HISPANOPHo
OtlBLI ET MÉMOI�E
La résistance au Franquisme da ns le roman espagnol depuis la Transi t i Au croisement de l'histoire et de la littérature contem po . r0' 85• cet ouvrage mêle histoire et mémoire, fiction et réalité. 11 0 aj l'émergence du « roman de la guérilla », la figure littéro e u résistant ontifranquiste des premières années de la dictat e analyse la signjflcotion de l'essor de cette productio n do e cadre de la problématique mémorielle qui s'est imposée de 5 u . s lo Transition. Apres une réAexion épistémologique sur l' écri u le de l'Histoire, l'ouvrage identifie un vaste corpus de romans su r a guérilla publiés depuis les années 1980, les situe par rapport u genre historique el ou roman de lo mémoire historique espogn o e et en analyse trois des plus représentatifs: Lunq de Ioh05 de J uli llomazares, Maquis d'Alfons Cervera et La voz dormido de Oul e Choc6n. Basés sur la recherche documentaire, ces récits métohistoriques questionnent les fondements de la démocratie actuelle espagnol e et rendent hommage à ses promoteurs, qui en furent « victimes ». Ces romans ont été décisifs dans le débat public qui a amené la loi sur la mémoire historique de 2007. La transposition littéraire montre comment peul se faire la transmission du passé et de la mémoire de la guérilla par une poétique ou service de l'objectif éthique et mémoriel, mêlant réalisme et mythification, discours factuel et flctionnel. L'incarnation des idées politiq u es pm des
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OUBLI ET MÉMOIRE La résistance au Franquisme dans
le roman espagnol depuis la Transition
parcours individuels, la diversité des instances nmroliv0s, écho
de l'aspect individuel et collectif de la guérilla, el" los héros - mythes ou victimes - créent une « épopée des vuincus ». Lo flctionnolisation de la guérilla antifranquiste, qui consiihJI'l un genre
littéraire - le roman de la mémoire historique � depuis la fln de lu Transition, dépasse le genre historique. Ces romans soni· dr�s li�:>ux de mémoire, et plus encore, des lieux symboliques de s0pultul'e qui commémorent l'action des combattants. En déflnitiv�, ils son t à leur tour une trace et un témoignage littéraires qui
l'Histoire et la fixent.
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Elvire Diaz, agrégée d'Espagnol et maître de confén�ncc;s (t-1011) à /'université de Poitiers, est membre de l'équipé) Mimrnoc (EA 3 81 2). Sa recherche porte sur le rapport Hisi·oire-l.iltc;,rature et sur la transcription littéraire de l'Histoire. Publié avec le soutien de l'université de Poitiers. En couverture.
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www.pur-editions.fr
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Presses Umversililires de Hennes
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N" 35- Marie-Christine
246 p.
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Mondes hispanophones
MICHAUD et Joël DELHOM (dir.),
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Elvire DIAZ
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Guerres et identités dans les Amériques, 2010,
N" 34 - Natalie NovARET, Au seuil de la mort. Discours de mourants dans le roman espagnol contemporain, 2009, 258 p. N" 33 - Manuel ÀZ.ANA, Le jardin des moines. La veillée à Benicarl6, introduit et traduit par Elvire Diaz et Jean-Pierre Amalric, 2009, 2 1 6 p. N" 32 - Gérard BoRRAS, Chansonniers de Lima. Le Vals et la chanson cria/la (1900-1936), 2009, 4 1 0 p.
N" 3 1 - Maria ARANDA (dir.), Description et fiction de Jean de la Croix à Vargas Llosa. L'inquiétante étrangeté de l 'écriture descriptive, 2008, 1 70 p.
N" 30 - Néstor PoNCE (dir.), Le discours autoritaire en Amérique latine de 1970 à nos jours, 2007, 1 38 p.
N" 29 - Monique MARTINEz THOMAS, J. S. Sinisterra, une dramaturgie des frontières, 2005, 96 p.
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N" 26 - Javier GARCIA MENDEZ, Diez calas en el hacer de la poesia de Pablo Neruda, 200 1 , 1 98 p.
N" 25 - Gérard BoRRAS, Musiques et sociétés en Amérique latine, 2000, 296 p.
OUBLI ET MÉMOIRE LA RÉSIS TANCE AU FRANQUISME DANS LE ROMAN E SPAGNOL DEPUIS LA TRANSITION
N" 24 - Presse et médias au Mexique, 1 993, 1 1 8 p.
N" 23 -Regards sur la littérature gauchesca, 1 992, 56 p. N" 20 - Typologie de la presse h ispan ique, 1986, 2 1 2 p. N" 18 - Presse et public, 1982, 1 08 p. N" 1 0 - Études hispano-américaines, 1975, 1 00 p.
Spécial - O. GENEVOIS et B . LE GONIDEC, Aspects de la pensée h ispano-américaine (18981930), 1974, 252 p. N" 8 - A. ÜTERO SEco, Obra periodistica (1947-1970), 1973, 746 p. N" 4 - Études latina-américaines, 1968, 50 p.
N" 1 - Robert MARRAST, Espronceda, 1 966, 64 p.
MONDES HISPANOPHONES PRESSES UNIVERSITAIRES DE RENNES
Introduction
© PRESSES UNIVERSITAIRES DE RENNES
Campus de La Harpe
2, rue du doyen Denis-Leroy- 35044 Rennes Cedex
www.pur-editions.fr
Mise en page : Claire BouLONNE pour le compte des PUR Dépôt
légal : 1" semestre 2011
ISBN:
978-2-7535-1261-0
La tension entre mémoire et oubli semble caractériser la société espagnole depuis une vingtaine d'années. Après la Transition démocratique et son discuté et sans doute discutable « pacte du silence )) ' la récupération de la mémoire du passé - Guerre civile et Franquisme -, ne cesse d'être revendiquée. La modalité littéraire, comme les autres secteurs, s'est emparée du sujet, d'autant que la littérature espagnole contemporaine accorde une place essentielle au référent historique récent (Seconde République, Guerre civile, après-guerre, Transition) dan s l'écriture, notamment le roman depuis l'époque de la Transition. Les travaux de l'hispaniste canadienne Maryse Bertrand de Muii.oz ont cher ché précocement à inventorier les publications sur la Guerre civile, ouvrant ainsi la voie à la recherche sur la présence du conflit dans le roman, depuis La Guerre civile espagnole dans le roman européen et américain (Paris , 1 962) et Bibliographie du roman de la Guerre civile espagnole (Montréal, 1 968) . Dans son ouvrage en trois volumes: La guerra civil espafi.ola en la nove la. Bibliograffa comentada (Madrid , Porrû.a, t. 1, t. II, 1 982, et t. III, 1 987) , elle a catalogué et mis en fiches cette production romanesque historique en indiquant titre, résumé, personnages, idéologie, lieux. À l'en croire, entre 1 939 et 1975, il y aurait envi ron 700 romans publiés sur la Guerre civile. Le tome III, Los anos de la demo cracia (1 987), étudie l'ensemble de la production de la décennie 1976-1 985, soit 1 60 romans dans différentes langues, dont 1 00 romans espagnols. Ce champ de recherche sur l'écriture et l'Histoire dans le monde hispa nique a été approfondi depuis par des colloques et des ouvrages fondamen taux, notamment ceux publiés par Jacqueline Covo (Las representaciones del tiempo hist6rico, 1 994 et Historia, espacio e imaginario, 1 997), par Jacques Soubeyroux (Histoire et fabulation , 2000) et par Annie Bussière-Perrin (Le roman espagnol actuel. Pratique d'écriture, 200 1). Des livres collectifs consacrés plus précisément à l'écriture de la mémoire du Franquisme ont suivi comme celui de Marie-Claude Chaput sur le mouvement guérilléro, Maquis y guerrillas anti franquistas. Historia y representaciones, en 2004 et à la mémoire littéraire de la Guerre civile comme les actes du colloque « L'héritage de la Guerre civile dans les créations littéraires , 1975-2000 )) organisé en mars 2005 par le Département ' d'espagnol de l'université de Clermont-Ferrand . Il a donné lieu à la publication d'un livre copieux : La guerre d'Espagne en héritage. Entre mémoire et oubli (de 1975 à nos jours), sous la direction de Danielle Corrado (Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007). Maryse Bertrand de Muii.oz, notamment, y a actualisé ses recherches avec une communication sur : « La Guerre civile espagnole et la pro7
OUBLI ET MÉMOIRE
INTRODUCTION
duction romanesque des quinze dernières années face à celle de la Transition. •• Sans compter la quantité d'essais espagnols publiés sur cette création littéraire historique publiée depuis la Transition. Parmi les plus récents, nous citerons celui de l'universitaire Antonio G6mez L6pez Quiii.ones, qui s'est intéressé à l'analyse thématique de cette production dans son ouvrage La guerra per sistente. Memoria, violencia, utopfa : Representaciones contempordneas de ta Guerra civil espanola (Vervuert, 2006), celui d'Ana Luengo, La encrucijada de ta memoria. La memoria colectiva de la Guerra civil espanola en la nove/a contem pordnea (Berlin, Tranvfa, 2004) et de Javier G6mez Montera, Memoria literaria de la Transici6n (2007).
Franquisme que les jeunes (et moins jeunes) écrivains mettent en scène. De l a transmission de la mémoire directe de la guerre par les témoins puis par les enfants des acteurs, l'écriture est passée à la récupération d'une mémoire plus personnelle, récente et durable par les petits-enfants : celle du Franquisme. Les 6 hist oriens ont insisté sur cette cc mirada del nieto ,., tels Mercedes Yusta ou Santos Julia 7, idée reprise par les écrivains. Pour Almudena Grandes (née en 1 960) dont le roman, au titre machadien, El coraz6n helado paru en février 2007 sonde aussi l'état des mémoires, on est passé c c de la memoria de los hijos a la de los nietos ••; ce saut générationnel, elle l'explique ainsi:
UNE QUESTION DE CHIFFRES La Guerre civile a donné lieu à des milliers d'ouvrages . Maryse Bertrand de Muii.oz indique que la publicistique sur la Guerre civile depuis 1 939 dépasse aujourd'hui les 40 000 titres, qu'il s'agisse de textes historiques, politiques, sociologiques, de mémoires et autres genres non fictifs, et de romans, de tous pays 1. Angel Garcia Aller précise qu'entre 1 939 et 1 985 il y eut 22 000 livres publiés dans diverses langues sur la Guerre civile et sur ses conséquences 2 , chiffres repris par Manuel Pérez Led es ma : " Casi setenta anos después del comienzo de la Guerra civil, con mâs de veinte mil libros publicados sobre ella, las recientes polémicas sobre sus causas Y desarrollo han vuelto a poner de manifiesto la falta de acuerdo entre quienes se dedican a escribir sobre el conflicto3. ,.
De son côté, Mercedes Yusta indique qu'entre 1 975 et 1 995 plus de 3 500 livres , articles ou monographies sur la Guerre civile ont vu le jour4. En ce qui concerne le roman espagnol, plus d'un millier de titres (environ 1 250) ont été publiés sur le thème depuis 1 939, mais cet inventaire n'établit pas de catégorie pour dissocier la guérilla. Dans cette production, pour la décennie 1976-1 986, Maryse Bertrand Muii.oz a recensé environ 250 romans, puis en 1 9851 995: 1 00 à 1 25 et depuis 1 995, plus de 200 romans sur cette période sont parus. Elle observe : cc depuis 1 995 nous sommes face à une recrudescence incroyable de la production, après une dizaine d'années de tendance à l'oubli s ••. Nous observons un double déplacement temporel car si la période de la Guerre civile, comme cadre et sujet de réflexion, a retenu toute l'attention de nombre de romanciers dès la mort de Franco, depuis la Transition c'est Je
2 3
Marys BERTIV\ND-MU�< Z, in 1
4 Mercedes YUSTA, in Danielle CORRADO (Éd.), op. cit. , p. 58. 5 Maryse BERTRAND-MUNOZ, in Danielle CORRADO (Éd.), op. cit. , p. 3 1 .
8
" Al llegar a la edad adulta, los nietos se sienten mâs vinculados a sus abuelos que a sus padres en el delicado territorio de la identidad. En Espana, la historia reciente ha afilado los instintos parad6jicos de la 6ptica y la genealogia para crear en este momento un escenario sentimental e ideol6gico que hace muy poco tiempo era impensable. lQué esta pasando ahora mismo ? [ . . . ] Los nietos, biol6gicos o adoptivos, de los republicanos del 31 nos hemos hecho mayores. Somos la primera generaci6n de espanoles, en mucho tiempo, que no tiene miedo, y por eso hemos sido también los primeros que se han atrevido a mirar hacia atrâs sin sentir el pânico de convertirse en estatuas de sai 8. "
À son tour, Alfons Cervera fait la même remarque sur cette los nietos y nietas de la Republica .. :
cc
generaci6n de
" Es a generaci6n no admite componendas interesadas con el olvido : quiere saber. Esa generaci6n que anda por los treinta anos - un poco mâs, un poco menos -, ha superado el miedo, la vergüenza, el sentido de la humillaci6n que le transmitieron sus antepasados. Y quiere conocer Jo que pas6, en d6nde andan los restos de sus abuelos [ . . . ] . Y no hay presente posible, ni futuro, sin que antes hayamos saldado aquellas cuentas desde la dignidad que concede el conocimiento de los hechos 9. ,.
Notre étude du roman cc historique .. ou historisant publié depuis la Transition ne peut prétendre à une analyse exhaustive puisque les chiffres (statistique ISBN) donnent une moyenne de 60 000 livres publiés par an en Espagne, dont 3 000 romans, dont plusieurs centaines sont à caractère historique et sur la période contemporaine. Les histoires littéraires, comme celles de José Carlos Mainer, de Santos Alonso, se chargent très régulièrement d'établir des syn thèses sur la production romanesque. 6 Mercedes YUSTA, in Danielle CORRADO (Éd.), op. cit. , p. 58. 7 Santos JULIÂ, Echar al olvido. Memoria y amnistia en la transici6n a la democracia Claves de Razôn Prâctica, n" 1 29, 2003, p. 1 4-24 (p. 23) et Memoria de la Guerra y del Franquismo, op. cit. , p. 27-77. 8 Almudena GRANDES, " Razones para un aniversario », El Pais, 25/3/2006. 9 Allons CERVERA, " Las voces, las suyas, las de antes in Jean ORTIZ, Rouges : maquis de France et d'Espagne, Atlantica, 2006, p. 40. ''•
"
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INTRODUCTION
OUBLI ET MÉMOIRE
Outre les romans historiques sur des époques plus anciennes comme ceux d'Arturo Pérez Reverte (sur la Guerre d'Indépendance, avec La sombra del agui/a, Trafalgar, etc.), de Juan Manuel de Prada (Las m ascaras del héroe, 1 996 et La tempestad, 1 997) ou de Eduardo Mendoza (sur la Barcelone du début du xxe siècle, La ciudad de los prodigios, 1 986) , c'est surtout l'histoire espagnole du xxe siècle, donc les périodes de la Seconde République, de la Guerre civile, du Franquisme et depuis peu de la Transition 10, qui inspire les auteurs de toute génération. En 1 986, à côté du j eune Antonio Muiioz Molina, né en 1 956, qui publie son premier roman, Beatus Ille, on trouve les anciens, Cela, Delibes ou Marsé (377, A madera de héroe, Mazurka para dos muertos, Un dîa uoluere) . Cette production littéraire référentielle présente des caractères récurrents, notamment l'utilisation du modèle de la quête ou de l'enquête, le choix d'un référent historique récent et une forte présence de l'intertextualité, c'est-à-dire deux approches de l'extra-textualité. Parmi ses nouveaux thèmes, la mémoire de la guérilla antifranquiste apparaît dans les années 1 980. Lié au mouvement de récupération de la mémoire historique, le thème devient crucial à l'heure où les derniers témoins disparaissent. Pour analyser en profondeur l'écriture de la résistance antifranquiste dans le roman espagnol depuis la Transition démocratique, nous verrons quels sont les auteurs, les œuvres , les genres, les thèmes et la vision de l'histoire dans la création littéraire espagnole de ces vingt-cinq dernières années. Nous nous pro posons d'étudier notamment le roman de la guérilla depuis la Transition, à tra vers trois romans significatifs, Luna de lobas (1 985) de Julio Llamazares, Maquis (1 997) d'Alfons Cervera et La voz dormida (2002) de Dulce Chac6n, qui offrent une cohérence axiologique autour de la figure duelle du guérilléro (victime héros) et de la place des femmes, dans une diversité de pratiques textuelles. Pour mener à bien ce travail, nous procéderons d'abord à une réflexion géné rale sur la définition et le rapport de l'histoire et de la mémoire puis sur la ques tion de la << mémoire historique >> depuis la Transition. Ce syntagme décrié, fait d'un oxymore, est devenu une expression usuelle en Espagne depuis quelques années. Nous nous intéresserons ensuite à la place du roman historique et du roman de la guérilla dans la production littéraire depuis la Transition, ce qui nous conduit à nous interroger sur les caractéristiques de l'écriture historique. Comment se fait le travail de représentation? Quelles sont les modalités de la transmission du passé, la représentation des faits, la place de la mémoire? Quels sont ses objectifs : utiliser la matière historique comme toile de fond ou comme élément structurant, procéder à un travail sur la mémoire en vue d'une catharsis, de l'oubli ou d'une récupération, par l'escamotage, la révision, le brouillage, un nouveau pacte de lecture, le rôle de l'intertextualité? Nous nous intéresserons aux causes de l'essor de ce genre depuis 1 985, en le met tant en rapport avec la production historiographique contemporaine et avec le contexte de la Transition et de la démocratie. Implique-t-il une révision du 10 Carlos X. ARDAVlN, La transiciôn a la democracia en la nove/a espafwla. Los usos y poderes de la memoria en cuatro novelistas contemporâneos, Lewiston, The Edwin Mellen Press, 2006.
10
revendius de la Transiti on, une remise en cause du régime actuel, une pro c ess icaine ? . . . . , cation ré pu bl publié en 2006 dans El Pats, a 1 occasiOn de la celebratiOn des article un s Dan m -�là . Ré p u b l i q u , Altnu?�na.Gr�odes ré.pond ai t . i ndi re . 7 5 an s de la Second n, cnspatiO la Jre v mobti1Satwn Idéologique, ·ett qu stion. Obs rvant la forte revencliaussi ile politiqu es la 5 iét' espagn 1 , c m me ertaius groupes , considér' comme le 'publiqu R cond laS d 'ritage 1'1 ttr Lransm de _
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« La II Repûblica se perfila en la nitidez que da la distancia camo un ejemplo moral, un modela de dignificaci6n de la vida pûblica, un limpio ejer cicio de la politica entendida camo el compromiso de guiar a un puebla hacia su futuro. Sus valores resultan no solo admirables en la lejania, sino imprescin dibles en nuestra realidad actual. El debate politico de hoy mismo gira alrededor de algunos conceptos, camo el laicismo, la defensa de los espacios pûblicos, el modela de Estado, la perspectiva federal, el impulsa de la investigaci6n cientifica o la promoci6n de la mujer, que centraron el debate republicano. Han pasado 75 aiios, pero esa cifra no mide el estancamiento, sino el retroceso. El vinculo que establecen los nietos con sus abuelos en el terreno de la identidad, se concreta, aqui y ahora, en una reivindicaci6n que no tiene tanta que ver con la memoria del pasado camo con la que nosotros mismos legaremos a nuestros descendientes. [ . . . ] No lucharon en vano, porque nosotros estamos aqui. Y nosotros somos la memoria de su futura 11• >>
La floraison de romans de la mémoire historique répond manifestement à un désir de connaissance historique et de réappropriation de la mémoire, indissociable de la formation de l'identité personnelle et nationale collective. Mais signifie-t-il pour autant une prise de conscience politique ou au contraire est-il le reflet elu désenchantement et de la dépolitisation par la création de mythes (révolutionnaires) ou par la démythification (comme dans Beatus Ille, Beltenebros, Si te dicen que caî, El embrujo de Shanghai) ? Peut-être est-ce une thérapie pour aller de l'avant, comme le dit Almudena Grandes, clans son article consacré à la célébration des 75 ans de la Seconde République : « La II Repûblica [ . . . ] , sobre los obstaculos que tuvo que vencer y los errores que pudo cometer, tue también la gran oportunidad de este pais. Ya es hora de reconocerlo. Espaiia no puede seguir viviendo siempre camo si aqui nunca hubiera pasado nada, no puede afrontar la modernidad actual sin contem plarse en la modernidad pasada, no puede presentarse camo un Estado justa y democrâtico sin hacer justicia a su tradici6n democrâtica. Ése es el sentido de un aniversario que no tiene que ver con el eterno lamento de un sueiio perdido, sino con la esperanza de un pais mejor 12. >>
1 1 Almudena GRANDES, op. cit. 12 Ibid. 11
p
Réflexion sur le fait historiee-littéraire Écriture de l'histoire et littérature LA TRANS ITIO N . PROBLÈME DE LA P É R I O D I SATI O N. TRANSITI O N ET OUBLI Les objets culturels que sont les romans de la mémoire que nous allons étu dier sont à situer dans le cadre historique et sociopolitique de la Transition et du débat autour de la question de la mémoire historique. Selon les historiens, les politologues ou le simple citoyen, la période que l'on appelle la Transition est perçue différemment et présente des bornes chronologiques variables. Si son commencement, fixé à 1 975, avec la mort du général Franco fait (presque) l'unanimité, sa fin semble ne pas être encore fixée : 1 978 (promulgation de la Constitution qui entérinait le passage à la démocratie) , 1 98 1 (échec du coup d'état du Colonel Tejero), 1 982 (alternance politique avec l'arrivée du PSOE au pouvoir) , 1 986 (entrée dans l'Union Européenne, fin de la mise en place des autonomies), etc. En 1 994, José Maria Aznar, avec la publication de son livre intitulé Espafw. La segunda transici6n , réédité immédiatement en 1 995, laissait entendre que le coup de sifflet final de la Transition était donné. Pour autant, comme nous allons le voir, le débat n'était pas clos. Francisco Campuzano, dans son ouvrage L'élite franquiste et la sortie de la dictature (1 997), situe cette période entre septembre 1 9 76 et octobre 1 982, avec à l'appui les événements déterminants qui l'ont marquée et en suivant la défini tion du politologue Juan Linz: " [ Linz ] place le point de départ de la Transition au moment où les dirigeants autoritaires s'engagent à organiser des élections libres à une date précise, et sa fin lorsque les principales forces, organisations et institutions en présence acceptent les règles du jeu démocratique comme seul moyen d'accé der au pouvoir. Dans cette perspective, il est légitime de situer le début de la Transition espagnole en septembre 1 9 76, lorsque Adolfo Suarez annonce à l'opi nion publique son projet de réforme politique et son intention d'organiser des élections pluralistes en juin 1977 au plus tard 1. "
1
Francisco CAMPUZANO, L'élite franquiste et la sortie de la dictature, Paris, L'Harmattan, 1997, p. 14-15. 13
p REFLEXION SUR LE FAIT HISTORICO-LITTÉRAIRE
OUBLI ET MÉMOIRE
Si institutionnellement et politiquement, la Transition peut être fixée aux années 1 975-1 978, en revanche la perception de cette période est suj ette à divergences. Ainsi sa fin est même affirmée par Rosa Montero en 2000, à la suite des élections du 1 2 mars gagnées par le Parti Populaire : « Tengo la sensaci6n de que éste es el verdadero final de la Transici6n, la prueba definitiva de nues tra madurez democrâtica 2 . ,, Signalons au passage que l'indétermination qui concerne la durée de la Transition frappe aussi l'usage et la graphie du mot. En effet depuis quelque temps l'on voit apparaître le terme employé comme nom commun, écrit sans majuscule donc, ou comme période politique, écrit alors avec majuscule, on le trouve aussi adjectivé ou complété ainsi : la transition démocratique, la tran sition vers la démocratie. Glosant le terme même Transition, Annie Bussière Perrin écrit : « il ne s'agit pas d'une rupture ni d'une continuité, mais d'une Transition, c'est-à-dire d'un présent où le passé et l'avenir coïncident . . . post Franquisme et pré-démocratie 3 >>. Pour Emilio Silva Barrera, le terme est équivoque : " Le terme même de transition portait en son sein une turpitude lin guistique. Il laissait supposer que la démocratie n'avait jamais existé auparavant en Espagne et que nous la découvrions pour la première fois 4 . >>
Par ailleurs l'incertitude autour de cette période cc transitoire >> semble confir mée par les textes officiels qui n'y font pas référence, le mot n'appartenant pas à la terminologie juridique ou institutionnelle. Ainsi le Boletfn oficial de las Cortes generales indique que depuis avril 2008 le régime en est à sa neuvième législa ture, donc a commencé en 1975 et n'est pas terminé. Le Boletfn oficial divise ainsi les périodes d'activité des Cortes : cc Legislatura constituyente : 1 977-1979, 1 Legislatura : 1979-1 982, Il Legislatura : 1 982-1986, III Legislatura : 1 986-1989, IV Legislatura : 1 989-1 993, V Legislatura : 1993-1996, VI Legislatura : 1 996-2000, VII Legislatura : 2000-2004, VIII Legislatura : 2004-2008, IX Legislatura )) depuis ' 2008 (voir le site internet : www. congreso.es) . D e même, les deux premiers paragraphes de l a c c Ley por l a que se recono cen y ampHan derechos y se establecen medidas en favor de quienes padecie ron persecuci6n o violencia durante la guerra civil y la dictadura >> (BOE, 3 1 0, 2007) ne remettent pas en cause le modèle de réconciliation de la Transition et revendiquent une continuité avec la Transition :
nos de una Constituci6n. [ . . . ] El espiritu de la Transici6n da sentido al modelo constitucional de convivencia mâs fecundo que hayamos disfrutado nunca. ,,
L'idée d'une Transition inachevée est exprimée entre autres par Juan Vila qui , dans un article consacré au roman de la mémoire écri t : cc Ces romans ren den t compte de ce déséquilibre et disent peut-être par leur prolifération que la 5 Transi tion n'est pas encore terminée . >> En 2003, Emilio Silva Barrera va dans l e m ême sens quand, dans le chapitre intitulé significativement cc La Transici6n inacabada >> de Las fosas de Franco, il écri t : " Ce faisant nous n'étions pas conscients que notre engagement com portait une dimension politique, celle de la critique de la Transition. Il nous faut tenter d'évaluer l'importance de ce silence qu'on a dit nécessaire, sur ce pan de notre histoire 6 . > >
En 2007 encore, des chercheurs ne cessent de répéter que la Transition est inachevée ou incomplète, comme le montre la lecture de l'essai collectif coor donné par Javier G6mez Montera, Memoria literaria de la Transici6n 7 . Ces divergences concernant la périodisation, la sémantique et l'impression d'inachèvement de la Transition sont significatives et semblent indiquer que la période est inclassable; fait qui rejaillit sur la détermination de la période qui l'a _ suivie. A croire qu'on ne sait (ou ne veut?) nommer et caractériser le régime et la période historique qui en sont issus : si le terme de démocratie revient assez souvent, celui de monarchie parlementaire suscite plus de réticences. Santos Alonso parle alternativement de cc democracia constitucional >> et de cc segunda restauraci6n monârquica 8 >>, Carlos Ardavfn de " restauraci6n democrâtica 9 ''• d'autres parlent d'après-Transition ou de Post-Transici6n (Elina Liikanen) , voire de « intransici6n >> comme Eduardo Subirats 10 ou A. Sarrfa Buil 1 1 et de 1 cc transici6n inmodélica >> pour Vicenç Navarro 2 . Dans ce travail de cc révision ,, du processus de la Transition, notamment du cc mythe >> d'une période de récon ciliation pacifique, nous signalerons la thèse de Sophie Baby (2006) qui montre que la période 1975-1 982 a en fait été particulièrement violente, avec plus de 3 500 actes de violence politique et plus de 700 morts provoquées 13 . Face aux critiques et aux révisions, il existe aussi des craintes de voir une contre-Transi5 Juan VILA, in Francisco CAMPUZANO (Éd.),
Transitions politiques et évolutions culturelles dans les sociétés ibériques et ibéro-{lméricaines contemporaines, université de Montpellier Ill, 2002, ETILAL,
2 Rosa MONTERO, " Progresismo El Pars digital, 2 1 mars 2000, in Joan Ramon RESINA, Disremembering dictatorship, Rodopi, 2000, p. 1 20. 3 Annie BUSSI �RE-PERRIN (Coord.), Le roman espagnol actuel. Pratique d'écriture (1975-2000), Montpellier, Editions du CERS, t. II, 200 1 , p. 32-33. 4 Emilio SILVA BARRERA, Las {osas de Franco, 2003. Dans sa traduction française, Les fosses du Franquisme, Calmann Lévy, 2006, p. 1 1 5.
p. 343. 6 Emilio SILVA, op. cit. , 2003. Dans sa traduction, Les fosses du Franquisme, op. cit. , p. 120. 7 Javier G6MEZ MONTERO, Memoria literaria de la Transici6n, Vuervert, 2007, lire les pages 28, 79, 1 10, 148, 1 73. 8 Santos ALONSO, La nove/a espaiiola en el fin de sig/a (1975-2001), 2003, p. 12. 9 Carlos X. ARDAVÎN, La transici6n a la democracia en la nove/a espaiiola, 2006. 10 Eduardo SUBIRATS, 1ntransiciones. Crftica de la cu/tura espaiiola, 2002. 11 Arânzazu SARR!A BUlL, La transici on cultural espaflola: �modela de cambio o "intransicion"? ,, communication du 27 juin 2008, à l'ERP!, université de Bordeaux lll. 12 Vicenç NAVARRO, " Consecuencias de una transicion inmodélica El Pars, " Opinion 8/ 1/2003. 13 Sophie BABY, Violence et politique dans la Transition démocratique espagnole (1975-1982), Thèse, université de Paris 1, 2006.
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" El espiritu de reconciliaci6n y concordia, y de respeto al pluralismo y a la defensa pacifica de todas las ideas, que gui6 la Transici6n, nos permiti6 dotar»,
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tian qui dénierait l'apport de la Transition et délégitimerait les gouvernements dérivés 14 . Notamment les travaux de Santos Julia ont démontré que tous les aspects de l'histoire espagnole du xxe siècle ont été étudiés, sans omission aucune, selon lui : << no qued6 en esos anos terreno alguno sin explorar 1 5 ». Reflet de ce débat sur la périodisation et sur la terminologie de la Transition, on observe parallèlement un débat depuis les années 1990 sur le rôle et les conséquences de la Transition, notamment sur la mémoire des vaincus. Le reproche fait depuis quelque temps à la Transition tient à une interprétation politique et mémorielle: le pacte entre les partis, qu'il soit baptisé « reforma pactada », «ruptura pactada >> ou consensus, a donné lieu à l'amnésie, à l'ou bli 16 , à la«desmemoria 1 7 » d'une partie de l'histoire espagnole (celle des vain cus) et a laissé de côté le rôle du citoyen et a oblitéré certaines revendications, dont celles des femmes 1 8. La Transition serait donc basée sur un pacte insa tisfaisant qui, associé au contexte général de la postmodernité qui est définie par la fin des grands récits décrite par François Lyotard et au processus d'au tonomisation régionale, qui a contribué à l'instrumentalisation de l'histoire et au relativisme donc, explique l'apparition du débat. De nombreux intellectuels, historiens, j ournalistes et écrivains soutiennent cette idée. Ainsi en est-il du romancier Juan Marsé qui écrit dans un article en 2006 : «Toda el munda esta empezando a comprender que se hizo una Transici6n muy alicortada que no ha satisfecho a nadie, que quedan pendientes cantidad de casas 19. » Le même Marsé, en 1982 déjà et de façon significative, concluait son roman Un dia volveré, dont le héros est un ancien maquisard, en faisant dire à un personnage : « Hoy [ 1 975] no creemos en nada, nos estan cocinando a todos en la olla podrida del olvido, porque el olvido es una estrategia del vivir - si bien aigu nos, por si acaso, aun mantenemos el dedo en el gatillo de la memoria 20 . »
De son côté, l'historienne valencienne Fernanda Romeu, auteure d'une monographie sur la guérilla dans le Levant en 1 986 et d'un essai d'histoire orale sur le cas des femmes emprisonnées à la prison de Ventas, El silencio roto, écrit : 14 Francisco CAMPUZANO (Éd.), Figures de la mythification dans l 'Espagne du XX" siècle, Montpellier, ETILAL, n' 4, 2007. 15 Santos JULIA, Memoria de la guerra y del franquismo, op. cit. , p. 65-69. 16 Manuel VAzQUEZ MONTALBÂN, 1997, cité par Juan VILA, in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, Le roman espa gnol actuel. Pratique d'écriture (1975-2000), op. cit. , p. 198. 17 Manuel VÀZQUEZ MONTALBÂN, 1991, in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, op. cit. , p. 282. Allons CERVERA reprend à son compte cette critique dans ses interviews et articles et reprend le terme de desmemoria " dans Maquis (p. 156). Voir aussi Andrée BACHOUD et Rose OUROUX dans La guerre d'Espagne en héritage, op. cit.; Secundino SERRANO, Maquis. Historia de la guerrilla antifranquista, 2001, p. 22. 18 Marie-Aline BARRACHINA, Femmes et démocratie: Les Espagnoles dans l 'espace public (1868-1978), Paris, Sectes, 2007. 19 Juan MARSÉ, " La Transiciôn lue alicortada y no ha satisfecho a nadie El norte de Castilla, " Cultura 4/01/2006. 20 Juan MARSÉ, Un dia volveré, Barcelone, Seix Barral, 1982, p. 315. «
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«Parece que una amnesia colectiva defina muchos aspectas sustan ciales de la actual vida espafiola y Hama la atenci6n que todavia hoy la historia del franquismo haya que estudiarla o investigarla con ciertas dificultades para los que queremos reten er viva la memoria hist6rica ZI. " Presque dix ans plus tard, en 2002, dans un deuxième prologue à son essai, Fernanda Romeu persiste dans la même idée, constatant qu'aucun changement n' est inte rve nu : « Desde 1975 vivimos en el Silencio de la Democracia. Silencio hecho de ecos sordos y de confusion. Todo para que nada se diga, para que no se contra diga el "orden verdadero". En un pais de des-memoria, recordar duele. Tejer la Historia de aquellas mujeres presentes a Jo largo del libro, pero silenciadas, por une historia "preflada" de des-memoria, ha sido muy dificiJ 22 . "
De son côté, cherchant à dépasser le constat de ce silence imposé, le j our naliste et écrivain spécialiste de la guérilla lui aussi, José Antonio Vidal Sales, prône l'action, en écrivant en 2002 : «crea que es el momento de que nos decidamos de una vez por todas a abord ar la pagina que la transici6n pretendi6 s upuestamente dar por cerrada23 ». Il nous semble inutile de multiplier ici les opinions favorables à la récupé ration de la mémoire, mais force est de constater qu'elles perdurent jusqu'à auj ourd'hui. Nous conclurons avec celle d'Alfons Cervera qui synthétise les précédentes et laisse voir que la marée mémorielle soulevée depuis quelques années ne semble pas près de cesser : «Se inventa una transici6n modélica, exportable, y aparte la genero sidad que la izquierda demostraba una vez mas quedaba claro que los avances democrâticos seguirian teniendo una mancha : el pasado republicano deberia aguardar un turno para el que no habia fecha de cumplimiento. [ . . . ] Ahora hemos pasado del olvido a una necesidad enfermiza de recordarlo todo 2 4 . » Le phénomène a pris d'ailleurs une orientation nouvelle depuis la promul gation en décembre 2007 de la Loi sur la mémoire historique qui prit effet dès janvier 2008. La loi elle-même a très rapidement été analysée par des j uristes, dont José Antonio Martin Pallfn (né en 1 936) 25 du Tribunal Supremo, qui ont publié en février 2008 l'étude Derecho y memoria hist6rica 26 qui a donné lieu à l'article de Santos Julia, «�Una memoria antifascista ? » paru dans El Pais du 26/4/2008 et à des critiques pour ses insuffisances. 21 Fernanda ROMEU, Prologue, daté de " verano del 93 El silencio roto, 2002, p. 13. 22 Fernanda ROMEU, Prologue " Voces de mujeres daté de septembre 2002, El silencio roto, op. cit., p. 11. 23 José Antonio VIDAL SALES, Maquis. La verdad hist6rica de la" otra guerra (2002), 2006, p. 14. 24 Alfons CERVERA, " Las voces, las suyas, las de antes in Jean ORTIZ (Coord.), op. cit. , p. 35-36. 25 José Antonio MARTIN PALLÎN, " No se puede enterrar el olvido El Pafs, 8/10/2008. 26 José Antonio MARTÏN PALLIN et Rafael ESCUDERO ALDAY, Derecho y memoria hist6rica, Trotta, 2008. "•
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L'actualité montre que la recherche de connaissance historique a débou ché sur des litiges juridiques, comme en 2008, entre historiens et descendants d'acteurs de la Guerre civile ou du Franquisme. Ainsi l'article de José Andrés Roj o, '' La historia oral de la guerra llega a juicio », paru dans El Pars du 2 juin 2008, relate le cas de l'historien galicien Dionisio Pereira Gonzâlez (né en 1953) poursuivi pour son livre A W1 Republica e a Represi6n franquista no Concello de Cerdedo, publié en 2006 par Verbo Xido, et soutenu par une pétition signée en mai 2008 par 349 historiens, dont Paul Preston, demandant la protection juri dique des historiens de la Guerre civile et du Franquisme face aux réclamations des descendants. Le même Preston expliquait en 2008 comment s'était faite la recherche des fosses républicaines, regrettant le non-engagement de l'État : '' Ha sido un ejército de historiadores aficionados el que se ha dedi cado a elaborar esos censos, Jo cual es maravi lloso por una parte y vergonzante por otra. Ya es hora de que el estado asuma ese trabajo 27 . ,
Nous citerons un second litige, très symbolique, celui de la demande faite depuis des années par Nieves Galindo, petite-fille d'un instituteur républicain de la province de Grenade, Diôscoro Galindo, fusillé le 18 août 1 936 et enseveli dans la même fosse que Federico Garda Lorca. La famille du poète s'opposait à l'ouverture de la fosse mais l'affaire est passée entre les mains du juge de l'Audience nationale, Baltasar Garzôn, pour s 'ajouter à la demande de recherche concernant plus de 1 200 républicains disparus pendant la Seconde République et le Franquisme (El Pars 29/8/2008) . L'ouverture d'une instruction sur les disparus en octobre 2008 par le juge a soulevé dès lors quantité de réac tions (lire El Pars, El munda, Le Monde du 2/9/2008) . Elle a abouti à la rédaction d'un H auto » de 68 pages 28 et à l'accusation des 34 personnes qui constituaient la Junta de Defensa Nacional de 1 936 mais le juge s'est dessaisi de l'enquête en décembre 2008 pour passer le relais aux tribunaux locaux. En 2009, il était accusé de prévarication (son instruction serait illégale) par ses ennemis et en 2010, suspendu de ses fonctions. Or, le roman mémoriel de ces vingt dernières années reflète les critiques faites à la Transition. Ainsi, dans Maquis de Cervera, l'auteur met en bouche du narra teur Angel Fombuena le reproche fait à la Transition, à savoir que les vainqueurs de la Guerre civile sont toujours puissants dans la nouvelle société démocratique : " Quienes andan [en 1 982 ] a sus anchas por el pueblo, son el alcalde de entonces y los falangistas de siempre, ya guifiapos viejos, reconvertidos a la moral nueva de los herederos del yugo y de las flechas. Escondieron a la luz sus viejas consignas y Mariano del Toro fue el primer alcalde de la democracia en Los Yesares con el retrato de Adolfo Suarez en la cabecera de su cama. Delmiro Perales, el jefe de Falange, que durante muchos afios ocup6 un alto cargo en
27 Paul PRESTON in Luis GôMEZ et Natalia JUNQUERA, " Juicio a la barbarie "· El Pars, 14/9/2008. 28 Voir : http:/jestaticos.elmundo.esjdocumentos/2008/10/16/auto_memoria_historica. pd!.
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REFLEXION SUR LE FAIT H!STOR!CO-L!TTÉRA!RE
Valencia, se muri6 hace poco y hubo misa cantada en un funeral rodeado de humillaci6n y dicen que la iglesia olfa a bolas de alcanfor por entre los vestidos grises y las camisas blancas recién planchadas de la concurrencia 29 . » 11 en est de même dans Soldados de Salamina (200 1 ) de Javier Cercas où un
républicai n vaincu, Mateu Recasens, écrit en 1 999 au héros, journaliste :
,, [la historia de Espafia] Termina bien para los que ganaron la guerra [ . . . ] jY una gran mierda para la Transici6n 30 . ,
À cette première cause, sorte de limitation mémorielle imposée par la Transition, s'ajoute le débat sur l'historiographie et sur l'enseignement de l'his toire, notamment l'instrumentalisation faite par les communautés autonomes , créées entre 1 978 et 1 983. En 2000, un débat a agité l'Espagne sur l'enseigne ment de l'histoire dans le secondaire, autour du décret '' Aguirre 11 , du nom de la Ministre de l'Éducation d'alors 31. Dans Maquis, le phénomène était déjà dénoncé à travers l'instituteur don Abelardo qui n'enseignait que le Franquisme à ses élèves : " El maestro que no les cuenta a los crios mas que la historia de Franco sus generales y las victorias sangrientas de los moros, aunque él les quite los y colores de la sangre y les afiada, s6lo, el brillo metalico de las medallas que lucen en sus retratos los bustos de los generales. » (p. 1 30).
On signalera les relectures franquistes de la Guerre civile faites ces der nières années par le prolifique journaliste et '' historietôgrafo », comme l'a iro niquement baptisé Alberto Reig Tapia qui voit en lui Je continuateur du propa gandiste franquiste, Ricardo de la Cierva, Pio Moa dont le livre Los mitas de la Guerra civil a été un best-seller en 2003. Ce révisionnisme32, né en réaction aux revendications mémorielles, Almudena Grandes l'explique ainsi : " Si los herederos del espiritu del 31 no se hubieran empefiado en devolverle la memoria a este pais, el feroz revisionismo neoconservador que padecemos de un tiempo a esta parte, quiza no habria llegado a florecer. [ . . . ] Julian Casanova alert6 desde estas mismas paginas contra los efectos del des precio con el que la Historia académica paga los exabruptos de estos nuevos agitadores. Tenia toda la raz6n. Tenia tanta raz6n, que corremos el riesgo de que los p6stumos publicistas del franquismo, sin lograr su objetivo principal - atri-
29 Alfons CERVERA, Maquis, Montesinos, 1997, p. 1 7 1-172. 30 Javier CERCAS, Soldados de Salamina, Tusquets, 200 1 , p. 27. 31 Juan V!U\., i n Annie BUSSIÈRE-PERRIN, 2001, op. cit. , p. 1 97. Joan Ramon RESINA, op. cit. , p. 113, 120 et 122. 32 Alberto REIG TAPlA, " El debate sobre el pasado y su importancia para el presente i n Walther BERNECKER, Günther MAIHOLD, Espafla: del consenso a la po/arizaci6n. Cambios en la democracta espaflola, Vervuert, 2007, p. 167-202. Voir aussi François GOD!CHEAU, in Danielle CORRADO, op. cil. , p. 69. "•
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buir al régimen republicano la responsabilidad de la Guerra Civil -, se alcen con un intolerable premio de consolacion. Contra la amenaza del radicalismo, parece pensarse, la vacuna de la moderacion. Y en nombre de conceptos tan elevados como la generosidad, la convivencia, o la objetividad, se va configurando una corriente de opinion que intenta imponer la ley del cincuenta por ciento - todos tenian sus razones, luego ninguno tenia la razon - como norma suprema 33 . ,
REFLEXION SUR LE FAIT HISTORICO-LITTÉRAIRE
cuando se acabo la guerra, cuando se acabaron las dos guerras, primero la de todos contra todos y luego la que hicierion unos pocos en el monte contra casi todos. Hoy ha crecido su memoria y Jo que hubo de leyenda en su trasiego por la guerra sigue alimentando el imaginario inocente de los mas jovenes. Pero las leyendas se acaban donde empieza la historia y donde las palabras han ocupado definitivamente los laberintos obscenos del silencio 36 . ,
Mais pour pallier l'impossible histoire, Mufloz Molina justifie la fiction :
Un oubli volonta ire ?
Depuis 1 975, la mémoire plurielle de la Guerre civile et du Franquisme - spé cifiquement celle des vaincus/victimes , faite des mémoires individuelle et col lective - est en cours d'élaboration. Si le Franquisme puis la Transition, pour des raisons différentes, ont escamoté des pans de l'histoire, parfois les acteurs des faits, eux-mêmes, ont souhaité cet oubli, comme l'explique dans ce passage de Soldados de Salamina de Javier Cercas, le vieux républicain Mir alles à Javier : " Créame : esas historias ya no le interesan a nadie, ni siquiera a los que las vivimos ; hubo un tiempo en que si, pero ya no. Alguien decidio que habla que olvidarlas y, lsabe Jo que le digo ?, Jo mas probable es que tuviera razon ; ademas, la mitad son mentiras involuntarias y la otra mitad mentiras voluntarias 34 . ,
Antonio Mufloz Molina confirme le désintérêt de sa propre génération, dans son prologue au roman de Angeles Lapez, Martina, la rosa numero trece, publié en 2006 : " Cuando al fin se pudo hablar, muchos testigos habian desaparecido. Pero ademas ocurrio algo todavia mas doloroso : se po dia hablar, ya no habla cen sura, pero justo entonces parecio que desapareciera el interés por saber Jo que habla sucedido. Me acuerdo muy bien de los anos de amnesia distraida y volunta ria, los ochenta. El exilio, los testimonios de las carceles franquistas, las historias de la guerra, de pronto dejaron de tener interés . No por nada, sino porque queria mos ser modernos, a toda costa y aquellas historias, aquella gente, se habian quedado antiguas. [ ] En 1 995, siendo todavia presidente del Gobierno Felipe Gonzalez - porque la desmemoria no ha sido solo patrimonio de la derecha 35 . ,, . . .
Les écrivains revendiquent la récupération et la transmission de toutes les mémoires, comme dans Maquis : " Hay otra memoria que es la memoria maltrecha de los vencidos, la que ha ido creciendo frente a los paredones inmensos del silencio levantados
33 Almudena GRANDES, El Pafs, 25/3/2006. 34 Javier CERCAS, op. cit. , p. 177. 35 Antonio MUNOZ MOLINA, " En el pais del pasado » , Prologue in Angeles L6PEZ, Martina, la rosa mimera trece, Barcelone, Seix Barral, 2006, p. 8-9.
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" Se llega entonces a la necesidad de la ficcion, para intuir Jo que nunca sabremos, para fingir que ocupamos los espacios en blanco que dejo la memoria perdida. [ . . . ] Nos queda Jo mas valioso que puede darnos la literatura : la palpita don del tiempo, la melancolia de Jo que pudo ser y no fue, la sensacion de haber viajado mientras leiamos al pais lejano del pasado 37 . ,
Peut-on déterminer la chronologie de ce mouvement mémoriel et en particu lier dater son début ? Quelques opinions d'écrivains et d'historiens, dont celle de Mercedes Yusta, nous y aideront : " Le coup d'envoi va partir des partis politiques et concrètement du PSOE, qui en 1 995, alors qu'il était encore au pouvoir, décida d'accorder la natio nalité espagnole aux survivants des Brigades Internationales qui avaient lutté en Espagne 38. ,
Pour Maryse Bertrand-Mufloz, le phénomène aurait commencé en 1 996 : " Depuis que José Maria Aznar est arrivé au pouvoir en 1996, la ten dance est à remémorer de plus en plus la tragédie de 1 936, à essayer de la connaître à fond pour que d'une part [ . ] elle ne se répète jamais, et d'autre part pour que les Espagnols trouvent une fois pour toutes leurs racines 39 . , .
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Pour Almudena Grandes, le déroulement est plus complexe et foisonnant mais surtout plus ancien : " Esta progresiva toma de conciencia, que fue sumando reconocimien tos individuales antes de articularse en un movimiento social que se ha antici pado a partidos e instituciones, provoco una reaccion tan fulminante que puede crear el espejismo de un proceso inverso 40 . ,
36 Alfons CERVERA, Maquis, op. cit. , p. 1 70-171. 37 Antonio MUNOZ MOLINA, op. cit. , p. 10-11. 38 Mercedes YUSTA, Témoins, historiens et mouvement pour la "recuperaci6n de la memoria hist6rica" "· ln Danielle COHHAD op. cit. , p. 60-6 1 . 39 Maryse BEI{'I'l�ANI)-MUN Z in Danielle CORRADO, op. cit. , p . 38. 40 Almudena GRANDE.�, J::/ Par�. 2S mars 2006. "
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OUBLI ET MÉMOIRE
L'écrivaine voit dans la polarisation politique des années 2004-2006, une rai son à la revendication mémorielle : « La cotidianidad politica nos enfrenta cada dia con una realidad que nuestros antepasados ya conocian : a la derecha no le interesa hacer politica. Es un fen6meno antiguo y siniestro, que habla permanecido semienterrado en los ultimos tiempos por la novedad de los mecanismos democrâticos, primera, y por los resultados electorales mâs tarde. Ahora, en una situaci6n adversa, algunas declaraciones recuerdan demasiado a otras muy aptas para estimular la memo ria. No se trata de responder a la crispaci6n con mâs crispaci6n, sino de com prender mejor la realidad en la que estamos inmersos 4 1 . ,
Pour nous, Je phénomène de remise en question du processus de la Transition prend son origine très vite après le début de la Transition avec des écrivains comme Manuel Vazquez Montalban, Francisco Umbral ou Juan Marsé qui ont nuancé la réussite de la Transition tant dans leurs prises de position qu'à tra vers leurs romans. Des ouvrages scientifiques l'ont fait aussi, comme ceux du professeur de sciences politiques Juan Antonio Gonzalez Casanova, El cambio inacabable (1975-1985) de 1 986, de Gregorio Moran, El precio de la Transici6n (199 1), de Eduardo Subirats, Después de la lluvia (1 993), puis Jntransiciones. Crîtica de la cuttura espafwla (2002) ou de José Vidal Beneyto, Diario de una oca si6n perdida (1981), entre autres . Signalons une publication récente (2007) qui condense et tente de dépasser la version du processus basé sur le consensus et sur le développement économique en donnant un nouveau rôle à la société civile : le livre Tiempo de Transici6n (1975-1982) - faut-il voir dans le titre un écho du roman de Martin Santos, Tiempo de silencio ? -, édité par la Fundaci6n Pablo 1glesias. Il s'agit en fait du catalogue de l'exposition Tiempo de Transici6n (19 75-1982), créée par Alfonso Guerra et Salvador Clotas, et organisée en 2007 pour le trentième anniversaire des premières élections démocratiques après la dictature. On y trouve les signatures de Santos Julia, Paloma Aguilar Fernandez ou Roman Gubern et une ample documentation. De fait on a pu observer qu'une quantité d'articles et d'essais sont publiés sur la question depuis dix ans, flot qui ne semble pas vouloir se tarir 42. La bibliographie actuelle montre que le débat n'est pas clos et que le moment du bilan de la cc réussite '' de la Transition est venu, comme le font par exemple les ouvrages de José Vidal-Beneyto, Memoria democrdtica (Éd. Foca, Madrid, 2007) ou de Carme Molinero, La Transici6n, treinta anos después. De la dictadura a la instauraci6n y consolidaci6n de la democracia (Éd. Peninsula, Barcelona, 2006, avec un chapitre de Santos Julia). Fallait-il ouvrir la boîte de Pandore de la récupération de la mémoire his torique ? Quand prendra fin le phénomène ? L'avenir seul le dira, mais espé-
rons omme Almudena G Tandes dans son article cc Razon s para un aniversa rio ,, (El Pafs, 2006) qui commémore la conde République que c tte rn ' moir retrouv ' perm ttra d'aller de l'avant_ Le roman mémoriel contemporain s est e m pa ré du thème et pose la question de savoir si l'éclttur fi tionnel le hist ri sante p eut dire la mémoire.
H ISTO I RE ET REPRÉSENTATIO N OU É CRITU RE DE L' H ISTOI RE Nous commencerons par une réflexion épistémologique sur les notions
d ' Histoire, de mémoire et de récit comme préalables indispensables à l'étude de notre corpus littéraire. Polysémique, le mot cc histoire " • en français, désigne à la fois la succession des événements (donc la réalité passée) et aussi la science et J'éc riture de ces événements. Cette bisémie n'est pas sans poser problème, comme Je note Jean Ludec : cc Ces deux "histoires" sont, au sens propre, "anachroniques" puisque le discours sur le passé est construit dans le présent de l'historien. C'est dans ce décalage temporel entre l'objet (Je passé) et le sujet (l'historien) que réside, pour l'essentiel, le problème de la vérité 43 . "
Le lien entre cette écriture historiographique et Je récit en général puis avec J'écriture littéraire fictionnelle est problématique de même que le lien entre histoire et mémoire. Toutes ces notions ont à voir avec le temps, la temporalité, Je passé, la mémoire et la mise en récit. Depuis les écrits de Paul Veyne jusqu'à ceux du philosophe Paul Ricoeur, en particulier sa trilogie Temps et récit, il est devenu incontestable que l'écriture de l'histoire est un récit. On commencera par présenter succinctement la méthode historique puis son rapport à la création littéraire. L'historien, au-delà de la construction d'un savoir sur des faits du passé qui l'engage dans une démarche scientifique qui réclame recherche et analyse des sources, définition d'une problématique, etc. , doit énoncer le résultat dans u n récit qui suit des règles méthodologiques, gages de l'obj ectivité : absence du cc je ''• intégration de citations, indication des sources, mise à distance des faits évoqués, par J'emploi du passé simple par exemple, et rejet de l'émotionnel. Mais le récit doit aussi se plier aux règles litté raires et le récit historique obéit alors aux mêmes règles de construction que le récit de fiction (contexte, personnages, événement déclencheur . . . ). L'historien comme le romancier met en intrigue mais quand l'historien recherche le vrai, le romancier s'appuie sur le vraisemblable. On se rappelle la définition des frères Goncourt, dans leur Journal (1851-1896), sur les liens entre roman et Histoire : " L'Histoire est un roman qui a été, le roman est de l'Histoire qui aurait pu être. ,, Ce rapprochement est aussi fait par l'historien Paul Veyne :
41 Ibid. 42 Voir les nombreux travaux de Santos JULIA (2002, 2003, 2005, 2006 (2)) ; Vicenç NAYARRO (2003), Julio AR6STEGUl, J?vier TUSELL (2002) ou Eduardo SUBIRATS (Coord.), Intransiciones. Crftica de la cu/tura espaiiola, Ed. Biblioteca Nueva, Madrid, 2002 ; etc.
43 Jean LUDEC, Histoire et vérité janvier 2008, conférence publiée en ligne sur : www.ihtp.cnrs. fr/historiographie/IMG/pdf/Histoire_et_verite. pd!
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" L'histoire est anecdotique. Elle intéresse en racontant, comme Je roman. Seulement, elle se distingue du roman sur un point essentiel. Supposons qu'on me raconte une émeute et que je sache qu'on entend par-là me raconter de l'histoire et que cette émeute est vraiment arrivée ; je la viserai comme étant arrivée à un moment déterminé, chez un certain peuple ; je prendrai pour héroïne cette antique nation qui m'était inconnue une minute plus tôt et elle deviendra pour moi le centre du récit ou plutôt son support indispensable. Ainsi fait aussi tout lecteur de roman. Seulement, ici le roman est vrai, ce qui le dispense d'être captivant : l'histoire de l'émeute peut se permettre d'être ennuyeuse sans en être dévalorisée . . . L'histoire est un récit d'événements vrais 44 . ,.
Ainsi pour Paul Ricoeur, il n'y a pas de différence entre récit de fiction et récit historique, d'un point de vue structural et de recherche de la vérité, car ils révèlent le rapport au temps de la condition humaine : « Qu'il s'agisse d'affirmer l'identité structurale entre J'historiographie et le récit de fiction [ . . . ]. ou qu'il s'agisse d'affirmer la parenté profonde entre l'exigence de vérité de l'un et J'autre modes narratifs [ . . . ] . une présupposition domine toutes les autres, à savoir que l'enjeu ultime aussi bien de J'identité struc turale de la fonction narrative que de l'exigence de vérité de toute œuvre narra tive, c'est le caractère temporel de J'expérience humaine 45 . ,.
Encore, dans son essai Soi-même comme un autre, Ricoeur insiste sur la proximité récit-histoire : « Récits littéraires et histoires de vie, loin de s'exclure, se complètent, en dépit ou à la faveur de leur contraste. Cette dialectique nous rappelle que Je récit fait partie de la vie avant de s'exiler de la vie dans l'écriture 46 . ,.
Cependant, si l'écriture narrative du discours historique est manifeste, on ne peut dire que l'histoire soit un genre littéraire. Historiens et littéraires sem blent d'accord sur ce point. Depuis la fin du XlXe siècle, les historiens univer sitaires ont mis en garde contre ce que Langlois et Seignobos appelaient des <� ornements littéraires » et la << préoccupation de l 'effet », dans leur Introduction aux études historiques (1 898), car pour eux, <� le but de l'histoire est non de plaire ni de donner des recettes pratiques pour se conduire, ni d'émouvoir, mais de savoir 47 ». L'écriture historique universitaire qui se veut sobre, simple, directe, non métaphorique, relève du discours assertif de sorte que les littéraires refusent de reconnaître à la production historique actuelle tout caractère de " littéra rité » et excluent généralement les textes des historiens professionnels dans 44 Paul VEYNE, Comment on écrit l 'histoire, Paris, Éditions du Seuil,
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1 9 7 1 , p. 22. Paul RICOEUR, Temps et récit, l, Paris, Éditions du Seuil, p. 1 7. Paul RICOEUR, Soi-même comme un autre, Paris, Éditions du Seuil, 1990, p. 193. Jean LUDEC, op. cit.
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REFLEXION SUR LE FAIT HISTORICO-LITTÉRAIRE
le ur en seignement et dans leurs recherches. Dans le sillage des travaux de
pa u l Ri coeur (Temps et ré it, 1 983) et de Gérard Genette (Fiction et diction 1 99 1 ) q u i étu dient depuis un vingtaine d'années les aspe ts li ttéraires de la p r duc tia n his toriographique, on signal ra l'ouvrag n vat ur d Philipp Carrard, s péc ialiste de thé rie littéraire et non his orien, Poétique de la Nouvelle his discours historique français de Braudel à Chartier, paru en anglais ·hez ra ire. Le en 1 92 et traduit en français en 1998. Phi li ppe Carrard appliqu ins J. Hopk e litt ·raire aux écrits des historiens d la Nouvelle histoire, issus de s l 'a n aly Annal s. Rappelons-le, ce courant historiographique, fondé par d s e )'Écol Febvre 1 956) t Mar Bio h 4s (1 886-1 944) en 1 929 t qui s'appuya 878-1 Luci en revue du meme nom, s'éloigne de l'histoire p litl ue, de l'hist ir véne su r la mentielle pour promouvoir une histoire sociale et culturelle, une histoire des mentalités, dans une vision plus globale, une histoire <� totale n faisant appel à J'ensemble des sciences sociales, sociologie, démographie, géographie, anthro pologie. Elle a suscité l'éclosion de plusieurs générations d'historiens dont Fernand Braudel, Georges Duby ou encore Jacques Le Goff. En 1 948, Febvre et Braudel créent la VIe section de I'EPHE, qui deviendra en 1975, lors de son auto nomisation, I'EHESS. Le nom même de l'école Nouvelle histoire vient du titre de l 'ouvrage collectif dirigé par Le Goff, Chartier et Revel ( 1 978) (traduit en espa gnol dès 1 988), héritiers de l'école des Annales. Carrard affirme le caractère cognitif et la scientificité de l'Histoire et il étudie la mise en texte, les marques du locuteur dans l'énoncé, montre le retrait et la dissimulation du narrateur et la rhétorique utilisée. II suit ainsi Ricoeur, c'est une production textuelle à valeur cognitive qui a une « ambition de vérité ». Depuis les années 1 970, à l'inverse, apparaît un point de vue totalement dif férent, dû aux tenants américains du tournant linguistique (<� Linguistic turn n) , qu'on appelle aussi les cc Narrativistes n, dont le chef de file est l'historien et professeur de littérature comparée, Hayden White (1 928). Ce dernier, qui est l'auteur d'essais aux titres significatifs comme Metahistory. The historical imagi nation in the nineteenth-century Europe (1973) , « The fictions of factual represen tation >> paru dans The literature of fact (Ed. Angus Fletcher, 1 976) et The content of the form : narrative discourse and historical representation (1 987), traduit en espagnol en 1 992 sous le titre de El contenido de la forma, considère que l'his toire est un genre narratif comme un autre. Selon les « narrativistes », l'histoire n'a ni plus ni moins de rapport avec la réalité que le roman et relève donc du même type d'analyse que lui. Paul Veyne, comme on l'a vu dans Comment on écrit l 'histoire (1971) - <� L'Histoire est un roman vrai » -, se fait parfois l 'écho de ces thèses.
48 Outre l'ouvrage de Marc BLOCH, Apologie pour l 'histoire ou métier d'historien, 1949, sur la question de l'écriture historique, nous renvoyons aux ouvrages de Paul VEYNE, Comment on écrit l 'histoire 1? série Faire de l'histoire (1974) dirigée par LE GOFF et NORA, Histoire et mémoire de LE GOFF et 1 ouvrage d'Antoine PROST, Douze leçons sur l 'histoire (1996). Pour connaître les écoles histo riques, nous renvoyons au livre Les écoles historiques (Éditions du Seuil, 1983) de Guy BOURDÉ et al. et à Petite histoire des historiens de Philippe TÉTART (Armand Colin, 1998).
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Face à ces positions et dans un contexte marqué par les thèses « révision nistes >> et « négationnistes >> concernant la Shoah, des opinions moyennes se sont exprimées, entre autres, celles de Michel de Certeau dans L'écriture de l'histoire (1 975), de Paul Ricoeur dans Temps et récit (1 983-1 985) , de Krzysztof Pomian (« Histoire et fiction », Le Débat, 1 989) et Roger Chartier (Au bord de la falaise. L'histoire entre certitudes et inquiétude, 1 998). Pour ces auteurs, l'histoire est à la fois discours rigoureux sur la réalité passée et narration qui utilise les res sorts de la fiction : elle met le passé « en intrigue », selon les termes de Ricoeur, crée du continu entre les traces discontinues de ce passé, met parfois en scène des acteurs fictifs (peuple, classe, nation), utilise la métaphore, joue sur les temps de la conjugaison. De son côté, le roman, pour toucher son public, se doit d'être vraisemblable, d'être '' comme si passé >> (Ricoeur) et de chercher à créer un « effet de réel >> (R. Barthes, 1 968). Le théoricien de la littérature, Gérard Genette, dans le chapitre « Récit fictionnel, récit factuel >> de Fiction et Diction, où il applique les outils narratologiques aux textes factuels, résume bien cette idée : " On doit admettre qu'il n'existe ni fiction pure, ni Histoire si rigoureuse qu'elle s'abstienne de toute "mise en intrigue" et de tout procédé romanesque ; que les deux régimes ne sont donc pas aussi éloignés l'un de l'autre, ni, chacun de son côté, aussi homogène qu'on peut le supposer à distance 49 . "
Partant du fait que le lecteur « croit >> que les événements rapportés par la voix narrative appartiennent au passé de cette voix, Paul Ricoeur montre que la fiction est « quasi historique >> et l'histoire est « quasi fictive >> : " L'histoire est quasi fictive dès lors que la quasi-présence des évé nements placés "sous les yeux" du lecteur par un récit animé supplée, par son intuitivité, sa vivacité, au caractère élusif de la passéité du passé. [ . . . ] Le récit de fiction est quasi historique dans la mesure où les événements irréels qu'il rap porte sont des faits passés pour la voix narrative qui s'adresse au lecteur : c'est ainsi qu'ils ressemblent à des événements passés et que la fiction ressemble à l' histoire 50 . "
Krzysztof Pomian dit lui aussi que le récit historique ne peut échapper à une part de fiction : " Intériorisées par les historiens, les exigences que leur public leur présente les conduisent à introduire dans leurs travaux des objets fictifs et à en parler comme s'ils étaient réels. À cela s'aj outent certains effets de la narration elle-même. Tout ouvrage historique confère à son sujet une certaine individua lité : il lui assigne un début et une fin, il trace autour de lui une frontière, il élimine
49 Gérard GENETTE, Fiction et diction, 199 1 , p. 92. Lire le chapitre " Récit fictionnel, récit factuel ''· 50 Paul RICOEUR, Temps et récit, 3, op. cit. , p. 345.
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tout ce qui ne s'y rapporte pas. Entre le début et la fin, il ménage des transitions et crée donc un semblant de continuité dans une matière qui est toujours irré médiablement lacunaire. À partir du moment où l'on fait plus que décrire les sources elles-mêmes, les procédés de reconstruction mis en œuvre et les réfé rents intentionnels et implicites, où, autrement dit, on ne se contente pas de la prose ascétique des catalogues, inventaires, annales, dictionnaires, chronolo gies, ou rapports de fouilles, on introduit certains éléments fictifs, simplement parce qu'on respecte l'autonomie de la narration 5 1 . >>
Dans un article de la revue Poétique, Lorenzo Bonoli comparant le texte lit téraire réaliste et le texte scientifique factuel précise, à propos de ce dernier : " Il n'est plus possible de penser le texte comme un miroir de la réalité. Une référence purement reproductive se heurte, d'une part à la nature arbitraire du signe et, de l'autre, au travail de sélection et d'organisation que le chercheur accomplit sur le matériau de ses observations pour aboutir à la rédaction du texte. Plus qu'une copie de la réalité, le texte apparaît comme un lieu d'articula tion entre une réalité externe observée et des contraintes linguistiques, concep tuelles et méthodologiques propres aux différentes disciplines 52. >>
S'il nous apparaît légitime de mettre en parallèle l'histoire et le récit narratif à cause des moyens discursifs et de la construction, nous pensons, comme le dit Gérard Genette, que les deux écritures ont des objectifs différents, le pacte de lecture qui les gouverne est différent. Si le récit littéraire suspend l'incrédulité du lecteur, le récit historique ne vise pas à obtenir cette attitude. De fait, l'historien se veut l'auteur et l'énonciateur de son texte, qu'il prétend véridique, tandis que le récit littéraire distingue l'auteur du narrateur, ouvrant ainsi la porte à l'imaginaire 53. Si le rapport entre récit historique (ou factuel ou non fictionnel) et récit fictionnel est complexe, Paul Ricoeur a ajouté un facteur supplémentaire à l'équation : la mémoire. Ainsi dans son étude sur les liens entre histoire, mémoire et récit, Temps et récit. 3, Le temps raconté, il écrivait : « Il y a des crimes qu'on ne doit pas oublier, des victimes dont la souffrance réclame non la vengeance mais un récit (p. 342). >> Le récit devenant ainsi un élément du devoir de mémoire. En effet, pour conserver certains souvenirs, un travail de mémoire de l'individu comme de la société est essentiel. Il devient parfois devoir de mémoire, phénomène que Ricoeur définit ainsi : " Le devoir de mémoire est le devoir de rendre justice par le souvenir à un autre que soi 54. >> Mais on observe depuis une vingtaine d'années que cette attitude a parfois abouti à un trop plein comme l'ont montré le travail de Tzvetan Todorov, Les abus de la mémoire (1 995), ou l'ouvrage de Régine Robin au titre tout aussi signi ficatif : La mémoire saturée (2003). Pour d'aucuns, le conflit entre mémoire et 51 52 53 54
"•
Krzysztof POMIAN, " Histoire et fiction Le Débat, 1989, p. 54. Lorenzo BONOLI, " Écritures de la réalité Poétique, no 1 37, 2004. Gérard GENETTE, Fiction et diction, op. cit. , p. 80. Paul RICOEUR, La mémoire, l 'histoire, l 'oubli, Éditions du Seuil, 2000, p. 108. "•
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histoire renferme un danger : " ce courant, de plus en plus en vogue aujourd'hui, qui considère que la mémoire divise et que l'histoire réconcilie 55 >>. De son c�t � , Paul Ricoeur, observant que la mémoire des faits menace de supplanter le recit historique, prône une voie moyenne : " Je reste troublé par l'inquiétant spectacle que donnent le trop de mémoire ici, Je trop d'oubli ailleurs, pour ne rien dire de l'influence des commé morations et des abus de mémoire - et d'oubli. L'idée d'une politique de la juste . . - 56 . » mémoire est à cet égard un d e mes t h'ernes CIVIques avoues
Or la mémoire est indissociable de l'histoire. On rappellera ici l'origine mythologique de l'Histoire : la déesse de la Mémoire, Mnémosyne, aurait eu neuf filles avec Zeus : les Muses de l'Hélicon, parmi lesquelles Clio, la muse de l'Histoire. L'Histoire serait donc née de la mémoire, comme les autres muses, Calliope, Erato, Melpomène, Thalie, muses de la Tragédie, de l'éloquence, de la Poésie et de la Comédie, et Euterpe, Polymnie, Terpsichore, Uranie, muses des arts et des sciences, eux aussi issus de la Mémoire. Mircea Eliade, dans Aspects du mythe écrit : " La déesse Mnémosyne, personnification de la "mémoire", sœur de Kronos et d'Okéanos, est la mère des Muses. Elle est omnisciente : selon Hésiode [ . . . ] , elle sait "tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera". Lorsque le poète est possédé des Muses , il s'abreuve directement à la science de Mnémosyne, c'est-à-dire surtout à la connaissance des "origines" 57. •• Depuis longtemps, les historiens ont bien sûr insisté sur l'importance de la mémoire comme fondement de l'histoire. Pour Jacques Le Goff : " La mémoire est la matière première de l'histoire. Mentale, orale ou écrite, elle est le vivier où puisent les historiens. [ . . . ] L'historien doit être là pour rendre compte de ses souvenirs, de ses oublis, pour les transformer en une matière pensable, pour en faire un objet du savoir 58 . ••
Le même constat est fait par le philosophe Ricoeur dans son ouvrage La mémoire, l 'histoire, l 'oubli qu'il définit comme << un plaidoyer pour la mémoire comme matrice d'histoire 59 » : « nous n'avons pas d'autre ressource, concer nant la référence au passé que la mémoire elle-même 6 0 » . Effectivement, les recherches historiques se basent sur le récit, qui permet la transmission d'un fait par le biais de la narration écrite ou orale, faisant obli gatoirement appel à la mémoire.
55 56 57 58 59 60
Andrée BACHOUD, in Danielle CORRADO, op. cit. , p. 1 09. Paul RICOEUR, 2000, op. cit. , p. 1. Mircea ELIAD E, Aspects du mythe, Gallimard, 1988, p. 1 5 1-1 52. Jacques LE GOFF, Histoire et mémoire, Gallimard, 1977, p . 10. Paul RICOEUR, 2000, op. cit. , p . 106 . Paul RICOEUR, ibid. , p. 2 6 . 28
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REFLEXION SUR LE FAIT HISTORICO-LITTÉRAIRE
D é fin itions. De la mémoire, des mémoires ?
