Initiation à la Géologie Volume 1
Préambule à l’étude des roches et des minéraux
FIGURE 1. Prismes volcaniques (Île de Milos, Grèce).
Tanguy JEAN 2007
Club CPN des Sittelles Connaître et Protéger la Nature La Tullaye 42 boulevard des Pas enchantés 44230 Saint-Sébastien-sur-Loire http://cpn.sittelles.free.fr
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Initiation à la Géologie
L
a collection Initiation à la Géologie est un ensemble d’ouvrages édités par le club CPN des Sittelles (Saint-Sébastien-sur-Loire) qui visent à rendre accessibles au plus grand nombre les principales notions des Sciences de la Terre. Le texte est généralement original et soumis aux droits d’auteur, malgré l’absence de dépôt légal. Le Club CPN des Sittelles et les auteurs collaborant à cette collection autorisent l’utilisation et la diffusion de son contenu à la seule condition d’en citer la source.
Préambule à l’étude des roches et des minéraux « Initiation à la Géologie », volume 1 Club CPN des Sittelles, Saint-Sébastien-sur-Loire (44, France) Texte et mise en page de Tanguy JEAN Illustrations : crédits cités en fin d’ouvrage
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Sommaire Sommaire
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Introduction
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I. Présentation des roches, minéraux et notions corrélées et de leurs disciplines d’étude A. Définition des roches et minéraux 1. Définition d’un minéral 2. Définition d’une roche 3. Remarques sur une terminologie courante B. Sol, sous-sol, terrain, affleurement C. Notions de magmas, laves et projections D. L’étude des roches et minéraux : terminologie
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II. Un premier aperçu de la diversité des roches : les grandes groupes et leur identification A. Grands groupes de roches 1. Roches sédimentaires (exogènes) 2. Roches endogènes (magmatiques, métamorphiques) a. Les roches magmatiques α. Les roches volcaniques β. Les roches plutoniques γ. Les roches de type intermédiaire b. Les roches métamorphiques c. Cas particulier des roches hydrothermales B. Identification des grands groupes de roches 1. Tableau comparatif des critères distinctifs 2. Identification par la structure et proposition d’un tableau de détermination a. La structure pétrographique et son intérêt dans l’identification b. Proposition d’un tableau d’identification
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Références
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Introduction
L’année 2007 marque un tournant pour le club CPN des Sittelles la géologie apparaît dans les activités de l’association. Il s’agit là d’une discipline très intéressante mais, hélas, relativement complexe et dont l’appréhension requiert souvent un minimum de connaissances. Pour faciliter la compréhension, lors des sorties, des phénomènes observés sur le terrain, la collection « Initiation à la Géologie », éditée par le club CPN des Sittelles, se propose de fournir une première approche des Sciences de la Terre accessible au plus grand nombre, de manière à vulgariser les bases de ce vaste domaine scientifique et naturaliste. Et il faut commencer par le début : définir les roches et les minéraux, et notions corrélées, qui sont le premier support d’étude du géologue. La Terre est une planète du système solaire de forme globalement ellipsoïdale, presque sphérique, dont le rayon moyen mesure environ 6370 km. Diverses techniques comme les études sismologiques mettent en évidence une « zonation » concentrique dans la structure de notre planète (la Terre se présente sous la forme de couches concentriques se superposant les unes aux autres). La partie solide la plus superficielle de la Terre a reçu le nom de lithosphère (du gr. lithos, pierre) et se compose de matériaux nommés roches qui sont constitués d’assemblages d’espèces chimiques naturelles se présentant le plus souvent sous la forme de solides cristallins, les minéraux. Dans tous les domaines des sciences de la Terre, c’est avant tout à des roches qu’on est confronté et tout géologue doit pouvoir disposer de bases lui permettant de connaître et reconnaître ces corps pour ensuite, par leur intermédiaire, appréhender notre planète et son fonctionnement. Qu’est-ce qu’une roche ? Qu’est-ce qu’un minéral ? Quels sont les concepts de base de la pétrologie et de la minéralogie ? Ce petit travail a pour but de répondre succinctement à ces questions. Notez que la diversité des roches et des minéraux feront l’objet d’autres petits ouvrages de la collection.
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I. Présentation des roches, minéraux et notions corrélées et de leurs disciplines d’étude Qu’est-ce qu’une roche ? Qu’est-ce qu’un minéral ? Commençons par définir et resituer dans leur contexte ces deux notions géologiques fondamentales sans, pour l’instant, entrer dans trop de détails.
A. Définition des roches et minéraux 1. Définition d’un minéral Pour FOUCAULT & RAOULT (2005), un minéral1 est une « espèce chimique naturelle se présentant le plus souvent sous la forme d’un solide cristallin » (on aurait pu dire « presque toujours »), les minéraux étant les unités élémentaires constitutives des roches (que nous définissons au point suivant) même si on retrouve aussi des minéraux non organisés en roches proprement dites dans l’asthénosphère par exemple. On rappelle qu’une espèce chimique est un corps pur, composé d’une seule et même entité chimique (aux impuretés près), qu’un solide consiste en un état condensé de la matière où les molécules sont globalement fixes les unes par rapport aux autres (et qui résiste au cisaillement) et qu’un cristal est un état de la matière solide caractérisé par une structure spatiale périodique, le motif élémentaire qui se répète par translation dans les trois dimensions de l’espace portant le nom de maille (un ou plusieurs atomes, ions ou molécules) ; on parle de réseau cristallin pour désigner cette répétition de motifs élémentaires (voir par exemple ROBERT, 2004).
FIGURE 2. Cristaux de calcite et de pyrite. Marquise (62, France)
2. Définition d’une roche Une roche2 est un matériau constitutif de la lithosphère, formé d’un assemblage massif de minéraux (rarement un seul) et présentant une certaine homogénéité statistique (entendez : ces minéraux se trouvent représentés et assemblés de manière globalement homogène au sein de la roche). Attention, le fait de dire que les roches constituent la lithosphère ne signifie pas nécessairement que la lithosphère est leur lieu de formation.
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De minerai qui vient lui-même de mine (dérivant du gallo-roman mina). Du latin populaire rocca, roche. Initiation à la Géologie 1 ● Préambule à l’étude des roches et de minéraux ● Tanguy JEAN (2007) – Page 6 –
FIGURE 3. Gneiss chloritoïdique. Petrolina (Brésil)
3. Remarques sur une terminologie courante On attribue souvent à un échantillon rocheux le terme de « pierre » ou « caillou ». Ces termes sont acceptés et reconnus par l’ouvrage de FOUCAULT & RAOULT (2005) et couramment employés par les géologues, au moins oralement. Il est à noter néanmoins qu’en pétrologie sédimentaire, ces mots peuvent prendre une signification plus précise basée sur la granulométrie. Les termes de roche ou d’échantillon rocheux sont donc d’un usage préférable pour éviter toute confusion avec une terminologie plus précise. Les termes de gemme3 ou pierre précieuse désignent quant à eux des minéraux, assemblages de minéraux ou concrétions (comme la perle) dont la beauté (éclat, limpidité, couleurs, etc.) et la rareté en font des objets de bijouterie. Remarque : le terme de gemme peut aussi désigner la résine de pin ou encore la halite (sel gemme, ou sel NaCl).
B. Sol, sous-sol, terrain, affleurement Le sol est la formation superficielle qui résulte de l’altération sur place des roches sous-jacentes par l’eau, l’air et les êtres vivants – ce qui en fait une interface hydrosphère-atmosphère-lithosphère-biosphère – et du mélange des produits de cette altération avec une proportion variable de matière organique ; il est organisé verticalement en différents niveaux nommés horizons (voir les chapitres de pédologie). Le mot sous-sol désigne les roches situées sous le sol et, de manière plus générale, oppose les roches vraies au sol. Un terrain est un ensemble de roches que l’on regroupe pour des raisons tectoniques ou stratigraphiques et qui ont une cohérence d’ensemble de ces points de vue. Un affleurement est une partie de terrain visible à la surface de la Terre et qui n’est donc pas masquée par le sol ou des alluvions (on dit de la roche qu’elle « affleure »).
C. Notions de magmas, laves et projections Un magma4 est un liquide à haute température (au moins 600 °C) qui est constitué de matériaux mantelliques formés plus ou moins en profondeur (magma primaire) ou provient de la fusion de roches préexistantes (magma d’anatexie). Les magmas prennent le nom de laves5 quand ils sont émis à la surface de la Terre sous forme
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Du latin gemma, bourgeon. Mot grec désignant un résidu pâteux. De l’italien lava, même signification. Initiation à la Géologie 1 ● Préambule à l’étude des roches et de minéraux ● Tanguy JEAN (2007) – Page 7 –
visqueuse où ils s’écoulent (coulées) et cristallisant plus ou moins rapidement (notez que la cristallisation commence généralement avant l’arrivée à la surface). Ils forment des projections volcaniques ou éjectas6 quand ils sont projetés sous forme solide par les volcans. Notez qu’on réserve le terme d’émission aux matériaux gazeux et aux laves.
FIGURE 4. Éruption du Piton de la Fournaise. La Réunion (France)
D. L’étude des roches et minéraux : terminologie L’étude des roches porte le nom de pétrologie7 ou pétrographie8 au sens large (le terme de lithologie9 semble aujourd’hui désuet). La pétrologie comprend la description des roches (pétrographie au sens strict), leur classification et l’interprétation de leur genèse. L’étude des minéraux est la minéralogie (et celle plus particulière des pierres précieuses est appelée gemmologie) ; celle-ci s’appuie largement sur la cristallographie (étude des propriétés de l’état cristallin de la matière) et la géochimie (étude des éléments chimiques et de leur comportement dans les roches10). La magmatologie désigne, dans un sens restreint, l’étude des magmas et particulièrement leur chimie et, dans un sens global, l’étude de l’ensemble du phénomène magmatique. La volcanologie quant à elle est tout simplement l’étude des volcans et du volcanisme.
6 Participe passé latin pluriel (signifie « éléments éjectés »), s’écrit ejecta (singulier ejectum) ou francisé éjectas (singulier éjecta) ; surtout employé au pluriel. 7 Du grec petra, pierre, et logos, discours (et, par extension, étude, science). 8 Du grec petra, pierre, et graphein, écrire. 9 Du grec lithos, pierre, et logos, discours (et, par extension, étude, science). On réserve aujourd’hui le terme de lithologie pour désigner la nature des roches d’une formation donnée. 10 La géochimie comprend également l’étude des éléments chimiques dans les eaux et l’atmosphère.
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II. Un premier aperçu de la diversité des roches : les grands groupes et leur identification La diversité des roches et minéraux tout comme leur classification constitue l’objet d’autres livrets de la collection « Initiation à la Géologie ». Néanmoins, donnons tout de suite quelques éléments pour avancer dans notre étude relativement aux grands types de roches. Nous listons ci-après les principaux groupes de roches généralement reconnus en donnant, dans le tableau I, les critères utiles à leur reconnaissance ; notez que la frontière entre ces différents groupes est parfois floue et que les auteurs ne s’entendent pas tous sur une même nomenclature (nous avons de notre côté essayé de présenter les choses de la manière la plus consensuelle possible, en retenant les options majoritairement admises). Attention, tous les termes techniques de pétrologie ou de minéralogie utilisés sont définis dans d’autres livrets.
A. Grands groupes de roches 1. Roches sédimentaires (exogènes) Les roches sédimentaires sont les roches résultant de l’accumulation et la compaction de fragments minéraux ou débris biologiques, de la précipitation à partir de solutions, ou se formant à partir de roches préexistantes auxquelles les eaux ont enlevé des éléments ; dans ce dernier cas, on les nomme roches résiduelles. Les roches sédimentaires sont aussi appelées roches exogènes car elles se forment à la surface de la Terre, sous l’effet d’agents externes (eau, vent, etc.) et non d’agents des profondeurs de la Terre. Le terme de sédiment11, d’où est issue l’expression « roches sédimentaires », désigne un ensemble de matériaux sous forme de particules d’origine plus ou moins grosses ou de matières précipitées ayant séparément subi un certain transport. Un sédiment devient une roche sédimentaire après une étape nommée diagenèse12 que nous traiterons en pétrologie sédimentaire. Notez que, pour FOUCAULT & RAOULT (2005), les roches exogènes sont divisées en deux groupes, celui des roches sédimentaires et celui des roches résiduelles qu’ils excluent des roches sédimentaires. Nous n’avons pas retenu cette option car elle ne domine pas la littérature française, même si on peut considérer qu’il n’y a pas vraiment de passage par un état « sédiment » dans une roche résiduelle puisque les matériaux résiduels ne subissent généralement pas de transport.
FIGURE 5. Un conglomérat de type « poudingue ». Provenance inconnue
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Du latin sedimentum, dépôt, de sedere, séjourner, demeurer Du grec dia, à travers, et genêsis, formation Initiation à la Géologie 1 ● Préambule à l’étude des roches et de minéraux ● Tanguy JEAN (2007) – Page 9 –
2. Roches endogènes (magmatiques, métamorphiques) Les roches endogènes sont formées au moins en partie à l’intérieur du globe ou sous l’effet d’agents internes, à des températures et pressions généralement supérieures à celles qui règnent habituellement en surface. Notez que certains auteurs considèrent certaines roches métamorphiques (métamorphisme de contact ou hydrothermal par exemple) comme exogènes car parfois formées en surface. Il s’agit là de savoir si l’opposition endogène-exogène repose sur le lieu où s’est formé la roche ou sur l’origine des agents responsables de cette formation. Nous préférons quant à nous nous en tenir à la solution la plus simple qui est aussi la plus couramment retenue et qui considère comme endogènes toutes les roches métamorphiques. Notez que POMEROL et al. (2003) semblent restreindre les roches endogènes aux seules roches magmatiques, ce qui ne nous semble pas justifié.
a. Les roches magmatiques On désigne sous le terme de roches magmatiques les roches qui résultent de la solidification d’un magma. On y distingue deux grands « types », les roches volcaniques et les roches plutoniques, auxquels s’ajoutent des cas intermédiaires. Le mot magmatisme (ou phénomène magmatique) regroupe l’ensemble des phénomènes liés à la formation, au déplacement et à la cristallisation des magmas.
α. Les roches volcaniques Les roches volcaniques (synonyme vulcanites, terme vieilli) sont les roches magmatiques qui se sont solidifiées, au moins en partie, à la surface de la lithosphère. Ces roches ont une structure microlitique ou vitreuse. L’adjectif volcanique vient de volcan : un volcan est un relief, généralement de forme conique et pouvant atteindre plusieurs km de haut, qui est constitué par l’empilement de laves ou d’éjecta. On désigne par volcanisme l’ensemble des manifestations des volcans et des phénomènes qui s’y rapportent.
FIGURE 6. Lame mince de basalte demi-deuil. (LPNA) Massif central (France)
FIGURE 7. Andésite à phénocristaux de hornblende et de plagioclase. Provenance inconnue Initiation à la Géologie 1 ● Préambule à l’étude des roches et de minéraux ● Tanguy JEAN (2007) – Page 10 –
β. Les roches plutoniques Les roches plutoniques (synonyme plutonites, terme vieilli) sont les roches magmatiques qui ont cristallisé au sein de la lithosphère. Elles présentent une structure grenue. L’adjectif plutonique vient de pluton : un pluton est un massif de roches plutoniques (évidemment !) constituant une grosse masse ovoïde ou une grande lentille. Le plutonisme désigne l’ensemble des phénomènes associés à la mise en place et à la cristallisation des plutons et des roches plutoniques. Notez que les roches dites plutoniques ne sont pas toutes sous forme de plutons à proprement parler ; une roche plutonique est une roche magmatique qui se définit par sa structure grenue.
FIGURE 8. Granite rose poli. La Clarté, Perros-Guirec (22, France)
γ. Les roches de type intermédiaire Ce sont des roches de composition magmatique à structure microgrenue (parfois appelées microplutonites, terme vieilli, ou roches microplutoniques) ; elles souvent constituées en filons (roches filoniennes). On appelle filon13 une lame de roche, d’épaisseur quelques cm à quelques m, recoupant les structures de l’encaissant (roche environnante, antérieure) ou une lame de roche magmatique, épaisse d’un à plusieurs m, parallèle aux structures de l’encaissant (on parle alors de filon-couche ou sill).
FIGURE 9. Lame mince de microgranite à deux micas. (LPNA) Carrière du Tacot, Arleuf (58, France)
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De l’italien filone, augmentatif de filo, fil Initiation à la Géologie 1 ● Préambule à l’étude des roches et de minéraux ● Tanguy JEAN (2007) – Page 11 –
b. Les roches métamorphiques On appelle roche métamorphique une roche qui s’est formée à partir de roches préexistantes (magmatiques, sédimentaires ou déjà métamorphiques – termes respectifs : orthométamorphisme, paramétamorphisme, polymétamorphisme) essentiellement par des recristallisations minérales sous l’effet de modifications des conditions de température et de pression, à des températures ne permettant cependant pas ou peu la fusion (à la différence des roches magmatiques). On appelle métamorphisme14 (ou phénomène métamorphique) l’ensemble des processus de transformation de roches à l’état solide sous l’effet d’une modification des conditions de température et/ou de pression avec cristallisation de nouveaux minéraux – minéraux néoformés – et acquisition de textures ou structures particulières.
FIGURE 10. Schistes bleus à niveaux d’épidote (vert clair) et de glaucophane (bleue). Le Lavoir, Groix (56, France). Loupe : ∅ ≈ 2 cm
c. Cas particulier des roches hydrothermales FOUCAULT & RAOULT (2005) disent des roches hydrothermales qu’elles constituent « une catégorie un peu particulière de roches formées à partir de gaz ou de solutions à haute température, ayant des relations variées avec les magmas ». Ils placent cette catégorie dans les roches magmatiques mais elles sont en fait en position intermédiaire entre roches métamorphiques (on parle de métamorphisme hydrothermal) et magmatiques, et présentent en outre souvent des minéraux présents dans les roches sédimentaires ! Épineux problème de classification pétrologique…
FIGURE 11. Brèche hydrothermale à lamprophyre. Provenance inconnue
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De méta- et du grec morphê, forme Initiation à la Géologie 1 ● Préambule à l’étude des roches et de minéraux ● Tanguy JEAN (2007) – Page 12 –
B. Identification des grands groupes de roches 1. Tableau comparatif des critères distinctifs
Roches magmatiques
Roches sédimentaires
1. Fossiles absents (ou rarissimes) 2. Pas d’orientation spatiale des gros minéraux (phénocristaux) 3. Pas de schistosité ni de foliation
Roches volcaniques
Roches plutoniques
1. Structure microlitique ou vitreuse 2. Matrice vitreuse 3. Nombreuses petites vacuoles 4. Structure fluidale fréquente 5. Débit en prismes fréquent
1. Holocristallines 2. Grands cristaux reconnaissables à l’œil nu 3. Structure fluidale rare 4. Très compactes : cavités absentes (ou très rares) 6. Altération et fissures particulières : a) Les fissures se recoupent plus ou moins perpendiculairement b) Altération en boules c) Formes d’altération le plus souvent molles et ondulées
Roches intermédiaires
1. Structure microgrenue 2. Souvent en filons 3. Cf. pétrologie magmatique
1. Stratification le plus souvent très nette 2. Souvent fossilifères 3. Grandes formes d’altération le plus souvent abruptes et tourmentées 4. NB. Moraines : jamais litées, éléments non triés ; calcaires récifaux : presque jamais lités
Roches métamorphiques
1. Holocristallines : masse totalement cristallisée (sauf métamorphisme léger et inachevé) 2. Souvent cristaux de grande taille reconnaissables à l’œil nu 3. Structure parallèle, schistosités(s) 4. Très compactes, sans cavité 5. Fossiles généralement absents (mais pas toujours) 6. Pas de surfaces de clivage lisses 7. Grandes formes d’altération molles et ondulées 8. Éclat soyeux fréquent
TABLEAU I. Caractéristiques des principaux grands groupes de roches. Inspiré de SCHUMANN (1989 : page 370).
. Le tableau I est un tableau comparatif qui regroupe quelques critères (qui nécessitent parfois le recours au microscope ; c’est le cas par exemple de la différence entre structures microlitique et microgrenue notamment) utiles à la reconnaissance des grands groupes de roches que nous avons présenté (attention toutefois aux cas limites !). Nous rappelons que les termes techniques de pétrologie ou de minéralogie utilisés sont définis dans d’autres ouvrages de la collection.
2. Identification par la structure et proposition d’un tableau de détermination a. La structure pétrographique et son intérêt dans l’identification Lorsque l’on souhaite déterminer une roche, il convient d'abord d’essayer de la rattacher à un des groupes principaux. Pour cela, il faut examiner sa structure pétrographique, c'est-à-dire l'agencement et la disposition relative de ses constituants, et déterminer une éventuelle orientation (et, dans ce cas, laquelle). Cette méthode est utile face à tout échantillon de roche pour orienter rapidementt l’identification, particulièrement sur le terrain. Face à un affleurement, on s’efforcera d’observer plusieurs échantillons pour ne pas être trompé par un échantillon non caractéristique. Bien entendu, des échantillons de grande taille révèlent plus de détails que de petits fragments. On utilisera une loupe lorsque la stratification est très fine et on vérifiera toujours qu’un échantillon est représentatif de l'ensemble.
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Figure 12. Schistosité dans un schiste. Nohèdes (66, France)
b. Proposition d’un tableau d’identification Vous trouverez ce tableau dans le Mémento de Géologie distribué à tous les membres ainsi que sur le site Internet du club CPN des Sittelles (disponible en téléchargement : http://cpn.sittelles.free.fr/Detroches.pdf). Il est inspiré de SCHUMANN (1989) dont sont par ailleurs extraits les croquis. Il est à noter que cet ouvrage contient, dans sa traduction française, diverses inexactitudes que nous avons corrigées en ce qui concerne notre tableau. Notez que le tableau en question ne vise qu’à fournir un outil pratique d’orientation rapide de la détermination mais ne prétend à aucune exhaustivité ni à une efficacité totale. D’autre part, rappelons que rien ne vaut une étude approfondie, une diagnose en bonne et due forme et… une lame mince !
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Références BREUIL, M., 2003. Dictionnaire des Sciences de la Vie et de la Terre. Nathan, Paris, 2e édition (1e édition 1997), 544 pages. CARON, J.-M., A. GAUTHIER, J.-M. LARDEAUX, A. SCHAAF, J. ULYSSE & J. WOZNIAK, 2003. Comprendre et enseigner la planète Terre. Ophrys, Gap – Paris, 2e édition (1e édition 1989) 303 pages. FOUCAULT, A. & J.-F. RAOULT, 2005. Dictionnaire de Géologie. « UniverSciences », Dunod, Paris, 6e édition (1e édition 1980), 382 pages. KORNPROBST, J., 2001. Métamorphisme et roches métamorphiques. Signification géodynamique. « Sciences Sup », Dunod, Paris, 3e édition (1e édition 1994), 235 pages. MACKENZIE. W. S. & A. E. ADAMS, 2005. Initiation à la pétrographie. « Sciences Sup » (série « Atlas »), Dunod, Paris, 192 pages. MEHIER, B., 1995. Magmatisme et tectonique des plaques. « Sciences de la Vie et de la Terre », Ellipses, Paris, 256 pages. POMEROL, C., Y. LAGABRIELLE & M. RENARD, 2003. Éléments de géologie. « Masson Sciences », Dunod, Paris, 12e édition (1e édition 1965), 746 pages. ROBERT, J. (dir.), 2004. Dictionnaire de Physique et de Chimie. Nathan, Paris, 521 pages. SCHUMANN, W., 1989. Guide des Pierres et minéraux. « Les Guides du Naturaliste », Delachaux et Niestlé, Neuchâtel (Confédération helvétique) – Paris, 381 pages.
Crédits iconographiques Page 1, figure 1 : http://www.milos-travel.com/milos_travel_f/uebersicht.htm Page 6, figure 2 : http://euromin.w3sites.net/mineraux/CALCITE.html Page 7, figure 3 : http://www.geol.umd.edu/pages/meetings/Post-071606.htm Page 8, figure 4 : http://www.fournaise.info/ Page 9, figure 5 : http://encyclopedia.erpi.com/rochesEtMineraux/conglomerat_image_9262_6205_2552 © Dorling Kindersley Page 10, figure 6 : http://www.flickr.com/photos/fredlab/429700798/ Page 10, figure 7 : http://www.pitt.edu/~cejones/GeoImages/2IgneousRocks/IgneousCompositions/5Andesite.html Page 11, figure 8 : http://www.bretagne-environnement.org/galerie?id_photo=1159798315&id_album=1147677998&popup=&album=article&format=original Page 11, figure 9 : http://perso.orange.fr/jacques.delfour/mg2m.htm Page 12, figure 10 : http://christian.nicollet.free.fr/page/enseignement/SBGroix.html © Christian Nicollet Page 12, figure 11 : http://www2.brgm.fr/divers/br%C3%A8ches.htm © BRGM Page 14, figure 12 : http://www.catalanes.reserves-naturelles.org/siteweb_fran%C3%A7ais/patrimoine/patgeol.htm
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Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant
3. Les roches À l'exception de quelques récifs coralliens actuels (Saint-Gilles, Saint-Leu et SaintPierre) ou fossiles, La Réunion est une île entièrement formée de roches volcaniques ou apparentées et des produits qui en dérivent. C'est ainsi que la partie aérienne de l'île de La Réunion est pour l'essentiel formée par un empilement de coulées de laves, de projections volcaniques et de brèches* de démantèlement.
3.1. LA CLASSIFICATION DES ROCHES VOLCANIQUES Les produits volcaniques de La Réunion recouvrent une assez grande diversité pétrologique allant des basaltes* à des comendites* en passant par des hawaiites*, des mugéarites*, des benmoréites* et des trachytes*. Les classifications des roches volcaniques reposent sur plusieurs critères. Ainsi, les classifications peuvent être minéralogiques (d'après les minéraux contenus dans les produits volcaniques), chimiques (d'après le chimisme des roches) ou encore génétiques (d'après le mode de mise en place).
3.2. UNE GRANDE DIVERSITÉ DE COMPOSITIONS MINÉRALOGIQUES La classification minéralogique des laves repose sur la nature et la quantité de minéraux présents dans les produits volcaniques (figure 6). À La Réunion, les produits volcaniques sont des basaltes, des hawaiites, des mugéarites, des benmoréites des trachytes, des comendites.
Roches
Phénocristaux possibles
Mésostase
Basalte Hawaiite Mugéarite Benmoréite Trachyte Comendite
ol cpx plag mt plag cpx mt ol plag cpx plag fsp cpx fsp bio cpx fsp (bio)
ol cpx mt ilm plag ap cpx plag mt il mol ap fsp amph cpx plag mt ilm ap fsp amph cpx plag mt ilm ap fsp (qtz) fsp bio cpx plag mt ilm ap (qtz) fsp plag cpx ap amph qtz zircon
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(fsp = feldspaths* alcalins ; amph = amphibole* ; ap = apatite* ; bio = biotite* ; cpx = clinopyroxène* ilm = ilménite ; mt = magnétite* ; ol = olivine* ; opx= orthopyroxène* ;plag = plagioclase* ; qtz = quartz*)
Figure 6 - Assemblages minéralogiques observés dans les différentes roches volcaniques de La Réunion.
Kit Pédagogique Sciences de la Terre
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Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant
3.3. LES BASALTES L'essentiel de l'édifice volcanique de La Réunion est constitué de basaltes à olivine* (figure 7), d'océanites (figure 8) et de basaltes aphyriques*. Les océanites sont une variété de basalte qui contient beaucoup de mégacristaux d'olivine (basalte à olivine contenant plus de 20%), visibles à l'œil nu, englobés dans une pâte finement cristallisée contenant des microlites* de plagioclase*, du clinopyroxène*, de l'olivine et des minéraux opaques*.
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Figure 7 - Échantillon de basalte à olivine prélevé sur la coulée 2002 dans le Grand Brûlé.
Figure 8 - Échantillon d’océanite prélevé sur la coulée 1977 à Piton Sainte-Rose.
Les basaltes à olivine contiennent surtout des phénocristaux d'olivine auxquels s'ajoutent du clinopyroxène et du plagioclase. Les basaltes de La Réunion se situent à tous les niveaux stratigraphiques, en dykes*, en sills*, en coulées et sous forme de projections, de la base de l’édifice à son sommet (figure 9).
© BRGM- 2005
Figure 9 – Schéma d’un dyke et d’un sill
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La matrice, finement cristallisée, renferme des microlites de clinopyroxène, de plagioclase calcique, d’oxydes et d’olivine (figure 10). Les vésicules* peuvent être nombreuses. La présence de mégacristaux d’olivine confère à la roche une structure microlitique porphyrique*. Ces cristaux sont parfois automorphes*, mais plus souvent xénomorphes* et corrodés. Dans ce cas, ils renferment souvent des inclusions de spinelle chromifère. Le clinopyroxène est parfois présent, ainsi que des oxydes, toujours en quantité moindre que l’olivine. © LSTUR - 2005
Figure 10 - Photographie au microscope en lumière polarisée d’une lame mince de basalte à olivine.
3.4. LES LAVES DIFFÉRENCIÉES : DES HAWAIITES AUX TRACHYTES Leur volume par rapport aux basaltes est faible (inférieur à 10 %) mais comme il s'agit des derniers produits émis par le Piton des Neiges, ils tendent à recouvrir les basaltes antérieurs et donc à être surreprésentés en surface. Les hawaiites (figure 11) sont abondantes sur les pentes externes du Piton des Neiges. Elles se rencontrent sous deux faciès : - un faciès porphyrique* à très grands cristaux automorphes de plagioclases représentant jusqu'à 50 % du volume de la lave. Elles ont été appelées « Roches Pintades » et utilisées anciennement comme repère stratigraphique ; - un faciès aphyrique compact avec une texture* fluidale soulignée par des baguettes de plagioclase.
Cette lave possède une structure microlitique porphyrique avec des mégacristaux de plagioclase calcique (labrador), de clinopyroxène, d’oxydes et d’olivine. Ils sont le plus souvent sub-automorphes ou xénomorphes ; les olivines sont ici assez largement altérées, envahies d’oxydes sur leur pourtour ou le long des craquelures. Ces cristaux sont inclus dans une matrice riche en oxydes, où ont également cristallisé des plagioclases calciques, des pyroxènes, de l’olivine et des oxydes. © LSTUR - 2005
Figure 11 - Photographie au microscope en lumière polarisée d’une lame mince d’hawaiïte.
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Les mugéarites sont abondantes sur les parois hautes des cirques et sur les pentes externes du Piton des Neiges (figure 12). Le magma* juvénile présent dans les ignimbrites du cirque de Salazie a lui aussi une composition de mugéarite.
© BRGM- 2005
Figure 12 - Affleurement de mugéarite au lieu-dit Pente Carozin dans le cirque de Salazie.
Cette roche possède une structure microlitique avec une matrice assez largement cristallisée, envahie par les microlites de plagioclase (andésine*, labrador), de clinopyroxène, d’olivine et d’oxydes (figure 13). Le plus souvent, ces laves sont aphyriques. Toutefois, de rares mégacristaux de plagioclase (andésine, labrador) peuvent être présents. Ils sont le plus souvent subautomorphes ou xénomorphes.
© LSTUR - 2005
Figure 13 - Lame mince de mugéarite photographiée au microscope en lumière polarisée.
Les benmoréites sont peu abondantes. Elles apparaissent en coulées au sommet des remparts et sur les planèzes* du Piton des Neiges. Les trachytes sont plus riches en silice que les précédentes, plus visqueux et se rencontrent donc plutôt sous la forme de dômes-coulées (plateau de Bélouve) (figure 14). Ils se trouvent aussi sous forme de dykes et de sills dans le cœur des
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trois cirques du Piton des Neiges. Des pyroclastites trachytiques peuvent être observées à l'exutoire des cirques : nuées de ponces* et de blocs* de Saint-Pierre et Saint-Louis. Les trachytes prennent souvent une couleur rosée en s’altérant.
© LSTUR - 2005 © BRGM - 2005
Figure 14 - Échantillon de trachyte prélevé dans le lit de la rivière des Fleurs Jaunes, cirque de Salazie.
Figure 15 - Photographie au microscope en lumière polarisée d’une lame mince de trachyte.
Cette roche peut présenter une matrice assez largement cristallisée, envahie de microlites de feldspath alcalins et de plagioclases montrant une orientation marquée (figure 15). Ils sont accompagnés de clinopyroxènes, d’oxydes, d’amphiboles, d’olivine, d’apatite* et de quartz*. Les mégacristaux sont constitués de feldspaths alcalins (anorthose* principalement) et de feldspath plagioclase (andésine et oligoclase), parfois accompagnés de pyroxènes et d’amphibole.
3.5. UN GRAND ÉVENTAIL DE COMPOSITIONS CHIMIQUES La petite taille des minéraux des laves et l'abondance de verre* font qu'il est souvent plus facile mais pas forcément plus rigoureux (car il faut alors faire abstraction de l'altération des roches) de nommer les roches volcaniques en fonction de leurs compositions chimiques. Ce mode de classification repose principalement sur les teneurs en silice et en éléments alcalins, principalement le sodium et le potassium. Reportées dans un diagramme SiO2 (Na2O + K2O) (figure16), les laves de La Réunion montrent une localisation préférentielle dans le domaine des séries faiblement alcalines.
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16 Piton des Neiges
14 12 Na2O+K2O (%)
Piton de la Fournaise
Phonolite
Foidite
10
Tephritic phonolite
Trachyte
Phonolitic tephrite
8
Benmoreite Basanite - Tephrite
Rhyolite
Mugearite
6 Alkaline basalt
Hawaiite
4
Dacite Andesite Basaltic andesite
Picrobasalt
2
Sub-alkaline Basalt
0 40 © BRGM - 2005
45
50
55
60
65
70
75
SiO2 (%) Figure 16 – Diagramme SiO2 (Na2O + K2O)
3.6. LE RÉCIF L'île est bordée sur sa côte occidentale et sud par un modeste récif frangeant (figure 17). Il est plat ; sa largeur n'excède jamais 200 mètres et la profondeur du lagon ne dépasse pas deux mètres. De la haute mer vers la côte, on relève tout d'abord un front récifal qui résulte de l'écroulement du platier* vivant battu par les vagues. Lui succède un platier compact. Celui-ci est colonisé par des mélobésiées* concrétionnaires, des hydrocoralliaires* et des madréporaires* (figure 18). La partie arrière du récif comprend des platiers nécrosés. Les datations du récif montrent qu’il s'est édifié au cours du Pléistocène et plus précisément depuis 8 500 ans, à une vitesse moyenne de croissance verticale de 0,4 cm/an.
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© IGN - 1997, modifié par le BRGM - 2005
Figure 17 - Répartition des récifs coralliens sur la côte ouest de La Réunion.
Le corail : une pierre vivante
© BRGM - 2005
Figure 18 - Schémas des étapes de la construction du récif corallien.
Sur 16 kilomètres, entre la Pointe de Trois-Bassins à la Pointe Barre à Mine (SaintPaul) s’étend la zone principale des plages coralliennes de La Réunion avec un continuum sableux partant de Trois-Bassins jusqu’à Boucan Canot. Le massif du Cap
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La Houssaye fixe la limite Nord de ces plages. Deux types principaux de plages coralliennes se rencontrent dans cette zone : il s’agit des plages relativement évoluées de La Saline / l’Hermitage (figures 19 et 20) et présentant une extension sous-marine appelée à tort « lagon» localement (un lagon est l’espace marin situé entre la terre et un récif barrière, or le récif de La Saline / l’Hermitage est un récif frangeant). De part et d’autre les plages de Trois-Bassins et de Saint-Gilles (figure 21) (de Roches Noires à Boucan Canot) sont moins évoluées et ne possèdent qu’une extension sous-marine limitée aux passes dans le récif au débouché des ravines (figure 22).
© BRGM - 2005 © BRGM - 2005
Figure 19 - La barrière de corail, plage de La Saline.
Figure 20 - Le débouché d’une rivière dans le lagon et la rencontre de l’eau douce et de l’eau salée créent une interruption dans la barrière de corail : la passe de l’Hermitage.
© BRGM - 2005
Figure 21 - La plage de Boucan Canot © BRGM - 2005
Figure 22 - La passe de Saint-Gilles
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3.7. PLAGES DE SABLES Les plages de sable noir Du point de vue minéralogique, il n'existe pas de sable purement siliceux à La Réunion. Tous les sables existants sont d'origine basaltique et sont constitués par des débris de basalte, des cristaux d'olivine, d'augite* et des oxydes métalliques, d’où leur couleur noire (figure 23) ou verte (figures 24 et 25) quand les olivines sont abondantes. De tels sables marins sont situés sur la côte ouest de l'île où ils forment quelques plages et une bande de dunes côtières dans la région de l'Etang-Salé (cf. p 28).
© BRGM - 2005
Figure 23 - Plage de sable noir volcanique à la Ravine des Sables.
© BRGM - 2004
Figure 24 - Dunes de sable vert riche en olivines à la Ravine des Sables.
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© BRGM - 2004
Figure 25 - Sable vert vu à la loupe binoculaire contenant une forte proportion de minéraux d’olivine roulés, émoussés par la houle et le vent.
Les plages de sable blanc Certains de ces sables sont mélangés à des débris coralliens ou coquilliers. Dans la région de Saint-Gilles et de Saint-Leu, ces débris calcaires sont nettement prépondérants et le sable présente alors une couleur blanche (figure 26).
© BRGM – 2004
Figure 26 - Sable blanc corallien vu à la loupe binoculaire.
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Le cycle des roches
ROCHES IGNÉES
ROCHES SÉDIMENTAIRES
ROCHES MÉTAMORPHIQUES
À certains endroits dans les profondeurs de l'écorce terrestre, les roches ont fondu et se sont transformées en magma, qui est un mélange de cristaux et de roches liquides. Quand le magma fait surface en jaillissant d'un volcan, on l'appelle « lave ». Lorsque la lave refroidit et durcit sur la surface terrestre, elle devient une « roche ignée volcanique ». Toutefois, lorsque le magma refroidit et durcit sous la terre, il devient une « roche ignée plutonique ».
Le vent et l'eau causent l'érosion en détachant de petits morceaux de roches et en les transportant d'un endroit à un autre. Petit à petit, ces morceaux s'ajoutent au sable, aux cailloux, aux coquilles et aux matières végétales pour former des couches qu'on appelle « sédiments ». Au cours d'une longue période de temps, les sédiments durcissent et deviennent de la roche. C'est ainsi que se forme la roche sédimentaire. La plupart des roches sur la surface terrestre sont des roches sédimentaires.
Les roches changent au fur et à mesure qu'elles sont chauffées et pressées, un peu comme la pâte à biscuits change lorsqu'elle cuit. Les roches qui se trouvent dans les profondeurs de la terre sont soumises à une chaleur et à une pression intenses. Avec le temps, ces forces transforment les roches sédimentaires ou ignées en un autre type de roche qu'on appelle « roche métamorphique ».
Les roches sédimentaires Si les roches ignées forment le gros du volume de la croûte terrestre, les roches sédimentaires forment le gros de la surface de la croûte. Quatre processus conduisent à la formation des roches sédimentaires: l'altération superficielle des matériaux qui produit des particules, le transport de ces particules par les cours d'eau, le vent ou la glace qui amène ces particules dans le milieu de dépôt, la sédimentation qui fait que ces particules se déposent dans un milieu donné pour former un sédiment et, finalement, la diagenèse qui transforme le sédiment en roche sédimentaire.
Le matériel sédimentaire peut provenir de trois sources : une source terrigène, lorsque les particules proviennent de l'érosion du continent; une source allo chimique, lorsque les particules proviennent du bassin de sédimentation, principalement des coquilles ou fragments de coquilles des organismes; une source ortho chimique qui correspond aux précipités chimiques dans le bassin de sédimentation ou à l'intérieur du sédiment durant la diagenèse. L'altération superficielle. Les processus de l'altération superficielle sont de trois types: mécaniques, chimiques et biologiques. Les processus mécaniques (ou physiques) sont ceux qui désagrègent mécaniquement la roche, comme l'action du gel et du dégel qui à cause de l'expansion de l'eau qui gèle dans les fractures ouvre progressivement ces dernières. L'action mécanique des racines des arbres ouvre aussi les fractures. L'altération chimique est très importante : plusieurs silicates, comme les feldspaths, souvent abondants dans les roches ignées, sont facilement attaqués par les eaux de pluies et transformés en minéraux des argiles (phyllosilicates) pour former des boues. Certains organismes ont la possibilité d'attaquer biochimiquement les minéraux. Certains lichens vont chercher dans les minéraux les éléments chimiques dont ils ont besoin. L'action combinée de ces trois mécanismes produit des particules de toutes tailles. C'est là le point de départ du processus général de la sédimentation. Le transport. Outre le vent et la glace, c'est surtout l'eau qui assure le transport des particules. Selon le mode et l'énergie du transport, le sédiment résultant comportera des structures sédimentaires variées: stratification en lamelles planaires, obliques ou entrecroisées, granoclassement, marques diverses au sommet des couches, etc. Les roches sédimentaires hériteront de ces structures. Le transport des particules peut être très long. En fait, ultimement toutes les particules devront se retrouver dans le bassin océanique.
La sédimentation. Tout le matériel transporté s'accumule dans un bassin de sédimentation, ultimement le bassin marin, pour former un dépôt. Les sédiments se déposent en couches successives dont la composition, la taille des particules, la couleur, etc., varient dans le temps selon la nature des sédiments apportés. C'est ce qui fait que les dépôts sédimentaires sont stratifiés et que les roches sédimentaires issues de ces dépôts composent les paysages stratifiés comme ceux du Grand Canyon du Colorado par exemple. La diagenèse. L'obtention d'une roche sédimentaire se fait par la transformation d'un sédiment en roche sous l'effet des processus de la diagenèse. La diagenèse englobe tous les processus chimiques et mécaniques qui affectent un dépôt sédimentaire après sa formation. La diagenèse commence sur le fond marin, dans le cas d'un sédiment marin, et se poursuit tout au long de son enfouissement, c'est-à-dire, à mesure que d'autres sédiments viennent recouvrir le dépôt et l'amener progressivement sous plusieurs dizaines, centaines ou même milliers de mètres de matériel. Les processus de diagenèse sont variés et complexes : ils vont de la compaction du sédiment à sa cimentation, en passant par des phases de dissolution, de recristallisation ou de remplacement de certains minéraux. Le processus dia génétique qui est principalement responsable du passage de sédiment à roche est la cimentation. Il s'agit d'un processus relativement simple : si l'eau qui circule dans un sédiment, par exemple un sable, est sursaturée par rapport à certains minéraux, elle précipite ces minéraux dans les pores du sable et ceux-ci viennent souder ensemble les particules du sable; on obtient alors une roche sédimentaire qu'on appelle un grès. Le degré de cimentation peut être faible, et on a alors une roche friable, ou il peut être très poussé, et on a une roche très solide. La cimentation peut très bien se faire sur le fond marin (diagenèse précoce), mais il est aussi possible qu'il faille attendre que le sédiment soit enfoui sous plusieurs centaines ou même quelques milliers de mètres de matériel (diagenèse tardive). L'induration (cimentation) d'un sédiment peut se faire tôt dans son histoire dia génétique, avant l'empilement de plusieurs mètres de sédiments (pré compaction), ou plus tardivement, lorsque la pression sur les particules est grande due à l'empilement des sédiments.
Dans le cas de la cimentation pré compaction (schéma du haut), les fluides qui circulent dans le sédiment précipitent des produits chimiques qui viennent souder ensemble les particules. Exemple : la calcite qui précipite sur les particules d'un sable et qui finit par souder ces dernières ensemble. La compaction d'un sédiment (schéma du bas) peut conduire à sa cimentation. Ainsi, la pression élevée exercée aux points de contact entre les particules de quartz d'un sable amène une dissolution locale du quartz, un sursaturation des fluides par rapport à la silice et une précipitation de silice sur les parois des particules cimentant ces dernières ensemble. Le nom des sédiments et roches sédimentaires. La dénomination des sédiments et roches sédimentaires se fait en deux temps. D'abord selon la taille des particules (la granulométrie) chez les terrigènes et les alchimiques. Deux tailles sont importantes à retenir : 0,062 et 2 mm. La granulométrie n'intervient pas dans le cas des ortho chimiques puisqu'il s'agit de précipités chimiques et non de particules transportées.
Ensuite, on complète la classification par la composition minéralogique. La composition des particules des terrigènes se résume au quartz, feldspath, fragments de roches (morceaux d'anciennes roches qui ont été dégagés par l'érosion) et minéraux des argiles (par exemple, les sables des plages de la Nouvelle-Angleterre sont surtout des sables à particules de quartz avec un peu de feldspaths). Quant aux allo chimiques, ce sont principalement des calcaires, ce qui est reflété par le suffixe CAL dans le nom. Les particules des allo chimiques sont formées en grande partie par les coquilles ou morceaux de coquilles des organismes (calcite ou aragonite). Les sédiments des zones tropicales sont surtout formés de ces coquilles, comme par exemple les sables blancs des plages du Sud! Chez les ortho chimiques, le nom est essentiellement déterminé selon la composition chimique.
Avec l'aimable autorisation de : Pierre-André Bourgue (Université Laval Québec, Canada) D’après : http://www.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s2/r.sedim.html
Les roches sédimentaires
• 75% de la surface terrestre • 5% du volume de la croûte • roches exogènes : formées en surface
Qu’est-ce qu’une roche sédimentaire ? Roche résultant de l’accumulation d’éléments (fragments minéraux, débris coquilliers..) et/ou de précipitations à partir de solutions (Dictionnaire de géologie)
Caractères d’une roche sédimentaire • Cristaux non jointifs (en général) • Fossiles (souvent) • Faible densité • Roche litée mais cristaux pas orientés dans le plan du litage
Problématiques • Sur quels critères peut-on se baser pour classer les roches sédimentaires ? • Quelles sont les conditions de formation des roches sédimentaires ?
I. Classification générale des roches sédimentaires
I. Classification générale des roches sédimentaires A. Classification génétique
Cycle d’évolution d’une roche
(Dercourt et Paquet)
Diagenèse : 4 étapes principales
(Caron et coll.)
Formation en 2 étapes 1. Dépôt de particules ou de coquilles / précipitation d’ions dissous => sédiment meuble 2. Transformation du sédiment meuble en roche sédimentaire consolidée = diagenèse (ou lithification)
Subdivisions de base : 3 classes génétiques
(Brahic et coll.)
I. Classification générale des roches sédimentaires A. Classification génétique B. Classification minéralogique ou chimique
Critères d’identification • Macroscopiques : - Observations : Couleur d’ensemble, aspect de la cassure, texture, structures…
- Tests : HCl, dureté, cohérence, comportement vis-à-vis de l’eau, goût…
• Microscopiques : Eléments figurés, liant, porosité, fractures...
