SCIENCES & LETTRES
AU MOYEN AGE et a l'époque
DE LA RENAISSANCE
Paris.
— Typographie
de Firmin-Didot et
C
ic
rue Jacob, 56.
LE ROI DE NAVARRE, HENRI D'ALBRET TROUVANT LA MARGUERITE DANS LES JARDINS D'ALENÇON. ,
Miniature de Yfnitiatowe instructive en ïareUgion chrestienne.
de Navarre, et pouvant être attribué à Geoffroy Tory: n"
,
ms
(il)
exécuté
au
m
e
siècle
pour Marguerite
T. F. de la Bibliothèque de l'Arsenal
SCIENCES & LETTRES AU
MOYEN AGE ET A L'ÉPOQUE DE
LA RENAISSANCE Par
PAUL LACROIX (Bibliophile Jacob)
CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE I.'aRSENAL
OUVRAGE ILLUSTRÉ DE TREIZE CHROMOLITHOGRAPHIES EXÉCUTÉES PAR
COMPÈRE. DAUMONT, PRALON ET WERNEK ET DE QUATRE CENTS GRAVURES SUR BOIS
•
PARIS LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET IMPRIMEURS DE L'iNSTITUT DE FRANCE, RUE JACOB,
1877 Reproduction
et traduction réservées.
56
C
l
*
PRÉFACE
ows terminons
Moyen Age veau
dernier volume, dont
par
ce
le
nou-
le
vaste sujet
pas moins d'intérêt que
celui des
et
n'offre
notre ouvrage sur
enfin
et la Renaissance,
trois volumes précédents.
Au commencement du Moyen Age, Ventrée du
V
e
ples barbares
monde
:
siècle
de notre ère,
se précipitent
les
à
peu-
sur l'ancien
ces invasions successives étouffent
en peu d'années la civilisation grecque et
résistera seule à la
romaine; les ténèbres succèdent partout à Ja lumière. La religion de Jésus-Christ barbarie envahissante ; les sciences et les lettres
disparaîtront, avec les arts, aie la face du monde , pour se réfugier dans
monastères. CYest là qu'elles doivent se conserver,
les églises et les
de
un dépôt sacré;
c'est
aura renouvelé
la société
siècles
où
pour que
elles étaient
là qu'ellles
doivent sortir, lorsque
le
comme
Christianisme
païemne. Mais
les connaisscances
il faut des siècles et encorde des humaines soient revenues au point
arrivées avantt la chute de l'Empire des Césars. Il faut
aussi une société nouvelle pouir de nouveaux efforts de l'intelligence qui
reprend ses droits; ces
du clergé
et
les écoles-, les universités se
des corporations religieuses
:
fondent sous
les
auspi-
les sciences et les lettres
PREFACE.
s'échappent alors de leur tombeau. L'Europe, au milieu des conflits tumul-
tueux de la politique qui fait et défait les royaumes, voit renaître de toutes parts l'émulation du savoir : les poètes, les 'orateurs, les romanciers, les écrivains se multiplient et les savants,
rencontrent une sympathie générale ;
philosophes, chimistes et alchimistes, mathématiciens et astro-
nomes, voyageurs
et naturalistes, se réveillent, pour ainsi dire,
du Moyen Age; de grandes découvertes
vivifiant
au
scientifiques,
souffle
d'admi-
rables ouvrages en
tous genres attestent que le génie des sociétés modernes n'aura rien à envier au génie de l'antiquité. L'imprimerie est le Moyen Age, qui a fini son œuvre de rénovation sociale, cède la place à la Renaissance, qui vient répandre
trouvée
:
devant ce foyer lumineux,
à pleines mains les fécondes et brillantes créations de l'Art, de la Science
des Lettres.
et
Tel
est le tableau
grandiose
et
imposant, que nous avons essayé de
retracer, d'une manière synthétique, sous la forme la plus simple et la
plus vraie, qui est à la fois narrative et descriptive, sans nous égarer dans les espaces imaginaires des théories et des discussions historiques.
Le
rôle de l'historien sincère et impartial se borne à raconter, et
opinion personnelle s'accuse inévitablement dans
présente en détail ou en abrégé, lecteurs
par des
il
violences de système et
par des
à ces excès de jugements contraires : pour
blâmable dans
le
si
son
récit des faits qu'il
ne doit pas chercher à Vimposer à ses
Moyen Age; pour
efforts de
Moyen Age
philosophique. C'est surtout l'histoire du
est
le
les uns,
démonstration
qui a donné lieu
tout est mauvais, tout
les autres, tout est bon, tout est
admirable. Nous n'avions pas à nous prononcer entre deux extrêmes: nous racontons, nous décrivons, en toute franchise, en toute sincérité. Les lecteurs sont là
Au
pour juger
plus grande partie de notre tâche était faite; pour ce vopour les précédents, nous n'avons fait qu'analyser quelques-
reste, la
lume comme
uns des chapitres de notre premier ouvrage
:
le
Moyen Age
et la
Renais-
sance, en complétant toujours, en améliorant quelquefois l'œuvre collective
de nos anciens collaborateurs,
et
en ajoutant aussi à cette œuvre, aujour-
d'hui si justement appréciée, les chapitres quelle ne contient pas et dont l'absence regrettable constate son imperfection relative. C'est un insigne honneur pour nous, cependant, que d' avoir fait
de cet ouvrage malheureusement inachevé
et
le
plan
d'avoir dirigé l'exécution
d'une entreprise littéraire qui a mérité les plus honorables encourage-
ments
et
des éloges presque unanimes. Notre pauvre ami Ferdinand Seré,
qui est mort à la peine, avait merveilleusement compris l'illustration de
PRÉFACE.
1
I
monuments inédits
ce livre magnifique, où devaient être reproduits tant de
des arts du dessin,
!
a été très-activement, très-habilement secondé,
et il
dans son travail, par un de nos premiers dessinateurs M. Racinet, et par un de nos premiers imprimeurs lithographes, M. Lemercier. Mais les temps étaient durs alors, et après des prodiges de courage et de per,
sévérance,
il
fallut s'arrêter, avant d'avoir tenu toutes les promesses du
programme que nous
avions tracé, avant d'avoir pu terminer une œuvre
à laquelle nous avions donné tant de soins et tant de veilles pendant plu-
Le Moyen Age
sieurs années consécutives.
que cinq volumes au
lieu
et la
Renaissance n'a donc eu
de six, qui nous auraient permis de parachever
cette vaste entreprise. Il s'en est fallu
de peu, toutefois, que cet ouvrage, qui avait
éveillé bien
de flatteuses sympathies, ne fût mis à fin, grâce à la puissante intervention d'un des plus illustres représentants de l Imprimerie et de la Librairie françaises
notre excellent
,
et
vénérable
Firmin-Didot M. Ambroise Firmin-Didot, à qui ,
de travaux remarquables sur autres l'Histoire d'Aide
Cousin,
les
,
le
savant
les
Manuce
foule
Moyen Age,
entre
la
,
Monographie de l'œuvre de Jean
pour un avenir possible
complément du Moyen Age
par un ouvrage
M. Ambroise
la Science est redevable d'une
arts et les lettres du
Recherches historiques sur la gravure en bois,
pensée, tout en réservant
le
ami
dont la perte récente nous laisse de si profonds regrets.
etc.,
eut la bonne
continuation ou
la
le
Renaissance, d'y suppléer provisoirement
et la
destiné à un public plus
nombreux que
celui qui avaitfait
succès de l'ouvrage primitif.
Les sciences historiques ont fait des progrès considérables dans les vingt dernières années me disait M. Ambroise Firmin-Didot : il faut en tenir compte. Votre Moyen Age est un livre classé dans les bibliothè«
,
ques, et
il
ne perdra
pas
la
place qu'il s'y est faite.
refaire sous une autre forme
et avec
J'ai suivi les conseils de ce ses yeux
Mais vous
de nouveaux éléments.
guide aussi sûr qu expérimenté ,
attentifs, sous son heureuse influence, je
me
deve\
le
»
et
sous
suis attaché à faire
un livre absolument neuf en mettant à contribution le livre original qui est et qui restera ce qu'il est. Les quatre volumes, dont se compose maintenant
le
nouvel ouvrage, sont à la fois moins étendus
complets que
les
cinq volumes
des bois qui accompagnent
le texte
lithochromies qui en sont
le
dans l'ancien Moy.en Age
et
publication.
et
beaucoup plus
du premier. Le plus grand nombre de ces quatr~e volumes et toutes
les
plus splendide accessoire n'ont jamais paru ne
le
cèdent en rien à ceux de cette belle
PRÉFACE.
IV
Quant au
texte, où j'ai fait
ample usage des estimables travaux de mes
anciens collaborateurs (combien, hélas! ne sont plus là aujourd'hui pour recevoir V hommage d'affectueux souvenir que je
me plais
à leur rendre!),
pas manqué de recourir à des œuvres excellentes qui ont paru depuis la publication du premiir Moyen Age et qui m'ont permis de modifier
je n'ai
entièrement quelques-unes des parties de ce livre. Ainsi , pour ne parler
que du présent volume,
j'ai
revu
les chapitres
Philosophie
et
d'après les beaux ouvrages philosophiques et histo?~iques de
dain;
le
Paris
et les
le
chapitre
Romans,
d'après
importants travaux de
dernières études
les
MM.
chapitre Chants populaires, d'après
le
Universités,
M. Ch. Jourde M. Paulin
Léon Gautier; Rapport de M. Ampère au Comité Gaston Paris
et
mon
des Sociétés savantes, etc. Si j'ai réussi à faire entrer, dans
quelques-uns des renseignements nouveaux que
dance
les
me
meilleures œuvres de mes doctes contemporains
devoir et un plaisir de rapporter à eux seuls tout
que je leur ai faits. est
Maison ne
le
,
je
me fais un
mérite des emprunts
doit pas oublier que chacun de mes chapitres
une espèce de monographie
l'objet
livre,
fournissaient en abon-
et
que cette monographie a
été
souvent
d'un ou de plusieurs ouvrages spéciaux parfois très-compliqués et
très-volumineux.
Je ne pouvais faire qu'un résumé toujours succinct
et
trop souvent in-
complet en rédigeant un livre qui renferme tant de sujets variés ; mais
du moins je me suis conformé de mon mieux aux avis judicieux de mon M. Ambroise Firmin- Didot qui me répétait sans cesse:
digne ami «
Laisse^
,
aux autres V érudition approfondie et minutieuse;
ne soye\ qu'un
interprète ingénieux , intelligent, simple et naïf, agréable,
s'il est
pos-
sible : tâche{ de vous faire lire et comprendre par tout le monde. Les grands succès appartiennent moins aux savants qu'aux vulgarisateurs. »
ier
novembre 1876.
PAUL LACROIX (bibliophile JACOB
& LETTRES
SCIENCES
AU MOYEN AGE ET A L'EPOQUE DE LA RENAISSANCE
UNIVERSITÉS, ÉCOLES, ÉCOLIERS Légende de
—
la
fondation de l'Université de Paris,
Origine du
Facultés.
—
nom
de l'Université.
Le recteur
—
par Charlemagne.
Organisation universitaire.
et les autres officiers
de l'Université.
Privilèges de l'Université.
—
Sa puissance
Universités provinciales.
—
Grandes écoles de
Désordres des écoliers.
et sa
— Leurs jeux. — Leurs
décadence.
— —
Écoles du cloître Notre-Dame.
Les quatre Nations
— Les grands et les —
Son
rôle politique.
rue du Fouarre.
la
fêtes.
—
petits
—
Foire du Lendit.
—
et les quatre
messagers.
Les collèges de Paris.
—
—
Création des
—
Universités étrangères.
u sixième siècle de Père chrétienne,
les écoles
de Marseille, d'Autun, de Narbonne, de
Lyon, de Bordeaux sous
la
et
de Toulouse, qui,
domination romaine, avaient
sur la Gaule
de leurs
un
si
illustres
vif éclat, grâce
jeté
aux noms
maîtres ou élèves,
les
poètes Pétrone et Ausone, l'historien Tro-
gue Pompée
,
les
orateurs Salvien
saire, etc., n'étaient plus
venir.
Le règne de Dagobert
du génie antique. Le
et
Cé-
qu'un vague sou-
(638) vit s'éteindre les dernières lueurs
clergé, qui resta dès lors
Tunique dépositaire
des connaissances humaines, se laissait, à son tour, envahir par les
ténèbres de l'ignorance, quand vint Charlemagne, qui devait ten-
ter les plus louables, les plus constants efforts
pour favoriser, dans
SCIENCES ET LETTRES.
—
I
SCIENCES ET LETTRES.
son vaste empire, une sorte de régénération
moine anglo-saxon Alcuin
le
appelés à la cour.
Ce
Par
quelques doctes clercs étrangers furent
et
s'honorait d'être
il
membre
et
aux travaux de
ne dédaignait pas de prendre part. L'écriture, qui
il
ses ordres,
sous leurs auspices qu'il créa, dans son palais
fut
même, une académie dont laquelle
intellectuelle.
était
indéchiffrable, fut rectifiée; la langue latine, qui cédait la place
devenue
aux idiomes
barbares, fut remise en honneur; les anciens manuscrits qui existaient dans
monastères furent revus
et
reproduits avec des soins plus éclairés.
L'enseignement des sciences
et
des lettres
les
dans
fleurir
les écoles ecclésiastiques.
Aussi, bien longtemps après
qu'on
raire
lui attribuait, et
de fondateur
le titre
littéraire
En
qui ne
que
lui
cette renaissance litté-
légende avait poétisée,
la
décerna
la
reste
ces
moines qui étoient d'Ecosse, et
par
la
du quinzième
et
demanda
et
qui étoient grands clercs
répondirent que, voirement, qu'ils étoient
et
et
(si
de sainte crioient
vie.
qu'ils
venir devers
eussent science à vendre
l'avoient par la
fit
prêter
;
lesquels
don de grâce de Dieu, et
enseigner à qui
la
la
montrer. Et
ils
ce n'est) lieux convenables à ce faire et la substance (subsis-
enfants ingénieux pour
la
recevoir.
bien joyeux et les tint avec
Paris, et lui
ils
répondirent qu'ils ne voudroient
tance) de leur corps tant seulement, et qu'on leur administrât gens
lors (alors)
et
vou-
L'empereur leur demanda quel loyer (rémunération)
voudraient avoir, pour rien, fors
ils
venus en France pour
droit apprendre.
siècle,
que qui en voudroit acheter vînt à eux. Ce qui
étoit vrai qu'ils
s'il
et
temps vinrent d'Irlande en France deux
vint à la connoissance de l'empereur Charlemagne, qui les
leur
le
chronique carlovingienne du
pays (campagnes), prêchoient
les
avoient science à vendre,
lui et
donner
reconnaissance de nos aïeux.
que paraphraser un passage de
les cités
fit
couronné de l'auréole pédagogique
ces temps, raconte Nicole Gilles, chroniqueur
fait
lui
de patron de l'Université; aujourd'hui encore,,
et
Moine de Saint-Gall, en
Par
grand empereur,
le
que
Charlemagne
front de saint
«
recommença donc à
commanda fit
donner
qu'on sut trouver,
et
lui
fit
l'empereur
les eut ouïs,
il
fut
jusqu'à ce qu'il dut aller en guerre. Et
à l'un d'eux, les
Quand
et
nommé
Clément,
qu'il.
demeurât à
enfants de gens de tous états, les plus ingénieux
faire lieux et écoles
convenables pour apprendre,
UNIVERSITÉS.
et
commanda
qu'on leur administrât tout ce qui leur seroit besoin,
donna de grands institution
privilèges, franchises et libertés. Et de là vint la
du corps de l'Université de Paris, qui
auparavant d'Athènes Tels sont
Fig.
i.
3
les faits
elle
avoit été transférée.
Rome, où
comme
incontestables
(fin du xv e siècle), représentant des types d'écoliers, Nation d'Allemagne. Archives de l'Université.
dessinée à la plume
dans un des registres manuscrits de
pendant plus de huit
première
»
qui furent généralement admis
— Grande initiale,
à
étoit
et leur
la
siècles, c'est-à-dire jusqu'à ce
que
le
savant Etienne
Pasquier (1564), en défendant avec ardeur, mais avec impartialité,
les an-
ciens privilèges de l'Université de Paris, eut démontré, de concert avec l'avocat Loisel et l'historien
André Duchesne, que
ne reposaient sur aucun fondement historique. d'autres savants
non moins
distingués,
aux
Du
A
ces glorieuses traditions la vérité,
il
ne
tint
pas à
Cange, aux Mabillon, aux
Égasse du Boulay, aux Crevier, que l'origine légendaire de l'Université ne reprît définitivement place dans l'histoire
;
mais l'érudition ayant
son dernier mot, à part toute question de patriotisme,
il
fut
reconnu
dit et
SCIENCES ET LETTRES.
4
avéré que
établissements académiques ou scolaires de Charlemagne,
les
comme beaucoup pas à
volonté puissante qui
la
Paris naquirent
Quant à
et se
fondés, et que les célèbres écoles de
les avait
développèrent sous l'influence immédiate de l'Église.
l'étymologie du
du mot
sens
d'autres créations de son génie universel, ne survécurent
nom
de Y Université,
latin universitas, qui,
il
faut la chercher dans le
au moyen âge, représentait une réu-
nion, une catégorie de personnes. Ainsi, dans les actes et publiés au
nom
Noverit universitas vestra et cette
de tous
:
Sachez tous tant que vous
les protocoles, figurait aussi
diplômes émanés des maîtres
prend que treint,
(c'est-à-dire
formule, qui s'appliquait à tous les
le
finit
mandements
des Écoles de Paris, on employait la formule ordinaire
mot
et
adressés aux élèves.
êtes
en
:
!),
tête
On com-
universitas, prenant peu à peu un sens spécial ou res-
par désigner particulièrement l'Université ou
la totalité
des
étudiants, puis l'institution universitaire elle-même que formaient ces étudiants, et, enfin, le vaste quartier de la ville qui leur était presque exclu-
sivement réservé sur
la rive
gauche de
la
Seine.
Les annales de l'Université de Paris ne sauraient pourtant remonter au-delà des cours publics de Pierre Abailard, cette grande et sympathique illustration qui demeura populaire. Lorsqu'en
dans
mière
fois
pour
ainsi dire,
de
1
107
la capitale
le
si
jeune
et
et
pendante au giron de
Anselme de Laon,dont
les il
l'Église.
habiles
C'était
dans
le
maîtres Guillaume
berceau de l'Université, car Henri
pre-
cloître
Cham-
II, roi
on
voit appa-
d'Angleterre, pro-
Thomas
Bec-
évêque de Cantorbéry, à l'arbitrage des écoliers des diverses nations,
étudiant à Paris. liers
la
suivit d'abord les leçons, et qu'il devait
posait de soumettre le différend qui s'était élevé entre lui et ket,
mémoire
ses études, l'école était encore,
bientôt surpasser l'un et l'autre. Cinquante ans plus tard, raître déjà le
la
infortuné docteur vint pour
pour y compléter
Notre-Dame qu'enseignaient
peaux
vivement empreinte dans
Ce témoignage
d'estime et de déférence à l'égard des éco-
de Paris caractérise d'une manière notoire
dont jouissait, à
cette
la
réputation et
le crédit
époque, non-seulement en France, mais encore en
pays étranger, leur université cosmopolite.
En
1200,
un diplôme de Philip-
pe-Auguste, daté de Béthisy, dans lequel se trouve, en quelque sorte,
fondement des privilèges de l'Université, nous montre
le
cette nouvelle insti-
UNIVERSITÉS.
tution fonctionnant sous ses
membres,
Fig. 2.
—
chef,
dont l'immunité, ainsi que
solennellement garantie vis-à-vis de
est
Sceau de
un
Nation de France.
la
Fig. 4.
—
Contre-sceau de
—
Sceau de
la
celle
de tous
la justice laïque.
Nation d'Angleterre.
xiv e siècle.
xiv° siècle.
Fig. 3.
5
la
Nation de France.
Fig.
5.
— Contre-sceau
de
la
Nation d'Angleterre
xiv e siècle.
xiv e siècle.
(Tirés de la collection sigillographique des Archives nationales.)
Enfin, en
1260,
le
organes constitutifs Il
faut
donner
ici
complexe, d'après
corps universitaire se présente et
M. Charles Jourdain,
ses
parvenu à son entier développement.
une idée sommaire de
les
muni de tous
cette organisation ingénieuse et
recherches de Vallet de Viriville et celles du savant le
dernier historien de l'Université de Paris.
SCIENCES ET LETTRES.
Dès que
la
Fig. 6.
—
le
principe, une division naturelle s'établit entre les-jeunes gens,
renommée
Sceau de
la
des grandes écoles parisiennes y faisait affluer de tous
Nation de Normandie.
Fig. 8.
— Sceau de
xiv e siècle.
les points
de
la chrétienté.
Les écoliers
se
régulière,
Nation de Picardie.
groupèrent par nations,
groupes ayant adopté, par analogie de langue,
une forme plus
la
XIV c siècle.
il
d'intérêt,
et ces
de sympathie,
n'y eut que quatre Nations, ainsi désignées
:
.
UNIVERSITÉS.
celle
de France
mandie sait
2 et 3), celle âC Angleterre
de Picardie
(fig.
6 à
9).
de cinq Tribus, qui comprenaient
litaines le
et celle
(fig.
7
4
(fig.
et 5), celle
La Nation de France les
midi de l'Europe, en sorte qu'un Espagnol
(fig.
un
et
10 à i3), et tout
Italien, qui venaient
étudier à Paris, étaient compris dans la Nation de France.
—
Sceau de l'Université de Reims
(i
568)
compo-
se
évêchés ou provinces métropo-
de Paris, de Sens, de Reims et de Bourges
Fig. 10.
de Nor-
La Nation
l'Université de
.
Reims
(
1
568
)
(Tirés de la collection sigillographique des Archives nationales.)
d'Angleterre, qui se subdivisait en deux Tribus, celle des insulaires
des continentaux, embrassait toutes gères à la France. Mais les
quand un
deux peuples que sépare
étant devenu
un
les
contrées du
Nord
et
et celle
de l'Est, étran-
violent antagonisme se fut déclaré entre
le détroit
de
la
Manche,
objet d'exécration générale
pour
le
les
nom
d'Angleterre
Français,
la
nation
universitaire, qui depuis plus d'un siècle avait porté ce nom-là, prit celui
de Nation d'Allemagne, de
la rentrée
Normandie
nom
seul
employé dans
les actes publics,
de Charles VII à Paris, en 1437
n'avait qu'une seule
(fig.
1).
à dater
La Nation de
Tribu, correspondant à
la
province
SCIENCES ET LETTRES.
8
qui portait ce
nom;
la
Nation de Picardie, au contraire, en avait cinq,
représentant les cinq diocèses de Beauvais, de
Laon,
et
Noyon, d'Amiens, de
des Morins ou de Térouanne.
Les quatre Nations réunies constituèrent d'abord Y Université des études; plus tard une nouvelle division s'établit, selon l'ordre des études de chaque
Nation,
Fig. 12.
—
Facultés prirent naissance. Dès lors, la distinction de
et les
Na-
Sceau de l'Université
d'Aix en Provence. xvi e
Fig. i3.
siècle.
—
Grand sceau de
l'Université de Bourges. xv c siècle.
(Tirés de la collection sigillographique des Archives nationales.)
tions ne subsista plus
comprenait
la
que dans
grammaire,
les
la
Faculté des Arts, dénomination qui
humanités
et la
philosophie, telles qu'on les
enseignait dans les écoles. Envisagés à un autre point de vue, les arts dits
libéraux embrassaient
que
le
et la dialectique, et le
métrie, la
musique
Quand on moyen
âge,
trivium, c'est-à-dire
la
grammaire,
la rhétori-
quadrivium, c'est-à-dire l'arithmétique,
la
géo-
et l'astronomie.
considère
la
place que l'Église occupait dans la société du
on ne s'étonnera pas que l'enseignement
religieux se soit con-
UNIVERSITÉS.
stitué
de bonne heure,
ciale, la
et qu'il soit
Faculté de théologie.
diants, fondés par saint
Fig. 14.
— Une
devenu
Quand
de
maîtres en théologie
la
et
même
d'une faculté spé-
et
par saint François,
men-
anciens
les
châtiment des verges. Miniature du ms. n* 21252
Bibliothèque de Bourgogne à Bruxelles. xv e siècle.
et
ceux de
trer en concurrence avec les
par saint Louis
le
l'objet
plus tard apparurent les ordres
Dominique
école de moines mendiants;
9
par
le
la
Faculté des arts refusèrent d'abord d'en-
nouveaux venus
;
pape Alexandre IV,
mais
ils
y furent contraints
et Futile
coopération de ces
SCIENCES ET LETTRES.
—
2
SCIENCES ET LETTRES.
10
au
auxiliaires qu'elle avait d'abord repoussés tourna bientôt gloire de la Faculté de théologie
En
1 t
corps,
5
1
sous
le
le titre
de Décret,
pape Eugène
III
seignement dans toute
Vers
le
même
composaient toute
approuva
les
la
un
démembrement de
la
Faculté de
la
Faculté de Théo-
Pandectes de l'empereur Justinien, décou-
une précieuse source de documents
à l'étude du droit, laquelle n'avait pas auparavant d'autres bases que les lois
barbares
et les capitulaires
tout les travaux des jurisconsultes l'Université de Paris; cependant
coup plus
le
des rois de France. Par-
ranimèrent,
se
jurisprudence profane ou séculière
et
notamment dans
droit civil n'y prit sa place,
comme
inutile,
que beau-
la
les écoliers
droit canonique.
C'est aussi vers la fin du douzième siècle que l'enseignement de cine semble avoir
la
sinon contraire à
jurisprudence ecclésiastique, publièrent des bulles pour inviter le
code
le
du droit canon. Plusieurs papes, considérant
tard, à côté
à n'apprendre que
de
en ordonna ren-
Telle fut l'origine de
vertes àAmalfi, en Calabre, ajoutèrent
Théodosien,
seul
jurisprudence cano-
cette compilation et
la chrétienté.
temps,
Gratian, ayant réuni en
décisions anciennes et nouvelles
les
Décret, qui n'était d'abord qu'un logie.
14).
nommé
Bologne,
clerc de
ecclésiastique, qui
l'autorité
nique,
un
,
(fig.
profit et à la
commencé aux
la
méde-
écoles laïques de Paris. Jusque-là, les
clercs et surtout les religieux, qui seuls possédaient l'instruction nécessaire
pour s'adonner aux études médicales, en mais
la discipline ecclésiastique
dire ces études,
comme
ne tarda pas à contrarier
pour
elle l'avait fait
médecine eut donc beaucoup de peine à vrai
que
la
médecine,
étaient aussi les seuls maîtres
cette science
de
le
et
droit civil.
s'établir
même
Une
Faculté de
dans l'Université.
faits et d'observations,
Il
est
ne pouvait
guère réaliser de sérieux progrès, au milieu des préjugés de toute espèce sous l'aveugle autorité des catégories, des formules riques qui enveloppèrent
si
longtemps
la
et
;
à inter-
et
des méthodes empi-
pédagogie universitaire.
Faculté de médecine de Paris ne pouvait donc prétendre à détrôner
La les
célèbres écoles de Salerne et de Montpellier, qui conservaient le dépôt des
connaissances médicales de l'antiquité avaient transmises au
Les
trois
moyen
telles
que
les
Grecs
et les
Arabes
les
âge.
Facultés nouvelles
créées
dans l'Université demeurèrent
UNIVERSITÉS.
subordonnées, malgré leurs accroissements successifs, à
Arts
(fig.
i5);
le
la
Faculté des
corps des quatre Nations, qui composaient cette der-
nière Faculté, lui assurait une prépondérance évidente, avec le maintien
de certaines prérogatives essentielles. Ainsi chaque Nation cureur, le
et
chaque Faculté un doyen. Le
terme de leurs fonctions variaient,
Fig. i5.
— Sceau
mode
d'élection des procureurs et
toutefois,
suivant les Nations.
indépendamment de son doyen, qui devait ancien en grade, choisissait, tous
les
La Faculté de
deux ans, un syndic chargé de l'admi-
et
rité
le
La Faculté
nombre de
les
s'était
recteur ou chef
à la Faculté de
le
grade de doc-
ans parmi
sept,
les
docteurs
formaient le tribunal
des Arts avait donc, à elle seule, dans
une part quadruple de représentation,
des suffrages. Elle
nommer
un doyen élu tous
procureurs, au
supérieur de l'Université. ce tribunal,
Quant
qu'un doyen d'âge ou d'ancienneté dans
teur, et la Faculté de médecine,
théologie,
être le docteur séculier le plus
nistration des affaires particulières de sa compagnie.
en exercice. Doyens
La
Cab. des médailles.
Faculté des Arts comptait quatre procureurs.
elle n'avait
un pro-
des quatre Nations ou Faculté des Arts, xvi" siècle.
Bibl. nat. de Paris.
Décret,
élisait
attribué, en outre,
suprême de
et le
disposait de la majoprivilège exclusif de
l'Université, lequel ne pouvait être
1
SCIENCES ET LETTRES.
2
lui-même
pris que dans son sein
(fig.
trésor des archives, l'administration la
présentation de tous
Dans
Fig. 16.
l'origine,
— Recteur
et
le
les
fait,
officiers universitaires
;
la Biblioth. nat.
au treizième
vers
électifs.
la fin
siècle, la
du quinzième
du droit de choisir
le
la
Cité de Dieu. xv e
siècle.
de Paris.
durée de ses fonctions fut étendue
siècle, le rectorat
sinon de droit. Les procureurs des Nations
investis
non
recteur élu ne restait en charge que pendant six
docteur de TUniversité de Paris, d'après une miniature de
semaines environ et,
Elle seule, enfin, avait la garde du
du Pré-aux-Clercs, et la nomination ou
suppôts ou
Ms. de
à trois mois,
16).
(fig.
1
7)
devint annuel, de
avaient été d'abord
recteur; mais des brigues scandaleuses s'étant
produites à l'occasion de ce droit,
les
Nations nommèrent quatre électeurs
spéciaux, qui, avant de procéder à l'élection, prêtaient serment de faire
choix honorable
Le
un
et utile à l'Université.
recteur, à la dignité duquelétaient attachés de grandes prérogatives,
UNIVERSITÉS.
i3
exerçait sur toutes les écoles une juridiction souveraine, et ne reconnaissait
Sou-
sienne sur
le
territoire de l'Université.
vent appelé en personne au Conseil du roi,
il
marchait de pair avec l'évêque
point d'autorité supérieure à
Parlement, dans
de Paris
et le
écoliers,
comme
à tous
les
la
les
cérémonies publiques.
maîtres, les lettres
Il
donnait à tous
les
ou diplômes qui leur confé-
raient les privilèges de leur grade et recevait d'eux leur serment d'obé-
dience passive, à quelque dignité qu'ils pussent parvenir, serment qui
— Maître
Fig. 17.
Jean de Vandeuil, procureur de
du registre manuscrit
n" 11
emportait de sérieuses conséquences. l'Université;
célébrait
il
la
Nation de Picardie, xv"
ou plutôt
Il
faisait célébrer
son avènement,
raconte
le
résidaient
invitait,
comme
indépen-
communautés
En
dans l'étendue de sa juridiction.
141 2,
chroniqueur Jouvenel des Ursins, lors d'une procession solen-
nelle de l'Université à l'abbaye de Saint-Denis,
delà guerre,
le
cortège était d'une
telle
au couvent des Mathurins, dans le
recteur,
il
y
avait,
la
pour conjurer
longueur, que
entrait dans la ville de Saint-Denis, alors
Après
il
tous les suppôts ou officiers universitaires, les
religieuses, qui
Miniature
à tous les offices de
nommait
sa sortie de charge, par une procession, à laquelle
damment de
siècle.
(1476- 1483). Archives de l'Université.
que
le
la tête
de
les la
malheurs
procession
recteur se trouvait encore,
rue Saint-Jacques.
immédiatement au-dessous de
lui, le
syn-
H
die,
SCIENCES ET LETTRES.
appelé aussi procureur, promoteur ou procureur fiscal, lequel
était,
à vrai dire, l'administrateur général de l'Université, et qui pouvait seul, en certaines occasions, contre-balancer la prépondérance
Fig. 18.
Le
— Courrier suisse,
trésorier avait
la
du
recteur.
d'après une statue conservée à l'hôtel de ville de Bàle. xv« siècle.
gestion financière
des revenus et des dépenses
de l'Université. Les dépenses étaient considérables;
les
revenus compre-
naient, outre la taxe scolaire, exigée de tous les écoliers,
une multitude de
UNIVERSITÉS.
legs et
de fondations charitables,
i5
produit annuel du Pré-aux-Clercs
le
et
celui des messageries.
Le lire
greffier,
secrétaire
aux assemblées
les registres
On
Fig. 19.
les pièces
chargé de tenir
communiquées
grands messagers
et
la
plume, de
de garder dans ses archives
Bedeau de l'Université.
— Jean
certains bourgeois notables de Paris,
Lequeux, messager de Guise en Thiérache, au diocèse de Laon.
Miniature du registre manuscrit n°
qui,
était
de l'Université, dont quelques-uns seulement ont été conservés.
appelait
—
ou scribe,
établis
dans
la capitale
et
11
(1476-1483). Archives de l'Université.
ne s'en éloignant jamais, servaient de
correspondants aux écoliers venus de différentes provinces de France de divers pays de l'Europe. Accrédités par
assermentés près l'Université, urbaine
et jouissaient
fournir aux étudiants,
auraient besoin. sorte qu'il
ils
étaient
les familles
Le nombre de
exempts du service de Ils
la
garde
devaient
préalable, l'argent dont ceux-ci
ces grands messagers était limité de telle
y en eut un seul pour chaque diocèse.
ordres, mais sans
de ces écoliers,
des autres immunités universitaires.
moyennant caution
et
Ils
réunissaient sous leurs
nombre déterminé, des petits messagers ou simples
fac-
SCIENCES ET LETTRES.
i6
teurs, qui étaient sans cesse par voie et par chemin, portant et reportant,
de Paris à l'extérieur autres envois
relatifs
de l'extérieur à Paris,
et
aux écoles
et
aux
élèves.
depuis élevées à
Louis XI,
l'état
nommés
L'Université avait encore ses bedeaux, siers ou appariteurs, au
Faculté en
ces officiers, grands et petits,
et
que
le
plume dans
faut ajouter les
il
Notre-Dame
églises de
et
les actes
et
publics
:
l'un,
deux
les
conservateur royal,
de l'Uni-
choisi entre
était
trois
les
de Senlis.
que portaient
les
suppôts ou officiers supérieurs
subalternes de l'Université, ne tenaient qu'à leurs fonctions tempo-
Ces
titres-là étaient
absolument
de scolarité, grades ou degrés, qu'il
somme avait
distincts et
fallait
évidemment que deux degrés dans
hardi pour affronter succès
récompensait
temps d'Abailard,
chèrent de s'être
Une fois
les
fait
les
Quiconque
titres
le
treizième siècle,
il
n'y
:
celui des
se sentait assez habile
ou assez
le
corps universitaire
hasards d'une audition publique, ouvrait école;
souvent
son
audace.
Remarquons que
,
dès
adversaires de cet éloquent docteur lui repro-
lui-même, de sa propre autorité, maître en théologie.
l'Université instituée,
devaient aspirer successivement.
indirectement son
indépendants des
acquérir, en justifiant d'une
de savoir plus ou moins grande. Avant
écoliers et celui des maîtres.
le
appar-
deux chanceliers,
de Sainte-Geneviève,
et
conservateur apostolique,
l'autre,
titres qualificatifs,
raires.
le
il
prévôt de Paris, qui, lors de son installation, devait
évêques de Meaux, de Beauvais
Les
chaque
recteur se faisait ordi-
s'engager par serment à respecter et à maintenir les droits versité;
mas-
et demi-littéraires (fig. 19).
conservateurs des privilèges de l'Université n'était autre
19).
aussi sergents,
Ces fonctionnaires, destinés originairement à un service de
par devenir des personnages demi-serviles
dépendant des
Poste, par
Nation à laquelle
la
sûreté ou de cérémonie, finirent par prendre la
A
Le
unpetit.
et
nairement précéder des deux bedeaux de
et
la
nombre de quatorze; chaque Nation
nommait deux, un grand
tenait lui-même.
18 et
(fig.
Message-
lettres et des
de services publics,
XIV
Messageries, par Louis
les
missives et
faut voir, dans cette
Il
aux
organisation primitive, l'origine de la Poste ries, qui ont été
les lettres
il
y eut
trois grades
Le premier,
nom, suivant quelques
celui
auxquels
les écoliers
de bachelier,
étymologistes, du
mot
tirait
latin ba-
UNIVERSITÉS.
culum (bâton
et,
17
par extension, toute arme de main), par allusion aux
dif-
férents exercices qui préludaient à l'éducation militaire de la jeune noblesse.
Les plus anciens bacheliers furent
les
bacheliers ès arts. Après avoir bien
étudié son trivium, l'aspirant au baccalauréat déterminait , c'est-à-dire subissait
un examen
et
soutenait des disputes sur
la
grammaire,
SC1ENCES ET LETTRES.
—
la rhéto3
SCIENCES ET LETTRES.
r8
rique
Ces disputes avaient
et la dialectique.
avant Noël,
autres pendant
les
le
Nations la
le triple
de son grade;
avait fait
s'il
privilège:
i°
preuve
de porter
la
aux messes des
2° d'assister
de commencer es arts, c'est-à-dire d'enseigner, à son tour, sous
3°
;
distinctif
solennellement, Tune
carême. Le candidat,
d'une instruction suffisante, obtenait
chape ronde, insigne
lieu
direction et la surveillance d'un maître.
Le
menant de front
bachelier,
l'étude et l'enseignement, expliquait les livres d'Aristote sur la logique, la
philosophie naturelle,
la
métaphysique
et la
morale;
quand
et
croyait
il
bien posséder tous ces ouvrages qui nous font aujourd'hui reculer par leur obscurité,
s'adressait à l'autorité ecclésiastique
il
Le droit de conférer ce second grade
licence.
tagé entre l'évêque de Paris et
du
spirituels
territoire scolaire;
de le
la
licencié,
une
l'abbé de Sainte-Geneviève, souverains il
resta,
approuvé par
fois
par
la suite,
comme
donnait
qui lui
Dans
les
le titre
le
l'Église, revenait
bonnet
et les
attribué presque
délégué de l'évêque.
devant
Faculté des Arts, pour recevoir de ceux-ci, avec une
troisième grade, c'est-à-dire
d'elle la
universitaire fut d'abord par-
exclusivement au chancelier de Notre-Dame,
Le
pour obtenir
maîtres
les
pompe
nouvelle,
autres insignes du doctorat,
de maître es arts.
Facultés supérieures, ainsi qualifiées parce que
la
Faculté des
Arts servait, en quelque sorte, d'introduction aux Facultés de Théologie, de Décret si
ce
et
n'est
de Médecine,
les
soutenu en public une thèse longue
lesdites Facultés, sans avoir était
plus spécialement
accompagné du
L'Université de Paris, et
comme
prospérer, s'était placée
Royauté. Aussi,
la
du pouvoir
aimait
encourageait chez
le
titre
de docteur
même,
et difficile,
(fig. 20).
toutes les institutions qui devaient durer
sous l'égide paternelle de l'Église
généreuse assistance du pouvoir temporel
tutélaire et
choses se passaient à peu près de
que ce troisième grade ou degré, qu'on n'obtenait pas, dans
spirituel ne lui firent jamais défaut. elle la
voix éloquente de
la
et
de
la
et l'appui
Le Saint-Siège
France, qui, depuis
règne de Clovis, converti par sainte Clotilde, avait mis au service du
catholicisme et de
son génie
et
la
papauté toutes
les forces,
toutes les influences de
de son caractère national. Les rois de France n'aimaient
pas moins, n'appréciaient pas moins l'Université, qui leur la capitale
du royaume, une source de richesse
et
offrait,
pour
d'honneur; pour leur
UNIVERSITÉS.
Conseil, une réserve
'9
d'État éminents; pour leur politique
d'hommes
et
leur diplomatie, une pépinière de sujets distingués et capables. Souve-
rains pontifes et rois favorisaient donc à l'envi, chacun dans
de ses propres
cette féconde et puissante institution,
intérêts,
la
qui néan-
moins, en quelques graves circonstances, reconnut bien mal dont
faits
elle avait été
mesure
les
bien-
ses augustes protecteurs.
comblée par
L'histoire de Paris est remplie d'épisodes singuliers, trop souvent tra-
giques, qui accusent l'esprit turbulent et séditieux des écoliers de l'Université. Cette jeunesse folle
se permettait tout, sous le
et indisciplinée
bénéfice de l'espèce d'inviolabilité qu'elle devait à l'affection aveugle et géné-
reuse de ses patrons religieux et laïques. L'Université donnait elle-même, à ses écoliers, l'exemple de cet esprit de révolte, dès qu'il s'agissait de défen-
dre
la
moindre de
dication, ou, trois
comme
remèdes contre
pouvoir
moyens de reven-
ses prérogatives. Elle avait alors trois le dit
son historiographe
les infractions
officiel,
Égasse du Boulay,
à ses privilèges. Si la violation venait du
séculier, elle en référait directement
au
roi,
attendu que sa juriSi elle avait à se
immédiatement au pouvoir royal.
diction ressortissait
plaindre de l'autorité ecclésiastique,
elle
envoyait à
Rome même une
ambassade, choisie parmi ses docteurs, lesquels avaient souvent de retrouver en
la
personne du successeur de saint Pierre
d'un ancien condisciple, fraternelle par le
Le pape
lié
serment
se refusait-il à
d'ailleurs
immuablement à
qu'il avait prêté
donner
comme
la
Elle avait
enfin
l'excommunication universitaire.
En
que
lui adressait
futur con-
qu'on pourrait appeler
pareil cas, la cessation générale des
études était ordonnée par son recteur
et ses
hauts dignitaires
:
les
docteurs en théologie s'abstenaient de monter en chaire dans
La
vie intellectuelle,
pendue.
Si
la
crise
et religieuse
persistait,
on suspen-
enseignement public. Les maîtres
dait subitement toute lecture, tout
morale
sympathie
gradué de l'Université.
satisfaction à la requête
une dernière ressource,
chance
leur association
l'Université, celle-ci en appelait à l'Église universelle et au cile.
la
les
de
la
capitale était
et
les églises.
comme
sus-
bacheliers des
docteurs, régents et
quatre Facultés fermaient toutes leurs écoles et menaçaient d'émigrer en
masse, entraînant après eux toute une armée de suppôts qui formaient plus d'un tiers de
la
population parisienne.
Il
et
de clients,
n'y avait pas
SCIENCES ET LETTRES.
20
de puissance qui, au treizième à cette protestation inflexible
En
capable de résister longtemps
siècle, fût
et
muette.
1221, par exemple, l'Université, qui avait à se plaindre, pour quel-
que excès d'autorité, de l'évêque de Paris, son pendant
écoles légat
du pape
six
En
mois.
justicier ordinaire,
dans sa maison, par
se vit assailli,
ferma ses
1225, dans une circonstance analogue, les écoliers
en armes, qui
blessèrent plusieurs de ses gens et qui l'eussent maltraité lui-même,
hâté de
s'était
s'enfuir.
qui était régente pendant
A la
minorité de son
reusement des écoliers, qui, en désordres, au
du carnaval de 1228,
la fin
et
maîtres
punir rigou-
état d'ivresse, avaient causé
de sanglants
fils
bourg Saint-Marcel (faubourg Saint-Marceau). L'Uni-
et les écoliers, laissa
né consentit à reprendre
le
au
roi des
remontrances, congédia
pour deux années
la
capitale en interdit,
cours normal de l'enseignement, qu'après
avoir arraché au pouvoir royal les réparations qu'elle exigeait Toutefois,
ne
fit
versité, après avoir inutilement adressé les
s'il
reine Blanche,
la
Louis IX,
le
(fig. 2 1).
faut bien le reconnaître, l'Université n'achetait de sembla-
il
bles victoires qu'aux dépens de ses privilèges et au préjudice de sa propre
existence
;
car les maîtres, dispersés çà et là pendant
écoles, aidaient villes
où
ils
souvent à
la
fondation d'universités
étaient venus résider
pour toujours. En outre,
ces
temporairement,
temps de
lutte et
et
fermeture des
la
dans
rivales
où
ils
les
se fixaient
de perturbation tournaient
au profit des autres corps enseignants, qui s'empressaient d'ouvrir des écoles, de créer des chaires, et qui tuelle
ou temporelle,
la
souvent obtenaient, de l'autorité spiri-
faveur d'être admis, par
l'effet
d'une bulle ou
d'une ordonnance, dans l'Université elle-même. C'est ainsi qu'en les les
Dominicains, soutenus par papes qui avaient
comme et
par
la
été
le roi
Louis IX, qui
i25y
était leur élève, et
par
leurs confrères, pénétrèrent de vive force, et
brèche, dans l'Université de Paris, en dépit de
la
défiance
de l'animosité qu'y soulevaient leurs doctrines. C'est ainsi que l'Uni-
versité se
vit
docteur à frère
forcée d'ouvrir
ses
Thomas d'Aquin,
rangs
et
d'accorder
le
bonnet
de
à frère Bonaventure, qui furent les flam-
beaux lumineux des écoles philosophiques, mais qui restèrent attachés l'un à l'ordre de saint
bien plus qu'à
la
Dominique,
l'autre,
Faculté de théologie.
Du
à l'ordre de saint François, reste, l'espèce
d'omnipotence
UNIVERSITÉS.
morale
et
même
été la
conquise par l'Université, au
politique,
moyen
âge, n'a pas
à toutes les époques, et Ton peut constater, dans l'histoire
de cette grande institution, différentes phases, où son esprit ractère se transforment selon les temps.
Dans
et
son ca-
première période,
la
les
écoles de Paris ne sont encore qu'une émanation de l'Eglise qui tend à se séculariser. elle et les
Peu
à
peu
l'institution se fonde, et
autres institutions publiques.
En
l'harmonie s'établit entre
l'année 1200, Philippe-Auguste
« ung estudiant tumba son orinal sur son chief. » Le roi, au lieu de punir l'étudiant, lui donna la prébende de Saint-Quentin, en Vermandois, « pource qu'il estoit coustumier de soy relever à celle heure pour ese tudier. » Miniature d'un ms. du xv siècle. Biblioth. de Bourgogne, à Bruxelles.
Fig. 2i.
—Saint
par mesprison
délivre
Louis, roi de France, allant de nuit, à matines, aux Cordeliers de Paris,
lui
un diplôme qui rassemble en un corps d'Université
et
dote de pré-
cieux privilèges cette multitude d'écoliers, accourus de tous les pays
monde,
et
que
déjà, quatre-vingts ans auparavant,
pied de sa chaire, captifs sous
passionnée pour
la
le
charme de
afin
de
donner à
quatorzième
siècle,
De
cette foule
science, l'avenir devait faire sortir plusieurs papes et
que l'Université les
Abailard réunissait, au
sa parole.
cardinaux, quantité d'archevêques ou d'évêques, rieurs,
du
la
allait
former dans son
et tant
sein,
d'hommes supé-
au treizième
siècle,
Science, à l'État, à l'Église. Jusqu'au milieu du
l'Université voit de jour en jour son autorité, son
SCIENCES ET LETTRES.
22
importance s'accroître, s'étendre, s'affermir. De 1297 à i3o4, à Philippe
le
Bel
un
utile et patriotique
En
pape Boniface VIII.
concours, dans sa lutte avec
dence du royaume à l'égard de
la loi
salique et
empêcher que
ment de France ne passât aux mains d'un prince
haute mission
:
la voici
gouverne-
le
Conseillère
anglais.
et élèves,
parvenue à son apogée, à l'époque
sont indistinctement reconnus inviolables, exempts de péages,
de subsides, d'impôts, du
service
de guerre
et
simple milice urbaine. C'est alors que Charles aînée des rois, pour mettre
rée, titre
ambitieux dont
elle
le
vénalité, le
sophisme
membres. En i38o, tures politiques
du
roi,
parmi
tombe
les
de
devoirs de
octroie
et
le il
titre
de
hono-
l'a
de se glorifier.
période de décadence. La
de parti s'emparent de ses principaux
En
1407,1e duc d'Orléans,
un guet-apens, et maître Jean
meurtriers
politique. Puis, viennent les Anglais, versité se
la
docteurs en théologie.
les
des
maison de Bourgogne stipendie des créa-
la
assassiné dans
en chaire pour défendre
lui
ne cessa depuis de se parer
et l'esprit
l'or
V
même
comble aux faveurs dont
Mais bientôt commence pour l'Université
frère
pour-
elle
plus grande splendeur. C'est alors que tous ses membres, maîtres
la
fille
jurispru-
la
des rois, institutrice des peuples, concile permanent des Gaules,
de
le
i3 16 (mort de Louis X) et en i328 (mort de
Charles IV), son suffrage fut d'un grand poids, pour fonder
suit avec éclat sa
prête
elle
et faire
Petit
monte
l'apologie de l'assassinat
au joug desquels une partie de l'Uni-
soumet lâchement jusqu'à provoquer, avec une
sorte de fanatisme
condamne au bûcher
l'héroïque Jeanne
complaisant, l'inique sentence qui d'Arc. Les représailles, les
VII porte
par
les rois ses
les
le
châtiment, ne se font pas attendre. Le roi Char-
premiers coups à l'antique institution, naguère protégée
prédécesseurs
:
il
semble punir l'Université de Paris de
n'avoir pas su garder sa vieille réputation de sagesse et de patriotisme.
Non-seulement
il
reconnaît
universités de province
(fig.
et
confirme l'existence de plusieurs nouvelles
10 à i3), mais encore, refusant de déférer à
requête des universitaires qui ne voulaient pas d'autre tribunal que seil
du
roi
ou Grand Conseil,
il
renvoie simplement leurs causes à
la
le
la
Con-
compé-
tence du Parlement (1445). Cinquante-cinq ans plus tard, Louis XII, ayant
égard aux
vœux des états-généraux convoqués sous le règne de Chartes VIII,
enlève aux privilèges de l'Université tout ce qu'ils avaient de trop anor-
SCIENCES E
importance s'accroître, s'étendre, s'affermir. De 1297 à i3o4, à Philippe
le
Bel un utile et patriotique concours, dans sa
pape Boni face VIII., En i3iG (mort de Louis X)
et
lutte
ment de -France ne des
la loi
passât aux
:
empêcher que
mains d'un prince
rois, institutrice des peuples, concile
suit avec éclat sa haute mission
de
salique et
la voici
le
la jurispru-
gouverne-
le
anglais.
Conseillère
permanent des Gaules,
elle
pour-
parvenue à son apogée, à l'époque
plus grande splendeur. C'est alors que tous ses membres, maîtres
la
et élèves, sont indistinctement reconnus inviolables,
de subsides, d'impôts, du
service
de guerre et
simple milice urbaine. C'est alors que Charles fille
avec
en i328 (mort de
Charles IV), son suffrage fut d'un grand poids, pour fonder
dence du royaume à l'égard de
elle prête
aînée des rois, pour mettre
le
V
exempts de péages,
même lui
des devoirs de
octroie
comble aux faveurs dont
le il
titre
de
hono-
l'a
rée, titre ambitieux dont elle ne cessa depuis de se parer et de se glorifier. .
Mais bientôt commence pour l'Université vénalité, le
sophisme
membres. En r3So,
et l'esprit
l'or
de
la
de parti s'emparent de ses principaux
maison de Bourgogne stipendie des
la
tures politiques parmi lesdocteurs en théologie. îfrère
en
du
roi,
chaire
tombe
assassiné dans
pour défendre
les
période de décadence. La
En
1407,1e duc d'Orléans,
un guet-apens, et maître Jean
meurtriers
et faire
créa-
Petit
monte
l'apologie de l'assassinat
politique. Puis, viennent les Anglais, au joug desquels une partie de l'Université se
soumet lâchement jusqu'à provoquer, avec une
sorte de fanatisme
complaisant, l'inique sentence qui condamne au bûcher l'héroïque Jeanne
d'Arc. Les représailles, ges
VII porte
par
les rois ses
les
le
premiers coups à l'antique institution, naguère protégée
prédécesseurs
«Ravoir pas su garder sa
Non-seulement
châtiment, ne se font pas attendre. Le roi Char-
il
:
vieille
il
semble punir l'Université de Paris de
réputation de sagesse et de patriotisme.
reconnaît et confirme l'existence de plusieurs nouvelles
universités de province
(fig.
to à
i3),
mais encore, refusant de déférer à
requête des universitaires qui ne voulaient pas d'autre tribunal que seil
du
roi
ou Grand Conseil,
il
renvoie simplement leurs causes à
la
le
la
Con-
compé-
tence du Parlement (1445). Cinquante-cinq ans plus tard, Louis XII, ayant •
gard aux
vœux des états-généraux convoqués sous le règne deCharles VIII,
niève aux privilèges de l'Université tout ce qu'ils avaient de trop anor-
Umuic eéiccanvtcfti ht
efttximnent
fàï
Pralon Lith
cûïmnMtkmcrtê' Imp.Fraillerv
CEORGE CHASTELAIN OFFRANT SON LIVRE A CHARLES, DUC DE BOURGOGNE Miniature de VInstruction d'un jeune Prince- par G Chastelain. Ms du xvc siècle, exécuté par les peintres de La cour de Bourgogne n° 33 S. A. F. de la Bibliothèque de l'Arsenal. .
,
/
UNIVERSITÉS.
mal,
les
et
commun.
23
ramène, par son édit du 3i août 1498, aux limites du droit
L'Université essaye de résister
et,
comme
aux jours de sa puis-
Le
sance, veut recourir à ses foudres traditionnelles.
recteur ordonne la
cessation générale des leçons dans les écoles et des prônes dans les églises.
Mais
avec un visage
c'est
que
irrité
le roi,
absent de sa capitale, reçoit
députés de sa Jille aînée, sans leur accorder une réponse; puis, en-
les
touré de sa maison militaire, armé de toutes pièces, il
traverse à cheval
pour entendre
accompagné de céda
coup de C'en
suppôts
ses
Ce
et obéit.
quartier de l'Université et ne daigne pas s'arrêter
le
harangue du recteur, qui
la
lance au poing,
la
fois qu'elle tenta
fut la dernière
lui,
de tous ses écoliers. L'Université
suivi
et
venu, au-devant de
était
de maintenir, par un
force, ses prérogatives féodales.
de l'Université
est fait
L'imprimerie
est
découverte
d'étude et de savoir.
comme
et
centre de domination intellectuelle.
répand dans toutes mains
La Réforme
proclamé
a
les
instruments
d'examen.
la liberté
On
court
de préférence aux écoles libres qui s'établissent, par toute l'Europe, avec les
nouvelles doctrines religieuses. Paris n'est déjà plus
de
la
science;
Rome
et sa force,
exclusivement sur l'Eglise
sur
et
la
quand
siècle,
il
que l'Université a subies
d'elle
ou échappant à son
l'ensemble du système d'éducation scolaire au l'arrivée d'Abailard à Paris
en renom, qui enseignaient dans cathédrale. C'est
non
renonce à s'appuyer
jus-
convient de passer en revue divers établissements
pédagogiques, qui, relevant
Lors de
elle
Royauté.
ce rapide exposé des vicissitudes
qu'au seizième
source exclusive
restera pourtant le seul foyer de la lumière divine.
L'Université perd son unité
Après
la
la
loin de cette
Notre-Dame, où demeuraient
le
en
1
ressort, constituaient
moyen
107,
âge.
y trouva deux maîtres
il
maison de l'évêque
maison
et
aux portes
chanoine Fulbert
située à côté de la
mêmes du
et sa pupille
cloître
Héloïse,
qu'Abailard ouvrit d'abord son école. Quelques années plus tard, Guillau-
me
de
Champeaux
quittait
son archidiaconat de
au prieuré de Saint-Victor, sur de
la ville,
la rive
la
gauche de
cathédrale et se retirait la
Seine, hors des
murs
pour y fonder une nouvelle école publique. Abailard, de son
côté, chassé de l'école qu'il occupait,
copale, se réfugia sur
la
dans
la Cité,
près de la maison épis-
montagne Sainte-Geneviève, où
le
suivirent ses
SCIENCES ET LETTRES.
24
disciples. et
Cependant
les écoles
de
la
cathédrale, continuant à s'accroître
ne pouvant plus se développer dans l'enceinte de
Fig. 22.
—
Bas-relief
du maître-autel de Saint-J ulien-le-Pauvre,
Deux
écoliers sont à genoux, de
à Paris (travail
du xn e
divisèrent
siècle).
chaque côté du crucifix.
en deux parts. L'une, composée des artiens, passa s'établir à
la Cité, se
le
Petit-Pont
et vint
côté de l'église Saint-Julien-le-Pauvre, succursale de la basi-
lique métropolitaine
(fig.
22).
Quant aux théologiens,
ils
conservèrent leur
UNIVERSITÉS.
25
ancienne résidence autour de Notre-Dame. Ainsi commençaient à se
grouper
éléments qui devaient un
les
Bientôt
versité.
plus tard constituer l'Uni-
firent construire
quatre grandes salles ou
de distance de Saint-Julien-le-Pauvre
peu
écoles, à
Nations
les
siècle
Fouarre ou Fearre,
ainsi
nommée
de ce que
,
dans
les écoliers,
aux lectures ou leçons, n'avaient pas d'autre siège que de fouarre) sur laquelle
Kig. 23.
—
ils
Intérieur d'école, d'après
était assis
pour
assister
la paille
s'étendaient autour de la chaire (chaise),
une estampe du
xvi" siècle. Biblioth. nat.
Vieux Maîtres en
maître
rue du
la
sur une estrade.
(ou
où
le
Cab. des Estampes.
bois.
Indépendamment de
ces
grandes
écoles
représentant une espèce d'école générale, quiconque était pourvu de la licence louait
une
proche en proche latin, se
salle et appelait le public à ses leçons. C'est ainsi le
que de
quartier de l'Université, qui fut depuis appelé quartier
peupla de maîtres
et d'écoles.
On
ne tarda pas à sentir
la
néces-
sité
de consacrer des hôtels ou demeures particulières, à recueillir, à héber-
ger
la
classes
on
jeunesse indigente, avide d'apprendre, et surtout au début de ses (fi
g. 23).
De
vit se fonder,
là l'origine
des collèges de Paris. Sous ce
nom
de collèges,
dès les premiers temps de l'Université, divers établisSCIENCES ET LETTRES.
—4
SCIENCES ET LETTRES.
26
sements, où de jeunes religieux se livraient à l'étude, envoyés
par
ordres monastiques auxquels
les
créa bientôt des collèges du
maisons de refuge où
même
La
entretenus
charité privée
genre destinés aux laïques, véritables
trouvaient gratuitement, suivant
les écoliers
expression d'un bienfaiteur de collège,
le
pain du corps
et
la belle
celui de
Pâme.
caractère de libéralité et de dévotion est fortement empreint dans
Ce double la
appartenaient.
ils
et
constitution primitive de ces établissements, fondés
dotés par des
et
personnes pieuses, dans l'intention de favoriser renseignement des pauvres. Tels furent, au treizième
Honoré
les
siècle,
(1208) et des Bons-Enfants Saint- Victor (1248), les collèges de
Sainte-Catherine du Val des Écoliers (1229) collège
Bons-Enfants Saint-
collèges des
du Trésorier (1268)
triste,
moyen
siècle.
âge, dans lesquels, sous la con-
élèves, se dévouaient à l'instruction d'une
douzaine d'écoliers, qui parta-
geaient avec eux leur vie souffrante et famélique
pour subsister,
ils
:
ayant à peine quelques de-
se voyaient contraints de joindre à ces
misérables ressources un métier manuel ou bien un
de recourir à l'assistance publique. le
Enfants de
des Dix-
ou principal, quelques maîtres, aussi pauvres que leurs
duite d'un régent
l'apprend
le collège
le
cependant, rien de plus piteux, rien aussi de plus
digne d'intérêt que ces collèges du
niers par semaine
de Prémontré (1252),
plus ancien de tous,
et, le
première moitié du douzième
huit, qui date de la
Rien de plus
et
Au
quatorzième
office servile, siècle,
sinon
comme nous
Dit des Crieries de Paris, les écoliers du collège des Bonsla
rue Saint-Honoré allaient errant dans
main aux passants
rues et tendant la
:
Les Bons Enfants orrez (entendrez)
Du
pain
crier
fixes
:
!...
Quelques collèges furent mieux partagés que Dotés de revenus
les
cette misérable
par leurs fondateurs, encouragés
clergé et par les grands,
ils
prospérèrent
et
maison.
et enrichis
par
le
virent se prolonger leur exis-
tence jusqu'à l'époque de la Révolution.
Celui qui resta longtemps
son
nom
et
le
plus célèbre de tous,
la
Sorbonne, dut
son origine aux largesses du savant Robert Sorbon, qui,
après avoir subi dans sa jeunesse toutes
les
épreuves de
la
misère, devint
UNIVERSITÉS.
chapelain
et
confesseur de
saint roi, contribuant
Louis IX. Par
lui-même à
i7
lettres patentes
de
i25o,
le
donnait pour l'usage du
cette fondation,
futur collège une maison et des étables y contiguè's, situées, rue Coupe-
Gueule, devant était destiné
les
ruines du palais des
Thermes ou des Césars. Ce
spécialement à recevoir un certain
collège
nombre de pauvres
jeu-
nes gens, qui, après avoir pris leurs degrés ès arts, se consacraient à l'étude
de
Nul n'ignore que
science sacrée.
la
agrandie
et enrichie
par
le
cardinal de Richelieu, qui lui légua une partie
de ses biens, devait être plus tard
A
de
l'instar
maison de Sorbonne, reconstruite,
la
siège de la Faculté de théologie.
le
fondation de Robert Sorbon, un grand
la
du monde,
collèges, institués par des personnages considérables, soit
comme
de l'Église, s'élevèrent,
points du quartier de le
sommet
dait, le
de
la
l'
soixante^ de
t 1
37 à i36o), sur tous les
Université, lequel se déployait en amphithéâtre depuis
montagne Sainte-Geneviève jusqu'à
la
long des rives du fleuve encore désertes, depuis
nelle jusqu'à
Deux de d'abord
le
soit
à l'envi, pour l'éducation de la jeunesse
moins de
(on n'en comptait pas
nombre de
Seine, et qui s'étenle
pont de
Tour-
la
l'emplacement actuel du pont des Saints-Pères.
ces collèges méritent, entre tous,
Jeanne de Navarre, femme de Philippe écoliers,
spéciale. C'est
pour fondatrice, en i3o4,
collège de Navarre, qui eut
pour contenir soixante-dix
une mention
le Bel.
Ce
la
reine
collège, assez spacieux
dont vingt grammairiens, trente
artiens et vingt théologiens, ne tarda pas à devenir entre tous les collèges de
Paris
le
modèle de
ces sortes d'établissements.
La haute renommée
qu'il eut
bientôt acquise ne déclina pas durant quatre siècles. L'Université avait dé-
posé
le
trésor de ses archives dans la chapelle
dédiée à saint Louis, aïeul de familles et souvent
même
les
de
de fondation,
le
qui peut être considéré
ques de ce temps-là
pédagogique
Le sur
et,
offrait le
collège, laquelle était
royale fondatrice. Les
fils
des plus nobles
enfants de France reçurent dans cette docte
éléments de l'instruction classique,
retraite l'acte
les
la
du
roi était le
d'ailleurs,
aux termes
premier boursier du collège de Navarre,
comme une
des institutions les plus aristocrati-
sans doute aussi,
moins de
et
comme une
de
celles
où
la règle
rigidité.
collège de Montaigu, établi postérieurement dans la rue des Sept- Voies,
la
montagne Sainte-Geneviève,
n'eut pas
moins de
célébrité
que
le col-
SCIENCES ET LETTRES.
28
lége de Navarre, toire de
bres de
nos la
mais
sous un tout autre aspect, dans
se présente,
il
vieilles écoles.
Bien
qu'il eût été
riche famille parisienne de
Montaigu, dans de
de bien-être, qu'une rente de
libéralité et
fondé d'abord par deux
i
o livres
telles
l'his-
mem-
conditions de
(somme importante, équi-
valant à 3 ou 400 francs de notre monnaie) devait être assurée à chaque élève
pour son entretien; cendre 1 1
le
revenu
la
total
mauvaise administration des chefs ou régents de
la
le
des-
maison à on\e sous de rente annuelle (peut-être
sols d'or, qui représenteraient
époque (1483)
fit
un peu plus d'un millier de
francs).
A cette
mains de Jean Standonck, une des per-
collège passe entre les
sonnalités les plus originales de l'ancienne pédagogie. Fils d'un tailleur de
Malines, venu à Paris avec l'ardent désir de s'instruire, reçu par charité à l'abbaye de Sainte-Geneviève dont
payait l'hospitalité en remplissant des
il
fonctions subalternes, Jean Standonck, doué d'un caractère énergique et
d'une persévérance peu
commune
sortit
,
de
domesticité et devint
la
élève, puis maître, et maître en réputation. Choisi par ses condisciples
pour diriger la
«
Montaigu
»,
il
maison, à y fonder douze bourses nouvelles
dépenses, sans faire aucune dette.
Il
régime
le
imposant à de labeurs
ses écoliers
et
le
et
à subvenir à toutes
les
ne réalisa toutefois ces bienfaits, qu'en plus austère et en leur léguant
la vie
de privations qu'il avait lui-même traversée. Tâches ardues,
jeûnes fréquents, maigre pitance, discipline rigoureuse, dition,
dans
réussit à rétablir l'ordre et l'économie
telle était la
con-
devenue proverbiale, des écoliers de Montaigu, condition spirituel-
lement résumée d'ailleurs dans leur devise latine
:
Mons
acutus, ingeniwn
acutum, dentés acuti (mont aigu, esprit aigu, dents aiguës). Vêtus d'une cape de gros drap, fermée par devant
chon qui
se fermait
Montaigu,
et
tous
par derrière, on
les
jours
on
et
surmontée d'une cagoule ou capu-
les
nommait
les
pauvres capettes de
conformément à
les voyait,
leurs statuts,
prendre part à des distributions de pain que faisaient aux indigents
Chartreux de
la
rue d'Enfer. Érasme
et
Rabelais, qui tous deux, à quel-
ques années d'intervalle, connurent par expérience personnelle de
la règle
de Montaigu, ont immortalisé, chacun à sa façon,
venirs qu'ils avaient emportés de ce collège
nieux Colloques, en maudissant la
nourriture malsaine
le
:
le
les
rigueurs
les tristes
sou-
premier, dans un de ses ingé-
traitement inhumain,
et insuffisante,
les
le gîte
qui avaient gravement
insalubre,
compromis
UNIVERSITES.
sa santé
pendant son séjour à Montaigu
bouche de
ses burlesques
mordante à
l'adresse
Indépendamment
moyen
de
ce
fameux
— Le
second, en mettant dans
la
collège de poiiillerie.
comme
des collèges,
dans toute
d'écoles, les unes élémentaires, ouvertes
Fig. 24.
le
héros pantagruéliques plus d'une épigramme
d
âge, en France,
;
2g
maître d'école, tiré de
la
il
y avait encore, au
la chrétienté,
aux deux sexes
Danse macabre,
édit.
plusieurs espèces et
appelées ordi-
de Guyot Marchant (1490.)
nairement petites écoles ou écoles françaises, puisqu'on y enseignait seulement à le
lire et
à écrire, avec quelques éléments de la langue vulgaire et
chant ecclésiastique
;
les autres, destinées
de grandes écoles ou écoles latines
généralement aux églises, avaient intendant
commun
qui prenait
le titre
placé sous
la
(fi g.
le
24).
aux garçons Les unes
et
portant
et les autres,
le
nom
annexées
plus souvent, dans chaque diocèse,
un
haute autorité de l'évêque. Cet intendant,
de recteur ou grand-maître des
écoles, réclamait de
SCIENCES ET LETTRES.
3o
chaque écolier une taxe
somme tretien
fixe,
qui se payait en deux termes,
supplémentaire, dont
il
était fait
du matériel, que devait surveiller
le
et,
deux parts, Tune
de plus, une
affectée à
F en-
maître-/? rêvôt, et l'autre à l'achat
des verges remises entre les mains du maître-portier ou fouetteur (ûg. 25).
Ces écoles n'admettaient que des élèves
libres laissés sous la direction de
leurs parents. Elles avaient à distribuer, la plupart sous
quelques donateurs particuliers, sinon sous sial,
un
certain
les
le
patronage de
auspices du chapitre parois-
nombre de bourses ou de gratuités,
offertes à la jeunesse
indigente, en échange d'un service utile ou d'une sorte de corvée à laquelle se
soumettaient
de Troyes
les
,
les
bénéficiaires. Ainsi, par exemple,
duité matinale à laquelle
rétribution
commune,
par semaine
surnommés de
primitifs,
à
ils
la
la sorte
dans
les
écoles
à cause de
l'assi-
étaient astreints, se trouvaient dispensés de la
condition de nettoyer
de balayer deux
et
fois
les salles d'études.
Un compte de
l'argenterie de la reine
Marie d'Anjou, femme de Charles
VII, pour l'année 1454- 1455, compte dans lequel se trouvent mentionnés des livres d'école à l'usage de Charles, duc de Berry, second
de huit ans, nous
fait
connaître quels étaient les
fils
du
roi,
âgé
ouvrages destinés aux
classes élémentaires, avant l'invention de l'imprimerie.
Ces
livres, qui
avaient déjà servi pour l'éducation du dauphin, depuis Louis XI, sont i°
un A»BC,
tence),
qu'on
2
un psautier sous
faisait
le titre
de Sept-pseauhnes (de
apprendre par coeur aux enfants,
3°
:
la
Péni-
un Donat,
traité
des huit parties du discours par iElius Donatus, grammairien du quatrième siècle;
un Accidens, autre
sons des verbes;
5°
traité de
un Caton,
grammaire sur
recueil de distiques
les cas et les
moraux en
traduction française, distiques attribués à ValeriusCaton, poè'te rien, cité élogieusement par Suétone; 6° enfin latine extraite siècle, et
milieu),
conjugai-
latin,
et
avec
grammai-
un Doctrinal, grammaire
du grand ouvrage de Priscianus, grammairien du quatrième
mise en vers léonins (dont
pour venir en aide à
la
la
dernière syllabe rime avec celle du
mémoire, par Alexandre de Ville-Dieu,
qui, en 1209, régentait avec distinction dans les écoles de Paris.
Ces ouvrages, bien que destinés à des études primaires, avaient pour objet principal d'initier les élèves à la connaissance de la langue latine,
car cette langue, presque usuelle durant tout
le
moyen
âge, était à
la fois
UNIVERSITÉS.
la
langue de l'Église,
elle servait aussi
On
la
langue des belles-lettres
d'idiome
commun, chez
s'explique donc pourquoi la langue
fessée,
3i
et la
langue de
la science
latirte était
non-seulement pro-
mais encore employée, à l'exclusion des dialectes vulgaires, dans
universités, les collèges et les
moderne
l'esprit
grandes écoles. Ce
Fig. 25.
raie en latin,
vivantes
:
que
n'est
—
Le maître
une multitude
la lutte
nouveaux, rebelles à une traduction
d'école, d après la
marque du
s'engagea entre
lutte curieuse et
la
libraire
les
que plus tard, quand
eut répandu dans les relations sociales
d'idées nouvelles, de sentiments
;
toutes les nations chrétiennes.
Soquand
litté-
(i52fc).
langue des anciens
et les
langues
prolongée, aux intéressantes péripéties, qui
devait, après d'héroïques efforts en faveur de la belle langue immortalisée
par
chefs-d'œuvre de l'antiquité classique, se terminer par
les
tion définitive
du
latin
au rôle de langue morte.
Il
la
condamna-
faut voir quel appareil de
prohibitions et de châtiments déployait l'Université de Paris, au quinzième siècle,
même
au commencement du dix-septième, pour repousser du sein
des écoles l'invasion les
à\i français,
que l'enfant y apportait naturellement sous
premières influences de l'éducation maternelle.
admet,
il
est vrai,
deux sortes de
latin, le latin
Un
règlement de 1434
congru, que devait parler
exclusivement tout écolier parvenu à l'étude du Doctrinal ou syntaxe latine, et le latin
incongru, que pouvaient parler entre eux
les élèves
des
SCIENCES ET LETTRES.
32
classes élémentaires
;
quant au français
particulières et hors de l'école,
Le
latin,
était
il
même
,
pour
généralement
interdit.
cependant, enfermé, pour ainsi dire, dans
versité, retrouva tout son crédit, tout
Renaissance
les
chefs-d'œuvre
son
littéraires
conversations
les
le
domaine de l'Uni-
lorsqu'à l'époque de la
éclat,
du monde romain furent de nou-
veau recherchés, étudiés, commentés avec une ardente émulation par
une foule d'éditions savantes,
dans
érudits, multipliés
enthousiasme par l'Europe
même
de génie,
tels
On
lettrée.
vit alors des
qu'Érasme, Mélanchthon
la jeunesse
accueillis avec
hommes
de mérite
et
Mathurin Cordier, com-
et
poser des Colloques, des Dialogues destinés à rendre
d'Auguste plus familière à
les
la
langue du siècle er
du temps de François
I
et
de
Charles-Quint. Mais ces tentatives plus ou moins ingénieuses devaient, après un succès momentané, avorter complètement, et l'on peut signaler ce fait singulier et significatif, que, des ouvrages pédagogiques produits et
publiés à cette époque, le seul qui
c'est la Civilité puérile et
avec ce
pour
titre
Mais,
si les
sujet
aux bonnes mœurs
livres d'étude
d'hui abandonnés
et
survécu
du
livre
de
et civilité
en usage dans
les
:
Miroir de
et se
559,
la jeunesse
anciennes écoles sont aujour-
oubliés depuis longtemps,
recours autrefois, pour se distraire
1
:
vie.
il
n'en est pas de
des différents genres de récréation auxquels l'enfance et
ment souvent
en français
était écrit
honnête, qui parut d'abord à Poitiers en
mieux approprié au
la former
ait
la
même
jeunesse avaient
reposer des fatigues d'un enseigne-
abstrait et toujours austère. Il suffit, en effet, de consulter le
Gargantua de Rabelais
et les
Dialogues familiers de Mathurin Cordier,
pour dresser une nomenclature des
jeux, qui n'ont pas
sauf quelques variantes de noms,
qui se conservent traditionnellement
chez
les
écoliers,
palet, la clicquette
en
les
par exemple
:
et
la
boule, les barres,
le
changé depuis,
cheval fondu,
(morceaux de bois ou tessons de pot qu'on
frappant l'un contre
l'autre),
les quilles,
la
fait
le
sabot, la fossette (qui se jouait jadis avec des noix
settes),
le
pair ou non, les onchets, les cartes,
croix ou pile,
le
court-bâton
(le
résonner,
balle et le ballon, la
toupie,
les
le
dames,
ou des noi-
la
paume,
la
bâtonnet), etc.
C'étaient là les jeux paisibles des enfants et des écoliers; tractions innocentes ne pouvaient
donner
satisfaction
mais
ces dis-
aux goûts violents
UNIVERSITÉS.
et
tumultueux de
la
jeunesse des écoles.
écoliers de Paris est encore proverbiale.
33
La mauvaise réputation des anciens
En
tous temps, des
rieurs, des écrivains illustres, de graves magistrats,
même
hommes
supé-
de grands citoyens,
et
quelques saints personnages, préludèrent aux travaux, aux études,
aux vertus de Page mùr, par une période plus ou moins longue de SCIENCES ET LETTRES.
—
5
folies et
SCIENCES ET LETTRES.
34
de débordements.
En
tous temps aussi,
de Paris
la ville
Qu'on
gereuses ressources à la dissipation et au vice.
aux douzième
treizième siècles, dans un temps où
et
quand
de naître et
les
mœurs
offrit les
plus dan-
se représente donc,
la
police ne faisait que
publiques se ressentaient encore de
la
bar-
barie des époques de décadence, qu'on se représente cette population d'étudiants, parquée sur
territoire qui lui semblait inféodé,
le
d'hommes
jeunes gens dans la force de Page et
faits,
composée de
appartenant à diverses
nationalités et livrés à toute la fougue de leurs passions (car nul ne pouvait
obtenir la licence ès arts avant vingt
un
et
ans, et en théologie, avant trente-
cinq ans, dont huit au moins consacrés à l'étude),
et l'on
bien ce turbulent voisinage était nuisible, périlleux
pour
La
honnêtes
les familles
ville entière fut
mise, par
les
et paisibles
et
même
redoutable
de Paris.
troublée plus d'une
habitudes agressives
et
comprendra com-
fois, la sûreté
publique compro-
désordonnées des écoliers. Tous
les
jours, à tout instant, des querelles, des rixes, des séditions, nées des causes les
plus futiles et les moins avouables, éclataient dans cette bruyante répu-
blique universitaire. Les qualifications injurieuses que les écoliers se donnaient l'un à l'autre témoignent, d'ailleurs, des antipathies qui régnaient
parmi eux,
et
de
de leurs rapports mutuels.
la grossièreté
geaient guère dans leurs appréciations réciproques d'être
buveurs
mands
et
couards,
ils
Français orgueilleux
les
colères, goinfres et malpropres, les
Bourguignons brutes
rieux, les
:
ne se ména-
accusaient
Anglais
les
et efféminés, les
Normands
et stupides, les
Ils
Alle-
charlatans et glo-
Flamands hommes de sang,
incendiaires et routiers (vagabonds), etc.
Cependant, aux termes des canons de
l'Église, la
personne d'un
clerc
(tout écolier acquérait ce titre avec la licence) était inviolable; se porter à
des voies de traînait
fait
envers un écolier,
l'excommunication
et
que
le
c'était
pape seul pouvait absoudre
peut s'expliquer ainsi quelle audace
aux
écoliers
séculier,
telle
immunité,
et
et
les
et
ne reculait
(fig.
26).
arrogance devait inspirer
ne s'étonnera point que
le
pouvoir
les excès
de cette jeunesse effrénée,
de nuit, par troupes armées, se permettait tous
même
On
plus attentives, se trouvât sans cesse
empêché pour réprimer
marchant de jour
désordres
et quelle
et l'on
en dépit des précautions
embarrassé qui,
une
commettre un crime qui en-
devant aucun
forfait.
les
UNIVERSITÉS.
35
L'établissement des collèges apporta une amélioration sensible à ce
déplorable état de choses. Avant cette heureuse innovation,
prenaient prétexte de
la
moindre circonstance
les écoliers
religieuse et littéraire,
pour
multiplier les fêtes ou féeries et pour les célébrer à grand renfort de festins,
de danses, de mascarades. Toutes ces réjouissances scolaires furent
Fig. 27.
— Légende de saint
—
La
avec le
partie inférieure l'aide
même
Nicolas, d'après les vitraux de
se rapporte
de sa femme, et jetés dans un saloir
saint apporte
la nuit
une
Bowges
à l'histoire populaire
somme
:
le
de
des PP. Cahier et Martin.
trois
écoliers
saint les rappelle à la vie.
suffisante
pour doter
xm°
siècle.
massacrés par un hôtelier
Dans
trois pieuses filles
le
haut du
vitrail,
que leur père ruiné
ne pouvait établir honorablement.
plus tard réduites à deux rafraîchissements (jours destinés à boire), l'un
pour
le
commencement,
l'autre
pour
la
fini
des déterminances (examens
publics et thèses), époque où les candidats élisaient entre eux un capitaine,
à une fête patronale pour chacune des Nations, sans compter,
et
les
grandes fêtes célébrées collectivement en l'honneur de
de
la
tel
ou
il
est vrai,
tel
patron
corporation universitaire.
L'Université, après s'être placée tout d'abord sous la sauvegarde de
la
SCIENCES ET LETTRES.
36
Sainte-Vierge, patronne de l'Église et de se retrouve à toutes les tifs
époques sur
comme
des écoles, avait adopté
à qui
elle
rendait spécialement
les
la Ville
sceaux
patrons
hommage,
de Cantorbéry, saint Corne, saint Adrien
et
de
la
autres
dont l'image
et
emblèmes
savoir
saint
:
André;
et saint (fig.
Thomas
27),
borna
patrons des clercs
jeunesse en général.
des Anglais eurent diminué en France saint Becket,
évêque de Cantorbéry,
la
la
les
guerres
faveur qu'on accordait au culte de
Nation de France invoqua de préfé-
Une Tribu
rence saint Guillaume de Bourges, ancien élève de l'Université. la
Becket
elle se
Les Nations avaient aussi leurs patrons particuliers. Lorsque
de
distinc-
protecteurs plusieurs saints
et
ensuite à fêter sainte Catherine et saint Nicolas et
de Paris,
Nation de Picardie honorait saint Firmin, premier évêque d'Amiens,
tandis que l'autre Tribu fêtait saint Piat, évêque de Tournay.
La Nation
de Normandie avait pour patron saint Romain, archevêque de Rouen.
La Nation d'Angleterre, après avoir mis sur son
Edmond, martyr, évêque de Norfolk, avec de saint Martin, ne
manqua
pas,
quand
magne, de célébrer régulièrement
celles
elle fut
la fête
scel l'image
de sainte Catherine
devenue
la
et les écoliers
et
Nation d'Alle-
de saint Charlemagne, regardé
comme le fondateur de la clergie, dans toute la chrétienté. On voit que les fêtes patronales étaient nombreuses dans de Paris,
de saint
l'Université
interrompaient volontiers leurs études pour prendre
part à ces solennités, pendant
avaient pour principal théâtre
la le
durée desquelles leurs bruyants ébats
fameux Pré-aux-Clercs, leur
véritable
domaine, qui commençait au faubourg de Saint-Germain des Prés
et
des-
cendait jusqu'à la Seine en se développant sur toute la longueur des rues actuelles
Saint-Dominique
Entre toutes avec
le
daient
même
les
et
de l'Université.
solennités auxquelles les écoliers assistaient en corps, faut rappeler la foire
plus d'exactitude,
il
comme
exprès pour eux
instituée
et
du Lendit,
dont l'origine
qu'ils regarest antérieure
à celle de l'Université.
L'Église de Paris, ayant reçu
fragments de
la
de Constantinople en
vraie Croix, l'évêque céda au
ne pouvait trouver place dans sées, et les transporta, en
la
vœu
de
la
1109 quelques population qui
cathédrale où les reliques avaient été dépo-
grande pompe, à la
tête
de son clergé, au milieu
UNIVERSITÉS.
de
la
37
plaine Saint-Denis, afin que ce vaste espace de terrain permît de rasfidèles qui venaient
sembler rimmense concours des
ces saintes reliques. Il est certain
que
les écoles
contempler
du
cloître
la
même
procession, se renouvelèrent périodiquement,
peu un marché, une
foire s'établit
la solennité religieuse
demain de
la
Notre-Dame
La même
avaient figuré dans la procession de l'évêque de Paris.
monie,
simultanément à l'endroit
Tous
avait consacré.
Saint-Barnabé, s'ouvrait
les
la foire
adorer
et
et
céré-
peu à
même
ans, au 12 juin,
le
que len-
(ou plutôt de
du Lendit
VIndict, c'est-à-dire jour indiqué), qui s'appela aussi fête du parchemin (voy. dans
dès
le
le
volume des Arts
matin,
la
le
chapitre Parchemin, Papier).
faire cortège
et coiffé
montagne Sainte-Geneviève,
au recteur de l'Université, qui, vêtu de sa chape rouge,
de son bonnet doctoral, monté sur une mule ou sur une haquenée,
entouré des
doyens, procureurs
Saint-Denis, où était établi
le
suppôts, s'acheminait vers la plaine
et
marché pour
la
vente du parchemin, qui
devait fournir à une prodigieuse consommation. arrivé sur
le
champ de
foire,
provision de parchemin l'année
jour-là,
jeunesse des écoles, parée de ses plus beaux habits, se
réunissait, à cheval, sur les hauteurs de la
pour
Ce
scolaire, et
la
lieu de retourner
le
recteur était
prélevait, avant tous autres acheteurs, la
nécessaire à l'usage de
l'Université
pendant
marchands une
gratification
qui
recevait des
seizième siècle, s'élevait à
taux actuel de
il
Quand
la
somme
monnaie). Puis,
,
au
de cent écus (environ 2,5oo francs au
les écoliers,
ayant mis pied à terre, au recteur et les
offi-
bonne chère, aux
jeux,
processionnellement à Paris avec
ciers de l'Université, se livraient avec fureur à la
aux divertissements de tout genre, que leur
le
offrait la foire
du Lendit. De
là
nombre.
Il
résultaient inévitablement des désordres et des accidents sans
les arrêts
du sang répandu. Aussi, du quinzième au seizième siècle, du Parlement, sans cesse remis en vigueur, sans cesse méconnus,
contre
le
port des armes et bâtons, témoignaient à
mis
des obstacles que l'autorité éprouvait pour les empêcher. Enfin,
y
avait toujours
et
en i556,
la foire fut transférée,
de
la
la fois et
des abus
com-
plaine, dans la ville de Saint-Denis;
même époque, l'usage du papier commençait à remplacer celui du parchemin, même dansles actes publics. Le recteur cessa donc d'allerfaire
vers
la
sa provision à la
foire
du Lendit;
les
écoliers
n'eurent plus de pré-
SCIENCES ET LETTRES.
38
texte
qui
pour accomplir leur promenade
tomba
comme
bientôt en désuétude.
Au
favorite à l'ouverture de cette foire
dix-septième siècle
dernier vestige, qu'un congé général, donné, par
il
n'en restait plus,
le
recteur, à tous
élèves de l'Université, le premier lundi qui suivait la Saint-Barnabé.
Les
clercs et les écoliers de Paris furent, en outre, les acteurs princi-
paux, sinon
les
inventeurs, de certaines cérémonies ridicules et burlesques,
qui, nées dans l'Église et tolérées par elle, sous les
de l'Ane, des Innocents, ne disparurent que par l'Église
elle-même (voy. dans ce volume
Ces bizarres
le
noms de la
la
tions
moins extravagantes,
chapitre Croyances populaires). d'attraits
jeunesse universitaire, furent peu à peu remplacées par des récréa-
que
tels
les
représentations théâtrales à l'inté-
rieur des collèges, les jeux en plein air, les
campagne,
celles qui,
promenades périodiques à
Notre-Dame-des-Vignes
et
par
se terminait
à Notre-Dame-des-Champs, ou encore celle la
la
porte du recteur. Toutefois,
il
fallut bien des
plantation d'un arbre chargé de feuilles, à
comme
années pour effacer
savant Vallet de Viriville,
le dit le
les vieilles traditions
d'insubordination; car nos conteurs français du représentent encore et leurs
la gaieté et
respect pour
pudeur de
les écoliers
de leur temps,
aventures, un rôle qui
le
leurs
des citoyens, pour
filles
;
S.eine, c'étaient là des
rosse?^ le
le
le
pavé,
même
jouant, dans leurs
la nuit,
les
bornes
sans trop de
repos de leurs femmes
au
et
seizième siècle nous
comme
guet à l'occasion, et jeter
prouesses qui,
de violence
plus souvent dépassait
de l'honnêteté. Enfui, '.battre
l'asile
la
par exemple, se faisaient, au son des instruments, à
du Mai, qui
de
Fous,
répression sévère de
monstrueuses bouffonneries, qui avaient eu tant
et
pour
malices
fêtes des
et
la
les sergents
en
ne se reproduisaient pas seulement dans les souvenirs universitaires, dont s'entretinrent longtemps les élèves des collèges de Navarre et de Montaigu. L'écolier du
moyen
âge
était
un type
siècle suivant,
original, qui fut d'abord essen-
tiellement parisien, mais qui bientôt se naturalisa dans toutes les villes
où
se fondèrent des Universités, à partir
sans doute plus bavard
et
du douzième
siècle
:
il
devint
plus pédant en Italie, où l'Université de Bologne,
fondée en n58, ne tarda pas à donner naissance aux Universités de Naples (1224), de Padoue (1228), de Rome (i2 4 5) et de Pise (i333). Cet écolier ne pouvait devenir que plus arrogant et plus batailleur dans les
UNIVERSITÉS.
4i
SCIENCES ET LETTRES.
42
Universités germaniques, qui se créèrent successivement à Prague (1348),
à Cologne était
il
et
(1
385), à Heidelberg
plus silencieux
et
( 1
386)
et
à Leipzig
plus grave, dans
de Cambridge (1257);
En
Angleterre,
Universités d'Oxford (1200)
plu* solennel
était
il
les
(140(3).
et
plus austère, dans les
Universités d'Espagne, à Valence (1209), à Salamanque (i25o), à Valia-
Fig. 33.
— Vue
extérieure des bâtiments de l'Université de Leyde, fondée en i5y5 par Guillaume de Nassau:
d'après une gravure contemporaine tirée de l'ouvrage intitulé
Academia Leydensis. (Lugd.
dolid (1246);
(1279)
et
il
était
plus orgueilleux
à Lisbonne (1290);
il
Universités de Suisse, à Genève
plus que studieux, quand
Louvain (1426) changé
;
c'était
et
:
Illùstrium Hollandia', etc., ordinum aima
Batav., 1614, in-4°).
il
main de maître dans
le
le
plus
fier,
semblait lourd (1
en Portugal, à Coïmbrc et
compassé, dans
368) et à Baie (1469); enfin
il
les
n'était
arriva dans les Universités des Pays-Bas, à
à Leyde {ibjb).
toujours
et
Mais
l'écolier
de Paris avait peu
joyeux compagnon que Rabelais a peint de
Panurge de son Pantagruel.
Fig.
34 .
-
Encadrement de
la
première page du ma.
d.es
Doirx e dames de Rhétorique.
xvi« siècle
Bihl. nation, de Paris.
SCIENCES PHILOSOPHIQUES Anéantissement de et
Cassiodore.
—
la
—
—
—
— —
—
— Gerbert. — — Guill. de Champeaux
scolastique.
Anselme.
—
-
Boèce Nouvelle philosophie chrétienne.— Martianus Capella. Origine de la Jean Scot Erigène. Bède, Alcuin, Raban Maur. Roscelin et saint Béranger de Tours. Le réalisme et le nominalisme. Amaury de Bène. Gilbert de la Porrée et saint Bernard. et Abailard.
philosophie païenne.
Isidore de Séville.
-
— Albert Grand et saint Thomas dAquin. — Les Franciscains et les Dominicains. — Guillaume d'Oçkam. — Décadence de scolastique. — Platoniciens Aristotéliens. — Philosophie de Renaissance. — Ecoles luthériennes. — P. Ramus. — Montaigne. le
la
et
la
e désir de connaître est naturel à tous
hommes,
a dit Aristote.
»
C'est la
passion à laquelle obéirent
savants de nos jours. Elle est
de toute science
et
les
enflamme encore
sages de l'antiquité et qui les
les
la
source
de toute philosophie.
A
ne consulter que l'étymologie, qu'est-ce que la
philosophie? C'est l'amour du savoir. Le
moyen
âge, malgré la sincérité de sa foi reli-
gieuse, n'a pas été étranger à la philosophie,
parce que, durant cette époque mémorable ferveur de ses croyances,
le
cette
noble passion de tout savoir
et
Mais
les intelligences se
par
la
la
philosophie du
Dans
les
premiers
n'a
pu
se soustraire à
de tout comprendre, qui
lui est innée.
sont adonnées alors avec plus ou moins de succès
à la recherche désintéressée
que
cœur humain
du
vrai
moyen âge
siècles
de
;
et
de
là
sont résultés
les aspects
divers
présente à l'observateur.
l'ère
chrétienne, alors que les traditions des
S'CIENCES ET LETTRES.
4<>
écoles de l'antiquité semblent perdues, à peine
si
Ton peut signaler
ques rares esprits qui n'ont pas renoncé au culte de toute
la
de hardis penseurs qui, jaloux de se placer au
rang des maîtres, dogmatisent fièrement
La
émettent de téméraires nou-
et
foule les entoure, et leur parole répand des semences, les unes
salutaires, les autres funestes, qui se développeront
tard,
où
mais dont
nombre d'aphorismes mal
philosophie se compose d'un petit
définis. Bientôt s'élèvent
veautés.
la science,
quel-
un
nous assistons au grand spectacle que nous donne
l'on voit la
moyen
pensée du
Un
jour.
peu
treizième
le
plus
siècle
âge, luttant avec vigueur contre la bar-
barie, trouver enfin sa voie et s'élever à
une philosophie qui concilie
vérités de la foi et les conceptions rationnelles.
Mais
cette philosophie
tarde pas à être battue en brèche par d'audacieux novateurs,
Une
solide qu'elle soit, elle ne résiste pas à leurs coups.
les
et,
ne
quelque
prodigieuse agi-
tation s'empare des esprits; les systèmes se multiplient, la foi chrétienne
tend à s'affaiblir: nous ne
sommes
sommes
plus au temps de saint Louis, nous er
arrivés au siècle de François
I
et
de Léon X.
Telles sont les phases principales que parcourt
long intervalle de temps qui
commence aux
sion des barbares pour finir avec
la
la
philosophie dans
le
derniers tumultes de l'inva-
Renaissance du seizième
siècle.
Son
histoire, difficile à étudier, est souvent d'une aridité rebutante qui dîfie l'attention la plus résignée.
plusieurs ouvrages dont fections, est celui de
sions de
de
le
Cependant
plus complet
l'éditeur des
rien de la philosophie de saint les
écrivains
lieu,
s'étonnera pas que nous y
œuvres d'Abailard,
chrétiens
et
du moyen
âge,,
et la
Rhétorique,
la
il
faut d'abord
poète du cinquième siède,
comme
le
et
en vers, longtemps
poétique sommaire de
l'enseignement qu'elle ramène aux sept arts libéraux, la
savant histo-
qui conservèrent quelques rayons de
auteur du SatpHcon, espèce d'encyclopédie en prose
Dialectique,
le
Thomas d'Aquin.
Martianus Capella, philosophe
suivie dans les écoles
fas-
aussi des excellents travaux
l'antique savoir, au milieu des ruines de l'empire romain,
nommer
de nos jours, à
plus exact, malgré ses imper-
nombreux emprunts, en nous servant
M. Charles Jourdain, Parmi
et le
M. Hauréau. On ne
donné
a
elle
la
Grammaire,
la
Géométrie, l'Arithmétique, l'Astrononie
Musique. Ce grand ouvrage, où
l'on trouve plus d'esprit et d'inia-
,
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
47
comme
gination que de science et de goût, doit être considéré reflet
de
On
la
pensée antique,
comme
première lueur de
la
même
voit paraître, presque en
auteur d'un ouvrage en prose la philosophie
(fig.
plus admirés du
à
la
et
35
immolé par
des
moyen
le
ordres du prince
les
sur
traités d'Aristote
la
logique,
en vters qu'il intitula de la Consolation de
et
:
qui
et 36), et
pensée moderne.
la
temps que Martianus Capella,
patricien Boèce, ministre de Théodoric, qu'il avait servi, savant interprète
dernier
le
futt
un des
âge. Boèce eut
livres les plus
répandus
pour contemporain
et
et les
pour ami,
cour du roi des Goths, Cassiodore, également célèbre par son savoir
par son goût pour
et qu'il
P antiquité, dont
de
les livres
il
faire des copies
fit
contribua plus que tout autre à conserver pour l'éducation des âges
On
suivants.
un
doit à Cassiodore
tr aité
de l'Ame, un autre des Sept Arts
libéraux, un grand ouvrage des Institutions divines,
et
des lettres qui
sont du plus haut prix pour l'histoire littéraire de cette époque.
Un
siècle
rempli en
environ après Boèce
Cassiodore,
riété
il
a laisisé il
théologie, de la jurisprudence, la
A
mécanique
et
à force de persévérance, la va-
un grand ouvrage des Origines ou
résume en vingt de
livres les éléments de
l'histoire naturelle,
de l'agriculture,
des arts libéraux..
une autre extrémité de l'Euro>pe, l'Irlande, convertie au
nisme par saint Patrice plés
et qui,
de ses travaux. Outre des Commentaires sur l'Écriture sainte, et une
des Ètymologies , dans lequel
de
,
les diffi-
au premier rang des écrivains de son temps, par l'étendue et
Histoire des rois wisigoths,
la
rôle qu'ils avaient
échut en Espagne à Isidore de Séville, que
Italie
cultés de l'étude avaient d'abord relbuté s'éleva
le
comme
comme
il
le
Là
fut élevé,
vénérable Bède;
achevait de mettre
non sans
laisser
sieurs traités
,
le
la
au couvent de Jarrow, dans là
il
vécut, enseigna, et
le
diocèse de
mourut en 735
dernière main à l'explication d'un psaume,
de nombreux écrits, parmi lesquels on distingue plu-
pouvant servir d'introduction à
C'est également dans
Alcuin
rapidement couverte de monastères peu-
s'était
des villes, dans lesquels se conservait quelque tradition de
culture littéraire.
Durrham,
,
christia-
plus actif
employa pour relever
un monastère d'Irlande, à York, que
et le
les
l'étude des sciences. fut élevé
plus sav ant des auxiliaires que Charlemagne
études en fondant des écoles dans ses États. Les
SCIENCES ET LETTRES.
48
livres qu'il a laissés respirent le plus
noble enthousiasme pour
la philo-
sophie, qu'il ne distingue pas encore des arts libéraux, mais dont sent l'importance et qu'il regarde
comme
la
il
pres-
plus utile préparation à
la
science divine.
Fig. 35.
—
Boèce prend conseil de dame Philosophie. Miniature de
de Jean de Meung, ms, du xv e
L'œuvre d'Alcuin
siècle.
la
fut continuée
par son disciple Raban Maur, qui
mourut, en 856, archevêque de Mayence. Raban gence de son temps.
Il
Consolation de Boèce, traductbn
Bibliothèque de M. Ambroise Finnin-Didot.
est la plus vaste intelli-
a contribué aux premiers progrès des langues
vulgaires, par la composition d'un glossaire latin-tudesque livres de l'Ancien et
ses
pour tous
du Nouveau Testament. La volumineuse
œuvres comprend, avec des commentaires sur
les
collection de
l'Ecriture sainte, un
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
traité
de l'Instruction des clercs, un autre de la Supputation des temps^
mais surtout une encyclopédie, en vingt vers ,
et
dans laquelle
divines, des anges, de
Un
esprit
Fig. 36.
il
le
,
livres, qu'il a intitulée
et
de Fortune. Miniature de siècle.
c'est l'Irlandais
règne de Charles
le
des autres créatures.
la
Consolation Je Boëce, traduction de Jean de Meung,
Jean,
surnommé (fig.
3y),
Scot ou Érigène
parmi
les
détours d'une philosophie qui compromit
mêlant aux hallucinations du panthéisme de
,
qui figura,
maîtres de l'École du
Charlemagne. Génie subtil
familier avec la langue grecque, Scot se lança, les
moins sûr
et
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
Chauve
Palais, fondée à Paris par
de l'Uni-
successivement de Dieu, des personnes
assurément plus original, mais moins solide
— La roue
que Raban
traite
l'homme
ms. du xv e
sous
49
et
téméraire, très-
ou plutôt
les vérités
se perdit,
de
la foi
en
l'école d'Alexandrie. SCIENCES ET LETTRES.
dans les
Son
SCIENCES ET LETTRES.
5o
principal ouvrage est un traité de la Division des natures, dans lequel
enseigne que
même
que Dieu a
la création est éternelle;
tiré le
comme
teur et la créature ne doivent pas être considérés distinctes;
que
dans
surtout dans les premiers siècles du
Nous
Le nom de Jean Scot
une des plus étonnantes
et s'éteint
rapidement.
comme
Heiric et
presque oubliés, bien que leurs contem-
comment ne pas
France, l'Allemagne
Aurillac par les moines de
l'Italie, conseiller
des empereurs
d'Allemagne, tour à tour écolâtre, diplomate, archevêque de Reims
Ravenne, pape en
l'an
1000
et,
,
affaires publiques, trouvant le loisir
ticien, très-versé
dans
orgue hydraulique
un
laissèrent
et
Vers
le
tômes du
le
haut
l'esprit
et
Le
et la
les sciences, habile dialec-
physique, inventeur d'an
savoir et
la
fortune de Gerbert
des populations, que, suivant une
acquérir une
telle science,
il
avait fait un
milieu du onzième siècle, on voit se manifester quelques symptravail
nouveau qui
s'opérait dans les esprits et qui devait profiter
à la science profane.
débat s'engage au sujet du
dogme de
l'Eucharistie.
Il
est suscité rar
l'archidiacre Béranger, originaire de Tours, lequel niait que, dans
ment de
de .es
diable et lui avait vendu son âme.
aux études sacrées comme
Un
de cultiver
d'une horloge?
si
et
au milieu des soucis quedonnent
mathématiques
souvenir dans
tel
légende, pour s'élever pacte avec
les
la
cours de sa*yie aux événements
le
et
s'arrêter devant Gerbert,
temps, né en Auvergne dans
siècle, élevé à
l'abbaye de Saint-Géraud, mêlé dans la
et que,
âge, elles n'aient pas trouvé
un moment
figures de son
première moitié du dixième
qui agitent
créa-
des choses
d'anathème par l'Église,
moyen
brille
la postérité a
admirés. Mais
les aient
le
lui-
ne s'étonnera donc pas
n'insisterons pas sur quelques autres maîtres,
Remi d'Auxerre, que porains
On
la créature, etc.
ces étranges doctrines aient été frappées
d'adeptes.
de
créature subsiste en Dieu, et que Dieu, par une mer-
la
veille ineffable, est créé
que
monde
Ta formé de sa propre substance; que, par conséquent,
et
il
l'autel, le pain et le vin fussent
Jésus-Christ.
La
changés en corps
et
le sacre-
en sang de
doctrine de Béranger fut accueillie dans toute l'Église jar
un sentiment de réprobation unanime; plusieurs nèrent; au premier rang de ses adversaires se Paris, archevêque de Cantorbéry.
fit
conciles
la
condam-
remarquer Lanfranc, de
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
Fig. 3y. tin et
—
Dédicace au roi Canaries
le
Chauve par
le
5i
comte Vivien, abbé commendataire de Saint-Mar-
de Tours, d'une Bible écrite dans son abbaye. Charles est assis sur son trône, entouré de seigneurs
de gardes. L'abbé s'avance au-devant de lui; dix prêtres l'escortent de droite
la Bible dite
de Charles
le
Chauve, ms. du
Béranger avait représenté
ix e siècle. Bibl. nat.
et
de gauche. Miniature de
de Paris.
la raison confiante
en elle-même
et
plus dis-
posée à suivre, dans l'interprétation des mystères chrétiens, ses lumières
propres que
la tradition.
La
foi docile,
humble
et"
soumise, mais
la foi
SCIENCES ET LETTRES.
3 2
faisant effort
pour
arriver à la
compréhension de
la vérité divine,
eut son
représentant, aussi pieux qu'illustre, en la personne de saint Anselme,
le
successeur de Lanfranç au siège épiscopal de Cantorbéry. Entre autres
ouvrages, saint Anselme a laissé
le
Monologinm
demander aux Saintes
lesquels, écartant tout appareil scolastique, et sans
Ecritures aucune preuve importante,
même
buts de Dieu, par ridée cette idée. C'est
démontre F existence
il
de Dieu
et le
l'argument qui, cinq cents ans plus tard,
philosophie de Descartes. Les travaux de saint
le
surnom de second Cependant, à
la
même
époque,
éclate
s'applique à tous les
distincte,
comme
la théologie,
bien y
a-t-il,
le
tranchée dans
le
par exemple,
travail de l'esprit et soulager la
en dehors des idées particulières, une essence
La question sens de
nature
la
générales ne sont-elles que des
s'était élevée
la réalité
même
dont
l'ex-
nature,
c'est-
et
dès l'antiquité, et Platon l'avait
des idées;
elle fut
transmise au
moyen
ou plutôt par ceux de Porphyre, son
les livres d'Aristote,
prète, et, après avoir longtemps sommeillé dans les écoles
d'une manière, tantôt d'une autre, siècle,
sur
modèle immuable de leurs caractères communs,
à-dire générale?
ont mérité
de ces idées qui peuvent
pression dans l'intelligence est une idée ou notion de
âge par
lui
l'idée (X humanité ,
hommes. Les choses
commodes pour abréger
Ou
Anselme
une controverse purement philo-
et universelles, c'est-à-dire
s'appliquer à plusieurs choses,
mémoire?
succès de
fit le
saint Augustin.
sophique en apparence, mais touchant de près à des idées générales
et les attri-
développement logique de
la
formules
Prologium, dans
et le
elle
,
inter-
tantôt résolue
acquit, vers la fin
du onzième
une importance extraordinaire, lorsqu'un chanoine de Compiègne,
Roscelin, vint soutenir que toute réalité est dans idées générales d'objet réel;
nomina
:
que
d'où
ou
universaux ,
les
ce sont de
comme on
les
individus; que les
disait alors, n'ont
pas
pures abstractions verbales, de simples mots,
la qualification
de nominalisme donnée à cette doctrine; ses
adversaires, qui attribuaient aux universaux une certaine réalité, s'appelèrent réalistes.
Appliquant sa théorie au dogme de
soutenait que les trois Personnes divines, n'ayant de
que
la
ressemblance ou
trois êtres distincts et,
l'identité de
pour
la
Trinité, Roscelin
commun
entre elles
puissance et de volonté, constituent
ainsi dire, trois dieux.
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
nom
Saint Anselme protesta au
du dogme,
de l'Église contre cette interprétation
se partagea en
les réalistes.
de l'autre côté
Parmi
ces
Anselme, Odon de Cambrai, Hildebert
faut citer, avec saint
il
deux camps; d'un
coup de l'anathème lancé contre Ros-
côté, les nominalistes qui', sous le celin, osaient à peine s'avouer, et
en 1092 au concile de
débat qu'il avait soulevé devait
le
un long retentissement. L'École
derniers,
Condamné
laquelle en était la négation.
Soissons, Roscelin se rétracta; mais avoir
53
de Lavardin, Guillaume de Champeaux. Guillaume, qui mourut évêque de
Châlons-sur-Marne en 1120, avait professé
Notre-Dame
Paris, au cloître
et
la
la
théorie de l'universel.
substance première
proprement
et
de
les écoles
La
à l'abbaye de Saint-Victor.
originale de son enseignement était
que l'universel étant
réalisme dans
le
partie
prétendait
Il
dite, les indi-
vidus n'étaient que des modalités ou des manières d'être, se manifestant,
pour disparaître bientôt, sur
En poussant un peu
les
surface de l'unique et indivisible sujet.
la
conséquences de son système,
nier la personnalité et la liberté humaines, erreur dont la sincérité
de sa
pas moins
sait
raison
comme
de
l'arbitre
la
son disciple Bernard de Chartres déclarait que
une émanation de
la
listes,
se
il
fut préservé
philosophie naturelle,
la
pensée de l'homme
les
leçons de Guillaume de
prononça bientôt contre
lui et
dans un cours public de philosophie
le lui
reprochaient. Dès
qu'il ouvrit
le
début,
tel fut
était
Cham-
nom percomme ses
en son
son triomphe que des milliers
d'auditeurs enthousiastes vinrent écouter sa parole
et
embrasser sa doc-
trine. Il avait plus de subtilité, plus d'audace et surtout plus d'éloquence,
ses prédécesseurs;
il
et
contre les docteurs réa-
sonnel, en dehors de tout patronage étranger, sine magistro,
rivaux
par
pensée de Dieu.
Pierre Abailard avait suivi d'abord
peaux; mais
il
serait arrivé à
Guillaume de Champeaux n'en reconnais-
foi religieuse. la
il
entraîna,
il
passionna tous ceux qui l'entendaient,
et
que son
système, qui n'était qu'une forme du nominalisme, fut alors généralement accepté dans l'École. siste
à dire que
les
Ce système
a reçu
le
nom
universaux ne sont ni des
de conceptualisme. réalités,
comme
le
Il
con«
veulent
comme le prétendent
les
nominalistes, mais
des conceptions de l'intelligence, qui, ayant observé
la
ressemblance que
les réalistes, ni
de simples mots,
plusieurs individus ont entre eux, résume ces ressemblances en une notion
SCIENCES ET LETTRES.
34
qu'elle étend à tous ces individus. les qualités
qui
n'y a dans
la
nature que des individus;
générales elles-mêmes n'ont de réalité que dans
possèdent
les
Il
;
mais, en face de choses individuelles,
qui perçoit leurs rapports, qui dégage ce qu'elles ont de
engendre ainsi Abailard
Si
les
notions de genre
s'était
et
borné à soutenir
cette théorie,
toute vraisemblance, aux censures de l'Église, et
commun
un mot
d'espèce, en
et
,
qui
universaux.
les
aurait échappé, selon
il
se serait
il
pensée
a la
y
il
individus
les
épargné une
partie des tourments de sa vie. Mais, à l'exemple de Roscelin,
il
prétendit
appliquer sa doctrine philosophique à l'interprétation du mystère de
comme
Trinité; et alla,
soumis
et
Roscelin,
il
la
échoua, fut condamné dans deux conciles,
repentant, finir ses jours à l'abbaye de Cluny.
Tandis qu'Abailard
s'égarait dans les sentiers d'une théologie périlleuse,
d'autres maîtres qui se croyaient plus sages que lui, entraînés à leur tour
sur
de la
la
même
pente, se heurtèrent au
même
écueil.
L'un d'eux, Gilbert
Porrée, ne rencontra' d'abord ni défiance, ni mauvais vouloir, malgré
la
hardiesse de sa doctrine, puisqu'il fut choisi pour occuper
copal de Poitiers. listes,
le
avait
combattu ardemment
les
siège épis-
opinions des nomina-
sans se déclarer ouvertement défenseur des réalistes. Son réalisme,
consistait
que
Il
le
à supposer que,
«
souffle
si la
génération des choses a
du Créateur a produit
le
n'ont pas été néanmoins altérées dans
mouvement, la
les
commencé
dès
formes primordiales
nature par l'acte nouveau qui pro-
duisait les formes secondes; ainsi, les primitives et vraies substances de l'air,
été,
du
sont
feu, de l'eau, de la terre, de l'humanité, de la corporéité, etc., ont et
seront toujours en elles-mêmes permanentes, immobiles., sépa-
rées des substances subalternes ou formes nées
sence aux c'est la
phénomènes
sensibles
(fig.
38).
»
,
qui
communiquent
Selon Gilbert, ce qui donne
l'es-
l'être,
forme. Le principe de l'essence commune, c'est-à-dire de l'espèce ou
du genre, ne
sera
une affirmation,
émus de
la
donc pas une négation,
comme
la
comme
la
non-différence, mais
conformité. Bientôt des esprits perspicaces,
nouveauté de ces théories, s'alarmèrent des conséquences
qu'elles pouvaient entraîner, au point de vue de la foi.
Gilbert de la
Porrée n'avait pas craint de dire que l'essence étant, en ordre de génération, au-dessus de la substance, la divinité devait être quelque chose de
supérieur à l'individu du genre divin, qu'on appelle Dieu dans
la
langue
SCIENCES ET LETTRES.
56
des
hommes. Le
scandale fut grand
:
l'auteur de cette proposition hétéro-
doxe fut accusé de blasphème contre
un tribunal
ecclésiastique, à
accusation, que
le
les
Personnes divines. Cité devant
Reims, en 1148,
grand saint Bernard
était
il
eut à répondre à cette
chargé de soutenir. Gilbert
fît
plus que s'excuser d'avoir, à son insu, émis des propositions dangereuses; il
se rétracta
Fig. 39.
—
,
et
abjura ses erreurs. Saint Bernard insista pour que ces
L'arbre des êtres
translaté
du
Jehan de
la
latin
en
et
françois
Garde, libraire, en
des substances. Fac-similé d'une gravure sur bois du
Cuer de philosophie,
à la requeste de Philippe le Bel, roy de France;
imprime à Paris pour
,
1
5 14.
propositions fussent solennellement condamnées, déclarant qu'elles étaient
coupables, puisqu'elles avaient pu troubler
Malgré
ment
,
les périls
Pierre, dit
que pouvait le
Lombard,
offrir
les
pour
consciences fidèles la foi l'abus
qui fut évêque
(fig.
39).
du raisonne-
de Paris en
11 5o,,
ne
craignit pas de fournir à l'esprit de contention d'abondants matériaux dans
son livre des Sentences, vaste recueil de textes extraits des saints Pères, sur les principaux points de
la
métaphysique
et
de
la
morale chrétienne.
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
L'auteur ne en
et,
effet,
bientôt connu que sous
fut
son ouvrage devint
peut-être nul autre livre,
Fig. 40.
—
Cour plénière de d ame
sur les banderoles
:
«
Fortittudo
Justice distributive — Justice
la
la
nom
le
37
de Maître des Sentences;
base de renseignement théologique, et
Bible exceptée, n'a-t-il eu autant d'interprètes.
Justice, allégorie se rapportant
— Justice
particulière
commutative.
»
—
V
au livre
On
lit
Eutrepelie
—
des Éthiques d'Aristote.
—
Justice légale
Miniature d'un ms. du XIV*
Mansuétude
—
siècle. Bibliothèque
de Bour-
gogne, à Bruxelles.
Jean de Salisbury, que
le roi
Louis
Jeune appela en
le
de Chartres, avait fréquenté dans sa jeunesse tous
temps
attiraient la foule, et
écrivain élégant,
pour
le
foi
s'était
grand admirateur de
les froides subtilités
animé d'une
ne ne
les
176 à Tévêché
maîtres qui de son
attaché à aucun. Esprit délicat,
l'antiquité,
il
n'avait
des logiciens de son temps,
religieuse très-sincère,
1
il
inclinait
et,
aucun goût
bien qu'il fût
en philosophie vers
scepticisme. SCIENCES ET LETTRES.
—
8
SCIENCES ET LETTRES.
58
Les abus de
dialectique rencontrèrent une opposition bien autrement
la
Hugues
vive chez deux moines de l'abbaye de Saint- Victor,
son disciple
tous deux familiers avec
;
les sciences
profanes,
Richard,
et
à certains
et,
égards, amis de la philosophie, mais tous deux adversaires déclarés des
spéculations arides, et partisans de cette méthode qui nous élève à Dieu,
moins par
la
lumière de
sonnement que par
l'esprit foi et
la
que par
l'amour.
celle Ils
du cœur, moins par
le rai-
sont, au douzième siècle, les
représentants du mysticisme catholique.
Cependant l'Europe chrétienne ne connaissait encore que logiques d'Aristote. Voilà que, sur
Métaphysique
la
et
trent en Occident.
les
Il
traductions latines,
du douzième
répand, dans
unes
sur
faites
le
texte grec,
les esprits.
Grèce
la
et
de l'Orient produit
Quelques-uns sont pris de
David de Dinant
et leurs disciples,
les
rangs de
Physique,
autres sur des
écoles
la
plume des
monuments du
génie phi-
la
vertige,
musulmanes.
plus vive impression sur
comme Amaury
de Bène,
dont un grand nombre meurent sur
bûcher, victimes de leurs erreurs
dans
les
les
commentaires dus à
se trouvent joints des
écrivains arabes. L'apparition inattendue de ces
losophique de
la.
universités catholiques, des
les
versions arabes, dès longtemps en usage dans
A ces traductions
siècle,
ouvrages
Éthiques (Morale) du célèbre philosophe pénè-
s'en
les
la fin
les
et
le
de l'alarme qu'elles avaient causée
la société chrétienne.
D'autres, plus circonspects, plus
attachés à la tradition, s'efforcent de tourner au profit de la foi la connais-
sance de ces traités
et
de ces commentaires, inconnus jusque-là, dont
y cherchent des arguments en faveur
l'Occident vient de s'enrichir.
Ils
des vérités que l'Église enseigne
et qu'ils se
La Physique
et la
et la
(fig.
40).
Métaphysique d'Aristote, proscrites tout d'abord, de-
viennent ainsi peu à peu, pour assidue
proposent de défendre
source où
ils
les
plus pieux docteurs, l'objet d'une étude
puisent une partie de leur doctrine.
Alexandre de Haies, surnommé
le
Docteur irréfragable (mort en 1245), philosophie aristotélique.
Après
philosophes de
l'école
fut
un des habiles interprètes de
lui,
Guillaume d'Auvergne, qui avait étudié
néoplatonicienne d'Alexandrie
la
et
les
érudition théologique à combattre
les
les
philosophes arabes, employa son
conséquences erronées que
les
mo-
dernes partisans de ces philosophes avaient tirées de leur doctrine;
il
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
Fig. 41.
—
L'Heure de
la
mort, miniature allégorique placée en
tête de l'office des
59
morts, dans un livre
M. Ambroise Firmin-Didot. Le pécheur, sur le point de mourir, mis en face de ses péchés, se détourne pour prêter une oreille tardive aux conseils de son bon ange; sa Conscience, toute noire de ses fautes, lui en rappelle le nombre, et le remords comme un serpent dévore son cœur. Il s'arrête suspendu entre l'enfer, monstre qui vomit des flammes et attend une proie, et Dieu qui de la main droite menace de sa justice et de la main gauche té-
d'heures, manuscrit du xv e siècle. Bibliothèque de
moigne de son
désir de faire miséricorde.
SCIENCES ET LETTRES.
6o
mérita d'occuper et
le
mort
siège de Paris qu'il conserva jusqu'à sa
son épiscopat, qui honorait l'Église, ne
pas inutile à
fut
(1249),
cause de
la
la
saine philosophie.
Un
autre docteur contemporain
hautement qu'Avicenne peut regarder
était
comme un
losophie du treizième
Jean de
,
Rochelle
la
qui déclarait
,
son maître, écrivit un Traité de l'âme, qu'on
monuments
des
les
plus importants de
la
phi-
siècle.
Déjà, on avait signalé, en Italie, en France et en Allemagne, l'apparition
homme
d'un
Albert
le
aussi extraordinaire par son génie que par son savoir, de cet
Grand, qui devait renouveler
élargir l'enseignement, en
et
Né
introduisant l'étude expérimentale de la nature.
en Souabe,
et
en
1
[93, à
appartenant à une ancienne famille du pays,
premières études à Padoue; de
là,
s'était
il
y Lavingen,
avait fait ses
il
attaché à connaître toutes les
sciences, à les approfondir en écoutant les leçons des maîtres les plus
fameux, notamment dans vingt-neuf ans,
il
de Bologne
les écoles
la
conventuelle des Dominicains de Cologne. se faire recevoir docteur.
prêcheurs de
la
que
ce petit
M. Hauréau;
homme,
ciel et la terre
philosophie dans
Il
ouvrit, dans
Il
De
«
la
les
veilles studieuses,
ce
que
commença
âmes, en leur communiquant
magne, Albert dut renoncer
Nommé
bonheur de retrouver dans
les
et
appelé à
il
science était,
le
et
soleil
est
dont l'éloquence
divin transport, l'ar-
pour
visiter les
couvents de
en ne vivant que d'aumônes.
Il
eut
le
bibliothèques de ces couvents plusieurs ou-
vrages anciens, qu'on croyait perdus; copier sous ses yeux et
la
le
provincial des Dominicains en Alle-
à l'enseignement
son ordre, en voyageant à pied
le
pour lequel
lumière du
la
auprès des feux pâlissants d'une lampe sépulcrale,
»
1228,
on accourait autour
toutes parts,
autres sciences,
dente passion de connaître.
maison
couvent des Frères-
le
semblaient n'avoir plus de secrets, dont
ravissait toutes les
la
jeunesse ne voulait pas d'autre maître
amaigri par
disait-on, auprès des
latine. Il fut
de
l'âge
revint à Paris, en
rue Saint-Jacques, un cours public, qui
succès de l'école dominicaine.
de sa chaire, dit
A
entra dans l'ordre de Saint-Dominique et fut aussitôt
chargé, par ses supérieurs, d'aller enseigner
pour
de Paris.
et
il
les
copia de sa main,
il
les
fît
sauva ainsi de précieuses reliques de l'antiquité
Rome
par
le
pape Alexandre IV, qui
lui confia la
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
sacré -palais et qui l'éleva bientôt à la dignité épiscopale;
maîtrise du
mais Albert quitta, au bout de
pour retourner Cologne,
nommé
et
le
années, son évêché de Ratisbonne,
remonter dans
sa chaire. Ses
Docteur universel; il
et,
en
laissait
contemporains Pavaient sur-
effet,
lorsqu'il
mourut
Fig. 42.
d'innombrables ouvrages sur toutes
—
Sceau de
la
les
ouvrages d'Aristote.
Faculté de théologie de Paris.
Fig. 43.
—
C'est
mal
à
Contre-sceau de l'Université de Paris. xiv e siècle.
xiv" siècle.
propos qu'Albert
le
Grand
a été classé
parmi
appartenait plutôt à l'école des nominalistes, puisqu'il
pour
la
les réalistes
s'était
comme
des substances,
il
les
manières d'être inhérentes à façon des nominalistes
les
présentait la
comme
fut
modes
substance des individus.
choses qui sont l'objet de
pirique, à savoir les êtres dont l'ensemble
Grand ne
des
jamais inquiété, ni
même
compose
Il
la
:
prononcé
doctrine d'Abailard sur les principales questions où s'exerçait
controverse scolastique. Ainsi, loin de considérer les genres et
il
à l'âge de
branches des connaissances humaines, entre autres de volumineux
commentaires sur tous
il
Dominicains de
à ses études favorites, rentrer chez les
quatre-vingt-sept ans (1280), les
trois
les
la
espèces
essentiels, des définissait à la
recherche em-
l'univers. Albert le
suspecté, à cause de ses doctrines
:
avait la sagesse de s'arrêter à la limite qui touchait l'hérésie. Ses incer-
titudes et son indécision
commencent
là
où
il
y avait danger de conclure
SCIENCES ET LETTRES.
62
d'après lés exigences de la logique, et de résoudre des problèmes
TEglise ne permet pas d'aborder en dehors de la
Ces problèmes,
c'est le
glorieux saint
c'est le
contemporain,
foi.
d'Albert
c'est l'élève
Thomas d'Aquin,
que
le
Grand,
qui les circonscrira, pour ainsi
dire, dans les bornes de l'orthodoxie, et qui, partant des principes posés,
saura déduire
méthode nions
et
les dernières
dialectique.
Cette
conséquences, grâce à
méthode mettra de
dans ses jugements,
et
en avant un seul pas qui puisse théologie et sa
monuments de
Somme l'esprit
même
en
temps
la supériorité
l'ordre dans
elle
nombre
contre les Gentils sont au
opi-
l'empêchera de faire
Somme
conduire à l'hérésie. Sa
le
ses
de sa
de
des grands
humain. C'est quelque chose de merveilleux que
la
précision et la sûreté avec lesquelles l'auteur de ces deux ouvrages a su s'orienter, sans jamais
Thomas
Saint toire
était né,
d'Aquino, qui
dans
faillir,
dédale des questions qu'il y agite.
le
en 1227, dans
lui a
le
royaume de Naples, sur
donné son nom.
acheva ses études classiques à
Il
n'avait pas treize ans, lorsqu'il
de Naples. Les Frères-prêcheurs de
l'école
cette ville l'engagèrent à prendre l'habit de leur ordre,
de sa noble
puissante famille pour
et
le faire
tique et judiciaire. Après avoir prononcé ses à Paris, puis à Cologne, où faisait
il
surnommé
le
malgré
les efforts
entrer dans la carrière poli-
vœux,
il
fut
envoyé d'abord
suivit les cours de philosophie, qu'Albert
alors avec tant d'éclat.
parlant peu, fuyant
le terri-
Thomas
était
toujours rêveur
Ses condisciples l'avaient
la dissipation et le bruit.
Gros bœuf muet de
Sicile.
Un
et pensif,
jour, son maître eut l'oc-
casion de l'interroger sur des questions ardues, devant une nombreuse
assemblée,
et
Thomas d'Aquin
répondit avec une sagacité
et
une har-
diesse surprenantes. Albert, se tournant tout joyeux vers les assistants qui
avaient écouté en silence ces belles réponses du jeune Napolitain
appelez
Thomas un bœuf muet,
un jour viendra où
monde à Paris
entier.
où
il
»
les
leur
duquel
il
«
Vous
d'un accent prophétique, mais
mugissements de sa doctrine retentiront dans. le
Thomas, impatient d'apprendre
et
de connaître, retourne
n'avait fait qu'un court passage, et redevient écolier dans la
maison des Frères -prêcheurs de de trois ans,
dit-il
:
il
est rappelé à
la
rue Saint- Jacques
;
mais, au bout
Cologne par son maître bien-aimé, auprès
passe encore quatre années à étudier toutes
les sciences et
sur-
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
tout la science sacrée.
En
1
1248, lorsqu Albert est devenu provincial de
son ordre en Allemagne,
Thomas
rue Saint-Jacques où
avait déjà fait
il
revient à Paris, dans cette maison de la
un séjour
si
profitable à son ins-
truction, et c'est là qu'il complète ses études théologiques, en le livre
mence
Lombard.
des Sentences de Pierre ses
Fig- 44-
leçons, dans lesquelles
— Portrait
de Clément IV, peint
lucidité toutes les parties de sa
son immense réputation.
Il
est
les
dix-huit
un de
volumes
traités in-folio.
murs, à Rome,
Somme
xm"
la
basilique
siècle.
de théologie, qui sera
base de
la
et
il
ne cessa d'écrire
théologiques, qui ne forment pas moins de
L'Université de Paris l'avait adopté cTe le
roi de Naples,
Charles d'Anjou, voulut
de Naples
fit
Thomas d'Aquin
com-
continua ces leçons, devant un concours
ses enfants, et elle était fière
et le
il
développe avec une merveilleuse
empressé d'admirateurs, pendant plusieurs années,
une multitude de
commentant
reçu docteur et
fresque sur fond d'or, en mosaïque, dans
à'
de Saint-Paul hors
il
Il
revenir en
Italie,
obéit à regret;
il
posséder dans son sein. Mais
le
mettre à
la tête
le
de l'Université
par ordre du pape Clément IV était
comme
d'une santé chancelante
(fig.
44).
et atteint
SCIENCES ET LETTRES.
64
Les voyages fréquents auxquels
d'infirmités prématurées.
mettre dans l'intérêt
de l'Eglise accrurent ses fatigues;
concile de Lyon, en r274,
il
dans
titres
l'école
mourut, après quelques
il
de quarante-huit ans.
à l'âge
Thomas d'Aquin,que laissait
en allant au
et,
se vit forcé de s'arrêter, près de Terracine,
dans un couvent de Tordre de Cîteaux, où jours de maladie,
devait se sou-
il
nombre des
l'Église plaça plus tard au
de Paris
On
plus haute renommée.
la
saints,
décerna
lui
les
de Second saint Augustin, d'Ange de l'École, de Docteur angé-
lique, de
Docteur des docteurs.
treizième
siècle,
On
n'enseigna pas, en
d'autre théologie que la
sienne dans
depuis
effet,
le
plupart des
la
écoles catholiques.
Cependant saint
n'avait pas étouffé l'esprit de recherche, et
la scolastique
Thomas, malgré La
des contradicteurs.
immense
son lutte,
il
autorité, trouva plus d'une fois
est vrai
,
.s'était
engagée sur
philosophique, entre l'ordre de Saint-Dominique François. Albert
le
Grand, en
blessé les Franciscains
*qui
et
le
terrain
de Saint-
l'ordre
l'ennemi des réalistes, avait
se déclarant
opinions
se croyaient fondés à soutenir les
de leur premier docteur Alexandre de Haies. Saint Thomas, par respect pour son maître Albert, s'était mis dans
mais pas
à
il
en sortit souvent par
suivre Albert
le
la
le
camp
des nominaiistes,
force des choses et
Grand dans
ne
condamna
se
toutes ses conclusions doctrinales.
Ainsi, quoiqu'il eût approfondi l'étude des sciences naturelles,
pour tait
la
physique moins de goût que pour
de préférence vers
les
à ses facultés, à ses fonctions et à ses actes.
des idées,
il
inclinait
la
métaphysique,
questions relatives à
distinctes qui existent à l'état
permanent dans
La
le
monde
intellectuel
doctrine philosophique de saint
attaquée qu'après sa mort. vant. Henri de
expliquait la nature
l'intellect
des entités substantielles faisant partie d'un
du monde externe,
se por-
par saint
et,
soutenait que les idées sont des formes
il
plaire
il
au réalisme. Disciple de saint Augustin,
Augustin, disciple de Platon,
disait-il,
il
avait
substance spirituelle,
la
Quand
et
il
Le débat
Gand et Roger Bacon
(fig.
divin
monde
qui est l'exem-
45).
Thomas d'Aquin ne
s'était
ce sont,
;
fut
vivement
engagé, néanmoins, de son vi-
avaient plaidé avec chaleur la cause des
Franciscains qui défendaient la doctrine d'Alexandre de Haies
et,
par con-
—
Fi^. 45.
Saint Augustin, évêque d'Hipponc, revêtu du costume de son ordre sous sa chape épiscopale, est
il donne sa règle. Sous ses pieds Aristote, tenant une banderole sur laquelle œternum, non habere principium, neque finem. Aristoteles, déclare l'éternité matière, doctrine réfutée par saint Augustin. D'après un tableau du musée Campana. Ecole italienne
entouré de religieux auxquels
on
lit
de
la
:
du xv c
Dicimus
mundum
esse
siècle.
SCIENCES ET LETTRES
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
séiquent, le interne
F ig.
46.
pur réalisme. Saint Bonaventure (fig. 46), qui mourut presque en
temps que saint Thomas d'Aquin,
—
67
avait fait le procès
au rationalisme
Saint Bonaventure, d'après une peinture à fresque de Jean de Fiesole, dans la Chapelle de Nicolas V,
au Vatican, xv'
plutôt qu'au nominalisme;
il
siècle.
appartenait à Tordre de Saint- François,
et
il
inclinait vers le mysticisme, en conseillant de fuir l'École et de mépriser la
SCIENCES ET EETTRES.
03
science.
Les détracteurs de
la
philosophie se rangèrent à
Ce ne
Galles, qui était aussi franciscain.
la suite
de Jean de
fut pas la seule défection
dont
Tordre de Saint-François eut à gémir. Richard de Middleton vint professer le
nominalisme,
saire
mais
à l'Université de Paris;
dans Guillaume de Lamarre, qui
ciscaine, en attaquant les Dominicains. à l'autre
Le meilleur soutien de
.
surnom
le
rencontra un rude adverde l'école fran-
reprit la thèse
La
lutte se
propageait d'un
doctrine de saint
la
Thomas
Colonna, qui acquit, dans
disciple et son compatriote Egidio
scolastique,
il
camp
fut
son
cette guerre
Doctor fiindamentarius parce que
bizarre de
,
partisans lui attribuaient l'honneur d'avoir jeté
les
ses
fondements de
la
science nominaliste.
Les Franciscains toutefois l'emportèrent, quand leur école eut pour chef
un des maîtres
niste de
nommé
Docteur subtil
Flambeau, les îles
Britanniques;
prit
que
les
uns
de
Merton, à Oxford, il
où il avait achevé
la
et
,
(fîg.
il
47).
la
Il
mourut en i3o8,
le
né en 1274, dans
il
l'indique son
nom.
porta d'abord vers
le
les le
succéder des milliers d'audi-
C'est
enseigna
le
chaire de philosophie dans
vit se
théologie et se faire recevoir docteur.
à la fois.
comme
son aptitude
ses classes, et
l'envoya ensuite à Cologne, où
Colonne,
avant de faire ses études dans
occupa bientôt
teurs autour de sa chaire
Il était
fut sur-
disent originaire d'Irlande; les autres,
le
Saint-François
mathématiques. Mais
redoutable antago-
l'école franciscaine appelait la
plus grand nombre, d'Ecosse,
le
l'habit
collège de
collège
et
le
fougueux Duns Scot, qui
le
l'Astre toujours brillant de la science.
d'Angleterre; Il
Thomas,
de saint
l'école le
plus fameux de son temps,
les
à Paris
qu'il
alla
étudier
Le général des Franciscains la
théologie et la philosophie
à peine âgé de trente-quatre ans, en laissant
un énorme amas de travaux philosophiques qui furent rassemblés seulement au dix-septième Albert
le
Grand
damentale de théologie.
Ce
la
siècle et
imprimés en vingt-cinq volumes
avait cherché dans la philosophie naturelle la base fon-
science; saint
fut sur la logique
Thomas
pensait l'avoir trouvée dans la
que Duns Scot essaya de
l'établir.
lui, le syllogisme devait être l'unique règle de la certitude.
Suivant
Mais quand on
comme le remarque M. Hauréau, on s'engage dans périls. En effet, dans plusieurs de ses traités, Duns
part de ce principe,
une voie pleine de
in-folio.
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
Scot côtoya souvent des écueils; conduit plus d'une
ment du syllogisme, l'esprit
son bon sens
et sa
prudence
le
les
fois,
dogmes de
à mettre en doute les
de système jusqu'à énoncer
7<
par l'entraîne-
la foi et
propositions les plus téméraires,
ramenaient aussitôt en arrière,
et
—
Docteurs
italiens.
xv e
Ms. de
siècle.
la
Miniature de la Vie de sainte Catherine de Sienne.
était
pas moins très-croyant
et la
plus déliée l'avait conduit à justifier
En
recherchant
la
échap-
Bibliothèque nationale de Paris.
Duns Scot
toujours une retraite derrière les arguties du sophisme.
réalisme.
il
ménageant
pait à ses propres théories par de subtiles distinctions, en se
Fig. 48.
à subir
et très-pieux.
La
les
dialectique
opinions
les
la
n'en
plus savante
plus hardies du
nature propre du tout composé,
il
s'attachait
à en distraire les qualités diverses qu'il trouvait inhérentes ou adhérentes
au
même
sujet
:
il
concevait ainsi la matière séparée de toute forme, la
forme séparée de toute matière, ou simplement quelques formes,
et
la
matière séparée de
cependant unie à quelques autres
de ces notions, à chacun de ces concepts distincts,
il
:
puis, à chacune
faisait
correspondre
SCIENCES ET LETTRES.
72
une nature, une existence.
C'était à ces obscures et insaisissables élucu-
brations que la scolastique consacrait des traités volumineux qui avaient le
privilège de passionner les esprits et qui faisaient le principal entretien
des écoliers dans leurs promenades au Pré aux Clercs
Les thomistes le
(fig.
47).
guerroyèrent, durantplusieurs
et lesscotistes
domaine vague des abstractions ténébreuses.
Il
dans
siècles,
n'était plus question
d'Alexandre de Haies, mais toujours de Duns Scot, représenté par ses disciples et ses sectateurs
:
François de Mayronis,
Antonio Andréa, Jean Bassolius cains n'avaient pas
abandonné
et
«
Pour
Docteur illuminé, 48).
Les Domini-
Thomas
avait encore
(fig.
n'être pas accusé de trahison, dit
Thomas,
tout franciscain devait se déclarer contre saint
tout dominicain contre
Duns
comme
furent signalées
surnommé dans
Scot.
le
Il
y eut pourtant des exceptions qui 1
Paris
l'Université de
attaqua vivement
»
et
des schismes. Ainsi Pierre d'Auriol, qu on avait
quoique franciscain.
liste,
Pietro d'Aquila
la partie, et saint
d'éloquents et ardents successeurs.
M. Hauréau,
dit le
C'était
le
Docteur éloquent
fut
,
nomina-
un dialecticien de premier ordre;
réalisme psychologique dans saint
Thomas
ne
et
il
lit
pas grâce aux espèces naturelles, aux idées-images de son école. Cette controverse hardie, qui atteignait indirectement jeta la
perturbation dans
plupart parmi
les
doctrine de
la
Duns
rangs des réalistes, lesquels se recrutaient
de
Durand de
Saint- Pourcain
,
dit le
hautement
fit
cette
époque,
dit
le
même
défenseur des doctrines de
M. Hauréau,
l'habit
que
et, s'il
Tune ou dans
doit toujours exister
l'autre, suivant ses goûts,
C'est encore de l'Angleterre scolastique. avait eu
Scot.
maître.
A
«
les liens
:
écoles,
de
la discipline
chacun se range dans
son humeur, ses opinions.
le
célèbre
Duns
Scot, et
il
a pris le
le
le
»
comté de Surrey,
il
la
nom,
disciple était
Après avoir passé sa jeunesse chez
prêcheurs de Guilford, dans
dater de
porte en religion n'en-
Guillaume d'Ockam, né dans un bourg dont
tel
dominicain
que va venir une nouvelle lumière de
pour maître de théologie
digne d'un
deux
qu'il était
Duns
l'on
gage plus étroitement à une secte philosophique sont brisés,
ce fut
Docteur très-résolu, qui, en
professant la philosophie, ne se souvint plus et se
la
revanche une défection, non moins
En
les franciscains.
éclatante, se produisit au profit de l'ordre de Saint-François; celle
Scot,
les
Frères-
vint chercher à Paris,
PraloTi Lith.
Tmp.Fraillery
.
.
LA RESURRECTION DES MORTS ET LE PESAGE DES AMES Miniature
du Psautier de saint Louis,
ms
du
xiu" siècle, provenant
,
AU JUGEMENT DERNIER.
du trésor de
n° \W1 T. L. de la Bibliothèque de l'Arsenal.
l'abbaye de Poissy
;
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
73
pour l'exposition de sa doctrine nominaliste, un théâtre plus vaste public plus nombreux.
camp
opposé.
qu'en donnant,
kam, en
la force
de
la
logique
Nous ne pouvons mieux
cette fois encore, la parole à
faire
le
poussa malgré
lui
M. Hauréau. Guillaume d'Oc-
analysant la faculté de connaître, constate qu'elle a des énergies et l'abs-
:
que nous appelons
l'abstraction.
simples que nous procure
les idées
composées que
la
A ces deux énergies correspondent
vue des objets sensibles
et les idées
forme par comparaison, par abstraction.
l'intelligence
Guillaume d'Ockam démontre ensuite que, pour avoir mal connu gence humaine dans sa manière d'être
et
divine. Dieu est
dans sa manière d'agir,
le
nom du
mystère; ses œuvres, chacun
donc commis une erreur grave
compte des Augustin
l'a dit,
la
mais
est-il
pensée de Dieu,
formé par
la
cette essence
le
créer; saint
A quoi
datomes
toutes ces choses imaginaires, n'est-
mêmes
et des limites et des entraves, et
conditions que sa créature? Est-il
nature de Dieu à un concept venu de l'expérience,
humaine, représentant une somme de
la raison
abstraites des choses,
monde, avant de
et d'espèces, et d'intelligibles, et
même
soumettre, par analogie, aux
que
dangereuse, en voulant se rendre
imposer à sa volonté omnipotente
convenable de réduire
Le réalisme
besoin d'aller au-delà de cette vérité?
spirituels? Supposer en Dieu
le
et
idées divines. Dieu imagina le
bon peupler
ce pas
les réa-
les voit et les
juge; mais nul ne peut apprécier quel est la nature de Dieu. a
l'inteLi-
sont étrangement trompés dans la définition de l'intelligence
se
listes
dans
comprendre son système
qui la secondent, savoir l'intuitive, que nous appelons la perception, tractive,
un
avait pourtant soutenu d'abord les principes réa-
de son maître; mais
listes le
Il
et
qualités
mais ne définissant pas l'essence pure de Dieu, puis-
mystérieuse échappe, par sa nature
même,
à toutes les
investigations de l'énergie intuitive? Telle est la principale thèse de Guil-
laume d'Ockam. Le nominalisme âge,
un
n'avait pas trouvé, dans tout
le
moyen
interprète plus audacieux.
Ce grand docteur ne
fut pas
doctrine, qui rencontrait
mis en cause par
la
Sorbonne, à cause de sa
néanmoins de puissants adversaires; mais son
attitude vis-à-vis de la papauté, à l'occasion de la querelle de Philippe le Bel
avec Boniface VIII, la
Cour de Rome.
le signalait
Il s'était fait le
au ressentiment
champion du
et
roi de
aux vengeances de France;
il
SCIENCES ET LETTRES.
fut acti-
—
10
SCIENCES ET LETTRES.
74
vement secondé parle général des Franciscains, Michel de Gésène, quand
XXII
continua sa polémique agressive contre Jean
XXII
Jean
pontifical.
se
pendant
et
Michel de Césène, à Avignon, où
l'installation
le
il
mander Guillaume
fit
Saint-Siège s'était établi
XXII,
Ton com-
se trouvèrent prisonniers, et
l'instruction de leur procès qui les menaçait d'un châtiment
mença :
ils
eurent
le
d'Aigues-Mortes où bâtiment
frété
Tétait
d'un antipape à Rome. Les deux franciscains, ayant
obéi à Tordre de Jean
plaire
pouvoir
le
moins outragé lui-même que ne
sentit
son caractère sacré de vicaire de Jésus-Christ;
d'Ockam
contre
et
il
bonheur de les attendait
sortir
d'Avignon
une barque qui
et
de gagner
les
exem-
le
port
transporta sur un
par Louis de Bavière. Ce prince, partisan de l'antipape
donna
Pierre de Corbario, leur
dans ses États, où
l'hospitalité
ils
dispa-
rurent, pour ainsi dire, de la scène politique et religieuse.
La
d'Ockam
doctrine de Guillaume
survécut dans
lui
les écoles, et les
docteurs qui essayaient delà combattre rencontrèrent peu de sympathies.
Walter Burleigh lui-même, malgré ver
la
ses courageuses tentatives
pour
cause du réalisme, n'est pas écouté. Les nominalistes ont partout
succès du
nombre
et
de
vaincus
:
ils
se
nomment Robert Holcot, Thomas
est
pour eux une source d'influence
et
et
con-
de Strasbourg, Jean
Buridan, Pierre d'Ailly. La plupart sont des professeurs
gnement
le
propagande. Leurs maîtres sont des docteurs
la
estimés, des dialecticiens invincibles, des chefs de parti énergiques
Au
rele-
et leur ensei-
de renommée.
milieu de ces discordantes doctrines, on entend tout à coup
la
voix
du vénérable Jean Charlier de Gerson chancelier de l'Université de Paris, ,
qui proteste contre l'abus de la dialectique
grand
frivoles disputes, s'écrie ce
Docteur évangélique nous conduire à
la
et
homme
tres-chrétien ; ne
:
«
Mettons un terme à de
qui mérita d'être
demandons plus à
surnommé la
si
quelques
ou orgueilleux s'attachent encore à des chicanes philoso-
phiques, déplorons leur égarement loin de l'École et
Raison de
Vérité, qu'elle ne peut atteindre seule. C'est la Foi qu'il
faut interroger; c'est la règle de la Foi qu'il faut suivre; et esprits indociles
le
au sein de l'Église
chant appel à un retour vers
que dans quelques âmes;
il
la
et allons, la
humbles de cœur, chercher
paix, la lumière et la vie.
théologie mystique
n'empêcha pas
(fig.
»
Ce
tou-
49) ne trouva d'écho
la jeunesse,
toujours ardente,
Fig. 49.
— Miniature de
la
Cité de Dieu, de saint Augustin, traduction de Raoul de Presles; ms. du xv e
Sainte-Geneviè've. L'enceinte supérieure représente les saints déjà reçus dans
le
ciel, et les
rieurs indiquent ceux qui se préparent, par l'exercice des vertus chrétiennes, à faire partie faire
exclure à ttoujours par les sept péchés capitaux.
sept
siècle.
Bibliothèque
compartiments infé-
du royaume
éternel,
ou à
s'en
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
de s'abandonner aux entraînements de
pour
Cependant tous ces systèmes, nés de limites, devaient bientôt
achevé de discréditer
la
logique poussée à ses dernières
tomber d'eux-mêmes, en perdant
leurs défenseurs et de leurs soutiens.
—
de prendre parti
philosophes logiciens.
les
Fig. 5o.
la dialectique et
77
la scolastique,
la
plupart de
Le triomphe du nominalisme
avait
qui ne trouvait plus dans les Univer-
Bacheliers de la Faculté de théologie et professeurs des Facultés de théologie, de jurisprudence et
de médecine, à l'Université de Pont-à-Mousson, tirés des Funérailles de Henri
Claude de
la Ruelle.
II,
duc de Lorraine, par
Bibliothèque nationale de Paris. Cah. des Estampes.
sités
un concours
dans
les cloîtres.
aussi empressé d'auditeurs, et qui tendait à se réfugier
Ajoutons que
lièrement ralentie par
la
la lutte
des écoles rivales se trouvait singu-
découverte de l'imprimerie; car, grâce à cette in-
vention qu'on qualifiait de divine, les ouvrages de philosophie ancienne, qui avaient servi de texte à l'enseignement oral des professeurs, pouvaient se multiplier désormais entre les mains des amis de la science. Ces livres
imprimés, en
se
suppléer aux leçons que
répandant de toutes parts, étaient
les
faits
pour
étudiants venaient chercher, à grands frais, dans
SCIENCES ET LETTRES.
7«
les
Universités où les appelait la réputation des maîtres de la dialectique.
Comme M. Hauréau
observer avec beaucoup de justesse:
le fait
Aupa-
«
ravant, on recueillait les principes de la science d'un seul maître, et presque
toujours on devenait son partisan; pour dépister une école et aller se
ranger sous d'autres enseignes,
il
avoir une audace peu
fallait
commune.
Maintenant on compare, on interroge, avant de choisir, dix maîtres à Ces maîtres ne sont autres que
fois. »
tous
les
pays de l'Europe
La philosophie de
la
(fig.
les livres
qui sortent des presses de
sur
point de naître, lorsque les
5i).
Renaissance
Grecs
fugitifs,
Italie
des manuscrits renfermant
était
le
après la prise de Constantinople par les Turcs, apportèrent en les
ouvrages de Platon
et
des philosophes
de l'école d'Alexandrie. Ces ouvrages, que l'on croyait perdus, tradition seule avait conservé
du quinzième
ne l'avaient
philosophie antique avec
écrits
clite et
été
au douzième
la scolastique
siècle.
ligences, impatientes
des voies où
la
et
la
La comparaison de
des écoles ne fut pas à l'avantage
de Platon surtout firent mieux connaître
de Pythagore,
dont
d'enthousiasme encore que
de cette dernière, qui sembla trop étroite, trop obscure,
Les
et
un vague souvenir, furent accueillis, au milieu
siècle, avec plus de respect et
les livres d'Aristote la
la
trop servile.
et
opinions d'Héra-
les
ouvrirent des voies nouvelles à quelques intel-
de s'affranchir de toutes
les
entraves et de sortir
théologie les guidait depuis quatre à cinq siècles
Cette période de rénovation philosophique
commence par de
(fig.
vifs
5o).
débats
entre deux philosophes grecs de Constantinople, Gémiste Pléthon et Théo-
dore de Gaza; Plotin;
le
scolastique
On
premier, partisan fanatique de
l'école
second, fidèle sectateur d'Aristote. C'en :
d'Italie sont liens.
le
les chaires qu'elle avait à
envahies par
les
Florence
et
Alexandrine de de
est fait
dans
la vieille
grandes
les
nouveaux docteurs platoniciens
villes
et aristoté-
ne parle plus, dans l'École, que d'Ermolao Barbaro, d'Ange
Politien, de Laurent Valla.
Un
écolier de
Louvain, Rodolphe Agricola,
vient étudier sous ces illustres maîtres et retourne en Flandre
pager leurs doctrines.
En Espagne, comme en France,
empruntées aux anciens philosophes de accueillies avec des
la
Grèce
et
pour y pro-
ces doctrines,
de l'Egypte, sont
applaudissements unanimes. L'Université de Paris
impuissante pour arrêter ce torrent de nouveautés, que
la
est
Renaissance
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
italienne déverse sur l'Occident.
partout
n'y a plus d'écoles, plus de discipline;
Il
la licence, l'anarchie et la
confusion.
Nicolas de Cuza prétend, avec Pythagore, que
Ici, le cardinal
naissance des choses se cache dans
la
hasarde à représenter l'essence divine
se
confondent toutes
—
Dame
les différences.
la
con-
mystérieuse notion des nombres,
se
Fig. 5i.
79
comme un
centre
et
il
harmonique où
Là, Marsile Ficin (mort à Florence en
Philosophie. Miniature du Trésor, de Brunctto Latini, ras. du XV e
siècle.
Bibliothèque de l'Arsenal.
1499) fonde une académie platonicienne, saints Évangiles, c'est l'enfant les sciences la
thèse
celle
il
et,
sous prétexte d'expliquer les
rend un culte exclusif à son divin Platon. Ailleurs,
prodige, Jean Pic delà Mirandole,qui, après avoir étudié toutes
connues de son temps, et avoir soutenu, à
De omni re
scibili, s'efforce
de concilier
la
l'âge
de vingt-trois ans,
philosophie
d' Aristote et
de Platon, en s'aidant des étranges évocations de l'astrologie
kabbale.
De
là
une
et
de
la
école nouvelle de kabbalistes, de magiciens et d'astro-
Ce sont sans doute des savants consommés, que ces Italiens et ces Allemands (fig. 52;, qui s'efforcent de mettre au jour les arcanes de la Nature logues.
SCIENCES ET LETTRES.
8o
matérielle et immatérielle
:
Jean Reuchlin associe, dans ses
écrits, la
kabbale
scolastique; Georges de Venise croit découvrir, dans les mystères de
et la la
génération et de
le
seul Dieu.
la vie,
que
la
substance est
Théophraste Paracelse, qui
de Hohenheim, mêle
métaphysique
la
n'est autre
à la
un
loin alors de la sûre et
il
ferme doctrine de saint
Duns
l'être
absolu,
que Philippe Bombast
fait le
comme deux
subs-
principe de la vie
aux corps.
fluide animal les esprits
des abstractions dialectiques de
unique,
physique
tances médicales, et affirme que Dieu, dont universelle, a uni par
l'être
On
était
bien
Thomas d'Aquin, comme
Scot.
Aristote conservait des disciples qui prétendaient rester fidèles à sa doctrine
;
mais l'entraînement général
les
poussait à des abîmes. Pierre
ponace, de Mantoue (né en 1462, mort en i526), annonce au péripatétisme,
demandant
soulève
Aristote avait admis ou
si
débat
le
non
le
principe de l'immortalité de
le
que
la
raison et
égard suppléer au silence du maître.
On
ne
lui tint
Il
concluait à
la
qu'il s'en tient
plus dangereux, en se
négative, ajoutant
l'âme. à cet
et voilà qu'il
Pom-
la
Foi devaient
pas compte de sa
réserve, et ses adversaires lui reprochèrent hautement, les uns, d'avoir
outragé Aristote en
le
dénonçant
comme
hérétique, les autres, de s'être
servi perfidement des doctrines péripatéticiennes
détestable hérésie.
Pomponace
n'en eut pas
pour mettre en avant une
moins des
disciples passion-
nés, qui s'égarèrent plus ou moins dans les sciences occultes ou dans la
scolastique, entre autres Augustin Niphus, de Calabre, et Jules-César
Scaliger, de
Quant
Padoue.
à la scolastique, les aberrations de ses adversaires lui suscitaient
de chaleureux défenseurs. Tels furent
Thomas de Vio,
dit
Cajetan (né
en 1469), qui devint cardinal, après avoir professé la philosophie de saint Thomas; son élève Léonicus Thomasus, de Venise, qui mit tous ses soins à restaurer la
pure logique, laquelle
n'était autre
que
la
doctrine aristoté-
lienne; Jacques Zabarella, de Padoue, qui possédait tous les grands philo-
sophes du treizième
siècle
et
qui cherchait à
les
mettre d'accord avec
Aristote.
Mais
voici
que
les
vieux commentateurs arabes des livres aristotéliens,
surtout Averrhoès, reprennent autorité dans l'École. Achillini, de Bologne, et
Zabarella ne font que reproduire
les
opinions
d' Averrhoès.
Le plus
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
de ces nouveaux averrhoïstes,
illustre
génie extraordinaire qui laquelle
il
s'éleva
fit
c'est
Jérôme Cardan, de Pavie,
rétonnement de son
dans toutes
les sciences.
81
«
par
siècle,
Cet
ce
la supériorité
homme, dont
la
à
pensée
enthousiaste, inquiète, incapable de repos, accueillait toutes les doctrines, dit
M. Hauréau,
les
dieux,
Fig. 5a.
—
même
se
voue à tous
les
systèmes, adore,
celui de la conscience
Les Sciences naturelles, en face de
la
ce n'est pas
;
et
puis insulte tous
un individu,
c'est
une
Philosophie. Fac-similé d'une gravure sur bois, attribuée
à Holbein, dans la traduction allemande de la Consolation de la philosophie, de Boèce, édit. d'Augsbourg, 1
537, in-fol.
génération de philosophes.
jugement,
et
foi sincère,
et
tous
tance
les
et
» Il
avait plus de mobilité dans l'esprit
son ardeur inconsidérée, que ne modérait
l'entraîna vers de monstrueuses anomalies.
panthéistes,
il
défendait
de l'unité de mouvement.
le
On
Rome La même
rut à
les
(
la
et
médecine, ceux-là
les
le
pape
mais
il
et qu'il
en vendant des
manquer de produire
uns inclinant au panthéisme,
ayant étudié
Comme Averrhoès
l'accusa d'être athée;
1576), en tirant des horoscopes école ne pouvait
bon sens ni une
double principe de l'unité de subs-
bien dissimuler ses opinions, qu'il fut pensionné par
minés,
ni le
que de
sut
si
mou-
élixirs.
des fous et des illu-
autres au scepticisme, ceux-ci
la scolastique,
avant que
la fantaisie
SCIENCES ET LETTRES.
—
I
I
leur
SCIENCES ET LETTRES.
82
de Dieu
prît de connaître et de définir l'essence
André Cesalpin ment VIII,
fut
d'Arezzo
,
et l'essence
qui était d'abord médecin du pape Clé-
,
soupçonné, à juste
titre,
de panthéisme,
et
parce qu'il avait soutenu, avec Averrhoès, que Dieu
que
la
ment
même
substance
ouvrages,
ses
de toutes choses. Malgré
échappa aux persécutions,
il
de Pâme.
ment, à Rome, en i6o3. Mais
le
était
les et
même d'athéisme, moins
la
cause
erreurs que renfer-
mourut chrétienne-
malheureux Jordano Bruno, moine
dominicain, fut moins heureux qu'André Cesalpin. Génie plus fécond
que
judicieux,
doué d'une imagination
brillante
,
poussant
la
confiance
jusqu'à la plus extrême présomption, Bruno, déjà signalé pour la témérité
de ses systèmes,
quand
s'enfuit
il
dant vingt ans,
allait être
du royaume de Naples.
et
fit
où
il
:
l'Inquisition
le fit
le
perdit;
il
arrêter, juger et
Rome même
hérétique relaps. C'est à
était
dogme
la
Francfort, des
catholique et
la
condamner au bûcher, comme
qu'il fut brûlé vif,
du royaume de Naples donnaient
losophes d'Alexandrie. Ce n'en
et à
eut l'imprudence de rentrer
Si la doctrine d'Aristote était souveraine dans
écoles
pouvoir ecclésiastique,
erra, de ville en ville, pen-
Il
attaquait à la fois le
doctrine d'Aristote. Son audace Italie
le
imprimer, à Londres, à Paris
traités philosophiques,
en
poursuivi par
le
en 1600.
nord de
l'Italie, les
préférence à Platon et aux phi-
pas moins
le
panthéisme qui régnait
partout, sous les auspices de Platon et d'Aristote. Ainsi, Telesio est panthéiste
dans sa chaire de Cosenza; Patrizzi, panthéiste, dans sa chaire de
Ferrare,
et ce
dernier ose
l'Université de
même venir
professer cette doctrine païenne dans
Rome. Les grands noms de Platon
et
d'Aristote innocen-
taient les tendances de leurs interprètes. L'Inquisition ne croyait point
avoir à défendre l'Église contre
la
science
;
car les apôtres de la philosophie
aristotélienne et platonicienne ne trempaient
aucunement dans
les
com-
plots des novateurs hérétiques. Il fallait
pourtant choisir une philosophie pour
On rejeta celle de Platon
;
Mélanchthon
lui-même, pour l'enseignement de
la
fit
adopter
les écoles
luthériennes.
celle d'Aristote;
il
rédigea
philosophie, et conformément aux
principes aristotéliques, plusieurs ouvrages élémentaires qui furent accueillis
avec une faveur méritée. Érasme
nant vers
le
(fig.
