LA MUSIQUE CONGOLAISE DE LA FIN DU VINGTIEME SIECLE : DU " SOUKOUSS " A " L’HELICO ".
Daniel MATOKOT
INTRODUCTION Connaître et comprendre la musique du Congo-Brazzaville consiste avant tout à la restituer dans un environnement caractérisé ces derniers temps par le chaos social et politi politique que.. Guerres Guerres civiles civiles,, conféren conférence ce nationa nationale, le, revendi revendicati cations ons sociale sociales, s, querelle querelless ethniques et contingences de toutes sortes (misère, famine, pauvreté, maladies…) ont contrib contribué ué à perturb perturber er grandem grandement ent la quiétud quiétudee des Congol Congolais. ais. Républ République ique d’Afriq d’Afrique ue centrale, avec pour principale richesse le pétrole, le Congo affronte des violences et des atrocités d’une intensité inouïe. La conquête du pouvoir par des politiciens de toute nature pose des des difficultés difficultés au au peuple peuple et surtout surtout aux artistes artistes qui ont bien du du mal à se consacrer consacrer exclus exclusivem ivement ent à la produc production tion d’œuvr d’œuvres es musical musicales es original originales es et de bonne bonne facture. facture. Malmenés de toutes parts, les créateurs sont confrontés à d’énormes problèmes sociaux et financiers qui minent leur intégrité, leur efficacité et certainement leur créativité. Pourtant, ils ont réussi à maintenir l’étrave haute pour s’engager dans le chenal du vingt-et-unièm vingt-et-unièmee siècle. Les années 90 constituent constituent une période particulière dans l’histoire de l’Humanité. Elles sont la passerelle reliant un siècle à l’autre. L’an 2000, avec ses promesses d’un monde meilleur de paix et de fraternité, se double du projet de la mondialisation, " rendez-vous du donner et du recevoir " de la civilisation de l’ universel. Le moment est venu de se mettre en cause, de faire le point, et de vérifier si les turbul turbulence encess socio-é socio-écon conomic omico-p o-polit olitiqu iques es n’ont n’ont pas réduit réduit à néant néant les perspect perspectives ives de créativité et d’évolution des musiciens congolais ou détruit l’art au Congo. Quel est le bila bilan n musi musical cal de la fin fin du siècl sièclee dern dernier ier ? Quel Quel a été l’imp l’impact act des des troub troubles les et des des soub soubres resaut autss socia sociaux ux et polit politiq ique uess sur sur la vie vie musi musical calee ? Qu’es Qu’estt-ce ce qui qui a favori favorisé sé l’appari l’apparition tion des rythme rythmess et danses danses nouvell nouvelles es comme comme " soukou soukouss ss ", " ndombo ndombolo lo " ou " hélico hélico " ? Quell Quellee persp perspec ectiv tivee offre offre la musi musiqu quee cong congol olais aisee à l’orée l’orée du trois troisièm ièmee millénaire ?
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A. Historique de la musique congolaise L’art, représentation de la société, évolue dans la continuité. Autrement dit, il évolue évolue dans le sens de la marche du temps. Il s’accroche à l’évolution de la communauté communauté et est tributaire tributaire des réussites et des échecs de la vie sociale. Le passage d’une décennie à l’autre ne signifie nullement faire table rase des acquis des années précédentes. Aussi, pour mieux suivre suivre la progression de la musique musique du Congo, un bref parcours historique historique s’impose. Cela nous permettra de démontrer la vitalité de cette musique et de mieux analyser l’ impact sur elle des turbulences de ces dix dernières années. Signalons que, sur le plan musical, le clivage entre rive droite (Congo-Brazzaville) et rive gauche (Congo-Kinshasa) est peu significatif. Les musiciens des deux pays ont en effet effet suivi des parcour parcourss similaires similaires et évolué évolué dans dans les mêmes orches orchestres tres.. La ligne de partage se situe surtout au niveau des trois écoles musicales dans lesquelles ces artistes ont fait leur apprentissage: l’OK Jazz , l’African Jazz et les Bantou de la Capitale Nous essayerons, tout au long de cette analyse, de focaliser notre attention sur les musiciens du Congo-Brazzaville, tout en nous réservant le droit d’effectuer des analogies avec ceux du Congo- Kinshasa chaque fois que la nécessité s’en fera sentir. Quatre étapes caractérisent la musique des deux Congo : la genèse, l’âge d’or, le creux de la vague et la relance.
1. La genèse L’en L’entr trée ée trio triomp mpha hale le du phon phonog ograp raphe he et des des ryth rythme mess latin latinoo-am améri érica cain inss à Brazzaville et à Kinshasa annoncent la naissance de la musique congolaise moderne. L’ hégémo hégémonie nie de la rumba rumba cubain cubainee et du high-l high-life ife ghanée ghanéen n ou nigéri nigérian an suscite suscitent nt des vocations musicales et contribuent à la création et à l’ épanouissement de nombreux groupes à Brazzaville et à Léopoldville : Victoria Jazz, Jazz Bohème, Dinamic Jazz, African Rock, Vedette Jazz, Victoria Brazza, Victoria Kin, Salvator… Le plus célèbre de ces ensembles est incontestablement Victoria-Brazza créé en 1942 par Paul Kamba, artiste né en 1912 et mort en 1956. En son sein se côtoient et se succèdent des artistes tels que Hyppolite Ita, François Lokwa, Philippe Mokouamy, Jacques Elenga, Paul Wonga, Damongo Dadet, Albert Loboko, Bernard Massamba Lebel. Le trio Bukasa, Oliveira et Wendo chantera plus tard les mérites et l’œuvre de pionnier de Victoria Brazza dans un chef-d’œuvre intitulé " Victoria a piki dalapo " (Victoria a planté le drapeau). Paul Kamba est sans conteste le Père fondateur de la musique moderne des deux rives. Le chroniqueur musical congolais Manda Tchebwa le reconnaît en ces termes (La musique congolaise, hier et aujourd’hui, Duculot, Afrique Editions, 1996) : 2
" Brazzaville reste malgré tout le royaume incontesté du maître de la chanson congolaise, Paul Kamba ". En 1947, l’ouverture des premiers studios d’enregistrement à Léopoldville ainsi que la prospérité économique de cette ville ex-Belge se traduisent par la ruée des musiciens Brazzavillois vers la capitale-sœur. Ils intègrent les orchestres locaux et participent à l’âge d’or de la musique congolaise sur le continent africain vers les années 1950. De nombreuses maisons d’éditions contribuent à ce rayonnement : Olympia (1939), Ngoma (1947), Congolia (1947 ), Auditorium (1947 ), Opika (1950), Esengo (1951), Congo Bina (1953), Loninguisa (1955).