Le terme de mémoire est polysémique et englobe une expression et une D'abord, la mémoire biore- alité plurielles qui renvoient à des domaines variés. - amsme . . o qu'étudient les neu ciences, est un mec mi s en œu:re pa� 1 e � � l ogi que, . . c erveau humain pour acquenr, conserver et restituer une mformatwn ; d un oint de vue psychologique, elle permet l'adaptation des comportements en ncti on de l'expérience et sa déficience, l'amnésie par exemple, met en dif fi ulté la vie ; d'un point de vue historique, elle est rendue par les notions de rnérnoire individuelle et collective, avec le devoir de mémoire (les commémora tions, les lieux de mémoire . . . ). Même en informatique, on parle d'une mémoire (« vive ,, et mémoire « morte ») qui se subst tue à la mémoire hum ain� . . . , . La mémoire sera ici entendue comme l aptitude a_ se souvemr, c est-a-dire cette fonction qui consiste à rendre présent le passé dans notre présent, sui vant ainsi la formule de Saint Augustin pour qui la mémoire est « le présent du passé » , dans Les confessions (Livre Xl, << La création et le temps », chapitre XX). JI s'agit donc de la mémoire personnelle et donc subjective des individus comme l'exprime si bien la formule de Ricoeur : « mes souvenirs ne sont pas les vôtres 61 » . Le caractère profondément individuel de la mémoire est souli gné par la forme réflexive du verbe même se rapportant à la mémoire : « se souvenir », action qui consiste à configurer présentement un événement passé dans le cadre d'une stratégie pour le futur, selon Ricoeur. Pour Antonio Mufloz Molina, c'est un processus vital :
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" La memoria actua sobre nosotros y dentro de nosotros de un modo tan incesante como late el coraz6n o se nos ensanchan los pulmones 62 . »
Elle définit l'identité personnelle : u Sabemos quiénes somas porque lo recor damos [ . . . ] la desmemoria es un estado semej ante a la inexistencia 63. •• D'un point de vue littéraire, l'expression de la mémoire individuelle, de l'intimité, se fait par l'emploi de la première personne du singulier, c'est ainsi que mémoires, autobiographies et témoignages doivent employer la personne intime par excellence pour donner crédibilité et véracité à leurs récits. Dans cette volonté de transmettre par le biais du récit oral ou écrit, la dimension collective est aussi manifeste. Tout récit fonctionne sur la coexistence d'un émetteur et d'un destinataire, comme l'a montré le linguiste Roman Jakobson dans ses Essais de linguistique générale ( 1 963) , eux-mêmes inclus dans une com munauté sociale qui influe sur les êtres, comme le dit le sociologue Maurice Halbwachs (1877-1945) : u Nos souvenirs demeurent collectifs et ils nous sont rap pelés par les autres 64. ••
6 1 Paul RICOEUR, ibid. , p. 1 1 5 . 62 Antonio MUNOZ MOLINA, Pura alegrfa, Madrid, Alfaguara, 1 998, p. 1 76. 63 Antonio MUNOZ MOLINA, " Memoria y ficci6n in José Maria RUIZ-VARGAS, Claves de la memoria, Valladolid, Trotta, 1997, p. 58. 64 Maurice HALBWACHS, La mémoire collective, Paris, PUF, 195 0, p. 2. "•
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Ou encore :
REFLEXION SUR LE FAIT HISTOR!CO-LITTÉRAIRE
1 990, un renouveau de l ' h i s l o i re orale, basée sur la collecte et l'analyse an n ées . . ignag s . 1 · m terv1 ws l:i7 . ém de s t O La m émoire est aussi i nd iss ciabl de la littérature. Rappelons que dans la th i q ue grecque l e s arts sont filles de Mnémosyne et que la Rhétorique Je n s · e my l ' incluait parm i les cinq catégories configurant le discours : « inventio, u l as s lq o, elocutio, memoria, actio 68 ». Mémoire et littérature ont une même lti s d i s po fi n alité , un même désir, la transmission. Toutes deux sont une forme de recon q u ête du passé, la littérature étant l'expression de la mémoire au sein de la s ociété. L'écriture joue un rôle essentiel dans la transmission d'une mémoire c ollective qui bien souvent n'a pas sa place dans les récits historiques officiels c omme le dit Halbwachs : .
" Si nous examinions de quelle façon nous nous souvenons, nous recon naîtrions que le plus grand nombre de nos souvenirs nous reviennent lorsque nos parents, amis, ou d'autres hommes nous les rappellent 65 . »
Mémoire individuelle et mémoire collective sont indissociables et tra vaillent mutuellement l'une sur l'autre. Pour Halbwachs, le créateur du concept de " mémoire collective ll, il n'existe pas '' d'homme nu >> car aucun individu ne porte le poids de sa propre mémoire sans qu'elle ne soit mêlée à celle de la société à laquelle il appartient. La mémoire individuelle serait donc avant tout un point de vue sur la mémoire collective et l'individu se définit par deux sortes de mémoires, individuelle et collective, qui ne cessent de s'interpénétrer. Cependant, la mémoire collective ne se confond pas avec l'histoire ou avec la mémoire historique qui selon Halbwachs est la mémoire apprise, empruntée, celle qui est écrite dans les livres. La mémoire collective désigne la conscience d'un passé partagé par un ensemble d'individus, qui émergerait d'un ensemble de mémoires individuelles, une sorte de patrimoine spirituel se manifestant à travers les lieux de mémoire et les cérémonies de commémoration, et agissant toujours sur le groupe social, ayant encore prise sur le présent. La mémoire col lective serait donc la partie encore vivante du patrimoine historique d'une nation et elle n'a pas du tout la même fonction que l'histoire au sein du groupe social. Cependant l'expression '' mémoire historique >> est critiquée par Halbwachs : ,, [Elle] n'est pas très heureusement choisie, puisqu'elle associe deux termes qui s'opposent sur plus d'un point. L'histoire, sans doute, est le recueil des faits qui ont occupé la plus grande place dans la mémoire des hommes. Mais lus dans les livres, enseignés et appris dans les écoles, les événements passés sont choisis, rapprochés et classés, suivant des nécessités ou des règles qui ne s'imposaient pas aux cercles d'hommes qui en ont gardé longtemps le dépôt vivant 66 . »
Si l'Histoire permet en principe une connaissance obj ective et globale des faits, la mémoire est généralement liée à la sensibilité et à l'émotion du destina taire. Elle s'appuie sur un récit pour « donner à vivre avec >> le poids d'un passé auquel nous n'avons pas assisté mais qui continue de peser dans notre société. La mémoire collective est liée à la notion de devoir de mémoire. Ricoeur, dans la description phénoménologique de la mémoire qu'il fait dans La mémoire, l'histoire, l'oubli (2000) , indique qu'il faut recourir à l'anamnèse, qu'il appelle aussi la mémoire-rappel, pour former la " mneme ll, c'est-à-dire la mémoire passive d'une société. On observera d'ailleurs depuis quelque temps, en histo riographie, le croisement des deux champs histoire/mémoire avec, depuis les 65 Maurice HALBWACHS, Les cadres sociaux de la mémoire (1 925), 1 996, p. VI. 66 Maurice HALBWACHS, La mémoire collective, op. cit. , p. 68. 30
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« Quand la mémoire d'une suite d'événements n'a plus pour support un groupe, celui-là même qui y fut mêlé ou qui en subit les conséquences [ . . . ] , quand elle se disperse dans quelques esprits individuels, perdus dans des socié tés nouvelles que ces faits n'intéressent plus parce qu'ils leur sont décidément extérieurs, alors le seul moyen de sauver de tels souvenirs, c'est de les fixer par écrit en une narration suivie puisque tandis que les paroles et les pensées meu rent, les écrits restent 69 . "
L'importance de la mémoire personnelle dans l'écriture littéraire contempo raine est mise en évidence par de nombreux écrivains, dont Almudena Grandes : " Yo creo que escribir es mirar el mundo y construir una obra literaria es dar una version persona) de ese mundo. Y el escritor no dispone de nada mas que de su memoria para crear mundos de ficci6n. Y en la memoria, las experien cias y las fantasias y los sueftos y las pesadillas de un ser humano conviven en cierta ca6tica armonia, para hacerlo diferente de los demâs seres humanos. Los seres humanos somos un conjunto casi inabarcable de atributos 70 . ''
Ou bien comme l'écrit également Antonio Mufioz Molina : « La literatura esta hecha de memoria, de olvido y también de la materia de los suefios 71 . >> Effectivement se souvenir est un véritable acte de création par lequel le passé est reconstruit par le biais de la narration d'un récit que l'on raconte aux autres ou à soi-même et qui bien souvent mélange le réel et le fictif, comme le dit aussi Antonio Mufioz Molina :
67 68 69 70 71
Sophie BABY, " Sortir de la Guerre civi l e à retardement : le cas espagnol "• in Histoire@politique, Polltiqu•, ulture, société. 11 3. 2007 (www. hislolre-politlque.fr), p. 9 ; f'emand R ME , in anllago ALV fŒZ, .lo s ' IJNOJ SA. José ANDOVAL, El m ovimieutu guerrilleru de los aiios 40, Madrid, f'unda •i6n tle lnvestlga<:lones Marxlstas, 1 990 (R ' • d. 2003) , p. 30. Olivier RF.tjO L, Lll rllétoriqu , P F. 1 990, p. 20-28. Maurice HALBWA HS, La mémoire collectiue. tbid., p. 69. '' Almudena 'RANDE.'S por Luis AR lA " · l n www.lll ralu ras.com, 2002. Antonio ASTORGA, • Muiioz Mol i n a : 1) sgra Jadamenl , la lit ratura no sirve para civillzar a los 1 ârbaros >>, www.abc.es/Hemeroteca/dia- l 6·06-2002/ ultura.
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OUBLI ET MÉMOIRE
«
Para ser mas veraz la memoria en ocasiones se convierte en ficci6n, pero también se da el caso de que la imaginaci6n recuerde 72 . "
On verra que la 11 Nueva Narrativa )), catégorie qui englobe la production nar rative - romans, récits, nouvelles, contes -, et notamment le roman historique , depuis la Transition, joue du retour à la narration et de l'écriture de la mémoire . Cette période littéraire qui se caractérise par la profusion de nouveaux auteurs, souvent trentenaires lors de la publication de leur premier roman (Llamazares, Mufioz Molina), et par la diversité des œuvres, des auteurs et des pratiques, pré sente cependant des caractéristiques communes qui sont, selon Fatima Serra : " El gusto por el relato, la imaginaci6n, el mito, los elementos del romance "• bûsqueda de identidad, la novela policiaca, los ternas hist6ri cos especialmente de la Edad Media, Guerra de la Independencia y Guerra del 36 - la influencia de los medios de comunicaci6n a todos los niveles y la economia de mercado 73 . , «
Catherine Orsini-Saillet, dans un article de 2003 consacré à Soldados de Salam ina de Javier Cercas, montre que ce roman est une bonne illustration des caractéristiques du roman espagnol depuis deux décennies : « Une écriture à la première personne avec un narrateur journaliste et auteur fictionnel qui porte le nom de l'auteur réel, la thématique de la mémoire, le décloisonnement générique ; Soldados de Salam ina est aussi en partie un roman historique dans lequel la réflexion métatextuelle tient une place déterminante ; autant de pratiques d'écriture qui définissent le panorama du roman espagnol contemporain 74. "
F I CTI O N NALISATI O N DE L' H I STOIRE O U H ISTORICISATI O N DE LA F I CTI O N L a représentation d u 1 1 réel ,, pratiquée dans les années 1 980 par la 11 Nueva narrativa ,, est loin du réalisme social ou objectiviste des années 50 75 . Les pre miers travaux de Georges Lukacs (Le roman historique, traduction française en 1 965), qui faisait une lecture marxiste de l'histoire et de son écriture, don naient pour objectif au roman historique de : 11 figurer le genre de destinées 72 Antonio MUNOZ MOLINA, Memoria y ficci6n Mixing memory and desire, in José Maria RUIZ VARGAS, op. cit. , p. 65. 73 Fâtima SERRA, La nueva narrativa espafwla. Tiempo de tregua entre ficci6n e historia, Madrid, Editorial Pliegos, 2000, p. 10. 74 Catherine ORSINI-SAILLET, " Du pacte référentiel à la fiction : Soldados de Sa lamina de Javier CERCAS in Le moi et l 'espace, Saint-Etienne, Publications de St-Etienne, 2003, p. 247-260, p. 247. 75 Celia FERNÀNDEZ PRIETO, Historia y nove/a. Poética de la nove/a hist6rica, EUNSA, 1 998 (Rééd. 2003). "
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lles q u i p ut exprimer dir · n div i d ue q u les p roblèmes d'une époque ypi o n ist idoine du r man h ist r i q u
ctement et en même temps de m an ière n CP - 3 2 3), le 11 héros moyen ,, étant le pro pou r i l l ustrer le c nflit otr deux p - Ies. t ag u c i n Goldmann (Pour une social gie du ro man , 1 964) q u i v IL u n e r L ou p s p ui té entre narrati o n hi storiqu et év é t em nts, f ndé sur des h m !agies i d e nt i t u r a l s, l a r présen t at i on st basé sur u n métaphor fondée sur 11 l'ho uc str entre les rapports des personnages dans la fiction et les rap por t s ent re gie Jo ro ou les catégories sociales dans la société réelle 76 » . Pa u l Ricoeur a sses la c s te rnis en évidence les liens entre récit fictionnel et récit historique. Dans Temps et récit, parlant de cc l'entrecroisement entre l'histoire et la fiction n, il crée les 77 n otions de fictionalisation (sic) de l'histoire et d'historicisation de la fiction . S'il s emb le acquis que l'écriture fictionnelle historique est indissociable de l' H istoire, il faut aussi voir qu'elle est liée au discours historiographique comme l'explique Celia Fernandez Prieto :
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« La conexi6n entre la novela hist6rica y el discurso historiogrâfico es tan estrecha que no podria abordarse el anâlisis del género de la novela hist6rica al margen de la evoluci6n y de las transformaciones de la narraci6n hist6rica 78. ,,
Mais le récit de fiction et le récit factuel ou historique divergent sur le plan du pacte de lecture, défini par Philippe Lejeune. Pour nous, l'historicité fait partie intégrante et par nature d'un texte, littéraire ou autre, et d'autant plus si celui-ci réfère à de l'Histoire. Rappelons que le schéma de la communication établi par Roman Jakobson inclut le contexte parmi les six facteurs nécessaires à la réalisation d'un discours : un destinateur, un destinataire, un message, un contexte, un code et un canal ou contact. Aussi nous serons d'accord avec Francisco Ayala, auteur de recueils de nouvelles historiques comme Los usurpa dores (1 949) ou La cabeza del cordera (1 949) et de l'essai La novela (1974), pour dire que de manière explicite ou implicite tout roman est historique : " Toda novela es, en una acepci6n ampli a, novela hist6rica ; el nove lista tiene, sin remedio, que colocar su creaci6n imaginativa sobre el terreno his t6rico, y Jo hace no solo cuando localiza su acci6n en el tiempo y el espacio, para dar a sus personajes el ambiente de la rigurosa actualidad, sino también cuando la rehuye 79 . ,,
Marguerite Yourcenar exprime le même point de vue : " Tout roman est un roman historique, pour la simple raison que tout roman se situe dans le passé, lointain ou proche, et qu'un événement situé à un
76 Cha ri s AUI3RUN, Rist ire de la littérature espagnole, PUF, 1 992, p. 89. 77 Paul RI ·owR. Temps eJ réd!. 1 985, Tome 3, 11.5, p. 329-348. Voir p. 33 1-342 et 342-348. 78 Ce lia FERNANDEZ PRIETO. op. cit. , p. 33. 79 Fran ·Iseo AYALA, La nol)e/a . Gald6s y Unamuno, Barcelone, Seix Barral, 1 974, p. 26. 33
OUBLI ET MÉMOIRE
an ou à six mois d'ici est aussi irrémédiablement perdu, aussi difficile à récupérer que s'il s'était passé il y a des siècles 80 . ,
Alfons Cervera, enfin, résume cet « entrecroisement 2006 :
»
inéluctable ainsi en
" No hay novela sin historia y es imposible que la historia - desde la mas antigua a la de ahora mismo - se nutra de cualquier mejunje que no contemple - siquiera a ratos - la novela 8 1 . ,
José Maria Merino affirmait en 2005, dans Ficci6n continua, que le roman his torique est une forme hybride harmonieuse, reprenant et corrigeant l'opinion de Ortega y Gasset 82 qui en 1 925 voyait la fin du roman réaliste et l'infériorité du roman historique : " Si la narratividad es el territorio natural de Novela y de Historia, acaso la novela hist6rica, mas alla de la falsificaci6n de Jo hist6rico y de la desvir tuaci6n de Jo novelesco que denunciaba Ortega, sea capaz de construir una espe cie de espacio simb6lico donde ambos géneros, mediante la hibridaci6n puedan conseguir una peculiar armonia 83. "
Le rapport du texte avec le hors-texte, ici le référent historique, l'extratex tualité, qu'il s'agisse du contexte sociopolitique ou littéraire, est complexe et ouvre des perspectives nouvelles, qui concernent autant l'analyse textuelle, la définition générique de l'œuvre que la sociologie de la littérature. La fonc tion référentielle est essentielle dans l'écriture de ces textes réalistes, mais aussi didactique, mémorielle, éthique (engagement politique), etc. « L'effet de réel )) de Roland Barthes (1 968), « l'illusion référentielle )) (1978) de Michael Riffaterre 84 ou la « vérité fictionnelle )) (1 990) du même Riffaterre, « Le mentir vrai )) d'Aragon sont autant de caractères de l'écriture réaliste propre au roman historique. En outre, l'objectif des romans historiques est souvent de combler un déficit de connaissances de l'Histoire, notamment nationale, et ce faisant, ils réfléchissent à comment on fait l'Histoire (métahistoire) mais traduisent aussi, parfois, un scepticisme par rapport à l'Histoire écrite et enseignée. Nous ver rons dans quelle mesure ces éléments peuvent caractériser les romans de la guérilla que nous analysons dans la partie suivante.
80 Marguerite YOURCENAR (1 972), in Aude DÉRUELLE et Alain TASSEL, Problèmes du roman historique, L'Harmattan, 2008, p. 59. 81 Alfons CERVERA, in Jean ORTIZ, op. cil. , 31-32. 82 José Ortega Y GASSET, Meditaciones del Qwj'ote. ldeas sobre la nove/a (1 925), Madrid, Espasa Calpe, 1 964, p. 201. 83 José Maria MERINO, Ficciôn continua, Barcelona, Seix Barral, 2005, p. 123. 84 Michael RIFFATERRE, in Gérard GENETTE et Tzvetan TODOROV, Littérature et réalité, Paris, Editions du Seuil, 1 982. _
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Le ro man de la guérilla antifranquiste L E R O MAN H I STORIQUE S U R L'H ISTO I RE ESPA G NOLE D U XXE SIÈCLE Typolo gie. Caractéristiques
Nous ne referons pas ici l'histoire du roman historique en Europe, dont on t sai que le genre a été codifié dès le XIXe siècle, avec les romans de Walter Scott ( 1 771-1 832). Nous verrons la part du genre histori �ue dans le roma� esp��nol depuis la Transition à partir de quelques travaux recents, dont celm, publie en 1 996, par l'hispaniste Dieter Ingenschay. Définissant les caractéristiques de la production romanesque post-franquiste, il la classait en six catégories, selon les sujets traités mais non les procédés littéraires, mettant en avant la part du roman historique. Pour lui, les romans historiques traitent toujours des événe ments de l'histoire mais d'une manière neuve, leurs auteurs étant conscients d'avoir perdu la perspective unifiante d'un projet global, s'inscrivant ainsi dans la posthistoire. Il classe immédiatement après les romans policiers, phé nomène assez récent de la littérature espagnole, qui offrent un nouveau type de protagonistes, des détectives plutôt que des policiers trempés de mentalité franquiste, qui sont davantage à la recherche du passé personnel que du crimi nel. Viennent ensuite les romans aux protagonistes individualistes, éloignés de la société, de la civilisation ainsi que du passé historique, intéressés par leur intimité ; les romans qui découvrent la corporalité, la sensualité et l'érotisme et s'opposent aux sujets réprimés (écriture féminine, écriture homosexuelle, discours pubertaire ainsi que pornographie « légère ») ; les romans métalitté raires qui mettent en j eu leur propre construction ou le procédé de leur genèse et recourent à l'intertextualité et enfin les romans de la « literatura light », qui reflètent l'esprit de la movida, qui mettent dans le discours les aspects festifs de la vie quotidienne, présentée comme une perpétuelle comédie 1 . De son côté, Santos Alonso, en 2003, dans La nove/a espafwla en el fin de siglo (1975-2001), étudie un corpus d'environ 200 romans publiés depuis 1975, selon u ne périodisation en trois étapes : 1 975-8 1 , les années 80 et les années 90, selon les générations et les tendances. Il propose les quatre catégories narratives suivantes : << la novela experimentalista y discursiva, la metanovela, los nuevos 1 Dieter INGENSCHAY, " Movida et la fin de la discussion du passé espagnol face à l'histoire, 1 996, p. 149-165. 35
n,
in Marie-Linda ORTEGA, Le roman
LE ROMAN DE LA GUERILLA ANTIFRANQUISTE
OUBLI ET MEMOIRE
caminos del realismo [où il met en relief "la novel a evocadora de la memoria" sur l'enfance ou le passé de l'auteur, du narrateur ou du personnage] , la novel� de género [ où il inclut le roman historique, érotique, d'action, la chronique] )) (p. 1 1- 1 2). II affirme qu'on observe « la recuperaci6n de la narratividad, de las tendencias realistas, de sus procedimientos y técnicas tradicionales, y de l a novela de género )) (p. 1 2). Il est intéressant de remarquer l'émergence d'une catégorie portant sur l'écriture de la mémoire même si elle concerne l'histoire individuelle encore. À l'instar des travaux de Dieter Ingenschay et de Santos Alonso que nous venons de citer, la plupart des histoires de la littérature contemporaine font la part belle au roman historique 2 . D'autres critiques ont proposé ensuite une typologie des romans historiques, en fonction de la représentation du référent . Ainsi Ignacio Soldevila en 1 996 3 détermine quatre catégories de romans histo riques, classés en « type 1 , 2, 3 et 4 )) , à partir des théories de Tomas Albaladejo qui a créé le concept de « modèle de monde 4 )), c'est-à-dire l'existence d'un agent intermédiaire entre le monde réel et celui de la fiction : " Type 1 . Narration dont l'auteur croit avoir comme référent exclusif un modèle de monde réel. La réalité matérielle décrite, les événements et les personnages sont tous tirés de l'Histoire. Grâce au recours exclusif et critique à des discours historiographiques, il peut même prétendre améliorer la relation entre la vérité historique et le discours. La différence avec l'historiographie ne se trouvant ni dans la référentialité, ni dans le rapport entre la matière et la forme du contenu, ou la forme de l'expression, peut uniquement se situer au niveau de la production et de la réception. [ . . . ] [Soldevila donne pour exemple A rdor guerrera de Muftoz Molina pour le "type l " ] Type 2. Narration qui présente une double référentialité : à u n modèle de monde réel et vérifiable et à un autre, de monde imaginaire, mais construit uni quement avec des effets de réel ; recherchant l'impression de vraisemblance, et faisant en sorte que les soudures entre ce qui est historique et ce qui est inventé ne se remarquent pas, sauf pour un lecteur doté d'une connaissance suffisante de l'Histoire. [ . . . ] [Beatus ll/e pour le "type 2"] Type 3. Récit où le narrateur établit une référentialité exclusive à un modèle de monde vraisemblable, mais sans l'ancrer dans la moindre référence à des modèles de monde réel vérifiable. Les espaces géographiques réels et la chronologie du calendrier sont remplacés par des noms imaginaires et une tem poralité cyclique. [ . . . ] Type 4. Entre le discours et le récepteur ne s'interpose que la référen tialité à un modèle de monde entièrement imaginaire, dans lequel il est impos-
2 Nous citerons aussi la thèse d 'Isabelle TOUTON, consacrée au roman historique sur le Siècle d'or, qui s'appuie sur un corpus de 60 romans : L'image du Siècle d'or dans le roman historique espagnol du dernier quart du XX" siècle, université de Toulouse, 2004. 3 Ignacio SOLDEVILA, " Le roman historique et son évolution en Espagne entre 1 955 et 1 995 in Marie-Linda ORTEGA, op. cit. , p. 1 23- 1 35. 4 Tomas ALBALADEJO, TeorÎa de los mundos posibles y macroestructura narrativa, Alicante, Publicaciones de la Universidad, 1 986. "•
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sible de confronter ce qui est vraisemblable à l'objectivement réel parce que ce modèle se situe dans un espace utopique ou dans un temps irréel, ou dans une confusion de temps et d'espaces. ''
En suivant les catégories énoncées par Ignacio Soldevila nous incluons dans 2 )), les trois romans que nous étudierons dans la troisième partie, Luna < Je < type de [abos, Maquis et La voz dormida. Celia Fernândez Prieto voit trois critères pour définir le roman historique : << La coexistencia en su mundo ficcional de personajes, acontecimien tos y lugares inventados con personajes, acontecimientos y lugares procedentes de la historiografia, esto es decir materiales que han sido codificados y docu mentados previamente a la escritura de la novela [ . . . ] , la localizaciôn de la diége sis (del universo espacio-temporal en que se desarrolla la acciôn) en un pasado histôrico concreto, datado, y reconocible por los lectores merced a la represen taciôn [ . . . ] , la distancia temporal abierta entre el pasado en que se desarrollan los sucesos narrados y en que actuan los personajes, y el presente del lector implicito (y de los lectores reales) 5 . ))
On le voit, la place de la mémoire n'est pas encore mise en évidence dans
)a déjà complexe définition du roman historique. Sur la différence entre roman
historique et roman de la mémoire, il est intéressant de lire les critères propo sés par Jacques Soubeyroux : " Je proposerai de séparer ce qui relève de la mémoire individuelle de ce qui relève de la mémoire collective. Je considèrerai donc comme "roman de la mémoire" un texte dans lequel intervient la mémoire personnelle de l'au teur, qui raconte des événements qu'il a vécus, ou pu vivre [ . . . ] . Par contre, lorsqu'un auteur raconte des événements antérieurs à sa naissance, dont il a pu avoir connaissance par la mémoire collective, incarnée par des témoins plus âgés, qui peuvent être des inconnus, ou même ses parents ou ses grands-parents, je considère que son récit peut être qualifié de "roman historique", même si cin quante années ne se sont pas écoulées entre les événements narrés et le temps d'écriture 6 . ))
Le roman historique et mémoriel sur l'histoire espagnole du xxe siècle occupe une place importante dans la création narrative des années 1 9 75-20 1 0 comme le montrent les travaux d'Ignacio Soldevila, Edmond Cros, Jacques Soubeyroux, José Ramera ou Maryse Bertrand de Mufl.oz, au point de devoir être considéré comme complémentaire de l'historiographie contemporaine, sachant que ces romans portent autant sur le fait historique relaté que sur la période de la Transition. Ces romans constituent, au vu de la << trace )) qu'ils matérialisent, des lieux de mémoire symboliques qui commémorent le souvenir d'événe5
Celia FERNÂNDEZ PRlETO, op. cit. , p. 1 77-1 78. 6 .Jacques SOUBEYROUX, in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, 200 1 , op. cit. , p. 1 78. 37
OUBLI ET MÉMOIRE
ments, de personnages et de lieux, comme le définit Pierre Nora dans Les lieux de mémoire (1 984), et comme le développe Ana Luengo dans La encrucijado de la memoria (2004) ou Javier G6mez Montero dans Memoria literaria de lo transici6n (2007). Antonio G6mez L6pez Quiii.ones, dans La guerra persistente. Memoria, vio lencia, utopfa : Representaciones contempordneas de la Guerra civil espafwlo (2006), où il étudie un corpus d'une quinzaine de romans et de films récents sur la Guerre civile et le début du Franquisme, dont quelques-uns évoquent la guérilla, voit trois orientations dans le roman mémoriel sur la Guerre civile : les romans qui réfléchissent à l'épistémologie et à l'écriture de l'Histoire, comme Soldados de Salam ina de Cercas ou El ldpiz del carpintero de Manuel Rivas, ceux qui traitent de la représentation de la violence franquiste (comme Maquis o u Carta blanca de Lorenzo Silva) et ceux qui évoquent 11 l'utopie '' de la Seconde République (il cite La voz dormida et le film Silencio roto). Pour notre part, nous estimons que les trois romans que nous analysons dans la troisième partie, Luna de lobas, Maquis et La voz dorm ida, de par leur richesse, entrent sous ces trois chapeaux (métahistoire, représentation de la violence, évocation de l'uto pie républicaine), comme nous le verrons plus loin. Inventa ire des œuvres
Compte tenu de la profusion de romans, comme d'ailleurs d'essais histo riques, de récits, d'autobiographies, de mémoires, d'articles de presse, sur la période, l'inventaire que nous proposons ne saurait être exhaustif. Les publi cations sont d'ailleurs si nombreuses, qu'avec humour Almudena Grandes fait dire à un personnage de son roman El coraz6n helado (2007) : 11 Eso significa que no frecuentarâ las librerias, LVerdad ? [ . . . ] no se puede imaginar la cantidad de libros que se estân publicando ahora mismo en Espafla sobre personas como usted y vidas como la suya. , (p. 822).
En revanche notre inventaire rassemble les romans significatifs par l'écho critique qu'ils ont eu, la qualité de leur écriture et leur portée idéologique. Nous citerons d'abord les auteurs qui ont publié des romans historiques ou mémo riels sur les événements contemporains, classés ici par date de naissance. Un premier groupe né avant la Guerre civile réunit : Ramon J. Sender ( 1 90 1-1 982), Francisco Ayala (1 906-2009), Manuel Andûjar ( 1 9 1 3-1 994), C .-J . Cela (1 9 1 6-2002), J. Maria Gironella (1 9 1 7-2003) , Miguel Delibes (1 920-2010), Antonio Ferres (1 924), Juan Eduardo Zûfliga (1 929), Juan Benet (1927-1 993), A. Rabinad (1927), Juan Goytisolo (1931), Juan Marsé ( 1 933), Francisco Umbral ( 1 935-2007). Un second groupe d'écrivains nés après 1 939 qui n'a pas connu directement la Guerre civile mais en a subi les conséquences : Manuel Vâzquez Montalbân (1939-2003) , Alberto Méndez (1941-2004), Eduardo Mendoza (1 943), Juan José Millas (1 946), Alfons Cervera (1 947), Luis Landero (1 948), Carme Riera ( 1 948) ,
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LE ROMAN DE LA GUÉRILLA ANTIFRANQUISTE
Atxaga ( 1 95 1 Ped ro Garda Montalva 1 9r.: 1), Jesus Ferrel'O ( 1 952), llo (1 953), J org Cortés Pelli er ( 1 953), Dulce h a ·ôn (l 54An zo03), J ul i Llamazar s 1 955 An t on! Muii. z Molina ( 1 95 6) Manuel Dfaz u s 1 956) , Manu 1 Rivas ( 1 957), Alrlludena G ra n d es (1 960), José Maria Ridao L i ( ( 1 96 l ), J av i er Cercas ( L 962), Carlos Ruiz Zaf6n (1 964) , Juan VergiJlos ( 1 969), Ju a n Manu el de Prada (1 970). Mais dans ce rroupe, il conv ie n t d e dist i nguer les c i ers q u i arrivent à mat u ri t autour d 1 975 ; i ls constituent la génération ro m a n cliq 1 la mém ire historiq ue. ven e r q ui B
ernard
d rés Tr ap i
R o m a ns
<<
historiques
,
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»
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sur le Franquisme, publiés depuis
1975
Classement par auteurs Ramon Adn (1 952) : Siempre quedard Parfs (2005) Manuel Andûjar ( 1 9 1 3-1 994) : La voz y la sangre (1 984), Cita de fantasmas (1 984), Mdgica fecha (1989) Bernardo Atxaga (1951) : El hombre solo (1 994) Juan Benet (1 927-1 993) : Sauf ante Samuel ( 1 980), Herrumbrosas lanzas (1 983-1 986) Camilo José Cela ( 1 9 1 6-2002) : Mazurka para dos muertos (1 983) Javier Cercas (1 962) : Soldados de Salamina (200 1) Alfons Cervera (1947) : El color del creptlsculo, Maquis, La noche inm6vil, La sombra del cielo (2003) et Aquel invierno (2005) Dulce Chac6n (1954-2003) : Cie/os de barro (2000), La voz dormida (2002) Rafael Chirbes (1 949) : La cafda de Madrid (2000) José Corrales Egea (19 1 2-1 985) : Semana de pasi6n (1976) Jorge Cortés Pellicer (1 953) : La savia de la literesa (2004) Miguel Delibes (1 920-20 1 0) : El principe destronado (1975), La guerra de nues tros antepasados (1975), 377, A madera de héroe (1 987) Manuel Diaz Luis (1 956) : Las aguas esmaltadas (1 990) Juan José Fernândez Delgado : La tlltima pagina (maquis) (2000) Jesus Ferrero (1 952) : Trece rosas (2003) Antonio Ferres (1 924) : Los vencidos ( 1 960/2005) Carlos Fonseca (1 959), Tiempo de memoria (2009) Pedro Garcia Montalva (1951) : Una historia madrilefw (1 988) César Gavela (1 953) : El puente de hierro (1998) Juan Goytisolo ( 1 93 1) : Juan sin tierra (1975), Las se manas del jardfn (1997) Almudena Grandes (1 960) : El coraz6n helado (2007), Inés y la alegrfa (20 1 0) José Maria Guelbenzu (1 944) : El rfa de la luna ( 1 981), El esperado (1 984) Luis Landero (1 948) : Juegos de la edad tardfa (1 989), Caballeros de fortuna ( 1994), El mdgico aprendiz (1 999), El guitarrista (2002) Julio Llamazares (1 955) : Luna de labos (1 985), La lluvia amarilla (1 988), Escenas de cine mudo (1 994)
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OUBLI ET MÉMOIRE
Juan Marsé (1 933) : Si te dicen que caf (1 973), La muchacha de las bragas de oro (1 978), Un dfa volveré (1 982), Ronda del Guinard6 (1 984), El teniente Bravo (1 986), El embrujo de Shanghai (1 993), Rabos de lagartija (2000) Alejandro Martinez Gallo (1 962) : Caballeros de la muerte : la ultima batalla de la muerte (2006) et La ultima fosa (2008) Alberto Méndez (1941-2004) : Los girasoles ciegos (2004) Eduardo Mendoza (1 943) : El afto del diluvio (1 992), Rifta de gatos. Madrid 1936 (20 1 0) Juan José Millas (1 946) : Cerbero son las sombras (1974) , Jardfn vacfo (1 981) Antonio Munoz Molina (1 956) : Beatus ille (1 986), El invierno en Lisboa (1987), Beltenebros (1 989), El jinete polaco (1991), Los misterios de Madrid (1 992), El duefto del secreta (1 994), Ardor guerrero (1 995� , Plenilunio (1 997) , Carlota Fainberg (1 999), Sefarad (2000), La noche de los tœmpos (2009) Antonio Rabinad (1 927) : La monja libertaria ( 1981), Memento mori (1 983), La transparencia (1 987) José Maria Ridao ( 196 1 ) : Agosto en el parafso (1 998) Carmen Riera (1 948) : La mitad del alma (2004) Manuel Rivas ( 1 957) : El lapiz del carpintero (1 998) Julio Manuel de la Rosa : Las guerras de Etruria (2001) Carlos Ruiz Zafôn (1 964) : La sombra del viento (200 1) Jorge Semprun (1 923) : Autobiograffa de Federico Sanchez (1 977), Veinte anos y un dfa (2004) (2003 en français) Jesus Sevilla Lozano (1 93 1) : Alhambra y los Tuchas (Una historia del maquis) (1 987) Andrés Trapiello ( 1 953) : Dfas y noches (2000), La noche de los cuatro camz nos (2001) Raul Tristan (1 969) : jHasta siempre camaradas ! (2006) Francisco Umbral : La leyenda del César visionario ( 1 991) Manuel Vazquez Montai ban (1 939-2003) : El pianista (1 985), A utobiografla del general Franco (1 992) Juan Vergillos (1 969) : Los cuadernos perdidos de Antonio Catena (200 1) Justa Vila lzquierdo (1 954) : La agonfa del bU.ho chico (1 994) Juan Eduardo Zuniga (1 929) : La tierra sera un paralso (1 989) .
Classement chronologique des romans
( 1 973 : Juan Marsé : Si te dicen que cazl 1 975 : Juan Goytisolo : Juan sin tierra Miguel Delibes : El principe destronado Miguel Delibes : La guerra de nuestros antepasados 1 976 : José Corral es Egea : Se mana de pasi6n 1 977 : Jorge Semprun : Autobiograffa de Federico Sanchez 1 980 : Juan Benet : Saut ante Samuel
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1 98 1 : Antonio Rabinad : La monja libertaria Juan José Millas : Jardin vacfo 82 : Juan Marsé : Un dia volveré 9 1 Antonio Rabinad : Memento mori 3 : 1 98 C.J. Cela : Mazurka para dos muertos J. Benet : Herrumbrosas lanzas (1 983-1 986) Raul Guerra Garrido : El afto del wolfram 1 984 : Manuel Andujar : La voz y la sangre et Cita de fantasmas 1 985 : Manuel Vazquez Montalban : El pianista Julio Llamazares : Luna de lobos : Juan Marsé : El teniente Bravo 1986 Antonio Mun oz Molina : Beatus ille 1 98 7 : Antonio Rabinad : La transparencia Miguel Delibes : 377, A madera de héroe Jesus Sevilla Lozano : A lhambra y los Tuchas (Una historia del maquis) 1 988 : Julio Llamazares : La lluvia amarilla Pedro Garcia Montalva : Una historia madrilefta 1 989 : Luis Landero : Juegos de la edad tardfa Juan Eduardo Zuniga : La ti erra sera un para Iso Manuel Andujar : Magica fecha 1 990 : Manuel Diaz Luis : Las aguas esmaltadas 1991 : Antonio Munoz Molina : Eljinete polaco Francisco Umbral : La leyenda del César visionario 1 992 : Eduardo Mendoza : El afto del diluvio 1992 : Antonio Mun oz Molina : Los misterios de Madrid 1 993 : Juan Marsé : El embrujo de Shanghai 1 994 : Bernardo Atxaga : El hombre solo Justa Vila Izquierdo : La agon la del bU.ho chico Antonio Mun oz Molina : El duefto del secreta 1 995 : Antonio Mun oz Molina : Ardor guerrero Alfons Cervera : El col or del crepusculo 1 997 : Alfons Cervera : Maquis Juan Goytisolo : Las se manas del jardin A. Mun oz Molina : Plenilunio 1 998 : José Maria Ridao : Agosto en el parafso Manuel Rivas : El lapiz del carpintero César Gavela : El puente de hierro 1 999 : Alfons Cervera : La noche inm6vil A. Munoz Molina : Carlota Fainberg 2000 : Dulce Chacôn : Cielos de barro A. Munoz Molina : Sefarad Andrés Trapiello : Dias y noches Juan José Fernandez Delgado : La Ultima pagina (maquis) 200 1 : Javier Cercas : Soldados de Salam ina Carlos Ruiz Zafôn : La sombra del viento
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LE ROMAN DE LA GUÉRILLA ANTIFRANQUISTE
OUBLI ET MÉMOIRE
Julio Manuel de la Ros a : Las guerras de Etruria Andrés Trapiello : La noche de los cuatro caminos Juan Vergillos : Los cuadernos perdidos de Antonio Catena 2002 : Dulce Chacon : La voz dormida 2003 : Jesus Ferrero : Las trece rosas Alfons Cervera : La sombra del cielo 2004 : Jorge Semprun : Veinte anos y un dfa (2003, en français) Jorge Cortés Pellicer : La sa via de la literesa Alberto Méndez : Los girasoles ciegos Carmen Riera : La m itad del alma 2005 : Alfons Cervera : Aquel invierno Antonio Ferres : Los vencidos [ 1 960] Ramon Acin : Siempre quedard Parfs 2006 : Raul Tristan : jHasta siempre camaradas! Alejandro Martinez Gallo : Caballeros de la muerte : la ultimo bata/la de la muerte 2007 : Almudena Grandes : El coraz6n helado 2008 : Alejandro Martinez Gallo : La ultimo fosa 2009 : Carlos Fonseca : Tiempo de memoria José Marfa Merino : La sima Antonio Mufioz Molina : La noche de los tiempos 20 1 0 : Almudena Grandes : Inés y la alegrfa Cette liste qui comporte plus de 70 romans montre que les œuvres sont dues autant à la génération des anciens, comme Cela, Delibes ou Marsé, qu'aux jeunes écrivains (Llamazares , Mufioz Molina, etc.). La diversité d'approches du Franquisme dans ces romans est importante. Sans entrer dans les résumés de ces romans, nous signalerons qu'ils offrent quelques caractéristiques com munes dans leur construction : ils reconstituent la biographie d'une figure inven tée (Beatus Ille, Juegos de la edad tardfa, El pianista, La sombra del viento), à par tir de pseudo-documents, de lettres ou d'un manuscrit retrouvés (La mitad del alma de Carmen Riera, Los cuadernos perdidos de Catena de Juan Vergillos) ; ils présentent une structure temporelle complexe, avec plusieurs niveaux tempo rels et utilisant l'analepse, la prolepse ; leur écriture affiche une forte présence de l'intertextualité et ils contiennent une réflexion sur l'écriture littéraire ou historiographique qui en fait des méta-romans ou des romans métahistoriques. Parmi ces romans sur le Franquisme, une catégorie thématique nouvelle, qui a émergé à partir de 1 985, porte sur la guérilla antifranquiste. Nous allons nous y intéresser pour en montrer la spécificité dans le panorama littéraire, cultu rel et politique actuel. Disons d'entrée de jeu que dans l'énorme production romanesque sur le Franquisme, qui s'élèverait à 550 titres entre 1 9 75 et 2005 selon les travaux de Maryse Bertrand-Mufioz, le roman de la guérilla occupe une petite part du point de vue quantitatif (quelques dizaines de titres) mais significative depuis 1 985. Ainsi Jean Vila, dans son article ,, La génération des
émoire et histoire 7 n, affirme qu'Il constitue un t h ème essentiel parmi les fil S m � ab rd -s da_n s l�s romans hisloriq �es sur le Franq :usrn.e : l e caïn ism , les ; uj ts , le ma r h notr et les nouv aux n h s, les lutte etud1antes et la révolu m aq uis ex uel le. La guérilla apparaît ous ses deux versants : rurale Luno d lob s) tio n s aine (La rzoche de los cuatro aminos, La hija del canfbaO . Les lieux sont et u r b n e l l e me nt es pagnols (avec les v i l les : Ubeda/Mâgina (Beatus ille), Mad rid es se t i edad tarclfa de Landero), Barcelone pour la plupart des romans de (Juegos d la ndoza ou de Montalbân) et on note un certain cos m opo l it i s m e M de , sé M ar chez Mufioz Molina. es r mans 'vaquent ùes périodes diffé mpl e ex pa r Ré p ub l iqu e (Bea/u ille) , la u rr ivile (B a.tus ille), l 'Après-Guerr a s : l e t re n Franqulsn e (Juego d la "dad tardîa d Land ro, Be /ten e bros de le iate. d é i m Jll El embrujo de Shangha i d e Marsé) , l'exil. la Transiti n . Tous les Molina, z no Mu peuvent y être représentés : b urgeais (Beatus ille) , em p l oyés sociaux ux e mili de Sh a n gha i) paysans. Les idéologies mises en sc· nes reflèt nt elles brujo m (E polit iqu s évoqués , mais généralem · n t les récits opèrent u n e cer pes ro u g s de par rapport à une prise de position. tion distancia ine ta ,
,
LA FIG U RE LITTÉRAI RE DU RÉSISTANT ANTI FRAN Q U I STE La figure du guérilléro et la revendication du mouvement guérilléro
L'essor du roman sur la guérilla antifranquiste est lié bien sûr au contexte éditorial mais aussi sociopolitique. Il suit celui de l'énorme publicistique sur le Franquisme, mémoires, livres d'histoire, films, expositions, qui fleurissent depuis 1975 et surtout 1 985-2000, fait qui s'accentue encore dans la décennie 1995-2005, le point culminant étant la loi sur la mémoire historique, finalement ratifiée par le roi le 26 décembre 2007, dix-huit mois après qu'elle fut votée par le Conseil des ministres, mettant fin à de longues revendications. Ces créa tions ont sans aucun doute joué un rôle dans le débat voire l'ont suscité. Pour Alfons Cervera, cet essor littéraire aurait précédé les autres productions his toriographiques et dans une conférence donnée à Paris, au Colegio de Espafta, le 15 décembre 2007, il affirme avoir écrit Maquis avant de connaître la vérité historique et avoir imaginé les faits. La revendication d'une reconnaissance de la mémoire des vaincus par leurs descendants remonte à loin (années 1 980) mais n'a été officialisée ni par les gouvernements socialistes de Felipe Gonzâlez de 1 982 à 1 996, ni par les deux gouvernements du Partido Popular de José Marfa Aznar (1 996-2004) , qui par ses refu s l'a exacerbée. L'alternance politique a sans doute joué de même que le retour sur les fondements de la Transition. Le retour au pouvoir des socialistes en mars 2004 avec José Luis Rodrfguez Zapatero, réélu en mars 2008, va per mettre la reconnaissance de la mémoire historique. On observe une crispation des rapports droite-gauche, phénomène qu'étudie l'ouvrage collectif Espafta, 7
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Jean
VILA, in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, 200 1 , op. cit. , p. 197-235. 43
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del consenso a la polarizaci6n publié par Walther Bernecker, et à une instrumen, talisation politique de la question de la récupération de la mémoire historique B. Le phénomène de la guérilla a été négligé par les historiens j usqu'à la fin des années 1 9 70, date à laquelle commencent à paraître les premiers travaux his toriques, essentiellement régionaux, sur la guérilla j usqu'à la synthèse fonda mentale de Secundino Serrano, Maquis. Historia de la guerrilla antifranquista de 200 1 , lui-même auteur d'une première monographie sur la guérilla dans le Léon en 1 986. L'un des ouvrages les plus récents qui fait un dernier état des lieux de la question est le collectif dirigé par l'historien Julio Ar6stegui, El ultimo frente : la resistencia armada antifranquista en Espana (1939-1952) (Los libros de la Catarata, 2008). Pour Secundino Serrano, les raisons qui expliquent l'ignorance du sujet, le silence qui l'entourait et la lenteur des travaux sur le maquis, concernent les politiques, la population mais surtout les historiens universitaires : " Cuestiones en principio tan atractivas como la peripecia de los espafloles en los campos de concentraci6n franceses y alemanes, la aportaci6n de los exiliados republicanos a la Resistencia frances a o la guerrilla mis ma . . . , han estado marginadas de las pautas de la investigaci6n del estamento univer sitario espaflol, acantonado en los ternas y metodologias tradicionales. [ . . . ] se practica el culto al "legajo con sello", lo que favorece el rechazo de unos hechos atravesados de documentas problemâ.ticos, testimonios dificiles de contrastar y obstâ.culos para acceder a los archivos 9 . ,
Secundino Serrano qui fait l'historique des travaux historiographiques écrit : " Ahora no esta de moda entre la tribu de los historiadores locales destacar la aportaci6n capital de los hispanistas al estudio del franquismo, nos vemos obligados a subrayar que el primer texto verdaderamente riguroso sobre la guerrilla de posguerra es obra del alemâ.n Harmut Heine, quien public6 en 1 980 un trabajo ejemplar, cuasi can6nico, sobre la resistencia en Galicia 10. ,
Si Secundino Serrano donne la priorité à Hartmut Heine, auteur de A guerrilla antifranquista en Galicia en 1 980 (Vigo, Xerais), de son côté Santos Julia en 2006 indique le récit autobiographique de José Gros ( 1 9 1 3-2009), Abriendo camino. Relatas de un guerrillero comunista espanol (Paris, 1 9 7 1 , avec une préface de Dolores Ibarruri), et l'ouvrage de Eduardo Pons Prades, Las guerrillas espafwlas (1939-1960) ( 1 977) comme déterminants 1 1 . On peut signaler l'essai d'Andrés Sorel, La guerrilla espanola del siglo XX (Paris, 1 9 70). Mercedes Yusta quant
trois étapes dans la prod u tion hist ri graphique sur la guérilla : , elle voit bord des essais critiques venant du amp d e la répression (T mâs d'a ut 1 ossi a s, Francisco Ag uad o El maquis en Espana, 1 975) ou des écrits " é p iqu e s " m i J j tants , puis dans les anné s 1 970 cl travaux histmiques rigour ux d U S a ux Ile le fait remarquer : de p uis qu lqu s an n ' s une recrudesc n e, comm
�y
,
et
En este momento [ 2003] vivimos una tercera etapa de floreci miento de estudios acerca de este tema, con la reciente aparici6n de varias monografias y obras literarias que tienen como protagonistas a los guerrilleros antifranquistas 12. "
Le mouvement se poursuit avec, à la fin des années 1 980, la création d'as oci s at ions et d'amicales d'anciens combattants qui ont obtenu la célébration d' une journée du guérillero espagnol, le premier dimanche du mois d'octobre, et l'érection d'un monument en 1 99 1 , à Santa Cruz de Maya (Cuenca). Dans ce village symbolique qui vit la fin de l'Agrupaci6n Guerrillera de Levante y Aragon (AGLA) en 1 949 (Cerro Moreno), l'association La gavilla verde dédiée à la résistance antifranquiste a pris le relais des associations d'anciens gué rill éros et organise tous les ans des j ournées d'études sur la guérilla pendant le week-end où se tient l 'hommage aux guérilléros 13 . Le site internet de La gavilla verde recense, en l'actualisant régulièrement, les titres en espagnol et en cata lan d'ouvrages non fictionnels et fictionnels sur la guérilla publiés depuis les années 1 9 70 (dont quelques titres des années 50 1 4). Le Pleno del Congreso demanda la réhabilitation des guérilléros le 1 6 mai 200 1 . Plus large, une association pour l a mémoire historique, la Asociaci6n para la Recuperaci6n de la Memoria Hist6rica (ARMH), est créée dans le Léon en 2000 par Emilio Silva Barrera (né en 1 965), petit-fils de résistant, et Santiago Macias Pérez (né en 1 9 73), pour rechercher les << disparus )) républicains de la guerre et de la dictature. Son site internet : www.memoriahistorica.org est très actif. Ils seront les auteurs de Las fosas de Franco. Los republicanos que el dictador dej6 en las cunetas, en 2003. Emilio Silva Barrera rappelle que les premières ouver tures de fosses se firent à la fin des années 70 dans quelques localités mais que la tentative de coup d'état du colonel Tejero de 1 9 8 1 y mit un frein et qu'il fallut attendre la fin des années 90 pour que le processus reprenne 15. Depuis 2000, la ARMH a créé ses sections régionales et elle a organisé ses premières j our nées nationales en 2003 à Valladolid, auxquelles participèrent Dulce Chac6n et Alfons Cervera et d'où est issu un ouvrage collectif, La memoria de los olvida12
8 Walther BERNECKER, Günther MAIHOLD, Espana : del consenso a la polarizaci6n. Cambios en la democracia espanola, Vervuert, 2007, p. 167-202. 9 Secundino SERRANO, Maquis. Historia de la guerrilla antifranquista, op. cit. , p. 1 7-18. Voir aussi p. 22. 10 Secundino SERRANO, ibid. , p. 18-19. 1 1 Santos JULIÂ, Memoria de la guerra y del franquismo, op. cit. , p. 66.
Mercedes YUSTA, Guerrilla y resistencia campesina, PUZ, 2003, p. 5-6. Voir aussi de Mercedes YUSTA, in Marie-Claude CHAPUT, Maquis y guerrillas antifranquistas, 2004, p. 22, une bibliographie sur la guérilla de 1 980 à 200 l . 1 3 Mercedes YUSTA, in Danielle CORRADO, op. cit. , p . 61. Alfons CERVERA, in Marie-Claude CHAPUT, op. cit. , p. 1 2 1 ; Martinez L6PEZ " El quico 2002, p. 203. 1 4 Voir : http://www. lagavillaverde.org, qui recense plus de 225 ouvrages non fictionnels et 1 80 fictions. 15 Emilio SILVA, Les fosses du Franquisme, op. cit. , p. 1 1 7-1 1 8.
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dos. Un debate sobre el silencio de la represi6n franquista (2004) 16 , préfacé par Paul Preston. Au bilan, plus de 200 associations, collectifs, fondations , centres d'étude, etc. privés ont vu le j our, comme le montrent les travaux de l'histo rien de l'université la Complutense, Sergio Gâlvez 1 7 . Dans ce vaste mouvement mémoriel, il faut citer la création en 2004 à l'Universidad Complutense, en par tenariat avec l'Asociaci6n de la Memoria Social y Democratica (AMESDE), prési dée alors par Miguel Nûii.ez (1920-2008) de la chaire de « Memoria hist6rica d el siglo XX ))' confiée en 2005 à l'historien Julio Ar6stegui 1 8 . Du point de vue législatif, se sont succédés propositions de lois, lois , décrets 1 9 : la proposition parlementaire de novembre 2002 demandant la condamnation du soulèvement militaire de juillet 1 936 et la reconnaissance des victimes de la Guerre Civile et de la dictature est approuvée à l'unanimité. Pour favoriser le processus de réconciliation nationale, en avril 2005, le parlement, à l'exception du Parti Populaire, approuve une proposition de loi qui déclare l'an née 2006 « Année de la Mémoire historique >> . Le projet de loi intitulé 11 Proyecto de ley por la que se reconocen y amplian derechos y se establecen medidas en favor de quienes padecieron persecuci6n o violencia durante la guerra civil y la dictadura >> est voté par le Conseil des Ministres en juillet 2006 2 0 . Il est approuvé le 3 1 octobre 2007 par le 11 Pleno del Congreso de los Diputados >> et publié le 7 novembre 2007 au Bolet[n oficial de las Cortes generales. Congreso de los Diputados. Il devient la loi ratifiée par le Roi le 26 décembre 2007 sous le même titre (11 Ley por la que se reconocen . . . ))) , publiée dans le Boletfn Oficial del Estado (3 1 0, 2007) (voir le texte, en Annexes). Depuis, quatre décrets sont venus la compléter, l'un d'eux instaurant la reconnaissance du statut de victime du Franquisme 2 1 . Le Conseil des ministres avait soumis ces projets au Conseil d'état (Presidencia del Gobierno, Consejo de ministros, 3/ 1 0/2008 : http://www. la-moncloa.es). Les formes de la résistance an tifranquiste
Des colloques et des journées d'étude sur la résistance en 1 988 ont éclairé le fait. D'une part le colloque tenu à Madrid du 1 9 au 22 octobre 1 988 à l'initiative de la UNED, 11 La oposici6n al régimen de Franco >>, et d'autre part en novembre de la même année, les journées organisées par la Fundaci6n de Investigaciones Marxistas (FIM) sur 11 El movimiento guerrillero de los aii.os 40 >> qui ont donné lieu à un ouvrage du même titre en 1 990, réédité en 2003, dans lequel ont col16 Lire Dulce CHAC6N, « La mujer y la construcci6n del olvido >>, p. 75-78 et Alfons CERVERA, " Relata mâs allâ de la zona oscura y prohibida >>, p. 1 53-162. 17 Voir « Juicio a la barbarie >> de Luis G6mez Y NATALIA JUNQUERA, El Pais, 1 4/9/2008. 18 Voir Tribuna Complutense, mars 2005. 19 Paloma AGUILAR FERNÂNDEZ, Politicas de la memaria y memarias de la polrtica. El casa espafwl en perspectiva comparada, Madrid, Alianza, 2008. 20 Rose OUROUX, " La juste mémoire? >>, in Danielle CORRADO, op. cit. , p. 6 1 7-643 ; Sophie BABY, 2007 , op. cit. , p. 10. 2 1 Lire " Los represaliados de Franco tendrân un reconocimiento oficial del estatus de victima » , Carlos E. CUÉ, El Pais, 3/10/2008.
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LE ROMAN DE LA GUÉRILLA ANTJFRANQUJSTE les historiens Secu n d i no Serran.o, Fernanda Romeu, Hannut Heine el gu ' r i l léros, dont Martinez et Z ap i co . L' i n t roduct ion cl ' vo l u me n l 'anc ie 1 PCE a o uve rt en 1 980 ses ar h i ves q u i conti nn nt un f nds que eXP liq ue e é 11 Movimiento guerr i l lero >> q u ' i l m t à dis posi tion des her heurs. Le ap p l de la UNED a rnls en 'viclenc:e les formes très variées q u 'a prises l'op ue c oll o q .22 : la rés istance c landestine intérieure, qui p ut être rural ou u rbaine ositio n Ja bo ré
p
))) act ive, a rmée ou sil ncieuse (avec le person é s i s t a nc par l'imaginaire) ; la résistanc exté rieur , à u n age d 'étrang r ( xilés ; 1 résistant vétéran ; la remm résistante. Ces formes sont l présentes dans quantité de romans depuis la Transition. Outre , la résistance clandestine intérieure active et armée, qui apparaît dans Luna de lobas (1 985) de Llamazares, dans Beatus Ille (1 986) de Muii.oz Molina, Maquis (1997) de Cervera, La noche de los cuatro caminos (200 1) de Trapiello ou encore La voz dorm ida (2002) de Dulce Chac6n, la résistance 11 silencieuse >>, est incarnée à travers les personnages des enlaces (les contacts) et du 11 topo >>, auquel Jesus Torbado a consacré un ouvrage en 1 977. Cette figure apparaît déjà dans la nouvelle de Francisco Ayala, 1< La vida por la opinion >> de 1 955, inclue dans La cabeza del cordera (1962, Buenos Aires) mais publiée pour la première fois en Espagne en 1 9 78. À partir de là, elle devient plus fréquente, par exemple dans Si te dicen que caf de Juan Marsé (19 73) avec Marcos Javaloyes, puis clans Luna de lobas (p. 1 46-1 47, 1 5 1), Jacinto Solana dans Beatus Ille de Muii.oz Molina qui reste enfermé de 1 947 (date de la Loi sur le banditisme) à 1 969 (amnistie), le capitaine Blay dans El embrujo de Shanghai (1 993) de Marsé. Dans Maquis, les aides silencieuses, les contacts, sont le fait des femmes et du village (Manuel, le boulanger, aide Sebastian Fombuena) comme dans La voz dormida. Dans cette catégorie de la résistance silencieuse, nous faisons entrer la résistance par l'imaginaire comme l'illustre l'histoire de Gregorio Olias, protagoniste de Juegos de la edad tardfa (1 989) de Luis Landero, modeste employé qui se méta morphose en poète rebelle et militant communiste, Faroni. La résistance à l'étranger a été plus souvent représentée, avec par exemple le personnage de El Kim parti à Toulouse puis en Chine dans El embrujo de Shanghai de Marsé ; dans La voz dormida, Jaime part à Toulouse, Elvira et El Peque à Prague ; dans Maquis, la résistance doit désormais se faire dans < 1 los lujosos despachos del exilio >>. Le résistant vétéran est un personnage largement présent : Antoni Miralles dans Soldados de Salamina de Javier Cercas, Jacinto Solana dans Beatus ille, Juegos de la edad tardfa, Si te dicen que caf, El embrujo de Shanghai avec le capi taine Blay et Sucre. La présence de la femme résistante est plus rare mais tend à se dévelop per dans les romans les plus récents. À des degrés d'implication divers, elle apparaît dans Luna de labos, à travers Juana, la sœur de Angel, et de Tina ; de Beatriz dans Beatus Ille (p. 1 1 8- 1 23 et p. 2 2 1-231) ; de Concha et Nieta dans La (<� l os
de l
11
monte, los del l lano
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22 " La oposici6n al régimen de Franco » , UNED, 1 990. Voir le compte rendu de Marie-Aline B ARRACHJNA, « L' opposition au régime de Franco Compte rendu du Colloque du 1 9-22 octobre 1988, Madrid, UNED, Vingtième siècle, Revue d'Histoire, 1 989, n" 22, p. 1 5 1-154. »,
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agon fa del buho chico ; dans Maquis : les mères et épouses. Dans La voz dormida leur rôle devient prépondérant, avec les militantes, les agents de liaison o � les contacts actifs que sont Hortensia, Tomasa Remedios Elvira et Carmina torturée et morte, ou Pepita, l'héroïne ; citons e�core le pe�sonnage de Cecili� Balaguer dans La m itad del alma de Carmen Riera (2004) ou de Inés dans Inés y la alegrfa d'Almudena Grandes (20 1 0) .
Mais il nuance cette première phase :
Le temps de la résistance
Puis :
Tout comme la délimitation de la période appelée Transition démocratique, celle de la résistance et de la guérilla, est aussi sujette à des controverses . D'ailleurs, le même problème d'incertitude sur les bornes chronologiques se pose pour la Guerre civile et pour la période de la guérilla : 1 939, certains la prolongent jusqu'en 1 975, le Franquisme n'étant que la poursuite de la guerre. La durée de la guérilla nous semble aussi en cours de définition par les histo riens au vu des témoignages des survivants et de l'ouverture régulière de fonds d'archives. Faut-il considérer qu'elle commence dès 1 936 pour les républicains restés dans une zone sous contrôle franquiste - « los huidos ,, -, comme le sug gèrent les romans Cumbres de Extremadura de 1 938 et Luna de lobas de 1 985, et l'ouvrage de J.-A. Vidal Sales (2006), ou seulement après la victoire franquiste, le 1 er avril 1 939 ? De même, la guérilla termine-t-elle en 1 95 1-1 952, comme l'in diquent quantité de titres de monographies consacrées à la guérilla dans telle ou telle région, ou dure-t-elle carrément jusqu'en 1 975 ? Plusieurs dates en tout cas balisent cette période : l'arrivée de maquisards de France en 1 943 , la tenta tive d'invasion du Val d'Aran en octobre 1 944, appelée Reconquista de Espafw, la guérilla dénoncée par le PCE en 1947, la loi de répression du « bandidaje y terrorismo •• du 1 8 avril 1 947 ; l'exil des derniers maquisards en 1951 (cas de Martfnez L6pez, dit << El Quico ••) , les dernières exécutions (celle de José Castro Veiga, en 1 965, après 26 ans de résistance 2 3). Une distinction est aussi faite entre le maquis rural qui durerait jusqu'en 1 952 et la guérilla urbaine, jusqu'en 1 963 (Voir en Annexes, Chronologie de la guérilla). José Antonio Vidal Sales 24 , qui évoque la genèse du mouvement guérilléro dans chacune des régions espagnoles, reconnaît que la résistance commença dès 1 936, pendant la Guerre civile : " Primero fue en el 36, cuando la rebeli6n militar sorprendi6 a cente nares de hombres que habfan formado parte hasta entonces de los grupos polf ticos del Frente Popular [ . . . ], muchos de ellos no dudaron en elegir el monte. '' (p. 34).
" Otra cosa distinta [ . . . ] fue la diaspora hacia el monte de los izquier distas en la Hamada zona nacional durante y después de la Guerra Civil, para evitar ser fusilados o condenados a prisi6n, en la represi6n mas brutal habida en el siglo XX en el continente europeo. " (p. 1 2) .
" La primera fase de la guerrilla gallega estuvo marcada por la mas acu sada anarqufa. Los grupos - huidos del 36, desertores, elementos procedentes de las diezmadas unidades republicanas- actuaron totalmente por su cuenta y riesgo sin plan alguno prefijado y sin la menor coherencia entre sf. " (p. 1 9 1). " En cuanto a la génesis del movimiento guerrillero en Santander, cabe decir que, en realidad, se produjo en 1 937, después de la cafda de la ciudad en poder del ejército de Franco. Siempre Jo mis mo : la entrada de los vencedores supuso el éxodo o la precipitada huida de quienes no esperaban otra cosa que la represi6n o la muerte en el pared6n. Y fueron muchos los que se vieron en la imperiosa necesidad de elegir entre el monte o la vida. '' (p. 227).
On sait que l'action de Luna de lobas, qui commence en novembre 1 937, après la chute du Front du Nord en octobre 1 937, retrace les années qui vont de 1 937 à 1 946. Dans Maquis, Sebastian et Nicasio rejoignent la « partida ,, de Ojos Azules en 1 94 1 et, dans La voz dorm ida, Hortensia, femme du guérilléro Felipe, est emprisonnée en 1 940 et exécutée en 1 94 1 . Du point de vue littéraire, il est intéressant d'observer que le regard porté sur les événements relatés est ultérieur, avec une distance de 40 ans. On peut considérer d'une part la dis tance temporelle entre le moment de l'énonciation intradiégétique et les faits et d'autre part la distance entre le moment de l'écriture/publication et les faits. Ainsi nous avons pour chacun des trois romans le schéma suivant : Luna de lobas relate des faits survenus entre 1 937 et 1 946, avec un point de vue double : le narrateur intradiégétique se place en 1 946 ou en 1 983/ 1 985. Maquis relate des faits de 1941-195 1 , le point de vue intradiégétique est 1 982 (Angel Fombuena, narrateur) et 1 996 pour l'écriture/publication. La voz dormida situe sa diégèse entre 1 940 et 1 963, le point de vue en 1 963, l'écriture en 2002 . C'est le cas aussi par exemple du roman de Mufloz Molina, Beatus Ille (1 986), qui situe l'action :ntre 1 947 et 1 969, prenant un point de vue intradiégétique en 1969 ; l'écriture, etant de 1 986, entre autres exemples . La terminologie
23 Secundino SERRANO, 2006, op. cit. , p. 419. 24 José Antonio VIDAL SALES, op. cit.
Les qualificatifs qui désignent les hommes et le phénomène sont variés et connotés différemment : << maquis, resistencia, guerrilla, guerrillero, los
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del monte » pour le point de vue républicain et pour les franquistes : « ban doleras, bandidos, foraj idos, huidos, terroristas ». Mais c'est sans doute au romancier réaliste Benito Pérez Gald6s (1 843-1920) que l'on doit la diffu sion du mythe du guérillero, dans son roman Juan Martfn El empecinado (1 873) , l'un de ses Episodios nacionales, consacré aux actions de Juan Martin Diez dit El Empecinado ( 1 7 75-1 825), pendant les événements de la Guerre d'Indépendance. Pérez Gald6s fait d'abord l'éloge de la guérilla :
l 'étymologie d� mot maquis n, i s � u d u rn t ors e << macchla " · q u i do n n broussatlles, d a r bus tes . Mrus, si_ dans les romans ontemporams u t 1 ter ra i n d v souvent les mots « pa rt i d as ••, « maquis •• par exe m p l e dans Beatus tr u
« Hablaremos ahora de las guerrillas, que son la verdadera guerra nacional ; del levantamiento del pueblo en los campos ; de aquellos ejércitos espontaneos, nacidos en la tierra como la hierba nativa, cuya misteriosa simiente no arrojaron las manos del hombre ; voy a hablar de aquella organizaci6n militar hecha por milagroso instinto a espaldas del Estado, de aquella anarquia regla mentada que reproducia los tiempos primitivos 25 . ,, Pérez Gald6s attribue une spécificité « morale
»
au guérilléro :
" Tres tipos ofrece el caudillaje en Espafia, que son : el guerrillero, el contrabandista, el ladr6n de caminos. El aspecto es el mismo : s6lo el sentido moral les diferencia. Cualquiera de esos tipos puede ser uno de los otros dos sin que Io externo varie, con tai que un grano de sentido moral (permitaseme la frase) caiga de mas o de menos en la ampolleta de la conciencia. Las partidas que tan facilmente se forman en Espafia pueden ser el sumo bien o mal execrable. �Debemos celebrar esta especial aptitud de los espafioles para consagrarse armados y oponer eficaz resistencia a los ejércitos regulares ? �Los beneficios de un dia son tales que puedan hacernos olvidar las calamidades de otro dia ? Esto no lo diré yo, y menos en este libro donde me propongo enaltecer las hazafias de un guerrillero insigne que siempre se condujo movido por nobles impulsos, y fue desinteresado, generoso, leal, y no tuvo parentela moral con facciosos, ni matuteros, ni rufianes, aunque sin quererlo, y con fin muy laudable, cual era el limpiar a Espafia de franceses, ensefi6 a aquellos el oficio 26 . "
On observera que s'il y eut seulement trois éditions de ce roman entre 1 936 et 1 975 (en 1 963, 1 970 et 1 9 7 1) , il y en a eu plus d'une quinzaine depuis 1 975 et une thèse américaine qui lui a été consacrée en 1 990 : Guerrillas and guerrilleros in Gald6s'novelistic approach to history : a translation and critical introduction of << Juan Martfn el empecinado ,, d'Alva Victoria Cellini. On sait que le conflit franco-espagnol a été diversement apprécié par le Franquisme. José Antonio Vidal Sales (2006) explique l'apparition et l'emploi des termes guérilléro et maquis (p. 2 7-28, 34, 43, 1 07). Le premier apparaît lors de la guerre d'Indépendance avec les partidas et le second à partir de 1 943 quand des exi lés espagnols qui ont participé à la Résistance française rentrent. Vidal Sales
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�;e, ( p. L 2 1 ] . d ans Maquis
ou 11 los l e i monte n, les acteurs eux-mêm s, omme Q uic o o u Zaplc , ne sont pas fav rabi s à 1 1 maq u i s » q u i r ' fère trop aux maquiard s français 27• La répression et la d i s s i m u lati o franquist s 1 s a pp laient ban do leros, foraj idos, huid s " • bandits, terroristes, dans les faits div rs es x 28 . Un e transposition littéraire en est donnée dans la scène d Beatus �o ur n au q ua nd 1 groupe de Beat riz est tué par la ga1·de c i vi l (p. 22 1-237) et le l a na est 'chan gé c o n t re un ·orps anonym pour faire roire qu'il vre d a ad c é turé. ét cap a D eux textes officiels éclairent le débat sur l'usage du mot pendant le ra F n quisme : le décret de la Direcci6n General de Seguridad el u 1 1 avril 1 947, qui interdit les termes « maquis, guerrilla, guerrillero ,. d ans les textes officiels, entérin e de fait la désignation usuelle jusqu'alors de ces opposants. Peu après, est promulgué le « décret-loi >> du 18 avril 1 947 sur « represi6n de los delitas de bandidaje y terrorismo •• qui énumère tous les délits (actions) des guérilléros, sans citer le mot 29 (voir en Annexes Je « Decreta-ley sobre represi6n de los deli tos de bandidaje y terrorismo ••) .
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LES ROMANS S U R LA G U É R I LLA L'intérêt pour le sujet est grand et s'exprime dans la littérature mais aussi dans le cinéma, avec des films comme El espfritu de la co/mena de Victor Erice dès 1 9 73, puis à partir de 1 975, une douzaine de productions : Pim, pam, pum . . . iFuego ! (1 975) de Rafael Azcona, Casa manchada 3 0 (1 976) de José Antonio Nieves Conde, Las !argas vacaciones del 36 (1 976) de Jaime Camino, Los dfas del pasado de Mario Camus (1977), El coraz6n del bosque (1978) de Manuel Gutiérrez Aragon, La vaquilla (1 985) de Luis Garcia Berlanga, Luna de lobos (1987) de Julio Sanchez Valdés , Ay Carme la (1 990) de Carlos Saura ou Libertarias (1996) de Vicente Aranda, avec les comédiennes Victoria Abri! et Ana Belén. Nous nous arrêtons un instant sur ce film, car il a sans doute influencé Dulce Chac6n pour l'écriture de La voz dormida. Il raconte la fuite lors du déclenche ment de la Guerre civile d'une religieuse de son couvent qui trouve refuge dans une maison close où elle rencontre un groupe de femmes anarchistes et lance le thème de la femme militante, comme l'écrit G6mez Montero :
25 Benito PÉREZ GALD6s, Juan Martin El empecinado. Episodios nacionales, Primera serie, Madrid, Librerîa y casa editorial Hernando, 1 963, p. 5. 26 Benito PÉREZ GALD6S, op. cit. , p. 55.
27 Marie-Claude CHAPUT, op. cit. , p. 1 10. 28 Marie-Claude CHAPUT, " Representaciones de las guerrillas en la prensa » , in Marie-Claude CHAPUT, op . cit. , p. 43-63. 29 Marie-Claude CHAPUT, ibid. ; Daniel ARROYO RODRIGUEZ, " Descriminalizaci6n del maquis en la novela espaii.ola contemporânea 2004, http://www.uv.esjcerverab/arroyomoreiras.htm. 30 Adaptation à partir du roman d'Emilio ROMERO, Todos mor{an en Casa manchada (1969).
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L E ROMAN D E LA GUÉRILLA ANTIFRANQUISTE
" Libertarias nos traslada a la dimension heroica de la retaguardia en Barcelona durante la Guerra Civil dando a la mujer el protagonismo de esa heroi cidad. [ . . ] la mujer asume la iniciativa de la acci6n y el cambio hist6rico 3 1 . » .
