Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique par Olivier Christin I.Introduction Evoquer le XVIème siècle en France sans parler de la religion r eligion est difficilement difficilement tant possible, à cause de l’importance de la religion dans la société (héritage du Moyen Âge) et de ses mutations liées à l’émergence de la religion réformée. Les oppositions entre Catholiques et Huguenots (nom donné aux protestants français, dans leur majorité calviniste) calviniste) ont effet cristallisé la période allant de 1520 à 1620. Olivier Christin est un historien français, spécialiste de la religion dans la première moitié de la période moderne. Né en 1961, il obtient l’agrégation d’histoire à 22 ans. Il est fait docteur en 1989, grâce à une thèse sur l’ « Iconoclasme et [le] culte des images en France au XVIème siècle ». De 1990 à 1992, il est maître de conférences à l’Université de Nancy puis il enseigne en Allemagne, en Suisse et en Angleterre. À partir de 1996, il enseigne à Lyon II et devient professeur d’histoire moderne l’année suivante. À partir de 2003, il est également directeur d'études à l’École pratique des hautes études pour la section d’histoire religieuse. religieuse. Il devient président de Lyon II en 2008 mais démissionne au 1 er janvier 2010 pour un poste à Neuchâtel. Olivier Christin a publié près de cent contributions (articles, chapitres d’ouvrages d’ouvrages collectifs, contributions à des colloques) ainsi qu’une douzaine de livres. On peut citer Les Réformes. Luther, Calvin et les protestants en 1995 (ouvrage largement traduit), Les yeux pour le croire. Les Dix commandements en image (XVe-XVIIe siècle) en 2003 ou Le Roi-Providence : trois études sur l'iconographie gallicane en 2007. Tout ceci montre bien la spécilisation de l’auteur sur les questions religieuses au XVIème siècle. Son premier livre Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique a été publié en 1991 et s’il n’est pas marqué explicitement qu’il s’agit de sa thèse (soutenue deux ans auparavant) –en version abrégée-, c’est bien le cas. Le titre de l’ouvrage correspond à l’intitulé de sa thèse et les abondantes références à des sources primaires (documents d’époque) tout au long de l’ouvrage en témoignent. Avec cet ouvrage, l’auteur s’est engagé dans l’une des différentes voies de l’ère du pluralisme. pluralisme. Les ouvrages de recherche sur la réforme prennent désormais au moins trois grandes orientations, non exclusives : les facteurs économiques et sociaux (hypothèse la plus ancienne), les facteurs culturels et les facteurs religieux. Même s’il ne se situe pas intégralement dans cette dernière voie –comme nous le verrons-, Olivier Christin pense à la suite de Lucien Febvre que la Réforme est avant tout religieuse. Dans cette voie également suivie par Denis Crouzet, Olivier Christin est un pionnier, au moins en France. Avec Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique , on voit qu’il a bien embrassé ce courant historiographique. Il travaille à échelle réduite (il évoque de nombreuses villes, notamment Rouen et Lyon) dans la lignée de la microhistoire italienne et a une approche qui doit beaucoup à des sciences comme l’anthropologie ou la sociologie (il étudie la composition sociale des iconoclastes iconoclastes et les illustrations illustrations en annexes présentent des diagrammes circulaires en ce sens). En ayant bien conscience de ces faits, nous allons voir en quoi l’approche de l’iconoclasme par Olivier Christin est novatrice para rapport aux anciens courants historiographiques et quelles sont les limites éventuelles de son ouvrage. Pour cela, nous nous intéresserons dans un premier temps à ce qui fait l’originalité de la thèse. Dans un second temps, nous nuancerons la nouveauté en montrant qu’Olivier Christin ne peut s’empêcher de revenir à une analyse sociale et économique. Enfin, nous nous attacherons brièvement aux limites de l’ouvrage.
