TYPOLOGIE DES SOURCES DU MOYEN ÂGE OCCIDENTAL DIRECTEUR:
L. GENICOT
Fase. 44-45
A-I1I,l*;
A-V, C,6* et D,2*
LES QUESTIONS
DISPUTÉES
ET LES QUESTIONS QUODLIBÉTIQUES DANS LES FACULTÉS DE THÉOLOGIE, DE DROIT ET DE MÉDECINE PAR
BERNARDO C. BAZÀN PROFESSOR,
OTT AW A UNIVERSITY
JOHN
W. WIPPEL
PROFESSOR,
CATHOLIC UNIVERSITY OF AMERICA
DANIELLE JACQUART
GÉRARD FRANSEN PROFESSEUR À L'UNIVERSITf: CATHOLIQUE DE LOUVAIN
CHARGfm DE RECHERCHES AU C.N.R.S. (PARIS)
BREPOLS TURNHOUT - BELGIUM 1985
I)U MOYI'N
(ti'
O( (IJ)I'N I 1.'/
Tout problêrne historique est éclairé par des sources de divers types et le chercheur est rigoureusement tenu de les interroger toutes. Mais, s'il veut ne pas se fourvoyer dans leur exploitation, il ne peut se contente r des principes généraux de Ia critique. li doit connaitre les caractêres spécifiques de chaque genre. li a besoin d'un guide qui en définisse les traits et les rêgles d'interprétation: bref, il a besoin d'une typologie des sources médiévales. Objet et but
TYPOLOGIE DES SOURCES
La Typologie, telle qu'on l'entend ici, doit établir Ia nature propre de chaque genre de sources (Gattungsgeschichte) et arrêter les rêgles spéciales de critique valables pour chacun.
DU MOYEN ÂGE OCCIDENTAL
Elle classe d'abord les sources selon leur genre, décrit les caractêres propres à chacun, retrace son origine et son évolution, dans Ia stricte mesure ou ces données ont une répercussion sur Ia maniêre dont l'historien doit utiliser les sources pour en dégager toute Ia réalité qu'elles refíêtent et rien que cette réalité.
A-III,1*; A-V, C,6* et D,2*
Elle formule ensuite les rêgles spéciales de critique historique permettant à l'historien d'exploiter de maniêre correcte et exhaustive les sources dont il dispose pour reconstituer le passé sous toutes ses formes: événements, institutions, économie, structures sociales, mentalité, idées, activité désintéressée. li suit de cette définition que Ia Typologie se bomera au genre, sans pousser jusqu 'au document individuel (sauf à titre d'exemple); elle formulera des méthodes, mais n'alignera pas des faits. Par exemple, elle fixera les traits de Ia chronique monastique, elle ne présentera pas chaque chronique et n'analysera le contenu d'aucune. li ne s'agit pas non plus de répéter ce que les traités et manuels de critique historique ont déjà établi, mais de les compléter soit par l'apport d'un point de vue nouveau, soit par Ia formulation de rêgles spéciales de critique, découlant de caractêres jusqu'ici plus ou moins négligés. Limites
Comme celles de n'importe quel travail historique, les limites de Ia Typologie prêtent à discussion. Elles ont été choisies dans le souci de ne pas étendre démesurément des horizons qu'il faut de toute façon ouvrir largement. Chronologiquement, on a retenu les dates de 500 et 1500. Géographiquement, on s'est borné à I'Occident latin et à l'Espagne arabe ainsi qu'aux documents produits sur leur sol.
LES QUESTIONS DISPUTÉES ET LES QUESTIONS QUODLIBÉTIQUES DANS LES FACULTÉS DE THÉOLOGIE, DE DROIT ET DE MÉDECIN
OUR S OCIDENTAL UNIVERSITÉ
CATHOLIQUE
DE LOUVAIN
DIRECTEUR:
L. GENICOT
Fase. 44-45
INSTITUT
D'ÉTUDES
MÉDIÉVALES A-III,1*; A-V, C,6* et D,2*
Collêge Erasme Plaee Blaise Paseal, 1
S QUESTIONS
1348 LOUVAIN-LA-NEUVE (Belgique)
DISPUTÉES
ET QUESTIONS QUODLIBÉTIQUES
IJ
DANS LES FACULTÉS DE THÉOLOGIE, DE DROIT ET DE MÉDECINE PAR
RI
BII 1'."11
Conformément à Ia rêgle établie par /'Institut d'Etudes Médiévales, le manuscrit du présent fascicule a été soumis à un comité de lecture composé de MM. le chanoine F. Van Steenberghen, professeur émérite à I'Université catholique de Louvain, G. Beaujouan, Directeur d'études à I'École pratique des Hautes Études de Paris, du R.P. R. Macken, Professeur à Ia Katholieke Universiteit Leuven, et de MM. L. Genicot et R. Bultot, respectivement Directeur et Secrétaire de Ia Typologie. Les auteurs ont eu connaissance des textes les uns des autres et ont exercé entre eux une critique constructive parallêle à celle dévolue au comité de lecture.
OR.
, RARO
C. BAZÀN TTAWA
J OHN W. WIPPEL
UNIVERSITY
PROFESSOR,
FRANSEN
CATHOLlC UNIVERSITY OF AMERICA
DANIELLE JACQUART
I'MOII ~~I UIl À L'UNIVERSlTe ! AIIIOIIQ DE LOUVAIN
CHARGtm DE RECHERCHES AU C.N.R.S. (PARIS)
BREPOLS TURNHOUT - BELGIUM 19 5
TABLE A VERTISSEMENT
DES
MATIERES
11
.
PREMIERE PARTIE LES
QUESTIONS LES
DISPUTÉES,
FACULTÉS
PRINCIPALEMENT
DE THÉOLOGIE
(par
15
BIBLIOGRAPHIE CHAPITRE I: DÉFINITION
DANS
B.C. BAZÀN)
ou ou
GENRE
21
1. LES ORIGINES A) De Ia "lectio" à Ia "quaestio" B) De Ia "quaestio" à Ia "disputatio"
25 25 25 31
2.
40
CHAPITRE 11: ÉVOLUTION
GENRE
LA "DISPUTATIO" EN MILIEU UNIVERSITAIRE .
ou
49 50 . 50 1°) L'auteur et Ies acteurs à Ia Faculté de ThéoIogie 50 2°) Modalités de travail . 58 a) Technique et déroulement de Ia séance 58 b) Fréquence et calendrier . 70 c) L'unité de dispute (contenu ou matiêre d'une dispute) 76
CHAPITRE III: LES ESPECES
GENRE
1. LES ACTES ou MAITRE . A) La "quaestio disputata'
B) La dispute à Ia Faculté des Arts
85
C) La "quaestio disputata' à Ia Faculté de Droit et à Ia Faculté de Médecine 2. LA DISPUTE, EXERCICE SCOLAIRE ET ÉPREUVE OE COMPÉTENCE PROFESSIONNELLE
A) Les disputes à Ia Faculté des Arts .
© Brepols 1985 No part of this work may be reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm or any other means without written permission from the publisher.
10) Les disputes des écoIiers 2°) Les "determinationes" des bacheliers 3°) Les épreuves pour Ia licence . B) Les disputes à Ia Faculté de Théologie 1°) Le bachelier biblique: Ia quaestio temptativa 2°) Le bachelier sententiaire et Ia quaestio collativa
90
92 93 93 94 97 99 99 102
TABLE DES MATIERES
3°) Le bachelier formé et Ia sorbonique 4°) L'examen de licence . 5°) La maitrise : vespéries, aulique, resumpta a) Les vespéries b) L'aulique (ou aula) c) La resumpta CHAPITRE IV: REGLES DE CRITIQUE PROPRES AU GENRE 1. L'AUTEUR.
2. LA NATURE DU TEXTE .
3.
L'ÉTAT DES TEXTES .
4. LA DATE D'UNE QUESTION DISPUTÉE
5. 6.
LA LANGUE·
.
LA LIBERTÉ DE L'AUTEUR .
CHAPITRE
V: RAYONNEMENT
CHAPITRE
VI:
DOMAINES
DE LA "QUAESTIO
7
TABLE DES MATIERES
DISPUTATA"
105 109 112 112 117 120
HAPTER 11: EVOLUTION OF THE QUODLIBETAL QUESTION IN THEOLOGY
176
FACULTIES .
CHAPTER III: RULES OF CRITICISM FOR QUODLIBETAL QUESTIONS 183
1. 2. 3. 4. 5.
183 187 192 195 199
AUTHORSHIP . WRITTEN VERSIONS DATING LINGUISTIC FORMULAE
123 123 126 129 136 139 141
CHAPTER IV: CIRCULATION AND DEVELOPMENT OF THE QUODLIBET
CHAPTER v: EDITIONS OF QUODLIBETS
215
145
CHAPTER VI: HISTORICAL VALUE
221
THE AUTHOR'S FREEDOM
202
IN NONTHEOLOGY FACULTIES
DE L'HISTOIRE QUE LE GENRE AIDE À
148
CONNAITRE
TROISIl::ME PARTI E LES
QUESTIONS
DISPUTÉES
FACULTÉS
QUODLIBETAL
QUESTIONS,
IN THEOLOGY
LES
(par G. FRANSEN)
PART TWO
CHIEFLY
DANS
DE DROIT
225
BIBLIOGRAPHIE
FACULTIES
(by J.F. WIPPEL)
CHAPITRE I: DÉFINITION DU GENRE 1. LES TRAITS ORIGINAUX DES "DISPUTES"
BIBLIOGRAPHY
153
CHAPTER I: DEFINITION OF THE QUODLIBETAL QUESTION
157
1. THAT WHICH THE QUODLIBET HAS IN COMMON WITH OTHER DISPUTED QUESTIONS . 158 2. THAT WHICH DISTINGuiSHES THE QUODLIBET FROM OTHER DISPUTED QUESTIONS . 165 3. PRACTICAL RULES FOR DISTINGUISHING SURVIVING QUODLIBET FROM OTHER SURVIVING DISPUTED QUESTIONS 172
231 DES JURISTES
231 2. DÉFINITION 232 3. STRUCTURE DE LA QUESTION DISPUTÉE 233 4. ESPECES DU GENRE . 234 A) Quaestiones disputatáe in seholis et quaestiones solemnes seu
publieae B) Quaestiones reportatae et quaestiones redaetae C) Quaestiones quatemales . D) Quaestiones dominicales, sabbatinae, ele. .
234 236 237 237
5. GENRES VOISINS . A) Quaestiones legitimae, decretales B) Allegationes C) Consilia D) Casus . E) Summa quaestionum F) Quaestiones iuris - Quaestiones facti G) Quaestio - Disputatio
1. CIVILISTES 2. CANONISTES
3.
237 237 239 239 240 240 241 241 243 243 245 246
CHAPITRE 11: ÉVOLUTION OU GENRE
SYNTHESE.
9
TABLE OES MATIERES
TABLE OES MATIERES
261 261 262 263
6. RAPPORT ENTRE TEXTES ET DISPUTES 1°) Établissement du texte 2°) Du texte à Ia dispute 7. POURQUOI COPIE-T-ON LES QUESTIONS? CHAPITRE IV: LE RÉPERTOIRE OES COLLECTIONS ET OES
266 266 266 267 267 268
QUESTIONS ..
1. NÉCESSITÉ ou RÉPERTOIRE 2. D1FFICULTÉS RENCONTRÉES 3. PLAN ou RÉPERTOIRE . 1°) Partie descriptive . 2°) Table par matiêres
270 270 271 272 274 274
CHAPITRE V: REGLES POUR L'ÉDlTION CHAPITRE III: REGLES DE CRITIQUE
1.
LA QUESTION
10) Rubrique 2°) Préambule 3°) Théme . 4°) Question (ou Problême) 5°) lndication de l'action 6°) Argumentation . a) Présentation b) Mode
de citation
c) Nature d) Ordre
des textes juridiques
des arguments suivi dans
e) Réponses
f) Introduction g) ..Contra" .
invoqués
l'argumentation
aux objections du "Contra"
7°) Solution a) En général b) Degré
de certitude
c) Sigles
8°) Organisation des éléments de Ia question ~) Textes incomplets . 2. LES COLLECTIONS
3.
REMANIEMENTS OU RELECTURES?
4. AUTEUR
5.
DAT
248 248 248 248 248 249 249 250 250 251 252 252 253 253 253 254 254 254 254 254 255 255 256 258 260
1.
QUE FAUT-IL ÉDlTER?
2. 3. 4. 5.
REGLES CRITIQUES
.
.
PRÉSENTATION ou TEXTE PRÉSENTATION OES ALLÉGATIONS CHIFFRÉES "APPARATUS FONTIUM"
CHAPITRE VI: DOMAINES DE L'HISTOIRE QUE LE GENRE PEUT AIDER À CONNAITRE
1. 2.
275 275 276
.
APPORTS À L'HISTOIRE OU OROIT APPORTS À L'HISTOIRE DE LA CIVILISATION
QUATRIEME PARTIE LA QUESTION DANS
LES
DISPUTÉE
FACULTÉS
DE MÉDECINE
(par DANIELLE JACQUART)
2 1
B IBLIOGRAPHIE CHAPITRE I: ÉVOLUTION OU GENRE: LA OOUBLE TRADlTION O
1. LA FORME QUE TIONS-RÉPONSES OANS LA LITTÉRATUR AL
PRÉ-
AL RNITAINE
.
LA
285
"QUESTION" MÉDlCALE M
(-
2
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT 2. LES QUESTIO S SALER IT AI ES . 3. LES QUESTIO S DA S LES COMME TAIRES 4. LES DISPUTES DANS LES FACULTÉS DE MÉDECINE A) Paris B) Montpellier C) Bologne C~APlTRE
11: REGLES DE CRITIQUE SUIVANT LE TYPE DE
300
RÉDACTION
1.
LES QUESTIONS PORTANT MENTION D'AUTEUR, DE DA TE DE DISPUTE
2. LE "CONCILIATOR"
DE LIEU ET/OU
300
.
DE PIERRE D'ABA
O ET SO
305
INFLUENCE
3.
287 290 293 294 296 297
LES RECUEILS DE QUESTIONS CONSACRÉES A UN THEME PARTI-
307
CULIER Gl-lAPlTRE
III:
DOMA INES DE L'HISTOIRE À CONNAITRE
QUE LE GENRE PEUT AIDER
.
1. CENTRES D'INTÉRÊT INTELLECTUEL . 2. LIENS AVEC LA PHILOSOPHIE ET LES AUTRES
SCIENCES
3. THÉORIE ET PRATIQUE
.
310 310 311 313
Les traités et manuels traditionnels de critique historique ne font pas de place aux sources philosophiques et théologiques. Inversement, les historiens de Ia philosophie et de Ia théologie n'ont guêre consacré d'ouvrages à Ia méthode qu'ils mettent en ceuvre dans leur discipline. La réflexion sur celle-ci est le plus souvent dispersée dans des articles portant sur des ceuvres particuliêres et dans des introductions d'éditions. Élargir le champ des traités traditionnels et conduire une réflexion systématique sur les rêgles de critique propres aux sources théologiques et philosophiques entraine par conséquent, dans une premiêre étape, Ia nécessité d'adapter les schémas généraux d'exposés à Ia situation de fait. D'oú l'ampleur insolite de ce volume par rapport à ceux qui l'ont précédé. Il comporte des développements sur Ia technique de Ia disputatio qui excêdent quelque peu les strictes exigences de Ia Typologie: c'est que, même lorsqu'ils ne sont pas indispensables à une critique et à une exploitation correctes du genre, ils aident à mieux percevoir le Sitz im Leben (comme disent les praticiens de Ia Formgeschichte) des questions disputées et des questions quodlibétiques, peu familiêres à beaucoup d'historiens. On a donc estimé utile de conserver ces développements pour faciliter I'accês à ces sources. En outre, ils apportent des solutions originales des auteurs, qu'il convenait de livrer au publico Mais ces passages sont imprimés en petits caractêres. La quaestio, qui précêde chronologiquement Ia quaestio disputata, sera traitée - ainsi que ses origines lointaines - dans un fascicule consacré aux gloses et aux commentaires. Comme Ia disputatio a été pratiquée dans toutes les Facultés universitaires, on a fait appel à des spécialistes de diverses disciplines. Tous ne sont pas toujours d'accord sur tous les points. On n'a pas gommé ces divergences : chaque auteur demeure maitre de ses opinions. Certains se sont attachés davantage à tel ou tel aspect des problêmes, qui leur a paru requérir de plus longs développements. L'état de Ia documentation et des connaissances explique l'ampleur de Ia Partie consacrée à Ia Faculté de théologie par rapport aux Facultés de droit et de médecine. Des raisons pratiques ou contingentes (décês de collaborateurs) ont amené à réserver pour un volume spécial les genres issus de Ia disputatio à Ia Faculté des arts. Les bibliographies offrent quelques répétitions: on les a maintenues afin que chaque Partie du volume, prise en elle-même, soit munie de Ia bibliographie qui lui est nécessaire. L.G.
PREMIERE PARTIE
LES QUESTIONS DISPUTÉES, PRINCIPALEMENT DANS LES FACULTÉS DE THÉOLOGIE PAR BERNARDO
C.
BAZÀN
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17
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BIBLIOGRAPHIE
ZAVALLONI,
R., Richard de Mediavil/a et Ia controverse sur Ia pluralité Louvain, 1951 (Philosophes médiévaux, Il).
des formes.
CHAPITRE I
SIGLES EMPLOYÉS AHDLMA BTAM RTAM
Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge. Paris. = Bulletin de Théologie ancienne et médiévale. Louvain. = Recherches de Théologie ancienne et médiévale. Louvain. =
DÉFINITION
DU GENRE
Définir une réalité historique mouvante n'est pas chose facile. C'est particuliêrement vrai dans Ie cas de Ia disputatio médiévale. Elle se présente à nos yeux comme une activité qui ne cesse de se métamorphoser par l'addition d'éléments dont on doit tenir compte dans sa définition, mais aussi par Ia perte d'autres éléments qui, à un stade déterminé, semblaient constitutifs du genre. Les raisons de ce caractêre plastique et dynamique de Ia disputatio sont multiples, et il convient de Ies signaler avant de risquer une définition, afin de justifier Ia valeur purement instrumentale et approximative qu'on attribue à celle-ci, La premiêre raison est que Ia disputatio est au cceur même de Ia scolastique médiévale et se développe au fur et à mesure que mürit l'esprit scientifique du Moyen Âge. La disputatio, en tant que méthode scientifique, s'affirme comme résultat de Ia maitrise de Ia Iogique et du développement de l'esprit spéculatif des penseurs médiévaux, c'est-â-dire de Ieur capacité de poser rigoureusement des problêmes à propos des grands textes qui constituaient Ia colonne vertébrale de Ieur culture, de discuter Ies autorités qui nourrissaient Ieur tradition et d'examiner ces problêmes de façon personnelle à partir d'une perspective théorique et pratique propre à Ieur temps. La disputatio est ainsi une expression et un produit de Ia conscience de soi de Ia culture scientifique médiévale. Cette culture scientifique s'insêre dans Ie cadre plus Iarge d'un organisation sociale qui imprime des modalités propres à son exercic . La disputatio s'est développée au sein des universités, Iesquelles, à I ur tour, étaient conçues à l'instar des corporations de métier. Au sein d celles-ci, maitres et apprentis étaient unis dans Ie but commun d'exerccr Ie métier et de réaliser Ies eeuvres qui lui étaient propres. La transmission et l'acquisition de ce métier s'accomplissaient dans un même acte, dan une même pratique, ou Ies maitres témoignaient de Ieur art et ou le apprentis s'éduquaient à l'accomplissement de cet art. Enseignement et apprentissage étaient deux aspects du -même acte et de Ia même pratique. Dans Ie cas de l'université, Ie métier est celui de l'intellectueI, et l'ceuvre propre, l'établissement d'une vérité rigoureusement fondée. La disputatio devient l'acte et Ia pratique par excellence ou ce métier s'acquiert. IJe
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CHAPITRE I
est donc en même temps méthode d'enseignement et méthode d'apprentissage, Ieçon, épreuve et exercice. Cela est important ear, comme nous Ie verrons dans Ie paragraphe consacré i l'évolution historique du genre, et comme l'a signalé si heureusement Thurot "les fonctions du maítre tendent i se confondre avec Ies devoirs de I'étudiant" I. Étant donné que Ia responsabilité principale de Ia corporation vis-i-vis de Ia société est de veiller i ce que I'apprenti parvienne i Ia maítrise du métier, plusieurs formes de disputatio vont se développer comme moyen de mettre en relief et de certifier Ie degré de dextérité de l'apprenti. On verra que cet aspect de Ia disputatio comme épreuve et exercice (c'est-â-dire comme devoir de l'étudiant) prendra Ie dessus sur Ia fonction magistrale. Méthode scientifique et méthode d'enseignement-apprentissage liée i Ia maitrise progressive de l'instrument Iogique, Ia disputatio suppose aussi Ia connaissance des conflits opposant Ies grandes traditions intellectuelles qui confluent et s'affrontent i partir du XIIe siêcle et qui vont susciter Ies "problêmes", Ies "questions", thêmes de Ia dispute. Enfin, Ia disputatio est liée i l'éveil de Ia eonscience spéculative de l'Occident qui recherche son propre profil culturel i travers un dialogue exercé au sein d'une organisation corporative socialement responsable de Ia formation des cadres intellectuels. Mais Ia disputatio est aussi un scénario, un événement social, un tournoi, ou sont discutés publiquement Ies problêmes théoriques et pratiques du temps, ou Ies maitres sont mis i l'épreuve et trouvent l'occasion de faire briller Ieurs talents. Elle est donc Ie lieu de rencontre de plusieurs éléments dont l'équilibre déterminera sa valeur, mais dont Ia tension interne l'exposera i des abus et i des excês ; ceux-ci se manifesteront au moment de sa décadence et I'on ne manquera pas d'y voir un des vices de Ia scolastique. Aprês cette évocation historique, revenons au projet de trouver une définition. Déjâ Ie XllIe siêcle avait proposé des définitions rigoureuses de Ia disputatio. Ainsi, dans Ie traité De fallaciis attribué i saint Thomas, elle est définie comme "actus syllogisticus unius ad alterum ad aliquod propositum ostendendum" 2. Cette définition est adéquate pour caractériser 1 Ch. THUROT,De /'organisation de l'enseignement dans l'Université de Paris au Moyen Age. Paris, 1850, p. 20 I. 1 "Disputatio est actus syllogisticus unius ad alterum ad aliquod propositum ostendendum. Per hoc quod dicitur actus, tangitur disputationis genus; et per hoc quod dicitur syllogisticus, tangitur disputationis instrumentum, scilicet syllogismus, sub quo comprehenduntur omnes aliae species argumentationis et disputationis, sicut imperfectum sub perfecto; et per hoc
OÉFINITION
ou
GENRE
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Ia disputatio en tant que méthode scientifique, Elle Ia situe clairement dan Ie genre des actes scientifiques, signale l'instrument dont on s'y sert, le syllogisme, indique Ie caractêre dialogique de I'activité, qui implique Ia présence d'au moins deux personnages (opponens et respondens), et mel en évidence Ie but de cette recherche, i savoir Ia démonstration (ostensio) de Ia vérité touchant une question soulevée ou proposée (propositum). Elle s'avêre toutefois insuffisante du point de vue historique, car elle ne met pas suffisamment en relief Ies autres dimensions de Ia disputatio en tant que méthode d'enseignement, exercice d'apprentissage et épreuve de compétence professionnelle imposée par Ia corporation. Toutefois, comme Ia méthode scientifique ainsi décrite constitue Ie trait commun aux diverses formes de disputatio que relêvera notre enquête historique, on peut retenir Ia définition proposée comme une définition générique valable de Ia dispute médiévale 3. L'indéterrnination de cette définition générique et, j' ajouterais, quasi formelle, a d'ailleurs ses avantages. Ne faisant pas Ia distinction entre méthode de recherche de Ia vérité et méthode d'enseignement de Ia vérité déjà acquise, elle permet de saisir un des traits saillants de Ia scolastique, i savoir que recherche et enseignement peuvent corncider distinguitur disputatio ab actibus corporalibus, ut currere vel comedere; et ab actibu voluntariis, ut amare et odisse: nam per hoc quod dicitur unius ad alterum, tanguntur duae personae opponentis et respondentis inter quas vertitur disputatio; etiam hoc additur ad dilferentiam ratiocinationis quam habet qui secum ratiocinatur. Per hoc autern quod dicit ad propositum ostendendum, tangitur disputationis elfectus, sive terminus aut Rni proximus; et per hoc distinguitur disputatio a syllogismis exemplaribus, qui non inducuntur ad ostendendum propositum aliquod, sed ad formam syllogisticam exernplifícandum" ( 11 par P. MANDONNET,S. Thomae Aq. Quaestiones disputatae. Paris, 1925, Intr du 'lIon /I Ia Question à Ia Dispute, p. 3). 3 Une définition générique semblable, bien que moins complete, c t propo . 11" Pelster: "The disputation as practiscd in the thirteenth ccntury is a di U UUI 111 , scientific question between two or more disputants, of whom one und rtak th IlIh 111 defender of a particular opinion, while the other or others raise objecti n: md dllll Ultl ' against this opinion" (LITTLE-PELSTER,Oxford Theology and Theologtans, c. /111 / /(I Oxford, 1934, p. 29). Mgr Glorieux trouvait le trait générique sur le plan du m (1111 111' formeI de Ia dispute, et le trait distinctif sur le plan des acteurs qui prenncnt purt lu dispute: "Le trait commun qui les marque toutes (les formes de dispute) et Ics cara téri • est I'alternance des objections, des exposés et des réfutations, jointe à Ia mulliplicité d " acteurs ... Quant à Ia distinction entre les diverses disputes, elle tiendra au nombre ct Ia qualité des acteurs qui interviennent; à Ia qualité de celui qui préside et mêne ; à Ia façon enfin dont sont choisies et proposées les questions" (P. GLORIEUX,L'enseignement au moyen âge. Techniques et méthodes en usage à Ia Faculté de Théologie de Paris. au XJlI' siêcle, dans AHDLMA, 43 (1968), p. 123). La définition générique nous parait insuffi ante, quant aux traits distinctifs, il nous semble préférable de les situer sur le plan des fonctlons ignée à chaque type de dispute, comme on aura I'occasion de le voir dans le paragr ph
uivant.
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CHAPITRE
I
dans un même acte caractérisé par l'examen critique et Ia confrontation d'opinions fondées (sur l'autorité etjou sur Ia raison), dans un dialogue rigoureux ou Ia vérité est découverte, enseignée ou apprise par l'affrontement d'arguments provenant de Ia tradition et de Ia raison 4. Si nous avons adopté Ia définition générique et formelle proposée cidessus malgré ses insuffisances historiques, c'est parce que Ia description des origines et du développement de Ia disputatio permettra de saisir Ie genre dans ses différentes formes, dans ses diverses espêces. L'enquête historique complétera ainsi Ia définition générale.
CHAPITRE
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ÉVOLUTION DU GENRE 1. LES ORIGINES
"La dispute est née de Ia Ieçon, par I'intermédiaire de Ia question" 5. Son origine peut être située vers Ia fin du XIIe siêcle 6. Les deux affirmations doivent être justifiées. A) De Ia "lectio" à Ia "quaestio"
Au début était Ia lectio, effort propre d'une culture théologique et scientifique centrée sur des textes, d'une culture en situation herméneutique. En Occident Iatin, Ia Bible occupe Ia place privilégiée. Mais autour d'elle Ies "matériaux" de Iecture ne cessent de s'accumuler; Origêne, S. Ambroise, S. Jérõme, S. Augustin, S. Jean Chrysostome, S. Grégoire fournissent Ies lumiêres principales de ce travail d'exégêse. Bientôt Ies interprétations des Pêres de 1'Églisefont I'objet de compilations, de florilêges, de recueils. Ces formes littéraires transmettent Ies "sentences" des auctoritates qu'un théologien ne pouvait méconnaitre dans l'exercice de son métier. Celuici n'est pas un simple exercice de Iecture, mais une discipline scolaire dont le but est de maitriser Ia Iettre du texte sacré afin de Ia dépasser et de parvenir à son sens profond. "Dans son équipement complet, Ia lectio se développe sur trois épaisseurs: littera, simple explication des phrases et des mots selon Ia teneur de leur immédiat enchainement; sensus, analyse des significations de chacun des éléments et traduction en langage clair du passage étudié; sententia, dégagement de Ia pensée profonde au-delà de l'exégêse et véritable intelligence du texte" 7.