Plus récemment d'autres films ont dépeint la guérilla avec une volonté de rendre hommage à son action, comme Silencio roto de Montxo Armendâriz (200 1) 32 , le film du Mexicain Guillermo del Toro, El laberinto del fauno (2006) 33 , et dernièrement, Los girasoles ciegos (2008) de José Luis Cuerda, l'adaptation du recueil de nouvelles éponymes d'Alberto Méndez. Lors de la sortie en sep tembre 2008 de Los girasoles ciegos, l'historien Julian Casanova - qui allait être choisi comme expert en octobre de la même année par le juge de la Audiencia nacional, Baltasar Garzon - écrivait dans El Pals à propos de la floraison de films revendiquant la mémoire : " El cine actual ha pasado a la batalla por la memoria, a la Jucha contra la indiferencia como forma de olvido social. Se narran la resistencia a la opresi6n y las ilusiones perdidas (Silencio roto, Montxo Armendariz, 2001), la represi6n y la apologia que los vencedores hicieron de la violencia (Las 13 rosas, Emilio Martinez-Lazaro, 2007), la muerte de la Republica y de la cuttura (La lengua de las mariposas, José Luis Cuerda, 1 999), o la complicidad del clero en la persecuci6n y el asesinato (Los girasoles ciegos, José Luis Cuerda, 2008). En todos esos casas, y mucho mas en Salvador (Manuel Huerga, 2008), aparece de forma muy clara la responsabilidad politica, criminal y moral de los vencedores de la guerra y de quienes proyectaron la violencia sobre la sociedad espaflola durante décadas. Se trata, en suma, de un viaje al pasado a través del testimonio (Soldados de Salamina, David Trueba, 2002), porque no hay memoria sin sujetos, del mismo modo que no hay historia sin reconstrucci6n fidedigna de los hechos 34 . ''
La liste des romans référentiels, mémoriels et testimoniaux concernant le Franquisme et publiés depuis la Transition est impressionnante, comme le mon trent les travaux d'inventaire réalisés par Maryse Bertrand-Mufloz, les analyses ' de Jacques Soubeyroux, Jean Tena, Jean Vila, Edmond Cros 35 e t 1e s synth eses régulières de José Carlos Mainer. On ne compte plus les affirmations en ce sens : ,, Il ne fait aucun doute que l'Histoire est une des composantes essentielles de la renarrativisation qui caractérise le roman espagnol depuis 1975 36 . »
3 1 Javier G6MEZ MONTERO, Memoria literaria de la Transiciôn, op. cit. , p. 7 1 . 3 2 Antonio G6MEZ LOPEZ La guerra persistente, Vervuert, 2006, p. 231-243. . . 33 Rose OUROUX, La Guerre d'Espagne, op. cit. , p. 635-636 ; José Maria IZQUIERDO, Maqms : Guernlla antifranquista. Un tema en la literatura de la memoria espaiiola >>, Romansk Forum, no 16, 2002, p. 106-107. 34 Julian CASANOVA, " Guerra y dictadura en el cine espaiiol El Pais, 8/9/2008. 35 Voir in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, 1 998 et 200 1 , op. cit. 36 Jacques SOUBEYROUX, in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, 200 1 , op. cit. , p. 1 6 1 . ,
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Mai s le phénomène ne manque pas d'interpeller le chercheur : ,, À voir le succès que remportent ces romans, sans doute ne peut-on que constater qu'ils répondent à une nécessité dans la société espagnole, celle de revenir sur le pacte de l'oubli dont parle Manuel Vazquez Montalban 37 . >>
compte tenu de la quantité de titres et de leur grande diffusion, nous pen sons comme Jean Tena qu'il s'agit d'un fait significatif : " L'écriture de la mémoire n'est pas un simple épiphénomène de transi tion, mais une donnée fondamentale de la production narrative espagnole de ces trente dernières années 38. ''
Encore faut-il expliquer le phénomène, comme le disait déjà Ignacio Soldevila en 1996 : << Reste à expliquer le raz de marée de romans historiques qui a envahi l'es pace éditorial des deux décennies qui suivent la fin de la dictature 39 . )) La question est toujours d'actualité. Notre réflexion sur l'écriture littéraire de la guérilla commencera par un inventaire. Avant 1 975, les rares romans publiés sur le thème pendant le Franquisme étaient le plus souvent des critiques décrivant les guérilléros comme des bandits sanguinaires, ignorants et sales. Sans pouvoir l'écarter, nous considérerons d'abord le cas particulier du roman de l'Américain Ernest Hemingway (1 899-1961), Pour qui sonne le glas, publié en 1 940 en anglais et porté au cinéma en 1 943 par Sam Wood, il fut publié en français en 1 944 et enfin en espagnol, mais en Argentine, en 1 95 1 , sous le titre de 1,Por qué doblan las campanas ?, puis de nouveau en Argentine en 1 959 sous le titre définitif de 1,Por quién doblan las campanas ? Le roman met en scène le j eune professeur d'es pagnol brigadiste américain, Robert Jordan, venu aider les guérilléros, Pablo et El Sordo, en Castille. Cet ouvrage fondateur n'a pas pu ne pas influencer la plupart des auteurs des romans que nous étudions ici. Dans la production espa gnole, on sait cependant que la figure du résistant est apparue ponctuellement à travers quelques personnages, comme Paco del Molino, le fuyard poursuivi par les phalangistes dans Réquiem par un campesino espanol (1 953) de Ramon J. Sender, puis avec le Marcos Javaloyes de Si te dicen que ca{ (1973) de Juan Marsé. Suivront Jon Julivert de Un dfa volveré (1 982) de Juan Marsé et des personnages de El ana del wolfram ( 1 984) de Raul Guerra Garrido. Le récit de Francisco Ayala, ,, La vida por la opinion )> , qui décrit un instituteur républi cain, Felipe, caché entre 1 936 et 1 945, qui rédige un manuscrit puis émigre en Amérique latine, pourrait être, de notre point de vue, un hypotexte de Luna de lobas, comme quelques autres romans (voir Présentation de Luna de labos) . Sans prétendre à l'exhaustivité, nous avons tenté de dresser un inventaire 37 Juan VILA, in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, 2001, op. cit. , p. 233. 38 Jean l'ENA, in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, 200 1 , op. cit. , p. 271. 39 Ignacio SOLDEVILA, Le roman historique et son évolution en Espagne op. cit., p. 1 34. "
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des romans espagnols sur la guérilla publiés depuis 1 975. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur la lecture d'ouvrages et articles critiques consacrés au roman contemporain, sur les inventaires faits par certaines associations comme La gavilla verde, El canto del buho, Los de la sierra, etc., et sur notre propre recherche dans les catalogues de bibliothèques et dans les rayons des librairies. Jean Vila, dans un article de 2001 40 où il résume des thèmes essentiels abor dés dans les romans historiques sur le Franquisme (le caïnisme, les maquis, l e marché noir, les nouveaux riches, les luttes étudiantes et la révolution sexuelle) , aborde au passage (p. 204-206) les romans sur le maquis, en signalant trois : Luna de lobas (1 985) de Llamazares, Maquis (1997) de Cervera et Agosto en el paraîso (1998) de Ridao. Un des premiers articles consacrés à cette étude est dû à José Maria Izquierdo, qui en 2002 faisait un inventaire des romans sur la guérilla. Il signalait, entre 1 954 et 1975, huit romans publiés sous le Franquisme, et six depuis la Transition : Luna de lobas (1 985) de Julio Llamazares, El color del crepusculo ( 1 995), Maquis (1 997) et La noche inm6vil (1 999) d'Alfons Cervera, El puente de hierro (1 998) de César Gavela et La noche de los cuatro caminos (2001) de Andrés Trapiello 4 1 . Pour sa part, en 2004, Daniel Arroyo en signalait huit depuis 1 985 : aux six de la liste de lzquierdo (Luna de Lobas, El color del crepusculo, Maquis, La noche inm6vil, El puente de hierro, La noche de los cuatro caminos) , il ajoutait les deux suivants, parus après 2002 : La sombra del cielo (2003) d'Alfons Cervera et La sa via de la literesa (2004) de Jorge Cortés 42 . Jean Tena (2004) en étudie quatre : Luna de labos, Alhambra y los Tuchas. Una historia del maquis ( 1 987), Maquis et El puente de hierro 43 . Au bilan, aucun titre n'est signalé entre 1975 et 1 984 et une dizaine de titres parus à partir de 1 985 nous était suggérée. En 201 0, La gavilla verde recense sur son site internet les œuvres de fiction et non fictionnelles qui ont trait au thème de la résistance armée, qui inclut la guérilla. Pour ces dernières, elle donne une liste de 285 ouvrages compo sés de mémoires, d'autobiographies, d'essais. Ces écrits, dont la plupart sont des récits de vie, mériteraient un travail comme celui que fit Philippe Lejeune sur les autobiographies, dans son essai L'autobiographie en France (197 1), qui complèterait d'un point de vue plus sociologique le travail littéraire que nous faisons à partir du corpus retenu. La bibliographie signale 1 80 œuvres de fic-
LE ROMAN DE LA GUÉRILLA ANTIFRANQUISTE
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·o n sacrées à
Juan VILA, in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, op. cit. , p. 1 9 7-235. José Maria IZQUJERDO, " Maquis : Guerrilla antifranquista. Un tema en la literatura de la memoria espaflola Romansk Forum, n" 16, 2002, p. 1 05- 1 16 ; p. 1 0 6 : " En los campos de la narrativa Y cinematografia este atractivo tema ha sido, hasta ahora, muy poco tratado. De 1 954 a 1975 se publicarân ocho novelas de infima calidad que servirân para apoyar el discurso oficial del fran quismo gansterizando a los guerrilleros desactivando sus aspectos politicos y hasta humanos. En tiempos de la democracia [ . . . ] la figura del maquis ha aparecido de forma secundaria en las novelas de Juan MARSÉ (Barcelona 1933) junto a la figura del oculto, del retornado, del "topo" y excarcelado, y de manera anecd6tica en otras como, por ejemplo, La hija del canîbal (1997) de Rosa MONTERO (Madrid 1951) o El ano del di/uvio (1992) de Eduardo MENDOZA (Barcelona 1943). » 42 Daniel ARROYO, op. cit. , p. 3. 43 Jean TENA, " Historia, memoria, mito : cuatro novelas del maquis » , in Marie-Claude CHAPUT, op. cit. , p. 135-143.
la guérilla publié s depuis 1 938, dont envir n 1 20 depui bre très élevé cie titres est dû au fait qu'on trouve aussi bien des nom L · des re ueils d récits ou de nouv Iles, publ iés dans des maisons que ma ns onnu s ou pa s , de nombr ux ouvrages signalés 'tant publiés dans �éd i t io n c d'édition onfidentiell ons ou parf i à com p d'aut ur, n langu des m ais catalane, port ugal ou gal i ienr et parfois d s rééditi ns, par le no ag sp e quién doblan las campanas d'Ernest Hemingway et beau · up de exe m p l e Par o m aos Otl la guérilla est épisodique. Le premier titre de la d é m o crat i e sur le 1a q uis qui y est recensé est en fait la b i ogra p h i romancée de la guéril léra T resa Pla Messeguer, dite ,, La Past r a n écrit par Manu 1 Villar Raso n ' en !93 6), La Pastora : el maqui hermafrodita ( 1 978) , réédité en 2003 sous le titre La bella h ermafrodita. Pour notre part, nous avons privilégié les romans publiés à partir de 1 985, écrits en langue espagnole, dont c'est la première édition et qui ont été publiés dans une maison d'édition qui leur a offert une grande diffusion et, parfois, permis d'obtenir un prix. Par exemple, Luna de lobas a connu plus de 25 édi tions depuis 1 985, Maquis, six depuis 1997 et La voz dormida, plus de 25 déjà. Nous avons ainsi précisé et complété les ébauches d'inventaires que nous avons pu trouver et établi une liste de plus d'une trentaine de titres publiés depuis 1 985, où la figure du guérilléro est centrale ou secondaire. Le premier groupe comprend les titres suivants, classés ici chronologiquement : Luna de lobas (1 985) de Julio Llamazares (né en 1 955), Alhambra y los Tuchas (Una his toria del maquis) (1 987) de Jesus Sevilla Lozano (1931), même s'il s'agit d'un roman « anti-maquis n , La agonîa del bUho chico (1 994) de Justo Vila Izquierdo, les cinq romans qui forment le cycle de la mémoire d'Alfons Cervera (1 947) : El color del crepusculo (1 995), Maquis (1 997), La noche inm6vil (1 999), La som bra del cielo (2003) et Aquel invierno (2005), La raya seca (1 996) et El puente de hierro (1998) de César Gavela (1 953), La noche de los cuatro caminos. Una historia del maquis, Madrid, 1945 (2001) d'Andrés Trapiello (1 953), Los cuader nos perdidos de Antonio Catena (200 1) de Juan Vergillos (1 969), La voz dormida (2002) de Dulce Chac6n, La savia de la literesa (2004) de l'Aragonais Jorge Cortés Pellicer, Los girasoles ciegos (2004) d'Alberto Méndez (1 94 1-2004), La mitad del alma (2004) de Carmen Riera ( 1 948), Siempre quedard Parîs (2005) de Ramon Adn (1 952), jHasta siempre camaradas ! (2006) de Raul Tristan (1 969), Caballeros de la mue rte : la ultima batalla de la mue rte (2006), La ultima fosa (2008) d'Alejandro Martinez Gallo (né en 1962) et Inés y la alegrîa (20 1 0) de Almudena Grandes. Un second groupe d'une quinzaine d'autres romans où la figure du maqui s ard est présente de façon plus ponctuelle, comme personnage secondaire souvent, compte : Beatus Ille (1 986) de Muiioz Molina, Juegos de la edad tardîa (1989) de Luis Landero, El ano del diluvio (1 992) de Eduardo Mendoza (1 943), El embrujo de Shanghai (1 993) de Juan Marsé (1 933), La hlja del canîbal (1 997) de Rosa Montera (1951), Agosto en el paraîso ( 1 998) de José Maria Ridao (1961), Rabos de lagartija (2000) de Juan Marsé, La ultima pagina (maquis) (2000) de Juan José Fernândez Delgado, Soldados de Salamina (200 1) de Javier Cercas,
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Las guerras de Etruria (200 1) de Julio de la Rosa (1 935), Las trece rosas (2003) de Jesus Ferrero (1 952) . On note même en 2005 la publication de Los vencidos d'Antonio Ferres, publié pour la première fois à l'étranger en 1 960. Résumés
Nous donnons ici un bref résumé qui présente la diégèse, le temps et la forme narrative des quinze titres dont l'action est centrée sur la guérilla, clas sés chronologiquement et avec l'indication de leur première édition et du nombre de pages. Luna de labos (1 985, Seix Barral, 153 pages) de Julio Llamazares (né en 1 95 5) décrit la survie de quatre républicains (Angel, Gildo, Juan et Ramiro) pourchas sés par la Garde civile dans la région du Léon, entre 1 937 et 1 946, la mort de trois d'entre eux, l'exil pour le dernier. Raconté par un narrateur homodiégé tique, Angel Suarez Reyero (voir notre présentation, partie " De Luna de lobas (1 985) de Julio Llamazares à La voz dormida (2002) de Dulce Chac6n ))) . A lhambra y los Tuchas. Una historia del maquis (1 987, Editorial Certamen, 229 p.), premier roman de l'écrivain et médecin Jesus Sevilla Lozano (Daimiel, 1 93 1) , qui le publia d'abord à compte d'auteur en 1 98 1 , est plutôt un roman profranquiste et " anti-maquis )) où les guérilléros antifranquistes sont pré sentés comme de cruels criminels et des voleurs qui assassinent onze frères Pasionnistes de Daimiel. Le roman est ainsi jugé par La gavilla verde : " Mas pro pia de haber sido escrita en la posguerra, encontramos que su edici6n casi se realiza en los anos 90 )) et Jean Tena le qualifie de : " engendra antediluviano 44 )), Un narrateur omniscient raconte l'histoire du village manchègue de Alhambra, près de Ciudad Real, en 1941 et la vie et la mort successive des huit membres de la partida des Tuchas, après trois années de maquis. La agonfa del bUho chico (1 994, Los libros del Oeste, 369 p.) de l'historien, spécialiste de la guérilla, Justo Vila Izquierdo (né en 1 954) , relate l'histoire, les expériences et les péripéties d'un groupe de maquisards, pour la plupart des prisonniers républicains évadés du camp de concentration de Castuera de Badajoz, qui se refugie dans les sierras de la Siberia y de la Serena, dans la " partida )) de Alonso Martinez Aranda, dit Veneno, entre 1 939 et 1 950 (épilo gue). Il retrace leur longue marche depuis 1 939 : " Lagrimas calladas, silencios de hierro, angustias . Sacrificios. Olvido. Esperanzas. Planes. Y nuevamente la realidad : huida o muerte )) (p. 28, La agonfa del bliho chico, 1 994). Découpé en quatre parties, il présente treize personnages (des hommes et des femmes : Concha, Nieta, Rosario) qui ont abandonné leur village et luttent contre les vainqueurs de la Guerre civile, dans l'espoir de retrouver la situation antérieure à 1 936. Nous regroupons pour la clarté du propos les cinq romans d'Alfons Cervera : El color del crepusculo (1 995, Montesinos, 1 43 p.) d'Alfons Cervera (né en 1 947) , avec Maquis (1 997) et La noche inm6vil (1 999), forme une trilogie sur 44 Jean TENA, in Marie-Claude CHAPUT, op. cit. , p. 138. 56
mo ire personnelle et celle d'un v i l lage fictif, Los Yesares, de la Serranîa la m é d Valenc à différents moments historiques de l 'époque contemporain . Ell s e un péri de quj va de la guerre de Cuba à la Transition démoCJ·a e m b ras vec un i n térê t S ( écial pour la phase cl la résistan e armée, la gu · r i l l a a e, u ti q a n q u iste. entre la Guerre Civile et les années 50. Le preml r volet, El color r t i f an est narré depui le p int de vue personnel de la pr tagonlste ptisculo, re c l de petite-fi lle de Félix quj sera J e narrateur d e La noch inm6vil, et person ta, n su e même de Maquis, femme mûre qui remémore son enfance à la veill ell nag ,
d e ses noces. Maquis (1997, Montesinos, 1 74 p.) est un récit double, où un narrateur per son n el, Angel Fombuena, fils d'un guérilléro, relate en 1 982 les événements qui ont marqué la vie des guérilléros de son village entre 1 940 et 1 950, et laisse ces derniers s'exprimer dans une polyphonie complète (voir partie " De Luna de labos (1 985) de Julio Llamazares à La voz dormida (2002) de Dulce Chac6n ))). La noche inm6vil (1 999, Montesinos, 1 69 p.) : le vieux Félix Ventura, grand père de Sunta, remémore la vie du village et les conséquences dramatiques de l a Guerre civile, dans un long monologue mémoriel d'une nuit qui précède sa mort " bleue )), La sombra del cielo (2003, Montesinos, 1 85 p.) : les personnages, dont la plu part furent enfants dans les années quarante et début cinquante, vivent les années 90 et voient leur vie et leur village perturbés par divers événements : Los Yesares reste ancré dans le passé, avec des gouvernants éloignés des valeurs nées avec la démocratie et des relations héritées de la guerre, comme dans les années 40. Les montagnes sont creusées par des pelleteuses qui en extraient des matériaux qui permettront la fabrication de céramiques de luxe, exploita tion minière à laquelle s' opposent Sunta et Martin . Dans ce cadre, arrive un beau jour Walter Reyes Bazan, un Argentin, peut-être exilé à cause de la dicta ture argentine, qui sera le personnage principal, mystérieux et contradictoire, de l'histoire. A quel invierno (2005, Montesinos, 1 69 p.) de Cervera reprend les personnages de ses quatre romans antérieurs et décrit l'arrivée d'une étudiante américaine venue faire des recherches sur le village et recueillir des témoignages. Comme les romans précédents, est abordé le thème de la douleur dans les années qui suivirent la victoire franquiste de 1 939. Si Alfons Cervera montrait des person nages qui tentaient désespérément de survivre, il étudie ici les conséquences du mal provoqué par la volonté d' extermination que la dictature franquiste exerça sur les vaincus. Le regard des adultes se mêle à celui des enfants qui ne com prennent pas pourquoi certains pères ne rentrent jamais à la maison, pourquoi les femmes conversent à mi-voix, toujours craintives, ou pourquoi on change le nom d'un chien qui s'appelait avant la guerre Durruti en Vaillant. Alfons Cervera explore les territoires obscurs du silence, la volonté de le perpétuer, l'oubli qui frappe le récit d'un temps dévasté et cela, en laissant s'exprimer une multitude de voix qui raconte chacune sa propre version des faits. El puente de hierro ( 1 998, Pre-textos, 1 75 p.) de César Gavela (1 953) qui reçut le Prix « Novela corta. José Maria de Pereda )) du Gouvernement de Cantabrie
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en 1 998, est une narration sur la lutte pour la survie du maquis du Bierzo, à la frontière du Léon et de la Galice, au début des années cinquante. Gavela avait ébauché le thème dans sa nouvelle, La raya seca (83 p.), en 1 996, qui reçut le Premio literario Ciudad de !nin. Dans El puente de hierro, dont le titre renvoie au pont de fer construit au XIe siècle dans le village pour faciliter la route des pèlerins vers Saint-Jacques de Compostelle, la diégèse se situe entre le 1 1 sep tembre 1 950 et le 28 mai 1 95 1 , date du démantèlement de la guérilla et de son exil. Construction polyphonique proche de la trilogie de Cervera, elle fait inter venir comme personnages, Juan Benet, écrivain et ingénieur, qui vécut là pen dant six ans, et Manuel Giron que le héros, Delia Dao, fils de guérilléro, aide à fuir. Dans une ville isolée d'une vallée du nord, apparaît une multitude de per sonnages : marchands, agents ferroviaires, curés, vieillards fantaisistes, « alma cenistas, torturadores, hombres de ambici6n. Mujeres vertiginosas, libres y arrojadas. Amores inocentes o mercenarios, cârceles y conventos. Un diplomâ tico escocés », dit Gavela. Dans la montagne, vivent les derniers guérilléros du maquis, qui trouvent dans la petite ville brumeuse leurs alliés et leurs enne mis. Le roman se déroule dans la Galice intérieure et littorale, à Lisbonne et en Castille, dans la zone cantabrique et à Barcelone. La noche de los cuatro caminos. Una historia del maquis, Madrid, 1945 (200 1 , Aguilar, 3 1 6 p.) d e Andrés Trapiello (1 953) narre l'histoire des guérilléros urbains madrilènes (« los del llano ») de la « Agrupaci6n guerrillera del llano )) entre octobre 1 944 et avril 1 945. Comme Le manuscrit trouvé de Saragosse de Jean Potocki (1 76 1 - 1 8 1 5), il est basé sur une supposée trouvaille personnelle de documents policiers dans une librairie de livres d'occasion. On y lit (p. 1 3 , éd. 2001) : « la historia que s e cuenta e n este libro e s l a d e unos cuantos débiles y la de unos cuantos pobres . . . », résumé qui n'indique guère une vision positive des faits. La noche de los cuatro caminos raconte l'assassinat de deux personnes dans un local phalangiste par des guérilléros, avec une reconstruction des faits et une désidéologisation de la guérilla, des victimes d'une idéologie stalinienne. Los cuadernos perdidos de Antonio Catena (200 1 , Suma de Letras, 1 58 p.) est le premier roman de Juan Vergillos G6mez (né en 1 969), alors étudiant en troi sième cycle à l'université de Séville, qui reçut le Prix Littéraire de l'université de Séville pour sa nouvelle en 2000 45 . Le roman s'inspire de la vie du guérilléro, Antonio Catena Sanjuân (1895-1 947), réfugié dans la sierra Mâgina, de sa fuite et son désespoir face à la réalité franquiste. Accusé d'avoir participé pendant la Guerre civile au tribunal populaire spécial de Jaén, Antonio Catena Sanjuân fut jugé pour rébellion militaire. En juillet 1 94 1 , il fut emprisonné à Santa Clara où il retrouva son compatriote Manuel L6pez Guzmân Pajuelas. En décembre tous deux étaient condamnés à mort. Le 1 7 janvier 1 942, les deux hommes s'évadèrent et rej oignirent le groupe des frères communistes Tomas, Manuel et Francisco Garcia Fuente, Los Chaparros, seul groupe existant alors dans la Sierra Mâgina. En mai 1 943, Antonio Catena et Manuel L6pez Guzmân constituè rent leur propre groupe, avec Juan Burgos Medina. À la mi 1 944, Antonio Catena
bandonna la lutte armée et se sépara de Manuel L6pez Guzman. II se cacha uel ques mois dans une ferme, puis muni de faux papiers partit pour Valence ù o il trouva du travail comme ébéniste. Arrêté le 1 1 février 1 945 par la Garde civile de Valence, Antonio Catena fut condamné à mort et fusillé le 20 mars !94 7, avec le dernier membre du groupe, Juan Burgos Medina, qui avait été 46 capturé le 1 2 février 1 946 . Le roman retrace les années quarante à Valence, Barcelone et Sierra Mâgina, où se déroule le drame personnel et politique d'un groupe de vaincus de la Guerre Civile. Juan Vergillos construit son roman sur l a trahison et la peur à partir de documents de l'époque et de témoignages à la première personne de ses protagonistes, spécialement des cahiers où le plus luci de d'entre eux, Antonio Catena, « El Maestro », ex-combattant républicain, offre son récit de ces années. La voz dormida (2002, Alfaguara, 387 p.) de Dulce Chac6n (1 954-2003) qui se déroule sur une vingtaine d'années ( 1 940-1 963), décrit la vie de militantes com munistes prisonnières dans les années quarante et l'implication de la protago niste Pepita et d'Elvira dans la guérilla puis dans l'aide aux prisonniers (voir partie « De Luna de lobas (1 985) de Julio Llamazares à La voz dormida (2002) de Duke Chac6n ») . La savia de la literesa (2004, Las tres sorores, 557 p.) de l'Aragonais Jorge Cortés Pellicer (Saragosse, 1 953) doit son titre au nom " literesa )) donné dans le village aragonais d'Agüero à une plante à fleurs jaunes, dont la sève a des propriétés variées et utiles. L'écrivain et avocat Jorge Cortés qui avait déjà publié un récit intitulé « El Maestro )) dans le livre Historias de maquis en el Pirineo Aragonés (2000), reprend dans La savia de la literesa le personnage d'Antonio, le maître d'école d'Agüero, aux côtés d'autres grands personnages de la résistance antifranquiste dans les années 40, au pied des Pyrénées , près de la France. Le roman qui a demandé des recherches des deux côtés des Pyrénées, auprès de personnes craintives, relate des épisodes réels surve nus entre septembre 1 944 et mai 1 948 dans les sierras de Santo Domingo et Carbonera, qui sont restés ignorés pendant le Franquisme et la Transition. Il met en scène des personnages et des comportements variés, le lien entre les guérilléros et la population locale, la famille, les guérilléros cherchant à éviter les représailles contre leurs aides. Les témoignages à la première personne en italiques font du roman parfois un documentaire ou un reportage : le réalisme critique porte sur les responsables politiques ignorants de la situation réelle de l'Espagne. L'auteur montre que le maquisard agissait pour des raisons éthiques et en réaction à la victoire des factieux. Los girasoles ciegos (2004, Anagrama, 1 55 p.) d'Alberto Méndez (1941-2004) est un recueil de quatre récits publié en janvier 2004 par Alberto Méndez, qui avait 63 ans pour ce premier et seul recueil de nouvelles. Il reçut le Premio
�
46 Les données historiques concernant le personnage sont prises dans : http :f/losdelasierra.info/ spip.php ?article1564 (F. AGUADO SANCHEZ, El Maquis en Espana, 1 975 ; Reuista de estudios h ist6ri cos de la Guardia Civil, n" 10, 1 972 ; L. M. SÂNCHEZ TOSTADO, Los maquis en sierra Magina et La Guerra no acab6 ; F. MORENO G6MEZ, " La Resistencia in Solidaridad Obrera, Paris, n" 1 13, 6 avril 1 947 ). "•
45 Bolet[n de la Uniuersidad de Sevilia, 2000, n• 53.
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OUBLI ET MÉMOIRE
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Setenil de relatas et plus tard les Prix de la Critique et le Premio Nacional de Narrativa. Son recueil a été adapté au cinéma en 2008, par José Luis Cuerda. Fils du poète et traducteur, José Méndez Herrera, Alberto Méndez, homme de gauche, milita dans le Parti Communiste jusqu'en 1 982 et fut toujours lié au monde de l'édition. Il créa la maison d'édition politique << Ciencia Nueva n q ue ferma Manuel Fraga lribarne quand i l était ministre franquiste. Il devint cadre de la editorial Montena et écrivit des scénarios pour la RTVE et pour Pilar Mirô et des traductions. Les quatre nouvelles, sous-titrées « derrotas n, se déroulent de la Guerre civile au premier Franquisme, de 1 936 a 1 942, et sont autonomes, mais habi lement liées . Leurs personnages sont des vaincus acculés par la situation et incertains de leur avenir. Dans le premier récit, le capitaine Carlos Alegrfa, offi cier de l'armée nationaliste, se rend aux républicains alors que les troupes fran quistes entrent dans Madrid, attitude incompréhensible pour les deux camps . L'officier l'explique par le fait que ses corréligionaires ne cherchaient pas la victoire mais la mort de l'ennemi. Sa reddition calme sa conscience d'avoir commis tant d'atrocités. Le deuxième récit raconte le bref périple d'un jeune poète qui fuit les vainqueurs et se réfugie dans les montagnes asturiennes avec sa femme enceinte qui mourra peu après l'accouchement. Dans un j ournal intime, le jeune homme écrit sa peur et sa lutte vaine pour sauver son fils. Le troisième récit raconte l'histoire du soldat républicain Juan Senra. Quand le président du tribunal qui doit le juger et sa femme découvrent que le soldat Senra a connu et vu mourir leur fils, qui fut fusillé, ils l'obligent à leur en parler. Pour survivre, Senra transforme le j eune traître en héros, mais dégoûté par l'imposture, il raconte la vérité, qui le conduit à la mort. Le quatrième évoque la vie quotidienne du nouveau régime et montre Ricardo, un « topo ff que sa famille protège, dans la peur. Enfermé dans une armoire, il assiste, impuissant, à l'agression sexuelle que subit sa femme de la part d'un diacre, professeur de leur fils, qu'il repousse avant de se suicider. L'œuvre de Méndez mêle la cruauté des situations et une sensiblité constante qui émeut. Simple, réaliste mais chargé de symbolisme, Los girasoles ciegos est une œuvre sur la mémoire collective qui vise à dépasser la tragédie espagnole, et comme le dit la citation initiale de Carlos Piera, à assumer le passé, sans vouloir oublier, à connaître l'histoire pour comprendre le présent et se projeter vers l'avenir. La mitad del alma (2003 en catalan, 2004 en castillan, Circula de Lectores, 203 p.) de Carmen Riera (1 948) est l'histoire de l'écrivaine devenue narratrice et héroïne, qui découvre en 200 1 des lettres inconnues de sa mère, Cecilia Balaguer, écrites entre 1 949 et 1 959, qui questionnent ses origines et son identité. Elle recherche dans le passé et dans les archives familiales l'histoire cachée de sa mère qui fut militante et collabora avec le maquis et la résistance bien qu'elle fût mariée à un franquiste. Parmi tous ces romans qui j alonnent la période 1 985-2005, nous avons porté notre choix sur trois d'entre eux, entièrement consacrés au thème, Luna de labos (1 985) de Julio Llamazares (1 955), Maquis (1 997) de Alfons Cervera
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LE ROMAN DE LA GUÉRILLA ANTIFRANQUISTE
1947) t La
dorrnida (2002) d Oui ·e ha · n 1 954-200 ). La fi tionnalisa l' bj t historique n 1ue constitu la guérilla anti frai quist a C.tl00 mencé avec Luna de lobos. premier roman en t ièrem e nt consacré au thème om guéril la de l'après-Franquisme. fei Je thèm et la ôgure d u guérilléro sont et sont p ·!t ifs. L r man, qui lance se lo n nous le geme du roman sur ,u a n ·és guéri J l a n · pouvalt êt r �.car.té et pouvait servir de ���érence. L cl uxièm , u iJ !i é cl uze ans plus tard, md 1que d ne Ul e lo n gu pen cl pendant laqu rvera l u i-mêm '17. L t h è me n p re nd pas s n essor, c mm 1 · d i t Alfons oqu t ut la durée d e la guérilla (1 9401 952 . Enfin le tr isième, q u i év n r ma u s s i le phénomène jusqu'à son terme et dans toutes ses fac ttes lutte, a rit déc ns, emprisonnements, exil), est surtout celui qui traduit le mieux l'im utio c exé des femmes dans la guérilla, thème déjà présent mais plus latent dans on ati plic lobas et Maquis. En outre, la diversité des aires géographiques représen de a Lun les trois romans (Léon, Levant, Castille, Estrémadure) rend compte dans tées ,, des ,, mouvements guérilléros régionaux et les écritures narratives variées (récit personnel, polyphonie, omniscience) reflètent la diversité des pratiques actuelles mises au service de la fictionnalisation de la guérilla. Enfin leur ample diffus ion a permis la divulgation du thème dans l'espace public et politique. Les homologies et les différences entre les trois romans nous ont semblé permettre de couvrir l'ensemble des points de vue sur le fait historique et sur sa représentation littéraire et de voir dans la profusion de romans de la gué rilla un sous-genre spécifique du roman de la mémoire historique, comme le dit Georges Tyras : voz
p ré cise de
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'' Am bos textos [Luna de labos et Maquis] marcan las pautas del posible subgénero que podria llega a ser, en manos de escritores camo Dulce Chac6n, Angeles Caso, José Maria Ridao, Benjamin Prado, Lorenzo Silva, Jorge Cortés Pellicer, Justo Vila, César Gavela, Alberto Méndez y un largo etcétera, una novela de la memoria hist6rica 48 . >>
47 Allons CERVERA, in Marie-Claude CHAPUT, op. cit. , p. 1 75. 48 Georges TYRAS, Memoria y resistencia. El maquis literario de Alfons Cervera, Montesinos, 2007, p. 10.
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( 1 985) de Julio Lla mazares voz dormida (2002) de Dulee C hac6n
De L una de lobos à La
ËMERGENCE DE LA F I G U RE LITTÉRA I RE oU RÉSISTANT ANTI FRANQU ISTE Comme nous venons de le voir, la fictionnalisation de la guérilla antifran quiste a inspiré plus d'une vingtaine de romans depuis 1 985 (voir la partie " classement chronologique des romans ))) . Si le point commun de ces romans est la figure du guérilléro, qu'elle soit centrale ou plus secondaire, mais traitée de manière nuancée et positive, avec une évidente volonté de « descriminaliza ci6n del maquis ,, pour reprendre les mots de Daniel Arroyo 1, et avec un point de vue éthique sur la résistance, la parenté entre certains d ' entre eux est essen tielle, notamment entre Luna de lobas, Maquis et La voz dorm ida.
PA RENTÉ ET GENÈSE DES ŒUVRES Avant d'analyser les liens intertextuels qui unissent les trois textes , nous évoquerons en premier lieu les liens de parenté déclarés par les écrivains eux mêmes. Ainsi, une parenté entre Luna de lobas, Maquis et La voz dorm ida est faite par Dulce Chac6n, dans un entretien dans Espéculo, en 2002 : " En ficci6n, me he apoyado poco, porque como iba a hacer fic ci6n, necesitaba realidad. Quizâ tenga alguna influencia de los libros que haya leido sobre el tema. Quizâ podria nombrar Par quien doblan las campanas de Hemingway, que lei muy jovencita y que fue el primer libro en el que vi que la Espafta en que vivimos proviene de dos Espaftas, y que el bando republicano tam bién existia. Yo siempre habia escuchado la historia de los nacionales. La primera vez que oi hablar de los Republicanos fue en este libro de Hemingway. Después ha habido otros libros, como Luna de Lobas de Julio Llamazares o Maquis de Alfons Cervera. Son libros que estân ahi, puesto que uno es fundamentalmente Jo que lee. >> -----
1
Dan iel ARROYO RODRIGUEZ, " Descriminalizaci6n del maquis en la novela espanola contemporânea >>, décembre 2004, site Alfons Cervera : http://www.uv.es/cerverab/suya.htm, 2004.
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OUBLI ET MÉMOIRE
Quant à Alfons Cervera, dans un hommage rendu à Dulce Chac6n, disparue le 3 décembre 2003, il n'omet pas de rappeler lui aussi les liens qui unissent les trois écrivains : " Nos juntaban a ella, a Julio Llamazares, a mi mismo las ganas de no arrancarnos de cuajo las raices de donde venimos. Nos encontramos en Santa Cruz de Moya, el pueblo conquense donde todos los primeros domingos de octu bre se celebra un emotivo homenaje a la memoria de la guerrilla antifascista . Ahi concluimos (aunque por separado ya Jo habiamos decidido antes) que la lealtad a las ideas es sagrada, que la amistad se construye con el respeto a esas ideas, dando cana a los miserables provocadores del olvido, levantando barrica das para que la desmemoria de Jo que ha sido este pais desde el ano 1931 hasta hoy no se instale en las tri pas de una democracia que cada dia se demuestra mâs insuficiente 2 . ,
II rapporte que c'est là, sur le site de Santa Cruz de Moya dont on sait qu'il est symbolique de la réhabilitation de la résistance, que vint l'idée de son roman La voz dormida, à Dulce Chac6n : " Ahi se puso Dulce Chac6n a pensar una de las historias literarias mâs exigentes que se han escrito en los û.ltimos tiempos 3. n Cervera explique, dans son essai '' El novelista y la creaci6n », que la genèse de son propre roman, Maquis, doit beaucoup à l 'Histoire, personnelle et collec tive. D'une part, il ancre son roman dans l'histoire et dans la mémoire de son enfance, à travers un cliché qui l'a marqué : cc dos personajes emblemâticos para ensenar el miedo : "el hombre del saco" y "el maquis" •• , et d'autre part dans sa lecture de Luna de lobas, dont il dit : cc lo û.nico que conoda era la novela de Julio Llamazares, Luna de lobas, publicada en 1 985, una novela espléndida 4 '' · D'emblée, nous signalerons que la lecture de Maquis appelle le souvenir de Luna de lobas du fait des similitudes intratextuelles qui unissent les deux textes , sur lesquelles nous reviendrons en détail dans la partie consacrée à I'intertextualité. Ainsi pour José Maria lzquierdo, des homologies contextuelles sont évidentes :
DE LUNA DE LOBOS (1 985) DE J. LLAMAZARES À LA
VOZ DORMIDA
(2002) DE O. CHAC6N
d e ta rn emoria hlst6rica [ . . . ] , Maquis alcanza un rango pionero equivalente al d e otTa obra maestra de la novela espanola contemporânea, Luna de labos, de
mazares 6 . l> jUl i O Ua pou r lui, l 'éc r i tu re de la mémoire est le lien essentiel qui unit les trois écri vai n s dans leur lutte contre l'oubli : " Alfons Cervera entronca con una larga tradici6n de creadores que desde Manuel Vâzquez Montalbân hasta Dulce Chac6n, pasando por Julio Llamazares o Juan Marsé, siguen levantândose contra el edicto pronunciado por uno de los personajes de Rafael Chirbes : "Lo que no quede escrito, no habrâ existido, y Jo que ha existido Jo escribirân ellos. Asi que ya sabes, dentro de unos anos no habréis existido" 7 . "
11 ressort clairement de toutes ces opinions que les trois auteurs sont des
guetteurs de la vérité historique, qui empruntent des méthodes d'enquête à mi-ch emin de celles des historiens, des journalistes ou des détectives, notam ment la documentation et l'appel à la source orale du témoignage, leur but étant, au-delà de la connaissance objective, la réhabilitation des résistants. Mais on n'en oubliera pas pour autant la littérarité essentielle chez ces trois romanciers-poètes. Pre mières remarques sur les a u te urs
Outre ces raisons littéraires, Georges Tyras met en parallèle les deux œuvres Maquis et Luna de lobas parce qu'elles ont un lien historique et symbolique dans l'actuelle vague mémorielle : " En un contexto nacional de recuperaci6n
Tous trois appartiennent à la même génération : nés bien après la Guerre civile, respectivement en 1 947, 1 954 et 1 955, ils sont les fils ou fille d'acteurs témoins de la guerre mais ils portent le regard de fils de vaincus et le regard " neuf •• de Dulce Chac6n, une démocrate, qui issue du camp des vainquèurs comme elle le signale elle-même - sa mère était cc d'une famille aristocratique, de droite et nationaliste ,, s -, disait, comme on l'a vu, ne rien savoir des républi cains jusqu'à ces dernières années 9 . De par leur date de naissance, ils n'ont pas la mémoire directe des faits qu'ils relatent, celle du témoin, mais leur mémoire est celle de l'enquêteur qui reçoit des témoignages, lit des essais, elle est indi recte. Ils ont recueilli les témoignages, les mémoires, souvent de leurs proches, de leur entourage comme le dit Llamazares dans des articles de En Babia, tan dis que Cervera et Dulce Chac6n énumèrent et remercient les témoins interro gés, à la fin de leur roman. Nous analyserons plus loin le rôle de ce paratexte. Il s'agit d'une mémoire de deuxième génération face à une expérience collective traumatique. Elina Liikanen appelle cette forme de perception et d'expression mémorielle, cc posmemoria » , inspirée de la cc postmémoire n de Régine Robin, et la définit comme caractéristique du roman actuel sur la dictature :
2 Alfons CERVERA, in Marie-Claude CHAPUT, 2004 , op. cit. , p. 1 79 -180. 3 Ibid. , p. 180. 4 Ibid. , p. 1 59. 5 José Maria IZQUIERDO, 2001 , op. cit. , p. 23.
6 Georges TYRAS, Memoria y resistencia., op. cit. , p. 9-10. 7 Ibid. , p. 91 . 8 Félix TORRES, in Danielle CORRADO, op. cit. , p. 5 13. 9 Voir l'nterview de l'auteur dans Espéculo, no 22, 2002.
« Zona rural deprimida, emigrac10n, repres10n politica, resistencia, proceso de reificaci6n y vision subjetivista basada en un horizonte existencial, fundamentado en el problema del ser individual y de su relaci6n dial6gica con el otro 5 . "
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DE LUNA DE LOBOS (1985) DE J. LLAMAZARES À LA
OUBLI ET MÉMOIRE
« El sujeto de la posmemoria no vivi6 personalmente la experienci a 0 el acontecimiento recordado, anterior a su nacimiento, sino que tiene acces o a. él mediante el recuerdo de otra persona. [ . . ] la posmemoria se diferencia de la. historia debido al fuerte lazo emocional que a(m une el sujeto de la memoria con el objeto de ésta [ . . . ] es una forma de memoria particular y muy patente, ya que significa una reformulaci6n imaginativa de la memoria hist6rica 10 . "
.
•1 l'
Auteurs politiquement engagés et poètes, les trois choisissent des person. nages représentant le petit peuple (Angel Fombuena, fils de paysan (Maquis) , le maître d'école Angel, fils de paysan aussi (Luna de lobos)), face aux rich es et aux phalangistes, comme dans Réquiem por un campesino espaiiol ; des pay. sannes, des petits employés (La voz dormida), et se font transmetteurs de la mémoire du passé des vaincus. Les trois romans qui sont publiés dans un laps de temps de quinze ans, de 1 985 à 2002, ont en commun de porter un regard ultérieur sur les faits avec une distance d'environ 50 ans et d'évoquer une même période dans la diégèse (les années 1 940-1 960) et une thématique semblable. Ainsi, en mars 1 985, date de la publication de Luna de lobas, que Llamazares a écrit en 1984, l'auteur qui a tout juste 30 ans (il est né le 28 mars 1955) porte un regard sur 1937-1 946 ; en 1 997 , Cervera, âgé de 50 ans, évoque les années 1 940-1 952 et 1982 ; en 2002, Dulce Chac6n a 48 ans et décrit les années 1 940-1 963. La distance de 50 ans serait nécessaire pour que la mémoire devienne histoire d'après Maurice Halbwachs dans La mémoire collective 1 1 . Quant au philosophe José Ortega y Gasset, il esti mait, dans El tema de nuestro tiempo (1 923), que la durée d'une génération est de quinze ans et que le sujet devient actif politiquement et historiquement à trente ans. Appliquant cette idée au phénomène mémoriel actuel, l'historienne Paloma Aguilar affirme : " Es a partir de los 30 anos cuando se comienza a irrumpir en el pro ceso hist6rico. Ésta es aproximadamente, la edad con la que los denominados "nietos de la guerra" iniciaron su andadura publica, entre mediados y finales de los anos noventa 1 2 . ,
Ces romans que nous qualifierons d'historiques, de mémoriels ou de la mémoire, décrivent une période historique identifiable en revendiquant expli citement leur visée référentielle. À titre d'exemples, puisque nous développe rons l' analyse plus loin, nous signalons la note liminaire de contextualisation de Luna de lobas, la liste des témoignages recueillis pour écrire La voz dormida, 10 Elina LIIKANEN, « Novelar para recordar : La posm
m ria d la guerra civil y .1 frauquismo en la novela espaii.ola de la democracia. Cuatro casos •. in ongreso La Guerra emil espaiîola (1936· 1939), SECC, 2006. Sur la « postmémoire voir aussi Régln ROBIN, Ltt mémoire saturée, Paris , Stock, 2003, p. 322. I l Maurice HALBWACHS, La mémoire collective 19 5 0, p. 130 ; Jacques SOUBEYROUX, 200 1 , p. 1 77 ; Juan VILA, 200 1 , op. cit. , p. 215. 1 2 Pal orna AGUILAR, in Santos JULIÂ, Memaria de la guerra y del franquismo, 2006, p. 30 7 et 310; voir aussi Ana LUENGO, La encrucijada de la memoria, Tranvia, 2004. "·
VOZ DORMJDA (2002)
DE D. CHAC6N
p nymes, de l'on masti que, des év ' n m nts, d u um ntaire des romans. Ils sont t d vec ré flexion su r le temps, sur les idéologies. D'un p int cl vue gé nérique ce �n t d s romans hyb.-ides, h ét rogènes qui mêlent le référentiel et le fictionn 501 J ' histoire et la mémoire, mais où l'obj tivité st suppléée pm· le pathos et e n ' st • c eva ·lVI· t ' u � e > > d u cl"t s ours, 1 G a i r . Dans 1 s rots textes , a u rr ( , I. ll·wgi n . . n n l�en en reux, par usion, mrus t ué ali ' 't et pr dire tu'eJie es évo ··es t-à_ implicitem nt comme la caus i n c nt ournabl de la sttuation v u par en t ée lléros, l.eur fuite vers 1 s maquis et la répr ssi n exer ée ontre eux. s guéri ans m on t rent les conséquences de la Guerre civile en privilégiant la s rom de l'après-Ouerr ivile, 1 début elu Franquisme étant dé rit omme la rolo ngation d la Guerre civil Les auteurs présent o l l'idéol gie e le mil itantisme communistes. lls n u ent pas les responsables u aujourd'hui n de la Guerre civile mais s'interro · g ent sur l'oubli dû à la Transition (respec� iveme�t en 1 985, e � 199 ! e� en 2002) et com patissent pour les com battants anttfranqmstes. Une meme ethtque de la résistance réunit les trois écrivains. Pour eux, le rôle de la mémoire est impor tant car elle prolonge le réel, comme l'a écrit Jorge Semprun à propos de la lit térature de l'Holocauste : u La seule manière selon moi de prolonger la mémoire est la mémoire romanesque 13. n La fiction sur la guérilla comble les vides historiographiques de la Transition et les romanciers, à travers les narrateurs et les personnages, se font les léga taires de l'Histoire et de la mémoire des vaincus. Ainsi, Llamazares, comme Cervera, vise à corriger le silence sur la résistance « imposé n par la Transition. Dans u Adi6s a Gorete n , publié en décembre 1 990 dans El Pais en hommage au résistant u Gorete n , il disait : fore
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de témoins, qui concourent à l'asp �
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" Vivi6 los ultimos anos otro destierro obligado, relegado como tantos al bau! de los recuerdos precisamente por el gobierno por el que tanto lucharon y que ni siquiera se acord6 de ellos para intentar resacirles de las penurias pasa das (a Gorete, en concreto, ni el mill6n de pesetas aprobado a modo de limosna hace unos meses . . . le lleg6 a corresponder. . .) ( . . . ] quiero ahora despedir, con el mejor de mis recuerdos, en este tiempo de olvidos y en esta Espana maderna y desmemoriada, al hombre que con su vida aliment6 de leyendas las !argas noches de invierno y los dias de mi infancia, cuando los anos cincuenta se despedian en Es pana y los cuentos de los viejos servian para decir lo que la radio callaba 14. »
Cervera n'a de cesse dans ses romans de dénoncer cette amnésie, il fait dire à Angel, personnage de son roman Aquel invierno (2005) :
•
66
13 Jorge SEMPRUN, entretien avec Guy DUPLAT, La Libre Belgique, 27/1/2005 , 1 4 Julio LLAMAZARES, En Babia, op. cit. , p. 97 . 67
p.
18-19.
OUBLI ET MÉMOIRE
" Ahora dicen que hemos de olvidarlo todo, que la (mica manera d e vivir tranquilos es olvidândolo todo. [ . . . ] Yo creo que es al revés, �no ?, que Jo que nos deja ciegos es el olvido 1 5 . "
Dans Maquis, Cervera revendique la reconnaissance d'une autre mémoire que celle des vainqueurs : " Hay otra memoria que es la memoria maltrecha de los vencidos, la que ha ido creciendo frente a los paredones inmensos del silencio levantados cuando se acab6 la guerra, cuando se acabaron las dos guerras, primera la de todos contra todos y luego la que hicieron unos pocos en el monte contra cas i todos 1 6 . ''
Une conséquence de cet oubli pour Cervera est qu'il a permis que les vain queurs soient toujours acteurs de la nouvelle société démocratique. Ce grief était déjà dénoncé dans Maquis, où Cervera faisait dire à Angel en 1 982 : « Quienes andan ahora a sus anchas por el pueblo son el alcalde de entonces y los falangistas de siempre, ya guiflapos viejos, reconvertidos a la moral nueva de los herederos del yugo y de las flechas 1 7 . ,
Ce motif est décliné sous des variantes dans deux autres romans de Cervera, dont La noche inm6vil (1 999) : " Resulta que aquî todo estâ igual, que Franco se ha muerto, yo he podido volver y me encuentro con que no ha cambiado nada, que se nos sigue comiendo la desgana y que los hijoputas que mandaban cuando metieron a mi madre en la carcel siguen mandando o mandan sus hijos o sus nietos 1 8 . "
Et dans La sombra del cielo (2003), on lit encore : « Ahi los tienes los duenos del puebla, sus padres mandaban antes y ahora mandan ellos y sus hijos, todos estân trabaj ando en el ayuntamiento 1 9 . » Dulce Chac6n présentant son roman dans un entretien avec El cultural, elle aussi exprime ses griefs envers la Transition : " Los pactos de silencio nos llevaron a una transici6n amnésica. La armonîa no se construye sobre el olvido, en este caso no, y los que protagoni zaron los hechos hist6ricos fueron borrados de la Historia. Les doli6 esa nueva
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Aquel invierno, Montesinos, 2005, p. 1 56-1 57. Maquis, p. 1 70-1 72. Ibid. La noche inm6vil, Montesinos, 1 999, p. 127. La sombra del cielo, Montesinos, 2003, p. 73.
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condena, pero les duele mâs que después de veintinco anos a(m se cuestione si tienen derecho a sus recuerdos 20 . ,
Georges Tyras confirme ce point de vue en écrivant à propos de la trilogie ns Cervera : Alfo de " Un "pacto del olvido", efectivamente, presidi6 el consenso politico de la democratizaci6n transitoria espaflola y, como Jo dice Angel [de Maquis] , e l silencio dur6 "hasta ayer mismo". Dejo a los historiadores la tarea d e identi ficar con precision esta fecha. S6lo me importa constatar que la problemâtica hist6rica parece ahora asumida por la creaci6n cultural, en especial por la lite ratura. Cervera emprende con la escritura una labor de reivindicaci6n ética y empâtica del mundo de los perdedores. Quizâ sea, en la Espafla neoliberal de la que la Transici6n democrâtica signific6 el advenimiento [ . . . ] , la (mica manera de librarse de la anestesia del consenso posmoderno 2 1 . ,
L'évidente parenté qui unit les trois textes que nous avons retenus, Luna de labos, Maquis et La voz dormida, et qui est d'ordre historique, idéologique, th ématique, générique et intertextuel permet de mieux appréhender le sens de la floraison actuelle de romans sur la résistance antifranquiste et notamment l'émergence de la figure du résistant et du guérillero. Peut-être indique-t-elle la fin d'une période socio-politique, la fin du cliché sur le consensus qu'aurait été la Transition et la récupération de la mémoire des derniers survivants (les guérilléros). Quelle est sa place dans le débat politique et historiographique actuel sur la récupération de la mémoire historique ? Pour y répondre nous nous proposons d'abord d'étudier les trois œuvres séparément pour en mon trer la spécificité et l'originalité quant au traitement littéraire de la mémoire de la guérilla. Puis nous procèderons à une analyse comparée pour rechercher leurs homologies (structure, diégèse, personnages, thèmes, situations, temps, instance narrative, polyphonie, motifs divers), pour mesurer la part de l'inter textualité et voir si Luna de lobas peut constituer un hypotexte des deux autres romans. Nous chercherons à analyser la signification de l'essor de cette écri ture dans le cadre historique de la Transition et du débat sur la mémoire né dans les années 1 990. Peut-être, finalement, quand tout le passé, celui des vainqueurs (connu depuis longtemps) et celui des vaincus de la guerre, sera récupéré et assi milé, commencera une autre période pour les Espagnols, comme le souhaite Almudena Grandes (El PaÎs, 2006) mais qui s'appellera : post-Transition ou l'après-Transition, ou simplement démocratie ? La loi ratifiée par le roi le 2 6 décembre 2007 " por la que se reconocen y amplian derechos y se estable cen medidas en favor de quienes padecieron persecuci6n o violencia durante 20 El cultural, 10/10/2002.
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Lo peor de la tirania del silencio es que se haga costumbre AzANCOT. 2 1 Georges TYRAS, Memoria y resistencia, op. cit. , p. 59. 68
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por Nuria
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la guerra civil y la dictadura )) publiée au Boletfn Oficial del estado 22 qui concl ut les revendications commencées il y a vingt ans semble ouvrir cette possibilité .
TRO IS ROMANS DE LA M É M O I RE DE LA G U É RI LLA Dans ce chapitre, nous présentons une synthèse des aspects narratifs et historiques de la trilogie que nous avons constituée avec Luna de lobas, Maquis et La voz dorm ida, la considérant comme fondamentale et fondatrice du cou rant sur la représentation littéraire de la guérilla. Ces romans constituent des lieux de mémoire dans le sens où ils sont des traces symboliques d'une réalité historique et d'une mémoire collective, en suivant les critères établis par Pierre Nora dans Les lieux de mémoire et repris par Ana Luengo dans La encrucijada de la memoria. Pour chacun d'eux, nous ferons une brève présentation prenant en compte le résumé, le paratexte, le mode d'énonciation, les aspects spatio-tem porels, les personnages, les thèmes. Ces éléments indispensables permettront l'analyse comparative et intertextuelle que nous ferons dans la partie « analyse comparative des trois romans 11 .
Luna de l o bos (1 985). Mémoire poétique Luna de lobos 23 est auj ourd'hui un << classique )) : premier roman de la démo cratie sur la guérilla, renforcé par son adaptation cinématographique par Julio Sanchez Valdés dès 1 987, il a été très bien étudié et a bénéficié d'une ample bibliographie (cf. infra) . Il est à remarquer que les premiers travaux ont été d'ordre intratextuel et ont surtout porté sur la représentation de la nature (anthropomorphisme, personnification, romantisme, mythification) et l'écri ture poétique du roman. À partir des années 2000, les travaux ont commencé à l'étudier dans son rapport au hors texte historique et à la mémoire puis à la mémoire historique. Nous nous appuierons notamment sur les travaux de Jean Alsina, José Maria lzquierdo, Jo Labanyi, Catherine Orsini, Enrique Turpin, Georges Tyras et Juan Vila pour dégager ses grands traits. Nous chercherons à montrer dans quelle mesure il lance un genre puisqu'on a vu que plus d'une vingtaine de romans sur le thème ont suivi depuis. Pour ce faire, voyons d'abord si lui-même aurait des sources, voire un hypo texte, parmi la peu abondante littérature antérieure sur le thème. Avant 1 985, celle-ci se réduit à une douzaine de nouvelles ou de romans et les rares romans publiés pendant le Franquisme sur le thème étaient essentiellement des cri tiques. Du côté républicain, la figure du résistant est apparue dans deux romans de 1 938 : Rfo Tajo de César Arconada (1 898-1 964), qui obtint le Prix national de Littérature en 1 938 24 , et Cumbres de Extremadura : nove/a de guerrilleros (1 938),
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r di t é à Mexi o en 1 945 puis réédité en Espagne n 1986 et 1 99 8 , d J sé Herrera 2fi H ave le personnag d Felip , héros ete re ( 1909- J77) , el pon t uel lement dU r ' d t << La vida p r la opiniôn 11 d 1 955 cl Francisco Ayala (peut--tre un d l�una de lobos), de Pac del M lino dans Réquiern por un campe11yp o texte R latas de un guer ina espafiol ( 1 95 3) de Ramôn J. Sender, Abriendo camino. e com unista espafi.ol 1 9 7 1 ) d José Gros, de Marcos Javaloyes de Si te U caï ( l 973 de Marsé et dans Un dfa volveré ( 1 982) de Marsé ou El afi.o Cf en dic del wo lfram (1 984) de Raul Guerra Garrido. On p ut signaler le roman publié E.ste tiempo amargo ( 1 44 d Pablo de la ruente ( 1 906- l 76), Juan au C hm , Caballero (1 956) publié au Mexigue, de Lu is a Carnés (1 90f- 1 964) t El ladrido ( 1 969) d'Oscar Muûiz Martin. Du côté franquiste, 1 s qu lques rares romans paru s sur Je t hème pendant la Guerre civile ou le Franquisme sont : La sierra n 2 uo m as ( 1 953) de Angel Ruiz de Ayucar ( 1 9 1 9-2 0 1 0) 6 , Testamento en la montana (1 956) de Manuel Arce (1 928), V/bora (1 956) de Héctor Vâzquez Azpiri (1931), La paz empieza nunca (1956, Prix Planeta 1957) d'Emilio Ramera G6mez (1 9 1 72003) , Las noches sin estrellas (1961) de Benigno-Angel Quevedo Gil (1 929-2006) et Todos morfan en Casa manchada (1 969) du même Emilio Romero. De fait, à part la thématique et le personnage communs, Luna de lobas est très éloigné, notamment par ses modalités discursives, de cette première production. En revanche, nous verrons si Luna de lobas peut être considéré comme l'hypotexte des romans suivants, Maquis et La voz dormida. Outre ce travail sur l'intertex tualité, nous nous intéresserons à différents thèmes, dont la place des femmes, et nous conclurons sur le rôle qu'a pu jouer l'écriture de Luna de lobas dans la politique de récupération de la mémoire historique de ces dernières années. D'un point de vue chronologique, l'écriture de Luna de labos ( 1 984) et sa publication en mars 1 985 sont très proches de la découverte du phénomène sociopolitique par les historiens dont les premiers travaux sur la guérilla en Espagne débutent comme on l'a vu à la fin des années 1 970, mais c'est la monographie de l'historien allemand Hartmut Heine, A guerrilla antifranquista en Galicia (1 980) qui marque réellement le début d'un traitement historique sérieux, puis suivent les travaux sur le Leon de Secundino Serrano en 1 986, sur le Levant de Fernanda Romeu en 1 986 ou sur l'Estrémadure de Justa Vila Izquierdo, en 1 986, publiés après le roman de Llamazares. Toutefois Luna de lobas a d'abord été classé dans la catégorie des romans sur la « mythification de la Guerre civile )), comme Beatus Ille de Mufloz Molina, par Maryse Bertrand 27 , et comme « novela mftica )) marquée par le « realismo mftico )) par Santos Alonso qui explique :
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BOE, n' 310, 2007. 23 Nous renvoyons à l'édition Seix Barral, Collection Booket, 2003. 24 Le roman ne parut qu'en 1 970 à Moscou, où était exilé César ARCONADA, et a été réédité en 1 978 par Akal.
25 P our ces deux romans, Rfa Tajo (1938) de César ARCONADA et Cumbres de Extremadura : nove/a de guerrilleros (1 938) de José HERRERA, voir Brigitte MAGNIEN, " Le roman contemporain de l ' ac tion >>, in Serge SALAÜN et Carlos SERRANO (Resp.), Autour de la Guerre d'Espagne (1936-1939), Publications de la Sorbonne Nouvelle (1989), 1993, p. 97-105. 26 Le roman a été réédité en 1974, 1976 et 1981 chez Editorial Fuerza Nueva. 27 Maryse BERTRAND DE MU!ÏIOZ, in Danielle CORRADO, op. cit. , p. 35 et Maryse BERTRAND, " Novela, Historia, autobiogralîa y mito (La novela y la Guerra Civil espaflola desde la Transici6n) in José ROMERA CASTILLO, Carbajo Francisco GUTIÉRREZ y Mario GARCÏA-LAGE (Éd s.), La nove/a hist6rica a finales del sig/a XX. Actas del V seminario internacional de/ Jnstituto de semi6tica literaria y teatral de la UNED, Cuenca, UIMP, 1995, Madrid, Visor, 1 996, p. 1 9-38.
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" La mitificaci6n épica de la tierra y sus gentes, de una cultura rural a punto de desaparecer trente a la civilizaci6n urbana, la realiza Julio Llamazares en Luna de labos, La /luvia amaril/a y Escenas de cine mudo 28 . "
Mais c'est surtout, comme l'écrit Georges Tyras , un roman « qui a marqué l es esprits dans l'Espagne de la Transition 2 9 >> et c'est « la novela que se consid era pionera en el tratamiento ficcional de la guerrilla antifranquista 30 >> . Antoni o Mui'ioz Molina, dans son article, « Desmemorias )) publié à l'occasion de la sor. ' tie du film Los girasoles ciegos en 2008, exprime son admiration pour Luna de Labos, dont il décrit les deux facettes : " En los primeros ochenta [ . . . ] , algunos de nosotros empezamos pub]j. cando ficciones alimentadas por la memoria de la Guerra Civil y la derrota de la Republica : yo no me olvido de la impresi6n que me hizo leer en 1985 Luna de lobas, de Julio Llamazares , donde esta el coraje de la resistencia pero también la !enta degradaci6n de quien se ve reducido por sus perseguidores a una cualidad casi de alimafia 3 1 . ••
Mais Alfons Cervera déclare que si Llamazares devint célèbre en tant qu'au teur, le thème de la guérilla ne s'imposa pas pour autant alors et qu'il fallut attendre son propre roman Maquis (1997) pour voir l'essor du sujet en littéra ture et dans la société :
1
" Luna de labos convierte a Julio en un escritor importante, pero ffjate qué paradoja, no convierte el asunto de la guerrilla en un asunto importante, en un asunto publico. Se adapta al cine y se rueda una pelicula, que sale en el 87 [ . . . ] pero el asunto no trasciende. Aflo 97 : sale Maquis [ . . . ] y tiene tai éxito que, en quince dias se agota la primera edici6n y Jo que se cuenta en ella empieza a trascender, a salir de las paginas de la propia novela, a llegar a la calle 32 . >>
·1
Luna de lobos, premier roman de Llamazares, est en fait sa cinquième œuvre publiée. Il avait en effet écrit auparavant deux recueils de poésie, La lentitud de los bueyes (1 979) et Memoria de la nieve (1 982), une nouvelle à caractère eth nologique, El entierro de Genarfn (1981), et a collaboré à l'édition de Sor Juana de la Cruz de Clara Campoamor (1 984), en sélectionnant les poèmes. Depuis, son œuvre s'est enrichie de romans, La lluvia amarilla (1 988), Escenas de cine mudo (1 994) et El cielo de Madrid (2005), de miscellanées comme En Babia (1991), Nadie escucha (1 995) et Entre perro y lobo (2008) , de récits de voyages , El rfo del olvido (1 990), Las rosas de piedra (2008) et dernièrement d'un recueil Santos ALONSO, op. cit. , p. 48. Georges TYRAS, " Mémoire d'outre-tombe : narration posthume et témoignage dans le roman espagnol contemporain in Emmanuel BOUJU, L'engagement littéraire, PUR, 2005, p. 293-308. 30 Georges TYRAS, Memoria y resistencia, op. cit. , p. 1 1 2. 3 1 Antonio MUNOZ MOLINA, " Desmemorias », El Pais, 6/9/2008. 32 Alfons CERVERA, in Marie-Claude CHAPUT, Odette MARTINEZ-MALER et Fabiola RODRÎGUEZ (Éds.) , op. cil. , p. 1 75.
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d p oèm es, Ver, o y ortigas (2009). En France, les Édltions Verdi r n traduit de fobos, La lfuvia amarilfa, El rfo d f fuido, Escenas de cine. La genès a n e s t év qué dans cc Ad i ' s a G rete ,, ar Llamazares l u i-m ê m qui d ll ro m r çu l s témoignages de s s proches t raconte comment il a inséré i o a dit v r récits entendus. Pour lui, Luna de lobas est « la novela que esc ribi para s n e r ta i los cuent s qu de los h m bres d 1 monte rn ontaron en mi i nfan er �eco g le guéri l l ro Eufemiano Diaz, que t.it n t a aussi éc.rit un i nédi t sur Il ia 33 >1. se u n d i n 'er rano t José Antoni Vidal Sales.
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un e symphonie obscure en quatre mouvements
Le roman est remarquable par sa concentration, qui nous fait parler d'une épure littéraire. On pourrait l'assimiler à une nouvelle, d'ailleurs Llamazares voulait écrire un conte, a-t-il dit lors d'une conférence (1 1 / 1 0/2008, Bègles). Bref (1 53 pages) , avec un découpage régulier en 4 parties, elles-mêmes découpées en 4 chapitres (16 au total), autour de 4 personnages principaux, c'est une sorte d e h uis clos dans un paysage hostile d'enfermement, comportant peu de dia logue , qui suit la chronologie avec des ellipses. Il est précédé d'une note limi nai re qui explique le contexte historique et résume l'action, puis chacune des 4 parties est consacrée à une période : 1 937, 1 939, 1 943 et 1946, respectivement ponctuées par la mort des protagonistes et la dernière, par l'exil du dernier. La note liminaire qui contextualise historiquement le récit fait clairement de l'action, la fuite de quatre républicains, la conséquence de la Guerre civile. On comprend ainsi que la guérilla a commencé immédiatement et spontanément dans les zones républicaines vaincues, avant 1 939 et avant toute aide de l'exté rieur ou toute tentative d'organisation par des fédérations : « En el otoflo de 1 937, derrumbado el !rente republicano de Asturias y con el mar negando ya toda posibilidad de retroceso, cientos de huidos se refugian en las Iron dosas y escarpadas soledades de la Cordillera Cantabrica con el unico objetivo de escapar a la represi6n del ejército vencedor y esperar el momento propicio para reagruparse y reemprender la Jucha o para escapar a alguna de las zonas del pais que aun permanecian bajo control gubernamental. >> (p. 7). Les quatre parties sont introduites par quatre dates, comme des titres de chroniques, significatives du point de vue historique et du point de vue de la diégèse. L'année 1 937 voit la défaite du Front du Nord et la domination du Leon par les nationalistes ; 1 939 correspond à la fin de la guerre et à la victoire des franq uistes ; 1943, à l'espoir de l'aide des alliés ; 1946, à la demande de cesser la gu érilla et à la fin de la guérilla. Dans la diégèse, le roman retrace l'épopée de quat re fugitifs républicains, engagés dans une lutte pour leur survie qui se 33
" Adiôs a Gorete En Babia, op. cit. , p. 95. Sur le roman, voir Jacques SOUBEYROUX, 200 1 , op. cit. , p. 1 80-182. "•
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fait de plus en plus cruelle au fil des neuf années que dure leur lente agon ie dans la montagne. Tour à tour, Juan en 1 937, Gildo en 1939 et Ramiro en 1 943 tombent, victimes de l'impitoyable haine des vainqueurs, et Angel, le seul s ur� vivant, en 1 946 émigre vers la France. Luna de labos se déroule comme une chronique autobiographique, un rep or. tage, sur la vie quotidienne de guérilléros décrite par un narrateur personnage intradiégétique, homodiégétique (Yo), Angel, instituteur, anarchiste, qui vit un " exil intérieur » avant l'exil véritable. Il fait un récit au présent et au passé écrit ses mémoires, son journal, une chronique, dont le résultat est le text� Luna de labos. Comme l'a bien vu Jean Alsina, l'usage du présent, habituell e ment associé à la vraisemblance du récit et à l'actualisation du discours , est i c i ambigu : " La majorité des séquences de Luna de lobas est au présent, mais il ne s'agit jamais d'un présent de narration qui déclarerait que le narrateur est en train de raconter, en l'actualisant, son passé. En effet on est en présence d'une apparence, celle d'un journal ou chronique au jour le jour, chronologique et mor celé, et d'une réalité qui se fait peu à peu jour, celle d'un récit récapitulé, globalisé depuis un présent postérieur. Cela se voit à travers la structure temporelle du récit, les itérations nombreuses, les ellipses narratives comblées à retardement, quelques traces de réflexions métatextuelles, tous éléments qui donnent l'image d'un faux journal reconstruit a pasteriari34. "
Malgré le nombre très réduit de personnages et le caractère personnel de l'énonciation, l'histoire de Angel va permettre la représentation d'un fait collec tif comme l'écrit Inge Beisel : " El autor de Luna de labos consigue tanto desarrollar cada uno de los destinos individuales con un gran impacto conmovedor, como actualizar al mis mo tiempo una experiencia colectiva. [ . . . ] una historia personal, narrada desde un punto de vista subjetivo, puede adquirir un significado de representa don colectiva 35. »
Cette représentation s'appuie sur une double mythification mise en œuvre dans Luna de lobas, comme l'écrit Santos Alonso, expliquant les objectifs de Llamazares : " [Quiso] mitificar la memoria hist6rica y los relatos escuchados durante su infancia. [ . . . ] un canto épico a la memoria colectiva de muchos pue blos de Espafia [ . . . ] ; ademâs de mitificar de modo romântico a unos personajes
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que se niegan a aceptar la dictadura y a doblegar su libertad, mitifica también la tierra y el espacio en que se mueven, la montana, que en la novela se revela también como una tierra mitica, fantâstica y misteriosa 36 . "
La mythification de l'espace naturel, à travers l'omniprésence du cadre géo gra p h i que, du paysage l éonais, de la montagne et des éléments climatiqu es (fro i d , pluie, neig ) , t cl la visi n animiste, donne un espa e myU1ique qui n 'est p as sans rappeler le Regi6n des romans de B net. Le lyrisme cl la nature, de caractère néo-romantique imprègne le roman. Le roman est marqué par un dou ble rn uv ment d déshumanisation et an d' i malisation des personnages : " Le groupe de maquisards [ est] soumis à un processus de déshuma nisation, [ . . . ] induite chez Llamazares par la confrontation permanente des indi vidus avec la nature, qui les animalise. Mais cette confrontation est elle-même induite par la victoire du Franquisme et sa conséquente exclusion du vaincu. Et si le comportement animal des maquisards suscite peu à peu l'horreur chez leurs proches, qui cependant leur prêtent secours, il n'en reste pas moins que ce pro cessus de déshumanisation est la conséquence de l'exclusion des républicains par un régime barbare qui fait resurgir dans l'homme ce qu'il y a de plus primitif en lui 37 . "
Cette exclusion, expulsion hors du système espagnol , qui débouche sur la déchéance, la corruption et la perte d'identité des personnages, a été analysée par Jo Labanyi clans " Espacio y horror en Luna de labos de Julio Llamazares » qui a montré qu'elle était clue au moment historique : " la escisi6n del pais en dos band os : es decir, por la fabricaci6n de una identiclad nacional a partir de la exclusion del otro 38 >>. Georges Tyras montre comment le protagoniste Angel incarne cette déper sonnalisation progressive qui atteint même à l'anéantissement : " Les maquisards vivent dans un monde en état de décomposition qui les contamine peu à peu, monde abject qui est celui des morts-vivants : "Mira, Angel, mira la luna : es el sol de los muertos" (p. 136), déclare son père au prota goniste, lequel, en fin de parcours, atteint les limites de ce qui est humainement soutenable [ . . . ] Au point d'outrepasser la limite qui distingue l'humain de l'inhu main - "Soy ya el mejor animal de todos estos montes" (p. 1 09) -, ultime étape dans la déchéance avant de franchir la ligne de démarcation qui le sépare du monde des morts : "S6Io hay ya nieve dentro y fuera de mis ojos" (p. 1 53), mur-
Jean AL.SINA, " Lecture de la trace, lecture de l 'héritage (Beatus ille, Luna de lobas, Soldados de Salamina) in Danielle CORRADO, op. cit. , p. 605. 35 Voir Inge BEISEL, " La memoria colectiva en las obras de Julio Llamazares in Alfonso DE TORO , Dieter INGENSCHAY (Éds.), La nove/a espanola actua/. Autores y tendencias, Kassel, Reichenberger, 1995, p. 193-229 (197).
36 Santos ALONSO, op. il. , !). 158. 3 7 Juan VILA, La g"n ra i l n des fils. Mémoire el histoire dans le roman espagnol contemporain in Annie BUSSIÈRE-PERRIN (td.), 200 1 , op. cil. , p . 205. 38 J<,> lABANYI, Espado y ltotror eu /.11/lù de lobas de Julio Llamazares in Geneviève CHAMPEAU (Ed.), Référenc' et ouiOréfél' n e dans le roman espagnol contemporain, Bordeaux, MPI, 1 994, p . 1 47-155.