53), qui restait catholique
en
luthéranisme, suivit également l'exemple de Mélanchthon,
incli-
et se
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
chargea de traduire plusieurs de l'école de Baie. Mais direction et atteindre
la
— Portrait
en
les
appropriant
à l'usage
philosophie d'Aristote devait prendre une autre
un autre
Le Flamand Juste-Lipse
Fig. 53.
traités d'Aristote,
83
but, en passant dans les écoles des Pays-Bas.
(né près de Bruxelles, en 1647) entra
d'Érasme, d'après une gravure sur bois du xvi e
dans
siècle. Biblioth. nat.
la
voie
de Paris.
Cabinet des Estampes.
des stoïciens, appliqua leur morale aux théories péripatéticiennes, et ne
sépara point de
la
théologie
la
philosophie. Gaspard Scioppius et
Thomas
Gataker furent ses principaux disciples.
La France devait France avait
s'associer aussi
cà
ces innovations philosophiques.
été la véritable patrie de la scolastique;
civiles et religieuses
du seizième
siècle avaient
amené
la
mais
les
La
guerres
suspension près-
SCIENCES ET LETTRES
84
que complète des études. Cependant Pierre Ramus, ou plutôt La Ramée, né en Picardie (i5i5),
se
proposa de restaurer renseignement de
losophie, en attaquant Aristote
en recommandant
et
la lecture
la
phi-
de Platon.
avait essayé de mettre à la portée de tous la logique, débarrassée
Il
verbiage sophistique,
pour inculquer
à ses
et
le
se servait
nombreux
était calviniste et n'avait
devant
il
le
élèves les
du
cette logique nouvelle,
maximes de
que trop de tendance
Parlement, non pour
phèmes contre
adroitement de
la
Réforme; car
il
à devenir fanatique. Il fut cité
opinions religieuses, mais pour ses blas-
ses
péripatétisme; son procès n'avait, d'ailleurs, aucun carac-
tère inquisitorial. Il n'en fut pas
professeur au Collège Royal
moins condamné, destitué de
et forcé
sa chaire de
de s'expatrier momentanément. Ses
adversaires acharnés, Antoine de Govea, Jacques Charpentier et d'autres,
dans
cette lutte
ardente
détracteur d'Aristote.
poursuivaient moins
et furieuse,
Ramus,
qui s'était
fait
le
huguenot que
le
chef de la petite école des
ramistes, alla faire des cours de philosophie, dans les villes des bords du
Rhin; mais, après trois ans dans
le
massacre de
d'exil,
il
osa rentrer en France
la Saint- Barthélémy.
On accusa son
enveloppé
et fut
ennemi personnel,
Jacques Charpentier, de Clermont en Beauvoisis, professeur de mathématiques au Collège Royal, de l'avoir fait tuer, par ses écoliers, pendant la terrible nuit
du 24 août 1572.
Platon avait peu réussi, malgré sité
de Paris, où
la
les tentatives
de
Ramus, dans
l'Univer-
scolastique s'efforçait de reprendre son empire. Aris-
tote était toujours le dieu de l'Ecole, et sa
prédominance philosophique
s'appuyait sur des arrêts du Parlement et sur des ordonnances royales. Mais le
véritable esprit français était
logique,
quand
même
réformée
celle-ci se
quelque sorte, à qui ne nie
et
et
moins naturellement porté
renouvelée, qu'à la philosophie morale, surtout
montrait sceptique la fin
du seizième
frondeuse
et
siècle, le
que
le
(fig.
64).
Montaigne fut, en
créateur de cette philosophie,
n'affirme rien, qui doute de tout et
château de Montaigne, en Périgord, fait
à l'étude de la
rit
28 février
de tout. 1
Il
était
né au
533. Quoiqu'il eût
toutes ses classes au collège de Bordeaux, on peut dire qu'il ne fut l'élève
de lui-même,
et
qu'il
devint philosophe à sa manière, en
vivant avec les anciens, poètes, historiens et philosophes.
un grand
plaisir à lire Plutarque et
Sénèque, mais
il
Il
avait
éprouvé
refusa énergique-
SCIENCES PHILOSOPHIQUES.
ment de doctrine se
il
se
«
ronger
moderne
».
ongles à l'étude d'Aristote,
les
Plus tard, quand
prononça, sans hésiter, contre
espèce d'enseignement doctrinal
choses en soyent
Fig.
54.
—
Comment du xv r
là
Bataille de
gueux
combattirent
siècle. Biblioth.
et
et
de Bourgogne,
en sont cause, qui ont
Il
les
C'est
aux enfants
la
uns aux autres pour
à Bruxelles.
nom
des écoles, contre toute
philosophie
saisi ses et
vivres.
»
soit,
le
les
jusques aux
chapitre intitulé
Miniature du Roi Modxis
,
:
ms.
.
et
par
effect.
avenues.
On
Je croy que les ergotismes a
grand
tort
de
d'un visaige renfroigné, sourcilleux
n'est rien plus gay, plus gaillard, plus enjoué et à
folastre.
immortels Essais,
grand cas, dit- il, que
les
la
vain et fantastique, qui se trouve de nul
de nul prix par opinion
inaccessible
«
:
monarque de
de paysans, autour d'une barrique de vin; dans
gens d'entendement, un
usage
écrivit ses
la dialectique
en nostre siècle, que
les vices se
il
85
la
et terrible...
peu que
Michel de Montaigne avait inauguré en France
la
peindre
je
ne die
philosophie
des libertins, c'est-à-dire des libres penseurs, un peu différente de celle
que François Rabelais professait, cinquante ans auparavant, dans ses ouvrages pantagruéliques,
et
que Jean Calvin
avait dénoncée
comme une
SCIENCES ET LETTRES.
86
doctrine païenne, en accusant le
scepticisme, dit
gande en faveur de
M. Hauréau, qui la
se
la
sera
tels
le
commerce des
sourcil des logiciens.
le
dernier
et d'impiété.
mot de
»
cette et,
C'est
«
propa-
trop
faci-
discours, la jeunesse abandonnera volontiers,
conduite de ce nouveau docteur,
complaire dans
d'athéisme
philosophie gaillarde, presque folâtre ;
lement séduite par de sous
les libertins
les
âpres sentiers de l'étude, pour
poètes, et tourner en dérision
le
triste
SCIENCES MATHÉMATIQUES Anciens systèmes du monde planétaire. Ecole de Bagdad.
—
Travaux astronomiques des Arabes. d'Aquin.
—
—
—
Roger Bacon
—
Progrès des mathématiques.
Hongrie Mathias Corvin.
Ramus.
— Ptolémée et Aristarque de
Ecoles de mathématiques en Espagne, en
Tycho-Brahé
— Principaux
Papes
et
maître Pierre.
et rois, qui
—
protègent
ouvrages composés au xv e
— Boèce,
Samos. Italie,
Pappus
en Angleterre Albert
le
et
Grand
et saint
les sciences exactes.
siècle.
—
Pic de
la
Gerbert.—
et
en France.
—
Mirandole.
—
Thomas
Le
—
roi
de
Pierre
et Copernic.
i
quelqu'un mettait en doute
d'avancement que avaient atteint au
de
lui
les
le
degré
sciences exactes
moyen
âge,
il
suffirait
montrer une basilique romane ou
une cathédrale gothique.
En
effet,
quelle
immensité, quelle profondeur de calcul
mathématique, quelles connaissances en géométrie
,
en statique
et
en optique,
quelle expérience et quelle habileté dans l'exécution
aux conducteurs des travaux, pour
pour
les élever à
énormes lourdes liser la
et
et
il
a fallu
aux architectes
découper, ajuster
tailler,
et
les pierres,
des hauteurs considérables, pour construire des tours
des clochers gigantesques, pour multiplier
massives,
les
voûtes, les unes
autres légères et hardies, pour combiner et neutra-
poussée de ces voûtes qui s'entre-croisent
arceaux jusqu'au sommet de
où
et
qui se cachent sous les
la
Science la plus compliquée
humblement au
service de l'Art, sans gêner
l'édifice,
semble avoir voulu
se mettre
son essor, sans
imposer aucun obstacle!
lui
les
SCIENCES ET LETTRES.
88
Dès
du moyen âge
l'origine
matiques étaient moins d'une étude individuelle
l'objet
et
pendant toute sa durée,
d'un enseignement spécial
l'ombre des
et isolée, soit à
les
mathé-
public que
et
cloîtres, soit
dans
le
sein des associations et confréries d'artisans, qui conservaient religieuse-
ment
les traditions
Dans
de leurs prédécesseurs.
centres universitaires,
les
comme
dans
arabes et
les écoles
jui-
ves qui eurent tant d'importance, on négligeait généralement la science
pratique pour ne s'occuper que de
du
calcul,
formules de l'algèbre,
les
l'espace, les
Ainsi
la science spéculative.
les projections
la
théorie
des lignes à travers
problèmes de triangulation, s'appliquaient de préférence aux
observations astronomiques, de
telle sorte
que
les
mathématiques trans-
cendantes étaient toujours inséparables de l'astronomie. Voici comment, au second siècle de
l'ère
chrétienne, Claude Ptolémée,
astronome grec ou égyptien, avait constitué
une cosmographie mathématique
et
écrite
système du monde, dans
en grec, qui fut une des bases de
astronomique au moyen âge:
divise en deux vastes régions
;
commence par
région éthérée
le
l'une éthérée, le
«
Le monde, l'autre
cristallin, le
mouvement,
firmament,
et
premier mobile, qui
leur
fait ;
ensemble comprend
et les sept planètes.
cristallin était placé entre le
disait-il, se
élémentaire.
vement, de l'Orient à l'Occident, en vingt-quatre heures participent à ce
»
premier mobile
élémentaire, renfermant les quatre éléments:
centre du
monde,
et
et
d'eau,
mou-
dix
cieux
le
double double
firmament. La région
le feu, l'air, l'eau et la terre,
régnait sous la cavité du ciel et subissait l'influence de la lune.
globe terrestre, composé de terre
La
son
le
Selon Ptolémée, et le
la science
il
se trouvait
environné par l'élément de
l'air,
Quant au
immobile au
auquel se mêlait
l'élément du feu.
Ce système
n'était
pourtant pas adopté exclusivement par tous
losophes. Quelques-uns donnaient
de Samos, qui n'avait pas mis tait
la
la
les phi-
préférence au système d'Aristarque
Terre au centre du monde
et
qui lui prê-
un mouvement rotatoire autour du Soleil, suspendu immobile au
milieu des planètes et des cercles planétaires. Selon Aristarque de Samos,
Mercure,
la
planète la plus rapprochée du Soleil, exécutait en trois mois
son mouvement autour de cet astre, tandis que Vénus n'exécutait
le sien
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
qu'en sept mois
et
demi.
La Terre,
dans l'espace d'une année autour du
outre
le
89
mouvement
soleil, effectuait
qu'elle achevait
un autre mouvement,
en tournant sur son axe, dans l'intervalle de vingt-quatre heures, ce qui
amenait
la
succession alternative des jours
des nuits.
et
Quant
à la
Lune,
sa révolution mensuelle autour de la Terre s'accomplissait en vingt-sept
La quatrième
jours environ.
demandait deux ans pour
planète, Mars,
opérer son évolution autour du Soleil; Jupiter, beaucoup plus éloigné dans
Fig. 57.
— Les systèmes allemande de
les
planétaires. Fac-similé d'une gravure sur bois, attribuée à Holbein, dans la traduction la
Consolation de la philosophie, de Boèce,
d'Augsbourg,
édit.
537, in-fol.
espaces célestes, n'opérait pas en moins de douze années sa révolution
éloignement du Soleil,
circulaire, et Saturne, en raison de son prodigieux
ne terminait
la
sienne qu'au bout de trente années.
Le système de Ptolémée à la fin
du cinquième
Théodoric
le
finit
par l'emporter sur celui d'Aristarque,
siècle, l'illustre
Grand, qui aimait la
mathématiques,
uns traduits du grec,
dont
la
les
Boèce
(fig.
57),-
Cosmographie,
à laquelle les
fit
une
ajouta divers ouvrages de
il
autres
plupart ne sont pas venus jusqu'à nous.
et,
ministre favori de
et protégeait les lettres et les sciences,
traduction latine de
la
1
Il
composés par lui-même, nous
reste
deux
livres
de
Géométrie de Boèce, mais nous avons perdu ses traductions latines SCIENCES ET LETTRES.
—
12
*
SCIENCES ET LETTRES.
90
du traité de Nicomachus sur l'arithmétique, de la Géométrie d'Euclide, d'un traité sur la quadrature du cercle, ainsi que quelques traités originaux, où il
commentait avec une puissante érudition
de Pythagore faire périr
et
dans
doctrines cosmogoniques
les
de Ptolémée. Le roi Théodoric, qui devait plus tard
les supplices (525), lui écrivait alors,
sincère admiration
:
Par vos traductions
«
sous l'influence d'une
Rome
latines,
le
a reçu de
vous
toutes les sciences et tous les arts, que les savants grecs avaient portés au
plus haut degré de perfection. Aujourd'hui, ceux qui savent
le latin et le
grec préféreront vos traductions aux originaux. Les quatre parties des
dans
la science
de
la
chercher jusque dans
quelque sorte, pour entrer
servi de porte, en
mathématiques vous ont
mécanique,
de la Nature.
les entrailles
L'école d'Alexandrie était
»
centre des études mathématiques, et Boèce
le
avait pris à tâche de faire connaître au
ges des mathématiciens grecs.
science, vous êtes allé la
et, cette belle
monde romain
les
principaux ouvra-
Un des plus célèbres, Pappus,
qui rassembla,
vers la fin du quatrième siècle, ses Collections mathématiques , ne trouva
pourtant un traducteur de Boèce sur survivre,
et,
les
latin
qu'à l'époque de la Renaissance. L'influence
progrès des sciences exactes en Europe ne devait pas
pendant plus de deux
siècles,
qu'à l'architecture, à l'hydraulique
rance des temps avait
Cependant les écoles
ces écoles, le
fait
admettre
la science n'avait
d'Alexandrie
et à la
et
les
on n'appliqua
les
cosmographie
opinions
lui
mathématiques
céleste,
où
l'igno-
plus absurdes.
les
pas cessé d'être dignement représentée dans
de Constantinople.
Anthémius de Tralles
et
Deux géomètres,
sortis
de
Eutocius d'Ascalon, florissaient sous
règne de Justinien (527-565). Le premier, préoccupé surtout des pro-
blèmes de
la
mécanique, avait contribué à l'érection de
Sainte-Sophie à Constantinople d'architecte et de sculpteur;
matiques d'Archimède utilité
Mais
et
le
et
s'était
second, en
fait
la
basilique de
une grande renommée
commentant
d'Apollonius de Perge
,
les écrits
leur avait
mathé-
donné une
pratique et usuelle. c'était
surtout dans l'Orient et dans l'extrême Orient que les mathé-
matiques, dirigées vers l'étude de l'astronomie, avaient acquis un prodigieux développement. Chez
les
Chinois,
éclipses, rédigeait le catalogue des étoiles,
le
mandarin Yhiang
marquait
les
relevait les
degrés de longitude
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
un nouveau
et créait
Dans
calendrier.
le livre
sacré des
Al-Mansour ordonna de traduire en arabe
calife
nomiques.
A
son
exemple,
protecteur des sciences mathématiques, qui convenaient
Fig. 58.
—
Moines mathématiciens;
l'un
et
vas.
du xni e
génie et aux aptitudes de son peuple
en syriaque
se si
montra
le
particulière-
enseignant la sphère, l'autre copiant un manuscrit; d'après une
miniature du roman de Ylmage du monde,
ment au
Brahmanes.
ces Tables astro-
Aaroun-Al-Raschid
calife
le
'
l'Inde, on établissait les premières
Tables astronomiques, à l'aide du Send-hind,
Le
9
les livres d'Euclide,
:
siècle. Biblioth. nat.
il fit
de Paris.
traduire du grec en arabe
de Diophante, de Ptolémée, de Pline
et
des meilleurs mathématiciens, astronomes et cosmographes de l'antiquité
grecque et latine .Sous les Califes,
l'école
d'écoliers, qui venaient s'instruire
avec
la
médecine,
la
géométrie
et
dans
de Bagdad attirait une foule énorme les sciences exactes.
l'astronomie.
des préjugés qui s'imposaient aux savants
les
Il
On y professait,
est vrai
que, par suite
plus éminents, on appliquait
toute la puissance du calcul à mesurer les conjonctions sidérales et à préciser l'action de la lune sur le corps
des germes.
humain,
ainsi
que sur
la
fécondation
SCIENCES ET LETTRES.
Q2
De
l'Asie
Mineure, de
la
Grèce
et
de l'Egypte,
sèrent dans les écoles arabes de l'Espagne, à
Grenade, où
médecins à la
et
Cordoue,
pas-
à Séville et
Beaucoup de rabbins
furent cultivées avec éclat.
elles
les sciences exactes
astronomes, adonnés à Part divinatoire, à l'astrologie
et
à
juifs,
même
magie, contribuèrent, pour une large part, au mouvement scientifique
et intellectuel
israélite
de
la
Péninsule ibérique, mais
ils
durent cacher leur origine
sous des pseudonymes arabes.
Charlemagne
,
en instituant son Académie palatine
,
d'oublier les sciences exactes, qui y étaient admises sur
On
les sciences spéculatives, les lettres et les arts.
n'avait eu garde le
même
pied que
ne pouvait se dispenser
d'appeler des astronomes et des géomètres, auprès des physiciens, des
musiciens
et des poètes. L'Irlandais
grand empereur, pour diriger drier et
pour
les
Dungal,
études qu'exigeait
recueillir les annales des
Alcuin, Amalaire
et
littérateur, fut choisi,
phénomènes
par
le
réforme du calen-
la
Les savants
célestes.
Raban-Maur ne manquèrent pas de
lui prêter leur
studieux concours.
A
la
mort de Charlemagne,
fleuri à la
les sciences exactes,
cour de ce monarque, se retirent
oublier dans
l'exemple de
les
monastères
la retraite,
(fig.
et
Dungal
58).
un moment
qui avaient
semblent vouloir avait
donné
se faire
à ses élèves
en devenant moine à l'abbaye de Saint-Denis, où
mourut en 829. L'ordre de Saint-Benoît
s'était
emparé, pour
il
ainsi dire,
des sciences mathématiques, qui ne cessèrent pas d'être en honneur dans les
abbayes du Mont-Cassin, en
France; de Saint-Arnoul,
à
Italie;
de Saint-Martin, de Tours, en
Metz; de Saint-Gall, en Suisse; de Prum, en
Bavière; de Cantorbéry, en Angleterre,
etc. C'était là
que
se
formaient
ces habiles architectes et ingénieurs ecclésiastiques, qui élevèrent tant de
beaux monuments à
une œuvre de
religieux par toute l'Europe, et dont la plupart, voués
foi et
de pieux dévouement, ont eux-mêmes condamné,
par humilité chrétienne, leurs noms à Gerbert, né à Aurillac vers g3o
de cette
ville, était
sciences; mais
il
un
admis
fort jeune
dans un monastère
de ces moines qui consacraient leurs veilles aux
se distingua de ses
de ses connaissances que par vaux, par
et
l'oubli.
contemporains, autant par l'étendue
la direction
pratique qu'il donna à ses tra-
les applications usuelles qu'il sut
en
tirer.
Linguiste, géomètre,
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
astronome, mécanicien, écoles de
Cordoue
pereur Othon III celui
de Reims,
sans contredit,
et
il
compléter ses études mathématiques aux
de Tolède,
passa ensuite en Allemagne, où l'em-
et
en amitié.
le prit
et fut élu le
alla
pape sous
occupa
Il
nom
le
le
siège de
de Sylvestre
et le
se
qu'on en trouve
II.
Gerbert
était,
lui qui
système de numération dont nous
nous servons encore aujourd'hui, système tout
Romains
Ravenne, après
premier mathématicien de son temps. Ce fut
vulgarisa remploi des chiffres
les
93
différent
de celui dont
servaient, mais faussement attribué aux Arabes, puisla trace
dans
les écrits
à l'introduction des chiffres arabes en
de Boèce.
Ce
n'était
Europe, mais à
pourtant pas
l'usage qu'il
fit
de
son savoir universel, que Gerbert dut sa grande renommée. Pendant son séjour à
la
cour impériale,
il
avait fabriqué de ses propres
mains, entre
autres ouvrages curieux, une horloge à laquelle l'eau servait de et
dont
le
mouvement était réglé
sur
l'étoile polaire.
moteur
Ses inventions l'avaient
SCIENCES ET LETTRES.
04
fait
De
passer pour sorcier.
nous
est resté
Son
que divers
disciple et son
traités
de géométrie
en
lui
le brillant
connaître de
et s'était fait
émule de Fulbert, de Chartres, auprès de
II l'appela
chancelier ou secrétaire, à sa personne.
Il
que
même
que Gerbert,
la jalousie
traité
des ouvriers
maçons ne contribua pas peu
de
la
inonde catholique, à l'approche de
fut
construi-
On
peut
à le faire
d'ouvrages scientifiques, II.
d' Adelbolde
l'an mil,
des populations attendait, avec effroi, le
fait
Sphère, dédié au pape Sylvestre
L'influence salutaire de Gerbert et
amener
il
superbes, avec une célérité vraiment merveilleuse.
accuser de sortilège. Adelbolde n'a laissé, en
qu'un
d'Abbon,
lui et l'attacha,
accusé de magie, quoiqu'il n'eût pas fabriqué d'horloge, mais
croire
et
ne s'en sépara qu'à regret,
donnant l'évêché d'Utrecht. Adelbolde, de
sait des églises
ne
il
de cosmographie.
et
du docte Hériger,
abbé de Fleury. L'empereur Henri
comme
les sciences,
ami Adelbolde, originaire du pays de Liège, y avait
étudié les sciences, à l'école
bonne heure, comme
nombreux ouvrages sur
ses
se
dans
sentir
fit-
le
que l'ignorance superstitieuse
comme
l'époque fatale qui devait
règne de l'Antéchrist. Ces deux illustres savants osèrent pro-
menace du millénaire
tester contre la
et
annoncer d'avance
les éclipses et
des temps.
les
comètes, qui semblaient de sinistres présages de
les
supposait coupables d'entretenir un commerce criminel avec
au lieu de reconnaître leur savoir
et
la fin
L'astronomie
musulmanes.
Grecs, chez était Il
toujours
les la
les
démons,
et à faire
des pro-
d'admirer leur génie.
Les sciences exactes continuaient à être enseignées grès chez les
On
Orientaux, chez
les
Arabes d'Espagne.
science de prédilection, dans les écoles
y eut surtout une sorte d'émulation, parmi
les
savants
de l'Islam, pour dresser des Tables astronomiques. Al-Battany n'avait point consacré moins de cinquante années de son existence à la confection de sa Table sabéenne;
Aben-Byhan (mort en
Saghany (mort en 989), Absoufy siècle), et le
et
Aboul-Waffa
941), (à la
Mohammed-alfin
du dixième
plus célèbre de tous ces astronomes, Aly-ben-Abdel-Rhaman,
avaient passé leur vie entière à établir différentes Tables astronomiques calculées d'après les lois
du mouvement des
astres, car l'astronomie était
plutôt alors une science de calcul qu'une science d'observation.
Les écoles d'Espagne
(fig.
5q
et 60)
ne restaient pas en arrière de l'aca-
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
démie de Bagdad
de
et
scientifiques y fussent siècle précédent.
espagnols
:
gua autant
l'école
—
d'Alexandrie, bien que
beaucoup plus rares au onzième
c'étaient
comme
poë'te
la
même
qu'on estimait encore
miques
écrits
six
comme
que
moraliste
et
que dans
siècle 1
les rêveries
calculs qu'ils empruntaient
se distin-
mathématicien
:
,
et
Liber de locis stellarum Jixarum,
Les rabbins qui se
remarquer par leurs ouvrages mathématiques
mêlaient plus ou moins
juifs
Arsenal.
siècles plus tard.
en arabe, Ibn-Zarcali,
le
époque rédigea une Cosmographie
Le Centaure, d'après une miniature du xiv e
firent le plus
siècle
supériorités
Soliman-ben-Gavirol (mort en 1070), qui
ms. espagnol. Biblioth. de
céleste,
les
Les plus fameux de ces savants arabes étaient des
Abraham-ben-Chija, qui vers
Fig. 60.
95
Abraham
et
astrono-
Arzachel, Aben-Ezra,
talmudiques aux théorèmes
et
aux
aux sciences exactes.
L'astronomie, en ces temps-là,
n'était
souvent que l'astrologie,
c'est-à-
dire l'art de tirer des prédictions et des horoscopes, en étudiant la position
des astres et les rapports des planètes entre
Arabes
et Juifs, se
elles.
Les Orientaux, Persans,
préoccupaient beaucoup de ces chimères.
On
cherchait
SCIENCES ET LETTRES.
96
à connaître l'avenir, d'après
dans
non-seulement
le ciel
le
conjonctions célestes, et l'on croyait
les
sort des empires, mais encore
la
lire
destinée de
tous les humains. Cette doctrine prétendue philosophique avait été inaugurée, au neuvième siècle, par l'astrologue arabe Albumazar, dans son
Livredes grandes Conjonctions. Albumazar prétendait que l'apparition des prophètes
et
des religions avait coïncidé avec
les
conjonctions des planètes.
Ainsi, la conjonction de Jupiter avec Mercure aurait produit la
un temps inconnu,
tienne, mais, dans piter
amènerait
la
conjonction de
la
chré-
loi
Lune avec Ju-
Une
ruine totale de toutes les croyances religieuses.
la
pareille doctrine, aussi folle qu'impie, devait appeler la réprobation de
mise à l'index chez
l'Église. L'astrologie judiciaire fut dès lors et
condamnée par
du
l'autorité
saint-siége
prochaient avec raison à cette science funeste au fatalisme
Tandis que
que
le
plus hardi,
les
:
l'astrologie était interdite
l'Église la frappait d'anathème,
chimérique d'ouvrir une voie
former sur
le
modèle de
Quand
le
n'était suivi
le
l'Université de Paris
elle
que par un nombre
l'Italie
était et
de
même
le
manqua
pas
second ordre
l'Arithmétique, la Géométrie et
la
que
dans toutes
les
premières sciences ou
les
et Dialectique.
les écoles
de l'Europe, mais celles de
de l'Angleterre faisaient une plus large part aux sciences ma-
thématiques, vers ticien,
l'Astronomie ne
se
très-restreint d'écoliers, la plupart s'arrê-
humanités, Grammaire, Rhétorique en
commença de
quadrivium, représentant l'instruction supérieure,
tant au trivium, qui ne comprenait
Il
officiellement
pendant plus de mille
quadrivium, qui composait
des études et qui réunissait avec
Musique. Mais
science occulte, et
l'astronomie faisait
cette école célèbre,
de prendre sa place dans
plus coupable.
et le
comme une
partie des sept arts libéraux, qui furent enseignés,
ans, à l'école d'Alexandrie.
chrétiens
docteurs catholiques re-
plus dangereux
le
les
la fin
du douzième
siècle.
Léonard Fibonacci, plus connu sous
rapporté de ses voyages en Orient
la
A le
Pise,
nom
un savant mathéma-
de Léon de Pise, avait
notation algébrique, que Gerbert
inventa ou plutôt propagea en Europe deux siècles auparavant ; on n'en a pas
moins attribué la
à Fibonacci l'introduction des chiffres arabes et l'usage de
méthode abréviative des longs
calculs.
A
Oxford, professait, vers
cette
époque, un autre mathématicien, aussi remarquable, qui n'avait pas voyagé
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
comme
97
Fibonacci, mais qui trouva dans son génie toutes
sciences exactes. C'était Robert, dit Grosse-Tête, qui fut
formules des
les
maître
le
et l'ami
d'Adam de Marisco, et du fameux Roger Bacon. Roger Bacon, dans
ses écrits,
une admiration respectueuse. éclairés, les
fond
plus instruits,
langues
les
,
même
dans
grec
éminents de son l'hébreu, alors
l'amour des sciences à
la
plume de
siècle si
possédant à
:
peu connus
très-
;
époque
des lettres
celuii
de ses amis;
ses disciples et
versé dans
;
dans l'astronomie autant qu'on pouvait
et
des esprits les plus
latines d.'Aristote, qui circulaient à cette
sinon par lui-même, du moins par
ques
comme un
Universités, et mettant tous ses soins à en donner de meilleures,
les
alliant
signale
les plu:s le
mécontent des traductions
ne parle de Robert Grosse-Tête qu'avec
Il le:
l'être
les
mathémati-
de son temps; in-
terprète des ouvrages logiques d'Aristote et auteur d'un traité sur la 1
Sphère. Ajoutons qu à ses rares qualités de philosophe
Robert Grosse-Tête joignait une piété sincère
et
que nous possédons (encore, renferment
moins équivoques du dévouement mensongère
tradition
le
représentie
Adam de Marisco appartenait à passa
la
plus grande partie de
de franciscains, sans que science.
coln,
Roger Bacon
comme une
la vie
le cite
en 12
14),
même,
surtout
c'est
rable, et
il
ses,
du
le
et
les
comme l'ennemi
Église, ainsi
déclaré.
que Robert Grosse-Tête.
Il
jours en Angleterre, dans un couvent cloître ait étouffé
en
lui la
passion de
la
comme un
maître en gram-
en astronomie.
nom,
savoir,
le
le
le
génie de Roger Bacon (né
treizième siècle scientifique. L'École
souvent combattue,
s'en est
témoignages
presque toujours, à côté de l'évêque de Lin-
qui remplissent tout
qu'il a
l'
les
mort en 1253,
plus sincère à la papauté, dont une
des lumières de son siècle,
maire, en mathématiques
Mais
le
de savant,
de profondes connais-
sances théologiques. Élevé au siège épiscopal de Lincoln, ses lettres,
et
lui a
montré digne par
décerné
le titre
la curiosité
elle-
de Docteur admi-
générale qui
l'ani-
mait, par l'ardeur qu'il a déploy ée pour l'avancement des sciences, et
surtout par la grandeur et l'originalité des vues qu'on rencontre dans ses
ouvrages.
Il
représente,
vement qui poussait Nature
et vers la
mieux que personne au treizième
déjà
un grand nombre
d'esprits
méthode expérimentale sans laquelle
siècle, le
mou-
vers l'étude de la les
mystères de
SCIENCES ET LETTRES.
—
\3
la
SCIENCES ET LETTRES.
98
Nature restent impénétrables. Tandis que saint Thomas cTAquin consacrait à la théologie chrétienne toutes les ressources de sa dialectique,
tous les élans de sa piété
,
Roger Bacon
se
tourna vers
physique
la
mathématiques, en attachant une importance capitale à
et les
connaissance
la
des langues, qu'il jugeait étroitement liée au progrès des sciences naturelles (fig. 61).
Mais
préoccupation trop exclusive des études qui l'attiraient et
la
charmaient ne tarda pas à égarer Bacon.
méconnaître
fut conduit à
Il
le
valeur de toute autre méthode que la sienne. Etant venu à Paris après
la
avoir fréquenté les écoles d'Oxford,
des Universités
;
ou de mauvaise çois
accusa et,
foi,
attaqua sans réserve l'enseignement
maîtres
les
et les
professeurs ou d'ignorance
quoique appartenant à l'ordre de Saint-Fran-
mit en guerre avec
se
il
,
il
il
les
Franciscains et
France, qui n'égalaient pas à ses yeux
les
les
Dominicains de
doctes amis qu'il avait laissés
en Angleterre, Robert de Lincoln, Guillaume de Shirwood, Jean de
Londres,
surtout celui qu'il
et
vaut mieux qu'Aristote
,
nommait maître Nicolas. lui-même
se disait-il à
de l'École ne vaut pas un peu de grammaire et
une influence
fatale;
de mathématiques; Alexan-
et
gardons-nous de
la
subir et complétons
notre instruction qui n'est encore qu'ébauchée.
les
ce
toute la métaphysique
;
Albert sont des scolastiques présomptueux qui exercent
dre de Haies
Dès
moment,
il
se
mit à étudier à
la fois
teur
un
Il
homme
n'étudiait pas seul;
il
quatre langues anciennes
Petrus ou magister Peregrinus), ne
pour guide
et
,
philosophie
la
pour inspira-
de génie incomparable, un savant français, originaire de
Picardie, qu'il ne désigne que sous les
illustre élève
avait
nous-même
»
mathématiques supérieures, l'astronomie, l'optique,
platonicienne.
L'expérience
«
l'avait signalé,
et
noms de maître Pierre [magister
qui serait absolument ignoré
dans YOpits tertiwn
et
si
son
dans YOpus minus,
à l'admiration de la postérité.
Maître Pierre vivait des fous ou vérité;
il
s'efforçait
les astres et
la science
comme
solitaire,
fuyant
les
hommes
qu'il regardait
des sophistes incapables de supporter
de pénétrer dans
recherchait les causes des
de multiplier
les
les secrets
de
phénomènes
métamorphoses de
la
la
la
lumière de
nature;
célestes
matière;
;
il
comme
il
il
la
observait
ordonnait à
inventait des
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
armes
et
des machines de guerre;
utile et ingénieuse
Fig. 6t.
— Une
il
;
s'occupait, en
leçon d'astronomie au
conservé à
tage, d'architecture
;
il
ténébreux des sorciers
il
la
xm
e
prêtait à l'alchimie
même
siècle.
une application
temps, d'agronomie, d'arpen-
Miniature du Bréviaire de saint Louis,
Bibliothèque de l'Arsenal.
ne dédaignait pas et
99
même
de mettre en œuvre
des magiciens, pour en extraire ce que
expérimentale pouvait en
tirer.
En un mot,
maître Pierre
était
l'art
la science
digne du
SCIENCES ET LETTRES.
100
surnom que son
élève lui a donné, en rappelant le Maître des expériences
[Magister experimentorum
Avec un
on apprécie
pareil guide,
Roger Bacon
pu
a
créer et
doute que tenter des essais Pierre. Ses ouvrages sont
dre à quelle hauteur spéculative par la fait
honneur de
il
)
que
inventions merveilleuses que
les
la tradition lui
attribue
car
:
il
ne
et
des recherches, d'après les conseils de maître
là,
surtout son Opus majus, pour nous appren-
méthode
avait élevé la science, en remplaçant la
On
méthode expérimentale.
l'invention de la
des verres grossissants,
sans
fit
poudre
ne
etc. Il
s'explique
canon, de
à
celle
comment on
des télescopes et
que mettre en œuvre, à
faisait
lui
ce qu'il
paraît, les découvertes scientifiques de son maître, qui avait observé le
phénomène de
propriétés de l'aimant, et qui fabriqua
la réfraction et les
une sphère mobile reproduisant tous
Bacon la
s'était aussi
occupé d'astronomie,
réforme du calendrier
Mais
mouvements des
les
l'attitude qu'il
dès l'année 1267
et
Roger
astres. il
proposait
62 à 67).
(fig.
prise, les critiques amères qu'il dirigeait
avait
contre ses contemporains les plus illustres, devaient
lui attirer
de terri-
bles inimitiés.
Ses principaux ennemis, qui n'étaient peut-être que des rivaux, se trouvèrent dans l'ordre de Saint-François, dont
dénoncé à
comme mêlant
ses supérieurs,
seignement des sciences
,
et
on
portait l'habit.
il
Il
de dangereuses hérésies à l'en-
renferma dans une prison où
le
fut
il
ne
pouvait plus avoir de communication avec ses disciples. Ceux-ci, apparte-
nant la plupart au distingués
:
surnommé tenir,
même ordre religieux, tous astronomes
Thomas Bungey, Jean le
de peur de partager sa disgrâce.
majus,
et
il
Il
il
rigueur que
la
dans sa prison.
fut, bientôt après,
première Il
fois,
le
défendre, ni
s'était concilié la
le
sou-
bienveillance
son grand ouvrage, Y Opus
a dédié
qui interposa son autorité pour
pontife mort,
mathématiciens
de Paris, Jean Bacone ou Baconthorpe,
Prince des averrhoïstes, n'osèrent ni
du pape Clément IV, auquel
et
le
rendre à
Mais, ce
la liberté.
emprisonné de nouveau, avec plus de
car
on
lui
refusait
moyens
les
d'écrire
s'occupait, cependant, de refondre et de perfectionner
Y Opus majus, qui contient
le
corps de sa doctrine,
vement deux abrégés beaucoup plus hardis que
et
il
l'original,
en
fit
successi-
sous
les titres
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
Fig. 64.
-
Les amoureux, au printemps.
Fig. 65.
(Miniatures tirées du calendrier d'un livre d'heures, ms. du
- Le
101
tondeur de moutons.
commencement du
xvi" siècle.)
SCIENCES ET LETTRES.
102
à'Opus minus
à'Opus tertium;
et
longtemps restés
l'un et l'autre,
inédits,
n'avaient pas été anéantis, malgré la persécution dont l'auteur fut l'objet
même Cet homme de
pendant sa vie d'années.
et
après sa mort;
ont enfin vu
ils
génie, qu'on avait qualifié de
jour,
le
y
il
a
peu
Docteur admirable,
mourut vers 1294, presque oublié de son temps, sans avoir pu
réaliser
régénération de l'école scientifique, qu'il rêvait et qu'il préparait dans
la
par tomber,
ses ouvrages. Il avait fini
bumazar
et
dans l'aristotélisme d'Averrhoès, en acceptant toutes
de l'astrologie
les folies
de l'alchimie.
et
L'école d'Oxford, d'où était sorti l'illustre été le
dans l'arabisme d'Al-
est vrai,
il
Roger Bacon, semble avoir
berceau du scepticisme anglican, qui, après une longue
dogme
opposition à l'enseignement du
et tracassière
catholique, devait aboutir aux
violences les plus audacieuses de l'hérésie.
La
science
mathématique
fut le
premier élément de ce scepticisme. Les contemporains de Bacon étaient tous plus ou moins sceptiques. Jean Basingtoke, qui devint archidiacre à
Londres
et à Leicester
où
il
mourut en 1252,
avec beaucoup de défiance et de doute laisser se
calmer l'agitation que ses
dans l'Ecole Angleterre
mer dit
les
les
les figures et les chiffres
nombres.
Sacrobosco,
Un
s'était déjà
la
l'Astrolabe et
dont
distingué
qui
éclat.
n'était
Il
la
Bible avaient soulevée
les
Grecs
;
il
rapporta en
se servaient
pour
comme astronome
et
composa un
un ouvrage
resta
traité
de
la
il
classique
dans toutes
siècles. Il a laissé,
traité
de l'Algorithme.
Il
professa
Sphère (De livre
les
de
écoles
en outre, un ouvrage
supputation des temps (De anni ratione), un
un
expri-
cosmographe,
qu'une imitation ou un abrégé du
de l'Europe durant plus de trois estimé sur
sur
continuer ses études à l'Université de Paris où
Sphœra mundi), qui et
écrits
un voyage en Grèce, pour
fit
autre élève de l'école d'Oxford, Jean de Holiwood,
mathématiques avec
Ptolémée
il
ne s'occupa plus que de sciences exactes
et
lorsqu'il vint
;
avait abordé la scolastique
se mêlait aussi,
traité
de
comme
la
plupart des mathématiciens contemporains, de prédire l'avenir et de tirer des horoscopes. L'école de Cantorbéry, plus sage que celle d'Oxford, ne marchait pas
d'un pas moins sûr dans tion d'éminents
prélats
le
domaine des sciences
parmi lesquels
il
suffit
exactes, sous la direc-
de
citer l'archevêque
de
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
Cantorbéry,
Thomas Bradwardin, surnommé
Richard Walinford, abbé de Saint-Albans thématiciens du quatorzième glorifiait
siècle.
des découvertes d'un
auteur d'un nouveau
Comput
,
io3
Docteur profond,
le
qui furent les premiers
Le Danemark, à
même
la
et
ma-
époque, se
savant astronome appelé P. de Duco,
bon
ecclésiastique et d'un
traité
du Ca-
lendrier. C'était toujours dans l'Orient, en Perse, en
provinces du Liban, que s'accomplissaient
les
Arabie
et
même
dans
les
plus beaux travaux astrono-
miques. Le Persan Nassir-Eddin avait inventé d'ingénieux instruments de
calcul
mathématique et recueillait, sous
le titre
foule d'observations journalières sur l'état
L'Arménien Ezenkansti il
les
faisait
du
de Tables ilkhaniennes, une
cours des astres.
ciel et le
plus qu'observer les
phénomènes
célestes
:
décrivait en vers et les célébrait dans ses poésies. L'astronomie
comptait de studieux
et fidèles sectateurs
Aboul-Kalan
son livre Des commencements
écrivait
jusque dans
le
et
Maroc, où Aly-
des fins , en sup-
pléant par des prodiges de calcul infinitésimal aux résultats comparés des
observations télescopiques.
Mais, depuis sionnés pour
la fin
les
du treizième
siècle, les
savants italiens s'étaient pas-
mathématiques, quoique l'étude des sciences exactes
fût
SCIENCES ET LETTRES.
104
trop souvent suspecte d'hérésie.
Campano, qui
avait traduit Euclide, ne
parvint pas sans peine à échapper aux soupçons et aux dénonciations des
théologiens; mais Pierre d'Abano, qui professait la médecine et l'astro-
nomie
à l'université de
del'averrhoïsme et
condamné
ou
fut
et
Padoue, eut
à être brûlé vif,
il
frappé de mort subite
Géomètre,
d'incliner vers les erreurs
échappa au supplice par avant l'exécution de l'école
le
suicide (i3i6),
sentence.
la
de Florence. Dugomari
dit
,
Les Paul
Abbaco, contribuèrent simultanément aux progrès des
et
sciences exactes
malheur
de se fourvoyer en pleine astrologie. Accusé de sortilège
grands mathématiciens étaient à le
le
mais aucun de leurs disciples ne parut digne de leur
,
succéder.
Les mathématiques étaient peu cultivées en France. Cependant on au quatorzième
siècle,
quelques mathématiciens distingués, entre autres
Jean de Lignières qu'un chroniqueur appelle
le
restaurateur de
la
des astres, et Jean des Murs, chanoine de l'Église de Paris, qui se naître par d'estimables ouvrages d'arithmétique.
decin provençal, avait imaginé
hauteur du
la
cite,
science fit
con-
Bonnet de Lates, mé-
un anneau astronomique pour mesurer
soleil et des étoiles (fig. 68).
se garantir des erreurs de la science
Ce mathématicien ne
contemporaine,
et ses
sut pas
études sérieuses
en astronomie ne l'empêchèrent pas de faire des pronostications d'après les
conjonctions des planètes.
La Renaissance dans
le
italienne
cours du quinzième
ne négligea point siècle, furent
Naples, à Padoue, à Bologne, à Pise
et
les
mathématiques, qui,
Rome, à
enseignées avec succès à
surtout à Florence. Elles s'étaient
alors presque dégagées des dangereuses illusions de l'astrologie et elles ne
du doute
servaient plus à entraîner de nobles esprits dans les voies funestes et
de l'hérésie. Elles avaient, d'ailleurs, pour représentants,
docteurs de l'Eglise, la
et elles se
les
principaux
trouvèrent en quelque sorte honorées de
protection direete du saint- siège, lorsqu'iEneas-SylviusPiccolomini,
un
nom
de
des premiers mathématiciens de son siècle, fut élu pape sous
Pie II (1458-1464).
Le pape Pie
diant les écrits de Ptolémée,
cosmographie.
A
il
II était
un savant
le
universel, mais, en étu-
avait acquis de préférence
ses côtés, le cardinal Nicolas de
le
goût de
la
Cusa, son émule en
savoir, sans cesser de se consacrer à la diplomatie au
nom
de
la
Cour de
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
Rome,
écrivait des ouvrages de
nomie, dans lesquels autour du
Soleil, et
mathématiques, de géométrie
soutenu
le
système de
admis en principe
la pluralité
il
a
io5
la rotation
et d'astro-
de
la
Terre
des mondes, deux siècles
avant Galilée.
Fig. 69.
—
Système de Ptolémée, expliqué par Jean Muller,
dit
Regiomontanus. Fac-similé d'une gravure
sur bois de Y Epi tome... Johann is de Monle-Regio (Basileœ, ap. H. Pétri,
L'exemple de Pie
II
engagea
favoriser les sciences exactes.
Ce
ses successeurs, fut Sixte
IV
qui
Paul fit
1
543, in-fol.).
II et Sixte
venir à
Rome
IV, à
le célè-
bre astronome de Kœnigsberg, Jean Muller, dit Regiomontanus , que SCIENCES ET LETTRES.
—
I4
le
SCIENCES ET LETTRES.
iob
recommandé. Regiomontanus,
cardinal Bessarion lui avait
élève de G. Purbach, s'était fait déjà
accompagnait
une grande réputation en
cardinal Bessarion dès 1463.
le
le
ouvrit à Padoue, cette année-là, attira une
meilleur
Italie,
Le cours d'astronomie
énorme
où
il
qu'il
affluence d'auditeurs.
Il
devint ensuite l'astronome en titre du roi de Hongrie, Mathias Gorvin. Mais,
pour son malheur,
il
ne sut pas résister aux instances du pape Sixte IV,
qui l'appelait auprès de
On
lui.
assure que l'envie
rivaux scientifiques ne furent pas étrangers à sa
Quoique à peine âgé de quarante astronomiques de son vivant sur
après sa mort
triangulation ont été
la
il
avait écrit
le
le
(fig.
69).
une quantité d'ouvrages
Ses travaux sur
toutes parts pour entendre
double qualité de
l'astrologie,
et la répression
le
le
et
qui eut
même
les
Turcs avait
On
(141 5- 1458).
le
l'histoire
singulier privilège de toucher ouver-
à la magie, sans provoquer les remontrances
de l'autorité ecclésiastique. C'étaient dès lors la
préludes
les
science en proclamant
le
droit
la religion. Il faut
savants grecs, que l'occupation de Constantinople par
exilés
le
y accourait de
donnait un charme inusité à
de libre examen, avant de l'appliquer aux dogmes de :
Naples, sous
professeur toscan Buonencontro, qui, en sa
Réformation, qui s'annonçait dans
tout dire
qui eut l'honneur
fut très-brillant à
Magnanime
poë'te et d'orateur,
des phénomènes célestes,
la
1),
grand Calendrier romain {Kalendarium romanum magnum).
règne d'Alphonse d'Aragon,
de
calendrier et
le
point de départ des travaux remarquables
L'enseignement des mathématiques
tement à
prématurée (1476).
fin
de l'astronome wurtembergeois Stœffer (1452- 1 53 d'exécuter
vengeance de ses
mathématiques, qui eurent une vogue extraordinaire,
et et
ans,
et la
en Europe
et
les
surtout en Italie, apportaient avec eux
plus de sympathie et d'aptitude pour
les sciences
pour
occultes que
les
sciences exactes.
Plusieurs de ces savants grecs avaient été recueillis par grie, la
Mathias Gorvin, qui, dans son admiration pour
palme à
servait
l'astrologie et à l'alchimie
moins à observer
la
était
donnait
l'observatoire de son palais de
les prédictions
composée des manuscrits
ques, mais un grand
les sciences,
Bude
position des astres et à étudier les lois de leurs
mouvements, qu'à y chercher thèque
;
de Hon-
le roi
nombre de
les
des choses futures
plus rares et
les
;
sa biblio-
plus magnifi-
ces manuscrits concernaient l'alchimie et
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
les
opérations de la'pierre philosophale.
A
côté de ces Grecs de Constanti-
nople, qui se donnaient pour des alchimistes et des astrologues, Mathias
'Gorvin accordait cependant une estime et une confiance particulières à un véritable savant italien, Fioravanti Alberti, qui ne s'occupait
possible d'astrologie
Fig. 70.
—
et
que
le
moins
qui appliquait presque exclusivement à des œuvres
Instrument de précision mathématique, pour
faire des portraits.
Fac-similé d'une gravure sur bois
de l'ouvrage d'Albert Durer, Institutionum géométrie arum libri quatuor (Parisiis, ex officina Christiani Weclieli,
1
535, in-fol.)- Bibliothèque de
M. Ambr.]Firmin-Didot.
d'architecture et de dessin ses profondes connaissances en et
mathématiques
surtout en géométrie.
A
cette
n'était
époque, l'astrologie tendait à remplacer partout l'astronomie.
Il
pas de souverain ni de prince, en Europe, qui n'eût à son service
un astrologue, plus ou moins souvent
la
habile, plus ou
robe de médecin. Le roi Louis
moins fourbe, que déguisait
XI ne
prenait pas une décision
importante, sans avoir consulté son astrologue napolitain, Angelo Cattho de
SCIENCES ET LETTRES.
io8
Sopino, dont
il fit
un archevêque de Vienne en Dauphiné, pour
penser de ses belles prédictions astrales toujours auprès de
nances dans
lui
;
le
récom-
l'empereur Maximilien avait
son médecin Grunpek, qui cherchait ses ordonpréoccupait moins de
les étoiles et qui se
santé que de
la
politique de son auguste maître.
la
Les sciences exactes conservaient cependant leur foyer lumineux en Italie,
à Florence, où Buonencontro et les Alberti avaient formé de
breux élèves la
;
l'application des
mathématiques aux
conséquence d'un enseignement sérieux
siècle,
nom-
arts et à l'industrie était
et solide.
A
du quinzième
la fin
l'astronome Pozzo Toscanelli traçait, devant Christophe Colomb, qui
profita bien de ces leçons, la route qu'il fallait suivre, à travers l'Océan, en
naviguant vers l'Ouest, pour atteindre
mathématicien Paccioli s'inspirait de
grand ouvrage cosmographique proportione (De rotti,
les
et le
moderne
l'art
,
et
génie, qui ne fût, avant tout,
Les mathématiciens, artistes,
malgré
Ferrare,
la
Alumno
il
le
est vrai,
la
les
cosmographe
science
mathématique
la
matiques,
et l'un d'eux,
n'y eut pas alors
A l'exemple
se
et
(fig.
artiste
70
la
mécanique
céleste
et 71).
A
lien
(De fabrica
de famille avec
le
vouaient à des œuvres purement mathé-
(les
recueillit,
dans son répertoire
Sciences mathématiques en tableaux),
tous les problèmes résolus par ses prédécesseurs, avait construit
mense grimoire sur
de
consacrait une partie de sa vie à
Egnazio Dante, qui
des Science mathematice in tavole
un
les portait à cultiver les arts.
Dante, qui n'avaient aucun
Divine Comédie,
hantre de
comme
ne se changeaient pas toujours en
composer de volumineux ouvrages sur mundi): à Pérouse,
divina
regardaient
un mathématicien consommé
tendance générale qui restait
il
le
glorieux Michel-Ange Buona-
demandait à
de Léonard de Vinci,
De
:
plus merveilleux secrets de la sculpture et de l'architecture.
de Michel-Ange
;
chrétienne, pour écrire son
entouré d'un groupe de jeunes artistes qui
régénérateur de
le
la foi
philosophique intitulée
et
proportion divine),
la
de l'Inde
les côtes occidentales
lequel étaient
marqués très-exactement
les
un im-
équinoxes
et les solstices.
En Espagne, comme
en Portugal, où l'esprit aventureux de
se tournait alors vers les
voyages maritimes de long cours
et
la
nation
vers les ex-
péditions dans les deux Indes, les sciences exactes aidaient aux progrès de
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
navigation, en s'attachant surtout à l'hydrographie et à l'astronomie.
la
Un
Abraham-ben-Samuel Zacuth,
juif portugais,
un Almanach
avait publié à Lisbonne
perpétuel, qui fut complété et perfectionné plus tard par
Alphonse de Cordova, médecin de
Séville, lequel
fit
paraître, en outre,
d'excellentes Tables astronomiques.
L'Angleterre
et
l'Allemagne
(fi
g. 72)
ne demeuraient pas en arrière dans
—
Instrument de précision mathématique pour dessiner les objets en perspective. Fac-similé d'une gravure sur bois de l'ouvrage d'Albert Durer, Institutionum geometricarum libri quatuor {Parisiis, ex Firmin-Didot. officina Chrisiiani Wecheli, i535, in-fol.). Bibliothèque de M. Ambr.
Fig. 71.
ce
mouvement d'émulation
tenaient plus ou et
moins
scientifique;
mais
les
savants de ces deux pays
à l'école sceptique qui devait enfanter la
Réforme,
trouvaient toujours, dans leurs écrits les plus estimables au point de
vue de
la science,
catholique.
On
un prétexte ou une occasion de s'attaquer
à la religion
aurait dit que les mathématiques étaient des armes offen-
sives mises entre les
mains des aveugles
sectaires de l'hérésie.
Il
ne faut
pas moins reconnaître l'importance des travaux de l'Anglais Batecombe, qui a composé un
si
grand nombre d'ouvrages d'astronomie; de
l'Autri-
I
SCIENCES ET LETTRES.
IO
chien Peyrbach, qui a
fait
Gaspard Peucer, qui a la
première
une ingénieuse Théorie des planètes; du Saxon
décrit le
fois la véritable
dire
De
:
livre
des astres et représenté pour
configuration de la Terre,
Mais on peut dire que toute
mémorable
mouvement
de Pic de
la science
la
etc.
du moyen âge
Mirandole
:
De omni
se
résume dans
le
re scibili (c'est-à-
tout ce qu'on peut savoir), contenant neuf cents propositions
qui embrassaient l'ensemble des connaissances humaines à cette épo-
Fig. 72.
— Astronome cosmographe allemand. Fac-similé d'une gravure sur bois du xvi' siècle, par
que. Pic de la Mirandole était à peine âgé de vingt-huit ans, et
J.
Amman.
il
s'en-
gageait à soutenir publiquement ces neuf cents propositions contre quicon-
que accepterait l'immense responsabilité de ce tournoi oratoire.
On comprend
que
les sciences
entraient pour une large part dans se présenta
soumis à
la
pour relever
le
le
mathématiques
programme d'un
gant, mais
le
foule de points
comme
où l'auteur n'avait pas craint de
se
scientifique
de
et
astronomiques
pareil défi.
livre de Pic
censure pontificale, fut condamné
et
la
Nul ne
Mirandole,
hérétique sur une
montrer partisan de
l'averrhoïsme, cette scolastique bâtarde, qui rattachait les principes de
Platon
et d'Aristote
aux rêveries d'Albumazar.
Il
ne fut pas persécuté,
1
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
comme Roger Bacon ou comme lui-même à un asile paisible,
exil
sous
Pierre d'Abano, mais
volontaire, pendant lequel la
1
il
il
se
trouva en France un
même
la
continua de régner dans
— Arc
à double
les écoles d'Italie et
compartiment servant
aux moindres distances des
il
avait
kabale.
L'averrhoïsme, avec son cortège de mystères astrologiques
Fig. 73.
condamna
sauvegarde de l'Université de Paris, où
étudié les hautes sciences et
1
et
magiques,
d'Allemagne, en répandant
Fig. 74.
— Petit cadran
astres.
ou quart de cercle
en cuivre doré.
(Fac-similé de gravures sur cuivre de l'ouvrage
:
Tychonis Brahe astronomie instauratœ Mechanica
(Noribergœ, apud Levinum Hulsium, 1602, in -fol.).
son influence funeste dans spéculatives.
Son
les sciences
exactes
comme
dans
les
sciences
principal foyer était l'Université de Padoue. L'illustre
Jérôme Cardan, de Pavie (mort en 1576), avait commencé
sa carrière
professorale par enseigner les mathématiques à Milan; c'est alors qu'il
inventa une
méthode nouvelle destinée
à résoudre
les
équations algé-
briques; mais sa passion pour l'astrologie et pour les sciences occultes l'entraîna bientôt Il
en fut de
i486), et de
même
dans un cercle
fatal
de visions
et
de
folies excentriques.
de Corneille Agrippa, de Nettesheim (né à Cologne, en
Théophraste Bombast,
dit
Paracelse (né à Einsiedeln, en Suisse,
I
SCIENCES ET LETTRES.
12
vers 1493), qui eussent été deux grands philosophes, deux grands médecins,
deux grands mathématiciens,
l'hôpital de
comme
comme Agrippa
eux, parcourut toutes
l'Europe, Lucilio Vanini, né dans
une destinée aussi errante
Dieu que
comme
Nature,
la
et sa
la
devins, quoique
France le
Un
Salzbourg (1541).
Paracelse, un savant universel
Universités
et
toutes les cours de
royaume de Naples,
devait avoir
M. Cousin, Vanini d'Épicure.
était celle
n'avait d'autre Il fut
brûlé
vif,
plus hospitalière pour les astrologues et les
La Ramée,
célèbre Pierre
où
et
l'un à
9 février 16 19.
le
était
lège de Presle, à Paris,
moururent misérables,
désolante que la leur, avec une fin
dit
morale
athée, à Toulouse,
Cependant
Ta
les
le
et aussi
comme
plus sinistre encore;
et
l'autre à l'hôpital de
Grenoble (i535),
autre rêveur, qui était, et qui,
n'avaient pas préféré être astro-
vécurent pauvres
et kabalistes; ils
logues
s'ils
dit
Ramus,
principal
du
col-
enseignait lui-même la philosophie et les
il
mathématiques, en 1545, eût ouvert une campagne éloquente contre insanités de l'astrologie
Réforme,
(fig.
Mais Ramus
79).
était
les
un des apôtres de
la
philosophique ne pouvait l'emporter sur l'alliance
et sa raison
Cosme Ruggieri,
des fous et des charlatans qui déshonoraient la science.
que Catherine de Médecis avait amené en France en qualité d'astrologue royal, n'était
bon qu'à
faire
des almanachs prophétiques, et pourtant son
crédit à la cour se perpétua sous quatre règnes.
dame,
dit
Nostradamus, qui
tirer des prédictions,
pour composer des horoscopes surtout de
et
prudence
la
il
dupes de son prétendu savoir.
mais seulement des recueils de inintelligibles,
le
médecin, sans
n'observait les astres que
mathématiques que
comblait de présents, mais la
il
eut la
cour, pour s'enfermer dans la re-
mourut en i566,
Il
et
en grande faveur auprès de Charles IX
de s'éloigner de
traite^ Salon, en Provence, où les
fut
il
:
reine-mère, qui
et l'habileté
il
n'exécutait des calculs
il
Pierre de Nostre-
pour astronome
se donnait
avoir jamais étudié la médecine ni l'astronomie,
pour en
Quanta
glorifié et enrichi
par
ne laissa aucun ouvrage astronomique,
recettes
en quatrains rimes,
pharmaceutiques
écrits
et
des prophéties
dans un langage mystique
et
barbare.
Ce
n'était
donc pas en France qu'on pouvait trouver, au seizième
la véritable science
de l'astronomie.
Il fallait aller
siècle,
en Pologne, où Nicolas
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
Copernic, né à Thorn, en 1478,
Rome
professé à
les
était
revenu dans sa patrie, après avoir
mathématiques, sans
éveiller les
clergé romain, qui ne souffrait pas rémission de tifique contraire fois fixé à
aux
faits
la
susceptibilités
moindre idée
Frauenbourg où
- Sextant
pour mesurer
scien-
consignés dans les saintes Écritures. Mais, une il
fut
pourvu d'un canonicat,
il
de cette
sortit
réserve que lui imposait la crainte des censures ecclésiastiques, et
Fig. 75.
du
astronomique
Fig. 76.
les distances.
-
n'hé-
il
Cercles ou anneaux
équatoriaux.
(Fac-similé de gravures sur cuivre de l'ouvrage
:
Tychonis Brahe astronomie instaurât* Mechanica,
Norinbergcv, apud Levinum Hitlsiiun, 1602,
in-fol.).
sitapas à déclarer qu'il adoptait, sauf certaines rectifications,
le système enseigné autrefois par les philosophes de l'ancienne Grèce, système qui fait tourner les planètes, d'occident en orient, autour du soleil, et qui
donne à
la
Terre deux mouvements différents, l'un de rotation sur son
axe, l'autre de circonvolution autour du soleil. Copernic dit
néanmoins
atten-
longtemps, avant d'oser publier ce système, qui devait trouver de
violents adversaires
précaution de
parmi
dédier
les
défenseurs des textes bibliques;
au pape Paul
III
son
livre,
et
il
eut la
De revolutionibus
SCIENCES ET LETTRES.
—
l5
SCIENCES ET LETTRES.
ii4
orbium cœlestibus (Des Révolutions avait exposé tout son système.
mis en vente
le
jour
même
Rome
(1616),
n'avait
pu voir paraître
de sa mort (i543), et
condamnation posthume, qui en Cour de
Il
n'atteignit
malgré
la
dans lequel
célestes des Planètes),
il
il
ce livre, qui fut
échappa
ainsi à
une
que son ouvrage, mis à l'index,
dédicace de l'ouvrage au pape.
Copernic n'avait voulu être qu'astronome; son successeur, son imitateur, le
fameux Tycho-Brahé
(fig.
78), qui
ENS El G NE'IMOY3
Fig. 77.
ne
le
surpassa point, mais
M ÛND1EV.
— Marque de Jehan Saint-Denis, libraire à Paris, rue Neufve Nostre-Dame, à l'enseigne Sainct Nicolas
Petit Compost en françoys (imprimé en i53o, pet. in-8).
n'entendent point soleil,
de
la lune,
le latin
est contenue
une
«
En
petite et facile practique
des festes et du temps quasi selon l'ordre du
pour avoir congnoissance du cours du
Compost en
latin.
»
qui l'égala souvent, dans ses doctes traités d'astronomie, eut
quelquefois aux erreurs de l'astrologie
de
sacrifier
Il
avait travaillé,
dans tous
Suisse, lorsque le roi de
près de
Copenhague
les
et
même
lui
fit
construire, dans
un magnifique observatoire où
,
la faiblesse
du kabalisme.
observatoires de l'Allemagne et de
Danemark
pendant dix-sept ans, que d'observer
les
:
ce présent livret pour simples gens et qui
de Haven,
l'île il
la
ne s'occupa,
planètes et les étoiles, afin de les
rattacher au système qu'il avait imaginé pour remplacer ceux de Ptolémée et
de Copernic
(fig.
73 à
au centre du monde, dant que
les
76).
Suivant son système,
et le Soleil et la
la
Terre
était
Lune tournaient autour
immobile
d'elle,
pen-
cinq autres planètes gravitaient autour du Soleil. Mais Tycho-
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
1 1
Brahé, ayant cédé aux instances de l'empereur Rodolphe garder auprès de
lui,
devint astrologue, pour gagner
payait, et se jeta dans les divagations de la kabale.
Fig. 78.
— Portrait de Tycho-Brahé, gravé par de Gheyn,
en 1601, laissant une
fin
du xvi e
siècle.
Il
la
II qui désirait le
pension qu'on
mourut, à Prague,
Biblioth.de M.
renommée européenne, que ne
lui
Ambr. Firmin-Didot.
justifiaient peut-être
pas ses ouvrages, bien inférieurs à ceux de Copernic.
Et pourtant Copernic véritable astronomie,
et
et
Tycho-Brahé avaient
Ton peut
où astrologues, nécromanciens
et
été les créateurs de la
dire, à leur éloge, que,
dans un temps
devins étaient seuls en faveur, témoin
SCIENCES ET LETTRES.
n6
Cosme
de Ruggieri à
sabeth d'Angleterre, polonais
monde
et
la les
cour de France observations
John Dee
à la cour d'Eli-
systèmes
de l'astronome
et les
de l'astronome danois inauguraient une ère nouvelle dans
scientifique et ouvraient la route
Keppler, Huyghens
éclat Galilée,
teur Hoefer
et
:
«
que devaient suivre bientôt avec
Newton.
et
Copernic engendra Kepler,
Quel arbre généalogique!
Comme et
l'a dit le
savant doc-
Kepler engendra Newton.
»
NVLLA DIE S.
SINE LINE Fig. 79.
—
du roi. Fac-similé d"une mariage de Henry, roy
Portrait de Bernard Abbatia, astrologue
gravure sur bois de
de Navarre,
et
la
Prognostication sur
le
de Marguerite de France (Paris, Guill. de
Nyverd, 1572, sine line a
petit in-8). ,
signifie
son terme,
»
:
ou
soit réglé
:
La devise « «
le
latine
:
Nulla dies
Pas de vie qui
n'ait
Pas de jour qui ne
par les astres.
»
SCIENCES NATURELLES — Leur décadence au moyen âge. — Economie rurale sous Charle— Jardins botaniques. — La médecine donne naissance à la botanique. — Hildegarde, abbesse de Bingen. — Pierre de Crescentiis. — Vincent de Beauvais. — Fables, erreurs populaires. — Jean Dondi. — Barthélémy de Glanville. — Voyageurs naturalistes. — Aristote et Pline remis en voyages. — Bernard Palissy. — science par honneur. — Les jardins au xvi siècle. — Conquêtes de graveurs d'histoire naturelle. G. Agricola, Conrad Gessner. — Méthodes de botanique. — Peintres
Les sciences naturelles dans magne.
—
l'antiquité.
Le moine Strabus.
e
les
la
et
e
grand ouvrage de Pline l'Ancien, lequel contient en
livres le
résumé de toutes
les
i3y
ses
connaissances de l'antiquité dans
les
sciences et dans les arts, témoigne sans doute d'une érudition
prodigieuse, mais
il
présente aussi l'image de l'extrême con-
fusion qui régnait alors dans le naturelles.
Le goût du sophisme
la dialectique, et
domaine des sciences physiques et'
avaient changé
fermé tout à coup
d' Aristote
du paradoxe,
les subtilités
voie que les admirables travaux
ouvraient à l'esprit humain, en
apprenant à étudier directement
ment
la
de
direction des études scientifiques
la
la large
et
Nature, que toutes
les
lui
et matérielle-
anciennes
reli-
gions avaient divinisée sous la forme multiple des dieux et
des déesses du paganisme
(fig.
80).
L'observation des
des causes semblaient devenues inutiles; on préférait veilleux à la vérité simple et logique;
sans essayer de
la
on
la
le
la critique et
recherche
bizarre et
s'en tenait à l'opinion
soumettre au contrôle de
périence; on ne recueillait plus, sur
faits et la
le
mer-
commune,
à l'enquête de l'ex-
théorie des éléments et des trois
règnes, sur l'histoire des minéraux, des plantes, des animaux, que des fables naïves
ou grossières, mêlées aux plus
dulité vulgaire. Pline, cependant,
folles
imaginations de
dont on invoquait sans cesse
le
la cré-
témoi-
SCIENCES ET LETTRES.
n8
gnage, n'avait pas été seulement un compilateur curieux; il
avait étudié
lui-même,
et
il
était
voulu contempler de trop près sit les villes
Quand
de Pompeia
la
mort victime de
la science,
pour avoir
grande éruption du Vésuve, qui détrui-
d'Herculanum
et
avait observé,
il
79 de J.-C).
(l'an
vint la décadence romaine, les sciences naturelles, immobiles
même
depuis quatre siècles, étaient encore au
point où les avaient laissées
Élien (Claudius iElianus), qui, dans son Histoire des
Animaux, rassembla
pêle-mêle les notions vagues ou erronées qu'il tirait de divers auteurs grecs et latins aujourd'hui perdus. Ces sciences, presque abandonnées, se
trouvaient reléguées, avec
la
conceptions des sophistes,
et n'avaient
que quelques rhéteurs, saient dans leurs
phénomènes reflète
tenant au science,
poèmes
et les
dans tous
les
monde
tels
philosophie spéculative, parmi
les
nuageuses
plus pour interprètes inconscients
que Némésien, Calpurnius, Ausone, qui tradui-
descriptifs les idées de l'antiquité païenne sur les
productions de
ouvrages où
Au
physique.
il
la
Nature. C'est toujours Pline qui se en passant, d'un
est question,
en ces temps qui furent
reste,
du quatrième au huitième
fait
appar-
durs â
si
la
siècle, les écrivains, qu'ils fussent
médecins, historiens ou philosophes, ne s'occupaient des choses matéqu'en raison de
rielles
plantes
,
des animaux
pratique;
l'utilité ,
ils
parlaient des minéraux, des
sans s'inquiéter de leur organisation
forme, de leur physionomie
ils
;
ne
les
examinaient,
ils
ne
les
,
de leur
appréciaient
qu'au point de vue du meilleur emploi qu'on en pouvait faire dans dustrie usuelle et dans la vie sociale;
que
classification scientifique
celle
dans Vhexameron ou théorie des
Genèse de Moïse
(fig.
qui
ils
l'in-
ne leur donnaient pas d'autre
les distribuait
six jours
de
la
hiérarchiquement
Création, d'après
la
81).
Charlemagne lui-même, malgré son puissant génie, ne paraît pas avoir pris intérêt à l'étude n'était
de
l'histoire naturelle
la
les
animaux sauvages, sous
chasse; les animaux domestiques, sous
rurale; les plantes, sous
cœur
on peut assurer qu'elle
point comprise dans l'enseignement de l'École du Palais. L'em-
pereur connaissait sans doute de
;
le
le
Ainsi, dans ses Capitulaires,
il
rapport
rapport de l'économie
rapport de l'agriculture, car
l'entretien de ses jardins et le
le
revenu champêtre de
il
avait surtout à
ses villas royales.
ne semble préoccupé que de
la
propagation
SCIENCES NATURELLES.
119
des bonnes espèces de fruits, de légumes et de graines, pour l'usage de table
il
;
la
daignait à peine donner place, dans ses domaines, aux végétaux
exotiques qui lui étaient envoyés de Grèce
et
d'Espagne. C'est à cette épo-
que qu'un moine du couvent de Saint-Gall, Walafrid Straba, décrivait assez exactement, dans les plantes
Fig. 80.
—
un poëme
latin, intitulé
Hortulus
(le
Petit Jardin),
Un
autre
Monument
celtique
potagères qu'il avait cultivées de ses propres mains.
Esus,
le
grand dieu de
découvert à Paris, sous
le
la
Nature chez
les Gaulois,
choeur de Notre-Dame, en
1
adoré dans
les forêts.
771, et conservé aujourd'hui au
musée de Cluny
et
des Thermes.
poë'te,
presque contemporain
ridus,
composait aussi un poëme du
et
qu'on croit Français,
même
genre sur
nommé Macer la
Flo-
culture et sur les
vertus des herbes, entre lesquelles on distinguait déjà différentes solanées
comme
très-efficaces
pour
la
guérison de certaines maladies. Cette culture
des herbes médicinales avait lieu dans la plupart des monastères et fut l'origine de ces
progrès de
la
jardins botaniques qui devaient servir à favoriser les
médecine. (Voy., plus loin,
le
chap. Sciences médicales.)
SCIENCES ET LETTRES.
120
du huitième au dixième
Si
négligées en Occident,
il
siècle les sciences naturelles
n'en est pas de
même
préoccupent moins cependant d'embrasser
le
chez
les
sont absolument
Orientaux, qui se
vaste ensemble des connais-
sances physiques, que de s'attacher à l'étude de la matière médicale
Sous
toutes les sciences aboutissaient à la médecine.
règne
le
car
,
si floris-
sant d'Al-Mansour, au huitième siècle, une grande école se fonde à Bag-
dad, qui ouvre
sciences exilées d'Athènes et d'Alexandrie.
que pénètrent d'abord, traduits en syriaque, Aristote
C'est là les
un refuge aux
deux lumières de
Grèce
la
et
de
Rome, que
tour, en les transportant dans les écoles de
les
Galien,
et
Arabes traduisent à leur
Grenade
de Cordoue. Le
et
légendaire calife Haroun-al-Raschid suit l'exemple d'Al-Mansour, son
prédécesseur, et se montre encore plus généreux à l'égard des savants.
Son
Al-Mamoun,
fils
fidèle à ces traditions,
porte l'amour de
jusqu'à faire la guerre à l'empereur de Constantinople, pour
dre à
science
la
le
contrain-
envoyer en Asie Mineure non-seulement des savants grecs, mais
lui
encore d'anciens manuscrits
relatifs
aux sciences
et
aux
arts.
Les Arabes cultivaient déjà diverses branches d'histoire naturelle faisaient de précieuses découvertes en botanique,
maine de
pour agrandir
matière médicale. Ainsi, avant cette époque,
la
la
connaissait que des purgatifs violents, tels que l'ellébore
arabes
recommandent maintenant
du tamarin
;
court
la
et
l'emploi mitigé de la casse,
du séné,
utiles à la
la
:
médication sont
tirés
de
commente
de
la
Syrie, par Rhasès. Sérapion
y ajoute
la
description de nouvelles plantes. Avicenne par-
Bactriane
le
jeune
Sogdiane, pour y trouver des médicaments, entre
et la
Mesué
ma-
écrit
son
traité
médicale (De re medica), qui, traduit plusieurs
fois
en latin, servit
de manuel dans toutes de
médecine ne docteurs
autres différentes préparations végétales. tière
do-
le
les
une foule de végétaux
l'Inde, de la Perse,
Dioscoride
et
les écoles
matière médicale,
il
jusqu'à
la
de
la
Renaissance. Mais, en dehors
n'y a que désordre et confusion dans les ouvra-
ges composés par les Arabes, qui ne possédaient pas encore Y Histoire
des Animaux
d' Aristote, ni
Y Histoire des Plantes de Théophraste, et qui,
en traduisant, en commentant Pline
non-sens
et
Dioscoride,
les
avaient remplis de
et d'obscurités.
Constantin l'Africain
est le
premier qui introduit en Europe quelques
SCIENCES NATURELLES.
livres
arabes concernant
la
121
matière médicale; mais, dans
ouvrages, qui accusent pourtant une certaine expérience de
ses propres la
médecine
pratique, on sent que les connaissances accessoires lui échappent totale-
ment, par suite du défaut de méthode dans l'étude de
quand
il
—
Nature. Ainsi,
veut diviser les médicaments en quatre classes distinctes,
trouve rien de plus rationnel que de
Fig. 81.
la
Dieu crée
le
les
il
ne
ranger sur une sorte d'échelle,
monde par compas. Miniature du Trésor, de Brunetto
Latini
;
ms. du
xv
siècle.
Bibliothèque de l'Arsenal.
d'après le degré de leur activité relative. Vers la
même
époque, ce sont
encore des botanistes arabes, qui représentent avec un certain éclat sciences naturelles, en Orient
Asie pour étudier
les
:
les
Ebn-Taitor, natif de Malaga, voyage en
plantes, avant de devenir ministre du calife, au
Caire, et Abdallah-Tef, auteur d'une description fort exacte des plantes et
des
animaux de l'Egypte,
fait
preuve d'une rare sagacité, en relevant, dans
l'examen d'une momie, de graves erreurs que Galien avait commises en fait
d'ostéologie. Cette connaissance de
Panatomie humaine
est d'autant
plus remarquable, que la dissection des morts était absolument interdite
par
la loi
de Mahomet.
Une grande
partie de ce qu'il
y avait de science
SCIENCES ET LETTRES.
—
l6
SCIENCES ET LETTRES.
122
dans
le
monde, en
donc directement des Arabes
ce temps-là, venait
Ce
surtout du califat de Cordoue.
fut là
que Gerbert, qui devait
vêque de Reims, ensuite archevêque de Ravenne,
nom
le
de Sylvestre II (999),
son immense savoir. en
peut donc
être arche-
depuis, pape-, sous
chercher de nouveaux éléments pour lui attribuer
l'honneur d'avoir apporté
premiers éléments des sciences naturelles, qui se rattachent
Italie les
d'abord à
On
alla
et,
médecine. Othon de Crémone expose ce qu'il
la
des plantes
sait
médicamenteuses, dans un poëme en quinze cents verts léonins, de Milan résume aussi, en vers, toute
dans
le
et
Code de
l'École de Salerne,
la
et
botanique médicale de son
Jean
siècle,
sérieuse en fait d'hygiène, mais
œuvre
assez imparfaite au point de vue des sciences naturelles.
Puisque
lumière scientifique émane surtout des écoles sarrasines de
la
l'Espagne, s'éteindra-t-elle tout à coup, lorsque
l'empire des
califes
menacera de nouveau
la civilisation
renais-
s'écroulera et que la barbarie
sante les
?
Non,
nation juive, qui
nations chrétiennes
comme une le
la
promène son
musulmanes,
et
épave, les débris de l'arche sainte de
partage entre
quelque temps
les
le
monopole du
le
pour
science et
Médecins
vrai savoir.
même
chaires à Bologne, à Milan, à Naples, et
ment nouveau
la
là
à travers
recueillir,
pour en
faire
divers pays de l'Europe, où les rabbins gardèrent
favoris et conseillers des souverains,
depuis
trouvera
se
nomade
existence
la
plupart, souvent
des papes,
ils
substituaient
ils
avaient des
un enseigne-
de Séville, lequel avait été
à V Etfmologicon d'Isidore
septième siècle
la
base principale des études scientifiques. Les
sciences naturelles, entre autres la zoologie, la minéralogie, la botanique, étaient sans doute représentées
dans ce dictionnaire abrégé des connais-
sances humaines, mais Isidore de Séville, à l'époque reculée où vait, n'avait
pu
que d'une manière
les traiter
logique, faute d'expérience et d'observation
Le progrès
n'est
pas encore bien sensible
sciences naturelles, mais on
remarque
superficielle et surtout
(fig. ,
il
écri-
peu
82).
au douzième
siècle,
dans
les
déjà, en certains écrits qui les con-
cerne, une sorte de tendance à l'observation ou plutôt à la curiosité, quoi-
qu'on n'en
soit
pas venu encore à l'idée
elle-même. C'est toujours
la
des premiers observateurs
;
si
botanique qui c'est
toujours
simple d'interroger attire la
la
Nature
de préférence l'attention
médecine qui
est le
point de
1
SCIENCES ET LETTRES.
24
le
mieux
les
miné-
départ de toutes les recherches. Parmi les ouvrages qui résument les
opinions
raux, sur recueilli
et les
les
principes de
animaux
utiles
la science,
ou nuisibles,
sur les plantes, sur il
faut citer le Jardin de santé,
par Hildegarde, abbesse de Bingen,
précieux de recettes
et
comme un
de secrets à employer dans tous
répertoire très-
les cas
de maladie.
Hildegarde, ainsi que beaucoup d'autres abbesses de son temps, se à
Tétude des choses naturelles, surtout celles qui pouvaient
Part de guérir
Fig. 83.
—
;
elle cultivait
xm
e
constatait les propriétés. tères
d'hommes
(fig.
siècle.
Il
y
rapporter à
elle-même des plantes médicinales
Moines s'occupant d'agriculture. Lettre ornée, ms. du
se
Bibliothèque de
et elle
en
d'un Livre de jurisprudence,
M. Ambroise Firmin-Didot.
avait donc, dans
83) et de
tirée
livrait
un grand nombre de monas-
femmes, non-seulement des jardins botani-
ques, mais encore des collections de fossiles, de minéraux, de coquillages, d'herbiers et d'animaux, conservés par divers procédés de dessiccation. là,
ces encyclopédies
du moyen âge, ces vastes compilations descriptives,
surchargées d'erreurs populaires,
il
est vrai,
mais remplies néanmoins
de détails curieux et intéressants, qui ont été rédigées dans toutes gues, depuis
le
De
douzième
siècle, et qui,
les lan-
multipliées par des copies où
dessin a parfois expliqué et complété naïvement
le
le
texte, se trouvent
enfouies dans les grandes bibliothèques, sans avoir jamais obtenu les
honneurs de l'impression. Ce sont ordinairement des révélations singulières
sur la nature des végétaux et des pierres, sur l'usage
et les
vertus
SCIENCES NATURELLES.
125
des simples, sur les qualités hygiéniques des aliments traités spéciaux, de
douzième
siècle,
Au nombre
Fig. 84.
moindre étendue,
écrits
ont été seuls imprimés à
,
Plusieurs
etc.
par quelques docteurs du
la fin
de ces traités, on peut ranger un
du quinzième
poème moral,
—Saint François d'Assise parlant aux oiseaux. Miniature d'un psautier du
xm
c
siècle.
intitulé
siècle.
Bibliothèque de M. Ainbroise Firmin-Didot.
Anti-Claudîanus , sive de
Officio viri boni et perfecti (l'Anti-Claudien,
ou du Devoir de l'homme bon
douzième
siècle
par
le
fameux Alain de
universel, et qui présente, dans
une
et parfait), qui fut l'Isle,
ou de
composé
à la fin
Lille, dit le
un tableau général des sciences
et
du
docteur des arts,
suite d'observations assez judicieuses sur l'histoire naturelle.
Les savants
,
les
philosophes de cette époque qui prenaient goût aux
sciences naturelles, n'avaient été
que des commentateurs
et
des compila-
SCIENCES ET LETTRES.
126
Le treizième
teurs.
siècle devait
miers furent ceux que
produire enfin des observateurs. Les pre-
les croisades, la fièvre
des voyages en Orient, trans-
portaient dans des contrées lointaines et inexplorées jusque-là, où
rencontraient que des choses étranges et inconnues.
ils
ne
L'observation,
si
imparfaite qu'elle fût encore, était la conséquence de ces voyages où la curiosité se trouvait sans cesse éveillée par la les sciences naturelles
politique,
que
et
le
vue d'objets nouveaux,
et
eurent beaucoup à profiter des explorations que
la
commerce, ou toute autre cause,
firent
entreprendre en Afri-
en Asie. Les ordres mendiants, franciscains ou cordeliers, domi-
nicains ou frères prêcheurs, que l'Église venait d'établir, en leur confiant les
intérêts de la civilisation catholique,
conquêtes de l'histoire naturelle Carpini, envoyé par
(fig.
de
la
mer Caspienne
cordelier, Jean de
un autre
les
tanciée de son voyage la
Mogolie
au fond de
la
;
(1
Guillaume Picard, envoyé 'par
cordelier,
Guillaume de Rubruquis, envoyé aussi par saint Louis
Tartarie
(1
253), étaient également des
qu'indiquer ce qui
d'animaux
et
une relation circons-
253); Pierre Ascelin, envoyé aussi par le pape
Saint- François. Ces voyageurs, dans leurs firent
fut
régions sauvages situées au-delà
saint Louis auprès d'un autre chef asiatique, écrivit
dans
Piano
pape en mission auprès d'un chef tartare (1246),
le
;
Un
84).
premier chrétien qui pénétra dans
le
ne furent pas étrangers à ces
de plantes,
les avait
mais
le
ils
moines de
relations
plus frappés en
rapportèrent
l'ordre de
de voyages, ne fait
de pierres,
en Europe quelques
échantillons recueillis sur les lieux et qui pouvaient servir à éclairer la science, en rectifiant ce géré.
que leurs
récits offraient d'incohérent et d'exa-
Le plus célèbre des explorateurs de
l'Inde au treizième siècle,
le
Vénitien Marco Polo, qui passa plus de vingt années dans ces pays
encore inconnus,
et
qui alla jusqu'en Chine, a laissé une relation fort
curieuse de ses longs voyages, dans laquelle ce qu'il a vu, tout ce qu'il a entendu dire
grande place dans ces et
la
sont
les
raconte naïvement tout
l'histoire naturelle
occupe une
témoignent trop souvent de son ignorance
de sa crédulité. (Voy. plus loin
Ce de
récits qui
:
il
le
chap. Sciences géographiques.)
botanistes qui se succèdent à cette époque, et toujours en vue
matière médicale.
Deux Anglais,
gent, l'un en Asie, l'autre en Europe,
Gilbert et Hernicus Arviell, voya-
pour étudier
les plantes, et
compo-
SCIENCES NATURELLES.
sent des traités de botanique. avait herborisé
Simon de Cordo,
lui-même dans
les
1
Simon de Gênes, qui
dit
de l'Archipel
îles
à contribution les écrivains grecs et arabes,
pour
27
et
faire
en Sicile, met
son Dictionnaire
botanique; Jean de Saint-Amand, chanoine de Tournay, procède par Pexpérience à ses découvertes en thérapeutique
remarquable à
la
de simples. Mais
Fig 85.
et
consacre un ouvrage
recherche des vertus médicinales d'un certain le
plus savant,
— Comment Alexandre
se
Miniature d'un ms. du
combat
xm
e
le
nombre
plus expérimenté de ces botanistes du
as dragons et à
siècle, n° 11040.
une manière de bestes con apele e.;corpions.
Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
treizième siècle fut Pierre de Crescenzi ou de Crescentiis, né à Bologne
en i23o, personnage considérable par sa naissance s'occupait d'agriculture et d'horticulture avec ses propres observations tout ce
âge avaient
écrit sur les
que
les
amour
anciens
productions végétales de
faits,
et
et les la
qui, en ajoutant à
auteurs du
moyen
Nature, compila une
espèce d'encyclopédie agronomique (Opus ruralium
grand ouvrage, plein de
par sa fortune, qui
et
commodorum). Ce
de conseils judicieux, de notions pratiques
excellentes, fut traduit en plusieurs langues et spécialement en français,
par ordre du tres et
roi
ruraux.
Charles V, sous
le titre
de Livre des
Pr ouffit s
champes-
SCIENCES ET LETTRES.
128
Pierre de Crescenzi n'avait envisagé qu'un des aspects de l'histoire natu-
de ses contemporains, trois
relle; trois
Albert
vais,
Grand
le
et
hommes
de génie, Vincent de Beau-
Arnaud de Villeneuve, abordèrent
avec
la science
esprit curieux et investigateur, qui l'avait envisagée sur toutes ses
un
faces. Ils étaient astrologues, alchimistes, théologiens,
médecins, avant de
devenir naturalistes. Vincent de Beauvais, moine dominicain, qui avait
du voyage de Jean de Piano Carpini dans
traduit la relation
la
Grande-
Tartarie, s'était passionné pour ces explorations lointaines, qu'il regardait
comme donnant raison aux fables les par Pline. Aussi, ne se
fit-il
plus étranges de l'antiquité recueillies
pas faute de
clopédie qu'il a compilée sous
le
les répéter,
titre
dans l'énorme ency-
de Miroir naturel [Spéculum
naturelle),
en ne rejetant aucune des erreurs superstitieuses de son époque.
Selon
en
ailé
lui,
effet, la
bœuf
enlève un
mandragore a et le
forme du corps humain
la
dévore dans
sérails
comme une
le
dragon
l'agneau de Scythie, ani-
les airs;
mal-plante, tient au sol par une tige et par des racines l'arbre qui pleure se conserve,
;
;
l'arbre de vie
allégorie vivante, dans les
de l'Orient. Vincent de Beauvais raconte
les
merveilles du serpent
tendresse proverbiale du pélican pour ses petits, parle
basilic,
dépeint
la
du vol
indéfini
du phénix,
affirme qu'en Écosse les fruits de certains
et
ma-
arbres produisent, en tombant dans l'eau, des canards noirs, appelés creuses. (Voy. le chap.
85 à 87
Albert
le
et
Croyances populaires.)
die
par
là,
que
l'his-
l'illustre
Albert de Bolstaedt, ne fut peut-être pas plus
9 5).
Grand,
pas qu'on
lui fît l'injure
de
le
il
était
meilleur logicien
,
et
ne mé-
supposer auteur d'une misérable rapso-
nom de Secrets du grand Albert et de quelques du même genre aussi indignes de lui et cependant
connue sous
opuscules
voit,
dans l'enfance à l'époque de saint Louis
savant que Vincent de Beauvais, mais ritait
On
encore
toire naturelle était (fig.
ou
le
,
répandus que ses plus beaux
livres scolastiques.
aux aspirations de
du moyen âge,
la
science
il
autres ,
plus
Mais, pour répondre n'avait
pu
se défendre
d'écrire des traités sur les vertus des plantes, des bêtes et des pierres, traités qui furent défigurés et travestis plus tard
nisme éhonté. Arnaud de Villeneuve légèrement
le
savoir à celui d'Albert
,
le
au profit d'un charlata-
dont on a comparé peut-être trop
Grand, eut à subir,
comme ce
der-
SCIENCES NATURELLES.
nier,
une grossière
129
de ses doctrines.
et perfide interprétation
sortait des
Il
écoles d'Italie et de celle de Montpellier, lorsqu'il vint enseigner, dans
TUniversité de Paris, l'astrologie. C'était la
médecine
la
première
fois
botanique,
philosophie
et
que des leçons d'histoire naturelle
se
et
la
la
trouvaient mêlées aux études de théologie et de médecine.
prodigieux d'auditeurs ne
fit
Un
concours
que donner plus de retentissement à ces
leçons, dans lesquelles l'audacieux professeur ne craignait pas de vouloir
ramener à de simples questions
—
Fig. 86.
«
d'histoire naturelle et de
physique [expé-
Comment Alexandre se bataille as dragons qui ont cornes de mouton au front. xm» siècle, n° 11040. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
»
Miniature d'un ms. du
rimentale l'explication des plus saints mystères du catholicisme. L'Inquisition s'alarma d'un enseignement scientifique aussi contraire l'Eglise, et
Arnaud de Villeneuve
mais de magie
et
de sorcellerie.
se vit accusé,
le
de ce prince français, qui
non d'impiété ou
et
de Sicile, pour quitter
tribunal des inquisiteurs, et
le
garda
d'hérésie,
eut besoin de la protection particulière
Il
de Charles d'Anjou, roi de Naples sans avoir passé devant
aux dogmes de
comme
il
la
se réfugia
France auprès
médecin. Arnaud de Villeneuve
trouvait sans doute, à Naples et à Palerme,
où
il
avait fixé sa résidence,
plus de facilités qu'ailleurs pour compléter ses études en histoire naturelle,
car cette science semblait privilégiée, à la cour des rois de la
d'Anjou,
comme
siciliennes,
chez ceux de
la
Arnaud de Villeneuve
mais attaché au service de Frédéric
maison d'Aragon. Après
les
maison Vêpres
se sépara de Charles II et resta désorII, qui,
plus qu'aucun autre souverain SCIENCES ET LETTRES.
—
17
1
SCIENCES ET LETTRES.
3o
de son temps, favorisait l'étude des sciences naturelles. Ce Siciles
tote;
avait
il
en
traduire
fait
Y Histoire
latin
roi des
Animaux,
des
réunissait, à grands frais, dans sa ménagerie royale,
d'animaux rares, qu'on fauconnerie, qu'il
envoyait d'Asie
lui
et
d'Afrique, et
d'Aris-
une foule Traité de
agitations politiques
composa lui-même au milieu des
de son règne, témoigné d'une connaissance exacte
le
Deux-
minutieuse de tout ce
et
qui se rapporte aux oiseaux de chasse.
L'étude des sciences naturelles est plus suivie, plus générale, au com-
mencement du quatorzième de
la
,
quoiqu'on néglige encore l'observation
Nature, pour s'attacher de préférence à
ciennes telles qu'on
La
siècle
difficulté
les
la lettre
des descriptions an-
rencontrait dans les livres grecs, latins et arabes.
de reconnaître sous un
nom
arabe une plante décrite par
lieu aussi à d'incroyables confusions. C'est ainsi
Dioscoride donnait
que
Mathieu Sylvaticus, de Mantoue, qui avait à Salerne un superbe jardin botanique, se voyait fort embarrassé pour tivait et
dont
il
dénommer
les
plantes qu'il cul-
voulait constater les qualités spécifiques, car,
s'il
savait le
grec, il ne savait ni l'arabe ni l'hébreu; de là les erreurs monstrueuses de sa
nomenclature. Les
écrits
Ardern de Newark valeur.
et
Codex de
les plantes
la
dans
Garbo, de l'Anglais Jean
le
son
et
fils
Jean
Orologio, qui travail-
dall'
milieu du quatorzième siècle, à perfectionner
matière médicale, vivaient à Bologne
indigènes qu'ils ont décrites
leur livre des Simples,
camentis simplicibus
Un
del
de quelques autres botanistes n'ont guère plus de
Mais Jacques Dondi
laient d'intelligence, le
du Florentin Dino
composé en
et traduit
le
latin
et n'étudiaient
plus fidèlement possible dans
sous
le titre
en italien sous celui
de Liber de medi-
à? Herbolariovulgare.
autre livre, bien inférieur à celui-ci sous tous les rapports, mais
niment plus connu,
est celui
que
infi-
d'un moine anglais, Barthélémy de Glanville,
qui rassembla, pour les gens du monde, une véritable encyclopédie d'histoire naturelle, remplie de contes populaires et d'un fatras d'érudition oiseuse.
Cet ouvrage bizarre,
écrit
en
latin
{Liber de proprietatibus rerum,
à-dire Livre des propriétés des choses), n'en eut pas
qui dura jusqu'au seizième siècle
Jean Corbichon, sous la
demande du
roi
le titre
;
il
c'est-
moins une réputation
avait été traduit en français, par frère
amphibologique de Propriétaire des choses,
Charles V,
et ce fut
un des ouvrages qu'on réimprima
à le
1
SCIENCES NATURELLES.
1
3
plus souvent en différentes langues dans les premiers temps de l'impri-
merie.
Le même honneur
aux
était réservé
évêque d'Halberstadt, avait imités des
Fig. 87.
—
Le monde marin selon
un tonnel de voirre.
d'Albert
le
»
les idées
du moyen
Miniature d'un ms. du
Grand
et
xm
e
âge.
—
siècle, n°
traités
«
1
traités
qu'Albert de Saxe,
analogues d'Aristote
Comment Alexandre
se fait caler
en
la
et
mer en
1040. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
qui énumèrent les vertus plus ou moins problémati-
ques des plantes, des minéraux
La lumière va pénétrer
et
des animaux
(fig.
88).
enfin, au quinzième siècle, dans le chaos téné-
SCIENCES ET LETTRES.
132
breux des sciences naturelles,
et c'est l'art
du dessin qui
donnant aux objets décrits une forme précise
un
d'exécuter
livre d'histoire naturelle,
Livre de
(le
ouvrage
latin
choses),
mais
la
nom,
avait eu l'idée
Ce
livre, intitulé
das Buch der
Nature), n'était qu'une traduction abrégée du grand
de Martin de Cantimpré il
de
Un Allemand
accompagné de peintures destinées
à venir en aide aux descriptions de l'auteur.
Natur
et invariable.
même
des bords du Rhin, qu'on ne connaît pas
fera la lumière, en
contenait
la
:
De rerum natura (De la
description d'un certain
nature des
nombre d'animaux,
d'arbres, d'arbustes et de plantes représentés par des figures assez exacte-
ment dessinées
et coloriées. Il
acquit par
une
là
telle célébrité,
que ce
fut
EÉcïn'eu De mer t(t une befieen
ta met qui fa nourzfObn MCMiaige eu (a mec îôœe mig poiïïon et uûfus tecte tome me bette*
prtptet fut laterre et en
Fig. 88.
—
Le chien de mer. Fac-similé d'une gravure sur
(Gouda, Gérart Leeu, 1482,
un des premiers
in-fol.).
bois du
livres d'histoire naturelle
que l'imprimerie naissante
plut à reproduire en Allemagne, depuis 1475
d'Augsbourg. La gravure sur bois
était
où parut
et
à l'esprit les notions
l'édition princeps
offrir
en
même
pillage de la ville de
phes
et ses
Mayence
graveurs, dans
les
grecque
et
le
siège et
(1462), s'était répandue, avec ses typogra-
grandes
des philologues et des savants pour res de l'antiquité
temps
élémentaires des sciences naturelles.
L'imprimerie, qui, chassée de son sanctuaire mystérieux par le
se
dès lors l'auxiliaire de l'impri-
merie, et elles s'aidèrent bientôt l'une l'autre pour
aux yeux
Dyalogue des créatures
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
la
villes
de
l'Italie, excita
l'émulation
mise en lumière des œuvres
littérai-
romaine. Aristote, Théophraste, Dioscoride,
Pline surtout, trouvèrent immédiatement des traducteurs, des
commen-
tateurs, des éditeurs. Dès l'année 1468, Jean Spire publie à Venise une
SCIENCES NATURELLES.
édition de Pline
Sweynheim
et
;
Tannée suivante,
les
1
33
imprimeurs allemands Conrad
Arnold Pannartz en publient, à Rome, une nouvelle
À^ëftet&U tulvfi (wné/itt cvoift fivecl)
—
La tonte des moutons. Miniature des Trois Ages de
à Estienne Porchier.
Ms. de
la fin
du xv"
siècle, Biblioth. de
C homme,
poème
édition, également in-folio, revue et corrigée par les soins
lologue
André, évêque d'Aléria.
inédit attribué
M. Ambr. Firmin-Didot.
du grand phi-
Deux années après, un imprimeur
français fixé à Venise, Nicolas Jenson, donnait une édition qui ne
en rien aux deux précédentes.
On
ne publia
les
le
cède
textes grecs d'Aristote
SCIENCES ET LETTRES.
i3 4
commencement du seizième
de Dioscoride qu'au
et
née 1476, V Histoire des
par
Animaux,
philosophiques de
les traités
si
siècle,
mais, dès Tan-
longtemps négligée ou plutôt éclipsée de Stagyre, avait
l'illustre péripatéticien
paru dans une admirable traduction latine de Théodore Gaza.
On
ne saurait douter de
naturelle, en
siècle
,
les
se reproduisent à l'infini.
le
et
les
incunables
de grands ouvrages
Grand ou qui
lui
sont attribués
La compilation encyclopédique de Barthélémy de
De proprietatibus rerum, malgré son
réimprimée dix
duit,
impressions de traités
Ceux d'Albert
relatifs à cette science.
est
lors à l'étude de l'histoire
remarquant combien sont nombreux, parmi
du quinzième
Glanville,
donné dès
l'élan
fois de suite
en
latin et
insuffisance et ses défauts,
en français, tandis qu'on
tra-
en anglais, en espagnol, en hollandais, ce volumineux recueil, pour
l'imprimer presque simultanément à Londres, à Tolosa
commodorum
quinze ou vingt éditions, avant n'arrivaient pas dans les
à Harlem.
différentes langues l'excellent livre de Pierre
Mais on traduit également en Crescenzi (Ruralium
et
libri XII), qui obtient les
la fin
du quinzième
siècle.
honneurs de
Ces gros
in-folio
mains du peuple des campagnes, pour qui
toire naturelle faisait partie des connaissances nécessaires.
l'his-
Mais depuis
longtemps ces connaissances inséparables des travaux champêtres étaient vulgarisées, en quelque sorte, dans les miniatures des calendriers placés
en tête des livres d'heures manuscrits
davantage, par
le
moyen de
la
On
mêmes
sujets gravés et les
dans une foule d'almanachs, dont
Compost
et
L'utilité des
on
popularisa encore
les
nombreuses impressions des
les
le
89), et
gravure sur bois, qui concourut à l'ornement
de ces calendriers dans recueillit ensuite les
(fig.
le
livres d'heures.
mêmes renseignements
plus important et
le
plus célèbre est
kalendrier des Bergers.
planches dans un livre d'histoire naturelle
était
tellement
re-
connue (fig. 90), qu'on ne publiait pas un ouvrage de botanique sans y ajouter des gravures sur bois, qui laissaient trop souvent à désirer,
sous
le
rapport de l'exactitude du modèle.
de Lubeck,
nommé Amdes,
partir
pour
dessinateur qui devait exécuter avec soin
On la la
vit alors
texte descriptif,
est vrai,
un bourgmestre
Palestine avec
un
artiste
représentation fidèle des
plantes du Levant. Mais les dessins que rapporta
accompagnés d'aucun
il
le
voyageur n'étant
un médecin de Mayence, Jean de
SCIENCES NATURELLES.
Cuba,
fut
Arabes,
et
chargé de faire ce texte d'après de perpétuer ainsi, à grands
posaient aux développements delà science.
de
Il
35
ouvrages botaniques des
les
frais,
1
vieilles erreurs qui s'op-
y eut pourtant des herbiers
très-remarquables, enrichis de belles gravures sur bois, qui s'imprimèrent à
Mayence, à Passaw,
mand, avant que à
le
à
Louvain
,
les
uns en
grand ouvrage d'Arndes
et
latin, les autres en alle-
de Jean de
Cuba
eût paru
Lubeck en 1492.
Fig. 90.
— La
pêche
fluviale.
Fac-similé d'une gravure sur bois d'une édition latine de Pline
{Francfort, 1584,
A Venise,
on imprimait
aussi, avec
in-fol.).
une incroyable
activité, les
œuvres
des anciens médecins arabes, Avicenne, Avenzoar, Averrhoès, Mesué,
qui se sont occupés de l'histoire naturelle à propos de
la
médecine,
et ces
publications ne firent qu'éveiller la critique contre les arabistes qui avaient
copié Pline avec toutes ses erreurs.
Nicolas Leoniceno, prit de
admirateurs
dont
ils
:
parlent
là
Ces gens-là,
«
;
ils
en pillent
Un
savant professeur de Ferrarc,
occasion d'attaquer l'école arabique disait-il,
n'ont jamais
les descriptions
chez
précédés et qu'ils traduisent souvent à contre-sens vrai chaos de
les
plantes les
ont
ce qui a produit
un
les :
connu
et ses
auteurs qui
dénominations erronées, auquel l'inexactitude des descrip-
,
SCIENCES ET LETTRES.
i36
tions ajoute de nouvelles obscurités.
peu avancé de
constatait l'état
Dans
»
cette
polémique
l'histoire naturelle
au
multipliait les réimpressions de l'ouvrage de Pline, injuste à l'égard
Ermolao Barbaro
vénitien
pas à défendre Pline
sita
L Histoire 1
tiones Plinianœ.
coup d'un Sous
pendant
,
discrédit
lui-même
et
Venise, jugèrent
le
momentané, dans
de Dioscoride
moment
la
fois à la juste
publiaient, en naturelle
,
même
,
les
Manuce
livrait
pour Ils
l'histoire
entre autres divers traités de Georges Valla sur les plantes
d'un grand
les
les
auteurs grecs. L'étude de
savants français
1495,
:
la
botanique
un imprimeur de Paris,
l'Arbolayre, nouvel herbier, orné bois, et cet ouvrage, extrait des
nombre de gravures sur
médecine d'Avicenne, de Rhasès, de Constantin, d'Isaac
Platéaire, était réimprimé, sous le titre six
avait revu
impatience des doctes amis de l'antiquité.
Pierre Caron, publia, vers
par
Castiga-
Aides, savants imprimeurs de
temps, d'autres ouvrages modernes sur
ne préoccupait pas moins
traités de
:
favorable pour mettre en lumière les textes
un lexicon botanique d'après
et
à relever
aux ouvrages d'Aristote.
lui-même, sur d'anciens manuscrits, ces textes précieux qu'il
première
n'hé-
plupart des écoles d'Italie.
originaux, encore inédits, des naturalistes grecs. Aide
la
il
naturelle de Pline n'en était pas moins sous
l'influence de ce discrédit, qui profitait
de Théophraste
été
fameux humaniste
et le
qu'il travaillait
l'on
Leoniceno avait
dans une réponse, où
sentir
le lui fit
moment où
de son auteur de prédilection dans un livre intitulé
les fautes
le
du grand naturaliste romain,
qui
littéraire,
ou huit imprimeurs parisiens.
semblait être
la partie
dominante de
et
de
du Grand Herbier en françois, C'était toujours la
l'histoire naturelle.
botanique qui
La découverte
de l'Amérique par Christophe Colomb, en 1492, ne tarda pas à donner
un nouvel essor
On les
y
allait
à l'étude de la flore
inconnue de ce vaste continent.
d'abord chercher des métaux précieux, qui affluèrent dans
ports de l'Espagne et du Portugal.
médicale pouvait aussi s'enrichir dans
On le
s'aperçut bientôt que la matière
Nouveau-Monde,
et
l'observation
constata les propriétés d'une grande quantité de substances variées, avant
que
les botanistes les
eussent classées dans l'ordre scientifique qui devait désintéressé de la science entraîna quelques
leur appartenir.
L'amour
hommes dévoués
au-delà des mers.
On
vit
des naturalistes italiens, espa-
SCIENCES NATURELLES.
i3 7
gnols, allemands, portugais, se livrer avec ardeur à la recherehe et à
l'examen des productions naturelles que ces pays nouveaux fournissaient en abondance. D'autres naturalistes, qui ne se laissaient pas séduire par merveilles du continent américain, se tournèrent de préférence vers
les
pour y
l'Asie,
faire des explorations plus savantes et plus utiles
En
l'avaient été celles de leurs prédécesseurs.
absolument neuve
et
inconnue,
les
présence d'une nature
premiers naturalistes qui visitèrent
l'Amérique avaient dû renoncer à prendre pour guides adoptant
la
la science
méthode de l'observation
recommencent
anciens, en
les
Ce
directe et personnelle.
une révolution complète. Les voyages vraiment
toire naturelle
que ne
à travers l'ancien
dans
fut
utiles à l'his-
monde. Jean Léon,
dit
l'Africain, visite l'Égypte, l'Arabie, l'Arménie et la Perse, en observant
soigneusement
les
caractères multiples que présentent les trois règnes.
Pierre Martyr (Pietro Martire d'Anghiera), chargé d'une mission diplo-
matique en Orient,
vérifie
sur
les lieux, livre
d'Aristote, de Théophraste et de Dioscoride
Manardi, herborise en Pologne Jacques Dubois
pour y étudier Dès ses
lors, le
fruits.
et
la
dit Syîvhis,
la
témoignages
médecin de Ferrare, Jean
en Hongrie;
parcourt
les
le
médecin d'Amiens,
France, l'Allemagne
et l'Italie,
nature.
goût des voyages scientifiques est devenu général
On
et
porte
forme de véritables collections d'histoire naturelle; on
on acclimate
cultive, les
,
et
le
;
en main,
les
plantes exotiques
;
on multiplie, on domestique
animaux. L'horticulture devient une science pratique; aux vergers aux jardins de rapport, on ajoute des jardins d'agrément,
et c'est
un
prêtre messin, maître François, qui découvre la greffe herbacée, dont le
secret ne s'est retrouvé
que de nos
jours.
La
culture de beaucoup de
plantes nouvelles allait donner un brillant développement à la botanique,
qui avait ses chaires spéciales dans Celles de Ferrare, de
de leur vola.
Bologne
vieille réputation,
et
la
plupart des centres universitaires.
de Padoue se maintiennent au niveau
grâce à l'enseignement de Ghini
et
Les meilleurs botanistes sont partout des médecins, qui
cupent surtout d'agrandir
le
domaine de
la
;
Othon
se préoc-
matière médicale,
tous, publient de gros livres, écrits en latin et
gravées
de Brassa-
et
qui,
accompagnés de planches
Brunfels, de Mayence, son herbier, SCIENCES
Herbarum vivœ ET LETTRES. — l8
ico-
,
SCIENCES ET LETTRES.
i38
nés (i53o-36); Enricius Gordus, de Cologne, dont le être
fils,
Valerino, devait
un des plus grands botanistes allemands, son Botanologicum (i534);
Léonard Fuchs, de Bavière, pas possible d'entreprendre
ses
Commentant
insignes
Il
(1.542).
n'est
nomenclature des ouvrages d'histoire
ici la
naturelle et surtout de botanique, qui ont paru dans la première moitié
du seizième
en Allemagne, en Hollande
siècle,
vent au moins
de
efforts
les
science naissante.
la
négliger de faire remarquer que
cosmopolites qui allèrent dans de For ou pour tenter
la
nandès de Oviedo, qui
ait
vertes et
si
parmi
,
1
qui prou-
Italie, et
Mais on ne saurait
innombrables voyageurs
Indes Occidentales pour y chercher
les
fortune,
les
il
n'en est qu'un seul, Gonzalès Fer-
rapporté de ces contrées, récemment décou-
dignes d'une étude savante,
les
matériaux d'un
tant d'histoire naturelle, la Historia gênerai (Sevilla,
en
et
y
impor-
livre
natural de las Indias
535, in-fol.), où l'on trouve une description assez exacte des
animaux, des arbres, des arbustes
des plantes de l'Amérique méri-
et
dionale.
La France, qui
avait illustré, de
si
merveilleuses peintures de fleurs,
d'oiseaux, de papillons et d'insectes,
ques
et religieux (fig. 91),
une foule de manuscrits
ne pouvait se désintéresser des études d'histoire
naturelle au point de vue usuel* et pratique. Charles Estienne,
un des membres
plus distingués de
anatomiste
et botaniste,
famille des
imprimeurs de Paris qui ont donné tant
nom
Estienne
des
les
composa beaucoup de
,
liturgi-
médecin savante
la
d'éclat littéraire
petits traités
au
d'agronomie
d'horticulture, de botanique et de sylviculture, qui furent souvent réim-
primés, de
même
que son vocabulaire d'histoire naturelle. La réunion
de ces différents traités constitua depuis un grand ouvrage intitulé
dium rusticum, que son gendre Liébaut et
la
en l'augmentant, sous
mode en France
:
c'était à
quelque fleur venue de
Chambord
le titre
loin.
rendit populaire, en
de Maison r^ustique.
Au
jardinage était à
Les jardins royaux de Fontainebleau
culture florale, fruitière et potagère. Les jardins
célèbres entre tous.
traduisant
qui posséderait quelque plante nouvelle,
avaient été organisés à grands frais,
embellis par les soins de
Le
le
Prœ-
Marguerite
,
comme
de
des modèles de
du château d'Alençon,
sœur de François
reste, princes et prélats,
et
gens du
er
I
,
monde
étaient et plé-
\
SCIENCES NATURELLES.
i3o
béiens s'intéressaient aux travaux d'horticulture
plus l'agitation politique sem-
:
blait s'accroître, plus
de
la vie
de superbes plantations à Mail-
dont
il
évêque;
était
et
François
Rome,
Rabelais, pendant son séjour à lui
calme
le
champêtre. Le cardinal de Châ-
tillon avait
iezais,
on cherchait
envoyait des graines de toute espèce,
surtout des plantes potagères, qu'on
pour ^-*sont
la
première
fois
en France
sema
et
qui
devenues indigènes. Les deux princi-
paux hommes d'État de cardinal
du Bellay
et le
époque,
cette
le
cardinal de Lor-
raine, méritent aussi d'être cités avec éloge
dans
l'histoire
saient les
du jardinage
bonnes cultures
;
:
ils
ils
favori-
encoura-
geaient l'étude de la botanique, et, pour se reposer des fatigues et des
politique,
ils
se retiraient, l'un
abbaye de Saint-Maur, de
Fig. 9 1.
—
ennuis de
Meudon, où
ils
l'autre
passaient
Encadrement d'une page d'un ms.
tr.
la
dans son
au château des
du xv"
jour-
siècle
:
Bibliothèque de M.IAmbroise Firmin-Didot.
Vie de saint Jérôme.
SCIENCES ET LETTRES.
140
nées paisibles, loin des cours et
des fleurs.
En
des
et loin
ce temps-là,
il
Italie,
Passaw en Bavière, de Pise
quoique Jean Ruel, doyen de
médecin de François
er
I
pour renseignement de
maritimes de découvertes
commencé
de conquêtes succèdent
et
Les pays lointains, que
De
les
aux voyages
:
voyages scienti-
commerce semble avoir rapprochés de
le
faits d'histoire naturelle recueillis
Les premiers
la science.
avec intelligence au-delà des mers, à
Mexique
l'Orient et à l'Occident à la fois, au
au Japon, sont rapportés par
et
Faculté de Paris et
la
médecine pratique.
la
l'Europe, s'ouvrent enfin aux explorations de
Chine
de
536, in-fol.), la nécessité de la création d'un
1
L'ère féconde des voyages transatlantiques a
fiques.
et
eût exposé, dans son admirable ouvrage
,
rtatura stirpium (Paris, pareil jardin
milieu des arbres
n'y avait pas encore en France de jardins
publics de botanique, tels que ceux de
Florence en
hommes, au
comme
au Brésil
et
les Jésuites, qui,
en
dans des relations
sincères et intéressantes, s'attachent à faire bien connaître les contrées
encore peu accessibles où
même
ils
sont allés planter l'étendard de
la croix.
zèle d'observation locale existait déjà et s'était révélé d'une
Le
manière
ingénieuse chez des ambassadeurs, des agents diplomatiques, qui
utile et
ne croyaient pas devoir négliger l'occasion de décrire naturelles des États étrangers
où
ils
étaient
les
productions
envoyés par leurs gouverne-
ments. Busbecq, ambassadeur de trois empereurs d'Allemagne en Turquie, avait
lui le
savant naturaliste siennois André Mattioli,
ses recherches
en botanique. Pelicier, ambassadeur de
emmené
pour seconder
avec
France à Venise, avait pris, pour médecin
Guillaume Rondelet, çois
er
I
et le
et
pour
cardinal du Bellay, ambassadeur de Fran-
auprès du Saint-Siège,
s'était
attaché au
même
Rabelais. Celui-ci pouvait passer pour un curieux en relle
;
secrétaire, le docte
mais nous ne possédons aucun des ouvrages
titre le
fait d'histoire
qu'il avait
travaux sur l'ornithologie
çais, plus célèbre
Tournon dans
et l'ichthyologie.
Un
de ce diplomate les
moyens de voyager en
Arabie, pour compléter
et
fait
pa-
naturaliste fran-
encore, Pierre Belon, avait accompagné
ses légations à l'étranger, avant d'obtenir
natu-
composés
sur ses voyages en Italie. Guillaume Rondelet, au contraire, a raître ses
fameux
le
de
cardinal de
la
générosité
Palestine, en Égypte et en
perfectionner les deux monographies qu'il pré-
SCIENCES NATURELLES.
141
parait sur les poissons et les oiseaux, ouvrages qu'il publia, au retour
de ses voyages (i55 1 gravées sur
et
1
555)
les dessins qu'il
en y ajoutant de nombreuses planches
,
avait faits
lui-même d'après nature
qui
et
n'étaient pourtant pas toujours fidèles.
Deux hommes de Suisse,
génie,
l'un
Allemand, George Agricola
Conrad Gesner, semblaient
nitz
et
le
second
en botanique. Agricola (Georges Landman), né à
Chem-
en Saxe (1494), avait
et d'Italie; les écoles
même
de
de Paris
distingua
et se
et
de
la
fait ses
études dans les Universités de France
que Gesner, né à Zurich (i5i6),
la
médecine,
en s'attachant à expérimenter ce qu'on appelait
la
conduit, par la chimie, à la métallurgie,
il
se
Bohême
et
Il fut
entier à cette science, en explorant les
Saxe. C'est
formé dans
s'était
de Montpellier. Agricola exerça d'abord
même
médecine chimique.
voua tout
l'autre
domaine
alors s'être partagé le vaste
de l'histoire naturelle. Le premier fut en minéralogie ce que fut en zoologie
,
là qu'il
mines de
la
et
acquit une connaissance approfondie de tout ce
qui concernait l'exploitation des métaux. Dans
les
ouvrages
qu'il
composa
sur la minéralogie, la partie chimique est traitée avec autant de soin
et
de savoir que la partie docimastique. Ces grands ouvrages, traduits en différentes langues et
réimprimés de tous
côtés, lui assurèrent
une
légi-
time renommée, mais ne l'enrichirent pas, lorsqu'il eut employé tout son bien à faire des recherches
et
des expériences coûteuses. Conrad Ges-
ner n'essaya pas de lutter avec Agricola sur il
le
se
le
terrain de la minéralogie
consacra de préférence à l'étude des animaux
des plantes.
et
Il
;
fut
véritable créateur de la botanique scientifique; en classant les plantes
par genres
et
par espèces,
découvrit Je premier
il
le
moyen
de reconnaître
ces genres et ces espèces par l'examen des organes de la fructification.
avait reconnu
ainsi plus de 1,800 espèces nouvelles.
publier l'histoire naturelle générale du érudition n'eût pas
fait
pour
premiers
de son Histoire des
i55i,
i554,
1
555
et
l'exécuter.
1
monde connu,
projet était de
et sa
défaut à cette gigantesque entreprise,
assez longtemps livres
Son
558)
,
Il
Il
prodigieuse
s'il
ne put mettre au jour que
avait vécu les
quatre
Animaux (Historia Animalium
comprenant
les
vivipares, les ovipares, les
oiseaux et les poissons. Ses disciples, Gaspard
Wolff et Joachim Came-
rarius, furent aussi ses exécuteurs testamentaires, et publièrent, après lui,
SCIENCES ET LETTRES.
142
ce qu'il avait laissé de matériaux incomplets sur les végétaux, les serpents et les fossiles.
Gesner,
Zurich
fixé à
et
ne sortant presque jamais de son
cabinet de travail, était en correspondance permanente avec
paux voyageurs de son temps, André Thevet, Pierre
Gilles
miers naturalistes, Rondelet, Belon, Àldrovandi; avec nistes,
Dalechamps, Maranda,
s'intitulait le
Dodonœus.
dépôt de toutes
les
Adam
Lonicer
les
les princi-
avec
;
pre-
les
meilleurs bota-
Rainbert Dodoens, qui
et
On peut donc considérer les livres de Gesner comme
connaissances
et
de toutes
les
découvertes contempo-
raines en histoire naturelle.
Les travaux de Gesner accusent
époque
malgré
,
l'état
très-avancé de
défaut de classification
le
semble de l'œuvre de
la
,
la
science à cette
qui empêchait de saisir l'en-
nature créatrice.
ne manquait plus que de
Il
soumettre ce merveilleux ensemble à un classement philosophique
méthodique. Ainsi, dans
a publiée lui-même, après avoir rangé les
noms
bétique de leurs
différentes langues,
leurs variétés
leurs
,
nomie domestique
,
animaux dans des
latins, qu'il fait suivre
minutieusement
les décrit
il
Gesner
partie de son grand ouvrage, que
la
mœurs
,
leurs maladies
l'industrie, la
médecine
,
;
il
et
l'ordre alpha-
noms
vulgaires en
indique leur origine,
leur utilité
et les arts;
dans
,
l'éco-
réunit enfin,
il
sur chacun de ces animaux, tous les passages qu'il peut emprunter aux écrivains anciens et modernes. Belon, quoique
moins érudit que Gesner,
avait essayé de classer les oiseaux d'après leurs habitudes instinctives, et
quelquefois d'après leurs formes extérieures; mais
un système
arrêté à
pas
fait
fixe, et ses
aperçus
découvrir l'ordre invariable des
les
il
ne
plus ingénieux ne
lois naturelles
dans
la
s'était
pas
avaient
lui
formation
des espèces. Rondelet alla plus loin que Gesner et Belon, en cherchant à constater, par
des espèces; mais
l'anatomie comparée, il
n'arriva pas à établir
en zoologie. La botanique
branches de éléments
de
la
classification
et
différences
les
un plan général systématique
beaucoup plus avancée que
était
l'histoire naturelle
analogies
les
:
les
autres
non-seulement Gesner avait trouvé
des
plantes
,
mais encore
les
travaux
consciencieux d'une foule de bons botanistes reculaient chaque jour limites
d'une
science
qui
méthode de l'observation
embrassait fût seule
le
monde
végétal.
Quoique
admise désormais dans
les
les
les la
choses
SCIENCES NATURELLES.
on
scientifiques,
s'était
143
remis à tra-
duire et à commenter les livres des
anciens
naturalistes
Théophraste
,
Aristote,
:
Dioscoride
Pline
et
avaient repris toute leur autorité. Il
y eut cependant un
génie, qui, ne lisant ni latin, n'ayant
homme
de
grec ni
le
le
reçu aucune instruc-
tion, n'ayant rien acquis delà science écrite
avait mis au jour les bases
,
fondamentales de
la
Nature, recon-
nues seulement trois siècles plus tard, et
qui, dès
le
seizième siècle, avait
repo-
fixé les principes sur lesquels
sent la géologie, la physique et fhistoire naturelle. C'était
nommé
du Périgord,
vrier
un simple ouBernard
Palissy, qui, à l'âge de vingt-cinq
ans, quitta son village natal, où vait
il
vi-
pauvrement de son métier de
potier en terre, et se mit à voyager à pied,
le
bâton à
main
la
besace
et la
sur l'épaule, à travers les provinces
de France, en Allemagne
et
dans
les
Pays-Bas, en exerçant divers métiers manuels, tantôt verrier, tantôt géomètre, tantôt dessinateur. Partout où il
passait,
il
étudiait la topographie
des lieux, les accidents du sol, les
cours d'eau,
les
mines,
produc-
les
tions et les curiosités naturelles
„„„„ pays r J
.
; 1
partout r
;i
il
:„
•
.
1
du 1
interrogeait les hafc>
bitants sur les objets qui frappaient
son attention;
il
se
fit
ainsi
Fig. 92.
— ^
lipi ..
de faîtage du palais de l'évêque de Li.
•„
sieux. Faïence emaillee
M
'
,
du xvi
.. c
,
siècle.
^
,
Collection de
Ach JubinaL -
une éducation scientifique par
la seule force
de
SCIENCES ET LETTRES.
144
son esprit. Après cinq années de pérégrinations, pendant lesquelles apprit, fixer
comme
et
(fig.
il
lui-même,
disait
le
en Saintonge,
peintre-verrier, lées
il
et,
la science avec les dents,
il
revint se
il
tout en continuant ses travaux d'arpenteur et de
entreprit de découvrir le secret de faire des faïences émail-
92) analogues à celles
que
commerce
qui étaient l'objet d'un
fabriquait avec
l'Italie
très-lucratif
un
art merveilleux
dans toutes
cours
les
de l'Europe. Palissy poursuivit son projet, pendant dix à quinze ans, avant de trouver V émail coloré qui pouvait recouvrir ses poteries.
modèles;
lors, égalé ses
dont
la
les
il
surpassa, en imaginant des vases
décoration était empruntée aux productions de
la
avait, dès
Il
des plats
et
nature, fleurs,
herbes, coquillages, insectes, reptiles. Palissy, dont les ouvrages de tertre furent appréciés aussitôt qu'ils parurent à la cour des Valois, se plaça sous la
protection du connétable de
Montmorency,
des rustiques figulines du roi. (Voy., dans
obtint
et
le titre d'"inventeur
volume des ARTS,
le
le
chap.
CÉRAMIQUE.) Il
avait été
donna des
mandé
ateliers
à Paris, par ordre du roi; Catherine de Médicis lui
dans
le
préau du palais des Tuileries. C'est alors
exposa dans des conférences publiques théories sur l'histoire naturelle t-il
lui-même, des
affiches
plus doctes médecins
par
les
et autres,
leçons tout ce que j'avois
«
:
le
qu'il
résultat de ses découvertes et ses
Je m'avisois de faire mettre, raconte-
carrefours de Paris, afin d'assembler les
auxquels
promettois monstrer en trois
je
connu des fontaines
,
pierres,
métaux
et
autres
natures. Et afin qu'il ne se trouvast que des plus doctes et des plus curieux, je
mis en mes
affiches
que nul n'y entroit
qu'il
desdites leçons; et cela faisois-je en partie
mes
auditeurs,
je
en face
si je
et
baillast
pour voir
si,
un escu par
le
à l'entrée
moyen
de
pourrois tirer quelque contradiction, qui eust plus d'as-
seurance de vérité que non pas bien que
ne
mentois,
il
les
preuves que
y en avoit de Grecs
qui ne m'espargneroient point.
»
je
et
On
mettois en avant; sachant
Latins qui n'a
me
résisteroient
malheureusement pas
d'autres détails sur ces conférences auxquelles assistèrent trente-deux per-
sonnes honorables
et
doctissimes , outre un grand nombre d'autres audi-
teurs. Palissy déclare, toutefois,
d'un seul mot. jours avec
le
Il
que jamais nul assistant ne
le
contredit
renouvela ces leçons, chaque année, depuis i5y5,
même
succès. C'est en
1
58o
qu'il publia
et
tou-
son ouvrage immortel,
SCIENCES NATURELLES.
qui
sans doute qu'un abrégé de ces cours publics
n'était
admirables de
la
nature des eaux
des métaux, des sels
tificielles,
145
:
Discours
et fontaines, tant naturelles qu'ar-
des pierres, des terres, du fer et
et salines,
des émaux, avec plusieurs autres excellents secrets des choses nouvelles (fig.
9 3).
C'est depuis Palissy seulement que la géologie a droit de cité dans la
science
ont esté engendrez sur
que de
les
«
le lieu
poissons pétrifiez en plusieurs carieres
mesme, pendant que
— Marque de Barthélémy
Berton, imprimeur à
reconnues vraies que dans
la
le siècle
la
Rochelle, sur le titre des Discours admirables,
Rochelle, en i563, petit in-40.
de Cuvier et de Brongniart. Palissy
a devancé de deux ou trois cents ans l'époque où
clame la
rochers n'estoyent
Les propositions toutes nouvelles que soutenait Palissy n'ont
»
de Bernard Palissy, publ. à
été
les
l'eau et de la vase, lesquels depuis ont esté pétrifiez avec lesdits
poissons.
Fig. 93.
que
avait osé dire
il
;
la
non-existence de l'homme
formation des fossiles
végétation
;
il
expose
;
il
les lois
des pierres et des métaux;
il
et
il
vivait
:
de certains animaux, au
ainsi
il
pro-
moment
de
distingue l'eau de cristallisation et l'eau de
de
l'affinité
des sels dans
le
développement
recherche l'origine des nuages, des sources,
des tremblements de terre, des eaux minérales ou jaillissantes et des eaux
potables
,
il
évoque, en un mot,
chimie organique, de
nard Palissy
fut
la
les
grandes questions de
minéralogie
et
la
physique, de
la
de l'agronomie. Cependant Ber-
presque sans influence sur
la science
de son temps,
SCIENCES ET LETTRES.
—
19
et l'on
SCIENCES ET LETTRES.
146
ne voulut voir, dans cet ingénieux
et
homme
de génie, supérieur à son siècle, qu'un
habile potier de terre émaillée
Le moment,
il
est vrai, était
!
peu favorable aux silencieuses médita-
tions de la science, alors que les guerres civiles et religieuses absorbaient
Fig. 94.
—
Le règne
végétal.
Le dessin de
Marque de Guillaume Merlin, libraire à cette marque typographique est attribué
toutes les forces vives de la France et troublaient tière.
Mais
les naturalistes,
les
Paris, au milieu
du xvie
siècle.
à Jean Cousin.
le
repos de l'Europe en-
botanistes surtout, toujours et partout
absolument insouciants ou inconscients des choses politiques, n'entendaient rien, ne voyaient rien en dehors de leurs études Il
y eut donc deux savants, qui, vers la fin
(fig.
du seizième
94).
siècle,
trouvèrent
SCIENCES NATURELLES.
les véritables principes
à Lille en
1
de
la classification
les orchis, les
et les ombellifères.
les plantes
palmiers,
mâles à leurs étamines
En
admit des genres dans chaque
Fig. 94 bis.
—
la
semence des plantes le
:
avec passion,
labiées
:
il
distingua
de femelles aux plantes
divisa les plantes en quinze classes
classe.
Prœdium
nom
Césalpin eut donc
à Paris, sur
la
et les
la gloire d'in-
première édition
rusticum. Voyez ci-dessus,
p.
1
première méthode de botanique. Cette branche de
était cultivée
relle
la
Marque de Charles Estienne, imprimeur
de son ouvrage intitulé
venter
il
les
professait la botanique à Pise, eut
donna
et
outre,
en classant les grami-
mousses; en rapprochant
les
André Césalpin, qui
fournissant les graines. et
les familles naturelles,
de comparer à l'œuf des animaux
l'idée
des plantes. Mathias Lobel, né
538, mais établi en Angleterre après de longs voyages bota-
niques, rechercha d'abord nées,
H7
38.
l'histoire natu-
nombreuses explorations qui
se
succédaient dans tous les pays du globe contribuèrent à son développe-
ment, velles
comme (fig.
94
à ses progrès, en multipliant
les
nombre
des espèces nou-
bis).
On peut juger de nant
le
l'importance de de ces conquêtes de la science, en exami-
2,600 planches gravées sur bois de V Histoire générale des plantes,
écrite en français, d'après les notes
planches de
la
de Jacques Dalechamps,
et les
2,5oo
Botanique de l'Alsacien Jacques-Théodore Tabernœmon-
tanus, écrite en allemand (Kreuterbuch, 1588-90).
La mode
avait adopté les
grands ouvrages à figures, surtout ceux d'histoire naturelle. Et pourtant le
médecin François Hernandez, ayant
été chargé,
par Philippe
II,
dont
il
SCIENCES ET LETTRES.
148
était
médecin, de
recueillir toutes les productions animales, végétales et
minérales du Mexique, ne trouva pas, de son vivant, un éditeur qui voulût faire graver les 1,200 figures qu'il avait fait peindre,
en
les
payant soixante
mille ducats. Les gravures et les publications d'histoire naturelle, que
Théodore de Bry
et ses fils faisaient exécuter,
eurent plus de succès, quand on gnifique collection
les vit
en leurs ateliers de Francfort,
paraître dans l'immense et
connue en bibliographie sous
le titre
des
Grands
Petits Voyages.
Fig. 9 5.
-
Le Dhénix qui
renaît de ses cendres. Fac-similé d'une gravure sur bois
de l'édition latine de Pline. Francfort, 1602, in-fol.
maet
SCIENCES MÉDICALES Déchéance de
la
médecine après Hippocrate.
— Médecine
oraisons contre les maladies. de Naples, du Mont-Cassin de l'Orient.
défenseur de
—
Apparition de
la chirurgie.
et des barbiers. et des
et
médecins.
—
de Salerne. la
—
Ecole de Galien.
monastique.
—
—
Frères hospitaliers.
chirurgie militaire.
—
—
Femmes
—
Talismans e
— Écoles arabes. —
Écoles
— Ecole de Cordoue. — Épidémies venues
Ecoles de Montpellier
Collège de Saint-Côme à Paris.
—
Ecole d'Alexandrie. médecins.
Guy
de Chauliac.
de Paris.
et
—
—
Lanfranc
Lutte des chirurgiens
— Police médicale. — Les sciences occultes dans la médecine. — Lutte — Les médecins au xvi siècle. — André Vesale. — Ambroise Paré.
des chirurgiens
e
n ne peut être surpris de l'influence tantanée que les
le
ins-
christianisme eut sur
doctrines médicales, qui formaient
une des branches les plus
utiles des scien-
ces philosophiques. Jésus guérissant les
malades par l'imposition des mains, rendant
la
vue aux aveugles
et le
ment aux paralytiques par
l'invocation
du Dieu vivant, ressuscitant au
au monde que
la prière
nom de
mouve-
les
morts
son Père, semblait annoncer
et la foi étaient les
meilleurs et les plus puis-
sants remèdes contre les infirmités humaines.
La médecine, dont
la
chirurgie devait être l'auxiliaire inséparable, avait
subi, depuis Hippocrate, toutes les transformations que lui imposèrent
alternativement faire faire
les sectes rivales
un progrès
du dogmatisme
à l'art médical.
Des
sceptiques ou trop matérialistes, tels que
et
de l'empirisme, sans
hommes
éclairés,
mais trop
Thémison de Laodicée
nus d'Ephèse, fondèrent une nouvelle doctrine,
nommée
le
et
Sora-
méthodisme,
1
SCIENCES ET LETTRES.
5o
qui
fit
reposer
les affections
la science
sur les analogies et
organiques offrent entre
maladie, seules causes de tous
dans
les forces vitales, le
ment
et le
communs que
Cette doctrine, absolument
elles.
troubles qui venaient
les
strictum
laxum,
et le
relâchement des tissus; de
pour objet de resserrer
là le
ci
se manifester
c'est-à-dire le resserre-
traitement invariable qui avait
trop lâches, ou de relâcher les tissus trop
les tissus
Les méthodistes ne voyaient pas, ne cherchaient pas
resserrés.
l'âme dans
l'état
qui inspira la
Platon, renouvelée
du pneumatisme
doctrine
bien que dans tous
les actes
Athénée de
de
Cilicie,
ravivée dans les écoles, attribuait à l'âme
maladies du corps aussi
les
de l'existence humaine. Le pneumatisme,
formes péripatéticiennes
exactes en anatomie, devait
et
laquelle
,
{pneuma, en grec) un rôle considérable dans
les
l'action
morbide du corps de l'homme.
fut la philosophie de
adoptant
rapports
aux études anatomiques, n'admettait que deux principes de
indifférente
Ce
les
et
appuyé sur des connaissances
un jour engendrer
l'éclectisme, qui allait, par
Agathus de Sparte, Philippe de Césarée, Arétée de
Cappadoce, aboutir à Galien,
plus éclatante personnification de la
la
doctrine éclectique. Galien, né à
Pergame
l'an
1
3
1
de Jésus-Christ, avait
étudié dans l'école d'Alexandrie; c'est là qu'il entreprit de combattre, avec
un
rare talent de discussion, des
méthodes déjà discréditées, qui ne
tèrent pas à ses attaques; puis, de leurs éléments triés,
pés dans un nouveau système, et sur l'observation.
ment,
les
Son
(en i65),
Les sympathies de
cet
ses
voyages scientifiques,
il
un
empereur pour
les chrétiens
tout comme physiologiste et psychologue. la
infimes;
il
grandeur de devina,
il
diversité, la
oracle, lorsque, dès son
l'action divine
définit le rôle
furent certainement
comme les
anatomiste, à l'origine de ses travaux, mais
mesuré
la
devint médecin de l'empereur Marc-Aurèle.
partagées par Galien, qui connaissait l'Évangile Il était
grou-
esprit encyclopédique, le succès de son enseigne-
beaux résultats de
Rome
et
créa l'éclectisme, fondé sur l'anatomie
il
multiplicité de ses écrits avaient fait de lui
arrivée à
comparés
résis-
il
livres
de Platon.
se distingua
sur-
Aucun médecin, avant lui, n'avait
dans
les
choses humaines les plus
de l'âme sous son enveloppe corporelle,
sans se prononcer toutefois sur son immortalité. Cette définition ingénieuse du
pneuma
et la part qu'il lui
donne dans
les
fonctions sensoriales
1
SCIENCES MÉDICALES.
la différence qu'il établit
ment
d'une manière tranchée entre
ceux du mouvement,
et
trois espèces
:
vitales,
1
sont
et naturelles, ce
du
senti-
des forces du corps en
la division qu'il fait
animales
les nerfs
5
des traits de génie,
là
qui, pour n'être encore que de vagues et faibles lueurs à leur apparition,
devaient plus tard se développer en vives lumières, en vérités rayonnantes.
Selon Galien, du mélange égal corps humain, dépendait
uniforme des liquides
causes
ses
devancé son
prédisposantes
siècle: ses idées sur
ou
causes prochaines ou
occasionnelles.
l'inflammation, sur
des indications
moins à
des contre - indications
,
et
des sympa-
n'appartiennent
pas
physiologie qu'à la pathologie et à la thérapeutique, et prouvent
la
combien
et
Galien avait
hémorrhagies,
les
sur les fièvres intermittentes, son système des antipathies thies,
des solides du
habile devait toujours pré-
voir la maladie, en jugeant rationnellement ses
éloignées,
et
santé; de leur disproportion et de leur inéga-
En conséquence, un médecin
maladie.
lité, la
la
et
il
supérieur à ses contemporains et à ses devanciers.
était
Cependant, après
lui, la
prédominance revint aux doctrines hippocra-
tiques, quoique ces doctrines matérialistes ne semblassent pouvoir s'ac-
corder avec
moda
le
spiritualisme de la religion chrétienne. Celle-ci s'accom-
pourtant des théories qui ne
la science
comme
médico-philosophique,
les
lui étaient
et les
point contradictoires, dans
premiers moines, qui, en
se
posant
médecins de l'âme, ne devaient pas refuser d'être aussi
médecins du corps, commencent à transcrire
les
Aphorismes d'Hippo-
les
crate, les principaux traités de Galien, et surtout le vaste répertoire d'un
médecin grec, Cœlius Aurelianus, qui avait repris livres
et
commenté
tous les
des méthodistes. L'enseignement professionnel ne puisait pas à
d'autres sources, dans ces temps de trouble et d'incertitude. Les villes
Rome
d'Athènes, de
et
d'Alexandrie avaient encore des écoles philoso-
phiques qui attiraient une foule bigarrée de professeurs
y
étaient admis, qu'ils fussent Grecs
juifs
ou chrétiens; car aucun programme
gnement
libre et
et le culte
par la
multiforme, à
la
n'était
Aussi voyait-on
philosophie ,
le
se
plus étrange
tous
imposé dans
cet ensei-
condition expresse que les lois de l'État
dominant fussent toujours respectés par
les élèves.
et d'écoliers;
ou Arabes, Gaulois ou Romains,
les
maîtres
comme
produire, dans ce qu'on appelait encore
amalgame des
rêveries orientales et des
SCIENCES ET LETTRES.
152
traditions
bibliques, des superstitions
tiennes
«
Ce sont
les
la
famine,
la stérilité, l'altération
:
causent
loppés d'un nuage,
mosphère, où
ils
mauvais génies
ils
païennes
des légendes chré-
et
(disaient les meilleurs esprits) qui
de Pair
et les
épidémies. Enve-
voltigent sans cesse dans les basses régions de l'at-
sont attirés par
le
sang
et les
parfums qu'on
aux
offre
fausses divinités. Ces esprits n'existeraient pas, sans l'odeur des sacrifices. C'est à eux seuls qu'il faut attribuer les cures merveilleuses dont
honneur
à Esculape
(fig.
96).
on
fait
»
Telles sont les idées qui sont parfois admises par les plus belles intelli-
gences. Doit-on s'étonner que, sous leur empire, alors le
soulagement de
magiques;
ses
qu'il recourût,
qu'il eût pleine confiance
chiffres
maux
pour
le
vulgaire
se guérir, à la puissance des talismans, et
dans certains mots, certaines formules, certains
ou signes cabalistiques, qui avaient pour objet de conjurer
esprits infernaux et d'invoquer l'assistance des esprits célestes
A
mesure que
maient
demandât
corporels à des pratiques pieuses ou
les
temples d'Esculape, d'Hygie
(et ces divinités
trième siècle),
le
n'avaient plus
un
?
de Sérapis se
et
les
autel debout, à la fin
fer-
du qua-
christianisme ouvrait ses églises et ses monastères aux
malades, qui y recevaient gratuitement tous
les soins
que
la charité,
en-
core ignorante, mais animée des préceptes de l'Évangile, pouvait offrir
aux classes indigentes.
On
s'occupait à la fois du corps et de l'âme. Les
premières léproseries, où l'on traita d'abord non-seulement encore toutes
les
maladies de peau,
fréquentes
si
étaient déjà établies, dans le voisinage de la
hydrothérapique, consacrée par elle l'avait été
dans
le culte
la lèpre,
en ces temps -là,
maison de Dieu. La méthode
pratiques du culte chrétien,
les
mais
comme
des Hébreux, se répandait partout, sous la
double influence du symbolisme religieux
de l'hygiène usuelle. Beau-
et
coup de sources minérales, beaucoup de fontaines, qui, pour avoir perdu la
sauvegarde de leurs divinités locales
même
,
n'en conservaient pas moins
le
concours de pieux visiteurs à des époques préfixes, furent consa-
crées sous le vocable tutélaire de
différents
populaire attribuait une action spéciale dans
Au commencement
du cinquième
saints, auxquels l'opinion
la
guérison des maladies.
siècle, la pratique
la pratique chirurgicale, qui n'en n'était
médicale,
comme
pas encore distincte, continuait à
SCIENCES MÉDICALES.
i53
s'exercer librement, sans autorisation et sans contrôle.
des
femmes qui
se mêlaient de traiter les
malades, à
Il
la
réellement par
moyens le
occultes qu'ils mettaient en
pour remédier aux fractures
même
n'avaient pas
œuvre, procédaient
magnétisme, pour guérir ou du moins soulager
leurs névralgiques; des rebouteurs talent
avait
façon des drui-
desses chez les Gaulois. Des charmeurs, qui sans doute
conscience des
y
les
dou-
campagnards avaient un merveilleux et
aux luxations des membres; une
quantité d'opérateurs oculistes, charlatans de dernier ordre, qui la plupart
avaient appris dans les armées ce qu'ils savaient de médecine pour les
Fig. 96.
—
Monument
cellique découvert à Paris, sous le
chœur de Notre-Dame, en
171
1.
(Selon quelques archéologues, ce bas-relief représente l'Esculape gaulois.)
maux
d'yeux, gagnaient des
sommes
considérables à courir
avec leurs collyres et leurs quintessences. Mais
le
decine populaire était la tradition et l'empirisme
fonds de toute cette méle
plus effronté. L'admi-
nistçation des grandes villes entretenait cependant des
paux, qui,
s'il
faut en
manquaient pas de
croire les inscriptions
romain tefois, à
et
il
quitta
médecins munici-
de leurs sépultures, ne
talent et rendaient de véritables services.
l'enseignement médical public,
Rome
il
avait suivi
pour Byzance sous
monde,
le
les
destinées
Quant
de l'empire
règne de Constantin. Tou-
le
l'époque où les invasions des Barbares se succédaient avec
de fureur,
elles
à Arles, à
ne renversèrent pas
les écoles
à
le
plus
qui se maintenaient à Trêves,
Bordeaux, à Marseille. Alexandrie
et
Athènes surtout restè-
rent les foyers lumineux des travaux de la pensée, quoique la médecine SCIENCES ET LETTRES.
—
20
SCIENCES ET LETTRES.
i5 4
grecque, tenant à
qu'on y professât, eût adopté des formes singulières du dogmatisme et de l'empirisme, formes traditionnelles
la seule la fois
qui persistèrent pendant tout
le
moyen
âge.
Oribase, de Pergame, médecin de l'empereur Julien l'Apostat, était, à la
fin
du quatrième
un des derniers représentants de
siècle,
païenne; ses écrits, dans lesquels
il
avait
la
science
résumé ceux d'une foule de mé-
decins grecs, furent bientôt adoptés par la secte des nestoriens, qui cultivaient surtout la philosophie et la médecine. L'école nestorienne d'Edesse
ne tarda pas à
faire pâlir la vieille
—
renommée de
l'école
d'Alexandrie et
dncogm cet utig opfeau tgijttfetme côm o*t papk Ce?
Il Ion là lo» mût plus touc feo nulttca oytm® mtUz JL-Ajte feucmnc cj De cfyatôgtico nmm euipice (ce tmce ne rj
I
(a mec ou Dce Fig. 97.
—
La cigogne
timm et wegue ïce oeufe m&tpwtkpmQC
qui se purge; d'après le témoignage de Papias. Fac-similé d'une gravure sur bois
du Dyalogue des créatures (Gouda, Gérart Leeu, 1482,
partagea
la
vogue de
l'école
dose II
et
Léon
les
de M. Ambr. Firmin-Didot.
d'Athènes; mais cette école d'Edesse, où
seignement scientifique se mêlait à trouva comprise dans
in-fol.). Biblioth.
la
l'en-
propagande du nestorianisme,
se
persécutions que les empereurs d'Orient Théo-
l'Isaurien exercèrent contre l'hérésie de Nestorius
:
les
professeurs dont l'orthodoxie n'était pas conforme à celle de l'Église
grecque se virent privés de leurs salaires, par un décret de Justinien, qui
acheva de ruiner, en
même
temps,
Les chaires de philosophie
et
l'école
d'Athènes.
de médecine ne sont pas muettes partout,
en Orient. Les écoles arabes subsistent encore, mais leur enseignement ne repose que sur quelques livres de Pline l'Ancien, de Dioscoride, d'Aristote et de Galien, très-imparfaitement traduits
du grec ou du
latin
en syriaque, puis retraduits du syriaque en arabe, avec de nouvelles er-
SCIENCES MÉDICALES.
reurs(fïg. 97).
Quant
i
à l'école d'Alexandrie, qui n'est plus
55
qu'une ombre de
ce qu'elle était dans sa splendeur, elle a mis en oubli les leçons des maîtres
de
la science; elle n'a
plus que des rhéteurs, qui, au lieu de s'en tenir à
l'observation rigoureuse des causes et des effets,
apocryphes
commentent des
recherche de solutions oiseuses
et ridicules et se livrent à la
ou insensées: par exemple, on s'enquiert pourquoi
—
Fig. 98.
au lieu de
six;
Médecin,
tiré
pourquoi
de
tel
la
Danse macabre,
viscère
ce temps-là, les
édit.
main
la
moines du mont Liban
a cinq doigts
de Guyot Marchant (1490).
du corps humain
plutôt que telle autre; pourquoi la tête de
livres
l'homme
est
affecte telle
ronde,
et les ascètes
etc.
forme
Pendant
de l'Atlas, pour
obéir à la règle de leur institut, ne se lassent pas de traduire et de copier
plus déplorable inexactitude) les textes anciens de
(mais, hélas! avec
la
doctrine médicale
qu'ils
,
peuvent découvrir
server pour les besoins du
monde
et qu'ils
s'efforcent de con-
chrétien.
Cependant, au milieu de ces ténèbres de
la science,
quelques savants
1
SCIENCES ET LETTRES.
56
un rayon lumineux.
illustres jettent çà et là
tamie, rayonne ainsi, à
la fin
d'Amida en Mésopo-
Aè'tius,
du cinquième
siècle,
comme
Alexandre de
Tralles, au milieu du sixième. Aè'tius, médecin grec, avait réuni dans une vaste compilation, sous
le titre
de Tetrabiblos ,
observations et les
les
doctrines de ses prédécesseurs, en les complétant et en les élucidant de la
manière
plus judicieuse. C'est ainsi que son ouvrage renferme une
la
un exposé
théorie très-satisfaisante sur les fièvres,
très-détaillé des princi-
pales maladies des yeux, et une suite de descriptions précises des désordres
fonctionnels causés dans l'organisme par diverses affections morbides. Sa
thérapeutique dans
maladies aiguës
les
se
fonde sur
principes d'Hip-
les
pocrate et témoigne d'un savoir réel, éclairé par l'expérience la
plus saine logique; Aè'tius
par rapport à
la
santé;
recommande
régime,
le
le
mûri par
et
choix des aliments
constate les heureux effets du grand air et de l'eau
il
Que
froide contre les angines et dans les affections pulmonaires.
«
d'Abraham,
Dieu de Jacob
disait-il
en préparant un de ses remèdes, que
accorde à ce médicament
Après
Aè'tius,
on
médicale remplit
le
les
vertus que
siècle.
crate, ne l'avait égalé au point de
Aucun médecin vue de
professionnelle et du mérite littéraire.
cité
et recueilli
avant lui, mais
scientifique,
il
ne se
il
la science Il sait
de
la
du diagnostic,
méthode
il
à suivre
recherché attentivement
établit en principe
dans et
»
le
(fig.
98). la
renommée
grec, depuis Hippo-
pratique, de
la
saga-
tout ce qui a été observé
séduire par aucune doctrine
laisse
et
!
ne se soumet aveuglément à aucune autorité
pas d'autre guide que sa propre expérience. l'art
attribue
Alexandre de Tralles, dont
vit paraître
sixième
je lui
Dieu
le
Il
il
ne reconnaît
possède au suprême degré
qu'on ne doit jamais décider
traitement d'une maladie, qu'après avoir
le
apprécié les causes spécifiques
de cette maladie. Ses idées sur
:
la
mélancolie
et
sur
la
et individuelles
goutte, son aversion
contre l'usage des purgatifs violents et contre l'abus de l'opium, ses préférences pour l'emploi des laxatifs dans
dans
les fièvres intermittentes,
de ses observations,
les
prouvent à
la fois
montrent
le
théories les plus contraires. C'est lui qui
le
tesse
employa
jugulaire,
et
altérations
du sang.
qui
et
la
dyssenteries et des vomitifs
l'indépendance
parti qu'il
savait
premier pratiqua
limaille de fer
et la jus-
tirer la
des
saignée
pour combattre certaines
SCIENCES ET LETTRES.
i58
Au
septième siècle,
gnement de
médecins
les
juifs
médecine en Orient;
la
nople, des centres scientifiques, où
essayent de s'emparer de rensei-
forment, à
ils
connaissances
les
s'égarent dans les ténèbres de la kabale. illusions et des rêves, n'était
magique pour
et surnaturelle.
Au
les
et à
Constanti-
plus lumineuses
reste, l'Orient, ce
que trop préparé
Les Arabes
Damas
à l'adoption de la
pays des
médecine
Persans, également passionnés
et les
avaient l'esprit facilement accessible à toutes les croyances
l'idéal,
Cette union
superstitieuses.
confuse de l'erreur
de
et
vérité
la
montre nulle part d'une manière plus manifeste que dans
le
ne se
Koran,
compilation savante autant que religieuse, à laquelle ont dû contribuer,
sous
le
nom
de
Mahomet,
de Dschoudisapour
(ville
l'islamisme présente, sous
des médecins sortis de l'école d'Alexandrie et
fameuse fondée par Sapor le
rapport de
II); car ce code
de
physiologie et de l'hygiène, des
la
vues remarquables, des principes excellents, résumés magistralement sous la
forme de l'aphorisme, qui rappelle parfois
est
bon de constater
qui étaient à
la
ici
fois
le
langage d'Hippocrate.
que, bien avant Mahomet,
poè'tes, légistes
et
Il
médecins arabes,
les
philosophes, participaient aux
influences sacerdotales qui aidèrent à la civilisation des peuples orientaux.
Ainsi, lorsque
homet,
eut consolidé avec
le
glaive les conquêtes de
médecins indigènes ou étrangers,
les
vaient, à
le califat
Bagdad
et à
Bassora, chez
les
établis
Ma-
dans l'Irak, trou-
musulmans, plus de
sécurité et de
protection que sous les empereurs de Byzance.
Paul d'Egine (sEgineta)
marquante de raître.
l'école
Ce médecin
d'Aëtius
au septième
siècle, la
d'Alexandrie, qui ne devait pas tarder à dispa-
s'était fait
pourtant un système personnel dans
traitement de différentes maladies, telles que la lèpre, Il
risme.
Un
pas de ville
où
méthodisme
de ses contemporains,
l'école il
le
ophthalmies,
et
nommé Ahrun,
était prêtre chrétien, avait
première
fois et
et
symptômes
l'éclectisme plutôt
d'Alexandrie, quoiqu'il eût exercé
épidémies, du scorbut la
les
qui commençait à se propager avec des
inclinait vers
dernière personnalité
grec, dont la pathologie repose sur les travaux de Galien,
d'Oribase,
et
fut,
fait
la
le
goutte et
effrayants.
que vers l'empi-
qui ne sortait peut-être la
médecine dans
cette
une étude très-judicieuse des
surtout de la variole qui venait d'apparaître pour
qui répandit ses ravages dans
le
monde
entier, avant
SCIENCES MÉDICALES.
que
le
célèbre médecin arabe Rhasès en donnât
plète au milieu
du dixième
une description plus com-
siècle.
Les fameuses écoles qui
s'étaient élevées
nouvelle capitale des califes d'Orient, capitale des califes d'Espagne,
avec tant d'éclat à Bagdad,
dans Cordoue
et
la
99), la nouvelle
(fig.
furent illustrées simultanément,
de
à
longs intervalles, par Mesué l'ancien, Jean Damascène ou Sérapion, Léon le
philosophe, Rhasès,
résumer au dixième
surnommé
et enfin Ali,
le
Magicien, qui sembla
médicalisme arabique, parvenu alors à
siècle tout le
son apogée, en appropriant au climat, aux habitudes du pays,
du galénisme
cipes
ans.
La médecine grecque
petit
dans
même
et
de caractère
et
des besoins nouveaux de
En
s'était
persévérance jusqu'à l'âge de cent
métamorphosée, en
médecine arabe, à mesure que
changeaient d'objet
prin-
en appuyant son système sur d'innombrables obser-
et
vations, qu'il continua avec la
la
les
Occident, toutefois,
,
fondant petit à
questions pathologiques
sous l'influence des
la civilisation les
les
se
mœurs
nouvelles
moderne.
sciences médicales étaient encore bien ar-
riérées, quoiqu'elles n'eussent pas à lutter,
comme
en Orient, contre un
fanatisme religieux, qui proscrivait toute espèce d'images,
même celles que
réclamait la description scientifique des maladies du corps humain, et qui punissait
comme un
crime l'ouverture anatomique d'un cadavre. Elles ne
pouvaient plus trouver de protecteurs, depuis que
les derniers rois
goths
avaient disparu, au huitième siècle, et elles étaient à peine professées dans les écoles
de
la
Gaule méridionale. Les ordres monastiques
parés de l'exercice de
la
mission sainte qui leur socier les
médecine,
et,
était attribuée
comme
s'étaient
conséquence naturelle de
par leur fondateur,
ils
les accessoires
ordinaires de
aussi sur la Providence
les
l'eau bénite,
pèlerinages aux lieux de dévotion, étaient
thérapeutique des moines, qui comptaient
la
pour
la
essayaient d'as-
remèdes du corps aux remèdes de l'âme. Les prières,
l'attouchement des reliques,
em-
la
guérison des malades, auxquels
ils
don-
naient pourtant les soins les plus attentifs et les plus charitables. Les
moines possédaient,
d'ailleurs,
une quantité de
éprouvées par un usage journalier, science; servir,
ils
et
dues à
recettes
pharmaceutiques,
la tradition plutôt
connaissaient aussi les herbes médicinales, et
principalement pour
le
ils
qu'à la
savaient s'en
traitement des plaies et des blessures.
SCIENCES ET LETTRES.
i6o
On
devine que quelque teinture d'instruction médicale devait résulter
de l'habitude de copier s'étaient conservés
vers la fin
les
dans
du huitième
anciens livres de médecine grecs
les
siècle
bibliothèques des couvents.
Ce
et latins,
seulement
fut
que renseignement régulier de
médecine
la
royaume de Naples, dans l'abbaye du Mont-Cassin
s'organisa, au
qui
et
dans
de Salerne; les préceptes de cet enseignement furent rédigés plus
celle
tard en forme d'aphorismes et sont restés célèbres depuis, longtemps
après que les écoles du Mont-Cassin et de Salerne eurent disparu.
