Vie franc¸aise. Celui-ci l’a invite´ a` un dıˆner chez lui pour le pre´senter a` son directeur et peut-eˆtre lui faire obtenir une place au journal. Maupassant de´crit Duroy gravissant l’escalier qui me`ne a` l’appartement de Forestier. Cet e´pisode, banal en apparence, n’a rien d’anodin. Ne peut-on pas le conside´rer comme re´ve´lateur de la nature meˆme du personnage ? En effet, cette monte´e des marches correspond a` une prise de conscience progressive de Duroy par lui-meˆme, le « stade du miroir » en quelque sorte. Mais elle montre e´galement toute l’artificialite´ de sa personne, sa capacite´ a` se fondre dans un roˆle social. Enfin, elle peut eˆtre vue comme le symbole de l’ambition, annonciateur de l’ascension sociale du futur Bel-Ami.
• Pistes de l’explication I. La prise de conscience du personnage Le but est de montrer que la monte´e des marches est le corollaire d’une prise de conscience de soi de la part du he´ros. 1. Le roˆle des miroirs (leur place, leur symbolique). 2. Les e´tapes de la prise de conscience (e´tude des expressions du temps). 3. L’expression des sentiments (focalisation, lexique, discours rapporte´s). II. L’artificialite´ du personnage On cherchera a` montrer que Duroy se construit une image. 1. La dualite´ du personnage : l’apparition d’un autre homme (les expressions du de´doublement).
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• Proble´matique
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2. La the´aˆtralite´ du personnage (le vocabulaire du the´aˆtre). 3. Une sce`ne de come´die (la sce`ne que joue Duroy renvoie au genre de la come´die et au registre burlesque). III. L’ambition sociale de Georges Duroy On interpre´tera l’ascension spatiale comme e´tant mime´tique du de´sir de gloire de Duroy. 1. L’expression d’un de´sir de revanche sociale (elle est explicite). 2. Une monte´e des marches annonciatrice et symbolique (on rapprochera l’extrait de tout le parcours de Bel-Ami dans le roman). 3. Une ambition sociale amene´e a` eˆtre couronne´e de succe`s : le culte social des apparences favorisera Duroy dans son entreprise de mystification. Il sera de´sormais l’autre du miroir, le « monsieur » a` la belle apparence. Dans cet e´pisode, Duroy prend conscience de ses atouts, mais le lecteur se rend compte que sa force n’est qu’illusion.
SE´ANCE 6 UN ROMAN MORAL 씮 L’ensemble du roman. Objectifs : De´crypter la vise´e morale du roman.
• Le vrai visage de l’homme Que se cache-t-il derrie`re les masques de la respectabilite´ sociale ? Duroy, pour sa part, observe, « sous les se´ve`res apparences, l’e´ternelle et profonde infamie de l’homme » (p. 166, l. 971). L’« infamie », c’est avant tout le gouˆt du lucre, comme dans La Cure´e ou L’Argent de Zola. Il sera aise´ de montrer que l’argent, dans le roman, domine les relations humaines et organise toute la hie´rarchie sociale ; on pourra notamment s’appuyer sur la description des « riches du monde » que Duroy rencontre dans une grande avenue parisienne. Le passage, commenc¸ant a` « Duroy marchait lentement » (p. 166, l. 948) et finissant a` « des proce´de´s audacieux du meˆme ordre » (p. 167, l. 1007), pourrait d’ailleurs faire l’objet
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d’une lecture analytique. Les « hommes et les femmes » se caracte´risent tous par leur degre´ de fortune et leur rapport plus ou moins malsain a` l’argent : tricheurs au jeu, hommes entretenus par leur femme ou leur maıˆtresse, demimondaines, financiers ve´reux... On pourra alors mettre en e´vidence la the´aˆtralite´ des personnages qui paradent en affichant un air « hautain » (l’adjectif revient deux fois). Enfin, on s’attardera sur le statut de Duroy qui de´voile le dessous des cartes et juge se´ve`rement ses contemporains – les traitant de « tas de crapules, [...] d’escarpes » (p. 167, l. 994) – tout en s’identifiant totalement a` eux : « Il