Quelques tests • Lécher la roche - happe la langue => argile - goût salé => sel gemme
• Test au HCl effervescence => carbonate CO32CaCO3 + 2 HCl → CO2 + H2O + CaCl2
• Dureté résistance d’un minéral à la destruction mécanique de sa structure => un minéral est plus dur qu’un autre s’il le raye Ongle
très tendre
Verre
tendre
Acier
dur
Classement selon l’échelle de Mohs
très dur
• Cohérence frotter la roche : - bonne cohésion, ne s’effrite pas => cohérente - s’effrite, éléments peu soudés => friable - aucune cohésion => meuble
Comportement vis-à-vis de l’eau • Porosité ensemble des volumes de petite taille pouvant être occupés par des fluides dans une roche
• Perméabilité aptitude d’un milieu à se laisser traverser par un fluide
• Solubilité aptitude d’un composé à être dissout dans un solvant
Clé de détermination des roches sédimentaires
Grandes catégories
I. Classification générale des roches sédimentaires II. Classifications particulières à chaque catégorie de roche
I. Classification générale des roches sédimentaires II. Classifications particulières à chaque catégorie de roche A. Roches détritiques
• Roches détritiques : Roches sédimentaires composées d’au moins 50% de débris
• Plusieurs catégories : - roches détritiques terrigènes (80 à 90 % des roches sédimentaires), dont les roches siliciclastiques - roches biodétritiques => roches carbonatées - roches volcanoclastiques (pyroclastiques)
1. Roches terrigènes
(Dercourt et Paquet)
a. Caractérisation • Taille des éléments (granulométrie) et leur classement (granularité) • Nature de ces éléments • Nature et importance du ciment reliant les grains (roche consolidée) • Nature et importance de la diagenèse • Structures sédimentaires
Etat d’agrégation • Roches meubles : grains indépendants
• Roches plastiques : nombreux minéraux argileux => déformation possible
• Roches cohérentes : constituants intimement soudés
Dimension des éléments
- 3 grandes classes - 2/3 argiles et silts, 1/3 sables et graviers (Brahic et coll.)
b. Roches meubles • Sédiment bien classé => dimension des grains • Sédiment mal classé => diagrammes ternaires
Diagrammes (A) de Flint et al. (1960) et (B) de Folk (1954) (Univ. Liège)
(Brahic et coll.)
Analyses granulométriques Distribution granulométrique d’un gravier : A: histogramme B: courbe cumulative C: courbe cumulative à ordonnée de probabilité
(Univ. Liège)
Analyses morphoscopiques
A: sable quartzeux éolien dont les grains ont un aspect "rond-mat" (Cervantès, Australie). B: sable marin, également quartzeux, dont les grains ont un aspect "émoussé-luisant" (Kalbarri, Australie). (Univ. Liège)
Analyses exoscopiques • Etude au MEB • Traces de frottements, de chocs => actions mécaniques • Traces de dissolution => actions chimiques
c. Roches cohérentes
(Brahic et coll.)
Conglomérats • Éléments de dimension > 2mm • 2 grands types de conglomérat : - à éléments arrondis => poudingue - à éléments anguleux => brèche
• Classification de Prothero et Schwab (1996) : dimension, diversité, provenance des éléments ; nature du liant
Classification des brèches et conglomérats (Univ. Liège)
Grès • Eléments de dimensions de 62 µm à 2 mm (= sable consolidé) • Composition : grains + phase de liaison • Grains : quartz, feldspath, débris lithiques • Phase de liaison (liant) : - matrice : boue terrigène ou carbonatée, déposée en même temps que les grains - ciment : siliceux, carbonaté ou ferrugineux, qui précipite au cours de la diagenèse
• Classification selon Dott (1964) - composition des grains - % de matrice
(Univ. Liège)
Sédiments argileux et silteux • Éléments de dimensions < 62 µm • Composition moyenne d’un shale : -
50 % de minéraux argileux 30 % de quartz 10 % de feldspaths 10 % de carbonates et oxydes de fer
• Classification de Lundegard et Samuels (1980) : - proportion de silt - lamination
d. Notion de maturité • Maturité minéralogique Basée sur la résistance des minéraux à l’altération : quartz > muscovite > feldspaths alcalins > plagioclases > biotite > pyroxène > olivine - roche immature : présence de minéraux vulnérables - roche mature : seulement des minéraux résistants => lié à la longueur du transport subi
• Maturité texturale Basée sur : - la proportion en matériel fin - le classement des grains - la sphéricité des grains
Abondance en grains / argile
(Univ. Liège)
• Maturité texturale Basée sur : - la proportion en matériel fin - le classement des grains - la sphéricité des grains
Exercices
- roche immature : plus de 5 % d’argile, grains anguleux et mal classés - roche mature : peu ou pas d’argile, grains anguleux et bien triés - roche supermature : pas d’argile, grains arrondis et bien classés => lié à l’importance du transport subi
2. Roches pyroclastiques • Téphra (= éjectas) : matériaux éjectés par une éruption volcanique • Roche pyroclastique : roche issue de la lithification des téphra Taille des constituants anguleux > 64 mm arrondis 2 à 64 mm < 2 mm
Tephra blocs bombes lapilli cendre
Roche pyroclastique brèche volcanique agglomérat tuf à lapilli tuf
I. Classification générale des roches sédimentaires II. Classifications particulières à chaque catégorie de roche A. Roches détritiques B. Roches chimiques et biochimiques
1. Roches carbonatées • Au moins 50 % de carbonate - CaCO3 : calcite ou aragonite - CaMg(CO3)2 : dolomite
• Formation proche voire sur le site d’accumulation du sédiment • Processus principalement biologiques
Précipitation des carbonates • Formule chimique : Ca2+ + 2 HCO3- ⇌ CaCO3 + CO2 + H2O
• Facteurs influençant la réaction : - teneur en CO2 atmosphérique => + de dissolution si la teneur en CO2 augmente - organismes photosynthétiques => + de précipitation en cas de photosynthèse - température => + de précipitation si la température augmente
a. Classification de Folk (1959) • Constituants majeurs des calcaires : - allochèmes : grains carbonatés - orthochèmes : phase de liaison
• 2 types de phase de liaison : - matrice : formée de calcite en cristaux de taille < 4 µm (= micrite) => aspect mat - ciment : formé de calcite en cristaux de taille > 10 µm (= sparite) => aspect brillant
• 4 catégories d’allochèmes : - bioclastes : microfossiles et fragments de fossiles - ooïdes : particules ovoïdes à structure concentrique de taille < 2µm, dont les oolithes - peloïdes : particules microcristallines sans structure interne, dont les pellets - intraclastes : fragments de sédiments carbonatés consolidés puis fragmentés (Univ. Liège)
3 familles de roches : • Allochimiques (> 10% d’allochèmes) => nom en fonction des allochèmes et du liant • Orthochimiques => micrites • Récifales autochtones => biolithites (= calcaires construits)
(Univ. Liège)
b. Classification de Dunham (1962) et Embry & Klovan (1972) • Basée sur : - la texture de la roche - le type de liaison entre les grains
(Univ. Liège)
• Intérêt : informations sur l’hydrodynamisme dans le milieu de dépôt mudstone → wackestone → packstone → grainstone Milieu de basse énergie (profond ou protégé)
Milieu de haute énergie (action des vagues)
c. Lien avec le milieu de dépôt Répartition des faciès carbonatés le long de profils de dépôts côtiers A: Rampe carbonatée B: Plate-forme carbonatée barrée par un récif LVBT : Limite d’action des vagues de beau temps (5 à 25 m) LVT : Limite d’action des vagues de tempête (50 à 100 m) (Pomerol et coll.)
2. Roches siliceuses • Silicites (chert s.l.) - noduleuses : silex, meulière => origine secondaire (diagenèse) - litées : radiolarite, diatomite => origine primaire
Radiolaires nacellaire (à gauche) et spumellaire (à droite) (Cojan et Renard)
3. Evaporites • Roches chimiques précipitation d’ions d’une eau très concentrée
• Domaine de précipitation : – % d’évaporation – température (Pomerol et coll.)
4. Roches carbonées • Matière organique ayant subi une carbonification : - enrichissement en carbone (> 70 %) - appauvrissement en matière volatile (Brahic et coll.)
Bilan • Diversité importante des roches sédimentaires • 3 catégories génétiques, non exclusives • Critères de classifications variés • Lien avec les conditions de formation : reconstitution de paléoenvironnements
Bibliographie • Géologie générale - A. BRAHIC et coll., Sciences de la Terre et de l'Univers, Ed. Vuibert - J.M. CARON et coll., Comprendre et enseigner la planète Terre, Ed. Ophrys - J. DERCOURT et J. PAQUET, Géologie : Objets et méthodes, Ed. Dunod - A. FOUCAULT et J.-F. RAOULT, Dictionnaire de géologie, Ed. Dunod - C. POMEROL, Y. LAGABRIELLE, M. RENARD, Éléments de géologie, Ed. Dunod
• Sédimentologie - H. CHAMLEY et J.-F. DECONINCK, Bases de sédimentologie, Ed. Dunod - I. COJAN et M. RENARD, Sédimentologie, Ed. Dunod - http://www2.ulg.ac.be/geolsed/sedim/sedimentologie.htm (Université de Liège)
Les roches sédimentaires Si les roches ignées forment le gros du volume de la croûte terrestre, les roches sédimentaires forment le gros de la surface de la croûte. Quatre processus conduisent à la formation des roches sédimentaires: l'altération superficielle des matériaux qui produit des particules, le transport de ces particules par les cours d'eau, le vent ou la glace qui amène ces particules dans le milieu de dépôt, la sédimentation qui fait que ces particules se déposent dans un milieu donné pour former un sédiment et, finalement, la diagenèse qui transforme le sédiment en roche sédimentaire.
Le matériel sédimentaire peut provenir de trois sources : une source terrigène, lorsque les particules proviennent de l'érosion du continent; une source allo chimique, lorsque les particules proviennent du bassin de sédimentation, principalement des coquilles ou fragments de coquilles des organismes; une source ortho chimique qui correspond aux précipités chimiques dans le bassin de sédimentation ou à l'intérieur du sédiment durant la diagenèse. L'altération superficielle. Les processus de l'altération superficielle sont de trois types: mécaniques, chimiques et biologiques. Les processus mécaniques (ou physiques) sont ceux qui désagrègent mécaniquement la roche, comme l'action du gel et du dégel qui à cause de l'expansion de l'eau qui gèle dans les fractures ouvre progressivement ces dernières. L'action mécanique des racines des arbres ouvre aussi les fractures. L'altération chimique est très importante : plusieurs silicates, comme les feldspaths, souvent abondants dans les roches ignées, sont facilement attaqués par les eaux de pluies et transformés en minéraux des argiles (phyllosilicates) pour former des boues. Certains organismes ont la possibilité d'attaquer biochimiquement les minéraux. Certains lichens vont chercher dans les minéraux les éléments chimiques dont ils ont besoin. L'action combinée de ces trois mécanismes produit des particules de toutes tailles. C'est là le point de départ du processus général de la sédimentation. Le transport. Outre le vent et la glace, c'est surtout l'eau qui assure le transport des particules. Selon le mode et l'énergie du transport, le sédiment résultant comportera des structures sédimentaires variées: stratification en lamelles planaires, obliques ou entrecroisées, granoclassement, marques diverses au sommet des couches, etc. Les roches sédimentaires hériteront de ces structures. Le transport des particules peut être très long. En fait, ultimement toutes les particules devront se retrouver dans le bassin océanique.
La sédimentation. Tout le matériel transporté s'accumule dans un bassin de sédimentation, ultimement le bassin marin, pour former un dépôt. Les sédiments se déposent en couches successives dont la composition, la taille des particules, la couleur, etc., varient dans le temps selon la nature des sédiments apportés. C'est ce qui fait que les dépôts sédimentaires sont stratifiés et que les roches sédimentaires issues de ces dépôts composent les paysages stratifiés comme ceux du Grand Canyon du Colorado par exemple. La diagenèse. L'obtention d'une roche sédimentaire se fait par la transformation d'un sédiment en roche sous l'effet des processus de la diagenèse. La diagenèse englobe tous les processus chimiques et mécaniques qui affectent un dépôt sédimentaire après sa formation. La diagenèse commence sur le fond marin, dans le cas d'un sédiment marin, et se poursuit tout au long de son enfouissement, c'est-à-dire, à mesure que d'autres sédiments viennent recouvrir le dépôt et l'amener progressivement sous plusieurs dizaines, centaines ou même milliers de mètres de matériel. Les processus de diagenèse sont variés et complexes : ils vont de la compaction du sédiment à sa cimentation, en passant par des phases de dissolution, de recristallisation ou de remplacement de certains minéraux. Le processus dia génétique qui est principalement responsable du passage de sédiment à roche est la cimentation. Il s'agit d'un processus relativement simple : si l'eau qui circule dans un sédiment, par exemple un sable, est sursaturée par rapport à certains minéraux, elle précipite ces minéraux dans les pores du sable et ceux-ci viennent souder ensemble les particules du sable; on obtient alors une roche sédimentaire qu'on appelle un grès. Le degré de cimentation peut être faible, et on a alors une roche friable, ou il peut être très poussé, et on a une roche très solide. La cimentation peut très bien se faire sur le fond marin (diagenèse précoce), mais il est aussi possible qu'il faille attendre que le sédiment soit enfoui sous plusieurs centaines ou même quelques milliers de mètres de matériel (diagenèse tardive). L'induration (cimentation) d'un sédiment peut se faire tôt dans son histoire dia génétique, avant l'empilement de plusieurs mètres de sédiments (pré compaction), ou plus tardivement, lorsque la pression sur les particules est grande due à l'empilement des sédiments.
Dans le cas de la cimentation pré compaction (schéma du haut), les fluides qui circulent dans le sédiment précipitent des produits chimiques qui viennent souder ensemble les particules. Exemple : la calcite qui précipite sur les particules d'un sable et qui finit par souder ces dernières ensemble. La compaction d'un sédiment (schéma du bas) peut conduire à sa cimentation. Ainsi, la pression élevée exercée aux points de contact entre les particules de quartz d'un sable amène une dissolution locale du quartz, un sursaturation des fluides par rapport à la silice et une précipitation de silice sur les parois des particules cimentant ces dernières ensemble. Le nom des sédiments et roches sédimentaires. La dénomination des sédiments et roches sédimentaires se fait en deux temps. D'abord selon la taille des particules (la granulométrie) chez les terrigènes et les alchimiques. Deux tailles sont importantes à retenir : 0,062 et 2 mm. La granulométrie n'intervient pas dans le cas des ortho chimiques puisqu'il s'agit de précipités chimiques et non de particules transportées.
Ensuite, on complète la classification par la composition minéralogique. La composition des particules des terrigènes se résume au quartz, feldspath, fragments de roches (morceaux d'anciennes roches qui ont été dégagés par l'érosion) et minéraux des argiles (par exemple, les sables des plages de la Nouvelle-Angleterre sont surtout des sables à particules de quartz avec un peu de feldspaths). Quant aux allo chimiques, ce sont principalement des calcaires, ce qui est reflété par le suffixe CAL dans le nom. Les particules des allo chimiques sont formées en grande partie par les coquilles ou morceaux de coquilles des organismes (calcite ou aragonite). Les sédiments des zones tropicales sont surtout formés de ces coquilles, comme par exemple les sables blancs des plages du Sud! Chez les ortho chimiques, le nom est essentiellement déterminé selon la composition chimique.
Avec l'aimable autorisation de : Pierre-André Bourgue (Université Laval Québec, Canada) D’après : http://www.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s2/r.sedim.html
Manuel de
Mécanique des Roches Tome 1 : Fondements
par le Comité français de mécanique des roches Coordonné par Françoise Homand et Pierre Duffaut !"#$%" '()
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Pierre BÉREST Daniel BILLAUX Marc BOULON François CORNET Christian DAVID Pierre DUFFAUT Jean-Louis DURVILLE Sylvie GENTIER Albert GIRAUD Mehdi GHOREYCHI Jean-Pierre HENRY Françoise HOMAND Djimedo KONDO Pierre LONDE Frédéric PELLET Jack-Pierre PIGUET Jean-Paul SARDA Jian-Fu SHAO Mountaka SOULEY
Pierre BÉREST Pierre HABIB Jean-Paul SARDA Gérard VOUILLE
2)"3(0. Pierre BÉREST
Les Presses de l’École des Mines Paris, 2000
© École des Mines de Paris, 1999 60, Boulevard Saint-Michel, 75272 Paris CEDEX 06 FRANCE email :
[email protected] http://www.ensmp.fr/Presses ISBN : 2-911762-23-1 Dépôt légal : mai 2000 Achevé d’imprimer en mai 2000 (Grou-Radenez, Paris) Tous droits de reproduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays Photo de couverture : versant rive gauche de la vallée du Verdon, immédiatement à l’aval du grand barrage voûte de Castillon (Alpes Maritimes). Les bancs calcaires inclinés sont affectés de failles et leur stabilité, compte tenu de la poussée de la voûte, est assurée par des tirants précontraints depuis sa mise en service par EDF en 1948. Il s’agit d’un problème typique de mécanique des roches, heureusement résolu avant la naissance de cette discipline (photo P. Duffaut, 1998).
CHAPITRE 2
PHYSIQUE DES ROCHES
2.1 INTRODUCTION La physique des roches couvre, selon les auteurs, un domaine plus ou moins vaste. Il s’agit, dans ce manuel, de la description du milieu poreux (grains, pores et fissures) et de la quantification de ses principales propriétés physiques, à l’exclusion des propriétés mécaniques, traitées au chapitre 3. Une roche peut être définie comme un assemblage de minéraux ayant hérité de liaisons plus ou moins fortes au cours de son histoire géologique. La description d'une roche se fait sur un échantillon observé à la loupe et éventuellement au microscope optique polarisant ou électronique à balayage. On décrit la texture, les minéraux présents, la taille des grains, les fissures et les altérations. On présente ensuite les définitions et les méthodes d’étude de la porosité et de la perméabilité, dont l’incidence est grande sur les propriétés mécaniques, à sec ou en présence de fluides. Les propriétés acoustiques sont considérées comme participant à la caractérisation des roches (l’ensemble est appelé en anglais index properties). On évoque les propriétés thermiques mais on laisse de côté les propriétés magnétiques et électriques en dépit de certaines applications. Les propriétés mesurées au laboratoire ne tiennent pas compte des discontinuités apparaissant à l’échelle du massif, joints de stratification, diaclases, failles, qui sont traitées aux chapitres 4 et 5. Lorsque ces discontinuités sont rares ou espacées l’échantillon est représentatif du massif jusqu’à une large échelle, comme dans les craies et les roches argileuses. 2.2 LES PRINCIPALES CATÉGORIES DE ROCHES Le nom d'une roche est donné en fonction de sa composition minéralogique, de sa texture et de son mode de formation. Ce dernier conduit à distinguer trois grandes familles de roches : sédimentaires, métamorphiques et magmatiques.
TABLEAU 2-1 : PRINCIPALES ROCHES MAGMATIQUES
Avec quartz & feldspath Feldspath alcalin dominant Granite Rhyolite Feldspaths alcalins Monzogranite + plagioclases Rhyolite Granodiorite Rhyodacite Plagioclase seul Diorite quartzique (<50% Anorthite) Dacite Plagioclase seul (>50% Anorthite)
Sans quartz Syénite Trachyte Monzonite Trachyandésite Diorite Andésite Gabbro Basalte
les noms en italique sont les équivalents volcaniques, ceux en gras sont les roches les plus répandues
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Manuel de Mécanique des Roches
Les roches magmatiques, résultent de la solidification de magmas. Ceux qui parviennent directement à la surface forment les roches volcaniques ou effusives, les laves, dans lesquelles on n'observe à l'œil nu que très peu de cristaux (en raison d’un refroidissement rapide). Au contraire la solidification en profondeur donne les roches plutoniques dont la lenteur du refroidissement permet la croissance des cristaux, bien visibles donc à l’œil nu. Les minéraux sont essentiellement des silicates : quartz, feldspaths alcalins et plagioclases, amphiboles, micas etc.. Les classifications font intervenir la texture de la roche (arrangement et taille des cristaux) et la composition minéralogique (tableau 2-1). Associées aux roches métamorphiques, les roches magmatiques, dont les plus répandues sont les granites, forment l’essentiel de la croûte terrestre continentale, bien qu’elles soient souvent cachées sous les roches sédimentaires. Les roches sédimentaires sont formées à la surface de la terre sur le sol ou au fond de l'eau. Elles résultent de la désagrégation des roches préexistantes. Leur dépôt en couches initialement proches de l'horizontale résulte : !
de l'action des agents d'érosion et de transport (eaux, crues, glaciers, vent) qui déposent finalement des roches détritiques ;
!
de l'activité des êtres vivants (roches organogènes) ;
!
de phénomènes physico-chimiques (roches hydrochimiques et salines formées essentiellement par précipitation).
Ces actions se combinent souvent et beaucoup de roches sédimentaires sont en fait d'origine mixte). Ces sédiments se consolident et se cimentent lorsqu'ils sont enfouis en profondeur (l’augmentation de la température et de la pression favorisant des réactions entre les minéraux et les fluides interstitiels). Les roches sédimentaires couvrent 75 % de la surface des continents et la quasi totalité des fonds océaniques, mais leur épaisseur est limitée. Il y a de nombreuses classifications des roches sédimentaires fondées sur la composition chimique, la granularité des constituants ou le mode de formation qui sont présentées dans les ouvrages de géologie. On se limite à citer les quatre groupes principaux : grès, calcaires, roches argileuses, évaporites, en laissant de côté les roches carbonées (pétroles, charbons et lignites). Les grès sont essentiellement constitués de grains de quartz (99,5 % pour le grès très pur de Fontainebleau), ils contiennent souvent des feldspaths et des micas. Les grès feldspathiques sont appelés arkoses, les grès recristallisés quartzites, les grès contenant des galets, poudingues ou conglomérats. Les calcaires sont constitués essentiellement de carbonates de calcium (calcite ou aragonite) et de carbonate de magnésium (dolomie). Leur origine est organique, par accumulation de débris d’organismes marins (craies), ou de précipitation chimique. Les roches argileuses dont nous étudierons le comportement dans le chapitre 11, sont composées de minéraux argileux (illite, kaolinite, montmorillonite, interstratifiés), avec éventuellement des grains de petite dimension de quartz et carbonates. Le terme argilite désigne les roches argileuses au sens large. Les shales sont des argilites litées. Les évaporites sont des sels précipités lors de l'évaporation d'un liquide. A partir de l'eau de mer les principaux minéraux précipités sont le gypse, l'anhydrite, le sel gemme sous ses diverses formes dont la halite et la potasse (sylvinite).
Physique des Roches
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Il faut faire attention aux dénominations issues des cartes géologiques, dérivées de l'appellation chronologique (étage) pour les roches sédimentaires. Il peut y avoir des variations latérales de faciès qui font que le nom de la formation ne représente pas la lithologie de tout l'ensemble. Les roches métamorphiques résultent de la transformation profonde à l'état solide de roches sédimentaires ou magmatiques préexistantes sous l'effet d'une augmentation de la température et/ou de la pression. Il y a recristallisation complète des roches primitives. Les roches formées portent en général la trace de l'anisotropie du tenseur des contraintes sous lequel elles ont cristallisé, ce qui peut se traduire par une schistosité ou une foliation accompagnée de linéation. Les roches les plus communes sont les schistes, les micaschistes et les gneiss, beaucoup plus massifs, mais dans lesquels les minéraux apparaissent nettement orientés. Les marbres et les quartzites sont des roches massives entièrement recristallisées dans lesquelles l'orientation des minéraux (calcite ou quartz) n'est que rarement visible à l'œil nu. La description d'une roche comprend les observations suivantes, effectuées à l'œil nu ou de préférence à la loupe ou au microscope : !
identification des minéraux présents,
!
taille, arrangement des minéraux et des vides associés (texture),
!
proportion des différents constituants,
!
vides et défauts : pores et fissures,
!
état d'altération des minéraux.
L'analyse minéralogique des constituants contribue à une meilleure description de la roche et permet d'approcher son altérabilité, son potentiel de gonflement, son aptitude au « collage », éventuellement son abrasivité. L'analyse minéralogique s'effectue couramment par diffraction X, et dans le cas où des minéraux argileux gonflants sont susceptibles d'être présents il est nécessaire de réaliser un traitement spécial. Cette analyse conduit à une identification des minéraux présents et après interprétation une composition quantitative peut être obtenue. Pour les roches carbonatées argileuses, le dosage de la teneur en CaCO3 précise l'identification de la roche. L’état d'altération de la roche se décrit précisément en s'attachant à identifier s'il s'agit d'une altération essentiellement météorique ou d'une altération d'origine profonde, hydrothermale (souvent liée au volcanisme actuel ou plus ancien). 2.3 LE MILIEU POREUX 2.3.1 DÉFINITION ET MESURE
Dans les roches la matière minérale forme un squelette solide qui ne remplit pas tout l’espace, et dont le complément est appelé vide. La proportion de vide est appelée porosité (du grec !"#"$, passage, ou détroit, entre les îles). La forme des vides, leur taille, leur répartition, leurs liaisons ou au contraire l’isolement de certains, influent sur le comportement mécanique (chapitre 3) et sur les propriétés de couplage (chapitre 10). La porosité n est, par définition, le rapport du volume des vides Vv au volume total Vt :
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n"
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Vv Vt
(2-1)
ou par rapport au volume du squelette Vs,
Vt % Vs V " 1% s (2-2) Vt Vt Ces deux expressions peuvent différer car les techniques de mesures de Vv et Vs ne sont pas équivalentes (tableau 2-2). Les méthodes 3 et 6 sont équivalentes, et permettent de déterminer la porosité connectée. Les méthodes 4 et 6 (sur poudre) déterminent le volume des solides sans les vides non connectés et donnent donc la porosité totale, au sens strict. n"
TABLEAU 2-2 : PRINCIPALES MÉTHODES DE MESURE DE LA POROSITÉ
Volume total 1. Mesure directe des dimensions de l'éprouvette 2. Poussée d'Archimède dans le mercure, qui ne mouille pas la roche et ne pénètre pas dans les pores sans une forte pression Volume des vides 3. Absorption d'un fluide mouillant par saturation sous vide Volume du solide 4. Mesure au pycnomètre de la masse volumique du solide, après broyage 5. Poussée d'Archimède dans un fluide mouillant saturant la roche, par différence entre masse sèche et immergée 6. Compressibilité des gaz parfaits, en réalisant une détente isotherme en reliant une enceinte V1 (contenant l'échantillon) de volume V1 à la pression P1 à une enceinte vide de volume V2 (pycnomètre à hélium). Après détente, la pression d'équilibre P2 permet de calculer le volume d’une masse connue de poudre ou de roche. La porosité est de l’ordre du centième pour certains marbres et quartzites, du dixième pour beaucoup de roches sédimentaires, elle peut atteindre 0,5 pour certaines craies et tufs. La forme des vides est représentée en première approximation par un coefficient de forme, rapport de la plus petite dimension à la plus grande. Ceci permet de distinguer les vides de type pore dont le coefficient de forme est entre 10-1 et 1) et les vides de type fissure, dont le coefficient de forme est très faible, entre 10-2 et 10-4, et dont l’épaisseur est négligeable. La part des pores dans le volume des vides est prépondérante, mais par contre les fissures contribuent pour l’essentiel à la surface spécifique (§ 2.5.3). L'espace poreux peut être étudié de manière directe par observation au microscope optique ou électronique, éventuellement après remplissage par un produit colorant. Les techniques d’analyse d'images permettent ensuite une estimation quantitative de la porosité. 2.3.2 MASSES VOLUMIQUES ET TENEUR EN EAU
On appelle masse volumique d’un matériau la masse de l’unité de volume (dimension L-3M).
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On définit, suivant l’état du matériau, #s la masse volumique absolue ou masse volumique du solide, #h la masse volumique naturelle à réception du matériau, #d la masse volumique sèche, et # sat la masse volumique saturée (après saturation de la roche) : #s =
Ms Ms M sat Mh #d = #h = #sat = Vt Vs Vt Vt
(2-3)
avec Ms la masse du matériau sec, Vs le volume des grains après broyage, Vt le volume de l'échantillon, Mh la masse naturelle, Msat la masse de l'échantillon saturé. #d varie en fonction de la porosité de la roche, par contre #s ne dépend que de la minéralogie (tableau 2-3). La teneur en eau w est le rapport de la masse d’eau, à la masse du solide sec w=
Mw Ms
Et on appelle degré de saturation Sr "
(2-4)
w#d Vw w " " #w #w Vv n#s + #d #s
(2-5)
2.3.3 ÉTUDE DES DIMENSIONS DES PORES AU POROSIMÈTRE A MERCURE Le porosimètre à mercure permet d’étudier la répartition des vides de rayon d’entrée compris entre 200 $m et 0,0036 $m (voire 0,0018 $m). La mesure est fondée sur les équilibres capillaires entre plusieurs fluides non miscibles dans un même espace poreux. Un fluide mouillant s'étendra préférentiellement au contact du solide par rapport à un fluide non mouillant. Les équilibres fluide mouillant / fluide non mouillant sont régis par les pressions capillaires à leurs interfaces :
& 1 1 ) Pca " t s ( % + ' R1 R 2 *
(2-6)
avec R1 e t, R 2 : rayons de courbures principaux, tS : tension superficielle à l'interface entre les deux fluides et le signe ± suivant que les centres de courbure sont ou non du même coté de l'interface. On appelle drainage le déplacement d’un fluide mouillant, par un fluide non mouillant sous l'effet d'une pression qui contrebalance les forces capillaires. On appelle imbibition l’augmentation de la saturation en fluide mouillant, à la suite d’une chute de pression. Les courbes de pression capillaire sont obtenues par une suite de drainages et d'imbibitions en augmentant ou diminuant les pressions qui s'opposent aux pressions capillaires. La figure 2-1 correspond au cas d’un échantillon saturé initialement par de l’eau dans lequel on réalise un drainage par application d’une pression d’air dans une enceinte étanche. Il apparaît un état de saturation irréductible en fluide mouillant qui correspond à une configuration de la phase mouillante telle que les déplacements y sont devenus impossibles, car l’eau est sous forme d’amas reliés entre eux par des couches d’eau très minces dont la viscosité est très élevée. Si on relâche la pression d’air, l’eau pénètre dans l’échantillon par imbibition, mais le phénomène n’est pas réversible, il y a un fort hystérésis. A pression capillaire nulle, la saturation en eau est inférieure à 100 %. Une partie de l’air a été piégée pendant le processus d’imbibition. Cette fraction d’air est appelée saturation
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résiduelle en fluide non mouillant et sa valeur rapportée au volume total de l’échantillon est la porosité piégée.
Saturation irréductible
Saturation résiduelle
L'augmentation de pression capillaire en drainage conduit à des rayons de courbure de l'interface de plus en plus petits. Par contre l’imbibition correspond à une augmentation progressive du rayon de courbure moyen de l’interface fluide mouillant–fluide non mouillant, il se produit alors des piégeages. Pca Figure 2-1 : Courbes de pression capillaire
Drainage final Drainage initial
p acc pression d'accès
Imbibition Saturation en fluide mouillant (%)
0
20
40
60
80
100
Il n’y a pas de saturation irréductible lorsque le fluide mouillant est un gaz raréfié (vide) qui disparaît au fur et à mesure de la pénétration du fluide non mouillant Le mercure est un fluide non mouillant alors que la vapeur de mercure est un fluide mouillant. On réalise ainsi un drainage par pénétration de mercure dans un échantillon dans lequel on a fait préalablement le vide. Pour interpréter la porosimétrie au mercure on assimile le milieu poreux à un réseau de capillaires dont on calcule le rayon moyen R par la
formule de Jurin :
Pca "
2 t s cos , R
(2-7)
avec Pca : pression capillaire ou pression de mercure tS : tension superficielle, , : angle de mouillabilité et R : rayon d’accès au pore. Il est clair d’après la figure 2-2 que le rayon calculé par la formule de Jurin est un rayon d’accès et non le rayon des élargissements. Les paramètres recueillis par le porosimètre à mercure permettent de représenter sur un diagramme le volume de mercure injecté en fonction du rayon d'accès des pores et fissures envahis. Le modèle du réseau poreux est constitué de pores (sphériques) reliés entre eux par des étranglements capillaires. Ce sont les rayons d'accès qui sont déterminés.
R1
2$cos, R1
R2 r
-P<
2$cos, r
MERCURE VIDE
P.
2$cos, r
Figure 2-2 : Passage du mercure dans un réseau capillaire
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Le volume de mercure injecté fournit la porosité totale. La différence entre l'injection et le retrait (figure 2-3) donne une valeur du piégeage du mercure dans le réseau poreux. Cette valeur est une estimation par excès de la porosité piégée (np) car le retrait s'effectue jusqu'à la pression atmosphérique et ne permet pas de connaître le volume poreux abandonné par le mercure entre la pression atmosphérique et la pression effective de début d'injection (3.10-3 MPa). nt
1ère injection
Porosité (%)
np 2ème injection
nl
1° et 2° retraits
R(µm) 0 0,001
0,01
0,1
1
10
100
Figure 2-3 : Courbes d’injection et de retraits 12 10
nt
n(%)
GUDMONT Calcaire oolithique
8 6
nl
2 0,001
8
np
6
nl
4 2
r (mm) 0,01
0,1
1
10
nt
EUVILLE Calcaire à entroques
10
np
4
14 n(%) 12
r (mm) 100
0,001
0,01
0,1
1
10
100
Figure 2-4 : Exemples de spectres de porosité de calcaires Si l'échantillon subit un second cycle d'injection, la porosité libre (n1) est mesurée ainsi que la valeur réelle de la porosité piégée (np), par différence entre la porosité totale (nt du 1er cycle d'injection) et la porosité libre (n1 du 2ème cycle d'injection). Cette différence entre la courbe de retrait et celle de la 2è m e injection est due essentiellement à une variation de la valeur de , en injection et en retrait, provoquée par des phénomènes irréversibles. La figure 2-4 présente des exemples de courbes porosimétriques obtenues sur deux calcaires. Le calcaire d’Euville est un calcaire à entroques (débris de Crinoïdes, de l’ordre de 2 à 4 mm) cimentées de calcite. Le calcaire de Gudmont est un faciès oolithique (grains de 1 mm). La courbe de porosité totale du calcaire d’Euville indique deux familles de pores : une macroporosité dans les vides du ciment et une microporosité dans les entroques. La macroporosité dans le calcaire de Gudmont est absente. Une microporosité se développe soit au sein des oolithes, soit dans la matrice carbonatée.
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2.4 CIRCULATION DES FLUIDES : LA PERMÉABILITÉ La perméabilité caractérise l’aptitude d’une roche (ou de tout autre milieu poreux) à laisser circuler des fluides au sein dans son espace poreux. 2.4.1 DÉFINITION DE LA PERMÉABILITÉ
A l’échelle macroscopique, la loi qui décrit l’écoulement d’un fluide en milieu poreux est la loi de Darcy, mise en évidence par une expérience très simple dans laquelle Darcy a montré que le débit volumique Q à travers une colonne de sable de longueur L est proportionnel à la section S de la colonne et au gradient de charge hydraulique /h/L. La charge hydraulique h (ou hauteur piézomètrique) est fonction de l’altitude z, de la pression du fluide P, de la densité du fluide # et de la gravité g.
P Q k/h avec h " z + . " #g S L
(2-8)
Le facteur de proportionnalité k est appelé coefficient de perméabilité ou conductivité hydraulique. La dimension de k est celle d’une vitesse. La loi de Darcy exprime la proportionnalité entre un flux hydraulique et la force motrice responsable de ce flux (gradient de hauteur piézométrique ).Un inconvénient majeur de la loi de Darcy sous la forme précédente est que le coefficient de perméabilité k dépend non seulement des propriétés du matériau, mais aussi des propriétés du fluide (notamment sa viscosité $). Une formulation plus générale de la loi de Darcy est préférable :
Q k /P " S $ L
(2-9)
Le paramètre k est la perméabilité intrinsèque du milieu poreux traversé. La perméabilité est homogène à une surface : son unité SI est donc le m2. En pratique, on utilise souvent comme unité le Darcy, avec l’équivalence 1 Darcy = 0,987 10 12 m2. Par comparaison on voit que k = (#g/$)k et donc pour de l'eau à 20°C, on a la correspondance suivante 1 Darcy = 0,96 10-5 m/s. Dans le cadre général de la mécanique, à partir de la combinaison de l'équation d'état, de celle de continuité et de celle de mouvement, on établit la relation fondamentale de l'hydrodynamique en milieu homogène et isotrope : V = - k grad 0, et pour un milieu anisotrope V = - k . grad 0
(2- 10)
Expressions dans lesquelles V désigne le champ de vitesse du fluide, 0 le potentiel (chapitre 6), la conductivité hydraulique prenant une forme tensorielle dans le milieu anisotrope. Un exemple important de milieux poreux anisotropes est celui des roches réservoirs où la compaction se fait préférentiellement selon la direction verticale en raison des forces de gravité : la perméabilité verticale kv est alors souvent plus faible que la perméabilité horizontale kh, avec une anisotropie marquée (le rapport kh/kv peut aller jusqu’à 100). La loi de Darcy ne s’applique, en toute rigueur, que pour un régime d’écoulement laminaire, par opposition au régime d’écoulement turbulent. Lorsque la vitesse du fluide devient grande, les forces d’inertie ne sont plus négligeables devant les forces de viscosité. Le domaine de validité de la loi de Darcy correspond aux nombres de Reynolds faibles. Cette condition est généralement remplie pour les circulations de fluides dans le massif rocheux, mais pas forcément dans les mesures en laboratoire.
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2.4.2 MÉTHODES DE MESURE DE LA PERMÉABILITÉ
Selon l’ordre de grandeur des perméabilités à mesurer, différentes techniques peuvent être utilisées en laboratoire. Pour les fortes perméabilités, les techniques basées sur l’établissement d’un écoulement à travers un volume représentatif de roche sont préférables : méthodes à charge constante, à charge variable. Dans ce cas la perméabilité est déduite par application directe de la loi de Darcy. Pour les perméabilités plus faibles, une méthode transitoire est couramment utilisée : elle consiste à estimer la perméabilité à partir de l’analyse de la diffusion d’un incrément (pulse) de pression dans un échantillon de roche, en système fermé. Pg injection
Eprouvette
Débimètre
Figure 2-5 : Exemple de dispositif expérimental de mesure de la perméabilité
Le perméamètre de type I.F.P. présenté sur la figure 2-5 permet de réaliser des essais de perméabilité en conditions de charge constante. Dans le cas de l’injection de liquide, le calcul de perméabilité se fait avec les Pf notations suivantes, S : surface Enveloppe en sortie Confinement caoutchouc d'injection (m2), Pg : pression d'injection (Pa), Pf : pression en sortie (Pa), L : longueur de l'éprouvette, Q : débit mesuré (m3/s), µ : viscosité du fluide (Pa.s), (1 Pa.s = 1 Poiseuille = 10 poises), par la formule :
k"
Q$L ( Pg % Pf )S
(2-11)
La perméabilité au gaz est avec les paramètres définis dans l’équation 2-11 et Patm, la pression atmosphérique (Pa) :
k"
2Q$LPatm ( Pg2 % Pf2 )S
(2-12)
2.4.3 VARIABILITÉ DE LA PERMÉABILITÉ DES ROCHES
La perméabilité des roches présente une très large gamme de valeurs : plus de 14 ordres de grandeur séparent les roches les plus perméables des roches les moins perméables. Pour fixer les idées, une perméabilité de 1 Darcy est une forte perméabilité, celle par exemple d’un bon aquifère ; dans le domaine pétrolier, la perméabilité des roches réservoirs intéressantes est supérieure à la centaine de millidarcy. A l’opposé, pour le stockage en profondeur de déchets radioactifs, on recherche des perméabilités bien inférieures au microdarcy. Les roches étant soumises in situ à des conditions (contraintes, température ...) qui ne sont pas celles de la surface, il est intéressant de connaître quelle est l’évolution de la perméabilité en profondeur. Celle-ci est en grande partie tributaire de la manière dont les propriétés géométriques des réseaux de pores ou de fissures (volume accessible au fluide, connectivité) sont modifiées en réponse à l’application de contraintes ou de températures élevées. Pour ce qui est de l’effet des contraintes, il faut séparer l’effet de la contrainte moyenne de celui du déviateur.
40
Manuel de Mécanique des Roches
Dans un premier temps, examinons comment varie la perméabilité d’une roche soumise à une pression moyenne croissante. Pour des roches saturées, la contrainte moyenne à prendre en considération est la contrainte effective $' = $ – bp. Dans cette relation, $ est la contrainte moyenne totale égale à la trace du tenseur des contraintes, p est la pression du fluide présent dans l’espace poreux ou pression de pore, et b est le coefficient de Biot, compris entre 0 et 1 (chapitre 10). Cette loi constitue une manière synthétique de prendre en compte les rôles antagonistes joués par l'état de contrainte et la pression de pore sur la déformation du milieu poreux. Une augmentation de contrainte effective a toujours pour effet de rendre le milieu plus compact, et par conséquent de réduire le volume accessible au fluide : il en résulte une diminution de perméabilité. La chute de perméabilité observée dépend fortement de la géométrie des pores : elle prend souvent la forme d’une loi exponentielle du type : k = k0 exp[-1$’]
(2-13)
L’amplitude de la décroissance est fixée par le paramètre 1 qui dépend de la nature des roches : d’une manière générale, plus le facteur de forme des pores est faible, plus le milieu poreux est déformable, et plus la perméabilité sera sensible à des variations de pression. L’application d’un déviateur de contrainte provoque dans la roche des déformations importantes : lorsque la contrainte est suffisamment basse, la déformation reste élastique, mais lorsque la contrainte déviatorique devient grande, la déformation devient inélastique, avec développement de fissures qui vont affecter profondément le comportement du matériau. En laboratoire la configuration classiquement utilisée pour mettre en évidence le rôle des contraintes déviatoriques est celle de l’essai triaxial. L'évolution de la perméabilité suit celle des microstructures : décroissance lorsque la déformation de la roche est contractante, augmentation lorsque la déformation devient dilatante. Cette hypothèse, somme toute logique, a été vérifiée dans des roches à faible porosité mais peut être mise en défaut. 2.4.4 LIEN ENTRE PERMÉABILITÉ ET MICROSTRUCTURE
La perméabilité d’une roche est entièrement déterminée par la géométrie de son réseau de porosité. La relation entre les deux est cependant loin d’être évidente, et nombre de modèles ont été développés pour estimer la perméabilité à partir des propriétés microstructurales des roches. Dans tous ces modèles, le problème clé consiste à déterminer une longueur caractéristique pour les processus de transport de fluide : en effet une telle échelle de longueur doit exister, puisque la perméabilité, d’un point de vue dimensionnel, est homogène à [L2 ]. Comment à partir de la connaissance (même approximative) des propriétés géométriques du milieu poreux peut-on prédire la valeur de la perméabilité de ce milieu ? Quels sont les paramètres microstructuraux qui contrôlent les propriétés de transport dans les roches ? La physique des roches essaie de répondre à ces questions depuis très longtemps déjà. Le problème posé consiste à établir une passerelle entre l’échelle microscopique (celle des pores et des grains) et l’échelle macroscopique (celle à laquelle est définie la perméabilité). Dans le modèle de milieu équivalent, la longueur caractéristique est définie à partir de grandeurs macroscopiques très simples, à savoir le volume de porosité Vv et l’aire Ap de l’interface pore-solide. La relation classique de Kozeny-Carman donne l’expression de la perméabilité dans l’approche du milieu équivalent :
Physique des Roches
k"
R 2h n 2 t2
41
(2-14)
où le paramètre Rh = Vv /Ap, appelé rayon hydraulique, constitue la longueur caractéristique recherchée. Les autres paramètres sont la porosité n et la tortuosité t, alors que 2 est un facteur qui dépend de la géométrie des pores, et qui présente une variabilité très faible (approximativement entre 2 et 3). Le point faible du modèle réside dans le paramètre «tortuosité», qui quantifie l’accroissement de la distance parcourue par le fluide, difficile à estimer en raison de la complexité topologique du milieu poreux. Une approche différente est possible. Au lieu d’utiliser des grandeurs macroscopiques, on peut s’attacher à décrire les processus d’écoulement à l’échelle des composants élémentaires (les pores, les fissures), puis par différentes techniques remonter à la propriété macroscopique, la perméabilité. A l’échelle locale, l’écoulement dans les pores et les fissures considérés comme des entités propres est régi par la loi de Poiseuille. Ces pores et ces fissures interagissent entre eux du fait de l’existence de connexions multiples dans les milieux poreux. L’information essentielle à fournir concerne la distribution statistique des propriétés dimensionnelles des pores ou des fissures, représentés par des canaux d’écoulement individuels. On peut considérer une distribution aléatoire de tubes ou s’attacher à décrire de manière plus détaillée la topologie complexe des milieux poreux par une approche de type réseau. 2.5 PROPRIÉTÉS ACOUSTIQUES La caractérisation des matériaux rocheux par des méthodes ultrasoniques est couramment utilisée. L'étude de la propagation des ondes de compression et de cisaillement dans un matériau à l'état sec et saturé permet d'évaluer les propriétés physiques du matériau telles que sa porosité, son état de fissuration et ses propriétés élastiques (module de Young, coefficient de Poisson). L'analyse des signaux ultrasoniques en terme d'atténuation a été surtout exploitée en physique des roches pétrolière. Ce paramètre est particulièrement intéressant pour l'analyse de l'anisotropie d'un matériau, soit structurale, soit liée à une microfissuration. 2.5.1 PROPAGATION DES ONDES DANS UN MILIEU ÉLASTIQUE
La physique des roches classique s'intéresse à la propagation des ondes de volume P et S, caractérisées par leurs vitesses (premières et secondes, d’après l’ordre de leur réception) et leur atténuation. Les équations de propagation des ondes dans un milieu élastique et viscoélastique sont indiquées en annexe du présent chapitre. Pour une onde P, le mouvement vibratoire a lieu suivant la direction de propagation et affecte le volume de la roche. Vp est donc la vitesse d'une onde de compression (ou onde longitudinale).Vs est la vitesse d'une onde de c i s a i l l e m e n t (ou onde transversale), dont le mouvement vibratoire a lieu dans un plan normal à la direction de propagation. Elles sont plus lentes que les ondes P et ne se propagent pas dans l'eau. Vp et Vs étant exprimées en fonction des coefficients de Lamé, la mesure du temps de propagation d'une onde ultrasonique dans une roche permet de remonter aux modules élastiques. Dans le cas d'un matériau isotrope, le calcul du coefficient de Poisson 3 et du module de Young E est le suivant :
42
Manuel de Mécanique des Roches
3 =
1/2 - (Vs / Vp)2 1 - (Vs / Vp)2
(2-15)
E= #
Vp2 (1+3) (1-23) (1-3)
(2-16)
Il est donc indispensable de mesurer Vp et Vs pour calculer E et 3 ; trop souvent Vp est seul mesuré, E est déduit en supposant 3 = 0,25. L’état de saturation du matériau influe sur l'évolution de ses propriétés ultrasoniques et a fait l'objet de nombreux travaux dont une grande partie concerne des calculs prédictifs de vitesses ultrasoniques sur un matériau multiphasique et traite généralement d'un état totalement saturé par rapport à un état sec. La propagation d'une onde purement élastique dans un milieu biphasique solide/liquide (roche totalement saturée) a été décrite par Biot qui a introduit les notions de couplage inertiel fluide-solide et de déplacements relatifs de ces deux phases. Les relations entre saturation partielle et propriétés ultrasoniques sont plus complexes ; leur analyse nécessite des suivis expérimentaux très rigoureux et fait intervenir, d'un point de vue théorique, des mécanismes à l'échelle du pore (écoulements locaux) et des notions de distribution des fluides dans les réseaux poreux. générateur
oscilloscope
Figure 2-6 : Mesure des vitesses des ondes ultrasonores
Les vitesses des ondes sont mesurées à l’aide d’un dispositif dont un exemple est représenté sur la figure 2-6. L’éprouvette a deux faces planes et parallèles, un produit émetteur micro - ordinateur couplant est placé entre l’éprouvette et les céramiques piézoélectriques P et S. Les céramiques ondes S doivent conduire à un mouvement perpendiculaire à la direction de propagation, émetteur et récepteur récepteur sont donc polarisés. Le signal est visualisé sur l’oscilloscope et stocké pour un traitement en terme d’atténuation. Les vitesses des ondes P et S sont ensuite calculées de la façon suivante : Vp ou Vs (m/s) =
L t
(2-17)
avec : L (en mètres), longueur de l'échantillon ; t (en secondes), temps de parcours lu sur l'oscilloscope. 2.5.2 ATTÉNUATION
Le signal ultrasonique qui se propage dans une roche s'atténue au cours de son trajet. Cette atténuation est due à des interactions entre l'onde et le milieu de propagation. Il faut distinguer l'atténuation intrinsèque, liée à l'anélasticité de l'ensemble matrice solide-fluide saturant, de l'atténuation extrinsèque due à la diffraction de l'onde par réflexion (interfaces, géométrie de l’éprouvette). L'atténuation se caractérise par une
Physique des Roches
43
diminution de l'amplitude de l'onde et une perte préférentielle de ses hautes fréquences. L'atténuation est quantifiée par un coefficient d'atténuation 4 (voir l'annexe) ou par Q, appelé facteur de qualité qui est inversement proportionnel au coefficient d'atténuation. Le calcul de l’atténuation est généralement réalisé à l’aide d’une méthode dite du rapport des spectres. L’atténuation peut être extrinsèque par perte d’énergie due à la diffraction de l’onde sur les discontinuités ou obstacles dans le matériau (grains, pores, microfissures) et peut être importante lorsque la longueur d'onde devient comparable à l'échelle de l'hétérogénéité. Les mécanismes avancés pour expliquer le phénomène d'atténuation intrinsèque sont très divers et complexes. De plus, ces mécanismes seraient différents selon l'état de saturation de la roche considérée. On consultera la littérature spécialisée indiquée en fin de chapitre pour tout ce qui concerne l'atténuation. 2.5.3 VITESSES ET PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES ROCHES
La lithologie est un facteur déterminant en ce qui concerne les vitesses Vp et Vs dans la mesure où les caractéristiques élastiques des minéraux constitutifs sont différentes (Tableau 2-3 ). Les valeurs indiquées dans ce tableau sont des moyennes calculées à partir des vitesses des ondes suivant différentes directions mesurées sur des cristaux non altérés. Le rapport Vp/Vs est intéressant à utiliser et permet de différencier nettement grès et calcaires, car le coefficient de Poisson de la calcite est très différent de celui du quartz.
