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Les grands courants de pensée et les principaux faits économiques et sociaux
L’économie est une discipline qui s’appuie sur plusieurs socles de réflexions et de connaissances. Elle s’est lentement constituée en tant ta nt qu quee sc scie ienc ncee hu huma main ine, e, gr grâc âcee a un do doub uble le ap appo port rt : d’ d’un unee pa part rt ce celu luii de nombreux auteurs pour qui l’échange, la production et la consommation sont apparus essentiels à la compréhension de la vie en société, et d’autre part celui de l’observation des faits, dans ce qu’ils ont à la fois de singuliers et de généraux. La pensée économique est ainsi diverse, mais quelques courants apportent des raisonnements, des méthodes, mais aussi des analyses particulièrement pertinents ; les courants classique, marxiste, néoclassique puis keynésien constituent ainsi le fondement de la pensée économique contemporaine. Quant à l’histoire des faits économiques et sociaux, elle apporte une profusion d’événements qui trouvent à la fois leur sens et leur cohérence à partir de quelques concepts forts ; ainsi, la révolution indust ind ustrie rielle lle,, les cri crises ses ou enc encore ore le cap capita italis lisme me str struct ucture urent nt la réflexionéconomiquedanslecadred’uneanalysedelalonguepériode.
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Fiche 1 : Les théories classique et néoclassique
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Fiche 2 : Les théories marxiste et keynésienne
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Fiche 3 : Le processus de la révolution industrielle
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Fiche 4 : Les crises du
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Fiche 5 : Le capitalisme capitalisme : natur naturee et évolution évolution
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Fiche 6 : Thèmes, dissertation
XXe
siècle
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Les théories classique et néoclassique Le XIX e siècle constitue, au niveau de l’histoire de la pensée économique, un siècle d’avancées majeures ; deux grandes théories économiques voient en effet le jour : la théorie classique d’une part (I) et la théorie néoclassique d’autre part (II) ; toutes deux forment en réalité le socle de l’analyse économique moderne.
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théorie classique
La théorie classique est datée dans le temps, et correspond à la période de la révolution industrielle en Europe ; cependant, cette théorie n’est pas homogène, et il convient de distinguer l’école classique anglaise et l’école classique française. A. Le contexte économique
Au XVIIIe siècle, l’Europe occidentale connaît de profondes mutations des structures mentales, techniques et institutionnelles : – les structures mentales se modifient sous l’influence du libéralisme et de l’individualisme : c’est la liberté et l’initiative individuelle qui, en effet, permettent d’obtenir ce qui semblait ne pouvoir l’être que par l’autorité de l’État ; – dans le domaine technique, on assiste à une véritable révolution marquée par l’emploi de plus en plus important de machines dans les divers secteurs de production, par la création des manufactures et par une division du travail qui devient sans cesse plus poussée ; – une mutation brutale des structures institutionnelles donne de nouvelles bases juridiques qui vont favoriser le développement du capitalisme ; ainsi, le code civil et le code de commerce apportent-ils deux éléments fondamentaux pour le développement économique : le principe de la liberté économique et le droit de propriété. De plus, la plupart des économistes de l’époque rejettent toute intervention de l’État dans la vie économique. B. Les grands auteurs de la théorie libérale classique
La théorie classique ne peut être considérée comme un tout ; elle se compose en réalité de différentes écoles, représentées par les économistes Smith, Ricardo et Say. 1. Adam Smith
A. Smith est considéré comme le « père de l’économie politique » en tant que discipline autonome. Il publie en 1776 son livre « Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations ». Ses contributions portent notamment sur : – la théorie de la valeur et des prix : Smith adopte une théorie de la valeur travail : « Le travail est le fondement et l’essence des richesses ». Il distingue la
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valeur d’usage, qui est liée à l’utilité des biens, et la valeur d’échange qui exprime le pouvoir d’acheter d’autres biens ; la théorie de la main invisible : pour Smith les hommes sont guidés par la recherche de leur intérêt personnel mais, dans le cadre de la concurrence, le mécanisme des prix conduit chacun à concourir à la satisfaction de l’intérêt général. Le marché est donc autorégulateur ; la théorie de la division du travail : à travers l’exemple de la manufacture d’épingles, Smith montre que la division du travail permet d’accroître la productivité ; l’intervention de l’État : pour Smith, la prospérité d’une économie suppose la paix, des taxes modérées et « une administration tolérable de la justice ». Il est donc favorable à une intervention de l’État limitée aux fonctions régaliennes (police, justice, défense, diplomatie) ; la théorie du commerce international : Smith se montre favorable à la liberté du commerce international et à une division internationale du travail qu’il explique par la théorie des avantages absolus.