• Ou point de vue pédagogique, Ia dispute médiévale a été un succês: l'étudiant est censé apprendre Ia vérité en même temps que Ia méthode de recherche de Ia vérité. 11 apprend des contenus en rnême temps. qu'il s'exerce à Ia maniêre de les obtenir. Comme toute pédagogie active, elle se prête à des abus: cf. infra, n. 291. Ajoutons que cette pédagogie est fortement soutenue par Ia structure corporative de l'université médiévaIe, maitre et étudiants ont conscience nette d'exercer un même métier (à des niveaux difTérent de compétence, bien entendu, mais unis de façon solidaire dans Ia poursuite d'un but commun). ú
, P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 123. • LITTLE-PELSTER,Oxford Theology ... (1934). p. 29: "While in the case ofthe questions about the middle of the twelfth century it cannot be definitely decided whether they are disputations in the strict sense, we possess from the' time about the turn of the century a goodly number of questions of Prepositinus, Stephen Langton, and Simon de Tournai". 7 M.-O. CHENU, Introduction à l'étude de saint Thomas d'Aquin, Paris, 1954, p. 70. Cf. du même auteur, La Théologie au douziême siêcle, Paris, 1957, pp. 330-331. Le P. Chenu renvoie à HUGUESDE SAlNT-VlcroR,Didascalion, lib. m, C 9; PL, t 176,771 O: "Expositio
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CHAPITRE
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ÉVOLUTION
La raison phiIosophique a aussi contribué à ce travaiI d'intelligence des doctrines sacrées. Depuis Ia réforme de CharIemagne 8, I'étude de Ia sacra pagina était précédée par celle des artes liberales ou l'intellectueI trouvait Ies instruments nécessaires pour l'exégêse. Sous I'inspiration du De doctrina christiana de saint Augustin et des travaux de Boêce, de Cassiodore et d'Isidore de Séville, Ies chrétiens mobilisent Ia science profane au bénéfice d'une compréhension pIus profonde du texte sacré, Ils voient dans Ies arts Iibéraux Ies degrés qui doivent conduire l'esprit "ad culmina sanctarum scripturarum" 9 Boêce, Porphyre et Aristote (logica vetus) d'un côté, PIaton et Ies néopIatoniciens (Calcidius, Marius Victorinus, Macrobe, Ie Pseudo-Denys) de l'autre, joints à Cicéron, fournissent de nouveaux éIéments de Iecture et de réfíexion. Textes bibliques, textes patristiques, textes philosophiques, teIs sont Ies matériaux de Ia lectio. Ils jouissent d'un caractêre privilégié: Yauctoritas. Mais un déveIoppement important s'est produit dans Ia constitution de Ia scolastique. Cherchant à découvrir Ie sens d'un texte biblique, Ies théoIogiens ne se sont pas contentés de faire appeI à une auctoritas, Ils ont commencé à en examiner Ia valeur et Ia portée. Si une autre auctoritas offrait une interprétation différente, cette opposition arnenait Ies esprits au doute. Du coup, Ie simpIe argument d'autorité s'avérait insuffísant. Pour sortir de I'altemative, il falIait examiner critiquement Ies opinions en présence, établir Ia nature et Ie poids des arguments, éventuellement se pIacer dans une perspective ou ils puissent être conciliés. "C'était I'occasion d'ouvrir une petite discussion. La dialectique prêtait alors son concours à cet échange de vues; elle y intervenait du moins pour une certaine parto Ce procédé, dans son ensembIe, constituait une quaestio" 10 C'est Ia conscience d'une dissonance, d'une insuffisanceou d'une ambigurté dans Ia tradition qui suscite Ia questiono AbéIard expliquait de cette façon 0
0
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DU GENRE
I'origine de cette nouvelle méthode: "aliqua (diversa sanctorum Patrum dieta) ex dissonantia, quam habere videntur, quaestionem contrahentia"; et il ajoutait: "dubitando enim ad inquisitionem venimus; inquirendo veritatem percipimus" 110La "quaestio" est donc, initialement, un problême d'interprétation dont Ia forme, Ia nature et Ia soIution cherchée sont ainsi définies par Gilbert de Ia Porrée: "ex affirmatione et ejus contradictoria negatione quaestio constat. Non tamen omnis contradictio quaestio esto Curo enim altera contradictionis pars esse vera, altera vere nulla prorsus habere veritatis argumenta videtur ooo aut curo neutra pars veritatis et falsitatis argumenta potest habere 000tunc contradictio non est quaestio. Cujus vero utraque pars argumenta veritatis habere videtur, quaestio est" 12 Ainsi donc, Ia question prenait naissance autour d'un texte et elle était motivée soit par Ia rencontre d'une expression vague ou d'interprétations divergentes ou d'autorités opposées dans Ieurs soIutions d'un même problême, mais ayant en Ieur faveur des arguments de poids. Comme on l'a signalé, Ia question "débordait l'exégêse immédiate, puisqu'elle mettait en cause, en vue d'une éIaboration doctrinale personnelle, deux textes contradictoires, voire deux auteurs" no Le fait important est qu' avec Ia quaestio, l'intellectueI assume un nouveau rôle. Il n'est pIus un instrument passif de transmission de Ia vérité trouvée par Ies auctoritates. Il doit Iui-même participer à Ia recherche de Ia vérité. C'est à Iui de "trancher Ia question", avec une nouvelle forme d'autorité qui Iui vient de l'exercice de Ia raison théoIogique et scientifíque. Si le texte (ou Ies textes) est l'éIément premier de Ia quaestio, Ie deuxi m également important, est un maftre capabIe de s'incorporer activemcnt t Ia tradition en y ajoutant de son propre effort dans l'intelligencc de lu foi. C'est pour cela qu'on a pu estimer que Ie trait principal d lu Frühscholastik "serait le fait de reconnaitre comme auctoritas, à c t I Ia doctrine des Pêres, Ia doctrine de maitres récents" 14 L'intr du '11011 0
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tria continet: litteram, sensum, sententiam.."; à ROBERT DE MELUN, Sententie, Praef., éd, MARTIN, 1947, p. 11: "Quid enim aliud in lectura quaeritur quarn textus intelligentia, quae sententia nominatur"; à JEAN DE SALISBURY, Metalogicon,libo I, C. 24; éd. WEBB, p. 56; à GUILLAUME DE CONCHES, Comm. in Timeum, prol., ms. vat. Urbin, Lat. 1389, f I. Tous ces textes mettent en évidence le caractêre réfléehi de Ia méthode scolastique dans sa premiêre forme, Ia lectio. (Pour tout ce problême, cf G. PARÉ, Ao BRUNET, P: TREMBLAY, La renaissance du Xlleosiecleo Les écoles et l'enseignement. Paris-Ottawa, 1933, p. 115-1170 • Cf. F. VAN STEENBERGHEN, La philosophie au X//le siêcle, Louvain, 1966, p. 55-650 • ALCUINUS, De grammatica, PL, t. 101,853-854, cité par VAN STEENBERGHEN, op. cit., p, 570
I.
R.Mo MARTlN, Oeuvres de Robert de Melun, J, Louvain,
1932, po XXXVI.
" ABELARD, Sic et non, Prologus: PL, t. 158, 1349; eité par R.M. MARTlN, op. ctt , p. XXXVI. "GILBERT DE LA PORRÉE, De Trinitate (éd. HARING, p. 37; PL, t. 64, 1258 D), clt par HoC. VAN ELSWIJK, Gilbert Porreta, sa vie, son IFUvre, sa pensée. Louvain, 1966 (Spicilegium saerum lovaniense, 33), po 271. L'autoeuT signale Ia dépendance de ilberl par rapport à Boêce, IJ MoDo CHENU, Introduction à l'étude de Saint Thomas d'Aquin .. o (/954), p. 71-720 " A.M. LANDGRAF, Introduction à l'histoire de Ia littérature théologique de Ia scolasttque naissante. Montréal-Paris, 1973, p. 24-25. L'auteur se demande, de façon três pertincnl , i la Frúhscholastik a débuté du fait qu'on a commeneé d'admettre I'auctoritas de magtstri M
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CHAPITRE
'V LUTI
II
de Ia quaestio comme méthode élêve Ia théologie au rang d'un véritable savoir rationnel, car elle va évoluer comme élaboration spéculative des données de Ia foi plutôt que comme simple interprétation dialectique des textes patristiques. Mais comme Ia quaestio est un procédé lié à l'enseignement, le changement de rôle des maitres s'accompagne d'une modification parallêle sur le plan pédagogique, qui afIecte le rôle de l'étudiant: "Il n'est pas difficile de remarquer ce qui distingue, du point de vue pédagogique, Ia Quaestio de Ia Lectio. Soumis à cette derniêre méthode, l'étudiant est plutôt passif, il reçoit l'enseignement du maitre. Par Ia Quaestio, son esprit est mis davantage en éveil et appelé à ré agir, à comparer, à juger, à discuter, à creuser plus à fond un problême" 15. Landgraf attribue le progrês de Ia connaissance à trois facteurs: les matériaux dont on dispose ; les instruments qui permettent de les exploiter, les intelligences qui ont à mettre en reuvre ces matériaux grâce aux moyens dont elles disposent 16. On connait déjà les matériaux dont disposaient les intellectuels de Ia scolastique naissante 17. On a vu aussi l'importance grandissante des magistri. Il reste à dire un mot des instruments de travail. Grabmann a déjà noté que les oeuvres logiques traditionnelles, telles que l'Isagoge de Porphyre, les commentaires de Boêce, les Catégories et le Peri Hermeneias ne suffisaient pas pour expliquer le développement de Ia méthode scolastique 18. Ce sont les médiévaux eux-mêmes qui ont forgé ces instruments de travail. Les eeuvres logiques d' Abélard, les questions de Gilbert de Ia Porrée, de Robert de Melun, d'Odon d'Ourscamp, de Simon de Tournai, de Clarembaut d'Arras, parmi d'autres, sont à mettre en avant, pour leur importance méthodologique. Le Sic et non d' Abélard a été désigné, à juste titre, comme décisif à cet égard. "li a mis en pratique [Ia méthode] en commentant l'épitre aux Romains, ou nous comptons une trentaine de Questiones de l'espêce, C'est l'reuvre à
à côté de celles des Pêres, ou si ce n'est pas plutôt I'apparition de maitres capables d'acquérir, par Ia force de leur pensée, une autorité susceptible d'exercer une influence durable et d'apparaítre, à Ia conscience de I'époque de même rang que celle des Pêres, qui a provoqué Ia reconnaissance de l'auctoritas des magistri.••. " R.M. MARTIN. (Euvres de Robert de Melun, 1 (1932) '6 A.M. LANDGRAF.Introduction ...• p. 29. 17 Le besoin de systémaliser I'héritage de Ia tradition mêne à un geme littéraire particulier à Ia Frühscholastik, à savoir les Recueils de Sentences. a. LANDGRAF.op. cit.• p. 44 svv. Les sentences de Pierre Lombard sont l'aboutissement de cet effort et cet ouvrage devient le texte de lecture obligatoire dans les Facultés de Théologie au XIlle siêcle, Cf. PAR • BRUNET.TREMBLAY.La Renaissance ...• p. 116. n. I. 18 M. GRABMANN.Geschichte der scho/astichen Methode, 11. Fribourg, 1911. p. 424.
N OU
NR
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c mmentaire de Robert de Melun est le plus étroitem nt elui-ci Ia surpasse par son plus grand nombre de que ti ns, I P,II I fuit qu'il 'étend à plus d'épitres de saint Paul. Robert de Mc1un I pl ic ain i au centre de cette littérature spéciale, qui, inaugurée par 11 -I li ti ,t ilbert de Ia Porrée, arrête légêrement l'attention de Pierre I IIl1lh rrd et e poursuit aprês Robert de Melun avec Odon d'Ourscamp, 11111111 d ournai, Prévostin et Étienne Langton" 19. Avec Ia méth d dl.111 uqu , élaborée à partir de l'héritage ancien et enrichie par leur 1'1111 I ff, rt, les médiévaux disposent de l'instrument nécessaire pour I 11I mürir Ia scolastique 19bi'. La quaestio est son premier fruit. Avec elle, 11 I \11 que ynthêse de texte, problême, méthode et maitre ayant autorité I' I oun lIe, un phénomêne fondamental apparait: les écoles. Celle I' 1\ Ime de Laon et de Guillaume de Champeaux, d'Abélard (et de I 1111 rt d Melun), de Gilbert de Ia Porrée (Thierry de Chartres, Clarembaud d' I nu , imon de Tournai, Alain de Lille), de Hugues de Saint-Victor ( I 11 Richard), de Maítre Simon, de Pierre Lombard, sont le plu I 111 uquables 20. Chose importante, les écoles qui n'ouvrirent pas leur )11111, Ia nouvelle méthode ou qui restêrent étrangêres à son influence, • I \ nirent avant Ia fin du XIIe siêcle. Ce fut le eas de celle de Saint'l'I'
II
11 '11\.
lor 21. IJ tl premiêre conclusion
se dégage de cet exposé: Ia quaestio e t un liée à un texte comme à sa source, su citée par I rllrnnt ment d'opinions divergentes autour d'un passage controver , 1\11 oblige le maitre à résoudre le problême par l'applicati n d Ia di ti nique à l'évaluation des opinions en présence, acte dan lequ I il ( o irrne comme autorité et comme principe actif dan le pr , us d' I [ui ition de Ia vérité. Ainsi les quatre élément con titutif quaestto ont: le texte, Ia dissonance d'opinions fondée ur I It 1(. Ia méthode dialectique, le maitre en acte d'en eignement r
1111
li\( de d'enseignement
"I M MARTlN. (Euvres de Robert de Melun, p. XLIV. Selon H.C. VAN LWI J ( llbrrt /' «rrt«, fi 275). c'e t Gilbert de Ia Porrée qui haussa Ia quaestio "au rang d m thod 11 "I d b rdant les limites de Ia problématique relevée dans les textcs p tri tlqu ", 1I ,li rm iu i I'inftuence prépondérante de Boéce, en particulier de son De Hebdomadlbu .• ,I " I' 1 b rati n de Ia théorie de Ia quaestio. , ., 111 d a1isbury, remarquant l'importance de Ia dialectique, disait pr fi du 11, VIII d Topiques : "nam sine eo non disputatur arte. sed ca u", Me/a/ogl fi, 111,
c
fi
(ti
WPIlIl. p. 154).
I • cf. LAN RAF. Introducüon, , Jt M MAR'IIN, muvr s ...• I, p. XXX 11I. 1'11111
chapitre 111.
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HAPITR
II
IV
Née au XIIe siêcle, mais avec des antécédents plus Iointains 22, Ia quaestio constitue un genre qui fera une Iongue carriêre dans Ies universités des XIIle et XIVe siêcles. La seule variante importante à reIever intéresse le second éIément: Ies opinions divergentes en discussion. ElIes pourront provenir non pIus seulement des "auctoritates" en conflit à propos de l'interprétation d'un texte, mais aussi du maitre lui-même qui Ies soulêvera soit en raison d'un doute véritabIe, soit comme procédé pédagogique destiné à éveiller l'attention des étudiants 22bis; elles pourront finalement être provoquées par ces étudiants, qui exprimeront Ieurs problêmes de compréhension ou Ieurs doutes sur Ies interprétations courantes. L'introduction de Ia Logica nova (Topiques, Analytiques, Raisonnements sophistiques) se traduit par une réorganisation des parties essentielles de Ia quaestio, qui demeurent Ies mêmes. Du point de vue de Ia forme de Ia discussion, Ia quaestio comprenait deux éIéments: Ia position du problême (y compris Ies thêses en conflit) et sa soIution 23. Mais déjà au temps de Gilbert de Ia Porrée, et apparemment sans que l'influence de Ia logica nova soit décisive, on avait éIaboré Ia méthode de façon raffinée: Ia quaestio informis (simpIe problême ou doute) devait d'abord devenir quaestio formata, par l'introduction des distinctions nécessaires qui précisaient le problême et le terrain de Ia discussion. li revenait alors au maitre de donner Ies arguments qui prouvent Ia partie vraie de Ia contradiction et de résoudre des objections 24. Les nouveaux traités de Iogique exigeront Ia rigueur syllogistique dans l'expression des arguments et des réponses. Mais ils n'éliminêrent pas Ies autres méthodes déjà à l'ceuvre, particuliêrement celle des distinctions, éIément clé dans Ies disputes postérieures. La quaestio, liée au texte et à l'enseignement
régulier du maitre, a fait
22 A.M. LANDGRAF,op. cit., p. 48: "Ia question était connue dês le IXe siêcle comme un exercice scolaire de même importance que Ia lectio", Cf. aussi, G. BARDY,La littérature patristique des Quaestiones et responsiones sur I'Éeriture Sainte, dans Rev. bibl., 41 (1932), p. 210-236, 341-369, 515-537; XLII (1933), p. 14-30, 211-229, 320-352. 22bi. R DE MELUN, Q. de epistolis Pauli (éd. MARTIN,p. 3): "Quaestiones aliquando fiunt causa dubitationis, aliquando causa docendi". 23 RM. MARTIN, CEuvres... , I, p. XXXVI. 24 Cf. GILBERTDE LA PORRÉE,De Trinitate (éd. HARING,p. 38; PL, t. 64, 1259 A), cité par VAN ELSWIJK,op. cito p. 273. Cet auteur synthétise comme suit le processus à suivre dans Ia quaestio porrétaine: "Ia quaestio : laquelle des parties contradictoires est Ia vraie ? - Le doute (dubitatio): des arguments contradictoires, lequel est I'argument décisif? - Ia solution (solutio): l'application des distinctions en vue d'éliminer I'ambiguité -Ia confirmation (confirmatio): I'apport des arguments établissant définitivement Ia vérité d'une des parties contradictoires" .
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un I ngue carri re. li faut ouligner que Ia "mise en que tion" avait licu dan Ia leçon du maitre sur un texte; elle n'était pas un exercice éparé, mai plutôt une méthode visant Ia compréhension pIus profonde de cc tcxte. Dans ce sens nous nous rangeons à l'avis de R.M. MARTIN contre Ia simplification opérée par LACOMBE et LANDGRAF qui ne distinguent qu'entre Ia lectio et Ia disputatio 25. 11 faut absoIument maintenir Ia quaestio comme une espêce différente de Ia disputatio, son caractêre spécifique tant le rapport à un texte. C'est dans cette espêce qu'il faut ranger non eulement Ies questions théoIogiques posées à l'occasion des textes sacré , mais aussi Ies commentaires sous forme de questions que Ies artien produisirent à l'occasion de I'enseignement des textes aristotéliciens. A partir du XIIe siêcle, Ia quaestio s'installa comme un procédé normal d'exégêse, à côté de l'explication littérale. "La Quaestio theologica ... e t posée et discutée encore au cours de Ia lectio; mais aprês, chez Simon de Tournai et ses successeurs, elle est détachée de l'exposé d'un texte et devient un exercice autonome" 26. Ce nouveau toumant de Ia méthode scoIastique est étudié dans Ies pages qui suivent. B) De Ia "quaestio" à Ia "disputatio" Le passage de Ia quaestio à Ia disputatio, caractérisé par le détachement progressif à l'égard du texte, a été présenté comme un processus naturel, dü à Ia maturité de l'esprit scientifique médiéval et à une pIus grande
2> RM. MARTIN, CEuvres... , I, p. XLIV-XLV: "Alors même qu'une des forme. ti' 1I Quaestia, était Ia disputatio en comprenant par ce terme un exercice autonomc, d tudl de Ia lectio et mené de concert par les étudiants ou les auditeurs et le maltr , nru n'empêche que Ia Quaestio dans Ia forme qu'elle avait antérieurement n'ait ub 181, I que le maitre n'ait continué à poser et résoudre une question au cours de a I çon I c fait même existe au temps de Saint Thomas. Ses leçons magistrales sur les Êvan 11. 11 sont une preuve manifeste", cf. G. LACOMBEet A. LANDGRAF,The "Quae tion r" o/ Cardinal Stephen Langton, dans New Scholasticism, IV (1930), p. 130 et p. 160-164 26 Ibid. Une opinion semblable à celle de R MARTIN est exprimée par PARÉ, BRUNVI, TREMBLAY,La renaissance ... , p. 129, n. 1: "pour Ia plus grande partie du XIIe i cI , elon le témoignage même des oeuvres que nous en avons, Ia quaestio reste intégrée Ia leçon du maítre". Cette Iiaison entre les quaestiones et le texte explique, selon ces auteurs, le désordre apparent, le manque de systématisation propre aux recueils de questions. f. dans le même sens, P. MANDONNET,S. Thomae Aquinatis Quaestiones disputatae, p. 5: "Ces questions, en effet, qui n'ont entre elles ni ordre formei, ni lien logique, ont cependant un ordre matériel de dépendance avec le texte biblique qui les a provoquées, ou occasionnées". Le désordre idéologique des quaestiones, relevant de Ia servitude textuelle, est à distinguer oigneusement du désordre propre aux Quodlibeta, lequel relêve de "I'extrême ct plu aiguê évolution de Ia disputatio" (PARÉ, BRUNET,TREMBLAY,op. cit., p. 130-131).
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maitrise de Ia méthode dialectique 27. Examinons le facteur qui mtcrvinrent dans cette évolution et les étapes qu'on peut y discemer, afin d dégager finalement les traits qui définissent Ia nouvelle méthode. Trois facteurs doivent être signalés. Le premier est double : l'existence de maitres véritables, qui ne se limitent plus à leur fonction de cursore , mais participent activement à Ia constitution de Ia science par des prises de position personnelles; et l'existence des écoles qui fournissent le cadre adéquat ou cette fonction magistrale s'exerce. Déjà présent dans Ia constitution de Ia quaestio, le premier facteur s'est affermi par Ia pratique de celle-ci, La lecture du texte suscitait des "problêmes", des questions que le maitre était appelé à résoudre par un acte propre, par une "détermination" qui, par sa nature même, le plaçait dans une position d'autorité face aux passages controversés et aux interprétations divergentes des Pêres. Il était obligé de prendre position face au problême 28 et, ce faisant, il confirmait Ia valeur et Ia portée de son magistêre, Les étudiants, eux aussi, étaient appelés à assumer un rôle actif dans le processus d'apprentissage et dans l'acquisition de Ia vérité. Un exercice plus élevé de Ia raison théologique est impliqué dans Ia nouvelle méthode, et il conduit à une conscience plus nette des possibilités théologiques des intellectuels médiévaux face à l'autorité des Pêres de l'Église. Bientôt ce ne sera plus Ia divergence d'opinions entre les auctoritates qui soulêvera Ia question: maitres et étudiants s'emploieront à "mettre en question" des énoncés dont Ia vérité est pourtant certaine, parce qu'ils veulent s'exercer à l'acquisition active de Ia vérité, seule façon d'en saisir le sens profond et de l'assumer comme un bien propre 29. De Ia quaestio originaire, suscitée par le doute et Ia divergence d'opinions héritées, il ne reste que
27 a. PARÉ, BRUNET, TREMBLAY,op. cit., p. 129 : "les exigences de Ia réOexion philosophique les plus profondes, celles qui imposent un ordre de savoir et bientôt une organisation systématique des résultats et des problêmes, tendaient invinciblement à faire sauter le carcan du texte". Cf. M.D. CHENU, Introduction à l'étude de Saint Thomas d'Aquin ... (1954), p. 73: "11était dans Ia nature des choses que Ia question se détachât peu à peu du texte qui I'avait suscitée, et se constituât en un genre autonome en dehors de Ia lectio". a. aussi, La théologie au XIle siêcle ... (1957), p. 339. 21 Boêce disait: "Quaestio vero est dubitabilis propositio" (ln Topica Ciceronis, Iib. I, PL, t. 64, 10480). Paré, Brunet, Tremblay ont établi le Iien sémantique qui unit Ia quaestio à Ia dubitatio, au problêma et à l'aporie aristotélicienne (La renaissance ... , p. 126, n. 3). 29 Comme on l'a signalé, cette généralisation voulue de Ia "mise en question" constitue un progrês technique capital, constitutif de Ia scolastique (cf. M.D. CHENU,Introduction ... (1954), p. 72).
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• I il rnuint nant d'app rter de ar um nt n uveaux, d Ia lumi r d I. rai n, de le oumettre à I'épreuve dan 111 di I \I li n ou un dia! gue affrontant non pa de texte, mai d 111 11" 11\ ·lIr. vivant qui prennent en charge le différentes opini n . 111 IIClIIV'I1 m th de n'e t po ible qu'avec des maitres con cient d 1I 11 '111 ti I ur e prit spéculatif et dans un cadre adéquat de li I 11 ron : I le . Mais le pas décisif qui donne naissance à Ia 11putatk) ré ultat de I'affirmation de Ia raison théologique. Le 111 11\ 1I • xmfirrn dan I'exercice de leur magistêre, éprouvent le be oin ti 11111 oduir d I'ordre dans Ia série de questions soulevées par Ia lectio. I '1 'I' de Ia quaestio a produit un ensemble ou un répertoire de 1'111111 III , que I'on doit examiner suivant leur enchainement logique. 1'11111 I's ystématiser, il faut se détacher du cadre matériel fourni par le II I • iur elui-ci faít obstacle à Ia vocation constructive et aux exigence Ili onqu de Ia raison spéculative. La disputatio apparait ainsi comme 1111 ti 'v -I ppement naturel de I'eeuvre des maitres qui, par l'introducti n di I1 quaestio, ont élevé Ia théologie au rang de discipline rationnelle. I d uxiême facteur qui contribue au détachement progressif par I Ipport au texte et à Ia systématisation doctrinale est Ia littérature des \'111 'n e ". Ce genre littéraire a contribué au développement de Ia 111 t hod colastique de trois façons ; il a enrichi le vieux recueil d'auctores (I fl rilêge patristique) en y ajoutant les opinions des magistri; il a ti \ I 'h Ia sentence de son contexte littéraire; il a organisé les sentence uivunt les exigences d'un exposé doctrinal plus ou moins systém 111(11 ". Le Livre des Sentences de Pierre Lombard était promis à un én r111' su cês dans cette ligne de travail. Si en tant que "livre de text " il JlIIlI( nge Ia méthode de Ia lectio 32, il est, par son caractêre relativ m nt "
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." I ti portée de I'évolution a été bien saisie par Clarembault d'Arras: "Quid qua l/O it vnl uur esse commemorandum ... In eo autem quod dixit (Aristoteles): utrosque idem utrlsque "/'/IIIIr!, illud genus quaestionum voluit intelligi, quod de certis propositionibus constituitur, 111 l hoc: utrum margarita sit lapis necne. Quare et in eodem Topicorum tractatu, ed til lho loco, de omni propositione problema posse fieri commemorat. Sed iIIae quidem 11" I sti nes, quae de certis propositionibus constituuntur, nil habent quaestionis praeter [armam" (Der Kommentar des Clarenbaldus von A"as zu Boethius De Trinitate ... éd. W. IANSIlN, Breslau, 1926, p. 34). " f. PARt!, BRUNET,TREMBLAY,La renaissance ... , p. 117. " l'ai déjà dit, Ia disputatio n'élimine pas Ia quaestio. 11 faut ajouter que Ia lectio l nntinue aussi d'être une activité propre de Ia méthode scolastique, qui évolue par llrt .hi ement et addition des techniques plutôt que par substitution des procédés scolaire .