II.Une analyse détachée de l’objet d’étude qui permet des constats originaux
Le premier élément qui mérite d’être signalé est le positionnement de l’auteur car c’est ce qui lui permet une approche originale . Olivier Christin se détache des querelles pour
une étude qu’il veut objective. En premier lieu, il rejette toute approche de type controverse, soit pro-protestante, pro-protestante, soit pro-catholique (d’où les deux grandes parties du livre, qui se complètent en ce que la première traite de l’iconoclasme protestant et le second de la réaction catholique). Ainsi, même s’il le cite fréquemment, Olivier Christin n’est pas dans la lignée de Louis Réau qui stigmatise le vandalisme des « êtres inférieurs, et qui ont conscience de leur infériorité, [qui] haïssent instinctivement instinctivement tout ce qui les dépasse ». Il ne prend pas non plus faveur en parti de l’historiographie développée à la fin du XIXème siècle (et qui a duré jusqu’aux années 1960) par les protestants selon laquelle l’iconoclasme était minoritaire alors que les théologiens comme Luther aimaient l’art (Luther avait son « peintre attitré », Lucas Cranach). Cela permet d’expliquer d’expliquer la deuxième grande orientation orientation rejetée par Olivier Christin, celle d’une approche purement esthétique comme en ont certains historiens de l’art. Olivier Christin se justifie en affirmant que la conception de l’art était à l’époque différente : l’art était un moyen au service de quelque chose (la religion) et non une fin en soi. Si l’on devait résumer la thèse de l’auteur en une ligne, ce serait « les Huguenots ont bien brisé des images mais il y a des explications à ce geste ». Cela rejette la dénégation de l’iconoclasme et la conception d’un acte de barbarie gratuite. L’iconoclasme a d’abord été individuel avant d’être collectif et n’est pas forcément lié aux Huguenots . Olivier Christin signale au début du XVIème siècle des « iconoclastes
malgré eux » comme les ivrognes qui ne se rendent pas compte de leur geste et bénéficient souvent d’une certaine clémence. Il évoque aussi le cas de personnes mécontentes ou dont les vœux ne sont pas exaucés : une femme qui perd son enfant peut prendre des mesures de rétorsion en enlevant l’Enfant Jésus d’une statue de la Vierge. Ce n’est qu’avec l’implantation du calvinisme à partir de Genève que l’iconoclasme est devenu collectif. L’iconoclasme qui désigne le rejet des images et leur destruction est sélectif selon Christin. Il sépare bien souvent le profane et le sacré , ce qui s’inscrit dans un contexte de
laïcisation progressive des images à la Renaissance : toutes les images ne sont plus religieuses désormais. Les Huguenots se sont rarement attaqués aux images profanes ou situées dans des lieux profanes. Dans le premier cas, l’auteur cite des exemples de personnages païens (des Vénus) non dégradés dans les églises ; dans le second cas, il montre que l’on a parfois rendu les œuvres aux donateurs ou à leurs descendants qui pouvaient les garder en toute tranquillité. tranquillité. Il justifie ce dernier cas par le respect de la propriété privée chez les protestants : c’est au chef de famille ( pater familias) d’ôter les images de sa maison si nécessaire. La sélectivité est aussi thématique, portant sur certaines représentations et sur certaines parties de ces représentations . Ainsi, les Calvinistes (majoritaires et plus opposés
aux images que les luthériens) visent particulièrement les images de Dieu qu’on ne peut représenter car c’est un esprit sans corps sur lequel le temps n’a aucune prise (on ne peut pas le représenter en vieil homme barbue). La Vierge, les crucifix et les croix sont aussi bien visés, tout comme els reliques et autres objets envers lesquels les fidèles font œuvre de dévotion. Les personnages secondaires, les décors et la Bible sont en revanche le plus souvent épargnés. Au sein des personnages, ce sont la bouche, les yeux et les bras qui sont le plus systématiquement malmenés. Ce sont en effet les parties du corps qui permettent d’agir (nous y reviendrons plus loin). La sélectivité est aussi technique et temporel . Si certaines peintures ont été entièrement recouverte d’un badigeonnage badigeonnage (qui soit dit en passant est réversible r éversible), ), les sculptures ont été plus souvent malmenées. Probablement parce qu’étant tridimensionnelles, elles étaient plus faciles à adorer car plus réalistes. À l’origine, le egste iconoclaste se faisait la nuit, en cachette. Mais après, les Huguenots choisissent aussi avec soin le moment où ils font preuve d’iconoclasme. Leur but est en effet de choquer et de faire scandale. C’est pourquoi ils choisissent les fêtes comme Pâques ou la Fête-Dieu (qu’ils rejettent) pour leurs actes d’iconoclasme.