TABLEAU 2-3 : PROPRIÉTÉS PHYSIQUES ET MÉCANIQUES DES PRINCIPAUX MINÉRAUX
Minéraux
#s (g/cm3)
E (GPa) 3
Vp (m/s)
Quartz Olivine Augite Amphibole Muscovite Biotite Orthose Plagioclase Magnétite Calcite Dolomie Halite Gypse
2,65 3,2-3,6 3,2-3,6 2,9-3,2 2,7-3 2,8-3,1 2,5-2,6 2,6-2,8 4,4-5,2 2,7 2,8-3,1 2,1-2,6 2,3-2,4
96,4 216 14 3 110 80 67 63 77 218 84
6 050 8 770 7 330 6 800 5 880 5 360 5 680 6 220 7 410 6 320 7 900 4 320 5 200
36
0,08 0,24 0,24 0,29 0,25 0,30 0,29 0,29 0,19 0,28
D’après Belikov (1967)
La vitesse des ondes P varie à lithologie constante avec la porosité de pores, mais diminue plus fortement encore avec la porosité de fissures. Pour estimer la part relative de porosité de pore ou de fissure dans des roches de lithologie différente on utilise l’indice de continuité IC défini comme le rapport de la vitesse des ondes P mesurée dans l’échantillon à la vitesse des ondes calculée Vp* à partir de la composition minéralogique. Vp* est la moyenne arithmétique pondérée des vitesses
44
Manuel de Mécanique des Roches
des ondes Vi , de chaque minéral constitutif de la roche, les coefficients de pondération étant les teneurs ci, de la roche en chaque minéral : Vp IC (%) = 100 V * p
avec Vp* = 5 ci x V i
(2-18)
Ce rapport des vitesses varie comme le rapport K/K* des compressibilités K globale (bulk modulus) de la roche et K* de la matrice (les minéraux constitutifs de la roche) en fonction de la porosité de pores np et de la porosité de fissures nf , mais la sensibilité à la présence de fissures est beaucoup plus marquée. On peut écrire : IC = 100(1 –A np - B nf)
(2-19)
avec nf + np = ntotale et nf << np Dans le cas des roches exclusivement poreuses (ntotale = np ), il y a une relation expérimentale entre l’indice de continuité IC = ICp et la porosité n : ICp = 100 (1 – 1,4 np)
(2-20)
Dans le cas le plus courant d’une roche poreuse et fissurée, la porosité totale n totale est égale approximativement à np, ce qui permet d’évaluer ce que serait la valeur de l’indice de continuité ICp du milieu poreux correspondant à la roche si elle n’était affectée que de pores : ICp = 100 (1– 1,4 n)
(2-21)
La différence entre la valeur de l’indice de continuité mesuré IC et cette valeur ICp correspond à l’existence des fissures; elle est exprimée de manière relative par le Degré de Fissuration DF :
DF " 1 %
IC IC p
100
(2-22)
Indice de continuité IC (%)
90 80 0%
70 60
25%
50 40
50%
30 20
75%
10
Porosité (%)
0 0
10
20
30
40
50
Figure 2-7 : Détermination du degré de fissuration avec l'indice de continuité Donc toute roche, quelle que soit sa porosité n, peut être affectée d’un degré de fissuration variant entre 0 et 100 %, avec DF exprimé en pour cent. Dans le plan (IC-Porosité), les droites d’égale valeur du degré de fissuration forment un faisceau
Physique des Roches
45
(figure 2-7) situées sous la droite des milieux non fissurés. On peut donc, à partir de la mesure de la porosité, de la vitesse des ondes Vp, et du calcul de l’indice de continuité IC, estimer la densité de fissuration d’une roche. La vitesse des ondes P est sensible à l'état de saturation des roches. Le modèle classique explicatif est celui de Wyllie donnant la vitesse de propagation des ondes à travers un milieu biphasique (phase 1 et 2) :
1 n 1% n " + V V1 V2
(2-23)
où V1, V2 sont les vitesses de propagation dans les milieux 1 et 2, n et (1-n) sont les proportions volumiques des milieux 1 et 2. Cette approche donne des résultats satisfaisants pour des milieux consolidés saturés (calcaires et grès) ; dans ce cas, le milieu 1 est le fluide, le milieu 2 la matrice, et n la porosité. Une autre formulation de la propagation d'une onde dans un milieu biphasique a été proposée par Wyllie en tenant compte du module de compressibilité K et du coefficient de Poisson 3. La relation reliant la vitesse V à K, 3 et à la masse volumique # est de la forme :
K"
#V 2 1+ q
(2-24)
où q est un paramètre déduit des relations d’équivalence entre modules élastiques, fonction du coefficient de Poisson 3' De nombreux auteurs ont proposé des formules de Wyllie modifiées selon le volume de porosité présent. En réalité le milieu n’est pas toujours saturé en liquide et il peut donc contenir de l’air et de l’eau ou plusieurs liquides. Les vitesses varient alors selon la nature du liquide et son degré de saturation. Si on s’intéresse au cas d’une roche partiellement saturée en eau les variations de Vp et Vs avec le degré de saturation Sr sont relativement complexes car plusieurs effets se superposent. Si on compare les vitesses Vp et Vs en milieu sec et saturé, on observe Vp sec < Vp saturé et une petite tendance inverse pour Vs. Le module de compressibilité est plus élevé en milieu saturé alors que le module de cisaillement reste constant et la densité augmente avec la saturation. 1,15
Figure 2-8 : Influence de la porosité de fissure sur l'évolution des vitesses des ondes P à l'état sec et saturé pour différents calcaires
Vpsat/Vpsec Eu Le
1,1
D2 Gu2 J1 J2
1,05
1
J5 Gu3
D1
Gu 1
0
nf (%) 0,05
0,1
0,15
0,2
L’effet de module l’emporte dans le cas des ondes P et Vp augmente. Pour les ondes S l’effet de densité est le seul et Vs diminue. L’augmentation de la vitesse des ondes P dépend de la structure du réseau poreux et de la valeur de la porosité de fissure (figure 2-8, pour différents calcaires). Des exemples d’évolution des vitesses en fonction du degré de saturation sont
46
Manuel de Mécanique des Roches
présentés sur la figure 2-9. Les vitesses décroissent globalement entre l'état sec et un degré de saturation intermédiaire (Vp minimale) puis augmentent jusqu'à une valeur maximale correspondant à la saturation totale. La saturation partielle de l'échantillon provoque d'abord une augmentation de la densité donc une diminution de la vitesse. Par contre, quand les pores sont presque totalement saturés, ils sont plus difficiles à comprimer d'où une augmentation de la rigidité et de la vitesse. La compétition entre effet de module et de densité est fortement dépendante du type de réseau poreux, puisque les variations sont différentes pour différents calcaires. Les roches bien que contenant des minéraux fortement anisotropes sont souvent isotropes ou faiblement anisotropes. Si une anisotropie apparaît c’est qu’il existe peut-être une orientation préférentielle des minéraux, mais surtout une orientation de la microfissuration affectant l’échantillon. Les mesures de vitesses des ondes permettent de mettre en évidence l’anisotropie de structure ou de fissuration et de décider en fonction de son importance d’en tenir compte ou non dans un programme d’essais mécaniques (chapitre 3). Considérons une symétrie hexagonale comme sur la figure 2-10. La vitesse Vp sera la même suivant les directions principales 2 et 3 du plan de base, mais elle sera plus faible dans la direction 1 affectée par les plans d’anisotropie. Les ondes S sont émises et reçues par des céramiques polarisées de manière à ce que le déplacement des particules se fasse perpendiculairement à la direction de propagation. La vitesse de l’onde S suivant la direction 1 sera la même dans toutes les directions, la vibration se faisant dans un plan homogène. Par contre suivant les directions 2 ou 3 le plan d’anisotropie est parallèle à la direction de propagation de l’onde. 5,5
Figure 2-9 : Évolution de la vitesse des ondes P avec le degré de saturation dans différents calcaires (Sw=Sr)
Vp x 1000 (m/s) Gudmont 1
4,5 Euville
3,5 Dugny 2 Jaumont
2,5
0
IB "
20
40
Vs max % Vs min Vs max
60
Sw (%) 80 100
Lorsque plan d’anisotropie et plan de polarisation de l’onde sont confondus l’amplitude du signal et sa vitesse sont maximales (Vsmax) et lorsqu’ils sont perpendiculaires l’amplitude du signal et sa vitesse sont minimales (Vsmin ). On définit un indice de biréfringence IB qui est une caractéristique du degré d’anisotropie : (2-25)
Pour une direction intermédiaire le signal se décompose en une composante polarisée selon le plan d’anisotropie, l’autre étant perpendiculaire et à la réception on aura deux signaux, dont l’un sera d’amplitude et de vitesse supérieure à l’autre. Selon la symétrie du matériau étudié on détermine les directions de propagation et de polarisation nécessaires à la détermination de tous les paramètres élastiques. Les figures 2-10 et 2-11 montrent les directions de mesure nécessaires pour calculer tous les paramètres de la matrice de raideur. Lorsque le système d’anisotropie est complètement inconnu on peut le déterminer en multipliant les directions de mesure, puis calculer les modules élastiques correspondants.
Physique des Roches
1
Vp1
47 Vp45
Vp1
Vs13
1 Vs21 2
Vp12
Vp13 Vs21
Vs23
2
Vs23 Vp2
3 Vp3
3 Vp3
Figure 2-10 : Directions de propagation et correspondances avec les éléments Cij de la matrice de raideur (symétrie hexagonale ou isotrope transverse)
Vp23
Figure 2-11 : Directions de propagation et correspondances avec les éléments Cij de la matrice de raideur (symétrie orthotrope)
2.6 PROPRIÉTÉS THERMIQUES 2.6.1 CARACTÉRISTIQUES THERMIQUES
La loi de Fourier et l'équation de la chaleur (Annexe de ce chapitre) font intervenir des propriétés thermiques des roches : la conductivité thermique 6 et la chaleur spécifique C. La diffusivité thermique est définie comme le rapport :
a"
6 #C
(2-26)
La mesure de la diffusivité a, de la masse volumique # et de la chaleur spécifique C permet la détermination de la conductivité thermique (qui peut aussi être mesurée directement). La conductivité est un scalaire pour un corps thermiquement isotrope. Pour un corps anisotrope la conductivité thermique est représentée par un tenseur d'ordre 2 symétrique, soit une matrice 3x3. Un milieu isotrope transverse comme celui de la figure 2–10 est caractérisé par deux valeurs de conductivité thermique (ou de diffusivité thermique) 611, et 622 = 633. Les roches dans la nature sont au moins partiellement saturées en fluides et la conduction de la chaleur peut être couplée à d'autres types de transferts tels que par exemple le transfert de masse. Les mécanismes de transfert dans les milieux poreux sont fortement influencés par la configuration des pores et des minéraux. Le transfert de masse se produit uniquement à travers la structure continue des pores connectés, tandis que le transfert de chaleur peut impliquer la phase solide et les pores. Si l'on assimile les solides poreux à des matériaux composites à phase matricielle (contenant éventuellement des pores isolés) et à phase poreuse en réseau, on constate que les transferts de chaleur et de masse sont complémentaires. Le transfert de masse s'effectue uniquement par le réseau de pores, le transfert de chaleur se produit essentiellement dans la phase minérale. Par conséquent, les variations en porosité auront tendance à influencer les deux processus en sens inverse. L'étude du couplage chaleur - masse fait l'objet de nombreux travaux à consulter dans la littérature
48
Manuel de Mécanique des Roches
spécialisée. Les techniques de mesure de la conductivité thermique s'effectuent en régime permanent (plaque chaude gardée, fil chaud) ou en régime transitoire (flash). La mesure en transitoire donne la diffusivité et il est nécessaire de déterminer par microcalorimétrie la chaleur spécifique pour calculer la conductivité thermique. 2.6.2 PARAMÈTRES INTERVENANT SUR LES PROPRIÉTÉS THERMIQUES
Les principaux facteurs qui influencent les propriétés thermiques des roches sont : !
la variation de composition minérale et chimique ;
!
la structure ;
!
la température et les contraintes ;
!
la porosité et la teneur en fluide.
Les roches sont formées de minéraux ayant des propriétés thermiques qui varient aussi bien avec la température qu'avec la direction du flux de chaleur. Le quartz a la conductivité moyenne la plus élevée (6moy = 7,7 W/m/K). La conductivité thermique d'une roche dépend largement du minéral principal. Elle augmente avec la masse volumique. Le tableau 2-4 donne les conductivités thermiques de quelques roches à l'état sec.
TABLEAU 2-4 : VALEURS DE CONDUCTIVITÉ THERMIQUE DES ROCHES
Roches
Origine
Masse Volumique kg/m3
Chaleur spécifique J/kg.K
Conductivité thermique W/m.K
Grès Granite Ardoise Argilite Marne Argilite Calcaire Sel
Vosges Limousin Angers Tournemire Alsace Aisne Euville
2 650 2 600 2 800 2 340 2 300 2 220 2 310 2160
700 740 815 826 845 846 870
2,7 2,8 1,2 & 4,5 0,7 & 2 1,04 & 1,4 0,75 & 1,4 3,5 6
Les deux valeurs de conductivité sont suivant les directions principales d'anisotropie
La plage de 1 à 6 W/m/K de la conductivité est relativement limitée alors que la perméabilité varie de 7 à 8 ordres de grandeurs. L'anisotropie des minéraux et des structures des roches influence la conductivité thermique. La conductivité thermique est forte suivant les plans d'anisotropie (directions 2 et 3 figure 2-10) ; elle est plus faible selon la direction perpendiculaire (direction 1 figure 2-10). La conductivité thermique d'une roche, à l'état sec, diminue lorsque la température augmente. L'anisotropie joue un rôle car la diminution est plus importante dans la direction perpendiculaire à la schistosité que dans la direction parallèle (figure 2-12). Pour les formations sédimentaires, à l'échelle du massif, la conductivité thermique décroît lorsque la température augmente : la conductivité thermique de la matrice est une fonction décroissante de la température, mais celle du fluide augmente légèrement avec la température et la combinaison de ces deux effets conduit à une décroissance significative de la conductivité thermique.
Physique des Roches
49
Les contraintes isotropes tendent à refermer les défauts de type fissure et la conductivité thermique augmente légèrement. En général, la présence d'eau dans un matériau poreux augmente la conductivité thermique au sein de ce dernier (figure 2-13). La conductivité thermique, à minéralogie identique décroît avec l'augmentation de la porosité. 6 5
1,9
6 (W/m/K) Direction 2 ou 3
4
6 (W/m/K)
1,7
Direction 2 ou 3
1,5
3
1,3
2
1,1
Direction 1
1 T°C
0 0
50
100
150
200 250
Direction 1
0,9
300
Figure 2-12 : Conductivité thermique de schistes ardoisiers en fonction de la température et de l'anisotropie
Sr
0,7 0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
Figure 2-13 : Conductivité thermique d'une argilite en fonction du degré de saturation et de l'anisotropie
2.6.3 DILATATION THERMIQUE
Un solide homogène et isotrope, libre de toute liaison, soumis à une variation uniforme de température T subit une déformation isotrope proportionnelle à T. L’effet de la température se traduit par une dilatation ou une contraction. Si l est la distance séparant deux points du solide, après échauffement (ou refroidissement), cette distance subit une variation relative de longueur égale à
/l " 4T l
(2-27)
avec 4, coefficient de dilatation linéaire du solide. En d’autres termes la variation uniforme de température détermine sur une roche homogène isotrope et libre de toute liaison, un tenseur de déformation uniforme :
7 ij " 4T8 ij
(2-28)
La variation de volume associée est /V/V = 7ij = 34T. La quantité 4v=34 est appelée coefficient de dilatation thermique volumique. Si la roche est anisotrope, il est nécessaire de déterminer le coefficient de dilatation thermique suivant les directions principales d’anisotropie. Le coefficient de dilatation linéaire des roches varie en fonction de la minéralogie, la texture, la porosité et la microfissuration. Il varie entre 5 10-6K-1 et 25 10-6K-1 pour la plupart des roches. Il est de 40 10-6K-1 pour le sel gemme. Pour l’ardoise perpendiculairement à la schistosité il est de 24 10-6K-1 alors que suivant les deux autres directions principales il n’est que de 17 10-6K-1. Dès lors que la roche n’est plus libre de toute liaison et/ou que la variation de température n’est plus uniforme des contraintes d’origine thermique peuvent apparaître dans la roche (chapitre 10).
50
Manuel de Mécanique des Roches
SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE Belikov B.P. - Plastic constants of rock-forming minerals and their effect on the elasticity of rocks. IPST, pp. 118-124, 1967. Berest P. & Weber Ph. (éd.) - La thermomécanique des roches. BRGM, 327 p., 1988. Bernabe Y. - A wide range permeameter for use in rock physics. Int. J. Rock Mech. Min. Sci., 24, pp. 309-315, 1987. Bourbie T., Coussy O. & Zinsner B. - Acoustique des milieux poreux, Technip, 339 p., 1986. Cuxac P. - Propagation et atténuation des ondes ultrasoniques dans des roches fissurées et anisotropes. Thèse de Doctorat de l’INPL, Nancy, 175 p., 1991. Cuxac P. & Homand F. - Propagation d’ondes ultrasonores dans les roches anisotropes. Revue Française de Géotechnique, 59, pp. 49-55, 1992. David C. - Geometry of flow paths for fluid transport in rocks. J. Geophys. Res., 98, pp. 12267-12278, 1993. David C., Darot M. & Jeannette D. - Pore structures and transport properties of sandstone. Transport in Porous Media, 11, pp. 161-177, 1993. David C., Wong T.-F., Zhu W. & Zhang J. - Laboratory measurement on compaction-induced permeability change in porous rocks: implications for the generation and maintenance of pore pressure excess in the crust. Pageoph., 143, pp. 425456, 1994. Dullien F.A.L. - Porous media : fluid transport and pore structure, Academic Press, 1979. Foucault A. & Raoult J.F. - Dictionnaire de géologie. Masson, 1988. Goodman R.E. - Engineering geology, John Wiley, 1993. Gueguen Y. & Palciauskas V.V. - Introduction à la Physique des Roches, Hermann, 1992. Jacquin C. - Structure des réseaux poreux et propriétés pétrophysiques des roches. Revue Française de Géotechnique, 49, pp. 25-42, 1989. Monicard R. - Caractéristiques des roches réservoirs, analyse des carottes. Technip, 1975. Remy J.M. - Influence de la structure du milieu poreux carbonaté sur les transferts d’eau et les changements de phase eau-glace. Thèse de Doctorat de l’INPL, Nancy, 353 p., 1993.
ANNEXE : ÉQUATIONS DE PROPAGATION DES ONDES ET DE LA THERMIQUE PROPAGATION DES ONDES
Dans le cadre de l'élasticité linéaire régie par la loi de Hooke, expression simple de la relation unissant la contrainte à la déformation, l'équation du mouvement d'une onde dans un matériau isotrope s'écrit de la façon suivante : (6 + 2$) grad div U - $ rot rot U = #
92U 9t2
(2-29)
Physique des Roches
51
avec #, masse volumique du matériau, 6 et $, coefficients de Lamé. Soient 0 un potentiel scalaire et : un potentiel vecteur tel que U = grad 0 + rot :. Considérons d'abord un mouvement irrotationnel (rot U = 0 ; U = grad 0), l'équation du mouvement d'une onde devient : (6 + 2$) ;2 0 = #
;2 0 =
920 9t2
(2-30)
1 920 & 6 + 2$ ) avec Vp " ( 2 + 2 9t Vp ' # *
1/ 2
(2-31)
Si nous considérons maintenant un mouvement sans changement de volume tel que U = rot: avec div rot: = 0, l'équation du mouvement de l'onde devient : ;2 : =
1 V s2
92 : 9t2
& $) avec Vs " ( + ' #*
1/ 2
(2-32)
Un modèle viscoélastique linéaire est communément utilisé pour rendre compte de la dissipation d'énergie durant le passage de l'onde, et donc de son atténuation. Dans ce cas, l'équation du mouvement est donnée par : #
92U 9t2
= M(<)
92U 9x2
(2-33)
où M(<) est un module complexe qui découle de la loi de comportement (< pulsation). Pour une onde plane, on démontre qu'une solution de l'équation du mouvement peut s'écrire sous la forme : U = Uo e[i(
(2-34)
Avec x, distance parcourue par l'onde et k* nombre d'onde complexe. La solution précédente peut également s'écrire : < U = Uo e- 4x e[i<(t - x/c)], avec k* = c - i 4
(2-35)
où c et 4 sont des réels. Le facteur e-4x exprime l'atténuation de l'onde et 4 est appelé coefficient d'atténuation. L'autre paramètre le plus souvent rencontré pour décrire l'atténuation est le facteur de qualité qui s'exprime par le rapport des parties réelle et imaginaire du module complexe M(<) issu du modèle viscoélastique linéaire :
Q"
Mr Mi
(2-36)
Ce paramètre peut être défini comme le rapport de l'énergie maximale emmagasinée pendant un cycle Wmax sur l'énergie /W dissipée durant ce cycle :
52
Q"
Manuel de Mécanique des Roches
2 !Wmax /W
(2-37)
Ces deux paramètres sont liés entre eux par la relation suivante :
Q"
!f ! " QV 4
(2-38)
où f est la fréquence et V la vitesse de l'onde. Cette relation est simplifiée mais donne une bonne estimation de la relation entre Q et 4. LOI DE FOURIER ET ÉQUATION DE LA CHALEUR
Considérons un milieu continu, homogène, isotrope, thermiquement isolé et de température non uniforme. Dans ce milieu, on considère les isothermes du champ de température. Soit (S) la surface isotherme de température T, soit A un point de (S) et n le vecteur normal à (S) au point A et orienté dans le sens des températures décroissantes. La loi de Fourier stipule que pour une petite surface 8s de dimension finie et tracée sur (S) autour de A, traversée dans la direction n durant le temps 8t par la quantité de chaleur 8Q, on pose a priori : 9T 8Q = - 6 8s 9n 8t
(2-39)
9T où 9n 8t
(2-40)
désigne le gradient de température dans la direction normale. Exprimée vectoriellement, la relation devient :
8Q " % 68s gradT.n 8t
(2-41)
Cette loi de type phénoménologique est essentiellement locale. Le coefficient de proportionnalité 6 est un paramètre physique appelé conductivité thermique. Il traduit la conductibilité du matériau, laquelle peut dépendre de la température, de la pression, de l'état mécanique, de la direction, etc. La loi de Fourier s'exprime classiquement sous la forme :
q " %6gradT
(2-42)
où q désigne le vecteur courant de chaleur (W m-2 ) et 6 le tenseur de conductivité thermique (W/m/K) dont les coefficients 6ij sont les coefficients de conductivité Considérons un milieu orthotrope c'est-à-dire un milieu pour lequel les coefficients 6ij se réduisent à trois. Dans ce cas :
q i " %6 ii
9T 9x i
(2-43)
Dans le cas d'un milieu isotrope, 6 est un scalaire : 611 = 622 = 633 = 6
(2-44)
Physique des Roches
53
L'équation de la chaleur qui traduit le bilan de chaleur échangée s'exprime sous la forme (en négligeant la production interne de chaleur et le couplage thermomécanique) :
#C
9T " div; 2 T 9t
(2-45)
#C est la chaleur volumique du matériau. En prenant en compte la loi de Fourier on obtient, dans le cas du milieu isotrope :
#C
& 92 T 92 T 92 T ) 9T " 6( 2 + 2 + 2 + 9t ' 9x1 9x 2 9x 3 *
(2-46)
CHAPITRE 3 COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES ROCHES
3.1 INTRODUCTION Les propriétés mécaniques des roches se divisent en deux catégories : !
les résistances à des sollicitations mécaniques : traction, compression uniaxiale ou triaxiale, définissant des seuils ou critères de rupture ;
!
les déformabilités sous l'effet des sollicitations mécaniques : modules instantanés ou différés.
Au delà de ces propriétés, qui s’expriment par des données chiffrées, on préférera parler de comportement, un terme plus général. Le terme de « loi de comportement » désigne d'une manière générale l'expression mathématique de la relation entre les contraintes et l'histoire des déformations subies par l'échantillon. Dans ce chapitre, il ne sera fait référence qu’à des lois de comportement élémentaires, élasticité et plasticité, les lois « avancées » étant présentées dans le chapitre 8. Le comportement et les propriétés mécaniques des roches sont étudiés au laboratoire, à partir d'échantillons continus de dimensions centimétriques à décimétriques. La représentativité d'échantillons de laboratoire, c'est-à-dire leur aptitude à représenter les propriétés du site dont ils sont extraits, se heurte à plusieurs types de difficultés : !
présence de fractures : certains types de fractures, présentes sur le site, peuvent ne pas être présentes dans l'échantillon prélevé, trop petit pour les contenir, et donc échappent à l'analyse (c'est notamment le cas pour les discontinuités majeures - fractures régionales, failles... - qui ne sont évidemment pas susceptibles de prélèvement). D'une manière générale, tout bloc extrait du site a, en quelque sorte, déjà subi une « sélection naturelle » interdisant la présence de discontinuités importantes (qui conduiraient à une division du bloc en blocs plus petits) ;
!
hétérogénéité du massif : certains massifs sont hétérogènes, c'est-à-dire formés d'éléments de propriétés mécaniques différentes, par exemple alternance de schistes et de grès ;
!
variabilité des propriétés mécaniques au sein du massif rocheux, même au sein d'une formation identifiée ; il convient alors d’utiliser la géostatistique pour décrire et modéliser la nature de cette variabilité et, éventuellement, le type d'échantillonnage à effectuer en vue d'une « représentativité correcte » ;
!
enfin l'effet d'échelle : les roches présentent généralement un « effet d'échelle » plus ou moins marqué, lié à la présence au sein de la matrice rocheuse, de divers types d'hétérogénéités et de discontinuités ; cet effet d'échelle se manifeste par le fait que les propriétés mécaniques mesurées sont fonction des dimensions de l'éprouvette.
L'étude des discontinuités présentes dans le massif rocheux, et susceptibles d'en affecter les propriétés mécaniques, fait l'objet des chapitres 4 et 5. Les
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Manuel de Mécanique des Roches
hétérogénéités du massif rocheux sont également évoquées dans le chapitre 4. Dans ce chapitre on aborde l’effet d’échelle, dans la mesure où il influence directement les résultats des essais mécaniques. 3.2 LES ESSAIS DE BASE Les essais de base mettent en jeu trois types de sollicitations : !
traction : traction indirecte (ou essai brésilien) ;
!
compression uniaxiale (ou monoaxiale ou simple) ;
!
compression triaxiale (isotrope et déviatorique).
Il existe un certain nombre de recommandations, en particulier éditées par la SIMR (Société Internationale de Mécanique des Roches) dont certaines préconisent le choix de dimensions des éprouvettes à essayer. L’AFNOR a édité très récemment des normes fixant les caractéristiques des éprouvettes et les conditions expérimentales pour les essais de base. Dans ce paragraphe on se limitera aux propriétés de résistance, l’aspect comportement étant présenté aux §3.3 et 3.4. 3.2.1 LES ÉPROUVETTES
Il est recommandé d’essayer des éprouvettes « les plus grandes possible » compte tenu des moyens techniques du laboratoire, de façon à intégrer au mieux les hétérogénéités minérales et les discontinuités du volume poreux. En tout état de cause seule la dimension minimale, liée à la taille des grains, est fixée: le diamètre doit être au moins égal à dix fois la taille des plus gros éléments. L’AFNOR recommande une dimension minimale de 40 mm de diamètre. Il est préférable de garder constant le diamètre pour la série d’essais : traction indirecte, compression uniaxiale et triaxiale. Les éprouvettes, de forme cylindrique, sont prélevées par découpage (carottage, sciage et rectification) à partir de blocs ou de carottes de plus grandes dimensions prélevées sur le site. L'orientation des éprouvettes s'effectue, par référence aux directions S1, S2, S 3 identifiées sur le site (chapitre 4). Ainsi, s'agissant d'une formation sédimentaire, l'axe S3 est perpendiculaire aux plans de stratification, dans lequel les directions S1 et S2 sont souvent indifférenciées. Un soin particulier doit être apporté à la qualité de la découpe et de la rectification : parallélisme des faces, perpendicularité avec les génératrices, obéissent à des spécifications rigoureuses. La rectifieuse doit permettre de garder l’éprouvette fixe, le retournement étant assuré par le marbre sur lequel l’éprouvette est disposée par l’intermédiaire de vés. 3.2.2 ESSAI DE TRACTION INDIRECTE
La réalisation d'essais de traction directe se heurte au problème classique du collage des têtes d'éprouvette sur le dispositif intermédiaire de la machine d'essai. La résistance maximale à la traction peut être limitée par celle de l’interface colleéprouvette, ce qui est le cas pour les roches de résistance à la traction supérieure à 15 MPa. C’est pourquoi un essai de traction indirecte, l’essai brésilien, a été emprunté au domaine du béton. L’éprouvette d’élancement (hauteur/diamètre) minimal égal à un, subit une compression suivant deux génératrices opposées. Cette compression s’exerce par l’intermédiaire de pièces métalliques (figure 3-1) ou en interposant un
Comportement mécanique des roches
57
carton d’épaisseur millimétrique, pour « gommer » les irrégularités éventuelles des génératrices du cylindre. La vitesse de mise en charge recommandée par la SIMR est de 200 N/s. La résistance à la traction est calculée par :
!t "
2P "DL
(3-1)
avec : !t résistance à la traction, P effort à la rupture, D diamètre de l'éprouvette, L longueur de l'éprouvette. L’état de contrainte au centre de l’éprouvette, au moment de la rupture, est représenté par une contrainte de compression verticale !y égale à :
!y "
6P "DL
(3-2)
avec les mêmes notations que celles de l’équation (3-1), tandis que la contrainte horizontale !x a pour valeur celle de l’équation (3-1). L’essai brésilien n’est un essai de traction que pour les matériaux fragiles : les roches, le béton, le verre. La rupture doit impérativement se produire à partir du centre, sous forme d’une fracture unique verticale. Il peut y avoir des difficultés expérimentales dans le cas de roches fortement anisotropes et pour les roches ductiles (sel, argiles..).
Plateau supérieur
Eprouvette
Plateau inférieur
Figure 3-1 : Dispositif pour essai brésilien
Figure 3-2 : Frettage d'une éprouvette en compression
3.2.3 ESSAI DE COMPRESSION UNIAXIALE
C'est l'essai le plus communément réalisé. Il est effectué sur éprouvettes cylindriques, d'élancement L/D (L, hauteur, D diamètre) compris entre 2 et 2,5. L’élancement est un point important qui se comprend lorsqu’on examine les conditions de contact machine-éprouvette. Il existe un état de contrainte non homogène dans des zones en forme de cône (figure 3-2) correspondant à un frettage de l’éprouvette. Le frettage est dû au frottement empêchant le déplacement libre des extrémités de l’éprouvette, engendré par le contraste de déformabilité entre la roche et les plateaux de la presse. Les roches sont toujours plus déformables que les aciers avec lesquels elles sont en contact durant l'essai. Ce frettage augmente artificiellement la résistance à la compression de l'éprouvette. Il convient donc de diminuer les zones d'influence du frettage en jouant sur l’élancement : !
élancement faible (L/D = 1) : les deux cônes s'interpénètrent, la résistance à la compression est alors surévaluée ;
58
Manuel de Mécanique des Roches
!
L/D = 2 : les cônes sont séparés, la distribution des contraintes au centre de l'éprouvette n’est plus perturbée :
!
élancement fort (L/D = 3) : les cônes sont bien éloignés mais il y a risque de compression excentrée de l'éprouvette, si les faces ne sont pas rigoureusement parallèles.
Il faut noter que la Société Internationale de Mécanique des Roches interdit l’interposition de matériau ou de produit entre l’éprouvette et les plateaux de la presse, excepté des plaques d’acier d’épaisseur comprise entre 15 mm et D/3 et de diamètre égal à celui de l’éprouvette. La machine d’essai doit être assez rigide (colonnes de diamètre approprié et faible course des vérins), hydraulique et si possible asservie. L’usage de machines mécaniques est prohibé. Le plateau supérieur peut être équipé d’une rotule. Le centrage de l’éprouvette doit alors être rigoureux. L'essai est conduit à partir d'un chargement monotone croissant (soit à vitesse de déformation, soit à vitesse de contrainte uniaxiale fixée). La normalisation n’impose pas de vitesse, mais conseille une durée d'essai comprise entre cinq minutes et quelques dizaines de minutes, de manière à ne pas induire d’effets différés. On appelle résistance à la compression (notée ! c) la contrainte maximale supportée par l'échantillon lors d'un essai à chargement monotone croissant. Cette valeur constitue une première information très utile et parfois suffisante sur les performances mécaniques escomptées de la roche. L'étendue des valeurs des résistances est grossièrement comprise entre 1 et 200 MPa. Les valeurs inférieures à 5 MPa correspondent à des roches qualifiées de « très tendres » ; des valeurs supérieures à 100 MPa caractérisent des roches dites « très résistantes ». Dans le cas d'échantillons dont l'anisotropie est avérée, il convient d'orienter la direction de sollicitation suivant les axes principaux de l’anisotropie et de définir des valeurs des résistances suivant ces axes, sans oublier que le minimum de résistance peut être obtenu dans une direction biaise. Le rapport entre la résistance à la compression uniaxiale et la résistance à la traction donne un indice de fragilité, qui est une caractéristique importante de comportement. Ce rapport varie usuellement entre 5 (roche peu fragile) et 30 (roche très fragile). 3.2.4 ESSAI TRIAXIAL
Figure 3-3 : Cellule pour essai triaxial Cet essai est réalisé sur des éprouvettes identiques à celles de l’essai de compression uniaxiale, mais le dispositif expérimental limite souvent l’élancement aux environs de 2. Il s’agit d’un essai triaxial de révolution où !2 = !3 = Pc (pression de confinement). L’éprouvette est placée dans une jaquette étanche et souple, pour les roches tendres, plus rigide pour les roches raides. La figure 3-3 donne un exemple de schéma de cellule triaxiale, dimensionnée pour supporter des confinements courants de 1 à 40 MPa, ce qui impose des parois épaisses en acier. De plus la charge axiale doit être transmise par un piston rigide de même diamètre que l’éprouvette. L’essai est conduit en imposant d’abord un chargement hydrostatique !1 = !2 = !3 = Pc. Puis la contrainte axiale est augmentée en respectant une consigne de vitesse de mise en
Comportement mécanique des roches
59
charge constante ou de vitesse de déformation constante, jusqu’au maximum qui correspond à la résistance à la compression triaxiale. A partir des valeurs de résistance à la traction, à la compression uniaxiale et à la compression triaxiale, sous plusieurs confinements, il est possible de déterminer un critère de rupture (§3.6.2 et chapitre 9). 3.3 GÉNÉRALITÉS SUR LES CONDITIONS EXPÉRIMENTALES La réalisation de tout essai mécanique s'effectue selon un chemin de sollicitation qui résulte de l'exécution d'un programme (ou « consigne ») prédéfini ; le programme fixe les paramètres d'exécution de l'essai - contraintes ou déformations et leur évolution dans le temps, la machine d'essai devant suivre le déroulement du programme, à partir du contrôle des paramètres d'asservissement. Le trajet de charge résulte de l'exécution : ! !
soit d'une consigne en déformation (par exemple essai effectué à vitesse de déformation imposée #˙ constante) ; soit d'une consigne en contrainte (par exemple !˙ constante).
Le dispositif d'asservissement de la presse a pour objet l'exécution de l'essai conformément au programme prédéfini ; de la qualité de l'asservissement dépend celle de l'essai ; or l'essai peut ne pas se dérouler correctement, en particulier si des phénomènes de perte de résistance de l'échantillon au moment de la rupture imposent une variation trop rapide du dispositif de correction (par exemple, une consigne de type d!/dt = constante peut s'avérer impossible à exécuter si la contrainte vient à excéder la résistance de l'échantillon). Divers types de trajets de charge peuvent être exécutés ; leur définition est fonction de l'objet et de la destination de l'essai envisagé. Parmi les plus usuels, citons : ! chargement monotone croissant (de type #˙ = constante ou !˙ = constante) ; !
chargement croissant jusqu’à un certain niveau, suivi d’un déchargement et d’un rechargement jusqu’à un niveau plus élevé. On peut ainsi réaliser 3 à 5 cycles jusqu’à la rupture ;
!
chargement cyclique autour d'une position moyenne (essai de fatigue).
Les grandeurs physiques mesurées sont principalement : !
des forces : par exemple force exercée par la presse de compression sur l'échantillon ;
!
des pressions : pression du fluide dans une cellule triaxiale ;
!
des déplacements : déplacement relatif des plateaux de la presse mesurés par des capteurs de déplacement, déplacements axiaux et radiaux de l’éprouvette par l’intermédiaire d’un collier de mesure équipé de capteurs, déplacements particulaires d'éléments de matière sur un échantillon (mesurés par traitement numérique d'images prises en cours d'essai) ;
!
des déformations par jauges d’extensométrie ;
!
des volumes et débits liquides : variation du volume d'huile ou volume de fluide expulsé de l’éprouvette saturée au cours d’un essai triaxial ;
!
le temps ;
!
la température.
60
Manuel de Mécanique des Roches
Mentionnons plus particulièrement les mesures d'extensométrie par jauges de déformation (strain gages), dont la mise en place nécessite une attention particulière : longueur de jauge par rapport aux hétérogénéités de la matrice rocheuse, sensibilité à la pression de confinement et à l’eau (dans ce cas il faut soigner le dispositif d’étanchéité), risque de dérive lors d'essais de longue durée. Moyennant les précautions et la technicité nécessaires, ces mesures d'extensométrie sont toutefois parfaitement fiables et fournissent des mesures locales, en zone non frettée, de grande qualité. Les essais mécaniques peuvent être réalisés à température ambiante pour la plupart des problèmes courants. Il peut être nécessaire de contrôler rigoureusement la température durant les essais mécaniques et particulièrement pour les essais de longue durée et les essais de fluage (§3.8). Il est nécessaire de réaliser des essais mécaniques sous température pour divers problèmes, par exemple, stockage de déchets exothermiques, exploitation du pétrole dans les gisements haute température. Dans ce chapitre, il ne sera question que du comportement à température dite ambiante. 3.4 COMPORTEMENT MÉCANIQUE SOUS SOLLICITATION ISOTROPE Les procédures d’essai présentées au §3.2 permettent d’obtenir la résistance de la roche, ce qui n’est pas toujours suffisant. Il est nécessaire de caractériser le comportement, ce qui signifie d’obtenir des réponses à des questions, dont la première est particulièrement importante : !
la roche est-elle isotrope ?
!
la roche est-elle microfissurée naturellement ?
L'essai de compressibilité ou de compression isotrope permet de répondre à ces questions et ceci de façon très simple. En effet, si la roche est sans microfissures et homogène, élastique et isotrope, sa réponse # à une sollicitation de type hydrostatique (sphérique) est : !
identique dans toutes les directions de l'espace ;
!
linéaire en fonction de la contrainte (!1 = !2 = !3 = pression de confinement Pc)
#"
Pc (1 % 2 $) E
(3-3)
avec E module de Young et $ coefficient de Poisson. En conséquence tout écart aux deux réponses attendues précédentes donnera des indications sur le caractère isotrope et /ou microfissuré de la roche. 3.4.1 PRINCIPE DE L’ESSAI
L'essai se pratique sur des cubes dont les dimensions sont suffisamment grandes par rapport à la taille du plus grand constituant élémentaire. Ce cube est découpé en fonction de la structure de la roche, ce qui n'est pas toujours, a priori, évident... Notons S1 la normale au plan repéré (stratification, schistosité). Supposons connues les deux autres directions principales orthogonales de structures, qui sont alors notées S2 et S3. Rappelons que si !
S1, S2 et S3 sont orthogonales, la roche est dite orthotrope ;
Comportement mécanique des roches
61
S2 et S3 ne jouent aucun rôle particulier la roche est dite isotrope transverse.
!
Le cube est, après séchage, équipé de jauges d'extensométrie selon la figure 3-4. Le cube est ensuite gainé, par exemple d'un enduit silicone, pour éviter toute pénétration de fluide durant l’essai (figure 3-5).
S3
#1 S2 #2 #3 S1
Figure 3-4 : Orientation du cube par rapport aux axes de structure et positionnement des jauges
Figure 3-5 : Exemple de cube instrumenté et gainé de silicone (une fenêtre a été découpée ; les jauges sont groupées en rosette
Le cube est placé dans une enceinte de pression. Il est sollicité par l'intermédiaire d'un fluide dont on contrôle la pression. Notons #i la déformation dans la direction Si. La figure 3-6 présente schématiquement les réponses des trois jauges en fonction de la pression de confinement Pc. 1, 2, 3
Pc
2, 3
Pc
Pc
3
1
# a
1
# b
2
# c
Figure 3-6 : Résultats schématiques d'essais de compressibilité Si les trois jauges donnent les mêmes réponses #1 = #2 = # 3 : la roche est probablement isotrope. Dans le cas où nous supposons l'isotropie, la variation de volume est égale à :
P &V 3(1 % 2 $) " #1 ' # 2 ' # 3 " Pc " c K V E avec K module de compressibilité.
(3-4)
62
Manuel de Mécanique des Roches
Si #2 = #3 ' #1: la roche est probablement isotrope transverse et le plan (S2, S3 ) est un plan isotrope. Si #2 ' #3 ' #1: la roche est peut être orthotrope. 3.4.2 CARACTÉRISATION DE LA MICROFISSURATION NATURELLE
Schématisons une microfissure sous forme d’un ellipsoïde aplati, caractérisé par un grand axe de longueur 2c et une ouverture 2a (figure 3-7). Cette fissure est définie par un coefficient de forme a/c de l’ordre de 10-3. Sous l'effet d'une charge normale, l'ouverture va diminuer jusqu'à ce que les lèvres de la fissure se touchent. Supposons qu'une roche isotrope possède une population de fissures de ce type, réparties de manière aléatoire et effectuons un essai de compressibilité. Du fait de l'isotropie et de la répartition aléatoire des microfissures, la réponse des jauges sera telle que #1 = #2 = #3. La figure 3-8 représente l'évolution de la variation de volume &V/V en fonction de la pression Pc. Pc
B
p 2a 2c
Pf
A
&V/V
0 nf
Figure 3-7 : Représentation schématique d'une fissure naturelle en forme de pièce de monnaie
Figure 3-8 : Exemple d'essai de compressibilité sur une roche isotrope microfissurée
On décompose les courbes en deux parties : !
OA, à concavité vers le bas, où les microfissures se ferment progressivement en commençant par les fissures ayant le rapport a/c le plus petit ;
!
AB, linéaire représentant le comportement élastique de la roche.