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systématique, de nature à favoriser Ia discussion ordonnée des "sentences", car il les présente, séparées de leur contexte, à des intellectuels qui, par ces discussions, visent à élaborer une synthêse spéculative de Ia sagesse théologique 32bis. En effet, le texte de Ia Bible ne se présente plus, au maitre du XIIe siêcle, à l'état pur, mais entouré et enveloppé par des gloses et des sentences; celles-ci constituent un réseau exégétique qu'il faut parfois percer pour atteindre une intelligence profonde de Ia foi. La discussion rigoureuse et ordonnée des problêmes théoriques soulevés dans les écoles (ia disputatio) apparait comme un moyen adéquat et nécessaire à l'accomplissement de ce projet intellectuel. Le troisiême facteur favorisant Ia consolidation de Ia technique des disputes est Ia connaissance plus complete de Ia logique aristotélicienne. La mise en circulation de Ia Logica nova aiguise l'instrument dialectique, particuliêrement Ia logique de Ia démonstration et l'analyse des raisonnements sophistiques 33. La double nature de Ia logique, science et art du raisonnement, exige une pratique des normes apprises. La disputatio est l'activité adéquate à cette fino Elle est promue par Ia connaissance de Ia logique, et elle consolide l'acquisition de cette science par Ia pratique de ses rêgles. Aprês les facteurs qui interviennent dans l'apparition de Ia dispute, essayons de préciser les étapes de sa constitution. "li est difficile de déterminer le moment ou Ia quaestio, se détachant du cours ordinaire du maítre sur le texte, constitue un autre exercice d'enseignement, une disputatio organisée, le moment par conséquent ou les quaestiones disputatae 32'", Cf. PARÉ, BRUNET,TREMBLAY,op. cit., p. 131: "Le premier fruit important que nous ayons, au milieu du Xlle siêcle, du souci croissant d'organiser en corps doctrinal les quaestiones disparates de Ia leçon traditionnelle, ce sont les fameuses Sentences de Pierre Lombard. "Je ne suis pas loin de penser, écrit le P. Mandonnet, que les quatre livres des Sentences du Lombard ne sont autre chose que les questions qu'il a soulevées ou disputécs au cours de son enseignement de Ia Bible et qu'il a finalement ordonnées en un corps de doctrine théologique". " L'enseignement de Ia logique était réservé aux écoles des arts libéraux. On peut se rendre compte de Ia richesse dont on disposait à Ia fin du XIIe siêcle en regardant Ia liste des ouvrages dont Ia lecture était obligatoire et qui a été transmise par Alexandre Neckam (vers 1157-1217): "Secundo inter liberales artes invigilare desiderans audiat librum cathegoricorum sillogismorum editum a Boecio et thopica eiusdem et librum divisionum et Y sagogas Porphiri et cathegorias Aristotilis et librum periarmenias et librum elenchorum et priores analetichos et apodoxim eiusdem et topica Ciceronis et librum periarmenias Apuleii..." (cité par J. ISAAC,Le Peri Hermeneias en Occident, de Boê e à Saint Thomas. Paris, 1953, p. 62, n. 1). J. Isaac donne, à Ia p. 64 de on ouvrag , un tableau comparatif des ouvrages dont on disposait au milieu du Xlle si ele l I fin de ce même siêcle,
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constituent un genre littéraire propre" 34. li semble que le détachement a été progressif, et qu'une premiêre étape intermédiaire doit être reconnue entre Ia quaestio et Ia disputatio. A l'occasion de Ia lecture d'un texte, nous l'avons déjà dit, des problêmes d'exégêse se sont présentés. Le maítre doit les résoudre, les approfondir, les déterminer. li les examine selon Ia méthode de Ia quaestio, en opposant les arguments et les interprétations et en apportant sa solution. Cependant certaines questions gagneraient à être traitées plus à fond et dans un cadre doctrinal plutôt que par l'analyse de textes. Elles vont faire l'objet d'un exercice distinct, d'une dispute proprement dite, dont le thême a été suggéré par Ia leçon, mais dont le déroulement lui demeure étranger" 35. Ce procédé consistant à renvoyer à une session séparée Ia discussion d'un problême doctrinal soulevé à l'occasion d'une leçon semble être déjà courant au début du XIII e siêcle 36. PARÉ,BRUNET,TREMBLAY,op. cit., p. 130. Les auteurs notent qu'il y a des antécédents lointains des disputes, qui remontent au Xle siêcle, mais qu'il ne faut pas confondre au risque d'anachronisme, avec les disputationes scolastiques étant donné Ia différence de technique dialectique et de contenu doctrinal. Voici Ia synthése historique qu'ils nous proposent: "Richer raconte que I'empereur Othon mit en présence les deux philosophes grecs Gerbert et Ottric, et leur fit discuter une question philosophique, à Ravenne, devant une nombreuse assemblêe (RICHER, Historiae, IH, 58; PL, 138, 106). Guitmond, au Xle siêcle, rapporte que Bérenger et Lanfranc auraient eu aussi entre eux une dispute de ce genre, d'oú Lanfranc serait sorti vainqueur (GUITMOND,De corporis et sanguinis Christi veritate, I; PL, 149, 1458). Enfin, pour en venir au XHe siêcle, on sait qu'Abélard s'acquit une grande gloire par son habileté dans Ia disputatio. Tout jeune, encore disciple d Guillaume de Champeaux, il força son maitre, en discutant avec lui, à modificr théories sur les universaux. Plus tard, entré à son tour en possession d'une chair , 11 envoyait ses disciples combattre tant Guillaume de Champeaux que ses élêves, et l'honn '\11 de leurs victoires rejaillissait sur lui. (Hist. cal., PL, 178, 121B). La victoire dun 1111 disputatio parait même avoir été regardée comme un signe auquel on reconnurxsult 1111'1111 disciple était devenu capable d'être maitre à son touro C'est à Ia suite de se. VI '!tu iCII discussions qu'Abélard alia fonder sa premiêre école à Melun; de même 10. WIII, 1111111 abbé d'Anchin, ayant vaincu Abélard dans une disputatio, au dire de on bl r Iph , I1 nombreux disciples accoururent pour se mettre sous sa discipline (Vita . o. wtnt, RI'''I/",I des historiens des Gaules, t. XIV, p. 443). - Mais tout cela ne témoigne pa d'un r 111I scolaire, d'une "institution"; en tout cas, point d'un genre littéraire avec XIII' , techniques et son style." (p. 130 n. 2). Cf. dans le même sens, M.D. CHENU,Introdu 11011 (1954), p. 74, n. 2. " P. GLORIEUX,L'enseignement au moyen âge ... (1968), p. 124. l6 J.P. TORRELL, Théorie de Ia prophétie et philosophie de Ia connaissance aux environs d 1230. La contribution d'Hugues de Saint-Cher (Ms. Douai 434, Q. 481). Louvain, 1977, p. 96. L'observation de P. TorrelJ est motivée par Ia façon dont Hugues de aint- her termine son Commentaire sur un passage d'Isaie concernant le non-accompli em nt d'une prophétie: "Quid autem sit prophetas videre in speculo eternitatis, disputattont relinqulmus", Pour ce qui concerne le renvoi à Ia dispute l'auteur se réfêre à B. MAU J'Y, The tudy 01 the Bible in 'the Middle Ages. Oxford, 1952, p. 210-211. )04
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Mais Ia scolastique ne remplace pas les méthodes, elle les superpose. Si Ia quaestio n'élimine pas Ia lectio, Ia disputatio liée à Ia leçon n'est pas non plus éliminée par Ia nouvelle formule qui se fait jour dans Ia deuxiême moitié du XIIe siêcle 37. En effet, Ia disputatio s'aflirme progressivement comme activité autonome vis-à-vis du texte: même le thême de Ia dispute est étranger à Ia leçon, à Ia différence de Ia disputatio semi-autonome que nous venons de présenter. Mais il faut s'entendre sur le sens de cette autonomie. Si Ia disputatio apparait comme libérée du texte parce qu'elle ne vise pas à un travail exégétique, elle n'en est pas moins rattachée à l' enseignement régulier du maitre. Elle constitue une nouvelle forme que cet enseignement assume en vue de satisfaire au besoin de construire une théologie rationnelle (et non plus simplement positive ou scripturaire). II faut souligner ce lien avec I'enseignement régulier, car il est le trait qui nous permettra de distinguer Ia disputatio ordinaria du quodlibet. Si le moment exact ou Ia dispute a acquis son autonomie est diffi.cile à préciser, Ies historiens sont d'accord pour dire qu'avec Simon de Tournai (vers 1201) le processus est achevé. "Chez Simon de Tournai, Ia dispute brise ses demiers liens avec Ia Ieçon et forme un grand exercice scolaire, prenant Ia place d'une Ieçon magistrale, qui occuperait une partie plus ou moins considérable de Ia matinée. Nous tenons ainsi le type de Ia quaestio disputata, appelée à un si grand avenir dans le moyen âge" 38. Jusqu'oú peut-on faire reculer Ia date de naissance de Ia dispute? Si on considêre celle-ci dans le sens Iarge de discussion entre deux maitres ou entre le maitre et I'étudiant à propos d'un texte ou d'un problême doctrinal, on peut aller jusqu'à Abélard dont Ia méthode pédagogique consiste, selon ses propres termes, en un double exercice: "aliud quippe est conferendo veritatem inquirere, aliud disputando contendere ad ostensionem" 39.
31 Si Lacombe et Landgraf, comme nous I'avons exprimé plus haut (cf. n. 25 et 26) n'ont pas discemé le profil propre de Ia quaestio comme différente de Ia lectio et de Ia disputatio, R. Martin, pour sa part, ne semble pas avoir reconnu cette forme semi-autonome de disputatio, toujours reliée à Ia leçon, mais rapportée à une session différente. En fait il semble que l'on peut distinguer quatre formes jusqu'à présent: lectio, quaestio (à l'intérieur de Ia leçon), disputatio semi-autonome (Iiée thématiquement à Ia leçon, mais séparée temporellement), disputatio indépendante de Ia leçon. Odon de Soissons, qui enseigne à Paris vers 1164, semble offrir un bon exemple de disputes rattachées encore à Ia leçon. Le Cardinal Pitra a édité une bonne partie de ses Quaestiones (Anatecta novissima Spicilegii Solesmensis. Altera continuatia, t. 11, Tusculana, 1888). Cf. aussi J. W ARICHEZ, Les disputationes de Simon de Toumai, Louvain, 1932, p. XIII et XLIV. 38 J. WARICHEZ, op. cit., p. XLIV. Cf. aussi R.M. MARTIN, supra, n. 26. ). ABELARD, Theologia christiana, 111; PL, t. 178, 1217.
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Mais cette pratique de Ia dispute, qui suscita des attitudes três négative de Ia part de quelques personnalités du XIIe siêcle 40, n'est pas encore notre disputatio, exercice régulier de I'enseignement d'un maitre au seio de son école ". C'est à Ia fio du XIIe siêcle (1171-1197) que Pierre le Chantre définit Ia fonction magistrale en y introduisant Ia dispute comme une de ses activités constitutives: "In tribus igitur consistit exercitium sacrae scripturae, circa lectionem, disputationem et predicationem 42." La définition a fait carriêre, car on retrouve cette triple dimension de Ia fonction magistrale dans Ia formule que le chancelier utilise, en 1350, pour conférer le grade de licencié en théologie: "Et auctoritate Dei omnipotentis et apostolorum Petri et Pauli et sedis apostolice dat eis licenciam disputandi, legendi et predicandi et omnes actus exercendi in theologica facultate qui ad magistrum pertinent, in nomine Patris ..." 43, II semble donc bien que, dês Ia fio du XIIe siêcle, Ia disputatio était
40 J. WARICHEZ, op. cit., p. XLIII: Elle avait suscité les reproches violents de S. Bernard (Epist. 188, PL, t. 182, 353), les récriminations amêres de Jean de Salisbury (Metalogicus, PL, t. 199,864 et svv.), les dénonciations indignées d'Étienne de Toumai (Lettre à Alexandre 111, PL, t. 211, 517), le silence méprisant d'Hugues de Saint Victor (il n'en souffie pa un mot dans son Didascalion). Une des "Sentences" de l'école d'Anselme de Laon, tout en mettant en relief I'utilité de Ia méthode, prévient aussi sur les abus et les excês : "Disputationis disciplina ad omnia genera questionum que in litteris sanctis penetrand et dissoluenda sunt plurimum ualet. Tamen ibi cauendum est libido rixandi et puerih quedam ostentatio decipiendi aduersarium. Sunt enim multa que appellantur sophism It.I false conclusionis, et plerumque ita ueras imitantes ut etiam ingeniosos minus dili nt I attentos decipiant. Proposuit enim quidam: quod eo (lire: ego) sum, tu n n ,,111 consentit. Tunc ille: ego homo sum ; conclusit: tu igitur homo non es. Qu d 1111 questionum Scriptura, quantum estimo, detestatur dicens: qui sophistice loquitur ml/1I11/1 Deo," (O. LOTTIN, Psychologie e/ Morale aux Xl/e et Xl//e siêcle, t.V. Gem loux, 1'1 'I, p. 324). Encore au XllIe siêcle, lorsque Ia question est depuis longtemps détach du 1 1, Roger Bacon ne manque pas de signaler les dangers de cette nouvelle rrent 11 lU 11 11 Ia théologie systématique: "Item impossible est quod textus Dei sciatur pr pter ibu um Sententiarum. Nam quaestiones quae quaeri deberent in textu ad exposition 111 t lu, sicut fit in omni facultate, jam sunt separatae a textu. Et vocatur curiosus qui in t tu vult quaestiones, licet necessarias et proprias theologiae, disputare ... Et ideo qui I unt textum non exponunt eum ... Accidit infinitum impedimentum studii" (Opus minus, d. Brewer. Londres, 1859, p. 329; cité par M-D. CHENU, Maitres e/ bacheliers de l'Untverstté de Paris v. 1240, dans Êtudes d'histoire liuéraire e/ doctrinale du Xl//e siêcle, Paris-Ottawa, 1932, p. 27). •• Cf. supra n. 34. 42 PIERRE LE CHANTRE, Verbum abbreviatum, capo I, PL, t. 205, 25. Pierre de Poiticr doit aussi être compté, avec Simon de Tournai et Pierre le Chantre, parmi ceux qui nt pratiqué Ia dispu/alio; cf. A.M. LANDGRAF, Introduction ... (1973), p. 49. ') DENIFLE- HATIlLAIN, Chartularium Univ Paris., li, n. 1185, p. 683.
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eonsidérée eomme fonetion propre du maitre. La preuve en est qu'en 1215, Robert de Courçon eroit déjà néeessaire de réglementer son exereiee dans Ies statuts qu'il rédige pour Ies Faeultés des Arts et de Théologie de Paris, besoin qui n'est eompréhensible que dans l'hypothêse d'une pratique déjà solidement établie dans Ie milieu universitaire 44. L'apparition de I'institution universitaire donnera à Ia disputatio des formes dont nous nous oeeuperons plus Ioin, Essayons d'abord de préeiser eomment se déroulait Ia dispute à Ia fin du XIIe siêcle, Les statuts ne sont d'aueun seeours à ee propos; Ies seules indieations sont fournies par I'analyse des questions elles-mêmes. Les Disputationes de Simon de Tournai sont particuliêrement importantes dans eette perspeetive, ear on en possêde une bonne édition et I'éditeur a mis en relief Ies différents aspeets de eet exereiee seolaire. Voiei eomment Wariehez a synthétisé Ia méthode des disputes 45. Quel qu'en soit Ie sujet (Éeriture, dogme, morale, droit eanonique), Ie processus semble uniforme. On pose au maitre une série de questions qu'il s'agit de diseuter. Leur nombre varie selon Ies jours, mais un lien thématique Ies unit 46. Elles sont posées non seulement par Ies étudiants du maitre, mais aussi par d'autres maitres, ear Ies disputes sont un exereiee ouvert, et, dans Ie eas de Simon, elles eonnaissaient un énorme succês 47. Mais si Ies problêmes sont posés par Ie publie, il semble bien que Ieur élaboration ineombe au maitre. Comme Ie texte dont nous disposons n'est que Ie procês-verbal, résumé, de Ia •• Chartularium, I, n. 20, p. 79. Cest Mgr Glorieux qui a insisté, comme principe méthodologique, sur le décalage temporel qu'il faut toujours supposer entre Ia pratique et Ia réglementation. "(Les rêglements) n'ont pas décrété a priori ce qu'il convenait de faire, mais bien plutôt entériné ce qui existait déjà. Ils ont traduit Ia vie, plus qu'ils ne I'ont créé" (L'enseignemem au moyen âge ... (1969), p. 67). Le bien fondé de ce principe apparait lorsqu'on examine les formules d'introduction des statuts de 1335-1366 (Chart. 11, n. 1188): "Hic sequuntur regule seu consuetudines aut statuta observata ab antiquo tempore in venerabili facultate theologie" (p. 691): "hic sequuntur alique consuetudines sive statuta observata ab antiquo tempore in venerabili facultate artium liberalium" (p. 696). ., Cf. J. WARICHEZ, Les disputationes de Simon de Toumai, p. XLIV-XLVII. Nous présentons de façon abrégée I'exposé de I'auteur, en ne retenant que les traits de Ia dispute qui peuvent être appuyés par le texte même des Disputationes. M. Pelster avait signalé des doutes concernant l'exposé de J. Warichez (cf. Oxford Theology ... (1934), p. 32, n. I). •• "Hodierna disputatione quatuor ... quinque ... duo ... quesita sunt". Le point est important, car il préfigure Ia structuration d'une quaestio en plusieurs article , et il aide à résoudre le problême de savoir queUe était I'unité de dispute. Cf. plus loin p. 76-77. .7 Voir à ce propos les témoignages de Mathieu Paris et de Thomas de antimpré (~ um super omnes doctores civitatis auditores haberet") cités par WARI HEZ, op. cit., p. X VIII
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anee de diseussion 48, il ne nous renseigne pas três exaetement sur son d r ulement. Celui-ei peut, semble-t-il, prendre plusieurs formes. Le maitre Iirige toujours Ia diseussion. Il met au point Ies arguments proposés, upplée au manque d'érudition des objeetants, souvent présente lui-même I·s arguments et Ies auctoritates qui Ies appuyent. Parfois il renvoie Ia discussion d'une question à une oeeasion ultérieure, ou rappelle à I'auditoire [ue le problême a été diseuté auparavant. Dans tous Ies eas, il lui ippartient de traneher Ia question par une soIution personnelle, même I une premiêre soIution a été proposée par Ies assistants. Parfois, Ia que tion est posée sans arguments pour et eontre, prenant Ia forme d'une rutcrrogation simple 49; Ia plupart du temps elle se présente vraiment mme une quaestio formata, avee des raisons en sens opposés. D'autre part, Ia soIution du maitre semble être Ie mot de Ia fin: il ne reprend pu les arguments pour Ies réfuter un à un eomme on est habitué à le v ir dans Ies disputes du XIIle siêcle. Dans eette soIution Ie maitre fait ippel à plusieurs proeédés dialeetiques inspirés du Sic et non d' Abélard: il introduit des distinctions qui aident à préeiser le sens du pr blême diseuté et allêgue des auctoritates qui appuyent sa position I cr onnelle. La maniêre dont eet appel à l'auctoritas est exploitée marque 110 progrês important dans Ia eompréhension de Ia tradition 50. Signalons -nfin, ear Ie fait mérite d'être remarqué, que dans Ies Disputationes de Simon de Toumai un personnage typique de Ia disputatio médiévale entre •• Lc procês-verbal était rédigé par unprepositus scolarum; cf. J. WARICHEZ, op. cit., p. I.V. Cf. dans le même sens, A.M. LANDGRAF, Introduction ... , p. 49: "11 est certain, d' unre part, qu'une véritable dispute exigeait Ia présence de plusieurs notarii chargé d'en • diger le déroulement. Le texte n'était mis au net qu'aprês coup. Les différences, s uvcnt uotubles, de Ia tradition textueUe s'expliquent par le soin inégal apporté par les nota", lnr de Ia rédaction de Ia dispute, dont les minutes ont été parfois conservées ct ont P I sé dans les recueils de questions, ainsi que par les corrections faites lors de Ia má \\1 net". On aura l'occasion de revenir sur Ia présence de ces "notam" afin de souli n r l'imp rtance et Ia portée de leur intervention dans Ia tradition textueUe. •• L'interrogation simple (ceUe qui se présente sous Ia forme d'une proposition: e t-e h. n ain i) doit être distinguée de I'interrogation dialectique (ceUe qui se présentc u ln forme d'un problême : est-ce ainsi ou non). La distinction vient de Boêce. Cf. J. ISAA , I ~ Peri Hermeneias ... (1953), p. 23. ." J. WARICHEZ, op. cit., p. XLVII: "Au lieu de citer textuellement une courte sentencc li. de toutes piêces d'un traité, sans se soucier des développements littéraires qui cn p' 'i cnt le sens, notre maitre tournaisien allêgue souvent Ia pensée de I'auteur telle IIU' 11 e dégage de tout un exposé, Ce n'est pas encore de Ia critique historique, pui qu' n " li e le circonstances de temps, de lieu et de personnes qui ont motivé Ia décisi n en IIU ti n. Mais c'est déjã mieux que les entences patristiques, cueillies isolément et I, IIt l'égal d'un texte cripturaire, comme si elle étaient de Ia même in pirntion drvin ",
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CHAPITRE11
en scêne : l'opponens, ehargé de fournir Ies arguments opposés à Ia thêse qui sera soutenue par le maitre 51. On peut done affirmer qu'à I'aube du XllIe siêcle, au moment ou Ies éeoIes eommeneent à s'organiser en universités, Ia disputatio s'est imposée eomme une fonetion magistrale nettement distinete de Ia lectio et ayant des traits bien earaetéristiques qui permettent de Ia définir. Elle est une forme réguliêre d'enseignement, d'apprentissage et de recherche, présidée par /e maftre, caractérisée par une méthode dia/ectique qui consiste à apporter et à examiner des arguments de raison et d'autorité qui s'opposent autour d'un problême théorique ou pratique et qui sont fournis par /es participants, et ou /e mattre doit parvenir à une so/ution doctrina/e par un acte de détermination qui /e confirme dans sa fonction magistra/e. Si I'on compare eette deseription de Ia disputatio avee eelle de Ia quaestio (ef. pIus haut, p. 29), on constate que l'évoIution s'est opérée par Ia perte d'un éIément (le texte) et par l'addition d'un autre (Ia séanee de diseussion indépendante avee Ia partieipation des étudiants et des maitres). Ce nouvel éIément modifie partiellement Ia nature des arguments en eonflit: dans Ia quaestio, ils provenaient surtout des textes eux-mêmes, des auctoritates divergentes; dans Ia disputatio, bien qu'ils puissent tirer Ieur origine de Ia tradition, ils sont apportés par Ies partieipants. 2. LA "DISPUTATIO"EN MILIEUUNIVERSITAIRE
La naissanee des universités donne à Ia disputatio un aeeent professionnel três marqué. La dispute in scho/is, telle que nous I'avons définie dans Ia seetion préeédente, s'enriehira dans son méeanisme formel et elle engendrera des formes particuliêres que I'on devra préeiser. A Paris, I'exereiee de Ia dispute se généralise à teI point que I'on en tient eompte déjà dans Ies statuts de 1215 (ef. pIus haut, n. 44). C'est à eette époque, ou au pIus tard en 1231, que le P. Mandonnet 52 eroyait pouvoir diseerner une doubIe modalité de Ia disputatio. Elle est d'abord un exereiee privé, auquel ne prennnent part que Ies étudiants d'un maitre déterminé; elle a lieu dans I'éeoIe et sous Ia présidenee de ee dernier. Elle devient aussi un exereice public, appelé disputatio ordinaria qui se
" Le fait avait été déjà signalé par F. PELSTER,Oxford Theology.... , p. 32. >l P. MANDONNET,S. Thomae Aq. Q. disputatae ... (1926), p. 7-8.
. VOLUTIONDU GENRE
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u les samedis 53, ou tous Ies quinze jours 54. "La fréquence de creiee en faisait I'équivalent d'une eorvée dont Ies Maítres se 111 I n aient voIontiers, d'oú Ies preseriptions qui Ies y obligeaient" 55. NUIIS rcviendrons sur Ies aspeets partieuliers de Ia dispute dans le ehapitre uivunt. Bornons-nous à dire, dans eette seetion ou nous traçons Ies I ande Iignes de son évoIution historique, que Ies maitres de Ia premiêre uuuti du siêcle ont presque tous euItivé Ia disputatio et que nous avons " témoins des deux modalités distinguées pIus haut. Purmi ees témoins, il faut signaler Ia eolleetion de disputes de maitres [uu i. icns vers 1230, eontenue dans le ms. DOUAI 43456• Le P. Torrell a publié Ia Q. 481 (De prophetia), dans Iaquelle il eroit reeonnaitre l'écho d'un dispute privée entre le maitre et ses étudiants. Pelster avait noté tlU'; Oxford, ou I'on suivait Ies eoutumes de Paris, il fallait également distinguer entre Ia disputatio privata et Ia disputatio ordinaria ou publica, I nn e parmi Ies aetes soIennels de I'Université 57. Le trait distinetif entre I deux modalités est Ia qualité des partieipants; dans un eas il ne s'agit qu du maitre et de ses étudiants, dans I'autre Ie publie est pIus Iarge: d 'S tudiants d'autres "écoles", et éventuellement d'autres maitres prennent purt à Ia dispute. Mais il est pIus intéressant de diseerner Ies traits omrnuns, ear ee sont eux qui earaetérisent Ia disputatio à eette étape de on évoIution. te premier trait, est que Ia dispute devient un aete seoIaire offieiel, 111\' méthode reeonnue et favorisée par Ia eorporation, une pratique hubituelle que I'on doit même réglementer, et non pIus une méthode
II
111
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" Selon H. PERI, Die scholastische Disputation, dans Romanica et Occidentalia. Études .1 di es à Ia mémoire de Hiram PERI (PfIaum) (M. LAZAR,éd.). Jérusalem, 1963, p. 353. • Selon L. HOOL, dans Lexikonfor Theologie und Kirche, t. VIII, c. 925. , J.P. TORRELL,Théorie de Ia prophétie ... (1977), p. XVI, n. 48. J'emprunte au P. Torrell férences données dans les deux notes précédentes. 1 manuscrit est bien connu des médiévistes. Depuis que Dom Odon Lottin lui i onsacra, en 1933, une premiêre étude, il a été l'objet de plusieurs analyses, parmi lI- quelles il faut souligner celle de P. Glorieux en 1938 (Les 572 Questions du manuscrit .I•• Douai 434, dans RTAM, 10 (1938) p. 123-152. Cf. à ce sujet, J.-P. TORRELL,op. cit., I
I' V
.
" I ITTLE-PELSTER, Oxford Theology ... (1934), p. 37: "... at Oxford each master disputed I'lIhll Iy aecording to customary right on a definitely fixed day and ... such a disputation r.ikrn place in a regular sequence was called disputatio ordinaria. The disputatio ordinaria , then reckoned among the disputationes publicae ac magistrales and the actus solemnes, lu whi h eertainly also lhe vesperiae and the inceptio belong. Dlsputatio ordinaria and ./rl/ll/latio solemnis or publica are not eontrasted but can mean the same thing. In contra I 111 'I stand lhe disputatio whieh lhe ma ler held in hi sehool only for and with hi own IIId'nlH, and f this kind is ais lhe collatlo ...",
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CHAPlTRE II
ÉVOLUTION DU GENRE
facultative dont I'adoption est laissée aux goüts et aux préférences du maitre. L'université médiévale sanctionne Ia disputatio comme un élément régulier de Ia méthode scolastique et généralise son champ d'application: on Ia voit à I'reuvre dans toutes les facultés, Le deuxiême trait est I'apparition d'un répondant parmi les acteurs réguliers de Ia dispute. TI vient s'ajouter au maítre et à Yopponens ; son rôle est de trouver une solution préliminaire au problême posé, avant que le maitre n'apporte sa détermination finale58. Le troisiême trait est l'étoffement des procédés de discussion. La dialectique, enrichie par les nouveaux ouvrages de logique, est de plus en plus maitrisée par tous les membres de Ia corporation et ils se plaisent à mettre en évidence cette maitrise dans les discussions scolaires. Le rôle de Ia Faculté des Arts, ou Ies universitaires sont censés apprendre Ia science du raisonnement rigoureux, est prépondérant dans ce processus, et on aura I'occasion de voir en détail jusqu'à quel point elle était responsable de Ia formation dialectique en vue des disputes. D'autre part, Ia séance de dispute s'est aussi compliquée. Une premiêre partie est consacrée à I'examen des arguments pour et contre Ia thêse discutée et à Ia réponse préliminaire du respondens; une seconde est dévolue à Ia réponse du maitre, qui ne peut plus se contenter de donner une solution générale, mais doit également examiner un par un les arguments proposés au cours de Ia premiêre partie et résoudre les difficultés soulevées. A quel moment exact ces deux parties ont été séparées temporellement, il est difticile de l'établir, mais elles sont déjà disjointes vers le milieu du
Parmi les séeuliers: Gui d'Orehelles (maitre de 1221 à 1228), Guiard de Laon (1232-1238), Eudes de Châteauroux (1232-1244), Alexandre de Halês "antequam e set frater" (done avant 1236), Gauthier de Château-Thierry (1238-1247), Étienne de Poligny (1241-1247). Parmi les dominieains: Hugues de Saint-Cher (maitre entre 1230 et 1235), Guerric de Saint-Quentin (maitre de 1233 à 1242), Albert le Grand (1242-1248). Les franciscains ont adopté Ia disputatio dês le début de leur incorporation à l'université: à Alexandre de Halês il faut ajouter Jean de Ia Rochelle (1238-1244), Eudes Rigauld (1244-1248), Guillaume de
siêcle
59.
La disputatio, avec ces trois notes d'exercice régulier, de discussion méthodique tripartite (arguments, solution, réponses aux arguments), et d'exercice comptant trois responsables principaux (le magister qui préside et détermine, l'opponens qui soulêve des difticultés contre Ia thêse, le respondens qui clarifie préalablement le problême), est pratiquée systématiquement par les maitres de Ia premiêre moitié du XIIIe siêcle. ss Ce trait a été aussi souligné par PELSTER, Oxford Theology... , p. 31: «A second stage (aprês l'étape représentée par les disputes de Sirnon de Tournai) is the disputation with a specially appointed respondens, who gave a preliminary solution of the question set, and then had to answer the objections raised by other participators. He was a dilferent person from the teacher or mas ter" . '9 O. plus loin p. 59. 11 n'y a pas lieu de développer ici cette distinetion entre Ia session de dispute et Ia session de détcrmination car elle ne concerne que les modalités techniques de déroulcment de Ia disputa tio, sans con tituer un trait fi ndamental dans l'évolution du genre.
Meliton
(1248-1252).