époque, beaucoup d'ecclésiastiques,
envoyés par
le
saint-siége en qualité de légats apostoliques, passaient en
Angleterre, en Ecosse, en Irlande,
et
y fondaient aussi des écoles, qui
allaient bientôt faire rejaillir la lumière des sciences sur la
gique
(Voy.
l'Allemagne.
et
A cette
allemands,
italiens, français, belges et
le
chapitre
Universités.)
comme autrefois, était toujours une des branches Quand le régime municipal se fut établi sur
de
de Charlemagne, quand
et
l'esprit
d'indépendance
la Bel-
La médecine,
philosophie.
la
les
France,
ruines de l'empire
d'isolement eut ap-
pelé les laïques à partager les fonctions civiles avec les ecclésiastiques,
une
lutte d'intérêt et
qui composaient la société.
distinctes
comprendre que séculiers
,
pour
règle
ils
à leur disputer,
médecine
et
ils
monastique recommander aux religieux
pour courir
nité souffrante.
logne;
le
médical, que
ils
étudièrent,
la lecture
latin.
du
se consacrant
ils
obser-
On
voit la
traité
ils
re
et leur dio-
au soulagement de l'huma-
le
la
les clercs
nom
etc. L'illustre
Gerbert d'Auvergne,
de Silvestre II, avait d'abord professé
la
médecine. qui avaient prononcé des
vœux monastiques ou
ordonnés prêtres s'abstenaient ordinairement de pratiquer
mais
De
Aussi, dès ce temps-là,
de moines quittaient leur cloître
Hugues, abbé de Saint-Denis,
Sans doute,
les
Tels furent Thieddeg, médecin de Boleslas, roi de Po-
philosophie et exercé
gie,
et
monde, en
qui devint pape sous
étaient
l'art
avaient besoin de pousser plus
de chirurgie;
medica deCelse, surnommé l'Hippocrate
cèse
de
s'instruisirent et devinrent véritablement médecins.
une foule de gens d'Eglise
classes
Les moines ne tardèrent pas à
se réserver l'exercice
commençaient
loin leurs études de
vèrent,
d'amour-propre s'engagea entre ces deux
assistaient souvent
qui
la chirur-
aux grandes opérations exécutées sous leurs
SCIENCES MÉDICALES.
yeux par des aides laïques
;
se bornaient alors
ils
161
au rôle de chirurgiens
consultants; mais, quoiqu'ils évitassent de tremper les mains dans ils
faisaient
ils
faire le
combattants avaient reçues à
la
ils
pansement des horribles blessures que
les
guerre. Depuis longtemps, les ladreries se
multipliaient par toute l'Europe.
1
Un hospice
était
ouvert dans chaque
Guérison par l'intercession d'un saint guérisseur. Fac-similé d'une gravure sur
Holbein, dans la traduction allemande de
la
inci-
membres;
réduisaient les luxations et les fractures de
ne pouvaient se refuser à
—
sang,
eux-mêmes, en certains cas urgents, des saignées ou des
sions simples;
Fig. ioo.
le
Consolation de la Philosophie, de Boèce,
mo-
bois, attribuée à
édit.
d'Augsbourg.
chanoines vivaient en
commun
537, in-fol.
nastère, dans chaque grande église
sous
le
régime de
la vie claustrale.
où
On
les
a lieu de supposer
que plusieurs cou-
vents du diocèse de Metz, et surtout ceux de Paderborn, de Corbie, etc.,
devenus célèbres par renseignement philosophique
et
venait chercher de toutes parts, offraient à leurs élèves le la
médical qu'on y
moyen
de mettre
théorie en pratique dans des hôpitaux dépendant de l'établissement
reli-
gieux. C'était là que se formaient des médecins et des chirurgiens, qui se
répandaient dans
le
monde
sans quitter l'habit monacal, pour remplir leur
ministère de chanté, en exerçant presque gratuitement la médecine usuelle SCIENCES ET LETTRES.
—
21
SCIENCES ET LETTRES.
IÔ2
C'était de ces hôpitaux conventuels
et la petite chirurgie.
les frères hospitaliers et les
sivement à soigner vieilles
sœurs hospitalières, qui se consacraient exclu-
malades.
les
femmes appartenant
tinée à la
à
Il
y avait, en outre, des matrones
des
et
une espèce de corporation spécialement des-
médecine obstétrique, qui
La renommée
que sortaient
aux hommes.
était alors interdite
des écoles médicales du Mont-Cassin et de Salerne allait
grandissant. L'empereur Henri II n'hésita pas à se rendre au monastère se faire traiter de la pierre.
du Mont-Cassin, pour
La
plupart des malades
qui venaient au monastère de Salerne n'aspiraient qu'à toucher
ques de saint Matthieu, patron du couvent, saints guérisseurs
cession
(fig.
100); mais
ils
et celles
trouvaient
là,
les reli-
de quelques autres
pour seconder
des bienheureux, les soins matériels d'une
l'inter-
communauté
gieuse qui se livrait consciencieusement à l'étude de la médecine possédait surtout un code d'hygiène, dicté par l'expérience et
L'attouchement des reliques n'en
comme un
que,
moyens
des
était
reli-
et
qui
la sagesse.
pas moins considéré, à cette épo-
On
curatifs les plus efficaces.
ne doit pas
s'étonner que les rois d'Angleterre et de France, qui avaient reçu, lors
de leur sacre, l'onction du saint chrême, s'attribuassent
le
pouvoir de
guérir, par l'imposition
des mains, diverses maladies, telles
goitres, les écrouelles, les
tumeurs blanches,
La méthode empirique, qui ne ressemblait pas à
que
etc.
avait cours en Occident au
onzième
siècle,
médecine philosophique, qu'on enseignait dans
la
les
les
écoles célèbres de l'Orient, mais dont la pratique subissait d'étranges contradictions.
dant
L'arabisme médical
l'illustre
et
pour
le
prince des médecins, sortait de
son immense réputation, qui
le fit
appeler à
rains d'Asie, proclamait le talent avec lequel les
nombreux ouvrages
qu'il laissa, écrits
Cepen-
ainsi dire, spéculatif.
(né à Chiraz, en Perse, vers 980),
Avicenne
porains surnommèrent
était,
il
la
que
l'école
ses
contem-
de Bagdad,
cour de plusieurs souve-
avait exercé son art.
Parmi
en arabe, celui qu'on appelle
Canon, œuvre médicale encyclopédique, qui témoigne de l'érudition de
la sagacité
de l'auteur, fut traduit en latin
gnement pendant
six
ou sept
siècles.
dirent avec éclat la doctrine de leur maître; c'étaient fut
un des premiers
interprètes
du Canon en Europe
et
de base à l'ensei-
et servit
Les disciples
le
d' Avicenne le juif
;
répan-
Harun, qui
Mesué
le
jeune
SCIENCES MÉDICALES.
dont
le
if>3
de matière médicale, dégagé des subtilités de l'école ara-
traité
bique, présente des inductions ingénieuses tirées de l'aspect extérieur de
chaque plante
;
Ishak-ben-Soliman, qui a
recueilli des
judicieuses sur la diététique; enfin, Sérapion les écrits offrent
des aperçus tout à
fait
le
observations très-
jeune, médecin grec, dont
nouveaux sur l'emploi des médi-
caments. D'ailleurs, l'arabisme médical, en passant des écoles d'Orient
dans
l'école
tionnelle.
Fig. 101.
—
de Cordoue,
allait
se
de
départir
son immobilité tradi-
L'Espagnol Albucassis, par exemple, anatomiste
et
physiolo-
Une
du
xm
léproserie. Miniature
du Miroir historial de Vincent de Beauvais,
ras.
e
siècle.
Bibliothèque de l'Arsenal.
giste à la fois, n'accepta
pas sans examen l'autorité, souvent contradic-
que
toire, de Galien et d'Avicenne. Il avait établi en principe et la
chirurgie devaient se prêter
un mutuel secours
:
il
la
médecine
inventa, en con-
séquence, des instruments chirurgicaux, d'un appareil vraiment épouvantable
;
ces instruments étaient en fer, car, contrairement
aux préjugés de
son époque où l'on attribuait à chaque métal diverses propriétés analogiques à telles et telles opérations chirurgicales,
employé dans
la chirurgie. Il
soutenait que
attaquait donc
servait de la cautérisation avec osait pratiquer la
il
le
mal par
le fer
seul devait être
le fer et le
feu
une audace souvent bien inspirée,
bronchotomie (incision de
la
;
il
se
et
il
trachée artère), opération
1
SCIENCES ET LETTRES.
64
que
terrible
moderne
la science
a
voulu remettre en usage dans
les
mala-
dies croupales.
Cependant on léproseries
créait partout,
10
(fig.
1).
L'immense mouvement des croisades eût
pour rendre indispensables
leurs,
les
même
lades et aux mourants, lors
nisme n'aurait pas commandé
et
des
suffi, d'ail-
maisons de Dieu, ouvertes aux ma-
que
la création
inhérente au christia-
la charité
de ces établissements charitables.
furent des moines, des frères hospitaliers, des ermites, qui fondèrent,
Ce sur la
au onzième siècle, des hôpitaux
le
passage des pèlerins de
misère
avec
et la souffrance.
la
On
Terre-Sainte, de nouveaux refuges pour
vit alors
en Orient se mettre à l'œuvre,
plus admirable dévouement, les Johannistes, les confréries de
le
Sainte-Marie
France,
et
les frères
les points
On
de Saint-Lazare.
de Saint-Antoine,
du monde
civilisé, les
vit
paraître et se multiplier, en
les frères
du Saint-Esprit,
sur tous
et,
héroïques chevaliers du Temple ou de
Saint-Jean de Jérusalem, dont les innombrables commanderies réunissaient et
le triple
caractère d'église conventuelle, d'hospice et de forteresse,
qui, revêtus d'un costume à
un manteau semblable gner de
la
la fois
monastique
et militaire,
à celui des statues d'Esculape,
double mission bienfaisante
comme pour
et guerrière qu'ils
remplir, au péril de leur vie, dans les hôpitaux
et
portaient
sur les
témoi-
avaient juré de
champs de ba-
taille.
Chacune de
même
ou par
spéciales.
ces congrégations religieuses était vouée, par son origine l'esprit
de sa règle, au traitement de certaines maladies
Les Antonistes, par exemple, guérissaient
mations d'entrailles, feu saint Antoine;
les
les
dyssenteries, désignées sous
Johannistes
et les frères
les terribles le
nom
cette
époque;
les
générique de
du Saint-Esprit
craient à combattre les grandes épidémies pestilentielles
si
inflam-
se consa-
fréquentes à
Lazaristes avaient des recettes souveraines contre la lèpre,
la variole, les fièvres
pustuleuses,
cipalement de soigner
etc.
les pèlerins, les
Les Templiers
se chargeaient prin-
voyageurs,
hommes
les
atteints d'ophthalmie, de scorbut, de blessures graves et
de guerre,
de plaies dange-
reuses.
Diverses corporations de hospitaliers, et,
femmes secondaient admirablement
dans un temps où
les vrais
médecins étaient
si
les frères
rares, elles
SCIENCES MÉDICALES
suppléaient autant que possible à l'absence des
i65
hommes
garde, abbesse de Rupertsberg, morte octogénaire en
1
de
l'art.
Hilde-
180, avait organisé
une espèce d'école d'infirmières qui rendirent d'éminents
services
hôpitaux. Abailard, dans ses lettres aux nonnes du Paraclet,
les
à s'occuper
de chirurgie pour
les
besoins des pauvres.
grandes communautés religieuses,
—
il
y avait des
Dans
la
aux
engageait
plupart des
publiques pour
salles
e de l'Hôtel-Dieu de Paris. Fac-similé d'une gravure sur bois, du xvi siècle, en tête l'Archevêque Monseigneur par octroyés d'un registre manuscrit, intitulé Le pardon, grâces et facultés Bibliothèque patriarche de Bourges et primat d'Aquitaine, aux bienfaiteurs de l'Hostel-Dieu de Paris.
Fig. 102.
Une
salle
:
de Bourgogne, à Bruxelles.
baigner, panser, saigner, ventouser voyait, en Italie,
les
malades indigents
(fig.
un évêque de Salerne, un abbé de Pescara,
102).
On
se consacrer
au soulagement matériel des souffrances humaines.
Les savants militaire
se sont
proprement
quatorzième
siècle,
il
demandé dite.
s'il
au moyen âge une chirurgie
existait
L'histoire n'en fait
est vrai;
mais on trouve
aucune mention, avant
cité,
dans
les
chroniques
les
ou
tel
plus anciennes, tantôt un moine, tantôt un clerc, qui accompagne
corps d'armée
;
il
fallait
donc que ce
clerc
ou ce moine
physicien, un barbier, qui avait pour devoir de panser
le
fût
tel
un mire, un
les blessés et
de
SCIENCES ET LETTRES.
i66
malades.
traiter les
On
ne saurait, en
guerre, où ne figurât point
un homme plus ou moins entendu, plus ou
moins habile dans Fart des pansements
On
comprend,
aussi,
que
ces
des ecclésiastiques, puisque cités et
dans
où
vint
supposer une expédition de
effet,
des opérations chirurgicales.
et
premiers chirurgiens militaires devaient être
médecine
la
encore exercée, dans
n'était
campagnes, que par des prêtres ou des
les
Le temps
religieux.
associations urbaines et municipales, qui avaient obtenu
les
commune,
seigneur féodal leurs chartes de
du
cherchèrent à s'affranchir de
toute espèce de vasselage imposé par les gens d'Église. C'est alors les
les
que
barbiers furent élevés au rang de chirurgien de second ordre ou de
servant.
On
plus
la.
charge de soigner
ques-uns, à
hommes que
la
Dans
Bas, dans
l'Italie et
pour
le
:
commune
seigneur.
rent,
dans chaque
fit
les
ville
importante, on en rétribua quel-
pauvres
les
de suivre à
et
tenue d'envoyer sous
était
la
la
guerre
bannière de son
pays étrangers plutôt qu'en France, dans l'Allemagne,
les villes
populeuses
les
les
Pays-
et riches s'attachè-
minimes, un ou
service public, à des prix relativement
plusieurs chirurgiens, clercs ou lettrés, formés presque tous dans les écoles
monastiques
et
préparés ainsi, par conséquent, à ce qu'on appelait des
œuvres de miséricorde. Tel titulaire
somme
fut
Hugues de Lucques,
de Parme, ne toucha pour
nommé
là l'origine
des St adt s phy si-
ens de l'Allemagne, des médecins ou chirurgiens stipendiés de
qui, après avoir été pendant deux siècles
les
médecin
de sa vie entière qu'une
les services
de 600 livres une fois payées. C'est
qui,
la
France,
rivaux des moines théra-
peutes, finirent par exercer sans contrôle leur art ou leur métier, et par se constituer à leur tour en confréries civiles, auxquelles les rois accordè-
rent des statuts et des privilèges.
Depuis
le
règne d'Alexis
er
I
(1081), les
empereurs d'Orient n'avaient pas
cessé de protéger les études littéraires et scientifiques, qui florissaient dans
leur empire
beaucoup plus qu'en Occident. Quoiqu'ils ne
se fussent
pas
particulièrement préoccupés des sciences médicales, ces sciences jouissaient d'un crédit considérable, tait
en honneur à Bagdad
dû au
et à
brillant
enseignement qui
Constantinople
;
les
met-
mais un charlatanisme
éhonté, une astrologie mêlée aux pratiques les plus insensées, dénaturaient le
caractère philosophique de
l'art.
Sous
le
règne de Manuel Comnène,qui
SCIENCES MÉDICALES.
régna de 1143 à 1180, l'empereur d'Allemagne Conrad II, ayant blessé à la croisade, en Asie, et ne trouvant pas dans son
armée un
été
seul
guérir, dut venir se faire soigner par les médecins
chirurgien capable de
le
grecs de Byzance.
consulta sans doute l'empereur Manuel lui-même,
Il
qui se piquait d'avoir des connaissances très-étendues en médecine et en chirurgie. ses il
Ce
fut cet
empereur qui plus tard ne dédaigna pas de panser de
mains impériales
le roi
de Jérusalem Baudouin
saigner;
pour
très-effi-
avait inventé des onguents et des potions qui passaient
caces
mais
;
aveugle de
les
la
Fig. io3.
idées superstitieuses de son
époque
—
Sceau de
Tirés de
Vers
cette
le
rendaient esclave
science astrologique.
Faculté de Médecine
la
de
Faculté de Médecine de Paris,
la
de Paris. xiv° siècle.
la
II. Il savait
la collection
même époque,
sigillographique des Archives nationales.)
apparaissent simultanément, dans
Péninsule ibérique, trois
naturaliste, dont les plus
xiv° siècle.
hommes
de génie
:
les écoles
Ebn-Beithar, médecin,
remarquables ouvrages ont
été
perdus, du moins
en grande partie; Aben-Zhoar, qui, sans autre guide que l'observation la
méthode, pratiqua
la
médecine,
la
chirurgie et la pharmacie, avec
éclatant succès, et dont le Taisyr, traduit en latin, vaste la science
enfin le
de
le
et
plus
compendium de
contemporaine, a conservé longtemps une réputation méritée;
fameux Averrhoès, qui professa publiquement
à
Cordoue
la
phi-
losophie, la jurisprudence, la médecine, avec tant d'audace et d'indépen-
dance
,
qu'il se vit forcé
de quitter l'Espagne pour se réfugier dans
le
SCIENCES ET LETTRES.
i68
royaume de Maroc, où au point de vue de
Les écoles juives tant d'éclat dans
le
en composant un admirable commentaire
la religion,
les écrits d' Aristote
sur
n'acheva pas ses jours sans être encore inquiété
il
(
1
2
7).
1
musulmanes de Cordoue
et
monde
et
régénéré des sciences
de Grenade avaient et
des arts, que
les
jeté
pays
voisins créaient aussi des écoles qui s'efforcèrent de briller également dans les
ténèbres du
moyen
âge. C'est ainsi
médecine de Montpellier taine célébrité,
logne, de et
et celle
comme, en
que dès
de Paris
Italie,
(flg.
La
çait à circuler
de
io3 et 104) acquirent une cer-
mais un peu plus tard,
les écoles
séve vivifiante de l'enseignement universitaire
chez tous
de Bo-
et
parmi
les maîtres,
Facultés de Montpellier, de
les
de Paris, établirent, au treizième
écoliers, la hiérarchie
siècle, la discipline
en créant des grades
scolaires qui n'existaient pas auparavant. Mais, c'est-à-dire ecclésiastique et
commen-
peuples de l'Europe.
les
Les bulles papales qui avaient institué
la
siècle l'école
Modène, de Ferrare, de Milan, de Naples, de Parme, de Padoue
de Pavie.
Salerne
douzième
le
tonsuré
,
si la
et
parmi
les
des dignités
condition d'être clerc,
pour pouvoir étudier
la
médecine ou
chirurgie, fut maintenue dans les Universités en Italie et en Sicile, elle
tomba
bientôt en désuétude dans les écoles, à Montpellier ainsi qu'à Paris.
Cependant, pour devenir maistre physicien ou médecin, à Montpellier, tres
il
fallait être clerc et
avoir subi
Faculté de
la
un examen devant deux maî-
ou docteurs désignés au sein du collège par l'évêque de Maguelone
pour obtenir
le
;
diplôme de chirurgien, un examen analogue, moins com-
pliqué sans doute, était également nécessaire, mais la cléricature n'était plus indispensable.
médecine
et
Quant aux barbiers, qui ne
qui devaient pratiquer seulement
passaient pas d'autre tion
examen que
celui
que
ou confrérie leur faisaient subir devant
Dans
le
sortaient pas des Facultés de
royaume de Naples, on
en qualité de médecin
,
la petite chirurgie, ils
maîtres de leur corpora-
les les
exigeait, de
ne
gens du métier.
quiconque voulait exercer
cinq années d'études médicales
,
deux examens de
licence et de doctorat, soutenus devant des maîtres de l'école salernitaine, et
une année de stage à
la suite
des médecins en exercice.
Le
chirurgien,
avant d'entrer en fonctions, devait avoir suivi des cours spéciaux pendant
une année
et s'être
perfectionné aussi
«
dans l'anatomie du corps humain,
SCIENCES MÉDICALES.
sans laquelle, disaient
opération ni diriger
ment.
la
sûrement aucune
faire
cure du malade, après avoir employé l'instru-
»
Pendant un temps, écoles
on ne saurait
les statuts,
du monde.
Hugo
nozzo, à
l'école
médicale de Bologne fut à
et à
Théodoric de Lucques,
et
villes, telles
surtout à Guillaume Salicetti
que médecin sagace
opéra tour à tour, au milieu des camps, dans
que Bergame, Venise
les
et
hospices
la cité.
guérir les plaies,
Ce furent
On
et instruit,
et
qui
dans plusieurs
Pavie, où, moyennant des
indemnités annuelles, un praticien expérimenté
médical de
les
Elle dut son incontestable supériorité à Jacopo Berti-
(né en 1200), chirurgien aussi habile
grandes
de toutes
la tête
était attaché
au service
reproche pourtant à Salicetti d'avoir employé, pour
le fer et le
ses leçons qui
feu plutôt
que
les
toxiques
formèrent Lanfranc, lequel
le
et les
médicaments.
nomme
avec respect
son maîstre de bonne mémoire. Obligé de quitter sa patrie pour des raisons politiques, ce savant professeur milanais vint et fut
demander
asile à la
aussitôt appelé à Paris, par son compatriote Passavant,
Faculté, et par Pitard, premier chirurgien du roi Philippe
France
doyen de
le
Bel.
la
Après
avoir exécuté plusieurs grandes opérations chirurgicales, aux applaudisse-
ments d'une nombreuse assistance, sa chaire
il
ouvrit une école et réunit autour de
une foule d'étudiants enthousiastes.
gnement amena une réforme complète dans deux ouvrages
manuel de
Chirurgia magna
:
la science
se trouvait
peut dire que son ensei-
la chirurgie française, et ses
Chirurgia parva, devinrent
et
pratique, car avant lui cette branche de
des barbiers ignorants, en France,
magne,
On
comme
presque étouffée sous
le
en Espagne,
l'art, livrée
comme
le
à
en Alle-
joug de l'omnipotence médicale.
Ainsi tout chirurgien ou toute chirurgienne (bien des
femmes ne donnaient
confiance qu'à des personnes de
leur sexe
nature délicate) devait s'engager
ne jamais sortir des limites étroites de
Y œuvre de la
main; à ne
sans l'avis ou à sa guise,
la
cà
conseiller, à n'administrer
aucun remède
interne,
permission du médecin. Le chirurgien pouvait donc agir
mais non formuler une opinion médicale ni prescrire une ordon-
nance pharmaceutique. D'ailleurs, dans tions n'étaient
du
pour des opérations d'une
abandonnées
les
ni à la volonté
praticien, fût-il d'un mérite
éminent
et
cas graves, les grandes opéra-
du malade,
reconnu.
ni
au
Il fallait,
libre arbitre
au préalable,
SCIENCES ET LETTRES.
obtenir une permission, soit de l'évêque, soit du seigneur de
la localité, et
l'opération n'avait lieu qu'après une consultation solennelle, en présence
de
la famille et
des amis du patient. Et toutefois ces scrupules exagérés ont
nous surprendre,
droit de
car,
pendant que
semblait exiger tant de garanties pour
les
l'autorité civile et religieuse
grandes opérations entreprises
par des chirurgiens connus, à peine accordait-on. quelque attention aux
au bon plaisir des barbiers ou des
petites opérations chirurgicales laissées
matrones. Bien plus,
chirurgiens en titre, clercs ou jurés, auraient
les
cru déroger en pratiquant ces petites opérations qu'ils jugeaient indignes d'eux.
A
la fin
du treizième
siècle, ils
ne faisaient déjà plus eux-mêmes
la
n'opéraient plus de leur propre main les
ponction aux hydropiques
;
malades qui souffraient de
la pierre,
ils
qui avaient des hernies ou qui étaient
même
atteints de la cataracte; ils allaient
jusqu'à dédaigner l'étude des
maladies internes, pour ne pas abaisser leur noble profession.
Grâce au génie de Lanfranc, sager l'exercice de gaire, dit-il
la
les
chirurgie sous
dans un de ses
si
l'on n'a
gien ne vaut rien,
non
aucune plus,
de
l'art
commencèrent à envi-
un tout autre point de vue
Le
«
vul-
regarde
idée des opérations chirurgicales;
s'il
:
comme impossible qu'un homme chirurgie. On ne peut être bon médecin,
livres,
puisse savoir la médecine et la
cependant,
hommes
ignore
la
médecine
;
doit
il
connaître les différentes parties de ces deux sciences. ces sages idées, la science chirurgicale s'était élevée,
dans
la
chirur-
donc absolument
Sous
»
un
l'influence de
Faculté de Paris,
à la hauteur de l'enseignement académique des lettres, et n'avait plus rien
à envier aux plus fameuses écoles de médecine de l'Espagne et de
On
jugeait inutile d'envoyer les étudiants achever leurs études dans ces
écoles célèbres.
La Faculté de Paris
fessionnel. C'est à peine et
l'Italie.
de
la fortune,
suffisait alors à
l'enseignement pro-
jeunes chirurgiens, qui avaient des loisirs
si les
venaient passer quelques semaines à Bologne, où
l'illustre
anatomiste Mundinuset son successeur Bertreccius ouvraient annuellement
deux ou
trois cadavres,
de tous
les
Un tout
devant un concours empressé de praticiens accourus
points de l'Europe
autre professorat,
moins
libre
(fig.
moins
io5).
brillant d'ailleurs,
que celui des écoles de Paris
et
moins général
de Montpellier,
sorat rabbinique eut aussi une certaine célébrité, à la
même
le
et
sur-
profes-
époque, dans
SCIENCES MÉDICALES.
des villes où l'autorité municipale savait résister aux entraînements fanatiques de la haine populaire contre la race et
la
religion juives. Depuis les
temps carlovingiens, Metz, Mayence, Strasbourg, Francfort, Troyes, Avignon, n'avaient pas cessé d'entretenir des chaires, où
Fig.
io5.— La Mort médecin. Miniature d'un livre d'heures du de M. Ambroise Firmin-Didot.
gnaient, d'après les gloses de la kabale et
par
talmudistes,
les
giène et
la
médecine
la ;
le
langue hébraïque,
car
les
la
les
rabbins ensei-
xvi" siècle. Bibliothèque
texte des Ecritures
philosophie,
la
morale, l'hy-
rabbins n'avaient pas seulement
la
des âmes, chez leurs coreligionaires, qui les considéraient
guides
les
plus sages
et les
plus éclairés de
Depuis que Lanfranc avait institué
le
la vie
commenté
direction
comme
les
matérielle.
collège de
Saint-Côme
à Paris, la
SCIENCES ET LETTRES.
172
chirurgie se dégageait de plus en plus de la barbarie traditionnelle. 1
3
1
1 ,
Philippe
royaume
l'obligation de subir des
chirurgical, dont les
ministres, portèrent
examens probatoires devant
membres, honorés de
ombrage
médecins
lutte séculaire des
dits à
.eur faisant jurer de
de ses écoliers, clercs
la
plupart,
médecine.
robe longue
ne jamais exercer le
ce collège
confiance du roi et de ses
la
à la Faculté de
La Faculté n'accorda plus
à robe courte.
En
Bel crut devoir imposer à tous les chirurgiens de son
le
commence
Ici
106) et des médecins
(fig.
aux bacheliers, qu'en
la licence
chirurgie; elle continua d'exiger,
la
célibat perpétuel; elle obtint
Jean (i352) une ordonnance interdisant
la
la
pratique de
l'art
du
roi
médical à qui-
conque n'aurait point qualité d'apothicaire, d'étudiant ou de moine mendiant.
mais
La Faculté
la
croyait ainsi sauvegarder l'honneur de la profession
;
meilleure sauvegarde, celle qui protégeait dès lors les disciples de
Saint-Côme,
et
versel, c'était
qui vers
science,
la
tique, inaugurée par la
Chauliac
(
érudition
1
la fin
du
un
siècle devait leur assurer
cette science à la fois
Grande Chirurgie
,
crédit uni-
philosophique
immortel de
ce livre
et plas-
Guy
de
363) , médecin aussi bien que chirurgien, qui joignait à une
immense
la
raison
la
plus solide, et qui fut
véritable gloire
la
scientifique de son temps.
Cependant
l'affiliation
du
roi
Charles
V
à la confrérie de
exalta l'orgueil des chirurgiens, qui eurent
barbiers, avec toute l'intolérance et tout
le
le tort
mestier
blement
»
par
et
les
qui
d'agir, à l'égard des
dédain que
témoignaient à eux-mêmes. Les maîtres barbiers,
«
les
exempta
même
du guet,
les
l'ordonnance royale, par cette raison, que
meslant presque tous de s'ensuivre, et
si
quand on
la chirurgie, les
écouta favora-
nocturne que
cette police
gens de métier étaient tenus de faire à tour de rôle dans et cela, dit
médecins leur
empêchés dans leur
chirugiens, en appelèrent au roi, qui
les
Saint-Côme
les villes «
les
les
fermées,
barbiers, se
de grands inconvénients pourroient
envoie chercher
la nuit,
à défaut des médecins
des chirurgiens, on ne les trouvoit point en leurs maisons.
Les chirurgiens qui continuaient d'empiéter sur cine, mais qui n'en défendaient pas avec
le
domaine de
moins d'ardeur
privilèges, firent subir tant d'injustices et de vexations l'Autorité, fatiguée de se trouver sans cesse requise
»
la
méde-
leurs propres
aux barbiers, que
pour apaiser quelque
SCIENCES MÉDICALES.
querelle survenue entre
Saint-Côme
collège de
le
i
73
corporation des
et la
barbiers, limita d'une manière formelle les droits réciproques des uns et
des autres. L'ordonnance datée du «
octobre 1372 permet aux barbiers
3
d'administrer emplastres, onguements
pour boces
(bosses),
apostumes
cas ne puisse entraîner
et
grant estât
et
de grant salaire, que
de payer.
Il
y eut donc, à partir de
»
Fig. 106.
— Le Médecin,
autres médecines convenables
autres plaies ouvertes
mort, car
la
et
les
les
»,
pauvres n'auroient pas
cette
époque,
représentant
et
de métier Il
de saint Damien; et
la
Bourgogne
et la
petits barbiers. Ceux-ci chétif
moyens
J.
Amman.
:
les praticiens à
le
les
patronage de saint
barbiers, portant épée, réunis en corps
remplissant office de barberie, sans conteste.
en fut ainsi pour toute
comme
et les
les
Faculté de Paris;
la
chirurgiens à robes courtes, formant confrérie sous
Corne
le
trois classes bien dis-
tinctes de gens exerçant l'art médical, à ses divers degrés ,
moins que
mires (médecins) sont gens de
dessiné et gravé au xvi e siècle par
robes longues, mires ou physiciens
à
équipage
et la
,
la
France,
si
ce n'est qu'en certaines provinces,
grands barbiers des
Lorraine, on distinguait
les
véritables aventuriers
cheminaient à pied en
,
bourse légère, allant de paroisse en paroisse vendre
SCIENCES ET LETTRES.
174
antidotes et drogues renfermés dans leur boîtier, tandis que barbier,
le
chirurgien juré, au maintien grave
vêtu d'une longue robe garnie de fourrure, les
énormes
le
grand
et solennel, visitait ses clients,
monté sur une haquenée dont
et
grelots annonçaient de loin son passage.
Ce maître
pannerol ou
suivi souvent d'un aide et de plusieurs valets, portait en son
estuy cinq ou six espèces d'instruments, savoir
:
chirurgien,
des ciseaux, des pinces',
des éprouvettes (sorte de stylet boutonné), des rasoirs, des lancettes et des aiguilles. Il avait,
sables tres,
:
le
consolider
les
charnus,
comme remède
basilicon, regardé
le
pour changer
pour
en outre, cinq onguents qui semblaient alors indispen-
et
mode
;
de
vitalité
Guv
Yonguent dialtœa, pour calmer «
:
Quant
moy une
bourse de clystères
chercher les herbes par
les
proufit et
bon nombre d'amis.
les
locale.
Les grands
dit le célèbre chirur-
et
quelques choses communes,
et
et aussi
j'en
rapportois honneur,
Urbain V,
de trois papes à Avignon,
titre
«
lettré,
ingénieux
craintif en dangers, gracieux
et
peu exigeant
n'était pas, d'ailleurs,
conditions requises dans l'exercice de son art;
chirurgien fût
moyens, pour
les susdits
»
de Chauliac, qui fut médecin en
Clément VI, Innocent VI
pour
moy,
k
champs, avec
subvenir proprement aux maladies,
Guy
douleur
la
de Chauliac, j'avois accoustumé ne sortir jamais des villes, sans
porter avec et j'allois
des chairs malades; X onguent blanc,
Y onguent jaune, pour faire pousser des bourgeons
barbiers ne s'en tenaient pas là gien
maturatif; Yonguent des apô-
il
voulait que
le
bien morigéné; hardi en choses sûres,
aux malades, bienveillant à
ses
compagnons,
sage en ses prédictions, chaste, sobre, pitoyable, compatissant
et
miséri-
cordieux; non convoiteux ni extorsionnaire d'argent, mais qu'il reçoive
modérément niaires)
La
salaire, selon son travail, selon les facultés (ressources pécu-
du malade,
la qualité
de l'issue ou événement,
propre dignité.
siècle, alors
que dans
les
si
élevés et
si
pays voisins,
généreux, en plein quator-
et
notamment en Angleterre,
des charlatans aussi ignares qu'inhabiles exploitaient scandaleusement crédulité
humaine.
la
Un chirurgien anglais, nommé Goddesden, par exemple,
avait des recettes particulières il
»
chirurgie française doit se glorifier de voir un de ses plus savants
maîtres professer des principes
zième
et sa
pour
les riches et d'autres
pour
les
pauvres;
vendait fort cher aux barbiers une sorte de panacée que ceux-ci reven-
SCIENCES MÉDICALES.
daient
eux-mêmes
à gros bénéfice, et cette panacée n'était qu'un
de grenouilles pilées dans un mortier
remèdes car
il
secrets et infaillibles, auxquels
avait soin d'exiger d'avance le
promettait
Fig. 107.
—
(fig.
i
107).
Intérieur de la
Dans un de
il
;
il
75
mélamgc
annonçait pompeusement des
ne croyait guère, pour son comipte,
payement des cures merveilleuses qu'il
ses livres,
on trouve un chapitre,
a:ssex
maison d'un médecin. Fac-similé d'une miniature de YEpistre de Othiea,
par Christine de Pisan, ms. du xv e siècle. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
succinct
il
est vrai,
d'elles-mêmes
consacré aux maladies désagréables , qui se guérisisent
et qui,
par conséquent, ne donnent pas d'argent au médecin.
Plusieurs grandes épidémies, dont le
Guy
de Chauliac
et
son contemporain
célèbre Pétrarque nous racontent les terribles effets, avaient jeté la cons-
ternation en
Europe
médicale. C'était
là
et fait naître la
pensée d'établir partout une pcolice
une innovation heureuse, mais Torganisation de
ccette
SCIENCES ET LETTRES.
police médicale, à laquelle participèrent à la fois l'autorité ecclésiastique, l'autorité
municipale et l'autorité universitaire, sous l'impulsion des gouver-
nements, ne pouvait qu'être empreinte des préjugés de l'époque. Ainsi, à l'égard des ladres et des lépreux, qui avaient été isolés de la société dès le
on maintenait
douzième
siècle,
monies à
la suite
citoyens.
La fameuse Peste
jamais épouvanté
séquestration absolue, ainsi que les céré-
la
desquelles ces malheureux perdaient leurs droits de
monde,
le
noire, un des plus grands fléaux qui aient sortie des
marais de l'Asie dans l'année 1348,
après une longue suite de tremblements de terre
Fig. 108.
—
Bannière des apothicaires de Saint-Lô.
Aux armes
Fig. 109.
terre, la Hollande.
l'Italie et la
de pluies diluviennes,
Bannière des apothicaires de Caen.
Aux armes
parlantes de la corporation.
ravagea successivement
—
et
parlantes de
Il
et
changées
les villes
avec une
Les campagnes furent partout dépeuplées
que Venise perdit cent mille de
cinquante mille.
corporation.
France, puis l'Allemagne, l'Angle-
en déserts incultes. Cette horrible peste sévissait dans telle intensité,
la
y eut des
localités
où
les
ses habitants et
neuf dixièmes de
la
Strasbourg population
périrent en quelques mois. Les soins et les remèdes ne pouvaient rien
contre un
empoisonnement atmosphérique, dont
vent mortels dans l'espace d'une heure, s'efforçaient de
dans
combattre
L'Église, sous
les carrefours.
gnon,
comme
Rome
en 1264, sous
ver
le
à l'aide
à l'époque où
moral des
la
que
les
devenaient sou-
autorités municipales
de grands feux allumés sur le pontificat
les
places et
de Clément VI, pape d'Avi-
peste avait ravagé l'Italie et désolé la ville de
le pontificat
fidèles,
et
les effets
d'Innocent IV
(fig.
1
10), s'efforça
par des processions, des prédications
et
de
rele-
des prières
SCIENCES MÉDICALES.
publiques.
Le
saint-siége accordait indulgence plénière à tous ceux qui, en
assistant les malades, s'exposaient à
de
177
l'art faisaient
une mort presque certaine. Les hommes
défaut presque complètement et les prêtres seuls osaient
s'approcher des moribonds, pour leur apporter
dernières consolations.
les
Les règlements de l'hygiène publique ne remontent pourtant pas à cette période de calamité générale, qui avait nécessité des mesures extraordinaires de police
et
de salubrité
Fig. 110.
—
;
ils
datent d'une époque un peu postérieure, où
le
Portrait d'Innocent IV, élu pape en 1243, peint à fresque sur fond d'or à la basilique de Saint-Paul, à
Rome.
souvenir de la Peste noire fut renouvelé, avec de nouvelles inquiétudes, par le
retour périodique de diverses épidémies locales.
sons, des rues, des quartiers où
le fléau
dons sanitaires autour des endroits
La fermeture des mai-
avait sévi, l'établissement des cor-
mieux,
infectés, et, ce qui valait
recherche scientifique des causes du mal,
le
curage des égouts,
des voies publiques, l'épuration des eaux potables,
malades pauvres hors de l'enceinte des
villes,
le
le
la
nettoyage
transfèrement des
l'inhumation à
la
chaux vive
des victimes de l'épidémie, attestent les efforts de la prévoyance adminisSCIEN'CES ET LETTRES.
—
23
SCIENCES ET LETTRES.
•7 8
Le pavage des
trative.
rues, qui avait été
abandonné ou négligé depuis
la
chute de l'empire romain, fut une des conséquences logiques de ce système d'assainissement général
A
cette
époque aussi ,
(fig.
la
1 1
1).
thérapeutique remit en honneur l'usage des
eaux minérales, en recommandant aux malades
surtout aux convales-
et
d'Aix-lacents les anciennes sources de Néris, de Vichy, de Plombières,
Chapelle,
etc.,
qui auraient reçu un plus grand
routes avaient été plus sûres et offert à leurs hôtes
sources, autrefois
si le
nombre de
visiteurs,
si les
séjour de ces localités thermales avaient
renommées pour
la
Beaucoup de
la sécurité désirable.
temporaires toute
guérison des maladies chroniques,
donnaient lieu encore à des pèlerinages que l'Église avait pris sous sa protection.
Ces pèlerinages, tout en conservant leur caractère pieux, furent
désormais approuvés
Pourquoi
faut-il
encouragés par
et
que dans
les
,
la
bonnes
médecine.
villes
d'Italie, la sagesse des autorités ait laissé se
superstitieuses
étaient
mort?
et
,
répandre
et
s'imposer
les idées
cette
absurde
Pourquoi voit-on, de temps à autre, renaître
?
calomnie contre
d'empoisonner
de France d'Allemagne
lépreux, les idiots ou crétins, qu'on accusait
les juifs, les
les fontaines, les puits, les
rivières et
même
l'air, et
qui
impitoyablement épiés, poursuivis, maltraités, emprisonnés, mis à pouvaient être attriParfois, il est vrai, ces monstrueuses iniquités
croyaient se faire jusbuées à l'aveugle déchaînement des populations qui l'administration urbaine y prenait tice elles-mêmes, mais parfois aussi comme, par régulièrement part et en acceptait la responsabilité odieuse, supplice de plusieurs exemple, le Conseil de ville de Metz ordonnant le Au reste, en temps d'épimeiels (ladres) exécutés pour leurs démérites. des lépreux démie, la populace demandait, cà grands cris, l'extermination et
des
juifs.
Cependant la lutte continuait, à Paris, entre
les
chirurgiens et les barbiers.
bout d'expédients contre
les
barbiers qu'ils ne parve-
Les chirurgiens,
cà
naient pas à soumettre et à tenir sous
supplique à l'Université disaient-ils, la
:
nous recourons
Faculté de médecine
(fig.
«
à
le
joug, avaient adressé
Nous, vos humbles
(i'3 9 o)
une
escoliers et disciples,
de vos vénérables dominations, aux maîtres
112).
»
Les médecins,
satisfaits
d'amende honorable, promirent aux chirurgiens de
les
de cette espèce
appuyer en tant que
SCIENCES MEDICALES.
179
vrais écoliers. Mais, soit que les docteurs de la Faculté eussent changé d'avis, soit
que
F'ig.
le
pouvoir royal voulût sauvegarder
ni.
— Boutiques
les intérêts
du public,
dans une rue (apothicaire, barbier, marchand de fourrures,
Miniature du Régime des princes, ms. du xv"
aux dépens d'un corps
privilégié, Charles
siècle. Bibliothèque
même
tailleur).
de l'Arsenal.
V ne prit point parti pour les chi-
rurgiens et consacra, par son abstention, l'indépendance professionnelle des
SCIENCES ET LETTRES.
i8o
maîtres barbiers. Les chirurgiens, cependant, pour constater leur suprématie, imaginèrent de suivre une autre voie, la seule digne, table et sérieuse, la voie des estudes ces
nouveaux
Statuts, tout apprenti sera clerc
parler bon latin
;
il
recevra, qu'il n'ait baccalauréat, sans franc.
»
Désormais, dirent-ils en adoptant
«
:
sera, de plus,
beau
et
grammairien, pour
lettres
le
de quittancent
le
préalable, coustera deux escus d'or, au lieu d'un
Ces dispositions, arrêtées en i3g6, avaient
de ne permettre l'accès de instruits et
faire et
Nul maistre ne
bien formé.
du dernier maistre bonnes
examen
la seule profi-
la maîtrise
évidemment pour but
de Saint-Côme qu'à des étudiants
laborieux qui pourraient soutenir l'aristocratie du corps chi-
rurgical contre la démocratie envahissante de la barberie. reste, que l'embarras du choix entre
les
Il
candidats, puisque
n'y avait,
du
collège de
le
Saint-Côme ne comprenait que dix chirurgiens jurés. Le nombre des maîtres barbiers tendait, au contraire, à s'accroître de jour en jour. en comptait quarante, au milieu du quatorzième siècle,
La
siècle, soixante.
vers la fin de ce
considération dont jouissait chacune des trois classes
de praticiens exerçant sorte, d'après
et,
On
médical peut d'ailleurs se mesurer, en quelque
l'art
un seul
fait
caractéristique
:
lorsqu'en
1
333
la
Faculté de
Paris désigna des médecins, des chirurgiens et des barbiers pour soigner les pestiférés,
il
fut alloué
aux premiers 3oo
livres parisis,
aux seconds 120,
seulement 80 aux troisièmes.
et
Nous sommes au quinzième dérablement de terrain
;
les
siècle
:
l'arabisme médical a perdu consi-
saines doctrines d'Hippocrate reprennent leur
prédominance, par suite des échecs successifs que subissent
les
doctrines
d'Avicenne, d'Averrhoès, de Galien, tombées tout à coup en défaveur, discrédit qui les frappait à la fois eût été plus grand encore,
point attribué au père de et
si,
de plus,
les
la
la
un des
méthode.
L'illustre Marsile
oracles de son siècle, retarda
lui-même
vraie science, en soutenant avec toute l'ardeurpassionnée
d'un docte platonicien une science fausse
On
l'on n'eût
rêveries théosophiques de l'astrologie judiciaire ne
Ficin, de Florence, qui fut
progrès de
et le
médecine une foule d'ouvrages apocryphes,
s'étaient pas substituées à l'observation et à la
les
si
ne saurait donc s'étonner que
la
aux sciences occultes, particulièrement à
et
mensongère.
médecine
fût alors
l'astrologie.
subordonnée
Ces sciences imagi-
SCIENCES MÉDICALES.
181
naires ouvraient, aux esprits inquiets et curieux, des horizons peuplés d'illusions et d'espérances était
La
le
:
rêve y remplaçait
censé tenir un rang spécial dans
le
le fait, et
chaque individu
système harmonique universel.
destinée d'un pays, d'une ville, aussi bien que la destinée d'un
correspondait au
pour cause
Fig. 112.
—
la
mouvement de
ou
telle planète.
conjonction de différents astres,
Bedeaux des
Pont-à-Mousson,
telle
tirés
trois Facultés
de Théologie, de Jurisprudence
des Funérailles de Charles
par Fréd. Brentel, d'après Claude de
son principe inhérent à
la
la
et
III,
Une
épidémie avait
chaque maladie ayant
et
de Médecine de l'Université de
duc de Lorraine (1608), planches gravées sur cuivre
Ruelle. Bibliothèque de
constellation
M. Amhr. Firmin-Didot.
sous laquelle avait eu lieu
naissance de l'individu qui se trouvait atteint de cette maladie, devait rechercher d'abord la constellation, pour asseoir constellation
une
fois signalée,
Dieu
sait quelles
tirait
de sa position et de ses influences sidérales.
pour
la
première
fois
capillaire, qui de la
homme,
et
médecin
un pronostic. La
conjectures étranges on
La coqueluche, observée
sous forme d'épidémie en 1414,
Pologne passa en Bohême
le
la
la
plique ou gale
en Autriche exercèrent ,
SCIENCES ET LETTRES.
182
tour à tour
la
phénomènes
célestes l'explication des
sagacité des astrologues qui croyaient découvrir dans les
phénomènes
Pendant qu'au point de vue médical tuait à
usurper
le
la charlatanerie
domaine de l'observation pratique,
compromise par une foule de charlatans, chirurgie française
(fig.
1 1
3).
sciences médicales, marquait
Fig.
les
bergers et
métier
et
de
1 1
les
terrestres.
3.
—
astrologique s'éver-
la chirurgie italienne,
bien en arrière de
la
L'Allemagne, également retardataire dans
les
du sceau de
la
restait
même réprobation les baigneurs,
Opérateur, dessiné et gravé au xvi e siècle par
J.
Amman.
barbiers, qu'elle empêchait de faire partie d'un corps de
s'allier
à une famille honnête.
En Allemagne,
le
niveau de
Hon-
l'art
chirurgical était encore plus bas qu'en Italie
grie,
Mathias Corvin, qui, pour se guérir d'une ancienne blessure, se
obligé de convoquer les barbiers de tout
promesses
les
témoin
Saint-Empire
le roi
et
de
de leur faire
plus séduisantes pour les décider à venir à sa cour.
Hans de Dockenbourg, barbier mais rien ne prouve que empiriques,
le
:
cette
d'Alsace (1468), qui lui rendit
Ce
vit les
fut
la santé,
cure de hasard, due sans doute à des moyens
ait fait rejaillir la
moindre considération sur
barbiers-chirurgiens allemands
(fig.
1
14)
la
confrérie des
SCIENCES MÉDICALES.
En
Angleterre,
seurs.
même
pénurie de bons praticiens
Les chirurgiens ne sont
plâtres et d'onguents.
En
là
141 5, lorsque
Thomas Morstède
le roi
Henri
V
vient, à la tête de
camp que
n'a dans son
il
non sans
qui s'est engagé,
membres de
guerre, avec douze
de savants profes-
et
que des fabricants, des colporteurs d'em-
son armée, faire une descente en France, rurgien
i83
sa corporation.
le
chi-
peine, à la suivre à la
Pour une seconde expédi-
même prince, la corporation des chirurgiens pu même fournir douze hommes de bonne volonté,
tion entreprise par le
de Lon-
dres n'avait
et le roi
— Chirurgien
Fig. 114.
allemand. Fac-similé d'une gravure sur bois, attribuée à Holbein, et tirée de
duction allemande de
s'était
la
Consolation de la philosophie, de Boèce,
vu contraint d'autoriser
eux tous
les
Thomas Morstède
instruments de chirurgie. qu'il fallait se
que
maître
la
d'Augsbourg, i53j,
à faire
la tra
in-fol.
embarquer malgré
chirurgiens dont l'armée avait besoin et à leur adjoindre de
vive force les ouvriers nécessaires
pellier
édit.
le
De
tous
pour les
la
confection
réparation des
et la
pays de l'Europe,
rendre pour y trouver un bon opérateur,
fameux Balescone, de Florence, professait
c'est
en France
et c'est
à
Mont-
et pratiquait
en
vraie chirurgie.
Après trente années de concorde apparente entre barbiers de Paris,
la
querelle se ravive.
obtiennent, du prévôt de la ville,
«
Le 14 mai
les
chirurgiens et les
1423, les chirurgiens
deffenses généralement à toutes per-
SCIENCES ET LETTRES.
184
sonnes, de quelque estât
condition qu'ils fussent,
et
aux barbiers, d'exercer ou eux entremettre au
non
fait
chirurgiens,
de chirurgie.
mesme »
interdiction est proclamée, à son de trompe, par tous les carrefours,
Cette
mais
aussitôt les barbiers vont porter leurs réclamations devant le prévôt lui-
même,
qui leur donne gain de cause (4
frères de
serment de ne
colère, firent le
barbier.
Dès
1424).
Saint-Côme font appel au Parlement, qui
Déboutés de leurs prétentions,
un
novembre
lors, les
con-
rejette leur requête.
chirurgiens, dans leur impuissante
les
visiter
aucun malade qui
Mais l'heure de l'émancipation
serait soigné
par
définitive de la barberie allait
sonner. Les barbiers, organisés partout en corps de métier, n'attendaient plus qu'une dernière consécration du lien social qui les unissait. Colinet
Candillon, premier barbier et valet de chambre d'un régent
et
de deux
rois de France, obtint ce résultat, désiré de tous ses confrères, en se faisant
investir
du
de maisire
titre
faire représenter,
dans
les
et
garde du mestier, avec
bonnes
villes
le
pouvoir de se
du royaume, par des lieutenants
qui jouiraient du droit exclusif de regard et Visitation sur tous les barbiers. Ceux-ci
formèrent alors une association nombreuse, dans laquelle
nul ne pouvait devenir maître, sans avoir passé un examen devant des maîtres-jurés
nommés
par un des lieutenants du premier barbier. Chaque
nouveau maître en barberie prenait la
corporation,
deux sous
lettre scellée des
moyennant une redevance de
six deniers tournois
sceaux du chef de
5 sols, et payait, en outre,
pour obtenir une copie de Yarmenach (alma-
nach.)fait de Vannée, sorte de livret où se trouvaient indiqués les jours critiques
ou non critiques relativement à l'opportunité de
la saignée,
qui
était la principale affaire des barbiers.
Les chirurgiens de Saint-Côme, n'osant plus surtout lorsque l'un d'eux,
de Louis XI, implorèrent
que
le
redoutable Olivier
le titre d'écoliers
les privilèges, franchises, libertés et
L'Université
fit
droit à leur
lutter contre les barbiers, le
Dain
fut
devenu favori
de l'Université de Paris, ainsi
immunités attachés à
demande, mais en
leur
ce titre.
imposant toutefois
l'obligation de suivre les leçons des docteurs régents de la Faculté de
decine. Voilà donc les chirurgiens asservis de
médicale, tandis que
les
mé-
nouveau à l'omnipotence
barbiers, libres désormais dans l'exercice de leur
profession, obtiennent une des soixante bannières distribuées par Louis
XI
SCIENCES MÉDICALES.
Fig.
1 1
—
5.
Bannière delà corporation
Fig. 116.
des médecins d'Amiens.
Fig. 117.
—
Bannière de
la
corporation
1
19.
—
Bannière de
la
corporation
Fig.
les
la
corporation
118.
—
Bannière de
la
corporation
des chirurgiens de Caen.
Fig. 120.
des chirurgiens du Mans.
aux corps
Bannière de
des médecins de Vire.
des médecins de Mayenne.
Fig.
—
i85
d'arts et métiers de la capitale (fig
—
Bannière de
la
corporation
des chirurgiens de Saintes.
r
i5 à 120), et voilà, en outre,
chirurgiens, méconnaissant la spécialité de leur art, c'est-à-dire l'œuvre SCIENCES ET LETTRES.
—
24
SCIENCES ET EETTRES.
i86
de
main, au point d'abandonner aux barbiers
la
pour formuler seulement des ordonnances ou recipe,
tions, les fractures,
ce qui, aux termes des statuts universitaires, était
de
Faculté
la
C'en
non des chirurgiens
et
donc
est
fait
luxa-
les incisions, les
:
l'affaire
«
des maistres
»
chirurgie plébéienne triomphe de l'aristocratie des
la
chirurgiens. Les barbiers constituent désormais la portion vraiment active,
vraiment
vraiment indépendante, du corps chirurgical. Ce sont eux
utile,
qu'on rencontre partout,
ment dans
les villes et
dans
temps de guerre, dans
On
lointaines.
ou
la lancette
les villages,
les
armées
bistouri à la main, non-seule-
le
en temps de paix, mais encore, en
même
et
peut dire que, sans leur active
à la suite des expéditions et
courageuse assistance,
il
n'existerait pas de chirurgie militaire.
Les querelles des médecins entre eux ne retentissaient pas du moins en dehors des Facultés,
de systèmes,
et,
malgré des divergences inconciliables d'opinions
médecine conservait, vis-à-vis de sa
la
une autorité souveraine, en
Italie
comme
et
clientèle souffrante,
en France. La plupart des mé-
decins étaient encore, au quinzième siècle, ce qu'ils avaient été dans
le
quatorzième, adorateurs superstitieux de l'arabisme astrologique, imitateurs serviles et aveugles de leurs prédécesseurs et empiriques ignorants.
On
attribuait,
aux saisons, aux périodes lunaires, aux heures du jour
une action directe sur
la nuit,
croyance générale,
le
humeurs du corps humain. Suivant
sang, pendant
pour redescendre ensuite avec sait,
les
la nuit
la ;
journée, s'élevait vers
l'atrabile descendait, et enfin la pituite,
donc
dans
la soirée.
dans gne. et
et
fut à
Padoue que
aux utopies de
Cependant la
soleil,
deuxième heure,
Les meilleurs méde-
où
le
Portu-
Parme, Mengo Biancheli de
de Montpellier, de Pisc, de Padoue, de Pavie les
professeurs Guainer, Bartolomeo
Michel Savonarole osèrent
depuis
la
Bencio de Sienne, enseignaient encore l'arabisme scolastique
les chaires
Ce
la
être les meilleurs astrologues, à l'époque
gais Tarenta, Jacques de Forli, Cernisone de
Faenza,
le
de
à la troisième heure la bile s'abais-
pour ne pas mêler son âcreté au cours du sang; à
cins devaient
et
la
la
les
premiers déclarer
médecine astrologique
la
et
de Bolo-
Montagnana
guerre aux préjugés,
et cabalistique.
simple nomenclature des ouvrages médicaux, publiés
découverte de l'imprimerie jusqu'eà
la fin
du quinzième
siècle,
SCIENCES MÉDICALES
suffit
pour démontrer que l'enseignement médical
était
exclusivement
arabique dans toute l'Europe savante. La traduction latine d'Avicenne est
imprimée à Milan en [473, à Padoue en 1476,
Fig. 121.
à Strasbourg. et
on
Mais
la
— Charlatan-opérateur.
et
peut-être antérieurement
Fac-similé d'une gravure de Wael. xvn"
La traduction de Mesué
avait déjà para à Venise en 147
réimprimait presque simultanément dans cinq ou
les
siècle.
œuvres d'Hippocrate ne furent mises au jour qu'en 1526,
texte -original de Dioscoride et de Galien
1,
six autres villes.
et le
ne rencontra pas d'imprimeur, en
SCIENCES ET LETTRES.
iS8
Italie
ou en France, avant
le
commencement du seizième
de Celse avait seul trouvé grâce devant
grecque
romaine.
et
En
revanche,
les
Le
siècle.
traité
antagonistes de la médecine
les
renom
professeurs en
am-
s'étaient
plement servi de l'imprimerie naissante, pour mettre en lumière
et
propa-
ger leurs propres écrits. Il
appartenait à
l'illustre
Antonio Benivieni de fermer glorieusement
seizième siècle, en faisant justice des rêveries arabes, en revenant à trine
pure d'Hippocrate, en commentant
les livres
même
ses théories sur les recherches d'anatomie, qu'il
proclamait
la seule
la
le
doc-
des anciens, en appuyant
d'anatomie pathologique,
règle de l'art, et ses disciples
Jean de Vigo
et
Bérenger de Carpi continuèrent dignement son œuvre. Vigo imprimera bientôt sa Practica in arte chirurgien copiosa
qui en moins de trente années obtiendra
compter
tions, sans
la
les
(Rome,
i5 14
in-fol.),
,
honneurs de plus de vingt
traduction française publiée sous ce
titre
:
édi-
Prati-
ques de chirurgie de très-excellent docteur en médecine Jean Vigo. Ses préceptes seront répétés, dans lui restera le triste
mes
renom
le
monde, comme autant
d'avoir imaginé
la
sous
le
vain prétexte de détruire
pendant plus d'un
venin existant dans
le
les plaies,
devait livrer des milliers de patients aux plus atroces tortures.
Bérenger,
il
releva l'école de Bologne
s'ensevelir, et
son beau
du
discrédit
traité des fractures
il
cautérisation des plaies d'ar-
à feu par l'huile bouillante, pratique barbare qui,
siècle,
d'oracles, mais
où
le
à
semblait prête à
elle
du crâne
Quant
rend digne encore
de l'estime des savants.
L'Allemagne juifs (rlg.
du
était
toujours livrée aux astrologues, aux pharmacopoles
ambulants, à tous 121).
les
suppôts de l'ignorance
Toutefois, quelques
hommes marqués du
et
de
la
sceau de
talent apparaissent çà et là dans les villes impériales
Francfort,
Hambourg, de même que dans
les cités
:
superstition la
raison et
Strasbourg,
studieuses de
la
Suisse.
Là, de simples barbiers deviennent magistralement habiles, à force d'expérience et de sagacité.
dorf
et
livres,
En même temps, Jérôme Brunswich, Jean Gersd-
Roeselin font école à Strasbourg,
que
la
Hollande
Jusqu'au seizième
et l'Italie
et
par leur pratique
et
par leurs
traduisent aussitôt, pour se les approprier.
siècle, l'esprit
médical du
moyen
absorbé par l'arabisme, se débat avec énergie contre
les
âge,
dominé ou
tendances réno-
SCIENCES MEDICALES.
vatrices qui se manifestent par intervalles dans le corps enseignant. tradition, la routine, les préjugés la
remportent
;
l'habitude du merveilleux,
recherche vague de l'inconnu retardent eucore une révolution générale,
qui est inévitable, mais qui n'ose s'avancer que lentement
Quand
vient
Fig. 122.
le
—
seizième
siècle, rien
Portrait de Claude de France,
Collection de
milieu des ruines
:
le souffle
de
la
fille
ouvriers n'ont pas
même
reconstruction de l'édifice. lais,
pour
ainsi
Renaissance s'y promène,
Le doute,
siècle.
à Paris.
manquent
de chantier où
avec son rire sceptique, est
par étapes.
de Louis XII. Peinture de Clouet. xvi"
M. Double,
vers des débris et des matériaux épars qui les
et
encore n'est préparé pour une grande
réforme scientifique; Part médical ne subsiste,
et
La
ils
dire,
comme
dégénéré, dans une société qui aspire
la satire et
à tra-
d'architectes et dont
puissent travailler à
l'incrédulité régnent partout.
comme
qu'au
vivante de
l'art
la
Rabe-
abâtardi
qui tend à se transformer de
fond en comble. Ce furent des sceptiques d'un autre genre, cet Henri
SCIENCES ET LETTRES.
190
Corneille Agrippa de Nettesheim
,
qui, tout en combattant certaines er-
reurs philosophiques, voulait
y substituer
Paracelse, fou sublime, dont
la
tant
1
l
alliance hybride d'un
la
théurgie
et la
magie;
et ce
magnifique intelligence admettait pour-
mysticisme kabalistique avec
la
médecine
et les
sciences occultes, et dont les traces lumineuses ne furent suivies par per-
sonne, car
la foi scientifique
qui enflammait son génie n'avait pas
jeté
une
dans Pâme indécise de ses contemporains, sceptiques aussi, Ar-
étincelle
quand
gentier, Joubert, Rondelet, forts
quand
ries, faibles
ils
attaquent
les
anciennes théo-
tentent d'en établir de nouvelles, vigoureux esprits,
ils
ardents semeurs d'idées, déblayeurs infatigables, mais constructeurs
Chacun
ladroits et inhabiles.
bâtit
un système qui
s'élève
qui s'écroule sans laisser aucun vestige.
éclat et
ma-
un moment avec
Quelques-uns, plus
savants ou plus sages, se contentent d'être philologues, de traduire, de revoir et de
commenter
les
Œuvres d'Hippocrate,
médecine grecque
tres de la
et
de Galien
des maî-
et
Thomas Leonicenus
romaine; ce sont
Gonthier d'Andernach, Fuchs, Jacques Houlier, Louis Duret,
etc.
Les grands médecins de ce temps-là, ceux qui travaillaient seulement
pour l'amour de
la
science, étaient pauvres et avaient peine à vivre de leur
profession. Ils n'exerçaient pas
lement à étudier
la
maladie
même
et le
médecine,
la
malade.
médecin n'étant pas taxés, on pouvait dérisoire
Au
les
ils
surplus, les honoraires du
réduire dans une proportion
Paracelse réclamant d'un chanoine de Bille qu'il avait guéri
:
ioo florins, qui
lui
étaient
promis, une sentence du magistrat alloua
6 florins à ce célèbre docteur spagyrique. Lorsque
reux
reconnaissant,
et
le
rois, des princes et des seigneurs.
et
il
la fille
eut
le
S2S
Claude, le
se
roi,
fit
la
malade
était géné-
sauver;
les
médecins ordinaires des
Honorât Picquet, médecin de Louis XII,
Claude de France
bonheur de
maternelle,
palans
du
le
médecin recevait des honoraires considérables
Les plus favorisés devaient être naturellement
soigna
se consacraient seu-
(fig.
122), dans
Anne de Bretagne, dans
la reine
payer à maître Honorât Picquet
livres tournois. François
I
une grave maladie,
er ,
la
somme
de
3 00
qui épousa depuis
la
écus d'or, princesse
souvint de cette cure presque miraculeuse, et, quand
Collège royal,
il
sa joie
il
fonda
n'oublia pas d'y créer une chaire de médecine, qui fut
toujours occupée par un médecin français.
SCIENCES MÉDICALES.
La Suisse
191
n'avait pas cessé de produire de savants médecins, qui ajou-
taient sans cesse de
nouveaux
traités à
l'innombrable bibliographie des
ouvrages de médecine. Voici venir simultanément trois colosses d'érudition, trois excellents professeurs,
laume Fabrice, qui seront Voici, en
même
Fig. 123.
la
temps, que
— André
Conrad Gessner, Jacques Ruff et Guil-
lumière des écoles de Lausanne les
et
de Berne.
Universités de Leipsick, d'Ingolstadt, de
Vesale. Gravure sur bois, d'après
le
dessin de
J.
de Calcar, élève du Titien.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
Wittenberg sortent enfin de leur long sommeil les écoles italiennes
tomistes
et
qui ont retrouvé leur vieille
et
en prenant pour modèles
renommée
avec
les
ana-
médecins Cannani, Cesalpino, Fallopio, Eustachi, noms chers
à la science. Partout où
gène
,
il
y a des médecins,
ils
forment un corps homo-
compacte, solidement constitué, jaloux de ses privilèges
droits acquis; ces
médecins
se font bien la guerre l'un l'autre,
souffrent pas qu'on les attaque dans leurs prérogatives riches, puissants, honorés.
;
ils
et
mais
de ses ils
ne
sont partout
SCIENCES ET LETTRES.
IÇ)2
Pendant que
les
Tolède, de Valence
que
les
Arabes
Universités de Salamanque, d'Alcala, de Henarez, de et
de Coimbre, renaissent, pour ainsi dire, aux études
et les Juifs
France, qui est toujours à
avaient portées
de tous
la tête
lutions, voit arriver sur la scène médicale
teur de la science anatomique, et les Brissot, et les
s'élève tout à
Fernel,
et les
vénu pauvre la
et
obscur
à
le
moyen
progrès et de toutes
âge, la
les
révo-
ou chirurgicale l'immortel fondar
20),
né à Bruxelles en
1
5 14,
Sylvius, et les Ranchin. Mais la barberie
commencement du
à Paris, sort tout à
l'art cet
incom-
seizième
siècle),
coup d'une chétive échoppe
place Saint-Michel, et voit s'ouvrir les portes
devant sa réputation éclatante, la
pendant
coup à une hauteur imprévue, en donnant à
de barbier sur
sur
les
loin
André Vesale (fig.
parable Ambroise Paré (né à Laval, au qui,
si
et
du Louvre
qui, quoique huguenot, peut s'appuyer
faveur de plusieurs rois, pour réformer, transformer ou plutôt créer
nouveau
la
chirurgie, en l'associant à la médecine.
Fig. 124.
—
Bannière de
la
corporation des apothicaires de Mayenne.
CHIMIE ET ALCHIMIE Dioclétien
brûler les livres de chimie.
fait
miers chimistes. Àlbucasis
—
Raymond
Lulle.
—
-
Paracelse.
Rhasès.
—
—
Le
Averrhoès.
et
des lunettes.
—
—
—
Les
—
Aroun-al-Raschid protège
La chimie en honneur chez solitaire
lullistins
ou
Morienus. illuminés.
L'alchimie au quinzième siècle.
Georges Agricola.
L'alchimie enfante
la
—
les
— Albert — Arnauld
le
—
Conrad Gessner.
L'Italien
l'art
sacré.
Sarrasins.
—
Grand
Gerbert.
et
—
Geber, un des pre-
Avicenne, Sérapion, Mesuc.
—
—
Vincent de Beauvais.
— Roger Bacon. — Invention — Origine des Rose-Croix. — Agrippe. — Histoire de Nicolas Flamel.
de Villeneuve. J.-B. Porta.
— Corneille
métallurgie.
'ayant encore aucune
que, dans chrétienne,
les la
application prati-
premiers siècles de
l'ère
chimie se bornait à des
théories incertaines
purement spécula-
tives; elle se trouvait
physique, sous
confondue avec
dénomination
la
la
dCa?~t
divin, d'art saç-ré, de science sacrée,
dans l'ensemble incohérent des propositions transcendantes qui constituaient la
haute philosophie. Le
en grec yw/rdec, en
latin
chymia), employé pour
la
première
mot chimie par Sui-
fois
das, lexicographe qui vivait au dixième siècle, ne désignait alors qu'un alliage d'or et d'argent.
clétien, irrité d'une
Suidas raconte, à ce sujet, que l'empereur Dio-
révolte des Égyptiens contre
avait fait livrer
aux flammes tous leurs
rebelles, en
les
empêchant d'exercer
daient de
fonte et
la
du
travail des
les lois
livres de chimie,
la
conquête avait été
le
pour punir
les industries lucratives
métaux précieux
(fig.
Suidas, dans un autre endroit de son Lexique, affirme que
dont
de l'Empire,
i25). la
les
qui procé-
Le
même
Toison
d'or,
but de l'expédition des Argonautes, n'était SCIENCES ET LETTRES.
— 25
194
rouleau
autre qu'un antique
déposé
le
secret
de
faire
de
de papyrus dans lequel Yart sacré avait
l'or.
Sans attacher trop d'importance à ces traditions lointaines que
met au rang des
fables,
semblent constater
Fig. 125.
—
on peut
point
le
Vulcain gaulois. D'après un en 171
1,
et
les recueillir
de départ de
monument
la
critique
néanmoins, parce qu'elles
la
chimie chez
celtique, découvert à Paris sous le
conservé aujourd'hui au musée de Cluny
et
les
anciens.
chœur de Notre-Dame,
des Thermes.
Ajoutons qu'un ouvrage manuscrit de Zosime, historien grec du cinquième siècle, fait
mention du Chêma
(Xy^oc), livre
apocryphe où
des enfants de Dieu (les descendants de
Seth), que
montre en relation nuptiale avec
de
les filles
enregistré leurs découvertes dans les arts et scientifiques.
Suivant Scaliger, ce serait donc
la science principale, Il
à
la
ne faut pourtant pas,
science mère,
comme
on
le
l'état le
nom
l'a fait,
la race
la
les
géants,
fils
Genèse nous
de Gain, avaient
de leurs connaissances
Chêma qui
aurait
donné à
de chimie.
invoquer
le
témoignage d'un
CHIMIE ET ALCHIMIE.
roman
grec
siècle,
mais attribué au philosophe Athénagoras
1
i
,
V Histoire de
i
95
Thêagène, composé réellement au seizième qui l'aurait écrit vers
,
an 176. Les opérations chimiques décrites dans ce roman apocryphe ne
peuvent servir à prouver que, dès connaissait, en Grèce l'origine
,
la
alchimie (par l'adjonction de
que
l'art
sacré,
l'art
sous l'influence de
la
—
premier
après Jésus-Christ
siècle
on
,
science hermétique, dont on faisait remonter
au fabuleux Hermès
Fig. 126.
le
(fig.
l'article
L'alchimiste
126), et qui fut plus tard
arabe al au
mot
nommée
grec chemeia), alors
Hermès, d'après une gravure de
Vriese.
des philosophes de l'école d'Alexandrie, transformée civilisation
mahométane, commençait à
se
répandre
dans l'ancien monde. L'académie de Bagdad, fondée par
le calife
Al-Mansour,
rivalise d'éclat
avec l'école chrétienne de Dschindisabour. Les califes Aroun-al-Raschid,
Al-Mamoun, Motawakkel, imprimèrent, pendant impulsion féconde aux sciences d'observation tales
ques
,
et
par conséquent à
hommes
la
physique
et à
h
,
neuvième
le
siècle,
une
aux méthodes expérimen-
chimie.
On
vit çà et là
quel-
supérieurs échapper aux vues purement théosophiques, qui
avaient trop longtemps guidé exclusivement les philosophes orientaux,
HP* L^tkiVSV Wm
Jt*- ».'*! 1
et
SCIENCES ET LETTRES.
chercher dans
chimie autre chose que
la
transmutation chimérique des
la
métaux.
Dès
le
huitième
apparaissent à
siècle,
personnalités scientifiques ingénieuses, fut
rosif), l'acide nitrique,
et
hydrochïorique,
l'acide
se consacra surtout
Swnma perfectionis
phoram (le étudiant
aux
arts
(la
fusion
la
,
le
les
latin,
nitrate d'argent, etc.
de perfection)
le
moyen
siècle
célèbre médecin arabe Razi
réalgar
le
fois
(à titre
âge,
et
,
On
n'est
données disait
,
telles
comme
que
qui
est le
livre
ce livre encyclopédique
de soufre)
,
il
borax
le
est et
du mercure avec
inconnues ou inusitées
pas peu surpris de voir Rhasès recommander aux
médecins l'emploi de différentes préparations alcooliques animales
ce
faut descendre
œuvre
cuivre,
le fer et le
de l'arsenic avec diverses substances
jusqu'alors.
il
et
de matière médicale,
(composé d'arsenic
certaines combinaisons de soufre avec les acides
Après
pour trouver une œuvre qui doive
ou Rhasès. Dans
première
la
a
Liber philo so-
maître des maîtres,
arrêter l'attention au point de vue de la chimie. Cette
vrai) l'orpiment,
et
purification et la malléabilité des métaux.
au commencement du neuvième
les
véritables bases de la chimie, en
mérita de devenir l'oracle des chimistes du
sont indiqués pour
sublimé cor-
(
notamment ceux qu'on
grand chimiste, que Roger Bacon appelle
du
et le
magiques; mais Geber, dont
Somme
Livre des philosophes), posa
la
delà Nature,
les secrets
deutochlorure de mercure
le
ouvrages nous sont parvenus traduits en intitulés
suite d'expériences
ou Yeber, originaire de Mésopotamie, qui découvrit
127)
analysa l'oxyde rouge
Al-Chindus
Al-Chindus, qui, par une
un des premiers à surprendre
fameux Geber (fig. et
:
en Orient, deux imposantes
la fois,
l'huile
de fourmis
,
que
des remèdes de leur invention.
et
des huiles
les
chimistes modernes ont
«
L'art secret de la chimie,
Rhasès, qui avait écrit sur cette science un traité spécial que nous ne
possédons plus,
est plutôt possible
qu'impossible
lent qu'à force de travail et de persévérance.
l'homme peut
lever
un coin du
;
les
mystères ne se révè-
Mais quel triomphe, quand
voile qui cache les
œuvres de Dieu
Le savant M. Emile Bégin, que nous suivons pas à pas dans sur l'histoire de
la
chimie, constate que cette science
âge, dirigée par l'analyse expérimentale.
modèle, jusqu'à Galien,
dit-il,
«
était,
dès
!
»
cette étude le
moyen
Depuis Schal, l'expérimentateur
combien de découvertes importantes,
d'idées
CHIMIE ET ALCHIMIE.
197
originales et fécondes, d'applications précieuses, sont sorties du creuset des
chimistes
!
Combien d'existences
se sont usées de la sorte
!
Combien d'ima-
ginations laborieuses ont recherché les mystérieux rapports établis entre la
matière organique
intimes de
la
et
la
matière organisée, ainsi que
matière avec elle-même!
croyances superstitieuses
On comprend
que
Fig.
titre
ElHhàmQt
le
mêle, à
bien des folies.
et bizarres, et
ces époques reculées, était surtout
Il s'y
nature
même,
de guérir
,
ne pouvait être que tout à
il
a été composé.
Gn
sances étaient dès lors assez avancées métallurgie, à
de
la
latin
sous ce
la science fait
au point de
impropre
,
par sa
la
devine seulement que ces connais;
mais
les
applications de
la
chimie
docimasie, aux arts de luxe, aux industries diverses,
fonte des métaux, la confection des
mentation des
savant, à
à nous transmettre l'ensemble des connaissances chimiques
de l'époque où
la
Chaque
Contenant), ce vaste répertoire pharmaceutique rassem-
l'art
que
bien des
L'alchimiste Geber, d'après une gravure de Vriese.
1:
vue de
telles
la vérité,
grand ouvrage de Rhasès, traduit en
un homme de génie qui envisageait toujours
la
combinaisons
un rêveur.
blé par
à
»
les
édifices,
des meubles,
science pratique,
etc.,
armes de guerre,
l'orne-
tous ces secrets, tous ces procédés
demeurent ensevelis dans
la
tombe de
tant de
générations d'artistes qui n'ont pas laissé d'autre trace de leur passage
que quelques-unes de leurs œuvres. L'histoire nous renseigne moins, à
cet
]
SCIENCES ET LETTRES
98
égard, que ne peut
l'Espagne d'art qui
de
et
le faire
la
un regard
promené dans
musées de
les
où sont conservés beaucoup de monuments
Sicile,
témoignent de
attentif
merveilleuse habileté des industries sarrasines
la
mauresques.
et
Le Canon d'Avicenne,
ouvrages de Sérapion
les
(voy. le chap. Sciences médicales) renferment
néanmoins, en
rations chimiques, des détails curieux qui attestent loin en loin, signalent
Mesué
jeune et de
le
d'opé-
fait
un progrès
et qui,
de
une découverte. Déjà même, chez Mesué, c'est-à-dire
au milieu du neuvième
siècle
,
on reconnaît certains principes de
classifi-
cation raisonnée des corps qui composent la matière organique.
Un
savant du onzième
des médecins ses
remèdes
et
siècle, qui,
après s'être élevé au premier rang
des chirurgiens, ne dédaignait pas de préparer lui-même
et ses
instruments, Albucasis, sorti des écoles arabes de Cor-
doue, annonça, par l'indépendance de ses idées, par leur application pratique
qu'une ère nouvelle
,
subtilités
allait
pour
naître
science, au milieu des
la
nuageuses de l'islamisme. Avenzoaret Averrhoès furent
les
prin-
cipaux apôtres de cette doctrine lumineuse qui semblait destinée à éclairer
de proche en proche lemonde scientifique. Malheureusement, au moyen âge, l'esprit
cheurs
Rome
humain et les
pour
facilement entraîné au-delà des bornes. Les cher-
inventeurs, se cacher
pas sans danger siècle
était
tels
dans
les écueils
que
le
savant Morienus, qui
ténébreux de
où l'ignorance confondait avec
nommait
Y art
de l'Egypte
les déserts
la
la
auraient peut-être
fait
condamner comme
la
les
chimie
et la
métallurgie
les
sorciers. la
Cour de
qui, loin de tenir compte des superstitions populaires, va chercher
au fond de sa Albert
un
opérations de ce qu'on
Inclinons-nous, en passant, devant l'admirable sagesse de
Rome,
de
149), n'affrontèrent
science expérimentale, dans
magie
du feu. Leurs travaux dans
(fig.
s'était enfui
le
cellule
Grand, pour
un modeste moine dominicain le
créer maître
de Ratisbonne (1260). Mais,
du sacré-palais
comme nous
qui
,
,
devait
être
puis évêque de
l'avons déjà dit (voy.
le
chap.
Sciences philosophiques), ce moine philosophe, devenu prélat, fatigué bientôt des grandeurs et des vanités mondaines, les
pour rentrer dans l'ombre du chers labeurs de
savant.
cloître, afin d'y
Autour de
lui,
abandonne sans
regret,
poursuivre en silence ses
tout devient alors
surnaturel
CHIMIE ET ALCHIMIE.
et
merveilleux
invisibles
on
-,
on
on
le
suppose en commerce criminel avec
lui attribue
croit qu'il fait de l'or.
échos.
On
roger sur
des œuvres de ténèbres
Le nom d'Albert
;
les
on l'accuse de magie
les arts abstraits
auxquels participent
opérations de la chimie
les
ses révélations et ses recettes ; des milliers de
Fig. 128.
— L'alchimiste Raymond Lulle, d'après une
du moine ou de l'évêque, qui a cessé de sophiques, répète encore avec honneur
ne faudrait pas croire que
les
lire ses le
les intérêts
de
la science.
innombrables
roi
nom du grand
nicain,
souvenir
Albert.
fait
moyen
les
âge
certains papes,
de France, dont
vénérée n'a trouvé ni grâce ni merci devant
le
écrits philo-
princes et les souverains du
Cependant un
;
mains multiplient
gravure de Vriese.
envisageassent, d'un point de vue aussi élevé que l'ont
siècle,
,
ira frapper les plus lointains
copies de ses manuscrits, et la postérité, qui a un peu perdu
Il
puissances
accourt de toutes parts pour voir ce célèbre docteur, pour l'inter-
on se dispute les
:
199
la
mémoire
philosophes du dernier
Louis IX, avait donné pour précepteur à ses enfants un moine domile
Pline,
le
Varron du moyen âge, Vincent de Beauvais,
gieux encyclopédiste, qui vivait en quelque sorte avec leurs plus
vais fut
beaux
écrits étaient
soupçonné de
méprisés
et
les
ce prodi-
anciens, alors que
condamnés. Vincent de Beau-
sorcellerie, parce qu'il
s'éloignait
des discussions
SCIENCES ET LETTRES.
200
oiseuses de l'école
préau de
la
,
pour opérer
La haute raison du
Sainte-Chapelle.
reine Blanche
manipuler, dans son laboratoire, au
et
roi, la piété
de sa mère
la
avaient peine à défendre leur docte protégé contre les
,
accusations les plus ridicules. Souvent, vers minuit, des curieux se glissaient
,
en tremblant,
attentifs,
sur
magiques,
le
du Palais de Vers (né à
la
démon
,
penchaient,
et se
des fourneaux
reflet
familier que maître Vincent évoquait sous les voûtes
la Cité.
même
époque, on ne parlait que de l'alchimiste
Palma, dans
On
lapidé par la populace de Tunis, en i'3i5. ses
la
Lulle
longue exis-
une mort tragique, car
.
parmi
Raymond
Majorque), un moine aussi, dont
File de
tence, errante, aventureuse, devait aboutir à
jours, que,
Seine
la
pour essayer d'apercevoir, au
fleuve,
le
long des bords de
le
nombreux ouvrages de
a
il
fut
voulu prouver, de nos
théologie et de philosophie,
ceux qui traitent de l'alchimie appartiennent à un autre savant, presque
contemporain, portant
dans
la science
et
lTnquisition,
Mais
hermétique qui avaient
On
théologien de Majorque.
étonnant,
même nom.
j.e
Ton s'il
affirmait
ce sont justement ces travaux
fait
renommée
la
légendaire du
racontait mille contes ridicules sur cet été
qu'il aurait
poursuivi
comme
n'eût pas réussi à fabriquer, au profit
de fausse monnaie,
roi d'Angleterre, six millions
à l'aide
homme
sorcier par
d'Edouard desquels
le
I
er ,
mo-
narque anglais avait promis d'entreprendre une nouvelle croisade contre les infidèles.
Raymond
Lulle
ou illuminés,
s'intitulèrent lullistins fin
malheureuse de leur
Rome sous
le
128) laissa de
(fig.
ne paraissait pas éloignée de prestige de
les lullistins
la
lui
magie noire leurs
avaient répandu, dans
le
disciples qui
qui exploitèrent habilement
et
maître, au
illustre
nombreux
moment même où
accorder
la
la béatification.
essais d'expérimentation
la
Cour de Cachant
chimique,
peuple, que l'âme du saint martyr
apparaissait à certaines heures nocturnes et apportait à ses plus dignes
néophytes
les secrets
du
transformer en or pur
ciel
les
,
notamment en
métaux
considérable par toute l'Europe,
les
et,
plus
ce qui touche l'art divin de
vils.
Le
crédit des illuminés fut
bien que leur secte, par ses pratiques
occultes et ténébreuses, semblât destinée à encourir les rigueurs des lois civiles et ecclésiastiques
,
elle
une sorte de tolérance pour
trouva de les
la
hommes
part du clergé et des magistrats
éminents qui
lui étaient affiliés.
CHIMIE ET ALCHIMIE.
201
Les réunions mystérieuses des illuminés s'entouraient, en Allemagne surtout,
1
d un appareil redoutable
:
elles avaient lieu la nuit,
déserts et sauvages, et de préférence dans
ou de cuivre
129), là
(fig.
où
semblaient en harmonie avec
que
les frères
allemand
de
la
nommé
quinzième
du
l'âpreté les
voisinage des mines de fer
du paysage
sol et l'aspect désolé
arcanes du grand œuvre.
Rose-Croix, qui devaient leur
Rosenkrutz, succédèrent aux
nom
On
pense
à un gentilhomme
lullistins vers
la fin
du
siècle.
Fig.
129.— Le mineur, dessiné
et
gravé au xvi' siècle par
Contemporain de Raymond Lulle, neuve, versé
comme
lui
dans
les
substances.
Il
la
més depuis
approfondissait
médecine;
il
le
J.
Amman.
Languedocien Arnauld de Ville-
langues orientales, mathématicien, philo-
sophe, médecin, interrogeait aussi
besoins de
le
en des endroits
la
nature par l'analyse des corps
surtout
découvrit ainsi
la
science
et
des
chimique pour
les
qu'on a nom-
les différents acides
sulfurique, nitrique et muriatique;
il
fabriqua,
on, les alcools et l'esprit-de-vin. Arnauld de Villeneuve
le
fut,
premier, dit-
avec Albert
le
Grand, une des plus hautes personnifications de Fart expérimental, au
moyen
âge, cet art encore indécis et confus, qui n'échappait à la suspicion SCIENCES ET LETTRES.
—
26
SCIENCES ET LETTRES.
202
farouche de l'ignorance, qu'en
1
s
exerçant silencieusement sous la protection
des rois ou bien à l'ombre des cloîtres.
deux
esprits d'élite,
devoir embrasser
faut toutefois regretter
Il
Arnauld de Villeneuve
les
opinions
et
Raymond
systèmes de
et les
Lulle
que
aient cru
,
théosophie
la
ces
source des théories fausses, ridicules ou absurdes, qui mirent
,
cette
souvent
obstacle à l'application des plus remarquables découvertes de la science.
A la même Roger Bacon
époque, l'Angleterre eut l'honneur de donner naissance (fig.
i3o), dit le
Fig. i3o.
rement les
le
—
Docteur admirable, qui faillit aussi payer chè-
L'alchimiste Roger Bacon, d'après
crime d'être incompris
et
lenticulaire.
ciel
employé qu'en médecine,
il
la
,
et
composa
;
Il
avec la
légende populaire qui
victime de sa terrible découverte
conséquences de
passa dans
siècle. Il
Armati venait
la
avait trouvé le salpêtre,
représente
sans prévoir,
il
forme
il
ouvrit les
une substance
qui n'était encore
poudre à canon. le
la
perfectionnant, et
télescope, avec lequel
le
aux astronomes futurs.
combustible analogue au phosphore
la
invention, en
cette
créa les lunettes achromatiques et
aucun compte de
de devancer son
un procédé nouveau pour donner au verre
Bacon s'empara de
immensités du
une gravure de Vriese.
L'Italien Salvino degli
cachots une partie de sa vie.
alors d'inventer
à
Il
ne faut tenir
comme
la
première
est vrai, les prodigieuses
fabrication de cette mixture inflammable et détonante,
CHIMIE, ALCHIMIE.
il
ne craignit pas d'affirmer qu'on en verrait sortir une révolution dans
Part de la guerre. siècle
En
effet, la
ne tarda pas à donner
,
Bacon avait approfondi toutes il
203
doutait de son
œuvre
;
il
fonte des cloches, usitée depuis l'idée
de fondre des canons
les sciences, et
échapper
laissa
repens de m'être donné tant de peine dans Ainsi, dès
magne
Fig.
1
3
1
cette plainte l'intérêt
De
d'une cloche, en présence d'un évêque qui
grand art,
et la
et leur
conception
de mort,
:
des sciences.
siècle, la
Roger
«
Je
siècle.
la bénit.
D'après
le
me
»
France, l'Alle-
un
Rationale divinorum offi-
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
le
langage de
c'est-à-dire la connaissance des secrets de la nature.
ces trois savants philosophes,
haute
lit
amère
des plus illustres représentants de ce qu'on appelait, dans le
1).
avaient produit presque simultanément chacune
ciorum de Guillaume Durand, ms. du xiv e
l'époque,
3
1
pourtant, sur son
commencement du quatorzième
et l'Angleterre
— Fonte
.
le
(fig.
troisième
le
la
Bacon
est celui qui eut la raison la plus
plus vaste ; tous trois se vouèrent à l'enseignement,
parole éloquente, inspirée, enthousiasma de
nombreux
auditeurs,
qu'une vérité toute simple, toute vulgaire, auraitlaissés froids et indifférents.
Quand Bacon
décrivait le
régulière des planètes,
quand
il
mouvement de
quand
il
la
machine
exposait la théorie du
céleste,
la
marche
monde physique,
mettait en relief les lois mystérieuses qui régissent la matière et
SCIENCES ET LETTRES.
204
qui président à
la
transformation des substances, on l'écoutait avec admi-
ration, et personne n'eût élevé la voix
convaincu lui-même par démonstratives dont avoir résolus,
Mais aussi
et
il
contredire
le
les résultats qu'il avait
obtenus
se servait, par les grands
il
faisait
,
car
,
par
problèmes
était
il
preuves
les
qu'il croyait
passer sa conviction dans l'esprit de ses auditeurs.
expérimentale empruntait souvent ses démonstrations
la science
au charlatanisme
pour
plus impudent. Arnauld de Villeneuve étalait, aux
le
yeux des Parisiens ébahis, tantôt des plaques de cuivre convertir en argent
,
qu'il venait
de
des feuilles d'argent qu'il prétendait
disait-il, tantôt
changer en or pur. Les assistants criaient Noël, à
la
vue de ces expériences
qui semblaient alors tenir du miracle et qui sont aujourd'hui des jeux d'enfants
que dédaigne
d'eau eût
suffi
le
Un
dernier chimiste.
pour détruire
témoin, plus instruit que
peu d'acide nitrique étendu
mais
l'illusion,
il
n'y avait pas
là
un
seul
qui osât s'inscrire en faux contre
les autres,
les
prodiges qu'on attribuait aux puissances infernales. d' Arnauld
L'Inquisition brûla les livres magiques et alchimiques
Villeneuve, après avoir
Clément V, deux de (le
ses
condamné
et,
moderne
n'a
Cologne
,
et le
Flos florum
siècle,
Rosarium philosophorum
(la
Fleur des et
encyclopédiques d'Albert n'avaient pas eu du
à entretenir l'activité
ils
la
servirent, pendant
Quant à VOpus majus
de Roger Bacon,
avait trouvé dans la bibliothèque
lité
qu'il
méritait à
si
un demi-
presses rhénanes, sans que la vraie
un grand
il
à
censure ecclésiastique,
science en ait retiré
profit.
indications utiles.
Grand, pieusement conservés
le
moins à redouter
des
fleurs), furent
ténébreux, la science
pu qu'à grand'peine découvrir quelques
dès que l'imprimerie fut découverte,
et,
le
dans ces compilations en style diffus
épargnés,
écrits
mémoire. Cependant, grâce au pape
ouvrages seulement,
Rosaire des philosophes)
Les
sa
de
juste titre, et l'on peut dire
pape Clément IV, gardait en dépôt toute
la science
(le
grand œuvre)
du Vatican
que ce
livre,
l'hospita-
dédié au
du moyen âge.
Quant aux disciples de Roger Bacon, d'Arnauld de Villeneuve et d'Albert le
Grand,
le
plus grand
mation des métaux,
nombre
et négligé
qui continuèrent à pratiquer
aucun
la
avait renoncé à la
même
les
chimère de
la
transmu-
opérations du laboratoire
méthode expérimentale ne
;
ceux
tirèrent presque
parti de leurs découvertes effectives, par suite des rêveries insensées
CHIMIE ET ALCHIMIE.
s'abandonnaient, en s'obstinant à chercher
auxquelles
ils
phai
i32).
la
(fig.
Le premier,
chimie proprement
sur les doses
comme un
et
pour
dite, fut Gentile Gentili
Fig. i32.
—
et
les
cette
temps où
il
fut
préparer des eaux minérales
sut
Arduino, de Pesaro, dont
la
les
Consolation de la Philosophie, de Boèce,
artificielles,
ouvrages ont
le
édit.
d'Augsbourg,
et 1
comme pour
époque encore,
tirée de
la
537, in-fol.
fait sortir
et
précédentes, nous devons arts industriels
consigné dans des traités spéciaux.
de nouveau découverts, trois ou quatre la suite
les
aux travaux des
d'ingénieux procédés perdus pour toujours
pas plus d'intérêt
mérite
ses creusets.
et 134), rien n'ait été
hasard ou à
et
composé. Voici venir ensuite Antoine
regretter que, de tout ce qui touchait
33
le traité
considéré
être
substances à bases minérales, que l'alchimie avait
récemment de
(fig. 1
de Foligno, dont
L'alchimiste allemand. Fac-similé d'une gravure sur bois attribuée à Holbein
de préciser
Pour
côté pratique de
le
,
le
traduction allemande de
tout
pierre philoso-
résumé de chimie médicale résumé très-complet
Quainer, de Pavie, qui Saladin, d'Ascoli,
peut-être, qui ait envisagé
la
proportions médicamenteuses peut
les
véritable
très-judicieux
205
de longues
!
Combien
d'autres qui n'ont été
siècles plus tard,
et laborieuses
de profit à consulter
les
Combien
recherches
!
que par
Ne
l'effet
du
trouverait-on
cahiers de notes journalières
SCIENCES ET LETTRES.
20Ô
d'un artisan de ce temps-là, que
le fatras
énigmatique
et
trop souvent stérile
des manipulateurs du grand œuvre?
Les alchimistes,
Où
tifique.
d'ailleurs, procédaient sans
pouvaient
les
mener
méthode, sans théorie scien-
métaux, sur l'existence d'un corps simple exceptionnel sur la recherche d'une panacée universelle
?
Ils
les trois
taient par le feu,
combinaient entre
soin les divers
mique
;
puis
mènes avec
Fig. i33.
phénomènes
les
ils les
règnes de
idées les plus bizarres et à
monétaire au xv°
la
siècle.
indécomposable,
Nature
elles,
isolés qui se produisaient
s'attachaient à concilier autant
ils
— Atelier
;
et
prenaient une à une
substances que leur fournissaient
par l'eau
morale des
leurs systèmes sur la valeur
;
les
ils les trai-
en relatant avec
dans l'opération chi-
que possible ces phéno-
donner ensuite aux produits
Fac-similé réduit d'une gravure sur bois au bas d'un placard
monétaire, imprimé à Louvain en 1487. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
obtenus un emploi conforme aux qualités extérieures qui caractérisaient ces produits
nouveaux. Si quelques révélations imprévues venaient à s'échap-
per des cornues et des matras, rangés en bataille sous l'œil de l'alchimiste, elles
ne devaient être attribuées qu'au hasarcl, qui se réservait, Dieu merci,
de jouer quelquefois un rôle assez heureux dans, ces inutiles
et
monstrueux
travaux de chimie expérimentale.
Au déjà
quinzième
donné à
siècle, les alchimistes, le
la science,
plus souvent à leur insu, avaient
indépendamment de plusieurs substances com-
prises dans la matière médicale, le bismuth, le foie de soufre,
d'antimoine,
l'alcali volatil fluor. Ils
la
sublimation du soufre;
paraient l'eau régale et différentes sortes d'éther; avaient trouvé
le
moyen de
régule
savaient distiller l'alcool, volatiser
mercure, obtenir l'acide sulfurique par
ils
le
ils
ils
le
pré-
purifiaient les alcalis;
teindre en écarlate les étoffes
mieux que
CHIMIE ET ALCHIMIE.
ne sauraient
le faire
207
nos ouvriers modernes. Plusieurs procédés de
l'art
du
peintre verrier, qu'on a dit perdus, et qui n'étaient qu'abandonnés et
oubliés
,
avaient
inventés
été
par
des
toute probabilité, les effets de l'hydrogène,
rage, avaient
On
sait
pu
se manifester
souffleurs
employé
comme
Selon
agent d'éclai-
spontanément aux yeux de
l'alchimiste.
qu'un alchimiste allemand, Eck, de Sulzbach, avait deviné
Fig. 134.
— Le
monétaire, dessiné
et
gravé au xvi° siècle par
J.
et
Amman.
démontrée par Priestley
constaté l'existence de l'oxygène, qui n'a été
que
émailleurs.
trois cents ans plus tard.
Jamais l'alchimie ne siècle,
malgré
les édits
fut
en
si
grand honneur qu'au début du quinzième
royaux rendus contre
les
alchimistes, malgré les
soupçons d'imposture répandus généralement sur leur compte. Non-seulement
il
arrivait
que des souverains leur demandaient avec confiance
destiné aux ateliers monétaires
(fig.
1
33
et 134),
mais encore
croyait aux merveilles de l'or potable, leur achetait à
mixtures métalliques, combinées avec des graisses devaient guérir
les
maladies, conserver
la
la foule,
l'or
qui
beaux deniers certaines
et
des sucs végétaux, qui
jeunesse, rendre invulnérable,
procurer des songes heureux, prolonger indéfiniment
la vie
humaine,
etc.
SCIENCES ET LETTRES.
2 ÎO
C'est l'époque
où furent composés
la
plupart des traités sur l'alchimie,
indigestes ramassis de propositions incohérentes et d'assertions saugrenues,
où beaucoup de poésie
mêle pourtant à beaucoup mais où
étouffe l'idée logique,
ampoulée
séologie
se
où
d'insanité,
se révèle
la
phra-
néanmoins une
foi
aveugle et presque imposante à force de naïveté. Dans ce chaos, dans
cet
entassement d'énormités matérielles
et intellectuelles, rien
n'apparaît
de grand, de mystérieux, que l'alchimiste ne fasse intervenir des démons peuplant
l'air,
dominant
feu et l'eau, des astres
le
humaines, des sympathies mystérieuses et le
Le quinzième
ne
siècle
des arts, les errements de l'âge précédent, rempli de rêveuses et gran-
gothiques où
la statuaire fait
écrit
avec
le
ardents
l'on croirait voir
où
et
sérieux, ne
et
et
un
livre d'alchi-
Et toutefois, au milieu de cette
ciseau sur la pierre.
recherche passionnée de l'étrange la fois
monuments
fourmiller une multitude de figures sacrées
profanes, réelles et chimériques,
mie
à
vé-
et
que suivre, à l'égard des sciences
fait
dioses manifestations, que caractérisent surtout ces merveilleux
et
et
entre les créatures
s' établissant
Créateur, des combinaisons hybrides de substances minérales
gétales, etc. et
volontés célestes
les
du surnaturel, quelques bons
esprits
se livrent à l'étude et ne se consacrent
,
aux
opérations du laboratoire, que pour demander plus spécialement à la logique à l'expérimentation
et
le
Baptiste Porta, qui parla tain, et
qui trouva
le
progrès de le
gemmes
chimie. Tel fut l'Italien Jean-
premier de l'Arbre de Diane, des Fleurs d'é-
moyen de
l'argent; tels furent Isaac et
pierres
la
réduire les oxydes métalliques et de colorer
Jean Hollandus, fabricants d'émaux ont décrit avec
artificielles, lesquels
la
et
de
plus minutieuse
précision leurs ingénieux travaux; tels encore Sidonius et Sendivogius, qui
mirent en oeuvre plusieurs nouveaux procédés relatifs à
En
1488,
le
gouvernement
la
teinture des étoffes.
vénitien, à l'imitation de
Henri VII,
roi
d'Angleterre, et de plusieurs autres princes contemporains, avait décrété
une interdiction très-rigoureuse contre les
les
pratiques de l'alchimie; mais
prétendus faiseurs d'or n'en poursuivirent pas moins
leurs transmutations hermétiques. rent, sous le
principal
nom
était
la
Ce
fut l'époque
où
les
la
chimère de
Rose-Croix formè-
de voarchodumia, une association secrète, dont l'objet
découverte des mines d'or
recherche du grand
œuvre
(fig.
1
35
et
1
36).
et
d'argent et surtout la
CHIMIE ET ALCHIMIE.
Le seizième
siècle
211
va s'ouvrir, siècle rénovateur où
la science,
de quelque
côté qu'elle se dirige, travaille à se débarrasser des vieilles routines
moyen âge
et s'efforce
raison pour appui
et
de trouver une voie nouvelle où
l'observation pour flambeau.
comme
fantastique alchimie qui va prendre, la
elle
puisse avoir
Chose bizarre,
de haute
du la
c'est la
lutte, l'initiative
de
réforme scientifique. Paracelse (né à Einsiedeln en Suisse, 149,3-1541), ce personnage vrai-
ment extraordinaire dont
le
nom
est
revenu plus d'une
fois
sous notre
plume quand nous avons eu à parler des sciences médicales à l'époque
Fig. 137.
de
la
—
L'alchimiste Paracelse, d'après une gravure de Vriese.
Renaissance (voy. chap. Sciences médicales
peut être considéré
son temps.
Il
y
a,
comme
pour
le
type
ainsi dire,
le
les le
,
et
qui
,
Sciences occultes),
mieux caractérisé des alchimistes de
deux
hommes
formateur audacieux qui bouleverse toutes depuis Hippocrate
et
les
en
lui
:
d'une part,
idées reçues en médecine
par ses incessantes manipulations, offre aux arts
ressources les plus inattendues; d'autre part, lethéosophe, disons
charlatan, s'éloignant de l'exégèse
pour un de ces
le ré-
commune
et
même
prétendant se faire passer
êtres privilégiés chez qui, selon l'opinion
du
vulgaire, les
Bk
connaissances innées venaient directement de Dieu, par simple émanation divine. Cette espèce de déification de l'illustre savant
ne pouvait manquer
SCIENCES ET LETTRES.
212
d'aider
puissamment au succès de
davantage,
ses doctrines
mais
,
le
(fi g.
la
du
s'isoler
prophète. Après une jeunesse aventureuse, ayant
immense
acquis, à l'âge de trente-deux ans, une réputation
autour de
aurait
ne point montrer l'homme à ses admirateurs, qui n'eussent
et
jamais voulu voir que
Paracelse
il
1
37) voyait des
et incontestée,
milliers d'élèves et d'auditeurs se presser
chaire de médecine qu'il occupait à l'Université de Baie. L'en-
thousiasme allait jusqu'au fanatisme. Princes et grands seigneurs lui faisaient cortège.
On
pans de sa robe,
baisait les
avait, en effet, guéri dix-huit personnages
les
cordons de ses souliers.
11
marquants, tous réputés incu-
rables; aussi, c'était à qui obtiendrait de lui quelques gouttes de l'élixir au-
quel on attribuait
la
vertu de prolonger indéfiniment
Tout à coup, Paracelse
même,
il
vit pâlir
son
la vie
S'abusant probablement
étoile.
comme un
proscrit,
il
s'en alla, escorté de quelques
disciples, reprendre sa vie errante, qui le conduisit bientôt
où, jeune encore,
il
mourut misérablement. Avant
Agrippa, de Nettesheim, philosophe, médecin sort à
Grenoble
cien, à Bruxelles.
le
et
lui,
au
Nous
d'hôpital,
alchimiste, avait eu
n'essayerons pas de défendre et parfois ingénieuse,
lit
Henri -Corneille
comme
(1 535), après avoir été emprisonné
obscure, toujours bizarre
nommé
lui-
avait eu l'imprudence de promettre plus qu'il ne pouvait tenir.
Forcé de quitter Bâle
même
humaine.
le
magi-
théorie souvent
la
qui constitue ce qu'on a
panthéisme de Paracelse, théorie à laquelle l'audacieux thauma-
turge n'avait feint de croire lui-même que pour arriver plus promptement à
la
fortune, en frappant les imaginations qui fussent restées peut-être in-
sensibles à des idées plus raisonnables. ses opérations
chimiques, Paracelse
Mais
il
faut
remarquer que, dans par une pensée
fut toujours dirigé
aussi grande que féconde, qui comprenait la simplification des procédés, la
de
recherche des principes élémentaires la
nature. Ses
et
des agents véritablement actifs
fameux arcanes ne sont pas autre chose
l'alchimie, dit-il, est de préparer les arcanes, et
Et, partant de là,
noient dans res qui
les
il
soupes
déclame contre la
les
:
«
Le
non de fabriquer de
l'or. »
aubergistes, les cuisiniers qui
vertu des meilleurs arcanes, contre
ne savent composer que d'insipides sirops
tions, lorsqu'ils ont sous la
vrai but de
et
les
apothicai-
de dégoûtantes décoc-
main, au fond de leurs alambics
(fi g.
14 à 23),
des extraits et des teintures empruntés aux végétaux et aux minéraux les
CHIMIE ET ALCHIMIE.
21 J
plus efficaces. Paracelse ne s'élève pas moins contre les médecins qui,
dans leurs prescriptions barbares, rassemblent une foule de substances contraires qui se combattent et s'entre-détruisent.
Il
repousse de toutes
ses forces l'usage des correctifs, ajoutés à certaines préparations
Fig.
1
38 à 141.
—
Fourneau, cornues, alambics
pharma-
et appareils distillatoires, à l'usage des chimistes et
alchimistes du seizième siècle, d'après une gravure de Vriese.
ceutiques, surtout
quand
rapport naturel.
veut qu'on cherche
Il
ces correctifs n'ont avec ces préparations la
quintessence des plantes, Yéther
d'Aristote, et les principes actifs des corps organisés isole
avec soin
et
qu'on
les
emploie pour conjurer
fonctionnel de la machine animale.
nacre
et autres
Quant aux
corps analogues, desquels
aucun
il
;
il
tel
veut qu'on
ou
tel
les
désordre
os de lièvre, au corail, à
la
prétend extraire chimiquement
2Î4
SCIENCES ET LETTRES.
les
arcanes, nous supposons qu'il ne s'en servait que pour donner
change aux témoins curieux et,
quand
fiants,
il
avait reconnu les
En
de ses manipulations chimiques,
moins
voulait rendre efficaces ces mélanges plus ou
y ajoutait à
il
et indiscrets
la
bons
le
insigni-
dérobée quelques substances énergiques dont
il
effets.
tout cas, sous l'influence de Paracelse, l'alchimie, de spéculative
que
qu'elle était, devint essentiellement pratique et usuelle, à tel point
Georges Agricola (né en Misnie, 1494- 1 555), qui procédait avec plus de savoir et de maturité que Paracelse, amena, sans secousse et sans débat,
Fig. 142 et 143.
—
Fourneaux, à
l'usage des chimistes et alchimistes du
moyen
âge, d'après
une
gravure de Vriese.
dans
la
métallurgie, l'heureuse révolution que son fougueux contemporain
n'avait pas opérée sans lutte et sans trouble dans la médecine et la phar-
macopée. Agricola résidait à Baie. Son caractère grave venait aux
mœurs
des habitants de cette
ses découvertes scientifiques
du moment utile
aux
qu'ils
ville
marchande
et
et industrielle, et
ne pouvaient que leur plaire
y voyaient
arts et à l'industrie.
la
possibilité
modeste con-
et les intéresser,
immédiate d'une application
Depuis i53o environ (époque où Paracelse
avait déjà quitté Baie) jusqu'en i56o (c'est-à-dire cinq ans après la d' Agricola), les ateliers
typographiques
deWesthmer
et
mort
de Froben ne ces-
cèrent de reproduire dans tous les formats, et souvent avec de belles gra-
CHIMIE ET ALCHIMIE.
vures sur bois,
les
ouvrages, écrits en
2l5
dans lesquels
latin,
père de
le
la
science métallurgique exposait lumineusement les résultats de ses doctes et infatigables investigations.
Désormais
la
chimiatrie, ou Part de transformer
les
corps
et les
sub-
stances au point de vue de la médecine, et la métallurgie, ou Part d'extraire
de purifier
et
congénères
les
pourtant
et
—
Fig. 144 à 147.
métaux sous
Fourneaux
si
le
rapport de l'industrie, ces deux sciences
différentes, dirigées
Tune
et l'autre
par
et appareils divers, à l'usage des chimistes et alchimistes
les disci-
du moyen âge,
d'après une gravure de Vriese.
pies de Paracelse et d'Agricola, vont égal,
dans
la
marcher parallèlement,
voie du progrès. L'alchimie se concentrera dans
tions de ses fidèles et fanatiques adhérents et
;
elle
et
d'un pas
les
abstrac-
cessera d'être expérimentale
deviendra exclusivement psychologique, jusqu'au jour où
disparaître tout à fait
du domaine renouvelé
et
elle
devra
agrandi des connaissances
positives.
Ce
serait
une histoire intéressante à écrire que
mistes psychologues contre
les
celle
de
la lutte
des alchi-
chimiastres, ou nouveaux chimistes, surtout
SCIENCES ET LETTRES.
2l6
si
Ton
s'efforçait
sensiblement
le
de montrer
terrain sur lequel
mais ce
tant de siècles;
comment
n'est pas
il
avait régné en
ici la
vons que présenter sommairement
moyen
génie du
le
plus vive et
de Conrad Gessner, de
mettaient les
la science
du Rhin que cette
lutte
plus tenace. Pendant que Graterole, Bracheschus,
la
théories spéculatives d'Avicenne, de
livres
Nous ne pou-
principaux, pour en déduire
les faits
Alexandre de Suchten, prenaient parti pour les
dominateur pendant
place de cette étude.
ensuite les principales conséquences. C'est aux bords fut la
âge perdait in-
alchimistes et défendaient
les
Gerber
de
et
Thomas Mufetus,
Raymond
Lulle; les
de Nicolas Guibert, sou-
à l'influence des idées d'examen qui avaient inauguré
temps nouveaux.
Cependant initié
sceptique Corneille Agrippa, qui, dès sa jeunesse, avait été
aux mystères de l'alchimie
main ferme tier.
le
Voici
la ligne
comment
apprécie cet art ,
il
d'iceluy, de ne les révéler
fourbes
les
fabriquant
les
même
de
qui sépare la science et
de choses, n'estoit qu'il a
contre
et
et
faict ». Il
nécromancie,
la
spéculation,
duquel
serment, quand
il
il
donne à entendre
charlatans
les
«
la
:
«
Ici,
traçait d'une
l'art et le
diroit encore bien plus fut receu
aux mystères
ce qu'il pourrait arguer
montrerois l'alchimiste
je
azurs, cinabres, mines ou vermillons, l'or musical
mixtions de couleurs;
là, je
véritable piperie, forgeant
surprendrois
le
mesme homme
et
autres
exerçant une
une benoîte pierre philosophale, par
l'attou-
chement de laquelle toutes soient soudainement changées en or ou en gent, selon
royaumes car
il
le
et
souhait de Midas. Cet
provinces,
je
homme,
donne tout
se taire sur
à
un
confisquerois ses biens,
sujet aussi délicat
ar-
ajoute-t-il, je le chasserois des je le
offense Dieu, la religion chrétienne et la société.
promis de
mé-
où
il
était
»
punirois au corps,
Agrippa, qui avait
lui-même
coup carrière à une généreuse indignation
:
« Il
intéressé,
seroit trop
long, dit-il, de racompter toutes les folies, vains secrets et énigmes de ce mestier, du
Lyon verd, du Cerf
enflé, de la Teste de
de
mercure, de
nombre. Quant à
la
fugitif,
de l'Aigle volant, du Crapaud
corbeau, de ce Noir, plus noir que
Boue de
la science
le
noir,
du Cachet
sagesse, et de semblables bourdes sans
en elle-même, qui m'est familière,
doit bien se garder de confondre avec le mestier
neur que Thucydide requiert à
la
femme de
,
bien
je la ,
et
qu'on
crois digne de l'hon-
disant que d'elle on ne
CHIMIE ET ALCHIMIE.
doit en parler ni en bien ni en mal.
peinture très-expressive de
les
la triste
»
Le
même
Agrippa nous
217
a laissé
une
condition où se trouvaient réduits alors
alchimistes de bas étage, colporteurs ambulants, qui allaient de foire
en foire amasser
«
quelque peu d'argent, par céruse, vermillon, antimoine SCIENCES ET LETTRES.
— 28
SCIENCES ET LETTRES.
2l8
et autres
drogues servant à farder
les
femmes, peindre
et
emplastrer
drogues que l'Écriture appelle onguents de paillardise.
vieilles,
parasites de la science
les
Ces
»
qui étaient descendus au niveau des bateleurs
,
et
des bohémiens, volaient l'argent qu'ils ne pouvaient gagner, et finissaient
par
faire
de
la fausse
gibier de potence.
En un mot,
148).
(fig.
dit
Agrippa,
« c'était
»
Tels furent, sous taient en
monnaie
le
règne de François
I
er ,
alchimistes qui res-
les seuls
France, audacieux ignorants beaucoup plus propres à discréditer
l'esprit
d'expérimentation qu'à
société.
Ce
n'était
répandre dans
le
pas ainsi que
hautes classes de
les
fameux Nicolas Flamel
le
cent cinquante ans auparavant, sa mystérieuse personnalité
la
avait établi
parmi
le
bas
peuple de Paris. Écrivain juré de l'Université, philosophe, naturaliste, théologien et sans doute alchimiste, Flamel eut une réputation de probité,
qui ne fut peut-être pas moins favorable que ses richesses à
temps
décriée, de la pierre bénite.
tions de
banque ou ,
mains par des
juifs
si
n'examina pas
proscrits qui et
,
paroisse Saint-Jacques de
et,
manant de Paris vaux
,
devant
la
d'heureuses spécula-
si'
moururent sans
héritiers et hors de
centupler la modeste épargne du scribe de
Boucherie;
la
le
vulgaire, toujours
merveilleux, attribua exclusivement à l'alchimie
maître écrivain,
cause, long-
des dépôts d'argent considérables laissés entre ses
France avaient pu accroître la
On
la
la
ami du
grosse fortune de ce
bien longtemps après sa mort', nul bourgeois ou
n'eût osé passer,
le
soir,
dans
maison de Flamel et de Pernelle
dévotement, afin de conjurer
les
la
sa
petite rue
femme, sans
de Marise signer
malins esprits qui devaient hanter l'an-
cienne demeure où l'alchimiste avait caché son trésor. Flamel était mort,
cependant, en fondant des messes pour églises de Paris, et
La
le
repos de son
âme dans
en léguant ses biens aux pauvres.
fortune éclatante de Nicolas Flamel servit sans doute aux progrès de
mais
poussa des milliers d'enthousiastes dans
la
science expérimentale,
la
voie pernicieuse des entreprises et des essais infructueux.
de
la pierre
philosophale
dommageables charbons, le
toutes les
était
dit
elle
devenue
un
vieil
la folie
du quinzième
La recherche siècle.
«
Les
auteur peu favorable aux alchimistes,
soulfre, la fiente, les poisons, les mines, et tout
plus doux que miel, jusqu'à ce qu'ayant
dur
travail leur
consommé patrimoine,
sembla
héritage,
CHIMIE ET ALCHIMIE.
1
meubles, qui
s
en alloient en cendre
et
en fumée
219
ces
,
malheureux
se trou-
vassent chargez d'ans, vestus de haillons, affamez tousjours, sentant
maniement
soulfre, taincts et souillez de suye et de charbon, et par le
De chymiques,
de l'argent vif (mercure) devenus paralytiques... venoient cacochymes niers; la farce
de médecins
;
du peuple,
mendians
,
fols manifestes, et le
de savonniers
;
taver-
,
passe-temps d'un chascun.
(141 5), n'avait pas eu d'école et ne laissa pas de disciple;
tombe
le
secret
du grand œuvre
,
de-
ils
Flamel, mort en bon chrétien, au commencement du quinzième
la
le
qu'il se vantait
il
»
siècle
emporta dans
de posséder. Aussi
s'é-
écoulé plus d'un siècle et demi avant que l'enseignement des paracel-
tait-il
qui avaient
sistes,
promené par
toute l'Europe la mauvaise fortune de
parvint à s'installer dans l'Université de Paris. Ce ne fut
l'alchimie,
guère que sous
le
règne de Henri
Duchesne, tous deux médecins du
IV que
Baillif
de
la
Rivière, Joseph
Georges Penot, élève,
roi, et
comme
eux,
de l'école bâloise, parvinrent à donner en France quelque retentissement
nom
au
et
aux doctrines du grand alchimiste
Ce mouvement de réaction favorable, qui
suisse.
eut lieu dès lors en faveur du
système chimique de Paracelse, pour être lent significatif.
La guerre
s'était
et indécis,
n'en fut pas moins
rallumée très-vivement entre
les
chimistes
éclectiques et les paracelsistes, et ce fut au milieu des factums et des
phlets
,
des hyperboles de
la
controverse
chimiatrie, contre laquelle s'insurgeait
et
le
pam-
des scandales de l'école, que
la
spiritualisme forcené des Rose-
Croix, ces sectaires de l'alchimie mystique, put faire son chemin, pas à pas, sur
terrain encore
le
branches de
mal délimité de
chimie générale. Les deux autres
la
science, la métallurgie et la chimie technique, grâce à la
la
nature de leurs applications usuelles stacles et d'entraves,
,
finirent
avec plus de tolérance
;
par rencontrer moins d'ob-
elles
trouvèrent bientôt, de
part des gouvernements ou des administrations municipales
ment
et protection.
psychologues
même
,
Venise, qui avait été
si
,
les villes et
de tous
les
encourage-
longtemps hostile aux chimistes
favorisa les chimistes praticiens et ouvriers.
de toutes
la
États commerçants.
Il
en fut de
On
vit
de
toutes parts les métallurgistes et les techniciens, s'adressant à l'intérêt, qui est,
qui a toujours été
le
grand mobile de tous
hauts-fourneaux, des fonderies, des usines,
les
et
progrès, construire des
réussir ainsi à modifier
SCIENCES ET LETTRES.
220
en peu d'années à l'envi de
la
la
plupart des habitudes sociales. Les savants s'occupèrent
chimie métallurgique, qui
ploitant le minerai de tous les les
métamorphoses que
par exemple,
le
métaux
et
faisait
réellement de For, en ex-
en soumettant ces métaux à toutes
l'industrie peut leur faire subir.
savant polonais Tycho-Brahé,
si
En Allemagne,
connu comme astronome,
s'enfermait sans cesse dans son laboratoire avec l'empereur
qui dépensait des
sommes énormes en expérimentations
se soucier de la pierre philosophale.
chancelier tale,
Bacon
,
nommé
Rodolphe
scientifiques, sans
De même, en Angleterre,
à bon droit
le
père de
la
le
docte
physique expérimen-
ne dédaignait pas de s'adonner lui-même aux travaux chimiques.
Enfin, en France, tives,
un
la
homme
glorieusement à
la
chimie technique avait évoqué, dès ses premières tenta-
de génie qui, dans l'espace de quelques années, l'éleva
hauteur d'un art arrivé déjà à son apogée. Cet
de génie, dont nous n'avons plus à raconter l'histoire ou plutôt se
II
nommait Bernard
Fig. 149.
Palissy.
—
L'alchimiste Morienus, d'après une gravure de Vriese.
la
homme légende,
SCIENCES OCCULTES Origines de occultes.
—
magie.
la
—
—
Savants
L'onéirocritie.
L'astrologie.
—
—
— —
—
—
— Les sorts
La nécromancie.
Différentes formes des
— Pratiques des
sciences
nécromanciens.
—
L'aéromancie et autres La chiromancie. — La magie. — Evocation des bons
des saints.
divinations. et
—
des mauvais
— Magiciens célèbres. — Formules et cercles. — Encens et parfums. — — L'envoûtement. — Les sagittaires. — Le mauvais œil. — Alchimie magique. — La lutins esprits. — Les loups-garous. — Le sabbat. — Procès de sorcellerie.
Pactes avec les démons.
Talismans kabale.
—
philosophes réputés magiciens.
Astrologues célèbres.
L'art angéiique et l'art notoire.
génies.
et
Onéirocrites et devins.
et
images.
Les
fées,
et
joute illusion a son principe, dit
le
M. Ferdinand Denis dans un beau
savant travail
que nous allons essayer de reproduire en l'analysant; toute science
mensongère
a
son histoire. Pour comprendre dans leur
ensemble
les diverses
branches de
la
phi-
losophie occulte, ainsi qu'on l'envisageait
au moyen âge, la
magie dans
il
faut dire
l'antiquité.
un mot de
»
nous avions à étudier ce vaste
Si
sujet
en remontant aux sources primitives, faudrait expliquer les formes magiques des telles
que nous
les a
conservées
pénétrer dans les mystères de
voquer
le
la religion
la
de Jules César, dans les contrées
Vêdas de l'Inde ancienne,
des Hindous;
il
faudrait aussi
Kabale hébraïque. Bornons-nous à Sicile, qui avait
témoignage de Diodore de les
il
in-
voyagé, du temps
plus lointaines de l'Asie et de l'Afri-
que, et qui nous révèle l'existence d'une tribu chaldéenne, composant une caste sacrée,
vouée exclusivement à
la
culture des sciences occultes, et
sans cesse occupée à découvrir, par l'astrologie et par la magie, les secrets
de l'avenir. Le
I
même
historien nous
apprend que
les
Assyriens avaient
SCIENCES ET LETTRES.
222
des devins et des augures, pour interroger
le
vol
aux dieux inconnus, bien des
faire des sacrifices
pratiques superstitieuses fussent introduites dans
Romains. Pline, sur
la
à son tour,
magie dans
temps homériques
les
moyen
un curieux chapitre
d'autres écrivains latins nous
le
la
la
magie
magie antique,
berceau des sciences occultes au
d'ailleurs, chez les anciens, quoiqu'elles
ne fussent pas désignées sous ce
formes de
l'art
divinatoire,
tamment tuels des
la
Théurgie
morts avec
moyens
et la
nom
générique qui comprend toutes
notamment
modes d'évocation des
tous les
les
usages des
âge.
Les sciences occultes existaient,
les
la tradition ;
avant que ces
le culte et les
Etrusques. C'en est assez pour démontrer que
les
surtout la magie orientale, fut
et
siècles
nombre de renseignements concernant
ont transmis un petit chez
emprunte à
des oiseaux et pour
l'Astrologie et l'Onéirocritie;
esprits invisibles,
Goétie; tous
rapports matériels
les
les vivants, c'est-à-dire la
un pouvoir surnaturel
d'exercer
Nécromancie;
et
la face
qui n'avaient embrassé
morale du monde,
et spiri-
et enfin tous
ténébreux par l'influence
des démons, c'est-à-dire la Sorcellerie. Mais, au
nisme vint changer
bons ou mauvais, no-
les
moment où
le christia-
premiers hérésiarques,
nouvelle que pour l'entraîner dans
la religion
le
chaos des religions païennes, ces audacieux apôtres de doctrines monstrueuses,
les
gnostiques,
les
valentiniens, les carpocratiens, les basili-
diens, qui se disaient les dépositaires de la sagesse des théosophes de l'Orient, et qui dénaturaient
obscènes ou ridicules et
des préceptes de
la
,
le
culte chrétien par des mystères étranges,
paraissent avoir été les fidèles gardiens des
magie antique
;
ils
ajoutèrent ainsi aux cérémonies de
grecque une foule de pratiques secrètes, imaginées par
l'Église
de Bouddha ou de Zoroastre,
et
dogmes
les prêtres
qui ne manquaient pas de grandeur et de
majesté. C'est à l'époque
où
d'Alexandrie, pendant
la le
gnose (science souveraine)
troisième siècle, qu'on voit apparaître deux
tres philosophes, Plotin (né à
phyre (né science
et
illus-
Lycopolis en Egypte) et son disciple Por-
à Constantinople), qui fondèrent
magique,
florissait à l'école
en quelque sorte
qui peuvent être regardés
nographes du moyen âge. Plotin
,
comme
les
véritable platonicien
,
la
nouvelle
premiers démoétait allé étudier
SCIENCES OCCULTES.
en Perse
Rome
dans l'Inde
et
enseigner
le
223
philosophie des Orientaux, avant de venir à
la
mysticisme
et le
panthéisme
:
il
rassembla, dans un ou-
vrage intitulé las Ennéades (c'est-à-dire recueil de neuf livres), tout un corps de doctrine, que Porphyre compléta en
le
commentant,
et
qui ren-
ferme un choix des traditions merveilleuses de Y art sacré de l'Orient.
Fig. i5o.
— Druide portant d'après
le
croissant du sixième jour de la lune, et druide sacrificateur;
un monument romain au deuxième
Après eux, Jamblique (né
à
Tyr en Phénicîe),
siècle.
qui sortait aussi de l'école
d'Alexandrie, trouva une forme systématique pour réunir
la
théurgie à la
magie, ces deux auxiliaires de Fart sacré. Ennapius, Eustathius, l'empereur Julien lui-même, s'attachèrent au système de Jamblique, qui, en
évoquant
les
mystères religieux de l'ancienne Égypte, a
écrit
une sorte
d'évangile pour les thaumaturges et les magiciens. Jamblique avait donné,
pour
ainsi dire, la
métaphysique.
physique du règne des démons; Proclus en donna
la
SCIENCES ET LETTRES.
224
La révolution qui faire
converger vers
le
s'opère alors dans la philosophie néo-païenne va
même but
tendances des esprits
les aspirations et les
ardents et curieux, qui, après s'être appliqués à découvrir les secrets de la
création et de l'existence terrestre, cherchent en dehors de
matérielle
une source de
yeux de l'âme qui s'ouvrent aux
réel.
Ce
nes
et l'intelligence
la
,
sont
les
que leur refuse
satisfactions idéales
humaine
mettent en rapport avec
se passionne
Ainsi, d'une part, se manifeste
pour
un mouvement
nature
le
monde
clartés des sphères divi-
qui
les sciences occultes
supérieures du
les intelligences
la
monde
invisible.
scientifique, résultant des
audacieuses spéculations de quelques savants qui s'efforcent de sonder
les
développe, parmi
les
arcanes de
la
philosophie; d'autre part, se révèle
et se
populations ignorantes et naïves de l'Europe, un goût instinctif pour merveilleux, né des légendes locales, un désir vague de marcher vers
connu, une fiévreuse impatience enfin
un criminel espoir d'obtenir
saient d'un redoutable pouvoir,
l'in-
des évocations terribles,
d'assister à
l'intervention des
reconnu par
le
le
démons, qui dispo-
christianisme, et qui ne
agents dociles d'une magie populaire, plus
tardèrent pas à devenir
les
active, plus vivace, plus
menaçante, que
celle
des philosophes de l'école
d'Alexandrie. Cette nouvelle magie avait pris naissance non-seulement
dans
les
superstitions des races celtiques,
mais encore dans
les
sombres
mystères des mythologies septentrionales. C'était une espèce de religion ténébreuse
et
sauvage que
peuples du
les
ques avaient importée dans
la
Germanie
Nord et
et certaines
dans
Gaules
les
hordes (fig.
asiati-
i5o), avec
leur culte barbare et leurs dieux sinistres, en effrayant, par des rites sangui-
naires et des incantations magiques, les habitants primitifs de ces contrées
encore remplies des riants
et
poétiques souvenirs du paganisme.
avec raison, d'un des plus anciens
nommé
le
Hava-mal,
titieuses qui devaient, et
de l'antiquité, créer
monuments de
qu'il contenait
en germe
en se mêlant avec la sorcellerie
les
la
la
,
a dit,
langue Scandinave,
plupart des idées supers-
théories magiques de l'Orient
du moyen âge.
Les sciences occultes restent longtemps dans l'ombre silence
On
loin de la tutelle des écoles ecclésiastiques
,
et
s'élaborent en
mais sous l'influence
des traditions populaires, qui avaient conservé les formules mystiques divinatoires en usage chez les Chaldéens, les Grecs et les
Romains,
et
et
qui
SCIENCES OCCULTES.
associaient aux lugubres réminiscences rêveries des bardes de la Bretagne.
éléments de Part sacré
de
et
mahométanes que en
effet,
rasines
,
les
onzième
le
où
l'on enseignait
découvrir
siècle,
en
dans
les
la
combinant avec
1
5
1
.
—
«
Comment Alexandre
bouche fumée.
»
élection, serait
y
xm
e
monde
du
siècle, n»
eut,
qui ser-
On
surnaturel.
l'illustre
a
11040.
cru
Gerbert,
se bataille as gens qui ont testes semblables a cheval et getent
Miniature d'un ms. du
l'école
Il
les sciences occultes
parmi
la
Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
né à Aurillac en Auvergne, qui avait achevé ses études chez d'Espagne, à
croyances
les
péninsule Ibérique, des écoles sar-
publiquement
merveilles
les
les
magique, empruntés à tant de pays
longtemps, d'après l'opinion des démonographes, que
Fig.
gracieuses
les
Arabes avaient importées en Espagne.
dès
vaient à
du Valhalla cTOdin
Le moyen âge mit en œuvre tous
la science
divers, à tant d'âges différents,
225
les
Arabes
de Cordoue, avant d'être élu pape, ne devait son
qu'à un pacte mystérieux qu'il aurait
vraiment superflu de réfuter une
telle folie
avec
fait ;
mais
il
démons.
les
Il
faut seulement
constater que, deux siècles plus tard, la langue arabe était, pour ainsi dire, la clef et le
premier instrument d'étude pour pénétrer dans
le
mystérieux
sanctuaire des sciences cachées. C'est là peut-être ce qui
dans
les écoles
amena dans ,
les écoles
chrétiennes et
monastiques, l'introduction secrète de
répandue en Europe
et si
peu
usuelle.
paient de ces sciences ténébreuses
,
cette langue,
La plupart des savants qui
proscrites
,
condamnées par SCIENCES ET LETTRES.
—
2
même si
peu
s'occu-
l'Église,
SCIENCES ET LETTRES.
226
apprenaient l'arabe,
également pour
comme
s'initier
l'hébreu et
aux mystères de
conque savait l'arabe ou l'hébreu bientôt
pour
un
celse, pas
esprit
était
Depuis Plotin
sorcier.
homme
syriaque, qu'il
le
et
la
Kabale. Voilà pourquoi qui-
soupçonné de magie
éminent n'a aidé aux progrès de
titre funeste,
la science, troublait
qui, en s'attachant au
pas un
la science,
si
sans mériter
le titre
d'une noble victime
son repos, interrompait souvent son travail
Grand, Roger Bacon, Vincent de Beauvais, composé un
,
nom
mettait quelquefois en péril sa liberté ou sa vie.
avoir
Para-
et
audacieux n'a pu accomplir quelque grande découverte scientifique,
de sorcier,
le
passait
et
Porphyre, jusqu'à Cardan
sans acquérir la dangereuse réputation de magicien
de
connaître
fallait
Raymond Lu lie, et tant
et
Albert
d'autres, après
grand nombre d'ouvrages remarquables sur
la philo-
sophie scolastique, ne furent pas à l'abri de ces soupçons, de ces persécutions, de ces injustices. L'encyclopédiste florentin
Cecco d'Ascoli, que ses
études kabalistiques avaient signalé aux défiances de l'Inquisition, se vit
accusé d'entretenir un
Rome, en
commerce coupable avec
le
diable et fut brûlé
vif, à
1327.
Les sciences occultes avaient pris un singulier développement, à l'épobesoin de savoir donna l'élan à toutes
du
que où
le
moyen
âge. C'était la période des grandes encyclopédies, qui furent entre-
prises à la fois dans tous les
pays où
les forces intellectuelles
renaissance des lettres s'annonçait
la
avec plus d'ardeur que d'éclat. Ces encyclopédies n'avaient pas
donner place, parmi la
le
vaste ensemble des sciences divines et humaines, à
philosophie hermétique, à l'astrologie judiciaire, à
autres branches de
la
magie; mais, néanmoins,
n'étaient pas enseignées ex
Universités où
le
manqué de
la
théurgie
les sciences
cathedra, c'est-à-dire dans
les
et
occultes
chaires
pouvoir religieux exerçait toujours un droit
siècle, attribua tout à
coup à l'enseignement
écrit
des
illimité
surveillance et de répression. L'invention de l'imprimerie, au milieu
quinzième
aux
une
de
du
liberté
que l'enseignement oral n'avait jamais eue. Les sciences occultes en profitèrent, et, sans tenir le livre fait
compte des défenses
imprimé mit en
de doctrines
et
et
des condamnations de l'Eglise,
pleine lumière ce qui avait été caché jusque-là, en
d'expériences appropriées aux différentes espèces de
magie. Ces publications eurent
lieu, la
plupart, sans péril pour les auteurs
SCIENCES OCCULTES.
et
pour
imprimeurs; car
les
227
l'Église catholique, en ce temps-là, se préoc-
cupait plutôt de combattre les hérésies militantes qui s'attaquaient au
dogme
à l'essence
et
même
de
la religion.
Agrippa Jean Reuchlin
et tant d'autres
trologueurs, démoniâtres
et
,
de leurs dès
le
tres
écrits,
Fig. i52.
—
«
de
»
siècle et
il
que
fut
et sa
les
même inquiétés, à cause
,
dans
quelques inquisiteurs leur
pouvoir
dénoncé avec fracas
xm
e
siècle, n°
entre au-
la
(le
formidable invasion
11040. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
Ce
commença
civil
,
Maliens maleficomm
invoqué contre ses adeptes l'application des
encouragé, secondé, poussé
semblèrent d'accord pour tous
siècle,
l'autorité ecclésiastique.
le
plus ou moins as-
gent combatirent à une manière de serpens con apele cancres et les
Miniature d'un ms. du
la sorcellerie, et
émanées de
Springer
maléfices), avaient
Comment Alexandre
desconfirent.
,
que d'innombrables éditions répandaient partout; mais,
Institor et
Marteau des
psychologues
magiciens, ne furent pas
commencement du seizième
Henri
Cardan, Paracelse, Corneille
faire
et
fut
seulement vers
le
lois
pénales
milieu de ce
des poursuites contre les sorciers, entraîné par les jurisconsultes, qui
une guerre implacable à tous
les fauteurs, à
prosélytes d'une science illusoire, réputée criminelle, parce qu'elle
participait
aux œuvres des démons.
Un
de
ces farouches magistrats,
Pierre de Lancre, conseiller au parlement de Bordeaux, osa se vanter,
dans son Traité de l'inconstance des mauvais anges
et
démons
(1610), d'a-
voir été plus impitoyable que l'Inquisition, à l'égard des sorciers; et son
contemporain,
I
le
philosophe politique Jean Bodin, énumérait froidement,
SCIENCES ET LETTRES.
228
dans sa Démonomanie (i58o),
les
comme démonomanes ou
séculier,
magique devait disparaître
Nous
la
vraie Science.
«
Curiosité,
la
été livrés
au bras
sorciers, sous le règne des Valois. L'art
s'évanouir en fumée,
et
poétique expression de Vico,
mère de
malheureux qui avaient
le
jour où, selon
la
mère de l'Ignorance, devint
»
allons maintenant examiner, l'une après l'autre, chacune des prin-
cipales divisions théoriques et pratiques de la philosophie occulte.
UOnéirocritie
(c'est-à-dire, explication des songes,
mots grecs, oneiros , songes, nation par
remonte à
la
plus haute antiquité. Les Égyptiens,
Grecs avaient, en quelque sorte,
les
ou VOnéiromancie
(divi-
songes; des deux mots grecs oneiros, songes, et manteia,
les
prédiction),
krisis, jugement),
mot formé de deux
les
Hébreux,
réduit en corps de doctrine
l'art
d'interpréter les songes. Les traditions mystiques de cet art, qui s'était
implanté dans toutes
moyen
facilement au ples
les religions
que
âge,
les
païennes, se ravivèrent d'autant plus
divines Écritures offraient bien des exem-
de songes prophétiques, expliqués, réalisés, que l'Église de Jésus-
Christ acceptait avec raison
comme
des faits indiscutables de l'histoire du
Peuple de Dieu. L'explication des songes ne semblait pas contraire à
la foi
catholique, puisque Synésius, évêque de Ptolémaïs au quatrième siècle,
composa un
traité des songes,
pensée chrétienne
les
dans lequel
il
a essayé de sanctifier par la
croyances des anciens, en faisant de l'onéirocritie
une science d'observation
individuelle,
qui
permettait de distinguer
entre eux les songes naturels, les songes divins, et les songes procédant
du démon. Cette
comme
distinction de la nature des songes fut admise,
triple
règle fondamentale, dans l'onéirocritie
un autre Père de jugement
et
l'Église, Grégoire,
du moyen
âge. Cependant,
évêque de Nysse, qui avait plus de
de sens moral que son contemporain Synésius, ne voulait
voir dans les songes qu'un ébranlement passager de l'âme, provenant du
souvenir
des
émotions
récentes
qu'elle
avait ressenties.
compare
Il
poétiquement
le
d'une harpe
qui vient de rendre un son et qui vibre encore, alors
que
le
»
cerveau de l'homme, pendant son sommeil
«
à
la
corde
même
son a cessé de se faire entendre.
Quelles que fussent
les
systématique des songes,
répugnances de l'Église contre l'interprétation
les
onéiroscopes de profession, ceux qui faisaient
SCIENCES OCCUETES.
de cette interprétation, condamnée par sacré
dans
les
les palais
des rois ainsi que dans
tique. Toutefois, dès
de détestable
la
les visions
damna donc
1
par
les villes et les
les conciles,
un
art
le
huitième
siècle, le
53.
—
«
campagnes.
Ils n'a-
bravaient l'autorité ecclésias-
et
pape saint Grégoire
II qualifiait
pratique divinatoire qui consistait à chercher des augures de
la nuit.
Le sixième concile de Paris, tenu en 829, con-
définitivement
de conjecturer par
l'art
entraînant des conséquences pernicieuses, et
Fig.
et
ou diabolique, exerçaient impunément leur industrie malsaine,
vaient rien à craindre de l'autorité civile
dans
papes
229
Comment Alexandre
femes sauvages qui ont
vi
aux superstitions
mains.
les
»
plus
moyen
découvrir des trésors cachés.
xm«
siècle, n°
la fin
et
a
homes
e
11040. Bibliothèque de Bourgogne.
divination par les songes d'être généra-
la
âge Il
,
soit
pour interroger
l'avenir, soit
pour
n'existait point de traité spécial sur cette
divination, avant celui que le célèbre médecin philosophe
neuve rédigea vers
être assimilé
funestes du paganisme. Ces condamnations
canoniques n'empêchèrent pas
lement pratiquée, au
comme pouvant
ont grans dens dun code de long
se bataille as porcs qui
Miniature d'un ms. du
comme
songes,
les
du treizième
siècle
,
et
Arnauld de
Ville-
qui ne fut probablement pas
très-répandu; caries adeptes de l'onéirocritie avaient intérêt à ne pas voir passer dans
les
mains de tout le monde
exerçaient à prix d'argent.
de divination devint usuel
Ce ne et
fut
les
éléments techniques d'un art qu'ils
qu'au seizième siècle que ce procédé
populaire, quand l'imprimerie de Venise eut
mis en lumière YOneirocriticon (l'Exposition des songes)',
écrit
en grec
et
SCIENCES ET LETTRES.
230
attribué à
un philosophe d'Éphèse,
posé sous
le
langues
et
règiie de
nommé
Artémidore, qui
souvent réimprimé, devint
même
com-
l'empereur Antonin. Ce livre, traduit en plusieurs le
manuel,
le
code des onéiroman-
ciens, quoique le système d' Artémidore ne reposât sur tifique ni
l'aurait
rationnelle.
Par exemple, d'après
aucune base scien-
ce système,
quiconque
voyait en songe sa chevelure abondante et soigneusement frisée pouvait
compter sur
l'issue funeste
Hg,
1 5-4..
—
richesse
la
d'une
;
en revanche
Vision de Charlemagne
ms. du xiv"
,
,
le
désordre des cheveux annonçait
un présage
affaire. C'était
d'affliction
d'après une miniature des Chroniques de Saint-Denis, siècle. Bibliothèque nationale.
une couronne de fleurs qui n'appartenaient pas à théorie des songes
,
frères, les pieds
amis;
peu
la
lois
comme
la tête
aux domestiques;
la
main gauche, à l'épouse,
satisfait
la
main
à la
droite, à la
fille.
»
«
Dans les
les
mère, aux
cette
yeux
se
bras aux fils,
aux
Le savant Jérôme Cardan,
de ces indications vagues ou incohérentes, essaya d'établir des
nouvelles dans l'onéirocritie
le
,
au père de famille,
et
,
rangea
les
songes par catégories
correspondant aux saisons, aux mois, aux heures où
Mais
saison.
empruntée sans doute aux Orientaux
rapportent aux enfants,
que de porter
vulgaire, sans
soupçonner
ils
se produisaient.
qu'il fût l'écho inconscient
du système,
plus simple, sinon plus logique, de Pline dans son Histoire naturelle, s'en tenait à l'explication des songes
par
les
contraires, ce qui
fait le
fond du
SCIENCES OCCULTES.
petit livre
populaire, sans cesse remanié
siècle
Clef des Songes.
la
:
et
23l
renouvelé depuis
le
seizième
—
L'ymaige de dame Astrologie, avec les trois Parques; d'après une miniature du Traité de la Cabale chrétienne, en prose, par Jean Thénaud, cordelier d'Angoulême, ouvrage dédié à François I", ms.
Fig. i55.
du
xvi" siècle. Bibliothèque de l'Arsenal.
L'onéirocritie pouvait être, jusqu'à
un certain point, innocente
fensive, en dépit de ses insanités superstitieuses;
même
pour
la
mais
il
et inof-
n'en était pas de
Nécromancie (mot formé des deux mots grecs
,
nécros,
SCIENCES ET LETTRES.
mort,
et
manteia
,
divination, ou Fart de savoir l'avenir par révocation
des morts), science imaginaire
nécromanciens à de crédit, dans
et terrible,
qui avait imposé
nom
de
trouva d'autant plus
ses redoutables adeptes. Cette science le
le
âge, qu'elle semblait, aux yeux d'un observateur
moyen
superficiel, s'appuyer sur l'autorité des livres saints, en rappelant la terrible
légende de
la
pythonisse d'Endor, à qui
le roi
l'ombre du grand prêtre Samuel. Cependant
les
funèbre n'avaient pas toujours un caractère solennel l'évocation des morts, dans certains cas
,
demanda d'évoquer
Saûl
pratiques de cet art et saisissant,
n'exigeait
puisque
que de prononcer
des paroles sacramentelles, tantôt grotesques, tantôt inintelligibles, nuit, dans
En
noire.
un cimetière ou dans une cave, d'autres cas
ribles mystères, et le
,
est vrai
il
,
la
à la lumière d'un cierge de cire
cette évocation s'entourait des plus
hor-
nécromancien avait recours à des œuvres de sang
:
un
enfant était livré à la mort, et sa tête, placée dans un plat, au milieu des cierges allumés, devait, à l'heure consacrée, ouvrir la
tendre une faible voix qui sortait de
ne
faisait
la
question qui
Grotus avait évoqué, à l'âme de sa
femme,
lui
était adresssée.
C'est ainsi qu'Albertus
demande de l'empereur Frédéric Barberousse,
la
laquelle lui apparut,
antique science qui a dû naître dans
les
qui a fourni tant de récits effrayants à
par se confondre avec
éclat
en-
tombe. Quelquefois l'évocateur
la
sombre
et
reconnaissable et revêtue des ornements impériaux.
Une
et faire
apparaître qu'un fantôme muet, qui, par un geste ou un regard,
répondait à
fini
bouche
autre branche de
depuis
les
premiers
désolée, mais encore
La nécromancie,
hypogées de l'Egypte antique, la crédulité
la sorcellerie. l'art
siècles
divinatoire, que l'Europe vit fleurir avec
du moyen âge jusqu'à
du seizième
la fin
intimement
à l'astronomie, et qui parlait aux yeux aussi bien qu'à l'esprit, de sorte
que
livre
immense où chaque
maîtres de
et
du moyen âge, avait
siècle, ce fut l'Astrologie, cette science ir^stérieuse qui se liait
les
cette
la
science consultaient la voûte céleste étoile, ayant reçu le
nom
et la
telle
comme un
valeur d'une
des lettres de l'alphabet hébraïque, traduisait en caractères ineffaçables
la
destinée des empires et des souverains, aussi bien que celle de tous les
hommes, qu'on (fig.
1
55).
croyait soumis en naissant à l'influence des planètes
L'astrologie était la plus ancienne des sciences occultes, puis-
-
LA SIBYLLE T1BURTINE
ANNONÇANT A AUGUSTE LA VENUE DE JÉSUS-CHRIST
V Histoire
écrite à l'instigation
du Monde, de Paul Orose,
gustin, mentionne la prophétie légendaire de
du Messie. Voici
naissance
la
la
Au-
de saint
Sibylle de Tibur, relative à la
note marginale qui correspond à ce passage dans
de Raphaël. l'admirable manuscrit de l'Arsenal exécuté certainement dans l'atelier dipronuntiavit Domini Sibylla illa Tiburtina fuit, quae de adventu
Hœc
cens
Nascetur Chnstus
:
in
Bethlelen et annuntiabitur in Nazareth, régnante
coltauro pacifico et habitatore quietis. Félix illa mater cujus ubera illum puelactabunt. Die nativitatis Christi monstravit Virginem in ulnis tenentem
rum; nec postea voluit Dominus
appeilari
Octavus Augustus. Locum illum
rator
,
humilem vitam ducens,
Aram
disant
Ce :
«
fut cette Sibylle de
:
Tibur, qui proclama l'avènement du Christ, en
Le Christ naîtra à Bethléem
«
régnant sur un trône pacifique
et
«
mamelles allaiteront cet enfant.
»
la
imper
cœli appellant.
Voici la traduction de cette note intéressante «
ipse
et
il
sera
annoncé dans Nazareth
vivant en repos. Heureuse
Le jour de
Vierge tenant dans ses bras l'Enfant divin,
la naissance et
du
la
,
comme
mère dont
Christ, elle
depuis lors, l'empereur Octave
Auguste, menant une vie plus humble, ne voulut plus être appelé Seigneur. lieu
où
la
les
montra
Vierge apparut à Rome, on l'appelle l'Autel du
Ciel (Y Ara cœli).
»
Le
SCIENCES OCCULTES.
qu'elle venait de Chaldée, et que, suivant le elle se rattachait
233
témoignage des
de cette science primitive, en avait conservé pieusement
Un
ses docteurs.
était
der une connaissance
parvenu, rapporte
si
la tradition
avant qu'elles fussent imposées à ,
la terre
là
sans doute
la
de Jéhovah,
par leur divin auteur.
On
com-
des esprits supérieurs
,
passion des
juifs
étaient les plus hardis interprètes.
ils
pour l'astronomie,
qu'ils faisaient servir
surtout à tirer des horoscopes et à prédire l'avenir. Voilà pourquoi astrologues juifs eurent tant de crédit, au les rois et
chez
la
science astronomique, durent modifier à leur gré, sui-
vant leurs intérêts, une science dont
De
talmudique, à possé-
le ciel les lois
sous l'empire de semblables rêveries la
le livre
prodigieuse des mystères célestes formulés par
disposition des astres, qu'il pouvait lire dans
passionnés pour
dépôt confié à
le
Siméon-Ben- Jochaï, auquel on attribue
d'eux,
fameux du Zohar,
prend que
hébreux,
livres
au berceau du monde. La nation juive, héritière naturelle
les princes,
qui
les
moyen âge.
Ils
les
avaient accès chez
comblaient d'honneurs
et
de richesses,
tandis que la race israélite avait à subir tant d'avanies et de spoliations.
Le
célèbre géographe arabe Edrisi
Roger la
II, dans les dernières années
géographie qu'à l'astrologie
la
prince, et l'on a prétendu prouver qu'il avait gravées,
globe terrestre
ments des
,
pour
le roi,
le
du onzième
que
les
il
favori du roi de Sicile siècle, devait
moins à
jouissait auprès de ce
deux tables
circulaires d'argent,
avec un art merveilleux, n'étaient pas un
astres et leurs conjonctions le roi
qui fut
faveur dont
mais bien une sphère
avec quel empressement
,
mouve-
céleste qui reproduisait les
au point de vue astrologique.
de Castille Alphonse
On
sait
X, surnommé
le Saau treizième siècle, prenait conseil des rabbins pour ses travaux d'astronomie et d'astrologie. Deux siècles plus tard, Jean II, roi de Portu-
vant
gal,
,
que
la
auprès de
reine Isabelle de Castille appelait lui
un
juif,
Yhommepar
excellence, avait
maître Rorigo, qui perfectionna l'astrolabe
et qui ne fut sans doute pas étranger au plan des grandes expéditions maritimes que son royal protecteur fit exécuter dans les Indes orientales, au
moment
même
où Christophe Colomb découvrait, avec
le
secours de ses connais-
sances personnelles en astronomie, une quatrième partie du L'histoire
du quinzième
et
du seizième
siècle a
gardé
le
monde.
souvenir d'un
grand nombre d'astrologues, qui furent aussi renommés de leur vivant SCIENCES ET LETTRES.
—
JO
SCIENCES ET LETTRES.
2 34
composé des ouvrages
aient tous qu'ils sont ignorés aujourd'hui, quoiqu'ils
curieux
et
souvent remarquables. Sans rappeler
d'Almanachs
de Pronostications que
et
parmi lesquels on
faiseurs
seizième siècle a produits,
le
et
François Rabelais, qui ne
nommer
heureux de
est
nombreux
ici les
croyait que
médiocrement aux oracles astrologiques, citons seulement
Luc Gauric,
dressa l'horoscope ce docte prélat napolitain (né en 1476) qui
des
villes,
attitré
du
des papes
roi Charles
nuscrite des plus
des rois de son temps
et
et favori
l'astrologue
une histoire ma-
fameux -astrologues; Thiébault, médecin ordinaire I
;
vence, i5o3-i566), médecin ordinaire seul astrologue dont le
nom
plus célèbre de tous,
et enfin le
Nostradamus (né
dit
et
Ruggieri, astrologue florentin, confi-
Cosme
er
de Catherine de Médicis,
Michel de Nostredame,
le
Simon Pharès,
juif converti, qui a laissé
VIII,
astrologue de François
dent
;
et
et
mort à Salon, en Pro-
astrologue de Charles IX. C'est
soit resté populaire, grâce à
son recueil de
vers énigmatiques et barprédictions perpétuelles, renfermées dans des bares, qui avaient paru sous
le titre
de Quatrains astronomiques,
réimprimer depuis avec
n'a pas cessé de
le titre
partir
du quinzième
tronomie proprement
mais
dite,
ses théories imaginaires, en
cultes certains procédés
D'après le
la
distinguer de l'astro-
longtemps
elle s'en
compris
(ce
nombre
des lunettes télescopiques)
,
s'est
forment
,
les
jours aux sciences oc-
nombre
avec
les
soit
douze figures du zodiaque, ces astres
ou constellations
un membre du corps humain,
un empire,
des corps célestes avec les choses de
desquelles
bien augmenté, depuis l'invention
Chacun de
gouverne, par son influence spéciale, soit
l'as-
et fantastiques.
l'ensemble du système astrologique.
une personne humaine,
progrès de
éloigna dès lors pour multiplier
empruntant tous
mystérieux
règles fixes qu'à
les
théorie pure de l'art, les sept planètes, au
Soleil était
soit
la
magique, n'eut des
siècle; elle avait suivi
qu'on
de Prophéties.
L'astrologie judiciaire, qu'on appelait ainsi pour logie alchimique et de l'astrologie
et
et cette
la terre s'étend
Les fleurs sont à
impérieuse relation
à tous les êtres et à tous
la terre,
comme
les estoylcs
les
produits de
la création. «
au
ciel, fait-on
traduction frandire au pseudo-Trismégiste dans la vieille
çaise tre.
;
»
il
n'y en aucune,
Albert
le
parmy
Grand ou
elles,
ait dit
de crois-
livre des
Admira-
qu'une estoylene luy
plutôt l'auteur
anonyme du
SCIENCES OCCULTES.
bles Secrets, qui a été publié sous le
apprend comment édifices;
comment
la
haines;
comment
ment l'amour
de ce grand philosophe, nous
planète de Saturne préside à
les souhaits, les
vêtements, dépendent de
Mars exerce son
nom
la
honneurs,
la vie,
comment
la
l'espérance,
bonheur,
le
gain, viennent
sont sous l'influence de Vénus;
ladies, les dettes, la crainte, sont sous l'influence de
pas moins influent sur
le
propreté des
la
planète de
guerre, les prisons, les mariages, les
influence sur
et l'amitié
aux sciences, aux
les richesses, la
planète de Jupiter;
le
2 35
commerce, tandis que
du
Soleil;
comment
com-
les
ma-
Mercure, qui n'en
est
Lune occasionne
les
la
plaies, les larcins et les songes.
1^06
D.H.M.
X
i8 14 $o florologij
<>?
i
Fig.
1
56.
—
Quant aux
P. M.' 7 21 21
Spécimen d'un généthliaque, ou horoscope astrologique, dressé au
qualités intrinsèques des influences planétaires, elles sont
caractérisées par les planètes elles-mêmes triste et froid; Jupiter,
inconstant;
la
xvi" siècle.
:
le Soleil est
tempéré; Mars, ardent Vénus, féconde; Mercure, ;
Lune, mélancolique. Les jours,
les
couleurs, les métaux se
tiouvent également soumis à l'influence des planètes
Mais, pour tirer un horoscope, quel qu'il avec soin quelles sont ciel, à l'heure précise
favorable; Saturne,
les
soit,
il
et
des constellations.
faut d'abord observer
planètes ou les constellations qui dominent au
où l'opération commence
et l'on
,
examine, ensuite,
à l'aide de calculs très-compliqués, les conséquences qu'on doit tirer des positions et des conjonctions astrales
de
la
(fig.
1
56).
Le point
science consistait dans la détermination des maisons
leurs propriétés respectives.
On
avait
divisé
le
le
du
plus
difficile
Soleil et de
jour en quatre parties
SCIENCES ET LETTRES.
236
égales, savoir
du
l'ascendant du soleil,
:
milieu du
le
bas
ciel, l'occident, et le
Ces quatre parties du jour étaient subdivisées en douze parties
ciel.
distinctes, qu'on appelait les
On
dou\e maisons.
devine toute l'impor-
tance qu'on attachait, pour établir un horoscope, à déterminer dans quelle
maison
montraient
se
les astres,
astronomiquement
variaient
d'autant plus que ces maisons du Soleil
selon les pays, les saisons et les heures
,
diurnes ou nocturnes. Voilà pourquoi deux horoscopes, dressés simulta-
nément par deux astrologues
différents, et
pouvaient être, devaient être tout à
compte,
tenait pas
et les erreurs, les
dans deux localités différentes,
Mais on n'en
contradictoires.
fait
anomalies qui
se rencontraient sans
cesse dans les horoscopes, étaient attribuées aux astrologues, et l'astrologie, qui
ne
fut jamais
mise en suspicion
de toutes ces folies superstitieuses,
,
à
jusqu'à ce que, dégagée
entra dans
elle
non
domaine des sciences
le
exactes, en se confondant avec l'astronomie. Si
l'homme
a
cherché dans
de l'avenir,
le ciel l'interprétation
comme
il
avait cherché dans ses propres songes l'avertissement de sa destinée future,
on n'a pas
de s'étonner
lieu
qu'il ait interrogé
demander des révélations analogues. Dès effet,
son propre corps, pour
l'antiquité, les
lui
Orientaux, en
avaient cru reconnaître que les lignes brisées et multiples qui rayon-
nent autour des sutures du crâne humain n'étaient autres que d'une écriture mystérieuse
,
qui donnait
le
secret
du
les traits
sort individuel de
chacun.
Le moyen âge lique
du
même
fut
donc amené naturellement à voir une écriture symbo-
genre dans
correspondent aux inflexions de
sées, qui
spéculative, appelée
vination
innombrables
les
)
,
la
peau des mains. Cette science
Chiromancie (du grec cheir, main,
trouva encore plus d'adeptes que
toires et finit
par
ou moins accu-
lignes, plus
s'allier à l'astrologie,
et
manteia, di-
autres sciences divina-
les
en créant une quantité de systèmes
qui ont été soutenus par des savants d'une valeur incontestable.
Les chiromanciens fondaient perfidement leur doctrine sur ce passage de l'Exode, reproduit presque textuellement dans sera
yeux
comme un (ch.
xm,
signe dans sa
verset
interprétation puérile
9). »
du
main
Mais
et
le livre
comme un
,
et elle
mit
la
:
«
Ceci
instrument devant ses
l'Eglise ne se laissa pas
texte sacré
de Job
abuser par
cette
chiromancie au rang
SCIENCES OCCULTES.
des superstitions qu'elle combattait avec
le
tant qu'au
commencement du quinzième
en Europe
cette superstition, qui n'avait
tout l'Orient. (
A
voy., dans les
eux
les
époque,
cette
Mœurs
anciennes traditions de
ment dans tous
les
pays où
ils
la
plus d'énergie.
Ce n
qu'on voit
siècle
se
1
est
le
pour-
répandre
pas cessé d'être en faveur dans
Bohémiens, venus du fond de
les
et Usages,
2J 7
l'Asie
chapitre Bohémiens), apportèrent avec
chiromancie
et les
propagèrent rapide-
ne firent que passer. Dès l'apparition de
la
nouvelle science divinatoire, des esprits ingénieux s'en occupaient, pour l'étudier théoriquement.
Fig. 157.
— Spécimen
de
la
Les uns reproduisaient, dans des
main gauche, avec
les lignes et les
accompagnés de dessins ou de peintures, lignes
ou signes heureux
les
dénominations horoscopiques.
types des mains marquées de
autres recherchaient
et funestes; les
direct qui pouvait exister entre les diverses parties de la
Les uns
les constellations célestes.
plus ou moins de types de mains potus, huit; Indagine, trente-sept;
quante, par Corveeus; mais
le
et les :
le
gauche
qu'il
la
interroger
pas mieux d'accord sur
rapport
main humaine
et
autres avaient trouvé et défini
nombre
fut porté jusqu'à cent cin-
bon curé de Milmonts, Jean Belot, devait
question de savoir
fallait
le
Rumphilius en comptait six;Com-
plus tard réduire à quatre seulement ce
temps discuté
traités spéciaux
nombre
si c'était la
pour
la signification
tirer
exagéré.
main
On
avait long-
droite ou la
un horoscope.
On
main
n'était
des lignes et des accidents de
la
SCIENCES ET LETTRES.