Le point A correspond donc à la fermeture de toutes les microfissures : la pression correspondante sera appelée pression de fermeture Pf. L’écart sur l'axe &V/V par rapport à l'élasticité, correspond au volume de toutes les microfissures : il s'agit donc de la porosité de fissures nf = Vf/Vt. 3.4.3 ÉTUDE DE QUELQUES EXEMPLES
La figure 3-9 indique le repère structural d’un essai de compressibilité (figure 3-10) avec des cycles de chargement-déchargement sur un marbre présentant un plan de foliation dont la normale est S1. On remarquera que les parties linéaires (AB) ont sensiblement la même pente, ce qui signifie que ce marbre est isotrope. Par contre, on constate que la fermeture est nettement plus importante dans la direction de S1, ce qui permet d'affirmer que les microfissures sont orientées préférentiellement dans le plan de foliation.
Comportement mécanique des roches
63
L'étude des cycles chargement-déchargement permet de constater que les fissures fermées au premier cycle de chargement ne se rouvrent qu'en partie au cours du déchargement. Par contre cet effet disparaît après le premier cycle. ! (MPa)
S1
#3
#2
#1
40 30 20
S3 10 # .10-4
S2 0
Figure 3-9 : Repère structural
1
2
3
4
5
Figure 3-10 : Essai de compressibilité sur un marbre présentant un plan de foliation
La figure 3-11 montre un essai de compressibilité sur une ardoise, qui présente une anisotropie forte due à la présence d'un plan de discontinuité (plan de fissilité). La direction S1 est prise perpendiculaire à ce plan. On remarque que, les déformations selon S2 et S3 sont sensiblement identiques tant du point de vue « fermeture des fissures » que du point de vue de l'élasticité. Par contre la réponse selon S1 est très différente: !
la fermeture des fissures est beaucoup plus importante, ce qui indique que les microfissures sont dans le plan de schistosité et c'est ce qui permet le délitage des ardoises ;
!
la pente des déformations élastiques est différente, ce qui semble indiquer que cette roche est isotrope transverse.
La figure 3-12 présente un essai de compressibilité sur un échantillon d'argilite : la direction S1 est prise perpendiculaire au plan de stratification. 60
60
Pc (MPa) #3
#2
#2
40
40
20
20
0
Pc (MPa)
#1
#3
#1
#.10-6 0
500
1000
1500
Figure 3-11 : Essai de compressibilité sur une ardoise
0
#.10-3 0
5
10
15
Figure 3-12 : Essai de compressibilité sur une argilite
64
Manuel de Mécanique des Roches
L'allure des courbes présentées est très semblable à celle de l’ardoise et les conclusions voisines. Les remarques portent sur l'interprétation de la « fermeture des fissures »: dans le cas d'une argilite, il est plus correct de parler de « serrage des feuillets argileux » que de fermeture de fissures. Notons que le mécanicien des sols interprète cette partie convexe comme étant indicatrice d'un état de surconsolidation du matériau et que la pression Pc serait la pression de consolidation. 3.4.4 CAS DES ROCHES TRÈS POREUSES : PRESSION D'EFFONDREMENT DES PORES
60
Figure 3-13 : Essai compressibilité sur une craie
Pc
40
Pt
20 Pcol.
#v 10-2 0 0
4
8
12
16
de
Les matériaux très poreux, par exemple les craies, présentent lors de l’essai de compressibilité, un comportement particulier. Un exemple est donné par la figure 3-13, qui présente l'évolution de la variation de volume en fonction de la pression de confinement. A partir de l'examen des résultats de cet essai, on peut faire les remarques suivantes :
!
la craie ne présente pas de microfissures décelables, le comportement est linéaire élastique dès l'origine ;
!
à partir d'une certaine pression pcol, la variation de volume (compaction) est plus grande que dans la zone élastique, ce qui signifie que la microstructure commence à évoluer (destruction des joints de grains) pour réduire sa porosité. La pression Pcol correspond donc à une pression de début d'effondrement de structure. Elle est appelée « pression d'effondrement des pores » (p o r e collapse) ;
!
au delà d'une certaine pression Pt, le gradient de variation de volume s'inverse à nouveau: la roche semble « se raidir ». En fait, à partir de la pression Pt l'effondrement de la microstructure poreuse tend à se stabiliser.
La pression Pcol joue un grand rôle dans la compaction des réservoirs pétroliers. La valeur de cette pression dépend de la nature de la roche, c'est à dire de la nature des joints de grains, et de la porosité : plus la porosité de la roche est importante, plus la valeur de Pcol diminue. 3.4.5 REMARQUES SUR L'ISOTROPIE
La disposition des jauges de la figure 3-4 ne permet pas de conclure avec certitude que les résultats de la figure 3-6a conduisent à une roche isotrope, et que les résultats de la figure 3-6b conduisent à une roche isotrope transverse. L'hypothèse d'isotropie impose de vérifier la même propriété quelle que soit l'orientation. Or les jauges d'extensomètrie ont été placées selon trois directions particulières. Pour s'assurer de la validité de l'hypothèse d'isotropie, soit spatiale soit planaire, il est nécessaire d’ajouter des jauges suivant trois autres orientations.
Comportement mécanique des roches
65
3.4.6 VALIDATION DES MODULES ÉLASTIQUES
L'essai de compressibilité est un essai dont les conditions aux limites sont parfaitement maîtrisées et qui permet facilement de caractériser le comportement élastique. Il peut être utilisé pour valider la détermination des paramètres des roches. Roche isotrope Dans le cas d'une roche isotrope, l'essai de compressibilité permet de déterminer le module de compressibilité K. Ce module de compressibilité est lié au module de Young et au coefficient de Poisson (équation 3-4). Supposons les modules E et $ déterminés à partir d'autres essais : compression uniaxiale, compression triaxiale, par exemple. On peut ainsi vérifier la qualité des paramètres obtenus ainsi que la qualité de l'hypothèse d'élasticité postulée dans ces autres essais pour obtenir ces paramètres. Roche isotrope transverse Les déformations théoriques selon les directions S1 et S 2 sont respectivement (Annexe de ce chapitre) :,
( 1 2$ + (1 % 2 $12 + #1 " * % 21 - Pc ; #1 " * - Pc E2 , ) E1 ) E1 ,
(3-5)
( %$ (1 % $ 21 % $ 23 + 1 % $ 23 + # 2 " * 12 % - Pc ; # 2 " * - Pc E E E2 2 , ) 1 ) ,
(3-6)
Avec E1, E2 modules de Young principaux et $ 12 , $23, $21 coefficients de Poisson principaux (définitions dans l'annexe) déterminés par d'autres essais. Ces deux relations permettent ainsi de valider la détermination de ces modules. 3.5 COMPORTEMENT EN COMPRESSION UNIAXIALE 3.5.1 COURBES CONTRAINTE-DÉFORMATIONS
L'essai de compression est effectué avec enregistrement simultané des déformations axiales #a et des déformations transversales #t (dans le cas d’une roche isotrope). Un exemple de disposition de ces jauges en position axiale et transversale est présenté sur la figure 3-14. Le nombre idéal de jauges est de trois selon chaque direction. On ne considère ici que la moyenne des mesures suivant une direction, après élimination éventuelle des valeurs considérées comme aberrantes (mauvais fonctionnement d’une jauge, rupture prématurée d’une jauge). La déformation volumique de l'échantillon durant l'essai a pour expression : &V/V = . = #a + 2#t
(3-7)
Classiquement, on représente sur un même graphique les deux courbes !1 - #a et ! 1 - #t auxquelles on associe la courbe !1 - . ( figure 3-15). La référence élastique isotrope conduit à la définition du module de Young ou module d'élasticité et du coefficient de Poisson par les relations classiques :
!1 " E# a
# ; $"% t #a
(3-8)
66
Manuel de Mécanique des Roches
!c
!1 !l !d
!f
!r !s
#3
Figure 3-14 : Position des jauges
#1
Figure 3-15 : Courbes contrainte-déformations axiale, transversale et volumique
Le coefficient de Poisson, théoriquement compris entre -1 et 0,5 est pratiquement compris entre 0,15 et 0,45 pour la plupart des roches. Des valeurs élevées sont à mettre en relation avec le développement de microfissures ou de déformations plastiques au sein de la roche. L'étendue des valeurs de module de Young est comprise entre 1 GPa (roche qualifiée de « très déformable ») et 100 GPa (roche qualifiée de « très raide »). L'une des questions fondamentales qui se pose à l'ingénieur est de savoir dans quelle mesure, ou dans quel domaine de sollicitation, la roche présente un comportement élastique. Si tel est le cas, la détermination de E et $ définit sa loi de comportement élastique et l'identification d'un « domaine d'élasticité » constitue une donnée essentielle pour la validité d'une loi de comportement. L’identification de la zone élastique est souvent assimilée à la zone linéaire de la courbe ! 1 - #a alors qu’en toute rigueur, il faut vérifier la réversibilité du comportement par un cycle déchargement-rechargement. La pente de la courbe !1 #a en chargement continu, correspond à un module enveloppe (ou module tangent). Elle est différente des pentes des cycles déchargement-rechargement : Eenveloppe ' Edéchargement = Erechargement. Ces deux derniers modules sont égaux s’il n’y a pas d’effets différés dans le comportement, ni d’effet de presse. Une autre difficulté dans l’évaluation des modules est liée au frettage : si on emploie des capteurs de déplacement entre plateaux de la presse, les déformations sont plus importantes du fait des interfaces et de l’inhomogénéité des déformations le long de l’éprouvette. Le module correspondant est inférieur au module calculé à partir des mesures de déformation des jauges collées en partie centrale de l’éprouvette. Une analyse des courbes contrainte-déformations axiale, transversale et volumique permet d'identifier les différents seuils correspondant aux mécanismes conduisant aux déformations et à la ruine de l’éprouvette. Le comportement est dominé par : !
la microstructure de la roche : composition minéralogique, forme et agencement des minéraux, nature des contacts interminéraux, nature de la porosité et de l'agencement des vides (porosité de pores et/ou de fissures), présence éventuelle de fluides interstitiels ;
!
le niveau de la contrainte appliquée.
Comportement mécanique des roches
67
Décrivons le comportement d’un granite dans lequel on distingue usuellement cinq étapes successives : !
pour de faibles niveaux de contrainte cette roche initialement microfissurée présente généralement une phase dite de serrage, l'application de la charge provoque une fermeture progressive des microfissures, et donc une augmentation de la raideur : la courbe ! 1 - #a présente une concavité comme indiqué sur la figure 3-15. La contrainte ! s correspond au début du comportement linéaire consécutif à la phase de serrage. Cette phase s'accompagne souvent d'émissions acoustiques liées à la fermeture progressive du réseau microfissural ;
!
pour des niveaux de contraintes supérieures à ! s, le comportement est généralement élastique, linéaire et réversible, jusqu'à un niveau de contrainte !f à partir duquel apparaît, sur la courbe !1 - #t un écart par rapport à la linéarité : #t augmente alors plus vite que dans la phase élastique ;
!
cette déformation est liée à l'ouverture et à la propagation des fissures préexistantes ou à l’amorçage de nouvelles fissures. Des événements acoustiques se manifestent à nouveau. L'ouverture des fissures se traduit par une évolution de la variation de volume . qui diminue moins vite que dans la phase élastique. A mesure que la contrainte !1 augmente, le phénomène de dilatance transversale prend de l'ampleur jusqu'à un niveau de contrainte !d (seuil de dilatance) à partir duquel la variation de volume . change de sens : à ce moment, l'augmentation de volume compense la diminution de volume due à la contraction élastique. Cette phase s’accompagne d'une très nette recrudescence des émissions acoustiques, traduisant une évolution instable du réseau fissural par coalescence des fissures ;
!
à partir du niveau de contrainte défini par !d, toute augmentation de !1 induit un développement instable et non contrôlé du réseau fissural, qui induit à son tour un endommagement croissant de la roche. Les déformations axiales cessent d’être linéaires (ce seuil ! l est appelé abusivement limite élastique), jusqu’à la résistance à la compression !c, pic de la courbe ;
!
le comportement post-pic, essentiellement régi par les frottements mutuels des fragments de roche, n’est que rarement marqué par l’établissement d’une résistance résiduelle !r sous sollicitation uniaxiale (granite altéré ou très microfissuré).
3.5.2 EXEMPLES DE COMPORTEMENT
Des figures présentent des courbes contrainte-déformations axiale, transversale et volumique pour un grès très tendre (figure 3-16), un calcaire à organismes (figure 317) et une marne (figure 3-18). Le grès tendre présente des déformations axiales non linéaires en début de chargement, un comportement fortement non linéaire pour les déformations transversales. La courbe volumique est entièrement non linéaire, le seuil de dilatance est très bas. Les pentes des cycles déchargement-rechargement sont quasi-identiques. Les déformations permanentes sont importantes. Le calcaire présente une petite phase de serrage, ensuite une partie linéaire et une phase non-linéaire avant le maximum (courbe !-#a). La courbe !-#t montre un seuil de fissuration très net. La courbe !-#a de la marne est rapidement non-linéaire, les déformations irréversibles sont croissantes. Les déformations transversales cessent d’être linéaires à peu près au même seuil que les déformations axiales. La dilatance se produit très tardivement.
68
Manuel de Mécanique des Roches
12
!1 (MPa)
10
!t
!a
.
8 6 4 2 #.10-3 0 -6
-4
-2
0
5
10
Figure 3-16 : Courbes !1 - #a , #t et . ; grès !1 (MPa)
40
#t
#a
.
30 20 10
#.10-3 -0,5
0
0,5
1,5
Figure 3-17 : Courbes !1 - #a , #t et . ; calcaire !1 (MPa)
25 #t
#a
.
20 15 10 5
#.10-3
0 -2
-1
0
2
4
Figure 3-18 : Courbes !1 - #a , #t et . ; marne
Comportement mécanique des roches
69
3.5.3 CAS DES ROCHES ORTHOTROPES
Les roches orthotropes sont caractérisées par 5 modules élastiques (Annexe) : 2 modules de Young principaux E1, E2 , 2 coefficients de Poisson principaux $12 (ou $ 21), $ 23 et un module de cisaillement G12. Les quatre premiers modules peuvent être déterminés à partir d'essais de compression uniaxiale comme dans le cas des roches isotropes, en revenant à la signification physique de ces paramètres. Le module G12 est déterminé par des essais « clinotropes ». Essais en axes principaux Les essais de compression simple sont effectués suivant les axes de structure S1 et S2 par exemple. Les éprouvettes sont équipées de jauges comme sur la figure 3-19. S2
S1
X1
S1 S2
S1 .
X3 S3
S1
S3 S2 plan d’anisotropie
S3
Figure 3-19 : Instrumentation pour les modules principaux
Figure 3-20 : Essai clinotrope sur roche isotrope transverse
Pour l'essai de compression selon S1 la jauge axiale permet de calculer le module de Young E1 et la jauge transversale, le coefficient de Poisson $ 12 . Pour l'essai de compression selon S2, la jauge axiale permet de déterminer E2, la jauge transversale collée dans le plan [S2, S3], le coefficient de Poisson $23, la jauge transversale collée perpendiculairement à la schistosité, c’est-à-dire au plan [S2, S3], le coefficient de Poisson $21. Essais clinotropes - Mesure de G12 Effectuons une rotation . du repère principal des contraintes autour de S2 et caractérisée par "+2 % . " S(1,X1). Pour un essai de compression réalisé dans une orientation . différente de 0° et 90°, une jauge axiale (figure 3-20) donne une valeur du module E(.) qui doit être égale à (Annexe de ce chapitre) :
1 sin 4 . ( 1 $ $ + cos 4 . " '* % 12 % 21 - sin 2 . cos 2 . ' E (. ) E1 E2 , E2 ) G12 E1
(3-9)
Les paramètres E1, E2, $12, $21 étant connus, le calcul de G12 s'en déduit. Il est donc possible, de déterminer le module de cisaillement G12 par jauges d'extensométrie. Il faut néanmoins faire très attention à bien mesurer un paramètre élastique E(.), car la présence de microfissures dans le plan d’anisotropie peut masquer le comportement élastique.
70
Manuel de Mécanique des Roches
3.6 COMPRESSION TRIAXIALE DE RÉVOLUTION Figure 3-21 : Principe de l'essai triaxial
!1
L'essai triaxial est un essai sur éprouvette cylindrique gainée (figure 3-21). Il consiste à étudier le comportement de la roche sous une pression de confinement.
Embase supérieure
Gaine !3 " Pc
Embase inférieure
L'éprouvette est en outre sollicitée par une contrainte axiale ! 1. Supposons, tout d’abord, que l'essai est effectué sur échantillon « sec », c'est-à-dire sans fluide interstitiel, ou encore que la pression du fluide interstitiel reste nulle durant tout l’essai. On présentera en §3.6.3 le principe des essais dans lesquels cette pression n'est pas nulle et les différentes situations qui en découlent.
3.6.1 LES TRAJETS DE CHARGEMENT
L'essai triaxial est donc caractérisé par deux paramètres de chargement: !1, et ! 2 = !3 = Pc . Il est donc possible de décrire l'ensemble des chemins triaxiaux par une expression des trajets de chargement dans le plan !1-Pc ou !1-!3 (figure 3-22). !
trajet 1 : chargement hydrostatique (!1 = ! 2 = ! 3 = Pc) jusqu'à une valeur Pc = P0. Ensuite chargement croissant en !1 avec P0. Il s'agit ici de l'essai triaxial monotone classique ;
!
trajet 2 : chargement tel que ! 1 = k ! 3, avec k constante. Cet essai est appelé essai proportionnel. Il peut être généralisé par un trajet de la forme : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement tel que !1 = k !3 (trajet 2*) ;
!
trajet 3 : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement décroissant en !1. Il s'agit ici de l'essai d'extension classique (extension longitudinale) ;
!
trajet 4 : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement décroissant en !3 avec !1 = P0 . Il s'agit ici de l'essai d'extension latérale. Il peut être généralisé par un trajet de la forme chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement croissant en !1 jusqu'à une valeur (!1)0 et enfin chargement décroissant en !3 avec !1 = (! 1)0. (trajet 4*). Ce trajet représente schématiquement le chemin de contrainte autour d'un ouvrage souterrain lors du percement ;
!
trajet 5 : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement à contrainte moyenne constante (!1+ 2 P0 = K constante). Cette deuxième phase de chargement est purement déviatorique et permet d'étudier la surface de charge indépendamment de la contrainte moyenne.
Comportement mécanique des roches
!1
!1
!1
P0
Pc
P0
2 2*
1
P0
71
Pc
P0
0
P0
4*
!1
P0 0
!1
5
4
P0
Pc
0
0 (!1)0
3
P0
P0
Pc
P0
Pc
0
Figure 3-22 : Définition des principaux types de trajets de chargement en essai triaxial 3.6.2 INFLUENCE DE LA PRESSION DE CONFINEMENT REPRÉSENTATION DES RÉSULTATS
Influence de la pression de confinement sur le comportement Plaçons nous dans le cas des essais triaxiaux classiques (trajet 1) et examinons l'influence de la pression de confinement sur le comportement. La figure 3-23 présente l'évolution des courbes contrainte-déformation axiale pour une marne. Comme l'indique cette figure, l'augmentation de la pression de confinement a en général plusieurs effets : !
elle augmente la limite élastique et la résistance maximale ;
!
elle fait passer le comportement du type fragile au type ductile (§3.7) ;
!
sur les courbes contrainte déformation volumique on remarquerait une diminution de la dilatance.
Physiquement l'augmentation de pression de confinement diminue les possibilités d’amorçage et de propagation des microfissures par augmentation du frottement sur les lèvres des microfissures. Dans le cas des matériaux poreux, craie par exemple, on a montré (§ 3.4.4) que la pression de confinement pouvait conduire à une pression limite de comportement élastique. Il en découle donc une diminution de la limite élastique avec la pression de confinement. Sur la figure 3-24, le comportement ductile à partir du confinement de 6 MPa est observable. Les déformations ductiles augmentent rapidement : sur la figure les courbes à 13 et 17 MPa de confinement ont été tronquées.
72
Manuel de Mécanique des Roches !1-!3 (MPa)
20
6 MPa
100
!1-!3 (MPa)
!3=50 MPa
15
17 MPa
3 MPa
80
13 MPa
60
10
! 3=30 MPa
40
!3=10 MPa
20
!3=5 MPa
0
5
#.10-3
20
1 MPa #%
40
Figure 3-23 : Influence de la pression de confinement sur le comportement d'une marne en fonction de la pression de confinement
0
0
0,5
1
1,5
2,0
2,5
Figure 3-24 : Influence de la pression de confinement sur le comportement d'une craie en fonction de la pression de confinement
Représentation dans le plan de Mohr A partir des essais triaxiaux, il est possible d'étudier l'influence de la pression de confinement sur la limite élastique ou la rupture (chapitre 9). La première représentation et la plus communément pratiquée est la représentation de Mohr. Il suffit de tracer les cercles, centrés sur l’axe des contraintes principales, et coupant cet axe en ! 1 et Pc, correspondant aux conditions limites recherchées (limite élastique ou rupture) et de prendre l'enveloppe de ces cercles. La figure 3-25 donne l'exemple d’une marne. On remarque que plus la pression de confinement augmente, plus l'enveloppe « s'aplatit » pour tendre vers une asymptote / = constante, caractéristique d'un comportement ductile (§3.7). / (MPa) 30 20 10
20
40
60
80
100 ! (MPa)
Figure 3-25 : Représentation de Mohr des conditions de rupture pour une marne Représentation en plan principal C'est la représentation la plus directe à partir des résultats de l'essai triaxial. Deux types de représentation sont possibles: !
dans le plan des contraintes principales, c'est-à-dire dans le plan (!1, !3) ;
!
dans le plan (P,Q) avec P contrainte moyenne (P = (!1 + 2!3)/3) et Q contrainte déviatorique (Q = (!1 - ! 3)). La notation habituelle est souvent en minuscules ; les majuscules sont employées ici, pour qu’il n’y ait pas de confusion avec la pression interstitielle notée p.
Comportement mécanique des roches
73
Les figures 3-26 et 3-27 donnent ces représentations pour la même marne en conditions de rupture. 120
80
!1 (MPa)
100
Q (MPa)
60
80
40
60
20
40 !3 (MPa)
20 0
10
20
30
40
50
Figure 3-26 : Représentation dans le plan expérimental des conditions de rupture pour une marne
P (MPa)
0 0
10
30
50
70
Figure 3-27 : Représentation dans le plan (P,Q) des conditions de rupture pour une marne
Représentation en Invariants Cette représentation peut être intéressante pour certains types de critères tels que Cam Clay ou Drucker-Prager (chapitre 9). Elle représente par exemple la variation de 03J2 (J2 deuxième invariant du tenseur déviatorique des contraintes ; voir Annexe générale) en fonction de I1, I1 premier invariant du tenseur des contraintes. Notons que dans le cas de l'essai triaxial, cette représentation est équivalente à la représentation (P,Q) puisque P=I1/3, et Q=03J2. 3.6.3 ESSAIS DRAINÉS ET ESSAIS NON DRAINÉS
Dans ce qui précède, nous avons supposé que la roche était sèche ou que la pression du fluide interstitiel restait nulle durant l'essai triaxial. Nous allons maintenant envisager le cas où la roche est parfaitement saturée en fluide avant d'effectuer l’essai. Le dispositif expérimental (figure 3-28) comprend des embases drainantes en tête et pied d'échantillon reliées à des capteurs de pression (A) et (B) et à des vannes (A) et (B). Notons p la pression du fluide interstitiel. Essai non drainé L'essai non drainé signifie que, durant l’essai, la masse de fluide dans l'échantillon reste constante. Donc pour réaliser cet essai, il faut : !
fermer la vanne B ;
!
mettre le fluide interstitiel à une pression initiale p0. On vérifiera que le capteur B indique cette pression p0 ;
!
fermer la vanne A.
On note au cours de l'essai triaxial l'évolution de la pression p avec le chargement. Les deux capteurs de pression doivent donner la même valeur. L’essai triaxial classique (trajet 1) comprend une partie hydrostatique et une partie déviatorique. La figure 3-29 donne l'évolution de la pression p interstitielle en fonction de la pression de confinement pour une craie (première partie de l'essai). On remarque une relation linéaire entre p et Pc donnant BS, le coefficient de Skempton (chapitre 10) : BS = &p/&Pc
(3-10)
74
Manuel de Mécanique des Roches p A Embase supérieure drainante
!1
A
Mesure de volume
30
Pc (MPa)
Gaine !3 = Pc
Embase inférieure drainante
20
10
B B
p (MPa)
0 0
Figure 3-28 : Dispositif expérimental pour essai drainé et non drainé
5
10
15
20
Figure 3-29 : Pression interstitielle en fonction de la pression de confinement pour une craie (essai non drainé )
La figure 3-30 donne l'évolution de la pression durant un chargement déviatorique sur un grès. On remarque que la pression augmente lorsque la variation de volume de l'échantillon diminue, et que la pression chute dès qu'apparaît la dilatance. 300
#3
200
300
!3 = 10 MPa
!1 - !3 (MPa) .
#1
200
100
0
!3 = 10 MPa
!1 - !3 (MPa)
100 p (MPa)
#.10-3 -10
-5
0
5
10
0
-1
0
1
2
3
Figure 3-30 : Évolution de la pression interstitielle en fonction du chargement pour un essai triaxial non drainé sur un grès Essai drainé Durant un essai, la pression interstitielle est gardée constante en laissant le fluide entrer ou sortir de l’éprouvette. Dans l'essai triaxial drainé, on note l'évolution de la variation du volume des vides en mesurant le volume de fluide expulsé pendant l’essai. Ainsi l'essai triaxial est mené de la façon suivante pour une pression p égale à0: !
vérification de la saturation de l'échantillon et des différents circuits du dispositif expérimental ;
!
fermeture de la vanne A, ouverture de la vanne B ;
!
réalisation de l'essai en mesurant le fluide expulsé ; on veille à ce que le capteur A indique toujours une pression nulle.
Comportement mécanique des roches
75
Cet essai peut être réalisé aussi avec une pression p = p0, en utilisant des contrôleurs de pression qui gardent la pression constante et qui font simultanément la mesure de variation de volume. Critère de rupture en contrainte effective La roche, au cours des essais drainés et non drainés, est soumise à une pression interstitielle non nulle. Le concept de contrainte effective est alors utilisé dans toutes les lois de comportement et pour l’expression du critère de rupture. On pose : !’= ! - bp, avec b, le coefficient de Biot (chapitre 10), compris entre 0 et 1. A la rupture, b est pris généralement égal à 1. Dans le chapitre 10, on verra que ce sont les contraintes effectives et non les contraintes totales qui gouvernent les déformations du milieu poreux. Le concept de contrainte effective est donc lié à la loi de comportement de la roche et il est important de dissocier les contraintes effectives élastiques, des contraintes effectives gouvernant la rupture. 3.7 CLASSIFICATION DES COMPORTEMENTS 3.7.1 LES DIFFERENTS COMPORTEMENTS
Certaines roches comme les craies se rompent progressivement par écoulement, et présentent donc de grandes déformations avant la rupture qui est dite ductile. Pour les grès peu poreux, les granites, la rupture se manifeste de manière brutale, sous forme de macrofissures se propageant sur des distances plus ou moins longues. Ce type de rupture est qualifié de fragile. Le mode de rupture dépend de l’état des contraintes, de la température et de l’histoire des contraintes. On peut avoir des résultats différents pour un chargement croissant monotone uniaxial, un chargement sous confinement, un chargement cyclique. Le comportement mécanique se classe en deux types suivant que les relations contrainte-déformations sont réversibles ou non. Il est donc nécessaire de réaliser un cycle déchargement-rechargement pour faire ce premier classement. La figure 3-31 illustre le comportement réversible, qui correspond à l’élasticité linéaire et nonlinéaire. Si le comportement varie en fonction du temps on le qualifie de viscoélastique. Lorsque le déchargement est effectué à un niveau de contrainte plus élevé (figure 3-32), par exemple la fin de linéarité des déformations axiales !l, des déformations irréversibles apparaissent. Celles-ci sont qualifiées de plastiques et la roche a un comportement élastoplastique. !
! b
a
!p
#
Figure 3-31 : Comportement réversible linéaire (a) et non-linéaire (b)
#
Figure 3-32: Comportement non réversible
76
Manuel de Mécanique des Roches
Le terme « élastoplastique » est cependant un abus de langage (voir chapitre 8) car il recouvre : !
de l’élastoplasticité au sens propre (glissement dans un cristal de sel, par exemple) ;
!
un endommagement (créateur de discontinuités) dont on rend compte par des lois issues de la théorie de l’élastoplasticité. Figure 3-33 : Comportement élastoplastique parfait (a), écrouissage positif (b), écrouissage négatif (c)
b
!
Le comportement est élastoplastique parfait si la limite élastique ne dépend c pas de l’histoire des contraintes et des déformations. En d’autres termes, la courbe contrainte-déformation axiale présente un plateau (figure 3-33, courbe a). Si la pente de la courbe contraintedéformation axiale est positive, on # qualifie ce comportement de durcissant ou d’écrouissage positif (courbe b). Si la pente de la courbe contrainte-déformation axiale est négative, il s’agit d’un comportement radoucissant ou écrouissage négatif (courbe c). Quand le comportement dépend du temps, le comportement est élastoviscoplastique. a
Dans le chapitre 8 on présentera les mécanismes physiques qui interviennent dans le processus de déformation ainsi que les principes des grandes catégories de lois de comportement. Il n’est question dans ce chapitre que de donner quelques éléments sur l’élasticité non-linéaire ou comportement hypoélastique et sur la plasticité. 3.7.2 COMPORTEMENT HYPOÉLASTIQUE
Il se réfère à une forme incrémentale de lois élastique non linéaire usuellement adoptée quand l'incrément de contrainte est une fonction à la fois de l'état de contraintes et de l'incrément de déformation. La différence fondamentale avec une loi élastoplastique est le caractère réversible. La forme incrémentale d’une loi élastique non-linéaire est : d! = f(!,d#),
soit
d! = Dt(!)d#
(3-11)
Dt étant une matrice tangente. Une loi hypoélastique ne nécessite pas que les directions principales de contraintes et de déformation coïncident. Dans la classe de ces modèles, on a, par exemple, la loi de Duncan dite hyperbolique. Le terme hyperbolique est relié à l'équation adoptée pour l'interpolation des résultats d'essais triaxiaux et non à la nature des équations gouvernant le problème en terme d'analyse de contraintes. L’évolution du module de Young a la forme suivante : 2
( R (1 % sin 7)(!1 % ! 3 ) + 1 !3 4 E " % *1 ' f - KPatm 3 6 2(C cos 7 % ! 3 sin 7) , 2 Patm 5 )
n
(3-12)
avec Rf, K, n : paramètre du matériau, Patm : pression atmosphérique, C : cohésion et 7 : angle de frottement.
Comportement mécanique des roches
77
3.7.3 ÉLASTOPLASTICITÉ
Rappelons, tout d’abord, quelques définitions relatives à la plasticité. La surface d’écoulement est la surface dans l’espace des contraintes définissant des états de contrainte pour lesquels se développent des déformations plastiques. La loi de durcissement règle les changements possibles en forme, taille et position de la surface d’écoulement. La règle d’écoulement gouverne l’incrément des déformations plastiques. Dans le domaine non linéaire, l'incrément de déformation totale consiste en la somme des incréments de déformation élastique et de déformation plastique : d# = d#el + d#pl
(3-13)
et l'incrément de contrainte correspondant est directement évalué sur la base de la relation élastique : d! = D d#el " D(d# - d#pl)
(3-14)
La condition d'écoulement peut s'exprimer par : F = F [!, h(#pl )]
(3-15)
h est alors le vecteur de durcissement gouvernant le changement de surface d’écoulement avec l'augmentation des déformations plastiques. Si F est négatif, l'état de contraintes est représenté par un point dans l'espace des contraintes à l'intérieur de la surface d’écoulement. Dans ce cas, le matériau a un comportement purement élastique incrémental. Si F = 0 l'état de contraintes est sur le critère d’écoulement. Si F positif, ce sont des points à l'extérieur de la surface, donc l'état de contraintes n'est pas admissible. Des déformations plastiques se développent pendant un incrément depuis F = 0, seulement si le point de contraintes reste sur cette surface pendant l'incrément, c'est-à-dire si la condition de consistance suivante est respectée : T
T
1 8F 4 1 8F 4 1 8h 4 dF " 3 6 d! ' 3 6 3 pl 6 d# pl " 0 2 8! 5 2 8h 5 2 8# 5
(3-16)
L'incrément de déformation plastique gouvernée par la règle d'écoulement plastique est proportionnel au gradient du potentiel plastique Q = Q[!, h(#pl)] par l'incrément d9 de multiplicateur plastique.
d# pl " d9
8Q 8!
(3-17)
Figure 3-34: Règle d’écoulement non associée
d #pl nQ Q
d! !
0
F=
!,#
Cette équation exprime la condition que dans l'espace superposé des contraintes et des déformations, le vecteur représentant l'incrément de déformation plastique est directement le vecteur extérieur normal à la surface représentant le potentiel plastique au point qui
78
Manuel de Mécanique des Roches
correspond à l'état courant de contraintes. A noter que d9 est une inconnue qu’on ne peut déterminer qu’en résolvant un problème de structure. La règle d'écoulement est associée si le potentiel plastique et la surface d'écoulement coïncident. Si ce n’est pas le cas la règle d’écoulement est non associée (figure 3-34 où nQ = 8Q/8!). 3.8 COMPORTEMENT DIFFÉRÉ Par le terme comportement différé, nous entendons des lois de comportement faisant intervenir, en plus de la déformation # et de la contrainte !, leur dérivée par rapport au temps. On parle également de comportement visqueux lorsqu'il y a dépendance du comportement avec le temps, le terme visqueux est à associer à la viscosité qui est un paramètre pouvant décrire cette dépendance (§ 3.8.2). 3.8.1 MISE EN ÉVIDENCE DE L'EFFET DU TEMPS SUR LE COMPORTEMENT: FLUAGE ET RELAXATION
La méthode la plus simple pour mettre en évidence l'importance du temps pour le comportement des roches est d'effectuer un essai de fluage. L’essai de fluage le plus simple à réaliser est en compression monoaxiale, mais des essais triaxiaux peuvent être également réalisés. Sur l'éprouvette de compression appliquons à l'instant t = t0, une contrainte ! = !0 (figure 3-35a). Si le matériau est purement élastique alors il subit à l'instant t = t0 une déformation # = #0 qui ne variera pas avec le temps. Mais l'expérience montre qu'il n'en est pas souvent ainsi : le matériau subit à l'instant t = t0 une déformation instantanée # = #0, puis la déformation évolue ensuite de façon plus ou moins croissante (contraction >0) avec le temps (figure 3-35b). Cette croissance avec le temps dépend de la valeur de ! 0 et sera étudiée plus en détail dans le paragraphe 3-8-2. !
#
!0 #0
b
b !: t
t
!
#
!0
#0 a
a t0
t
Figure 3-35 : Chemin et réponse d’un essai de fluage
t0
t
Figure 3-36 : Chemin et réponse d'un essai de relaxation
Comportement mécanique des roches
79
L'essai de relaxation est un autre essai qui permet de rendre compte des effets du temps sur le comportement : c'est l’essai dual de l'essai de fluage. Il est décrit par la figure 3-36. Dans cet essai on applique une déformation # = #0 au temps t = t0 ; cette déformation est maintenue constante. La réponse est donc en contrainte ; si le temps a un effet sur le comportement, la contrainte décroît (compression >0) avec le temps depuis ! = !0 au temps t = t0, pour tendre généralement vers une asymptote ! = !: < !0. 3.8.2 INFLUENCE DE L'INTENSITÉ DU DEVIATEUR SUR LE COMPORTEMENT DIFFÉRÉ.
Prenons un essai de fluage en compression simple et faisons varier la contrainte appliquée à l'éprouvette (figure 3-37). Si la charge est faible par rapport à la contrainte de rupture, la vitesse de fluage s'annule rapidement après une phase transitoire (courbe a). La déformation reste toujours faible. Ce fluage est relativement bien traduit par une expression sous forme logarithme du temps, par exemple : # - #0= A ln ( ;t + 1)
(3- 18)
Ce fluage est aussi appelé fluage < ou fluage logarithmique. A noter que cette expression n’est vraie que pour une fenêtre t = [0,T]. La courbe de fluage (b) correspond à des niveaux de contraintes plus élevés et peut être décomposée en deux stades : !
stade I : ou fluage primaire ou fluage transitoire ou fluage >. C'est un stade de transition ou la vitesse de fluage diminue rapidement avec le temps. Ce fluage peut prendre la forme : # - #0 = A t m
(3-19)
avec m compris entre 0,3 et 0,6 selon les conditions expérimentales ; !
stade II : ou fluage secondaire ou fluage stationnaire. Dans ce stade, la vitesse de fluage est constante, et cette constante est analogue à la viscosité des fluides.
Après ce stade, les déformations peuvent s'amortir ou se poursuivre à une vitesse constante (fluage permanent). La vitesse de fluage croît avec la contrainte appliquée avec une loi de la forme : d#/dt = K !n
(3- 20)
avec n compris entre 1 et 5 (voir chapitre 8, sel gemme). La température joue un rôle très important sur cette vitesse de fluage. Cependant si la charge appliquée est encore augmentée, il apparaît alors un troisième stade III (courbe c) ou fluage accéléré. Ce fluage est essentiellement lié à un développement important de la micro fissuration. Cette accélération de la vitesse de fluage d#/dt conduit à plus ou moins long terme à la rupture de l'éprouvette. Le suivi de la vitesse de fluage et de sa variation dans le temps est la base de la méthode de suivi de la stabilité des ouvrages : l'ouvrage est stable si la vitesse de fluage diminue ou reste constante dans le temps, l'ouvrage devient instable à plus ou moins long terme si la vitesse de fluage augmente avec le temps.
80
Manuel de Mécanique des Roches
Enfin, si on effectue un essai de fluage sous des contraintes proches de la contrainte de rupture, les stades I, et II peuvent disparaître pour ne laisser place qu'au stade III.
c
#
!
???
!
Fluage
b ??
?
Relaxation
?? ?
Courbe limite
a
t
Figure3-37 : Influence du déviateur sur la réponse en fluage
#
Figure 3-38 : Définition et obtention d'une courbe « ultime »
3.8.3 NOTION DE COURBE LIMITE
La réponse de la roche dépend du temps avec une plus ou moins grande intensité selon la nature minéralogique et les fluides interstitiels. Ainsi la résistance et les modules obtenus lors des essais en laboratoire vont dépendre de la vitesse de sollicitation utilisée. Pour caractériser le comportement à long terme et obtenir ainsi la courbe limite ou ultime, il serait nécessaire d'effectuer des essais à vitesse de chargement très faible. Cette courbe limite peut être déterminée de la façon suivante à partir d'un essai standard : !
à un état de chargement donné on stoppe l'essai et on effectue, soit un essai de fluage, soit un essai de relaxation (figure 3-38);
!
à la stabilisation on obtient un point de la courbe ultime ; la procédure est répétée à différents niveaux de chargement.
3.9 EFFET D’ÉCHELLE 3.9.1 POSITION DU PROBLÈME
Un des problèmes essentiels en mécanique des roches est l'extrapolation des mesures de laboratoire aux propriétés à plus grande échelle. Afin d'étudier ce problème, de nombreux auteurs ont réalisé des essais sur des échantillons de différentes dimensions qui ont montré que la résistance à la compression variait avec la taille de l'éprouvette. La première explication consiste en une approche probabiliste : lorsque le volume de roche soumis à un essai augmente, la probabilité de contenir des défauts, susceptibles d’amorcer une fissure, ou même des fissures préexistantes, augmente. Cependant, la figure 3-39 résumant divers résultats publiés montre que tous les matériaux ne présentent pas un même comportement lorsque leur dimension augmente. Les travaux de différents auteurs permettent de classer ces comportements en trois catégories : !
la résistance décroît avec les dimensions de l'éprouvette : effet de volume ;
!
la résistance augmente avec le volume de l'éprouvette : effet de surface ;
Comportement mécanique des roches
!
81
la résistance croît puis décroît : les deux effets se compensent. L'effet de surface a tendance à dominer pour de petites dimensions d'échantillons.
Quelques exemples des différents comportements sont présentés ci-après. 250
!c (MPa)
Granite
200
Grès 1 Calcaire 1
150
Marbre Calcaire 2
100
Grès 2 Charbon
50 0 0
2
4
6
8
10
Ø (cm)
12
Figure 3-39 : Résistance à la compression en fonction de la dimension de l'échantillon pour diverses roches 3.9.2 EFFET DE VOLUME
La rupture est généralement amorcée par une augmentation de contrainte sur une hétérogénéité de la roche. Si on considère une répartition homogène de ces imperfections, en augmentant la taille de l'éprouvette on augmente le nombre des défauts susceptibles d'amorcer une fissure. Ainsi il parait logique que la résistance à la compression diminue quand la dimension de l'échantillon augmente. Ce raisonnement peut également expliquer la dispersion importante lors des essais, le défaut générant la rupture pouvant être différent d'un échantillon à l'autre. En conséquence, l'augmentation de la taille de l'éprouvette devrait diminuer la dispersion des résultats, l'amorçage de la première fissure ayant plus de chance de se dérouler dans les mêmes conditions. Tout ceci est basé sur le concept de « maillon le plus fragile » : si on discrétise l'échantillon en une infinité d'échantillons élémentaires, la résistance globale est déterminée par la résistance du maillon le plus faible. On peut alors établir une relation entre la résistance de l'éprouvette et son volume, connaissant la probabilité de rupture. La fonction de densité de probabilité la plus utilisée est celle utilisée par la théorie de Weibull. La probabilité de rupture d'un volume V d'un échantillon soumis à une contrainte ! est :
( + S " 1 % exp *% @ f (! )dV * ) V ,
1 ! % !u 4 f(!) est une fonction du matériau f (! ) " 3 6 2 !o 5
(3-21) m
(3-22)
82
Manuel de Mécanique des Roches
avec ! u, la plus petite contrainte que tout élément de volume élémentaire peut supporter, !o, la contrainte de référence, m, un paramètre d'échelle. Dans le cas où la distribution des contrainte est uniforme : m
1 ! % !u 4 3 6 représente donc le risque de rupture pour le volume élémentaire. 2 !o 5 Prenons deux éprouvettes : m
m
1 !1 % ! u 4 1 !2 % !u 4 3 6 V1 " 3 6 V2 2 !o 5 2 !o 5 si !u = 0 on obtient
!1 1 V2 4 "3 6 ! 2 2 V1 5
(3-23) 1/ m
(3-24)
Ainsi l'effet d'échelle ne dépendrait que de m. En fait ! u ' 0 et les constantes du matériau ne sont pas déterminées de façon simple. La théorie de Weibull est critiquable sur plusieurs points : !
en tant que modèle statistique, il demande de très nombreux essais afin de déterminer les deux constantes propres au matériau et nécessaires aux calculs ;
!
elle fait appel à la théorie des valeurs extrêmes impliquant que la résistance soit déterminée par la fissure la plus critique. La rupture est donc synonyme d’amorçage de la fissure. Or, si cela peut être le cas dans un essai de traction directe, ce n'est plus vrai lors d'un essai en compression simple ;
!
il est de plus nécessaire que l’état de contrainte soit uniforme, ce qui n'est pas toujours le cas.
Houpert a étudié la dispersion des résistances à la compression pour le granite de Senones. Il apparaît clairement sur la figure 3-40 que la dispersion diminue lorsque le volume des éprouvettes augmente. Ce qui est en accord avec les théories de la rupture comme nous l'avons vu plus haut. 3.9.3 EFFET DE SURFACE
Certains essais contredisent les résultats présentés. En effet, pour certaines roches la résistance à la compression peut augmenter lorsque les dimensions de l'échantillon augmentent comme sur le granite de Senones ( figure 3-41). Coefficient de variation (%)
8 6
!c (MPa) 180
4
170
2
160
Volume (cm3 )
0 0
400
800
Ø éprouvette (cm)
150
1200
Figure 3-40 : Dispersion de la résistance et volume essayé
Figure 3-41 : Effet d'échelle inverse sur le granite de Senones
Comportement mécanique des roches
83
Cet effet d'échelle inverse serait lié à des détériorations de la couche externe de l'éprouvette modifiant les propriétés mécaniques de la roche sur une certaine épaisseur. Or, la surface externe par unité de volume décroît lorsque les dimensions de l'éprouvette diminuent. Ainsi, l'effet de surface est prépondérant (lorsqu'il existe) pour les éprouvettes de petit diamètre. 3.9.4 EFFET D’ÉCHELLE MIXTE
Pour illustrer l’effet d’échelle mixte, composé d’un effet de surface pour les éprouvettes de petit diamètre et d’un effet de volume pour les diamètre plus importants, les figures 3-42 et 3-43 présentent des résultats d’essai de compression uniaxiale réalisés sur une ardoise suivant les deux directions principales d’anisotropie. !c (MPa)
!c (MPa)
150
200
Ø (cm)
100 2
4
6
8
10
Ø (cm)
50 2
4
6
8
10
12
12
Figure 3-42 : Évolution de la résistance à la compression orthogonalement à la schistosité
Figure 3-43 : Évolution de la résistance à la compression parallèlement à la schistosité
Pour de petits diamètres (Ø < 40mm) on aurait un effet d'échelle inverse probablement dû à un « effet de peau », la surface endommagée durant la préparation des échantillons étant relativement importante. Lorsque le diamètre augmente on retrouve un effet d'échelle normal faisant diminuer la résistance avec le volume. Si nous excluons la première phase faisant intervenir un mécanisme différent, la décroissance de résistance peut se traduire par l'équation suivante : !c = 304 exp[- 0,02 Ø ]
(3-25)
avec !c = résistance à la compression en MPa, Ø = diamètre d'éprouvette en cm. Pour les essais réalisés sur des éprouvettes selon le plan d’anisotropie, la résistance à la compression présente une évolution un peu différente (figure 3-43). On constate une augmentation de la résistance jusqu'à un diamètre de 70mm puis une légère diminution. Peut-on voir là l'influence très marquée d'un effet de surface ? Il s'agit bien d'un phénomène lié à la préparation des éprouvettes, mais le terme effet de surface ne paraît pas suffisant car cette direction de carottage a posé de très gros problèmes, les éprouvettes cassant très souvent soit durant le carottage soit durant la rectification. Les contraintes engendrées durant cette phase préparatoire ont donc souvent suffit à amorcer des ruptures par « décollement » de plans de schistosité.