2. L’âge d’or La tête de file demeure Antoine Kolossoi alias Wendo. Né en 1925, sa chanson " Marie Louise " le propulse au Panthéon de la musique congolaise. Il marque d’une manière indélébile cette époque que l’on appellera par la suite " tango ya ba Wendo " (le temps des Wendo) Une première vague de musiciens se fait remarquer : Camille Ferruzi, D’Oliveira, Sono Emmanuel, De Saio, Honoré Tinapa, Jimmy, Guy Léon Fylla, Verre Cassé, François Bosele, Jean Makanga, Ernest Salambanzi, Pewo, François Bamanabio, Antoine Moundanda… La première génération de femmes musiciennes est représentée par Lucie Eyenga, Tekele Moukango, Pauline Lisanga, Aimée Mbombo, Albertine Ndaye, Marie Kitoko, Marthe Modibala… La deuxième vague est composée de musiciens suivants : Joseph Kabasele, Luambo Makiadi, Franck Lassan, Jean Bokelo, De Wayon, Serge Essous, Mujos, Ganga Edo, Kwamy, Franklin Boukaka, Simaro, Madiata, Max Massengo, Tino Baroza, Nino Malapet, Vicky Longomba, Sinamoyi Pascal, Ntouta Mama dou, Michel Boyibanda A côté de la rumba congolaise qui prend de l’assurance, le cha-cha-cha, le calypso et le meringue sont les rythmes les plus usités et confirment l’influence des mélodies latino-américaines. Beaucoup d’instruments traditionnels sont intégrés à la musique moderne. Moundanda introduit en 1953 le " likembe ", appelé aussi " sanza " ou " sansi " ; Kabasele ajoute le tambour " tetela " en 1955. Les autres percussions qui feront leur apparition sont le " nkwaka ", le " bitsatsa ", le " nsakala " et le " patengue ". Les musiciens chantent presque tous en lingala. 3
Cette période verra la naissance des trois orchestres typiques du Congo : -
L’African Jazz (1953) : Kalle Jeff, Nico Kasanda, Tino Baroza, Dechaud, Damoiseau, Tabou Rochereau, etc. L’O.K. Jazz (1956 ) : Luambo Franco, Vicky Longomba, Mujos, Kwamy, Simaro, etc. Les Bantou de la Capitale (1959 ) : Essous, Edo, Celio, Dino, Papa Noël, Pandy, De la Lune, Nino Malapet, etc.
Les autres orchestres qui connaîtront du succès sont : Conga Succés, Rock-AMambo, Cercul Jazz, Negro Band, Conga jazz, Noveltys, Tembo, Rumbaberos … L’African Jazz de Kabasele laissera la place à L’African Fiesta du docteur Nico et de Rochereau. Ce groupe par la suite se scindera en deux : L’African Fiesta Nationale de Rochereau et l’African Fiesta Sukissa de Nico.
3. Le creux de la vague et la relance Le succès de Ray Charles et le passage de James Brown à Kinshasa font découvrir d’autres musiques. Les magazines " Salut les copains " et " Hits " font la publicité du rock’n roll. L’organisation des Premiers Jeux Africains à Brazzaville (1965) permet aux Bantou de la Capitale de créer le rythme " rumba boucher " en s’inspirant de la danse folklorique " walla ". La création de la Socodi (Société congolaise du disque) en 1970 relance les activités musicales brazzavilloises. Elle permet aussi à l’orchestre Les Bantou de la Capitale de confirmer son statut international. Les musiciens qui évoluent en son sein deviennent des modèles à imiter : Serge Essous, Nino Malapet, Passy Mermans, Pandy, Nkouka Celestin, Edouard Ganga, Sammy Trompette, Taloulou Alphonso, Ricky Siméon, Pamelo Mounka, Kosmos, Jerry Gérard… Le bassiste Taloulou Alphonso fait cette confidence ( La Cigale, magazine culturel congolais, n°3, 1987) : " …Les Bantou étaient les ‘ clous’ des orchestres congolais… C’était le rêve de tout musicien à l’époque : faire partie des Bantou. Cela m’a permis de jouer avec les grands musiciens tels Nino et Essous ". La création de l’Orchestre national, sélection des meilleurs musiciens congolais, redynamise la scène musicale. Cet ensemble disparaît malheureusement après avoir participé avec brio à une série de festivals internationaux : Festival de Dakar (1976), Festival de Lagos (1977) et Festival de Cuba (1978). Il est intéressant de noter que l’ossature de cet orchestre est constitué par les musiciens des Bantou de la Capitale. Les défections au sein des Bantou de la capitale aboutiront à la création de nombreux orchestres perpétuant les traditions de cette école musicale: Sossa, Nzoï, le Peuple, les Fantômes, etc. 4
La débaptisation du Congo ex–Belge, qui devient le Zaïre, facilite la distinction des orchestres de Brazzaville de ceux de Kinshasa, mais l’expression " musique zaïrocongolaise " préserve l’origine commune de la musique des deux pays. La mode des groupes vocaux, commencée déjà à Kinshasa dès la fin des années 1950 avec le phénomène Jecoke (1957) et Jecokat (1959), prend de l’ampleur à Brazzaville et Pointe-Noire et se concrétise par la formation de jeunes ensembles: les Cheveux crépus, les Cols bleus, les Echos noirs, les Ombres, les Anges, les Orphelins… Les groupes vocaux seront de véritables viviers où s’épanouiront beaucoup de vedettes. En 1970, le chanteur kinois Tabou Ley Rochereau affronte la scène mythique de l’Olympia (France). Les nombreuses innovations qu’ il apporte au son, au rythme et au jeu de scène, pour être en accord avec les lois implacables du "show–business" international, donne naissance à une nouvelle conception artistique. Le rythme " soum djoun ", où la batterie prend définitivement le dessus sur les tambours ou " tumba ", ouvre la voie aux danses Ciao, Cavacha, Choqué, Ekonda saccadé ou Bidounda-dounda, Volant qui feront le succès des générations suivantes. La relance des années 1975 sera assurée par des leaders tels que Lita Bembo, Papa Wemba, Mario, Djeskain, Sinatra, Evoloko, Pépé Kallé, Nyoka Longo, Youlou Mabiala, Machakado, Soki Vangou, Soki Dianzenza, Canta Nyboma, Sam Mangwana, etc. De nombreux ensembles parviennent d’une manière fulgurante à la notoriété: Zaïko Langa-Langa, Viva la musica, Stukas, Sossolisso, Grands Maquisards, Mando Negro, Lipua–Lipua, Sinza Kotoko, Touzaïna, Bakuba, SBB (Super Boboto), Manta Lokoka, Cobantou, Télé Music, 3 Frères, Rumbayas, Kamikaze, African Mod Matata, Super Tembessa, etc. A côté des orchestres professionnels naissent à Brazza les orchestres amateurs de jeunes, notamment dans les milieux scolaires : Tout Choc Zimbabwe , Ndjila Mouley, Bilengue Sakana, Djimbola Lokolé, Techniciens, Chaminadiens, Chamanga, Chanta Bouita, Group Rouge, etc. La rumba congolaise, musique lente et lancinante à quatre mouvements, subit une évolution notable. La partie rapide, dénommée " sebène " (ce mot, corruption du mot anglais Seven, signifie accord de Septième et indique ici un changement de mouvement dans un rythme), s’impose. La partie lente, la rumba, tend à se réduire à sa plus petite expression. Sa suppression par certains musiciens aboutit au " soukouss ". Le changement de tempo indiquant le passage d’une partie de la chanson à une autre disparaît. La mélodie et le texte sont relégués au second plan au profit du rythme.
