Notre opinion
LA GRANDE TRAHISON TRAHISON PAR NATACHA POLONY
I
l y aurait comme une escroquerie. La révélation brutale ancrées, d’émancipation des individus en même temps que d’une promesse non tenue. Pas une promesse électorale. de préservation de leur mode de vie. Ceux qui ont le mauvais Non, c’est bien plus vaste que cela. C’est la promesse démo- goût de n’adhérer que raisonnablement aux promesses d’une cratique en tant que telle qui s’efface progressivement dans modernité faite d’extension des droits, de conquêtes sociétales l’ensemble des pays occidentaux. Une courbe économique, et de multiculturalisme festif, parce qu’ils lui préfèrent un pacte dont Mar entre l’individu et la collectivité. C’est tout cela qui est en train Mariann ianne e s’était fait l’écho dès sa publication en 2014, le raconte : la désormais fameuse « courbe de l’éléphant », de de s’effondrer. La division internationale du travail et la course l’économiste Branko Milanovic. Elle donne à voir la croissance mondiale à la compétitivité ont eu la peau du rêve occidental. des revenus dans le monde entre 1988 et 2008. Bref, le résultat de vingt ans de dérégulation des échanges à travers l’émergence Il est assez frappant d’observer que la polarisation entre une d’un grand marché global. Où l’on constate que les populations élite de plus en plus restreinte et une masse de laissés-pourdes pays émergents sont sorties de la très grande pauvreté (c’est compte en déshérence gagne tous les champs de la vie sociale. le dos de l’éléphant) pendant que les élites mondiales, le 0,01 % Alors que l’école était, en France, France, le pilier pilier du pacte pacte républi républicain, cain, le plus riche, voit ses revenus exploser (c’est la trompe de l’élé- les enquêtes Pisa montrent une évolution profondément inquié phant,, dressée phant dressée vers le ciel). ciel). Reste Reste le creux creux,, le point point de départ départ de tante : le maintien d’une petite proportion de très bons élèves, la trompe, ce moment où la courbe reste collée au sol, proche dont le nombre diminue tout de même un peu, et, de l’autre de zéro : ce sont les revenus des classes moyennes et populaires côté, des élèves en grande difficulté, de plus en plus déterminés des pays occidentaux. Les seuls à n’avoir pas bénéficié du grand par leur milieu social. Mais le plus frappant se situe entre les mouvement de libéralisation des flux de deux : la masse des élèves moyens, les marchandises, d’hommes et de capitaux. nombreux,, voit son niveau nombreux niveau plonger plonger LA DIVISION plus La mondialisation s’est faite sur leur dos. et rejoindre les plus mauvais. Les réformes INTERNATIONALE qui ont prétendu depuis quarante ans démocratiserr l’école en dénonçant le Les classes populaires ont été les DU TRAVAIL TRAVAIL ET démocratise premières touchées. Les vagues sucbiais discriminant de la méritocratie font cessives de désindustrialisation les ont perdree aux aux enfant enfantss de de la la classe classe moyenn moyennee LA COURSE perdr éradiquées. Des pans entiers de savoirespérance d’un ascenseur social et MONDIALE À LA toute faire et de culture ouvrière nettoyés. On d’un brassage avec l’élite. déplora quelque temps la bascule du vote COMPÉTITIVITÉ ONT ouvrier vers le Front national, tout en ne France, pourtant, avait jusque-là EU LA PEAU DU RÊVE La limité les dégâts. Son système de protecmanquant pas de souligner le racisme intrinsèque du prolo qui osait ne pas OCCIDENTAL. tion sociale l’a préservée du raz-de-marée applaudir à la mondialisation heureuse. qui balaie les autres pays occidentaux. Ce fut ensuite le tour des classes moyennes. Leur décrochage, à Cet insupportable modèle social qui serait la marque de nos travers la destruction des emplois intermédiaires et des profes- archaïsmes, de notre indécrottable refus de la modernité, a limité sions indépendantes, à travers la désertification des territoires l’explosion de la pauvreté autant qu’il a préservé certaines couches et la concentration de la richesse dans les métropoles, est le sociales. Mais, à mesure que s’amplifie le phénomène de paupé phénomène massif de ce début de XXIe siècle. risation de l’Etat à travers le dumping social et fiscal, les classes Les classes moyennes ne sont pas une catégorie économique moyennes, en particulier les classes moyennes supérieures, se mais sociologique. Ce sont toutes ces populations dépourvues de retrouvent seules à porter le fardeau, et à assurer la redistribucapital autre qu’immobilier, n’ayant acquis leur niveau de vie que tion. Or, elles sont également menacées. La numérisation fera à par leur trava travail. il. Ceux Ceux qui qui ne bénéfic bénéficient ient ni des aides socia sociales les ni ni terme disparaître nombre des métiers qui aujourd’hui l’occupent. e des niches fiscales. Ceux qui, durant le XX siècle, ont consolidé Restent, en France, les catégories protégées, celles que le système la démocratie en adhérant à sa promesse : celle d’un progrès social a pour l’instant abritées : les fonctionnaires et les retraités. social appuyé sur la reconnaissance du mérite comme outil de Est-ce un hasard si c’est chez eux que Bercy veut aller chercher renouvellement des élites, et d’un projet national centré sur des l’argent dont il a besoin pour continuer à choyer les 0,1 % les plus valeurs communes, à la fois universalistes et culturellement riches et préserver le dogme du libre-échange ? Q
Débattons !
Parce que le débat n’est pas réservé qu’aux experts ou aux journalistes, la parole est aussi aux lecteurs.
Rejoignez-nous sur www www.marianne.net/debatt .marianne.net/debattons ons 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 3
Sommaire N° 1124 - DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2018
NOTRE OPINION par Natacha Polony La grande trahison L’ÉDITORIAL de Jacques Julliard Les caves se rebiffent r ebiffent
3 6
Evénement Après les classes populaires, comment le néolibéralisme détruit les classes moyennes Par François Darras Entretien avec Christophe Guilluy : “Le monde rêvé de Margaret Thatcher” Géographe, consultant indépendant
8 9
pour les collectivités territoriales, Christophe Guilluy est l’auteur de No Society. Propos recueillis par Emmanuel Lévy 16
Doux déclin à Moulins Par Hadrien Mathoux Le génie des classes moyennes Par Isabelle Chazot
18
LA BOÎTE NOIRE
14
Rwanda. Le document qui accuse le régime Par Pierre Péan 22
CE QUE MARIANNE EN PENSE Bezos l’arnaqueur Par Jack Dion
Sur le vif 24
Société Profs, pompiers, flics, médecins, chauffeurs…
Ils s’en prennent plein la gueule !
30
Par Bruno Rieth
Affaires Julie Gayet dans la tourmente du Rafale Par Laurent Valdiguié
32
Politique Cette droite qui se la joue gauchiste
Découvrir
Par Louis Hausalter
36
68
Mieux vaut en rire ri re !
86
Agora
94
72 74 78 79
Walker : “Le manque Cri d’ d’alarme alarme Matthew Walker de sommeil est une catastrophe sanitaire” sanitaire” Par Brice Perrier Idées Jean-Claude Michéa. Contre la compagnie Kouchner Par Jack Dion Courrier ÇA VA MIEUX EN LE DISANT par Guy Konopnicki La vulgarité triomphante
80 82
déclarée entre les pro et les anti. Parmi ces derniers, beaucoup d’écologistes ! Comme à Noirmoutier et à l’île d’Yeu, où la bataille fait rage. Par Vladimir de Gmeline
Place publique La sexualité s’est-elle libérée ? Janine Mossuz-Lavau et Sylvie Steinberg analysent fantasmes et représentations. Par Margot Hemmerich et Charles Perragin
C’EST DIT par Jack Dion La peur du grand méchant russe ESPRIT LIBRE par Caroline Fourest Planning familial, la trahison relativiste
Culture Pourquoi “Chris” nous crispe Par Benoît Franquebalme Reportage Vent mauvais sur l’éolien La guerre est
100 Mondial Paris Voitures électriques
Alors, ça vient ? Par Etienne Thierry-Aymé 106 Saveurs Quand le Vercors résiste en cuisine Par Périco Légasse 108
L’ACTU EXPLIQUÉE PAR L’HISTOIRE Guerre d’Algérie. La raison d’Etat occulte toujours les morts et les disparus Par Michel Renard
112 On joue Par Benjamin Hannuna 114 CARTE BLANCHE à Jean-Marc Proust Réunion de rentrée, le Grenelle des parents d’élèves
41 Dossier spécial Quand la Chine nous avalera La Chine, nouvel empire mondial
L’Europe, continent des idiots utiles
Par Romain Franklin
Par Anne Dastakian
Prince déchu, empereur tout de même Par R.F. Ces espions trop sensibles aux charmes Big Brother au Xinjiang Par R.F chinois Par Bruno Rieth R. F. Ces alléchantes routes de la soie à sens Adieu Françafrique, bonjour Chinafrique unique Par Hervé Nathan Par Alain Léauthier 4 / Marianne / 28 28
septembre au 4 octobre 2018
Dans l’océan Indien, Pékin abuse de la dette Par Robert Mauss “La Chine veut être première puissance économique, puis politique” Par Jean-Luc Domenach
Chinawood contre Hollywood Par N. Van Egmond
R D s o t o h p : e r u t r e v u o c n E
PROGRAMME ET
Opéra Bastille - Palais Garnier
INSCRIPTION SUR
Théâtre des Bouffes du Nord
LeMonde.fr/festival
Cinéma Gaumont Opéra
L’éditorial de Jacques Julliard
LES CA CAVES VES SE REBIFFENT
G
rande nouvelle ! Bonne nouvelle aussi : la société Parti démocrate de son alliance traditionnelle avec les couches existe encore ! On l’avait crue perdue corps et biens populaires de la société américaine, selon le schéma du New dans « les eaux glacées du calcul égoïste » (Marx), sur Deal, au profit d’un puzzle de groupes « identitaires » (nous la foi de Margaret atcher, qui nous avait prévenus dirions plutôt en français « communautaristes »), tels que les dès 1987 : « ere is no such thing as society. » Il n’y femmes, les Hispaniques, les Afro-Américains, la communauté a pas de société, il n’y a que des individus isolés, LGBT, et l’on en passe. poursuivant,, dans un univers poursuivant univers aseptisé, totalement homogène, Et enfin Jean-Claude Michéa, qui continue de creuser son totalement globalisé, l’optimisation de leur intérêt personnel. sillon avec une belle ténacité, stigmatise le ralliement, sous Le reste, les classes sociales, les relations sociales, les nations, couvert de libéralisme culturel, d’une grande partie de la gauche les langues, les mœurs, les coutumes ancestrales, les solida- officielle au libéralisme économique des classes dominantes. rités familiales, en un mot – mais oserai-je ce gros mot ? – les identités, c’était bon pour les sauvages. Ce qui se dégage de ces quatre démarches ? 1. Le retour à la critique sociale, et même – Dieu et Mammon Et puis, quatre livres différents, quatre excellents livres me pardonnent ! – à l’analyse de la société en termes de classes qui n’ont de commun au départ que la lecture d’affilée que sociales, et de lutte entre ces classes. C’est ainsi que Christophe j’en ai faite ces jours-ci, m’ont, m’ ont, chacun à sa façon, convaincu Guilluy, après avoir constaté la destruction de la classe moyenne du contraire : la société respire encore, en dépit des efforts du en Occident par les classes dirigeantes, en l’excluant des terricapitalisme libéral pour lui tordre définitivement le cou. Ce toires où se crée la richesse (les grandes métropoles), consacre sont, dans l’ordre alphabétique des noms de leurs auteurs, et des pages passionnantes à la résistance sociale et culturelle sans préjudice de comptes rendus spécialisés qu’ils méritent des classes populaires à la prolétarisation et à la stigmatisation amplement : la Religion des faibles. Ce que le djihadisme dit de dont elles sont victimes. Ce n’est pas par hasard que ces quatre nous, de Jean Birnbaum (Seuil) ; No Society. La La fin de la classe classe antistaliniens font une grande place à l’actualité de Karl Marx. 2. Le refus du moralisme, qui est comme la contribution moyenne occidentale, de Christophe Guilluy (lire l’entretien, p. 9) ; la Gauche identitaire. L’Amérique en miettes, de Mark spécifique du gauchisme culturel à l’entreprise bourgeoise Lilla (Stock) ; le Loup dans la bergerie. Droit, libéralisme et vie de destruction de toute identité populaire. Grâce à eux, on va pouvoir défendre les classes populaires popul aires sans passer pa sser pour commune, de Jean-Claude Michéa (lire l’article, p. 74). Nos quatre auteurs sont de gauche, de la plus sociale-démo- fasciste, et aborder le problème de la maîtrise de l’immigration crate à la plus libertaire, de la plus tocquevilienne à la plus sans passer pour raciste. marxiste ; mais tous quatre ont en commun de s’insurger contre 3. La nécessité de repenser la politique comme une comla capitulation de leur camp devant l’esprit du temps, avec munauté de destin, et non comme un simple arbitrage entre pour conséquence conséquence cet cet encéphalogramme encéphalogramme plat plat qui commence groupes sociaux, ethniques ou sexuels concurrents. Le « vivreà faire problème jusque chez les plus résignés. ensemble » préconisé par la nouvelle bourgeoisie mondialisée est dans le pire des cas une hypocrisie – elle se garde bien de C’est ainsi que Jean Birnbaum s’indigne contre ceux qu’il se mêler au melting-pot qu’elle préconise –, dans le meilleur appelle justement « les faibles », autrement dit cette gauche des cas la pauvre version d’un pauvre concept, la coexistence besoi soi n de pou pouvo voir ir à nou nouve veau au dir diree bien-pensante qui compense son absence dans les combats pac ifi que . Nou s avo ns be anticolonialistes du passé par une compréhension qui confine à « nous » en sortant de nos blockhaus. Nous avons besoin de la lâcheté devant les défis du djihadisme islamiste : cela devrait « refaire société » et ces livres sont la preuve concrète que se traduire par des débats animés dans les couloirs du journal ce besoin est en train de reprendre corps. Tous se réfèrent à une vision universaliste de l’homme en société, héritière le Monde, où l’auteur dirige le Monde des livres. C’est ainsi que Christophe Guilluy, qui a introduit ou imposé du christianisme, des Lumières, de la Révolution française le concept de « France périphérique » dans le débat politique, et de la République. lâche cette fois ses chevaux contre cette « bourgeoisie asociale », dont Terra Nova, le think tank financé en partie par les Le rappel est nécessaire. Faute d’être accueilli et pris en multinationales multinational es du CAC 40, qui proposait naguère de changer charge par les forces démocratiques, le ressentiment populaire de prolétariat, l’ancien ayant à ses yeux failli, au profit d’une est constamment sollicité par l’extrême droite populiste. C’est alliance de la nouvelle bourgeoisie mondialisée avec les nou- ce que l’on voit un peu partout, aux Etats-Unis avec Trump, en veaux prolétariats, issus notamment de l’immigration. France avec Marine Le Pen, en Allemagne avec le parti AfD, etc. C’est ainsi encore que Mark Lilla, grande figure respectée de Il n’y a donc pas de tâche plus urgente pour la gauche que de la gauche modérée aux Etats-Unis, dénonce l’abandon par le retrouver avec le peuple le contact perdu. Q 6 / Marianne /
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Evénement APRÈS LES CLASSES POPULAIRES…
COMMENT LE NÉOLI DÉTRUIT LES CLASS PAR FRANÇOIS DARRAS
I
l n’est de pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre. Quand Christophe Guilluy,, au tournant des Guilluy années 2000, a échafaudé son concept de « France périphérique », nul ne voulait prêter attention à cette analyse des franges oubliées du pays, loin des centres urbains gentrifiés mais aussi de ces banlieues où s’engloutissaient les milliards de la politique de la ville. Tout à coup, on découvrait le déclassement, non seulement des ouvriers laminés par la désindustrialisation des années 70-80, mais aussi de ces petits employés, commerçan commerçants ts et indépendants relégués dans des zones périurbaines ou des villes moyennes étouffées peu à peu par la destruction de leur tissu économique et social. Le concept de « France périphérique » devint viral, en même temps que chacun s’employait à le vider de sa substance. Les invisibles se rebiffaient ? Il fallut vite expliquer que tout cela n’était pas très scientifique. L’Insee s’employa donc à le démentir en comptabilisant comme « pôle urbain » et « métropole » des villes moyennes vidées de leurs PME, puis de leur petit commerce et de leurs administrations (lire le reportage, p. 14), d’éminents sociologues expliquèrent que « trois quarts des catégories populaires vivent dans des villes », donc pas en zone périurbaine, donc pas en zone « périphérique ». Ou comment faire semblant de ne pas comprendre. comprendre. D’où la nécessité de pousser encore l’analyse. D’autant que, pendant qu’en France on fait la fine bouche, le
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géographe est traduit aux Presses universitaires de Yale, preuve que ses travaux ont une portée majeure. Dans No Society, Christophe Guilluy dresse le constat de la disparition de la classe moyenne occidentale. « Le Brexit ou l’élection de Trump ne sont pas des accidents accidents de l’histoire politique britannique britannique ou américaine, mais bien les conséquences conséquences d’une précarisation du socle des classes classes moyennes britanniques britanniques et américaines. » En France, les filets sociaux ont limité le creusement des inégalités et permis d’éviter en partie le phénomène qui déstabilise l’ensemble des pays occidentaux : la sécession des élites et la paupérisation croissante de cette population qui constituait depuis la
fin du XIX e siècle le soutien principal à la démocratie par l’adhésion à son projet de progrès social et de renouvellement des élites. « Ils vivent de plus en plus entre eux, eux, constate constate gravement Christophe Guilluy Guilluy.. Ils refusent de s’intégrer. s’intégrer. Ils portent un discours d’ostracisation et parfois de haine à l’encontre des catégories catégories qui ne partagent pas leur modèle et leurs valeurs. Ils nient l’existence d’une culture et d’une histoire commune en Occident. Ils refusent tous les modèles d’intégration et ne parlent même plus la langue commune. Il est temps de les réintégrer à la communauté nationale. » Il » Il parle de cette population qui fragilise la nation : les hyper riches. Q
BÉRALISME ES MO MOYENNE YENNES S
s e g a m I f i a S / k n i P / t e p a r T l e a f a R
“ Le monde rêvé rêvé de Margaret Thatcher Thatcher ” PAR CHRISTOPHE GUILLUY
mondialisation ont agi comme une chacun constate la montée des concasseuse du pacte social issu de inégalités, s’inquiète de la hausse l’après-guerre. La fin de la classe de la dette, de celle du chômage, moyenne occidentale est actée. Et mais se rassure avec quelques pas seul seulemen ementt en Fran France. ce. Les pou pouss- points de croissance, croi ssance, et soutient sout ient sées de populisme aux Etats-Unis, que l’enjeu se résume à la quesen Italie, et jusqu’en Suède, où le tion de l’adaptabilité. Pas celle du modèle scandinave de la social- monde d’en haut. Les gagnants de la mondialisation, eux, sont parfaiChristophe Guilluy : Moi, non. démocratie n’est désormais plus Mais le monde, oui. En tout cas, qu’une sorte de zombie, en sont les tement adaptés à ce monde qu’ils les pays de l’OCDE, et plus encore manifestations les plus évidentes. ont contribué à forger. Non, c’est les démocraties occidentales, Personne n’ose dire que la fête est aux anciennes classes moyennes répondent pleinement au projet finie. On se rassure comme on éclatées, reléguées, que s’adresse que la Dame de fer appelait de peu peut. t. Le mon monde de aca dém démiqu ique, e, le cette injonction d’adaptation à ses vœux. Partout, trente ans de monde politique et médiatique, ce nouveau monde. Parce que, i Marianne : “There is no such
e n i l u o s s A h a n n a H
GÉOGRAPHE, Christophe Guilluy est consultant indépendant pour les collectivités territoriales.
thing as society” (“La société, cela n’existe pas”), ce message de Margaret Thatcher de 1987, au plus fort de son pouvoir, vous en tirez tirez le titre de votre votre dernier livre. Vous êtes devenu thatchérien ?
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Evénement cahin-caha, cela marche, nos économies produisent des inégalités, mais aussi plus de richesses. Mais faire du PIB, ça ne suffit pas à faire société. i
Comme géographe, vous avez avez imposé dans le débat hexagonal la notion de “France périphérique”. Ce n’est pas une de ces fameuses exceptions françaises ?
“EN TRENTE ANS, LES CLASSES MOYENNES SONT PASSÉES DU MODÈLE À SUIVRE, L’‘AMERICAN’ OU L’‘EUROPEAN WAY OF LIFE’, AU ST STA ATUT DE LOS LOSERS ERS.” .”
Election de Trump, Brexit, arrivée à l’effondrement industriel succède au pouvoir d’une coalition impro- celui des emplois présentiels lequel bable liant les héritiers de la Ligue provoque une crise crise du commerce du Nord à ceux d’une partie de l’ex- dans les petites villes et les villes trême gauche en Italie. De même moyennes. qu’il y a une France périphérique, Les gens aux Etats-Unis ou ailil y a une Amérique périphérique, leurs ne se sont pas réveillés un un Royaume-Uni périphérique, etc. beau matin pour se tourner v ers La périphérie, c’est, pour faire le populisme. Non, ils ont fait un simple, ces territoires autour des diagnostic, une analyse rationnelle : villes-mondes, rien de moins que est-ce que ça marche pour eux ou le reste du pays. L’agglomération pas. Et, rationnellement, ils n’ont parisienne, le Grand-Londres, les pas trouvé leur compte compte.. Et pas que grandes villes côtières américaines, du point de vue économique. S’il sont autant de territoires parfai- y a une exception française, fra nçaise, c’est c ’est tement en phase avec la mondia- la victoire d’Emmanuel Macron, lisation, des sortes de Singapour. quand partout ailleurs les popuSauf que, contrairement à cette listes semblent devoir l’emporter. cité-Etat, ces territoires disposent d’un hinterland, d’une périphérie. En quoi la victoire L’explosion du prix de l’immobilier d’Emmanuel Macron est-elle est la traduction la plus visible de un cas particulier ? cette communauté de destin de Emmanuel Macron est le candidat ces citadelles où se concentrent du front bourgeois. A Paris, il n’est la richesse, les emplois à haute pas an anodi odin n que les sou tie tiens ns de valeur ajoutée, ajoutée, où le le capital cultu- François Fillon et les partisans de rel et financier s’accumule. Cette La Manif pour tous du XVI e arron partition partitio n est est la traducti traduction on spatiale spatiale dissement aient voté à 87,3 % pour de la notion de ruissellement des le candidat du libéralisme culturel, richesses du haut vers le bas, des et que leurs homologues bobos du premierss de premier de cordée cordée vers les autres. autres. XX e arrondissem arrondissement, ent, contempDans ce modèle, la richesse créée dans les citadelles doit redescendre vers la périphér pé riphérie. ie. Trente T rente ans de de ce régime n’ont pas laissé nos sociétés intactes. Ce sont d’abord les ouvriers et les agriculteurs qui ont été abandonnés sur le chemin, puis les employés, et c’est maintemaintenant au tour des jeunes diplômés d’être fragilisés. Les plans sociaux 3 P ne concernent plus seulement l’in- / I n r dustrie mais les services, et même i o les banques… Dans les territoires M e h p t de cette France périphérique, la o s i r h dynamique dépressive joue à plein : C 28 10 / Marianne / 28
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“PARMI LES DERNIERS RECOURS
dont dispose la technocratie au pouvoir pour aller toujours plus avant vers cette fameuse adaptation, c’est bien de faire les poches des retraités et des fonctionnaires. Emmanuel Macron applique méticuleusement ce programme”, note Christophe Guilluy. Ci-dessous, défilé du 1er Mai , à Paris.
teurs de la finance internationale, aient voté à 90 % pour un banquier d’affaires. Mais cela ne fait pas une majorité. Si Emmanuel Macron l’a emporté, c’est qu’il a reçu le soutien de la frange encore protégée de la société française que sont les retraités et les fonctionnaires. Deux populations qui ont lourdement souffert au Royaume-Uni par exemple, comme l’a traduit leur vote pro-Bre pro -Brexit. xit. Et c’es c’estt bien bien là le le drame drame qui se noue en France. Car, parmi les derniers recours dont dispose la technocratie au pouvoir pour aller toujours plus avant vers cette fameuse adaptation, c’est bien de faire les poches des retraités et des fonctionnaires. Emmanuel Macron applique donc méticuleusement ce programme. Il semble récemment pris de vertige par le risque encouru pour les prochaines élections, comme le montre sa courbe de popularité, laquelle se trouve sous celle de François Hollande à la même période de leur quinquennat. quinqu ennat. Un autre levier, déjà mis en branle par Margaret atcher puis par les gou vern ve rnem emen ents ts du Ne New w La Labo bour ur de Ton Tonyy Blair, est la fin de l’universalité de la redistribution et la concentration de la redistribution. Sous couvert de faire plus juste, et surtout de réduire les transferts sociaux, on réduit encore le nombre de professeurs, mais on divise les classes de ZEP en deux, on limite l’accès des classes populaire popu lairess aux HLM pour pour conce concenntrer ce patrimoine vers les franges les plus pauvres, et parfois non sol vables. vable s. De quoi frag fragilise iliserr le mod modèle èle de financement du logement social en France, déjà mis à mal par les dernières réformes, et ouvrir la porte à sa privatisation, comme ce fut le cas dans l’Angleterre thatchérienne. thatchérienne. Cette situation, vous la décrivez comme explosive…
Partout en Europe, dans un contexte de flux migratoire intensifié, ce ciblage des politiques publiques vers les plus pauv pauvres res – mais m ais qui est le plus pauvre justement, si ce n’est celui qui vient d’arriver d’un territoire 10 fois moins riche ? – pro voque voq ue in inexo exorab rablem lemen entt un re rejet jet de ce
Yascha Mounk, professeur de science politique à Harvard, a récemment présenté en France son livre le Peuple contre la démocratie. démocratie. Attirant la bienveillance des think tanks, de gauche comme de droite, il professe une union des libéraux des deux camps. Si votre analyse semble partiellement partagée, est-ce aussi votre conclusion ?
a p i S / x e R / a e F x e R / g n u o Y d r a h c i R
qui reste encore du modèle social C’est, à votre sens, le signe redistributif par ceux qui en ont le qu’à la relégation économique plus besoin besoi n et pour le plus grand se mêle une relégation intérêt de la classe dominante. C’est culturelle, fragilisant le modèle là que se noue la double insécurité d’intégration assimilation… économique et culturelle. Face au L’appartenanc L’appartenancee à la classe moyenne démantèlement de l’Etat-provi- n’est pas seulement définie par dence, à la volonté de privatiser, un seuil de revenus ou un travail les classes populaires mettent en d’entomologiste des populations avant leur demande de préserver le de l’Insee. C’est aussi et avant tout bien commun comme les services un sentiment de porter les valeurs publics. Face à la dérégulation, la majoritaires et d’être dans la roue dénationalisation, elles réclament des classes dominantes du point un cadre national, plus sûr moyen de vue culturel et économique. de défendre le bien commun. Face Placées au centre de l’échiquier, ces à l’injonction de l’hypermobi- catégories étaient des références lité, à laquelle elles n’ont de toute culturelles pour les classes domifaçon pas accès, elles ont inventé nantes, comme pour les nouveaux un monde populaire sédentaire, arrivants, les classes populaires ce qui se traduit également par immigrées. En trente ans, les classes une économie plus durable. Face moyennes sont passées du modèle à la constitution d’un monde où à suivre, l’american ou l’european s’impose l’indistinction culturelle, way of life, au statut de losers. Il y a elles aspirent à la préservation mieux comme référents pour servir d’un capital culturel protecteur. de modèle d’assimilation. Qui veut Souverainisme, protectionnisme, ressembler à un plouc, un déplo préservation des services services publics, rable… ? Personne. Pas même les sensibilité aux inégalités, régulation nouveaux arrivants. L’ostracisation des flux migratoires, sont autant des classes populaires par la classe de thématiques qui, de Tel-Aviv à dominante occidentale, pensée Alger, Alge r, de Detr Detroit oit à Milan Milan,, dess dessinen inentt pour pour dis discréd créditer iter tou toute te con contest testatio ation n un commun des classes populaires du modèle économique mondiadans le monde. Ce soft power des des lisé – être contre, c’est ne pas être classes populaires fait parfois sortir sérieux – a, en outre, largement de leurs gonds les parangons de la pa part rtic icip ipéé à l’ef l’ effo fond ndre reme ment nt de dess mondialisation heureuse. Hillary modèles d’intégration et in fine à Clinton en sait quelque chose. la paranoïa identitaire. L’asociété Elle n’a non seulement pas com- s’est ainsi imposée partout : crise pris la demande de protection protection des de la représentation politique, classes populaires de la Rust Belt, citadélisation de la bourgeoisie, mais, en plus, elle les a traités de communautarisation. Qui peut dès « déplorables ». Qui veut être traité lors s’étonner que nos systèmes de déplorable ou, de ce côté-ci de d’organisatio d’organisation n politique, la démol’Atlantique, de Dupont Lajoie ? cratie, soient en danger ?
“LES PAYS DE L’OCDE, et plus encore les démocraties occidentales, répondent pleinement au projet que Margaret Thatcher, ici, en 1987, appelait de ses vœux. Partout, trente ans de mondialisation ont agi comme une concasseuse du pacte social issu de l’aprèsguerre”, explique Christophe Guilluy.
No Society, de Christophe Guilluy, Flammarion, 242 p., 18 €. En librairies le 3 octobre.
Si l’idéologie dominante s’effondre, ce n’est pas tant faute de combattants et de prêcheurs de la bonne parole. parol e. Depuis la fin fin des des années 70, l’excommunication pour pensée déviante est à l’œuvre, peut-être plus enco encore re en Franc F rancee que qu e dans d ans le monde anglo-saxon. En somme, elle n’a pas perdu la guerre de la propagande. Avec l’ascension des populistes, elle doit pourtant bien constater son échec. La raison en est simple : aucun modèle n’est durable s’il entre en conflit avec les intérêts du plus grand nombre. Je n’ai pas lu son livre, mais qu’un An gl o- Sa xo n po se ce co ns ta t n’est pas neuf. Déjà en 1995, Christopher Lasch l’avait identifié dans la Révolte des élites et la trahison de la démocratie. Ce titrelà me semble bien plus pertinent. A mon sens en effet, e ffet, ce n’est n’ est pas p as l’alliance des libéraux de gauche et de droite qui réduira la fracture, ce qui reviendrait à traiter le problème par sa source. La solution est autre. Toujours dans les mains des élites. Il faut leur tendre la main. Les aider à comprendre que les ouvriers ne sont pas tous des déplorables, que les classes populaires ne sont pas toutes des « sans-dents ». Aider les riches, les universitaires, et même les médias à tendre la main aux plus modestes. Ou au moins qu’une partie d’entre eux le fasse. Sans cette alliance, l’asociété débouchera sur une explosion du modèle occidental d’organisation politique qu’est la démocratie. Protéger – son peuple – ou disparaître, c’est la seule alternative pour la classe dominante. Q PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUEL LÉVY
28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 11
Evénement
DANS DAN S L’AM L’AMÉRI ÉRIQUE QUE DES AB Longtemps promise à l’expansion, l’Amérique rurale et suburbaine, composée de fermiers, de contremaîtres, contr emaîtres, de petits patrons, patr ons, d’employés et d’ouvriers qualifiés, est plus que jamais en déshérence. déshérenc e. PAR ALAIN LÉAUTHIER
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ientôt deux ans et ils n’en sont toujours pas revenus revenu s : l’Ohio, l’O hio, la Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin Wiscon sin ou encor encoree l’Iowa sont tombés dans l’escarcelle du plus impopulaire des candidats à la magistrature suprême, un certain Donald J. Tr um ump. p. Bi en tô t de deux ux an s et nombre de démocrates n’ont tou jours jou rs pas com compri priss com commen mentt u n milliardaire bling-bling, héritier et de surcroît new-yorkais, avait pu remporter la mise dans des Etats qui leur étaient acquis depuis la fin des années Reagan. Auteur de Pour Pourquoi quoi les pauv pauvres res vote votent nt à droite et plus récemment Pourqu Pourquoi oi les riches votent à gauche (1), l’essayiste américain Thomas Frank s’emploie depuis plusieurs années à comprendre en profondeur le basculement qui a porté Trump à la Maison-Blanche. Verdict, très sommairement résumé : une droite « radicale » et conservatri conservatrice ce a su capter à son profit le mal-être identitaire et économique de larges pans d’une classe moyenne américaine en déshérence, alors que, dans le même temps, le Parti démocrate est devenu celui d’une élite « progressiste », diplômée et bien nantie. Luimême proche de la gauche sociale américaine, omas Frank connaît de l’intérieur cette catégorie sociale tout acquise à Hillary Clinton en 2016 et qu’il a baptisée « classe pro fessionnelle fessio nnelle » ou « classe créative » : médecins, ingénieurs, avocats, éditorialistes, fondateurs de start-up et cadres de la Silicon Valley. Ceux-là prospère pros pèrent nt en nomb nombre re sur les deux côtes de l’Union, mais, au milieu, il
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y a un autre pays, le heart heartland land agricole, le Midwest, le Deep South, la Rust Belt (la « Ceinture de rouille ») au nord, un continent bis ravagé par la dési désindus ndustria trialisat lisation, ion, les poli poli-tiques libérales et de libre-échange menées sous l’ère Clinton et à peine amend amendées ées au cours des deux mandats de Barack Obama.
Emplois précaires Cette Amérique rurale et suburbaine, composée de fermiers, de contremaîtres, de petits patrons, P d’employés et d’ouvriers qualifiés, F A / fut celle d’une classe moyenne pro- s e g m mise à une expansion continue. a I y t t L’american dream auquel Trump G e / dit vouloir redonner son lustre d r o y d’antan ne se comprend pas autre- f a R a ment, tant il se fonde sur la pro- n e S messe faite au plus grand nombre de l’accès à la sécurité matérielle Ainsi,i, depu Ains depuis is l’ac l’access cession ion au pouet de la reconnaissance de son rôle voir de George Bush père, père, le patripatridans la grandeur du pays. C’est ce moine de 90 % des Américains est-il projet qui autorisait autorisait les très très riches riches passé de 36 à 23 % seulement seulement de la à apparaître comme des modèles et richesse nationale. Au cours de la non des repoussoirs. Il a constitué même période, celui des 0,1 % les durablement l’utopie gagnante du plus riches grimpait de 10 à 23 %. capitalisme américain dans son En 2013, selon une étude du Bureau face-à-face avec un socialisme du recensement, la classe moyenne étatique soviétique aux résultats des Etats-Unis disposait de la plus catastrophiques. Il est aujourd’hui, petit petitee part du reven revenu u global global jamais sinon en miettes, au moins sérieuse- enregistrée auparavant. auparavant. A la même ment en panne, et quelques chiffres époque, le taux d’accessions à la illustrent une tendance apparue dès pro propri priété été,, aut autre re mar marque queur ur fon fon-les années 70. damental, était le plus bas relevé
EN 2013, LA CLASSE MOYENNE DES ÉT ÉTATS-UNIS DISPOSAIT DE LA PLUS PETITE PETITE PART PART DU REVENU GLOBAL JAMAIS ENREGIST ENRE GISTRÉE RÉE AUPARA AUPARAVANT VANT..
ANDONNÉS… l’abandon d’une longue tradition du Parti démocrate à défendre l’Américain moyen et les « petits » face aux intérêts monopolistiques et aux banques. Il en a analysé les conséquences politiques (durables ou pas, on le saura si d’aventure Trump va jusqu’au jusq u’au bout de son mand mandat) at) et en connaît les conséquences pour des millions de ses compatriotes.
Emprunter et vendre
en dix-huit ans alors même que le loyer médian des logements locatifs vacants atteignait des sommets. Si la baisse du chômage n’a pas atte attendu ndu la rela relance nce impul impulsée sée par Trum Trump, p, les l es stati s tatistiqu stiques es sont s ont en réalité trompeuses : près de 90 millions d’Américains en âge de travailler ont tout simplement renoncé à demander un emploi. D’autres, en revanche, sont bel et bien présents sur le marché du tra vail et semb semblent lent béné bénéficier ficier des centaines de milliers d’emplois créés entre 2008 et 2012 lors du premier mandat d’Obama. Mais près de la moitié de ces emplois sont précaires et mal rémunérés, surgis essentiellement dans le secteur des services. Indiscutablement, Indiscutab lement, l’élection de celui qui œuvra un temps comme tra vailleur social dans sa ville natale de Chicago fit naître l’espoir d’une réforme d’un système soumis aux
règles de la finance et devenu destructeur à force de délocalisations massives. Obama se présentait comme le candidat de main street, l’espoir des blue collars, et plus largement d’une classe moyenne ayant subi de plein fouet la « révolution » d’une économie qui l’avait placée autrefois au centre du jeu politique et social. Nombre de ses électeurs n’ont finalement vu en lui que l’homme de Wall Street, incapable de punir les responsables de la terrible crise de 2008 et de leur imposer des politiques de régulation. Ce n’est évidemment pas un hasard si Obama s’est publiquement engagé en faveur du candidat Macron : les deux ont donné carte blanche à une technocratie devenue toute-puissante, servant avant tout les intérêts de ceux qui en ont le moins besoin, la classe créative identifiée par omas Frank. Ce dernier regrette
Dans un article publié en 2016 dans le magazine e Atlantic et intitulé « La honte secrète de la classe moyenne américaine », le journaliste et historien Neal Gabler les évoquait à la faveur d’une étude de la Réserve fédérale américaine (Fed). L’AMERICAN Interrogés pour savoir s’ils dispoDREAM auquel Donald Trump saient d’une somme de 400 dollars pour po ur affr affron onter ter un unee ur urge gence nce,, 47 % des dit vouloir redonner son lustre d’antan, Améric Amé ricain ainss avo avouai uaient ent qu’ qu’il il leu leurr fau fau-est aujourd’hui, drait alors emprunter ou vendre un sinon en miettes, du bien quelconque. « Je sais ce que c’est moins sérieusement d’avoir à jongler avec les créanciers en panne. Ci-contre, un meeting pour l’avoi l’avoirr vécu vécu une semain semaine, e, écripro-Trump, à Gilbert, vai vaitt Gab Gabler ler.. Je sais ce que c’est d’avoir en Caroline du Sud, peur pe ur d’a d’alle llerr re relev lever er son cou courri rrier, er, car il le 27 janvier 2016. y aur aura a tou toujou jours rs des nou nouve velle lless fac factur tures es à payer, mais rarement un chèque avec lequel les payer. Et je sais ce que c’est d’avoir à emprunter de l’argent auprès de mes filles adultes parce que ma femme et moi avons épuisé nos réserves de fioul. » Autrefois majoritaire, la classe moyenne n’a cessé de décliner, au point qu’en 2015, selon le Pew Research Center (2), (1) Aux éditions moins d’un adulte américain sur Agone. deux en faisait partie. Histoire de (2) Pour le Pew ne pas totalement désespérer, on Research Center notait à la même époque un renappartiennent à la forcement des catégories aisées classe moyenne les supérieures (21 % de la population adultes disposant adulte)… mais aussi des pauvres d’un revenu compris (29 %). Pourtant, le vent est peutentre 24 000 et être en train de tourner : 62 % des 73 000 dollars Américains interrogés interrogés par Gallup par an pour il y a quelques mois se percevaient une personne, comme membres de la classe entre 54 000 et moyenne. Ils n’étaient que 50 % en 162 000 dollars 2012, à l’aube du second mandat pour un couple d’Obama… Q avec trois enfants. 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 13
Evénement
DOUX DÉCLIN À MOULINS Cette cité de l’Allier aux classes moyennes fragilisées correspond au profil décrit par Christophe Guilluy. Une ville dont les PME, les petits commerces et les administrations ont disparu. PAR HADRIEN MATHOUX - PHOTOS : MARC CHAUMEIL / DIVERGENCE POUR “MARIANNE”
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itrines vides, magasins vacants, écriteaux « A vendre » : la balade dans le charmant centre vi ll e de Mo ul in s, ville de 20 000 âmes âmes nichée dans le nord de l’Allier, est calme. Trop calme. Certes, la capitale des ducs de Bourbon n’a pas pris de plein foue fouett la crise crise économ économique ique au tournant des années 70 : Moulins l’administrative n’est pas Montluçon l’ouvrière, malgré les fermetures successives des usines omson (hi-fi), Bally (chaussures) et JPM (serrures). Dans ce coin d’Auvergne, la mondialisation agit plutôt comme un poison pois on lent lent,, qui la vide peu à peu peu de sa substance, reléguant la ville dans les marges. Entre 2005 et 2015, plus de 70 commerces ont fermé dans le centre.Marie-Claude Avelin, retraitée de la fonction publique et présidente de l’Université populaire de l’agglomération moulinoise (Upam), s’effraie également de la désertification à l’œuvre. « Les commerces sont excentrés dans les zones commerciales. Le nombre de locaux vacants est effarant… » Les entreprises sont rares à venir s’implanter à Moulins, où plus de la moitié de la population travaille pour l’Etat ou les collectivités. Les services publics n’ont pourtant pas été épargnés à Moulins, à mesure que la dotation de l’Etat fondait (près de 1,5 million d’euros en moins en dix ans pour la commune). Le bureau des douanes doit fermer d’ici à 2019. Celui de la poste n’est plus ouvert « que de 9 heures à 18 heures, alors qu’avant il l’était de 7 heures à 19 heures ». Le « Bidon », tour métallique qui abritait les services de France Télécom, a été transformé en appartements. « Pôle 14 / Marianne / 28 28 septembre au 4 octobre 2018
matique, il ne trouve pas de travail dans la ville où il est né. « Les postes intéressants sont déjà pris à Moulins, regrette-t-il. J’ai postul postulé, é, mais mai s ils il s ne veulent pas prendre des gens en contrat, seulement en stage. » Ce n’est pas une rue, mais un territoire qu’il faut traverser pour trouver un emploi ici. La plupart des amis de lycée de Jérémy sont partis. Peuplé de 26 000 habitants en 1975, Moulins est passé sous la barre des 20 000… dont le tiers a plus de 60 ans. Pour faire des études, les jeunes doivent s’exiler et ne reviennent pas toujours. Moulins, ville moyenne en voie de décomposition ? Pas tout à fait. Depuis février 2017, la tendance s’est inversée et 50 commerces ont ouvert en centre-ville. Le maire, Pierre André And ré Pér Périss issol ol (LR (LR), ), en pos poste te dep depuis uis 1995, se démène pour empêcher que les grandes surfaces en périphérie n’asphyxient les petites boutiques. Il a ainsi élaboré un « cahier des charges » pour tout nouvel arrivant, réservant le centre-ville à « l’équipement de la personne et à la culture ». Il est aussi possible de bénéficier
emploi n’est plus ouvert que le matin, la préfecture a fermé son bureau qui délivrait les cartes grises, renchérit Jean-L Jea n-Luc uc Pal Palma, ma, bén bénévo évole le à l’U l’Upam pam.. Rien Rie n n’a n’a été mis en œuv œuvre re pou pourr aide aiderr les villes moyennes, on reste à la remorque ! » Moulins a été marqué, en 2009 et 2010, par le sauvetage in extremis du tribunal de grande instance, que la réforme Dati de la carte judiciaire devait fermer. « On dormait sur place, le maire était très présent, on avait formé une chaîne humaine, les commerçants avaient baissé le rideau de leurs magasins », se souvient, émue, une greffière ayant participé aux mobilisations. Un soubresaut indispensable… pour seulement retarder l’échéance ? “Cité endormie” Dans cette cité éloignée – Lyon et Paris sont à près de trois heures –, la métropolisation de la France bouscule peu à peu la vie de citoyens autrefois relativement épargnés : retraités, fonctionnaires, petits commerçants voient leur existence basculer. « Le personnage social du facteu fac teurr s’e s’est st tran transfo sformé rmé en esp espèce èce de démarcheur, déplore ainsi Valérie Mannevy. Les petits services services qu’on rendait gratuitement aux gens sont devenus des contrats à faire payer. » Dorothée Chifflot, romancière et journalis jour naliste te qui qui partage partage sa vie vie entre entre Moulins, Lyon et la capitale, en témoigne : « A part dans les administrations, il y a peu d’emplois. La populat pop ulation ion est est vieill vieillissan issante, te, elle a de peti pe tits ts re reve venu nuss et l’l’Et Etat at dim diminu inuee de pl plus us en plus ses dotations aux collectivités locales qui doivent pourtant continuer à financer la solidarité sociale. » Au dernier recensement de l’Insee, la villee compt vill comptait ait 18,6 % de de chôme chômeurs. urs. Jérémy Montjoie est est l’un d’eux. A 28 ans et apr après ès des étu études des d’i d’info nforr-
DÉSERTIFICATION À L’ŒUVRE Plus de 70 magasins ont fermé dans le centre-ville, entre 2005 et 2015. “Les commerces sont excentrés dans les zones commerciales. Le nombre de locaux vacants est effarant…” constate MarieClaude Avelin, retraitée de la fonction publique et présidente de l’Université populaire de l’agglomération moulinoise (Upam).
GRAND ÉCART “Cette France n’a pas la considération qu’elle mérite. C’est très bien qu’il y ait des locomotives, mais un territoire ne peut fonctionner si on oublie les wagons qui sont derrière”, se désole le maire LR, Pierre-André Périssol.
d’une subvention subvention (jusqu’à 50 000 €) pour po ur ra rach chet eter er un lo loca call da dans ns le ce cent ntre re.. Périssol a aussi nommé un « mana gerr de ce ge cent ntre re-v -vil ille le,, un ga gars rs qu quii pe peut ut êt être re appelé à 10 heures du soir, qui écoute chaque commerçant, qui crée de l’animation, qui va chercher les marques pour po ur s’ s’ins instal talle lerr à Mo Moul ulins ins… … » Cet acti visme laisse sceptique Jean-Louis Velez, commerçant c ommerçant installé i nstallé dans l’Allier depuis 1974 et qui tient une boutique de vêtements rue d’Allier. « Il est accessoire de vouloir remplir des cellules commerciales vides alors que le maire devrait surtout prendre des décisions structurantes, on met un petit coup de rouge à lèvres sur le centre sans se soucier de la pérennité des nouveaux magasins », critique celui qui a longtemps travaillé dans l’équipe municipale. Chez les jeunes aussi, on s’active, et notamment dans un secteur inattendu pour une ville moyenne de l’Allier : Julien Dugrais, jeune entre pren pr eneu eurr co cont ntra rain intt de fe ferm rmer er le ma maga ga-sin de vélos qu’il avait ouvert il y a six ans, a cofondé un espace de coworking dans les locaux de la salle des fêtes. Incubateur de projets (au nom approprié : Bouge-toi, Moulins !), pépiniè pép inière re desi design, gn, fab lab : la cité des ducs de Bourbon se met au langage de la start-up nation ! « Le gros problème, c’est la communication, argumente Julien Dugrais. Il Il se pa pass ssee pl plei ein n de choses à Moulins, mais les gens ne sont pas connectés, et donc pas au cou-
rant. » Clément Pradel est du même avis. Cet entrepreneur membre de l’espace coworking a créé une entre prise, Sagesse Technologies, Technologies, pour mettre les avancées modernes au service des seniors. « Le numérique est une nécessité pour un territoire comme Moulins, juge ce jovial trentenaire. Chez les commerçants, il y a une réticence. Mais rien que faire référencer les restaurants sur Google, ça apporterait tellement… » Jusqu’ici, les locaux ont plutôt expérimenté les effets négatifs de la révolution du Web We b : ce cess cl clie ient ntss qu quii vi vien enne nent nt es essa saye yerr des produits, notent la référence et repartent les acheter moins cher sur Internet. La fiscalité avantageuse pour les firme firmess numér numérique iques, s, quan quand d les impôts sur les commerçants sont jugés jug és « asphyxiants » par Jean-Louis Vele Ve lez… z… No Noss co cowo work rkeu eurs rs ve veul ulen ent, t, eu eux, x, inciter des entrepreneurs à profiter du télétravail pour allier activité économique et qualité de vie.
“Il y a pire que nous” C’est le grand atout de Moulins : l’existence est agréable dans cette cité assoupie. « Ici, on revient un peu dans la France d’il y a cinquante ans, apprécie Dorothée Chifflot. Il y a pe peu u de délinquance, on mange très bien, la nature est à côté. C’est l’endroit idéal pour élever ses enfants. » Si le sentiment de déclassement est amer, dans une ville qui dominait tout le Bourbonnais au XV e siècle, les habi-
tants gardent un attachement indéfectible à cet environnement reposant. Au point de développer une relation ambivalente avec Moulins. « Il y a ce côté un peu schizophrène, souffle Dorothée Chifflot. On déplore, d’un côté, le fait que la ville se meurt et, de l’autre, on craint que se dévelop per ne lui fass fassee perd perdre re son ide identit ntité. é. » Clément Pradel le confirme : « On peut rendre r endre les l es choses cho ses plus pl us dynadyn amiques, mais je n’ai pas envie que Moulin Mou linss pas passe se à 150 000 hab habita itants nts ! » Ainsi s’insta s’installe lle un doux doux déclin, déclin, qui qui grignote les conditions de vie de la classe moyenne, sans que celleci trouve l’énergie de sortir de la torpeur dont elle s’est jusqu’ici accommodée. Sans doute la peur de perdre le peu qu’on a encore. Le maire Pierre-André Périssol, lucide, constate l’écart qui s’est creusé entre sa ville et les métropoles mondialisées : « Cette France n’a pas la considération qu’elle mérite. C’est très bien qu’il y ait des locomotives locomotives,, mais un territoire ne peut pas fonctionner si on oublie les wagons qui sont derrière. » La postière Valérie Mannevy sou pire : « On est résigné parce qu’on n’est pas si malheureux… » Aussitôt appuyée par sa collègue Christelle Hébrard : « On peine, quand même… Mais on se dit qu’ qu’il il y a pire que nou nous. s. J’ai peur qu’o qu’on n accepte accepte le déclin. déclin. On ne sent pas de rébellion. » Avant de se tourner vers son acolyte : « Tu as déjà vu une rébellion à Moulins, toi ? » Q Marianne / 15 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne
Evénement
LE GÉNIE DES CLASSES MOYENNES Coincées entre une “upper class” prédatrice et improductive et un prolétariat promis à la mort lente, les couches moyennes résistent à leur propre liquidation. Quelques exemples pour rappeler qu’elles sont l’ultime ferment de la créativité et d’un potentiel révolutionnaire. PAR ISABELLE CHAZOT
KEVIN MAYER
MICHEL HOUELLEBE HOUELLEBECQ CQ Mondialement célébré, l’ancien informaticien, fils d’un guide de haute montagne et d’une médecin anesthésiste fantasque, tous deux communistes, a magistralement campé dans ses romans les nouvelles e c n couches moyennes victimes e g r e de la paupérisation et de l’idéologie v i D / du désir (au grand bourgeois Saint t e n e Barth, les top models et la coke ; u G au petit Pattaya, les joints et le s i o ç Xanax). Partisan d’une esthétique n a r F du médiocre, grand pourvoyeur P d’aphorismes foudroyants F A / (« Dans la vie tout peut arriver arriver,, u a e r surtout rien »), l’homme est u B emblématique du nihilisme n i t r a contemporain et de la dissolution M des valeurs occidentales. Entre traits P F A de génie, exil fiscal, vapeurs d’alcool, / n i c crapotage et pitreries télévisuelles, l a Y a il s’est révélé un animateur hors pair f a t s de la société du spectacle, dans la u M lignée des Gainsbourg et Bukowski. 16 / Marianne /
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Le sculptural (1,86 m, 83 kg) recordman du monde du décathlon, qui « déteste lézarder », incarne idéalement les valeurs de rigueur et d’effort extrêmes imposées par sa redoutable discipline. Ce jeune dieu du stade semble bénéficier d’une belle stabilité psycho-affective, fruit d’une pérennité sociale : fils d’André, éducateur sportif, et de Carole, professeur d’EPS, il a grandi dans un village de la Drôme, et à 26 ans, reste très lié à ses parents, ses deux frères et son chat Tokyo.
CHEYENNE CARRON Origines modestes, blessures existentielles, volonté farouche, grâce évidente… Le destin de cette autodidacte prouve, s’il en était besoin, à quel point la psyché d’un artiste authentique se développe dans la contradiction de ses déterminations, loin des ratifications mondaines. Maltraitée et abandonnée à l’âge de 3 mois par sa mère kabyle, elle est adoptée par une famille de « cathos humanistes de gauche » (père maçon, mère instit), protectrice et aimante. A 18 ans, CAP de secrétariat en poche, elle décide de monter à Paris pour être cinéaste. Zéro réseau. Elle devient mannequin lingerie et s’acharne. Aujourd’hui Aujour d’hui,, réalisa réalisatrice trice et productrice indépendante, Cheyenne Carron peut s’honorer d’une filmo passionnelle, qui célèbre foi catholique et beauté de l’engagement.