Lorsque saint Bonaventure et saint Thomas deviennent maitres régents à l'Université de Paris, le genre, tel que nous I'avons décrit, avait parcouru un long chemin. Les Quaestiones disputatae de Thomas sont presque l'archétype de Ia disputatio telle qu'elle était pratiquée au Xllle siêcle. Nous avons dit que Ia scolastique ne procede pas par substitution de méthodes, mais par addition et enrichissement de celles-ci. C'est pourquoi, même si de nouvelles formes de disputes se développent, Ia disputatio ordinaria (comme Iaprivata) continue sa longue carriêre dans les universités du Xllle siêcle et elle jouit de Ia faveur des maitres les plus renommés. Pour comprendre sa disparition progressive, ilfaudra examiner les nouvelles formes de dispute et les facteurs qui ont déterminé leur naissance. Enfin Ia disputatio, telle que nous I'avons vue naitre comme méthode théologiq~e développée surtout à Paris, n'est patrimoine exclusif ni de Ia théologie ni de Paris. Elle sera pratiquée, avec les variantes thématiques propres l\UX différentes disciplines, dans les études de droit et de médecine 60 ; t les méthodes de Paris trouveront bon accueil dans tous les centres universitaires de I'Europe médiévale. Les Facultés des Arts développeront des formes semblables d'exercices destinés à préparer progressivement I'étudiant aux disputes auxquelles il devra participer dans les facultés supérieures 61. La disputatio fournit, au Xllle siêcle, le cadre d'élaboration ti ctrinale de Ia théologie rationnelle. Les auteurs voient en elle Ia p sibilité d'aborder, de façon ordonnée et systématique, les problêmes qu'ils considêrent comme fondamentaux dans leur discipline. C'est p urquoi on a vu dans les disputes I'antécédent des Sommes 62 et on
••,
f. plus loin, p. 90 ainsi que les Hle et IVe parties
de ce volume.
•• f. plus loin, p. 93. .' . • Soit parce que les Q. disputatae sont une premiêre élaboration du maténel. qui sera r flrrs dan une Somme, oit parce que le dispute elle -rnêrnes, revue et corrrgées. par I' IIrt ur, cront publiées comme umma Quaestionum, soit finalement p~ce que les article ,I Sommes ser nt rédigé el n le chéma de Ia di pute. f. plus I 10, p. 47, n. 73.
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ÉVOLUTION DU GENRE
CHAPITRE 11
peut les considérer comme une des réalisations les plus müres de Ia scolastique. La disputatio est parvenue à son plein épanouissement dans un cadre corporatif qui l'influença et Ia modifia. Elle est une activité propre du maitre, dont le rôle magistral est défini par Ia triple fonction de tire, disputer et prêcher. Or tous les membres de l'université visent I'obtention de ce grade, de cette licentia docendi, praedicandi et disputandi. II est, dês Iors, naturel que Ia corporation organise des exercices destinés à préparer les futurs maitres à leur fonction, et des épreuves capables d'évaluer leur compétence professionnelle dans chacune des dimensions qui Ia constituent. La communauté universitaire se hiérarchise en plusieurs niveaux (bachelier ês arts, maitre ês arts, bachelier biblique, bachelier sententiaire, bachelier formé, licencié, maitre), distingués par le degré de compétence acquis en vue de I'exercice de Ia fonction magistrale. Bientôt, en ce qui concerne Ia fonction de disputer, Ia participation aux disputes in scholis ou ordinariae s'avêre insuffisante pour Ia formation des candidats. Sans I'éliminer, en Ia rendant même obligatoire, on développe et on régIemente de nouveaux exercices qui, revêtant Ia structure formelle de Ia disputatio, prennent plus spécialement les caractéristiques d'exercice scolaire et d'épreuve professionnelle 63. Achaque degré de sa carriêre, Ie candidat se voit imposer un nombre croissant de ces activités scolaires et un rôle plus responsable dans leur déroulement. Ainsi sont nées, comme exercices scolaires, Ia repetitio, Ia collatio, Ia sorbonica, et comme épreuves de compétence professionnelle, Ia disputatio tentativa, Ia disputatio in vesperiis, l' aulica, Ia resumptio. Elles se différencient de Ia quaestio disputata en ce que cette derniêre reste toujours activité du maitre, organisée par Ie maitre (qui choisit Ie jour et le thême de Ia dispute) en vue de son enseignement doctrinal ". .3 Des remarques semblables peuvent être faites à propos de deux autres fonctions: legere et praedicare . ••a. P. GLORIEUX, L'enseignemeru ... (1968), p. 124. Soulignons que le but de Ia quaestio disputata est I'enseignement et Ia recherche. Évidemment elle a aussi Ia dimension d'exercice scolaire et d'entrainement des étudiants, mais ceei n'est pas son trait distinctif. Cest pourquoi nous ne pouvons suivre Mgr Glorieux lorsqu'íl caractérise Ia question disputée comme "un exercice d'argumentation, de dialectique, pour Ia formation et l'entraínement des étudiants et iI peut de ce chefporter sur n'importe quel sujet (à Ia façon des lnsolubilia et des Sophis~la, à Ia Faculté des Arts). Mais iI est aussi ceuvre magistrale et doit contribuer au progrês doctrinal" (op. cit., p. 127). Je pense que Mgr Glorieux intervertit ici I'ordre des objectifs rendant ainsi impossible Ia distinction spécifique entre Ia quaestio disputata et les autres exercices colaire qui visent Ia formation de l'étudiant ou l'évaluation professionnelle du candidat à un grade, tout en gardant les aspects formels du genre.
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On l' a relevé 65, au fur et à mesure qu' approche le XIVe siêcle, les bacheliers tendent à prendre Ia pIace du maitre dans Ia dispute. Les exercices et les épreuves acquiêrent un caractêre soIennel et concentrent de plus en plus I'attention de Ia communauté universitaire. Si Ie maitre continue de les présider, il ne le fait pIus dans Ie même but que dans Ia dispute ordinaire. La dimension d'enseignement et d'éIaboration doctrinale personnelle s'est effacée au profit des aspects d'exercice de discussion, d'exhibition de talents dialectiques, d'examen ou d'épreuye. Dans ces nouvelles formes de Ia dispute, le rôIe des maitres est inversé: c'est à eux maintenant de fournir des arguments contre Ia thêse défendue par Ie candidat; c'est au bachelier d'apporter Ies solutions définitives 66. On est parfois tenté de se demander si Ies arguments ainsi proposés par ces maitres répondent vraiment à Ieur pensée personnelle ou s'ils ne sont que des obstacles dressés devant Ie candidat pour Iui donner I'occasion de mettre en évidence ses talents dialectiques. Insistons-y, si ces disputes, conçues comme exercices d'entrainement ou comme épreuves de com~ pétence professionnelle, continuent d'avoir une structure formell~ qui permet de Ies cIasser dans Ie genre de Ia quaestio disputata, elles doivent cependant être distinguées spécifiquement de Ia disputatio in scholis et de Ia disputatio ardinaria en raison de leur but: elles ne sont plus un acte d'enseignement régulier du maitre. Une autre forme de dispute prend naissance au milieu du XIIle siêcle : c'est Ia quaestio disputata de quolibet, ou le quodlibet. C'est à saint Thomas qu'on attribuait, à Ia suite de Mandonnet, Ia naissance et le grand succês de cette nouvelle manifestation de Ia vitalité universitaire 67. II semble aujourd'hui clair que le quodlibet existait déjà vers 1230 à Ia Faculté de ThéoIogie de Paris. Celui-ci sera traité dans Ia seconde parti du volume. On se borne ici à signaler ce qui en constitue le trait spécifi u , afio de compléter ce tableau sur I'évolution du genre de Ia dispute. Le quodlibet a en commun avec Ia dispute ordinaire d'être "un exer i c magistral décidé par le maitre, dirigé et contrôlé par lui; même si bachelien . . que "sous " Ie malAt"re 68 . C'e t ou étudiants interviennent, ce n ,est jamais le maitre qui "détermine" Ia question et il le fait dans un but doctrinal; le respondens, si formé qu'il soit, n'apporte qu'une solution préliminaire. ., "
f. Ch. THUROT, De l'organisation de /'enseignement ... (1850), p. 133. f. plus loin description d'une disputatio in vesperiis et in aula. 61 P. MANDONNET, S. Thomae Aq. Q. disputatae ... (1926), p. 11. P. GL RIEUX, L'ellseigllemenl ... (/968), p. 129. •• P. LORIEUX, op. cit., p. 128.
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CHAPITRE
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En ceei, le quodlibet se distingue nettement des disputes d'exercice et des épreuves de compétence professionnelle, ou bacheliers et candidats sont les acteurs principaux. Mais il possêde certains traits qui le différencient spécifiquement de Ia quaestio ordinaria. Les historiens en ont signalé deux qui, bien qu'importants du point de vue du mécanisme, ne constituent cependant pas, selon moi, les seules notes distinctives. Ni Ia diversité des questions, ni le fait qu'elles ne sont pas proposées par le maitre 69, ne me semblent suffire pour caractériser le quodlibet: il faut ajouter qu'il n'est pas un acte d'enseignement régulier du maítre. C'est pourquoi il est demeuré libre; nul maitre n'était obligé à s'y soumettre. Les quodlibeta et les disputationes ayant Ia portée d'épreuves avaient 'l'avantage d'être des actes solennels de I'Université, ce qui explique qu'ils aient suscité l'intérêt des maítres aussi bien que l'attention des rêglements. La chose est particuliêrement compréhensible lorsqu'il s'agit des épreuves de compétence professionnelle, étant donné Ia responsabilité sociale des corporations universitaires. La quaestio disputata privata et Ia quaestio disputata ordinaria continuent pourtant d'avoir Ia faveur des maitres. Ces deux espêces du genre disputatio ne cessent pas d'être pratiquées réguliêrement et Mgr Glorieux a- pu dresser une liste de maítres ayant des questions disputées parmi leurs ceuvres, qui s'étend jusqu'au premier quart du XIVe siêcle 70. Les rêglements de 1366 et de 1385 contiennent des dispositions précises concernant les diverses espêces de disputationes, y compris l'ordinaria. Ces dispositions sont reprises, on le verra, par les rêglements de Ia fin du XIVe siêcle, non seulement en théologie, mais dans d'autres facultés. J'ai toutefois l'impression que, dans Ia seconde moitié du XIVe siêcle, les questions disputées retiennent seulement l'intérêt pédagogique, et non plus l'intérêt littéraire des maitres. Les causes de ce phénomêne sont complexes et, pour les identifier d'une maniêre satisfaisante, il faudrait examiner Ia totalitédes matériaux disponibles 71, ce que je ne puis songer à faire ici. Voici cependant quelques facteurs qui ont contribué à cette perte progressive d'intérêt. Il y a d'abord et avant tout Ia professionalisation croissante des universités, qui confient aux bacheliers des tâches plus nombreuses et d'une responsabilité plus grande. Les rêglements contribuent à cette situation en imposant aux
P. GLORIEUX.op. cit.• p. 89. Mgr Glorieux signalait (op. cit.• p. 128) qu'un répertoire général des Questions disputées était en projeto et que ce répertoire en relêverait plusieurs milliers. 70
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ÉVOLUTlON
OU GENRE
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diverses catégories de bacheliers l'obligation de prendre une part de plus en plus active à toutes les espêces de disputes universitaires. Le respondens tend à remplacer le maitre dans l'élucidation des problêmes discutés, ce dernier gardant le rôle de président du débat, chargé de garantir le sérieux de Ia discussion et d'apporter Ia détermination finale, probablement plus réduite et moins originale que celles qu'on élaborait dans Ia période précédente 72. Cela tend à minimiser Ia portée doctrinale des disputes ordinaires au bénéfice de leur aspect d'apprentissage. Il est possible que les maitres aient cessé de voir dans le contenu de ces disputes l'essentiel de leur apport scientifique et qu'ils aient préféré orienter vers d'autres genres, plus favorables à l'exposé de leurs idées personnelles, les efforts littéraires qu'ils consacraient au XIIle siêcle à Ia mise au point des disputes. Mais on peut aussi supposer que c'est le zele grandissant déployé dans l'édition des questions disputées qui a fini par détruire le genre. En effet, on a signalé il y a déjà presque un demi-siêcle 73 que les disputes ordinaires doivent être considérées comme l'antécédent immédiat des sommes et des traités. Les maitres examinaient dans leurs disputationes les thêmes qui feraient plus tard l'objet d'un développement systématique dans ces ouvrages. La disputatio fournissait une premiêre occasion d'élaborer dialectiquement un problême, d'examiner rigoureusement les arguments pour et contre d'une thêse déterminée, en vue d'une premiêre évaluation de son intérêt doctrinal. Il est possible que les maitres aient vu dans le gros travail que l'édition de ces questions disputées leur demandait une réduplication inutile par rapport à leurs traités. li est déjà significatif que les questions disputées d'Henri de Gand, hautement élaborées, aient été publiées sous le titre du Summa quaestionum ordinariarum. 77 Ch. THUROT. De l'organisation de l'enseignement ... (1850). p. 133. avait signalé qu'au XIVe siêcle, "l'enseignement fut presque entiêrement abandonné par les maitres aux bacheliers". Et il signale Ia cause: "Cest à Ia confusion du régime des collêges et des couvents avec celui de Ia Faculté, que j'attribue principalement ce changement dans I'enseignement théologique" (p. 134). "R.M. MARTIN. (Euvres de Robert de Melun ... (1932). p. XLVII. Cf. P. GLORIEUX. L'enseignement ...• p. 127: "Elles (les Q.D.) peuvent servir de terrain d'élaboration de traités; que 1e plan soit prévu dês l'origine ou que le groupement soit effectué plus tardo avec insertion même d'autres questions isolées. Ainsi se préparent le De peccato, le De passionibus d'Alexandre de Halês ; le Summa de creaturis d'Albert le Grand; les Quaestiones 118 tn Iibrum lIum Sententiarum de Pierre Jean Olieu; Ia Summa theologica d'Henri de Gand". Le cas de S. Thomas mérite d'être signalé: ses QD de anima et de spiritualibus creaturis cotncident avec Ia période de rédaction de Ia I Pars; ses QD de malo, avec celle de Ia 11 Pars. Les questions disputées semblent être le terrain de discussion détaillée de problémes dont Ia synthêse sera fournie dans Ia Somme.
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I1APITR
11
D'autres hypothêses peuveot être formulées. Le oombre croissant de maitres dans Ies grands ceotres universitaires a dü réduire Ies possibilités que chacun avait de soutenir des disputes ordinaires publiques. Les journées "disputables" étant assez peu oombreuses peodant l'année académique, il est probabIe que Ies maitres ont eu des diffi.cultéscroissantes à se voir réserver ces journées pour Ieurs disputes ordinaires. li Ieur restait, bien entendu, Ies disputes "in scholis" ou privées ; mais celles-ci, comme on l'a dit pIus haut, soot devenues de pIus eo pIus des exercices scoIaires ou Ie maitre teodait à se faire rempIacer par ses bacheliers. li faut rappeler enfio que d'autres formes de dispute sembIent avoir gagné du terrain face aux disputes ordinaires. Les disputes de quolibet fournissaient au maitre l'occasion de faire briller ses taleots devant Ia communauté universitaire, et même civile, dans un cadre soIennel. O' autres disputes absorbaient aussi son temps et son attention: toutes Ies formes de disputes instituées comme épreuves finales de compétence professionnelle (vesperia, aulica, etc.) étaient eotourées d'une grande soIennité et Iui demandaient une participation toujours pIus active. Ces facteurs soot tous d'ordre institutionnel. C'est peut-être Ieur convergence qui a provoqué Ia disparition progressive de Ia quaestio disputata 74. Faut-il faire appeI à des raisons pIus profondes? Faut-il voir dans l'effacement progressif de Ia question disputée un affaiblissemeot de l'esprit de recherche de Ia scolastique, rempIacé par l'esprit d'école? Je ne saurais donner une réponse fondée à ces questioos. Le fait est que Ies représentants de Ia via moderna n'accorderont pas à Ia quaestio disputata Ies mêmes faveurs et Ie même intérêt que leurs prédécesseurs du "siêcle d'or" de Ia scoIastique. ,. a. P. GLORIEUX,Jean de Faiísca. La formation d'un maitre en théologie au XIVe siêcle, dans AHDLMA, 33 (1966), p. 42: "II semble en effet que les Questions Disputées qui, au XIlIe siêcle constituaieht en chaque école un des meilleurs moyens de formation dont disposait le maitre, aient perdu de leur importance ou de leur fréquence, au profit d'autres exercices plus recherchés". Et l'auteur cite parmi ces exercices, les principia, les questions quodlibétiques, Ia sorbonique et les actes de maitrise (ceux que nous appellons épreuves de compétence professionnelle). A Ia p. 43, Mgr. Glorieux dit en passant que les maitres au XIVe siêcle "ne prenaient pas Ia peine de publier" les disputes, consacrant plutôt leur temp aux commentaires des sentences et à d'autres ouvrages. II semble que même les Quodlibeta ont perdu de leur intérêt au profit des épreuves professionnelles; cf. P. GLORIEUX,L'enseignement.i, (1968), p. 133; cf. aussi p. 141, et P. GLORIEUX,La littérature quodlibétique de 1260 à 1320. Paris, 1925, p. 17 et p. 32, n. 5; p. 57: "aprês 1320 on ne rencontre plus d'importantes collections de quodlibets". Les statuts de 1385 (Chart. Il, n. 1189(43), p. 70 I) permettent déjâ que I'obligation de participer aux disputes quodlibétiques puis e être échangée par un sermon.
CHAPITRE
III
LES ESPECES OU GENRE La synthêse historique qu'on vient de proposer montre les avantages de Ia définition géoérique qu'on a adoptée au chapitre I. La disputatio médiévale y est apparue comme un genre subdivisé en espêces dont Ie trait commun se situe sur Ie pIan méthodoIogique: "actus syllogisticus unius ad alterum ad aliquod propositum ostendendum". Maintenant il s'agit d'examiner les formes spécifiques concrêtes que ce genre a prises dans Ies universités du XIIle et du XIVe siêcles. Pour Ies caractériser, l'historieo se trouve devant une diffi.cultéplusieurs fois signalée : le manque de précision, parfois le silence, des statuts universitaires 75. Certaios ont dit que Ia raison de ces imprécisions touchant Ie déroulemeot et Ia méthode des disputes est à chercher dans Ie fait qu'à l'université médiévale "Ia Iettre traduit et fixe Ia vie" 76. Les légisIateurs n'auraient pas éprouvé le besoin de réglementer une activité dont les modalités étaient bien connues, car elle s'exerçait depuis longtemps. A quoi bon, se demande P. Glorieux, décrire comment se dérouIe une dispute, si tout le monde Ie sait? Le manque de précision ne conceme cependant que les aspects méthodologiques et pédagogiques; pour les aspects disciplinaires, financiers, protocolaires, administratifs, Ies autorités universitaires, comme on Ie verra, n'ont pas ménagé les détails: elles ont Iégiféré même sur des questions menues, telles que le type de vêtements qu'il fallait porter aux disputes solennelles, ou Ia quantité de vin à prévoir pour les célébrations qui suivaient Ia dispute de graduation. Le fait est curieux: Iorsque Ia quaestio disputata jouissait d'une bonne santé, on n'a pas senti le besoin de Ia réglemeoter; et lorsqu'on l'a fait, c'est pour s'attarder à des détails extemes. Car, il faut bien le souligner, les rêglements dont on dispose "Ch. THUROT, op.cit., p. 134: "il y a une lacune pour Ia fin du XlIle siêcle et le commencement du XIVe dans les monuments relatifs à Ia Faculté de théologie". P. GLORIEUX,La littérature quodlibétique ... (1925), p. 13: "les statuts de Paris gardent le silence sur tout ce qui concerne Ia structure, les circonstances, l'ordre de ces disputes". A. LITTLE - F. PELSTER,Oxford theology ... (1934), p. 25: "As with other universities in the thirteenth and beginning of the fourteenth centuries, the earliest statutes of Oxford are very defective and sparse. Especially we fail to find adequate data about the customs relating to lectures and disputations in the daily life on the university". 76 P. GLORIEUX,L'enseignement ... (1968), p. 77.
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sont, pour Ia plupart, de Ia deuxiême moitié du XIVe iêcle, ép qu laquelle les disputes solennelles (épreuves de compétence) et le exerci s colaires ont pris le pas sur Ia quaestio disputata du maitre. C'e t pourquoi, pour le XIIle siêcle, Ia période antérieure, et pour Ia premiêre moitié du XIVe, notre grande source de renseignements continue d'être, spécialerncnt pour les aspects scientifiques et pédagogiques, les documents non officiels - reportationes et editiones - qui permettent de saisir Ia vie du genre dan ' son expression Ia plus dynamique. Autre problême : l'extension géographique de Ia dispute. partie de Pari, celle-ci se répand dans tous les centres universitaires de I'Europ . Davantage, les universités déclarent suivre l'usage de Paris en ce qui conceme les modalités de Ia dispute 77. D'oü Ia légitimité d'appliquer, dans l'éclaircissement des aspects pratiques de Ia dispute, ce doubl principe: en cas de silence dans les rêglements de Paris, on fera app I aux statuts des universités qui suivent son modele 78 ; en cas d'imprécision dans les rêglements de n'importe quelle université, on fera appel aux d cuments non officiels qui nous ont transmis I'écho des dispute eflictivement tenues 79.
)"
1. LES ACTES DU MAiTRE a quaestio disputata"
I") L'uuteur et les acteurs à Ia Faculté de Théologie a quaestio disputata, on le rappelle, présente deux modalités : elle peut 'tr privée (in scho/is propriis) ou plus ouverte et solennelle (ordinaria)8°. an les deux cas, elle est un acte d'enseignement régulier du maitre.
LES ESPECES DU GENRE
C'est à lui en effet de choisir les problêmes qu'on discutera, de distribuer les responsabilités entre les participants principaux, de présider à Ia discussion, d'intervenir pour mettre au point des arguments, de les apporter le cas échéant, de "déterminer" Ia question, de résoudre les objections qui ont été soulevées contre sa thêse, et, éventuellement, de revoir le matériel résultant des discussions et de sa détermination afin de produire une édition. Le maitre doit être considéré, sans aucun doute, comme l'auteur de Ia question disputée. li est aussi responsable de Ia fréquence des disputes in scho/is. Pour ce qui conceme Ia disputa ordinaria, il doit cependant se conformer aux conditions réglementaires imposées par l'université, chose compréhensible car ce type de dispute affecte Ia vie de Ia communauté universitaire toute entiêre 81. Tous ceux qui ont reçu Ia licence n'exercent pas leur fonction de maniêre effective. Les corporations universitaires ont limité Ie nombre de chaires, et seuls ceux qui en possédaient une étaient considérés comme maitres régents. A Paris, par exemple, les ehaires de théologie au début du XIlle siêcle n'étaient que huit; vers le milieu du siêcle leur nombre est passé à douze, il atteindra vingt à Ia fio du siêcle 82. L'accês à une ehaire était ainsi un grand privilêge ear elle impliquait l'ineorporation du maitre au plus haut niveau de Ia eorporation. A Bologne, par exemple, Ia régenee était aeeordée par le ehaneelier (dans le eas de ehaires assignées aux séeuliers) ou par les Collêges ou par le prélat de I'Ordre (dans le eas des réguliers); les lieeneiés ne l'ayant pas obtenue étaient eonsidérés eomme maitres "vacants", mais ils étaient tenus de partieiper également aux aetes solennels de l'université; Ia régenee, d'ai!leurs, n'était aeeordée que pour une période déterminée 83. A Oxford, eette période variait 81 Cf. infra, n. 188. Dans les statuts de 1366, Ia disputa ordinaria est rangée parmi le actes publiques de Ia Faculté de Théologie, côté des disputes in aula, in vesperiis et in Sorbona; cf. Chartularium, Il, n. 1189 (17), p. 698. Dans les statuts de 1385 elle e t mentionnée, à côté de Ia sorbonica et de l'au/ica parmi les "quaestiones principales" ( f. Chart. li, n. 1190 (34), p. 706). • 2 Cf. P. GLORIEUX,Répertoire des maitres en théologie de Paris au XIlIe siêcle. Pari, 1933, p. 228 (tableaux); cf. aussi L'enseignement ... (1968), p. 91. En 1254, des douze chaires, trois sont tenues par les Mendiants, trois par les chanoines de Notre-Dame, six par les séculiers. A Ia fin du siêcle les réguliers possêdent neuf chaires. "Statuta Fac. Theologiae Univ. Bononiensis (éd. EHRLE, p. li, n. 11): "Presenti quoque statuto ordinamus, quod quilibet magister in nostra facultate theologica nostre universitati incorporatus, qui per suum ordinem vel sui ordinis preIatum vel per unum collegiorum vel per reverendum dominum nostrum cancellarium aut per nostram facultatem rite ad legendum est ordinatus, ipso facto sit regens et pro regente habeatur, pro ilIo scilicet tempore, quo ad legendum a1iquo predictorum modorum est ordinatus. Ceteri vero magistri modis predictis ad legendum deputati, quamvis nostre universitati incorporati, non magistri regente sed vacantes habeantur; volentes tamen quod dicti magistri vacantes, nostre à
Cf. F. EHRLE, I piu antichi statuti del/a Facoltà Teologica del/'Università di Bologna Bologne, 1932, p. XXXII; LXXII; CLIX. Non seulement les universités suivaient I modele de Paris, mais aussi les centres d'études des grands ordres mendiants. f. au I h. THUROT, op.cit., p. 121. 71 C'est ainsi que procêdent Denifie et Chatelain pour ce qui concerne les di pute 11/ vesperits et in aula: aprês avoir constaté le silence des statuts de Paris, de Vienn , d ologne, de Heidelberg et de Toulouse, il font appel aux statuts de Bologna pour clanf r leur fonctionnement. Cf. Chartularium, u, p. 693 n. 5. 79 Le fait que les maitres de Paris se déplaçaient beaucoup, et le fait que le centr intellectuels envoyaient leurs meilleurs éléments à Paris pour obtenir Ia mnltri ,onl contribué à répandre les usages parisiens en matiêre de dispute. Le Quaestion dlsputntur d potentia de S. Thomas (tenues en ltalie) et les Quae ttones dlsputata d grat a ti M tthieu d'Aqunsparta (tenues Ia curie romaine entre 1284 ct 1285) n titu nt ti b n exernples de cette irrndiati n de m dalités pari ienne . 10 f. plu haut, n. 53-57. 17
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CHAPITRE IIJ
LES ESPECES DU GENRE
selon qu'on était séculier ou régulier, mais ne dépassait jamais les deux années académiques 84. Mais Ia possibilité de soutenir des disputes n'était pas le droit exc1usif des maitres régents. M. Little a signalé le cas de maitres qui, aprês leur période de régence, ont continué de soutenir des disputes à Oxford 85. Les statuts de Bologne contiennent aussi des dispositions touchant les disputes soutenues par des maitres non régents u. Nous n'avons pas trouvé dans les statuts de Paris des mesures semblables, et on connait le cas de plusieurs maitres (Henri de Gand, Godefroid de Fontaines, Gilles de Rome) qui ont eu une carriêre active pendant de longues années, mais il n'est pas superfiu de se rappeler qu'entre son inceptio (printemps 1256) et son acceptation au sein du consortium magistrorum (automne 1257)saint Thomas avait pourtant commencé de "disputer" ses questions De veritate (son cas est toutefois exceptionnel en raison du confl.it séculiers-mendiants).