2. David Ricardo
D. Ricardo est sans conteste l’auteur majeur de l’École classique. Il publie son principal ouvrage, « Principes de l’économie politique et de l’impôt », en 1817. De ses nombreuses contributions on peut notamment retenir : – la théorie de la valeur travail : pour Ricardo, « Toutes les marchandises sont le produit du travail et n’auraient aucune valeur dans le travail dépensé à les produire » ; la valeur d’échange est liée au travail incorporé dans la marchandise
par l’activité de production ; – la théorie monétaire : Ricardo considère que la hausse des prix est liée à l’excès d’émission monétaire rendue possible par l’inconvertibilité des billets en or qui avait été instaurée en Grande-Bretagne en 1797 ; – la théorie du commerce international : généralisant le modèle d’A. Smith, Ricardo propose une justification du libre échange reposant sur la théorie des avantages comparatifs. 3. Jean-Baptiste Say
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En tant que vulgarisateur des thèses d’A. Smith, J.-B. Say se sépare de son maître, et publie en 1803 « Traité d’économie politique » et en 1817 « Catéchisme d’économie politique ». De ses nombreuses analyses on peut notamment retenir : – la loi des débouchés : pour J.-B. Say, « un produit terminé offre, dès cet instant, un débouché pour la production ». On résume souvent sa thèse en disant que l’offre crée sa propre demande ; par là-même, la monnaie ne joue aucun rôle essentiel dans le système économique, les produits s’échangeant contre des produits. La loi des débouchés (ou loi de Say) conduit donc à mettre l’accent sur l’offre et à considérer que, dans les conditions de la concurrence, il ne peut pas y avoir de crise générale et durable de surproduction ;
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– l’intervention de l’État : Say est hostile à l’intervention de l’État ; il s’inquiète en particulier des effets négatifs du prélèvement fiscal et des réglementations ou monopoles publics. Cependant, il justifie le financement public de la recherche et de l’éducation par un argument qui préfigure la théorie des effets externes : puisque les effets de la recherche et de l’éducation bénéficient à tous, il n’est pas inéquitable de faire participer tous les contribuables à leur financement.
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théorie néoclassique
Faisant suite, mais également en réaction, à la théorie classique, la théorie néoclassique domine l’analyse économique à la fin du XIX e siècle et au début du XXe siècle ; de nombreuses écoles la constituent. A. Le contexte économique
Après les révolutions de 1848 en Europe, l’économie politique classique doit affronter une double contestation : – celle des milieux conservateurs, qui accusent les théories de Ricardo, en ayant associé à chaque facteur de production une classe sociale (la terre à la noblesse, le capital à la bourgeoisie, et le travail au prolétariat), d’avoir nourri les théories sur la lutte des classes et les excès révolutionnaires ; – et celle des milieux progressistes aussi, qui accusent ces théories de légitimer, au travers de la défense de la concurrence, le maintien des salaires à un niveau qui assure juste la survie des ouvriers. Les économistes prennent alors conscience de la nécessité de prolonger l’œuvre des classiques en changeant à la fois leurs méthodes et leur description de la réalité sociale. Ainsi, le courant néo-classique adopte un socle commun d’idées : – ce sont des écoles libérales, convaincues de l’efficacité des mécanismes de marché ; – leur théorie de la valeur est fondée non sur la quantité de travail nécessaire pour fabriquer une marchandise, mais sur l’utilité marginale de cette marchandise ; – l’introduction de l’analyse à la marge (coût marginal, productivité marginale...) permet à la plupart d’entre elles une utilisation plus poussée des outils mathématiques ; – les agents économiques sont supposés rationnels et désireux d’optimiser. Cependant, si les thèmes de rupture avec les classiques rassemblent les auteurs de ce courant, le courant néoclassique est traversé par de nombreuses écoles qui divergent sur l’analyse de la valeur, de l’emploi, de la politique économique et, de façon plus générale, sur l’efficacité des marchés.