84
Manuel de Mécanique des Roches
3.9.5 TRANSITION FRAGILE-DUCTILE ET EFFET D'ÉCHELLE
Pour une même roche, le comportement est modifié par l'augmentation de la contrainte moyenne. Par exemple un calcaire dur (!c> 50 MPa) est élastique-fragile en compression simple, il devient élasto-plastique en essai triaxial sous pression de confinement de 30 MPa, puis ductile sous pression de confinement proche de 500 MPa. Une élévation de température produit des effets similaires. Le changement d'échelle fait passer aussi le comportement de la fragilité à la ductilité : un massif rocheux formé de roche fragile a un comportement élastofragile à l'échelle du décamètre, et relativement ductile à l'échelle kilométrique. On sait que la dispersion des résultats d'essais est elle aussi sensible à l'échelle (Bernaix, 1967), elle diminue pour des échantillons plus grands, et peut même disparaître lorsqu'on passe de la fragilité vers la ductilité. L'effet d'échelle joue de la même manière autour d'une cavité creusée dans un terrain sous forte contrainte : un forage de petit diamètre est parfaitement stable ; quelques déformations non réversibles peuvent apparaître dans un petit tunnel, avec des déformations différées modestes pendant un jour ou deux ; mais une caverne de 15 m au même endroit donne lieu à des déplacements différés plus importants, que ces effets différés apparaissent comme du fluage, de la convergence « inextinguible », ou comme une croissance à long terme de la charge des soutènements. SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE AFNOR : Normes NFP 94-420, 94-422, 94-423, 94-425, 94-426. Bieniawski Z.T. - The effect of specimen size on compressive strength of coal. Int. J. Rock Mech. Min. Sci., vol. 5, pp. 325-335, 1968. Bernaix J. - Etude géotechnique de la roche de Malpasset, Dunod, 1967. Einstein H., Baecher G. & Hirschfeld R. - The effect of size on strength of a brittle rock. 2ème Congrès ISRM, Belgrade, vol. 2, thème 3, 1970. Homand F. - Comportement mécanique des roches en fonction de la température. Mémoire Sci. de la Terre 46, 261 p., 1986. Houpert R. & Tisot J.P. - Effet d'échelle et dispersion des contraintes de rupture en compression simple dans le cas d'un granite. Revue de l'Industrie Minérale, n° spécial, pp. 29-34, 1969. Mandel J. – Propriétés mécaniques des matériaux. Eyrolles, 284 p., 1978. Morlier P., Amokrane K. & Duchamps J.M. - L'effet d'échelle en mécanique des roches, recherche de dimensions caractéristiques. Revue Française de Géotechnique, 49, pp. 5-13, 1989. Niandou H., Shao J.F., Henry J.P. & Fourmaintraux D. – Laboratory investigation of the mechanical behaviour of Tournemire shale. Int. J. Rock Mech. Min. Sci., 34 (1), pp. 3-16, 1997. Shao J.F. & Henry J.P. – Modélisation du comportement d’une craie blanche très poreuse et validation. Revue Française de Géotechnique, 43, pp. 35-46, 1988.
Comportement mécanique des roches
85
ANNEXE : RELATIONS CONTRAINTE-DÉFORMATION EN MILIEU ÉLASTIQUE MILIEU ISOTROPE
Les deux paramètres E module de Young, (ou module d'élasticité longitudinale) et $, coefficient de Poisson, suffisent à caractériser le comportement élastique linéaire d’un milieu homogène. Sous forme matricielle, la relation entre le tenseur des contraintes et celui des déformations dans le cas d'un essai de compression sur un matériau dont le comportement est élastique et linéaire s'écrit :
(# x + ( 1 E + *# - " * % $ E - ! * y- * -- x . *) # z -, *)% $ E -,
(3-26)
A trois dimensions, la relation entre le tenseur des contraintes et celui des déformations s'écrit :
(1 *E ( #x + * *# - * * y- * * #x - * -"* * ; yz - * * * ; xz - * - * * * ; )* xy ,- * * *)
$ E 1 E
%
$ E $ % E 1 E
%
0
0
0
0
0
0
2(1 ' $) E
0 2(1 ' $) E
+ - ! 0 -( x + * -* ! y 0 -* ! x -* - / 0 - * yz * - * / xz 0 - / * xy -) , 2(1 ' $) E -, 0
(3-27)
De cette relation, il ressort qu'il existe également un coefficient de proportionnalité entre les contraintes de cisaillement / et les déformations angulaires ; appelées distorsions ou glissements (;ij=2#ij). Ce coefficient est désigné par G et appelé coefficient d'élasticité transversale ou module de cisaillement :
G"
E 2(1 ' $)
(3-28)
A partir d'un essai de compression hydrostatique, il est possible de déterminer le coefficient de proportionnalité entre la contrainte isotrope ! appliquée et la déformation élastique volumique de l'échantillon. Ce coefficient désigné par K est appelé module de compressibilité K tel que :
K"
E &V ;! " K 3(1 % 2 $) V
(3-29)
Les coefficients d'élasticité définis précédemment peuvent s'exprimer en fonction des coefficients de Lamé 9 et / : 39+2/ E=/ 9+/ et inversement :
9 $ = 2 (9 + /)
E G = / K = 3 (1 - 2$)
(3-30)
86
Manuel de Mécanique des Roches
E$ 9 = (1 + $) (1 - 2 $)
E / = G = 2 (1 + $)
(3-31)
ÉLASTICITÉ EN MILIEU ANISOTROPE
D'une manière générale, dans un repère quelconque orthonormé R, les relations entre les taux de déformations et les contraintes peuvent s'écrire vectoriellement sous la forme:
# = A.!
( 3- 32)
avec : # vecteur des taux de déformation, d’élasticité à 36 coefficients
! vecteur des contraintes et A matrice
La relation (3-32) constitue la loi de Hooke généralisée. On démontre par des considérations énergétiques que cette matrice est symétrique. Le nombre de coefficients indépendants est donc réduit à 21.
( 1 *E * x * ( #x + * *# - * * y- * * #x - * -"* * * ; yz - * * ; xz - * - * * *) ; xy -, * * * * * )
%
$ yx Ex 1 Ey
% %
$ zx Ex $ zy Ey 1 Ez
Ax, yz
Ax, xz
G yz Ay, yz
G xz Ay, xz
G yz Az, yz
G xz Az, xz
G yz 1 G yz
G xz / yz, xz G xz 1 G xz
Ax, xy + G xy -Ay, xy G xy - ( ! x + -* Az, xy - * ! y G xy - * ! x -* / yz, xy - * / yz G xy - * / xz / xz, xy - **/ xy -) , G xy 1 G xy -,
(3-33)
où !
Ex, Ey, Ez sont les modules de Young dans les directions x, y et z ;
!
Gyx , Gxz, Gxy sont les modules de cisaillement pour les plans respectivement parallèles aux plans yOx, xOz et xOy ;
!
$yz, $zx, $zy, $xy, $xz, $yz sont les coefficients de Poisson.
!
Les coefficients de Poisson $ij correspondent au rapport de la déformation dans la direction j (effet) et de la déformation dans la direction i dues à la contrainte agissant dans la direction i (cause). Les coefficients de Poisson $ij et $ji sont tels que $ij/Ei = $ji/Ej
!
/xz,yz : ........ : /xz,xy sont appelés coefficients de Chentsov et sont tels que /ij,kl caractérise le cisaillement dans le plan parallèle à kl induit par la contrainte tangentielle dans le plan parallèle à ij. Autrement dit,
/ik,jk /jk,ik Gjk = Gik
!
(3-34)
Ayz,x ........ Axy,z sont appelés les coefficients d'influence mutuelle de premier ordre ; A x,yz,........ Az,xy sont appelés les coefficients d'influence mutuelle de
Comportement mécanique des roches
87
second ordre. Le coefficient A ij,k caractérise l'étirement dans la direction parallèle à k induit par la contrainte de cisaillement agissant dans un plan parallèle à celui défini par les indices ij. Le coefficient Ak,ij caractérise un cisaillement dans le plan défini par les indices ij sous l'influence d'une contrainte normale agissant dans la direction k. Autrement dit : Aij,k Ak,ij Ek = Gij
(3-35)
Rappelons que dans le cas général de l'anisotropie, il n’y a jamais concordance des directions principales de contrainte et de déformation, contrairement au cas de l'isotropie. LE MILIEU ORTHOTROPE
Les milieux naturels présentent souvent une structure orientée planaire (présence de plans et orientation préférentielle des grains dans ces plans par exemple). Repérons la matrice rocheuse suivant le repère orthonormé de structure noté S de la figure 3-9, avec : • S1 direction orthogonale aux plans ; • S2 direction d'allongement des grains par exemple ; • S3 de telle façon que le repère S = S1,S2,S3 soit direct. Une approche très physique consiste à écrire la matrice d'élasticité [A] en introduisant des coefficients (complaisances) entre cause (contrainte normale ou tangentielle) et effet (allongement et variation angulaire), au lieu de déduire les relations de la matrice de l’équation générale (3-33). Prenons le repère R identique au repère S pour définir les tenseurs de contrainte et déformation et par conséquent la matrice [A]. Dans ce repère particulier, les contraintes normales n'induisent que des allongements (un cube se transforme en un parallélépipède rectangle), et les cisaillements ne provoquent aucun allongement. Le tableau 3-1 synthétise alors la relation entre cause et effet.
Tableau 3 - 1 : MATRICE D’ÉLASTICITE DANS LE REPÈRE S
Cause
Variation d’angle
Effet
Allongement
Contrainte normale
Contrainte tangentielle
S1
S2
S3
S2,S3
S3,S1
S1,S2
!11
!22
!33
/23
/31
/12
S1
#11
1/E1
-$21/E2
-$31/E3
0
0
0
S2
#22
-$12/E1
1/E2
-$32/E3
0
0
0
S3
#33
-$13/E1
-$23/E2
1/E3
0
0
0
S3,S2
;32
0
0
0
1/G23
0
0
S3,S1
;31
0
0
0
0
1/G31
0
S1,S2
;12
0
0
0
0
0
1/ G12
88
Manuel de Mécanique des Roches
La notation $ij postule que i est l'indice lié à la cause et j l'indice lié à l'effet. Du fait de la symétrie de la matrice, on doit avoir : $ij $ji Ei = Ej
(3-36)
Il y a donc 9 coefficients indépendants pour caractériser un matériau orthotrope. On ne peut avoir concordance des directions principales en contrainte et en déformation que si elles sont confondues avec le repère structural S. LE MILIEU ISOTROPE TRANSVERSE
Dans le cas particulier où les directions S2 et S3 sont interchangeables, il y a isotropie dans le plan (S2, S3).Dans ce cas, nous avons : E2 = E3, $12 = $13, $23 =$32 et G13 = G12 La matrice d'élasticité s'écrit alors dans le repère structural :
( 1/E * -$ /E * -$ /E [A] = * 0 * 0 ) 0 1
-$21/E2 -$21/E2
0
0
12
1
1/E2
-$23/E2
0
0
12
1
-$23/E2
1/E2
0
0
0
0
1/G23
0
0
0
0
1/G12
0
0
0
0
+ 0 0 0 0 1/G12 , 0
(3-37)
De plus nous avons : $12 $21 = E1 E2
E2 et G23 = 2(1 + $ ) 23
(3-38)
Il y a donc 5 coefficients indépendants E1 , E2, $ 12 (ou $ 21 ), $ 23 et G12 appelés modules principaux pour caractériser un matériau isotrope transverse.
Manuel de
Mécanique des Roches Tome 1 : Fondements
par le Comité français de mécanique des roches Coordonné par Françoise Homand et Pierre Duffaut !"#$%" '()
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Pierre BÉREST Daniel BILLAUX Marc BOULON François CORNET Christian DAVID Pierre DUFFAUT Jean-Louis DURVILLE Sylvie GENTIER Albert GIRAUD Mehdi GHOREYCHI Jean-Pierre HENRY Françoise HOMAND Djimedo KONDO Pierre LONDE Frédéric PELLET Jack-Pierre PIGUET Jean-Paul SARDA Jian-Fu SHAO Mountaka SOULEY
Pierre BÉREST Pierre HABIB Jean-Paul SARDA Gérard VOUILLE
2)"3(0. Pierre BÉREST
Les Presses de l’École des Mines Paris, 2000
© École des Mines de Paris, 1999 60, Boulevard Saint-Michel, 75272 Paris CEDEX 06 FRANCE email :
[email protected] http://www.ensmp.fr/Presses ISBN : 2-911762-23-1 Dépôt légal : mai 2000 Achevé d’imprimer en mai 2000 (Grou-Radenez, Paris) Tous droits de reproduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays Photo de couverture : versant rive gauche de la vallée du Verdon, immédiatement à l’aval du grand barrage voûte de Castillon (Alpes Maritimes). Les bancs calcaires inclinés sont affectés de failles et leur stabilité, compte tenu de la poussée de la voûte, est assurée par des tirants précontraints depuis sa mise en service par EDF en 1948. Il s’agit d’un problème typique de mécanique des roches, heureusement résolu avant la naissance de cette discipline (photo P. Duffaut, 1998).
CHAPITRE 2
PHYSIQUE DES ROCHES
2.1 INTRODUCTION La physique des roches couvre, selon les auteurs, un domaine plus ou moins vaste. Il s’agit, dans ce manuel, de la description du milieu poreux (grains, pores et fissures) et de la quantification de ses principales propriétés physiques, à l’exclusion des propriétés mécaniques, traitées au chapitre 3. Une roche peut être définie comme un assemblage de minéraux ayant hérité de liaisons plus ou moins fortes au cours de son histoire géologique. La description d'une roche se fait sur un échantillon observé à la loupe et éventuellement au microscope optique polarisant ou électronique à balayage. On décrit la texture, les minéraux présents, la taille des grains, les fissures et les altérations. On présente ensuite les définitions et les méthodes d’étude de la porosité et de la perméabilité, dont l’incidence est grande sur les propriétés mécaniques, à sec ou en présence de fluides. Les propriétés acoustiques sont considérées comme participant à la caractérisation des roches (l’ensemble est appelé en anglais index properties). On évoque les propriétés thermiques mais on laisse de côté les propriétés magnétiques et électriques en dépit de certaines applications. Les propriétés mesurées au laboratoire ne tiennent pas compte des discontinuités apparaissant à l’échelle du massif, joints de stratification, diaclases, failles, qui sont traitées aux chapitres 4 et 5. Lorsque ces discontinuités sont rares ou espacées l’échantillon est représentatif du massif jusqu’à une large échelle, comme dans les craies et les roches argileuses. 2.2 LES PRINCIPALES CATÉGORIES DE ROCHES Le nom d'une roche est donné en fonction de sa composition minéralogique, de sa texture et de son mode de formation. Ce dernier conduit à distinguer trois grandes familles de roches : sédimentaires, métamorphiques et magmatiques.
TABLEAU 2-1 : PRINCIPALES ROCHES MAGMATIQUES
Avec quartz & feldspath Feldspath alcalin dominant Granite Rhyolite Feldspaths alcalins Monzogranite + plagioclases Rhyolite Granodiorite Rhyodacite Plagioclase seul Diorite quartzique (<50% Anorthite) Dacite Plagioclase seul (>50% Anorthite)
Sans quartz Syénite Trachyte Monzonite Trachyandésite Diorite Andésite Gabbro Basalte
les noms en italique sont les équivalents volcaniques, ceux en gras sont les roches les plus répandues
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Manuel de Mécanique des Roches
Les roches magmatiques, résultent de la solidification de magmas. Ceux qui parviennent directement à la surface forment les roches volcaniques ou effusives, les laves, dans lesquelles on n'observe à l'œil nu que très peu de cristaux (en raison d’un refroidissement rapide). Au contraire la solidification en profondeur donne les roches plutoniques dont la lenteur du refroidissement permet la croissance des cristaux, bien visibles donc à l’œil nu. Les minéraux sont essentiellement des silicates : quartz, feldspaths alcalins et plagioclases, amphiboles, micas etc.. Les classifications font intervenir la texture de la roche (arrangement et taille des cristaux) et la composition minéralogique (tableau 2-1). Associées aux roches métamorphiques, les roches magmatiques, dont les plus répandues sont les granites, forment l’essentiel de la croûte terrestre continentale, bien qu’elles soient souvent cachées sous les roches sédimentaires. Les roches sédimentaires sont formées à la surface de la terre sur le sol ou au fond de l'eau. Elles résultent de la désagrégation des roches préexistantes. Leur dépôt en couches initialement proches de l'horizontale résulte : !
de l'action des agents d'érosion et de transport (eaux, crues, glaciers, vent) qui déposent finalement des roches détritiques ;
!
de l'activité des êtres vivants (roches organogènes) ;
!
de phénomènes physico-chimiques (roches hydrochimiques et salines formées essentiellement par précipitation).
Ces actions se combinent souvent et beaucoup de roches sédimentaires sont en fait d'origine mixte). Ces sédiments se consolident et se cimentent lorsqu'ils sont enfouis en profondeur (l’augmentation de la température et de la pression favorisant des réactions entre les minéraux et les fluides interstitiels). Les roches sédimentaires couvrent 75 % de la surface des continents et la quasi totalité des fonds océaniques, mais leur épaisseur est limitée. Il y a de nombreuses classifications des roches sédimentaires fondées sur la composition chimique, la granularité des constituants ou le mode de formation qui sont présentées dans les ouvrages de géologie. On se limite à citer les quatre groupes principaux : grès, calcaires, roches argileuses, évaporites, en laissant de côté les roches carbonées (pétroles, charbons et lignites). Les grès sont essentiellement constitués de grains de quartz (99,5 % pour le grès très pur de Fontainebleau), ils contiennent souvent des feldspaths et des micas. Les grès feldspathiques sont appelés arkoses, les grès recristallisés quartzites, les grès contenant des galets, poudingues ou conglomérats. Les calcaires sont constitués essentiellement de carbonates de calcium (calcite ou aragonite) et de carbonate de magnésium (dolomie). Leur origine est organique, par accumulation de débris d’organismes marins (craies), ou de précipitation chimique. Les roches argileuses dont nous étudierons le comportement dans le chapitre 11, sont composées de minéraux argileux (illite, kaolinite, montmorillonite, interstratifiés), avec éventuellement des grains de petite dimension de quartz et carbonates. Le terme argilite désigne les roches argileuses au sens large. Les shales sont des argilites litées. Les évaporites sont des sels précipités lors de l'évaporation d'un liquide. A partir de l'eau de mer les principaux minéraux précipités sont le gypse, l'anhydrite, le sel gemme sous ses diverses formes dont la halite et la potasse (sylvinite).
Physique des Roches
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Il faut faire attention aux dénominations issues des cartes géologiques, dérivées de l'appellation chronologique (étage) pour les roches sédimentaires. Il peut y avoir des variations latérales de faciès qui font que le nom de la formation ne représente pas la lithologie de tout l'ensemble. Les roches métamorphiques résultent de la transformation profonde à l'état solide de roches sédimentaires ou magmatiques préexistantes sous l'effet d'une augmentation de la température et/ou de la pression. Il y a recristallisation complète des roches primitives. Les roches formées portent en général la trace de l'anisotropie du tenseur des contraintes sous lequel elles ont cristallisé, ce qui peut se traduire par une schistosité ou une foliation accompagnée de linéation. Les roches les plus communes sont les schistes, les micaschistes et les gneiss, beaucoup plus massifs, mais dans lesquels les minéraux apparaissent nettement orientés. Les marbres et les quartzites sont des roches massives entièrement recristallisées dans lesquelles l'orientation des minéraux (calcite ou quartz) n'est que rarement visible à l'œil nu. La description d'une roche comprend les observations suivantes, effectuées à l'œil nu ou de préférence à la loupe ou au microscope : !
identification des minéraux présents,
!
taille, arrangement des minéraux et des vides associés (texture),
!
proportion des différents constituants,
!
vides et défauts : pores et fissures,
!
état d'altération des minéraux.
L'analyse minéralogique des constituants contribue à une meilleure description de la roche et permet d'approcher son altérabilité, son potentiel de gonflement, son aptitude au « collage », éventuellement son abrasivité. L'analyse minéralogique s'effectue couramment par diffraction X, et dans le cas où des minéraux argileux gonflants sont susceptibles d'être présents il est nécessaire de réaliser un traitement spécial. Cette analyse conduit à une identification des minéraux présents et après interprétation une composition quantitative peut être obtenue. Pour les roches carbonatées argileuses, le dosage de la teneur en CaCO3 précise l'identification de la roche. L’état d'altération de la roche se décrit précisément en s'attachant à identifier s'il s'agit d'une altération essentiellement météorique ou d'une altération d'origine profonde, hydrothermale (souvent liée au volcanisme actuel ou plus ancien). 2.3 LE MILIEU POREUX 2.3.1 DÉFINITION ET MESURE
Dans les roches la matière minérale forme un squelette solide qui ne remplit pas tout l’espace, et dont le complément est appelé vide. La proportion de vide est appelée porosité (du grec !"#"$, passage, ou détroit, entre les îles). La forme des vides, leur taille, leur répartition, leurs liaisons ou au contraire l’isolement de certains, influent sur le comportement mécanique (chapitre 3) et sur les propriétés de couplage (chapitre 10). La porosité n est, par définition, le rapport du volume des vides Vv au volume total Vt :
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n"
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Vv Vt
(2-1)
ou par rapport au volume du squelette Vs,
Vt % Vs V " 1% s (2-2) Vt Vt Ces deux expressions peuvent différer car les techniques de mesures de Vv et Vs ne sont pas équivalentes (tableau 2-2). Les méthodes 3 et 6 sont équivalentes, et permettent de déterminer la porosité connectée. Les méthodes 4 et 6 (sur poudre) déterminent le volume des solides sans les vides non connectés et donnent donc la porosité totale, au sens strict. n"
TABLEAU 2-2 : PRINCIPALES MÉTHODES DE MESURE DE LA POROSITÉ
Volume total 1. Mesure directe des dimensions de l'éprouvette 2. Poussée d'Archimède dans le mercure, qui ne mouille pas la roche et ne pénètre pas dans les pores sans une forte pression Volume des vides 3. Absorption d'un fluide mouillant par saturation sous vide Volume du solide 4. Mesure au pycnomètre de la masse volumique du solide, après broyage 5. Poussée d'Archimède dans un fluide mouillant saturant la roche, par différence entre masse sèche et immergée 6. Compressibilité des gaz parfaits, en réalisant une détente isotherme en reliant une enceinte V1 (contenant l'échantillon) de volume V1 à la pression P1 à une enceinte vide de volume V2 (pycnomètre à hélium). Après détente, la pression d'équilibre P2 permet de calculer le volume d’une masse connue de poudre ou de roche. La porosité est de l’ordre du centième pour certains marbres et quartzites, du dixième pour beaucoup de roches sédimentaires, elle peut atteindre 0,5 pour certaines craies et tufs. La forme des vides est représentée en première approximation par un coefficient de forme, rapport de la plus petite dimension à la plus grande. Ceci permet de distinguer les vides de type pore dont le coefficient de forme est entre 10-1 et 1) et les vides de type fissure, dont le coefficient de forme est très faible, entre 10-2 et 10-4, et dont l’épaisseur est négligeable. La part des pores dans le volume des vides est prépondérante, mais par contre les fissures contribuent pour l’essentiel à la surface spécifique (§ 2.5.3). L'espace poreux peut être étudié de manière directe par observation au microscope optique ou électronique, éventuellement après remplissage par un produit colorant. Les techniques d’analyse d'images permettent ensuite une estimation quantitative de la porosité. 2.3.2 MASSES VOLUMIQUES ET TENEUR EN EAU
On appelle masse volumique d’un matériau la masse de l’unité de volume (dimension L-3M).
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On définit, suivant l’état du matériau, #s la masse volumique absolue ou masse volumique du solide, #h la masse volumique naturelle à réception du matériau, #d la masse volumique sèche, et # sat la masse volumique saturée (après saturation de la roche) : #s =
Ms Ms M sat Mh #d = #h = #sat = Vt Vs Vt Vt
(2-3)
avec Ms la masse du matériau sec, Vs le volume des grains après broyage, Vt le volume de l'échantillon, Mh la masse naturelle, Msat la masse de l'échantillon saturé. #d varie en fonction de la porosité de la roche, par contre #s ne dépend que de la minéralogie (tableau 2-3). La teneur en eau w est le rapport de la masse d’eau, à la masse du solide sec w=
Mw Ms
Et on appelle degré de saturation Sr "
(2-4)
w#d Vw w " " #w #w Vv n#s + #d #s
(2-5)
2.3.3 ÉTUDE DES DIMENSIONS DES PORES AU POROSIMÈTRE A MERCURE Le porosimètre à mercure permet d’étudier la répartition des vides de rayon d’entrée compris entre 200 $m et 0,0036 $m (voire 0,0018 $m). La mesure est fondée sur les équilibres capillaires entre plusieurs fluides non miscibles dans un même espace poreux. Un fluide mouillant s'étendra préférentiellement au contact du solide par rapport à un fluide non mouillant. Les équilibres fluide mouillant / fluide non mouillant sont régis par les pressions capillaires à leurs interfaces :
& 1 1 ) Pca " t s ( % + ' R1 R 2 *
(2-6)
avec R1 e t, R 2 : rayons de courbures principaux, tS : tension superficielle à l'interface entre les deux fluides et le signe ± suivant que les centres de courbure sont ou non du même coté de l'interface. On appelle drainage le déplacement d’un fluide mouillant, par un fluide non mouillant sous l'effet d'une pression qui contrebalance les forces capillaires. On appelle imbibition l’augmentation de la saturation en fluide mouillant, à la suite d’une chute de pression. Les courbes de pression capillaire sont obtenues par une suite de drainages et d'imbibitions en augmentant ou diminuant les pressions qui s'opposent aux pressions capillaires. La figure 2-1 correspond au cas d’un échantillon saturé initialement par de l’eau dans lequel on réalise un drainage par application d’une pression d’air dans une enceinte étanche. Il apparaît un état de saturation irréductible en fluide mouillant qui correspond à une configuration de la phase mouillante telle que les déplacements y sont devenus impossibles, car l’eau est sous forme d’amas reliés entre eux par des couches d’eau très minces dont la viscosité est très élevée. Si on relâche la pression d’air, l’eau pénètre dans l’échantillon par imbibition, mais le phénomène n’est pas réversible, il y a un fort hystérésis. A pression capillaire nulle, la saturation en eau est inférieure à 100 %. Une partie de l’air a été piégée pendant le processus d’imbibition. Cette fraction d’air est appelée saturation
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résiduelle en fluide non mouillant et sa valeur rapportée au volume total de l’échantillon est la porosité piégée.
Saturation irréductible
Saturation résiduelle
L'augmentation de pression capillaire en drainage conduit à des rayons de courbure de l'interface de plus en plus petits. Par contre l’imbibition correspond à une augmentation progressive du rayon de courbure moyen de l’interface fluide mouillant–fluide non mouillant, il se produit alors des piégeages. Pca Figure 2-1 : Courbes de pression capillaire
Drainage final Drainage initial
p acc pression d'accès
Imbibition Saturation en fluide mouillant (%)
0
20
40
60
80
100
Il n’y a pas de saturation irréductible lorsque le fluide mouillant est un gaz raréfié (vide) qui disparaît au fur et à mesure de la pénétration du fluide non mouillant Le mercure est un fluide non mouillant alors que la vapeur de mercure est un fluide mouillant. On réalise ainsi un drainage par pénétration de mercure dans un échantillon dans lequel on a fait préalablement le vide. Pour interpréter la porosimétrie au mercure on assimile le milieu poreux à un réseau de capillaires dont on calcule le rayon moyen R par la
formule de Jurin :
Pca "
2 t s cos , R
(2-7)
avec Pca : pression capillaire ou pression de mercure tS : tension superficielle, , : angle de mouillabilité et R : rayon d’accès au pore. Il est clair d’après la figure 2-2 que le rayon calculé par la formule de Jurin est un rayon d’accès et non le rayon des élargissements. Les paramètres recueillis par le porosimètre à mercure permettent de représenter sur un diagramme le volume de mercure injecté en fonction du rayon d'accès des pores et fissures envahis. Le modèle du réseau poreux est constitué de pores (sphériques) reliés entre eux par des étranglements capillaires. Ce sont les rayons d'accès qui sont déterminés.
R1
2$cos, R1
R2 r
-P<
2$cos, r
MERCURE VIDE
P.
2$cos, r
Figure 2-2 : Passage du mercure dans un réseau capillaire
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Le volume de mercure injecté fournit la porosité totale. La différence entre l'injection et le retrait (figure 2-3) donne une valeur du piégeage du mercure dans le réseau poreux. Cette valeur est une estimation par excès de la porosité piégée (np) car le retrait s'effectue jusqu'à la pression atmosphérique et ne permet pas de connaître le volume poreux abandonné par le mercure entre la pression atmosphérique et la pression effective de début d'injection (3.10-3 MPa). nt
1ère injection
Porosité (%)
np 2ème injection
nl
1° et 2° retraits
R(µm) 0 0,001
0,01
0,1
1
10
100
Figure 2-3 : Courbes d’injection et de retraits 12 10
nt
n(%)
GUDMONT Calcaire oolithique
8 6
nl
2 0,001
8
np
6
nl
4 2
r (mm) 0,01
0,1
1
10
nt
EUVILLE Calcaire à entroques
10
np
4
14 n(%) 12
r (mm) 100
0,001
0,01
0,1
1
10
100
Figure 2-4 : Exemples de spectres de porosité de calcaires Si l'échantillon subit un second cycle d'injection, la porosité libre (n1) est mesurée ainsi que la valeur réelle de la porosité piégée (np), par différence entre la porosité totale (nt du 1er cycle d'injection) et la porosité libre (n1 du 2ème cycle d'injection). Cette différence entre la courbe de retrait et celle de la 2è m e injection est due essentiellement à une variation de la valeur de , en injection et en retrait, provoquée par des phénomènes irréversibles. La figure 2-4 présente des exemples de courbes porosimétriques obtenues sur deux calcaires. Le calcaire d’Euville est un calcaire à entroques (débris de Crinoïdes, de l’ordre de 2 à 4 mm) cimentées de calcite. Le calcaire de Gudmont est un faciès oolithique (grains de 1 mm). La courbe de porosité totale du calcaire d’Euville indique deux familles de pores : une macroporosité dans les vides du ciment et une microporosité dans les entroques. La macroporosité dans le calcaire de Gudmont est absente. Une microporosité se développe soit au sein des oolithes, soit dans la matrice carbonatée.
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2.4 CIRCULATION DES FLUIDES : LA PERMÉABILITÉ La perméabilité caractérise l’aptitude d’une roche (ou de tout autre milieu poreux) à laisser circuler des fluides au sein dans son espace poreux. 2.4.1 DÉFINITION DE LA PERMÉABILITÉ
A l’échelle macroscopique, la loi qui décrit l’écoulement d’un fluide en milieu poreux est la loi de Darcy, mise en évidence par une expérience très simple dans laquelle Darcy a montré que le débit volumique Q à travers une colonne de sable de longueur L est proportionnel à la section S de la colonne et au gradient de charge hydraulique /h/L. La charge hydraulique h (ou hauteur piézomètrique) est fonction de l’altitude z, de la pression du fluide P, de la densité du fluide # et de la gravité g.
P Q k/h avec h " z + . " #g S L
(2-8)
Le facteur de proportionnalité k est appelé coefficient de perméabilité ou conductivité hydraulique. La dimension de k est celle d’une vitesse. La loi de Darcy exprime la proportionnalité entre un flux hydraulique et la force motrice responsable de ce flux (gradient de hauteur piézométrique ).Un inconvénient majeur de la loi de Darcy sous la forme précédente est que le coefficient de perméabilité k dépend non seulement des propriétés du matériau, mais aussi des propriétés du fluide (notamment sa viscosité $). Une formulation plus générale de la loi de Darcy est préférable :
Q k /P " S $ L
(2-9)
Le paramètre k est la perméabilité intrinsèque du milieu poreux traversé. La perméabilité est homogène à une surface : son unité SI est donc le m2. En pratique, on utilise souvent comme unité le Darcy, avec l’équivalence 1 Darcy = 0,987 10 12 m2. Par comparaison on voit que k = (#g/$)k et donc pour de l'eau à 20°C, on a la correspondance suivante 1 Darcy = 0,96 10-5 m/s. Dans le cadre général de la mécanique, à partir de la combinaison de l'équation d'état, de celle de continuité et de celle de mouvement, on établit la relation fondamentale de l'hydrodynamique en milieu homogène et isotrope : V = - k grad 0, et pour un milieu anisotrope V = - k . grad 0
(2- 10)
Expressions dans lesquelles V désigne le champ de vitesse du fluide, 0 le potentiel (chapitre 6), la conductivité hydraulique prenant une forme tensorielle dans le milieu anisotrope. Un exemple important de milieux poreux anisotropes est celui des roches réservoirs où la compaction se fait préférentiellement selon la direction verticale en raison des forces de gravité : la perméabilité verticale kv est alors souvent plus faible que la perméabilité horizontale kh, avec une anisotropie marquée (le rapport kh/kv peut aller jusqu’à 100). La loi de Darcy ne s’applique, en toute rigueur, que pour un régime d’écoulement laminaire, par opposition au régime d’écoulement turbulent. Lorsque la vitesse du fluide devient grande, les forces d’inertie ne sont plus négligeables devant les forces de viscosité. Le domaine de validité de la loi de Darcy correspond aux nombres de Reynolds faibles. Cette condition est généralement remplie pour les circulations de fluides dans le massif rocheux, mais pas forcément dans les mesures en laboratoire.
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2.4.2 MÉTHODES DE MESURE DE LA PERMÉABILITÉ
Selon l’ordre de grandeur des perméabilités à mesurer, différentes techniques peuvent être utilisées en laboratoire. Pour les fortes perméabilités, les techniques basées sur l’établissement d’un écoulement à travers un volume représentatif de roche sont préférables : méthodes à charge constante, à charge variable. Dans ce cas la perméabilité est déduite par application directe de la loi de Darcy. Pour les perméabilités plus faibles, une méthode transitoire est couramment utilisée : elle consiste à estimer la perméabilité à partir de l’analyse de la diffusion d’un incrément (pulse) de pression dans un échantillon de roche, en système fermé. Pg injection
Eprouvette
Débimètre
Figure 2-5 : Exemple de dispositif expérimental de mesure de la perméabilité
Le perméamètre de type I.F.P. présenté sur la figure 2-5 permet de réaliser des essais de perméabilité en conditions de charge constante. Dans le cas de l’injection de liquide, le calcul de perméabilité se fait avec les Pf notations suivantes, S : surface Enveloppe en sortie Confinement caoutchouc d'injection (m2), Pg : pression d'injection (Pa), Pf : pression en sortie (Pa), L : longueur de l'éprouvette, Q : débit mesuré (m3/s), µ : viscosité du fluide (Pa.s), (1 Pa.s = 1 Poiseuille = 10 poises), par la formule :
k"
Q$L ( Pg % Pf )S
(2-11)
La perméabilité au gaz est avec les paramètres définis dans l’équation 2-11 et Patm, la pression atmosphérique (Pa) :
k"
2Q$LPatm ( Pg2 % Pf2 )S
(2-12)
2.4.3 VARIABILITÉ DE LA PERMÉABILITÉ DES ROCHES
La perméabilité des roches présente une très large gamme de valeurs : plus de 14 ordres de grandeur séparent les roches les plus perméables des roches les moins perméables. Pour fixer les idées, une perméabilité de 1 Darcy est une forte perméabilité, celle par exemple d’un bon aquifère ; dans le domaine pétrolier, la perméabilité des roches réservoirs intéressantes est supérieure à la centaine de millidarcy. A l’opposé, pour le stockage en profondeur de déchets radioactifs, on recherche des perméabilités bien inférieures au microdarcy. Les roches étant soumises in situ à des conditions (contraintes, température ...) qui ne sont pas celles de la surface, il est intéressant de connaître quelle est l’évolution de la perméabilité en profondeur. Celle-ci est en grande partie tributaire de la manière dont les propriétés géométriques des réseaux de pores ou de fissures (volume accessible au fluide, connectivité) sont modifiées en réponse à l’application de contraintes ou de températures élevées. Pour ce qui est de l’effet des contraintes, il faut séparer l’effet de la contrainte moyenne de celui du déviateur.
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Dans un premier temps, examinons comment varie la perméabilité d’une roche soumise à une pression moyenne croissante. Pour des roches saturées, la contrainte moyenne à prendre en considération est la contrainte effective $' = $ – bp. Dans cette relation, $ est la contrainte moyenne totale égale à la trace du tenseur des contraintes, p est la pression du fluide présent dans l’espace poreux ou pression de pore, et b est le coefficient de Biot, compris entre 0 et 1 (chapitre 10). Cette loi constitue une manière synthétique de prendre en compte les rôles antagonistes joués par l'état de contrainte et la pression de pore sur la déformation du milieu poreux. Une augmentation de contrainte effective a toujours pour effet de rendre le milieu plus compact, et par conséquent de réduire le volume accessible au fluide : il en résulte une diminution de perméabilité. La chute de perméabilité observée dépend fortement de la géométrie des pores : elle prend souvent la forme d’une loi exponentielle du type : k = k0 exp[-1$’]
(2-13)
L’amplitude de la décroissance est fixée par le paramètre 1 qui dépend de la nature des roches : d’une manière générale, plus le facteur de forme des pores est faible, plus le milieu poreux est déformable, et plus la perméabilité sera sensible à des variations de pression. L’application d’un déviateur de contrainte provoque dans la roche des déformations importantes : lorsque la contrainte est suffisamment basse, la déformation reste élastique, mais lorsque la contrainte déviatorique devient grande, la déformation devient inélastique, avec développement de fissures qui vont affecter profondément le comportement du matériau. En laboratoire la configuration classiquement utilisée pour mettre en évidence le rôle des contraintes déviatoriques est celle de l’essai triaxial. L'évolution de la perméabilité suit celle des microstructures : décroissance lorsque la déformation de la roche est contractante, augmentation lorsque la déformation devient dilatante. Cette hypothèse, somme toute logique, a été vérifiée dans des roches à faible porosité mais peut être mise en défaut. 2.4.4 LIEN ENTRE PERMÉABILITÉ ET MICROSTRUCTURE
La perméabilité d’une roche est entièrement déterminée par la géométrie de son réseau de porosité. La relation entre les deux est cependant loin d’être évidente, et nombre de modèles ont été développés pour estimer la perméabilité à partir des propriétés microstructurales des roches. Dans tous ces modèles, le problème clé consiste à déterminer une longueur caractéristique pour les processus de transport de fluide : en effet une telle échelle de longueur doit exister, puisque la perméabilité, d’un point de vue dimensionnel, est homogène à [L2 ]. Comment à partir de la connaissance (même approximative) des propriétés géométriques du milieu poreux peut-on prédire la valeur de la perméabilité de ce milieu ? Quels sont les paramètres microstructuraux qui contrôlent les propriétés de transport dans les roches ? La physique des roches essaie de répondre à ces questions depuis très longtemps déjà. Le problème posé consiste à établir une passerelle entre l’échelle microscopique (celle des pores et des grains) et l’échelle macroscopique (celle à laquelle est définie la perméabilité). Dans le modèle de milieu équivalent, la longueur caractéristique est définie à partir de grandeurs macroscopiques très simples, à savoir le volume de porosité Vv et l’aire Ap de l’interface pore-solide. La relation classique de Kozeny-Carman donne l’expression de la perméabilité dans l’approche du milieu équivalent :
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k"
R 2h n 2 t2
41
(2-14)
où le paramètre Rh = Vv /Ap, appelé rayon hydraulique, constitue la longueur caractéristique recherchée. Les autres paramètres sont la porosité n et la tortuosité t, alors que 2 est un facteur qui dépend de la géométrie des pores, et qui présente une variabilité très faible (approximativement entre 2 et 3). Le point faible du modèle réside dans le paramètre «tortuosité», qui quantifie l’accroissement de la distance parcourue par le fluide, difficile à estimer en raison de la complexité topologique du milieu poreux. Une approche différente est possible. Au lieu d’utiliser des grandeurs macroscopiques, on peut s’attacher à décrire les processus d’écoulement à l’échelle des composants élémentaires (les pores, les fissures), puis par différentes techniques remonter à la propriété macroscopique, la perméabilité. A l’échelle locale, l’écoulement dans les pores et les fissures considérés comme des entités propres est régi par la loi de Poiseuille. Ces pores et ces fissures interagissent entre eux du fait de l’existence de connexions multiples dans les milieux poreux. L’information essentielle à fournir concerne la distribution statistique des propriétés dimensionnelles des pores ou des fissures, représentés par des canaux d’écoulement individuels. On peut considérer une distribution aléatoire de tubes ou s’attacher à décrire de manière plus détaillée la topologie complexe des milieux poreux par une approche de type réseau. 2.5 PROPRIÉTÉS ACOUSTIQUES La caractérisation des matériaux rocheux par des méthodes ultrasoniques est couramment utilisée. L'étude de la propagation des ondes de compression et de cisaillement dans un matériau à l'état sec et saturé permet d'évaluer les propriétés physiques du matériau telles que sa porosité, son état de fissuration et ses propriétés élastiques (module de Young, coefficient de Poisson). L'analyse des signaux ultrasoniques en terme d'atténuation a été surtout exploitée en physique des roches pétrolière. Ce paramètre est particulièrement intéressant pour l'analyse de l'anisotropie d'un matériau, soit structurale, soit liée à une microfissuration. 2.5.1 PROPAGATION DES ONDES DANS UN MILIEU ÉLASTIQUE
La physique des roches classique s'intéresse à la propagation des ondes de volume P et S, caractérisées par leurs vitesses (premières et secondes, d’après l’ordre de leur réception) et leur atténuation. Les équations de propagation des ondes dans un milieu élastique et viscoélastique sont indiquées en annexe du présent chapitre. Pour une onde P, le mouvement vibratoire a lieu suivant la direction de propagation et affecte le volume de la roche. Vp est donc la vitesse d'une onde de compression (ou onde longitudinale).Vs est la vitesse d'une onde de c i s a i l l e m e n t (ou onde transversale), dont le mouvement vibratoire a lieu dans un plan normal à la direction de propagation. Elles sont plus lentes que les ondes P et ne se propagent pas dans l'eau. Vp et Vs étant exprimées en fonction des coefficients de Lamé, la mesure du temps de propagation d'une onde ultrasonique dans une roche permet de remonter aux modules élastiques. Dans le cas d'un matériau isotrope, le calcul du coefficient de Poisson 3 et du module de Young E est le suivant :
42
Manuel de Mécanique des Roches
3 =
1/2 - (Vs / Vp)2 1 - (Vs / Vp)2
(2-15)
E= #
Vp2 (1+3) (1-23) (1-3)
(2-16)
Il est donc indispensable de mesurer Vp et Vs pour calculer E et 3 ; trop souvent Vp est seul mesuré, E est déduit en supposant 3 = 0,25. L’état de saturation du matériau influe sur l'évolution de ses propriétés ultrasoniques et a fait l'objet de nombreux travaux dont une grande partie concerne des calculs prédictifs de vitesses ultrasoniques sur un matériau multiphasique et traite généralement d'un état totalement saturé par rapport à un état sec. La propagation d'une onde purement élastique dans un milieu biphasique solide/liquide (roche totalement saturée) a été décrite par Biot qui a introduit les notions de couplage inertiel fluide-solide et de déplacements relatifs de ces deux phases. Les relations entre saturation partielle et propriétés ultrasoniques sont plus complexes ; leur analyse nécessite des suivis expérimentaux très rigoureux et fait intervenir, d'un point de vue théorique, des mécanismes à l'échelle du pore (écoulements locaux) et des notions de distribution des fluides dans les réseaux poreux. générateur
oscilloscope
Figure 2-6 : Mesure des vitesses des ondes ultrasonores
Les vitesses des ondes sont mesurées à l’aide d’un dispositif dont un exemple est représenté sur la figure 2-6. L’éprouvette a deux faces planes et parallèles, un produit émetteur micro - ordinateur couplant est placé entre l’éprouvette et les céramiques piézoélectriques P et S. Les céramiques ondes S doivent conduire à un mouvement perpendiculaire à la direction de propagation, émetteur et récepteur récepteur sont donc polarisés. Le signal est visualisé sur l’oscilloscope et stocké pour un traitement en terme d’atténuation. Les vitesses des ondes P et S sont ensuite calculées de la façon suivante : Vp ou Vs (m/s) =
L t
(2-17)
avec : L (en mètres), longueur de l'échantillon ; t (en secondes), temps de parcours lu sur l'oscilloscope. 2.5.2 ATTÉNUATION
Le signal ultrasonique qui se propage dans une roche s'atténue au cours de son trajet. Cette atténuation est due à des interactions entre l'onde et le milieu de propagation. Il faut distinguer l'atténuation intrinsèque, liée à l'anélasticité de l'ensemble matrice solide-fluide saturant, de l'atténuation extrinsèque due à la diffraction de l'onde par réflexion (interfaces, géométrie de l’éprouvette). L'atténuation se caractérise par une
Physique des Roches
43
diminution de l'amplitude de l'onde et une perte préférentielle de ses hautes fréquences. L'atténuation est quantifiée par un coefficient d'atténuation 4 (voir l'annexe) ou par Q, appelé facteur de qualité qui est inversement proportionnel au coefficient d'atténuation. Le calcul de l’atténuation est généralement réalisé à l’aide d’une méthode dite du rapport des spectres. L’atténuation peut être extrinsèque par perte d’énergie due à la diffraction de l’onde sur les discontinuités ou obstacles dans le matériau (grains, pores, microfissures) et peut être importante lorsque la longueur d'onde devient comparable à l'échelle de l'hétérogénéité. Les mécanismes avancés pour expliquer le phénomène d'atténuation intrinsèque sont très divers et complexes. De plus, ces mécanismes seraient différents selon l'état de saturation de la roche considérée. On consultera la littérature spécialisée indiquée en fin de chapitre pour tout ce qui concerne l'atténuation. 2.5.3 VITESSES ET PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES ROCHES
La lithologie est un facteur déterminant en ce qui concerne les vitesses Vp et Vs dans la mesure où les caractéristiques élastiques des minéraux constitutifs sont différentes (Tableau 2-3 ). Les valeurs indiquées dans ce tableau sont des moyennes calculées à partir des vitesses des ondes suivant différentes directions mesurées sur des cristaux non altérés. Le rapport Vp/Vs est intéressant à utiliser et permet de différencier nettement grès et calcaires, car le coefficient de Poisson de la calcite est très différent de celui du quartz.