l'apparition est plus tardive 89, et qui a pour tâche de débrouiller le terrain de Ia dispute par Ia proposition d'une solution préliminaire. En réalité, tous deux ont pour mission de bâtir un cadre dialectique ou les "pour" et les "contre" eontribuent à mettre en lumiêre Ia valeur et Ia portée de Ia question disputée. Par conséquent, l'opponens n'est pas néeessairement celui à qui revient de s'opposer au maitre: son rôle est plutôt de foumir des arguments qui vont dans un sens ou dans l'autre. Le respondens n'est pas non plus nécessairement celui qui défend Ia position du maitre, mai plutôt celui qui essaie de mettre en évidenee les faiblesses des argument avancés par l'opponens. Les deux personnages constituent une équipe dialectique dont le but est de mettre en ceuvre Ia méthode du sic et non en vue d'une meilleure compréhension des implications, des nuanees et des conséquences du problême soulevé. Tous les deux travaillent sous le maitre, et celui-ci garde son indépendance face aux arguments proposés: il peut donner raison à l'opponens ou réfuter son respondens. II ne faut pas non plus penser - comme le font croire des éditions de questions disputées - que l'opponens fournissait des arguments, l'un aprês l'autre, tandis que le respondens attendait son tour d'intervenir (au sed contra) afin de donner des arguments opposés. Le respondens répliquait, s'il le voulait, immédiatement aprês que l'opponens avait avancé une de ses raisons, l'obligeant ainsi à approfondir ou à améliorer l'argument. Entre les deux s'établissait un dialogue suivi, une véritable diseu i n ( travers laquelle on cherchait à atteindre Ia rigueur maximale dans l'énon . des raisons pour et contre une thêse déterminée. Qui pouvait remplir les rôles d' opponens et de respondens? lei il lieu de distinguer disputes privées et disputes ordinaires. Pour Ics pr CIlII I que le maitre soutenait dans sa propre école, comme pnrtie til 111\ enseignement régulier adressé à ses étudiants, les rôle étui 111 I '11I1'11 par des bacheliers qui lui étaient attachés 90, Pour les see nd s, (lI dm IIll • étant donné leur caractêre d'acte officiel et public de l'umver I1 • ri comptait sur Ia collaboration de bacheliers attaehés à d'autr 11111111' Cette partieipation des bacheliers était un privilêge et un dev ir, En ,n 'I, si rien n'empêche de soutenir que des arguments pouvaient être avanc par des étudiants, il est clair que les rôles d'opponens et de respond. ms
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Un principe de critique historique découle de ce que nous venons de dire. II fut énoneé par A. Little: "it does not follow that these disputations took place when the disputants were 'necessary' regent masters" 87. La quaestio disputata est aussi le résultat de Ia participation active d'autres personnages dont le rôle doit être précisé. L'un d'eux est l'opponens, dont Ia présenee a pu être repérée déjà aux débuts du XllIe siêcle, dans les disputes de Simon de Tournai, et qui doit fournir les arguments opposés à Ia thêse proposée 88. L'autre est le respondens, dont universitati incorporati, si absque ipsorum demeritis ad legendum Bononiae non fuerint ordinati, tempore etiam quo vacantes erunt, in omnibus congregationibus, consiliis examinationibus ac agendis ceteris vocentur et locum habeant secundum eorum antiquitatem ..." •• LITTLE-PELSTER,Oxford theology ... (1934), p. 223: "For seculars necessary regency began from the date of inception and continued during the remainder of that year and the whole of the following year. During this period the secular master was bound to lecture th:oughout every term and was a member of Congregation, the governing body of the University, For regulars the conditions were somewhat different. Necessary regency began from the date of the inception; but according to a late statute (1478) the master of theology who belonged to a religious order was bound to lecture for the succeeding twe.nty-four months; on the other hand, he remained a member of Congregation only until another monk or friar of his Order incepted", 85 Op.cit., p. 234. . U Statuta Fac. Theol. Univ. Bon. (éd. EHRLE,p. 12): "Si tamen aliquis magistrorum iuratorum, non habentium tamen regentias atquesco1asuniversitati, ut predicitur, incorporatas, cum disputat publice, habuerit responsalem nostrum graduatum vel ad gradum rite ordinatum et u~versitati sub iuramento debito incorporatum, tunc permittimus et concedimus, quod nostn graduati interesse possint et ibidem opponere". 87 Op.cit., p. 233. 88 Cette thêse est introduite par Ia formule "utrum ...", Pour que Ia thêse devienne une "dubitabilis propositio", comme le voulait Boêce, il faut qu'on Ia place dans un cadre controversé, qu'on fournisse les arguments qui Ia rendent problématique. Telle sera Ia tâche de I'opponens.
a. Selon Pelster (Oxford Theology ... p. 32), les premiêres traces du respondens se trouvent dans Ia collection de questions disputées contenues dans le manuscrit Douai 434, 11 'agit de questions soutenues par des maitres parisiens aux alentours de 1230. •• 11est bien connu que tout étudiant devait être lié un maitre: "Nullu it olarh Pari ius qui certum magistrum non habeat" (Chart. Il, n. 1189 (12), p. 698). â
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étaient ré ervé i de bachelier, c'e t-à-dire i de étudiant ayant acqui le degré de formation nécessaire pour assumer cette respon abilité 91. Même i Oxford, ou le degré de bachelier n'était pas exigé, quatre années d'études théologiques étaient requises pour être opponens, six années, pour être respondens, dans le cas d'étudiants ayant obtenu préalablement Ia maitrise ês arts; pour ceux qui ne l'avaient pas obtenue, deux années de plus étaient imposées dans chaque cas 92. Par ailleurs, les statuts rendaient obligatoire cette participation. Celle-ci s'intêgre au cours d'activités universitaires imposées aux bacheliers, leur nombre et qualité variant selon le degré ou le niveau de formation acquise. Ainsi les statuts de 1366 déterminent, pour Paris, que les bacheliers en théologie, avant d'obtenir Ia licence, devaient assumer le rôle de répondants au moins cinq fois dans des disputes publiques, Ia participation dans les ordinaires (ici appelées "générales") étant même condition préalable pour pouvoir tire les Sentences 93. Les statuts de 1387, toujours à Paris, rappellent cette obligation des bacheliers bibliques 94 et imposent au maitre de faire un rapport sur le degré de compétence manifesté par le bachelier 9S. Les statuts de 1385 avaient établi 01 A Bologne ils devaient être bacheliers formés ou "lecturi" (bibliques ou sentenuaires): "Quisquis igitur magistrorum annualem regentiam de iure tenuerit, debet pluries disputare, ... ut scilicet ordinarii et responsales et opponentes tam formati bachalarii quam lecturi sub ipso valeant audiri. Item debet tenere quodlibetum, in quo responsalis est bachalarius actu legens, et saltem in anno determinare" (éd. EHRLE,p. 46). ., Statuta Antiqua Univ. Oxon., p. 48: "Quia sacre scripture professores ac ipsius auditores maturitas maior decet, ordinatum est quod qui in disputacione magistrorum theologie opponere voluerint, si prius in artibus rexerint, ante quintum annum audicionis theologie opponere non presumant, aut ante septimum respondere. Qui vere in artibus magistralem non sunt honorem adepti, ante septimum annum opponere, aut ante nonum respondere aliqualiter non attemptent". Cit. par LITTLE-PELSTER,Oxford Theology ... (1934), p. 34,
n. I. 93 Chart. 11, n. 1188 (18), p. 692: "Item, nota, quod bachalarii in theologia tenentur respondere de questione in locis publicis aliis bachalariis quinquies ad minus, antequam licencientur, scilicet in aula episcopi Parisiensis, quando fit ibi aliquis novus magister in theologia, item in vesperis alicujus magistri; item semel in aula Cerbonitarum, tem pore quo magistri in theologia non legunt, scilicet inter festum apostolorum et festum Exaltationis Sancte Crucis; item semel de Quolibeto in Adventu vel circiter; item semel in disputationibus generalibus antequam permittatur sibi legere Sententias". Cf. P. FERET, La Faculté de Théologie de Paris au Moyen Age. Paris, 1895, t. I. p. 44. o. Chart. 111,n. 1534, p. 441: "Primo quod nullus bacallarius gratiosus decetero admittatur ad lecturam Sententiarum nisi prius debite responderit de questione ordinaria, aut in Sorbona ...", ., ibid.: "Item statuimus quod hujusmodi responsiones ordinarie habeant tenere magistri deputandi per faeultatem, et quod quilibet magister juret in facultate fideliter referre de sufficientia vel insufficientia responsionis bacallarii respondentis", Nous voyons qu'à Ia fin du XIVe siêcle même les disputes ordinaires prennent de plus en plus le caractêre d'épreuves.
I' bligation générale pour tou le cursores de participer aux di pute ordinaire et aux autres disputes publiques, auxquelles les bacheliers biblique devaient assister en costumes adéquats %. Pour les bacheliers sententiaires, les obligations étaient semblables. Les statut de Bologne (1364), qui suivent les usages parisiens 97, leur imposent d'assi ter à toutes les disputes publiques et de répondre au moins une fois sous leur maitre et une autre fois sous un autre maitre, avant de commencer Ia lecture des Sentences 98. Dans les statuts sanctionnés par Urbain VI (entre 1378 et 1381) et valables pour les Facultés de Théologie de Bologne, Padoue et d'autre centres intellectuels de l'Italie, il est établi que les bacheliers sententaire , l'exemple de ce qui se fait à Paris et à Oxford, doivent répondre, avant d'a pirer à Ia licence, dans des questions ordinaires soutenues par cinq maitres différent , désignés par le Chancelier 99. Pour les bacheliers formés les statuts sont également explicites. Ceux de 13351366, à Paris, déterminent qu'une fois finie Ia lecture des Sentences, et pendant une période de quatre ans, le bachelier doit continuer à participer aux exercice universitaires, en particulier aux disputes, soit comme opponens (argumentando), soit comme répondant (respondendo). Ce n'est qu'aprês qu'i! pourra obtenir Ia licence en théologie, Ia période pouvant s'étendre jusqu'à cinq ans si Ia fin des exercices imposés aux aspirants à Ia licence ne coíncide pas avec l'année du jubilé 100. Les statuts de 1366-1389 contiennent une foule de dispositions touchant
•• Chart. n. 1189 (17), p. 698: "Item, quod incipientes cursores ... intersint aulis, vesperiis, disputationibus ordinariis, Sorbonicis, et aliis aetibus publicis facultatis, seculares cursores in hulcea, religiosi vere in habitibus decentibus sue religioni, mantellis sub habitu decenti minime comprehensis". Les baeheliers bibliques étaient tenus par serment d'obéir à ces dispositions concernant les vêtements; cf. Chart. Il, n. 1190 (3), p. 705 (juramenta pro cursoribus ). 07 Cf. F. EHRLE, op.cit., p. XXXII. o. Statuta Fac. Theol. (éd. EHRLE, p. 18): "Quo tempore tenetur omnibus publicis disputationibus interesse et semel sub magistro suo et adminus sub alio magistro publice respondere". Cf. p. 19 pour les bacheliers formés . •• Cf. F. EHRLE, op.cit., p. CCIII: "... et antequam ad licentiam in facultate teologie deveniant sive devenerint, ad minus quinque magistris in teologia ad hoc per ipsum cancellarlum specialiter deputatis de questione ordinaria respondere debeant in diversis temporibus, ita quod tanto tempore eos immorari contingat in dieta universitate, quanto Parisius et in Anglie studiis eonsueverunt, ad minus scilicet per annos quinque antequam gradum magisterii adhypisci debeant". Cette participation n'alIait pas sans frais: "Item, quilibet bachalarius pro quinque disputationibus ordinariis, quas facere tenetur, ut supra cavetur, solvet libras quinque Bononienses pro communi universitatis expensa" (Statuta Fac. Theol., éd. EHRLE, p. 54). 100 Chart. Il, 1188 (13) p. 692: Item, nota quod bachalarii qui legerunt Sententias, debent postea prosequi facta facultatis per quatuor annos antequam licentientur, scilicet predicando, argumentando, respondendo: quod verum est, nisi papa per bulias, vel facultas super hoc faceret eis gratiam, immo et per quinque annos aliquando expectat, scilicet quando annus jubileus non cadit in quarto anno post lecturam dictarum sententiarum". 11semble que
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CHAPITRE
III
Ia participation des bacheliers formés dans les disputes ordinaires. Les candidats à Ia licence présentés par les Ordres, étant donné qu'ils sont acceptés plus rapidement que les séculiers, doivent, outre les "réponses" qui leur sont imposées de façon réguliêre, jouer le rôle de répondants en deux disputes ordinaires 101. Tous les bacheliers formés sont tenus d'assister aux disputes publiques parmi lesquelles, rappelons-Ie, se trouvent les disputes ordinaires, et ils doivent le faire "in cappa aut (si sint religiosi) in habitu decenti" 102; l'absence à trois de ces actes dans une même année entraine de graves conséquences: "per unum jubileum retardabitur" 103. En général, le bachelier formé doit jouer le rôle de répondant dans quatre types de disputes publiques, et il peut s'acquitter de cette obligation à raison de deux disputes, ou au moins une, par année académique 104. 11est exprimé en toute cJarté que Ia faculté ne voit pas d'un ceil favorable qu'un bachelier formé soit souvent répondant sous un maitre de sa propre nation ou de son propre ordre religieux 105. Les maitres ne pouvaient présenter comme candidats à Ia licence que des bacheliers formés ayant "répondu", aprés leur lecture du livre des Sentences, en trois questions publiques: aula, sorbonica et ordinaria, cette derniêre ayant un certain privilêge car le bachelier pouvait remplacer Ia dispute in aula ou Ia sorbonica par une dispute ordinaire 106.
Les rôles d' opponens et de respondens étaient donc habituellement réservés aux bacheliers, et ceux-ci étaient obligés de les assumer à un
les bacheliers sententiaires des ordres mendiants jouissaient du privilêge d'être présentés immédiatement à Ia licence, cf. Ch. THUROT,De l'organisauon de l'enseignement ... (1850), p. 149. Pour I'année du jubilé, cf. plus loin, p. 109. 101 Chart. 11, 1189 (40), p. 700: "Quod si presentati Ordinum ratione presentationis citius expediantur, ipsi ultra responsiones eis aut aliis ordinarie impositas bis habebunt respondere de ordinaria". Pour le privilêge des mendiants, cf. note précédente. 102 Chart. 11, n. 1189 (41), p. 700. 103 Chart. 11, n. 1189 (42), p. 701. 104 Chart. 11,n. 1189 (49), p. 701: "Item, quod quiIibet bacalarius formatus faciat quolibet anno duos de actibus suis, vel ad minus unum, quousque omnes actus suos compleverit, ne sint duo actus solemnes facultatis in eodem ebdomada, quod omnino fieri prohibemus, alioquin per unum jubileum a licentia retardetur. Actus autem ad quos tenentur sunt: Responsiones de Quolibetis, Sorbonica, ordinaria, et aula". 10' Chart. 11, n. 1189 (53), p. 702: "Item non placet facultati quod bacallarius amplius respondeat sub magistro sue nationis, nec religiosus sub religioso sue domus, presertim et specialiter de temptativa et ordinaria principali; de Quolibetis aut ordinariis minus principalibus non loquitur". La distinction ici établie entre dispute ordinaire principale et "moins principale" n'est pas facile à comprendre. S'agit-il de nouvelIes modalités de cet acte du maitre ou faut-il plutôt se situer dans Ia perspective du bachelier et voir dans Ia principale celIe ou il s'acquittait de son devoir de répondant, et dans les moins principales celles ou il prenait part comme simple assistant? 106 Chart. 11, 1189 (62), p. 702. Les maitres s'obligeaient par serment à obéir cette disposition réglementaire; cf. Chart. lI, 1190 (33), p. 706.
LES ESPECES OU GENRE
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moment ou l'autre de leur carriêre, Les statuts leur imposaient l'obligation d'argumenter et de répondre dans des disputes ordinaires soutenues non seulement par le maitre auquel ils étaient liés, mais aussi par d'autres. La constatation est importante car elle leve une équivoque sons-jacente à l'exposé de Mgr Glorieux sur Ia question disputée. Nous avons distingué deux modalités dans cette espêce : Ia quaestio privata (ou in scholis) et Ia quaestio ordinaria. Or Mgr Glorieux semble les confondre 107, et, en conséquence, il avance des vues qui nous semblent inadéquates. Pour ce qui conceme les acteurs, il nous paraít inexact de dire que, dans Ia question disputée, tout se déroule entre le maitre, ses bacheliers et ses étudiants : cela n'est vrai que pour Ia dispute privée. La quaestio ordinaria est un acte public ou le maitre reçoit Ia collaboration de bachelier provenant d'autres écoles. Si on identifie Ia quaestio ordinaria et Ia quaestio in scholis, un três grand nombre de dispositions réglementaires deviennent contradictoires. Comment les statuts peuvent-ils imposer aux bacheliers l'obligation de répondre sous un autre maitre dans des questions ordinaire si celles-ci sont des exercices privés? Nous verrons bientôt que cette identification entre question privée et question ordinaire entraine d'autre ambiguítés pour ce qui conceme les dispositions réglementaires touchant l'interdiction de "lire" lorsqu'un maitre tient dispute. La distinction de rôles que nous avons repérée dans le cadre universitaire s'est bientôt répandue en dehors de ce milieu. Déjà en 1228une constitution du Chapitre général des Dominicains concemant l'organisation des études dans l'Ordre fait mention de l'opponens et du respondens, et exige qu'il. soient respectés dans l'exercice de leur rôle, signe que les participunt aux disputes étaient parfois trop bruyants 108. L'intérêt des Domini uin pour les questions disputées a toujours été grand. En 125 ,I P IJl Alexandre IV exige, dans une lettre à l'évêque de Paris, que I tuth 11I1 appartenant à l'Ordre des Frêres Prêcheurs soient admis aux disput universitaires et que les universitaires soient autorisés à particip I' 111 disputes tenues dans le couvent de Saint Jacques 109. La déci i n papal s'avérera três importante: bientôt un dominicain, Thomas d'Aquin, 107 Cf. P. GLORIEUX,L'enseignement ... (1968), p. 130-131: "Dans sa Question ordinaire ... Oans Ia Question disputée, tout se déroule "in scholis propriis", 101 Chart. I, n. 57, pp. 112-113.11 est vrai que l'opponens et le respondens sont mentionn ici à propos des disputes que les étudiants devaient soutenir entre eux, comme excrcic de répétition des disputes tenues sous le maitre. Mais rien n'empêche de dire que Ics d eux rôle e retrouvaient aussi dans les disputes magistrales. 109 Charco I, n. 269, p. 05-306.
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CHAPITRE
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LES ESPECES DU GENRE
III
dominera Ia scêne de Ia disputatio Paris. Et l'expérience des Dominicains avec les questions disputées sera si positive qu'ils n'hésiteront pas rendre obligatoire cette méthode dans l'Ordre. Des statuts, rédigés en 1259 par Albert le Grand, Thomas d'Aquin, Pierre de Tarentaise et d'autres maitres, contiennent une série de dispositions visant assurer Ia pratique de Ia dispute dans les centres d'études 110. à
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2°) Modalités de travail Les modalités de travail de Ia dispute posent quatre problêmes : technique et déroulement de Ia séance; l'unité de dispute; fréquence; publication des résultats. Tous quatre sont étroitement liés les uns aux autres et s'influencent mutuellement. Nous présentons de façon analytique les conclusions de notre enquête, quitte en offrir plus tard une vision synthétique. â
a) Technique et déroulement de Ia séance
niquait le thême ses étudiants et distribuait l'avance le rôle d'opponens et de respondens entre ses bacheliers. Pour les disputes ordinaires, il communiquait le thême au doyen, lequelle faisait annoncer Ia communauté universitaire par l'intermédiaire du bidel/us 112, et acceptait éventuellement des bacheliers d'autres écoles pour jouer les rôles d'opponens et de respondens. Suit Ia dispute elle-même. Les historiens sont d'accord pour dire que Ia quaestio disputata comprend deux moments: une séance de discussion et une autre ou le maitre apporte sa solution. La premiêre est connue sous le nom de disputatio, Ia seconde est appe!ée determinatio. Dans Ia disputatio, on proposait le thême, on avançait les arguments l'appui de l'une ou l'autre des solutions possibles, on cherchait établir de Ia façon Ia plus rigoureuse le cadre dialectique du problême travers une discussion qui opposait principalement l'opponens et le respondens, mais qui pouvait s'enrichir par l'apport des autres participants, y compris le maitre, leque! se réservait toujours le droit d'intervenir s'il le jugeait propos 113. Dans Ia determinatio, le maitre apportait sa solution doctrinale et répondait aux arguments avancés tout en les réorganisant éventuellement dans un ordre théorique plus adéquat son but. Si les historiens sont d'accord pour distinguer deux séances, ils sont perplexes ou divisés pour ce qui conceme des détails. â
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Le premier mouvement revient au maitre: c'est lui de choisir le thême de Ia dispute ainsi que le jour de Ia soutenance, au moins pour les disputes privées. Pour les disputes ordinaires, il devait, sans doute, prendre des arrangements avec l'administration universitaire 111. li commuâ
110 Chan., .n. 335, p. 385: "Item, quod lectores vacantes vadant ad scolas, et precipue ad disputationem ... Item, quod visitatores singulis annis diligenter inquirant de lectoribus, quantum legant in anno, et quot questiones disputaverint ac etiam determinaverint '" Item, quod fiant repetitiones de questionibus et collationes de questionibus semel in septimana ..." Des dispositions semblables furent prises par le chapitre provincial de Rome, en 1287: "Ordinamus quod lectores qui habent baccellarios legant in die unam lectionem tantum de textu Biblie et disputent ordinarie in scholis ad rninus semel in septimana" (cit. par F. EHRLE, op.cit., p. LXXXV, n. 2). 11est curieux de voir I'évolution subie par les Dominicains dans les disputes parisiennes: aprês avoir gagné une place dans ces disputes, aprês avoir conduit Ia méthode à un haut degré de perfection avec Thomas et avoir généralisé son usage, ils se sont vus conférer Ia derniêre place dans les disputes solennelles qu'on soutenait à Paris à Ia fin du XIVe siêcle, Cf. Chart. IH, n. 1568, p. 512. 111 La dispute ordinaire, comme nous allons le voir, suspend les cours à Ia Faculté. 11 faut supposer alors qu'elle faisait I'objet d'arrangements spéciaux entre le maitre et le doyen afin de ne pas perturber I'enseignement régulier, et que I'administration veillait à distribuer de façon équitable les jours disputables entre les maitres. Faute de cette distinction entre dispute privée et dispute ordinaire, cette affirmation de P. Glorieux devient inacceptable: "Le maitre choisit le jour de Ia soutenance ..." (L'enseignement ... , p. 124). Si elle était vraie, on pourrait dire que Ia suspension de cours à I' Université dépendait de Ia volonté d'un seul maitre qui décide de tenir dispute. Pelster, par contre, qui travaille sur Ia base de Ia distinction entre dispute privée et dispute ordinaire (publique et olennelle) explique clairement qu'à Oxford le maitre voulant soutenir une dispute rdinaire devait e oumettre à un droit coutumier qui assignait à chaque maitre un jour détcrminé pour ce typc d'activité. f. Oxford Theology ... , p. 37.
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En premier lieu, toute séance de dispute était-elle suivie d'une séance de détermination? P. Glorieux ne soulêve pas cette question dans son long exposé de 1968 sur les méthodes d'enseignement, sous-entendant ainsi une répon e affirmative. Or F. Pelster avait nié en 1934 le lien nécessaire entre disputatio ct determinatio, affirmant que des disputes n'étaient pas suivies de Ia séan magistrale 114. En prernier lieu, il s'appuyait sur les statuts qui réglementaient I s études à l'intérieur de l'Ordre dominicain en 1259, et que nous avon cit plu: haut 115. Ce texte établit: "quod visitatores singulis annis diligenter inquirant d lectoribus, quantum legant in anno, et quot questiones disputaverint ac etiam determinaverint". Il ne nous parait pas convaincant. Il concerne un milieu n n 112 Statuta Fac. Theol. (Bologna) (éd. EHRLE, p. 15-16): "spectat etiam ad officium decanatus, bidellum informare, dirigere et destinare ad prenuntiandum actus et principia, dI. putationes atque sermones per singulas scolas ..." Des dispositions semblables étaient ti vigueur à Oxford; ef. LITTLE-PELSTER, Oxford Theology ... , p. 230 n. 4. ," L'ordre d'intervention dans les disputes était parfois soigneusement établi par les t Itut ,car il traduisait un ordre de préséance lié aux hiérarchies académiques. Cf. Statuta Fu« Theol. Bon. (éd. EHRLE), p. li, n. 11. 11. F PEL TER, Oxford Theology ... (1934), p. 40: "Was, however, every quaestio disputata Illllowcd by a full and detailed determina tio ... ? The answer to this must be in the negative". 11 f. supra, n. 110.
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univer itaire, ou peut-être les usages des grands centres intellectuels n'étaient pa observés à Ia lettre. Il est ambigu: "ac etiam" peut séparer comme indépendantes Ia dispute de Ia détermination, mais peut aussi bien les unir omme Ia double facette d'un même exercice. Le deuxiême argument de Pelster se fonde sur les statuts de Ia Faculté de Théologie de Bologne en 1364, pour I rnaitre régent: "Et si ad ipsum annualis regentia cathedre de iure transient, tenetur pluries disputare et semel de quolibet semelque magistraliter determinare" 116. Si le maitre doit disputer plusieurs fois mais n'est obligé de d t rminer qu'une seule fois, il est évident que les disputes ne sont pas 11 'e sairement suivies de Ia determinatio. Mais une toute autre interprétation t possible sur Ia base de Ia distinction entre disputes privées et disputes publiques. Il est probable que le "pluries disputare" doive être appliqué aux disputes privées et que le "sernel magistraliter determinare" à Ia dispute ordinaire, dont le caractêre solennel et public, en même temps qu'obligatoire pour tous le. maítres, faisait un exercice plutôt extraordinaire pour un maítre déterminé 111. Un troisiême argument est trouvé par Pelster dans un accord établi en 1314 entre l'Université d'Oxford et les Dominicains, mais le texte est tellement ambigu que Ia conclusion tirée par l'éminent historien nous semble excessive 118. Celuici invoque enfin les mss Assisi 158 et Worcester MS.Q.99, qui contiennent des reportationes de disputes soutenues à Oxford (et à Paris) à Ia fin du XIIle siêcle, 11 constate que ces manuscrits transmettent l'écho de plusieurs disputationes, mais contiennent un nombre três réduit de determinationes. Il en induit que "The only explanation of this seems to me to be that there were already at that time
Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 45). Cf. supra, n. 91. Cf. supra, p. 40-41. Nous ne voulons pas sous-estimer I'argument de Pelster. li devient encore plus fort si I'on suit le manuscrit B (Biblioteca arcivescovile di Bologna) ou le tcxte utilisé par Pelster devient: "Et si ad ipsum annualis regentia cathedre libere de iure transierit, tenetur pluries disputare ordinarie et semel de quolibet semelque magistraliter determinare". Un peu plus loin le manuscrit continue: "Quisquis igitur magistrorum annualem regentiam de iure tenuerit, debet pluries disputare ... item debet tenere quodlibetum, in quo responsalis est bachalarius actu legens, et semel in anno determinare poterit" (éd. IIRLE,p. 45-46, voir apparat critique). Ces textes détruisent notre interprétation fondée ur Ia distinction entre disputes privées et ordinaires, et renforeent I'argument de Pelster en faisant de Ia determina tio un acte faeultatif. Mais de quelle détermination s'agit-il ? Une interprétation légitime, qui rendrait invalide Ia thêse de Pelster, serait de dire que le "determinare" se rapporte de façon indissoluble à "sernel de quolibet semelque magistraliter", De eette façon le statut imposerait au maitre l'obligation de soutenir et de déterminer une dispute de quolibet, au moins une fois pendant sa régenee. Les disputes ordinaires (et leurs déterminations) n'étant pas affectées par ee moreeau de texte. Quant au "poterit", il devient contradietoire avec le "debet" et doit être rejeté comme l'a fait Ehrle. '" Voiei le texte: "Ordinamus, arbitramur et diffinirnus et laudum seu dictum nostrum pr ferimus, quod fratres predieatores Oxonie liberas habeant seolas in domo sua quantum id lecci nes, disputaeiones et determinaciones" (Statuta Antiqua, p. 118, cité par PELSTER, O 'ord Theology ...• p. 41, n. 3). li' li'
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.." 119 many disputations which were not followed by a deterrnination . D' au t res explications semblent plus plausibles. D'abord Ia séance de discussion était publique, et par conséquent d'accês facile, tandis que Ia determinatio était réservée par le maitre aux membres de son "école" 120. Les gens qui s'intéressaient aux disputes prenaient donc des notes à Ia séance qui leur était accessible, quitte à connaitre Ia position du maitre lorsque celui-ci publiait ses questions disputées. Ensuite les bacheliers n'étaient obligés d'assister qu'aux séances de discussion. Rien de plus naturel alors de trouver dans les cahiers des bacheliers seulement Ia reportatio des sessions auxquelles ils prenaient part. Les manuscrits utilisés par Pelster sont précisément de tels cahiers. Finalement une explication psychologique, curieusement, a été avancée par Pelster lui-même, Le bachelier était obligé par les statuts de participer comme opponens ou comme respondens dans les questions disputées publiques. 11était évalué sur Ia base de sa performance dans ces discussions. 11lui était donc essentiel de connaitre des problêmes, des arguments et des réponses. "Hence we understand why in MS. Assisi 158, just as in Worcester MS.Q. 99, so many disputations are included which contain only the reasons for and against without the definitive answer of the mas ter. Copies of such questions were so much in request because they offered material for future disputations in which the compiler had to appear as defender or as assailant" 121. La thêse de disputatio sans determinatio a donc une base trop faible. D'ailleurs comment accepter qu'un maitre ait pu ne pas donner une solution à Ia question disputée lorsque cela était obligatoire pour les bacheliers et pour les nouveaux licenciés? 122.