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L’Angolais Sam Mangwana et les Xongolais Théo Blaise Nkounkou et Pambou Tchico, depuis la Côte d’Ivoire, feront connaître le " soukouss " au public international dès le début des années 1980. Le phénomène de la " sape " porte chance à Aurlus Mabele du groupe Loketo qui obtient le Prix Docteur Nico aux Maracas d’or de 1986 et s’autoproclame " Roi du Soukouss ". C’est la consécration pour ce rythme. Sur les traces des aînées, les musiciennes Marie Bella, Joséphine Bijou, Pongo Love, Abeti Massikini, Mbilia Bel, Tsiala Muana, Carmen Essous apparaissent Pembe Sheiro, Mamie Claudia, Judith Ndecko, Dianny Bakela, Nina, Michaêlle Mountouari, Pierrette Adams, etc. Les danses " très fâché " et mouyirika " , variantes du soukouss, qui mêlent la tradition et le moderne avec un brin d’opérette, défraient la chronique pendant un certain temps. Dans la même veine, la danse " Engondza " du " chairman " Jacques Koyo traversera les frontières et connaîtra un réel succès à Kinshasa et dans toute l’Afrique. Mais la rumba et le soukouss ne constituent pas les seules pistes de recherche. Bikouta Bicks, Bruno Houla, Jeff Louna se distinguent dans le jazz qu’ils mêlent aux rythmes traditionnels avec beaucoup de bonheur. Dana et René (Balka Sound), Malonda Jean Jody et Zamé (Zakala), Nzongo Soul et Bakouma Bengot (Walla Players), Clotahaire Kimbolo Douley (Les Anges), Samba Ngo (Mbamina), Tanawa et les Bruches Walla marient la soul, le rock et le folklore. De nombreux groupes de gospels manifestent leur présence : Yimbila, Masselafa, Mages, Colombes, Samouna, Perles, Dahlia, Longoka, Lozi, etc. Le reggae aussi a des adeptes : Famille des Serpents, Jah Children, Black Prophet, Duveller’s, etc. Les orchestres typiques, comme on désigne au Congo ceux qui ont pour base musicale la rumba, s’inspirent de la biguine et du zouk, après le succès éclatant de l’orchestre antillais Kassav et son passage remarqué à Brazzaville où il s’est produit au Palais des Congrès et au Stade de la Révolution. Le makossa imprimera sa griffe dans la musique du Congo à travers le succès de Manu Dibango, Eboa Lotin, Ekambi Brillant, Kemayo, Toto Guillaume, Sam Fan Thomas ou Moni Bilé, etc. Tandis que les groupes folkloriques s’installent sur les ondes radio et les grandes places de Brazzaville et Pointe Noire (Nkembo d’or, Songa Zola, Fua Bissalou, Lossa Nsengo), les voix de griots ne sont pas en reste (Ngalsiana, Lukobi lwa Bakula, Loussialala de la poussière, etc.).
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C’est dans cette euphorie musicale, caractérisée par la multiplication des ensembles musicaux, le renouvellement des textes et des rythmes, que démarrent les années 90.
B. Les turbulences d’une décennie cruciale L’analyse des événements qui ont eu un impact significatif sur la société congolaise pendant ces dix dernières années s’avère incontournable pour comprendre l’évolution actuelle de la musique congolaise.
1. La démocratisation Le sommet de la Baule adopte la résolution de n’apporter de l’aide aux pays en développement qu’à la condition que ces derniers appliquent les principes de la démocratie. La tenue des conférences nationales crée une psychose d’euphorie dans la plèbe grisée par la promesse de pouvoir - enfin - se gérer soi-même. Marches de revendication et actions de contestation se multiplient. Au Congo Brazzaville les réunions politiques drainent plus de public que le traditionnel match de football Diables-Noirs / Etoile du Congo. Les bars désemplissent au profit des salles de meeting. Les partis se multiplient. Les orchestres ne sont utiles qu’à l’animation des rencontres politiques. De nombreuses chansons naissent sur le thème de la démocratie. La transition et l’élection présidentielle se déroulent sur fond d’optimisme musical.
2. Les événements de 1993-1994 C’est le premier véritable couac de cette liesse populaire. La chasse à l’homme, l’intolérance, les massacres vident des quartiers entiers de leurs habitants. Le mixage des populations s’émiette. Les groupes ethniques se replient et se regroupent, soit dans les mêmes quartiers, soit dans les mêmes villes. Beaucoup de fonctionnaires refusent de se rendre à leurs postes d’affectation pour des raisons d’insécurité. Les milices armées se metttent en place. Les activités communautaires sont gravement perturbées. L’exode des occupants de certaines villes (Dolisie, Kinkala, Nkayi) et de certains quartiers périphériques de Brazzaville sonne le glas de beaucoup d’ensembles musicaux. Les jeunes orchestres prometteurs de Mfilou Mutabala, tels que Véritable Mandolina ou Viva Mandolina, se noient dans la tourmente ou sombrent dans l’anonymat. Bernard Boundzeki Rapha est l’un des rares chanteurs de la jeune génération à tirer son épingle du jeu. L’attaque de Bacongo et les exactions de Mfilou et de Moutabala en 1993 et 1994 ont été indubitablement les premiers signaux du naufrage de la musique congolaise. La censure s’installe sur les chaînes de télévision et de radio d’Etat. 7
3. La guerre civile de 1997 Le 05 juin 1997, Brazzaville se réveille coupée en deux. La ligne de front, qui suit le chemin de fer, fait apparaître deux zones : le Nord (Ouenze, Talangaï, Mikalou, Nkombo) et le Sud (Bacongo, Diata, Mfilou, Makélékélé). Sur fond de crépitements de fusils mitrailleurs, les obus tombent sur les quartiers populaires. L’exode massif commence. Les zones de refuge sont saturées par la marée humaine. Confrontés aux contingences de la vie courante, les artistes n’ont plus ni le temps, ni la volonté de se consacrer à des activités créatrices. Ils ne peuvent plus évoluer normalement. Seule la musique des détonations se fait entendre sur la ville capitale. Le couvre-feu est instauré. Les bars dancings et autres salles de spectacles sont détruits ou fermés. Les instruments de musique sont pillés. Il n’existe plus aucun local sûr pour les répétitions. Les écoles sont fermées. Autant d’éléments qui expliquent la disparition rapide de beaucoup d’orchestres. La fin de cette horrible guerre indiquera un redémarrage des activités musicales.
4. La guerre civile de 1998 L’accalmie, bien que très courte, permet aux groupes de se reconstituer tant bien que mal. Le rythme " Ndombolo " règne en maître sur les deux rives. Extra-Musica, Patrouille des stars, Watikanya, Expression des As se mettent sur les traces de Wengue Musica, Quartier Latin, Nouvelle Ecriture ou Viva la Musica, etc. L’horreur de la guerre déferle de nouveau sur le Congo Brazzaville. De nombreuses vies humaines sont immolées sur l’autel de la barbarie. Des quartiers entiers sont vidés de leur population. Des régions entières sont isolées. Le chemin de fer qui relie Brazzaville et Pointe-Noire est fermé pendant de longs mois. Dans les quartiers Nord s’entassent des milliers de sinistrés, victimes innocentes des affrontements entre Ninja et Cobra. La culture du pillage est restaurée à grande échelle. Entre deux alertes, les orchestres se créent. Le " ndombolo " évolue et s’enrichit de l’" hélico ", nouvelle danse qui s’ inspire de la position d’attaque des hélicoptères de combat. Banalisation, défoulement ou exorcisme ? Qu’importe ! Le succès de l’" hélico " est immédiat. Pendant cette décennie de troubles, le Congolais se rapproche de la Divinité. L’incertitude du lendemain provoque la montée de la musique religieuse. Chants éclectiques mêlant blues, rumba, gospel, soukouss, ou ndombolo envahissent le marché du disque et se retrouvent en bonne place à toutes les veillées mortuaires où joie et tristesse s'entremêlent pour accompagner le mort à sa dernière demeure, sans ségrégation de foi ou de religion. Les malheurs communs se chantent en chœur sur des refrains de consolation. 8
Ainsi, les périodes de troubles constituent un frein au progrès culturel. Mais tel le mythique Phénix, la musique renaît toujours de ses cendres. Chaque répit lui permet de relever la tête et d’effectuer un processus d’adaptation aux nouvelles réalités. Les générations se succèdent pour préserver la tradition musicale. Avant tout miroir de la société, la musique emprunte à son environnement. Les images traumatisantes vécues par la population ne pouvaient que se matérialiser dans le paysage musical congolais. Ce sont ces images de guerre que l'on découvrira dans le chapitre qui suit.