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mure-t-il à la clôture de son récit, soulignant par là l'effacement définitif [ . . . ] mais aussi, ici, son anéantissement ultime 39 . "
L' anéantissement du personnage est rendu par une modalité particulière de l'instance narrative, ici un narrateur « posthume » ou « limite », selon la term i nologie de Jean Alsina 4 0 et de Georges Tyras : " C'est à Angel, dernier survivant du groupe de maquisards, qu'est dévolu le soin de rapporter cette épreuve. Que la voix qui déclare cet anéan tissement soit portée par celui qui en subit le cours donne toute son acuité à la question du mécanisme narratif : "une fois le personnage narrateur disparu , qu'en est-il du récit qui se poursuit ?" [ . . . ] Il reste, répondrai-je 41 . "
Le discours dans Luna de lobas se présente d'abord sous la forme d'un typ e classique de récit personnel à la première personne rétrospectif, où prédo mine la plupart du temps le présent de l'indicatif qui renvoie au monologue intérieur. Le << Je >> et le présent donnent vraisemblance et ouvrent au lyrisme . Pour Georges Tyras , « on a donc moins affaire à un présent narratif qu'à un présent à valeur scénique, qui permet littéralement de revivre les péripéties de la lutte à l'instant de l'agonie. [ . . . ) Il inscrit sur deux chronotopes distincts les deux actants que la narratologie distingue sous les appellations de Je-narrant et Je-narré ». On observe une alternance de formes temporelles passé simple, passé composé, présent qui ancre Je récit des événements dans J'immédiate contemporanéité de leur survenance. Le début du roman est emblématique de ce fonctionnement temporel : " Al atardecer, cantô el urogallo [ . . . ] ces ô la lluvia negra [ . . . ] . Ramiro se ha sentado junto a la puerta [ . . . ] . Mientras aprieta morosa y ritualmente con los dedos el cigarro que yo acabo de Harle, contempla [ . . . ] 42 . "
L'écriture poétique du récit est évidente et doit beaucoup aux deux recueils de l'auteur, La lentitud de los bueyes et Memoria de la nieve. Signalons que le poète Luis Antonio de Villena avait inclus Je jeune Llamazares dès 1 986 parmi les douze « posnovisimos » . Le roman a bien sûr été remarqué pour sa prose poétique : Luna de lobas est « la novela de un poeta » , selon la formule de Miguel
39 Georges TYRAS, " Mémoire d'outre-tombe : narration posthume et témoignage dans le roman espagnol contemporain in Emmanuel BOUJU, op. cit. , p. 298. 40 Jean ALSINA, " Narrateur limite et regard sur la Guerre civile: Julio Llamazares et Antonio Muiioz Molina communication présentée à Clermont-Ferrand, 1 999, citée dans Jean ALSINA, " Lecture de la trace, lecture de l'héritage (Beatus ille, Luna de lobas, Soldados de Salamina) in Danielle CORRADO, op. cit. , p. 601-613. Voir aussi, Natalie NOYARET, Au seuil de la mort. Discours de mourants dans le roman espagnol contemporain, PUR, 2009. 41 Georges TYRAS, " Mémoire d'outre-tombe : narration posthume et témoignage dans le roman espagnol contemporain op. cit., p. 299. 42 Julio LLAMAZARES, Luna de lobas, Seix Barral, 2003, p. 1 1 .
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tiz43. L d i s ours de Angel foisonne de figm·es qui tenrl nt à relier ,. de oatur dllférent s mm son usage onstant d unages, om· de5aisons u mé aph r s, d s procéd ' s l 'animalisati n, de personnifi ati n parde réifi at ion : « Tod mi uerpo rechina omo una mâquina frîa y oxidada » ou 1 43), « un gran charco de sangre los inunda f l os j os ] . Es el sol , l ' 1e esta (p �1d ido c omo un ani mal degol lado d l a navaja d Gildo >) (p. 76) ; « Hasta l a via parece ha ber callado presagiando la tragedia » (p. 1.04). Le lyrisme et le 1 un rn é l a n c liqu sont a m p l i fiés par l'emploi des différentes variantes de la t �pét i t i n q u i ornèrent à l'é riture un rythme obsessionnel t nant à la f is d �·�n c a n tatî n , de l 'hal l u i nat i on , d 'une mél pé . ett prose po ' tiqu , imagé caLe , est la plus à même de tradui.r les états psych i q u s les plus inac.· e t 111 u s i comme Le dit G orges Tyras : les, sib ces SâJ1C h ez•
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" À l'incapacité référentielle du personnage, en termes de vraisem blance, d'écrire de semblable façon, répond une sorte de rêve éveillé dont la langue tendue, lyrique, s'avère pleinement capable de dire, depuis l'intériorité la plus profonde, la trace laissée par la conjoncture socio-historique : le lent par cours des victimes de la répression franquiste depuis la vie jusqu'à la mort en passant par toutes les étapes intermédiaires de l'abjection, dans le cadre d'une nature hostile dont la violence métaphorise celle de la guerre. Le lyrisme et la subjectivité les plus échevelés deviennent en l'occurrence garants de la véracité d'un dire qui vaut pour l'ensemble des êtres et des faits concernés 44 . ,
Le roman que nous étudions ensuite, Maquis (1997) d'Alfons Cervera, s'at tache lui aussi, dans un discours poétique, à rendre la parole aux guérilléros. M aq u is
(1 997).
Les voix du maquis
Depuis 2007, on parle de la pentalogie de la mémoire, ou cycle de la mémoire
ou saga de Gestalgar, pour désigner les cinq romans de la mémoire écrits
entre 1 995 et 2005 par Alfons Cervera : El color del crepusculo, Maquis, La noche inm6vil, Aquel invierno et La sombra del cielo. Cervera qui écrit parfois en cata lan, par exemple son recueil de poésie, Sessi6 contfnua de 1 989 et ses deux romans Els paradisos artificials, 1 995, et L'Home mort, 200 1 , a écrit en castillan l'essentiel de son œuvre, soit trois autres livres de poésie, neuf autres romans et deux volumes d'articles de presse.
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Jacques SOUBEYROUX, in Annie BUSSIÈRE-PERRIN, 200 1 , op. cit. , p. 1 82. Catherine ÜRSINI-SAILLET, " En torno a una poética de la frontera : Luna de lobas de Julio Llamazares in El universo litera rio de Julio L/amazares, Centro de lnvestigaci6n de Narrativa espaiiola, Neuchâtel, université de Neuchâtel, 1 998, p. 87-103. 44 Georges TYRAS, 2005, op. cil. , p. 299. "•
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OUBLI ET MÉMOIRE
Structure diégétique et temporelle
Maquis s ' ouvre sur des textes épigraphiques qui l'inscrivent d'emblée d ans l'histoire littéraire. Le premier texte mis en exergue annonce la nature du ro m an et son rapport à la mémoire : « Esto es una novela. Otra cosa, quiza, la memor ia que inspira los hechos narrados en sus paginas. » Il poursuit par une dédic ace à Juan Marsé ü• a Juan Marsé ») qui vient confirmer son admiration pour l'écri, vain barcelonais dont il dit par ailleurs : ,, No he dejado de leer a Marsé y Marsé sigue siendo mi padre, rni abuelo, mi hermano ( . . . ] Maquis sale de sus novelas. Creo que todo Jo que apa. rece en Maquis ya esta en las novelas de Marsé. [ . . . ] Sin las novelas de Juan Marsé no hubiera sido posible Maquis, yo diria que ni siquiera la trilogia 45 . »
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1996). 'année 1982 renvoie à la fin d la Transition politique lieu les '1 etions qui amenèrent au pro bablement à l'aut mne , oC1 eurent · et a i r te PS E en la persona· de f Ilpe Gonzalez. ·1 1 e temps ze' ro d u 1·é ·1 t , P du point de vu énon iatif, est la Transition ( 1 982), el 1i d l'écl'Ïture st omme l'indique Cervera à la fin de s n r man : '' FIN. En G stalgar (La 19' n·1 a Valen ia) ntre los meses de enero y septiembre de 1 996 " (p. 1 72) , serra st-à-d i r la lin d la période socialiste. c e Dans Maquis, erv ra fi tionnalise l'histoir du villag ù il st ne, estalgar, . é dans la errania de Valen ·e, entr 1 s provin es de T ru 1 et d u n a, 51tu5 , nom d Lo Yesares notamment pendant la é r i d de la gu · rwa anti 1 le 0 te (1 939-1 950). Les travaux du spécialiste d Cerv ra, Georges � yras, quis ra u . a consacré un dossier spécial à la rilogie de Cervera dans la revu Qwmera � l rnaquis literario de Alfons Cervera » en n ovem bre �003, � nu � éro spé cial d e la revue Tigre, << La trac » (2005) et l 'essai, Memona y rests�encw (2007), o nt m is en avant les spécificités du roman : � ne structure narrat1ve et te � � �. ell e fragmentaire et chaotique, la polyphome, le bromllage temporel, la relte ation, le narrateur posthume, la portée éthique. D'abord, le roman présente des similitudes thématiques et formelles avec ux d e autres romans de Cervera, notamment El color del crepusculo, formant une trilogie : d e l 'écritur
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Le paratexte compte en outre quatre énoncés, dont trois citations, d'Oscar Wilde, de José Manuel Caballero Bonald et de Gabriel Celaya, et des « Agradecimientos '' finaux. Le corps du texte de Maquis est tripartite et se compose d'un prologue, d'une partie centrale de cinquante séquences intitulée « De los nombres y las voces ,, et d'un épilogue. Le prologue et l'épilogue sont pris en charge par l'énonciation d'un héros narrateur, Je-narrant, qui s'appelle Angel Fombuena, dont le prénom est peut-être un hommage au héros de Luna de lobas, Angel Suarez. Né pendant la Guerre civile, il est le fils d ' un paysan, Sebastian Fombuena, qui a pris le maquis au Cerro de los curas en 1 94 1 , avec la bande de Ojos Azules, Nicasio, Paco el Vatios et Nicanor. Angel depuis un temps 0 (1 982), remémore des faits passés entre 1 939 et 1 952 et énonce dès l'incipit : " Ahora estamos en mil novecientos ochenta y dos y des pués de tanta tiempo es como si a(m fuéramos los mismos de entonces, como si fuera impo sible olvidar que tenemos la espalda doblada a golpe de palos o a golpe de sHen cio 46. » (p. 1 3) .
Puis la partie centrale, « De los nombres y las voces » , est u n texte enchâssé entre un prologue et un épilogue du narrateur personnage intradiégétique, Angel Fombuena, construction qui indique une filiation évidente entre les trois parties. Elle donne la parole à des narrateurs multiples, impersonnels ou per sonnels, et situe l'action entre 1 939 et 1 952. La polyphonie s'appuie sur la pré sence de 86 personnages dont de nombreuses femmes, et dont 8 voix person nelles sont identifiables, parmi lesquelles 4 sont des personnages qui meurent. Du point de vue temporel, trois dates clefs structurent le récit et définis sent un triple niveau : la diégèse 1 (1 982, temps de l'énonciation par Angel Fombuena), la diégèse 2 (1 939- 1 950, les récits des personnages) et le point de 45 Georges TYRAS, Memoria y resistencia, op. cit. , p. 84. 46 La pagination renvoie à l'édition Montesinos, 2006.
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" Los tres textos El co/or del crepusculo, Maquis, La noche inm6vil pro porcionan pues una vision parcelada, fragmentada, pero cuya fuerza metonimica y coherencia diacronica salvan de la dispersion : la trilogia - � Voces en el maquis ? constituye una epopeya anti-heroica, cuyos humildes protagonistas son los miembros de una verdadera comunidad 47 . " _
L'extrême fragmentation structurelle, temporelle et narrative du récit crée une discontinuité permanente et de l'incertitude. Ainsi le récit est découpé en 50 séquences, clairement différenciées du point de vue graphique par des espaces blancs, de longueur inégale et très variable, allant de quelques lignes à quelques pages, qui toutes sont fondamentales dans l'économie du récit. Ces séquences , en apparence juxtaposées, sont énoncées par divers narr�te� rs, soit personnels, soit impersonnels. Mais il n ' existe pas de narrateur pnnCipal qui assumerait une fonction de régie de l'ensemble, de sorte que : " El mundo que evoca la efervescencia de las voces y los silencios en la trilogia de Cervera es el munda de los perdedores, no solo de la Guerra civil, sino también de la Historia. ( . . . ) la ausencia de perspectivas en términos de actuacion de los personajes tiene una traduccion formai en una narracion incierta porque multiple, en la que no existe ninguna instancia narrativa superior capaz de asu mir una funci6n rectora. »
47 Georges TYRAS, ibid. , p. 42. 79
OUBLI ET MÉMOIRE
Chaque séquence, qui évoque un ou plusieurs personnages, parfois énonci a, teurs du récit, et relate une ou plusieurs péripéties, n'offre pas un récit dans un ordre linéaire ou un récit exhaustif et souvent une même anecdote ou un motif sont répétés ou complétés ailleurs. Cette structure narrative éclatée et cett e discontinuité qui marque la diégèse et la narration traduisent pour George s Tyras le fonctionnement de la mémoire, notamment son cheminement aléatoire et subjectif, et du travail d ' anamnèse : " Las secuencias resultan yuxtapuestas, no segun una concatenaciô n narrativa que seria emblema de la sucesividad o de la causalidad, sino segun el orden aleatorio de la rememoraci6n [ . . . ] , el relato no co noce mas principio cohe sivo que la necesidad o la compulsion de la memoria, con todo Jo que ello supone en términos de incertidumbre, de variaciones en los puntos de vista, de errores y rectificaciones, de desfase en el tiempo y en las formulaciones, de impresionis mo y de subjetividad. '' (p . 46-47).
Mémoire et polyphonie
Pour traduire la pluralité et la complexité de cette mémoire, faite de mémoire personnelle, comme celle du héros, Angel Fombuena, et de mémoire collective, celle des maquisards, Cervera met en œuvre un discours polyphonique, avec un complexe enchevêtrement des voix (narratives et actancielles). Ainsi a-t-on deux niveaux narratifs : le récit pris en charge par Angel Fombuena, dans le prologue et l'épilogue, narré de façon personnelle avec une focalisation interne, plonge le lecteur dans la remémoration que fait Angel. Ce récit enchâsse le récit d'autres personnages que Angel introduit ainsi : " Entre los nombres esta el de Sebastian y entre las voces, la suya. Sebastian era mi padre. Pero hay otros nombres que cuentan en esta historia. Y otras voces. '' (p. 1 6).
Ces deux niveaux narratifs se complètent et sont reliés par une série de concordances qui créent une continuité entre les fonctions narrative et actan cielle. Par exemple, Angel (adulte) énonciateur principal est aussi personnage secondaire (enfant) dans le roman, faisant ainsi disparaître l'habituelle dis tinction entre Je narrant et Je narré. << Este distingo, la escritura de Cervera Jo pone en juego gracias a un trabajo permanente sobre la anacronfa >> (p. 49). La structure de l'énonciation de Maquis concentre les procédés employés dans El color del crepûsculo, son antécédent. Maquis se caractérise par la polyphonie narrative et par la diversité des différentes sources du récit : " El relato es enunciado alternativamente y seglin un orden aleatorio por una instancia impersonal y por algunos de los protagonistas de esta histo ria colectiva, de manera que se engendra un relato coral, orquestrado por una
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instancia superior que queda sin identificar. [ . . . ] Cervera construye un relato polif6nico en el sentido en que la instancia narrativa, lejos de ser unica y uni forme, se subdivide y se fragmenta en una multiplicidad de voces paralelas y complementarias. >> (p. 52).
D ans cette profusion de voix, l'identité narrative de chacun des narrateurs deS cin quante séquences que compte le roman rest problématiqu et le lec teur doit enquêter pour attribuer la voix. Un cas xt rême de la v lx narrative, le narrateur en instance de disparaître, est mis en r l ief par Ge rges Tyras : " De los ocho narradores personales que se pueden identificar, cuatro mueren y dos cuentan su propia muerte. Todo pasa como si, en el periodo refe rido y con las condiciones reales de existencia, no hubiera ninguna diferencia entre vida y muerte, o sea que vivir bajo el franquismo es simb6licamente una forma de morir. '' (p. 55).
L'i nstance narrative délègue l'énonciation à de nombreux personnages, en créant une diversité de voix qui alternent entre niveau narratif et niveau actan ti el. L'importance du dialogue permet la multiplication des voix et des points d e vue, et fait passer l'instance narrative de la focalisation interne à une focali sation externe, grâce aux personnages : " Las voces de los personajes que se expresan por cuenta propia o bien entran en resonancia con las de las instancias narrativas propiamente dichas o bien adquieren una autonomia total, emancipandose dentro de una secuencia de cualquier marca narrativa introductoria. [ . . . ] Estas voces multiples se tienen que considerar como equivalentes a las fuentes enunciativas de primer nive! ; se introducen sin que la puntuaci6n las aisle del discurso narrativo, y sobre todo, las mas veces, sin ninguna marca atributiva. Se puede asi pasar, en una misma secuencia, de una voz narrativa a una voz actancial, y ésta también puede, en el marco de la misma frase, cambiar de persona locutiva. [ . . . ] El lector se da cuenta entonces de que el relato trenza dos versiones del mis mo acontecimiento [ . . . ] y que la aparente impersonalidad del relato oculta un "yo" también mul tiple. [ . . . ] el decir de cada individuo se compone de los multiples dichos de la colectividad 48. "
La polyphonie du roman a pour objectif de s'opposer à tout discours monolithique : " Significa en ultima instancia el rechazo de cualquier forma de dis curso univoco, encarnaci6n de un saber y una axiologia cerrados, de cualquier representaci6n sintética y unitaria de la realidad, en definitiva de cualquier 48 Ibid., p. 55-57.
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OUBLI ET MÉMOIRE
palabra monol6gica que serîa trasposici6n o remedo de un discurso de poder. (p. 47).
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Georges Tyras insiste enfin sur le caractère d'indétermination qui marque Maquis, parlant d'une '' verdadera poética de la indeterminaci6n », née du muJ tiperspectivisme, c'est-à-dire le fait qu'un même événement soit raconté en plusieurs étapes, comme la mort de Rosario, vue selon trois points de vue d if férents, ce qui fait qu'un épisode donné prend tout son sens seulement comrne résultat de plusieurs regards. Une sorte de croisement des sources s'opère ainsi, comme celui que pratique la recherche historique, qui permet de mon trer comment se construit le savoir et son caractère relatif également, à savo ir l'instabilité et la partialité du souvenir, de la mémoire. L'objectif didactique du procédé concerne la réception du texte par le lecteur qui devient tributai re des informations parcellaires disséminées par les personnages et doit les réu nir pour obtenir une compréhension de l'univers fictionnel : '' comportarse en verdadero lector, en el sentido etimol6gico de la palabra. El verbo latin lego , -ere denota una operaci6n que consiste en recoger fragmentas, reunirlos para darles un significado >> (p. 54) . Le roman est une fine analyse de la mémoire, exprimée ici à travers la poly phonie, mémoire qui a pour spécificité d ' être intermittente et aléatoire, mais surtout plurielle et collective, comme le dit Georges Tyras : '' La polifonîa coloca todas las fuentes enunciativas en el mis mo piano, cuando no las confunde, para decir que la multiplicidad de los puntos de vista y de las voces es el instrumenta mâs adecuado para reconstituir un pasado sumergido u oculto. [ . . . ] La misi6n tâcita de la comunidad de las voces consiste en arrancar el pasado a este silencio, que es una forma de olvido, en volver a darle una lisibilidad, una existencia. [ . . . ] El concierto de las voces converge poco a poco hacia un punto de vista sobre la historia que el personaje de Angel exp res a en los umbrales textuales de Maquis : "Ahora estamos en mil novecientos ochenta y dos y después de tanta tiempo es como si aûn fuéramos los mismos de entonces [ . . . ]" (p. 13), y agrega en conclusion : "Mataron a Rosario, la mujer de Nicasio, y su nombre estuvo proscrito, como los nombres que cayeron en el monte, hasta ayer mis mo [ . . . ]" (p. 1 65). Contra esta proscripci6n se !evan tan las voces : la prâctica polif6nica se contrapone en el terreno del relato a un discurso totalitario vencedor en el de la diégesis. Lo que asî se apunta y se desbarata al mismo tiempo, escritores como Juan Marsé o Manuel Vâzquez Montalbân Jo han denunciado varias veces. [ . . . ] un "pacto del olvido", efectivamente, presidi6 el consenso politico de la democratizaci6n transitoria espai'loJa 49 . »
Le travail sur la mémoire et la délégation des voix mis en œuvre dans Maquis révèlent l'objectif éthique de Cervera qui pratique ainsi une sorte d'(( anamne sis [ con] dimension ética » : 49 Ibid. , p. 57.
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'' Su labor es un ejercicio de recuperaci6n de la memoria confiscada, a la par que una variaci6n formai sobre modalidades de escritura marcadas por la oralidad y capaces de tomar en cuenta Jo que el etn6logo Marc Augé Hama "las formas del olvido" [ . . . ] . El problema que plantea semejante empresa es pues el de Jas modalidades de escritura capaces de representar, cuando no de rehabilitar, una realidad que el discurso oficial cubre con los velos de la propaganda y del consenso , (p. 41). " Cervera emprende con la escritura una labor de reivindica ci6n ética y empâtica del mundo de los perdedores so . ,
Le roman de Cervera qui met en scène les mécanismes d'écriture et prend si ai n une dimension autoréférentielle, exprime aussi divers thèmes universels, la peur, la violence, la mort, qui se combinent. La peur est le fil conducteur du ro man et apparaît dès l'incipit, avec le narrateur Angel Fombuena qui se p résente ainsi : '' Yo sé mucha del miedo. Soy un maestro del miedo >> (p. 1 3). rout au long du texte, cette peur gagne successivement tous les personnages, ho mm es, femmes et enfants, guérilléros ou gardes civils. Comme dit Angel : '' el miedo no tiene principio ni final >> (p. 15 et 1 69). Le thème de la violence dans Maquis est décliné sous toutes ses facettes, comme l'a montré G6mez Lapez 5 d ans La guerra persistente. Memoria, violencia y utopfa 1 . La violence, subie ou exercée, concerne toute la communauté sociale de Los Yesares, des deux bords : le monde guérillero et celui des gardes civils, elle est croissante, mise en spectacle, analysée (par exemple autour de la question : y a-t-il des guerres légitimes ?), elle répond à une stratégie politique qui vise à impressionner la communauté. D'abord, l'escalade de la violence se voit à travers l'exemple de Sebastian Fombuena qui, après avoir été battu dans la caserne de la Garde civile pour avoir travaillé un dimanche, tue un garde civil, puis sa femme Guadalupe est battue à son tour et son fils Angel est torturé (ses ongles sont brûlés) et Rosario, la femme de Nicasio, est tuée par balle, les guérilléros se vengent en assassinant le maître d'école, don Abelardo. Liée à la violence du conflit et à la haine entre les acteurs, la peur marque la mémoire de Angel qui, par le récit, va s'en libérer : (( Ya es hora, pues, para liberarse del imperia de este miedo, de ramper el pacta tâcito del silencio y enfrentarse con el peso del pasado, aunque la memo ria a veces confunda las épocas, los nombres, y las voces. No importa : recordar, incluso en el mayor desorden narrativo, es devolverle a cada ser humano sus relatas, es decir su historia 52 . >>
Malgré l'omniprésence de la peur, de la violence et de la mort, Maquis construit un discours de réhabilitation des maquisards à travers une image nuancée et non stéréotypée. Daniel Arroyo Rodriguez a montré le fonctionne50 Ibid. , p. 59. 51 Antonio GùMEZ LùPEZ QUINONES, Maquis y los discursos de la violencia en una comunidad en guerra », in La guerra persistente. Memoria, violencia, utop(a, op. cit. , p. 125-136. 52 Georges TYRAS, op. cit., p. 52. "
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ment de ce discours de réhabilitation qui vise à la dépénalisation des guéril!ë. ros, le roman s 'oppose au discours franquiste, prend la perspective des vain.. eus en faisant du guérilléro le sujet et non l'objet de la narration, dénonc e la. Garde civile comme instrument de répression. Pour lui, ces romans : " Restauran la figura del guerrillero como una reacci6n al silencia. miento y criminalizaci6n de este personaje en la narrativa hegem6nica impuesta por los vencedores de la Gu erra Civil. [ . . . ] adoptan la perspectiva narrativa de] maquis, justificando sus acciones al tiempo que envilecen a la Guardia CiviJ 53 . 11
En effet dans Maquis, plus encore que dans Luna de lobas, les guérilléros sont présentés de manière nuancée et non stéréotypée. Bien qu'animalis és , sales et victimes, ils sont aussi agissants, ils sont les derniers soldats répubJi. cains. Ils incarnent la lutte et la mémoire. Nous développerons cette image plu rielle dans la partie consacrée à la mythification de la figure du guérilléro. Nous conclurons en insistant sur la tension entre mémoire et oubli qui construit Maquis. L'expression et la place de la mémoire dans l'écriture, mais aussi dans la société, contribuent à la formation de l'identité et s'opposent à l'oubli, asso cié à la mort. De la même façon que Maquis, le roman La voz dorm ida de Duke Chac6n lui aussi rend leur voix aux exclus, notamment les femmes, comme nous le verrons ci-après .
La voz dormida (2002). Voix de femmes La voz dormida, publié en 2002, est le cinquième et dernier roman de Duke Chac6n, décédée prématurément à l'âge de 49 ans, le 3 décembre 2003. Il fait suite à Algtin amor que no mate (1 996), Blanca vue/a mafwna (1997), Hdblame musa de aquel var6n (1 998), trois romans réunis sous l'étiquette de (( Trilogia de la hulda » par l'éditeur Alfaguara depuis 2007, Cielos de barro (2000) et des recueils de poésie. Par sa structure, son style et sa taille, La voz dormida diffère radicale ment des deux romans étudiés précédemment. Ce gros roman de 430 pages 54, découpé en trois parties, soit 85 chapitres brefs (35, 1 8 et 32 respectivement pour chaque partie) et qui comporte des textes épigraphiques, raconte la vie de Josefa Rodriguez Garcia (p. 24), dite Pepita, sœur d'une ancienne mili cienne et guérilléra, Hortensia, emprisonnée à la prison de Ventas de Madrid en décembre 1 940 et exécutée en mars 1941, jusqu'en 1 963. On suit la vie d'Hortensia et de ses trois codétenues, Remedios/Reme, Tomasa, Elvira/Celia, toutes liées aux Juventudes Socialistas Unificadas, enfermées dans la (( galeria numero 2 '' · Pepita rend visite à la prison à Hortensia qui, enceinte, rédige un j ournal personnel (le (( cuaderno azul >>) pour son mari Felipe et sa future fille , Tensi. Pepita aidera sa sœur dans ses derniers jours en permettant des contacts 53 Daniel ARROYO RODRIGUEZ, op. cil. 54 Nous utiliserons l'édition Punto de lectura, 2006.
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c re ts entre elle et son mari, F l i p , puis à la mort d'Hart n ia, Pep it a pr nd c11 a rg la petite Tensi et devient à son tour un contact (1( enlac ») par amour
se en
u r Je guérilléro Paulina alias haqueta �egra puis .Jaime. e dernier exilé emprisonné à Burgos, elle luttera pendant vingt ans p u r ré lamer sa libé p ati on, fi:n alem nt obtenu en 1 963. Roman d pers nnages et roman poli ique, est a i n si présenté par Jean-François Car elen :
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" Le texte reconstruit, dans un tressage de voix, le quotidien d'un groupe de femmes emprisonnées à Las Ventas de 1 940 à sa fermeture. Ce quoti dien, fait de souffrances, de privations, de répression est aussi illuminé par l'es prit de résistance de ces femmes, presque toutes militantes communistes 55 . ,.
G6mez L6pez résume ainsi très brièvement le roman qui relate selon lui : (( La trayectoria de un grupo de milicianas y milicianos que, tras per der la Guerra Civil, emprenden una larga batalla politica en la clandestinidad, la carcel o el exilio 56. ••
La narration faite à la troisième personne, par un narrateur extradiégétique, impersonnel et omniscient, avec une focalisation interne sur le personnage de Pepita, qui fait alterner une énonciation au passé et au présent, s'appuie sur une construction temporelle complexe faite d'analepses et de prolepses pour évoquer un )ong temps, les années 1 940 à 1 963. La polyphonie est por tée par le dialogue important. L'écriture intratextuelle, à travers le cahier bleu qu'Hortensia laisse comme trace et comme héritage, participe de la transmis sion de la mémoire, idée qui, dans le cadre de la Transition et de la démocratie (1975-2005), s'oppose au silence, à l'oubli voulu par la période. On observe une alternance spatiale et diégétique entre l'espace fermé de la prison, où se déroule la vie des quatre personnages principaux, emprisonnés dans la même cellule de (( la galeria numero 2 », et l'espace ouvert de scènes extérieures qui décrivent la vie de Pepita et des résistants : Paulino/.laime, Felipe/Mateo, Elvira/Celia. Une mythologie s'est immédiatement créée autour du roman qui a pris une signification politique. Félix Torres signale que La voz dormida a acquis une importance symbolique car un député de lzquierda Unida l'avait à la main lors du débat sur la condamnation du régime franquiste le 20 novembre 2002 5 7 . Le roman a été élu livre de l'année 2003 par la Corporation des libraires et un Prix littéraire (( Dulce Chac6n » a été créé en 2004, après la mort de l'écrivaine, par la municipalité de Zafra, sa ville natale, et attribué entre autres à Rafael Chirbes 55
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Jean-François CARCELEN, Genèse d'un mythe : Treize Roses pour l'éternité in Francisco CAMPUZANO, 2007, op. cil. , p. 1 70. 5 6 Antonio G6MEZ LÔPEZ, Lo guen·a p'rRislenle, op. cit. , p. 203. 5 7 Félix TORRES, " Les soldats de Salamine, La voix endormie, deux romans au miroir de la mémoire espagnole contemporaine de la Guerre ivile in Danielle CORRADO (Éd .), op. cil. , p. 497-51 7, p. 499. "·
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en 2008 pour Crematorio et à Ignacio Martfnez Pison en 2006 pour Enterrar 0 los muertos. Le roman lance la série d'œuvres qui se sont multipliées autou r du mythe des « Trece rosas H , histoire connue dès 1 939 de treize j eunes pri sonnières, militantes des Juventudes Socialistas Unificadas (JSU), exécutées l e 5 août 1 939 dans la prison de Ventas. Les « treize roses H , prénommées Avelina, Joaquina, Pilar, Blanca, Ana, Julia, Virtudes, Elena, Victoria, Dionisia, Luisa, Carmen y Martina, jeunes filles pou r la plupart mineures, furent emprisonnées, jugées et fusillées en 1 939 po u r avoir tenté, d'après l'avocat général, de reconstituer les Juventudes Socialistas Unificadas, organisation à laquelle certaines avaient appartenu pendant la guerre. Elles furent exécutées parmi 56 prisonniers, dont treize étaient des femmes, après un mois et demi d 'emprisonnement. José Nera, le secrétaire général des Juventudes Socialistas Unificadas, aurait dénoncé l'organisation et la préparation d'un hold-up d'un magasin. Mais d 'après Jesus Ferrero, auteur du roman Las trece rosas, le pouvoir franquiste décida de choisir des mineures en représailles de l'assassinat du commandant Gabald6n, de sa fille et de son chauffeur commis peu avant par deux maquisards. Leur surnom vient du titre d'un poème écrit par l'une d'entre elles, mais leur mémoire fut oubliée malgré quelques exilés qui emportèrent l'histoire en France. Jesus Ferrero pour écrire son roman a fait des recherches auprès de ceux qui les connurent et s'appuya aussi sur les analyses de trois journalistes qui avaient travaillé sur le sujet mais il fallut à un moment séparer l'information de la narration. Parmi les person nages, apparaissent les policiers et les parents - par exemple deux mères qui devinrent folles -, qui parfois ne récupérèrent pas les corps . Ferrero a centré son roman sur les motivations personnelles plutôt que politiques, sur les vies concrètes, en s'écartant du drame politique et du reportage (voir : http://elmun dolibro.elmundo.es/elmundolibro, du 22/3/2003 et du 7/4/2003) . Dans un laps de temps très court, entre 2002 et 2007, sont ainsi publiés les romans Las trece rosas (2003) de Jesus Ferrero, Veinte anos y un dfa (2003) de Jorge Semprun et Martina, la rosa mimera trece (2006) de Angeles L6pez, l'essai de Carlos Fonseca, Trece rosas rojas (2004), et réalisés le film Las 13 rosas (2007) et un documentaire et des spectacles, des associations, des prix fleurissent autour du thème 58 . Le 1 9 octobre 2005 fut inaugurée la Fundaci6n Trece Rosas, en présence de l'ancien secrétaire du PCE, Santiago Carrillo, et des députés socialistes, José Acosta et José Cepeda, ce dernier étant président de la Fondation. La fondation a rendu hommage le 5 août 2009 aux disparues en apposant une plaque sur le mur du cimetière de l'Est où elles furent exécutées, déclenchant ainsi une polémique avec le PCE qui y avait apposé une première plaque dès 1 988 59 . Sur son site internet, on lit : 58 Voir Jean-François CARCELEN, in Francisco CAMPUZANO, 2007, op. cit. , p. 16 1-185. Jaime Céspedes, " Las Trece Rosas de la Guerra Civil vistas por el novelista Jesus Ferrero y por el periodista Carlos Fonseca dans Tonos. Revista Electrônica de Estudios Filolôgicos, n' 1 4, université de Murcie, José Maria JIMÉNEZ CANO (Éd.), décembre 2007 (http://www.um.es/tonosdigital/znum 1 4/estudios/ indicestudios.htm). 59 " La placa de las 13 rosas "· Secretaria de Memoria Hist6rica del PCE, 10/8/2009 (http://www.pce. esjsecretariasjsecmemoriahistorica/pl.php?id=3243). "•
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DE LUNA DE LOBOS ( 1 985) D E J. LLAMAZARES À LA
VOZ DORMIDA (2002) DE D. CHAC6N
" La Fundaci6n Trece Rosas es una iniciativa de un grupo de personas comprometidas con la justicia social e hist6rica y con el impulsa del progreso y el avance social, cientifico y tecnol6gico de millones de ciudadanos en el mun do. Un equipo humano capaz de ilusionarse intentando hacer realidad utopias glo bales que, al comienzo del siglo XXI, son a(m lejanas y capaz de aportar, en defi nitiva, un trabajo que ayude a construir un munda mas equilibrado 60 . »
L'his toire de ces « treize roses >> est évoquée plusieurs fois dans La voz dor 1 rn ida 6 , dont la diégèse se situe après l'exécution des treize jeunes femmes, rnettant en parallèle l'histoire des prisonnières de la fiction avec les authen ti ques , analogie qui finira par faire en quelque sorte de Hortensia la quator zièm e rose. La prégnance du thème est ainsi décrite par Jean-François Carcel en : ,, La présence des treize roses y constitue un sédiment fondateur 62 . >> En effet, l es h éroïnes de La voz dormida ont assisté au départ des Treize Roses vers le lieu de leur exécution et les remémorent sans cesse. La première référence aux treiz e prisonnières est faite par Hortensia qui, peu avant son exécution, com pare sa situation à celle des Treize roses, dans son journal : « [Hortensia] Es cri be que han ingresado doce mujeres de las Juventudes Socialistas Unificadas y que a ella la van a meter en ese expediente, y que las van a juzgar muy pronto, a las trece. Trece, como las menores que fusilaron el cinco de agosto de mil novecientos treinta y nueve, como Las Trece Rosas. " (p. 56).
L'analogie entre la situation d'Hortensia et celle des Treize roses est préci sée encore par ses compagnes de cellule qui incluent Hortensia dans le groupe : " [Hortensia] ha sido c ndenada a muerte junto a sus doce compafieras de expediente [ . . . ] . - Las han condenado a todas. - �A Hortensia también ? - También. Vienen las trece con "La Pepa 63 ", que estaba hoy baratita. -Trece, como las "rosas" del treinta y nueve. Como las "rosas", si. Y Tomasa recuerda a Julita Conesa, alegre. " (p. 2 1 0-2 1 1).
Après la mort d'Hortensia, Elvira qui délire de fièvre voit son ancienne amie ainsi :
60 Voir http:/jwww.trecerosas.esjpresentacion/presentacion. La voz dormida, pages 56, 210-220, 304, 428. Les chapitres 12 et 13 de la partie Il sont entièrement construits sur le parallèle entre l'histoire des Treize roses et celle d'Hortensia. 62 Jean-François CARCELEN op. cil. , p. 1 70-173. 63 C'est le nom familièrement donné à la condamnation.
61
,
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DE LUNA DE LOBOS (1985) DE J.
OUBLI ET MÉMOIRE
LLAMAZARES À LA
VOZ DORMIDA (2002)
DE D. CHAC6N
" Un camion se !leva a Las Trece Rosas. [ . . . ] Hortensia !leva trece rosas en la mano. Reme sigue cantando. Hortensia !leva trece rosas muertas en la mano. ,, (p. 304).
« Libertarias nos traslada a la dimension heroica de la retaguardia en Barcelona dur ante la Guerra Civil dando a la mujer el protagonismo de esa heroi cidad. [ . . . ] la mujer asume la iniciativa de la accion y el cambio historico 65 . ,
La confusion entre fiction et réalité est totale dans le passage suivant où l e narrateur affirme que Remedios et Elvira ont été témoins des événements :
L'historienne italienne Giuliana di Febo, à qui l'on doit l'essai pionnier s Re istencia y movimiento de mujeres en Espana, 1936-1976 (Barcelone, Icaria, asé sur des documents et des entretiens avec d'anciennes détenues et 7 1 g 9) , b ntes, indique dans un article de 2006 66 que le premier livre critique sur la ta li mi pris on de femmes de Ventas, Carcel de Ventas, fut publié à Paris en 1 966 par une ancienne détenue , Mercedes Nuflez. Puis elle énumère d 'autres textes féminins :
« Estaban en la prision de Ventas el tres de agosto de mil novecientos treinta y nueve, cuando regresaron del juzgado numero ocho las trece menores. [ . . . ) Desde la ventana, [Elvira] vio a Las Trece Rosas atravesar el patio. Salieron de la ca pilla de dos en dos, sin humillar la cabeza. [ . . . ) Julita Conesa siemp re cantaba. De nada sirvio que dona Dolores pidiera clemencia. La madre de Julita Conesa solo tuvo un consuelo : las cartas que su hija le escribia en la pris ion de mujeres de Ventas. , (p. 2 1 7-2 1 9) .
À la suite de ce passage est insérée une reproduction de la lettre authentique de Julia Conesa (p. 2 1 9-220), lettre publiée pour la première fois par Fernanda Romeu dans son essai, Silencio roto (1 994), et fournie par l'historienne à Dulc e Chac6n qui la remercie à la fin de La voz dorm ida, en ces termes : « Y a Fernanda Romeu Alfaro, por su ensayo El silencio roto, y porque hizo posible que yo tuviera en mi casa las cartas originales de Julita Conesa , (p. 428). La référence à l'historienne Fernanda Romeu Alfaro est fondamentale. Ses premiers travaux remontent à 1 970 (Las clases trabajadoras en Espafw) , elle poursuit en 1 987 avec une monographie sur la guérilla dans le Levant, puis elle publie en 1 994 une édition personnelle à compte d'auteur de El silencio roto. Mujeres contra el fran quismo, consacré à la prison de Ventas, enfin publié par l'éditeur El topo viejo en 2002 (puis 2005). L'essai, qui a donné son titre au film de Montxo Armendâriz en 200 1 et a fait connaître l'histoire des Treize roses, donne une quantité de témoignages de femmes et cite la lettre de Julita Conesa. Deux journalistes, Rodolfo et Daniel Serrano, ont poursuivi sur cette voie en publiant des récits personnels de prisonniers avec le volume de 2002 : Toda Espafw era una carcel. Memoria de los presos del franquismo. La genèse de La voz dormida, comme déjà celle de Luna de lobas et de Maquis , s 'inscrit en effet dans un vaste mouvement concomitant de productions écrites historiographiques et littéraires : les essais sur la résistance féminine et sur les prisons de femmes de Giuliana di Febo (1979), de Tomasa Cuevas (1 985) ou de Fernanda Romeu Alfaro (El silencio roto), mais aussi autour de la « légende , de « Las trece rosas >> et de films comme Libertarias (1 996) de Vicente Aranda qui raconte la fuite lors du déclenchement de la Guerre civile d ' une religieuse de son couvent qui trouve refuge auprès d'un groupe de femmes anarchistes. Malgré les critiques du spécialiste du cinéma, Sânchez-Biosca, qui reproche au film d'avoir privilégié le « diseflo , à l'Histoire 64 , Libertarias n'en lance pas moins le thème de la femme militante, comme l'écrit G6mez Montero : 64 Vicente SÀNCHEZ-BIOSCA,
Cine y guerra civil espafiola. Del mita a la
editorial, 2006, p. 293-298.
88
memoria, Madrid, Alianza
« Juana Dona (18 anos de detencion) describe su experiencia en forma de "novela-testimonio" en Desde la noche y la niebla (Mujeres en las cârceles franquistas), Madrid, La Torre, 1 978 ; Tomasa Cuevas (6 anos) cuenta la carcel y la Jucha clandestina del parti do comunista en Cuevas, Tomasa: Cârcel de Mujeres, Barcelona, Sirocco, 1985 ; id. , Mujeres de la Resistencia, Barcelona, Sirocco, 1 986 ; la dirigente anarquista Federica Montseny dedica al dramatico cruce de la fron tera, Cent dfes de la vida d'una dona (1939-1940), Barcelona, Galba, 1977 ; Garcia, Consuelo : Las cârceles de Soledad Real, Madrid, Alfaguara, 1982. , En effet, dans les premières années de la Transition, les fictions féminines sur les prisons franquistes, souvent des romans témoignages, sont nombreuses. Teresa Pamiès a décrit dans Dona de pres (1 975) sa douleur d'être femme de prisonnier, puis trois romans ont eu une forte résonance : Desde la noche y la niebla (1978) de Juana Dona, Las carceles de Soledad Real (1 982) de Consuelo Garda et Réquiem por la libertad (1 982) de Angeles Garcia-Madrid. Signalons que Desde la noche y la niebla fut terminé en 1 96 7 mais ne fut publié qu'en 1 978, comme le roman de Maria José Canellada, Penal de Ocana qui fut finaliste du Premio Café Gij6n en 1 954 et ne parut qu'en 1 964. Maryse Bertrand de Muftoz précise : « Podemos afirmar de las otras novelas de la carcel : aunque empiecen en la posguerra, las protagonistas retornan a los anos ant eriores, a las causas del encarcelamiento para hacer comprender todo su malestar, su congoja y su rabia 67 . » Maryse Bertrand de Muftoz inclut La voz dormida de Dulce Chac6n dans son inventaire des fictions féminines sur les prisons publiées depuis la Transition :
6� G6MEZ MONTERO, op. 66
Giuliana D l FEBO,
«
cit. , p. 7 1 .
Resistencias femeninas al franquismo. Para un estado de la cuesti6n
"·
Cuademns (/• Historia Ccmtemporânea, 2006. v o l . 2 1l , p . 1 53- 1 68. 6 7 Mary::;e BERTRAND or. MUIÏIOZ, " La mujer, la n >Vela y la u rnl tvl l espaiiola " • in Congreso La Gueri'Cl ciuil espanola (1936-J.IJ-19). SF. • ' , 2006. P ur un inv ntarr d s textes autobiographiques r rn inins sur la prison, voir aussi Jos ROMf'.ltA, u La mernoria hislôrica de algunas mujeres anti frrutquistas ••, Anai<�s de literatul'o e.çpwlo/o, 2 1 , 200U, p. 1 75- 1 88.
89
DE LUNA DE LOBOS (1985) DE J . LLAMAZARES À LA
OUBLI ET MÉMOIRE
«
[Dulce Chac6n] volvi6 al mismo tema con gran acierto y éxito et t La voz dormida. Dedicada "A los que se vieron obligados a guardar silen ci o" esta obra rebosa de tristeza, de amargura a la vez que de valor y de entusiasllJ. por la causa de los que soportan la pobreza, la dureza de los mas afortunados Las descripciones de la carcel y de sus sufrimientos sobrecogen por su cru. deza ("Tina, tifus, piojos, chinches, disenterîa, esta es una indecencia" (p. 133) ; "Pelagra, disenterîa, sîfilis, desnutrici6n, tuberculosis, toda tipo d e enferrne.. dades" (p. 182)) ; las repeticiones, las frases cortas logran a menudo crear un a atm6sfera tragica, el ritmo es a menudo excelente (p. 3 07). El tema de la carce[ y del dolor de la derrota contrasta en el conjunto de la novela con la escritura que envuelve todo en un ambiente camo de ensoii.aci6n que impresiona y d ej a pensativo al lector 68. ,
�
:
Roman sur la prison mais aussi roman de la guérilla, nous signalons aussi la dette probable de La voz dormida envers le roman de l'historien de la guérilla Justo Vila Izquierdo (né en 1954), La agonÎa del bûho chico (1994) qui évoqu� la place des femmes dans la guérilla en Estrémadure 69 . Justo Vila collabora d ' ailleurs, comme Secundino Serrano et Alfons Cervera, à la réalisation du film de Montxo Armendâriz, Silencio roto (200 1). Vila est un historien d'Estréma dure, spécialiste en Histoire espagnole contemporaine, membre fondateur de la Sociedad de Estudios de la Guerra Civil y el Franquismo (SEGUEF) et auteur de monographies historiques centrées sur la guérilla (Extremadura : la guerra civil, Badajoz, Universitas Editorial, 1 984 ; La guerrilla antifranquista en Extremadura, Badajoz, Universitas Editorial, 1 986). Ce grand connaisseur de cette période écrit son premier roman pour communiquer peut-être grâce à la fiction ce que le discours historique ne permet pas de transmettre : l'intrahistoire, la vie quo tidienne, la vie sensible afin de mieux comprendre l ' Histoire même. Dans les quelques conférences, articles ou entretiens avec des j ournalistes que Dulce Chac6n a pu donner après la parution de La voz dormida, elle ne manque pas de rappeler la double source, littéraire et historique, à laquelle elle a puisé : « La primera vez que oî hablar de los Republicanos fue en este libro de Hemingway. Después ha habido otros libros, camo Luna de Lobas de Julio Llamazares o Maquis de Alfons Cervera. Son libros que estan ahî, puesto que uno es fundamentalmente Jo que lee. Sobre toda, me he apoyado en libros de histo riadores y de testimonios, mas que en novelas 70. ,
VOZ DORMIDA (2002) DE D.
CHACON
« Duran te cuatro anos y media he estado documentandome, he viajado por muchas ciudades espaii.olas, he recogido muchas testimonios orales, no los he contado. [ . . . ] Hay a(m mucho mi edo a la palabra, mi edo a los vecinos, mi edo a los dedos que seii.alan 7 1 . ,,
Le rap port à l'extratextuel est manifeste tout au long des pages de son 1 para ext à pl us ieur s r prises. Dès d e rn i er r man t il est reve ndi q ué dans ]a d - di ace d' uvert u re on peut l i re : 11 A los que se vieron obligaclos a gu ar ) dar s ile ncio >> (p . 5 puis vienn nt l es rem· rciem nts finaux, introduits par la Mi graütud a todas las personas que rn han regalado su historia n (( u l e r o nn (p. 423) , suivis de deux pages (p. 427-4-29 d'environ quatre-vingts noms accom pagnés d ' u n ommentaire le plus souve nt , le p re m i r nom éta n t cel u i de 1 epi ta, n rema rquera q u 'ett liste rapp I le ·elle fait par rv ra 50u r e du r' i t . Agradecimientos de Maquis. Le souci et le respect explicite envers les dans nnes rencontrées pour écrire son livre traduisent le souci de véracité et perso d'honnêteté de la représentation que recherche Dulce Chac6n. Comme l'écrit Antonio G6mez Lapez, « una ansiedad representativa 72 >> anime le propos du roman. Pour Jean-François Carcelen, il s'agit d ' un pacte de lecture : « L'ancrage référentiel est clairement affirmé : l'auteur évoque sa dette envers les témoins et insère des reproductions de documents réels. Dulce Chac6n exhibe ainsi ses sources et manifeste un pacte de lecture référentiel fondé sur la véridicité 73 . >>
Quant à Alfons Cervera, rendant hommage à Dulce Chac6n, il fait l'éloge du roman et insiste sur la recherche documentaire qu'il a nécessitée, la complé mentarité entre histoire et fiction y est remarquable : « Historia y literatura juntas. Memoria exacta y ficci6n de primera marca. Personajes que vivieron sus vidas de verdad y nombres que alteran nar rativamente aquellas experiencias desde el punto de vista de una escritora que sabe a la perfecci6n que toda alteraci6n cabe en una novela [ . . . ] . Las mujeres de esa novela extraordinaria sufrieron hasta Jo mas hondo las consecuencias de Jo que el franquismo vendi6 cînicamente camo un tiempo de paz [ . . . ]. Antes de escribir, habl6 Dulce con esas mujeres, se meti6 hasta las cejas en la lectura de quienes antes habîan escrito historias parecidas (como nuestra paisana Fernanda Romeu y otros estudiosos de la memoria imprescindible), busc6 la mejor manera de no traicionar nada ni a nadie de aquellos testimonios 74 . >>
Dulce Chac6n insiste sur cette phase préliminaire de documentation écrite et orale à l'écriture de son roman : 68 Maryse BERTRAND DE MUNOZ, " La mujer, la novela y la Guerra civil espafiola » , op. cit. 69 Voir l'article de Maria José AGUILAR OROZCO, « La agonÎa del bûho ch ica de Justo Vila. El pape! de "•
la mujer en la violencia politica Un munda posible, 2, 2005. 70 Espéculo, université Complutense de Madrid, 22, 2002.
90
71 /!.'/ cuttuml, I 0/ 1 0/2002. 72 Antonio GC)ME.Z L{ I'F.Z, La guert'Q persisten/e, op. cil. , p. 2 1 7. 73 .lean-François ARCELEN, in Francisco CAMPUZANO, 2007, op. cit. , p. 1 70. 74 Al!()ns CERVERA, in Marie-Claude CHAPlfl', Odette MAiniNEZ-MALER et Fabiola op. cit. , p. 1 8 0.
91
RODRÎGUEZ (Éds.),
DE LUNA DE LOBOS (1 985) DE J. LLAMAZARES À LA
OUBLI ET MÉMOIRE
Muôoz Molina qui explique régulièrement dans ses nombreuses interve n , tians écrites et orales que la littérature s 'appuie sur l'histoire et sur la mémo· re , outils de base pour certains écrivains dont lui-même, insiste lui aussi sur
/ ��:
eva it en accueilli r
« [Sole] le cu enta que Victoria Kent arden ô construir la prisiôn de Ventas, y que estaba diseflada para albergar a quinientas reel usas. Se queja de la falta de espacio [ . . . ] Esto es una inmundicia. 11 (p. 1 45-1 46).
�:
Aux critiques qui lui ont été faites sur le manichéisme idéologique, l'excès
de pathos
Dulce Chac6n met en avant la nouveauté thématique de son roman . 1 es ., , , f emmes resistantes, oubliees des travaux historiques qui selon elle sont éc r it8 par des hommes Ü< Por qué nunc a se habla contado su historia ?/Porque 1 a
«. Qui za que el pape! de la mujer reclama su lugar protagonista. Hay . pocas pubhcacwnes que cuenten la Jucha de la mujer en el trente de batalla, en la guerrilla, porque hubo mujeres guerrilleras, en las carceles franquistas, en la batalla cotidiana contra la dictadura, en la clandestinidad 76 . ,
�·ori�ina�ité du ��man qui repose comme on vient de le voir sur la présence t I : .ImplicatJOn politique des femmes a été bien vue aussi par G6mez L6pez qui ecnt : « Ofrece un amplio abanico de personajes femeninos que, de distintas formas e intenciones, se integran en el proceso bélico. Estos personajes no son el "descanso del guerrero", ni la simple compaflfa sentimental, ni la madre paciente la sufrida viuda, ni un estâtico retrato que el soldado recrea y reinventa en e frente. Chacôn consigue crear personajes femeninos que no sôlo estan 0 sufren la guerra, sino que también la protagonizan con un alto grado de implicaciôn y compromiso con una determinada causa polftica 77 . ,
l
La vie en prison de ces femmes montre comment s 'organise une forme de
solidarité dans le malheur mais aussi de résistance et d'aide même vers l'exté
rieur. Sur la prison.' ?n notera que paradoxalement c'était aussi un lieu de prise . ? e conscience politique, de formation politique et de résistance, en particulier
a travers les contacts permis par les visites aux prisonniers, comme le mon
tr�nt les travaux de Giulana di Febo 78. Les prisons de femmes sont surpeu
75 76 77 78
détenues alors qu'elle
Antonio MUNOZ MOLINA, Prologue, in Angeles L6PEZ, Martina la rosa numero trece op cil p 10 1 0/1 0/2002. A?t�nio G6MEZ L6PEZ, La guerra persistente, op. cit. , p. 205. GIUhana DI FEBO, Resistencia y movimiento de mujeres en Espana, 1936-1976 Barcelone Icari a ' 1 979. Voir aussi Marie-Aline BARRACHINA, 2007, op. cil. , p. 1 29-1 3 1 . '
'
·
. ,
·
ou la démagogie du roman, Dulce Chac6n répond :
« Esta escrito con el alma abierta, y desgarrada, pero para escribir es necesario olvidarse del morbo, las vfsceras no me interesan. La estructura de la novela, a imagen del coro griego en las tragedias, me permite contar las peores atrocidades sin que aparezcan en escena. [ . . . ] he escrito La voz dormida desde la honestidad, con el rigor que exige el lenguaje al escribir ficciôn, no demagogia. El éxito de mi novela, si lo tiene, se lo debe a las voces dormidas que despertaron para hablar en voz alta. [ . . . ] el maniquefsmo esta en los ojos del que mira. Qui en lea La voz dorm ida sin prejuicio observarâ que en ella hay criti ca hacia el Parti do Comunista, hacia el Partido Socialista, y que cuenta barbaridades cometidas por la derecha, pero también por la izquierda, como los sucesos de Paracuellos 79 . "
))' El culturaO :
4000
450,
�11
" En Espafla, entre otros, Javier Cercas, Javier Marias, Jesus Ferrer Dulce Chacôn, yo mis mo : preguntamos e imaginamos ; leemos en archivas , y bu camos voces y caras de testigos ; indagamos en los archivas de nuestros padres , en los ultimos cajones de las cômodas 75. "
plees, comme celle de Ventas qui compte environ
En effet, on trouve une voix critique, celle de Pepita :
92
Pepita atraviesa la
les lectrices, notamment les sympathisantes républicaines, avides de voir la mémoire des femmes emprisonnées reconnue :
" Muchas mujeres se han acercado a mi para decirme que ha habido una Hortensia en su familia o que su madre estuvo en la carcel de Ventas y cono ciô a La Serafines y a La Tumba, o que su abuela compartiô celda con Las Trece Rosas. La gente estâ deseando encontrar oidos atentos B I . , Mais Je roman
st p l us qu' u n roman de personna ges, il met en scène comme . f de Dulce personna ge e s entiel, 1 s i l nee, ontre leq uel il faut lutter L'objecti Chac6n est clair, il s'agit de transcrir , transmet tre et revendiq uer la mémoire
de ces femmes résistantes :
<< Es necesario que se escuchen las voces. En este momento, la inquie tud por nuestro inmediato pasado estâ en el aire. Es precisa que mi novela se
·
'
<<
novela camo la (mica voz disidente y crltica con la influencia del Partido comu nista80 . 11 En tout cas, selon l'écrivaine, le roman a eu un impact certain sur
El cultural,
'
DE D. CHAC6N
et où les enfants en bas âge, emprison nés avec leurs nécessai res, de sorte que l'indigna tion et la s o reçoiv nt pas les soins 11ëre , La voz dormida , 1 0J i darité l ' emporte nt sur 1 d sespoir et la souffran ce. Dans : Kent Victoria i par 11 modèle « passag décrit c tte pr son v ulu
d
c rage ré�lis te et � olitique de � u} ce Chac6n qui caractérise la posture est . . tique et ethique d un groupe generationnel :
Historia la escriben los hombres
VOZ DORMIDA (2002)
79 El cultural, ibid. Antonio G6MEZ L6PEZ, op. cit. , 81 El cultural, ibid. 80
p.
209.
93
OUBLI ET MÉMOIRE
sume al cora de voces que reclaman la memoria, nuestra memoria, como u derecho. [ . . . ] La memoria hist6rica la componen los recuerdos de todos, el sHen cio es el enemigo de la memoria, y la memoria es un derecho. Los que piensan que es mas c6modo el silencio suelen ser los que utilizan la palabra como anna arrajadiza. [Jo peor del silencio es] que se haga costumbre. Los hâbitos son mu dificiles de ramper. Y que el eco del silencio siga imponiendo su tirania, cuanct intenta convencernos de que es mejor seguir con la boca cerrada B2 . ,
�
�
Notre étude de La
voz dormida
a permis de dégager les thèmes et les enje ux
du roman, de voir sa genèse et ses hypotextes, notamment Luna
et Maquis
(1997) .
Analyse co m parative des trois romans
de labos (1 985)
L'analyse des éléments essentiels de ces trois romans va no u s
permettre de réaliser une étude comparative, que nous proposons dans la par
tie suivante.
Ap rès avoir situé les trois romans dans leur contexte historique, politique
et m émoriel et vu leur genèse, nous nous proposons d'étudier dans cette qua
tr iè me partie leurs homologies sur le plan narratif, historique et éthique. En ce qui concerne les modalités d'écriture, nous verrons la spécificité de l'instance
n arrative, à travers le type de narrateur, la personne de l'énonciation, le statut particulier de narrateur « posthume >> ou << limite », la place de la polyphonie et
le lien entre auteur-narrateur-personnage. Nous verrons le genre : fiction, auto fiction, autobiographie, mémoires ; la part du réalisme, avec les subterfuges
pour créer l'illusion de réel, l'ancrage dans le réel (aspect documentaire, ono mastique, toponymie, événements) . Les techniques narratives qui concourent
au réalisme et expriment les thèmes du temps et de la mémoire (la réitération,
reprise de motifs) ; la part de l'intertextualité, de la métalittérature et la mythi fication du thème et des personnages. Nous étudierons les thèmes principaux
(répression, violence, femmes) et détaillerons des scènes analogues. Autant
de procédés et de pratiques textuelles mises au service d'enjeux éthiques et
politiques, qui vont de la revendication d ' une mémoire à la critique de l'oubli
dans lequel ont été laissés les guérilléros et partant de là, du consensus de la
Transition.
ASPECTS NARRATI FS Les trois romans présentent une structure externe analogue, divisée en trois
ou quatre parties et en chapitres ou séquences brèves. Le moment du récit
est ultérieur dans
Maquis
et
La voz dorm ida
et simultané dans
Luna de labos.
La structure temporelle fonctionne sur l ' emploi d ' ellipses, d'analepses et de
quelques prolepses
(Maquis, La voz dorm ida) et met deux époques en relation :
le présent de la Transition et le temps raconté (années
1 940- 1 960).
Ins tan ce narrative Les trois romans proposent trois modalités d'instance narrative où le narra teu r, ou la personne de l'énonciation, passe du « Yo n unique et identifié à des « yoes n multiples puis à une voix impersonnelle et omnisciente. Ainsi la per s on ne de l'énonciation s'exprime à la première personne la plupart du temps
82 Ibid
94
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OUBLI ET MÉMOIRE
sume al caro de voces que reclaman la memoria, nuestra memoria, coma un derecho. [ . . . ] La memoria hist6rica la componen los recuerdos de todos, el silen, cio es el enemigo de la memoria, y la memoria es un derecho. Los que piensan que es mas c6modo el silencio suelen ser los que utilizan la palabra camo anna arrojadiza. [lo peor del silencio es ] que se haga costumbre. Los habitas son m uy dificiles de ramper. Y que el eco del silencio siga imponiendo su tiranfa, cuanct 0 intenta convencernos de que es mejor seguir con la boca cerrada 82 . " Notre étude de La
voz dormida
a permis de dégager les thèmes et les enj eu}{
du roman, de voir sa genèse et ses hypotextes, notamment et Maquis
(1 997).
Luna de lobas (1 985)
L'analyse des éléments essentiels de ces trois romans va no us
permettre de réaliser une étude comparative, que nous proposons dans la p ar tie suivante.
Analyse co m parative des trois ro mans Après avoir situé les trois romans dans leur contexte historique, politique
et m émoriel et vu leur genèse, nous nous proposons d'étudier dans cette qua
tri ème partie leurs homologies sur le plan narratif, historique et éthique. En ce qu i concerne les modalités d'écriture, nous verrons la spécificité de l'instance n arrative, à travers le type de narrateur, la personne de l'énonciation, le statut
particulier de narrateur (( posthume )) ou (( limite )) ' la place de la polyphonie et le lien entre auteur-narrateur-personnage. Nous verrons le genre : fiction, auto
fic tion, autobiographie, mémoires ; la part du réalisme, avec les subterfuges pour créer l'illusion de réel, l'ancrage dans le réel (aspect documentaire, ono mastique, toponymie, événements). Les techniques narratives qui concourent au réalisme et expriment les thèmes du temps et de la mémoire (la réitération,
reprise de motifs) ; la part de l'intertextualité, de la métalittérature et la mythi fication du thème et des personnages. Nous étudierons les thèmes principaux
(répression, violence, femmes) et détaillerons des scènes analogues. Autant de procédés et de pratiques textuelles mises au service d ' enjeux éthiques et
politiques, qui vont de la revendication d ' une mémoire à la critique de l'oubli
dans lequel ont été laissés les guérilléros et partant de là, du consensus de la
Transition.
ASPECTS NAR RATIFS Les trois romans présentent une structure externe analogue, divisée en trois
ou quatre parties et en chapitres ou séquences brèves. Le moment du récit est ultérieur dans
Maquis
et
La voz dormida
et simultané dans
Luna de lobas.
La structure temporelle fonctionne sur l ' emploi d ' ellipses, d'analepses et de
quelques prolepses (Maquis, La voz dormida) et met deux époques en relation : le présent de la Transition et le temps raconté (années 1 940-1 960) .
Instan ce narrative Les trois romans proposent trois modalités d'instance narrative où le narra teu r, ou la personne de l'énonciation, passe du (( Yo )) unique et identifié à des (( yoes )) multiples puis à une voix impersonnelle et omnisciente. Ainsi la per s o nne de l'énonciation s ' exprime à la première personne la plupart du temps
82 Ibid.
94
95
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
OUBLI ET MÉMOIRE
dans Luna
de labos,
où le narrateur unique est intradiégétique, homodiégéti que
et nommé et il est le personnage principal : Angel Suarez Reyero (p.
Maquis,
73). Dan s le narrateur est autobiographique intradiégétique, homodiégéti qu e
dans le prologue et l'épilogue puis divers narrateurs internes, intradiégétiq ue s
prennent en charge la partie intitulée
<<
De los nombres y las voces >> . D an
�
la narration est faite à la troisième personne du singulier Pa r un narrateur extradiégétique omniscient avec focalisation interne sur Pep it a (Josefa Rodrfguez Garda, p. 24) et on a la présence de beaucoup de dialog ue.
La voz dormida,
L'évolution narrative va du monologue fait depuis la conscience de Angel à la plurivocité liée à l'intervention de témoins. On peut voir là la représentati on
littéraire d'une pratique de l'histoire orale qui s'appuie sur les témoignages.
On passe de l ' emploi presque exclusif du Yo dans le récit personnel de An ge l
qu'est
Luna de lobas,
qui constitue une sorte de monologue relatant une expé
rience personnelle, à une plurivocité dans les deux autres romans qui veut
transmettre l'idée d'une aventure collective. Cette plurivocité, qui correspon d
à la polyphonie définie par Bakhtine, s'appuie sur la focalisation interne prati quée par le narrateur de Dans
La voz dormida
et la multiplicité des narrateurs dans
la structure énonciative est mixte car, outre le narrateu r clairement identifié (Angel Fombuena) du prologue et de l ' épilogue, il y a huit
Maquis.
Maquis,
autres narrateurs et
86
personnages ; dans
La voz dormida,
le narrateur omnis
Dans
Maquis,
l'évocation de la mort de Sebastian, Nicasio et Pastor Vazquez
se fait par des modalités énonciatives particulières. Nicasio et Pastor Vazquez
to nt respectivement le récit de leur propre mort dans les séquences no
47 et 49 :
« Aqui nos [Nicasio et Pastor] sorprendieron los civiles y ahora resis timos contra un ejército de guardias y soldados que acabara con nosotros sin remedia [ . . . ] Es el final [ . . . ] Dos balas ac aban de entrar en mi est6mago y siento como un picoteo de gallinas en las tri pas. No sé si esto ya es morirse o si aun me queda un segundo de vida para lanzar el ultimo disparo. [ . . . ] Ahora ya no veo nada, s6lo una nube que hace de almohada al atroz picoteo de las gallinas. Tengo miedo. , (p. 1 6 1-1 63).
« El tiro me [Pastor] ha dado en la pierna derecha y siento un reguero de sangre bajar por la pana rota del pantalon y c6mo penetra viscosamente entre el calcetin de lana y la pie! torturada de las botas de campana. [ . . . ] Le hago una sena! a Nicasio con los ojos todavia abiertos. Y salgo del ribazo a campo abierto. Lo ultimo que veo, al tondo, es c6mo se levanta una nube de color verde y c6mo salen llamas rojas y amarillas de esa nu be. , (p. 1 5 7). L'évocation de la mort de Sebastian (séquence
48)
donne lieu à une forme
cient recule pour laisser s ' exprimer les personnages à travers le dialogue. La
mixt e de récit limite où le narrateur n'est pas le personnage agonisant mais fait
très marquée par le récit autobiographique et autofictionnel.
libre, en italiques, est inséré :
disparition du Yo est originale dans le contexte de la création actuelle qui est On remarque aussi l'apparition d'un narrateur limite ou posthume, notion
décrite par Jean Alsina et Georges Tyras , comme nous l'avons vu dans la partie précédente, qui donne un récit limite ou impossible, en tout cas, paradoxal quant à la possibilité de l ' énonciation :
Luna de lobas
et
Maquis
sont énoncés
par des personnages-narrateurs morts ou en instance de disparaître, rendant
l'écriture du récit impossible. C'est le cas d'Angel Suarez dans
Luna de lobas
dont la mort reste ambiguë à la fin du roman mais semble suggérée par la phrase d'excipit :
«
Sôlo hay ya nieve dentro y fuera de mis ojos >> (p .
procédé est plus évident dans des scènes antérieures du roman (p.
et p.
1 40-141)
1 53). Le 49-5 1 , p. 106
qui montraient Angel, blessé, racontant sa lutte à mort contre le s
gardes civils et les échanges de tirs, et
«
voyant >> sa mort, notamment dans ce
passage, situé à la fin de la première partie,
«
1937
>> :
« De pronto, un golpe en la rodilla. Un golpe seco, inesperado. Y un escozor azul que asciende por mi pierna izquierda. [ . . . ] me arrastro como puedo [ . . . ] . El escozor es cada vez mas fuerte, mas profundo. Intenta contener el bor bot6n cali ente con la mano. [ . . . ] Siento que voy a desmayarme. Siento brotar en mi cerebro un !aga negro y profundo. [ . . . ] No siento ya ningun miembro del cuerpo. >> (p. 49-5 1).
une narration en focalisation interne et un discours en style direct, ou indirect
« [Sebastian] siente un cartucho o Jo que sea corriendo por el hombro. [ . . . ] ya cierra los ojos y entra en el tune! desconocido donde se extravian el dolor fisico y el conocimiento. [ . . . ] piensa que la memoria es insegura siempre y mas con una baia en el cuerpo. [ . . . ] Siente que Jo suben a un caballo y que Jo doblan en dos sobre el lomo del animal. Y cuando se va a extraviar definitivamente por Jo oscuro también siente que las unas le arden. [ . . . ] A la mejor me he muerto. >> (p. 1 59-160). Dans
La voz dormida,
Hortensia, qui est désignée de manière réitérative
par « la mujer que iba a morir
"•
attend son exécution et rédige des cahiers
qui seront transmis après sa mort en mars
1 941
à sa fille Tensi par l'intermé
diaire de Pepita. La fonction du narrateur « limite >> et du récit avec focalisa tio n interne est de permettre que le lecteur ressente par empathie la douleur « pré-mortelle >> du personnage et de créer une forme de suspens à l'instar de
Chronique d 'une mort annoncée ( 1 981)
de Garda Marquez.
L'instance narrative personnelle de Luna de labos, focalisée sur Angel, don ne un caractère intime et une valeur de véridicité au récit qui s'approche
ainsi du témoignage, excellente modalité qui permet l'empathie entre le lecteur
et le personnage-narrateur et de défendre le point de vue du guérilléro. Il en va de même du prologue et de l'épilogue de
Maquis
où Angel Fombuena
«
nous >>
P rend à témoins par sa narration personnelle pour ensuite déléguer la parole à
96
97
OUBLI ET MÉMOIRE
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
d'autres narrateurs, héros ou victimes. De fait, les liens entre les éléments de l a �� auteur-narrateur-personnage >> restent problématiques mais repos ent
Vâzquez Lorenzo, qui vient de Léon où il a tué un curé et un maire, com me
" Une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c'est-à dire eidétiquement et le plus souvent, par la présence effective d'un texte dans un autre. Sous sa forme la plus explicite et la plus littérale, c'est la pratique tra ditionnelle de la citation [ . . . ] ; sous forme moins explicite et moins canonique, celle du plagiat [ . . . ] ; sous une forme encore moins explicite et moins littérale, celle de l'allusion, c'est-à-dire d'un énoncé dont la pleine intelligence suppose la perception d'un rapport entre lui et un autre auquel renvoie nécessairement telle ou telle de ses inflexions 2 . ,
assassinat qui rend l e retour en arrière impossible. L'analogie entre Pastor Vâzquez et Angel Suarez est manifeste dans l'extrait suivant de Maquis :
On sait la richesse de perspectives qu'apporte la pratique intertextuelle , rn ai s aussi l'écueil qu'elle peut induire, à s avoir un appauvrissement de l'inven
trilogie
sur l'empathie. Il est évident qu'il s'agit de fiction et la part de l'autobiograp hi e
de l'écriture mémorialiste ou de l'autofiction est une autre question.
'
Les analogies entre les personnages des trois romans sont nombreus e s.
Ainsi, Angel de Luna de
lobas vient des Asturies comme Ojos Azules et El Vati os, 73) et il est instituteur comme Pas tor
il a les yeux clairs comme Ojos Azules (p.
Angel a tué le secrétaire de la mairie de Pontedo, don Pedro ltuero (p.
73-74),
70-7 1 ,
" Pastor Vazquez piensa en la guerra, en la de ahora por los montes de Los Yesares y en la que tuvo que hacer por las trincheras de la tierra contra los nacionales. Recién acabada la carrera de maestro le cogi6 la rebeli6n fas cista y cambio la tiza y el borrador de lana de oveja por un rifle medio en serio [ . . . ] cuando acab6 la gu erra me tiré al monte con otros camaradas de Leôn y Galicia [ . . . ] . Al alcalde le meti un tiro en el coraz6n y al cura un poco mas a la derecha. " (p. 1 18).
tivité . Nous allons faire une recherche systématique et exhaustive des points c om muns entre les trois textes tout en mettant en relief la spécificité de cha cu n. Dans la partie précédente, nous avons montré qu'ils ont leur originalité,
d es différences essentielles : de la forme brève, épurée, poétique et autobiogra phi que de Luna de lobas, on passe à une polyphonie complète dans Maquis avec
le s voix narratives distribuées à 86 personnages, puis à une écriture narrative omnisciente et prosaïque dans La voz dorm ida, gros roman avec beaucoup de
pe rsonnages et de dialogues. La voix narrative évolue, le Yo recule au profit de �� yoes >> puis de « ellos >>. Notamment la place des femmes évolue : de secon
d aires dans Luna de lobas, elles sont reconnues comme des aides dans Maquis, et sont les protagonistes de La voz dormida. Comme on l'a vu précédemment, une intertextualité globale apparaît immé
Pra tiques in tertextuelles Nous étudierons la pratique intertextuelle mise en œuvre dans chacun des
trois romans à différents niveaux : structure, personnages, situations, scènes,
motifs, motifs récurrents, leitmotive, reprises, réitérations , etc . , pour voir leurs
diatement à travers les liens explicitement déclarés par les trois auteurs avec
des œuvres antérieures et avec les œuvres des deux autres . Des chercheurs le
confirment :
points communs, leurs homologies. Si, comme il est convenu, on peut consi
" Alfons Cervera entronca con una larga tradici6n de creadores que, desde Manuel Vazquez Montalban hasta Dulce Chac6n, pasando por Julio Llamazares o Juan Marsé, siguen levantandose contra el edicto pronunciado por uno de los personajes de Rafael Chirbes: "Lo que no quede escrito, no habra existido, y Jo que ha existido lo escribiran ellos" 3 . "
dérer que tout texte renvoie implicitement ou explicitement à un autre texte,
l'intertextualité au-delà du concept, de sa pratique et de la méthodologie pour
l'étudier qu'elle implique, est avant tout une question de mémoire. Elle met
en j eu la mémoire individuelle (de l'auteur, du narrateur, des personnages) et
collective. Dans la mesure où elle convoque des faits littéraires et historiques
passés ou actuels, elle sollicite la mémoire, s'inscrit dans le fil historique (de
l'histoire littéraire et humaine), elle rend hommage, elle inclut l'œuvre dans la
vaste bibliothèque universelle et elle est donc la
«
mémoire de la littérature 1
>> .
Munoz Molina lui aussi voit une cohérence entre certains membres de ce
qu'il appelle un groupe générationnel :
Elle est donc une modalité narrative qui participe pleinement du traitement lit
« Entre otros, Javier Cercas, Javier Marias, Jesûs Ferrero, Dulce Chac6n, yo mismo: preguntamos e imaginamos; leemos en archivas, y buscamos voces y caras de testigos; indagamos en los archivos de nuestros padres 4 . ,
téraire de la guérilla. Pour de plus amples réflexions sur la théorie et sur la pra
tique de l'intertextualité, nous renvoyons les lecteurs aux travaux fondateurs
(Séméiotikè, 1 969), de Lucien Dallenbach (« Intertexte et auto 1 976 ; Le récit spéculaire, 1 9 7 7) et de Gérard Genette (Palimpsestes, 1 982) et aux manuels de vulgarisation très précis de Nathalie Piégay-Gros (2002) ou de Tiphaine Samoyault (200 1), par exemple. Genette la définit ainsi :
de Julia Kristeva
texte
n,
Tiphaine SAMOYAULT, L'intertextualité. Mém oire de la littérature, Paris, Nathan, 200 1 , Coll. 128. n' 258.