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B. Les grands auteurs de la théorie néoclassique
Comme la théorie classique, la théorie néoclassique est le fruit de l’apport d’un ensemble d’écoles, parmi lesquelles l’école de Cambridge, l’école de Lausanne et l’école de Vienne. 1. L’école de Cambridge
Stanley Jevons est l’un des fondateurs de l’analyse marginaliste ; il considère que l’économie est, par nature, une science autant mathématique que l’est la physique. Alfred Marshall va plus loin encore et considère que le coût de production et l’utilité contribuent conjointement à la détermination de la valeur des marchandises. Par ailleurs, il jette les bases de l’économie industrielle en s’intéressant aux effets externes, aux rendements croissants et à la situation de monopole. Il apporte surtout une analyse de l’équilibre partiel, c’est-à-dire de la détermination de l’équilibre sur un marché particulier. Par ailleurs, il construit le concept clé d’élasticité. 2. L’école de Lausanne
Léon Walras élabore, au début du XXe siècle, un modèle d’équilibre général et cherche à démontrer qu’il existe un système de prix relatifs tels que tous les marchés interdépendants d’une économie concurrentielle sont simultanément en équilibre. La fixation du prix sur chaque marché résulte de la confrontation de l’offre et de la demande par un commissaire priseur (ou arbitre de marché) qui recherche, par tâtonnement, le prix d’équilibre. Vilfredo Pareto développe quant à lui la formulation mathématique de l’équilibre général et introduit le concept d’optimum. Une situation économique est un optimum s’il n’est pas possible d’améliorer la situation d’un agent économique sans dégrader la situation d’un autre agent. 3. L’école de Vienne
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Eugen von Bôhm-Bawerk a apporté une contribution décisive à la théorie du capital. Pour lui, les hommes produisent des biens destinés à satisfaire leurs besoins, ce qui n’est évidemment pas le cas des biens d’équipement. Ces derniers n’ont d’utilité qu’indirecte : ils permettent d’obtenir une plus grande quantité de biens de consommation pour une moindre dépense. Réaliser un investissement net, et donc accroître le stock de capital, c’est allonger le détour entre l’effort réalisé par l’investisseur (ou l’épargne qu’il réalise) et la satisfaction finale qu’il obtiendra. La formation du capital est donc liée à l’arbitrage intertemporel ; pour obtenir une satisfaction plus importante dans le futur, il faut réduire sa satisfaction dans l’immédiat afin de produire des biens de production et accroître ainsi le stock de capital. Friedrich Hayek (prix Nobel 1974) centre sa réflexion sur la monnaie, les cycles économiques, les échanges internationaux et la croissance. Il a apporté également une contribution importante à la philosophie politique. Le thème central de l’œuvre de Hayek est la défense de la régulation par le marché,
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mais il rejette l’hypothèse de la concurrence parfaite. Dans la réalité, l’information est presque toujours imparfaite et les représentations de chaque individu, qui influeront sur ses choix, sont marquées par cette imperfection de l’information. Mais c’est de cette imperfection de la circulation de l’information que naît la supériorité du marché en tant que mode d’organisation sociale. Le marché est efficace parce qu’il permet la meilleure gestion possible de l’information. Pour Hayek la monnaie n’est pas neutre et une émission excessive de monnaie conduit à un allongement injustifié du détour de production (surinvestissement). + Conseils ₅
L’histoire de la pensée économique doit constituer un outil de compréhension et d’analyse des phénomènes économiques. e Les théories de quelques auteurs majeurs doivent être maîtrisées. e
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MÉMO Caractéristiques : – approche macroéconomique – théorie de la valeur travail – priorité donnée à l'offre
Écoles : – école classique anglaise : – A. Smith – D. Ricardo – école classique française : J.B. Say
Théorie classique
Théorie néoclassique
Caractéristiques : – approche micro-économique – théorie de la valeur utilité essentiellement – logique de marché et d'équilibre partiel et général
Écoles : – école de Cambridge : S. Jevons et A. Marshall – école de Lausanne : L. Walras et V. Pareto – école de Vienne : E. Böhm-Bawerk et F. Hayek r e h c u o F s n o i t i d É
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Les théories marxiste et keynésienne Les théories classique et néoclassique font l’objet, peu après leur apparition, de critiques radicales ; ainsi, Marx met en évidence les contradictions du capitalisme (I) et Keynes fait apparaitre les fragilités structurelles de l’économie de marché (II).