TABLEAU 2-3 : PROPRIÉTÉS PHYSIQUES ET MÉCANIQUES DES PRINCIPAUX MINÉRAUX
Minéraux
#s (g/cm3)
E (GPa) 3
Vp (m/s)
Quartz Olivine Augite Amphibole Muscovite Biotite Orthose Plagioclase Magnétite Calcite Dolomie Halite Gypse
2,65 3,2-3,6 3,2-3,6 2,9-3,2 2,7-3 2,8-3,1 2,5-2,6 2,6-2,8 4,4-5,2 2,7 2,8-3,1 2,1-2,6 2,3-2,4
96,4 216 14 3 110 80 67 63 77 218 84
6 050 8 770 7 330 6 800 5 880 5 360 5 680 6 220 7 410 6 320 7 900 4 320 5 200
36
0,08 0,24 0,24 0,29 0,25 0,30 0,29 0,29 0,19 0,28
D’après Belikov (1967)
La vitesse des ondes P varie à lithologie constante avec la porosité de pores, mais diminue plus fortement encore avec la porosité de fissures. Pour estimer la part relative de porosité de pore ou de fissure dans des roches de lithologie différente on utilise l’indice de continuité IC défini comme le rapport de la vitesse des ondes P mesurée dans l’échantillon à la vitesse des ondes calculée Vp* à partir de la composition minéralogique. Vp* est la moyenne arithmétique pondérée des vitesses
44
Manuel de Mécanique des Roches
des ondes Vi , de chaque minéral constitutif de la roche, les coefficients de pondération étant les teneurs ci, de la roche en chaque minéral : Vp IC (%) = 100 V * p
avec Vp* = 5 ci x V i
(2-18)
Ce rapport des vitesses varie comme le rapport K/K* des compressibilités K globale (bulk modulus) de la roche et K* de la matrice (les minéraux constitutifs de la roche) en fonction de la porosité de pores np et de la porosité de fissures nf , mais la sensibilité à la présence de fissures est beaucoup plus marquée. On peut écrire : IC = 100(1 –A np - B nf)
(2-19)
avec nf + np = ntotale et nf << np Dans le cas des roches exclusivement poreuses (ntotale = np ), il y a une relation expérimentale entre l’indice de continuité IC = ICp et la porosité n : ICp = 100 (1 – 1,4 np)
(2-20)
Dans le cas le plus courant d’une roche poreuse et fissurée, la porosité totale n totale est égale approximativement à np, ce qui permet d’évaluer ce que serait la valeur de l’indice de continuité ICp du milieu poreux correspondant à la roche si elle n’était affectée que de pores : ICp = 100 (1– 1,4 n)
(2-21)
La différence entre la valeur de l’indice de continuité mesuré IC et cette valeur ICp correspond à l’existence des fissures; elle est exprimée de manière relative par le Degré de Fissuration DF :
DF " 1 %
IC IC p
100
(2-22)
Indice de continuité IC (%)
90 80 0%
70 60
25%
50 40
50%
30 20
75%
10
Porosité (%)
0 0
10
20
30
40
50
Figure 2-7 : Détermination du degré de fissuration avec l'indice de continuité Donc toute roche, quelle que soit sa porosité n, peut être affectée d’un degré de fissuration variant entre 0 et 100 %, avec DF exprimé en pour cent. Dans le plan (IC-Porosité), les droites d’égale valeur du degré de fissuration forment un faisceau
Physique des Roches
45
(figure 2-7) situées sous la droite des milieux non fissurés. On peut donc, à partir de la mesure de la porosité, de la vitesse des ondes Vp, et du calcul de l’indice de continuité IC, estimer la densité de fissuration d’une roche. La vitesse des ondes P est sensible à l'état de saturation des roches. Le modèle classique explicatif est celui de Wyllie donnant la vitesse de propagation des ondes à travers un milieu biphasique (phase 1 et 2) :
1 n 1% n " + V V1 V2
(2-23)
où V1, V2 sont les vitesses de propagation dans les milieux 1 et 2, n et (1-n) sont les proportions volumiques des milieux 1 et 2. Cette approche donne des résultats satisfaisants pour des milieux consolidés saturés (calcaires et grès) ; dans ce cas, le milieu 1 est le fluide, le milieu 2 la matrice, et n la porosité. Une autre formulation de la propagation d'une onde dans un milieu biphasique a été proposée par Wyllie en tenant compte du module de compressibilité K et du coefficient de Poisson 3. La relation reliant la vitesse V à K, 3 et à la masse volumique # est de la forme :
K"
#V 2 1+ q
(2-24)
où q est un paramètre déduit des relations d’équivalence entre modules élastiques, fonction du coefficient de Poisson 3' De nombreux auteurs ont proposé des formules de Wyllie modifiées selon le volume de porosité présent. En réalité le milieu n’est pas toujours saturé en liquide et il peut donc contenir de l’air et de l’eau ou plusieurs liquides. Les vitesses varient alors selon la nature du liquide et son degré de saturation. Si on s’intéresse au cas d’une roche partiellement saturée en eau les variations de Vp et Vs avec le degré de saturation Sr sont relativement complexes car plusieurs effets se superposent. Si on compare les vitesses Vp et Vs en milieu sec et saturé, on observe Vp sec < Vp saturé et une petite tendance inverse pour Vs. Le module de compressibilité est plus élevé en milieu saturé alors que le module de cisaillement reste constant et la densité augmente avec la saturation. 1,15
Figure 2-8 : Influence de la porosité de fissure sur l'évolution des vitesses des ondes P à l'état sec et saturé pour différents calcaires
Vpsat/Vpsec Eu Le
1,1
D2 Gu2 J1 J2
1,05
1
J5 Gu3
D1
Gu 1
0
nf (%) 0,05
0,1
0,15
0,2
L’effet de module l’emporte dans le cas des ondes P et Vp augmente. Pour les ondes S l’effet de densité est le seul et Vs diminue. L’augmentation de la vitesse des ondes P dépend de la structure du réseau poreux et de la valeur de la porosité de fissure (figure 2-8, pour différents calcaires). Des exemples d’évolution des vitesses en fonction du degré de saturation sont
46
Manuel de Mécanique des Roches
présentés sur la figure 2-9. Les vitesses décroissent globalement entre l'état sec et un degré de saturation intermédiaire (Vp minimale) puis augmentent jusqu'à une valeur maximale correspondant à la saturation totale. La saturation partielle de l'échantillon provoque d'abord une augmentation de la densité donc une diminution de la vitesse. Par contre, quand les pores sont presque totalement saturés, ils sont plus difficiles à comprimer d'où une augmentation de la rigidité et de la vitesse. La compétition entre effet de module et de densité est fortement dépendante du type de réseau poreux, puisque les variations sont différentes pour différents calcaires. Les roches bien que contenant des minéraux fortement anisotropes sont souvent isotropes ou faiblement anisotropes. Si une anisotropie apparaît c’est qu’il existe peut-être une orientation préférentielle des minéraux, mais surtout une orientation de la microfissuration affectant l’échantillon. Les mesures de vitesses des ondes permettent de mettre en évidence l’anisotropie de structure ou de fissuration et de décider en fonction de son importance d’en tenir compte ou non dans un programme d’essais mécaniques (chapitre 3). Considérons une symétrie hexagonale comme sur la figure 2-10. La vitesse Vp sera la même suivant les directions principales 2 et 3 du plan de base, mais elle sera plus faible dans la direction 1 affectée par les plans d’anisotropie. Les ondes S sont émises et reçues par des céramiques polarisées de manière à ce que le déplacement des particules se fasse perpendiculairement à la direction de propagation. La vitesse de l’onde S suivant la direction 1 sera la même dans toutes les directions, la vibration se faisant dans un plan homogène. Par contre suivant les directions 2 ou 3 le plan d’anisotropie est parallèle à la direction de propagation de l’onde. 5,5
Figure 2-9 : Évolution de la vitesse des ondes P avec le degré de saturation dans différents calcaires (Sw=Sr)
Vp x 1000 (m/s) Gudmont 1
4,5 Euville
3,5 Dugny 2 Jaumont
2,5
0
IB "
20
40
Vs max % Vs min Vs max
60
Sw (%) 80 100
Lorsque plan d’anisotropie et plan de polarisation de l’onde sont confondus l’amplitude du signal et sa vitesse sont maximales (Vsmax) et lorsqu’ils sont perpendiculaires l’amplitude du signal et sa vitesse sont minimales (Vsmin ). On définit un indice de biréfringence IB qui est une caractéristique du degré d’anisotropie : (2-25)
Pour une direction intermédiaire le signal se décompose en une composante polarisée selon le plan d’anisotropie, l’autre étant perpendiculaire et à la réception on aura deux signaux, dont l’un sera d’amplitude et de vitesse supérieure à l’autre. Selon la symétrie du matériau étudié on détermine les directions de propagation et de polarisation nécessaires à la détermination de tous les paramètres élastiques. Les figures 2-10 et 2-11 montrent les directions de mesure nécessaires pour calculer tous les paramètres de la matrice de raideur. Lorsque le système d’anisotropie est complètement inconnu on peut le déterminer en multipliant les directions de mesure, puis calculer les modules élastiques correspondants.
Physique des Roches
1
Vp1
47 Vp45
Vp1
Vs13
1 Vs21 2
Vp12
Vp13 Vs21
Vs23
2
Vs23 Vp2
3 Vp3
3 Vp3
Figure 2-10 : Directions de propagation et correspondances avec les éléments Cij de la matrice de raideur (symétrie hexagonale ou isotrope transverse)
Vp23
Figure 2-11 : Directions de propagation et correspondances avec les éléments Cij de la matrice de raideur (symétrie orthotrope)
2.6 PROPRIÉTÉS THERMIQUES 2.6.1 CARACTÉRISTIQUES THERMIQUES
La loi de Fourier et l'équation de la chaleur (Annexe de ce chapitre) font intervenir des propriétés thermiques des roches : la conductivité thermique 6 et la chaleur spécifique C. La diffusivité thermique est définie comme le rapport :
a"
6 #C
(2-26)
La mesure de la diffusivité a, de la masse volumique # et de la chaleur spécifique C permet la détermination de la conductivité thermique (qui peut aussi être mesurée directement). La conductivité est un scalaire pour un corps thermiquement isotrope. Pour un corps anisotrope la conductivité thermique est représentée par un tenseur d'ordre 2 symétrique, soit une matrice 3x3. Un milieu isotrope transverse comme celui de la figure 2–10 est caractérisé par deux valeurs de conductivité thermique (ou de diffusivité thermique) 611, et 622 = 633. Les roches dans la nature sont au moins partiellement saturées en fluides et la conduction de la chaleur peut être couplée à d'autres types de transferts tels que par exemple le transfert de masse. Les mécanismes de transfert dans les milieux poreux sont fortement influencés par la configuration des pores et des minéraux. Le transfert de masse se produit uniquement à travers la structure continue des pores connectés, tandis que le transfert de chaleur peut impliquer la phase solide et les pores. Si l'on assimile les solides poreux à des matériaux composites à phase matricielle (contenant éventuellement des pores isolés) et à phase poreuse en réseau, on constate que les transferts de chaleur et de masse sont complémentaires. Le transfert de masse s'effectue uniquement par le réseau de pores, le transfert de chaleur se produit essentiellement dans la phase minérale. Par conséquent, les variations en porosité auront tendance à influencer les deux processus en sens inverse. L'étude du couplage chaleur - masse fait l'objet de nombreux travaux à consulter dans la littérature
48
Manuel de Mécanique des Roches
spécialisée. Les techniques de mesure de la conductivité thermique s'effectuent en régime permanent (plaque chaude gardée, fil chaud) ou en régime transitoire (flash). La mesure en transitoire donne la diffusivité et il est nécessaire de déterminer par microcalorimétrie la chaleur spécifique pour calculer la conductivité thermique. 2.6.2 PARAMÈTRES INTERVENANT SUR LES PROPRIÉTÉS THERMIQUES
Les principaux facteurs qui influencent les propriétés thermiques des roches sont : !
la variation de composition minérale et chimique ;
!
la structure ;
!
la température et les contraintes ;
!
la porosité et la teneur en fluide.
Les roches sont formées de minéraux ayant des propriétés thermiques qui varient aussi bien avec la température qu'avec la direction du flux de chaleur. Le quartz a la conductivité moyenne la plus élevée (6moy = 7,7 W/m/K). La conductivité thermique d'une roche dépend largement du minéral principal. Elle augmente avec la masse volumique. Le tableau 2-4 donne les conductivités thermiques de quelques roches à l'état sec.
TABLEAU 2-4 : VALEURS DE CONDUCTIVITÉ THERMIQUE DES ROCHES
Roches
Origine
Masse Volumique kg/m3
Chaleur spécifique J/kg.K
Conductivité thermique W/m.K
Grès Granite Ardoise Argilite Marne Argilite Calcaire Sel
Vosges Limousin Angers Tournemire Alsace Aisne Euville
2 650 2 600 2 800 2 340 2 300 2 220 2 310 2160
700 740 815 826 845 846 870
2,7 2,8 1,2 & 4,5 0,7 & 2 1,04 & 1,4 0,75 & 1,4 3,5 6
Les deux valeurs de conductivité sont suivant les directions principales d'anisotropie
La plage de 1 à 6 W/m/K de la conductivité est relativement limitée alors que la perméabilité varie de 7 à 8 ordres de grandeurs. L'anisotropie des minéraux et des structures des roches influence la conductivité thermique. La conductivité thermique est forte suivant les plans d'anisotropie (directions 2 et 3 figure 2-10) ; elle est plus faible selon la direction perpendiculaire (direction 1 figure 2-10). La conductivité thermique d'une roche, à l'état sec, diminue lorsque la température augmente. L'anisotropie joue un rôle car la diminution est plus importante dans la direction perpendiculaire à la schistosité que dans la direction parallèle (figure 2-12). Pour les formations sédimentaires, à l'échelle du massif, la conductivité thermique décroît lorsque la température augmente : la conductivité thermique de la matrice est une fonction décroissante de la température, mais celle du fluide augmente légèrement avec la température et la combinaison de ces deux effets conduit à une décroissance significative de la conductivité thermique.
Physique des Roches
49
Les contraintes isotropes tendent à refermer les défauts de type fissure et la conductivité thermique augmente légèrement. En général, la présence d'eau dans un matériau poreux augmente la conductivité thermique au sein de ce dernier (figure 2-13). La conductivité thermique, à minéralogie identique décroît avec l'augmentation de la porosité. 6 5
1,9
6 (W/m/K) Direction 2 ou 3
4
6 (W/m/K)
1,7
Direction 2 ou 3
1,5
3
1,3
2
1,1
Direction 1
1 T°C
0 0
50
100
150
200 250
Direction 1
0,9
300
Figure 2-12 : Conductivité thermique de schistes ardoisiers en fonction de la température et de l'anisotropie
Sr
0,7 0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
Figure 2-13 : Conductivité thermique d'une argilite en fonction du degré de saturation et de l'anisotropie
2.6.3 DILATATION THERMIQUE
Un solide homogène et isotrope, libre de toute liaison, soumis à une variation uniforme de température T subit une déformation isotrope proportionnelle à T. L’effet de la température se traduit par une dilatation ou une contraction. Si l est la distance séparant deux points du solide, après échauffement (ou refroidissement), cette distance subit une variation relative de longueur égale à
/l " 4T l
(2-27)
avec 4, coefficient de dilatation linéaire du solide. En d’autres termes la variation uniforme de température détermine sur une roche homogène isotrope et libre de toute liaison, un tenseur de déformation uniforme :
7 ij " 4T8 ij
(2-28)
La variation de volume associée est /V/V = 7ij = 34T. La quantité 4v=34 est appelée coefficient de dilatation thermique volumique. Si la roche est anisotrope, il est nécessaire de déterminer le coefficient de dilatation thermique suivant les directions principales d’anisotropie. Le coefficient de dilatation linéaire des roches varie en fonction de la minéralogie, la texture, la porosité et la microfissuration. Il varie entre 5 10-6K-1 et 25 10-6K-1 pour la plupart des roches. Il est de 40 10-6K-1 pour le sel gemme. Pour l’ardoise perpendiculairement à la schistosité il est de 24 10-6K-1 alors que suivant les deux autres directions principales il n’est que de 17 10-6K-1. Dès lors que la roche n’est plus libre de toute liaison et/ou que la variation de température n’est plus uniforme des contraintes d’origine thermique peuvent apparaître dans la roche (chapitre 10).
50
Manuel de Mécanique des Roches
SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE Belikov B.P. - Plastic constants of rock-forming minerals and their effect on the elasticity of rocks. IPST, pp. 118-124, 1967. Berest P. & Weber Ph. (éd.) - La thermomécanique des roches. BRGM, 327 p., 1988. Bernabe Y. - A wide range permeameter for use in rock physics. Int. J. Rock Mech. Min. Sci., 24, pp. 309-315, 1987. Bourbie T., Coussy O. & Zinsner B. - Acoustique des milieux poreux, Technip, 339 p., 1986. Cuxac P. - Propagation et atténuation des ondes ultrasoniques dans des roches fissurées et anisotropes. Thèse de Doctorat de l’INPL, Nancy, 175 p., 1991. Cuxac P. & Homand F. - Propagation d’ondes ultrasonores dans les roches anisotropes. Revue Française de Géotechnique, 59, pp. 49-55, 1992. David C. - Geometry of flow paths for fluid transport in rocks. J. Geophys. Res., 98, pp. 12267-12278, 1993. David C., Darot M. & Jeannette D. - Pore structures and transport properties of sandstone. Transport in Porous Media, 11, pp. 161-177, 1993. David C., Wong T.-F., Zhu W. & Zhang J. - Laboratory measurement on compaction-induced permeability change in porous rocks: implications for the generation and maintenance of pore pressure excess in the crust. Pageoph., 143, pp. 425456, 1994. Dullien F.A.L. - Porous media : fluid transport and pore structure, Academic Press, 1979. Foucault A. & Raoult J.F. - Dictionnaire de géologie. Masson, 1988. Goodman R.E. - Engineering geology, John Wiley, 1993. Gueguen Y. & Palciauskas V.V. - Introduction à la Physique des Roches, Hermann, 1992. Jacquin C. - Structure des réseaux poreux et propriétés pétrophysiques des roches. Revue Française de Géotechnique, 49, pp. 25-42, 1989. Monicard R. - Caractéristiques des roches réservoirs, analyse des carottes. Technip, 1975. Remy J.M. - Influence de la structure du milieu poreux carbonaté sur les transferts d’eau et les changements de phase eau-glace. Thèse de Doctorat de l’INPL, Nancy, 353 p., 1993.
ANNEXE : ÉQUATIONS DE PROPAGATION DES ONDES ET DE LA THERMIQUE PROPAGATION DES ONDES
Dans le cadre de l'élasticité linéaire régie par la loi de Hooke, expression simple de la relation unissant la contrainte à la déformation, l'équation du mouvement d'une onde dans un matériau isotrope s'écrit de la façon suivante : (6 + 2$) grad div U - $ rot rot U = #
92U 9t2
(2-29)
Physique des Roches
51
avec #, masse volumique du matériau, 6 et $, coefficients de Lamé. Soient 0 un potentiel scalaire et : un potentiel vecteur tel que U = grad 0 + rot :. Considérons d'abord un mouvement irrotationnel (rot U = 0 ; U = grad 0), l'équation du mouvement d'une onde devient : (6 + 2$) ;2 0 = #
;2 0 =
920 9t2
(2-30)
1 920 & 6 + 2$ ) avec Vp " ( 2 + 2 9t Vp ' # *
1/ 2
(2-31)
Si nous considérons maintenant un mouvement sans changement de volume tel que U = rot: avec div rot: = 0, l'équation du mouvement de l'onde devient : ;2 : =
1 V s2
92 : 9t2
& $) avec Vs " ( + ' #*
1/ 2
(2-32)
Un modèle viscoélastique linéaire est communément utilisé pour rendre compte de la dissipation d'énergie durant le passage de l'onde, et donc de son atténuation. Dans ce cas, l'équation du mouvement est donnée par : #
92U 9t2
= M(<)
92U 9x2
(2-33)
où M(<) est un module complexe qui découle de la loi de comportement (< pulsation). Pour une onde plane, on démontre qu'une solution de l'équation du mouvement peut s'écrire sous la forme : U = Uo e[i(
(2-34)
Avec x, distance parcourue par l'onde et k* nombre d'onde complexe. La solution précédente peut également s'écrire : < U = Uo e- 4x e[i<(t - x/c)], avec k* = c - i 4
(2-35)
où c et 4 sont des réels. Le facteur e-4x exprime l'atténuation de l'onde et 4 est appelé coefficient d'atténuation. L'autre paramètre le plus souvent rencontré pour décrire l'atténuation est le facteur de qualité qui s'exprime par le rapport des parties réelle et imaginaire du module complexe M(<) issu du modèle viscoélastique linéaire :
Q"
Mr Mi
(2-36)
Ce paramètre peut être défini comme le rapport de l'énergie maximale emmagasinée pendant un cycle Wmax sur l'énergie /W dissipée durant ce cycle :
52
Q"
Manuel de Mécanique des Roches
2 !Wmax /W
(2-37)
Ces deux paramètres sont liés entre eux par la relation suivante :
Q"
!f ! " QV 4
(2-38)
où f est la fréquence et V la vitesse de l'onde. Cette relation est simplifiée mais donne une bonne estimation de la relation entre Q et 4. LOI DE FOURIER ET ÉQUATION DE LA CHALEUR
Considérons un milieu continu, homogène, isotrope, thermiquement isolé et de température non uniforme. Dans ce milieu, on considère les isothermes du champ de température. Soit (S) la surface isotherme de température T, soit A un point de (S) et n le vecteur normal à (S) au point A et orienté dans le sens des températures décroissantes. La loi de Fourier stipule que pour une petite surface 8s de dimension finie et tracée sur (S) autour de A, traversée dans la direction n durant le temps 8t par la quantité de chaleur 8Q, on pose a priori : 9T 8Q = - 6 8s 9n 8t
(2-39)
9T où 9n 8t
(2-40)
désigne le gradient de température dans la direction normale. Exprimée vectoriellement, la relation devient :
8Q " % 68s gradT.n 8t
(2-41)
Cette loi de type phénoménologique est essentiellement locale. Le coefficient de proportionnalité 6 est un paramètre physique appelé conductivité thermique. Il traduit la conductibilité du matériau, laquelle peut dépendre de la température, de la pression, de l'état mécanique, de la direction, etc. La loi de Fourier s'exprime classiquement sous la forme :
q " %6gradT
(2-42)
où q désigne le vecteur courant de chaleur (W m-2 ) et 6 le tenseur de conductivité thermique (W/m/K) dont les coefficients 6ij sont les coefficients de conductivité Considérons un milieu orthotrope c'est-à-dire un milieu pour lequel les coefficients 6ij se réduisent à trois. Dans ce cas :
q i " %6 ii
9T 9x i
(2-43)
Dans le cas d'un milieu isotrope, 6 est un scalaire : 611 = 622 = 633 = 6
(2-44)
Physique des Roches
53
L'équation de la chaleur qui traduit le bilan de chaleur échangée s'exprime sous la forme (en négligeant la production interne de chaleur et le couplage thermomécanique) :
#C
9T " div; 2 T 9t
(2-45)
#C est la chaleur volumique du matériau. En prenant en compte la loi de Fourier on obtient, dans le cas du milieu isotrope :
#C
& 92 T 92 T 92 T ) 9T " 6( 2 + 2 + 2 + 9t ' 9x1 9x 2 9x 3 *
(2-46)
CHAPITRE 3 COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES ROCHES
3.1 INTRODUCTION Les propriétés mécaniques des roches se divisent en deux catégories : !
les résistances à des sollicitations mécaniques : traction, compression uniaxiale ou triaxiale, définissant des seuils ou critères de rupture ;
!
les déformabilités sous l'effet des sollicitations mécaniques : modules instantanés ou différés.
Au delà de ces propriétés, qui s’expriment par des données chiffrées, on préférera parler de comportement, un terme plus général. Le terme de « loi de comportement » désigne d'une manière générale l'expression mathématique de la relation entre les contraintes et l'histoire des déformations subies par l'échantillon. Dans ce chapitre, il ne sera fait référence qu’à des lois de comportement élémentaires, élasticité et plasticité, les lois « avancées » étant présentées dans le chapitre 8. Le comportement et les propriétés mécaniques des roches sont étudiés au laboratoire, à partir d'échantillons continus de dimensions centimétriques à décimétriques. La représentativité d'échantillons de laboratoire, c'est-à-dire leur aptitude à représenter les propriétés du site dont ils sont extraits, se heurte à plusieurs types de difficultés : !
présence de fractures : certains types de fractures, présentes sur le site, peuvent ne pas être présentes dans l'échantillon prélevé, trop petit pour les contenir, et donc échappent à l'analyse (c'est notamment le cas pour les discontinuités majeures - fractures régionales, failles... - qui ne sont évidemment pas susceptibles de prélèvement). D'une manière générale, tout bloc extrait du site a, en quelque sorte, déjà subi une « sélection naturelle » interdisant la présence de discontinuités importantes (qui conduiraient à une division du bloc en blocs plus petits) ;
!
hétérogénéité du massif : certains massifs sont hétérogènes, c'est-à-dire formés d'éléments de propriétés mécaniques différentes, par exemple alternance de schistes et de grès ;
!
variabilité des propriétés mécaniques au sein du massif rocheux, même au sein d'une formation identifiée ; il convient alors d’utiliser la géostatistique pour décrire et modéliser la nature de cette variabilité et, éventuellement, le type d'échantillonnage à effectuer en vue d'une « représentativité correcte » ;
!
enfin l'effet d'échelle : les roches présentent généralement un « effet d'échelle » plus ou moins marqué, lié à la présence au sein de la matrice rocheuse, de divers types d'hétérogénéités et de discontinuités ; cet effet d'échelle se manifeste par le fait que les propriétés mécaniques mesurées sont fonction des dimensions de l'éprouvette.
L'étude des discontinuités présentes dans le massif rocheux, et susceptibles d'en affecter les propriétés mécaniques, fait l'objet des chapitres 4 et 5. Les
56
Manuel de Mécanique des Roches
hétérogénéités du massif rocheux sont également évoquées dans le chapitre 4. Dans ce chapitre on aborde l’effet d’échelle, dans la mesure où il influence directement les résultats des essais mécaniques. 3.2 LES ESSAIS DE BASE Les essais de base mettent en jeu trois types de sollicitations : !
traction : traction indirecte (ou essai brésilien) ;
!
compression uniaxiale (ou monoaxiale ou simple) ;
!
compression triaxiale (isotrope et déviatorique).
Il existe un certain nombre de recommandations, en particulier éditées par la SIMR (Société Internationale de Mécanique des Roches) dont certaines préconisent le choix de dimensions des éprouvettes à essayer. L’AFNOR a édité très récemment des normes fixant les caractéristiques des éprouvettes et les conditions expérimentales pour les essais de base. Dans ce paragraphe on se limitera aux propriétés de résistance, l’aspect comportement étant présenté aux §3.3 et 3.4. 3.2.1 LES ÉPROUVETTES
Il est recommandé d’essayer des éprouvettes « les plus grandes possible » compte tenu des moyens techniques du laboratoire, de façon à intégrer au mieux les hétérogénéités minérales et les discontinuités du volume poreux. En tout état de cause seule la dimension minimale, liée à la taille des grains, est fixée: le diamètre doit être au moins égal à dix fois la taille des plus gros éléments. L’AFNOR recommande une dimension minimale de 40 mm de diamètre. Il est préférable de garder constant le diamètre pour la série d’essais : traction indirecte, compression uniaxiale et triaxiale. Les éprouvettes, de forme cylindrique, sont prélevées par découpage (carottage, sciage et rectification) à partir de blocs ou de carottes de plus grandes dimensions prélevées sur le site. L'orientation des éprouvettes s'effectue, par référence aux directions S1, S2, S 3 identifiées sur le site (chapitre 4). Ainsi, s'agissant d'une formation sédimentaire, l'axe S3 est perpendiculaire aux plans de stratification, dans lequel les directions S1 et S2 sont souvent indifférenciées. Un soin particulier doit être apporté à la qualité de la découpe et de la rectification : parallélisme des faces, perpendicularité avec les génératrices, obéissent à des spécifications rigoureuses. La rectifieuse doit permettre de garder l’éprouvette fixe, le retournement étant assuré par le marbre sur lequel l’éprouvette est disposée par l’intermédiaire de vés. 3.2.2 ESSAI DE TRACTION INDIRECTE
La réalisation d'essais de traction directe se heurte au problème classique du collage des têtes d'éprouvette sur le dispositif intermédiaire de la machine d'essai. La résistance maximale à la traction peut être limitée par celle de l’interface colleéprouvette, ce qui est le cas pour les roches de résistance à la traction supérieure à 15 MPa. C’est pourquoi un essai de traction indirecte, l’essai brésilien, a été emprunté au domaine du béton. L’éprouvette d’élancement (hauteur/diamètre) minimal égal à un, subit une compression suivant deux génératrices opposées. Cette compression s’exerce par l’intermédiaire de pièces métalliques (figure 3-1) ou en interposant un
Comportement mécanique des roches
57
carton d’épaisseur millimétrique, pour « gommer » les irrégularités éventuelles des génératrices du cylindre. La vitesse de mise en charge recommandée par la SIMR est de 200 N/s. La résistance à la traction est calculée par :
!t "
2P "DL
(3-1)
avec : !t résistance à la traction, P effort à la rupture, D diamètre de l'éprouvette, L longueur de l'éprouvette. L’état de contrainte au centre de l’éprouvette, au moment de la rupture, est représenté par une contrainte de compression verticale !y égale à :
!y "
6P "DL
(3-2)
avec les mêmes notations que celles de l’équation (3-1), tandis que la contrainte horizontale !x a pour valeur celle de l’équation (3-1). L’essai brésilien n’est un essai de traction que pour les matériaux fragiles : les roches, le béton, le verre. La rupture doit impérativement se produire à partir du centre, sous forme d’une fracture unique verticale. Il peut y avoir des difficultés expérimentales dans le cas de roches fortement anisotropes et pour les roches ductiles (sel, argiles..).
Plateau supérieur
Eprouvette
Plateau inférieur
Figure 3-1 : Dispositif pour essai brésilien
Figure 3-2 : Frettage d'une éprouvette en compression
3.2.3 ESSAI DE COMPRESSION UNIAXIALE
C'est l'essai le plus communément réalisé. Il est effectué sur éprouvettes cylindriques, d'élancement L/D (L, hauteur, D diamètre) compris entre 2 et 2,5. L’élancement est un point important qui se comprend lorsqu’on examine les conditions de contact machine-éprouvette. Il existe un état de contrainte non homogène dans des zones en forme de cône (figure 3-2) correspondant à un frettage de l’éprouvette. Le frettage est dû au frottement empêchant le déplacement libre des extrémités de l’éprouvette, engendré par le contraste de déformabilité entre la roche et les plateaux de la presse. Les roches sont toujours plus déformables que les aciers avec lesquels elles sont en contact durant l'essai. Ce frettage augmente artificiellement la résistance à la compression de l'éprouvette. Il convient donc de diminuer les zones d'influence du frettage en jouant sur l’élancement : !
élancement faible (L/D = 1) : les deux cônes s'interpénètrent, la résistance à la compression est alors surévaluée ;
58
Manuel de Mécanique des Roches
!
L/D = 2 : les cônes sont séparés, la distribution des contraintes au centre de l'éprouvette n’est plus perturbée :
!
élancement fort (L/D = 3) : les cônes sont bien éloignés mais il y a risque de compression excentrée de l'éprouvette, si les faces ne sont pas rigoureusement parallèles.
Il faut noter que la Société Internationale de Mécanique des Roches interdit l’interposition de matériau ou de produit entre l’éprouvette et les plateaux de la presse, excepté des plaques d’acier d’épaisseur comprise entre 15 mm et D/3 et de diamètre égal à celui de l’éprouvette. La machine d’essai doit être assez rigide (colonnes de diamètre approprié et faible course des vérins), hydraulique et si possible asservie. L’usage de machines mécaniques est prohibé. Le plateau supérieur peut être équipé d’une rotule. Le centrage de l’éprouvette doit alors être rigoureux. L'essai est conduit à partir d'un chargement monotone croissant (soit à vitesse de déformation, soit à vitesse de contrainte uniaxiale fixée). La normalisation n’impose pas de vitesse, mais conseille une durée d'essai comprise entre cinq minutes et quelques dizaines de minutes, de manière à ne pas induire d’effets différés. On appelle résistance à la compression (notée ! c) la contrainte maximale supportée par l'échantillon lors d'un essai à chargement monotone croissant. Cette valeur constitue une première information très utile et parfois suffisante sur les performances mécaniques escomptées de la roche. L'étendue des valeurs des résistances est grossièrement comprise entre 1 et 200 MPa. Les valeurs inférieures à 5 MPa correspondent à des roches qualifiées de « très tendres » ; des valeurs supérieures à 100 MPa caractérisent des roches dites « très résistantes ». Dans le cas d'échantillons dont l'anisotropie est avérée, il convient d'orienter la direction de sollicitation suivant les axes principaux de l’anisotropie et de définir des valeurs des résistances suivant ces axes, sans oublier que le minimum de résistance peut être obtenu dans une direction biaise. Le rapport entre la résistance à la compression uniaxiale et la résistance à la traction donne un indice de fragilité, qui est une caractéristique importante de comportement. Ce rapport varie usuellement entre 5 (roche peu fragile) et 30 (roche très fragile). 3.2.4 ESSAI TRIAXIAL
Figure 3-3 : Cellule pour essai triaxial Cet essai est réalisé sur des éprouvettes identiques à celles de l’essai de compression uniaxiale, mais le dispositif expérimental limite souvent l’élancement aux environs de 2. Il s’agit d’un essai triaxial de révolution où !2 = !3 = Pc (pression de confinement). L’éprouvette est placée dans une jaquette étanche et souple, pour les roches tendres, plus rigide pour les roches raides. La figure 3-3 donne un exemple de schéma de cellule triaxiale, dimensionnée pour supporter des confinements courants de 1 à 40 MPa, ce qui impose des parois épaisses en acier. De plus la charge axiale doit être transmise par un piston rigide de même diamètre que l’éprouvette. L’essai est conduit en imposant d’abord un chargement hydrostatique !1 = !2 = !3 = Pc. Puis la contrainte axiale est augmentée en respectant une consigne de vitesse de mise en
Comportement mécanique des roches
59
charge constante ou de vitesse de déformation constante, jusqu’au maximum qui correspond à la résistance à la compression triaxiale. A partir des valeurs de résistance à la traction, à la compression uniaxiale et à la compression triaxiale, sous plusieurs confinements, il est possible de déterminer un critère de rupture (§3.6.2 et chapitre 9). 3.3 GÉNÉRALITÉS SUR LES CONDITIONS EXPÉRIMENTALES La réalisation de tout essai mécanique s'effectue selon un chemin de sollicitation qui résulte de l'exécution d'un programme (ou « consigne ») prédéfini ; le programme fixe les paramètres d'exécution de l'essai - contraintes ou déformations et leur évolution dans le temps, la machine d'essai devant suivre le déroulement du programme, à partir du contrôle des paramètres d'asservissement. Le trajet de charge résulte de l'exécution : ! !
soit d'une consigne en déformation (par exemple essai effectué à vitesse de déformation imposée #˙ constante) ; soit d'une consigne en contrainte (par exemple !˙ constante).
Le dispositif d'asservissement de la presse a pour objet l'exécution de l'essai conformément au programme prédéfini ; de la qualité de l'asservissement dépend celle de l'essai ; or l'essai peut ne pas se dérouler correctement, en particulier si des phénomènes de perte de résistance de l'échantillon au moment de la rupture imposent une variation trop rapide du dispositif de correction (par exemple, une consigne de type d!/dt = constante peut s'avérer impossible à exécuter si la contrainte vient à excéder la résistance de l'échantillon). Divers types de trajets de charge peuvent être exécutés ; leur définition est fonction de l'objet et de la destination de l'essai envisagé. Parmi les plus usuels, citons : ! chargement monotone croissant (de type #˙ = constante ou !˙ = constante) ; !
chargement croissant jusqu’à un certain niveau, suivi d’un déchargement et d’un rechargement jusqu’à un niveau plus élevé. On peut ainsi réaliser 3 à 5 cycles jusqu’à la rupture ;
!
chargement cyclique autour d'une position moyenne (essai de fatigue).
Les grandeurs physiques mesurées sont principalement : !
des forces : par exemple force exercée par la presse de compression sur l'échantillon ;
!
des pressions : pression du fluide dans une cellule triaxiale ;
!
des déplacements : déplacement relatif des plateaux de la presse mesurés par des capteurs de déplacement, déplacements axiaux et radiaux de l’éprouvette par l’intermédiaire d’un collier de mesure équipé de capteurs, déplacements particulaires d'éléments de matière sur un échantillon (mesurés par traitement numérique d'images prises en cours d'essai) ;
!
des déformations par jauges d’extensométrie ;
!
des volumes et débits liquides : variation du volume d'huile ou volume de fluide expulsé de l’éprouvette saturée au cours d’un essai triaxial ;
!
le temps ;
!
la température.
60
Manuel de Mécanique des Roches
Mentionnons plus particulièrement les mesures d'extensométrie par jauges de déformation (strain gages), dont la mise en place nécessite une attention particulière : longueur de jauge par rapport aux hétérogénéités de la matrice rocheuse, sensibilité à la pression de confinement et à l’eau (dans ce cas il faut soigner le dispositif d’étanchéité), risque de dérive lors d'essais de longue durée. Moyennant les précautions et la technicité nécessaires, ces mesures d'extensométrie sont toutefois parfaitement fiables et fournissent des mesures locales, en zone non frettée, de grande qualité. Les essais mécaniques peuvent être réalisés à température ambiante pour la plupart des problèmes courants. Il peut être nécessaire de contrôler rigoureusement la température durant les essais mécaniques et particulièrement pour les essais de longue durée et les essais de fluage (§3.8). Il est nécessaire de réaliser des essais mécaniques sous température pour divers problèmes, par exemple, stockage de déchets exothermiques, exploitation du pétrole dans les gisements haute température. Dans ce chapitre, il ne sera question que du comportement à température dite ambiante. 3.4 COMPORTEMENT MÉCANIQUE SOUS SOLLICITATION ISOTROPE Les procédures d’essai présentées au §3.2 permettent d’obtenir la résistance de la roche, ce qui n’est pas toujours suffisant. Il est nécessaire de caractériser le comportement, ce qui signifie d’obtenir des réponses à des questions, dont la première est particulièrement importante : !
la roche est-elle isotrope ?
!
la roche est-elle microfissurée naturellement ?
L'essai de compressibilité ou de compression isotrope permet de répondre à ces questions et ceci de façon très simple. En effet, si la roche est sans microfissures et homogène, élastique et isotrope, sa réponse # à une sollicitation de type hydrostatique (sphérique) est : !
identique dans toutes les directions de l'espace ;
!
linéaire en fonction de la contrainte (!1 = !2 = !3 = pression de confinement Pc)
#"
Pc (1 % 2 $) E
(3-3)
avec E module de Young et $ coefficient de Poisson. En conséquence tout écart aux deux réponses attendues précédentes donnera des indications sur le caractère isotrope et /ou microfissuré de la roche. 3.4.1 PRINCIPE DE L’ESSAI
L'essai se pratique sur des cubes dont les dimensions sont suffisamment grandes par rapport à la taille du plus grand constituant élémentaire. Ce cube est découpé en fonction de la structure de la roche, ce qui n'est pas toujours, a priori, évident... Notons S1 la normale au plan repéré (stratification, schistosité). Supposons connues les deux autres directions principales orthogonales de structures, qui sont alors notées S2 et S3. Rappelons que si !
S1, S2 et S3 sont orthogonales, la roche est dite orthotrope ;
Comportement mécanique des roches
61
S2 et S3 ne jouent aucun rôle particulier la roche est dite isotrope transverse.
!
Le cube est, après séchage, équipé de jauges d'extensométrie selon la figure 3-4. Le cube est ensuite gainé, par exemple d'un enduit silicone, pour éviter toute pénétration de fluide durant l’essai (figure 3-5).
S3
#1 S2 #2 #3 S1
Figure 3-4 : Orientation du cube par rapport aux axes de structure et positionnement des jauges
Figure 3-5 : Exemple de cube instrumenté et gainé de silicone (une fenêtre a été découpée ; les jauges sont groupées en rosette
Le cube est placé dans une enceinte de pression. Il est sollicité par l'intermédiaire d'un fluide dont on contrôle la pression. Notons #i la déformation dans la direction Si. La figure 3-6 présente schématiquement les réponses des trois jauges en fonction de la pression de confinement Pc. 1, 2, 3
Pc
2, 3
Pc
Pc
3
1
# a
1
# b
2
# c
Figure 3-6 : Résultats schématiques d'essais de compressibilité Si les trois jauges donnent les mêmes réponses #1 = #2 = # 3 : la roche est probablement isotrope. Dans le cas où nous supposons l'isotropie, la variation de volume est égale à :
P &V 3(1 % 2 $) " #1 ' # 2 ' # 3 " Pc " c K V E avec K module de compressibilité.
(3-4)
62
Manuel de Mécanique des Roches
Si #2 = #3 ' #1: la roche est probablement isotrope transverse et le plan (S2, S3 ) est un plan isotrope. Si #2 ' #3 ' #1: la roche est peut être orthotrope. 3.4.2 CARACTÉRISATION DE LA MICROFISSURATION NATURELLE
Schématisons une microfissure sous forme d’un ellipsoïde aplati, caractérisé par un grand axe de longueur 2c et une ouverture 2a (figure 3-7). Cette fissure est définie par un coefficient de forme a/c de l’ordre de 10-3. Sous l'effet d'une charge normale, l'ouverture va diminuer jusqu'à ce que les lèvres de la fissure se touchent. Supposons qu'une roche isotrope possède une population de fissures de ce type, réparties de manière aléatoire et effectuons un essai de compressibilité. Du fait de l'isotropie et de la répartition aléatoire des microfissures, la réponse des jauges sera telle que #1 = #2 = #3. La figure 3-8 représente l'évolution de la variation de volume &V/V en fonction de la pression Pc. Pc
B
p 2a 2c
Pf
A
&V/V
0 nf
Figure 3-7 : Représentation schématique d'une fissure naturelle en forme de pièce de monnaie
Figure 3-8 : Exemple d'essai de compressibilité sur une roche isotrope microfissurée
On décompose les courbes en deux parties : !
OA, à concavité vers le bas, où les microfissures se ferment progressivement en commençant par les fissures ayant le rapport a/c le plus petit ;
!
AB, linéaire représentant le comportement élastique de la roche.
Le point A correspond donc à la fermeture de toutes les microfissures : la pression correspondante sera appelée pression de fermeture Pf. L’écart sur l'axe &V/V par rapport à l'élasticité, correspond au volume de toutes les microfissures : il s'agit donc de la porosité de fissures nf = Vf/Vt. 3.4.3 ÉTUDE DE QUELQUES EXEMPLES
La figure 3-9 indique le repère structural d’un essai de compressibilité (figure 3-10) avec des cycles de chargement-déchargement sur un marbre présentant un plan de foliation dont la normale est S1. On remarquera que les parties linéaires (AB) ont sensiblement la même pente, ce qui signifie que ce marbre est isotrope. Par contre, on constate que la fermeture est nettement plus importante dans la direction de S1, ce qui permet d'affirmer que les microfissures sont orientées préférentiellement dans le plan de foliation.
Comportement mécanique des roches
63
L'étude des cycles chargement-déchargement permet de constater que les fissures fermées au premier cycle de chargement ne se rouvrent qu'en partie au cours du déchargement. Par contre cet effet disparaît après le premier cycle. ! (MPa)
S1
#3
#2
#1
40 30 20
S3 10 # .10-4
S2 0
Figure 3-9 : Repère structural
1
2
3
4
5
Figure 3-10 : Essai de compressibilité sur un marbre présentant un plan de foliation
La figure 3-11 montre un essai de compressibilité sur une ardoise, qui présente une anisotropie forte due à la présence d'un plan de discontinuité (plan de fissilité). La direction S1 est prise perpendiculaire à ce plan. On remarque que, les déformations selon S2 et S3 sont sensiblement identiques tant du point de vue « fermeture des fissures » que du point de vue de l'élasticité. Par contre la réponse selon S1 est très différente: !
la fermeture des fissures est beaucoup plus importante, ce qui indique que les microfissures sont dans le plan de schistosité et c'est ce qui permet le délitage des ardoises ;
!
la pente des déformations élastiques est différente, ce qui semble indiquer que cette roche est isotrope transverse.
La figure 3-12 présente un essai de compressibilité sur un échantillon d'argilite : la direction S1 est prise perpendiculaire au plan de stratification. 60
60
Pc (MPa) #3
#2
#2
40
40
20
20
0
Pc (MPa)
#1
#3
#1
#.10-6 0
500
1000
1500
Figure 3-11 : Essai de compressibilité sur une ardoise
0
#.10-3 0
5
10
15
Figure 3-12 : Essai de compressibilité sur une argilite
64
Manuel de Mécanique des Roches
L'allure des courbes présentées est très semblable à celle de l’ardoise et les conclusions voisines. Les remarques portent sur l'interprétation de la « fermeture des fissures »: dans le cas d'une argilite, il est plus correct de parler de « serrage des feuillets argileux » que de fermeture de fissures. Notons que le mécanicien des sols interprète cette partie convexe comme étant indicatrice d'un état de surconsolidation du matériau et que la pression Pc serait la pression de consolidation. 3.4.4 CAS DES ROCHES TRÈS POREUSES : PRESSION D'EFFONDREMENT DES PORES
60
Figure 3-13 : Essai compressibilité sur une craie
Pc
40
Pt
20 Pcol.
#v 10-2 0 0
4
8
12
16
de
Les matériaux très poreux, par exemple les craies, présentent lors de l’essai de compressibilité, un comportement particulier. Un exemple est donné par la figure 3-13, qui présente l'évolution de la variation de volume en fonction de la pression de confinement. A partir de l'examen des résultats de cet essai, on peut faire les remarques suivantes :
!
la craie ne présente pas de microfissures décelables, le comportement est linéaire élastique dès l'origine ;
!
à partir d'une certaine pression pcol, la variation de volume (compaction) est plus grande que dans la zone élastique, ce qui signifie que la microstructure commence à évoluer (destruction des joints de grains) pour réduire sa porosité. La pression Pcol correspond donc à une pression de début d'effondrement de structure. Elle est appelée « pression d'effondrement des pores » (p o r e collapse) ;
!
au delà d'une certaine pression Pt, le gradient de variation de volume s'inverse à nouveau: la roche semble « se raidir ». En fait, à partir de la pression Pt l'effondrement de la microstructure poreuse tend à se stabiliser.
La pression Pcol joue un grand rôle dans la compaction des réservoirs pétroliers. La valeur de cette pression dépend de la nature de la roche, c'est à dire de la nature des joints de grains, et de la porosité : plus la porosité de la roche est importante, plus la valeur de Pcol diminue. 3.4.5 REMARQUES SUR L'ISOTROPIE
La disposition des jauges de la figure 3-4 ne permet pas de conclure avec certitude que les résultats de la figure 3-6a conduisent à une roche isotrope, et que les résultats de la figure 3-6b conduisent à une roche isotrope transverse. L'hypothèse d'isotropie impose de vérifier la même propriété quelle que soit l'orientation. Or les jauges d'extensomètrie ont été placées selon trois directions particulières. Pour s'assurer de la validité de l'hypothèse d'isotropie, soit spatiale soit planaire, il est nécessaire d’ajouter des jauges suivant trois autres orientations.