L’iconoclasme est paradoxal et s’apparente à l’idolâtrie qu’il veut combattre . Les
protestants s’adressaient à l’idole puis la martyrisaient et la mettaient à mort. Ils faisaient cela dans le but de prouver que les idoles n’avaient aucun pouvoir : comment prétendre qu’elles pouvaient sauver les hommes si elles ne se sauvaient pas elles-mêmes ? Mais ce faisant, les iconoclastes exprimaient un doute : ils parlaient à des statues tout en prétendant qu’elles ne pouvaient pas comprendre ; ils mutilaient les parties du corps permettant d’agir comme s’ils craignaient une vengeance. L’iconoclasme était plus ou moins fort selon les théologiens et ces derniers et les pragmatisme est bien moins élites cherchaient à l’organiser . Luther qui fait preuve de pragmatisme
iconoclaste que Calvin qui l’est moins que Carlstadt. D’ailleurs, Luther estimait que l’image pouvait servir à une meilleure compréhension des textes bibliques. Même Calvin a condamné les vagues iconoclastes violentes. Dans le même ordre d’idée, les élites ont tenté d’organiser l’iconoclasme. Dans le sud-ouest du pays, ce sont mêmes les autorités municipales en place qui l’ont organisé (on peut penser à Lyon et au baron des Adrets). Il fallait éviter éviter les émeutes ; dans le nord du pays, des avocats et bourgeois voulaient aussi éviter les troubles, qui pouvaient nuire à leurs intérêts. L’organisation des manifestations iconoclastes est visible en ce qu’il y a parfois des inventaires méthodiques des œuvres réalisés par les iconoclastes. O. Christin signale la possibilité d’une défiance à l’égard des recommandations de Calvin depuis Genève : les actes iconoclastes seraient une manière de se démarquer de lui. L’iconoclasme n’est pas gratuit ; il a une justification théologique et juridique . Les iconoclastes pensent que c’est injurier Dieu que de faire des images le représentant. Cela s’oppose au Décalogue : les Dix Commandements spécifient en effet qu’il ne faut pas faire d’images religieuses ni les adorer. Il y a aussi une volonté eschatologique, un peu évoqué par l’auteur : on se sent proche de la fin des Temps et il faut donc d’autant plus renoncer aux anciennes pratiques qui semblent païennes. Pour ce qui est de la justification théologique, les protestants protestants poussent le roi à abattre les idoles comme Josias ou Ezéchias. Ezéchias. Et lorsque la rumeur se répand que le roi est prisonnier, l’iconoclasme est justifié par le fait que le roi, en bon chrétien, aurait voulu abattre les idoles mais qu’il n’était pas en mesure de le faire. Les Huguenots sont parfois arrivés à l’effet inverse de celui qu’ils voulaient . O. Christin cite le cas d’un crucifix brisé. Les protestants voulaient arrêter la dévotion dont il faisait l’objet mais certains Catholiques ont récupéré des débris. Là où il y avait un objet de dévotion, ils en ont créé plusieurs malgré eux. De même, en s’attaquant à un saint et notamment avec une mise en scène de la torture, ils renforçaient son caractère caractère de martyr. Le Saint avait souffert en vrai et à travers son image et était donc encore plus objet de dévotion. Il y a eu des modérés chargés de trouver un compromis, les moyenneurs . Mais ils ont échoué, attaqué sur les deux fronts. En essayant de défendre certaines images dans certains cas, ils ont produit une justification « bancale » et n’ont pas su emporter l’adhésion des théologiens catholiques peu ouverts aux discussions ni des protestants les plus extrémistes. La réaction catholique n’a pas seulement été le massacre . Il a aussi fallu restaurer les images, ce qui coûtait cher et que toutes les églises et fabriques (chargées de l’entretien de l’église) ne pouvaient pas toujours payer. Ce fut un travail de longue haleine qui dura des décennies. D’abord, on a évacué les débris et tenté de faire disparaître les traces de l’iconoclasme (le paradoxe étant qu’on voulait que le traitement odieux réservé aux images reste dans les mémoires). Ensuite, on a entrepris de restaurer, r estaurer, pas forcément à l’identique. Les clercs ont fait appel à des personnes de confiance pour faire des images correctes sur le plan religieux. Mais si la justice est intervenue elle a pu être sévère et il y a eu des massacres . Dès la reprise des villes par les Catholiques, les églises et monastères portent plainte et des enquêtes sont ouvertes. Les personnes membres de l’élite qui ont participé aux vagues iconoclastes sont souvent condamnées à mort. Et la justice ne fait pas toujours son œuvre. Des massacres sont organisés parfois avec l’appui sinon la bienveillance des autorités politiques et civiles. Les images profanées doivent être resacralisées . Cela donne lieu à de grandes cérémonies au cours desquelles l’Eglise tente de faire apparaître son unité dans le malheur. Comme nous le verrons plus loin, cela participe aussi d’un renforcement de l’Eglise.