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q La
théorie marxiste
Le développement du capitalisme crée, de manière concomitante, une analyse critique, le marxisme. Au milieu du XIXe siècle, Marx met en effet l’accent sur les contradictions du système capitaliste qui crée l’exploitation de l’homme par l’homme et génère des crises successives. A. Le contexte économique
Le développement du capitalisme a provoqué une grande misère, notamment pour de nombreux artisans et paysans. Les premiers, ruinés par la concurrence des« fabriques », ont été contraints de travailler dans l’industrie comme ouvriers, avec des salaires dérisoires et des conditions de travail extrêmement pénibles. Les seconds, attirés par des salaires au début un peu plus élevés que ceux qu’ils percevaient a la campagne, sont venus vivre dans les nouveaux centres industriels dans des conditions de logement déplorables. En outre, le chômage s’est développé, notamment lors des périodes de crises de surproduction. Il en est résulté une baisse brutale des salaires dans l’industrie et une grande pauvreté dans la population ouvrière. Cette misère, particulièrement importante en Angleterre dans la première moitié du XIXe siècle, s’est fortement développée ensuite en France. C’est dans le contexte économique et social de cette grande misère ouvrière que s’est développé, au début du XIXe siècle, le courant socialiste, mouvement idéologique tendant à substituer, en partie ou en totalité, la propriété collective ou sociale à la propriété privée. B. La pensée de Marx
Considéré comme le dernier des économistes classiques, Karl Marx (1818-1883) publie un nombre important de livres et d’articles dans de nombreux domaines (économie, histoire, politique, philosophie...). À l’origine d’un mouvement politique qui a profondément marqué l’histoire du XX e siècle, la pensée de Marx s’ordonne autour de deux idées principales : la théorie de la valeur et l’exploitation de la force de travail d’une part (1), et la dynamique du capitalisme d’autre part (2). r e h c u o F s n o i t i d É
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1. La théorie de la valeur et l’exploitation de la force de travail
Marx adopte une théorie de la valeur-travail, c’est-à-dire que la valeur d’une marchandise se mesure par le temps de travail moyen (ou social) nécessaire à
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sa production. Comme les classiques, Marx distingue la valeur d’échange (qui a une base objective) et la valeur d’usage (qui dépend de l’utilité et qui est donc subjective). Seule la valeur travail peut servir de base à la détermination des rapports d’échange entre les marchandises. Plus précisément, Marx construit, relativement au travail, plusieurs typologies : – travail concret/travail abstrait : en tant que le travail produit une chose utile, il est un travail concret ; en tant qu’il crée de la valeur, il est abstrait, c’est-à-dire qu’il correspond à une dépense d’énergie humaine ; – travail productif/travail improductif : le travail productif par rapport au travail inproductif est celui qui crée de la valeur, de la richesse ; – travail simple/travail complexe : dans un même laps de temps, un travail non qualifié (travail simple) crée moins de valeur qu’un travail qualifié (travail complexe) ; par conséquent, la dépense d’énergie humaine ne peut pas être mesurée de la même façon par le temps de travail. Cette loi de la valeur travail s’applique à toutes les marchandises, y compris à la force de travail qui, dans une économie capitaliste est une marchandise vendue par les travailleurs et achetée par les capitalistes. Comme toute marchandise, la force de travail a donc une valeur égale à la quantité de travail socialement nécessaire à sa production, c’est-à-dire le temps que requiert la production de biens de subsistance nécessaires à sa reconstitution. Mais si la force de travail est une marchandise parmi les autres, elle n’est pas, pour Marx, une marchandise comme les autres. En effet, lorsque le capitaliste achète une quantité déterminée de force de travail à son prix de marché (soit v, le capital variable qui correspond à la valeur de la force de travail) et qu’il met en œuvre