Comportement mécanique des roches
65
3.4.6 VALIDATION DES MODULES ÉLASTIQUES
L'essai de compressibilité est un essai dont les conditions aux limites sont parfaitement maîtrisées et qui permet facilement de caractériser le comportement élastique. Il peut être utilisé pour valider la détermination des paramètres des roches. Roche isotrope Dans le cas d'une roche isotrope, l'essai de compressibilité permet de déterminer le module de compressibilité K. Ce module de compressibilité est lié au module de Young et au coefficient de Poisson (équation 3-4). Supposons les modules E et $ déterminés à partir d'autres essais : compression uniaxiale, compression triaxiale, par exemple. On peut ainsi vérifier la qualité des paramètres obtenus ainsi que la qualité de l'hypothèse d'élasticité postulée dans ces autres essais pour obtenir ces paramètres. Roche isotrope transverse Les déformations théoriques selon les directions S1 et S 2 sont respectivement (Annexe de ce chapitre) :,
( 1 2$ + (1 % 2 $12 + #1 " * % 21 - Pc ; #1 " * - Pc E2 , ) E1 ) E1 ,
(3-5)
( %$ (1 % $ 21 % $ 23 + 1 % $ 23 + # 2 " * 12 % - Pc ; # 2 " * - Pc E E E2 2 , ) 1 ) ,
(3-6)
Avec E1, E2 modules de Young principaux et $ 12 , $23, $21 coefficients de Poisson principaux (définitions dans l'annexe) déterminés par d'autres essais. Ces deux relations permettent ainsi de valider la détermination de ces modules. 3.5 COMPORTEMENT EN COMPRESSION UNIAXIALE 3.5.1 COURBES CONTRAINTE-DÉFORMATIONS
L'essai de compression est effectué avec enregistrement simultané des déformations axiales #a et des déformations transversales #t (dans le cas d’une roche isotrope). Un exemple de disposition de ces jauges en position axiale et transversale est présenté sur la figure 3-14. Le nombre idéal de jauges est de trois selon chaque direction. On ne considère ici que la moyenne des mesures suivant une direction, après élimination éventuelle des valeurs considérées comme aberrantes (mauvais fonctionnement d’une jauge, rupture prématurée d’une jauge). La déformation volumique de l'échantillon durant l'essai a pour expression : &V/V = . = #a + 2#t
(3-7)
Classiquement, on représente sur un même graphique les deux courbes !1 - #a et ! 1 - #t auxquelles on associe la courbe !1 - . ( figure 3-15). La référence élastique isotrope conduit à la définition du module de Young ou module d'élasticité et du coefficient de Poisson par les relations classiques :
!1 " E# a
# ; $"% t #a
(3-8)
66
Manuel de Mécanique des Roches
!c
!1 !l !d
!f
!r !s
#3
Figure 3-14 : Position des jauges
#1
Figure 3-15 : Courbes contrainte-déformations axiale, transversale et volumique
Le coefficient de Poisson, théoriquement compris entre -1 et 0,5 est pratiquement compris entre 0,15 et 0,45 pour la plupart des roches. Des valeurs élevées sont à mettre en relation avec le développement de microfissures ou de déformations plastiques au sein de la roche. L'étendue des valeurs de module de Young est comprise entre 1 GPa (roche qualifiée de « très déformable ») et 100 GPa (roche qualifiée de « très raide »). L'une des questions fondamentales qui se pose à l'ingénieur est de savoir dans quelle mesure, ou dans quel domaine de sollicitation, la roche présente un comportement élastique. Si tel est le cas, la détermination de E et $ définit sa loi de comportement élastique et l'identification d'un « domaine d'élasticité » constitue une donnée essentielle pour la validité d'une loi de comportement. L’identification de la zone élastique est souvent assimilée à la zone linéaire de la courbe ! 1 - #a alors qu’en toute rigueur, il faut vérifier la réversibilité du comportement par un cycle déchargement-rechargement. La pente de la courbe !1 #a en chargement continu, correspond à un module enveloppe (ou module tangent). Elle est différente des pentes des cycles déchargement-rechargement : Eenveloppe ' Edéchargement = Erechargement. Ces deux derniers modules sont égaux s’il n’y a pas d’effets différés dans le comportement, ni d’effet de presse. Une autre difficulté dans l’évaluation des modules est liée au frettage : si on emploie des capteurs de déplacement entre plateaux de la presse, les déformations sont plus importantes du fait des interfaces et de l’inhomogénéité des déformations le long de l’éprouvette. Le module correspondant est inférieur au module calculé à partir des mesures de déformation des jauges collées en partie centrale de l’éprouvette. Une analyse des courbes contrainte-déformations axiale, transversale et volumique permet d'identifier les différents seuils correspondant aux mécanismes conduisant aux déformations et à la ruine de l’éprouvette. Le comportement est dominé par : !
la microstructure de la roche : composition minéralogique, forme et agencement des minéraux, nature des contacts interminéraux, nature de la porosité et de l'agencement des vides (porosité de pores et/ou de fissures), présence éventuelle de fluides interstitiels ;
!
le niveau de la contrainte appliquée.
Comportement mécanique des roches
67
Décrivons le comportement d’un granite dans lequel on distingue usuellement cinq étapes successives : !
pour de faibles niveaux de contrainte cette roche initialement microfissurée présente généralement une phase dite de serrage, l'application de la charge provoque une fermeture progressive des microfissures, et donc une augmentation de la raideur : la courbe ! 1 - #a présente une concavité comme indiqué sur la figure 3-15. La contrainte ! s correspond au début du comportement linéaire consécutif à la phase de serrage. Cette phase s'accompagne souvent d'émissions acoustiques liées à la fermeture progressive du réseau microfissural ;
!
pour des niveaux de contraintes supérieures à ! s, le comportement est généralement élastique, linéaire et réversible, jusqu'à un niveau de contrainte !f à partir duquel apparaît, sur la courbe !1 - #t un écart par rapport à la linéarité : #t augmente alors plus vite que dans la phase élastique ;
!
cette déformation est liée à l'ouverture et à la propagation des fissures préexistantes ou à l’amorçage de nouvelles fissures. Des événements acoustiques se manifestent à nouveau. L'ouverture des fissures se traduit par une évolution de la variation de volume . qui diminue moins vite que dans la phase élastique. A mesure que la contrainte !1 augmente, le phénomène de dilatance transversale prend de l'ampleur jusqu'à un niveau de contrainte !d (seuil de dilatance) à partir duquel la variation de volume . change de sens : à ce moment, l'augmentation de volume compense la diminution de volume due à la contraction élastique. Cette phase s’accompagne d'une très nette recrudescence des émissions acoustiques, traduisant une évolution instable du réseau fissural par coalescence des fissures ;
!
à partir du niveau de contrainte défini par !d, toute augmentation de !1 induit un développement instable et non contrôlé du réseau fissural, qui induit à son tour un endommagement croissant de la roche. Les déformations axiales cessent d’être linéaires (ce seuil ! l est appelé abusivement limite élastique), jusqu’à la résistance à la compression !c, pic de la courbe ;
!
le comportement post-pic, essentiellement régi par les frottements mutuels des fragments de roche, n’est que rarement marqué par l’établissement d’une résistance résiduelle !r sous sollicitation uniaxiale (granite altéré ou très microfissuré).
3.5.2 EXEMPLES DE COMPORTEMENT
Des figures présentent des courbes contrainte-déformations axiale, transversale et volumique pour un grès très tendre (figure 3-16), un calcaire à organismes (figure 317) et une marne (figure 3-18). Le grès tendre présente des déformations axiales non linéaires en début de chargement, un comportement fortement non linéaire pour les déformations transversales. La courbe volumique est entièrement non linéaire, le seuil de dilatance est très bas. Les pentes des cycles déchargement-rechargement sont quasi-identiques. Les déformations permanentes sont importantes. Le calcaire présente une petite phase de serrage, ensuite une partie linéaire et une phase non-linéaire avant le maximum (courbe !-#a). La courbe !-#t montre un seuil de fissuration très net. La courbe !-#a de la marne est rapidement non-linéaire, les déformations irréversibles sont croissantes. Les déformations transversales cessent d’être linéaires à peu près au même seuil que les déformations axiales. La dilatance se produit très tardivement.
68
Manuel de Mécanique des Roches
12
!1 (MPa)
10
!t
!a
.
8 6 4 2 #.10-3 0 -6
-4
-2
0
5
10
Figure 3-16 : Courbes !1 - #a , #t et . ; grès !1 (MPa)
40
#t
#a
.
30 20 10
#.10-3 -0,5
0
0,5
1,5
Figure 3-17 : Courbes !1 - #a , #t et . ; calcaire !1 (MPa)
25 #t
#a
.
20 15 10 5
#.10-3
0 -2
-1
0
2
4
Figure 3-18 : Courbes !1 - #a , #t et . ; marne
Comportement mécanique des roches
69
3.5.3 CAS DES ROCHES ORTHOTROPES
Les roches orthotropes sont caractérisées par 5 modules élastiques (Annexe) : 2 modules de Young principaux E1, E2 , 2 coefficients de Poisson principaux $12 (ou $ 21), $ 23 et un module de cisaillement G12. Les quatre premiers modules peuvent être déterminés à partir d'essais de compression uniaxiale comme dans le cas des roches isotropes, en revenant à la signification physique de ces paramètres. Le module G12 est déterminé par des essais « clinotropes ». Essais en axes principaux Les essais de compression simple sont effectués suivant les axes de structure S1 et S2 par exemple. Les éprouvettes sont équipées de jauges comme sur la figure 3-19. S2
S1
X1
S1 S2
S1 .
X3 S3
S1
S3 S2 plan d’anisotropie
S3
Figure 3-19 : Instrumentation pour les modules principaux
Figure 3-20 : Essai clinotrope sur roche isotrope transverse
Pour l'essai de compression selon S1 la jauge axiale permet de calculer le module de Young E1 et la jauge transversale, le coefficient de Poisson $ 12 . Pour l'essai de compression selon S2, la jauge axiale permet de déterminer E2, la jauge transversale collée dans le plan [S2, S3], le coefficient de Poisson $23, la jauge transversale collée perpendiculairement à la schistosité, c’est-à-dire au plan [S2, S3], le coefficient de Poisson $21. Essais clinotropes - Mesure de G12 Effectuons une rotation . du repère principal des contraintes autour de S2 et caractérisée par "+2 % . " S(1,X1). Pour un essai de compression réalisé dans une orientation . différente de 0° et 90°, une jauge axiale (figure 3-20) donne une valeur du module E(.) qui doit être égale à (Annexe de ce chapitre) :
1 sin 4 . ( 1 $ $ + cos 4 . " '* % 12 % 21 - sin 2 . cos 2 . ' E (. ) E1 E2 , E2 ) G12 E1
(3-9)
Les paramètres E1, E2, $12, $21 étant connus, le calcul de G12 s'en déduit. Il est donc possible, de déterminer le module de cisaillement G12 par jauges d'extensométrie. Il faut néanmoins faire très attention à bien mesurer un paramètre élastique E(.), car la présence de microfissures dans le plan d’anisotropie peut masquer le comportement élastique.
70
Manuel de Mécanique des Roches
3.6 COMPRESSION TRIAXIALE DE RÉVOLUTION Figure 3-21 : Principe de l'essai triaxial
!1
L'essai triaxial est un essai sur éprouvette cylindrique gainée (figure 3-21). Il consiste à étudier le comportement de la roche sous une pression de confinement.
Embase supérieure
Gaine !3 " Pc
Embase inférieure
L'éprouvette est en outre sollicitée par une contrainte axiale ! 1. Supposons, tout d’abord, que l'essai est effectué sur échantillon « sec », c'est-à-dire sans fluide interstitiel, ou encore que la pression du fluide interstitiel reste nulle durant tout l’essai. On présentera en §3.6.3 le principe des essais dans lesquels cette pression n'est pas nulle et les différentes situations qui en découlent.
3.6.1 LES TRAJETS DE CHARGEMENT
L'essai triaxial est donc caractérisé par deux paramètres de chargement: !1, et ! 2 = !3 = Pc . Il est donc possible de décrire l'ensemble des chemins triaxiaux par une expression des trajets de chargement dans le plan !1-Pc ou !1-!3 (figure 3-22). !
trajet 1 : chargement hydrostatique (!1 = ! 2 = ! 3 = Pc) jusqu'à une valeur Pc = P0. Ensuite chargement croissant en !1 avec P0. Il s'agit ici de l'essai triaxial monotone classique ;
!
trajet 2 : chargement tel que ! 1 = k ! 3, avec k constante. Cet essai est appelé essai proportionnel. Il peut être généralisé par un trajet de la forme : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement tel que !1 = k !3 (trajet 2*) ;
!
trajet 3 : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement décroissant en !1. Il s'agit ici de l'essai d'extension classique (extension longitudinale) ;
!
trajet 4 : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement décroissant en !3 avec !1 = P0 . Il s'agit ici de l'essai d'extension latérale. Il peut être généralisé par un trajet de la forme chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement croissant en !1 jusqu'à une valeur (!1)0 et enfin chargement décroissant en !3 avec !1 = (! 1)0. (trajet 4*). Ce trajet représente schématiquement le chemin de contrainte autour d'un ouvrage souterrain lors du percement ;
!
trajet 5 : chargement hydrostatique jusqu'à une valeur Pc = P0 puis chargement à contrainte moyenne constante (!1+ 2 P0 = K constante). Cette deuxième phase de chargement est purement déviatorique et permet d'étudier la surface de charge indépendamment de la contrainte moyenne.
Comportement mécanique des roches
!1
!1
!1
P0
Pc
P0
2 2*
1
P0
71
Pc
P0
0
P0
4*
!1
P0 0
!1
5
4
P0
Pc
0
0 (!1)0
3
P0
P0
Pc
P0
Pc
0
Figure 3-22 : Définition des principaux types de trajets de chargement en essai triaxial 3.6.2 INFLUENCE DE LA PRESSION DE CONFINEMENT REPRÉSENTATION DES RÉSULTATS
Influence de la pression de confinement sur le comportement Plaçons nous dans le cas des essais triaxiaux classiques (trajet 1) et examinons l'influence de la pression de confinement sur le comportement. La figure 3-23 présente l'évolution des courbes contrainte-déformation axiale pour une marne. Comme l'indique cette figure, l'augmentation de la pression de confinement a en général plusieurs effets : !
elle augmente la limite élastique et la résistance maximale ;
!
elle fait passer le comportement du type fragile au type ductile (§3.7) ;
!
sur les courbes contrainte déformation volumique on remarquerait une diminution de la dilatance.
Physiquement l'augmentation de pression de confinement diminue les possibilités d’amorçage et de propagation des microfissures par augmentation du frottement sur les lèvres des microfissures. Dans le cas des matériaux poreux, craie par exemple, on a montré (§ 3.4.4) que la pression de confinement pouvait conduire à une pression limite de comportement élastique. Il en découle donc une diminution de la limite élastique avec la pression de confinement. Sur la figure 3-24, le comportement ductile à partir du confinement de 6 MPa est observable. Les déformations ductiles augmentent rapidement : sur la figure les courbes à 13 et 17 MPa de confinement ont été tronquées.
72
Manuel de Mécanique des Roches !1-!3 (MPa)
20
6 MPa
100
!1-!3 (MPa)
!3=50 MPa
15
17 MPa
3 MPa
80
13 MPa
60
10
! 3=30 MPa
40
!3=10 MPa
20
!3=5 MPa
0
5
#.10-3
20
1 MPa #%
40
Figure 3-23 : Influence de la pression de confinement sur le comportement d'une marne en fonction de la pression de confinement
0
0
0,5
1
1,5
2,0
2,5
Figure 3-24 : Influence de la pression de confinement sur le comportement d'une craie en fonction de la pression de confinement
Représentation dans le plan de Mohr A partir des essais triaxiaux, il est possible d'étudier l'influence de la pression de confinement sur la limite élastique ou la rupture (chapitre 9). La première représentation et la plus communément pratiquée est la représentation de Mohr. Il suffit de tracer les cercles, centrés sur l’axe des contraintes principales, et coupant cet axe en ! 1 et Pc, correspondant aux conditions limites recherchées (limite élastique ou rupture) et de prendre l'enveloppe de ces cercles. La figure 3-25 donne l'exemple d’une marne. On remarque que plus la pression de confinement augmente, plus l'enveloppe « s'aplatit » pour tendre vers une asymptote / = constante, caractéristique d'un comportement ductile (§3.7). / (MPa) 30 20 10
20
40
60
80
100 ! (MPa)
Figure 3-25 : Représentation de Mohr des conditions de rupture pour une marne Représentation en plan principal C'est la représentation la plus directe à partir des résultats de l'essai triaxial. Deux types de représentation sont possibles: !
dans le plan des contraintes principales, c'est-à-dire dans le plan (!1, !3) ;
!
dans le plan (P,Q) avec P contrainte moyenne (P = (!1 + 2!3)/3) et Q contrainte déviatorique (Q = (!1 - ! 3)). La notation habituelle est souvent en minuscules ; les majuscules sont employées ici, pour qu’il n’y ait pas de confusion avec la pression interstitielle notée p.
Comportement mécanique des roches
73
Les figures 3-26 et 3-27 donnent ces représentations pour la même marne en conditions de rupture. 120
80
!1 (MPa)
100
Q (MPa)
60
80
40
60
20
40 !3 (MPa)
20 0
10
20
30
40
50
Figure 3-26 : Représentation dans le plan expérimental des conditions de rupture pour une marne
P (MPa)
0 0
10
30
50
70
Figure 3-27 : Représentation dans le plan (P,Q) des conditions de rupture pour une marne
Représentation en Invariants Cette représentation peut être intéressante pour certains types de critères tels que Cam Clay ou Drucker-Prager (chapitre 9). Elle représente par exemple la variation de 03J2 (J2 deuxième invariant du tenseur déviatorique des contraintes ; voir Annexe générale) en fonction de I1, I1 premier invariant du tenseur des contraintes. Notons que dans le cas de l'essai triaxial, cette représentation est équivalente à la représentation (P,Q) puisque P=I1/3, et Q=03J2. 3.6.3 ESSAIS DRAINÉS ET ESSAIS NON DRAINÉS
Dans ce qui précède, nous avons supposé que la roche était sèche ou que la pression du fluide interstitiel restait nulle durant l'essai triaxial. Nous allons maintenant envisager le cas où la roche est parfaitement saturée en fluide avant d'effectuer l’essai. Le dispositif expérimental (figure 3-28) comprend des embases drainantes en tête et pied d'échantillon reliées à des capteurs de pression (A) et (B) et à des vannes (A) et (B). Notons p la pression du fluide interstitiel. Essai non drainé L'essai non drainé signifie que, durant l’essai, la masse de fluide dans l'échantillon reste constante. Donc pour réaliser cet essai, il faut : !
fermer la vanne B ;
!
mettre le fluide interstitiel à une pression initiale p0. On vérifiera que le capteur B indique cette pression p0 ;
!
fermer la vanne A.
On note au cours de l'essai triaxial l'évolution de la pression p avec le chargement. Les deux capteurs de pression doivent donner la même valeur. L’essai triaxial classique (trajet 1) comprend une partie hydrostatique et une partie déviatorique. La figure 3-29 donne l'évolution de la pression p interstitielle en fonction de la pression de confinement pour une craie (première partie de l'essai). On remarque une relation linéaire entre p et Pc donnant BS, le coefficient de Skempton (chapitre 10) : BS = &p/&Pc
(3-10)
74
Manuel de Mécanique des Roches p A Embase supérieure drainante
!1
A
Mesure de volume
30
Pc (MPa)
Gaine !3 = Pc
Embase inférieure drainante
20
10
B B
p (MPa)
0 0
Figure 3-28 : Dispositif expérimental pour essai drainé et non drainé
5
10
15
20
Figure 3-29 : Pression interstitielle en fonction de la pression de confinement pour une craie (essai non drainé )
La figure 3-30 donne l'évolution de la pression durant un chargement déviatorique sur un grès. On remarque que la pression augmente lorsque la variation de volume de l'échantillon diminue, et que la pression chute dès qu'apparaît la dilatance. 300
#3
200
300
!3 = 10 MPa
!1 - !3 (MPa) .
#1
200
100
0
!3 = 10 MPa
!1 - !3 (MPa)
100 p (MPa)
#.10-3 -10
-5
0
5
10
0
-1
0
1
2
3
Figure 3-30 : Évolution de la pression interstitielle en fonction du chargement pour un essai triaxial non drainé sur un grès Essai drainé Durant un essai, la pression interstitielle est gardée constante en laissant le fluide entrer ou sortir de l’éprouvette. Dans l'essai triaxial drainé, on note l'évolution de la variation du volume des vides en mesurant le volume de fluide expulsé pendant l’essai. Ainsi l'essai triaxial est mené de la façon suivante pour une pression p égale à0: !
vérification de la saturation de l'échantillon et des différents circuits du dispositif expérimental ;
!
fermeture de la vanne A, ouverture de la vanne B ;
!
réalisation de l'essai en mesurant le fluide expulsé ; on veille à ce que le capteur A indique toujours une pression nulle.
Comportement mécanique des roches
75
Cet essai peut être réalisé aussi avec une pression p = p0, en utilisant des contrôleurs de pression qui gardent la pression constante et qui font simultanément la mesure de variation de volume. Critère de rupture en contrainte effective La roche, au cours des essais drainés et non drainés, est soumise à une pression interstitielle non nulle. Le concept de contrainte effective est alors utilisé dans toutes les lois de comportement et pour l’expression du critère de rupture. On pose : !’= ! - bp, avec b, le coefficient de Biot (chapitre 10), compris entre 0 et 1. A la rupture, b est pris généralement égal à 1. Dans le chapitre 10, on verra que ce sont les contraintes effectives et non les contraintes totales qui gouvernent les déformations du milieu poreux. Le concept de contrainte effective est donc lié à la loi de comportement de la roche et il est important de dissocier les contraintes effectives élastiques, des contraintes effectives gouvernant la rupture. 3.7 CLASSIFICATION DES COMPORTEMENTS 3.7.1 LES DIFFERENTS COMPORTEMENTS
Certaines roches comme les craies se rompent progressivement par écoulement, et présentent donc de grandes déformations avant la rupture qui est dite ductile. Pour les grès peu poreux, les granites, la rupture se manifeste de manière brutale, sous forme de macrofissures se propageant sur des distances plus ou moins longues. Ce type de rupture est qualifié de fragile. Le mode de rupture dépend de l’état des contraintes, de la température et de l’histoire des contraintes. On peut avoir des résultats différents pour un chargement croissant monotone uniaxial, un chargement sous confinement, un chargement cyclique. Le comportement mécanique se classe en deux types suivant que les relations contrainte-déformations sont réversibles ou non. Il est donc nécessaire de réaliser un cycle déchargement-rechargement pour faire ce premier classement. La figure 3-31 illustre le comportement réversible, qui correspond à l’élasticité linéaire et nonlinéaire. Si le comportement varie en fonction du temps on le qualifie de viscoélastique. Lorsque le déchargement est effectué à un niveau de contrainte plus élevé (figure 3-32), par exemple la fin de linéarité des déformations axiales !l, des déformations irréversibles apparaissent. Celles-ci sont qualifiées de plastiques et la roche a un comportement élastoplastique. !
! b
a
!p
#
Figure 3-31 : Comportement réversible linéaire (a) et non-linéaire (b)
#
Figure 3-32: Comportement non réversible
76
Manuel de Mécanique des Roches
Le terme « élastoplastique » est cependant un abus de langage (voir chapitre 8) car il recouvre : !
de l’élastoplasticité au sens propre (glissement dans un cristal de sel, par exemple) ;
!
un endommagement (créateur de discontinuités) dont on rend compte par des lois issues de la théorie de l’élastoplasticité. Figure 3-33 : Comportement élastoplastique parfait (a), écrouissage positif (b), écrouissage négatif (c)
b
!
Le comportement est élastoplastique parfait si la limite élastique ne dépend c pas de l’histoire des contraintes et des déformations. En d’autres termes, la courbe contrainte-déformation axiale présente un plateau (figure 3-33, courbe a). Si la pente de la courbe contraintedéformation axiale est positive, on # qualifie ce comportement de durcissant ou d’écrouissage positif (courbe b). Si la pente de la courbe contrainte-déformation axiale est négative, il s’agit d’un comportement radoucissant ou écrouissage négatif (courbe c). Quand le comportement dépend du temps, le comportement est élastoviscoplastique. a
Dans le chapitre 8 on présentera les mécanismes physiques qui interviennent dans le processus de déformation ainsi que les principes des grandes catégories de lois de comportement. Il n’est question dans ce chapitre que de donner quelques éléments sur l’élasticité non-linéaire ou comportement hypoélastique et sur la plasticité. 3.7.2 COMPORTEMENT HYPOÉLASTIQUE
Il se réfère à une forme incrémentale de lois élastique non linéaire usuellement adoptée quand l'incrément de contrainte est une fonction à la fois de l'état de contraintes et de l'incrément de déformation. La différence fondamentale avec une loi élastoplastique est le caractère réversible. La forme incrémentale d’une loi élastique non-linéaire est : d! = f(!,d#),
soit
d! = Dt(!)d#
(3-11)
Dt étant une matrice tangente. Une loi hypoélastique ne nécessite pas que les directions principales de contraintes et de déformation coïncident. Dans la classe de ces modèles, on a, par exemple, la loi de Duncan dite hyperbolique. Le terme hyperbolique est relié à l'équation adoptée pour l'interpolation des résultats d'essais triaxiaux et non à la nature des équations gouvernant le problème en terme d'analyse de contraintes. L’évolution du module de Young a la forme suivante : 2
( R (1 % sin 7)(!1 % ! 3 ) + 1 !3 4 E " % *1 ' f - KPatm 3 6 2(C cos 7 % ! 3 sin 7) , 2 Patm 5 )
n
(3-12)
avec Rf, K, n : paramètre du matériau, Patm : pression atmosphérique, C : cohésion et 7 : angle de frottement.
Comportement mécanique des roches
77
3.7.3 ÉLASTOPLASTICITÉ
Rappelons, tout d’abord, quelques définitions relatives à la plasticité. La surface d’écoulement est la surface dans l’espace des contraintes définissant des états de contrainte pour lesquels se développent des déformations plastiques. La loi de durcissement règle les changements possibles en forme, taille et position de la surface d’écoulement. La règle d’écoulement gouverne l’incrément des déformations plastiques. Dans le domaine non linéaire, l'incrément de déformation totale consiste en la somme des incréments de déformation élastique et de déformation plastique : d# = d#el + d#pl
(3-13)
et l'incrément de contrainte correspondant est directement évalué sur la base de la relation élastique : d! = D d#el " D(d# - d#pl)
(3-14)
La condition d'écoulement peut s'exprimer par : F = F [!, h(#pl )]
(3-15)
h est alors le vecteur de durcissement gouvernant le changement de surface d’écoulement avec l'augmentation des déformations plastiques. Si F est négatif, l'état de contraintes est représenté par un point dans l'espace des contraintes à l'intérieur de la surface d’écoulement. Dans ce cas, le matériau a un comportement purement élastique incrémental. Si F = 0 l'état de contraintes est sur le critère d’écoulement. Si F positif, ce sont des points à l'extérieur de la surface, donc l'état de contraintes n'est pas admissible. Des déformations plastiques se développent pendant un incrément depuis F = 0, seulement si le point de contraintes reste sur cette surface pendant l'incrément, c'est-à-dire si la condition de consistance suivante est respectée : T
T
1 8F 4 1 8F 4 1 8h 4 dF " 3 6 d! ' 3 6 3 pl 6 d# pl " 0 2 8! 5 2 8h 5 2 8# 5
(3-16)
L'incrément de déformation plastique gouvernée par la règle d'écoulement plastique est proportionnel au gradient du potentiel plastique Q = Q[!, h(#pl)] par l'incrément d9 de multiplicateur plastique.
d# pl " d9
8Q 8!
(3-17)
Figure 3-34: Règle d’écoulement non associée
d #pl nQ Q
d! !
0
F=
!,#
Cette équation exprime la condition que dans l'espace superposé des contraintes et des déformations, le vecteur représentant l'incrément de déformation plastique est directement le vecteur extérieur normal à la surface représentant le potentiel plastique au point qui
78
Manuel de Mécanique des Roches
correspond à l'état courant de contraintes. A noter que d9 est une inconnue qu’on ne peut déterminer qu’en résolvant un problème de structure. La règle d'écoulement est associée si le potentiel plastique et la surface d'écoulement coïncident. Si ce n’est pas le cas la règle d’écoulement est non associée (figure 3-34 où nQ = 8Q/8!). 3.8 COMPORTEMENT DIFFÉRÉ Par le terme comportement différé, nous entendons des lois de comportement faisant intervenir, en plus de la déformation # et de la contrainte !, leur dérivée par rapport au temps. On parle également de comportement visqueux lorsqu'il y a dépendance du comportement avec le temps, le terme visqueux est à associer à la viscosité qui est un paramètre pouvant décrire cette dépendance (§ 3.8.2). 3.8.1 MISE EN ÉVIDENCE DE L'EFFET DU TEMPS SUR LE COMPORTEMENT: FLUAGE ET RELAXATION
La méthode la plus simple pour mettre en évidence l'importance du temps pour le comportement des roches est d'effectuer un essai de fluage. L’essai de fluage le plus simple à réaliser est en compression monoaxiale, mais des essais triaxiaux peuvent être également réalisés. Sur l'éprouvette de compression appliquons à l'instant t = t0, une contrainte ! = !0 (figure 3-35a). Si le matériau est purement élastique alors il subit à l'instant t = t0 une déformation # = #0 qui ne variera pas avec le temps. Mais l'expérience montre qu'il n'en est pas souvent ainsi : le matériau subit à l'instant t = t0 une déformation instantanée # = #0, puis la déformation évolue ensuite de façon plus ou moins croissante (contraction >0) avec le temps (figure 3-35b). Cette croissance avec le temps dépend de la valeur de ! 0 et sera étudiée plus en détail dans le paragraphe 3-8-2. !
#
!0 #0
b
b !: t
t
!
#
!0
#0 a
a t0
t
Figure 3-35 : Chemin et réponse d’un essai de fluage
t0
t
Figure 3-36 : Chemin et réponse d'un essai de relaxation
Comportement mécanique des roches
79
L'essai de relaxation est un autre essai qui permet de rendre compte des effets du temps sur le comportement : c'est l’essai dual de l'essai de fluage. Il est décrit par la figure 3-36. Dans cet essai on applique une déformation # = #0 au temps t = t0 ; cette déformation est maintenue constante. La réponse est donc en contrainte ; si le temps a un effet sur le comportement, la contrainte décroît (compression >0) avec le temps depuis ! = !0 au temps t = t0, pour tendre généralement vers une asymptote ! = !: < !0. 3.8.2 INFLUENCE DE L'INTENSITÉ DU DEVIATEUR SUR LE COMPORTEMENT DIFFÉRÉ.
Prenons un essai de fluage en compression simple et faisons varier la contrainte appliquée à l'éprouvette (figure 3-37). Si la charge est faible par rapport à la contrainte de rupture, la vitesse de fluage s'annule rapidement après une phase transitoire (courbe a). La déformation reste toujours faible. Ce fluage est relativement bien traduit par une expression sous forme logarithme du temps, par exemple : # - #0= A ln ( ;t + 1)
(3- 18)
Ce fluage est aussi appelé fluage < ou fluage logarithmique. A noter que cette expression n’est vraie que pour une fenêtre t = [0,T]. La courbe de fluage (b) correspond à des niveaux de contraintes plus élevés et peut être décomposée en deux stades : !
stade I : ou fluage primaire ou fluage transitoire ou fluage >. C'est un stade de transition ou la vitesse de fluage diminue rapidement avec le temps. Ce fluage peut prendre la forme : # - #0 = A t m
(3-19)
avec m compris entre 0,3 et 0,6 selon les conditions expérimentales ; !
stade II : ou fluage secondaire ou fluage stationnaire. Dans ce stade, la vitesse de fluage est constante, et cette constante est analogue à la viscosité des fluides.
Après ce stade, les déformations peuvent s'amortir ou se poursuivre à une vitesse constante (fluage permanent). La vitesse de fluage croît avec la contrainte appliquée avec une loi de la forme : d#/dt = K !n
(3- 20)
avec n compris entre 1 et 5 (voir chapitre 8, sel gemme). La température joue un rôle très important sur cette vitesse de fluage. Cependant si la charge appliquée est encore augmentée, il apparaît alors un troisième stade III (courbe c) ou fluage accéléré. Ce fluage est essentiellement lié à un développement important de la micro fissuration. Cette accélération de la vitesse de fluage d#/dt conduit à plus ou moins long terme à la rupture de l'éprouvette. Le suivi de la vitesse de fluage et de sa variation dans le temps est la base de la méthode de suivi de la stabilité des ouvrages : l'ouvrage est stable si la vitesse de fluage diminue ou reste constante dans le temps, l'ouvrage devient instable à plus ou moins long terme si la vitesse de fluage augmente avec le temps.
80
Manuel de Mécanique des Roches
Enfin, si on effectue un essai de fluage sous des contraintes proches de la contrainte de rupture, les stades I, et II peuvent disparaître pour ne laisser place qu'au stade III.
c
#
!
???
!
Fluage
b ??
?
Relaxation
?? ?
Courbe limite
a
t
Figure3-37 : Influence du déviateur sur la réponse en fluage
#
Figure 3-38 : Définition et obtention d'une courbe « ultime »
3.8.3 NOTION DE COURBE LIMITE
La réponse de la roche dépend du temps avec une plus ou moins grande intensité selon la nature minéralogique et les fluides interstitiels. Ainsi la résistance et les modules obtenus lors des essais en laboratoire vont dépendre de la vitesse de sollicitation utilisée. Pour caractériser le comportement à long terme et obtenir ainsi la courbe limite ou ultime, il serait nécessaire d'effectuer des essais à vitesse de chargement très faible. Cette courbe limite peut être déterminée de la façon suivante à partir d'un essai standard : !
à un état de chargement donné on stoppe l'essai et on effectue, soit un essai de fluage, soit un essai de relaxation (figure 3-38);
!
à la stabilisation on obtient un point de la courbe ultime ; la procédure est répétée à différents niveaux de chargement.
3.9 EFFET D’ÉCHELLE 3.9.1 POSITION DU PROBLÈME
Un des problèmes essentiels en mécanique des roches est l'extrapolation des mesures de laboratoire aux propriétés à plus grande échelle. Afin d'étudier ce problème, de nombreux auteurs ont réalisé des essais sur des échantillons de différentes dimensions qui ont montré que la résistance à la compression variait avec la taille de l'éprouvette. La première explication consiste en une approche probabiliste : lorsque le volume de roche soumis à un essai augmente, la probabilité de contenir des défauts, susceptibles d’amorcer une fissure, ou même des fissures préexistantes, augmente. Cependant, la figure 3-39 résumant divers résultats publiés montre que tous les matériaux ne présentent pas un même comportement lorsque leur dimension augmente. Les travaux de différents auteurs permettent de classer ces comportements en trois catégories : !
la résistance décroît avec les dimensions de l'éprouvette : effet de volume ;
!
la résistance augmente avec le volume de l'éprouvette : effet de surface ;
Comportement mécanique des roches
!
81
la résistance croît puis décroît : les deux effets se compensent. L'effet de surface a tendance à dominer pour de petites dimensions d'échantillons.
Quelques exemples des différents comportements sont présentés ci-après. 250
!c (MPa)
Granite
200
Grès 1 Calcaire 1
150
Marbre Calcaire 2
100
Grès 2 Charbon
50 0 0
2
4
6
8
10
Ø (cm)
12
Figure 3-39 : Résistance à la compression en fonction de la dimension de l'échantillon pour diverses roches 3.9.2 EFFET DE VOLUME
La rupture est généralement amorcée par une augmentation de contrainte sur une hétérogénéité de la roche. Si on considère une répartition homogène de ces imperfections, en augmentant la taille de l'éprouvette on augmente le nombre des défauts susceptibles d'amorcer une fissure. Ainsi il parait logique que la résistance à la compression diminue quand la dimension de l'échantillon augmente. Ce raisonnement peut également expliquer la dispersion importante lors des essais, le défaut générant la rupture pouvant être différent d'un échantillon à l'autre. En conséquence, l'augmentation de la taille de l'éprouvette devrait diminuer la dispersion des résultats, l'amorçage de la première fissure ayant plus de chance de se dérouler dans les mêmes conditions. Tout ceci est basé sur le concept de « maillon le plus fragile » : si on discrétise l'échantillon en une infinité d'échantillons élémentaires, la résistance globale est déterminée par la résistance du maillon le plus faible. On peut alors établir une relation entre la résistance de l'éprouvette et son volume, connaissant la probabilité de rupture. La fonction de densité de probabilité la plus utilisée est celle utilisée par la théorie de Weibull. La probabilité de rupture d'un volume V d'un échantillon soumis à une contrainte ! est :
( + S " 1 % exp *% @ f (! )dV * ) V ,
1 ! % !u 4 f(!) est une fonction du matériau f (! ) " 3 6 2 !o 5
(3-21) m
(3-22)
82
Manuel de Mécanique des Roches
avec ! u, la plus petite contrainte que tout élément de volume élémentaire peut supporter, !o, la contrainte de référence, m, un paramètre d'échelle. Dans le cas où la distribution des contrainte est uniforme : m
1 ! % !u 4 3 6 représente donc le risque de rupture pour le volume élémentaire. 2 !o 5 Prenons deux éprouvettes : m
m
1 !1 % ! u 4 1 !2 % !u 4 3 6 V1 " 3 6 V2 2 !o 5 2 !o 5 si !u = 0 on obtient
!1 1 V2 4 "3 6 ! 2 2 V1 5
(3-23) 1/ m
(3-24)
Ainsi l'effet d'échelle ne dépendrait que de m. En fait ! u ' 0 et les constantes du matériau ne sont pas déterminées de façon simple. La théorie de Weibull est critiquable sur plusieurs points : !
en tant que modèle statistique, il demande de très nombreux essais afin de déterminer les deux constantes propres au matériau et nécessaires aux calculs ;
!
elle fait appel à la théorie des valeurs extrêmes impliquant que la résistance soit déterminée par la fissure la plus critique. La rupture est donc synonyme d’amorçage de la fissure. Or, si cela peut être le cas dans un essai de traction directe, ce n'est plus vrai lors d'un essai en compression simple ;
!
il est de plus nécessaire que l’état de contrainte soit uniforme, ce qui n'est pas toujours le cas.
Houpert a étudié la dispersion des résistances à la compression pour le granite de Senones. Il apparaît clairement sur la figure 3-40 que la dispersion diminue lorsque le volume des éprouvettes augmente. Ce qui est en accord avec les théories de la rupture comme nous l'avons vu plus haut. 3.9.3 EFFET DE SURFACE
Certains essais contredisent les résultats présentés. En effet, pour certaines roches la résistance à la compression peut augmenter lorsque les dimensions de l'échantillon augmentent comme sur le granite de Senones ( figure 3-41). Coefficient de variation (%)
8 6
!c (MPa) 180
4
170
2
160
Volume (cm3 )
0 0
400
800
Ø éprouvette (cm)
150
1200
Figure 3-40 : Dispersion de la résistance et volume essayé
Figure 3-41 : Effet d'échelle inverse sur le granite de Senones
Comportement mécanique des roches
83
Cet effet d'échelle inverse serait lié à des détériorations de la couche externe de l'éprouvette modifiant les propriétés mécaniques de la roche sur une certaine épaisseur. Or, la surface externe par unité de volume décroît lorsque les dimensions de l'éprouvette diminuent. Ainsi, l'effet de surface est prépondérant (lorsqu'il existe) pour les éprouvettes de petit diamètre. 3.9.4 EFFET D’ÉCHELLE MIXTE
Pour illustrer l’effet d’échelle mixte, composé d’un effet de surface pour les éprouvettes de petit diamètre et d’un effet de volume pour les diamètre plus importants, les figures 3-42 et 3-43 présentent des résultats d’essai de compression uniaxiale réalisés sur une ardoise suivant les deux directions principales d’anisotropie. !c (MPa)
!c (MPa)
150
200
Ø (cm)
100 2
4
6
8
10
Ø (cm)
50 2
4
6
8
10
12
12
Figure 3-42 : Évolution de la résistance à la compression orthogonalement à la schistosité
Figure 3-43 : Évolution de la résistance à la compression parallèlement à la schistosité
Pour de petits diamètres (Ø < 40mm) on aurait un effet d'échelle inverse probablement dû à un « effet de peau », la surface endommagée durant la préparation des échantillons étant relativement importante. Lorsque le diamètre augmente on retrouve un effet d'échelle normal faisant diminuer la résistance avec le volume. Si nous excluons la première phase faisant intervenir un mécanisme différent, la décroissance de résistance peut se traduire par l'équation suivante : !c = 304 exp[- 0,02 Ø ]
(3-25)
avec !c = résistance à la compression en MPa, Ø = diamètre d'éprouvette en cm. Pour les essais réalisés sur des éprouvettes selon le plan d’anisotropie, la résistance à la compression présente une évolution un peu différente (figure 3-43). On constate une augmentation de la résistance jusqu'à un diamètre de 70mm puis une légère diminution. Peut-on voir là l'influence très marquée d'un effet de surface ? Il s'agit bien d'un phénomène lié à la préparation des éprouvettes, mais le terme effet de surface ne paraît pas suffisant car cette direction de carottage a posé de très gros problèmes, les éprouvettes cassant très souvent soit durant le carottage soit durant la rectification. Les contraintes engendrées durant cette phase préparatoire ont donc souvent suffit à amorcer des ruptures par « décollement » de plans de schistosité.
84
Manuel de Mécanique des Roches
3.9.5 TRANSITION FRAGILE-DUCTILE ET EFFET D'ÉCHELLE
Pour une même roche, le comportement est modifié par l'augmentation de la contrainte moyenne. Par exemple un calcaire dur (!c> 50 MPa) est élastique-fragile en compression simple, il devient élasto-plastique en essai triaxial sous pression de confinement de 30 MPa, puis ductile sous pression de confinement proche de 500 MPa. Une élévation de température produit des effets similaires. Le changement d'échelle fait passer aussi le comportement de la fragilité à la ductilité : un massif rocheux formé de roche fragile a un comportement élastofragile à l'échelle du décamètre, et relativement ductile à l'échelle kilométrique. On sait que la dispersion des résultats d'essais est elle aussi sensible à l'échelle (Bernaix, 1967), elle diminue pour des échantillons plus grands, et peut même disparaître lorsqu'on passe de la fragilité vers la ductilité. L'effet d'échelle joue de la même manière autour d'une cavité creusée dans un terrain sous forte contrainte : un forage de petit diamètre est parfaitement stable ; quelques déformations non réversibles peuvent apparaître dans un petit tunnel, avec des déformations différées modestes pendant un jour ou deux ; mais une caverne de 15 m au même endroit donne lieu à des déplacements différés plus importants, que ces effets différés apparaissent comme du fluage, de la convergence « inextinguible », ou comme une croissance à long terme de la charge des soutènements. SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE AFNOR : Normes NFP 94-420, 94-422, 94-423, 94-425, 94-426. Bieniawski Z.T. - The effect of specimen size on compressive strength of coal. Int. J. Rock Mech. Min. Sci., vol. 5, pp. 325-335, 1968. Bernaix J. - Etude géotechnique de la roche de Malpasset, Dunod, 1967. Einstein H., Baecher G. & Hirschfeld R. - The effect of size on strength of a brittle rock. 2ème Congrès ISRM, Belgrade, vol. 2, thème 3, 1970. Homand F. - Comportement mécanique des roches en fonction de la température. Mémoire Sci. de la Terre 46, 261 p., 1986. Houpert R. & Tisot J.P. - Effet d'échelle et dispersion des contraintes de rupture en compression simple dans le cas d'un granite. Revue de l'Industrie Minérale, n° spécial, pp. 29-34, 1969. Mandel J. – Propriétés mécaniques des matériaux. Eyrolles, 284 p., 1978. Morlier P., Amokrane K. & Duchamps J.M. - L'effet d'échelle en mécanique des roches, recherche de dimensions caractéristiques. Revue Française de Géotechnique, 49, pp. 5-13, 1989. Niandou H., Shao J.F., Henry J.P. & Fourmaintraux D. – Laboratory investigation of the mechanical behaviour of Tournemire shale. Int. J. Rock Mech. Min. Sci., 34 (1), pp. 3-16, 1997. Shao J.F. & Henry J.P. – Modélisation du comportement d’une craie blanche très poreuse et validation. Revue Française de Géotechnique, 43, pp. 35-46, 1988.
Comportement mécanique des roches
85
ANNEXE : RELATIONS CONTRAINTE-DÉFORMATION EN MILIEU ÉLASTIQUE MILIEU ISOTROPE
Les deux paramètres E module de Young, (ou module d'élasticité longitudinale) et $, coefficient de Poisson, suffisent à caractériser le comportement élastique linéaire d’un milieu homogène. Sous forme matricielle, la relation entre le tenseur des contraintes et celui des déformations dans le cas d'un essai de compression sur un matériau dont le comportement est élastique et linéaire s'écrit :
(# x + ( 1 E + *# - " * % $ E - ! * y- * -- x . *) # z -, *)% $ E -,
(3-26)
A trois dimensions, la relation entre le tenseur des contraintes et celui des déformations s'écrit :
(1 *E ( #x + * *# - * * y- * * #x - * -"* * ; yz - * * * ; xz - * - * * * ; )* xy ,- * * *)
$ E 1 E
%
$ E $ % E 1 E
%
0
0
0
0
0
0
2(1 ' $) E
0 2(1 ' $) E
+ - ! 0 -( x + * -* ! y 0 -* ! x -* - / 0 - * yz * - * / xz 0 - / * xy -) , 2(1 ' $) E -, 0
(3-27)
De cette relation, il ressort qu'il existe également un coefficient de proportionnalité entre les contraintes de cisaillement / et les déformations angulaires ; appelées distorsions ou glissements (;ij=2#ij). Ce coefficient est désigné par G et appelé coefficient d'élasticité transversale ou module de cisaillement :
G"
E 2(1 ' $)
(3-28)
A partir d'un essai de compression hydrostatique, il est possible de déterminer le coefficient de proportionnalité entre la contrainte isotrope ! appliquée et la déformation élastique volumique de l'échantillon. Ce coefficient désigné par K est appelé module de compressibilité K tel que :
K"
E &V ;! " K 3(1 % 2 $) V
(3-29)
Les coefficients d'élasticité définis précédemment peuvent s'exprimer en fonction des coefficients de Lamé 9 et / : 39+2/ E=/ 9+/ et inversement :
9 $ = 2 (9 + /)
E G = / K = 3 (1 - 2$)
(3-30)
86
Manuel de Mécanique des Roches
E$ 9 = (1 + $) (1 - 2 $)
E / = G = 2 (1 + $)
(3-31)
ÉLASTICITÉ EN MILIEU ANISOTROPE
D'une manière générale, dans un repère quelconque orthonormé R, les relations entre les taux de déformations et les contraintes peuvent s'écrire vectoriellement sous la forme:
# = A.!
( 3- 32)
avec : # vecteur des taux de déformation, d’élasticité à 36 coefficients
! vecteur des contraintes et A matrice
La relation (3-32) constitue la loi de Hooke généralisée. On démontre par des considérations énergétiques que cette matrice est symétrique. Le nombre de coefficients indépendants est donc réduit à 21.
