ÉCOLE NATIONALE DES PONTS ET CHAUSSÉES
Année 2009-2010
Mastère Génie Civil Européen Géotechnique - stabilisation des pentes -
ÉTUDE DE LA STABILISATION D’UNE PENTE INSTABLE Lors de la construction d’une autoroute dans le sud de la France, en contrebas de la falaise bordant un plateau, des mouvements de terrains se sont développés dans un versant de pente faible (20 à 25 degrés). La figure 1 présente une coupe du site. Calcaire Marne Calcaire Calcaire + marne Calcaire marneux
Écoulement d’eau
Altitude (m)
40
Éboulis
30
Glissements
Marnes et grès
20
Chemin Autoroute
10 0
Couche d’argile molle 0
10
20
30
40
Distance en mètres
Figure 1. Coupe du site du glissement Dès la fin des travaux de terrassement de l’autoroute, qui n’entaillaient que très légèrement la base du versant, de petits glissements se manifestèrent au bas du versant et dans les talus de l’autoroute. Ces désordres s’aggravèrent deux ans plus tard, le volume des matériaux en mouvement étant alors voisin de 80.000 m3 (sur une largeur d’environ 200 m). Au printemps suivant, il fallut définir une solution confortative alors que le volume du glissement atteignait 120.000 m3. La reconnaissance entreprise à l’aide de deux sondages permit d’établir que le glissement affectait d’abord un manteau de matériaux marneux altérés et décomprimés de 4 à 5 m d’épaisseur contenant des blocs de calcaire de volume variable, puis une alternance de marnes et de grès. La reconnaissance géologique a montré qu’il s’agissait de la reprise de mouvements anciens au niveau d’une couche d’argile plastique (limite de liquidité 42, indice de plasticité 17), située vers 7 m de profondeur sous le terrain naturel. La couche superficielle d’éboulis marneux altérés a comme caractéristiques de résistance résiduelle c’R = 0 et ϕ’R = 15 degrés. Les marnes compactes (parfois mêlées à des grès) sous-jacentes ont des résistances plus élevées : c’ = 70 kPa, ϕ’ = 40 degrés et cu = 2,5 MPa. Leur masse volumique est de l’ordre de 2,1 t/m3. Celle des éboulis vaut 2 t/m3. Nous allons étudier la stabilité de ce versant et définir la meilleure solution de stabilisation. 1. Parmi les méthodes de stabilisation des pentes instables citées dans le cours, quelles sont celles qui peuvent être appliquées et celles qui ne sont pas adaptées ? Expliquer pourquoi. 1/2
2. On retient d’étudier une solution de stabilisation par création d’une butée de pied et par substitution de la partie supérieure du glissement par un masque drainant. On compare les trois modes de rupture de la figure 2. 7m
10 m
65 m
8m
20 m
150 m
a. Le site dans son état actuel. 7m
10 m
65 m
8m
20 m
150 m
b. Le site avec masque et butée de pied : mécanisme de glissement jusqu’à l’autoroute 7m Surface de glissement
10 m
65 m
8m
20 m
150 m
c. Le site avec masque et butée : mécanisme de glissement au-dessus de l’autoroute Figure 2. Trois mécanismes de glissement Calculer le coefficient de sécurité de la pente dans ces trois cas. Quelles conclusions peut-on en tirer ?
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25 mars 2010
Jean-Pierre Magnan / Nicolas Droniuc
STABILISATION DES PENTES
Mastère de Génie Civil Européen Géotechnique 1
École Nationale des Ponts et Chaussées
1
3. 4.
1. 2.
Exemples Autres situations
1. Inventaire des principaux modes de rupture 2. Causes d’instabilité 3. Principes de la stabilisation
Rappel du cours précédent Principes des méthodes de stabilisation
Sommaire
2
Le problème d’application du cours portait sur la stabilité d’un glissement plan dans une pente naturelle.
Nous avons vu : • les principaux types de rupture des pentes naturelles et artificielles, en terre ou en rocher, • les méthodes de mesure des mouvements des pentes et des pressions d’eau dans les sols, • les principes des méthodes de calcul de stabilité des pentes.