C. Magie de la musique et images de guerre L’art plonge dans l’inconscient collectif pour y puiser la source de sa matière et l’exprimer par le biais du style et de l’idéal. Touchant le cœur et l’esprit, il permet de surmonter les coups durs, de banaliser les épreuves de la vie quotidienne et prodigue la force nécessaire pour affronter les lendemains qui déchantent. Baume irremplaçable pour panser les meurtrissures dues à la méchanceté des humains, il se nourrit des faits et événements qui marquent l’histoire de l’homme. Les errements de l’espèce humaine lui permettent de s’affirmer et de dénoncer les dérives, à moins qu’il ne veuille les corriger. Pour cela, il s’imprègne des éléments de son environnement, par son pouvoir magique leur fait subir des transformations afin de les rendre digestes, et les restitue à travers les rythmes, les textes, les thèmes, les costumes de scène. Une société de guerre ne peut produire qu’une musique de guerre. Quels sont les stigmates de la guerre qui sont repérables dans la musique congolaise de ces dernières années ?
1. Le rythme La musique congolaise est avant tout une musique d’amour. Aussi, au niveau du rythme, les exécuteurs adoptent-ils le plus souvent un tempo lent qui permet aux danseurs par couple, les pieds rivés sur le plancher, de virevolter sur les pas de la sacrosainte rumba et d’extérioriser leurs sentiments. La rumba congolaise est un rythme doux, " soft ". Le morceau s’ouvre le plus souvent par quelques notes de guitare ou une brève introduction de batterie. Les deux parties du couplet, chantées à deux ou trois voix, sont la plupart du temps séparées par un solo de guitare que suit le refrain harmonisé par les improvisations du chanteur vedette et des répons de guitare ou de cuivre. Cette partie est suivie par le sebene ou chauffé qui donne l’occasion aux instrumentistes de s’exprimer. Avec le temps, les c uivres ont été délaissés au profit de la guitare, l’ instrument roi. Cela donne au guitariste un réel ascendant sur les autres musiciens. Ce pouvoir qu’on leur a octroyé les laisse maîtres des arrangements et des animations. Le sebene devient alors le lieu pour admirer non seulement la virtuosité du guitariste, mais surtout sa capacité à faire " bouger " les danseurs. A partir des années 80, la structure des chansons subit une transformation en profondeur. Le tempo s’accélère. Le morceau devient monolithique. La composition tourne autour de deux ou trois accords de base afin de faciliter les improvisations du 9
soliste. Pas de grandes variations sur le thème. Le rythme est désormais allègre, alerte, endiablé. C’est le principe de base du soukouss des années 70 et 80, immortalisé par Pierre Mountouari ou Aurlus Mabele. Le ndombolo et l’hélico des années 90 s’appuient sur le même principe. Le soliste guitariste s’exprime sans interruption d’un bout à l’autre des gimmicks entrecoupés de nombreux breaks. Ce rôle d’animateur lui est finalement disputé par le chanteur animateur que l’on désigne sous le terme d’ataraku (ou atalaku). Celui-ci, chargé à l’origine de diriger la section des petites percussions (maracas, nkwaka, nsakala et sifflet), renforce, avec ses nsakala, l’agressivité du rythme. Il finit par devenir le véritable animateur du " ndombolo ". Maître de danse, ses cris indiquent les figures à exécuter. La popularité de l’ataraku se confond avec celle de l’orchestre. Nanti d’un pouvoir hypnotique sur le public, soutenu par des sonorités dures de guitare et des roulements intempestifs de batterie, l’ataraku est le pivot d’un rythme fondé sur la violence. Les rappeurs des grandes cités occidentales dévoilent la violence des banlieues ; les ataraku, quant à eux, expriment la violence des villes congolaises. La précarité de la vie quotidienne se répercute sur le rythme. Dans des pays en pleine déstabilisation, cette musique saccadée et violente devient la soupape de sécurité qui empêche le peuple de sombrer dans la folie du désespoir.
2. Le texte L’accélération du tempo et le phénomène ataraku expliquent peut-être le désintérêt pour les chansons de texte. La partie chauffée prend le pas sur la partie chantée. La carrière du chanteur principal est menacée : pour survivre et lutter sur le même terrain que l’ animateur, il se transforme à son tour en danseur. Le public exige du rythme, on lui donne du rythme. Les spectateurs veulent de la danse, on leur donne de la danse. Les textes s’appauvrissent. Le romantisme s’effiloche. Cette évolution se remarque au niveau des titres. Les prénoms féminins tels que Mado, Joséphine ou Marie-Louise se font rares. Plus incitatifs et fonctionnels, obéissant en outre aux événements qui ont un impact immédiat sur l’imaginaire collectif, on remarque dans le répertoire des musiciens deux rives des titres agressifs empruntés aux opérations militaires, au cinéma ou simplement à l’actualité : " Tempête du désert " " Ultimatum ", Embargo ", " Attentat ", " Poison ", " Arme ultime ", " Obus kanga bissaka ", " Force de frappe ", " Panique totale ", Amnistie ", " Laissez-passez ", " Pentagone ", " Dossier X ", " Coup de marteau ", " Loi ", " Etat major ". Le chorus dénonce les provocations lancées (par qui ?) à l’encontre du guitariste (ba toumoli Roga-Poga ; on a provoqué Roga-Roga ). Le chanteur, à l’image des griots d’Afrique de l’Ouest spécialistes des louanges, propose une liste de noms de personnes célèbres ou non qu’il encense pour la postérité ; à moins que ce ne soit une litanie de proverbes et de devinettes en lingala et en français ou à défaut des " kimbouakila ", messages 10
énigmatiques, destinés à confondre de fantomatiques rivaux, qui ont fait la renommée du grand Maître Franco. Le danseur est invité à se mettre en " position de tir " pour une éventuelle attaque, à se mettre à couvert car " hélico eza ko ya, eza na likolo " (l’hélicoptère de combat arrive, il est au-dessus de vos têtes) ; ou à prendre la route de l’exil car " obus kanga bissaka " (les obus tombent, fais ton baluchon). Les images de guerre foisonnent désormais, transformées par la magie de la musique. Pire, les combattants, en plein front, ont surnommé leurs canons et obusiers ndombolo. La peur de la mort, le défoulement, la conjuration, l’incantation expliquent certainement ce phénomène, etc. Victimes de leurs succès, les rengaines des ataraku se popularisent et tuent la créativité. Les plagiats se multiplient et rencontrent plus ou moins de réussite. Se contentant d’emprunter de vieux airs au folklore et à la chanson populaire, la musique moderne congolaise tourne en rond et est en quête de renouveau au niveau des textes. Aussi est-on en droit de se demander si cela ne correspond-il pas à la désillusion de la jeunesse actuelle ?