Un autre problême sur lequel il n'y a pas assez de clarté concerne le temps qui sépare les deux étapes. Selon Glorieux, Ia determinatio avait lieu le premier jour lisible qui suivait Ia séance de discussion 123. A. Little est hésitant: "How long after a question had been disputed did a master give his solutio or determina tio ? I do not know, but it was certainly not many days" 124. 11 suggêre que Ia distance maximale pour le cas d'une
119 120 121
F. PELSTER,op.cit., p. 41. Cf. P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 126. F. PELSTER, op.cit., p. 30. Cette explication psychologique rend eompte aussi des
manuscrits ou I'on ne trouve que des listes de questions (des énoneés simplement, sans aucun développement): elles répondent au besoin du bachelier d'être au eourant des problêmes en vogue. . " ,. 122 Voir plus loin, p. 102 (q. col/ativa) et p. 120 (resumpta). A. Little, dans I etude qu il a publiée dans le même volume avee F. Pelster, ne met jamais. en doute que Ia d~putatio était toujours suivie d'une determinatio. Nous prenons son silenee comme un signe de désaeeord avec Pelster. l2l P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 126. Cf. P. MANDONNET,S. Thomae Aq. Q. Disp., p. 10. I,.. A. L1TTLn, O ford Theology ...• p. 229.
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dispute ordinaíre était d'une semaine. Mais Ia soIution du maítre pouvait aussi être donnée immédiatement aprês Ia séance de discussion. II pouvait en être ainsi surtout quand Ia soIution du respondens satisfaisait Ie maítre ou si Ia quantité ou Ia qualité des arguments avancés dans Ia discussion ne méritait pas, aux yeux de celui-ci, une période de réflexion spéciale, ni par conséquent une séance à part 125. Le dernier problême concerne Ie caractêre public ou privé de Ia séance de détermination de Ia disputatio ordinaria. On a déjà mentionné Ia thêse de P. GIorieux selon Iaquelle Ia determinatio, par opposition à Ia dispute, publique, devait être un acte privé du maítre, accompli dans son écoIe, devant ses étudiants et pour eux seuls 126. Or des dispositions statutaíres sembIent contredire ces vues. Elles ont été relevées par, GIorieux luimême dans un de ses ouvrages antérieurs. Dans Ies statuts de Ia Faculté de ThéoIogie de BoIogne, on lit en effet: "Determinationis autem actus incipit bene de mane, cum sit prolixus, et toto mane nulla sit Iectio, ut bachallarii omnes, et formati et Iegentes et Iecturi, quia omnes tenentur, determinationi valeant interesse" 127. Sommes-nous en présence d'une contradiction de GIorieux? Nous ne Ie pensons pas. Si on examine Ie contexte de cette disposition de BoIogne 128, on s'aperçoit que Ia determinatio publique, qui interrompt Ies cours étant donné son caractêre soIenneI est bien celle du quodlibet annueI que Ies maítres étaient obligés de soutenir pendant Ia période de Ieur régence. Pour Ies disputes ordinaíres, rien n'empêche de suivre GIorieux 129. Les bacheliers avaient I'habitude Il> Pelster donne certaines évidences de cette possibilité. Dans un sermon du XIVe siêcle (Ms. Bruges 129) ou peut lire: "Circa tertiam vel sextam ascendunt magistri cathedram sua.m a~ disputand~m et querunt unam questionem. Cui questioni respondit unus assistentium. Post CUlUS responsionem magister determinat questionem et quando vult ei deferre et honorem facere, nichil a1iud determinat quam quod dixerat respondens". (cité par F. PELSTER, Oxford Theology ... , p. 40, n. 1). A Ia Faculté des Arts d'Oxford Ia d~lerminalio suivait immédiatement Ia discussio. La thêse de Pelster, selon laquelle Ia dispute n'était pas toujours suivie d'une détermination magistrale, pourrait être acceptée dans ee sens préeis qu'elle n'était pas suivie nécessairement d'une détermination séparée temporellement.
~f. supra, ~. 1.20. Le fait que Glorieux ne fait pas Ia distinetion entre dispute privée et dispute ordinaire rend un peu ambigu son exposé. Nous eonsidérons Ia thêse de Glorieux comme applicable à Ia dispute ordinaire. 126
'21 Éd. EHRLE, p. 45. Cf. P. GLORIEUX, La littérature quodlibétique ... (1925). p. 41 (qui donne le texte du Chart. 11, p. 693, lequel suit le ms. B). 12' Le texte qui précêde immédiatement ce passage a été déjà donné, cf. supra, n. 116. Pour I'interprétation ef. p. 60.
.'29 Bie.n que cel~ nous laisse un peu perplexes: on aecordait discussion dialectique qu'à Ia construetion doetrinale du maitre. de causes de Ia décadenee de Ia disputatio?
plus d'importanee à Ia Faut-il voir en ceei une
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de faíre Ie "tour des écoles", afin de suivre Ies disputes organisées par Ies maitres, d'y participer éventuellement, ou de prendre note des thêmes et des arguments proposés 130. Comment se déroulaient ces deux séances? Les statuts ne donnent guêre de détails. Force est de se tourner vers Ies témoignages de Ia tradition manuscrite. Or celle-ci se présente différemment selon qu'on se trouve devant Ia reportatio de Ia session de discussion, Ia reportatio de Ia détermination magistrale, ou l'editio qu'un maitre a préparée sur Ia base des notes prises au cours des séances précédentes 131. Les deux premiers types de témoins sont beaucoup pIus intéressants car ils permettent d'assister à Ia vie même de I'université médiévale et de comprendre Ie fonctionnement concret de Ia quaestio disputata. Heureusement nous ne manquons pas de reportations de ce type. Pour Ia premiêre séance, nous prendrons comme sources d'information soit des reportations directes de Ia discussion, soit des reportations de Ia determinatio, car elle révêlent toujours des éIéments provenant de Ia premiêre séance 132. La premiêre chose qui frappe c'est Ia diversité de formes. L'intérêt du problême soulevé, Ia richesse d'arguments à Ia disposition des interlocuteurs, peut-être même Ie tempérament de ceux qui prenaient part à Ia dispute ou Ies qualités de directeur de débat du maítre qui présidait, faisaient prendre à Ia discussion des formes variées. Parfois Ia structure était simpIe. II y a d'abord Ia position du problême et I'énoncé des premiêres raisons pour ou contre: "Quaestio est utrum ... Quod non videtur ... (ou quod sic ...)." Ensuite une premiêre intervention du respondens qui donne une soIution de principe et répond aux premiers arguments. Puis I'opponens soulêve des objections contre Ia soIution proposée et pour montrer Ies faibIesses des réponses du répondant. Celuici intervient une deuxiême fois pour réfuter son adversaíre. L'opponens revient à Ia charge avec de nouveaux arguments qui approfondissent le ,3<) Cf A. LITTLE. Oxford Theology ... , p. 121: "It looks as though the seribe went round with his notebook (quaternus) to the different schools and jotted down any discussion that was going on or that interested him" (à propos du ms. Woreester Q. 99). P. GLORIEUX. La littérature quodlibétique ...• p. 19: "des étudiants qui eouraient sans doute de soutenanee en soutenance", Cf. aussi, P. GLORIEUX, Jean de Saint-Germain maltre de Paris et coplste de Worcester, dans Mélanges A. PELZER. Louvain, 1947, p. 521 (dépend de A. LITTLE). 131 Cf. supra, n. 48. 132 Mgr Glorieux a signalé des reportationes de Ia prerniêre séance dans Ia tradition manuscrite: ef. L 'enseignement ... , p. 177. Nous préférons nous en tenir aux reportationes qui ont été publiées par les éditeurs modernes car elles permettent un contrôle plus facil de Ia part du lectcur.
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CHAPITRE
III
problême et mettent à l'épreuve le répondant. Une troisiême et demiêre intervention de celui-ci clôture Ia session de discussion avec Ia réfutation des derniêres objections 133. Parfois Ies choses ne sont pas aussi simples et Ia discussion devient três agitée, avec des interventions rapides et des réfutations immédiates qui font songer à un match de ping-pong. Prenons par exemple le ms. WORCFSTERW. 99, VI, q. 40, f. xr- 134. A Ia position du problême (ut7um) succêdent des arguments pour et contre. Puis le respondens donne une premiêre solution (positio) et réfute les arguments qui s'opposent à a thêse, L'opponens soulêve 6 objections contre Ia solution 135. Le respondens rétorque avec une question de principe. Breve objection de I'opponens. Breve olution du respondens. Nouvelle série d'objections de I'opponens. Nouvelle intervention du respondens, qui essaie de réfuter un par un les arguments soulevés. Quatre nouvelles objections et nouvelle série de réponses. Intervention d'un maítre présent qui essaie de trouver Ia solution à partir d'une autre perspective (ad quaestionem aliter respondet M. W. de Bosco). L'opponens (ou d'autres participants) formule six nouveaux arguments contre les thêses préalablement défendues. Le respondens commence à réfuter le premier argument, mais, aprês avoir exposé le principe de sa réponse (deux Iignes),iI est interrompu par I'opponens qui, en quatre mots, I'oblige à mieux définir le problême, Le respondens essaie de e reprendre (une Iigne) mais iI est interrompu de nouveau. Ensuite iI donne solution au deuxiême argument. Mais avant qu'il puisse passer au troisiêrne, on lui oppose une série d'objections contre sa solution, et iI se voit obligé d'y répondre 136. 11 peut finalement répondre au troisiême argument principal (ad aliud principale). 11passe ensuite au quatriême (non sans avoir mérité un sed contra), au cinquiême et au sixiême, Une nouvelle série d'onze objections est lancée par I'opponens (coupée par une réfutation immédiate du respondens aprês I'énoncé de Ia deuxiême objection). Le répondant se défend avec 3 énoncés de principe (ad questionem notandum primo ... ostenditur secundo ... tertio ostenditur). On lui oppose 3 nouveaux arguments. Le respondens se défend par une définition (nota). Trois prises de position du répondant. Nouvelle objection de I'opponens. Le répondant finit par deux affirmations (Nota) qui cIôturent Ia séance.
Cet exemple de disputatio montre Ia grande souplesse de Ia méthode. IJ] Cf. Ms. ASSISI158, q. 117, art. 3, f. 94r, éditée par PELSTER,Oxford Theology ... , p. 139-142. 11s'agit d'une inceptio, c'est-à-dire de Ia premiêre questioo disputée indépeodante du jeuoe maitre Robert de Wiochelsea. Nous auroos l'occasioo de reveoir sur cette questioo car elle est un des cas rares ou 1'00 peut compter avec Ia reportatio de Ia discussioo et Ia reportatio de Ia déterminatioo magistrale. ,,. Éditée par LITTLE, Oxford Theology ... , p. 351-357. Il> L'opponens ou, bien eotendu, d'autres participants. '3' Ici Ia reportatio o'est pas parfaite: on trouve que le répondant réfute plus d'arguments que ceux qu'oo a formulés. La chose est compréhensible: le scribe a da être bieo mal à I' i e pour uivre une di cussion aussi agitée.
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Et il n'est pas risqué de supposer que les interruptions si fréquentes des propos du répondant soient l'ceuvre du maitre lui-même, qui oblige ainsi son bachelier à aiguiser le raisonnement afin d'approfondir Ia question disputée. Nous I'avons dit et nous le répétons: même dans Ia session de dispute, Ie maítre intervient lorsqu'il le juge opportun 137. Il y a d'autres formules possibIes. La question ne se présente pas toujours sous l'aspect d'une altemative entre deux solutions, mais elle s'ofIre parfois "bifulcata et etiam trifulcata" et les participants discutent sur le bien fondé de plusieurs solutions 138. En d'autres occasions le respondens intervient tout de suite aprês l'énoncé de Ia question pour avancer une réponse de principe; ensuite Ia discussion se généralise et l'on apporte des arguments pour ou contre sans ordre déterminé et Ie 137 00 peut trouver uo bon exemple d'un maitre interveoant daos Ia disputatio parce qu'il o'était pas du tout satisfait des solutions proposées par son respondens, dans le ms. DOUAI 434, questioo 481 (éd. J.-P. TORRELL, Théorie de Ia prophétie ... , p. 23): "Item a speculo materiali imprimitur imago quedam visu: inspectoris ab imagine que est in speculo. Quero si eodem modo a speculo divino imprimatur alica imago visui iospectoris. - Dixit Respoodens quod sic. - Quero ergo de iIla ymagine impressa vel formata a speculo. Cuius sit imago sive similitudo: aut rei que videtur aut speculi? - Dixit Respoodens quod speculi. - Contra: Relinquitur a speculo. Ergo non ducit ad speculum videndum ... Item quero quid est videre rem in speculo? - Respondens: hec(!) est videre speculum representativum rei. - Contra: ubi est talis visio ... etc". Ce texte est três important pour plusieurs raisons. D'abord il est Ia preuve que même un texte rédigé par le maitre en vue de publication peut garder des traces de Ia dispute réelle. li est aussi un témoin de Ia façon dont le maitre pressait ses étudiants pour qu'ils parviennent à Ia plus grande rigueur dans I'énoncé des arguments, c'est-à-dire pour qu'ils fassent "progresser Ia recherche de Ia solution par les procédés de Ia dialectique", Car, et voici Ia troisiêrne raison, Ia q. 481 est l'écho d'une dispute privée et non pas d'une dispute ordinaire: le texte montre que les deux types de disputes suivaient les mêmes rêgles, Finalement Ia Q. 481 montre que les procédés de Ia quaestio disputata étaient parvenus à un haut degré de perfection déjà aux alentours de 1230. Tous ces points ont été prouvés par le Pêre Torrell, op.cit., p. XVI-XVIII. 138 Tel est le cas de Ia quaestio I publiée par P. Glorieux comme faisant partie du Quodlibet anonyme IX(La littérature quodlibétique ... , p. 308-310). Nous suivons ici l'opinion de Pelster, pour qui ce "quodlibet" était plutôt le recuei I d'une série de questions disputées sous des maitres parisiens. Un autre cas intéressant est Ia q. I de Gauthier de Bruges: "quomodo virtus ad habente potest cognosci". On propose d'abord Ia thêse que Ia vertu est connue "per essentiam", et on I'appuie sur 13 arguments. Aprês on avance, comme thêse opposée, qu'elle est conoue "per speciem vel similitudinern", et on l'appuie sur 12 arguments. Une troisiêrne thêse est proposée, à savoir que Ia vertu est connue "per actum suurn", et on avance 10 arguments en sa faveur. En quatriéme lieu, on oppose 6 arguments contre cette derniêre thêse, Le maitre donne sa réponse en signalant que "haec quaestio triplex est" et en affirmant "quod virtus cogno citur per suam essentiam objective ... non forrnaliter", Ensuite il donne une répon e détaillée aux quatre po itions défendues dans Ia discussion. Cf. E. Lo PR, Quae tiones dlsputatae du B. Gauthier de Bruges. Louvain, 1928, p. 1-17.
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IIAPITRE
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respondens se joint aux participants pour proposer des arguments qui ne vont pas nécessairement dans le sens de Ia solution de principe qu'il avait préalablement proposée; finalement Ia discussion semble s'organiser un peu plus et on propose une série d'arguments pour Ia thêse du répondant et une autre série contre cette thêse 139. 11 serait superflu de multiplier les exemples pour montrer toutes les modalités que pouvait assumer Ia premiêre séance. Qu'il suffise de dire que Ia discussion était menée en général comme une véritable alternance d'arguments ou respondens, opponens, participants et, éventuellement, le maítre lui-même, intervenaient de façon três dynamique et selon un ordre três souple, bien différent de celui auquel nous ont habitués les éditions des questions disputées 140. Examinons maintenant le déroulement de Ia séance de détermination ou le maitre devait donner sa solution au problême discuté 141. ' Le maítre pouvait, en premier lieu, résumer les arguments présentés dans Ia séance de débat. Puis il donnait sa solution. Enfin il réfutait les
". Tel est le cas de Ia quaestio 2, publiée par P. GLORIEUX,ibid., p. 310-312. ,•• On peut encore repérer des traces de Ia dispute initiale même dans les éditions. La vive discussion qui a été à I'origine, avec ses objections et répliques immédiates, se laisse toujours entrevoir lorsque dans Ia présentation des arguments dans I'édition on se trouve en présence de Ia structure suivante: argument no. I; sed dicebat; argurnent no. 2; etc. La formule dicebat (ou respondebat, ou dicebatur, et analogues) met en évidence Ia participation du respondens qui, à Ia suite d'un argument répliquait immédiatement afin d'obliger I'opponens ou le participant à reformuJer sur des bases plus solides son objection. La même remarque vaut et à plus forte raison, pour les reportationes de Ia séance de détermination magistrale. L'édition des Q.D. de gratia, de MATTHEUSAB AQUASPARTA a conservé três bien I'écho de Ia discussion réeUe qui a eu lieu. a. q. VIII (éd. V. DOUCET, p. 171), objection 6: "Item, quia dicebatur ad confirmationem eiusdem quod ... obiciebatur contra hoc, quia ... Respondebatur quod ... obiciebatur quoniam .... Cf. aussi p. 35; p. 117; p. 151; p. 172; p. 198. 14' Rien n'empêche de penser que toute discussion était suivie de détennination. Le fait qu'il y a des disputes sans Ia détermination correspondante dans Ia tradition manuscrite n'est pas un argument contre cette affirmation. li se peut que le scribe n'a reporté que Ia séance de discussion et que, n'ayant pas assisté à Ia séance de détermination, j) n'a pas transmis Ia solution du maitre. Tel est le cas des questions 14 et 16 du "Quodlibet IX" publié par Glorieux (op.cit., p. 337 et 339). Ce que nous venons de dire confirme Ia ~ese de Pelster sur Ia nature de ce texte: comment, en effet, comprendre que dans une dispute de quolibet le maitre se soit pennis de ne pas répondre au problême posé? La chose s'explique beaucoup mieux dans l'hypothêse d'un scribe qui faisait le "tour des écoles" et qui prenait note des sessions auxqueUes j) assistait. Le doute subsiste cependant quant à savoir si cette prise de position du maitre demandait une séance à part ou si elle pouvait avoir lieu immédiatement aprês Ia discussion. Bien que les historiens estirnent en général que Ia determinatio avait lieu un certain temps aprês Ia disputatio, rien n'empêche qu'en certains cas le maitre ait pu prendre parti tout de suite aprês Ia discussion.
RE
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arguments qui s'opposaient à sa thêse. C'est le schéma ela ique. Pour ce qui concerne le résumé de Ia dispute, il comptait sur les notes pri e par un de ses assistants. 11profitait du temps de réfiexion dont il disposait pour retravailler les arguments et pour leur donner une forme plu rigoureuse. La réponse initiale proposée par le respondens bénéficiait aus i de cette mise en forme et pouvait même être enrichie 142. Mais, dan Ia plupart des cas, Ia partie Ia plus abrégée était l'intervention du répondant. Celle-ci apparait comme une réponse anticipée suivie de I'instance de l'opponens: "sed dicebat ... contra ...". Nous savons que ceei n'est qu Ia forme abrégée de l'échange d'opinions qui avait eu lieu dan Ia disputatio 143. Cette présentation synthétique, mais rigoureuse, des ar uments proposés, a pour but de mettre en valeur Ia réponse du maitr Parfois le maitre lui-même propose des arguments qui n'ont pa t avancés lors de Ia séance de discussion 144. Parfois illoue Ia rigueur d arguments proposés. 111uiarrive même d'énoncer des arguments auxquel il oubliera de donner réponse 145. Sa solution, qui suit, peut prendre plusieurs formes. 11 commence souvent par l'exposé des distinctions terminologiques ou sémantiques nécessaires pour Ia compréhension du sujet. Ou par le rappel des principales opinions sur le problême : "circa istam quaestionem duplex (triplex ...) est opinio". n procede ensuite à Ia critique des opinion courantes: "sed ista positio stare non potest ... non videtur multum conveniens". Finalement il expose sa position propre. Parfois il re t indécis ou perplexe: "Quae istarum opinionum sit verior, non plan scio ; fateor tamen istam mihi magis placere" 146. En d'autres occa i ns, il commence par exposer un principe de portée générale sur lequel il VII
'42 La réélaboration de Ia dispute en vue de Ia determinatio a été bien mise en évidcn par Pelster (Oxford Theology ... p. 139). li s'appuie sur I'analyse d'un cas privilégié: I manuscrit Assisi 158 a transmis Ia repor/alio de Ia séance de dispute (q. 117, art. 3) et celle de Ia séance de détermination (q. 155) d'une même question disputée. '43 Cf. I'analyse d'une séance de détermination présidée par saint Bonaventure, faite par P. GLORIEUX, S. Bonaventure, Queslions disputées "De caritate", "De novissimis". Pari, 1950, p. XXII-XXIII. '44 Cf. S. BONAVENTURA, Q.D. de caritate, q. 3 (éd. GLORIEUX,p. 27): "Haec argumenta non fuerunt facta, tamen possent fieri ad probandum ...", '0' Cest le cas de saint Thomas dans Ia Q.D. de anima, q. 15 (éd. ROBB,p. 206, apparat critique) et dans Ia Q.D. de veritate (éd. Léonine, t. XXII, p. 541/160; 654/262; 691/ 218; 692/316; 718/517; 738/7; 770/375; 867/193. '46 Cf. MATTHE AO A ASPARTA, Q.D. de gratia, q. VII, p. 184 (éd. D U T).
68
CHAPITRE III
appuyer Ia solution de détail !". li y a enfin des cas ou un maitre différent est invité à donner Ia détermination. A Oxford, par exemple, les maítres qui avaient fini leur péríode de régence pouvaient être invités à déterminer des questions disputées sous Ia présidence des maitres régents 1480 La troisiême partie de Ia détermination est Ia réfutation des arguments opposés à Ia thêse du maítre. Parfois il répond aux arguments un par un, mais il n'est pas rare qu'une seule réponse de príncipe soit appliquée à plusieurs objections ("Per ista patet solutio ad 1m et ad 2m")0 Parfois le maitre laisse volontairement sans réponse un certain nombre d'objections : "Ista argumenta remanent solvenda; verum causa prolixitatis dimitto ipsorum argumentorum pertractationem et eorundem solutionem" 1490 Inversément, illui arrive de rencontrer des arguments qu'il n'a pas relevés dans Ia synthêse de Ia disputatio 15°0 Nous avons aussi signalé le cas, plus rare, ou le maítre oublie simplement de répondre à certains arguments qui avaient été proposés lors de Ia dispute 1510 Quelquefois il est obligé de répondre aussi aux arguments proposés, en guise de solution préliminaire, par son propre respondens 1520
"7 C'est le propre d'une méthode déductive.Saint Thomas excelledans cette forme de présentation de Ia determinatio. ,•• Cf. LITTLE-PELSTER, Oxford Theology 000'po530 ,•• "Quodlibet" IX, q. 13 (éd. P, GLORIEUX, po336)0 rso Cf.par exempleRICARDUS DEMEDIAVILLA, Qo de unitate formae (ed. R. ZAVALLONI, Richard de Mediavilla e/ Ia controverse sur Ia pluralité des formes, Louvain, 1951,po 178). Oans I'apparat critique de son édition, Zavalloni note, aprês Ia réponse ad 15m: "Les raisons qui suiventn'ont pas été proposéesdans les rationes in oppositum", 11faudrait dire plutôt qu'elles n'ont pas été reportées. '" Les deux derniers cas sont intéressants: ils suggêrentIa possibilitéque le maitre ait eu sous ses yeux, au moment de Ia determinatio, une reportation de Ia dispute différente de celle qui nous est parvenue à travers Ia tradition et, bien entendu, dilférente de Ia reportatio de Ia déterminationelle-mêrne.Ces reportationes, préparées par les assistants du maitre pour leur usage privé, étaient probablement laissées de côté. Elles étaient remplacéespar Ia reportatio de Ia déterminationmagistrale,laquelle,contenant I'essentiel de Ia discussion,les rendait superflues.Cette hypothêsepourrait expliquerle fait signalé par P. GLORIEUX: "L'existenced'une double reportation, des deux séances, est beaucoup plus rare." Cf. L'enseignement 000,p. 127). m C'est le cas ou le maitre répond aux arguments proposés dans le sed contra; cf. MATTHEUS Aa AQUASPARTA, op.ci/., p. 191;po126.Ou lorsqu'ilreprend de nouveau des argurnentsque le respondens avait essayé de résoudre dans Ia premiêre séance. Cf. S. BONAVENTURA, op.cit., p. 26; S. THOMAS, ç.o. de anima, 9.18(éd. Rosa, p. 243); 9.20 (éd. Rosa, p. 262, lin. 24-25,ou ilfaut corriger: quiafalro concludunt). Oans Ia q. 3 de Gauthierde Bruges(éd. LoNGPRE, po25-33)on constateque le respondens avaitdonnéune premiêresolutionaux argurnentsproposéset que cette réponseavait soulevé toute une nouvelleséried'arguments,Le maitre,aprês avoirdonné sa solutio, répond,un par un, aux argurnentsproposé en premierIieu;ensuiteil prend distanceface à Ia solutiondu
LES ESPECES OU GENRE Les trois parties de Ia determinatio ne se présentent
69 pas toujours dan
le même ordre. Chez S. Bonaventure et S. Thomas, pour ne mentionner que deux représentants éminents de Ia méthode, Ia determinatio semble avoir eu Ia structure qu'offrira l'editio: présentation des arguments, réponse du maitre, réfutation des objection o Mais on trouve aussi une structure différente. Dans Ia qo 155 du manuscrit ASSISI158 (à laquelle nous avons déjà fait.allusion), par exemple, on constate que Ia présentation des objections et des arguments soulevés pendant Ia disputatio est immédiatement suivie de Ia réponse du maitre, qui n'éprouve pas le besoin de réfuter ensuite les arguments qui s'opposaient à sa thêse 153. Une determinatio encore plus succinte se lit dans Ia q. 20 du "Quodlibet IX" de Glorieux, ou Ia reportatio ne contient que Ia solution apportée par le maitre. Dans le mêrne texte, à Ia qo 17, on découvre une structure nouvelle: Ia solution du maitre e t donnée d'abord, les arguments en faveur de sa thêse sont donnés ensuite ; lcs objections contre Ia thêse et les réfutations du maitre viennent aprês ; enfin le maitre clôture par une reprise et un approfondissement de Ia solution 'S'o Comme celle de discussion, Ia séance de détermination offre donc une structure souple, propice à l'approfondissement doctrinal des problêmes et à Ia pratique de l'art dialectique. Par rapport à cet aspect vivant de Ia question disputée, les éditions préparées par les maítres sur Ia base des reportationes de leurs déterminations ne donnent qu'un schéma
stéréotypé. Car, une fois soutenue Ia dispute, le maítre pouvait Ia publier, En effet, des deux séances de Ia dispute réelle on ne peut avoir que des reportationes. Le maitre, qui avait certainement utilisé une reporta tio de Ia premicr séance pour préparer sa détermination magistrale, pouvait aussi se ervir d'une reporta tio de cette seconde séance et des notes personnellc dont il s'était servi à cette occasion, pour préparer une version corrigé de Ia question disputée, Si de Ia reportation de Ia disputatio à cellc d Ia determinatio, on constate une organisation progressive des matériaux, UI) ordonnance dans Ia présentation des arguments et un raffinement de I ur expression dialectique, cette mise en forme est encore plus visiblc duns le passage à I'editio. "A Ia différence de Ia reportation, Ia rédaction st l'état élaboré d'un texte, dont l'auteur assume Ia responsabilité, qu'il y suive ou non l'ordre et le détail des développements tels qu'ils furent donnés devant l'auditoire scolaire. li y faut chercher Ia pensée définitive respondens ("de responsione autem Respondentis, dicendum quod altera pars tene~da
est ..."); finalementil répond aux argumentsproposésaprês l'interventionde son bachclier, '" Cf. LITTLE-PELSTER, Oxford Theology ... , p. 145. ,•• P, GLORIUX, La liuérature quodlibétique '0" p. 339-341.