1. Rappel du cours précédent
3
- glissements rotationnels - écoulements (coulées de boues) - érosion
Ruptures dans les sols - glissements plans
- glissement de dièdres - glissements de bancs - effondrement de couches sous-cavées - écroulement d’écailles - grands glissements - chutes de blocs
Ruptures dans le rocher
1.1 Inventaire des principaux modes de rupture
1. Principes des méthodes de stabilisation
4
– – – –
la réalisation d’excavations, les surcharges de remblai, les pressions d’eau, le fluage superficiel (reptation par gel/dégel).
• dans les massifs de sols
– la disparition des appuis (érosion, fluage, altération, écroulement régressif), – les pressions d’eau dans les fissures, – les déséquilibres créés par les séismes.
Les causes d’instabilité sont : • dans les structures rocheuses
1.2 Causes d’instabilité
5
6
excavation dans la partie inférieure de la pente, montée de la nappe (des pressions interstitielles) dans le sol, altération du sol ou de la roche (transformation et perte de résistance) fissuration du terrain.
Les principes des méthodes de stabilisation en découlent.
-
- les résistances diminuent par
- chargement extérieur (remblai,…), - apparition de pressions d’eau dans des fissures, - accélérations sismiques ;
- les efforts déstabilisants augmentent par
Cela peut se réaliser lorsque :
les efforts moteurs deviennent supérieurs aux résistances.
Les ruptures dans les pentes correspondent à des mécanismes de rupture dans lesquels :
inclinomètre
bourrelet de pied
u
∫ c' + ∫ (σ − u)tan ϕ' ?
∫τ σ
τmax
W
τ
Le modèle mécanique (actions, résistances) est simple :
On connaît en général les points haut et bas du glissement et parfois la profondeur de la surface de la rupture en un point.
fissures
• Glissement plan ou rotationnel, spontané ou dû à un remblai
Glissements dans les sols
1.3 Principes de la stabilisation
7
?
∫τ
8
Nous allons analyser quelques exemples de ces méthodes de stabilisation des pentes.
Pour stabiliser la pente, il faut augmenter la valeur de la première quantité par rapport à la seconde. On peut pour cela : - diminuer la pression interstitielle u, en installant un système de drainage, - enlever le sol qui a glissé et le remplacer par un matériau plus résistant (modification de c’ et ϕ’), - augmenter la résistance par frottement en chargeant la partie inférieure du glissement (augmenter σ), - créer une force de butée sur un écran continu ou discontinu (force externe résistante), - enlever le haut du glissement ou le remplacer par des matériaux plus légers pour diminuer l’effort moteur (diminuer τ tout en diminuant σ tan ϕ’), - augmenter la résistance sur la surface de glissement en réalisant des éperons en graviers (résistance et drainage) (augmenter c’ et ϕ’ et diminuer u), - ancrer le glissement par des plaques posées en surface et des ancrages profonds (augmenter σ, créer une force externe), - diminuer la pente en terrassant le talus (diminuer τ tout en diminuant σ tan ϕ’).
∫ c' + ∫ (σ − u)tan ϕ'
On cherche à augmenter le coefficient de sécurité de 20% au moins. 9
- l’infiltration d’eau à partir de la nouvelle plate-forme créée en haut du glissement.
- la reprise du glissement en amont du nouveau talus,
Deux problèmes potentiels doivent être considérés lors du projet :
Enlever le haut du glissement est la technique de stabilisation la plus facile à réaliser, sous réserve des conditions d’accès au site.
Stabilisation par allègement de la masse en mouvement
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On a combiné ici un allégement et une butée de pied, massif de matériaux granulaires (graves ou enrochements).La principale difficulté de réalisation est la stabilité temporaire du glissement pendant l’excavation de pied. En cas d’instabilité prévisible, on peut travailler par plots. On doit augmenter le coefficient de sécurité calculé de 20% au moins.
Stabilisation par butée de pied (Autoroute A75 au Piou)
On doit augmenter le coefficient de sécurité calculé de 30% au moins. 11
Si la géométrie du site interdit de réaliser les drains à partir de la surface de la pente, on peut les mettre en place à partir d’un puits où l’on descend une foreuse. Les drains doivent être contrôlés périodiquement et entretenus si nécessaire. Il faut organiser l’évacuation de l’eau sortant du sol. Le drainage des sols argileux peut être très lent.