3. La scène A musique nouvelle, spectacle nouveau. Fini le règne des chanteurs de charme. C’est le temps des " show-men ". Les artistes doivent affronter la scène internationale. La participation à des rendez-vous mondiaux de musique, les tournées à l’extérieur du Congo, aboutissent à une nouvelle configuration du spectacle. L’invasion de la télévision dans les familles et le système de vedettariat entraînent des contraintes auxquelles le musicien doit se soumettre. Les années 90 introduisent des éléments neufs dans la présentation des spectacles. La mode veut que l’on aligne désormais sur la scène une demi-douzaine de chanteurs et de danseurs, renforcées par une autre demi-douzaine de danseuses se contorsionnant sous la direction du maître ataraku. Alignés et en position de tir, ils avancent et reculent selon un rituel bien codifié. Cela n’empêche cependant pas les danseurs d’ improviser et de s’exprimer individuellement. Des processions à la queue leu-leu ponctuent ce cérémonial. L’apparition de nouveaux costumes de scène renouvelle la scène. Collants et " bodies " vêtent les femmes, faisant ressortir les appâts de leur plastique. Condamnés par les uns, encensés par les autres, ces images hautement sexy de danseuses dévêtues hantent les chaînes de télé, alimentant le débat moral sur le sujet. La constance érotique devient une constituante de cette musique. Pour les hommes, le port des maillots de sports aux couleurs des grands clubs de football européens ou sud- américains, résultat des Coupes du monde et des Ligues des champions fortement médiatisées, est prisé.
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Plus significatif, l’adoption des treillis militaires, dénommés Pentagone, comme tenue de scène. L’ensemble Patrouille des stars illustre cet exemple dans le clip " Obus kanga bissaka ". Relevons que les danseuses de Koffi Olomide avaient déjà popularisé la mode Pentagone. Les guerres civiles, ayant habitué la population au matériel de l’armée et aux tenues militaires dans les rues, ont banalisé ces images de combat. Tempo haché, cris de combat, sonorités dures des guitares et des percussions, vocabulaire guerrier, habillement de campagne, autant d’éléments qui prouvent l’utilisation d’images de mort dans le paysage musical du Congo. Musiques de combat, le ndombolo et l’hélico participent de la représentation d’un monde en pleine déconfiture.
D. Musique et politique : le meilleur ou le pire ? Frappant le cœur et l’esprit, la musique a toujours été pour les politiciens l’outil rêvé pour battre campagne et convaincre le peuple. Sylvain Bemba déclare (50 ans de musique du Congo/ Zaïre , 1920-1970, Paris-Dakar, Présence Africaine, 1984) : " la chanson politique, si importante dans un pays en proie à des tendances centrifuges accrues, va jouer dans les consciences un rôle pédagogique tout à fait nouveau ". Poursuivant parfois les mêmes idéaux, les deux partenaires ont quelquefois fait bon ménage. Comment donc a évolué la cohabitation entre la musique et la politique au Congo ?
1. La lune de miel La période du monopartisme a été une époque de bonheur pour le couple musique/politique. Le socialisme considère l’art comme une arme de combat pour affronter les dérives des sociétés capitalistes. Aussi tout est mis en œuvre pour pousser les artistes à participer, de gré ou de force, à la vie sociale et politique. Ainsi n’est-il pas rare de trouver des artistes politiciens. Les œuvres musicales seront exploitées pour propager et défendre l’idéologie du Parti. Tout au long de l’histoire du Congo, les musiciens ont toujours répondu présent aux manifestations politiques. Tous les grands événements mémorables du pays ont été marqués par des chants patriotiques et des hymnes à la gloire du pouvoir. Ces chansons sont produites, enregistrées et diffusées sur les antennes des chaînes d’Etat. On remarque de nombreuses œuvres discographiques engagées dans le répertoire des années d’avant 1990. L’orchestre SBB vulgarise la chanson révolutionnaire sur les pistes de danse et dans les rues à partir du dancing Le Temple Rouge. Joséphine Bijou et le groupe les Orphelins montent au sommet des hits grâce à l’ interprétation de la chanson engagée. " au secours, para commando ".
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Le refus de libérer les médias aboutit à la séquestration de la Culture. La célébrité passe par l’approbation de l’homme politique. Les liens étroits entre la politique et la musique, ont été le gage, pendant trois décennies, de l’unité nationale et ont servi, en apparence, de garde-fou au danger du tribalisme. La situation politique du moment favorisait l’engagement des artistes.
2. La rupture Les bouleversements sociaux de la décennie 90 font sauter cet équilibre. L’euphorie de la libéralisation de l’expression individuelle amène la contestation et la remise en cause des acquis du passé. L’art ne peut être apprivoisé, dompté. Il se nourrit de la liberté que seule procure l’inspiration. Le travail de l’artiste souffre grandement de la contrainte. En voulant museler, asservir l’artiste, on ne pouvait obtenir qu’un résultat négatif. La situation chaotique du pays n’a fait que précipiter la rupture. Le divorce entre politique et musique a été exacerbée par la nouvelle donne socio-politique. En effet, à partir des années 90, aucune politique culturelle digne n’est mise sur pied. La disparition des grands rendezvous culturels le démontre à suffisance : semaines culturelles, Centre de vacances organisées… Les ensembles amateurs sont mésestimés. Un vent d’intolérance qui se manifeste par une censure non dite s’abat sur les médias et empêche l’épanouissement de beaucoup de musiciens. Les grands orchestres végètent car non soutenus et finissent par sombrer. Démotivés ou en manque d’inspiration, des artistes mettent leurs activités en hibernation. Ils deviennent conseillers des hommes d’Etat et peut-être même " princes des coulisses ". Les exemples de Tabu Ley au Congo Kinshasa et de Jean Serge Essous au Congo Brazzaville sont significatifs à cet égard. A une question sur son engagement politique, Tabu Ley rétorque (Les dépêches de Brazzaville, Editions Adiac, août 1999) : " Depuis le début de ma carrière, je fais de la politique, mais c’est la politique de derrière les rideaux. A notre époque, que ce soit les Bantous ou nous-mêmes à Kinshasa, nous chantions des chansons engagées. La politique m’a impliqué dans des histoires que je ne comprenais pas et maintenant c’est la députation que je vise. " Les troubles permanents et les guerres civiles successives séparent politiciens et musiciens. Les couvre-feux successifs, l’absence de sécurité et les exodes n’ont pas contribué à renouer des liens déjà menacés. Une censure sournoise se dessine. Certains artistes de renom disparaissent brutalement des ondes pour des motifs ethniques. Aucune décision politique ne va permettre de sauvegarder les hauts lieux de la musique tels les bars Elysée, Macedo, Choisis ou le Temple Rouge. La tenue à Brazza du premier festival panafricain de musique ne fera qu’accentuer la faille. Critiqué par la presse internationale pour sa mauvaise organisation, les musiciens congolais retenus pour ce grand événement ont toutes les peines du monde à encaisser leurs cachets. Déçus, nombreux jurent de ne plus mettre 13
leurs talents au service de l’Etat. Hormis quelques exceptions, les musiciens congolais vont désormais entretenir des relations conflictuelles, ou tout au moins d’indifférence, avec les politiciens.