ÉLOGE DU PETIT BOURGEOIS JEAN-MARIE LEHN Ponte de la chimie supramoléculaire, prix Nobel en 1987, ce fils de boulanger offre le parcours exemplaire de la méritocratie à la française, quand l’ascenseur scolaire fonctionnait encore. Né en 1939, il avale diplômes et distinctions, avec l’implacable efficacité du « bourreau de travail » que ne distrait nulle névrose de classe ou surcompensation vaniteuse (fuit les médias, déteste « diriger »). Formé For mé sous les Trente Trente Glorieuses avant la contre-révolution libérale-libertaire, cet esprit carré est décrit comme « austère et simple ». Pas du genre à pérorer sur la mémoire de l’eau ou le sens de la vie chez Busnel…
SANDRINE BONNAIRE Septième d’une famille de onze enfants, elle se destine d’abord à la coiffure et se félicite d’une enfance qui l’a « solidifiée, obligée au partage ». Sa carrière démarre dans les années 80, quand le septième art encourage encore la démocratie du talent, loin de l’entre-soi et du népotisme (vogue actuelle des « filles et fils de »). Maurice Pialat la repère pour son film A nos amours amours.. Ses yeux cernés et son sourire désarmant inspireront Téchiné, Rivette, Sautet, Doillon, Varda… Elle est notamment primée pour sa performance dans la Cérémonie, de Claude Chabrol, un thriller sur fond de lutte des classes.
Massacré par Flaubert, snobé par Marx, moqué par Verlaine, il était au XIXe siècle la risée des femmes du monde. Au moins avait-il alors les pieds au chaud ! Son avatar a été réactivé par l’idéologie 68 pour stigmatiser les classes moyennes qui avaient bénéficié du programme de réformes du CNR, et mieux solder leurs acquis.
PAS COUILLU ? On l’imagine obsédé par la fiche de paie du plus haut gradé, socialement aigri et porteur d’un ressentiment de classe d’autant plus minable que le couard descend rarement dans la rue pour défendre son bout de gras. C’est injuste et faux. Si le petit regarde le grand bourgeois, c’est avec les yeux de Chimène, espérant le rattraper un jour (alors que rien n’égale la haine phobique du grand pour le petit). Mais ne pas irriter pépère ! C’est bien le peuple des artisans, boutiquiers, fonctionnaires, qui, aux côtés des ouvriers, a bâti les barricades de 1848 et animé les grèves de 1995.
PAS GLAMOUR ? C’est sûr, il n’a ni la carrure du prolo, ni le chic de l’aristo, ni le toupet de l’arsouille, l ’arsouille, ni le soufre de l’artiste. Il travaille dans un bureau, il a un attaché-case, parfois parfois mauvaise haleine et son regard de torpille fait pouffer de rire les secrétaires de l’étage. Pourtant, son sex-appeal discret a fini par payer. payer. Il fait désormais les beaux jours du postmodernisme en costumecostumecravate : Philippe Katherine, Bertrand Burgalat, Edouard Philippe…
PAS DESTROY ? Pas trop, non. Même
ARNAUD BELTRAME P F A a p i S / e v l i S / o n i h g n i T a i r a M a n n A P P P x a M / r J a r i e d n a v a L
Sa conception du boulot ne versait pas dans la mythologie Goldorak : « Je fais mon travail, maman, c’est tout. » Le lieutenant-colonel Beltrame s’est avancé sans gilet pare-balles pour offrir au fiché S retranché au supermarché de Trèbes un otage plus crédible qu’une hôtesse d’accueil terrifiée. Sa conscience et sa détermination ne font aucun doute. Tout dans l’attentat du super U réfère à la France d’en bas, celle où les héros sont des gendarmes et les victimes des bouchers, des maçons à la retraite ou des amoureux qui allument des briquets dans les concerts de hard rock.
s’il a adopté les mœurs des nouvelles couches moyennes (surboums, fièvre du samedi soir, cloper en terrasse), il garde un pied dans l’appareil de production et ne se vautre jamais totalement dans le parasitisme et la jouissance immodérée. Il n’apprécie guère qu’on renverse du vin rouge sur le canapé qu’il a mis trente-six mois à payer. Ce matérialisme (respect des biens d’équipement) est le reflet de sa vertu : défendre sa famille, son pavillon, sa voiture, souvent au péril de sa vie, est, par les temps qui courent, un visage de l’héroïsme. Recommander à ses enfants de ne pas déranger (b.a-ba de la common decency ),), d’éteindre la lumière en sortant d’une pièce (conscience écologique), d’être sage et de bien travailler à l’école (vivre-ensemble) sont les signes d’un authentique esprit de subversion.
PAS BRANCHÉ ? C’est ce qu’on a longtemps cru. Avec ses pulls jacquard et son pantalon marronnasse, il avait toujours un train de retard. Mais ça,
c’était avant. Aujourd’hui le ringard est tendance et le beauf en tongs illumine les défilés de mode. Mieux, il est prescripteur de postures « antisystème ». Sa banalité intrigue, intri gue, son anonymat inspire (Anonymous, Daft Punk), son côté « nobody » fait la mode ; voir ces créatifs vêtus en épiciers frileux (APC, Gap, Uniqlo) ou les stars de l’art contemporain déguisées en cadre moyen (Jeff Koons).
PAS TRAGIQUE ? Avec lui, la tragédie vire à la comédie, c’est le cocu au théâtre ; au cinéma, il tombe amoureux de l’Ange bleu, son patron le vire et il dit merci, comme Christian Clavier dans Je vais craquer, d’après Lauzier. Ne pas se fier à son petit bidon et à sa calvitie innoffensive. Le PB peut se révéler un personnage à la Michel Bouquet dans la Femme infidèle . Capable d’achever à coup de cendrier en marbre l’amant de sa femme (un bellâtre écrivain), de l’enrouler dans un tapis et de le foutre à la flotte. Et quand la police arrive, ar rive, déclarer, blême, à sa dulcinée : « Je t’aime, je t’aime comme un fou. »
PAS JOUISSEUR ? Avec ses complexes mondains et sa morale rétrograde, on l’imagine volontiers peine-à-jouir,, médiocrement équipé, peine-à-jouir ou prompt à s’endormir après un excès de béchamel au dîner dî ner.. C’est oublier que les plus beaux étalons sont souvent conçus dans des familles traditionnelles modestes, comme l’ex-enfant de chœur Rocco Siffredi dont le « sexe était un démon » . Et rappelons que les orgasmes conjugaux les plus réguliers sont aussi les plus beaux (charme et efficacité de la position dite « en cuillère »).
PAS ÉCORCHÉ VIF ? Il fut un temps où la névrose obsessionnelle des cadets de la bourgeoisie fascinait les psychanalystes et les grisettes, gri settes, où les fils à maman écrivaient la Recherche du temps perdu en se nourrissant de café au lait et de sole à 3 heures du matin. Malmené par la modernité, moder nité, le petit bourgeois newlook a a rattrapé le grand au moins sur ce point : il est la première victime des maladies du siècle : dépression, addictions, boulimie, érotomanie, téléphagie, Instagram… Q
28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne /
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NOIRE
E T Î O B A L
RWANDA
LE DOCUMENT QUI PAR PIERRE PÉAN
Alor s que Alors q ue la Fran France ce s’app s ’apprête rête à soutenir la candidature d’une ministre rwandaise à la tête de la francophonie, un document exclusif transmis à la justice française dénonce les massacres perpétrés par l’Armée patriotique rwandaise en 1994, pour installer le régime de Paul Kagamé.
LE RAPPORT DU TPIR
(Tribunal pénal international pour le Rwanda) décrit avec minutie la mécanique de la prise de pouvoir par l’APR (branche armée du Front patriotique rwandais de Kagamé) ainsi que le rôle de la Directorate Of Military Intelligence (DMI) dans la désignation des victimes.
D
ix-septième du nom, le rituel sommet de la francophonie se tiendra les 11 et 12 octobre à Erevan, la capitale arménienne. Elue en 2014 secrétaire générale de la francophonie, la Canadienne Michaëlle Jean est candidate à sa propre succession mais ne ne pourra pourra pas compter sur le soutien de la France, France , un des piliers de l’organisation. l’organisatio n. Emmanuel Macron a d’ores et déjà fait savoir qu’il préférait Louise Mushikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères. étrangères. Par ce choix, le président envoie un message très « françafricain » aux dirigeants francophones du continent. Il leur dit d’abord de façon très paternaliste ce qu’il faut voter. Il leur leur dit dit surtout surtout qu’ils peuvent sans vergogn vergognee mépriser leur peuple, bafouer les droits de l’homme, truquer les élections – le programme du régime de
o t o h P P F A / t o y u G l a c s a P
Paul Kagamé depuis deux décennies. Et que ces violations ne remettront pas en cause le soutien sans faille de la France. Au prétext pr étextee d’apais d’ apaiser er les l es relati r elations ons avec a vec Kigal Kigali,i, Nicolas Sarkozy avait déjà tendu la main à Kagamé dont les nombreux et variés thuriféraires ne cessent de vanter un bilan économique supposément unique en Afrique et, mieux, l’exemplarité de la gouvernance. Emmanuel Macron va plus loin encore. A croire que les fiches du président sur le régime rwandais et Louise Mushikiwabo sont datées ou très partiales. Tous ceux qui osent interroger le rôle du Front patriotique patrio tique rwand rwandais ais (FPR) de Kagam Kagaméé lors lors du génocide de 1994 au terme duquel il prit le pouvoir pour ne plus l’abandonner l’abandonner sont sont systématiquement systématiquement qualifiés qualifiés de « négationnistes » fous, au mieux d’indécrottables nostalgiques d’une Françafrique qui ne se remettrait 18 / Marianne / 28 28 septembre au 4 octobre 2018
ACCUSE LE RÉGIME du juge espagnol Fernando Andreu Merelles quand, le 6 février 2008, il lança 40 mandats d’arrêt contre les plus proches collaborateurs de Paul Kagamé : « Une fois le pouvoir obtenu par la violence, ils ont mis mi s sur pied avec les mêmes méthodes un régime régim e de terreur et une structure criminelle parallèle à l’Etat de droit. » S’ils ont encore quelques doutes, les collaborateurs d’Emmanuel Macron seraient alors bien avisés de se procurer un document inédit, transmis récemment à la justice française et dont Marianne révèle ici en exclusivité les grandes lignes. Il est accablant et met une nouvelle fois en pièces l’histoire officielle du drame rwandais, telle qu’elle est imposée par le régime de Kigali et ses nombreux soutiens associatifs et médiatiques. Selon cette version, Paul Kagamé aurait mené une guerre de libération nationale contre un régime aux ordres d’une puissance étrangère, mis un terme au génocide et pris in fine le pouvoir, le 12 juillet 1994, malgré l’aide apportée par les militaires français aux Hutus. La réalité est évidemment tout autre : le drame rwandais est une guerre civile sauvage entre Tutsis et Hutus, déclenchée en octobre 1990 par une agression armée des Tutsis du FPR – dias pora installée en Ouganda –, soutenus par l’armée ougandaise, et relancée en 1994 par l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana… qui déclencha le génocide des Tutsis et des Hutus modérés. Q
LE RAPPORT
C
pas d’a d’avoi voirr per perdu du un de ses « pio pions ns » en Af Afriq rique ue de l’E l’Est. st. Pourtant, de nombreuses enquêtes indépendantes existent. A commencer par le rapport onusien conduit sous la direction de l’Américain Robert Gersony, lequel, dès septembre 1994, et au terme d’une enquête rapide portan por tantt sur env enviro iron n le tie tiers rs des com commun munes es rwa rwanda ndaise ises, s, estimait déjà entre 25 000 et 45 000 le nombre des victimes de l’Armée l’Ar mée patriotique patr iotique rwandais rwandaisee (APR), (APR ), branche armée du FPR, sous les ordres de Kagamé. Les Américains América ins contribuèren contribuèrentt grandement grandement à enterrer enterrer le document, au point qu’aujourd’hui il est censé n’avoir jamais existé ! Quid Quid aussi du rapport rapport dit « du projet projet Mapping », pareillement établi par l’ONU en 2008 et 2009 et relatif une fois encore à des crimes de masse, voire un génocide, commis en République démocratique du Congo (RDC) entre 1993 et 2003 par les soldats rwandais. Faut-il rappeler enfin les mots
KIBEHO, SUD DU RWANDA Un charnier a été mis au jour dans ce camp de réfugiés hutus le 27 avril 1995. Un massacre attribué à l’APR. Dixhuit sites de massacre sont recensés dans le rapport du TPIR.
lassifié top secret, le document que Marianne s’est procuré date du 1er octobre 2003 et a été rédigé par trois enquêteurs du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), pour transmission au procureur Hassan Boubacar Jallow, après le départ forcé de Carla Del Ponte, son prédécesseur, sur pression du régime de Kigali (lire l’encadré, p. 21). Il résume le travail considérable effectué par l’équipe des investigations spéciales sur les crimes commis par l’APR pendan pendantt l’ann l’année ée 1994 1994,, mais auss aussii les anné années es suivantes. La special team a recruté 41 sources et trouvé 518 témoins potentiels. Elle s’est livrée à une infiltrainfi ltration délicate des cercles dissidents du Front patriotique rwandais, le parti de Kagamé, car, « pour des raisons évidentes de sécurité », il n’y a pas eu d’enquête sur le territoire rwandais, « alors que c’est là que les choses se sont passées ». Ce document est effroyable, comme le fut le sort des milliers de victimes, en très grande majorité hutues, de l’APR, APR, la branche armée du FPR. Toute la mécanique de la prise de pouvoir par l’APR l’APR y est i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 19
NOIRE
E T Î O B A L
ÉTRANGE CHOIX d’Emmanuel Macron que celui de la ministre rwandaise des Affaires étrangères. Quand elle ne vante pas les qualités de la langue anglaise, Louise Mushikiwabo, séide zélé du président Kagamé, accuse la France de génocide contre les Tutsis.
LOUISE MUSHIKIWABO, FRANCOPHONE PAS FRANCOPHILE
D
ans la galaxie Kagamé, Louise Mushikiwabo est devenue le plus brillant haut-parleur du dictateur rwandais. Elle n’a aucun état d’âme pour justifier enlèvements et assassinats d’opposants à l’étranger l’étranger.. A un journa journaliste liste d’Ald’Al-Jazir Jazira a qui qui l’interrogeait en 2016 sur l’étranglement du colonel Patrick Karegeya (dissident FPR) dans un hôtel sud-africain, elle répondit : « Pourquoi devrais-je me plaindre des gens qui menacent mes ennemis ? » La » La candidate à la francophonie a aussi défendu fermement la décision de Kagamé de faire de l’anglais la langue d’enseignement et langue d’administration. Et du Rwanda le 53e Etat du Commonwealth. Le 11 septembre 2011, ne déclaraitelle pas à Paris : « L’anglais est une langue avec laquelle on va plus loin que le franç français. ais. Au Rwand Rwanda, a, le franç français ais ne va nulle part » ? Probablementt la raison qui a Probablemen
poursuite de l’instruction judiciaire judiciair e en en France France sur l’att l’attenta entatt contre l’avion de Habyarimana. Le 11 novembre 2016, elle a ainsi menacé de publier « une nouvelle liste de haut hautss respons responsable abless politiques polit iques fran français çais accu accusés sés de complicité dans le génocide de 1994 contre les Tutsis ». ». Quatre anciens ministres français chargés de la Francophonie, Charles Josselin, Pierre-Andr Pierre-André é Wiltzer, Hélène Conway-Mouret et o t André Andr é Vallini Vallini,, ont, ont, il y a peu, peu, signé o h P dans le Monde Mond e intitulée Pune tribune dans le F A /« Louise Mushikiwabo n’a pas sa a b m place à la tête de la francophonie ». u r a KIls y dénoncent l’illusion consistant y n oà croire que le soutien d’Emmanuel T Macron à Louise Mushikawabo poussé les autorités de Kigali pourra infléchir la position de Kigali à l’égard de Paris. « Parce qu’il à détruire au bulldozer le centre culturel français il y a quatre ans… y va de la légit légitimité imité même de sa présidence à vie, Kagamé En vérité, Louise Mushikiwabo adore taper sur la France, a besoin besoin d’une Franc France e coupa coupable. ble. Et, aussi longtemps qu’il sera ses politiques et ses militaires, son boss n’ayant jamais admis la au pouvo pouvoir ir,, elle elle le reste restera. ra. » Q
minutieusement décrite. Dix-huit sites de mas- ministre de la Défense et numéro deux du régime, sacre y sont recensés. Les techniques d’exécution sont créa une équipe spéciale pour exécuter les gens dans exposées et notamment les méthodes traditionnelles : la zone entre Gabiro et le parc national de l’Akagera. l’agafuni, une houe usagée transformée en marteau « Entre mai et août 1994, notent les auteurs, cette pour fracasser fracasser les têtes, ou l’akandoya, qui consiste équipe tua entre cinq et 20 personnes par jour. L’équipe à lier de façon très serrée les coudes derrière le dos, s’est ensuite déplacée vers Kigali, au camp de la garde poitrine poitr ine sail saillant lante, e, les l es jambe j ambess égalem éga lement ent liée liées, s, au a u présidentielle, où les tueries continuèrent. continuèrent. » niveau des chevilles, et pliées vers l’arrière en faisant Ap rè s av oi r fo ur ni de no mb re ux él ém en ts correspondre les deux ligatures derrière le dos, de sur les massacres d’évêques et de dignitaires de sorte que le malheureux devient comme un arc. Il l’Eglise catholique à Kabgayi et Gitarama, et livré analyse aussi le rôle de la Directorate Of Military des détails sur quelques autres tueries, le rapport Intelligence (DMI) dans la désignation des victimes décrit une scène terrible dans le centre commercial et le choix des fameux « techniciens » de la mort qui de Musambira. Un IO (officier du renseignement) dépendaient de son haut commandement. de la DMI laissait tomber des bouts enflammés Le rapport top secret indique que les investiga- de plastique sur des Hutus. D’autres soldats de tions sur les crimes de l’APR ont d’abord été faites l’APR s’amusaient à brûler vive une personne pour sur la commune de Giti et étendues à la préfecture déclencher une avalanche de dénonciations. Un de Byumba. Giti avait la particularité d’être la seule autre groupe exécuta 350 personnes en leur mettant commune à n’avoir pas participé au génocide, pourtant elle n’a pas échappé aux crimes de l’APR. l’ APR. Toutes les victimes avaient les bras reliés derrière le dos au niveau des coudes… Durant le génocide, beaucoup de réfugiés furent amenés au stade de Byumba par l’APR sous le prétexte d’assurer leur sécurité. Les militaires gagnèrent leur confiance. Mais, après le dernier meeting, sur instruction du lieutenant-colonel lieutenant-c olonel James Kabarebe, le lieutenantcolonel Masumbuko donna l’ordre d’ouvrir le feu sur les réfugiés qui périrent tous. Kaberebe, actuel i
Les agents du renseignement militaire dissimulaient dissimulaie nt les fosses communes en construisant au-dessus stades et camps militaires.
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des sacs plastique sur la tête jusqu’à suffocation. Le même groupe utilisait aussi l’agafuni et l’akandoya… Le rapport recense jusqu’à la nausée une accumulation d’actes barbares.
Empoisonner l’eau Il décrit également le soin méticuleux avec lequel l e 59e bataillon installa une barrière pour filtrer les personnes revenant de la zone Turquoise (sous contrôle des troupes françaises). « La majorité des gens furent tués uniquement parce qu’ils étaient hutus. Les soldats de l’APR en charge de cette tâche furent divisés en six groupes de huit hommes tutsis. Ils tuèrent leurs agafuni. Les équ victimes avec l’ agafuni. équipes ipes les plus len lentes tes tuaient entre 20 et 30 personnes chaque nuit, mais les agafuni pouvaient en tuer 100. Vers “spécialistes” de l’ agafuni la fin, les victimes durent creuser leurs tombes avant d’être tuées. Ce travail dura de quatre à cinq semaines, jour et nuit. D’autr D’autres es gens, intellec intellectuels tuels hutus et ex-FAR [Forces armées rwandaises], préfé préférèren rèrentt éviter év iter de franchir la barrière barr ière tenue tenu e par l’APR et s’installère s’installèrent nt dans un camp situé près de la Minuar [Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda]. Après le refus de la Minuar de démanteler ce camp de réfugiés, le 59 e bataillon attaqua le camp, tuant les occupants sans distinction. Le nombre des victimes de ce carnage fut évalué entre 2 000 et 3 000. 000. » Un long passage est consacré à la DMI, qui a été l’instrument le plus violent dans la conquête barbare du pouvoir. Ses agents avaient droit de vie et de mort aussi bien sur la population civile que sur les apprentis soldats de l’APR. Ils ont ainsi tué de nombreux jeunes Tutsis parlant français et soupçonnés d’être des espions parce que venant de la République démocratique du Congo et du Burundi.
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CASQUES BLEUS MALIENS, dans les ruines du camp de Kibeho, le 26 avril 1995. Selon l’ONU, près de 2 000 personnes y furent tuées.
QUAND KAGAMÉ VOULAIT MUSELER LE TPIR
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e sort réservé au rapport top secret du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) permet de mieux comprendre comprend re la mise au rancart de Carla Del Ponte, qui en fut la procureurr en chef. Dans son livre procureu la Traqu raque, e, les crimin criminels els de guerr guerre e et moi *, *, elle affirmait que sa décision de mener une enquête sur le Front patriotique rwandais avait signé le début de ses ennuis. « Le président Kagamé et d’autres leaders lead ers tuts tutsis, is, écrivait-elle, écrivait-elle, ont ont fondé sur la victoire du FPR contre les génoc génocidai idaires res en 1994 une grande gran de part partie ie de leur prét prétentio ention nà la légit légitimité imité […] […].. Ils ont présenté leur conq conquête uête du pays pays comme une lutte juste pour mettre fin à un génocide. génoc ide. » Et d’expliquer ensuite
dans le détail comment les hommes de Kagamé tenaient sous contrôle chaque étape de ses enquêtes. « Nous savions que le service service de rense renseignem ignement ent du Rwanda avait reçu des Etats-Unis un équipement de surveillance qui était utilisé pour les appels téléphoniques, le fax et le trafic Internet. Nous suspections que les autorités auto rités avai avaient ent auss aussii infiltré infiltré notre réseau résea u informa informatique tique et plac placé é des des agentss parmi agent parmi les inte interprèt rprètes es rwandais rwan dais et d’au d’autres tres membr membres es de l’équipe l’équ ipe à Kigali. Kigali. » Au bout du compte, Carla Del Ponte fut chassée de son poste par l’administration américaine, prélude à l’abandon de toutes les enquêtes incriminant l’APR. Q * Ed. Héloïse d’Ormesson, 2009.
Les tortionnaires de la DMI ont également éliminé énormément de civils après la guerre. « Les corps étaient incinérés et les cendres, enterrées. Les agents de la DMI avaient la responsabilité de dissimuler les fosses communes en construisant construisant au-dessus stades de sport et camps militaires. » Quelques pages sont consacrées aux « techniciens », des commandos à la très sinistre réputation qui opéraient habillés en civil. Ils étaient formés à empoisonner l’eau, à tuer avec une corde, un sac plastique, à injecter l’huile l’ huile dans les oreilles, à utiliser l’agafuni, à faire sauter des mines dans des lieux publ ics ics… … Cert C ertain ainss étai é taient ent cha chargés rgés d’i d’infi nfiltr ltrer er les Interahamwe – des milices hutues – sur certaines barrières. « Leur rôle était de prendre part aux tueries tueri es et d’inciter les Interahamwe à commettre davantage de massacres. » Concernant l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, le facteur déclenchant du génocide, le rapport met ouvertement en cause l’entourage de Paul Kagamé. Il recoupe grosso modo les options du juge Jean-Louis Bruguière*, en révélant toutefois quelques noms supplémentaires. Sur le convoyage des missiles ayant servi à l’attentat, il corrobore les déclarations de James Munyadinda, un transfuge du FPR et le dernier témoin entendu e ntendu par le juge Jean-Marc Jean-Marc Herbaut, Herbaut, le successeur de Bruguière Bruguière puis de Marc Trévidic, qui a annoncé avoir av oir mis un terme à son enquête… Q P.P. * Saisi de la plainte des familles des victimes françaises de l’attentat et au terme de son enquête, le juge Bruguière lança un mandat d’arrêt contre Kagamé et plusieurs de ses proches. Dès ce vendredi 28 septembre, vous pouvez consulter le document révélé par Marianne dans son intégralité et en anglais sur notre site marianne.com.
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Ce que Marianne en pense PHILANTHROPIE
MERCI QUI ?
BEZOS L’ARNAQUEUR
J
eff Bezos, big boss d’Ama- mieux, sans parler de George Soros, zon, l’homme le plus riche qui essaime aux quatre coins du du monde, aime à expli- monde les fondations qui portent quer que pour prendre une son nom et véhiculent ses idées. décision efficace, il lui faut dormir Je ff Be zo zoss a en co core re du pa in huit heures par nuit, ne planifier sur la planche pour rejoindre aucune réunion « à haut QI » avant l’élite des Gafa et la cohorte des 10 heures (pour soigner le petit bienfaiteurs qui consacrent une déjeuner) et après 17 heures (pour (petite) partie de leur fortune pour éviter le coup de fatigue). En appli- se donner bonne conscience, forquant cette méthode éprouvée, le mater les esprits, enterrer le rôle milliardaire a réalisé qu’il lui fallait du service public, et se jouer de consacrer une partie de sa fortune l’impôt en toute quiétude. En la perso pe rsonne nnelle lle à l’é l’éduc ducati ation, on, en cib ciblan lantt matière, comme on le sait, l’Europe de préférence les milieux les plus brille par sa capacité à disserter défavorisés. Encore merci, Jeff ! beaucoup sans agir vraiment. Pour en arriver à cette déci- Sans doute les eurocrates ne dorsion mirobolante, le PDG a lancé ment-ils pas assez pour joindre le un « appel à idées » pour savoir geste efficace à la parole facile. Ils comment utiliser tout ou partie devraient prendre exemple sur le de son magot. Il aurait pu en pro- sénateur Bernie Sanders, candidat fiter pour améliorer les conditions aux primaires démocrates éliminé de vie et de travail des employés dans des conditions douteuses par d’Amazon. Aux Etats-Unis, nombre Hillary Clinton, ce qui a permis à d’entre eux doivent recevoir des Donald Trump de l’emporter sans aides alimentaires ou médicales avoir besoin de l’aide de Poutine. pour surv survivre ivre vaill vaillee que vaill vaille. e. Mais Bernie Sanders a déposé un projet « l’idée » n’a pas émergé. On s’est de loi visant à imposer une taxadonc rabattu sur l’initiative susdite tion à 100 % des entreprises dont qui coûtera 2 milliards de dollars une partie du personnel touche au nouveau philanthrope, soit des aides gouvernementales pour 1 % de l’argent amassé par l’heu- s’en sortir. Le PDG d’Amazon n’a reux PDG. Bill Gates (créateur de pas encore encore réagi à l’initiative, l’initiative, bapMicrosoft), et Mark Zuckerberg tisée « Stop Bezos ». Il doit d’abord (Facebook) font déjà nettement se reposer. Q JACK DION
Pognon de dingue
A
u-dessus des premiers de cordée, il y a les 0,01 % les plus riches, les vrais gagnants des choix fiscaux d’Emmanuel Macron. Les chercheurs Antoine Bozio, Bertrand Garbinti, Jonathan Goupille-Lebret, Malka Guillot et Thomas Piketty ont établi qu’au terme des diverses réformes, les plus riches ont vu leurs contributions totales passer de 52 % en 2016 à 46,6 % en 2018. Ainsi, la progressivité, qui s’était améliorée entre 2013 et 2016, s’est détériorée depuis l’arrivée de Jupiter. Tel n’était pas l’objectif de la publication, qui s’attache d’abord à identifier comment les inégalités de revenus sont atténuées par les prélèvements sociaux fiscaux au cours du temps. Mais grâce à ces chiffres, il suffit d’appliquer le revenu moyen que perçoivent ces bienheureux (4,7 millions d’euros) pour obtenir le montant du magot économisé. Ce qu’a fait Marianne. En moyenne, les 5 034 Français les plus riches, 0,01 % de la population adulte, ont chacun économisé 253 800 €, soit 1,28 milliard au total. Un pognon de dingue. Q EMMANUEL LÉVY
WESTERN
ERDOGAN, UN DRÔLE DE SHÉRIF À IDLIB S
elon l’accord récemment conclu entre Poutine et Erdogan sur la province d’Idlib, bastion djihadiste contre lequel Assad préparait l’assaut avec le soutien de la Russie et de l’Iran, le drame humanitaire des civils sera évité grâce à une zone démilitarisée. Ce sanctuaire est placé sous contrôle turc et Ankara promet de désarmer les djihadistes ou de les bouter hors d’une région qui compte trois millions d’habitants. Acte final de la tragédie ? 22 / Marianne / 28 28
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C’est douteux car tout le monde semble avoir oublié le premier acte : le cher Erdogan, investi aujourd’hui d’une mission de shérif, avait lui-même armé naguère les terroristes de Daech et d’Al-Qaida. Des tonnes d’équipements pour les tueurs passaient allègrement cette frontière turque vers laquelle les Européens se tournent désormais en larmoyant de reconnaissance : n’ont-ils pas négocié avec le sultan l’interdiction de nos rivages aux réfugiés ? Notre
ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ne s’est-il pas alarmé d’un assaut contre Al-Qaida qui disséminerait disséminer ait les djihadiste djihadistes s vaincus vers l’Europe et la France ? Mieux vaut à ses yeux que prospère un émirat barbare sur le sol syrien ! Candeur ou cynisme ? On voit mal en tous cas comment Erdogan pourrait contrôler des créatures qu’il a lui-même contribué à fabriquer. L’étoile du nouveau shérif risque de pâlir rapidement. Q MARTINE GOZLAN
Actualités
SUR LE VIF EN PREMIÈRE PREMIÈRE LIGNE
s o r G n o i t a r t s u l l I
P P P x a M / e c n e v o r P a L / h c i e p S c i r é d é r F
MÉDECINS, PROFSS, POLICIERS, PROF POLICIERS, AGEN AG ENTS TS RA RATP TP… … GILET PARE-BALLES POUR TOUT TOUT LE MONDE p. 24
“Rafalegate” Julie Gayet mise en cause par la presse indienne
p. 30
Ces élus LR qui marchent sur les platesbandes de la gauche p. 32
a p i S / n o s i o L t n e c n i V
Société PROFS,, POMPIERS, PROFS POMPIE RS, FLICS, MÉDECINS, CHAUFFEURS…
ILS S’EN PRENNENT P Malgré le mépris, les insultes et les violences, ces citoyens exercent chaque jour leurs missions pour le public. Peut-on encore faire son travail quand l’idéal républicain se délite ?
L
PAR BRUNO RIETH
oin de la chaleur et de la sécurité des plateaux de télévision, ils sont les témoins ordinaires de l’échec de l’Etat dans sa mission de pacification de la société. Urgentistes, pompiers, professeurs, chauffeurs de bus, ambulanciers… Qu’on veuille bien leur prêter attention ou non. A l’image de cette policière poli cière qui, dans l’émi l’émission ssion de ierry Ardisson « Les Terriens du samedi », était venue raconter la violencee à laquelle violenc laqu elle sont son t confrontées les forces de l’ordre au quotidien. Elle ac compagnait notre confrère Frédéric Frédéric Ploquin, dont le recueil de témoignages de policiers porte un titr titree signifi significatif catif : La peur a changé de camp (Albin Michel). Pas de quoi attendrir l’écrivain Yann Moix, professionnel de la contro verse ve rse au auxx mul multip tiple less ca casqu squ ett ettes es (dont une de futur professeur de littératuree française en Corée du littératur Nord), qui y a vu là une tentative des policiers de « se victimiser ». Pis, puisque pour lui les policiers ont peur – « vous chiez dans votre froc, […] vous n’avez avez pas les couilles couill es d’aller dans des endroits dangereux ». Selon lui, les flics ne sont bons qu’à tenir leur rôle de chair à
canon (lire aussi la chronique de Guy Konopnicki, Konopnicki, p. 79). Des déclarations qui ont provoqué un tollé. Yvess Lef Yve Lefebv ebv re, se secré créta taire ire gén génééral du syndicat Unité SGP Police Force ouvrière, lui a répondu dans une tribune publiée sur le site de Marianne,, mettant en accusation Marianne l’accusateur. « Vos propos ce samedi same di [22 septembre], durant l’émission “Les Terriens du samedi” soir, attestent votre mépris sans commune mesure envers les femmes et les hommes policiers et gendarmes qui, au péril constant de leur vie, tentent de maintenir debout notre Répub Ré publi liqu quee en e n tout t out li lieu eu de not re beau pays », écrit le policier. Et d’interroger l’homme de média : « Auriez-vous ce courage qui est le leur d’entrer quotidiennement dans des cités où, à tout moment, ce sont des micro-ondes, des machines à laver, des cocktails Molotov qui pleuvent ? »
Le Samu en pare-balles Yann Moix a depuis d epuis fait son so n mea culpa, indiquant qu’il regrettait ses mots, les jugeant finalement « grossiers ». C’est un début. Mais les policiers ne sont pas les seuls à devoir subir cette violence ordinaire. Le flamboyant procureur des plateaux
CES PROFESSIONS SUBISSENT LES ÉCHECS DES POLITIQUES PUBLIQUE PUBL IQUES, S, L’ABAN L’ABANDON DON DE L’ÉT L’ÉTA AT… ET LES SERMONS DE L’ÉLITE GERMANOPRA GERMANOPRATINE. TINE. 24 / Marianne / 28 28 septembre au 4 octobre 2018
télé y sera-t-il attentif, cette fois ? Le 4 septembre, un jeune pompier de 27 ans était tué à coups de couteau durant une intervention, un de ses collègues, grièvement blessé. Ils avaient été appelés pour porter secours à une personne en crise de démence. A Toulon, dans le Var, face à l’l’augmentation augmentation des inter ventions sensibles, les équipes du Samu interviendront dorénavant avec des gilets pare-balles. Comme ce 10 septembre, où deux jeunes hommes sont morts, l’un ex-footballeur de l’équipe réserve de SaintEtienne, âgé de 19 ans, l’autre d’à peine 14 ans, tués au kalachnikov
MARSEILLE, CITÉ BELLEVUE dans le III e arrondissement.
LEIN LA GUEULE ! DAVID, POLICIER
“DE LA CHAIR À CANON”
N
P P P x a M / 3 P I / u a e d u o h a M t n e m é l C
dans une cité populaire proche de Toulon : 24 étuis de cartouches ont été retrouvés sur le lieu du crime. De leur côté, les agents de la l a RATP, RATP, chauffeurs de bus tout particulièrement, subissent quotidiennement des insultes quand ce ne sont pas des agressions physiques. Un climat propice aux dérapages, à l’instar de ce machiniste d’Ile-deFrance qui a flanqué une claque à un adolescent qui l’avait l’avait insulté gratuitement. gratuiteme nt. Ses collègues le décrivent comme un type « gentil » qui a « craqué ». Petite consolation pour lui qui risque de perdre son travail, une pétition de sou-
tien a recueilli en quelques jours plus de 330 000 00 0 signatures. signature s. Flics, Flic s, médecins, pompiers, chauffeurs de bus, autant de citoyens témoins et victimes d’une violence qui ne relève plus de l’exception mais qui devient la norme. Autant de professio prof essions ns qui pre prennent nnent en pleine figure l’incivisme, l’égoïsme, la grossièreté, le manque de soins psyc ps ychi hi at atri riqu qu es es,, le s éc éche he cs de s politiques polit iques publ publiques, iques, les nauf naufrage ragess de l’école républicaine, l’abandon l’abandon de l’Etat… et les sermons de l’élite l ’élite germanopratine. A ceux-là qui sont en première ligne face au risque, Marianne a donné la parole. Q
otre métier est de moins en moins compris. Nous sommes des policiers républicains dont la mission est de faire respecter la loi et la paix dans l’espace public. Nous ne sommes pas payés pour nous faire taper dessus ou être insultés. Pourtant, au quotidien, c’est de plus en plus difficile de travailler. Ça fait vingt-huit ans que je fais ce métier ; que ce soit moi ou mes collègues, nous allons au charbon quotidiennement, quel que soit le danger. Mais l’uniforme de policier est de moins en moins respecté. Et ça touche toutes les classes sociales, que ce soit le jeune délinquant qui refuse d’obtempérer à nos injonctions ou le cadre supérieur qui nous insulte parce que nous le contrôlons. La tension lors de nos missions est constante, car tout peut déraper très rapidement. Même dans des situations où l’on pouvait imaginer que l’opération se passerait sans problème. La violence explose de manière inattendue. Et ça nous affecte forcément. Les insultes, les agressions verbales, cette tension permanente, ça affecte la psychologie. Les meurtres de ce couple de policiers à Magnanville et la mort de notre collègue tué sur les ChampsElysées ont également pesé lourd. Se dire que notre métier peut mettre en danger nos familles, qu’une fois l’uniforme rangé aux vestiaires on peut se faire suivre et se faire tuer chez soi, oui, c’est difficile à vivre. Moi, je refuse de garder mon arme en dehors du service, mais j’ai beaucoup de collègues collègues qui le font. Non Non pas pour se protéger, mais simplement pour protéger leur famille ! Depuis cette histoire, on évite absolument de vivre près de l’endroit où nous travaillons, pour éviter des vengeances. Il y a quelques années, je n’aurais pas pris toutes ces précautions. Alors j’ai entendu M. Moix dire que les policiers n’étaient pas courageux. Il faut qu’il arrête avec ça ! Pour faire ce métier, il faut être courageux, et j’aimerais bien qu’un jour ce monsieur monsieur vienne vienne partager partager une de nos patrouilles, pour voir comment il réagirait. Oui, il nous arrive d’avoir peur, c’est humain. C’est même signe que nous ne sommes pas des inconscients. Mais nous ne sommes pas payés pour être de la chair à canon. Q 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 25
Société FRÉDÉRIC MONCHY, POMPIER* MONCHY, POMPIER*
“ON N’EST PAS FORMÉ À FAIRE FACE À LA VIOLENCE” VIOLENCE”
L
es sapeurs-pompiers sont de plus en plus confrontés à des violences lors de leurs interventions et nous le vivons de plus en plus mal. Il y a le danger auquel nous sommes formés. Quand nous allons sur un incendie, nous connaissons les risques, ils sont inhérents à notre métier.. Mais devoir faire métier fai re face à un guet-apens dans un quartier sensible ou intervenir pour des individus i ndividus en crise de démence, ça non ! Nous avons perdu un collègue à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) (Val-de-Marne) à cause de ça. Un jeune de 27 ans a été tué d’un coup de couteau par un type qui a pété un câble. Ça n’était pas arrivé depuis 2009. Ça nous n ous a choqués et mis en colère parce que nos collègues n’avaient rien à faire là, ce n’est pas notre boulot de gérer ces situations. Quand on rentre chez les sapeurspompiers, on n’est pas formé à faire face à cette violence. Et le risque, c’est qu’un jour l’un de nous, pris de panique, réplique. On est dans une société de plus en plus brutale. On constate depuis quelque temps un déplacement de cette violence, jusque-là cantonnée aux villes, vers les zones rurales. On intervient avec des gendarmes. Entre les valeurs pour lesquelles on rejoint les sapeurs-pompiers et la violence du terrain, il y a un décalage effrayant. De plus en plus de jeunes, bénévoles et professionnels, quittent les pompiers après quelques années. Et c’est logique, ils viennent chez nous pour aller au feu et font 80 % d’assistance à personne avec de plus en plus de risques d’être blessé. On ne peut plus continuer à subir comme ça ! Le Samu du Var vient de s’équiper de gilets pare-balles. Je comprends leur décision, mais je ne peux pas l’admettre. On n’a pas à travailler dans ces conditions-là. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en sécurité lors de nos interventions et la police n’a pas les effectifs suffisants pour nous permettre d’opérer en sécurité. Q * Vice-président du Syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels
P P P x a M / i d i M u d e h c ê p é D a l / l y o n e F e d r e i v a X
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À TOULOUSE, EN 2013, après une intervention dans le quartier du Mirail.
septembre au 4 octobre 2018
P P P x a M / i d i M u d e h c ê p é D a L / e r f f A t n i a S
MANIFESTATION des professeurs du lycée Gallieni de Toulouse Toul ouse contre les agressions et la violence, le 9 janvier.
e i l a h t a N
MAGALI ET JÉRÉMIE, PROFESSEURS
“ON A LA BOULE AU VENTRE EN ALLANT AU LY
L
a presse peut parfois donner un sacré coup de pouce. pou ce. En c onsa crant sa une, le 31 janvier dernier, dernier, à la situation du lycée professionnel Gallieni, à Toulouse, l’Express a a braqué les projecteurs sur cet établissement scolaire abandonné de la République. Résultat, le lycée a depuis obtenu de nouveaux moyens, une nou velle adjointe au CPE, une équipe d’encadrement scolaire renforcée et un assistant de prévention et de sécurité. « Pour l’instant, cette rentrée se passe plutôt bien. En tout cas, rien à voir avec les années précédentes », », souffle Jérémie Soulier, 34 ans, professeur d’anglais. Le quotidien de l’équipe pédagogique était alors fait de violences verbales et physiques, de menaces de mort, d’opération punitive de bandes rivales, de trafic de drogue dans l’enceinte du lycée… Une situation explosive qui ne datait pas d’hier donc. donc. « Je suis tombé sur des vidéos de représen représentants tants syndicaux du lycée datant de 2008 où ils alertaient déjà sur ces problèmes », », se désole Jérémie Soulier. En cause, les choix du rectorat dans les affectations des élèves. Comme l’expliquait Magali Gabaude, une autre enseignante du lycée, dans
un entretien publié sur le site de Maria de Marianne nne,, « il y a une volonté politique politi que de d e mettre tous les l es élèves élè ves difficiles en bac pro ou en CAP à Gallieni. […] Un lycée, c’est une microsociété. microsoc iété. Ici, à Gallieni, on a une société de “seconde zone”, de banlieue difficile ». ». Conséquence, les professeurs se retrouvent à « gérer » des élèves particulièrement durs. « Ça va de la simple contestation de mon autorité, ce qui est devenu pratiquement la norme, à l’agression verbale, aux insultes et également aux agressions physiques », » , raconte le professeur professe ur d’anglais. d’anglais .
“Peur de l’ l’agression” agression” De quoi miner le moral, car, « dans ces classes, comme classes, comme l’explique Jérémie Jéré mie Sou Soulie lier, r, il y a également des élèves qui s’accrochent, qui veulent réussir, réussir, et à qui on ne peut pa s co n sa cr er le t em ps né ce ssaire à force de devoir se bagarrer constamment pour éviter que les situations ne dérapent ». » . Fin 2017, une altercation éclate dans la classe de Magali Gabaude. Celle de trop. Des élèves qui en avaient marre des éléments perturbateurs décident de régler eux-mêmes le probl pro blème ème de dis discip ciplin lin e à cou ps de poing. La bagarre est violente.
YONATHAN FREUND, MÉDECIN URGENTISTE
“JE ME SUIS FAIT AGRESSER PAR QUELQU’UN QUI N’A PAS ACCEPTÉ ACCEPTÉ QUE JE LUI PRESCRIVE DE SIMPLES ANTALGIQUES”
J CÉE” L’un des élèves sort de la classe en menaçant de revenir armé. « Ça a été un choc pour nous. C’est C ’est cet incident qui a déclenché notre mouvement de grève », » , se rappelle l’enseignant. Un mouvement salutaire. « Comme beaucoup de mes collègues, j’en suis arrivé à avoir la boule au ventre en allant au lycée, reconnaît le professeur professeur.. Pas par peur de l’agression l ’agression , mai s à caus causee de la pression qu’on subit et la déception de ne pas pouvoir délivrer des savoirs normalement. » Une période durant laquelle ses collègues et lui se sont littéralement sentis « abandonnés par les institutions ». Aujourd’hui, ». Aujourd’hui, il veut croire qu’une qu’une partie des problèmes est derrière lui et qu’il va pouvoir enfin enseigner dans un environnement « normal », « même si, à Gallieni, une ambiance normale serait considérée comme anormale dans n’importe quel lycée général ». ». Gros bémol : selon ses récentes annonces sur le plan de lutte contre la pauvreté, le gouvernement prévoit d’instaurer la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. « Jusqu’à 16 ans, c’est déjà dur de cadrer des jeunes qui veulent absolument quitter l’école. Il faut gérer leur frustration. Là, ça va vraiment devenir dangereux pour nous. » Q
e suis médecin quelqu’un qui avait mal au urgentiste depuis pied depuis une semaine huit ans, auxquels et qui n’a pas accepté que il faut ajouter je lui lui prescr prescrive ive de de simples simples quatre années d’internat. antalgiques, en le renvoyant Je travaille à l’hôpital à son médecin traitant. de la Pitié-Salpêtrière, Heureusement que des à Paris, et je donne vaillants pompiers étaient également des cours à là pour nous séparer séparer.. Ils la faculté de médecine se retrouvent d’ailleurs de Sorbonne Université. souvent à intervenir pour C’est un métier où nous nous éviter des drames… sommes quotidiennement Ce qui est frappant, c’est confrontés à la violence. qu’il y a un nombre de Il y a en fait deux types plus en plus important de de violence à mon sens. personnes venant nous voir, Celle des patients, en soutenant avoir le droit pour différentes raisons, d’avoir tel type de prise en urgences psychiatriques, charge, comme un scanner, angoisse, crise, etc. une IRM, etc. La formule Celle-là est assez rituelle aux urgences, c’est classique. Ça fait partie « je paye mes impôts, donc de notre travail même, nous j’ai le droit droit ». Comme si faisons avec. Et puis il y a nous avions les moyens les violences inacceptables, de faire une médecine à celles qui ne viennent pas la carte ! Les situations des malades mais de leur dérapent également à entourage ou de personnes cause de la frustration du exigeant d’être prises public face aux conditions en charge par le service d’accueil que nous offrons, des urgences alors qu’elles à l’absence de réponses ne sont pas en situation immédiates sur leur d’urgence justement ! problème ou de la qualité Je me suis fait récemment de la prise en charge. Cet agresser physiquement par hiver hiver,, nous avons eu des
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o t o h p t i d é r C
AUX URGENCES
de la Pitié-Salpêtrière.
malades qui sont restés jusqu’à jusqu’ à douze douze heures sur des brancards, dans les couloirs de l’hôpital, faute de lits disponibles ! Mais nous, nous devons faire avec les moyens limités à notre disposition, tout en faisant face à une explosion en quelques années de près de 50 % des prises en charge. Les personnels hospitaliers enchaînent les heures sans pause pour essayer de tenir le rythme, mais ce n’est pas suffisant. Avec la fatigue fatigue,, le stress et cette charge énorme de travail, on va vite, trop vite, on devient moins cléments et, surtout, on se demande à un moment ce qu’on fait là ! Avec plus de moyens pour améliorer nos conditions d’accueil, en ayant plus de personnels pour passer plus de temps avec les patients, je suis sûr qu’on diminuerait cette violence quotidienne. Mais ce n’est pas d’actualité, donc on continue à faire ce beau métier comme on peut. Le pire dans tout ça, c’est qu’il y a quelques années, après mon agression, j’aurais sûrement été en état de choc et traumatisé. Là, j’ai repr repris is le le boulot boulot deux minutes après comme s’il ne s’était rien passé. Et je ne suis pas une exception ; à l’hôpital public, nous réagissons tous comme ça. C’est étrange, mais nous avons complètement intégré cette violence comme faisant partie de notre quotidien. Q
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Société truc qui m’a sauvé, c’est que tout le bus a éclaté de rire face à son attitude. Il s’est s’est senti senti con et il est allé allé s’asseoir s’asseoir au fond le reste du trajet », racontet-il, toujours aussi surpris par cette histoire. En plus de devoir faire face aux agressions et aux insultes – « On n’y fait même plus attention », soufflet-il – il a une obligation de sécurité envers le public qu’il transporte. « C’est simple, si on pile et qu’une pers onn onnee se s e bles blesse, se, c’e c’est st nou nouss qui sommes responsables. On doit avoir une conduite irréprochable », détaillet-il. Ce qui n’est pas évident lorsque le conducteur doit rattraper des retards dus aux conditions de circulation, les trajets étant soumis à un temps de parcours parcou rs strict… strict… Plus Plus étonnant, étonnant, les les machinistes doivent également se débattre avec des « mouches », des agents de la brigade de surveillance du personnel de la RATP chargés de faire des rapports. « Toujours à charge lorsqu’ils sont sur votre dos. Ça veut dire que la direction vous a dans le collimateur », accuse-t-il. Autant d’éléments qui peuvent peuv ent conduire à des dérapages, à l’exemple de ce machiniste qui a giflé un adolescent. Celui-ci l’aurait obligé à pilerr en pass pile passant ant deva devant nt son bus pui puiss l’aurait insulté. « Ce collègue n’a pas d’antécédents, c’est un type impressionnant physiquement, mais très gentil. gent il. Il a craqu craqué, é, c’est c’est tout », assure Yann. Même son de cloche de Hani, membre du Rassemblement syndical RATP (ex-SAP-RATP) – syndicat à l’initiative d’une pétition « contre une sanction pour le collègue RATP qui a giflé un collégien après un manque man que de respect » qui en quelques jours a réuni plus de 330 000 signatures. Hani, qui refuse de s’exprimer sur cette histoire afin d’épargner tout préjudice préju dice à son son collègu collèguee menacé menacé de révocation, concède que le plébiscite de la pétition « fait plaisir. Le collègue se sent soutenu ». Yann espère, lui, qu’elle empêchera le licenciement du conducteur de bus. Quant à son tra vail,l, il est bea vai beauco ucoup up mo moin inss opt optim imist istee : « Quand je suis rentré à la RATP, je me suis dit que j’y ferais ma carrière. Mais, aujourd’hui, le jour où mes enfants n’ont plus besoin de mon aide, je me casse ! » Q B.R.
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FRÉDÉRIC FRÉDÉRI C ET YANN, AGENTS RATP
“JE ME DISAIS QUE J’ALLAIS Y LAISSER MA PEAU” “IL A CRAQUÉ, C’EST TOUT” Pour Yann, conducteur de bus, la réaction du chauffeur qui a giflé un collégien s’explique par les conditions désastreuses de travail des agents, entre incivilités, insultes et agressions.
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ntre le large sourire de Marlène, agente de sécurité du Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR), qui témoigne de sa « passion » pour son travail sur fond de musique folk-pop dans un clip promoti pro motionn onnel el de la RAT RATP, P, et les trémolos dans la voix de Frédéric lorsqu’il raconte, lui, son expérience de terrain, il y a un fossé. Peut-être celui entre la fiction et la réalité ? Ils font pourtant le même métier. Elle vante « le relationnel, le contact humain et le travail d’équipe » de son job, lui est beauc beaucoup oup moin moinss entho enthouusiaste : « Il n’y a pas un jour où on ne se fait pas insu insulter. lter. » Entré au GPSR en 1994, Frédéric ne cache plus son fatalisme : « Tous les agents de la RATP, quel que soit leur corps de métier, se font agres agresser ser au au moins moins une une fois fois dans dans leur carrière. » Lui n’a pas échappé à cette règle. Il y a quelques années de cela, il a été jeté sur les rails du métro par un grou groupe pe d’i d’indi ndividu viduss qui fais faisait ait du grabuge : « J’ai bien cru que j’allais mourir. » Physiquement, il s’en est sorti indemne. Moralement, c’est une autre histoire. D’autant qu’il n’a pas pu comp compter ter sur son entrep entreprise rise pour l’épauler. « L’encadrement m’a dit froidement qu’on était comme à l’armée,
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qu’il y avait 7 % de pertes admissibles dans les rangs », confie-t-il, encore choqué. Une violence que Yann, machiniste receveur, connaît bien lui aussi. Conducteur de bus, Yann explique avec un grand flegme : « J’ai déposé plainte au moins six ou sept foiss dep foi depuis uis que je sui suiss ent entré ré à la RATP RATP,, en 2004, soit une tous les deux ans. » Et de préciser aussitôt : « Et je ne me suis déplacé au commissariat que pour les les cas de violenc violences, es, sinon j’aurais dû y aller tous les deux jours… » L’émotion l’étreint tout de même un peu lors lorsqu’i qu’ill se rap rappel pelle le ses pri prises ses de service en 2005, lors des émeutes en banlieue : « J’embrassais mes enfants chaque matin, en me disant que j’allais peut-être peut -être y laisse laisserr ma ma peau. peau. »
Obligation de sécurité Sur une ligne de bus de banlieue pourtant « pas si difficile », selon lui, pourtant Yann est confronté c onfronté aux incivilités quotidiennes. Qui commence par le simple fait de ne pas dire bonjour. Selon ses calculs, seulement 10 % des passagers lui lui rendent le sien. A ces silences se mêlent des explosions de violence viol ence auss aussi.i. « Il y a deux semaines, je me me suis suis retrouv retrouvéé avec avec un un jeune jeune qui est monté dans les tours simplement parce que je lui ai dit bonjo bonjour. ur. Le seul
9h-11h On fait le tour de la question avec Wendy Bouchard
Du lundi au vendredi
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JULIE GAYET JULIE GAYET DANS LA TOURMENTE DU RAF RAFALE ALE Le parquet national financier “étudie” le dossier indien. En débat, une question simple : Julie Gayet, alors compagne officielle de François Hollande, a-t-elle bénéficié d’un financement de film “trop généreux” en marge de la vente de Rafale à l’Inde ? “Trop généreux” au point de cacher une opération de corruption ? PAR LAURENT VALDIGUIÉ
INTERROGÉE PAR LA PRESSE INDIENNE, fin août, Julie Gayet, ici, lors du mariage de Franz-Olivier Giesbert et de Valérie Toranian, Toranian, à Marseille, le 16 juin, assure avoir ignoré le cousinage des fonds indiens avec la vente des Rafale. La compagne de François Hollande renvoie la balle dans le camp de sa coproductrice, Elisa Soussan, qui se refuse à tout commentaire.