L’exécution de drains « subhorizontaux » (quasi-horizontaux) est le principal moyen de drainer les pentes pour diminuer les pressions interstitielles.
Stabilisation par drainage du glissement de Châtel-Guyon (Puy-de-Dôme)
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Dans un glissement de cette géométrie, la banquette inférieure exerce un rôle important. Elle est associée à un clouage au moyen d’une ligne de pieux. Les pieux sont calculés à la flexion. Leur apport à la stabilité est modélisé par une force supplémentaire au niveau de la surface de rupture dans le mécanisme classique de glissement par bloc rigide.
Stabilisation par clouage et banquette de pied d’un remblai à Ormoy
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• Le second exemple montre comment on a stabilisé superficiellement le tracé de la route d’accès au tunnel de Fréjus sans traiter le grand glissement historique qui fait descendre l’ensemble de la pente. On a pris la précaution de ne pas installer de renforcements à travers la surface de glissement profond.
• Le premier exemple est celui de la côte des Basques à Biarritz où le recul de la falaise mettait en péril des maisons situées en haut de falaise. La solution retenue combine des techniques de terrassements, de stabilisation de talus par clouage et d’ancrage de la partie supérieure. Les « clous » sont des renforcement passifs dont la mobilisation nécessite une déformation du sol. Les ancrages sont des tirants précontraints qui bloquent toute déformation. Leur combinaison doit être décidée en tenant compte de ces caractéristiques, qui interdisent d’additionner les résistances si les déformations ne sont pas compatibles.
• Dans certains sites, la cinématique des glissements existants ou potentiel est complexe et on met en œuvre une combinaison de techniques.
Stabilisation des glissements complexes
Stabilisation de la falaise de la Côte des Basques (Biarritz, Pyrénées-Atlantiques) 14
15
Glissement sur la route d’accès au tunnel du Fréjus (Savoie)
Pour chaque technique, un calcul de stabilité par les méthodes conventionnelles, validées par l’expérience, permet d’évaluer un coefficient de sécurité du site stabilisé. Comme on connaît rarement les caractéristiques mécaniques réelles des sols dans un glissement de terrain, on admet souvent que le coefficient de sécurité du site existant vaut 1 et qu’il faut augmenter sa valeur de 20% pour les modes de stabilisation mécaniques et de 30% lorsque l’on fait appel à des modifications des pressions d’eau dans la pente par drainage.
La figure suivante montre les résultats d’une telle démarche pour un glissement de terrain déclaré.
•
•
16
Le choix d’une méthode de stabilisation d’un site jugé potentiellement instable lors des études d’un projet, ou du site d’un glissement déclaré nécessite l’inventaire et la comparaison de toutes les techniques disponibles et applicables au site, avec un souci de rapidité et d’économie.
•
Comparaison et choix des techniques de renforcement pour un projet
Recherche d’une méthode de stabilisation
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Quelques photos de travaux de stabilisation de pentes
18
Falaise de craie de Normandie
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Dans certains cas la stabilisation d’un glissement peut demander des mesures très importantes. Ici le glissement d’une autoroute en construction. Ce glissement a atteint cet état en un mois après l’apparition de la première fissure.
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Vue du site après la rupture : bourrelet de pied au premier plan. Limite du glissement en haut à droite. La réparation a demandé des terrassements très importants.
Vue de la vallée avant les travaux de stabilisation.
21
22
La vallée a été remblayée pour que le remblai s’appuie sur le pied de l’autre versant.
Vue de la vallée après les travaux de stabilisation
Falaise calcaire au Liban
Butée de pied en enrochements
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Déblai de la route d’accès à la gare TGV d’Aix-en-Provence
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Autre exemple de massif en enrochements pour stabiliser le pied d’un glissement de versant au-dessus d’une route
Déblai à Meaux dans l’argile verte
Modelage de la géométrie de la pente pour stabiliser un glissement
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Exécution d’éperons drainants en pied de pente
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Noter les précautions pour créer un filtre autour du tuyau.
Exécution d’un drain en tranchée.
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Utilisation de polystyrène expansé
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Allègement d’un remblai dans la traversée d’un glissement de terrain.