98
L a présence de cette parenté et les homologies entre les trois textes nous su gg èrent de commencer par rechercher l'existence d'hypotextes , c'est-à-dire Gérard GENEHE, Palimp.sestes, Paris, Éditions du Seuil, 1 982, p. 8. 3 Georges TY RAS, op. ciL , p. 9 1 . 4 Antonio MUI'ii Ol:: MOU NA, Prologue, in Angeles LOPEZ, Martina, ln rosa numero trece, op. cit. ,
2
99
p. 10.
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
OUBLI ET MÉMOIRE
un texte source sur lequel se " grefferait >> le texte le plus récent. Il peut s'agi t
donde el nuevo matrimonio tenia instalada su alcoba; un agujero del ancho de cuatro losetas, y lo bastante hondo para que él se metiera de pie; tras de lo cual ajustando en su sitio aquellas cuatro losetas pegadas sobre una tabla a modo de tapadera, no habla medio que se notara nada debajo de la cama. [ . . . ] Su vida se redujo, pues, con esto a la de un raton que a la menor alarma corre a refu giarse en su agujero; o mejor a la de un topo. En el agujero mismo, s6lo se metia cuando alguien llegaba a la casa, ya fueran falangistas husmeantes, y, a veces otros imprecisos investigadores que él oia trajinar, rebuscar e interrogar, y ame nazar y hasta maltratar a su madre y a su mujer, [ . . . ] se enterraba vivo cada vez que venian en su busca quienes quisieran matarlo 6 . "
d'un ou de plusieurs textes antérieurs écrits par des auteurs différents ou P at eux-mêmes. On étudiera donc trois types d'intertextualité : d'abord, l'inter tex. tualité antérieure pour chacun des trois romans qui peut être externe (ave c d'autres auteurs) et interne (avec eux-mêmes) qui permet d'identifier évent ue l lement des hypotextes ; puis l'intertextualité interne au roman et à l'au teu · r enfin, entre les trois romans. Estébanez Calderon dans son
minos literarios 5
Diccionario de tér:
propose la définition suivante pour les diverses modal it és
de l 'intertextualité. Il dit de la modalité générale : « se produce entre texto s d e ll, elle est " restreinte >> quand elle se fait " entre textos de u n
diversos autores mis mo au tor
ll,
elle est interne ou dite " autotextualité >> : « es la relacion de u n
texto consigo mismo, es decir, la "reduplicacion interna que desdobla el relata toda o parte, bajo su dimension literai - la del texto entendido estrictam ent
- o referencial, de la ficcion" (Dallenbach,
1 976)
�
>> . En suivant cette définiti o n
j ' étudierai pour chacun des trois romans, l'intertextualité avec des œuvre antérieures, dont celles du même auteur, l'intertextualité interne roman et entre les trois romans.
à
�
chaq ue
Luna de labos,
Ba bia, de
1 939
et
1 946,
savoir la victoire des franquistes
l ' émigration de Angel et la présence de « topos >>,
nous a immédiatement rappelé l'argument de la nouvelle « La vida por la opi
nion >> de Francisco Ayala (voir texte en annexes) . Ecrit en
1 955 et publié dans La cabeza del cordera en 1 962 à Buenos Aires et pour la première fois en 1 978 en Espagne, chez Espasa-Calpe, le récit ayalien raconte l 'histoire de Felipe, j eune instituteur républicain surpris par la Guerre civile à Séville en 1 936, qui vit enfermé pendant neuf ans dans une cache chez lui, entre 1 936 et 1 945, où il rédige un manuscrit . Confiant dans la victoire des Alliés, il sort en 1 945 mais au vu des circonstances, doit fuir et émigre en Amérique latine où le recueil
le reçoit le narrateur du récit, projection de Ayala. Outre cette homologie nar
rative, on mettra en parallèle le motif du
<<
topo >> qui apparaît dans le récit aya
lien, dans le passage suivant, particulièrement intéressant, qui est sans doute
l'une des premières représentations littéraires, avant que le motif ne devienne récurrent dans les romans sur le maquis, comme on le verra plus loin :
" Un albani! vecino suyo que, con el mayor secreta, le ayud6 a preparar un escondite, especie de pozo excavado en el rinc6n oscuro de la sala interior
Dans son article,
<<
Adios a Gorete >>, paru d ' abord dans
El Pals
" El pasado dia 1 7 de noviembre fallecia en Le6n, a la edad de ochenta y siete anos y en el mâs oscuro de los anonimatos, Gregorio Garcia Diaz, Gorete. [ . . . ] a quienes, como yo, los [los nombres] aprendimos al arrimo de la lumbre o caminando en la ni eve cuando los anos cincuenta se despedian en Es pana - y a quienes, sobre todo, tuvimos la fortuna de llegar a conocer al hombre que con su vida aliment6 de Ieyendas las !argas noches de invierno de nuestra infancia-, el nombre de Gorete nos trae recuerdos de un tiempo que ya se ha ido y de un mundo en el que los cuentos de los viejos servian para decir Jo que la radio callaba 7 . "
et la persécution des républicains restés en zone conquise, notamment des ins
tituteurs, entre
1 99 1 .
Luna de lobas :
Luna de labos. Aux sources du roman
Luna de lobas, à
en
en déce mbre 1 990, il rend hommage à un ancien guérilléro, Gregorio Garcia Diaz, dit Gorete (1 903 - novembre 1 990), qui inspira en partie les personnages
lntertextualité générale
La situation décrite dans
comme l'a dit et écrit Julio Llamazares, s 'inspire des his
to i res entendues quand il était enfant, des témoignages de ses proches et de récits entendus sur la guérilla, qu'il a insérés dans son anthologie d'articles En
Dans son dernier recueil d'articles,
Entre perro y lobo,
publié en j anvier
2008
et qui réunit des articles écrits au cours des vingt-cinq années précédentes,
Julio Llamazares évoque l'interdépendance entre son écriture j ournalistique et littéraire et l'influence de ses articles sur la genèse de ses romans,
lobas
en particulier :
Luna de
<< Cualquiera que lea con atenci6n esta antologia encontrarâ numero sas pistas y anticipas de mis libros literarios. [ ... ] muchos de los argumentas de mis novelas y mis relatas estaban ya apuntados en articulas de prensa e incluso alguno de ellos surgi6 directamente de éstos. Tiene raz6n quien asi Jo dice. Luna de lobas, por ejemplo, mi primera novela publicada, debe mucho a un reportaje que le hice a un guerrillero al que dedicaria luego la necrol6gica que aqui apa-
5 Demetrio Estébanez CALDER6N, Diccionario de términos literarios, Madrid, Alianza Éditorial, 1 999, p. 570-571 .
6 Francisco AYALA, La cabeza del cordera, op. cit. , p. 241-242. 7 Jul io LLAMAZARES, " Adi6s a Gorete "· in En Babia, op. cit. , p. 94. Voir aussi Jacques SOUBEYROUX ' 200 1 , op. cit. , p. 1 80.
1 00
101
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
OUBLI ET MÉMOIRE
rece: "Adi6s a Gorete" (hay otra dedicada a otro guerrillero, Casimiro Fernânde� Arias, que también estâ en la base de esa novela) 8 . "
À propos de son anthologie,
il dit :
" Mi deseo es que se lea aut6nomamente, puesto que asi apareciô en la prensa y asi la escribi cuando Jo hice: con pasi6n de periodista, que es J o que también me siento, aunque no tenga el titulo académico (tampoco tengo el de novelista y nadie, por ello, me niega el nombre). Un periodista privilegiado, eso si, puesto que, salvo en momentos muy determinados, he escrito Jo que he querido y sin tener que sentarme en la mesa de una redacci6n. [ . . . ] Después de revisar uno por uno, después de releer todos los articulas que he escrito en dis tintas medios a Jo largo de veinticinco anos (que son mâs, evidentemente, que los que he recogido aqui), una parte de los cuales apareci6 publicada ya en dos compilaciones anteriores, las tituladas En Babia y Nadie escucha, me reafirmo en mi opiniôn de mi condici6n ambigua, de persona que no es ni perro ni lobo, de escritor que escribe a caballo, tanto cuando Jo hace en prensa como cuando J o hace en una novela, entre la imaginaci6n y la realidad, de viajero, en fin, que mira la vida desde la ventanilla de un tren que cruza el paisaje envuelto en una luz que no es real ni irreal del todo. Esa luz que hace que el mundo no sea blanco ni negro, pese a que aparezca asi en los peri6dicos 9 . , Outre ces deux articles consacrés
à des guérilléros, Julio
connu sous le nom de « el topo de La Mata de Curueiio 10
rencontra en
"·
1 98 1 au cours du voyage à pied de six jours qu'il fit et qu'il retrace El rfo del olvido (1 990) où il consacre tout un chapitre au village
de La Mata del Curueflo, du nom de la rivière qui le traverse. Le récit de la Mata 1 1 " relate comment, caché pendant dix ans, de
1 947,
<<
El topo
1 937 à 1 947,
sous
le corps entièrement blanc, détail
qu'on retrouve dans la description du personnage Nogales dans Nous l'évoquerons dans la partie " Animalisation >> .
a
« Uno de los grupos leoneses secuestr6 a un ingeniera que resulta ser nada menos que el presidente de la Diputaci6n Provincial de Leon, Emilio Zapico. Por su rescate se pidi6 la cantidad de dos millones de pesetas. El hecho tuvo Iugar hacia el mes de septiembre de 1945 y los secuestradores enviaron una carta a la madre de la victima [ . . ] , debia acudir sola en coche [ . . . ] , se puso en contacto con la Guardia Civil [ . . . ] de la cual fue destacado un capitân previamente disfra zado de mujer [ . . ] , la victima no viviô para contar su odisea 1 4 . >> .
.
Un cas similaire apparaît dans le roman de
Luna de lobas.
De la biographie de Llamazares semblent être tirés quelques éléments insé
1 956, Testamento en la montana
de Manuel Arce, dont Pons Prades dit qu'il raconte :
" Un caso digno de menci6n: el del indiana de Cuba, secuestrado por "Juanin" y muerto por la partida, cuando su es posa se neg6 a pagar el rescate 1 5 . " L'écriture poétique de Luna
(1912-
Llamazares le
dans son livre
terre chez lui, Eufemiano Diaz sortit en
dofl .losé , le propriétaire de Ja mine qu'il vient d'enlever et qui sera tué lors de 1 échange part d'un fa il r -e l qui est décrit dans le détail par José Antonio Vidal S leS , y compris le déguis ffi nt en femme des gardes civils :
Llamazares a aussi
écrit un troisième récit sur un autre résistant, Eufemiano Diaz Gonzâlez
1 984) ,
qu desapareci - en la guetTa >> (p. 68) . Dans un artic. l le 2008 « a p rseve y ocia de los desapm cidos ll, Llamazares rn ntre ommenl le « s uvenir ll, à a rravers une p ho tog ra t hie de s n oncle qu 'il n'a pas c nnu, l u i ·e r t d'exemple t o u r expliquer le foncti onnement du dev ir de mémoir envers 1 s disparus 13• p L'ép isode de la rançon chapitre V l l l) réclamée par Angel à l'épous d
de lobas 1 6
pourrait amplement être reliée
à des
créations lyriques et romantiques antérieures, dont les propres recueils de poé sie de Llamazares, La
lentitud de los bueyes et Memaria de la nieve,
qui évoquent
le paysage léonais avec nostalgie, mais nous nous limiterons ici
à
quelques
évocations. Ainsi le motif de la lune, convoqué dès le titre du roman, est essen
tiel et récurrent. Les
29
occurrences de la figure lunaire imposent au lecteur
d'associer la vie des maquisards
elle est associée
à
à
la nuit,
à
la mort et
à
la nature. Dès le titre,
l'image du loup par un lien d ' appartenance et d ' assimilation
par les allitérations et la brièveté des mots « luna, labos >> ; la lune inquiète,
l'image confond deux réalités, la sémantique et les connotations liées au signi
rés dans son roman, notamment la construction du narrateur-personnage de
fiant. Le motif est récurrent et on le retrouve dans le nom d'un des personnages,
famille d 'instituteurs (sa grand-mère, son père, son oncle et sa sœur l'ont été)
los muertos . . . >> voit une correspondance entre les quatre parties du roman et
Angel Suarez, son statut professionnel d'abord. Llamazares appartient comme il l'écrit dans son article « Maestros de escuela 12 >>
réelle semble récupérée dans Luna
de lobas :
à
une
(1 990). L'onomastique
le maître d ' école de sa grand-mère
s'appelait Pedro Garda de Robles comme Ramiro Luna Robles et son oncle
instituteur s'appelait Angel, dont il écrit : « mi tio Angel, anarquista y tartamudo
8 9 10 11 12
Julio LLAMAZARES, Entre perro y labo, Madrid, Alfaguara, 2008, p. 16. Ibid.
Sur Je cas de Diaz GONZÂLEZ et d'autres, lire Secundino SERRANO, Maquis, op. cit. , Julio LLAMAZARES, El rfa del olvido, Madrid, Punta de Jectura, 2008, p. 44-50. Julio LLAMAZARES, En Babia, op. cit. , p. 68-69.
1 02
p.
44-45.
Ramiro Luna Robles. Enrique Turpin
les phases de la lune.
L'astre nocturne, qui renvoie
à
(1 998)
qui intitule son article « El sol de
un monde primitif et mystérieux, associe la
nuit , la mort, la nature, dans une allégorie qui s'appuie sur des comparaisons
et des métaphores : « esa luna fria, clavada como un cuchillo en el centro del 13 14
"•
Julio LLAMAZARES, " La perseverancia de los desaparecidos El Pals, 26/9/2008. José Antonio VIDAL SALES, 2006, op. cit. , p. 206-207. 15 Cité in Jean l'ENA, 2004, op. cit. , p. 1 36. 16 Voir José Maria IZQUIERDO, " Julio Llamazares: Un diseurs a neorromântico en la narrativa espaflola de los ochenta Ibero-romania, 4 1 , 1 995, p. 55-67. "•
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cielo » (p. 65). Ce thème romantique, traité par l'allégorie, n'est pas sans rap. peler un passage de la pièce poétique de Garcia Lorca, Bodas de sangre, où l a. lune, puissance maléfique de la nuit, assiste et provoque la mort des amoureux (Acte Ill, Cuadro 1) : << La luna deja un cuchillo abandonado en el aire >> (p. 1 44) . Luis Cernuda, dans son poème << Noche de luna >> dans son recueil Las nubes (1 940), écrit et publié sous le titre << Elegfa a la luna de Espafla >> en 1 937 en pleine Guerre civile, dépeint lui aussi l'astre qui assiste à toute l'histoire sanglante des hommes, dont << las Juchas fratricidas 1 7 >> qui les opposent. Dans Luna de labos , une phrase/vers retient toute l'attention du lecteur : << Mira, hijo, mira la lun a : es el sol de los muertos >> (p. 65), reprise par une variante : « Mira, Angel, mira la luna : es el sol de los muertos >> (p. 1 36). On en retrouve un écho dans : << La luz del sol no es buena para los muertos >> (p. 1 4). Fruit de ses lectures poétiques, l'origine de ce vers nous est donnée par Julio Llamazares lui-même dans son article de 1 983, intitulé << Volveras a Region », comme le roman de Juan Benet de 1 967, où il évoque la disparition de son village Vegamian noyé sous les eaux en 1 983, destin d'autres villes du Léon, comme Riaflo en 1 987 :
En revanche, le lien entre Maquis et le roman précédent de Cervera, El color de l creptisculo (1 995), est manifeste. Premier jalon de la saga sur la mémoire que va écrire Cer�e �a entre 1 995 et 2005, El co/or d� l creptisculo '? ontr� 1� p ro _ tagoniste, Sunta, agee de 47 ans en 1 995, sur le pomt de se maner, qm redige u n journal où elle couche sur le papier ses souvenirs d'enfance passée aux yesares. Comme le rappelle Georges Tyras, Sunta va << cerrar, quiza definitiva rnente, la libreta escolar en la que apunta los recuerdos de su existencia en un p u ebl a donde "solo se quedan la pereza y los aflos" 20 "· Elle évoque tous les personnages du maquis qu'elle vit quand elle avait 5-7 ans, vers 1 954, notam rnent, elle écrit qu'elle a vu le chef des guérilléros, Ojos Azules (p. 89) empri s onné dans l'étable (p. 1 25-1 2 7, séquence 36). La scène sera développée dans Maquis (séquence 23, p. 86-90 et 40, p. 1 39) où Sunta réapparaît, enfant, témoin de la répression des gardes civils contre les habitants. Les deux points de vue se complètent, avec d'une part Sunta devenue adulte qui se remémore l'étable où croupissait Ojos Azules puis dans Maquis, c'est Ojos Azules qui observe Sunta enfant. Sunta écrit dans El color del creptisculo : << Estaba [ Ojos Azules] en un rincon . . . Ahora han pasado cuarenta anos [ . . . ] se quedo mirandonos >> (p. 1 25-1 2 7) . Dans Maquis, Ojos Azules relate la scène :
" No sé tampoco si Baudelaire imaginaba una noche del pantano al escribir aquel verso terrible e inolvidable: "La luna es el sol de los muertos". S6lo sé que es imposible describir la sensaci6n que invade a un hombre cuando, como yo ahora, contempla por vez primera - a los 28 afios - la casa en la que naci6, llena de algas y de truchas muertas y cubierta por el 6xido y el barro 1 8 . >>
" Y ahora estoy aqui [ . . . ] , hay una nifia que mira desde la calle [ . . . ] . Ha seguido l a nifia a l a paloma [ . . ] apenas s i podra soportar, cuando !legue el momento de crecer con la memoria, los arrebatos implacables del olvido. [ . . . ] en la nifia que corre detras de la paloma adivino la esperanza que se nos ha venido negando desde el principio. » (p. 86-90). .
Maquis
·-·
.
Le roman de Cervera doit à Luna de Labos, à des textes de Marsé, à La agon fa del bliho chico (1 994) de Justo Vila lzquierdo et à des textes antérieurs de Cervera lui-même, comme El color del creptisculo. Comme nous l'avons vu pré cédemment, Alfons Cervera reconnaît une véritable filiation avec Juan Marsé, une intertextualité que nous définirions comme générale et diffuse, une sorte d'héritage hautement revendiqué par Cervera : " No he dejado de leer a Marsé y Marsé sigue siendo mi padre, mi hijo, mi abuelo, mi hermano . . . Devora todo Jo que escribe y a él mismo Jo devora. Es un personaje entrafiable, al que es imposible no querer como persona y sobre todo no querer como escritor. Maquis sale de sus novelas. Creo que todo Jo que apa rece en Maquis ya esta en las novelas de Marsé. Hubiera si do imposible, incluso a pesar de que yo tenia todo ese imaginario lleno de aquella cultura de los maquis. Sin las novelas de Juan Marsé no hubiera sido posible Maquis, yo diria que ni siquiera la trilogia [El co/or del crepr1sculo, Maquis, La noche inm6vil] 19. " Luis CERNUDA, Las nubes. Desolaci6n de la quimera, Madrid, Câtedra, 1991, p. 64. 18 En Babia, op. cit. , p. 1 25. 1 9 Cité in Georges TYRAS, Memoria y resistencia, op. cit. , p. 84.
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Les liens avec Luna de labos sont de plusieurs ordres. Outre la représenta tion positive du thème de la guérilla, on observe des similitudes entre les per sonnages, dans l'onomastique, par exemple le fait que les protagonistes se pré nomment tous deux Angel, à la connotation de douceur et d'innocence, dans la présence de la figure du maître, du curé, mais aussi dans les descriptions naturelles et l'atmosphère oppressante qui entoure les personnages, l'écriture poétique et lyrique. Georges Tyras explicite ces points communs ainsi : << Amén del nombre de un personaje, Angel, la elecci6n de un mundo de ficci6n, el uno en Le6n, el otro en la Serrania valenciana, con visos de una autenti cidad sustentada en los recuerdos y relatas orales de la gente que vivi6 los acon tecimientos referidos y, sobre todo, por encima de unas estrategias narrativas distintas, una misma concepci6n de la escritura como expresi6n poemâtica de una vision critica del mundo 2 1 . "
Pour La agonfa del btiho chico (1 994), premier roman de l'historien d'Estrémadure, Justo Vila, l'auteur s'est beaucoup documenté, a rencontré Ibid. , p. 42. 21 Ibid. , p. 10.
20
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des guérilléros et donne une écriture réaliste sur le maquis d'Estrémadure. Le roman, qui est divisé en quatre parties clairement différenciées qui vont de la fin de la guerre à l'année 1950 (épilogue), retrace la vie de la « partida )) de Alonso Martfnez Aranda, alias Veneno, qui compte treize membres, essentielle ment des prisonniers républicains évadés, et deux femmes, Concha et Nieta, et se cache dans les sierras de la Siberia et de La Serena. Les personnages y so nt eux aussi déshumanisés et animalisés, et tentent de survivre dans une nature hostile, certains finissant par franchir la frontière 22 . La voz dormida
de Mateo Santos, Reportaje del movimiento revolucionario en Barcelona, de
1 936 dont il dit : << Primera pieza de propaganda anarquista [ . . . ], dicho repor taj e capta Y representa de modo soberbio el furor que reinô en estas primeras j or nadas 24 . >> Vic ente Sânchez-Biosca fait la description d'un plan de ce film, consacré à l 'i mage du milicien : << Apostado con su mauser al hombro, fuma mientras vigila la ciudad. Este guerrillero cuyo elogio entona el narrador es el aguilucho libertario, el an6nimo representante de un nuevo heroîsmo. [ . . ] Numerosas seran las imâgenes que ensalcen esta nueva figura heroica a cuya labor contribuirâ también la litera tura. [ . . ] Asimismo qued6 fijada la imagen de la miliciana, version femenina del aguilucho, ataviada con su mono obrero y su fusil; no son pocas las fotografîas que la inmortalizan, particularmente de Centelles o Robert Capa 25 . , .
La voz dormida tisse des liens implicites ou explicites avec la produc tion littéraire, cinématographique et historique. Ainsi, elle doit au roman de Llamazares, à La agonfa del bliho chico (1 994) de Justo Vila Izquierdo et à Maquis de Cervera, aux films Libertarias (1 996) de Vicente Aranda et Silencio roto (200 1) de Armendâriz, à l 'histoire de Las trece rosas, à l'essai El silencio roto (2002) de Fernanda Romeu Alfaro, dont l'édition personnelle de l'auteure est de 1 994. Comme nous l'avons évoqué dans la partie précédente, sa dette envers des historiens est bien connue. Dulce Chacôn, dans un entretien dans Espéculo en 2002, explique : << En ficciôn, me he apoyado poco, porque como iba a hacer ficciôn, necesitaba realidad. [ . . . ] Sobre todo, me he apoyado en libros de historiadores y de testimonios, mâs que en novelas. >> À la fin de son roman, dans la longue liste de personnes énumérées, elle remercie Fernanda Romeu en ces termes : << Fernanda Romeu Alfaro, por su ensayo El silencio roto, y porque hizo posible que yo tuviera en mi casa las cartas originales de Julita Conesa, y porque gracias a ella conoci a José Amalia Villa >> (p. 428). Dulce Chacôn donne vie à des << traces >> du passé, par exemple la photo graphie de la milicienne qui illustre la couverture du roman. Cette photo qui représente une milicienne tenant un bébé dans les bras, membre de la colonne Uribarry, est une image assez connue qui se trouve d'ailleurs aussi sur la cou verture de Guerrilleros de la libertad de Angel Prieto de 2004 (La Gavilla) et vient d'archives, l'Archiva General de la Administraci6n à Alcalâ. L'image de la milicienne qui incarne le mythe romantique de la figure de la milicienne fut lar gement présente au début de la guerre, notamment à travers les photographies de femmes partant au combat qui faisaient la une de la plupart des journaux républicains dans un but de propagande, comme l'a montré Mary Nash 23 , avant d'être renvoyées à la << retaguardia H , pour y assurer des tâches dans l'adminis tration ou dans les hôpitaux. D'après les travaux de Vicente Sânchez-Biosca, les premières images fixées du milicien et de la milicienne viennent du film 22 Voir l ' article de Agustin OTERO, Reivindicando la memoria del maquis. Representaciones de la guerrilla anti-franquista en Maquis de Alfons Cervera y La agonra del brlho chico de Justo Vila Espafia COf/te.mporaneu. l . 20, 2007, p. 7-20. 23 Mary NASI I, Rojas. Las mujeres republicanas en la Guerra Civil, M adrid Taurus, 1 999, p. 93-96. Voir aw;sl Marle-Aline BAHP �HlNA, Les miliciennes, mythe et réalité in Femmes et démocratie, 2007, op. cit. , p. 104-106. "
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.
En outre, il indique que des images de Reportaje del movimiento revoluciona rio en Barcelona ont inspiré à Vicente Aranda son film Libertarias (1 996), dont on sait qu'il est probablement une source pour le roman de Duke Chacôn : " esos mismos reportajes [ . . . ] inspiraron a Vicente Aranda su Libertarias (1 996), si bien el director los convirtiô con desahogo en disefio plagado de anacronis mos >> (p. 82). On lit dans La voz dormida littéralement l' ekphrasis de la photo de couverture : '' Tensi, con su uniforme de miliciana, con su fusil en bandolera y la estrella de cinco puntas cosida en el costado, sonrîe para él, con un niflo que no es suyo en los brazos. Era un dîa caluroso de julio, ella se habîa puesto los pendientes que él ie habîa comprado en Azuaga y se habîa recogido el pelo ocul tando sus trenzas. >> (p 8 1).
Le motif revient plus loin. Pepita a restitué les boucles d'oreilles d'Hortensia à Tensi, maintenant adulte et qui veut rejoindre le Parti communiste, et Jaime évoque la photo qu'il a prise lui-même : " Tensi Ileva puestos los pen di entes de su madre. [ . . . ] Y Jaime recor darâ una fotografîa de Hortensia luciendo esos mismos pendientes y con un niflo en los brazos. [ . . ] No dirâ que Hortensia, cuando recibi6 aquellos pendientes, alz6 en brazos a un niflo que no era suyo y grit6 que tendrîa uno como ése. Algun dîa. Y él ie hizo el retrato. >> (p. 4 1 2-41 3) . .
Dulce Chacôn n e se contente pas d'insérer, comme beaucoup d'autres aut eurs actuels, des documents pour donner l' illusion d'un appareil documen-
�� jbtd. icente SÂNCHEZ-BIOSCA, Cine , p. 8 1 .
y guerra civil espaflola. Del mita a la memoria, op. cit. ,
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p. 74.
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taire à son ouvrage, mais elle le fictionnalise. En le détournant (elle fait de l a milicienne réelle son héroïne, Tensi, qu'elle nomme par son diminutif), le modi fiant et le dramatisant par l'émotion, les hypothèses et la réitération, son travai l d'écriture fait passer un objet historique réel à sa représentation littéraire. ln tertextua lité interne. Autotextua/ité
Les trois romans pratiquent la réitération de motifs, qui rendent le récit lan cinant. La référence à la médaille remise à Nicasio en récompense par son ins tituteur don Recalde (3 fois), son rêve d'un cochon volant, les ongles brûlés de Angel, la mort de Rosario décrite sous trois points de vue différents (Maquis) ; la réitération dans La voz dormida se matérialise par la phrase leitmotiv : « la mujer que iba a morir >> (première phrase du roman, p. 5), les références à ses cahiers bleus. Les leitmotivs, les réitérations poétiques créent une mélopée romantique dans Luna de lobas (omniprésence de l'obscurité, de la montagne, des animaux). lntertextualité entre les trois romans. D'un auteur à un autre ..
Pour rechercher les homologies entre les trois romans, la chronologie nous suggère de mettre en relation La voz dorm ida (2002) avec Maquis ( 1 997) et Luna de labos (1 985), potentiels hypotextes ; Maquis avec Luna de labos. L'intertextualité est exprimée dès le paratexte. Rappelons que le paratexte a d'abord été défini globalement par Gérard Genette dans Palimpsestes en 1 982, à paratextualité : « Le second type est constitué par la relation, généralement moins explicite et plus distante, que, dans l'ensemble formé par une œuvre littéraire, le texte proprement dit entretient avec ce que l'on ne peut guère nommer que son paratexte : titre, sous-titre, intertitres ; préfaces, postfaces, avertissements, avant-propos, etc. ; notes marginales, infrapaginales, terminales ; épigraphes ; illustrations ; prière d'insérer, bande, jaquette, et bien d'autres types de signaux accessoires, autographes ou allographes, qui procurent au texte un entourage (variable) et parfois un commentaire, officiel ou officieux, dont le lecteur le plus puriste et le moins porté à l'érudition externe ne peut pas toujours disposer aussi facilement qu'il le voudrait et le prétend. [ . . . ] !"'avant-texte" des brouillons , esquisses et projets divers, peut lui aussi fonctionner comme un paratexte [ . . ] Il arrive aussi qu'une œuvre fasse paratexte à une autre : le lecteur du Bonheur fou (1 957), voyant à la dernière page que le retour d'Angelo vers Pauline est fort com promis, doit-il ou non se souvenir de Mort d'un personnage (1949), où l'on ren contre leurs fils et petits-fils, ce qui annule d'avance cette savante incertitude 26 ? » .
2 6 Gérard GENETTE, Palimpsestes, op.
cit. , p.
Gérard Genette a précisé encore dans Seuils en 1 987 que le paratexte on c tient d'une part le péritexte, à savoir ce qui est : (( autour du texte, dans )' es pace même du volume, comme le titre ou la préface, et parfois inséré dans )es interstices du texte, comme les titres de chapitres, ou certaines notes », et d' autre part l'épitexte : (( tous les messages qui se situent, au moins à l'origine, à l'extérieur du livre : généralement sur un support médiatique (interviews , entretiens), ou sous le couvert d'une communication privée 2 7 ». Il contribue à définir la visée de l'auteur et le contrat de lecture ou pacte, dirait Philippe Lejeune, avec le récepteur. Il constitue une inscription dans le réel, du fait de J'i nsertion de documents écrits ou figuratifs, iconographiques, issus d'archives publiques ou privées, dont la fonction référentielle est immédiate. Les trois romans pratiquent l'insertion la plus diverse de textes, documents ou illustrations, à commencer par les citations, épigraphes, en exergue, les dédicaces, les remerciements, etc. Nous verrons une gradation dans l'impor tance matérielle accordée à ce paratexte successivement dans Luna de lobas, Maquis et La voz dormida. Commençons par les titres et la couverture, d'une part la première de cou verture et d'autre part la quatrième qui contient ce qu'on appelle le (( prière d'insérer », généralement rédigé par l'auteur, parfois avec l'intervention de l'éditeur pour des raisons plus commerciales. Les titres, les illustrations de couverture et le prière d'insérer viennent orienter la lecture. Les titres sont caractérisés par la brièveté (un syntagme nominal de un à trois mots), l'aspect allusif ou thématique. L'illustration de couverture présente des illustrations en rapport avec l'Histoire de la Guerre civile. Aucun n'indique, ni sur la couverture ni dans le prière d'insérer, être un roman historique, seul La voz dormida indique (( Narrativa ». Ils donnent une localisation et une contextualisation : (( recién aca bada la guerra civil, un pequefio grupo de combatientes republicanos huye de las fuerzas nacionales y de la Guardia Civil », (( los terribles anos de la guerra y la posguerra », (( un grupo de mujeres, encarceladas en la madrilefia prisiôn de Ventas , enarbola la bandera de la dignidad [ . . . ] el pape! que las mujeres jugaron d urante unos anos decisivos para la Historia de Espafia [ . . . ] las mas osadas en la vanguardia armada de la guerrilla » . Dans les trois romans, o n trouve des documents iconographiques en cou verture. Un tableau de Badfa-Vilat6, (( Codo con codo », de 1 947, représente un homme encadré par deux gardes civils pour Luna de lobas (édition Booket, 2003) ; des photos personnelles, familiales, d'un groupe de musiciens illustrent Maquis ; La voz dormida présente une photo, issue de l'Archiva General de la Administraciôn à Alcalâ, d'une milicienne, qui incarne le mythe de la figure de la milicienne, membre de la colonne Uribarry, que l'on trouve aussi sur la couver ture de Guerrilleros de la libertad de Angel Prieto, de 2004. Luna de labos se contente de faire précéder le corps du roman lui-même par un seul texte liminaire qui résume le sujet et le contexte, mais annonce déjà le type d 'énonciation double (temps présent et passé) et l'intention de l'auteur : 2 7 Gérard GENETTE, Seuils, Éditions du Seuil, 1 987,
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" En el otoflo de 1 937, derrumbado el frente republicano de Asturias y con el mar negando ya toda posibilidad de retroceso, cientos de huidos se refugian en las frondosas y escarpadas soledad es de la Cordillera Cantâbrica con el (mica objetivo de escapar a la represi6n del ejército vencedor y esperar el momento propicio para reagruparse y reemprender la Jucha o para escapar a alguna de las zonas del pais que aûn permanecian bajo control gubernamental. [ . . . ] Pero todos, sin excepci6n, dejaron en el empeflo los mejores anos de su s vidas y una estela imborrable y Iegendaria en la memoria popular. " (p. 7).
Maquis est plus riche avec l'insertion d'une dédicace de l'auteur adressée à Juan Marsé et d'une citation de Cervera : '' Esto es una novela. Otra cosa, quizâ, la memoria que inspira los hechos narrados en sus paginas. >> Le paratexte d'ouverture compte trois autres citations, respectivement d'Oscar Wilde, de José Manuel Caballero Bonald et de Gabriel Celaya, et Cervera termine par deux pages de remerciements, « Agradecimientos », comprenant trente-huit noms , dont des intimes (père, mère, oncle, frère, etc.), des écrivains (Vâzquez Montalbân, Carmen Martin Gaite, etc.), des personnes interviewées, des témoins. Comme Georges Tyras, nous ne manquons pas d 'être interpellée par la profusion du paratexte et des références finales notamment, qui donnent un caractère historiographique au roman, comme il le dit : «
Es muy llamativa en la novela actual, y mâs especificamente en la novela de la memoria, la proliferaci6n de unos agradecimientos finales, a veces mezclados con una bibliografia de libros consultados [ . . . ) Se trata de un inventa rio un tanta heter6clito en el que manifestaciones de ti po persona! [ . . . ) alternan con agradecimientos dirigidos a todos aquellos que, de una forma u otra, le pro porcionaron algunas briznas o huelias del saber [ . . ) , las fuentes enumeradas se convierten en cierto sentido en "autoridades", capaces de conferir a la historia contada una garantia de autenticidad. De esta forma, el texto proclama y reivin dica su naturaleza no s6lo de novela de la memoria, sino de relata testimonial 28 . >> .
La voz dormida ouvre sur une dédicace de l'auteur : « A los que se vieron obligados a guardar silencio >> (p. 5) et se ferme sur des remerciements : « Mi gratitud a todas las personas que me han regalado su historia >> (p. 423), suivis d'une liste d'une centaine de noms de personnes, comme chez Cervera. (voir les deux listes de remerciements en annexes) . Outre les témoins de l'époque interviewés, Dulce Chac6n remercie des historiens notamment, dont Fernanda Romeu, Mary Nash, Secundino Serrano et Tomasa Cuevas. Cette liste, qui évoque une pierre commémorative, fait du roman le lieu d'une commémoration et un lieu de mémoire. Le roman exprime un devoir de mémoire, « una ansiedad representativa >> dit G6mez L6pez 29 . Il s'inscrit aussi dans la mémoire littéraire avec les nombreuses inclusions de fragments de poèmes de plusieurs poètes mais ne contient pas de revendication explicite intratextuelle à des romans
antérieurs. Les citations de vers de Paul Celan, Martin Romero Moreno et César Vallejo précèdent respectivement chacune des trois parties du roman et des vers de Luis Alvarez Pifier le clôturent, vers cités également dans la diégèse. « "En vano dibujas corazones en la ventana: el caudillo del silencio abajo, en el patio del castillo, alista soldados." Paul Celan. " (p. 9).
«
"Quieres llorar. Y es tiempo de sequia. Quieres llorar. Y son tus ojos girasoles marchitos." Martin Ramera Moreno. " (p. 1 59). « " . . . Si no veis a nadie, si os as us tan Los lâpices sin punta, si la madre Espai'la cae - digo, es un decir salid, nii'los del munda, id a buscarla ! .. . " César Vallejo. >> (p. 249).
« "Y a lo lejos la empalizada temporal improvisaba el horizonte imprescindible." Luis Alvarez Pii'ler. " (p. 42 1).
Le fait d'insérer ces textes, modalité la plus littérale et explicite de l'intertex tualité, ouvre aussi à la métalittérature. Liée à l'intertextualité, elle concerne la place de l'écrit et de l' écriture, et leur fonction dans chaque roman. Nombreux sont les personnages qui écrivent et lisent ; les romans montrent une écriture en train de se faire : la fabrique de l' écriture intradiégétique qui cherche à fixer la mémoire. Angel dans Luna de lobas, par son statut d 'instituteur, est lié à l'écriture et quand il repasse devant son ancienne école, il se revoit écrivant au tableau. En tant que narrateur homodiégétique, il est le « producteur » du texte et laisse le texte de sa vie. Il en est de même de Angel Fombuena dans Maquis, narrateur cadre du prologue et de l'épilogue. Dans La voz dormida, les femmes ont un rap port intime à l' écriture. Le fait d'écrire des mémoires, pour Hortensia, puis de les lire et les dire, pour Pepita, leur permet de transmettre une expérience per sonnelle et de fixer une mémoire sur le point de disparaître. Toutes les étapes de l'acquisition du savoir et de la transmission sont évoquées : Hortensia apprend à lire et écrire puis enseigne et rédige ses cahiers bleus qu'elle destine à son mari et à sa fille ; comme Sunta dans El co/or del crepusculo (séquence 36 sur Ojos Azules et p. 89) cherchait à fixer son passé.
28 Georges TYRAS, Memoria y resistencia, op. cit. , p. 90-9 1 . 2 9 Antonio G6MEZ L6PEZ, op. cit. , p . 2 1 7. Voir p . 2 1 5-2 16. 1 10
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RÉALISM E ET MYTH I F I CATI O N Malgré l'apparent paradoxe de notre intertitre, nous verrons dans cette partie que l'historicité des romans cohabite avec une élaboration mythique . La forte intertextualité qu'on vient de montrer ainsi que l'étude thématiq ue à laquelle nous avons procédé sont des éléments de réalisme qui inscrivent les trois romans dans un continuum culturel reconnaissable. Le réalisme des trois romans repose sur un ensemble de techniques narratives et d'éléments, notamment spatiaux, temporels et de désignation. Dans nombre de romans d e la Nuevo narrativa, des subterfuges pour créer l'illusion de réel reposent sur quelques astuces, comme le fait que le narrateur enquête sur un personnage, écrive une biographie ou une thèse sur un auteur, ait découvert un manuscrit ou des documents inédits, motif remis à la mode avec Le nom de la rose ( 1981) de Umberto Eco. C'est le cas dans Beatus Ille, où Minaya enquête sur Jacinto Solana, un soi-disant poète de la république, et dans le roman de Goytisolo, Las semanas ; sur un pianiste (Vâzquez Montalbân), ou un militant, comme dans El embrujo de Shanghai de Marsé, Soldados de Salamina de Cercas, Maquis de Cervera (Angel Fombuena reconstitue la vie des guérilléros) ou La mitad del alma de Carmen Riera (l'héroïne enquête sur sa mère) . Précisément, le fait que les protagonistes des trois romans que nous étudions écrivent ou énoncent leur histoire donne l'apparence de la véracité : qu'il s'agisse d'Angel de Luna de lobas (Yo), de tous les personnages de Maquis (Angel, Ojos Azules, etc.) ou d'Hortensia qui rédige son journal pour sa famille (La voz dormida). Le réalisme des toponymes et de l'onomastique des personnages concourt à la vraisemblance. Mais les nombreuses références à la géographie rurale léonaise dans Luna de lobas Léon, montagnes, grottes, mines, villages de La Llânava, Llares, Amarza -, les lieux-dits comme : « cerro Umbrio, Pefla negra, cerro oscuro >> dans La voz dormida, sont aussi symboliques et évoquent des lieux « noirs >>, peut-être inspirés du nom d'un lieu réel, le « Cerro Moreno », près de Santa Cruz de Moya où eut lieu un des derniers combats de guérillé ros. L'espace mythique créé par Llamazares rappelle le << Region >> de Benet. Dans Maquis, qui évoque la serrania de Valence, Gestalgar et des villages du Levant, les espaces sont également « noirs >>, les guérilléros mènent leur der nier combat au « Cerro Oscuro >> ; les Asturies, avec leur connotation mythique puisque c'est le lieu symbolique de la révolution de 1 934 et de la résistance au Franquisme, sont citées dans Maquis, où c'est la patrie de Ojos Azules, et dans Luna de lobas (p. 26). Dans La voz dormida, toute l'Espagne est évoquée, Andalousie, Cordoue, Madrid (sierra) . Le cas du village de Santa Cruz de Maya, cité dans Maquis (p. 1 54) et dans La voz dormida (p. 67) constitue une véritable mise en abyme puisque ce site est devenu un lieu de commémoration en l'hon neur des guérilléros en 1 99 1 . Si Maquis renvoie aux lieux de Luna de labos, La voz dormida renvoie à Maquis. La géographie rurale, sauvage, est présente dans les trois romans et une géographie urbaine (Madrid) dans La voz dorm ida. -
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ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
L'onomastique montre qu'il y a des noms identiques : le jeune Angel de Maquis porte le même prénom que le narrateur de Luna de lobas, peut-être un h ommage. La famille Fombuena, composée de Guadalupe (comme la Vierge), S ebastiân et Angel, évoque la Sainte famille, de la poésie parfois, Hortensia au n om de fleur, comme les « trece rosas >>, est une victime ; les noms complets (état civil) sont le plus souvent donnés soit parce que les personnages tels des témoins au tribunal déclinent leur identité comme dans Maquis : « Me I lamo Justino Sânchez Aparicio >> (p. 1 9), soit parce que leurs noms figurent in exten so sur les avis de recherche diffusés par la Garde civile, comme dans Luna de lobas. Thèmes
Dégradation, humiliations, perte de dignité des maquisards
Pour exprimer l'extrême violence de la répression contre les guérilléros, les omans subvertissent les valeurs, procédant à la transformation d'un état en r un autre, notamment l'animalisation des hommes et la personnification de la nature. De fait les hommes, chassés de leur village, sont soumis à la nature grandiose et toute puissante : « Desde aqui, con la ayuda de los prismâticos, podemos dominar un paisaje mucha mâs grandioso y bello de Jo que los ojos por si solos podrian soportar: la mole ingrâvida de Pefla Negra, sobre la verde sima del valle de los Os os y las colladas de la Friera y Vegavieja . . . , (p. 37).
A n i ma 1 isation
Dans Luna de lobas et Maquis, l'animalisation des personnages contraints de se cacher dans une nature imposante et hostile et pourchassés par les gardes civils, est permanente. Dans Luna de lobas, elle affecte d'ailleurs autant les per sonnages que toute la nature, elle-même parallèlement animée, animalisée et personnifiée, comme le montrent les descriptions suivantes : « Los matorales agarrândose a nuestros pies como garras de animales enterrados en el barro. , (p. 1 3) . « [ . . ] reventaron las nubes. N o soportaban ya tanta silencio. Primera se ablandaron como frutas maduras, después se aplastaron unas contra otras y, por fin, abrieron sus barrigas inflamadas derramando sobre la tierra una sustan cia negra y amarga. Monte abajo, las retamas inclinaron, sumisas, sus cabezas al paso de la lluvia. [ . . . ] el viento aûlla como un lobo. " (p. 37-38). .
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Dans La voz dorm ida, l'animalisation frappe pareillement les membres de la partida de Chaqueta Negra mais aussi les prisonniers que l'enfermement trans. forme en des animaux en cage. L'homme-loup
y los niflos salen de detrâs de los ârboles haciendo un gran estruendo con las latas. El lobo huye, asustado, hacia adelante y cae en la trampa. Le cogen vivo y, durante varios dias, le llevan por los pueblos para que la gente le insulte y le escupa antes de matarle. Ramiro habla como si nadie le escuchara. [ . . . ] , acorralado por las som bras, en el chorco sin fonda de la noche helada. » (p. 1 1 2) .
Dans Luna de labos, d'emblée le titre impose la présence animale, à travers le loup, dont on sait la symbolique dans l'imaginaire 30. Animal associé à la mort, aux génies infernaux, il est pourchassé et tué par les hommes alors qu'il n'est pas mangé. Depuis trois millénaires, son image a évolué. Dans l'Antiquité, il est associé au dieu Mars, (( dieu de la guerre et du carnage », et à la mort, à Hadès coiffé d'un casque en peau de loup, mais il est aussi lié à Apollon-lykios, loup et lumière. Lié à la peur, au péché, au diable, à l'enfer, à la mort pour les chrétiens , puisqu'il s'attaque à l'agneau (mystique), il est aussi associé aux rites magiques pratiqués sous la lune. L'homme proche du loup, qu'il s'agisse du (( meneux ff de loup ou du loup-garou, est haï. Ce dernier, qui a fait une alliance avec le démon, est puni sur terre où il doit se lever la nuit, c'est la figure du lycanthrope, laquelle informe l'œuvre de Llamazares . Cette bête puissante, de 60 à 80 kg, encore vivace en Espagne, qui se déplace vite et longtemps, chasse en groupe, a son territoire et vit dans des grottes et dans les montagnes, depuis que les hommes l'ont contrainte à reculer, ne sort que la nuit. En rivalité avec l'homme pour leur subsistance, dans les sociétés pastorales, ces animaux carnassiers qui s'attaquent aux troupeaux de moutons et aux corps affaiblis, suivent les hommes quand la société connaît une crise alimentaire, sont vecteurs de la rage et sont donc pourchassés. Depuis des siècles, les paysans ont fabriqué des pièges à loup : des paysans courent sus le loup pour qu'il entre dans un espace fermé, une fosse, et des battues sont organisées par les autorités, la louveterie, pour défendre les villes et ont abouti pratiquement à son éradication. La scène de la chasse au loup racontée par Ramiro Luna Robles, le chef de la partida, prend une signification singulière, une mise en abyme de la situation des personnages, une métaphore de la chasse à l'homme que subissent les personnages. Elle est racontée par Ramiro dans la partie datée de 1 943, qui juste avant sa mort se remémore comment, alors qu'il était enfant, on chassait le loup dans la région de Riafio :
La description qui semble d e prime abord excessive, car due au souvenir d'u n enfant, est une coutume ancienne, qui date des années 1 920, provoque pe ur et inquiétude et attire la sympathie du lecteur pour les personnages, eux mêmes pourchassés comme des loups. La métamorphose qu'on observe dans Je fragment cité montrant Ramiro (( acorralado ff et poussé dans un (( chorco " (fosse) tel un loup, est progressive mais continue tout au long du roman, dont on rappellera que le titre initial pensé par Llamazares était (( Chorco de Jobos 31 ». Elle commence dès la première page où le personnage de Ramiro est assimilé immédiatement à un animal dans cette description : (( su silueta se recorta en la abertura de la puerta como el perfil de un animal inm6vil, quizâ rnuerto ff (p. 1 1). Cependant les hommes sont encore doubles : (( Como un cazador que, con el tiempo, hubiera acabado adoptando los movimientos animales de sus presas f> (p. 1 5) . L'identification homme-loup v a devenir systématique grâce à l a récurrence de comparaisons puis de métaphores 32 . Elle frappe d'abord Ramiro qui (( olfa tea la noche como un lobo herido ff (p. 1 2). Le groupe est pourchassé tel du gibier par les gardes civils qui avancent (( como en una gigantesca caceria f f (p. 37) . Ils réchappent à l' attaque : (( salimos a tiempo de esa ratonera f f (p. 38). Pareils à (( una manada de lobos ff (p. 66), ils dévorent des moutons (p. 68) et font appel au flair pour repérer leurs ennemis, comme Ramiro : (( Estân ahi [ . . . ] les huelo ff (p. 1 04). Angel subit aussi à son tour cette transformation. Elle lui est révélée par divers personnages, dont sa femme Maria qui lui dit :
(( Alli cazan los Jo bos todavia como los hombres primitivos: acorralân doles. Tocan un cuerno cuando le ven y todos, hombres, mujeres y niflos acuden a participar en la batida. Yo Jo vi una vez. Nadie puede llevar armas, solo palos y latas. La estrategia consiste en acechar al lobo y empujarle poco a poco hasta un barranco en cuyo extrema esta Jo que llaman el chorco: una fosa profunda y oculta con ramas. Cuando el lobo, al fin, ha entrado en el barranco, los hombres comienzan a carrer detrâs de él dando gritos y agitando los palos y las mujeres
" Estuve a punto de confundirte. - ;,Con quién? - Con el buho. Cantas ya tan bien como él. - Si, claro [ . . . ] Y carro co mo el rebeco, y oigo como la Jiebre, y ataco con la astucia del lobo. Soy ya el mejor animal de todos estos montes. " (p. 1 08-109).
30 Gilbert DU RAND , Les structures anthropologiques de /:imaginaire, Paris, Dunod, 1996, Robert DELORT, Les animaux ont une histoire, Paris, Editions du Seuil, 1 984.
1 14
p.
9 1 . Voir
" - Hueles a monte - me dice -. Hueles como los Jo bos. -;,Y qué soy? » (p. 57) .
Puis Ramiro assimile Angel à u n rapace nocturne :
31 Enrique TURPIN, " El sol de los muertos. Una aproximaci6n critica a Luna de lobas de Julio Llamazares » , in El universo literario de Julio Llamazares, op. cit. , p. 1 14. 32 Voir Carole MEUDIC, " Symbolique de la mémoire dans Luna de lobos de Julio Llamazares in Jean ÜRTIZ, Rouges : maquis, op. cit. , p. 433. "•
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Les hommes se terrent dans une tanière : « este hûmedo agujero en un cubn infecto para bestias apestadas >> (p. 1 1 0) et à la fin du roman, le seul survivant du groupe, Angel, ancien instituteur, pourchassé depuis presque dix ans, est devenu une bête :
Mais pour Ojos Azules, la résistance aux franquistes est un choix idéolo e et moral : u q i g
« Como un lobo que trata de caer por sorpresa sobre el suefio confiado de un rebafio. [ . . . ] la os cura sensaci6n de haberme convertido ya en una autén tica ali mafia. Un a ali mafia que se arrastra [ . . . ] Una ali mafia cuy a proximidad asusta a hombres y animales. Una alimafia - ;,o acaso podria llamarse de otro modo? - que solo abandona su guarida cuando la luz del sol no puede dafiar ya sus ojos [ . . . ] Pero, hoy, esta alimafia ha bajado hast a aqui buscando leche. " (p. 1 25).
Le choix lexical de << alimana » appelle quelques commentaires et la brève définition que nous prenons dans le Diccionario de uso del espafwl de Maria Moliner insiste sur le caractère nuisible : << (del lat. "animalia", animales) 1 . Despectivo de "animal", aplicado generalmente a animales grandes ; parti cularmente, a los que son daninos para el ganado o para la caza menor. Bicho. 2. (n. calific.) Persona malvada ». Au fil du roman, le caractère lancinant de cette métamorphose est créé par la récurrence des images et par le champ lexic al animal : << bestias, fieras, alimanas >> qui associé au surnom donné aux fuyards, << los del monte », impose l'analogie. Le processus atteint son paroxysme quand à la fin Angel se terre comme un << topo >> (voir infra) . Dans Maquis, la séquence 26 présente une métamorphose des hommes, ana logue à celle décrite dans Luna de labos. L'immersion dans la nature est un retour à la barbarie, à la << cruauté » primitive, qui rappelle les travaux anthro pologiques de Claude Lévi-Strauss, Le cru et le cuit (dans Mythologiques 1, de 1 964) , comme l'exprime le vieux guérilléro Feliciano el de Landilla : " En el monte nos hacemos mâs crueles. [ ... ] seguro que tu eres una alimafia mas mala que una hiena si se lo preguntamos a Mariano del Toro o a Perales, y qué te parece si se Jo preguntas a Delmiro [ . . . ] y Feliciano hablaba de la crueldad en el monte, de c6mo la cara y las manos se van tensando como si fueran la pie! de un tambor antigua, de la mirada triste que se muere todas las noches [ . . . ] Es que aqui vivimos alejados de lo que pas a alla abajo y nos acostum bramos a una vida que cada vez se parece mâs a la de los animales [ . . . ] porque perdemos la idea de las distancias y de todo. >> (p. 96-98).
Face à l'incompréhension de certains devant la poursuite de la résistance et face à la volonté d'escamoter le fait, le narrateur Angel Fombuena justifie la guérilla d'abord par l'ironie : " 0 a Jo mejor estaban locos y por eso se echaron al monte para vivi r como las cabras entre las aliagas y los basques de sabinas. " (p. 1 7 1) .
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" La entrega un ica a nuestros ideales, [ . . . ] unos ideales que nos hacen diferentes, al menos en eso, de los civiles que nos buscan a la desesperada para cazarnos como si fuéramos alimafias. La unica raz6n de su existencia es conse guir medallas por cada una de las piezas que se co bran en el monte. " (p. 90).
Si, comme nous venons de le voir, pour survivre dans un environnement stile, les personnages s'animalisent, la mort les assimile davantage encore à ho des animaux : << Bajaron los cadâ.veres y los exhibieron, como si fueran cerdos colga dos de un gancho de carniceria, en la plaza del pueblo [ . . . ] La cara de Nicasio no era cara sino que era una mancha roja, como si se le hubieran comido los cuer vos la cabeza. >> (Maquis, p. 1 54).
Dans La voz dormida, l' enfermement carcéral vise à animaliser les person nages et seules les fonctions vitales primaires comptent. La mort, l'exécution inéluctable, plane de manière permanente, mais Tomasa dans le cachot, traitée comme un animal, garde toute sa dignité. L'homme-taupe Le motif du << topo », un des symboles de la clandestinité à l'intérieur du pays , est récurrent dans les trois romans. Le symbole qui renvoie au monde souterrain s'oppose à l'image du loup qu'on vient de voir et confère une double image au guérilléro : l'homme traqué en surface, l'homme enfoui sous terre comme une taupe, ce petit rongeur nocturne, aveugle, qui vit sous terre. Historiquement, le fait est révélé à la suite du décret-loi d'amnistie du 31 mars 1969 où des hommes purent quitter officiellement leur cachette où ils étaient restés enfermés pendant des laps de temps variables, qui pouvaient atteindre trente ans. L'historien américain, Ronald Fraser (né en 1 930) 33 fut le premier à décrire leur existence dans son livre In h iding (1972), traduit en espagnol sous le titre de Escondido dès 1973. Précisément, il décrivit le cas réel du maire socia liste de Mijas, Manuel Cortés (1905-1991), caché chez lui entre 1 939 et 1 969, auquel d'ailleurs la municipalité de Mijas vient de dédier une place. Le phé nomène a été étudié par l'ouvrage des journalistes Jesus Torbado et Manuel Leguineche, Los topos, paru en 1 9 77, qui connut cinq éditions la même année et tout autant en 1 978. À ce propos, il est intéressant de lire dans la << Conversaci6n 33 Ronald FRASER est l'auteur de Blood in Spain (1979), traduit en espagnol sous le titre : Recuérdalo
tti y recuérdalo a otros. Historia oral de la Guerra civil espafiola de 1 979, titre qui reprend le premier vers du poème " 1 936 " de Desolaci6n de la Quimera (1962) de Luis CERNUDA. Son livre a lancé le courant historiographique de l'histoire orale appliquée au thème de la Guerre civile.
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con el autor �� entre Francisco Ayala et Rosario H i riart, responsable de l'éd iti on Catedra de La cabeza del cordera de 1 9 7 34 , 1 ur échange sur 1 livre Los top08 ' qui vient d'être publié alors qu'Ayala a é r i t un récit, La vida par la opiniôn sur un u topo �� dès 1 955. Outre cette nouvelle d'Ayala, quelques romans décr i� vent le cas de u topos » : Damian dans La insolaci6n (1 963) de Carmen Laforet Marcos Javaloyes dans Si te dicen que caî (19 73) de Marsé, Jacinto Solana d an� Beatus Ille (1 986, caché de 1 947 à 1 969), le capitaine Blay dans El embrujo de Shanghai (1 993, caché de 1 939 à 1 947). On peut aussi citer le film El espîritu de la co/mena (1973) de Victor Erice où pour la première fois au cinéma, on m on trait l'image positive d'un maquisard caché. La première scène du film s'ouvrait sur une petite fille, Ana, assistant à l a projection du film Frankenstein (19 3 1 , James Whale) en 1 940 dans un petit village ségovien et qui superpose l'image du monstre à celle de son père. Dans Luna de labos, l'obligation de se cacher comme un u topo �� pendant la journée pour survivre est immédiate pour les fuyards : u Pronto amanecerâ y, para entonces, habremos de estar escondidos. La luz del sol no es buena para los muertos » (p. 1 4). Après l'assimilation à une bête, c'est l'image du m ort vivant qui est convoquée. Paradoxalement, la survie nécessite un enterrement, cette assimilation entre dissimulation et enterrement est faite par Angel qui décrit précisément sa cache dans la ferme familiale :
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- lSabes cuantos anos trabajé yo en la mina? - me dice - Doce. Desde los quince hasta los veintisiete, hasta que estall6 la guerra. Y no me quedé ciego. » (p. 2 7-28).
En effet les références se succèdent : << est amos enterrados - una semana se rn cu p lirâ maii.ana - en este humedo agujero �� (p. 40-4 1), << Durante toda el dia, agaz apado camo un topo �� (p. 1 33), etc., pour atteindre le climax au dernier ch apitre (XVO qui pratiquement dans son intégralité (p. 146-1 53) décrit l'enfer mement d'Angel. À la fin, en 1 946, il se cache pendant un mois, enterré, couché dans un trou creusé dans l'étable de la ferme de sa sœur : " Aunque desde hace un mes, tumbado como un topo en esta tosa subterranea que Pedro y yo excavamos en la corte de las cabras, entre la cuadra y la panera, esté mucho mas cerca del mundo de los muertos [ . . . ]. Ha llegado el momento de volver a ese agujero irrespirable y de tumbarme como un topo debajo del tablera. » (p. 1 46-147).
Il s'agit d'un enterrement vif qui lui rappelle l'expérience tragique d'un autre mme : ho u Esta fosa donde el calor y la desesperaci6n se funden en una sustan cia putrefacta que comienza a invadir ya mi cuerpo igual que el de aquel hombre de Nogales que, al acabar la guerra, mientras Ramiro, Gildo y yo vagabamos por las montaflas, se escondi6 bajo un pesebre de la cuadra y no volvi6 a salir mas que al cabo de seis anos, ciego, enfermo y corrompido, para que su mujer Jo enterrase de noche, a escondidas, en un rinc6n del huerto de la casa. » (p. 1 5 1).
" Cierro por dentro el postigo con la tranca. Luego, busco una horca y hago un hoyo protundo en el centra del pajar. Me tumbo en el tondo, bajo el capote, y con la misma horca atraigo un inmenso alud de hierba sobre mi. , (p. 24).
La récurrence du motif de l'enterrement traduit le quotidien que vivent les fuyards, comme le montre cet échange entre Ramiro et Angel, réfugiés dans une ancienne mine : " - Es como si estuviéramos muertos. [ . . . ] - Te acostumbraras - me dice -. El hombre se acostumbra a todo. - Menos a que le entierren vivo [ .. ] . - En la mina d e Ferreras - dice Ramiro con la mirada d e nuevo ya perdida en el techo de la galeria - habla mulas para tirar de las vagonetas. Nacian y morian alli dentro. Tenian las cuadras en la primera rampa de la mina y jamas salian a la superficie. Por una parte, era mejor. Asi nunca llegaban a saber que estaban degas y no podian resistir la luz del sol. - Y nosotros - le digo - acabaremos como elias si seguimos aqui encer rados mucho tiempo. Ramiro vuelve a mirarme [ . . . ] . .
Ce souvenir déclenche la prise de conscience de Angel et détermine sa déci sion d'émigrer. La récurrence du motif contribue au réalisme car il convainc le héros Angel et le lecteur qui ne voient pas d'autre solution, de même que la description précise et documentée, puis poétisée faite par Llamazares. On sait qu'elle figure dans plusieurs de ses articles précédents dont l'un qui relate le cas réel d'un << topo �� : Eufemiano Diaz Gonzâlez, << el topo de La Mata de Curueii.o », caché pendant dix ans , de 1937 à 1 947, qu'il décrit dans son livre de voyage, El rîo del olvido 35 . Dans Maquis, c'est le cas de Nicanor, qui fuira la vie de << topo �� en prenant le maquis : u Nicanor Pérez Rodrigo se ech6 al monte en 1 943, después de haber estado escondido en su casa desde que se acab6 la guerra. Su padre y él eran
35
Sur le " topo " Eufemiano DIAZ, voir Secundino SERRANO, Maquis, op. cit. , p. 45. LLAMAZARES est l'auteur de " El maqui en la provincia de Leon revue Le6n, Madrid, n" 330, p. 1 9-28 et n" 331 , p. 1 1-24 ; " Once anos escondido como un lobo Diario 16 (Suplemento dominical), no 44, 18/7/1982, p. 13-19 ; " Eufemiano Diaz, " el topo '' de la Mata. Diez anos enterrado vivo article inédit selon Secundino SERRANO, ibid. , p. 460. 11,
"•
34 " Conversaci6n con el autor " entre Francisco AYALA et Rosario HIRIART, in Francisco AYALA, La cabeza del cordera, Madrid, Câtedra, 1 978, p. 25 1-274.
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"•
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albaniles y abrieron un hueco junto a la bodega que daba a la calle Y por las noches tocaba el acorde6n y Jela las novelas de Vargas Vila, que estaban prohi bi das en Espana por la dictadura de Franco. » (p. 94).
Dans La voz dormida, des personnages sortent peu : le docteur Fernand o Ortega, fils et époux de franquiste qui pendant la guerre a été médecin auprès des républicains et a assisté aux événements de Paracuellos, Dona Celia qui abrite Pepita et dont le mari Gerardo est prisonnier à Burgos. Corps m utilé, corps esca moté, corps dénié, corps m o m ifié
La répression qui s'exerce sur les guérilléros vise à les éliminer radicalement en faisant disparaître leurs corps et en leur déniant tout droit à la sépulture. Les enterrements sont interdits ou clandestins. Paradoxalement, si pour survivre les maquisards doivent se cacher dans un trou ou une grotte, la société leur interdit d'assister à l'enterrement de leurs proches ou leur refuse leur propre enterrement. Le rite de la sépulture marque la civilisation humaine comme le rappelle le mythe d'Antigone qui s'oppose au pouvoir en s'obstinant à vouloir donner une sépulture à ses frères. Le refus d'une sépulture marque le rejet hors du système social, but recherché par le Franquisme. Maria Zambrano, dans La tumba de Antfgona (1 967), est revenue sur le mythe associé à l'exil36 . Le rite funéraire lié à la commémoration et à la mémoire des défunts est associé à un lieu, antithèse du non-lieu défini par Marc Augé, le cimetière, une hétérotopie par opposition à l'utopie, selon Michel Foucault, qui en donne la définition suivante : « des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont des sinés dans l'institution même de la société, et qui sont des sortes de contre emplacements, sortes d'utopies effectivement réalisées 37 . . . )), Le cimetière devient un topos lié à la mémoire, aux traces laissées, et incontournable dans les romans de la guérilla, d'autant qu'il est souvent aussi le lieu des exécutions, comme le cimetière de l'Est dans La voz dormida ou celui de Maquis : « Todos los dias hay fusilamientos en los murones oscuros de los cementerios, todos los dias )) (p. 125) . En outre, les autorités ont réservé un espace à part pour les proscrits, un carré pour les républicains, comme le signale Hermenegildo : << Jo enterrarân en el cementerio viejo y podrido donde entierran en Los Yesares a los rojas y a los que se suicidan >> (Maquis, p. 133) ou encore Angel de Luna de labos : « Ramiro, en el rinc6n de los proscritos > (p. 1 37) . , Dans les trois romans, les personnages bravent l'interdiction qui leur est faite de rendre hommage aux défunts. Le cas le plus significatif est celui de dona Celia dans La voz dorm ida ; incarnation d'Antigone, elle a soudoyé le fos soyeur pour pouvoir reconnaître les corps et faire leur toilette : La tumba de Antfgona de Maria Zambrano : symphoni e aurorale d'un exil essentiel Regards XX", Résistances et exil, 2005, no 8, p. 1 9 1-2 1 5. 3 7 Michel FOUCAULT, " Des espaces autres (1 967), Hétérotopies in Dits et écrits, in Architecture, Mouvement, Continuité, n" 5, octobre 1 984, p. 46-49.
36 Rose DU ROUX et Stéphanie URDICIAN,
"
"•
»,
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" Dona Celia no acudla al cementerio cada manana para visitar a su hija, como crela Pepita. Ella ni siquiera sabla si Almudena se encontraba alli. ( . . . ] fue ella mis ma con su sobrina Isabel al cementerio [ . . . ] escondida en un pante6n del cementerio del Este, cuando escuchaba las descargas de los fusiles y los tiros de gracia. [ . . . ] se acercaba a los cadâveres con unas tijeras en la mano. ( . . . ] Por Almudena lo hizo, porque dona Celia no tuvo la suerte de saber a tiempo que iban a fusilar a su hija. Ella no habla podido darle sepultura, ni le habla cerrado los ojos, ni le habia lavado la cara para limpiarle la sangre antes de entregarla a la tierra. [ . . . ] por eso va todas las mananas al cementerio [ . . . ] . Por eso corre después hacia los muertos, y corta con unas tijeras un trocito de tela de sus ropas y se los muestra a las mujeres que esperan en la puerta ( . . . ] Y puedan cer rarles los ojos. Y les !aven la cara. >> (p. 1 04-106).
Dans La voz dormida, les proches préparent les vêtements que porteront les prisonniers lors de leur exécution, certains récupèrent sur les corps un mor ceau de vêtement pour indiquer à leurs proches la mort d'un des leurs et leur lavent la figure (p. 244). Dans Luna de lobas et dans Maquis, ce sont des hommes qui vont braver J'interdit. D'une part, Angel Suarez qui est surveillé par les gardes civils ne peut assister à l' enterrement de son père et se décrit comme : « un hombre al que incluso se le niega el derecho de enterrar el recuerdo de los suyos >> (p. 1 36). Malgré la surveillance, Angel se rendra de jour chez son père et de nuit, il surveille le village, depuis les hauteurs, à la jumelle et descend au cimetière (p. 1 35-1 37). De même Ramiro qui, pour retrouver le corps de son frère Juan assassiné et lui rendre hommage, enlève le curé don Manuel qui a dénoncé Juan et l' oblige à le conduire vers le lieu inconnu où est enterré le corps, pour une cérémonie insolite : " Arrodillese - le dice Ramiro. Ha arrancado, de un gesto inesperado, una rama de espino y la ha cla vado en el suelo como si fuera una cruz. Don Manuel se resiste a obedecer. ( . . . ] - jArrodillese! - grita Ramiro -. jArrodillese y rece! jAhl hay un hombre enterrado, no un perro ! » (p. 95).
Dans Maquis, Nicasio ne peut assister à l'enterrement de son jeune fils de deux ans car le maire fait surveiller le cimetière pendant un mois : « El alcalde decia en La Agricola que a ver si tenias cojones para bajar al entierro >> (p. 1 1 4). Dans Luna de lobas, Angel se rend devant les tombes de ses proches, mère, père, femme, ami (Ramiro) . L' impossibilité est rendue par la métaphore de la fermeture : « La puerta esta cerrada. Un candado de hierro guarda bajo su 6xido el sueiio de quienes ya cruzaron el rio del olvido >> (p. 136) . Angel médite, lais sant s'exprimer une poésie funèbre, rendue par la ponctuation ancienne où le deux-points remplace le point-virgule et l' anaphore « Aqui estân )), écho du « Hic jacet >> chrétien :
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" Aqui estan, al fin, [ . . ] los montones de tierra [ . ]. Aqui estan, corn 0 montanas de tristeza bajo una luna lejanisima y mojada: el de mi madre, cerca de la puerta, endurecido ya por el paso de los anos: el de Maria, alzado solamente por entregarme a mi su soledad y su venganza: el de Benito: el de Teresa, la n ina ahogada: el de Ramiro, en el rinc6n de los proscritos. » (p. 1 36-1 3 7). .
..
Même longtemps après les événements, la symbolique attachée au ci m e. tière, le rituel, la méditation et le lien mémoriel qui lui sont associés, perdure, par exemple dans Maquis où Angel et sa mère se rendent régulièrement sur la tombe du père et époux, en 1 982 encore, comme on peut le lire dans l'épilogue : " Mi madre tiene hoy setenta y cinco anos y aun baja al cementerio todos los domingos. Se queda mirando un rato la tumba de mi padre [ . . . ] Algunos domingos voy con mi madre al cementerio y recordamos la tarde en que traslada mos los restos de mi padre a un nicho como los demas. S6lo habia en el hoyo dei cementerio civil donde Jo enterraron unos cuantos trapos [ . . ] Algun domingo , cuando subimos hacia el pueblo desde el cementerio, miro a mi madre y es como si no hubiera pasado el tiempo. » (p. 1 70-1 72). .
Les corps des maquisards exécutés sont exposés au public comme une pièce de boucher ou un trophée de chasse pour être reconnus et servir d'exemple et ne sont pas restitués aux familles. Celles-ci comme Antigone vont les recher cher. Dans Luna de labos, le corps de Ramiro, qui dès le début est marqué par la mutilation, subit d'autres mutilations qui s'accentuent jusqu'à l'anéantisse ment du personnage. Ainsi, la première occurrence y faisant référence appa raît dès la page 1 2 : << su (mica mano >> puis on apprend qu'il est surnommé « el manco de la Llânava >> sur l'avis de recherche diffusé par la Garde civile, repro duit à la page 74, << el brazo mutilado >> (p. 97), à la fin, blessé et infecté par une coupure au pied, il finit avec la jambe gangrenée et se suicide dans l'incendie de la cabane de Tina. La Garde civile se saisit de son corps calciné pour l'exhiber : " su cuerpo calcinado fuese exhibido por los pueblos como un trofeo de caza >> (p. 1 37). Dans Maquis, le corps de Narciso, l'oncle de Angel et ancien chef de la com mune anarchiste de Pedralba, est livré à la population, sur la place publique : " Al llegar a la plaza el alcalde les dijo a los presentes que hicieran con él lo que quisieran. Habian convocado a todo el pueblo y a esas horas no habia en la plaza mas de doce vecinos. » (p. 1 1 1-1 1 2) .
Ceux du maître, Pastor Vâzquez, et de Nicasio sont exhibés sur la place et la haine est telle que les cadavres sont encore mutilés : « Bajaron los cadaveres a Los Yesares y los exhibieron, como si fueran cerdos colgados de un gancho de carniceria, en la plaza del pueblo [ . . . ] El cabo Bustamante [ . . . ] le arranc6 una mano de un a patada al cadaver del maestro. El
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maestro Pastor Vazquez Lorenzo se movi6 un poco, como si estuviera vivo. Y el alcalde se acerc6 y le peg6 un tiro en la cabeza por si acaso. , (p. 1 54).
Dans La voz dormida, des photographies des corps des guérilléros de ande de Felipe suppléent à l'absence des corps et sont reconnues par b a J Rem edios et Pepita : « La Guardia Civil fotografi6 el cadaver de Mateo, y el de cada uno de los guerrilleros que murieron en El Pico Montero, y expuso las fotografias en los escaparates de las tiendas de todos los pueblos de El Llano. [ . . . ] Los rumores que corrian seiïalaban la trampa en que caerian los que reconocieran a sus muertos. [ . . ] miraban los retratos procurando controlar la emoci6n [ . . . ] En casa, a escon didas, lloraran. Rezaran por ellos a escondidas. No hay duelo si no hay difunto. » (p. 336-340). .