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e « Rafalegate » fait la une des journaux indiens depuis le 31 août et menace non seulement d’éclabousser la compagne de l’ancien président français, mais surtout de compliquer la vente des avions de combat à New Delhi, un contrat conclu en 2016 pour un montant global de 8 milliards d’euros. Les premiers Rafale indiens doivent être livrés l’an prochain, indique le siège du groupe Dassault, où l’on « garantit l’honnêteté absolue de Dassault Aviation ». Du coté de l’industriel, on assure avoir décou vert la polémiq polémique ue fin août août à la leclec Indian Express . ture de l’ Indian Depuis, sous couvert d’anonymat, plusieurs sources, tant du côté
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de l’avionneur que du ministère L’affaire débute en 2012. Après français de la Défense, ne décolèrent cinq ans de compétition, Dassault pas. « Que le principal partenaire emporte un premier appel d’offres industriel indien de Dassault ait pour pou r la liv livrai raison son de 126 avi avions, ons, financé un film de la compagne du dont 108 devaient être fabriqués président français, en pleine p leine vente sur place. « Qui dit fabrication locale des Rafale, c’est au minimum par- dit transferts de technologie, et c’est faitemen fait ementt idio idiott », confie à Mari Mariann anne, e, toujours le volet le plus épineux », furieux, un des anciens hommes de explique une source à la Défense. l’équipe Le Drian au ministère de la Nommé Premier ministre en Défense. « Cela aurait même dû être mai 2014, Narendra Modi reprend empêché, ajoute cette source. Dans le dossier. Envoyé en éclaireur à la guerre commerciale impitoyable New Delhi, Jean-Yves Le Drian que la France livre aux Américains rencontre son homologue indien pour vendre nos avions, le financefinance- qui lui annonce que la comment du film de Julie Gayet était une mande ne portera plus « que » sur folie. » La polémique actuelle, sur 36 avions. Ils seront tous assemfond de parcours du combattant blés en France, mais un accord qu’est depuis vingt ans la vente des de « compensation » obligera Rafale, aurait tendance à plaider Dassault à investir la moitié des dans ce sens… fonds (4 milliards) en Inde.
Affaires François Hollande donne son accord à ce schéma et une visite officielle du Premier ministre indien à Paris est mise sur pied. L’annonce de la vente des Rafale, sous forme de vente d’Etat à Etat, intervient à l’Elysée le 10 avril 2015 : « J’ai demandé au président Hollande de nous fournir 36 Rafale prêts à voler », déclare Narendra Modi. Pour Dassault, qui vient de vend ve ndre re se sess pr prem emie iers rs av avio ions ns de combat à l’exportation, en Egypte et au Qatar, le volet industriel indien commence. Entre alors en piste Anil Ambani. Av ec s on fr èr e M u k e sh , A ni l Ambani a hérité hé rité du tentacul ten taculaire aire conglomérat familial, le groupe Reliance, la première entreprise privée indienne. Son frère, classé cla ssé e 36 fortune mondiale par Forbes, est une célébrité dans son pays pour sa résidence privée, réputée la plus chère au monde, une tour de 27 étages à Bombay avec trois piscine pis cines, s, don dontt une olym olympiqu pique, e, pou pourr un coût total astronomique d’un milliard de dollars. Le cadet, Anil, à la tête de Reliance Anil Dhirubhai Ambani Group, est présent dans les télécoms, les médias, la santé, mais pas sur le sect secteur eur de la défen défense. se. Mi-2015, exactement au moment où le Premier ministre Indien signe l’achat de 36 Rafale, Anil Ambani crée deux nouvelles branches industrielles, une branche défense et une branche aéronautique. Ce sont elles qui vont s’associer à Dassault pour construire un complexe aéronautique à Nagpur, au centre de l’Inde. Cette première concomitance de date fait aujourd’hui bondir l’op position indienne indienne,, qui voit la trace trace d’une opération de corruption. Pourquoi avoir confié un tel contrat en or à une entreprise sans expérience sur le secteur ? Pourquoi son frère aîné Mukesh, lié à Dassault en 2012, n’a-t-il pas poursuivi l’association ? De son côté, le gouverne-
LE 5/7 5/7
ALOR ALO RS QUE FR FRA ANÇ NÇO OIS HOLLANDE EST EN VISITE EN INDE, UNE SOCIÉTÉ D’ANIL AMBANI ANNONCE SA PARTICIPATION AU BUDGET DU FILM COPRODUIT PAR JULIE GAYET GAYET À HAUTEUR DE 1,65 MILLION D’EUROS.
MATHILDE MUNOS
À SUIVRE SUR TWITTER
ment Modi se défend en assurant moment, à l’automne 2015, Julie que le choix d’Anil Ambani était Gayet, associée avec une autre procelui de… Dassault. Mais, dans une ductrice, Elisa Soussan, cherche déclaration à Mediapart, François un financement pour un film de Hollande a brutalement livré une Serge Hazanavicius, Tout là-haut, version opposée : « Nous n’avions inspiré de l’histoire d’un snow pas notre notre mot à dire dire à ce sujet. C’est boarder mort sur les pentes de le gouvernement indien qui a pro- l’Everest. Les deux productrices posé ce gro groupe upe de ser service vice,, et Das Dassau sault lt peinent à boucler le tour de table 10 millions millions d’euros qui a négocié avec Ambani. Nous pour réunir les 10 n’avons pas eu le choix, nous avons nécessaires au tournage. Sollicité pris l’in l’interlo terlocute cuteur ur qui qu i nous no us a été par Elisa Soussan Soussan,, Xavier Niel, via donné », a assuré l’ex-président, sa société NJJ, verse 1,65 million. visiblement sur la défensive. Le 24 janvier 2016, premier jour de la visite de François Hollande en Inde, Reliance Entertainment, une société d’Anil Ambani, annonce dans un communiqué avoir part ici icipé pé lui aus aussi si à hau hauteu teurr de de 1,65 million d’euros. Un versement opportuniste dans le but de s’attirer les bonnes grâces de Paris ? Une sorte de « grand bouquet de fleurs » destiné à la compagne du préside pré sident nt fra françai nçaiss ? Com Comment ment Anil Ambani,i, le parte Amban partenaire naire de Dassau Dassault, lt, a-t-il été amené à financer ce film qui ne sera pas même diffusé en Inde ? Un financement à perte Cette déclaration a d’abord mis pui puisqu squee le film ne dép dépasse assera ra pas les en porte-à-faux le gouvernement 300 000 entrées… Interrogée depuis indien… puis le groupe Dassault, fin août par la presse de New Delhi, qui, la veille, dans un communi- Julie Gayet assure avoir ignoré le qué, avait parfaitement assumé le cousinage des fonds indiens avec choix d’Ambani, évoquant un choix la vente des Rafale. La compagne industriel indépendant. officielle de l’ancien chef de l’Etat En coulisses, la déclaration de renvoie la balle dans le camp de l’ancien président a aussi provoqué sa coproductrice, Elisa Soussan. quelques grincements de dents : Qui elle-même se refuse à tout « Contrairement à ce que prétend commentaire. Ont-elles « vendu » Françoi Fran çoiss Holl H ollande ande,, bien b ien ente entendu ndu leur film directement à l’homme que l’Elysée avait son mot à dire sur d’affaires indien ? A l’épo l’époque, que, Anil Amba Ambani ni se rend le choix du partenaire indien. Pour la France, il était très important de à plusieurs reprises en France. Il y savoir avec qui on s’associait en vue rencontre notamment le banquier d’éventuels transferts de technolo- d’affaires Mathieu Pigasse, qui le présente ente à Xavi X avier er Niel N iel (le (less deux de ux gie », assure un haut fonctionnaire. prés L’Elysée était donc parfaitement hommes sont copropriétaires du informé des détails du partenariat groupe Le Monde). En février 2017, avec Ambani, confient plusieurs il rencontrera au moins une fois sources à la Défense. Et n’y avait François Hollande à l’Elysée. Mais rien trouvé à redire. Deuxième rien n’indique qu’il y ait croisé coïncidence fâcheuse, au même Julie Gayet… Gay et… Q
Retrouvez le lundi à 6h44 de e Histoires Politiques avec Eric Decouty d
#LE57INTER
28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 31
Politique
CETTE DROITE QUI SE LA JOUE GAUCHISTE Ils veulent investir le champ social, se disent parfois “travaillistes” et se définissent comme de moins en moins libéraux. En remettant en cause le discours gestionnaire qui dominait dans leur camp, des élus Les Républicains réactivent un tiraillement historique de la droite. PAR LOUIS HAUSALTER
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ouvigny-en-Sologne, samedi 22 septembre. Dans ce petit village de Loir-et-Cher, un orateur à l’allure juvénile, debout devant des bottes de foin, harangue environ 400 personnes. Il n’a pas de mots assez durs contre Emmanuel Macron, « ce Madoff de la politique » et cet « arnaqueur en chef », accusé d’avoir infligé « 9 milliards d’impôts aux classes moyennes, aux milieux de cordée, aux travailleurs et aux salariés modestes ». Et de défendre l’utilisation des mots « travail » et « travailleur », en lançant ce vibrant appel : « Que la loi de l’effort l’emporte sur la loi du plus fort. for t. » Non, nous ne sommes pas à la Fête de l’Humanité, mais à celle de la violette, sorte de kermesse politique organisée chaque année sur ses terres par le député LR Guillaume Peltier. Un élu de droite, donc, mais qui, ces derniers temps, marcherait presque sur les plates-bandes pla tes-bandes de la gauche anticapitaliste. En juin, l’homme avait déjà fait beaucoup tousser dans son parti, en plaidant pour une augmen augmentatio tation n de 20 % du Smic ! Une saillie qui a alarmé jusqu’à jusqu ’à Nicolas Nicolas Sarko Sarkozy. zy. « On commence à parler comme Mélenchon ! » s’est récemment ému l’ex-président devant l’un de ses visiteurs. 32 / Marianne / 28 septembre au 4 octobre 2018
Sans doute conscient d’avoir hausse de la TVA. En s’installant poussé pou ssé le bou boucho chon n un peu loi loin, n, aux commandes de LR à l’issue de Peltier a modéré ses ardeurs gau- cette campagne présidentielle cauchisantes en cette rentrée, mais chemardesq chemardesque, ue, Laurent Wauquiez semble plus décidé que jamais à a vite mis en sourdine ce discours occuper le créneau des classes labo- ultralibéral. Certes, le patron de rieuses – et à continuer à faire par- la région Auvergne-Rhône-Alpes ler de lui. Le député est ainsi revenu appelle régulièrement à baisser la de vacances avec une nouvelle trou- dépense publique, mais il se pose vaille : il se revendique « ni libéral surtout en héraut des classes ni socialiste », mais « travailliste ». moyennes victimes d’une baisse « La droite ne doit pas s’enfermer de leur pouvoir d’achat et a déjà dans une logique comptable et sta- dépeint Emmanuel Macron en tistique, mais redevenir le grand « président des golden boys de la mouvement populaire de l’ascen- mondialisation ». Un discours sion sociale », nous explique le Tony soigneusement travaillé pour Blair de Sologne. Il propose donc prendre le contre-pied contre-pied du chef de « un New Deal fondé sur la baisse l’Etat. « L’analyse de Laurent, c’est des dépenses publiques, la baisse que l’électorat bourgeois a été capté des charges pour les entreprises et assez durablement par Macron, la hausse des salaires pour les tra- résume un député LR. Il faut donc vailleurs, une dernière étape que la que l’on s’intéresse à l’électorat droite a oublié ces derniers temps ». populaire qui se sent abandonné. » La ligne sociale, son rival Xavier Bertrand la cultive à sa façon Discours travaillés De quoi trancher avec la droite depuis plus longtemps. Elu fin 2015 du sang et des larmes qui préten- président de la région des Hautsdait revenir au pouvoir en 2017. Il de-France face à Marine Le Pen, suffit de se rappeler les débats de celui qui a claqué la porte de LR la primaire, il y a deux ans : une l’an dernier ne craint pas de prôner véritable course à celui qui décadéc a- l’intervention publique pour sauver perait le plus plus la fonction publique publique.. les emplois industriels sur son terEt le candidat désigné, François ritoire. « Il y a un juste milieu entre Fillon, était celui qui avait promis être libéral et illibéral, expose-t-il à vou lez partager le plus gros lessivage, entre fin Marianne. Si vous voulez des 35 heures, retraite à 65 ans et les richesses, vous devez les créer
GUILLAUME PELTIER, le vice-président des Républicains, a lancé lors de la Fête de la violette, à Souvigny-enSologne, en Loir-et-Cher, le 22 septembre ce vibrant appel : “Que la loi de l’effort l’emporte sur la loi du plus fort.” Marchant allègrement sur les plates-bandes de la gauche anticapitaliste.
a p i S / n o s i o L t n e c n i V
par le travail. Mais, M ais, si vous vou s laissez la nation : oui à la baisse des impôts, uniquement faire la main invisible mais non aux traités commerciaux du marché, c’est la loi du plus fort, et et à la concurrence débridée. » Un ce n’est pas compatible avec l’ADN courant qu’il tente d’animer à tra français. » Exemple ? « Si c’est en vers un mouvement baptisé Oser accordant une subvention qu’on la France, qu’il a lancé l’an dernier. peut décro décrocher cher une décisi d écision on d’ind’ in- Parmi ses membres figure le trentevestissement, comme pour l’usine naire ibault Bazin, élu député de Toyota à Onnaing, je n’hésite pas. » Meurthe-et-Moselle aux dernières législatives. Lui aussi entend dans Contradictions sa circonscription lorraine une Derrière ces stratégies se profile demande de protection économique un vrai tiraillement dans la droite et sociale, loin des mesures dérégulafrançaise. D’autant que plusieurs trices habituellement inscrites dans élus LR remettent de plus en plus les programmes de la droite, pour ouvertement en cause le credo éco- la plus grande joie du CAC 40. « La nomique libéral qui prédominait ces droite n’est pas en train de devenir dernières années. Signe distinctif : communiste, prévient-il, mais ce qui ils sont jeunes – relativement à la nous différencie d’En marche, c’est que moyenne d’âge des parlementaires nous ne sommes pas ultralibéraux. Nouss som sommes mes pou pourr une jus juste te int inter erve vennde leur parti – et représentants de Nou territoires en difficulté. Julien Aubert, tion de l’Etat. » Ces élus LR ressentent 40 ans et député du Vaucluse depuis aussi l’urgence de renouer avec les 2012, s’est ainsi toujours démarqué Français menacés de déclassement. par ses acc accent entss sou souver verain ainist istes, es, dan danss « Pendant la présidentielle, nous avons priss con consci scienc encee d’u d’un n man manque que d’a d’adhé dhé-la lignée d’un Philippe Séguin. « Ce pri que je voudrais insuffler, c’est que sion populaire à notre projet, poursuit l’on cesse de considérer que la droite Thibault Bazin. Il y a un besoin de rime forcément avec néolibéralisme retour aux racines du gaullisme et et libre-échange, explique-t-il. Je suis du RPR, il faut s’adresser à celui qui pour un libé libéral ralisme isme compa compatibl tiblee avec sort du métro. »
Tonalité similaire dans la bouche de son collègue Aurélien Pradié, 32 ans, député du Lot. Elu en 2017 à rebours de la vague macroniste, sur une terre baignée de radicalsocialisme, il ne se passionne pas pour les pulsions identitaires qui agitent son parti et appelle plutôt à « investir les thématiques sociales ». « La jeune génération LR est très peu libérale. Moi-même, je le suis de moins en moins, même si j’avais un peu de mal à le dire au début », sourit celui qui a eu droit à un portrait sympathique pleine page dans l’Humanité en début d’année. Dans l’Hémicycle, il fait partie des quelques députés de droite qui n’ont pas voté les ordonnances assouplissant le code du tra vail ou la réfo réforme rme de la SNCF SNCF.. Autre cheval de bataille de ces élus peu sensibles aux sirènes de la start-up nation : les traités de libre-échange tels que le Ceta, conclu entre l’Union européenne et le Canada, qui doit être ratifié l’année prochaine par le Parlement français. Un sujet qui illustre à merveille les contradictions de la droite. Début 2017, une courte majorité des eurodéputés LR i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 33
Politique « La liberté est la base continue de la pensé pen séee occ occid iden enta tale le de depu puis is tr trois ois si sièc ècle les, s, même s’il revient à la droite de la penser avec des limites, par exemple sur les frontières ou l’environnement. Et avec une dépense publique à 56 % du PIB, PI B, la li libe bert rtéé n’ n’es estt pa pass un unee opt optio ion, n, c’e c’est st une nécessité ! » Entre libéralisme et étatisme, les dirigeants successifs de la droite ont toujours plus ou moins réussi la synthèse. Le dernier succès en date est celui du « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy en 2007, qui avait convaincu à la fois les milieux d’affaires et les employés – avant de tous les déce voir. Mais, aujourd’hui, « la droite se trouve dans une situation inédite, pointe l’universitaire Mathias Bernard. Car sa tendance libérale lui est disputée par La République en marche d’Emmanuel Macron et sa tendance nationale par le RN de Marine Le Pen. Pen . Elle subit donc d onc un double grignotage de son espace politiqu poli tiquee ». C’est ce qui s’appelle perdre des parts parts de marché. Q L.H.
avait approuvé ce texte au dresse l’inventaire des dissonances Parlement européen, tandis que les entre ses collègues LR : « Associer autres s’abstenaient. Mais, pendant spontanément la droite française au la campagne présidentielle, Fillon libéralisme, ça ne correspond pas à a pris ses distances avec le Ceta, la réalité de l’histoire. On oublie par pousséé par pouss par les inquié inquiétudes tudes des éle- fois que de Gaulle a mis en place le veurs. Et, aujourd’hui, Wauquiez Commissariat du Plan et prônait la participation. participat ion. Mais, Mais, ensuite, ensuite, Chirac cultive le flou sur la question… On le voit, l’élection d’Emma- s’est progressivement adapté au nuel Macron a conduit la droite cadre libéral européen après s’y être à remettre en cause son logiciel opposé, et a donné l’impression qu’il économique. Mais ce tiraillement n’y avait plus qu’une seule ligne. » n’est pas nouveau. « Depuis la fin du XIX e siècle, deux courants coha- Situation inédite bitent au sein de la droite gouverne- L a b a l a n c e p e n c h e r a i t - e l l e mentale : la composante libérale, aujourd’hui du côté opposé, celui européenne, favorable au libre- de l’interventionnisme ? Cette perséchange et à la mondialisation, et pec pective tive inq inquièt uiètee le pat patron ron des sén sénaala tendance nationale, plus conser- teurs LR, Bruno Retailleau, qui reste vatrice, qui insiste sur la défense des farouchement attaché à l’équation intérêts nationaux et la dimension libérale-conservatrice que portait sociale », décrit Mathias Bernard, son ami François Fillon. « Le souci de présiden prés identt de l’un l’univer iversité sité Cler Clermont mont-- la droite, c’est qu’elle oscille entre une Auvergn Auve rgnee et spé spécial cialiste iste de l’his l’histoir toiree liberté honteuse, à cause du poids de des droites. Depuis les bancs de la tradition colbertiste et jacobine, et La France insoumise à l’Assem- une liberté exaltée, celle des libérauxblée nationale, Alexis Corbière, libertaires », théorise-t-il. Et d’avertir proche proc he de d e JeanJ ean-Luc Luc Méle Mélenchon nchon,, ses « amis » tentés par le dirigisme : i
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AS PATRIMONIUM Société à responsabilité limitée au capital de 1 000 € Siège social : 14 rue Lapeyrère, 75 018 PARIS 751 364 472 RCS PARIS L'Assemblée réunie le 31/07/2018 a décidé la dissolution anticipée de la Société à compter de ce jour et sa mise en liquidation amiable sous le régime conventionnel dans les conditions prévues par les statuts et les délibérations de ladite Assemblée. Elle a nommé comme liquidateur Mr Adrien CHALMONT, demeurant 3 rue Jean Louis Forain, 75 017 PARIS, pour toute la durée de la liquidation, avec les pouvoirs les plus étendus tels que déterminés par la loi et les statuts pour procéder aux opérations de liquidation, réaliser l'actif, acquitter le passif, et l'a autorisé à continuer les affaires en cours et à en engager de nouvelles pour les besoins de la liquidation. Le siège de la liquidation est fixé 14 r ue Lapeyrère 75 018 PARIS. C'est à cette adresse que la correspondance devra être envoyée et que les actes et documents concernant la liquidation devront être notifiés. Les actes et pièces relatifs à la liquidation seront déposés au Greffe du Tribunal de commerce de PARIS, en annexe au R.C.S.
AZTECH INGENIERIE Société par actions simplifiée en liquidation Au capital social de 5000€Siège social : 39 rue Veuve AUBLET 93230 ROMAINVILLE SIREN 528382054 R.C. S. BOBIGNY Le 31/08/2018, l'associé unique a décidé la dissolution anticipée de la société à compter du 31/08/2018. M Alain Jean ZANELLATO demeurant 39 rue Veuve AUBLET à ROMAINVILLE, a été nommé Liquidateur. Le siège de liquidation a été fixé au 39 rue Veuve AUBLET à ROMAINVILLE. Pour avis.
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Mieux vau autt en rire ! ILS ONT OSÉ
LA RÉVOLUTION MENSTRUELLE
Le syndicat Unef de Sciences-Po mène une campagne vigoureuse pour pour que des « protections hygiéniques pour tous-tes » soient en accès libre dans les toilettes, « indifféremment de nos identités de genre ou de nos assignations à des catégories de sexe ».
A l’Unef, la révolution révolution menstruelle menstruelle est en marche. marche. Q
L’INCONNU
LA LUNE
Le premier secrétaire du PS propose aux diri- La société geants du PC et de La France insoumise de américaine SpaceX mener des actions communes. Mais il pré- a annoncé l’envoi milliardaire e cise aussitôt que les désaccords demeurent : du milliardair Yusaku « Mélenchon et Faure, ce n’est pas la même japonais Yusaku chose. » Mélenchon » Mélenchon et qui ? Faure, Olivier de Maezawa pour un son prénom, dont peu de Français savent qu’il séjour de cinq jours autour de la Lune en est premier secrétaire du PS. Q
Un bébé requin
TADDEÏ À L’AVEUGLE
Gaspard Gantzer, conseiller de Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris puis de François Hollande à l’Elysée, en lice pour l’Hôtel de Ville en 2020, interprète le rôle de conseiller dans le film le film le Poul Poulain, ain, réalisé par Mathieu Sapin. Interrogé sur les mœurs dans un monde politique digne de celui des requins, il explique dans Paris Match : Match : « Des gens prêts à tout, j’en ai vu bea beaucou ucoup p dans ma vie de conseiller. » C’est aussi ce qu’il voit quand il se regarde dans la glace. Q
Interrogé sur France Inter, à l’occasion du lancement de son émission sur Russia Today en français, Frédéric Taddeï révèle qu’il « ne regarde ja ma i s la té lé vi si on , les JT de F2, ni F3, ni France 24 » . Pas pll u s q u e l a c h a î n e p qui l’emploie : « Je ne parle pa rle pa pass ru russ sse, e, do donc nc je ne regarde pas pa s RT. » Bref : pour ne pas être influencé, Frédéric Taddeï ne regarde pas ce qu’il comprend, et ne comprend pas ce qu’il pourrait regarder. Q
Grandeur et servitude En lançant sa liste pour les élections européennes, Nicolas Dupont-Aigna Dupont-Aignan n a comparé Marine Le Pen et Laurent Wauquiez à « des généraux qui refusent de se mettre à la tête de d e leurs troupes ». De grandes batailles furent gagnées ainsi et, sauf au pont d’Arcole, Bonaparte lui-même se tenait en arrière. Q 28 septembre au 4 octobre 2018 36 / Marianne / 28
2023, accompagné d’artistes. Le prix du billet n’a pas été révélé, preuve que ceux qui se font envoyer en l’air ont les pieds sur terre. Q
VIVE LE DÉSIR ! Interrogée par le magazine Regards, la journaliste et écrivaine allemande Carolin Emcke confie : « Quand j’ai commencé à désirer de la façon dont on désire, j’ai cru que c’était quelque chose de strictement intime […] , , mais quand on est gay ou queer […] […] c’est devenu une question politique, qu’on le veuille ou non. » Quand » Quand deux homos font l’amour, l’a mour, ils font de la politique. Q
Constance Bruno Le Maire promet un budget 2019 sous le signe de la constance. Le changement a vécu. Q
EN AVION POUR L’EMPLOI L’EMPLOI Le Parisien rend Parisien rend compte d’une initiative commune de Pôle emploi et de l’ambassade de France en République tchèque sous le titre : « Des chômeurs invités à s’exiler à… Prague ». Où l’on voit que, pour trouver un emploi, il ne suffit pas de traverser la rue : il faut aussi prendre l’avion. Q
ACCORD D’ENTREPRISE
En fonction des accords d’entreprise, un préavis de trois à six mois doit être respecté pour un cadre sur le départ. Dans le cas de Gérard Collomb, en rupture conventionnelle du ministère de l’Intérieur et désireux de reprendr reprendre e son poste de cadre à la mairie de Lyon, on passe à huit mois de préavis. Il faut croire que l’accord d’entreprise qui régit la vie du gouvernement est vraiment très favorable. Q
DRÔLE DE JEU
Le Monde lance
un nouveau jeu, en titre de l’édition du 25 septembre : « Les perdants et les gagnants du budget 2019 ». La règle est pourtant simple : les perdants perdront un peu plus, les gagnants gagnent toujours plus. Q
Un grand européen Jeremy Corbyn, leader du Parti travailliste, ne veut pas d’un nouveau référendum sur le Brexit. Il préfère des élections législatives anticipées, pour former une nouvelle majorité qui aura tout loisir de s’asseoir sur les résultats du référendum précédent. Du point de vue des mœurs politiques, Corbyn est un grand européen. Q
SA MISE L’ex-dirigeante du Média Sophia Chikirou réclame plus de 120 000 € à la webTV proch pro chee de dess ins oum is qu’elle a cofondée. Elle l’a assignée par huissier pour obtenir le paiement de cette somme, alors même que la saison 2 du Média risque d’être la dernière. Sophia Chikirou l’insoumise veut reprendre sa mise, et plus si affinités financières. Q
28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 37
Mieux Mieu x vau autt en rire ! LE PS EN PANNE Lors du vote sur le texte d’orientation du PS pour les européennes, 35 membres du bureau national sur 73 étaient absents et huit des présents ont opté pour l’abstention. L’un d’entre eux en a conclu qu’il fallait au plus vite organiser une thérapie de groupe. Comment fait-on quand il n’y a plus de groupe ? Q
ELLE NE MANQUE PAS D’AIR Anne Hidalgo, Hidal go, maire de Paris, publie un livre intitulé Respirer qui se conclut par cette prophétie : « On me dit que je vais perdre. Pourtant, Pou rtant, nous nou s allons gagner gagne r. » Ce » Ce disant, elle n’évoque pas les prochaines élections municipales dans la capitale, mais l’environnement, qui est le sujet de son livre. Dans un cas comme dans l’autre, le pronostic confirme que la maire de Paris ne manque pas d’air. Q
RECYCLAGE BIENVENUE AUX OURS MIGRANTS A Pau, le nouveau nouve au ministre de l’Ecologie, François de Rugy, a confirmé la réintroductio réintroduction n d’ourses slovènes dans les Pyrénées occidentales. Certains migrants sont mieux traités que d’autres. Q
Champion de la Terre Pour avoir organisé le sommet On n’a qu’une planète, à Paris, en décembre dernier, Emmanuel Macron a reçu à New York le titre de « champion de la Terre ». Ne pas saluer son action en faveur de l’univers, c’est mesquin. Q
Le chef de cabinet de Gérard Collomb, JeanMaire Girier, a rejoint Richard Ferrand, nouveau président de l’Assemblée nationale, comme directeur de cabinet. Quand on tra vaille pour un ministre ministre en sursis, autant se recycler. Q
BONNET D’ÂNE
LE COPAIN HOMOPHOBE
Pour Gilles Legendre, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, « les propos de Marcel Campion ne méritent aucune indulgence ». Il s’agit, bien sûr, de ses propos homophobes. Pour le reste, Gilles Legendre, député de Paris, n’a rien à redire quand le gouvernement permet à Marcel Campion d’installer sa grande roue et son marché de Noël dans les jardins des Tuileries, qui relèvent de l’Etat, alors que la Mairie de Paris lui avait refusé les Champs-Elysées et la place de la Concorde. Q
SPÉCIAL FEMMES Revenant sur la crise de 2008, Christine Lagarde, dans Pari Paris s Matc Match, h, regrette que le monde de la finance soit peuplé presque exclusivement de « clones mâles ». En effet, ajoute-t-elle « les femmes sont plus atten plus attentiv tives es aux risques. risq ues. Elle Elles s ne ne gèrent gère nt pas leu leurs rs portefeu port efeuille illes s d’act d’actifs ifs comme leurs pairs masculi masc ulins ns ». De
MAUVAISE RÉPONSE
Interviewé par le Figaro sur les difficultés de la droite à se faire entendre, malgré les difficultés du gouvernement en place, le député Christian Jacob (LR) déclare : « Nous n’allons pass di pa dire re au aujo jourd urd’’ hu huii : “N “Nou ouss av avon onss rép on onse se à tout.” » C’est d’autant plus délicat à dire que la réponse du parti LR ressemble souvent à celle du gouvernement, où d’anciens LR occupent les postes clés. Q
Le dernier blairiste
La Grande-Bretagne, qui a lancé le train des privatisations à l’époque Thatcher, relayée par Blair, est en train de redécouvrir le charme et l’efficacité du secteur public. Dans nombre de domaines, le gouvernement britannique même, pour des change de cap alors même que la France questions d’héritage génétique, les femmes persiste à privatiser tout ce qui passe font mieux la vaisselle à portée de Bourse. Se faire déborder sur sa gauche par Theresa May, ce et s’occupent mieux des enfants. Q n’est pas à la portée de n’importe qui. Q
MISSION Le député LREM Jo ac hi m S on -F -For orge ge t a défini la mission qui attend Gilles Le Gendre, nouveau pré si side dent nt du gr grou oupe pe majoritaire à l’Assemblée nationale, en ces termes : « Il faut qu’il soit capable d’ d’avoir avoir un discours vis-à-vis de l’exécutif, tout en restant fidèle au président de la République. » Bref, il faut qu’il parle fort et se couche vite. Q
38 / Marianne / 28 28 septembre au 4 octobre 2018
LA FORTERESSE Tout en réaffirmant la place du MoDem dans la majorité présidentielle, François Bayrou met en garde Emmanuel Macron : « L’Elysée L’Elysée est un lieu clos ! Trop ! » Tellement clos que Bayrou n’a jamais réussi à y entrer. Q
LE TROTTOIR
Selon une étude sur les seniors, 1,4 million de personnes âgées de 53 à 69 ans n’ont perçu ni revenu d’activité ni pension de retraite, soit 11 % des personnes de cette tranche d’âge. Sans doute ne traversent-elles plus une rue. Q
PROBLÈMES HUMAINS Un ministre a confié au Fi ga ro , à propos des difficultés du gou vernement : « Ce qui a fait notre n otre force, force , c’est la cadence infernale de nos réformes. Puis ça s’est ralenti. Maintenant, ça reprend, mais ça se voit moins à cause des problèmes humains rencontrés ces derniers temps. » Il faudrait interdire les problèmes prob lèmes humai humains. ns. Q
28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 39
Quatrième pouvoir PÉTITION
“CHARLIE HEBDO” VEUT DES COQUELICOTS, “MARIANNE” “MARIANN E” AUSSI !
T
outes les cocardes ne concernés. Le tiers des oiseaux sont pas tricolores. Mais a disparu en quinze ans, la moile choix des couleurs nous tié des papillons, en vingt ans. raconte une certaine idée Les pollinisateurs se raréfient. du bien commun. L’automne Et nos campagnes sont des sera rouge, comme les coqueli- espaces standardisés, vidés de cots que notre confrère Fabrice toute biodiversité. « Nous vouNicolino, de Charlie Hebdo, veut lons des coquelicots », proclame vo ir fl eu ri r en co ca rd e su r le s Charlie, sa cocarde rouge en éten Marian ianne ne s’associe aux chemises, les vestes et les pulls. dard, et Mar L’appel des coquelicots est une 194 000 signataires de cet appel pétition pour demander qu’enfin qu’en fin pour que la vie renaisse dans nos l’interdiction des pesticides soit campagnes. Q N.P. discutée avec tous les acteurs https://nousvoulonsdescoquelicots.org
DOCUMENTAIRE
SOUS LES JUPES DE LA BNP
I
l faudra veiller un peu tard jeudi 4 octobr octobre, e, pour pour voir le documentaire de Thomas Lafarge et Xavier Harel consacré à BNP Paribas. Ceux qui le feront pourront regarder une sorte de rescapé. Car ce film de quatrevingts minutes n’aurait jamais dû voir le jour. Vincent Bolloré l’avait condamné en 2015 : apprenant que Canal + devait le produire, il avait fait savoir qu’on ne ferait pas de tort à la banque avec laquelle son groupe Vivendi travaille. Grâces soient donc rendues à France 3 et au service public : sans eux, la censure aurait eu raison de l’information. Car information il y a : outre le rappel instructif de la genèse de la quatrième banque mondiale, Lafarge et Harel ont recueilli au terme d’une enquête de bénédictins des témoignages inédits venus de l’intérieur de 40 / Marianne /
28 septembre au 4 octobre 2018
la citadelle qu’est BNP Paribas. Lorsqu’on sait l’omerta qui règne dans les milieux bancaires, on comprend pourquoi le documentaire est subversif. On en apprendra donc des vertes et des pas mûres sur la filiale suisse et l’utilisation du secret bancaire, sur les négociations à propos de la dette grecque, sur les ambitions démesurées de ses dirigeants, sur leur influence politique mondiale, sur le soutien d’une grande banque à un régime pourtant mis au ban de l’humanité pour terrorisme, etc. Sans jamais être inquiétée sauf par la justice américaine. La raison de cette impunité, Xavier Harel la résume en une formule : « Pour moi, BNP Paribas est l’institution la plus puissante puissant e de France. » Q HERVÉ NATHAN BNP Paribas, dans les eaux troubles de la plus grande banque française, France 3, jeudi 4 octobre à 23 h 35.
LES MOTS DES MÉDIAS PAR HENRI PENA-RUIZ
ISLAMOPHOBIE Littéralement, l’islamophobie l’islamophobie se définit comme la peur irraisonnée de l’islam, assortie de son rejet, mais non comme le rejet des musulmans comme tels. La distinction est fondamentale.
C
’est cette distinction qui trace nettement la frontière entre la liberté de critique et l’attitude raciste. La première vise une conception, la seconde s’en prend à une personne ou à un groupe de personnes, et vaut délit raciste. Objection. « En rejetant l’islam, vous blessez les personnes de confession musulmane. » Réponse. Peut-être, mais nul ne peut exiger le respect de sa conviction. Ce qui est respectable, c’est la liberté d’avoir une conviction, non l’orientation de celle-ci. Par ailleurs, on ne peut confondre l’avoir et l’être. On a une religion, mais on n’est pas sa religion, même si par ferveur on s’identifie à elle. Les athées peuvent-ils exiger le respect de l’athéisme, et traîner en justice les athéophobes ? Montaigne : « Ne confondons pas la peau et la chemise ». Prétendre qu’un être humain ne peut avoir aucune distance à l’égard de sa conviction spirituelle, c’est une forme de condescendance, voire de mépris, qui revient à rendre fatal le fanatisme. Nouvelle objection, par amalgame. On condamne bien la judéophobie, et l’homophobie ! Réponse : oui, et à juste titre. La judéophobie, littéralement, vise les personnes juives comme telles. Elle est donc un racisme. Quant à l’homophobie, elle rejette les personnes homosexuelles comme telles. Il est donc juste d’y voir aussi un délit. Quand Alain Gresh compare l’islamophobie et l’antisémitisme, l’antisémitis me, il met sur le même plan deux notions que ne relèvent pas du même registre. L’antisémitisme est un racisme évident, car il s’en prend au peuple juif comme tel. Si l’on veut à tout prix trouver une notion comparable à l’islamophobie, l’islamophob ie, c’est bien celle de judaïsmophob judaïsmophobie, ie, qui vise la religion adoptée par une partie des juifs, et n’a rien d’un racisme. Il est temps d’en finir avec les confusions de vocabulaire, car elles brouillent la nécessaire clarté du combat contre le racisme. Relisons le regretté Charb, si limpide en la matière, la Lettre ouverte aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes. Q
Dossier spécial
QUAND LA CHINE QUAND CHINE NOUS NO US AVAL ALER ERA A
Le nouv nouvel el empire mondial p. 42
Xi Jinping, l’enfance du chef p. 47
Les routes de la soie à sens uniq u nique ue p. 52
Chine
XI JINPING, ici, à Pékin, le 12 janvier, ne cache plus ses ambitions : supplanter les Etats-Unis. “Il est temps pour nous de prendre la place centrale dans les affaires mondiales et d’apporter une plus grande contribution à l’humanité”, a déclaré le “président de tout”. 42 / Marianne /
LA CHI CHINE, NE, NO EMPIRE MON
28 septembre au 4 octobre 2018
Forte de son rang de deuxième économie du monde, la Chine dévoile de nouvelles ambitions. L’empire du Milieu, guidé par l’omnipotent président Xi Jinping, est bien décidé à devenir la puissance dominante du XXI e siècle. Pour ce faire, le gouvernement fait flèche de tout bois : à l’intérieur, une dictature de plus en plus totalitaire renforcée par l’intelligence artificielle, et, à l’extérieur, une marine puissante, des accords commerciaux avantageux, la redéfinition r edéfinition des règles internationales, des des alliances diplomatiques, la vassalisation de ses voisins, jusqu’aux réseaux d’influences d’influences politiques, culturels, médiatiques. PAR ROMAIN FRANKLIN
P
our Pékin, les dés sont jetés jet és : le XX XXIIe siècle sera chinois. La République populair popu lairee de Chine ne cache en effet plus ses ambitions, à terme, de supplanter les EtatsUnis dans tous les domaines, y compris militaire. Elle affiche sans complexes son intention de diriger le monde et de diffuser son modèle économique, et même social et politique. « Il est temps pour nous de prendre la place centrale dans les affaires mondiales et d’apporter une plus grande contribution à l’ humanité », proclamait », proclamait en octobre dernier Xi Jinping, Jinping, le secrétai secrétaire re général général du Parti communiste chinois, lors du 19e congrès. L’homme fort chinois caresse aussi l’idée de construire une radieuse « communauté de destin pour l’ humanité » grâce à « un nouveau type de système politique » qu’il » qu’il appelle « la solution chinoise ». Pour ». Pour le régime à parti unique, le contrôle politique polit ique et le dévelop développemen pementt écoéconomique priment sur tout, y com priss les dro pri droits its de l’hom l’homme, me, et les lois internationales doivent être récrites en conséquence. Deuxième puissance économique du monde depuis 2012, « la Chine n’est plus une puissance du statu quo, explique quo, explique Willy Lam, auteur, basé à Hongkong, d’une dizaine d’ouvrages d’ouvrages sur ce pays hors
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UVEL DIAL
normes. Elle aspire à dominer, normes. Elle dominer, et à devenir une superpuissance capable d’ imposer sa loi, loi, ses normes, et de changer l’ordre mondial tel qu’il existe ».
Système global A la tête de de l’empir l’empiree de 1,4 milliar milliard d d’hommes, Xi Jinping a depuis cinq ans concentré entre ses mains tant de pouvoir qu’on qu’on le surnomme « le prés pr éside ident nt de to tout ut », et a ré répr primé imé av avec ec une violence rare ses opposants au sein du Parti et la dissidence sous toutes ses formes. « Les cas de prisonniers politiques d’enver gure se comptent par centaines, et note peut-être même par par milliers », », note William Willia m Nee, porteporte-parole parole d’AmAmnesty International à Hongkong. Le régime ne fait pas dans le détail : pour mâter l’irrédentisme l ’irrédentisme des 11 millions d’habitants d’ethnie ouïghoure du Xinjiang, une région grande comme trois fois la France, « il détient arbitrairement jusqu’à un demi-million de personnes dans des “camps de rééducation” qui ne sont pas autre chose ch ose que des de s prisons », souligne Nee. « Il est normal qu’il y ait des rééquilibrages géopolitiques mondiaux, mais là, ce qui m’effraie, c’est quand ceux-là se font en faveur d’un pays qui n’a rien à faire de la notion de liberté », décrypte », décrypte Stein Ringen, i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne /
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Chine DE TRUMP OU DE XI : LE PLUS MÉCHANT, C’EST QUI ?
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ans une guerre réciproques. Pour les médias, l’agressif président américain commerciale, on tire à coups de milliards. Et fait donc figure de gangster Donald Trump adore jouer à ce surgi au milieu d’un couvent drôle de jeu. En début d’année, de clarisses… Donald Trump a le président des Etats-Unis certes des manières de butor, imposait 50 milliards de droits aussi bien à l’intérieur qu’à de douane supplémentaires l’extérieur des Etats-Unis, et sur des produits importés joue un jeu dang dangere ereux. ux. Mai Mais s la la de Chine (et aussi sur l’acier réalité de départ ne lui donne européen). Le 17 septembre, pas forcément tort. Bien plus l’artilleur haussait la mire, protectionniste que les Etatsavec 200 milliards de dollars de Unis, la Chine est réellement taxes. Prêt à ajouter 257 autres un problème pour le reste du monde. Avant les sanctions milliards de taxes douanières si la Chine ne faisait pas profil réciproques, l’empire du bas. Résultat, les produits Milieu pratiquait des droits de chinois visés seraient imposés douane légèrement inférieurs à 100 % lors de leur entrée à 10 % en moyenne, contre sur le territoire américain. des taux jusqu’à quatre fois Chaque salve provoque l’effroi inférieurs pour les Etats-Unis et l’Europe. De plus, les grands sur les marchés. Le président américain menacerait rien groupes occidentaux présents en Chine réalisent à quel point de moins que la croissance mondiale. Déjà un chiffre le marché leur reste fermé. Un rapport de la chambre circule : le PIB des principaux pays serait entamé de 0,5 % de commerce européenne par les mesures de rétorsion en Chine interroge : « Les
professeur de science politique professeur du King’s College de Londres et auteur d’un récent ouvrage (non traduit en français) titré Chine, la dictature parfaite*. « Il faut bien se rendre compte que la Chine populaire est une dictature, souligne avec emphase Ringen, et surtout que ce pays est de surcroît devenu, depuis 2012, sous la direction de Xi Jinpin Jin ping, g, une dic dictatur taturee tot totalit alitair aire. e. Car le pouvoir chinois n’est plus motivé comme naguère par le pragmatisme pragmatisme,, mais par une idéologie idéologie baptisée “le “ le rêve chinois” chinois” et “ la grande renaissance”, qui vise à rendre à la Chine la place qu’elle aurait eue jadis dans le monde. N’ monde. N’importe importe quel expert en science politique peut vous le dire : un Etat qui devient idéologique est intrinsèquement dangereux. » Un avis partagé par l’ex-vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères allemand Sigmar Gabriel, qui n’y est pas all alléé par qua quatr tree che chemin minss dan danss un discours prononcé en février dernier alors qu’il était toujours en fonction. Il accuse Pékin de vouloir « frapper le i
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ce qui concerne les distorsions entreprises étrangères peuvent-elle peuventelless opére opérerr sur sur un avec les entr entrepr eprises ises d’Et d’Etat, at, pied d’é d’égali galité té […] […] ? ? La réponse ou les transferts forcés de est clairement non. » Les technologie », avoue », avoue l’un d’eux. institutions européennes, Du coup, les négociateurs de qui ont longtemps figuré Bruxelles sont entrés dans un au premier rang des « sino jeu de bill billard ard à troi trois s band bandes es béats » sont peu à peu pris dans lequel ils espèrent pouvoir conscience de l’inégalité s’appuyer sur l’offensive des rapports économiques américaine pour obtenir imposés par une Chine de plus de Pékin qu’il accepte une réforme des règles de l’OMC en plus ambitieuse. Dès 2016, la Commission européenne (une proposition formelle a été mise sur la table à Genève) appelait à « réexaminer les princip prin cipes es qui sous sous-ten -tendent dent la nettement plus contraignante relation rela tion entr entre e l’UE et la Chin Chine e ». ». pour la Chine. Le problème, Dans la crise commerciale c’est que les Européens présente, les fonctionnaires n’arrivent pas à savoir si Trump européens ne cachent pas accepterait de s’inscrire dans leur embarras : les règles une telle négociation ou s’il préférerait tout simplement en et pratiques chinoises sont tout aussi pénalisantes pour finir avec le « multilatéralisme », organisé autour de l’OMC ! l’UE que pour les Etats-Unis. « On n’est pas d’accord Pour Bruxelles, une telle perspective ramènerait avec la mani manière ère de fair faire e de de l’adminis l’ad ministrat tration ion Trump rump,, mais mais la planète à ce qu’elle était on partage son diagnostic sur avant 1993. Un sorte bien des poin points, ts, nota notammen mmentt en d’enfer sur terre… Q H.N.
ett chef du Parti et chef des armées, Xi monde entier d’un sceau chinois » e de chercher à « imposer un système s’est par ailleurs fait conférer par global glo balqui est diff différe érent nt du nôt nôtre, re, fo fondé ndé le PC, qu’il dirige, le titre de lingxiu sur le respect des droits de l’ homme (« grand leader ») que seul Mao avait jusqu’alors jusqu’ alors obten obtenu. u. Mais, Mais, s’i s’inqui nquiète ète et des libertés individuelles ». Stein Ringen, « si sous Mao l’idéolol’i déoloExpansionnisme gie étai étaitt la rév révolu olution, tion, av avec ec Xi Jin Jinpin ping, g, Autr Au tree sym symptô ptôme me du tou tourna rnant nt ult ultra ra-- c’est le nationalisme ». autoritaire que Xi Jinping impose à La Chine autoritaire ne cesse la Chine, il a fait voter au printemps de moderniser son armée, la plus dernier un amendement constitu- grande au monde. Elle a mis en sertionnel supprimant la limite des vice cette année année un second portedeux mandats de cinq ans impo- avions et en construit un troisième ; sée à tous les présidents chinois elle dispose d’avions de combat depuis les années 80. Ce coup de furtifs et de flottes de sous-marins force constitutionnel lui permet et de destroyers qui ne cessent de de devenir leader à vie – comme grandir. Son budget militaire atteil’était Mao Tsé-toung. Tsé-toung. Chef de l’Etat, gnait en 2016 les 215 milliards de dollars, selon l’Institut interna“N’IMPORTE QUEL EXPERT tional de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), soit plus de cinq EN SCIENCE POLITIQUE fois celui de l’Inde ou celui du Japon. à ses hackers, la Chine s’est PEUT VOUS LE DIRE : Grâce au fil du temps emparée de nomUN ÉTAT QUI DEVIENT breux secrets militaires militaires : les plans du chasseur F-35, ceux du système IDÉOLOGIQUE IDÉOLOGIQ UE EST de missiles Patriot PAC-3, ceux du DANGEREUX.” STEIN RINGER système antimissiles aad, selon
d’un ouvrage sur la stratégie maritime chinoise, il s’agit agit de « la plus grandee anne grand annexion xion terri territoria toriale le en Asie depuis la conquête impériale japonaise des années 30-40 ».
Opérations d’influence
le Pentagone. L’inculpation en mai dernier à Paris de deux agents de la DGSE retournés par Pékin montre que la France est également ciblée. L’empire en marche avance ses pions sur l’échiquier mondial. Alors que la Chine Chine jurait il y a peu peu de temps encore qu’elle n’établirait jamais de bases bas es militaires mili taires outreou tremer, plusieurs milliers de soldats de l’armée armée populaire de libération se sont installés l’an l’an dernier à Djibouti, D jibouti, dans une base flambant neuve. L’expansionnisme semble, lui aussi, être en mouvement. En dépit du fait qu’un tribunal international a rejeté en 2016 ses revendications territoriales prétendument « historiques » sur 90 % de la mer de Chine du Sud, Pékin a, en l’espace de quelques années, transformé plusieurs récifs de cette immense zone en polders sur lesquels elle a construit des bases navales ultramodernes équipées de missiles et de pistes d’atterrissage pouvan pou vantt acc accueil ueillir lir des bom bombar bardie diers rs – au grand dam des Philippines, du Vietnam Vietna m et de la Malaisie. Grâce à
JEU DE BILLARD À TROIS BANDES Les négociateurs de Bruxelles espèrent pouvoir s’appuyer sur l’offensive américaine pour obtenir de Pékin qu’il accepte une réforme des règles de l’OMC, plus contraignante pour la Chine. Ci-dessus, Donald Trump et Xi Jinping, à Pékin, le 9 novembre 2017.
« Dans cette région du globe, la Chine est en train de construire son hégémonie. Il ne s’agit pas de soulever des peur pe urs, s, mai maiss de re rega garde rderr la réa réalit lité. é. […] Si nous ne nous organisons pas, ce sera tout de même bientôt une hégémonie qui réduira nos libertés et nos opportunités, opportunité s, et que nous subirons », assurait Emmanuel Macron en mai dernier à Nouméa. Mais rares sont les dirigeants en fonction qui osent s’exprimer publiquement sur ces sujets qui fâchent, car, raisonnentils, mieux vaut courtiser qu’affronter une Chine dotée de forts moyens de pression économiques, et d’un nouvel empereur qui sait se montrer vindi vin dica catif tif.. Ai Ains nsii la No Norvè rvège ge,, « pu puni niee » des années durant par Pékin après P P P x que le prix Nobel a été attribué au a M / phil philosop osophe he diss dissiden identt Liu Xiao Xiaobo bo en o d o préféréé dernièrement y 2010, a-t-elle préfér K s’engager en catimini à ne plus s’exces bases, la République populaire pri primer mer sur la ques question tion des dro droits its de a désormais les moyens d’imposer l’homme en Chine, afin de recouvrer sa loi sur une zone par laquelle tran- le privilège de commercer à nouveau site une bonne moitié du commerce avec l’empire du Milieu. international. La Chine sait aussi, au travers Dans sa stratégie du fait accom- d’opérations d’influence bien pli,, Xi Ji pli Jinpi nping ng n’a pas cr crain aintt d’u d’user ser du ciblées, peser sur la politique mensonge : celui-ci déclarait en effet extérieure, et même intérieure, clairement, lors d’une conférence de nombreux pays. En Afrique, où de presse à la Maison-Blanche en elle investit à coups de dizaines de 2015, avec Obama à ses côtés, que milliards, Pékin est notamment la Chine n’avait « pas l’intention » soupçonné d’avoir trempé dans de militariser la mer de Chine du le coup d’Etat contre c ontre le président Sud. Cachant bien son jeu depuis Mugabe en novembre dernier. Selon le début, Pékin avait commencé une enquête du Monde publiée en par faire faire savoir que que les récifs de de la jan janvier vier dern dernier ier,, Pé Pékin kin aur aurait ait mis sur mer de Chine du Sud étaient ter- écoute le nouveau siège de l’Unité ritoire chinois, ce qui est contraire africaine (UA) à Addis-Abeba – un à toutes les lois maritimes. Puis la bâtiment qu’il a « offert en cadeau » Chine a décrété que les eaux qui les aux Africains. Mais c’est le cas aussi entouraient entouraie nt constituaient des zones dans les anciennes démocraties. économiques exclusives chinoises. L’Australie a découvert méduEnfin, elle a édicté que ces zones sée l’an l’an dernier, dans le livre saiéconomiques exclusives étaient la sissant de Clive Hamilton intitulé même chose que des eaux territo- l’Invasion silencieuse. Comment la riales, et justifié ainsi d’en chasser Chine transforme l’Australie en Etat tout navire passant par celles-ci. marionnette, qu’une quarantaine de Pour l’expert Howard French, auteur ses hommes politiques seraient à i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 45
Chine
P F A / i r u o f s A s a l o c i N
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des degrés divers sous influence chinoise. Parmi ceux-là, selon Hamilton, figurent deux anciens Premiers ministres. Ces révélations font suite à la démission fracassante fracassante d’un sénateur travaillis travailliste te australien, Sam Dastyari, après que des enquêtes eurent établi qu’il touchait des pots-de-vin d’un milliardaire chinois résidant en Australie soupçonné d’être un agent du PC chinois. La Nouvelle-Zélande Nouvelle-Zélande a, de son côté, découvert que l’un de ses députés d’origine chinoise, mais naturalisé depuis de nombreuses années, avait travaillé naguère pour les services secrets chinois. Ses prises de position étaient singulièrement toujours pro-P pro -Péki ékin… n… Ann Anne-M e-Marie arie Br Brady ady,, une universitaire qui a établi dans un rapport publié en 2017 (« L’arme magique : les activités d’influence d’influence chinoise sous Xi Jinping ») que le gouvernement néo-zélandais avait été infiltré par la Chine à un degré jusqu’ jusq u’alors alors inso insoupçon upçonné, né, estim estimee que ces méthodes font partie d’une « stratégie globale ». Il s’agit entre autre de courtiser les politiciens influents afin qu’ils deviennent des lobbyistes à son service. Rôle que, en France, remplit depuis des années l’ancien Premier ministre JeanPierre Raffarin, dont la Fondation Prospective et innovation répercute, parfois mot pour mot, l’argumenargumentaire de Pékin. « La grande promesse du leadership à la chinoise, c’ c’est est l’équilibre, l’harmonie, c’est-à-dire i
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de chemin de fer ou de barrages, parmi par mi ceux ceux-là -là le Nép Népal, al, la Bir Birman manie, ie, la Malaisie, le Laos, le Pakistan. Ces projets font partie d’une offensive commerciale et politique que Pékin a baptisée « nouvelles routes de la soie ». Présenté comme une sorte de plan Marshall mastodonte (c’est (c’est plus de sept fois le plan Marshall en dollars constants) par Pékin, il ambitionne de financer et de bâtir des infrastructures dans 68 pays eurasiatiques. La Grèce, où le port du Pirée est depuis 2016 passé sous pavillon chinois, est la « tête de dragon » occidentale de ce projet pharaonique, ainsi que la Hongrie. Le but stratégique de la Chine est de traduire le poids économique qu’il jouera dans ces COUP DE FORCE CONSTITUTIONNEL pa pays ys en pou pouvoi voirr pol polit itiqu ique. e. On a pu le Le chef de l’Etat, chef constater en 2016, lorsque Athènes du Parti et chef des armées Xi Jinping a fait et Budapest ont mis leur veto à une résolution de l’UE épinglant l’expanvoter un amendement supprimantt la limite suppriman sionnisme chinois en mer de Chine des deux mandats du Sud. L’année dernière, la Grèce de cinq ans imposée a empêché l’UE de condamner les à tous les présidents violati viol ations ons des dro droits its de l’hom l’homme me en chinois depuis les Chine, et a bloqué l’ l ’adoption adoption d’une années 80. Il s’est s’est fait, par ailleurs, mesure qui aurait permis un examen conférer par le PCC le pl plus us ap appr prof ofon ondi di des in inves vestis tisse semen ments ts titre de lingxiu (“grand (“grand chinois en Europe. Un séisme diploleader”) que seul matique pour les Vingt-Huit. Mao avait jusqu’alors Il s’agirait pour Pékin de diviser obtenu. Ci-dessus, le 19e Congrès l’Europe afin de mieux l’influencer. du Parti communiste Autre cheval de Troie chinois chinoi s : le le chinois, à Pékin, forum 16+1 instauré par Pékin en le 24 octobre 2017. 2012. Sorte de recréation du bloc de l’Est qui existait du temps de l’URSS, celui-ci regroupe 11 pays de l’UE et, intentionnellement, cinq pays euro péens qui n’e n’en n font pas partie. partie. « Si l’UE ne parvient pas à adopter une stratégie commune face à la Chine, la Chine parviendra à diviser l’Europe », mettait en garde dernièrement l’ex-haut responsable allemand Sigmar Gabriel. « Le projet des “nouvelles routes de la soie” n’est pas – comme certains Allemands le croient – un gentillet clin d’œil sentimental à Marco Polo, estime-t-il. C’est plutôt une un e tentative tenta tive d’ d ’ imposer un un système alternatif au système occidental, visant à façonner le monde selon les intérêts chinois. » Q R.F.