Si de faux miracles avaient décrédibilisé les images, la construction de récit de miracles renforce les images nouvelles . Avant les vagues iconoclastes, on constate que
certaines statues avaient grossièrement reçu de la peinture rouge pour faire croire qu’elles pleuraient. Cela avait décrédibilisé les partisans des images. En revanche, lors de la réaction catholique, des miracles ont été soigneusement construits et ancrés dans le temps contemporain. On voyait d’une part des personnes qui guérissaient suite à une promesse de pèlerinage ou à l’accomplissement de tout ou partie de celui-ci ou à une dévotion à une statue et d’autre part des iconoclastes empêcher de commettre leur sacrilège ou frappés sitôt le sacrilège accompli. L’Eglise catholique a tenté de légitimer les images, notamment en distinguant images et idoles . Elle a utilisé pour cela trois arguments. Le premier est que le commandement
interdisant les idoles se trouve dans l’Ancien Testament (et le découpage du texte fait aussi polémique, selon que l’interdiction des images est un commandement ou un simple commentaire d’un autre commandement) et n’est plus réitéré dans le Nouveau Testament. Il en s’appliquait s’appliquait donc qu’au peuple juif. De là, on débouche sur le deuxième argument. Depuis la venue du Christ sur Terre, l’humanité l’humanité est éclairée ; les Chrétiens ne peuvent donc plus sombrer dans l’idolâtrie. Enfin, le dernier argument est que l’image ne serait pas une idole mais une antiidole. Elle a une fonction de rappel du comportement exemplaire de la vie de la Vierge, du Christ ou d’un Saint : l’image est un simple support et le bon chrétien voit au-delà de l’image. L’Eglise catholique a réagi en demandant un meilleur contrôle au clergé et un respect des limites aux fidèles . Le clergé devait veiller à l’absence d’images profanes dans les
églises (notamment parce que comme nous l’avons vu les protestants ne laissaient que celleslà) ; les évêques devaient aussi inspecter leur diocèse pour vérifier qu’il n’y ait pas d’images irrespectueuses ou tendancieuses. Quant aux fidèles, ils devaient bien comprendre qu’à travers l’image c’était au saint que l’on se dévouait et non à l’image elle-même (ce qui induit qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les images, c’est-à-dire d’image « meilleure » qu’une autre quels que soient son auteur, sa facture et sa matière). L’iconoclasme aurait eu pour conséquence de renforcer la séparation religieuse entre art sacré et art profane . L’art sacré aurait en effet été beaucoup plus strictement contrôlé
dans le sujet (décidé en amont) et la réalisation (qui ne devait pas être ambiguë) suite au décrets tridentins : le thème importe beaucoup plus que le style et il ne s’agit pas d’être original. À l’inverse, serait véritablement née une branche profane avec des « thèmes prétextes » où le style et la facture importe plus. L’imagination du commanditaire privé et surtout de l’artiste allait ressortir de plus en plus jusqu’à ce que l’art profane supplante définitivement l’art sacré.
III.Une analyse sociale, sociétale et politique Olivier Christin veut expliquer le religieux avec le religieux. Mais il revient aussi à une approche sociale . D’où d’ailleurs le titre de son ouvrage, « Une Révolution Symbolique ».
La révolution symbolique mais n’est pas seulement celles des images, symboles qui véhiculent un message ou agissent (pour les catholiques) ou non (pour les protestants). La « Révolution Symbolique » est aussi très politique et révélatrice de changements au sein de la société. L’iconoclasme n’est pas le fait des classes les plus basses de la société mais du journaliers, des artisans et peuple dans son ensemble . Il y a, pour l’occasion, une alliance des journaliers,
des élites. L’iconoclasme est une sorte de « plus petit dénominateur commun » qui permet de mobiliser les bourgeois qui estiment payer trop pour l’entretien des images ou le petit peuple qui se voit aussi contraint de payer lors des pèlerinages. On note une volonté des élites urbaines de prendre un pouvoir qui leur échappe . Les libertés urbaines sont de plus en plus réduites par l’Etat monarchique qui s’affirme et veut tout centraliser. À travers l’iconoclasme, les bourgeois manifestent leur volonté d’aller contre l’ordre établi (« le renversement des images s’apparente à une véritable conquête du pouvoir » affirme l’auteur). Comme nous l’avons dit, ils rejettent les émeutes, qui vont à l’encontre de leurs intérêts. Les vagues iconoclastes partent d’une ville et s’étendent aux campagnes des
alentours, montrant la sphère d’influence de la ville. À l’inverse, quand les catholiques reprennent le dessus, les magistrats et juristes entendent faire régner l’ordre. L’élite urbaine s’affirme donc, qu’elle soit du côté des Huguenots ou des catholiques. Si en France l’application des décrets pris lors du concile de Trente fut moins forte que dans des pays comme l’Espagne, le pouvoir avait tout intérêt à les faire appliquer .