sentait peut-eˆtre vaguement qu’il y avait quelque chose de commun entre eux, un lien de nature, qu’ils e´taient de la meˆme race, de meˆme aˆme, et que son succe`s aurait des proce´de´s audacieux du meˆme ordre » (p. 167, l. 1007). D’autre part, il faut e´voquer l’enrichissement faramineux des milieux financiers qui, graˆce a` des manipulations douteuses, gagnent des dizaines de millions (p. 295 et p. 315). Le luxe tapageur de l’hoˆtel particulier des Walter est le signe le plus ostensible d’une telle acquisition de richesses. Outre le lucre re`gne la luxure. Si Duroy aime les plaisirs sensuels, tous ses contemporains sont porte´s a` la de´bauche. Notons, par exemple, le fait que le public appre´cie les combats fe´minins donne´s chez Rival car « [ils] allum[ent] des de´sirs chez les hommes et re´veill[ent] chez les femmes le gouˆt naturel du public parisien pour les gentillesses un peu polissonnes, pour les e´le´gances du genre canaille » (p. 261, l. 472). Les the´aˆtres sont peuple´s de prostitue´es et les beaux quartiers de « parvenues de l’amour » (p. 167, l. 1001) qui rappellent l’he´roı¨ne de Nana. D’ailleurs, toutes les femmes du roman font preuve de concupiscence. Meˆme la prude et de´vote Mme Walter tombe follement amoureuse de Bel-Ami. Il va sans dire que les Parisiens pe`chent e´galement par gourmandise. D’emble´e, ils apparaissent attable´s aux gargotes, buvant et mangeant. Et lorsque chez Rival un bal est improvise´, les invite´s « saccag[ent], ravag[ent], netto[ient] tout » sur le buffet (p. 263, l. 533) 1. Paris rappelle – pour ainsi dire – Sodome, ville-cloaque ou` triomphe le pe´che´. 1. Ce rapport a` la nourriture n’est pas sans rappeler les fre´quentes sce`nes de voracite´ chez Zola ou` l’homme, re´duit a` son pur appe´tit, se montre dans toute son animalite´.
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• La question de l’autorite´ Dans ce monde ou` les appe´tits s’aiguisent, aucun organe de controˆle ne vient re´guler les exce`s. Ainsi le politique estil vide´ de toute autorite´. Le pouvoir re´el est aux mains des financiers qui corrompent de´pute´s et ministres. Ce sont eux qui posse`dent les capitaux des journaux qui, a` chaque campagne, font et de´font les gouvernements. Le portrait de Laroche-Mathieu – « associe´ en beaucoup d’affaires de finances » avec Walter, parlementaire puis ministre des Affaires e´trange`res – te´moigne largement de la collusion entre les mondes de l’argent, de la presse et de la politique. ` ce propos, on pourra mener avec profit la lecture analyA tique du passage situe´ au chapitre II de la deuxie`me partie, de´butant par « Alors commenc¸a, dans le journal » (p. 239, l. 151) et finissant par « Rien n’e´tait change´, en somme » (p. 241, l. 219). Trois axes de lecture se de´gagent : d’abord l’influence de la presse sur les milieux politiques (campagne violente, connivence entre le couple Duroy et les hommes politiques) ; ensuite, le portrait de Laroche-Mathieu en de´magogue parvenu ; et enfin, le stade atteint par Duroy dans son ascension sociale. On pourra ainsi e´tudier le rapport de Duroy avec sa femme et montrer que Laroche-Mathieu est un double anticipateur du Duroy de la fin du roman. Globalement, l’explication peut viser a` montrer en quoi le texte constitue une critique assez radicale de la de´mocratie (presse et e´lections libres) qui exacerbe les luttes d’influence et ouvre la voie au populisme (« le fumier populaire du suffrage universel » p. 240, l. 199). Mais la politique n’est pas le seul pouvoir a` eˆtre de´value´. Le pouvoir judiciaire est lui aussi incapable de sanctionner efficacement. Les malversations, auxquelles s’adonnent Walter et ses amis, ne sont jamais punies. Quant au flagrant de´lit d’adulte`re, la justice est incapable de faire la part des choses : Madeleine a faute´, mais Georges n’est-il pas coupable d’une faute analogue ? Pourtant, seule Madeleine paie le prix de son infide´lite´. Enfin, plus aucune loi morale ne semble avoir d’influence sur les esprits. Aucun personnage, hormis Mme Walter, n’e´prouve la moindre mauvaise conscience ni le moindre repentir. Les e´glises d’ailleurs sont de´serte´es. La Trinite´, presque vide, est de´peinte avec ironie comme un havre de