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pour nous, la paix pai x », lit-on sous la plume plu me de Raff Raffari arin n su surr le sit sitee de cet cette te fondation dans un « compte rendu du 19e congrès du PC chinois ».
Diviser l’Europe En dépit de son passé de victime du jeu des empires, Chine n’hésite plus à user de tactiques ta ctiques néocolonéo coloniales, notamment dans son aide au développement. Ainsi le Sri Lanka s’est-il laissé convaincre de faire construire par des entre pr i se s ch in oi se s un im m en se port moderne mod erne à Hambantota Hambantota,, au prix d’un empru emprunt nt consid c onsidérabl érablee qu’il s’est retrouvé incapable de rembourser.. Colombo a alors dû rembourser se résoudre à céder ce port pour quatre-vingt-dix-neuf ans à une entité contrôlée par la Chine. Un retour des choses paradoxal pour la Chine qui a toujours dénoncé le bail de quatre-vingt-dix-neuf ans obtenu en 1898 par l’Empire l’ Empire britannique pour la colonie de Hongkong comme un « traité inégal » et une « humiliation nationale ». Même si le port de Hamba Hambantota ntota ne tombe pas dans l’escarcelle chinoise avec un droit d’extraterritorialité, comme l’avait obtenu jadis la GrandeBretagne, le parallèle reste néanmoins frappant. La crainte de se voir,, tel le Sri Lanka, asservi par voir par la dette chinoise a d’ailleurs, ces derniers mois, conduit de nombreux n ombreux pays à revoir revoir des proje projets ts chino chinois is de construction de routes, ports, voies
* The Perfect Dictatorship, China In The 21 st Century, Hong Century, Hong Kong University Press, 2016.
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PRINCE DÉCH PRINCE DÉCHU U, EMPEREUR TO T OUT DE MÊ MÊM ME
Xi Jinping, fils d’un haut cadre du PC, a subi dans sa jeunesse les soubresauts du maoïsme et de la Révolution culturelle, avant de monter les échelons du Parti, jusqu’à évincer tous ses adversaires et devenir l’égal de Mao. Portrait. PAR ROMAIN FRANKLIN
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e leader chinois le plus mis au sein du Parti. Les écoles et LES HONNEURS pui ssa ssant nt de depui pui s Mao universités ferment. L’éducation du ET LA HONTE n’a pas eu une enfance jeune Xi, qui a 13 ans, s’i s’interro nterrompt. mpt. Le jeune Xi (en haut, à g., à 5 ans) facile. Xi Jinping, dont a grandi au sein le prénom signifie litté- Cible des gardes rouges de l’aristocratie ralement « La paix est Les écoliers dénoncent, humilient rouge jusqu’au son père Xi pro che », vo voit it le jou jourr et parfois tuent leurs enseignants jour où son Zhongxun est accusé en 1953, quatre ans après la prise accusés d’entretenir des idées d’être un “élément de Pékin par l’armée l’armée communiste. communi ste. « bourgeoises ». Les « catégories anti-Parti”. Frappé Son père, Xi Zhongxun, un fidèle de noires » dont fait partie son père, et par la déchéance Mao, occupe alors le poste de chef lui-même « fils de catégorie noire », paternelle, il est placé du département de la propagande sont la cible des miliciens maoïstes dans un village du Shaanxi (ci-dessous, du Parti communiste. Il loge dans fanatiques, les gardes rouges. Les en 1973, Xi Jinping les anciens palais impériaux inves- élèves de son école réservée à est le 2 e, à g.). tis par les troupes victorieuses. l’élite sont accusés de trahir Mao, Le jeune Xi jouit des privilèges de en défendant leurs parents et leurs l’aristocratie rouge et se fait promener par papa dans sa voiture de fonction avec chauffeur. chauffeur. Mais celui-ci veille aussi à endurcir son fils, en lui faisant prendre des bains d’eau froide. Précaution prémonitoire, car, lorsqu’il lorsqu’il a 9 ans, l’enfant est sérieusement mis à l’épreuve. Papa tombe en disgrâce pour avoir imprudemment protesté contre la purge d’un de ses amis, amis, et devient un « élément anti-Parti ». Il est expédié en province pour travailler dans une usine d e tracteurs. L’infamie rejaillit sur ses quatre enfants, car, dans la Chine d’alors, les f létrissur létrissures es s’héritent. C’est pour toute toute la famille le début début d’un P P P x long calvaire qui culmine en 1966, a M / lorsque Mao lance la Révo lution a u h i culturelle, pour évincer ses enne- n X
privilèges . Xi Jinping est capturé. privilèges. c apturé. « Les gardes rouges m’ m’ont ont demandé d’estimer la gravité de mes crimes. Je leur ai répondu ré pondu : “Qu’est-ce “Qu’est-c e que vous en pensez… Vous croyez que je mér m érite ite l’e xéc xécut ution ion ?” Il Ilss m’ont m’on t dit que je méritais d’ être exécuté cent fois… Là, je me suis dit qu’il n’y avait pas grande différence entre être exécuté une fois ou cent foi s, s, a a raconté Xi en 2000, dans une rare interview accordée à un magazine local. Ap local. Aprè rèss ç a , je je m e suis mis à psalmodier les citations de Mao tous les jours et jusqu’à tard le soir. » A » A Pékin, au cours i
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Chine des deux premiers mois de l a Révolution culturelle, au moins 1 800 personnes sont exécutées, leurs cadavres souvent laissés à l’abandon abandon en pleine rue. Xi Heping, une sœur aînée du jeune Xi, ne peut pe ut end endure urerr le less out outrag rages es : el elle le se suicide. Le père de Xi, lui, est périodiquem pério diquement ent exhibé ex hibé face aux foules dans un camion, tête baissée, un écriteau accroché au cou. Bien qu’adolescent, adolescent, Xi Jinping est lui-même exposé à la foule sur une estrade en compagnie de cinq « catégories noires ». Il doit tenir à deux mains un chapeau pointu en fer-blanc dont on l’a affublé. Lorsque la foule scande « A bas Xi Jinping Jinp ing ! », sa s a propre mère, Qi Xin, au pied pi ed de la tribune, tri bune, n’a pas d’autre choix que de reprendre le slogan à l’unisson et de lever le poing comme tout le monde. Pour l’adolescent, la blessure de la Révolution culturelle est profonde. « Il se jure alors de ne jamais être humilié comme son père l’a été, et de devenir un jour le plus fort », analyse l’écrivain Yu Jie, auteur de deux biographies de Xi. i
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CLASSÉ EN “CATÉGORIE “CATÉGORIE NOIRE” PAR LE POUVOIR, POUVOIR, LE PÈRE DE XI JINPING EST PÉRIODIQUEMENT EXHIBÉ FACE AUX FOULES, TÊTE BAISSÉE, UN ÉCRITEAU ACCROC ACC ROCHÉ HÉ AU COU COU..
ANCIEN APPARATCHIK, Xi Zhongxun, retrouve après la mort de Mao son statut au sein du Parti. Il peut dès lors aider à la carrière de son fils. Ici, en 1983, avec Georges Marchais, alors secrétaire général du PCF.
En janvier 1969, Xi a 15 ans. On l’expédie à la campagne comme des millions d’autres jeunes. On appelle ces citadins bannis les zhi qin qing, g, c’est-à-dire les « jeunes instruits ». Certes, ils n’ont pas achevé l’école secondaire, mais contrairement contraire ment aux ruraux r uraux avec qui ils devront cohabiter, eux savent au moins lire et écrire. Il est débarqué à Liangjiahe, un village du Shaanxi. Il y passera sept dures années. Il faut vivre dans une maison troglodyte, il n’y a pas assez à manger, la viande est rare, et il faut déféquer dans des fosses si nauséabondes que Xi et les cinq autres garçons bannis avec lui s’amusent amusent à chronochron ométrer lequel d’entre eux ira le plus rapidement aux latrines (on trouve cette anecdote singulière dans une biographie officielle de Xi publiée par l’école du Parti). Ils couchent sur le même kang, le lit de briques chauffé par en dessous, infesté de poux. Ils ne peuvent se débarrasd ébarrasser que momentanément de la vermine, en se mettant m ettant nus, puis en faisant bouillir collectivement tous les vêtements et couvertu couvertures. res. Dans des meetings de « critiquelutte », le jeune Xi doit encore et encore dénoncer son père, en lisant tout haut la liste de ses méfaits. Il est lui-même l’instrument de son propre lavage de cerveau. « Même si tu ne comprends pas, on te force à comprendre… Tu deviens vite adulte », se remémore-t-il dans une rare confidence faite à une publication. Au bout de quelques mois, il s’enfuit, rentre à Pékin et se réfugie chez sa mère. Repris, il est envoyé creuser des trous dans un camp de travail, puis c’est le retour à Liangjiahe.
Un ami d’enfance de Pékin, Wang Qishan, Qi shan, se retrouve retr ouve égaleé galement dans un village du Shaanxi. Xi est aut autori orisé sé à se dép déplac lac er, c e qui lui permettent perm ettent d’aller d’aller le voir. Il partage son lit, quelques lectures, et tous les deux échangent beaucoup d’idées. Wang est depuis resté l’homme en qui Xi a le plus confiance. Comme lui, Xi a déjà choisi sa voie : entrer au Parti et grimper. Il postule neuf fois, mais neuf fois on refuse son adhésion à ce fils d’un « élément élém ent anti-Parti ». Ju s q u’a u’au u j o u r o ù l ’ i n d u l ge n t secrétaire du Parti du village le convoque pour lui dire qu’il brûlera la partie de son dangan (le dossier qui suit tous les Chinois) qui pose problème. Cet écart de discipline permet enfin à Xi Xi d’entrer d’entrer dans les ordres de la faucille et du marteau, en 1974… alors même que son père est encore emprisonné sur ordre du même Parti. Renier sa propre famille pour l’l’amour amour du Parti est alors considéré comme l’un des plus hauts signe signess de loya loyauté uté à Mao. Mao. A l’ass assaut aut du Pa Parti rti Dans l’aride Shaanxi à la terre jaune jau ne,, Xi est int erp el ellé lé par un unee initiative originale relatée dans le journal local lo cal : récupérer les l es émanations des excréments permet d’alimenter d’ alimenter des réchauds à gaz. Entrepreneur, le jeune communiste crée sa petite « start-up » en développant des fosses à purin. Et ça marche. En 1975, rares sont les provinciaux qui peuvent entrer à l’université à Pékin. La seule place disponible pour tout le c omté Shaanxi est accordée, section chimie, à celui que l’on surnomme désormais « M. Méthane ». Mao mort, Deng Xiaoping est rap pelé aux aux affaires affaires et, en en 1978, 1978, la plu part des cadr cadres es vict victimes imes des purg purges es idéologiques de la Révolution Rév olution culturelle sont « réhabilités », dont son père, Xi Zhongxun. Zhongxun. Quand Quand il revoit son fils pour la première fois, c’est un choc : il ne le reconnaît pas. Le revenant pistonne son fils qui ser vira trois ans durant de secrétaire secrétaire particulier particu lier à son ancien subal subalterne terne devenu ministre de la Défense. Le
EN 1983, Xi Jinping est nommé secrétaire du Parti pour le comté de Zhengding, dans le Nord-Est de la Chine. Ce premier poste à responsabilités servira de tremplin à sa carrière.
P P P x a M / a u h n i X
jeune Xi épo jeune épouse use la fille de l’ambass ambassaadeur de Chine en Grande-Bretagne, mais ils se querellent et divorcent quand elle lui annonce qu’elle préfère vivre à Londres. Contrairement Contraire ment à ses frères et sœurs cosmopolites, presque tous engagés dans les affaires, Xi Jinping choisit le Parti. Il repart « à la base », comme secrétaire du Parti de Zhengding, un petit comté de la province du Hebei. Travailleur, Travailleur, obéissant, très terre à terre dans ses arbitrages, il grimpe les échelons sans heurt ni coup d’éclat. La concussion qui commence à envahir l’administration le révulse et, contrairement à nombre d’autres d’autres mandarins, il semble qu’il reste intègre. Au point qu’à beaucoup il paraît un peu simplet. Même sa nouvelle femme, Peng Liyuan, chanteuse star de l’armée qu’il épouse en 1987, le taquine sur son air ingénu, en lui donnant du « culterreux » de temps à autre. Lorsque éclate le mouvement prodémocratique prodémoc ratique de d e Tian’anmen anmen en juin 1989, Xi occupe un poste subalterne à la mairie de Fuzhou, villee côtière face à Taïwan. On ne vill ne sait rien de certain sur son attitude d’alors, alors, mais mai s il est probable qu’il s’afaffronte à son père – qui, lui, s’illustre en s’opposant à la répression (sanc-
tionné, il ne pourra plus remettre les pieds à Pékin jusqu’à la fin de ses jours). A l’inverse, peu après le massacre de la nuit du 3 au 4 juin, Xi Jin Jinping ping laisse sa nouv nouvelle elle épouse Peng Liyuan aller chanter avec un orchestre sur la place Tian’anmen en l’honneur des « troupes de la loi martiale » qui y campent.
“SI XI JINPING A ÉTÉ CHOISI [COMME PRÉSIDENT], C’EST PRÉCISÉMENT PARCE QUE SA CARRIÈRE N’A RIEN EU DE REMARQUABLE.” ZHANG LIFAN, HISTORIEN
La corruption a bon dos
très vite regretté leur choix, car Xi Sa carrière, qui le mène du Fujian a foudroyé tous les clans et factions au Zhejiang, puis à Shanghai, et qui l’avaient soutenu ». enfin à Pékin, où il entre dans le La campagne anticorruption premier premi er cercl c erclee du poli politbur tburo, o, est e st qu’il mène sabre au clair dès le sans cahots ni soubresauts. En début de son règne lui permet 2007, il est secrètement désigné d’éliminer d’un coup les fonc pour succéder à Hu Jintao à la la tête tionnaires véreux et ses ennemis du pays à l’échéance de son man- po li liti ti qu ques es . Un mi mill llio io n et de demi mi dat, en 2012. de cadres, 170 ministres et vicePourquoi lui ? Certes, c’est un ministres, 4 000 officiers de l’armée « prince rouge », un fils de la pre- sont purgés. Mao s’était servi de mière génération de révolution- mouvements idéologiques, Xi naires. Mais n’y a-t-il pas autre manie la massue anticorruption. chose ? L’historien Zhang Lifan, Et le grand inquisiteur du Parti qui qui connaît bien les arcanes du dirige la purge, et prépare ainsi le pouvoir rouge, explique e xplique que « les terrain à la concentration de tous clans au sein du Parti ne favorisent les pouvoirs par Xi…, n’est autre pas les personnalités personn alités fortes forte s et pré- que Wang Qishan, son vieux comd’infortune ne du Shaanx Shaanxi.i. Xi Xi fèrent fère nt les le s candid can didats ats ordina ord inaires ires,, a pagnon d’infortu priori plus faciles à contrôler pour le fera vice-président à vie en 2018, les vieux dirigeants. Si Xi Jinping a en même temps qu’il se couronnera été choisi, c’ c’est est précisément parce lui-même président à vie. Xi Jinping confian ce qu’à son réseau, et que sa carrière n’a rien eu de remar- ne fait confiance quable… Mais ses supporteurs ont il vise le plus haut des destins. Q R.F. 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 49
Chine
BIG BROTHER AU A U XINJIANG Dans les territoires de l’Ouest, le Parti communiste expérimente la surveillance à grande échelle des populations ouïghoures et kazakhes, en rébellion. r ébellion. Mais le système de “crédit social” à base numérique est destiné à s’étendre à toute la Chine. PAR ROMAIN FRANKLIN
A
u Xinjiang, vaste région du nordouest de la Chine grande comme trois fois la France, le Parti communiste chinois a commencé à tester en grandeur nature, peu après l’arrivée au pou voirr de Xi Jin voi Jinpin pingg (20 (2012) 12),, un sys systèm tèmee répressif tout droit sorti d’un film de science-fiction. Il est constitué d’un maillage très dense de caméras de surveillance à reconnaissance faciale allié à des logiciels perfectionnés de fichage électronique et de notation des citoyens. Ce programme progr amme orwellien de contrôle contrôle de la population doit être étendu à l’ensemble du pays d’ici à 2020 sous le nom anodin de « crédit social ». Mais le « laboratoire » du Xinjian Xinj ian g expé e xpérim riment entee auss aussii des méthodes répressives autrement plus fér féroces. oces. A part partir ir de 2015 2015,, Pék Pékin in y a constru construit it à grande g rande vitesse v itesse un réseau de centaines de « camps de rééducation » où environ 1 million de personnes – tous membres des « minorités ethniques » ouïghoures et kazakhes – seraient désormais détenues dans le plus grand secret. L’org ’organisation anisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) a publié ce mois-ci un rap port détaillé détail lé sur ce nouveau goulag, parlant de « violations d’une ampleur et à une échelle jamais connue depuis la Révolution culturellee (1966-1976) rell (1966-1976) ». Le ». Le gouvernement 50 / Marianne /
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CAMP DE PRISONNIERS, dans le Xinjiang, en 2017. Consulter un site Internet non chinois ou recevoir un coup de téléphone de l’étranger peut vous envoyer dans un de ces lieux de détention qui, officiellement, ne seraient que d’anodins “centres de formation professionnelle” ou des “centres de transformation par l’éducation”.
chinois a été rappelé à l’ordre sur cette question aux Nations unies, par le Com ité sur l’l’éli élimin min ati ation on de la discrimination raciale, qui a demandé à ce que soient relâchés tous ces prisonniers arrêtés arbitrairement. traire ment. Michelle Bachelet, la chinois et populations locales en préside pré sidente nte du Cons Conseil eil des droi droits ts de 2009, heurts et attentats ont fait des l’homme de l’ONU, l ’ONU, a plaidé (en vain) vain) deux côtés des centaines de morts. pour que la Chine laisse entre entrerr des des En 2013, une famille ouïghoure fait observateurs à la suite de ces « allé- exploser sa voiture sous le célèbre gations gatio ns pro profon fondémen démentt troub troublantes lantes ». portrait portrait de Mao, place Tian Tian’’anmen, anmen, Aux Etats-Unis, Etats- Unis, des membres du à Pékin. C’est, semble-t-il, depuis Congrès ont demandé des sanc- lors que le gouvernement a décidé tions contre Pékin. En raison du d’assimiler de gré ou de force ces poids économiq économique ue que repr représente ésente pop populat ulation ionss loca locales. les. Ces cam camps, ps, qui la Chine, hormis Washington, rares ne sont « rien d’autre que des prisont les autres capitales qui ont osé sons », selon », selon Amnesty International, s’élever contre ce tournant totali- fonctionnent en dehors du système taire pourtant assez inouï. judici jud iciair aire. e. Con Consu sulte lterr un si site te In Inter ternet net non chinois, recevoir un coup de téléphone de l’étranger, même Lavage de cerveau Musulmans pour la plupart, et par- d’un membre de sa famille en exil, lant une langue proche du turc, ces peut vous en envoye voyerr dans ces lieu lieuxx de « minorités ethniques » visées par détention pourvus de miradors et les autorités communistes repré- de barbelés. On y trouve hommes, sentent 11 millions de personnes, femmes, de tous âges. Les enfants soit environ la moitié des habitants des captifs, eux, sont répartis dans du Xinjiang. Chez ces populations des orphelinats spéciaux – que autochtones, la volonté d’indé- Pékin fait aussi construire à tour pendanc pend ancee est e st resté r estéee vivac v ivace. e. Ell Ellee de bras. Dans certaines contrées a poussé des groupes de jeunes à du Xinjiang, près de la moitié de la épouser des thèses islamistes et à pop popula ulatio tion n se re retr trou ouve ve dan danss ces un unii perpétrer perpétr er des attent attentats ats contre contre des des tés de lavage de cerveau où on force représentants de l’autorité chinoise les détenus à apprendre le chinois, et contre les colons han (Chinois à renoncer à leur langue, à renier « de souche ») qui s’installent s’installent en leur religion, à remercier le Parti masse au Xinjiang depuis deux communiste avant chaque repas et décennies. Après de violents affron- à scander : « Je ne crois pas en Dieu, tements survenus entre colons je crois dans le Parti communiste !
eux, passent généralement sans être contrôlés. Les autorités ont imposé à la population que chaque mobile soit équipé d’un logiciel appelé Jingwa Jin gwa ng (« Int ern et pro propre pre ») automatisant les vérifications et permet per mettan tantt de tél téléch échar arge gerr en moi moins ns d’une minute tout le contenu de vos données. La police peut aussi vérifier vér ifier si l’ir l’iris is de votr votree œil, ou votr votree ADN,, cor ADN corre respo spond nd à l’éc l’échan hantill tillon on qui est dans sa base de données. t a h C e W e c i t s u j g n a i j n i X f o t n e m e t r a p e d c i l b u P
Xi Jinp Jinping ing est grand ! Je mérite d’ d’être être puni pour ne pas comprendre que seuls Xi Jinping et le Parti peuvent m’aider ! » Ces prisonniers sont enfermés pour des durées indéterminées. Les rétifs sont privés de nourriture, entassés dans des cachots de 4 m2, voire torturés. Un nombre indéterminé d’entre eux seraient morts en captivité. Des universitaires européens qui se sont penchés sur les appels d’offres d’offres publics aux entrepr entrepreneurs eneurs publiés par les le s autorités autori tés du Xinjian Xinjiangg ont pu, par ce biais, dresser une carte précise de ce goulag ethnique. ethniqu e. Ils ont aussi noté une hausse inhabituelle et inquiétante de la demande des mairies pour la construction de « centres de crémation funéraires ». « Les gardes nous ont dit que les Ouïghours et les Kazakhs sont les ennemis de la Chine, qu’ils voulaient nous faire souffrir et n ous tuer, et qu’on qu’ on n’y pouvait rien ri en », a raconté un ancien captif à HRW. Devant le Comité sur l’élimination de la discrimination raciale, des représentants de Pékin ont nié l’existence de ces « camps de rééducation ». Officiellement, ces lieux de détention seraient d’anodins « centres de formation professionnelle » ou des « centres de transformation
LE NOMBRE DE POINTS DONT VOUS ÊTES CRÉDITÉ PERMET DE DÉTERMINER SI VOUS ÊTES UNE “PERSONNE DE CONFIANCE” OU BIEN “SUSPECTE”. par l’éducation »… Presque aussi peu enviable env iable,, la vie en dehors deho rs de ces camps au Xinjiang est organisée par une forme de loi martia martiale le technologique. Les rues des villes et des villages villag es sont bar bardées dées de gra grappes ppes de caméras couvrant systématiquement tous les angles. Sans oublier les trottoirs que des portails de surveillance chevauchent parfois juste au-dessus au-dessus de la tête des des passants. Dans la plupart des agglomérations, de petits postes de police sont disposés tous les 100 m. Leurs agents, assistés par des miliciens armés de gourdin clouté, peuvent à volonté vous fouiller, contrôler contrôler votre identité et vérifier sur votre téléphone portable que vous n’avez pas con consu sulté lté des sit sites es int interd erdits its,, reç reçu u des coups de fil de l’étranger, l ’étranger, ou des messages suspects. Vous n’y échap pez pas pa s si vous v ous êtes êt es ouïghour ouï ghour ou kazakh ; les Chinois « de souche »,
Sanctions sans jugement Ces prélèvements sont obligatoires. Ils se font généralement dans un commissariat, où sont également saisies quelques-unes de vos expressions faciales afin que les caméras automatiques en réseau reconnaissent plus facilement votre visage. Cette dernière formalité est effectuée dans un studio spécial face à plus pl usieu ieurs rs enr enreg egis istr treu eurs rs per perfe fecti ction onnés nés de haute définition, elle peut prendre jusqu’à trente minutes, expliquait le mois dernier à Radio Free Asia un Chinois d’ethnie kazakhe réfugié au Kazakhstan. De plus en plus fréquemment, la voix est aussi enregistrée, afin que les logiciels d’écoute téléphonique puissent l’identifier facilement. Le « police cloud » à même d’analyser d’analyser toutes l es données vous concernant dévoile bien sûr votre ethnie, votre statut social, votree « ni votr niveau veau cul cultur turel el », si vous ave avezz des parents à l’étranger, si vous être membre du Parti communiste, si vous parle parlezz chinois chinois… … Le nombr nombree de de points poin ts dont dont vous êtes crédité crédité par le Big Brother policier, policier, qui accumule ce type d’informations et bien d’autres d’autres éléments connus des autorités seules, permet de déterminer si vous êtes une « personne de confiance » o ou u bien « suspecte ». La seconde catégorie de sujets a toutes les chances de se voir imposer des caméras de surveillance à leur porte d’entrée, voire dans dan s leur salon, s alon, afin a fin que les autorités vérifient qui vous fréquentez. Au moindre doute, vous pouvez être envoyé, sans passer devant le moindre juge, dans un « camp de rééducation » pour une durée indéfinie. Bienvenue dans l’Etat policier aux « caractéristiques chinoises ». Q 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 51
Chine
CES ALLÉCHANTES RO DE LA SOIE À SENS UN Avec ses projets pharaoniques, pharaoniques, Pékin enflamme les imaginations. Mais l’immense chantier d’infrastructures creuse les dettes des Etats, et prépare la domination d’un nouvel ordre mondial aux caractéristiques chinoises. PAR HERVÉ NATHAN
L
e nouveau « fils du ciel », son récit, le Devisement du monde mondiale, derrière les Etats-Unis, lointain successeur des (connu aussi sous le titre le Livre et son marché en pleine expansion. empereurs de Chine, a le des merveilles ) a nourri tous les fan- “TOUTES David Baverez, investisseur installé LES ROUTES sens de la formule. Car il tasmes des commerçants en mal de à Hongkong depuis 2011, vante ainsi D’EURASIE ne fait aucun doute que richesses exotiques. le projet « Great Bay Area », dans la mèneront Xi Jinpi Jinping, ng, en en lançant lançant le Le « concept » rhabillé de neuf par probablement à région du Guangdong : « un ensemble terme « nouvelles routes les dirigeants chinois a beau changer Pékin”, analysent de 80 millions d’habitats au PNB se de la soie », a eu en 2013 un véritable fréquemment d’appellation (« One les armateurs rapprochant de la France et que le de la compagnie coup de génie marketing. Quoi de Belt One Road » – OBOR – en 2016, gouvernem gouve rnement ent chi chinois noisa déc décidé idé d’érifrançaise CMA-CGM. e plus pl us évo évoca cateu teurr po pour ur les no nonn-Ch Chin inois ois,, puis « Belt Be lt and a nd Road R oad Initia Initiative tive » Ci-dessous, Liu ger en Cali Califor fornie nie du XXI siècle ». Qui et en particulier les Occidentaux, que – BRI – en 2017, ou encore « Corridor Yunshan, membre au aurait envie de passer à côté d’un tel de ranimer le souvenir, enfoui depuis économique sino-pakistanais » comité permanent eldorado ? Pas les armateurs de la la Renaissance, du long chemin – CPEC –, etc.), il garde son pouvoir du Bureau politique compagnie française CMA-CGM, du Parti communiste e suivi par Marco Polo au XIII siècle, hypnotique. Car au bout de la route, chinois, en visite sur qui inaugurait en grande pompe de Venise jusqu’à Pékin, en passant il y a la Chine, son milliard et demi le port du Pirée, le porte-conteneurs géant Saint par le désert de Gobi. Depuis lors, lors, d’habitants, sa deuxième économie le 4 octobre 2016. le 6 septembre. A quoi ser Exupéry le
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RUSSIE
UTES IQUE vira l’éno vira l’énorme rme pla plate-fo te-forme rme flot flottante tante longue de 400 m et large de 59 m, si ce n’est relier la Chine à l’Europe et à l’Amérique Amérique ? Le groupe français, qui en est partenaire, fait la promotion du projet de nouvelle route : « Il est onze fois plus important que le plan Marshall mis en place par les EtatsUnis à la fin de d e la Seconde Guerre mondiale. A terme, toutes les routes d’Eurasie mèneront probablement à Pékin », s’enthousiasme le groupe français. Participant au baptême aux côtés d’Elisabeth Borne, Bruno Le Maire ne se fait guère d’illusions : « C’est bon pour le commerce et l’activité économique », concède le ministre de l’Economie français. Mais d’ajouter : « L’Europe L’Europe est prise pri se en étau entre les Etats-Unis qui veulent mener une politique commerciale agressive, et la Chine qui ne dissimule plus ses ambitions planétaires à travers la nouvelle route de la soie […], elle n’a pas vocation à être broyée entre les deux. » Les nouvelles routes de la soie sont pour l’heure l’ heure davantage davantage une promesse qu’une réalité. Selon S elon le plan mis au poin pointt par par Pék Pékin, in, les différentes routes dont la carte (voir ci-dessus) semble dessiner une immense pieuvre enserrant l’Asie, l’Europe et l’Afrique, Afrique, mettront trente ans à se construire, afin de s’ache ver en 2049, 2049, pour le centenaire de la République populaire chinoise. Pour réaliser son rêve d’un « collier de perles » de ports, d’aéroports, de routes, de voies navigables, de lignes aériennes, d’entrepôts de stockage, la
Saint-Pétersbourg Moscou
Minsk Rotterdam Berlin Paris
ALL. Prague Venise
FRANCE
ITALIE
GR.
Athènes
Istanbul Ankara
MONGOLIE KAZAKHSTAN Urumqi Pékin Almaty Tachkent Bichkek Lanzhou Samarcande Douchanbé Xi’an Xi’a n
TURQUIE
CHINE
Téhéran
Fuzhou Guangzhou Zhanjiang
IRAN Le Caire
ÉGYPTE
ARABIE SAOUDITE
INDE Calcutta
SRI LANKA
Djibouti
DJIBOUTI
BIRM.
Hanoi Sittwe
VIETNAM
Colombo
MALAISIE
Kuala Lumpur Singapour
KENYA Mombasa
TANZANIE
Jakarta
Dar es-Salam Océan Atlantique
Mer de Chine
INDONÉSIE Océan Indien
1 000 km
Route de la soie terrestre
direction chinoise est prête à mettre le paquet qui lui permettrait de relier 70 % de la population mondiale, 75 % des ressources énergétiques et 55 % du PIB mondial*, soit un investissement compris entre 5 000 et 8 000 milliards de dollars dans les cinq proch pr ochai aines nes an année nées. s. L’additi addition on to tota tale, le, en fin de travaux, pourrait atteindre, voire dépasser dépasser le montant vertigineux d’1 trillion de dollars, 1 milliard de milliards de dollars… Endettement croissant
Ne pas se tromper : la Chine va surtout prêter de l’argent l’argent à d’ d ’autres autres pays pour po ur qu’ils investi investissent. ssent. Du coup, Christine Lagarde tirait la sonnette d’alarme en avril : les partenariats juteux proposés par Pékin, expliquait la directrice générale du FMI, « peuvent conduire à un accroissement problématique
“L’EUROPE “L ’EUROPE EST PRISE EN ÉTAU ÉTAU ENTRE LES ÉTA ÉTATS-UNIS ET ET LA CHINE, ELLE ELLE N’A PAS PAS VOCATION VOCATION À ÊTRE ÊTRE BROYÉE BROYÉE ENTRE LES DEUX.” BRUNO LE MAIRE
AUSTRALIE
Route de la soie maritime
de l’endettement, limitant les autres dépenses quand les frais liés à l a dette augmentent […] […] Ce n’est pas un repas gratuit ». Huit pays seraient menacés par p ar l’accumulation l’accumulation des dettes : Mongolie, Laos, Maldiv Maldives, es, Monténégro, Pakistan, Djibouti, Tadjikistan et Kirghizistan… Qu’importe. L’essentiel est de négocier avec des gouvernements affaiblis la possibilité pour des grandes compagnies chinoises, généralement appuyées sur des entreprises d’Etat, d’investir. Le cas le plus évident concerne la Grèce, dont le gouvernement, asphyxié par le plan de désendettement léonin imposé par l’Union européenne, avait accepté de céder le droit d’ex ploit pl oiter er le por portt à con conten teneu eurs rs du Pir Pirée, ée, devenu pompe aspirante des produits chinois pour toute l’Europe du Sud, et pas forcément les meilleurs. Un haut fonctionnaire de la Commission européenne confie : « On a dû envoyer l’Olaf [organisme de contrôle de la Commission] en inspection, car on estime que c’est là que débarquent les produits non conformes aux normes, qui ne i
UNE IMMENSE PIEUVRE, selon le plan mis au point par Pékin, enserrera l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Elle lui permettra de relier 70 % de la population mondiale, 75 % des ressources énergétiques et 55 % du PIB mondial. Cette stratégie du “collier de perles” de ports, d’aéroports, de routes, de voies navigables, de lignes aériennes, d’entrepôts de stockage devrait être effective dans trente ans, afin de s’achever en 2049, pour le centenaire de la République populaire chinoise.
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Chine de 11 000 km », selon un récent rap port sénatoria sénatorial*. l*. Pour Pour les produits produits chinois, la course contre la montre est vitale pour les est vitale, puisqu’un mouvement de produits chinois. relocalisation des productions en Un mouvement de relocalisation Europe a commencé, pariant sur le des productions raccourcissementt de la chaîne de raccourcissemen en Europe a été product pro duction, ion, et la soup soupless lessee pour les initié, pariant sur la consommateurs, afin de compenréduction de la chaîne de production, et la ser des coûts de main-d’œuvre plus souplesse pour les élevés. Les Chinois ont beau mettre consommateurs.. Ciconsommateurs en avant que les routes de la soie contre, le port facilitent aussi l’accès au marché de Qingdao, chinois pour les produits occidendans la province de Shandong. taux, les statistiques sont sévères : 80 % des trains qui arrivent en France repartent à vide ! Et ce n’est que le début : la Chine ne se contente plus de dominer les marchés de consommation courante, comme le textile ou la chaussur chaussure. e. Le Parti communiste a défini une nouvelle stratégie dite « Made in China 2025 », qui cible 10 secteurs stratégiques : informatique, robotique, aéronefs, véhicules à énergie nouvelle, produits pharmaceutiques, matériel électrique, matériaux avancés, équipements agricoles, construction navale et équipement ferroviaire. Les nou velles routes de la soie soie pourraient pourraient bien être les prochains vecteurs de l’invasion des produits high cost et technologiques qui seront fabriqués dans l’empire du Milieu. Les routes de la soie ne sont pas qu’une aventure aventure économique gigantesque. Elles doivent porter aussi « la compréhension mutuelle entre les peuples ». Le chapelet des Instituts Confucius doit « favoriser l’adhésion internationale au projet », expliquent les sénateurs français après leur voyage d’étude vers l’Asie*. Asie*. Cette tentative de soft power chinois, chinoi s, comme celui pratiqué par son modèle américain, poursuitt le même but : « assurer poursui la stabilité de la République populaire de Chine, sécuriser ce pays et, à terme, lui permettre de mettre mett re en place un nouve nouvell ordre mondial, aux caractéristiques chinoises ». On est très loin de Marco Polo… Q H. N. LA COURSE CONTRE LA MONTRE
P F A
pass pa ssera eraie ient nt pa pass le less con contr trôl ôles es rigoureux du port de Rotterdam. » Le cas du Sri Lanka (lire, p. 62) rejoint celui de Djibouti, où la Chine a ouvert la plus grande zone franche du continent africain, lui aussi surendetté auprès des banques chinoises, sous la coupe de l’Etat, qui n’hésite pas à mettre son poids dans la balance (lire p. 60). La Malaisie a tourné casaque, confrontée à un endettement qui atteint les 250 milliards de dollars ; le pays voisin vois in et fidè fidèle le de la Chi Chine ne a re renon noncé cé à trois projets, dont une ligne de chemin de fer dont les devis s’éle vaient à 20 milliards milliards de dollars. dollars. Le Premier ministre malais Mahathir Mohamad s’est justifié simplement : « Nous ne pourrions pas rembourser. » Mais il arrive que des gouvernements qui ne sont pas en situation de faiblesse acceptent d’entrer dans le jeu. En 2015, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron décidait de céder 49 % de la concession de l’l’aéroport aéroport de Toulouse-Blagnac à un consortium chinois nommé Casil Europe, avec promesse de lui céder 10 % de plus par la suite. Quelques mois plus tard, son PDG Mike Poon disparaissait quelques semaines. En fait il était sérieusement interrogé par la police chinoise sur d’éventuels faits de corruption, démontrant ainsi sa dépendance à l’égard des autorités de Pékin… Depuis lors le gouver gouvernement nement français chercherait à recaser les parts de Casil auprès du groupe « bien français » Vinci. Chassés par la fenêtr fenêtre, e, les Chinois pourraient revenir par la i
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grande porte. Après avoir acquis 5 % d’Autostrade, Autostrade, concessionnaire de la moitié des autoroutes italiennes, la Silk Road Fund (Fonds pour la route de la soie) a manifesté son intérêt pourr la pri pou privati vatisat sation ion d’Aérop Aéroports orts de Paris, rien de moins !
Soft power La première fonction des routes de la soie est donc de garder « les portes ouvertes » pour pour le made in China, alors que la Chine, puissance continentale, assiégée pendant des décennies, a toujours redouté de voir les accès à l’étranger l’étranger se referrefermer. D’où l’investissement massif en infrastructures. infrastructur es. Soixante milliards
60 MILLIARDS DE DOLLARS ONT DÉJÀ PERMIS DE RELIER L’EST ET L’OUEST DE L’EURASIE, L’EURASIE, EN RACCOURCISSANT RACCOURCISSA NT LES DÉLAIS DE LIVRAISONS. de dollars ont déjà permis de relier l’Est et l’Ouest de l’Eurasie, en raccourcissant les délais de livraisons d’une manière spectaculaire : « En 2000, 200 0, une un e boucle bouc le logi l ogisti stique que entre en tre la France et la Chine prenait trois mois. En 2012, il fallait compter un mois pour acheminer des marchandises depuis Shanghai par la mer, via le canal de Suez, moins de trois semaines en train, et environ quinze jourss en camio jour camion. n. Le 21 avril 201 2016, 6, un premi pr emier er con convo voii fer ferré ré a ral rallié lié Wu Wuhan han à Lyo L yon n en qu quinze inzejo jours urs,, apr après ès un pér péripl iplee
* Données IRIS, ambassade de Chine, 2017, repris dans le rapport d’information du Sénat no 520. Par Pascal Allizard, Gisèle Jourda, Edouard Courtial et Jean-Noël Guérini.
P F A / v o n e m i o t S n e m a l p
L’E ’EURO UROPE, PE, CONTI CONTINE NENT NT DES IDIOTS UTILES... Seize pays de l’Europe de l’Est entretiennent des relations privilégiées avec Pékin, qui s’en sert pour contourner les règles strictes de l’Union européenne et exporter son modèle autoritaire. PAR ANNE DASTAKIAN SOFIA, LE 7 JUILLET Les Premiers ministres chinois, Li Keqiang, et bulgare, Boïko Borissov.
L
’occasion paraissait trop belle. Après plus d’une décennie d’efforts culturels et économiques colossaux, pourr inté pou i ntégrer grer l’Un l’Union ion européenne, et assimiler l’indispensable mais indigeste acquis communautaire, les pays ex-communistes d’Europe centrale et orientale, durement frappés par la crise économique de 2008, ont vu la Chin e leur l eur ten tendre dre l es bras. Entre des Etats-Unis aussi dominants qu’incontrôlables et une Europe submergée, à l’économie déprimée, les charmes du capitalisme d’Etat à la chinoise ont agi comme un aimant et un onguent
sur ces pays, par ailleurs toujours bons derniers des Vingt-Huit. Quelle aubaine que la perspective des mannes importantes que fait miroiter ce géant en pleine expansion, culturellement proche de ces pays ayant eux-mêmes connu diverses variantes de l’économie centralisée et planifiée !
Ex-pays communistes Formalisée en avril 2012, à Varsovie, lors de la visite en Pologne du Premier ministre chinois de l’époque, Wen Jiabao, l’initiative 16 + 1 réunit 16 pays ex-communistes d’Europe centrale, orientale et balkanique et la République populaire de Chine. Outre les 11 pays déjà
membres de l’UE, il s’agit des pays candidats à l’adhésion l’adhésion à l’UE – la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine et l’ l ’AlbaAlbanie. Si cette dernière a eu dans l e passé un tropisme maoïste et et une relation privilégiée avec la Chine, tel n’a jamais été le cas ca s des satellites satelli tes est-européens de l’URSS, et encore moins de la Yougoslavie longtemps dénoncée comme « révisionniste » par Péki Pékin. n. Mais, Mais, pour les nouvea nouveaux ux membres de l’UE et leurs voisins candidats, la crise migratoire et le désenchantement envers Bruxelles sont passés par là… Pékin peut se frotter les mains et se flatter de ce succès diplomatique, aux côtés de ses « nou velles routes de la soie » ou « Belt An d R o a d In i t i a t i v e » ( BR I ) . « 16 + 1 + BRI », c’est du win-win, du gagnant-gagnant, qui plus est « compatible avec le partenariat stratégique entre la Chine et l’UE l ’UE », martèle-t-on à Pékin. i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne /
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Chine La nouvelle entité du 16 + 1, en apparence, n’a aucun caractère contraignant ou exclusif, mais son schéma sino-centré et pyramidal prévoi pr évoitt d’ d’or organ ganise iserr su surr le mod modee bila bila-téral les relations fortement asymétriques entre le géant chinois et chacun des 16 nains « partenaires ». Cette mise en concurrence favorise le dumping entre les « fiancés », voire les ententes opaques. opaques. Grâce au 16 + 1, la Chine a toutes les cartes en main pour contourner les contraintes imposées par l’UE. « Le “modèle chinois” entre en collision avec celui de l’UE. Alors Al ors que ce dernier est fondé sur une réglementation visant à assurer une concurrence équitable et ouverte, le modèle chinois rejette la réglementation en faveur de négociations ad hoc – de préférence au niveau politique bilatéral à huis clos », tranche le sinologue tchèque Martin Hala. Pour lui, le 16 + 1 est « un projet politiqu polit ique. e. La L a diplomat dipl omatie ie chinois chi noisee vise l’exportation de son modèle de capitalisme d’Etat, d’Etat , qui combine i
GRÂCE À L’INITIATIVE 16 + 1, LA CHINE A TOUTES LES CARTES EN MAIN POUR CONTOURNER LES CONTRAINTES IMPOSÉES PAR L’UE. certains mécanismes de marché avec un contrôle par l’Etat-parti ». Directeur d’études au Mercator Institute For China Studies (Merics) à Berlin, Jan Weidenfeld enfonce le clou. « Occupée à surveiller les efforts de la Russie de Poutine , l’Europe néglige les risques de l’ influence croissante croissante de la Chine. La Chine s’ s’appuie appuie sur sa puissance puissance économique et sur l ’appar ’appareil eil du Parti Par ti com commu muni niste ste chi noi s, ai ains nsii ses efforts d’influence politique en Europe Eur ope sero seront nt beauc beaucoup oup plus impo imporrtants à moyen et long terme que ceux du Kremlin. En développant son influence politique, la Chine profite prof ite de l ’ouver tur turee uni lat latéral éralee
“Obéissance prévent préventive” ive”
DAVID DA VID CAMERON, CAM ERON, VRP DE LUXE
A
nnoncée en fanfare sur tous les continents. en décembre dernier, Et Pékin compte fort sur à Pékin, par le le savoir-faire de la City pour parvenir à lever chancelier de l’Echiquier Philip Hammond, la les fonds qui lui manquent. nomination de l’ex-Premier Vu de Londres, le fonds ministre David Cameron doit permettre d’ouvrir de nouveaux horizons, à à la tête d’un fonds d’investissement sinol’heure où le pays s’apprête britannique privé, visant à franchir le seuil du Brexit. à lever 1 milliard de dollars, Problème : si Cameron a fait froncer quelques a toujours été un ardent sourcils dans la vieille Europe. Après sa piteuse mise au ban, à la suite du Brexit, n’était-il pas un peu tôt pour sortir du purgatoire ? Adoubé par les deux gouvernements, le fonds baptisé GB-Chine, doit être exclusivement financé par des fonds privés, assure-t-on à Londres. Vu de Chine, il doit surtout soutenir les fameuses « nouvelles routes de la soie » (BRI), grandiose projet d’expansion chinoise
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de l’Europe. Les portes de portes de l’Europe sont largement ouvertes alors que la Chine cherche à restreindre de manière stricte l’accès aux idées, acteurs et capitaux ét rangers », conclut-il dans un rapport intitulé « Poussée autoritaire : répondre à l’influence politique croissante de la Chine en Europe », publié en début d’année.
avocat d’un rapprochem rapprochement ent avec Pékin, tel n’est pas le cas de Theresa May, très frileuse face au géant chinois. De même, à en croire le Financial Times, que la plupart des grandes banques occidentales sollicitées, telle HSBC, méfiantes face à l’opacité des mœurs chinoises, et à leur protectionnism protectionnisme. e. Q A.D.
L’EX-PREMIER MINISTRE
(ici avec Xi Jinping) est un atout pour Pékin qui compte sur le savoir-faire de la City pour lever des fonds.
A en croire le rapport du Merics Mer ics berlinois, les effets de cette relation politique asymétrique et de la mise en concurrence des 16 commencent à apparaître en Europe : « Les Etats européens ont de plus en plus tendance à adapter leurs politiqu polit iques es en “obéis “ obéissance sance préventive”, afin de s’attirer attire r les faveurs de la partie chinoise. Les élites politiques au sein de l’UE et dan s son voisinage ont commencé à adopter la rhétorique et les intérêts de la Chine, notamment lorsqu’ lorsqu’ ils contredisent les intérêts nationaux et/ou euro péens. » Il suffit en effet, pour s’en convaincre, convaincr e, d’observer le brusque accès de sinophilie des deux pays de l’UE bénéficiaires des plus gros investissements chinois, la Grèce – avec la privatisation du port du Pirée au bénéfice de la China Ocean Shipping Company (Cosco), en 2016 – et la Hongrie, avec le projet de construction de la voie ferro viaire BudapestBudapest-Belgrade, Belgrade, qui doit relier Le Pirée au cœur de l’Europe. Hasard du calendrier ? En mars 2017, Budapest refusait de signer une lettre des Vingt-Huit dénonçant la détention et la torture de juristes chinois. Trois mois plus tard, Athènes bloquait une déclaration de l’UE au Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur le triste P F bilan chinois en la matière. Une A / s première… En novembre dernier, dernier, e g a m au moment de signer 11 acc ords I y t t e bilatéraux avec son homologue G / l chinois, à Budapest, Viktor Orban o o P A qualifiait la BRI de « nouvelle forme P W - de mondialisation qui ne divise pas h t r o le monde entre maîtres et élèves, et w e l g qui est fondée sur le respect et les g i W avantages mutuels ». Bruxelles y t s r i K appréciera. Q A.D.
CES ESPIONS TROP SENSIBLES AUX CHARMES CHINOIS Deux anciens de la DGSE sont poursuivis pour avoir livré des informations aux services secrets chinois. Un coup de semonce de Paris à Pékin ? PAR BRUNO RIETH
L
a France et la Chine sont officiellement des pays amis, ce qui n’empêche pas les services secrets chinois d’agir comme aux meilleurs temps de la guerre froide. Comme l’a dévoilé l’émission l’ émission « Quotidien » (TMC), deux agents retraités de la DGSE ont été mis en examen et placés en détenti détention on provisoire proviso ire le 22 décembre 2017 pour des faits « susceptibles d’être qualifiés de trahison », selon Florence Parly, ministre des Armées. Ils sont poursuivis pour « livraison à une puissa pui ssance nce étr étrang angère ère d’i d’info nforma rmatio tions ns portant port ant at attein teinte te aux inté intérêt rêtss fon fondadamentaux de la nation, provocation au crime de trahison et atteinte au secret de la défense nationale », selon le ministère des Armées (dont relèvent les deux anciens officiers). Ces deux papys de la DGSE auraient été « retournés » par les services secrets chinois. Dans le viseur vise ur de la jus justic tice, e, He Henri nri M., 71 ans ans,, militaire de carrière et spécialiste du contre-espionnage, ainsi que Pierre-Marie H., 66 ans, un civil lui, à la carrière moins flamboyante. La compagne de ce dernier est, elle, poursuivie poursu ivie pour « recel recel des crimes crimes et délits de trahison » et placée sous contrôle judiciaire. Tout débute à la fin des années 90. Henri M. est envoyé à Pékin en 1997, nommé chef de post po stee du se serv rv ic icee de ren se seig igne ne ments en Chine. Un terrain et des mœurs qu’il connaît bien par son ancienne affectation en tant que responsable du contre-espionnage à la DGSE. Détail qui n’en est pas un dans ce milieu, il débarque sans sa femme, restée en France. « Ça aurait dû être une alerte . A peine arrivé, il avait déjà un point faible
à exploiter », marmonne un ancien de la DGSE. Rapidement, le nouveau chef de poste cède devant les charmes de l’interprète de l’ambassadeur. Ce qui ne tarde pas à se savoir. « Nous étions tout au plus 200 personnels diplomatiques. Rien ne reste très longtemps secret », se rappelle un ex-membre de l’l’ambassade. ambassade. Or, selon une source proche du dossier, la jeune femme aurait entretenu déjà une relation avec un autre membre du corps diplomatique… De quoi faire tiquer l’ambassadeur, qui réclame immédiatement le retour à Paris d’Henri M. Un autre vieux routard r outard du renseig re nseignemen nementt nous éclaire : « Certains services utilisent des “hirondelles”, des
“HENRI M., QUI A TRAHI PAR AMOUR, S’EST MIS À TR TRA AVAI AILL LLER ER AVE VEC C LE LES S CHINOIS. IL AURAIT SERVI DE LIAISON À PIERRE-MARIE H.” UN ANCIEN DE LA DGSE
femmes qui q ui usent usen t de leur leu r charme char me [approcher dans pour “tampon “tamponner” ner” [approcher le langage de l’espionnage] des futures futu res sources. source s. » La DGSE pense qu’au mieux l’interprète chinoise est en relation étroite avec les services secrets chinois, au pis qu’elle en est membre. « A cette époque, un ressortissant chinois ne pouvait pas avoir de relation avec un Occidental sans une autorisation des services », commente l’ex-espion. Henri M. est contraint de quitter Pékin début 1998. A son retour, il est débriefé au siège de la DGSE. « Le service est parti du principe qu’Henri avait
transmis tout ce qu’il savait aux Chinois, c’est-à-dire pas grandchose », assure une source proche du dossier. L’idée L’idée d’en faire un agent double pour intoxiquer intoxi quer l’adversaire adversaire est même été évoquée. Trop farfelue, elle est vite abandonnée.