3. Sur le sentier de la réconciliation Il faudra attendre 1999 pour que les relations se réchauffent. L’horreur des guerres civiles entraîne un ras le bol qui exige des solutions pour rétablir l’unité nationale. La musique va servir de nouveau à faire passer des messages de paix et de solidarité. On se remet à faire la cour aux artistes. On essaie alors de rétablir les conditions pour un nouvel engagement de leur part. La participation de 50 artistes congolais au MASAA (Marché africain du spectacle et des Arts d’Abidjan) découle de cette logique. L’organisation du deuxième Festival panafricain de musique de Brazzaville permet aux musiciens de s’impliquer dans la reconstruction de la Paix. Le FESPAM II a pour but ambitieux le brassage des cultures et des arts africains. Il se met au même niveau que le Festival panafricain du cinéma (Ouagadougou), le Marché des arts et spectacles (Abidjan) ou le Festival du Cinéma (Carthage). En marge du festival sont prévus un marché de la musique (MUSAF), une exposition d’instruments de musique traditionnelle et des conférences débats sur le thème de la musique. Le festival est un grand rassemblement qui se propose de redonner un " sens à l’espoir " , car comme le dit si bien Belinda Ayessa (Les dépêches de Brazzaville, " Pourquoi ne pas rêver ", Editions Adiac, Août 1999) : " Les artistes ont ceci de particulier qu’ils sont capables de nous faire prendre des rêves pour des réalités et le rêve, parfois, aide à accéder à la réalité. " Les vedettes africaines les plus représentatives de la World Music y sont conviées : Meiway, Aïcha Koné , Chantal Ayissi, Ismaël Lô, Sekou Bambino, Petit Pays…Plus de 150 musiciens de Kinshassa viendront construire le " pont sur le Congo " : Tabu Ley, Papa Wemba, Simaro, Mbilia Bel, Lengi Lenga, etc. Les cérémonies officielles se déroulent au Palais des Congrès. Mais la politique veut aussi reconquérir les rues défigurées par la guerre. Aussi sont prévus des " plateaux " dans toute la ville : Centre Culturel Français, Ecole d’art de Poto-Poto, Luna Park, Terminus Mikalou, Centre Sportif de Makélékélé. Le clou du spectacle est la soirée des femmes du 6 août 1999 et la nuit des hommes du 7 août 1999. En direct à la RTC (Radiodiffusion et télévision du Congo), se succèdent sur le podium du Palais des Congrès Chantal Ayissi (Cameroun), Pembe Sheiro (Congo), Amy Koïta ( Mali ), Aïcha Kone (Côte d’Ivoire), Mbilia Bel (Congo démocratique), Dina Santos (Angola), Flaïcha et sa petite Ingrid (Congo démocratique). Le spectacle des hommes connaîtra les prestations de Meiway (Côte d’Ivoire), Zeca 14
Nha Renaldo (Cap Vert), Sekou Bambino (Guinée), Ismaël Lô (Sénégal), Extra Musica (Congo), Papa Wemba (Congo démocratique). Au cours du festival, qui est la plus grande fête musicale organisée par les pouvoirs publics durant la dernière décennie, le public découvre le Ballet libyen, l’Orchestre Philharmonique d’Egypte, les Tambours parleurs du Benin et le groupe Agora du Ghana. Ces manifestations débouchent sur la création à Brazzaville d’un Centre panafricain d’Ethnomusicologie sous le parrainage de l’UNESCO. L’expérience du FESPAM montre l’importance que revêt la musique pour la propagation d’idéaux politiques. Le dilemme entre musique et politique se résorbe facilement lorsque toutes les deux poursuivent un objectif commun, le bien-être de la population. Les artistes sont prêts à s’engager pour les grandes causes quand cela en vaut la peine et s’ils sont convaincus de la sincérité de la classe politique. Mais pour s’impliquer dans les luttes politiques du moment, nul n’est besoin d’enrôler les artistes dans les Partis ou autres organisations politiques. Ce serait là porter un coup fatal à l’inspiration, et du coup, à l’efficacité de l’artiste. En effet, les Muses perdent le fil des idées lorsqu’elles sont soumises à la contrainte. Mettre son art au service du peuple ne veut pas dire devenir obligatoirement politicien. Le dilemme entre musique et politique se résout donc dans le respect de la liberté de l’artiste et de sa création. La seule obligation pour le musicien est de s’engager en lui-même, c'est-à-dire de rester authentique.
E. Musique et reconstruction de la paix ou les générations Bisso na Bisso Au plus fort des turbulences congolaises, des voix isolées avaient déjà montré du doigt les dérives de la société. D’une manière individuelle ou collective, l’engagement en eux mêmes les a poussés à prendre le devant, à prévenir les déviances d’un monde cruel et à proposer des solutions pour panser les plaies et guérir les maux. " Princes des nuées ", " Rois de l’azur ", surplombant le théâtre des combats, ces générations de poètes ont montré dans leurs œuvres lyriques comment reconstruire une paix si fragile et si nécessaire.
1. Les précurseurs Dès les années 80, Zoba Casimir alias Zao fait sortir un tube intitulé Ancien combattant. Prêtant sa voix à un vieux combattant, Zao décrit sans état d’âme les horreurs et les ravages de la guerre, de toutes les guerres qui ont marqué l’histoire de l’humanité. La condamnation est sans appel : " La guerre ce n’est pas bon, / ce n’est pas bon… /
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Les conséquences sont aussi révélées sans fioritures : " Quand il y aura la guerre ‘mondiaux’ tout le monde ‘cadavré’ ". Toutes les nations connaîtront des scènes d’apocalypse. Aucun continent ne sera épargné. Même les responsables de ces hécatombes, n’échapperont pas l’holocauste car à la guerre " il n’y a pas de choisi " ni de " bitchangui ". Le slogan cher au mouvement hippie des années 60 est relancé : " Faisons l’amour et non la guerre mes amis … ". Tous les ingrédients pour préserver la Paix se trouvent résumés dans ce beau texte humoristique de Zao. Mais peut-être est-ce l’apparence non sérieuse du message qui explique que les garants officiels de la paix et de la sécurité ont fermé les oreilles à cet avertissement ? On n’en est pas sûr. Le message était bien perçu. Mais sourds, ils voulaient l’être ; sourds, ils sont restés. Les années 1997 et 1998 confirment l’adage qui dit que " nul n’est prophète chez soi ". Après sa traversée du désert, - et des forêts du Pool -, Zao, dans sa dernière composition, " Plus jamais ça ", exprime le désabusement du poète comédien. Sous le règne du Président Pascal Lissouba, après les événements de 1993-1994 et la formation des milices armées, une autre voix dénonce la guerre. Le chanteur Youss, accompagné de sa fidèle guitare, met en garde les politiciens contre l’escalade qui pointe à l’horizon. Il supplie les Ninjas, les Cocoyes et les Cobras de laisser les dirigeants s’affronter tout seuls sur le ring du pouvoir. Qu’ils n’interviennent plus dans l’inutile effusion de sang. Ce conseil tombe aussi dans l’oreille des sourds. Ces exemples dévoilent la difficulté rencontrée par les artistes pour être pris au sérieux par l’homme politique. Ils permettent de voir le précipice séparant les intérêts du peuple et ceux des gouvernants. Par la suite, des initiatives plus sérieuses, impliquant un plus grand nombre d’artistes musiciens, viendront soutenir ce constat.