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fraıˆcheur pour badauds incommode´s par le soleil. Pire, elle sert de lieu de rendez-vous amoureux a` Mme Walter et Bel-Ami. Quant au sermon du cure´ de la Madeleine sur la fide´lite´ conjugale, il est de bien peu d’effet sur Duroy qui, au meˆme moment, songe a` reprendre son ancienne maıˆtresse... Tout frein institutionnel, tout garde-fou moral semblent donc avoir saute´. Seul compte alors le droit du plus fort, comme l’affirme explicitement Duroy : « Le monde est aux forts. Il faut eˆtre fort. Il faut eˆtre au-dessus de tout [...]. Chacun pour soi. La victoire est aux audacieux. Tout n’est que de l’e´goı¨sme » (p. 248, l. 497). Profitant de cette anomie, chacun pense donc avant tout a` lui-meˆme et, partant, a` e´craser les autres. Dans la lutte, Walter paraıˆt le plus fort : « de´pute´ muet », manipulateur de l’ombre, il n’en est pas moins un « conque´rant » compare´ a` Bonaparte (p. 316, l. 34) – « Il e´tait devenu, en quelques jours, un des maıˆtres du monde, un de ces financiers omnipotents, plus forts que des rois, qui font courber les teˆtes, balbutier les bouches et sortir tout ce qu’il y a de bassesse, de laˆchete´ et d’envie au fond du cœur humain » (p. 315, l. 16). Enfin, si Walter ne rechigne pas trop a` accorder la main de Suzanne a` Duroy, c’est qu’il a reconnu en lui un pre´dateur de son espe`ce : « Il est fort tout de meˆme [...]. C’est un homme d’avenir. Il sera de´pute´ et ministre » (p. 356, l. 359).
• Bel-Ami, un personnage qui incarne son e´poque Duroy concentre a` lui seul tous les vices de la jeune Re´publique. D’ou` son triomphe et sa reconnaissance unanime. Chacun le voit comme l’incarnation de l’homme nouveau, le fils le´gitime de la crapulerie et de l’arrivisme. Maupassant va jusqu’a` rapprocher, de manie`re tre`s sarcastique, Duroy et Je´sus-Christ. La figure du Je´sus marchant sur les flots de Marcowitch pre´sente en effet, aux yeux de tous les spectateurs, un air de famille plus que troublant avec Bel-Ami. De meˆme, dans les prie`res de Mme Walter, le nom de Georges se substitue a` celui de Je´sus (p. 358). Dans la sce`ne finale, a` la Madeleine, Bel-Ami finit par se prendre pour une sorte de messie royal, acclame´ par tous (p. 370) ; un Je´sus d’un genre spe´cial, qui ne songerait pas a` chasser les marchands du temple. Duroy symbolise donc une nouvelle e`re, celle de
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la troisie`me Re´publique – ce « colossal tas de fumier 1 ». Bel-Ami, ou la revanche de l’Ante´christ ?
SE´ANCE 7 BEL-AMI EST-IL UN ROMAN DE FORMATION ? 씮 L’ensemble du roman. 씮 Deuxie`me partie, chapitre X : de « Lorsque l’office fut termine´ » (p. 370, l. 369) a` « au sortir du lit » (p. 371, l. 421). Objectifs : Caracte´riser le genre ; mieux comprendre le statut du personnage principal et son rapport a` l’histoire ; pre´parer l’e´crit du baccalaure´at. La question ici pose´e peut pre´parer a` l’exercice de dissertation. La re´ponse doit en effet exposer un jugement nuance´ et argumente´. On peut partir de deux positions critiques diffe´rentes : Adeline Wrona, dans la pre´sentation de l’e´dition GF, soutient que Bel-Ami est un « roman de formation » (p. 33). Mais Louis Forestier remarque que « Duroy ne se forme pas vraiment. De`s le de´but, il posse`de la se´duction, l’esprit de de´cision, l’aptitude a` profiter des occasions qui pourrait le servir 2 ». E´valuer les deux points de vue permet de s’inte´resser au statut du personnage principal et a` son rapport avec l’histoire.