CHAPITRE appuyer
Ia solution
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des questions
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La troisiême
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Ia
partie
thêse
un, mais il n'est
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1480
des arguments
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soit appliquée
solutio ad 1m et ad 2m")0 Parfois
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seule réponse
à déterminer
être invités
des maitres est Ia réfutation
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de Ia détermination
différent
par exemple, les maitres
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Ia présidence
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d'objections:
A Oxford,
de régence
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pas rare qu'une
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147o Il y a enfin des cas ou un maítre
Ia détermination.
réponse
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disputatio
des arguments
15°0Nous
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LES ESPECES DU GENRE
III
de répondre
152
0
Les trois
parties
ne se présentent
pas toujours
dans
ordre. Chez SoBonaventure et S. Thomas, pour ne mentionner que deux représentants éminents de Ia méthode, Ia determina tio semble avoir eu Ia structure qu'offrira I'editio: présentation des arguments, réponse du maitre, réfutation des objections. Mais on trouve aussi une structure différente. Dans Ia q. 155 du manuscrit ASSISI 158 (à laquelle nous avons déjà fait.allusion), par exemple, on constate que Ia présentation des objections et des arguments soulevés pendant Ia disputa tio est immédiatement suivie de Ia réponse du maitre, qui n'éprouve pas le besoin de réfuter ensuite les arguments qui s'opposaient à sa thêse lS3. Une determinatio encore plus succinte se lit dans Ia qo 20 du "Quodlibet IX" de Glorieux, ou Ia reporta tio ne contient que Ia solution apportée par le maítre. Dans le même texte, à Ia q o 17, on découvre une structure nouvelle: Ia solution du maitre est donnée d'abord, les arguments en faveur de sa thêse sont donnés ensuite; les objections contre Ia thêse et les réfutations du maitre viennent aprês ; enfin le maitre clôture par une reprise et un approfondissement Comme
celle de discussion,
souple, propice
structure
à
et
Ia pratique
Ia question "7 C'est le propre d'une méthode déductive. Saint Thomas excelle dans cette forme de présentation de Ia determinatio. ,., f. LITTLE-PELSTER,Oxford Theology 000,p. 530 ,•• "Quodlibet" IX, q. 13 (éd. Po GLORlEUX,p. 336)0 ,>O Cf par exemple RICARDUSDE MEDIAVILLA,Qo de unitateformae (ed. R. ZAVALLONI, Richard de Mediavil/a et Ia controverse sur Ia pluralité des formes, Louvain, 1951, po 178)0 Dans I'apparat critique de son édition, Zavalloni note, aprês Ia réponse ad 15m: "Les rai on qui suivent n'ont pas été proposées dans les rationes in oppositum", 11faudrait dire plutõt qu'elles n'ont pas été reportées. '" Les deux derniers cas sont intéressants: ils suggêrent Ia possibilité que le maitre ait eu ous ses yeux, au moment de Ia determinatio, une reportation de Ia dispute différente de celle qui nous est parvenue à travers Ia tradition et, bien entendu, différente de Ia reportatio de Ia détermination elle-même, Ces reportationes, préparées par les assistants du maítre pour leur usage privé, étaient probablement laissées de côté. Elles étaient remplacées par Ia reporta tio de Ia détermination magistrale, laquelle, contenant I'essentiel de Ia discussion, les rendait superflues. Cette hypothêse pourrait expliquer le fait signalé par P. GLORIEUX:"L'existence d'une double reportation, des deux séances, est beaucoup plu rare." Cf. L'enseignement 0'0' p. 127)0 '>1 e t le cas ou le maítre répond aux argurnents proposés dans le sed contra; cf MATTHEUSABAQUASPARTA,op.cit., p. 191; p. 126. Ou lorsqu'il reprend de nouveau des nrguments que le respondens avait essayé de résoudre dans Ia premiêre séance, Cf S. B NAVE TURA,op.cit., p. 26; S. THOMAS,Q.D. de anima, 9018 (êd. ROBB,p. 243); 9020 (éd. R BB,p, 262, lin. 24-25, ou il faut corriger: quiafalro concludunt). an Ia q. 3 de Gauthier de Bruges (éd. LoNGPRE,p. 25-33) on constate que le respondens avait d nné une premiêre solution aux arguments proposés et que cette réponse avait soulevé tout une n uveUe érie d'arguments. Le maítre, aprês avoir donné sa solutio, répond, un par un, oux argument propo é en premier lieu; ensuite il prend distance face à Ia solution du
determinatio
de Ia
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reportationes stéréotypé.
dialectique.
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Car, une fois soutenue des deux séances Le maitre, séance d'une
reportatio
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("de responsione autem Respondentis, dicendum quod altera pars tenenda est 00'");finalement il répond aux arguments propo és aprês I'intervention de son bachelier. '" Cf. LITTL -PEL TER, Oxford Theology 000'p. 145. 'S< P. GL RIIlUX,La ttu rature quodlibétioue 000,p. 339- 41.
respondens
70
HAPITRE III
L
de l'auteur plutôt que Ia physionomie des séances ou elle fut exposée" ISS. L'editio représente le dernier stade de Ia dispute, et "l'état normal de Ia grande majorité des textes que nous a légués le Moyen Age"; nous y reviendrons au chapitre IV. Elle nous intéresse ici en tant que témoin des séances réelles de Ia dispute. Elle peut contenir des fragments de celles-ci 156. Elle en offre souvent des traces, plus ou moins nettes suivant que le maitre a plus ou moins retravaillé les matériaux: ici, elles sont claires 157, lã elles consistent en certaines notes que n'élimine pas le travail consciencieux du maitre ISS, ailleurs elles sont totalement désertes. Finalement, on ne peut pas exclure Ia possibilité que certaines questions "disputées" aient été entiêrement rédigées par le maitre, tout comme il y a eu des "sermons" qui n'ont jamais été prêchés. b) Fréquence et calendrier Si Ia question disputée privée et Ia dispute ordinaire présentent une même structure quant à leur déroulement et quant aux techniques de discussion 159, offrent-elles des différences importantes quant leur fréquence et leur calendrier? Trois problêmes ont concentré notre attention: combien de fois par année un maítre pouvait-il soutenir des disputes privées et ordinaires? Pendant quelle période de l'année académique ces disputes pouvaient-elles être organisées ? A laquelle des deux formes s'applique Ia disposition des statuts interdisant de "lire" lorsqu'un maitre tient dispute? à
â
Pour Ia fréquence, les statuts ne contiennent pas de dispositions obligatoires. Ceux de Bologne, par exemple, se boment à dire que le maitre régent doit "pluries disputare" '60. Pour I'ensemble du corps professoral on dispose d'indices plus cIairs. Les questions ordinaires étaient un acte public et solennel de Ia '" P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 177. ,,.a. plus haut, n. 137. '>7 Cf. les Quaestiones disputatae De caritate de S. Bonaventure. ". Les deux cas se rencontrent dans un même auteur, Prenez par exemple les Quaestiones disputatae de anima XIII de Matthieu d'Aquasparta, (éd. AJ. GoNDRAS, Paris, 1961): il est presque impossible d'y repérer des traces de Ia dispute. Par contre les Quaestiones de anima VI du même auteur (éd. AJ. GONDRAS,dans AHDLMA, 24 (1958) laissent entrevoir des alternatives de Ia dispute réelle (voir surtout Ia q. VI, arg. 2, 4, 6, 8, 9, 13 et particuliêrement Ia réponse ad 30 m; p. 327-352 de I'édition GONDRAS).Signalons que ce dernier texte montre Ia similitude, quant à Ia structure, entre les disputes soutenues à Ia curie romaine et celles de Paris. U9 li ne faut pas oublier, bien entendu, Ia différence déjà signalée quant aux participants: Ia dispute privée rassemblant seulement le maitre et ses étudiants, Ia dispute rdinaire étant ouverte au publico '60 tatuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 45-46). Cf. supra, n. 116.
71
FacuIté .6 '. Or les statuts de 1385 semblent interdire, à Paris, qu'i1 y ait plu d'un acte solennel par semaine '62. A Oxford, les disputes ordinaires devaient apparemment se tenir au moins une fois par semaine et les maitres, a surer ce rythme suivant un systême rotatif. C'est ce qu'a concIu Pelster pour Ia acuIté de Théologie sur Ia base d'une disposition de ce genre de Ia Faculté de Médecine '63. Plus tard, on a même autorisé que deux maitres organisent de disputes le même jour '64. D'autre part les nouveaux maitres devaient três ouvent disputer aprês leur inceptio '6S. Tout cela est encore três vague. D'oú Ia perplexité des historiens. I1s préfêrent parler de disputes que les maitres peuvent tenir, plutôt que de celles qu'ils doivent tenir. Certains opinent pour une par emain et certains pour une tous les quinze jours '66. Pour Mgr Glorieux, les que ti ns disputées peuvent être hebdomadaires ou plus fréquentes encore '61, mai 1I confond, comme nous I'avons signalé, dispute privée et dispute ordinair •• Peut-être le mieux est-il de dire, pour ce qui conceme les disputes ordinaires, que leur fréquence dépendait "du zele et de Ia disponibilité des maítre " 169, qUI s'acquittaient de I'obligation três générale imposée par les statuts suivant un
••• Chart. Il, n. 1188 (18) pp. 692-693; n. 1189 (17), p. 698, ou les disputes ordinaire sont placées parmi les actes publics auxquels sont tenus de participer les bacheliers. '62 Chart. lI, n. 1189 (49): "Item, quod quilibet bacalarius formatus faciat quolibet duos de actibus eius, vel ad minus unum, quousque omnes actus suos compleverit, ne sint duo actus solemnes facultatis in eadem hebdomada, quod omnino fieri prohibemus, alioquin per unum Jubileum a licentia retardetur, Actus autem ad quos tenentur sunt: Respon iones de Quolibetis, Sorbonica, ordinaria, et aula". •• 3 Statuta antiqua, p. 42 (cit. par PELSTER,Oxford Theology ... , p. 38, n. 1): "Statutum est quod si fuerint plures regentes in medicina, teneatur quilibet i\Iorum singulis ebdomadis disputabilibus vice sua disputare, et si fuerit tantummodo unus regens in iIIa facultate, teneatur ad rninus semel in quindena disputare". Voici le raisonnement de Pelster: "The first statute we may unhesitatingly apply to the faculty of theology; as it was much stronger than the medical faculty, we can indeed regard this as a minimum". .64 Statuta antiqua, p. 51 (cit. par PELSTER,op.cit., p. 38 n. 2): "Statutum est quod duo magistri in theologia regentes, si velint, possunt concurrere disputando". .., Statuta antiqua, p. 39: "Consuetudo est quod in artibus incipientes et in medicina p r quadraginta dies post inceptionem quolibet die disputabili disputent, et pallium debent portare in prima disputacione", Voici le commentaire de Pelster: "(This) second provision, which speaks only of the faculties of arts and medecine, we cannot certainly without further evidence transfer to the theologians. The question, however, remains whether they did not also hold frequent disputations in the period immediately following inception. In view of the great similarity which prevaiJed in ali things between the different faculties, one might almost expect to find this custom among the theologians". L'analyse du Ms. ASSISI158 "gives a very indefinite answer to the question" (Oxford Theology ... , p. 38). .66 Cf. plus haut, n. 53, 54, 55. ..7 P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 130. .68 A Ia p. 130-131 de son article, Mgr Glorieux identifie question ordinaire et question "in scholis propriis", Or à Ia p. 102, il range la'question ordinaire parmi les actes solennels de Ia Faculté. '69 P. GLORIEUX,op.cit • p. 102.
72
CHAPITRE
rythme dicté par leur conscience professionnelle. Pour les disputes privées, rien n'est étabLi dans les statuts, mais on peut supposer qu'elles étaient tenues réguliêrement étant donné qu'elles constituaient une méthode d'enseignement hautement appréciée, au moins jusqu'â Ia premiêre moitié du XIVe siêcle 170. Peut-être l'examen des autres types de questions conduira-t-il une conclusion moins fragile sur Ia fréquence des questions disputées. Passons au calendrier universitaire. La soutenance de disputes était-elle réservée une période particuliêre de l'année académique? Mais d'abord sur Ia structure même de celle-ci il y a des divergences parmi les historiens. 11faut coordonner trois grandes périodes: le "grand ordinaire", le "petit ordinaire" et les vacances. Charles Thurot plaçait Ia premiêre entre le ler octobre et le premier dimanche de carême; Ia deuxiême entre le jeudi qui suivait le jour de Pâques et le 29 juin; Ia troisiême entre le 29 juin et le 25 aoüt 171. Mgr Glorieux, aprês avoir souligné que les activités d'étude ne s'interrompaient pas vraiment pendant toute l'année, situe le petit ordinaire entre le 29 juin et le 14 septembre, c'est-â-dire le fait coíncider avec les vacances pour les professeurs: pour lui il n'y a donc que deux périodes: grand ordinaire et petit ordinaire-vacances 172. Cependant il affirme ailleurs que l'année scolaire ne s'étend que du ler septembre au 29 juin 173. Pour Denifie, par contre, l'année académique commence avec le "petit ordinaire" (du 14 septembre au 10 octobre) et continue avec le "grand â
â
li ne faut cependant pas se faire des illusions concernant I'enseignement régulier du maitre. Mgr Glorieux disait qu'"on ignore toutefois si le maitre doit assurer un chiffre minimum de leçons dans l'année, et quelle peut être à cet égard Ia normal e" (op.cit .• p. 110). li semble bien que les maitres en théologie ont progressivement transféré leurs obligations aux bacheliers, et que Ia maitrise en théologie a fini pour être une espêce de canonicat. "La réforme de 1452 exigea qu'ils fissent leçon au moins tous les quinze jours, et qu'ils ne Ia différassent pas au-delà de trois semaines. Les maitres ne faisaient donc pas de cours suivi, ils abandonnaient l'enseignement régulier aux biblici et aux sententiarii. lls ne faisaient sans doute leçon que sur Ia question qu'ils devaient discuter dans une prochaine argumentation. Au XVIe siêcle, avant 1521.l'exercice de Ia régence se réduisait, pour eux, à une seule leçon faite le jour de Ia Sainte-Euphémie, et à Ia présidence des actes publics" (Ch. THUROT.L'organisation de l'enseignement ...• p. 159). 171 Ch. THUROT. op.cit., p. 64: "L'année scolaire était divisée en deux parties par les vacances de Pâques; Ia premiêre était appelée grand ordinaire, Ia seconde petit ordinaire. Le grand ordinaire était compris entre Ia Saint Remi (ler octobre) et le premier dimanche de Carême; le petit ordinaire, entre le jeudi qui suivait le jour de Pâques et Ia Saint Pierre et Paul. Les grandes vacances duraient depuis Ia Saint Pierre et Paul (29 juin) jusqu'à Ia Saint Louis (25 aoüt). 172 P. GLORIEUX.L'enseignement ...• p. 100: "L'année scolaire ... commence à l'Exaltation de Ia Sainte-Croix pour se terminer le \3 septembre. L'enseignement y est distribué d'un bout de I'année à l'autre, sans interruption. Cest dire qu'il n'y a pas de vacances. 11y a cependant, du 29 juin au 14 septembre, une période de moindre travail - le petit ordinaire, par opposition au reste de l'année, appelé le grand ordinaire, - pendant laquelle les maitres cessent leurs leçons, Pour eux, ce sont d'authentiques vacances", Cf. p. 110. m Cf. plus loin n. 183. 170
73
LES ESPECES DU GENRE
III
ordinaire" (du II octobre jusqu'au 29 juin) 174. Une période de vacances (au moins pour les professeurs) semble suivre Ia fête des saints Pierre et Paul. Sans doute parle-t-il de Ia Faculté des Arts, mais rien n'empêche d'appliquer cette structure de l'année toute I'Université. Bien plus, les statuts semblent confirme r ses aflirmations. 11 parait clair que le petit ordinaire commençait aprês Ia fête de I'Exaltation de Ia Sainte Croix 175, que le grand ordinaire s'ouvrait le 10 octobre, aprês Ia saint Denys 176, et que Ia période de vacances s'étendait du 29 juin au 13 septembre 177. Le seul doute qui reste concerne Ia fin du grand ordinaire: se poursuivait-il jusqu'au 29 juin ou finissait-il Pâques? Dans Ia derniêre hypothêse, comment qualifier cette ultime tranche de l'année académique â
â
ou Thurot voyait précisément le petit ordinaire? De toute façon, Ia premiêre période de l'année académique, du 14 septembr au 10 octobre, était consacrée aux principia des bacheliers sententiaires, t aucune autre activité magistrale n'avait lieu pendant ces premiêres semaine 17t Lorsque les bacheliers n'avaient Lire que deux livres par année, une autr période, au début du deuxiême semestre, était consacrée leurs principia. Enfio. lorsque les quatre livres devront être lus en une année, ces principia provoqueront à
à
17. Chart. II, p. 326. n. 3: "Magnum ordinarium incipiebat pro artistis post vacatione • Octobris 11. Hac die resumebantur lectiones ordinariae. Parvum ordinarium incipiebat prima die legibili post festum Exaltationis Crucis (14 Septem.)". 17' Chart. II, p. 716. note sur septembre 30, variante du ms. de Ia Bibl. Philipps: "Notandum quod doctores incipiunt legere in parvo ordinario prima die legibili post festum Exaltationis sancte Crucis, vel prout videbitur facultati expedire". 17' Chart. II. n. 1037, p. 501: " ... sic duximus ordinandum, ut decetero nulla statuta fiant preterquam causa emergente sufficienti et necessaria que id requirat, nisi in ferv r' studii temporis, quod a principio magni ordinarii (Octob. 10, in crastino S. Dionysii, n te Denille) usque ad festum Pasche numerari volumus et censemus". 177 Chart. II. p. 712: "Nota quod a Vigilia beatorum apostolorum Petri et Pauli, n n legitur in decretis per doctores ordinarie, nec in theologia per magistros, u qu ud crastinum Sancte Crucis ..." A Bologne il y avait une petite différence quant à Ia fin d vacances. Cf. Statuta Fac. Theo/. (éd. EHRLE.p. 24): "Igitur decrevimus serie infrascriptu, quod vacationes maiores incipiant a festo apostolorum Petri et Pauli usque ad fe tum dedicationis basilice beati archangeli Michaelis inclusive ...", 171 Chart. II. n. 1188. p. 692 (Statuta 1366, art. 9): "Item. nota. quod bachalarii 111 theologia qui debent legere Sententias, et illi qui habent legere Bibliam in quatuor Ordinibu. Mendicantium, debent facere principia sua infra festum Exaltationis Sancte rucis et festum beati Dionysii. Et presupposito quod tot sint quod non possint complere, tam n non sit in quolibet die nisi unum principium. Et semper in primis sancti Jacobi imm diat post predictum festum beati Dionysii illi qui non fecerunt faciunt, nec legitur aliqua h r, in ip a facultate, quousque omnia predicta principia sint facta totaliter et completo. am n i pauci ra essent principia. it quod finita es ent ante festum beati Dionysii, nichil minu n n legitur in ipsa facultat era tin xnltati ni an t ruci u qu ad cr 1I1111fl1 n ti 1 l1y ii 10 ahqu h r "
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CHAPITRE
III
une interruption des cours en octobre et au début de janvier, de mars et de mai 179. Si aux vacances et à ces interruptions de l'activité magistrale on ajoute les dimanches (26 pour le grand ordinaire). les congés 180. les périodes de repos à Noêl et à Pâques, les jours "non legibiles" qui semblent s'élever à 79 selon Glorieux 181. les jours ou il y avait procession générale de l'Université, les interruptions produites par Ia mort d'un maítre (elles s'étendaient de l'aprêsmidi des vigiles jusqu'au jour des funérailles) ou par les actes solennels de Ia Faculté tvesperies, aula. quodlibeta). on s'aperçoit que les jours de cours régulier dont un maitre disposait n'étaient pas nombreux. Selon Ch. Thurot, un maitre de Ia Faculté des Arts n'avait que 75 jours pour ses leçons ordinaires 182. Mgr Glorieux, plus optimiste, signale le cas d'un bachelier sententiaire qui. dans l'année académique 1392-93. est parvenu à faire 132 leçons 183. Nous sommes enclin à accepter le chitfre de Thurot, car il est fondé sur une analyse des calendriers et parce que les bacheliers avaient une activité plus considérable que celle des maitres. Pourquoi ce souci d'établir le nombre de jours de cours réguliers des maitres? Parce que les disputes étaient une autre cause d'interruption des leçons. Les jours "legibiles" s'élevaient à quelque 79. Tous les motifs pour les réduire encore davantage devaient donc être objet de considération sérieuse de Ia part de Ia corporation. Notre problême est de savoir pendant quelle période de l'année avaient lieu les questions disputées. A cela nous pouvons donner une réponse de principe: puisque Ia quaestio disputata est une méthode que le maitre utilisait dans son enseignement régulier, elles devaient se placer pendant le grand ordinaire, c'est-à-dire entre le 10 octobre et le 29 juin (ou au moins entre le 10 octobre et Pâques). Ce qui complique les choses, c'est que les disputes magistrales provoquaient une interruption des cours. Lequel des deux types de
179 Chart. II. n. 1189 (Statuta 1385. art. 38). p. 700: "Item. quod carmelita faciat suum secundum principium prima die Januarii legibili, et a1ii bacallarii consequenter. Tertium faciat carmelita prima Martii, et a1ii consequenter. Quartum faciat carmelita prima Maii, et alii consequenter". Cf. P. GLORIEUX.op.cit .• p. 138-139. ISO Ch. THUROT signale 47 jours de congé (De l'organisation de l'enseignement ...• p. 66); P. GLORIEUXun nombre plus réduit mais considérable encore iL'enseignement ...•
p. 101).
'" P. GLORIEUX.ibid. '" Ch. THuROT. ibid. 113 P. GLORIEUX.L'enseignement ...• p. 116: "L'année scolaire qui s'étendait du ler septembre au 29 juin, ne comportait, déduction faite des jours fériés, des repos de Noêl et de Pâques, que 42 semaines. 11en fallait déduire encore les jours de soutenances, de principia. d'actes magistraux, etc. ou le bachelier ne lisait pas. L'exemple concreto tout à fait sür, d'un Pierre Plaoust, montre que son année scolaire 1392- 1393 otfre un total de 132 leçons seulement".
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7
questions disputées (ordinaires ou privées) avait cet etfet sur I'en emble d Ia Faculté? Les statuts répondent-ils à notre question? Ceux de 1366. à Paris. déterminent que lorsqu'un maitre tient dispute. lui seul peut "lire" le matin tandis que les autres doivent suspendre leurs cours 184. IIs ne disent pas explicitement de quel type de disputes il s'agit. Mais cette disposition en suit immédiatement d'autr s semblables concemant les vesperies et les disputes in aula. c'est-à-dire de ales solennels et publics de Ia Faculté. On a là le premier indice que les di pule. qUI interrompent les cours sont les questions disputées ordinaires qui, ellcs uu: SI, sont des actes publics, et non les questions disputées par les maitres ;11 srhultv propriis. Les statuts de Bologne autorisent une même inférence. U IlHlIIIIIII d'établir les jours "non legibiles", ils mentionnent, à côté des COI1 s t li t II universitaires, les "dies disputabiles post nonam" 185. Les disputes 111 Iftl 10 11 suspendaient donc les leçons. Oroces "dies disputabiles" ont Ir . p U 110111111 11 , _ jamais plus de quatre par mois (en novembre et en mar, p Ir IIIpll) I les statuts ne semblent autoriser, pendant les vacance , que deu di' IIIlh publiques par mois, pour lesquelles les maitres intéres é. ti IIV~ 111 Ilhh 1111 l'autorisation du doyen ou du chancelier 186. li semble légiume li li I dispositions, qui se succêdent dans le texte, et d'affirmer que 1 S (11 put suspendent les leçons sont les questions disputées ordinaircs, c'estpubliques 181. Dans ce sens elles font l'objet de mesures administrative p
'''' Chart. II. n. 1188 (8). p. 692: "Item. nota. quod quando unus magister in the logiu debet disputare. tunc ipse solus legit ut in pluribus, et illa die non legunt alii ma~islri, nec etiam bachalarii legentes Sententias et Bibliam". Une disposition semblable avait été prise par Ia Faculté des Arts depuis Ia moitié du XllIe siêcle. Cf. Chart. 1. n. 137. n reviendra sur cette disposition lorsqu'on examinera les questions disputées à Ia Faculte des Arts. Pour les questions disputées, les statuts semblent indiquer que c'est Ia séanc de discussion qui interrompt les leçons. C'est pourquoi Mgr Glorieux affirme que Ia détermination magistrale était donnée par le maitre "dans son êcole, devant ses étudi nt et pour eux seuls" (L'enseignement ...• p. 126). Or, pour ce qui concerne au moins I s disputes de quolibet, on a une disposition três c1aire des statu~s de Bologne ~an~ ~e en que c'est Ia determina tio qui suspend les cours: "Determinationis autem actus inciprt ben . de mane, cum sit prolixus, et toto mane nulla sit lectio, ut bachalarii ornnes, et formal! et legentes et lecturi, quia ornnes tenentur, determinationi valeant interesse" (Statuta Fac. Theol. Bon .• éd. EHRLE,p. 45). F. Pelster semble considérer ce texte comme valable pour toutes les espêces de disputes. C.f. Oxford Theology ...• p. 41. Mgr Glorieux préfêre le limiter aux questions quodlibétiques. Cf. La liuérature quodlibétique ... t. 1. p. 42. '" Statuta Fac. Theol. Bo'1'.. (éd. EHRLE.p. 25-30). 186 /bid .• p. 25: "Poterunt tamen infra ebdomadas vacationum maiorum, die aliqua non festiva. fíeri, bis in mense, magistrorum publice disputationes, et poterunt perfici cursu .• cancellarii vel decani obtenta licentia, et non a1iter etc.". '" Ch. THUROT avait déjà signalé, pour Ia Faculté des Arts, et pour les leç ns ceue équivalence entre le terme "ordinaire" et le caractêre public o~ 0!flciel: ~Le I~ço.ns étaicnt di tinguée entre ordinaire et e traordtnaires. Les leçons ordinaires étaient aIO I app I c parce que Ia matiêre, Ia ~ rm ,I jour, I'h ure et le lieu él ient détcrminé par I Facult
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III
de Ia part de Ia Faculté: le maitre doit solliciter I'autorisation, fixe r le jour en accord avec Ia disponibilité de jours "disputables", faire annoncer le thême de Ia dispute par le "bidellus", demander, éventuellement, Ia participation de bacheliers attachés à d'autres maitres comme respondens et opponens, etc. '88. De tout ce qui précêde, on peut déduire que les quaestiones disputatae ordinariae n'étaient pas fréquentes et qu'elles constituaient une activité plutôt solennelle de l'enseignement régulier du maitre. Le chiffre de deux par mois, suggéré par les statuts de Bologne, semble normal pour un maitre voulant remplir de façon digne son rôle. Ce chiffre pouvait dans certains cas, être encore plus réduit car I'obligation de soutenir des disputes était três générale et il semble que les statuts n'ont jamais imposé un minimum. Ces disputes s'échelonnaient à travers tout le grand ordinaire, mais il est probable que cette activité s'arrêtait aprês Pâques pour ne reprendre qu'en octobre '89.
c) L'unité de dispute (contenu ou matiêre d'une dispute) Étroitement lié au problême de Ia fréquence, le problême du contenu ou de Ia matiêre d'une séance de dispute a reçu des solutions entiêrement opposées. En 1925, dans son lntroduction à 1'édition des questions disputées de saint Thomas, P. Mandonnet a soutenu que 1'unité de
et par Ia Nation" (De /'organisation de /'enseignement ... , p. 65). Dans le eas de questions disputées en théologie, il faudrait préeiser que le thême et le eontenu sont déterminés par le maitre, mais l'aspeet administratif devait revenir à Ia Faeulté. ,,, Nous rejoignons ainsi I'opinion de Little, Oxford Theology ... , p. 230: "Somewhat elaborate preparations had to be made for a disputation, and these were subjeet to the approval of the ehaneellor, proetors, and other masters or, at least, the arrangements made might be quashed by the university authorities". L'idée que c'était seulement Ies disputes ordinaires, et non pas les privées, qui suspendaient les eours est nettement suggérée par Ch. Thurot ear, bien qu'il ne fasse pas Ia distinetion entre les deux modalités, il met les disputes dans une série qui ne eomprend que des aetes publies: "li était en outre interdit de faire leçon ordinaire les jours de vespéries, d'aulique, de principium, et le jour ou un maítre se proposait de disputer" (De /'organisation de l'enseignement ... , p. 137). Quant à Mgr Glorieux, il faut répéter que son grand travail sur les méthodes d'enseignement (1968) souffre du manque de distinetion entre Ia question ordinaire et Ia question "in scholis", d'oú une eertaine ambiguíté quant à savoir laquelle des deux modalités produisait I'interruption des eours. Dans un travail antérieur il avait clairement affirmé que e'était seulement Ia question disputée ordinaire qui, produisait un tel effet; ef. Répertoire des maitres en théologie de Paris au X/IIe siêcle, I. Paris, 1933, p. 17. Mais dan son travail de 1968 il semble se eontredire lorsqu'il affirme: "Quand il tient dispute en S01l école, il est le seul à lire le matin ..." (p. 100). ,.. elon h. Thurot iop.cu., p. 137) Ia période allant de Pâques jusqu'â Ia Saint Pierre L Paul était réservée aux vespéries et aux auliques. A Ia Faeulté des Arts, il y avait cep ndant des di pute de Pãque à Ia Saint Rémi. Cf. plus loin, p. 88-89 et n. 228.