238
main, qui avait été pourtant soumise à des divisions
et
des subdivisions
astrologiques, dans lesquelles on faisait intervenir les vertus et les influences
des planètes
(fig.
1
taches blanches dont
ils
sorte
la
Outre
la
le
le
tion usités chez les anciens
moyen et
,
il
et
fit
revivre, sous
quelques autres qui étaient signalés dans
que
et
romaine.
tion par les
Il
eut ainsi,
phénomènes de
Géomancie
comme
l'air),
chiromancien
presque mathématique.
âge adopta plusieurs en
le
La chiromancie devint
sens divinatoire.
une science très-compliquée chiromancie,
couleur des ongles, jusqu'aux
la
sont marqués quelquefois, que
n'eût prétendu expliquer dans
de
pas jusqu'à
57). Il n'était
les écrits
l'antiquité,
modes de
divina-
une forme nouvelle, de l'antiquité grec-
son Aéromancie (divina-
son Hydromancie, sa Pyromancie
et sa
(divinations par l'eau, par le feu et par la terre). L'histoire a
souvent mentionné
images fantastiques que
les
la crédulité
de nos aïeux
croyait découvrir au milieu du ciel traversé par des météores ou éclairé
par
lumière boréale
la
(fig.
1
58 à 161). C'étaient des présages sinistres ou
favorables, que les événements postérieurs se chargeaient de confirmer. se servait aussi de vases
remplis d'eau, où l'on plongeait des lames métal-
marquées de certains signes
liques
et qui,
en faisant bouillonner
rendaient un son que l'opérateur savait entendre
lomancie (du mot grec dactylos, doigt)
et
,
qui frappait contre
nombre de coups dans
lesquels
lui
donnait à consumer,
et sa
couleur
rôtir
une
tête
,
fil
liquide,
le
La Dacty-
au moyen d'un anneau,
au centre d'un vase de verre
parois du vase, en se balançant,
on cherchait des pronostics ou des
La Pyromancie, ou divination par qu'on
les
et interpréter.
se pratiquait
souvent constellé, qu'on suspendait par un
ou de métal
On
et
le feu,
dont
la
un
oracles.
variait en raison des substances
fumée annonçait, par son
ce qu'il fallait attendre de l'avenir
d'âne sur des charbons ardents,
le
:
ainsi
,
intensité
quand on
mouvement
faisait
rotatoire des
vapeurs fétides qui s'en exhalaient prenait une signification prophétique.
Quant
à la Géomancie, qui servait à établir la correspondance des êtres
matériels avec les esprits élémentaires, elle se
liait
aux plus sévères com-
binaisons de la Kabale.
Le moyen âge employait encore, pour cédés, qui semblaient avoir
condamnait pas moins,
lire
un caractère
comme
dans l'avenir, d'autres pro-
religieux et
que
l'Église
ne
des superstitions coupables. \JArt angé-
SCIENCES OCCULTES.
2^9
lique, qui procédait par invocation à l'ange gardien; Y Art notoire, qui s'a-
dressait directement à Dieu,
Fig. i58 à
1
6
1 .
— Images fantastiques
pour avoir
vues dans
le ciel
choses futures, ne formaient pas l'un
connaissance immédiate des
au xvi e
siècle.
et l'autre
composaient seulement de quelques secrètes,
la
prières,
Fac-similé d'anciens dessins.
un corps de doctrines
et se
de quelques cérémonies
en vertu desquelles l'opérateur croyait pouvoir acquérir
la
près-
SCIENCES ET LETTRES.
On
cience divine.
osé
avait
Jérôme deux
attribuer à saint
où
livres
sont indiquées les pratiques de l'Art notoire et de l'Art angélique. D'autres livres prophétiques,
auxquels on accordait une importance non moins
respectable, étaient devenus populaires, par suite de l'usage général qu'on
en
fit,
du quinzième
à partir
L'un, intitulé
siècle.
Enchiridion Leonis
:
papœ (Manuel du pape Léon), l'autre Mirabilis Liber'(le Livre
admirable),
:
attribué à saint Césaire, n'avaient rien qui pût justifier ces étranges attri-
butions.
Au
reste, et par
une superstition condamnable, on avait recours
à une simple inspection des saintes Écritures, pour obtenir ce qu'on appelait les
sorts des saints, c'est-à-dire un oracle emprunté au texte sacré, et
cet oracle était celui qui s'offrait
du
livre.
aux yeux, en haut de
page, à l'ouverture
la
Grégoire de Tours raconte, dans son Histoire des Francs,
lui-même
pratiquait
ce genre de divination.
En 577, Mérovée
,
fils
Chilpéric, s'étant réfugié dans la basilique de Saint-Martin à Tours,
échapper aux poursuites de son père
Frédégonde, pria
le
saint
évêque de
à espérer. L'évêque ouvrit
le livre
Mérovée ne
des saints. des Rois
Après
plaça sur
Il
et
le
lui dire ce qu'il avait
de Salomon
comprit pas le
des Évangiles
trois jours
,
de jeûnes
que,
et bientôt
après
il
adeptes,
l'excès,
comme
le
à craindre ou
et lut ce verset
corbeau
!
»
:
«
Que
un
C'était
l'œil
sinistre
Martin
passa
et
de prières,
la
Il
les livres
des
nuit agenouillé devant il
alla
ouvrir
sortit, tout
le
Psaumes, tombeau.
les saints livres et
en pleurs, de
la basili-
périssait misérablement.
Le point de départ de poussée à
le
saint
et
n'y lut que des augures menaçants.
pour
voulut interroger lui-même les sorts
et
tombeau de
de
aux vengeances de sa marâtre
et
qui regarde son père en face soit crevé par présage.
qu'il
la
puisque
le
Magie roi
avait été la foi religieuse, exaltée et
Salomon
fut toujours regardé,
plus grand des magiciens.
De
là cette
par
les
Théurgie, à
la-
quelle on donnait une source toute divine (Theos, Dieu) et qui pourtant se rattachait, dans bien des circonstances, à la Goétie (goès, enchanteur), la-
quelle avait
pour objet l'invocation des puissances
quelles se trouvaient
beaucoup de génies malfaisants
invisibles,
(fig.
parmi
les-
162 et i63). Henri-
Corneille Agrippa, tout magicien qu'il fût ou crût être, définit en ces termes le
principe de
la
Théurgie
:
«
Notre âme,
s'étant
rendue pure
et divinisée,
échauffée de l'amour de Dieu, parée de l'espérance, conduite par la foi,
SCIENCES OCCULTES.
posée sur divine,
le faîte
comme
de
l'esprit
dans
le
humain,
miroir de
241
attire à soi la vérité, et
l'éternité, elle voit l'état
dans
la vérité
des choses tant
naturelles que surnaturelles et célestes, leur essence, leurs causes, et la
plénitude des sciences, comprenant tout dans
Fig. 162.
—
le
moment. Aussi, lorsque
Le prince des ténèbres. Tiré d'une miniature du Saint-Graal, ms. du xv°
siècle.
Bibliothèque nationale de Paris.
nous sommes dans
cet état de pureté et d'élévation,
choses qui sont au-dessus de ce bas inonde celles
;
la
Nature
et
nous connaissons
nous entendons tout ce qui
nous connaissons non-seulement
les
les
est en
choses présentes
et
qui sont passées, mais nous recevons encore incessamment les oracles
de ce qui doit bientôt arriver C'est ainsi que les
et
de ce qui n'arrivera que longtemps après...
hommes dévoués
à Dieu, élevés par les trois vertus SCIENCES ET LETTRES.
— 3l
.
SCIENCES ET LETTRES.
242
éléments, détournent les tempêtes,
commandent aux
théologales,
font
élever les vents, fondre les nues en pluie, guérissent les maladies, ressuscitent les morts.
Ainsi, selon
»
surnom qu'on
(c'est le
de Dieu
au
,
nom
donné à Corneille Agrippa), un magicien
avait
devait avoir, avant tout
une
,
duquel
témoignage de ce prince des magiciens
le
ardente
foi
inébranlable dans l'assistance
et
exerçait son art céleste
il
Jésus-Christ avait dit, dans son Évangile
porterez des montagnes.
Mais
»
tienne, puisqu'on la faisait
démons,
et ils
serait autre
était
remonter aux mages de
en attribuèrent l'origine
cà
que l'ange Raziel,
la
reine de
dans
mettre en pratique
dù mériter seuls le
purement
la
(fig.
n'avait pas fait
le
nom
i63), et à
manqué
comme
Quant
prompt
à voir
de
le
monastère de Sainte-
Salomon
à
à la
magie
dans
les livres
à ceux qui prétendaient
le
rôle.
côté merveilleux des choses
illusions lesplus
mensongères,
hommes éminents scientifiques.
qui s'étaient
On
regardait,
magicien, tout alchimiste qu'on supposait en possession
siècle
l'or, et ses
et
cet art criminel, ils auraient
le
donner créance aux
le
fameux alchimiste arabe Geber, auquel
losophes hermétiques attribuaient
faire
d'Adam,
conseiller
de magiciens, puisqu'ils en acceptaient
d'accuser de magie les
du grand œuvre. Ainsi
ou au neuvième
le
spéculatifs, qui étudiaient
connaître par de grandes découvertes
d'ailleurs,
disait
plupart n'étaient que des théoriciens,
sombres opérations de
les
vulgaire, toujours
naturelles
l'époque
été, à
nombre des adeptes adonnés
le
théorie mystérieuse de l'art magique.
Mais
que l'invocation des
la visite qu'elle fit
Saba au retour de
jamais très-considérable;
c'est-à-dire des savants la
siècle pré-
guide de Tobie, avaient communiqués aux hommes,
le
ne faudrait pas croire que
ait été
lui
Mercure ou à Zabulon, qui ne
existaient encore, disait-on, en Abyssinie,
Croix, fondé par
chré-
Chaldée, qui
propagée par un certain Barnabé Cypriot, qui
livres merveilleux,
l'ange Raphaël,
l'ère
magiques attribués à Adam, à Abel, à Enoch, à Abra-
se servir de livres
Il
la
que Satan lui-même. Cette science funeste'aurait et
vous trans-
la foi et
bien antérieure à
n'avait jamais eu d'autre but
magie
du Christ, prêchée
ham. Ces
magie
Ayez
nom. Les démonographes du seizième
auraient imposé leur tendirent que la
la
«
:
ou infernal.
,
passait
le titre
de roi,
et
la
phi-
qui vécut au huitième
pour avoir demandé à
innombrables ouvrages sur
les
la
magie
le
secret de
philosophie occulte, tra-
SCIENCES OCCULTES.
duits en latin, auraient bert, qui devint
fait,
pape, en 999, sous
même un
racontait, au
de magie noire, qui
un
livre
des
démons,
n'était-il
terre.
On
sorcier.
et
le
nom
homme de génie
un savant uni versel et un et
disait-on, l'éducation
lui
;
magique du moine Ger-
de Sylvestre
II.
Gerbert
était
on ne voyait en lui qu'un magicien
douzième
possédé
siècle, qu'il avait
donnait pleine puissance sur
une idole d'airain qui rendait pour
la
hiérarchie
lui des oracles
:
aussi
pas en peine de découvrir des trésors fussent-ils au centre de ,
Mais,
le
jour de sa mort (12 avril ioo3)
en personne réclamer
Fig.
1
63.
—
infernale
la dette
Dragons, d'après
ms. du xiv e
depuis lors, quand un pape
les
siècle.
que
Satan
,
le
162) serait
(fig.
la
venu
pontife avait contractée, et
miniatures du Livre des Merveilles du monde. Bibliothèque nationale de Paris.
mourir, on entendait
allait
les
ossements de
Sylvestre II s'entre-choquer dans sa tombe.
L'accusation de magie, qui n'avait pas épargné gnit aussi, dans le cours
que
la
Albert
science ait le
Grand,
gences avec
les
du treizième
et
Roger Bacon
démons
évêché de Cologne
et
:
le
(fig.
;
Franciscains de Paris, le
deux plus grands
hommes
compte de
la
dit
tous deux furent soupçonnés d'intelli-
premier, qui avait essayé d'expliquer l'Apo164), se vit obligé de se démettre de son
de rentrer dans l'ombre tutélaire du cloître, pour
imposer silence à ses accusateurs;
sur
Gerbert, attei-
marqués du sceau du génie, Albert de Bolstaedt,
calypse de saint Jean
tait
siècle, les
l'illustre
la
le
second expia, dans
les
cachots des
hardiesse de ses tentatives en chimie, qu'on met-
magie noire.
Un
de leurs contemporains,
le
célèbre
SCIENCES ET LETTRES.
244
médecin Pierre cTApono, ou plutôt d Abano, 1
bûchers de l'Inquisition
acquis, dit Gabriel
avait
par
moyen de
le
crystal,
»
et
qui en était
il
mourut en prison
et
Naudé,
la
«
fut brûlé
sorti. C'était là le
tenoit enfermés dans
signe infaillible d'un pacte avec
voix publique proclamait magiciens.
la
magicien espagnol Picatrix, dont Castille
Alphonse
Sage;
le
là,
les
même
le
était
les
Anglais,
parvenu à enchâsser
l'Allemagne, tous
les
le
diable
d'Hersildonne, lord Soulis
Mais
la
le
et le
Divine Co-
la
faut citer encore le terrible Jacques Jodoc, qui le
démon dans un anneau magique; quant
le
légendaire Jean Faust, qui avait
pour vingt-quatre ans,
porté en enfer par
roi de
le
à
magiciens qu'elle compte parmi ses nombreux doc-
teurs ont été éclipsés par
avec
il
temps,
redoutable
Ici, le
philosophe Michel Scot, que Dante a placé dans l'Enfer de médie. Chez
diable.
le
prodiges sont attestés par
Thomas
un
dans sa bourse l'argent
L'Espagne, l'Ecosse, l'Angleterre, eurent aussi, vers des savants que
Il
cognoissance des sept arts libéraux,
secret de faire revenir
le
sur les
effigie
à l'âge de quatre-vingts ans.
sept esprits familiers qu'il
possédait
en
et
fait
un pacte
em-
qui à l'expiration de ce pacte fut
démon Méphistophélès,
qu'il avait pris à son service.
plupart de ces magiciens étaient de véritables savants, qui ne
s'égaraient dans l'étude des sciences occultes qu'après avoir cherché leur
voie dans l'immense domaine de la science.
fondre avec
les sorciers
ou
les
Il
œuvres malfaisantes par
supplice. Tels étaient Jacques Dulot, qui sous
le
le
bûcher, à
la suite
le
dernier
règne de Philippe
dans sa prison, après que sa femme eût été brûlée vive
l'Envoûteur, qui périt sur
con-
les
enchanteurs, qui payèrent cher leur célébrité
détestable et qui furent punis de leurs
se tua
ne faut donc pas
;
le
Bel
Paviot, dit
du procès d'Enguerrand de
Marigny, pendu au gibet de Montfaucon; Jean de Bar, condamné au bûcher également,
du quatorzième
comme nécromancien
siècle, et
un
sorcier florentin
nommé
invocateur du diable, à
la fin
le
prototype du légendaire Barbe-bleue,
dit le
maréchal de Raiz, qui, de concert avec
surtout
l'abominable Gilles de Laval,
et
Prelati, mêlait la
nécromancie
et la
magie aux
horribles débauches qu'il cachait dans ses châteaux de Mâchecoul et de
Chantocé en Bretagne. Les sciences occultes avaient conservé leur prestige, à l'aurore de naissance; mais elles furent cultivées alors par des
hommes
la
Re-
de génie, qui
SCIENCES OCCULTES.
n'avaient pas d'autre mobile que l'amour de
24b
la science, et
qui moururent
tous misérablement, quoiqu'ils eussent l'orgueil de se croire en relation directe avec les esprits et les
que
le
vulgaire regardait
savant sectateur de
démons. Corneille Agrippa, de Nettesheim,
comme
1
64.
— L'ange tenant
les clefs
suppôt de Satan
démon
familier dans
de l'enfer vient enchaîner
il
le
pommeau qu'il
alla finir ses jours
donné aussi un
chercher dans
les
dragon, qui est
le
de M.
diable dans l'abîme. Miniature
Ambr. Firmin-Didot.
qui avait pu emprisonner son
de [son épée, se vantaitj de"'pouvoir
animait avec son archée, en guise d'âme,
et
dans un hôpital. Cardan lui-même, ce phi-
losophe extraordinaire qui avait étudié s'était
le
siècle. Biblioth.
noirs. Paracelse,
former dçpetits hommes, pourtant
qui ne fut qu'un
esprits malins qui le suivaient sous la
d'un commentaire sur l'Apocalypse, ms. du xn'
forme de deux chiens
et
doctrine des anciens gnostiques, était toujours
la
accompagné, disait-on, de deux
Fig.
le
et
approfondi toutes
les sciences,
conseiller surnaturel et invisible, qu'il était allé
Vénus
planètes de
ses opérations astrologiques et
et
de Mercure
magiques.
Il
se
et qu'il
laissa
employait à
mourir de faim,
SCIENCES ET LETTRES.
2^.6
quand
complice mystérieux Peut abandonné tout à coup. Ces grands
ce
adorateurs de
la
mais
ils
sorciers,
avec
les êtres
Tous
les
science avaient
du monde
lui
(fi g.
1
65)
.
les actes
de
la vie
humaine,
il
fallait
le
dé-
Martin del Rio dans ses Disquisitiones magicœ (Controverses
— Le
convers;
contracter
font avec
le
savant
André Duchesne,
seul soutien sur lequel sont affermies toutes les opérations
Fig. i65.
et
pour obtenir
ce point que,
La paction que les magiciens
«
recherches magiques, traduites par le
magiciens
,
invisible.
démonographes sont d'accord sur
un pacte avec dit
à certaines heures
,
ne faisaient pas servir à des maléfices leurs intelligences
Tintervention de Satan dans
mon,
été
diable, voulant s'emparer d'un magicien qui avait fait
un pacte avec
fac-similé d'une miniature des Chroniques de Saint-Denis, ms.
lui, est
du xni e
161
,
1)
et
est
magiques,
vaincu par un frère
siècle. Biblioth. nat.
de
Paris.
de sorte que toutes
par
le
moyen de son
de prier et
les fois qu'il plaist
le
démon de
art,
il
est
:
la
l'hommage de
la
l'entretien
vicaire
:
démon
le
une simple requête
démon;
quelque chose
expressément ou bien implicitement tenu
icelle.
»
Le pacte
s'effectuait
il
intervienne
de trois
ma-
première comportait diverses solemnités ou cérémonies, au
milieu desquelles recevoir
faire
faire que, suivant l'accord fait entre eux,
besongne secrettement en
nières
au magicien de
apparaissait sous une
la partie
forme corporelle, pour
contractante; la seconde consistait dans
écrite et signée
par celui qui s'engageait vis-à-vis du
troisième, réservée à ceux qui eussent redouté
du démon
c'était la
,
le
regard
et
s'accomplissait par l'entremise d'un lieutenant ou
paction
tacite.
Tout engagement
pris envers le
posait sur des promesses impies ou criminelles, que
sous peine de mort violente immédiate
:
le
démon
re-
pacteur devait tenir
reniement de
la foi
chrétienne,
SCIENCES OCCULTES.
mépris des pratiques du
culte, faillite et
247
banqueroute à Yobéissance de
Dieu, répudiation de tout saint personnage, changement du
tême, blasphèmes horribles, sacrifices sanglants,
Le serment de
fidélité
quai
fallait
—
De
la
famée s'échappant de l'abîme
la terre,
il
pacte.
et,
Au
etc.
démon
se faisait toujours
avec offrande d un gage quel-
naît des scorpions qui viennent tourmenter les
Miniature d'un commentaire sur l'Apocalypse, ms. du xn c
conque
de bap-
1
dans un cerne ou cercle tracé sur
Fig. 166.
prêter au
nom
siècle. Bibliotli.
hommes.
de M. Ambr. Firmin-Didot.
par exemple, d'un morceau des habits que portait l'auteur du reste, les cercles jouaient
opérations magiques
ment au nombre de
et
un
rôle important dans toutes les
surtout dans les évocations;
trois,
pour
ils
étaient ordinaire-
établir entre le conjurateur et les esprits
conjurés une ligne de démarcation que
le
démon ne
pouvait franchir.
employait aussi presque invariablement, dans une conjuration,
la
On
verveine,
SCIENCES ET LETTRES.
2 48
mâle
l'encens
cierges allumés.
et les
sorciers se servaient d'une foule de
Outre l'encens,
magiciens
les
substances végétales, minérales
et
démons
et
animales, pour faire des fumigations qui devaient agir sur
même
sur
les
influences astrales
166).
(fig.
et les
On
les
entrevoit tout
le
parti qu'on
devait tirer de ces fumigations à l'égard des intéressés, en employant la
jusquiame,
ou
la
belladone, les opiacées, dans
l'exaltation des sens
L'art
magique
ou
le
but de provoquer
le vertige.
avait réglé l'usage des
parfums pour
fessionnelles, d'après l'opinion qui présentait la
rantes
comme une
chaîne mystique entre
un mélange de
la terre et les astres.
safran, d'ambre, de
sang d'une
oie.
on
musc, de le
girofle et
sang d'un coq.
préférence, les vapeurs de la graine de pavot blanc et
camphre, brûlés dans une le
Chaque
t66). Ainsi,
(fig.
d'encens, en ayant soin d'y ajouter la cervelle d'un aigle et
La Lune recevait, de
cérémonies pro-
ses
fumée des matières odo-
espèce de fumée s'adressait donc à une planète spéciale consacrait au Soleil
sommeil
le
Mars
tête
de grenouille, avec
se contentait d'une
les
fumée de
yeux d'un taureau
du et
soufre, qu'on faisait
brûler avec plusieurs plantes magiques, telles que l'euphorbe et l'ellébore,
auxquelles on mêlait du sang de chat noir et de la cervelle de corbeau.
On
peut juger de l'odeur infecte de ces affreuses mixtures, qui dégageaient en spirales
une fumée, de couleur changeante, parmi laquelle on croyait voir
se dessiner des
On
images fantastiques.
attribuait aussi à diverses subs-
tances, qu'on jetait sur des charbons ardents, les vertus les plus étranges.
Pour foie
faire
gronder
de caméléon.
le
tonnerre
et
tomber
ques VI, en plein seizième qu'il accusait d'avoir
siècle,
S'agissait-
il
suffisait
et
à une classe parti-
tempestateurs. Le roi d'Écosse Jacfit
torturer devant lui
du bois
les flots
d'aloès
,
le
docteur Fian,
la fois
de
la
de
la
mer
de seiche, brûlé
le fiel
,
périr.
failli
amenait un tremblement de
de faire surgir une légion de
qu'à faire brûler à
de brûler un
déchaîné une tempête où ce prince avait
de caméléon soulevait
avec des roses
il
Ce genre de conjuration appartenait
culière de sorciers, qu'on appelait
Si le foie
la pluie,
démons
et
terre.
de fantômes, on n'avait
coriandre, du persil et de
la
ciguë
,
en y
versant une liqueur extraite du pavot noir, de la férule, du sandal rouge,
de
la
ges,
jusquiame
il
était
et
d'autres plantes sinistres.
Mais
,
dans tous ces mélan-
indispensable d'observer les lois de sympathie
et
d'antipathie,
SCIENCES OCCULTES.
qui régnent sur les parfums lestes; de là
Les
dépendait
mêmes
lois
le
qu'elles
gouvernent
les
corps cé-
succès des conjurations magiques. et d'antipathie
voulaient être rigoureuse-
préparation des philtres, qui avaient surtout pour
la
objet d'inspirer l'amour la
même
de
de sympathie
ment observées dans
reconnaissait
,
2 49
ou
la
haine
(fig.
167).
Ces philtres, dont
puissance irrésistible, étaient
la
l'antiquité
plupart composés de
substances hétérogènes, que la magie se chargeait de réduire en poudre, sous
Fig. 167.
—
Mariage d'un jeune
homme
et
d'une
vieille.
Fac-similé d'une gravure de l'édition allemande
:
Officia Ciceronis, 1542. Bibliothèque de l'Arsenal.
l'empire de diverses incantations plus ou moins sacrilèges. Les sorciers osaient quelquefois se servir d'hosties consacrées
marquaient de
lettres sanglantes!
empruntées aux
trois
règnes de
d'oiseaux, écailles de poissons,
rognures d'ongles
poudres résultats
et le
qu'il fallait
Mais on la
ou non consacrées,
qu'ils
usait ordinairement de matières
Nature, intestins d'animaux, plumes
minéraux
et
végétaux. L'aimant broyé,
sang humain entraient dans
la
les
composition des
mêler aux boissons ou aux aliments pour obtenir
les
qu'on attendait de ces philtres. Quelques magiciens n'avaient pas
renoncé à faire usage de l'hippomanès, qui eut tant de vogue chez SCIENCES ET LETTPES
—
32
les
SCIENCES ET LETTRES.
250
enchanteurs grecs
et
romains,
nue qu'on rencontre sur
Quant
une plante merveilleuse, et
on
moment de
des poulains au
les
anciens naturalistes ont décrite
comme
renommée au moyen
eut encore plus de
elle
leur naissance.
âge,
figurer dans les opérations les plus ténébreuses de la magie.
la faisait
C'était
une simple racine
nant à
la famille
et
la tête
mandragore, que
à la
qui n'était autre que l'excroissance char-
et
affectant la
On
des solanées.
forme d'un corps humain
et
apparte-
des vertus extraordinaires
lui attribuait
sataniques, puisqu'on rapportait son origine à un exécrable maléfice
du
démon. Il
ne faut pas confondre
de vogue au de
la fin
moyen âge
et
avec
les philtres
les
talismans qui eurent tant
qui conservèrent leur crédit mystérieux jusqu'à
Renaissance. Ces talismans étaient des pierres dures ou des
la
plaques de métal, portant des figures astrologiques arabes ou persanes l'Orient, et
ils
personnes en
-,
ils
provenaient
devaient mettre sous
la
possession desquelles
des gnostiques
de
garde des puissances célestes
les
La plupart de
ces
en
,
la
des inscriptions
et
ils
général
,
se trouvaient.
pièces talismaniques avaient été rapportées en Europe, à l'époque des croisades.
Le seizième
siècle
multiplia les formules astrologiques, qui
pouvaient donner satisfaction à tous
les
exemple, une de ces formules pour acquérir «
Faites graver l'image de Jupiter, qui est
bélier, sur
quand
il
de
est
l'étain
les
honneurs
un
homme
ou sur une pierre blanche, au jour
en son domicile,
dans son exaltation,
l'homme. Voici
désirs de
comme
comme
au Cancer,
et les
grandeurs
ayant
et
la tête
cette
non brûlé du
Soleil,
image sur vous, étant
tions susdites, et
d'un
au Sagittaire ou aux Poissons, ou et qu'il soit libre
en un mot
faite
:
heure de Jupiter,
de tout empêche-
ment, principalement des mauvais regards de Saturne ou de Mars vite et
par
,
comme
et
qu'il soit
en tout. Portez
qu'il soit fortuné
dessus
;
avec toutes
vous verrez ce qui surpasse vostre créance.
»
les
condi-
C'étaient là
des superstitions assez innocentes, que l'astrologie judiciaire couvrait du
manteau de
la science.
Les magiciens avaient imaginé des conjurations écrites, plus mystérieuses et plus redoutables, qui
accompagnaient
les
gemahe\, pierres
zarres où la Nature avait mis une empreinte talismanique
ques, renfermant
du sang de hibou
et
de chauve-souris;
la
;
les fioles
bi-
magi-
main de gloire,
SCIENCES OCCULTES.
faite les
avec la
25
I
main desséchée d'un pendu, pour découvrir les trésors cachés
;
miroirs magiques, où se reflétaient
enfin
fameuse chemise de
la
cousue dans une nuit de
deux
la
nécessité, tissée avec
semaine de Noël,
d'homme barbu
têtes
les
avec
la
des pratiques
les
et
du
représentant sur
faire
mourir lentement
placé sous
le
bras droit de
l'effigie et le foie
sacrilège
membres de
la figure
les
et les
:
représentait.
la
cachait dans
de rouille,
et
cœur
le
aiguille
neuve
et
on
le
Bel,
on
fit
comparaître de-
demande de
la
ce
avec
la faire
la
le
temps qui
de cire,
la
le
lents
la
couvrait
lèpre qui s'emparait de la peret
on l'approchait d'un feu
fondre doucement;
mort chez Y envoûté suivaient ceux de
les
destruction de son
progrès de effigie.
la
Tantôt
une sépulture
et
une inscription en caractères inconnus achevait
le
enfin la figure était faite avec de la terre ramassée dans ;
mi-
plus ou moins difforme;
et
laissait faire
la figure était
de verveine, pour
le
procès du malheureux Enguerrand
en airain
la figure était
et cette rouille coïncidait
mêlée d'os de mort
était
piquant avec une aiguille l'image magique qui
un tombeau
sonne envoûtée. Tantôt de bois
le
victime qui
Les envoûteurs avaient recours à d'autres procédés plus
ou plus rapides. Tantôt on
la
sous son bras gauche. Alors
tribunal un magicien, qui déclarait avoir, à
nistre, envoûté le roi, en
de
de cire ou de terre glaise, en prononçant
de Marigny, premier ministre de Philippe le
poitrine
direct. Il fallait
dont
,
on piquait avec une
plus horribles conjurations. Dans
vant
l'effigie
une hirondelle
tuait ensuite
commençait l'opération corps
la
personne qu'on ne
la
un assassinat
d'abord mouler en terre glaise ou en cire vierge
on
par une vierge,
la portait.
voulait ou qu'on ne pouvait atteindre par
;
lin filé
des absents, et
plus redoutées de la magie fut toujours V envoûte-
ment, qui avait pour but de
devait être frappée
et
couronne de Belzébuth. Cette chemise
rendait invulnérable celui ou celle qui
Une
images des morts
maléfice et faisait périr en peu de temps la victime désignée.
Des nombreux procès criminels qui révélèrent
les
odieux détails d'un
pareil maléfice, le plus célèbre fut celui-ci de la duchesse de Glocester,
accusée
d'avoir
voulu
pratiquer
l'envoûtement
du
Henri VI. Elle avait chargé un prêtre nécromancien,
roi
d'Angleterre
nommé
Boling-
brocke, d'exécuter l'opération magique, de concert avec une sorcière insigne,
nommée Marie Gardemain,
en invoquant Satan sous
le
nom
de
SCIENCES ET LETTRES.
252
Mill'ouvrier
.
On
trouva
en cire du roi Henri à moitié fondue,
la figure
devant un feu de plantes sèches qui avaient été choisies dans un cimetière
au
clair
de lune. Le crime étant prouvé,
sorcière brûlée, et la duchesse de Glocester
condamnée à
Les plus terribles envoûteurs- du quatorzième
tuelle.
Au
Robert.
et
nécromancien
le
la
de
la
prison perpé-
Paviot
la
protection
reine-mère Catherine de Médicis. L'opinion publique n'en resta pas
IX succomba
cause
le
Un
la fatale
la
Saint
-
Barthélémy, avait eu pour
maléfice d'un envoûteur.
non moins redoutable
chevillement ou
un individu voué
le chevillet,
nom
le
de
plus facile à pratiquer,
et
qui exerçait aussi sa funeste influence
à la mort. Il suffisait d'enfoncer dans
à grands coups de maillet,
nonçant
maladie hémorrhagique à laquelle Char-
huit mois après
autre maléfice,
était le
sur
un clou de
fer
une muraille,
ou une cheville de bois, en pro-
personne qu'on voulait voir périr de mort lente
la
mystérieuse. Les sorciers du
moyens pour donner
la
moyen âge
avaient mis en
mort à distance; par exemple,
œuvre les
démon
dirigeait vers
flèche perçait le lieues. Il
avait,
y
un but marqué, en
cœur de
la
victime, fût-ce à
au quinzième
bert, qui envoyait ainsi,
siècle,
un de
chaque jour,
aucune ne manquait son coup
;
il
agréable au diable, qui lui désignait telles
la
archers ou
rendant invisible la
ces sagittaires,
où
que cette
nommé Pum-
trois flèches meurtrières,
malheureux que
que
dont d'être
ces flèches
mor-
devaient atteindre. Les habitants de Lautenbourg, en Prusse, indi-
gnés des assassinats magiques de ce monstre, s'ameutèrent contre le
:
,
distance de trois cents
n'avait pas d'autre désir les
et
d'autres
sagittaires n'avaient qu'à lancer dans les airs une flèche acérée le
la
seizième siècle, l'astrologue italien Corne Ruggieri aurait
moins convaincue que les
pendu,
siècle furent
compromis dans plusieurs procès d'envoûtement, sans
été
fut
lui et
mirent en pièces. Le maléfice des sagittaires venait des pays du Nord, les
Finnois
et les
Lapons
se débarrassaient de leurs
ennemis au moyen
de petites flèches de plomb, qu'ils lançaient au hasard, avec des paroles
magiques
:
ces flèches allaient droit
invisible, dont
au but
et
y
laissaient
on mourait infailliblement au bout de
Le moyen âge reconnaissait, en outre, magiques corporels
et
une blessure
trois jours.
l'existence de certains agents
incorporels, qui procédaient de l'influence
du dé-
SCIENCES OCCULTES.
mon ou
de celle des esprits familiers. Tel
connu dans
Fig. 168.
—
la
était le
mauvais
plus haute antiquité, mais mal défini par
253
œil, ce maléfice les
démonogra-
L'Alchimiste, d'après une gravure de Vriese. Bibliothèque nationale. Cab. des Estampes.
phes, qui n'en font pas tous remonter l'origine à l'action des puissances infernales.
Les philosophes hermétiques n'étaient pas mieux d'accord sur
nature de Yarchée, cet esprit architecte qui travaille sans repos dans
la
les
SCIENCES ET LETTRES.
cavités
du corps humain,
et
actives de l'âme. Les savants les plus sérieux, tels
Campi
et
Ambroise Paré, admettaient
participait à toutes les
ange.
Ce
qui avait présidé à
la
les actes
des sciences occultes,
métaux
glissaient dans la plupart des conjurations ,
l'influence astrale
surtout
et
adeptes du grand œuvre appelaient sans cesse à
les
leur aide les esprits élémentaires des
bons ou mauvais
comme un bon
tantôt
Ambroise Paré, que
qui s'annon-
et
naissance de chaque individu. Ces agents incorporels
devaient donc s'associer à tous
dans l'alchimie, où
que David de Planis-
comme un démon,
n'était, suivant le docte
une des forces
aussi Y ascendant constellé, qui
combinaisons des sciences occultes
dans ses inspirations, tantôt
çait,
comme
que Paracelse regardait
(fig.
et les
168).
malins génies qui se
Ces génies, ces
esprits,
sont désignés nominativement en une foule de formules
bizarres, qu'on employait à fabriquer des cachets [sigilla)
magiques ayant un pouvoir sacré contre
les
ou des anneaux
démons, préservant de mort
subite, écartant les maladies et les dangers sur terre et sur
rant à volonté tout l'argent dont on avait besoin.
Le
mer,
et
procu-
sieur de Villamont
raconte, dans ses Voyages en Orient, qu'il rencontra, en i5yo, à Venise, un
gentilhomme cypriote,
nommé
Antoine Bragadin, qui menait un train de
prince et qui, grâce à son art diabolique, ne fut pas en peine de fournir au sénat vénitien cinq cent mille écus d'or qu'il avait fabriqués. eut l'imprudence d'aller en Bavière, où
nèrent à être brûlé vif; mais
il
il
Ce Bragadin
trouva des juges qui
le
obtint, à prix d'argent, en faisant
honorable, d'être décapité sur un échafaud tendu de noir
et
d'une potence couverte de plaques de cuivre, lesquelles,
un
du temps,
«
donnaient
à
entendre
les piperies
La plupart des philosophes hermétiques, ciens, prétendaient posséder les secrets de la est vrai, cette
haute Kabale juive, que
auraient apportée à
que
les
siècles
Adam,
les
dit
telle qu'ils la
et les
fut,
qu'ils fussent
historien
Kabale
,
»
ou non magi-
qui n'était pas,
anges, suivant
s'étaient
appropriée dans
il
les rabbins,
les
et
premiers
originairement, une science toute spécula-
nature divine.
magiciens voyaient seulement, dans
comprenaient,
surmonté
de ce fabricant d'or.
tive qui prétendait dévoiler les secrets de la création et de la
Les hermétistes
amende
après son expulsion du paradis terrestre,
philosophes orientaux
du christianisme. Ce
condam-
l'art
la
de faire agir, en certains cas,
Kabale, les
puis-
SCIENCES OCCULTES.
sances supérieures sur surnaturels.
Il
le
monde
inférieur et de produire par là des effets
importait donc de connaître
supérieures et de
les
•255
nom
le
de ces puissances
soumettre, par des évocations, à une sorte d'obéis-
sance passive. Cette Kabale magique consistait dans des évocations qui devaient mettre l'homme en rapport avec les intelligences invisibles de terre et
du
génie du
Taynor
Fig. 16g.
monde
et
—
ciel.
Suivant
la
croyance des kabalistes du
moyen
le
les
Sayanon
;
ceux-ci
commandaient à d'autres
Vieille fée filandière. Fac-similé d'une gravure sur bois,
esprits secondaires,
attribuée à Holbein, et tirée de la 1
537, in-fol.
plus puissants sont Guabarel, Torquaret, Rabianica. Nanael était
génie des sciences divines; Jérathel, celui des sciences terrestres; Mikael
présidait à la politique, Jeliel au règne animal.
chacun avait de
âge, Ariel,
sublunaire, avait sous ses ordres les princes Damalech,
traduction allemande de la Consolation de la philosophie de Boèce, édition d'Augsbourg,
dont
la
la terre,
kabalistes
ses attributions
dans
le
Les autres génies, dont
gouvernement mystérieux des choses
formaient une hiérarchie innombrable d'êtres invisibles, que
du seizième
gner par leurs
siècle
eurent l'audace de passer en revue
noms comme par
leurs qualités
distinctives.
et
de dési-
Corneille
par exemple, d'avoir enregistré dans son catalogue
Agrippa
se vantait,
noms de
six mille intelligences, génies
ou
esprits,
les
les
appartenant à un grand
SCIENCES ET LETTRES.
256
nombre de
catégories et pouvant être tous évoqués par les adeptes de Part
divin.
Les sciences occultes avaient ainsi part des êtres fantastiques
depuis
temps
les
les
campagnes, où
sans être forcées, par visible.
On
les
Les
elles se
la
bankèe en Irlande
noms
(fig.
et
montraient souvent aux hommes, disait-on,
magie, de
sortir de leur existence
midi de
le
la
ou
les
ou
les
normale
et in-
France, korrigans en
169) et bonnes dames, enSaintonge et en Picardie,
en Ecosse,
nomes dans
les
contrées du Nord,
humaine
;
etc.
elles
ou magiciennes, présidant aux destinées des mortels,
qu'elles fussent vieilles solitaires,
connaissait,
divers et avec tant
Elles tenaient à la fois de la nature divine et de la nature étaient enchanteresses
la plu-
longtemps leur empire
fées conservèrent
appelait favas dans
Breta.gnç,flandières
domaine
superstition populaire
la
plus reculés, sous tant de
les
d'attributions différentes.
dans
que
,
entrer dans leur
fait
ou jeunes,
belles
ou difformes, habitant
cimes neigeuses des montagnes, ou
sphères aériennes. Ce n'était pas
là
que
la
les
les grottes
sources limpides,
magie songeait à
les aller
chercher, et elle ne les disputait point aux fantaisies littéraires des poètes et des
romanciers. Les êtres mystérieux qu'elle appelait plus volontiers à
son aide, c'étaient
davantage à les estries,
la
intermédiaires, qui semblaient se rattacher
les esprits
grande famille des démons; ainsi distinguait-on parmi eux
démons des
ténèbres, qui se plaisaient à étreindre, jusqu'à les
étouffer, les gens qu'ils rencontraient la nuit; les gobelins
ou gibelins, qui
se bornaient à signaler leur présence, au milieu des vivants, par d'inno-
centes malices; les follets, qui égarent les voyageurs, en leur montrant de loin des lueurs
trompeuses
liques, dans lesquels
;
les
luitons ou lutins; enfin, les esprits métal-
faut reconnaître les émanations de gaz inflammable,
il
qui produisent dans les mines tant d'explosions imprévues
mineurs n'ont pas sous
le
On
nom
fait
déchoir de leur origine infernale, en
les
désignant
les
démons
errants, dans les
hommes-loups ou
lycanthropes, que l'habitant des campagnes redoute encore
la
que
de feu g7~isou.
croyait voir aussi des
aient cessé
et
,
quoiqu'ils
,
de faire des victimes, dans leurs courses nocturnes, sous
forme de loups au poil noir
sanglante. Les
hommes-loups
et hérissé,
et les
aux yeux enflammés, à
la
gueule
hommes-chiens ont beaucoup d'ana-
SCIENCES OCCULTES.
logie avec les ogres
hordes mongoles
,
ou ouigours, lesquels ont
que leur aspect effroyable
signalèrent que trop à
l'effroi
seurs du cinquième siècle.
maudits qu'un pacte avec par an les
parcouraient
,
la
Grèce
;
dans
existé réellement
et leurs
mœurs
les
féroces ne
des populations livrées à ces cruels envahis-
Les loups-garous
(
fig.
hommes
170), ces
diable obligeait à se changer en loups une fois
champs
les
enfants en bas âge
colaques de
le
257
comme
et les
et les
bois en hurlant et dévoraient
vampires de
les
hommes
la
Pologne,
blancs de la Provence
,
les ils
brou-
avaient
sang humain. La philosophie occulte reconnaissait, en outre,
soif de
Fig. 170.
—
L'homme-chien, l'homme-loup, l'homme-taureau et l'homme-porc, d'après les miniatures du Livre des merveilles du monde. Ms. du xiv e siècle. Bibliothèque nationale de Paris.
d'une foule d'autres esprits, plus inoffensifs de leur nature,
l'existence
qu'elle
comprenait sous
qu'ils peuplaient les
dres, dans
Tous
les
le
feu
;
le
nom
quatre éléments: sylphes, dans
gnomes, dans
êtres qui
nombreuses teurs, les
la terre
composaient
fluence ou la domination de la différents degrés, des
générique d'esprits élémentaires, parce
le
;
les airs;
ondins, dans les eaux.
monde
invisible subissaient l'in-
magie, laquelle
œuvres du démon; mais
le
procédait toujours, à
moyen
âge avait admis de
variétés entre les sectateurs de cet art infernal.
charmeurs
et les
salaman-
charmer esses ne
se servaient
Les enchan-
que de paroles
ou de chants magiques, pour leurs charmes ou leurs enchantements; SCIENCES ET LETTRES.
33
les
SCIENCES ET LETTRES.
208
nécromans
magiciens ajoutaient aux incantations tout un
et les
de cérémonies ténébreuses
redoutables; les sorciers
et
et les sorcières,
etfaiturières, ne craignaient pas d'employer des pratiques
shyges
pour
trueuses,
trouve
se
la sorcellerie
précisée
en ces termes
,
théologique du cardinal de Richelieu des
par
effets,
nuire aux la
magie
puissance du diable
la
hommes, par
et la sorcellerie, la
siècle
que
la
nuisance.
»
La magie
et
,
est
il
fin
ya
un
art de
des maléfices qu'ils avaient pu commettre,
de
répression
la
anathèmes de
Ce
fut
cèrent et la
cà
l'art
les
nécromans
le
qu'en raison
astrologues qui s'étaient
astrologique n'avaient rien à craindre
la
siècle
que sorciers
sabbat, qui devint dès lors
cour plénièredu démon.
les
aux char-
et
justice civile
et les
magi-
l'autorité ecclésiastique.
fréquenter
chez tous
la
et les
légale, quoiqu'ils fussent passibles des censures et des
seulement au quinzième
du nom et de
art de
furent poursuivis et punis au seizième
plus de vigueur que
de
un
Cette définition nous semble expliquer
mis en cause devant
les limites
est
produire
principale ^ostentation,
meurs,
renfermés dans
ceux
cette différence entre
au moyen âge. Quant aux enchanteurs
n'étaient
et
dans un ouvrage
ciens ne rayaient été ils
mons-
différence
magie
ou maléficie
sorcellerie
magie a pour
les sorciers et sorcières
avec plus d'activité
;
«
:
puissance du diable;
la
et la sorcellerie,
pourquoi
La
mettre en relation directe avec Satan.
se
caractéristique qui empêchait de confondre les actes de la
de
rituel
On n'est
le
et sorcières
commen-
concile de la sorcellerie
pas d'accord sur
la
véritable origine
chose. Les assemblées nocturnes des sorcières avaient lieu
anciens peuples
eut tout d'abord
un caractère
,
et
obscènes, que les lois divines
mais ce
n'était pas
siècle, la
le
sabbat, qui
une destination essentiellement impies et
et
s'abstenir de
humaines ne pouvaient
condamner. Le point de départ du sabbat
nommé, au douzième
encore
fut peut-être ce
qu'on avait
messe des Vaudois, dénomination trans-
formée depuis en me\cle des Vaudois. Ce me\cle ou plutôt
cette
messe
n'avait été primitivement qu'une réunion secrète des Vaudois, prosélytes
de l'hérétique Pierre Valdo, dans tendit
que
les
Vaudois
les
montagnes du Dauphiné. On pré-
se rassemblaient ainsi,
monies magiques qui tendaient à détruire l'ordre des éléments;
les
pour
assister à des céré-
moissons
on raconta que ces cérémonies
étaient
et
à troubler
accompagnées
SCIENCES ET LETTRES.
2ÔO
de festins diaboliques
et
de rondes infernales, avec des chants inintelli-
gibles qui ressemblaient à ceux des juifs réunis
dans
synagogue
la
le
jour du sabbat. Ces assemblées mystérieuses continuèrent dans les ténèbres, mais elles changèrent d'aspect et d'objet, lorsque vaulderie devint
synonyme de
que
sorcellerie, et
place aux sorciers. Dès lors
des sorciers
et
les
hérétiques eurent tout à
sabbat n'est plus que
le
tiques ou juchés sur les épaules des
là
c'est-à-dire sur le
que Satan
la
rendez-vous général
des sorcières, qui s'y rendent de toutes parts, en traversant
l'espace avec la rapidité de l'éclair, les
magique,
le
cédé
fait
uns montés sur des animaux fantas-
démons,
manche d'un
les autres à
balai de
tient ses assises, c'est là qu'il reçoit
sujets et sujettes, c'est là qu'il distribue
signe de l'initiation infernale.
Le
«
cheval sur
bouleau
(fig.
ramon
171). C'est
l'hommage impur de
aux nouveaux
initiés la
diable, au sabbat, dit de
son Traité de l'inconstance des démons,
le
est assis
ses
marque,
le
Lancre dans
dans une chaire noire,
avec une couronne de cornes noires, deux cornes au cou, une autre au front avec laquelle
éclaire l'assemblée, des
il
pasle et trouble, les
yeux ronds, grands,
hideux, une barbe de chèvre, taillez, le
corps en forme
une créature humaine. Les horreurs
la
forme du
visage
enflammés
col et tout le reste
d'homme et de bouc, les mains
et les sacrilèges
et les
et
du corps mal pieds
comme
qui se commettaient au sabbat n'étaient
les sorciers
ne pouvaient plus s'excuser
voir péché par crédulité ou par ignorance
hommes
fort ouverts,
le
»
plus des crimes imaginaires;
délirante des
cheveux hérissés,
peut rêver,
dit le
«
:
Tout
d'a-
ce que l'imagination
M. Ferdinand Denis, souve-
savant
nirs mythologiques, traditions bizarres, légendes terribles, se mêle,
confond, s'unit intimement pour composer
malades inventent de nouveaux crimes,
la
se
cour de Satan. Les esprits
et le rire strident
du diable encou-
rage mille péchés sans noms. Belzébuth lui-même cesse de se revêtir du
simulacre d'un bouc immonde.
pendant
le
seizième siècle,
et
»
Le bûcher
resta
donc sans cesse allumé
tous les genres de tortures étaient appliqués,
sans distinction d âge ni de sexe, aux personnes qu'on accusait d'avoir assisté
au sabbat
et
de
s'être
données à Satan.
CROYANCES POPULAIRES — Fêtes des Barbatoires. — Fête des Dia- Rituel de Sens. - Fête des InnoMère Sotte. — La Mère Folle de Dijon. cents.— Monnaies des Innocents et des Fous. — Confrérie de — Le Serpent, ou Diable. — Purgatoire de saint Patrice. — Le Juif Errant. - L'Antéchrist et la du visions. — Specmonde. — Prophéties des Sibylles, de Merlin et de Nostradamus. — Les songes et les — — Talismans. Prodiges. apparitions. tres et du paganisme. — Saturnales des anciens. La Liberté de décembre, ou fête des Fous. - Fête de
Superstitions dérivées cres.
—
l'Ane. la
fin
le
est le culte
a religion celui
du faux,
»
du vrai;
un grand supplice
tin.
Le
les
dans son
écrivait Lactance,
de V Institution divine.
mie pour
la superstition,
et
«
Toute superstition
une très-dangereuse
hommes,
»
ajoutait saint
très-pernicieux, qui sont assurément des restes
nement, ges
».
Le
charmes
infa-
Augus-
et les
«
des
maux
du paganisme,
l'astrologie judiciaire, le sortilège, le maléfice
la divination, les
est
concile de Paris, tenu en 829, se pro-
nonça très-énergiquement contre
que la magie,
livre
tels
ou l'empoison-
conjectures qui se tirent des son-
concile provincial, en 1466, reconnut
,
avec saint
Thomas, que
toute superstition est une idolâtrie. L'illustre Jean Gerson avait, auparavant, déclaré que
« la
tion et à la religion
superstition est
».
De
teurs et de ses conciles,
laboureur arrache
vice opposé, par excès, à l'adora-
tous temps, l'Église, par l'organe de ses doc-
fit
l'ivraie
un
la
guerre à
la
qui menace d'étouffer
le
croyances superstitieuses étaient une exagération de dévotion,
et
comme
superstition,
bon grain.
la foi
,
le
bon
Ici, les
un excès de
avaient alors quelque chose de touchant, de respectable;
elles dérivaient
de
la
démonomanie,
et elles n'étaient
la là,
que l'expression
SCIENCES ET LETTRES.
2Ô2
d'une crédulité coupable ou ridicule. Ailleurs, dition erronée et travestie cis,
tantôt
;
,
elles
Tout
dans
enfin,
une entreprise criminelle contre
monde physique
le
tra-
avaient un caractère futile et indé-
tantôt elles devenaient une hérésie,
P Eglise.
provenaient d'une
elles
,
prétexte à super-
était
stition.
Le moyen âge chrétien Et
tique.
qu'il
en
fût ainsi, alors
que
d'horreur pour tout ce qui rappelait
gile avait tant
nisme, ne
fut rempli des réminiscences de la
Ton s'étonnait
si
serait-il point aisé
de démontrer que
du monde, avaient
disparaissant de la face
mythologie an-
la religion
de l'Évan-
erreurs du paga-
les
les religions
païennes, en
laissé derrière elles
une foule
de préjugés populaires, toujours vivaces, profondément enracinés dans les esprits
On n'aurait qu'à citer, par exemple,
?
Eloi, ministre sains
«
:
du
Avant
Dagobert
roi
tout, disait-il,
discours que
ments
les
ni les devins, ni les sorciers, ni les enchanteurs,
ou maladie que ce ;
ne
soit;
célèbre saint
graveurs de
pour aucune cause
ne prenez garde ni aux augures,
ni
aux éternu-
dans votre chemin... Qu'aucun chrétien ne remarque quel jour
ne célèbre
et
quel jour
les solstices,
il
jeudi)...
Génie...
le
Que
par des danses
Que
Que
y rentrera...
nul ne pense à invoquer les démons,
Minerve ou
talis-
point attention au chant des oiseaux, que vous entendez
faites
d'une maison
ses diocé-
vous en supplie, n'observez aucune des
coutumes sacrilèges des païens; ne consultez pas mans,
le
évêque de Noyon, adressait à
et je
le
et
la fête
sortira
de saint Jean
des chants diaboliques...
comme Neptune,
nul ne garde
nul chrétien ne fasse des
nul à
il
le
Que
Pluton, Diane,
repos, au jour de Jupiter (le
vœux dans
les
des pierres, des fontaines, des arbres ou des enclos...
temples ou auprès
Que
nul ne fasse des
lustrations, ni des
enchantements sur
troupeaux par
creux d'un arbre ou à travers un trou creusé dans
terre...
le
Que personne
personne ne
nomme
ne pousse de grands
son maître
mait, au septième siècle, titions de
son temps
expliquer
et
qui,
pour
même
être
annales de
la
,
les
la
un pieux
et cette
lune ou
herbes, ou ne fasse passer ses
cris,
quand
la
lune
le soleil...» etc.
pâlit...
la
Que.
Ainsi s'expri-
prélat, qui attaquait de front les supers-
exhortation épiscopale est bien faite pour
pour excuser nombre de
faits
étranges ou monstrueux,
d'une date beaucoup plus récente, paraissent empruntés aux plus grossière idolâtrie.
CROYANCES POPULAIRES.
Les
fêtes
de l'Ane, des Diacres, des Rois, des Fous
fêtes caractéristiques
200
et
des Innocents, ces
du moyen âge, chères au populaire, au bas
clergé
surtout, aux écoliers, aux clercs de la basoche, et en général à toute la folle
jeunesse, méritent d'arrêter notre attention, non-seulement parce que
le
souvenir en est resté célèbre dans l'histoire locale de quelques provinces,
mais encore parce qu'elles ont
Fig. 172.
— Marche
du bœut
été l'origine
gras, vitrail
du xvi e
de
l'art
siècle, à l'église
dramatique français.
de Bar-sur-Seine (Aube).
Quand Hérodien, Macrobe, Denys d'Halicarnasse, décrivent les Saturnales, les Lupercales de l'ancienne Rome, on croirait qu'ils avaient sous les
yeux ces
fêtes singulières
de tolérer longtemps,
mais
et
dont
il
la fin
comme un
le
christianisme fut obligé
héritage étranger qu'il
n'accepta ja-
ne parvint que tardivement à se dépouiller tout à
comment, malgré qu'à
du moyen âge, que
les
fait.
Voilà
censures ecclésiastiques, on vit se perpétuer jus-
du quinzième
siècle les fêtes
de Saturne, de
Pan
et
de quelques
autres divinités mythologiques, sous des dénominations qui ne servaient
qu'à dissimuler
la
persistance de l'idolâtrie.
SCIENCES ET LETTRES.
264
Chez
les
Romains,
des Calendes ou des Saturnales commençait
la fête
au milieu du mois de décembre, pour ne
quième jour de
publiques
cette fête, les affaires
suspendues, on ne songeait qu au plaisir; ce
que repas, concerts, mascarades
On
invitations et présents.
qu'au troisième ou cin-
1
étaient
et particulières
n'étaient
Tant que durait
janvier.
finir
:
on envoyait, on recevait force
ne quittait presque pas
on y
la table,
faisait
des rois du festin; les esclaves s'y installaient, à la place des maîtres; et
par cet abandon, par cette licence, on avait
la
pensée de
au
se reporter
règne de Saturne, au beau temps de Page d'or. Le christianisme, qui avait
parmi
choisi ses premiers fidèles
les classes
pas d'abord priver celles-ci d'une ractère religieux.
fête
infimes de
populaire qui n'avait plus aucun ca-
fractionna seulement cette longue période des Satur-
Il
nales, en plusieurs fêtes distinctes, qui s'abritèrent
du calendrier romain. De
pices d'un des jours fériés
chacune sous là,
réminiscences païennes, auxquelles donnaient lieu
et
saint Etienne, de saint
28 décembre), de
ne voulut
la société,
les fêtes
de Noël, de
Jean l'Évangéliste, des saints Innocents (du 25 au
6 janvier). Les Lupercales ou fêtes de Pan,
(le
en deux séries
:
les fêtes
du carnaval
1" et
le
dieu des campagnes, que les
le
anciens célébraient en février, furent également partagées, chez tiens,
aus-
certaines idolâtries
Circoncision et de l'Épiphanie ou des Rois
la
les
(fig.
les
chré-
du mois de
172), et les fêtes
mai, ordinairement réduites aux trois jours des Rogations. L'Église avait été
d'abord indulgente pour ces restes innocents du paganisme
blâmait que
les
abus.
La grave
;
elle
n'en
autorité de ses conciles ou de ses docteurs
réprouvait, condamnait l'envahissement du culte par les scandaleuses traditions
du monde idolâtre mais ;
dans leurs paroisses, de combattre ou
les
même
les
évêques, dans leurs diocèses,
les curés,
abbés, dans leurs couvents, semblaient craindre de contrarier des habitudes superstitieuses encore
presque invincibles.
D'abord
,
la fête
doute parce que ces
des Calendes se
les acteurs
siècle
:
on
On
la fête
des Barbatoires, sans
de cette saturnale se couvraient
masques à barbes hideuses, que
barboire.
nomma la
le
langue du treizième siècle appelait
n'a pas de détails précis sur cette fête jusqu'au
sait, toutefois, qu'elle était
églises cathédrales
visage de
douzième
en usage, non-seulement dans
les
ou paroissiales, mais encore dans beaucoup de couvents
CROYANCES POPULAIRES.
d'hommes les
et
de femmes. Elle entraînait,
plus répréhensibles et
Le premier ouvrage décrit la
pompe
de
On
1
182.
Fig.
iy3.
étrange
jouant de
et
déshonnête de
la
des rôles
la
corne-
était
France, par Alex. Lenoir.
et
les folies
nom
la fête
de liberté de Décembre, des
Fous, porte
la date
cette liberté impliquait surtout l'intervertissement
Fig. 174.
muse, d'après Y Atlas des monuments tte
motivait partout
plus scandaleuses.
liturgique qui, sous le
y voit que
- Fou
les
elle
265
des rangs du clergé.
—
Fou tenant
sa marotte sous le bras, d'après
une miniature d'un ms. du xv°
siècle.
Bibliothèque na-
tionale de Paris.
Ce qui prouve combien
entré profondément dans les
mœurs,
cet
usage profane
que, près de deux siècles
c'est
plus tard, bien que maint concile l'eût anathématisé, bien que de sages prélats, de pieux souverains eussent travaillé assidûment à l'extirpation
de ce qu'un de nos rois appelle un
païens et du culte de l'infâme Janus
»,
«
détestable reste de l'idolâtrie des
une
lettre
de
la
Faculté de théologie
SCIENCES ET LETTRES.
—
3^
SCIENCES ET LETTRES.
266
de Paris atteste que, vers de
la
Circoncision,
les
de femmes, de fous
le
gens d'église assistaient à
(fig.
le
jour
uns en habits
la
plupart avec des masques de figure
un évêque ou archevêque des fous,
élisaient
ils
l'office, les
«
173- et 174), d'histrions, les autres en chapes et en
chasubles mises à l'envers, trueuse;
milieu du quinzième siècle, en 1444,
le
mons-
revêtaient
d'habits pontificaux et recevaient sa bénédiction, en psalmodiant les leçons
des matines, indignement travesties; taient des
ils
dansaient dans
le
chansons déshonnêtes, mangeaient et buvaient sur
aux dés sur
pavé de
le
l'église,
encensaient
de matières puantes qu'on
couraient
sautaient de la façon la plus indécente,
faisait
montraient sur des échafauds
se
,
jouaient
brûler dans l'encensoir,
et
messe dérisoire
l'autel,
célébrant avec la fumée de
le
vieux cuirs et
chœur, chan-
et,
et se
à la suite de cette
promenaient sur
des chars, en luttant de cris, de grimaces, d'insolence et d'impiété.
Les censures ecclésiastiques, lettres
dicateurs assez impies
prouvée de Dieu plaintes
du
de célébrer
roi
,
il
au dire de Gerson, des pré-
se trouvait,
pour affirmer en chaire que
et alors
que
cette fête était
Troyes répondait aux
clergé de
le
«
Charles VII, que son évêque Jean Léguisé avait
la fête
Cette fête, dont n'était autre
»
défenses royales ne pouvaient être que
les
mortes, en des temps où
que
des Fous, qui se célébrait de le
la
»
même
ap-
justes
commandé
à Sens.
clergé troyen faisait plus particulièrement son affaire,
fameuse messe de l'Ane, qui
riantes, en plusieurs villes de France,
mais dont
existait,
avec des va-
le rituel spécial,
formulé
exprès pour l'Église de Sens, nous a été conservé dans un précieux manuscrit
du treizième ville.
siècle, qui se voit
encore à
Les rubriques, insérées dans
la
le texte
Bibliothèque publique de cette
de
l'office,
nous font connaître
toute la mise en scène de cette prétendue messe, qui n'était pas célébrée,
comme on
l'a dit,
mémoire de ou de des
celle
en l'honneur de l'ânesse de Balaam, mais bien plutôt en
l'ânesse qui se trouvait
qui
le
portait
Rameaux. Cette
sordre que leurs
la fête
meutes
quand
dans
il fit
fête étrange, d'ailleurs,
de sons de trompes
faucons, pour et
aucune idée d'impiété,
les
dimanche
chasseurs, amenant à
les faire
de profanation.
le
ne causait pas plus de déla
messe
bénir, remplissaient l'église
de clameurs de chasse. ni
où Jésus vint au monde
son entrée à Jérusalem
de saint Hubert, où
et leurs
l'étable
Il
n'y avait là, d'ailleurs,
I
CROYANCES POPULAIRES.
Voici quelle était cette fête de l'Ane, sait
fameuse au moyen âge.
si
On
fai-
choix d'un bel âne; on l'amenait processionnellement, à travers
rues tapissées;
qu'à
la
le
porte de
l'église,
Loin
jouir,
où
Que
contemporain relief le talent
,
annoncée au peuple par une
d'ici la
cette
!
C'est aujourd'hui
»
Ils
On
ne veulent que se
comme
l'ont insinué les
dix-huitième siècle, n'était qu'une naïve il
suffit
ré-
présentait l'âne devant
prose de l'Ane, qui, d'après un témoignage
du préchantre, ou premier chantre,
piété de nos pères;
aillent loin
la tristesse s'en
grandeur!
de l'Ane
la fête
«
:
exprimé en vers au commencement du Rituel
moquerie sacrilège,
français
était
ceux qui songent à
d'ici l'envie, loin
on chantait
cérémonie
qu'on peut traduire ainsi
ceux qui célèbrent
l'autel, et
la
latins,
jour d'allégresse.
d'ici!
les
clergé venait à sa rencontre, toujours en chantant, jus-
psalmodie en vers le
267
et
,
mettait en
qui, loin d'être une
philosophes frondeurs du
pathétique manifestation de
et
d'en citer deux strophes latines avec
le
la
refrain
:
Orientibus partibus,
Adventavit Asinus
Pulcher
et fortissimus,
Sarcinis aptissimus.
Hé,
sire
Ane, hé!
Hic in collibus Sichen, Enutritus sub Rubcn, Transiit per Jordanem
Ces
jolis
Saliit in
Bethléem.
Hé,
Ane, hé!
sire
vers rimés signifient
:
etc.
Des régions d'Orient,
«
est
venu
très-beau, très-vigoureux, très-apte à transporter les fardeaux, etc.
coteaux de Sichen, à Jérusalem,
»
il
fut élevé
par
Ruben
;
il
traversa
le
Jourdain
et
l'âne,
Sur
les
monta
etc.
Selon une vieille tradition conservée à Sens, après Y alléluia, qui se chantait plusieurs fois nait en l'autel, «
chœur
ia,
dans
l'office
ta! ou ht an,
de l'Ane, toute l'assistance repre-
hian! Ensuite,
les
chantres, derrière
entonnaient, en faux-bourdon, deux vers léonins proclamant que
ce jour était le plus illustre entre les jours illustres, cette fête la pre-
mière de toutes
les fêtes ».
Enfin,
le
grand chantre, qui avait déployé toute
!MiMMMMM|i||||||||||||É
SCIENCES ET LETTRES.
26S
"
*
*
^^T»
* fu\
*
—
zriHJ.
t~*
utravt àCmAn^l)^
.
IV-m xtù&px wc^\a\u\ -imitai
"V
tyy Ctun
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*
-
*
*
^
—
^-is-
ait&mu comeb tt x car cHuwi xtttiaî
—
-S
3-
mr^jjfrawme amen am eivttera a^nareueieta-l)^> Fig. 175.
—
Prose de l'Ane, en plain -chant. Fac-similé de ms. du
xm
c
siècle.
la
page du
Bibliothèque de Sens,
rituel
de Pierre de Corbeil,
CROYANCES POPULAIRES.
269
ORIENTIS PARTIBUS PREMIERE STROPHE -(9
G^& G-O
-a-0
O-ri-en-tispar-ti-bus Ad-vcn-ta-vit A-si-nus
0-G ^ n >
0—
GG
Pu!elieretfor-tis-si-mus
Sar-ci-nis ap-tis-simus
0—0 —
:s>:
^a:g/=^= |i =g-g:fLa 0-
|
Iïczsiras-ne hez
-0—0-
<9
Ad-ven-ta-vit A-si-nus
-ri-en-tis par-ti-bus
Hezsiras-ne hez
6»
.z=^zzz
-Ô-
Sar-ci-nis ap-tis-simus
-fcU
—
O-ri-en-tispar-ti-bus Ad-vcn-ta-vit A-si-nus
:
Pulcheretfor-tis-si-mns
Pulcheretfor-tis-si-mus
Sar-ci-nis ap-ti-ssiraus
Hezsiras-nehcz
lia*
—&znCnB
tr
—
lw-*-A3-jn—
6>^==*
G
— 0—0-0—0-*
DEUXIEME STROPHE
GG&&GG Hic incoI-li-busSichen
G- G rr° G-
-o
E-nu-tri-tussubRu-ben Tran-si-itper Jorda-nem
Sa-
li-it
inBethle-em
Hezsiras-ne
E-nu-lri-tus sub Ru-ben Tran-si-it per Jorda-nem
Sa-li-it
inBethle-em
Hezsiras-ne hez
liez
G Hic
in col-li-busSichpn
G\ >
ZZIZ £*O&-0
g
-2-0
r.O
=5:
^§^j0^L
G-
G
Hicin coUi-busSichen
E-nu-tri-tussubRuben Tran-si-it per Jorda-nem
0-
G O 72 ^-n-V/O &2 6 0~ O-
— Prost?
GG- r^-o-
©-5>
Sa-li-it
Mne,
6>
—0-0—0-
Hezsiras-ne hez
-G-%&%0-
03000
.0^0. -el-
cte
inBethle-em
<9
-.0^
^T£0--n^G —G Fig. 176.
—
0-
.0.
0— 0—0-*
mise en harmonie avec accompagnement d'orgue par M. Félix Clément.
SCIENCES ET LETTRES.
270
voix dans
sa
la
abondamment
prose de l'Ane,
où
servie,
était
trouvait, ainsi
il
pompe
conduit en
vers une table
que ses acolytes, de copieux
rafraîchissements.
Nous avons France
que
dit
on voit, en
:
que, de 141
1
la fête effet,
de F Ane se célébrait en plusieurs villes de
dans
à 1416, la fête des
milieu de F office, et que
le
de
les registres
la
cathédrale d'Autun,
Fous promenait un ane, en chasuble, au
chant traditionnel
Hé,
:
sire âne, hé, hé! était
entonné par des clercs vêtus d'habits grotesques. Le cérémonial de de F Ane, à Beauvais,
transmis
offrait
Rituel de Sens.
le
hé! avait pu être pris, par tous
les tons.
Quant
beaucoup d'analogie avec
Il est clair
que
à la fête de F Ane, telle qu'on
simplement l'introduction de l'ânesse de
c'était
montre ou revue de personnages empruntés Testament, latin
et
composant une
invitation à braire sur la
célébrait à
de troubler
la
le
solennité
pas immédiatement
Balaam, dans
à l'Ancien et
du douzième
la fin
du
culte divin, et,
le résultat qu'il
le
sanctuaire ne fût plus
le
si
au Nouveau
espérait,
faut croire
il
la fête
parvis,
siècle, c'était
seulement sous hors
c'est-à-dire
de
les
furent
le
l'église,
que
se
Un des
Les clercs regardaient
de leurs plus chers privilèges
;
le
porche, dans
totalement débarrassés
déshonoraient.
comme un
un
le
à
peu
but d'obtenir et
du peuple
des Fous, proprement dite, n'est
des processions joyeuses et des mascarades. liturgie
que peu
du bas clergé
pas venu jusqu'à nous, mais nous savons que, dès
quinzième
siècle, a été
ses louables efforts n'obtinrent
théâtre des orgies
en gogue (goguette). Le rituel de
qui
une
plus pour que ces misérables saturnales cessassent
d'autres ecclésiastiques usèrent de toute leur influence dans
la
Rouen,
farci ou macaronique.
des prélats qui firent
ie
sire âne,
sorte de mystère, entrecoupé de dialogues en
Eudes de Sully, évêque de Paris, vers
que
que nous a
Hé,
vieux refrain
le
comme une
les assistants,
celui
la fête
ils
commencement du le
cimetière, ou sur
déployait
peu plus
pompe
tard, le culte et
superstitions cette
la
païennes
antique tradition
ne renoncèrent donc pas sans
peine aux divertissements qu'elle leur procurait; mais, tandis que les laïques, héritant,
ciations
pour
la
pour
ainsi dire, de la fête des
Fous, formaient des asso-
mise en scène des mystères, l'Église
protection ou sa tolérance aux excès de
la liberté
retirait
par degrés sa
de Décembre.
CROYANCES POPULAIRES.
Toujours fête
que
est-il
Fous
des
la fête
subsista
27
moins longtemps que
la
des Innocents, parce que l'élection d'un pape des Fous fut reconnue
injurieuse pour la papauté, avant que l'élection d'un évêque des Innocents semblât offensante
pour
l'épiscopat.
Remarquons, en
outre, que ces
nord que
élections burlesques eurent plus de durée et d'éclat dans le
dans
le
midi.
A
Amiens, par exemple,
Le
îvionàe
— Chariot de
la
Mère
pape, élu par
les sous-diacres, recevait,
anneau
une
que
festin,
cloches
du clocher
un
tiare d'argent et
que payaient
les serviteurs
non-seu-
miroir.
Folle, qui parut à Dijon en 1610. Fac-similé d'un dessin
Ruggieri.
lement un pape des Fous, mais encore on
dans un
eut, jusqu'en 1548,
feul, et caffer Ton
communiqué par M.
d'or,
y
eft plein de- Tous, et cnn n'en. veut point voir,
Doit demeurer tout
Fig. 177.
il
lui
nommait des cardinaux. Ce
comme
sceau.
Son
chanoines de
les
insigne de sa dignité,
la
intronisation avait lieu cathédrale, à condition
de ce facétieux pontife s'abstiendraient de descendre et
un
les
de commettre d'autres insolences. Quant aux évê-
ques des Innocents, élus, sacrés
et
acclamés par
les
chantres
d'église subalternes, ils avaient droit de porter la mitre
gants, aux cérémonies des
Fous;
ils
,
la
et les
gens
crosse et les
rendaient, dans leur diocèse folâtre,
SCIENCES ET LETTRES.
272
des arrêts et des ordonnances, qu'ils scellaient de leur scel est, ils
leur
frappaient une monnaie en
nom
plomb
même
et
et,
;
qui plus
en cuivre, portant
et leur devise.
Les érudits ont supposé que ces pièces de monnaie, lesquelles avaient
beaucoup d'analogie avec les
Romains envoyaient en
servir de jetons,
cachets ou empreintes de cire que
les sigilla,
présent à l'occasion des Saturnales, devaient
ou jetoirs, dans
les
jeux de hasard,
et
devinrent ensuite
des espèces de laissez-passer ou de contre-marques pour les
montres ou revues,
Innocents avait
le
représentations théâtrales que l'évêque des
et les
privilège de faire exécuter par ses ouailles, ou consorts,
ou suppôts. Ces monnaies, dont un grand nombre ont
notamment sur
le sol
de
la
Picardie qui semble avoir été
des Innocents, affectent souvent
l'effigie et
même
la
Domini benedictum
(le
nom
été retrouvées, la
mère-patrie
légende sacramentelle
des monnaies royales et baronales, aux quinzième
Sit nomen
processions,
les
et
seizième siècles
de Dieu soit béni)
souvent
;
portent, outre cette légende latine, diverses légendes françaises
de l'evesqne Innocent; enfin (voyez) le temps qu'il est!
Bene vipère
,
—
diverses
telles
,
que
Guerre cause maini\ hélas!
lœtari (bien vivre
et
devises
:
:
elles
Monnaie
:
Vous vees
(chagrins),
—
et se réjouir), etc.
Les papes ou patriarches des Fous frappèrent aussi monnaie
;
mais
toutes les pièces qui se sont conservées se rapportent à deux types princi-
paux. L'un d'eux représente cette légende
Comme
on
le
:
une
tête
double de cardinal
Stulti aliquando sapientes
:
et
de fou, avec
fous sont quelquefois sages).
(les
voit, le respect est absent de ces représentations
comme
de
ces fêtes.
Nous
n'essayerons pas de décrire,
gances auxquelles donnait
même sommairement,
lieu la célébration
Innocents, dans les nombreuses localités où
de
la fête
elle était
les extrava-
des Fous ou des
en usage.
ANoyon,
à Senlis, à Corbie, à Reims, à Toul, à Bayeux, à Rouen, à Vienne en
Dauphiné, à Viviers en Provence, sur tous le
règne de
la
les
points de la France enfin,
Folie était annuellement proclamé
et s'exerçait,
pendant
une période de temps plus ou moins prolongée. Les processions,
les
cavalcades,
les
les
grotesques parodies des actions ou des personnages
plus graves, défrayaient cette fête populaire, qui, lorsqu'on l'eut écartée
CROYANCES POPULAIRES.
du sanctuaire fours.
meuse
Chaque :
celle
d'Amour
,
s'en alla
promener son dévergondage par tous
ville eut alors sa
les carre-
procession, sa montre plus ou moins fa-
de TÉpinette à Lille, de
la
Mère Folle
à Dijon, du Prince
à Tournay, du Prince de la Jeunesse à Soissons, des Caritats à
)))M
Fig. 178.
—
Bâton de
8
«(
l'infanterie dijonnaise,
communiqué par M.
Béziers,
273
furent
des Fous, et, en
en 1482. Fac-similé d'un dessin Ruggieri.
autant de dégénérescences ou d'imitations
même
de
était
accompagnée de scènes muettes ou dialo-
guées, sérieuses ou comiques, qui furent des mystères et des soties, se
trouva
là
fête
temps, des évocations du théâtre naissant, car
chacune de ces processions
un poète
la
pour
les
rimer (Voy. plus loin
le
quand
chap. Théâtre).
SCIENCES ET LETTRES.
— 35
SCIENCES ET LETTRES.
274
De
tous côtés, d'ailleurs, se formaient des associations privées, pour con-
server et perpétuer les traditions de la fête des Fous. Les confrères de
VI permit de
Passion, à qui Charles
en 1402,
s'établir à Paris,
et
la
de repré-
senter des mystères, dans une salle de l'hôpital de la Trinité, étaient, origi-
nairement, des gens d'église, des personnes pieuses, qui voulaient faire tourner au bien de rades,
que
la religion ce
la fête des
Fous
goût effréné des spectacles
répandu dans
avait
des masca-
et
le clergé et la
population.
Les autorités ecclésiastiques encouragèrent d'abord ces jeux, plus édifiants
que ceux du pape des Fous
et
de l'évêque des Innocents. Les gens du
du
Palais, avocats, procureurs et clercs de la Basoche, qui se souvenaient
bon temps de
la liberté
de Décembre, résolurent de donner
Folie ou Sottise, condamnée
royaume des Sots
l'empire des
et
ronnèrent du bonnet vert à
Le but
et
bannie par l'Église.
Fous;
ils
oreilles d'âne,
Ils
à
asile
créèrent
la le
élurent un prince, qu'ils cou-
sous
le
nom
Mère
de
Sotte.
principal de cette nouvelle institution joyeuse fut la représentation
des soties ou satyres, qui s'attaquaient aux puissances de
ne relevaient que de
Parmi
il
,
Folle de Dijon
faut
(fig.
lui-même, en 1454
en province, recueillirent l'héritage de
nommer, en première
177), ,
qui
malice de l'auteur.
les associations qui,
Fous
fête des
la
la terre, et
que Philippe
dans
le
le
ligne, la société de la
la
Mère
Bon, duc de Bourgogne, fonda
seul but de
mettre
fin
aux orgies scanda-
leuses qui avaient lieu dans les églises, à l'occasion des fêtes de Noël, de
l'Épiphanie
et
des Rogations. Cette société, dont les pratiques étaient
si
bien appropriées à l'esprit des vendanges bourguignonnes, se composait de plus de cinq cents personnes, de toutes qualités, qui se divisaient en deux
bandes
:
l'une d'infanterie
bonnet de fou rouge ou de
et
vert.
(fig.
178), l'autre de cavalerie, tous portant le
des livrées, c'est-à-dire des habits bariolés de jaune, de
Le chef de
la
compagnie,
nommé Mère
Folle, faisait
des montres ou revue de son armée, présidait une sorte de tribunal fa-
que son procureur
cétieux, et prononçait de burlesques jugements
,
vert se chargeait de faire exécuter. Ces procès
et ces plaidoyers risibles,
fiscal
ces cavalcades, ces assemblées solennelles, mettaient en évidence tous les
caractères et tous les attributs de la Folie, qui ont disparu, sans que
monde en
soit
devenu plus sage; mais l'ancienne
fête
des
le
Fous, qui
CROYANCES POPULAIRES.
avait cessé de hurler et de glapir sous les voûtes
encore
chansons
les
tandis que
le
et les joyeusetés
clergé inaugurait
matiques empruntées aux mystères
et les soties
Fous; mais
Fig.
179.— Le
il
y
serpent, ou
et
et les
la
inspirait
comédie au berceau,
théâtre édifiant, par des histoires dra-
le
livres sacrés
et
aux légendes des
saints.
Les
furent donc les heureuses inspirations de la fête des
a trois et quatre siècles d'intervalle entre la prose de
le
ras.
l'Ane
que bégayait
du temple,
dragon,
du xn e
et le
béhémot, ou
le diable.
siècle. Bibliothèque
Miniature d'un commentaire sur l'Apocalypse,
de M. Ambroise Firmin-Didot.
compositions scéniques de Jean Michel, d'André de
de Pierre Gringore. (Voyez plus loin
Nous pourrions mentionner
ici
le
la
Vigne
chap. Théâtre.)
bien des erreurs populaires qui avaient
leur source dans les traditions de l'antiquité et qui maintenaient les idées
du paganisme au milieu des plus que,
la
mêmes
plupart du temps,
saintes croyances.
les foules
Il
faut reconnaître
ignorantes n'eussent pas
semblables emprunts à l'histoire de
la fable,
si
fait d'elles-
l'érudition cré-
dule des docteurs les plus autorisés ne leur fût venue en aide pour créer tout
un monde
d'êtres fantastiques
(fig.
179). Ainsi,
quand, par exemple,
SCIENCES ET LETTRES.
276
Pierre
le
Mangeur,
paraphrasant
dit
Comestor, fameux théologien du douzième
les Saintes
Écritures, en arrive au chapitre iv de
où Moïse parle de géants nés des il
a soin de bien constater
celade et de Briarée.
Fig. 180 à
de
1
la
dans
la
et les
de Dieu
83.
—
des
et
filles
que ces géants sont un peu de
Le déluge de Deucalion
et
Monstres nés du déluge, d'après
la
hommes,
famille d'En-
gravures en bois
les
épisodes, pour dramatiser
monstres, éclos de
la
des
Genèse,
Pyrrha devait nécessaire-
Chronique de Nuremberg, imprimée en 1493,
ment fournir quelques pent Python
fils
la
siècle,
le
fange de
in- fol.
déluge de Noé:le ser-
la terre (fig.
théogonie grecque, avaient d'abord passé dans
les
180 à
1
83)
gloses que les
rabbins, ces grands maîtres en superstition, ne se lassaient jamais d'in-
Talmud. Les
troduire dans
le
cadre élastique du
de renoncer à
la
représentation emblématique de ces monstres, qui furent
bientôt aux yeux
du peuple
la
chrétiens n'eurent garde
personnification multiforme du génie du mal.
CROYANCES POPULAIRES.
Les légendes abondent où seurs de la
du
la fille
foi.
roi
serpent est vaincu par
le
les
grands confes-
Saint George tue, en Phénicie,un dragon qui
de ce pays
saint Michel et saint
;
Germain s'arment de
croix pour chasser les serpents ailés qui envahissent
main enchaîne, avec son Marthe mène en
étole
laisse
,
la
le
Parisis; saint
Gargouille de Rouen
terrible
la
dévorer
allait
Tarasque qui ravageait
envi-
les le
son, avec les licornes, les chimères et d'autres animaux prodigieux.
—
La Gargouille,
tirée
du
vitrail
de
la
Vie de saint Romain, à
la
Ro-
184); sainte
(fig.
rons de Tarascon. Le serpent entre ainsi, de plein droit, dans
Fig. 184.
la
blaIl
se
cathédrale de Rouen,
chapelle de saint Romain.
mêle à
l'histoire
sous
les
traits
de Mélusine de Lusignan;
plus merveilleux récits des voyageurs le
domaine de
la science,
C'est le serpent ou,
de
la
comme
;
pour mieux
parcourt, d'un bout à l'autre,
dire, le Diable,
qu'on rend responsable
naissance des monstres bizarres ou hideux, qui descendaient pour-
pygmées, des cyclopes, des
des centaures, des harpies, des tritons 192).
et
des sirènes de
la
satires,
mythologie
Les Pères de l'Église n'avaient point osé révoquer en doute
l'existence de ces
taient
inspire les
celui de la poésie et de l'art.
tant, en droite ligne, des géants, des
(fig.
il
il
monstres
,
complaisamment dans
que Pline la
et les
anciens naturalistes admet-
hiérarchie des êtres vivants; et
le
peuple
SCIENCES ET LETTRES.
278
accepta d'autant mieux,
comme
attribuait à la puissance
du démon.
réelles, ces étranges créations,
qu'on
les
faut s'étonner que personne, à l'exception de certains héros de lé-
Il
gendes, ne se soit vanté d'avoir retrouvé restre,
quoique de doctes écrivains aient
,
au moyen âge,
travaillé à
paradis ter-
le
en préciser
la
position
géographique. Si quelqu'un des voyageurs du douzième ou du treizième siècle,
Benjamin de Tudèle, ou Jean Piano Carpini, ou Marco Polo, eût
mis en avant l'accepter
Fig.
1
,
cette prétention exagérée,
puisque
—
85.
on n'eût pas sans doute hésité à
quelques chrétiens de cette époque,
Le Purgatoire de monseigneur saint Patrice. Miniature d'un ms, (n° 6326).
fr.
féconde en
si
du
xiv" siècle
Bibliothèque nationale de Paris.
merveilles, ne faisaient pas difficulté de croire qu'on pouvait visiter
Purgatoire
au
monde
et
le
Quant
des vivants.
d'y
privilège
entrevoir de loin
descendre.
le
vrai Paradis, sans cesser d'appartenir
à l'Enfer, les
sorciers avaient
seuls le
Le Purgatoire, où quelques âmes croyaient
possible de pénétrer et d'où quelques-uns assuraient avait, disait-on, son entrée en Irlande,
dans une
île
même du
lac
être revenus,
de Derg.
Ce
Purgatoire avait été, suivantla légende, découvert par saint Patrice (fig. 1 85), sous
la
un jour
conduite de Jésus-Christ lui-même, qui aurait laissé et
de laquelle
oneques la fosse,
»
;
une nuit, dans celui-ci se
cette
«
trouva
«
fosse
belle église et
obscure
expurgié de tous
en reconnaissance de quoi
une
moult
il
les
»,
le
au
saint,
sortir
péchiés qu'il
fit
se hâta de faire bâtir, près de
un couvent de
l'ordre
de saint Augustin.
CROYANCES POPULAIRES.
Après
sa
mort,
la foule
279
y vint en pèlerinage; quelques téméraires
osèrent pénétrer dans la fosse, mais ne reparurent plus.
une seule
qui, tout chargé d'iniquités, résolut de s'en expurger aussi,
en recommençant
la
ténébreuse aventure de saint Patrice
qui fut assez heureux pour revoir
venu jusqu'aux portes de l'Enfer, salem
céleste.
Le
récit
que
fit
lumière du
la
chevalier
le
Fig. 186. et
s")
—
Owen, accompagné de moines
glisse en
la
Owen
reçu
comme
moyen
le
diables, lesquels
fr.
du xv e
siècle (n°
1
moines, qui avaient
nom du
Sauveur, fut
nombreux échos pendant la
amenait en Irlande, mais
le
garde du
Trou de
trou restait fermé
et
chevalier
Owen, chaque
faire représenter, par
langues
,
croyance
Une
un des
siens,
répandue dans tous
superstition
,
saint
ou
la
la tentative
nation ne tint pas moins à honneur de se
dans
les récits,
rédigés en différentes
des voyages faits au Purgatoire de saint Patrice s'était
tout
impénétrable.
Cependant, bien que personne ne pût ou n'osât renouveler
du
Trou
588). Bibliothèque nationale de Pari;.
Patrice, en montraient bien la porte aux pèlerins, que la dévotion curiosité
Jéru-
des choses étranges
compagnie des
parole d'Évangile, et eut de
âge. Les
la
qui chantent les litanies des morts, se rend à l'ouverture du
rampant. Miniature d'un ms.
et
186),
soleil, après être par-
respectaient, parce qu'il invoquait sans cesse le
le
(fig.
après avoir aperçu de loin
et
merveilleuses qu'il avait vues, dans
et
eut encore,
nouvelles du Purgatoire, par un chevalier anglais,
fois, des
nommé Owen,
On
non moins
les
,
tant cette
pays de l'Europe.
célèbre, qui date
du
même
temps,
et
qui
paraît avoir été rapportée d'Orient, à la suite des premières croisades, c'est celle
du Juif Errant, que
les
habitants des campagnes croyaient voir
SCIENCES ET LETTRES.
230
dans tous grave
air
mélancolique, sans s'arrêter, sans lever les yeux
et
à personne.
mière
mendiants à longue barbe blanche, qui passaient, d'un
les
La légende de
maudit
ce pèlerin
arrivait de la Terre-Sainte.
1
être crucifié. Jésus s étant arrêté sur le
frappa dans
sévère;
le
dos, en lui criant
Jésus se retournant
»
?
pour
fut racontée,
Joseph Cartaphilus
du prétoire de Ponce-Pilate, quand Jésus
rêtes-tu
sans parler la
pre-
en 1228, aux moines de Saint- Alban, par un archevêque ar-
fois,
ménien qui
le
et
vais,
je
tu attendras que
et, toi,
pour
plus vite
!
Pourquoi
t'ar-
Je vais, lui répondit-il avec un visage
«
:
les Juifs
du prétoire, Cartaphilus
seuil
Va donc
«
:
par
fut entraîné
était portier
venu!
je sois
Or, Cartaphilus,
»
qui était âgé de trente ans à ce moment-là et qui, depuis lors, se retrouvait
au
même
toujours
grande
âge chaque
la
venue du Seigneur
du monde. C'était un
et la fin
piété, qui parlait peu, pleurait souvent,
tentait de la nourriture la plus frugale, des
Du
centième année, attendait
fois qu'il atteignait sa
reste,
il
annonçait
le
ne
âmes
de
jamais, et se con-
riait
vêtements
dernier jugement des
homme
les
et
plus simples.
recommandait
la
sienne à Dieu. Cette légende naïve et touchante était bien propre à faire
impression sur l'esprit des personnes pieuses;
magne y
la
rêveuse
d'Eitzen, évêque allemand, déclare, dans une lettre à
contré
et
poétique Alle-
ajouta quelques nouveaux traits plus singuliers encore. Paul
Juif Errant à
le
tenu avec
Ce Juif ne
lui.
Ahasvérus.
Il
Hambourg, en se
nommait
un ami, avoir ren-
1564, et s'être longtemps entre-
plus Joseph ni Cartaphilus, mais
paraissait avoir cinquante ans;
il
avait de longs cheveux;
marchait nu-pieds, vêtu de chausses amples, d'une jupe courte qui
lui
descendait aux genoux, et d'un manteau tombant jusqu'à ses talons.
au sermon catholique
assistait
,
tout Juif qu'il était
;
se prosternait,
Il
en
pleurant, en soupirant, en meurtrissant sa poitrine, toutes les fois qu'il
entendait prononcer édifiants
;
le
saint
avec
le
Sauveur,
d'Eitzen, différait
avec sa
de Jésus.
Il
tenait les discours les plus
ne pouvait ouïr un jurement, sans fondre en larmes ;
que quelques sous, quand on contre
nom
femme
du
lui offrait
telle
qu'il
récit primitif,
et ses enfants,
et n'acceptait
de l'argent. L'histoire de sa ren-
l'avait
rapportée à l'évêque Paul
en cela qu'il était devant sa maison,
quand
il
rudoya Jésus, qui
reprendre haleine, en portant sa croix, sur
la
s'arrêtait
route du Calvaire.
pour «
Je
CROYANCES POPULAIRES.
m'arrêterai et reposerai, lui avait dit
mineras
!
»
Depuis
Fig. 187.
—
cet arrêt,
il
le
281
roi des Juifs indigné;
avait quitté sa
maison
toi, tu che-
et sa famille,
pour
L'arbre de vie ou l'arbre qui pleure, planté dans les États du Prêtre-Jean.
Fac-similé d'une gravure sur bois du xvi» siècle.
faire pénitence,
Dieu voulait rable vie.
en errant parle monde.
faire
Au
de
lui,
Il
ne savait pas, d'ailleurs, ce que
en l'obligeant à mener
si
longtemps
cette
misé-
seizième siècle, chaque ville, chaque village s'attribuait
l'honneur d'avoir donné l'hospitalité à l'infortuné témoin de SCIENCES ET LETTRES.
—
la 36
passion
SCIENCES ET LETTRES.
282
du Christ;
et
pourtant, chaque
que son apparition
fois
comme
quelque part, on considérait cet événement
le
signalée
était
pronostic de grandes
Noyon
calamités. Ainsi, le Juif Errant venait de se montrer à Beauvais, à et
en plusieurs
villes
de Picardie, lorsque Ravaillac assassina Henri IV.
Peut-être faut-il attribuer la stitieuse, qui n'était
Errant
origine à une autre croyance super-
pas moins populaire, au
espèce de roi-pontife,
,
ou dans l'Abyssinie, un vaste empire où
rassemblé plus de merveilles que dans fut aussi
le
la
paradis de
main de Dieu
avait
Mahomet
187).
(fig.
par un évêque arménien qu'arrivèrent en Europe
mières nouvelles de ce fabuleux personnage,
une Lettre circula (évidemment secret de la Réformation),
fait
une profession de
plus.beaux
et les
foi'
En
1
507,
dans un but ironique, par un partisan
dans laquelle
le
de Dieu, roi tout-puissant sur tous
Louis XII à venir
en
écrite
les pre-
maint voyageur, maint
et
chroniqueur, maint poète, enchérirent à l'envi sur le récit original.
la grâce
du Juif
âge, que celle
moitié chrétien, qui, depuis des siècles, gouvernait, dans
juif,
l'Inde
Ce
moyen
nous voulons parler du Prêtre-Jean
:
moitié
même
Prêtre Jean, qui s'intitule, par les rois chrétiens,
après avoir
assez orthodoxe, invite le pape Jules II et le roi
s'établir
dans ses États,
plus fortunés du monde.
qu'il leur représente
La description
qu'il
comme
les
en donne est,
des plus séduisantes; et l'on prétend, d'ailleurs, que les rois de
effet,
Emmanuel
Portugal,
et
Jean
III,
poussèrent
la naïveté jusqu'à
envoyer
plusieurs expéditions dans l'Inde et dans l'Abyssinie, pour s'assurer de
de ces merveilles. Selon certains savants un peu moins super-
la vérité
stitieux, la fiction
chef nestorien,
du Prêtre-Jean eut pour origine
nommé
l'existence réelle d'un
Johannes Presbyter, qui, au douzième
siècle,
fonda en Tartarie un puissant empire.
On le
avait rattaché, sans trop d'efforts, au Prêtre-Jean et au Juif Errant,
personnage de l'Antéchrist, qui, depuis
attendu
monde. prison
et
,
«
et
l'an
1000,
était
toujours
qui ne se pressait pas de venir, pour préluder à la
Au
bout de mille ans, avait
dit saint
fin
du
Jean, Satan sortira de sa
séduira les peuples qui sont aux quatre angles de
la terre. »
Et,
s'appuyant sur cette prophétie, qu'ils interprétaient à contre-sens, plusieurs théologiens des premiers siècles avaient annoncé que
le
millénaire verrait
l'accomplissement des temps. Or, quand cette époque fatale arriva,
les chré-
Fig. 188.
—
Le règne de l'Antéchrist, d'après une gravure de Michel Volgemuth, dans
le
Liber cronicarum,
1493, in-fol. Cab. des Estampes. Bibliothèque nationale de Paris.
SCIENCES ET LETTRES.
284
tiens ne songèrent plus qu'à se mettre
en
état de paraître
renoncèrent à tous leurs biens, qu'ils donnaient aux églises jugèrent inutile de continuer
ils
la
devant Dieu et
aux couvents
;
culture des champs, les travaux indus-
entreprises commerciales, h' ait mil, qui devait être la dernière
triels, les
année du monde, fut marquée par des signes menaçants dans sur
ils
:
la terre
éclipses, comètes,
:
débordement des
le
ciel
fleuves, disettes.
et
Un
contemporain nous a laissé une peinture terrible de la désolation qui régnait alors dans tout l'Occident.
On
diges inouïs. Enfin, la veille
population en larmes
la
et
ne parlait que de miracles effrayants, de pro-
du jour où devait s'accomplir Fan 1000, toute en prières s'entassa dans
les églises
:
on atten-
dait, en frissonnant, le son des sept trompettes et l'apparition de l'Anté-
christ
188).
(fi g.
tomba,
levacommede coutume; aucune le
cours de ses
néanmoins, qu'à un simple répit que
en vue de
finit
lois.
étoile
On
Ciel accordait au
le
conversion des pécheurs; on comptait avec anxiété
la
semaines,
qu'on
le soleil se
Nature n'interrompit pas
et la
croire,
les
Mais
ne
n'osait
monde,
les jours,
mois. Ce ne fut qu'après plusieurs années d'angoisses
les
par se rassurer. Mais
la fin
du monde
était
encore
,
de temps à
autre, annoncée, attendue de nouveau, et la venue de l'Antéchrist paraissait les
imminente toutes
épidémies
sur la était
En
terre.'
né enfin
Une
autres.
et le
:
que
la
guerre
désordre moral de
1600, notamment,
ou étrangère,
civile
la
famine,
la société semblaient devoir l'appeler le
bruit se répandit que l'Antéchrist
à Babylone, selon les uns; aux environs de Paris, selon les
sorcière, mise en
genoux, au sabbat, de pieds,
les fois
disait-elle,
jugement
,
attesta
même
avoir tenu sur ses
cet enfant diabolique", qui avait des griffes
ne portait pas de chaussures
et parlait
au lieu
toutes les
langues.
Au tous
surplus, les
les
prophéties
et les
présages, accessoires ordinaires de
événements historiques de quelque importance, tenaient cons-
tamment en
haleine l'imagination du peuple, toujours prête à faire accueil
aux interprétations merveilleuses des insignifiants.
dans
Depuis
la
faits les
plus naturels ou les plus
décadence des faux dieux,
les oracles se taisaient
; mais on y suppléait par les prophéties attribuées aux Sibylles, qui étaient toujours en honneur auprès des chrétiens, car on
les
temples païens
ne doutait pas qu'elles n'eussent prédit
la
naissance du Christ; on y sup-
CROYANCES POPULAIRES.
285
pléait surtout par les prophéties de l'enchanteur Merlin,
quième
siècle.
Le succès des prophéties de
Michel Nostradamus
des précédentes. Catherine de Médicis perstitieux l'un et l'autre la
que
le
d'aller en
personne
Fig. 189.
et
moins
fortune de ces prophéties confuses
son
—
Marque de Macé Bonhomme, imprimeur
et
du
des
les étoiles
vations
et les
et
des empires.
jusqu'à sa mort
ces prophéties
(fig.
(i
Charles IX, plus sude leurs sujets, firent
,
dans
la petite ville
de
Lyon;
et libraire à
Nostradamus,
1
555, in-8.
Les courtisans ne manquèrent pas
planètes, dans les révolutions de la
Il
celui
voulurent avoir aussi leur horoscope.
la
prétention de
composa, d'après
astronomiques, une sorte .de
trains rimés, tout hérissés de fit,
et
que Nostradamus avait
Soleil,
hommes
s'était retiré.
reine-mère,
le roi et la
dans
il
surpassa
obscures, en ne dédaignant pas
et
visiter le célèbre astrologue
Salon en Provence, où
C'était
fils
éclairé
extraite de l'édition originale des Prophéties de Michel
d'imiter
barde du cin-
grimoire
mots hybrides
et
de
lire les
Lune
destinées
ces prétendues obserinintelligible,
noms
556), des additions successives.
en qua-
étranges, et
il
y
La forme même de
189) permettait d'y rencontrer, avec
un peu de bonne
volonté, des applications plus ou moins heureuses à tous les événements
SCIENCES ET LETTRES.
aS6
On
historiques.
y trouva longtemps,
souvent après coup, des prédic-
et
tions qui avaient Pair de se réaliser et qui assurèrent ainsi, à la
immense renommée.
de l'astrologue de Salon, une
Mais Nostradamus
en recueillant
,
mémoire
ses
oracles
sibyllins
préoccupé que du sort futur des rois, des princes
et
ne
,
des
s'était
États;
il
y
eut donc, à son imitation, quantité d'astrologues subalternes, qui dressaient des généthliaques
ou horoscopes
quiconque venait à eux
eux-mêmes
pour
ment métier
l'argent
concurrents
la
en interrogeant
les astres,
qui
principale-
faisaient
d'interpréter les visions et les songes, et qui, d'ailleurs,
effet, et
été considérés
et
notamment chez
comme
vénérable généalogie. Chez tous
le
peuple d'Israël,
des reflets anticipés de l'avenir,
les
les
comme
des aver-
sombre,
et
le
plus souvent à déclarer que
le
et
contemporains,
même La
après
veille
la
n'est-il
guère de
les
songes étaient de deux sortes
démon. Aussi
fait
II fut frappé
d'un coup de lance, en plein sa
femme, rêva
voyait privé d'un œil. Trois jours avant de tomber sous
Jacques Clément, Henri III
vit
en songe
aux pieds par des moines par
Ravaillac
Marie de Médicis, qui
,
et
les insignes
elle-même en
soit
Dieu que ce
La mort de Henri IV cédée
et
n'est
qu'un songe
fut, d'ailleurs,
accompagnée de toutes
!
comme
»
jours avant
:
lui
«
femme
Les songes
demanda-t-il.
degrés du petit Louvre. fit
celle
sortes de présages.
couteau de
nuit, sa
la
s'éveillant
les
qu'elle le
royaux ensanglantés
— Qu'avez-vous donc songé?
— Qu'on vous donnait un coup de couteau, sur Loué
le
du menu peuple. Peu de
Henri IV entendit,
se disait à
ne sont que mensonges!
—
à en croire
important, qui, au moyen âge
un tournoi, Catherine de Médicis,
d'être frappé
,
le
roi.
de Jules César, pré-
D'un bout de
la
France
à l'autre, ce n'étaient que signes précurseurs d'un grand événement
bien que
le
:
Renaissance, n'ait été annoncé par un songe.
du jour où Henri
visage, dans
et foulés
sans
spectre de la destinée. L'Église se
tantôt envoyés par Dieu, tantôt suscités par le les
et
choses qui devaient arriver, soit qu'ils cachassent, sous une
enveloppe mystérieure
borna
les
songes avaient
tissements divins ou diaboliques, soit qu'ils offrissent sans voiles
énigmes
pour
Ces astrologues avaient
main.
devins,
les
pouvaient s'attribuer une antique peuples, en
à
,
peuple avait pu croire que
la fin
du monde
était
:
proche.
si
A
CROYANCES POPULAIRES.
Paris, l'arbre de mai, planté dans la cour
qu'on y eût touché; dans qui fermait
même
se renversa, sans
de Saint-Denis,
abbatiale
les
qu'on
lui adressait,
Vous ne me connaissez pas
même
de sa mort
—
Fig. 190.
;
en carrosse
et
!
disait-il
lui-
du grand
de tous côtés, à ce sujet
au duc de Guise
le
,
:
matin
quand vous m'aurez perdu, vous me connaîtrez
;
et
Songe de Childéric, d'après une miniature des Chroniques de Saint-Denis, ms. du xiv e
ce sera bientôt
pierre
tombes royales, versèrent des larmes. Henri IV
officieux
d'avis
la
et les statues,
avait de funestes pressentiments, qui devaient résulter
nombre «
,
caveau funéraire des Valois se souleva,
le
couchées sur
l'église
du Louvre
287
!
»
Il
siècle.
Bibliothèque nationale de Paris.
répétait souvent qu'on lui avait prédit qu'il mourrait
dans sa cinquantième année.
On
signala,
du
reste, après
l'événement, de nombreuses visions, qui avaient une corrélation évidente avec cette mort tragique; à Douai, un prêtre, qui précise
du crime, eut
plus grand
monarque de
une religieuse malade le roi,
La
car on vision,
le
tue
que
moins de place que âge
,
que
trois extases, et s'écria,
!
la terre!
dit,
au
»
était
à l'agonie, à l'heure
en expirant
:
«
On
tue
le
Et, dans une abbaye de Picardie,
moment même
:
«
pour
Faites prier Dieu
»
l'on a
souvent confondue avec
celui-ci
les historiens les
dans
le
songe, ne tient pas
l'histoire. Elle était si fréquente,
au moyen
plus graves en rapportent des exemples
,
sans
sciences et lettres.
288
jamais
mettre en doute. Le choix serait long
les
citer les plus
Ton voulait
et difficile, si
plus extraordinaires de ces légendes; men-
terribles, les
tionnons seulement deux visions célèbres, qui se rapportent aux premiers siècles de qui, les
la
monarchie française
première nuit de son
la
mariage,
emblèmes de divers animaux
d'un ermite de Pile de Lipari
Dagobert
«
et
devant
eut,
queurs emportèrent au
190),
yeux,
sous
féroces, tout l'avenir de sa race; et celle
qui
,
même où
à l'heure
l'enfer ».
l'âme du roi
ciel
Les démons furent vaincus,
l'âme du
âme
et les
sur
vain-
roi.
n'y a, d'ailleurs, qu'à ouvrir les anciennes chroniques, pour
ver, à
chaque page, des visions, des prodiges du
tômes
et les
même
trou-
y
genre. Les fan-
apparitions n'y font pas faute, dans toute circonstance où
merveilleux peut intervenir;
le
les
(fig.
divers saints, qui se disputaient cette pauvre
un des soupiraux de
Il
roi Childéric
son enveloppe mortelle, fut témoin d'un furieux combat
quittait
démons
entre les
,
du
celle
:
il
n'est pas
de
fait, si futile qu'il soit
en
apparence, qui ne semble digne d'être appuyé de quelque manifestation surnaturelle.
A vrai
dire,
un présage de malheur sistante
de
là,
était
ordinairement regardée
par exemple,
encore per-
cette tradition
d'annoncer
telle illustre famille.
On
le
décès du chef ou d'un des
connaît
la
Lusignan en Poitou, chaque cette légende n'est
Saxe.
fois
de
le
le
chœur de
191),
donjon du château de
celle des
ces chanoines
chanoines deMersbourg
avait vécu
son temps, trois
semaines avant qu'il fût rappelé à Dieu, un tumulte étrange minuit, dans
(fig.
telle
qu'un Lusignan devait mourir. Mais
pas aussi terrible que
Quand un
membres de
légende de la fée Mélusine
qui apparaissait avec des cris lamentables sur
en
comme
dans certaines provinces, d'après laquelle un spectre se char-
gerait toujours
ou
;
une vision
la cathédrale;
s'élevait, à
on voyait paraître une main
fantastique qui faisait retentir, à coups redoublés, la stalle
du chanoine,
condamné à céder
l'église
quaient à bien et
la craie cette stalle
dûment
dant que
sa place à
le
un
autre.
désignée,
et,
Les gardiens de dès
le
lendemain,
averti de sa fin prochaine, se préparait à la
le
mar-
chanoine,
mort, pen-
chapitre disposait tout pour les obsèques et la sépulture du
défunt vivant.
Les visions avaient quelquefois, très-souvent
même, un
caractère pu-
CROYANCES POPULAIRES.
qui en
blic,
d'une et
ville
faisait
289
de véritables motifs d'effroi pour tous
ou d'un royaume. Pierre Boaistuau
d'autres naïfs compilateurs
du seizième
tomes, ces Histoires prodigieuses,
et
,
Fig. 191.
— La
fée
siècle, ont rassemblé, en six
pourtant
ils
sont loin d'avoir épuisé
Mélusine portant dans ses flancs l'arbre généalogique de
D'après une gravure sur bois du
Roman
habitants
François de Belleforest
matière. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, après
la
les
de Mélusine, Augsbourg,
la
avoir signalé
les
maison de Lusignan.
1480, in-4
.
Bibliothèque de
M. Ambroise Firmin-Didot.
nombreux prodiges qui annoncèrent
comme
apparitions, dans
le ciel,
les
calamités des
guerres civiles,
de dragons de feu, de taureaux gigantes-
ques, de pourceaux portant des couronnes royales, d'étoiles sanglantes, d'arcs-en-ciel multiples, soleils,
dans de
la
etc., ils
l'air,
accompagnés de plusieurs lunes ou de plusieurs
ne disent rien du tumulte inexplicable qu'on entendit,
autour du Louvre, durant
les
sept nuits qui suivirent celle
Saint-Barthélémy, concert de voix criantes
,
gémissantes
SCIENCES ET LETTRES.
—
3~]
et
hur-
SCIENCES ET LETTRES.
2 9°
lantes, mêlées à d'autres voix furieuses,
comme
si
visible.
Ajoutons que fréquemment
l'horreur
des
menaçantes
les
visions n'étaient
sang, de cailloux, de froment, de grenouilles,
et
si
dont
comme
le
le
monde
que des
si
secret de leur origine,
savants les plus dénués de préjugés n'exposaient qu'en trem-
vérités inattaquables
,
chez
les esprits faibles
compte de quantité de gens accoutumés
Nous n'avons
gnes,
dont tels
il
rien dit d'un grand
serait aisé
,
et ces
erreurs faisaient
en le
à vivre de la crédulité publique.
nombre
d'autres superstitions popu-
de retrouver encore
la trace
dans nos campa-
que l'usage des talismans magiques, amulettes, anneaux,
herbes, pierres, poils d'animaux, Il
de
ordinai-
blant la cause naturelle, car bien des erreurs s'étaient transformées
laires,
in-
faits
les pluies
phénomènes
simples, qui n'avaient pas encore révélé les
blasphémantes,
massacres se renouvelait dans
matériels, constatés par des milliers de témoins,
res et
et
etc.
(Voy.
le
chap. Sciences occultes.)
nous a paru plus sage de nous arrêter devant un pareil
sujet
:
l'inventaire
des croyances absurdes et monstrueuses de nos ancêtres serait un triste
monument de
leur ignorance
,
sur laquelle nous aimons mieux jeter un
voile d'indulgence et d'oubli.
Fîg. 192.
—
La
Sirène.
Marque de Gérard Morrhy, imprimeur
à Paris,
en i55i.
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES — Mensuration du monde romain. — Voyages d'Hippalus et de Diogène. — Marin — Itinéraires peints et figurés. — Invasions barbares. — Etienne de Byzance. — Ignorance géographique, du vi au x siècle. — Charlemagne et Albert Grand. — Dicuil. — La géographie chez les Arabes. — Maître Pierre et Roger Bacon. — Vincent de Beauvais. — Voyageurs en Asie au xni siècle. — Navigations des Portugais. — Planisphère de Fra Mauro. — Premières éditions de Ptolémée. — Expéditions maritimes du xv siècle. — Christophe Colomb et Améric Vespuce. — Voya-
Géographes
latins et grecs.
de Tyr, Pomponius Mêla et Ptolémée.
e
e
le
e
e
geurs espagnols, hollandais, français,
etc.,
au xvi e
i
siècle.
Ton ignorait combien phique avait
progressive
été
géogra-
la science et
floris-
sante depuis rétablissement de l'empire
romain
on ne
,
compte de
l'état
don, dans lequel
pas
saurait
se
rendre
de décadence et d'abancette science était
tombée
tout à coup dès les premiers temps
moyen en
effet,
liaires
Lomé;
elle
dirigeait
cesse sur tous les points cessait de rapporter
dans
les
devait être
de
la
siècle.
La géographie,
un des plus
politique
utiles auxi-
conquérante de
expéditions militaires qui rayonnaient sans
du monde connu, la
au commence-
âge, c'est-à-dire
ment du cinquième
du
et,
en
même
temps,
elle
ne
métropole un précieux tribut de connaissances
nouvelles sur des pays et sur des peuples soumis à la domination ro-
maine.
On
avancée
et très-usuelle
Il suffit
peut donc dire que sous
le
la
science géographique était déjà très-
règne d'Auguste.
d'avoir étudié les écrivains autorisés de cette grande époque,
SCIENCES ET LETTRES.
292
pour juger combien
notions générales de géographie se trouvaient
les
alors répandues dans une société instruite et lettrée, qui connaissait les
grands travaux des anciens géographes grecs (276-194 avant J.-C.)
de
Géographie
la
lire les
dans
écrite
de Polybe (204-122 avant J.-C),
provinces de l'empire
qui se servait
,
plus lointaines. Les poètes, tels que Vir-
les
Ovide, Manilius, Lucain;
et
comme d'un manuel pour comme d'un guide pour vo}^ager
en grec par Strabon
poètes et les historiens latins,
les
gile,
et
surtout ceux d'Ératosthène
,
les historiens,
César, étaient de véritables géographes,
et
tels
que Tite-Live, Jules
Pline l'Ancien ne
fit
que
résumer, dans quatre livres de son Histoire naturelle, tout ce que
la
science géographique avait accumulé de recherches et de renseignements
dans une foule d'ouvrages aujourd'hui perdus. souvent mentionné, dans son Histoire naturelle,
Pline a
opération géodésique attribuée ministre
et
serait
le
ordonna par un sénatus-consulte que
mesuré par
les
hommes »
de
Cette
géographes mathématiciens grecs
Didymus, qui avaient sous
penteurs
Marcus Vipsanius Agrippa, premier
à
témoignage formel d'Éthicus, géographe du quatrième
tous les genres de savoir.
et
s'exécuta
,
dans
immense ,
de
se proposait de faire construire, à
mental, sous lequel «
déployer
la carte
il
,
Théodotus
vingt-cinq
achevée,
la
ans.
haute direction de l'œuvre,
voulait,
tout entier
,
Polyclitus
un corps de géodètes
prit en
mains
monde romain
entreprise, confiée à quatre
Zénodoxus
leurs ordres
l'espace
le
plus grande habileté et doués de
la
qu'Agrippa il
grande
gendre d'Auguste. Ce fut Jules César qui, pendant son con-
sulat (d'après siècle), «
la
et,
Rome, un
du monde, aux yeux de l'univers
».
paraîtrait
Il
lorsqu'elle fut
portique monu-
même
suivant l'expression
et d'ar-
de Pline,
La mort préma-
turée de cet illustre général arrêta la réalisation de ce projet grandiose
mais
la carte
du monde romain, avec
le
des distances, resta déposée dans les archives du sénat
Ce
n'étaient pas seulement les
;
détail des routes et l'indication (fi
g. 193).
armées victorieuses qui aidaient au pro-
grès de la géographie, en introduisant les études cosmographiques dans
des régions jusque-là inexplorées; c'étaient aussi les courageux voyageurs
que
la politique
des Césars envoyait chez des nations encore inconnues;
c'étaient surtout les
marchands, que leurs navires transportaient déjà aux
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
293
extrémités du globe, et qui en revenaient avec des cargaisons tirées de tous les ports de
la
mer
des Indes. Sous
le
règne de Néron, deux centu-
rions avaient été chargés par l'empereur de pénétrer en Éthiopie
chercher
les
et d'y
sources du Nil; c'est Pline, c'est Sénèque, qui parlent de cette
audacieuse expédition. Auparavant, sous l'empereur Claude, un philoso-
Fig. 193.
—
Carte du
monde romain,
tirée
du Liber GuLloriis,
ras. daté
de
1
1
19, n°
Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
phe grec d'Égypte, tudes de
la
nommé
Hippalus, avait
navigation côtière
et s'était
le
3898.
*
premier abandonné
aventuré à travers
la
les
habi-
haute mer,
en partant du golfe d'Adulis (Aden aujourd'hui), pour atteindre un point
Un
autre voyageur,
nommé
quelconque de
l'Inde.
poussé par
vents du nord jusqu'à une grande
les
de Zanzibar. Toutes
qui n'était autre que
l'île
dès cette époque, sur
les cartes
qu'on nommait
la
mer des
mannes, mais
Indes)
île
Diogène, avait
été
appelée Menuthias,
les côtes étaient
marquées,
mer Érythrée
(c'est ainsi
la
semblait encore infranchissable
et
SCIENCES ET LETTRES.
pleine de périls effrayants
quoique plus d'un marin égyptien ou phénicien
,
eût tenté d'y naviguer à pleines voiles.
Un ment la
de ces pilotes expérimentés, Marin de Tyr, avait recueilli soigneusetoutes les informations géographiques que
Phénicie
et
de l'Égypte pouvait
lui
fournir
;
commerce maritime de
le
s'en servit
il
pour dresser
des cartes plus compliquées et plus exactes que celles qui étaient alors en usage, et pour composer
un
de géographie, qui n'est pas venu jusqu'à
livre
nous, mais que Ptolémée a copié ou imité dans son propre ouvrage. de Tyr,
le
plus récent de ceux qui de notre temps ont cultivé
la
«
Marin
géogra-
phie, dit Ptolémée, paraît s'y être livré avec beaucoup de zèle, car on voit qu'il a
eu connaissance d'un grand
étaient
anciennement connues,
écrits antérieurs,
et qu'il a
tains. C'est ce
relations, outre celles qui
étudié avec soin presque tous les
en y apportant des modifications nécessaires aux
lui-même en premier
les autres, et
nombre de
lieu, avaient
qu'on peut apprécier d'après
les
admis à
intitulé les
:
De
contrées du
mençant par
celui de la
moyen
le
Un
•>
mer
qui a
suivant
du le
la
Avant Marin de Tyr,
»
un bon
traité
de géographie
globe), dans lequel
pourtour des mers
Intérieure ou Méditerranée. C'est fait le
cer-
il
et
en com-
un résumé
fond des études géographiques pendant
qui, vers
le
nommé
Claude Ptolémée, né à Péluse, dans
la
basse
milieu du deuxième siècle, sortait des célèbres écoles
d'Alexandrie, eut l'idée d'écrire un traité général de géographie tique, sur le plan tracé par
Hipparque (i25 avant
J.
C).
mathéma-
Il s'était
préparé
à entreprendre cet ouvrage considérable, par une longue suite d'observations et de calculs astronomiques.
second de son Almageste,
la
Je marquerai
«
,
disait-il
dans
le livre
position en longitude et en latitude des villes
remarquables de chaque pays, pour aider au calcul des phénomènes célestes
dans ces différentes
villes.
Je marquerai de combien de degrés,
comptés sur son méridien, chacune de ces et
,
a décrit
âge.
géomètre grec,
E gyP te
avait rédigé
monde connu, en
clair, rapide, élégant,
tout
%
situ orbis (De la Situation
comme
que
nombreuses copies de
correction qu'il a faite de la Table géographique.
un Romain, Pomponius Mêla
tort
faits
en degrés comptés sur l'équateur
,
villes est distante
de l'équateur,
la distance orientale et occidentale
de chaque méridien, à celui qui passe à Alexandrie, car
c'est
au méridien
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
de cette tre. »
cité
que
Ptolémée
Fig. 194.
—
je
rapporterai ceux des autres points de
était plutôt
Carte de
l'île
sauf
voyagé,
la partie
et
et
il
siècle,
ne
surface terres-
géomètre que géographe
de Sardaigne. Fac-sim:ile réduit d'une carte de
ms. grec du xn e
vait pas
astronome
la
la
:
il
n'a-
Géographie de Ptolémée,
conservé au monastère de Vatopédi, au mont Athos.
s'était
pas
i
nstruit par l'expérience des yeux, car,
astronomique de son Livre
devanciers et à ses contemporains
les
,
il
se contenta
d'emprunter à ses
matériaux cosmographiques
qu'il
SCIENCES ET LETTRES.
296
disposa sans ordre
sans critique. Les meilleurs éléments qu'il mit en
et
oeuvre sont empruntés au traité de Marin de dit-il,
Tyr
Je
«
:
me
suis proposé,
de conserver de cet ouvrage tout ce qui n'a pas besoin de correction, des relations les plus récentes
et d'éclaircir, à l'aide
,
par un meilleur
et
placement des lieux sur des cartes mieux établies, tout ce que Marin a laissé
d'obscur
et
ment, en dressant
d'embrouillé dans son le
catalogue de toutes
traité.
Ptolémée, malheureuse-
»
du monde connu
les localités
nombre de 8,000 noms géographiques,
commis
a
,
au
d'incroyables erreurs,
en voulant déterminer, par des calculs astronomiques,
la
latitude et la lon-
gitude de ces localités.
La Géographie de Ptolémée,
écrite
en grec
(fi g.
194) et sans doute tra-
duite simultanément en latin pour les besoins des personnes qui avaient à
parcourir l'empire romain, n'en fut pas moins consultée, malgré ses défauts et ses omissions,
sous
comme
le
guide
plus utile qu'on pouvait avoir
le
yeux dans un long voyage. Les cartes dessinées
les
compagnaient, pour l'usage des voyageurs
bonne heure par de nouvelles mesures
,
et peintes
qui l'ac-
furent peut-être rectifiées de
itinéraires, car, antérieurement à
Ptolémée, on possédait non-seulement des cartes routières, générales
que Végèce, dans son
partielles, le
nom
traité
sur
l'art militaire, a
et
désignées sous
iïiiincra picta (routes peintes ou itinéraires figurés), mais encore
des itinéraires annotés [itinera adnotata), sur lesquelles les journées de
chemin
étaient
Conrad
marquées. C'est un de ces itinéraires figurés, que
Celtes découvrit dans
quinzième
siècle,
et
un monastère d'Allemagne,
le
savant
à la fin
que son ami Peutinger d'Augsbourg donna à
du la
Bibliothèque impériale deVienne (fi g. 1 95) Ce précieux monument, composé .
de douze cartes représentant
quelque sorte,
le
complément
le
inonde connu au troisième explicatif
du
le titre d' Antonini
itinerarium (Itinéraire de l'empereur Antonin),
Ces itinéraires dans
les
,
grandes
du quatrième
siècle,
par
le
et
de l'empire,
et
de
Augusti
qui paraît avoir été
géographe Ethicus.
ces cartes géographiques, qui se vendaient à villes
forme, en
livre routier des provinces
l'empire romain, qui nous est parvenu sous
rédigé, dans le cours
siècle,
Rome
et
qui avaient dû se multiplier, en
passant de mains en mains, ne furentprobablement pas étrangers au dépla-
cement systématique des hordes barbares, qui, de divers points du monde,
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
firent tout à
coup irruption sur l'empire, en
T Italie, et en suivant avec méthode jusqu'à
Rome. Ces
Fig.
19.S.
—
bards, les Suèves,
la carte
xiii" siècle
les
,
de
la
la
et les
longtemps tenus en respect
comme
les
Lom-
Gaule. Fac-similé réduit de la Table de Peutinger,
conservé à
Vandales
vers
même plan de campagne pour arriver
Bibliothèque impériale de Vienne.
Goths, du fond de l'Asie
Huns, des steppes du Caucase comme été
se dirigeant toujours
envahisseurs, qu'ils vinssent du nord
Fragment de ms. du
le
297
et
les
Alains
repoussés par
et les les
comme
les
Hérules, avaient
armées romaines;
SCIENCES ET LETTRES.
— 38
SCIENCES ET LETTRES.
298
mais, quand
ils
commencèrent à
briser toutes les barrières et à s'avancer,
non sans une sage lenteur, à travers geaient
provinces romaines qu'ils rava-
196), on dut comprendre qu'ils avaient choisi d'avance
(fig.
où
territoire
les
ils
voulaient se maintenir, en se créant des frontières
d'audace.
ne s'écartaient pas, en
Ils
courir, et
ils
formés dans
effet,
de
la
il
obéissaient aveuglément à des chefs habiles qui s'étaient
les écoles
d'Athènes ou d'Alexandrie.
montrant à
ses
ennemis, à ses rivaux
même
vulnérable par son immensité
était
offertes
que
route qu'ils avaient à par-
Les études géographiques, selon toute apparence, furent donc l'empire, en
des
,
stations militaires, des voies commerciales, avec autant d'intelligence
le
,
et
fatales à
à ses envieux, combien
et quelles facilités
il
avait
lui-même à l'invasion, en faisant rayonner de toutes parts ces ma-
gnifiques routes militaires qui permettaient à des populations innombrables d'arriver, par étapes,
même
de
la
pour
ainsi dire, sous les
murs de Rome au cœur ,
domination romaine. Les empereurs
pendant plus d'un
,
il
siècle, d'arrêter, de refouler ce
est vrai, essayèrent,
débordement d'hom-
mes on pourrait supposer, sans trop d'invraisemblance, :
truire alors avec le plus officiels,
grand soin
les cartes
qui ne favorisaient que trop
barbares. L'enseignement de
les
qu'ils firent dé-
routières et les itinéraires
marches stratégiques des hordes
géographie n'était pourtant pas encore
la
négligé dans les écoles, puisque les poètes et les historiens siècle,
Claudien, Némésien
Marcellin
et
abondantes
du quatrième
Ausone, l'empereur Julien, Ammien
et
Macrobe témoignent des connaissances géographiques, et très-exactes, qu'ils avaient acquises
par
la lecture et
très-
par
les
voyages. Mais les traités spéciaux de géographie n'en sont pas moins rares
à cette époque, et l'on ne
que
cite
la
Cosmographie
latine d'Ethicus et
quelques périples écrits en grec, qui aient échappé à une destruction
qu'on doit croire systématique. Aussitôt que les peuples d'invasion se sont constitués en royaumes sur
le sol
romain
,
dès que leurs chefs deviennent des rois puissants qui
aspirent à remplacer les Césars, la géographie reprend son importance et
retrouve des encouragements
,
de Théodoric
et
le
Grand, Boèce
Calabre, qui furent élevés l'un
en affirmant son
utilité.
Cassiodore, l'un né à
et l'autre
Ainsi, à la cour
Rome
et l'autre
en
aux premières dignités du nou-
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
Fig. ig5.
— Arrivée
tien (383
).
Une
à
Cologne de
qui furent martyrisées
de
la
la Hotte
du tyran Maxime qui
contre l'empereur romain Gracompagnes au nombre de onze mille' rencontre de la Hotte ennemie. Fragment
s'était révolté
partie des vaisseaux portait suinte Ursule et ses <^,ar les
barbares euvoyés par Gratien à
Légende de sainte Ursulj, peinte ?ur
veau royaume des Ostrogoths variées une instruction
la
la
châsse de
,
joignaient aux
la sainte, à
Bruges, par
J.
Memling.»xv e
connaissances
géographique très-approfondie
et
les
siècle.
plus
très-étendue.
SCIENCES ET LETTRES.
3oo
laquelle ne contribua pas peu à rendre leurs services utiles dans l'administration des affaires publiques. Cassiodore a disséminé, dans ses Lettres,
une foule d'indications précieuses, d'observations intéressantes concernant les lieux, les
peuples
et les
mœurs. Boèce,
n'avait pas dédaigné de traduire
ce
lui-même en
pour en répandre l'usage parmi
grand philosophe chrétien,
latin les livres de
Ptolémée,
populations nouvelles qui ne par-
les
laient pas la langue grecque.
Dans
les écoles
païennes, qui restèrent ouvertes à Constantinople et
dans tout l'empire d'Orient jusqu'à ce que l'empereur Justinien fait
fermer en 529, on enseignait, d'après Eratosthène
et
les
eût
Hipparque,
d'après Strabon et Ptolémée, la cosmographie et la géographie, ainsi
qu'une astronomie usuelle, appliquée à
la
connaissance des temps, aux
variations atmosphériques et à la navigation. Etienne de Byzance, qui vécut
au sixième
avait
siècle,
composé un grand dictionnaire de géographie,
qui ne nous est parvenu que sous la forme d'un abrégé aussi aride qu'in-
complet. Mais on voit
Procope surtout, que Aussi Procope phes.
et
dans
,
la
les historiens
géographie
grecs de cette époque
était alors
,
dans
inséparable de l'histoire.
son continuateur Agathias sont véritablement des géogra-
Nous ne rencontrons au sixième siècle qu'un géographe
Sequester, qui, dans
un ouvrage consacré à
la
latin,
Vibius
nomenclature des fleuves,
des sources et des lacs, paraît avoir puisé chez les poètes tout ce qu'il savait de géographie.
Les chrétiens d'Afrique
ductions syriaques,
les
Aristote,
lisaient encore,
anciens ouvrages géographiques
Ptolémée, Pline, Pomp'onius Mêla,
etc.,
dans des tra-
grecs et latins,
qu'on avait étudiés,
d'après les textes originaux, aux écoles d'Athènes et d'Alexandrie
traductions syriaques furent ensuite successeurs de
califes,
dans
les
retraduites en arabe
Mahomet, eurent fondé des
pays qu'ils avaient conquis
et
occupés.
écoles
,
et ces
lorsque les
,
musulmanes
On comprend
que
la géo-
graphie devait avoir un intérêt tout spécial pour un peuple guerrier, qui aspirait à conquérir le
écoles de
dad
et
Cordoue
et
monde, en y propageant
de Tolède, en Espagne, de
la religion
même
du Coran. Les
que
celles
de Bag-
de Dschindisabour en Asie Mineure, restèrent donc ouvertes aux
études géographiques, à une époque où
la
géographie
n'était plus enseignée
nulle part dans l'Occident, enveloppé des ténèbres de la barbarie.
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
Du
sixième au dixième siècle
,
c'est
àpeine
pés àla destruction se conservent dans ges de
si
quelques manuscrits échap-
les cloîtres,
science géographique des anciens.
la
3oi
comme les derniers vesti-
Tous
les itinéraires figurés,
toutes les cartes peintes ont été détruits impitoyablement
images, par
les
taires sur la
ainsi
dire
çà et
les
Fig. 197.
cosmographie
caché
comme
là,
Après
les iconoclastes.
,
Tout
et la
géographie se trouve enfoui
et
,
d
l'arche
du déluge, au milieu des abîmes de l'ignorance.
faisant construire les sept chaussées qui partaient de la Cité de Bavay. D'après une siècle.
d'Isidore de Séville,
faut citer
un
de
la
avoir
il
encore
Anonyme de Ravennes,
On
pour
dans des encyclopédies scolastiques, qui surnagent
souci
Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles
petit
nombre
géographie
:
d'historiens qui l'historien
Francs, Grégoire de Tours (vers 590), l'historien désigné sous 1
comme
compilations encyclopédiques de Martianus Capella (470)
— Brunehaut
paraissent
197),
ce qui subsiste de notions élémen-
miniature des Chroniques de Hainaut, ms. du xv'
et
(fig.
l'historien des
Lombards, Paul Warnefrid
ne saurait douter, toutefois, que Charlemagne n'eût songé à
fleurir l'enseignement de la
regardait pas encore
comme
le
des
nom (780).
faire re-
géographie, lorsque cette science, qu'on ne l'auxiliaire de la politique, reprenait
son rang
à l'école Palatine dirigée par Alcuin, qui l'avait comprise, dans ses leçons,
avec alors
la ,
dialectique il
est vrai
,
qu'elle se bornait
,
la
philosophie
,
l'astronomie et l'arithmétique. C'était
une science bien imparfaite aux théories d'Aristote
neuf mille lieues de circonférence
et
,
et
bien élémentaire, puis-
qui donnait au globe terrestre
deux mille huit cent
trois lieues de
SCIENCES ET LETTRES.
302
diamètre, en supposant que rétendue de
rétendue de
la terre
mer
la
représentait dix
fois
qui aurait eu quatorze cents lieues de profondeur
,
jusqu'à son axe central et cinq millions sept cent treize lieues carrées de superficie.
La géographie mathématique
astronomique ne pouvait
et
être
alors qu'un chaos d'idées fausses et de'traditions erronées.
Le génie de Charlemagne y puisa pourtant l'ingénieuse invention du cadastre, qui apparaît en germe dans les Capitulaires du grand empereur et qui devait bientôt, sous
de
la superficie
le
régime féodal, donner
mesure géométrique
la
des terres, en conservant soigneusement
des localités. Grâce à cette délimitation descriptive des historique a
pu retrouver, après des
topographiques que pouvait
Charlemagne
et
fiefs, la
géographie
siècles
écoulés, tous les détails
offrir le territoire
des Gaules, à l'époque de
de ses successeurs. Les historiens
époque, qui nous sont parvenus en bien d'ailleurs
noms
anciens
les
petit
que des indications très-incertaines
poètes de cette
et les
nombre, ne
et très-succinctes
fournissent
sur
l'état
des
connaissances géographiques, qui semblent avoir été presque nulles, malgré l'établissement des écoles fondées par Alcuin. Mais ces connaissances géographiques étaient .es îles
de
sorti des
la
il
est
probable que
beaucoup plus répandues dans
Grande-Bretagne, surtout en Irlande, puisque Alcuin
monastères de ce pays-là
,
de
même
que saint Colomban
,
était
saint
Gall, Théodore, archevêque de Cantorbéry, Scot Érigène et -d'autres sa-
vants moines qui vinrent répandre en France, à Paris et dans les villes où établirent des chaires et fondèrent des couvents
ils
lettres et des sciences.
enseignement. Elle
La géographie
était
Dunwich
(fig.
l'enseignement des
eut toujours une place dans cet
sans doute mieux cultivée en Angleterre, où
venait en aide à la navigation des
port de
,
198),
dans
marchands
les
et
des pêcheurs de l'ancien
mers boréales.
Alfred le Grand, roides Anglo-Saxons (849-901), qui
lemagne, un souverain fondateur
et
elle
était,
comme Char-
organisateur, prenait un intérêt parti-
culier à ces études et donnait l'exemple à ses sujets, en s'appliquant à connaître, en
par
la
vue de
la
mer Baltique
pêche
et
du commerce,
par
la
mer du Nord. Deux voyageurs, deux mar-
et
chands, l'un, Danois,
les îles et les côtes
baignées
nommé Wulfstan, l'autre, Norvégien, nommé Other,
écrivirent la relation de leurs explorations maritimes. Wulfstan avait reconnu
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
le littoral
de
la Baltique;
du pôle, en suivant le
3o3
Other avait navigué jusqu'au milieu des glaces
littoral
de
la
Norvège
et
de la Laponie. Alfred le Grand,
qui traduisait en saxon l'Histoire universelle d'Orose, écrite au cinquième siècle,
y ajouta, d'après
tion d'une
les relations
d'Other
immense étendue de pays que
les
et
de Wulfstan,
Romains
n'avaient
la descripfait
qu'en-
trevoir à travers les récits fabuleux de quelques marins qui s'efforçaient
d'atteindre
l'île
mystérieuse de Thulé (Islande), qu'on regardait
Fig. 198.
l'extrême limite du pilote,
pour
Sceau de
monde
la ville
habitable.
aller établir des pêcheries
tinent norvégien
dans tous
—
les
(fig.
199
et 200), et
ports de la Baltique.
de Dunwich,
On
siècle.
eut, grâce à lui, des cartes de
dans
pour
xm'
comme
les
régions lointaines du con-
commerce de cabotage
faire le
La géographie, en Angleterre comme
en Germanie, se composait alors de notions rudimentaires, mais usuelles. Ainsi un chanoine de
Danemark
,
rieurement,
sous il
Brème composa, en
le titre
1067, une petite description du
ambitieux de Geographia Scandinaviœ
est vrai, vers 825,
un moine
;
anté-
irlandais, Dicuil, avait écrit
véritable traité de géographie générale, intitulé
:
De mensura
un
orbis (de
SCIENCES ET LETTRES.
l'Étendue de l'univers),
Orose, Priscien,
et
latins
Pline, Solin,
complété par quelques nouvelles observations sur
pays du nord; mais ce la
emprunté aux écrivains
traité
les
de géographie, dans lequel on trouve pourtant
constatation de la découverte de l'Islande, et d'autres faits intéressants
contemporains, que des moines avaient appris à l'auteur, renferme beau-
coup d'erreurs divise le
et
manque absolument
monde en
source du Nil,
Fig. 19g et 200.
—
leurs aliments.
non
trois parties
:
l'Europe, l'Asie
loin de l'Océan, dans les
Des navigateurs, prenant pour une
—
La
de critique. Par exemple, Dicuil
baleine atteinte par
le feu
île le
et la
montagnes de
dos d'une baleine,
plonge dans
Libye, où
la
mer,
Miniature du Bestiaire d'Amour, de Richard Fournival, ms. du x 8
s'y installent
et le
siècle.
la
navire
il
place la
Mauritanie!
pour y
faire cuire
manque de
chavirer.
Bibliothèque de M. Ambroise
Firmiu-Didot.
Il est
zième
sans doute peu d'ouvrages géographiques qui, aux dixième et on-
siècles,
donnent une forme sérieuse à
la
théorie de la science, mais on
peut être convaincu que cette science gardait ses droits dans l'enseignement, partout où les lettres humaines étaient encore enseignées. les écoles
qui se
conçoit que
grecques de l'empire d'Orient ne pouvaient négliger une étude
liait
forcément à
phie devenait le traité
On
celle
de
même une partie
l'histoire et
de
la
philosophie.
essentielle de la politique,
La géogra-
comme
le
prouve
composé par l'empereur Constantin Porphyrogénète, pour
truction de son
fils,
traité qui porte
pour
titre
:
l'ins-
de l'Administration de
l'Empire. Ce livre, écrit au milieu du dixième siècle
est,
en
réalité,
une
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
œuvre géographique rope orientale
et
contenant
,
la description la
3o5
plus complète de l'Eu-
d'une partie de l'Asie. Beaucoup de livres cosmographi-
ques, des relations de voyage ou d'ambassade, ont été rédigés en grec, dans le
cours des onzième et douzième
Quant aux nombreux écrivains de ples, des Etats, des
ment, pour qu'on
siècles,
mais ne sont pas encore publiés.
l'histoire byzantine, ils parlent des
pays étrangers, avec assez d'exactitud3 n'ait
avec passion le
huitième
fils
les
de développe-
pas à douter de leur instruction géographique.
C'est dans l'Islam qu'il faut aller, à cette époque
Le génie musulman
tables géographes.
et
peu-
,
pour trouver de
véri-
bonne heure embrassé
avait de
études géographiques, qui firent des progrès énormes, dès
siècle,
dans toutes
d'Haroun-al-Raschid,
s'était
avait fait traduire en arabe la
Le
les écoles arabes.
Al-Mamoun,
calife
distingué par son goût pour ces études.
Il
Géographie de Ptolémée, en y ajoutant des que les cartes originales dont Ptolémée
cartes enluminées, ce qui prouverait
avait primitivement
accompagné son
texte n'existaient plus
n'avaient pas été reproduites dans la traduction syriaque. Dès
Mamoun,
les
ou du moins le
règne d'Al-
Arabes avaient mesuré un arc du méridien, pour supputer
quelle était la grandeur de la terre et
pour
rectifier les calculs
de Ptolémée
sur la valeur du degré de chacun des grands cercles que l'on supposait cou-
per
la
Terre, à raison de soixante-six mille et deux tiers de mille. Les con-
quêtes des Arabes, leur lerinages religieux à la
connaissances dans
la
commerce par
terre et par
mer,
et
surtout leurs pè-
Mecque, servirent simultanément à enrichir
géographie astronomique, physique
leurs
et politique. Ils
avaient rapporté de la Chine la boussole, dont les Chinois faisaient usage
de temps immémorial,
et
l'emploi de la boussole pour les voyages mariti-
mes amena incontestablement, dans tion complète et
et
siècle,
:
rassemblé,
« J'ai
core inédit
deux savants géographes, Ibn-
Maçoudi, tous deux originaires de Bagdad. Le premier
une description géographique, politique lifes
géographique, une révolu-
presque immédiate.
Les Arabes eurent, au dixième
Haukal
la science
,
disait-il
dans
la
et statistique
écrivit
de l'empire des Ca-
préface de son grand ouvrage en-
tous les renseignements qui ont
fait
de
la
géographie une
science, qui intéresse les princes et les personnes de toutes les classes.
Maçoudi
avait fait entrer, dans
un immense ouvrage encyclopédique SCIENCES ET LETTRES.
—
»
inti-
3g
MRBSBSBSBSBHHBH
SCIENCES ET LETTRES.
3o6
tulé
Akhbar
:
al
Zeman
avait recueilli de
(c'est-à-dire les
documents sur
Nouvelles du temps), tout ce qu'il
l'Asie et l'Afrique,
pendant vingt-cinq an-
nées de voyages, mais cet ouvrage semble aujourd'hui perdu reste
qu'un abrégé,
fait
par l'auteur lui-même, sous
tres
surnommé
le
On
Pline de l'Orient.
ouvrages de géographie dans
—
«Comment Alexandre
Miniature d'un ms. du
son livre
ami des lairc et
à la
xm
c
cour de Roger,
roi
lettres et des sciences,
un planisphère
un grand nombre d'au-
arabe du
moyen
Arabe d'Espagne
âge
:
le
qui écrivit
et
»
11040. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
de Sicile, en
1
164.
Ce
fut
pour
ce prince,
qu'Edrisi avait construit une sphère armil-
terrestre en argent (voy.
L'exemple des Arabes ne
des Prairies
beste qui est forte corn olifant et a in cornes.
se bataille a la
siècle, n°
citerait
la littérature
plus connu est celui d'Edrisi, qui était un
Fig. 201.
n'en
il
moins de huit volumes. Maçoudi mérite
d'or, abrégé qui ne remplit pas d'être
le titre
et
fut
le
chap. Sciences occultes).
pas sans influence sur
la
rénovation des
sciences géographiques en Europe, lorsque ces sciences se trouvèrent tout
naturellement devenues indispensables, en présence des croisades. lait
d'abord connaître tous
fallait créer
des itinéraires
les
et
Il fal-
chemins qui conduisaient à Jérusalem;
des cartes routières pour
ces contrées nouvelles, inconnues,
où
les croisés, et
allaient s'engouffrer des
il
dans
armées
et
des multitudes impatientes, on n'avait d'abord pour guide que des relations pleines d'erreurs, écrites par des pèlerins ignorants
cinquième
siècle, s'étaient
imposé
la
,
qui, depuis le
tâche rude et périlleuse de visiter les
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
saints.
lieux
phie plus
s'était
on
mis
étudia donc, dans les écoles de l'Occident,
mieux qu'on
monastères
les
et
et
On ,
n'avait
dont chacun
avait
aux
fait
son école
à chercher, à copier les anciens
commentait, on
les
géogra-
antérieurs.
Dans on
sa bibliothèque,
et
géographes Strabon, Pausanias :
Polybe; Pline, Pomponius Mêla, Solin les
siècles
la
et
Ethicus
;
on
les expliquait,
comparait à des relations moins anciennes, à
des témoignages presque contemporains. La célèbre abbaye du Montfut,
en ce temps-là, un des principaux
foyers des connaissances géographiques.
De nombreux pèlerins, qui allaient
Cassin, dans
Fig. 202.
—
«
le
royaume de Naples,
Comment Alexandre
se bataille a lions blans grans
comme
tors.
Miniature d'un ms. du xiu e
»
siècle,
n° 11040. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
en Palestine ou qui en revenaient, s'arrêtaient journellement dans cette
abbaye, où
ment la
les accueillait la
le récit
de leurs voyages
mémoire de
que
là ils
déposaient naïve-
de leurs aventures
(fig.
201 et 202), dans
Ce
fut
au Mont-Cassin
plus large hospitalité, et et
leurs savants et généreux hôtes.
se retira Constantin l'Africain, qui était
une des lumières de
l'école
de
Salerne, après avoir, au sortir des écoles d'Alexandrie et de Badgad, par-
couru pendant vingt-neuf ans l'Égypte l'avait fait passer
dont
il
pour
sorcier,
fut secrétaire, le couvrit
mais
le
Son prodigieux savoir
et l'Asie.
duc de Pouille Robert Guiscard,
d'une protection éclairée, qui
de continuer paisiblement ses œuvres de médecin la
pieuse retraite, où ses entretiens instructifs
pays d'Outre-mer
qu'il avait
et
et
lui
permit
de géographe, dans
curieux, concernant
les
explorés en observateur, charmaient souvent
hhhmhhk
SCIENCES ET LETTRES.
3o8
heures de repos
les
et
de récréation, que ses frères de Tordre de Saint-
Benoît pouvaient dérober à leurs travaux
et à leurs prières.
L'Université de Paris n'était pas encore fondée, à cette époque, mais écoles ecclésiastiques fleurissaient déjà dans la capitale, les villes
importantes sous
la
comme
les
dans toutes
direction des évêques. L'enseignement de la
géographie se bornait alors à quelques notions élémentaires plus ou
moins erronées.
C'était
dans
dans Horace, dans Ovide, que bre de
faits relatifs à la
poètes latins classiques, dans Virgile,
les
au vol un petit nom-
les écoliers saisissaient
géographie descriptive. Rien ne prouve mieux
l'ignorance qui régnait partout sur la configuration du planisphère terrestre,
que
nuscrits
les dessins grossiers
du onzième
ment jamais vu
de
beaucoup moins éloignées de
et treizième siècles, à
ma-
Géographie de Ptolémée. Les descrip-
la
tions géographiques, qu'on trouvait çà et là dans les poésies étaient
trois
Les auteurs de ces dessins n'avaient certaine-
siècle.
les cartes
qu'on rencontre dans deux ou
la vérité,
du temps,
car les poètes, des onzième
l'exemple d'Ausone, de Venantius Fortunatus, s'at-
tachaient à dépeindre des pays ou des localités qu'ils avaient vus. C'est ainsi
que Marbode, évêque de Rennes, mort en
poèmes didactiques
la
géographie de
123, a esquissé dans ses
Bretagne, en
la
ractère pittoresque, qui paraît reproduire Il
1
naïvement
lui
donnant un ca-
l'aspect des lieux.
y eut pourtant quelques hommes de génie, à qui
l'étude générale des
sciences ouvrit, dès ce temps-là, les arcanes de la géographie astronomi-
que
et
philosophique. Tel était
véritable
nom
n'est pas écrit
paraît avoir été
un Picard,
le
maître de Roger Bacon, ce savant dont
dans
les
œuvres de son
illustre élève, et
nommé Mehairicourt. Roger Bacon ne
pas autrement que maître Pierre. Ce philosophe mathématicien
phe avait voyagé en Europe apprit à
il
pable de
du
par l'astronomie
partie de son
il
la
la
une sphère imitant
et les
mathématiques
fait
le
et
géogra-
sans doute que reproduire
relève les erreurs des anciens géographes,
les
mouvement
qu'il
géographie. Roger Bacon, dans
Opus majas, consacrée presque entièrement
Terre, n'a
l'appelle
ce qu'aucun autre savant n'eût été ca-
lui enseigner. Il avait construit
Ciel, et ce fut
qui
en Asie, avant de venir se fixer à Paris, où
Roger Bacon, vers i23o,
questions les plus ardues de
de
et
le
la
aborda
les
quatrième
à la description
leçons de maître Pierre
combat
les
:
opinions de Pline
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
et
de Ptolémée,
et
met en avant une foule de problèmes nouveaux que
science ne devait résoudre que longtemps après lui
crit
3og
;
non-seulement
il
la
dé-
très-exactement des régions encore inconnues ou à peine indiquées,
mais encore
il
soutient que l'Afrique s'étend très-loin vers
a des habitants par-delà l'équateur,
que
la
le
température sous
sud, qu'elle
le
pôle est in-
SCIENCES ET LETTRES.
3io
que
tolérable,
mer
la
des Indes embrasse les côtes méridionales du conti-
nent asiatique, enfin que
Au moment
posait.
où Bacon
écrivait,
ingénieuses théories qui changeaient ques, Albert
Grand
le
plus peuplée qu'on ne le sup-
la terre est dix fois
sous
de maître Pierre, ces
la dictée
la face
des connaissances géographi-
dans sa chaire de l'Université de Paris
professait,
devant plusieurs milliers d'auditeurs émerveillés, un système de géographie
,
dépourvu de toute
critique et surchargé d'erreurs, qu'il n'a pas
en recueillant ses leçons publiques dans un
fait disparaître,
De natura loconim (De
nature des lieux).
la
Roger Bacon appréciait déjà
Voici en quels termes
principal d'une science qui n'était encore
fusion
«
:
La géographie,
ses racines
sure
dans
et la figure
les
de
Terre habitée
titudes et des longitudes.
l'incertitude et la con-
l'astronomie et
la
chronologie
même
Terre, de déterminer
dans
et
la
la
moitié du globe où
la
surtout d'adopter un degré
il
vivent.
ils
pour
les
(fi
apostolique ou par les soins d'un
Cependant
pas quel est
du
les
climat, les
et
les caractères,
pendent encore davantage.
»
tration intuitive de l'esprit de siècles les résultats
Le treizième
ils
habitent
;
Ne
siècle
si les
pas admirer
la science
savants
les
car
sait
productions du l'influence
des peuples en dé-
la sagacité,
Roger Bacon, qui devançait
philosophiques de
à tous les
hommes, si l'on ne
les constitutions
faut-il
œuvre
les
du règne végétal dépendent essentiellement de
mœurs,
le
auspices du saint-siége
monarque qui subviendrait
on ne peut connaître
climat sous lequel
le
règne animal
reste,
la-
g. 2o3) et des contrées, et
de l'entreprise, en rétribuant, d'une manière convenable,
Au
me-
longitudes, à partir de l'extrémité
immense ne pourrait s'accomplir que sous
qu'il emploierait.
a
est telle, qu'ils
occidentale de l'Espagne jusqu'à l'extrémité orientale de l'Inde. Cette
frais
,
faudrait s'appliquer, ce serait de mesurer
position des villes fixe
la
détermination exacte des
Mais l'incurie des peuples chrétiens
premier travail sérieux, auquel la
comme
dit-il,
que dans
l'utilité et l'objet
mathématiques, puisqu'elle devrait reposer sur
la
ne connaissent pas
traité intitulé
moderne
la
péné-
ainsi de cinq
?
ne pouvait manquer de remettre en honneur
la
géo-
graphie, lorsque les voyages en Orient se multiplièrent, à la suite des croisades, et
deur de
quand
la
le
développement des études classiques, favorisé par
jeunesse qui se pressait dans
les
l'ar-
écoles de l'Université de Paris,
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
eut donné
le
goût des encyclopédies, rédigées sur
La géographie
turelle de Pline.
pilations
une place, que
allait
le
plan de Y Histoire na-
occuper dans ces vastes comscience ne
de-
intelligents faits
aux
progrès journaliers de
les
moins
vaient plus restreindre à des emprunts plus ou
la
ouvrages des anciens géographes. Vincent de Beauvais, qui, par ordre de saint Louis, avait
voulu présenter, dans un énorme recueil
lum majus (Miroir
général),
le
intitulé
Spécu-
vaste ensemble des connaissances scientifi-
ques, historiques et philosophiques de son temps, ne se borna pas à rassembler tout ce
que
l'antiquité lui fournissait de
documents
et
de systèmes sur
rhistoire de la géographie et sur la description de l'univers
aux voyageurs qui avaient
visité les
œuvre des renseignements
tout
pays
nouveaux
mettre à une judicieuse critique.
Son
il
eut recours
qu'il avait à décrire, et qu'il eut le tort
livre n'en est
Spéculum
faut lui savoir gré d'avoir écrit le
:
il
mit en
de ne point sou-
pas moins précieux,
naturelle,
où
il
traite
et
de
il
la
situation des cieux, de la cosmographie, de la géographie, en citant seule-
ment une douzaine d'auteurs
comme
latins
des autorités qu'il allègue sur
ces matières.
Dès
cette
époque, plusieurs voyages dans
en Europe des notions plus exactes
et
plus étendues sur cette partie du
monde. La fabuleuse légende du Prêtre-Jean voyages.
On parlait
haute Asie avaient apporté
la
fut le principal
motif de ces
alors d'une espèce de pape, appelé le Prêtre-Jean, qui
gouvernait un État chrétien situé en Tartane, où personne n'avait encore pénétré. l'idée
Le pape Innocent IV
et le roi
Louis IX eurent, en
même
temps,
de savoir ce qu'il y avait de vrai dans ces récits populaires. Le pape
envoya donc en Asie deux ambassades ou plutôt deux missions, Tune confiée à des religieux de l'ordre de Saint-François, Tautre à des
dominicains, ménie.
La
la
première chez
relation de la première
Plano-Carpini, qui Volga.
les
était
Mongols,
la
ambassade
seconde en Perse fut écrite
et
moines en Ar-
par frère Jean de
parvenu, avec ses compagnons, jusqu'aux bords du
L'ambassade envoyée au grand khan de Tartarie
Louis, quelques années après, eut des résultats plus science géographique, et
Rubruquis, consigna dans
le
moine
le récit
,
par saint
sérieux pour
la
franciscain flamand Ruysbroeck, dit
de son voyage bien des détails intéres-
sants sur des contrées lointaines qu'on ne connaissait pas
même
de nom.
SCIENCES ET LETTRES.
3l2
La légende du Prêtre-Jean
n'en continua pas moins, pendant deux siècles,
à être l'entretien du vulgaire.
Un
autre voyageur,
Rubruquis
et
Vénitien Marco Polo, qui, peu de temps après
le
Jean de Plano-Carpini,
était allé
chercher fortune en Tartarie,
qui occupa pendant vingt années un poste élevé à
et
la
cour du grand Khan,
avait profité de son séjour et de ses excursions dans
une multitude de notes précieuses sur habita
si
longtemps.
ses longs voyages, à vit
A son retour
la
dans sa patrie en
1
298,
un romancier, nommé Rusticien de
pays
qu'il
dicta le récit de
il
Pise, qui les écri-
en
les eût fait écrire
Cette relation importante et très-véridique, malgré la crédulité
naïve de l'auteur, contenait
la
plus ample description et la plus fidèle qu'on
eût encore de la Tartarie, de la Mongolie,
du Cathay ou de
quelques autres parties de l'Asie centrale. Ce
mier
pour réunir
géographie des
d'abord en français, huit ans avant que Marco Polo
italien.
l'Asie
essai de la géographie pittoresque.
la
Chine
en quelques sorte,
fut,
et
le
de
pre-
L'exemple de Marco Polo trouva
des imitateurs qui ne l'égalèrent pas. Les voyageurs se succédèrent en Asie
jusqu'au quinzième siècle: c'étaient des moines
la
plupart, franciscains ou
dominicains, Ricoldi de Monte-Croce, Jean de Monte-Corvino, Oderic de
Le plus célèbre de tous
Frioul, Jean de Marignola.
Mandeville, qui de i322 à alors,
pour
le plaisir
La
(fîg.
un Anglais, Jean de
356 parcourut à peu près tout
de voir
rinage en Terre-sainte toute l'Asie.
1
fut
de savoir,
et
204), explora
et qui,
le
monde connu
après avoir
fait
une partie de l'Afrique
et
un pèlepresque
relation de ses voyages, écrite en anglais, est surchargée
d'histoires merveilleuses et fait
peu d'honneur à son jugement comme à sa
critique. Plusieurs voyageurs, qui avaient vu
meilleurs observateurs
moins de pays,
se sont montrés
géographes plus exacts. Tel fut Bertrandon de
la
Brocquière, gentilhomme bourguignon, un des derniers qui portèrent
le
et
bâton de pèlerin, en se rendant à Jérusalem.
Les voyageurs de caravane semblent avoir donné
l'éveil
de mer, aux navigateurs. L'hydrographie va venir en aide à
Les premiers navigateurs qui explorent que sont des Portugais.
les côtes
s'était
vue des Canaries.
Madère, que l'Anglais
L'île de
la
géographie.
occidentales de l'Afri-
Au commencement du quatorzième
Alonzo Gonzalès Baldaya
aux vo}^ageurs
siècle (en
1
3
1
5)
avancé jusqu'au cap Bojador, presque en
Masham avait aperçue
en
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
1344, ne fut réellement découverte qu'en 141
en
prit possession, au
nom
pour
les
découvertes maritimes,
à les encourager, à
C
Fig. 204. «
surnommé
les diriger.
et
il
le
or
I
,
roi
oultre mer.
»
du Portugal. Le
Navigateur,
était
fils
passionné
consacra quarante-huit ans de sa vie
Le but de
ces expéditions n'était pas seule-
MAR/iC AU
— Jean
1
par Gonzalès Zarco, qui
7,
de son maître Jean
de ce roi, dit le prince Henri,
3
MU
<
t
de Manaeville, célèbre voyageur anglais, prend congé du roi Edouard Miniature des Merveilles du monde, ms. du coram, du xv e
siècle.
III
avant de partir
Bibliothèque nationale
à Paris.
ment de chercher des pays nouveaux, qui devaient produire de
l'or et
ouvrir
de riches comptoirs au commerce. Le savant prince se préoccupait surtout, en poussant ses flottilles vers l'équateur, d'agrandir le
connaissances géographiques. Les
îles
Canaries étaient déjà reconnues,
pavillon du roi de Castille y flottait depuis tugaises s'avancèrent jusqu'à l'embouchure
établissements aux
îles
domaine des
1
345; mais
du
du cap Vert. Dans
rio
les
Grande
et le
expéditions poret
fondèrent des
ces explorations successives, SCIENCES ET LETTKES.
—
40
SCIENCES ET LETTRES.
qui durèrent un demi-siècle, sous
conduite deGil Eanes (1442), de
la
Tristam (1443), d'Alvaro Fernandez (1448) l'hydrographie avait relevé
grand Cap-Sud. Après
la
et
ouvrirent à
la
la côte
et
Pedro
de Guinée (147 1), franchirent
navigation l'hémisphère austral.
Zaïre, et deux ans après, Bartholomeo Diaz large dans l'Océan qu'on
ténébreuse, aperçut
le
nommait encore
En
1484, Diego
la
Cam
au
profit
la
,
qui avait osé prendre
Mer
le
Mer
impénétrable, la
cap des Tempêtes, à l'extrémité de l'Afrique.
côtes, ces îles africaines,
reconnaître
jusqu'au
sixième degré de latitude méridionale, à l'embouchure du
atteignait le
Ces
la côte africaine
mort du prince Henri, Joao de Santarem
de Escalone, qui avaient exploré
Ligne
de Cadamosto (1454-56),
et
environ de
le tiers
Nuno
que
marine royale du Portugal venait de
la
du commerce portugais, avaient
été déjà fréquentées,
sinon relevées d'une manière scientifique, par d'autres navigateurs appartenant à d'autres nationalités.