“Elément peu crédible” Au regard de la situation situati on et de la qualité sommaire des informations qui aurait pu fuiter, les pontes des renseignements décident de régler cette affaire à l’amiable. Henri M. est remercié et, selon nos informations, la DGSE lui affecte même un officier traitant « pour maintenir le lien ». Henri M. retourne en Chine en 2003 et se marie avec l’ancienne inter prète pr ète.. En 20 2002 02,, sel selon on des doc docum ument entss que nous nous sommes procurés, il fonde avec un certain Patrick C. et sa compagne chinoise, chin oise, J.H., la société HM China Limited enregistrée en Angleterre, censée faire de l’import-export de meubles chinois. Pour Pierre-Marie H., l’affaire affaire est en revanche plus problématique. Selon d’anciens anciens camarades, camarades , au sein de la DGSE, il a eu un « parcours incohérent et de nombreuses faiblesses qui lui ont valu de se faire balader de service en service », l’em pêchant pêch ant de gra gravir vir les éch échelo elons. ns. Il fut d’ailleurs ailleurs gardé gard é à l’œil par le propre service de sécurité de la DGSE durant une longue période. En interne, « chacun a veillé à ce qu’il n’occupe jamais de fonctions sensibles ou à responsabilités », nous explique-t-on. « Ses obsessions pour le complot judéo-maçonnique n’ont pas aidé à en faire un élément très crédible », tousse une autre source. Les fuites, s’il y en a eu du côté de Pierre-Marie H., ne concernaient donc que des informations sans i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne /
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Chine enjeux particuliers. C’est une fois sa retraite prise que l’ l ’ancien ancien officier va se montrer plus aventureux. Peut-être pour essayer de garder une certaine monétisation auprès des services secrets chinois, craignant de perdre, une fois sorti des murs de la DGSE, le faible intérêt qu’il représentait… Selon nos informations, le frais retraité cherche à reprendre contact avec d’anciens anciens camarades. Des officiers ou ex-officiers « avec des profils plus techniq te chniques ues et scienti sci entifiques fiques », nous glisse-t-on. « Mon hypothèse est qu’Henri M., qui a trahi par amour, s’est mis à travailler avec les Chinois. Il aurait ser vi d’agent de liaison à Pierre-Marie H., et sa société d’import-export d’ import-export justifiait ses déplacements », suppose », suppose un ancien. i
PRAGUE, LE 30 MARS 2016 Pour Milos Zeman, trinquant ici avec Xi Jinping, le rapprochement rapprochem ent avec la Chine est le prix de l’indépendance d’une République tchèque qu’il juge “trop soumise” à Bruxelles et Washington.
PLUSIEURS ANCIENS DE LA DGSE DOUTENT DE LA QUALITÉ DES INFOS QUE CETTE ÉQUIPE DE “SIXIÈMES COUTEAUX” AURAIT AUR AIT PU RÉC RÉCOL OLTER TER.. De quoi pousser la DGSE à réagir en judiciarisant l’affaire l’affaire ? Pas sûr.. Plusieurs anciens de la DGSE sûr doutent de la qualité des infos que cette équipe de « sixièmes couteaux » aurait » aurait pu récolter. Surtout une fois à la retraite. Pas de quoi mériter en tout cas les années de prison priso n qu’ qu’ils ils encour encourent. ent.«« Il est possible que la DGSE ait décidé de faire passer pass er un messa m essage ge clair cl air à peu de frais, au regar regard d d’une affaire qui est restée très subalterne, aux services secrets chinois pour les dissuader de tamponner son personnel », estime », estime l’un d’entre eux. Outre-Atlantique, une affaire semblable secoue la CIA, la puissante agence de renseignements américaine. L’un de ses anciens espions est aujourd’hui derrière les barreaux. Il est suspecté d’avoir vendu au renseignement chinois les noms d’« honorables correspondants » de son ancien employeur dans l’empire du Milieu… Q B.R. 58 / Marianne /
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a p i S / P A / r e g u l F e n e R
UN PRÉSIDENT TCHÈQUE ULTRASINOPHILE
V
olontiers lyrique et russophile, le président de la République tchèque, Milos Zeman, réélu cette année, a développé un véritable tropisme pour la Chine. Et, s’il n’a pas encore hissé le drapeau rouge à côté de la bannière tricolore tchèque, il a récemment publiquement souhaité que son pays soit un « insubmersible porte-avion porte -avionss pour pour la la Chine Chine en en Europe ». Il est vrai que, rarement invité dans les capitales occidentales, le président tchèque se rend presque chaque année, depuis 2014, à Pékin et qu’il a reçu son homologue chinois Xi Jinping à Prague en 2016, en tenant à l’écart les manifestations en faveur des droits de l’homme qui auraient pu l’incommoder.. Dans une interview l’incommoder à la veille de cette visite, Zeman déplorait que la République tchèque soit « trop soumise » à Bruxelles et Washington et décrivait le partenariat avec la Chine comme le signe d’un pays pleinement indépendant. Ses rapports avec les journalistes sont exécrables. On peut le comprendre, à la lumière d’une de ses dernières saillies, lors d’une visite en Chine en mai 2017. Rencontrant Vladimir Poutine, en marge du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, Zeman lui suggère devant une caméra de « liquider les journalistes, qui sont trop nombreux ». « Pas la peine de les liquid liquider er,, lui rétorque Poutine, on peut les réduir réduire. e. » On ne s’étonnera donc guère que l’engouement présidentiel pour l’empire du Milieu soit scruté avec une attention particulière à Prague. Et que les mésaventures du sulfureux
quadragénaire Ye Jianming, président de la société chinoise CEFC, y défraye actuellement la chronique. Accueilli à bras ouverts à Prague par le président Zeman en 2015, qui l’a officiellement bombardé conseiller auprès de lui, Ye Jianming a fait de Prague le siège de ses activités en Europe, où il a fait d’importants investissements, dans l’immobilier de luxe, en achetant le club de foot pragois FK Slavia Praha, une brasserie et un conglomérat médiatique. En 2017, CEFC acquérait pour 9,1 milliards de dollars une part du géant pétrolier Rosneft, contrôlé par l’Etat russe. Puis annonçait être candidat au rachat de la plus influente chaîne de télé tchèque TV Nova. Mais, à en croire le sinologue Martin Hala, directeur du site dédié à la Chine sinopsis.cz, les mirobolants investissements promis à Prague ne se sont guère concrétisés. Et, en novembre denier, denier, la nouvelle de l’arrestation à New York de Patrick Ho, secrétaire général de la branche « non-profit » de CEFC, basée à Hongkong, tombait. Il est accusé de corrompre des politiciens africains, au nom de CEFC. Tous les regards, à Prague, se tournaient vers le Château. Pour apprendre que l’on était sans nouvelles du fameux conseiller.. Le président Zeman conseiller dépêchait alors deux émissaires à Pékin, pour s’enquérir de son sort. Et de bientôt découvrir que Ye Jianming était sous les verrous, soupçonné par les autorités chinoises d’opérations financières plus que hasardeuses… Cela suffira-t-il à refroidir l’ardeur du président ? Q A.D.
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Chine
ADIEU FRANÇAFRIQUE, BONJOUR CHINAFRIQUE De plus en plus présent et puissant, l’empire du Milieu se déploie sur le continent noir et concurrence les anciens tuteurs t uteurs néocoloniaux. PAR ALAIN LÉAUTHIER
E
ntre la Chine et l’Afrique, les prochaines années seront « un âge d’or d ’or », ni plus ni moins. Cette vision aux accents prophétiques a du poids, tout le poids d’une relation qui a pris une importance égale – mais pas forcément égalitaire – pour les deux géants, l’un de plus en plus dominant et l’ l ’autre autre cherchant tant bien que mal à ne plus être dominé. On la doit à Macky Sall, le président du Sénégal, présent comme la quasi-totalité des chefs d’Etat et de gouvernement des 54 pays africains lors du dernier Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), qui s’est tenu à Pékin au début du mois de septembre. Créée en 2000, la manifestation avait, cette année, le rang de « sommet », détail rien moins qu’anecdotique dans la sémantique choisie du PCC, destinée à confirmer, s’il en était besoin, à quel point le partenariat ainsi célébré est devenu stratégique. Les annonces faites à l’issue des deux jours de réunion vont apparemment dans ce sens : comme en 2015, lors du précédent Focac organisé à Johannesburg, les autorités chinoises se sont engagées à débloquer une nouvelle manne de 60 milliards de dollars (52 milliards d’euros) pour leurs grands amis africains, dont, entre autres, 15 milliards de dollars de prêts sans intérêt, 20 milliards en ligne de crédit, 10 milliards injectés dans un fonds de financement des projets de développement et 5 autres milliards pour soutenir les exportations africaines. africaines. De quoi 28 septembre au 4 60 / Marianne / 28
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potentiellem ent alourdir la dette potentiellement déjà considérable du continent (112 milliards de dollars) et donc sa dépendance accrue à l’égard du « donateur » prodigue. Afin de mieux mi eux séduire sé duire les le s prétendants et distancer la concurrence, Pékin a, il est vrai, pour habitude de promettre monts et merveilles, avant quelquefois de réviser à la baisse ses annonces initiales. Surtout, comme le font remarquer de nombreux experts, l’aide au développement telle que la conçoivent les dirigeants chinois est rarement désintéressée, et s’accompagne souvent pour le pays bénéficiaire d’une forte incitation d’accorder accorder à des entreprises chinoises la réalisation des projets financés. Depuis plusieurs années, les échanges commerciaux Chine Afrique affichent ainsi une croiscroi ssance continue, 170 milliards de dollars pour la seule année 2017. Ils devraient atteindre 400 milliards en 2020. Selon un rapport du cabinet de conseil McKinsey datant de juin 2017 2017,, depuis de puis le tourna t ournant nt du nouveau siècle, les investis investissements sements chinois augmentent de près de
LES AUTORITÉS CHINOISES SE SONT ENGAGÉES À DÉB DÉBLOQ LOQUER UER UNE MAN MANNE NE DE 60 MILLIARDS DE DOLLARS POUR LEURS GRANDS AMIS AFRICAINS. DE QUOI ALOURDIR LA DETTE DU CONTINENT CONTINE NT..
20 % par an, reléguant loin derrière ceux de l’ Inde, de la France, des Etats-Unis et de l’Allemagne. l’Allemagne. Signe de cette vitalité, parallèlement aux grandes compagnies nationales étatiques, très actives en matière d’infrastructures et d’importation de matières premières, McKinsey a identifié près de 10 000 entreprises privées, opérant dans dan s divers secse cteurs de l’économie africaine, avec dans l’ordre décroissant : la fabrication manufacturière, les services, le commerce, la constructio construction n et l’immobilier. l’immobili er. Près de 12 % de la production industrielle du continent dépend aujourd’hui de compagnies chinoises. Tous domaines confondus, celles-ci feraient travailler plus pl usie ieur urss mi ll io ions ns de ci cito toye yens ns africains et auraient permis la création de quelque 300 000 nou veaux emplois, généralement peu qualifiés mais majoritairement réservés aux populations locales. Lune de miel
Plus que jamais, l’empire du Milieu assoit donc sa présence multiple sur le continent noir où il taille désormais de larges croupières aux anciennes puissances coloniales ou à son grand rival américain. A l’heure où la guerre commerciale globale s’intensifie, la conquête accélérée d’un marché potentiellement énorme apparaît comme un atout majeur pour Pékin. Economique mais aussi très largement politique. En conflit avec plusieurs plusi eurs pays asiat asiatiques iques auxque auxquels ls elle entend imposer au forceps ses vues sur de larges surfaces maritimes censées appartenir à son « aire naturelle », la Chine peut
P F A / a u h n i X / i h c n a u h e i X
désormais compter sur un large port po rt efe ui uill ll e d’all ié s afr ic icai ains ns à l’ONU ou dans d’autres instances multilatérales. Précieux en cas de crise, mais aussi, à plus long terme, pour appuyer les ambitions de Xi Jinping Jin ping de bous bouscule culerr des rég régleme lemenntations internationales jugées trop favorables au « camp occidental ». Pour consolider cette lune de miel pour l’heure sans trop de nuages, Pékin a officiellement intégré l’Afrique Afrique dans le plan pla n pharaonique des « nouvelles routes de la soie » lancé en 2013 (lire l’article, p. 52), mais dont l’objectif premier, affirment les sceptiques, reste l’em prise sur la riche Europe. Ceux-là interrogent d’ailleurs d’ailleurs la réalité du partenariat supposément « gagnant-gagnant » entre Pékin et les principales capitales africaines. Poser la question a le don d’énerver au plus haut point Xi Jinping, le nouveau Grand Timonier, lequel aime répéter que seuls les Africains et leurs amis chinois peuvent dire ce qui est bon pour eux. Les Africains exportent massivement massivement des matières premières (pétrole, minéraux, produits agricoles, etc.) alors que les Chinois inondent le continent en marchandises à bas
o t o h p t i d é r C
“UN ÂGE D’OR” C’est ainsi que le président sénégalais Macky Sall, ici, à Dakar, le 21 juillet, en compagnie du nouveau Grand Timonier, Xi Jinping, a qualifié les futures relations sinoafricaines, pour le moment sans nuages.
coût sapant les bases des productions artisanales locales. Si elles représentent représen tent aujourd’hui encore une part écrasante dans la totalité des exportations, elles permettent néanmoins aux pays concernés de garantir des réserves indispensables en vue de la diversification obligée de leurs é conomies. Par ailleurs, la présidence chinoise ne manque jamais de rappeler que son appétit dans ce domaine a aussi permis d’égaliser peu à peu le volume des échanges, autrefois profon pro fondéme dément nt désé déséquil quilibr ibréé au pro pro-fit du géant asiatique.
Basculement progressif De leur côté, les Africains soulignent que les Occidentaux se montrent, eux aussi, particulièrement gourmands en matières premièress et pas forcéme première f orcément nt plus plu s « moraux » dans les méthodes et les orientations du business. La stratégie agressive de Pékin leur permet en tout to ut cas de faire grim per le less ench e nchères ères avec les autre autress partenaires partena ires ou de se débarrasser débarrass er de tutelles économico-politiques considérées, à tort ou à raison, comme devenues insupportab insupportables. les. Soit par des dirigeants ravis de la
non-ingérence de Pékin dans leur non-ingérence « gouvernance », du moins tant qu’elle va dans le bon sens, celui des intérêts nationaux chinois. Soit par des populations populations fatiguées des promesses non tenues – « démocratisation » et « développement » – rabâchées depuis si longtemps dans les chancelleries occidentales. Pour ne parler que d’eux, en Af ri qu e d e l ’O u e st – Ba ma ko ou Cotonou par exemple –, des groupes français mesurent chaque semaine le basculement progressif progr essif d’un continen continentt en passe de prendre ses marques ailleurs. Résumé en langage feutré dans les publications publicat ions officiell offi cielles es de Pékin, cela donne : « La Chine ajoute de la diversité et de l’élasticité à une Afrique Afri que en pleine émergence mondiale… [Elle] a modifié la manière dont le reste du monde considère les perspectives du continent, non seulement les pays avancés mais également les autres économies émergentes. » En réalité plus brutale, cela donne aussi l’installation d’une base militaire chinoise forte de près de 10 000 hommes à Djibouti. La guerre n’est pas au programme, mais la Chine ne cache plus ses ambitions. Q 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 61
Chine
DANS L’O DANS L’OCÉ CÉAN AN IND INDIE IEN, N, PÉKIN ABUSE DE LA DETTE Pour sécuriser les routes maritimes, la Chine tente d’asservir les gouvernements du Sud-Est asiatique en finançant de lourds travaux d’infrastructures, qui deviennent ensuite des concessions pour quatre-vingt-dix-neuf ans. PAR ROBERT MAUSS
I
l aura fallu un gros coup de gueule du Premier ministre du Sri Lanka, le 30 juin, pour que la menace militaire chinoise qui plane sur la petite île de l’océan l’océ an Indien Indie n soit officialisée. Alors que l’on prête à Pékin l’intention de faire mouiller des bâtiments de guerre dans le port de Hambantota, sur la côte sud, Ranil Wickremesinghe a déclaré avoir « clairement fait savoir aux dirigeants chinois » qu’aucune manœuvre militaire pard s. Le coi coin n éta était it né néanm anmoin oinss étrangèree ne serait autorisée dans déjà connu de tous : c’est le fief étrangèr la région. Il a même annoncé que de la famille Rajapakse et de son le quartier général de la marine héros Mahinda, le potentat qui a sri lankaise allait « très prochai- mis fin en 2009, dans un bain de nement » quitter la forteresse tou- sang, à trois décennies de guerre ristique de Galle pour venir s’ins- civile entre Cinghalais et Tamouls. taller à Hambantota. Une manière Mahinda Rajapakse a dirigé le pays de confirmer la souveraineté sri avec plusieurs membres de son lankaise sur ces quais d’accostage d’accostage clan durant une décennie, avant flambant neufs qui n’en finissent d’être sévèrement battu dans pa s de do donn nn er de dess ai aigr greu eurs rs au les urnes, en janvier 2015. C’est gouvernement. grâce à son bon vouloir que les Chinois ont débarqué dans l’île. Sous-marins chinois « Il voulait affranchir le Sri Lanka Il y a encore sept ans, Hambantota des pressions des pays étrangers, était une morne plaine, perdue notamment de l’Inde, qui rêvent de entre les plages tropicales idyl- s’approprier notre pays », raconte liques du littoral sud-ouest du l’un de ses proches, en exigeant un Sri Lanka, et la réserve de Yala anonymat absolu : « Rajapakse Rajapak se n’a n’a au climat semi-aride, connue jamais eu l’ intention de donner les pour po ur abr it iter er de no nombr mbreu euxx lé o- clés du pays à la Chine. Sa straté-
gi e, c’ éta gie, était it de d e trouver tr ouver les moyen moyenss financiers finan ciers de bâtir bât ir rapidemen rapi dementt le plus d’ d’infrastructu infrastructures res possib possible, le, afin d’attirer des entreprises entrepris es et des cer o veaux bien formés pour créer de t o h P l’activité économique. Le port d e P F A Hamban bantot tota a fais fa isait ait par parti tiee de d e ce ce / Ham i h c pla n. » Les Chinois ont toujours h plan. c a r eu le mérite d’être clairs, tient a i n n a à préciser notre interlocuteur : W n a « Ils ont dit à Rajapakse : on a de w u r l’argent, nt, est-ce que ça t’ intéresse ? k l’arge a L Et Ra ja pa ks e a ré po nd u ou ouii . » LE PORT DE Dès 2007, le conglomérat HAMBANTOTA, pub li licc Ch Chin inaa Co Commu mmuni nica catio tio ns au Sri Lanka. Construction Company (CCCC) La China Harbour entre en action, par le biais de Engineering China Harbour Engineering Company (CHEC) a convaincu Company (CHEC), une filiale les autorités locales spécialisée dans la conception, la de lui emprunter construction et l’exploitation de 1,1 milliard ports. Première P remière cible cibl e : le front de de dollars, afin de réaliser un énorme mer de Colombo, la capitale comport de commerce. merciale. CHEC propose d’avancer avancer la somme de 1,4 milliard de dollars pour bâtir une cité financière financi ère internationale gagnée sur la mer. En 2014, alors que le site est en pleins ple ins trava travaux, ux, des sou sous-ma s-marins rins chinois y font escale avec l’aval aval du président Rajapakse, au moment précis où le Premier Premier minist ministre re japonais, Shinzo Abe, effectue une visite dans l’île. Digne des pratiques franfrançaises et britanniques en Chine au XIX e siècle, l’affaire fait scandale. C’est la première alerte. Deuxième cible de CHEC : le port de Hamba H ambantot ntota. a. Cett Cettee fois, fo is, l’entreprise chinoise convainc les autorités locales de lui emprunter 1,1 milliard de dollars, afin de réaliser un énorme port de commerce. Le site est on ne peut mieux placé
LA CHINE DÉTIENDRAIT 70 % DE LA DETTE EXTÉRIEURE DES MALDIVES, ENGENDRANT DES REMBOURSEMENTS ANNUE AN NUELS LS QUI REP REPRÉS RÉSENT ENTENT ENT 20 % DU BUDGET DE L’ARCHIPEL L’ARCHIPEL.. 62 / Marianne /
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sur la route maritime qui relie le Moyen-Orient à la Birmanie, un trajet déterminant pour Pékin, qui cherche à éviter d’avoir à passer par le dét détroi roitt de d e Malac Ma lacca, ca, entr entree l’Indonésie et la Malaisie, pour s’approvisionner approvisionner en hydrocarbures. C’est alors que survient l’all’alternance politique à Colombo. Contre toute attente, Rajapakse est évincé du pouvoir par son ministre de la Santé, Maithripala Sirisena. Rapidement, ce dernier prend pre nd la me mesur suree du pi piège ège de la dette dans lequel les Chinois ont entraîné le Sri Lanka. Incapable de leur verser les premières mensualités de remboursement, le nouveau gouvernement va faire la manche au FMI et implore Pékin d’accepter d’ accepter une renégociation du prêt pour Hamb Hambantota. antota. Un bras de fer s’engage alors, qui aboutira en décembre 2017 à la mise en concession du port au profit de la Chine, pour une durée durée de… quatre-vingtquatre-vingtdix-neuf ans ! Effacée, la dette du Sri Lanka. Au prix d’un petit morceau de son territoire dont la sous ou veraineté fait maintenant débat.
Un procédé fréquent Dans l’entourage de l’ancien président Rajapakse, on explique aujourd’hui que si l’on en est arrivé là, c’est que « le dossier a été mal géré » par les dirigeants actuels. On prétend préte nd égaleme éga lement nt que qu e la population n’a « aucun ressentiment envers la Chine », un pays qu’elle perce pe rcevra vrait it com comme me « un ami qui nous a aidés à résister aux ambitions occidentales par le passé, et qui nous aide aujourd’hui à tenir l’Inde à distance ». Journaliste à l’agence Reuters à Colombo, Ranga Sirilal est de cet avis, lui aussi. « C’est à l’Occident et à l ’Inde voisine que les ambitions militaires de Pékin posent problème. problème . Pour le Sri Lank ais moyen , ce ne n e sont son t là que des polémiques politiciennes. » En outre, ajoute-t-il, « les gens d’ ici savent bien que les petits pays d’Asie comme le Sri Lan ka n’ont n’ont guère d’autre choix s’ils veulent avoir des fonds pour se développer ». Au mois de juin, pourtant, le New Yor Yorkk
s r e t u e R / u i N g n a u G
Times a a provoqué un séi sme en ENTENTE révélant que la CHEC avait financé AU SOMMET la campagne électorale de Mahinda Le 27 février 2007, président du Rajapakse pour « au moins le Sri Lanka, Mahinda 7,6 millions de dollars », en 2015. Rajapakse, trinque « Depuis le début de cette histoire, avec le président tout le monde se demandait quelles chinois, Hu Jintao. contrepartiess la Chine avait bien pu contrepartie pu En juin, Le “New York Times” Times” révélait consentir en échange des investis- que la CHEC avait sements qui lui étaient confiés, on a financé la campagne enfin la réponse », fait remarquer le électorale de Centre for Policy Alternatives, un Mahinda Rajapakse “au moins think tank indépendant installé à pour 7,6 millions Colombo. de dollars”. Entre-temps, le procédé a été dupliqué comme les perles d’un collier funeste. En Birmanie, la Chine a obtenu pour soixantequinze ans le port en eaux profondes de Ky Kyaukpyu, aukpyu, dans le golfe du Bengale. Un projet qui servira de point de départ à un oléoduc et à un gazoduc menant directement à l’Empire du Milieu, financé par un prêt de 10 mill milliards iards de dolla dollars rs de la CHEC, encore elle. Au Bangladesh, l’un des pays les plus pauvres au monde, un accord a été signé l’hi ver dernier dernier entre le gouvernem gouvernement ent et les autorités chinoises pour développer une zone économique éc onomique dans le port de Chittag Chittagong. ong. Qui va avancer les fonds ? La CHEC, pour 10 milliards de dollars là encore. Et ce n’est pas fini. Aux Maldives, Pékin a obtenu l’an
pas sé l’autor passé l’autoris isati ati on de sta statio tio nner des navires de guerre dans le port de Malé, Malé, à la suite de quoi un accord commercial a été passé pourr d év pou évelo eloppe pperr les l es inf infrast rastruc ruc-tures du port, construire un pont et des complexes hôteliers géants. Comme dans les autres pays qui entourent l’Inde, la Chine utilise l’arme de la dette pour étrangler son « partenaire » : actuellement, elle détiendrait 70 % de la dette extérieure des Maldives, engendrant des remboursements annuels qui représentent 20 % du budget du petit archipel. Au Pakistan, Pakistan , enfin, le Premier Premi er ministre fraîchement élu, Imran Khan, est en train de découvrir l’l’ampleur ampleur du dés astre financi er qu’il va devoir gérer. Sous protection armée, des milliers d’ouvriers d’ouvriers chinois sont en train de faire sortir de terre un corridor industriel pharao pha rao ni niqu quee en entre tre la pro vi nc ncee du Xinjiang et le port de Gwadar, à l’entrée du golfe Persique, où convergeront autoroute, voie ferrée, gazoduc et oléoduc. Pékin investit là 46 milliards de dollars, mais en comptant tous les projets connexes, usines, barrages, etc., c’est à hauteur de 90 milliards de dollars que le Pakistan se serait endetté vis-à-vis de la Chine. Pour une période de quarante ans. Q 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 63
Chine
“LA CHINE VEUT ÊTRE PREMIÈRE PUISSANCE ÉCONOMIQUE, PUIS POLITIQUE” La Chine met en place une politique d’hégémonie, d’abord dans son environnement proche où elle réclame la même place qu’avait l’empire au XVIII e siècle, puis vis-à-vis de l’Occident, qu’elle compte supplanter dans la prochaine décennie. PAR JEAN-LUC DOMENACH Jusqu’à présent les opinions publiques avaient le sentiment d’une Chine repliée sur elle-même. Mais les choses semblent changer depuis l’élection de Xi Jinping comme « grand leader ». Sommes-nous devant une nouvelle ambition de la Chine au niveau mondial, voire devant devant une nouvelle forme de domination ?
JEAN-LUC DOMENACH
Marianne.
de parler parl er de dom dominat ination, ion, il fau fautt reconreconnaître un fait historique : pour l a premi ère foi foiss depu d epuis is la mor mortt de de Mao Zedong (en 1976), la Chine affirme une ambition mondiale. Mais cette ambition se décline en deux chapitres distincts. Le premier, c’est la région asiatique. asiatique . Quand les Chinois pensent le monde, ils pensent d’abord d’abord leur monde, une aire géographique qui comprend le Japon, le Vietnam, les Philippines, les Corées, Taïwan, etc. Et ce n’est pas le plus simple pour eux. Car si leur l eur inf influen luence ce a fait des progrès incontestables,
est sinologue et directeur de recherche émérite à Sciences-Po. Dernier ouvrage paru : les Fils de princes. Une génération au pouvoir en Chine, Fayard, 2016.
Jean-Luc Domenach. Avant
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P F A / r e i t u o C o n u r B
c’est aussi là qu’ils rencontrent des difficultés considérables. Par exemple, avec les Vietnamiens, qui ne cessent de défier les Chinois à un point qu’on n’imagine pas. Un exemple : récemment devait avoir lieu une rencontre sur la question qu estion des frontières, au niveau des dirigeants d’un rang juste inférieur à celui de Xi Jinping. Eh bien les
Viet namiens Vietnami ens ne sont pas venu venus, s, ni le premier jour, ni le deuxième. Pendant une semaine, les Chinois les ont attendus. En vain. Ça , c’est le premier monde des Chinois. C’est parce que les intérêts chinois se heurtent très vite à ceux de ses voisins, qui par ailleurs sont tout autant nationalistes qu’eux. On le voit sur les revendications de souveraineté en mer de Chine ?
Certes. Mais avant cela, il y a une question de préséance dans la famille. Qui est « le grand » ? La Chine pense ainsi, d’autant plus qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles, c’était elle la patronne. Pour les Chinois, leur antériorité ne se discute même pas, alors que pour tous les autres, elle est contestable. C’est ainsi qu’on peut analyser les relations avec la Corée du Nord. Si un gouvernement souhaite que les Nord-Coréens se calment, c’est bien celui de Pékin. Mais les NordCoréens réclament leur droit à la désobéissance. Que ses voisins reconnaissent sa préséance, c’est pour la Chine le signe de la reconreconnaissance de ses progrès. La Chine a la volonté d’organiser une petite société et de rece voir les gestes ge stes de d e politesse poli tesse qu’on lui doit, comme ceux que recevait autrefois l’empereur de Chine. De là l’importance des inénarrables trublions que sont le Vietnam ou la Corée du Nord, par ailleurs anciens vassaux. Pour les Chinois Chinois cela raprap pelle un passé quelque quelquefois fois doulo doulouureux. Près de la frontière avec le Vietnam, le visiteur vi siteur peut tomber encore aujourd’hui sur un hôpital militaire où sont abrités des blessés des combats entre Vietnamiens et Chinois en 1979. Le récit de la résistance acharnée et victorieuse des Vietnamiens dans cette guerre de dix-sept jours effraie encore aujourd’hui les Chinois. Mais avec le deuxième cercle, les relations ne peuvent pas être du même ordre ! Pourtant les « nouvelles routes de la
soie » font craindre une sorte de domination chinoise ?
Au ta nt su r l e pr Auta prem em i er mo nd e on peut parler d’ambition impériale, autant, en ce qui concerne le second monde, qui comprend l’Amérique, l’Europe, l’Afrique… les Chinois le regardent avec beaucoup d’hésitation, et sont au fond raisonnables. Ils n’ont pas d’autre solution, d’ailleurs. Ils veulent s’y raccorder avec les nouvelles routes de la soie, mais savent qu’ils le connaissent mal. Ils font donc moins de bêtises que dans leur étranger proche. Même avec Trump, ce fou qui dirige l’Amérique. l’Amérique. Ils font travailler leurs diplomates et un nombre extraordinaire d’es pions, pion s, et de voyag voyageurs eurs.. Ils Ils ont ont commencé par les pays en développement, l’Afrique Afrique et l’Amérique l’Amérique latine. Ils sont très prudents au MoyenOrient, qu’ils laissent à la Russie. Ce n’est que très récemment avec la route de la soie qu’ils s’attaquent attaquent à l’Europe, cette ligne de chemin de fer prélude à une véritable et massive offensive économique. Mais ils savent que ça va être compliqué pour eux. Ils ont de hautes ambitions économiques, non ?
Ils veulent être la première puissance économique, et ensuite politique, mondiale devant les EtatsUnis. C’est clair. Mais plus la scène s’éloigne s’éloig ne de leurs frontières, frontières, plus ils sont prudents et attentifs. Ils ont raison. Leur système d’intelligence du monde est extraordinairement affûté dès qu’il s’agit s’agit de l’Occident, l’O ccident, car ils respectent la profondeur historique des Etats européens. La culture et ses éléments, comme le Louvre, ou la recherche scientifique les impressionnent. Ils ont une forme de respect, malgré un personne pers onnell diplom di plomatiqu atiqu e et d’es d’es- pionna pio nnage ge plé plétho thoriq rique ue mais sou souven ventt médiocre. Mais vous dites que les Occidentaux, et particulièrement les Français, sont d’une grande naïveté face à la Chine ?
loin dans le temps, sur le commerce, sur l’intelligence artificielle, sur les investissements ?
C’est la première fois depuis 1949 que leur direction est à la fois pri vée de toute menace intérieure et sans opposition frontale à l’extérieur. Ils peuvent donc penser et travailler à long terme et ne s’en privent pas. pas . Ils ont à leur l eur tête têt e un président prés ident remar remarquable, quable, Xi Jinpin Jinping. g. Xi a réussi réussi à persuader sa population du bien-fondé de sa politique, qui consiste à atteindre la richesse au plan interne et au plan externe et à établir le pouvoir dans la durée. Désormais « grand leader » et président à vie, il ne peut plus être contesté politiquement. Comment a-t-il réussi à convaincre sa population : d’abord, l’Occident, avec ses pauvres dans Cela fait trente ans que je p este les rues, est un repoussoir pour les contre le centre de recherche Chinois. Le régime, au contrair contraire, e, nucléaire de Saclay qui ouvre ses fait en sorte que la prospéri prospérité té soit portes aux doctora doctorants nts chinois. Les partagée partagée,, même inéquitab inéquitablement. lement. Chinois nous ont piqué tout ce Il y en a un peu pour tout le monde. qu’ils pouvaient. On a récemment Et lorsqu’un personnage atteint repéré un Chinois en train d’étu- un niveau excessif de richesse, la dier un aéroport. aéroport . J’ai J’ai reçu un appel police s’en s’en occupe occupe et il est est ramené ramené d’un vigneron de Bourgogne qui a à un niveau plus raisonnable ! repéré des espions dans ses vignes. C’est une sorte de capital-comPar ailleurs nous ne sommes pas munisme, mais où les capitalistes au niveau dans nos relations avec ne durent pas longtemps. Ce que la Chine. Et dès que les dirigeants voit la l a population, popul ation, c’est que tout français veulent obtenir quelque le monde y gagne. Certes le Parti chose de leurs homologues chinois, est pourri, mais personne n’y peut ils se voient répondre que notre rien ! Par ailleurs pour ceux qui ne coopération est mauvaise, indi- seraient toujours pas convaincus, gente. Les Allemands envoient les le système de contrôle social est meilleurs, nous les moins bons ! toujours là. Il est plus discret, plus souple, mais plus rapide. La police Mais la supériorité des Chinois est d’une puissance extraordinaire. n’est-elle pas le résultat de Ne restent pour s’opposer que les leurs capacités à se projeter gens très pauvres, les intellectuels et les avocats. Mais il n’y a plus de personnalité person nalité capable capable de de porter un message politique. Le paradoxe c’est que dans la couche intellectuelle, nombreux sont ceux qui savent que le père de Xi Jinping, qui était un des rares communistes doté d’un peu d’hum d’humani anité, té, s’ s’éta était it vio violem lemmen mentt opposé à Deng Xiaoping dans les années 1943-1947 à propos du sort des paysans. Q s r e t u e R / n a h C e c n a h C
“C’EST LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS 1949 que la direction chinoise est privée de toute menace intérieure et sans opposition frontale à l’extérieur. Ils peuvent donc penser et travailler à long terme et ne s’en privent pas.”
“FACE À L’OCC L’OCCIDE IDENT NT,, LEUR SYSTÈME D’INTELLIGENCE DU MONDE EST AFFÛTÉ, CAR ILS RESPECTENT LA PROFONDEUR HISTORIQUE DES ÉT ÉTA ATS EUROPÉENS. EUROPÉENS.””
PROPOS RECUEILLIS PAR HERVÉ NATHAN
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Chine
CHINA WOOD CONTRE HOLLY WOOD
P P P x a M / s s e r p o t o f a n i h C / G C V
Un nombre d’écrans en hausse constante, des studios gigantesques, des investissements aux Etats-Unis conséquents. La Chine se rêve en nation phare du cinéma. PAR NEDJMA VAN EGMOND
B
ien raconter l’ histoire de la Chine, propager la voix de la Chine et faire connaître au monde une Chine tridimensionnelle et colorée. » L’injonction faite par Xi Jinping aux médias mé dias nationaux na tionaux vaut va ut au aussi ssi pou r le ci ciné néma ma,, év éviidemment. Le septième art, instrument parmi d’autres d’autres du soft power chinois, se développe tous azimuts. On a beaucoup parlé, en avril dernier, de la création du « Hollywood chinois », une cité du cinéma aussi vaste que 500 terrains terrains de football, abritant pas moins de 30 studios de tournage et sites de postproduction, des hôtels de luxe, ou encore un yacht-club, largement inspiré de celui de Monaco. Deux blockbusters sino-américains y ont été tournés : la Grande Muraille (2016) et Pa (2018). Paci ci f ic Ri m Up Upri ri si sing ng (2018). Le site de Qingdao, initié par le conglomérat Wanda, Wanda, et à ce jour plus gros investissement investissement mondial mondial dans le domaine du cinéma et de la télévision, venait ainsi s’ajouter à celui de Hengdian, sorti de terre à l’ouest de Shanghai au mitan des années 90 et déjà surnommé « Chinawood ». Un lieu surtout destiné au tournage de séries et films historiques : 1 200 fictions y ont déjà été réalisées depuis sa création. Outre le développement de lieux de tournage ambitieux, la Chine veille à l’implantation massive de salles, aux quatre coins du pays. 66 / Marianne /
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Après les mégal mégalopol opoles, es, les vil villes les un peu moins vastes. Et bientôt les territoires ruraux ? On comptait 1 500 écrans en 2002, ils sont 57 000 aujourd’hui. Vingt-six nouveaux écrans ouvrent quotidiennement ! « Au premier trimestre, le marché cinématographique chinois est devenu le premier mondial. Une place de leade leaderr qui devr devrait ait se pér pérenenniser dès 2019 », explique à Ma Maria rianne nne Noël Garino, conseiller artistique au Festival du cinéma chinois en France. « Entre 2012 et 2017, ce marché a fait un bond de 144 %, contre 6 % seulement pour les Etats-Unis. » Et de noter l’inquiétude d’Hollywood face au « désintérêt progressif du public chinois pour les films hollywoodiens », pour se recentrer sur les productions nationales. Depuis début 2018, ce sont cinq films chinois qui ont réalisé les plus grosses recettes (plus de 2 milliards de yuans), reléguant les quatre succès américains au second rang (plus d’1 milliard de yuans).
Conquête de l’Ouest L’influence chinoise sur le l e cinéma se mesure aussi côté américain. Après le rachat d’ d ’AMC AMC (l’une ( l’une des plus grandes chaînes chaîn es de salles de cinéma aux Etats-Unis) en 2012, Wang Jianlin, à la tête t ête du groupe gro upe Wan da , ra ch et ai t dé bu t 20 16 , pour 3 milliards d’euros d’e uros le studio Legendary Entertainment (créateur des blockbusters Ba tm tman an
et Godzilla). De son côté, Jack SE RENDRE Ma, fondateur du géant du Web INDISPENSABLE En 2016, Jack Ma Al i b a b a , s’al li ai t av e c St e ve n (à d.), fondateur Spielberg, en prenant une parti- du géant du cipation dans sa société Amblin e-commerce Partners. Ce qui valait au réalisa- Alibaba, est devenu teur de la Liste de Schindler cette cette actionnaire de la société de Steven fameuse saillie : « Nous apporte- Spielberg, Amblin rons plus de Chine Chi ne à l’Amérique l’Amérique et Partners. plus d’Amérique en Chine. C hine. » Mais pour apporter apporter plus d’ d’Amérique Amérique en Chine, encore faudrait-il que les fameux « quotas » de films fil ms étrangers (jusqu’ici limités à 34 longsmétrages par an) puissent être revus à la hausse. Lancé à fond de train dans sa conquête de l’Ouest, Wanda avait aussi annoncé son rachat imminent de la société productrice des Golden Globes. Globe s. Un coup d’éclat… Mais, au printemps 2017, le mastodonte a été prié pa r le s au to ri té s ch in oi se s de revoir ses ambitions à la baisse et de mettre un coup d’ d ’arrêt arrêt à ces « investissements irrationnels » pour po ur réd ui uire re so son n en ende dette tte me nt global. Une reprise en main du pouvoir pour ralentir rale ntir une course effrénée. Serrage de vis politique également. Depuis le printemps dernier, le bureau de « régulation » du cinéma et de la télév ision, autrefois sous la houlette du conseil des affaires de l’Etat chinois, est passé sous le contrôle du département de la propagande du Parti communiste. Q
Débaons
AG A GORA p. 68
LIBÉRATION SEXUELLE MALGRÉ TINDER, PORNHUB ET #METOO, LES TABOUS TABOUS ONT LA VIE DURE
3 P I / d a a w A e n è l r a M
Sommeil
“Un couteau suisse pour la santé” e n i l u o s s A h a n n a H
p. 72
Jean-Claude Michéa “Qui commence par Kouchner finit toujours par Macron.” p. 74 74
3 2 2 u a e r u B / e n i v e y E / d r a d n a t S g n i n e v E / e l t t i r W t t a M
Place publique
LA SEXUALITÉ S’EST-ELLE LIBÉRÉE ? Hypermédiatisée, l’expérience sexuelle s’est considérablement banalisée. Mais Mais les tabous ont-ils réellement disparu ? Deux ouvrages, l’un de la sociologue et politologue Janine Mossuz-Lavau et l’autre de l’historienne Sylvie Steinberg, analysent fantasmes et représentations. PAR MARGOT HEMMERICH ET CHARLES PERRAGIN
L
a sexualité s’est échappée du elle cependant l’apanage apanage de tous ? Force lit. Elle est même devenue la est de constater que subsistent des décachose publique par excellence. lages, des paradoxes à chaque époque. Dénonciation des agressions Par exemple, après la Seconde Guerre sexuelles dans le milieu pro- mondiale, où la libération politique fessionnel avec le mouvement Me Too, et le baby-boom s’accompagnent d’un débats juridico-politiques autour du har- retour à des valeurs très traditionnelles cèlement de rue, de la prostitution, ou sur le plan des mœurs et des relations sur l’âge minimal du consentement, fan- hommes-femmes, et ce malgré le moutasmes autour de l’éducation sexuelle à vement psychanalytique et la libération libération l’école. L’intensité croissante des discours de la parole autour de l’homosexualité sur notre rapport aux pratiques sexuelles dans l’entre-deux-g l’entre-deux-guerres. uerres. et aux jeux de pouvoir et de domination La libération sexuelle est-elle donc qu’il implique, semble faire de notre caractéristique de notre époque ? époque un moment bien singulier. Comment vivons-nous le sexe aujourd’hui ? Pour répondre à ces questions, deux ouvrages étonnants viennent Décalages et paradoxes Il faut dire qu’au-delà qu’au-delà de cette hyper- de paraître. D’un côté, la sociologue et médiatisation l’expérience sexuelle polit politolog ologue ue Jan Janine ine Mos Mossuz suz-Lav -Lavau, au, auteu auteurr s’est prodigieusement banalisée. Le de la Vie sexuelle en France, a mené site de visionnage de vidéos pornogra- en 2000 et en 2017 la même enquête qua phi qu ques es Por PornHu nHub b riv rivali ali se, en te terme rme s litative. Pour la seconde fois, elle a poussé de fréquentation, avec des entreprises la porte des foyers français pour parler comme Netflix ou eBay. A l’ère d’ Inter- d’amour et de sexe avec 65 personnes net, près d’un tiers des 18-30 ans sont âgées de 19 à 85 ans, et issues de tous les inscrits sur un site de rencontres. Grâce milieux. De l’autre, autre, l’historienne Sylvie à ces plates-formes en ligne, le nombre Steinberg a dirigé un ouvrage intitulé Une de partenaires sexuels se multiplie, en histoire des sexualités qui dégage les pré- d a a A part pa rtic icul ulie ierr po pour ur le less fem me mes, s, do dont nt la mices séculaires de la libération sexuelle w e n è l Marianne nne a r moyenne aurait plus que doublé depuis à l’œuvre depuis mai 1968. Maria e a les années 70. La libération sexuelle est- rencontré experts et témoins. Q M 68 / Marianne /
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“AVEC LES SITES DE RENCONTRES, les références ont un peu changé. La génération des trentenaires distingue ‘la femme que j’aime et la meuf Tinder’”, note Janine Mossuz-Lavau.
O LOG U E IO LA SOC I LA
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“LA LIBÉRA LIBÉRATION TION EST SURTOUT DANS LA PAROLE” JANINE MOSSUZ-LAVAU
L
a libération sexuelle est un processus lent, pas une révolution. Cette libération, je la la constate constate dans les mœurs aujour aujourd’hui, d’hui, mais surtout dans la parole. Tout le long de mon enquête, les personnes abordaient spontanément des points sur lesquels je devais leur poser la question il y a dix-sept ans. C’était très ouvert, les sondés évoquaient leurs pratiques, mais aussi tout ce qu’ils avaient pu subir comme violences sexuelles pendant l’enfance, et dont ils n’avaient jamais parlé parlé.. C’est C’est pour pour ça que que je je n’ai n’ai pas pas du tout été étonnée par l’explosion qui a suivi su ivi l’affaire Weinstein. Cette parole plus libérée a permis de constater que les hommes et les femmes se rapprochent de plus en plus dans leurs comportements, leurs rôles et attitudes. Elle permet aussi de casser les clichés, par exemple sur la masturbation : nombre de filles dans mon enquête font état de ces premiers help premiers help yourself yours elf à 6 ou 7 ans ; ou encore sur le désir masculin, de plus en plus d’hommes échappent aux stéréotypes, et ne se contentent pas de relations sexuelles sans sentiments. Autres tendances, la question de la sodomie est beaucoup plus spontanément abordée, et les identités sexuelles sont moins figées. Notamment, les relations homosexuelles et la bisexualité, qui ont augmenté chez les femmes. Pour autant, il y a toujours ce haro sur celles dont on dit qu’« elles couchent avec tout le monde ». Simplement aujourd’hui, avec le recours massif aux sites de rencontres, les références ont un peu changé, et la génération de trentenaires distingue « la femme que j’aime et la meuf Tinder ». Enfin, il existe ce que j’ai appelé le dernier tabou. Il s’agit de ce qui se passe dans ces couples qui vivent ensemble, qui s’entendent parfaitement mais qui n’ont plus de relations sexuelles. On parle de tout aujourd’hui, mais ce sujet reste inaudible dans une société complètement sexualisée. Q La Vie sexuelle en France, de Janine Mossuz-Lavau,
La Martinière, 288 p., 20,90 €. i
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Place publique S TO R I E N N E IS ’ H I L H
L E T É MO I N
“PAS DE LIBÉRATION DES MŒURS SANS TOLÉRANCE” STEPHEN DES AULNOIS, Fondateur et rédacteur en chef du Tag parfait, magazine en ligne consacré à la culture porno.
L
a démocratisation de la pornographie a permis de libérer nos fantasmes, de les vivre pleinement devant un écran ou simplement de permettre à une personne de se rendre compte qu’elle n’est pas seule au monde à être excitée par telle ou telle pratique. Imaginez : avant, la consommation de la pornographie passait par la littérature libertine – à partir du XVIII e siècle avec le marquis de Sade notamment – ou par des lieux publics, comme le cinéma après le milieu du
R D
“CE QUI ÉTAIT PRIVÉ EST DEVENU POLITIQUE” SYLVIE STEINBERG
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l faut relativiser la nouveauté de ce que nous vivons. Ladite révolution de la fin du XX e siècle a des prémices anciennes, qui remontent au moins à l’époque des Lumières. Au XVIII e, le taux de mortalité infantile diminue avec de meilleures pratiques hygiéniques, si bien que les couples, dans l’élite aussi bien que dans les classes populaires, vont se mettre à limiter les naissances. Continuer à avoir des relations sexuelles sans procréer va petit à petit instaurer une dissociation essentielle entre la sexualité et ce que la vieille médecine appelait la « génération ». Et cela va avoir beaucoup d’implications. Le recours à la contraception, contre les normes établies depuis des siècles par l’Eglise catholique, tout cela est déjà une révolution à l’époque. Plus encore, limiter les naissances implique aussi de s’entendre avec son partenaire. C’est ainsi que germe l’idée que le couple se fonde aussi sur la confiance réciproque. Le choix du conjoint devient décisif dans la détermination d’une visée commune, les relations de couple se tournent vers l’accomplissement personnel. On ne parle pas du tout de la diversification des pratiques sexuelles, mais déjà, à la fin du XIXe siècle, on comprend comment le mariage d’amour, choisi, remplace le mariage d’intérêt. On en vient même à cette époque à la possibilité du divorce, indice très important de l’inspiration au bonheur conjugal qui va se fonder aussi sur l’accomplissement sexuel. Les relations conjugales ont amorcé un changement profond il y a trois cents ans. Mais ce qui était de l’ordre du privé est devenu politique à la fin des années 60, avec la légalisation de la contraception chimique. Des pratiques intimes, la sexualité est donc devenue un enjeu collectif dont les réponses sont désormais politiques. La prostitution, par exemple, est devenue une question de société ; est-ce une libération ou un asservissement ? La question du harcèlement, si spectaculaire aujourd’hui, est le produit des débats sur les violences sexuelles et le viol apparus dans les années 70. Q Une histoire des sexualités, sous la direction de Sylvie Steinberg, PUF, 517 p., 22 €.
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XXe siècle, et les vidéoclubs encore après. Désormais, tout ce que vous pouvez imaginer se trouve à portée de main. Cependant, il ne faut pas confondre la consommation de vidéos X avec la sexualité. Les films scénarisant des comportements transgressifs – comme l’inceste – ont du succès, mais, évidemment, cela ne conduit pas forcément à un passage à l’acte ! On remarque aujourd’hui que, hormis quelques niches, on tend aussi de plus en plus vers
“PLUS DE 30 % DE MST CHEZ LES MINEURS, EN 2017” CAROLINE REBHI, R D
LA M I L I TA N T E
A
vant les lois Neuwirth et Veil, nous avions une écrasante majorité de demandes d’informations et de consultations liées
Coprésidente du Planning Coprésidente familial
à la contraception et à l’avortement. Aujourd’hui, ces requêtes sont encore présentes, mais les questions liées à la sexualité augmentent de façon sensible ;
Ils ont écrit sur la la question question du porno amateur, où l’on se rapproche toujours plus de la vie réelle. D’autre part, si jamais la pornographie fait que les jeunes pratiquent plus facilement la fellation ou la sodomie, il ne faut pas réduire la sexualité à de la technique. J’en viens au point essentiel. La sexualité est d’abord une question
d’acceptation sociale. Il y a quelques jours, un couple homosexuel s’est encore fait violemment agresser à Paris. Alors il y a peut-être une tolérance affichée, une libération dans le discours, mais tant qu’il y aura ces violences-là, je ne pense pas qu’on puisse parler de libération sexuelle tout court. Q
Médecins, scientifiques, philosophes, ils ont pensé la sexualité et en ont tiré des ouvrages qui ont marqué leur époque et continuent d’influencer la nôtre. SIGMUND FREUD Trois essais sur la théorie sexuelle (1905). Trois (1905). Le fondateur de la théorie psychanalytique fera de la sexualité le nœud de tous les conflits de la vie psychique. Elle est un monde où les pulsions sexuelles sont en lutte permanente avec les autres instances que sont le moi et le surmoi. Angoisses, inhibitions ou désirs ne sont que les symptômes de ces sournoises batailles.
ALFRED KINSEY Sexual Behavior In The Human Male (1948) et Sexual Behavior In The Human Female (1953). (1953). Considéré comme l’un des pionniers de la « sexologie scientifique », Alfred Kinsey est entomologiste de formation (l’étude des insectes). A la fin des années 40, il propose une étude de la sexualité fondée sur l’observation scientifique des pratiques, cherchant à se déprendre de la morale. Ces enquêtes révélaient le caractère banalisé de la masturbation, de rapports extraconjugaux ou des expériences homosexuelles.
HERBERT MARCUSE k o o b e c a F
des interrogations liées au plaisir ou aux problèmes avec son partenaire. Les femmes se confiaient déjà sur les violences conjugales dans les années 70, mais elles le font beaucoup plus spontanément aujourd’hui. Simplement, dans la pratique, c’est plus compliqué. La parole se libère, mais c’est toujours aussi compliqué de porter plainte : difficile de se confier confier,, d’être crue aussi. D’ailleurs, le nombre d’hébergements d’urgence pour protéger les femmes violentées n’a pas augmenté. Quant aux plus jeunes, ils constituent une autre difficulté.
Chez certains parents, il y a une volonté de protéger les jeunes qui est en réalité un déni de leur sexualité. Pourtant, ils tombent amoureux, comme nous. Si les parents ne veulent pas le voir, ils agissent dans leur dos, et dans l’ignorance. De plus, l’éducation sexuelle n’est pas enseignée dans tous les établissements, c’est pour cela qu’une circulaire vient d’être publiée en ce sens. En 2017, les infections sexuellement transmissibles ont augmenté de 30 à 40 % chez les mineurs. Q
Vers la libération (1969). L’originalité L’or iginalité de la pensée de Herbert Marcuse, inspirée tant par Freud que par Marx, tient dans l’analyse d’une civilisation qui se serait construite sur une « surrépres surrépression sion » des instincts. Comme chez Freud, le principe de réalité prédomine sur le principe de plaisir, mais Marcuse valorise le « grand refus » contre l’ordre social. Dans son livre Vers la libération, le philosophe propose une contestation permanente, critiquant l’aliénation, l’exploitation et la répression pour valoriser le plaisir.
MICHEL FOUCAULT Histoire de la sexualité (1976-1984). La sexualité ne se réduit pas à des pratiques, mais à un ensemble de discours sur la sexualité qui se sont multipliés au cours des trois derniers siècles – les hygiénistes, les pédagogues, les psychiatres, les sexologues, les sociologues, etc. Foucault montre que cette « volonté de savoir » le sexe est en réalité une volonté de pouvoir. Connaître, donc juger, normer, normer, et enfin contrôler. Ainsi,, le Ainsi le philos philosophe ophe rem remarq arque ue que plus la par parole ole se libè libère, re, plus l’intime s’assujettit aux normes sociales.
FRANÇOISE HÉRITIER Masculin/féminin. La pensée de la différence (1996). « Il faut anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible », martelait l’ethnologue et anthropologue Françoise Héritier. Après des travaux sur le corps, la parenté, l’inceste, c’est finalement sur la question des fondements de la domination masculine qu’elle concentre son attention, théorisant le concept de « valence différentielle des sexes ». Pour elle, de la capacité procréatrice des femmes découle une attitude de contrôle de leurs corps et de leurs destins par les hommes, et d’une privation d’accès au savoir et au pouvoir. Q
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Cri d’alarme
“LE MANQUE DE SOMMEIL EST UNE CA CAT TAST ASTROPHE ROPHE SA MATTHEW MA TTHEW WALKER, PROFESSEUR EN NEUROSCIENCES ET SPÉ Directeur d’un laboratoire laboratoir e consacré au sommeil à l’université l’univer sité de Berkeley, Matthew Walker publie “Pourquoi nous dormons”. Un plaidoyer scientifique pour que l’on cesse de négliger un repos nocturne vital. PAR BRICE PERRIER
BIO EXPRESS
1974 Naissance à Liverpool.
2000 Il découvre que les ondes cérébrales émises par le cerveau lorsque nous dormons permettent de diagnostiquer précocement la démence liée à la maladie d’Alzheimer. Etudier le sommeil devient alors son obsession.
