6. Le contre-courant réaliste: roman burlesque, roman philosophique Le courant burlesque et réaliste, illustré au XVI siècle par François Rabelais se développe au XVII en réaction de la bourgeoisie contre le raffinement précieux. On peut dire que c’est une préciosité retournée et par parti pris de vulgarité, parce que les ouvrages burlesques se caractérisent par le contraste entre le ton et le sujet traité – si le sujet est raffiné, le ton et bas et vice versa. C’est donc un genre parodique qui tourne en ridicule les genres nobles comme le roman héroïque ou pastoral. Les héros burlesques s’opposent les uns aux autres, toujours divisés par les contradictions. Ainsi, l’auteur fait une satire de ses contemporains. Il ridiculise même le lecteur de ces romans. Par exemple, Sorel dans son roman comique Francion accuse les lecteurs habitués des romans d’être superficiels parce qu’ils estiment les romans un divertissement au lieu d’essayer d’en tirer un morale ou un exemple. L’action se déroule toujours dans des lieus banals, loin du cadre idyllique des champs d’Astrée par exemple. Outre Francion, Charles Sorel a écrit Le Berger extravagant qui parodie, évidemment, le roman pastoral, mais aussi satirise la société de l’époque. L’esprit libertin domine chez ses personnages et sa satire est proche de la farce. Chez Scarron et Furetière, le réalisme est même plus souligne que chez Sorel, tandis que Cyrano de Bergerac se tourne vers la fantaisie et l’imagination. Ses romans sont ce qu’on appelle romans philosophiques. Furetière dans son Roman bourgeois va même plus loin que Sorel dans la parodie. Son œuvre manque de la structure et n’est pas vraiment un roman dans le sens traditionnel. Deux grandes parties de ce roman ne sont point liées et, comme Furetière a dit lui-même, les personnages ne sont ni héros ni héroïnes, mais des gens médiocres qui vont doucement son grande chemin. Donc, l’auteur a délibérément créé un antiroman, ce que les critiques de l’époque ont manqué d’apercevoir. L’épithète comique se lie avec ces œuvres – elle figure dans le titre entier de Francion (qui est La vraie histoire comique de Francion). Bien sur, c’est parce qu’ils font rire les lecteurs, mais le mot peut suggérer que les personnages ordinaires et médiocres de ces romans ne pourraient jamais inspirer une tragédie par exemple. Paul Scarron étend la polysémie de cette épithète dans son Roman comique qui parle des aventures d’une troupe de comédiens. Contrairement à Furetière, Scarron organise le roman d’une façon traditionnelle, mais l’écriture burlesque est évidente puisqu’il décrit des aventures banales de la troupe en utilisant un style haut. En fait, il le fait d’une façon très efficace, en détruisant toute a coup l’atmosphère élevée qu’il vient d’introduire. Le roman débute par l’arrivée de la troupe dans la région de Mans et raconte leurs aventures d’une façon très animée. Il y a des enlèvements, des querelles, des mauvaises plaisanteries etc. Cela permet a l’auteur de nous donner une description pittoresque des mœurs de son temps, ainsi qu’une témoignage concernant l’organisation d’une troupe de théâtre. Les personnages principaux du Roman comique sont Destin (le nom de scène de Garrigues) et L’Etoile (en réalité Mlle de La Boissiere), deux amants qui ont joint la troupe afin de fuir de ses ennemis. Le roman est un ensemble d’histoires, dont la plupart sont celles que Scarron a traduites d’espagnol. Les épisodes les plus comiques se passent autour du nain Ragotin, un personnage bouffon par excellence qui est constamment affrontée à de nombreuses mésaventures. Le thème fondateur est le voyage, la troupe y devient un picaro – donc, un antihéros, un vagabond, vivant en marge de la société en gagnant son pain. C’est l’influence évidente de la littérature espagnole et du roman picaresque. Quant a point de vue narratif, il y a une alternance entre la narration directe (c’est la part du burlesque) et la narration indirecte ce qui est la part du romanesque.
Scarron se moque des romans idéalistes, tels que romans pastoraux ou héroïques avec des héros parfaits et des lieux idylliques. Alors il introduit des personnages ordinaires, médiocres, comme des paysans ou des acteurs ambulants qui sont loin d’être parfaits – ils aiment boire, se battre, se jouer des autres etc. Aussi, l’auteur a choisi des lieux réels, mais ordinaires, telle que la province du Maine, ce qui permet au lecteur contemporain de comparer les différences entre la capitale et la province, toujours en retard en matière de la mode etc. Il faut comprendre que le réalisme de ses romans n’est pas le réalisme que nous verrons au XIX siècle. Il y a, en fait, rien de réel (dans le sens d’ordinaire et naturel) dans le Roman comique – les personnages sont particuliers, distincts, jusqu'à la caricature, et les aventures qui leur arrivent sont extraordinaires. Le narrateur est omnipotent et fait de nombreuses interventions, don il s’agit vraiment d’une illusion réaliste. De l’autre cote, la fantaisie mêlée dans la pensée libertine de Cyrano de Bergerac a produit ce qu’on appelle le roman philosophique. Il touche aux questions de la place de l’homme dans l’univers et de l’organisation sociale annonçant ainsi la philosophie des Lumières. Il a écrit Les Etats et Empires de la Lune et Les Etats et Empires du Soleil, deux romans publiés à titre posthume par son ami Lebret qui a effacé L’autre monde du titre, le trouvant trop audacieux pour l’époque. Mais ce sont les mots clés qui suggèrent qu’il y a une alternative, qu’il faut changer son point de vue, qu’il faut être ouvert d’esprit. Ce que met Bergerac à coté des écrivains burlesques est son style bas qu’il utilise en intention de vulgariser sa pensée. Bergerac tente à vulgariser le système de Copernic, toujours accusé par l’Eglise. L’action est transportée sur la lune et sur le soleil ce qui permet a l’auteur d’exposer sa philosophie d’une façon allégorique, comme fera plus tard l’anglais Jonathan Swift dans son œuvre Les Voyages de Gulliver. Comme dans les pays imaginaires de Swift, les habitants des autres mondes de Bergerac offrent une vue alternative a notre propre vie et nous incitent d’examiner a nouveau les fondements de notre pensée et de nos croyances.