2. Tribalité créatrice Au plus fort de la guerre de 1997, un projet voit le jour. Il prend le nom de Tribalité Créatrice. C’est un élan de solidarité pour les victimes innocentes de la guerre. Il prend racine à partir de Paris, et se cristallise autour du chanteur interprète Nzongo Soul. Révélé en 1984 par les concours Découvertes de RFI (Radio France Internationale), ayant bénéficié d’un coup de pouce du chanteur français Bernard Lavilliers, Nzongo Soul a poursuivi une carrière solitaire basé sur le rythme walla. Etymologiquement, walla veut dire " écouter la voie " et " rechercher le principe vital ". Coincé entre le soukouss débridé, le folklore tournoyant, le rock électrifié et la soul larmoyante, le walla se propose la mise en relief de la tradition orale africaine, par 16
une manière d’écouter, de penser, d’agir, basée sur la sagesse africaine. Cette sagesse milite pour la Paix, l’Unité et la Réconciliation. Elle impose la Purification, thème favori de la musique walla. Le titre " Noir et Blanc " que Nzongo Soul interprète entre 1986 et 1987 est déjà une dénonciation de la discrimination. " Freedom in the air " qui sort en 1994, fête avec joie et ferveur la fin de l’Apartheid. La folie meurtrière des Congolais suscite des réactions de la part des dizaines d’artistes qui sont loin du théâtre des opérations. La tourmente dans laquelle le pays est plongé les regroupe autour de Nzongo Soul et de son projet Tribalité Créatrice. Le but de l’opération est d’œuvrer à la reconstruction du pays et à la réconciliation des citoyens. Dans la dédicace de l’album (Tribalité Créatrice, Editions Glenn Musique), Nzongo Soul s’exprime en ces termes : " … Le feu mal maîtrisé de la Tribu brûlait déjà la capitale congolaise. Les musiciens congolais de toutes origines, et d’opinions politiques divergentes, rassemblés à Paris, enregistraient sous ma direction un disque d’eau pour éteindre l’incendie ". Ce projet réunit les musiciens suivants : Balou Canta, Dany Engobo, Dhelly Mputu, Dianga Chopin, Franky Mouélé, Jackito Wa Mpoungou, John Boxingo, Locko Massengo, Mav Cacharel, Michel Rapha, Nzongo Soul, Les Palata, Pambou Tchicaya, Pembey Sheiro, Tchico, Pépé Kallé, Théo Blaise Nkounkou, Victoire Ballenda, Vital. L’enregistrement s’effectue sous la direction artistique de Nzongo Soul. La production exécutive est assurée par Emile Dessantos et Nzongo Soul pour le compte des éditions Glenn Music. Le projet est placé sous la bannière de l’association Congo SO Action humanitaire. Les bénéfices sur la vente de ce phonographe sont destinés aux associations Delta et Pharmaciens sans frontière pour le Congo Brazzaville. A l’issue de l’opération, des médicaments seraient achetés et vendus à moindre coût à la population. Les titres de l’album reflètent les thèmes qui y sont abordés : Démokrasiya (Nzongo Soul), L’amour et le pardon (Locko Massengo), Songa ou the time of change (Nzongo Soul), Apocalypse (Akela Moliki, interprété par Pepe Kalle), Congo (Dianga Chopin), Kintuari (Clem Mounkala), Réconciliation ( Mbemba Bouesso). Ces voix ne seront jamais écoutées. Pour des raisons inconnues, le " disque d’eau " ne sortira pas, ce qui fait dire à Nzongo Soul ( dédicace du disque Tribalité Créatrice, Editions Glenn Musique) : " Hélas, pour des raisons que nous ne pouvons pas évoquer ici, la sortie n’eut jamais lieu. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, aujourd’hui encore Brazzaville brûle… ".
3. Le rire carnavalesque de Bisso na Bisso L’aventure des Bisso na Bisso est encore plus exceptionnelle. Ce groupe est avant tout une affaire de famille entre Congolais, car Bisso na Bisso en lingala signifie " entre nous ". Les huit membres du groupe (sept garçons et une fille) sont tous 17
d’origine congolaise. Ils ont fait carrière dans des ensembles de rapp différents : Passi (Ministère AMER), sa cousine Mpassi (Melgroove), les jumeaux Doc et 6 Kill (2 Bal), Lino et Calbo (Arsenyk), Ben J. (Neg’ Marrons) et Mystik. Sous la pensée et la direction de Passi, Bisso na Bisso manie avec art la musique africaine du moment avec les sonorités Hip-hop. Dans une interview (Afrique Magazine, " La révolution Bisso ", Avril 1999) Passi annonce les intentions du collectif : " il s’agit non seulement d’un retour sur des musiques qu’écoutaient nos parents et sur lesquels on a tous grandi, mais également d’une vraie création artistique, qui introduit une nouvelle dimension dans la hip hop en incluant une acoustique proche du folklore musical congolais, un mélange de rumba soukouss avec du free style de rappeurs engagés ". Le succès de l’album " Racines " (V2 Music) est immédiat et propulse ce groupe sur le devant de la scène internationale. De grands noms de la musique participent à l’aventure : Koffi Olomidé, Papa Wemba, Ismël Lo, Lokua Kanza, Diego Pelas, Tanya St Val, Jacob Devarieux, Monique Seka… Vendu à plus de 180 000 exemplaires, une des meilleures ventes de 1999, l'album " Racines " reçoit deux trophées lors des Kora African Music Awards, la plus haute distinction musicale africaine, en présence de Nelson Mandela et de Michael Jackson. Meilleur groupe africain, meilleure vidéo-clip, le succès commercial de ce disque ne doit pas masquer le message de paix et de réconciliation. La musique Bisso na Bisso interpelle avant tout les Congolais afin qu’ils disent non à la guerre une bonne fois pour toute. C’est ce qu’explique Passi (Afrique Magazine, " La révolution Bisso " , Avril 1999) : " L’Afrique reste toujours une pompe à fric pour la France et les autres pays européens. Il faut absolument arrêter tout cela, tout ce gaspillage, cette folie meurtrière, ces massacres. Notre musique n’est pas forcément très engagée, mais à travers des morceaux comme " L’Union " ou " Liberté " (une reprise de Franklin Boukaka), nous voulons faire passer un message de paix et de fraternité. " Mêlant fête, esthétique et revendication, Bisso na Bisso assume son rôle d’artiste en faisant réfléchir les gens sur des problèmes graves en usant du rire, de l’ironie et de la satire. En dénonçant les conflits ethniques servant des intérêts financiers supérieures, il se veut conscience d’un peuple car " La mère patrie pleure des rivières de sang / Le rouge est dans les yeux / Le peuple est mécontent ". La production de ce groupe devient donc un acte politique de re-création d’un monde meilleur exempt de guerre et de corruption. D’où la diversité des thèmes : nostalgie et retour aux sources, quête de l’identité culturelle, appel à la paix et à la