2004 Il intègre l’université de Harvard, comme professeur en psychiatrie.
2007 Il rejoint l’université californienne de Berkeley où il fondera le Center For Human Sleep Science, institut de recherche sur le sommeil.
2017 Il publie Why We Sleep . Best-seller international, il est traduit dans une trentaine de langues. Sa version française vient de paraître. 72 / Marianne /
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ien ne serait plus gratifiant pour Matthew Wa W alker que de vous savoir piquer du nez en le lisant. Loin d’y voir un manque d’intérêt, il apprécierait que vous donniez ainsi « du sens et du poids » à son propos. Avec Pour Pourquoi quoi nous dormo dormons, ns, ce professeur en neurosciences livre un manifeste pour le sommeil et ses bienfaits insoupçonnés, donc négligés par deux tiers des adultes dans les pays développés. Autant de personnes qui ne consacrent pas à leur mise au repos nocturne son volume horaire nécessaire, sans que l’on nous en alerte. L’Organisation mondiale de la santé a, certes, diagnostiqué une « épidémie de manque de sommeil », relève Matthew Walker. Mais il constate aussi une absence de prise en compte sérieuse, sérieuse, « l’oubli le plus évident du discours sanitaire contemporain », alors que « l’im pact de la destruction destru ction du sommeil se révèle être une catastrophe pour notre santé, notre espérance de vie, notre sécurité, notre productivité et l’éducation de nos enfants ». Il faut dire que la science a pendant longtemps échoué à expliquer l’utilité d’être endormi. Il y a une vingtaine d’années, « personne ne savait vraiment pour quelle raison nous avions besoin de dormir, ni quelle était l’action du sommeil », rappelle Matthew Walker. Mais la recherche sur cet état mystérieux
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nous a fait sortir de l’obscurité grâce à de nombreuses décou vertes. vert es. Notr Notree homme homme en est un précurseur, et, fort de cette nouvelle connaissance,, il peut affirmer que connaissance le sommeil est « un véritable couteau suisse pour la santé ». L’atout maître de notre forme.
Véné V énére rerr Mo Morphé rphée e Walker dévoil dé voilee quantité qua ntité de dondon nées signifiantes sur l’importance du sommeil et le péril qui nous menace quand on le néglige. Dormir régulièrement moins de six ou sept heures par nuit a, par exemple, un effet destructeur sur le système immunitaire et double les risques de cancer. Délaisser les bras de Morphée est un facteur déterminant de la maladie mal adie d’Alzheimer, Alzheimer, et cela favorise les problèmes cardio-vasculaires comme les troubles psychiatri psychi atriques ques.. En se privant pr ivant de sommeil, on contrarie un processus de restauration de l’ensemble de nos organes, aussi complexe que merveilleusement réglé. Il repose principalement sur l’interaction entre le rythme dit circadien – propre à chacun, avec ceux qui sont du soir et ceux qui sont du matin – et une sorte d’horloge biologique interne nommée noyau suprachiasmique. Elle contribue à la diffusion de la mélatonine, hormone censée nous prévenir que la nuit est tombée et qu’il va falloir se coucher. Endormis, nous multi plions alors les cycles ensommeil-
lés, en alternant sommeil Nrem (non rapid eye movement), connu comme le plus profond, et sommeil REM (rapid eye movement), lié aux rêves. Chacun à son importance, le premier ayant pour fonction, notamment, d’éliminer des connexions neuronales inutiles, tandis que le second renforce celles allouées à notre n otre capacité d’analyse analyse et à notre créativité. L’ensemble validant la maxime selon laquelle la nuit porte conseil. Cette mécanique nocturne peut être malmenée par différents différents perturbateurs tels que la lumière des écrans ou le digestif du soir, l’alcool étant « l’un des suppresseurs de sommeil R EM les plus puissants puissa nts », nous prévient Matthew Walker. Le souci sou ci principal princ ipal est e st en fait notre mode de vie et de tra vail qui impose des rythmes aussi soutenus que matinaux dès l’école. Le scientifique déplore l’inconscience des autorités éducatives et de santé qui ne prennent pas la mesure du danger mortel du déficit de sommeil. Il note par ailleurs que nous sommes « la seule espèce » à s’en priver délibérément, curiosité anthropologique à laquelle cet Anglais invite aujourd’hui à réfléchir pour y remédier. Tout en prescrivant « le conseil médical le moins douloureux et le plus agréable à suivre ». Douce nuit à ceux qui s’apprêtent à le suivre. Q Pourquoi nous dormons, de Matthew Walker, La Découverte, 450 p., 19,90 €.
3 3 2 u a e r u B / e n i v e y E / d r a d n a t S g n i n e v E / e l t t i r W t t a M
REPÈRES 8 HEURES La durée idéale selon la Fondation nationale du sommeil américaine qui préconise pour un adulte une dose quotidienne de sept à neuf heures.
NITAIRE” NITAIRE ” CIALISTE DU SOMMEIL
DANGER MORTEL Aux Etats-Unis, une personne meurt toutes les heures d’un accident de voiture lié à la fatigue et au manque de sommeil. C’est plus que ceux causés par la drogue et l’alcool réunis.
RÊVES Si Freud voyait dans les rêves une porte d’entrée de notre inconscient, la science du sommeil y a décelé un formidable outil de convalescence émotionnelle. Ils aident à apaiser nos souvenirs douloureux, mais créent aussi un espace de réalité virtuelle qui stimule notre créativité.
CAFÉINE Stimulant psychoactif le plus utilisé au monde, la caféine se fixe dans le cerveau sur les zones d’accueil de l’adénosine, une substance chimique dont l’accumulation donne l’envie de dormir. Agissant Agissant au moins cinq heures, le café peut ainsi empêcher un endormissement facile synonyme de sommeil profond.
SOMNIFÈRES Face au manque de sommeil, les somnifères ne sont pas la solution, car ils contrecarrent son pouvoir réparateur, effaçant par exemple la mémoire au lieu de la renforcer. Matthew Walker recommande des alternatives non médicamenteuses, comme la thérapie comportementale et cognitive de l’insomnie.
NON NÉGOCIABLE Le scientifique s’octroie au minimum huit heures par nuit, surtout depuis qu’il a découvert à quel point le sommeil était “un véritable couteau suisse pour la santé”.
Idées
JEAN-CLAUDE JEAN-CLA UDE MICHÉA
CONTRE LA COMP COMPAGNIE AGNIE KOUCHN KOUCHN A l’heure où la gauche “droits-de-l’hommiste” se fait le chantre de l’hyperindividualisme, l ’hyperindividualisme, le philosophe passe notre société ultralibérale à la loupe marxiste pour mieux dénoncer la décomposition marchande du lien social. PAR JACK DION
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ean-Claude Michéa laissera son nom à une technique d’ d’analyse analyse et d’écriture originale. Il commence par un court texte, qu’il complète par des « remarques additionnelles », comme il dit, lesquelles sont quasiment aussi importantes que le prop os ini initia tial,l, afi afin n de d e l ’en ’enric richir hir et de le préciser. Si, au départ, le procédé a pu dérouter le béotien, il a fini par trouver (et prouver) prouver) sa cohérence. Rebelote, donc, avec le dernier opus du philosophe le plus détesté de l’intelligentsia germanopratine. Le livre s’intitule le Loup dans la bergerie – référence directe à la pensé pe nsé e d e Kar Karll Mar Marx, x, qu quee Jean J ean-Claude Michéa ne cesse de revisiter en la confrontant aux réalités contemporaines. Il s’agit, à l’origine, d’une conférence devant le Syndicat des avocats de France, en 2015, sur les liens philosophiques entre le marché et le droit. Celle-là a été reprise et complétées par les fameuses scolies, qui sont aux essais de Michéa ce que les didascalies sont au théâtre de Beckett. Au te rm e de sa co nf nfér éren en ce , le philosophe était arrivé à une conclusion qui résume son ouvrage : « Qui commence parr Kou pa K ouch chne nerr f in init it tou jou rs pa parr Ma M a c r o n . » Michéa fustige le « droits-de-l’hommisme », cette idéologie devenue la bible d’une frange de l’élite intellectuelle se croyant révolutionnaire alors qu’elle a substitué la question sociétale à la question sociale en faisant du droit personnel (et donc de l’hyperindividualisme l’ hyperindividualisme)) le juge de paix suprême. Ainsi, les apôtres 28 74 / Marianne / 28
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Le Loup dans la bergerie, de JeanClaude Michéa, Climats, 164 p., 17 €.
du libéralisme culturel sont les d’une émancipation collective. idiots utiles des grands prêtres du Nourri au sein du socialisme, de libéralisme économique dans sa l’ l’anarchisme, anarchisme, du marxisme, du conception moderne, celle d’un populisme populism e (encore un gros mot), mo t), néolibéralisme qui a permis au Michéa persiste et signe. « loup de Wall Street » de rentrer dans la « bergerie socialiste ». Disparition des repères Cette grille grill e d’analyse d’analyse constitue A se sess ye yeux ux,, se ca cant ntonn onn er à lu luttle fil rouge de l’œuvre de l’ex-pro- ter pour de « nouveaux droits », fesseur de philosophie qui coule sans se demander s’il s’agit d’un ses jours de retraité actif dans vr ai pr og rè s so ci al et hu ma in un village du sud de la France, ou d’une décomposition maraprès avoir longtemps enseigné chande du lien social, conduit à Montpellier. Elle lui a valu d’être à la disparition progressive de traité de tous les noms d’oiseaux tous les repères communs – ce par les petits petits marquis de la pensée qu’Engels appelait « l’atomisation conforme. Estampillé passéiste, du monde ». Michéa écrit : « Une archaïque, néoconservateur ou communauté humaine ne peut réactionnaire, Michéa continue exister comme telle et a ssurer sa son bonhomme de chemin intel- survie que dans la mesure où elle lectuel, renvoyant ses contemp- reproduit en permanence du lien. teurs à leurs propres contradic- Ce qui suppose naturellement tions, sur la foi d’une connaissance entre ses membres ce minimum approfondie des marxistes et des de langage commun et de normes penseurs pense urs icono i conoclast clastes es qui q ui nourno ur- culturelles communes à défaut rissent sa réflexion. duquel les pratiques d’entraide S’il est détesté par Libé Libérati ration, on, et de solidarité quotidienne sur […] le Monde, Télérama et le Nouveau lesquels repose le lien social […] Magazine Magaz ine littérai lit téraire re (avec ou sans laissent inévitablement la place Raphaël Glucksmann), c’est parce au règne du “chacun pour soi” et que le bonhomme n’est pas de à la guerre de tous contre tous. » ceux qui ont abandonné l’idéal Or, la logique du capitalisme et de sa « main invisible » (celle du marché) tend à faire de l’échange marchand la seule forme de lien social. Comme l’a montré Guy Debord, quand la marchandise règne, la société du spectacle étale ses flonflons, animée par l’intelligentsia d’une gauche qui a tout oublié. Libéralisme économique et libéralisme culturel peuvent alors cheminer main dans la main, tel un couple recomposé. Le capitalisme n’est pas conservateur, bien au contraire. Sa capacité à se révo-
LES TENANTS DU MARCHÉ SONT EFFICACEMENT SECONDÉS PAR L’EXTRÊME GAUCHE DITE RADICALE, QUI A PLONGÉ LE CŒUR LÉGER DANS LE GRAND BAIN DE L’AMÉRICANISATION DES MŒURS.
depuis la Commune de Paris. On peut vant vanter er le l e monde mon de sans s ans fronf rontières (no border) dont border) dont rêvent les multinationales pour organiser la guerre des pauvres contre les pauv pa uvre ress et se pre nd ndre re po pour ur un rebelle en confortant l’ordre établi.
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Fuite en avant
Pour Michéa, l’idéologie des droits de l’homme conduit à isoler la revendication de nouveaux droits (dont certains sont parfaitement légitimes, au demeurant) « de toute définition politique, économique et morale des conditions d’une vie commune aussi libre et égalitaire que possible ». Le ». Le fils spirituel de George Orwell poursuit : « C’est avant tout dans cette “ illusion juridique” inhérente à l’axiomatique libérale – dont la conséquence immédiate est la négation du caractère de classe de classe de la démocratie libérale “représentative”” – qu’il convient de chercher tative la raison récurrente qui conduit les défenseurs officiels des “ droits de l’ homme homme”” – d’ordinaire intarissables quand il s’agit de Poutine, de Maduro ou de Bachar al-Assad – à se montrer d’une singulière discrétion à chaque fois qu’on qu’on les prie de prendre position sur le monde, certes moins brutal brutal (du (du moins pou r l ’ in inst stan ant), t), ma mais is à c ou oup p sûr s ûr infiniment plus déshumanisant (puisqu’’ il ne vise rien de moins (puisqu qu’à reprogrammer intégralement l’l’être être humain en fonction des seuls intérêts des élites économiques) dont les maîtres de la Silicon Valley, et leur inquiétante armée de savants fous, travaillent nuit et jour à précipiter l’avènement. » Envers et contre cette fuite en avant, Jean-Claude Michéa prône une « société mondiale démocratique, “ décroissante décroissante”” et respectueuse des meilleures t raditions populaires popula ires ». Le ». Le propos est séduisant, même s’il idéalise parfois lesdites « traditions populaires ». Mais au moins le philosophe a-til le mérite de sortir des sentiers battus et de mettre les pieds dans le plat préféré des professeurs de morale. Q
e n i l u o s s A h a n n a H
lutionner en permanence et à ne est possible de tout justifier par tolérer aucune limite, qu’elle soit l’expression « c’est mon choix », on naturelle, commerciale ou morale, peut se lancer à corps perdu dans le conduit « à subvertir le monde des délires insensés et des causes du droit lui-même », et », et à faire de farfelues, comme si l’idéologie du l’homme non un être social mais genre théorisée jusqu’à l’absurde un animal lâché dans la jungle. et l’écriture inclusive étaient le Dans cette affaire, les tenants nec plus ultra de l’émancipation. du marché sont efficacement Sous prétexte de n e stigmatiser secondés par l’extrême gauche perso personne, nne, on peut chois choisir ir son sexe sexe,, dite radicale, qui a plongé le cœur c œur sa couleur de peau, et pourquoi pas léger dans le grand bain de l’amé- son lieu de naissance. On peut céléricanisation des mœurs. L’idéal brer la féminisation de l’ l ’Assemblée Assemblée « libertarien » est devenu ce que nationale, en oubliant que, dans Michéa nomme son « kit de sur- son dernier millésime, elle est la vie intellectuelle ». Dès ». Dès lors qu’il moins représentative du peuple
FILS SPIRITUEL D’ORWELL, Jean-Claude Michéa prône une “société mondiale démocratique, ‘décroissante’ et respectueuse des meilleures traditions populaires”.
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24 heures avec...
JORD, SERVEUR À AIX-EN-PROVENCE 10 heures
15 heures
Je passe sous la douche, j’enfile un pantalon et e t un teeshirt, et je vais au restaurant, à cinq minutes à pied.
Je déjeune sur place, et j’ai de la chance : dans d’autres restos, le personnel n’a droit qu’à un plat unique, pas toujours très bon. Ici, le chef me prépare ce que je veux, à condition d’éviter le magret ou la sole. Après, je rentre me reposer parce qu’un service, c’est usant.
RÉVEIL EN DOUCEUR
11 heures
CALER LE SERVICE
Je bois un café en arrivant. En général, les tables ont été dressées par mes collègues qui bossent le matin. Mais, si on a eu du monde dans la matinée, il faut débarrasser les verres, les cafés, et mettre les couverts. S’il faut toujours laisser le resto impeccable pour les serveurs qui prennent le relais, certains, surtout les novices, ne font pas toujours leur boulot.
11 h 30
PREMIER SERVICE
On est deux serveurs pour une moyenne de 70 couverts. Ça monte à 100 quand il fait beau, et parfois même à 140. S’il pleut, le chiffre dégringole. On n’a qu’une vingtaine de couverts à l’intérieur.
12 heures
LES COMMANDES S’ENCHAÎNENT
COUPURE
18 heures
DEUXIÈME SERVICE
Les étrangers, ceux du nord de l’Europe, dînent tôt, mais les autres clients arrivent plus tard. De temps en temps, quelqu’un claque des doigts ou siffle pour m’appeler. Je lui demande de partir. Ceux-là confondent serveur et serviteur !
22 h 30
ARRIVÉE DES DERNIERS CLIENTS VENUS POUR DÎNER
Le tempo du service ralentit, sauf si un collègue manque en cuisine. Je peux alors avoir à dresser des desserts. Quand tout va bien, je mange enfin, tout en restant prêt à servir un client. Trois bouchées par-ci, trois bouchées par-là… J’ai l’habitude.
1 h 30-2 heures
Je suis la vitrine du restaurant : j’accueille les clients avec a vec le sourire. sour ire. Surtout des habitués pendant l’année, moins l’été. Là, on a des touristes et des étrangers qui ne font pas toujours l’effort de parler en anglais. Je n’écris pas les commandes, tout est dans la tête. Rien à voir avec mes débuts : à l’époque, le poids des assiettes me donnait une tendinite au creux du coude.
FERMETURE
14 h 30-15 heures
DÉCOMPRESSION
EFFEUILLAGE DE LA MENTHE
En été, je lave et j’effeuille quatre bouquets de menthe pour préparer des mojitos. J’en ai pour vingt minutes, et autant quand je coupe les citrons utilisés dans les cocktails. C’est impossible à faire d’une traite s’il y a encore des clients à servir. 76 /
Je nettoie le bar, un coup de serpillière, pareil dans les toilettes. Et je remplis les frigos avec les consommations qui seront servies à la réouverture. On se partage les pourboires, et je rentre, et ainsi six jours sur sept. Un service intensif de 60 heures par semaine, qui me permet de gagner environ 1 800 € par mois, 2 000 avec les pourboires.
2 h 30-3 heures Je fais le vide au moins une heure. La musique du bar, le brouhaha des conversations, toutes ces heures debout, ça fatigue, physiquement et surtout nerveusement… Contrairement à ce que sous-entend le président de la République, le métier n’est pas simple. Mais aucune journée ne se ressemble, et j’aime ça. Q PROPOS RECUEILLIS PAR THOMAS RABINO
Marianne / 28 28 septembre au 4 octobre 2018
Jord, 26 ans, travaille depuis huit ans dans la restauration. S’il n’a guère eu de difficultés à trouver un emploi, ce serveur du café des Cardeurs a aussi assisté à un défilé continu de débutants qui, après avoir traversé la rue pour déposer leur CV (comme les y invitait Emmanuel Macron le samedi 15 septembre), n’ont pas tenu face aux exigences d’un métier guère rémunérateur : selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, plus de 150 000 postes sont à pourvoir dans tout le pays. Q
p o y M / e g n o M r e i v i l O
r e n s b i e l s a t é r i e e e n D u t
m n e a r a g a g n g e
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Courrier L’IDÉE RÉPUBLICAINE DE LA SEMAINE
LE TEMPS DES PANTINS On dit Emmanuel Macron intelligent, cultivé. Peut-on être intelligent et mettre en place le CICE, racket généralisé de la population au profit des entreprises sous prétexte d’amélioration des marges, comme au bon vieux temps féodal ? S’agit-il d’accroître d’accroître le pouvoir d’entreprises jusqu’à ce qu’elles deviennent plus fortes que les Etats ou bien de servir les hommes ? Surveiller des indicateurs (croissance, inflation) comme autant de vérités absolues démontre l’incapacité des gouvernants à gouverner. L’économie, L’économie, qui se fait nommer science, lui permet d’imposer des règles stupides qui échappent au plus grand nombre avec l’aval des gouvernements qui, ce faisant, trahissent les peuples. Les lobbies sont aux commandes et le gouvernement est leur pantin. Les mesures prises pour résorber la pauvreté, on en rigolerait presque si le sujet n’était pas si sérieux. Penser qu’on peut résorber la pauvreté pauvreté en réduisant la cantine à 1 € par jour… Comme si la cause pouvait se réduire à cela, alors que ce n’est que la conséquence. La pauvreté tient à la réduction ou à la suppression de ce qu’on appelait « la politique de redistribution ». Ce mot a été scandaleusement remplacé par « assistanat ». Or Or,, aujourd’hui, l’assistanat se trouve du côté des plus riches et des entreprises. L’aide à l’emploi versée à ces dernières a depuis longtemps démontré son inefficacité. La désorganisati désorganisation on organisée et systématique de toutes les institutions publiques (hôpitaux, écoles, universités…) est instituée dans le but de contraindre la population à se tourner vers le privé, systématiquement plus cher, et à générer le maximum de profit. Un homme intelligent peut-il continuer à prôner le dogme de la croissance éternelle alors qu’il sait pertinemment qu’il s’agit d’une bêtise ? Quel est l’intérêt de permettre à certains d’accumuler des fortunes ? Quel est l’intérêt d’acculer les foules à la pauvreté et à la misère ? Q YOLANDE H.
L’ARNAQUE DU REVENU UNIVERSEL Le chef de l’Etat vient d’inventer le revenu « universel sélectif ». Or, un revenu universel est un revenu pour tous, y compris pour Bernard Arnault, et c’est là toute sa cohérence. Le revenu « universel » d’activité, qui implique la soumission à des impératifs incontournables, incontourna bles, s’apparente à un revenu « au mérite », et l’on risque de retrouver un jour Bernard Arnault comme seul bénéficiaire. Q CHRISTIAN LADANE, SCY-CHAZELLES
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LES GOGOS DU PATRIMOINE Le Loto du patrimoine a, paraît-il, remporté un vif succès. La presse se gausse. L’Etat n’est pas capable, avec ses propres deniers, d’assu-
rer un service qui lui incombe, à savoir sauvegarder le patrimoine culturel national. Certes, chacun est libre de faire des dons. On est sollicités tous les jours pour pallier les défaillances de l’Etat dans tous les domaines. Mais, ce qui est malhonnête, c’est que l’Etat s’engraisse grâce aux dons des citoyens. En effet, il prélève sur les mises du Loto une part qui équivaut à ce qui va servir aux monuments. Cette ponction n’alimentera même pas le budget de la Culture déjà insuffisant. Elle Ell e va se « noyer » dans le budget général comme tout impôt et, qui sait, elle servira peut-être à financer le changement de vaisselle de l’Elysée ! Q MICHEL CHATENET, THORS
LE VRAI-FAUX DÉBAT Ça y est, Jupiter l’a décidé ! Les prochaines élections européennes verront s’affronter les progressistes et les populistes. Il est vrai que cela sonne mieux que d’opposer l’Europe des lobbies de la finance et des multinationales à celle des citoyens. Les libéraux ont toujours l’art de détourner le vocabulaire à leur seul profit ! Emmanuel Macron veut tirer parti de l’Europe pour redorer son image fortement dégradée. Mais quel enseignement retirer d’une élection où plus de la moitié des citoyens ne voyant pas vraiment le rôle de ce Parlement boude les urnes ? La vraie démocratie consisterait à dire que l’élection est invalidée s’il n’y a pas au moins 50 % des inscrits qui se déplacent et il n’y a pas qu’en France que c’est le
cas ! Cette élection repose sur l’hypocrisie d’Emmanuel Macron. Il s’érige en rempart face à l’extrême droite alors que, comme l’a justement dit François Hollande, l’ultralibéralisme fait le lit des populistes (là encore, suprême hypocrisie de quelqu’un qui a fait la même chose mais à un rythme plus lent !). Macron se présente comme quelqu’un de moderne, mais son programme, c’est le retour au passé avec le libre-échange du second Empire. A cette référence historique je préfère celle du Conseil national de la Résistance, qui a débouché sur les Trente Glorieuses et la construction d’une Europe que ses créateurs ne voyaient certainement pas évoluer vers Juncker et son mépris des peuples ! Q H. ROBERT, GRENTHEVILLE
DES SA S ATRAPES INCONSCIENTS Les Cassandres n’ont jamais été très bien vus des puissants, à l’instar des écolos d’aujourd’hui.
Pourtant, face aux défis de notre temps, il serait judicieux de les prendre au série s érieux. ux. La plan p lanète ète se réchauffe et les rapports humains se refroidissent, les risques nucléaires s’intensifien s’intensifient, t, la démographie est de plus en plus galopante, galopant e, la pollution pollu tion des océans et des sols est le résultat, ainsi que le déboisement intensif. La montée tous azi-
muts des fanatismes religieux et ethniques remet en cause le « vivre-ensemble », les inégalités se creusent toujours davantage sans parler de la corruption et de la biodiversité. Qui serait assez naïf dans ces conditions pour promettre à nos petits-e peti ts-enfant nfantss des d es len lendema demains ins qui chantent ? Ne seront-ils pas en droit de penser que nous étions des satrapes sadiques et inconscients ? Q SIMON GARRIGUE, ROYAN
Ça va mieux en le disant
LA VULGARITÉ TRIOMPHANTE PAR GUY KONOPNICKI
S
e faire entendre à télévision tout en s’exprimant que fréquente Yann Moix ne se passent pas d’un dispositif de avec un minimum d’élégance semble de plus en sécurité. Dans ces conditions, viser les flics sous la ceinture et plus diffici difficile, le, car il convien convientt désorm désormais ais de débord déborder er par-derrière témoigne d’un manque absolu d’élégance. de la lucarne afin d’être repris et commenté jusque La faute politique elle-même découle du basculement sur les téléphones mobiles. Pour obtenir un effet dans la vulgarité. Cherchant une expression assez forte pour que l’on nomme le buzz, il ne suffit plus de faire déclencher une polémique durable, Yann Moix a tenté de faire la buse, comme Eric Zemmour, s’offusquant des importa- peuple, lui qui n’a de cesse cesse de brocarder brocarder le populism populisme. e. Le voici, tions de prénoms en une République qui eut un Sadi Carnot descendant au niveau des voyous, récupérant leur langage et pour président en 1887 1887 et un Marx Dormoy pour ministre de leurs préjugés, évoquant, à leur manière, les attributs virils, l’Intérieur en 1936. Cela ne déclencha jamais qu’une semaine considérés comme les glandes du courage. Le tout dans une ou deux de polémiques, des plus langue vulgaire et insane. Une telle superficielles au demeurant. La pauvreté d’expressio d’expression n ne s’accorde vulgarité vulgari té excrémenti excr émentielle elle associée ass ociée guère avec la pensée généreuse et à une violente attaque contre les humaniste dont Yann Moix se préfonctionnaires de la police nationale vaut. Car il se justifie, par les mois se révèle beaucoup plus efficace. Les passés à Calais, pour embrasser la syndicats de policiers et le ministre cause des migrants. Qu’il ait vu, à cet de l’Intérieur ayant saisi les autoriendroit, des scènes indignes ne sautés audiovisuelles et les tribunaux, rait justifier son propos. Aucun goul’affaire promet de durer plus long vernement n’a trouvé une réponse temps et d’être relancée à chaque satisfaisante à la crise migratoire étape de la procédure. et le traitement des victimes par la répression n’est pas acceptable. Yann Moix surprend d’abord par Mener la critique des choix polila basse trivialité de son style. tiques, et, par exemple, de l’incapaL’indigné professionnel des placité des Européens à combattre les teaux a fini par étouffer l’écrivain, trafiquants, n’autorise nullement à qui devrait savoir ce qu’il en coûte insulter les policiers en tant qu’indide s’abaisser à pareil langage. La vidus. Le discours basique oppose matière fécale revient toujours à la violence déployée à Calais à une celui qui la manipule sans plus de supposée passivité, imposée par la précaution. précauti on. Car, enfin, e nfin, il faut f aut être peur, dans les les quartiers difficiles. bien merdeux pour la balancer sur Au b out de c e ra isonn isonneme ement, nt, la les policiers, alors même que l’on crainte éprouvée par chaque politravaille sous leur protection. Il me cier devient la raison même de la souvient que Yann Moix se proclamait Charlie, solidaire de toutes les victimes du terrorisme. Se dérive des cités. Qu’importe si ces policiers manquent de souvient-il, lui, de Franck Brinsolaro, chargé de la protection moyens, s’ils se trouvent souvent en nombre insuffisant face de Charb, abattu avec lui ? Ahmed Merabet ? Aurait-il oublié, à des bandes organisées et armées. En deux phrases gros pour une un e saillie saill ie triviale, tri viale, la policière polic ière Clariss Clarissa a Jean-Philippe Jean- Philippe,, sières, Yann Moix disqualifie non la police ou le ministère de froidement abattue à Montrouge, le lendemain de la tuerie l’Intérieur, mais chaque policier. Le tout avec une idéologie de Charlie et la veille de l’attentat antisémite de la porte de virile et méprisante qui ressemble à s’y méprendre à celle des Vincenne Vinc enness ? Le L e temps tem ps est es t loin loi n de la douce do uce irres i rresponsa ponsabili bilité té voyous, si fiers de terroriser les flics. La vulgarité vulgarité médiatique des intellectuels, jouant d’une vieille tradition libertaire pour retrouve naturellement les accents de celle qu’elle condamne. railler les flics. La condition de l’action publique serait donc d’en avoir ou pas, la valeur se mesurant entre l’intestin et le fond du pantalon. Que cela nous plaise ou non, le terrorisme et l’incivilité vio- Au-delà de l’offense faite aux aux femmes femmes et aux hommes chargés lente nous contraignent à les considérer autrement. Toute d’assurer la sécurité publique, la vision politique de Yann Moix manifestation culturelle demeure une cible et les plateaux devient des plus inquiétantes. Q 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 79
C’est dit
LA PEUR DU GRAND MÉCHANT RUSSE PAR JACK DION
L
e secrétaire américain de la Défense, Jim Mattis, s’est rêvent d’arrimer arrimer ce jeune Etat à l’Union européenne et à l’Otan, l’ Otan, récemment rendu à Skopje, capitale de la Macédoine, afin d’étendre encore plus la sphère d’influence d’une alliance pour soute soutenir nir les part partisans isans du oui au référ référendu endum m sur sur militaire née de la guerre froide et qui a survécu à la disparile changement de nom de ce pays en « République de tion de l’Union soviétique. Les Le s Etats-Unis ont déjà fourni une Macédoine du Nord ». Jim Mattis en a profité pour aide d’environ 750 millions de dollars à la Macédoine de puis dénoncer « l’ingérence russe » dans cette République 1991, dont 5 millions de dollars d’assistance militaire. Mais, de l’ex-Yougoslavie. On serait tenté de saluer le comique de dans ce cas, nul ne dénonce une ingérence qui est, comme répétition s’il ne s’agissait d’une histoire sérieuse qui aboutit à chacun sait, à géométrie variable : condamnable quand elle voirr la ma voi main in de Mos Moscou cou par partou toutt et cel celle le de Wa Washi shingt ngton on nul nulle le par part, t, va de l’Est vers l’Ouest, acceptable (voire (voire souhaitable) quand même quand celle-ci est aussi visible que la paluche de Goliath. elle va dans le sens inverse. Des esprits se prétendant bien informés ont expliqué que Ainsi, si, nul ne s’e s’est st ému qua quand nd la Pol Pologn ogne e a réc récemm emm ent le Kremlin avait mené une campagne de désinformation Ain pour enco encourage uragerr les élec électeurs teurs macéd macédonie oniens ns à boyc boycotte otterr le annoncé qu’elle était prête à débourser au moins 2 milliards scrutin. C’est possible. Mais en quoi serait-ce plus répréhen- de dollars pour l’implantation sur son sol d’une base militaire américaine qui pourrait s’appeler sible que les interventions directes de s’appeler plusieurs éminences éminenc es du monde occi« Fort Trump ». Touché par p ar l’annonce, l’annonce, dental agissant à visage découvert, le président américain a répliqué qu’il comme s’ils étaient en pays conquis ? allait étudier « très sérieusement » cette Avant Jim Matti M attis, s, se s e sont so nt succé s uccédé dé à offre. On imagine sa tête – et celle des de s Skopje la chancelière Angela Merkel, commentateurs – si l’on apprenait que dirigeante d’un pays qui a naguère le Mexique était prêt à financer l’insfavorisé en sous-main l’éclatement de tallation sur son territoire d’une base la fédération yougoslave (avec le sucmilitaire baptisée « Fort Poutine ». cès que l’on sait), le chancelier autriTout le monde y verrait, non sans raichien Sebastian Kurz, la diplomate en son, une provocation du Kremlin, une chef de l’Union européenne Federica quasi-déclaration de guerre (comme à Mogherini, sans oublier le secrétaire l’époque des fusées soviétiques à Cuba, général de l’Otan, Jens Stoltenberg, en 1962), et une menace pour la paix qui se croit chez lui dans n’importe mondiale. quel pays européen. Mais, dès lors lor s qu’il s’agit agit d’étendre d’ét endre la zone d’influence militaire des EtatsQuel était le message de ces resUnis jusqu’aux aux frontières de la Russie pectables éminences à destination et d’intégrer de nouveaux venus au des électeurs ? Il faut voter oui pour sein de l’Otan, le silence règne dans saisir « une chance historique ». Peutles chancelleries, les rédactions et les être ont-ils raison. Peut-être faut-il en cénacles fréquentés par une intelli passer par là pour apaiser les tensions tensions gentsia d’ordinaire si prompte à faire dans les Balkans, où l’éclatement de résonner les clairons de la révolte. Par la Yougoslavie Yougoslavie puis l’indépendance parenthèse, parenthè se, il n’y a pas p as plus de d e réacdu Kosovo, ex-province albanaise de tion quand les Etats-Unis étendent la Serbie, en 2008, ont débouché sur l’installation d’ une pou- leurs règles judiciaires au monde entier et obligent les entredrière à ciel ouvert en plein cœur du Vieux Continent. Reste prise prisess européennes europé ennes à quitter l’Iran l ’Iran sous so us peine pein e de sanctions san ctions que ce n’est ni à la Russie ni aux Etats-Unis d’en décider. Or, immédiates. pendant qu’on qu’on amuse la galerie galerie médiatique médiatique en agitant la peur Du temps où il était numéro un de l’URSS, Leonid du grand méchant loup russe, les puissances occidentales Brejnev avait donné son nom à la doctrine dite de la « sous oumènent le bal, sous la férule de Washington, capitale d’un veraineté limitée », qui ramenait la marge marge de manœuvre des pays pourtant pourt ant plus éloigné éloign é de Skopje que ne n e l’est Moscou. Mosco u. pays sate satellit llites es de Mosco Mo scou u à une u ne coq coquill uillee vide. vi de. Dep Depuis uis que Au vrai, le nom de l’ex-Macédoine est est un enjeu secondaire. l’Union soviétique soviétiqu e a été rayée de la carte, la doctrine Brejnev Il s’agit agit aussi et surtout de donner donn er un coup de pouce à ceux c eux qui est passée à l’Ouest, sous surveillance de l’Otan. Q 80 / Marianne / 28 septembre au 4 octobre 2018 80 /
Courrier LA FACE CACHÉE DES CACHÉE DES MAIRES Fidèle abonné depuis des années, j’apprécie tou jours les articles de de Jack Dion. Mais j’avoue que son
texte dans le n° 1121 m’a tiré des larmes… de rire. Je n’ai pas reconnu les maires du secteur où je vis dans son ode aux élus locaux. Dans bien des communes, le pouvoir local est sou vent clanique, clanique, inégali inégalitaire. taire. L’utilisation de l’argent du contribuable laisse parfois pantois pan tois.. Dan Danss les l es peti petites tes communes, les maires ont énormément de pouvoir, souvent sans contre-pou voir. Ils sont son t très souvent couverts par des conseils municipaux godillots, fort
peu comp compéten étents ts en e n droit d roit administratif, actant sans débat des décisions prises par le maire maire seul seul ou par de vagues vag ues com commis missio sions. ns. La « souveraineté populaire » y tro trouve uve-t-t-ell ellee son com compte pte ? L’image proposée par Jack Dion du pauvre maire « bouc émissaire » de la « judiciarisation » me semble très exagérée. Attaquer un maire en justice est très difficile, le plaignant devant prouver la faute intentionnelle ou se lancer dans un parcours dispendieux et semé d’embûches au tribunal administratif. Donc, pour moi, oui à la suppression du plus grand nombre possible de
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communes. Tout cela coûte très cher. Je ne suis pas du tout convaincu qu’il soit « un des échelons essentiels de la souveraineté populaire » et que l’administration locale repose sur les épaules d’une seule personne, écrasée par la tâche, privée d’argent et soumise à la vindicte du pouvoir pouv oir cent central. ral. Il convi convient ent de redonner de la vigueur au pouv po uvoi oirr dé déli libé béra rati tiff afi afin n d’ d’év éviiter la dérive qui consiste, pour les conseillers, conseillers, à tout tout faire pour se faire élire puis à se décharger de leurs devoirs en donnant des tonnes de délégations de pouvoir aux maires. Q DENIS GIRAUD LA BIOUSSE, LA VERSANNE
LES MIGRANTS VISION BISOUNOURS pas là, bien sûr, mais certa certains ins secte secteurs urs de notre économie voient d’un bon œil l’arri vée de cette mainmain-d’œuvr d’œuvree potent potentielle ielle au « coût du travail » très avantageux. Après quarante qu arante années d’immig d’immigration ration Aujourd’hui, Aujourd ’hui, alors alors que cette cette question question massive, c’est toujours le même discours des migrants divise l’Europe, la France qui prévaut et auquel nous devrions adhé- continue de privilégier l’immigration. Hier, rer : il faut être accueillant, généreux, les dans sa version sarkozyste avec « l’immiréfractaires étant culpabilisés, traités de gration choisie », aujourd’hui dans sa verracistes, de xénophobes. Ne pourrait-on sion macronienne macronienne avec « le droit d’asile ». pas tout simplem simplement ent faire de la la po politique litique On n’arrête pas de nous répéter que nous sur ce sujet hautement sensible qui mérite sommes en démocratie. Bien. Mais pourmieux que ces bons sentiments répétés à quoi ce problème majeur n’a-t-il toujours l’envi qui sonnent comme des directives ? pas été été soumis soumis à référe référendum ndum ? Quand je vois l’ Aquari Et face à ce très gros problème des Aqu ari us, avec ces Africains entassés, entassé s, je ne peux peu x m’empê- migrants, nous devrions aussi nous intercher de penser à Coke en stock, un album roger : voulons-nous encore être une comde Tintin, où de sombres individus font du munauté de destins et de quelle quel le nature ? Q commerce d’esclaves. Nous n’en sommes JEAN-CLAUDE KARSTEN, HAGUENAU Je désapprouve la manière dont est abordée la question des migrants par le personnel politique, qu’il soit de droite ou de gauche, et par les médias en général.
L’AFFAIRE BENALLA EST BENALLA EST BIEN UNE AFFAIRE D’ÉTAT ! Décidément, l’exécutif n’a pas lésiné pour tenter d’empêcher l’audition d’Alexandre Décidément, Benalla par la commission d’enquête du Sénat. Deux ministres ont mouillé le maillot :
Benjamin Griveaux, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre et porte-parole du gouvernement ; Nicole Belloubet, ministre de la Justice et garde des Sceaux, bien mal inspirée en la matière. Notre président a aussi téléphoné au président du Sénat. Lequel a d’ailleurs exprimé toute sa confiance à Philippe Bas, président de ladite commission, traité de « petit marquis » par Benalla, alias Mars pour Jupiter dans leurs échanges téléphoniques chiffrés. chiffrés. Aucun doute, c’est bien une affaire d’Etat ! Q FRANCIS DEMAY, LA ROCHELLE
Réagissez à l’ensemble de ces prises de position en écrivant à Marianne, « Journal des lecteurs », 28, rue Broca, 75005 Paris, ou sur lecteurs@ journal-marianne.com
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Esprit libre
PLANNING FAMILIAL, PLANNING FAMILIAL, LA TRAHISON RELA RELATIVISTE TIVISTE PAR CAROLINE FOUREST
L
’esprit relativiste s’infiltre partout. Le mépris pour Facebook du Planning 13 est un peu plus clair : « La notion de l’universalité des droits, la haine du combat pour liberté, elle, n’est pas universelle. universel le. Le féminisme ne défend pas des l’émancipation, ne sont plus l’apanage de l’extrême valeurs universelles, il défend la liberté de toutes les femmes à droite. De façon bien plus insidieuse, de soi-disant faire leurs propr propres es choix, et le Planning familial aussi. » Etonnée antiracistes – en réalité identitaires – exigent ex igent de sou- de ce gloubi-boulga, une internaute a posé cette question : mettre notre quête d’égalité au respect des cultures « Donc vous défendez aussi les femmes qui militent milit ent pour donner et des religions. une bonne image de l’excision ? » Réponse du Planning 13 : Un appel au renoncement que l’on cultive avec ardeur dans « Comme déjà dit, on milite pour le libre choix de chacun-e, et les laboratoires libéraux de l’université américaine et française. que nous puissions chacune faire ce que nous voulons de notre Jusqu’à « déstructure déstructurerr » en profonde profondeur ur la nouvelle génératio génération, n, corps sans projeter nos choix sur les autres. » Vite, un badge… libérale ou gauchiste. Les républicains des deux rives sont les « Touche pas à mon oppression ! » seuls à tenir. Mais voilà que l’infiltration touche aussi les basNaëm Bestandji, l’une des sentinelles de la vigilance laïque, a tions historiques du féminisme et de la laïcité française : des lancé l’alerte. Elle a été entendue. Des confrères nous expliqueassociations qui ont marqué l’affaire ront bientôt, pour enterrer tout émoi, Dreyfus, la loi de 1905 ou la loi Veil. qu’elle est partie de la fachosphère. Tous ces grands mouvements sont La réponse du Mouvement français vérolés par le relativisme. du Planning familial a tardé, avant La Ligue de l’enseignement, la d’inquiéter. Se défendant de « jamais plus gran grande de asso associat ciation ion d’éd d’éducat ucation ion avoir fait l’apologie de l’excision » (ce populai pop ulaire re laïq laïque, ue, a suc succomb combéé dep depuis uis qui ne leur était pas reproché), son longtemps. Ce qui ne l’empêche pas communiqué se contente de rappeler de rafler l’essentiel des subventions que le Planning agit contre toutes pou r prê prêche che r sa nou nouve vell llee la laïci ïci té formes de mutilations sexuelles et dans les écoles. La Ligue des droits contre les mariages forcés (encore de l’homme a suivi la même dérive. heureux) « que subissent les femmes L’ancien fief des instituteurs laïques quelles que que soient leur origine ou n’est plus qu’un club d’avocats leur religion ». Puis il ajoute : « C’est défendant les droits des islamistes un lieu ouvert à toutes sans discrimicomme s’ils étaient Dreyfus. nations. » Comme s’il fallait s’excuser de se battre contre les coutumes sexistes. Le plus décourageant est récent. L’universalisme vient de perdre le Mouvement français pour le Planning familial. La plus
Si l’on ajoute que ses dernières équipes dirigeantes ont été élues grâce à des motions aux accents relativistes et indigénistes, on
importante des institutions pour les droits des femmes, celle qui quadrille le terrain pour délivrer la comprend – avec une immense tris pilule, aider en cas d’IVG, expliquer tesse – que le Planning n’est plus la sexualité, écouter, dans tous les la maison du féminisme en lutte quartiers, ne croit plus en l’émancontre l’obscurantisme comme il cipation. C’est ce qui ressort de la l’a été depuis sa création, souvent polémiqu polé miquee décl déclench enchée ée par son ante antenne nne des Bouc Boucheshes-du-R du-Rhône hône.. sous la houlette d’Algériennes laïques. On s’étonnait de sa façon de promouvoir du matériel de La relève croit que « Mon corps m’appartient » est un bon propagande anglophone mettant sur le même plan plan la nudité d’achat pour pouvoir se voiler ou se prostituer. La prêtresse et le voile : « La nudité “empouvoire” les femmes » (avec une des Indigènes de la République qui lui sert de gourou ne va femme nue). « La modestie “empouvoire” les femmes » (avec même pas jusque-là : « Mon corps ne m’appartient pas. […] une femme noire voilée). « Différentes choses libèrent les J’appartiens J’appartiens à ma ma famille, famille, à mon mon clan […], à ma race, à l’islam », femmes. Le féminisme, c’est le droit de choisir »… Même le écrit-elle dans un livre salué par Radio Courtoisie. Un credo sexisme ? Dans un autre post, celui ou celle qui tient la page que l’on trouvera bientôt affiché à l’entrée des Plannings ? Q 28 82 / Marianne / 28
septembre au 4 octobre 2018
Culture, art de vivre
DÉCOUVRIR APPELEZ-MOI AP CHRIS ! LA REINE AUTOAUTOPROCLAMÉE PROCLAMÉ E DU NOUVEAU GENRE c i s u M e s u a c e B / n a g r o M e i m a J
p. 84 Air marin
p. 94
Fronde citoyenne contre les éoliennes
R D
La voiture électrique toujours en panne p. 100
e n n a i r a M r u o p e c n e g r e v i D / e r p a u o L s a m o h T
Livre : la Californie derrière les barreaux p. 88
Culture
Pourquoi Ne l’appelez plus Christine And The Queens. Rebaptiséee Chris, C hris, elle est omniprésente, parle genre et féminisme, prononce des phrases obscures et doit son tube de l’été à un logiciel. Mais notre agacement est sûrement dû au fait que nous sommes de vilains machos. PAR BENOÎT FRANQUEBALME
L’AMBIGUÏTÉ DU GENRE, une constante pour la chanteuse depuis son apparition fracassante en 2014 avec Christine And The Queens et son premier album “Chaleur humaine”. Ici, sur le plateau de “Taratata”.
“Ch
ris” nous cris crispe pe Elle est omniprésente Une de Télérama, Télérama, une une du Parisie du Parisien n Week-End, émission Week-End, émission « Clique » sur Canal +, jeu « Burger Quiz » sur TMC, NRJ, France Inter… En cette rentrée 2018, difficile de rater Christine And e Queens (pardon, Chris), ouragan médiatique et mainstream mainstream,, autant que coqueluche intello-arty. En mai dernier, elle avait même droit à un face-àface avec Anne-Sophie Lapix au journal journ al télévi tél évisé sé de France Fran ce 2. Quatre ans après l e carton de son premier album Chaleur humaine (Because humaine (Because Music), elle revient avec Chris , franchissant le cap du « toujours dangereux deu xième album alb um » – truisme inventé par le less cri critiq tiq ue uess pou pourr exo exoné nérer rer leurs chouchous de tout plantage éventuel. Dès juillet, dans la presse anglaise, elle l’a promis, ce nouvel opus serait « plein de sueur ». De ». De fait, c’est déjà nous qu’elle fait suer avec une omni pré p ré s e n c e m é d i a t i q u e e t u n e unanimité critique qui posent question. Peut-on satisfaire à la fois le retraité assis devant Michel Drucker (qui la reçut en 2015) et le « modeux » ouvrant ses Inro ses Inrock cks s ? ? Le fan de dance du NRJ Summer Tour et le délicat auditeur d’Inter se branchant sur Didier Varrod ? Chris fait le pari que oui, et ce consensus général, cet unanimisme béat nous filent un peu les chocottes.
o t o h p t i d é r C
e n i t s u G s e l l i G
« Finalement, elle a réussi son coup, sans même qu’on ait à écouter son nouvel album. Elle ne s’est pas contingentée dans un Boboland », savoure Frank Tapiro. Patron de l’agence Hémisphère droit, papa du slogan « Tonton, laisse pas béton » pour Renaud, ex-conseiller médiatique de Nicolas Sarkozy, élevé à l’école Jacques Séguéla, le communicant en connaît un rayon en matière d’enrobage publicitaire. Et là, il savoure. « La créativité, c’est la surprise, la peur, s’extasie-t-il. peur, s’extasie-t-il. Elle a su se disti d istingu nguer er pour p our deve deve-nir une marque. Mais c’est normal qu’elle soit aussi bonne en com, vu qu’elle est très intelligente. » « Il n’y rien d’outrageux ni de scandaleux chez elle, on est de plain-pied avec ce que peut absorber le grand public, relativise Bertrand Dicale, chroniqueur de la chanson sur France Info et amateur de son travail. Elle travail. Elle synthétise beaucoup de choses au bon moment. » De fait, on a aujourd’hui l’im pres pr es si on de bo uf fe r du Ch ri s, comme Tapiro nous a fait, jadis, ingurgiter de l’edam ou du Virgin Cola. Le régime Héloïse Letissier Letissier (son vrai nom), c’est partout, à toutes les sauces et sur tous les supports. Musicalement et politiquement correcte. Et ce n’est que le début. « Elle va en faire des tonnes sur scène [sa scène [sa tournée commence le 11 octobre au Luxembourg], prévien prév ientt Tapiro. Tapi ro. Ell Ell e va v a fai f aire re du merchandising. merchandisin g. Aujour Aujourd’ d’ hui, la musique, c’est plus que plus que des notes, c’est une personne. Les gens
“Elle surfe sur la vague néo-queer, elle semble vouloir répondre à l’autre face de la pièce, celle de la puta pu tass sser erie ie ka kard rdas ashi hien enne ne ou de dess Vince ncent nt Gr Grég égoi oire re bourrins footeux.” Vi
viennent vous voir sur scène. Il faut être un acteur. Alors, elle crée des codes, c’est normal. »
Elle met le “genre” à toutes les sauces Que Chris crée ses propres codes, ça, on ne le nie pas. Le problème, c’est qu’on a le sentiment qu’elle le fait en tapant systématiquement dans la même boîte à outils : l’ambiguïté du genre. A la manière d’une Juliette Armanet, d’une Jeanne Added ou d’un Eddy de Pretto, elle veut brouiller les identités sexuelles. La miss veut effacer les notions d’homme ou de femme, vante sa pansexualité et se dit « femme queer ». Mais, ». Mais, contrairement à eux, on a le sentiment qu’elle n’a que ça à dire, que ce bouclier transgenre à brandir. A l’ente l’ entendre ndre touj toujours ours surf surfer er sur s ur la même vague en interview, on a l’impression l’impressio n de se trouver face à un vieux juke-box j uke-box en surchauffe. surch auffe. Et, Et , étonnamment, quand une association représentant les bisexuel-le-s (qui souhaite garder l’anonymat) lui envoie un courrier pour devenir membre d’honneur, elle l’ignore. Dernière trouvaille de la donzelle, et angle marketing de la prom pr omo o Chris, la « femme phallique ». ». Ce qui nous vaut des ph ra se s d’ a nt ho lo gi e co mm e « Je suis lesbienne, mais pas tout le temps » (Télérama) (Télérama) ou ou « Je suis toujours dans le genre troublé, mais dans l’affirmation d’un corps » (Le Parisien Parisie n Week-End). Week-End). Aux Aux dernières nouvelles, on a toujours affaire à une fille. Ce qui fait élégamment dire à Tapiro : « C’est une opération médiatique et sémantique, pas encore chirurgicale. » Et, » Et, là encore, une belle campagne de com, bien dans son époque. La théma- i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 85
Culture tique du genre a bien marché bat à la Simone de Beauvoir ou à sur Chaleur humaine ? Alors, la Caroline De Haas. Mais plutôt autant enfoncer le clou. sur le mode « pauvre petit chaton » « C’est vrai qu’on peut parler qui joue la carte de l’immunité. d’une démarche artistique obses- Essayez de critiquer Chris, elle systématiquement ment sionnelle, note Vincent Grégoire, vous répondra systématique directeur création chez NellyRodi que vous n’auriez pas fait ça avec et spécialiste ès tendances. En un homme. Elle échoue à devenir jo u an t su r l ’a ’and nd ro g y ni e , l e no metteur en scène au conservatoire gender , le cross gender , elle surfe su rfe de Lyon ? C’est parce qu’on pousse sur la vague néo-queer, on dirait davantage les hommes à monter qu’elle qu’ elle veut répondre répond re à l’autre face leurs projets. Elle galère pour réade la pièce, celle de la putasserie liser elle-même le clip du single kardashienne ou des bourrins No Harm Harm Is Done Done ? C’est parce que footeux foote ux . » D’où ce look garçonne c’est une fille. On lui demande sans affiché dans le clip de Damn Damn,, dis- cesse si elle écrit elle-même ses moi, premier single dégoupillé cet chansons ? Même raison. On l’emété. « Elle la joue prolo, bad boy. Ça merde parce qu’elle se présente sur interpelle et interroge », admire scène sans musiciens et avec un Vincent Vince nt Grégoire. Grégo ire. Qui Q ui s’inquiè s’i nquiète te ordinateur ? Devinez pourquoi ? quand même : « Quand les ques- Dernier exemple en date, le « plations sur le genre ne seront plus à giatgate » qui a agité votre été. Sitôt carla mode, que ce sera devenu une révélé, le single Damn, dis-mo dis-moi i carnorme, elle fera quoi ? Elle se lais- tonne et la Toile s’affole : le titre sera pousser les cheveux et se fera serait pompé sur Logic Pro, le logiciel de musique assistée d’Apple. une permanente ? » Défense de Chris dans l’Obs ? ? « On se permet de douter que je puiss e être auteur et producteur parce que je suis une femme. » Non, Héloïse, on se permet de douter parce que un tel niveau de fainéantise en Ce qui nous met mal à l’aise, c’est matière de composition, ça laisse cette parano permanente et cari- pantois. caturale de la Nantaise. On n’est « Toute la ligne mélodique de pas dans un fémi féminism nismee de com com-- Damn est puisée sur Logic Pro, anai
e v i t a e r c 0 6 3 d o r P
Elle pratique la victimisation féministe
“CHRIS” DANS “CHRIS” DANS LE TEXTE « Accepter le chaos me fait davantage émerger en tant que personne. » (documentaire Apple Music, septembre 2018) « Je vais voir les gens et me frotte à eux comme un pervers dans le métro. » (Libération, mai 2014) « Je veux être sûre que vous me rencontrez vraiment. » (documentaire Apple Music, septembre 2018) « Il y a une mémoire des muscles de la classe ouvrière que moi j’ai dans mon corps. » [Ses parents sont profs et elle fut admise à Normale Sup.] (« Clique Dimanche », septembre 2018) « J’ai écrit dans des états ét ats où j’avais faim et envie de sexe. » (20 minutes, septembre 2018) « Je veux montrer que la liberté est possible. » (Sunday Times, juillet 2018) « Ma gueule, plus ou moins retouchée, est politique. » (documentaire Apple Music, septembre 2018) 28 86 / Marianne / 28
septembre au 4 octobre 2018
o t o h p t i d é r C
lyse Olivier Chastang, ingénieur du son, diplômé du SAE Institute de Paris. Moi, si je crée c rée un morcea m orceau, u, je ne vais utiliser, par exemple, que le beat [la ligne de batterie]. Tout le reste, je vais le créer, le composer. Elle a pris toute l’architecture du titre dans le l ogiciel. Elle s’est tellement pas fai t chier que c’est tout de suite reconnaissable par un utilisateur régulier ! » Mieux, la vilaine a pioché ses boucles bou cles dans la même famille, la Neon Light ! « Généralement, les mecs speedent ou ralentissent les samples, là non, s’indigne Olivier Chastang. En matière de créativité, créat ivité, c’est pire qu’un mauvais truc tr uc de dance. Même David Guetta fait fait appel à des com positeurs plus travailleurs. travailleu rs. » Alors, Alor s, évidem évidemment, ment, tout ça n’est pas il illé légal gal . Mai s c’e c’est st vra vraim iment ent pécher par facili facilité. té. Sur Twi Twitter tter,, mimiaoût, Chris se défend : tout le monde le fait. Mais, quand DJ Shadow sort (1996) et le compose Endtroducing Endtroduc ing (1996) uniquement avec des samples, il cite toutes les références qu’il est allé chercher. Alors que là… Le procédé ouvre une boîte de Pandore un brin inquiétante en termes de création. « C’est la première fois que j’entends un cas pareil, pour une star de la pop en tout cas », s’est étonné DJ Zebra sur le site de France Inter.