( 1 *E * x * ( #x + * *# - * * y- * * #x - * -"* * * ; yz - * * ; xz - * - * * *) ; xy -, * * * * * )
%
$ yx Ex 1 Ey
% %
$ zx Ex $ zy Ey 1 Ez
Ax, yz
Ax, xz
G yz Ay, yz
G xz Ay, xz
G yz Az, yz
G xz Az, xz
G yz 1 G yz
G xz / yz, xz G xz 1 G xz
Ax, xy + G xy -Ay, xy G xy - ( ! x + -* Az, xy - * ! y G xy - * ! x -* / yz, xy - * / yz G xy - * / xz / xz, xy - **/ xy -) , G xy 1 G xy -,
(3-33)
où !
Ex, Ey, Ez sont les modules de Young dans les directions x, y et z ;
!
Gyx , Gxz, Gxy sont les modules de cisaillement pour les plans respectivement parallèles aux plans yOx, xOz et xOy ;
!
$yz, $zx, $zy, $xy, $xz, $yz sont les coefficients de Poisson.
!
Les coefficients de Poisson $ij correspondent au rapport de la déformation dans la direction j (effet) et de la déformation dans la direction i dues à la contrainte agissant dans la direction i (cause). Les coefficients de Poisson $ij et $ji sont tels que $ij/Ei = $ji/Ej
!
/xz,yz : ........ : /xz,xy sont appelés coefficients de Chentsov et sont tels que /ij,kl caractérise le cisaillement dans le plan parallèle à kl induit par la contrainte tangentielle dans le plan parallèle à ij. Autrement dit,
/ik,jk /jk,ik Gjk = Gik
!
(3-34)
Ayz,x ........ Axy,z sont appelés les coefficients d'influence mutuelle de premier ordre ; A x,yz,........ Az,xy sont appelés les coefficients d'influence mutuelle de
Comportement mécanique des roches
87
second ordre. Le coefficient A ij,k caractérise l'étirement dans la direction parallèle à k induit par la contrainte de cisaillement agissant dans un plan parallèle à celui défini par les indices ij. Le coefficient Ak,ij caractérise un cisaillement dans le plan défini par les indices ij sous l'influence d'une contrainte normale agissant dans la direction k. Autrement dit : Aij,k Ak,ij Ek = Gij
(3-35)
Rappelons que dans le cas général de l'anisotropie, il n’y a jamais concordance des directions principales de contrainte et de déformation, contrairement au cas de l'isotropie. LE MILIEU ORTHOTROPE
Les milieux naturels présentent souvent une structure orientée planaire (présence de plans et orientation préférentielle des grains dans ces plans par exemple). Repérons la matrice rocheuse suivant le repère orthonormé de structure noté S de la figure 3-9, avec : • S1 direction orthogonale aux plans ; • S2 direction d'allongement des grains par exemple ; • S3 de telle façon que le repère S = S1,S2,S3 soit direct. Une approche très physique consiste à écrire la matrice d'élasticité [A] en introduisant des coefficients (complaisances) entre cause (contrainte normale ou tangentielle) et effet (allongement et variation angulaire), au lieu de déduire les relations de la matrice de l’équation générale (3-33). Prenons le repère R identique au repère S pour définir les tenseurs de contrainte et déformation et par conséquent la matrice [A]. Dans ce repère particulier, les contraintes normales n'induisent que des allongements (un cube se transforme en un parallélépipède rectangle), et les cisaillements ne provoquent aucun allongement. Le tableau 3-1 synthétise alors la relation entre cause et effet.
Tableau 3 - 1 : MATRICE D’ÉLASTICITE DANS LE REPÈRE S
Cause
Variation d’angle
Effet
Allongement
Contrainte normale
Contrainte tangentielle
S1
S2
S3
S2,S3
S3,S1
S1,S2
!11
!22
!33
/23
/31
/12
S1
#11
1/E1
-$21/E2
-$31/E3
0
0
0
S2
#22
-$12/E1
1/E2
-$32/E3
0
0
0
S3
#33
-$13/E1
-$23/E2
1/E3
0
0
0
S3,S2
;32
0
0
0
1/G23
0
0
S3,S1
;31
0
0
0
0
1/G31
0
S1,S2
;12
0
0
0
0
0
1/ G12
88
Manuel de Mécanique des Roches
La notation $ij postule que i est l'indice lié à la cause et j l'indice lié à l'effet. Du fait de la symétrie de la matrice, on doit avoir : $ij $ji Ei = Ej
(3-36)
Il y a donc 9 coefficients indépendants pour caractériser un matériau orthotrope. On ne peut avoir concordance des directions principales en contrainte et en déformation que si elles sont confondues avec le repère structural S. LE MILIEU ISOTROPE TRANSVERSE
Dans le cas particulier où les directions S2 et S3 sont interchangeables, il y a isotropie dans le plan (S2, S3).Dans ce cas, nous avons : E2 = E3, $12 = $13, $23 =$32 et G13 = G12 La matrice d'élasticité s'écrit alors dans le repère structural :
( 1/E * -$ /E * -$ /E [A] = * 0 * 0 ) 0 1
-$21/E2 -$21/E2
0
0
12
1
1/E2
-$23/E2
0
0
12
1
-$23/E2
1/E2
0
0
0
0
1/G23
0
0
0
0
1/G12
0
0
0
0
+ 0 0 0 0 1/G12 , 0
(3-37)
De plus nous avons : $12 $21 = E1 E2
E2 et G23 = 2(1 + $ ) 23
(3-38)
Il y a donc 5 coefficients indépendants E1 , E2, $ 12 (ou $ 21 ), $ 23 et G12 appelés modules principaux pour caractériser un matériau isotrope transverse.
Les minéraux des roches
© École des mines de Paris, 2009 60, boulevard Saint-Michel - 75272 Paris Cedex 06 - France email :
[email protected] http://www.ensmp.fr/Presses © Photo de couverture : Michel Demange ISBN : 978-2-35671-016-1 Dépôt légal : 2009 Achevé d’imprimer en 2009 (Paris) Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays
Michel Demange
Les minéraux des roches Caractères optiques – composition chimique – Gisements
INTRODUCTION
POURQUOI LE MICROSCOPE ? PROPOS DE L’OUVRAGE Le but de la pétrologie est de comprendre les conditions de formation des roches. Le premier stade de cette démarche est de décrire et classer les roches, ce qui est l’objet de la pétrographie. De nombreux caractères peuvent être retenus : densité, dureté, couleur, structure (à l’échelle de l’affleurement), texture (à l’échelle de l’échantillon ou du microscope), composition minéralogique, composition chimique, vitesse de propagation des ondes…. Parmi tous les caractères, la composition minéralogique est certainement le plus important : il conditionne, et permet même de prévoir plus ou moins précisément les autres caractères et surtout, il permet de remonter aux conditions même de formation des roches. En effet, la nature et la composition chimique des minéraux associés dans une roche obéissent à des lois d’autant plus strictes que la température de formation a été plus élevée. Deux méthodes de détermination des minéraux sont relativement simples, rapides et peu onéreuses : la diffraction des rayons X et le microscope polarisant. La diffraction des rayons X permet une identification précise des minéraux, mais nécessite en général des séparations. Cette méthode demeure indispensable dans le cas de roches et de minéraux à grain très fin. Toutefois, son emploi peut être difficile lorsque la roche comprend de nombreux minéraux. Les minéraux en faible proportion risquent de passer inaperçus. Et surtout cette méthode ne permet pas d’apprécier la texture de la roche et les rapports des minéraux entre eux. L’emploi du microscope polarisant lève ces difficultés – du moins dans le cas des roches dont le grain est suffisamment gros (en principe supérieur à l’épaisseur de la lame mince soit 30 microns). L’étude d’un nombre plus ou moins important de lames minces demeure un préalable à des méthodes plus complexes et plus onéreuses, comme l’analyse chimique des minéraux individuels, soit par voie humide soit à la microsonde électronique. Toutefois le microscope polarisant nécessite un apprentissage plus ou moins long et une certaine expérience. Il existe des tables, mais il est rare que l’on arrive à déterminer un minéral complètement inconnu à l’aide des seules tables. Le but de cet ouvrage est d’illustrer la plupart des minéraux constituants communs des roches tels qu’ils se présentent au microscope polarisant et de faciliter cet apprentissage. Le choix des espèces minérales retenues a été fait en référence au livre désormais classique de Deer, Howie & Zussman, « An Introduction to the Rock Forming Minerals » (première édition 1966). Le présent guide comprend deux parties, un livre et un disque compact. Ce disque compact illustre l’aspect au microscope des minéraux constituants des roches, au moyen de 383 fiches, présentant de nombreuses lames minces en lumière
10
Introduction
naturelle et en lumière polarisée, Chaque minéral est présenté par des fiches où figurent après son nom et sa composition chimique, un ou deux schémas illustrant ses formes cristallines et ses différents caractères optiques, ainsi que des photos de l a m e s minces illustrant ces caractères. Il y a en général deux photos prises dans la même position, l’une en lumière naturelle, l’autre en lumière polarisée. Les couleurs, sur un écran d’ordinateur, sans atteindre la luminosité du microscope, sont le plus souvent supérieures à des photographies imprimées. L’avantage d’un CD est de présenter sous un format réduit suffisamment d’illustrations pour qu’un même minéral puisse être présenté sous différents faciès et dans différents gisements. Le livre, volontairement succinct, aborde les points pour lesquels l’illustration donnée par un disque compact, a moins d’intérêt. Quelques notions sur la définition d’une espèce minérale, les facteurs d’apparition des minéraux et les méthodes d’observation au microscope sont rapidement rappelées. L’essentiel du livre consiste en une série de monographies sur les différents minéraux ou groupes de minéraux. Il ne s’agit pas de remplacer les ouvrages de minéralogie préexistants mais de présenter quelques point importants pour la caractérisation d’un minéral : • quelques éléments sur la structure du minéral, dans la mesure où celle-ci en explique la formule chimique ; • la composition chimique et les variations que l’on peut attendre dans un même minéral ou une même famille de minéraux tant sur les éléments majeurs que sur certains éléments mineurs ; • les conditions de stabilité du minéral ; composition chimique et conditions de stabilité débouchent sur les différents gisements de ce minéral : un minéral donné ne se rencontre pas dans n’importe quelle roche, les différentes paragenèses (association de minéraux à l’équilibre) ne sont pas quelconques et les variations de composition chimique d’un minéral rendent compte de différentes évolutions géologiques. C’est en fait ce souci des gisements et des évolutions géologiques qui détermine le plan adopté dans ce guide, plan quelque peu différent de la classification minéralogique classique. Les principes du calcul des formules structurales sont donnés en annexe. • Les caractères optiques des minéraux les plus importants seront rappelés dans le livre par des tableaux récapitulatifs volontairement succincts.
1 - ROCHES ET MINERAUX
1-1. QU ’EST
CE QU’UN MINERAL ?
Un minéral est un solide naturel homogène caractérisé par une structure atomique ordonnée et une composition chimique définie. La définition de l’Internation Mineralogical Association “a mineral is an element or chemical compound that is normally crystalline and that has been formed as a result of geological processes” (Nickel, 1995) exclut les “minéraux” synthétiques. 1-1-1. Une structure ordonnée
Les minéraux sont des solides constitués d’atomes ordonnés en un réseau périodique et symétrique. Frankenheimer (1842) puis Bravais (1848) ont montré qu’il existait 14 types, (et 14 seulement), de telles structures, les réseaux de Bravais. Ces réseaux dérivent de sept systèmes réticulaires de base : triclinique, monoclinique, orthorhombique, quadratique, rhomboédrique, hexagonal, cubique. Ces systèmes sont caractérisés par des éléments de symétrie : centres, plans, plans inverses (symétrie par rapport à un plan et rotation), axes (d’ordre 2, 3, 4 ou 6), axes inverses (rotation et symétrie par rapport à un centre).(fig.1) La maille élémentaire est le plus petit volume cristallin qui présente toutes les propriétés géométriques (symétrie, dimensions), physiques et chimiques du cristal. Elle est définie par les longueurs des trois vecteurs a, b, c et les trois angles α, β, γ.
Figure 2. maille élémentaire Ces trois vecteurs forment une base dans laquelle sont repérés tout plan ou tout vecteur. Dans cette vase, l’équation d’un plan est u x/a + v y/b + w z/c = 1 u, v et w sont des nombres entiers appelés indices de Miller. Une face cristalline sera notée (h k l). Par convention un indice négatif (–u) est noté (u) Le vecteur normal à ce plan a pour coordonnée u, v, w : une direction sera donc [u v w].
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Figure 1: les systèmes cristallins
Roches et minéraux
Les minéraux des roches
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Les systèmes hexagonaux et rhomboédriques utilisent un référentiel et des notations légèrement différentes : dans le plan x y on utilise 3 axes à 120° l’un de l’autre (x y t), l’axe z est perpendiculaire au plan x y. La notation d’un plan dans ce système sera (j h k l), j, h, et k selon les axes x y t et l selon l’axe z, avec j+h+k=0
Figure 3. Référentiel dans les systèmes hexagonal et rhomboédrique Lorsque le réseau et le cristal ont la même symétrie, qui est alors maximale, on parle d’holoédrie. Lorsque le cristal a une symétrie moindre que le réseau, on parle de mériédrie (hémièdre si elle ne comporte que la moitié des faces du système holoèdre correspondant, tétartoèdre avec le quart des faces..). Les mérièdries les plus communes sont : • l’antihémièdrie : absence de centre (et des plans associés) ; un exemple de forme antihémièdre est le tétraèdre (cubique ou quadratique) qui dérive de l’octaèdre ; un autre exemple est la tourmaline dont les prismes ont deux extrémités qui ne sont pas symétriques. Ces minéraux présentent des propriétés piézo-électriques ;
Figure 4. Antihémiédrie
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Roches et minéraux
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la parahémiédrie : le centre de symétrie est présent, mais les axes binaires sont absents ; par exemple, le dodécaèdre pentagonal (forme commune de la pyrite, ou pyritoèdre) dérive d’un héxatétraèdre ;
Figure 5. Parahémiédrie
Figure 6. Hémihédrie holoaxe Tout plan réticulaire (contenant un certain nombre de nœuds du réseau cristallin) peut former une face d’un cristal. Mais la croissance se fait plus ou moins rapidement selon les directions. Les faces à croissance rapide s’éliminent rapidement et les faces à croissance lente deviennent dominantes. Ce sont ces faces qui déterminent les formes cristallines du minéral. Les formes cristallines reflètent la structure du réseau cristallin et la classe de symétrie auquel il appartient. Lorsqu’un minéral présente ses formes cristallines propres, on dit qu’il est automorphe ; sinon on parle de minéral xénomorphe. Dans les roches, certains minéraux, comme la tourmaline, le disthène, le grenat…, sont très fréquemment automorphes ; d’autres, comme le quartz, plus rarement. Un clivage est un plan de séparation, parfait, répétitif. Le ou les plans de clivage traduisent à l'échelle macroscopique une ou des zones de faiblesse dans le réseau microscopique. Les clivages suivent les mêmes lois de symétrie que le cristal. Certains minéraux n’ont pas de clivage (le quartz, par exemple) ; d’autres en ont un ou plusieurs.
Les minéraux des roches
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Une cassure est une surface plus ou moins irrégulière, a priori non répétée ou répétée un petit nombre de fois. L’aspect de certaines cassures peut être caractéristique d’un minéral donné. Les cassures de la tourmaline transverses sur le prisme en sont un exemple. Une macle est un édifice cristallin constitué par l’association de plusieurs cristaux d’une même espèce minérale, orientés les uns par rapport aux autres suivant une loi de symétrie déterminée. Il existe deux types de macles : • Les macles à plan de macle : les deux individus sont symétriques par rapport à un plan, la surface d'accolement est alors un plan (exemple : macle de l’albite dans les plagioclases) ; • Les macles à axe de macle : les deux individus sont symétriques par rapport à un axe, la surface d'accolement est alors quelconque (exemple : macle de Carlsbad dans les feldspaths). Les macles peuvent être simples ou répétées. Parmi les macles répétées, on distingue : • Les macles polysynthétiques où les différents individus forment des lamelles parallèles (macles de la cordiérite, de l’albite et du péricline dans les plagioclases, de la grünerite..) • Les macles cycliques où les individus forment une association à peu près circulaire (macles de la leucite par exemple) La maille élémentaire du système maclé possède une symétrie supérieure à celle de la maille élémentaire des réseaux individuels 1-1-2. Une certaine composition chimique
Une composition chimique donnée ne suffit pas à définir un minéral. En effet il existe des minéraux de même composition chimique mais de structure différente : les polymorphes : diamant (cubique) et graphite (hexagonal), calcite (rhomboédrique) et aragonite (orthorhombique) en sont des exemples bien connus. D’autres exemples sont donnés par les différents polymorphes de la silice ou encore des feldspaths. La composition chimique varie dans certaines limites en fonction : • de la présence d’éléments traces inclus dans le réseau ; • des substitutions entre éléments - ces substitutions peuvent se faire d’atome à atome, par exemple, la substitution Mg Fe2+ ; - ou encore par des lois de substitution impliquant plusieurs éléments. Un exemple est donné par la substitution très répandue dans les silicates SiIV MgVI AlIV AlVI IV (où Al est l’aluminium tétracoordonné, en site tétraédrique, en liaison avec 4 atomes d’oxygène et AlVI est l’aluminium hexacoordonné, en site octaédrique, en liaison avec 6 atomes d’oxygène). Les micas ou les amphiboles sont des familles de minéraux où les lois de substitution sont particulièrement variées. Les substitutions dans les minéraux sont régies par des lois strictes (Règles de Goldschmidt) : • l’équilibre électrique doit être respecté : ainsi dans la substitution ci-dessus la valence du silicium est de 4, celle du magnésium 2 : 4 + 2 = 6 ; la valence de l’aluminium est 3 : 3 + 3 = 6 ;
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Roches et minéraux •
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d’autre part ne peuvent se substituer que des éléments ayant des rayons ioniques ne différant pas plus que de 15 % (la différence peut être plus grande mais la substitution n’est que partielle) : le fer se substitue couramment au magnésium dans les silicates et les carbonates; mais le remplacement du magnésium par le calcium est impossible (ou du moins très limité) dans les carbonates vu la différence de rayons ioniques de ces éléments. Lorsque deux éléments ont la même charge, celui qui a la rayon ionique le plus petit est incorporé préférentiellement : les termes magnésiens d’une série isomorphe sont stables à des températures plus élevées que les termes ferrifères ; dans le réseau, un site peut rester, tout ou partiellement, vide : ainsi la substitution 2 AlVI _ 3 (Fe, Mg)VI , (où le signe _ représente un site vacant), est une substitution (limitée) entre micas dioctaédriques et micas trioctaédriques.
Figure 7. Valence, rayon ionique (données de Shannon et Prewitt, 1969 et de Shannon, 1976) La composition des minéraux est d’autant plus contrainte que la température est forte. La connaissance des compositions précises des minéraux et de leurs variations est très importante pour reconstituer les conditions de formation des roches. Les méthodes optiques permettent certaines déterminations précises. Le fondateur de ces méthodes a sans doute été A. Michel-Lévy avec ses nombreux abaques pour les feldspaths (1894-1904). Les ouvrages de Roubault et al. « Détermination des minéraux
Les minéraux des roches
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des roches au microscope polarisant » (1963, Fabriès et al. 1984) et de Tröger « Optische Bestimmung des gesteinsbildenden Minerale » (1971), fournit un certain nombre d’abaques permettant de déterminer au microscope, ou du moins d’approcher, les compositions d’un certain nombre de minéraux. Ces méthodes sont simples et bon marché, mais elles ne fournissent que des approximations. Elles demeurent couramment employées aujourd’hui pour la détermination rapide des plagioclases. L’invention de la microsonde électronique en 1951 permet des analyses quasi ponctuelles ; c’est aujourd’hui un instrument répandu dans tous les laboratoires. Lorsque l’on étudie un phénomène géologique donné (une série magmatique, un métamorphisme prograde ou une zonation métasomatique par exemple), on constate que la composition chimique d’un même minéral varie de façon plus ou moins régulière à travers les différents stades de ce phénomène. On met ainsi en évidence différentes lois de substitution qui jouent simultanément : par exemple une biotite s’enrichit simultanément en fer, (selon la substitution Mg => Fe) et en aluminium (selon la substitution Si Mg => Al Al). Dans l’espace des substitutions possibles pour un même minéral (qui sont a priori indépendantes), il existe une loi de variation de la composition chimique relativement simple qui fait jouer simultanément les différentes substitutions possibles: on parle alors de substitutions couplées. Les variations de composition chimique d’un même minéral apparaissent ainsi d’excellents marqueurs de phénomènes géologiques. 1-2. CLASSIFICATION
DES MINERAUX
On connaît actuellement environ 4170 espèces minérales. Parmi ces minéraux, environ une cinquantaine sont des minéraux constitutifs des roches courants Les minéraux d’importance économique courants, constituants des minerais, sont environ 70 à 80. Classiquement (Dana’s New Mineralogy, 9ème édition, 1997 ; Strunz, Mineralogical Tables, 9ème édition, 2006) les minéraux sont rangés en 9 classes sur la base de leur composition chimique. Selon un décompte assez ancien portant sur 2300 minéraux, la répartition serait la suivante : 1- éléments natifs
50
2- sulfures et sulfosels
350
3- halogénures
40
4- oxydes et hydroxydes
220
2-
5- carbonates [ (CO3) ]
100
-
nitrates[ (NO3) ]]
8
3-
borates [ (BO3) ]
100
6- sulfates [(SO4) 2-]
250 2-
2-
chromates [(CrO4) ] molybdates [(MoO4) ] 2-
2-
tungstates [(WO4) ] - tellurates [(TeO4) ]
20 13
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Roches et minéraux
7- phosphates [(PO4) 3-] arséniates [(AsO4) 3-] vanadates [(VO4) 3-] 4-
350
8- silicates [(SiO4) ]
700
9- minéraux organiques
…quelques dizaines
La plupart des minéraux constitutifs des roches sont des silicates et le nombre de ceux qui appartiennent aux autres classes est assez limité : 1- éléments natifs : graphite* 2- sulfures et sulfosels : pyrite*, pyrrhotite* 3- halogénures : halite, fluorite 4- oxydes : spinelles, dont magnétite* et chromite*, hématite*, ilménite*, rutile, périclase, corindon, pérovskite et hydroxydes : goethite, limonites, gibbsite, diaspore, boehmite, brucite 5- carbonates : calcite, dolomite 6- sulfates : gypse, anhydrite, barytine 7- phosphates : apatite, monazite (dans la liste ci-dessus, les minéraux opaques, qui ne se déterminent pas au microscope à transmission, sont marqués d’un astérisque* ; les espèces non-traitées ici sont notées en italique). Les silicates sont le groupe de minéraux le plus abondant. Ils constituent plus de 90% de la croûte terrestre. Le groupe des feldspaths en représente environ 60 % et celui de la silice (quartz essentiellement) 10 à 13%. Le motif de base des silicates est un tétraèdre (SiO4)4-, dans lequel le centre du tétraèdre est occupé par un atome de silicium et les 4 sommets par des atomes d'oxygène. Les silicates sont classés en fonction de la disposition de ces tétraèdres ((SiO4)4- : • tétraèdres isolés (nésosilicates) : olivine, monticellite, humites, zircon, sphène, andalousite, disthène, sillimanite, grenat, staurotide, chloritoïde, saphirine, topaze • deux tétraèdres reliés par la pointe (sorosilicates) : épidotes (pistachite, clinozoïsite, zoïsite, allanite, piémontite, lawsonite, pumpellyite), vésuvianite, axinite, mélilite, låvenite • tétraèdres en anneaux (cyclosilicates) : cordiérite, tourmaline, béryl, eudyalite • tétraèdres disposés en chaînes (inosilicates) : amphiboles, pyroxènes, wollastonite, aenigmatite, astrophyllite • tétraèdres disposés en feuillets (phyllosilicates) : micas, chlorites, serpentine, talc, stilpnomélane, argiles, prehnite, apophyllite • tétraèdres formant un édifice à trois dimensions (tectosilicates) : quartz, feldspaths, feldspathoïdes, analcime, scapolites, zéolites (néso- et sorosilicates sont parfois regroupés en une même classe : les orthosilicates)
Les minéraux des roches
Figure 8. Les silicates
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1-3. LES FACTEURS D’APPARITION DES MINERAUX L’apparition des minéraux dans une roche dépend de facteurs physiques et de facteurs chimiques. 1-3-1. Facteurs physiques
Les facteurs physiques sont des conditions imposées de l’extérieur lors de la formation de la roche : température, pression (pression lithostatique qui ne dépend que de la profondeur et pressions orientées) et pression de fluide. Ces derniers facteurs, pression en roche et pression de fluide sont plus ou moins largement indépendants. Il est généralement admis que les pressions orientées ne jouent pas de rôle dans l’équilibre entre minéraux. Elles sont toutefois très importantes dans la dynamique de croissance des minéraux La notion de faciès minéralogique intègre ces différents facteurs physiques. Les faciès minéralogiques sont définis par une ou des associations minéralogiques critiques. Cette notion a été initialement introduite pour les roches métamorphiques (Eskola, 1920, 1927). Une dizaine de faciès sont actuellement reconnus : Le faciès des zéolites (Coombs, 1960) comprend un premier sous-faciès qui recouvre le domaine de la diagenèse et le tout début du métamorphisme et qui est défini par les minéraux critiques heulandite (ou son polymorphe la clinoptinolite, ces deux minéraux sont des zéolites de formule (Ca,Na)2Al2Si7O18.6H2O ) ou l'association critique analcime + quartz. Un second sous-faciès est nettement plus métamorphique : les associations précédentes n'existent plus ; il est caractérisé par la présence d'albite NaAlSi3O8 et l'association laumontite + quartz (la laumontite est une zéolite de formule CaAl2Si4O12.4H2O) Le faciès à prehnite et à pumpellyite est défini par les associations prehnite + quartz et pumpellyite + quartz . Jadéite et glaucophane sont totalement absents. L'épidote peut apparaître formant transition avec le faciès des schistes verts. Le faciès des schistes bleus ou schistes à glaucophane (Eskola, 1929) se distingue par la présence d'une amphibole sodique, la glaucophane. La présence de lawsonite et/ou de l'association jadéïte+ quartz permettent de définir des sous-faciès. La pumpellyite peut exister dans la partie la moins métamorphique de ce faciès. Les micas blancs ne sont pas des muscovites mais des phengites. La biotite et les feldspaths sont exclus. Le faciès des schistes blancs (Chopin, 1984) se caractérise par l'association talc + disthène (équivalent à plus faible pression à la chlorite magnésienne). La coésite, polymorphe de haute pression de la silice, est connue dans certaines paragenèses, ce qui suppose des pressions supérieures à 25 kb.
Guide d’exploration et d’intégration ROCHES ET MINÉRAUX Ateliers pour les élèves du deuxième et troisième cycles La Maison Léon-Provancher, Québec
2002
Ateliers pour les élèves du 2e et 3e cycles
Roches et minéraux
Ce document a été réalisé grâce à la participation financière du ministère de la Culture et des Communications du Québec, dans le cadre du programme «Étalez votre science».
Ce programme est la propriété intellectuelle de La Maison Léon-Provancher de Québec et une autorisation de reproduction pour usage pédagogique vous est donnée. Malgré les efforts apportés, il peut comporter des erreurs ou des imprécisions. Il fera l’objet, comme toutes les autres productions de l’organisme, de révisions périodiques afin d’améliorer le contenu et la forme. Tous commentaires ou suggestions permettant son amélioration seront appréciés. Plusieurs autres thèmes ont été produits par La Maison Léon-Provancher, informez-vous!
Conception, recherche, rédaction et adaptation : Geneviève Boucher Jean Bérubé Johanne Poulin Claire Truchon
© La Maison Léon-Provancher 1435 Provancher Cap-Rouge (Québec) G1Y 1R9 1991, révision 2002 Téléphone : (418) 650-7785 Courriel :
[email protected] La Maison Léon-Provancher
Télécopieur : (418) 650-1272 1
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Roches et minéraux
Introduction Ce guide propose des activités d'exploration reliées au thème des roches et minéraux. Les jeunes pourront s'interroger sur le monde fascinant du sous-sol et seront amenés à entrer dans le processus d'apprentissage par la réalisation de projets ou de défis. Ces activités déclencheront un questionnement et donneront le goût d'en savoir plus sur ce sujet, permettant ainsi de se familiariser avec la démarche expérimentale. Certaines explications naissent spontanément et elles leur sont utiles pour comprendre leur environnement. D’autres sont, cependant, plus éloignées de leur vécu. Les activités animées lors de la visite avec l’animateur sont alors importantes afin d’amener les jeunes à s’approprier de nouvelles connaissances et les encourager à poursuivre leurs recherches. Ces ateliers permettent la manipulation, l’expérimentation et la découverte par une approche coopérative. Ce guide suggère également quelques activités d’intégration afin de consolider les connaissances acquises sur le sujet et de parfaire le développement de plusieurs compétences.
Cadre pédagogique du thème Pendant l’animation de ce thème, l’élève pourra apprendre à ...
• Classer des constituants de la Terre selon une ou plusieurs propriétés communes. • Identifier différents constituants d’une roche et les comparer avec d’autres. • Découvrir des ressemblances et des différences entre des roches. • Identifier des usages que l’homme fait des ressources naturelles du sol. • Reconnaître les transformations que l’homme fait subir à des substances naturelles.
Également, l’élève pourra explorer des savoirs essentiels tels que :
• Les propriétés et caractéristiques de la matière terrestre - traces de vivant et fossiles - classification de roches - classification de minéraux • L’organisation de la matière - cristaux - structure de la Terre (continents, calottes glaciaires, montagnes, volcans, etc.) • La transformation de la matière - phénomènes naturels (érosion) • Conventions et modes de représentation (globe terrestre, cartes, modèles) • Technologies de la Terre • Technologies de l’environnement (recyclage, compostage, etc.) • Faire appel à divers modes de raisonnement • Recourir à des démarches empiriques (tâtonnement, analyse, exploration à l’aide de ses sens) • Les propriétés et caractéristiques de la matière terrestre
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Tableau des compétences transversales Ordres
Compétences Compétence 1 Exploiter l'information.
COMPÉTENCES D'ORDRE INTELLECTUEL
COMPÉTENCES D'ORDRE MÉTHODOLOGIQUE
Compétence 2 Résoudre des problèmes.
Compétence 3 Exercer son jugement critique.
COMPÉTENCE DE L'ORDRE DE LA COMMUNICATION
• S'approprier l'information. • Reconnaître diverses sources d'information. • Tirer profit de l'information. • Analyser les éléments de la situation. • Imaginer des pistes de solution. • Mettre à l'essai des pistes de solution. • Adopter un fonctionnement souple. • Évaluer sa démarche. • Construire son opinion. • Exprimer son jugement. • Relativiser son jugement.
Compétence 4 Mettre en œuvre sa pensée créatrice.
• • • •
S'imprégner des éléments d'une situation. Imaginer des façons de faire. S'engager dans une réalisation. Adopter un fonctionnement souple.
Compétence 5 Se donner des méthodes de travail efficaces.
• • • •
Analyser la tâche à accomplir. S'engager dans la démarche. Accomplir la tâche. Analyser sa démarche.
Compétence 6 Exploiter les technologies de l'information et de la communication.
Compétence 7 Structurer son identité. COMPÉTENCES D'ORDRE PERSONNEL ET SOCIAL
Composantes
• S'approprier les technologies de l'information et de la communication. • Utiliser les technologies de l'information et de la communication pour effectuer une tâche. • Évaluer l'efficacité de l'utilisation de la technologie.
• S'ouvrir aux stimulations environnantes. • Prendre conscience de sa place parmi les autres. • Mettre à profit ses ressources personnelles.
Compétence 8 Coopérer.
• Interagir avec ouverture d'esprit dans différents contextes. • Contribuer au travail collectif. • Tirer profit du travail en coopération.
Compétence 9 Communiquer de façon appropriée.
• Établir l'intention de la communication. • Choisir le mode de communication. • Réaliser sa communication.
Les activités vécues lors de la visite et les activités suggérées dans ce guide visent le développement de chacune de ces compétences et de leurs composantes respectives. La Maison Léon-Provancher 3
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Activités d’exploration suggérées La mise en situation est simple. Une invitation écrite par un prospecteur est remise aux élèves (page annexe 1). Ce dernier raconte qu'il a besoin d'aide pour approfondir son travail de prospection. Cette invitation tente de susciter l'intérêt des élèves pour les ressources qui sont sous nos pieds et encourage le groupe à réaliser de petites activités. Elle vise également à les amener à se rendre compte de l'importance de celles-ci et à chercher des réponses à leurs questions. Les activités d’exploration suggérées doivent être réalisées en équipe afin de permettre des échanges. Des roches pour tes sens (Durée suggérée : 1 période) Déroulement : chaque équipe recherche ou apporte différentes roches et trouve deux caractéristiques opposées (exemple : rude-doux). Chacune de leur côté, les équipes classent leurs roches en deux catégories selon les caractéristiques choisies. Par la suite, les autres équipes tentent d'identifier quelles caractéristiques ont été la base de la classification.
Si tu as une loupe à ta disposition, tu peux observer les roches avec celle-ci. Tu peux observer peut-être de minuscules grains composant les roches. De quelles couleurs sont-ils? Sont-ils brillants, transparents, opaques?
Trucs pédagogiques Découvrir des usages des roches (exemples : pierres tombales, pierres de construction, etc.). Trouver le plus grand nombre de proverbes ou d'expressions avec des mots relatifs aux sols, roches et minéraux, par exemple : pierre qui roule n'amasse pas mousse, dur comme le roc, etc. (français).
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À la découverte des objets fabriqués (Durée suggérée : 1 à 2 périodes) Déroulement : les jeunes deviennent enquêteurs et trouvent le plus grand nombre d’objets fabriqués à partir des ressources naturelles du sol. La recherche peut se faire à l’extérieur ou à l’intérieur. En équipe, ils retrouvent les différentes origines des objets (page annexe 2). Les laisser poser des questions et faire leurs hypothèses. Les équipes notent leurs observations : le nom de l’objet, le lieu où il se trouve et l’hypothèse quant aux matériaux utilisés pour le fabriquer. Refaire le déroulement de la fabrication de l'objet, tout en essayant de retracer les matières premières utilisées et les différentes transformations.
Pour devenir un bon prospecteur, comme moi évidemment, il faut savoir être très observateur. Il faut aussi se rendre compte de l'importance du sol, du sous-sol et des produits qu’ils donnent.
Trucs pédagogiques Fabriquer votre propre objet à partir des produits du sol ou du sous-sol; sable, gravier, verre, argile, etc. (arts plastiques). Choisir une matière première et trouver des objets fabriqués qui en contiennent. Classer des objets d'après leurs utilisations : pour jouer, pour se nourrir, pour se déplacer, etc. Discuter des conséquences sur l'environnement de la transformation des objets : pollution, dépense d'énergie, etc.
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Ateliers pour les élèves du 2e et 3e cycles D’où ça vient? (Durée suggérée : 1 période)
Déroulement : photocopier les deux dessins de coupe du sol avec les différentes zones d’exploitation (pages annexes 3 et 4). Chaque équipe dispose d'un produit. Les préparer à l’avance. Objet ou produit
Zone d’exploitation
Vaseline Briquette de charbon Talc Huile minérale Mine de crayon 1¢ Clou Objet en verre Sable Céréales Papier d’aluminium Craie Objet en céramique Outil en acier inoxydable Sel Objet en plastique 5¢ Pierre concassée Bijou en argent Paraffine
A sous-sol C sous-sol C sous-sol A sous-sol C sous-sol C sous-sol C sous-sol D sol D sol B sol C sous-sol C sous-sol D sol C sous-sol D sous-sol A sous-sol C sous-sol D sol C sous-sol A sous-sol
Les équipes associent leur produit à la bonne zone présentée sur les dessins. Amener les élèves à se rendre compte que l'être humain dépend des ressources naturelles du sol. Discuter avec eux des moyens d'exploitation utilisés par l'humain : mine, carrière, puits de forage, etc. Trucs pédagogiques Trouver différentes catégories d'utilisation des produits (exemple : vaseline - soins). Visiter une carrière ou une sablière. À l'aide des produits, découvrir les différentes activités de transformation des matières premières : scierie, fonderie, etc. (sciences humaines). La Maison Léon-Provancher
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Roches et minéraux
Animation offerte Accueil Prospecteur Laroche • Éveil à la conservation des ressources par un personnage. • Notions de recyclage, récupération, réduction, etc. • Présentation des ateliers
Ateliers L’histoire de la terre • La formation de la terre sous forme d'échange et découvertes. • Les différents types de roches et différences entre une roche et un minéral. • La formation et l’observation de fossiles.
Ça bouge sous nos pieds • La dérive des continents, les plissements montagneux. • Les volcans, les séismes et les glissements de terrain.
Minéralogistes amateurs • La caractérisation des minéraux (dureté, éclat, transparence, magnétisme, etc.). • Identification des minéraux sous forme de défi.
Dangers dans la mine • Jeu de type «serpents et échelles». • Échange et réflexions sur les utilisations possibles et la conservation du sol.
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Roches et minéraux
Activités d’intégration Ces suggestions visent à favoriser la réalisation de projets, leur diffusion et l’évaluation. • Visiter la collection d’un musée de géologie. • Organiser une sortie pour ramasser les détritus se trouvant sur le terrain de l'école. Bricoler avec ceux-ci et exposer le tout à l'école afin de sensibiliser les élèves. • Fabriquer un fossile avec de la boue et des restes de coquillages ou de crustacés (page annexe 5). • Visiter les rivages d’une rivière ou du fleuve afin de trouver des fossiles et visiter des grottes de votre région. • Aménager, à l'extérieur de l'école, une boîte à compost que les jeunes entretiendront. • Trouver des moyens de réduire le nombre de déchets jetés dans la poubelle de la classe. • Faire une expérience avec les classes du même degré. Peser les sacs de poubelle de chaque classe pendant une semaine et faire des comparaisons (mathématiques). • Pendant toute une journée, noter tous nos achats. Classer ces items sous deux catégories : indispensables et superflus. • Mettre sur pied un service de recyclage de métal, de plastique et de verre pour l'école. • Utiliser les TIC pour planifier, chercher et traiter l’information. Voici quelques suggestions d’adresses : www.ulaval.ca/personnel/bourque/intro.pt/planete_terre.accueil.html www.cgq-qgc.ca/tous/terre/terre.html www.virtualmuseum.ca/Francais/Gallery/static/RocksGemsandMinerals_page1.html
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Roches et minéraux
CONTENU NOTIONNEL Les roches et les minéraux Les roches peuvent être divisées en trois grands groupes selon la manière dont elles ont été produites. 1) Les roches ignées Elles sont formées à la suite du refroidissement et de la solidification de la roche fondue ou magma qui provient des profondeurs de la terre. Elles ont habituellement une apparence cristalline. Exemple : granite. 2) Les roches sédimentaires Elles proviennent de l'érosion de roches anciennes. Elles se composent de particules minérales, de fragments de roches et de débris d'animaux et de végétaux qui se sont déposés au cours des années. Il est possible de voir assez facilement les couches de sédiments qui composent la roche. Exemple : grès. 3) Les roches métamorphiques Elles se forment quand des roches, d'origine sédimentaires ou ignées sont soumises à la chaleur et à une forte pression. Les roches métamorphiques d’origine ignée possèdent souvent une surface cristalline plus développée que les roches ignées, c'est-à-dire que les cristaux sont plus gros. Exemple : quartzite. Les couches des roches métamorphiques d’origine sédimentaire ont été cimentées par cuisson et pression, comme une céramique. Exemple : ardoise. Les roches sont constituées de minéraux. Donc, pour bien connaître les roches qui sont la partie inorganique de la terre, il faut connaître les minéraux qui les composent. Les propriétés des minéraux Pour identifier les minéraux, leurs caractéristiques sont trouvées à l’aide de quelques tests. Trait : couleur de la poudre d'un minéral. Transparence : capacité d'un minéral de laisser passer la lumière (transparent, translucide, opaque). Couleur : propriété qui attire le plus notre attention. Très variable car peu de minéraux possèdent une couleur constante. Il est important d'observer la couleur sur une cassure fraîche pour les minéraux métalliques car ils peuvent être altérés. Éclat : aspect de la surface des minéraux ou des roches lorsqu'ils sont regardés à la lumière du jour (métallique, vitreux, gras, etc.). La Maison Léon-Provancher
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Roches et minéraux
Dureté : résistance à se laisser rayer par un objet et sa résistance à la destruction de sa structure. Elle est déterminée en comparant le minéral à d'autres. Dix minéraux de différentes duretés forment une échelle qui porte le nom d'échelle des «duretés relatives de Mohs». Magnétisme : propriété d'être attiré par un aimant.
Effervescence : réaction d'un minéral en contact avec un acide. Il laisse alors échapper des bulles de gaz carbonique.
La formation des fossiles Les fossiles sont des restes d'organismes, ou de leurs activités, qui ont vécu dans les époques anciennes. La fossilisation est le passage d'un être vivant à l'état fossile, c'est-à-dire les transformations de la matière vivante en minéral. Généralement, ce sont les parties dures (coquilles, squelettes) qui laissent le plus souvent leurs traces dans la roche. La fossilisation dépend, avant tout, d'un recouvrement rapide de l'organisme par des sédiments et de l'absence d'oxygène entre ces sédiments et l'être vivant qui sera fossilisé. Cette absence d'oxygène freine ou arrête complètement les processus de décomposition.
Les phénomènes reliés aux sols Tremblement de terre Les tremblements de terre ou séismes sont souvent provoqués par la rupture des roches en dessous et à la surface de la terre. Ces roches se brisent généralement parce que l'écorce terrestre s'ajuste ou bouge à tout moment. Les séismes sont aussi souvent reliés à l'activité volcanique. Éruption volcanique Un volcan n'est pas une montagne. Lors de l'évolution géologique de la terre, il s'est formé un trou dans l'écorce terrestre d'où est sorti, violemment et venant des profondeurs de la terre, un feu liquide appelé lave. La lave coule, se refroidit et durcit autour de l'orifice, formant ainsi une fausse montagne. L'intérieur de notre planète est formé de roches en fusion appelé magma.
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Ateliers pour les élèves du 2e et 3e cycles Érosion
Roches et minéraux
C'est l'usure mécanique, chimique ou la transformation de l'écorce terrestre par les eaux, les glaciers, les vents, la gravité, l'humain, etc. L'érosion est un phénomène naturel et constant. Il y a érosion normale tout au long des années, mais certaines actions des humains ou des animaux peuvent accélérer le processus d'érosion.
Glissement de terrain C'est la couche extérieure de l'écorce terrestre, c'est-à-dire le sol, qui se déplace plus ou moins rapidement suivant une pente. Ce phénomène souvent lié à la transformation du sol en liquide, s’appelle la liquéfaction. Les glissements se produisent surtout sur les versants naturels des bords de la mer, des grands cours d'eau et des ravins. Utilisations des roches et des minéraux Les roches et les minéraux sont nécessaires à l'humain pour assurer un milieu de vie de qualité. Ils permettent : • de construire et d'agrandir les villes; • de construire des centres commerciaux, des développements résidentiels, des routes, des voies ferrées, des aéroports et d'avoir des loisirs; • de faire de l'exploitation minière et d'avoir des matériaux de construction.
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Roches et minéraux
Page annexe 1
Invitation du Prospecteur Laroche
Cher élève, Je t'invite à vivre le thème «roches et minéraux» afin d'en connaître un peu plus sur les ressources naturelles de notre planète : la Terre. Pour devenir un bon prospecteur, il faut savoir être très observateur. Tout bon prospecteur se sert de ses sens lorsqu’il travaille. Tu dois être capable de différencier une roche d’une autre et pour cela il faudra mettre en éveil tes sens (vue, toucher et odorat). Afin de te préparer adéquatement, je te propose quelques activités d’exploration sur le sujet. Applique-toi bien et viens découvrir les secrets que cachent notre belle planète bleue. Au plaisir de se rencontrer!
Le prospecteur Laroche
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Page annexe 2 Quelques objets fabriqués et leurs matériaux Objets observés à l’extérieur Trottoir Mur de briques Chaussée Bardeau d’asphalte Fenêtre Pierre concassée Gouttière Véhicule motorisé Clôture en métal Poteau de lumière Pneu Fil électrique Ampoule Objets observés à l’intérieur Mur de plâtre Mur de béton Tuile de céramique Cuvette de toilette, bain et lavabo Calorifère Patte de pupitre Craie Poubelle Assiette Ustensile Plomberie Miroir
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Matériaux Ciment (argile et calcaire) Briques (terre argileuse séchée) Asphalte (calcaire, silice et bitume) Asphalte (calcaire, silice et bitume) Verre (sable) Pierre Aluminium (bauxite) Acier (fer et carbone) Fer Fer Caoutchouc synthétique Caoutchouc synthétique, cuivre et mica blanc Verre (sable) Matériaux Gypse Gravier, eau, sable et ciment Céramique (terre cuite) Porcelaine (terre cuite et émail) Fer Fer Calcite (carbonate de calcium) Fer ou plastique (résine synthétique) Céramique ou porcelaine Acier inoxydable (nickel, chrome et fer) Cuivre Verre (sable)
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Page annexe 3 Zone A
Zone B Sol
Sol
Sous-sol
Sous-sol
Gaz
Pétrole
Eau La Maison Léon-Provancher
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Page annexe 4 Zone C
Zone D Sol
Sol
Sous-sol
Sous-sol
Eau
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Roches et minéraux
Page annexe 5
Des fossiles vieux de... 4 heures
À partir d’éléments naturels variés, créer des fossiles en plâtre. Matériel • petits pots vides de plastique (yogourt, compote, etc.) • coquillages, feuilles, cônes, etc. • pâte à modeler • plâtre de Paris • vernis transparent (facultatif)
1. Déposer de la pâte à modeler à l’intérieur des pots afin de couvrir le fond et la modeler pour qu’elle soit bien lisse. 2. Faire des empreintes sur la pâte à modeler avec des coquillages, des feuilles, etc. 3. Préparer le plâtre de Paris en suivant les directives sur la boîte. Couler le plâtre sur la pâte à modeler et attendre qu’il soit complètement sec. 4. Démouler et appliquer du vernis transparent sur le plâtre. N.B. Ne pas appliquer de gouache ou de peinture à l’eau car ils diluent le plâtre.
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