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fraternité, condamnation de la guerre et de la corruption, supplication à la divinité et surtout fête au village. La nostalgie d’une Afrique lointaine et inaccessible se comprend par le fait que plusieurs membres du groupe sont fils d’immigrés. Passi par exemple est arrivé en France à l’âge de 7 ans et a vécu dans l’environnement difficile de Sarcelles, une des banlieues parisiennes. Les conditions de vie ainsi que le racisme ambiant accentuent la volonté de réhabiliter les valeurs africaines. " Légendes africaines " est un clin d’œil vers le passé et la tradition, tandis que " Afrika by night " offre une vision idéalisée du continent. Quitter Paris (" ici il fait froid ") pour retourner à Brazza afin de retrouver l’ambiance de Moungali et des Maduku (" là-bas il fait chaud ") ne se fait pas sans déchirures, car en fin de compte " Brazza Paris/ Des deux côtés, je suis bloqué /Là-bas, ici /Toujours le même qui va te croquer /Le cul entre deux chaises/ L’exil presse mes pas / On ne sait quoi faire pour diriger nos pas…". On se rappelle les joies de son enfance, on veut repartir dans ce pays qui fut notre berceau, on ne veut pas mourir en France. Pourtant : " On devrait cramer tous ceux qui te disent / vas-y, rentre chez toi ". Là-bas il y a la guerre. Et la guerre " … ce n’est pas bon / ce n’est pas bon " car elle " … N’est pas faite pour tuer /mais pour vaincre. " Alors " …Comment peut-on parler de vainqueur après la guerre "? D’autant plus qu’on ne sait pas " Ce qu’on fout après la guerre / Le bilan est lourd / Il n y a que le Diable / Pour appeler cela de l’amour. " Ces dénonciations se retrouvent dans des titres tels que " Après la guerre ", " L’Union " ou " Tata Nzambe ". Ce dernier texte est une supplique à Dieu le Père qui seul peut intervenir efficacement " … dans un monde qui ne pardonne pas / Sans foi ni loi / Ici bas on a besoin de toi ". Pour essuyer " les rivières de sang " et remettre " le jardin d’Eden " après " les cloches d’Harmaggedôn ", à grand renfort d’ " Alleluah " et d’" Hosanna ", Bisso na Bisso " …revient louer l’Eternel ". Seul ce retour de Tata Nzambe mettra fin aux agissements des gouvernants cupides et malhonnêtes qui " ne laissent rien dans la caisse " et qui encaissent les " bénefs ". Car " … le temps est si bref / dans la peau d’un chef " mais aussi dans celle des coureurs de jupon en quête du " deuxième bureau " qui n’est à la fin " Que ma secrétaire, il n’y a rien entre elle et moi ". Bisso na Bisso s’arroge le droit de parler de la pauvreté, de l’injustice, de l’impunité, de l’écrasement et de la mystification. La vie ne devrait pas servir à s’éclater ou à éclater les autres, mais plutôt à bâtir, à reconstruire.
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Pour y arriver, il faut chanter la Beauté qui passe et l’Amour pour Amiyo " Ton cœur est ma maison / Mon amour est en toi / J’ai besoin de toi. "
L’amour de la vie, l’amour des autres, l’amour de Dieu fusionnent dans la fête au village où l’on peut danser le ndombolo, symbole de la vie véritable, celle que tout le monde devrait connaître : " Oyo ndombolo ya suka / Ndombolo ya soin / Oyo ezali ndombolo rapp ya solo ". Pour avoir la force d’affronter les vicissitudes de la vie quotidienne et extirper les images de guerre, il faut que " Je danse le ndombolo / Je fais ngolo-ngolo ". Se moquant de ce qui est élevé ou sérieux, rabaissant ce qui est inaccessible pour le mettre à la portée de tous, le rire Bisso na Bisso s’adresse à tous, et pourfend le rieur lui-même. C’est un rire universel, comparable à celui que le critique russe Mikhaïl Bakhtine1 qualifie de " rire carnavalesque " qui " nie et affirme à la fois, ensevelit et ressuscite à la fois ". Puissant et profond, ce rire des festivités se différencie du rire ordinaire. " Alors que le rire ordinaire est dirigé vers l’Autre, le rire carnavalesque se braque sur le rieur luimême. Il s’intéresse au monde, exprime l’opinion de tous, et le rieur lui-même en est l’objet. Toute hiérarchie est effacée dans ce rire, et la vision qu’il nous donne du monde est universelle. "2 C’est peut être ce caractère universel qui explique le grand succès rencontré par le groupe Bisso na Bisso. Musique de réconciliation et de reconstruction, musique des festivités populaires, c’est le plus puissant cri musical de Paix et d’Unité au Congo qui se soit fait entendre en cette fin de siècle.
CONCLUSION Cette étude sur la musique congolaise a fait ressortir certains éléments qui montrent bien que, contre vents et marées, et malgré la perte de plusieurs orchestres dans les tumultes, la musique congolaise garde toute sa vitalité. Le succès surprenant rencontré par de jeunes groupes sur le plan national et international semble le confirmer. Ayant déjà conquis le cœur des Congolais, Extra Musica, Patrouille des Stars, Watikania ou Expression des As se retrouvent dans les meilleurs classements des hits des chaînes de radio et de télévision telles que CFI, RF.ou Africa n°1. Et que dire du phénomène Bisso na Bisso ? 1
Bakhtine, M., L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen-age et sous la Renaissance Paris, Gallimard, 1970 2 Matokot, D., Le rire carnavalesque dans les romans de Sony Labou Tansi Mémoire pour le de DES, Université Marien Ngouabi, Brazzaville,1987. ,
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La musique de tous ceux qui nous ont quittés (Franklin Boukaka, Marie Bella, Pamelo Mounka, Carmen Essous, Mamie Claudia, Ange Linaud, Diop Missamou…) continue d’animer les jeunes générations. Cela devrait interpeller tous les amateurs de la bonne musique, les mécènes et les sponsors et leur montrer la nécessité d’encourager ces ensembles. Les responsables politiques sont les premiers sollicités. Tout est à reconstruire. Les studios d’enregistrement devraient renaître. Une bonne politique culturelle devrait être mise sur pied. Un effort de l’Etat congolais doit mettre fin au piratage des œuvres de l’esprit. Les droits d’auteurs doivent être protégés et versés à leurs ayant-droit. L’ouverture d’esprit devrait obliger les groupes à sortir des frontières pour affronter la concurrence internationale dans des grandes salles internationales. Le rayonnement des orchestres de Kinshasa participe de cette logique et cet exemple devrait être suivi. Production, édition, prospection constituent des outils indispensables à la promotion et au lancement des jeunes artistes. Aussi est -il important de consolider ces aspects. Mais il faudrait surtout garantir la liberté de création et d’expression des artistes ; ce qui passe impérativement par la consolidation du processus de Paix, de Solidarité, de Fraternité et d’Amour. Cette étude sur la musique congolaise de la fin du siècle ne se veut pas exhaustive. Elle n’a pas cherché non plus à emprisonner la Vérité. Elle demeure une porte ouverte pour des investigations plus fines. Tous les amis de la bonne musique sont conviés à la critiquer dans le but de la compléter.
Bibliographie succincte
Les dépêches de Brazzaville , " La chronique quotidienne du FESPAM ", n° 13, Ed. Adiac, août 1999. Manda Tchebwa, La musique zaïroise, hier et aujourd’hui, Duculot, Afrique Editions, 1996. Matokot (D.), Le rire carnavalesque dans les romans de Sony Labou Tansi, Mémoire de DES, Université Marien Ngouabi, Brazzaville, 1987.
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