Elle serait l’héritière de Mylène Farmer
Avant le « feat Avant featuring uring Logic Pro », un autre duo avait défrayé la chronique. En février 2016, sort le single Here, enregistré avec Booba (rap peur dont d ont le mainti maintien en actuel actu el sur la playlist de France Inter fait beaucoup jaser à Radio France). La militante autoproclamée féministe roucoulant avec un poète qui, en 2012, dans le morceau A4 professait profe ssait : « J’encule vous tous/Ma pute prépare le cou scous/Ma pute en Hermès/La tienne en Airness » ? Qui, sur TF1 en 2016, précisait : « Je parle d’un certain cer tain type ty pe de filles, filles , et elles-mêmess savent qui elles sont » ? elles-même Ça sent fort l’opport l ’opportunisme unisme féminin, non ? Pour sa défense, sur Facebook, Chris prônait « l’impureté du mélange ». Une réponse pass pa ssee-pa part rtou outt qui ne co conva nva in incc pas Marie-Noëlle Marie-Noëll e Bas, présidente de l’association l’association les Chiennes de garde : « La provocation n’est pas une justification de collaboration avec quelqu’un de douteux dans son appréhension de la femme. C’est ridicule comme explication. Collaborer avec quelqu’un qui traite les femmes comme ça quand on se revendique féministe, c’est un problème. » Pas pour Tapir apiro, o, qui salue « l’agit-prop. On ne peut pas être créatif sans provoquer. Il faut provoquer. La preuve, on en parle encore aujourd’hui ».
DRÔLE DE CHOIX Un duo avec le rappeur Booba, pas franchement connu pour son respect envers les femmes, sème le doute : féminisme ou intox ?
Qu’on parle encore de Chris Qu’on Chri s dans vingt ans – comme elle parle elleellemême de ses idoles idol es –, c’est clairement son mantra. Parmi celles-ci, Mylène Farmer dont elle figure la fifille modèle (elles ont 27 ans de différence). « Le lien est flagrant, constate Bertrand Dicale, auteur de la BO de votre vie (First Editions). Elles sont vénéneu vé néneuses, ses, populaire popu laires, s, avec un grand intérêt pour la danse. » Trop grand ? « En mai dernier, après le passage de Mylène à « e Voice », certains ont dit qu’elle copiait Chris, s’indigne Benoît Le Sellin, fan abso lu de Farmer. Ce sont des mouvements que Mylène faisait fai sait déj déjà à il y a t rent rentee ans an s ! Elle El le ne l’a pas attendue pour s’habiller en garçonne et danser comme ça. » Dicale reconnaît d’ailleurs que, des Pingou de Juliette Gréco à Pingouins ins de Je suis un u n homme de Polnareff ou à la chanteuse Marie France, Chris n’est pas la première à questionner le genre en chansons.
Elle est un poil autocrate Cette logorrhée médiatique, ce pétri fiant esprit de sérieux pétrifiant sé rieux,, c’est certainement le talon d’Achille de mademoiselle Letissier L etissier.. Mais, que voulez-vous, elle est son sujet préféré. préf éré. Une faille béante dans une communication ultracalibrée, bien de son temps. « Elle a un côté côté “ faut fai re pa part rtie ie de ma ba band nde”, e”, note Vincent Grégoire. Elle est t ypique d’une génération très business, nouveaux entrepreneurs, qui ne s’en remet plus aux agents et aux maisons de disque. Elle sait qu’elle est devenue une marque. » Une autonomie qui a un prix : « Cette générat gén érat ion est trè s opport opp ortuni uniste ste . Ils peuvent vous sourire et vous vous poipoi gnarde gn arderr en mêm mêmee temps te mps,, trouve tr ouverr des solutions quitte à écraser les autres. Et ils t rouvent toujours le moyen de vous faire comprendre que vous avez tort. »
S’il admire le talent de ces millenials, Grégoire regrette que certains aient « des têtes qui ne passent plus les porte s ». En 2012, lors de l’enregistrement d’un « Taratata », Nagui en avait les frais. Il voulait voi r C hri sti stine ne And Th Thee Q ue ueens ens accompagnée de musiciens, elle avait obstinément refusé. En 2014, un producteur des Victoires de la musique lui avait demandé une interprétation plus dynamique. Echec. Avoir des convictions, c’est bien. Etre obsédée par le contrôle, c’est plus gênant. Danseur sur son proc pr oc ha in sp spec ec ta cl e, Be Benj nj am amin in Bertrand est mal à l’aise quand il est invité à nous raconter son expérience. « Je préfère que vous passiez par sa boîte boîte de production, j’ai pas très envie. Je préfère ne pas parler à la presse. pres se. Il I l faut que qu e cela cel a se fasse de manière collégiale et que ça passe par elle. » Drôle de conception de la collégialité d’empêcher ses coll aborateurs de prendre la parole ! Mais pas si étonnant de la part d’une fille qui prévient : « Je suis seule maître de mon propre discours. » Machine à communiquer, féministe à temps partiel, Narcisse à temps complet, control freak… on s’en voudrait d’être accusé de mauvaise foi. Pour en avoir le cœur net, nous avons donc regardé le documentaire qu’Apple Music lui a consacré et mis en ligne le 14 septembre. Bizarrement, elle s’y délecte d’avoir d’avoir elle-même enclenencl enché la machine à baffes : « Avec Chris , j ’ai vo voul ul u dé ve lo pp pper er un personnage moins protégé. Foncer à découvert, tête baissée contre ce qui pouvait me blesser. M’autoriser à être vulnérable. » Sur fond de violoncel viol oncel le angoi a ngoissant ssant,, le l e courtco urtmétrage oscille entre Spinal Tap et un sketch des Inconnus et promet « un disque plus drôle » (chouette !) Mais ça ne paraît pas fait exprès. Témoin, cette phrase : « C’est un disque d’amour, c’est un disque de risque, c’est un disque de provocation. » On dirait Claude Lelouch présentant présent ant son s on énième én ième nouvea nouveau u film. Ne soyons pas chien et souhaitons-lui la même longévité. Q B.F. 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 87
Culture
L’intello du gheo gheo Rachel Kushner a grandi dans un quartier délabré de Los Angeles. Devenue une écrivaine reconnue, elle signe un roman en forme d’hommage à ses camarades c amarades de classe, pour la plupart en prison.
L
’apparence est décidément trompeuse. Impossible, en entrant dans les bureaux de son éditeur parisien, de deviner que cette femme à l’aspect juvénile, romancière encensée par la critique, à la fois décontractée et sophistiquée, bref, un rien bobo, a passé son enfance dans une école de l’un de ces quartiers sensibles de Los Angeles dont les élèves finissent plus souvent derrière les barreaux que sur les sièges de l’université. Diplômée à 16 ans de Berkeley,, puis, quelques années Berkeley plus tard, de Columbia où elle eut Jonathan Franzen Franzen comme professeur d’écriture, Rachel Kushner explique volontiers que ce qui fait toute la différence avec ses camarades ayant « mal tourné » est le milieu familial. Dans son cas, un couple de scientifiques « assez peu pe u conv c onven enti ti onn el elss », » , tendance beatnik, bien loin des foyers de bon nombre de ses condisciples « où régnait la vi olence, où les oncles et les cousins étaient tous en prison, où les parents ne donnaient pas d’autres choix à leurs enfants pour survivre que la violence ». Le ». Le succès de ses premiers romans, Télex de Cuba, chronique Cuba, chronique de la chute d’un régime, suivi des La nc e- f l am me s , éblouissante vari va ri at atio ion n sur le mo mond ndee de l’ar l’artt 88 / Marianne / 28 28 septembre au 4 octobre 2018
contemporain et la passion de la moto, n’a pas effacé effac é le souvenir de de ceux qui partagèrent son enfance et se trouvent aujourd’hui incarcérés. D’où ce nouveau roman, le Mars Club, manière Club, manière de rendre justice à ceux qui, certes coupables, pai ent sur surtou toutt le pri prixx d’u ne vi viee qu’ils n’ont pas vraiment choisie. avoir choisi pour votre troisième roman d’écrire ce que les Américains appellent « a prison novel » ?
k c o t S / l e t f A e o l h C
Marianne : Pourquoi
Rachel Kushner : Je
viens d’un Etat, la Californie, qui est une des premières économies éco nomies du monde. m onde. Mais il compte aussi, avec le Texas, la population carcérale la plus importan importante te des des Etats-Unis, Etats-Unis, et donc du monde. Ce n’est pas juste un épiphénomène, mais quelque chose d’intimement lié au fonctionnement de la société. Vous n’avez pas fait de prison… Alors, comment avez-vous réuni toutes ces informations sur la vie carcérale ?
Depuis quelques années, je suis visiteuse de prison prison pour pour une une orgaorganisation humanitaire. J’ai donc passé beaucoup de temps temps derrière les murs. J’y allais pour écouter ces femmes et voir comment les aider, pas avec le but d’é d’écri crire re un rom roman. an. Je n’ai jamais pris de notes, ni utilisé
RACHEL KUSHNER, fille d’un couple de scientifiques, explique volontiers que ce qui fait toute la différence avec ses copains d’école ayant “mal tourné” est le milieu familial.
les histoires qu’elles m’avaient confiées. Je continue d’ailleurs à travailler avec des personnes incarcérées. Et puis ces gens dont je parl e, je les conn connais ais,, même m ême si nos vies ont tourné très différemment. J’ai été élevée avec eux, dans le même quartier, j’ai été dans les mêmes écoles. Mes personnages sont issus de mon imagination, mais aussi de mon passé. Vous étiez pourtant pourtant dans ces mêmes écoles et vous n’avez pas « mal tourné »…
Moi, j’avais j’avais des parents éduqués, et cela fait toute la différence. Je me suis d’ailleurs d’ailleurs toujours sentie un peu à part. par t. J’étai J ’étai s très cérébral cérébrale, e, je cachais que j’étais bonne élève, car dans ce monde, si vous êtes bonne à l’école, on ne vous respecte pas. Dès que j’ai eu 16 ans, je suis entrée à l’université. Il me fallait absolument quitter cet univers, ce que mes camarades de classe ont considéré comme une trahison.
LA NON-VIE DE ROMY
U
ne jeune femme de moins de 30 ans, stripteaseuse au Mars Club, incarcérée quelque part en Californie. Elle est condamnée à la prison à vie pour le meurtre d’un homme qui la harcelait. Elle parvient à survivre dans cet univers sans pitié, en nouant des amitiés improbables avec d’autres détenues. Une seule lueur dans cette non-vie : son tout jeune fils qu’elle a confié à sa mère. Las, ladite mère meurt dans un accident de voiture et le gamin est confié à l’Assistance publique. Sombre mais pas mélodramatique mélodramatique,, le est, au-delà d’une époustouflante Mars Club description de l’univers carcéral, une réflexion sans pathos sur ces prédestinations sociales qui pèsent sur les destinées et sur le système judiciaire américain. Q A.L.
vert en chemin chemi n quelque chose chos e de réconfortant : la permanence en tout être humain d’une certaine forme d’innocence, même dans les environnements les plus violents. Et la découverte de cette part d’innocence fait que je peux être amie avec des gens qui ont commis des actes de violence. Vous êtes très très critique avec le système judiciaire californien…
Pensez-vous qu’il y ait une sorte de prédestination pour vos personnages, personnages, qu’ils étaient condamnés pour des raisons sociales à finir en prison ?
Vous voul voulez ez dire d ire qu’i qu’ils ls sont victimes d’une sorte de fatalité ? C’est compliqué. L’essentiel de la population carcérale de L.A. est issu des mêmes quartiers. Il n’y a pas de bourgeois. Ce sont les pauvres qui vont en prison, prison, ce qui ne signifie pas pour autant qu’un pauvre est irrém irrémédiable édiablement ment voué à finir enfermé. Il faut commettre un crime pour cela. Donc oui, ils ont bien commis des crimes, mais c’est l’aboutissement d’un long processus, où les choix qui s’offraient à eux se sont réduits de plus en plus. Ce roman est le plus sombre de vos livres… livres…
C’est vrai. Et j’ai eu parfois du mal à affronter cette violence sur laquelle j’écri j’é crivai vais. s. Mai Maiss j’ai j ’ai aus aussi si déco découu-
Le Mars Club, de Rachel Kushner, traduit par Sylvie Schneiter, Stock, 480 p., 23 €.
criminelle de Brooklyn et j’ai passé toute ma vie à tenter d’obtenir les peines pei nes les plu pluss lou lourde rdess pou pourr les déli délinnquants. Je pensais faire un travail utile, important, pour rendre justice aux victimes, mais j’ai lu votre livre et en vous entendant parler ce soir, j’ai senti que je changeais. » Votre héroïne Votre héroïne est victime de harcèlement, ce qui amène à s’interroger sur ce que vous avez avez ressenti ressenti lors de l’affaire Weinstein…
Mon livre était écrit avant cette affaire. Si l’on prend mon héroïne, elle n’avait pas à tuer son harceleur. Cela reste un crime ! Je ne voulais pas qu’on la croie innocente. innocente. Bien Bien sûr, elle était effrayée, mais il ne faisait pas cela pour lui faire peur ou lui faire mal, il était juste désespéré, et au fond très humain. Je vois les choses sous leurs deux aspects. Je suis romancière, pas juge, ni Dieu. Harvey Weinstein n’a pas de rap portt à mes yeu por yeuxx ave avecc le har harcele celeur ur de Romy. Il appartient à une catégorie différente. C’est un prédateur et un violeur. viol eur. Je suis révo révoltée ltée que les gens à Hollywood aient permis cela pendant tant d’années et suis ravie que l’on y mette un terme. Mais je n’en dirai pas plus, car, à mes yeux, le romancier a une place particulière dans la société qui implique la profondeur d’un long engagement dans les sujets qu’il aborde. Un romancier ne se précipite pas pour écrire un blog ou un article le lendemain d’un événement.
La justice criminelle en Californie est très différente de la vôtre. La pr is on ne vi se qu ’à re nd re le s coupables incapables de nuire à la société, il n’est pas question de réhabilitation ou de pardon. Prenez Romy, mon personnage principal : condamnée à la prison à vie pour avoir tué un homme qui la harcelait, elle sait qu’elle ne sortira jamais. jam ais. Si elle e lle éta était it fran français çaisee ou ou belge, elle ferait quelques années de détention, puis, sa dette payée, elle serait libérée. Votre Vo tre livre livre est très noir noir,, Pensez-vous que ce roman puisse changer le fonctionnement de la justice ?
pourtant l’humour y est présent. Quel est son rôle ?
C’était très important pour moi. Cela apporte peut-être un peu de Je n’é cri criss pas pou pourr pro produi duire re un lumière à un livre sombre, mai s message ou convaincre les gens. A je v oul oulais ais surto surtout ut faire f aire resso ressortir rtir mes yeux, l’art ne peut être le résul- la capacité de résilience des êtres tat de ce genre d’intentions. Mais, humains. En prison, les détenus si le lecteur se pose des questions peuvent être vraiment drôles, drôles, ils y fondamentales après voir lu mon développen développentt leur sens de l’humour l’ humour,, livre, c’est formidable. Le commen- car leur personnalité est tout ce qui taire qui m’a le plus marquée m’a leur reste, c’est leur capital, l’un des été fait à New York. Une femme éléments qui leur permet de surtrès chic, l’air très professionnelle, professionnelle, vivre quand ils sont incarcérés. Q m’a dit : « Je suis procureur à la cour PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXIS LIEBAERT 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 89
Culture
UNE TRAGÉDIE SAUVAGE Thyeste et Atrée dans la scène du banquet monstrueux.
AUTOPSIE D’UN SALAUD PAR CLARA DUPONT-MONOD
L
a littérature aime bien les salauds. Parce qu’elle y voit toujours autre chose qu’un salaud : un malade, un perdu, un contrarié… Ou un jouet. C’est ce que vient de faire l’écrivain espagnol Javier Cercas, et c’est la raison pour laquelle il se fait actuellement insulter dans son pays. Il décrit son grand-oncle, franquiste, comme un jouet de l’histoire. Cela fait quarante ans que Cercas voulait écrire le écrire le Monarque des ombres. Il ombres. Il n’osait pas. Peur de blesser sa mère, sa famille, son pays : car cet oncle, Manuel Mena, était un héros. Sa mort, survenue au combat à l’âge de 19 ans, l’avait érigé au rang d’Achille, illustre représentant de ce que les Grecs nommaient kalos nommaient kalos thanatos : la : la plus belle mort, celle qui fige le défunt dans un éternel souvenir souve nir de bravoure et de sacrifice. Cercas déboulonne la statue. Tout son livre frémit d’une question : pourquoi un jeune homme prometteur,, né dans un petit village prometteur de l’Estrémadure, a-t-il pu mettre sa vie au service du franquisme ? Cercas répond : parce que le franquisme, comme toute idéologie fascisante, est séduisante. Elle parle aux jeunes, se drape de vertus « antisystème », brandit la menace d’insurrection, promet la semiclandestinité et le renouveau. Que de ressemblances avec les discours populistes qui aboient en Europe aujourd’hui ! Cercas dit aussi : attention à ne pas nous surestimer. Il est si facile de juger avec des années de recul. Or, Or, que le fascisme soit fléau, « pouvait-il le savoir à l’époque, lui, un gamin sans aucun recul ? » Certains » Certains livres valent tous les discours de vigilance. Celui-ci en est un. Q Le Monarque des ombres, Javier Cercas, Actes Sud, 320 p., 22,50 €. 90 / Marianne /
28 septembre au 4 octobre 2018
o h p a R / i k s r o a Z c r a M n a e J
E LA SCÈNE QUI TUE R T Â É H T
Dévorer ses enfants
U
ne immense table de ban- envol de papillons noirs, lasers et scènes quet, recouverte d’une nappe plus intimistes. Un show tout en démeblanche brodée de fleurs multi- sure, orchestré par omas Jolly, metteur colores. D’un côté, yeste. De en scène qui s’est aussi réservé le rôle du l’autre, Atrée. Ces deux frères, monstre, dans un costume jaune poussin. endimanchés, ripaillent, pour sceller leur Ces monstres, il les affectionne tout parréconciliation après de terribles que- ticulièrement, lui qui campait aussi un relles : le premier a séduit la femme du Richard III ébouriffant. Mais il fallait de second, tout en ambitionnant de lui voler l’audace, il fallait de l’outrance et un génie son trône. Grand seigneur, Atrée fait mine de la mise en scène pour s’attaquer s’a ttaquer à ce d’avoir pardonné, après l’avoir condamné monument-là, signé Sénèque. Et explorer, à l’exil. Et ces deux-là mangent, boivent, dans sa noirceur absolue, cette incroyable se réjouissent de l’harmonie retrouvée. généalogie de héros inhumains : Atrée Harmonie de façade. Car les mets dont l’enragé s’illustrant finalement comme yeste se délecte, servis à grand renfort l’indigne petit-fils de Tantale, qui avait de sauce, sont en fait composés de… ses déjà livré aux dieux la chair de Pélops, propres prop res enfa nts. Tué Tuéss par p ar Atr Atrée, ée, puis son père ! Le grand opéra rock s’achève cuisinés aux petits oignons, vengeance par un appel à la l a paix, au moyen m oyen d’« d’« un ultime d’un esprit maléfique ! Sur la traité d’indulgence mutuelle ». » . Une morale scène, à jardin, un visage géant, aux yeux un peu neu-neu, écrite en 2018 ? Non, vides, vide s, semb semble le pous pousser ser un cri d’eff d’effroi. roi. Tout du Sénèque dans le texte. Datant du comme lui, cette longue séquence de can- Ier siècle. Q NEDJMA VAN EGMOND nibalisme familial glace tout le public. Thyeste, de Sénèque, mise en scène de Thomas Apothéose d’un spectacle incroyable et Jolly. En tournée à partir du 27 septembre. sanglant, mêlant coups de tonnerre et Du 26 novembre au 1 er décembre à Paris, à la saillies rap, chœurs d’enfants vibrants et Grande Halle de la Villette. LE CHIFFRE
75,8
millions, le nombre de livres de poche vendus entre avril 2017 et mars 2018. Une vitalité qui rappelle que, non, un livre n’atteint pas sa date de péremption deux mois après sa sortie en grand format, bien au contraire ! Rien dans les mains ? Tout dans les poches !
E R V I L
LA PÉPITE
La ballade du qui quinq nqua ua
C
’est un titre trompeur. La Mer en face sent bon le voyage en forme de bilan personnel, avec un océan à traverser entre la vérité d’un jour et celle du lendemain. Il y a bien plus, dans ce deuxième roman de Vladimir de Gmeline. Après une première fiction située en Indonésie (la Concordance des temps, 2016), temps, 2016), sur fond d’explorations spéléologiques et de vengeances entre expatriés, celui qui est grand reporter à change radicalement Maria Mar ianne nne change de braquet, dans une composition alliant la quête familiale et le polar rocambolesque.
Silence et déni Frais quinquagénaire, ancien journaliste devenu scénariste, Philippe est partagé entre son couple (avec petite fille) fi lle) qui bat de l’ l ’aile, aile, et un secret de famille à percer : la responsabilité d’un oncle décédé, ancien Waffe W affen n SS, dan danss l’ex l’exter termin minati ation on des juifs lors des opér opératio ations ns sur le fro front nt de l’Est. Enfin décidé à se mesurer au passé, voilà Philippe parti en Rhénanie, direction cette propriété où il a passé des étés durant l’adolescence. Mais c’est au pied d’un mur de silence et de déni, que se trouvera
e n i l u o s s A h a n n a H
bientôt notre homme – dans un et la nervosité, reposant sur des pays qui, lui, a déjà soldé son pass passé. é. dialogues sacrément troussés, le Comme souvent en pareil cas, on roman oscille entre le ton grave, ne trouve pas ce qu’on cherchait, le lyrisme bluesy et l’humour de mais on finit par voir les choses d’un série B. On pense à Philippe Djian, autre œil. C’est la premièr premièree trame à James Lee Burke, à Frédéric Dard du livre, classique mais subtilement parfois. De même que le protagomenée. Durant ce voyage, Philippe niste (et narrateur narrateur)) quinqua, le lecl ecest progressivement gagné par teur est invité à dénicher, dans ce d’autres préoccupations : en France, roman, autre chose que… ce qu’il sa compagne reçoit les étranges pensait y trouver. C’est C ’est la l a malic malicee visites visi tes d’i d’indi ndivid vidus us ven venus us lui dem demanan- de Vladimir de Gmeline, qui balade der des comptes, tandis qu’outrequ’outre Atlan Atl anti tiqu que, e, so son n fi fils ls se rap rappe pell ll e au souvenir paternel. Hockeyeur profession prof essionnel nel à Mont Montréal, réal, ce jeune jeune homme de 22 ans est en passe de devenir une vedette dans un poste de castagneur des patinoires (il est surnommé « la Déneigeuse »). Pour cela, il est passé par la case dopage, et sa morphologie en subit maintenant les effets secondaires… tout son monde, racontant en fait tout comme sa vie. Alerté, Philippe une histoire où chacun se croise, passe de d e l’Allema l’Allemagne gne au Canada Canada,, s’évite puis se retrouve, avec comme et se confronte à son fils. Cette seule obsession de ne pas effectuer seconde intrigue, sur fond de sport « le tour de piste de trop ». Il ». Il arrive, business moderne, mais aussi de donc, qu’un roman fasse mentir son course contre la montre, apporte un titre. En le surpassant. La surpassant. La Mer en nouveau rythme au livre, qui offre face, c’est l’histoire à double fond face, c’est alors, à travers deux intrigues, deux d’un père bien décidé à devenir un facettes complémentaires. Autant homme. Une façon, aussi, de monde moyens d’aller voir ailleurs si trer que la quête initiatique n’a pas on y est. Alternant la langueur d’âge. Q HUBERT ARTUS
La Mer en face, de Vladimir de Gmeline, Editions du Rocher, 422 p., 19,90 €.
Il passe de l’Allemagne au Canada, et se confronte confronte à son fils. Une seconde intrigue qui apporte apporte un nouveau nouveau rythme.
C’EST CONFIRMÉ
Le monde paysan paysan superstar n o i t c e l e s P R A / n n a m r e k c A s l e i N
MÉLANIE THIERRY, agricultrice écolo dans Le vent tourne.
On sait, depuis le succès surprise de 2017, Petit Paysan d’Hubert Charuel, que, oui, ça peut être passionnant de voir un agriculteur traire ses vaches et se battre contre un monde ultracalibré et féroce ! Nouvelle illustration avec Le vent tourne, de la réalisatrice suisse Bettina Oberli. Un couple de paysans écolos (Pierre Deladonchamp et Mélanie
Thierry) accueillent un ingénieur venu installer une éolienne sur leur exploitation. Elle tombe sous le charme au point de rêver de prendre le large. Romance sur fond écolo, ce film délicat illustre aussi une nouvelle fois – s’il en était besoin – le talent fou de Mélanie Thierry. Taiseuse, troublée et troublante. Q N.V.E. Le vent tourne, de Bettina Oberli. En salles.
28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 91
Culture D L’OBSESSION DE LA SEMAINE B
Dans la tête de Nick Nic k Cave Cave
L
e Berlinois Reinhard Kleist a un petit faible pour les chanteurs. Après avoir rendu un somptueux hommage à Johnny Cash dans son roman graphique Johnny Cash, I See A Darkness, il donne sa vision, tout en ombre et lumière, de Nick Cave, leader des Bad Seeds. L’album est construit de manière chronologique : l’enfance en Australie, l’exil londonien, les expériences berlinoise et brésilienne. Nick Cave, Mercy On Me ébauche un labyrinthe où réalité et fantasmes s’entremêlent. En faisant intervenir les personnages auxquels le rockeur a donné naissance dans ses chansons ou
EMMANUELLE DEVOS ET MOUSTAPHA MBENGUE.
A LE MODESTE M É N I C a reconnaissance du grand qu’il accomplit des travaux chez public et le César du meilleur elle. Autour d’une brève histoire film, en 2016, pour Fatima ne d’amour à laquelle tout s’oppose, l’ont pas changé. Philippe Philippe Faucon, sans céder à la Faucon, portraitiste sensible de sensiblerie ou aux clichés personnages ordinaires et misérabilistes, donne à voir les metteur en scène qui excelle à blessures intimes de ses beaux dépeindre les fractures de la personnages, les conditions de société française, reste fidèle à vie des immigrés dans les foyers sa manière à la fois délicate et et la circulation problématique puissante. Dans Amin, nouvelle de l’argent, en France (où Amin fiction épurée, le cinéaste peine à joindre les deux bouts) ausculte les relations entre deux comme au Sénégal où ses êtres solitaires. Amin salaires font de lui une sorte de (Moustapha Mbengue), notable, respecté et jalousé. travailleur sénégalais sur les Remarquablement Remarquab lement écrit et mis en chantiers de l’Hexagone, scène, ce film digne et émouvant retrouve par intermittence sa confirme le talent précieux de compagne et ses enfants restés son auteur. Q OLIVIER DE BRUYN au pays. Gabrielle (Emmanuelle Amin, de Philippe Faucon, avec Devos), une Française Emmanuelle Devos, Moustapha Mbengue. récemment séparée de son Sortie le 3 octobre. époux, rencontre Amin, alors
Un Faucon Faucon pas rapace
L
E LE CLICHÉ TORPILLÉ R V I L
La réussite est dans la lose
A
près la Nuit avec ma femme, dans un cahier, les bonnes résoluhommage éperdu à la mère tions qu’il ne tiendra jamais. « Ne de son fils, Marie Trintignant, plus se reco recouche ucherr le le matin. matin. » « Note Noterr Samuel Benchetrit revient à l’auto- ses rêves pour en faire des livres plutôt dérision et à la drôlerie désabusée que de rêver d’en faire. » Ou encore qui faisaient le sel de son Réci Récitt d’un d’un « Ne pas se plaindre ». Le salut vien n a branleur, publié en 2000. L’auteur dra-t-il de Suzanne, jeune infirmière m r e t et réalisateur a grandi. Mûri. Mais il bègue ? Ou de Raymonde, la seule s a C port po rtee le mê même me re rega gard rd go gogu guen enard ard su surr lectrice qui possède encore un dans ses livres, Kleist nous fait réellement pénétrer les choses, et sur lui-même. exemplaire de son dernier dans le cerveau de celui qu’on surnomme « The Voici Voi ci don doncc Rev roman, Béto Revien iens, s, l’(auto) Béton n arm armé, é, tandis Prince Of Darkness ». Au long des 300 pages de ce portrait d d’un ’un écriv écrivain ain en que les autres sont partis roman graphique nerveusement croqué au pinceau panne sèche. Il a terminé au pilon et que sa quête et à l’encre de Chine, on o n croise ainsi Elisa Eli sa Day, l’amante assassinée de Where The Wild Roses Grow, son précédent livre il y a effrénée et désopilante, via le chantre du blues Robert Johnson de Higgs Boson (bien trop) longtemps et le géant Amazon, s’est avéBlues, le condamné à mort de The Mercy Seat cherche désespérément rée infructueuse ? Samuel ou Euchrid Euchrow, le justicier muet d’Et l’âne vit l’inspiration du prochain, Benchetrit a la plume Tout out l’univers foisonnant, f oisonnant, « électrifiant, l’ange. T sentimental, morbide et comique » de Nick Cave dont il verrait bien Pline mélancolique. Parfois, elle est là, au travers de cases explosées, dans un noir l’Ancien comme héros ! Il se teinte de désespoir, paret blanc sobre et intense. L’intéressé lui-même a s’imbibe de whisky, laisse les rappels fois, d’un humour tendre. C’est le cas salué la démarche : « Plus proche de la réalité que n’importe quelle biographie, assurément ! Mais, pour des impôts et les PV s’entasser et de ce dernier livre , bourré de fantai rappel, je n’ai pas tué Elisa Day Day.. » Q MYRIAM PERFETTI attend des nouvelles de son fils parti sie et d’intelligence. Pas si fréquent au Groenland. Il s’abrutit d’émis- par les temp tempss qui qui courent courent.. Q N.V.E. Nick Cave, Mercy On Me, de Me, de Reinhard Kleist, Casterman Darkness, réédition, sions de téléréalité « pour mariées Reviens, Ecritures, 304 p., 23,95 €. Johnny Cash, I See A Darkness, réédition, Reviens, de de Samuel Benchetrit, Grasset, Casterman Ecritures, 224 p., 19,95 €. aigries et haineuses » et consigne, 250 p., 19 €. 28 92 / Marianne / 28
septembre au 4 octobre 2018
s m l i F l a l q i t s I
E N V O Y E U S R É R I E
Sympa, Sym pa, ces “seri serial al ki killers” llers” ! Au fil fi l du d u temps te mps,, cette figu figure re s’es s ’estt impos i mposée ée comm commee une u ne des d es pré préféré férées es des téléspectateurs. Dernier exemple : Melvil Poupaud dans “Insoupçonnable”, qui rappelle “Dexter”. PAR BENOÎT FRANQUEBALME
R
ions un peu. Dans « Twin lyonnais et père de famille aimant Peaks », au début des le jour, tueur en série la nuit. Affûté années 90, Killer Bob par qua tre moi s de cul cultur turis isme, me, était un joyeux drille qui Poupaud assure. Qu’il se masturbe prenait pren ait posses possession sion d’hu- sur la photo d’une victime ou cajole mains et l eur faisait commettre des chatons avec ses filles, il est d’odieux crimes. Une sorte d’entité malsain à souhait. D’une noirceur diabolique qui vivait littéralement surprenante en prime time sur TF1, de la douleur des autres. Avec des l’ensemble convainc, malgré des standards placés si haut, il s’agis- erreurs de casting. Le commissaire sait, pour les séries suivantes, de Colmar (Gérald Laroche) a une tête ne pas se manquer. Elles ont relevé à jouer dans les Tontons flingueurs le gant avec brio. Pis, elles nous et Emmanuelle Seigner n’est plus ont fait aimer ces monstres cachés très crédible en femme fatale. dans nos placards ! « Hannibal », « Tunnel », « Bates Motel »… pen- Batman méphitique dant les trois décennies suivantes, Ad Adap apté té de la sé séri riee bri ta tann nniq ique ue et sous toutes les latitudes, le bou- « The Fall », le programme mise cher télégénique est devenu un tout (à raison) sur le décalage papa membre de la famille. Une sorte gâteau-équarrisseu gâteau-équarrisseurr sadique. de croquemitaine familier et flip- Difficile de détester complètement pant pa nt qu quii av avai aitt la co cour ur to tois isie ie de un type qui bizoute ses enfants nous laisser tranquilles une fois à tout bout de champ. Surtout le poste éteint. Frustrés, selon les quand il a les abdos de Melvil. La profileurs, profile urs, de ne pas être recon reconnus nus familiarité du mal, son invisibilité pour leur « œuvre œuv re », nos massa massa-- publique, sa séduction… On est là creurs remercient la télé ! dans le cœur palpitant de ce héros Dans « Insoupçonnable », Melvil négatif qu’est le tueur en série. Poupaud incarne Paul Brodsky : psy Fonctionnair Fonctionnairee frustré de 8 heures
1 F T / t s o v e r P e n a h p é t S
MELVIL POUPAUD,
convaincant en tueur sadique et père de famille aimant dans ce programme adapté de la série britannique “The Fall”.
à 17 heures, Brodsky devient une sorte de Batman méphitique quand la lune se lève. Déguisé en black bloc, il escalade les façades, étrangle de jolies demoiselles, avant de les baigner, les sécher et leur faire les ongles. Le tout avec un rictus et de petits halètements tout à fait ignobles. Ah, quelle joie de tuer une personne du sexe opposé ! Le pitch construit son efficacité glaçante sur l’injonction suivante : ne faites confiance à personne. Mesdames, il vous espionne quand vous vou vouss maquil ma quillez lez,, vient v ient chez vous senti sentirr votre vo tre linger l ingerie ie quand q uand vous n’êt n’êtes es pas pa s là. là . Qui Qu i sait, sa it, c’est peut-être un proche… proche … L’assassin L’assa ssin sériel ? Vous, moi (enfin surtout vous), ou ce type qui sort les poubelles, là, dehors. Bref, c’est nous, c’est le dark passenger qui qui sommeille en chaque âme, prêt à se réveiller… ou pas. Cet « animal sanguinaire, capable de tuer même son propre frère », dont parlait l’écrivain Martin Gray. Comme le dit joliment Poupaud pour définir son personnage : « Nous avons tous des zones d’ombre. Certains cultivent une passion pour le train […] lui, c’est d’assassiner électrique ; […] des jeunes filles d’un certain style ! On est tous multiples. » En la matière, « Dexter » constitue une borne indépassable. Entre 2006 et 2013, nous avons été des millions à trouver hypersympa ce type qui en ligotait d’autres à un brancard, avant de les découper à la meuleuse ! Ben, oui, monsieur le Juge, mais il était mignon et ils l’avaient bien cherché. Promis, on recommencera pas. Jusq Jusqu’à u’à la proch p rochaine aine sais saison on d’« Insoupçonnable ». Q “Insoupçonnable”, le jeudi, à 21 heures, sur TF1. 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 93
Reportage
Vent mauvais sur PHILIPPE GENDRON, propriétaire de deux bâteaux de pêche à Noirmoutier Noirmoutier,, est catégorique, l’installation du parc éolien va chasser le poisson des zones côtières.
l’éolien
En France, les oppositions aux projets éoliens se multiplient. Associations Assoc iations,, recours recour s juridiques jur idiques,, manifestations… La guerre est déclarée entre les pro et les anti. Parmi ces derniers, on compte beaucoup d’écologistes ! Reportage à Noirmoutier et à l’île d’Yeu, où la bataille fait rage. PAR VLADIMIR DE GMELINE - PHOTOS : THOMAS LOUAPRE / DIVERGENCE POUR “MARIANNE”
L
es entrepôts sont impeccablement rangés et les vastes bureaux, lumineux, offrent une vue magnifique. La mer est partout, comme sur ces postes de manœuvre où il a passé le plus clair de sa vie professionnelle. Philippe Gendron ne part plus au large. Vingt ans dans le golfe de Gascogne, le dos cassé, et des frissons dans la voix quand il parle de son métier métier,, des nuits à traquer le poisson et à « pisser dans une bouteille » quand » quand il faut manœuvrer et remonter les filets en même temps. Il était en mer deux cents jours par an, et cela lui manque. Il n’embarque plus, mais ses bateaux, l’un de 21 m et l’autre autre de 23, continuent. L’entreprise qu’il dirige avec sa femme Nathalie marche bien, et même très bien. « Il ne faut pas grand-chose pour qu’un port disparaisse », dit-il. Les éoliennes ne le concernent pas. Ses bateaux pêchent pêch ent loin loin,, à deux jou jours rs de mer de Noi Noirmo rmoutie utierr. Mai Maiss ceux de ses collègues qui « font la côte » prendront » prendront l’ l ’arriarri vée du parc éolien des îles d’Y d’Yeu-N eu-Noirmo oirmoutier utier de plein fouet. Soixante-deux machines de 209 m de haut, sur une surface de 13 km sur 7, en pleine zone de pêche : « Le Bad Boy et l’Entêté vont là-bas tous les jours. Il y a du homard, du congre, de la raie, du bar, de la dorade, un peu de “ jaune”. Durant toute la période d’installation, on sait qu’il y aura au ra des nuisances, que le poisson sera chassé. Le promoteur promet des compensations, mais les pêcheurs ne sont pas des mendiants, ils veulent travailler. » La » La filière éolienne, pourvoyeuse d’emplois ? Pourquoi pas, mais ici l’emploi n’est pas vraiment un problème, et l’installation l’inst allation du parc suscite susc ite de nomn ombreuses craintes. Philippe Gendron insiste sur le fait que l’économie locale repose sur la pêche et le tourisme, et que l’effet domino, si la pêche côtière périclite, risque de faire de la région une zone sinistrée : « Il y a trois coopératives. La maritime, qui gère l’avitaillement et le carburant ; le centre de gestion des armements armeme nts ; la société de mareyage, qui s’occupe des quotas et de la régulation des marchés. Ici, le port est payé, la criée est payée, les marins travaillent et gagnent très bien leur vie. » Ce gigantesque parc éolien, qui se situera à 17 km de Noirmoutier et à 11 km d’Yeu, viendra s’ajouter i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne /
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Reportage OLIVIER VOISIN,
jardinier paysagiste, natif de l’île d’Yeu, mène la fronde au sein de Yeu vent debout.
BERNARD MARTIN,
pêcheur à la retraite, considère que l’évaluation des ressources halieutiques par le porteur de projet a été faite volontairement à la baisse, ”avec des filets de plaisanciers”.
à une zone d’exploitation de granulat marin, aux rejets de vase en provenance du port de Saint-Naza Saint-Nazaire, ire, à deux zones de réserve où la pêche est interdite, à un centre d’essai EDF et au couloir qui sert de chenal et de zone de mouillage mouil lage pour les cargos. Autant dire que le territoire des marins pêcheurs est en train de se réduire comme peau de chagrin. « Avoir des éoliennes devant chez moi, ça ne me dérange pas, dit Philippe Gendron. Ici, nous avons tous des motivatio motivations ns différentes les uns des autres. » Tous ? C’est un peu le nœud de la question éolienne aujourd’hui. Il y a encore quelques années, les partisans de l’éolien pouvaient qualifier ses opposants de suppôts du lobby nucléaire, des énergies fossiles, de châtelains égoïstes peu soucieux du bien commun, de l’ l ’avenir avenir de la planète, de l’emploi, juste attentifs à la vue de leur salon. Mais désormais ce sont 70 % des projets éoliens qui font l’objet de recours, contre 40 % en 2010, selon se lon la Fédération Fédéra tion environnement durable (FED), principale organisation d’opposants avec Vent de colère. Une suractivité sur les réseaux sociaux et dans les tribunaux, des i
SOPHIE DETIS,
dirigeante d’une agence de communication à Paris, vit six mois de l’année à Noirmoutier. Membre de Touche pas à nos îles, elle conçoit les tracts du collectif.
manifestations tous les week-ends, 1 500 associations répertoriées et un sens de l’agit-prop certain, qui ont le don d’agacer agacer les deux principales fédérations d’entre prise pr isess du sec secteu teurr, le Sy Synd ndica icatt des éne énerg rgies ies re renou nouvel velabl ables es (SER) et France Energie éolienne (FEE). Il faut de sept à neuf ans à un projet pour aboutir. Pourtant, les objectifs restent élevés. La loi pour la transition énergétique de 2015 impose de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030, avec des énergies renouvelables composant 40 % du mix énergétique. L’éolien L’éolien terrestre, dont la puissance installée était en 2017 de 13 559 MW, doit en théorie passer à 26 000 en 2023. En ce qui concerne l’off-shore, autrement dit les éoliennes implantées en mer, sa puissance, nulle actuellement, il doit passer à 3 000 MW. Pour atteindre les objectifs en matière d’éolien terrestre, il faudra ajouter 4 000 mâts aux 6 000 déjà existants. Six parcs off-shore sont en cours de développement aujourd’hui. aujourd’ hui. Outre Yeu-Noirmoutier Yeu-Noirmoutier : Saint-Nazaire (80 mâts), Saint-Brieuc (62), Courseullessur-Mer (75), Fécamp (83) et Dieppe-Le Tréport (62), en baie de Somme.
E
t partout la guerre fait rage. A Dieppe, c’est le syndicat mixte qui s’y est opposé, suivant en cela l’avis défavorable de la gestion du parc naturel naturel marin, qui qui craint craint les impacts impacts sur la faune aquatique et sur les oiseaux. Puis c’est l’Agence française pour la biodiversit biodiversité, é, rattachée au ministère de la Transition écologique et solidaire, qui s’est déclarée pour, avant que l’Autorité environnementale, également rattachée à ce même ministère, n’émette de sérieuses réserves ! Dans le Limousin, dans l’Aveyron, en Auvergne, dans le Nord, dans les Hautes-Alpes, le même scénario se répète. Fabien Bouglé, porte-parole du collectif Touche pas à nos nos îles, conn connaît aît bien le sujet sujet.. Père Père de fami famille lle très nombreuse, ce juriste d’art versaillais, engagé à droite 28 96 / Marianne / 28
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(il a milité activement à La Manif pour tous et auprès de François Fillon, et dirige l’association Versailles famille avenir), illustre assez bien ce mélange hétéroclite que l’on retrouve dans certaines associations, fait de propriétaires de résidence secondaire, de retraités, de jeunes actifs et de travailleurs locaux, de gens de droite et d’autres de gauche. Il ne cache pas ses engagements, mais jure ses grands dieux que celui-ci est avant tout et exclusivement « écologique ». En bon communicant, il a appliqué au combat conte le projet d’Yeu-Noirmoutier d’Yeu-Noirmo utier les recettes de La Manif pour tous : les tee-shirts bariolés, les apéros sur la plage, et une vivacité certaine certaine à utiliser les erreurs erreurs de l’adversaire l’adversaire..
MONIK MALISSARD, poète et ancienne correspondante de Ouest-France, rappelle que des études font état de rejet dans l’eau d’aluminium et de terres rares, métaux dont sont constitués les piliers.
“Je ne vois pas pourquoi moi, une PME familiale, je me laisserais faire parr de pa dess ma malf lfrrat ats. s. Not otrre lu luttte ca cassse tous les clivages.” Philippe Gendreau, Gendreau, PDG des conserveries Gendreau, à Saint-Gilles-Croix-deSaint-Gilles-Croix-de-Vie Vie Quand un des commissaires enquêteurs du projet, quelques jours après la manifestation qui avait réuni 500 personnes le 27 avril sur l’île, envoie par erreur un mail destiné à un de ses collègues où il qualifie les opposants de « personnes sans scrupules, et au QI qui n’est pas celui d’un géranium », c’est un peu Noël ! Fabien Bouglé s’étrangle d’indignation dans la presse : « Quelle faute profe professionn ssionnelle elle et quel quel mépri mépriss pour pour le le peuple peuple et la la démocratie ! » La machine est lancée, la FED relaie et s’en donne à cœur joie. Sophie Detis, dirigeante parisien pari sienne ne d’un d’unee socié société té de comm communic unicatio ation n mais rési rési-dente à Noirmoutier six mois de l’année, reconnaît que l’énergie et les méthodes de leur porte-parole lui ont tapé dans l’œil la première fois qu’elle l’a rencontré,
lors d’une réunion publique : « On voyait qu’il avait une certaine pratique, on est allés le voir. » Elle qui vient ici depuis sa plus tendre enfance se consacre quasiment à plein ple in tem temps ps au com combat bat con contre tre ces mât mâts, s, de la tai taille lle de la tour Montparnasse, qui gâcheraient le paysage, un des princi pri ncipau pauxx att attrai raits ts tou touris ristiq tiques ues de l’î l’île, le, et cli clign gnote oterai raient ent toute la nuit. Sur les tracts qu’elle conçoit et distribue, les arguments « contre » s’accumulent : le vent est une énergie intermittente qui ne permet pas aux éoliennes de fonctionner à plein temps (30 % seulement), obligeant au recours aux énergies polluantes, charbon et gaz (l’Allemagne a fait fonctionner à plein ses centrales à charbon en même temps qu’elle augmentait son parc éolien) ; l’énergie verte attire des entrepreneur entrepreneurss avides de revendre une électricité sponsorisée par l’Etat (220 €/ MWh, qui vient d’être abaissé à 150 €/MWh, alors al ors que le prix moyen est de 40 €, un surcoût qui apparaît sur la facture du consommateur). Mais, ici, c’est encore l’argument de l’emploi local qui arrive en tête. « On a convaincu les pêcheurs de faire de la pêche durable, insiste Sophie Detis, ils se sont adaptés aux règles et ils en sont contents. »
Corruption passive « Les gens d’ici d’ ici n’ont n’ont pas l’ habitude de ce genre de combat, explique Jean-Pierre Huguet, fondateur de l’association Non aux éoliennes entre Yeu et Noirmoutier (Neny) en 2009. Ils sont contents que des personnes plus habituées à de telles démarches, sur un plan tant juridique juridiq ue que de la comm communica unication, tion, les aident. » Ce que confirme Philippe Chaigne, qui dit avoir vu son environnement détruit par un parc éolien à Saint-Hilairede-Chaleons, à une dizaine de kilomètres de là : « Mon fils de 12 ans m’a m’a dit il y a quelques jours que ce ce n’ n’ était plus du tout la campagne, campagne, il y a des mâts et des hélices partout. part out. On ne voi voitt que ça, on ent entend end le sou souffle, ffle, on n’a plu pluss envie d’aller se promener. Seulement les communes i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 97
Reportage LES MAIRIES INDEMNISÉES n’opposent guère de résistance. Et malgré 76 % d’opposition au projet lors de l’enquête publique, la commission et l’Etat sont passés outre.
touchent de l’argent, et on achète des associat associations ions qui n’arrivent arrivent pas à se financer finan cer alors qu’elles ont une mission [Société nationale de service public, comme la SNSM [Société de sauvetage en mer], en mettant en place une taxe sur l’ éolien off-shore dont les bénéfices bénéfices leur sont destinés. C’est de la corruption passive. » Pour lui, les enquêtes publiqu pub liques es ne serve servent nt que de boît boîtes es aux let lettre tress puis puisque, que, malgré 76 % d’opposition au projet, la commission et l’Etat sont passés outre. « Les territoires ruraux sont devenus les poubelles des villes », se désole-t-il. A l’île d’Y d’Yeu, eu, c’ c’est est la même mob mobilisa ilisatio tion, n, même si on tient à demi-mot à se démarquer de la personnalité un brin sulfureuse de Fabien Bouglé et de Touche pas à nos îles. Olivier Voisin, jardinier paysagiste, natif du lieu, et Monik Malissard, poète et ancienne correspondante de Ouest-France, mènent la fronde au sein de Yeu vent debout. Ils multiplient les études sur les conséquences environnementales du projet porté par Eoliennes en mer îles d’Yeu et Noirmoutier, soutenu par trois actionnaires (Engie à 47 %, EDP Renewables à 43 %, la Caisse des dépôts à 10 %) et dont le partenaire industriel en charge de la fabrication est Siemens Gamesa : « Beaucoup de gens n’osent pas parler ou signer les l es pétitions, pétit ions, car la commune est le premier employeur. Et comme la mairie mairi e i
JEAN-MARIE HELLIO, président de l’Association des commerçants de Noirmoutier : “Si la pêche meurt ici, tous les secteurs seront impactés.”
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devrait toucher dans cette opération 650 000 €, soit de 5 à 6 % de son budget, bud get, ils préfèrent ne pas s’exposer », », explique Olivier, amoureux de sa « Belle-Ile en miniature ». Chez lui, Sébastien Arnaud, le patron du Bad Boy Boy,, s’insurge : « J’ai 40 % de mon chiffre d ’affaires qui se fait dans la zone où seront les éoliennes. Même après l’install’in stallation,, on n’est lation n’est pas du tout sûrs d’aller travailler travaill er là-bas. C’est dangereux, il y a les piliers, les hélices. Et déjà, rien que pendant les travaux d’exploration, ils sont en train de se rendre compte des difficultés qu’ qu’ ils vont rencontrer pourr fixer les mâts. » Monik rappelle que des études font pou état de rejet dans l’eau d’aluminium d’aluminium et de terres rares, métaux dont sont constitués les piliers, et que, que , contrairement aux côtes danoises, citées en exemple par les tenants de l’off-shore, l’off-shore, les fonds ici ne sont pas sableux et qu’il faut creuser sur les hauts-fonds rocheux, ce qui présen pr ésente te d’im d’import portante antess diffic difficulté ultéss tech techniqu niques. es. « Ils ont pété une mèche à 4 m sous la surf surface ace ! » raconte Bernard Martin, pêcheur à la retraite, qui considère aussi que l’évaluation des ressources halieutiques par le porteur de projet a été faite volontairement à la baisse, « avec des filets de plaisanciers ».
O
n parle beaucoup d’un « effet récif » créé par les piliers, qui permettrait aux poissons de revenir une fois les l es travaux ache vés. Mais cet argument a rgument est balayé b alayé d’un revers de la main par Philippe Gendreau, le PDG des conserveries du même nom, à Saint-Gilles-Croixde-Vie : « La pêche pélagique n’est absolument pas concernée par cet effet récif. » Cette entreprise familiale implantée depuis 1903 produit 2 300 t de sardines par an. « Si ce projet se fait, nous perdrons 30 % de notre activité et devrons licencier, déplore-t-il. Il y a déjà eu la crise de l’anchois il y a dix ans, là on aura celle de la sardine. Nous sommes les derniers en France, ça veut déjà dire que les autres sont morts, avec la concurrence du Maroc et du Portugal. Mais cette fois la crise ne viendra pas de l’Europe, mais des éoliennes. éoliennes . On parle du Danemark et de la Suède , mais là-bas il i l n’y a pas de pêche côtière, pas plus que de tourisme sur les plages ! » Il ne décolère pas : « Dans cette affaire, c’est le lobby industriel qui fait son œuvre. Je ne vois pas pourquoi moi, une PME familiale, je me laisserais faire par des malfrats. Notre lutte casse tous les clivages. » Un mot d’ordre repris par Jean-Marie Hellio, le prési pré side dent nt de l’Asso ci ciat atio ion n de dess co comm mmerç erç ant s de Noirmoutier. « Je n’ai rien contre les éoliennes par principe,, dit-il. Des flottantes, principe flottantes , par exemple, conviendraient mieux que des posées. Mais, si la pêche meurt ici, ensuite tous les secteurs seront impactés : 90 % des commerçants sont solidaires. On a très bien compris de de quoi il était question : ce n’est n’est pas l’ écologie qui intéresse les municipalités, ce sont les indemnités. » Tous sont conscients qu’il faut que la l a transition énergétique se fasse et que l’on doit sortir du nucléaire et des énergies fossiles. Mais, dans les campagnes et sur les côtes, l’éolien a de moins en moins le vent en poupe. Q V. DE G.