En
147
1,
les
Portugais qui abordèrent
en Guinée furent bien surpris d'y trouver un comptoir français, appelé Petit Dieppe,
que des marins de Dieppe y avaient
siècle. C'étaient ces
mêmes marins
reste,
en
1
3g5,
la flottille
montra
Colomb
eût découvert les Antilles.
la direction
d'un pilote de Dieppe, qui
de l'Amérique; mais ces découvertes,
les côtes septentrionales
dues à l'émulation commerciale
et
à l'ardeur du gain, tentées par des
aventuriers audacieux, ne profitaient pas à la science si
elles étaient
:
on
les tenait
aucun cas quand
marine marchande. C'est
elles n'avaient rien
du quinzième
la
les
navigateurs commencèrent à écrire leurs voyages ou à les
à partir
cosmographes,
qu'ils avaient
ces relations restaient secrètes
ils
devaient être jaloux. Aussi,
siècle
seulement que les faire écrire
ordinairement à leur bord.
ou ne passaient que dans peu de mains,
car ces navigateurs regardaient leurs découvertes
dont
et
produit dans l'intérêt
de
Mais
cachées
avantageuses à quelque branche de commerce maritime,
l'on n'en faisait
en abrégé par
mar-
des frères Zeno, frétée à Venise par des
chands, avait traversé l'Océan, sous lui
établi depuis plus d'un
qui connaissaient l'Amérique du Nord,
bien longtemps avant que Christophe
Au
le
le
comme
une propriété
curieux voyage de Cadamosto,
Prima
navigatione aile terre de'Negri (Première navigation aux terres des nègres),
ne parut-il qu'en 1507.
La cartographie
avait profité de ces voyages plus que la géographie
:
tout
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
voyageur, tout navigateur ne pouvait
se passer
3
d'une carte,
1
et cette carte,
lui-même en y ajoutant successivement les résultats de ses propres découvertes. Antérieurement au quatorzième siècle, les cartes de-
il
la faisait
vaient être fort rares ; elles étaient, d'ailleurs, fautives et incomplètes.
117
us
m
to
il?
ixx
123
ne, \
ir6
j
12.7
]
12&
l?o
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131
'33
La plus 'jftj'^ TtiMt-pars
f
Vanuatu)
1
Cananal
S?'
\ntù CVFToliamam c^oitîsfûnt mlûlarn
LlNÛICV/Â
fcàxcuff
)
|pt>iltni6]
Fig. 2o5.
—
Carte de
l'île
l'édition latine de 1492
Taprobane. Fac-similé réduit d'une carte de
(Ulmœ, per Leonardum Hol),
offerte par
la
Géographie de Ptolémée, dans
Nicolas Germain au pape Paul
II.
Biblio-
thèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
ancienne carte générale du celle
que
le
monde que nous
ait
léguée
Vénitien Marino présenta au pape Jean
carte, qui paraît imitée des cartes arabes, est sition relative des lieux et des
pays
le
XXII en
un simple
est indiquée
moyen
âge, c'est
i32i. Cette
tableau,
où
la
po-
presque au hasard, sans
SCIENCES ET LETTRES.
3)6
être assujettie à
aucun
tracé de parallèles et de méridiens.
Cent quarante
ans plus tard, un moine camaldule, fra Mauro, peignit lui-même, sur
la
muraille d'une des salles de son monastère dans File de Murano, près de
Venise, un immense planisphère, où
géographiques de son
siècle.
pilotes italiens, portugais à celle de la
Mappemonde
siècle suivant.
Ces
il
a
résumé toutes
les
connaissances
Les premières cartes marines, dressées par des
ou espagnols, ne sont pas d'une date antérieure de Marino. Elles se multiplièrent à
cartes, ces portulans,
l'infini
dans le
remarquables généralement par
leur belle exécution, sont d'une exactitude et d'une fidélité surprenantes;
on y trouve souvent
la
mention des voyages maritimes
les
plus célèbres,
avec des points de repère qui permettent d'en suivre chronologiquement les
phases
et les résultats.
On peut
affirmer que chaque pilote était capable
de dresser lui-même une carte côtière très-détaillée pour toutes
où
il
les
mers
avait navigué.
Cette abondance de cartes
de portulans, surtout dans
et
avaient une marine, explique comment
la
les
pays qui
gravure sur cuivre des cartes
géographiques fut presque contemporaine de l'imprimerie en caractères mobiles, inventée
de
la ville
en 1440, mais renfermée mystérieusement dans l'enceinte
de Mayenne jusqu'en 1466. La première édition delà Cosmogra-
phia de Ptolémée
fut
imprimée,
pis, de Cologne, en 1462;
pendant
le
bénédictin
mais
in-folio, à Vicence, cette édition était
par
Hermann
dépourvue de
Nicolas Denis avait composé, pour
Levila-
cartes. Cele livre
de
Ptolémée, des cartes qui étaient alors gravées sur cuivre par André Benincasa. Mais déjà une nouvelle suite de cartes, destinées également au
Ptolémée,
heym,
était
admirablement exécutée par l'imprimeur Conrad Sweyn-
associé de Pannartz, qui avait transporté ses presses à
cartes, au
nombre de 27, dans
poinçons d'orfèvre
et à
Rome
sous
et ces
lesquelles les lettres ont été frappées avec des
coups de marteau, furent achevées par l'Alsacien
Arnold Buckinck, pour orner mait à
Rome,
la
grande édition de Ptolémée, qui s'impri-
la surveillance littéraire
de Domitius Calderini, et qui
parut en 1478. D'autres éditions, avec des cartes gravées sur bois et coloriées
au pinceau, parurent successivement en
Le
texte grec de
Ptolémée
fut dès lors
tion géographique, qui s'appliquait à
Italie et
en Allemagne
(fig.
2o5).
soigneusement étudié par l'érudile
corriger et à l'interpréter, pour
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
améliorer
la
traduction latine, qu'on réimprimait sans cesse par milliers
d'exemplaires; car
La celle
le texte
publication de
la
grec ne devait voir
gnaient des sympathies du public
—
le
jour qu'en
1
533
traduction latine de Ptolémée avait été suivie de
de plusieurs anciens géographes,
Fig. 2o5.
3'7
lettré
et ces éditions
pour
les
primitives témoi-
sciences géographiques.
dessin Découverte de Saint-Domingue {Insula hyspana), par Christophe Colomb; d'après un gravure sur bois de XEpistola il s'est représenté lui-même. Fac-similé d'une
qui lui est attribué et où
Christoferi Colom, édition sans date
Les papes Paul
II et Sixte
que Conrad Sweynheym
(H9 2?
IV
)
i.n-4
.
Bibliothèque de Milan.
acceptèrent à l'envi la dédicace des éditions
et Arnold
Pannartz imprimaient à Rome. Strabon,
traduit en latin, parut en 1469, Pline en 1473
première
fois à
;
Solin fut imprimé pour la
Milan, en 1471; Solin, à Paris, en 1473. Des réimpres-
sions de ces géographes avaient lieu simultanément à Venise,
semblaient pas
suffire
où
elles
ne
à l'impatience des personnes qui s'adonnaient à
SCIENCES ET LETTRES.
3i8
l'étude de la
géographie. Cette étude avait pris dès lors beaucoup d'im-
portance dans, renseignement public, les
témoignages contemporains,
et ce
c'est
qui
prouve mieux que tous
le
quantité de petites éditions. de
la
Pomponius Mêla, qu'on imprimait, pour l'usage des les
Universités, dans tous
États de l'Europe.
On
ne peut pas douter que cette profusion de cartes
phiques
n'ait
et
donné une impulsion générale aux voyages
de livres géograet
aux expéditions
maritimes. Les Portugais, après avoir mis un siècle entier à découvrir côtes occidentales de l'Afrique, se préparaient à s'avancer dans la
Indes, en doublant
commerciale
mer
les
des
cap des Tempêtes, pour étendre leur puissance navale,
le
en Asie
et militaire,
comme
en Afrique. Diego d'Azambuza
avait créé, en 1481, le premier établissement
européen dans
Guinée,
la
explorée vingt ans auparavant par son compatriote Cintra; Joan Cano, avait découvert le
Congo
(1484).
Mais
secours de la boussole, qui depuis à
la
le
les
marins
douzième
les
plus hardis, malgré
siècle
ne
faisait
le
pas défaut
navigation, n'osaient entreprendre de traverser l'Atlantique, qui sem-
blait
une mer sans bornes
et
pleine de périls. Les pilotes se racontaient
entre eux, néanmoins, qu'en se dirigeant toujours vers l'ouest dans cette
mer inconnue, on
devait rencontrer enfin les premières îles de la
Indes. C'était là l'idée que roulait dans sa tête
un
pilote génois,
Christophe Colomb, né en 1446, qui naviguait sur toutes depuis son enfance.
«
Le Seigneur
me
sances dans les choses de la marine, science des astres et
il
d'arithmétique.
pour dessiner vières et les
les
me donna ce qui De
plus,
et
Un astronome
dit-il
m'accorda
la
dans une de ses ;
de
ou
même,
de connais-
De
lettres.
»
la
de géométrie
capacité et Thabileté manuelle
Christophe Colomb
était
donc,
comme
il
ri-
le dit,
surtout un cartographe.
de Florence, Toscanelli,
lui
communiqua une
laquelle on avait indiqué la route à suivre dans l'Océan la côte
nommé
mers du globe
les
abondamment
pouvait suffire
des
sphères et y placer en leurs propres lieux les villes, les
montagnes.
un géographe
il
gratifia
mer
les îles
ferme entre l'Asie
pour
carte, sur
aller rejoindre
des Indes, car on ne supposait pas l'existence de et
l'Europe. Colomb,
ne songeait d'abord qu'à conseils de Toscanelli
le
a
comme
il
le
la terre
déclare lui-même,
chercher l'Orient, par l'Occident
».
Les
décidèrent à tenter cette voie nouvelle à travers
9
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
l'Océan;
il
3
Gênes
s'adressa inutilement à la république de
et
au
roi
1
de Por-
tugal pour obtenir des vaisseaux. Après huit années de démarches infruc-
tueux,
il
obtint,
reine de Gastille
du ,
roi
d'Aragon Ferdinand
trois petits navires, avec lesquels
Palos, en Andalousie,
le 3
août 1492.
Espagne, après avoir découvert
Saint-Domingue
Fig. 207.
—
palité
(fig.
Signature qu'on
nobles Seigneurs de
l'Office
206).
lit
lettre
mois de mars 1493,
vice-roi des pays
il
revenait en
Cuba
nouveaux
et
de
qu'il avait
autographe'de Christophe^ Colomb, adressée de Séville aux
de Saint-Georges et datée
il
«
A
dos dias de Abril i5o2
y retourna l'année suivante
dans son troisième voyage, en [498, la côte
de l'Amérique méridionale
qu'il
(fig.
trouva
».
Conservée
à la
munici-
;
le
mais ce
fut
continent
et
seulement parcourut
207).
Les découvertes de Christophe Colomb, dont
le
nom
n'eut peut-être pas
retentissement qu'il méritait, produisirent dans toute l'Europe une pro-
fonde émotion d'étonnement. et
du port de
partit
de San-Salvador, de
les îles
Nommé
au bas d'une
Au
il
et d'Isabelle,
de Gênes.
acquis à l'Espagne,
le
Catholique
le
Aux
premières indications, d'abord vagues
incomplètes, accueillies partout avec enthousiasme, succédèrent des ré-
cits
plus circonstanciés, qui ne laissaient pas de doute sur l'existence des
SCIENCES ET LETTRES.
320
Terres inconnues. Ce fut
le
mes auxquelles la science
n'eut aucune part et qui n'avaient
signal d'un
grand nQmbre d'expéditions mariti-
pour objet que
de conduire des aventuriers dans ce qu'on nommait lapays de
l'or.
graphie ne profita pas moins de l'impulsion qu'elle avait reçue Université donna
la
chaque
:
plus grande extension aux études géographiques.
en Espagne,
Italie et
La géo-
les familles
nobles consacrèrent des
sommes
En
considé-
rables à former, dans leurs palais, des collections de livres, de cartes et
d'instruments qui pouvaient être utiles à l'astronomie nautique, à l'hy-
drographie
et
cà
toutes les branches de la géographie ancienne et moderne.
Ces familles, dans une intention généreuse plutôt qu'égoïste, ter,
cà
grands
firent
exécu-
des voyages d'exploration et de découverte, dans
frais,
les
nouvelles parties du inonde.
Un
adroit aventurier florentin,
nommé Amerigo
Vespucci, trouva dans
munificence d'une de ces grandes familles italiennes
la
quiper une petite
les
de faire plusieurs voyages dans
flottille et
moyens les
d'é-
mers que
Christophe Colomb venait d'explorer. Ces voyages avaient probablement
un but commercial
;
Améric Vespuce
ment géographique, en
leur prêta
une physionomie pure-
publiant, sous la forme d'une Lettre signée, la des-
cription des terres nouvelles qu'il se vantait d'avoir découvertes avant
Christophe Colomb, dont
il
ne parlait pas. Cette Lettre, écrite en italien
imprimée en un grand nombre d'exemplaires, lie,
et
qui applaudit
Nouveau Monde
rappeler celui d'Améric Vespuce.
continent américain,
d'avoir
le
les îles
pas, et
et
il
le
le
de ce continent,
commerce
et
c'était à lui seul
reconnu
Nouveau Monde. On
nom d'Amérique
la terre
le crut,
l'aide
pour
mort de Christophe
le
long des côtes du
Colomb
avait
que revenait l'honneur
ou du moins on ne
le
la
démen-
au continent que Ves-
de quelques bons pilotes
quelques habiles navigateurs espagnols, français et
et
l'Ita-
ferme, ce qui constituait
resta définitivement
puce avait obscurément exploré avec
Hojeda, Pinzon
nom
dernier, après la
ne cessa de déclarer lui-même que, si
premier cherché
découverte du tit
Ce
(i5oO), continua ses voyages de
découvert
répandue par toute
première au succès des navigations d'un de ses enfants
la
qui s'empressa de donner au
Colomb
fut
et
et
de
portugais, tels que
Cabrai.
Les Portugais avaient paru, un moment, se désintéresser de
la
décou-
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
verte
du Nouveau Monde;
blissements de avaient
fait
s'étaient
il
commerce sur
sur
Fig. 208.
la
—
côte orientale.
Galère du xvi"
conservé dans
avaient conquis
la côte
l'île
indifférents
dans
les
occidentale de l'Afrique,
Albuquerque
et
Vasco de
de Ceylan,
et leurs
possessions se multi-
Mais leurs navigateurs ne pouvaient
au mouvement commercial qui entraînait toutes
mers de l'Amérique
travers les nouvelles terres,
;
comme ils Gama leur
de l'Académie des Beaux-Arts, à Venise.
l'île
pliaient sur le littoral asiatique.
préoccupés de fonder de grands éta-
vue par l'avant; d'après un dessin de Raphaël,
siècle,
la collection
de Goa,
321
ils
les
rester
marines
ne désespéraient pas encore de trouver, à
un passage qui
les
conduirait directement dans SCIENCES ET LETTRES.
—
4I
SCIENCES ET LETTRES.
322
mer
la
des Indes
(fi g.
Les voyages
208).
dans ce but
qu'ils entreprirent
avaient donc une tendance toute scientifique et devaient servir aux progrès
de
géographie. Gaspar Cortereal chercha inutilement, par
la
pénétra dans
le
Labrador,
cours du fleuve Saint-Laurent (en i5oo), où
il
fut arrêté
passage qui devait
remonta
et
par
le
communiquer avec
l'Asie
;
il
Trois ans auparavant, un marchand vénitien,
glaces.
les
nord, ce
le
Cabotto, établi à Bristol en Angleterre, avait essayé de trouver passage pour aller aux Indes,
avantage que de
lui faire
et
nommé le même
son audacieuse tentative n'eut pas d'autre
découvrir
l'île
de Terre-Neuve. L'intrépide Ma-
gellan fut plus heureux, en explorant la côte orientale de l'Amérique
Sud
découvrit, sous les latitudes australes,
il
:
son nom,
et
qui
ouvrit l'entrée de la
lui
voyage de circumnavigation à travers (
t
52
1 )
.
Le Portugais Magellan
longue
cette
et
point de vue de
les
le
innombrables
du
il
îles
poursuivit son
de
la
Polynésie
mis au service de l'Espagne, pour
s'était
brillants résultats
si
au
science géographique.
Les expéditions des Espagnols en Amérique tre,
détroit qui porte encore
mer du Sud, où
périlleuse expédition qui eut de la
du
se succédaient l'une à l'au-
sans interruption; elles n'avaient pas d'autre objet que de s'emparer
sol,
au
nom du
roi d'Espagne, et d'enrichir quelques aventuriers de tou-
Diaz de Solis
tes les nationalités.
(1507), en
débarquant dans
la
Pinto avaient .découvert
et
baie de Rio-Janeiro;
découvert, par hasard, la Floride
(1
5 12)
;
Yucatan
le
Ponce de Léon
avait
Vasco Nunès avait reconnu
le
territoirepéruvien en i5i3, et Pizarre l'avait conquis en i52Ô. Ces conquêtes, ces les
découvertes ne profitèrent pas immédiatement à
navigateurs
conquérants
et les
se souciaient
ils
ne cherchaient que des mines d'or
les
voyageurs furent des naturalistes
et ,
la
géographie, car
peu d'étudier
le
pays, où
d'argent à exploiter. Mais, dès que
des curieux ou des lettrés,
comme
Oviedo y Valdes, J. Varezzani, Ramnusio et d'autres savants, l'Amérique fut mieux connue sous le rapport de la géographie et de la cosmographie.
Le
roi
François
I
er ,
qui eût souhaité faire une part à
la
France dans
nouveau continent que l'Espagne n'occupait pas encore tout
du moins attribué aux études géographiques dans
la
fondation du Collège Royal.
furent entrepris sous son règne
:
Il
parmi
le
le
entier, avait
rang qu'elles méritaient,
favorisa la plupart des voyages qui ces voyages,
on ne doit pas oublier
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES.
celui de
Jacques Cartier, qui découvrit
le
Canada
(i
3^3
geurs français, non moins courageux, non moins dévoués à
parcoururent
Fig. 209.
—
Vœu
somption (i534).
les
deux hémisphères
des premiers
— Le B.
compagnons de
et recueillirent
saint Ignace
dans
la
science,
dans leurs lointaines pé-
l'église
de Montmartre,
le
jour de l'As-
Pierre Lefèvre, seul prêtre alors de toute la compagnie, est celui qui dit
Tableau de l'Ecole de Simon Vouet (xvu e
siècle),
lentes
André Thevet
Cosmographies sur
le
la
messe-
conservé à l'Ecole Sainte-Geneviève.
régrinations les renseignements les plus utiles pour la géographie; rent Pierre Gilles,
voya-
533). D'autres
et
tels fu-
Pierre Belon, qui publièrent d'excel-
Levant; Jean Parmentier
et
François Ni-
eolay, qui avaient visité les deux Indes, et qui en rapportèrent une ample
SCIENCES ET LETTRES.
moisson d'observations intéressantes. Parmi
qu'on rencontrait sans cesse au bout du monde,
compagnons d'Ignace de Loyola
et
voyageurs infatigables
les
ne faut pas oublier
il
les
de François Xavier qui commencèrent
dès lors à écrire l'histoire de leurs missions dans des pays encore idolâtres
où
ils
allaient prêcher l'Évangile
(fi g.
phiques étaient assez recherchées en France, à mettre sous presse, en
librairie parisienne osât
Les publications géogra-
209).
époque, pour que
cette
même
temps, sous
de Charles IX, deux énormes compilations, imitées de
graphia de Sébastien Munster
et
intitulées
règne
le
Cosmo-
célèbre
la
la
également Cosmographie
universelle, l'une par François de Belleforest et l'autre par
André Thevet,
toutes deux ornées de cartes et de figures sur bois.
Les Anglais
et les
Hollandais n'étaient pas demeurés étrangers à ce
grand courant de découvertes en Afrique
et
et d'explorations,
qui avaient lieu à
la fois
en Amérique. Les Hollandais avaient cherché aussi, à
trême Nord, un chemin
direct,
pour arriver dans
la
mer
l'ex-
des Indes, mais
leurs expéditions durent reculer devant la barrière éternelle des glaces pôle. L'Angleterre, qui était en guerre avec l'Espagne,
de l'Amérique septentrionale deux
Cavendish,pour détruire cis
Drake ne
s'en tint
pas
de l'Amérique du Sud,
et
les là il
flottes
envoya sur
du
les côtes
commandées par Drake
et
par
établissements des colonies espagnoles. Fran:
il
descendit jusqu'au cap Horn, à l'extrémité
remonta dans
Nord
le
Van-
jusqu'à l'archipel
couver. John Davis avait déjà poussé ses explorations antarctiques bien
avant dans
la
mer
On comprend à la géographie
glacée du Groenland.
quels progrès ces voyages de long cours avaient
astronomique
semblaient en avoir accaparé
d'Anvers,
le
mathématique. Les savants des Pays-Bas
monopole. Le Flamand Abraham Oertel,
dit Ortelius, avait fait paraître,
graphie moderne, sous
du globe
et
terrestre).
fait faire
le titre latin
en
570,
1
le
premier Atlas de géo-
de Theatrum orbis terrarum (Théâtre
Gerhard Kaufmann, dit Mercator, natif deRupelmonde,
publia aussi, en i5g4, un grand Atlas, exécuté avec autant de finesse que d'élégance et tout à
fait
remarquable au point de vue mathématique. Ces
deux superbes ouvrages furent bientôt dans toutes flambeaux de géographie
la science, et le
et la
les
mains,
comme
docte Jean Vossius put dire avec orgueil
chronologie sont devenues
les
deux yeux de
:
«
les
La
l'histoire. »
I
SCIENCE HÉRALDIQUE Origines fabuleuses du blason.
xn e
xi e et
—
siècles.
héraldiques.
—
—
Armes
et
emblèmes.
— La science héraldique à l'époque de
Quadrupèdes, oiseaux, poissons.
parlantes.
—
la féodalité.
Signification des couleurs et des pièces de l'écu.
—
Le blason
est partout
Enseignes des marchands.
—
au
—
Rois
Plantes, fleurs et fruits. xiii e
siècle.
— Usurpateurs
—
— Premières armoiries, aux
et
—
hérauts d'armes.
Légende des
Timbres, heaumes, cimiers.
d'armoiries.
—
Décadence de
— Figures de
fleurs
—
lis.
Devises
la science héral-
dique.
n a voulu faire remonter biliaire
Un
le
blason no-
monde
presque à l'origine du
écrivain héraldique n'a pas craint
d'affirmer que la postérité de Seth
em-
prunta des armoiries au règne animal au règne végétal, tandis que
les
et
enfants
de Caïn peignaient, sur leurs boucliers, des instruments aratoires!
Un
autre rê-
veur attribue sérieusement l'invention
celui-là trouve
breux imitateurs
,
au seizième qui
et
du blason à Noé sortant de
l'arche, et
même
,
siècle
les
plus vénérables, à découvrir les
armes d'Adam, des premiers Patriarches, des Prophètes, des rusalem, de «
Des
la sainte
de nom-
osent prétendre qu'ils sont parvenus, en fouil-
documents historiques
lant dans les
au dix-septième
Vierge
et, enfin,
rois de Jé-
de Jésus-Christ lui-même.
rêveries aussi extravagantes, dit
M. Emile de
la
Bédollière, qui a
très-clairement analysé les obscures origines de la science héraldique, n'ont 1
pas besoin d ètre réfutées.
»
Loin d'être contemporain des premiers âges,
326
le
SCIENCES ET LETTRES.
•
même
blason n'était pas
connu des anciens; ceux-ci avaient des sym-
boles nationaux héréditaires, tels que
Mèdes, syrie
;
la
chouette d'Athènes,
mais
missibles de père en
fils
en rappelant leurs
La
les familles.
au choix de ces
comme exemple unique taient
d'or des
l'aigle
crocodile d'Égypte, la colombe
le
dans
faisaient représenter sur leurs
risaient
de Juda,
lion
d'As-
dont leurs boucliers étaient ornés n'étaient pas trans-
les figures
présidait seule
le
que
figures,
comme
armes, de
faits
les
guerre.
fantaisie la plus absolue
fameux guerriers romains
des insignes qui les caracté-
On
peut cependant
d'un emblème patrimonial,
pour cimier de leurs casques
les
le
citer,
corbeau que por-
descendants de Valerius Cor-
vinus, à qui la tradition attribuait une victoire singulière obtenue par l'intervention d'un de ces oiseaux de
Lorsque fieffés, elle
la féodalité se constitua
entre les seigneurs et leurs vassaux
adopta l'usage de distinguer, par des décorations variées, en
couleurs éclatantes la plupart, d'offrir
mauvais augure.
les
écus et les enseignes militaires, afin
des points de ralliement aux troupes pendant
la
mêlée du combat.
Ces peintures décoratives, premiers éléments du blason, furent d'abord désignées sous
le
nom
de connaissances ou entre-sains
; elles
étaient alors
d'autant plus nécessaires, que les vantailles ou les œillères de l'armet
(casque fermé) cachaient entièrement la
retrouve çà
portaient à
le
première
fois
quelques traces des connaissances, chez
et là
queurs du moyen âge dans
;
mais, à l'époque où nous
l'histoire, ces signes divers,
ne servaient pas à former
les
la science
héraldique.
Ils
les
les
chroni-
voyons figurer pour
encore peu compliqués,
combinaisons spéciales qui devinrent plus
tard l'apanage exclusif de telle ou
de
visage de ceux qui
guerre.
On la
le
telle
famille et qui fixèrent les principes
étaient, en
quelque sorte, dans
le
domaine
public, et chacun pouvait se les approprier à son gré. Maître Jean de Gar-
lande, qui écrivait une curieuse description de Paris, en 1080, rapporte
que
a
les
marchands de
boucliers, qui fournissaient leur marchandise à
toutes les villes de France, vendaient aux chevaliers des écus couverts de toile,
de cuir
lis. »
Ainsi, à la fin
et
de chrysocale, où étaient peints des lions
du onzième
encore d'armoiries propres,
siècle, les rois
et les écus,
et
des fleurs de
de France n'avaient pas
chargés de lions et de fleurs de
SCIENCE HÉRALDIQUE.
027
J Argent.
Or.
Gueules.
Azur.
Sable.
Pourpre.
T
i
f
Orange.
i
T
Contre-hermine.
Fig. 210 à 221.
Hermine.
— Métaux, couleurs
Contre-vair.
Vair.
et fourrures, interprétés
de convention.
par
la
gravure au moyen de
traits et de signes
SCIENCES ET LETTRES.
328
lis,
appartenaient, par droit d'achat, au premier venu qui les payait, en
du droit
justifiant peut-être
blason existait déjà,
Si le blesse,
qu'il avait
on peut affirmer
héraldique
rales; la science
précisé la manière de c'est-à-dire les
fond ou
le
qu'il
champ
les
comme un
porter en qualité de chevalier.
des attributs éclatants de la no-
ne reposait pas sur des bases fixes
dans l'enfance,
était
composer
métaux
de
les
les
pannes ou fourrures, pour
confondre ni
dites, le bleu, le
noms
n'avaient pas pris dès lors les et
ou une science
qu'on plaçait sur
(fi g.
le
jaune et le blanc.
le
le vert, le
noir et
le violet,
d'azur, de gueules, de sinople, de sable
de pourpre, qu'elles reçurent à divers
art
rouge,
faire le
superposer. Les mé-
les
taux, l'or et Y argent ne furent peut-être que des couleurs,
Les couleurs proprement
même
n'avait pas
et
armoiries, en employant les émaux,
et les couleurs, les
de l'écu, sans
géné-
et
titres,
quand
blason devint un
le
210 à 221). Les images ou figures énigmatiques,
champ
pas beaucoup de variété,
coloré ou métallique de l'écusson, n'offraient
chacun
et
de
se croyait libre
guise, sous le rapport de la couleur et de la forme.
En
les
changer à sa
tout cas,
le
prin-
cipe absolu qui consiste à ne jamais mettre couleur sur couleur ou métal sur
métal dans un écu d'armoiries, n'était point encore établi dans cette science nouvelle, livrée
hommes Vers
d'armes
cette
et
sans règle et sans contrôle au bon plaisir des
des seigneurs féodaux.
époque, néanmoins, quelques blasons, qui n'avaient
été
d'abord que de simples connaissances , commencent à devenir héréditaires.
Tels par exemple
:
la
croix vidée, clechée et pannetée,
que Raymond
de Saint-Gilles apposait, avec son sceau, sur un acte de 1088,
dans
les
armoiries des comtes de Toulouse;
montrent sur Duc,
et
le
qui passèrent à ses successeurs; enfin, les lionceaux, que
léopards, se maintiennent dans C'est dans le cours
sans doute à
émaux
deux bars adossés, qui
de
le
la suite
pour
la
de
la
1
et
127,
blason royal de
du douzième
ces armoiries
tions entreprises
se
sceau de Thierry II, comte de Montbéliard et de Bar-le-
de Plantagenet avait dans ses armes, en
et
les
qui resta
et
siècle
que
les
qui, sous
la
le
famille
nom
de
Grande-Bretagne.
la
armoiries se multiplient,
première croisade
:
le
choix
même
des
indique suffisamment l'influence des expédidélivrance du
tombeau de Jésus-Christ. Le bleu
d'azur ou lapis la^uli venait d'être importé d'Orient,
et
son
nom
actuel
SCIENCE HÉRALDIQUE.
$ outremer est tine.
encore une réminiscence de ces lointains voyages en Pales-
Le rouge devait dont
rures,
sa qualification de gueules à des
parements de four-
les chevaliers croisés se garnissaient alors le
qui étaient teints en rouge avec
et
32Q
cou
poignets
et les
du pourpre [murium rubricatas
pelli-
culas quas gulas vocant, dit saint Bernard, l'apôtre de la seconde croisade).
nom
L'émail de sinople reçut aussi son rapportèrent de Sinople,
les croisés
ville
d'une matière tinctoriale que 1
de
l
Asie-Mineure.
Plusieurs pièces de Vécu, rappellent aussi
guerroyait
aux pays mécréants
«
l'hiver faisait
émigrer tous
»
rellement la pensée vers Jérusalem
aux pèlerins
;
les merlettes,
:
ans vers
les
les
;
les
les
annoncent
Dès
cette
communes,
la participation
coquilles appartiennent en propre
les
le
lieu à bien
croix, enfin, qui apparaissent
les
connaissances étaient devenues d'un usage uni-
les
les
nobles de race, mais
les villes,
abbayes voulurent aussi avoir des armes. Les connaisle
nom
de blason,
nom
dont l'étymologie a donné
des discussions parmi les érudits, discussions savantes mais
oiseuses, qu'il eût été peut-être facile de terminer les
anciens
monuments de
notre langue
(Vécu ou bouclier. Ainsi l'auteur
composé en vers au douzième
le
si
l'on avait
remarqué
vocable, d'origine cel-
employé comme synonyme
tique, bla\e (briller, flamboyer) est souvent
du roman de Guillaume au cort
roman de Garin
terrible
signifie
ries furent sité
ouvrage, le
le
héros
dans
la
ébranlé par un
est
chevalier Ivait
frapper un Gascon, atteint
blason de son adversaire,
Blason
cet
que porte sur son blason
Amadus, voulant
;
Loherain, non moins ancien, que nous avons ana-
une autre partie de
lysé dans
coup
le
ne{,
décrivant une bataille, dit que les
siècle,
assaillants froissaient les casques et mettaient les blasons en pièces le
prix
des croisés à la guerre sainte.
époque, non-seulement
sances reçurent alors
que dans
oiseaux voyageurs que
besants d'or (monnaie sarrasine ou arabe) sont
les
treizième siècle,
versel.
chevalerie
plus anciennes armoiries avec toutes les diversités de formes
possibles,
Au
la
climats chauds, reportent natu-
les
d'une forte rançon payée aux Infidèles;
dans
temps où
le
:
ailleurs, le roi
boucle ou point central du
etc.
donc simplement
originairement placées.
le
bouclier, l'écu, sur lequel les armoi-
La
science
de se reconnaître entre tant de signes
et
du blason, née de
d'emblèmes
la
néces-
différents, n'a été
SCIENCES ET LETTRES.
— 42
SCIENCES ET LETTRES.
33o
que
conséquence de l'étude des diverses dispositions qu'affectaient
la
émaux
et les
pièces qui figuraient sur les armoiries
science héraldique, parce qu'il constituait
d'armes, dont les fonctions acquirent
et
défini ailleurs le rôle des hérauts
et Usages
le
savoir spécial des hérauts
le
conservèrent longtemps une im-
moyen
d'armes (voy. dans
chap. Chevalerie), mais
ajouter
faut
il
Nous
âge.
Mœurs
vol.
le
que ces
ici
offi-
de commission
leur diplôme
domestiques, lesquels n'obtenaient
ciers
on l'appela aussi
:
portance considérable dans l'organisation féodale du
avons
les
qu'après un apprentissage de sept ou huit années au service de leur seigneur
propre, avaient
hiérarchiquement
222), institués
^fig.
par
le
au-dessus
souverain pour dresser
gentilshommes de chaque province avec en composer un nobiliaire général, qui
mier
roi
d'eux
d'armes
rois
les
des seigneurs
état
armoiries de chacun,
les
était
remis entre
les
et
et
pour
mains du pre-
d'armes de France.
Appelés,
comme
personnages publics, à figurer, avec leur brillant cos-
tume, dans certaines cérémonies, où leurs fonctions, par
suite des usages de
redevance établis à leur égard, leur valaient plus d'une fructueuse aubaine, les
hommes d'étude
hérauts d'armes étaient ordinairement des
d'érudi-
et
tion, occupés sans cesse à vérifier les titres de noblesse, les généalogies, à
déchiffrer les blasons, à établir, en
héraldique. cette
un mot,
Ce furent eux qui soumirent
les vrais
principes de la science
à des règles fixes et invariables
multitude de décorations distinctives, au choix desquelles l'ignorance
et le caprice Ils
avaient plus ou moins présidé dans l'origine.
déterminèrent d'abord
la
forme de Vécu. Celui des barons
français,
qui avait d'abord été triangulaire et légèrement incliné, fut définitivement
remplacé par un écu quadrilatéral, arrondi aux deux angles inférieurs finissant en pointe,
au centre de sa base. L'écu germanique
quable par sa base arrondie
primitivement à supporter
et
par une échancrure
la lance,
était
et
remar-
latérale, qui avait servi
lorsque l'homme d'armes, monté sur
son destrier, tenait cette lance en arrêt, en
se
couvrant
la
poitrine avec
son bouclier. Laissant aux traités héraldiques spéciaux
ment
les
le
soin de décrire théorique-
différentesjw/Yfr'o/w de l'écu, -c'est-cà-dire les traits qui
en parties ou sections horizontales, diagonales
et
le
divisent
perpendiculaires, nous
LE ROI D'ARMES MONTRE AU DUC DE BOURBON
LES BLASONS DES CHEVALIERS QUI DOIVENT PRENDRE PART AU TOURNOI
Tous
ces blasons,
qui en avait donné naires. ils
Nous
le
mal compris ou mal reproduits par
modèle, peuvent
armes peintes dans
2. 3.
en partie
être considérés
héraut d'armes
comme
imagi-
n'avons pas su, dans tous les cas, découvrir les familles auxquelles
appartiennent; voici néanmoins
1.
le
la
la
description aussi exacte que possible des
miniature du manuscrit du
roi
René
:
— — —
D'or à deux fasces d'argent, papelonné ou imbriqué d'azur (ou de
— —
Parti d'azur et d'or et chappé de l'un en l'autre;
De gueules au
pal d'argent, chargé d'un lion
grimpant d'azur.
De gueules à deux fasces d'or. (Harcourt, Raincy,
etc.)
noir). 4. 5.
D'or au pal de gueules, accosté de deux lions affrontés de sable.
au chef d'argent,
hargé d'un lion passant de gueules. 6.
7. 8.
— — —
D'azur au chef d'or contre-potencé de deux pièces du même. D'argent à
la
bande engrelée de gueules. (Coucy.)
D'argent, quadrillé ou papelonné d'azur; chargé en cœur d'un écus-
on de gueules.
LE ROI D'ARMES
MONTRE AU DEC DE BOURBON LES BLASONS DES CHEVALIERS QUI DOIVENT PRENDRE PART AU TOURNOI.
Miniature des Tournois du roy Henc. Ms.
xv? siècle, exécuté d'après les dessins du roi René.
Bibliothèque de l'Arsenal.
SCIENCE HÉRALDIQUE.
devons expliquer sommairement la
les figures,
plupart de nos contemporains
lières à
Aux
Fig. 222.
chacun, qui constituent couleurs
—
«
Façon
et
et
le
et
aujourd'hui énigmatiquespour
naguère
blason
»
connues de tous,
le
et qui
roy d'armes montre aux quatre juges diseurs
ayant
si
fami-
à 240).
métaux, déjà mentionnés plus haut,
manière comment
chefs.
si
(fig. 22'b
lant et défendant, et leur présente les lettres desdits seigneurs,
min peint desdits
33
le
les
seigneurs appe-
drap d'or sur l'épaule
Miniature des Tournois du roy René, ms. du xv e
siècle.
semblent
et le
parche-
Bibliothèque nationale
de Paris.
avoir été choisis
de
la
uniquement pour s'harmoniser avec
moyen
chevalerie du
savoir l'hermine et le
neuvième
saint
siècle
Géraud,
le
âge,
il
le
costume bigarré
faut ajouter les pannes ou fourrures, à
pair, ces fourrures précieuses usitées en France dès
parmi
les classes
écrite à cette
nobles, car nous lisons, dans la Vie de
époque, que
les
grands de
la
cour carlovin-
gienne garnissaient leurs habits de fourrure d'hermine ou rat d'Arménie, et qu'ils
découpaient en losange, pour former
le
vair (fourrure variée),
SCIENCES ET LETTRES.
332
Quant
des morceaux de peaux d'hermine et de belette.
à l'émail,
sable, qui représente, en langage héraldique, la couleur noire
,
nommé
ce n'était
PARTITIONS DE l'ÉCU.
Fig. 229.
— Écartelé.
Fig. 2'3o.
pas autre chose que
la
— Écartelé en sautoir.
fourrure de
la
qualification par plusieurs poètes des
Parmi sont
les pièces
Fig. 23 1.
— Gironnc.
martre zibeline, désignée sous
douzième
cette
et treizième siècles.
d'armoiries, on trouve beaucoup d'autres figures qui
empruntées aux habillements aristocratiques de ce temps-là
:
les
SCIENCE HERALDIQUE.
333
lambels, franges d'or des ceintures; les orles, bordures des tuniques; les
bandes ou barres, qui représentaient des écharpes
;
les
lambrequins, pana-
PARTITIONS DE l'ÉCU.
i
Fig. 23a.
—
4
Ecartelc contre-
carte] é.
Fig. 235. et
—
Parti de 4 traits
coupé d'un (10 quartiers).
—
Parti de 4 traits, coupé de 3 (20 quartiers).
Fig. 238.
Fig. 233.
— Parti
coupé de
2
—
Fig. 236.
coupé de
2
—
Fig. 239.
d'un
trait et
(6 quartiers).
Parti de 3 traits,
(12 quartiers).
Parti de 7 traits,
coupé de 3
Fig. 23.L. et
Fig. 237.
Fig. 240.
ches d'étoffe, qu'on attachait à l'extrémité des casques
sortir à pied les jours de pluie
;
le
Parti de
;
le
3
traits
(8 quartiers).
Parti de 3 traits, (
16 quartiers).
— Ecartelé,
écu sur
du
hommes
—
coupé de 3
(32 quartiers).
bottes molles à forte semelle, que les
—
coupé d'un
avec un
tout et sur le tout
tout.
les
honsseaux ou
portaient seulement pour
pairie, qui, ayant la forme de l'Y,
rappelait le pallium des évêques et constituait, selon les héraldistes
du
SCIENCES ET LETTRES.
334
seizième siècle, l'emblème des trois grandes dévotions du chevalier
Dame et
Dieu, sa
Aux tres
son Roi.
»
hiéroglyphes tirés du costume de
symboles plus héroïques
:
noblesse,
la
marque de
les vais,
ou frettiaux, barrières dont
d'une capitulation de château ou de
dans
feu, l'eau, les nuées, les astres
meubles de
les
La
l'écu.
les frettes,
emblèmes qui
représentent;
qu'ils
;
environnés
champs-clos étaient
les
quent d'eux-mêmes par l'image
faut joindre d'au-
il
juridiction
herses, les toutes, les chaînes, les /lèches, les béliers,
Le
Son
«
:
les
clefs,
;
les
s'expli-
souvenir
ville, etc.
même
241 à 245), entrèrent aussi
(fig.
famille de Chalus porte d'azur, à trois crois-
sants d'argent ; la famille de Cernon, d'agir, à six comètes d'or, trois en -
milieu de
en abisme (c'est-à-dire, au
l'écu).
L'image entière de l'homme parties
même
au croissant de
chef, trois en pointe,
du corps séparées,
même
quelquefois, de
est
têtes,
que
les
moins fréquente dans
mains, yeux, jambes,
animaux,
les
blason que
etc.,
représentées
quadrupèdes surtout, qui,
la
langue héraldique.
d'ailleurs,
impliquent ordi-
nairement des idées allégoriques, sont très-communs dans
quoique de
la
la
représentation en soit toujours soumise à
nature
le lion
:
les
les plantes et les objets divers,
avec leur couleur naturelle, dite de carnation dans
Les animaux,
le
blason,
le
un type qui
s'éloigne
(générosité), l'éléphant (courtoisie), l'écureuil (pré-
voyance, à cause du soin qu'il met à boucher
les
ouvertures de son nid),
l'agneau (douceur). Par exemple, Montalembert porte d'or, à trois têtes
de loup arrachées, de sable; Portai, d'azur, au bœuf d'or, accompagné en chef de six fleurs de vassant de sable,
lis,
de même; Le Coignieux, d'azur, au porc-épic
etc.
Les oiseaux, en général, expriment des changements de résidence, de nationalité, de
condition, sans préjudice de
applicable à chacun d'eux
(fig.
247
sentée par l'aigle, la vigilance par
conjugal par
la
et
le
248)
coq,
colombe, l'éloquence par
rise la vieillesse
longue
et
laborieuse;
auteurs anciens, se déchirait
dévouement, car
le
blason
le
le sein
le
le
particulière
la signification
le
:
la
domination
héron ou
perroquet;
pélican
pour nourrir
(fig.
est
repré-
la
grue, l'amour
le
cygne caracté-
246), qui, selon les
ses enfants,
symbolise
le
représente de profil, sur son aire ou nid, les
SCIENCE HÉRALDIQUE.
ailes
étendues, se perçant
jours au
Fig. 241.
nombre de
—
Les Piccolomini,
mille
originaire de
blie à
Sienne, vers
Un
trois.
Rome,
fa-
éta-
le vi 11 e siècle.
croissant, avec la devise Sine
macula, sans tache.
la
poitrine, et couvant ses petits qui sont tou-
En langage
Fig. ( 1
242.
—
héraldique, les gouttes de sang que
Jean
35o-i 364).
La devise astra viam, qui
:
II,
roi
de France
Une étoile rayonnante. Monstrant regibus fait
conduisit
allusion à l'étoile
les
rois
mages à
pélican tire de
son sein se
autre émail que l'oiseau. Ainsi
(écu
à
nomment la
Fig. 24.3.
— Richard Cœur.
de-Lion, roi d'Angleterre
(1189-1199). Une étoile celle
de Bethléem proba-
blement, issant d'entre
les
cornes du croissant.
Bethléem.
le
335
piété,
lorsqu'elles
sont d'un
maison de Lecamus porte de gueules
fond rouge), au pélican d'argent, avec sa piété de gueules,
dans son aire ; au chef cousu d'azur, chargé d'une fleur de
lis
d'or.
SCIENCES ET LETTRES.
336
L'antique famille de Vienne,
qui
avait
produit deux amiraux
et
un
maréchal de France, porte de gueules, à l'aigle d'or. Savoie, en Dau-
Fig. 246.
—
Alphonse X,
roi de Castille (1252-1284).
avec cette devise
:
Pro
Un
pélican qui s'ouvre le Hanc pour nourrir ses petits,
lege et grege, pour la
phiné, porte d'azur, à trois colombes d'argent
loi et le
peuple.
Montmorency,
;
d'or, à la
croix de gueules, cantonnée de sei^e alérions, d'azur. Ces alérions, qui, en général, figurent des aigles sans bec et sans pattes, et qui indi-
Fig. 247. i343). petits,
dire
:
à
—
Robert d'Anjou,
Une
roi
de Naples
(i3oo,-
hirondelle apportant la pâture à ses
avec cette devise Concordia regni, :
chacun sa part,
c'est la
c'est-à-
paix des royaumes.
Fig. 248.
Un le
—
Guillaume, prince d'Orange (1572-1584).
alcyon plaçant son nid sur
monogramme du
une
fête
Francs
que donnait et les
Lorrains,
sénéchal, se mit à
la tête
le
la
mer,
et
au-dessus
Scevis tranquillus in
(fig.
249), ont dans les
On
raconte que, pendant
signification particulière.
le roi
:
undis, calme sur les flots agités.
quent une victoire remportée sur l'étranger
armes de Lorraine une
Christ
Pépin, une querelle s'étant engagée entre
duc Begon, qui remplissait
des gens de cuisine, les
arma de
les
les
fonctions de
cuillers,
de cro-
SCIENCE HÉRALDIQUE.
chets, de landiers, et se servit
pour
que
exploit, la
lui-même d'une broche garnie de pluviers,
un horrible carnage parmi
faire
de compter
le
Francs. C'est en souvenir de cet
les
devenus alérions pour rappeler
les pluviers,
broche, prirent place dans
gueillissait
armes de
les
la
Un
dauphin
Fig. 249.
—
(fig. 2
des poissons
5o), qui,
par
le fait
le
nation lorraine, qui s'enor-
les
voyages sur mer
plus employés dans
et les vic-
blason est
le
d'une célébrité héraldique, a
le
même donné
Godefroi de Bouillon, duc de Lorraine, roi de Jérusalem (109g). Une flèche embrochée de trois La devise est tirée de Virgile Dederitne viam casusve deusve, c'est-à-dire
alérions (oiseaux fabuleux). «
qu'ils étaient à
duc Begon parmi ses anciens souverains.
Les poissons représentent ordinairement toires navales.
33 7
Est-ce un Dieu ou
le
:
hasard qui nous montra
la
route?
»
:
Les alérions figurent encore dans
le
blason de la
maison Habsbourg-Lorraine.
son
nom
au Dauphiné, un des grands
Les crustacés,
les
blason: mais, pour
fiefs
de
la
plupart, on serait souvent bien
par suite de circonstances qui n'ont pas l'
couronne de France.
serpents, les insectes font aussi partie des figures
quelle en fut la signification première dans les
Toutefois,
la
Indice armoriai du
laissé
empêché de
armes où
ils
de tradition ni de souvenir.
bonhomme Lowan
Geliot, publié en
le grillon
parce que
ne se met qu'au foyer des gens de bien
D'après
comme
cet insecte
le
même auteur,
tous
les
dire
furent admis
i65o, nous assure que «
du
représente toutes les vertus domestiques, ».
qui donne volontiers carrière à son imagination,
anciens hérauts d'armes,
les plantes, fleurs et fruits offriSCIENCES ET LETTRES
—
4-3
SCIENCES ET LETTRES.
338
raient
un symbolisme
merait
la
l'amour;
puissance; V olivier, le
la
paix;
la
même
religion
le
chêne, par exemple, expri-
(fig.
25
1),
Les
le
pommier,
par une pensée très-
hommes
Y alliance des nations et des
«
».
:
vigne, l'allégresse;
cyprès, la tristesse; la grenade
ingénieuse, représenterait
sous une
déterminé
fort bien
trèfles, ancolies, tierces-feuilles,
réunis
quatre-
que leur appari-
feuilles et quinte-feuilles figureraient l'espérance, parce
tion printanière fait présager les récoltes de l'été et de l'automne; la rose caractériserait naturellement la grâce et la beauté.
Quant à
(qu'on pourrait appeler, du moins au point de vue français,
Fig. 25o.
—
Le pape Paul III La devise
fleurs héraldiques), elle offre firent
nos rois pour diaprer
fleurs de
duit ce
lis
d'or sans
(i
534- 1549).
était
:
Un caméléon
qui porte
la reine
des
un dauphin.
champ
choix qu'en
justifie le
d'azur de leur bannière semée de
nombre, avant que
les
hérauts d'armes eussent ré-
à trois seulement, dans les armes de France
nombre
lis
Mature, avec réflexion.
un sens complexe, qui le
de
la fleur
Divers savants ont soutenu que cette prétendue fleur de
(fig.
lis
277).
n'apparte-
nait pas réellement au règne végétal; selon eux, les pièces floriformes
Louis VI plaça torzième
le
premier sur son
siècle) réduisit le
lots à trois pointes,
nombre
scel, et
France
:
«
dont Philippe de Valois (qua-
à trois, étaient des fers iïangons, jave-
dont se servaient
héraldistes ont blasonné sérieusement rois de
que
les
Francs mérovingiens. D'autres
ou malicieusement
de sable, à trois crapauds d'or
l'écu des anciens
». Il serait
d'opposer, à cette ridicule métamorphose des fleurs de
lis
impossible
de Bourbon, une
SCIENCE HÉRALDIQUE.
réfutation
appuyée sur des preuves matérielles, sans
remptoires que nous trouvons dans Li roys de France, dit
«
armes à porter la fleur de disaient) à tout le
provision
la
33g
le
et la
Annales de Guillaume de Nangis
par trois
Foy, sapience
:
:
vieux chroniqueur, accoustumèrent en leurs
lys peinte
monde
les
les explications pé-
grâce de Dieu, plus
feuilles,
comme ils deissent (s'ils
(sagesse) et chevalerie, sont,
abondamment en
qu'en nus (nuls) autres. Les deux feuilles de
notre
par
royaume
de lys, qui sont vêles
la fleur
(ployées, courbées), signifient sens et chevalerie, qui gardent et défendent la tierce-feuille
Fig. 25
1
.
—
et blanche,
qui est au milieu d'icelles, plus longue, plus haute, et par
Catherine d'Aragon, première femme d'Henri VIII (i5oi). Une grenade portant une rose rouge par allusion à
deux familles à
la
la
rose blanche d'York et à la rose rouge de Lancastre, réunissant les droits des
couronne d'Angleterre.
laquelle foys
(la foi) est
par sapience
et
Il
est
zième
deffendue par chevalerie.
lis
que, dans
les
armes du
le
car elle doit estre gouvernée
»
témoignage de
roi de
France,
morale
et la force matérielle, destinées
surplus, les fleurs de
lis
lis
trei-
pétale central de la
ou
feuilles latérales
à lui servir d'appui.
et
la
étrangères, qui ne tenaient, par aucun lien
branche de nos rois de
la
Quelques-unes de ces familles seulement avaient obtenu mettre les fleurs de
du
figuraient aussi dans les armoiries d'une foule
de familles nobles, françaises de parenté ou d'alliance, à
cet historien
le
représentait la religion, et que les ailes
étaient la force
Au
et signifiée,
donc hors de doute, d'après
siècle,
fleur de
entendue
troisième race.
la prérogative
de
dans leur écusson, en récompense de services rendus
au souverain. Ainsi Charles VII, en anoblissant d'Arc, leur avait donné non-seulement
le
nouveau
les
nom
frères de
de
Du
Jeanne
Lys, qu'ils
SCIENCES ET LETTRES.
3+o
portèrent après
elle,
mais encore un écusson d'azur, chargé d'une épée en
pointe, avec deux fleurs de
Après avoir employé, à blèmes fournis par
la
lis
la
la
science héraldique en
son écu,
soit
— Famille de
Jeanne d'Arc,
d'or, et accostée
Dieu, qui
dite
de deux fleurs de
soutient ou qui l'appuie.
la
demanda aux ou-
pour en orner
choisit alors,
la vie
meules de moulin, chandeliers,
boire, couteaux,
ronne
em-
des instruments de musique, harpes, guitares, cors de
chasse; soit les ustensiles les plus usuels de
Fig. 252.
252).
(fig.
d'homme, ou aux conceptions chimériques
humain. Telle famille accepta ou
l'esprit
gauche
création des armoiries, les principaux
Nature,
vrages fabriqués de main
de
d'or, à droite et à
du Lys. Une épée d'argent en lis,
avec
Ce blason
la
fut
légende
:
privée, pots, verres à
etc.
pal,
Telle autre famille,
supportant à
Consilio firmatei dei
:
la
pointe une cou-
sous les auspices de
composé en 1429, par Charles VII lui-même.
plus orgueilleuse, plaça dans ses armes des animaux fantastiques, tels que le
phénix,
la licorne, les harpies, etc.
étaient parlantes, c'est-à-dire
Notons que beaucoup iïarmes
que
les
familles ne répugnaient pas à mettre dans leur blason certains objets vulgaires et
même
accusant une sorte de
similitude ou de l'analogie que leur la
désignation de ces objets
(fig.
taient trois boisseaux d'azur; les tiles
du genre des
(cerisier)
nom
253).
à cause de la
patronymique pouvait
Par exemple,
offrir
les
Chabot, trois chabots, poissons fluvia-
Rethel, trois râteaux d'or;
de gueules;
les
avec
Bouesseau por-
les
cattes; les Mailly, trois maillets de sinople; les
mier, trois palmes d' or ; créquier
trivialité roturière,
Begassoux, trois
têtes
les
du Pal-
Créquy, un
de bécasses d'or;
SCIENCE HÉRALDIQUE.
Auchat, un chat effrayé, d'argent;
les
sable; les Gourdin, trois
guitare d'or;
Reims, dont
le
nom
s'est écrit
lante
du treizième
fin
Fig. 253.
—
quatorzième furent
siècle et tout le
gravées en creux
et
la
légende
:
siècle.
Un
Tempus
en
relief,
sur
même
se
monde
servent d'at-
temps
et à l'heure.
aux épitaphes;
elles
sont sculptées,
dessinées ou peintes, dans les châteaux, et les linteaux
les carrelages,
sur toutes
les tapisseries,
le
ours assis (emblème du nom), tenant un sablier
et hora, à
et
plus bril-
Les armoiries figurent
les vivants, puisqu'elles
plus modestes manoirs, sur
les girouettes,
voit
la
petit.
chez
aux tombeaux
tributs décoratifs
les
comme
Les Orsini, famille romaine. xiv° avec
les
principe, que la ville de
entrelacés, etc.
comprend, du plus grand au plus
partout, chez les morts
sur
Guiton, une
époque du blason. C'est alors une langue figurée que tout
parle et
dans
même
les
Rains, avait pris autrefois dans ses armes
deux rainseaux ou rains, rameaux
La
du
i
Héricé, trois hérissons de
gourdes ou calebasses d'or;
C'est par application
etc.
les
34
les parties
sur
les
des portes, sur
les serrures,
vitraux, sur les cheminées, sur
de l'ameublement
(fig.
254), etc.
On
multiplier, de mille manières, sur les vêtements, sur
ceux des nobles eux-mêmes, sur ceux de leurs femmes
et
de leurs enfants,
aussi bien que sur les livrées de leurs serviteurs, sur les caparaçons de leurs
chevaux
(fig.
255), sur les colliers de leurs chiens, et sur les capu-
chons de leurs oiseaux de chasse.
Vers
le
quinzième
en inventant
le
siècle, le
blason se complique d'une façon ingénieuse,
timbre ou signalement. Le timbre représentait, au-dessus
SCIENCES ET LETTRES
342
de récu,
le
heaume (casque de
de profil, selon sa forme
Fig. 254.
—
Les seigneurs
et
et la
barons
«
chevalier); placé de face, de trois quarts ou
matière dont
il
était fait,
font de leurs blasons fenestres
»,
il
indiquait exacte-
c'est-à-dire
témoignent de leur
noblesse, en appendant leurs bannières et en exposant leurs armoiries aux fenêtres de la loge des hérauts
d'armes.
D'après une miniature des Tournois du roy René, ms. du xv e siècle. Bibliothèque nationale
de Paris.
ment à première vue les rois
avaient
le
la
condition
heaume
et le titre
de chaque gentilhomme. Ainsi,
d'or posé de face, la visière complètement ou-
SCIENCE HÉRALDIQUE.
verte et sans grille, savoir.
343
pour montrer qu'un souverain doit tout voir
Le heaume des comtes
et
et tout
des vicomtes était d'argent, posé de trois
quarts, la visière baissée et garnie de neuf grilles d'or. Celui des barons
Fig. 255.
— Le
duc de Bourbon, armé de pied en cap, pour
du roy René, ms. du xv e
n'avait
que sept
grilles à sa visière.
en acier poli, placé de
donnèrent .ou vendirent
profil,
et le
le
tournoi. D'après une miniature des Tournois
Bibliothèque nationale de Paris.
Celui des gentilshommes anciens
avec cinq grilles d'argent. Lorsque
les titres, ils
son, pour les nouveaux anoblis,
vaniailh
siècle.
imaginèrent,
un casque de
fer,
était
les rois
comme
timbre du bla-
posé de
profil,
ayant
la
nasal entr'ouverts. Les heaumes se compliquèrent encore
344
SCIENCES ET LETTRES.
des morceaux d'étoffe,
nommés
lambrequins, que
les
gentilshommes
atta-
chaient aux cimiers de leurs casques, qui avaient atteint des proportions
eux-mêmes un ornement
gigantesques. Ces cimiers devinrent
essentiel, et
Peu
représentèrent des lions, des cornes, des bras armés, des chimères.
à
peu, cependant, l'usage prévalut de substituer, à ces décorations accescouronnes, enrichies de fleurons
soires, de simples
forme
et le
du quinzième
d'abord exclusivement dans
seulement que l'usage
siècle
qui avaient enrôlé
les familles
leurs propres bannières, des troupes à Vost (armée)
au-dessus des cimiers un
listel
vrai dire, le droit d'ajouter
Au
conduit, sous
fut assez riche
d'armes
rallier les soldats,
douze ou
et
seize gens
sur
au quinzième
est bien antérieur
d'armes
Barbares eux-mêmes
les
cris qui devaient leur servir le
champ de
siècle; car
bataille,
Bible, Gédéon, lorsqu'il veut surprendre
nemi que Dieu
leur livre
:
«
Vive
le
s'exci-
par une acclamation que
Dans
la
camp
des Madianites, à
la
siens de crier, en attaquant l'en-
recommande aux
faveur de la nuit,
le
Seigneur
et
vive
Gédéon
!
»
âge, les cris de guerre éclataient de toutes parts dans les
La plupart de
ces cris étaient
on
de signaux. L'usage
tous répétaient à la fois, remonte à une très-haute antiquité.
bats.
pour
frais.
combattre par des
Au moyen
A
au cimier héraldique ne tarda pas
le listel
peut dire qu'il a existé de tous temps;
de
et
,
pennon ou gonfanon (étendard aux armes ou aux couleurs
reste, le cri
taient à
et
s'établit
ou banderole portant leur cri d'armes.
d'un noble), quatre ou cinq gentilshommes équipés à ses
la
du suzerain, de placer
moindre chevalier banneret, qui
d'être acquis par le
réunir, sous son
de perles, dont
variaient, selon la condition des titulaires.
nombre
C'est au milieu
et
com-
simplement des noms de seigneurs
et
de chevaliers, accompagnés d'une épithète élogieuse ou d'une pieuse invocation,
comme
par exemple
Bourbon, Nostre Dame!
:
— Coucy,
avaient pris pour cris d'armes
ou
le
nom
geaient pas
Sous
les
d'une
ville
même,
Maillyl
le
—
La
Tremoille!
la ville
nom
ducs de Bourgogne,
noble duc! Les Gascons,
les
les
ou
Bourbon,
à la Marveille! Les hauts barons
d'une province, d'une seigneurie,
importante de leur domaine;
lorsque
—
la
ne chan-
seigneurie avait changé de maître.
Hennuyers
Navarrais
et ces cris
et les
criaient encore
:
Hainaut au
Aragonais criaient
:
Bigorre!
ARMES ET DEVISE EMBLÉMATIQUE
DE MARGUERITE DE NAVARRE
veuve de Charles Marguerite de France, ou de Valois, ou d'Angoulême du date en 3, et selon d'auduc d'Alençon, mort en i5a5, épousa, par contrat Béarn, duc de janvier i5 2 6, Henri II, roi de Navarre, prince de ,
tres,
du 24
Nemours
de Monblanc, comte de Foix
et
et
de Bigorre.
personnelles de ce prince Voici la description très-compliquée des armes
après son mariage
:
de six pièces, trois en chef et trois en pointe.
Coupé Au du 1
sautoir,
qui
Au est
2
est
Navarre.
écartelé
:
aux
1
4, de
et
France; aux
2 et 3
,
de gueules plein, qui
Albret.
Au qui
,
en croix et en chef, de gueules aux chaînes d'or posées en orle,
est
quatre
3, d'or à
(et
non
trois,
comme
sur la miniature) pals de gueules,
Aragon.
Au
1
de
la
accolées et pointe, d'or à deux vaches de gueules, accornées,
clarinées d'azur, qui est Béarn.
Au
2, semé de
France,
à la bande
componnée d'argent
et
de gueules, qui
deux lions deux quartiers chargés en chef d'un écu Bigorre. passant de gueules, armés et lampassés d'azur, qui est Au 3, écartelé en sautoir au 1 et 4 d'or à quatre (et non trois) pals de château sommé qui est Aragon; flanqué au côté dextre de gueules au
est
Évreux
;
ces
:
,
:
gueules,
:
de trois tours d'or {d'argent
est
d'argent au lion de gueules
(et
Léon.
d'or à
une
erreur), qui est Castille, et
non de
sablé],
couronné
et
au côté senestre
lampassé
d'or,
qui
:
est
SCIENCE HÉRALDIQUE.
Bigorre! comme sous
les
Navarre
rois de
Beauvoisis, allant en guerre, invoquaient
ceux de Louvain saluaient
Les
:
:
et
345
d'Aragon. Les gens du
Biauvais la jolie! tandis que
Louvain au riche duc!
d'armes de certaines familles faisaient allusion aux pièces de
cris
leur blason
:
Flandre au lion!
était le cri
des comtes de Flandre; au peigne
d'or! celui des seigneurs de Callant. Telle autre maison
faisait
de son
cri
de guerre une sorte d'exhortation aux vaillants ou de menace aux vaincus,
Champagne
sans caractère propre ou générique. Les comtes de
Passavant
meillors! les chevaliers du Bar:
les
Au feu!
criaient
:
au feu! ceux de
Brie: Cans d'oiseaux! Quelques cris d'armes, enfin, avaient pour but évident d'implorer l'intercession de Dieu, de la Vierge, des saints, pendant le
combat. Les ducs de Bretagne disaient
ducs d'Anjou
:
Saint Maurice!
baron chrestien!
les
Saint Yves! Saint Malo!
les
Montmorency Dieu ayde au premier :
Chastel-Montfort
les
:
:
Sainte Marie, aie! (aide!)
C'est à cette catégorie de cris de guerre qu'appartenait certainement celui des rois de
:
Montjoie
Saint- Denis! sur l'origine duquel
beaucoup de dissertations contradictoires, dont
existe la
France
plupart
fait
les
que Clovis, livrant
souvenir dans son
le
dans
bon français
corruption,
le
:
mon
cri
Jupiter,
mot de Montjoye!
simplement
nière, en
:
Suivez
«
temps de guerre,
une montjoie (butte ou l'armée pendant
d'armes. Celui-là prétend que
la
était
colline),
la bataille.
etc.
mon Job! dont on
En
réalité,
il
le
Vexin. Louis VI,
le
premier,
bannière, dans
la
Martyrs, qu'on appelait
fit
!
»
la vît
comme
sur
de loin au milieu de
Les rois de France portaient
alla
car cette ban-
arborée sur un char doré,
pour qu'on
ensuite, par
Montjoie Saint-Denis
bannière de saint Denis
Saint-Denis, en qualité d'avoués de l'abbaye de ce
cette
de Conflans,
la vallée
Clovis, ayant invoqué saint Denis pendant la bataille de Tolbiac,
l'appela, en
signifie
bataille
ennemis jusqu'au pied d'une tour appelée Montjoie, dont
voulut conserver
même
auteurs ont pour
fausse route en se jetant dans les plus étranges rêveries.
Celui-ci prétend
repoussa
les
il
nom
prendre l'Oriflamme, qui
et
la
bannière de
de comtes du
n'était autre
que
basilique de Saint-Denis, sur l'aute] des Saints la
montjoie, et ses successeurs continuèrent à la
venir demander aux religieux de cette abbaye royale, chaque fois qu'ils partaient pour quelque expédition,
«
attendu, dit Suger, que SCIENCES ET LETTRES.
le
bienheu-
— 44
SCIENCES ET LETTRES.
346
reux saint Denis
même
Cette
et le
formule de Montjoie
autres cris d'armes
Les
patron
était le
se retrouvait, d'ailleurs,
cessèrent
Charles VII, en établissant
les
employés à
d'être
guerre,
la
»
dans plusieurs
Montjoie Saini-Andrieux ! Montjoie Anjou!
:
d'armes
cris
protecteur particulier du royaume.
etc.
lorsque
compagnies d'ordonnance, dispensa
les
bannerets de conduire eux-mêmes leurs vassaux à l'armée. Ce fut alors
qu'on inscrivit ces
d'armes,
cris
comme nous
l'avons dit, sur
un
listel
placé au-dessus du cimier, tandis qu'au-dessous, sur un autre listel, se déroulait, tracée en lettres d'or ou d'argent, la devise patrimoniale
seigneur.
y avait, du
Il
reste, cette différence entre les cris
devises, que celles-ci n'étaient pas toujours héréditaires quefois changer, à chaque génération, dans une la
;
du
d'armes
et les
les voit
quel-
on
même famille. Par exemple,
devise ordinaire de la maison de Sales en Savoie avait été originaire-
ment
:
Ni
plus, ni moins, mais plusieurs gentilshommes de cette famille
avaient pris d'autres devises. Celle de François de Sales, seigneur de
Roisy,
était
:
En
bonne foyl celle de Jean de Sales
Celle de Galois de Sales
:
In paucis quies
(le
des richesses); celle de saint François de Sales fiait,
en sous-entendant
Souvent duisent
le
les
mot Charitas
le
devises sont parlantes
nom
de
Franche-Comté
draj ; Grandson
la famille,
Jamais
:
:
:
Adieu biens mondains!
repos dans
Numquam
la
comme
excedet, signi-
les pièces
du blason
dans une espèce de jeu de mots
las d''âc lier
77 est nul
médiocrité
(que la charité ne s'éteigne jamais).
;
Vaudray
A petite cloche, grand
jour l'auras; Disemieux
:
:
:
:
et
Achay, en
vaux
j'ai valu,
repro-
et
son; Lauras, en Dauphiné
qui dise mieux ;
vau:
Un
etc.
Plusieurs devises font, en outre, allusion aux figures des armoiries. C'est ainsi que la famille de Simiane, qui porte d'or et
de tours d'azur, prend pour devise
soutiennent les tours).
Il
y a aussi
les
de guerre, rappellent un proverbe, ou et
mystérieuse; Antoine de Croy
Ne
:
:
Sustentant
,
turres]
lilia
même
énoncent une idée indéfinie
Souvenance; Jean de :
(les lis
un souvenir
devises qui évoquent
m'oublie^; Jean Schenk, en Allemagne
Philippe de Bourgogne
semé de fleurs de lys
Plus
la
Trémoille
tôt rompi~e que fléchir;
après son mariage avec Isabelle de Portugal
Autre n'auray, par abréviation de
cette devise
ray dame Isabeau, tant que vivray. Les
:
amoureuse
fières devises
des
:
:
Autre n'au-
Rohan
et
des
SCIENCE HÉRALDIQUE.
Coucy sont
assez connues
Roi ne puis, duc ne daigne, Rohan
:
Je ne suis roy, ne duc, ne comte aussi, je suis fois, les
le
devises étaient simplement figurées en
blanche de
la
maison d'York,
Chardon de Bourbon,
le
347
sire de Coucy.
emblèmes muets
Rose rouge de Lancastre
la
Fusil de Bourgogne, etc.;
comprenaient des emblèmes
et
et,
—
Marie Tudor, reine d'Angleterre
et
(i
553-1 558).
de Lancastre. et les flèches
tortue rongeait
pied,
le
ha fine (toute beauté côté de son blason, ces
mots
la
:
(fig.
la
Rose
256),
le
une
fleur, dont
Une double rose coupée |au La double
une
demi-cercle, et un
rose rappelait les
maison d'Aragon.
avec cette inscription italienne
est périssable)
une
Quelque-
quelquefois, elles
faisceau de flèches, le tout rayonnant et surmonté d'une couronne royale.
maisons d'York
—
des légendes ; par exemple, en Italie, Camillo
Pallavicini, d'une ancienne famille milanaise, portait
Fig. 256.
suis.
;
Paolo Sfortita avait
:
Ogni
fait
belle^a
peindre, à
flèche sur Parc tendu, et dirigée contre le ciel, avec
Sic itur ad astra
(ainsi
on ^va jusqu'aux
astres)
(fig. 257 à 261). Les devises en rébus plus ou moins compliqués devinrent de mode, :
La maison de Médicis
surtout au seizième siècle.
un diamant,
trois
plumes d'autruche, avec
espèce de calembour latin
mant, dans \^ pennes), sible, devait être
:
cette
Super adamas
et cette
in
avait, dans sa devise,
légende qui renferme une
permis (au-dessus du dia-
étrange devise, pour devenir compréhen-
traduite ainsi
:
Toujours invincible dans
les peines.
SCIENCES ET LETTRES.
3 48
Fig. 257. ri
— Devise d'Hen-
VII, roi d'Angleterre
(1485-1509).
Un
buisson
Fig. 258.
—
Devise du pape Léon
(i5i3-iD2i). vise
:
Un
X
joug, avec la de-
de France (i56o-
1574).
piété et de la justice. [Pie-
H. R. {Hen-
tate et justicia).
ricus rex.)
L'art des
— Devise de Char-
les IX, roi
Deux colonnes entrelacées, emblème de la
Suave, doux à porter.
d'aubépine en Heurs, entre les lettres
Fig. 259.
devises, car on en avait fait
science, se permettait quelquefois des
un
art,
comme du
énigmes encore plus
qui pouvaient défier la sagacité des devineurs de rébus
blason une
inintelligibles,
(fig.
277). Pierre
de Morvilliers, premier président du Parlement de Paris, avait pour de-
SCIENCE HÉRALDIQUE.
une herse
vise
(Mort
Y
un Y,
à
liée
parce que
liés),
la
son
et
nom
était
349
exprimé par
cette figure
herse est l'emblème de la mort, qui rend toutes
choses égales. Plusieurs devises héréditaires consacraient
la
historique. Charles VIII, pendant la bataille de se
mémoire d'un événement Fornoue
(i5 juillet 1495),
voyant entouré d'ennemis qui l'accablaient, fut secouru par
de Montoison, dont bat
:
après
le roi,
pour devise
la victoire,
—
il
Colomb, qui
là
A
:
la res~
la
mort d'Henri ( 1
ma
douleur, de
là
mes
II
changea
55g),
:
Hinc
larmes). Christophe
avait découvert l'Amérique, laissa en héritage à ses descen-
Por
:
Castille et
Nuevo mundo
le
donnant
lui
262) et adopta une lance brisée, avec ces mots latins
dants cette belle devise espagnole
(Pour
du com-
appelé à son aide
Catherine de Médicis, après
dolor, hinc lacrimœ (De
Vers
l'avait
mortellement d'un coup de lance dans un tournoi (fig.
la face
Devise de Catherine de Médicis, reine de France, après son veuvage.
cousse, Montoison!
sa devise
seigneur
récompensa son sauveur en
ces mots, par lesquels
Fig. 262.
atteint
héroïque changea bientôt
la vaillance
le
Castille et
temps où
çait à flanquer les
por Léon hallô
Colomb.
pour Léon, Colomb trouve un nouveau monde.)
se propageaient les devises en tous genres,
armoiries de supports ou tenants
(fig.
263)
on commen;
la
première
de ces deux qualifications s'appliquant aux animaux réels ou fantastiques
SCIENCES ET LETTRES.
35o
qui supportaient l'écusson; tenaient
la
:
Tépoque
leurs,
la
seconde, aux êtres de forme humaine qui
anges, chevaliers, hérauts, mores, sauvages,
etc.
plus brillante du blason, mais, aussi,
la
Ce
le
fut, d'ail-
plus confuse
et
plus fatale à cette vieille institution qui avait rendu tant de services à
la
chevalerie et à la noblesse, car
la
diques favorisa naturellement
la
moiries
la
complication exagérée des signes héralfraude
et
l'usurpation en matière d'ar-
264). Cette usurpation, qui était ordinairement le prélude de
(fig.
l'usurpation du titre de noblesse, n'entraînait pourtant pas d'autre pénalité
qu'une amende, ce que l'ordonnance de Charles IX, faite aux États d'Orléans
Fig. 263.
—
Armes d'Anne de Bretagne,
cordon de l'ordre de
royal est soutenu d'un côté par
Et de
l'autre côté, par
de ore leonis
ms. du xvi e
:
«
reine de France.
un
un ange, avec
brées,
Délivre-la de la gueule
ment
le
les
mal ne
du
Ttogo pro
lion.
»
te,
Anna
:
à l'hermine
:
A ma
Anne,
«
L'écusson
vie.
je prie
de Bretagne
:
pour
toi
!
»
Libéra eam
Miniature tirée des Funérailles d'Anne de Bretagne,
:
«
Ceux qui usurperont faussement
que
selon leur
par toutes voies. la
bon
contre
royauté contre
plaisir, des
officielle
la
armes
part
sur tous les
et
au paie-
Mais, en dépit des nombreuses
»
les
ouvriers mécaniques,
moindre opposition de
une surveillance
d'amendes arbitraires,
usurpateurs et les faussaires,
s'accroître, et l'on vit, dès la fin
et les
et
de noblesse, prendront ou porteront armoiries tim-
ordonnances de fit
:
mots qui font allusion
seront, par nos juges, mulctés
marchands
ner, la
et titre
d'icelles contraints
et sévères
sans tache, attachée au
et
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
siècle.
nom
ils
cette légende
lion debout, avec ces
en 1 56o, rappelle en ces termes vérité le
Une hermine, pure
Cordelière, créé par la reine pour les dames, avec cette devise
la
et
comme
du quinzième les
siècle,
bourgeois, se don-
des devises, sans rencontrer
des juges d'armes faits relatifs à la
,
qui
exerçaient
noblesse
et
à ses
1
SCIENCE HÉRALDIQUE.
Fig. 264.
Henri
— II.
35
Jean Le Feron, savant héraldiste français (1504-1570), présente un de ses ouvrages au roi Miniature du Blason d'armoiries, par Jehan Le Feron, ms. du xvi" siècle, n° 795. Bibliothèque
de l'Arsenal, à Pari*.
privilèges.
Il
faut
donc supposer que
roturières n'était tolérée que sa qualité de dispensateur
cette prise
de possession d'armoiries
moyennant une redevance
suprême de tous
à payer au roi
,
en
droits nobiliaires, Les souve-
HBHHHBHBHflHHfiBHflfiBBI
IfiBNflHflBUInBflAHBBBfiHfi&aflaHflHBHflHBBBBBBBHflS
SCIENCES ET LETTRES.
352
rains avaient reconnu, d'ailleurs, une sorte de noblesse de métier,
en
accordant des statuts aux corporations ouvrières, qui se montraient aussi
Fig. 269.
—
Bannière des teinturiers de Saint-Lô.
Fig. 270.
— Bannière
des tapissiers de Bordeaux.
et de jalouses que les familles nobles de leurs distinctions honorifiques
leurs
armes peintes ou gravées ou brodées sur
les
insignes de la
commu-
!
SCIENCE HÉRALDIQUE.
nauté
(fig.
265 à 276), à l'époque
même où
de dire, dans ses immortels Essais, que
Fig. 271.
-
Fig. 273.
Fig. 275.
Bannière des maréchaux de Saint-Lô.
— Bannière des fondeurs
- Bannière
de Paris.
des cordonniers de Douai.
introduire avec raison,
elle est
la
vertu
une vertu,
puisque
«
c'est
Fig. 272.
Fig. 274.
et
»,
si «
Montaigne ne craignait pas
la
—
noblesse est une belle chose
Bannière des couvreurs de Tours.
— Bannière
Fig. 276.
353
—
des potiers d'érain de Lyon.
Bannière des aiguilliers-épingleurs.
en estimation bien loing au-dessous de si
ce Test, artificielle et visible, desSCIENCES ET LETTRES.
—
45
SCIENCES ET LETTRES.
35 4
pendant du temps
et
de
fortune; diverse en forme, selon les contrées;
la
du Nil; généavivante et mortelle; sans naissance, non plus que la rivière logique
et
commune.
»
Depuis des
siècles,
on avait abandonné
coutume, qui ordonnait d'ensevelir solennellement
les
la vieille
armes d'une famille
Les familles dans la sépulture du dernier représentant de cette famille.
éteinte
leurs armes et fornobles avaient beau s'éteindre, elles renaissaient avec par usurmaient des branches nouvelles, par substitution, par alliance, ou se renouces vérifications et ces réformes de noblesse qui
pation.
De
velaient de
là,
temps à autre,
à partir
siècle, et qui avaient
du quinzième
des surtout pour objet de faire entrer dans les coffres du roi sidérables en
amendes
et
pour droits d'armoiries.
nobiliaires science héraldique a survécu, cependant, aux institutions
La
qui l'avaient créée et qui ait
sommes con-
évidemment perdu une
la
partie de sa
comme une
Fig. 277.
- Armes
tradition de l'histoire
de France, au xv» siècle
nécessaire;
;
bien qu'elle
véritable importance
comme un monument
subsiste pas moins, presque intacte,
passé,
alors
rendaient
du moyen
,
elle
pittoresque du
âge.
d'après une miniature du Missel de Charles VI.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
ne
PROVERBES. Ancienneté des proverbes chez tous
Proverbes aux philosophe;.
aux
— Dit de
vilains.
vers.
—
—
les peuple".
—
Les proverbes au moyen âge.
Proverbes ruraux
l'Apostoile.
—
et
vulgaux.
Proverbes historiques.
Les proverbes français au xvi e
siècle.
—
—
—
— Salomon
et
Guillaume de Tignonville.
Proverbes dans
Proverbes étrangers.
—
les
Marcoul.
—
—
Proverbes
ouvrages en prose
Usage des proverbes.
—
et
en
Recueil
de proverbes du connétable de Bourbon.
es
dictons populaires
qu'on a
nommé
nations
»
tous
les
l'antique sagesse des
sont de tous les temps
proverbes comptent parmi
monuments
les
primitifs de la langue; mais
appartiennent surtout au
moyen
qui les avait recueillis et conservés
un
de
et
pays. Chez toutes les nations, en
effet, les
ils
«
qui composent ce
legs précieux des
âge,
comme
premiers âges
et
des
premiers peuples du monde.
Chaque peuple imprime, en quelque familiers,
un caractère propre
les Italiens, le
hardi
il
:
nobles.
proverbe
terre,
et distinctif,
est spirituel et fin.
aux proverbes qui
Chez
les
une
Français,
il
liberté
il
sont
lui
accusant sa nationalité. Chez
Chez
les
Espagnols,
emploie, de préférence, des expressions élevées,
la basse classe,
affecte
sorte,
est surtout incisif et
moqueur;
et il
il
est fier et
il
est
sied
aux
né dans
ne craint pas de s'attaquer aux grands et aux riches, de langage qui va souvent jusqu'à
en Allemagne, chez
les
peuples du Nord,
il
la licence.
il
En Angle-
est sévère, froid,
com-
passé, pédantesque. Partout on l'emploie, à l'occasion, dans les diverses
SCIENCES ET LETTRES.
356
pour
classes de la société, lier
On
ou général.
un
caractériser
ne l'explique jamais,
un
acte individuel,
on
et
le
comprend toujours.
Les proverbes ont passé naturellement, du langage usuel, dans ils
abondent dans
mot proverbe ne
premiers ouvrages
les
bonne
passage de
siècle, ce
verbium
Num
:
une parole que
est
la
bler
la
Vulgate (Rois,
liv. I,
Saul inter prophetas? par respit
dès
le
douzième
siècle,
pour en former des Recueils destinés
La
Bible
était alors le livre
positions littéraires. ,
Il n'est
en quelque sorte
,
ch. xix)
rendu
est
,
et
la
celui
et
la
légende rabbinique qui
qui soumettait à son pouvoir
chez
les
chrétiens
des fourmis
comme
la
chez
s'était arrêtée,
un
faisait
Nature
comme
représentant
Marcol ou Marcoul,
cette le
âge
et l'autre
triviale.
Les Dict{ de Salomon
ment en
latin, furent traduits
lisait,
On
qu'on ap-
du
et le
com-
le
modèle de
Tige,
a
ce
comme un
doit rappeler, à ce le roi
de la magie,
devenue populaire la
reine
roi d'Israël et lui
des premiers recueils
mis dans
ait
la
Salomon, qui
le roi
main du
raison
la
dialogue rimé, entre ce grossier Marcol
et
dans
»
rassem-
les
les
nom
mains du peu-
de Salomon, qui
nommé
sagesse divine, vis-à-vis d'un
la
emprunté au bon sens du peuple
prophètes?
comme
moyen
Un
pro-
De ço levad
D'après cette légende,
jour, dans la
représentant
prononce une grave sentence,
les
qu'on
de Salomon
ple s'était placé naturellement sous les auspices
y figure,
le
morale de la famille.
entière, était
les juifs.
moyen
le
«
:
Proverbes,
avait révélé les secrets de la vérité éternelle.
de proverbes français que
et exivit
qui servait de type à diverses
oracle qu'il fallait consulter avec un pieux respect.
que
ainsi
à l'éducation
genre de littérature primitive, fût considéré, au
sujet,
Avant
on avait commencé à
livre des
le
Unde
langue écrite
donc pas étonnant que
dans
:
Est Saul entre
:
par excellence,
prenait par cœur, avant tout autre
donné
pourtant
plus ancienne version de la Bible, au douzième
l'uni soit dire
et,
et
mots respit ou reprovier, pour traduire
les
Les proverbes étaient donc en usage dans langue parlée,
,
les livres;
qui se trouve pourtant employé par tous les auteurs de la
Dans
latinité.
en français
paraît pas être antérieur au treizième siècle.
époque, on n'avait que
mot proverbium,
écrits
particu-
fait
humaine sage roi
(fi
g. 278). C'est
Salomon
:
un
celui-ci
y répond par un axiome analogue,
formulé ordinairement dans sa langue et
de Marcol, composés originaire-
dans toutes
les
langues au
moyen
âge;
la
PROVERBES.
Fig. 278.
— Salomon et Marcoul
;
fac-similé d'une gravure sur bois tirée des Dict{ de
35 7
Salomon
et
Marcoul.
Edition du xv e siècle. Bibliothèque nationale de Paris.
version française remonte peut-être au douzième siècle. Voici une stro-
phe de ce
petit
poème populaire «
:
Qui sages hom
Ici
sera
trop ne parlera.
»
SCIENCES ET LETTRES.
358
Ce dist Salomon. Qui ja mot ne dira Grand noise (dispute) ne Marcol lui respont. «
La vogue de
par
Paris,
où
verbes
Et
On
siècle.
écolier, dès le
»
ces proverbes rimés, souvent remaniés,
difiés, est constatée
quinzième
fera.
multitude d'éditions qui parurent à
la
peut supposer que l'original
dixième ou onzième
dans
siècle,
trouva convenable de vulgariser de
l'on
et celui
de
la
d'ailleurs, ce
augmentés
la
du
la fin
latin a été fait
les écoles
mo-
et
par un
de l'Église de
Pro-
sorte le livre des
Sagesse, attribué aussi à Salomon.
nom
de Marcol, ou Marcoul, ou Marcon, donné au se-
cond interlocuteur du Dialogue, pourrait bien
n'être autre
que
le
nom
de
Marcus, philosophe fameux au moyen âge, dans lequel on a voulu recon-
Marcus Porcius Caton,
naître
désignés l'un
et l'autre
moribus), qui depuis des enfants rius
et
et
surnommé
qu'on expliquait dans
durant tout
le
moyen
ou imités en vers été traduits
auteurs des Distiques
septième
le
Censeur, ou Marcus Caton, son
siècle
moraux
Cato.
(Disticha de
nommé
Vale-
La
célébrité de ces Distiques,
qu'on
Écoles, se maintint au
les
fils,
étaient appropriés à l'éducation
qui doivent être attribués plutôt à un moine
ou Dionysius
lisait et
comme
dit le
même
apogée
âge. Ils furent plus d'une fois traduits, paraphrasés
français,
aux douzième
de nouveau en rimes
et
souvent réimprimés, à
du Grand Chaton,
zième
siècle,
sous
zième
siècle,
par Pierre Grosnet, sous
le titre
treizième siècles.
et
et
le titre
Ils
la fin
avaient
du quin-
au commencement du
des
sei-
Mot\ dorés du grand
et
saige Caton. Il
y eut aussi, au douzième
philosophie proverbiale
dans
les
l'usage
,
siècle,
un autre
recueil de proverbes
ou de
qui jouit longtemps d'une grande réputation
Ecoles, et qui fut traduit en français, à plusieurs reprises, pour
du vulgaire
près ignoré.
et
des classes aristocratiques, où
Ce Recueil, connu sous
le
à des personnages célèbres de l'antiquité
la
Horace
peu
,
plupart apocryphes, attribués
et
grecs et latins qui se trouvaient compris dans et
latin était à
nom de Proverbes aux philosophes,
renfermait un choix de Sentences en vers,
Ainsi Virgile, Ovide
le
notamment la
à divers
auteurs
catégorie des philosophes.
figuraient, dans cette compilation, entre
PROVERBES.
Moïse
et
Salomon, Homère
et
Ésope
(fig.
27g).
35 9
Plus tard, ces Sentences mo-
rales furent traduites en français, sous le titre de Dits des Philosophes ; elles offraient sans doute quelque analogie avec certains passages des rhéteurs et
des poètes, auxquelles
elles furent entrées
dans
des proverbes tirés des
mais, quand
le
compilateur
le
moule du quatrain, on n'y retrouva plus que
mêmes
les avait attribuées;
sources que
le
Dialogue de Salomon
et
de
Jk/ m
/
/A\\
w M\
/ / \\\
/\§3|
r5\\
% 2 Qui hante avec
le
Hurler convient
s'il
loup n'est lourd.
(Ancien proverbe.) Fig. 279.
—
Le loup trompant
l'àne.
(Gouda, Gerart Leeu, 1482,
Fac-similé d'une gravure sur bois du Dyalogue des créatures in-fol.).
Bibliothèque de
M. Ambroisc Firmin-Didot.
On en pourra juger par ce quatrain que le traducteur comme une imitation de deux vers du satirique Juvénal
Marcon. sente
nous pré-
:
Tant vaut amour comme argent dure Quant argent fault (manque), amour est Qui despent le sien folement, Si n'est amés (aimé) de nule gent. :
Au le
quinzième
siècle,
nule.
Guillaume de Tignonville, prévôt de Paris, sous
règne de Charles VI, trouva
le
temps, au milieu de ses occupations
poli-
SCIENCES ET LETTRES.
36o
tiques et administratives
de faire une traduction nouvelle des Dits des
,
Philosophes , en vers, avec de nombreuses augmentations, en y joignant des notices biographiques en prose sur les philosophes, parmi lesquels crut devoir placer non-seulement des
dre
le
Grand
Ptolémée,
et
comme
ginaires,
hommes
de guerre,
qu'Alexan-
tels
d'Egypte, mais encore des personnages ima-
roi
Simicratis, Fonydes, Archasan, Longinon.
Les pro-
verbes portèrent bonheur au livre de Guillaume de Tignonville fit
l'honneur d'en multiplier
imprimeurs du quinzième
il
manuscrits, ornés de miniatures,
les
siècle
éditions de ce Petit traictié
on
:
lui
et les
ne manquèrent pas de donner plusieurs
moult prqffitable intitulé
les
Dicts
moraux
des philosophes
Ces
différents Recueils de proverbes,
noms de Salomon, de Caton
grands latins, et
peuvent être considérés
de l'invention
moins de succès
bon sens vulgaire
même
le
dernier, parles
des anciens philosophes grecs et
les fruits
de l'érudition scolastique
du peuple avec toutes
popularité, n'ont pas été reproduits,
imprimeurs du quinzième
Rome
,
qui portent
et
ses qualités fa-
signalerons que trois ou quatre de ces
immense
et
du seizième
Ce sont pourtant des proverbes originaux, qui ne doivent vains de la Grèce et de
la
plupart
le
et
moraux.
verbes, qu'une
On
est
heureux de constater que
main inconnue
opérés dans
les
mœurs, dans
Proverbes
:
cents pro-
a groupés au hasard et qui datent au
les idées et
dans
le
écri-
cachet gaulois
les six
de cinq ou six siècles, offrent encore aujourd'hui, malgré
siècle.
aux
rien
de nos ancêtres. Le plus ancien de ces recueils est intitulé
vulgaux
des
époque, semblent émaner plus directement du
Nous ne
Recueils, qui, malgré leur
la responsabilité
que d'autres Recueils, qui n'eurent pas
et refléter l'esprit
cétieuses et pittoresques.
excepté
comme
iittéraire, tandis
à la
et
formés sous
les
moins
changements
langage, un texte net
et
franc, lequel, sauf quelques divergences orthographiques, semble appartenir à notre
campagne
et
époque, qui aurait pu
le
transcrire sous la dictée des gens de
des gens du peuple. Voici quelques-uns de ces proverbes
Mieux vaut un
tien que
deux tu
l'auras.
— Ki donne tost
il
:
donne deux
— Ki plus a plus convoite. — Qui petit a petit perd. — Il fait mal esveiller chien qui dort. — On oblie plus tost bien, mal que
fois.
le
Le second Recueil, qui
le
doit être
le
etc.
contemporain du précédent, paraît plus
PROVERBES.
rude de leçon
aux
et plus cru
36i
de langage. Cette pièce, intitulée
vilains, est divisée en strophes inégales, de six, de huit
On
:
Proverbes
ou de neuf vers
doit prendre sans nulluy mépriser
Conseil de tous voire de son message,
Le bon tems Souvent un
et !e faulx despriser
fol conseille
:
bien un sage.
(Tiré des Proverbes, adages, etc.,
Fig. 280.
— Un fou de cour.
du connétable
de^ Bourbon.)
Miniature tirée d'une Bible en françois, ms. du xv°
siècle.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
ou
lignes rimées
elle n'est
;
tantôt la strophe contient plusieurs proverbes
,
tantôt
consacrée qu'au développement d'un seul. C'est un pêle-mêle
de vieux adages que
le
peuple aimait à répéter
et qui
apportaient qucl-
SCIENCES ET LETTRES.
—
46
SCIENCES ET LETTRES.
3Ô2
que soulagement à rintention et
Pour bien comprendre
portée de ces proverbes, moitié sévères et chagrins,
la
moitié plaisants
ses tristesses et à ses misères.
et
narquois,
il
qui se prenait ordinairement en mauvaise part,
de lâche, de poltron, d'envieux, de badaud,
du peuple dans
sa plus vilaine acception,
proverbes suivants
du mot
faut être fixé sur le vrai sens et
Le
etc.
comme
qui était
vilain,
synonyme
vilain était
l'homme
l'indiquent assez les
:
Oignez
villain,
Poignez
vous poindra.
il
villain,
vous oindra....
il
demy
Villain affamé
enragé...
Villain enrichy ne connoist pas d'amis.
Le troisième Recueil ne remonte pas à une époque les
deux précédents, quoiqu'il
a pour titre
:
et
il
compilateur répond de
sidé au choix de ces proverbes.
de ce
petit recueil
répandu dans
les
,
Ce
Il
en contient environ sept cent cin-
quante, rassemblés dans l'ordre alphabétique par
nom du
que
compose d'anciens proverbes en prose.
se
Proverbes communs,
de Clairvaux. Le
aussi éloignée
J.
la
fut peut-être là
de
la
Véprie, prieur
convenance qui a pré-
une des causes du succès
que de nombreuses éditions gothiques avaient
très-
dernières années du quinzième siècle.
Le Dit de V Apostoile, dont
faut encore faire mention, quoiqu'il pré-
il
sente une réunion de dictons populaires plutôt que de proverbes, est d'une
On peut le faire remonter au treizième siècle. nom vulgaire qu'on donnait au Pape. C'est le
date beaucoup plus ancienne.
V Apostoile (l'apôtre) est Pape
le
qui, dans cette pièce devers, se prononce souverainement sur les
qualifications
France
et
ou
sobriquets appartenant aux principales
de
la
aux différentes contrées de l'Europe. Ces sobriquets rappellent
l'origine, les usages, la position ticulier
villes
de la
ville
physique,
l'état
moral
et le
caractère par-
ou du pays. Ce sont des locutions proverbiales
usuelles qui accusent la véritable
physionomie des personnes
et
et
des choses.
Ainsi l'on peut dire que la société féodale se trouve fidèlement représentée
dans cette simple énumération
:
— Assemblée de Chevaliers. — de Bourgeois. — Foule de Vilains, de Roi.
— Parlements Compagnie de Clercs. — Beuverie
Concile d' Apostoile. -
etc.
avait alors adopté la
forme brève
On
et saillante
voit que l'opinion générale
du proverbe, pour dire beau-
PROVERBES.
coup en peu de mots
et
pour
363
dans
laisser
la
mémoire une empreinte
ineffaçable.
—
Fig. 281. (
1498-
1
Devise de Louis XII,
5 15).
Un
roi de
France
porc-épic, avec la légende
mitius et eminus,
De près
et
de
jugement décisif
Fig..
283.
—
et
François
I
er ,
roi
de France
gende
:
D'après
dans
5
1
5-i 547).
le
Nutrisco la
extinguo, J'en
et
croyance populaire,
la
la lé-
vis et je l'éteins.
salamandre vivait
feu et pouvait l'éteindre.
proverbiste, qui dit à chacun son fait et qui formule un
sans appel sur
Devise des
Gueux flamands avec
la
légende
:
les qualités et les
(i566).
Une
défauts des gens, nous
besace tenue par deux mains jointes,
Jusques à porter la besace.
amène naturellement, du proverbe commun qui consacre une rale
( 1
Une salamandre au milieu des flammes, avec
i3oy,
du Porc-Fpic.
Ce nomenclateur
—
Fig. 282.
Co-
loin. C'était la
devise de son grand-père, qui avait, en institué l'ordre
:
ou vulgaire, au proverbe historique
(fig.
un événement remarquable, qui signale un
vérité
mo-
281 et 282), qui mentionne
homme
célèbre à quelque titre
SCIENCES ET LETTRES.
3b4
que ce
soit,
ou qui
province, d'une
fait
ville.
On
allusion au caractère propre d'un pays, d'une dirait
que
peuple a voulu écrire ainsi, en style
le
lapidaire, c'est-à-dire sous une forme arrêtée et concrète, l'histoire des faits
qui l'ont frappé et qui lui semblent dignes de mémoire.
Les anciens proverbes de le
relatifs à la
pas de village, qui n'en
ville,
Dit de VApostoile,
Flamands
Nous avons
certain
blesse des
exemple
On
en trouve, dans
283), cinq sur les
Gascons,
sur Orléans, trente sur Paris, etc.
une dissertation intéressante,
philologique.
et
déjà parlé des devises et des proverbes héraldiques. (Voy.
Nous
chap. Science héraldique.)
un
adresse.
(fig.
ces proverbes donnerait lieu à
au double point de vue historique
outre,
un à son
Normands, douze
dix-huit sur les
Chacun de
six sur les
ait
France sont assez nombreux. Pas
nombre de
n'y reviendrons pas. Mais
il
y a, en
dictons populaires qui se rapportent à
anciennes provinces de France.
Pour
la
le
la
no-
Bourgogne, par
:
Riche de Chalons,
Noble de Vienne, Preux de Vergy, Fin de Neuchatel, Et
la
maison de Beaufremont
D'où sont
Pour
la
Bretagne
bons barons.
sortis les
:
Antiquité de Penhoet, Vaillance de Chastel,
Richesse de Kerman,
Chevalerie de Kergournadec.
Les proverbes qui se rattachent aux
noms
des
hommes
dernes affectent ordinairement une intention railleuse
comme Hérode. — Le Galien dit non,
Homère
sommeille.
et satirique
— Hippocrate dit
:
mo-
Vieux oui, et
etc.
Enfin, on jugera
cours au
bon
anciens et
mieux de
moyen âge
et
l'esprit
des proverbes français qui avaient
qui se conservèrent à peu près intacts jusqu'au
milieu du seizième siècle, par
la
simple citation de quelques-uns de ces
PROVERBES.
proverbes, qui sont encore en usage,
transformation grammaticale
A A A
beau parleur closes
et
365
qui
n'ont subi qu'une légère
:
oreilles.
chacun oiseau son nid
lui est beau.
dur ane dur aguillon.
Aide-toi,
Amis
A
Dieu
Dieu, a père
Au
te aidera.
valent mieux que argent. et à maître,
nul ne peut rendre équivalent.
besoin voit-on l'ami.
Besoin
fait vieille trotter.
Bon cœur ne peut
mentir.
Bienfaict n'est jamais perdu.
Bonne Borgne
vie embellit. est
roy entre aveugles.
Gain de cordonnier entre par
l'huis et
Ce n'est pas or tout ce qui luit. Celuy sçait assez qui vit bien. De brebis comptées mange bien
De nouveau
le
ist (sort)
par
le
fumier.
loup.
tout est beau.
Diligence passe science.
La faim chasse le loup hors bois. La nuit porte conseil. La plus méchante roue du char crie Les
petits sont sujets
aux
lois, les
toujours.
grands en font à leur guise.
L'eau dormant vault pis que l'eau courant. Tout vray n'est pas bon à dire. Trop parler nuit, trop grater cuit.
Vin vieux, ami vieux
On
et
or vieux sont aimés en tous lieux.
ne saurait douter que
le
ment indispensable du langage familière et
un tour plus
sorte l'opinion
un
refrain,
vue
la
animer
le
la la
l'accompagne-
représentait en quelque
chaque instant,
comme
discours, en accentuant d'une manière tout impré-
pensée personnelle de l'interlocuteur. La plupart des proverbes
dans
celle des
nobles
et
langue parlée, dans toutes poésie
et les
Le proverbe, qui
et universelle, revenait à
étaient sortis originairement de la vait
fût autrefois
usuel, qui lui devait ainsi une allure plus
original.
commune
proverbe ne
comme
dans
plus littéraires.
la
bouche du peuple, mais on
des bourgeois. les
prose, et
Ils
dans
les
retrou-
avaient bientôt passé, de
compositions de
même
les
la
langue
œuvres
les
écrite,
dans
plus sérieuses
SCIENCES ET LETTRES.
366
Ainsi, au treizième siècle
où bien souvent un prédicateur commençait
,
son sermon par un proverbe vulgaire, on n'était pas surpris de trouver un
proverbe au début d'un ouvrage en vers. Les poètes concilier les sympathies des lecteurs, en
mêmes
croyaient se
commençant par un proverbe
et
souvent par plusieurs proverbes successifs un poème ou un roman de
longue haleine. Le charmant trouvère, Chrestien de Troyes, prélude de la sorte
aux graves
Jésus avait célébré le
la
sang du Christ sur
Percerai
recherche du Graal, vase sacré avec lequel
récits de la
cène
le
jour de Pâques
la croix; voilà les
Qui
En
seme
petit
tel lieu sa
Que
les
anges recueillirent
premiers vers du beau roman de
petit cuelt, recoillir voelt,
semance espande
fruit à cent dobles
Car en terre qui
Bonne semance
Le même trouvère commence Enide
où
:
Et qui onques
et
et
rien i
aussi,
li
rande
:
ne vault,
sèche et fault.
par un proverbe, son roman âCErec
:
Li villains dist, en son respit,
Que
tel
chose a
Qui mult
valt
l'en
en despit,
mielx que l'on ne cuide.
L'exemple du célèbre Chrestien de Troyes ne pouvait ses
contemporains,
et l'auteur
être qu'imité
par
du fameux roman de Baudoin de Sebourc,
troisième roy de Jérusalem, a renchéri encore sur son modèle, en termi-
nant par un proverbe chaque strophe de son long poème. L'auteur de
Baudoin de Sebourc citer,
au quatorzième
eut, à son tour, de et
au quinzième
populaires, dans lesquelles
phe,
notamment
la
les
Anglais
,
imitateurs, et l'on peut
siècle, différentes poésies, alors très-
proverbe se montre à
la fin
de chaque stro-
Complainte, en vingt-deux couplets, que
Paris avaient composée, en
pour se venger des
le
nombreux
1
38 1
,
contre
les écoliers
Hugues Aubriot, prévôt de
sévérités de ce magistrat à leur égard
rimée par Alain Chartier, en 1449, après
;
la
de
Paris,
ballade contre
la prise
de Fou-
gères, etc.
Mais
il
faut
mentionner surtout,
comme un
témoignage de
l'autorité
PROVERBES.
qu'on accordait aux proverbes dans vieille
se distingue, entre tous les écrits historiques
pu
n'avait
être
par sa forme à
et
sionomie
et
qu'il raconte,
Ici,
la
connu,
du treizième
siècle,
L'auteur
et sévère.
en parlant du règne de
donne cependant
dés, signifiant Je
Fig. 285.
d'Espagne, qui d'Angleterre, il
il
— Devise
la
phy-
gogne (1406). Un rabot,avec
porte
Hic houd,
le déji,
s'était
par
de Jean sans Peur, duc de Bour-
légende Je l'envy, terme ce qui était
à l'adresse de Jean sans Peur.
une
n'est pas
après avoir démontré l'imprudence du roi
Devise de Louis, duc d'Orléans (1406).
quand
il
instructifs, la
réelle de l'époque, lorsqu'il caractérise les principaux faits
bâton épineux, avec
du jeu de
dramatique
de celui de saint Louis;
des proverbes vulgaires.
—
la fois
mêlé aux événements
Philippe-Auguste
là,
les plus
,
par sa sincérité
Un
ouvrages
Chronique de Rains dont l'auteur champenois
mais qui
Fig. 284.
les
36 7
Je
le
tiens
la
légende en flamand
ce qui était
;
une réponse au
du duc d'Orléans.
défi
attaqué au terrible Richard Cœur-de-Lion
,
roi
en vient à conclure que tant grate chièvre, que mal gisi
représente Philippe-Auguste qui
dans
faible escorte,
barqué en France,
il
la
s'est
mis en campagne avec
supposition que Richard n'avait pas encore dé-
emprunte au dit des Villains
qu'on retrouvera plus tard dans
le
répertoire de
ce malin
proverbe
Sancho Pança
:
En
un
muis de quidance, n'a pas plein pot de sapience.
Nous avons vu le
le
proverbe appliqué à
l'histoire (fig.
verrons encore mieux à sa place dans
zième
siècle.
La
Pierre Blanchet
farce de et
le
théâtre
284
et
285);
nous
comique du quin-
Maître Pathelin, attribuée alternativement à
à François Villon
,
abonde en proverbes vulgaires qui
SCIENCES ET LETTRES.
368
émaillent
dialogue
ie
si
de cette plaisante comédie.
vif et si pétillant
L'avocat Pathelin emporte une pièce de drap, que lui
vend à
fourbe; mais, d'avoir
en se laissant abuser par
crédit, si
ce dernier réussit,
trompé son marchand,
berger, auquel
il
même
est la
il
renfermée dans ce proverbe Or
n'est-il si fort
peut dire de cette farce, qui a
devant
le
juge, à se défendre
dupe, à son tour, d'un pauvre
le sien.
le
pour
La morale de
la
se faire
comédie
entendeur fort
vendeur.
fait les délices
de nos ancêtres, que cha-
que vers en est'marqué au coin du proverbe gaulois, de trois siècles,
paroles de ce maître
les belles
:
Qui ne trouve plus
On
marchand Guillaume
avait appris la manière de mentir en justice
absoudre d'un vol plus audacieux que est
le
et
que, pendant plus
peuple de Paris employa pour son propre compte
les
locutions proverbiales qu'il avait empruntées à ce chef-d'œuvre du théâtre populaire.
tations
Au
reste, la plupart des farces, qui défrayaient les représen-
de la troupe de Pont-Alais, des clercs de
la
Bazoche
,
de
la
confrérie de la Mère-Sotte et des autres bandes de comédiens, étaient
communs
toujours remplies de proverbes accueillait avec de
Le proverbe
bruyants éclats de
avait aussi
le
et
vulgaires, que l'auditoire
rire.
privilège de
dominer dans tous
les
genres de
poésie, et surtout dans celle qui voulait trouver ses meilleurs échos le
parmi
peuple. François Villon, qui était un joyeux et mélancolique enfant de
Paris , s'en
est
souvenu, quand
un grand nombre de sentences pres à
le
devenir.
On
doit
ne sont, à vrai dire, que qui en est
le
refrain;
a intercalé, dans ses
et
de dictons devenus proverbes, ou pro-
même remarquer la
que
la
Il
n'est pas
admirables ballades
ballade des
jadis, ce vers, tant de fois cité et sous des aspects
les
ses
paraphrase ingénieuse du vers proverbial
par exemple, dans
Mais où sont
deux Testaments,
il
Dames du temps
constamment divers
:
neiges d'antan (de l'an passé)?
surprenant que Pierre Gringore, qui avait été longtemps
chef de l'association dramatique de la Mère-Sotte, avant de devenir héraut
d'armes de
la
cour de Lorraine
,
ait
donné une large part aux proverbes
PROVERBES.
36 9
dans tous ses ouvrages. Plusieurs de ces compositions poétiques ne sont
que des
recueils de proverbes rimés
Abus du monde recueil, le plus
surtout
et
connu de
;
entre autres, les
les
Fantaisies de Mère-Sotte. Ce dernier
les
tous, se termine ainsi
Femme Femme Femme Femme Femme Femme
Menus Propos,
est
l'ennemy de l'amy,
est
péché inévitable,
est familier
:
ennemy,
déçoit plus que le diable.... est
tempeste de maison
..
est le serpent des serpens....
Le prince Charles d'Orléans, qui
était
un
poè'te
de cour,
et qui
ne com-
posait des ballades et des rondeaux que pour les jeunes seigneurs et les
dames de France
jeunes
en
lui faisant
et
d'Angleterre, n'a pas cru déshonorer sa
muse
balbutier des proverbes qu'il avait soin de débarrasser de
leur grossièreté populacière. C'étaient des perles ramassées sur un fumier. Il
donc proverbeur de bonne compagnie, quand
restait
Jeu qui trop dure ne vaut
Chose qui vers
en France
plaist est à moitié vendue....
œuvres singulières connues sous
et autres
et se
développer
des contes, nouvelles, joyeux devis, menus propos, le
nom
général de
proverbes trouvèrent naturellement leur place marquée dans
les
ces productions variées qui allaient tère gaulois.
On
si
bien au génie français
ne saurait donc s'étonner que
n'aient pas dédaigné d'user et d'abuser
de plus à leurs
attrait
:
rien...
milieu du quinzième siècle on vit naître
la littérature
paradoxes facéties,
le
disait
convient que trop parler nuise....
Il
Quand
il
de Jehan de Saintré,
écrits.
même
Antoine de
et le roi
la
les
et
au carac-
plus habiles prosateurs
du proverbe pour ajouter un
Sale, dans son délicieux
roman
Louis XI, dans ses incomparables Cent
Nouvelles nouvelles, nous ont aussi conservé bien des adages qui leur fournissent était
thème
le
et la
moralité de leurs meilleurs chapitres. Le proverbe
désormais, pour ainsi dire, l'âme des œuvres
siècle
ne
poètes,
fit
en cela que se conformer au goût du siècle précédent. Les
comme Clément Marot
Rabelais
et
littéraires, et le seizième
Noël Dufail,
les
et
Antoine de Baïf
polémistes
,
les
comme Henri
conteurs
Estienne,
SC1ENCES ET LETTRES.
— 47
comme les sati-
SCIENCES ET LETTRES.
riques fort
comme
les
auteurs de
entendus dans
la science
en quelque sorte,
le
On
mémoire des
Que
l'envi
le
proverbe
passe-port de toute idée vraie, qu'on cherchait ,
pour
la
mener
loin à travers
générations.
maintenant nous tournons nos regards vers
si
montrèrent à
peut dire avec raison que
à rendre plus saisissante et plus frappante la
se
des proverbes et ne restèrent pas à cet égard
inférieurs à leurs devanciers. était,
Satyre Mênippêe,
la
Soulier
rompu ou
les
autres nations de
sain
Vaut mieux au pied qu'en main. Tiré du Trésor des sentences dorées, dicts, proverbes et dictons communs, par Gabr. Meuricr. (Lyon, d'OgerolIes, 1577, in-16.) Fig. 286.
— Cordonnier
mettant une chaussure en forme. D'après une des stalles dites Miséricordes
du chœur de
la
cathédrale de Rouen. xv c siècle.
T Europe, nous devons reconnaître que partout la littérature proverbiale
a été aussi féconde, sans cesser d'être indigène. L'Espagne et toutefois les pays qui offrent le plus d'analogie avec la
rapport des proverbes. Quant à l'Angleterre, part aux proverbes, mais ceux qui
guent entre tous par et
qui
fait l'originalité
suivants d'être
cet
:
humour
lui
elle a
l'Italie
France
,
sont
sous
le
donné moins large
appartiennent en propre se distin-
britannique, qu'on ne trouve pas ailleurs
de ses proverbes.
On
en jugera par
les
exemples
Si Von savait ce qui doit renchérir, on n'aurait pas besoin
marchand plus d'une
année.
— Echange
n'est
pas
vol.
— Dieu
PROVERBES.
nous a envoyé
la
pâté de Noël avec
La pas
viande, et les
diable la cuisine.
doigts des notaires
peinture, la sculpture
manqué
le
286
(fig.
et
et les
— Le
diable fait son
langues des avocats.
287) et presque tous les arts n'avaient
de reproduire aux yeux l'expression figurative des proverbes.
Les tableaux,
les
dessins
,
les
estampes,
proverbes avec plus ou moins de justesse proverbes sur
la
lame des épées
interprétaient ces
les tapisseries
de fantaisie.
et
On
gravait des
des poignards, sur les casques et les
et
a bien trouvé chaussure à son point.
Il
Tiré des Adages et proverbes de Solon de Voge, recueillis par Jean Lebon,
dit l'Hétropolitain.
(Paris, Bonfons, sans date, in-16.)
Fig. 2S7.
—
Le cordonnier
et
son client. D'après une des stalles dites Miséricordes du
de
cuirasses
;
à l'exergue
la
on frappait des médailles ;
et
des jetons portant des proverbes
on brodait des proverbes sur
l'habillement des
hommes
chœur
cathédrale de Rouen. xv c siècle.
et
des
les étoffes
femmes;
ces
qu'on employait à
broderies
à proverbes
servaient de ceintures et de baudriers. Les proverbes figuraient sur les vitraux,
comme
sur
les
meubles en bois sculptés
verres à boire et les objets d'usage journalier.
de Beauté, appartenant à Agnès Sorel, peinte, ornés de proverbes facétieux. les
était
On
(fig.
Une
288),
comme
sur les
des salles du château
pavée de carreaux de faïence
s'explique aisément pourquoi
enseignes des marchands étaient souvent des proverbes en action. Les
SCIENCES ET LETTRES.
372
libraires et les les
marques
imprimeurs avaient
aussi
multiplié les proverbes dans
qu'ils mettaient sur les titres des livres sortant de leurs
primeries ou vendus dans leurs boutiques
ques-uns de ces proverbes étaient facétieux;
289, 290
et 294).
Quel-
plus grand
nombre
étaient
(fig.
le
im-
édifiants.
Fig. 2S8.
— Peigne,
fleur,
d'un
un cœur enflammé, un bras
homme
siècle. On lit, d'un côté Prenes en gré; et de On remarque au centre de la légende un rébus tient un dard, avec les deux lettres M P. On disait
en bois sculpté, du xv e
doun. Collection de M. Ach. Jubinal.
colère, qu'il tuerait
On possède,
dans
les
qui
:
—
l'autre
:
te petit
représentant une
proverbialement
un mercier pour un peigne.
grandes bibliothèques publiques, différents recueils
de proverbes représentés par des miniatures ou par des dessins à
la
plume,
qui font honneur au talent de leurs auteurs inconnus. Entre tous ces
numents auxquels
le
goût des proverbes a donné naissance, nous signale-
rons seulement un très-curieux Recueil de dessins à
pour çois
la
gouache, exécutés
connétable de Bourbon, au commencement du règne de Fran-
le er
I
mo-
,
et
conservés maintenant à
la
Bibliothèque nationale
de Paris
1
PROVERBES.
On
lit,
373
au-dessous de ce rébus, l'explication suivante
;
Saluons Marie priant Jésus en croix,
En noz consciences espérons "
J'ay a
Dieu
mon
sa paix.
ceur mis.
Jespere paradis,
Louange
—
Fig. 283.
Rébus
tiré
a
Dieu
soit.
des Heures de Nostredame, imprimées par Guillaume Godart, libraire à Paris, en i5i3.
(Fonds
la
Vallière,
département des manuscrits). Ce beau livre contient
soixante et un proverbes très-ingénieusement figurés. Celui que l'artiste a intitulé
Fig.
en
Margaritas ante porcos (proverbe emprunté
290.— Marque 1
5
1
achète.
2. »
à l'Ancien Testa-
de Jehan de Brie, dans les Heures à P usai ge de Paris, imprimées par Jehan Bignon
Ce rébus
bizarre doit se traduire ainsi
:
«
In vico sancti Jacobi, à la Limace.
Cy me vend
et
SCIENCES ET LETTRES.
374
Fig. 291.
—
Dessin des Proverbes, adages,
etc.,
ms. du xv c
siècle,
n" 4316. Fonds
La
Yallière, 44.
Bibliothèque nationale de Paris.
ment) rieurs
est représenté (fig.
par un groupe de porcs, renversant un panier de
291), avec ce distique français Belles raisons qui sont
Ressemblent
fleurs à
:
mal entendues
pourceaux estendues.
Si?
Fig. 292.
Dieu veult souventesfois permettre
Quoy
L'homme
La
périr, qui dist
:
Je veulx,
qu'il
en peut advenir, mettre
charette devant les bœufs.
— Dessin des Proverbes, adages, etc. Ms. du xv" siècle, n°4Ji 6. Fonds LaVallière,44. Bibl.nat. de Paris.
PROVERBES.
Il
faut
mentionner encore parmi
du recueil
celles qui se
les
7D
compositions
les
plus remarquables
rapportent aux proverbes suivants
Je suis
Fauvcau qui
(fi g.
292)
:
Tant
désire à toute heure
Estre estrillé et devant et darrière.
De
A Fig. 293.
—
m'estriller qui ne scet la
coup pert temps
Dessin des Proverbes, adages,
et trop
etc.
manière
en vain labeure.
Ms. du xv e
siècle.
N° 4316. Fonds La Vallière, 44.
Bibliothèque nationale de Paris.
va
le
pot à
geant on
— Mal sur mal n'est pas santé. — En fordevient forgeron. — A petit mercier petit panier, Le l'eau, qu'il brise.
etc.
très-ancien proverbe, étrille Fauveau, qui serait incompréhensible sans
SCIENCES ET LETTRES.
3y6
une explication sommaire, n'a pas
été oublié
(fig.
293).
Un
quatrain en
rimes, renfermé dans un cartouche ornementé, explique chaque L'inscription
en vers,
placée
sujet.
au bas du portrait du Connétable en
costume de guerre, nous apprend que
ce précieux Recueil,
commencé
par son ordre, ne fut achevé qu'après sa mort. C'est donc une espèce de
monument que
le poë'te et
l'artiste élevèrent à sa
talisant la passion qu'à l'instar
du
roi
Salomon,
mémoire, en immoril
avait eue
pour
proverbes.
Fig. 291.
—
Marque de Miche Fezandat, imprimeur
à Ptris
attribuée a Rabelais.
(t
552), avec
une devise proverbiale
les
LANGUES — Décadence
de
Dialectes vulgaires néo-latins.
—
Origines des langues.
—
la
langue latine.-— Le celtique
Premiers monuments de
tudesque.— La langue rustique.
—
Serment de Louis
le
— Lois de Guillaume Conquérant. — La langue d'oc la langue — Poème Boèce. — Chanson de Roland. — Fabliaux. — Roman de la Rose. — Villehardouin. — Le sire de Join— Froissait. — Influence des écrivains flamands. — Antoine de Sale. — Les Cent Nouvelles nou-
Germanique, en 842. de
et le
langue française.
la
le
et
villc.
d'oil.
la
velles et Villon.
—
L'hellénisme et l'italianisme.
—
Clément Marot
—
Rabelais.
et
Ronsard, Montaigne,
Malherbe.
ggïl
'heure de décadence sonne pour les idiomes,
comme pour
tout ce qui participe à la vie
mortelle, dit
M. Francis
Wey
qui a écrit
un remarquable ouvrage sur les Variations de la langue française.
où
néologisme
Un
temps arrive
rend diffus, où
la
subtilité les
corrompt, où l'équivoque
les
décompose,
et
le
les
quand un langage arrive à
empêcher que Ton
se
comprenne,
ments sociaux sont bien près de dre...
la
Babel symbolise
les destinées
des langues.
que Moïse
Genèse, pourrait être, en
comme
se passa, en
Europe, lorsque
considérée
le
romaine.
«
Alors toute
la
parole, lisons-nous dans
le
le texte fils
l'image de ce qui
y apportant sa langue qui
ciment social de
Terre avait un
voir la ville et la tour, que les
raconte dans
la
peuple romain voulut établir sa domina-
tion sur tous les pays qu'il avait conquis, en
devait être, en quelque sorte,
se dissou-
»
L'histoire de la confusion des langues, telle effet,
les élé-
biblique.
des
même
la
nouvelle nationalité
langage et une
même
Et l'Éternel descendit pour
hommes bâtissaient. Et
l'Éternel dit
SCIENCES ET LETTRES.
:
SCIENCES ET LETTRES.
«
Voici qu'ils sont un seul
langage l'un de
toute la terre, et fut
ils
(fi g.
l'autre.
langage;
le
Seigneur y confondit
ils
empêchera d'exécuter n'entendent
afin qu'ils
Ainsi l'Éternel
»
même
ont un
Ils
les
dispersa de là par
nom
cessèrent de bâtir la ville. C'est pourquoi son
appelé Babel, car
terre
peuple.
Confondons leur langage,
ce qu'ils ont projeté. le
même
à travailler, et maintenant rien ne les
commencent
point
et
le
langage de toute
la
»
295).
Au commencement du cinquième siècle, l'Empire des Césars n'était plus, comme Babel, qu'une grande ruine la langue latine, qui depuis la con:
quête
et
civile et
l'occupation romaines était devenue
administrative dans
envahie par
les
langue légale, religieuse,
la
plus grande partie de l'Europe, se trouva
la
comme
langues barbares,
le
sauvages, qui, du fond de l'Asie, des extrémités de
Nord,
régions inconnues du
romain. De
là
précipitaient
se
par
sol l'était
Germanie
la
à la fois sur
pour
qui avait trop profondément pénétré dans l'usage de
de l'extirper
qu'il fût possible
Sans doute,
la
langue classique,
de
et
la belle
société;
mais
qui variait à
des
et
monde
(fig.
296),
langue
la
la-
commune,
la vie
la faire disparaître
tout à
fait.
langue de Tite-Live, de Cicéron
de Salluste, n'était parlée, n'était comprise que dans la
le
date l'origine des langues modernes de l'Europe
formées du mélange de l'idiome du peuple envahisseur avec tine,
hordes
les
les classes
et
élevées de
autres classes se servaient d'une langue rustique,
les
selon les lieux et les populations,
l'infini
qu'une dégénérescence plus ou moins accusée de
la
et
qui n'était
vraie langue latine.
de Cette langue rustique [lingua romand) se composait d'une multitude dialectes
procédant
les
uns des autres
et
ou moins de
s'éloignant plus
la
langue-mère.'
La langue
celtique
lectes qui existaient, et
,
elle aussi,
dans
les
comprenait un certain nombre de dia-
Gaules, à l'époque des expéditions de César,
qui n'étaient que les variations de la
même
lui-même dans ses Commentaires. Strabon
langue,
dit aussi
servaient partout d'une seule langue indigène, à laquelle
ment des différences de
dialecte.
Or,
la
dernière devint exclusivement
le
que ils
langue celtique ne
plus ou moins radicalement, sous l'influence de
la
comme les
il
le dit
Gaulois se
imposaient seule-
fit
que
se modifier
langue latine, quand cette
langage politique ou
officiel
de la colonie
LANGUES.
romaine. Les Empereurs avaient
dans
établir,
Gaules,
et
les
379
fait
principales villes des
notamment
à
Lyon, à Au-
tun, à Besançon, des Ecoles où Ton enseignait la langue latine, et
recours à tous les
Ton eut
moyens qui pou-
vaient propager cette langue, non-seu-
lement dans
les
classes
aristocrati-
ques, mais encore parmi
le
peuple,
qui se montrait plus rebelle au chan-
gement tyrannique
de
son
idiome
national. Cette politique des
Romains
leur réussit singulièrement.
Non-seu-
lement dans cite, la
les
la
Gallo-Romains
servitude,
mais
comme
se ruèrent
Ta-
le dit
prirent plaisir à adopter
ils
langue de leurs vainqueurs, en
faisant subir
quelques accidents
lui
inévi-
tables de prononciation et en intro-
duisant certains mots celtiques dans le
vocabulaire
latin.
Bref, au
mo-
Fig. 295.
dans
la
—
Construction de
vallée
la
tour de Babel,
de Sennaar, par
les
descen-
dants de Noé. Miniature d'un ms. du xv 8 cle.
ment où siècles
les
barbares s'établirent dans
les
siè-
Bibliothèque nationale de Paris.
Gaules,
il
y avait déjà plusieurs
qu'à l'exception de l'habitant des campagnes, tout
le
monde
parlait
SCIENCES ET LETTRES.
38g
la
lingua romana, plus ou moins modifiée par
les gosiers celtiques.
Ces bar-
bares allaient sans doute faire entrer de nouveaux éléments idiomatiques
dans
langue hybride, que
cette
usage; mais
demeurer
Fig. 296.
le
ils
ne pouvaient pas
fond du
«
français
la
détruire, et
le latin
J.
devait toujours
».
— Institution des langues. Fac-similé d'une gravure sur bbis de (Àrgentoratum,
Au
peuple gaulois avait accommodée à son
le
Gruninger,
1
5
1
2,
in-4
).
la
Margarita philosopliica nova
Bibliothèque de l'Arsenal.
surplus, les Gaulois n'avaient jamais eu d'histoire écrite, ni
littérature,
si
ce n'est
un
petit
nombre de chants
guerriers et
même de
d'hymnes
ligieux, qui leur tenaient lieu d'archives nationales, et qui restaient
dans
la
mémoire des druides
n'ayant pas reçu
donné, en
la
la
et
des chefs de famille.
La langue
re-
déposés celtique,
consécration des œuvres littéraires, qui lui eussent
fixant, des qualités de persistance et de durée, tendait inévi-
LANGUES.
tablement à
se désorganiser et à
qu'elle n'avait pas
que
les
échappé à ces
tomber en désuétude.
lois
de décadence
et
Il
est
de destruction, lors-
Francs renouvelèrent leurs invasions successives dans
(Btpïuralittr ttortamut
probable
les
Gaules,
Mcmtoo
'
ttanmr,#utttro&ocrtm tutiuntcia!
aomtto*. €tytatwcr rnaao tw$w*
mnrtx oerrrma wl îioctoît mxt» tut
&p\m\\utwnm.%wïnm\v
U oct rrmiut î> o rrrf nf^fetrttr ito perfir(hit wlfimlVm rflfro
wIfmflte
rltcttit
fuinrr.€tj)Uiralttn* utmam oodulfe
mus wlfuiirmut^tTrtiôwl fmfTttts firmruflfui(Tent^fwrotitinamîo(t Ctjrtv articwaris wl&octare
mut
unnamDorramuroocramtMîDrraiif Comunmuo mono mttpotf purent» Fig. 297.
—
Spécimen d'une page de
la
Grammaire
latine, d'jElius Donatus, grammairien du iv c siècle.
Fac-similé d'une planche de bois gravée pour l'impression xylographique de l'édition publiée à Mayencc par
Gutenberg. (Cette planche de bois
était
conservée dans
jusqu'à ce qu'ils se fussent établis à
la bibliothèque
du duc de
demeure sur
la Vallière.)
ce territoire dont
ils
emparés sans y changer les bases constitutives de la domination romaine. Les lettrés, les ecclésiastiques, les familles de race pas'étaient
tricienne parlaient toujours latin, mais ce latin était singulièrement cor-
rompu
,
quelquefois inintelligible. Ceux-là seuls, qui avaient
fait
leurs
382
SCIENCES ET LETTRES.
études classiques dans
les
aquitaniques
et
,
académies lyonnaises, viennoises, narbonnaises
connaissaient par principes
grammaire
récrire, sans faire trop de fautes de
usuelle était la lingua
ment produit le
roman a,
langue latine (fi
Mais
g. 297).
savaient
et
la
langue
langue vulgaire avait certaine-
cette
et
la
des compositions littéraires
probablement des poésies que
et
temps n'a pas respectées. Les Francs avaient tant de respect pour
loin de songer à les détruire,
ils
les institutions
romaines, que,
laissèrent généralement subsister l'organi-
sation politique et administrative qu'ils trouvèrent établie dans les Gaules.
On la
s'explique ainsi pourquoi
domination franque
savante
et
(fig.
plus raffinée parmi
les
le
néophytes,
la nécessité
foi religieuse
vive et ouverte
;
étaient
ils
En résumé, distincts le
:
la
germanique
plus considérable.
germaine;
il
amenèrent naturellement, pour
Ils
langue latine
la
pu
se
eux avec
trois
latin
mais ce dernier
celtiques.
Tout
est,
,
le reste,
que
les
le
de beaucoup,
:
«
Le
français
»
que
sermo quotidianus (langage
qui occupaient
les
à peu près, est
d'esprit
les lois
les
progrès du
des Francs,
latin,
comme
académique, sans doute, mais en ce
et l'entendait. Il est vrai
la
éléments nettement
depuis Clovis.
celles des autres
peuples barbares qui envahissaient l'empire romain, sont écrites en
non pas en
de
n'y a pas en français plus de mille mots d'origine
latin.
effet
se présentait à
compose de
Rien, d'ailleurs, ne fut plus rapide que
Nous voyons, en
même
avaient l'esprit prompt, l'intel-
dire avec autant de raison
qu'un patois du
et
donc tout préparés à recevoir
et latin;
y en a bien moins de
latin, et l'on a
n'est
Il
les diri-
Rome.
langue française
celtique,
Dès lors, leurs
roi Clovis.
premières notions d'une langue nouvelle qui prestige de la grandeur de
magistrats.
qui les instruisaient et
de comprendre
parler d'une façon toute rudimentaire. ligence
peuple, langue plus
teuton, jusqu'à ce qu'ils se furent con-
les ecclésiastiques
geaient dans leur nouvelle
le
les officiers publics, le clergé et les
au christianisme, à l'exemple de leur
rapports habituels avec
dans
297), langue vulgaire
Les Francs parlaient entre eux vertis
langue latine continua de subsister sous
la
que
ordinaire), parce le
tudesque resta
bords du Rhin
et les
que tout la
latin le
latin,
qu'on appelait
monde
le
parlait
langue des tribus franques
provinces de
la
Germanie; mais
LANGUES.
les
Francs de Clovis
Orléans, à Paris
Les leudes ou plus hostiles à nationale
dans
les
,
langue latine
;
ils
vulgaire.
gardèrent longtemps leur langue
langue thioise n'a peut-être pas cessé d'être en usage
Charlemagne. Les
classes nobles, jusqu'au règne de
première race, pour n'affectèrent pas
le latin
à
seigneurs, par paresse ou par fierté, se montrèrent
les
et cette
chefs qui s'étaient fixés
des autres rois ou
et
Soissons, adoptèrent rapidement
et à
la
383
se'faire des partisans
moins de prendre
dans
intérêt
la
rois
de
la
population gallo-romaine,
aux progrès de
la
langue latine
vulgaire parmi leurs sujets. C'est ainsi que, deux siècles auparavant, les
Gaulois qui parlaient encore de Sidoine Apollinaire,
«
le
celtique s'efforçaient, suivant l'expression
de se débarrasser de
antique, pour se façonner aux élégances de
Chilpéric
I
er ,
roi de Soissons,
d'imiter, dans ses discours, s'efforçait
comme
et
tudesque avec
la
la
rhétorique des la
langue
latine. »
siècle, se piquait
Romains
les
Le
roi
même
plus lettrés;
il
langue latine dans ses Etats,
ne parvenaient pas à reproduire .les sons de l'idiome
les caractères
quelques caractères grecs de
la belle
au milieu du sixième
de rendre plus facile l'étude de ses sujets
rouille de cette langue
la
et
de l'alphabet romain
hébreux qui
langue franque. Dans
le
même
,
se prêtaient
il
proposa d'employer
mieux aux intonations
temps, Caribert, roi de Paris, avait
aussi la prétention d'être savant en jurisprudence et de s'exprimer dans
langue de Cicéron avec l'éloquence d'un véritable Romain. L'évêque
la
Fortunat
lui
langue latine,
Et
le
adressa des vers latins, pour
le
comme s'il était
lieu d'être d'origine
poète ajoutait
langue maternelle,
Malgré
:
«
toi
né à Rome, au
louer de ce qu'il parlait
ta
qui es plus éloquent que nous dans notre langue!
»
ces éloges plus
ou moins mérités, et d'écrire
il
n'y avait peut-être personne
correctement
le
classique, dans les provinces gallo-romaines dont les
Mais dès
sicambre.
Quelle doit être ton éloquence, lorsque tu parles
qui fut capable de parler
tres.
la
lors le langage rustique
beau
latin, le latin
Francs étaient maî-
ou vulgaire avait succédé presque
partout au tudesque.
Grégoire de Tours, à qui nous devons cette admirable Histoire des
Francs, que nous sommes une époque reculée où
les
si
heureux de posséder pour connaître à fond
monuments
avoue lui-même, dans un de
ses
historiques font trop souvent défaut,
ouvrages [De gloria Confessorum),
SCIENCES ET LETTRES.
384
qu'il ignorait
presque absolument
naïvement d'avoir bien souvent confondu au féminin lorsqu'il
de
les règles
les
la
langue latine;
genres
mettre au masculin
fallait les
les
noms
au neutre; de
s'être
et les cas, et
mis
aux régimes
servi d'ablatifs au lieu d'accusatifs et de n'avoir pas eu égard
des prépositions.
années 5y3
Le
en
et 5o,3, est,
n'ont pas pourtant respect
texte de cette précieuse
pour
la
manqué
mémoire de
que
les
et
l'illustre
dans une arche
rompu
et
sainte.
En
les
pour
faits
les
et
les
anciens copistes
d'y corriger les fautes les plus grossières, par
de se perdre, chez
moines avaient
Chronique, rédigée entre
effet, très-incorrect,
évêque de Tours.
Depuis Chilpéric jusqu'à Charlemagne, de s'altérer
s'excuse
il
la
la
bonne langue
Francs, nonobstant
les
ne cessa
latine
louables efforts
conserver dans leurs couvents
revanche,
la
langue vulgaire,
de latin cor-
faite
de tudesque*"latinisé, continuait à se répandre dans
comme
la
population.
Charlemagne, qui avait parlé
cette
grammatical,
dégénération de ce latin classique, qu'il
était 11
de
fut attristé
capable d'apprécier
la
langue avant d'apprendre
et qu'il écrivait
le latin
lui-même assez correctement.
s'indignait surtout de voir des évêques et de vénérables prélats qui
n'étaient pas en état de lire la Bible dans le texte de la Vulgate.
donc
l'école Palatine,
sous
la
direction d'Alcuin, dans
langue latine ecclésiastique. Ses pairs officiers militaires
et ses
qui resta
la
but d'épurer
barons, ses leudes
et
la
ses
gardèrent leur langage tudesque; mais son influence
personnelle n'en fut pas moins favorable à latine,
le
créa
Il
langue de l'Église
et
la
conservation de
la
langue
qui profita des œuvres écrites de
la littérature sacrée.
Outre ce
latin littéraire, qui
des livres et des actes publics,
ne se parlait pas, mais qui il
monument que nous ayons
au milieu du neuvième
Chauve,
roi de France, et
siècle, c'est le
Louis
langue
y avait seulement deux langues usuelles
dans toute l'étendue du vaste empire de Charlemagne, tudesque. Le plus ancien
était la
le
le
roman
et
de ces deux langues
double serment que Charles
Germanique,
le
le
ligués contre leur frère
l'empereur Lothaire, se prêtèrent l'un à l'autre, en présence de leurs ar-
mées,
le
14 février 842.
Il
suffira
de citer
manique prononça, en langue romane,
ici le
serment que Louis
afin d'être
entendu
l'armée de Charles, laquelle se composait de Francs
et
et
le
Ger-
compris par
de Gallo-Romains
LANGUES.
de Neustrie, d'Aquitaine
amur
et
et
385
des autres régions méridionales
pro Christian poblo,
nostro
et
avant, in quant Deus savir et podir
me
commun
salvament,
dunat,
salvarai eo cist
si
fradre Carie, et in adjudha, et in cadhuna nosa,
son fradre salvar
numquam
Fig. 298.
-
Le
dist, in
prindrai, qui,
roi Robert,
fils
o quid
il
mi
meon vol,
altresi fazet.
cist
meon
la fin
du xiy
siècle, n» 3.
d'ist di
cum om
si
en
meon
per dreit
Et ab Ludher nul plaid
fradre Karle in
damno
de Hugues Capet, composant des séquences et des répons en
des Chroniques de France, ras. de
Pro Deo
«
:
latin.
sit. »
Miniature
Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
Telle était donc la langue vulgaire, qu'on parlait dans la plus grande partie de la France, à cette époque, et
il
faut
remarquer que tous
les
mots
qui composent ce curieux document sont des mots latins défigurés par
prononciation ou par l'orthographe. Ainsi le latin
rustique,
le
ensemble. C'était
France
roman formé du
là la
langue de
la
celtique,
France,
le
langage
commun
du germain et les
et
du
la
était bien
latin
fondus
Allemands nommaient
[Francia latinà) parce qu'on y parlait ce langage composite, qui n'était qu'un produit corrompu de la langue latine. Selon la
«
latine
»
,
l'historien Luitprand,
au dixième
siècle,
on n'appelait plus
la
SCIENCES ET LETTRES.
Gaule que
—
49
la
SCIENCES ET EETTRES.
3S6
France romaine ou romane (Francia romand), explique cette dénomination la
,
et
en disant qu'elle n'avait pas été attribuée à
France à cause de Rome, mais à cause de
Francs des Gaules étaient
qualifiés
qui se donnaient
les seigneurs,
L'empereur Lothaire,
refusé à apprendre
le latin,
fils
le
ordonnant que
les
de nobles gaulois,
langue latine vul-
la
Débonnaire,
la
Dans
le
Livres saints fussent traduits en cette langue la
Germanie pro-
concile de Tours, en 8i3, les évêques s'étaient asso-
homélies de l'Église fussent mises simultanément à
par une double traduction tudesque
et
romane
(fi
le
vœu que
portée des fidèles
g. 298).
duc Hugues Capct, avant de devenir premier
le
la
du dixième
n'en disparut pas moins, à la fin
Le langage tudesque car
Débonnaire
le
aux intentions du successeur de Charlemagne, en émettant
ciés les
dite.
toujours
langue tudesque dans ses
qui n'avait plus beaucoup de représentants, en dehors de
prement
s'était
vulgaire. Louis
le latin
lui-même avait tenté de maintenir l'usage de États, en
titre
le
générale de
de Louis
même
les
Francs Latins.
protestaient encore contre l'invasion gaire.
langue romane qu'on y
la
non a Roma, sed a ïingua romand). Voilà pourquoi
parlait (sic dicta,
Cependant
un historien postérieur
siècle
:
roi de la troisième race,
ayant une entrevue avec l'empereur Othon IL qui avait parlé en bon latin
pour
être
torien
entendu des évêques, ne put
lui
répondre qu'en roman,
que l'évêque
Richer, qui assistait à cette conférence, rapporte
d'Orléans, Arnulf, fut obligé de traduire en langue vulgaire
d'Othon, sous
le
traire,
afin
que
le
duc Hugues pût
comprendre.
les
règne de Hugues Capet, l'évêque de Verdun
pour prendre
la
dait la langue tudesque.
parole au synode de
Le roman ou
la
et la
le
royaume de France
;
était désigné,
les
mand, écoles,
qu'il possé-
langue du peuple
langue des seigneurs. Le duc de Normandie, Guillaume
les lois
au con-
provinces occidentales
rant avait introduit l'usage de cette langue en Angleterre,
que
paroles
langue vulgaire n'avait pourtant
c'était à la fois la
Guiscard, son contemporain, en Sicile
les
peu plus tard,
Mouzon, attendu
pas cessé de faire des progrès dans toutes qui formaient
Un
et l'his-
et
cà
le
Conqué-
comme Robert
Naples. Guillaume ordonna
de l'Angleterre fussent écrites en français, cest-à-dire en nor-
lequel n'était qu'un dialecte de
on apprît
le
français à
la
la
langue romane,
jeunesse avant de
et
lui
que, dans
apprendre
les le
LANG U ES.
Quant
latin.
temps
,
cour de Naples, selon
à la
quiconque ignorait
la
le
38 7
témoignage d'un historien du
langue de France ne pouvait avoir aucune
considération dans cette cour toute française.
aux Lois de Guillaume langue romane avait
d'oil
nablement
Jo
poez emplaider car :
par
el
Conquérant nous à la fin
fait,
former en langue essillé.
le
Si
«
:
article (le 38°)
du onzième
pour arriver à
siècle,
home enpuisuned
leist à faire
damage
emprunté
chemin que
fera connaître le
altre, seit occis,
vos choses pqr cause de mort,
jettai
ne pot eschaper.
Un
se trans-
u perma-
de ço ne
et
me
par polir de mort, quant
à altres
»
Les langues romanes (que d'autres ont appelées néo-latines) sont français,
provençal,
le
que du
Ce
gosiers et d'intelligences. la
chevalerie
ne sont pas
,
inaugura
création des langues
la
ni les
président seulement à. l'inventaire ses,
roumain.
par différentes sortes de
latin passant
dans
fut la poésie qui, en s'éveillant
grammairiens
les
le.
le
temps, sous diverses influences de prononcia-
tion, et ce n'est, à vrai dire,
ceau de
portugais et
l'italien, l'espagnol, le
même
Elle se formèrent, en
la
et
modernes
le
ber-
car ce
:
rhéteurs qui font les langues;
ils
au meilleur emploi de leurs riches-
lorsque ces langues se sont enrichies d'elles-mêmes, grâce aux efforts
de leurs poètes et de leurs écrivains. Depuis longtemps, d'ailleurs, on voyait
deux grands courants qui entraînaient l'idiome national,
se dessiner les
sans lutte et sans mélange, vers ses deux principaux d'oc et celui de
avec
la
même
vères. Les
nément
la
langue
d'oil. Ici et là, les
ardeur, avec
le
les
langue provençale sont
et
desVierges
folles et
duc d'Aquitaine
( 1
07
le
Poème
1
-
1 1
27),
que
le
Serment de 842, sont
de
la
la
ici
troubadours,
le
monuments
là
trou-
littéraires
de
Mystère des Vierges sages
poèmes antérieurs à ce Guillaume IX,
l'on a souvent cité
monuments de
la
comme
le
plus ancien
langue française, après
cantilène de sainte Eulalie, les deux
bibliothèque de Clermont consacrés à saint Léger
enfin la Vie de saint Alexis, qui fut
langue
deux dialectes parviennent simulta-
de Boèce,
plusieurs autres
des troubadours. Les premiers
les
:
à leur perfection relative. Les premiers
la
celui de la
poètes accomplissent leur tâche
même dévouement
deux langues ou plutôt
lits,
et
poèmes
à la Passion, et
composée vers ro5o. Ensuite viennent
épopées guerrières, appelées chansons de geste ou romans de chevalerie,
et c'est ainsi
que l'épopée homérique avait été une des premières inspirations
SCIENCES ET LETTRES.
388
de la langue grecque. Dans ces vigoureux tableaux de
la vie
héroïque, l'inven-
tion, l'imagination, le génie national éclatent naturellement; la
montre
raire se
déjà, le style
C'est dans la célèbre
avant que
jaillit et brille,
Chanson de Roland
la
langue
forme soit
formée.
nous faut chercher
qu'il
ancien type de cette langue qui s'annonce par des traits sublimes
langue balbutie encore,
M. Francis Wey,
dit
nombre manque,
le
riode est courte, les procédés de construction sont réduits au le
plus élémentaire, et
Mais
V Iliade
bon trouvère ignore
de varier
l'art
plus
le
«
:
la
La pé-
mécanisme les tours.
»
beau poë'me, attribué, sans preuves suffisantes, à un trouvère
ce
nommé
le
litté-
Turold, n'en
pas moins digne d'être souvent comparé à
est
d'Homère. Voici comment
douze pairs de Charlemagne, dans avait soutenu, avec ses
mort d'Olivier, un des
est décrite la
de Roncevaux où Roland
défilé
le
compagnons d'armes,
l'attaque de l'armée des
Sarrasins.
que
Oliviers sent
Ambdui
li
oil
la
en
mort mult l'anguisset
la teste
L'oie pert e la veiïe tute
Descent à pied, à
Forment en Cuntre
hait
;
la tere se culchet,
si
recleimet sa culpe,
Si
ambesdous preiet Dieu que paréis
E
beneiet Carlun e France dulce,
le ciel
mains juintes,
ses
dunget,
li
Sun cumpagnun
Rollant desur tuz humes.
Fait
helmes
li
le coer,
Trestut
Morz
le
est
Rollanz
li
li
li
cors à la tere
embrunchet;
li
li
justet.
quens que plus ne bcr
se
demuret.
le pluret, si l'duluset.
Jamais en tere n'orrez plus dolent
Dès côtoie
ce
moment,
encore
:
turnent,
li
le
la
langue française est
hume
faite.
(i)....
C'est
la
langue
d'oil. Elle
quelques-unes des règles
latin et s'approprie
les
plus
délicates et les plus ingénieuses qui le distinguent, entre autres la dé-
(i)
de
Nos
lecteurs seront bien aises de trouver
mort ;— Ses deux yeux
tournent dans
ici la
traduction littérale de ces vers
—
:
«
Olivier sent l'angoisse
—
Descend à pied, son mea culpa, Joint ses deux mains et les tend vers le ciel, Prie Dieu de lui donner son Paradis, De bénir Charlemagne, la douce France Et son compagnon Roland par-dessus tous les hommes. Le cœur lui manque, sa tête s'incline; Tl tombe à terre, étendu de tout son long. C'en est fait le Comte est mort. Et le baron Roland le pleure et le regrette. Jamais sur terre vous n'entendrez un homme plus dolent. » la
sur la terre se couche:
lui
— A haute
voix
la tête;
Il
perd l'ouïe, et tout à
—
—
—
:
vue;
—
fait
—
—
fait la
—
—
—
LANGUES.
mots
clinaison des
et
38 9
des adjectifs, représentée en français par l'adjonc-
tion ou la suppression de Ys finale. Cette règle n'avait pourtant pas été
adoptée généralement par
été indiquée et
qu'elle avait
faut
il
le
les écrivains français,
dire
,
même
suivie par quelques-uns. Toutefois,
n'y avait pas encore de grammaire
il
écrivait à sa guise, suivant son instinct
qu'on
mais on peut reconnaître
la faisait, claire
ou son génie;
ou obscure, lourde ou légère;
mots changeait presque à l'aventure,
chacun parlait ou
;
et
l'on
langue
la
la
était ce
même des pas même à
forme
ne pensait
créer une orthographe logique et régulière.
Fig. 299.
— Incendie
de
la
prison du Bel-Accueil.
Roman de
Miniatures du
Fig. 3oo.
—
la Rose, ms. du xiv e siècle. Bibliothèque de
Narcisse à
Les grands romans de chevalerie avaient donné sorte de noblesse, de
grandeur
épique. Mais d'autres trouvères,
la
fontaine.
M. Ambroise Firrnin-Didot.
à la langue d'oil
une
d'énergie, qui conviennent au genre
et fils
du peuple sans doute,
et,
comme
tels,
plus narquois, plus frondeurs, plus facétieux que les poètes des chansons
de geste, inventèrent pleines et les
mains
la
le
Fabliau,
comédie
le
Conte
et la satire.
ridicules de la société, depuis
le
et le Dit,
Les vices,
poésie populaire, pour Vêbattement de ceux-là
le
plus rudement traités.
pour
La langue dut
se prêter à ces joyeuses et
surtout dans
le
langage familier
et
défauts, les passions
vilain jusqu'au roi, étaient livrés à
la
richir,
les
pour y répandre à
même
s'assouplir,
qui étaient alors
se
déployer, s'en-
mordantes exécutions;
même
trivial
elle
puisa
des petites gens de
la
SCIENCES ET LETTRES.
3i)o
ville et
de
la
campagne;
devint plus vivante, plus alerte, plus fine,
elle
Son type
plus tranchée et plus gaillarde.
roman de
la
par Guillaume de Lorris, vers 1220,
et
Fabliaux,
et ce fut
aussi
le
plus exact, ce furent les
le
Rose
299
(fig.
et 3oo),
commencé
terminé, cinquante ans plus tard,
par Jean de Meung, dit Clopinel.
Le Roman de
Rose
la
était
sans doute une réminiscence des poésies
provençales, qui depuis deux siècles faisaient les délices des populations du
Midi,
et
qui n'offraient que l'expression douce et tendre, gracieuse et ima-
gée, des sentiments
du cœur. La langue romane du Midi,
la
épurée, perfectionnée, développée, avait pu devenir, depuis siècle, la rivale
les
qu'on
récitait
trouvères du
femmes,
les
les fleurs, et les
molles jouis-
mondaine. Leurs chansons, leurs tensons, \Qursplancts, etc, au son d'un instrument à cordes
furent imités
,
Nord, mais avec moins de langueur
Guillaume de Lorris subtilités galantes
du Roman de
œuvre du treizième
qualités originales.
On
et
par
la
Rose l'élément satirique
et
aux
et sarcastique,
langue française, dans
la
semble avoir avoir acquis déjà toutes ses
siècle,
en jugera par cette description du printemps
En mai
les
de monotonie.
son continuateur ajoutèrent aux allégories
et
qui procédait peut-être du génie gaulois. Bref, cette
douzième
poètes rêveurs et mélancoliques, se consacraient
trop souvent à chanter l'amour, la vie
le
des langues latine, italienne, espagnole; mais les trou-
badours, qui en étaient
sances de
langue d'oc
:
cstoie, ce songoie,
El tems amorcus plain de
joie,
El tems où tote riens s'esgaie,
Que
l'en
ne voit boisson ne haie
Qui en mai parer ne Et covrir de novele
se voille
foille.
Li bois recovrent lor verdure,
Qui sunt La
terre
Par
la rosée
Et oblie
Où
sec tant
meismes la
qui
com yver dure
la
moille
poverté
elle a tôt l'yver esté.
Lors devient
la terre si
gobe
Qu'el volt avoir novele robe,
Guillaume de Lorris
;
s'orgoille
se rattachait,
etc.
de préférence, à l'école des trouba-
LANGUES.
dours
;
Mcung
Jean de
et
de l'autre n'en
était
sympathiquement dévoué
resta plus
trouvères de l'Artois, de
Picardie
la
pas moins
la
3()i
et
de
la
Champagne. Le
plus élégante et
la
conquis, par toute l'Europe, une
telle notoriété,
style
de l'un
plus correcte expres-
sion de cette puissante langue d'oil, qui rivalisait alors avec scolastique prolongeait la vie dans les Universités.
à celle des
le latin
La langue
que Brunetto
dont
la
d'oil avait
Latini, qui
coinirmo ^Pitto cb\ahooic\nocc\ci xxei^xmo cçenftfe à)c hxtto Aire
4>
tjjfc
jj>
cbxxfoittxrntc xxohixoccui
ifrtixàymm
c\)A
yot&c dilatait
nonatfrm hftcnccx- tefoxwca^ ~p ox jîmtolfé iXdudli) cfuxtû Ubût <^if(V tiXce
mâuùeo luyv
côfmnd benhv) tccohxta<\mb\&
^
ont fèxxax axftioy hxnixxve dkuyo
Vxxolfe cufi
ccU
toxxt
xmdjéle {Vtitp
fcUmnhax ïtdftiyho
iSlurtta&Uucxito le cçcnft atexxeie mcwjio no an oXtc yox chc iùlbot ftacax hxîaxbht atcui Id ftem cmtele. —
Fig. 3oi.
Fragment de
la
Divina Comedia, du Dante. Ms. du xiv c
siècle:
Bibliothèque nationale de Paris.
fut le maître le
nom
du Dante,
de Trésor
est escriz
:
«
écrivit en français l'encyclopédie qu'il
Et se aucuns demandoit
en romans, selon
Italiens, je diroie
que
France,
poreeque
et l'autre,
à toutes gens. langue
d'oil,
»
ne
c'est
le
La poésie
pour
la
porquoi
cist livres
somes en
parleure est plus délitableetplus
commune
manqua pas de
avait été,
,
l'une, car nous
Dante Alighieri,
linguistique et de scolastique
dit-il
langage des François, puisque nous somes
por deux raisons la
,
composa sous
(fig.
cà
:
qui Brunetto Latini avait enseigné
la
venir à Paris achever son éducation de 3oi).
langue française,
comme pour toutes les lan-
SCIENCES ET LETTRES.
gues, une voie cTinitiation et de progrès; mais, depuis les premières années
du treizième
bonne prose,
siècle, la
son apparition en France, avec
fait
dans
jetée
langage historique avec beaucoup de facilité
homme
de guerre, qui devina
nationale, en écrivant
de Villehardouin
tion, celle
Dieu
le
toi
por
la
venu de par
vuelt soffrir.
de
la terre
croisé
il
la
halz barons de France qui ont pris
avait
il
ils
:
le
«
le
cita-
Sire,
sine de
por Jérusalem reconquerre, se
et
sevent que nule genz n'ont
si
grant
lavostregenz, vos prient por Dieu quevosaiez
et
et
de
la
honte Jesu-Crist
et estoire.
avait presque atteint de
que vous
et
veuilliez
»
prime saut
de Joinville, qui vint, plus d'un demi-siècle après
et le sire
de notre langue
croisade au doge de Venise
puissent avoir navie
champenois
un noble,
langue à cette époque, que par une
Et poreeque
d'oltre-mer
mettre paine cornent
Ce
les
était
ne saurait mieux faire connaître
honte Jesu-Crist vengier
pooird'aus aidier con vos pitié
la
du discours des messagers de
nos somes à la croix,
de
et l'état
de précision,
qui usait du
grands événements auxquels
On
participé dans la croisade de 1202. style
et
lettré,
les véritables qualités
récit des
le
l'histoire, avait
de Geoffroi de Villehardouin
le livre
Ce prosateur peu
sur la conquête de Constantinople.
un
moule de
le
la
perfection,
raconter les
lui,
croisades de saint Louis, ne l'égala peut-être pas, quoiqu'il eût à son service
une langue plus riche fait fleurir
sire
aimable
et
Le règne de
rigide.
une société polie dans laquelle
mieux nuancé
Le
moins
et
et ses
de Joinville, avec sa bonhomie narquoise,
La langue
touchant du
moyen
Louis avait
langage, en devenant plus
le
plus abondant, gardait sa naïveté
et le plus
saint
fin,
grâces familières.
est le
conteur
le
plus
âge.
française, qu'on parlait dans toute l'Europe et jusqu'en Orient
au treizième
siècle,
mais qui
langue privilégiée des cours,
était surtout la
même avec d'aussi remarquables Ce chroniqueur, comme l'a jugé M. Francis
ne pouvait que déchoir, au siècle suivant, écrivains
Wey
que Jean Froissart.
(peut-être
art, habile
un peu trop sévèrement),
sans élévation
tion,
narrant
sant
aucun
les petites
frein,
et
était
doué de
sans goût, cherchant
l'effet
l'instinct
plutôt que l'émo-
choses avec une fort grande prolixité,
aucune règle à son
langue tournait à l'enflure
style
de son
souvent pesant
et
n'impo-
et diffus.
La
et à la. monotonie.
L'invasion des écrivains flamands dans toutes
les
branches de
la litté-
LANGUES.
rature française ne fut pas favorable à notre langue, qui se gourma, s'entortilla et finit
par tomber dans une intarissable verbosité incorrecte
tesque. Christine de Pisan
donné l'exemple de
(fig.
3o2), l'historiographe de Charles
la
Fig. 3o2.
Marche
—
et
pédan-
V, avait
ce pathos fastidieux, mais elle allait être bien surpas-
sée par les historiens de la cour de
de
et
Bourgogne, George Chastelain, Olivier
Molinet. Jean d'Auton,
Les Trois Vertus (Raison, Droiture
morale à Y enseignement des dames. Miniature
et Justice)
tirée
le
chroniqueur de Louis XII,
engagent Christine de Pisan à écrire un livre de
du Livre des Vertus, ms.
inédit, daté
de 1405. Biblio-
thèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
semble avoir
été le type le plus
ces détestables fabricateurs
Ce nœud gordien Antoine de le
du nœud gordien de
la
un charmant conteur de
la Sale, n'avait
la
pas du moins contribué à
le lecteur,
style,
de
langue française.
cour de Bourgogne, le
trancha pas. Son roman du Petit Jehan de Saintré
reposer agréablement
du
,
accompli de ces enchevêtreurs de
former, mais était
bien
fait
il
ne
pour
au milieu de tant de compilations hérissées
style le plus prétentieux et le plus embrouillé.
française avec Antoine de la Sale
:
elle le fut
La langue
restait
davantage avec
les
encore
conteurs
des Cent Nouvelles nouvelles, lesquelles paraissaient descendre en droite ligne des anciens trouvères qui avaient rimé de
si
joyeux fabliaux. Cette
SCIENCES ET LETTRES.
—
5û
SCIENCES ET LETTRES.
394
bonne langue coup à
française,
que l'érudition avait gâtée,
peuple par
ses sources originelles, en faisant parler le
d'un poë'te qui
tirait
retrempa tout à
se
la
de son propre fonds une éloquence simple
sans latiniser et sans déclamer. Ce poë'te
était
bouche
et vraie,
François Villon, chez qui on
Roman de la Rose, avec plus d'énergie et de hardiesse. Au moment même où Villon se vantait de remettre en honneur le langage de Paris, un homme d'Etat, un homme de cour, Philippe de retrouve
la
langue du
Comines donnait, dans
ses
Mémoires,
soutenu, grave et philosophique de est flexible, précis,
moderne
tout
vieillis près,
d'années.
»
et,
ample, nerveux,
le
modèle
l'histoire.