Secundino Serrano confirme que l'exposition des corps des guérilléros exé uté c s et l'analogie avec les loups chassés sont associées à la répression de la guérilla, comme le montre sa description de la mort de Juan Fernândez Ayala, en 1 957 : « El cadaver del guerrillero santanderino fue atado y apoyado contra una pared para hacerle la correspondiente foto oficial, y lo visitaron numerosos lugarenos, tanto en el escenario de la muerte como en el cementerio de Potes. Exhibir los cadaveres de los guerrilleros en las plazas publicas lo hicieron en numerosas ocasiones: era exactamente Jo mismo que se hacia con los lobos cazados en las batidas que se efectuaban péri6dicamente en las comunidades campesinas. Asi por ejemplo el cuerpo de "Chato de la Puebla" fue expuesto [ . . . ] y en la misma plaza expusieron durante varios dias el cadaver de "Rubio de Navahermosa" . . . y por deJante de sus restos hicieron pasar a las mujeres que tenian mari dos en la sierra. . . . estuvo durante doce horas expuesto en la puerta del cine . . . La lista de maquis muertos cuyos cadaveres fueron exhibidos al publico como curiosidad y advertencia resulta extensa 38 . ,
Un dernier cas de modification morbide des corps nous est présenté dans la séquence unique et surprenante qui est consacrée à la rencontre entre Nicasio et le personnage du vieux Royopellejas qui vit dans une grotte avec la momie de sa femme Teresa qu'il conserve auprès de lui (Maquis, séquence 30, p. 1 081 1 039). L'original personnage était déjà apparu dans le roman précédent de Cervera, El co/or del creptisculo et réapparaîtra dans le suivant, La noche inm6vil. Dans la séquence précédente, Juanita Bustamente faisait une étrange com paraison entre sa famille et des momies : 38 Secundino SERRANO, Maquis, op. cit. , p. 416-41 7. 39 Philippe MERLO, " Il était une fois . . . l'histoire de Royopellejas, personnage d'Alfons Cervera Mélanges en hommage à Jacques Soubeyroux, Saint-Etienne, 2008, p. 6 19-634. 1 23
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" Es como si ya hubieran transcurrido mas de veinte o mas de treinta. anos y ella y su marido y los dos hijos tontos fueran unas momias como ésas qu e salen en las peliculas de terror. Y cuando piensa en las momias y en las pelicul as sonrie. » (p. 1 06).
La momie renvoie donc à un double référent, le rite égyptien de conserva tion des corps par l'embaumement et la culture cinématographique des film s fantastiques. Nicasio qui a perdu lui aussi sa femme, Rosario, et qui vient de tuer un ami d'enfance qui l'a trahi, Mâximo Garcia, est venu se cacher et s e reposer une nuit dans la grotte. L'assimilation entre Nicasio et la momie es t immédiate, dès l'incipit de la séquence : " En la cueva del viejo Royopellejas duermen una momia de mujer ena morada y el sueflo profundo de Nicasio. , (p. 1 08).
Méditant sur la mort, il souhaite qu'on l'embaume aussi : " Como si ya fuera una momia en vez de un huido que sigue hacienda la guerra [ . . . ] - Si algûn dia me matan, me gustaria que me embalsamaran como ha hecho usted con su mujer. , (p. 1 10).
Mais la scène revêt un caractère irréel, onirique qui est enclenché par l'in dication << el sueflo profundo )) de Nicasio et par le lieu, une grotte, topos pri mitif et mythique des contes et lieu de l'illusion, comme dans l'allégorie de la caverne de Platon. De Nicasio, on se rappelle qu'il fait un rêve-songe récurrent dans le roman : " Una noche Nicasio Valero Garcia sofl6 que veia un cerdo volando por las nubes y que luego el cerdo se convertia en un caballo y que des pués el cerdo caballo aparecia entre los arboles de un bosque montado por un jinete vestido como se vestian en la época de Crist6bal Colon o de don Quijote de la Mancha. , (p. 2 1).
Cette première évocation de la tendance rêveuse de Nicasio qui associe un cheval au personnage de don Quichotte n'est pas sans rappeler l'aventure du chevalier à la Triste figure dans la « cueva de Montesinos )) et le cheval Clavilègne, et jette le doute sur la réalité de la rencontre avec Royopellejas qui devient plutôt « la aventura de la cueva de Royopellejas )), La scène met en relation l'histoire quotidienne du maquis, avec les crimes commis, et un autre temps, à travers la momie et ce personnage du vieux sage, ermite qui vit en marge de la société. Le motif de la momie d'une femme aimée que l'on trouve déjà dans un roman contemporain, de Mufloz Molina, El jinete polaco (1991) , met deux temps en présence et deux mondes, l'Histoire et la fiction, comme le dit Christine Pérès :
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" La contamination mutuelle entre Histoire et fiction est telle que [ . . . ] la momie humaine découverte dans la Maison des Tours devient la Vierge (p. 55) ou une captive des Maures 40 . , sévices, tort u res, h u m i l iations
La quantité et la diversité des violences sont infinies et la récurrence de c ertains sévices corporels projette le lecteur dans la dure réalité de l'époque, J es m otifs deviennent des leitmotivs, réitérés à l'identique ou sous forme de variantes, devenant obsessionnels, ils traduisent le harcèlement subi par les guérilléros et leurs proches. On peut d'abord citer les exécutions illégales de prisonniers pratiquées par des gardes civils, devant la mine où se cachent les fuyards dans Luna de lobas (p. 39). Dans Maquis, Bustamante voudrait tuer Ojos Azules sans jugement et dans La voz dormida, Carmina est battue et tuée pen dant un interrogatoire (partie 2, chap. 8) . Felipe et Paulino observent comment les corps de leurs amis guérilléros sont emportés : « desde su escondite, vieron c6mo se alejaban los cadâveres de sus camaradas ensangrentados sobre las roulas , el balanceo de sus cabezas y sus brazos. Doce )) (p. 86). Des passages à tabac sont systématiques et débouchent parfois sur la mort des victimes, cela concerne les hommes et les femmes. Juana qui ne veut révéler la cache de son frère Angel est violemment battue (p. 59), le père et le beau-frère de Angel sont menacés dans Luna de labos. Dans Maquis, Guadalupe Fombuena est régu lièrement convoquée, interrogée et battue à la caserne de la Garde civile, son fils Angel verra ses ongles brûlés au fer à souder ; le petit Salvador est battu à coups de ceinturon parce qu'il a parlé pendant le lever du drapeau, ce thème de la sanction liée au non-respect du drapeau ou de l'hymne national se retrouve dans El embrujo de Shanghai de Marsé (1 993). Dans l'arsenal des moyens de harcèlement des franquistes, faire absorber de l'huile de ricin à l'ennemi est un moyen pour s'en moquer et le ravaler aux besoins primitifs. Dans Maquis, la mésaventure frappe Francisco Cermeflo Fernândez, dit Paco el Vatios du fait de sa profession d'électricien, et détermine son départ pour le maquis, vers le Cerro de los curas : " Tres dias después, el martes por la tarde, sus tripas se llenarian de aceite de ricino, por una gracia del cabo Bustamante y esa mis ma noche se tir aria al monte. Era el mes de febrero de 1 942 y hacia un frio que helaba las entraflas. )) (p. 52).
Le fait devient obsessionnel et on en trouve l'écho à deux autres reprises : " El aceite de ricino que le orden6 [Bustamante] sacar al farmacéu tico sabla a diablos en las entraflas de Paco Cermeflo [ . . . ] - Asi aprendera a no
40 Christine PÉRÈS, Le nouveau roman espagnol et la quête d'identité: Antonio Munoz Molina, Paris, L'Harmattan, 200 1 , p. 123. 125
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cagarse en la Virgen, Cermeflo [ . . . ] Al dia siguiente se fue al Cerro de las Curas. , (p. 1 65-1 66).
L'humiliation subie déclenche la vengeance, selon la loi du talion, comme le dit plus loin El Vatios : « Un dia Nicasio le di jo que el aceite de ri cino sabla a gelatina de mierd a y Bustamante, el cabo de la guardia civil Gervasio Bustamante, le llen6 en la far macia el cuerpo con aceite de ricino. Algun dia le metera al cabo Bustamante una mecha en el cuJo y Jo hara saltar en mil pedazos, como saltara en mil pedazos dentro de unos minutos la central eléctrica. » (p. 65).
Le fait est présenté comme un élément caractéristique de l'oppression par Nicasio : « La memoria que siempre recordara Jo que hicimos para que la vida no tuera una mierda disfrazada de banderas y consignas, para que se acabara el ricino en las entraflas de la decencia y no hubiera mas silencio por las calles de Espafla y de Los Yesares. ,, (p. 1 62).
Dans La voz dormida, Remedios raconte l'épisode où on voulut lui faire ingurgiter ce breuvage : « A es a cria tura [ . . . ] la mand6 un falangista a comprar aceite de ricin o. El padre le dio las perras ... un litro que tu mujer se va a echar un traguito ... Un litro entero dice que le metieron a embudo deJante de sus hijas. Y se rie . . . se rie porque el mancebo del boticario la queria bien. Y prepar6 un litro de cualquier otra cosa. " (p. 54-55).
Mais, Remedios n'y échappa pas, un autre jour : « Le dieron aceite de ricino de verdad . . . » (p. 58-59) . La vie en prison crée de nouvelles humiliations pour les femmes qui souf frent du manque d'hygiène, des poux (p. 57) ou encore de la difficulté à se pro curer '' los pafios higiénicos ,, (p. 57-59). Les sévices sont indicibles : '' A la extremefla le han debido de pasar cosas muy malas, porque nunca quiere hablar de por qué la trajeron aqui. Dicen que estuvo dos anos en Olivenza, con la pena de muerte. » (p. 56).
Un châtiment spécifique est infligé aux femmes républicaines : la tonte ; les références à '' la cabeza rapada » sont récurrentes dans les trois romans. Dans Luna de lobas, elle frappe Juana, la sœur de Angel (p. 1 49) et dans Maquis, les femmes des maquisards, Guadalupe et Rosario, dès le prologue ; dans La voz dormida, Remedios est tondue (p. 52, p. 57) parce qu'elle a brodé un drapeau républicain, comme Mariana Pineda, l'héroïne des luttes andalouses exécutée 1 26
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1 830 et la tresse d'Elvira coupée et vendue (p. 54-55, 57-59). La comparai avec Mariana Pineda qui renvoie de toute évidence à l'oeuvre théâtrale n o s Federico Garcia Lorca renvoie aussi à l'essai consacré à cette figure par e d onina Rodrigo (1 935), Mariana Pineda. Hero(na de la libertad (Barcelona, nt A plaza y Janés, 1 977). Pourtant les cheveux sont aussi parfois des présents : une p risonnière de La voz dorm ida coupe ses tresses et les offre à sa mère pour qu'elle les vende. Plusieurs articles ont été récemment consacrés aux ,, ton dues » en France, accusées d'avoir collaboré avec les Allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale, et aux tondues républicaines en Espagne, dans le cadre d'études sur les violences '' de genre », dont celui de la sociologue Yannick Ripa qui analyse les origines et la portée idéologique et symbolique de l'acte. Les témoignages actuels d'anciennes tondues qui accèdent enfin à la parole comme Fernanda Romeu Alfaro (El silencio roto, mujeres contra el Franquismo, édité par l'auteure) confirment la gravité de l'impact psychologique de la tonte. De fait la tonte appartient spécifiquement à l'arsenal coercitif des nationalistes qui entendent ainsi semer la terreur, et ce de manière très organisée, qui ne d oit rien à une violence spontanée, comme ont pu l'être certains débordements dans la zone républicaine : << Mais violence contre et uniquement contre les femmes, elle est une violence spécifique qui entend agir ici et maintenant, mais se projette aussi dans l'avenir. Son but est, en effet, de remettre le monde à l'endroit, et donc chaque sexe à sa place, en gommant les modifications apportées par la République [ . . . ] . C'est pourquoi l a tonsure touche toutes celles qui n e correspondent pas au modèle idéal féminin que veulent imposer les nationalistes dans leur société. Bien avant les républicaines engagées, ce sont souvent les filles de républicains qui sont punies, pour avoir hérité dans leur sang du "virus marxiste" qu'il faut chasser par la tonte purificatrice. Mais les principales victimes de la répression à coups de ciseaux sont, au début de la guerre, les mères de républicains, cou pables d'avoir engendré "la pourriture républicaine", d'avoir négligé leur devoir en donnant à leurs enfants "une éducation marxiste, athée, pornographique" ; ces trois termes lourds de sens assimilent ces femmes à des prostituées et font de la tonte un instrument de la Reconquista, d'autant plus qu'elle trouve son ori gine dans la Bible. Les républicaines [ . . . ] sont, elles, tondues pour s'être laissées influencer par leurs maris - ce qui revient à nier l'autonomie de leur conscience politique - ou bien, plus souvent, pour avoir remplacé les hommes partis au com bat, et donc quitté leur foyer pour la rue [ . . . ] . L a grille d e lecture des nationalistes relève davantage d u moralisme que du politique. Au centre de l'accusation, la féminité ; toute une étude de la symbolique des cheveux s'impose pour comprendre les fantasmes qui s'y rat tachent : emblèmes de la séduction, métonymie de la toison pubienne, pouvoir ensorceleur des femmes . . . L'imaginaire masculin nationaliste fait de la tonte un acte qui entend signifier à la fois la honte du comportement passé et le début d'une nouvelle vie. La punition doit donc agir en deux temps. À court terme, elle
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vise la mise au pas des femmes républicaines en brisant leur identité et donc leu r révolte 4 1 . ''
Les actions de la guérilla
Les guérilléros ne sont pas représentés uniquement comme victimes de la répression et de la torture, mais ils mènent aussi des activités de lutte, des attentats, des sabotages, des actions de représailles, de vengeance, de puni tion. Ce sont d'anciens combattants républicains qui par la suite pour certains d'entre eux ont suivi une formation à la guérilla, comme Paulina et Felipe dans La voz dormida : " [Paulino] Se Jo di jo a Felipe, el camarada que le acompaiia des de que se incorpor6 a filas. El miliciano que ha sido su sombra desde el dia que ambos llegaron a Benimamet para recibir su curso de instrucci6n guerrillera. Ocho semanas estuvieron alli. Des pués se incorporaron los dos al XIV Cuerpo del Ejército Guerrillero y les asignaron la zona de Extremadura. '' (p. 48).
Historiquement, on sait que le « XIV Cuerpo de Ejército Guerrillero '' fut créé en septembre 1 937 par le Dr Negrin alors chef du Gouvernement et ministre de la Défense 42 . Secundino Serrano explique : " Después de una breve campana de reclutamiento, se les imparti6 a los alistados un curso de instrucci6n guerrillera de ocho semanas de duraci6n en las escuelas de Benimamet (Valencia) , Pin de Vallés (Barcelona) y Villanueva de C6rdoba. '' (p. 49).
Les attentats contre les structures économiques ou les infrastructures sont nombreux, qu'ils soient évoqués ponctuellement ou décrits plus minutieuse ment dans les trois romans. Ainsi, la centrale électrique de Los Yesares est détruite par El Vatios dans Maquis, où toute la séquence 1 7 (p. 65) est consa crée à la pose de l'explosif. Dans Luna de lobos, on lit à propos �u guérilléro Acevedo : << Él fue, seglin nuestras noticias, el que vol6 la linea eléctrica de Valselada. Aunque, por alli, claro esta, nos culpan a nosotros '' (p. 99). De leur côté, Felipe et Paulino : << Juntos atentaron contra el ferrocarril Mérida Caceres '' (La voz dormida, p. 48) . Des actes de représailles sont aussi commis, 41 Yannick RIPA, À propos des tondues durant la Guerre civile espagnole Clio, n" 1, 1 995 , " Résistances et Libérations. France 1 940-1945 " et " La tonte purificatrice des républicaines espagnoles pendant la Guerre civile Les Cahiers de 1 '/HTP, no 3 1 , octobre 1 995. Maud JOLY, Las violencias sexuadas en la Guerra Civil espaflola: paradigma para una lectura cultural del conflicto Historia Social, no 6 1 , 2008, p. 89-1 07. Fabrice VIRGIL!, " Victimas, culpables y silencio· sas: memoria de las mujeres rapadas en la Francia de la posguerra in Julio AR6STEGUI, Guerra Civil, milo y memoria, Madrid, Marcial Pons, 2006, p. 361-372. 42 Secundino SERRANO, op. cil. , p. 46-50. Enrique LISTER, fils du général LISTER nous a indiqué dans un entretien (à Poitiers, 1 1 décembre 2008), que l'idée était due à son père et que ce corps était spécialisé dans le sabotage. "
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An gel Suarez menace de se venger du médecin s'il ne vient pas soigner sa sœur : ,, qu e sepa que, algun dia, yo puedo estar esperandole '' (p. 60), Ramiro enlève l e cu ré, don Manuel, pour l'obliger à lui révéler le lieu où est enterré le corps de 5 0n frère (p. 9 1-96) . Sebastian et Nicasio molestent le curé, don Cosme, qui fré quente les gardes civils (séquences 1 6 et 1 7), et assassinent l'instituteur fran quiste don Abelardo dans Maquis. La m ise en spectacle de la violence
C es actions se veulent spectaculaires et sont mises en scène. La spectacu isa Jar tion de la violence est notamment illustrée par un passage où un spec tacl e populaire est au service de l'évasion, de la punition ou d'une rencontre. Dans Maquis, l'assassinat de l'instituteur don Abelardo est perpétré pendant une représentation de Don Juan Tenorio de Zorrilla, interprété par le boulanger Manuel Ventura Domingo. Trois séquences du roman y sont consacrées (no 22, 24 et 28) qui insistent sur le caractère rituel et social de cette représentation : " Cuando Manuel Ventura Domingo se viste de don Juan Tenorio es seiial de que ha llegado noviembre a Los Yesares y todo el pueblo tomara asiento en el cine Musical para ver la obra de Zorrilla. La fiesta de Todos los Santos es la fiesta del Tenorio [ . . . ] Des de que se acab6 la guerra y la gente fue volviendo de la carcel y del servicio militar en Africa, Los Yesares y los pueblos de alrededor viven el teatro como una segunda vida y las animas de los muertos, en las noches de noviembre, se ponen a andar por los pasillos hûmedos del cine. " (p. 83).
L'œuvre métaphorise la situation vécue par les habitants de Los Yesares qui souffrent de la mort qui les entoure : " El pûblico enfervorizado gritaba y aplaudia y hasta las aimas en pena vagaban por el cine Musical. " (p. 9 1) .
Mais il y a duplicité, dualité, car c'est u n boulanger qui joue l e rôle d u che valier don Juan, le << cine Musical '' remplace le théâtre municipal et il y a une mise en abyme, avec une pièce dans la pièce avec l'assassinat de don Abelardo perpétré sur la scène, au milieu des acteurs et face au public de Los Yesares : << entre los gritos del publico asistente a la representaci6n " (p. 92). G6mez L6pez montre le caractère spectaculaire et spéculaire de la violence : << La violencia no es un proceso en el que ûnicamente victimas y ver dugos tengan un roi que cumplir. Existe un pûblico que, en muchas ocasiones, se convierte en el ultimo destinatario de un determinado acto de violencia 43 . ,,
43 Antonio G6MEZ L6PEZ, op. cit. , p. 1 28-1 29.
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La violence est amplifiée par la description de la préparation de l'assassinat et de l'exécution de don Abelardo et par le choix de l ' œuvre, une représentati on de la mort et de la rédemption, liée à un rite social des classes sociales aux quelles appartiennent les phalangistes, la Garde civile, mais aussi les famill es des guérilléros. L' objectif stratégique est de terroriser le public en donnant à voir la mise à mort d ' un représentant du pouvoir en place. De son côté, la Garde civile procèdera de même en exposant les corps des victimes au village et en tentant de tuer Ojos Azules sur la place publique. Dans La voz dormida, la représentation dans la prison de Ventas de l a zarzuela, La Tempranica de Geronimo Giménez Bellido (1 854- 1923), célèbre compositeur de plus de quatre-vingts zarzuelas 44 , permet l'évasion de Sole et d ' Elvira de la prison (p. 222-224) . La Tempranica, avec le livret de Julian Romea, créée à Madrid en 1 9 1 3 (puis 1 9 1 8) , fut aussi adaptée en 1 930 en une comé die lyrique intitulée Maria la Tempran ica, par Federico Moreno-Torroba, sur l e livret de Julian Romea et Ricardo Gonzâlez del Toro. Le spectacle intradiégé tique fait venir une star de l ' époque, Antoflita Colomé. Il est donné aussi le jour de Toussaint (p. 2 74) : " Pondrân en pie la zarzuela del maestro Jiménez cuando la hayan aprendido bien. Representarlan La Tempranica en el patio, para la reclusion, y van a invitar a Antoflita Colomé. Elvira conserva un libreto, original de Julian Romea [ . . . ] . Ella iba a ser Maria, La Tempranica, la gitanilla. , (p. 222).
Une répétition a lieu dans la cellule d ' abord (p. 222-224) puis on apprend que c ' est un subterfuge pour faire évader des prisonnières (p. 272-273) : « estân preparando una fuga. Si, la fuga de Sole. [ . . . ] interrumpirâ la representaci6n '' (p. 2 72) . La description de toute la scène occupe plusieurs pages (p. 274-284). Dans Luna de lobas, Angel descend pendant un bal au village, autre sorte de spectacle. L' écriture romanesque met en œuvre une triple mise en abyme car la scène de l'évasion dans La voz dormida et celle de l'assassinat dans Maquis sont décrites comme un spectacle, préparé et répété, lui-même inséré dans un autre très populaire (Don Juan Tenorio et La Tempran ica), le tout dans la représenta tion globale qu ' est l ' écriture narrative. Le rô le des femmes : de seconda i re à p r i n c i pa l
Pour leurs actions e t leur survie, les guérilléros font appel aux « enlaces '' Ces contacts, hommes et femmes, ont un rôle et une implication variables . Outre les femmes de la famille et des proches, de nombreux personnages vien nent en aide aux guérilléros. Ils sont boulanger, meunier, mineur, médecin, etc. Secundino Serrano assimile les contacts aux guérilléros en intitulant la partie ·
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Catdlogo de libretos espaiioles, Sig/os XIX y XX, Biblioteca de Teatro espaflol contemporâneo , Madrid, Fundaci6n Juan March, 1 993, p. 1 18-122.
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de son ouvrage qu ' il leur consacre :
Los enlaces: los otros guerrilleros 45 ''• i l évalue à 20 000 et peut-être quatre ou cinq fois plus le nombre de contacts q ui furent arrêtés ou moururent dans leur lutte (p. 241). Les femmes, omnipré sentes dans les trois textes, voient leur rôle et leur statut dans la résistance se préciser et s ' amplifier au fil des romans. Elles y sont nombreuses, mères, é po uses , sœurs , membres de la famille, victimes puis actives, elles prennent en c harge des actions d ' aides, ce sont des contacts, parfois des militantes et des guérilléras comme Elvira, Hortensia ou Carmina dans La voz dormida : <<
« [Pepita] no es valiente como lo es su hermana, que no dudo en incor porarse en las milicias. Porque Hortensia fue miliciana. Y guerrillera también, se fue a la guerrilla poco después de la muerte de su padre, aun estando embara zada de cinco mes es. [ . . . ] el mari do de Hortensia esta ba en el monte. '' (p. 2 7).
Le personnage d ' Elvira tracé dans les chapitres 7 à 10 de la partie III (p. 285304) est une parfaite illustration des problèmes rencontrés par la guérilléra. Elvi ra, après son évasion de la prison de Ventas organisée en novembre 1 942 par son frère Paulina/Jaime, est accueillie dans la << partida '' de Felipe/Mateo et devient Celia dans le maquis puis partira pour Prague où elle épousera El peque. Il est probable que ces biographèmes soient tirés de la vie de Remedios Montera, alias Celia dans le maquis, que Dulce Chac6n a rencontrée et remercie d'ailleurs à la fin de son roman. Les raisons de son acceptation par la << partida '' sont énon cées par Felipe/Mateo (p. 290) : elle est la sœur de son ami Paulina, elle est jeune (seize ans), elle a aidé Hortensia en prison et elle est menacée de mort si les auto rités la retrouvent. C ' est le cas de Sole et de Amalia que les guérilléros doivent faire passer en France : << liberar de inmediato a Soledad Pimente!, antes de que el enemigo descubriera que pertenecia a la direcci6n del Partido en Salamanca, y enviarla con su hija a Francia '' (p. 287). Mais sa qualité de femme provoque le rejet répété de Felipe/Mateo : << Mateo no habfa dejado de insistir en que lle varse a Elvira al cerro er a una locura '' (p. 288) ; « no le gustaba que las mujeres estuvieran en el monte '' (p. 290), << era muj er, aunque pareciera un muchacho, y las mujeres no deben andar coma gatas salvaj es por el monte. '' (p. 29 1). Outre les clichés, l ' incapacité des femmes à tenir une conversation est mise en avant : << no se puede hablar con una mujer sin perderse en mitad de la conversaci6n. Y menas, de politica '' (p. 293). De sorte que Elvira doit faire ses preuves : << Las primeras jornadas en Cerro Umbria supusieron para Elvira el mayor reto al que se habia sometido jamâs. Ella, y solo ella, debia demostrar a Mateo que su hermano no habia cometido una locura. , (p. 285).
Elvira est surtout un bon élément pour la culture des guérilléros :
45 Secundino Serrano, op. cit. , p. 240-24 7 . 131
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" Tenia formaci6n politica, mucho mas avanzada que la mayoria de los guerrilleros de la parti da. [ . . . ] en la es cu ela de campana daba cl ases a los hombres que no sabian ni leer ni escribir. » (p. 290).
Les hommages rendus aux femmes sont nombreux, qu ' ils soient extratex e tu ls et dus aux guérilléros eux-mêmes ou à des romanciers comme Alfons cervera, ou intratextuels comme nous le verrons. Pour Cervera :
Son volontarisme est physique ((( el peso del macuto de Elvira >> [p. 300]) et politique :
" Las protagonistas de verdad de la guerrilla [ . . . ] fueron las mujeres. Las mujeres fueron sobre todo enlaces, enlaces entre la gente del pueblo y la del monte, y eso quiere decir que también participaban en la guerra. Como los propios guerrilleros reconocen, las mujeres eran las que jugaban el pape! mas importante y el mas arriesgado. [ . . . ] De toda la gente que conozco, quienes mas carcel sufrieron fueron las mujeres. La retirada a Francia, por ejemplo, era mas organizada por y para los hombres que para las mujeres. Elias a menudo se que daron en los pueblos, y por lo tanto, luego, sufrieron mas la represi6n 48 . "
" El que quiera ir de limpio que se lave su ropa. No has aprendido nada de la Republica, Mateo, los tiempos de los seftoritos se acabaron. » (p. 293).
Dans Luna de lobas, les femmes aident à l'intendance sans faire de commen taires, sauf Juana excédée par la situation, à la fin du roman : Juan a et Maria, respectivement sœur et femme de Angel, Lina, femme de Gildo, celle de Juan aussi, Tina, la compagne de Ramiro et la mère de celui-ci, femme silencieuse et pleine d'abnégation (Luna de lobas, p. 89-9 1). D'abord contacts, elles sont des militantes après leur libération de prison, comme Remedios dans La voz dorm ida, et réclament ensuite l'amnistie pour les prisonniers : Pepita réclame la grâce pour Paulina/Jaime dès 1 954 (chap. 25) et en 1 958 (chap. 30-3 1), obtenue à la fin du roman en 1 963. Fernanda Romeu dans El silencio roto insiste sur cette deuxième période moins connue de l'action féminine. Marie-Aline Barrachina éclaire le rôle clé tenu par les femmes entre 1 939 et le début des années 1 950 : " Les femmes qui ont apporté leur soutien à la guérilla en se livrant à ces activités quotidiennes qui deviennent des actes de transgression et de résis tance dès lors que leurs destinataires sont des hors-la-loi. [ . . . ] elles assurent le ravitaillement, servent de messagers, se chargent de dissimuler armes, muni tions et guérilléros recherchés. [ . . . ] Toutes, quel que soit le cheminement qui les a menées là, paient chèrement, parfois de leur vie, les conséquences de leur soutien à la guérilla, car la répression franquiste ne se trompe pas sur l'impor tance de leur rôte 46_ ,
Dans Maquis, Angel rend hommage à l ' abnégation des femmes, dont sa mère, Guadalupe : " [Guadalupe : ] - eran ellos quienes luchaban de verdad, nosotras s6lo sufriamos aqui abajo, s6lo eso. Y fueron elias, mi madre, Rosario y tantas otras mujeres quienes hicie ron de la intimidad de su dolor un frente inexpugnable a la barbarie de los fascis tas. Mataron a Rosario, la mujer de Nicasio, y su nombre estuvo proscrito, como los nombres que cayeron en el monte, hasta ayer mismo y hasta ayer mismo s6lo hubo recelas y olvidos donde antes se debati6 la vida para sobrevivir con dignidad. " (p. 1 69-1 70).
L'hommage rendu dans Maquis englobe aussi les femmes des adversaires, comme Juanita Bustamante, qui lassée de tant de violence, dénonce la condi tion faite aux femmes : " Juanita esta cansada del cuartel, de su marido Gervasio Bustamente, de los niftos que son como dos niftos tontos [ . . . ] es una estatua mas de Los Yesares, una mas de las mujeres que no hacen otra cosa que vivir en silencio bajo el silencio mas espeso de los hombres, mas poderoso porque hasta en el silen cio hay categorias y categorias y el de las mujeres siempre sera, como todo, un silencio que a ella y a las otras les habra de llegar por delegaci6n, por herencia y porque seran elias el eslab6n perdido entre el tiempo real y el que s6lo existe en la cabeza de la gente. [ . . . ] A ver si algun dia se van a Francia los del monte y se acaba el sufrimiento en Los Yesares. A Jo mejor ella ya no esta cuando se vayan. A Jo mejor es ella la que se va a Francia sin decirle nada a nadie y deja al dolor en paz, y al silencio y al miedo y a la muerte. » (p. 104-107).
Secundino Serrano consacre une partie de son essai à la problématique relation des femmes avec la Résistance. Critiquées par le Franquisme comme des prostituées et rejetées par les maquisards comme inaptes ou perturbantes, leur place est bien délicate. Leur rôle de contact fut pourtant très important, elles représentèrent entre 20 et 40 % des aides, et particulièrement dangereux à partir de 1 947 47 . Dernièrement, la journaliste Ana R. Caiiil a consacré un livre à l'histoire et à la famille d'un des derniers guérilléros, Pedro Bedoya, qu'elle a significativement intitulé La mujerdel maquis ; l'ouvrage, qui a obtenu le 25e prix (( Espasa de Ensayo » en 2008, montre le rôle important des contacts dans la guérilla cantabre à travers les témoignages qu'elle a pu recueillir, s'appuyant à son tour encore sur l ' histoire orale. 46 Marie-Aline BARRACHINA, 2007, op. cit. , p. 1 30. 47 Secundino SERRANO, op. cit. , lire p. 247-257. 1 32
48
Alfons CERVERA, " Las voces del silencio. Entrevista con Alfons Cervera " de Georges TYRAS, in Marie-Claude CHAPUT, op. cit. , p. 166. 1 33
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
OUBLI ET MÉMOIRE
On pourrait dire que de l ' hommage rendu par Angel Fombuena dans Maquis (p. 1 69), naît l ' histoire de La voz dorm ida, où les femmes sont les protagonistes du récit et deviennent, pour certaines d'entre elles, de vraies guérilleras et plus seulement des contacts. Elles sont nombreuses avec les personnages de Pepita, Carmina, Hortensia, Remedios, Tomasa, Celia, Elvira, Sole ou Amali a. À cela s'ajoute le fait que les femmes écrivent, symbole de leur pouvoir. On se rappelle que Cervera, dans son roman précédent, El color del crepusculo, montrait une femme qui écrit son journal, Sunta (séquence 36 sur Ojos Azules et p. 89). Hortensia rédige ses cahiers bleus pour son mari et sa fille. Le fait d'écrire des mémoires, de les dire, pour transmettre leur expérience et la foca lisation interne généralement pratiquée met en valeur leur rôle. Les contacts
Parmi les autres personnages qui viennent en aide aux guérilléros, il y a le boulanger Manuel Ventura Domingo, amateur de théâtre et comédien, qui joue Don Juan Tenorio le jour de la Toussaint et permet l'action de représaille s contre l ' instituteur dans Maquis (séquences 22, 24 et 28) . Dans Luna de lobas, le meunier, Marcial : « el molinero de Vegavieja, es qui en nos ha servido de enlace " (p. 99) et tout le chapitre X décrit la rencontre entre lui et les maquisards. Santiago, mineur : « uno de nuestros mâs fieles enlaces " • auquel un portrait de deux pages est consacré (p. 82-83) . Deux médecins, le vieux don Félix, âgé de 70 ans, qui a secouru Angel blessé par balle au genou donne des médicaments et indique la procédure pour soigner Ramiro (p. 1 1 8-1 20) et un autre qui refuse de se déplacer. Don Fernando Ortega aidera Pepita dans La voz dormida (p. 83). Mais la figure du médecin est ambivalente, aide ou dénonciateur, comme le dit le père de Angel : « es peor todavia que los guardias » (Luna de lobas, p. 60), comme nous le verrons plus loin. Des codes secrets sont définis entre les contacts et les guérilléràs. Ainsi Juana dans Luna de lobas étend un drap ou un mouchoir de couleur en guise de signal pour indiquer à son frère Angel que la voie est libre et qu ' il peut la rejoindre ou qu'il y a un danger (p. 57 et 1 30). Dans La voz dormida, Pepita attend l'arrivée d'un guérilléro dans la forêt, la scène est ainsi décrite : " Bajo la piedra casi plana del camino del cerro, Pepita no ha encon tado ningun mensaje. Agazapada tras el matorral, observa el poste de la luz. Si, es el que tiene el tajo en el medio. [ . . . ] No han pasado ni cinco minutas desde que llegô, cuando escucha los tres golpes de las piedras chocando entre si; coge dos cantos rodados y res ponde a la contrasefta haciéndolos sonar por tres veces. Un hombre se acerca. " (p. 76).
Pepita obtient les informations de son contact, Carmina, grâce au linge que celle-ci suspend à sa fenêtre de la rue Atocha :
1 34
" En el balcon de la vecina, la ropa tendida estremeciô a Pepita. Ella miraba siempre aquel balcôn de la esquina de Realtores con Atocha, por si la llamaba Felipe. [ . . . ] Miro haci a el balcon, y distinguio de inmediato el mante! a cuadros, las dos servilletas y el calcetin pinzado sobre una de elias. Felipe la lla maba. [ . . . ] La ropa tendida en el balcon de la vecina no dejaba de ondear en sus sueftos, y tampoco al despertar. Felipe la llamaba. " (p. 69-70).
Leur rencontre au marché permet l ' échange d ' informations : « Ave Maria, numero dieciséis. Ave Maria, le habia dicho Carmina a Pepita en el mercado de la Cebada, después de que ella le pidiera patatas, puer ros y perej il. Ave Maria. Y Pepita reconocio a la mujer que tendia la ropa en el balcôn. [ . . . ] Calle Ave Maria, numero dieciséis, tercero derecha, esta noche a las nueve y media. Y se marchô. " (p. 103).
Le personnage du passeur est une figure importante mais ponctuelle dans la diégèse des romans qui lui consacrent en général à peine une séquence. Le " pasador >> permet, moyennant finance, le passage en général vers la France. La somme est souvent élevée et est liée au danger de l'opération et à l ' idéologie du demandeur. Dans Luna de lobas le prix du passage de Angel est fonction de la mise à prix que les gardes civils ont fixée pour sa capture. Il << vaut >> 50 000 pese tas (p. 73-74) puis 1 00 000 (p. 1 1 8) et il recherche 1 50 000 puis 200 000 pesetas pour payer le passeur (p. 77 et 79). Dans La voz dormida : 6 000 pesetas pour chaque fuyard, non socialiste comme leur passeur (p. 1 72-1 77). Dans Maquis, Nicanor et El Vatios passent en France sans aide. Le guérilléro El Quico indi quait 2 000 pesetas, en 1 946. Les forces contra i res
Face aux guérilléros, agissent des forces contraires. En suivant le schéma actantiel de Greimas, on peut voir qu'aux actants et adj uvants répondent des opposants : les gardes civils, qui parfois s ' organisent en << contrapartidas >> ou << maquis blancos >> pour tromper les maquisards, les phalangistes, les maires, le curé, le médecin parfois. L' image de la Garde civile comme institution et des gardes civils comme personnages est généralement critique, la cruauté, la haine, la barbarie les caractérisent, à une exception près, le j eune garde Norberto Pérez Exp6sito, plus soucieux que ses camarades d'armes de la loi, de la justice. Mais Norberto sera puni pour sa différence. Une des techniques des gardes civils est la créa tion des << maquis blancos >>. Ils furent mis en place par le Ministère de l'inté rieur (Gobernaci6n), à l'initiative du général de la Garde civile Manuel Pizarro Cenjor, mais inspirés du général Yagüe, qui organisa des groupes de gardes c ivils camouflés et établit des << Escuelas Especiales Antiguerrilla >> à Madrid, Barcelone, Alcalâ de Henares, en Galice, Andalousie et Estrémadure. Vidal Sales
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explique qu ' on y admit, outre des agents de la Garde civile, des individus de toute sorte, dont des mercenaires : " Excombatientes de la Division Azul, ex legionarios, ex somatenistas , falangistas y [ . . . ] llegaron a admitirse en di chas es cuelas numerosfsimos delin cuentes comunes, que salieron de las carceles con el sefluelo de recibir com0 compensacion no solo la libertad, sino unas primas 49 . ,
Les guérilléros et les contacts se méfient des potentielles u contrapartidas ,, et des traîtres. Dans Maquis, les traîtres, Justino Sanchez et Mâximo Garcia, ont dénoncé les maquisards et le garde civil Antonio Rausell Todoli, après avoi r obtenu grâce à Justino des informations sur la cache des guérilléros, déguis é, essaie d ' infiltrer le groupe du Cerro de los curas. Ainsi lors des rencontres entre les maquisards et leur contact, une phase d ' observation mutuelle a lieu. Tel est le cas dans Luna de lobas où Angel analyse dans une introspection la méfiance de son contact : " Sabe ya quiénes somos - el brazo mutilado de Ramiro es una sena de identidad inconfundible -, pero en los ultimos tiempos, hay partidas de guardias y mercenarios que recorren los montes vestidos y armados como nosotros con el fin de sorprendernos o de sembrar, al menos, la confusion y el miedo en los enlaces, y él sin duda quiere asegurarse. , (p. 97).
Lors de la rencontre entre deux guérilléros de Maquis et leur contact, Luis Candelas, la description des maquisards est ainsi faite :
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" Le echan el alto dos hombres vestidos de pana y jerseis de lana gorda que llevan escopetas de caza y en las cananas dos o tres bombas y, uno de ellos, el mas alto, un cuchillo de monte con la funda rota. >> (p. 1 23).
Luis Candelas est dubitatif et se méfie de l'imitation possible : " No sabe si los dos hombres son del maquis o guardias civiles disfra zados de maquis. Porque en su pueblo, desde hace unos meses, no se habla de otra cosa, de que los civiles se han infliltrado en las cuadrillas de huidos vestidos con pantalones de pana y jerseis gordos de invierno, calzados con botas de cuero medio rotas y armados con escopetas de caza y bombas de mano. >> (p. 1 24).
Dans La voz dormida, Pepita en visite à la prison, se méfie de possibles uinfil trés » parmi les familles des visiteurs et soupçonne dans un premier temps le grand-père d ' une prisonnière et le médecin don Fernando Ortega.
49 José Antonio VIDAL SALES, op. cit. , p. 270-271.
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ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
Les fi g u res a m b iva l entes du m édec i n , du c u ré , de l ' i nstitute u r
Comme nous l ' avons dit, l a figure d u médecin est importante e t double, i l peut être '' enlace » o u dénonciateur. Deux apparitions significatives dans Luna de labos le montrent. Pour soigner Juana, battue par les gardes civils, Angel demande qu ' on appelle le médecin mais son père le met en garde : " Se negara a venir, ya Jo veras. Como otras veces. El médico es peor todavia que los guardias. » (p. 60).
De même le vieux don Félix, âgé de soixante-dix ans, qui des années aupara vant avait secouru Angel Suarez, blessé par balle au genou, refuse cette fois de J 'accompagner mais lui donne des médicaments et indique la procédure pour soigner Ramiro (p. 1 1 8-1 20). Don Fernando Ortega, présent à Paracuellos del Jarama avec Felipe et ses compagnons, dans La voz dormida devient médecin de la prison des femmes : '' Felipe y Paulina le conocieron en la primera reunion de la Junta de Defensa de Madrid, [ . . . ] junto a Kolstov » (p . 83). En revanche la présence des curés est généralement connotée négativement à travers les trois personnages qui représentent l ' Église, don Manuel de Luna de lobas, don Cosme de Maquis et don Abundio, le curé qui finit par accepter de marier Pepita et Jaime dans La voz dormida. Dans Luna de lobas, don Manuel a dénoncé à la Garde civile Juan, le frère de Ramiro, entraînant ainsi sa mort. Menacé par Ramiro, il est sommé de le conduire à l ' endroit où a été enterré son frère et, laissé en vie, il dénonce à leur tour Ramiro et Angel (p. 95). De la même façon, don Cosme soutient le pouvoir en place et il fait partie de la bonne société, les autorités, incarnées par les représentants de l ' Église et du pouvoir civil, militaire et financier, comme il est réitéré dans trois séquences de Maquis : « Con ellos [ el alcalde y el cabo Bustamante] también esta ban Enrique Perales, que era el jefe de la Hermandad de Labradores, don Cosme, el cura par roco, el maestro don Abelardo y un guardia civil. , (p. 25).
« Usted [ . . . ] en el camino juega su partida de julepe con los fascistas y les cuenta Jo que les cuenta para que hagan una escabechina con los que no van a misa y con los que nos ayudan. , (p. 63).
'' En el ayuntamiento andan reunidos los de siempre y fuman y hablan de la muerte. Estan el alcalde, Mariano del Toro, el cura don Cosme y don Abelardo, el maestro, Enrique Perales, Jefe de la Hermandad de Labradores, y el comandante del puesto al mando de la guardia civil de Los Yesares, don Gervasio Bustamante. , (p. 79).
Don Abundio, le curé de La voz dormida, finit par accepter de marier Pepita et Jaime, bien que ce dernier soit athée, mais après la grâce accordée en hom-
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mage à l'élection du Pape Paul VI en 1 963, après la mort de Jean XXIII en 1 963 et de Pie Xli en 1 958 (p. 400, 408). Le parallèle intertextuel avec le curé Mos én Millan de Réquiem por un campes ina espafwl (1 953) de Ramon Sender s'impos e dans Maquis : comme Paco el del Mo lino, Sebastian et Nicasio ont été enfants de chœur, ont fui et sont dénoncés par le curé qui côtoie les autorités. La place de l'enseignement, à travers la figure de l'instituteur, est importante dans les trois romans. On relève l'importance de l'instituteur, incarnation de la transmission de la connaissance et d'une morale et personnage représentati f des qualités républicaines, une métonymie, des vertus des secteurs démocra tiques, éclairés, libéraux. Rappelons que les instituteurs républicains furent durement frappés par la répression franquiste car proches du peuple ils étaient les transmetteurs de la connaissance mais aussi des réformes politiques. Après la guerre, le corps des instituteurs fut épuré à plus de 90 % dont plus de 50 % furent exécutés. L'imagerie positive associée à la figure du maître d'école es t rappelée par Antonio G6mez L6pez Quiflones à propos du maître d'école du film La lengua de las mariposas (1 999) : " "Tradicion simpatica" de la Segunda repûblica es el personaje inter pretado por Fernando Fernan Gomez [ . . . ] Este anciano maestro, culto, tole rante, moderado, curtido en los métodos didacticos de la lnstituci6n Libre de Ensefianza, puede ser entendido como el arquetipo de esa familia polftica con que estas novelas [ de la mémoire] se identifican. Personajes parecidos pueden ser encontrados en La sangre ajena [ . . . ] La voz dormida (2002) de Dulee Chacon 50 . »
Angel, le protagoniste narrateur de Luna de labos, est maître d'école. On sait les liens affectifs qu ' entretient Julio Llamazares avec cette profession, comme il l'a indiqué dans son récit « Maestros de escuela » dans En Babia (1991) et dernièrement dans son article « La perseverancia de los desaparecidos '' (El Pals, 26/9/2008). Angel, qui a abandonné sa fonction à cause de la guerre pour s'enrôler du côté des républicains, incarne l'instituteur-soldat. Des années plus tard, quand il revoit sa classe, la nostalgie s 'empare de lui comme l'exprime l'évocation suivante : " La Liera tiene una iglesia arruinada, un torreon medieval carcomido por el tiempo y los liquenes silvestres y una escuela de piedra donde yo expli caba la leccion diaria la mafiana en que llego aqui la guerra. Nunca, desde aquel dia, habla vuelto a veria. [ . . . ] Y, a través de las ventanas , puedo ver, levemente iluminados por la luna, los pupitres alineados, la mesa del maestro - mi vieja mesa -, el encerado de pizarra en la pared. Todo como yo lo déjé aquella maftana de verano. " (p. 62).
Son expression poétique le trahit devant son otage, don José :
50 Antonio G6MEZ L6PEZ, La guerra persistente. Memoria, violencia, utopia, op. cit. ,
1 38
" El duefto de la mina me mira, sorprendido. Seguramente no esperaba una explicacion asi de alguien que, para él, es solo un hombre brutal, escondido como una alimafia [ . . . ] - Tu eres el maestro de La Friera, l,Verdad? '' (p. 81). " Solo ella [ Martina] ha sabido descubrir entre las sombras de los chopas al hombre que hace ahora ya diez aftos bailaba en este mismo prado abrazando su cintura. Aquel hombre que llego un dia al puebla de maestro, que le hablo de amor y de hijos, y al que el oscuro torbellino de la guerra alejo para siempre de su vida. » (p. 1 30).
On peut mettre en parallèle l' observation de don José et celle faite par Sebastian Fombuena à Pas tor Vazquez : « Es raro que un tio que sabe de letra se meta en esos berenjenales de la muerte, me parece que es raro ,, (Maquis, p. 1 1 8) . Dans Maquis, ils sont trois, chacun porteur de valeurs différentes : don Recalde qui exerça avant la Guerre civile, Pastor Vazquez enrôlé dans la guérilla et don Abelardo, le maître franquiste. On observe que le personnage " plein '' de Angel de Luna de lobos semble se dédoubler dans Maquis en deux figures : celle du maître bienveillant, incarné par don Recalde, et celle du mili tant qui prend les armes, Pastor Vâzquez. Leur histoire est similaire : « Pastor Vazquez piensa en la guerra, en la de ahora por los montes de Los yesares y en la que tuvo que hacer por las trincheras de su tierra contra los nacionales. Recién acabada la carrera de maestro le cogio la rebelion fascista y cambio la tiza y el borrador de lana de oveja por un rifle medio en serio y medio de juguete [ . . . ] cuando acabo la guerra, me tiré al monte con otros camaradas de Leon y de Galicia. [ . . . ] - Es raro que un tio que sabe de letra se meta en estos berenjenales de la muerte, me parece que es raro. " (p. 1 18).
Le personnage de don Recalde, le maître progressiste, soucieux de morale, est significatif. Il explique à Sebastian Fombuena : « Solo somos lo que dejamos, Sebas. Ten bien presente eso, solo lo que dejamos, después de muertos ya no podemos hacer nada para enmendar lo que fuimos o lo que no fuimos, ni para bien, ni para mal [ . . . ] No olvides eso. " (p. 22).
En revanche don Abelardo, le maître franquiste qui après la guerre instru mentalise les connaissances au service du Franquisme, est présenté comme son antithèse : « El maestro que no les cuenta a los crios mas que la historia de Franco y sus generales y las victorias sangrientas de los moros, aunque él les quite los
p.
73.
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OUBLI ET MÉMOIRE
colores de la sangre y les aftada, solo, el brillo metâlico de Jas medallas que lucen en sus retratos los bustos de los generales. » (p. 1 30).
Dans La voz dormida, les personnages d ' Hortensia et d'Elvira jouent le rôle du passeur de connaissances, puisqu'Hortensia instruite par les guérilléro s , Chaqueta Negra/Jaime en l'occurrence qui lui a appris à lire et à écrire, l'a tr�ns mis à son tour aux autres maquisards puis aux prisonnières et finalement a s a propre fille Tensi, à travers les cahiers manuscrits qu'elle lui l guera. �� pri� on , Hortensia et Elvira ont créé une école et donnent des cours d alphabetisatiOn :
�
" - �y la escuela? - En marcha. Le cuentan que Jas que saben leer y escribir estân enseflando a las que
no saben. " (p. 62).
Hortensia remémore les circonstances et le lieu, le village de San Benito, dont on verra l'importance ensuite, où elle apprit à écrire : " Recuerda el verano de mil novecientos treinta y siete, cuando apren di6 a escribir. Le ensefl6 El Chaqueta Negra en la Casa Grande de Las Tres Cru ces, cerca de Don Benito. [ . . . ] le ensefl6 a escribir en la pared. [ . . . ] fue ella la que dej6 constancia sobre el muro de que el batall6n numero cinco habia Jlegado a la Casa Grande el dia dieciocho de julio de mil novecientos treinta y siete, escribiendo en la pared el nombre de los milicianos que Jo componian. " (p. 2 1 0-2 1 1).
La réitération de ce même événement à la fin du roman, plus de vingt ans plus tard, exprimée par Jaime, l'instructeur d'Hortensia, amplifie sa portée : " [Jaime] recuerda a Hortensia, la mujer que aprendi6 a escribir en los muros de la Casa Grande de Don Benito. Con un Iâpiz gastado aprendiô, él ie llevaba la mano , (p. 359). " [Tensi] Mi madre me dijo en su cuaderno que tu le enseflaste a escribir, y que mi padre era muy valiente. " (p. 4 1 5).
Ce lieu, ,, Casa Grande de Las Tres Cruces » près du village de Don Benito, cité à trois reprises dans le roman (p. 8 1 , 2 1 0, 359), existe, il est situé en Estrémadure, la région de Dulce Chac6n. Les événements évoqués sont hi �to riques, le lieu était le lieu de rencontre des guérilléros qui laissèrent une ms cription murale, notamment. D'ailleurs, à la suite de la publication de L� �oz _ dormida, et surtout du décès de Dulce Chac6n en decembre 2003, la mame a tenté d'acheter le site en l' honneur des miliciens et de l'écrivaine. Le fait divers a donné lieu à des articles dans le Peri6dico de Extremadura du 1 9 décembre 2003 et du 2 janvier 2004 5 1 .
Quant à Elvira, devenue Celia dans le maquis après son évasion de la prison d e Ventas, elle poursuivra dans cette voie et formera à son tour les guérilléros de la " partida » de Felipe : " Tenia formaci6n politica, mucho mâs avanzada que la mayoria de los guerrilleros de la partida. [ . . . ] en la escuela de campana daba clases a los hombres que no sabian ni leer ni escribir. " (p. 290). Hybridité générique : roman ou histoire ?
L'importance du factuel dans la fiction nous amène à réfléchir au rapport le hors-texte, à l'extratextualité, à l'aspect documentaire. Dans les trois vec a romans, les auteurs pratiquent l'insertion matérielle ou l'évocation de docu ments officiels, administratifs, écrits ou sonores (radio), d'événements ou de personnages historiques, qui créent une plongée dans le réel et une réflexion sur l'histoire. Dans Luna de labos sont reproduits littéralement et comme des fac-similés l es avis de recherche des fuyards et leur mise à prix : Angel Suarez Reyero " Natural de La Llânava, ayuntamiento de Cereceda, provincia de Leon. Nacido el 8 de agosto de 1 9 1 2 . Soltero. Alto, complexion atlética, tez clara, ojos claros y pelo rubio. Maestro de escuela y miembro del ilegal sindicato CNT, ene migo del Glorioso Alzamiento Nacional. Integrante de la partida de Ramiro Luna Robles. [ . . . ] " (p. 73-74).
La récompense est de " 50 000 pesetas 11 (p. 74) puis de 1 00 000 (p. 1 1 8). La voz dormida contient un grand nombre de documents ou de pseudo-docu ments, des arrêts de justice, à la fin des chapitres, et l'insertion du texte admi nistratif de la fin de la guerre (p. 1 55) ; dans Maquis , un certificat de " afecci6n al régimen >1 est proposé par des gardes civils à Justino en échange de sa trahison (p. 45). L'information sonore, diffusée par la radio, ou cinématographique des reportages du NO-DO est aussi insérée. L'annonce de la fin de la guerre pré sente dans les trois romans a marqué à vie les personnages qui l ' ont entendue. Ainsi elle est évoquée par " ofmos, sobrecogidos, el ultimo y definitivo parte de la guerra » dans Luna de lobas (p. 64-65) et dans Maquis : " la guerra continua después de que se han firmado todos los partes de paz en los peri6dicos y en la radio » (p. 31). Le texte du discours de la victoire prononcé par Franco le 1er avril l 939, qui devient un leitmotiv ressassé avec délectation par la matonne de la prison, la Zapatones (p. 1 54-155), est cité in extenso dans La voz dorm ida et reproduit en miroir, avec l'insertion d'un document dactylographié et por tant la signature " el Generalfsimo 11 (p. 1 54-1 55) :
51 Voir http://www.elperiodicoextremadura.com.
1 40
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ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
" En el dia de hoy, cautivo y desarmado el ejército rojo, han alcanzado las tropas Nacionales sus ultimos objetivos militares. La guerra ha terminad o . Burgos 1 o de abri! de 1 939. Aflo de la Victoria. El Generalisimo. >> (p. 1 55).
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Le ,, No-Do >>, appellation sous forme abrégée et populaire de Noticiarios y Documentales Cinematogrdficos, est cité trois fois dans Maquis. Appartenant à la mémoire collective des Espagnols et l'ayant parfois configurée, ces informa tions ont été vues par tous ceux qui ont vécu jusqu'en 1 975. Le No-Do fut créé le 29 septembre 1 942 puis le BOE du 22 décembre 1 942 établit l'obligation de sa projection dans toutes les salles de cinéma commercial à partir de j anvier 1 943 ; l a diffusion en fut obligatoire jusqu'en 1 975 et quelques salles continuèrent à le diffuser jusqu'en 1 98 1 . Les informations données par cet organe d'état, ce ,, medio de propaganda y de socializaci6n politica 52 >>, indique quelle était la culture politique sous le régime. Au cinéma, seule source pas chère de loisirs avant l'arrivée de la télévision en 1 956, le No-Do annonçait : ,, el mundo entero al alcance de los espaii.oles 53 >>. C'est pourquoi Alfons Cervera l'inclut dans son roman, malgré une erreur de chronologie qui le fait commencer en 1 94 1 , pour montrer l'impact du No-Do, y compris sur les opposants, hommes, femmes ou enfants : " los niii.os ayudaban al ch6fer a bajar los sacos con el Nodo y la peli cula del domingo ,, (p. 29) ; [Paco el Vatios à Nicasio] : " Jo he visto en el Nodo, y tu también. Pero el Nodo es el Nodo . . . •• (p. 50) . Quant à Guadalupe, elle voit " los pâjaros blancos que salen en el Nodo cuando aparece Franco tirando la caii.a al mar •• (p. 1 35). Personnages historiques et fiction
Les personnages historiques intégrés dans la fiction soulignent le rapport que la fiction entretient avec la réalité, ils renforcent « l'effet de réel •• et rédui sent les possibilités narratives du fait de la connaissance de l'histoire qu'ont les lecteurs. Philippe Hamon les appelle " les personnages référentiels », catégorie qui comprend les personnages historiques, mythologiques ou sociaux, dont il dit : " Tous renvoient à un sens plein et fixe, immobilisé par une culture, à des rôles, des programmes, et des emplois stéréotypés, et leur lisibilité dépend directement du degré de participation du lecteur à cette culture (ils doivent être appris et reconnus) . Intégrés à un énoncé, ils serviront essentiellement "d'an crage" référentiel en renvoyant au grand Texte de l'idéologie, des clichés, ou de la culture ; ils assureront donc ce que R. Barthes appelle ailleurs un "effet de réel" et, très souvent participeront à la désignation automatique du héros 54. » 52 Paloma AGUILAR, 2008, op. cil. , p. 1 18. 53 Ibid. , p. 1 1 9 ; Ana LUENGO, La encrucijada de la memoria, op. cit. , p. 80 ; Vicente SAN CHEZ BIOSCA, Rafael TRANCHE, NO-DO, El tiempo y la memoria (1993), Madrid, Câtedra, 2005. 54 Philippe HAMON, " Pour un statut sémiologique du personnage in Tzvetan TODOROV, Poétique du récit, Paris, Éditions du Seuil, 1977, p. 1 22. "•
1 42
Les nombreux personnages historiques inclus dans les trois fictions étu di ées ici et dont l'identification est immédiate du fait de leur désignation com plète (par leur nom, leur titre ou leur surnom) permettent de situer le moment historique aussi. Le général Franco est amplement cité dans les trois romans, rnais particulièrement dans Maquis. Sous le nom de Franco ou les désignations " jefe del estado >>, « generalisimo >>, ou par allusion avec les références par exemple au « glorioso alzamiento nacional •• (Luna de labos, p. 73). Peu de références à Franco sont convoquées dans Luna de lobas où c'est la fin du régime qui est évoquée deux fois, dans le dialogue entre Angel et Gildo en 1 939 (partie II) puis par un passeur en 1 943 (partie III) : " - Mira, Gildo. Esta nuestra es una guerra perdida. Y tu Jo sabes tan bien camo yo. - Yo Jo que sé - dice él mirandome por fin- es que Franco esta al caer. Ya no puede aguantar mucho mas. » (p. 76).
et : " En Francia creen que Franco tiene ya los dias contados. >> (p. 100).
Dans Maquis, on trouve plus de vingt occurrences, régulièrement réparties dans le corps de la partie centrale " De los nombres y las voces », de longueur variable mais de tonalité critique ou ironique semblable, toujours informatives et parfois crues. Nous les donnons toutes ici, convaincue que nous sommes de la portée persuasive de l'anaphore dans la construction de la mythification des personnages : - " el Vatios se cubri6 de gloria peleando contra los militares de Franco >>, " el Generalisimo Franco >> (p. 25, 2 fois). - " los aliados van a ganar la guerra mundial y Franco tendra que salir de Espafla cagando leches » (p. 41). - " En Galicia hay brujas y las brujas os llevaron a Franco », " Franco no existe », " �has vista tu alguna vez a Franco en persona ? >> (p. 50, 3 fois). - " ni siquiera vi a Franco la noche antes del dia en que me tenian que fusilar [ . . . ] y a Franco menas que a ninguno » (p. 5 1 , 2 fois). - " y se acab6 Franco [ ... ] Se acab6 Franco >> (p. 54, 2 fois). - " y Franco me dara una medalla », " los retratos de Franco y de José Antonio », " Con Franco también estoy empatado >> (p. 58, 3 fois). - " Los curas bendicen los fusilamientos de Franco » (p. 63). - " estaban prohibidas en Espafla por la dictadura de Franco » (p. 94). - " hay guerras armadas por los hijos de puta coma Franco » (p. 1 1 6). - " Franco no se va a acabar ni con la guerra mundial » (p. 1 1 7). - " un bigotito cursi que se parece al del Generalisimo » (p. 1 24). - " la historia de Franco y sus generales •• (p. 130).
1 43
OUBLI ET MÉMOIRE
- " qué haran con Franco y con nosotros " (p. 131). - " en el Nodo cuando aparece Franco tirando la cana al mar " (p. 1 35) . - " Medio ejército de Franco parecfa rodar por el monte ,, (p. 1 46). - " habia que luchar contra Franco ,, (p. 159) . - " Franco, de ese hijoputa que tiene el rostro feroz de la tortura aunque Jo disimule con una vocecita de mujer y oculte su condici6n de asesino tras una coraza inmunda de medallas ,, (p. 1 62).
La voz dormida insère aussi quantité de références à des personnages historiques connus (Franco, le colonel Casado, Kolstov, Negrfn, Azaii.a, la " Pasionaria "• Federica Montseny, Victoria Kent, etc.) et à des faits politiques et historiques qui ont trait à la fin de la Guerre civile et au début du Franquis me (les dissensions républicaines, les événements de Paracuellos, etc.) 55 . La préci sion des informations exprimée par les énonciateurs ou des personnages vise à montrer d'une part leur connaissance de la situation et d'autre part leur enga gement politique, comme le montrent les passages suivants :
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- [Paulina : ] " Casado pretende negociar la paz con Franco ,, (p. 48) ; " Des de Jo de Casado. [ . . . ] los casadistas entregaron los fic heros y los nuestros cayeron unos detras de otros. A muchas ni tuvieron que buscarlos, porque la Junta de Casado los habia metido ya en la carcel >> (p. 1 85). - " Jo [el doctor Ortega] vieron cerca del aeropuerto de Barajas, junto a Kolstov, cuando trasladaban a mas de mil prisioneros politicos desde la carcel Modela ,, (p. 83). - " el padre de don Fernando [ . . . ] es amigo persona! de Francisco Franco ,, (p. 96-97). - le leitmotiv de l'annonce de la victoire par Franco : " En el dia de hoy, cautivo y desarmado el ejército rojo, han alcanzado las tropas Nacionales sus ultimos objetivos militares. La guerra ha terminado " est inséré deux fois, d'une part dans le discours de la Zapatones et d'autre part sous la forme graphique d'un fac-similé d'un document dactylographié portant la signature " el generali simo ,, (p. 1 54-155). - " se cumplira cuando liegue el enterado del Generalisimo. [ . . . ] Generalito Jo llamaban en Africa ,, (p. 2 1 2) . - " No sé si servira d e algo [ . . . ] , a l mismisimo Franco le ha escrito ,, (p. 2 1 8). - " De Arriba Espana " (p. 221), slogan et nom du journal phalangiste où publiait Franco, sous le pseudonyme de Jack Boor, notamment des articles qui furent réunis dans l'ouvrage, Masonerîa, en 1 952. - " cuando reciban el enterado del Jefe del Estado ,, (p. 224). - " "Todos contra Franco y la Falange" . Cuando caigan Hitler y Mussolini, las potencias democrâticas no consentiran un pais fascista en Europa y nos ayudaran a echar a Franco " (p. 297) .
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55
Voir L a voz dormida, p. 48, 83, 96-97, 1 54-155, 185, 2 12, 2 1 8 , 2 2 1 , 224, 297. 1 44
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
- " Cuando caiga el fascismo en Europa, Sole y Amalia regresaran ,, (p. 298). - " cuando caiga Hitler [ . . . ] echan al enano ,, (p. 3 1 8) .
Outre l e docteur Negrin, l e colonel Casado o u Kolstov, d e nombreux autres personnages historiques, contemporains des personnages fictionnels, avec les que ls parfois ils entrent en relation, apparaissent. C'est le cas de la responsable anarchiste Federica Montseny qui, dans Maquis, compatit à la mort de Narciso (p . 1 1 2), la communiste la « Pasionaria >> (La voz dormida, p. 1 7-18), Azaii.a (« la ley de Azaii.a ») , ou la ministre républicaine, Victoria Kent, dont l'action est évo quée par le personnage de Sole de La voz dormida. Victoria Kent est associée à la c onstruction de la prison de Ventas : " [Sole] cu enta que Victoria Kent orden6 construir la prisi6n de Ventas, y que estaba disefiada para albergar a quinientas reclusas. Se queja de la Ialta de espacio. Se queja de que doce petates ocupen el suelo de las celdas donde antes habia una cama, un pequeflo armario, una mesa y una silla. [ . . . ] los pasillos y las escaleras se hayan convertido en dormitorios, y de que haya que saltar por encima de las que estan acostadas para llegar a los retretes. - Esto es una inmundicia. Asi estamos como es tarnos. Once mil perso nas no pueden evacuar en tan pocos vâteres. [ . . . ] Tina, titus, piojos, chinches, disenteria, esto es una indecencia. ,, (p. 145-1 46).
On sait que la documentation de Dulce Chac6n est précise. Son texte semble être une transposition dialoguée et dramatisée d'un passage de l'essai de Fernanda Romeu, El silencio roto (1 993), que nous citons ici : « A principios de 1 940, la carcel de Ventas, construida para 500 mujeres, albergaba a mas de 6 000 detenidas que dormian en las escaleras e incluso en wâteres. Cada 30 o 40 horas se daba de corner a las detenidas un cazo de caldo de berzas y mondas de patatas. Muchas d e las detenidas estaban alli con sus hijos . [ . . . ] alimento nauseabundo 56 . ,,
Les événements historiques ou politiques scandent le récit, se mêlent à la diégèse, agissent sur l'action des personnages, ou sont commentés par eux, comme l' évocation de la fameuse (( Causa general >> qui frappe tous les militants républicains, des événements de Paracuellos del Jarama, du renoncement à la guérilla, du départ vers l'exil, etc. La « Causa general >> , sans être définie par le discours, concerne le docteur Ortega dans La voz dorm ida, où Amparo, sa femme : « persuadi6 a su padre para que no lo mencionara en la Causa general >> (p. 96) . Ce document, réuni par le Ministère de la Justice, dirigé alors par Eduardo Aunos, en 1 944, à la suite du décret de 1 940, et qui a pour titre La dominaciôn roja en Espana, recense les 56 Fernanda ROMEU , op. cit. , p. 30.
1 45
OUBLI ET MÉMOIRE
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
personnes qui ont un dossier judiciaire, une instruction en cours contre eux, notamment les républicains présents à Paracuellos del Jarama et qui ont par ticipé à la répression contre des nationalistes. En effet le personnage de don Fernando est mêlé aux événements de Paracuellos, où en novembre-décemb re 1 936 furent exécutés des centaines de nationalistes, à l'initiative de la Junta de Defensa de Madrid 57, comme on peut le lire page 83 :
Nicanor Pérez et El Vatios de Maquis vont passer en France, c ' est l'excipit du roman qui coïncide avec la sortie du pays :
" [Paulino] se acord6 de don Fernando, el doctor Ortega, y de Paracuellos del Jaram a. Felipe y Paulino le conocieron en la primera reunion de la Junta de Defensa de Madrid, en el Ministerio de la Guerra, y pocos dias después lo vieron cerca del aeropuerto de Barajas, junto a Kolstov, cuando trasladaban a mas de mil prisioneros politicos desde la carcel Modelo. »
Le renoncement à la guérilla est aussi un thème récurrent, des consignes de démantèlement, dont on ne sait les auteurs, sont données aux guérilléros pour cesser la lutte et partir à l'étranger, sans doute des consignes du PCE ou des Agrupaciones. Dans Luna de lobas, Ramiro venu rencontrer El Froncés s'élève contre des ordres venus de l'extérieur que lui communique son contact en 1 943 :
L' espoir suscité par la fin de la seconde guerre mondiale et par l'arrivée des alliés est exprimé : " Cuando caigan Hitler y Mussolini, las potencias democraticas no consentiran un pais fascista en Europa y nos ayudaran a echar a Franco » (La voz dormida, p. 297) ; " los aliados van a ganar la guerra mundial y Franco tendra que salir de Espana cagando leches. >> (Maquis, p. 41). •• "Il!
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La majorité des républicains survivants sont confrontés à l'exil, à l'émigra tion. Soit ils se débrouillent seuls soit ils sont aidés. Paulina alias Jaime part à Toulouse, Elvira à Prague, Angel, Nicanor Pérez et El Vatios en France. Paulina doit payer six mille pesetas pour son passage et celui de Felipe à des socialistes parce qu'ils sont communistes (La voz dorm ida, p. 1 72-1 75). Mais le départ est toujours une rupture, comme le dit Angel de Luna de lobos en 1 943 : " No es el miedo a un pais y a un futuro desconocidos. Ni siquiera el temor a una posible traici6n de quienes han de ayudarnos a huir. Es el apego a esta tierra sin vida - sin vida y sin esperanza - el que se impone como una losa sobre nosotros. >> (p. 77) .
Angel a reçu de l ' aide, d'abord de Lina (p. 77) puis de sa sœur, Juana, même si non explicitée ici : " Repaso mentalmente mi equipaje inconfesable: el dinero cosido en el forro del abrigo, la documentaci6n falsa, la pistoia que tiembla como hielo entre mis dedos, en el bolso, y ese piano arrugado, escondido en el fondo de las botas, que intentara ayudarme a atravesar de noche y por el monte la frontera. » (p. 153).
« Con los anteojos mira desde el monte las tuees del pueblo que se vislumbra alla abajo - Eso ya es Francia, Nicanor, seguro que es Francia. ,, (p. 166).
" - [El Francés] ha regresado trayendo consignas y armas. Ramiro, que ha permanecido en silencio durante todo el tiempo, escu chando, aparta su plato hacia un lado y se recuesta en el respaldo del escano. - lQué clase de consignas? - pregunta. - Atacar. Uni ros todos y atacar al mismo tiempo. En Francia creen que Franco tiene ya los dfas contados [ . . . ] - Esa musica la venimos oyendo desde hace anos. Esa mû.sica, es la que siempre nos han tocado los partidos desde fuera para que sigamos aguan tando aqui los cuatro desgraciados que no pudimos esc apar a tiempo. [ . . . ] Que vengan los politicos a las montanas. ,, (p. 1 00).
Dans Maquis, l'évocation du démantèlement des groupes guérilléros est plus prégnante du fait que les guérilléros ont combattu plus longtemps : « Nos llegaban noticias sobre el abandono de la lucha porque ya estaba fuera de lugar resistir a la desesperada y habfa que luchar contra Franco en los despachos mas o menos lujosos del exilio. " (p. 1 56).
Sebastian et ses camarades, obligés de partir vers la France, mourront sur le chemin de l ' exil, ils réfléchissent à leur engagement : " La orden de desmantelar la guerrilla les lleg6 no hace mucho y la soledad se junta con el desprecio que en la montana sienten por aquella orden. Tanta muerte para qué, para qué tanta andar de aqu{ para alla, tanta de palizas a los nuestros, de que marles las manas a Angelln y de ramper las vidas de la gente si ahora hemos de salir coma conejos asustados y entregarnos al miedo y al cansan cio. [ . . . ] Y ahora les han die ho que se las apan en co mo puedan pero que dejen el monte, que la situaci6n ha cambiado y que se requieren otras formas de lucha contra el fascismo de Franco " (p. 158-1 59).
57 Paloma AGUILAR, op. cit. , p. 363. 1 46
1 47
OUBLI ET MÉMOIRE
Pepita dans La voz dormida s'insurge contre les consignes du '' Partido '' : " Yo aqui, esperando meses y meses porque el dichoso Partido le ha dicho a usted que me tengo que estar quietecita y que tenga paciencia. [ . . . ] no crea usted toda Jo que le dice el Partido, que si tuera verdad que los aliado s van a entrar pronto para echar a Franco, no estarian todos tan escondidos , (p. 259-260).
Le débat historiographique autour des organisateurs politiques de la gué rilla trouve son écho littéraire dans les trois romans. Les années 1 940 ont vu une floraison de groupes de guérilléros, soit comme '' autochtones ,, soit comme membres d'une Agrupaci6n liée à un parti. Si dans Luna de lobos, seul l'avis de recherche inséré indiquait l'appartenance politique de Angel à la CNT, dans La voz dormida les références sont nombreuses. Paulina affirme à Pepita : '' Soy comunista, y lo seré toda mi vida. Voy a Toulouse a ponerme a disposici6n del Comité central. [ . . . ] soy un hui do ,, (p. 1 69-1 70). Il doit '' reorganizar la guerrilla y constituir la Agrupaci6n Guerrillera de Cerro Umbria '' (p. 287-288). Le texte décrit la constitution de ladite '' Agrupaci6n ,, et ses statuts, document en fac similé à l'appui (p. 320-321). Mais celle-ci disparâJtra très vite pour rejoindre la '' Agrupaci6n Guerrillera de Extremadura y Centra ,, (p. 356). Une rivalité entre les partis communiste et socialiste existe :
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" - Se dice que la Jucha guerrillera la han organizado los socialistas. La aversion que sentia Mateo por los socialistas le hizo gritar: - Eso es mentira, la verdadera guerrilla, bien organizada, ha sida del PC y la mayoria de Jo que yo he conocido han sida comunistas. " (p. 1 85).
Pour dépasser ces conflits, une organisation fédérative née en exil, la Union Nacional Espaiiola (UNE) 58 , est annoncée avec optimisme car elle regroupe les forces intérieures et envisage une action importante : " Todos los partidos de la izquierda espaflola en el exilio habian unido sus fuerzas en un bloque antifranquista, la Union Nacional Espaflola '' (LV, p. 287288) ; '' el optimismo que respira la izquierda espaflola en el exilio. La Union Nacional Espaflola contempla la posibilidad de una invasion a través de los Pirineos. » (p. 297) .
Les personnages du roman sont mêlés aux faits historiques :
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
alimentara la esperanza de que los gobiernos dem6cratas respalden a la Union Nacional. » (p. 366).
Mais l'issue de l'opération Reconquista de Espaiia est ainsi décrite : " Lo del Valle de Aran ha sida un desastre [ . . . ] . Y el recién llegado dio a conocer el fracaso de la Operacion Reconquista de Espafia y propuso camo tema de discusi6n la responsabilidad de Santiago Carrillo en la retirada del Valle de Aran, el protagonismo excesivo de Jesus Monzon, su imprudencia, y el opti mismo desmesurado y la ausencia de estrategia de la UNE. » (p. 367).