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VOITURES ÉLECTRIQUES
ALORS, ÇA VIENT ? Sur le papier papier,, elles ont tout pour séduire. Ecologiquement cool, girondes, de plus en plus autonomes, elles bénéficient de coquettes primes à l’achat et de la bienveillance générale. Mais rien n’y fait. En France, Fr ance, on continue à les bouder. Pas mieux dans le reste de l’Europe où électriques et hybrides ne représentent toujours que 2 % des immatriculations. PAR ÉTIENNE THIERRY-A THIERRY-AYMÉ YMÉ
100 / Marianne / 28 28 septembre au 4
octobre 2018
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l y a un réel mystère autour du véhicule électrique. » Responsable de l’observatoire Cetelem de l’automobile, dont le rapport 2018 po p orte justement sur ce sujet, l’économiste Flavien Neuvy constate mais n’explique pas : « L’image est excellente, les personnes que nous avons interrogées se disent convaincues et intéressées. Mais les autom automobili obilistes stes peine peinent nt tou jours à sauter sa uter le pas. p as. » De fait, les derniers chiffres du cabinet Jato Dynamics, l’un des meilleurs analystes du secteur automobile, sont calamiteux et sans appel : seulement 20 876 voitures électriques et hybrides rechargeables se sont vendues dans l’Hexagone au premier semestre 2018. Un chiffre certes en hausse (+ 16 % par rapport à la même période en 2017), mais qui ne représente toujours que 1,7 % de l’ensemble des transactions. Une misère comparée aux plus de 2 millions de véhicules neufs écoulés chaque année. Le constat est le même dans toute l’Europe : au premier semestre de cette année, 180 000 voitures à batterie lithium-ion, dont 85 500 entièrement électriques et 94 500 hybrides
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rechargeables ont trouvé acheteur. rechargeables A peine 2 % des immatriculations immatriculations du Vieux Continent… On est loin du raz-de-marée tant attendu ! A la suite du dieselgate (2 milliards d’euros réclamés à Volkswagen pour po ur dé défa faut ut d’ d’in info form rmat atio ion n pa parr ses 2 000 actionnaires), on pronostique que les motorisations Diesel ne devraient plus représenter que 25 % du marché en 2020, là où elles constituaient plus de 50 % des immatriculations euro péennes en 2015. Pour Po ur l’heure, l’heu re, la désaffection profite surtout aux motorisationss essence… Du coup, motorisation les objectifs de diminution d’émission de CO2 assignés par Bruxelles pour 2021 font font monter monter la pression sur les constructeurs. « Ils savent qu’ils ne pourront pas y arriver sans vendre massivement des véhicules électriques, sous peine de lourdes amendes ! » prévient François Roudier, porte-parole du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA). Comment, malgré un savant du pot au capot (rap greenwas gree nwashing hing du pelons pelo ns qu’à part le chev cheval al et la bicy bicy-clette on n’a toujours pas inventé de véhicule 100 % écologique…) et l’unanimité des bons sentiments,
STARLETTE C’est elle qui, depuis 2012, tire le marché de l’électrique premium. La berline américaine signée Elon Musk propose des performances hors normes, l’équivalent de 772 ch, jusqu’à 632 km d’autonomie théorique, mais aussi une batterie d’équipements high-tech comme son écran XXL ou la fonction Autopilot. La Tesla Model S ne tardera pas à avoir une petite sœur plus abordable, la Model 3. Elle existe aussi en déclinaison SUV, la Model X. A partir de 86 300 €. tesla.com
expliquer une telle inappétence ? Objectivement, les freins sont encore nombreux : autonomie, maillage en points de recharge jugé insuffisamment dense par les automobilistes – plus de 23 000 points de charge publics plus ou moins bien répartis dans l’Hexagone. En mai dernier, le gouvernement a annoncé 100 000 bornes accessibles au public au plus tard en 2022. « Il faut absolument résoudre cette question, poursuit François Roudier, notamment dans le parc privé. Nous militons pour pou r faciliter facilite r l’installation l’installatio n de bornes de recharge dans les copropriétés. » Pour lui, le salut viendra également de l’essor des motorisations hybrides rechargeables : « Elles résolvent la crainte de la “panne sèche”. » Mais ces constats n’éclairent pas vraiment la si faible inclination des consommateurs. consommateu rs. François Roudier reconnaît : « Le véhicule électrique a déjà fait le plein des “early adopters”. Reste à séduire séduire le grand grand public. » Et c’est là que tout se complique… Incitations timides
D’abord, l’offre de véhicules est encore peu variée, notamment envers la clientèle familiale. Avec, d’un côté, des petites citadines ayant déjà quelques heures de vol, comme comme la Peugeot iOn, ou ou des modèles plus polyvalents, comme la Renault ZOE, qui concentre plus de la moitié des ventes d’électriques en France. A l’autre bout du spectre, on trouve surtout des berlines ou des SUV haut de gamme – Tesla Model S ou X, Jaguar i-Pace – ou annoncés – Audi e-tron et Mercedes EQC –, dont le ticket d’entrée frôle souvent les 80 000 €. Pour des familles certes, mais au portefeuille plus que qu e bien garni ! Autre point p oint noir : des incitations fiscales poussives. Le CCFA a fermement engagé le gouvernement à maintenir les différentes primes existantes pour l’acquisition de véhicules électriques et hybrides rechargeables. Au 1er janvier 2019, le bonus pour les voitures 100 % électriques restera de 6 000 €. « Mais on réclame aussi une prime de 2 000 € pour i 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 101
Mondial Paris les véhicules électriques rechar geabl ge ables es », », rappelle rappelle François Roudier, espérant ainsi accroître la demande pour cette c ette technolo t echnologie, gie, au a u bénébéné fice des constructeurs tricolores. D’autres incitations auraient un impact sensible. « Ce qui pourrait développer le marché de l’électrique, ce sont les facilitations d’usage, pourd’usage, poursuit le directeur de communication du CCFA, comme la possibilité de circuler dans les couloirs de bus. A Paris, la circu circulation lation sur les voies sur berge aurait pu être ouverte aux véhicules électriques… » i
DÉJÀ EN PISTE !
Les essayer, essayer, c’est les adopter adopter,, paraît-il. Bien pensées et bien faites, elles sont d’ores et déjà disponibles chez les concessionnaires.
BEST-SELLER La citadine 100 % électrique de Renault représente à elle seule plus de 50 % des ventes dans l’Hexagone. Avec les années, son autonomie a grandi : jusqu’à 300 km en conditions réelles. Renault ZOE, autonomie annoncée 210 km/400 km. A partir de 23 200 € (+ location de batterie à partir de 69 €). renault.fr
Trop Tr op d’inconnues d’inc onnues Les choses avancent néanmoins, et François Roudier évoque surtout des « freins psychologiques ». Il se félicite que « le maillage du territoire en bornes de recharge s’étende » et rap pellee que « l’autonomie des véhicules pell proposés propo sés croît croît année année après après année année ». Dès 2019-2020, l’offre des constructeurs va s’élargir de manière sensible (lire p. 104). Pour Flavien Neuvy, de l’observatoire Cetelem : « Les consommateurs interrogés nous confient qu’ils manquent d’informations. La balle est désormais dans le camp des constructeurs. C’est à eux et aux concessionnaires de faire essayer les véhicules aux clients pour que les freins tombent. D’autant que les acheteurs qui ont sauté le pas disent tous qu’ils ont définitivement adopté l’électrique. » Objectif conjoint de l’Etat et de l’industrie d’ici à 2022 : multiplier par cinq le nombre n ombre de véhic v éhicules ules électriques neufs vendus chaque année en France. Le but à plus long terme étant, comme annoncé en juillet 2017 par le ministre de la Transition écologique et solidaire d’alors, Nicolas Hulot, « la fin des véhicules diesel diesel et essence à l’horizon 2040 ». « Reste qu’on est aujourd’huii vraiment incapable de aujourd’hu dire ce qu’il en sera des ventes dans cinq ou dix ans, conclut ans, conclut Flavien Neuvy. Il Neuvy. Il y a trop d’i d’incon nconnues nues.. A commencer par le prix du pétrole. Si les prix flambent à la pompe, alors là, oui, l’électrique deviendra une vraie alternative aux motorisations thermiques. » Sinon… Q É.T.-A. 28 septembre au 4 102 / Marianne / 28
octobre 2018
DYNAMIQUE Malgré son prix et son manque de signes distinctifs, l’e-Golf l’e-Golf continue à faire son trou… Visuellement, rien ne la distingue en effet des autres Golf, excepté le discret logo sur sa calandre. L’e-Golf L’e-Golf est plus dynamique que la ZOE, avec une vitesse de pointe de 150 km/h et un 0 à 100 km/h en 9,6 s, contre plus de 13 s pour la française… Volkswagen e-Golf, autonomie annoncée : 300 km (selon le Nouveau Cycle européen de conduite NEDC). A partir de 39 560 €. volkswagen.fr
FASTUEUSE Sans attendre la concurrence venue d’outre-Rhin, Jaguar a dégainé en début d’année son premier SUV 100 % électrique, l’I-Pace. Avec des performances qui décoiffent puisque, grâce à son bloc et à sa batterie de 90 kWh, cette bombe peut atteindre 100 km/h en 4,8 s. Jaguar I-Pace, autonomie annoncée : 470 km (selon l’homologation Worldwide Harmonized Light Vehicles Test Procedure, WLTP). A partir de 78 380 €. jaguar.fr
FAMILIALE Elle vient juste de détrôner en termes de ventes la ZOE sur le Vieux Continent. Lancée en mars, cette deuxième génération profite d’un moteur électrique développant 150 ch, soit 41 ch de plus que sa devancière. Du coup, l’autonomie théorique grimpe à 378 km (NEDC) ! Nissan Nouvelle Leaf, autonomie annoncée : 270 km ((WLTP). A partir de 29 700 €. nissan.fr nissan.fr R D : s o t o h P
Mondial Paris MI-
2019
DS3 CROSSBACK E-TENSE Après le DS7 Crossback, la marque premium de Citroën présente un deuxième SUV, urbain cette fois, le DS3 Crossback, premier compact 100 % électrique, dans sa version e-Tense, du groupe PSA. Un modèle qui fait la part belle à des équipements inédits à ce niveau de gamme : optiques laser ou encore poignées rétractables. Le DS3 Crossback inaugure la nouvelle plate-forme CMP, sur laquelle les compactes et les citadines PSA sont désormais fabriquées. Elle servira aussi pour la Peugeot 208 millésime 2019, dont une version 100 % électrique est également en approche… Le véhicule sera équipé d’un moteur de 10 0 kW, soit l’équivalent de 136 ch et une batterie de 50 kWh, rechargeable à 80 % en 30 min, afin d’offrir une autonomie de 300 km (WL (WLTP). TP). La version d’entrée de gamme, thermique, devrait se situer bien au-dessous des 25 000 €. dsautomobiles.fr
... ELLES ARRIVENT ! Du 4 au 14 octobre s’ouvrira au Parc des expositions à Paris la 120 e édition du Mondial de l’automobile. L’offre 100 % électrique y sera bien représentée, avec des modèles phares très attendus. En bonus, quelques farfelus…
ÉTÉ
2019
2019
MICROLINO
MERCEDES EQC Dévoilé à quelques semaines du Mondial, le SUV EQC sera sans conteste l’une des stars électriques du stand Mercedes, avant d’arpenter les rues, et… une sérieuse concurrente pour les Jaguar I-Pace, Tesla Tesla Model X ou autre Audi e-tron. Un SUV premium qui réunit deux moteurs électriques d’une puissance cumulée de 300 kW, soit l’équivalent l’équivalent d’environ 408 ch, afin d’atteindre les 180 km/h (vitesse maximale bridée) et de passer de 0 à 100 km/h en 5,1 s ! Prix non communiqué. mercedes-benz.fr 28 septembre au 4 104 / Marianne / 28
octobre 2018
Si, en la voyant, vous songez à l’Isetta siglé BMW des années 50-60, vous avez tout bon. Mais, bien qu’elle conserve les proportions de sa glorieuse aînée, la Microlino affiche du 100 % électrique sous le ca pot. Lors de sa commercialisation, deux batteries seront proposées : 8 kWh, avec 125 km d’autonomie, et 14,4 kWh, pour 200 km d’autonomie. La Suisse, sa patrie d’origine, sera approvisionnée d’ici à la fin de l’année. L’Allemagne et la France suivront courant 2019. A partir de 12 000 €. micro-mobility.com
FIN
2018
HYUNDAI KONA EV Pour tous ceux qui cherchent un SUV urbain 100 % électrique, plus abordable que les Me rcedes EQC, Audi e-tron ou Jaguar i-Pace. Il y aura deux déclinaisons : un 136 ch avec batterie de 39,2 kWh et un 204 ch avec batterie de 64 kWh. L’autonomie (WLTP) (WLTP) est de 312 km pour la petite batterie, ce qui est correct, et de 482 km pour la grosse. Mais tout cela a encore un prix : au minimum 38 400 €, tout compris, auquel il faudra enlever les 6 000 € de bonus, sans parler des ristournes éventuelles. Bref, un excellent rapport prix-autonomie. hyundai.fr
DYSON ÉLECTRIQUE
2020
Après les aspirateurs et les sèche-cheveux, sèche-cheveux, le le king de l’électroménager, James Dyson, a entrepris de construire sa propre voiture électrique. Pourquoi pas ? L’inventeur anglais emploie déjà 400 ingénieurs en Grande-Bretagne prêts à é laborer laborer,, concevoir et fabriquer leur première voiture 10 0 % électrique, à la manière d’Elon Musk avec Tesla aux Etats-Unis. Autonomie, performances, temps de recharge, recharge, pour le moment rien n’a encore filtré… dyson.com
KIA NIRO EV Après le Soul EV lancé en 2015, Kia sort enfin enfin son deuxième véhicule électrique. Le Niro EV se dote d’une batterie de 64 kWh et d’un moteur de 204 ch, avec, au choix, une une autonomie de 240 ou 380 km. Présenté au Mondial, il devrait être commercialisé peu après, à un prix très attractif, situé sous la barre des 30 000 €. kia.com/fr
OCT.
2018
DATE INCONNUE
KALACHNIKOV KALACHNIKO V CV-1 Le retour de la guerre froide se jouera-t-il aussi sur l’asphalte ? Pour rivaliser avec l’américain Tesla, Kalachnikov, Kalachnikov, plus connu pour ses fusils d’assaut AK-47, vient de présenter ce concept-car concept-car,, baptisé CV-1. Pas de balistique ici, mais une auto 100 % électrique aux faux airs de Trabantt ou d’AvtoVaz, avec sous son capot une batterie de 90 kWh et Traban un moteur de 220 kW lui permettant de passer de 0 à 100 km/h en 6 s, avec une autonomie de 350 km. Reste à savoir si ce concept-car sera commercialisé un jour ! kalashnikov.com
FIN
2018
R D : s o t o h P
AUDII E-TRON AUD E-TRON On a connu plus heureux comme nom de baptême dans la langue de Molière, mais cela ne devrait pas empêcher les e-tron de s’écouler comme des petits pains dans les beaux quartiers où Audi fait déjà la loi avec ses différents SUV. Le véhicule, 100 % électrique, sera animé par deux moteurs pour une puissance totale de 360 ch. Un « boost » de 8 s à 408 ch et 664 Nm est également annoncé, ce qui permettra d’atteindre les 100 km/h en moins de 6 s, avec une vitesse de pointe bridée à 200 km/h et une autonomie de plus de 400 km. Ticket d’entrée autour de 80 000 €. audi.fr 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 105
Saveurs LA TABLE DE LA FONTAINE À MÉAUDRE
QUAND LE VERCORS RÉSISTE EN CUISINE Cette auberge symbolise le sursaut à la fois culturel et social d’un village de montagne, qui veut continuer à vivre. PAR PÉRICO LÉGASSE
C
’est à l’hôtel de l a Poste de Méaudre, aujourd’hui aujourd ’hui disparu, que les Forces françaises de l’intérieur de l’Isère décidèrent de se réunir le 25 jan vier 1944 pour préparer la lib ération du département. On sait la tragédie qui s’ensuivit lorsque, au mois de juillet, jui llet, mettant le Vercors à feu et à sang, l’occupant nazi et la Milice de Vichy massacrèrent près d’un mil millier lier de maqui m aquisards sards et de civils. Soixante-quinze ans plus tard, les gens du pays savent ce qui s’est passé ici. On continue d’ailleurs d’ ailleurs à résister à Méaudre, sous une forme différente, certes, pourr empê pou e mpêche cherr que q ue le less s ol ols, s, le less paysages, pays ages, les viei vieille lless pierres, pi erres, cet univers fait de ruralité et de liens à la terre ne disparaisse sous les assauts d’un progrès destructeur et d’un consumérisme aliénant. Au cœur du bourg, il est une auberge qui symbolise le sursaut à la fois culturell et so cial d’un village de culture montagne qui veut continuer à vivre, La Table de la fontaine. Après avoir avoir examiné d’autres autres propro jets, c’est en 2015 que Fabienne et Bertrand Rivoal se lancent dans l’aventure, en reprenant un café 106 / Marianne / 28 28 septembre au 4
octobre 2018
en fin de course pour en faire un moment d’espoir, de rencontre et de gourmandise. Car La Table de la fontaine n’est pas qu’un simple bistrot, c’est aussi un lieu de convivialité. Tout a été refait ici de fond en comble, pour redonner fraîcheur et jeunesse à la maison, en veillant bien à préserver l’esprit du bistrot ouvert à tous. Ainsi les patrons ont-ils eu l’intelligence l’intelligence de maintenir le bar où il fait bon se retrouver autour du café matinal, d’un verre de blanc pour papoter ou du goûter familial.
Une cuisine proche de la nat proche natur ure e Insérés dans la vie locale, le défi économique étant relevé, Fabienne et Bertrand sont passés à la deu xième phas phase, e, celle où il conv convient ient de donner du sens, pas seulement alimentaire, au contenu de l’assiette. Configuration idéale que le l e Vercors Vercors pour proposer une cuisine cuisine proche proche de la nature, respectueuse de l a saison et du marché à des tarifs démocratiques. Originaire de Paris, Bertrand a fait ses débuts au côté de Jérôme Faure, Faure, chef de l’hôtel l’ hôtel du Golf, à Corrençon-en-Vercors. Il sait, y compris dans sa dimension philoso phil osophiq phique, ue, ce qu’est un t er-
ACCUPTAE CONE EL INIMPORIS Aborestoria voluptam hit landelluptae volecto maionsequias rerrum vel ipienitia quos maionet acipsam vendaeped
R D
BERTRAND RIVOAL, dans un inventaire aussi savoureux que fermier, propose d’exquises ravioles du Royans maison, de délicieuses andouillettes paysannes, d’admirables entrecôtes poêlées de la ferme des Colibris ou de succulentes truites à la grenobloise.
roir. Au point d’y puiser l’essentiel roir. de son œuvre puisque le veau, la vache et le cochon, mais aussi les truites, les œufs et les volailles, volaill es, pro viennent tous de producteurs producteurs fermiers situés dans le Vercors. Enfant du pays, Fabienne est passée par l’école hôtelière de Grenoble, avant de fréquenter les grandes maisons. Le métier de restaurateur n’a donc pas de secret pour elle. Tous Tous deux sont de vrais vrai s professionnels n’ayant ayant pas eu besoi besoin n de traverser trav erser la l a rue ru e pourr tro pou trouve uverr du boul boulot… ot… Et lor lorsque sque l’on s’installe à cette Table de la fontaine, l’enthousiasme gagne l’appétit appétit rien qu’en lisant l’intitulé des plats dont la simplicité traduit la pureté. Exquises ravioles du Royans maison à la crème (ou à la sauce au bleu de Sassenage), S assenage), classique de la tradition dauphinoise revu et amélioré par le chef, délicieuse andouillette paysanne de la ferme des Nobles, à Villard-de-
Lans, admirable entrecôte poêlée de la ferme des Colibris ou de la ferme Buisson, à Méaudre, ser vie avec des d es frites maison m aison.. Parmi cet inventaire aussi savoureux que fermier, notre coup de cœur RECONNU est allé au filet de truite à la greD’APPELLATION nobloise que prépare Bertrand D’ORIGINE Rivoal. Issues de l’élevage de PROTÉGÉE La Vernaison, à Echevis, dans le 30 juillet 1998, ce bleu présente la Drôme, ces truites de rivière une pâte fine, demisont cuites lentement au beurre molle, soyeuse, avec des câpres et des croûtons, pas très grasse, un véritable régal auquel le blanc mais onctueuse « Cuvée du barbu » du Domaine en bouche. de Maupas, dans le Diois voisin, donne la plus idéale des répliques. Les gourmands finiront sur une gaufre au sucre ou à la confiture qui réveille les souvenirs d’enfance ou une assiette de fromages régionaux dont quelques tomes fermières ou un bleu du Vercors e n e Sassenage qui restituent à mer- é p o r u veille les arômes de la flore flore locale. e n o n Une halte qui porte haut les cou- i U / leurs de l’authentique auberge de r e M r village et et une destinat destination ion digne de i g A e tous les plaisirs montagnards. Q c n a La Table de la fontaine, place de la Mairie, 38112 Méaudre-enVercors. Tél. : 04 56 17 79 40. Plat du jour à 12 €, formule à 17 ou 22 €.
COUP DE
GUEULE
I
r F / l e i n C / l e i V . l P
BLEU DU VERCORS SASSENAG SASSENAGE E
UNE PÂTE PERSILL PERSILLÉE ÉE QUI QUI PREND DE LA HAUTEUR
F
romage à pâte persillée au autorisa les moines de la contrée. lait de vache produit dans le Le lait avec lequel est élaborée cette Vercors, V ercors, le bleu de Sassenage AOP prov provien ientt excl e xclusiv usiveme ement nt de fut reconnu en appellation d’ori- trois races bovines de montagne, gine protégée le 30 juillet 1998, sur l’abondance, la montbéliarde et une aire comprenant 13 communes une variété purement locale, la vilde la Drôme et 14 de l’Isère. On larde, menacée d’extinction jusqu’à fait remonter sa tradition à 1338, il y a peu. Le bleu de Sassenage fait, lorsque le baron de Sassenage hélas, partie des 16 AOP pour lesquelles l’usage du lait pasteurisé est autorisé. Les vrais amateurs de fromages s’en tiendront évidemment aux productions fermières exclusi vement au lait lait cru. Pour l’heure, la product pro duction ion res reste te limi limitée, tée, avec 365 t, dont 320 t pour la seule coopérative. Ce bleu, légèrement persillé en comparaison du roquefort ou de la fourme fourm e d’Ambert, d’Ambert, présente une pâte fine, demi-molle, soyeuse, pas très très grasse grasse mais onctueuse en bouche. Son affinage demande au moins vingt et un jours et il donne le meilleur de lui-même sur une clairette de Die adoucie. Q Bleu du Vercors Sassenage fermier, chez tous les bons fromagers.
DE L’HORTICULTURE À LA PLONGE OU LA LA MACRO-ORIENTA MACRO-ORIENTATION TION
l n’y a pas de sots métiers, sinon des paresseux qui ne veulent pas travailler… Répondant à un jeune horticulteur au chômage qui l’interpellait sur sa situation, le président de la République a repris à son compte, version 2018, la célèbre formule que certains instituteurs adressaient jadis aux cancres : « Allez voir ailleurs, l’agriculture manque de bras. » Pour dire en quelle estime l’université et le corps enseignant tenaient la paysannerie. Quand on sait la détresse qui frappe aujourd’hui un grand nombre d’agriculteurs, on mesure la monstruosité d’une telle phrase. L’agriculture ayant eu son compte, le dénigrement porte
aujourd’hui sur la cuisine. « Si tu continues à être aussi nul, tu es bon pour l’école hôtelière », entend-on encore dans les lycées de la part de profs demeurés… sur des réflexes anciens. Autrement dit, le secteur hôtelier est la poubelle pour rebut social. Dire à un jeune ayant fait une formation en horticulture (activité importante et utile pour notre pays) qu’il lui suffit de traverser la rue pour trouver du travail dans l’hôtellerierestauration signale deux choses : 1. que le chef de l’Etat se moque comme d’une guigne des enjeux horticoles, donc agricoles, de la France ; 2. que le chef de l’Etat confirme
que ce secteur, qui participe au prestige de la France, qui fait entrer des millions de devises chaque année, qui demeure un patrimoine culturel et social à part entière, mais qui souffre cruellement d’une extinction des vocations consécutive à l’effondreme l’effondrement nt de la valeur travail dans l’Education nationale, est bon pour accueillir n’importe quel demandeur d’emploi. Outre l’insulte envers celui qui appelle à l’aide, le mépris affiché pour les restaurateurs, restaurateur s, les cuisiniers et les cafetiers, aptes à se contenter du premier venu pour faire ce travail, révèle dans quelle considération professionnelle les tient Emmanuel Macron. Q
28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 107
PAR L’HISTOIRE
E É U GUERRE D’ALGÉRIE Q I L P X E É T I L A U La reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans la mort de Maurice lève pas, loin s’en faut, le voile qui recouvre recouvre les exaction exactionss T Audin ne lève tant par l’armée française que par le FLN algérien. Et C perpétrées particulièrement celles qui se déroulèrent entre le cessez-le-feu du 19 mars A ’ 1962 et le départ définitif des troupes et de l’administration françaises. L
LA RA RAIS ISON ON D’É D’ÉT TAT OCCUL OCC ULTE TE TOUJO TOUJOURS URS LES MORTS ET LES DIS DISP PARU ARUS S PAR MICHEL RENARD*
108 / Marianne / 28 28 septembre au 4
octobre 2018
E
n prenant position, le 13 septembre dernier, sur la « disparition » du mathématicien Maurice Audin en juin 1957, le président Macron n’a rien apporté à la connaissance connai ssance historique. Nous n’en savons pas plus, après cette reconnaissance par l’Etat d’une « injustice », qu’avant. avant. La douleur de Josette Audi Au din, n, ve veuv uvee du dis dispar paru, u, et de se sess en enfa fants ntsen a peu peut-ê t-êtr tree été atténuée : voir admise la responsabilité de l’Etat dans la mort du communiste Maurice Audin répondait à leurs vœux obstinés depuis de nombreuses années. Mais cet acte symbolique vise au-delà. Il est aveu d’un dispositif politique qui a marqué négativement l’histoire nationale sous la IV e République : « Si sa
surtout des historiens extérieurs à l’enseignement universitaire, comme Jean Monneret, Jean-Jacques Jord Jo rdi,i, Rog Roger er Véti étillar llard, d, le gén génér éral al Ma Mauri urice ce Faiv aivre, re, Gr Grégo égorr Mathias ou Guillaume Zeller, sans oublier les enquêtes persévérantes des d es militants du Cercle C ercle algérianiste algériani ste et autres associations de pieds-noirs. Mais nombre d’épisodes comme les assassinats de civils par le FLN, la fusillade de la rue d’Isly d’ Isly en mars 1962, les exactions des « barbouzes » contre l’OAS, l’inaction face aux au x dis parus d’Oran à l’été 1962 ou le sort sort des harkis resten restentt plombés au regar regardd des vérités d’Etat.
Enquête bâclée
mort est en dernier ressort le fait de quelques-uns, elle a néanmoins été rendue possible par un système légalement institué : le système “arrestation-détention” “arre station-détention” mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par voie légale aux forces armées à cette période », a déclaré Emmanuel Macron.
Moins que l’armée qui a exécuté, ce sont donc les politiques politi ques qui qu i portent port ent la responsabi responsabilité lité première. premi ère. Et ici, une très large majorité de députés qui avait voté les « pouvoir pouvoirss spéciaux spéciaux » le 12 mars 1956 : socialistes, communistes communi stes (sauf six qui n’ont n’ont pas pris part au vote),, radicaux vote) radicaux et MRP MRP.. Seuls les poujadistes, poujadistes, Le Pen et quelques autres ont voté contre. Au total, 455 voix contre 76. A s’en tenir au « système légal » pointé par
“Le Général m’a reproché de ne pass av pa avoi oirr ‘o ‘osé sé fai faire re ti tire rer’ r’ en 19 1968 68.. Je lu luii ai ré répo pond ndu u : ‘S ‘Sou ouve vene nezz-vo vous us de l’Algérie. Là, j’ai osé et je ne le regrette pas’.” Christian Fouchet le président de la République, c’est bien le corps c orps politique national qui a ouvert l’engrenage conduisant à la mort de Maurice Audin. Ce qui choque dans la politique mémorielle de Macron à l’égard de cette guerre, c’est sa partialité systématique… surtout venant après la qualification, le 14 février 2017, de « crime contre l’humanité » attriRESPONSABILITÉ buée par lui à la présence française en Algérie. Car les FRANÇAISE « injustices » et morts occultées ne manquent pas au A Alger, Alger, le 26 mars cours de la séquence 1954-1962. Et puisque le com- 1962, les civils t ravail venus manifester muniqué de l’Élysée affirme « encourager le travail historique sur tous les disparus de la guerre guer re d’Algérie, français franç ais et algér algériens iens,, civils civi ls et militai m ilitaires res », aidons le
président Macro président Macron n à ouvri ouvrirr les dossie dossiers. rs. Pour les historiens, les morts restées mystérieuses depuis soixante ans, côté français comme côté algérien, n’ont jamais été taboues. Les investigations et les témoignages se sont multipliés. Avec pour auteurs, à côté de Guy Pervillé, de l’université de Toulouse,
a p i S / n o i p m a C e L
pacifiquement contre le bouclage du quartier de Bab el-Oued ont subi les tirs sans sommation du 4e régiment de tirailleurs algériens. Bilan officiel : 46 morts. Bilan officieux : 80.
Le 26 mars 1962, sept jours après la « fin » officielle de la guerre, les civils algérois venus manifester pacifiqu paci fiquemen ementt contre con tre le l e boucla bo uclage ge du quar quartier tier de Bab-el-Oued subissent les tirs délibérés et sans sommation d’un bataillon du 4e régiment de tirailleurs algériens. On compte 46 morts selon le bilan officiel mais 82 selon la contre-enquête du journaliste au bout bout de l’Algérie française. Jean-Pax Jea n-Pax Meff Meffret ret ( Jusqu’au Bastien-iry Bastie n-iry , 2003). Aucun fait prob probant ant n’autoris auto risee à envi envisage sagerr une un e provocation provoc ation de l’OAS. La resp responsab onsabilité ilité du massac massacre re incombe à l’autorité française, tutrice de l’ordre public selon les accords d’Evian. Et nommément à trois personnages : le général Ailleret, commandant supérieur des forces en Algérie ; le préfe préfett de police Vitalis Cros, qui disposait de moyens militaires placés sous sou s les ordres du général Capodanno ; Christian Fouchet, haut-commissaire (et futur futu r ministre min istre de l ’Intérieur, en 1967-1968) 1967-1968).. Ce dernier, selon Jean Mauriac, aurait livré cette confiGéné ral de m’avoir m’avoir limogé au dence : « J’en ai voulu au Général lendemain de mai 1968. 1968. C’ était une faute politique. Il m’a reproché de ne pas avoir maintenu l’ordre : “Vous n’avez avez pas osé faire tirer. t irer.”” “J’aurais osé s’il s’i l l’avait fallu, lui ai-je répondu : Souvenez-vous de l’Algérie, de la rue d’Isly. Là, j’ai osé et je ne le regrette pas, parce qu’il fallait falla it montrer mon trer que l ’armée n’é n’était tait pas complic c omplicee de la population algéroise.” » (l’Ap l’Après-de rès-de Gaulle . Notes confidentielles, 1969-1989, 2006, p. 41).
Dès 1972, le journaliste Jean Lacouture avait mis en cause la méthode des militaires : « Ailleret et
Capodanno savent pourtant que toutes les troupes ne sont pas prêtes à de telles tâches, qui exigent e xigent autant de sang-froid que de discernement. Quand il a été question, quelques jours plus tôt, de faire appel au 4 e régiment de tirailleurs algériens (RTA), (RTA), son chef, le colonel c olonel Goubard, a mis en garde les généraux : c’est c’est une excellente excell ente troupe au combat mais composée de paysans naïfs qui risquent de perdre la tête dans la fournais e d’Alger. Le général Ailleret acquiesce et donne l’ordre par écrit de ne pas engager le 4 e RTA dans une telle affaire : cet ordre ne devait jamais être transmis » (le Monde, 25 mars 1972). Benjamin Stora a livré la suite suite : « L’ordre n’est pas transmis, et c’est est le lieutenant Ouchène Daoud Daoud qui se retrouve responsable sur place. Quoi qu’il en soit, i 28 septembre 00auau4 00 octobre mois 2018 / Marianne / 109
PAR L’HISTOIRE
E É U Q I L P X E É T I L A U T C A ’ L
massacre subi à Oran, le 5 juillet 1962, soit quelques mois après les accords d’Evian, par une partie de la population européenne de la ville, écrit Guy Pervillé : en quelques heures, 700 personnes ont été tuées ou ont disparu sans laisser laisse r de trace » (Oran, 5 juillet 1962, Vendémiaire, endémiaire, 2014). 20 14). leçon d’histoire sur un massacre, V La tragédie d’Oran s’inscrit dans une phase au cours de laquelle le FLN, plus ou moins contraint par le ces cessezsez-lele-feu feu de mettre fin aux opéra opération tionss proprementt militaires, propremen mili taires, se livre liv re à des de s enlèveme enl èvements nts d’Européens aux abords des quartiers musulmans des grandes villes d’Algérie d’Algérie et jusque dans le bled. Entre le 19 mars et le 31 décembre 1962, 3 019 personnes ont été enlevées dont les deux tiers ne sont jamais réap réapparues, parues, selon Jean Monne Monneret ret (la Tragédie dissimulée. Oran, 5 juillet juille t 1962 1962 , Michalon, 2006) qui, aujourd’hui, évalue ce chiffre à plus de 3 500. Jean-Jacque JeanJacquess Jordi Jordi relève que c’es c’estt le départeme département nt d’Alger Alger qui compte le l e plus de disparus (40 %) contre Oran (35 %) ; et que 86 % des enlèvements ont eu i les consignes venues de Paris, et plus précisément de l’Élysée, étaient nettes : ne pas céder à l’émeute. l’ émeute. Lorsque lieu entre le 19 mars et la fin septembre (Un silence R D
Ouchène Daoud et ses supérieurs demandent dans quelles conditions ils pourraient, le cas échéant, faire usage de leurs armes, au siège de la X e région militaire, on leur répond : “Si les manifestants insistent, ouvrez le feu.” Mais, comme au temps de la “ bataille d’Alger” en 1957, nul ne voudra confirmer cet ordre par écrit » (la Gangrène et l’oubli , 1991, p. 107). L’enquête judiciaire fut bâclée. Les résultats de l’enquête policière polici ère du commissaire Pierre Pottier n’ont n’ont pas été rendu renduss publics. publics. L’ L’armée armée s’es s’estt opposée opposée à toute audition ainsi qu’à qu’à la communication c ommunication du dispositif di spositif des unités engagées. Aucune commission d’enquête, parlementaire parlemen taire ou autre, autre, n’ n’a jamais jamais été diligen diligentée. tée.
Silence d’Etat(s d’Etat(s)) Un Livre blanc constitué de témoignages directs réunis par le grand arabisant Philippe Marçais, député d’Alger, Alger, fut édité dès 1962 ; ouvrage interdit in terdit et republié sous le titre Livre interdit en en 1991. Deux Européennes d’Alger, Alger, Francine Dessaigne et Marie-Jeanne Rey, ont publié une étude étude accusatrice accusatrice en 1994 1994 : Un crime sans assassin. Alger, assassin. Alger, 26 2 6 mars 1962. Un documentaire de TOTALEMENT Christophe Weber, Weber, conseillé par Jean-Jacques Jordi, DISSIMULÉ Le 5 juillet 1962, a été diffusé sur France 3 en 2008 : le Massacre de la le FLN, contraint rue d’Isly d ’Isly.. Le dossier a été repris par Jean Monneret par le cessez-ledans Une ténébreuse affaire. La affaire. La fusillade du 26 mars feu de mettre fin (L’Harmattan, (L’Harmattan, 2009). Mais rien n’y fait 1962 à Alger aux opérations jusqu’à présent. Pourquoi Pourquoi les fusillés de la rue d’Isly militaires, se livre à des enlèvements continueraient-ils de porter la marque infamante d’Européens aux des vaincus de l’histoire l’ histoire ? Il est largement temps de abords des quartiers leur rendre justice. Même s’il est e st plus embarrassant musulmans des de se confronter à l’ombre l’ombr e tutélaire du général de grandes villes e d’Algérie. A Oran, Gaulle qu’aux aux politiciens de la IV République. Même 700 personnes si une certaine rhétorique anticoloniale risque d’y ont disparu en laisser des plumes. quelques heures sans laisser de traces.
d’Etat. Les disparus civils européens de la gu erre d’Algérie, Soteca, 2011). Le même auteur parle de « silence d’Etats » au pluriel en soulignant que, si la France commence à lever le secret – mais à quand la reconnaissance reconnaissanc e officielle ? –, l’Algérie l’Algérie a « manié un
déni total de ces exactions, considérant les assassins comme des justiciers ».
Du 19 mars au 31 décembre 1962, période de “paix” et d’indépendance, on compte 1 850 disparus. A Oran, les Euro Européens péens ont sub subii assas assassina sinats ts et enlè vements ce 5 juillet j uillet 1962. Le Journal d’un prêtre prê tre en Algérie . Oran, 1961-1962, du père Michel de Laparre, en 1964, a consigné des témoignages abominables. A la date du 7 juillet, il écrit : « On a vu des Mauresques
éventrer des femmes dans des magasins, leur arracher les yeux et leur couper les seins. C’ était un beau carnage. Les Arabes raflaient les hommes par camions entiers “pour contrôle” et consultaient consultaie nt à chaque nom les listes de l’OAS. Beaucoup d’ hommes ont été ainsi abattus sur place ou fusillés fusil lés au commissariat central » (cité par Guy Pervillé, Leçon d’ histoire histoire… …).
La grande majorité des enlèvements s’est conclue par la dispari disparition, tion, laissan laissantt les les familles familles avec un drame épouvantable jamais clos. Les mobiles de ce nou veau terrorisme terrorisme sont divers : crapuleux, crapuleux, représailles représailles « De tous les événements liés à la guerre d’Algérie, contre l’OAS, volonté d’é pouvanter les Européens autre historien, aucun n’a subi une occultation aussi complète que le pour les pousser à l’exode. Mais un autre
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Grégor Mathias, en a étudié un aspect particulièrement terrifiant : les détenus ont été soumis à des prélèvements sanguins forcés, pour guérir les Algériens blessés, à Alger Alger (quartier (quartier de Beau-Fr Beau-Fraisier aisier,, au nord-ouest de la Casbah), Oran, Mostaganem, Tlemcen et en Kabylie. Grégor Mathias multiplie les références et cite même un document militaire portant le n° SP SP.87.581/A .87.581/AFN FN du 13 juillet juillet 1962, 1962, rédigé rédigé par le colonel Vaillant, Vaillant, chef de corps du 1er régiment étranger d’infanterie. Le document cite notamment la lettre d’un militaire à son frère relatant qu’il a été enlevé le 8 mai sur la l a plage des Sablettes Sable ttes à Arzew, à 30 km d’Oran : « La lettre manuscrite de deux pages donne trois types d’ informatio informations ns : les conditions très précisess de détention, précise détention , la descr description iption des procédure s de prélèvements sanguins, et la manière dont il va procéder procé der pour p our envoyer en voyer la l a let tre » (Grégor Mathias, les Vampires à la fin de la guer re d’Algérie. Mythe ou Michalon, 2014). Ce document a été livré réalité ? Michalon, par le légionnaire lég ionnaire Jorge Saavedra, Saav edra, fils fil s d’un ambasamba ssadeur chilien, travaillant à la Sécurité militaire et chargé de détruire une partie des archives lors de l’évacuation de la Légion étrangère étrangère de Sidi-bel Abbès en Oranie. Ora nie.
Discordance chronologique Jean-Ja cquess Jordi présen Jean-Jacque présente te égalem é galement ent des documents d’archives prouvant « qu’une grande partie des enlevés, encore disparus de nos jours, ont été torturés . Les enlevés dont les corps étaient retrouvés portaient très souvent des traces de sévices et de torture ». Il ajoute que « le 21 avril 1962, des gendarmes d’Oran d ’Oran en patrouille découvrent “quatre Européens entièrement dévêtus, la peau collée aux os et complètement vidés de leur sang”. Ces personnes pers onnes n’ont pas été égorgées mais vidées de leur sang de manière chirurgicale ! » (Un d’Arcole, silence d’Etat, p. 106-107). La gendarmerie d’Arcole, en Oranie, enregistre l’enlèvement de nombreux Européens en avril 1962 motivé par deux buts : vérifier si la personne appartient ou non à l’OAS ; collecter du sang au profit des hôpitaux du FLN installés dans l’agglomération agglomération d’Oran. Le plus scandaleux est que ces c es infâmes exactions se sont déroulées dans des villes où l’armée armée française était toujours présente et capable d’intervenir. A Oran, par exemple, 15 000 militaires environ se trouvaient en garnison. Mais les Français n’ont n’ont pas été protégés. Et la responsabilité en incombe au pouvoir politique au plus haut nivea niveau. u. Dans ses Mémoi Mémoires, res, Pierre Pflimlin rapporte qu’en conseil des ministres, à la question de Louis Jacquinot, ministre d’Etat, de savoir si les Français pourraient bénéficier de la protection de l’armée armée française après l’indépendance, de Gaulle a répondu : « Il n’en est pas question. Après l’autodétermination, le maintien de l’ordre public sera l’affaire du gouvernement algérien et ne sera plus le nôtre. Les Français n’auront qu’à se débrouiller avec le gouvernement » ( De De Gaulle, Gaulle , Eric Roussel, 2008).
POURQUOI ON EN PARLE
NI OUBLI NI REPENTANCE : LA VÉRITÉ DE L’HISTOIRE MAURICE idèle à ses principes, Emmanuel Macron AUDIN reconnaît l’exécution sommaire de Maurice Audin et décore en même temps les Algériens engagés aux côtés de la France, qualifiés de harkis, c’est-à-dire « traître » en arabe. Il reste que la raison d’Etat occulte encore bien des crimes. Le voile se fait plus épais encore quand il s’agit du FLN. Pour des raisons à la fois diplomatiques et intérieures, le gouvernement français n’a jamais demandé compte au gouvernement algérien pour les assassinats de citoyens français et autres crimes perpétrés, en violation des accords d’Evian, après le cessez-le-feu du 19 mars 1962. L’idéologie dominante, moralisante et manichéenne f ait le reste : le colonialisme étant un crime, ceux qui l’ont combattu son absous de leurs propres crimes. Or l’actuel gouvernement est issu d’une bureaucratie du FLN, politique et militaire, qui passa l’essentiel de la guerre d’indépendance en Tunisie, et s’empara du pouvoir en éliminant les chefs historiques de la rébellion. Pour l’Etat algérien, la guerre d’indépendance est un mythe fondateur fondateur,, mais son histoire réelle demeure un tabou. Si bien que l’histoire de la guerre d’Algérie demeure une affaire française, tant pour la recherche historique que pour la reconnaissance officielle des exactions occultées. Q
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Il y a bien eu faillite d’Etat. Le nombre de disparus de 1955 à mars 1962, en période de guerre, est de 330 personnes. Mais du 19 mars au 31 décembre 1962, période de « paix » et d’indépendance, d’indé pendance, on compte 1 850 disparus. Alors que les accords d’Evian devaient assurer la sécurité de tous les éléments de la population, on a consenti à un terrorisme causant cinq fois plus d’enlèvements d’Européens que durant les années de guerre. Pour caractériser cette discordance chronologique, Jean-Jacques Jean-Jacques Jordi a recours au terme d’« épuration ethnique » : un climat de terreur a été entretenu entreten u pour aboutir au départ des indésirables dans la nouvelle nation algérienne. Il faut signaler l’action du lieutenant français Rabah Kheliff qui, à Oran, a agi selon sa conscience et, transgressant les ordres (il a été sanctionné ensuite par le général Katz), a fait libérer des dizaines de prisonnier prisonnierss d’une section ALN devant la préfecture. Mais, pour l’essentiel, la France est restée l’arme au pied, négligeant le secours à ses citoyens. La vérité sur le terrible été 1962 vient bousculer la bonne conscience anticoloniale et les schémas des livres d’histoire : « La faiblesse de la France devant les exigences de l’Exécutif l ’Exécutif provisoire provisoire algérien, puis de Ben Bella, jette une omb ombre re singu singulièr lièree sur le souc soucii de gran grandeur deur nationale que l’on l ’on prête prête à Charles de Gaulle. Peut-on nier que la France avait les moyens moyens d’effectuer d’effectu er un retrait d’Algérie plus digne ? » écrit Guillaume Zeller (Oran, 2012) . 5 juillet 1962, un massacre oublié, Tallandier, 2012). Ne serait-il pas légitime de déployer, pour ces centaines de morts et de disparus, l’ l ’arsenal arsenal d’élucidation et de reconnaissance de l’Etat qu’on a accordé au disparu Maurice Audin ? Q M.R. * Directeur éditorial du site Etudes coloniales. 28 septembre au 4 octobre 2018 / Marianne / 111
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par Benjamin Hannuna SOLUTIONS DU N°1123 I
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1. C’est un homme de pouvoir 2. Sont aisément manipulables dès qu’elles ont un peu bu 3. Son fonctionnement est soumis à un plafond 4. Bouillon maigre. C’est pourtant comme ça que ça s’écrivait : si, si. L’éclat de la jeunesse 5. Dans de beaux draps. Question de moyens 6. Nom d’un chien ! Une étoile est née. 7. Insulaire du désert 8. Reprise spectaculaire 9. Peut se tenir à carreau. Entrent dans une recette roumaine. Volume réduit 10. Œuvres reliées. t
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I. Idéal pour des femmes d’un certain âge II. Ce n’est pas le dernier de rnier cri, bien au contraire. Baie asiatique III. Au cœur de la vingtaine. De vraies cloches IV. Il a l’air en colère V. Un bon type. Noircit VI. Chevilles. Merci, très peu pour lui VII. Fait la cour. Elle s’est retrouvée toute bête VIII. Ça nous est égal. Parti pour partir IX. Groupe sauf en mer. Au-dessous du sol X. Avec elle, on est toujours condamné à marcher sur la corde raide.
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Carte blanche
RÉUNION DE RENTRÉE, LE GRENELLE DES PAREN PARENTS TS D’ÉLÈVE D’ÉLÈVESS PAR JEAN-MARC PROUST*
J’ai toujours fui les parents d’élèves. Il est vrai vr ai que je n’ai rien à leur apporter. Je me contrefiche des aptitudes de leurs mômes et c’est à peine si je regarde les bulletins de notes des miens, considérant que le darwinisme est le meilleur apprentissage de l’existence. l’existenc e. Hélas, je dois parfois assister à la réunion r éunion parents-profs de rentrée. Deux thèmes cette année : l’emploi du temps et le code Pronote .
trop tard, on ne peut pas changer l’emploi du temps », entraînant des « Comme ça, ils auraient du français le mercredi matin » et « Ça leur fait des semaines longues », que ne calme pas le pourtant définitif « Je trouve ça bien qu’ils aient une coupure le mercredi ». J’ai envie de serre serrerr très très fort dans mes bras le pauvre pauvre prof qui tente en vain de clore le débat en suggérant, « Si c’est possible pour les fami familles lles,, bien sûr », d’inscrire les enfants dans un « cours d’expression artistique, je pense que c’est bien qu’ils aient aussi cette coupure-là ». 19 h 07.
Voici le proviseur Voici proviseur adjoint : « On vous a fait circuler une feuille, avec vos adresses mail. On vous demande de la vérifier et de la 18 heures. corriger pour que vous puissiez recevoir vos codes Pronote. P ronote. Si on Le prof principal tente d’allumer un ordinateur. Cela prend du n’a pas la bonne adresse mail, on vous donnera une feuille avec temps. « Ce n’est est pas ma salle sal le », s’excuse-t-il. Nous compatissons. votre code. » Il nous remercie d’être là et part, dans une salve Il y a là six hommes et neuf n euf femmes – ce décompte a de l’impor- de « merci » feutrés. tance pour Marlène Schiappa – dont un couple avec un bébé. Il crie. Ils Il s se relaient pour le bercer bercer,, sortent, rentrent, sortent. 19 h 12. Soudain la mère utilise son téléphone et… lui passe une berceuse. La déléguée d’une association de parents d’élèves explique qu’il Personne ne moufte. faut adhérer « parce qu’on qu’on est quand même plus fort ensemble ens emble ». 18 h 21.
19 h 19.
Une feuille circule, avec nos noms et mails. Il faut la vérifier et la Quelqu’un apporte une liasse de feuilles « avec les codes Pronote corriger « si l’adresse l ’adresse mail n’est est pas la bonne », on est pédagogue ou de ceux dont on n’a pas les bonnes adresses mail ». Nous sommes on ne l’est pas. « Vous allez recevoir le l e code Pronote à cette adresse invités à les récupérer, mais en fait non puisqu’on a donné notre mail.. Si vous ne l’avez pas, signalez-le, mail signal ez-le, qu’on puisse vous l’envoyer. l’envoyer. » adresse mail. « C’est plutôt pour les parents qui ne sont pas là. » Cette dernière phrase me laisse lai sse songeur. songeur. Après quelques tâton- Autant vérifier. vérifier. On fait l’appel. appel. Un parent obtient une feuille : nements, l’emploi du temps est projeté au tableau. Pas vraiment « Ah, pourtant, j’ai déjà le code Pronote dans mon mail. Je viens une découverte puisque nous sommes mi-septembre. Il y a deux de le recevoir. Bon, je la prends quand même, pas de problème. » heures de ceci, « c’est peu », trois de cela, « c’est pas beaucoup » et, parfois parf ois,, « une heure tous les quinze jours, ça fait une demi-heure demi-h eure en 19 h 30 ? 45 ? fait, on trav travaille aille en grou groupes, pes, par parce ce qu qu’un ’unee demi demi-heu -heure, re, c’est est cou court rt » . Il est temps de parler d’échanges linguistiques (il s’agit de voyages scolaires, pas d’émois prépubères). « Il n’y en aura pas cette 18 h 53. année. » Rien de mieux pour susciter une nouvelle discussion : Coup de théâtre : ils n’ont pas cours le mercredi. apprentissage, immersion, maturité. — C’est vrai, certains parents préfèrent que les enfants aillent — Mais il n’y en a pas cette année ? au collège le mercredi, parce que comme ça on sait où ils sont. — Malheureusement non. — Sinon, ils sont devant les écrans. Une maman raconte le voyage de sa fille en 6 e : « C’était — Eh oui ! établissement, des élèves sont partis super. » Dans un autre établissement, — Oui, mais bon, ils i ls ont pas école le mercredi. trois semaines, « C’est très enrichissant. » Nous approuvons. — Est-ce qu’ils ne pourraient pas avoir des cours de français le Hélas, pas de voyage cette année, « peut-être l’année prochaine ». mercredi ? Il est près de 20 heures et le professeur part à la recherche e Je maud maudis is jusq jusqu’à u’à la 128 génération la dingue qui a posé cette de ses collègues, qui « sont sans doute dans les autres classes, question. Dans un monde normal, la l a réponse non fuserait immé- je vais voir voir ». Un papa le rassure : « Vous inquiétez pas, on peut diatement. Ici, l’échange s’emballe. Les « Non, malheureusement » attendre, vous savez. » Q appellent des « Ce serait bien pourtant », suivis de « Oui, mais c’est * Critique musical, notamment pour Opéra magazine et et Slate.fr 114 / Marianne / 28 28 septembre au 4
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H Q Q H X T X ' W Q H P p O & R W R K 3 H X T L O R K W D & V U X R F H 6 � H W D U R S U R & D P <
ÉPLOLH GDQV VRQ QRXYHDX ORJHPHQW $LGH DX ORJHPHQW UpLQVHUWLRQ ORJHPHQW UpLQVHUWLRQ VRFLDOH HW SURIHVVLRQQHOOH OXWWH FRQWUH O¶LVROHPHQW DFWLRQ LQWHUQDWLRQDOH GHSXLV DQV OH 6HFRXUV &DWKROLTXH VH EDW VXU WRXV OHV IURQWV GH OD SDXYUHWp (Q OpJXDQW WRXW RX SDUWLH GH YRV ELHQV DX 6HFRXUV &DWKROLTXH ± &DULWDV )UDQFH YRXV WUDQVIRUPHUH] OH IUXLW GH YRWUH YLH HQ DFWLRQV VROLGDLUHV FRQFUqWHV HW GXUDEOHV DX EpQp¿FH GH PLOOLHUV GH SHUVRQQHV GpPXQLHV /H OHJV DX 6HFRXUV &DWKROLTXH ULHQ Q¶DUUrWH OD JpQpURVLWp
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