«
Le seigneur d'Argenton
mots
à quelques nuances orthographiques, à quelques
y a pourtant presque un
Sous François
plus parfait du langage
M. Francis Wey; son parler semble
dit
IV par un
séparé de celui du règne de Henri
Il
le
I
er ,
intervalle de
Comines
siècle entre
où l'idiome vulgaire s'émancipe,
et
peu
Henri IV.
cour se livre, en
la
toutes choses, à l'imitation italienne; la langue s'italianisera pendant cent
ans, mais aussi elle se fortifiera dans
commerce
que Geofroy Tory avait dans
latin,
la
critiqué
le
premier, en dénonçant
préface de son célèbre Champjleury, où
exhortation à mettre et ordonner
de parler élégamment en bon
et
la
Paris
:
«
Nous
déambulons par tion latiale, et,
les
comme
à
titre le
a pas siècle.
et
plus sain langage françois le
une
»
3o3).
(fig.
portrait des étudiants de
vérisimiles et
amorabonds, captons
omnigène sexe féminin.
»
la
la
verbocina-
bénévolence de
Rabelais, qui raillait
jargon des écoliers parisiens, ne se mit point lui-
assez en garde contre l'abus de l'érudition dans
moins porté au plus haut degré de perfection Clément Marot
et les poètes
la
le style,
il
n'en
de son école, Bonaventure des Périers
Villon, dans les auteurs du treizième siècle
bonne langue française,
mais
langue du seizième
quelques autres, auraient plutôt cherché leurs modèles,
fait
la
l'on trouve
quadrivies de l'urbe; nous despumons
omniforme
même
ôcitmeurs de
transfrétons la Séquane, au dilucule et crépuscule; nous
l'omnijuge, juste
les
langue françoise par certaine reigle
C'est l'Écolier limousin qui fait en ces termes
si
habituel du grec et du
Rabelais se moque, dans son Pantagruel, de cet abus du latinisme,
latin.
«
le
:
ils
comme
avait
furent les gardiens de
claire et transparente, précise et correcte,
élégante et spirituelle. Calvin et
la
plupart des écrivains protestants se
LANGUES.
rattachent à cette école, mais avec plus de roideur, de froideur et de pâleur.
Le seizième
va nous accabler, en quelque sorte, d'une multitude
siècle
de chefs-d'œuvre en tout genre; mais
nisme s'attacheront,
ainsi
de l'esprit français,
et le
Henri Estienne la
l'a
langage couriisanesque dans
le
comme
et italianisé,
Traité qu'il lui consacra, débordera de
langue parlée plutôt que sur
la
et le lati-
qu'une rouille inévitable, aux plus belles œuvres
qualifié
cour des Valois sur
néologisme, l'hellénisme
le
la
langue
écrite.
Ce
sont principalement des poètes, et d'excellents poètes, qui se font, par
amour du de
la
grec,
du
latin et de l'italien, les démolisseurs, les dévastateurs
langue française. Ronsard
et la
métamorphose
cateurs de cette triste
Pléiade sont
les
(voy. plus loin
plus terribles provo-
le
chap. Poésie natio-
nale). Les prosateurs, par contre, font tête à ces sacrilèges et persistent à
demeurer français
que Montaigne, sont
les
la
Pierre
les
et
et
les
que Henri Estienne; Noël du Fail;
les
à l'étranger, à l'Italie
huma-
les
con-
moralistes,
elle-même,
langue française en France.
plus terribles ennemis de
mateurs de grammaire Meigret,
tels
pour prouver,
là
encore se servir de
sait
Mais
polémistes,
les
que Bonaventure des Périers
teurs, tels
qu'on
que Biaise de Montluc;
les historiens, tels
qu'Amyot;
nistes, tels
tels
:
la
langue française furent
d'orthographe,
les
Jacques Pelletier,
Ramus. Ces philosophes
les réforles
Louis
à outrance, qui voulaient
tout changer, tout bouleverser, dans cette langue consacrée par tant d'œu-
vres admirables, ces iconoclastes des lettres prétendaient fere qadrer lé letres é Vécritur ao
batiman dé voes
e à la
prononciation, sans avoer
égart ao loés sophistiqes dé dériverons, aoqèles se soumettet aocnns dé nôtres corne bœufs ao jou. sin
de Geofroy
bon sens de
la
Tory
et
Ils étaient
plus ridicules que l'Écolier limou-
de Rabelais; on
les
bafoua davantage,
et
le
bourgeoisie se chargea de mettre en pleine déroute ces
académistes qui ne firent que des prosélytes honteux. Tout cet échafauet
Malherbe.
Montaigne, esprit
libre, on-
dage de mauvais goût devait s'écrouler devant Montaigne
Donnons
la
parole à
M. Francis
Wey
:
«
doyant, divers; génie souple, dédaigneux des doctrines impérieuses,
profondément imbu de saveur fine
et
adoucie.
la
et
pensée romaine, dont son style gardait une
Son érudition de philosophe
a retrempé son génie
SCIENCES ET LETTRES.
394
bonne langue
française,
que
retrempa tout à
l'érudition avait gâtée, se
coup à ses sources originelles, en faisant parler le peuple par la bouche d'un poëte qui sans latiniser
tirait
de son propre fonds une éloquence simple
et vraie,
sans déclamer. Ce poëte était François Villon, chez qui on
et
Roman de la Rose, avec plus d'énergie et de hardiesse. Au moment même où Villon se vantait de remettre en honneur le langage de Paris, un homme d'État, un homme de cour, Philippe deretrouve
la
langue du
Comines donnait, dans soutenu, grave
moderne
vieillis près,
d'années.
»
et,
Mémoires,
philosophique de
et
est flexible, précis,
tout
ses
ample, nerveux,
modèle
le
l'histoire.
dit
«
Le seigneur d'Argenton
mots
à quelques nuances orthographiques, à quelques
y a pourtant presque un
Sous François
plus parfait du langage
M. Francis Wey; son parler semble IV par un
séparé de celui du règne de Henri
Il
le
I
er ,
intervalle de
Comines
siècle entre
où l'idiome vulgaire s'émancipe,
la
et
peu
Henri IV.
cour se livre, en
toutes choses, à l'imitation italienne; la langue s'italianisera pendant cent ans, mais aussi elle se fortifiera dans le
que Geofroy Tory avait critiqué dans
latin,
la
le
premier, en dénonçant
préface de son célèbre Champfleury, où
exhortation à mettre et ordonner
de parler élégamment en bon
et
la
Paris
:
«
Nous
déambulons par tion latiale, et,
l'omnijuge, si
a pas siècle.
et
la
une
l'on trouve
plus sain langage françois le
»
3o3).
(fig.
portrait des étudiants de
les
quadrivies de l'urbe; nous despumons
comme
omniforme
et
omnigène sexe féminin.
»
verbocina-
Rabelais, qui raillait
des écoliers parisiens, ne se mit point lui-
assez en garde contre l'abus de l'érudition dans
moins porté au plus haut degré de perfection Clément Marot
la
vérisimiles amorabonds, captons la bénévolence de
et les poètes
la
le style,
Villon, dans les auteurs
bonne langue française,
mais
il
n'en
langue du seizième
de son école, Bonaventure des Périers
quelques autres, auraient plutôt cherché leurs modèles,
fait
écumeurs de
transfrétons la Séquane, au dilucule et crépuscule; nous
juste titre le jargon
même
les
langue françoise par certaine reigle
C'est l'Écolier limousin qui fait en ces termes
à
habituel du grec et du
Rabelais se moque, dans son Pantagruel, de cet abus du latinisme,
latin.
«
commerce
du treizième
siècle
:
ils
comme
avait
furent les gardiens de
claire et transparente, précise et correcte,
élégante et spirituelle. Calvin et la plupart des écrivains protestants se
LANGUES.
rattachent à cette école, mais avec plus de roideur, de froideur et de pâleur.
Le seizième
va nous accabler, en quelque sorte, d'une multitude
siècle
de chefs-d'œuvre en tout genre; mais
nisme s'attacheront,
ainsi
de l'esprit français,
et le
Henri Estienne la
l'a
qu'une rouille inévitable, aux plus langage couriisanesqne
qualifié
cour des Valois sur
néologisme, l'hellénisme
le
dans
le
œuvres
belles
comme
et italianisé,
Traité qu'il lui consacra, débordera de
langue parlée plutôt que sur
la
et le lati-
la
langue
écrite.
Ce
sont principalement des poètes, et d'excellents poètes, qui se font, par
amour du de
la
grec,
du
latin et de l'italien, les démolisseurs, les dévastateurs
langue française. Ronsard
et la
métamorphose
cateurs de cette triste
Pléiade sont
les
(voy. plus loin
plus terribles provo-
le
chap. Poésie natio-
nale). Les prosateurs, par contre, font tête à ces sacrilèges et persistent à
demeurer français
les polémistes, tels
que Bonaventure des Périers
teurs, tels
que Montaigne, sont
qu'on
les
plus terribles
mateurs de grammaire Meigret,
Pierre
les
et
pour prouver,
là
encore se servir de
sait
Mais
que Biaise de Montluc;
les historiens, tels
qu'Amyot;
nistes, tels
tels
:
la
que Henri Estienne; Noël du Fail
;
les
à l'étranger, à l'Italie
huma-
les
con-
moralistes,
elle-même,
langue française en France.
ennemis de
la
langue française furent
d'orthographe,
et
les
les
Jacques Pelletier,
Ramus. Ces philosophes
les réforles
Louis
à outrance, qui voulaient
tout changer, tout bouleverser, dans cette langue consacrée par tant d'œu-
vres admirables, ces iconoclastes des lettres prétendaient fere qadrer letres é Vécritur ao
batiman dé voes
e à la
lé
prononciation, sans avoer
égart ao loés sophistiqes dé dériverons, aoqèles se soumettet aocuns dé nôtres corne bœufs ao jou. sin
de Geofroy
bon sens de
la
Tory
et
Ils étaient
plus ridicules que l'Écolier limou-
de Rabelais; on les bafoua davantage,
et
le
bourgeoisie se chargea de mettre en pleine déroute ces
académistes qui ne firent que des prosélytes honteux. Tout cet échafau-
dage de mauvais goût devait s'écrouler devant Montaigne
Donnons
la
parole à
M. Francis
Wey
:
«
Montaigne,
et
Malherbe.
esprit libre, on-
doyant, divers; génie souple, dédaigneux des doctrines impérieuses,
profondément imbu de saveur fine
et
adoucie.
la
Son
et
pensée romaine, dont son style gardait une érudition de philosophe a retrempé son génie
SCIENCES ET LETTRES.
396
et
son style; son indépendance, insouciante
préservé de d'autre
la
servilité imitative; peintre
modèle que
nature
la
pondait à ses pensées. effet, l'écrivain
Il
et
et flexible
de l'âme humaine,
ne pouvait parler que
l'exprima sans
en ses allures, Ta
la traduire. »
n'avait
il
langage qui ré-
le
Montaigne
qui, avant Pascal, a le plus merveilleusement
en
est,
employé
la
langue française.
Quant
à Malherbe,
il
semblait avoir mission d'arracher
servitudes de l'italianisme et de l'hellénisme. flexible rigueur, et
nant dans
les
Il
langue aux
la
rendit à la poésie ses allures nationales en
il
hauteurs du lyrisme
des vers français qui offraient
le
plus majestueux. Grâce à
les qualités
çaise, la pureté, la clarté et la vérité.
primordiales de
Mais
c'est à
une
sa tâche avec
fit
la
la
in-
mainte-
lui,
on eut
langue fran-
Henri IV surtout
qu'il
faut attribuer la rénovation de la vieille langue française et de l'esprit français
:
ce
grand
roi,
ennemi de
latin, personnifiait le
un
soldat,
il
bon sens
écrivait à la fois
langue française, qui se espagnole pendant
quand
le
:
la
Ligue.
—
Le pot
cassé.
dédaigneux du pathos grec
et
comme un sage, il parlait comme comme Amyot et comme Brantôme. La il
pensait
faisait italienne
règne de Henri IV eut
Fig. 3o3.
l'afféterie,
Elle
sous
les
redevint
refait la
Marque de Geofroy Tory,
Valois,
allait
se faire
essentiellement française,
France.
libraire à Paris,
de son Champjleury, i52g, pet. in-fol.
dans
la
première édition
ROMANS nom
Origine du
—
de roman.
Ces romans sont
— Les
et
en ryme.
—
Assembleurs
Romans zième
et
bretons.
—
siècle.
l'étranger.
—
— Romans
trois
materes des chansons de
trouvères.
—
grecs et latins.
— Débat
Tristan.
— Chanson
des savants sur les premiers
romans
français.
— Anciens romans en prose geste. — Leur classification. — Manuscrits des jongleurs.
sortis des chants populaires et des
chroniques latines.
— Progrès de la romancerie pendant les croisades.— — Saint-Graal. — Décadence des romans au quator— Petits romans du quinzième siècle. — Le roman à
de Roland.
— Lancelot. —
Merlin.
Refonte des anciens romans.
Les Amadis.
n Grèce,
comme
Rome,
à
les
ouvrages
nommés
d'imagination, qu'on a depuis
romans,
étaient en
la société lettrée,
grande faveur dans
surtout chez
sonnes désœuvrées
per-
les
et frivoles,
qui de-
mandaient une lecture agréable plutôt qu'instructive.
quel on
ne
les
signifie
Quant au nom sous
désigne aujourd'hui
(ce
le
nom
pas autre chose qu'un ou-
vrage écrit en langue romane), pas été employé avant
le-
onzième ou douzième
siècle, et
il
n'a
avec une ac-
ception bien différente.
Les anciens romans imaginaires
Ane
et
latins et grecs n'étaient
que des
amoureuses. Pétrone, dans sa Satire,
et
récits
Apulée, dans son
d'or, eurent sans doute beaucoup d'imitateurs dans
romaine du temps des Césars
;
mais
c'est
dans
la littérature
faut chercher les progrès d'une école littéraire qui eut
d'aventures
la
littérature
grecque
longtemps
la
qu'il
vogue
SCIENCES ET LETTRES.
398
à Constantinople et dans tout l'empire d'Orient. Achille Tatius, d'Alexandrie, avait
donné
de Cliiophon
et
le
modèle de
de Leucippe, au troisième siècle; après
évêque de Tricca, en Thessalie, Chariclée,
Longus,
et
composant
ce genre de livre, en
les
Amours
écrivit les
Amours de Daphnis
d'œuvre de grâce naïve ne devait pas
et
délicieuse composition de
de Chloé. Ce chefet
,
histoires
le
les
et
romans
une foule
siècle, étaient aussi éloignés
Longus que des premiers romans
de
la
français qui
époque.
se multiplièrent à cette
Cependant
douzième
Héliodore,
lui,
d'amour, que Théodore Prodrome, Nicétas Eugénianus d'autres publiaient encore au
Amours
de Théagene et de
surpassé
être
les
moyen âge ne pouvait prendre un
d'amour profane
et,
bien vif intérêt à des
par conséquent, à des œuvres essentielle-
ment païennes. Mais, au huitième
siècle, saint
Jean Damascène rédigea
en grec une sorte de roman d'amour mystique, sur
la
Barlaam
fabuleuse trouva de
et
de Josaphat, roi des Indes,
pieuses sympathies qui
la firent
et cette histoire
traduire dans toutes les langues.
ensuite redescendre au douzième siècle pour
:
par exemple,
le
la littérature
roman des Sept Sages {Septem
:
G esta Romanorum
(les
donné aux Chansons de
féerie et
Voilà près d'un demi-siècle que
vieux
et
Romans
le
nom
de
roman
les
«
romans
»
ou en prose
«
de Belgique, se sont attachés à rechercher l'origine de nos français
:
M. Paulin Paris
mieux que personne, en publiant
et le
avant tous, a eu l'honneur in-
,
le
premier
les
,
qu'il a
anciens textes de le
plus
plus satisfaisant, a été discuté, combattu, par divers littéra-
teurs distingués, Michelet,
Ce
».
savants les plus autorisés de France,
quelques-uns de ces romans. Son système, qui nous semble encore logique
était
romane
signe d'appeler l'attention des érudits sur cette question obscure élucidée
célèbre
et la
geste et à d'autres histoires de chevalerie, de
de dévotion, écrites en vers
d'Allemagne
roma-
Gestes des Romains). Lors-
que ces deux Recueils d'histoire morale parurent, déjà
faut
Sapientes), traduit
ou imité de l'hébreu par un moine de l'abbaye de Haute-Selve, compilation intitulée
Il
rencontrer des histoires
fabuleuses, écrites en latin, qu'on puisse rattacher à
nesque
légende de saint
Edgard Quinet,
et
surtout
M. Léon Gautier.
dernier, malgré son savoir incontestable, n'a fait que retarder la solu-
tion
du problème historique
et littéraire,
que son devancier, M. Paulin
ROMANS.
399
Paris, avait presque résolu de la manière la plus ingénieuse et la plus solide.
Il s'agit
donc maintenant de résumer
de doctes adversaires
et d'en tirer
les
opinions émises par tant
un jugement sommaire, aussi logique
qu'il est possible de l'établir sur le sujet le plus
complexe
et le plus
dénué
de renseignements certains. D'après
le
système de M. Gautier, qui
s'est
appareil d'érudition, les chansons de geste et
ventés
et
mis en vers par
les
les
appuyé d'un prodigieux
romans de
chevalerie, in-
jongleurs, au douzième siècle, auraient leur
origine dans les chants populaires, dans les .cantilènes tudesques. Or,
M. Gautier
n'a pas découvert ces cantilènes, ces chants
langue thioise ou germanique.
d'Hildebrand
tilène
et
la fin
du cinquième
siècle,
n'en cite qu'un seul, qu'il appelle la can-
Il
qui n'a pas
geste, puisque cette cantilène
fait
de rapport avec
mention d'Odoacre,
siècle. Il signale aussi
roi des
Bègue,
livra
bataille
il
que Louis III,
mentionne un de Louis
fils
siècle,
qui auraient été
le
germe des chansons de
M. Gautier reconnaît
borne à supposer qu'elles ont
fit
qu'elles
n'existent
geste
plus
:
il
rechercher avec soin
et transcrire
vieux chants (antiquissima carmiua), dans lesquels étaient célébrés faits et les
du se
puisque Éginhard rapporte, dans sa
existé,
Chronique , que Charlemagne
hauts
le
aux Normands, à Saucourt en 88 1. Mais quant à ces can-
tilènes tudesques
douzième
la
en latin
composé en roman pour
célébrer la victoire de Clotaire II sur les Saxons. Enfin,
très-beau chant tudesque sur
Hérules, à
recueilli et traduit
qui aurait été
et
chansons de
les
un chant populaire du septième
que l'évêque de Meaux, Hildegaire, a
dans sa Vie de saint Paron,
originaux en
les
les
guerres des anciens temps.
L'existence de ces vieux chants populaires est incontestable
que Charlemagne avait
fait
mémoire des populations de
ne s'étaient
recueillir la
Gaule
,
;
conservés dans
le
poète anglo-normand
Robert Wace, dans son Roman du Rou, rappelle en ces termes sons de geste primitives, qui furent chantées, avant
Taillefer qui
le
la bataille
Conquérant
mult bien cantoit
Sur un cheval qui
la
qu'après avoir été traduits ou
imités en langage rustique ou romane. Ainsi
en présence de l'armée de Guillaume
mais ceux
tost aloit
:
les
chan-
d'Hastings,
SCIENCES ET LETTRES.
403
Devant eus
s'en alloit cantant
De Callemaine Et d'Olivier
Qui morurent
Voilà bien
comme
sées en
roman. Que
à
vassaux
Rainschevaux.
Chanson de Roland, qu'on
origines de la
les véritables
garde avec raison
Rollant
et de
et des
plus ancienne des chansons de geste compo-
la
admirable chanson de geste se
cette
bable
en langue vulgaire ou romane,
Mais
et très-acceptable.
est
il
un
c'est
fameux roman de Gariti
et
romandes, très-pro-
fait
impossible de croire que
de geste relatives au règne de Charlemagne
formée de
soit
l'agrégation de différents chants populaires, qui étaient déjà c'est-à-dire écrits
re-
les
de ses successeurs,
chansons si
ce n'est
Loherain, aient
été
composées par
des jongleurs français d'après des cantilènes tudesques.
Ce
sont les chants
peut-être
le
le
populaires en langage romane, qui ont été certainement
chansons de geste
M. Paulin
Paris
des grands
et
romans de chevalerie Mais
prouvé incontestablement
l'a
préludes des
les
chants populaires
ces
,
comme
,
avaient d'abord produit des histoires, des chroniques, rédigées en latin,
qui furent
On
les
principales sources des
romans en rime.
peut affirmer, par exemple, que
la
Chronique
Nennius,
latine de
l'Histoire des Bretons et la Vie de Merlin, écrits en latin par Geoffroi de
Monmouth
,
romans du Rou
et
de
comme par Robert de Borron
du Brut,
de Joseph d'Arimathie vient aussi
Wace
ont été les matériaux mis en œuvre par
citer
et
ici
,
dans ses
dans son roman
par l'auteur anonyme du Saint-Graal.
Chronique
la
Il
con-
attribuée à l'archevêque
latine
de Reims, Turpin. Cette fausse Chronique se divise en deux parties
la
:
première, qui se compose des cinq premiers chapitres, a été écrite, par un
moine de Compostelle, pitre
VI
et
vers
milieu du onzième siècle
le
suivants) est l'œuvre d'un
qui écrivait entre
les
années
1
109
et
conclusions d'un excellent travail de acquit aussitôt une telle
en prose, qui furent
la
Chrétien de Troyes entendre,
seconde (cha-
Telles sont, du moins, les
11 19.
M. Gaston
source où puisèrent
lui aussi, qu'il n'a fait
la
moine de Saint-André de Vienne,
renommée, qu'on en
commence
;
ainsi
les
fit
Paris. Cette
Chronique
cinq ou six traductions
jongleurs.
un de
ses
romans,
qu'imiter en vers un
Roman
et
donne à
en prose
:
ROMANS.
401
Chrcstiens qui entent et paine
A
rimoier
Par
le
le
meillor conte
commandement
Comte
le
Qu'il soit contez en cort royal
Ce est li contes de Graal Dont li quens li bailla le
:
livre, etc.
Claude Fauchet, dans son Recueil de l'origine de françoise, où
romans ont
•ig. .504.
les
— Josué,
il
rapporte ces vers, ajoute
esté en prose
le
neuf héros de
roi David,
:
la
langue
Ce qui monstre que
«
premier qu'en ryme.
»
M. Gautier
et poésie
partie des a
donc eu
Judas Machabée, d'après une suite d'anciennes gravures en bois représentant ancienne et de l'histoire moderne qu'on voit figurer dans le
l'histoire sainte, de l'histoire
roman du Triomphe des Neuf Preux. Ces estampes
coloriées, qui paraissent être
du xv°
siècle, se
trouvent
en tête d'un ms. du fonds Colbert. Bibl. nat. de Paris.
tort d'avancer
On
que
les
romans en prose ne datent que du quinzième
ne saurait douter, au contraire, que
contemporaines des rédactions en rime chet, tels
que ceus
(les
romans en
et
les
rédactions en prose n'aient été
«
Je croy bien, dit Claude Fau-
:
prose) que nous avons aujourd'huy imprimez,
que Lancelot du Lac, Tristan
proses
et autres^
sont refondus sur
rimes, et puis rafraischis de langue.
mans en rime
étaient chantés
instrument,
que
et
les
siècle.
»
Il
les vieilles
que
est certain
les ro-
ou plutôt psalmodiés, aux sons mesurés d'un
romans en prose
étaient seulement lus SCIENCES ET LETTRES.
ou contés,
—
5l
SCIENCES ET LETTRES.
402
On
sans aucun accompagnement musical.
rime belle
ait été
plus favorable que
époque des romans,
nom
fut
nom
le
seulement à
roman; tout Tout
des
du
la
aux douzième
c'est-à-dire
ce
qui
la
roi Artus, des
Bible
s'était
,
treizième siècles.
même nom
le
3o 4 ), des romans de
(fig.
romans de
la
Vierge, des Saints
d'aventures guerrières et merveilleuses, que
la
les
armées d'outre-mer
les
,
vrage d'imagination
écrit
en disant
siècle,
:
:
y eut
Il
3o5), de la Passion,
(fig.
cà
tous
récits
jongleurs
et les les
étrangers
étrangers s'accordèrent
mot roman, que
en prose. Le Dante, qui écrivait
langue de France, a constaté lui-même
du treizième
roman
était
générique.
trouvères
et ces
bientôt pour ne pas donner d'autre acception au
:
Croisade, des romans
français avaient fait entendre, pendant les croisades,
qui composaient
France
la
Or, c'étaient surtout des
»
etc.
Depuis
qu'on essaya d'écrire en
siècle
langue vulgaire
ainsi en
donc chez nous
littérature.
répandu dans toute
du onzième
s'écrivait
cela conservait
romans de
la fin
de l'Image du monde, de Salluste,
la
et
un genre de
spécial de tout
longtemps l'usage déparier roman
«
durant
prose aux chansons de geste
la
de roman avait été
avant de devenir
mais ce
la
goût, pourquoi Paris a exposé, avec infiniment de tact et de donné, en France, aux histoires de chevalerie,
M. Paulin ce
comprend, cependant, que
la signification
et
d'ou-
celle
qui parlait
du mot, à
la fin
Versi d'amore, prose di roman^i (vers
donc aussi nomd'amour, prose de romans). Les romans en prose étaient la Divine Comédie breux que les romans en vers, à l'époque où l'auteur de vint à Paris étudier la belle langue d'oil.
Les jongleurs, dès
le
treizième siècle
,
avaient divisé les
catégories, qui procédaient de trois sources distinctes
magne, romans de maine. Ces la
la
Table-Ronde, romans de
trois catégories
home Rome la
sont que trois materes à tout
l'antiquité
et
de
entendant Grant,
ces trois materes n'i a nule semblant.
Li conte de Bretagne sont et vain et plaisant, Cil de Rome sont sage et de sens apparent, Cil de
romans de Charle-
:
De France, de Bretagne Et de
trois
grecque
et ro-
vers de de romans sont ainsi désignées dans ces
Chanson des Saisnes (Saxons) Ne
:
romans en
France sont voir
[vrais]
:
ROMANS.
Mais chacune de ces
«
matières
»
403
comprenait un grand nombre de
sujets différents, qui correspondaient l'un à l'autre par faits
homogènes
vaste ensemble
même race
et
,
de
analogiques. C'étaient autant de cycles formant un
et
dans lequel
même
France, par exemple
Fig. 3o5. il
—
une succession de
,
se trouvaient
groupés des personnages de
caractère. Les trois principaux cycles de la Geste de
sont ceux qui ont pour centre Charlemagne, Guil-
Élection fabuleuse de saint Pierre,
comme
pape.
«
Saint Pol baisa saint Pierre en la prison où
deux saints apostres, Nostre-Seigneur ressuscita le fils d'un roy qui mort passé i5 ans. Et dès lors fu assis saint Pierre en la chayère comme pape et vray lieutenant
estoit à Antioche, et, à la requeste des
avoit esté
de Dieu en
la terre, et
voit aussi, dans un
y fut tenant
le
siège
comme pape
par
le
terme
compartiment de gauche, saint Pierre tonsuré
tonsure ecclésiastique. Miniature de
la
et
espace de vin ans saintement.
par les tirans
»,
»
On
fausse origine de la
Sainte-Escriptitre, ms. du- xv e siècle. Bibliothèque de Bourgogne,
à Bruxelles.
laume d'Orange
et
Renaud de Montauban, comme
roman de Girars de Viane
Une
:
l'indique ce vers
N'ot que trois Gestes en France
la garnie.
geste peut être comparée à un arbre plus ou moins ancien
rameaux
se déployaient
chacun de ces rameaux, à de nouvelles branches.
de toutes parts, en partant de
la
du
,
dont
les
souche mère. Et
greffés sur le tronc primordial, donnait naissance
SCIENCES ET LETTRES.
4o4
Le savant M. Léon Gautier les
romans en rime, encore
a classé,
subsistants, qui appartiennent aux trois grands
La nomenclature de
cycles de France.
dans un ordre systématique, tous
ces
romans pourra représenter, par
La Geste du
leurs titres seuls, la richesse de notre littérature romancière.
Roi ou de Charlemagne comprend
six divisions.
Enfances Charlemagne, Enfances Roland. Otinel, la
Gui de Bourgogne, l'Entrée
Chanson de Roland, Gaidon
Conquête de
i°
Berte aux grans piés,
Aspremont
2"
en Espagne, la Prise de Pampelune,
Anseïs de Carthage.
,
3°
Acquin, ou
Huon de Bordeaux.
la
Bretagne, Jehan de Lanson , Simon de Pouille
la Petite
Voyage à Jérusalem. 4 La Chanson des Saisnes.
Galien,
Fierabras
,
(?
Macaire,
5°
Charlemagne, de Girart d'Amiens. La Geste de
Garin de Montglane ou de Guillaume d'Orange ne renferme pas moins de vingt-trois ou vingt-quatre romans, qu'il faut énumérer par ordre
chronologique glane
Les Enfances Garin de Montglane, Garin de Mont-
:
Girars de Viane, Hernaut de Beaulande, Renier de Gennes
,
Aimeri de Narbonne,
les
Enfances Guillaume,
Aimeri,
le
Siège de Narbonne,
Nismes,
la
Prise d'Orange,
chis, qui
en est
le
le
le
le
Département des enfans
Couronnement I^ooys,
Siège de Barbastre
(et
remaniement), Guibert d'Andrenas,
Beuves de Comar-
Mort
Narbonne, Enfances Vivien, Chevalerie Vivien, Aliscanps
Moniage Guillaume,
dans
la
Geste de
Aye d'Avignon, Gui ,
,
Rainoart
Il
les
Enfances Ogier,
la
savoir
Maugis d'Aigremont, Vivien V Amachour de Monbranc,
Quatre Fils Aimon ou Renaut de Montauban. Les autres cycles
Godefroi ;
les
:
Cycle de la Croisade Hélias ; :
Chétifs ; Antioche ; Jérusalem;
Bastart de Bouillon. Geste des Lorrains
:
:
Chevalerie Ogier,
Du-
de Nanteuil, Tristan de Nanteuil, Parise la
posent des éléments suivants
la
romans
n'y a que dix ou onze
Renaud de Montauban ou de Doon de Mayence,
D0011 de Mayence, Gaufrey,
chesse
d'Aimeri de
Moniage Rainoart, Renier,
Bataille Loquifer,
Prise de Cordres, Foulques de Candie.
Charroi de
le
et les
com-
se
Enfances
les
Baudouin de Sebourc ;
Hervis de Met\; Garin
le
le
Lo-
herain; Girbert de Met\; Anseis, fils de Girbert ; Yon. Gesi e du
Nord
Raoul de Cambrai; Gormond
Girart
de Roussillon; Aubri
le
et
Isembart. Geste bourguignonne
Bourgoing. Petite Geste de Rlaives
:
Amiles; Jourdain de Blaives. Petite Geste de Saint-Gilles
:
Amis :
:
et
Aiol
;
ROMANS.
de Saint-Gilles. Geste anglaise
Elie
Gestes diverses
:
Siperis de Vignevaux;
Hugues Capet; Doon de vien
,
la
Floovant
;
d' Hanstonne.
Charles
le
Roche; Lion de Bourges; Florent
Chauve; et
Octa-
etc.
Fig. 3o6.
—
Assembleur. Miniature d'un ms. du xv e
A lire les titres de ces encore tous publiés,
on
Horn ; Beuves
:
se fera
zième
et
Chansons de geste dont
et
une idée de
du treizième
siècle. Bibliothèque
la
cette
siècle.
et
de ces
de Bourgogne, à Bruxelles.
Romans, qui ne sont pas
plupart contiennent six à huit mille vers,
immense Il
littérature des
faudrait ensuite
romans du dou-
nommer
plus de vingt
SCIENCES ET LETTRES.
40 6
romans qui forment
cycle de Bretagne, et quatre ou cinq romans, d'une
le
longueur extraordinaire, qui doivent être compris dans
ou de
l'antiquité
Roman Tors
», et
ou
le
Roman
célèbre
le
par Lambert
siècle
La plupart
continué par Alexandre de Bernay.
H
«
des romans
nommés
sont en vers de dix syllabes, rangés par cou-
laisses, avec des
assonnances, qui ne furent remplacées par des
rimes que dans
second âge des romans. Beaucoup d'autres
le
nommés
anciens, sont en vers de douze syllabes, le
des Sept Sages et
commencé au douzième
d'Alexandre,
que nous avons plets
entre autres
,
Rome
cycle de
le
premier
essai de cette
d'Alexandre. Enfin
rimés deux à deux,
,
et le
petit
système de
nombre
est
le
cette versification semblerait avoir été
fameux Roman de Renard , conservent
mieux
Roman
en vers de huit syllabes,
comme
d'abord appliqué à des romans d'un genre plus familier, qui,
fabliau et parlent
moins
alexandrins, parce que
mesure de vers aurait paru dans
un plus
,
les allures vives
du
et légères
à l'esprit qu'à l'imagination des lecteurs
le
ou plutôt
des auditeurs.
Pendant longtemps, et
des
romans de
il
n'y eut pas de manuscrits des chansons de geste
chevalerie, ou,
du moins,
les
manuscrits qu'on en avait
ne sortaient pas souvent des mains des jongleurs, qui étaient à garder précieusement
le
le
texte d'un
le faire
voit,
dans plusieurs de ces anciens manuscrits, que
la
de
les
de geste
et
eux-mêmes
et qu'ils
Ceux qui possédaient
le
de romans étaient sûrs de se faire
âge une innombrable association
réglait surtout le talent
épopées nationales
et
ou
la viole
ou
plus abondant répertoire de chansons la
meilleure clientèle dans
,
différaient les
la fortune.
ne daignaient se
faire
formant au
uns des autres à
bien des égards et gardaient entre eux les distinctions de
que
jon-
apprenaient par cœur,
leurs pérégrinations à travers le pays. Les jongleurs, quoique
moyen
faite,
Quant aux
chanter publiquement, en s'accompagnant des sons de
la rote.
On
mettaient tous leurs soins à se procurer, pour l'usage du métier,
de bons textes qu'ils copiaient
pour
n'é-
roman,
copie en a été
à la requête de quelque riche et puissant seigneur féodal. ils
Ce
entrer dans une bibliothèque de château ou de couvent.
pour
gleurs,
intéressés
secret de leur art et de leur profession.
qu'à prix d'argent qu'on pouvait obtenir d'eux
tait
si
la
hiérarchie,
Ceux-ci ne chantaient que des entendre que chez
les
grands
ROMANS.
seigneurs
nourris
:
on
;
Fig. 307.
abbayes
ils
;
—
407
voyageaient à cheval, avec des serviteurs bien vêtus
les
recevait avec
empressement dans
les
châteaux
Bibliothèque de Saint-Marc, à Venise, fondée au xv c siècle par
on
les
payait largement, et
sents magnifiques. Ceux-là
,
ôii
lèiif faisait,
au contraire, inspiraient
le
et
et
bien
dans
les
cardinal Bessarion.
en Outre, des pré-
la
défiance par leur
SCIENCES ET LETTRES.
4o3
piètre équipage et par leur
mine famélique
porte des habitations bourgeoises où
fois à la
couchaient souvent sans souper. n'était
ils
;
On
ils
allaient frapper, et
se
ils
peut supposer aussi que leur mémoire
pas mieux garnie que leur bourse;
velles, et ils se
étaient congédiés plus d'une
ils
savaient peu d'histoires nou-
montraient aussi malhabiles à dire des vers
et à réciter
des
contes, qu'à jouer de divers instruments.
Parmi
les
jongleurs, on comptait
un assez grand nombre d'assembleurs
de trouvères. Ces derniers composaient, inventaient des romans
et
mettaient en rime ou en prose. Les assembleurs
pas incapables de faire aussi de
ment
prose
la
de manière à varier assembleurs, de
impressions
les
même
que
les
roman ou de
et les
le
plusieurs romans,
de l'assemblée. Ces
plaisirs
rapsodes grecs au temps d'Homère, mo-
ou chanter, en l'allongeant
difiaient à leur guise le texte qu'ils devaient dire
on en
3o6), qui n'étaient
(fig.
des vers, se bornaient générale-
et
à réunir les différents épisodes d'un
et les
diminuant. Ce sont eux qui ont, à plusieurs reprises, corrigé
transformé
anciens romans, à mesure que
les
principalement lorsque
ments nouveaux.
On
le
langage en avait
le
et
vieilli, et
goût du jour exigeait l'addition de certains orne-
s'explique ainsi pourquoi
tive subissait les variantes des dialectes
qu'on
le
lui
texte de l'œuvre primi-
imposait en passant d'une
province dans une autre. Quelquefois un assembleur, qui voulait transporter
le texte
original dans
un autre
langue, se contentait de changer
les'
dialecte et
en langue
écrits
d'oil,
qui ont été de
la
composait
absolument
sorte et
Bibliothèque publique de Saint-Marc, à Venise
(fig.
romans
et
inintelligible. Il existe certains
par des jongleurs, en limousin, en provençal,
rieux manuscrits de ces
dans une autre
terminaisons des mots
une sorte de monstre grammatical presque
romans
même
même
en
travestis
italien.
La
307), possède de cu-
français italianisés, qui présentent
le
plus
incroyable baragouin, tout en conservant la forme exacte de l'original.
La plupart
des romans se rattachaient,
comme nous
l'avons dit, non-seu-
lement aux anciens chants populaires celtiques, tudesques encore à d'anciennes légendes écrites en latin, sous
deux sources les
distinctes,
romans de
l'autre
la
le
et
romans, mais
nom
de Gesta. Ces
mais non disparates, sont indiquées souvent dans
première époque, où l'auteur, pour constater l'une ou
provenance, répète tantôt
:
cum
dit la Geste; et tantôt
:
si
cum
dit
ROMANS.
la
409
Chanson. La Geste eut bientôt plus d'autorité que
que tous
les
Chanson,
et
pres-
trouvères ne se firent aucun scrupule de mentir, en déclarant
qu'ils avaient tiré leurs récits des
Fig. 3o8.
la
monastères
les
plus vénérables, et par-
— Couronnement de Charlemagne da%is la ville de Jérusalem. Miniature des
de Charlemagne,
tirée
du ms.
n° 9066, de la Bibl. de
Chroniques
Bourgogne, à Bruxelles. xv e
siècle.
ticulièrement de l'abbaye de Saint-Denis. Cette déclaration formelle se retrouve, au début de plusieurs nale.
Dans
les
romans
Enfances Guillaume,
l'auteur les matériaux de son livre
:
c'est
relatifs à
notre histoire natio-
un gentil moine, qui fournit à
Si m'a
les vers
enseignés
SCIENCES ET LETTRES.
et
—
monstres. 52
SCIENCES ET LETTRES.
410
plus expressément encore, que c'est
L'auteur de Berte aux grans piés
dit,
un moine cortois de Saint-Denis,
nommé
Qui
Au
Savari,
me
le livre as histoires
monstra.
bons religieux de Saint-Denis ne
reste, les
que
romanciers, peu instruits
les
et
de
pour des
relations fabuleuses, qu'ils donnaient
composer eux-mêmes des textes originaux et
se faisaient pas faute
assez naïfs de leur
nature, n'avaient garde de prendre en défiance, lorsqu'ils en tiraient leurs
compositions romanesques. Ainsi, sans parler de
Turpin, qu'on acceptait alors
ou
trois vieux
en Espagne siècle
poèmes
dans l'abbaye
sade que
le
latins sur les
en Orient.
et
comme
même
la
fausse Chronique de
vraie et authentique,
y avait deux
il
prétendues conquêtes de Charlemagne
de ces légendes, composée au onzième
Une
de Saint-Denis, contenait
le récit
d'une croi-
grand empereur aurait conduite lui-même à Jérusalem, pour
rétablir le Patriarche de la cité sainte sur son siège archiépiscopal. Cette
œuvre, aussi bien que sieurs
romans, qui ne
doute sur
la réalité
Dans tous
les
cas
Chronique de Turpin,
la
laissèrent,
aux princes
et
seigneurs croisés, aucun
du voyage de Charlemagne en Palestine ,
les
que dans
la
seconde époque de ce genre de
térature, que les trouvères prirent l'habitude de se soit à la fin
ils
peu empressés de
nommer,
lit-
au com-
soit
de leurs compositions. D'ailleurs, on a lieu de
croire que les jongleurs, qui récitaient traient
3o8).
(fig.
romans sont souvent
auteurs des plus anciens
restés inconnus, et ce n'est
mencement,
thème à plu-
servit de
ou chantaient des romans,
faire connaître les auteurs
mon-
se
de ces ouvrages, dont
s'attribuaient volontiers le mérite, après les avoir
remaniés
et
trans-
formés à leur guise. L'invention des premiers romans avait précédé de
peu d'années
la
période des croisades
l'établissement de la féodalité,
Fauchet
:
Ce
«
commença
presque contemporaine de
l'on s'en rapporte à l'opinion
que
je
pense,
dit-il,
,
les
pour
et
cours de ces princes (grands feudataires de réciter et chanter leurs contes sans
autres inventions poétiques, usant du
roman
gage entendu par plus de gens, encores
de Claude
qu'escrire en
d'avoir lieu et que les jongleurs, trouvères
coururent par de France)
fut lors, ainsi
si
et serait
ryme
,
roman
chanteurs, la
couronne
chansons
rustique, ainsi que
qu'il leur eschapast assez
et
du lande mots
ROMANS.
de leur terroir.
411
Ainsi Claude Fauchet paraît convaincu que
»
en prose étaient antérieurs aux romans en rime. termes formels
ryme
,
je
:
«
Que
si
quelqu'un pense que
— La
bataille
de Roncevaux
de
prose. Car, en
la
la
et la
Vie de Charles
le
roman ne
xm
e
,
fust qu'en
Grand (Chronique de Turpin), mise en ,
comtesse de
,
seur, au quatriesme livre l'autheur dit ainsi «
nau, trouva à Sens en Bourgogne
«
rant, la
sa
en
vitrail
sœur de Baudoin comte de Hainau, surnommé
donna à
et
siècle.
françois avant l'an mil deux cens, à la requeste d'Yoland
Sainct-Paul
plus loin, en
Il le dit
mort de Roland, fragment d'un
cathédrale de Chartres.
romans
romans sans ryme
luy respons qu'il y avoit aussi des
Fig. 3ocj.
le
les
la
:
«
Baudoin
,
le
Bastis-
comte de Hai-
Vie de Charlemaigne,
et,
mou-
sœur Yoland, comtesse de Sainct-Paul, qui m'a
SCIENCES ET LETTRES.
412
mette en roman sans ryme, parce que
«
prié que
«
roman qui
«
gens en ont ouy conter
«
qu'ils
«
n'en est vrais
je le
del latin n'eut cure et par le
en dient
chantent
et :
tôt est
chanter
et
roman mais
;
conteor ne
cil
mensonge
ici
attribue à
n'est se
mensonge non
jugleor.
Nuz
un trouvère
nommé Turolde,
La Chanson de Roland
grand, élevé, généreux
l'amour de
et
»
et d'esprit
qui aurait été composée d'après
tudesques, selon
la foi
catholique
;
et
d'autres savants criti-
c'est
l'amour de douce France. le défilé
de Roncevaux
(fi
plus ancien de nos
romans
français;
le
g. 309), ses la
der-
France.
second, par ordre d'an-
cienneté, pourrait bien être la version primitive dCAliscans. Ces
de
c'est
La Chanson de Roland
n'y a là rien de germain ni de tudesque.
le
et
Quand Roland
pour
niers regards cherchent la France, sa dernière pensée est
donc
est
poésie dans sa plus haute
Ce qui domine dans ce poë'me admirable,
va mourir de ses blessures, dans
est
M. Léon Gau-
une véritable épopée française; tout y
est
et patriotique. C'est la
sa plus touchante expression.
il
contes rymez
vieux traducteur de Turpin
ou romans, selon M. Paulin Paris
tier; rustiques
Certes,
ce
de mensonge, paraît être cette fameuse Chanson de Roland, qu'on
des chants populaires, d'origine
ques.
le
se délitera el
sera mielx gardé. Maintes
ce qu'ils dient.
Le Roman rimé de Charlemagne, que accuse
cil
tel
romans
première époque débutent parfois brusquement, sans préambule,
la
comme
sans exorde, sans interpellation aux auditeurs,
Roland, qui entre en matière avec ces deux vers
Caries
li
rcis,
la
Chanson de
:
nostre emperere magne,
Set anz tuz pleins ad ested en Espaigne.
Voilà bien
le
vait être faite en
début d'un chant populaire, où l'exposition du sujet de-
peu de mots. C'est
qui plus tard, en public
et lui
Mais geste,
land,
commençant un
recommandera
rien ne peut
que d'en le récit
de
citer la
le sujet
le
poëte qui parle,
récit, fera
le
jongleur,
directement appel à son
idée de nos premières chansons de
quelques pages. Voici donc, dans ce
non
de son roman.
mieux donner une
mort de
et
la
Chanson de Ro-
neveu de Charlemagne, lequel vient
à Roncevaux, mortellement frappé par
les
Sarrasins
(fig.
309)
:
d'être,
ROMANS.
Roland sent que Sa cervelle
Le Il
se
il
prend
Et de
proche
:
que Dieu
ses pairs d'abord, afin
recommande
l'olifant
lui est
les oreilles.
pour
voilà qui prie
Puis,
mort
la
va par
s'en
4i3
les appelle
;
à l'ange Gabriel.
d'une main, pour n'en pas avoir de reproche,
Durendal, son épée.
l'autre saisit
s'avance plus loin qu'une portée d'arbalète,
Il
un champ de
Fait quelques pas sur la terre d'Espagne, entre en
Monte sur un
blé,
Sous deux beaux arbres,
tertre.
y a là quatre perrons de marbre. Roland tombe à l'envers sur l'herbe verte
Il
Et
se
pâme
mort
car la
:
lui est proche....
* * *
A
Roland frappe sur
trois reprises,
Plus en abat que
je
L'acier grince
ne rompt pas
il
;
ne saurais
L'épée remonte en amont vers
Quand
comte s'aperçoit
le
Tout doucement «
Ma
«
Dans
comme
Durendal,
garde dorée
:
le ciel.
qu'il
la plaint
il
rocher pour briser son épée
le
dire.
ne
la
peut briser,
en lui-même
:
tu es belle et sainte
!
«
y a bien des reliques Une dent de saint Pierre, du sang de saint Basile,
«
Des cheveux de monseigneur saint Denis,
«
Du vêtement
«
Non, non, ce
«
Ta
ta
de
il
:
Vierge Marie.
la
qûe païens
n'est pas droit
possèdent.
te
place est seulement entre des mains chrétiennes.
Dieu que tu ne tombes pas entre
«
Plaise à
«
Combien de
«
Que
«
Et qui sont aujourd'hui
«
...
tient
d'un lâche
celles
Charles à
Et maintenant
barbe
la
fleurie,
la richesse
de l'Empereur
!
grande douleur, à cause de cette épée.
j'ai
«
Plutôt mourir que de
«
Que Dieu
la laisser
n'inflige pas cette
aux Païens
honte à
la
:
France.
»
#**
Roland sent que Et qu'elle Il
lui
mort l'entreprend
la
descend de
court se jeter sous
Sur l'herbe verte
Met sous
lui
se
un
la tête
sur
cœur.
le
pin,
couche face contre
son olifant
et
terre,
son épée,
du côté des païens.
Et se tourne
la tète
Et pourquoi
le fait-il ?
Ah
!
c'est qu'il
veut
Faire dire à Charlemagne et à toute l'armée des Francs,
Le noble comte, Il
bat sa coulpe,
Pour
!
terres j'aurai par toi conquises,
ses péchés,
qu'il est il
mort en conquérant.
répète son
au
ciel
il
mea
culpa.
tend son gant.
:
SCIENCES ET LETTRES.
414
Roland sent que son temps
est fini.
au sommet d'un pic qui regarde l'Espagne D'une main il frappe sa poitrine
Il
est là
;
:
«
Mea
mon
culpa,
Dieu,
et
nom
pardon au
de ta puissance,
Pour mes péchés, pour les petits et pour les grands, « Pour tous ceux que j'ai faits depuis l'heure de ma naissance « Jusqu'à ce jour où je suis parvenu. » Il tend à Dieu le gant de sa main droite, Et voici que les Anges du ciel s'abattent près de lui. «
* *
un
sous
Il
est là gisant
Il
a
Il
se prit alors à se
pin, le
comte Roland;
voulu se tourner du côté de l'Espagne.
De tous
les
souvenir de plusieurs choses
royaumes
Et de douce France,
et des
gens de sa famille,
Et de Charlemagne, son seigneur, qui
ne peut s'empêcher d'en pleurer
Il
Mais
il
Et, de «
O
ne veut pas
se mettre
nouveau, réclame
notre vrai Père,
le
dit-il,
«
Qui ressuscitas
«
Et défendis Daniel contre
«
Sauve, sauve
«
mon âme
cause des péchés que
a
tendu à Dieu
Saint Gabriel
Alors sa tète
Et
il
Dieu
est allé, lui
l'a
le
l'a
nourri;
de soupirer.
lui-même en oubli,
pardon de Dieu
:
qui jamais ne mentis,
les lions,
et défends-la j'ai faits
en
contre tous périls,
ma
vie.
gant de sa main droite
»
:
reçu.
s'est
inclinée sur son bras,
mains
envoie
et
saint Lazare d'entre les morts
A
Il
:
qu'il a conquis,
jointes, à sa fin.
un de
ses anges
chérubins
Et saint Michel du Péril. Saint Gabriel est Ils
Roland françaises
venu avec eux
:
emportent l'âme du comte au Paradis...
,
premiers romans étaient des créations essentiellement
les
et
où
(i).
les
trouvères avaient donné une forme littéraire
tique à des traditions éparses et indécises, qui s'imposaient à la
la
et
drama-
mémoire de
noblesse féodale et que Pécho des chants populaires faisait encore re-
tentir
dans
le
peuple.
ment guerrier
et
Ils
eurent certainement pour objet d'exalter
senti-
patriotique chez les seigneurs et barons de France qui
prenaient tant de plaisir à
les écouter.
rapprochement analogique (i)
le
Traduction de M. Léon Gautier.
,
qu'ils
On comprend
donc, par un simple
durent naître vers l'époque de
la
pre-
ROMANS.
mière croisade en 1095,
et qu'ils
accompagnèrent en Orient
la
grande
expédition des croisés, conduite par Godefroy de Bouillon, duc de Lorraine, et ses frères,
Baudouin, comte de Flandre,
Boulogne, par Hugues
Henri
I
er
mandie,
Eustache, comte de
Grand, comte de Vermandois ,
le
Raymond, comte
par
,
et
fils
du
roi
de Toulouse, par Robert, duc de Nor-
par d'autres chefs de race française Les chansons héroïques
et
des jongleurs étaient bien faites pour distraire des ennuis d'un
long
si
et si
périlleux voyage les nobles chevaliers qui restèrent éloignés de leurs terres
pendant cinq ou
ans
six
et
ne crurent avoir accompli leur tâche qu'après
de Jérusalem en 1099. C'est alors que Godefroy de Bouillon,
la prise
proclamé
par ses compagnons d'armes,
roi
fit
de
Palestine un
la
royaume
chrétien, en y introduisant les lois, la langue et les usages de la France
On
peut affirmer que, dès cette époque,
les
mans nationaux
eurent droit de
où
yeux toujours tournés vers
l'on avait les
cité
chansons de geste
et les
dans cette nouvelle France d'Orient, la
mère
patrie.
Les romans, originaires de France, revinrent en France avec gneurs croisés
et se répandirent,
leur
renommée vraiment
était
emparée,
et l'on
modifier
et la
de
la
forme
Le douzième
changer
le style
La mode
romans
de
la
peine aujourd'hui à reconnaître
aussi d'attribuer
,
dans
une date certaine à
la
tre
les
Il
serait très-
La
carrière était
jongleurs, qui s'y précipitaient en foule, se faisaient l'un à l'au-
une concurrence incessante,
infatigable.
à chercher des sources de gai sçavoir,
Ce fut, pour répondre
Leur public passionné
le
vaste
et les invitait
et
en-
sans cesse
où personne n'avait encore
puisé.
à cette impatience de curiosité, que les trouvères de
langue d'oil mirent en rime
mentèrent
au-
naissance de chaque cycle,
thousiasmé leur demandait sans cesse du nouveau
la
et l'on
la
les différents textes,
qui vint se relier au cycle primitif de Charlemagne. ouverte;
ro-
des anciens romans, à mesure que
ce travail insensible d'épuration et de perfectionnement. difficile
la
sans doute, et à plusieurs reprises,
langue vulgaire se soumettait à des métamorphoses successives, rait bien
s'en
et les trou-
grande époque de
siècle fut la
Il fallut
les sei-
par toute l'Europe, où
française alla encore grandissant.
jonglerie. et
même temps,
voyait partout se multiplier et les
vères et les jongleurs.
mancerie
en
ro-
et
en prose
domaine du roman
les
vieux
français.
De
lais
bretons
là cette
et
aug-
longue série
SCIENCES ET LETTRES.
4iG
des
romans « de Bretagne
de confondre avec
Flandre
et
ou de
geste.
et
encore
si
obscures, des chevaliers de
de Franche-Comté avaient recueilli, de
bouche des jongleurs
la
bretons ou dans des livres latins écrits par des moines sur récits, les traditions
des Celtes
des rois fabuleux de
et
caine. C'était, par exemple, l'histoire de Tristan, la petite
Bretagne, épris de
la
femme
plus belle et de
la
la
le
grand
dans lesquels
la
parce que
d'anciens
Bretagne armori-
la
d'un roi de Léon dans roi
Marc, sous
la fatale
roi Artus, l'Hercule celti-
que Lancelot, Gauvain,
tels
Depuis longtemps,
etc.
jeune noblesse apprenait
appelés des tournois,
le
la foi
plus inconstante des femmes, la reine
Genièvre; Artus, entouré d'une cour de héros Perceval, Lionel, Agravain,
fils
de son oncle,
influence d'un philtre invincible; c'était
que, époux de
garder
qu'il faut bien se
Paris, qui est un guide toujours sûr dans
débattues
tant
Table-Ronde,
la
chansons de
M. Paulin
Déjà, suivant ces questions
les
»
les
le
combats simulés,
les
rude métier des armes, étaient
champions tournaient ou tour-
noyaient dans une sorte d'arène circulaire, en s'efforçant de frapper de leur lance
ou de leur épée un but désigné, un mannequin mobile ou une
quintaîne. Les auteurs des le
fondateur de
romans bretons avaient donc
chevalerie
la
,
valerie.
royaume, qui formaient
Ces vieux romans bretons, où
que dans
élevé et plus touchant
que sorte
des
l'école
raffinée. L'espèce lées, et les
avec
la
mœurs
roi
Artus
les
ronde
les
cour plénière de
ainsi la
les
vingt-quatre meilleurs
dames jouaient un
la
rôle plus
romans carlovingiens, furent en
chevaleresques
et
de
la
che-
quel-
galanterie la plus
de culte qu'on rendait aux femmes à ces époques recu-
égards délicats que
rudesse
du
créateur des tournois, en racontant que
le
ce valeureux roi faisait asseoir à sa table
chevaliers de son
fait
et
les
la grossièreté
hommes
avaient pour elles, contrastent
d'un état social, dans lequel toutes
les
contestations entre gens de race noble se traduisaient par des violences et
par du sang répandu.
Une
analyse succincte de Tristan fera mieux connaître
romans bretons
,
le
qui auraient eu, selon quelques critiques
caractère des ,
une origine
bien antérieure à celle des romans du cycle de Charlemagne. L'action principale de ce
roman
,
le
premier en date
se déroule clairement, avec
un puissant
et le
intérêt
premier aussi en mérite, ,
autour de trois person-
ROMANS.
4>7
nages parfaitement dessinés. Marc, roi de Cornouailles,
un
excellent
homme
,
qui a pour
vaillant, le poétique Tristan
(fig.
femme
la belle
Un
3 10).
est
Fig. 3io.
et
—
de
la
raison
Tristan à
la
;
ils
s'aiment éperdument,
chasse, d'après une miniature
N° 7174. Bibliothèque
de l'enchantement qu'ils subissent
les
veiller,
à les surprendre
un emportement de
et
Le
et la force irrésistible
xv° siècle.
l'abri
roi
du blâme qu'on
Marc passe
Un
serait
sa vie à les sur-
jour, cependant,
jalousie et de colère, en trouvant dans la
il
cède à
chambre de
reine Tristan qui harpoit , c'est-à-dire jouait de la harpe devant elle;
fée
Morgane; mais
il
est pris
empoisonné
de
de Paris.
à leur pardonner.
frappe, par derrière, d'un dard
le
et Iseult
les conseils
du Roman de Tristan, ms. du
nat.
met à
tenté de leur adresser à l'un et à l'autre.
pour neveu
breuvage, que Tristan
ont pris sans penser à mal, ne leur permet plus d'écouter
l'honneur
un bon prince,
Iseult et
(fig.
3
1
1),
d'une soudaine terreur
la
il
le
funeste présent de
la
et s'enfuit
SCIENCES ET LETTRES.
—
en silence. 53
SCIENCES ET LETTRES.
Tristan, blessé, fait bonne contenance en disant adieu à Iseult,
monte à cheval
va demander asile à son ami Dînas, qui l'accueille mourant. Le poison a
et
des progrès rapides,
fait
et
Tristan, malgré
prodigués, est devenu presque un cadavre
autour de
lui.
Les
amis pleurent, nuit
seuls
que
pas abandonné son corps. Le
la vie n'a
roi de Cornouailles s'est repenti de sa lâche
fois d'avoir surpris
Iseult
son neveu
ne cherche pas
que son ami Tristan
et jour,
aigus qu'il pousse sans cesse, sans pouvoir faire un
cris
mouvement, témoignent bon
ses
;
soins attentifs qui lui sont
les
même
et
de l'avoir
navré
«
»
.
elle
regrette à la
il
Et d'ailleurs
à dissimuler sa douleur
perdu,
est
vengeance;
:
quand
pauvre
la
elle
apprend
déclare hautement qu'elle ne lui sur-
vivra pas.
Tristan a senti que sa dernière heure est proche.
mander son
fait
Il
sait pas oncle, en lui faisant dire qu'il le verra sans déplaisir et qu'il ne lui
mauvais gré de sa mort. Le en pleurant le
à la tour
monde!
où Tristan
moribond, d'une voix
avez tant désirée.
que
lui
toisie
:
:
«
Marc
reçoit le triste
message
»
était
»
Puis,
couché
affaiblie.
.
bel oncle
,
Madame
envoyez quérir
:
«
Bien venez-vous, oncle!
et le roi
lui dit
vous voulez que
vient,
en
effet;
mais
la
lui dit
mène encore plus grand
Tristan
Yseult, car
je
m'en
même
le
vais mourir, et, sur
— Neveu, répond »
Yseult
pouvoir de ranimer
sur son forces éteintes de Tristan, qui essaye en vain de se soulever douleur.
Oui,
«
Hélas! bel ami,
ma dame,
il
est-il
donc
ainsi qu'il
vous
faille
convient que Tristan meure... Voyez
sont plus les bras de Tristan sanglote, à ses côtés, ne
,
Le lendemain, Tristan rouvre un peu voir une dernière fois son épée, qu'il
les
yeux.
fait tirer
lit
mourir
i
les
de
—
mes bras! Ce ne
ce sont les bras d'un mort.
demandant qu'à mourir
deuil
une grande cour-
faites
,
reine vienne à vous, et elle y viendra.
sa présence n'a plus
et
dernière fête, celle que vous
toutes choses, je souhaite la voir, avant de rendre l'âme. le roi,
cher neveu,
rend au château de Dinas
se
ma
Voici
Tristan pleure,
Pour Dieu
il
murmure,
et
mon
Hélas! hélas! Malheur à moi d'avoir frappé
meilleur chevalier du
monte le
«
:
roi
»
Et Yseult
aussi.
chevalier,
il
veut
hors du fourreau.
«
Ah!
En bon
que deviendrez-vous désormais, sans votre droit l'ai aimée et seigneur? Je prends aujourd'hui congé de la chevalerie; je amis, mais je n'ai plus rien de commun avec elle. Hélas mes
bonne épée,
honorée,
s'écrie-t-il,
!
ROMANS.
aujourd'hui Tristan est vaincu
»
Il
se
remet à pleurer,
son plus cher compagnon d'armes.
qu'il lègue à la
!
4> 9
se
il
baise son épée,
tourne ensuite vers
reine dont les larmes n'ont pas cessé de couler depuis la veille
chère dame,
lui dit-il,
pas avec moi
Fig. 3
1
1.
?
— Le
quand
— Doux ami,
roi
rait
autant
je
meurs, que ferez-vous?
dit la reine, j'atteste
Marc frappant Tristan, sous du xv'
comme
siècle, n°
les
yeux
fois
depuis que
près de vous.
— Hé
!
vous voudriez donc bien mourir avec moi n'eus jamais plus grand désir.
sens que
la
mort
sur Tristan qui
la
arrive, et je
prend entre
me
plai-
une miniature d'un ms.
de vous faire aujourd'hui compagnie. Certes,
je suis
Très-
Ne mourrez-vous
Dieu que rien ne
d'iseult, d'après
«
:
6775. Bibliothèque nat. de Paris.
pouvait mourir d'angoisse ou de douleur,
je
Il
et
je
?
—
morte plusieurs
Grand Dieu
dit Tristan,
finir entre
ses bras
femme
douce amie, demande Tristan,
— Or donc, veux
serais déjà
si
!
fait-elle
,
je
approchez-vous,
vos bras.» Yseult se penche
décharnés
et la serre
avec tant de
SCIENCES ET LETTRES.
420
force qu'il lui fait partir
Pour achever belle Yseult, tel
torzième
ce touchant tableau
sormonte
d'or. Ses frons
fil
com
petis archonciaus, et et
est si
donner la
temps
une
«
:
portrait de la
le
ici
version en prose du qua-
On
par Tristan lui-même.
siècle, le fait tracer
dou nez
faut
que Luce du Gast, auteur de
corn
ligne
il
,
beauté féminine à cette époque
la
même
cœur. Et lui-même expire en
en confondant leur dernier soupir.
qu'elle,
de
le
aura ainsi
Ses biaus cheviaus resplendissent
la fleur
de
sorchis sont ploiés
lis; ses
parmi
petite voie de lait dessoivre (sépare)
par mesure que
il
face ensuit la biauté
en
tele
du matinet, car
manière que l'une ne
il
li
la
a ne plus ne moins. Ses iex
n'i
sormontent toutes esmeraudes, reluisant en son front corne deux
Sa
l'idéal
est
vermel
estoiles.
blans ensemble,
et
ne resplendissent malement. Ses lèvres
l'autre
sont auques (quelque peu) espessetes et ardans de bele color, et les dans plus
blans que perles, et sont establis par ordene
nule ne puet estre comparés à
menton
est assez plus polis
la très
que
descendent deux bras graisles
n'est
et Ions et
dre et molle. Les dois drois sont ongles. Et ses mains.
si »
est graisles
et
et
par mesure. Mais espice
douce haleine de sa bouche. Li marbres. De ses droites espaulles longues mains où
Notre ancienne langue française
la
3 12),
et
neveu du
femme du
Paris a
biauté des
n'est peut-être nulle part aussi
de Lancelot du Lac.
roi
roi
être
une nouvelle forme donnée aux
fait
fils
de Garnies, est épris de
Artus,
et
il
monde, comme Tristan, amoureux lin
la
porroit porprendre de
légendes armoricaines relatives à Tristan. Lancelot,
(fig.
char est ten-
dans ces deux romans en prose de
Le beau roman de Lancelot paraît
(Bourges)
la
réons, sur coi reluist
en sa ceinture que l'on
gracieuse et aussi pittoresque que
Tristan
et
remarquer que
les
trompe Artus d'Yseult,
le
roi de
Benoïc
reine Genièvre
la
plus
trompe
du
innocemment du
le roi
Marc. M. Pau-
souvenirs de l'ancienne Grèce se trouvent
mêlés, dans ces deux romans, aux souvenirs des traditions celtiques. Ainsi le roi
Marc
rappelle souvent
son expédition contre
le
le roi
de
la
le
voile noir
oreilles d'âne; Tristan,
Morhouet d'Irlande,
vainqueur du Minotaure de Crète,
Marc,
Midas aux
et, lorsqu'il
qu'on attache au vaisseau
mort du père de Thésée. Dans
le
n'est autre
meurt
est
dans
que Thésée,
réconcilié avec
le roi
encore une réminiscence
roman de Lancelot,
le
géant qui
1
ROMANS.
42
propose, au jeune Lancelot, des énigmes, que celui-ci doit deviner sous peine de périr, est une imitation du sphinx qu'Œdipe ose affronter sur
Fig. 3 12.
—
Lancelot et Genièvre, d'après une miniature d'un manuscrit du xv e
siècle,
le
n° Ô964.
Bibliothèque nat. de Paris.
mont Cithéron. Lancelot le roi
de Scyros,
et la
à la cour de ta
femme du
roi
dame du Lac,
Artus,
la belle
c'est
Achille chez
Genièvre, emprunte
SCIENCES ET LETTRES.
422
ses aventures à Déjanire,
si
fatale à Hercule.
N'est-ce pas
un
fait
bien
étrange et bien inexplicable que cette invasion des antiques fables helléni-
ques dans
Fig. 3
1
3.
les livres
de
la
Table-Ronde?
— L'enchanteur Merlin, transformé en écolier, rencontre dans
Fragment d'une couverture de
livre
Le Livre de Merlin Tristan
et
et le
mêmes
de Broccliande la fée Viviane.
Livre dn Graal, quoique du
Lancelot, ne viennent pas de
inspirés par les
la forêt
en orfèvrerie émaillée de Limoges. Musée des Antiques, au Louvre.
idées.
la
Dans Merlin,
même
le
source
même et
âge que
ne sont pas
merveilleux joue un grand
ROMANS.
423
rôle, et l'imitation de la Bible paraît avoir été la
de l'auteur. Ce
conserve pourtant
livre, qui
gendes gallo-bretonnes, s'ouvre, bule tenu dans
par
les enfers
comme
les esprits
ne peut espérer contre-balancer sur
Fig. 314.
—
naître d'une Vierge
démon,
c'est
siècle.
plus pure tradition des
le livre
lé-
de Job, par un concilia-
des ténèbres. Satan déclare qu'il
la terre l'influence
Mort de Joseph d'Arimathie, d'après uns miniature Ms. du xv c
fait
la
préoccupation constante
tirée
du Christ,
s'il
ne
de Y Histoire du saint Graal.
Bibliothèque nat. de Paris.
immaculée un homme-démon. Cet homme-
Merlin, qui prend sous sa protection
le
roi
Artus
et qui,
après lui avoir rendu d'immenses services, est enfermé vivant dans un
tombeau de
pierre par
puissance surnaturelle
la (fig.
dame du Lac,
qui a hérité d'une partie de sa
Si 3).
Quant au Livre du Graal,
c'est
une évocation des anciennes légendes
SCIENCES ET LETTRES.
religieuses saint
de
Bretagne. D'après un évangile apocryphe, attribué à
la
Joseph cTArimathie, ce personnage aurait
seur du Graal
3 14),
(fig.
précieux vase dans lequel
Ce
sur la croix, fut recueilli par les anges. les
mains du
fils
de Joseph
sieurs siècles, lorsque
pour le
le
été
le
sang de Jésus, mort
vase, après avoir passé dans
de ses descendants, était caché depuis plu-
et
roi
le
premier posses-
le
Artus
et ses chevaliers se
mirent en quête
découvrir. L'honneur de cette découverte était destiné à Perceval
Gallois, qui le retrouva chez
le roi
roman, composé au début du treizième
Pécheur. L'auteur de ce curieux siècle, fut le
trouvère Robert de
Borron, qui, suivant quelques critiques, eut pour collaborateur Gautier
Map, chapelain du
Le complément des romans de
Mort
tantôt la
C'est
nesque.
la
II.
Table-Ronde,
d' Artus, tantôt le Bret, tantôt la
moins estimable des
le
Henri
roi d'Angleterre
c'est celui
Quête du Saint-Graal.
composent
livres qui
qu'on appelle
cette
branche roma-
a été fait par différents auteurs qui ne se sont préoccupés
Il
que
d'y faire reparaître tous les chevaliers de la Table-Ronde, les Perceval, les
Lionel, les Hector, les Palamède, les Gauvain,
les
Bliomberis,
Mor-
les
drain et bien d'autres, lesquels ne se lassent pas de combattre sans relâche
géants
les bêtes féroces, les
siècle
que
ment
les livres
les
et les
enchanteurs. Ce n'est qu'au quinzième
romanciers s'ingénient à continuer longuement de
la
Table-Ronde, en écrivant
les
verbeuse-
et
aventures
beaux
et les
coups d'épée du Petit Tristan, de Meliadus, de Perceforest, de Constant,
du
Petit Artus, d'Isaïe le Triste, etc.
Le quatorzième
romans de raviver
le
siècle fut le
chevalerie.
A
la fin
commencement de du
siècle précédent,
moins de
décadence pour
les
on avait essayé de
goût des amateurs pour ces romans, déjà remaniés à plusieurs
reprises depuis leur composition primitive
lemagne
la
et
même du
cycle de la
;
on
était las
Table-Ronde.
On
du cycle de Char-
avait exploité, avec
succès, les cycles provinciaux, qui ne trouvaient des échos
pathiques que dans
la
province où
la
geste s'était formée.
Ainsi l'admi-
rable geste des Lorrains,
comprenant Hervis de Met\, Garin
rain, Girbert
la geste
et
Anseïs;
sym-
le
Lohe-
bourguignonne, qui ne comptait que
deux romans, Girard de Roussillon
et
Aubry
gestes aussi anciennes, représentées par
Amis
le
et
Bourgoing,
et
d'autres
Amiles, Jourdain de
ROMANS.
Blaives, Aiol et Mirabcl,
425
Raoul de Cambrai,
n'avaient plus
etc.,
le
pri-
vilège de charmer, d'enthousiasmer les oyans, qui se lassaient surtout
d'avoir affaire aux jongleurs, qu'on n'osait plus introduire dans une famille honnête, tant
étaient généralement vicieux et méprisables.
ils
Leur
mauvaise réputation venait surtout de leurs confrères, beaucoup plus
nombreux, chanteurs
Fig. 3 1 5.
—
Armement
et
diseurs de fabliaux, de dits et de contes, lesquels
d'un chevalier, d'après
le
cérémonial institué par
le
roi Artus.
Fac-similé
d'une miniature d'un ms. du xv° siècle. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
vivaient dans
le
plus scandaleux désordre. Sans doute,
gleurs, qui ne récitaient valerie,
forcés
que des chansons de geste
menaient une vie décente
d'amener avec eux, dans
musiciens et voleurs.
littérature
et
les
et
fut là
plupart des jon-
des
romans de che-
plus régulière, mais
maisons où on
des saltimbanques, qui étaient
Ce
et
la
la
ils
se trouvaient
les recevait
encore, des
plupart fourbes, ivrognes
certainement une des causes de
la
décadence de notre
romancière. SCIENCES ET LETTRES.
—
?4
SCIENCES ET LETTRES.
426
Cette littérature avait jeté un dernier rayon en créant
le
cycle des Croi-
sades et en produisant quelques romans qui s'adressaient surtout à l'orgueil des familles nobles
Ces romans, Hélias, Jérusalem
(ces
les
que
guerres d'outre-mer avaient illustrées.
les
Enfances Godefroi ,
deux derniers ne sont que
poëme), furent
dans tous
récités
Chêtifs, Antioche et
les
les extraits
d'un seul
châteaux de France,
les
même
et
et
les jon-
gleurs, enivrés de la faveur qu'ils venaient de reconquérir en célébrant les
hauts
faits
des héros de
la
guerre sainte, crurent pouvoir se passer du
secours de la musique et congédièrent leurs joueurs d'instruments. Alors
romans, qu'on ne chante plus avec accompagnement de harpe ou de
les
mais qu'on
viole,
compliquer d'un s'allongeant
récite,
qu'on
lit
d'une voix grave
d'aventures merveilleuses
fouillis
et
et
monotone, vont
invraisemblables, en
démesurément. Non-seulement ce sont de nouvelles compo-
sitions qui auront trente à
quarante mille vers alexandrins, mais encore
on rhabillera en grands vers
la
plupart des anciens romans composés en
vers de dix syllabes, pour avoir
un prétexte de
développer à perte de vue. L'oeuvre primitive
les
paraphraser
et
de
jongleurs ont pourtant ouvert
les
un nouveau
l'histoire des successeurs
romans de Charles
le
Chauve
cycle, qui se rattache en
de Charlemagne et
de
les
est ainsi défigurée et privée
de toutes ses qualités originales. Les trouvères qui travaillent pour
temps à
se
et à celle
les
même
des croisades
Hugues Capet ont encore
les
:
pro-
portions restreintes des anciens romans; mais Baudouin de Sebourc a plus
de trente mille vers,
Quant et les
cà
monde,
on ne reconnaît plus
magne, que
le poè'te
essais.
c'est
même
Ce
le
les traditions
dédain
fut le dernier
les
plus plats
une débauche d'imagination, dans
a voulu mettre en scène
s'explique sans peine que
malheureux les
Tristan de Nanteuil en a vingt-quatre mille.
Lion de Bourges, qui renferme quarante mille vers,
plus prolixes du
laquelle
On
et
de l'époque de Charle-
une dernière
et le
fois.
dégoût firent justice de ces
soupir des jongleurs. Les auditeurs
plus désœuvrés et les plus intrépides. n'étaient pas capables de prêter
l'oreille à la récitation
coup de jongleurs se
de ces éternels romans. Néanmoins,
faisaient copistes
pour gagner leur pauvre
manuscrits ne cessaient de se multiplier,
nuyeux romans trouvaient encore des
comme
et les
beau-
vie, les
plus longs, les plus en-
lecteurs. Mais,
si
la
lecture des
ROMANS.
romans, loin de et riches,
se ralentir, tendait à se
propager dans
les classes
qui se passionnaient davantage, de jour en jour, pour les tour-
nois, les carrousels, les jeux et les institutions de la chevalerie
commençait à prendre en aversion mans,
nobles
qu'ils fussent
Fig. 3 16.
dans
— Copiste
le
la
forme rhythmée
et
vieux texte original ou dans
(fi
g. 3 14),
on
rimée de ces role
nouveau, plus
écrivant sur une feuille de vélin. Miniature d'un ms. du xv c siècle.
Bibliothèque royale, à Bruxelles.
verbeux contre
et
les
plus plat que l'ancien.
romans en
avait adopté les la
Il
ennuyeux
vers, jugés
romans en prose
y eut bientôt une protestation générale
:
on
se
et
insupportables.
La mode
mit donc à l'œuvre pour opérera
hâte cette transformation, réclamée, exigée par les lecteurs et surtout par
comme
les lectrices.
Dans
et les hôtels
seigneuriaux, on ne manquait pas de scribes, de secrétaires, de
les
cours royales
et princières,
dans
les
châteaux
SCIENCES ET LETTRES.
428
«
domestiques
»
qui coopéraient à ce remaniement prosaïque de toute
mancerie française. L'auteur anonyme de lande expose en ces termes travail
:
les
Dieu donne que
«
prose Thistoire
dC
Aimer i
je
le
Ce
motifs qui
la
lui
plus est
et
fait
entreprendre son
si
esbat l'en
langage plaisant prose que
le
plaist qu'ainsi le veulent avoir. »
il
Dans
traduction en prose (VAnseis de Cartilage, Yacteur ne
une sorte de défiance de lui-même, en
craint pas d'avouer qu'il éprouve
commençant paoureusement lerie, et à les translater
à rescrire les hauts faits de l'antique cheva-
de rime en prose, à l'appétit et cours du temps.
Les vieux romans en vers disparaissent les
avaient
puisse translater de vieilles rimes en ceste
dient ceulx auxquieulx
prologue de
translation dCAimeri de Beau-
de Beaulande. Car plus volontiers
maintenant qu'on., ne souloit, rime.
la
la ro-
tombent dans
et
l'oubli,
mais
accommodées au goût du temps, agrémentées
translations en prose,
de digressions sentimentales ou pédantesques, allongées de descriptions, de dialogues
et
de fadaises, doublèrent d'étendue
avec moins d'empressement. copies, écrites en lettres de d'initiales
en or
et
On
en multiplia
et
les copies, et
forme sur beau vélin
en couleurs,
et
ne furent pas accueillis souvent ces
3i67, étaient ornées
(fig.
de miniatures finement peintes. Les
bibliothèques de châteaux se composèrent de ces manuscrits, in-folio, reliés en bois et couverts de cuir
ou
Ces énormes volumes, qu'on ne pouvait
lire
étaient sans cesse sous les
yeux des dames
d'étoffes plus
plupart
la
ou moins
riches.
que placés sur des pupitres,
et
des damoiselles, qui en fai-
saient leur lecture journalière, sans s'effrayer de la longueur des histoires
d'amour mans,
et
et ce
de chevalerie. Ce fut encore une grande époque pour
ne fut pas
la
dernière
:
car, dès
son mystérieux berceau de Mayence, servit à
les ro-
que l'imprimerie, sortant de la
plus nécessaires et les plus usuels, on songea aux
reproduction des livres
romans de
les
chevalerie, qui
furent imprimés et réimprimés à l'envi par les imprimeurs français et étrangers, surtout à partir de la fin
multipliées,
du quinzième
on avait dû abréger
siècle (fig. 3
et rajeunir les textes
1
8).
Dans ces
en prose,
et
éditions
quelques
compilateurs, comme Pierre Desrey deTroyes, se firent une réputation en ce
genre de travail, qui demandait plus de patience que de talent. Les ro-
mans, remaniés
ainsi encore
et enthousiastes,
en arrivant, grâce à l'impression, sous
une
fois,
trouvèrent des lecteurs émerveillés les
yeux de
la
bour-
ROMANS.
que de nom. La chevalerie, pendant
geoisie, qui ne les connaissait guère
règnes de Charles VIII, de Louis XII
les
429
avant de s'éteindre, briller d'un nouvel
et
de François I", semblait,
éclat, et les
romans, qui avaient
son triomphe, reflétaient, pour ainsi dire, ses derniers rayons.
fait
Fig. 317. entrât,
xv e
—
«
Comment
mais Souvenir
siècle, n° 17'i.
Sous
le
l'acteur s'est fourvoyé et est l'en a
détourné.
»
venu devant
le
palais d'amours, où Désir vouloit qu'il
Miniature du Chevalier délibéré, d'Olivier de
la
Marche, ms. du
Bibliothèque de l'Arsenal.
règne de Charles VII
et
surtout à
la
cour de Bourgogne, des
écrivains, d'un goût délicat et d'un mérite réel, avaient tenté de créer une
nouvelle espèce de littérature romancière, destinée à des esprits plus sérieux et
plus raffinés
(fig.
317). C'étaient des histoires amoureuses,
ou
satiriques,
SCIENCES ET LETTRES.
43o
ou morales, qui
comme
par
distinguaient par
se
la réalité
des passions
et
grâce et l'intérêt de la narration,
la
des sentiments. Ces romans, remar-
quables par leur ordonnance ingénieuse
simple, n'eurent pas moins de
et
partisans que les grandes compilations chevaleresques qui ne pouvaient se lire
en moins de deux ou trois mois. Antoine de
du genre, en
composant
Y Histoire
la
Sale donna
le
modèle
chronique du petit Jehan de
et
Saintré, qui fut suivi des histoires de Parise et Vianne sa mie, du Cheva-
leureux comte d'Artois, de Ferrant de Flandres, de Baudouin d'Apesnes, de Pierre de Provence, de Jean de Calais nait alors
que
roman, en
le
se
et
On compre-
de Jean de Paris.
dégageant de l'élément merveilleux
fan-
et
tastique, pouvait affecter les caractères les plus variés, devenir didactique
comme
les livres
des Sept Sages, de
la
Cité des dames,
etc.;
sentencieux
comme le Jouvencel, de l'amiral Jean de Bueil; satirique comme Y Abusé en cour, du roi René. Le roman devint satirique et phiet instructif,
losophique, avec Rabelais, qui avait voulu, en écrivant d'abord son Gar-
gantua, tourner en ridicule
Pantagruel pour
les
romans de
faire la critique des
mœurs
de chevalerie n'en conservèrent pas moins
zième
mais, alors,
siècle;
le
et
la
de son temps. Les romans
vogue jusqu'au milieu du
roman moderne, qui
par quelques petits ouvrages insipides,
rard
chevalerie, et qui continua son
tels
que
l'
sei-
n'est plus représenté
que
Histoire de Vescuyer Gy-
de damoiselle Alyson, Y Amant ressuscité de la mort d'amour,
Amours de
la belle
Luce,
etc., le
qui avait déjà montré, dans
les
roman
s'est
transplanté dans
le
les
conte,
Cent Nouvelles nouvelles, ce qu'on pouvait
attendre de ses inventions naïves, gaillardes et facétieuses. \J Heptaméron
de
de Navarre donna naissance aux Récréations
la reine
et
joyeux devis
de Bonaventure des Périers, aux Contes et discours d'Eutrapel , aux
Matinées
aux Après-dînées de Cholières,
et
et enfin
aux Soirées de
Guillaume Bouchet.
Cependant et
portant
le
dans toutes
les
anciens romans de chevalerie, tous originaires de France
cachet de leur origine française, avaient été traduits ou imités
les
langues, depuis
le
treizième siècle, non-seulement en Alle-
magne, en Hollande, en Angleterre, mais en Suède, en Danemark
même
en Islande. Ces traductions, ces imitations, qui gardèrent
le
et
nom
générique de roman, s'étaient cependant façonnées au goût des différents
1
ROMANS.
peuples pour l'usage desquels on
pas moins
seul
grand roman en prose, à
les
l'instar de
nos romans des
treizième siècles; mais de cette compilation indigeste, connue
le titre
de Reali di Francia, devait sortir une foule de longs poè'mes
chevaleresques, les Rinaldo, le
n'en gardaient
elles
et
douzième
où
;
caractère natif de leur nationalité originelle. L'Italie ne
le
composa qu'un
sous
les avait faites
les
Morgante,
les
Orlando,
les
Guarino,
génie italien déploya toutes les richesses de sa poésie pour envelopper
extravagances, les fades afféteries
et
les
sentiments langoureux, qu'il
un peu trop généreusement aux rudes paladins de Charlemagne
prêtait
aux chevaliers chrétiens des croisades. L'Espagne, qui avait des
peador,
pour
était restée indifférente
montra moins
hostile
romans
délices de nos
aux personnages de
la
la
même
renommée de
Amadis de Gaule, que
Cam-
Table-Ronde,
le
tous
les
romans
français.
livres.
mais
et elle
elle
fit
ses
romans
Ce roman,
Portugal a toujours disputé à l'Espagne, les
fut
premières années du seizième
par un auteur anonyme, qui en donna seulement
siècle,
;
famille, qui devait bientôt égaler,
composé ou du moins commencé dans
miers
la
de Charlemagne
d'origine bretonne. Elle s'inspira de ces
pour inventer un roman de sinon surpasser,
les pairs
et
traditions,
héroïques qu'elle conservait pieusement dans ses romances du Cid
se
etc.,
les
quatre pre-
Les continuateurs, qu'on ne connaît pas mieux que l'auteur
primitif, ajoutèrent successivement à ces quatre livres les histoires d'Es-
plandian, de Florisande, de Catane,
Le succès des Amadis Espagne,
et la
Essars, plana
et
fut encore plus
du Chevalier de l'Ardente Epée.
grand en
en France qu'en
Italie et
traduction française de Nicolas de Herberay, sieur des
comme un
romanesques du seizième
phare au-dessus de toutes siècle.
les
Les Espagnols, pendant ce
mirent au jour une quantité de romans de chevalerie Grèce, Gériléon d'Angleterre
chef-d'œuvre de Cervantès
lorsque
le
Anglais
et les
romans de
roman et
etc.,
,
ils
:
siècle,
Primaléon de
qui devaient rentrer dans
le
vieilles
ne cherchaient pas à
la
Les
traductions de nos
les imiter; le
premier
national de l'Angleterre fut Y Arcadie,^àv Sidney, publié en
continué par sa belle-sœur,
néant
les eut fait délaisser et oublier.
Hollandais lisaient encore leurs
chevalerie, mais
compositions
1
59
comtesse de Pembroke. Les nations ger-
maniques, qui avaient traduit aussi un grand nombre des anciens romans
SCIENCES ET LETTRES,
que
français, étaient encore plus rebelles
les
Anglais à ce genre de
litté-
rature, et les essais qu'elles tentèrent, au seizième siècle, en publiant quel-
ques romans historiques nationaux infériorité.
La nature de
,
ne
firent
que mieux accuser leur
leur esprit les portait plutôt à inventer des
histoires merveilleuses et facétieuses à la fois, telles
Ulespiegeï,
Faust,
etc.,
roman de Renard, que
la
ou des allégories satiriques
comme
le
célèbre
France du moyen âge avait naturalisé chez
en n'empruntant à TAllemagne que burlesque.
que Fortunatus
la
donnée de
cette
elle,
épopée fabuleuse
et
CHANTS POPULAIRES Définition et
Francs. la
—
du chant populaire.
classification
Chariemagne
les fait
France jusqu'au seizième
tiques.
ciaux.
— —
recueillir.
siècle.
Chants légendaires.
—
Chants de l'Allemagne.
"Ecosse et des pays du Nord.
—
—
—
Chants des Germains, des Gaulois, des Goths
Chants romanesques.
Chants domestiques.
—
—
Les Mijinesingers
— Chants
de
sorte
Chants
et les Meistersingers.
Grèce, de
la
—
peuple
Les Noêls
et,
— Chants
ici,
par chant populaire , une
,
née
spontanément dans
par conséquent, anonyme, qui,
poète connu ou désigné,
tel
On y même
successive des générations,
intacte,
comme un
remonte à
ce genre de poésie vulgaire, qui
La poésie populaire,
naïfvetez et grâces par où elle se
comme
il
se veoit
dit-il,
compare
ès
Chaque nation possède
se
souvenir traditionnel
et
le
mérite de
l'origine des nations et des
purement naturelle,
a des
à la principale beauté parfaicte
villanelles de
sons qu'on nous rapporte des nations étrangères. «
où
sentiment du plus grand nombre,
des anciens temps. Montaigne a caractérisé admirablement
l'art,
in-
lective et
Tout conservée, plus ou moins
selon
et
peut voir aussi l'œuvre col-
reflète le
«
tel
conscients.
qui, en adoptant cette poésie chantée
:
ou
au contraire
est
l'œuvre de certains auteurs ignorés
langues
provin-
de l'Angleterre, de
de pouvoir être attribuée à
loin
can-
et les
— Chants
de l'Espagne.
l'Italie et
de poésie
des
et
Chants historiques de
Musique des chants populaires.
ous entendrons
le
— religieux. —
Vestiges des plus anciens chants.
Gascoigne
et
aux chan-
»
des chants populaires, a dit
M. Eugène Fer-
SCIENCES ET LETTRES.
SCIENCES ET LETTRES.
434
noye. Et
comme, chez chacune
d'elles,
donné naissance à ces chants,
des causes analogues doivent avoir
en résulte que ces chants doivent aussi
il
présenter entre eux une certaine analogie. soit
par
les
événements publics intimes
les tristesses
renferment tiques.
pas
les
:
de
par
soit
,
furent toujours inspirés
Ils
la religion
,
soit
par
les joies
,
ou
principales catégories bien distinctes, qui
là trois
chants historiques,
chants religieux, les chants domes-
les
»
Tous roles
Mon-
Tingénieux commentateur des No'êls bourguignons de La
tiault,
les
peuples ont chanté,
leurs chants nationaux,
et
composés de pa-
rhythmées auxquelles correspondait une mélodie musicale quin'avait
mêmes
les
principes de durée, furent l'expression primitive des pas-
chaque grande famille humaineffig.
sions, des croyances, des idées de
On comprend que la plupart de ces chants populaires
se soient
3 19).
perdus à tra-
vers les siècles, et qu'il en reste de rares échos seulement qu'on a bien de la
peine à ressaisir dans l'oubli
:
car l'essence
la
mémoire
même
Les Germains,
dit Tacite,
on avait célébré et qu'ils se
Chez
poèmes
jamais
laisser d'autres
possédaient de très-vieux poèmes, dans lesquels
les exploits
guerriers et les belles actions de leurs aïeux,
comme les seules annales de leur gardaient, comme un dépôt sacré, des
transmettaient de père en les
Gaulois,
les
druides
fils
religieux qui remontaient à la plus haute antiquité et qui renfer-
écrits.
Plus tard, d'après
germanique des Goths
qui s'étaient conservés,
commune
3io) ces :
poèmes
n'avait pas d'autre histoire
comme une
la
que d'anciens chants,
:
«
donc pu
Diodore de
mémohisto-
dire, avec raison,
L'histoire des Français se conserve
»
malheureusement plus un seul de ces chants, que
gaulois, au dire de
grande na-
eorum carminibus pene
recolitur). Boulainvilliers a
dans leurs chansons historiques.
religieux ne furent
vénérable tradition, dans l'ame
et in priscis
dans son Essai sur la Noblesse
n'existe
(fig.
témoignage de Jornandès,
le
du peuple (quemadmodum
rico ritu in
Il
sauver de
de ne recevoir aucune
bouche en bouche sans
maient les mystères de leur religion
rative
est
les
que des réminiscences orales. Les anciens peuples n'écrivaient pas.
traces
tion
hommes, pour
du chant populaire
publicité écrite et de passer de
race.
fugitive des
Sicile
et
d'Ammien
les
bardes
Marcellin, étaient
chargés de composer en langue celtique, pour perpétuer
le
souvenir des
CHANTS POPULAIRES.
actions d'éclat
,
et qu'ils
chantaient eux-mêmes, dans leurs assemblées, en
s'aeccompagnant de harpes ou de
Fig. 3 1 y.
— La Poésie et
la
435
.Musique. Les neuf
lyres. (Voy.,
Muses
dans
inspirant Arion,
le
Orphée
volume des Arts,
et
Pythagore, sous
de l'Air personnifié, source de toute harmonie. Miniature du Liber pontificalis, ms. du
thèque de
la ville
xm"
les
le
auspices
siècle. Biblio-
de Reims.
chap. Musique.)
Nous n'avons
rien d'antérieur à la traduction latine des
premiers vers d'un chant populaire, composé, en 622, après
remportée par
le roi
Clotaire II sur les Saxons
:
la victoire
ce chant volait de
bouche
SCIENCES ET EETTRES.
4 36
en bouche, parce qu'il
femmes
le
était
en langue rustique (juxta rusticitatém),
répétaient, en dansant et en battant des mains. Les chants
laires historiques devaient être
très-nombreux en Gaule
et
cas de cette antique littérature du peuple, les
On
pays de son vaste empire.
les
recueillir
fit
popu-
en Germanie,
mais beaucoup avaient disparu, lorsque Charlemagne, qui
dans tous
et les
faisait
grand
soigneusement
ne saurait trop regretter
la
Allegro.
Da ikmabg\vennDrouiz,o-rc;
me
d'id-de?
—
— Kan
Heb
kentne
tra
fell
rann
d'in
ar
Red
tra ken.
—
d'id-de?
Ken
a
Fig. 320.
ouf-enn
— Chant
-
lieb-ken
D.i-ik
«-
-
pe-tra
ik
:
An
que
le
,
grand empereur
euz a
pe-tra
zaou rann
la
,
Musique.
Eginhard nous raconte
se délassait volontiers des pénibles les
Un
,
à ce
travaux
chansons de quelque barde breton jour,
lombard de venir exécuter devant ,
Da-ik
Ne-
musique; traduction par Fétis
et
ce genre de poésie vulgaire.
ou de quelqua scalde Scandinave.
tiuncula)
;
ken;
-
qui témoignait des sympathies de Charle-
de son gouvernement, en écoutant
lator)
d'in
re
an
.Il
de l'époque druidique, paroles
perte de ce précieux recueil
sujet,
— Kan
-
bre-rnan.
bre-man.
dans son Histoire générale de
magne pour
Kou, lad ann
-
d'id-de?
ouf-enn
a
inabgwenn Drouiz, o
me
pe-lra ga-ninn-
felld'id-de?
Ken
eur rann,
-
pe-tra ga-ninn
l,_^_p=?=
:
euz a
Da
lui
il
permit à un jongleur (j'ocu-
et sa
cour une cantilène (can-
que ce menestreux ou ménestrel avait composée.
Il
y eut sans
CHANTS POPULAIRES.
doute un chant de
cette espèce, très-populaire et
de Charlemagne, car, au dixième langue germanique sur
très-fameux, en l'honneur
on chantait encore des paroles en
siècle,
le vieil air
4^7
de ce chant, qu'on trouve désigné ainsi,
dans un manuscrit de Wolfenbuttel
:
Modus carelmanninc
(air
de Charle-
magne)/
Du neuvième
au douzième
plus ou moins populaires,
{planctus Caroli)
par
le
:
une complainte sur
un très-beau chant sur
\
Franc Angilbert
un chant sur
;
que huit ou dix chants
citer
plupart écrits en latin
la
à des clercs ou à des lettrés
on ne peut
siècle,
et,
la
par conséquent, dus
mort de Charlemagne
la bataille
de Fontanet, en 841,
mort d'Eric, duc de Frioul,
la
en 799, par Paulin, patriarche d'Alexandrie; un chant pour célébrer victoire de l'empereur
de l'abbé Hug, la
Othon
Hongrois; un chant sur
III sur les
chanson sincè r ement populaire de toute
germanique, qui rappelle
avait remportée, en
douzième
siècle,
ques, traduits
mort
naturel de Charlemagne. Mais on peut mettre en doute
fils
véritable popularité de ces vers savants, et
langue
la
la
88 1, sur
dans
victoire éclatante
la
la
Ludivigslied est
France.
la
seule
époque. C'est un chant en
cette
Normands.
les
nord de
le
le
Il
En
que Louis
III
au
se chantait encore,
voici les premiers disti-
:
Je connais se
Il
Qui Et
un
nomme
Dieu volontiers,
sert
que Dieu
je sais
Enfant,
roi,
Louis,
il
l'en
récompense.
perdit son père,
Mais cette perte fut bientôt réparée.
Dieu l'appela Et
le prit
sous sa tutelle,
etc., etc.
Les chants en langue romane rustique
étaient, en réalité, les seuls qui
avaient cours dans
le
peuple, alors que
était seule usitée à
la
cour des rois
quand
les clercs
et
la
langue thioise ou allemande
des empereurs carlovingiens
employaient presque exclusivement
l'habitude de la vie ecclésiastique ou scolastique. étaient consacrés
Charlemagne;
ils
aux
faits
merveilleux
et
la
Une
,
et
langue latine dans foule de ces chants
historiques de
la
légende de
servirent à la composition des premières chansons de
1
4 38
SCIENCES ET LETTRES.
geste et des premiers
romans de
laisser subsister
comme
quelques-uns
littérature populaire (fig. 32
chevalerie, qui les absorbèrent
monuments
des
sans en
de cette antique
On est donc dans l'impossibilité de
1).
,
constater
l'existence de ces chants primitifs,
au moyen de preuves certaines
testables. (Voy. plus loin le chap.
Romans.)
et
incon-
Les chants historiques en langue vulgaire manquent presque complète-
ment pour
la
France jusqu'au treizième
négliger de mentionner
un chant
tz±d
O Ma -ri
Doinna
Deu mai
a.
pre
-
ia
Deu
re,
per nos
tes
e
to
fils
fil
E±BE
ZJ
—
d-1-*-
Fig. 321.
—
e
aïs
pan'
lo
jcn,
nos
ro
ccl
Chant des Croises, datant de
la
-
pre
sa-meii;
so-cor;
toi
première croisade
dans son Histoire générale de
l'histoire
lorsque
qui se rapporte à
latin, fort singulier,
f=x. tri
ï-4—4
?
ne faut pourtant pas
siècle. Il
d'Abélard
l'illustre
et
(
-
-
e
m -
- ia
na nos
glo
lo
per
-
r>ai
-
ri
re;
-
lo - ta
pi or.
1096) mis en notation moderne par Fétis
la Musiqtte.
qui fut composé par son disciple Hilaire, vers
maître,
condamné par
le
1
122,
concile de Soissons à cause des
propositions téméraires de sa philosophie, abandonna pour toujours l'ensei-
gnement. Ce chant
est divisé
par strophes, de quatre vers rimés chacune,
avec ce refrain en un vers français
Tort
a vers
:
nos
Soixante-dix-sept ans plus tard, à tué, en
Limousin, devant
le
li
la
mestre.
mort de Richard Cœur-de-lion,
château de Chalus, qu'il assiégeait,
les
jon-
gleurs de France se souvinrent que ce vaillant roi d'Angleterre avait été
CHANTS POPULAIRES.
délivré de prison par l'aide de son ménestrel Blondel, de Nesles, qui se lit
reconnaître de lui en chantant un air que Richard avait composé lui-
Fig. 322.
—
Le duc Philippe
le
Bon, malade, confie l'éducation de son
fils
Charles, comte de Charolois, au
poëte chroniqueur Georges Chastelain. Miniature de l'Instruction d'un jeune prince, ms. du xv° siècle,
exécuté par
les peintres
de
la
cour de Bourgogne. Bibliothèque de l'Arsenal.
même. Un chant populaire, dans
le style
composé sur
il
la
mort de Richard
;
des chansons de geste, fut donc
eut des échos par toute
la
France,
et
SCIENCES ET E ET TRES.
440
sans doute jusqu'en Angleterre; nous en donnerons seulement quelques vers
:
Et ço dont dei tos jors pleindre en plorant, M'avient à dire en chantant
Que
cil
et retraire
qui est de valur chief et paire
Li très-valens Richarz, rois des Engleis, est morz...
Morz est li rois, et sunt passé mil ans Que tant prodom ne fust ne n'est de son semblant.
Nous devons renoncer
non sans regret
,
historiques, qui nous sont restés
à passer en revue les chaits
,
du treizième au seizième
siècle, et
ni
rappellent les principaux faits contemporains, les croisades, et surtout
guerre des Anglais, tres
la
mort du connétable Bertrand Duguesclin,
morts célèbres, qui avaient des échos dans
le
et d'iu-
Le Roux
peuple.
Lincy a publié un curieux recueil de Chants historiques français depuL
douzième jusqu'au dix-huitième riques et populaires du
siècle et
un second
temps de Charles VII
XI
:
on
la
plupart, de la
mémoire des populations, avec
des événements qu'ils leur rappelaient.
Il
se
le souvenir
vraiment étrange qu<
est
li
trou/e,
dans ces deux Recueils, tout ce qu'on a pu découvrir de ces chants, qu sont effacés,
d:
Chants hi to-
recueil de
de Louis
et
h
fa
reconnaissance publique n'ait pas retenu quelques refrains des nombrux: chants que
la
mission miraculeuse de Jeanne d'Arc avait inspirés à
contemporains. Et pourtant on peut entendre encore, dans
les veiUcs
de campagne, aux environs de Tournay, une longue Complainte sui
mort de Philippe, qui n'a pas trop plet
le
bon duc de Bourgogne (fig.
la
322), complainte touchcite
quoiqu'elle date de 1467.
vieilli,
ses
On
en jugera par ce ou-
:
Le bon duc, avant son Et sentant
la
Tout bellement Fist ses regrès «
Las!
Ma
Priés
reste
,
et
par compas,
en grant annuy
dit-il, je laisse
:
aujourd'hui
chiere espouse encor vivant.
Adieu,
Au
trespas,
mort près de'luy,
ma dame
pour moy,
à qui je suy! je
voys morant.
»
l'importance du chant populaire ne se mesurait pas toujcirs
à celle de l'événement qui le faisait naître.
Il
arriva
fréquemment qiude
Roux de
ombreux
veconfotfer le creâtour
\noivc |>fêt
'df'me
m
îbutft
j^tàt
btogmmixt çwâukt
ie celle efonte euteuWfe ^acour t a umer tmtre^mïPe
maint la ftour e feuf île biduk be vdlour i> 1 eut" uotv$ tie vtteil en ftj?t btve
aj,
puifPotu mibte
uunn artuw uer
iautes enati
£ &rleu?j>aifa*m>
t
45 ifcbettaui qiufii
?" ïe
A
i
Imeuoti
tm autre
ou foi?
i
queie
& télit
m
lemure
momw»
£>
e àuet
k ccwu&tv^
R
veuf fc2f leur pltodr l kttr #re
luire retujjris
^
outre feront
6it auoie
Uuruoit nôme
ADENEZ, LE ROI DES MÉNESTRELS, envoyé par récite le
le
duc Henri de Flandres
Roman
Blanche de
de
CUomadk
Castille.
et
de Brabant, au comte d'Artois, Robert, frère du roi Louis IX,
devant la comtesse d'Artois, Mathilde de Brabant,
Miniature d'un ms. du xnr»
siècle.
n° 175 B. L.de
la
et la
reine de France,
Bibliothèque de l'Arsenal.
,
CHANTS POPULAIRES.
hautes questions politiques
et
nationales n'inspirèrent que quelques rimes
émouvoir
insignifiantes qui allaient bientôt se perdre sans
sympathies
les
qu'un tournoi, une cour plénière, une cérémonie pu-
la foule, tandis
de
441
blique, une fête de château féodal, suffisaient pour éveiller spontanément la
muse du
muse fantasque
peuple. Les inspirations de cette
contras-
taient bien souvent avec les circonstances qui les avaient provoquées. fait
douloureux servait de thème à des chansons sarcastiques
en revanche, ce qui semblait devoir être un motif de joie
pour tous donnait
lieu à des
populaire avait aussi, à Téloge et l'autre pour
le
complaintes amères
la fois
et
malveillantes.
les
masses. Par exemple,
jacobin Jacques Clément assassina, à Saint-Cloud
meurtrier
,
Léchant
Tune pour
,
quand le
Ligue, certains fanatiques chantèrent
la
de satisfaction
deux voix contradictoires
,
joyeuses;
blâme, lorsque deux courants d'opinions opposées
venaient à s'établir dans
chassé de Paris par
et
et
Un
le
moine
roi
Henri III,
les
louanges du
:
O
ïe sainct religieux,
Jacques Clément bienheureux,
Des Jacobins
l'excellence,
Qui, par sa bénévolence,
Et de par
A
Là haut au
Et tion
les
Sainct- Esprit
le
mérité asscurance Ciel
où
il
vist.
Politiques ou Royalistes répondirent par ce chant de malédic-
:
Il
fut tué par
un meschant mutin
Jacques Clément qui estoit jacobin. Jacques Clément,
Las
!
si
tu estois à naistre,
nous aurions nostre Roy, nostre maistre
!
Quelquefois, après un laps de temps plus ou moins long, un chant de tristesse
noble
et
gine n'était plus la
solennel se changeait en une parodie burlesque, dont l'ori-
même connue. Ainsi
la bataille
noblesse française autour de François
beau
et
I
er
de Pavie, où périt
fait
la fleur
de
prisonnier (i525), était un
lamentable sujet de chant populaire; on racontait surtout avec
admiration
la
mort héroïque de Jacques de Chabannes, seigneur de SCIENCES ET LETTRES. — 56
la
SCIENCES ET LETTRES.
442
Palice, qui se
tuer aux pieds de son roi.
fit
son honneur, commençait ainsi
La complainte, composée en
:
Monsieur de La Palice est mort, Est mort devant Pavie...
Mais un guré
siècle
et travesti
plaisant s'était
simple
et
ne
s'était
pas écoulé, que ce chant national avait été défi-
de manière à devenir méconnaissable,
amusé
à
le
rendre presque ridicule
Hélas!
en ajoutant, au début
s'il
:
n'estoit pas mort,
scroit encore en vie.
certaines circonstances, on voyait tout à coup reparaître, sous
une nouvelle forme, un vieux chant, qui n'avait chez
quelque mauvais
naïf de l'œuvre primitive, une sorte de coq-à-l'âne bouffon
Il
Dans
,
et
les vieillards, et
Ainsi, après
laissé
qu'un vague souvenir
qui semblait rajeunir en changeant de
la bataille
de Malplaquet
(i
nom et d'objet.
709), le bruit de la
mort du chef
de l'armée anglaise, lord Churchill, duc de Marlborough, ayant couru
dans l'armée française, cruellement maltraitée par ce général, on chanter,
comme pour
se consoler des désastres de la guerre,
se
mit à
une espèce de
complainte facétieuse, qui n'était que l'imitation d'une chanson populaire, intitulée le
Convoi du duc de Guise, que
tous par cœur, en dit le Balafré vieille la
,
1
sous
563, à les
la suite
l'eut
la
huguenots savaient
de l'assassinat de François de Lorraine,
murs d'Orléans. Voici quelques
chanson; voici ceux du moins qui offrent
Chanson de Malbrough, remise à
par
les soldats
cour de Louis XVI, quand
la
la
plus d'analogie avec
mode, deux
siècles plus
nourrice du dauphin,
apprise à Marie-Antoinette.
Qui veut ouïr chanson ? C'est du grand duc de Guise, Doub, dan, don, dan, dou, don,
Dou, dou, dou, Qu'est mort et enterré.
Qu'est mort et enterré.
Aux
le
couplets de cette
quatre coins de sa tombe,
M
me
tard,
Poitrine,
CHANTS POPULAIRES.
Doub, dan, don,
443
etc.
Quatr'gentilhomm's y avoit. Quatr'gentilhomm's y avoit, Dont l'un portoit son casque
Doub, dan, don,
etc.
L'autre ses pistolets.
L'autre ses pistolets,
Et l'autre son épée,
Doub, dan, don,
etc.
Qui tant d'Hugu'nots
La cérémonie Doub, dan, don,
a tués!
faite,
etc.
Chacun
s'allit
coucher.
Chacun
s'allit
coucher,
Les uns avec leurs femmes,
Doub, dan, don, Et
les
etc.
autres tous seuls.
Plusieurs savants, entre autres Génin, ont attribué une plus ancienne
Chanson de Malbrough ou du moins
origine à
la
chanson
dans laquelle on peut reconnaître, en
et
,
sentimentale des chants populaires du treizième
à
une partie de
tournure naïve
effet, la
Les exemples ne
siècle.
manqueraient pas, pour prouver que ces chants traversent dégageant de tous ils
ont
jailli
du Poitou
,
les siècles,
fait
du cœur du peuple. Les chantent encore,
prisonnier à
en se
souvenirs qui se rattachent à l'époque lointaine où
les
petits enfants,
comme une
dans
villages
les
antienne, cette strophe moitié
latine et moitié française, qui se rapporte certainement à la captivité
Jean,
cette
la bataille
de Poitiers (17 septembre
r
356)
du
roi
:
Christiana Francia
De
laquelle le chef est pris,
Splendens regni gloria
Aux armes
A côté des chants
la fleur
de
historiques, et dans la
chants romanesques.
ment
de
Comme
étudié cette poésie
l'a dit
du peuple,
lys.
même
catégorie,
un de ceux qui ont
« le
récit
y
est
brusque
il
faut citer les
le
plus profondé-
et
coupé
:
il
laisse
SCIENCES ET LETTRES.
444
les détails
Les
secondaires dans l'ombre
mêmes formes
et
ne s'arrête qu'aux
de langage y sont répétées plusieurs
des personnages sont reproduits textuellement,
comme du
refrain est quelquefois sans rapport avec le sujet
de ces petits poèmes est peut-être
dans nos différentes provinces,
et
de Renaut. C'est tout un drame
Dit
:
fois
qui est connu sous
la
récit. »
le
nom
de
guerre vint,
la
fenêtre en haut,
mon
Renaud.
fils
la mère. Renaud, Renaud, réjouis-toi,
Ta femme renaud. Ni de
est
accouchée d'un
ma femme,
Mon cœur
ni de
mon
roi.
fils,
ne peut se réjoui
;
Qu'on me fasse vite un lit blanc Pour que je m'y couche dedans. Et quand il fut mis dans son lit, Pauvre Renaud rendit l'esprit. [Les cloches sonnent
le
»
trépassement
la reine. Or, dites-moi, mère m'amie, Qu'est-ce que j'entends sonner
la mère.
Ma
fille,
ici ?
ce sont les processions
Qui sortent pour [On cloue
les
Rogations.
le cercueil.)
la reine. Or, dites-moi, mère m'amie, Qu'est-ce que j'entends cogner ici?
la mère.
Ma
fille,
c'
sont les charpentiers
Qui raccommodent nos
greniers.
[Les prêtres enlèvent
le
corps.^
la reine. Or, dites-moi, mère m'amie, Qu'est-ce que j'entends chanter
la mère.
Ma
fille, c'
Qu'on
fait
sont
les
discours
dans Homère. Le
:
Voici venir
;
Le plus beau
suivant, qui a reçu différentes formes
le
Quand Renaud Sa mère, à
traits saillants.
les
ici ?
processions
autour de nos maisons.
la reine. Or, dites-moi, mère m'amie, Quelle robe prendrai-je aujourd'hui
?
)
de Complainte
CHANTS POPULAIRES.
la mère. Quittez
le
Prenez
445
rose, quittez le gris.
le noir,
pour mieux
choisi.
la reine. Or, dites-moi, mère m'amie, Qu'ai-je
la mère.
Ma
donc à pleurer
fille, je
Renaud
est
mort
Et
Le chant
le
cacher
:
terre, fends-toi!
rejoigne Renaud,
j'
Terre
vous
et enterré.
la reine. Terre, ouvre-toi!
Que
ici ?
n' puis plus
mon
roi.
»
s'ouvrit, terre fendit,
la belle fut engloutie.
religieux, qu'il ne faut pas confondre avec
chant liturgique,
le
développé dans une sphère beaucoup plus étendue que
s'était
historique, puisqu'il comprenait
les
prières, les légendes, les
culte et
aux
fêtes
du chant religieux
les
anciens
monuments du chant
est la plus riche et la plus
France, a toujours été sincèrement attaché à est vrai,
que
le
la
populaire,
féconde en œuvres
naïves, empreintes de la foi et de la piété de nos ancêtres
il
vies de
de l'Église. Des trois catégories distinctes que nous
avons indiquées pour classer celle
chant
aux cérémonies
saints, les miracles, les cantiques et les chants appropriés
du
le
:
car
religion.
Il
le
peuple, en
faut avouer,
chant religieux populaire prenait parfois un ton facétieux
qu'une échappée naturelle de
l'esprit gaulois
et
goguenard, qui
et
qui ne changeait pas sensiblement son caractère distinctif. L'Eglise
s'était
dans
le
n'était
prononcée avec raison contre l'introduction des chants profanes sanctuaire, et elle n'avait admis aucun chant en langue vulgaire au
milieu des cérémonies réglées par
le rituel.
Cependant
résista
longtemps aux condamnations des conciles
l'objet
d'une sorte de tolérance liturgique, sous
et
les
la
Prose
'de
l'Ane
des synodes, et fut
auspices du peuple
qui répondait aux chantres, en imitant le braiment de l'âne (Voy. ci-dessus le
On
peut donc croire que, dans beau-
les
chants religieux en langue vulgaire,
chap. Croyances populaires.)
coup de diocèses, au moyen âge, qu'on désigne sous chants
sacrés
le
nom
générique de noëls, se mêlaient parfois aux
qui célébraient
la
naissance de Jésus dans l'étable de
Bethléem. Ces chants en langue vulgaire accompagnaient
la
procession
solennelle, qui se faisait la nuit de Noël, au son des instruments de
mu-
SCIENCES ET LETTRES.
446
sique, avec des (fig.
323).
costumes de bergers, autour de
Les assistants, qui représentaient
dit-on, dès
le
treizième siècle, un noè'l
la
crèche de V Enfant-Dieu bergers, avaient chanté,
les
commençant
ainsi
:
Seignors, or entendez à nous.
De
sommes venus
loin
à
vous
Pour qucrre Noël.
Un
autre noè'l, de
la
même
époque, lequel fut entièrement rajeuni au
seizième siècle, retraçait la foie des bêtes à la nouvelle de la naissance
du
saint Enfant et donnait lieu à des tours de force d'harmonie imitative,
lorsque
les
chanteurs imitaient successivement
ment du bœuf,
le
bêlement de
ment du veau. Ce noël
la
chèvre,
curieux à
est
Comme
chant du coq,
le
braiment de
le
le
Tarie et le beugle-
sous toutes réserves
citer,
mugisse-
:
les bestes autrefois
Parloicnt mieux latin que françois,
Le coq, de S'écria
:
voyant
loin
le faict,
Christus natus est
Le bœuf, d'un
Demande
:
air tout
(le
Christ est né)
;
ébaubi
Ubi ubi, ubi? (Où, où, où
?)
,
;
La chèvre, se tordant le groin, Respond que c'est à Bethléem. Maistre baudet, curiosus (curieux)
De
l'aller voir, dit
Eamus!
:
Et droit sur ses pattes,
Beugle deux
Ce
n'était là
fois
:
Volo! volo!
qu'une exception plaisante
distinguait des autres chansons religieuses
naïveté, au point de pouvoir passer
Bretagne surtout les
(Allons
!)
veau
le
:
(je
veux!
je
veux!)
car généralement
que par sa pieuse
le
noël ne se
et
touchante
pour un véritable cantique. C'est en
qu'il faut aller chercher les noëls les plus pittoresques et
plus émus, qui n'ont pas d'autre objet que de célébrer dignement
raculeuse naissance du Rédempteur. Dans toute
dans
les
villes
aussi bien que dans les
la
campagnes
la
mi-
France, d'ailleurs, ,
les
et
noëls gardèrent
leur ancien caractère, tant que les croyances restèrent maîtresses absolues
des cœurs chrétiens. Alors
composé en son honneur, sentiment de respect
et
le
et
divin le
Messie remplissait seul un chant
poè'te
ne s'inspirait que d'un profond
d'adoration. C'est à peine
s'il
consacrait
le
couplet
CHANTS POPULAIRES.
final à la
de
demander à Dieu
pensée humaine la
et
pardon des pauvres pécheurs. Mais peu à peu
égoïste s'empara de ce chant populaire, au détriment
pensée religieuse
remplaçant par degrés
Fig.
le
447
et
la
divine
,
et la
dévotion aux choses de
dévotion aux choses du
ciel,
les noëls
,
323.— Les
bergers célébrant la naissance du Messie, par des chants et par des danses. Fin du Fac-similé d'une gravure en bois d'un Livre d'heures imprimé par Antoine Verard.
conservant leur forme originelle édifiant, se
et
même
les
chantaient.
Beauce, par exemple, on chante encore aujourd'hui
Honneur à la compagnie De cette maison.
:
terre
tout en
xv
siècle.
au genre
changèrent en requêtes personnelles, adressées à Jésus
Très-Sainte- Vierge, dans l'intérêt de ceux qui
En
leurs prétentions
la
et
à
la
SCIENCES ET LETTRES.
448
A
l'entour de votre table,
Nous vous saluons. Nous sommes v'nus de païs Dedans C'est
ces lieux
pour vous
De
étrange
:
faire la
demande
Dieu.
la part à
composé et chanté pendant la Ligue, y a aussi un noël, très-long, rapport du sentiment et de ce noël, si remarquable sous le double
Il
et
un chant populaire,
l'expression, est réellement
tr.
Jllcgretlo.
Ai
religieux et politique à
Na-ti
lai
-
Chanlon, je
vi - tai
vo
su -pli
-
e
Levaibeam-
lai
Duco-don
V—b-F— mail-lô-tai Jeusqueai nos'hu
mi
-
li
Po
no
déchar- bô
-
e,
la
musique notée; d'après
tr.
qui Fig. 3»4.
no
li
—Noël
-
e.
en patois bourguignon, avec
les
Noei borguignon
de Gui Barô\ai, publ. par Bernard de La Monnoye.
la fois,
où
les
bons catholiques déplorent
le
malheur des temps. Trois
pièce, couplets de ce chant pathétique feront connaître l'esprit général de la
qui mériterait d'être citée en entier.
Nous
te
requérons, à mains jointes,
Vouloir ouïr nos griefves plaintes, Nous, pauvres pastoureaux;
De
toutes parts
On nous
on nous saccage, on nous ravage,
détruit,
Et brebis
et
agneaux.
Le
soldat, tous les jours, sans cesse,
En
nos casettes nous oppresse,
emporte tout il nous rançonne nous donne souvent départ, son Encore un meschant coup.
Pille et Il
A
nous compresse,
:
;
CHANTS POPULAIRES.
449
Que si bientost tu n'y prends garde, Nous mettant sous ta sauvegarde, Hélas!
c'est fait
de nous.
Oste-nous donc de ces misères, Fais cesser nos civiles guerres,
prions à genoux
Te
Le noël
prit bientôt tous lestons, toutes les allures.
un chant religieux
Fig. 325.
!
:
c'était
Ce ne
fut plus
même
un cadre qu'on pouvait étendre à volonté pour
— Chanteur de complaintes
s'accompagnant sur
la viole.
Miniature d un ms. du
xm'
siècle,
n° 6819. Bibliothèque nationale de Paris.
y
faire entrer toutes les allusions
aux événements du jour, tous
les portraits
des personnages qu'il s'agissait de railler ou de flatter, toutes les inven-
l'épigramme
tions de
et
de
la
satire.
Le poëte
faisait
crèche de Jésus une foule d'individualités anciennes
comme était
les rois
il
devant
la
modernes, qui,
mages, apportaient des présents à l'Enfant divin. Le noël
devenu burlesque, grivois, impertinent
d'ordinaire
et
défiler
n'était
et
quelquefois impie; mais
que l'expression malicieuse de
la
gaieté populaire.
SCIENCES ET LETTRES.
—
5j
SCIENCES ET LETTRES.
45o
Voici un seul couplet qui présente un assez piquant échantillon de ce que
pouvait être
le
noël du seizième siècle
:
Messire Jean Guillot,
Curé de Saint-Denis, Apporte plein un pot
Du
vin de son logis.
Prestres et escolliers,
Toute
icelle nuictée,
Se sont mis à sauter,
Chanter Ut, ré, mi,
fa, sol,
la,
la la,
A Les cantiques
que
les
et les
gorge desployée.
complaintes religieuses conservèrent plus longtemps
Ce sont bien
noëls un caractère de dévotion pure.
populaires qui ne sortent pas de
la
là
des œuvres
fabrique d'un poë'te de profession;
ressemblent à des prières, à des oraisons, mesurées au rhythme de
modie
ecclésiastique. C'étaient les pèlerins, les
et
ces interminables histoires de saints et de saintes, Geneviève de et tant d'autres, véritables
âge, chefs-d'œuvre de naïveté et de
foi,
que
la
la psal-
montreurs de reliques,
vendeurs de médailles bénites, qui chantaient d'un accent lent
Saint Roch, Saint odntoine,
elles
les
monotone Brabant,
poèmes du moyen
tradition perpétue de nos
jours en les rajeunissant, et qui survivront peut-être pendant des siècles à
des œuvres littéraires que
de l'indifférence
et
poésie lettrée est impuissante à sauvegarder
la
de l'oubli
(fig.
32
1).
permis, par exemple, d'as-
Il est
signer une date très-ancienne à un cantique modernisé, qui débute ainsi C'est sainte Catherine,
La
fille
d'un grand roi
:
Son père était païen, Sa mère ne l'était pas.
Ave Maria, Sancta Catharina, Dei mater, alléluia.
Un
jour à sa prière
Son père «
la
trouva
Catherine, ô
ma
:
fille,
Catherine, que fais-tu
Ave Maria,
etc.
là
?
»
:
CHANTS POPULAIRES.
«
mon
J'adore, j'adore,
Le bon Dieu que C'est le
Dieu de
Votre Dieu
Fig. 326.
—
ma mère
n'est pas là.
Ave Maria,
Fdition de Bàle, i5o8, in-4
se rapportent à la
:
»
etc.
La Musique personnifiée. Fac-similé d'une gravure sur
Les légendes qui
père,
voilà.
bois de la
Margarita philosophica.
.
Vierge forment une classe à part,
sont empreintes souvent d'un charme singulier. Plusieurs récits du
âge furent consacrés à célébrer sa miséricorde
au
nom
de sa maternité, sur Dieu lui-même.
recueillie
par M.
le
et le
est
morte
cette nuit
morte sans confession. Personne ne la va voir,
Elle est
:
moyen
pouvoir qu'elle exerce,
Une chanson
comte de Mellet, roule sur ce sujet. En
Une âme
et
périgourdine,
voici la traduction
:
SCIENCES ET LETTRES.
4 5a
Excepté
Sainte Vierge.
la
Le Démon
est à l'entour
mon
Tenez, tenez,
«
Accordez-moi
le
:
Jésus,
fils
pardon de
cette
— Comment voulez-vous que Jamais
si
bien à moi,
Elle m'a bien
—
Eh
Dans
pardonne
?
ne m'a demandé de pardon.
elle
— Mais
pauvre âme.
je lui
mon
Jésus;
fils
demandé pardon.
ma mère, vous le voulez? moment même je lui pardonne.
bien!
le
»
Les chants populaires domestiques sont innombrables extraordinaire.
dans le
le
Ce
sont ceux qui ont
fait le
cœur du peuple. L'amour conjugal
nombre de
plus grand
ces chants;
y sont vivement exprimées
et
mieux vibrer et
d'une variété
et
la
corde humaine
l'amour maternel ont inspiré douleurs de
les joies et les
la
famille
souvent avec un rare bonheur d'expression
On
les métiers, les industries y racontent leurs peines et leurs plaisirs.
;
y
va tour à tour de l'épigramme à l'élégie, de la confidence intime des senti-
ments de l'âme
les
plus tendres et
les
plus délicats aux plus folles
,
aux
plus capricieuses boutades de l'esprit; on y voit se dérouler tour à tour les différentes positions de la vie sociale. et
subdivisent à
l'infini
chansons de soldat
:
de laboureur, de pêcheur taires, tels
Ces chants domestiques
et
et
de marin
se divisent
de berger
,
et
de chasseur; chansons d'artisans séden-
que forgerons tisserands ,
,
cordonniers
,
fileuses
,
menuisiers
;
chansons de compagnonnage; chansons qui se rapportent aux travaux de la
campagne,
ques
;
tels
que semailles, moissons, vendanges; chansons
chansons qui
mille, mariage,
aux diverses phases de
et
badines; rondes
et
la
M. Ampère. Jamais on
Instructions
du Co-
n'a rien écrit de plus ingénieux, rien
de plus substantiel, rien de plus net sur
Et toutes ces chansons
,
les
chants populaires de
la
France.
qui n'ont pas d'auteurs connus ou qui furent
adoptées par ce grand poè'te
anonyme
sont réellement des chants populaires les
les
etc.
langue, de l'histoire et des arts de la France, qui ont été
rédigées par
avec
etc.;
chansons de l'enfance,
trouvera des types de tous ces chants dans
mité de
l'existence de fa-
baptême, première communion, mort, veuvage,
chansons bachiques
On
se rattachent
satiri-
œuvres individuelles de
la
et collectif et
qu'on appelle
le
Peuple,
ne doivent pas être confondues
poésie lettrée
,
souvent médiocres
,
que
CHANTS POPULAIRES.
Montaigne dédaignait
comme
sans honneur
«
et
453
sans prix
».
Quelques-uns
de ces chants populaires peuvent passer pour des chefs-d'œuvre, en dépit de leur insuffisance paraît fausse, s'éloigne
et
de leurs fautes grammaticales. La mesure du vers
rime
la
du sens; mais
ces petites compositions n'en ont pas
physionomie charmante,
et l'on
Les poètes de profession, pas de
les
Fig. 327.
remplacée par une assonance, l'expression
est
les
y reconnaît
le
type de
la
moins une
poésie du peuple.
grands poètes eux-mêmes, ne dédaignaient
imiter, en leur prêtant une forme plus correcte qui n'ajoutait
— Minnesingers.
rien à leur
charme
Poésies des Mmnesingers, ms. du xiv e siècle. Bibliothèque nationale de Paris.
natif.
qu'un gentilhomme de
Voici un couplet brabançon du quinzième siècle,
cour de Bourgogne, Georges de Lalaing, avait
la
retenu et qu'il écrivit sur l'album d'une belle dame, Hélène de Mérode Elle s'en va
Le
Sa quenouille
filant
Tant il la Tant
bon
même album
chantait dans
le
aux champs,
fait il
la fait
;
la petite bergière,
son troupeau suyt derrière.
veoir, la petite bergière,
bon
veoir.
nous a conservé aussi une ronde villageoise
Hainaut Nous Nous
:
estions trois
sœurs tout d'une volonté,
allîmes au fond du joly bois jouer...
Vray Dieu
!
:
Qu'il est heureux, qui se garde d'aimer
!
,
qui se
SCIENCES ET EETTRES.
4-H
La plupart de
ces
populaires, que tout
chansons étaient composées sur des
monde
le
montait souvent à plusieurs été fait
en
même
temps que
du peuple, qui
savait alors, et dont l'origine inconnue re-
siècles.
(fig.
ville, et
particuliers, qui étaient déposés
il
appartenait aussi à
presque chaque village, eut ses chants
dans
la
mémoire des
idées, des croyances, des
mœurs,
idiome en circonscrivait
conservation dans
se parlait.
De
musique
la
326).
familles indigènes,
dans des archives locales. Ces chants représentaient
la
chant avait
le
temps à trouver des mélodies exquises,
a excellé de tout
simples, gracieuses et touchantes
comme
Quelquefois néanmoins
les paroles, et
Chaque province, chaque
également
airs,
tradition des
la
surtout de l'idiome du pays, les limites
de
la
région où
une prodigieuse quantité de chants populaires qui
là
et cet
incrustés dans tous les patois, et qui datent de toutes les époques.
il
se sont
Le patois
change, flamand, picard, normand, poitevin, bourguignon, provençal, auvergnat, languedocien, mais toujours ple,
on entend
la
voix du peuple.
On
et
partout on sent l'âme du peu-
peut se rendre compte de l'ancien-
neté de quelques-unes de ces chansons, malgré
lorsqu'on entend
lecte,
régler la ces
mots
marche de latins
:
ces
I bos
les
animaux par un chant
et
le
rajeunissement du dia-
paysans du Berry qui labourent avec des bœufs inintelligible,
entrecoupé de
Sta bos (Marche, bœuf! Bœuf, arrête
!).
Il
ne faut
donc pas s'étonner de retrouver dans plusieurs chants populaires du pays Chartrain
et
de l'Auvergne ces refrains, la guilloné
l'on
reconnaît
mots
:
Gui
le
chant d'origine gauloise, qui se
l'an neu, et qui a
et la
guillona, où
terminait par ces
survécu longtemps aux cérémonies druidi-
ques.
Les différentes races d'hommes établies en Europe, qui composent cette partie du laires, et ils se sont
monde, ont eu
montrés jaloux de
ments de leur nationalité
:
les
les différents
jadis leurs chants
conserver
comme
les
rechercher soigneusement
vestiges.
Ce sont
ments de
l'histoire des peuples.
là,
en
popu-
monu-
car ces chants populaires étaient bien l'expres-
sion native du caractère de la nation qui les avait produits.
maintenant de
des
pays
effet, les
plus rares
et
s'occupe
d'en conserver les précieux
et les
L'Allemagne, dont Charlemagne avait déjà
On
fait
plus intéressants docu-
rassembler
les
chants
CHANTS POPULAIRES.
nationaux, pour
,
4 55
léguer à la postérité, vit ces vieux chants se tra-
les
duire en longs poèmes, vers
le
douzième
siècle, et
former
la
magnifique
épopée des Niebelungen. Les poètes allemands créèrent alors une nouvelle famille de chants, qui étaient destinés, par leur nature
populaires, mais qui ne doivent pas, pour
comme
des œuvres émanées du peuple
teurs d amour), qui ont 1
par
J.
du luth
Amman,
à devenir
plupart, être considérés
même. Les Minnesingers
composé un grand nombre de
Fig. 328. -- Musiciens allemands jouant
et
de
la guitare,
dessinés
(chan-
ces chants lyri-
et
gravés
xvi 1 siècie.
ques, différaient peu des troubadours de les
la
même,
la
France méridionale
(fig.
327)
Meistersingers (maîtres chanteurs) avaient plus d'analogie avec
;
les
jongleurs de la langue d'oil. L'œuvre des Minnesingers resta, du dou-
zième au quatorzième les
siècle,
renfermée dans
les
cours des princes, dans
châteaux des seigneurs, qui tenaient à honneur d'être eux-mêmes des
chantres d'amour, et qui faisaient une guerre implacable aux vieux chants
populaires de faite
pour
le
la
Germanie. L'œuvre des Meistersingers, au contraire,
peuple
et
pour
la
bourgeoisie
(fig.
328).
Ces poètes
était
et ces
musiciens, qui exploitaient un genre de littérature plus conforme au génie
SCIENCES ET LETTRES.
4 56
allemand, n'eurent pas de peine à imposer silence aux Minnesingers
quinzième
leur succéder, au
poésie, qui contenait les
et à
en popularisant un nouveau genre de
siècle,
loin Poésie
germes de Part dramatique. (Voy. plus
NATIONALE.)
Les chants populaires de l'Allemagne sont surtout dignes d'attention,
quand
ils
sousla forme éminemment poétique de
se présentent
doux
caractère de la ballade allemande a quelque chose de
le
ballade
;
de mélan-
et
que de jugé (pour nous servir de l'heureuse exprès-
colique, de senti plutôt
Hiug-gu
la
hior-vi!
merîh
vèr
Hilt
lae
-
mikjafu
ir
-
au
a=3 at
uni;
Baid-uis
Drekkma
=z\
a
Fig. 329.
—
fod
-
-
bjôr
bekk
ur
i
Kern
-
veit
a
biûg
bragd-i
at
~1--=1=pj-1==i-
;
bûn
- i
ek racdh
-
ek
at
vid
mu
-
smul
haus
~T^F^rFrrfFS ord
œdr-u
til
hall-ar.
\idr-is
Chant de l'Épée. Mélodie originale du Krakumal,- ancien monument des scaldes Scandinaves
M. Legis. Chacune Nous avons combattu avec l'épée.
reproduction de publié par Fétis, dans son Histoire de la musique, d'après une 28 strophes de cette mélodie
sion de
M.
commence par un
Fertiault), d'agréablement
Elle offre, d'ordinaire,
semble
les
elle laisse
un
et
a,
petit
drame, où
deviner plus qu'elle n'en
comme
la
domestiques. Elle
et
:
vague
éléments lyriques, scéniques
de l'âme qu'elle exhale
magne
vers signifiant
et
d'éminemment touchant. fondent en-
se réunissent et se
et familiers.
dit, et c'est
des
Pensive, mystique,
comme un parfum
épuré
qui pénètre, qui émeut profondément. L'Alle-
France, ses chants populaires historiques, religieux les a
peut-être
mieux conservés que nous.
L' Angleterre est riche aussi en ballades anciennes, qui
ne
le
cèdent pas
ballade anglaise affecte, de préférence, des ten-
à celles de l'Allemagne.
La
dances épiques; simple
et naïve, elle se laisse aller
volontiers à des déve-
CHANTS POPULAIRES.
loppements qui
lui
donnent
-P7
proportions d'un poë'me en plusieurs
les
chants. Mais, quelle que soit son étendue, quelle que soit sa forme poétique, elle* se plaît à délicats, en
exprimer
évoquant
les
les
sentiments
plus tendres
les
—
Gondole vénitienne,
de
tirée
attribuée à Jost
Grande procession du Doge
la
Amman,
blié les la
«
Les contes de
Chants des Ecossais,
les
brumeux
la tradition, dit
pendant
les
à Venise, pl. in-fol.
et
de ses montagnes cou-
Walter-Scott, qui a pu-
chansons accompagnées de
harpe du ménestrel, étaient probablement
l'ennui,
se reflète la
publiée à Francfort en i?Q7.
poésie de ses sites sauvages, de ses lacs vertes de sapins.
plus
légendes merveilleuses de l'antique Bretagne.
L'Ecosse possède encore une foule de ballades nationales, où
Fig. 33o.
et les
les
la flûte et
de
seules ressources contre
courts intervalles où les Highlanders se reposaient de
leurs aventures guerrières.
»
On
reconnaît
la
source où Macpherson a
puisé les inspirations fantastiques et mélancoliques de son Ossian apo-
cryphe. L'Irlande est également
tière
de ses ballades nationales, SCIENCES ET LETTRES.
—
et 5tS
Thomas
SCIENCES ET LETTRES.
4 58
Moorc, qui
les a
publiées pour
la
première
fois,
leur
donne
la
préférence
sur les ballades écossaises.
En Danemark, dant des
siècles, la seule histoire qui se
Tous
tion.
en Suède, en Norvège,
chant populaire a
le
transmît de génération en généra-
nommés
ces pays eurent des poètes nationaux,
chantaient, sur les
champs de
pour animer
bataille,
scaldes, qui
les guerriers (fig. 3'2g).
Ces poètes, guerriers eux-mêmes, improvisaient, aux sons de des chants rhythmés, dans lesquels
naïve
et solennelle, les
grands
de leurs héros, qu'ils asso-
mythologie d'Odin. Le peuple s'abreu-
la
vait sans cesse à ces sources de poésie belliqueuse,
vage
marins, soldats, chasseurs, chacun
:
harpe éolienne,
anonymes
nom
pour
laissait
ainsi dire,
vraiment populaires
,
de Kemperiser.
inier, et
qu'il avait,
,
mélancolique
ont formé
le
sau-
la
œuvres
et ces
connu sous
recueil
Suède,
dit
la
le
M. Mar-
ressemblent beaucoup à ceux d'Ecosse, d'Allemagne, de Hollande
de Danemark. Les Danois ont été pendant assez longtemps en relation
immédiate avec l'Angleterre, pour y répandre
et
héroïques, des légendes d'amour ou de religion.
La Russie
et la
logne,
le
chant populaire
en Russie,
il
pour y puiser des
chantent leurs joies
et
domestique; ce sont
leurs tristesses.
La
intitulé
Danit^a,
tiennent à une époque très-reculée.
ressem:
en Po-
chevaleresque; les
paysans qui
Servie et les provinces danu-
biennes ne sont pas moins riches en chants populaires
semblés dans un recueil
se
même époque du moyen âge
est surtout historique, guerrier et
est plutôt religieux et
faits
»
Pologne ont des chansons populaires, qui ne
blent pas, et qui datent pourtant de la
et
et
vibrer les cordes de
au fond de Pâme,
Les chants populaires de
«
harpe,
la
racontaient, sous une forme à la fois
ils
faits militaires
aux sombres divinités de
ciaient
pen-
été,
et
:
ils
ont été ras-
beaucoup d'entre eux appar-
Ce sont surtout des chants de guerre
des chants d'amour, qui se distinguent par une exquise délicatesse.
Grèce moderne a
recueilli, à l'exemple
de
la
Servie, avec
ses anciens chants populaires, qui conservent
quité, sous la
les
respect,
souvent un parfum d'anti-
forme d'une ballade légendaire du moyen âge. Quelques-
uns de ces chants sont contemporains de par
un pieux
La
croisés français, au
douzième
la
conquête de Constantinople
siècle,
et
Moréc, qui devint alors une principauté française.
de l'occupation
de
la
CHANTS POPULAIRES.
L'Italie ne
45 9
nous donne pas pour des chants populaires
les
chansons
(can^oni) composées par ses poètes, qui se qualifiaient de diseurs en rimes et
de fidèles d'amour, à l'exemple- des troubadours de Provence
guedoc. Ces poésies, pleines de concetti, de métaphores
Guido Cavalcanti, aux Cino de
galanterie raffinée, aux
Orlandi le
et à tant d'autres fidèles
peuple qui ne
les
d'amour, mais
la
monde
le
Pistoia,
poésie
Au
musique.
et la
de
la
aux Guido
pénétrèrent peu dans
elles
comprenait pas ou qui s'en moquait. Le rhythme
chant étaient, en quelque sorte, des besoins sont innées
d'exagérations
et
mystiques, firent sans doute beaucoup d'honneur, dans
de Lan-
et
et le
dans ce pays, où
instinctifs,
siècle dernier, les
gondoliers de
Venise chantaient encore des vers du Tasse, en conduisant leurs barques (fig.
33o).
Mais
ce n'est point là le chant populaire;
dans
les
nombreux patois, qui
que,
et
qui
bourgade, qui
académi-
n'y a pas de petite ville, de petite
Il
n'ait sa littérature locale et qui
œuvres naïves,
faut aller le chercher
rivalisent avec la langue italienne
surpassent souvent.
la
il
ne puisse s'enorgueillir des
spirituelles et poétiques de ses enfants.
En Espagne,
plus encore que dans toute autre contrée de l'Europe,
chant populaire a une physionomie bien tranchée, bien originale
;
le
ce n'est
plus la forme de la ballade rêveuse et mélancolique, gracieuse et délicate.
Nous sommes
ici
dans
mère-patrie de
la
la
romance, c'est-à-dire du chant
héroïque, analogue aux anciennes chansons de geste écrites en roman.
Rien ne répond mieux,
d'ailleurs, à la définition la plus juste
donnée du chant populaire. tables histoires
De même que
«
du moyen âge espagnol,
les
romances sont
poëme du Cid, M. Damas-Hinard,
ment
Le peuple espagnol,
amour
ces chants, dont
sieurs siècles et
il
était
le
les
lui-même
orner
et
les véri-
en sont égale-
elles
poète des romances, a composé avec
dans chaque génération,
sont à l'envi appliqués à
ait
a dit excellemment le savant
traducteur du la poésie.
qu'on
le
les
sujet et le héros.
hommes
à les embellir.
les »
Durant plu-
mieux doués
La
se
partie la plus
importante du Romancero se compose des romances du Cid, qui datent, suivant cette
les critiques,
du onzième ou du treizième
siècle;
mais, bien avant
époque, l'Espagne avait des chants populaires, qu'on doit
monter au
roi
Rodrigue,
c'est-à-dire
faire re-
au huitième siècle, sans qu'on
puisse élever de doutes sur l'authenticité de ces poésies nationales, qui
SCIENCES ET LETTRES.
4(">o
portent avec elles
cachet indélébile de leur origine.
le
Quant
tion des chants populaires espagnols, depuis la conquête de
Gonzalve de Cordoue, en 1492, jusqu'à serait
si
les
la
Grenade par
du seizième
considérable, qu'on n'a pas osé entreprendre de
tard on aura bien de
que
la fin
la
à la collec-
siècle,
elle
réunir, et plus
peine à retrouver ces belles romances historiques
muletiers de l'Andalousie chantaient naguère, aux veillées de
posada, en s'accompagnant de
Fig. 33
1
.
-
Trouvère
mandoline.
la
français, d'après
ms. du xiv
siècle.
un dessin des Poésies de Guillaume de Machaut,
Bibliothèque nationale de Paris.
la
POÉSIE NATIONALE poésie vulgaire. — Troubadours, trouvères et jongleurs. — poésie latine. — Origines de — — Marie de France. — Roman du Renard. — Bible Guyot. école. son Thibaud de Navarre Rutebeuf. — Roman de Rose. — Les Minnesingers. — Dante.— Le Romancero. — Les Meistersingers. — Pétrarque. — Poètes anglais; Chaucer. — Eustache Deschamps, Alain Chartier, Charles d'Orléans, Villon. — Chamcour de Bourgogne. — Poésie latine moderne. — Poèmes chevaleresques bres de rhétorique. — Poètes de — Clément Marot son école. — Les poésies épiques, Tasse, Camoens. — Poètes de l'Allemagne en son école. — La poésie sous les Valois. des pays du Nord. — Ronsard
Décadence de
la
la
et
la
la
le
et
Italie.
et
et
—
ne
fois les
Barbares établis sur
les
ruines
de l'empire romain d'Occident,
M. Charles Nisard, un
à qui
dit
»
nous devons
brillant tableau de l'histoire de la
poésie chez les différents peuples de
l'Europe, la
la
«
chute de l'éloquence
et
de
poésie s'accomplit avec une incroya-
ble rapidité. écrit
son
Boèce, dans sa prison,
traité
de
la
Consolation phi-
losophique, et meurt, peu après, dans les
supplices (524).
Ce
traité,
où
aux plus tendres sentiments de
la la
plus belle morale de l'antiquité se mêle résignation chrétienne, est
la
dernière
protestation d'un art qui s'éteint; c'est la voix du cygne exhalant ses dernières mélodies sous le couteau qui l'immole.
Boèce, en
effet, fut
»
un des derniers Romains qui surent
latins frappés au coin de l'antiquité classique.
dose
le
Grand,
la
poésie latine n'avait
fait
Depuis
que décliner
désuétude; l'Église ne s'en servait plus guère que pour
Voilà pourquoi
la
le
les
écrire en
vers
règne de Théoet
tomber en
hymnes sacrés.
plupart des poètes, du cinquième au septième
siècle,
SCIENCES ET LETTRES.
4 62
saint Paulin, Sedulius,
Venantius Fortunatus,
Prosper, Sidoine Apollinaire, Juvencus,
saint etc.,
ne s'exercent que sur des sujets pieux ou
moraux. Le chant des hymnes, dans combattre
à faire disparaître
et
déshonnêtes que
les
les
Romains de
hymnes triomphèrent, avec
à répéter. Les
destiné a
était
chant de certaines poésies hérétiques ou
le
Barbares ou
de l'Église,
l'esprit
La langue romane, qui, sous
la
la
décadence se plaisaient
pudeur
et la foi.
diverses formes, eut cours par toute
l'Europe, du sixième au dixième siècle, ne produisit pas d'autres ouvrages
de poésie que des chants populaires, qui se transmettaient de génération en génération, et qui, n'ayant pas été recueillis,
S
comme
les
chants
unrqucfcurTtcttb yiduêfcrnolpnficuvxç
—
Fig. 332.
Poésies d'Horace; fragment de l'ode à Mécène, ms. du x e siècle.
Hibliothèque nationale de Paris.
tudesques
le
furent par ordre de Charlemagne, s'effacèrent de
du peuple (voy
.
le
chap. Chants populaires).
par un petit nombre de (fig.
3a5),
de clercs,
lettrés et
mais dénaturée par
les
de
la
langue romane du nord
et
de
Les plus anciens monuments de sainte Eulalie, les
la
la
siècle,
d'abord
citer le
rieurement
le
la
c'était
toujours
poésie latine
la
Il
faut des-
premiers échantillons poétiques
langue romane du midi de poésie française sont
la
la
France.
Gantilène de
deux poèmes du manuscrit de Clermont-Ferrand, con-
sacrés à saint Léger et à la Passion
onzième
les
mémoire
Quant à la poésie écrite, cultivée
mots de création nouvelle.
cendre au dixième siècle pour rencontrer
la
de Jésus-Christ,
et,
plus tard, au
Chanson de saint Alexis. En provençal, nous devons
Mystère des Vierges sages
et
des Vierges folles,
et anté-
Po'Jme de Boèce. C'est une pièce de deux cent cinquante
vers, sur la captivité de
Boèce
:
ces vers de dix syllabes sont divisés en
POÉSIE NATIONALE.
stances inégales,
et
terminés dans chaque stance par une
masculine. Cette espèce de siècle. Telles
Dès
cette
comme
la
sont
poëme
poésie vulgaire est fondée sur l'accent et l'assonance,
la
poésie latine rhythmée.
mode
paraître.
musical en jouant de
donc certain que
est
Il
rime
certainement antérieure au dixième
est
On
peut affirmer, de plus, que cette
les
jongleurs, qui répétaient des vers
poésie vulgaire était chantée et que
sur un
même
origines de notre langue poétique.
les
époque,
46 3
la viole,
avaient dès lors
premiers trouvères
les
et
commencé
à
troubadours
furent contemporains de la formation de cette langue romane, qui s'expri-
mait en vers accentués, syllabiques le
troubadour, au midi,
et
consonnants. Le trouvère, au nord,
était le poè'te
sachant trouver (trobar), c'est-à-dire
inventer, et donnant à sa pensée une forme littéraire.
de troubadours avant
le
onzième
lante de cette poésie nouvelle fut
1070, lequel, à la
cogne.
On
a
locales.
sine,
il
romane. Après
et
les
qui prouvent
lui
et
(fig.
troubadours en plusieurs écoles
il
de Béziers.
Raymond
Il
le
fameux Pierre Cardinal,
Vidal est
l'école
de Narbonne;
Raimbaud
de Vaqueiras
Rome,
l'humeur gaie, maligne
l'école
de
provençale, qui
de Folquet de Marseille; illustres.
l'intelligence et
Pons de
Raymond Gaucelm,
noms non moins
Ces troubadours ont l'imagination vive, taisie capricieuse,
et
et
de l'école de Toulouse;
la gloire
ne reste plus à parler que de
faudrait citer cent autres
se reflète plus
Bernard de Ventadour
et
vingt autres. L'école d'Auvergne est fière d'avoir pro-
326).
s'enorgueillit de
déjà
de Gascogne on a rattaché Geoffroy Rudel, Arnauld
Guillaume Riquier, de l'école
l'état
peut-être la plus importante, c'est l'école limou-
un vigoureux satirique,
Capdeuil
de Gas-
et
poésie s'épanouit de toutes
lui, la
dont Bertrand de Born, Gaucelm Faydit
de Marveilh
l'ère bril-
Guillaume IX, comte de Poitiers, né en
convient de subdiviser
La première,
A l'école
mais
Le premier qui ouvrit
publié plusieurs pièces de
sont les chefs.
duit
ne connaît pas
mort de son père, devint duc d'Aquitaine
florissant de la langue
parts, et
siècle.
On
caustique.
prompte,
la
fan-
Leur poésie, où
ou moins un rayonnement lointain des poètes de l'ancienne
est toute
méridionale;
inspirations de l'amour ou, terie la plus raffinée;
elle se
consacre presque exclusivement aux
du moins,
elle se plaît
à l'expression multiple de la galan-
dans
les
rêves tendres; elle s'entoure
SCIENCES ET LETTRES.
464
sans cesse des images de la nature
charme de
la société
plus polie,
la
gneur, bourgeois ou
plus riante. Cette poésie faisait
la
chacun,
et
honneur
d'artisan, tenait à
fils
fût prince
qu'il
compte plus de deux cents troubadours, qui, pendant dèrent avec succès tous
les
genres de
poésie
la
Ces œuvres, encore inédites en grande
sei-
d'être poète.
trois siècles,
romane
On
abor-
qui ont laissé
et
une innombrable collection d'œuvres charmantes, ingénieuses cates.
ou
le
et déli-
partie, avaient eu de glo-
Mouvement animé.
Us gays
»
co-nortz
me
gay-a
fai
—g—»— " J~j~^f~H— — — — i
e
é
|
sem
gai
-jyj
-
:
io-ios
gai
a -
-
ton
-ggai
ri
-
re.
cors ben
6T tan.
es
Pergai-
33
—r"i~"^~r?n— -
ap gai
gai fag
so
le - grar.
I
a
-
mm
±±=5=
~
zi-rier
-
chan
ga-ya
far
±
I
Gay de
blan.
men
-
Ab cuy
tro
bom
gai so
e
—e
* Gai
!alz
-
-
culh-ir.
ia
Gai de
port.
Gai
io
-
m Gai -a
Gaiioi, Gai pretz. Gai Fig. 333.
al-bi
beutalz. Gaichan-tar, Gai
— Chanson
sen.
I -
Gaidilz
- re.
soi gais, car soi sieus
eu
du troubadour Pons de Capdeuil, avec
la
pla
li
-
-
zen.
men
na
musique; publiée par
Fétis,
d'après un ms. de la Bibliothèque nationale de Paris.
rieux échos jusqu'en Italie, puisque Dante et Pétrarque en faisaient leurs délices.
Les poésies des troubadours se distinguent, en
de l'invention,
la
effet,
par
grâce
science du rhythme, la variété infinie de la forme, l'a-
bondance des images
et la richesse
d'amour, des pastorales
;
mais
il
du
coloris.
Ce sont surtout des chansons
fout aussi mentionner quelques pièces
religieuses et des satires, souvent terribles, qu'on désignait sous
sirventes.
la
le
nom
de
POÉSIE NATIONALE.
465
Lorsque quelques jongleurs nomades du Midi apportèrent des troubadours dans
du centre le
du nord de
et
commencement du
France, vers
treizième siècle,
long-
provinces avaient depuis
ces
poésies
provinces
les la
les
temps une poésie indigène en langue vulgaire, et elles possédaient des poètes
qui s'étaient
nommés eux-mêmes trou-
vères
334), pour se distinguer
(fig.
des jongleurs que leur profession subalterne avait habitués depuis trois ou
quatre siècles à chanter des chants populaires en jouant de divers instru-
ments à cordes. Dès que
romane de
la
la
langue
France du nord eut
fait
assez de progrès pour devenir une lan-
gue
écrite, la poésie fut
spontanée.
Ce
fut
son expression
pour indiquer
gne de démarcation qui séparait
gue
la
li-
la lan-
romane du midi
d'oil et la langue
que cette dernière prit à son tour le nom de langue d'oc. Mais tater
que
les
il
faut bien cons-
trouvères, malgré certai-
nes imitations locales de
poésie des
la
troubadours, n'ont avec ceux-ci au-
cune analogie d'invention de génie poétique.
Ce sont
res qui eurent l'honneur créer, dès le
littéraire ni
onzième
les
trouvè-
immortel de
siècle
ou aupa-
vant, ces chansons de geste et ces ro-
mans de
chevalerie que tous les peu-
Fig 334 .
pies ont admirés, traduits, imités, et
_ Trouvère s accompagnant .
_
xii° siècle.
que
la
littérature
de
la
langue d'oc
n'a jamais su inventer. (Voyez ci-dessus
le
sur la viole
,
au portail de r abbaye de Saint-Denis.
scll, P tl "- c
chap. Romans.) SCIENCES ET LETTRES.
59
SCIENCES ET LETTRES.
466
La langue absolument
que
cToil,
différents, qui représentaient
chants populaires et les
et les traditions
poésie épi-
la
réellement au mileu de elle leurs
aux sons de
nationales pour en faire les chansons
romans chevaleresques, appartenaient
domestique des cours princières
pour
en quelque sorte
poésie légère. Les grands trouvères, ceux qui recueillaient les
et la
de geste
dès son origine, avait produit deux familles de poètes
et
des châteaux féodaux
noblesse guerrière, et
la
parfois au service
vivaient
ils
;
ne composaient que
ils
longs poèmes nationaux, qu'ils récitaient solennellement, viole,
la
dans
tiques.
Nous avons résumé
moyen
âge.
Mais
les petits
les
festins
et
assemblées aristocra-
les
romans au
ailleurs tout ce qui concernait les
trouvères, qui avaient
pu jusqu'à un
certain
point subir l'influence des troubadours et qui n'étaient souvent que des
nomades, créèrent
jongleurs d'oil. Ils
comme
eurent,
rotruenges ;
ils
les
la littérature
galante et joyeuse de la langue
troubadours, des serventois, des descors, des
empruntèrent
les lais
aux chanteurs bretons;
ils
inventè-
rent les jeux-partis, les fabliaux et les contes , qui sont bien français.
Le
fabliau est ce qu'il y a de plus parfait et de plus scandaleux, hélas
dans
le
bagage des trouvères
et
des jongleurs de
la
parfois des chefs-d'œuvre de naïveté et de malice qualités se prête
du genre
;
il
abonde en
traits excellents.
langue ;
d'oil.
!
Ce sont
style a toutes les
le
Le vers de
merveilleusement a ce genre nouveau. Dans
huit syllabes
plupart de ces
la
contes, qui sont trop souvent orduriers et méprisables, on peut reconnaître assez aisément les sources anciennes sujets. les
Un
où
les
auteurs ont puisé leurs
grand nombre pourtant sont de leur invention,
moins immoraux, car les trouvères du peuple
des mécréants, des ivrognes
Rutebeuf
et
est le plus célèbre
étaient,
et ce
pour
ne sont pas la
plupart,
des débauchés.
de ces trouvères-jongleurs
il
;
a laissé
une
foule de compositions exquises et spirituelles, mais presque toutes sati-
riques, contre les noble-s, les riches, les
moines
et les clercs.
sans peine qu'il ait été toute sa vie pauvre et dédaigné
lui-même toussant de teaux.
Tous
froid, bâillant de faim,
;
il
On
s'est
s'explique
représenté
au seuil inflexible des châ-
ces pauvres hères, qui allaient ainsi de porte en porte,
dant à faire entendre leur poésie
et leur
deman-
musique, ne se recommandaient
pas plus que Rutebeuf par leur caractère
et
leur conduite.
Un
d'eux,
POÉSIE NATIONALE.
nommé
Colin Muset, n'avait pas craint de s'attaquer au roi en personne,
qui ne daigna pas
lui faire
payer cher sa sanglante diatribe. Mais, en somme,
ces excès poétiques furent peu favorables aux trouvères et aux jongleurs,
qui ne tardèrent pas à se voir partout méprisés, repoussés
Une
seule école de trouvères, nobles la plupart, était alors en pleine
faveur, à
des
abandonnés.
et
cour des rois, chez
la
hommes
les
princes
chez
et
les
que Quenes ou Conon de Bethune
tels
Thibaud de Champagne, depuis
grands; on y voyait
(fig.
Navarre, qui
roi de
335) et fut
le
le
comte
poè'te
le
Allegretto.
A
-
hi
!
a
-
mors, corn du-re
de-par
Me
- li
:9
de
fe-re
me
ia
mei lourQui onqucs
ra-maine
à
par sa dou-çour.
li
Las! qu'ai-je dit? jà ne m'en pars-je
stre si Fig. 335.
—
-
gnour,
f'ust
mi
Licuers remaint del
a-mé
9
ncser-vi
e
Se
i
li
en sa bail- li
tout
Serventois du trouvère Quenes de Bethune, sur
la
cors va servir
-
Diex
el
voi - rement, qui m'en pars à
Si
-
con-ven ta
doulour.
no
e.
croisade; publié par Fétis,
d'après un ms. de la Bibliothèque nationale de Paris.
plus illustre de ce groupe celles des Italie, et
336). Bref, cette école rivalisa avec toutes
troubadours. Les chansons de Thibaud retentirent jusqu'en
Dante, qui
eloquentia,
(fig.
le
roi
les savait
par cœur, put
de Navarre
comme
Thibaud de Champagne eut pour
«
citer,
un
élève et
poètes à cette époque,
il
livre
De vulgari
excellent maître en poésie »,
pour émule son vassal Gace
Brûlé. Entre les princes et les seigneurs que avait rendus
dans son
la
suffira
galanterie chevaleresque
de citer
le
châtelain de
Coucy, Pierre duc de Bretagne, Jean de Brienne, Guillaume de Ferrières,
Hugues de Lusignan,
et
cent autres dont
le
savant
M. Paulin Paris
a écrit
,
SCIENCES ET LETTRES.
4 fi8
XXIII de
analysé les œuvres au tome
l'histoire et
Ces trouvères de
Y Histoire littéraire
noblesse, imitateurs des troubadours, n'auraient
la
peut-être pas réussi à réhabiliter la poésie de la langue d'oil, discréditée et
déshonorée par
les
trouvères-jongleurs,
taient pas de leur retraite studieuse
si
de véritables poètes, qui ne sor-
pour courir
les
champs
aven-
et les
tures, n'eussent consacré leurs veilles à des oeuvres honnêtes et dignes.