• L’e´volution sociale de Duroy Duroy e´volue tout au long du re´cit. Il s’initie a` une nouvelle profession, rencontre des femmes, s’inte`gre aux milieux de la presse, de la politique et de la finance. Son changement de statut est symbolise´ par les transformations de son patronyme : Duroy, Du Roy, Du Roy de Cantel. Comme dans tout re´cit initiatique, il connaıˆt des mentors et subit des e´preuves (voir la se´ance no 2, « L’organisation dramatique du roman »). Mais la mutation du personnage est purement sociale. Le roman raconte en effet moins l’histoire 1. Jean-Louis Bory, pre´face de Bel-Ami, Gallimard, « Folio », 1973. 2. Louis Forestier, Notice sur Bel-Ami, Gallimard, « Bibliothe`que de la Ple´iade », 1987.
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d’une me´tamorphose que celle d’une opportunite´. Graˆce a` Forestier, Duroy pose enfin le pied sur un terrain favorable a` son e´panouissement : le journalisme donne matie`re a` son ambition et les femmes re´pondent a` sa se´duction. Duroy grimpe donc les e´chelons, mais cette ascension modifie-t-elle en profondeur ce qu’il est vraiment ? La lecture analytique de la fin du roman permet de voir si le he´ros a fondamentalement change´.
Proble´matique : On montrera que le texte est un e´cho de l’incipit et qu’il propose une fin ouverte. Le but est de faire apparaıˆtre que, par rapport au de´but, Duroy demeure le meˆme, pre´tentieux, immoral et se´ducteur. Seule l’e´chelle de son ambition a change´. Le personnage est passe´ de NotreDame-de-Lorette a` la Madeleine, du costume raˆpe´ au costume de marie´, de la mise`re a` la richesse. Mais ses pre´occupations et son rapport aux autres restent identiques. Nous indiquons trois grands axes possibles a` l’explication de texte : I. L’expression d’une ambition de´mesure´e ; II. La se´duction de Bel-Ami (Clotilde, la foule) ; III. Une fin ouverte (voir, entre autres, le jeu sur la syme´trie du de´cor). On conclura que Bel-Ami est moins un roman de formation que le roman d’une e´volution. La socie´te´ ne transforme pas fondamentalement le he´ros, elle s’offre a` son de´sir et lui donne la possibilite´ de nourrir ses appe´tits d’arriviste. La fin du re´cit laisse a` penser que l’ascension du personnage n’est pas finie.
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• Lecture analytique de l’excipit
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SE´ANCE 8 LA FICTION AU SERVICE DE LA VE´RITE´ 씮 L’ensemble du roman. 씮 Pre´face de Pierre et Jean. Objectifs : Montrer le rapport entre invention romanesque et expression d’une ve´rite´ sur le monde et sur l’homme.
• A` propos de la pre´face de Pierre et Jean On pourra coupler de manie`re utile la lec¸on sur le roman avec la lecture de la pre´face de Pierre et Jean parue en 1888 et intitule´e « Le Roman », notamment le passage allant de « Mais en se plac¸ant au point de vue meˆme de ces artistes re´alistes » a` « J’en conclus que les Re´alistes de talent devraient s’appeler plutoˆt Illusionnistes 1 ». Une question d’ensemble pourrait eˆtre pose´e sur cet extrait : pourquoi, dans leurs romans, les romanciers sont-ils amene´s a` modifier la re´alite´ qu’ils ont observe´e ?
• La cre´ation romanesque suppose « d’immenses emmagasinements d’observations 2 » Le lecteur contemporain de Bel-Ami reconnaıˆt clairement, derrie`re la fiction, une grande part de re´alite´. Maupassant, employe´ de bureau, journaliste, Parisien... n’a pas eu besoin de constituer des carnets de notes et des dossiers pre´paratoires, comme l’aurait fait Zola. Il connaissait parfaitement l’univers de la presse, de la politique, de la finance, ou encore l’agitation des boulevards, l’apathie des fonctionnaires, les salons bourgeois, les the´aˆtres, les prostitue´es... Beaucoup ont ainsi reconnu, derrie`re la fiction, tel fait re´el, tel personnage existant. Par exemple, Walter fait penser a` Meyer ou a` Dumont, patrons de journaux ; Bel-Ami emprunte des traits a` Aure´lien Scholl 3, a` Catulle Mende`s 4, 1. Guy de Maupassant, Pierre et Jean, GF-Flammarion, 2008, p. 47-48. 2. L’expression est de Edmond de Goncourt dans la pre´face des Fre`res Zemganno (1879). Elle vise a` qualifier le roman naturaliste. 3. Il existe, comme l’a re´ve´le´ Marie-Claire Bancquart dans Flaubert et Maupassant e´crivains normands (Publications de l’Université de Rouen, 1995), un « dossier Aure´lien Scholl » a` la pre´fecture de police. Il y apparaıˆt que le chroniqueur s’est livre´ a` maintes activite´s louches, proches de celles pratique´es par Duroy. 4. Maupassant le de´peint, dans une chronique du Gil Blas du 1er juin 1882, comme un « homme inquie´tant et se´duisant avec sa paˆle figure de crucifie´ ».