- la périodicité des mesures à effectuer (au cours du temps et en fonction des résultats de l'efficacité du confortement, la fréquence des visites peut être réduite), - l'organisme et la personne à qui le rapport de visite doit être adressé.
- les déplacements des inclinomètres, - le relevé des niveaux piézométriques, - les mesures topographiques, - les efforts dans les tirants ;
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Il faut établir : - le plan des dispositifs de confortement réalisés, - la liste des points à observer, définis par le concepteur du projet, par exemple
Contrôle de l’efficacité des travaux de stabilisation.
Les travaux de stabilisation des mouvements de terrain n’ont jamais une efficacité garantie à 100 %. Il est indispensable de vérifier l’efficacité du confortement et sa pérennité.
Pérennité, maintenance et contrôle des travaux de stabilisation
- le nettoyage des regards (dans le cas de drainages), - etc.
- le détail des travaux d'entretien courant à réaliser
- le relevé des inclinomètres, - l'apparition de mouvements en surface, - le relevé des niveaux piézométriques, - l'état des regards et autres dispositifs visitables (les débits des écoulements),
- la liste des points à observer :
- le plan des ouvrages réalisés, avec leur localisation précise,
Il faut établir :
Visites régulières et entretien de l’ouvrage.
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Chaque compte-rendu de visite doit comporter la date de la prochaine visite.
- Bon état : pas de travaux particuliers d'entretien, - État moyen : quelques travaux légers sont à réaliser (préciser ces travaux), - Mauvais état : gros travaux sont à entreprendre, étude complémentaire.
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La visite régulière doit conduire à une appréciation globale correspondant à une des classes suivantes :
- la périodicité des visites (en général annuelle, sans limite dans le temps), - l'époque de l'année à laquelle les visites doivent être faites (après les périodes pluvieuses par exemple), - l'organisme et la personne habilités à qui le rapport de visite doit être adressé.
Visites régulières et entretien de l’ouvrage (suite).
• Voici deux exemples.
• Chaque situation doit être analysée sans a priori pour trouver une issue.
• Il existe des situations dans lesquelles la stabilisation des glissements de terrain est trop complexe ou impossible et où d’autres solutions sont recherchées.
4. Autres situations
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Un cas extrême : ce pont relie le pied de deux glissements de terrain de sens opposé et est en compression
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Faute de solution de stabilisation des deux pentes, il a été décidé de détruire le pont
Destruction du pont
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Le résultat…
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Démarche : • Observer le site (mouvements et pressions d’eau, voir cours précédent) • Représenter et analyser l’évolution au cours du temps de ces mouvements et pressions • Rechercher les corrélations entre les mouvements et les pressions d’eau • Rechercher les relations entre les pressions d’eau et les pluies. • Prévoir les conséquences du glissement (zone touchée, vitesse d’évolution) • Prendre des mesures pour limiter les effets du glissements à un niveau acceptable : pertes humaines, pertes matérielles, dommages aux bâtiments et aux infrastructures,…
Lorsque les glissements sont trop grands, on ne cherche plus à les arrêter mais à les comprendre et à observer leur évolution, pour se protéger à temps de leurs conséquences.
Le cas des trop grands glissements
Période de début janvier 1992 à fin janvier 1993
JOURNALIÈRES
Exemple : Précipitations - pressions interstitielles – déplacements sur le site expérimental des LPC à Sallèdes (Puits-de-Dôme)
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On observe la relation marquée des déplacements avec les pics de pluie
Sallèdes, suite
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Nos références
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Un hommage aux prédécesseurs : les premières études systématiques de glissements de terrains lors de travaux de construction de voies ferrées et canaux sont dues à J. Collin, qui a jeté les bases de l’approche naturaliste de l’étude de la stabilité et de la stabilisation des pentes
Différentes techniques de stabilisation des glissements de terrain (a)
Les techniques de stabilisation (6)
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Différentes techniques de stabilisation des glissements de terrain (b)
Les techniques de stabilisation (7)
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Différentes techniques de stabilisation des glissements de terrain (c)
Les techniques de stabilisation (8)
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Avez-vous des questions ?
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MGCE ------- stabilisation des pentes ------- 25 mars 2010