Marie de France
mande,
fut
un de
ces poètes estimables
passa une partie de sa jeunesse à
et
A-mors me
vuet
en
-
commen
fait
A
sei-gnier
a
-
-
cier
mer
U
-
ne
la plus
-
no
-
ve
Qui
le
d'origine nor-
cour de Henri III,
la
chançon
be
elle était
;
E-le me
le,
soit el
roi
mont
vi-vant,
-i—
1-
be
C'est la
-
le
au co:sgent, C'est ce
le,
H
Qui
sau
soit
à
mon
te
- le
ta-lent,
dont
je chant. JDiex
Que me-nu
sovent,
le
-
le
no
Mescuerspor
le.
Chanson de Thibaut, comte de Champagne, avec
Fig. 33(5.
et
m'en doint
d'après le ms. n° 7222 de
la
la
musique; publiée par Fétis,
Bibliothèque nationale de Paris.
d'Angleterre, qui l'avait invitée à écrire en rime des récits légendaires, qu'elle
empruntait aux traditions bretonnes. Outre ces
tragiques, où son esprit
posé, pour
le
la
se
donnait carrière,
lais,
sombres
elle
avait
comte Guillaume de Dampierre, un recueil de
d'Esope, sous de
charmant
le
nom
des fables ésopiques, que
attribuée à Ésope.
fables, imitées
le
La Fontaine. Ces ingénieuses imitations
moyen âge
tenait en singulière estime, furent
précédées d'une grande composition romanesque les
com-
à'Ysopet, dans lesquelles on trouve quelque chose
naïveté et de la grâce de
de Renard, dont
et
et allégorique, le
Roman
principaux traits étaient également pris dans l'œuvre
POÉSIE NATIONALE.
4^9
Ce Roman de Renard, comprenant trente-deux branches qui
même
chent à un gène,
fut"
dans
tronc sans former une composition régulière et
composé certainement par
ques, selon
les
les villes et
dans
campagnes,
les
aux aventures plaisantes le
nom
tous
les
chantaient ou
le
peuple surtout prenaient un vif intérêt
du goupil
de maître Renard, luttant de ruse le
le récitaient
donnèrent ainsi une vogue
et qui lui
et satiriques
méchanceté, contre son oncle
De
le
homo-
différents auteurs et à diverses épo-
besoins des jongleurs qui
prodigieuse. Les bourgeois et
sous
se ratta-
(vulpeculus) personnifié
et d'adresse,
Loup, personnifié sous
le
de malice
nom d
1
et
de
Ysengrin.
poètes qui ont travaillé à cette épopée comique, on ne connaît
sûrement que Pierre de Saint-Cloud. Le poème satirique avait alors la vogue, et les auteurs, sait
qui n'étaient plus ces jongleurs décriés et honnis qu'on lais-
croupir dans leur honteuse débauche, ne se faisaient pas faute de cri-
tiquer impitoyablement tous les états et toutes les professions de
Une le titre
glise,
de ces satires générales, laquelle eut un succès immense, sous
un peu hardi de
Bible Guyot, fut composée par un
la
Guyot de Provins, qui
verve mordante
et
Un
âge.
Gelée, publia un ouvrage du
Ce poète de
fit
d'é-
mais exagéré
et
C'est le
injuste.
honnête bourgeois de Lille, Jacquemart
même
du treizième
la fin
homme
preuve, dans ce poème, de beaucoup de
d'esprit narquois,
moyen
Juvénal du
velé.
la société.
genre, sous
du Renart renou-
le titre
siècle est parfois pathétique et
presque
éloquent, dans ses sermons et ses invectives contre les classes élevées, qu'il accuse
de tous
garder l'anonyme,
les vices.
Un
autre poète champenois, qui crut devoir
reparaître encore l'allégorie
fit
Renard dans un poème démesurément long
figure des animaux.
Le Roman de Fauvel
où sont personnifiés
Le public telle sorte
et diffus,
le
le
est aussi
:
Renart
délicieux
Roman
la satire
poétique, de
Meung, sous une
dans un esprit absolument contraire
avait inspiré la première partie de ce geait qu'à imiter Y Art
satire allégo-
de la Rose, que Guillaume de Lorris
avait laissé inachevé, fut repris et continué, par Jean de différente et
une
luxe et l'ambition des grands et des riches.
dès lors passionné pour
lettré s'était
que
forme toute
intitulé
C'est toujours la satire de l'humanité, représentée sous la
le contrefait.
risée,
du roman primitif de
poème
d'aimer d'Ovide, en
à celui qui
étrange où l'auteur ne sonle
transportant dans
le
cadre
SCIENCES ET LETTRES.
47°
d'une fable allégorique, gracieuse
Le poème de Guillaume de
et riante.
Lorris avait produit une émotion toute nouvelle, à
où
dames surtout s'enthousiasmaient
les
à
l'excès
charmante de poésie amoureuse, qui surpassait
On
des troubadours.
les
pour
cependant que l'auteur n'eût pas eu
regrettait
d'Amour. Ce
n'est
Clopinel, acheva
le
dit
Roman
un
de
du
talent de
un
Guillaume de Lorris. La continuation du poë'me
poëme où
les
caractères.
il
était
sceptique
et libre
Meung
penseur
aimait
il
:
était
rempli de hardiesses qui allaient jusqu'à l'hérésie, trouva des
et
admirateurs fanatiques
et fut
du quatorzième
française
considéré
siècle.
Jean
comme le de Meung
chef-d'œuvre de n'en avait pas
poésie
la
moins
fait
plus arrière satire des femmes, que Guillaume de Lorris déifiait avant
lui.
Au
reste, les poètes de la
indulgents pour
le
il
d'un
ne faut voir dans
non
lettré, et
langue
sexe féminin
insulté plus cruellement.
Mais
le
,
la
France
parlait,
on
douzième
Roman
de la Rose que
étaient traduits
,
la
mœurs
débauche
ou imités, de
l'autre côté
et
l'âge d'or
de
la littérature
du 'temps, spirituelle
de toute une époque. la
langue nationale
en Angleterre, en Allemagne, en
nos chansons de geste
même
ni
on
la
Dès
le
entière. Cette langue, Italie.
nos romans de chevalerie
du Rhin. Ce
double inspiration des œuvres poétiques du midi
que commença
la
poésie française,
répandue dans l'Europe
l'écrivait
siècle
ne s'étaient pas montrés fort
qu'on n'a jamais attaqué
peinture exacte des
la
s'était
d'oil
ce n'était pas là l'idée générale
Bien avant cette efflorescence de de
d'un
Son poëme, monstrueux de
à narguer les puissances et raillait toujours.
et
lieu
entassa tout ce qu'il savait de philosophie, de cosmogra-
plus malin que méchant, mais
la
personnages
Au
phie, de physique, d'alchimie et d'histoire naturelle. Jean de
forme
érudit,
pittoresque, on eut une encyclopédie rimée, dans laquelle
et
Meung
était
aucune des qualités ingénieuses
n'avait
il
noms, en changeant de
avaient conservé leurs
poë'me élégant
Meung
Rose. Jean de
la
de son prédécesseur fut donc tout un nouveau
Jean de
du dieu
que soixante ans plus tard que Jean de Meung,
philosophe plutôt qu'un poë'te; et délicates
le
triomphé
avait
il
pièges et de tous les obstacles, sous la protection
les
œuvre
cette
plus belles chansons
temps de terminer son poëme en racontant comment de tous
cour de France,
la
et
fut
même
du nord de
la
sous
la
France,
romantico-chevaleresque de
l'Aile-
POÉSIE NATIONALE.
magne (fig.
337).
Dès
la fin
du douzième
47
nombre des Minnesingers
siècle, le
(chantres de l'amour) s'élevait à plus de trois cents, qui
sèrent leurs chansons
amoureuses dans
Souabe. Henri de Waldeck troubadours
;
le
avait
dialecte
doux
la
et
plupart compo-
gracieux de
la
est le plus ancien de ces poètes, imitateurs des
plus fécond et
La même époque
le
1
le
plus tendre fut
vu naître
les
Wolfram d'Eschenbach.
grandes épopées allemandes, qui
— Congrès poétique et musical de Wartbourg en 1207. Les Minnesingers Walther de Vogelweide, Wolfram d'Eschenbach, Reinmar de Zweter, Henri dit le Vertueux Écrivain, Henri jd'Ofïerdingen et Kling-
Fig. 33y.
sor, de
Hongrie. Miniature du recueil des Minnesingers, ms. du xiv e
rassemblent
les
souvenirs des temps héroïques
historiques de la Germanie.
Le Helden-Buch
siècle.
et
Bibliothèque nationale de Paris.
reproduisent
(livre
les traditions
des Héros)
et le
Nibe-
lungen-lied (chant des Nibelungen), ces deux longs poèmes qui font encore siècle
les délices :
le
de l'Allemagne, ont été composés, au début du treizième
premier, dit-on, par
d'Ofterdingen
et
Wolfram d'Eschenbach
Waltherde Vogelweide;
le
(fig.
second, par Conrad de Wartz-
bourg ou par Nicolas Klingsor de Hongrie. Mais ce sont des attributions bien incertaines.
La
fin
338), Henri
là,
malgré tout,
de cette glorieuse école poétique
coïncide avec la chute de la maison de Souabe
(i
254).
^
SCIENCES ET LETTRES.
47 2
L'Italie ne possédait pas encore
nales siècle.
:
une langue
et
une
littérature natio-
car la langue italienne s'écrivait à peine en prose, au treizième
Mais déjà
timidement dans
les
muses avaient rompu
le silence et s'étaient
Les premiers poètes qui
le dialecte sicilien.
exprimées
se servirent
rfletv
mem fëritgg Xiw^ouf facr&
t
3?
*
r
1*
—
?
Fig. 338.
—
Fragment d'un poème de Wolfram d'Esclienbach, avec publié" par Fctis, d'après
le
ms. de
la
la
notation du
xm"
siècle;
Bibliothèque impériale de Vienne.
son chancelier Pierre De
la
Vigne, auquel on attribue (sans aucun fondement) l'invention du sonnet,
et
de ce dialecte furent l'empereur Frédéric
ses
fils
Enzo,
roi
II,
de Sardaigne,et Manfred, roi de Naples. C'est presque un
siècle plus tard
que
langue indigène
les
les
poètes de la péninsule italique introduisent dans
formes de
la versification
romane,
et le
caractère de
la la
POÉSIE NATIONALE.
473
poésie provençale, dans l'ode ou can\one, dans les tensons ou débats poétiques,
dans
rime
s'étaient approprié, avec la
exagéraient les défauts.
ils
et le
troubadours, mais
littéraires des
dont
chansons
les ballades, les sixtines, les
ils
Ces
et les contes.
rhythme, quelques-unes des qualités
ne remportèrent pas sur leurs modèles,
Il est
aisé de voir qu'ils
On
encore aux sources vives de l'antiquité.
ne puisaient point
doit pourtant citer plusieurs
poètes italiens de cette époque, les deux Bolonais Guido Ghisleri et Guinicelli, les
deux Florentins Guitone d'Arezzo
Dante Alighieri, qui devait réellement créer
où
aussi originaire de Florence,
La nature
cienne.
premiers vers.
composa pour
n'avait pas encore dix ans, lorsqu'il rencon-
Il
sa vingt-cinquième année,
vina Comedia, parties
:
même
âge que
poème à
lui et
;
il
lui
consacra un
la fois religieux et
il
en
et
en tercets ou rimes triplées présente, sous
et
du temps
et
la
;
monument immortel,
l'allégorie,
cette
fixer la
langue
littéraire
mais simple,
les
rapports,
les
connaissances
un imposant tableau de
épopée mystique. C'est dans ce judicieux des dialectes ita-
par leur transformation en un type unique
plinée,
Di-
surtout des contemporains du poète. L'image pure
poème incomparable que Dante, par un choix de
la
philosophique, divisé en trois
embrasse toutes
elle
forme de
rayonnante de Béatrix domine
liens,
et
l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Cette vaste trilogie, dont la
humaines, l'histoire
muse
morte en
fut
elle
première partie paraît supérieure aux deux autres sous tous est écrite
sa
fit
mélancoliques, qu'il
Vit a nnova; puis, quand
la
adonné d'abord à
L'amour, une sorte d'amour séraphique,
beaucoup de vers tendres
elle
plus tard dans
recueillit
poésie italienne, était
naquit, en 1265, d'une famille patri-
il
tra Béatrix Portinari, qui avait le il
la
Guido
Guido Cavalcanti.
et
l'avait fait poète, quoiqu'il se fût
l'étude de toutes les sciences. lui dicta ses
poë'tes
et régulier, a
eu
de son pays, langue encore sauvage
et indisci-
claire, rapide, puissante. Il est resté, après
valle de près de six siècles, le plus
grand poète de
la gloire
un
inter-
l'Italie.
Les autres nations de l'Europe étaient bien loin alors d'enfanter un pareil poète. L'Angleterre,
fondre avec
le dialecte
chants nationaux traduction du
et
dont
la
langue anglo-saxonne avait
fini
par se
franco-normand, essayait de rajeunir ses anciens
ne pouvait
Brut, de Wace,
citer, et
en
fait
de poésie anglaise, qu'une
une imitation en vers de
la
SCIENCES ET LETTRES.
Chronique
—
60
SCIENCES ET LETTRES.
474
Monmouth, par Robert
de Geoffroy de
langue romane vulgaire
la
dans
provinces que
les
L'Espagne, où
de Glocester.
s'était nationalisée
depuis
onzième
le
Maures n'avaient pas envahies, ne
les
siècle
savait pas
même le nom de Fauteur de ce poème du Cid qu'elle montrait avec orgueil comme le premier monument poétique de son histoire légendaire g. 339). (fi
Des poètes espagnols, parmi lesquels figurent Alphonse et
Alphonse XI,
cette
roi
et grossière,
grands sentiments de Pâme, surtout
La réunion de
en partie,
le
mais énergique
et
courage guerrier
ces ballades et de ces
célèbre recueil
le
d'Aragon,
de Castille, s'étaient déjà exercés à célébrer, dans
langue un peu rude
patrie.
II, roi
noble, tous les
et
l'amour de
la
romances populaires a formé,
du Romancero.
Les Minnesingers n'avaient pas survécu à l'extinction de
la
maison de
Quand
la
maison de
Souabe, qui
Habsbourg
les
couvrait d'une éclatante protection.
eut succédé aux Hohcnstauffen, la noblesse allemande se dé-
pour un
sintéressa tout à fait des arts et de la poésie, et l'Allemagne cessa,
temps, de produire des poètes. Cependant, vers
F
phe
r
public peu la
du règne de Rodol-
(1291), la bourgeoisie voulut avoir des chanteurs, et les Meistersin-
gers (maîtres du chant), dont
sur
la lin
les
compositions suffisaient aux besoins d'un
étendirent, en quelque sorte, une juridiction pédantesque
lettré,
poésie, qui, de gaie et hardie qu'elle était chez les derniers
singers, devint dès lors grave, mesurée, et par cela
maussade. Les poètes de
plate et
nommés.
dignes d'être
Ce. n'est
cette
même
Minne-
souverainement
époque de décadence ne sont pas
qu'au seizième
siècle
que
les
Meister-
singers sortirent de leur obscure infériorité.
Dante avait donné çois
le
Pétrarque, contemporain de Dante,
fut,
comme
plus actifs restaurateurs des lettres, auxquelles était
né à Arezzo en i3o4
Grâce à
fleurir, et tout le
encore que sous
:
il
mourut
son exemple,
et à
lui
monde
le
Fran-
signal de la renaissance littéraire en Italie.
lit
les
à
il
ce dernier,
voua
un des
sa vie entière.
Arqua, près de Padoue, en
1
Il
074.
études classiques recommencent à
Virgile et Horace, avec plus d'enthousiasme
règne d'Auguste. Pétrarque, nourri de
la lecture
des
poètes de l'antiquité, essaya d'abord de les imiter, en composant des
poèmes
latins.
d'Avignon,
il
Mais, lorsqu'il eut rencontré Laure de Noves dans ne songea plus qu'à
lui plaire, et
il
écrivit ses
la ville
Rime
et ses
SCIENCES ET LETTRES.
47 6
Can^oni, en l'honneur de cette belle personne qui
avait inspiré
lui
une
passion aussi délicate, aussi extatique, aussi pure que celle de Dante pour
Dans
Béatrix.
l'ode italienne.
mais et
il
Can\oni, Pétrarque a donné
les
s'y élève,
Il
tempère ses élans
et ses éclats
de mélancolie qui n'appartient qu'à
pas, mais
hauteur de Pindare
la
d'Horace,
et
poétiques par un accent de douleur lui.
Les imitateurs ne
lui
manquèrent
maintenu toujours au premier rang. Les poètes de son
s'est
il
temps n'espéraient pas la
souvent à
plus parfait modèle de
le
prose italienne, ne
son ami Boccace, qui avait perfectionné
l'égaler, et
qu'un
fit
l'honneur de composer
la
nombre de sonnets
petit
première épopée italienne,
eut seulement
et
Ta
Teseïde, qui ne
vaut pas son Decamerone.
Presque à
même
la
deen, composait sur l'Ecosse,
épique,
époque, un poète anglais, un archidiacre d'Aber-
les
hauts
un poème épique, le
premier qui
de Robert Bruce,
faits
écrit
dans
le
dialecte écossais.
paru en Angleterre,
ait
le
il
libérateur de
Avant
ce
poème
citer certaines
faut
poésies sur les guerres du roi
Edouard
Philippe de Valois et Jean
Mais ces poètes originaux ne méritent
II.
Gower
pas d'être comparés à John pris les
pour modèles
les anciens
prouva
cà
et
qui
imitèrent sans
les
surtout à épurer la langue poétique, et
imitations qui
ses
qu'il était supérieur,
à Marie de France,
à Geoffroi Chaucer, qui avaient
trouvères français,
nommer. Gower contribua
Chaucer, nonobstant
et
de France
III contre les rois
sous
le
sont de
rapport du
véritables
style,
plagiats,
sinon de l'invention,
Rutebeuf, à Guillaume de Lorris
et
à Jean de
Meung.
La réputation
littéraire
de Jean de
après sa mort (j32o), quoique
pour et
satisfaire
la
Meung
dura plus de deux
siècles
poésie française eût pris d'autres allures
au goût des dames, qui, en devenant
les reines
des tournois
des fêtes chevaleresques, amenèrent une espèce de rénovation poétique,
non-seulement en France, mais dans tous
les
pays où
le
français était la
langue aristocratique. Les satires, dirigées surtout contre avaient
fait
leur temps, et bien qu'Eustache
mettre en vogue ce genre délaissé
dans son poème
femmes,
la
le
et
même
Miroir du mariage,
poésie reprenait
le
Deschamps
le
ait
beau
sexe,
tenté de re-
proscrit, en paraphrasant,
la satire
caractère galant et
de Juvénal contre
amoureux
les
qu'elle avait
POÉSIE NATIONALE.
eu chez clerc
les
de
la
Édouard reux
».
477
fut d'abord troubadours. Le chroniqueur Jean Froissart, qui femme du roi d'Angleterre Philippe de Hainaut
reine
III, raconte qu'il
,
«
la
desservoit de beaux dits ou traités
amou-
rouchi-français de Les poésies de Froissart, écrites en dialecte
école des trouValenciennes, semblent être souvent des réminiscences de F
nommé Pegasus, et plusieurs nobles, tant armez le cheval Pégase. « Voici un cheval volant vouloir touet aultres, lesquelz levoient les mains en hault pour que desarmez de tous estas, roys, princes noblesse, ms. du » Miniature tirée de l'Enseignement de vraye pevent. ne faire que ce chier audit cheval, Bourgogne, à Bruxelles. siècle, n" 1 1049. Bibliothèque de
Fig 3.0
-
xv"
badours
et
du Roman de
la
Rose de Guillaume de Lorris. Ces poésies,
sont surtout intéressantes au assez faciles, mais verbeuses et incolores, vue de la biographie de Fauteur, qui se met toujours en scène,
point de
même
dans ses pastourelles
et ses
épithalames.
Les poètes de profession, qui avaient remplacé de raviver
la littérature
les trouvères,
des chansons de geste et des
essayèrent
romans de cheva-
SCIENCES ET LETTRES.
47 s
en
lerie
les
remaniant
en
et
rajeunissant; mais
les
les
abréger, et
les
délayer en vers alexandrins.
ils
les
rendirent plus lourds
que en vers, à laquelle traitaient
sont
mieux dans
réussirent
où
diciier,
nom de roman, lors même qu'ils comme Cuvelier, la Chronique de Ber-
romans poétiques du quatorzième
reste, les
il
mode,
permettre de
faire
un mensonge poétique) qu'autrefois nul
c'est
des vers de cette espèce, se
Cet Eustache Deschamps, vécut
et
homme
il
nestoit noble
(fig.
340).
de guerre, voyageur et magistrat, qui
il
donnait de préférence
la
forme de
la
Chez
ballade.
ballade se prête à tous les sujets et à tous les tons; elle s'élève par-
lui, la
lois à la
hauteur de l'ode. Eustache Deschamps
est
tère, qui
ne pardonne pas aux vices
il
et
timent patriotique qui anime ses vers;
aux abus; il
maudit
un poète grave, aus-
se distingue
les
Anglais,
misères du peuple. C'est l'époque lugubre où fut créé
Danse macabre
341). Christine de Pisan,
(fig.
preints de mélancolie, qui valent historiques.
mieux que
ses
la
poésie de cour. Alain Chartier, dont
mense renommée, eut des nobles fut reçu
la
sen-
déplore
les
poè'me populaire
de l'astrologue de de rondeaux,
et
em-
la
et
France. Ses senti-
et la la
poésie est en progrès,
cour de France
fit
l'im-
plus grande part à ces progrès. Son Bréviaire
comme
Masle affirme que, sous
le
style est faible et confus.
Le nombre des poètes augmente en France, surtout
il
par
grands poèmes moraux
La plupart témoignent de son amour pour
ments sont nobles, élevés, mais son
le
fille
Charles V, avait composé aussi quantité de ballades
les
n'osait
qui rima pendant plus de quatre-vingts ans, a laissé près de cent
mille vers, auxquels
et
siècle
rondeaux. Eustache Deschamps, qui a écrit un Art de expose les règles de ces divers genres de poésie à la
nous apprend (mais
la
chroni-
et d'une rare platitude. La poésie de cour plus vivante et plus gracieuse, avec ses chansons, ses ballades, ses
virelais et ses
de
la
dîme longueur démesurée
était
se
Au
plus ennuyeux, à force de
et
laissaient le
ils
un projet contemporain,
trand du Guesclin.
Ils
ne songèrent pas à
ils
le
une espèce d'évangile de règne de François
jeunes gentilshommes
I
er ,
«
la
noblesse; Jean
on obligeoit
d'apprendre par cœur
les
les
le
pages
vers du Bré-
viaire des nobles et de les réciter, tous les jours, aussi exactement que les ecclésiastiques font leur bréviaire.
»
Outre
le
Livre des quatre dames, qui
contient des pages exquises dans un style plein de force, de couleur et de
POÉSIE NATIONALE.
479
poésie, Alain Charrier a fait une foule de ballades, de discours d'élégies et de complaintes
princes
et
(fi
g. 342). Il fut le favori
des seigneurs, malgré sa difformité
dauphine Marguerite d'Ecosse,
Fig.
le
et
amoureux,
des rois, des reines, des
sa laideur.
On
sait
que
la
trouvant un jour endormi, voulut baiser
3.41.— Légende des Trois morts et des trois vifs, poésie du xiv e
siècle, d'après
une miniature
d'un Antiphonale, ms. du xvi c siècle, n° 5644. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
cette et
bouche,
«
d'où estoient issus, dit Etienne Pasquier, tant de motz dorez
vertueuses paroles.
Un
de ses élèves,
» 11
mourut, en 1458, à
âge de soixante-quinze ans.
1
le
duc Charles d Orléans, qui,
bataille d'Azincourt, resta solait
1
l
de sa captivité
et
fait
prisonnier à
la
en Angleterre pendant toute sa jeunesse, se con-
de son
exil
en faisant des poésies françaises
et
SCIENCES ET LETTRES.
480
anglaises, la plupart galantes, spirituelles et mélancoliques, dans lesquelles il
fait
Rose.
intervenir souvent les personnages métaphysiques Il
avait autour de lui, à Londres,
du Roman de
comme en France dans
de Blois, une espèce de cour amoureuse
et
la
son château
poétique, où Ton faisait assaut de
ballades et de rondels. Charles d'Orléans imite quelquefois les trouba-
dours
poètes italiens, entre autres Pétrarque.
et les
Son imagination
riante et gracieuse; son esprit a des saillies piquantes, et son
de sentiments vrais, touchants
Fig. 342.
— Alain
et
est
âme déborde
généreux.
Chartier réconforté par l'Espérance. Miniature en camaïeu, tirée du Triomphe de l'Espé-
rance, allégorie sur
les
événements politiques du règne de Charles VII
;
ms. inédit du xvi
siècle. Biblio-
thèque de M. Ambroisc Firmin-Didot.
La
poésie de cour devait, par
lutte, faire éclorc
peuple.
Un
un
effet
naturel de contradiction et de
en France une poésie vraiment sortie des entrailles du
des premiers essais de cette poésie,
émotions de Pâme,
fut
émanée des
pourtant composée par un noble
Régnier, seigneur de Guerchy, qui, malgré sa naissance
véritables
homme, Jean
et sa fortune,
ne
crut pas déchoir en exprimant dans ses vers, avec une pathétique sincérité, les
sentiments intimes qu'il éprouvait.
Beauvais, et
il
Il
pouvait s'attendre à être jugé
trahison. Sa situation douloureuse
le
et
était alors
dans
les
prisons de
condamné pour crime de haute
rendit poète, et,
pour
se préparer à
POÉSIE NATIONALE.
la
mort,
évoqua
il
Fortunes
la
muse des
et Adversité^,
dernières pensées; après avoir gémi sur ses
en vint à se résigner à son
il
sort, et
rimes un testament, moitié sérieux, moitié plaisant, qui
6>
Fig. 3\'3.
—
le
et
xv c
sieele.
fut sans
doute
QanvtÇj^j&i&^twL* Ç€tÇ~
L'auteur du poëme intitule
du
rédigea en
il
:
Le Débat de
Bibliothèque de
la
Noire
et
de
la
Tannée. Miniature d'un
ins.
M. Ambroise Firmin-Didot.
type des deux Testaments de Villon. L'imitation, pour être lointaine déguisée, n'en est pas
nement sous
les
yeux
le
moins manifeste. François Villon
avait eu certai-
recueil de vers, encore inédit, de Jean Régnier,
lorsqu'il eut l'idée d'écrire
son Petit Testament, dans
les
SCIENCES ET LETTRES.
prisons du
—
(>l
SCIENCES ET LETTRES.
482
Châtelet, où
il
était
détenu à cause de ses méfaits. Villon, écolier de
commis,
l'Université de Paris, avait
de vols;
dans
eut
il
les
le
bonheur d'échapper
mêmes égarements
et fut
un meurtre
dit-on,
bon nombre
et
à la potence, et plus tard
retomba
il
emprisonné à Meung. C'est
qu'il
là
composa son chef-d'œuvre, son Grand Testament, qui contribua à faire obtenir sa grâce,
Ce Grand Testament
sans doute à
offre
la
prière du duc Charles d'Orléans.
un mélange unique de
gaieté folle, de raillerie
narquoise, de sensibilité profonde, de jugement rassis
de l'imagination, de l'esprit
mais
de douce mélan-
et
Villon est assurément un grand poëte, indépendant
colie.
et
sujets étaient poètes de nature
Baude
du cœur;
fond restera éternellement jeune.
le
et
:
lui
la
On
car deux des
naturel;
et
forme de son vers a peut croire que
compagnons de
a
il
vieilli,
mauvais
les
Villon,
Henri
Jourdain, dit l'Infortuné, se piquèrent d'être ses émules, après
avoir été ses complices
;
Henri Baude, auteur du Débat de
la
dame
et
de
d'un grand nombre de poésies ingénieuses; V Infortuné, com-
Vécuver
et
pilateur
du Jardin de plaisance, dans lequel
ses vers,
mêlés avec ceux de ses amis.
L'exemple de Villon, qui
il
fit
fut surtout populaire
entrer
parmi
beaucoup de
les écoliers
de
l'Université de Paris, avait fait naître une multitude de poésies satiriques, la
plupart
anonymes, que l'imprimerie naissante ne
répandre dans tanées.
Ce
fait
la classe
bourgeoise
doit être signalé
et
pas de
se lassait
marchande, à force d'éditions simul-
comme un témoignage
incontestable de la
vogue de ces pièces volantes, que M. Anatole de Montaignon
M.
et
le
ba-
ron James E. de Rothschild s'efforcent aujourd'hui de rassembler en une vaste anthologie poétique. (fig.
343), des
Ce sont des complaintes, des
monologues, des testaments, des sermons joyeux,
lesquels éclate avec
une verve incroyable
la
taient sur les tréteaux des théâtres forains.
considérait certainement
ni de les entendre.
qu'on
faisait
de
On
etc.,
La
comiques
et
société
honnête
et
comme scandaleuses et n'avait garde
chercha donc à protester contre
la poésie, et l'on créa,
dans
malice de l'esprit gaulois.
peut affirmer que beaucoup de ces poésies mordantes
les
dits, des débats
dans différentes
le
On
se débi-
décente
de
les lire
mauvais usage
villes
de France, à
Toulouse, à Amiens, à Caen, des Jeux floraux, des Chambres de rhétorique, des Purs, des Palinods, où
il
était fait
appel aux poètes qui voulaient
,
des testaments,
erve incroyable ip
1;
dé
de ces poésies
I
On
chercha donc
poésie, et is y
à protester
centre
Ton créa, dans dix ièmes
à Caen, des
Jeux
floraux,
î.
>
le
mauvais usag
villes
de France,
Chambres de rhétori
POÉSIE NATIONALE,
483
consacrer leurs inspirations à des œuvres morales, édifiantes, religieuses.
Ce
fut surtout en
l'honneur de
la sainte
Conception que ces poètes rivalisèrent de
Fig. 344.
—
Le Château d'amours. Miniature
tirée
Vierge
et
de son Immaculée
zèle et d'émulation pieuse,
du Champion des daines, ms. du xv"
pour
siècle,
n° 12476. Bibliothèque nationale de Paris.
composer des chants royaux, des ballades, des cantiques, qui au concours
et
dont
les
étaient
mis
meilleurs obtenaient de flatteuses récompenses.
Telle fut l'origine des académies et des sociétés littéraires en France.
L'école poétique française réunissait une grande variété de talents, au
quinzième siècle. Martin Franc, dans son Champion des dames (fig. 344),
s'ef»
SCIENCES ET LETTRES.
4*4
forçait de faire renaître le
Jean de Meung; Vire, créait
le «
poëme
allégorique de Guillaume de Lorris
même
temps, Olivier Basselin, maître foulon de
en
niais,
vau de vire
», la
chanson bachique, épicurienne
de
et
et gaillarde,
en buvant du cidre normand. Malheureusement, ses chansons ne nous sont parvenues que modernisées officiai qu'il fût à
Reims,
c'est-à-dire clerc et
nait carrière à sa verve caustique et à sa ses
Monologues
terne et
docteur ecclésiastique, don-
bonne humeur gauloise, dans
d'Auvergne rimait d'une façon un peu
facétieux. Martial
monotone
Guillaume Coquillart, tout
et défigurées.
VII ; Jean Meschinôt, de
Vigiles du roi Charles
les
Nantes, rassemblait ses Lunettes des princes, pour la
maison desquels
Vigne la
et
il
les
ducs de Bretagne, à
en qualité de poète ducal; André de
était attaché
Guillaume Crétin remplissaient
Maison royale de France. Mais
à
peu près
le
même
la
emploi dans
l'influence déplorable des poètes de la
cour de Bourgogne commençait à dénaturer Pierre Michault, Olivier de
et à travestir la
Marche
çaise
:
lain,
Jean Molinet, avaient imaginé de créer des
la
(fig.
345),
poésie fran-
Georges Chaste-
difficultés
de rhythme,
de mesure, de rime, à travers lesquelles leurs vers prenaient une phy-
sionomie hétéroclite
barbare. Guillaume Crétin
et
deux chroniqueurs du k
et
Jean d'Auton, tous
Louis XII, s'efforcèrent de renchérir encore
roi
sur ces monstrueux tours de force, et Jean Lemaire (né à Belges en
Hainaut), à qui
la
prosodie française doit peut-être quelques réformes
heureuses, eut bien
de
peine
la
se soustraire
à
à
de
si
déplorables
exemples.
La poésie
n'était pas aussi florissante
autres pays de l'Europe.
En Espagne, on
troubadours provençaux. Ce fut aussi
des redondillas ,
où
le
l'ère
la
langue.
Ce
de
la
les
autres cours et dans les
imitait encore les
poésie galante.
poète n'abandonnait son
Tavoir épuisé, pour ainsi dire, en
de
dans
fut surtout à la
le
On
œuvres des composait
sujet
qu'après
ressassant avec toutes les ressources
cour de Jean
II, roi
de Castille, qu'on
s'amusait à ces jeux d'esprit prétentieux, dans lesquels excellèrent
Une
le
quis de Villena et Juan de
Mena
tendres et amphigouriques
dues à plus de cent quarante auteurs
rents, furent recueillies, en
Portugal, de
même
,
r
5 16,
(fig.
sous
346).
le titre
que l'Espagne, cherchait
mar-
partie de ces poésies diffé-
de Cancionero gênerai.
ses
modèles parmi
les
Le
trou-
POESIE NATIONALE.
badours
et s'attachait à les
imiter ou
même
à les traduire.
des et pâles essais aboutirent à l'invention de représentait
Fig. 345.
sur
la
—
la
la
Vanité des choses humaines. Miniature le
Téméraire, par Olivier de
tirée la
Mais ces timi-
romance pastorale, qui
amoureuse des bergers. Ce genre
vie
mort de Charles
48 5
artificiel
du poème allégorique,
Marche, ms. du xv e
le
siècle,
et
faux,
Chevalier délibéré, n"
17J. Bibliothèque
de l'Arsenal.
agréable quelquefois, mais généralement fade
adopté dans toutes
les littératures,
où
il
et
ennuyeux, devait
être
garda longtemps sa place par
la
force de l'habitude. L'Angleterre, cependant, n'avait pas pris goût à cette
SCIENCES ET LETTRES.
486
poésie d'amour et de galanterie. Depuis la mort du vieux Chaucer, les poètes ou plutôt
de
la
En
Rose
et
Italie,
les versificateurs
à Y éternelle paraphrase des histoires mythologiques.
Pétrarque mort,
la
cio, de Burchiello, d'Arispa,
leresques, tels
poésie languit malgré les efforts de Coluc-
pour
marcher avec
marqué la
éclat.
Quelques poèmes cheva-
la raviver.
que Buovo d'Antona,
d'être cités, s'ils n'eussent
bientôt
Roman
en étaient encore à l'imitation du
la
Spagna,
etc.,
ne mériteraient pas
route où Boïardo et l'Arioste devaient
Mais Laurent de Médicis, gonfalonier de
la
\,
^cannes y convoie f%& Fig. 346.
—
Extrait du Cancio;tero de Juan Alphonse de Baena, ms, original. xv e siècle.
Bibliothèque nationale de Paris.
république de Florence, réveille, en
(Chansons de carnaval),
la
1469, par ses Canti carnavaleschi
poésie italienne. Politien
secondent son heureuse tentative. Politien
était
ques partisans de l'antiquité classique. Or,
la
breux
et infatigables
leurs ouvrages,
Pulci sont
là,
qui
pourtant un des plus fanati-
poésie latine avait eu de
sectateurs pendant tout
composés de centons de
et
le
Virgile,
cessaient de se multiplier par toute l'Europe.
cours du
d'Horace
La
moyen
et
nom-
âge, et
de Lucain, ne
renaissance des lettres
antiques en Italie, au quinzième siècle, avait merveilleusement servi cette
tendance des doctes revêtir des sujets
et
des pédants à ressusciter
modernes
et à
la
poésie latine destinée à
exprimer des idées absolument étrangères
POÉSIE NATIONALE.
à la
langue de l'ancienne Rome. Aussi, Sannazar
(fig.
347),
surnommé
Virgile chrétien, excita plus d'enthousiasme avec ses poëmes
Virginis
et
le
De partu
ses belles poé-
Lamentatio de morte Christi, qu'en publiant
savante, au quinzième y eut, dans toute l'Europe comme au seizième siècle, une poésie latine, qui produisit, en tous par les genres, une multitude d ouvrages applaudis et admirés surtout sies italiennes. Bref,
il
lettrés universitaires.
Fig. 347.
— Portrait de Sannazar.
Fac-similé réduit d'une gravure
anonyme du
xvi c siècle, éditée à
Rome
par Ant. Salamanca. Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
Mais
poèmes de
la
voici reparaître les vieux
rima;
in ottava
Table-ronde
voici
;
romans de
chevalerie, sous la forme de
Artus de Bretagne
voici le roi
Charlemagne
et ses
douze pairs. C'est l'épopée
lienne, demi-sérieuse et demi-comique. Pulci écrit son
dont
le
héros
est
un géant bouffon
;
et les
ita-
Morgânte maggiore,
Bello, dit l'Aveugle de Ferrare, son
Mambriano, qui poursuit Renaud de Montauban plus étranges
et les chevaliers
à travers les aventures les
plus burlesques. Boïardo va chercher aussi ses inspi-
rations dans la Chronique de
Turpin
et
met en scène
la
cour de Charle-
SCIENCES ET LETTRES.
magne dans son Orlando innamoraio du poète
style
l'Arioste
(fig.
moins âpre
était
il
;
continua,
le
des plus étonnantes productions de
poème de
l'Arioste, tout est
charme de
la
Divin
et
,
son
poème
:
la
innamorato. Dans
le
variété des inventions,
le
grâce et l'élégance du style, l'inattendu
Comme Homère,
puissance du drame.
la
la
l'Arioste fut
de Roland furieux est resté
l'épopée romanesque, de
même
lepoëme
poésie pittoresque et dramatique,
la
remarquable
poésie descriptive,
dit
dans son Orlando furioso , une
et
loin en arrière le chantre de Y Orlando
laissa bien
si le
moins gourmé. Ludovico Ariosto,
et
348), né à Reggio en 1474, n'osa pourtant pas refaire
épique de Boïardo
et
qui serait un chef-d'œuvre,
,
que Y Iliade
est
le
type excellent de
le
encore
surnommé
chef-d'œuvre de
le
l'épopée héroïque.
L'Arioste, dans ses Capitoli amorosi et ses nombreuses poésies légères, avait gardé sa supériorité; lutter avec lui
innamorato perfectionné
dans
et s'arrêta le
La
gile et
eut des imitateurs, qui n'eussent point osé
poème épique romanesque. Berni
refit Y
Orlando
respectueusement devant Y Orlandofurioso ;
genre bouffon
Mais cent poètes pas.
le
il
donné
et
s'étaient trouvés
le
modèle de
la
il
avait
poésie bernesque.
pour imiter Pétrarque,
qu'ils n'égalèrent
poésie didactique prit son essor en de froides imitations de Vir-
de Juvénal;
quatrième
livre
le
poème des
Abeilles est une traduction littérale du
des Géorgiques, qu'Alamanni ne
fit
que contrefaire dans
Coltiva^ione. Trissino voulut composer un véritable poème épique sur
la
sujet de l'Italie délivrée des
pas bien reçu par
les
Goths,
et
il
employa
vers blanc, qui ne fut
le
amateurs de Yottava rima. La poésie italienne n'eut
alors
aucune influence sur
la
à des
œuvres de galanterie
raffinée
poésie espagnole, qui s'en tenait volontieis
Vcga l'appliquèrent avec succès à
:
Boscan Almogaver
la pastorale, qu'il la
que Diego Hurtado de Mendoza
écrivait des épîtres
le
Garcilaso de
dans
la
le petit
amoureuse. Garcilaso
la fibre
ne se fut pas plutôt essayé dans
pastorale était toujours
et
faire passer cette galanterie
cadre du sonnet régulier, en y faisant vibrer
La
le
mit à
dans
le
genre préféré des Portugais,
la
mode, tandis
goût d'Horace. et
Ribeiro sur-
passa, en ce genre, tous les poètes qui l'avaient précédé.
Le les
souffle de la renaissance italienne
règnes de Charles VIII
et
ne
se fait sentir
de Louis XII.
La
en France qu'après
poésie, qu'on prisait alors
POÉSIE NATIONALE.
à
la
cour, était encore infectée de l'influence flamande
:
on
se délectait
couronnées, baau cliquetis des rimes fratémisées, brisées, équivoquées,
que Guillaume Crétin
lelées,
on revenait avec le
plaisir
faisait
sonner avec l'adresse d'un jongleur;
aux réminiscences du
Château de Labour, de Gringore;
Marot;
les
Loups ravissants
et
le
de la Rose, en lisant
Temple de Cupido, de Clément
VEspinette du jeune prince conquérant
royaume de bonne renommée. Jean Marot
Fig. 348.
Roman
Octavien de Saint-Gelais
et
écrivaient en vers
le
Journal des expéditions de Charles VIII
Louis XII. La musc populaire iVinspira que deux poètes lerie
Pierre Gringore, qui,
et
servait
Rome,
anonyme du xvi" siècle, éditée à Portrait de l'Arioste. Fac-similé réduit d'une gravure Firmin-Didot, par Ant. Salamanca. Bibliothèque de M. Ambroisc
-
cachet
le
François
rr
I
de
son
style
dans tous
les
proverbial
et
parut devoir renouveler
la
de ce style
éminemment
français.
Il
n'avait
la
de
Roger de Golcon-
malicieux. L'époque
langue, sinon
Clément Marot
:
et
genres de poésie,
en imposant au poète, qui voulait être goûté par franc, simple, naïf, vif et gai.
le
de
forme poétique,
les courtisans,
un
style
fut le véritable restaurateur
pas
le
génie des grandes
SOIENCES ET LETTRES.
—
t>-
SCIENCES ET LETTRES.
490
œuvres;
il
trop léger
était
poèmes, que personne française
trop gaulois, pour songer à faire de longs
et
Avec
d'ailleurs n'aurait lus.
composait de rondeaux, d'épîtres
se
royaux, de ballades, d'épigrammes
comme
encore qu'épigrammes,
gramme que Clément Marot
et
toute la poésie
lui,
chants
de
d'élégies,
,
de madrigaux, qui ne s'appelaient
dans l'Anthologie grecque. C'est dans
n'eut pas d'égal.
l'épi -
n'avait point trouvé
Il
le
style noble et soutenu,
mais bien
Pendant quinze ans,
n'eut que des admirateurs et des imitateurs; mais
quand lique,
il
le style fin, délicat,
au service de
s'avisa de mettre sa poésie
il
quand
il
il
la
Réforme évangé-
Psalmes de David, à
translata en chants d'Eglise les
quête de Calvin,
gracieux, spirituel.
perdit toutes ses qualités de poëte.
Son
la re-
école, qui
comptait quelques charmants versificateurs, Bonaventurc des Périers, Victor Brodeau, Charles Fontaine,
parce que François
I
er
maintint en faveur à
etc., se
se flattait d'avoir eu
qui n'avait pas réussi à
le faire
Ce
poëte.
de faire traduire en vers français tous
les
la
cour,
pour maître Clément Marot, François
fut
I
er
qui eut l'idée
poètes grecs et latins
Homère,
:
par Hugues Salel; Ovide, par Clément Marot; Virgile, par Michel de
Tours lin
et
Octavien de Saint-Gelais
;
Horace, par François Habert. Mel-
de Saint-Gelais, qu'on regardait
comme
ressentait déjà de l'imitation italienne, correct,
ne dédaignait pas
il
poètes de
prétentieuse et
un coup mortel à
cordonnier de Nuremberg,
abordant tous gleterre,
tout en restant ingénieux et
où
le
les
la
En
langue
poésie allemande.
protestantisme n'a pas encore pénétré, et
applaudis
Surrey avait introduit
V Enéide.
la
:
Italie,
le
des
il
la
Hans en
y a des poètes
William Dunbar, avec son poème et
Wyat, avec
leurs sa-
vers blanc dans la poésie anglaise et tradui-
où l'ostracisme de
la
fut l'instigateur de cette résurrection de la poésie il
à
En An-
Réforme ne pénétrera
pas, l'école de Pétrarque semble renaître avec plus de splendeur.
pas d'exemple,
et
est peut-être le seul poëte qui,
allégorique du Bouclier d'or ; David Lindsay
sait
concetti
genres, osa braver l'intolérance luthérienne.
mondains, acceptés
tires.
les
faut le reconnaître, fut partout funeste à
il
littérature. Elle porta surtout le
se
l'Italie.
La Réforme,
Sachs,
l'afféterie
et,
Marot,
seul rival de
le
est vrai, en imitant assez
amoureuse.
Il
Bembo
neprêchait
mal son poëte favori; mais
les
POÉSIE NATIONALE.
pêtrarquistes, qu'on devrait plutôt appeler
491
bembistes, répondirent à
les
son appel, au nombre de cinq ou six cents. D'autres poètes, sans dédaigner les
sonnets du chantre de Laure, cherchent des formes nouvelles, des cou-
Angelo de Gostanzo
leurs et des sujets différents.
viennent à
la
Bentivoglio
et
fils
de Bernardino Tasso, qui
grande épopée des temps modernes, poè'me épique, qui ne repose pas,
la
les
comme
Homère; son poè'me vaut
poétique,
si
si
admirable qu'il
goût, par de fades jeux de mots. sorte, illuminé par la gloire
con-
Amadis, ose entreprendre
la
celui de Virgile, sur les traditions
culeux qui appartiennent à l'histoire du
noble,
s'était fait
Jérusalem délivrée. C'est un véritable
fabuleuses du siège de Troie, mais sur des
inférieur à
poème didactique;
Pierre Arétin, aux satires, en restant bien inférieurs à
un poë'me chevaleresque sur
naître par
Camillo Peregrini re-
poésie lyrique; Bernardino Balbi, au
Torquato Tasso,
l'Arioste.
et
faits éclatants et
moyen
Y Iliade.
âge.
Tout
le
Le Tasse
Mais son
soit, est gâté
presque miran'est pas
beau,
style, si
souvent par
seizième siècle
fut,
le
si
mauvais
en quelque
du Tasse.
Chaque nation voulut avoir
alors son poè'me épique
:
l'Espagne, qui
comptait de bons poètes de canciones, Herrera, Castillejo, Lope de Vega, trouva Alonzo de Erciila, pour consacrer à
Espagnols une épopée
les
sans
du
style et l'éclat des descriptions.
Camoens
pour
choisit
de Yasco de
Gama,
sujet de son
les
de sa fable
mais dant
et
fut
le
feu
Le Portugal eut plus de bonheur épopée nationale
composé en
ces lieux
le
:
voyage maritime
de sa patrie,
et
son
mêmes que remplissaient
souvenirs de son héros. Les défauts du poète, dans l'agencement et
dans
séduit,
il
Mais des digressions
qu'il rattachait à l'histoire entière
beau poème des Lusiades encore
Y Araucana.
des épisodes inutiles étouffaient, dans cet ouvrage,
et
fin
intitulée
conquête du Chili par
la
il
le
choix de son merveilleux, ne sont que trop sensibles;
captive, par la grandeur de ses pensées; son style abon-
harmonieux
se prête bien
des descriptions, dans une
au dramatique des scènes
œuvre puissante
et
et
au coloris
quelquefois sublime. Ca-
moens, qui avait donné une épopée au Portugal,
s'éteignit
presque obscu-
rément dans une affreuse misère.
L'Allemagne semblait devenir impénétrable aux rayons de mais
les
peuples du
Nord commençaient
la
alors à les recevoir. Les
poésie;
Danois
49 2
possédaient un poëte national, Peter Laland, dès seizième siècle. Avant eux,
du quinzième
au-delà
siècle
,
la
et
comptait dès lors un certain
nom,
Jean Kochanowski
dit le
,
Koornhert créa
poésie
la
Prince des Poètes, qui
En Hollande, Dirk
Après quelques traducteurs des
nationale.
Spiegel fixèrent la langue, en posant
Psaumes, Roemer Wisscher
et
principes de
C'est en Angleterre que
tique était
la versification.
le
plus brillant et
genre de pastorale, où
les
plus
le
le
les
mouvement poé-
Spencer imagina un nouveau
actif.
bergers parlent en bergers,
Son poème allégorique
courtisans.
nombre de
entre autres Nicolas
avec Ronsard pendant un séjour à Paris.
s'était lié
qui rima
Ola'ï,
poésie nationale ne remonte pas
poètes que l'Europe connaissait à peine de
Rey de Naglovice
premières années du
Suédois avaient eu Eric
les
La Pologne, dont
leurs chroniques.
les
non plus en
et
Reine des Fées eut encore plus de
la
succès que son Calendrier du berger. Ses contemporains Sidney, Raleigh,
Marlowe, Green Watson, composent des poésies plicité
et
légères, pleines de sim-
Robert Southwell, Samuel Daniel, John Davies,
de grâce.
s'inspirent de la religion et de la philosophie. Mais, à la fin
verra paraître deux
poèmes remarquables
Vénus
:
et
Adonis
du
on
siècle,
et le
Rapt de
Lucrèce, dont l'auteur n'est autre que l'immortel William Shakespeare.
La seconde moitié du seizième de
la
poésie en France.
à l'école de
Un
petit
siècle
amena une métamorphose complète
nombre de
Clément Marot, qui
poètes étaient demeurés fidèles
mourir misérablement à
allait
Marguerite de Valois, reine de Navarre, eût tvpes de cette école,
ennuagé autres
si
femmes, retardèrent
la
(fig.
et
;
Deux
Louise Labé,
Magny. Étienne Forcadel
des épîtres spirituelles
349).
la
Peletier,
fait
du Mans
,
n'avait
:
c'étaient
deux
muse mystérieuse
jolies
épigrammes
Œuvres poétiques dans
Maurice Scève, dans son poème
de Délie, s'inspire toujours des leçons de son ami Clément Marot. laisse à
l'écart d'exécrables poètes, tels
et
qui a la déplorable manie de
créer une nouvelle Orthografe françoese, écrit ses claire, élégante et facile;
cette
encore de
Réforme
autres poètes, deux
décadence du marotisme
Lyonnaises, Pernette du Guillet
une bonne langue
un des plus charmants
son attachement aux doctrines de
ses idées et alourdi son style
d'Olivier de
été
l'étranger.
On
qu'Artus Désiré, Guillaume des
Autels, Barthélémy Aneau, etc., qui s'obstinent à faire de
la
poésie entor-
POÉSIE NATIONALE
tillée,
obscure
parts. C'est raire, en
et
gothique. Mais l'influence italienne s'accuse déjà de toutes
Joachim du Bellay qui donne
recommandant
à ses jeunes
le
signal de la révolution litté-
émules l'imitation des Grecs
et
des
belle langue naLatins, mais en se déclarant dévoué partisan de notre
tionale que quelques novateurs
sacrifiaient
poètes qui répondirent à l'appel de
Fig. 34Q.
—
Du
Les
à la langue italienne.
Bellay dépassèrent
le
but, sans
crayon contemporain. Portrait Je Marguerite de Valois, reine de Navarre, d'après un
Musée du Louvre.
l'avoir atteint
sique
Ce les
,
;
ils
ne furent que d'infidèles traducteurs de l'antiquité clas-
au lieu d'en être
fut
dans un
les fidèles et intelligents
petit collège
imitateurs.
de Paris, que Joachim du Bellay forma, sous
yeux de son professeur humaniste Jean Daurat,
tique,
composée de
sept
membres, qui fut appelée
la
cette association
poé-
Pléiade. Ces sept poètes
Du Bellay, Remy Belleau, J. Daurat, Jodelle, Pontus de Thyard Ronsard (fig. 35o à 356), que tous acclamèrent comme leur chef sou-
étaient Baïf, et
verain. Pierre tre, le
Ronsard
allait être,
pendant près d'un demi-siècle,
dieu de la poésie en France. Dès sa jeunesse,
doter son pays d'un
poème épique
il
le
maî-
avait eu le projet de
national, la Franciade, sur
le
modèle
SCIENCES ET LETTRES.
494
de VÉnéïde de Virgile, mais
ne publia que quatre chants de cette épopée, qui devait en avoir vingt-quatre. Son Francns, fils d'Hector, il
n'était vrai-
ment pas digne de le
Pindarede
Fig. 35o.
-
figurer à coté
XÉnée, fils de Priam. Ronsard fut appelé France, quoique l'inspiration lyrique lui fît absolument
la
Portrait de Baït.
Fig. 35
1.- Portrait de
J.
du Bellay.
Fac-similé de gravures au burin par Léonard Gaultier, de
- Portrait de Remy Belléau.
Fig. 352.
la série dite
Chronologie collée
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
défaut. Ses odes, avec leurs strophes et leurs antistrophes accumulées, ne
sont que de tristes contrefaçons des odes de Pindare; son langage, chargé de grec et de latin, s'égare "dans l'hyperbole et se traîne étouffé sous un
Fig. 353.
—
Portrait de
J.
Daurat.
Fig. 35i.
— Portrait
de Jodelle.
Fac-similé de gravures au burin par Léonard Gaultier, de
Fig. 355.
la série dite
— Portrait
Chronologie
de P. Ronsard. collée.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
déploiement inouï d'érudition mythologique. haut degré,
la
noblesse du style
bonheur Horace
et
et
Il
avait,
cependant, au plus
l'harmonie du rhythme; n imitait avec
Théocrite, mais
il
a réussi surtout
dans
le
genre gra-
cieux, en suivant les traces d'Anacréon, que Henri Estienne venait d'exhu-
mer. C'est un poète assurément, mais un poète fatigant
et
ennuveux,
POÉSIE NATIONALE.
quoique des le
fond
traits
de force
monochrome
que de
lire les
captivité, n'avait pas
le
un perfectionnement de
—
A
européenne,
et
un Parnasse en argent
Ronsard, VApollo de la source des Muses.
plus distingué de la Pléiade était certainement Joachim du
Bellay, qui l'avait créée.
big. 3bb.
:
était
de plus agréable distrac-
vers de Ronsard, lui envoya
massif, avec cette inscription
Le poète
de lumière se détachent à chaque instant sur
de ses poèmes. Sa réputation
Marie Stuart, qui, dans sa tion
et
«
Sa langue,
celle
dit
un habile critique (Gérusez;,
est
de Marot, avec plus de souci de l'imitation
Portrait de Pouthus de Thyard. Fac-similé réduit de
la
gravure de
Thomas
de Leu.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Dïdot.
latine et italienne. et
au reste de
dans
les
la
»
Du
Bellay avait du goût, ce qui manquait à Ronsard
Pléiade;
sentiments.
Il
il
avait aussi de la sensibilité et de l'élévation
mérita d'être
surnommé
l'Ovide français.
autres lui sont bien inférieurs; Baïf est lourd, ampoulé, pédant;
Belleau, qu'on appelait
le
Les
Remy
gentil Belleau, n'a rien de la pédanterie de ses
collègues et ne se préoccupe que de faire des vers aimables et gracieux Jodelle, qui fut faire
du
français
un des fondateurs du Théâtre en France,
;
s'obstinait à
avec du grec; Ponthus de Thyard, qui écrivait plus
volontiers en prose qu'en vers, y gagna un évèché; Daurat resta tout grec
SCIENCES ET LETTRES.
496
que quelques vers
français. Mais, autour de la Pléiade,
et
tout latin, et ne
il
y avait des poètes supérieurs à ceux qui
Tour,
le
VAmie
fit
la
composaient
meilleur poëte bucolique de son temps dans
Magny, un grand
rustique; Olivier de
Amours,
ses
favori de
Ronsard, qui a
Odes, ses Soupirs fait
Gaietés;
et ses
:
le
Bérenger de
Siècle d'or et
poëte lyrique dans
Amadis Jamyn,
de charmants vers, moins froids
poème
monde
Semaine,
intitulé la
est arrivé
sur
ses
l'élève
et
pindariques que ceux de son maître; enfin Guillaume du Bartas, teur de la poésie descriptive, qui, dans son
la
moins
le
créa-
création du
la
presque simultanément au su-
blime... et au ridicule.
On
ne saurait trop s'étonner que
dans
civiles et religieuses, et
de Henri III,
même
nommer
possible de les
dames. Tous
désordre épouvantable des règnes de Charles IX
produit une
ait
vers et les aimait, à et les
le
la
les
France, au milieu de ses guerres
la
telle
tous.
quantité de poètes qu'il ne serait pas
Tout
cour des Valois genres de
la
:
le
monde
était poëte, faisait
les rois et les
des
princes, les seigneurs
poésie noble ou familière, amoureuse ou
mélancolique, sont représentés par des œuvres vraiment remarquables.
Nous ne pouvons que nommer, de Buttet, Savoisien
;
sans éloge
et
Flaminio de Birague,
sans critique
quier,
Guillaume Belliard, de Blois
etc.
Il
faut accorder pourtant
Desportes, qui excellait dans distingua également; à Jean haleine, plus
connus
bigné, qu'on peut
comme
Roches, de
Jean Passerat, Etienne Pas-
une mention spéciale à Philippe
à Jacques de la Taille, poètes de
grande
poètes dramatiques, et enfin à Agrippa d'Au-
surnommer
Mais déjà Malherbe
Mmc des
poésie galante; à Jean Bertaut, qui s'y
la
et
;
Marc-Claude
Italien naturalisé Français;
Scévole de Sainte-Marthe, gentilhomme loudunois; Poitiers;
:
le
Pétrone
était né, et
il
et le
Ju vénal du seizième
allait bientôt,
siècle.
en s'attaquant à l'école
de Ronsard, créer une nouvelle poétique française, dont ses odes sont plus parfait modèle.
le
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES Premiers historiens de dore, Jornaudès.
—
l'Eglise.
—
Derniers historiens latins
— Frédégaire. —
Grégoire de Tours.
et grecs.
— Chroniques
latines
Chroniques monastiques.
:
Marias, Cassio-
— Chroniques
du vm»
— Historiens des pays étrangers. — Chroniques latines de l'abbaye — Premières chroniques françaises. — Villehardouin. — Le sire de Saint-Denis. — Chroniques en de Joinville. — Chroniques de Saint-Denis. — Froissart. — Monstrelet. — Chastellain. — Traductions françaises des anciens historiens. — Bibliothèque de Charles V. — Chroniqueurs du xv» siècle. — Histocour de Bourgogne. — Chroniques particulières et vies des hommes illustres. — Mémoires riens de personnels. — Des Histoires de France au xvi siècle. au
xi c
siècle.— Historiens des croisade
.
riir.es.
la
c
on com-
[en avant les invasions des Barbares,
mençait à négliger d'histoire
que
les
innombrables
les écrivains
livres
grecs et latins
avaient consacrés aux annales des peuples
de P antiquité
qui remplissaient les grandes
et
bibliothèques du
monde romain. On ne lisait
plus ces livres,
même
bles et les plus
plus remarqua-
les
renommés;
les
chrétiens n'at-
tachaient plus d'intérêt à ces récits païens.
On relatifs
s'explique ainsi
à l'histoire de l'antiquité étaient déjà
si
comment rares et
si
ouvrages
les
oubliés.
L'Église, cependant, inspirait de nouveaux historiens qui se consacrèrent surtout à écrire ses annales. Eusèbe, évêque de Césarée, sous
le
règne
de Constantin, composa en grec sa grande Histoire ecclésiastique, en dix livres, depuis la naissance de
(324),
et
Jésus-Christ jusqu'à
mort de Licinius
Paul Orose, disciple de saint Augustin, composa en
dans les premières années du cinquième les
la
latin,
siècle, sept livres d'Histoires contre
Païens (Historiarum adversus Paganos libri VII), où SCIENCES ET LETTRES.
il
63
fit
entrer
SCIENCES ET LETTRES.
498
monde depuis Adam
à la manière
l'histoire
vain, au quatrième siècle, de faire encore de
de Tite-Live, de Tacite
Victor, dit l'Africain, écrit, à
Rome même, dont
Empereurs depuis Auguste,
Rome
tres de
à Pline
le
homme de
et
et à
guerre
et
Cornélius Nepos
un homme d'État,
l'empereur Valens,
et
Ammien
était préfet,
Romœ) qu'on
(De viris illustribus urbis
Jeune
il
de Suétone: Aurelius
et
un Traité sommaire des ,
a souvent attribué
un Abrégé ded'histoire romaine
fait
livres,
de
fondation de
la
toire des
le
temps d'achever, dans
Empereurs romains, qui
celui de Valentinien,
Histoire,
écrite
mais dont
pitent sur l'ancien
où
l'Italie,
elles
monde
Gaules
et
en
une immense His-
règne de Nerva jusqu'à
pourtant digne de clore
la
du haut Empire. les
hordes barbares se préci-
en se dirigeant vers l'Espagne,
Gaules
les
et
fondent de nouveaux États, l'empire d'Orient devient
d'une nouvelle école historique
l'asile
est
pendant que
siècle,
le
les
premiers livres sont perdus. Cette
les treize
en un style barbare,
Mais, au cinquième
sa vieillesse,
s'étendait depuis
brillante série des historiens latins
Rome
Marcellin, natif d'Antioche, qui avait
d'abord pris part aux guerres de l'empereur Julien dans
Germanie, prend
une Histoire
Hommes illus-
Flavius Eutropius, qui était un
;
(Breviarium rerum romanarum), en dix à
du
jusqu'à Tan 3 1 6 de Père chrétienne. Quelques écri-
vains latins s'efforcent en
des
en racontant l'histoire
traditions populaires intéressantes,
tant de
de grands ouvrages émanant tous de objet de mettre en
honneur
le
la
qui se signale par une foule
,
pensée chrétienne
triomphe de
la religion
et
ayant pour
du Christ. Philos-
torge avait écrit en grec une ample Histoire de l'Église, qui ne nous est
connue que par l'Abrégé que Photius en toire ecclésiastique tine, rédige, livres,
aussi
d'Eusèbe, de
dans un
l'an
style excellent,
de l'an 324 à 439,
et
3o6
a fait; Socrate continue l'Hisà
439; Sozomène, né en Pales-
une Histoire ecclésiastique, en neuf
Théodoret, évêque de Cyr en Syrie, élabore
une Histoire ecclésiastique, en cinq
période de temps (325 à 429).
On
dirait
que
livres, qui le
comprend
génie de l'histoire
centré dans les annales de l'Église, où des querelles et des luttes,
la
même
s'est
con-
non moins
vives que celles dont la politique seule -entretenait naguère l'activité renaissante, procèdent maintenant des questions religieuses, des conciles et des hérésies.
Ce nouveau genre
d'histoire
semble convenir davantage à
la
BATAILLE DE JONATHAS CONTRE BACC1DE
Baecide, général de l'armée de Démétrius, sachant que Jonathas retiré
dans
le
marais du Jourdain , choisit
dans l'espérance que thas
rit
derrière
aux
le désir
C'est pourquoi criez
de vos ennemis.
harangue
du Jourdain.
l'eau
au
jour
du sabbat pour
s'était
l'attaquer,
d'observer la loi l'empêcherait de combattre. Jona-
siens cette petite
nous
le
ciel et
Il
:
«
Nous avons
les
ennemis en
tête, et
ne nous reste aucun moyen d'échapper.
combattez afin que vous soyez délivrés des mains
ensuite sa prière à Dieu
attaqua les ennemis en tua plusieurs, et, voyant Baccide venir à lui, déploya toutes ses forces pour lui porter un grand coup; mais les Syriens l'évitèrent et alors Jonathas se jeta »
Il fit
,
,
3
avec les siens dans
le
fleuve et
passèrent tous à
ils le
la
nage
,
sous
les
yeux de
l'ennemi.
(Mach.,
liv.
I' r ,
chap,
îx,
43-49.
— Josèphe,
liv.
III,
chap.
1er.)
CHRONIQUES. HISTOIRES. MÉMOIRES.
littérature grecque;
il
trouve, cependant, parmi les écrivains latins, trois
Le
Rufin, qui avait été
prêtre
où
retira en Sicile
bon
qui se
et
latin l'His-
sorti plus élégant, quoique né en Aquitaine et n'étant pas
et
des Gaules où
Abrégé de
avec saint Jérôme
avait suivi l'apostolat de saint Martin, composait
il
depuis
l'histoire sacrée
Jésus-Christ 410,
et ce
beau
mérita
la
surnom de
Mahomet
mais
II;
Salluste chrétien.
écrits la
en grec, jusqu'cà
prise de
la
langue latine, au contraire, n'a-
mélange inévitable des idiomes nationaux de tous
peuples barbares, qui se répandaient
et
s'aggloméraient sur tous
les
des provinces romaines. Cette langue latine, de plus en plus altérée restait
administration des Hérules
en
écrire,
dans et
cette
et à la
latin,
pas moins
civile.
On
de
plupart de ses qualités essentielles,
dans une foule d'ouvrages historiques
vait cessé de subir le
le
jusqu'cà l'an
un
l'existence se trouvait dès lors inséparable de
l'empire d'Orient, se perpétua, avec
Constantinople par
du monde
création
la
livre lui
La langue grecque, dont
rompue, n'en
bonne
d'Eusèbe; Sulpice Sévère, son contemporain, écrivain
toire ecclésiastique
plus correct
lié
traduisait en assez
mourut en 410,
il
l'usage de. la
s'efforcent de conserver
ou quatre imitateurs qui latinité.
499
la
langue
ne parlait que
cour de Théodoric,
officielle
du
le latin à la
Goths.
roi des
les
points et
cor-
clergé et de la haute
cour d'Odoacre,
On
roi
continua donc à
des livres d'histoire politique plutôt que religieuse. C'est
langue semi-barbare que
les historiens
occidentaux des sixième
septième siècles rédigèrent leurs Chroniques, pendant que
les historiens
Dion grecs publiaient de bonnes histoires à la manière de Polybe et de Cassius Agathias :
le
Scolastique, l'Histoire du règne de Justinien
;
Procope
Théophylacte de Césarée, secrétaire de Bélisaire, l'Histoire de son temps; Simocatta, l'Histoire de l'empereur Maurice,
Les Chroniques âge, n'en sont pas
cerne
la
latines,
composées pendant
moins précieuses
France ou plutôt
c'est celle
la
et
et intéressantes.
époque du moyen
La plus ancienne con:
de Marius d'Autun, évêque d'Avenche en Helvétie. Elle com-
clairement;
gogne,
cette triste
partie des Gaules occupée par les Francs
mence au règne d'Avitus en 455 et
etc.
elle
elle se
et finit
en 58
1
;
elle est écrite
simplement
rapporte surtout au règne de Gontran, roi de Bour-
contient de bons renseignements
Gaules. Elle avait été composée pour servir de suite
sur cà
la
géographie des
l'Abrégé de l'histoire
SCIENCES ET LETTRES.
5oo
universelle, rédigé par
comme du
Prosper d'Aquitaine;
elle est
donc sèche
et
Théodoric, avait donné plus ample carrière à sa rhétorique, en
roi
écrivant une grande Histoire des Goths, qui s'est perdue, et dont
un excellent Abrégé, sous
est resté
rébus gestis (De l'origine
ce titre
universelle. Saint Isidore,
Le monument nale est
le
le
et
Adam,
des Visigoths
plus ancien
aussi
,
et
petite Histoire
au milieu desquels
tableau
le
trouvé mêlé pendant sa
vie.
Né
fidèle
a
évêque de Tours en 5y3. Le crédit dont
politiques de la
lui
fit
présenté, dans son
des événements aux-
en Auvergne, d'une famille
élevé par saint Gall, son oncle, évêque. de Clermont, et
de Frédégonde
,
avait vécu.
il
patricienne qui avait produitplusieurs sénateurs et plusieurs évêques,
et
par
gestes),
une Histoire des Goths, des
grand ouvrage de Grégoire de Tours, qui
s'était
une
et
et
plus important de notre histoire natio-
et le
Histoire ecclésiastique des Francs, il
faits
évêque de Séville, qui mourut en 636
également une Chronique depuis Vandales, des Suèves
composé
a
nous
il
De Gothorum origine
:
des Goths et de leurs
Jornandès, évêque de Ravenne, qui
quels
concise,
plupart des Chroniques de ce temps-là. Cassiodore, ministre
la
il
il
jouissait à la
tances les plus secrètes de ce règne, et
il
fut
devint lui-même
cour de Chilpéric
permit de jouer un rôle considérable dans
monarchie mérovingienne;
il
les affaires
avait été mêlé aux circons-
il
connaissait tous les détails intimes
delà lutte implacable des deux reines rivales Frédégonde etBrunehaut. Ce fut sans
qui
doute
Là le
motif qui
commence aux
lui
origines de
fit
la
prendre
première partie de cette Histoire est
orale
(fîg.
357).
les
plume
d'historien.
Son
livre,
France, comprend un intervalle de 174
ans depuis l'établissement des Francs dans
Remy, évêque de Reims,
la
les
écrite d'après
Actes des saints,
Quant aux cinquante
Gaules vers l'année 429. La
et
Sidoine Apollinaire, saint
surtout d'après
la tradition
dernières années de son récit, Grégoire
de Tours se porte garant de ce qu'il avait vu de ses propres yeux ou de ce qu'il savait de il
source certaine.
qualités qu'on rencontre la
Il
ne manquait pas de jugement
candeur,
le
et l'envie d'être
n'était
pas sans doute fort instruit, mais
et d'intelligence. Il avait, d'ailleurs, les
plus rarement chez un historien
:
la
bonne
foi,
toujours impartial. Son style incorrect, presque
sauvage, souvent inintelligible, n'en est pas moins coloré, quoique simple et
naïf
:
il
y a çà
et là
des portraits tracés de main de maître, des descrip-
CHRONIQUES, HISTOIRES. MÉMOIRES.
5oi
avait lu Virgile, tions poétiques et pittoresques. Grégoire de Tours, qui
Salluste et Pline, cherchait sans doute à les imiter, dans
des lettres était à peu près anéantie. fait
On
ne saurait
un
lui
siècle
où
l'étude
reprocher d'avoir
faisaient entrer dans son ouvrage les légendes et les miracles qui
la
principale préoccupation de ses contemporains.
Cet ouvrage inappréciable
Fig. 35y.
-
et
unique en son genre
se
conserva dans
par Erwin de Steiqbach (xm«
Statue équestre de Clovis, roi des Francs ( 4 65-5ii), cathédrale de Strasbourg. placée au-dessus du grand portail de la façade de la
les
siècle),
mérovinbibliothèques des couvents plutôt que dans les archives des rois giens
:
il
eut probablement une
auteur (593), puisque dit le Scolastique,
le
notoriété, après la
mort de son
meilleur historien du septième siècle, Frédégaire,
ne trouva rien de mieux, pour continuer sa Chronique
empruntée à Eusèbe, à Jules et latins,
immense
que de remplir
le
l'Africain et à d'autres
chronographes grecs
troisième livre de cette Chronique par un abrégé
avoir analytique du livre de Grégoire de Tours. Frédégaire, qui semble
SCIENCES ET LETTRES.
502
Bourguignon,
été
cinquième sur
livre
conduit sa narration jusqu'à sa mort, en 660.
a
de l'ouvrage renferme de très-précieux renseignements
règnes de Clotairell, de Dagobert
les
Le
er
et
I
de Glovis jeune. L'auteur
déclare, dans sa préface, qu'il raconte ce qu'il a vu, ce qu'il a appris de
témoins dignes de
ce qui est
foi, et
ture de bonnes histoires. C'est
pour
les
On
annales de
parvenu
seul
le
à sa connaissance
monument
France durant ces époques obscures
la
ne s'explique pas
la rareté
sait
que
ritables dépositaires de l'histoire, et
que
les
et
huitième
siècles,
monastère s'imposaient chronologique,
les
le
mains
sans enchaînement de
les
chaque grand
Ce
et religieuse.
écrites
par différentes
dans ces chroniques
communauté
tenait ordinairement
de
la
événements du monde, que l'annaliste enregistrait
souvent d'après des bruits vagues
et
incohérents. Quelques-unes de ces
Chroniques n'en sont pas moins précieuses
(fig.
358), en raison de
nurie de documents historiques pour ces temps reculés,
un grand nombre, parmi
lesquelles
il
faut citer,
santés, celles de Moissac, de Fontenelle, de
comme etc.
ques journalières, qui étaient tenues au courant des rois, des princes et des seigneurs,
des clercs auxquels incombait
la
charge de
et l'on
les
la
pé-
en a publié
plus intéres#
Saint-Médard de Soissons, de
Fleury-sur-Loire, de Saint-Gall, de Saint-Bertin,
maison des
les vé-
faits et d'idées, et,
l'histoire intérieure
plus de place que
religieux de
que des chroniques succinctes,
il
monastiques,
muettes.
devoir de recueillir soigneusement, par ordre
n'étaient, et
et
évêques étaient
les
principaux actes de l'histoire civile
est vrai,
la lec-
des Chroniques contemporaines, aux sep-
quand on
tième
par
historique qui existe
Quant aux chroni-
faits
généraux, dans
on ignore également
les rédiger.
Deux
les
la
noms
des continua-
teurs de Frédégaire déclarent seulement qu'ils ont écrit, l'un, par ordre de
Childebrand, oncle de Pépin d'Héristal, maire du palais, l'autre, par ordre de Nibelung,
première race.
la
fils
On
de Childebrand, qui voulaient avoir
est
«
la
Il
annales de
fondé à croire que beaucoup de Chroniques se
sont perdues dans les guerres et
où
les
les
dévastations de ces époques barbares,
plupart des villes et des monastères furent mis à sac, pillés
n'y a pas eu de siècle
Palaye,
les
si
et brûlés.
barbare, dans lequel, dit Lacurne de Sainte-
Français n'aient senti de quelle
sance de leur histoire, pour exciter
les
utilité
pouvait être
hommes aux
la
connais-
actions honnêtes et
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
vertueuses, par l'exemple de ceux qui les avaient précédés.
pas supposer cependant que
les
anciens peuples de l'Asie
envahirent successivement l'Europe pendant siècles, n'eussent elle consistait
les
»
et
5o3
Il
ne faudrait
du Nord, qui
cinquième
et
sixième
pas d'histoire, quoique cette histoire ne fût pas écrite
en chants guerriers
nération en génération
et
et religieux,
qui se transmettaient de gé-
qui remontaient à des temps très-lointains.
sont ces chants nationaux que Charlemagne
:
fit
recueillir,
de
la
Ce
bouche des
descendants de ces races barbares qui s'étaient confondues avec
les
popu-
— Les sept saints de Bretagne. Fac-similé d'une gravure sur bois des Chroniques de Bretagne, Bouchard. Paris, Galliot du Pré, i5i.|, in-4 Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot. Alain par
Fig. 358.
.
lations indigènes de son empire. C'est aussi
anciens Bretons, des Saxons
et
dans
les
chants nationaux des
des Angles, que Bède
le
Vénérable avait
puisé les éléments de son Histoire ecclésiastique d'Angleterre, qu'il
posa dans
On
fait
le
monastère de Jarrow, près de Durham, où
honneur à -Charlemagne de
l'institution des
tiques, qui devaient être conservées dans
royale. C'était
un
religieux,
le
le
des événements de chaque règne, cueillies sur son
mourut en 735.
chroniques monas-
chaque monastère de fondation
recommandable par son caractère
plus
instruction, à qui l'on remettait
il
com-
et
son
soin d'enregistrer la suite chonologique
et, le roi
mort,
les
notes qu'on avait re-
règne servaient à composer une chronique, qui restait dé-
SCIENCES ET LETTRES.
5 04
posée dans
les
archives du monastère.
La
célèbre abbaye de Saint-Denis eut
sans doute, avant tout autre monastère, toire
posthume des
rappelait
le
rois
(fig.
359), avec une sorte d'autorité religieuse qui
jugement des morts dans l'ancienne Égypte,
pôt de ces archives nationales
moyen
âge.
Un
fameuses
si
de garder
et
hommes
vénérées pendant tout
et si
doctes et lettrés, chargés d'enregistrer les dits et
leur mort. Eginhard,
le
la postérité,
secrétaire (notarius) de
mais seulement après
Charlemagne, remplissait
donc pour s'acquitter de dans
se retira
le
sa mission,
que
couvent de Selingstadt,
tériaux qu'il avait rassemblés pendant
composé à
qu'il a laissés, paraît avoir été
Vies des douze Césars.
membres de l'Académie
l'ancienne est
il
,
On
mettre en ordre
les
ma-
règne de son glorieux maître le
meilleur de tous ceux
l'imitation de celui de
reconnaît, en
fut
le lisant,
Suétone sur
que l'auteur était un des
Palatine, et que, malgré l'incorrection et l'âpreté
de suivre
s'efforçait
les
exemples des bons historiens de
Rome.
étrange que
magne ne
afin de
le
Ce
savant favori de l'empereur
Vie de Charlemagne. Cet ouvrage,
et d'écrire la
de son style
le
en
l'avait choisi,
outre, pour diriger l'éducation des héritiers du trône impérial.
les
soient pas plus
monuments
historiques de l'époque de Charle-
nombreux. Cet empereur aimait
courageait ceux qui les cultivaient les
le
mémorables
faits
emploi de haute confiance auprès de ce prince, qui
Il
dé-
des plus anciens historiens de l'Angleterre rapporte que
des souverains, pour les transmettre à
les
le
entretenaient, dans leurs palais et près de leur personne, certains
les rois
cet
privilège de faire ainsi l'his-
le
:
il
les lettres et
en-
ne pouvait donc suivre sans intérêt
progrès des études historiques, mais on doit bien supposer qu'il se sou-
ciait
peu de servir de thème
à son contrôle.
La plupart
et
de sujet à des ouvrages qui eussent échappé
des Chroniques qui traitent de son règne et des
On
circonstances de sa vie sont postérieures à sa mort (814).
ne voit nulle
part que Charlemagne, qui avait réuni autour de lui tant de savants distingués, leur
pendant
ait
donné mission
d'écrire sa
propre histoire
ses repas, les chants historiques des peuples
Germanie (cantilenœ historicœ),
le
même
intérêt, les
il
écoutait
il
se faisait lire,
du Nord
qu'il avait rassemblés,
tériaux irrécusables de l'histoire du passé;
avec
:
comme
et
des
de
la
ma-
probablement aussi,
chansons des bardes qui célébraient ses guerres
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
et ses
conquêtes dans des poèmes en langue vulgaire, traduits plus tard en
paraphrasés ensuite dans
latin et
zième lais
5o5
siècle.
les
Chansons de geste en langage du dou-
Mais, à l'exception d'Éginhard,
il
n'y eut pas, dans
le
pa-
de l'Empereur, des notaires ou des scribes appliqués spécialement à
rédiger, sous les
publique Il
yeux de Charlemagne,
chronique
la
et privée.
ne vivait plus depuis longtemps, lorsque
Fig. 35y.
—
croit être
le
moine de Saint-Gall, qu'on
Couronnement de Charlemagne. Miniature des Chroniques de Saint-Denis, ms. du xiv e
siècle.
un certain Notker,
Bibliothèque nationale de Paris.
recueillit en
gnages de deux contemporains, bert,
de sa vie
officielle
le
prêtre
deux
livres, d'après les
Werinbert
une Chronique (De gestis Caroli Magni)
et le chevalier
qu'il dédiait à
témoi-
Adal-
Charles
le
Gros, empereur d'Allemagne. Cette Chronique, composée cent soixante-dix ans après rifier la
le
grand empereur, dont l'auteur anonyme avait mission de glo-
mémoire, n'en
romanesques ment,
est
pas moins précieuse, malgré
qu'elle introduit
d'ailleurs, sous
à contre-balancer
la
dans
le récit
une forme vivante
des
faits.
les
exagérations
Elle est écrite naïve-
et pittoresque, et elle sert
au moins
fausse Chronique de l'archevêque Turpin, qui n'est
d'un bout à l'autre qu'une élucubration fantastique
et
mensongère, mais
SCIENCES ET LETTRES.
—
64
SCIENCES ET LETTRES.
5oû
moyen
qui fut pourtant regardée, au
comme une
âge,
des sources les plus
respectables de l'histoire de Charlemagne. Cette Chronique, attribuée au
fameux archevêque de Reims qui occupe une
si
dans
belle place
de chevalerie, raconte l'expédition fabuleuse de Charlemagne
composée de deux parties
ladins en Espagne. Elle est
premiers chapitres ont été
au commencement du douzième rable
Chanson de Roland, mais
du pseudo-Philomène sur cassonne,et
rétablir le Patriarche de
Éginhard
est inutile
les gestes
Jérusalem que
de Charlemagne. Paul Warnefride,
ordonné diacre,
du
fut secrétaire
la
Relation
de Charlemagne à Narbonne et à Car-
Paul Diacre sont donc
et
de citer l'admi-
de mentionner
fabuleux Voyage de Charlemagne dans
le
siècle et les autres
siècle. C'est ici l'occasion il
de ses pa-
et
distinctes; ses cinq
au milieu du onzième
écrits
romans
les
les
Terre-Sainte pour
Arabes avaient expulsé
Paul Diacre, parce
lombard Didier
(fig.
366).
du temps
les seuls historiens sérieux
dit
roi
la
qu'il avait été
vécut ensuite à
et
la
cour de Charlemagne, avant de se retirer au couvent du Mont-Cassin, où il
acheva sa belle Histoire des Lombards (De gestis Langobardorum)
son Abrégé d'Histoire romaine. rie,
On
aurait tort de penser
qui semblait s'arrêter et décroître sous
repris sa
marche ascendante pendant
les
le
que
et agités
successeurs. Les historiens, en effet, se multiplient, et l'histoire
tendre sa voix solennelle à tous représente avec raison sociale.
une époque de désordre
Chaque règne, chaque époque, chaque abbaye
Au neuvième
chroniqueurs. la
comme
échos de ce dixième siècle
les
Vie de Louis
Charlemagne
le
mort en
guerres qui eurent lieu entre siècle est
fois
le
de Paderborn, écrit
(
de ses en-
fait
qu'on
se
de transition
maintenant
Noir, abbé d'Aniane,
homme
de guerre,
ses
écrit
petit-fils
de
858), écrit l'Histoire des querelles et des
les fils
de Louis
:
en
Italie,
Débonnaire.
le
Luitprand, évêque de Crémone, en-
en ambassade à Constantinople
gne contemporaine
a
et
,
ait
fécond en historiens remarquables, dans presque
tous les pays de l'Europe
voyé deux
Ermold
Débonnaire; Nithard,
(né en 790,
Le dixième
siècle,
barba-
la
règne de Charlemagne,
règnes troublés
et
,
fait l'histoire
de l'Allema-
de 862 à 984); Witikind, moine d'une abbaye près les
annales de
la
maison impériale sous
Dudon, chanoine de Saint-Quentin, entreprend ducs de Normandie. Les historiens abondent,
et
les
l'histoire des
tous
les
Othon;
premiers
genres d'histoire
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
sont traités avec une ingénieuse variété. Ainsi,
Abbon, abbé de
507
l'antique
monastère des bénédictins de Fleury-sur- Loire (mort en q33), décrit en
vers épiques urbis), dont
Reims,
et
le il
siège de Paris par les
avait été
le
témoin
actif;
Normands {De Richer,
bello parisiacœ
moine de Saint-Remy de
Flodoard, chanoine de Reims (mort en 966), rédigent des Chro-
SCIENCES ET LETTRES.
5o8
niques locales, dans lesquelles l'histoire générale
Le onzième des prélats
et
siècle
ne
manque pas
jette
de larges
reflets.
pour
plupart
d'historiens, qui sont
la
des moines. Citons Dithmar, évêque de Mersebourg en 1009,
auteur d'une Chronique d'Allemagne, qui s'étend de 876 à 1018; Raoul
Glaber, moine de Cluny, dont intéressantes que
le
la
moyen âge
Chronique (900 à [046)
ait
est
une des plus
produites; Aimoin, de Villefranche en
Périgord, mort en 1008, qui avait une réputation méritée dans l'école historique des bénédictins de Fleury-sur-Loire, sa vie à
composer, d'après
les
qui employa une partie de
et
documents conservés dans
cette célèbre
ab-
baye, une Histoire des rois mérovingiens, qu'il a poursuivie jusqu'au règne
de Clovis
II, et
que divers continuateurs, appartenant au
Saint-Benoît, ont et
amenée jusqu'à l'année 654.
C'est là
même
ordre de
une histoire étudiée
bien coordonnée, dans laquelle les Chroniques originales sont habile-
ment fondues ensemble. Thegan, archevêque de Trêves, composa, dans
même
système de composition une Vie de Louis
gaud, moine de Fleury-sur-Loire, un Abrégé de
La langue vulgaire ne commença que passer de
la
poésie populaire dans l'histoire,
bégaiements,
les historiens,
aucun
la vie
la et,
Débonnaire,
fin
du
Hel-
et
roi Robert.
du douzième
siècle à
au milieu de ses premiers
qui sont toujours des clercs et des moines, ne
songent pas encore à abandonner parts, sans
vers
le
le
la
langue latine
ils
:
recueillent, de toutes
esprit de critique, les fables les plus grossières, les tra-
ditions les plus absurdes et les plus ridicules
croisades, dont la première date de 1096, vont littérature historique,
des livres d'histoire.
Il
36 1). Mais voici que
(fig.
les
donner un nouvel élan à
la
en ajoutant de nouveaux motifs d'intérêt à l'usage
y aura, pendant plus d'un
siècle et
demi, une nom-
breuse succession d'historiens des croisades, qui écriront, dans toutes
les
langues, mais de préférence en latin, l'héroïque épopée des voyages d'outre-
mer
(fig.
témoins faisait
362). et
Ces historiens racontent,
quelques-uns animent leur
les croisés; ils
la
plupart, les faits dont
récit
ont chacun leur caractère particulier
première croisade, jusqu'à Guillaume de Tyr.
écrivains latins, Bernard
Robert
le
le
furent
de ce pieux enthousiasme qui
sionomie originale, depuis Guibert de Nogent, qui a la
ils
et
leur phy-
écrit l'histoire
de
Nommons, parmi
les
Trésorier, Albert d'Aix, Jacques de Vitry
Moine, Foucher de Chartres, Odon de Deuil.
Il
y
a aussi
deux
5oy
historiens français, pour la quatrième et pour la dernière croisade; leurs
noms sire
sont désormais immortels
:
ce sont
sire
le
de Villehardouin
et le
de Joinville.
Mais, avant de parler des historiens français qui changeront absolu-
ment
forme des ouvrages
la
d'histoire,
il
énumérer
faudrait
les
historiens
ont
grecs et latins, et aussi quelques historiens en langue vulgaire, qui
contribué dignement à faire renaître
la
science historique. Cedrenus et
—
Couronnement du grand khan, premier souverain des Tartares. Miniature de la Fleur des hisHaycon ou Hayton (Hethoum), seigneur du Cort, cousin germain du roi d'Arménie; ms. du xv e Siècle. Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
Fig. 36
1
.
toires de la terre d'Orient, compilées par frère
Zonaras, suivant l'habitude de
montent à
la
création du
leur temps, le
livres, à la
s'est
le
second en
1
1
moyen
mort d'Alexis Comnène,
leurs
Chroniques jusqu'à
Un
autre historien grec,
18.
et
il
les finit
latins sont dès lors
à la
Parmi tous
ces
et
un
mort de l'empereur
innombrables,
de leur simple nomenclature une dizaine de pages, sans
ciation de leurs oeuvres.
âge, re-
borné à commencer ses Annales, en vingt
Baudouin. Les historiens plirait
plupart des historiens du
monde, pour conduire
premier en 1057,
Nicétas Choniates,
la
et l'on
rem-
faire l'appré-
noms, nous signalerons seulement
SCIENCES ET LETTRES.
Guillaume de Malmesbury
Henri de Huntingdon, Roger de Hoveden,
,
pour F Angleterre; Othon de Frisingen, Otfrid de Viterbe Lichtenau, pour l'Allemagne; Léon, cardinal d'Ostie, pour ric
Ximenès, pour l'Espagne,
langues vulgaires,
Fig.
362.
—
Alphonse
X
le
il
suffira
Sage,
pana. Statue votive de
la
roi
etc. (fig. 362).
,
Conrad de
l'Italie;
Rode-
Quant aux Chroniques en
de mentionner, pour
la
Russie,
de Castile (1252-1284), auteur présumé de
la
la
chronique
célèbre Cronica de Es-
cathédrale de Tolède. D'après Xlconografia espanola de Carderera.
de Nestor, écrite en langue slave dans un monastère de Kieff, avant
Mais nous devons renoncer désormais
à indiquer les
noms
1
1
tG.
des historiens
qui se succèdent et qui, chez les diverses nations européennes, se consacrent à écrire les fastes de leur patrie; car ces historiens, soient chez leurs compatriotes, ne sont pas
France,
et le
peu d'espace qui nous
ne nous permettra pas
même
est réservé
même
si
estimés qu'ils
connus de
pour un
nom
en
sujet aussi vaste
d'y faire entrer, sous une forme succincte et
1
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
5
Mémoi-
analytique, l'immense quantité de Chroniques, d'Histoires, de
de relations
res et
nationale,
de
et
dont
France
la
lection
et
,
qui sont l'honneur de
la
réunit
la
plus grande partie.
analogue pour chaque pays,
et
On
Fig. 363.
—
«
Comment
le
était
moins de cent volumes
in-folio!
Chronique universelle
la
ras.
la ville
dudit Alançon.
daté de 1484,
ri°
»
Miniature des Vigiles de Charles VU,
5654>BiBlioth'èque nationale de Paris.
de Saint-Alban au diocèse de Lincoln en Angleterre, titre
col-
moine historiographe de l'abbaye bénédictine
duc d'Alançon print
par Martial d'Auvergne,
une
sait qu'il existe
que l'ensemble de toutes ces Collec-
ne peut cependant passer sous silence
de Mathieu Paris, qui
historique
volumineuse collection des Historiens des Gaules
tions historiques ne représenterait pas
On
notre littérature
1
qui a donné
et
le
de Grande Histoire des Anglais [Historia major Anglorum) à cette
importante compilation différentes
,
dans laquelle
Chroniques des onzième
est
certainement un des historiens
et
son grand
et
les
il
a très-habilement
douzième
pour
les
la
les
Mathieu Paris
plus remarquables du
ouvrage n'intéresse pas moins
terre, particulièrement
siècles.
combiné
moyen
âge,
France que l'Angle-
derniers temps où l'auteur écrivait, d'a-
près ses propres observations, de 1235 jusqu'en 1259 époque de sa mort. ,
Mais déjà allait
les
meilleurs historiens étaient en
s'augmenter de
siècle
en siècle, lorsque
France
,
et
leur
nombre
les écrivains français,
qui
SCIENCES ET LETTRES.
5 12
faisaient
déjà
concurrence aux écrivains latins, eurent créé une école
historique, qui prenait plus de développement, à latine cédait la place à la langue française
Des
le
mesure que
dans l'habitude de
la
langue
la vie
privée.
milieu du douzième siècle, plus de cinquante ans avant que Villc-
hardouin eût prouvé, en écrivant son admirable Chronique de laConqueste de Constantinople
que l'idiome vulgaire convenait merveilleusement à
,
rédaction des livres d'histoire, l'illustre Suger
la
Louis VI
et
longtemps usuel à
la
les rois
,
ministre d'État sous
Louis VII, avait compris que cour
parmi
et
les classes
cet
idiome, depuis
dominantes,
comme
dans
peuple, pourrait être utilement employé pour les Chroniques royales,
le
qui s'élaboraient silencieusement, depuis plus de trois siècles, à l'ombre
de l'abbaye de Saint-Denis, dont
Le
d'être
un
compté au nombre de nos
style
il
était
abbé
où
et
il
mourut en
1
52.
1
pas suffisamment certain; mais, à coup sûr, Suger mérite
fait n'est
quelque peu confus
partie de la Vie de
Louis
le
et
historiens.
obscur,
la
Il
avait écrit, en latin, dans
Vie de Louis
le
Gros
et
une
Jeune.
Les Chroniques latines de l'abbaye royale de Saint-Denis étaient depuis longtemps célèbres
et
vénérées
:
formaient
elles
le
plus précieux dépôt des
manuscrits de l'histoire nationale.
Les auteurs des romans crédit à leurs
et
chansons de geste, pour donner plus de
œuvres d'imagination, ne craignaient pas de déclarer
avaient puisé leurs estoires dans les archives de
chap. Romans). L'auteur du «
Des
faiz
chronique.
»
aussi, de son côté
(Voy.
Saint-Denis
roman en prose de Beufve d'Antonne,
du roy Carie Martel Ton trouve ben assez
enfants de Beufve d'Antonne et ailleurs, est
qu'ils
comme
ès
le
dit:
Croniques des
à Saint-Denis
là
où tout
L'auteur du roman en vers de Doolin de Mayence
cite
:
Les saiges clers d'adonc, par leur seniriance,
En rirent les Croniques qui sont de grant vaillance, Et sont en l'abbaïe de Saint 7 Denys en France; Puis, ont esté estraites, par
De
latin
moult bele ordonnance,
en roman
Les premiers romans historiques avaient de l'histoire en rime,
et les jongleurs,
été
d'abord présentés
qui allaient dans
les
comme
châteaux
et les
3
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
cours pïénières réciter
trument à cordes
et
psalmodier au son de
ronde, du roi Artus de Bretagne,
romans de Rou, du
une foule d'autres du
et
étaient acceptés alors
suspects de notre histoire nationale.
plus sérieux
Fig. 364.
—
«
,
pour disputer
Comment
le
la
Table
crédules tout ce qu'un seigneur
et
voulait savoir de l'histoire des anciens temps. Les
Brut, de Gode/roi de Bouillon,
la
ins-
des douze pairs de Charlemagne, ap-
et
prenaient à leurs auditeurs ignorants
,
ou d'un autre
la viole
interminables aventures des chevaliers de
les
composés en rime
5.1
Il
comme
vogue aux jongleurs
comte de Foix print des places
fortes en 11°
genre,
des documents non
en résulta que
Charles VII, par Martial d'Auvergne, ms. daté de 14S4,
même
n'imaginèrent rien
,
Guienne.
les historiens les
»
Miniature des Vigiles de
5o54- Bibliothèque nationale de Paris.
de mieux que de composer des histoires métriques, qui furent accueillies, en
effet,
avec beaucoup de faveur
Chronique
(de
1
165 à
1
:
Guillaume Guiart rima
3o6), qu'il intitula la
Bel
;
Philippe Mouskes
,
puis les premiers âges jusqu'à
et
fectionnait encore
la fin
du treizième
roi Charles septième
siècle.
les
siècles plus tard, le poète avocat la
règne de Philippe
qui raconte l'histoire de Flandre
métriques trouvèrent un public spécial, parmi
deux
le
une Histoire universelle qui ne contient pas
moins de trente-deux mille vers
la poésie; et,
363
et
de-
Ces Chroniques
personnes qui aimaient
Martial d'Auvergne per-
chronique métrique, en composant (fig.
une
Branche des royaulx ligna& es;
Godefroyde Paris, une Chronique de son temps, sous le
ainsi
364), qui valent
la
les
Vigiles du
meilleure histoire de
SCIENCES ET LETTRES.
—
65
5i
SCIENCES ET LETTRES.
4
ce roi, tandis que son contemporain
noine de
la
Guillaume Crétin, chantre
Sainte-Chapelle de Vincennes, entreprenait de rimer I
fait
qui avait été un
quatrième croisade, donna le modèle
le
plus par-
de Thistoire sans rime, en écrivant sa Chronique ou plutôt ses Mémoi-
res sur la
Conquête de Constantinople par
1202.
les croisés en
On est étonné
de rencontrer, dans un ouvrage aussi ancien, une relation aussi précise, aussi noble, des grands
vu
rier et politique, avait
sorte
sous ses yeux. C'est
se dérouler
point de départ des Mémoires particuliers
le
,
événements que ce seigneur,
eu tant d'attrait pour l'esprit français fini
Chro-
.
Geoffroy, sire de Villehardouin, maréchal de Champagne, la
les
cha-
er
niques de France depuis Charlemagne jusqu'à François
des principaux acteurs de
et
jusqu'à nos jours.
La Chronique du
à la fois guer-
en quelque
,
qui ont toujours
,
sont multipliés
qui se
et
fidèle, aussi
à
l'in-
de Joinville, rédigée plus de
sire
soixante-dix ans après celle de Villehardouin, appartient aussi à la classe
quoique
des Mémoires particuliers,
dans sa
vieillesse, ait
le
eu l'intention d'écrire
plutôt que l'histoire de sa propre vie.
doute
la finesse et la
une des œuvres écrivain, la
mais
grâce,
(fig.
il
les
bon chevalier, qui
Le
la vie
sire
la sensibilité,
les
il
a fait à son insu
vieille littérature. Il n'est
plus exquises de notre
surpasse tous
écrivains de son temps, par
l'enjouement
Louis IX
roi
de Joinville n'a pas sans
pénétration de Villehardouin, mais
le
pas
charme,
piquante naïveté de ses récits
et la
365).
Ces excellents Mémoires,
écrits
par des témoins oculaires d'une incon-
testable autorité, n'eurent pourtant pas, à l'époque le
du saint
composa
la
succès, la notoriété et l'estime,
et
dans
celles
du
sire
la
cour de France
Romanie et
chez
qui avaient une librairie, c'est-à-dire une bibliothèque. ville avait
pourtant écrit ses Mémoires, à
épouse de Philippe
le
Bel
livres de la Bibliothèque
comme
:
droit d'en
le
du château de Joinville en Cham-
de Villehardouin en
copies seulement se répandirent à
furent composés,
ils
que leurs auteurs avaient
attendre. Ils restèrent dans les archives
pagne
où
la
Le
;
quelques
les
seigneurs
sire
de Join-
prière de la reine Jeanne,
son livre eut place naturellement parmi
du Roi, mais
il
tomba
celui de Villehardouin, et, lorsqu'il fut
les
bientôt dans l'oubli,
imprimé au seizième
siècle,
on ne possédait déjà plus de manuscrit original. Beaucoup d'autres
sei-
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
gneurs,
hommes
d'État et guerriers,
comme
les sires
5
de Villehardouin
1
et
de Joinville, recueillirent aussi leurs Mémoires, qui demeurèrent également enfouis dans les archives des châteaux et qui étaient absolument oubliés à
l'époque où
ils
eurent
le
guerres du quatorzième
en
latin
incendies et
dans et
sort de tant de manuscrits anéantis et
couvents
les
du quinzième et
siècle.
les églises
pendant
les
Les Chroniques écrites
eurent moins à souffrir des
des pillages, que ces guerres acharnées entraînaient après elles
qui s'attaquaient surtout aux châteaux et aux villes fortifiées.
donc une foule de ces Chroniques
Il
latines qui n'ont jamais été publiées
reste
pour
365.— Les envoyés du Soudan, ayant à leur tète un petit vieillard marchant avec des béquilles, vienminiature du Credo de Joinnent proposer des conditions de rachat aux croisés prisonniers. D'après une Paris, et qui est aujourd'hui de nationale c Bibliothèque la à autrefois ville, ms. du xm siècle, appartenant
Fig.
en Angleterre.
la
plupart, mais qui sont toujours là pour attester combien
l'histoire s'était
propagée depuis
douzième
le
siècle.
la
passion de
Les clercs, moines, yeux
prêtres, savants, docteurs, auraient cru déchoir à leurs propres
avaient écrit autrement qu'en latin les
hommes témoins.
caractérisée
les
seigneurs, les
hommes
de guerre,
d'État, les poètes et les bourgeois ne se servaient
langue vulgaire pour raconter les
;
On
les faits
dont
que de
les
Histoires
générales et les
Ceux-ci étaient presque toujours en français travaillait, toujours,
la
avaient été les acteurs ou
peut donc établir, dès cette époque, une division
entre
Cependant on
ils
s'ils
très-
Mémoires personnels.
et les autres
en
latin.
dans l'abbaye de Saint-Denis, à
la ré-
SCIENCES ET LETTRES.
5)6
daction française abrégée des Chroniques de France, et Ton modifiait cette rédaction, en raison des changements qui s'opéraient dans la langue. eut ainsi plusieurs versions différentes de ces disait,
au commencement du quatorzième
de ces versions
:
«
li
anonyme d'une
siècle, l'auteur
Si sera ceste histoire descrite selonc la lettre et
l'original
de tous les rois sont escript
fait
de l'estoire
chose qui vaille à rité
de
la lettre,
dou
et se
besogne,
que ceste
Tordeles his-
car là doit-on prendre et puiser
poet trouver, ès Chroniques d'autres églises,
il
il
sans riens oster
vaillans mestre dit
n'y a rien
la
;
:
y pourra bien ajouter selonc la pure vési ce n'est chose qui fasse confusion. Un
estoire est mireors de vie.
Bien sacent que
il
sien ajousté; ains est tout des anciens aucteurs qui tretiè-
rent et compilèrent les istoires selonc les faits des rois et des princes.
d'après des vers attribués à Mathieu de
paraîtrait,
y
Chroniques. Voici ce que
nance des Chroniques de Tabbaïe de Saint-Denis en France, où toires et
Il
Saint-Denis au treizième
siècle, et
mis en
»
Il
Vendôme, abbé de
du plus ancien manuscrit
tête
de ces Chroniques, qu'elles auraient été translatées en français, par ordre de cet abbé, vers 1274, sous
apprennent
.
le profit
.
qu'on pouvait
L'on ne doit ce
.
le titre
livre
de
tirer
Roman de
des Rois. Ces vers nous
la lecture
des Chroniques
:
mespriser ne despire (décrier),
Qui est fait des bons princes dou règne Qui sovent voudrait estudier et lire,
et
de l'empire.
i
Bien puet sçavoir
qu'il doit eschiver et eslire (esquiver et choisir).
Et dou bien et dou mal puet chascun son prou (profit) faire
Par l'exemple des bons se doit-on au bien traire (tirer) Par les faits des mauvais qui sont tout le contraire, Se doit chascun dou mal esloingner
et retraire (retirer)
Mains bons enseignemens puet-on prendre en ce
C'est avec raison
que
savant
le
sur ce célèbre livre, dont
il
a
M. Paulin Paris
donné une édition
:
;
;
livre....
a porté ce
parfaite
:
«
jugement
Les Chroni-
monument
histo-
rique, qui peut-être ait jamais été élevé dans aucune langue et chez
aucun
ques de Saint-Denis sont
le
plus beau,
le
plus glorieux
peuple, à l'exception du livre par excellence,
la
Sainte Bible.
»
Ces Chro-
niques, en effet, qui ne furent réellement publiées qu'au quinzième siècle,
mais qui dès
le
quatorzième avaient
été
communiquées
à des rois et à des
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
5i 7
vénération grands personnages, semblaient entourées d'une espèce de religieuse.
On
les regardait
généralement
et
delà monarchie française.
h
cour de France,
Fi<*.
366.
ils
Quand
comme
d'or de l'Eglise
le livre
des souverains étrangers venaient à
demandaient à voir de leurs yeux
et
à feuilleter de
— Entrevue de fiançailles de l'archiduc Maximilien et de Marie de Bourgogne, à Gand,
Miniature des Chroniques de Flandre,
ms. du
xV
siècle,
n°
i3o 7 3.
Bibliothèque de
le
18 avril 1477
Bourgogne,
à
Bruxelles.
leurs
mains
ce vénérable livre.
On
ces Chroniques, qui a appartenu
trouve cette note, sur un manuscrit de
au duc de Berry, frère de Charles V
quel livre mondit seigneur de Berry
fit
pour montrer à l'empereur Sigismond pier.
»
Le
roi
Charles
V
en avait
prendre à
l'église
(en 141 5), et aussi
fait faire
:
«
Le-
de Saint-Denis
pour
le faire
co-
déjà plusieurs copies ornées de
8
5
SCIENCES ET LETTRES.
1
miniatures, qu'il avait
et
il
ne
se lassait
pas de manifester son admiration pour ce livre
toujours ouvert sur son pupitre, à côté de
Les religieux de Saint-Denis continuaient à l'histoire
de chaque règne, suivant
les
rassemblés avec un soin scrupuleux
C'est ainsi
le
Hardi,
écrites aussi
dans
le
même
les
matériaux avaient
écrivains de la écrit la vie
comme Rigord
Auguste. Les vies des successeurs de ce
latin
qui prenaient une forme impo-
et
que Guillaume de Nangis avait
de Philippe
celle
en
antiques privilèges de leur royale
plume des meilleurs
sante et sévère sous la
Bible.
écrire officiellement
abbaye. C'étaient des Annales très-détaillées, dont été
la
communauté.
de saint Louis
et
avait écrit la vie de Philippe-
roi, jusqu'à
système, c'est-à-dire avec
par des religieux qui gardèrent l'anonyme,
et
dont
Charles VI, avaient été les
plus amples détails,
les
ouvrages disparu-
rent, dit-on, lorsque l'abbaye de Saint-Denis fut envahie et pillée, à plu-
sieurs reprises, de 1410 à 1429, par les
Anglais.
On
Bourguignons,
peut croire, néanmoins, que
les
les
Armagnacs
et les
moines eux-mêmes avaient
caché ou détruit ces ouvrages originaux, où l'histoire des fatales guerres
de
la
France
et
de l'Angleterre,
factions politiques
gnation
et
comme
du quatorzième
de douleur.
Il
ne nous
celle
siècle, était
est resté,
des guerres civiles et des
racontée avec trop d'indi-
de ces précieuses Chroniques
des rois de France depuis Louis VIII jusqu'à Charles V, que
Histoire du règne de Charles VI, qui donne une idée
que devaient et écrites
si
la
grande
favorable de ce
être les Histoires des règnes précédents, recueillies, préparées
dans l'abbaye de Saint-Denis.
teurs de cette Histoire de Charles VI,
la
On
ignore
même
dernière qui
nom
des au-
ait été écrite
en latin
le
avec tous les développements qu'elle pouvait comporter.
A en
dater du règne de Charles VII,
titre
d'office,
parmi
les
il
y eut un Chroniqueur de France,
religieux de Saint-Denis, et le
premier qui
remplît ces fonctions fut Jean Chartier, frère puîné du poète royal Alain Chartier. écrite fut la
On
lui
doit
une bonne Chronique du règne de Charles VII,
en français, mais beaucoup trop abrégée. dernière Chronique rédigée sous
l'abbaye de Saint-Denis
:
la
car Jean Castel,
après Jean Chartier, était
On
suppose que ce
responsabilité du Chapitre de
nommé
chroniqueur de France
moine de Saint-Martin des Champs
abbé de Saint-Maur des Fossés.
Au
et
devint
décès de ce chroniqueur, en 1482, tous
lents qu'elle pouvait îarles VII, les
il
y eut un
Chm
religieux de Saint-Denis
Jean Charrier, le
compor
frère
puîné
bonne Chronique du
c
règ
beaucoup trop abrégée. C
Romanet
S ÉG E l
&
C"
D'UNE VILLE DÉFENDUE PAR LES BOURGUIGNONS SOUS CHARLES VI.
Miniature tirée dos Chroniques de Monstrelot;
(exemplaire sur peau de vélin
).
Pari.s.
Verard,
s.
d.
(vers 1500), in-fol.
Bibliothèque de M. A.mbroise Finnin-Didot
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
ses manuscrits avaient été
Saint- Denis; mais Louis
mis dans un
coffre
fermant à
5
1
clef et transférés
à
lesdits manuscrits, qui concer-
XI ordonna que
naient sans doute l'histoire d2 son règne, retournassent dans sa chancellerie.
Jean d'Auton, abbé d'Angle, remplaça, en qualité de chroniqueur du Jean Castel, sous sous François il
I
le
er .
queur du
roi »,
règne de Louis XII Jean Macé fut chroniqueur du roi, ;
Les Valois ne se contentèrent pas d'un seul chroniqueur France, au
trois historiographes de
y eut dès lors
roi,
dont
cet office,
et
les
lieu
d'un
«
:
chroni-
gages s'élevèrent de douze cents à
fMtw puua Ç
& w
<\uânt()}W\c i)m ifwituwtwircciiivuac fitmtucc
te tfvcy a uufy ivjfevtMmiîcfyticfy cfyurtmfanc fut & mimer" ferrai*
dt/fttrr/fûKwn)
Fig. 367.
— Fragment de ms. du xv e
la
Généalogie des Rois de France
siècle.
et
d'Angleterre,
Bibliothèque nationale de Paris.
deux: mille quatre cents livres (en 1610), vit se succéder Pierre Pascal,
Bernard du Haillan
et
Pierre Mathieu.
Les Chroniques de France ou de Saint-Denis, en français, tées à la
fin
du règne de Charles VII),
et
s'étaient arrê-
ce vaste ouvrage historique
devait conserver longtemps sa réputation, malgré les fables qui envelop-
pent
le
berceau de
tor, lequel serait
la
royauté
venu
Les légendes pieuses,
et
s'établir
les vies
qui
la
dans
de saints
font les
remontera Francus,
Gaules après
et les
la
fils
d'Hec-
chute de Troie.
miracles, qu'on trouve mêlés
à Thistoire des deux premières races, représentent l'esprit du temps où ces annales furent recueillies, et ne sont pas des
documents à dédaigner,
quoiqu'ils aient contribué à discréditer, bien à tort, la naïve et sincère
compilation qui le
quatorzième
les
renferme. Mais
siècle et
il
faut pourtant reconnaître que,
une partie du quinzième,
les
pour
Chroniques de Saint-
SCIENCES ET LETTRES.
520
Denis, nonobstant
sagesse et la régularité de leur rédaction,
la sobriété, la
ne peuvent remporter sur
les
Chroniques de Froissart, ni
même
sur celles
de Monstrelet.
Jean Froissart
(fig.
369) est certainement un des plus sympathiques his-
toriens qui existent; c'est
le
chroniqueur de
que Thistorien du quatorzième d'un peintre d'armoiries
et
Né
siècle.
chevalerie plutôt encore
la
à Valenciennes, vers
1
337,
ms
sans doute scribe héraldique lui-même,
il
s'attacha d'abord à l'Église et, en dépit de sa qualité de clerc, se mit de
bonne heure à courir
monde.
le
permit de s'introduire chez d'Europe.
Il
commença
Il était
aussi poëte et musicien, ce qui lui
seigneurs et bientôt dans toutes
les
par refaire à sa guise
premier travail
et
de perfectionner, pendant toute sa vie
et
il
,
qu'il
dit-il, je faisois
venois,
avoient esté dans les et aussi
et
la
noble
et
escuyersqui
vérifier et justifier les matières.
haute histoire.
et
Partout où
«
qui proprement en sçavoient. parler,
aux anciens hérauts d'armes pour
Ainsi ay-je rassemblé
con-
en écrivant tout ce qu'il avait
enqueste aux anciens chevaliers
d'armes
faits
et
ne cessa d'étendre
vu, tout ce qu'il avait appris, dans ses voyages continuels. je
cours
-ne fut pas satisfait de son
donna une nouvelle forme,
lui
il
Chronique lourde
la
fuse de Jean Lebel, chanoine de Liège; mais
les
»
Cette histoire est une
Chronique vivante, animée, pittoresque, à laquelle on ne peut reprocher que quelques sart
où
redites, quelques contradictions et
prend tous
il
se plaît à
les tons,
peindre
avec un rare bonheur d'expression, dans ce tableau plutôt qu'à décrire
les fêtes
blées des chevaliers, les tournois, aussi bien faits
de guerre
mantes
et
quelques erreurs. Frois-
et les batailles.
que
entremêle son
Il
de conversations spirituelles. Son
de cour,
les sièges
récit
sa prédilection
entreprises, d'une
aucunement de et
ville, les
immense Chronique, dont
la
si
pour
qui nous représente
différents rapports
té-
bon Froissart, qui a marché, en
ses
franche naïveté, qu'ayant
reconnoistre
et
qu'on
fait
une
faute,
corriger en l'endroit où
la diversité
on ne
Michel de Montaigne
et sa loyauté. « le
il
i32Ô à 1400.
des historiens les plus laborieux et les plus sincères;
peut trop louer son impartialité
moigne de
de
assem-
d'anecdotes char-
existe plusieurs textes différents, s'étend, sans lacune, de
Froissart fut un
les
des
mesmes
lui faisoit. C'est la
il
il
ne craint
en est averty,
bruits qui couroient et les
matière de l'histoire nue e
CHRONIQUES, HISTOIRES, MEMOIRES.
Fig. 368. récit
de
— la
Entrée de Charles VII à Rouen, en 1450. Miniature d'un ms. du xv" guerre de Cent ans,
et qui se
521
siècle,
contenant
termine en 1450 par l'entrée de Charles VII à Rouen;
armes d'Anne de Bretagne, femme de Louis XII. Collection de M. L. Double, à Paris.
SCIENCES ET LETTRES.
— 66
relié
le
aux
SCIENCES ET LETTRES.
informe
:
chacun en peut
Comme
Froissart,
faire
son profit autant qu'il a d'entendement.
Enguerrand de Monstrelet
et
»
Georges Chastelain,
qui travaillèrent simultanément à continuer ses Chroniques en écrivant l'histoire
de leur temps, appartenaient l'un
cour des ducs de Bourgogne, où
que
les
— Portrait
voir Froissart, qui
seils,
quand
Il n'était
bray
se
fit
bibliothèque de
mourut après
la ville
à la
encouragés autant
la
sanguine, conservé
d'Arras
chroniqueur, à l'exemple de ce merveilleux historien.
de Walincourt.
de Froissart,
et
comme pour compenser talent de l'écrivain.
et
141 o; peut-être avait-il reçu ses con-
pas poète, mais jurisconsulte
et bailli
finit celle
il
la
Flandre
370), né en i3go, avait
(fig.
de Froissart, d'après un dessin à à
pu
les historiens étaient
poètes et les artistes. Monstrelet
Fig. 369.
et l'autre à la
il
Il
et archiviste
;
il
fut prévôt
rédigea une Chronique, qui
commence
y intercala un grand nombre de pièces
ce qui
manque
Georges Chastelain
de Camlà
où
originales,
à son ouvrage sous le rapport du eut, de
son vivant, beaucoup plus
de réputation que son contemporain Monstrelet; mais sa Chronique, qui
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
Fig. 3yo.
—
Le
roi
Charles VII, au sortir de
la ville
de Rouen, vient assiéger la
ville d'Harfleur.
5a3
Miniature
des Chroniques de Monstrelet, ms. du xv e siècle, n° 2679. Bibliothèque nationale de Paris.
ne fut imprimée que de nos jours,
et
dont une partie importante n'a pas en-
core été retrouvée, était à peu près inconnue, parce qu'il Pavait rédigée
exclusivement pour Philippe
le
Bon
(fig.
371), dont
il
devint secrétaire et
SCIENCES ET LETTRES.
chroniqueur
officiel,
après plusieurs missions diplomatiques en France
et
en Angleterre. Cette Chronique considérable s'étendait de 1419 à 1474. Elle se
ment
recommande surtout par
net et impartial, par
Le nombre des dans
sorte,
le
Louvre, dont après
la
l'excellent esprit de critique,
noble
le style
juge-
le
grave de l'auteur.
livres d'histoire écrits en français s'était multiplié
cours du quatorzième les
et
par
siècle,
que
de
telle
Bibliothèque royale du
la
inventaires ont été relevés par les gardes de fa librairie,
mort de Charles V, contenait plus de deux cents volumes manuscrits,
in-folio et in-quarto,
d'ouvrages historiques, magnifiquement
dart en ais de bois couverts de soie avec fermoirs d'argent.
reliés, la plu-
Parmi
ces ou-
vrages, on remarquait plusieurs traductions françaises des historiens latins,
Titus Livins, Julius César, Valeriits Maximus, Lucan par ordre du roi Jean
faites
et
du
roi
roir historial de Vincent de Beauvais pris sans doute
le
livre
du
On y
Charles V.
exemplaires des Chroniques de France, quatre ,
cinq exemplaires
et
etc.
français
et
(fig.
Mais on ne voit pas
lui,
et
figurer,
dans
au Louvre,
les
inventaires,
ils
lisait
ou
le
un
seul
de-
les faisait lire
duc de Bedfort, qui
furent dispersés, sinon perdus.
V
avait eu
pour
comme
pue d'Anjou, ne
Ils
les
Il fallut
l'étude de l'histoire contribua sin-
gulièrement aux progrès de la littérature historique. Ce lettrés,
de
et
bibliothèque des rois de France.
la
Le goût que Charles
des
des Empereurs,
qui inscrivait sur chacun d'eux sa signature autographe.
emporta en Angleterre, où
et
Chro-
ces manuscrits avaient été
furent pourtant pris ou achetés, en 1425, par
refaire,
et
et
067), des relations de batailles
acquis, à grands frais, par Charles V, qui les
vant
com-
des Saints, quelques Chroniques étran-
La plupart de
livre d'histoire écrit en latin.
etc.,
du Mi-
huit Vies de saint Louis, y
de Joinville, différentes Histoires
sire
une quantité de Vies des Pères
guerre,
Suétone,
comptait six beaux
niques d'outre-mer, cinq ou six Chroniques des Papes
gères traduites en
et
l'étaient aussi ses
se contentait
pas de
deux
frères le
faire exécuter,
roi,
ami des lettres
duc de Berry
et le
très-somptueusement,
des volumes d'histoire, bien escripts et historiés, avec de riches reliures
;
il
avait à gages, dans sa maison, plusieurs traducteurs, entre autres Jean de
Vignay
et
Laurent du Premier-Fait, auxquels
ouvrages latins ou
italiens
dont
il
il
indiquait lui-même les
voulait avoir la translation en français;
CHRONIQUES. HISTOIRES, MÉMOIRES.
HUYS,
Fig. 371.
—
Origine fabuleuse de
la
croix de Bourgogne. Etienne, roi légendaire de Bourgogne, accomplit
un pèlerinage à Saint-Victor de Marseille, où pour sainte Marie-Madeleine, qui l'écu
il
fait
l'avait ressuscité
,
porter la croix de saint André, par reconnaissance ainsi
que sa mère. Cette croix figura depuis dans
e de Bourgogne. Miniature des Chroniques de Bourgogne, ms. du xv
broise Firmin-Didot.
siècle.
Bibliothèque de M.
Am-
SCIENCES ET LETTRES.
52G
mais
il
n'avait pas de chroniqueur en titre d'office et laissait les religieux
de Saint-Denis s'acquitter de leur charge, en écrivant
l'histoire latine
de son
règne, qu'on n'a malheureusement pas conservée. C'est pourtant à partir
de ce règne que nous possédons
l'histoire particulière
de chaque roi de
France, écrite en français par des chroniqueurs de l'hôtel du de Pisan, philosophe, poëte
Thomas
des faits et bonnes
A
cette
la
mœurs du
époque,
le poè'te
interrompue peut-être par
elle se
et
3y3),
trouvait donc à
Eustachc Deschamps
du Livre
du règne de Charles VI. Cette Histoire,
malheurs des temps, n'a jamais paru, à
les
a été publiée sous le
dans l'Histoire
nom
si
curieuse
et si
de Jouvenel des Ursins. Cet
avait pris part aux affaires politiques de cette triste époque.
nous trouvons,
même,
chroniqueur du
était
historien n'était pas chroniqueur d'office, mais archevêque de il
de
était fille
roi Charles V, qu'elle ne termina qu'en
qu'il n'en faille rechercher la trace
remarquable qui
372
Christine
roi.
cour, de réunir tous les matériaux
roi et travaillait à écrire l'Histoire
moins
(fig.
de Pisan, astrologue de Charles V;
par sa position personnelle à
1404.
et historien
Reims, Après
et
lui,
comme nous
l'avons déjà dit, pour la vie de Charles VII, un véritable chroniqueur de France, Jean Charrier, qui écrivit un peu sèchement les annales de ce règne tout rayonnant de la gloire de Jeanne
d'Arc.
Sous chaque règne,
chroniqueur de France
le
rant l'histoire du roi auprès duquel
pas toujours
écrite, ou,
il
est placé;
du moins, on ne
la
fait
mais
son
office,
en prépa-
cette histoire
ne sera
publiera pas toujours. Ainsi
Louis XI semble avoir systématiquement empêché son chroniqueur d'achever
zième
l'histoire siècle,
roy Louis
avec
XI
e
,
et
de son règne. Celle qui a paru, vers le titre,
sous
le
du quin-
très-mal justifié, de Chronique scandaleuse
nom
du
de Jean de Troyes, n'est autre que l'ébau-
che du travail de Pierre Desrey, de Troyes,
sous Louis XI.
la fin
le
chroniqueur de France
Cette Chronique, fort intéressante, quoique très-incom-
plète, a été qualifiée de scandaleuse, parce qu'elle était la seule publiée sans
l'approbation royale. Après Pierre Desrey,
moitié en vers, moitié en prose,
le
aventureuse de Charles VIII pour Français en
Italie
sous
le
la
André de
la
Vigne
écrivit,
Vergier d'honneur , sur l'expédition conquête de Naples. Les guerres des
règne de Louis XII eurent pour historien Jean
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
d'Auton, qui, en sa qualité de chroniqueur de France, rédigea, dans style le plus entortillé et le plus pédantesque,
en
en
faits et
Ce déplorable
détails.
historiens de la cour de
Bourgogne
et
({fi
g. 366).
—
Fig. 3y2.
François
I
er ,
Henri
une Chronique abondante mis à
style avait été
surtout par
historiographe de Marguerite d'Autriche,
le
le
la
mode
par
les
chanoine Jean Molinet,
gouvernante des Pays-Bas
II et leurs successeurs jusqu'à
Miniature du Livre da faits d'armes et de chevalerie, de Christine de Pisan
;
Henri IV
ras.
du x\ e
siècle.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
eurent aussi des chroniqueurs
gages de leur
office,
et
des historiographes, qui touchèrent les
sans publier jamais
le
résultat de leurs travaux.
de ces historiographes, Pierre Paschal, avait toire de 1
France
qu'il promettait d'année
fait
Un
grand bruit d'une His-
en année. Lorsqu'il mourut en
565, on ne trouva pas dans ses papiers vingt feuillets de cet ouvrage, qu'il
annonçait
comme
terminé.
Depuis longtemps, formes
et
l'histoire,
des allures variées.
en étendant son domaine, avait pris des
Ici, la vie
des
hommes
d'État et des
hommes
SCIENCES ET LETTRES.
528
de guerre surtout
racontée naïvement par les hérauts d'armes, les
était
écuyers, les secrétaires, qui avaient vécu dans leur maison et assisté en
personne à leurs actes militaires ou politiques
hommes
de guerre,
les
hommes de
et ces
Mémoires
là, les
cour, écrivaient
à des secrétaires ou à des domestiques
Ces Chroniques
;
les
particuliers,
hommes
eux-mêmes ou
mémoires de si
d'État, les
divers et
dictaient
leur
temps.
intéressants,
si
quelques-uns anonymes, accusent une espèce d'émulation réciproque de
Chacun
part de leurs auteurs.
temporains été
grandes choses auxquelles
les
témoin. La
recueillie sans
Chronique de
honneur de
tenait à
vieille
il
faire connaître à ses con-
avait participé
ou dont
doute par un de ses compagnons d'armes
ne peut avoir
été écrite
;
avait
pouvoir rendre témoignage de
champ de
la
fut
l'incomparable
que par un
clerc attaché
à sa chapelle, c'est-à-dire à son service religieux, et qui eut le
suivi l'héroïne sur le
il
Chronique du connétable Bertrand du Guesclin
la Pucelle
la
bonheur de
mission de Jeanne d'Arc, après avoir
bataille,
depuis son entrée dans Orléans,
assiégé par les Anglais, jusqu'au sacre de Charles VII, à Reims.
Guillaume
Gruel, qui écrivit l'Histoire d'Artus III, comte de Richemont, duc de Bretagne, était le chroniqueur de ce duc; Jean d'Oronville, qui écrivit l'Histoire de la vie et faits héroïques de fils
de saint Louis,
sous Charles
Jean
le
ment qu'on la
était le secrétaire
VIL Mais
Maingre
,
Louis
dit
on ne
sait
II,
d'un prince de
teur, le secrétaire
et c'est
tout récem-
la
Chronique du bon chevalier Jean de La-
Georges Chastelain. Quant au Loyal servi-
du chevalier Bayard, on n'a pas encore trouvé son nom;
sans peur et sans reproche,
comme
le
le
siècle,
prouesses du bon chevalier
gentil seigneur de Bayard, est estimée à
le sire
le
chef-d'œuvre du genre, à
dans ceux de Philippe de Commines
furent publiés en 1524 et
1
I
de Joinville avait donné en quelque sorte
modèle, nous offrent peut-être
du quinzième
et
chef-d'œuvre historique de l'époque de François
Les Mémoires, dont et le
maison de Bourbon
pas quel est l'auteur de l'Histoire de
mais Y Histoire des faits, gestes, triomphes
type
arrière-petit-
a découvert que Jean Lefèvre de Saint-Remy, roi d'armes de
laing, attribuée jusqu'alors à
droit
la
Boucicaut, maréchal de France,
Toison d'or, avait composé
bon
duc de Bourbon,
528, sous
Lalanne a constaté, avec beaucoup de
le titre
(fig.
de Chroniques.
justesse,
que
c'est le
er .
le
la fin
376), qui
M. Ludovic
premier histo-
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
rien français, qui ait écrit l'histoire de son sagacité et
le
homme
sang-froid d'un
temps avec
la
profondeur,
la
qui a passé sa vie dans les affaires
publiques. Le style de ses Mémoires, pour être long et embrouillé, ne
manque mis en
ni de vigueur, ni de précision, ni
pouvons que
k'ig^373-
citer
— Miniature
même
de coloris. Après avoir
mérite des Mémoires du favori de Louis XI, nous ne
relief le
rapidement
les
du Livre défaits d'armes
Chroniques-mémoires de Pierre Fenin,
et
de chevalerie, de Christine de Pisan; ms. du xv e
siècle.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
de Mathieu de Coucy, d'Olivier de Clercq, tous affidés de
Le seizième
la
la
Marche
(fig.
3y5), de Jacques
maison de Bourgogne, pour
siècle se présente, à
le
quinzième
du
siècle.
son tour, avec une brillante série de Mé-
moires, 'depuis ceux du sire de Fleurange, de Martin du Bellay et du sei-
gneur de
Vieilleville (rédigés
de François
I
er
et
par son secrétaire Garloix), pour
du
siècle.
règnes
de Henri II, jusqu'aux Mémoires de Gaspard de Saulx-
Tavannes, de Montluc, de Castelnau reste
les
et
de Marguerite de Valois, pour
Les Mémoires de Brantôme devaient clore SCIENCES ET LETTRES.
le
—
le
règne des fyj
SCIENCES ET LETTRES.
53o
Valois
et faire
un étrange contraste avec
moires politiques du duc de Sully
,
les
Économies royales,
destinés à immortaliser
le
ces
Mé-
règne de
Henri IV.
Mais ques
et
la
passion du seizième siècle
pour
les histoires
était
pour
les
générales. Les Chroniques de Saint-Denis se
trouvaient fort injustement discréditées depuis
Fig. 374.
— Portrait
ramena de Vérone un
Emilio, ou,
comme on
le
la
règne de Louis XII. Ce
Bibliothèque de
la ville
la
sanguine,
d'Arras.
historien italien, qui écrivait en latin, Paolo disait alors,
refaire en style de rhétorique
avait affublée
le
de Philippe de Commines, d'après un dessin à
conservé à
roi
longs ouvrages histori-
du jargon de
1*
Paulus jEmilius,
et le
chargea de
Histoire de France, que Robert Gaguin
la scolastique.
Le
livre
de Paul Emile [De
rébus gestis Francorum) plut beaucoup aux humanistes, mais
pas
le
succès de
la
Chronique de Gaguin, réimprimée dix
il
n'eut
fois et traduite
en français par l'infatigable Pierre Desrey. Les libraires avaient com-
mandé
à ce Desrey et à d'autres plusieurs compilations historiques, inti-
CHRONIQUES, HISTOIRES, MÉMOIRES.
53
Les chroniqueurs
et
historiographes de France, qui semblent avoir écrit des deux mains à
la
hâtaient de fabriquer de gros volumes, se donnèrent
la
Mer
tulées la
des histoires,
fois, tant ils se
tâche de composer
Fig. 3y5.
—
La Mort
qui préside
Nicole Gilles, notaire et elle
aux
batailles.
la fin
e
Miniature
siècle, n° iy3.
etc.
et secrétaire
tirée
(mort en
du seizième
du Chevalier
délibéré, d'Olivier de
du
Marche,
roi, fut la première tentative en ce les
Annales
i5o3) eurent un grand
siècle,
la
Bibliothèque de l'Arsenal.
ne réussit pas mal, puisque
ce vieil historien
jusqu'à
Rosier historial,
chacun une grande Histoire de France. Celle de
ms. du xv
genre,
le
et
Chroniques de
nombre
d'éditions
grâce aux augmentations et continua-
tions de Belleforest et de Gabriel Chapuis.
Mais on
vit bientôt paraître
SCIENCES ET EETTRES.
532
d'autres histoires
mieux étudiées
que concurremment par
et
beaucoup plus amples, publiées pres-
historiographes du roi Bernard Girard, sieur
les
du Haillan, François de Belleforest in-folio se succédaient avec
Jean de Serres. Les volumes
et
une prodigieuse
rapidité, sans lasser l'impa-
tience curieuse des lecteurs, qui dévoraient ces
une espèce de nière,
fièvre historique, et les
énormes volumes.
écrivains protestants,
Jean de Laval, Agrippa d'Aubigné, ne pouvaient que
l'exalter
davantage, en
des guerres civiles. l'illustre
promenant
la
Un
ait été écrite
La Popelil'irriter et
travers les interminables récits
à
grand historien, notre Polybe, notre Tacite,
président Jacques-Auguste de
ces excès de prolixité, en
C'était
composant
Thou,
plus belle Histoire politique qui
la
en France. Par malheur,
il
en latin énigmatique, au lieu de
l'écrire
temporains Michel de Montaigne
et
Fig. 376'.
—
Armes
se laissait aussi entraîner à
écrivit cette Histoire
dans
la belle
de Henri
V
d'Angleterre, fille
Tiré d'un missel qui appartint à Charles Biblioth.
de M.
langue de ses com-
Henri IV.
accolées à celles de Catherine de Valois, sa femme,
Ambr. Firmin-Didot.
de Charles Vf.
VL
admirable
THÉÂTRE Disparition du théâtre antique.
—
Mystères. ques.
—
—
—
de Pathelin.
du théâtre
Le drame
Progrès du théâtre en Europe.
Le Mystère de
—
saint Louis.
La Bazoche.
littéraire,
—
—
Essais du théâtre chrétien.
tations pieuses dans les églises^
—
latin
— Confrères
Les Enfants sans-souci.
au seizième
de
La comédie depuis
le
—
la
— Représen— Les grands
Origines du théâtre religieux.
de Hrosvitha.
— Le
Mystère d'Adam.
—
Passion à Paris.
treizième siècle.
Représentations publi-
— Jean
Le théâtre en Espagne
et
de
en
la
Halle.
—
Italie.
—
Farce
Création
en France.
siècle,
ous ne pouvons mieux faire que de suivre pas à pas et d'analyser les ingénieuses recherches
M. Charles Louandre, sur
de
Part théâtral.
A
son exemple, nous divisons
en quatre périodes nettement tranchées
du Théâtre. Durant
toire
de
l'origine
la
l'his-
première pé-
riode, dit-il, c'est-à-dire depuis l'avènement
du christianisme jusqu'au septième notre
gréco-romaine do-
ère, la tradition
Pendant
mine à peu près exclusivement. la
seconde,
place à
du septième au douzième
l'inspiration
chrétienne
du mot, disparaît lui-même; monial du culte, langue latine.
et
il
il
:
est,
pour
siècle et
l'élément
profane
théâtre, dans l'acception
le
ne garde, de tous
Au douzième
siècle,
ainsi dire, les
de
siècle
moderne
absorbé par
souvenirs de
fait
le
céré-
Rome, que
la
surtout durant les deux siècles sui-
vants, les représentations scéniques sortent du sanctuaire; les confrères
de métiers se mêlent, sur
vont y remplacer bientôt
:
le
théâtre,
aux prêtres
et
aux moines,
qu'ils
l'idiome vulgaire balbutie des dialogues rimés;
SCIENCES ET LETTRES.
.534
la
pensée chrétienne règne toujours dans
les
grandes compositions dra-
matiques, mais déjà, à travers quelques-unes de ces compositions, on sent percer l'esprit frondeur des âges nouveaux. Enfin, au seizième siècle,
Part subit une transformation définitive
:
il
cherche à se poser lui-même
des règles fixes, en alliant aux traditions gréco-romaines chrétiennes;
devient à
il
la fois
les
inspirations
chevaleresque, religieux, satirique, clas-
sique et national.
Pendant
la
première période,
les
œuvres de théâtre furent peu nom-
AD\|OCAtVf
Fig- '77-
—
L'esclave et l'avocat.
Types de personnages du
théâtre antique, tires des
Comédies
de Térence, ms. du x e siècle. Bibliothèque nationale de Paris.
breuses. Outre les comédies de Plaute et de Térence les tragédies
la
3;y à 38 1),
et
de Sénèque, qui continuaient sans doute à être représentées
çà et là dans différentes villes de
encore
(fig.
bonne langue
latine,
l'ancien
inonde romain où
on ne connaît que de pâles
essais
florissait
du drame
chrétien, tels que le Christ souffrant, attribué à saint Grégoire de
Na-
zianze; une Suzanne, aujourd'hui perdue, que Ton croit être de Jean
Damascène; un tre,»
etc. Il est
«
Dialogue entre
Adam
et
Ève dans
le
paradis terres-
possible, d'ailleurs, que ces pièces dialoguées n'aient pas
THÉÂTRE.
été faites
pour
la
scène.
Le christianisme
535
avait frappé d'une réprobation so-
fussent lennelle les représentations théâtrales, de quelque nature qu'elles
tragédies ou comédies,
qui avec
les
pantomimes ou jeux du
temples païens formaient
romaines, furent abandonnés
que
comme
se répandait la foi nouvelle.
truire,
est vrai,
il
Fig. 3/8.
— Le
Le
les
cirque. Les amphithéâtres,
principaux ornements des
ces temples roi des
et
villes
eux-mêmes, à mesure
Francs Chilpéric
en 577, des cirques à Paris
vieillard et la servante.
:
fit
cons-
à Soissons, mais Fart
Types de personnages du théâtre antique,
tirés des
Comédies
de Térence, ms. du x e siècle. Bibliothèque nationale de Paris.
dramatique étant alors inconnu dans
les
Gaules, ce ne sont plus que des
arènes, où paraissent en public des bateleurs, des danseuses, des chevaux et
des chiens savants, et où se donnent encore des combats d'animaux
féroces.
Du
Le Théâtre
a disparu dans le naufrage de la société antique.
septième au dixième
siècle,
on trouve vaguement indiquées, dans
documents contemporains, deux sortes de représentations scéniques, unes nomades
et
populaires, les autres religieuses et localisées
:
les
les les
pre-
mières se rattachant plus ou moins aux traditions du paganisme;
les
SCIENCES ET LETTRES.
536
secondes offrant
les indécises tentatives
chrétien. Les représentations les histrions,
plus
que
nomades
et
peuple leur avait appliqué,
et
moyen
âge.
mimes
et
populaires étaient données par
et
qui échangèrent d'abord ce
recommandable de chanteurs, le
d'un art nouveau, essentiellement
nom
nom
discrédité contre le
ensuite contre celui de jongleurs,
gardèrent pendant tout
qu'ils
le
Montés sur de
grossiers tréteaux, et assistés de bouffons, de de musiciens, qui accompagnaient leurs voix avec des gestes, des grimaces et des instruments à vent ou à cordes , ils déclamaient
ou
chantaient plutôt qu'ils ne jouaient des rôles sérieux ou comiques. Vers
neuvième
le
cependant, autant qu'on peut
siècle,
quelques passages des historiens de ce temps-là,
le
supposer d'après
jeux des jongleurs,
les
qui empruntaient surtout leur répertoire aux légendes des saints, prirent
une sorte de caractère dramatique. Le dialogue avait succédé au simple récit,
plusieurs chanteurs à
et
la fois
représentaient ou plutôt psalmo-
diaient des scènes pieuses, qu'on appelait se traduire ainsi les rues.
l'Eglise
:
urbanœ cantilenœ
,
ce qui peut
cantilènes de ville, ou chants destinés à être dits dans
C'étaient peut-être là des pièces de théâtre; mais, à coup sûr,
défendait
aux ecclésiastiques d'y prendre part
et
même
d'y
assister.
A
cette
époque, néanmoins, avaient
lieu
dans
les églises,
à l'occasion
des grandes fêtes, de véritables représentations dramatiques qui semblaient faire partie intégrante
du
dirigeait seul, mettait vie de Jésus-Christ.
a la messe,
la
culte, et le clergé,
lui-même en action
dans ces représentations les
Le jour de Noël, par exemple, on voyait
crèche, les bergers,
les
mages,
et
offices
la
paraître,
jusqu'à l'étoile qui avait
conduit ces derniers au berceau du Sauveur. C'est dans
guée de certains
qu'il
principaux épisodes de
la
forme dialo-
chantés aux fêtes de Noël, de Pâques
et
de
la
Pentecôte, qu'il faut chercher l'origine des Mystères et des Miracles du
Théâtre au moyen âge.
Cependant,
et
quoi qu'il en fût de ces scènes figurées, muettes ou dialo-
guées, qui se conservèrent longtemps dans affirmer que, du sixième au dixième siècle, ni
œuvre
A
théâtrale,
la liturgie il
catholique, on peut
n'y eut en
dans l'acception rigoureuse de
ce
Europe
ni théâtre,
mot.
Hrosvitha, religieuse de l'abbaye de Gandersheim, originaire de
la
THÉÂTRE.
Saxe, revient l'honneur d'avoir composé
nom,
dignes de ce
pour
essais qui,
les
être des
n'en sont pas moins très-intéressants sous l'auteur de six
qu'elle est
drames
durent être représentés devant
du chapitre, vers
la fin
53 7
premiers essais dramatiques
œuvres informes
le
rapport de
latins, imités
les religieuses
du dixième
siècle.
l'art.
et
barbares,
On
prétend
de Térence, lesquels
de son abbaye, dans
Honorer
et
la salle
recommander
la
SITVS
Fig. 379.
—
Le
parasite et
le soldat.
Types de personnages du
de Térence, ms. du x°
chasteté,
tel
est
le
siècle.
théâtre antique, tirés des
Comédies
Bibliothèque nationale de Paris.
but dominant des drames de Hrosvitha, et
bien reconnaître que ce théâtre primitif,
dans sa rudesse
et
il
faut
son im-
perfection relatives, offre des beautés qui seraient remarquées et admirées
dans
les
ouvrages des plus grands maîtres de
la
scène ancienne
et
moderne.
Du onzième et
dans
le
au treizième
sanctuaire
étaient joués par
le
même, clergé,
siècle,
on
célébrait, sous le
des offices dramatisés, où
depuis
le
porche des églises les
principaux rôles
chanoine jusqu'au diacre, SCIENCES ET LETTRES.
—
68
et
qui
I
SCIENCES ET LETTRES.
538
formaient l'introduction
sous
offices,
le titre
de
et
l'ornement de
Mystère de
:
voiles,
«
comme
des
de
le détail
ils
femmes
», dit le texte, et
représentant
les trois
«
en manière d'ange
»,
adressait cette question
— Nous Et
trois diacres.
Maries,
chœur;
le
se dirigeaient vers le pupitre, en chantant cette antienne:
Quelle main soulèvera
?
et la
diacres, revêtus de dalmatiques, la tête couverte de
«
chrétiennes
de ces
mise en scène
la
s'avançaient, portant des vases à la main, jusqu'au milieu du front baissé,
Un
de Notre-Seigneur
la résurrection
Jésus-Christ, nous est parvenu, avec
musique notée. Trois
la liturgie sacrée.
le
la
pierre
du tombeau
vêtu d'une aube blanche :
«
Que
Un
»
?
tenant une palme, leur
et
cherchez-vous dans
sépulcre, ô
le
cherchons Jésus de Nazareth,
Mystère de
la
présence du peuple, qui voyait
enfant de chœur,
»
femmes
répondaient
les
résurrection semblait s'accomplir, en
ainsi
devant ses yeux
se dérouler
les
grandes scènes de l'Evangile.
Dès
lors,
nom de ment de
Mystère,
et l'art théâtral voit
en latin dans l'origine,
écrit
la foule,
se constitue sous le
un genre nouveau de dialogue scénique
donne accès peu
d'abord, sous
le
nom
à
s'ouvrir une ère nouvelle. Exclusive-
le
Mystère, pour être mieux compris
peu au langage vulgaire; ce qui produit,
de farcitures, quelques pièces, d'une contexture
étrange, moitié latines, moitié françaises, sur des sujets édifiants. n'est
qu'au treizième
laisser la place
siècle
que
le latin
disparaît de la langue usuelle
aux idiomes populaires. Mais
créés et adoptés dès ce temps-là,
le
Mystère
les trois
Ce
pour
genres dramatiques,
latin, le
Mystère farci
et le
Mystère en langue vulgaire, furent simultanément représentés, jusqu'au
moment où où
il
drame pieux, définitivement
offrait les caractères
avec une
pompe
refours de Il
le
sécularisé, sortit de l'Église
d'une procession religieuse, pour se déployer,
toute païenne, sur les places publiques et dans les car-
la cité.
n'est pas facile,
dans
le
chaos des productions théâtrales du
moyeu
âge, de les distinguer entre elles par des définitions exactes, et de bien établir les conditions spéciales de
toutefois,
que
le
mystère
est la
représentation d'un
du Nouveau Testament, comme emprunté à
la
chaque genre dramatique.
le
miracle est
la
légende d'un saint ou d'une sainte,
fait tiré
On
peut dire,
de l'Ancien ou
mise en scène d'un et
fait
surtout à l'histoire de
THEATRE.
son martyre. Remarquons, pourtant, que
nairement dans une acception tout à
53o
le titre
de mystère, pris origi-
appliqué plus tard,
fait précise, fut
par exception, à des compositions bien différentes des premières qui avaient
aux œuvres dramatiques dont
même
reçu ce
nom. On
étaient
empruntés aux traditions chevaleresques,
Berte,
le
l'appliqua
Mystère d'Amis
et
d'Amile,
en t3g5, ou bien aux traditions païennes
Fig. 38o.
—
Bacchis
et le
et
de l'histoire contemporaine, la vie
My stère
de
Mystère de Griselidis, joué mythologiques,
x e siècle.
comme
le
Mys-
Bibliothèque nationale de Paris.
de la Destruction de Troie, joué en 1459, ou
pendant
le
pêcheur. Types de personnages du théâtre antique, tirés des Comédies
de Térence, ms. du
1ère
le
comme
les sujets
comme
le
même
Mystère du Siège d'Orléans, joué
de Jeanne d'Arc ou peu de temps après
Sauf quelques rares exceptions,
les
aux événements
Mystères
et les
sa mort.
Miracles furent com-
posés par des prêtres ou par des moines, particularité notable qui s'explique par cela lettrés
que
les
même
les
laïques, avaient
des pièces sacrées les fidèles,
que
comme
le
membres du dû considérer
moyen
le
clergé, généralement plus la
représentation publique
plus pratique d'édifier et d'instruire
en leur procurant une distraction d'autant plus agréable, un
SCIENCES ET LETTRES.
540
plaisir d'autant plus vif, que,
guerre,
la
durant ces époques à demi barbares,
peste et la famine, trois fléaux qui
menaçaient ou ravageaient sans cesse L'histoire littéraire a recueilli et
une
1
s
engendrent
l'un
l'autre,
les villes désolées.
liste
assez longue d'auteurs de mystères
de miracles, du douzième au quinzième
Le premier de
siècle.
auteurs est Hilaire, disciple d'Abailard, lequel a composé, sous
de ludi (jeux), des pièces dialoguées, imitées de
Le dernier nom qui
clôt la liste, à la fin
éloquent et scientifique
et
chel, évêque d'Angers, frère
de corriger,
et
la
Bible
du quinzième
et
siècle, est le très-
Passion, qu'un autre Jehan Mi-
la
ou neveu du précédent,
copale.
Quant au monument
France,
c'est
plus ancien de
le
sans doute un Mystère siècle,
d'Adam
se chargea de revoir,
la
première
et
l'art
Eve,
fois,
ville
épis-
dramatique en
écrit
que nous avions découvert
dès l'année 1845, dans un manuscrit de
qui fut publié pour
le titre
de l'Évangile*.
de faire représenter, sous ses yeux, dans sa
au milieu du douzième
ces
surtout très-fécond docteur Jehan Michel, d'An-
du célèbre Mystère de
gers, auteur
la
en français, signalé,
et
Bibliothèque de Tours,
la
et
en 1854, par Victor Luzarche. Ce
mystère ou ce drame mérite d'être considéré
comme
le
type
le
mieux
caractérisé des représentations scéniques qui avaient lieu à la porte des églises.
La
pièce intitulée
:
Represeniacio
Ade
visée en trois actes ou parties, qui sont
(Représentation d'Adam) est di-
accompagnées d'un chœur
terminent par un épilogue. Le premier acte comprend le
second,
le
meurtre d'Abel,
et le
et
qui se
chute de l'homme;
la
troisième, l'intervention des prophètes
annonçant l'avènement du Sauveur du monde. Par intervalles, chante des versets latins,
et
nécessité de la pénitence.
Le manuscrit, où
l'épilogue se
le
chœur
compose d'un sermon sur l'on a retrouvé ce
la
mystère
biblique, est d'autant plus curieux qu'il offre toute la mise en scène du
drame. Le tout les
est
précédé d'une notice sommaire, non-seulement sur
décorations du théâtre et sur
encore sur
dont
ils
premier sous
le
maintien
le
et les gestes
costume de chaque personnage, mais des acteurs, ainsi que sur
la
manière
doivent débiter leurs rôles. Bornons-nous à donner l'analyse du acte,
la figure
où
l'on voit paraître quatre
humaine; Adam, Ève
et le
personnages
Diable.
:
Figura ou Dieu,
La première scène
s'ouvre
THÉÂTRE.
au milieu du Paradis
terrestre, placé sur
une éminence
et
orné de rieurs
odoriférantes et d'arbres à fruits, Dieu est revêtu d'une dalmatique;
Fig. 38
1 .
—
Le cuisinier. Miniature du Tétence, de Charles VI, du xv e
ras.
du commencement
siècle (n° 25, B. L.). Bibliothèque de l'Arsenal.
d'une tunique rouge; Eve, d'un peplum de soie blanche. que, toutes
les fois
Adam,
que Dieu quitte
nous indique exactement
le lieu
de
la scène, la
il
Il est
à remarquer
rentre dans l'église, ce qui
représentation. Voici
le
début impo-
SCIENCES ET LETTRES.
542
*
-
.
sant de cette première scène, dans
le texte
de comprendre, malgré son ancienneté
original, qu'il n'est pas difficile
:
FIGURA.
Adam
!
ADAM Sire
!
FIGURA.
Fourme
De
te ai
lima terre.
ADAM.
Ben
le sai.
FIGURA. Je
fourme
t'ai
A
m'image
Ne m'
:
mun
à
ne
semblant,
t'ai fait
de terre.
devez jamais mover guerre.
ADAM.
Nen
ferai-je.,
Mun
mais
te crerrai
:
creatur obéirai.
FIGURA.
duné bon compainun femme, Eva a noun; ta femme, e tun pareil.
Je
t'ai
Ce Ce
est ta
:
est
Tu li dcis estre bien fiel [fidèle). Tu aime lui, e ele aime toi :
Si serez El' seit
E
ben ambdui (tous deux) de moi. à tun comandement,
vus ambcdcus à
De
ta coste je l'ai
mun
talent.
fourmée
:
N'est pas estrange, de toi est née.
Je
la
plasmai (créai) de ton cors.
De
toi eissit,
Tu
la
non pas de
fors.
gouverne par raison
;
N'ait entre vus jà tençon (querelle);
Mais grant amor, grand conservage Tel
Dieu
soit la lei de
se retire et laisse
Adam
:
mariage.
et
Ève
se
promener dans
jouant innocemment (honeste délectantes). Les
le
paradis, en
démons s'approchent
et
THEATRE.
montrent à Ève
montre
de l'arbre du bien et du mal. Le Diable se
fruits
les
Adam
à cueillir
Adam
défendu.
le
re-
pousse, indigné. Le Diable s'adresse ensuite à Eve, qui ne résiste que
fai-
alors et invite
blement à
prendre
celui-ci
la
Adam
pour
,
le
Diable à s'éloigner, mais on voit
un serpent mécanique, arti-
(c'était
qui se glisse en rampant près de l'arbre du Bien
,
du Mal. Eve cède aux présente à
force
forme d'un serpent
ficiose compositus)
manger
Adam
ses séductions.
fruit
le
pomme
perfides conseils de Satan, cueille la
qui
après avoir refusé de
,
sa part. Aussitôt
la
prendre
et la
par en
finit
,
et
reconnaît sa faute et se cache dans un buisson,
il
se dépouiller de ses habits de fête [solemnes vestes) et se couvrir d'un
costume de
Eve
feuillage.
sont blottis dans un coin du paradis
et lui
et
n'osent paraître devant Dieu, qui se promène, revêtu d'habits pontificaux. Il
appelle
Adam,
en latin
honteux
trent enfin,
:
Adam,
repentants;
et
ils
s'accusent l'un l'autre.
chasse du paradis, en leur annonçant tous la terre.
Un
ange, vêtu de blanc
à la porte du paradis. Dans
blement
la terre et
la
Adam
et
du Diable,
Eve
les
les
attendent sur se tient
cultivent péni-
champ de
le
se roulent
ils
dans
blé.
le
A
pous-
la
s'abandonnent au désespoir. Le Diable
,
où
les
armé d'une épée flamboyante,
démons qui chargent de chaînes Adam
les
sent vers l'enfer,
Eve,
et
pous-
et les
deux pécheurs sont précipités, au milieu des
rires
des cris qui sortent du gouffre enflammé. Telle est l'analyse de ce pre-
mier acte, qui forme une pièce complète genres de
la tragédie,
de
la
pantomime
Le mouvement dramatique qui zième çaise.
siècle
Dès
ne fut pourtant pas un
l'an
en Angleterre,
1 1
le
ro, le poète
se
et
et le
qui réunit à
La
la fois les trois
de l'opéra.
manifesta en France depuis
fait isolé et particulier
normand Geffroy
le
dou-
à la nation fran-
avait fait jouer, à Dunstable, les
Anglo-Normands
représentation d'un Mystère latin est mentionnée,
dans une Chronique du Frioul, à la date de la
et
Miracle de sainte Catherine, dont
furent enthousiasmés.
de
qui
des chardons dans
et
se frappent la poitrine et
rassemble
maux
Dieu
y sèment du froment; mais, durant leur sommeil,
leur réveil, en voyant l'ouvrage sière,
les
dernière scène,
Diable vient planter des ronces
et
et
mon-
ubi es? Les deux coupables se
1
2
1
8
,
En Allemagne, le Mystère
Passion (Passionsspiel) se joue à Vienne, dans Sépulcre de Notrc-Seigneur, au fond de
la
la
Cathédrale
Bohême,
même,
vers 1437.
La
SCIENCES ET LETTRES.
544
Bretagne armoricaine pouvait curiosité des fidèles,
offrir,
un Mystère
longtemps auparavant, à dans
écrit
le dialecte
sainte
Nonne, que certains
zième
siècle, et qui n'a cessé d'être représenté
critiques regardent
les
pieuse
une Vie de
national,
comme dans
la
antérieure au dou-
campagnes jusqu'à
nos jours.
Ces drames français, allemands, anglais, dans un même esprit de piété fervente, sous une forme presque identique.
clercs
pour
se produisent partout
Ils
composés
simultanément,
sont inventés, écrits, joués, par des
Mais bientôt
prêtres ou par des moines.
italiens, bretons, etc.,
les laïques
font concurrence aux
représentations théâtrales, et Ton peut dire que
les
tienté tout entière
la
chré-
prend part alors aux représentations des Mystères
et
des Miracles.
On
sait
que, dans
la
plupart des pays de l'Europe, en France notam-
ment, à dater du douzième
siècle,
chaque art ou métier s'organisait en
confrérie religieuse, dès qu'il s'était constitué en corporation industrielle
ou marchande. Nées de
la
dévotion locale
et
de l'émancipation politique,
dramatiques
ces confréries furent parfois, à l'origine, des associations
favorisées par
le
clergé et les magistratures urbaines.
population étaient conviées
la
représentations publiques des
d'ailleurs
,
d'abord pour
le
naient part, soit
acteurs, soit
édifiants, qui faisaient revivre les
évangélique
De
et
les
si
se
sévère
relâchait
et
encourageait ceux qui pre-
comme
spectateurs, à ces spectacles
principaux
popularisaient tous
de
l'on voyait
L'Église,
condamné,
théâtre profane, qu'elle avait
comme
où
sacrés,
cents personnages.
légitimement de ses rigueurs à cet égard,
les classes
à prendre des rôles dans les
,
immenses drames
figurer quelquefois plus de six
Toutes
faits
de l'histoire biblique ou
triomphes de
la religion
chrétienne.
leur côté, les municipalités encourageaient, indemnisaient auteurs et
acteurs, et ne se lassaient pas défaire recopier ces pieuses compositions
dont
le texte officiel restait
Aussi longtemps que
les
exclusivement liturgique,
déposé dans
les
archives de la
ville.
Mystères et les Miracles gardèrent leur caractère les
personnes, qui y figuraient
n'exerçaient pas là une profession spéciale
fonction religieuse. Ainsi, dès
le
,
acteurs,
mais bien plutôt une sorte de
quatorzième
dogme de l'Immaculée Conception,
comme
siècle,
les
défenseurs du
lequel n'était pas encore
proclamé par
THÉÂTRE.
formèrent des Confréries dramatiques, dans
l'Église,
ce
545
le
but de propager
dogme, en jouant des Mystères de Notre-Dame, composés en
neur de
la
Vierge Marie conçue sans péché
qui portaient tous l'habit ecclésiastique cléricale,
il
y en avait qui
rent bientôt
s'intitulaient
un théâtre permanent, au
près de Paris, en 1398.
Ce
(fig.
382).
Parmi
comme symbole
l'hon-
ces confrères,
de leur origine
Confrères de la Passion.
Ils établi-
village de Saint-Maur-des-Fossés,
théâtre fut presque aussitôt fermé, par ordre
du prévôt de Paris, sans doute à
la
requête des curés de
la capitale,
qui se
plaignaient de ce que leurs paroissiens désertaient les offices pour aller
Fig, 382.
— L'Ermite et
voir
le
oblige Robert
de Robert
le
le
Diable à se taire connaître. Miniature du Miracle de Noslre-Dame
Dyable, ms. du xiv e
jeu des Confrères de
Charles
VI accorda
la
siècle.
Bibliothèque nat. de Paris.
Passion. Mais, quatre ans plus tard,
le roi
des lettres patentes, en date du 4 décembre 1402, aux
susdits Confrères, qui ne furent plus inquiétés dans l'exercice de leur pieuse
vocation. Après avoir obtenu, par ces lettres patentes,
continuer leurs jeux les
rues de Paris,
ils
et
de se montrer,
où
ils
permission de
en costume de théâtre, dans
obtinrent des religieux de l'Hôpital de la Trinité (rue
Saint-Denis, vis-à-vis de basse,
même
la
ouvrirent
le
la
rue Grenetat),
premier théâtre
la
location d'une grande salle
fixe et
couvert, qui ait été fondé
à Paris, et dont les représentations avaient lieu, tous les
de midi à cinq heures du
dimanches
soir. SCIENCES ET LETTRES.