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au faux baron Ludovic de Vaux 1, au non moins faux baron Rene´ Jean Toussaint 2, etc. De meˆme, l’affaire du Maroc se calque sur celle de la Tunisie qui date de 1881. Les remous politiques et financiers qui lui sont lie´s rappellent la chute du gouvernement Ferry et la guerre entre les banques juives 3 et l’Union ge´ne´rale, banque catholique. On le voit, de´montrer que Bel-Ami est un roman d’actualite´ pourrait se poursuivre a` l’infini. Sur ce point, la pre´sentation et le tableau chronologique de l’e´dition GF (p. 6-41) ope`rent une synthe`se assez comple`te et offrent tous les repe`res historiques ne´cessaires.
Maupassant ne cherche pas, pour autant, a` e´crire un documentaire. Pour l’auteur, la fiction est le meilleur moyen pour exprimer la ve´rite´. C’est avant tout l’esprit d’une e´poque qu’il essaie de reconstituer. Derrie`re l’anecdote invente´e, au-dela` des parcours individuels de ses personnages, Maupassant de´peint une tendance sociale, un mouvement ge´ne´ral qu’il croit vrai : il « de´gag[e] la philosophie de certains faits constants et courants 4 ». Ainsi le personnage de Bel-Ami est-il emble´matique de tous les arrivistes de son temps. D’ailleurs, le romancier l’affirme explicitement : « J’ai voulu simplement raconter la vie d’un aventurier pareil a` tous ceux que nous coudoyons chaque jour dans Paris » (Gil Blas, 7 juin 1885, voir le dossier de l’e´dition GF, p. 409-413). Le monde du roman clarifie la confusion et la diversite´ du monde re´el : « Raconter tout serait impossible [...] Un choix s’impose donc », e´crit Maupassant dans la pre´face de Pierre et Jean.
1. Directeur des E´chos, il s’appelle en fait Charles Baron : Maupassant a pre´face´ son livre, Tireurs au pistolet, paru en 1883. Le duel de Duroy y fait-il allusion ? 2. Alias Rene´ Maizeroy, grand coureur de jupons, auteur d’un roman, Celles qui osent, paru en 1883 et e´galement pre´face´ par Maupassant. 3. Erlanger, Rothschild, Cahen d’Anvers. 4. Guy de Maupassant, Pierre et Jean, op. cit., p. 47.
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• Le narrateur n’est pas neutre : la fiction romanesque est l’expression d’un « tempe´rament »
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En outre, l’observateur n’est pas neutre : ` force d’avoir vu et me´dite´ [le romancier] regarde A l’univers, les choses, les faits et les hommes d’une certaine fac¸on qui lui est propre et qui re´sulte de l’ensemble de ses observations re´fle´chies. C’est cette vision personnelle du monde qu’il cherche a` nous communiquer... 1. De fait, le re´cit re´sulte d’une observation critique qui apparente le roman au genre de la satire – satire radicale d’une humanite´ immorale et me´diocre. Maupassant se rapproche ainsi des moralistes puisqu’il stigmatise l’inanite´ des fausses valeurs de´sormais triomphantes : la gloire, l’argent, le pouvoir... qui ne sont que des leurres en regard de la mort. L’e´crivain Norbert de Varenne, dans un discours qui tient de la peinture de vanite´s, semble d’ailleurs eˆtre, sur ce point, le porte-parole de Maupassant (p. 160-165). Il e´mane du roman un pessimisme d’autant plus noir qu’aucune force d’opposition ne vient menacer cet ave`nement de la bassesse (voir l’e´tude des opposants dans le sche´ma actanciel de la séance n° 2).