Mercedes Yusta, évoquant le maquis en Aragon, décrit ainsi cette opération m ilitaire conçue par la direction du PCE en France et menée à travers l'orga nisation unitaire " Union Nacional Espaflola », qui avait canalisé la participa tion des militants communistes et autres, dans la Résistance en France, peu de temps avant la Libération : " Cette entrée massive de guérilléros, qui eut lieu en octobre 1 944 à travers différents points de la frontière mais principalement dans le Val d'Aran, marque la véritable origine de la guérilla aragonaise. En effet, malgré l'échec de l'opération d'infiltration, qui visait à établir une "tête de pont" en territoire espagnol, plusieurs groupes de guérilléros réussirent à pénétrer à l'intérieur du territoire et [ . . . ] constituèrent les noyaux de ce qui serait, avec le temps, l'une des plus puissantes organisations de guérilla du territoire espagnol pendant les années quarante : I'Agrupacion Guerrillera de Levante y Aragon (AGLA) , placée sous contrôle communiste. La province de Huesca connaîtra aussi l'installation de noyaux de guérilla à partir de l'invasion d'octobre 1 944, qui donneront lieu par la suite à une autre agrupacion guerrillera, la dénommée Agrupacion Guerrillera del Alto Aragon, créée aussi sous les auspices du PCE. À l'origine de cette Agrupacion se trouve un militant communiste, Joaquin Arasanz "Comandante Villacampa", qui avait pénétré en Espagne lors des invasions d'octobre 1 944 en tant que com missaire politique de la Brigade 2 1 de guérilléros [ . . . ] . Accompagné d'autres guérilléros originaires de la zone, "Villacampa" passe à nouveau la frontière en avri1 1 945 pour établir un contact avec les réseaux locaux du PCE et créer un groupe guérillero 59. "
Mais la disparition inéluctable de la guérilla est annoncée dès 1 946 dans Luna de lobos :
" Jaime se reunio con Jesus Monzon un mes después en una bodega de Ave Maria para preparar la ofensiva del Valle de Aran » (p. 356). " [Jaime] 58
Sur la UNE, voir les ouvrages qui analysent son rôle, parfois controversé : Joan ESTRUCH, Ferran SANCHEZ AGUSTÎ, David W. PIKE ou Daniel ARASA. Voir aussi Manuel MARTORELL, Jesus Monzôn : el /[der comunista olvidado par la Historia, Pamplona, Pamiela, 2000.
1 48
59 Mercedes YUSTA, " Maquis en Aragon : des espoirs de la Résistance aux déboires de la guérilla in Jean ÜRTIZ (Coord.), op. cil. , p. 331-35 1 .
1 49
"•
OUBLI ET MÊMOIRE
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
" Cada vez van resistiendo menos. Cinco o seis hombres desperdiga. dos por los montes de Amarza y dos partidas [ . . . ] . Los demas - continua - l os han ido matando poco a poco o se han ido entregando. tt (p. 99). Comme dans
Maquis :
« ah or a ya es tan en el final, ahora la guerra esta aga.
nizando por los montes y en esa agonia van a morir todos, los hombres Y las tt (p. 125). . Une fois la guerre terminée et la résistance emprisonnée, le dermer « com
mujeres, las zorras y los tordos grises
bat >> des résistants libres est d'aider à la libération des prisonniers politiques,
lors des quelques grâces qui sont accordées par le régime. Entre celle de
1 969,
1 945
et
197 1 ,
grâces (« indultos ))) , dont ! a plus large fut . . en raison de commémorations franquistes (Lo1 de successio n ,
Je régime franquiste accorda
13
Vingt-cinq ans de Paix, Trente ans après la fin de la guerre,
35e
anniversaire de
J 'arrivée de Franco au pouvoir) ou liées au Vatican (année mariale, année de
saint Jacques, élections du Pape Jean XXIII puis de Paul VI, année jubilée de
Compostelle) :
1 969
et
1 97 1 .
1 945, 1 947, 1 949, 1 952, 1 954, 1 958, 1 96 1 , 1 963, 1 9 �4, 1 965, 1 966,
_ une Un tel nombre laisse supposer que chacune des graces avait
portée très limitée, par exemple certaines ne visaient qu'un seul délit60. Dans
La voz dorm ida,
seul de nos romans dont la diégèse va au-delà de la fin de
la guérilla, Pepita fait activement des démarches auprès du curé, d� car? i � al et des autorités, lors des grâces de 1 954, 1 958 et 1 963, pour en fa1re benefi cier Jaime. Les militantes écrivent une lettre au cardinal archevêque de Saint Jacques de Compostelle pour obtenir une grâce au nom de l'année j acobéenne
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1 954
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année de saint Jacques (p.
378-380).
Mais le cas de Jaime n'entre pas
dans la iste des graciés, contrairement à celui de Tomasa (p .
1 958, pour la mort de Pie XII 1 963 (p. 405-409) lui permet
(p.
380, p. 386), ni en 400) ; enfin la grâce pour l'élection de Paul VI en
de recouvrer la liberté et d ' épouser Pepita.
Les militants luttent aussi pour réclamer la suspension des peines de mort.
:
Pepita au parloir de la prison de Burgos où elle rencontr� Pauli� oe aime, r�cu père, dissimulé dans un pantalon à recoudre, un mamfeste ecnt par Jaime
contre les peines de mort : « Jaime ha escondido un manifiesto donde los pre
sos pi den que se levanten las penas de muerte.
[...]
entregara el manifiesto en
Puerta Chiquita, donde sabe que Reme se reûne con las mujeres que colaboran en el Socorro Rojo >> (p.
362-363) .
Dès lors Pepita transportera des messages
aux militants, et malgré elle, devient une militante officieuse : ,, Pepita, sin pre
tenderlo, se convertira en un miembro mas del Partido Comunista en la clan destinidad, aunque jamas se afiliara >> (p.
À l'issue
373).
de notre analyse de l'historicité des trois romans, il apparaît clai
rement que ces romans évoquent des événements précis et souvent suivent les travaux historiques qui en traitent . Ils entrent dans la catégorie du roman
qu 'il y ait écriture d'un roman historique, ce recul est à nuancer, comme le rap pelle Jacques Soubeyroux :
" Lorsqu'un auteur raconte des événements antérieurs à sa naissance, dont il a pu avoir connaissance par la mémoire collective, incarnée par des témoins plus âgés, qui peuvent être des inconnus, ou même ses parents ou ses grands-parents, je considère que son récit peut être qualifié de "roman histo rique", même si cinquante années ne se sont pas écoulées entre les événements narrés et le temps d'écriture 6I . tt Pour Ana Luengo, l'auteur doit évoquer « una época que no ha vivido o no
h a si do consciente de haber vivi do >> 62 et le roman « se desarrolla en una época anterior a la vivida por el autor )) (p. 37), « tiene que narrar una historia anterior
a la vida del autor >> (p. 42). Malgré la forte présence de matériau historique i nclus dans la fiction et les interférences entre personnages fictionnels et réels, pour Georges Tyras, Maquis par exemple n'appartient pas au genre historique qu'il estime trop étriqué, mais plutôt au roman de la mémoire :
" En absoluto se trata de une novela hist6rica, es decir de una novela abocada a la reconstituci6n documentada y minuciosa, casi arqueol6gica, de un periodo determinado. [ . . . ] Maquis es mas bien una novel a de la memoria, en la que los datos importan menos que la huella que han dejado y el eco que todavia producen en la vida persona!, social e intima de los personajes 63 . tt " De ninguna manera quiere ser una novela hist6rica, a lo sumo si una novela intrahist6rica, heredera lejana de las concepciones de Unamuno. [ . . . ] no se acoge al género hist6rico, y su mecanismo de deixis temporal no sigue las pau tas de una figurativizaci6n atenta y detenida, que seria inmediatamente percep tible por el lector y permitiria datar cada una de las peripecias asi como seguir la progresi6n del tiempo de la historia narrada 64. >> Mais les raisons qui font des trois textes que nous étudions des romans
historiques nous semblent l'emporter : le rapport à l'Histoire, sa réécriture et
sa réinterprétation, la présentation du passé comme explication du présent,
l'historicité, l'intégration de personnages historiques dans le récit, la dua
lité (enchevêtrement, entrecroisement) de fiction (aspect esthétique) et de
récit historique (enjeux idéologiques et éthiques, l'engagement de l'auteur) .
Cependant, si les auteurs thématisent et problématisent une période histo
rique, ils n'évacuent pas pour autant le caractère mythique de leurs récits.
historique tant pour la présence du matériau historique que pour le critère de distance temporelle qui sépare le temps de l'écriture du temps de l'action.
Rappelons que si la durée de cinquante ans est communément admise pou r 60
Voir Palorna AGUILAR, op. cit. , p. 1 7 1-1 73. 1 50
61 Jacques SOUBEYROUX, 200 1 , op. cil. , p. 1 78. 62 Ana LUENGO, op. cit., p. 38. 63 Georges TYRAS, op. cil. , p. 109. 64 Ibid. , p. 120 et p. 1 37.
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ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS
OUBLI ET MÉMOIRE
Mythifica tion des guérilléros. Légende et Histoire
Après avoir insisté sur l'historicité dans la représentation de la guérilla dans les trois romans, nous voudrions montrer ici qu'elle est indispensable pour p er mettre l'élaboration d'une mythification. Le passage de l'Histoire à la légende et inversement est ici à l'œuvre. Une première approche de définition nous aidera à introduire Je sujet. Le sens premier du mot mythe nous est donné par son éty mologie éclairante : mythe vient du latin mythus, lui-même issu du grec muth os, qui signifie récit, fable. Il renvoie d'abord à l'écriture ou à la diction d' � n tai�, , puis par extension a pris une valeur atemporelle, passant d e 1 anecdote a 1 , lint _ verse!, de l'historicité au mythe. On lit dans le Nouveau Petit Robert (2004) : " 1 . Récit fabuleux, transmis par la tradition, qui met en scène d es êtres incarnant sous une forme symbolique des forces de la nature, des aspects de la condition humaine. [ . . . ] Par extension : Représentation de faits ou de per sonnages souvent réels déformés ou amplifiés par l'imagination collective, une longue tradition littéraire. [ . . . ] 2. Figuré : Pure construction de l'esprit. Fam. Affabulation. 3. Expression d'une idée, exposition d'une doctrine ou d'une théo rie philosophique sous une forme imagée. [ . . . ] 4. Représentation idéalisée de l'état de l'humanité dans un passé ou un avenir fictif. [ . . . ] 5. Image simplifiée, souvent illusoire, que des groupes humains élaborent ou acceptent au sujet d'un individu ou d'un fait et qui joue un rôle déterminant dans leur comportement ou leur appréciation. »
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De cette définition se dégagent trois axes qui lient le mythe à la légende, au récit mais aussi à la non-vérité (affabulation ; utopie). Le mythe se dégage du temps historique , de l'anecdotique pour aller vers le hors temps, vers l'es sence. C'est un type de représentation culturelle du réel, qui lui donne sens, qui transforme la réalité (les objets sociaux, etc.) en catégori �s symbol �q� es. _ L'ethnologue Mircea Eliade, dans Aspects du mythe (1 963), QUI a analyse ! Im portance des mythes cosmogoniques pour la mentalité primitive, a montré leur lien au réel : " Le mythe ne parle que de ce qui est arrivé réellement, de ce qui s'est pleinement manifesté. [ . . . ] En somme, les mythes décrivent les diverses et parfois dramatiques irruptions du sacré (ou du "sur-naturel") dans le Monde 65 . »
Dans les sociétés traditionnelles, les mythes non seulement portent le savoir sacré mais ils sont en outre le seul moyen de sa transmission et puisqu'ils font reviv;e « Je temps fabuleux des commencements ''• ils deviennent à leur tour des « histoires sacrées " : « Le mythe raconte une histoire sacrée ; il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des "com mencements". Autrement dit, le mythe raconte comment une réalité est venue 65
Mircea
ELIADE, Aspects du mythe,
Paris, Gallimard,
1 52
1988, p. 1 7.
à J'existence, que ce soit la réalité totale, le Cosmos , ou seulement un frag rnent 66 . " Le mythe « fournit des modèles pour la conduite humaine et confère p ar là même signification et valeur à l'existence humaine 67 " Eliade rappelle que dans les sociétés occidentales, le roman et l'Histoire sont des formes d égradées du mythe : ·
" La pensée mythique a réussi à survivre, bien que radicalement chan gée (sinon parfaitement camouflée). Et le plus piquant est qu'elle survit surtout dans l'historiographie. " (p. 144). " Le récit épique et le roman, comme les autres genres littéraires, pro longent sur un autre plan et à d'autres fins, la narration mythologique. [ . . . ] il s'agit de raconter une histoire significative, de relater une série d'événements dramatiques qui ont eu lieu dans un passé plus ou moins fabuleux. [ . . . ] la prose narrative, le roman spécialement, a pris, dans les sociétés modernes, la place occupée par la récitation des mythes et des contes dans les sociétés tradition nelles et populaires. Mieux, il est possible de dégager la structure "mythique" de certains romans modernes. » (p. 233).
La double nature du mythe, histoire et légende, est aussi exprimée par Roland Barthes : << La sémiologie nous a appris que le mythe a pour charge de fonder une intention historique en nature, une contingence en éternité 58 . " Enfin Claude Lévi-Strauss précise : « rien ne ressemble plus à la pensée mythique que l'idéologie politique 69 '' Dans les trois romans, la lutte et la résistance des guérilléros sont présen tées comme des valeurs positives, qui méritaient d'être défendues, malgré les conséquences douloureuses, contrairement au message d' autres romans dont Alhambra y los Tuchas de Sevilla Lozano ou Agosto en el paraîso de José Maria Ridao. Le processus de mythification commence dès le début des romans, comme le montrent d'emblée la note liminaire de Luna de labos, le prologue de Maquis ou l' incipit de La voz dormida. La note liminaire de Luna de labos rend hommage à des héros, leur conférant une aura légendaire : ·
" Todos, sin excepci6n, dejaron [ . . . ] una est ela imborrable y legendaria en la memoria popular. » (p. 7).
On relèvera l'amplification due à l'absolu et à la redondance de « todos, sin exc epci6n "• à l'emploi du prétérit, temps par excellence de l'accompli, à la sémantique de « dej aron " qui correspond à un legs et à une transmission, au caractère éternel donné par l'adjectif « imborrable " et surtout à la polysémie 66 67 68 69
Ibid. , p. 16-17. Ibid. , p . 12. Roland BARTHES, Mythologies (19 57), Paris, Éditions du Seuil, 1 9 70, p. 229. Voir aussi Francisco CAMPUZANO, " Du mythe à la mythification "· in Figures de la mythification dans l 'Espagne du XX", op. cit. , p. 3-9. Claude LtVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1974, p. 239 ; Francisco CAMPUZANO, ibid. , p. 6.
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i ndél ' b i l e) du mot « estela )) ' qui est à la fois une trace symbol ique (1 s o uv nir et aussi plus concrèt e : c'est la stèle, funérai re entr autres, q u i suggère que l e Maquis, la roman se veut le lieu d'une commé moratio n, d'un hommage. Dans trace concrèt e est aussi mise en avant par Angel :
" Ha sucedido la memoria y hay una piedra blanca que los recordarâ siempre cerca de donde murieron el maestro Pastor Vâzquez y Nicasio. " (p. 169) .
Angel, énonciateur en 1 982, ne peut savoir qu'un monument aux guérilléros sera élevé à Santa Cruz de Maya en 1 99 1 , mais le Alfons Cervera de 1 997, lui, le sait. On commentera une deuxième occurrence de la figure héroïque du gué rilléro dans ce discours d'Angel Suarez de Luna de lobas : " La leyenda de ese hombre ind6mito e invisible que anoche, una vez mâs, volvi6 a burlar la vigilancia de los guardias y que, sin duda, ahora les estarâ observando desde alguna parte. Ese hombre imaginado tantas noches, al calor de las cuadras y cocinas, inmortal como su sombra, lejano como el viento, valiente, astuto, inteligente, invencible. " (p. 1 36). "'"l
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De même, dans Maquis où Sebastian est partagé entre sa crainte qu'on oublie la geste des guérilléros : << se morira también una estirpe de luchadores que ya no tendra continuidad en el futuro, porque se cubrira su memoria con la tierra de la desmemoria )) (p. 1 56), et son espoir :
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" La muerte no puede acabar con todo, con los anos que pasamos en el Cerro, con la memoria que siempre recordarâ lo que hicimos para que la vida no tuera una mierda disfrazada de banderas y consignas, para que se acabara el ricino en las entrafias de la decencia y no hubiera mâs silencio por las calles de Espafia y de Los Yesares. Yo creo que algo fuimos desde que abandonamos el pueblo y nos dejamos la vida por los girones negros de las montafias. [ . . . ] estoy seguro de que no habrâ sido inû.til todo el tiempo que nos enfrentamos por los montes a las tropas de Franco. " (p. 1 62). Dans
La voz dormida,
e sont les femmes qui sont héroïsé es, d'abord
"• qui Hortens ia, d ' signée de façon réitérative par : << La mujer que iba a morir gué les et es militant les puis mort, la se prépare ourag usem nt à affronte r main. en rilléras comme Elvira/C elia qui prend son destin ros, Outre le traitement emphat ique qui caracté rise l'évocation des guérillé s figure des à et iques symbol la fiction les associe à des lieux, à des actions sym ieux l des à s ié l sont ou l n h i s toriques . A i n s i , plusieur s personn ages vie n n e myt l ique bolique s de l'his toire républic aine, comme la régi n rév lut ionnaire Azules Ojo de et labos de qu s nt les As t u ries. Tel est l e cas d An ge l de Luna lobos de Luna e d iminaire et El Vat ios (p. 24) de Maquis. Rappel ns 1ue la note l » Asturias de ano c li b u p indiqua it : " En el o to n o de 1 937, lerrumbado e l fr nte re
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(p. 7) et dans le corps du roman, le père de Angel indique à son tour : ,, Buscan
a
todos los que estabais en Asturias. Saben que muchos habéis vuelto otra vez h uyendo a través de las montaiias )) (p. 26). D'autres personnages sont liés au vi lla�e de Santa Cruz de Maya où tombent les derniers guérilléros de la partida d e ÜJOS Azules (Sebastian, Nicasio, Pastor Vazquez), métaphore des vrais gué rill éros tombés en 1 949 1à, exprimée ainsi : << hay una piedra blanca que los recor dara siempre cerca de donde murieron el maestro Pastor Vazquez y Nicasio » (p . 1 69) ; d'autres enfin sont associés à la << Casa Grande de Las tres cru ces de Don � enito ,, ou ont appartenu au << XIV Cuerpo de Ejército Guerrillero ,, (La voz dormtda? . C �mme nous l'avons montré dans la partie consacrée aux person nages histonques, les personnages fictionnels ont des contacts directs avec ceux-ci, imposant ainsi leur propre importance et leur implication politique et historique. La fiction s 'historicise ainsi . La disparition du corps de Ojos Azules lors de son transfert par les gardes civils crée la légende autour du personnage. Les guérilléros sont devenus des suj ets de c � nversation, la vox populi en a fait des légendes, toute la séquence 41 de Maqws montre comment un événement devient légende : " Ojos Azules no estaba entre los muertos, eso dicen, y también dicen que del camion no ha quedado ni un a pieza sana [ . . . ] no hay mâs noticias sobre Jo sucedido. [ . . . ] aseguraban otras version es de los hechos. Y aû.n hubo algunas diferentes [ . . . ] decîan en el pueblo. - Las leyendas estân de nuestra parte le dijo una tarde el maestro Pastor Vâzquez Lorenzo a Nicasio, cuando ya hacîa mâs de un mes que Ojos Azules habla desaparecido en el Barranco Escoba. ,, (p. 1 4 1 - 1 42).
Les guérilléros sortent de la société humaine, puisqu'animalisés, ils vivent la nuit et perchés dans les montagnes, mais ils sont aussi des dieux qui obser vent le village, frappés par le caractère tragique du destin, le fatum : ,, Nosotros somos coma Dios : lo vemos todo desde ahi arriba ,, (p. 93). Pour Cervera, il faut passer de la légende et du mythe, qu'il associe au silence, à l'Histoire, por teuse de vérité : " Hoy ha crecido su memoria y Jo que hubo de leyenda en su trasiego por la guerra sigue alimentando el imaginario inocente de los mâs j6venes. Pero las leyendas se acaban donde empieza la historia y donde las palabras han ocu pado definitivamente los laberintos obscenos del silencio. ,, (Maquis, p. 1 7 1) .
Angel dans Luna de lobas incarne cette dualité mythe-histoire e t se voit , du el : héros et victime. A la fin du roman, seul survivant du groupe, il médite en � bser:ant le passage du cercueil de son père. L'introspection de Ângel révèle 1 ambiValence du personnage née de la distance qui s 'est créée après dix ans P �ssés dans le maquis, entre l'image du personnage, devenu une légende popu laire, et sa réalité intérieure, celle d'un homme vaincu. Le personnage, anti-
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héros, est devenu un mythe, comme le traduisent le vocabulaire laudatif utilisé et le traitement hyperbolique : « Brota la lluvia con fuerza repentina mientras el carro con el féretro se pone en movimiento deJante de mi casa arrastrando tras de si un reguero de paraguas y la leyenda de ese hombre ind6mito e invisible que anoche, una vez mas, volvi6 a burlar la vigilancia de los guardias y que, sin duda, ahora les estara observando desde alguna parte. Ese hombre imaginado tantas noches, al calor de las cuadras y cocinas, inmortal como su sombra, lejano como el viento ' valiente, astuto, inteligente, invencible. Ese hombre al que el espejo de la lluvia en la montana, devuelve sin embargo la memoria de lo que siempre ha sido: u hombre perseguido y solitario. Un hombre acorralado. » (p. 1 36).
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tes vainqueurs 72 . Opposant l'historicisme qui fixe une histoire officielle et qu'il j u ge périmé au matérialisme historique qu'il défend, Benjamin disait dans sa Th èse VII dans Sur le concept d'Histoire : « À qui précisément l'historiciste s'identifie par empathie [ ? ] . On devra inévitablement répondre : au vainqueur. Or ceux qui règnent à un moment donné sont les héritiers de tous les vainqueurs du passé. L'identification au vainqueur bénéficie donc toujours aux maîtres. " (p. 432).
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Dans Maquis, le maître d'école, Pastor Vâzquez, fait la réflexion suivante, qui emble un écho aux idées de Benjamin : s
Angel confronte l'image héroïque qu'ont de lui les gens du village (« la leyenda de ese hombre ind6mito [ . . . ] inmortal 11) à ce qu'il est : « un hombre perseguido y solitario. Un hombre acorralado 11. L'antithèse exprime parfaite ment cette dualité et la distanciation, grâce à l'emploi de la troisième personne du singulier pour parler de lui-même, avec le syntagme « ese hombre 11, répété trois fois, qui rappelle le martyre de « ecce homo 11, et le symbole du miroir (« el espejo de la lluvia 11) , soit mirage, soit révélateur de la vérité. Le miroir consti tue un seuil, décrit par Philippe Hamon 70. Pourtant, le roman offre une mythifi cation complexe et multiple qui concerne non seulement les personnages et la nature mais aussi la mémoire et l'Histoire, comme l'écrit Santos Alonso :
" En la memoria de la gente solo quedan las guerras ganadas por los vencedores, las otras se olvidan porque las victorias oscurecen la indignidad de la derrota y al final siempre habra una suplantaci6n de la verdad escrita por los cronistas del olvido. No quedaremos nadie en esa historia. 11 (p. 1 56).
Dans La voz dormida, c'est Tomasa, une femme militante et peu instruite, qui l'exprime, par le biais d'une narration faite en style indirect libre et avec une focalisation interne : « Tomasa sostiene que la guerra no ha terminado, que la paz consen tida por Negrin es una ofensa a los que continuan en la Jucha. Ella se niega a aceptar que los tres anos de guerra comienzan a formar parte de la Historia. No. Sus muertos no forman parte de la Historia. Ni ella ha sido condenada a muerte ni le ha sido conmutada la pena, para la Historia. Ella no va a dar treinta anos d su vida para la Historia. Ni un solo dia, ni un solo muerto para la Historia. [ . . . ] ni una sola puntada para redimir pena colaborando con los que ya quieren escribir la Historia. " (p. 32).
« Mitificar la memoria hist6rica y los relatos escuchados durante su infancia. [ . . . ] un canto épico a la memoria colectiva de muchos pueblos de Es pana [ . . . ] ademas de mitificar de modo romantico a unos personajes que se niegan a aceptar la dictadura y a doblegar su libertad, mitifica también la tierra y el espacio en que se mueven, la montana, que en la novela se revela también como una tierra mitica, fantastica y misteriosa 11. "
La mémoire des combattants pour la démocratie est défendue dans les trois romans qui leur rendent hommage, considérant qu ' ils sont à la source de la démocratie mise en place avec la Transition. La mythification, rendue par la récurrence lexicale des mots « leyenda, mita, memoria 11 ou encore par l'exergue de Maquis qui fait du roman le lieu de « la memoria 11 (<< Esta es una novela. Otra casa, quizâ, la memoria que inspira los hechos narrados en sus paginas 11, p. 7), est indissociable du fait historique évoqué. Ainsi, les romans étudiés sont des récits métahistoriques, des réflexions sur l'histoire, sur l'histo riographie et sur la représentativité des « humbles 11, ils illustrent ainsi la thèse du philosophe Walter Benjamin selon laquelle l'histoire est toujours écrite par 70 �hilippe HAMON, " Un discours contraint Editions du Seuil, 1 982, p. 1 1 9-1 8 1 . 7 1 Santos ALONSO, op. cit. , p. 1 58.
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Mais Walter Benjamin montre aussi que l'Histoire se voit, se pense et s'écrit depuis le présent, comme il le dit dans sa Thèse VII dans Sur le concept d'Histoire : « L'histoire est l'objet d'une construction dont le lieu n'est pas le temps homogène et vide, mais le temps saturé d'"à-présent" [ . . . ] . un présent qui n'est point passage, mais arrêt et blocage du temps " [ . . . ]. L'historicisme compose l'image "éternelle" du passé, le matérialisme historique dépeint l'expérience unique de la rencontre avec ce passé. 11 (p. 439-441).
Il rejoint là l'idée de Benedetto Croce ( 1 866-1 952) pour qui dans son essai Teoria e storia della storiografia (19 1 7) : " L'Histoire ne peut être que contempo raine », comme d'ailleurs Jacques Le Goff pour qui : « le passé est une construc-
GENETTE et al. , Littérature et réalité, Paris,
72
1 56
Walter BENJAMIN, Œuvres Ill, Paris, Gallimard, 2000, p. 432. Voir " Sur le concept d'Histoire , (1940) ' p. 427-443, en particulier la Thèse VII, p. 43 1-433.
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tion et une réinterprétation constante 73 ». De fait, les trois romans prennent la perspective temporelle d ' un « aujourd ' hui » par rapport à la date de l ' actio n intratextuelle. Cet « aujourd ' hui ff renvoie d ' une part au temps de l ' énonciatio n principale interne faite par le narrateur (respectivement 1 946, 1 982, 1 963) mai s aussi « auctoriale » (1 985, 1 997, 2002), pour parler du passé. Ainsi ils expriment la mémoire qui, pour reprendre les termes de Saint Augustin, est << le passé dans le présent » . Au fil d e notre travail, nous avons montré le processus d'historicisation et de mythification mis en œuvre dans les trois romans étudiés, analysé la thé matique et la forte présence du matériau historique et mis en évidence les nombreuses homologies entre les trois romans, dans le traitement thématique, dans la construction des personnages, dans des scènes analogues. On peut observer que plusieurs scènes peuvent être considérées comme des embryons de scènes dans les romans suivants qui développent ces noyaux narratifs. On a vu l ' importance symbolique de la figure de l ' instituteur ou du passeur de connaissance, présente dans les trois romans. Dans Luna de lobas, Angel, seul représentant de l ' instituteur, est le maître-soldat. La figure est déclinée dans Maquis en trois types : le moral, le militant républicain et le fasciste, incar nés respectivement par don Recalde, Pastor Vâzquez et don Abelardo. Leur responsabilité dans la mort de représentants du pouvoir est aussi parallèle. Dans Luna de lobas, Angel a tué don Pedro, le secrétaire de mairie, et Ramiro est accusé d ' avoir tué un curé et dans Maquis, les guérilléros tuent l ' instituteur don Abelardo lors d ' une représentation théâtrale de Don Juan Tenorio tandis que l ' instituteur Pastor Vâzquez est accusé d ' avoir tué un curé et un maire. Quelques scènes semblent se répondre, par exemple celle de la << cantina », où est assassiné le secrétaire de mairie dans Luna de lobas (p. 69-7 1), qui donne une variante dans Maquis, où dans le café de la Agricola, El Vatios menace Bustamante (p. 25-26) ou encore la situation similaire que vivent les fuyards : le motif de la fuite du guérilléro blessé au travers d ' une nature hostile est com mun à Luna de labos (Angel, p. 140- 1 4 1) et à Maquis (Sebastian, p. 158-1 59). L' hommage rendu aux femmes et aux mères, la reconnaissance du sort réservé aux femmes de maquisards, le rôle de la famille, du village et de la com munauté et la répression (les corps des morts exposés) sont communs. D ' autres thèmes encore, comme la mort, la peur, le silence, la solitude, le froid, l'enfer mement, la présence de la nature et des animaux, ou la terminologie employée pour désigner les guérilléros (« maquis, los del monte, los huidos ») sont autant de points communs qui définissent une parenté entre les trois romans étudiés. Notre analyse a mis en lumière la signification de l ' œuvre littéraire dans la connaissance de l ' histoire d ' une société, suivant ainsi les idées exposées par l ' historien Jacques Le Goff, à propos de l ' histoire totale qui doit s ' appuyer sur les productions de l ' imaginaire. Il recommande :
73 Jacques LE
GOFF, Histoire et mémoire (1977), Paris, Gallimard, 1988, p. 1 89. 1 58
<< La prise en considération de tous les documents légués par les socié tés : le document littéraire, le document artistique doivent notamment être inté grés dans leur explication, sans que la spécificité de ces documents et des visées humaines dont ils sont le produit soit méconnue. C'est dire qu'une dimension - essentielle - qui manque encore en grande partie à l'histoire est celle de l'ima ginaire, cette part du rêve qui, si on en démêle bien les rapports complexes avec les autres réalités historiques, nous introduit si loin au cœur des sociétés 74 . ,
74 Jacques LE p. 64.
GOFF, " L'histoire
nouvelle
n,
in La nouvelle histoire, Bruxelles, Éd. Complexes, 2006,
1 59
Conclusion
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Il est temps de conclure notre étude et de proposer une interprétation his tori que, politique et littéraire de l'essor du roman de la mémoire de la guérilla, dans l'Espagne de la démocratie. Les trois romans Luna de lobos, Maquis et La voz dormida, représentatifs de cette production qui compte une trentaine de titres, publiés respectivement en 1 985, 1 99 7 et 2002, se situent clairement dans ,, l'après '' Transition, au sens politique et institutionnel. À la croisée du référen ti el et du fictionnel, avec un objectif éthique, mémoriel et politique, ils mettent en valeur un phénomène moins connu du Franquisme et jusqu'alors peu traité : la guérilla antifranquiste et le rôle des femmes dans la résistance. Si le phéno mène fut caché j usqu'en 1 975 par la répression et la dissimulation franquistes, qui appelaient les guérilléros " bandoleros, forajidos, huidos )), les considérant comme des terroristes ou des bandits dans les faits divers des journaux, la mémoire de la guérilla fut escamotée ensuite par la Transition ( 1 975-1 982) qui a fonctionné sur un pacte d'oubli, de silence, nécessaire alors à la coexistence pacifique des anciens adversaires. À partir des années quatre-vingt-dix, avec la disparition des derniers acteurs de la résistance mais aussi avec l'émergence de la génération dite des " nietos '' de la Guerre civile ou de la république qui voient que la légitimité de la démocratie espagnole actuelle vient du combat républicain et des combattants du Franquisme et non de la seule Transition, apparaît la revendication de cette mémoire . Les romans mémoriels travaillent à la fin du silence sur la mémoire des vain cus et en cela, ils écrivent l'histoire des perdants, comme le souhaitait Walter Benjamin et ils " parlent au nom des morts '' Ü' même les morts ne sont pas à l'abri des vainqueurs 11 , Thèse VI). Ces récits réalistes, basés sur la recherche documentaire et les témoignages, sont des récits métahistoriques, complémen taires de l'historiographie, qui comblent les manques historiographiques, voire les suppléent au risque de supplanter l'histoire. Ce qu'ont compris les histo riens qui depuis quelques années se sont intéressés à la mémoire historique après avoir décrié l'expression même, pourtant issue de Maurice Halbwachs (1950). Nés en réaction aux carences ou aux orientations idéologiques de l'en seignement de l'histoire et aux revendications sociales et politiques, ils ont été d éterminants dans le débat qui a amené la loi sur la mémoire historique de 2007, comme le dit si bien Alfons Cervera :
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" Si hay algo que me !lena de orgullo es eso : haber colaborado, des cte esa mezel a de realidad y de ficci6n [ . . . ] , en la recuperaci6n de ese pedazo de memoria imprescindible, de dignidad necesaria, que es la guerrilla antifascista 1 . ,
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La revendication de la lutte armée et de l'action résistante de l ' intérieur anti franquistes, et la mythification opérée sur l'image du guérilléro, vient contreb a lancer le cliché selon lequel seule la résistance était active à l'étranger ou en ca drée politiquement, notamment par le Parti Communiste Espagnol. D'abord immédiate et spontanée dans Luna de lobas, dans Maquis, on voit le passage de la lutte armée de l'intérieur, à la lutte depuis l'exil : « ya estaba fuera de lugar resistir a la desesperada y habîa que luchar contra Franco des de los despachos mâs o menas lujosos del exilio » (p. 1 56) et dans La voz dormida, la guérilla est plus politisée, encadrée par des tentatives d'organisation, par le PCE essen tiellement, et met en relief le rôle des femmes. Peu de jugement critique est exprimé contre le PCE qui, pour certains, aurait abandonné les guérilléros à leur sort, comme le dit José Marîa lzquierdo 2 . Les auteurs, dont l'implication personnelle dans la récupération de la mémoire historique est connue, à travers leurs prises de position ou leur par ticipation aux journées de la ARMH, notamment, revendiquent à travers les personnages de Angel, Sebastian, Hortensia, Paulina, etc., pour les acteurs his toriques et pour les survivants, le statut de combattants pour la démocratie et non de << terroristes », comme les qualifiait la « Ley sobre represi6n de los delitas de bandidaje y terrorismo » de 1 947. La loi de 2001 qui leur reconnaît ce statut et la loi de 2007 sur la mémoire historique ont mis fin à l'oubli. L'expression littéraire de la guérilla se fait par une textualité, une littérarité, au service de l'objectif éthique et mémoriel, et une poétique de la guérilla est à l'œuvre dans les trois romans étudiés. Mêlant réalisme et mythification, le roman de la mémoire joue du genre historique et de l'entrecroisement du dis cours factuel et du discours fictionnel. L'ethos est suppléé par le pathos, par l'affectif, dans les trois romans où il y a incarnation par des parcours indivi duels des idées politiques. La diversité des instances narratives , depuis le nar rateur autobiographique de Luna de lobas, la polyphonie dans Maquis, basée sur l'enchâssement de la partie « De los nombres y las voces >> dans la narration faite par le narrateur cadre homodiégétique, Angel Fombuena, à la polyphonie totale de La voz dormida où beaucoup de dialogues sont insérés dans une nar ration omnisciente, met en relief le rôle individuel et collectif des acteurs de la guérilla. Il y a mythification et hommage, mais les personnages sont héros et victimes, et si l'oxymore nous est permis, nous dirons qu'une « épopée des vaincus » est mise en récit. La longue durée de la lutte est bien rendue par les trois romans dont la diégèse couvre la période de 1 937 à 1 963 et qui ont pour point de recouvrement les années 1 940- 1 946, c'est-à-dire l'apogée du mouve ment guérilléro. 1 2
Alfons CERVERA, in Marie-Claude CHAPUT et al. , 2004, op. cit. , p. 1 60. . José Maria IZQUIERDO, " Maquis : Guerrilla antifranquista. Un tema en la literatura de la memona espanola Romansk Forum, n' 16, 2002, p. 105-1 16. "•
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CONCLUSION
L' écriture de l'histoire de la résistance au Franquisme, et plus précisément la de mémoire de la guérilla, qui selon nous constitue un genre littéraire depuis Ja fin de la Transition, développe à partir d'une même thématique, une poétique fondée sur l' entrecroisement de l'histoire et de la fiction, une écriture poétique, faite d' images, de métaphores, d'une mélopée, de réitération, et d'un pathos omniprésent. Une même axiologie, une éthique (valeurs humaines), un enga gement traversent les trois romans. Au bilan, ces romans mémoriels sont des l i eux de mémoire, des traces symboliques, plus encore ce sont des lieux sym b oliques de sépulture pour les " morts rémanents », pour reprendre l'expres sion de Daniel Arroyo dans « La muerte suspendida 3 ». Si des voix réclament la reconnaissance de ces combattants par des commémorations orales ou phy siques, par l'apposition de plaques ou de noms de rue, en hommage aux morts pour la démocratie, les romans remplissent à leur manière ce rôle. Le fait qu'ils c ommencent par une sorte d'épitaphe (« A los que se vieron obligados a guar dar silencio », La voz dormida) et se terminent par la liste des noms des témoins (Maquis, La voz dormida) , évoque sans nul doute, une plaque commémorative, voire une pierre tombale. Ces romans rendent leur sépulture aux disparus et permettent le travail de deuil des héritiers, biologiques ou spirituels. Les trois romanciers recherchent les sources, les fondements humains et moraux de la démocratie actuelle espagnole, et rendent hommage aux « vic times » qui en furent les promoteurs. Se comportant en historiens, en détec tives, en journalistes, en enquêteurs, mais surtout en écrivains engagés, les auteurs donnent la procédure suivie dans leur écriture : ils ont recueilli des témoignages et leurs narrateurs et personnages produisent des formes de témoignages diégétisés. La transposition littéraire montre comment peut se faire la transmission du passé, de la mémoire historique, et établit des ponts avec les diverses orientations de l'histoire actuelle, histoire orale, microhis toire, intrahistoire, histoire du temps présent, en analysant le rapport au témoi gnage et au témoin « digne de foi », qui a vu ou entendu et raconte : Angel de Luna de /obos et Angel de Maquis, Pepita de La voz dormida. Ces romans sont à leur tour une trace et un témoignage littéraires qui prolongent l'Histoire et la fixent. En cela, ils suivent les critères édictés par Paul Ricoeur : " La fiction se met au service de l'inoubliable. [ . . . ] Mais il y a peut-être des crimes qu'il ne faut pas oublier, des victimes dont la souffrance crie moins vengeance que récit 4 . "
3 Daniel ARROYO, " La muerte suspendida Tiresias, 2, avril 2008, university of Michigan, (http:// www.lsa.umich.edu/rll/tiresias/index.html). 4 Paul RICOEUR, Temps et récit 3. Le temps raconté, op. cit. , p. 342. "·
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Articles, conférences, interviews de Du/ce Chac6n
CHAC6N, Dulce, << La reconciliaciôn real de la guerra civil aun no ha llegado ,, entretien avec Santiago VELAzQUEZ JoRDAN, Espéculo. Revista de estudios litera rios, Universidad Complutense, Madrid, no 22, 2002. CHAC6N, Dulce, « La memoria >>, Residencia de estudiantes, 2002. CHAC6N, Dulce, << La construcciôn de un suefio >>, lecciôn magistral, Universidad Europea de Madrid, 20/6/2003. CHAC6N, Dulce, << Lo peor de la tiranfa del silencio es que se haga cos tumbre ,, entretien avec Nuria AzANCOT, El cultural, 10/10/2002. << Entrevista con Antonio J. Domfnguez >>, http://www.rebelion.org, 23 mars 2003. << Entrevista de Luis Garda >> : http://www. literaturas.com/05EspecialMaxAu bDulceChaconAbril2003.htm, avril 2003. CHACÙN, Dulce, << La mujer y la construcciôn del olvido >>, in Emilio SILVA BARRERA (Coord.), La memoria de los olvidados, Ambito, 2004, p. 75-78. Ouvrages sur les femmes et sur les prisons
BARRACHINA, Marie-Aline, BUSSY GENEVOIS, Danièle et YUSTA RODRIGO Mercedes, Femmes et démocratie. Les Espagnoles dans l 'espace public (1868� _ 1978), Paris, Editions du temps, 2007. BARRACHINA, Marie-Aline, Femmes et démocratie. Les Espagnoles dans l'es pace public (1868-1978), Paris, Sedes, 2007. CANIL, Ana R., La mujer del maquis, Madrid, Espas a Calpe, 2008. CUEVAS GUTIÉRREZ, Tomasa, Carcel de m ujeres (1939-1945), Barcelone, Sirocco, 1 985. DI FEBO, Giuliana, Resistencia y movimiento de mujeres en Espafia (19361976), Barcelone, Icaria, 1 979. HERNÂNDEZ HOLGADO, Fernando, Mujeres encarceladas. La prisi6n de Ventas : de la Reptlblica al franquismo, Madrid, Marcial Pons, 2003. ROMERA CASTILLO, José, << La memoria histôrica de algunas mujeres antifran quistas >>, Anales de literatura espafiola, 2 1 , 2009, p. 1 75- 188. ROMEU ALFARO, Fernanda, El silencio roto. Mujeres contra el franquismo (1994), Madrid, El viejo topo, 2002 (rééd. 2005). SERRANO, Rodolfo et SERRANO, Daniel, Toda Espafia era una carcel, Madrid, Santillana, 2002.
1 73
OUBLI ET MÉMOIRE
Articles sur La voz dormida
CARCELEN, Jean-François, « Genèse d'un mythe : Treize Roses pour l'éter nité », in Francisco CAMPUZANO, Figures de La mythification dans L 'Espagne du xxe siècle, Montpellier, ETILAL, 2007, no 4, p. 1 6 1-185. DIAZ, Elvire, « Dulce Chac6n : imagen y voz de la resistencia femenina » , in Natalie NOYARET, La narrativa espafwla de hoy (2000-2010), Peter Lang, Collection LEIA/Liminaires, à paraître. GOMEZ L6PEZ QUINONES, Antonio, « La voz dormida : el personaje camo utopla polltica y literaria », in La guerra persistente. Memoria, violencia, utopfa, Vervuert, 2006, p. 203-2 1 7. PAOLI Anne « Dulce Chac6n, La voz dormida : contre l'oubli, le legs de la ' parole », in La uerre d'Espagne en héritage, Danielle CORRADO (Éd.), Clermont Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007, p. 475-495. TORRES, Félix, « Les soldats de Salamine, La voix endorm ie, deux romans au miroir de la mémoire espagnole contemporaine de la guerre civile », in La guerre d 'Espagne en héritage, Danielle CORRADO (Éd.), Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007, p. 497-5 1 7. TORRES, Mara, Sin ti: cuatro miradas desde La ausencia, Madrid, Aguilar, 2006 .
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C hronologie et lois i m portantes jusqu'à la loi dite de «
Me moria hist6rica
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1 936- 1 939 : G U ERRE CIVILE
1 7 au 1 9 juillet 1 936 : des groupes de guérilléros (les « huidos 11) se forment dans les zones sous domination de l'armée soulevée, en Galice et dans le Léon essentiellement. 2 1 octobre 1937 : chute de Gij6n, le front du nord disparaît et le nombre des « huidos 11 augmente dans la zone cantabrique. Janvier-février 1 939 : chute de la Catalogne, environ 500000 exilés républicains traversent la frontière et sont internés dans des camps de réfugiés où les divers partis et syndicats se réorganisent pour poursuivre le combat contre Franco. 1 939- 1 975 : FRAN Q U ISM E
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Juillet 1 939 : les premiers groupes de résistance armée, organisés depuis les camps de réfugiés français par l'anarchiste aragonais, Francisco Ponzân, arri vent à Barcelone. 1 er septembre 1 939 : début de la Deuxième guerre mondiale. Été 1 940 : la CNT organise le premier attentat contre Franco. 7 novembre 1 942 : le PCE crée à Toulouse l'Union Nacional Espafwla (UNE) . Des groupes de guérilla participent à la résistance française contre l'Allemagne et prennent le nom de XIV Cuerpo de Guerrilleros del Ejército Republicano. 29 mars 1 943 : neuf militants anarchistes, dont Joaquim Pallarés, qui avaient constitué un groupe de résistance armée, sont exécutés à la prison Modela de Barcelone. Mai 1 944 : le PCE forme la Agrupacion de Guerrilleros Espaiioles de la UNE. 25 août 1 944 : des guérilléros espagnols, qui avaient combattu avec la Résistance française, participent à la libération de Paris. La Agrupacion de Guerrilleros Espaiioles est reconnue par les Forces Françaises de l'Intérieur. Octobre 1 944 : entre 4 000 et 6 000 guérilléros communistes entrent par Roncevaux, Roncal et le Val d'Aran. Début de l'opération avortée appelée Reconquista de Espafw. Novembre 1 944 : des groupes de guérilléros agissent dans la zone du Maestrazgo, ils formeront I'Agrupacion Guerrillera de Levante y Aragon . Suivront
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OUBLI ET MËMOIRE
les Agrupaciones Guerrilleras du Centre, d'Estrémadure, d'Andalousie, de Galice et Léon et d'Asturies-Santander, sous contrôle communiste. 1 945 : constitution de I'Agrupaci6n de Fuerzas Armadas de la Repliblica Espaiiola (AFARE) qui a pour but de coordonner le mouvement guérilléro. Le PSUC crée I'Agrupaci6n Guerrillera de Catalogne. Octobre 1 945 : Quico Sabaté arrive à Barcelone avec le premier groupe d'action. Février 1 946 : le militant communiste, Cristina Garcia, ancien membre de la Résistance française, et 9 autres guérilléros sont exécutés. La France ferme ses frontières avec l'Espagne. Quatre militants du PSUC qui appartenaient à la Première Brigade de Guérilléros del Llano sont fusillés. 1 947-1 950 : le triennat de la terreur, période d'intensification de la répression franquiste contre la guérilla. En Galice, 600 guérilléros sont arrêtés. 1 1 avril 1 947 : décret interdisant l es termes « guerrilla, maquis >> remplacés par « bandolero, forajido . . . " 1 8 avril 1 94 7 : le décret-loi, << Represi6n de los delitas de Bandidaje y Terrorismo " · Juillet 1 948 : Josep Llufs Facerfas arrive en Catalogne avec son groupe guérilléro . Septembre : 50 guérilléros abandonnent les Asturies. Octobre : le PCE abandonne progressivement le mouvement guérilléro. 1 949 : intensification des actions respectives des groupes résistants (Sabaté, Facerfas) et du régime. Février : 4 dirigeants du PSUC, liés à I'Exércit Guerriller de Catalunya, sont fusillés. Novembre : à Santa Cruz de Moya, meurent 12 guérilléros de la AGLA dans un combat contre la Garde Civile. 1 952 : le PCE ordonne l'évacuation des guérilléros. Mars : mort de 5 guérilléros anarchistes à Barcelone. 1 955 : Qui co Sabaté constitue les Grupos Anarcosindicalistas et se déplace vers Barcelone. Septembre 1 95 7 : mort à Barcelone de Facerias. Janvier 1 960 : mort de Sabaté. Avril 1963 : exécution à Madrid de Julian Grimau, dirigeant du PCE. Août 1 963 : mort de << Caraquemada " • dernier guérilléro en activité en Catalogne. Exécution des militants anarchistes, Joaquin Delgado et Francisco Granados. Novembre 1 963 : grâce accordée à l'occasion de l'élection du pape Paul VI. Mars 1 965 : José Castro Veiga, dit " Pilota " • guérilléro en activité depuis 1 939, tué en Galice par la Garde Civile. 31 mars 1 969 : décret-loi d'amnistie générale, pour les délits antérieurs au 1 er avril 1 939 (les << topos " sortent). 20 novembre 1 975 : mort de Franco. ·
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CHRONOLOGIE ET LOIS IMPORTANTES
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D E P U I S 1 97 5 : 25 novembre 1 9 75 : première grâce royale accordée. Amnisties : 30/7/ 1 976 ; 3/ 1977 ; 1 4/ 1 0/ 1 977 : pour tous les délits politiques commis jusqu'au 6/ 1 0/ 1 977. 1 99 1 : journée du guérillero. Ouverture de fosses communes républicaines. 1 995 : création de I'Asociaci6n de Amigos de las Brigadas Internacionales (AABQ . 2000 : création de I'Asociaci6n para la Recuperaci6n de la Memoria Hist6rica (ARMH), par Emilio Silva et Santiago Macias. 16 mai 200 1 : vote par le Congrès des Députés de la réhabilitation des gué . nlleros, leur reconnaissant le titre de " combattants pour la liberté et la démo cratie » et de « soldats de la République " 20 novembre 2002 : le Congrès des Députés vote une déclaration condam nant le soulèvement militaire du 18 juillet 1 936. �5 nove�� re 2002 : le gouvernement Aznar reconnaît officiellement la Iégiti . mite de la resistance au coup d' état franquiste. 2003 : création de l'association Faro por la memoria. 1 0 septembre 2004 : décret du gouvernement créant une << Comisi6n intermi nisterial para el estudio de la situaciôn de las victimas de la guerra civil y del franquismo ». Avril 2005 : un << proyecto no de ley » des Cortes, pour rassembler les archives de la guérilla et prendre en compte les années de clandestinité dans l'établis sement des pensions, déclare l' année 2006, Année de la mémoire historique. 1 7 novembre 2005 : Loi de création du Centra de Documentaci6n à Salamanque qui intègre l'Archiva Hist6rico de la Guerra Civil. 1 7 mars 2006 : le Conseil de l' Europe condamne le Franquisme. Année 2006 déclarée << Année de la mémoire historique ». 14 avril 2006 : célébration des 75 ans de la proclamation de la Seconde République. 28 juillet 2006 : le projet de loi << por la que se reconocen . . . » adopté par Je Conseil des ministres. Octobre 2007 : le Vatican béatifie les ecclésiastiques victimes de la Guerre civile. 7 novembre 2007 : projet de Loi << por la que se reconocen . . . » devant les Cortes (Bolet{n de las Cortes, no 99-24, 7 novembre 2007). Novembre 2007 : parution des Obras completas de Manuel Azafia coordon nées par Santos Juliâ, Madrid, CEPC, présentées le 6 novembre 20 0 7, en pré sence de José Luis Zapatero. Présentation de l' ouvrage en novembre 2007 à Paris. 27 décembre 2007 : publication de la Loi << por la que se reconocen . . . , (BOE 3 1 0, 27 décembre 2007), qui précise le Centra de Documentaci6n créé à Salamanque. ·
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ASSOCIATIO N S L I É E S À LA G U É RI LLA O U À LA R É C U P É RATI O N D E LA M É M O I R E H ISTO R I Q U E La gavilla verde, dédiée à l a résistance antifranquiste, a créé u n " Certamen literario Dulce Chac6n » , en 2004. Son site internet : http://www. lagavillaverde. org Asociaci6n para la recuperaci6n de la Memoria Hist6rica (ARMH). Son site internet : http:/jwww.memoriahistorica.org Association Faro par la memoria : http://www.foroporlamemoria.es et : http://foroporlamemoria.info.es Equipa NIZKOR, associé à Derechos Human Rights. Son site : http://www. dere chos.org/nizkor Pour suivre le dossier sur la « récupération de la mémoire », dans El Pals : http://www.elpais.com/todo-sobre/tema/Recuperacion/Memoria/Historica/202
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Œuvres de Julio Lla m a zares, d'Alfons Cervera et de Dulee Chac6n
ŒUVRES DE J U LIO LLAMAZARES (NÉ E N 1 95 5) La lentitud de los bueyes (19 79) El entierro de Genarfn (1981) Memoria de la nieve (1 982) Sélection des poèmes de Sor Juana de la Cruz, de Clara Campoamor (1984) Luna de lobas (1 985) La 1/uvia amarillo (1 988) Sendo : Pintado en Lisboa (1 990) El rfa del olvido (1 990) En Babia (1991) Julio Llamazares : memorio, poesfa, s(mbolo (1992) Mancomunidad del Curuefw, Le6n (1 993) Escenas de cine mudo (1994) Cuentos de La isla del tesoro (1 994), co-auteur El techo del munda (1 995) En mitad de ninguna parte (1 995) Nadie escucha (1 995) Retrato de baflista (1 995) Sobre la nieve : la poes(a y la prosa (1 996) Tras-6s-montes : un viaje portugués (1998) Tres historias verdaderas (1 998) Los viajeros de Madrid (1 998) Cuaderno del Duero (1 999) Préface de Mercedes Yusta, La guerra de los vencidos (1 999) Préface de Cristina Garcia Rodero, Historia de una pasi6n (2000, rééd. 2004 et 2008) El cielo de Madrid (2005) Las aguas del para(so (2006) Aragon, puertas abiertas (2006) Entre perro y labo (2008) Las rosas de piedra (2008) Versos y artigas (2009) 1 79
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Œ UVRES D'ALFON S C E RVERA ( N É E N 1 947}
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De vampiros y otros asuntos (1984) Canci6n para Chose (1 985) Fragmentas de abri! (1 985) Francia (1 986) Hyde Park blues (1 987) Nunca conoci un coraz6n tan solitario (1 987) La ciudad oscura (1 987) Bailaremos un tango hasta el amanecer (1988) lnicial (1 989) Sessi6 continua (1 989) Un jardin con peces (1 990) Abri/ (1991) Nos veremos en Paris (1 993) Els paradisos artificials (1 995) El co/or del crept1sculo (1 995) Maquis (1997) La noche inm6vil (1 999) Diario de la frontera (2000) La risa del idiota (2000) L'Home mort (200 1) Los cuerpos del delita (2002) La sombra del cielo (2003) Aquel invierno (2005) La lentitud del espla (2007) Esas vidas (2009)
AN N EXES
DOCU M E NTS 1 . Carte des zones de guérilla, in Secundino Serrano, Maquis, Ternas de hoy, 2006, p. 1 0. 2. u Decreto-ley de 1 8 de abri! de 1 947 sobre represi6n de los delitos de ban didaje y terrorismo » , BOE, 1 23, 1 947. 3. u Ley 52/2007, de 26 de diciembre por la que se reconocen y amplian dere chos y se establecen medidas en favor de quienes padecieron persecuci6n o violencia durante la guerra civil y la dictadura », BOE, 3 1 0, 2007.
TEXTES LITIÉ RAI RES 1. Francisco AYALA, u La vida por la opinion » (1 955), in La cabeza del cor dera, Madrid, Câtedra, 1 989, p. 235-243. 2. Julio LLAMAZARES, << Adi6s a Gorete �� (1 990), in En Babia, Barcelone, Seix Barral, 1 99 1 , p. 94-97.
Œ UVRES D E D U LCE CHACON ( 1 954-2003)
H O M MAG ES ET R E M E RCI E M E NTS
Contra el desprestigio de la a/tura (1 996) Algt1n a mor que no mate (1 996) Blanca vue/a manana (1 997) Segunda mano (1 998) Matadora (1 998) Hdblame musa de aquel var6n (1 998) Matar al angel (1 999) Cie/os de barro (2000) La voz dormida (2002) Cuatro gotas (2003) Poemas (2005)
1. u Dulce Chac6n, la despierta voz de la memoria », Alfons CERVERA, in M.-Claude CHAPUT et al. , Maquis y guerrillas antifranquistas. Historia y represen taciones, Regards 7, Publidix, université de Paris 1 0, 2004, p. 1 79-1 80. 2. u Cartel de aceite. Para Dulce Chac6n », Julio LLAMAZARES, Versos y artigas, Hiperi6n, 2009, p. 1 1 9. 3. u Agradecimientos � � . Alfons Cervera, Maquis (1 997), Montesinos, 2006, p. 1 73-1 74. 4. u Mi gratitud a todas las personas que me han regalado su historia », Dulce CHAC6N, La voz dormida (2002), Punto de lectura, 2006, p. 423-429.
1 80
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ANNEXES
OUBLI ET MÉMOIRE
2. « Decreta-ley de 1 8 de abri! de 1 947 sobre represi6n de los delitas de ban didaje y terrorismo >>, BOE, 1 23, 1 947.
DOC U M E NTS 1 . Carte des zones de guérilla, in Secundino Serrano, Maquis , Ternas de hoy, 2006, p. 10.
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OUBLI ET MÉMOIRE
ANNEXES
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Coroatl de -ArliUeria del DECRETO DE 24 DE ABRIL DE 1947 pot el q11• ie diapone que el Tenleo� al Alto &tado MayGr. !Jemdo de &tado Mayor doo Rafin� Beltrin. Viver .,.-c a pretar 1111 aemci01 dOn RU11rlo Beltrin Vl1at p21e a ae Arl!llm o •1 Strtic!O de lilota4o ldafor • .• DIIPDDIO que' el· Tenlornle CoroMl • ��tar aua oemcJoa al Allo Dta4o JLIIJbr, Ytl.lll.lcuatro do alltll de. mU 1141yeol.enWI eii&J'fna a Wdr14 jado en · .o\SI lo d�IIJO por el �ote Dec�lo. . . y �-
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3. « Ley 52/2007, de 26 de diciembre par la que se reconocen y amplian dere c� os y se establecen medidas en favor de quienes padecieron persecuci6n o _ durante la guerra civil y la dictadura », BOE, 3 1 0, 2007. vwlencta Jueves 27 diciembre 2007
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LEY 5212007, de 26 de diciembre, por la que se reconocen y amplian derechos y se establecen medidas en fa vor de quienes padecieron per secuci6n o violencia durante la guerra civil y fa dictadura. JUAN CARLOS 1 REY DE ESPANA
A todos los que la presente vieren y entendieren. Sabed: Que las Cortes Generales han aprobado y Yo ven go en sancionar la siguiente ley. EXPOSICION DE MOTIVOS El espiritu de reconci liaci6n y concordia, y de respeto a l pluralisme y a l a defensa pacifica de todas las ideas que gui6 l a Transici6n, nos permiti6 dotarnos d e u n � Constituci6n, la de 1978, q u e tradujo ju ridicamente esa voluntad de reencuentro de los esparïoles, articu lando u n E.s� a � o social y democrâtico de derecho c o n clara voca cJon mtegradora . . El espiritu de la Tra nsici6n da senti do al modela cons tJtUCIOnal de convivencia m8s fecu ndo que hayamos dis frutado nunca y explica las diversas medidas y derechos que se han tdo reconocJendo, desde el origen mismo de toda el periodo democralico, en favor d e las personas q u e d u rante los decenios anteriores a l a Constituci6n, � sufneron las consecuencias de la g uerra civil y del régi men dictatorial que la sucedi6. Pese a ese esfuerzo legislativo, quedan a U n in iciativas par adoptar para dar cumplida y definitiva respuesta a las emandas de esos ciu dadano s, planteadas ta nto on ol a!" b1to parlamentarlo oo.mo pdr dlsllnlas a�oclacloncs c1v1cas. Se trata de pehcio11es leglll mas v Justas, quo nuestra democrac1a, apatando de n u evo a su espîritu fun� dacional de � oncordia. y e n el marco de la Cr.mvtltucion, no pu ede derar de atender. Por eiJo mlsnw. ssla Ley allende a l o rn<�nifesUJdo por lo Co m is l 6n Cons_t ltuclonal ciel Co11greso do lor. Dlputildos quo ol 20 do !'1 0\llembre de 2002 aprob6 por u no n imi d od . no de Le y en la que el ô rga no do repra 11na Proposic1011 sent�clon de la d udadanla reh ern ba quo •nndie puede do, para utlli· senttrse le g ili m ado, como ocunio on el p ror la vlol en cl a con la fi naf i dad de lm pon er $U& co nv i ee o �es pol l Uee s v esta bl ece r regimone• tgtallt"(lrios r.ontra· nos a la tibertad y dignidad de todos los ciudadanos, lo que me �ece la condena y repulsa d e nuestra sociedad democratJcan. La presente Ley asume esta Declaracién a si co mo l a condena del franquismo contenida e n el Informe de l a Asamblea Parlamentaria del Consejo d e Europa tir mado en Paris el 1 7 de marzo de 2006 en el q u e se denun Ciaron las graves violaciones de Derechos H u m a nos cometidas en Es pana entre los anos 1939 y 1975. Es la hora, asi, de que la democracia espanola y las generaciones vivas que hoy disfrutan de e l l a h o n ren y recuperen para siempre a todos los que d i rectamente padecieron las injusticias y ag ravi os producidos, par unos u c:t �os motivas politicos o ideol6gicos o de creencias reii QIOsas, en aquellos dolorosos periodes d e nuestra his . tana . Desde lu ego, a quienes perdieron l a vida . Con el los a sus familias.También a quienes perdieron su l i bertad a i pade �e r prisiOn, deportaci6n, confiscaci6n de sus bien �s trab a) OS forzosos o internamie ntos en campos de concen � . d entro o tuera de nuestras fronteras . Ta mbién, en t�ac1on . perdieron la patria al ser empujados a un fm, a qu1enes largo, desgarrador y, en tantes casas, irreversible exilio. Y por ûltimo, a quienes en distintos momentos lucharon po la defensa de los valores democrâticos, camo los inte grantes del Cuerpo de Carabineros, los brigadistas inter-
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n_adonoles. los �ombatienles Quernlleros, ouvo rohabilita· tuc unâmmome111e so l lcl tada j'lOr el Pleno dol C
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�omooriiticas. En CSI� $B n t l do,
la Ley sienta las bases para que los podere, publiees lloven a cabo pol itica s p u b l icas dirigidas l a l co noc mlento de n u estra historia y a l fomenta de la memoria democràllca . . La presente Ley parte de la consideraci6n de que los dJvers �s a s pecto s relac1onados con la memoria persana l . . y fa m 1 l 1 a r, espec1almente c u a n d o se han vista afectados por conflictos de caracter publico, forman parte del esta tuto JundJco de l a c1udadanfa democr8tica, y camo tales son abordados en el texto. Se reconoce en este sentido un derecho individual a la memoria pers � nal y familiar d � ca da c1udadano, que encuentra su primera manifestaci6n en la Ley en el reconocimiento general que en l a misma se proclama en su articula 2. . E n efecto, en dicho pr_ecepto se hace una proclama . elon general del car8cter mjusto de todas las condenas, _ y �xpro;done� tJe violencio persona! produci sanc1ones das, por motiVas mequ1vocamen1e politicos o ideol6gi cos, dum nle la Gucrra Civil, asl como las que, por las m1smas razo n esJ tuvicron lugnr e.n l;o Dicta dura posterior. Esta d eclamc16n general, conrenlda en el articula 2 ' se C ?!'flPiementa con l a previsiOn de un procedlmlonto espe CI flco para obtener u n a Declarar.i6rt per$onal, do conte m_ d o rehab11itador y reparador, que se abro camo u n doro cho a todos los perjudicados, v que- podrfrn ejercer elias m1smos o sus fa m l l iares. En el articula 3 de la �ey se declara la ilegitimidad de los t � 1 � u n a l � s, J U rados u organes de cualquier naturaleza a d m J nlstratJva creados con vulneraciOn d e las mas ale un proceso justo, nsl men tales gam n t i ns del de r ho cor':'o la llegltlmldad de laa sanciones y condenas de o� r? cter pe rsor\â l lmpunslos por mOtivas polllloos, ldeo I
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Dictadura, en el convencimiento de q u e los ciudadanos tienen derecho a que asf sea, a q u e los sfmbolos pUbliees sean ocasi6n de encuentro y no de enfrentamiento, ofanoa o agrav lo . E l le�lslador oonsi(lera tl� justicia hacer un lloblo roco · noolmiento slnguluri;.Jdo. En pri mer luger, a l os vol u n t n rlos Integrantes de los Briga�as intor n�cionales, a los que se los per mltira acce�er a la n oclc nal idad espaiiolu sl11 nocesidad de qtJe renu110len a la quo ostentell hasto osto momonto lan. 18); y, tarY1bién, a las asocl�clonus cludada nas que se l1ayan sig r1 ilic � do en la defense de la dignidad da lns llfctimas da ln violencia politl ca a q ue se refoa ro esta Ley (art. 19). Con el fin de facilitar la recopilaciôn y el derecho de acceso a la informaciôn histôrica sobre l a Guerra Civil, la Ley refuerza el p a pel del actual Archiva General de l a Gue rra Civil Espaflola, con sede en Salamanca, integrândolo en el Centra Documentai de l a Me maria Hist6rica también con sede en la ciudad de Salamanca, y estableciendo que se l e dé traslado de toda la documentaciôn existente en arras cont.ros estatal as (artS. 20 a 22). Ln l>rosontc ley amplln la posibllldad de adqu isiciôt1 do la n·a cionel idad aspoiiola a lo s C1lntribuir a cerrar heridas todavia obiortas en (os ospai\oles y a dar salisfac elèn a los cludodnnos que sufrloron, dlrectamenfe o on la JlCrSona de sus f nrn l l i af'es , las consacuencias de la truge- dli' da. 1� Guerre C ivil o de la rerlreslôn de lo D(cwdurn. Qulere contrlbtJir a e ( lo desde el plana convancirnrcnlo de que, prafundizando de este n1adc en el espiritu dol reen cuantro y do la concardla do la Transicion. no son solo esos cludadanos los que resultan reconocidos y hon rados sine también la Democracla espaiiola en su co fjju n to. No es tarea dol lcgislador lmplontar una rlelerminnda m ..mo rla coloctivo. Pero si as deber del legislador, y co metido de la ley, reparar a las victimes, consag ra r y proteger, con el màximo v i g or normntlvo, cl dèrecho a la momorlo per som•l y familier camo exprosiôn de plona cludadanla democrâtlca, fomentar los v�lores constituc lonolc� y pro moval el conocl�n1ento y ln rerlexiiln sobasado, pura ovhar quo se repitan sltuaciones de lntole ranci11 y vlol aol6n de doret:hog huma nos camo les enton· ces vividas. Este es el compromise a l que el texto legal y sus con secuencias juridicas responden_
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Articula 1 .
Objero de la Lev.
La pr esente Ley t iene por objo1o reconocor y amplior derellhos a iavor de quieni!S padecleron Jle rsoou" clôn o violencio, por rn�ones pdl!tlcns, ideol6gicas, o da croencia roligiosa, durante la Guorra Civil y la Olctadura, prom cVe r su rer>araci6n moral y la rocuperaciOn de su memorla per son a l y familier, y adoptar m ed id&S complo montadas destinadas a suprlmir al mentos de di visio n . fomentar la enlr• l os clodadano•• todo ello con �1 rrn de ocheslon y so lid a rldad entre los dlvorsos generaoiones do oG 11nr ioles an torne ij los prlncipios, valore_s v l lllenador. constitucional es. 2. Mediante la presente Lay, come politica pûblica, se pretende el fomentQ de los valoro& y princlpios demo craticos, facilitando ol conoclmianto de los hechos y cir cunstancias acaecido� durente la Guena civil y la Dicta dura, y asegurando l a preservaci6n de los documentas relacionados con ese perfodo h i st6rico y depositados en archivas pUbliees
1.
Articula 2.
Reconocimiento general.
1. Como axproslôn de l derecho do todos l os ciudado nos u la reparaJ;ion moral y a 1 recuperaci6n de su mumorla person�l y iamlllar, se mconoce y doclora u l oarilcter rndlcalmonle Injuste d o tod•n l a !; condonas, san clone_s y cualosquiara lormas do vit'J i onci a persona! pro d ucldns por r•mnns polftlcas, ldl•ol6picas o do craoneia rellgiasû, duranto la Guerra Civil, asr como las sufridas por l as mismas aausas duranta la Dictadura. 2. Las rnzones a q�e .se rofiere el opar1ado anterior lncluysn la p nanenola, cc laboracl 6n o relnciôn con parti" dos po li tlcos, sindlcatos. organlzaciones religicse s a mill taros, m in o rl as étnicas, so<:iedades secretas, lo9las masô nlcas y grujlOS de resistencia, asi como ol CJercicio de ca•Jduct&s vlnculadas con OJll:ion&s cul tu m les, li ngüistl cas o de orientaciOn sexual. 3. Asimismo, se reconoce y declara l a injusticia que supuso el exilio de muchas esparioles durante l a Guerra Civil y la Dictadura. Articulo 3.
Declaraci6n de ilegitimidad.
Se declara la ll oglt i ln l d a rl do los tri bun a l as, jorn dos y cualesquier� cl ros arnanos penulqs o admini.-tr�tl vos qua, durnnta la l;iuerra Civil, su hubreran co nstiluido para l m pon a r, por mDtivos poi iUcos, ideolôgioos o de creenciE religiosa, tor.denas o sanciona de carâcler peTr son a l , as! como lu de sus resoluciones. 2. Por ser contrn rics a Oerecho y vulnorar las m>is elemonta les e•lgancias del deroche a un ju lci o luBlO, se declarunales u ôrganos penales o adminls1ratlvos d<�rontu la Dlctaduro contrn q e nes defondlalon la legalf dad lnsfitucional antorior, pretendieron el restablaci· miento de ur• régimon democnltlco on Espaiia o intonto· ron vlvir conforma a o pcio nes am parados par der echos y llbartndes hoy r01:onocldos par la Co nstllucion.
1.
01
Articula 4. Declaraci6n de reparaci6n y reconocimiento persona/.
1. Se reconoce el derecho a obtener u n a Declaraci6n de reparaci6n y reconocimiento persona! a quienes du rante la Gu erra Civil y la Dicta dura padecieron los efec tos de las resoluciones a q u e se refieren los articulas ante riores. Estu derecho es plenamente compatible cor1 los demâo dered1os y medidas reparadoras roconocidas en n o rnms anteriores, asi camo con el ejorcicio de las acc-io nes a que h ubierè iugar ante los trlbunoles de justicia. 2. To ndr ê dorecho a solicitar la D�claroclôn las porso nas afectadas y, en casa de que las mismas hubieran fallecido, el c6nyuge o persona ligada por analoga rela ci6n de afectividad, sus ascendientes, sus descendientes y suu <;
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ci a l a expediciôn de l a Declaraciôn. A tai fin, podran apor tar toda la documentaclôn que sobre los hechos o el procedimiento ob re en su po der, a si coma todos aquellos a ntecedentes que se consideren oportunos. 5. La OeclarBoiôn a que se reliere esta Ley sera com patible con cue i Q LIIor otra !6rmula de reparaci6n pravista en el o rden a m ie n to urldfco y no constituira titulo para el reconocimiento de responsabilidad patrimonial del Estado ni de cualquier Admln lstraci6n Pùblica, ni dara lugar a efecto, reparaci6n o indemn izaci6n de indole eco nôrnica o profesional . El Mlnlsterio de Justicia denegara l a expedicion de la Declaraciôn cuando n o se ajuste a lo dispu esto en esta Ley.
decimoctava de la Ley 4/1990, de 29 de junie, de Presu" pu estos Generales del Esta do para el a no 1990, que que" dan redactados coma si gue: « U no. Ouiencs ncradlten haber sufrido priva ci6n de libertad erl estqblecimisntos enite. nciarios p o en Batail one� Olsclpllnerlos, n cu a lqu ier� de sus moda lidades, dtJrtJnle tres o mris Anos. corno conse cuencia de los su puestos contemplados e n la Ley 46/1977. de 15 de octubre, y tuvieran cumplida la edad de sesenta anos en 31 de diciembre de 1990, tendr8n derecho a percibir por una sola vez u n a indemnizaci6n de acuerdo con l a siguiente esca l a :
/
Tres o m a s a n o s de prisiôn: 6.010,12 €. Par cada tres anos completas adicionales: 1.202,02 €.
Artic u l a 5. Mejora de las prestaciones reconocidas por la Ley 511979, de 18 de septiembre, de reconacimiento de pensiones, asistencia médico-farmacéutica y asis tencia social a fa vor de las viudas, hijos v demàs fami" liares de los espafloles fallecidos camo consecuencia o con ocasi6n de la pasada Guerra CivîJ.
Dos. Si el causante del derecho a esta indemnizaciôn h ubiese fallecido, y en 3 1 do diciembre de 1990 hubiera podldo tener cumplidos sesenta anos de ed od tendra derecho a la misma e l cônyuge supérstite, que sea pensionista de viudedad par tai causa o que, a u n n o teniendo esta condici6n, acre dite ser c6nyuge viudo del causante.))
t. Con el fin de completar la accién protectora esta blecida por la Ley 5/1979, de 18 de septiembre, de recono cimiento de pension es, asistencia médico-farmacéutica y asistencia social a favor de las vludas, hijos y damas fa mi" l i a res de los espaiioles fallecldos camo consacuancia o con ocasi6n de la pasada Guerra Civil, se modifican las letras a ) y c) del nùmero 2 de su articula primera, que quedan redactadas co mo sigue:
2. Se ai\ aden un apartado dos bis y un apartado siete a l a Disposiclôn adicional decimoctava de la Ley 4/1990, de 29 de j u n i o de Presupu estos del Estado con la siguiente redacci6n:
«Dos bis. U n a indemnizaciôn de 9.6 1 6 , 1 8 € se reconocerâ a l c6nyuge supêrstite de quien, h abiendo sufrido privaci6n de l ibertad por tiempo inferior a tres anos co mo consecuencia de los supu estos con templados en la Ley 4611977. de 15 de octubre, h u b iese sida condenado par allos a pen a de mue rte efectivamente ejecutada y no hay a vista reconocida en su favor, por esta circunstancia, p ensiOn o indem nizaciôn con cargo a a l g u n o de los sistemas pûbli cos de protecci6n social.))