—
69
et fêtes,
SCIENCES ET LETTRES.
Longtemps après
époque,
cette
Mystères
les
nuèrent à être représentés, en province, dans
dans
la
représentation de jeux scéniques
devant
le
portail et sur le parvis,
même, par
de
dans
,
cathédrale
la
aux dates de i525
du seizième
un neveu du pape,
ses filles avec
Mystère de
senter, par des
probablement
,
de 1587.
et
même
11
en lut
Sous
siècle.
le
VIII, vers 1490, Laurent de Médicis, à l'occasion
du mariage d'une de «
consacrés au culte
les lieux
toute l'Europe, jusqu'au milieu
pontificat d'Innocent
lui-même un
Miracles conti-
les
Les Statuts synodaux d'Orléans constatent
et
les cimetières.
et
membres
Paul
saint Jean et de saint
composé
avait
», qu'il
fit
repré-
de sa famille, dans l'intérieur d'une église de
Florence.
Le peuple du moyen âge, par 'rude
plus
et
monotone que
même
cela
que son existence
du peuple moderne,
l'existence
était
plus
saisissait
avec
d'autant plus d'empressement toutes les occasions de se distraire, et l'on
peut dire que
les
représentations solennelles de Mystères étaient au
de ses plus chers amusements. L'entrée du Roi ou de ville, la
naissance d'un prince ou d'une princesse,
bien que les solennités ecclésiastiques
et les fêtes
nombre
Reine dans une
la
de cour, aussi
les fêtes
patronales, donnaient lieu
à ces spectacles populaires. Les représentations, qu'on avait préparées à
grands
frais et
comme
longtemps d'avance, s'annonçaient, à cri public,
ordonnances royales
et
municipales, dans les carrefours de
la ville.
les
Les
spectateurs, qui n'avaient pas de place à payer pour assister iwxjeu, ne se plaçaient point au hasard, mais chacun suivant son rang et sa condition les
:
nobles ou dignitaires occupaient des échafauds plus ou moins com-
modes, sur lesquels, vu
la
longue durée des représentations,
quelquefois servir leurs repas,
comme
les
anciens
droite, les
pour
ou debout, sur
femmes
laisser à ses
tacle, avançait
foule était
si
nue ou sur
la terre
à gauche, exactement
bons paroissiens
comme
le
le
menu
pavé
l'église.
:
les
Le
les
gradins
peuple, se
hommes
à
clergé local,
de ne rien perdre du spec-
la faculté
ou retardait l'heure des
à
se faisaient
Romains sur
de l'amphithéâtre ou du cirque. Les simples bourgeois, pressaient, assis
ils
offices.
Enfin l'empressement de
la
général, que les maisons devenaient presque désertes, et que
des gardiens en armes parcouraient seuls des propriétés pendant
la représentation.
les
rues pour veiller à
la
sûreté
THÉÂTRE.
Il
547
n'y avait pas encore de théâtres permanents dans les villes, mais les
proportions des théâtres temporaires, qu'on y dressait de temps à autre, étaient réglées d'après
scène.
On comprend
le
nombre
que, dans
le
des acteurs qui devaient figurer sur
treizième et
le
quatorzième
on n'avait à représenter que des drames épisodiques,
tels
que
siècle, les
la
quand
Miracles
de Notre-Dame par exemple, ces théâtres étaient beaucoup moins vastes ,
et
moins compliqués qu'à l'époque où furent représentés solennellement grands poë'mes ou Mystères du Vieux Testament, de
les
des Actes des Apôtres. Le théâtre
Passion
la
et
échafauds, destinés à ces re-
et les
présentations publiques qui duraient souvent plusieurs jours, devaient
dimensions énormes
avoir des
dépenses considé-
nécessitaient des
et
rables. «
Les Miracles de Notre-Dame ,
dit
Charles Magnin qui a étudié
le
premier l'archéologie théâtrale, n'exigeaient guère que deux étages ou étals superposés; le plus élevé représentait
trône Dieu
et la
réservé aux scènes humaines
ries,
en autant de cases ou de
divers à montrer.
côtés
(la
du
salles qu'il
moyen de deux
théâtre. C'était par ce et
quand
se manifestaient
comme nous
y avait, dans
(le Ciel)
faire la représentation, le
dirions aujourd'hui »
à
la le
les restes
théâtres permanents
Vierge
comme
celle des
couvertes. Vers
le
et les
Le pied du
Terre.
lieux l'infé-
deux
théâtre,
la ville,
où devait
le
se
d'un théâtre antique, qu'on la
circonstance. Cette espèce les
jeux chrétiens des
que ces con-
Confrères de la Passion, en
milieu du quinzième siècle, les
ou provisoires s'agrandirent en proportion de
dissement du cadre scénique des Mystères qu'on y représentait. étages primitivement superposés,
Anges,
parterre, reposait sur
avait lieu dans toute l'Europe, avant
fréries se fussent établies, et
la
moins que
mieux possible aux besoins de
des salles fermées
drame, de
escaliers en spirale placés des
aux habitants de
ne possédât
du moyen âge
des tapisse-
communiquait avec
de reprise de possession des théâtres païens pour confréries
le
et
chemin, en quelque sorte aérien, que des-
gazon d'une prairie ou d'un cimetière,
appropriait
par des cloisons
remontaient processionnellement Dieu,
cendaient
Varea, ou,
et divisé,
La travée supérieure
Terre), au
ils
Paradis, où siégeaient sur un
Vierge, entourés de leur cour céleste. L'étage au-dessous
était
rieure
le
lesquels formaient d'abord
l'agran-
Aux deux toute
la
SCIENCES ET LETTRES.
548
scène,
on
fit
succéder une foule de compartiments destinés à figurer en
perspective, sur différents plans et à différentes hauteurs,
Monde, Jérusalem, l'Egypte, Rome,
le
acteurs,
que leur rôle appelait sur
la
maison de
la
le
Ciel, l'Enfer,
saint Joseph, etc. Les
un de
scène, se transportaient dans
compartiments désignés par des écriteaux ou inscriptions, chaque le lieu ils
de
scène changeait dans
la
allaient
la
pièce
;
les
gradins du théâtre.
Autant qu'on en peut juger d'après de rares documents
le
deux sortes
:
les
comme
eu souvent beaucoup de peine à se reconnaître
au milieu de
relatifs à ce
comme elles même en pierre,
unes peintes
sont aujourd'hui, les autres construites en charpente et
offrant de vrais plans en relief. D'ailleurs,
les spectateurs auraient
et à
suivre
le
fil
de personnages qui figuraient dans
cette foule
et
de cette quantité de lieux divers que
le
théâtre, l'auteur prenait soin de donner, dans
les
de l'action,
Mystère,
le
joueurs avaient à parcourir sur
certaines indications précises qui suppléaient
un Prologue
aux obscurités de
explicatif,
mise en
la
scène, ainsi qu'à l'ignorance ou à l'inintelligence des assistants. allons, disait-il, par exemple, à son pieux auditoire,
nous allons
«
Tombeau... L'Enfer sera de
puis, le Ciel....
Caïphe
Joseph d'Arimathie....
Outre
ces
maison, de
le
Cru-
l'autre;
se trouvera ici, et avec lui la nation juive; puis,
Au
quatrième
également soin de représenter l'hospitalité.
ce côté; la
Nous
réciter la
sainte Résurrection. D'abord, disposons tout en conséquence. Ici cifix et .là le
que
puis, après avoir fait leur jeu,
lentement reprendre leurs places sur
sujet, les décorations étaient de
fois
ces
lieu,
la ville
on verra Nicodème....
d'Emmaùs, où
On
aura
Jésus-Christ reçut
»
Prologues adressés au public, par l'auteur ou
le
meneur du jeu,
on rencontre, dans quelques Mystères, de courts sermons en prose, prononcés par des prêtres, qui venaient en chape sur pitié et la la
dévotion des acteurs
et
la scène,
pour
des spectateurs. Quelquefois
représentation du mystère, on chantait une grand'messe,
et
exciter la
même, avant toute l'assis-
tance se préparait ainsi à entendre une pièce de théâtre, qui allait offrir un
épisode de
ou d'une
la vie
sainte.
de Notre-Seigneur
Quand
ces
églises, ils se terminaient, ficat,
qu'entonnait
le
drames
(fig.
383), sinon
le
martyre d'un saint
religieux se jouaient encore dans les
en général, par un
Te Deum ou par un Magni-
principal acteur, en arrivant au bout de son rôle. Or-
5
SCIENCES ET LETTRES.
5o
dinairement on ne commençait pas vaient y paraître eussent lait la
fait,
le
jeu, sans que tous les acteurs qui de-
à cheval, à pied ou en voiture, ce qu'on appe-
montre, afin d'exhiber dans
rues de la ville non-seulement
les
personnages en costume, mais encore
les
représentation une fois
les acteurs,
commencée,
engins ou machines de
la pièce.
les
La
qui ne se trouvaient pas
encore en scène ou qui en sortaient, étaient toujours obligés de rester en
vue du spectateur à cet
de se tenir assis
pour aider à
l'illusion,
trée des personnages. L'unité de
que
et
immobiles sur
les
gradins disposés,
de chaque côté du théâtre. Car on n'avait pas encore inventé
effet,
coulisses,
et
l'unité de lieu,
dans
l'action
en cachant
temps
la sortie et
en favorisant l'en-
absolument méconnue,
était
les
ainsi
dramatique. Si, par exemple, on avait à
représenter l'histoire de Notre-Dame, c'était d'abord une enfant de quatre à cinq ans qui remplissait
rôle de Marie,
le
cette enfant, succédait bientôt, suivant
Marie, de quinze à seize ans, laquelle
la
au début de
marche de
faisait place,
la
pièce
l'action,
quand
il
;
puis, à
une autre
le fallait,
à une
troisième Marie plus âgée, qui représentait l'épouse de saint Joseph
Mère de les
Jésus.
Il
résultait,
de ce triple changement de personnages, que
spectateurs pouvaient voir à
même
d'une seule
et
sionomie
de costume.
On
et
et la
la fois
sur les gradins trois incarnations
personne, chacune différente d'âge, de
taille,
de phy-
devine que l'exactitude des costumes, employés dans ces représenta-
tions, était loin d'être rigoureuse. Les maîtres
du
jeu et les acteurs
ou
poètes dramatiques, qui, en ces temps de candide ignorance, mettaient en scène les funérailles de Jules César avec des enfants de croix et l'eau
archéologique. Mais, à part ces erreurs
peut assurer que
en
fait
chœur portant
le
de splendeur
théâtre et
et ces
du quinzième
incohérences grossières, on
siècle
ne
le
cédait peut-être pas,
de magnificence, au théâtre moderne.
costumes bizarres attribués traditionnellement à certains
Il
on ne connaissait pas d'habit plus respectable que
ou
porter à Dieu
la tiare
le
Père
la
chape
et l'étole,
celui
avec
la
y avait des
rôles.
diables étaient toujours noirs, les anges blancs, bleus et rouges,
faisait
la
bénite, ne s'inquiétaient guère de la vérité historique et
Ainsi
et,
les
comme
de prêtre, on mitre d'évêque
de pape. Les acteurs qui avaient à représenter des person-
nages morts s'habillaient en guise d'âmes, c'est-à-dire qu'ils se couvraient
THEATRE.
d'un voile, qui devait être blanc pour prouvés. Dans
le
noir ou rouge pour
les élus,
les ré-
Mistère du Vieux Testament, où Ton voulait figurer
le
sur la terre par Gain, l'acteur qui avait à représenter
Sang d'Abel répandu
ce Sang- s'était enveloppé d'un grand drap rouge et se roulait aux pieds
du meurtrier, en
criant
:
Vengeance
!
Les Mystères, dont quelques-uns ne contenaient pas moins de soixantedix à quatre-vingt mille vers, auraient cutives
pour
joueurs
être joués tout entiers;
et le public.
du Mystère, un
On
«
ment
mais
il
plusieurs semaines consé-
bien laisser reposer
fallait
intervalle de plusieurs jours, et la foule revenait assister à le
même
même
curio-
M. Louandre avec un
senti-
empressement, avec
Pouvait-il en être autrement? ajoute
la
parfait de ce qu'était le Théâtre au quinzième siècle.
vivant et animé,
âges où
inonde du passé
le
et
de l'avenir,
retrouvait ses premiers parents et
elle
jour contempler son Dieu;
elle
le
le
ces
la
paradis où
regardait avec les yeux de
croyance. L'art, en
compositions à
monde
réel et le
profanes.
la
fois
monde
effet,
barbares
et
ne
brillait
elle
un
devait
la foi, et cette
l'art
que par
,
mais un dans
éclairs
naïves, où se reflétaient et
le
fantastique, et l'histoire sainte et les légendes
»
Les Miracles, qui renferment, touchants
Elle voyait là,
paradis des premiers
puissance du drame sacré n'était pas un triomphe de miracle de
les
mettait donc, entre les représentations partielles
chaque représentation, avec sité.
demandé
et
comme
les
Mystères, tant de passages
gracieux, sont remplis de détails étranges
et
que
le
véritable
historien ne devra jamais négliger. Cette naïveté, cet entassement confus d'idées disparates, n'excluaient pas cependant la malice qu'on retrouve par-
tout dans les poésies françaises
qu'on a
dit
que
les
Miracles
du quinzième
siècle. C'est
n'offraient ni satires de
mœurs,
donc à
tort
ni allusions
aux événements contemporains. De nombreux exemples viendraient contredire cette assertion. Ainsi, dans les
règne de Charles VI,
la
Miracles composés
gens de guerre sont maudits,
la
cour
et le clergé
le
le
duc
est aussi très-maltraitée
lui-même
épargné. Dans maint endroit de ces pièces populaires,
du poète
joués sous
reine Isabeau de Bavière et son beau-frère
d'Orléans sont vigoureusement attaqués; les
et
n'est pas toujours
la
noble inspiration
éclate sous le grossier tissu d'une langue encore bien imparfaite.
SCIENCES ET LETTRES.
552
Il suffira
de
citer,
comme un modèle
logue du traître Judas
d'énergie
sombre
et terrible, ce dia-
du Démon.
et
LE DÉMON.
Meschant, que veulx-tu qu'on
A
quel port veulx-tu aborder
te fasse?
?
JUDAS.
Je ne
sais.
Qui ose
les
Je n'ai œil en face
Cieulx regarder.
LE DÉMON. Si de
mon nom
veulx demander,
Briefvement en auras demonstrance. JUDAS.
D'où viens-tu
?
LE DÉMON.
Du
parfond d'enfer.
JUDAS.
Quel
est
ton
nom
?
LE DÉMON. Désespérance. JUDAS. Terribilité de
vengeance
Horribilité de dangier
!
!
Approche et me donne allégeance, Se mort peut mon deuil allégier. LE DÉMON.
Oui, très-bien...
On
n'aura qu'à mettre en regard de cette belle scène de Judas et du Dé-
mon un
petit
Pasteurs dans
modèle de grâce le
et
de naïveté charmante,
grand Mystère de
Greban; Mystère bien supérieur à
la
celui
Passion, par
la
scène
les frères
des
Arnould
que Jehan Michel composa sur
,
,
TH ÉATRE.
le
même
connu
et
sujet et sous le
même
titre, et
553
qui est pourtant beaucoup moins
moins estimé. UN BERGER. plus sereine)
Est-il liesse plus série {joie
Que
de regarder ces beaux champs
Et ces doulx aignelets paissans Saultans à
la belle
praerie
?
SECOND BERGER.
On
parle de grand seignouric
D'avoir donjons, palais puissans; Est-il liesse plus série
Que de
regarder ces beaux champs,
Et ces doulx aignelets paissans Saultans k
la belle
praerie
,
?
TROISIÈME BERGER.
En
gardant leurs brebiettcs,
Ils
jouent de leurs musettes,
Pasteurs ont bon temps
:
Liez {joyeux) et esbatans;
Là dient leurs chansonnettes, Là sont les doulces bergerettes Qui vont bien chantans, Et belles fleurettes Pasteurs ont bon temps
Rien de plus touchant que
Enguerrand de Coucy,
le
la
!
scène du Mistère de saini Louis, où
farouche chasseur, surprenant trois adolescents
qui ont osé tirer quelques coups de flèches sur les
livre sans pitié
de ses domaines,
au bourreau. Celui-ci, aidé de son valet,
aussitôt au bois fatal, le
les lapins
non sans
laisser paraître
les
suspend
un attendrissement qui
fait
plus saisissant contraste avec la rudesse inflexible de sa sinistre pro-
fession
DEUXIÈME ENFANT. (
Après que
le
premier a été pendu.)
Hélas
!
que diront
Nos nobles parens, quand sauront Nostre mort très-dure
et
amère? SCIENCES ET LETTRES.
—
/O
SCIENCES ET LETTRES.
55 4
TROISIÈME ENFANT.
mon
Je plains
père.
DEUXIÈME ENFANT. Et moi
,
ma
mère.
enguerrand, au bourreau.
Meshui
[à présent) depesche-le
[Le bourreau
,
paillart
!
le jette, c'est-à-dire le
pend.)
LE BOURREAU.
Le voilà depesché soudain. L'autre
?
LE VALET. Je Il
le tiens
par
comme
est tendre
la
main.
rosée
Le jeune enfant. LE BOURREAU, à
SOVl VCllet.
Tay-toi
A
l'enfant
Mon amy, muntez
du moyen âge, qui
!
après moi,
!
genres se présentent
les
Tay-toi
:
Et pensez à Dieu
Ainsi tous
!
et se
mystique
est à la fois
confondent dans et
le
grand drame
grotesque, sombre
et
joyeux,
Hommes, anges, rois de la terre et Roi du ciel y comme dans une évocation fantastique, et pendant
trivial et solennel.
pas-
sent tour à tour,
plu-
sieurs siècles, toutes les compositions théâtrales, qui se produisent à côté
du drame sacré, n'en sont, en quelque des branches, pour employer
La Tragédie
le
n'existe pas au
sorte,
terme alors
moyen
que des chapitres détachés,
usité.
âge. C'est à tort qu'on a dit
que
troubadours ou poètes provençaux, Arnaut Daniel, Anselme Faidit
Bérenger de Parasol furent
zième
et
treizième siècles.
les
les
et
principaux facteurs de tragédies, aux dou-
Ce genre dramatique
n'a
commencé
réellement
à prendre une forme régulière qu'au milieu du seizième siècle, grâce à
Baïf
et à
Thomas
Sybilet, qui donnèrent alors quelques imitations des
tragédies du théâtre grec, mais grâce surtout à Jodellc qui
fit
représenter,
THEATRE.
en i55'2,
la
555
Clêopâtre, qu'on doit considérer
comme
la
première tragédie
en vers français.
Quant France.
à
la
On
comédie,
depuis longtemps une véritable vie, en
elle avait
peut dire que
la
veine comique est essentiellement gauloise,
et,
plus on approche de la Renaissance, plus cette veine coule à pleins bords
sur notre théâtre, qui est resté sans rival dans
Fig. 384.
— Patlielin
prenant
la
Fig. 385.
pièce de drap qu'il
-
les
deux genres tragique
Pathelin plaidant pour
enlève au Drapier.
Fac-similés de gravures sur bois de
comique.
Au
d'Adam ou
le
la
que
composé
la
Farce de Pathelin,
les
le
trouvère
la
fétrillée,
intitulée
paroles
et la
Adam
Paris,
de
moitié du quinzième siècle
et
:
le
et le
Berger, devant
Germain Beneaut.
la
Haie, le
1490,
dit le
Jeu du ma-
premier opéra-comique, dans
Jeu de Robin
(fig.
384
1(1*4".
Bossu
et
de Marion, dont
musique. Ces deux anciennes pièces,
fameuse Farce de Pathelin
verselle, sont des
édit. goth.,
le
e Juge-
première comédie française, dans
Jeu de
une espèce de pastorale avait
la
treizième siècle,
d'Arras, avait donné riage
'
et
et
385), qui date de
la
il
ainsi
seconde
qui a joui longtemps d'une réputation uni-
œuvres vraiment remarquables à tous égards.
Si l'auteur
SCIENCES ET LETTRES.
556
de Pathelin
du
nom
était
nom
connu, son
mériterait- encore d'être rappelé à côté
de Molière.
Les pièces comiques du moyen âge, qu'on appelait jeux, soties ou farces, se distinguent généralement par
expressions triviales
et
malhonnêtes, mais
devant
cour
la
milieu entre
les
Mystères dont
plus polie de
la
Farces dont
elles imitent,
rale et religieuse. Ici ce
approprie à
la
même
caractère politique,
ou privée
;
le
satirique, et les
l'allure
la
tendance
mo-
grandes traditions mystiques qu'on et, parfois,
une critique de
l'Église
de temporel chanoines, évêques, cardinaux
et
:
les vices et les
aux grands de
rois et
trouvaient grâce
n'y sont pas respectés, et Y acteur (c'est-à-dire l'auteur) y relève
ménagements
sans
les
du temps
Les Moralités tiennent
empruntent
elles
et
dans une certaine mesure,
scène; c'est une peinture, et
faut faire la part
personne
l'Europe.
ne sont plus
dans ce qu'elle a d'humain
aux
il
ces crudités de langage n'effarouchaient
papes
de
et
on peut leur reprocher aujourd'hui des scènes grossières, des
gaieté;
où
un grand fonds de malice
la terre
travers qu'il leur attribue. C'est aussi
que
la
moralité, qui prend souvent un
demandera compte des
c'est enfin
quelque
fait tiré
écarts de leur conduite publique
des livres saints ou né de l'imagination
du poète, qui fournira
le sujet
qualifier de légendaire.
Par exemple, Y Histoire de V Enfant prodigue,
d'une espèce de moralité, qu'on pourrait le
La\ d'amour
divin, VHistoire de sainte Suzanne, exemplaire de toutes
femmes sages
et
religieux s'allie
de tous bons juges, sont des moralités où
aux enseignements de
la
sonnages, Envie, Raison, Bon renom ,
comme
le
chœur de
la situation
la
etc.,
interviennent dans l'action
respective des personnages
du drame, dans lequel Y acteur
poème la
c'est
établir entre ces
que
monde
et
les
(fig.
386).
dans leur mise en scène,
splendeur des mystères; sauf quelques exceptions,
sonnages qu'on y voyait paraître a toujours
le
nombre
des per-
Au
surplus,
été très-restreint.
deux genres de spectacle une distinction capitale
mystères étaient représentés, pour ainsi dire, par tout
pour tout
le
in-
allégorique et moral,
Marche
sotties, farces, moralités n'offraient jamais,
on peut
,
tragédie antique, pour contrôler, juger et apprécier
analogue au Chevalier délibéré, d'Olivier de
la
mysticisme
sagesse pratique, et dont les per-
troduit alors une sorte de dialogue ou de
Les
le
monde, sous
le
:
le
patronage de l'Église, tandis que
THÉÂTRE.
tes
farces, tes soties
et les
55 7
moralités étaient jouées pour un public spécial,
par des sociétés particulières, par des individus étrangers à
l'état ecclé-
siastique et sans doute par de véritables comédiens,
Fier.
386.
— L'Acteur écoutant la
sa Pensée personnifiée. Miniature tirée
Marche, ms. du xv"
Les jongleurs
et
siècle, (n° 173, B. L.).
du Chevalier délibéré, d'Olivier de
Bibliothèque de l'Arsenal.
diseurs, qui étaient souvent
eux-mêmes
les
auteurs des
poésies satiriques et divertissantes qu'ils allaient réciter, de place en place,
aux sons de
la viole,
des pièces profanes
:
pourraient être regardés car non-seulement
ils
comme
les
premiers acteurs
s'arrêtaient, à la
cour des
sei-
,
SCIENCES ET LETTRES.
558
gneurs
dans
et
châteaux
les
,
pour dire
chevaleresques, mais encore
ils
les
chansons de geste ou poèmes
exécutaient des jeux
qui n'étaient autres que des pièces dialoguées
que
A
fabliau d'Aucassin et Nicolette.
le
et
par personnages
des romans scéniques,
des jongleurs, on voit se
la suite
former, à une époque moins reculée, diverses associations littéraires
matiques
les
,
unes stationnaires à Paris ou dans quelque grande
autres courant
de théâtre Sotte, la
que
les
:
les
et
Enfants sans souci,
Mère Eolle de
Dijon,
etc.
les
Ba\ochiens,
On
Enfants de
les
dra-
ville
province, qui ne nous sont connues que par leurs
la
tels
la
;
les
noms
Mère
a affirmé, sans preuves suffisantes,
chambres de rhétorique , qui donnaient aussi des représentations
de pièces comiques, existaient déjà, dès
le
treizième siècle, en Belgique
en Flandre. Quoi qu'il en soit de cette date, Anvers avait deux Rhéto-
et
Fig. 3S7.
— Portrait
de
riques, les
de Clément Marot. Fac-similé d'une gravure au burin par Léonard Gaultier,
Chronologie
la série dite
Gand en
Flamands
avait quatre, et
et les
et d'arbalétriers
collée. Bibliothèque de
le
M. Ambroise Firmin-Didot.
goût du théâtre fut poussé
Belges, que leurs compagnies
si
loin par
communales d'archers
qui se délassaient de leurs exercices militaires par des jeux
dramatiques, finirent par se constituer en véritables troupes de comédiens.
Les cales,
fêtes
de Noël
des Rois, les jours gras et quelques solennités lo-
et
ramenaient, tous
les ans, à
Paris et dans
les
grandes
villes
de France,
des représentations grotesques, souvent scandaleuses, données par
zoche, qui se composait des avocats stagiaires et de toute Palais. Les
Enfants de
rent pas longtemps leurs poètes de ce (fig.
la
Mère
Sotte
et les
deux troupes séparées
la
la
Ba-
jeunesse du
Enfants sans souci ne formè-
et distinctes
:
plusieurs des meil-
temps, entre autres François Villon
et
Clément Marot
387), furent acteurs dans l'une et l'autre de ces troupes.
Un
bon poète, Pierre Gringore, héraut d'armes du duc de Lorraine,
autre
était le
THÉÂTRE.
principal auteur et
le
55g
plus habile directeur de
troupe des Enfants sans
la
riche, souci, lesquels, se recrutant parmi les familles de la bourgeoisie s'étaient organisés
pour
concurrence aux Confrères de
faire
la
Passion.
théâtre de Gringore jouissait d'une très-grande vogue, sous
Louis XII; lieu
s'était établi
il
cour de Rome, étaient
carnaval,
le
traits vifs et
pièces de ce répertoire,
et les
mordants contre
que raison. (Voy. plus haut
— Marque Mère
Le peuple âge,
et
il
était
de Pierre
Soffc,
«
le
le
passionné pour tous
Théâtre,
les
la féodalité.
et la
Il
:
Raison partout, rien
Dru, imprimeur des poésies de Gringore, à renseigne ae
près du bout du Pont
se portait en foule
de
haut clergé
chap. Croyances populaires.)
Nostre-Dame
»
à Paris, i5o5.
genres de spectacles
les
,
au
moyen
aux înontres, aux cavalcades, aux pompes
aux processions, qui accompagnaient les fêtes
le
plupart assez sévères au point de vue moral,
la
puisque Pierre Gringore avait pris pour devise
Fig. 388.
règne de
aux Halles de Paris; ses représentations avaient
ordinairement pendant
quoique assaisonnées de
le
Le
les
cours plénières,
les
ne faut donc pas oublier, dans
jeux muets par personnages ,
les
et
tournois et
l'histoire
du
allégories , les pantomimes,
qui se représentaient principalement aux entrées des rois et des princes
dans
les villes et
aux réjouissances publiques destinées à célébrer quelque
grand événement politique ou et costumes,
le
chapitre du Cérémonial).
des morts, connue sous avait mise au
local (Voy.
le
nombre des
nom
dans
On
le vol.
des
Mœurs, usages
ne doit pas oublier
de Danse macabre, que
le
la
quinzième
Danse siècle
spectacles qui produisaient le plus d'impression
,
SCIENCES ET LETTRES.
56o
sur
populaire
le
Danse macabre
cette
musique,
l'origine,
une sorte de pantomime mêlée de chant
était
nous voyons, en 1424,
et
publiquement dans
faire jouer
peu près certain que, dans
à
Il est
389).
(fig.
les
de
et
Anglais, alors maîtres de Paris,
la
cimetière des Saints-Innocents, pour
le
célébrer leur victoire de Verneuil.
Une 1
3
1
de
3
moins lugubre,
au peuple de Paris, par ordre du roi Philippe
,
la
autre pantomime, d'un genre
réception de ses deux
avait été offerte, en le
Bel, en l'honneur
dans l'ordre de chevalerie. Là,
fils
dit
Godefroy
de Paris, auteur contemporain d'une Chronique en rimes: Vit-on Dieu, sa Mère rire
Nostre Seigneur manger des
Et
les
Anges au paradis
Et
les
Ames dedans chanter
Enfer y fut noir
pommes,
puant
et
Diables y ot plus de cent
En
1437
à l'entrée de Charles
,
VII à Paris, on représenta
le
Combat des
sept Péchés capitaux contre les trois Vertus théologales et les quatre Ver-
tus cardinales.
A l'entrée
Bas, on joua
Jugement de Paris, qui
Dans
vivant.
Henri le
le
II,
on
les
de Charles
jeux célébrés à
vit figurer
même
en
Parlement de Normandie,
Pharamond. Ainsi
les
le
Téméraire dans une n'était
Muses
la
Foi
et la suite
et la
cles faits
d'attrait, plus
de splendeur
exclusivement pour
continuèrent d'attirer
la curiosité et la
scénique du
ment de Paris des
le plaisir
la
dans
le
et
et
pantomimes,
afin
de
plus d'originalité à ces specta-
des yeux.
siècle, les
foule et de
farces,
charmer
dans
âge se retrouve encore, à les
deux
les soties
et les
mora-
peuple français, dont
le
cette,
siècles précédents.
date
cours de
la
les
semaine. Ce fut
,
à peu près
Mais, en 1641,
défendit aux acteurs qui représentaient
Apôtres } d'ouvrir leur théâtre,
même
Vertu, l'Olympe
roi
badauderie étaient proverbiales en Europe. La tradition
moyen
qu'elle avait été
du
toutes les époques, toutes les croyances, toutes les idées
Jusqu'au milieu du seizième lités
l'entrée
des rois de France depuis
étaient mises à contribution par les inventeurs de
donner plus
des Pays-
qu'une espèce de tableau
Rouen, en i55o, pour temps
ville
le
le
telle
Parle-
Mystère des Actes
jours de fêtes et dimanches et là l'origine
d'un débat litigieux,
THEATRE.
dans lequel intervinrent
le
prévôt de Paris
termina enfin, après bien des délais définitive accordée
Fig. 389.
—
et
56i
et le
Roi lui-même,
et
qui se
des difficultés, par une autorisation
aux acteurs ou confrères, qui
s'étaient établis à V Hôtel
L'Acteur, conduit par Fraîche-Mémoire, est mis en présence des sépultures des chevaliers, du Chevalier délibéré, ms. du xv e siècle (n° 173, B. L.). Bibliothèque
rois et empereurs. Miniature tirée
de l'Arsenal.
de Bourgogne, situé dans
la
rue Françoise, près de
anciens privilèges des Confrères de
la
la
rue Mauconseil
:
les
Passion furent confirmés, par arrêt du
Parlement en date du 19 novembre 1548, à jouer à l'avenir que des sujets profanes,
la
condition expresse
licites et
«
de ne
honnêtes, et de ne plus
SCIENCES ET LETTRES.
—
71
SCIENCES ET LETTRES.
562
entremêler, dans leurs jeux, rien qui eût rapport aux mystères ou à la religion.
Les Miracles,
»
les
Mystères
Moralités se trouvaient donc rayés
et les
désormais de leur répertoire. Les Confrères de droit de représenter de grandes histoires
Passion, qui avaient
le
par personnages , comme
la
la
Destruction de Troie la grant, de Jacques Millet
390), renoncèrent
(fig.
à l'exploitation de leur entreprise dramatique et cédèrent leur salle de spec-
avec leurs privilèges, à une troupe de véritables comédiens, qui s'y
tacle,
installèrent
dont
où
la
pour y jouer
comédie. L'Hôtel de Bourgogne,
principale entrée conservait sur son fronton
l'on voyait
encore
les
instruments de
la
un
bas-relief sculpté
Passion du Christ, devait être
berceau du Théâtre français.
le
Ainsi exilés de
où
ils
ques
la capitale, les
se maintinrent
(fig.
39 1)
.
Mystères
en possession de
seulement, durant tout
villes
rence aux bateleurs
il
la tragédie et la
et
aux vendeurs d'orviétan qui couraient
La proscription
et
du prévôt de Paris, déparier des princes ou princesses de 1
536
,
il
tions de spectacles ni escriteaux taxans soit».
Deux ans plus
les
avait frappé aussi les farces et les soties.
pièces qu'ils représentaient; en
tard,
on
les
province,
seizième siècle, en faisant concur-
défendu aux Basochiens, par arrêt du Parlement
était
la
de loin en loin, et dans quel-
la scène,
le
dans
se réfugièrent
leur fut interdit
«
En
foires 1
5
1
6,
par ordonnance la
cour, dans
les
de faire monstra-
ou notans quelque personne que
obligea de soumettre à la
ce
censure du Paret
comme
l'audace satirique de ces pièces allait toujours en augmentant, on
menaça
lement
de
la
les
manuscrits de leurs pièces, avant
potence
les clercs
de
la
Basoche qui ne
la
se
représentation
soumettraient pas à cette for-
malité préventive. Les soties ne pouvaient subsister, sous la rigueurs,
Ces
et,
vers
la fin
du seizième
siècle, elles
menace de telles
avaient totalement disparu.
restrictions de la liberté théâtrale, cet établissement de la censure
dramatique, ces anathèmes juridiques contre l'agonie et la disparition de l'ancien Théâtre. velle
,
commence pour
l'art
les
pièces saintes, accélèrent
Dès ce moment, une ère nou-
dramatique, en France
et
Mystères qu'on représente encore en Espagne, sous
en Europe. le
nom
A côté des
d' autos
sacra-
mentales, apparaissent avec un singulier éclat les épopées dramatiques de
Calderon la
et
de Lope de Vega. Shakspeare, en
scène anglaise
le
monde
fantastique et
le
même
monde
temps, évoque sur
réel, toutes les tradi-
THÉÂTRE.
563
du cœur humain. En
tions nationales, toutes les passions orageuses
Machiavel, du premier coup, par sa Mandragore
,
s'élève à la hauteur
d'Aristophane. La tragédie classique naît ou plutôt renaît à la cour de
dans
la
grecque
Sophonisbe de Trissino. et
romaine
En
se réveillent aussi
France, :
les
Sibilet,
Italie,
LéonX,
souvenirs de l'antiquité
Guillaume Bouchet
et
La-
zare de Baïf traduisent Sophocle et Euripide; Octavien de Saint-Gelais,
Bonaventure des Périers, Charles Estienne, traduisent Térence en prose
Fig. la
390.— Enlèvement d'Hélène. Fac-similé d'une gravure grant mise par personnaiges par maistre Jacques ,
Bibliothèque de M.
et
en vers,
traduit et
et
lieu
1498, in-fol., goth.
Ambroise Firmin-Didot.
Ronsard, à peine arrivé au terme de
versifie le
Plutus d'Aristophane,
au collège de Boncourt, où
ses condisciples ici le
sur bois de Ylstoire de la destruction de Troye Millet; Paris, Jehan Driart,
il
qu'il
ses études, scolaires,
joue lui-même avec
avait fait ses classes. Et c'est
de remarquer qu'avec ce nouveau genre de pièces dramatiques, on
voit paraître de
tion de leurs maîtres, lèges et sont
de l'Université, sous
la direc-
montent sur des théâtres improvisés dans
les col-
nouveaux acteurs;
les écoliers
admis quelquefois à jouer devant
se serait produit
en Angleterre, ainsi que
le roi et la
l'atteste
cour. Le
même fait
un passage de VHamlet
SCIENCES ET LETTRES.
564
de Shakspeare.
Il
y eut encore, à
même
où Ton représentait
théâtres universitaires,
de Conrad Geltès, imitées de
et
la
les
époque, en Allemagne, des comédies
de Pathelin
la farce
latines
de Reuchlin
des vieilles soties
et
françaises.
Bientôt les imitations succèdent aux traditions, en alternant avec
La
des premières tragédies classiques, Étienne Jodelle, Jacques de
Charles Toustain , Jacques Grevin, observent fidèlement
Théâtre grec; entrecoupent
ils
le
conforment aux règles de
se
qui
fit
:
car, depuis
point de départ de
la
poètes tragiques sont taillées sur
le
le
sont coulés dans
même
le
Français pendant deux
tragédie
même
moule. C'est
siècles.
la
392)
marque
défi-
conceptions des
les
comme
(fig.
leurs alexandrins
tragédie qui va passionner les
Toutefois, ces poètes tragiques, lorsqu'ils
s'avisent d'inventer, ne s'enferment pas exclusivement dans le
romain.
VEsther
Vasthi de Pierre Matthieu,
et
P. Bardou, rappellent encore
emprunté à
la
Bible
à
et
la
les
monde grec
Saint Jacques de
le
Mystères, quant à
la
nature du sujet
légende; mais la composition et la forme de
ces pièces ne s'écartent pas des règles de la rhétorique çaise, tout
défendent,
Robert Garnier
patron,
,
tragédie fran-
et la
en observant ces règles désormais admises, ne
se prive
d'introduire, sur la scène, des sujets et des personnages français,
contemporains, Jeanne d'Arc, Coligny,
les
Guises
et la
Ligue,
Les vieux genres comiques, réfugiés à l'Hôtel de Bourgogne avec plus ou moins de succès par Pierre Leloyer, d'Urfé, Pierre Larivey,
du
de lieu,
et
et d'ailleurs se
moderne,
Taille,
les traditions
jouer sa première pièce en i5j3, jusqu'à Rotrou, qui
nitivement
La
temps
l'unité de
dialogue par des chœurs lyriques,
en quelque sorte, de rien innover
et
elles.
tragédie l'emporta d*abord et longtemps sur la comédie. Les auteurs
etc.,
Remy
pas
même
etc.
et cultivés
Belleau,
Honoré
deviennent des comédies, des tragi-comé-
dies, des pastorales, des fables bocageres, de plaisants devis. C'étaient les
premiers
efforts
poètes qui s'étaient
de
fait
genre moins sérieux.
comédie moderne. Cependant quelques-uns des
la
un
Ils
nom
dans
la
imitent d'abord
tragédie s'essayèrent dans un
Ménandre
et
Plaute,
et ils
ne
tardent pas à produire des ouvrages pleins de bonnes situations, de mots
heureux,
et
dont
que par sa verve
le
et
dialogue en vers étonne encore par sa
son entrain.
Il
faut avouer pourtant
facilité
que
les
autant
comédies
THÉÂTRE.
563
SCIENCES ET LETTRES.
566
du seizième
ne
siècle
comédies grecques logues,
romaines; mais,
l'honnesteté,
je
le
«
:
entièrement de
prie de penser que,
la
il
mesme
ils
n'offensaient ni les
la
corruption des
lascivité.
libres
—
Fig. 392.
de
que
yeux
mœurs les
le dit,
démie de Sienne,
pour bien exprimer
les
»
Les auteurs de
modèles
cette
Champenois
façons et
les
époque
qu'ils avaient sous les
ni les oreilles des spectateurs,
faisaient
yeux,
en représentant
que
telles
les
Abusés, de l'Aca-
Chronologie
collée. Bibliothèque
Léonard Gaultier,
de M. Ambroise Firmin-Didot.
Supposés, de TArioste, qu'on avait traduits en
français, et qui se donnaient sur tous les théâtres de France.
On
aussi pris goût au jeu des comédiens italiens, depuis que Catherine de
dias en eut
fait
la
la
cour avec une
première troupe italienne qu'on
vit se fixer
pompe
des représentations dans
la salle
devint sédentaire,
Comédie-Italienne, dont
et
en
Mé-
et la
folie les farces
extraordinaire.
à Paris avait été appelée
de Venise, en 1577, par ordre du roi Henri III, qui
en licence
avait
venir à Lyon, en 1548, pour jouer la Calandra, de Bibiena,
qui fut représentée alors devant
Mais
et
de leur temps. Ces pièces-là étaient, d'ailleurs,
comédies italiennes,
et les
aux
dans un de ses pro-
ce temps-là, le
Portrait de Robert Garnier. Fac-similé d'une gravure au burin par la série dite
la licence,
faudroit que les actes et les paroles fussent
comédie licencieuse, d'après
moins
comme
advis à aucun que quelquefois on sorte de
S'il est
du jourd'hui,
affections
rapport de
le
un des meilleurs auteurs comiques de
Pierre de Larivey
la
et
cèdent pas, sous
le
lui
permit de donner
de l'Hôtel du Petit-Bourbon. Cette troupe le
répertoire surpassait
de notre ancien Théâtre national, subsista,
presque sans interruption, à Paris, jusqu'à
la fin
du dix-septième
siècle.
ÉLOQUENCE Génie oratoire des Gaulois.
Éloquence gallo-romaine.
CIVILE ET RELIGIEUSE
— — Origines du barreau français. — Eloquence chrétienne aux premiers — Prédicateurs et missionnaires. — Orateurs des croisades. — Saint Bernard et siècle.-.
— Les plaidoiries du barreau sous Louis XI. — L'éloquence politique sous Charles VI. — Ligue. — Harangues parlementaires Réforme. — Orateurs de Sermonnaires du peuple. — Orateurs de — L'éloquence aux Etats-Généraux. — L'éloquence militaire. Dominique.
saint
la
la
e culte que tous les grands esprits de l'antiquité ont,
pour
ainsi dire,
M. Louandre dont
rendu à l'éloquence,
la critique
»
dit
sagace et ingé-
nieuse doit nous servir de guide dans un sujet qu'il a traité avec autant de goût
d'érudition;
che -aux toires
« le
noms
que
prestige historique qui s'atta-
des orateurs païens
remportées par
les
;
les vic-
généraux qui sa-
vaient parler aux soldats; l'influence conquise
par le
les tribuns
monde
qui savaient parler à
la
atteste que,
dans
direction souveraine des affaires d'Etat, qui appar-
tenait à M art de bien dire.
cet art merveilleux,
ques d'Athènes
et
de
Mais, dès
»
qui
Rome,
cles suivants n'offrent
la fin
s'était élevé
les écoles
si
du premier haut dans
tombait en pleine décadence,
siècle
grecques
et
romaines
,
cet
l'on professe
de notre
les belles
épo-
et les trois siè-
plus que des déclamateurs ampoulés
La rhétorique a remplacé l'inspiration, et si dans
tout
antique, ce n'était pas seulement la gloire littéraire, mais
en quelque sorte
ère,
la foule,
et insipides.
encore l'éloquence
enseignement pédantesque ne
-
SCIENCES ET LETTRES.
568
produit que des rhéteurs. Aussi, de ce temps-là, nous riques, des harangues
,
des congratulations. Flatter
dans
là
et
les
empereurs
les
puissances, obtenir des faveurs, prévenir une disgrâce,
de ces rhéteurs, qu'on rencontre çà
des panégy-
reste-t-il
Tunique but
tel est
cours où
et les
ils
font leur
métier de courtisan. Ce sont, par exemple, Cl. Mamertinus major et
mertinus minor, Nazarius, Drepanius,
etc.
Ma-
Et parmi eux Ton compte
plusieurs Gaulois d'Aquitaine.
L'éloquence avait toujours été en grand honneur dans plus haute antiquité. Les anciens Gaulois rendaient
dont
ils
Gaules, dès
les
un
la
culte à Hercule,
avaient fait le dieu delà parole, et qu'ils représentaient allégorique-
ment attachant les hommes avec des chaînes L'art oratoire était donc
pour eux
le
d'or qui sortaient de sa bouche.
premier des
On
singulier plaisir a entendre bien parler.
arts, et ils
s'explique ainsi
pereur Claude avait institué, à leur intention, dans
prenaient un
comment de
la cité
Lyon
l'em,
des
jeux oratoires, où les concurrents malheureux devaient, sous peine d'être jetés
dans
Rhône
le
,
effacer avec la langue leurs discours
pas couronnés. Juvénal le talent
et saint
Jérôme
Besançon
Autun, des
et à
milliers des orateurs
nouvelle, que
coup avec
le
civile
et puissante,
les princi-
à Marseille, à Trêves, à
etpurement
littéraire. C'est
laissé
aucun
qu'une éloquence
inspirer, s'était révélée tout à
du Christ. Les rhéteurs païens, aux premiers échos
éloquence divine
La
,
y eut dans
écoles publiques d'éloquence, qui créèrent par
paganisme n'eût jamais pu
la religion
faux dieux.
Bordeaux
Il
ou plutôt des rhéteurs, mais qui n'ont
monumentd'éloquence
cette
393) s'accordent à reconnaître
naturel de la race gauloise pour la parole.
pales villes de la Gaule, à Toulouse, à
de
(fig.
qu'on n'avait
,
durent faire silence, ainsi que
les oracles
des
chaire d'éloquence sacrée s'éleva seule désormais, pathétique
au milieu du forum antique,
et
dès lors
il
n'y eut plus d'autre
éloquence que celle qu'on puisait aux sources vives de l'Évangile.
Pendant des on n'en a si
rien
siècles, l'art oratoire est sans
ou presque rien
grande place dans
pages dans
les
recueilli.
les historiens
annales dans
L'éloquence
la vie politique;
même,
qui tient une
de l'antiquité, occupe à peine quelques
historiens des premiers âges de la monarchie française.
Grégoire de Tours, dans son Histoire des Francs, nous prouve assez que les
hommes
de guerre de ces temps barbares avaient moins à cœur de
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
parler que d'agir. Voici ce que riers,
pour
les
le roi
56 9
Clovis se contente de dire à ses guer-
encourager à entreprendre de nouvelles conquêtes
«
:
Je sup-
«
porte avec grand chagrin que les Ariens possèdent une partie des Gaules.
«
Marchons, avec
«
pays en notre pouvoir.
l'aide
Mummolus, comte
de Dieu, »
Et
les
d'Auxerre
et,
après
avoir vaincus, réduisons
les
Francs se mettaient en campagne et patrice
— Saint Jérôme
et
deux cardinaux. Miniature
ms. du xv c
verser
?
s i:cle
(n° 3o,
Rhône pour envahir
le
le
pays du roi
mon
«
les
«
arraché
«
fleuve,
«
à la misère. Sinon, vous sentirez
«
femmes
Ces
la vanité
royaume de Sigebert
avez dépeuplé
troupeaux, livré aux flammes les vignes.
du Petit traité de
,
voulaient tra-
des choses mondaines;
Se. et A.). Bibliothèque de l'Arsenal.
«
le
tirée
aussitôt.
des troupes du roi Gontran, dit
aux Saxons qui, après avoir tout ravagé sur leur passage
Fig. 393.
le
maître, enlevé les
:
les
«
moissons, détruit
maisons, abattu
Vous ne mettrez pas
les
Voilà que vous
les
oliviers et
pieds sur l'autre bord du
que vous n'ayez d'abord dédommagé ceux que vous avez réduits
et
le
poids de
mon
épée, sur vous, sur vos
sur vos enfants, pour venger l'injure du roi
fières paroles sont belles
de simplicité
,
mais
elles
mon
maître.
»
ne rappellent en
rien les allocutions adressées, par les généraux grecs et romains, à leurs SCIENCES ET LETTRES.
—
72
SCIENCES ET LETTRES.
soldats, allocutions s'unissait
Dans de
la
vraiment éloquentes, dans lesquelles Part de bien dire
au talent d'émouvoir
certaines circonstances, cependant, les Gaulois avaient
parole avec succès, mais
ne nous est resté aucun
il
leur éloquence civile. Cette éloquence, les
masses.
et d'entraîner les
plaidoyers judiciaires
que
les
furent établis dans les Gaules. Ces derniers
prendre
langage et
le
même
,
mœurs
à imiter les
se servir
monument
écrit
s'en servaient certainement
ils
même
lors
,
dû
Germains
de
dans
Francs se
et les
qui ne répugnaient pas à des peuples qu'ils avaient
vaincus et soumis, trouvèrent, au sixième siècle,
le
barreau gallo-romain
en plein exercice, et loin d'attaquer ou de contrarier une institution qui,
moderne,
selon l'idée ingénieuse d'un historien
combat en champ
clos, ils furent les
sion d'avocat était
ou
à' avoué
mais encore à
,
et
bientôt on les vit
des églises ou des monastères, ce qui
seulement à défendre à main armée tiques
premiers à proclamer que
un ministère noble,
où
les plaids
influents
se débattaient
du pays.
On
ne
le territoire et les
publiquement
hommes
les
eux-mêmes
les actes
du barreau français
si
les
Dieu
et
aimer
dans
En un mot, une
(s'il
même,
en
quelques
mais qui ne font nulle mention
est
permis de
avoués d'Église devaient connaître
pacifiques, craindre
parole,
l'on signale
épaisse obscurité se servir de cette
expression toute moderne), jusqu'au règne de saint Louis.
ment que
non-
libres les plus riches et les plus
la justice,
de l'intervention oratoire des avocats.
titre
questions litigieuses, en
arrivant à l'époque de Charlemagne, c'est à peine
Gapitulaires qui réglementent
le
privilèges ecclésias-
rien de plus à cet égard, et
sait
profes-
les obligeait
besoin, par la
protéger, au
les
présence des leudes ou des
couvre
la
de remplir ce ministère, en acceptant, en sollicitant
s'efforcer dC avocat
leur offrait l'image d'un
les lois,
On
sait seule-
être
doux
et
la patrie.
Cette décadence fut la conséquence naturelle de la promulgation des lois
barbares, qui ne tardèrent pas à remplacer partout les lois romaines.
Les accusés n'avaient plus besoin d'avocats, alors traints,
feu,
du
pour prouver leur innocence, de fer
chaud ou de
l'huile bouillante.
les querelles et les contestations,
où
le
qu'ils étaient
con-
se
soumettre aux épreuves du
La
parole devenait inutile dans
duel judiciaire décidait du sort d'un
procès entre les parties adverses. Le meilleur avocat ne pouvait être que
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
le
meilleur champion, qui soutenait,
lui avait confiée.
Le barreau ne retrouva
qu'après l'abolition du duel
Fig. 394.
-
les
et
armes et
à la
main,
Composition allégorique représentant la
cause qu'on
ne reprit son existence normale
des épreuves judiciaires.
Fac-similé d'une gravure sur bois de
la
les différents
Il
nous faut donc
re-
degrés de l'enseignement universitaire
Margarita philosophica. Edition de
Bàle, i5o8, in-4
.
venir en arrière, à travers des siècles de barbarie, pour reposer nos regards sur
le
Ce
triomphe de l'éloquence chrétienne en Europe serait
une
(fig.
belle et intéressante étude historique
quels ont pu être
les
394).
que de rechercher
discours des premiers apôtres du christianisme en
SCIENCES ET LETTRES.
Occident. Malheureusement, ces discours ne furent recueillis qu'à
quatrième
quand
siècle,
les édits
tienne d'élever la voix contre
quatrième
de Constantin permirent à l'Église chré-
paganisme qui agonisait. C'est dans
le
chercher
siècle qu'il faut
du
la fin
le
berceau de l'éloquence chrétienne
le
Grégoire de Nysse, saint Épiphane, saint Denis, saint Jean Chrysostome elle
Jérôme.
Villemain, semble croître
de tout
le reste. »
nommer
de
l'Empire.
:
Ils
Leur
«
nous a donné s'écrie,
y ont
le
je
mes yeux;
que pour
le
âmes apostoliques,
«
395).
sermons que
,
condamnait
Rien ne pou-
»
Jean Chrysostome
et saint
et leur
Au
les vices,
les terreurs je
ne redoute pas
du monde sont méprisa-
mort,
Gaules s'associait à
quatrième
siècle,
les
parole inspirée avait une
On peut
en face des princes
ne crains pas
la
quand
la
pauvreté,
et je
ne veux vivre
cette
grande œuvre
»
l'Église des
prédicateurs étaient
immense
apprécier quelle était l'autorité de
la
action sur les
chaire catho-
sermons grecs attribués à Eusèbe, d'Émèse en Syrie,
la critique
les
il
Toutes
la richesse, je
lique, en lisant les
bution pour
:
salut de vos âmes.
nombreux, (fig.
grands orateurs que nous venons
dédaigne tous ses biens,
d'éloquent prosélytisme.
fidèles
cité les
de fondateurs, au milieu des ruines.
puissance
Dès sa naissance
déjà
sublimité de l'éloquence chrétienne, a
génie, ajoute-t-il, est seul debout dans la décadence de
l'air
je
;
parle latin, avec saint Ambroise,
secret de leur constance, de leur courage invincible,
la
ne désire pas
elle
s'animer, en proportion du dépérissement
et
en face des grands dont
dont il bravait bles à
La
«
Et après avoir
vait refroidir le zèle de ces
il
Éphrem;
parle syriaque, avec saint
saint Augustin, saint dit
:
avec saint Athanase, saint Grégoire de Nazianze, saint
elle parle gree,
moderne
présenter
comme
a cru devoir enlever à cette fausse attri-
de précieux
et incontestables
monuments
de l'éloquence religieuse gallo-romaine. Le caractère de cette éloquence est la simplicité la les
noms
plus candide,
et
pourtant ces sermonnaires primitifs, dont
sont encore ignorés, sentaient se réveiller dans leur esprit les
souvenirs encore vivants de
la littérature
païenne, lorsqu'ils avaient à ra-
conter les combats spirituels d'un saint ou les combats sanglants d'un
martyr. Dans un de leurs sermons sur
homme
est
comparé à Antée,
fils
traditions mythologiques nous
de
la la
résurrection du Christ,
Terre,
et
comme
le
Dieu
fait
que
les
ce géant,
montrent luttant avec Hercule,
le
Sauveur
,
SCIENCES ET LETTRES.
5 74
semble ne toucher
la terre
Péché,
Mort. Dans un autre sermon
père de
le
la
Tartare consterné stupeur
non
et les
du
à l'arrivée
,
souffrir
des
hommes que pour mieux triompher du l'orateur représente le
,
noirs geôliers des prisons ténébreuses, frappés de
Dieu
Fils de
Ces antiques sermons forment
avec
,
orateurs
dans
siècle, (fig. 3
la
Voyez
«
ment de
«
était
tant sa parole était rapide et majestueuse;
Martin, de Tours, qui fut
le
modèle
le
plus parfait de la charité
composé de pâtres
l'Evangile; elle a
donné une de
même, vous
nu. Faites de
autres. »
manteau pour en donner
cinquième
l'éloquence
Et
,
ses robes il
le faisait
pour
Eucher, dont
et saint
naître et les
la charité
même
dans
hérésies qui
s'attaquaient aux
d'onction et
A
comme
«
étoiles
.ment, et auxquels
Dans
de
le
sixième
en prêchant la plus
une indomptable
dogmes de douceur
les
âmes à
la
ses yeux, en effet, les hérésiarques les plus
des
Au
la
se
de re-
même
il
tombées du peut rendre
siècle, saint
évêque de Reims, saint
A vit,
ciel,
l'éclat
du
religion
distinguent
ses plus vives sorties contre les adversaires de l'Église,
une mansuétude bien propre à gagner fend.
christianisme,
le
superstitions païennes qui s'efforçaient
Ses discours pleins
Christ.
savoir égalait
le
sans bornes.
plus belle morale, combattait avec les
vêtir celui qui
Valérien, dont les discours
siècle, c'est l'illustre saint Gésaire, d'Arles, qui, tout
puissance de parole
commande-
de qui nous avons un magnifique sermon sur
ardente, l'amour du prochain,
et la
:
lui-même, en déchi-
sont remplis des plus purs sentiments que puisse inspirer
consolante
de bergers
moitié à un pauvre qui avait froid.
siècle, apparaissent saint
saint Paulin
;
la
l'aumône; saint Hilaire, saint Mamert
la foi
et
cette brebis qui revient de la tonte? Elle a rempli le
rant son
Au
Du quatrième au
9 6). D'abord, c'est saint Hilaire, de Poitiers, que saint Jérôme
chrétienne, lui qui disait à son auditoire «
la
Gaule romaine, l'Église ne manque pas de glorieux
surnomme le Rhône de l'éloquence, c'est saint
et
légendes des saints, la partie
les
plus importante de la littérature des siècles barbares.
septième
commander
qui vient chez eux
«
,
».
par
cause divine qu'il dé-
audacieux sont encore
que Dieu peut rappeler au firmade leurs premiers rayons
Germain, évêque d'Auxerre,
».
saint
Remi,
évêque de Vienne, occupent, avec saint
Césaire, une place éminente dans l'histoire de l'éloquence parénétique.
a
II
ELOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
Fig. 396.
— Le
chrétiens
du
d'un ms. du x" siècle,
même,
I or surnommé Grégoire le Grand (540-604), un des plus éloquents orateurs envoyant des missionnaires pour convertir l'Angleterre au christianisme. Miniature à la Bibliothèque Cottonienne. (Claudius, A III). On l'attribue à saint Dunstan lui-
pape Grégoire vi c siècle,
qui occupa la chaire
,
pritnatiale de
Cantorbéry fondée par saint Grégoire
le
Grand.
SCIENCES ET LETTRES.
57 6
Remi
n'y a pas d'orateur de ce temps, que saint
même,
a dit Sidoine Apollinaire.
La puissance de
surpassé
n'ait égalé,
sa parole,
dans
le
cours
d'un épiscopat qui ne dura pas moins de soixante-douze ans, eut de
nom-
»
Une
breuses occasions de se signaler.
Passion devant
la
tisés,
il
vérité, «
Clovis et
que Clovis
mes Francs
moi ?
et
la
main
et
non bap-
à son glaive
Où
«
:
donc
»
parcouraient
ils
missionnaires modernes
les
ou
trois fois
le
assistants
les
comme
dans leurs
même
et
,
le
le
villes épiscopales
troupeau.
église.
prédicateur
et
la
et quittaient
bruyamment
son auditoire.
saint Hilaire de Poitiers, retirer
Un
d'une voix
ordonna tout
émue
la
morale cris,
jour, en pareil cas,
voyant que ses auditeurs commençaient à
coup de fermer
à
indignée
et
arri-
passions
les
tumultueusement pour échapper à l'implacable menace de
flagellatnce,
Il
murmures, par des
maison de Dieu.
la
La plupart
Quelquefois des col-
nouveaux convertis dont
discours, par des
le
:
«
Vous
ou
prédication n'eût
sauvages s'accommodaient mal des injonctions sévères de chrétienne, interrompaient
font encore
par jour. L'orateur se plaçait,
porche d'une
loques animés s'établissaient entre
que
pays,
degrés de l'autel, à moins que
dans un cimetière ou sous
même
le
s'occupaient d'un seul
ils
pour parler, sur
tantôt, fixés
;
d'entre eux prêchaient deux
vait
prêchait
il
prédication, dans les premiers siècles de l'Église, était surtout attri-
métropolitaines,
lieu
Francs encore néophytes
en portant
s'écria,
buée aux évêques. Tantôt les
les
comme
dépeignit les souffrances du Christ avec tant de pathétique et de
étions-nous,
La
le roi
fois entre autres,
les
se
sa parole
portes du temple; puis,
refusez aujourd'hui d'entendre la
Mais, quand vous serez en enfer, misérables
«
parole divine!
«
pécheurs, pensez-vous qu'il vous sera permis d'en sortir, dès que l'envie
«
vous en prendra
s'écria-t-il.
?
»
Ces mots ramenèrent
le
silence et le
calme dans
l'as-
semblée. L'éloquence religieuse, qui exerçait tant d'empire sur des natures
indomptables
et
dépravées, ne devait presque rien à
divines inspirations de la foi, aux nobles élans de et
surtout à l'ardeur
du sentiment
la
devait tout aux
conscience
humaine
chrétien.
Les invasions, qui jetaient sans cesse sur
les
Gaules un nouveau torrent
de barbares, les luttes intestines des conquérants transformation laborieuse de
l'art et
la société
et
des envahisseurs, la
païenne, rien n'avait ralenti l'apos-
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
tolat chrétien. C'est alors
que
D77
peu
l'Irlande, qui avait reçu depuis
les
répandit lumières de l'Évangile, apportées surtout par saint Patrice, élite de missionnaires qui à son tour dans tout l'Occident une généreuse prêchaient la religion du Christ. Parmi eux brillait au premier rang
Fig. 397.
-
mie tapisserie de Prédiçaticn des premiers apôtres missionnaires. D'après \o-2. cathédrale de Tournai, fabriquée à Arras en
la
1
ses hofondateur du monastère de Luxeuil, saint Colomban; accusent la fougue des mélies, empreintes d'une ardeur extraordinaire,
(540-6i5),
le
idées qui devançaient,
pour
ainsi dire, sa parole
:
«
O vie fragile, s'écrie-t-il
ses belles allocutions, tu es la voie et
«
dans une de
«
du péché, pour arriver
cà
la
non
la vie; tu
mort. Voie aride, longue pour SCIENCES ET LETTRES.
—
7'3
les
pars
uns,
SCIENCES ET LETTRES.
57 8
«
courte pour
«
également rapide, beaucoup
«
La
«
oiseau,
vie
sombre
autres; tantôt
les
humaine
et
est à craindre et
que Dante
s'est
demander où
suivent, sans
te
semée de
comme une ombre, comme une
rait-on pas
tantôt riante, mais
tu conduis!
comme un image, comme rien. » Ne dipérils
:
elle
passe
souvenu de ce tableau saisissant
commençant son épopée de
pour tous
et terrible,
en
Divine Comédie? Ces missionnaires irlan-
la
dais avaient formé, surtout dans le nord de la Gaule, de
nombreux
ples qui se dévouèrent aussi à la prédication évangélique.
On
les
disci-
voyait
partout, dans les villes et dans les campagnes, montés sur des ânes, prê-
chant
long des chemins,
le
Le peuple reux de
s'inclinait
les
devant eux;
avoir pour hôtes;
les riches et les
eux-mêmes
les rois
les
servaient en-
,
core aux convives les viandes salutaires de la«parole divine.
De même que
la
tholiques, venus, l'Angleterre.
Alpes, lui
la
que
mer,
les
pour prêcher
homme
«
les
lui
héroïque, qui passa tant de fois
cà
son insu,
les
route aux armées deCharlemagne,
la
»
n'était
pas
la seule
arène où l'éloquence religieuse fût
combattre. Les Conciles, qui étaient pour ainsi dire
dans l'ordre
civil, les lois les
et
qui donnèrent au
offraient
tiques une vaste carrière où leur parole avait les sujets
les
plus sublimes ou
soumis aux délibérations de ces vaux approfondis
et
donnait
gardiens
moyen
le
aux orateurs
si
âge,
bien
ecclésias-
droit de se faire entendre
plus humbles.
les
illustres
lieu
les
plus sages, les Conciles, qu'on a
surnommés les Champs de mai de V Église,
sur
Rhin,
comme le lien des nation:. C'est par Rome et avec les autres tribus germa-
du dépôt sacré des croyances orthodoxes
même
le
Boni-
missionnaires du seizième siècle ouvrirent l'Amérique aux ar-
La prédication cà
ces missionnaires anglais fut saint
qui, par la religion, par la civilisation, attacha au sol ces
mées espagnoles.
appelée
parole de Dieu, non de l'Irlande, mais de
dit Michelet, qu'il fut
tribus mobiles et prépara,
comme
la
Francs s'entendirent avec
niques. C'est
»
Gaule, l'Allemagne eut plus tard ses missionnaires ca-
Le plus célèbre de
face (675-755),
399).
appelaient et faisaient
à côté du maître et au milieu des joies du festin
«
(fig.
grands s'estimaient heu-
nomades, qui, selon l'expression de l'hagio-
asseoir à leur table ces orateurs graphie,
de maison en maison
et s'arrêtant
Tout
Assemblées devenait
ce qui était
l'objet
de tra-
souvent à d'éloquentes discussions. Par
,
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
malheur,
ne nous
il
est rien resté
de ces discussions,
Décrets qu'elles avaient préparés.
Il
semble que
ce n'est
si
parole
la
le
humaine
plus prompte à s'effacer dans ces époques de rénovation sociale
ne possédons, du règne de Charlemagne
monuments de citer, à
cette
époque de renaissance
d'orateurs chrétiens. Alcuin,
Hincmar, Raban Maur ministère de
mation,
cœur;
et
le
les
:
était
car nous
nombre de
très-petit
l'éloquence religieuse, quoique l'histoire de l'Eglise puisse
période de barbarie qui en fut
le
qu'un
,
texte des
la
la suite
Mais
la
le
pendant
la
série
Agobard, Radbert,
distinguèrent alors, en exerçant
scolastique était déjà en voie de for-
de l'esprit succédaient aux
rhéteur dominait
même
imprévue, une importante
saint Anscaire, saint
et d'autres se
parole.
subtilités
intellectuelle et
prêtre, et
pour que
spontanés du
jets
orateurs sacrés re-
les
trouvent l'enthousiasme, l'ardeur, l'inspiration des anciens temps,
faudra que l'impérieuse nécessité des circonstances
les
dire, à se remettre à la tête des populations indécises,
multitudes dans un grand
mouvement
force,
pour
par exemple, à l'époque des invasions normandes, alors que
ques prêchaient
la
guerre sainte contre
les
ainsi
pour entraîner
national et religieux,
il
ces
comme, les
envahisseurs du
évê-
Nord
avec une éloquence patriotique dont l'histoire a gardé l'éclatant souvenir.
Cette puissance irrésistible de la parole était d'autant plus étrange que,
durant
dixième
le
siècle,
qu'on a justement appelé Y âge de fer de V Eglise,
plus d'un clerc avouait franchement,
ne savait pas
piété, qu'il
quand on
lire (nescio lifteras).
lui présentait
L'An
mil,
le terrible
qui devait être l'époque du Jugement dernier, approchait, publics, tous les contrats particuliers étaient datés fin
du monde
».
A ce moment fatal,
les
la
«
et
An
mil
tous les actes
temps voisin de
la
gémissements du peuple, pour
mort prochaine du genre humain. Dans toutes
entend prononcer des homélies sur l'antechrist
et
morts. Cependant l'An mil s'écoule, sans amener l'on attendait de jour
de
livre
orateurs chrétiens élèvent une voix
solennelle, au milieu des sanglots et des
pleurer
du
un
les églises,
on
sur la résurrection des la fatale
en jour, d'heure en heure. Le
catastrophe que
monde
n'a pas cessé
d'exister; le
monde ne
pérance,
l'éloquence religieuse, qui bénit la miséricorde de Dieu dans
et
doit pas périr; la ferveur renaît partout avec l'es-
SCIENCES ET LETTRES.
58o
les églises
nouvelles qu'on bâtit de toutes parts, annonce déjà et prépare
la sainte
entreprise des croisades.
On
la
peut dire que
pensée des croisades créa une nouvelle sorte d'élo-
quence religieuse, qui' a rempli
le
monde pendant
les
onzième, douzième
treizième siècles. Cette éloquence était représentée par deux espèces
et
d'orateurs, agissant de Ici ce
même
intention,
sont de véritables apôtres pleins de
courent l'Europe en prêchant
là, ce
proclament, avec une autorité calme
pour former
la
grande armée du Christ
tombeau en arrachant aux Sarrasins quence religieuse n'avait
fait
Les deux grands orateurs de pape Urbain
II.
qui par-
les infidèles,
et solennelle,
la vie
contemplative
et aller
la cité
contre
le
joignant l'éloquence de la II, c'est lui qui,
clergé et
et spirituelle,
de Jérusalem. Jamais
unanime
la
:
«
Diex
le
volt!
(Dieu
»
irrésistible. «
l'élo-
le veut).
première croisade sont Pierre PHermite s'en
Il
va
campagnes, monté sur un mulet, une croix à
pantomime
se
frappant
la poitrine et
Quant au pape
à celle de la parole.
au concile de Clermont (1095), décida
définitive-
l'expédition des croisés, en suscitant, par sa parole inspirée,
thousiasme
les
en Palestine délivrer son
main, prêchant d'une voix tonnante, pleurant,
Urbain
que
Pierre l'Hermite est l'orateur du peuple.
seul, à travers les villes et les
ment
,
de pareils miracles. Tout l'Occident se lève à
cet appel, en répétant d'une voix
la
d'enthousiasme
oppresseurs des chrétiens d'Orient;
les
ordres religieux doivent renoncer à
et le
différents.
sont des prêtres, des moines surtout, qui, dans les cloîtres, dans
églises, les
foi et
guerre sainte contre
la
ennemis du christianisme, contre
les
mais par des moyens
Ceux qui
un en-
l'entendaient prêcher, disent les relations
contemporaines, croyaient entendre
la
trompette
céleste.
»
A
la
voix du
pontife qui les appelait à prendre part à la guerre sainte, tous les assistants s'écrièrent
:
«
Dieu
le
veut!
»
Et des milliers de pèlerins armés
se
mettent en marche vers l'Orient, sans autre pensée, sans autre espoir que d'obtenir la
Et
la
rémission de leurs péchés
croisade leur ont promise
et la vie éternelle,
que
orateurs de
comme récompense de leur pieux dévouement.
ce fut encore l'éloquence chrétienne qui,
de cette expédition lointaine
et périlleuse
,
pendant
soutenait
les
pénibles épreuves
le
courage des com-
pagnons d'armes de Godefroy de Bouillon. (Voy., dans Vie religieuse et militaire,
les
le
chap. Croisades.)
le
volume de
la
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
La seconde
croisade fut acclamée en
146, à rassemblée de Vezelay,que
1
avait fait saint Bernard, abbé de Clairvaux,
convoquer, par ordre du
premier ministre du roi, Suger, avait essayé
VIL Le
Louis
58i
,
roi
dans cette
nom de la politique et des nom de l'Église et de l'hon-
au assemblée, d'ajourner cette nouvelle croisade,
Bernard protesta, au
intérêts de l'État: saint
devait venger les dernières déneur national, en faveur d'une entreprise qui Clairvaux l'emporta sur celle des chrétiens. L'éloquence de l'abbé de faites
Suger dut renoncer à s'opposer au mouvement montraient impatientes de suivre le roi en Terre
de l'abbé de Saint-Denis, des populations qui se
et
mit en Bernard, enflammé d'un zèle héroïque, se seule puissance de sa parole. Partout route pour lever des armées, par la assez grandes les places publiques n'étaient point
sainte. Aussitôt saint
où
il
passait, les églises,
pour contenir s'en allait
la foule
et frémissante,
qui se pressait autour de
touchantes milliers d'assistants pussent entendre ses
aux clercs et aux docpathétiques improvisations. Lorsqu'il s'adressait vulgaire ou romane, latin; il n'employait que la langue
teurs,
il
parlait
pour parler aux gens du peuple, était le respect
s'exaltèrent
et,
conte
le
ses discours
en langue romane,
zèle
que
les croisés
de France.
1
198.
«
fut autorisé,
par
Quand Foulques
le
c'était
Dieu qui remplissait
siècle plus tard, lorsque
pape Innocent III, à prêcher
ouvrait
la
chroniqueur Jacques de Vitry, lequel
éminent,
prédica-
cette
bouche pour prêcher,
était
de ses vêtements,
et
il
était obligé d'avoir
se voyait forcé de porter
bras sur ceux qui
le
la
ra-
lui-même prédicateur
bouche de paroles entraînantes.
Aussi, ceux qui l'avaient entendu parler se disputaient-ils
niers ne
les
Spire, ses auditeurs,
enthousiasme devait se reproduire, un
Foulques de Neuilly croisade en
que, dans
touchés
armes avec non moins de
même
mot de
,
tel
au feu aux accents sympathiques de sa parole, s'échauffèrent aux de la grâce divine en l'écoutant, coururent
de ses regards,
Le
nom,
et à
Mayence, à Cologne
qui ne comprenaient pas un
attaché à son
et tel était le crédit
général qu'inspirait son caractère
tions qu'il était allé faire à
Il
lui. Il
au milieu des donc prêcher, sur des échafauds construits exprès,
champs, pour que des et
émue
tous
les
les
lambeaux
jours une robe neuve.
un gros bâton, avec lequel
il
frappait à tour de
derserraient de trop près et qui l'auraient étouffé. Ces
murmuraient pas des blessures
qu'il leur faisait
de
la sorte, et,
SCIENCES ET LETTRES.
dans l'ardeur de leur fût sanctifié
déjà,
foi,
ils
dans son éloquence, toutes
de
la fin
et
dans
du quinzième
Fig. 3y8.
—
:
il
vite les trois
ne vous arrive mal?
—
— Tu
Vous en avez
de Cîteaux après
et la
sang
Foulques avait
hardiesses des prédicateurs populaires
ne ménageait personne dans ses critiques
III
nom
de Dieu,
lui dit-il
(1216-1227), qui exhorta Louis
trois,
les
je
donne
Luxure
à
murs,
à
méchantes te
VIN
brutalement, de
à la croisade contre les
Rome.
filles
que vous avez, de peur
trompes, répliqua
vous
l'Orgueil, l'Avarice et la Luxure.
sant à ses barons,
»
ce
1216 l'ordre des Frères-prêcheurs. Peint à fresque sur fond d'or en mosaïque
dans l'ancienne basilique de Saint-Paul hors
marier au plus
l'avait fait couler.
si
jour qu'il prêchait devant Richard, roi d'An-
Portrait du pape Honorius
Albigeois et institua en
filles.
les
Je vous conseille, au
«
:
Un
anathèmes.
ses
gleterre
siècle
comme
léchaient leur propre sang,
par l'homme de Dieu, qui
le
dis-je, repartit le
—
Eh
roi, je n'ai
prédicateur
bien! dit alors
le roi
point de :
feudataires.
»
Il suffit
ce sont
en s'adres-
l'Orgueil aux Templiers, l'Avarice aux
mes grands
qu'il
de
moines
nommer,
Foulques de Neuilly, d'autres docteurs qui prêchèrent aussi
croisade,
et
avec autant de succès
:
la
Geoffroy de Bordeaux; Hildebert
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
583
du Mans; Jean de Bellcsme; Amédée de Lausanne; Eudes de Châteauroux; Geboin de Troyes; Jean de Nivelle, L'éloquence sacrée, qui siècle
,
faisait des miracles,
pour créer en un instant
les
semblaient encouragées par
—
Portrait de Grégoire
Siège. Peint à fresque
les
Robert d'Arbrissel. au douzième
armées de
battre, dans ces temps-là, l'éloquence
Fig. 399.
et
la
d'or en
au treizième
croisade, avait à
com-
impie des hérétiques. Ces hérésies
triomphes retentissants des orateurs de
IX (1227-1241), éloquent défenseur des droits
sur fond
et
mosaïque, dans
et
des privilèges du Saint-
l'ancienne basilique de
Saint- Paul
hors
les
murs, à Rome.
1
I
Église.
Toute rébellion, toute insurrection religieuse commençait par
des prédications coupables, qui n'avaient que trop de pouvoir sur les esprits faibles et fanatisés. Ici, c'est Pierre de Bruys, qui ose attaquer la
présence réelle du Christ dans
damne
les prières
le
sacrement de l'Eucharistie
de l'Église pour
fond de l'Armorique, en déclarant
les
défunts;
là, c'est
les
qui con-
qui sort du
qu'il vient juger les vivants et les
Ailleurs, ce sont les publicains de Flandre et de
de ressusciter
Éon
et
morts.
Bourgogne, qui tentent
monstrueuses doctrines du manichéisme; ce sont
les
SCIENCES ET LETTRES.
584
Vaudois
et les
Albigeois, sectaires moitié religieux, moitié politiques, qui,
après avoir prêché l'humilité
dans
le
bas peuple en prêchant
sement de
En
et le
face de
la
renoncement, trouvent plus d'échos
cessation
l'autorité ecclésiastique et la
champion de
l'Église
s'élève
entrent en
lice
:
«
manuel, l'anéantis-
des biens de la terre.
un orateur orthodoxe, qui
400
(fig.
combat au premier rang, en prenant pour charité chrétienne
travail
communauté
chaque orateur schismatique
devient l'éloquent
du
maxime de
règle cette belle
Persuadons, ne contraignons pas.
Pierre de Gastelnau,
Saint Bernard
et 401).
A son
»
cardinal d'Albano
le
la
exemple
Jacques de
,
Vitry, Arnauld, abbé de Clairvaux, Guillaume, archidiacre de Paris. Mais le
plus éloquent des orateurs catholiques, ce sera l'Espagnol saint
nique, fondateur de l'ordre des Frères prêcheurs
qui prêcha dix ans dans
les
Dominique,
402).
ffig.
Domi-
provinces méridionales de France
et
qui
n'accorda ni paix ni trêve à l'hérésie, fut un des plus héroïques soldats
de l'Église militante. Son éloquence
irrésistible avait
temporains un
que
l'intervention
flammes
effet si
prodigieux
,
produit sur ses con-
peuple voulait y reconnaître
le
miraculeuse des puissances célestes; selon
les
uns, des
sortaient de sa bouche, lorsqu'il parlait; selon les autres, les
cloches de l'Église sonnaient d'elles-mêmes,
quand
il
allait
prononcer un
discours; enfin on affirmait que, pendant une de ses prédications, on bras,
comme pour
de ces célèbres prédications contre
les hérétiques,
sainte Vierge étendre
avait vu
une statue de
menacer
l'auditoire rebelle à ses paroles.
11
ne nous
la
est rien resté
pas plus que des allocutions prononcées pour
cours étaient improvisés
et
croisades
brille saint
Bernard, entouré de Hugues
et
Abélard, notamment dans ses discours latins aux le
dialecticien toujours prêt à
pour appuyer
l'autorité de l'Église.
entend sans cesse, à travers der
les
les
invoquer
Chez
«
et
et écrits
mystique d'avance.
de Richard de Saint-
Victor, d'Abélard et de Maurice de Sully, évêque de Paris
on sent
tous ces dis-
théologique
l'école
par conséquent, avaient été composés avec soin
Là encore
:
n'ont jamais été recueillis. Mais nous en avons
un assez grand nombre, qui appartiennent à et qui,
les
le
(fig.
4o3).
Chez
Vierges du Paraclet
l'autorité
de
la
»,
philosophie
saint Bernard, au contraire,
on
douloureux soupirs de l'ascétisme, gron-
orages intérieurs de l'âme humaine. Métaphysique, psychologie,
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
sentiment profond des réalités de
la vie terrestre,
585
emportements fougueux
contre la mollesse des moines, arguments théologiques, on trouve dans ces magnifiques
sermons de saint Bernard tout ce qu'on pouvait attendre
fganctus t&omfmcua*
Fig. 400. tirée
—
des
Les gloires de l'ordre de saint Dominique. Fac-similé d'une gravure sur bois du xv e siècle,
Mt
'ationes, de Turrecremata;
Rome, M.
Gallus, 1478, in-fol. Bibliothèque de M. Ambroise
Firmin-Didot.
d'un
par
homme
la foi.
supérieur, dans
un
siècle qu'il
Les sermons de Hugues
ceux d'Isaac, abbé de
et
domine, inspiré
et
de Richard de Saint- Victor,
l'Étoile, reflètent
sous une forme élégante
soutenu
comme les
plus
vives aspirations de la piété claustrale, les plus pures extases de la vie
contemplative.
On
est frappé,
on
est
ému
de ces élans de l'amour divin, SCIENCES ET LETTRES.
—
74
SCIENCES ET LETTRES.
586
qui,
comme
le dit
Hugues de
Saint- Victor en termes
touchants,
si
«
font
«
passer l'homme, des glaces de l'hiver, aux tièdes chaleurs du printemps;
«
pensées intimes qui s'épanouissent au
«
la terre,
ciel, fleurs
voix des tourterelles qui chantent dans
suaves qui parfument
les solitudes. »
L'éloquence sacrée avait atteint son apogée dans
douzième
siècle
(fi g.
raisonnements de
elle
On
du
envahir dès lors par
les
par des formules, par des effervescences
peut dire qu'elle marchait déjà vers
devait arriver, avant la fin
se glissaient, d'ailleurs, lique.
elle tendait à se laisser
la scolastique,
subtiles et vagues.
où
4o3);
les prédications
du treizième
siècle.
clercs
décadence
De nombreux abus
dans l'exercice du ministère de
Non-seulement certains
la
parole évangé-
la
simoniaques faisaient argent de leurs
sermons, mais encore de simples laïques se disputaient ce métier lucratif; ils
se présentaient,
cher,
moyennant
dans
les villes
comme
dans
salaire, à la place des prêtres.
ciations de prédicateurs, qui, sans avoir
maient, pour ainsi dire,
le
campagnes, pour prê-
On
vit s'établir
aucun caractère
les
et
même
orateurs que pourrait ré-
service de la chaire. L'Eglise n'avait garde de tolérer pareil scan-
le
dale; mais ses plus louables efforts ne parvinrent pas toujours à ces actes
des asso-
religieux, affer-
domaine parénétique d'une paroisse
d'un diocèse, en s'engageant à fournir tous
clamer
les
honteux de simonie. Beaucoup de curés
et
naïvement, en avouant leur insuffisance dans
empêcher
de vicaires s'excusaient
l'art
de
la prédication.
L'idée vint à quelques prédicateurs habiles, restés fidèles à leur mission,
de composer alors des espèces de manuels
et
de guides, où
les
curés pou-
vaient puiser à leur aise, selon les besoins de leur ministère paroissial. Les
plus estimés de ces Manuels du prédicateur étaient ceux
Romans En
et
d'Alain de Lille.
présence de cette décadence de
rapports avec
la politique, la
s'accuser davantage, à partir
munes,
la
du progrès
du douzième
la société civile. L'histoire n'a
écrite des efforts
la chaire, l'art oratoire,
jurisprudence
avait subi l'heureuse influence
de
d'Humbert de
et
l'enseignement scolaire,
intellectuel
siècle,
dans ses
qui ne
dans toutes
les
fit
que
sphères
malheureusement conservé aucune trace
d'éloquence qui accompagnèrent l'établissement des com-
rédaction des chartes d'affranchissement,
la
réunion des assem-
blées locales et générales auxquelles assistaient les élus de la noblesse,
du
,
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
clergé et de la bourgeoisie, en
contre
entraves du régime féodal.
les
les luttes
Quant
sans doute encore enveloppée dans
elle était
et les
un mot
de
la liberté
à l'éloquence les liens
de
les satires violentes
dont
étaient l'objet.
ils
Un
nent, Pierre Le Chantre, leur reproche de rançonner
Fig. 401.
—
naissante
du barreau,
la scolastique
avocats des premiers âges du Parlement ne nous
que par
58 7
sont connus
théologien émiles
parties, de
et un clerc. La supL'éloquence sacrée représentée par un évêque, un docteur en théologie une miniature du Petit traicté de la vanité des choses mondaines,
pliante s'incline devant eux. D'après
composé en
1466, ms.
du temps
trahir la cause de la
prolonger
(n« 3o, Se. et
veuve
et
A) Bibliothèque de l'Arsenal.
de l'orphelin, d'employer leur talent à
les procès, à les multiplier,
pour obscurcir
la vérité et
empêcher
à inventer sans cesse des chicanes
le
triomphe du bon droit.
Un
autre
qu'ils théologien dénonce leur avarice féroce, et déclare, avec indignation,
avilissent,
par leur vénalité, une profession jadis
si
glorieuse.
Mais nous
de ne savons rien de leurs procédés oratoires, quoiqu'il nous soit permis leur attribuer
une faconde verbeuse
et
un peu
théâtrale.
Saint Louis essaya de réformer les abus du barreau
:
les juifs, les
héré-
SCIENCES ET LETTRES.
588
tiques, les
hommes
excommuniés, en sont exclus sans
de mauvaises mœurs,
doiries;
il
ceux qui ont
et
damnations infamantes. Le saint
on expulse ensuite
pitié;
frappés par des con-
été
lui-même
roi règle
la police
enjoint aux avocats d'exposer leurs causes avec
possible, sans paroles inutiles; de ne se charger
les
que
le
des plai-
plus de clarté
d'affaires loyales;
d'user de modération et de courtoisie envers leurs adversaires, sans laisser
échapper une parole injurieuse, sans guer aucun .
les textes
du
titre
fait
faire
un geste malhonnête, sans
notoirement faux, sans altérer par des citations
des Ordonnances
et
des
Coutumes
d'avocat et de n'avoir plus
discipline sévère,
dont
le
:
le
allé-
infidèles
tout sous peine d'être privés
droit d'exercer leur profession. Cette
la tradition s'est
perpétuée en partie jusqu'à nos
jours, rendit quelque lustre au barreau français,
parmi
les
membres
du-
quel on peut citer, à cette époque, Pierre de Fontaines; Gui Foulques ou
Fouquet, qui entra depuis dans
nombre des la
saints, et
jurisprudence
l'art
de
la
que
s'était
les
nom
de
ses vertus chrétiennes firent placer
au
ordres
les
Clément IV; Yves de Bretagne, que
et
devint pape sous
le
avocats adoptèrent pour patron. L'étude de
certainement renouvelée, mais sans voir renaître
parole, et les avocats, en sortant des écoles où régnaient
la
dialectique, la logique et la philosophie, se perdaient en d'interminables
discussions hérissées de citations latines et dépourvues de méthode, de simplicité et de véritable éloquence.
La
profession n'en avait pas moins acquis une grande importance, par
suite des réformes introduites par saint ciaires.
Le barreau du quatorzième
duit Pierre de Cugnières,
Louis dans
siècle
les institutions judi-
put s'enorgueillir d'avoir pro-
Arnaud de Corbie, Regnault d'Acy
et d'autres
qui exercèrent dans les affaires publiques une influence à laquelle leur talent oratoire ne fut pas étranger.
remarquer, en remplissant
les
fonctions d'avocat général dans
malheureux ministre de Philippe et
Jean de Meheyé, par exemple,
le
Bel, Enguerrand de
François Bertrand, choisi en 1329 pour défendre
le
se
fit
procès du
Marigny
(i3i5),
les juridictions ecclé-
siastiques contre les empiétements de la noblesse, s'acquitta de cette tâche
avec tant de zèle et d'habileté, que
récompense éveillé
le
Rome lui envoya pour chapeau de cardinal. Ces grands procès politiques avaient
un sentiment général de
la
cour de
curiosité.
Le
spectacle
imposant
qu'offrait
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
58 9
une séance du Parlement, dans de semblables circonstances,
attirait
tou-
jours une affluence nombreuse. Les seigneurs quittaient leurs châteaux et
oubliaient
Fig. 402.
—
le plaisir
de
la
chasse pour venir assister aux plaids; mais
Docteur flamand haranguant
le
peuple en pleine rue. xv° siècle. Miniature d'un ms. des
Chroniques de Hainaut. Bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles.
les
dames,
paraître.
même
Le
celles
du plus haut rang, s'abstenaient absolument d'y
talent de l'avocat n'était pas
de ces espèces de tournois judiciaires. célèbre formulaire du Palais
,
pour peu de chose dans
Nous trouvons, en
intitulé le
effet,
l'attrait
dans un
Style du Parlement, l'énuméra-
SCIENCES ET LETTRES.
tion des qualités professionnelles cTun bon avocat;
doué
fallait qu'il fût
il
d'une noble prestance, qu'il eût une physionomie ouverte, franche
et
débonnaire; qu'il n'affectât point une assurance présomptueuse; que sa tenue devant voix pleine
le
et
sonore,
Malgré ces sages conseils, bien des avocats
etc.
motivaient, par leur conduite, justifiaient
la
d'une
tribunal fût décente et respectable; qu'il parlât
la
mauvaise opinion qu'on avait d'eux
du proverbe populaire
vérité
et
Grande éloquence, petite
:
conscience.
Mais
que
voici
le
quinzième
ouvre
siècle
Ce sont
à toutes les exagérations de la parole. qui, sous excès.
règne de Charles VI, donnent
le
Les prédicateurs deviennent
sont en lutte
En
(fig.
champ
le
les
le
dissensions politiques,
signal de ces déplorables
principaux agents des partis qui
les
noms $ Armagnacs
404), sous les
de Bourguignons.
et
1402, un de ces prédicateurs, à la solde du duc de Bourgogne,
Courtecuisse, déclare solennellement, en chaire, que
du
à toutes les audaces,
schismatiques.
roi, est le partisan et l'appui des
Legrand, religieux augustin, prêchant devant l'exhorte à quitter ses habits fastueux,
dans
les
rues de Paris, où
Dans un autre sermon, devant
En
1405, Jacques
Isabeau de Bavière,
la reine
comment
cour, à l'hôtel
la
duc d'Orléans, frère
pour descendre, simplement vêtue,
entendra
elle
le
nommé
prédicateur ose reprocher au roi Charles
VI
peuple parle
d'elle.
Saint- Pol, le
même
le
d'être chargé de la substance
des larmes et des gémissements du peuple. Mais, en 1408, Jean Sans-
Peur, duc de Bourgogne, a il
convoque
alors,
dans
la
fait
assassiner son ennemi
demeure
breuse assemblée devant laquelle
un discours d'apparat pour C'est là
le
politique. la
plus scandaleux,
Dans ce discours
même du
le
duc d'Orléans;
en démence, une
du meurtre
et
du meurtrier.
plus condamnable emploi de l'éloquence
artificieux, qui devait avoir des
France, Jean Petit, après un éloge
échos par toute
pompeux du duc de Bourgogne,
a l'impudeur d'exposer les raisons qu'il a eues de prendre en fense de ce prince.
obligé de
le
deuxième
est
servir,
que,
La première de
«
lui
par serment à ,
regardant que
donné chaque an bonne
et
nom-
cordelier Jean Petit doit prononcer
la justification le
roi
le
ces raisons, dit-il, est
lui fait j'étais
il
y a
main que
la je
trois ans passés.
désuis
La
très-petitement bénéficié, m'a
grande pension, pour moi aider à tenir aux
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
écoles
de laquelle pension
;
trouverai encore,
de
la
trouvé une grancTpartie de mes dépens
j'ai
de sa grâce.
lui plaît,
s'il
plus basse et de
la
5gi
plus vénale flatterie
Après
»
cet
et
exorde empreint
l'orateur expose la division
,
de son discours comprenant une majeure, en quatre parties, pour prouver
i°
:
que
mère de tous
convoitise est la
la
apostats; 3° qu'elle
fait
maux;
2° qu'elle fait les
des sujets déloyaux et infidèles à leur prince;
chacun de tuer
4° qu'il est licite à
les
les apostats, les traîtres et les sujets
déloyaux. Ce quatrième point, composé de huit vérités principales, de huit corollaires et de douze syllogismes, forme l'objet capital du discours.
Jean Petit a recours à toutes l'assassin et
pour
les arguties
glorifier l'assassinat. Il
de
la dialectique,
invoque
les
pour
exemples de Lucifer,
d'Absalon, d'Athalie, à l'appui de ses exécrables doctrines; enfin
que
le
duc d'Orléans
tombé dans
couronne de France;
lant usurper la infidèle,
était
Cet infâme discours excita Petit dut le prononcer de
dressée sur
le
parvis de
si
et
démontre
qu'il était ainsi apostat, traître, sujet
devant
vivement
nouveau,
il
péché de convoitise, en vou-
le
coupable du crime de lèse-majesté,
une action méritoire devant Dieu
justifier
le
et les
que
celui qui l'a tué a fait
hommes.
la curiosité
publique, que Jean
lendemain, du haut d'une estrade
Notre-Dame, en présence d'une
foule
énorme de
peuple. Cependant la veuve de la victime, l'infortunée Valentine de Milan, avait obtenu
du
roi
Charles VI de se faire représenter, ainsi que ses enfants
nommé
orphelins, par un fameux avocat du Palais,
Jean Cousinot, qui
répondit avec dignité à l'odieux apologiste de l'assassinat
parmi la
les assistants
une profonde émotion,
voix du sang versé, à
la
justice
du
roi
et
qui souleva
lorsqu'il en appela, de
de France.
par
Ce grand procès
criminel devait rester pendant au tribunal de l'opinion, jusqu'à ce que
meurtrier impuni fût à son tour massacré, quinze ans plus tard, sous
yeux du dauphin, à
aucun débat
héritier
de
la
le
les
couronne. Cette catastrophe ne donna lieu
oratoire, et Jean Petit n'eut pas d'imitateur.
Mais quelques
années après, dans un autre procès politique plus mémorable
et
plus
digne d'intérêt, une éloquence nouvelle se révéla tout à coup chez une jeune
fille illettrée,
qui ne tirait ses inspirations que de sa conscience
son cœur. Dans ce procès, où toutes
les règles
de
la justice étaient
et
de
mécon-
nues ou violées, l'héroïque Jeanne d'Arc, prisonnière des Anglais, n'eut
SCIENCES ET LETTRES.
-9 2
pas d'autre avocat qu'elle-même,
et
toute sa défense fut enfermée dans
Les juges ou plutôt
ses interrogatoires.
bourreaux,
les
docteurs
les
les
plus endurcis dans les sophismes de l'École, furent plus d'une fois touchés
confondus, en écoutant
et
bouche innocente,
les
naïves etfières paroles qui tombaient de cette
noble
et la
indignement accusée de crimes imagi-
fille,
naires, rentrait, en souriant, dans sa prison «
ses geôliers qui la regardaient
«
lerai pas, je
:
«
comme une
ne suis pas un ange.
»
N'ayez crainte,
disait-elle à
magicienne;
ne m'envo-
Ses réponses,
si
je
simples
et si fortes
à la fois, souvent sublimes et toujours vraies, ne sont pas les témoignages les
moins
éclatants de la mission divine de la Pucelle d'Orléans.
Cependant, à les licences,
de bien dire semblait autoriser toutes
l'art
tous les excès de la parole.
alternativement
faire tort, soutenir
opposées,
époque,
cette
les
Le même orateur pouvait, sans
les doctrines, les
plus discordantes. Ainsi
qu'on nommait
la
le
propositions
se
plus
les
voulait ce sphinx de l'École,
Dialectique, et ce n'étaient là que des déclamations qui
n'étonnaient, qui ne blessaient personne. Aussi bien, tout orateur, soit au
barreau, soit dans
chaire, passait alors pour inviolable, et on ne lui
la
demandait jamais compte de
même,
tout despote qu'il
ses paroles les plus osées.
était,
Louis XI
ne se fût pas permis de fermer
aux prédicateurs. Ceux-ci n'avaient pas en
comme
Italie,
la
,
lui-
bouche
en France,
le
privilège de l'impunité; non-seulement le pouvoir ecclésiastique leur im-
un
posait silence, mais encore l'autorité civile mettait
que Jérôme Savonarole
oratoires. C'est ainsi originale,
abondante
avait de plus fois forcé
et
indomptable,
il
se vit
L'éloquence du barreau confuse
le
et
était
attaquée à tout ce quMl y
monde,
se vit plus
d'une
après avoir été interdit, excom-
emprisonné, par ordre de
condamné, comme hérétique, à
la prolixité
et,
4o5), dont l'éloquence
(fig.
s'était
de plus puissant dans
de descendre de sa chaire
munié même, et
grand
et
frein à leurs excès
la
seigneurie de Florence,
être brûlé vif (23
mai
1498).
plus réservée, plus digne.
A
vrai dire,
sentencieuse des avocats ne méritait pas
le
d'éloquence, et leur langage pédantesque, hérissé de subtilités qu'il pruntait surtout à la scolastique, n'était pas entraîner leur auditoire.
Il
fait
nom em-
pour émouvoir, pour
faut pourtant en citer quelques-uns, qui,
Jacques Maréchal, La Vacquerie, Antoine Duprat, joignaient à
la
comme science
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
du
jurisconsulte
la
puissance
et
même
5q3
quelquefois l'élégance de
la
parole. Mais la plupart des prédicateurs, qui affectaient une sorte d'élo-
quence grossière, inculte
appropriée à l'intelligence populaire, appar-
et
tenaient à Pécole triviale que Gabriele Barletta avait créée à Naples,
sermons burlesques eurent un succès extraordinaire. Ce
où
ses
fut d'après ce
type bouffon que Part de prêcher fut réduit partout en ce seul axiome
Nescit predicare qui nescit barlettarc (nul ne
sait
prêcher, qui ne
IL Fig. 403.
—
Portrait de
:
sait
l
Jérôme Savonarole. Fac-similé réduit du dessin de Léonard de Vinci, au musée de Vienne. (Collection Albcrtine.)
imiter Barletta). L'exemple de Barletta fut donc suivi et
passé par ses imitateurs
:
Geyler, en Allemagne
;
même
outre-
Robert Messier, Guil-
laume Pépin, Michel Menot, Olivier Maillard, en France. Ces prédicateurs, qui n'en étaient pas
vaincus
,
latin est
se
moins des
ecclésiastiques pieux, sincères et con-
permettent de tout dire dans leurs sermons
mélangé de mots
et
,
dont
le
de phrases en langage vulgaire, où
contexte ils
entas-
sent au hasard des proverbes, des chansons, des jeux de mots, des apolo-
gues
et
des plaisanteries d'un goût douteux. Mais leurs auditeurs ordinaires SCIENCES ET LETTRES.
—
75
SCIENCES ET LETTRES.
594
ne se montraient pas
difficiles
à cet égard,
et
quand Olivier Maillard
prêcher à Saint-Jean en Grève, sa paroisse,
en écoutant
remplie dès
l'église était
point du jour. Jamais prédicateur ne produisit plus
d'effet.
le
On riait d'abord,
boutades satiriques de l'orateur; mais bientôt on
les
devait
sub-
était
jugué, ému, exalté, par cette éloquence native, qui avait sa source dans
une
ardente
foi
et
qui ne devait rien aux apprêts de l'école parénétique.
Olivier Maillard
échos par toute
dont
,
Il
Confession générale, fut appelé à
sermons prêchés
France, se mit à parcourir
la
en différents patois.
il
les
la
province
qu'il avait
on
et
Michel Menot ne chantait pas,
nore
disait-il
tes filles
!
le
pria de redire une bergeron-
de toutes
en un mauvais
comme
les classes
latin lardé
le
jour de la Pen-
Maillard, mais
de
la société
:
il
«
fustigeait
O
de
ville
de français, l'orgueil désho-
La femme d'un cordonnier porte une tunique, comme une
duchesse. Avec 5oo livres de rente, on a chiens est l'ami
prêcher
d'abord débitée en poitevin à Poitiers;
Bruges, en i5o2,
les vices et les ridicules
Tours,
et à
répéta, dans le langage de Toulouse, sa fameuse
nette savoisienne, qu'il avait dite en chaire, à Toulouse, tecôte.
eu des
à Paris avaient
d'un comte, on a maison de
ville
et
chevaux; avec 1,200, on
maison des champs.
et
»
Puis, s'adressant aux dames qui arrivaient toujours en retard à l'église «
Voici bientôt neuf heures,
s'écriait-il, et
vous
encore au
êtes
lit!
:
On
aurait plus tôt fait la litière d'une écurie pour quarante chevaux, que d'at-
tendre que toutes vos épingles soient mises. lette,
Quand vous
êtes à votre toi-
vous ressemblez au savetier qui a besoin d'une foule de pièces pour
accoustrer
et
agencer. Et
si,
pendant que
le
prêtre élève sur l'autel l'holo-
causte du Dieu sans tache, quelque gentillâtre se présente à son banc, faut, selon les lui
prendre
Luther,
de «
la
le
coutumes de
main
!
A tous
la les
noblesse, que
Madame
diables tels privilèges
se lève et s'en aille »
(Fig. 404.)
fougueux Luther, malgré son double mérite de théologien
lettré, appartenait,
comme
hommes du commun, pour
les
et
prédicateur éloquent, à l'école du peuple
Je prêche aussi simplement que possible,
n'est point
!
il
les enfants, les
savants qu'on
disait-il;
domestiques,
monte en chaire
:
je
veux que
:
les
me comprennent. Ce ils
ont
les livres.
»
Le
plus puissant agent de la Réforme fut donc la prédication mise à la portée
du peuple. Calvin, Théodore de Bèze
et les chefs
du protestantisme gene-
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
vois furent aussi des prédicateurs infatigables; mais
raphraser
la
de l'Évangile,
lettre
cherchaient pas à émouvoir
les
et
cœurs
ils
595
se bornaient à pa-
souvent avec sécheresse;
ni à les entraîner;
ils
ils
ne
érigeaient en
principe que la parole de Dieu n'a pas besoin d'ornements profanes. Les prédicateurs catholiques, qui se levèrent de toutes parts pour défendre l'Église
contre les
efforts
des sectes protestantes, restèrent la plupart
au-dessous de leur mission. Quelques-uns seulement,
Fig. 404.
—
Le sermon sur
la
tels
que Claude
vanité des choses mondaines. L'Acteur (ou l'auteur) instruit la Suppliante, en
face d'une boutique d'orfèvre et de changeur. Fac-similé d'une miniature
du Petit Traicié de
la
vanité
des choses mondaines, composé en 1466, ms. du temps. Bibliothèque de l'Arsenal.
d'Espence
et le
cardinal de Lorraine
(fig.
405
et
406), se firent remarquer
par de véritables qualités d'orateur, tandis que beaucoup d'autres,
que Vigor
et
Seneschal, ne se distinguaient que par la violence et l'empor-
tement de leur polémique.
On
peut dire que
gieuse avait disparu, surtout à la se renouveler en
guignons
et
tels
France
les
fin
la
du seizième
grande éloquence
reli-
siècle, et l'on vit alors
scandales de la chaire de l'époque des Bour-
des Armagnacs. Les prédicateurs de la Ligue, qui osaient
se dire inspirés et autorisés par le
pape Sixte-Quint
(fig.
407), se portèrent
SCIENCES ET LETTRES.
5 96
parfois à tous les excès, et
qu'excuse à peine
l'état
Mais détournons
les
il
est juste
de condamner tant de violences
de désordre où se trouvait
yeux de ces
tristes
la société.
égarements auxquels devait suc-
céder une ère glorieuse dans l'histoire de la chaire française, et voyons ce
que l'éloquence
devenue durant cette longue période de troubles
Le barreau, en
de misères.
et
civile était
se débarrassant de la lourde routine de la
scolastique, avait subi insensiblement
La Renaissance classique du seizième sentir d'abord au Palais,
une transformation toute siècle
littéraire.
ne pouvait manquer de se
mais malheureusement
le
goût
faire
faisait trop sou-
vent défaut aux avocats, qui se perdaient dans les intempérances de l'érudition pédantesque. C'était
Fig. 405.
—
un exemple funeste pour
Portrait de Claude d'Espence.
Fig. 40C.
—
les esprits
supérieurs
Portrait du cardinal de Lorraine.
Fac-similé de gravures au burin par Léonard Gaultier, de la série dite Chronologie collée. Bibliothèque
de M. Ambroise Firmin-Didot.
qui composaient
la
magistrature.
de faire des discours prolixes où fleurs
de
ment, après
les
lementaires
qui ouvrirent la
l'année i55o.
En
408 à4io),
là,
et
le
tour de
le
heures consécutives,
les
lice
à l'éloquence
Guy du Faur
les
des séances du Parle-
d'apparat, à partir de
«
En
et, dit
1
trouva encore
«
585, Jacques
»
plus belles à
se signalèrent ensuite
Mangot
Étienne Pasquier,
commencement.
;
de Pibrac; Jacques Faye
Thou,
célèbre Jacques-Auguste de
aussi frais qu'au
on
La réouverture
i55y, Baptiste Dumesnil parla sur Asconius Pedianus
dans ces solennités oratoires. trois
rhétorique se couvrait de toutes
vacances annuelles, devint l'occasion des harangues par-
l'année suivante, vint (fig.
la
ancienne.
la littérature
y avait alors une impatience générale
Il
il
parla, pendant
estoit,
au
sortir de
Ces harangues furent imprimées, lire
»
qu'à entendre. Avocats et
magistrats semblaient d'accord pour mettre en honneur
l'art
de
la
parole.
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
Les noms de Seguier
(fig.
Lamoignon, de Lemaître Brisson, de Pithou
Fig. 407.
-
(fig.
du "premier des
Dumioulin
(fig.
412),
4i3), de Cujas
(fig.
414), de
411), de (fig.
597
Chopin, de
4*5), de Loisel, resplendissent simultanément
Portrait du pape Sixte-Quint (i5 2 i-i?go).
Fac-similé réduit d'une gravure contemporaine
à l'eau-forte, d'un artiste italien anonyme.
dans ces
l'histoire
du Parlement
hommes éminents ne
oratoire et littéraire,
ment
et
de
la
ils
et
dans celle du barreau. Si
sont pas dees chefs-d'œuvre
sont,
au poinit de vue de
sincérité, dignes des plius
la
les
sous
discours de le
rapport
logique, du senti-
grands éloges.
On
y retrouve,
SCIENCES ET LETTRES.
à toutes les époques, une tradition constante d'honnêteté, de vertu et de
grandeur, depuis Jean de La Vacquerie, premier président au Parlement de Paris, osant faire cette belle réponse aux menaces de Louis «
XI
Sire,
:
nous venons remettre nos charges entre vos mains et souffrir tout ce qu'il vous plaira, plutôt que d'offenser nos consciences, » jusqu'au
« «
chancelier Olivier, qui disait aux
octobre i55o), en leur
membres du Parlement de Normandie montrant le crucifix a En somme, Messieurs
(8
:
«
souvenez-vous toujours, en
«
ne peut être déçu
«
de tous vos jugements
«
eussiez
Fig. 408.
ici
évité la
— Portrait de
B.
la
fonction de vos charges, que Celui qui
au milieu de vous, auquel vous rendrez compte
est
duquel
et
main du
Dumesnil.
roi et
Flg. 409.
—
main
la
de
est inévitable,
la justice.
Portrait de Pibrac.
Fac-similé de gravures au burin par Léonard Gaultier, de Bibliothèque de M.
encore que vous
»
Fig. 410.
la série dite
—
Portrait de
J.
Faye.
Clronolog-ie collée.
Ambroise Firiniu-Didot.
L'éloquence parlementaire touchait surtout à l'éloquence politique, dans les
remontrances que
les
grands corps de
quelquefois au souverain qui
les écoutait
la
magistrature adressaient
avec déférence. Mais l'éloquence
politique se donnait plus largement carrière, en ces graves circonstances
qui amenaient la convocation des États-Généraux des trois Ordres représentant
daction des Cahiers, où
ils
la
,
alprs
que
les
députés
nation délibéraient à huis clos sur
devaient exprimer
les
vœux
la ré-
qu'ils déposaient
ensuite aux pieds du roi sous
le titre de plaintes, doléances, remontrances. Ces délibérations produisaient souvent des harangues latines ou françaises, dans lesquelles l'orateur pouvait s'élever aux plus hautes inspirations de
l'éloquence. C'est ainsi qu'aux États-Généraux de Tours, en 1484,
un des
représentants de la noblesse de Bourgogne, Philippe Pot, seigneur de
Roche, prononça un discours
latin,
où
il
la
développa, avec une audace, une
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
i>99
énergie, une puissance de logique extraordinaires, des doctrines politiques
qui ne devaient être comprises que deux siècles plus tard dit-il, est
une charge
jours passer,
comme
et
non une chose héréditaire,
et elle
:
«
La
royauté,
ne doit pas tou-
d'un héritage, aux tuteurs naturels, qui sont
les biens
plus proches parents. L'État, privé de tout chef, restera-t-il donc exposé
les
au hasard
et
au désordre? Non, non
à l'Assemblée des trois Ordres,
mais pour
car
:
soin de son salut sera remis
le
non pour
qu'elle
du peuple, qui
adopta de préférence
les plus
Portrait de P. Seguier.
Fig.
peuple
Chaque
nation,
vertueux
412.—
l'ori-
était le maître, créa les rois, et le et les
plus habiles.
en élisant un roi, agissait d'après son intérêt
411.—
Dans
qu'elle choisisse des gens capables de gouverner.
gine, le suffrage
Fig.
gouverne elle-même,
Portrait de
et
C.Dumoulin.
Fac-similé de gravures au burin par Léonard Gaultier, de
cherchait son avantage:
Fig. 41
la série dite
3.— Portrait de G. Lemaitre
Chronologie
collée.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
car les princes sont princes,
dépens, mais pour
le
Les rois qui n'agissent qu'ils
mangent
Aux
non pour
rendre plus riche
(fig.
les rois
416), ouvrit, par
1
56o,
le
États-Généraux
non des pasteurs.
»
chancelier de France, Michel
un discours
plein de force et de noble
comme
Philippe Pot, que
monarchie,
était essentiellement utile à la
de France ne pouvaient rien faire de mieux, en certaines
occasions graves, que de consulter ainsi leurs sujets tant digne d'un roi et tant propre à lui,
audience générale à ses sujets
énuméré tous
et s'enrichir à ses
condition meilleure.
leurs brebis. C'est là le fait des loups et
l'institution des
que
peuple
et faire sa
simplicité, la première séance, en déclarant,
et
le
ainsi sont des tyrans et d'indignes pasteurs, parce
États-Généraux d'Orléans, en
de l'Hospital
exploiter
les
maux
et
:
que de tenir
« Il n'est, dit-il,
les Etats,
de faire justice à chacun.
qui désolaient
le
»
acte
de donner
Après avoir
royaume, déchiré par
les
guerres
Goo
SCIENCES ET LETTRES.
civiles et religieuses,
il
conseilla de combattre désormais, par
tolérance et par la réforme des
mœurs,
cette
anarchie sociale qu'on ne
pouvait plus conjurer par des mesures de rigueur implacable
avons
comme
fait, dit-il,
ennemi avec toutes leurs logis.
capitaines qui vont assaillir
forces,
en laissant dépourvus
nous faut maintenant, garnis de vertus
Il
assaillir
les
l'ennemi par
paroles de Dieu.
»
les
Ces
armes de
414.—
Portrait de
J.
Cujas.
et
Fig.
Nous
de leur
le fort
dénués leurs
de bonnes mœurs,
et
la
Saint-Barthélemy. Plus
personne l'ouverture des États-Généraux
415.—
et
bouche du
belles et saintes paroles sortaient de la
prirent la parole. L'histoire a conservé
Fig.
«
:
avec prières, persuasion
la charité,
premier ministre de Charles IX, neuf ans avant tard, les rois présidèrent en
une sage
et
y
souvenir des discours pronon-
le
Portrait de P. Pithou.
Fac-similé de gravures au burin par Léonard Gaultier, de
Fig.
416.—
Portrait de
M. de
Chronologie
la série dite
l'Hospital,
collée.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
cés par
Ce
Henri
III
roi, qui avait
(fig.
417), aux États-Généraux de Blois en 1576 et
au plus haut degré
Mézeray, aux grandes assemblées voit
que sa harangue
et
le
don de
la
parole,
,
et
ponses
qu'il faisoit
alloient
mieux que leurs pièces préparées avec beaucoup
sans préméditation aux députez
mais
il
se troules res-
aux ambassadeurs d'art et
de peine.
»
États-Généraux, pendant son règne;
trouva d'autres occasions de prouver qu'il parlait avec autant de
facilité et Il
les
et
il
mesme
que
588.
se plaisoit, dit
aux actions d'apparat, où
estoit toujours la plus belle
Henri IV n'eut pas à convoquer
«
1
plus sincèrement que Henri III dans les assemblées publiques.
possédait la véritable éloquence politique, puisqu'il savait en peu de
mots persuader, émouvoir, enthousiasmer ces simples paroles improvisées
(i5g6) valent tout
ses auditeurs.
Par exemple,
dans une réunion des Notables de Rouen
un discours d'apparat
:
«
Je ne vous
ai
point réunis,
1
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
«
comme
«
Je vous
«
les
«
prend guères aux
faisaient nos prédécesseurs,
un
si
les
me
suivre, pour
rois,
approuver mes volonté?.
Dans
les
pour
les croire,
mettre en tutelle dans vos mains, envie qui ne
aux
excellait aussi
grand rôle dans
militaire.
faire
assemblés pour recevoir vos conseils, pour
ai
Henri IV
pour
60
têtes grises,
aux victorieux.
»
dans un autre genre d'éloquence, qui avait joué
l'antiquité
et
même
premiers temps de
la
au
moyen
l'éloquence
Tige,
monarchie, ce n'étaient pas
chefs d'armée qui animaient, par des allocutions, les soldats qu'ils
Fig. 417.
—
Portrait de Henri III. Fac-similé réduit de
la
gravure de Léonard Gaultier.
Bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot.
allaient conduire à l'ennemi
;
taient, qui s'encourageaient,
meurs dans
lesquelles
ils
c'étaient les soldats
eux-mêmes qui
par des chants guerriers ou par des cla-
ne faisaient que répéter
la
devise ou
de guerre de leurs chefs. Cependant l'histoire a enregistré
noncé par
le roi
tel
que
les
le
chroniqueurs
14), le
et
l'on est fondé à croire
que
rapportent, est bien authentique.
gue par un singulier mélange d'énergie, de simplicité ne peut assez admirer en présence de
la
de seigneurs étrangers qui avaient juré
et
le
cri
discours pro-
Philippe-Auguste, devant son armée, avant
de Bovines (27 août 12
s'exci-
la bataille
ce discours, se distin-
Il
de confiance, qu'on
formidable coalition de princes la
perte
du
roi
de France
SCIENCES 'ET LETTRES.
—
:
76
«
et
Voici
SCIENCES ET LETTRES.
602
Othon l'excommunié
«
venir
«
troupes. L'argent qui sert à les entretenir est de l'argent volé aux pau-
«
vres et aux églises.
«
notre liberté et notre honneur.
«
confiance dans
Et
comme
:
«
dit
S.
—
«
armes.
»
Seigneur,
et
Tout pécheurs que nous sommes, ayons
nous vaincrons
Les Machabées,
Comment Gergeau
Les capitaines,
Dieu, bénissez nos armes.
Deux
siècles
Philippe-Auguste à ses
Nous ne combattons, nous, que pour Dieu, pour
fut
le
ses
(11"
ennemis
regret d'être forcés de se battre
au Sei-
Seigneur bénit leurs
et le
Miniature des Vigiles du roi Charles VII, ms.
»
5o5
f>.
fr.
Bib). nat. de Paris.
électrisés, crièrent à la fois »
et les nôtres. »
s'écria le roi, cette famille chère
prins.
daté de 1484
le
,
gneur, ne craignirent pas d'aborder l'ennemi,
Fig. 41
«
adhérents
quelques-uns exprimaient
un dimanche «
le
et ses
:
«
Vous,
l'élu
Et l'armée s'agenouilla en répétant ces
de
cris.
plus tard, ce n'est plus un roi de France qui nous montrera
pouvoir de l'éloquence militaire,
c'est
une jeune
fille
inspirée, c'est
Jeanne d'Arc, qui, avec des paroles plus simples encore, exerce plus d'empire sur ceux qui l'entendent
et
qui sont des
hommes
de guerre.
Lorsque Charles VII eut ordonné au duc d'Alençon d'accompagner Jeanne d'Arc au siège de Jargeau occupé par de donner l'assaut
:
«
En
«
duc; à l'assaut! L'heure
«
nous
allions en
avant
et
avant,
les
lui
est prête,
Anglais,
le
duc
n'était
cria l'héroïne, en
quand
veut nous aider....
il
plaît à
Ah
!
pas d'avis
avant, gentil
Dieu.
Il
veut que
gentil duc, as-tu
peur?
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE.
«
Tu
que
sais
commence pierre
;
«
elle
énorme
sa bannière
Anglais,
:
ils
promis
j'ai
monte
la
«
la
cité ce
les il
Et
»
lui
«
vous
le
du courage
présente
:
i5o,o).
Tournez vos la
victoire s'est déclarée les
Henri accourt :
de faire sonner
la
leur dit-il, vous êtes Fran-
»
mon
Dans
panache:
cette
et s'écrie
journée
parcourt
il
les
cruerre en
Henri IV a
même temps
que
le
rangs de ses ce :
Mes
Cette généreuse exclamation prouve
été le plus
éloquent des
plus éloquent des
de G. Durand, ms. du xiv«
:
Et,
»
quelques mots pour que l'éloquence militaire n'a besoin que de éclater sa puissance.
de
d'une voix forte
fuyards, en disant d'une voix suppliante »
sur
charge,
soyez pleins d'honneur.
en sa faveur,
enfants, épargnez des Français!
aussi
était blessé, et l'armée, saisie
visages. Je suis plein de vie
troupes qui massacrent «
;
Roi
le
faut
il
,
les plaines d'Ivry,
chemin de l'honneur.
le
bruit courut que
douleur, commençait à plier
quand
Au moment
Mes compagnons,
verrez toujours dans le
(fig.418).
du patriotisme. Henri IV accepte
duc de Mayenne, dans
le
«
et
les
toujours dans son
vous perdez vos enseignes, ne perdez pas de vue
mémorable,
«
emportée de vive force
roi, qui trouvait
bouche d'un
la
s'adresse à ses soldats çais. Si
la ville est
demi pour entendre des paroles presque
bords de l'Eure (14 août
ce
L'assaut
»
précieux échantillon d'éloquence militaire
l'inspiration vraie
que
et sauf.
Sus, sus, amis, crie-t-elle encore. Notre Sire a condamné
éloquentes sortir de
la bataille,
ramener sain
te
renverse; on la croit morte, mais elle se relève, en agitant
traverser plus d'un siècle et
cœur
de
première sur une échelle, du haut de laquelle une
sont à nous.
Après avoir
femme
à ta
6o3
siècle. Bibl.
hommes
hommes
d'État.
de M. Ambr. Firmin-Didot.
faire
de
11
11
TABLE DES FIGURES I.
PLANCHES CHROMOLITHOGRAPHIQUES. Pagfes.
Planches. 1.
Henri d'Albret,
roi de
Navarre, trouvant
Miniature de X Initiatoire en la religion chrestienne xvi<= s. Frontispuee. Chastelain offrant son livre à Charles, duc de Bourgogne. Miniature de X Instruction
de Marguerite de Navarre. Miniature de Xlnitiatoire en la religion
7.
Armes
Adenez,
q.
La Vierge,
la marguerite.
d'un jeune prince. xve 3.
4.
22
s
Sibylle Tiburtine
La
annonçant
à
72
Tournois du roy René, xve
xme
de Cleomades.
le
440
s
reine des cieux. Tableau du
de Francfort.
siècle, à la galerie
10. Bataille de Jonathas contre
.
3
;
2o
12.
Le Théâtre
de Charles VI. Manuscrit du xv e s. saint Etienne. Peinture à fresque de Fra Angehco. xve s .
3ï3o
s
ni6 2253
—
Alexandre
— — —
2i02 1197
Hermès
11
Lulle (Raimond)
1199
Morienus
2220
Paracelse
22
cornes. xni c
et les
dragons cornus dragons et scorpions
et les
hommes à
et les
—
22o5
Bacon (Roger) Geber
et la bête à trois
et les
(1')
.
33o7
2229 2227
xm
(1'),
s.
.
.
de Jean II, roi de France de Jeanne d'Arc. xv e s de Marie Tudor, reine d'Angleterre. xvi c de Martin 1 er , roi d'Aragon, xive s. .
des Orsini.'xiv
de Paul
6
340 s. .
Cœur
338 335
de Lion, xn"
335
s
—
de Robert d'Anjou, roi de Naples .... Arrivée de sainte Ursule à Cologne, min. xv c s.
Assembleur
min. xv c s Astrologie (dame), min. xvi e Astrologue Abbatia (B.) Astronome (un), xni 8 s allemand. xvi e s (1'),
io3
110 206
33 1101
Augustin (S.) donnant les règles de son ordre. Auteur (1') dans un cimetière, min. xv c s. et sa Pensée, min. xv c s
56
|.
s
1
ji
23
Bacon
d'Anne de Bretagne. xv e s de Catherine d'Aragon. xvi e s d'Emmanuel, roi de Portugal. xv e de France au xv e .s de Godefroi de Bouillon, xi* s de Guillaume d'Orange, xvi» s
41.25 s.
.
.
1336 135o 1339
s.
.
.
1335
1354 1337
1336
.
.
—
11
4489
s
Armement d un chevalier, min. xv e s Armes d'Alphonse X, roi de Castille. xm e
gr
.
Bacchis et Bacheliers
2281
le
pêcheur, min. x«
et professeurs
s
de Pont-à-Mousson.
(Roger), philosophe
Bail (Lazare
de),
poëte français. xvi e
s
Bannière des aiguilliers-épingleurs des apothicaires de Caen de Mayenne de Saint-Lô des bouchers d'Amiens
—
— — — — —
— —
des cabaretiers de Calais des chirurgiens de
—
299 405 116
•
—
s.,
336
23
s
:
s
55
.
347 335 341
s
des Piccolomini de Richard
532
335
s
pape. xvi c
III,
.
s
.
s
poëte italien, gr. xvi e
— — — — — — — —
d'Henri V, roi d'Angleterre. xv e
Atelier monétaire au xv c
s.
5y6
Pages.
Armes
10
e
des êtres et des substances, gr. i5i
Arc à double compartiment. xvi c Arche (1') de Noé, min. xn e s Ariosle
29
2225
.
sauvages
qui pleure, gr. xvi e
1
1127
et les serpents
—
g5
33o6
.
11
tête de cheval.
Alphonse X, roi de Castille, statue. Amende honorable des sergents. xv e Amoureux (les) au printemps. xvi e
— — — — — —
.
et les lions blancs
— —
Arbre
s.
534
G RAYURES. Pagres.
— — — — —
18
5
antique. Miniature du Te'rence .
Abbatia (Bernard), astrologue Alchimiste (1'), gr. xvi" s. allemand, gr. xvi" s :
49^
13. Prédication de
II.
Alchimistes
482
.
Baccide. Mi-
gnons, sous Charles VI. Miniature des Chroniques de Monstrelet. xvi e s
2:32
Carte d'Amérique. Fac-similé d'une carte de l'atlas, exécuté en 582, par Martinès. Le roi d'armes montre au duc de Bourbon les blasons des chevaliers. Miniature des 1
6.
344
s
des ménestrels, récite
roi
le
niature de J. Fouquet. xv e s 11. Siège d'une ville défendue par les Bourgui-
Auguste
venue du Christ. Miniature de XHistoria Orosii. Manuscrit du xvic s la
5.
Roman xvc
Résurrection des morts et pesage des âmes. Miniature du Psautier de S. Louis, xme s.
et devise
chrestienne. xvi e
.
2.
Pages.
Planches.
Caen
du Mans
65 56
557 539 77 202
494 353 176
192 176
352 352 1
85
18^
TABLE DES FIGURES.
6o6
Pages.
Bannière des chirurgiens de Saintes des cordonniers de Douai des couvreurs de Tours des fondeurs de Paris
— — — — — —
1
353 353
maréchaux de Saint-Lô des médecins d'Amiens de Mayenne
i85 1
Lyon
353 352 352
des tapissiers de Bordeaux
352
des teinturiers de Saint-Lô Bataille de gueux et de paysans, min. xv e Bâton de l'infanterie dijonnaise. xvi e s
Bedeau d'université, min. xv e Bedeaux de facultés. xvi e s
353 s.
.
i5
181
Bellay (Joach. du), poète français. xvi e Belleau (Remi), poète français, xvie s
s.
.
.
Bergers célébrant la venue du Messie. xv e Bibliothèque de Saint-Marc, à Venise Blason métaux
s.
:
—
partitions de l'écu
33 2
Boèce et dame Philosophie. xv° Bonaventure (S.), fresque. xv° s
Bourbon (duc
de)
et
48 67 cap. xve
— — —
Gaule, fragment, xine de l'île de Sardaigne. xne s de l'île Taprobane. xve s la
^5
— —
de Thibaut de Champagne, Chant de l'épée, mélodie Scandinave
n3 s
464
xme
467 468
s.
.
.
Charlatan
(le) opérateur, grav Chartier (Alain) réconforté par l'Espérance. Château (le) d'amours, min. xve s Châtiment (le) des verges, min. xve s Chien (le) de mer, grav. xve s Chirurgien allemand, grav. xvie s
Chroniqueurs
:
— Cigogne
Commines
(Ph. de)
Froissart (Jean) (la),
grav. xve
s
plan, xvie
Clovis, statue équestre,
xme
Congrès de la Wartbourg. xive s Conquête fabuleuse de Jérusalem, min. xve
—
:
Cour plénière de dame
Centaure, xiv° s Persée et Andromède, xiv"
Courrier suisse, statue. xv e Cuisinier (le), min. xve s Cujas, jurisconsulte, xvie
s.
.
s.
5o5
509
.
57 14
s
541
600
s
Daurat (Jean), poète français, xvie s Débat de la Noire et de la Tannée, min. xv° s. Découverte de Saint-Domingue. xv° s Dédicace d'une bible à Charles le Chauve, ixe s. Degrés (les) de l'enseignement, gr. i5o8 .... Despence (Claude), prédicateur, xvie s
494
Devise de Catherine de Médicis. xvi e s de Charles IX, roi de France, xvie
349 348 348 363
-
— —
.
s.
.
.
.
s.
.
s.
.
d'Henri VII, roi d'Angleterre. xv e de Jean sans Peur. 1406
5
571
596
— —
—
italiens.
(le)
et le
xv e
s.
.
363
246
s.
121
.
.
12 .
.
.
589
s
71
béhémot, min. xne
275
s
xiv e s
243 223
et sacrificateur gaulois
598 s
599 24
s
de l'université de Prague, xvie
s.
comme
.
Eloquence (1') sacrée, min. 1466 Encadrement des Dames de rhétorique, xvie de la Vie de saint Jérôme, xve Enfance (!) de Jésus, bas-relief. xiv e s Enlèvement d'Hélène, gr. xv e s Entrée de Charles VII à Rouen, min. xv e s. Envoyés du Soudan aux croisés, min. xme
.
s
3q
.
pape.
—
Epi de faîtage, xvie
348 348 367 348 367
de Léon X, pape, xvie s de Louis, duc d'Orléans. 1406 de Louis XII, roi de France, xvio Diable (le) et le magicien, xme s
—
317
363
d'Henri HT, roi de France, xvie
— —
.
.
481
Gueux de Flandres. i566
des
—
s.
s.
53o
i
409
.
.
Election fabuleuse de saint Pierre
54
.
s.
s.
i83
5
s.
371 s.
xive
Justice, min. xive
Dumesnil (B.), conseiller, xvie s Dumoulin (Charles ), avocat. xvi e Ecoliers à genoux, bas-relief, xne
309
le
—
480
63
(Ph. de), historien, dessin
—
Dragons, min.
9 132
7
427 370
du khan des Tartares, min. xve
Druide
Combats fabuleux d'Alexandre. Voy. Alexandre.
Constellation
— —
187
4 83
s.
—
271
189 s
de Reims. xv e
Dragon
s
s
6 6
s
449
r
Clément IV, pape, xme Clermont en Beauvoisis,
Commines
—
4 56
522
s
Claude, reine de France, xvie
...
....
de Normandie
Université de Picardie
Docteurs s
5
Dieu créa le monde par compas, min. xv e Docteur de l'Université de Paris, xve s flamand haranguant, min. xve s.
des croisés, 1096
Chanteur de complaintes, xme Chariot (le) de la mère Folle
61
5
de François I", roi de France, xvie
s
167
.
de France
—
297 295 315
.
nation d'Angleterre.
3oi
293
Cercles équatoriaux. xvie s. Chanson de Pons de Capdeuil. xme de Quenes de Béthune
— — —
s.
de Charles-Quint, empereur, xvie
486
s
Université de Paris. xiv°
— —
IO i
s.
Faculté de médecine de Paris. xivc s
j«Q
s
du monde romain, xno s Centaure (le), constellation. xi\e
—
343
s.
Brunehaut fait construire les chaussées, xve Cancionero (extrait d'un), xve s Carte de
447 407 327 333
s
armé de pied en
Bourgeois (le) en hiver, xvie Boutiques au xve s
494 494
.
379
s
Cordonnier mettant en forme. xv e s (le) et son client. xv e s Couronnement de Charlemagne, min. xv e
2y3
s
tour de Babel, xve
Copiste écrivant, xve
85
.
la
— —
85
des savetiers de Saint-Omer des tailleurs de Béthune
:
— — — —
i85
de Vire
des potiers d'étain de
Contre-sceaux
352
—
— — — — —
Pages
Construction de
353
des
—
85
403 587
s.
43
s.
139
549 363 .
.
s.
52 5
53o
Erasme
471 507
Ermite
(1')
et
Esclave
(1')
et l'avocat, min. xe s
(Didier), portr. xvie s
Robert
le
1
143 Diable, xive
83 s
545
534
95
Esculape, divinité gauloise
1
93
Esus, divinité gauloise
119
53
3111
311
TABLE DES FIGURES.
607
rages
Paages.
Extraction des métaux précieux, xve
s
Faits d'armes et de chevalerie, min. xve
s.
.
.
208
Légistes
527
Le Maistre (Antoine), avocat. xvi c
:
Seguier (Pierre)
Léproserie,
Faye (J.), conseiller, xvie s Fée (la) filandière, gr. xvi e
s
Fiançailles de l'archiduc Maximilien. xve
Fonte des métaux précieux. xv e
—
d'une cloche, min. xiv«
Fou de
— —
la
s
Lulle (Raimond)
Main
Divine Comédie, xive de Wolfram d'Eschenbach.
François
s
214 2i5 3gi
xme
s.
.
472 125
Froissart (Jean), chroniqueur, dessin
522
Galère du xvie
32
Gargouille
dessin, xvi 6
s
vitrail
277
Gaule (la), carte, xme s Garnier (Robert), poëte français, xvie Geber, alchimiste Généalogie des rois de France, xve
297 566
(la),
s
197 s
Gloires de l'ordre de Saint-Dominique. xve
Gondole vénitienne, Grégoire
gr.
s.
.
097
457
en Angleterre, min. x« s Grégoire IX, pape, fresque
Guérison d'un malade par un saint, Henri III, roi de France, xvie s Hermès, alchimiste
Heure
de
(1')
mort, allégorie, xve
la
gr.
xvie
s.
s.
Hommes
animaux, min. xive s Honorius III, pape, fresque Horoscope (un). xvi e s Images fantastiques vues dans le Incendie de
Initiale (grande), xve s Innocent IV, pape, xme
Jérôme
s.
.
(S.) et
239 389
.
.
107
.
175
.
569
25
s
Jodelle (Etienne), poëte français. xvi c
s
494
Laboratoire
s
217 421
Lancelot
de l'alchimiste, xvie
Genièvre, min. xve Leçon d'astronomie au xm c s et
Le Féron
(Jean), héraldiste,
vrage à Henri Légistes
— — —
— — —
:
II,
s
(B.)
Dumoulin (Charles) Faye (J.) Le Maistre (Antoine) L'Hospital (Michel de)
Pibrac (Gui de) Pithou (Pierre)
99
présente un ou-
min. xvie
Cujas
Dumesnil
s
35o 600 598 599 598
.
.
.
147
559 146
(Pierre)
.
Verard (Antoine).
.
114
.
.
55 et 173
1
2g
s
,
.
.
Viviane
(.22
201
s
453
s
124 101
i3i
293 146
végétal. xvi° s
Monétaire (le), gr. xvio s Monstres nés du déluge, gr. xve
207 276
s
Morienus, alchimiste Mort de Joseph d'Arimathie, min. xve s. du paladin Roland, vitrail, xme s (la) médecin, min. xvie s présidant aux batailles, min. xve .
.
220 423
.
— —
41 171
— —
Mosquée d'Abdérame
à
s.
.
Cordoue
Musiciens allemands, gr. xvie Musique (la), gr. i5o8
4.55
.
.
Noël en patois bourguignon Ode à Mécène, écriture du xie s Opérateur (1'), grav. xvie s Origine de la croix de Bourgogne, min. xve Page xylographique, xve s Palais (le) d'amours, min. xve s
.
Parasite
598 600
Pathelin plaidant pour
s
Partitions de l'écu
la
3o4 35
182 s.
525
38
429 211
soldat, min. xe
599 600
prenant
45 389
448 462
Paracelse, médecin
—
53
475
s
Narcisse à la fontaine. xiv e s Navigateurs (les) et la baleine, min. xe s. ... Nicolas (S.), patron des écoliers, xme s.
(le) et le
1
289 55g 327
Moines agriculteurs, xm° s Moissonneur (le), xvie s Monde (le) marin, min. xme s romain, carte, xno s
— —
432 gi
s
Sotte, marque. i5o5
et la fée
145
211
Minnesingers. xivc
(la)
249 558 285
.
Vesale (André)
195
55
(Macé).
Médecins: Paracelse
—
1
493
Merlin (G.) Saint-Denis (Jean).
Mathématiciens, min. xiuc s Médecin (le), gr. xve et xvie
601
109
.
3
s.
263
Estienne (Charles).
Ledru
Métaux du blason Mineur (le), grav. xvie
.
maison d'un médecin. xv e s. deux cardinaux, min. xve s.
(le)
— — — — —
161
s.
la
xve
s
Bonhomme
Merlin
38o
s
— — — — — —
Mère
3
à faire des portraits, xvie
de
—
583
177
Instrument à dessiner en perspective, xvie
—
.
s
Institution des langues, xvie
Intérieur d'école. xvi°
s.
s.
roi.
Mariage d'une vieille et d'un jeune; homme. Marot (Clément), poëte français, xvie s Marques d'imprimeurs Berton (B.)
235 xvie
prison de Bel Accueil, xive
la
Marguerite de Valois, dessin. xvi°
575
257 582 ciel, gr.
29 et 3
s
gras, vitrail, xvie s
Mélusine, gr. xv e
5g
s
Hiérarchie (la) ecclésiastique, fresque, xive
—
519 585
Grand envoie des missionnaires
le
21
35g
:
,
s
s.,
596 s.
19g
d'école, xve et xvie
Marche du bœuf
.
237
Mandeville (Jean de) prend congé du
(le)
.
.
s
Maître
1
s.
3nj 600
philosophe
2
d'Assises parlant aux oiseaux
(S.)
xme
min.
,
gauche, gr. xvi e
265
s
la
(la)
s
xv<> s
et alambics, xvie
et appareils divers, xvie s
—
Lorraine (de), cardinal. xvi e s Louis (saint) allant aux Cordeliers, min. xve Loup (le) trompant l'àne, grav. xve s
265
d'alchimistes, xvie
—
L'Hospital (Michel de), chancelier, xvie
517
36
tenant sa marotte,
Fragment de
255
209 2o3
s
63
1
Ô02.
Lettre autographe de Christophe Colomb.
s
Fourneau, cornues
Fourneaux
.
s
5o8
cornemuse
cour. xv°
jouant de
s.
xme
599 599
s
le
berger, gr. xve s .
pièce de drap, gr. xve
537 332-335 .
.
553
s.
.
555
3 1
3 5
TABLE DES FIIGURES.
6o8
Pages.
Pêche
(la) fluviale, gr.
Pégase, min. xve
xvie
s
s
Peigne en bois sculpté. xve
Andromède,
Persée
et
Phénix
(le)
Philippe
1
s
constellations, xive
Bon
le
confie l'éducation de son
s
Plan de Clermont en Beauvoisis. xvie Poésie
xvie
et la
(la)
.
xme
s
489
Belleau (Remi)
—
Jodelle (Etienne)
Baïf (Lazare de)
494 494 494 494
Daurat (Jean) Garnier (Robert)
566
494 558
Marot (Clément) Ronsard (Pierre de) Sannazar Thyard (Pontus de)
— — (le)
cassé, marque, xvie
Prédicateurs
:
s
Despence (Claude) Lorraine (cardinal de) Savonarole (J.)
—
Prédication d'un apôtre, fresque, xve
—
en plein
Preux
s
1402
de l'histoire sainte, min. xve
(les)
Prince
air.
de
— — — — — — — — — — — — — — —
la faculté
— — — de
la
295 5^3
s
à
Oxford
41
de droit de Prague
86
de médecine de Paris. xiv c de théologie de Paris, xivo
—
de Prague.
nation d'Angleterre,
— — — de
,
487
xuc
de France, xive
la ville
5
s.
3o3
de l'université d'Aix en Provence, xvie de Bourges, xve s
—
de Cambridge
— —
d'Oxford
|i
494 487 495 396 596
de Prague — de Reims, xvie s des Quatre nations de Paris Scieences (les) naturelles et la philosophie, grav. ScoDrpions naissant de la fumée de l'abîme, min.
24.7
Segmuer (Pierre), chancelier de France, xvie Seiggneurs blasonnant leurs fenêtres, xve s.
599 342
596
Semneur
s
101
5g3
Sep:>t (les) saints de
5o3
(le),
xvie
573
Serrmon sur
577
Sexttant. xvie
la
nation de Picardie. xv e
s.
.
Promenade (la) en été. xvie s Prose de l'àne, en plain-chant. xvie s Proverbes Charrue (la) devant les bœufs.
.
.
5
1
i3
101
268
:
.
.
Etrille-Fauvcau
374 374.
Margaritas ante porcos. xve Ni la mort ni le venin
Purgatoire de saint Patrice, min. xive Quart de cercle, xvie s
s.
.
374 376
278-279
595
s.
.
523
s
290 5Q7
I er ,
287 s.
.
.
89
s
3
Thyyard (Pontus de), poète français. Tonndeur (le), xvie s Tonnte des moutons, min. xve s Trééteaux d'un bateleur, min. xive chasse, min. xve
xvi c
s.
.
.
101
365
s
417
s
373
Tyccho Brahé, astronome, xvie
Réception d'un docteur, grav. xvie s Recteur de l'université de Paris, xve
17
1 1
—
—
—
Règne
(le)
12
s
de Prague, xvie de l'Antéchrist, grav. xvie s
s.
.
.
.
3g 283
.
—
s
Vannité des choses humaines, min. xv° s Verrtus (les) engagent Christine de Pisan à écrire un livre de morale, min. xvc s. et les Vices, min. xv e s Vessale (André), médecin, xvie s
—
,
Robert (le roi) composant des séquences, xiv 6 s. Roi (le) d'armes présente les lettres des sei-
385
gneurs du tournoi, min. xve s Roi (le) Marc frappant Tristan, min. xve
33
Ronsard (Pierre
Roue
(la)
Sabbat Saisons
de), poète français, xvie
de Fortune, min. xve
(le),
gr. xvie
(les),
s
s
min. du xvie
s
s.
s .
.
.
.
.
41g 494 49 259 101
FIN
1
495 i33
373
.
io5
s
Rébus servant d'enseigne. xvi e s tiré des Heures de N.-D. i5i3
.
81
.
Troois (les) morts et les trois vifs, min. xiv c s. Troouvère français, min. xive s s'accompagnant sur la viole, xne s.
s.
7 11
s
Sysstèmes planétaires, xvie Tapprobane (île), carte, xve
la
41
1 1
min. xiv« s Sysstème cosmogonique de Ptolémée. xvie
Trisstan à
.
s
Son.ige de Childéric
.
s. .
Bretagne, gr. xvie s vanité des choses mondaines.
602 .
8 41
s s.
8
s.
—
(la), marque, xvie Sixtte-Quint, pape, xvie
d'une place forte en Guienne. xve
6
.
(j
Sirèène
.
.
.
s
5ii
.
86
.
5
241
s.
61
s.
.
xme s
de Dunwich.
167
s
de Normandie, xive de Picardie, xivo
s.
s
s
—
— — —
—
s s
Siéege d'Harfieur par Charles VII, min. xvc
de Jargeau, min. xve
la
(Jérôme), xve
i65
356
401
—
Procureur de
Sawonarole
Marcoul, gr.
s.
xv e s
c s
des ténèbres. xv
(le)
Prise d'Alençon, min. xve
et
Sceeau du collège Baliol
.
Bellay (Joachim du)
— —
Sannnazar, poète italien, xvie Sarrdaigne (île de), carte, xne
93 148
309 494-495 435
.
(1')
— — — — —
Pot
s.
s
musique, min.
Arioste
:
372
79 598 600
s
Pithou (Pierre), jurisconsulte, xvie
de l'Hôtel-Dieu de Paris, grav. xvie
Saldomon
à
s
Pages. Saillie (une)
477
439
Pibrac (Gui de), conseiller, xvie
(la),
fils
s
Philosophie (dame), min. xv e
Poètes
.
renaissant, grav
Chastelain, min. xv e
Pléiade
s.
35
479 460 465
n5 [85
3g3 75 291
VieL-illard (le) et la servante, min. x« s
535
Visiàon de Chaiiemagne, min. xn e s Vœiui des compagnons de S. Ignace, gr. xvno Vuee de l'université de Leyde. 16 14 de l'abbaye de Saint-Germain des Prés
23o 323
—
—
de
la
cathédrale de Cordoue
Vuldcain, divinité gauloise
s.
42 .
69
.
157
194
DE LA TABLE DESS FIGURES.
I
TABLE D
MATIÈRES
ES
UNIVERSITÉS, ÉCOLES, ÉŒOLIERS Légende de
—
la
fondation de l'Université de P?aris, par Charlemagne.
Origine du
nom
quatre Facultés. messagers.
—
—
de l'Université.
Le recteur
—
et les
— Désordres
des écoliers.
— Ecoles du cloître Notre-Dame. — Les quatre Nations et les
universitaire.
autitres officiers de l'Université.
Privilèges de l'Université.
—
— — Leurs
Création des Universités provinciales. Paris.
Organisation
(
Sa puissance
Grandes écoles de jeux.
j
et sa
—
Leurs
la
fêtes.
—
Les grands
et
les
petits
— Son rôle politique. — rue du Fouarre. — Les collèges de — Foire du Lendit. — Universités décadence.
étrangères.
SCIENCES PHILOSOPHIQUES Anéantissement de
la
philosophie païenne.
—
Nouvelle philosophie chrétienne.
—
Martianus Capella.
— Isidore de Sévville. — Bède, Alcuin, Raban Maur. — Jean Scot Erigène. — Origine de la scolastique — Gerbert. nominalisme. — Béranger de Tours. Le réalisme et — Roscelin saint Anselme. — Guill. de Champeaux et Abailard. — Gilbert de Porrée et saint Bernard. — Amaury de Bène. — Albert lee Grand et saint Thomas d'Aquin. — Les Franciscains et Dominicains. — Guillaume d'Ockam. — Décadence de la scolastique. — Platoniciens et Aristotéliens. — Philosophie de Renaissance. — Ecoles luthériennes. — P. Ramus. — Montaigne. —
Boèce
et Cassiodore.
le
et
la
(
les
la
SCIENCES MATHÉMAT1QU1ES — Ptolémée et Aristarque de Samos. — Boèce, Pappus et — Ecole de Bagdad. — Ecoles de mathématiques en Espagne, en Italie, en Angleterre et en Grand France. — Travaux astronomiques des Araabes. — Roger Bacon et maître Pierre. — Albert et saint Thomas d'Aquin. — Progrès des mnathématiques. — Papes et rois, qui protègent les sciences exactes. — Le roi de Hongrie Mathias CCorvin. — Principaux ouvrages composés au xv° siècle. — Pic de Mirandole. — Pierre Ramus. Tycho-Brahé et Copernic.
Anciens systèmes du monde planétaire. Gerbert.
1
le
—
la
SCIENCES NATURELLES
i
— ILeur décadence au moyen âge. — Economie rurale sous — Jarrdins botaniques. — La médecine donne naissance à la botanique. — Hildegarde, abbesse de Binggen. — Pierre de Crescentiis. — Vincent de Beauvais. — Fables, erreurs populaires. — Jean Donddi. — Barthélémy de Glanville. — Voyageurs naturalistes. — Aristote et Pline remis en honneur. — LLes jardins au xvi° siècle. — Conquêtes de la science par les voyages. — Bernard Palissy. — G. AVgricola Conrad Gessncr. — Méthodes de botanique. —
Les sciences naturelles dans
Charlemagne.
—
l'antiquité.
Le moine Strabus.
,
Peintres
et
graveurs d'histoire naturelle.
SCIENCES ET LETTRES.
— 77
TABLE DES MATIÈRES.
6io
Pages.
SCIENCES MÉDICALES Déchéance de
149
— Médecine
oraisons contre les maladies.
—
Écoles de Naples, du Mont-Cassin
Épidémies venues de l'Orient.
p ar
—
i
s.
_
— Apparition
Lanfranc défenseur de
— Eutte
Ecole
monastiqiue.
de Salerne.
et
—
—
Ecole d'Alexandrie. — Talismans
Femmes
—
—
—
—
—Les
— Les
des chirurgiens et des médecins.
Ecoles arabes.—
Ecole de Cordoue.
— Guy de Chauliac.
sciences occultes dans la
médecins au xvi e
—
Ecoles de Montpellier et de
Collège; de Saint-Côme à Paris.
Police mécdicale.
—
médecins.
Frères hospitaliers.
de la chirturgie militaire.
la chirurgie.
Eutte des chirurgiens et des barbiers.
cine.
—
médecine après Hippocrate.
la
et
die Galien. —
siècle.
méde-
— André Vesale. —
Ambroise Paré.
CHIMIE ET ALCHIMIE Dioclétien
fait
brûler les livres de chimie.
premiers chimistes.
—
Mesué.
—
Albucasis
Vincent de Beauvais.
—
Roger Bacon.
—
et
—
—
—
Aroun-al-FRaschid protège
l'art sacré.
—
Geber, un des
La chimie en honneiur chez les Sarrasins. — Avicenne, Sérapion, Averrhoès. — Le solitaire Mlorienus. — Albert le Grand et Gerbert. — Raymond Lulle. — Les lullisstins ou illuminés. — Arnaud de Villeneuve.
—
Rhasès.
L'alchiimie au xv e siècle.
Invention des lunettes. -
—
Origine des Rose -Croix.
Agrippa.
19*
Paracelse.
Histoire de Nicolas
—
Georges
Flamel.— L'alchimie
Agricola.
—
—
L'Italien J.-B. Porta.
Conrad Gessner.
—
—
Corneille
eenfante la métallurgie.
SCIENCES OCCULTES
221
magie. — Savants et philosophes réputés nmagiciens. — Différentes formes des sciences — L'onéirocritie. — Onéirocrites et devins. — La nécromancie. — Pratiques des nécromanciens. — L'astrologie. — Astrologues célèbres. — La chiromancie. — L'aéromancie et autres notoire. — Les sorts des saints. — La magie. — Evocation des divinations. — L'art angélique et bons et des mauvais génies. — Pactes avec les démons... — Magiciens célèbres. — Formules et cer— Encens parfums. — Talismans et images. -— L'envoûtement. — Les sagittaires. — Le mauvais œil. — Alchimie magique, — La kabale. — Lees fées, lutins et esprits. — Les loups-garous. — Le sabbat. — Procès de sorcellerie.
Origines de
la
occultes.
l'art
et
cles.
CROYANCES POPULAIRES
261
— Fête des — Fête Confrérie de la Mère Sotte. — La Mère des Innocents. — Monnaies des Innocents et des Fous. Diable. — Purgattoire de saint Patrice. — Le Juif Errant. — Folle de Dijon. — Le Serpent, ou du monde. — Prophéties des Sibiylles, de Merlin et de Nostradamus. — Les L'Antéchrist et la songes et les visions. — Spectres et apparitions. — Procdiges. — Talismans. — Saturnales
Superstitions dérivées du paganisme. Diacres.
—
La Liberté de décembre, ou
fête des
des aunciens.
Fous..
— —
—
Fêtes des Barbatoires.
Fête de l'Ane.
— Rituel
de Sens.
le
fin
SCIENCES GÉOGRAPHIQUES Géographes
latins et grecs.
—
291
Mensuration du monde roumain.
—
Voyages d'Hippalus
et
de Diogène.
— Invasions bar— Charlemagne et bares. — Étienne de Byzance. — Ignorance géographkque du vi au .Arabes. — Maître Pierre et Roger Bacon. — Grand. — Dicuil. — La géographie chez Albert — Navigations des Portugais. — Plani— sièccle. Asie au en Voyageurs Beauvais. Vincent de — sphère de Fra Mauro. — Premières éditions de Ptoléméée. — Expéditions maritimes du xv siècle. au Christophe Colomb et Améric Vespuce. — Voyageurrs espagnols, hollandais, français, — Marin
de Tyr,
Pomponius Mêla
et
Ptolémée.
— Itiniéraires
peints et figurés. 6
,
x° 4 siècle.
les
le
xiii"
e
etc.,
xvi e siècle.
SCIENCE HÉRALDIQUE Origines fabuleuses du blason. armoiries,
aux
hérauts d'armes.
xi e et
xn e
—
siècles.
— Figures
La
325
'
science héraldiquce à l'époque de
— Signification
héraldiques.
—
la
féodalité.
—
des (.couleurs et des pièces de l'écu.
Quadrupèddes, oiseaux, poissons.
—
Premières
—
Rois
et
Plantes, fleurs et
TABLE DIES MATIÈRES.
fruits.
— Légende
— Armes parlantes. — Le blason est partout au xm° siècle. — — Devises et emhblèmes. — Enseignes des marchands. — Usurpateurs
des Heurs de
Timbres, heaumes, cimiers.
—
d'armoiries.
Décadence de
la
lis.
s
science héralildique.
PROVERBES
355 peupless. — Les proverbes au moyen âge. — Salomon et Mar— Proveerbes ruraux et vulgaux. — Guillaume de Tignonville. de l'Apostdoile. — Proverbes historiques. — Proverbes dans les
Ancienneté des proverbes chez tous coni.
— Proverbes aux
— Proverbes
aux
vilains.
ouvrages en prose
et
Usage des proverbes.
les
philosophes.
— Dit — Les
provertbes français au xvi c
en vers.
—
siècle.
— Proverbes étrangers. —
Recueil de provcrbess du connétable de Bourbon.
LANGUES
377
Origines des langues.
—
rustique.
ment de Louis langue
d'oil.
la Sale.
— Poëme
la
langçue
—
sire
—
—
—
latine.
Le celtique
le
tudesque.
et le
Premiers monuments de
Loois de Guillaume
—
La langue
—
langue française.
la
Conquérant.
—
La langue
Ser-
d'oc et la
de Roland. — Fabliaux. — Roman de la Rose. — Vil— Froisssart. — Influence des écrivains flamands. — Antoine de nouvelles et Vi ilion — L'hellénisme et l'italianisme. — Clément Marot
— Chanson
de Boèce.
-
1
de Joinville.
— Les Cent Nouvelles
et Rabelais.
de
Germanique, en 842.
le
— Le
lehardouin.
— Décadence
Dialectes vulgaires néo-latins.
.
Ronsard, Montaigne, Malherboe.
ROMANS
397
nom
Origine du
—
français.
— Romans
de roman.
Ces romans sont
romans en prose
et
Manuscrits des jongleurs.
romancerie pendant Graal.
—
du xv e
siècle.
— Les
en ryme.
—
grecs et
—
Débat des savants sur
Assembleurs eet trouvères.
—
les croisades.
Le roman
latins.
Romanas
sièècle.
—
à l'étranger.
bretons.
—
—
—
les
premiers romans
chroniques latines.
maateres des chansons de geste.
trois
Décadence des romans au xtv c
—
t
sortis des dînants populaires et des
—
Leur
— Anciens —
classification.
— Progrès de — Merlin. — Saintromans. — Petits romans
Chanson de Roland.
Tristan.
—
la
Lancelot.
Refonte des anciens
TLes Ama.iis.
CHANTS POPULAIRES
433
— —
Définition et classification du chant populaire.
Francs.
— Charlemagne
les fait recueillir.
Chants des Germains, des Gaulois, des Goths
et
des
— Chants historireligieux. — Les Noëls
Vestiges des plus anciens chants.
— CLhants romanesques. — Chants — Chaants domestiques. — Musiques des chants populaires.— Chants provinciaux. — Chants de l'Allemagnne. — Les Minnesingers et les Meistersingers. — Chants Grèce, de l'Italie et de l'Espagne. de l'Angleterre, de l'Ecosse et des pays du Ns ord. — Chants de ques de
France jusqu'au xvi°
la
et les cantiques.
— Chants
siècle.
légendaires.
T
la
POÉSIE NATIONALE
461
la poésie latine. — Origines de la poésie vulgaire. — Troubadours, trouvères et jon— Rutebeuf. — Thibaud de Navarre eet son école. — Marie de France. — Roman du Renard. — Bible Guyot. — Roman de la Rose. — II.es Minnesingers. — Dante. — Le Romancero. — Les Meistersingers. — Pétrarque. — Poètes anglaais; Chauccr. — Eustache Deschamps, Alain Chartier, Charles d'Orléans, Villon. — Chambres de rhhétorique. — Poètes de la cour de Bourgogne. — Poésie latine moderne. — Poèmes chevaleresques enn Italie. — Clément Marot et son école. — Les poésies
Décadence de
:
gleurs.
épiques,
—
le
Tasse, Camoens.
La poésie sous
les
— Poètes de
l'
Allemagne
et
des pays du Nord.
— Ronsard et son
CHRONIQUES, HISTOIRES, AMÉMOIRES Premiers historiens de
l'Église.
Cassiodore, Jornandès. niques du vin 8 au
école.
Valois.
—
—
Derniers hiàstoriens latins
Grégoire de
xi° sièclei -=
Totinrs.1
et grecs.
— Frédégaire. —
Historiens dees croisades.
—
497
— Chroniques
latines
Chroniques monastiques.
Historiens des pays étrangers.
:
Marius,
— Chro— Chro*
TABLE DES MATIÈRES.
6i2
Pages.
niques latines de l'abbaye de Saint-Denis. çaises.
—
—
Chroniques en rimes.
—
Premières chroniques fran-
— Le sire de Joinville. — Chroniques de Saint-Denis. — Froissart. — — Chastelain. — Traductions françaises des anciens historiens. — Bibliothèque de — Chroniqueurs du xv siècle. — Historiens de la cour de Bourgogne. — Chroniques
Villehardouin.
Monstrelet.
Charles V.
c
particulières et vies des
hommes
illustres.
—
Mémoires personnels.
— Les
Histoires de France au
xvi e siècle.
THÉÂTRE Disparition du théâtre antique.
—
Représentations pieuses dans
les
—
Les grands Mystères.
—
Représentations publiques.
Jean de
Halle.
la
Espagne
et
533
,
en
— Le
drame
Le Mystère de saint Louis.
Origines du
de Hrosvitha.
latin
Progrès du théâtre en Europe.
—
—
Essais du théâtre chrétien. églises.
— —
Confrères de
théâtre religieux.
— Le la
Passion à Paris.
La comédie depuis
xin
le
— Farce de Pathelin. — La Bazoche. — Les Enfants sans-souci. — — Création du théâtre littéraire, au xvi siècle, en France.
Le
siècle.
—
—
Origines du barreau français.
Eloquence gallo-romaine.
Saint Bernard et saint Dominique. politique sous Charles VI.
de
la
Ligue.
—
—
théâtre en
ÉLOQUENCE CIVILE ET RELIGIEUSE siècles.
—
e
Italie.
Génie oratoire des Gaulois.
—
Mystère d'Adam.
—
— Prédicateurs et — Les plaidoiries
—
—
Éloquence chrétienne aux premiers
missionnaires.
—
Orateurs des croisades.
du barreau sous Louis
Sermonnaircs du peuple.
Harangues parlementaires.
5G 7
—
Orateurs de
la
XL
—
Réforme.
L'éloquence aux Etats-Généraux.
—
—
L'éloquence
—
Orateurs
L'éloquence
militaire.
TABLE DES FIGURES
FIN DE
6o5
LA TABLE DES MATIERES.
4
>>*-
-m.