• La poe´tique de Maupassant Seule peut-eˆtre la litte´rature peut amener a` une prise de conscience, a` un sursaut. Le choix du roman permet d’e´viter la de´nonciation directe et unilate´rale ; c’est a` nous, lecteurs, de faire, comme dirait Voltaire, « la moitie´ » du chemin et de participer aussi a` la critique. Ainsi, on remarque que la de´pre´ciation, quand elle est exprime´e, est toujours prise en charge par un personnage : Forestier, Bel-Ami, Langremont, Varenne, les spectateurs du mariage de Duroy... Ils sont les premiers a` fustiger la « salade de socie´te´ » (p. 326, l. 422) dans laquelle ils e´voluent. Le narrateur, quant a` lui, s’abstient le plus souvent de 1. Guy de Maupassant, ibid. On retrouve une revendication analogue chez Zola dans Le Roman expe´rimental : « Les gens qui ont fait la naı¨ve de´couverte que le naturalisme n’e´tait autre chose que de la photographie comprendront peut-eˆtre que, tout en nous piquant de re´alite´ absolue, nous entendons souffler la vie a` nos productions. De la`, le style personnel, qui est dans nos livres. » Maupassant refuse e´galement dans « Le Roman » d’assimiler le roman re´aliste a` la simple photographie du re´el.
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commentaire explicite et pre´fe`re employer l’ironie. Son ricanement, constant, se laisse donc deviner. Les situations, les personnages sont risibles par eux-meˆmes : pauses fanfaronnes de Duroy, expe´rience lamentable de re´daction d’articles, sce`nes d’amour pue´riles, banquet de charite´ grotesque, exposition de crouˆtes authentiques devant lesquelles tout le monde s’extasie... Chaque page offre le spectacle d’un monde ridicule et de´risoire. De plus, Maupassant ne se contente pas d’un re´cit simplement mime´tique du re´el. Comme chez Zola, le roman abonde en me´taphores, en symboles, en jeux de syme´trie et d’opposition. On citera, pour l’exemple, la symbolique des noms propres, des miroirs, des escaliers, des lieux ; les oppositions entre les brunes et les blondes, les me`res et les filles, la ville et la campagne, les quartiers riches et pauvres, les forts et les faibles, l’ombre et la lumie`re, la vie et la mort ; ou, au contraire, les effets de syme´trie (lieux, personnages doubles, chapitres qui se re´pondent comme le premier et le dernier...), etc. Le roman offre donc une multitude d’images a` de´crypter. Avec Bel-Ami, les e´le`ves pourront e´tudier de plus pre`s une œuvre naturaliste 1. Moins soumis aux the´ories scientistes qui pre´valent dans les romans de Zola, le livre de Maupassant re´sulte tout autant d’une observation sociale, politique et morale minutieuse. Mais l’observateur, a` l’instar de Zola, ne s’interdit pas d’interpre´ter et de juger. Quant a` l’usage de la fiction, il permet non seulement la transposition signifiante de la vie re´elle dans le monde du roman, mais aussi l’invention ine´dite d’un univers propre au romancier a` laquelle le lecteur est ne´cessairement associe´.
1. Rappelons, cependant, que Maupassant ne revendique pas cette appartenance et exprime toujours une re´ticence certaine a` l’e´gard des e´coles.
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SE´ANCE 9 E´ VALUATION FINALE Objectifs : Pre´parer l’e´crit du baccalaure´at. Commentaire : Premie`re partie, chapitre VIII, de « Mais Georges, que l’ombre inquie´tait » (p. 202, l. 537) jusqu’a` « pour ne plus regarder le cadavre » (p. 203, l. 571). Vous e´tudierez la fac¸on dont est exprime´e l’angoisse du personnage devant la mort. Sujet de dissertation : « Le but [du romancier] n’est point de nous raconter une histoire, de nous amuser ou de nous attendrir, mais de nous forcer a` penser, a` comprendre le sens profond et cache´ des e´ve´nements », explique Guy de Maupassant dans la pre´face de son roman Pierre et Jean. Cette affirmation vous paraıˆt-elle s’appliquer a` Bel-Ami ? Sujet d’invention : Vous eˆtes re´dacteur a` La Plume, organe de presse concurrent de La Vie franc¸aise. Le directeur de votre journal vous demande de rendre compte d’un e´ve´nement mondain : le mariage de Georges Du Roy et de Suzanne Walter a` la Madeleine. E´crivez cet article sur un ton pole´mique.
I V . B IBLIOGRAPHIE Voir la bibliographie de l’e´dition GF, p. 427-432. Ste´phane GOUGELMANN