�Ca) Par heridas, enfermedad o lesiOn acciden tai originadas co mo consecuencia de la gue rra.
c) Coma consecuencia de actuaclones u opl nianes politicas y sind ica les, cuando pueda es1abla cerse asimismo u n a relaciôn de causa l ldad persona! y di recta entre la Gue rra Civil y el falleclmiento.•
2. Las pensiones que se reconozcan al amparo de l o dispuesto en el apartado anterior tendran efectos eco nô micas desde el primer dia del mes siguiente a l a fecha de entrada en vigor de la presente Ley, siendo de aplicaciôn, e n s u caso, las normas que regulan l a caducidad de efec tos en el Régimen de Cl ases Pasivas del Estado. Articula 6. fandad.
((Siete. Ouienes se consideren con derecho a los beneficias establecidos en los apartados u n o y dos anteriores, ya sean los pro pi os causantes o sus cônyuges su pérstites o pension istas de vludedad por tai causa, deberân solicitarlos expresamente ante la cita da Direcciôn General de Costes de Perso na! y Pensiones Pûbllcas ...
Importe de determinadas pensiones de or
1, La cuantia de las pensiones de orfandad en favor de h u é rfanos no incapacitados mayores de veintiUn a rios causadas por persona! no funcionarlo al amparo de las Leves 5/1979, de 1 8 de septiembre, y 35/1980, de 26 de junio, se establece en 132,86 euros mensuales. 2. A las pensiones de orfandad a que se refiere e l presente articula l e s sera de aplicaci6n el sistema de com pl ementos econômicos vigentes y experimentarân las revalorizaciones q u e establezcan las Leyes de Presupues" tos Generales del Estado para cada aiio. 3. Lo dis puesto en los dos a p a rtados anteriores ten" drâ efectivldad econômica desde el primer dia del mes siguiente a l a lecha de entrada en vigor de la presente Ley, sin perjuicio de las normas que sobre caducidad de efec" tos rigan an el Régimen de Clases Pasivas del Estado. Articula 7. Modificaci6n del ambito de aplicaci6n de las indemnizaciones a favor de quienes sufrieron prisi6n camo consecuencia de los supuestos contemplados en la Lev 4611977, de 15 de octubre, de Amnistia.
1. Con el fin de incorporar supu estos en su dia excluidos de l a concesi6n de indemnizaciones por tiem pos de estancia en prisi6n durante l a Dictadura, se modi fican los apartados u n o y dos de la disposiciôn adicional
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Articula 8. Tributaci6n en el lmpuesto sobre la Renta de las Personas Ffsicas de las indemnizaciones a favar de quienes sufrieron privaci6n de libertad camo conse cuencia de los supuestos contemplados en la Lev 4611977, de 15 de octubre, de Amnistia. Con efectos desde el 1 de enero de 2005, se a ii ade un a nueva letra u) al articula 7 del texto refundldo de la Ley del lmpuesto sobre la Renta de las Personas Fisicas, apre bada por el Real Decreta Legislative 3/2004, de 5 de marzo, q u e quedarâ redactada de la siguiente m a nera: ecu) Las indemnizaciones previstas en la legis laci6n del Estado y de las Comunidades Autônomas para compenser l a privaciôn de li bertad en estable cimie ntos penitencia rios camo consecuencia de los supuestos contemplados en l a Ley 46/1977, de 15 de octubre, de Amnistia.11 Articula 9. Avudas para compensar la carga tributaria de las indemnizaciones percibidas desde el 1 de enero de 1999 par privaci6n de libertad como consecuen cia de los supuestos contemplados en la Lev 46/1977, de 15 de octubre, de Amnistia.
1. Las personas que hubleran percibido desde el 1 de enera de 1999 hasta la lecha de entrada en vigor de la
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prnsente Lay las l nd emnlzecl onêS p1'evista• en la l eg isla · elon del Estodo v de las Comu ni d a des Aut6nomas para co.m po nso r la privaci6n de llbortlld e n establocl lnientos penlmnci a rlos oomo consecuenclo do lo� supuestos con· templados en la Ley 46/1977, de 1 6 d a octul;>re, till Am ni$· tl a, podrlm so l icitar, en la forma y p l a tos qtJo se cfeterml· non, c l nbono d o une eyu
E n atenciôn a tes cl i'Cunst�n cias exca pcionaJes que concurrieron en su m�e11e, se reconoee el derecho a u n a indemnizaciàn, por una cuaJ\t[a do 136.000 €, a los beneficiarios de q u i enes fallecierpn dwente el periodo comprendido entre el 1 de enero de 1968 y el G de ocLubm de 1977, en defensa y reivindh::acl6n de las libert.ades V derechos democrâticos. 2. Serân beneficia rios de la indemnizaci 6 n a que se tc flere el apa rtado primero de este articule los hijos v cl . cànyuge do lo perso na fallc�lda, si no ostuv1ere separad!l legal mente ni on proceso do separaolon o nu l ldad main· montai ' o la person a que hubiere venido oonviviondo con olle do rorma permanente oon ami loge re l ac lon do alecll· vlda
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Articula 11. Colaboracion de las Administraciones pùbli cas con los particulares para la localizaci6n e identifi caci6n de vîctimas.
1. Las Admln fstr.aclonoG publlcos, en el m a rco de sus com petoncias. (acllitanin c los desqendiontos dlrectos de las vlollrnas que e•l lo sol l.clmn las acllvldl,ldes de l n daga· cl6n, locallzncl6n e identlficuci6n de la& per�onas dll!ioPo· rooldas violentamen1o d u ronte l a Guorro C vl l o l
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Articula 1 2 . Medidas para la identificaci6n V localizacion de vfctimas.
1. El Gobiarrio, M �olaboraciàn con Iodas las Ad mi· nistraciones püblic�s. elaborara u n protocole de actua
clon c l antlnca y m u ltldisolp l i n a r que asegure la cola bora· _ elOn f n s-tit1Jcional y u n a adecuada mtervenc1on en las e•humaolonos. Asi mlsmo, celebrarâ los oportunos con· venlos d e aQiaboraciÜ'M para s u bvencionar a las entidades sociales quo particip.en en l o s tr�bajos. , • . 2. Las Admin lstroclones pu bl ions elaboraran Y pon· drlin a disposidôn do todos los intoresados, deniro de su respective âmbllo lcrritorial, ma pas on los 1 ue co n Sien los terronos en que se loetllicen los rostos de as per$Qnas a que so re·fiere el artiovlo a nte rior, incluyando Ioda la lnfor· maciôn compl.omontarla disponible sobre los mlsmos. El Goblerno determinarâ el procadimionto y confac· oionarâ un mapa inteQrado qve comprondn totlo ,el terri· 1nrio espanol, que serà aocosible para todo& los mudada· non lnt
\
Articula 13. Autorizaciones administrativas para activi dades de focalizaci6n e identificaci6n.
1 Las Adml nlstr >tclonos pûbllcas compe!en es auto· rizari m las t a roas de pros1>FJC016n encaminodas a la lo�all ••olon de re111os de las victimes referldos en el apa nado .1 del aniculo 11. de acue
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toda casa su existencia a la Administraci6n General del Estado para su inclusiOn en el mapa refe rido en e l apar tado primera del artfcu lo anterior. 4. Los restas que hay an s i do objeto de traslado y n o fuesen reclamados s e r a n i n h u ma d o s en el cementerio correspondiente a l término municipal en que se encon traran.
Tra bajadores y prisianeros en Colonias Penitenciarias M i l itarizadas. Articula 1 8. Concesion de la nacionalidad espaiwla a los voluntarios integrantes de las Brigadas lnterna ciona/es, 1. Con el fin de hacer efectivo el derecho q u e recono ci6 el Real Decreta 39/1996, de 1 9 de enero, a los volunta· rios integrantes de las Brigadas lnternacionales q u e parti ciparon en la Gue rra Civil de 1936 a 1939, no les sera de a p l icaci6n la exigencia de renuncia a s u anterior naciona lidad requerida en el articula 23, letra b, del Càdigo Civil, e n lo q u e se refiere a la adquisici6n p o r ca rta d e natura leza de l a nacionalidad es pari ola . 2. Mediante Real Decreta aprobado par el Consejo de M i n i stros, se determinarân los requisitos y el procedi m i e nto a seguir para l a adquisici6n de la nacionalidad espaflola por parte de las personas mencionadas en el apartado anterior.
Articula 14. Acceso a los terrenos afectados por trabajos de localizaciôn e identificaci6n.
1. La realizaciàn de las actividades de localizaciàn y eventu a l identificaci6n o traslado de los restas de las per· sanas referidas en el apartado 1 del articula 13 se consti tuye en fin de utilidad pûblica e i nterés social, a los efectos de permitir, en su casa y de acuerdo con los a rt icules 108 a 1 1 9 de la Ley de Expropiaci6n Forzosa. la ocupaci6n temporal de los terrenos don de de ban realizarse .
2. Para las actividades determinadas en e l apartado anterior, las autoridades competentes autorizarân, salvo causa · ustificada de interés pûblico, l a ocupacién tempo ral de os terre nos de titularidad pUblica. 3. E n el casa de terrenos de titularidad privada, los descendientes, o las organizaciones legitimadas de acuerdo con el apartado anterior, deberim solicitar el con sentimiento de los titula res de derechos afectados sobre los terrenos en que se hallen los restas. Si no se obtuviere dicho consentimiento, las Admin istraciones pûblicas podréln autorizar l a ocupaci6n temporal, siempre tras audiencia de los titula res de derechos afectados, con con sideraci6n de sus alegaciones, y fijando la correspon die nte indem nizaciôn a cargo de los ocupa ntes.
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Articula 1 5
Simbolos y monumentos pùblicos.
1. Las Admi nistraciones pûblicas, en el ejercicio de s u s competencias, tomarân las medidas oportunas para la retirada de escudos, insignias, placas y otros objetos o menciones conmemo rativas de exaltaci6n, persona! o colectiva, de la s u blevaci6n m i l itar, de la G u erra Civil y de la represién de la Dictadura. Entre estas medidas podrâ i n c l u i rse l a retirada de subvenciones o ayudas pùblicas. 2. Lo previsto en el a p a rtado anterior n o sera de a pli· cacién cuando las menciones sean de estricto recuerdo privado, sin exaltaci6n de los enfrentados, o cuando con curran razones artfsticas, arquitect6 nicas o artistico-reli giosas protegidas par l a ley. 3. E l Gobierno colaboraril con las Comunidades Autônomas y las Entidades Locales en l a e l a boraci6n de un catalogo de vestigios relatives a la G u erra Civil y l a Dictadura a los efectos previstos en el apartado anterior. 4. Las Administraciones pûblicas podriln retirar sub venciones o ayudas a los propietarios privados que no actuen del modo previsto en el apartado 1 de este articula. Artic u l a 1 6.
Valle de los Caidos.
1. El Valle de los Caidos se regirà estrictamente p a r l a s normas a p l i c a b l e s con ca nkter g e n e r a l a los l u g a res de culto y a los cementerios p U blicos� 2. E n n i n g û n l u g a r del recinto podrân llevarse a cabo actas d e naturaleza politica n i exaltadores de la Guerra Civil, de sus protagonistas, o del franquisme, Articula 1 7. Edificaciones y obras realizadas mediante trabajos forzosos. El Gobierno, en colaboraci6n con las demâs Adminis traciones pûblicas confeccionara u n censo de edificacio nes y obras realizadas par miembros de los Batallones Disciplinarios de Soldados Trabajadores, asi camo par prisioneros en campos de concentraci6n, Batallones de
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Articula 1 9. timas.
Reconocimiento a las asociaciones de vfc
Se reconoce la la bor de las asociaciones, fundaciones y organizaciones que hay a n destacado en l a defensa de la dignidad d e todas las victimas d e la violencia polftica a la que se refiere esta Ley. E l Gobierno podrà conceder, m e d i a nte Real Decreta, las distinciones que considere oportunas a las referidas entidades. Articula 20. Creacion del Centro Documentai de la Memo· ria Hist6rica y Archiva General de la Guerra Ci vit
1. De conformidad con lo previsto en la Ley 21/2005, d e 17 de noviembre, se constituye el Centra Documentai de l a Memoria Historica, con sede en l a ciudad de S a l a · manca. 2. S o n funciones del Centra Documentai de la Memoria Hist6rica:
a ) M a ntener y desarro l l a r el Archiva General de la Guerra Civil Espanola creado por Real Decreta 426/1999, de 12 de marzo. A tai fin, y mediante el procedimiento que reglamentariamente se determine, se integrarim en este Archiva todos los documentas originales o copias fidedig nas de los mismos referidos a la Guerra Civil de 1 936·1939 y l a represi6n politica subsigui ente sitos en musees, bibliolecas o archivas de tilularidad estatal, en los cuales, quedarâ u n a copia digitalizada d e los mencionados docu mentas. Asimismo, la Admin istraci6n General del Esta do procedera a l a recopilaci6n de los testi monios orales re le vantes vinculados a l indicado periodo hist6rico para su remisiôn e integraciôn e n el Archiva General. b) Recuperar, reunir, organizar y paner a disposiciôn d e los interesados los fondas docu menta les y las fuentes secundarias que puedan resultar de interés para el astu dio de la Guerra Civil, l a Dictadura franquista, l a resisten cia guerrillera contra ella, el exilio, el inlernami ento de espafloles en campos de concentraci6n durante la Seg u n d a Guerra M u nd i a l y l a transici6n. c) Fomentar la investigaci6n hist6rica sobre la Gue rra Civil, e l franquisme, el exilio y la Tra nsici6n, y contri buir a la difusiàn de sus resultados, d l l m pu l s a r l a difusi6n de los fondas del Centra, y facilitar la parti cipaci6n activa de los usuarios y de s u s organizaciones representativas_ e) Otorgar ayudas a los investigadores, mediante premios y becas, para que continUen desarrollando su la bor académica y de investigaci6n sobre l a G u erra Civil y la Dicta d u ra .
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f) Reunir y paner a disposici6n de los interesados informaciôn y documentaci6n sobre procesos s i m i l a res habidos en otros paises.
Disposici6n adicional cuarta. Habilitaci6n al Gobierno para el reconocimiento de indemnizaciones extraordi nartas.
facilitar el acceso a la consulta de los lib ros de las actas de defunciones de los Registras Civiles dependien tes de la Direcci6n General de los Registras y del Notariado.
3. La estructura y funcionamiento del Centre Docu mentai de l a Memoria Hist6rica se establecera media nte Real Decreta acordado en Consejo de M i n i stres.
1. Se autoriza al Gobierno a que, en el plazo de 6 meses, media nte Real Decreta, determine el alcance, con diciones y proced imiento para l a concesi6n de indemniza ciones extraordinarias e n favor de quienes h ubiesen sufrido lesiones incapar:it a ntes por hechos y e n las cir cunstancias y con las condfclones- a que so refiere el a pa r tado u n o del articula 10 de la prellonte Ley. 2. Procedera el reconocimlonto de l as indem nizacio nas provistas en liSta dlsposiciôn siempre qu e par los mlsmns hechos no se huya recibido indem nizaci6n o compensacl6n econ6 mica con cargo a aigu no de l o s sis tomas pübllcos do proteccl6n soclol. 3. Las indemnb:uciones esta blecidas en esta disposi ci6n se abonarén di rectamente a los propios incapacita dos y serân intransferibles.
Disposici6n derogatoria.
Articula 21, Adquisiciôn y protecciôn de documentas sobre la Guerra Civil y la Dictadura.
1. La Administraci6n General del Estado aprobarà, con cariwter a nuai y con l a dotaci6n que en cada casa se establezca en los Presupuestos Generales del Estado, un programa de convenios para l a adq ui s i c i ôn de documen tas referidos a la Guerra Civil o a l a represi6n p o l îtica subsiguiente que a bren en archivas pûbl icos a privados, nacionales o extranjeros, ya sean en versiôn ori g i n a l a a travês do cuelt]Uier Instrumenta q u e permita archivar, oQnocer o raproduclr palabras, datas o cifras con fideli dad a l original. Los menci o n a d o s fon d a s documenta les •o incorporanln al Archiva General de l a G u e rra C i v i l
Espaiiola. 2. De conformidad con lo dispu esto en l a Ley 1 6/1985, de 25 de junie, de Patrimonio Historien Espaiiol, los docu mentas obrantes e n archivas privados y pUblicos relati vos a l a Guerra Civil y l a Dictadura se declaran constituti ves del Patrimonio Documentai y Bibliogrâfico, s i n perjuicio de lo dispu esto en el articula 22.
Articula 22. Derecho de acceso a los fondas de los archi vas publicos y privados. A los efectos de lo previsto en esta Ley, se garan tiza el derecho de acceso a los fondas documentales depositados en los archivas publicos y la obtenci6n de las copias que se soliciten. 2. Lo previsto en el apartado anterior se râ de aplica ci6n, en sus propios términos, a los archivas privados sostenidos. total o parcialmente, con fondas publiees. 3. Los poderas publiees adoptaràn las medidas necesarlas 1lara la protecci6n, l a integridad y catalogaci6n de estos docum ento fii, en particu l a r en los ca sos de mayor deteriora o riesgo de degradaci6n
1.
Disposici6n adicional primera. Adecuaci6n del Archivo General de la Guerra Civil Espafwla. Se autoriza al Gobierno a que lieve a cabo las acciones necesarias en a rde n a organizar y reestructu rar el Archiva General d e l a Gu erra Civil Espaiiola. Disposicién adicional segunda. Las previsiones contenidas en la presente Ley son compatibles con el ejercicio de \ao aoclor\es y el acceso a los procedimientos judiciales ordlmuios y axtraordinarios establecidos en las leyes o en los 'lratados y oonvenios internacionales suscritos par Es pafla. Disposici6n adicional tercera.
Marco institucional.
En el plazo de un a no a partir de la entra da en vigor de esta Ley, el Gobierno estableceré el m a rco i n stitucional que impulse las politicas pUbliees relativas a l a conserva ci6n y fomenta de la memoria democrética .
Disposici6n adicional q u i nta.
A los oiat::tos de la aplicacicin de la Ley 37/1984, de 22 de ootubro, el personal de l a Marina Mercante que fue inco rporado a l Ej èrci to Republicano desde el 18 de j u l i o m la r-11 ra incluido en el Decreta de 1 3 de de 1936 se con; marzo de 1937 que esta bleclit l a i n cor p ornci6n a la reserva n11v11l, el Dacrato de 12 da junlo de 1937 que aplicaba el an1erior fljando el in g r eso y esc a lafo narnl ento en l a citada reserva y la ordan circular de 1 0 do octu bre de 1937 que apr ueba el reg lame nto dol cltado esca lafonamiento en desarTOIIo dD los anterlores. Procederà el abono de la pension corrospon(llente slempro que, par el mismo supuesto, no se haya raaibido co mpensaci O n econ6mica a l gu n a , o, habiéndose roclbido, sea do c u a ntia inferior a lo determinado Of\ las m enclonndas clisposiciones. Disposicién adicional sexta.
La lundaclon gesttua del Valle de los Caldas l n o l u l rà ontm sus objetivos honrar y rehnbl li tar le memorio de Lodos los persorms flll l ocidas a consecuoncia de la Guorra Civi l de 1936-1939 y de l a ropr�si�n politien qu l a sl,gul6 eon objillo do wofundlzar en ol oonoclmlento do o;te porfodll 11istôrico v do los velares constitucionalss. Asi mismo. fomenœra las asplraclones de ro�onclllaol6n y convlvencla que hay en nunstra socledad, Toda ellb con plena sujeciôn a lo dls puesto en ol articula 16. Disposici6n adicional séptima. nalidad espafrola.
Adquisici6n de la nacio
1. Las personas cuyo podro o madre hubfese sldo orlglnarlamente c.spaiiol podr6, bplBr a la naclonalidad espaiïola de origan •i rorm a llzar) su decla!acl6r\ e n ol plazo de do• arios desdo la cmtrada en vigor de la pm sante Dlsposlel6n adiclonal. D cho plazo podrâ sor prorro gado por acuerd11 de Consejo de M i n lst ros hasta el llmlto de un aflo. 2 . Este derecho también se reconocerâ a los nietos de quienes perdieron o tuvieron que renunciar a l a nacio nalidad espaflola camo consecuencia del exilio.
Disposici6n adicional octava. Acceso a la consulta de los libros de actas de defunciones de los Registras Civiles. El Gobierno, a través del M i nisterio de Justicia, en cuanto sea precisa para d a r cumplimiento a las previsio nes de esta Ley, dictarâ las disposiciones necesarias para
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E n congruencia con l o establecido en el punta 3 de la Disposici6n Derogatoria de la Constituci6n, se declaran expresamente derogados el Bando de Gue rra de 28 de julio de 1936, de la Junta de Defensa Nacional aprobado par Decreta numero 79, el Ban do de 3 1 de agasto d e 1936 y, especialmente, el Decreta del general Franco, numero 55, de 1 de noviembre de 1936: las Leyes de Seguridad del Estado, de 12 de julio de 1940 y 29 de marzo de 1941 , de refo rma del C6digo p e n a l d e los delitas contra la seguri dad del Estado; la Ley de 2 de marzo de 1943 de modifica ci6n del delita de Rebeliôn M i litar; el Decreta-Ley d e 18 de abril d e 1947, sobre Rebeli6n militar y bandidaje y terro nsmo y las Leyes 42/1971 y 44/1971 de reforma del Côdigo de Justicia M i l itar; l a s Leyes de 9 de febrero de 1939 y la de 19 d e febrero de 1942 sobre responsabilidades politi cas y la Ley de 1 de marzo de 1940 sobre represi6n de la masoneria y el comunismo, l a Ley d e 30 d e j u lio d e 1959, de Orden Pùblico y la Ley 1 5/1963, creadora del Tri bunal de Orden Pùblico. Disposici6n final primera.
Habilitaci6n para el desarroi/o.
Se h a b i l ita al Gobierno y a sus mie mbros, en el àmbito de sus respectivas competencias, para dictar cuantas dis posiciones sean necesarias para e l desarrollo y apl icaci6n de lo establecido en esta Ley. Disposici6n final segunda�
Entrada en vigor.
La presente Ley entra râ en vigor a l dîa s ig u iente de s u publicaciôn en el Boletin Oficial del Estado, con excepci6n de l a Disposici6n Adicional Séptima que lo harà a l a no de s u publicaci6n. Par tanta, M a n d a a !odos los espaiioles, partic u la res y autorida des, q u e guarden y hagan g u a rdar esta ley. Madrid, 2 6 de diciembre de 2007. JUAN CARLOS R. El Presidente del Gobierno, JOSË LUIS AODRIGUEZ ZAPATERO
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CORRECCION de errores de la Ley Organica de
noviembre, para la persecu
MINISTERIO DE ECONOMfA Y HACIENDA
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La ûltima modificaci6n de la reg u laci6n contenida en esta Aesoluciân se realizé a través de la Aesoluciôn de 31 de ? ctubre de 2000, de l a Direcci6n General del Tesoro y . Pol1t1ca Fmanc1era. E n la m1sma se elevô la cuantia a partir d e la cual se establece la exigencia de la declaraci6n fijàndose la franquicia en 1 2.500 eu ros, o en su contrava : l o r en pesetas. Desde la citada modificaci6n, tanta l a n o rmative c o m u nitaria (en concreto, el Reglamento 2560/2001 del Parlamento Europeo y del Consejo, de 1 9 d e diciembre de 2001 , sobre los pagos tran sfronterizos en euros), camo l!3s orientaciones fijadas por el 5.0 informe sobre la Zona Unica de Pages para el Euro ISEPAI publicado el 20 de j u l i o de 2007 par el Banco Central E u ropeo sobre l a cita da regulaci6n, asi coma l a elevaci6n general de las cuantias de las transferencias e n el mercado hacen aconsejable q u e se eleve la citada franquicia de l a obligaci6n de decla ra r a 50.000 euros y, q u e s e haga ùnicam ente referencia a su valor e n euros. La citada adaptaciôn se lleva a cabo en esta Resolu ci6n en desarrollo de l o establecido par la Orden del M i nisterio de Economia y Hacienda, de 27 de diciembre d e 1 9 9 1 , de desarrollo del Real Decreta 1 8 1 6/19 9 1 , de 20 d e dtciembre, sobre transacciones econ6micas con el exterior. E n su virtud, dispongo:
Articula U n i co. La Resoluci6n de 9 de j u l i o de 1996, de la Direcci6n General d e Po ! itica Comercial e lnversiones Exteriores, por la que se dtctan normas para l a aplicaci6n d e los arti culas 4, 5, 7 y 10 de la Orden del M i nisterio de Economia y Hacienda, de 27 de diciembre de 1991, de desarrollo del Rea l Decreta 1 8 1 6/1991 , d e 20 d e diciembre, sobre tran sacciones econ6micas con el exterior queda modificada coma sigue:. E l apartado 5 d e l a lnstrucci6n 4." queda redactado del s ig u iente modo:
��5� La exigencia de declaraci6n establecida en la presente instruccién no sera de aplicaci6n a los cobras, pagos o transferencias cuya cuantia sea i g u a l o inferior a 50.000 euros, siempre q u e no cons tituyan pages fraccionados.»
ci6n extraterritorial del trBfico ilegal o la inmi graci6n clandestina de personas. Advertido errer en la publicaci6n de la Ley Orgànica
1 3/2007, de 1 9 de noviembre, para l a persecuci6n extrate
rrito rial del tràfico ilegal o la i n m i g raci6n clandestina de personas, publicada en el «Boletin Oficial del Estado» n u m e ro 278, de 20 de noviembre de 2007, se procede a efectuar la oportuna rectificaci6n:
E n l a pàgina 47335, primera c o l u m n a , en el apartado Uno del articula segundo, par el q u e se modifica el apar tado 1 d e l articula 3 1 3 del C6digo Penal, donde dice: "-· o por otro pais .. . n, debe decir: ... o a otro pafs ... f�.
RESOLUCI6 N de 20 de diciembre de 2007, de la Direcci6n General deiTesoro y Politica Finan ciera por la que se modifica la de 9 de julio de 1996, por la que se dictan normas para la apli caci6n de los articulas 4, 5, 7 y 10 de la Orden del Ministerio de Economia y Hacienda, de 27 de diciembre de 1997, sobre transacciones econ6micas con el exterior.
Disposici6n derogatoria U n i ca.
Derogaci6n normativa.
A la entra da en vigor de esta Resoluci6n queda dero gado el pé3 rrafo tercera del apartado 4 de l a instrucci6n 4;" de la Resoluci6n de 9 de julio de 1996, de la Direcci6n General de Po ! ltica Comercial e lnversiones Exteriores, por la que se d1ctan normas para la aplicaci6n d e los a rti culas 4, 5, 7 y 1 0 d e l a Orden del M i n i sterio de Economia y Hacienda, de 27 de diciembre de 1991, de desarroi la del
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ANNEXES
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Esto no son cuentos. Ocurre que, por su caracter vehemente, o quiza por falta de experiencia dvica, los espafloles han propendido siempre a tomar la politica demasiado a pechas. La ultima guerra civil los dej o deshechos, orgul losfsimos, y con la incomoda sensacion de haber sufrido una burla sangrienta. Apenas les consolaba ahora, rencorosamente, el ver a sus burladores enzarza dos a su vez en el mismo juego siniestro - pues habla comenzado en seguida la que se llamarfa luego Segunda Guerra Mundial... Yo soy uno de aquellos espanoles. Habiendo lefdo a Maquiavelo por curio sidad profesional y aun por el puro gusto, no ignoraba que la polftica tiene sus reglas; que es una especie de ajedrez, y nada se adelanta con volcar el tablera. Pero si envidiaba - y cada dfa envidio mas - la prudente astucia de los italia nos, que saben vivir, también me daba cuenta de que, por nuestra parte, nos complacemos nosotros en no tener remedia, y estamos siempre abocados a abrir de nuevo el tajo y caer al hoyo. Ningûn escarmiento nos basta, ni jamas aprendemos a distinguir la polftica de la moral. Recién derrotados, <,no estaba mos cifrando acaso todas nuestras esperanzas en el triunfo de aquellas mismas potencias que, atados de pies y manos, acababan de entregarnos a la voraci dad fascistas? Sf; como tantos otros exiliados, esperaba yo desde la otra orilla del océano Jo mismo que esperaban en la Penfnsula millones de espanoles: la cafda de la sucursal que el eje Berlin-Roma tenia instalada en Madrid; Jo mismo que, con temerosa expectativa, aguardaban también los titulares, partidarios y beneficiarios de ese régimen. Unos y otros, los·.espanoles de ambos bandos estabamos enganados en nuestros calculos . Podfan ser éstos correctos, e irreprochables los razona mientos en que se fundaban; pero <,a qué confundir logica e historia, que son dos asignaturas tan distintas? Después de aniquilar a Mussolini y Hitler, las democracias tendieron amorosa mano a su tierno retono, que se tambaleaba; no tuera, iPOr Dios!, a caerse. En vista de Jo cual, amigos, lasciate agni speranza. Para entonces - ano de 1 945 - vivfa yo en la ciudad de Rfo de Janeiro, por cuyo puerto pasaban, rumbo al sur algunos escapados de aquel infierno. [ . . . ] Si cuestion tuera de escribir un cuento, bien podrfa ello hacerse a base de Jo que me relato otro fugitivo que, pocos meses des pués, llego a mi puerta con carta de presentacion de uno de mis antiguos amigos. Se tratarfa de un (( caso de honra », y el cuento podrfa llevar un tftulo clasico: La vida por la opinion. Pero <,como escribirlo, digo, como adobar en una ficcion hechos cuya simple crudeza resulta mucho mas significativa que cualquier aderezo literario? Me limitaré a referir Jo que él me dijo. Mi nuevo visitante era un sevillano gordete, peludo y de ojos azules, tostado todavfa del sol y del aire marino. Llego a casa, y se instalo en una butaca de
la que no habla de rebullir ni moverse en cinco horas Mas que nada, querfa orien tarse, que orien tara yo sus pas os prim eros por el Nuevo Mundo. Le ofred un cigarrillo, y Jo rechazo con una sonrisa. (( Antes fumaba », me explico; y yo comprend! que ese antes era antes de la guerra, (( pero dejé de fumar, porque hubiera sido un peligro constante. La colilla olvidada en un cenicero, el mero olor del humo, hubiera bastado a delatar la presencia de un hombre en mi casa » . Entonces me conto su historia. Pero al reproducirla debo adelantarme a advertir que es una historia bas tante inverosfmil. A la invencion literaria se le exige verosimilitud; a la vida real no puede pedfrsele tanto. El gordete era también profesor (idichosa actividad docente!); pero éste, no de primeras letras co mo el maestro de Avila, sino de ensenanza secundaria; era de los que por entonces se llamaron cursillistas, profesores formados a toda prisa para cubrir las plazas de los institutos que la Republica habla creado, y estaba destinado en uno de Cadiz, o cerca de Cadiz, cuando empezo la danza llamada Glorioso Movimiento. Tuvo que esconderse, claro esta: durante la pasada campana electoral habla trabajado con entusiasmo por uno de los par tidos republicanos . . . Catedratico reciente de u n reciente instituto, nuestro hombre estaba tam bién recién casado: se habla casado hada pocas semanas, al principio de las vacaciones estivales, y el susodicho movimiento o danza de la muerte sorpren dio a los tortolos anidados en casa de la madre del novio, viuda, que vivia en Sevilla. Allf se encontraban en aquella fecha memorable. Se recordara que en Sevilla la Jucha fue larga y la confusion grande. Ante la perspectiva del previsible desenlace, el joven profesor imagino y puso en prac tica un ingenioso expediente que le permitiera salvar el pellejo; y tue, conseguir de un albani! vecino suyo que, con el mayor secreta, le ayudara a preparar un escondite, especie de pozo excavado en el rincon oscuro de la sala interior donde el nuevo matrimonio tenia instalada su alcoba; un agujero del ancho de cuatro losetas, y Jo bastante hondo para que él se metiera de pie; tras de Jo cual, ajustando en su sitio aquellas cuatro losetas pegadas sobre una tabla a modo de tapadera, no habla medio de que se notara nada debajo de la cama. Lo acordado era que nadie sino la madre y la esposa, elias y nadie mas, conocerfan su presencia en la casa y su escondite. El albani! amigo, un buen hombre que nunca hubiera hablado, porque en ello le iba la vida, tampoco podfa hablar ya, pues de todas maneras los fascistas Jo liquidaron no bien se hubieron apoderado del barrio; de modo que era s ecreta garantizado: la madre y la esposa; el resto de la familia, hermanos , tfos, primas y demas parientes, cuando se interesaban por su paradera obtenfan de ambas m uj eres la mismfsima respuesta que los vecinos curiosos y que las patrullas falangistas: Felipe (Felipe se llamaba) desapareciô el dfa tai sin dejar dicho adônde iba, y desde entonces no habfan vuelto a tener noticias suyas ; Jo mas probable era que en aquellos m omentos estuviese el infeliz baj o tierra. Esto, entre lagrimas y suspiros que el interesado escuchaba, embutido allf como un apuntador de teatro.
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TEXTES LITT É RA I R E S 1 . Francisco AYALA, (( L a vida por la opinion dera, Madrid, Catedra, 1 989, p. 235-243.
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(1 955), in La cabeza del cor
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Su vida se redujo, pues, con esto a la de un raton que a la menor alarma corre a refugiarse en su agujero; o mejor a la de un topo. En el agujero mismo, solo se metia cuando alguien llegaba a la casa, ya fueran falangistas husmeantes, y a veces otros imprecisos investigadores, que él oia trajinar, rebuscar e interrogar, y amenazar y hasta maltratar a su madre y a su mujer, saltandosele el corazon de temor y de ira; no solo - digo - se enterraba vivo cada vez que venian en su busca quienes quisieran matarlo (y no tardaron poco en convencerse y desis tir), sino también cuando acudian a preguntar por él quienes Jo querian bien : sus hermanos mayores, casados, su suegro, algun temeroso amigo. Y las dos mujeres, que habian sabido mantenerse irreductibles en su negativa, incluso las veces que las llevaron a declarar en el cuartelillo dejandolo a él mas muerto que vivo, irreductibles fueron también trente a los que se angustiaban por su suerte. Oculto a pocos metros de ellos, escuchaba esas conversaciones moro sas en que se hablaba de Jo que estaba ocurriendo y con indignada lastima se comentaba el destino de algun conocido que habla caido en sus manos, vol viendo siempre al tema de nuestro pobre Felipe, y qué habria sido de él, mien tras el pobre Felipe, a dos pasos, se distraia con su charla o, aburrido pronto de los largos silencios, se impacientaba, deseoso de que por fin dieran término a la visita y se marcharan para poder salir de su escondrijo. Pero si en éste se refugiaba tan solo cuando llegaba gente a la casa, vivia por Jo demas encerrado en ella como un topo, sin salir nunca de la habitacion oscura. Habian decidido, por astuta precaucion, tener abiertas de par en par las puertas de la calle durante todo el santo dia - era la mejor man era de disipar sospechas -, y él se Jo pasaba en la alcoba del tondo. Ahi hacia su vida, si vida podia llamarse a semejante confinamiento en el que, para estar ocupado en algo y no volverse loco, se entretenia en tejer toquillas de lana, que su madre vendia luego, o se aplicaba a tareas increibles, tales como la de redactar, con una letrita minuscula de cegato, un galimatias exclusivamente compuesto por nombres y adj etivos inusuales, expurgados con paciencia benedictina del dic cionario cuyos volumenes adornaban el estantito j unto al rincon. A base de vocablos como « dipneo li , « gurdo )) y « baltra li, que rebuscaba durante horas y cuyas mas raras acepciones retenia en la memoria, iba escribiendo en un cuaderno - que, llegado el caso, sepultaba consigo en el agujero - un absurdo relato ininteligible, a pesar de hallarse formado por palabras todas elias legiti mas de la lengua castellana. Me tendio el cuaderno, que traia dentro de una cartera; me hizo leer dos o tres parrafos, y aguardo el efecto con sonrisa satisfecha. Yo estaba de veras fascinado: aquello era un arcano; era poesia pur a. « �Cree usted que se podra hacer algo con este trabajo? li, me pregunto. No supe qué contestarle. Agrego: « Me da pena la idea de destruirlo. Son casi nueve anos de esfuerzo )), Casi nueve anos, pronto se dice. jQué no sera capaz de soportar el ser humano! Nueve anos, casi. Primero, con la esperanza de que el gobierno repu blicano ganara la guerra; después, con la esperanza de que las democracias triunfaran del eje Berlin-Roma. Como un topo, nueve anos. Y no es que care ciera el hombre de compensaciones durante ese tiempo.
2. Julio LLAMAZARES, « Adios a Gorete )) (El Pars, 1 4/ 1 2/ 1 990), En Babia, Barcelone, Seix Barral, 1 99 1 , p. 94-97. El pasado dia 1 7 de noviembre fallecio en Leon, a la edad de ochenta y siete anos y en el mas oscuro de los anonimatos, Gregorio Garcia Diaz, Gorete. A la mayoria de los lectores, seguramente, ni el apodo ni el nombre les diran nada. Pero a quienes, como yo, los aprendimos al arrimo de la lumbre o caminando en la nieve cuando los anos cincuenta se despedian de Espana - y a quienes, sobre todo, tuvimos la fortuna de llegar a conocer al hombre que con su vida alimento de leyendas las ]argas noches de invierno de nuestra infancia -, el nombre de Gorete nos trae recuerdos de un tiempo que ya se ha ido y de un mundo en el que los cuentos servian para decir Jo que la radio callaba. Gregorio Garcia Diaz, Gorete, habla nacido en Lillo, un pequeno pueblecito de Leon colindante con Asturias, alla por el ano de 1 903, en el seno de una humilde familia campesina dedicada, como todas en la zona, al cuidado de sus prados y sus vacas. Campesino fue también él, lo mismo que sus abuelos y que sus padres, y, aunque desde muy joven dio muestras de su particular teson y de un temple y valentia extraordinarios (durante los anos de la Republica, por ejemplo, llevo a cabo en solitario la aventura de viajar en bicicleta hasta Madrid, pedaleando ochocientos kilometras durante una semana, para asis tir a un mitin de Manuel Azana), nada hacia presagiar que, con el tiempo, su apodo acabarîa convirtiéndose en un nombre de leyenda para los habitantes de aquella zona de Espana. Todo empezo con la guerra. Una guerra que a Gorete, entonces de 33 anos, le sorprendio en su pueblo dedicado a la politica local (fue presidente del puebla con tan solo 2 7) y al cuidado de sus prados y sus vacas y que le arrastro en seguida, después de atravesar en plena noche las montanas, a combatir en el trente del Norte enrolado en las tropas republicanas. Cuando éste cayo en el otono de 1 937, Gorete, como tantos, se escondio en las montanas y asi fue como empezo la increible aventura que le iba a convertir en un nombre de leyenda y en un mito popular para todos cuantos nacimos y vivimos hacia la mitad del siglo en las perdidas aldeas de los montes leoneses y asturianos. Lo que empe zara una noche como una huida desesperada se iba a acabar convirtiendo - sin que el propio Gorete entonces, claro esta, Jo imaginara - en una de las paginas mas crueles de la guerra y en uno de los destierros mas solitarios de los que guarda memoria la ultima historia de Espana: durante once anos, tres meses y cinco dias (anos, meses y jornadas que Gorete apunto en su propio cinto hacienda muescas con la navaja) , permanecio escondido en una cueva de su puebla, completamente solo, como un Robinson Crusoe de las montanas. La relacion de sus aventuras, reales o legendarias, es, como cabe pensar, ciertamente impresionante. Yo mismo, en Luna de labos, la novela que escribi para recoger los cuentos que de los hombres del monte me cantaron en mi infancia, intercalé dos de elias, precisamente las mismas que algun critico avis pado descalifico en su momento por demasiado fantasticas: aquella en la que el maquis, el mosqueton a la espalda y la guadana en las manos, siega a la luz de la
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luna la hierba de una familia que le ha ayudado, y aquella otra en la que asiste des de el monte y a través de los prismâticos al entierro de su padre (de su madre, en realidad, en el caso de Gorete) para bajar después en plena noche al cementerio a ver su tumba, caminando de espaldas sobre la nieve para confun dir sus huellas y envuelto, para evitar ser visto, en una manta blanca. Hubo mâs , muchas mas, alguna incluso todavia mâs fantastica. Como cuando escapa en plena noche a un cerco de varios guardias o camo cuando se caya desde diez metros de una pena y permanecia cuatro dias sin poder incorporarse, temiendo haberse roto la columna y no tener otro remedio que suicidarse. Pero Jo peor no fueron esas anécdotas, por mâs que fueran las que le hicieran a los ojos de la gente un personaje legendario. Lo peor fue el silencio, el frio de los inviernos, la soledad de la cueva durante mâs de once anos. Baste saber, para imaginar el frîo, que ésta estaba en Jo alto de una pena, a 1 .800 metros de altura y en Jo que hoy es la estacian de esqui de San Isidro en la que practican los deportes de la nieve los aficionados leoneses y asturianos. El 26 de enero de 1 949, once anos, tres mes es y cinco dias des pués de haber se echado al monte, Gorete, incapaz de aguantar ya mâs tiempo, se entrega a los guardias. Luego vendrîa la carcel, y el trabajo, y la familia, y los pequenos paseos trente a su casa del barrio de Puente Castro en la que yo le conoci un dia, hace ahora nueve anos, cuando el hombre legendario de los cuentos de mi infancia era ya un tranquilo y apacible jubilado. Hasta el mismo momento de su muerte, sin embargo, Gorete, como la mayoria de los hombres que secundaron sus pasos, conserva la rebeldia y el espiritu tenaz que, al finalizar la guerra, le llevaron a esconderse en las montanas, y, de la mis ma manera que guardaba en un armario, como si fueran reliquias, las cartucheras y el cinto y el puna! y los prismâticos, conserva hasta el ultimo dia la esperanza de que los ideales que un dia le llevaron a vivir en una cueva, como si en lugar de un hombre fuera un lobo o una alimana, se pudieran realizar en la renaciente Es pana. Por eso se muri6 sin entender demasiado. Por eso, seguramente, vivia los ultimos anos otro destierro obligado, relegado como tantos al baul de los recuerdos precisamente por el gobierno por el que tanto lucharon y que ni siquiera se acord6 de ellos para intentar resarcirles de las penurias pasadas (a Gorete, en concreto, ni el mill6n de pesetas aprobado a modo de limosna hace unos meses para quienes cumplieron un minimo de tres anos en las carceles de Franco le lleg6 a corresponder porque, evidentemente, los once de la cueva no los consideraron carcel). Por eso, precisamente, quiero ahora despedir con el mejor de mis recuerdos, en este tiempo de olvidos y en esta Espana moderna y desmemoriada, al hombre que con su vida alimenta de leyendas las !argas noches de invierno y los dias de mi infancia, cuando los anos cincuenta se des pedian de Espana y los cuentos de los viejos servian para decir Jo que la radio callaba.
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H O M MAG ES ET R E M E RCI E M E NTS 1 . « Duke Chacan, la despierta voz de la memoria ,,, Alfons CERVERA, in Marie-Claude CHAPUT et al., Maquis y guerrillas antifranquistas. Historia y repre sentaciones, Regards 7, Publidix, université de Paris 1 0, 2004, p. 1 79-180. ESCRIBIR ES ROMPER no sé cuantos millones de silencios, gritar a contra corriente de quien manda y ordena las reglas de la escritura, dibujar los cami nos que expliquen el itinerario tantas veces profanado del misterio. No es fâcil hacer eso hoy dia, cuando todo y a casi todos tiene el poder en sus manos porque, segun las cuentas de sus intereses , resulta fâcil comprar Jo que le rote a golpe de talonario y tente tieso. Por eso hay cada vez mas intelectuales a sueldo del gobierno. Por eso cuando esos mercenarios se dedican a escribir novelas o Jo que sea, Jo hacen para contentar a quien les paga el piso con bomba de calor, los viajes a Disneylandia con la familia a cuestas y el auto con mâs vâlvulas que tenia el pellejo de Franco cuando se muria lleno de tubos unos minutos des pués de firmar el fusilamiento de cinco javenes antifascistas. Escribir es una necesidad, coma decia Onetti. Y esa necesidad no hay dios que pueda pagarla con la anulacian infame de la conciencia de quien escribe. Inventar es la mejor y mâs obstinada voluntad de la literatura de ficcian. Y a veces esa invenci6n se outre de la realidad, de la carne ardiendo de Jo que pasa o sucedi6 en las enrevesadas turbulencias de un tiempo aciago, en los pliegues de una época negra y devastada, en las trincheras de esperanza donde alguna gente refu giaba sus Juchas contra la crueldad y sus miedos . De ahi, de esa invencian que se alimenta de la dignidad y una memoria intachable, salia La voz dormida, la excelente novela de Duke Chac6n. Ya llevaba muchos libros en sus espaldas cuando la conoci hace unos anos. Nos juntaban a ella, a Julio Llamazares, a mi mismo las ganas de no arrancarnos de cuajo las raices de donde venimos. Nos encontramos en Santa Cruz de Moya, el pueblo conquense donde todos los primeras domingos de octubre se celebra un emotivo homenaje a la memoria de la guerrilla antifascista. Ahi concluimos (aunque por separado ya Jo habiamos decidido antes) que la lealtad a las ideas es sagrada, que la amistad se construye con el respeto a esas ideas, dando cana a los miserables provocadores del olvido, levantando barricadas para que la desmemoria de Jo que ha sido este pais desde el ano 1931 hasta hoy no se instale en las tripas de una democracia que cada dia se demuestra mâs insufi ciente. Ahi se puso Duke Chacan a pensar una de las historias literarias mâs exigentes que se han escrito en los ultimos tiempos . Historia y literatura juntas. Memoria exacta y ficci6n de primera marca. Personajes que vivieron sus vidas de verdad y nombres que alteran narrativamente aquellas experiencias desde el punto de vista de una escritora que sabe a la perfecci6n que toda alteracian cabe en una novela menos una: aquélla que enturbie la moral de Jo que se cuenta. Las mujeres de esa novela extraordinaria sufrieron hasta Jo mâs hondo las consecuencias de Jo que el franquismo vendia cinicamente como un tiempo
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de paz y fue, mas que nada, la carniceria deshonrosa de una victoria administrada por el caudillismo atroz y resentido de un monstruo. . Antes de escribir, habl6 Dulce con esas mujeres, se meti6 hasta las ceJas en la Jectura de quienes antes habian escrito historias parecidas (como nuestra paisana Fernanda Romeu y otros estudiosos de la memoria impresc indib le), . . bus co la mejor manera de no traicionar nada ni a nadie de aquellos test1momos. y nos dej6, para disfrutar y estremecernos a la vez, La voz dormida. Porque es un gozo Jector discurrir por las paginas de ese libro necesario, � or esos per sonajes que sabemos nacidos de la realidad aquella del horror maguantable. Pero, precisamente por eso, llega a calarnos de tai manera Jo q �e �e cuenta que maldecimos el magnifico oficio de leer por enfrentarnos a la : romca � e una . . . verdad alucinante, casi extraterrestre por las dimensiOnes galacticas, mcon mensurables, del horror que nos relata. Ahi esta la grandeza de esta novela, en la mezcla sabia de Jo que fueron realmente esas mujeres y la manera que Duke Chac6n ha escogido para contarnos sus vidas como si fueran personajes de una ficci6n imposible. La Repûblica se hace y deshace en las paginas del l ibro, . en Jas palabras y silencios de sus protagonistas, en los miedos que se arnnco . . naban en la espera clandestina y en esa valentia que parece Impropia de un tiempo domado por las zarpas inmisericordes de la dictadura. Lucharon esas mujeres entonces, en esa condici6n espia desde los balcones, en las �estas de . mimbre donde guardaban las meriendas para los presos, en la turbac10n de sus cuerpos adolescentes cuando se mezclaban en el mismo sitio los temblores del deseo y los del miedo. . Ahora que la escritora ya no esta con nosotros, libros coma La uoz dorm1da nos hacen mas falta que nunca. Al menos, para sentirnos mas dignos cerca de la memoria de los nuestros, nada tranquilos deJante de la devastaci6n a que los tiempos que corren estan sometiendo aquella memoria, menos inf�m :s por haber dejado entrar en nuestras vidas, siquiera un solo instante, la c1zana del olvido. 2. « Cartel de aceite. Para Dulce Chac6n », Julio LLAMAZARES, Versos y artigas, Hiperi6n, 2009, p. 1 1 9. CARTEL DE ACEITE Para Du/ce Chac6n Dulce era dulce a veces y negra otras, como la noche. Dulce era dulce a veces y amarga otras, como la melancolia. Dulce era azul y duke y amarga y negra, como determinados frutos. Dulce era y ya no es sino un cartel antigua de aceite que roe la muerte.
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3. '' Agradecimientos 1 73-1 74.
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Alfons CERVERA, Maquis (1 997), Montesinos, 2006, p.
AGRADECIMIENTOS A José Tomas Varea, que me ayud6 a dibujar las casas y las cosas. Y a Maria Jesus . A José Luis Valera, porque aport6 los olores de las plantas y sus facultades curativas. Y para Alicia Santolària. A mi tfo Juan Tornero, que fue guardia civil y me cont6 c6mo abrillantaba su tricornio de charol . A Antonio Gij6n, que me di jo qué pajaros del monte no cantan en invierno. A Francisco Calduch (padre) , que me cont6 la historia del ricino. A Lluis Andrés, por la minuciosidad de entom6logo que impone a la lectura de mis historias. Y para Matilde. A Domingo Martfnez y Paca Monfort, porque me enseflan a mirar con los anteojos del afecto. Y a Toni Regod6n y Araceli Lapez, por Jo mismo. A César Salvo, Nieves Fabuel y Alfredo, Paco Moreno y Carmen, Suny y Paco Sans, Pau Miralles y Antonio Hinojosa, Miguel Deltoro y Ana Sabater, porque si no estuvieran conmigo me perderia tontamente por los montes de la Serrania. Al tio Molina, por la memoria que no cesa. A Juan Jordan, Carmen Ortigosa y Vicent Martinez, por toda la vida que pasamos juntos. A Teresa, mi madre, y a mi hermano Claudio, que siempre se estan peleando y me ayudan con sus riflas a vivir y a Jo que haga falta. A Manuel Vazquez Montalban, José Manuel Caballero Bonald, Carmen Martin Gaite, Eduardo Haro Tecglen y Manuel Vicent, esa deJantera eléctrica de la memoria donde aprendo a mirar desde la grada todos los dias de mi vida. A Marce y Laia, por Jo de siempre. Y a mi padre, el primera que me habl6 de Ojos Azules.
4. « Mi gratitud a todas las personas que me han regalado su historia », Dulce CHACON, La voz dormida (2002), Punto de lectura, 2006, p. 423-429. Gran parte de esta novela se la debo a una cordobesa de ojos azulisimos. A Pepita, que sigue siendo hermosisima. Y a Jaime, que muri6 junto a ella el dia 29 de abri! de 1 976 en C6rdoba, poco antes de que la policfa se presentara a buscarlo, como todos los anos , para evitar que se sumara a la manifesta ci6n del 1 de Mayo. Pasen, y llévenselo, les dijo Pepita, y los condujo ante el cadaver de Jaime. Y a Felipe, el amor de Hortensia, que sali6 de casa con 21 anos y regres6 con 47. A Elvira, la duena de la maleta que lleg6 de Trijueque con dos uniformes de su padre, dos pares de leguis y una gorra de plato. a
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A Enrique, hijo de una mujer fusilada después del parto. Y a Mercedes, que busco a Pura, y me presento a José Luis Silva. A José Luis Silva, que estuvo 16 anos en Burgos. A Isabel Sanz Toledano, que compartio celda con Las Trece Rosas. A Manolita del Arco, que estuvo condenada a muerte durante 5 meses , y paso 1 8 anos en la carcel. A Soledad Real, condenada a 30 anos por un tribunal contra el comunismo y la masoneria. A José Amalia Villa, que presencio la desesperacion de una mujer de Granada que no reconocfa a sus hijas, y el dolor insoportable de otra, su llanto desgarra dor, porque no tenia hijos y le llego la menopausia en la carcel. Y a una mujer que no quiere que mencione su nombre ni el de su pueblo, y que me pidio que cerrara la ventana antes de comenzar a hablar en voz baja. Y a Rafaela, que nunca habia contado su historia y hablo conmigo en Cadiz. A Gerardo Anton, Pinto, que me conto su Jucha en la Agrupacion Guerrillera de Extremadura y Centro con todo lujo de detalles y una generosidad extrema. A Reme y Florian, Celia y El Grande, que se conocieron el uno al otro en la guerrilla; y al amor, en Praga. Y a El Rubio, y a Quico, y al Comandante Rios, y a Sole, y a Carme, y a Esperanza, y a Maria, y a Rafael, y a Antonio, y a Carmen, porque me enrique cieron con sus experiencias. A José Luis Munoz Bejarano, que me presto el nombre de su abuelo Mateo. Y a Fernando Anton. A toda La Gabilla Verde. Y a Santa Cruz de Moya. Y a Joxe Izquierdo, que me llevo al campo de concentracion de Castuera y a la Casa de la Sierra, en Don Benito. Y a la Asociacion Jovenes del Jerte, por los encuentros de El Torno, y de Jerte. Y a Rosa, que me regalo la novela de Juana Dona. Y a Rosario Ruiz, que me busco el libro de Giuliana di Febo y documentacion sobre Las Trece Rosas. Y a Fernanda Romeu Alfaro, por su ensayo El silencio roto, y porque hizo posible que yo tuviera en mi casa las cartas originales de Julita Conesa, y porque gracias a ella conocf a José Amalia Villa, Soledad Real, Manolita del Arco e Isabel Sanz Toledano. A Antonio, sobrino de Julita Co nes a, por su generosidad, por la caja que hizo llegar a mis manos con las cartas de su tia. A Tomas a Cuevas, a Soledad Real, a Juana Dona, por sus testimonios escritos. A José Hernandez, que vio la bandera nacional en unos labios y un peinado de Arriba Espana. A Juan Luis y Raquel, y a Toni, porque les pertenece el recuerdo de la bolsita roja de terciopelo. Y a Nieves Moreno, que descubrio el rostro de Hortensia en un libro de Julian Chaves. A José Maria Lama, que me presento a Libertad, la hija de José Gonzalez Barrero, ultimo alcalde republicano de Zafra. A Benjamin, de Alicante, que me conto su historia en el paseo de las palmeras. Y a una mujer de Gijon que me rogo que contara la verdad.
Y a Manuel Santiago y Maria José Martin, por el testimonio de la abuela Maria de los Angeles. Y a Matilde Eiroa, a Secundino Serrano, a Francisco Moreno Gomez, a Daniel Arasa, a Julian Chaves, a José Maria Lama, a Nigel Townson, a Paul Preston, a Gerald Brenan, a Carlos Llorens Castillo, a Josep Maria Sanmarti, a Javier Marcos Arévalo, a Hugh Thomas, a Mary Nash, a Jacobo Garda Blanco-Ciceron, a Mirta Nuii.ez Diaz-Balart, a Antonio Rojas Friend, a Fernando Diaz Plaja, a Francisco Espinosa y a Manuel Tagüena, porque entré a saco en sus publica ciones y me llevé valiosa informacion y numerosos documentas. A los funcionarios de la Biblioteca Nacional, de la Hemeroteca, y de la Biblioteca de la Comunidad de Madrid de la calle Doctor Esquerdo, que me ayudaron en mi busqueda. Y a Maria Ageo, que rastreo un sueii.o.
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Index des noms de pe rsonnes Abri!, V., 5 1 Adn, R . , 39, 42, 55 Aguilar Fernândez, P. , 22, 66 Aguirre, E., 1 9 Albaladejo, T. , 36 Alonso, S., 9, 15, 35-36, 7 1 , 74, 1 56 Alsina, J., 70, 74, 76, 96 Alvarez Pifier, L., I I I Anduj ar, M., 38-39, 41 Aranda, V., 51, 88, 1 06-1 07 Arce, M., 7 1 , 1 03 Arconada, C., 70-7 In Ardavfn, C., 1 5 Armendâriz, M . , 52, 88, 90, 1 06 Arroyo, D., 54, 63, 83, 1 63 Atxaga, B., 39, 41 Augé, M., 83, 1 20 Ayala, F. , 33, 38, 47, 53, 7 1 , 1 00, 1 1 8, 1 8 1 , 1 92 Azafia Diaz, M., 144- 145, 1 77, 1 95 Azcona, R., 5 1 Aznar, J.-M., 13, 2 1 , 43, 1 77 Baby, S., 1 5 Barrachina, M.-A., 1 32 Barthes, R., 26, 34, 142, 1 53 Beisel, 1., 74 Belén, A., 5 1 Benet , J . , 38-4 1 , 58, 75, 1 04, 1 1 2 Benjamin, W. , 1 56-1 5 7, 1 6 1 Bertrand d e Mufloz, M . , 7-8, 2 1 , 3 7 , 42, 52, 7 1 , 89 Bloch, M., 25 Bonoli, L., 27 Braudel, F., 25
Bussière-Perrin, A. , 7, 14 Camino, J., 5 1 Campuzano, F. , 1 3 Camus, M., 5 1 Caflil R., A. , 1 32 Carcelen, J.-F., 85, 87, 9 1 Carrard, P. , 25 Carrillo, S., 86, 1 49 Casado, S., 144-145 Casanova, J., 19, 52 Catena Sanj uân, A., 40, 42, 55, 58-59 Cela, C.-J., 10, 38-39, 41-42 Celan, P., I l l Cercas, J., 1 9-20, 32, 38-39, 4 1 , 47, 55, 92, 99, 1 1 2 Certeau, M. de, 26 Cervera, A., passim Chac6n, D., passim Chaput, M.-C., 7 Chartier, R. , 25-26 Chirbes, R., 39, 65, 85, 99 Cierva, R. de la, 1 9 Clotas, A . , 2 2 Corrado, 0., 7 Corrales Egea, J., 39-40 Cortés, M., 1 1 7 Cortés Pellicer, J., 39, 42, 54-55, 59, 6 1 Covo, J . , 7 Croce, B., 1 57 Cros, E., 37, 52 Cuerda, J.-L., 52, 60 Dallenbach, L., 98, 100 Delibes, M., 1 0, 38-42
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INDEX DES NOMS DE PERSONNES
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Gonzalez del Toro, R. , 130 Gonzalez, F. , 20, 43, 79 Goytisolo, J., 38-4 1 , 1 1 2 Grandes, A. , 9, 1 1 , 1 9 , 2 1 , 23, 3 1 , 38-39, 42, 48, 55, 69 Gubern, R. , 22 Guelbenzu, J.-M., 39 Guerra, A. , 22 Guerra Garrido, R., 4 1 , 53, 7 1 Gutiérrez Aragon, M . , 5 1
Di Febo, G . , 88-89, 92 Diaz Gonzalez, E . , 1 02, 1 1 9 Diaz Luis, M., 39, 4 1 Duby, G . , 25 Eco, U., 1 1 2 Eliade, M . , 28, 1 52-153 Erice, V. , 5 1 , 1 1 8 Febvre, L., 25 Fernandez Ayala, J., 1 23 Fernandez Delgado, J.-J., 39, 4 1 , 55 Fernandez Prieto, C., 33, 37 Ferrero, J., 39, 42, 56, 86, 92, 99 Ferres, A., 38-39, 42, 56 Fonseca, C., 39, 42, 86 Foucault, M . , 120 Franco Bahamonde, F., 8, 13, 1 5, 19, 40, 45-46, 49, 68, 1 20, 1 39, 1 4 1-148, 1 50, 1 54, 1 62 , 1 75, 1 96- 1 9 7 Fraser, R . , 1 1 7
Halbwachs, M., 29-3 1 , 66, 1 6 1 Heine, H . , 44, 47, 7 1 Hemingway, E . , 53, 5 5 , 63, 90 Herrera Petere, J., 7 1 Hitler, A., 1 44-1 46, 1 92 Hiriart, R., 1 1 8 Ibarruri, D . (voir Pasionaria), 44 Ingenschay, D., 35-36 lzquierdo, J.-M., 54, 64, 70, 1 62
Galindo, D . , 1 8 Galindo, N., 1 8 Galvez, S . , 46 Garcia, C., 89 Garcia Aller, A., 8 Garcia Berlanga, J.-L., 5 1 Garcia Diaz, G . , 1 0 1 , 1 95 Garcia Lorca, F., 1 8, 1 04, 1 2 7 Garcia-Madrid, A. , 89 Garcia Marquez, G . , 97 Garcia Montalvo, P. , 39, 4 1 Garcia Rodero, C . , 1 79 Garzon, B . , 1 8, 52 Gavela, C., 39, 4 1 , 54-55, 5 7-58, 6 1 Genette, G . , 25-2 7, 98, 1 08-1 09 Giron, M., 58 Gironella, J.-M . , 38 Goldmann, L. , 33 Gomez Lopez Quifi.ones, A., 8, 38, 83, 85, 9 1-92 , 1 1 0, 1 29, 1 38 Gomez Montero, J., 8, 1 5 , 38, 5 1 , 88 Goncourt (frères) , 23 Gonzalez Casanova, J.-A. , 22
Jakobson, R., 29, 33 Jean XXIII, 1 38, 1 50 Juan Carlos 1er, 1 85, 1 9 1 Julia, s . , 9 , 1 6-1 7, 22, 44
Kent, V., 93, 144- 1 45 Kolstov, M., 137, 144-1 46 Kristeva, J . , 98 Laforet, C., 1 1 8 Landero, L., 38-39, 4 1 , 43, 47, 55 Langlois, V., 24 Le Goff, J., 25, 28, 1 57-1 58 Lejeune, P., 33, 54, 1 09 Liikanen, E., 1 5 , 65 Linz, J., 1 3 Lister, E., 1 28n Lister (général), 1 28n Llamazares, J., passim Lopez, A. , 20, 86 Lopez Guzman, M., 58-59 Ludec, J., 23 Luengo, A., 8, 38, 70, 1 5 1
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Lukacs, G . , 32 Lyotard, F., 1 6 Maclas Pérez, S., 45, 1 77 Mainer, J.-C . , 9, 52 Marsé, J., 1 0, 16, 22, 38, 40-43, 47, 53-55, 65, 7 1 ' 78, 82, 99, 1 04, 1 1 0, 1 1 2, 1 1 8, 125 Martin Pallfn, J.-A., 1 7 Martin Santos, L., 2 2 Martinez Aranda, A., 56, 1 06 Martinez Gallo, A., 40, 42, 55 Martinez Lazaro, E . , 52 Martinez Lopez, F. , < < El Quico ' ' • 48 Martinez Pison, 1., 86 Méndez, A., 38, 40, 42, 52, 55, 59-6 1 Mendoza, E., 1 0 , 38, 40-4 1 , 43, 54n-55 Merino, J.-M., 34, 42 Millas , J.-J., 38, 40-41 Moa, P., 1 9 Molinero, C . , 2 2 Montero, Remedios, 1 3 1 Montero, Rosa, 14, 54n-55 Montseny, F. , 89, 1 44-1 45 Monzon, J . , 1 48-1 49 Moran, G., 22 Mufloz Molina, A., 1 0 , 20-2 1 , 29, 3 1 -32, 36, 39-43, 47, 49, 55, 7 1-72, 92, 99, 1 24 Navarro, V., 1 5 Nash, M . , 1 06, 1 1 0 Negrin, J., 1 28, 1 44-1 45, 157 Nieves Conde, J.-A., 51 Nora, P. , 25n, 38, 70 Nuflez, Mercedes, 89 Nufi.ez, Miguel, 46 Orsini-Saillet, C., 32, 70 Ortega y Gasset, J . , 34, 66 Pasionaria (la) (voir Ibarruri, D.), 144- 1 45 Paul VI, 1 38, 1 50, 1 76 Pérez Galdos, B . , 50 Pereira Gonzalez, D . , 1 8
Pérez Ledesma, M . , 8 Pérez Reverte, A. , 1 0 Pie XII, 1 38, 1 50 Pineda, M., 1 26- 1 2 7 P l a Messeguer, T. , 5 5 Pomian, K., 26 Potocki, J., 58 Prada, J.-M. de la, 10, 39 Preston, P. , 1 8, 46 Rabinad, A., 38, 40-41 Reig Tapia, A. , 1 9 Revel, J.-F., 25 Ricœur, P. , 23-30, 33, 1 63 Ridao, J.-M., 39-4 1 , 54-55, 6 1 , 1 53 Rier� C., 38, 40, 42, 48, 55, 60, 1 1 2 Ripa, Y. , 1 2 7 Rivas, M., 38-41 Robin, R., 27, 65 Rodrigo, A., 1 2 7 Rojo, J.-A. , 1 8 Romea, J., 1 30 Ramera Castillo, J., 37 Romero Gomez, E . , 5 1 n, 71 Romero Moreno, M., 1 1 1 Romeu Alfaro, F. , 1 6- 1 7, 3 1 , 47, 7 1 , 88, 9 1 , 1 06, 1 1 0, 1 2 7 , 1 32 , 1 45, 1 98 Rosa, J.-M. de la, 40, 42, 56 Ruiz de Ayucar, A., 7 1 Ruiz Zafon, C . , 39-4 1 Saint Augustin, 29, 1 58 Sanchez Biosca, V., 88, 1 06-107 Sanchez Ostiz, M., 77 Sanchez Valdés, J . , 5 1 , 70 Sarria Buil, A., 1 5 Saura, C . , 5 1 Scott, W. , 35 Seignobos, C., 24 Semprun, J., 40, 42, 67, 86 Sender, R.-J., 38, 53, 7 1 , 138 Serra, F. , 32 Serrano, D., 88 Serrano, R., 88
205
OUBLI ET MÉMOIRE
Serrano, S., 44, 47, 7 1 , 73, 90, 1 1 0, 1 23, 1 28, 1 30, 1 32 Sevilla Lozano, J., 40-4 1 , 55-56, 1 53 Silva Barrera, E., 1 4-15, 45 Silva, L., 38, 6 1 Soldevila, 1 . , 36-37, 53 Soubeyroux, J . , 7, 37, 52, 1 5 1 Suarez, A , 13, 1 8 Subirats, E . , 1 5 , 2 2 Tena, J . , 52-54, 56 Todorov, T. , 27 Toro, G. del, 52 Trapiello, A , 39-42, 47, 54-55, 58 Tristan, R., 40, 42, 55 Tyras, G., 6 1 , 64, 69-70, 72, 75-77, 79-82, 96, 105, 1 1 0, 1 5 1 Umbral, F. , 22, 38, 40-41 Vallej o, C., 1 1 1 Vazquez Aspiri, H., 7 1
Vazquez Montalban, M . , 22, 38, 40-4 1 , 53, 65, 82, 99, 1 1 0, 1 1 2 Vergillos, J., 39-40, 42, 55, 58-59 Veyne, P., 23, 25 Vidal Beneyto, J., 22 Vidal Sales, J.-A , 1 7, 48, 50, 73, 1 03, 135 Vila, J., 1 5 , 42, 52, 54, 70 Vila Izquierdo, J . , 40-4 1 , 55, 56, 7 1 , 90, 1 04, 106 Villar Raso, M., 55 Whale, J., White, H., Wilde, 0., Wood, S.,
INTRODUCTION
. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . .. . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
RÉFLEXION SUR LE FAIT HISTORICO-LITTÉRAIRE ÉCRITURE DE L'HISTOIRE ET LITTÉRATURE .. ... . . .
1 18 25 78, 1 1 0 53
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7
13
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La Transition. Problème d e la périodisation. Transition e t oubli . .... ..... 1 3 U n oubli volontaire ? ................................................................................................................. 20 .......
Yourcenar, M., 33 Yusta Rodrigo, M., 8-9, 2 1 , 44, 1 49, 1 79 Zapatero (Rodriguez), J.-L . , 191 Zuniga, J.-E., 38, 40-41
Ta ble des matières
43, 1 77,
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Histoire et représentation ou écriture de l'histoire .. . . .. . . 23 Définitions. De la mémoire, des mémoires ? .................................. -.................-......... 29 ..............
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Fictionnalisation de l'histoire ou historicisation de la fiction LE ROMAN DE LA GUÉRILLA ANTIFRANQUISTE
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32
. 35
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Le roman historique sur l'histoire espagnole du xxe siècle ... . . . .. 35 Typologie. Caractéristiques ................................................................................................. 35 Inventaire des œuvres ........ ...... ................... ............................... ............................................. 38 Romans « historiques » sur le Franquisme, publiés depuis 1 975 ..................... 39 Classement par auteurs ................................................................................................... 39 Classement chronologique des romans ... ............................................................. ..40 .........
La figure littéraire du résistant antifranquiste
. . . . ...... ...
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. .. . . . .. .... .43 La figure du guérilléro et la revendication du mouvement guérilléro .......... .43 Les formes de la résistance antifranquiste ................................................................. .46 Le temps de la résistance ...................................................................................................... 48 La terminologie ........................................................................................................................... 49 ................... ....
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Les romans sur la guérilla . . . . . . . . . .... . . . .. . ... 5 1 Résumés ............ ........................ ............... ................ ,.......... , ........................................................... 56 ...
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DE LUNA DE LOBOS (1985) DE JULIO LLAMAZARES À LA VOZ DORMIDA (2002) DE DULCE CHACON . . . .. . ...
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63
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Émergence de la figure littéraire du résistant antifranquiste
. . . . . . . . . . . . . . .. . . . .
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Parenté et genèse des œuvres . . . .. ... . . .... . .. . . . . . . . . ..... . . . . . . . . . . 63 Premières remarques sur les auteurs ............................................................................. 65 .....................
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Trois romans de la mémoire de la guérilla . . .. ... . .... 70 Luna de labos (1 985). Mémoire poétique ............. ................ ......................................... 70 . . . . .. . . .. . . . . . . .. . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . .
206
207
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OUBLI ET MÉMOIRE
OUBLI ET MÉMOIRE
Une symphonie obscure en quatre mouvements . . . . .. 73 Maquis (1997) . Les voix du maquis ................................................................................... 7 7 Structure diégétique e t temporelle ............................................................................. 7 8 Mémoire e t polyphonie ......................... ........................ ....................... ........... ......... ......... 80 La voz dormida (2002). Voix de femmes ............................................................. ........... 84 . ....... .....
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS ROMANS .
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ANNEXES
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Documents .... . . . . .. ......... ....... . . . . ....... ... ........ . .
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Textes littéraires . . . .. . .... ... . . . ..... . . . . .
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Hommages et remerciements . .
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INDEX DES NOMS D E PERSONNES
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Réalisme et mythification . .. ... . . . . . . .. .. ... . . . . . . 1 1 2 Thèmes ..... . .......................................................... ....................................................... , ................. 1 1 3 Dégradation, humiliations, perte de dignité des maquisards .................. 1 1 3 Animalisation ...................................... ............................................. ............... ............. 1 1 3 L'homme-loup ................. ....................................................................................... 1 1 4 L'homme-taupe......................-......................-....................................................... 1 1 7 Corps mutilé, corps escamoté, corps dénié, corps momifié ............. 1 2 0 Sévices, tortures, humiliations ................................. ......................................... 1 2 5 Les actions d e la guérilla ........ .................... ............... . ................................... ..... .......... 1 2 8 L a mise e n spectacle de la violence ................................................................ 1 29 Le rôle des femmes : de secondaire à principal ........................................ 1 30 Les contacts ................................................................................................................. 134 Les forces contraires .... ............. .. ........ ............ ... . .......................................... .......... 1 35 Les figures ambivalentes du médecin, du curé, de l'instituteur ...... 1 3 7 Hybridité générique : roman ou histoire ? .................................................................. 1 4 1 Personnages historiques et fiction ......................................................................... 1 42 Mythification des guérilléros. Légende et Histoire ............................................... 1 52 ......... ......... ...
CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE .. .............. ..... . .. .
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CHRONOLOGIE ET LOIS IMPORTANTES .
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. . . .. ..... .................. .. . . 1 75
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ŒUVRES DE JULIO LLAMAZARES, D'ALFONS CERVERA ET DE DULCE CHACON . . . . . . . . . . .. . . . . . . .. . . . . .. . . . . . . . . . .
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Imprimé en France · JOUVE, 1 , rue du Docteur Sauvé, 53 1 00 MAYENNE W 6 1 5629K · Dépôt légal : décembre 20 1 0
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Aspects narratifs . .. .... . . . . . ... ...... . . . .. . . .. ... . 95 Instance narrative ........ ..... .... ..... . ......... ........... .................................... ............ ....................... .... 95 Pratiques intertextuelles ................................ ........................................................................ 98 Intertextualité générale ... -................................................... ................................................ 1 00 Luna de lobos. Aux sources du roman .................................................................. 1 00 Maquis . . ... . ... .. . . .-............... ........... ........... .............................. .... .......................... .. 1 04 La voz dormida ... . . . . . .... . . . . .. ... . . . . . . . . . . . . . . .. . . 1 06 Intertextualité interne. Autotextualité .................................................. ...... ...... ........... 1 08 Intertextualité entre les trois romans. D'un auteur à un autre ....................... 1 08 ..... .
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