cette force de travail, l’usage de cette dernière fait naître une valeur additionnelle (la plus-value ou survaleur, notée habituellement pl). Marx appelle taux de plus value le rapport pl/v. Cette conception de la production est à la base de l’idée d’exploitation. Un travailleur a une force de travail : une capacité à fournir une quantité de travail dans un temps donné. Pour entretenir cette force, un travailleur doit consommer un panier de biens ; ce panier peut se réduire au minimum physiologique, ou tenir compte de l’environnement géographique et climatique, d’us et de coutumes, et de rapports de forces entre classes sociales ; ainsi, quand un non travailleur accapare la plus-value produite par un travailleur, le premier exploite le second. 2. La dynamique du capitalisme
La domination d’une classe sociale ne peut cependant être que temporaire. Au fur et à mesure que les techniques évoluent, le système devient de moins en moins adapté à la situation nouvelle. Les superstructures (les superstructures comprennent les institutions et l’organisation politique, le régime juridique...), plus rigides, se modifient plus lentement que les infrastructures (la technique, les modes de production et d’échanges, les rapports qu’ils déterminent...) : il en résulte un décalage entre les deux. Pour Marx, l’État, élément de la superstructure d’une société de classes, constitue alors l’instrument du pouvoir de la classe dominante qui s’en sert en vue du maintien de ses privilèges. Mais
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des contradictions de plus en plus graves se manifestent et aboutissent à un changement, souvent violent, du système. Pour Marx, le capitalisme révèle une opposition grandissante entre les capitalistes, de moins en moins nombreux, et les prolétaires, de plus en plus nombreux. L’accumulation croissante du capital et la baisse tendancielle du taux de profit, la paupérisation du prolétariat et la sous-consommation ouvrière provoquent des crises économiques qui doivent conduire à l’effondrement du système.
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théorie keynésienne
Dans les années 1930, dans le contexte de la crise économique de 1929, l’économiste anglais Keynes s’oppose aux économistes néoclassiques et montre que l’économie peut connaître une situation d’équilibre durable de sous-emploi, et propose des politiques économiques permettant de résorber le chômage. A. Le contexte économique
Les économies des pays industrialisés avaient connu depuis le début du XIXe siècle un développement ponctué par des crises plus ou moins graves, mais sans commune mesure avec la Grande crise, celle de 1929. Inaugurée par le krach de Wall Street, la crise s’est caractérisée par une chute de l’activité économique, la baisse des prix et surtout le chômage, estimé à près de 40 millions de personnes. Cette crise sans précédent posait de nouveaux problèmes à la science économique : comment une chute aussi brutale de la production pouvait-elle se produire ? Comment expliquer une telle augmentation du chômage et surtout quels remèdes fallait-il prendre ? Dans la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », Keynes va apporter des réponses en construisant un schéma global et original d’analyse. B. La pensée keynésienne
Dans la « Théorie générale », Keynes rompt tout d’abord avec l’analyse néoclassique de ses prédécesseurs (1), puis battit un corpus théorique tout à fait singulier (2). 1. La réfutation des hypothèses néoclassiques
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L’analyse keynésienne comporte une réfutation explicite de multiples hypothèses de base de la théorie néoclassique, parmi lesquelles : – le passage de la microéconomie à la macroéconomie : pour comprendre l’évolution d’une variable économique, on ne peut pas additionner les comportements individuels, comme le font les néoclassiques ; – la neutralité de la monnaie : pour les néoclassiques, la monnaie est un « voile » qui n’exerce aucune influence sur l’activité économique ; pour Keynes, l’économie ne peut fonctionner comme une économie de troc ; – l’équilibre par les prix : l’équilibre de tous les marchés est réalisé, pour les néoclassiques, grâce aux variations des prix ; Keynes émet deux réserves :