L’Etat monarchique qui se renforce ne peut pas prendre le risque d’un pays bi-confessionnel. Il soutient donc l’action de l’Eglise, notamment en se donnant la possibilité de poursuivre et juger les iconoclastes. Puis il se réserve seul cette possibilité, ce qui illustre bien le renforcement de l’Etat royal. L’iconoclasme était au début une forme de gaspillage mais a pu se révéler lucratif . Les iconoclastes ne détruisaient pas simplement les têtes et les mains des statues. Certains récupéraient les poutres en bois des bâtiments bâtiments religieux, d’autres les réserves de grain du clergé. Les vêtements ecclésiastiques ont parfois été vendus aux enchères. Certaines personnes ont profité des pillages pour faire disparaître des archives archives portant sur des redevances à payer ou des actes de propriété. Les reliquaires et autre éléments en métaux précieux furent souvent fondus, souvent dans le but d’aider les armées protestantes (comme celle du baron des Adrets). Ce fut une aubaine pour certains qui détournèrent une partie du butin. Les grandes cérémonies orchestrées par l’Eglise dans le cadre de la resacralisation la renforcent. La resacralisation passe en effet par de grandes processions qui permettent à
l’Eglise de manifester sa puissance. Les miracles déjà évoqués renforcent la dévotion des catholiques. Ces derniers sont furieux de voir une remise en question de l’Eglise et sont en quelque sorte « fanatisés », ce qui aboutit à des massacres et des « tueries » (comme le dit Olivier Christin).
IV.Les limites de l’ouvrage Au niveau formel, l’ouvrage souffre de quelques limites .
Si les notes en bas de page sont assez pratiques, la numérotation des illustrations (par ailleurs peu nombreuses et jamais en couleur, ce qui est un peu dommage pour un livre sur els images) et leur non-intégration au texte (elles sont rejetées à la fin) compliquent la lecture. Il y a bien un sommaire détaillé mais pas d’index des lieux, des thèmes et des personnages, ce qui rend difficile la recherche d’un point particulier. Gabriel Audisio de l’université d’Aix-Marseille a noté que la bibliographie est incomplète . Cela n’empêche pas la lecture mais d’un point de vue scientifique, c’est très préjudiciable. Les deux ouvrages les plus cités dans le livre à savoir L’Histoire ecclésiastique et les Mémoires de Claude Haton en sont notamment absents. En outre la bibliographie est classée
d’une manière étrange : elle ne se sépare pas les ouvrages anonymes (pour lesquels nos informations quant à la fiabilité sont plus limitées) de ceux qui ne le sont pas et classes les ouvrages par nom de l’auteur principal, sauf pour les livres anonymes qui sont classés par titre. Un ouvrage avec une bibliographie incomplète et dans laquelle il est difficile de se repérer perd sans conteste de sa valeur. G. Audisio regrette aussi que l’étude soit uniquement qualitative et générale . De fait, c’est un postulat que l’auteur cite expressément mais sans le démontrer. Ne pas s’intéresser au quantitatif, c’est risquer de généraliser abusivement à partir de cas particuliers. L’étude des miracles au début du chapitre 2 de la deuxième partie est le seul exemple ou presque d’une étude comparée sur plusieurs cas mais le nombre (17) reste r este faible pour une généralisation généralisation et le choix des miracles n’est pas justifié ; il n’est pas chronologique ou géographique. La généralisation spatiale n’est pas non plus justifiée. En un temps où els communications étaient beaucoup plus lentes qu’aujourd’hui et les identités régionales beaucoup plus fortes, ce qui est vrai à Rouen l’est-il à Lyon, en Flandres et dans le sud du pays ? L’auteur a choisi un plan lié aux camps : la première partie traite des protestants et la seconde des catholiques. Qu’en est-il de la chronologie ? Ce point également souligné par