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certains prix sont rigides, et certaines variables, comme l’emploi, ne sont pas sujettes aux variations de prix. 2. Les fondements de la théorie keynésienne
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La théorie keynésienne s’appuie sur trois fondements essentiels : – une approche essentiellement macroéconomique : dans les sociétés modernes, l’activité évolue sous l’influence non des acteurs individuels, mais des groupes sociaux et des comportements collectifs ; ainsi, les données globales – les agrégats – sont les variables significatives – la demande effective : à la différence des classiques pour qui c’est l’offre qui crée la demande (loi des débouchés de Say), pour Keynes l’activité dépend essentiellement de la demande effective, c’est-à-dire de la demande anticipée par les entreprises ; c’est en effet la demande anticipée de biens de consommation (la consommation) et de biens de production (l’investissement), qui détermine le niveau de la production, donc le niveau de l’emploi – la monnaie est active : Keynes rejette la loi des débouchés ; il considère que la monnaie n’est pas neutre et qu’elle est demandée pour elle-même. Dès lors, les comportements de thésaurisation peuvent conduire à une insuffisance de la demande adressée à l’économie. Par ailleurs, la monnaie est un pont entre le présent et l’avenir ; elle concerne donc les arbitrages inter temporels d’agents qui prennent leurs décisions dans l’incertitude. 3. Les apports de la théorie keynésienne
Les apports de Keynes à la pensée et à la politique économique sont nombreux ; on peut citer notamment : – la notion d’équilibre de sous-emploi : une économie peut être durablement en équilibre de sous-emploi (cela signifie que le revenu qui permet d’égaliser l’offre et la demande globales peut être inférieur au revenu de pleinemploi). Plus précisément, Keynes considère que le chômage ne peut être résorbé par une baisse des salaires, car cette dernière entraînerait une contraction de la demande et par là-même de l’emploi. Il n’y a donc pas de retour automatique au plein-emploi par la baisse du taux de salaire, et c’est par une action directe sur la demande globale que doit être recherchée la restauration du plein emploi – l’intervention de l’État : en période de difficultés économiques, et notamment de sous-emploi, l’État ne doit pas rester neutre par rapport à la dépression de la conjoncture. La puissance publique doit sortir de ses strictes missions d’État gendarme et agir sur les diverses grandeurs économiques. L’État peut exercer une action contracyclique en augmentant ses investissements (principe du multiplicateur d’investissement) afin d’accroître le revenu national et donc la demande des agents économiques, l’objectif final étant de tendre vers la réalisation du plein emploi. Une fois l’équilibre économique et le plein emploi revenus, l’État cesse ses interventions discrétionnaires. Pour Keynes, l’interventionnisme étatique est limité aux périodes de dépression économique.
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La compréhension des théories marxiste et keynésienne suppose maîtrisées les théories classique et néoclassique. La macroéconomie exige un changement complet d’analyse par rapport à la microéconomie ; à la logique du marché doit être substituée la logique du circuit économique. Les théories marxiste et keynésienne ont fait l’objet de multiples actualisations, ainsi que des synthèses intéressantes.
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MÉMO Caractéristiques : − théorie de la valeur travail − théorie de l'exploitation de la force de travail
Analyse de la dynamique du capitalisme : la recherche du profit conduit à accélérer l'exploitation des salariés, et à entraîner une baisse tendancielle du taux de profit.
Théorie marxiste Théorie keynésienne
Caractéristiques : − approche macroéconomique − principe de la demande effective − monnaie active
L'insuffisance de la demande globale est à l'origine d'un équilibre de sous-emploi qui peut être combattu par l'intervention de l'État.
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