G. Audisio est très important. D’une part, il suppose que la perception de l’image est la même durant un siècle (de 1530 à 1620, limites chronologiques de l’étude environ ; le choix de la période n’est pas expliqué) et que l’humanisme l’humanisme et l’imprimerie n’ont rien changé (certes ceci a surtout concerné les élites mais il aurait fallu le préciser et d’autre part l’auteur souligne justement l’importance des élites dans l’encadrement de l’iconoclasme. D’autre part, cela rend la lecture difficile puisque l’on passe d’un bout à l’autre de la période en quelques pages puis on revient au milieu de la période puis… À défaut d’un plan chronologique total, O. Christin aurait pu faire des chapitres chronologiques ou même des sous-parties chronologiques. Il y a un paradoxe sur la question de l’art . O. Christin a choisi de faire un livre sur les images en rejetant l’idée d’art au début de la période. Mais il ne l’a pas justifié autrement qu’en disant que la notion n’existait pas. Son livre se conclut cependant sur la naissance du baroque en particulier particulier (sans le citer expressément d’ailleurs) d’ailleurs) et l’évolution l’évolution de l’art en général. Il y aurait donc sur la fin de la période la conscience de l’art, ce qui n’est pas non plus justifié. Pire, cela sous-entend que c’est à cette époque que s’est construite la notion d’art ce qui a forcément eu une influence sur la perception de l’image dans un sens ou dans l’autre alors même qu’Olivier Christin n’en parle pas du tout. L’auteur choisit délibérément de s’intéresser aux œuvres mutilées et non complètement détruites . Il évacue l’idée selon laquelle si les statues n’ont pas complètement
été brisées, c’est par manque de temps. L’intention peut se comprendre dans la mesure où même s’ils ont manqué de temps, il est intéressant de voir ce que les iconoclastes ont détruit en premier, c’est-à-dire ce qui était le plus important à leurs yeux. Mais cela limite l’étude et augmente le risque de généralisation abusive : peut-être dans certains cas les iconoclastes se sont-ils concentrés sur les parties les plus faciles ou les plus rapides à détruire sans intention théologique, sociale ou politique derrière. Il n’y a aucune référence à l’histoire de l’iconoclasme, sauf dans les pays de l’est après 1989 à la fin de l’ouvrage. Si cette référence anachronique peut se comprendre comme
une ouverture, il aurait été bien de faire référence à l’iconoclasme dans les religions monothéistes (rejet de la représentation de Dieu par les Juifs et les musulmans), par exemple en introduction. L’évocation, sans forcément la détailler, des crises iconoclastes byzantines aurait été la bienvenue, à titre de comparaison. Le côté eschatologique est peu développé . Certains auteurs comme Thierry Wanegffelen ( in Le in Le condamné et le refoulé : Le geste iconoclaste au début des guerres de Religion ) souligne le lien entre la violence de l’iconoclasme et la volonté de lutter contre la Bête de l’Apocalypse, pour se préparer à un combat entre le Bien et le Mal dont on pense qu’il est proche.
V.Conclusion Dans cet ouvrage, Olivier Christin adopte une approche détachée qui permet de lutter contre un certain nombre d’idées reçues. Il se concentre sur l’aspect religieux et théologique, expliquant par la religion un fait religieux. Il croit en une systématisation rituelle de la violence et refuse une histoire sans Dieu, comme Crouzet. On note bien dans son ouvrage les apports de la micro-histoire et de l’anthropologie. l’anthropologie. C’est peut-être la raison pour laquelle il revient à des facteurs sociaux (montée de la bourgeoisie) bourgeoisie) et économiques économiques (pillage lucratif) qui rappelle des hypothèses de travail plus anciennes, comme celle d’Henri Hauser dans sa Naissance du protestantisme. Malgré une bibliographie qui laisse à désirer et des postulats et généralisations pas toujours justifiées, ce livre reste une étude assez complète et très importante sur la question de l’iconoclasme au XVIème siècle en France en ce qu’elle s’éloigne des clivages partisans et tente une synthèse (malgré l’auteur ?) entre différents courants de pensée historiographiques. L’iconoclasme n’est pas monocausal : il a des fondements religieux, sociaux et économiques, les facteurs théologiques étant les plus important. Tels emble être la conclusion de cette étude.