dispute était 1'articulus 190.Son opinion fut acceptée par P. Glo~eu~ en 1932191. Elle entrainait de curieuses conséquences que des historiens n'ont pas hésité à accepter. Le P. Synave, par exe~ple, a soutenu, ~ propos des questions disputées De veritat.e, qu~ saínt Thoma~ aurait disputé cinquante-neuf, cinquante-cinq ou b~en s01x~te et une fo~s,.sel~~ 1'année durant les trois ans de son preID1erenseignement pansien . Mgr Glorieux, qui semblait ignorer les critiques faite~ à I'hypothêse d.e I'article-dispute, a continué d'écrire, en 1968, que saínt Thomas aurait soutenu les 253 articles des Q.D. de veritate à raison de 84, 84 et 85 par année pendant Ia période 1256-1259 193. .' Cependant d'autres historiens avaient ouvert des pistes ~port~tes qui menaient à une solution entiêrement différe~~e.D~s les DlSputatlOn~s de Simon de Tournai, dont 1'importance dans I évolution du genre ~ déjà été signalée, une même dispute, soutenue pendant une se~le se~ce, comportait plusieurs problêmes ou "articles:: "Hodi~rn.a dlsputat~one quatuor ... quinque ... quaesita sunt" 194. Le maítre examinait ces questions dans une même disputatio et les arrangeait plus tard, selo~ un or?r~ pl~s ou moins systématique, pour l'editio. La même observation a ~te falte par Pelster dans le ms. Assisi 158, lequel, nous le savons, contIen~ des questions disputées soutenues à Oxford et à Paris 195. Cela mett:ut en garde contre les vues de Mandonnet. Mais c'~st en 195.6 ~ue le Pere A. Dondaine s'attaqua vigoureusement à celles-ci. Son principal argume~t consiste à montrer Ia situation impossible que saint Thomas aurait '90 P. MANDONNET, S. Thomae Aq. Questiones Disputatae ., '. (1925), p. 12: ~L'arLi I I Ia matiêre d'une dispute. li n'a pas été disputé plusieurs articles en ~ne fois, ~u mOIll dans les Questions disputées en série, ni probablement dans eelles dísputées u I Il\ 111 ... Ces subdivisions (d'une question en plusieurs articles) n'ont .done au.eun rapport IVII Ia quantité de matiêre qui faisait l'objet de ehaque dispute. De fait, un article c rr rlltltl til
à une Dispute". . 4 (19 2) '9' P. GLORIEUX, Les questions disputées de saint Thomas, d~s ~TAM, • ~. '92 P. SYNAVE, La révélation des vérités divines naturelles d apres saint Thoma ti A 1111111 dans Mélanges MANDONNET, t. I, Paris, 1930, p. 353 SVV. .' .. '9' P GLORIEUX L'ensetgnement ... , p. 127: "Pendant son premier enselgnement pan , n, Saint' Thomas a ~enu les 253 soutenances de son De Veri~ate à raison de 84, 84 C.L11 par année seolaire, soit deux disputes réguliêres par sematn~. D~s son seeo~d séjour, les 101 questions du De maio, les 21 du De anima, 36 De virtutibus, 5 De umone Verbl incarnati" . '94 Cf. supra, n. 46. . '9' F. PELSTER, Oxford Theology ... , p. 7: "It frequently happ~ns. that. the same question ineludes within itself several questions, whieh are ealled articuli. Th~s, howe~er, by no mean implies that these articuli are always dependent on the rnam question or are sub rdinate
question
involved
in it",
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CHAPITRE
LES ESPECES DU GENRE
III
engendrée à l'Université de Paris si elles devaient être acceptées: "La plus grave de ces difficultés est que saint Thomas aurait suspendu Ia vie normale de I'Université pendant les trois années de son premier enseignement magistral parisien" 196. En efIet, sans compter que le nombre de disputes que, selon Synave et Glorieux, saint Thomas aurait dirigées entre 1256 et 1259 s'insêre difficilement dans les "grands ordinaires" de ces années scolaires, il s'ensuivrait que le jeune maitre dominicain aurait obligé le reste de Ia corporation à chômer pendant trois années consécutives, puisque les jours ou un maitre tenait dispute ordinaire, tous ses collêgues interrompaient leurs leçons. Le P. Dondaine formule d'autres arguments contre Ia théorie de Mandonnet. Par exemple, certains articles de Ia Q.D. de veritate n'ont pu exiger plus de quinze minutes de discussion publique. "Est-il concevable, se demande Dondaine, que Ia vienormale de I'U niversité ait été suspendue pour si peu? Non seulement le maitre y aurait perdu de son prestige mais Ia fonction elle-même se serait rapidement dépreciée" 197. Finalement, cet érudit ' estime avoir trouvé Ia clé de Ia solution en comparant l'extension d'un quodlibet avec celle d'une quaestio disputata. Sa conclusion, fondée sur l'analyse des onze premiers quodlibets de saint Thomas et des onze premiêres questions du De veritate est Ia suivante: "li y a donc une réelle proportion de l'ordre de grandeur des textes entre Ia moyenne d'un quodlibet de saint Thomas et d'une question du De veritate, question au sens de ce tout organique constituant l'unité de division de l'ouvrage, groupe d'articles concemant un même sujet général" 198. D'oü sa proposition d'identifier Ia dispute à une question générale et non pas à un article. Ces arguments nous semblent irréfutables. En outre, ils réduisent à des termes raisonnables l'activité académique de saint Thomas. Les nombres de 8 disputes en 1256-1257, 12 disputes en 1257-1258 et 9 disputes en 1258-1259, "sont beaucoup plus vraisemblables pour un maitre, fut-il Saint Thomas". Ces nombres semblent s'accorder avec ce que nous avons dit sur le nombre de disputes ordinaires que normalement pouvait soutenir un maitre en théologie 199 et ils sont compatibles avec
79
une activité normale de Ia part des dix collêgues de saint Thomas. La nouvelle thêse du P. Dondaine fut acceptée, avec quelque réserve, par le P. J ames A. Weisheipl: "While Dondaine's view is more reasonable than Mandonnet's, it does not solve all our doubts. It does not, for example, explain how a question of twenty articles compares with a question of two articles in an aftemoon session" 200. L'examen de ce problême nous a conduit à formuler des précisions de détail. D'abord il ne faut pas appliquer à S. Thomas - au moins pour ce qui concerne son premier enseignement - Ia disposition statutaire interdisant de lire lorsqu'un maitre tient dispute. En effet, s'il commença ses fonctions magistrales en septembre 1256, il ne fut accepté dans le consortium magistrorum qu'en septembre 1257. Les maitres régents des ordres mendiants avaient été exc\us du consortium par une décision de Ia Faculté de Théologie datée d'avril 125320'. Les années qui suivirent furent três dures pour les mendiants. Guillaume de Saint-Amour mena contre eux une lutte impitoyable sur tous les fronts (doctrinaire, universitaire, diplomatique) et il avait Ia sympathie et l'appui de Ia corporation universitaire. Les mendiants, de leur côté, avaient le soutien d'Alexandre IV qui, depuis sa bulle Quasi lignum vitae d'avril 1255, avait pris Ia défense des nouveaux ordres et ordonné que les mendiants soient reçus dans le consortium magistrorum de I'Université de Paris 202. Mais l'ordre du Pape n'avait pas été suivi. On en a Ia preuve dans les nombreuses interventions du pontife en 1256-1257 en faveur des mendiants afio qu'ils soient incorporés de façon effective dans Ia communauté universitaire 203. Ce n'est qu'en aoüt 1257, avec Ia déc\aration du maitre Christian de Beauvais, que Ia tension entre les maitres séculiers et les mendiants commence à se relâcher 204. C'est lui qui accepta Thomas et Bonaventure dans le consortium magistrorum. Dans une lettre du 27 septembre 1257 le Pape put déjà parler d'une "discordia usque nunc Parisius habita" 20'. Mais Ia situation continua d'êtr difficile pour les mendiants. Dans ce climat, pouvons-nous concevoir que Ia Faculté de Théologie ait suspendu les cours pour que Thomas puisse di pu
,•• A. DONDAINE,Secrétaires de Saint Thomas. Rome, 1956, p. 210. '97 Ibid., p. 211.
maitres extrêmement actifs comme saint Thomas. Bien entendu, son zele professionnel avait une limite: iI ne pouvait pas monopoliser I'activité universitaire ni compromettre Ia tâche de ses collêgues par un excês d'interventions publiques. De ce point de vue il devait se soumettre aux mesures générales d'organisation et de planification imposées à tous les membres de Ia corporation. ",. I.A. WEISHEIPL,Friar Thomas D'Aquino. His li/e. thoughi, and work. New York, 1974, p.
'9' Ibid.,
126.
p. 213.
Cf. plus haut, p. 76. Nous avons suggéré le nombre de deux disputes ordinaires par mois comme étant "normal" pour un maitre conscient de ses devoirs académiques. Comme le tatuts sont três souples quant à I'obligation de disputer, nous avons dit que le nombre proposé pouvait encore être plus réduit (il y a des maitres qui n'ont soutenu que deux di pute par an). Rien n'empêche que ce nombre soit plus élevé, surtout dans le cas de '99
20'
202 20) 104 20'
Cf. Cf. Cf. f.
Chart. Chan. Chart. Chan. f. Chart.
I, n. 219, p. 242-243. I, n. 247, p. 279-285 et Ia lettre du 14 avril 1255, ibid., n. 249, p. 286-287. I, n. 269,281,284,293,294,296,300,309,311,312,313. I, n. 317. I, n. 19, p. 611
80 ter?
CHAPITRE
Pouvons-nous
mendiants mendiant
dans tenait
imaginer leur
ces maitres
consortium,
décidant
LES ESPECES
III
séculiers,
qui refusaient
d'interrompre
leurs
d'accepter
leçons
les
lorsqu'un
dispute?
Nous pensons que Ia soutenance des questions disputées De veritate n'a pas produit d'effet sur Ie dérouIement des activités académiques à Ia Faculté de ThéoIogie 206. Est-ce lâ un argument contre Dondaine et un retour à Ia thêse de I'artic1e-dispute? Pas exactement; ce que nous disons, c'est que les questions disputées De veritate n'ont pas joui du privilêge de pouvoir interrompre Ies cours accordé aux disputes ordinaires. Le problême de l'unité de dispute reste donc entier et il doit être résoIu à partir d'autres considérations. II y a d'abord celle du temps alloué pour une dispute ordinaire. II sembIe bien qu'elles avaient lieu entre nones et vêpres 207, et duraient normalement trois heures. D'autre part, Ia séance de discussion ne comprenait que l'échange d'arguments pour ou contre une thêse, Ia soIution du maítre étant rapportée à une séance ultérieure. Dans ces conditions, quelle quantité de matérie1 pouvait-elle être examinée et débattue, sans oublier que Ies participants étaient souvent entrainés par 206 La chose nous semble absolument certaine pour les huit premiêres questions, celles disputées en 1256-1257, car Thomas n'était pas encore accepté dans le consortium magistrorum. Pour les suivantes il ne s'agit que d'une hypothêse jouissant d'une grande probabilité. 2'>7 Les éléments dont nous disposons nous rnênent tous à penser que les disputes ordinaires avaient lieu dans l'aprês-rnidi, au moins à Ia Faculté de Théologie. Les statuts de Bologne parlent toujours des "dies disputabilis post nonam" (éd. EHRLE, p. 25), mais ne disent rien sur I'heure de clôture des séances. A Oxford aussi les disputes étaient tenues dans l'aprês-midi ; "between Nones and Vespers", précise Little (Oxford Theology ... , p. 230). Il semble qu'au XVe siêcle Ia période consacrée aux disputes fut étendue jusqu'à I'heure de complies, mais cela comme réaction contre une certaine habitude de les raccourcir pendant le Carême en plaçant les séances "ante nonam": "Quia sepenumero scandalum sacre theologie exorriri visum est eo quod tempore quadragesimali in eadem sacra theologia ante nonam disputaciones curtate et abbreviate nimis fieri consueverunt, in quibus respondentis probitas aut eius scientie dignitas dilucidari aut manifestari penitus nequeat; provisum est quod singule disputaciones in prefata sacra facultate etiam tempore quadragesimali post nonam celebrentur ac ante tempus completorii terminentur ac finiantur, non obstante statuto prius edito et antiquitus decreto in quo cavetur quod disputaciones ante vesperas terminari debeant" (Statuta Antiqua, éd. GIBSON, p. 276; cité par LITTLE, op.cit., p. 230, n. 2). Pour Paris on n'a pas de renseignements si précis, mais on peut upposer que les statuts de Bologna et d'Oxford suivaient les pratiques de Paris. Si on tient compte du fait que les heures canoniales sont déterminées par le lever et le coucher du oleil et qu'elles se rapprochent singuliêrement les unes des autres pendant I'automne ct J'hiver (c'est-â-dire pendant le Grand Ordinaire, période ou avaient lieu les disputes), n parvient à Ia conclusion que les séances avaient une durée d'à peu prês trois heures.
ou
GENRE
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l'ardeur de Ia discussion et que Ies séances n'étaient pas toujours paisibles et ordonnées? Sans doute deux, trois, peut-être cinq ou six problêmes, ayant un lien thématique, pouvaient être examinés et discutés, et recevoir une soIution préliminaire du respondens. TeI était Ie cas depuis Ies disputationes de Simon de Tournai, donc depuis l'origine même de Ia méthode. En ce sens, Ia thêse de Dondaine est exacte et l'unité de Ia dispute ordinaire est Ia quaestio comme ensembIe unitaire comprenant pIusieurs artic1es. Pour ces occasions spéciales qu'étaient ses disputes ordinaires, Ie maitre pouvait soumettre à débat pIusieurs aspects d'un problême théoIogique. II Ies proposait par ordre et recueillait l'apport des participants qui étaient non seuIement ses étudiants et bacheliers, mais aussi ceux d'autres écoIes. Mais que penser d'une question qui comprend 17 artic1es, avec 190 objections et 67 sed contra? Ou d'une autre qui comprend 21 artic1es avec un nombre encore pIus grand d'arguments? 208 Le P. Dondaine, pour qui une dispute pouvait durer de 9 heures du matin jusqu'au soir, ne voit pas Ie moindre inconvénient dans ces chiffres 209. Nous pensons cependant qu'ils sont excessifs. Les 21 artic1es de Ia quaestio De anima ou Ies 17 de Ia q. 8 De veritate n'ont pu constituer l'objet d'une seule séance de discussion. En dépit de ses qualités pédagogiques, Thomas ne pouvait enfermer dans un débat Ie contenu détai1Ié de toute sa conception de l'homme ou de toute sa doctrine sur Ia connaissance angélique. Et si nous pensons à Ia séance de détermination magistrale, cette impossibilité devient encore pIus évidente: comment en une seule determinatio Thomas aurait-il pu résoudre 17 ou 21 problêmes couvrant des domaines théoriques si vastes? Si nous ajoutons encore qu'il aurait dü répondre aussi aux 190 objections de De veritate ou aux 367 objections
Nous pensons à Ia questio 8 du De veritate et aux Q.D. de anima. Cf. Secrétaires de Saint Thomas, p. 131. Le P. Dondaine suit en ceei J. ISAAc, Le Perihermeneias en Occident ... (1953), p. 79, n. I: "Les maitres font leurs conférences de Prime jusqu'aux environs de Tierce. l1s se réservent Ia possibilité de poursuivre leurs disputes publiques, du ler octobre au carême tant qu'il fait jour, durant le carême jusqu'au repas, qui est alors pris en raison du jeüne aprês Vêpres, et de Pâques au ler octobre jusqu'à Ia Sonnerie des Nones de Ia S. Vierge". Deux observations s'imposent. D'abord il faut dire que J. Isaac se base sur une disposition de Ia Faculté des Arts (Chart. I, n. 137, p. 178; cf. plus loin, n. 228); elle ne saurait pas être appliquée sans précaution aux disputes ordinaires de Ia Faculté de Théologie. Ensuite cette disposition ne détermine pas Ia durée effective des disputes, mais les heures dont les maitres disposaient pour les organiser. Les statuts de Bolognc ct d'Oxford ont plus de poids pour ce qui concerne les 208
209
disputes
théologiques
(cf. supro, n. 207).
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CHAPITRE 11I
du De anima, l'hypothêse du P. Dondaine dépasse les limites de I'imagination ! Bien entendu, on peut défendre les vues du P. Dondaine en disant que le texte du De veritate ne répond pas au déroulement exact des séances de dispute et de détermination. Le P. Dondaine a montré luimême que ce texte a été dicté par saint Thomas. Mais il ne faut pas se tromper: saint Thomas a dicté en ayant sous ses yeux "les notes prises à Ia séance publique et sa propre détermination" 210. Même s'il a organisé et amendé le texte, il en a gardé I'essentiel, surtout les objections 211. Et nos réserves restent valables. Si nous nous tournons vers d'autres exemples de questions disputées éditées par les maitres, c'est-ã-dire vers des textes ayant subi aussi un grand travail de rédaction, nous constatons qu'ils ne dépassent pas quatre ou six articles par question, ce qui semble raisonnable 212. Ou bien qu'ils ne comportent qu'une seule question, non divisée en articles, par session 213. Si on suivait le P. Dondaine et ses paradigmes de longueur, il faudrait dire, pour ces derniers exemples, que Ia série de questions ne représente pas plusieurs séances, mais une seule ou I'on a examiné plusieurs problêmes, Or Ia tradition manuscrite s'oppose à cette interprétation. En effet, chaque question, ne comportant pas de divisions internes en articles, est présentée comme ayant fait I'objet d'une dispute ordinaire. Or I'extension de ces questions est bien plus réduite que celle des questions divisées en 17 ou 21 articles que saint Thomas nous offre dans le De veritate (q. 8) ou dans le De anima. Enfin il ne faut pas oublier que c'était le maitre lui-même qui organisait Ia dispute ordinaire, et était responsable de son contenu. Or, dans l'hypothêse du P. Dondaine, on se trouve devant des questions disputées de longueur extrêmement variée: le De veritate q.6 comporte 3 articles, Ia q.19 seulement 2, mais Ia q.2, est subdivisée en 15, de même que qq.22 et 24. Comment justifier cette diversité? On dira que le sujet lui-même commande Ia longueur de Ia dispute. Mais Ia réponse est faibIe: d'abord Ie maitre pouvait enrichir ce sujet s'il prévoyait que Ia matiêre serait insuflisante; ensuite une session de dispute était une unité d'enseignement A. DONDAINE,op.cit., p. 133-134. Cf A. DONDAINE,op.cit., p. 103-108. 212 Cest le cas des Quaestiones disputatae de rerum principio attribuées jadis à Jean Duns cot (éd. FERNANDEZGARCIA, 1910). 21) est le cas de Quaestiones de cognitione animae separatae de Bemard de Trilia (éd. MARTIN, 1965), ou des Quaestiones de anima XIII de Matthieu d'Aquasparta (éd. NORA. 1961). 210
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pIus ou moins stable, ayant une longueur que Ies maitres connaissaient bien. Que dirions-nous aujourd'hui d'un professeur qui au milieu de sa Ieçon s'arrêterait parce qu'il n'a plus de matiêre à enseigner et qui, à Ia leçon suivante demanderait aux étudiants de rester bien au-delâ du temps alloué, pour continuer I'examen du matérieI qu'il prépare? Cette hétérogénéité n'existe pas dans les autres exempIes de questions disputées ordinaires que nous avons examinés. Chacune possêde une longueur sembIabIe, ce qui est Ie cas aussi pour chacune des questions disputées De anima de saint Thomas. Reste Ie grand argument de Dondaine: Ia longueur des 11 premiers quodlibets de Thomas est plus ou moins Ia même que les 11 premiêres questions disputées du De veritate. Or, chacun de ces quodlibets a fait I'objet d'une seule séance. Donc ... Le raisonnement n'est pas sans force, mais peut-on conclure des quodlibets aux disputes ordinaires ? Les premiers se tenaient deux fois par ano On est plus enclin à accepter qu'à ces occasions exceptionnelles, pleines de solennité, céIébrées avec pompe en présence des autorités civiles, ecclésiastiques et universitaires, on s'étende sur plusieurs heures. Ces véritables joutes de I'esprit constituaient un événement dans Ia communauté universitaire. Si on assimile, en longueur et en contenu, disputes ordinaires et quodlibets, on risque de faire perdre à ces derniers Ieur spécificité d'acte exceptionnel >", et on suppose que Ia vie universitaire pouvait supporter des joutes sembIabIes toutes les semaines à peu prês (car Thomas n'était pas le seul à disputer ordinarie). Quelle conclusion tirer de cette longue dissertation ? Dondaine a raison de dire que, dans Ia dispute ordinaire, I'unité de discussion n'est pas I'article, mais Ia questiono Celle-ci peut se présenter comme ayant un sujet unique, ou bien elle peut être décomposée en articles, dont chacun couvre un aspect du problême général. Mais ces articles ne peuvent pa être aussi nombreux que Dondaine sembIe prêt à I'accepter. Si I'on veut continuer à considérer Ia dispute ordinaire comme une méthode d'enseignement régulier, on ne doit pas faire d'elle un marathon intellectuel. Le problême revient alors à expliquer Ia longueur exceptionnelle de certaines questions De veritate (et d'autres qui pourraient présenter une structure semblable). Pour le résoudre, nous proposons une hypothêse que, sans contredire Dondaine, reprend, modifiée, Ia thêse de Mandonnet.
21' Le quodlibet devient implement une di pute ordinaire ou le choix du sujet échappe au maitre.
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Les huit prerniêres questions De veritate n'ont pas pu être disputées comme actes publics de I'Université car Thomas n'était pas encore admis au consortium magistrorum. li faut donc qu'au moins pendant I'année 1256-1257 les questions De veritate aient fait I'objet de disputes privées au couvent de Saint-Jacques, Rien n'empêche de penser que Thomas a continué de disputer de façon privée pendant les années suivantes. Un document du chapitre provincial des dorninicains, tenu à Rome en 1287, jette un peu de lumiêre sur ce point. li établit que les maitres dominicains responsables de bacheliers doivent disputer au moins une fois par semaine m. Si I'on tient compte de I'influence exercée par Paris sur I'organisation des études dans les autres centres intellectuels, on peut croire que Ia disposition du chapitre provincial de Rome suit des habitudes de Saint-Jacques 216. Or elle parle des disputes in scholis, c'est-â-dire de disputes privées. li est possible par conséquent que les "lecteurs" de Saint-Jacques aient eu coutume de soutenir des disputes privées au moins une fois par semaine. Or I'année académique comportait 32 semaines 217. Si Thomas a soutenu deux ou trois disputes privées par semaine, chose parfaitement acceptable, le total des séances pourrait atteindre le chiffre de 84, qui est le nombre d'articles des huit questions que les historiens s'accordent à lui attribuer pendant Ia premiêre année de son enseignement 218. Même chiffre de 84 articles pour les 12 questions de I'année suivante. Pour les 9 questions de Ia troisiême année, on a 85 artic1es.
ns Capo provo ano 1287, Roma, DOUAIS, Acta, 556: "Ordinamus quod lectores, qui habent baccellarios, legant in die unam lectionem tantum de textu Biblie et disputent ordinate in scho/is ad minus seme/ in septimana". 216 On a vu déjà que les maitres parisiens élaboraient des normes pour tout 1'0rdre. Cf. supra, n. 110. 217 Mgr Glorieux (L'enseignemem ... , p. 100 et 127) parle de 42 semaines. Évidemment ce chiffre couvre Ia période allant du 14 septembre jusqu'au 29 juin, donc I'année académique complete. Si nous le réduisons en tenant compte des principia des bacheliers (cf. plus haut, n. 178) et' des vacances (celles de Noêl étaient fixées en 1245 à trois semaines du 18 décembre jusqu'au 8 janvier; Chart. I, n. 136, p. 178), le nombre total de semaines disponibles est de 32. 211 Nous reconnaissons volontiers les difficultés de cette hypothêse, Elles sont les mêmes qu'on a adressées à Ia théorie de Mandonnet. Pour que saint Thomas ait pu disputer séparément les 84 articles il lui aurait faliu disposer de 168 jours, chiffre difficilement compatible avec ce que nous avons dit sur I'année académique. Mais notre hypothêse ne nie pas Ia possibilité que saint Thomas ait disputé parfois deux, ou même trois articles, par séance, si Ia rnatiêre de discussion s'y prêtait. Dondaine a reconnu que quelques articles n'ont pu demander plus d'une quinzaine de minutes de discussion, constatation qui permet de grouper quelques articles dans Ia même séance. Il y a aussi le fait que Ia determinatio pouvait parfois avoir lieu immédiatement aprês Ia discussion, ce qui réduirait encore plus le nombre de jours nécessaires pour disputer les 84 articles. Quoi qu'il en oit , il est certain que notre hypothêse exige une activité pédagogique permanente de Ia p rt de Thomas. 11a dü probablement utiliser tous les jours disponibles pour ses disputes privé . Mai cela n'est pa inconcevable: aprês tout il a pu utiliser les matins pour ses I ctlone ur Matthieu et (probablement) sur Isare, et tous ses aprês-rnidis pour ses disputes.
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Notre hypothêse est que l'article est I'unité d'une dispute privée, et non pas d'une dispute ordinaire, comme le voulaient Mandonnet et Glorieux; pour celle-ci, nous nous en tenons à Dondaine. Notre solution offre plusieurs avantages: elle élimine le problême de Ia diversité de longueur des questions, elle évite l'absurdité de dire que Thomas aurait suspendu Ia vie universitaire à Paris pendant trois ans, et elle réduit Ia séance de dispute (et Ia determinatio qui devait Ia suivre) à des proportions compatibles avec les exigences pédagogiques. Elle permet même de supposer que Ia dispute réelle (dont l'édition ne donne qu'une version synthétique et mise en forme) a été plus longue et peut-être plus agitée que ne le laissent soupçonner les textes édités: de toute façon, Ia discussion, pour vive qu'elle ait été, n'a pu prendre, pour un article, plus d'une heure et demie, peut-être deux. Cela est compatible avec les autres activités que comprenait une journée scolaire: lectio du maitre, cours des bacheliers, répétitions, etc. (activités qui ne sont pas suspendues par Ia dispute privée). Concluons. L'unité d'une dispute ordinaire (publique) est Ia question (simple ou décomposée en articles). L'unité de Ia dispute privée est l'article. On a des raisons de penser qu'on se trouve devant des disputes privées lorsqu'on a affaire à des séries de questions disputées ayant un nombre três variable d'articles. B) La dispute à Ia Faculté des Arts
La méthode des questions disputées était pratiquée dans toutes le facultés. Voyons-la d'abord à Ia Faculté des Arts. Celle-ci jouait le rôle d'une propédeutique dont Ia tâche fondamentaJe était de fournir auxjeunes étudiants les instruments scientifiques nécessair , aux études supérieures. Parmi ces instruments, Ia logique (Ia diaJectiqu ) occupait une place privilégiée. Son acquisition ne résultait pas d'un étude purement théorique. Art autant qu'une science, elle s'acquérait par une pratique soutenue. La méthode des disputes était le moyen le plu adéquat pour son apprentissage effectif. 11semble bien que les di put aient progressivement accaparé les meilleurs efforts des artiens. Au XVI siêcle, Vives se plaint de l'abus de Ia méthode: "On dispute avant le diner, on dispute pendant le diner, on dispute aprês le diner, on dispute en public, en particulier, en tout lieu en tout temps" 219. Et si Ia situation Il n'a pas eu d'autre tâche d'enseignement. Si on garde l'hypothêse de Dondaine, Thomas n'aurait utilisé que 8 aprês-midis pendant toute I'année! 219 L. VIVES, De causo corro art. (éd. BASIL, I, p. 345; cité par Ch. THUROT, op.cit., p. 88).
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n'était pas aussi grave au XHle siêcle, les disputes étaient dês lors une activité pour tous les membres de Ia faculté: il y avait des disputes de maitres comme de bacheliers et même d'étudiants. Limitons-nous ici à celles des maitres; nous reviendrons plus tard aux autres. II semble qu'il y ait eu, comme à Ia Faculté de Théologie, deux sortes de disputes: solennelles et privées. Les premiêres rassemblaient maitres et étudiants, mais seulement les maitres y prenaient part à Ia discussion. Les secondes, "in scholis", étaient tenues sous Ia direction d'un maitre, mais les candidats à Ia licence devaient y premire part comme répondants. C'est ce qu'on peut déduire des statuts de 1252, ou Ia Nation anglaise de Ia Faculté des Arts détermine que les candidats à Ia licence doivent fréquenter les disputes des maitres, soutenues "in studio solempni", et doivent répondre dans les exercices privés appelés sophismata, soutenus "in scolis" 220. L'adjectif "privé" appliqué aux disputes "in scholis" n'est pas tout à fait heureux: Ia participation à ces disputes constituait pour les étudiants une épreuve de compétence professionnelle menant à l'obtention du grade, et dans ce sens elles avaient aussi une portée publique 221. Des disputes entre les maitres, soutenues "in studio solempni", nous n'avons pas de témoins. II semble qu'elles n'aient pas été "éditées" par leurs auteurs. Peut-être ceux-ci, qui en réalité étaient encore ou allaient devenir des étudiants des facultés supérieures, n'y voyaient-ils qu'un exercice destiné à les préparer aux tâches qui les attendaient en Théologie, en Médecine ou en Droit et les jugeaient-ils indignes de l'édition. Pour les disputes "in scholis", Ia littérature est três abondante. Elle est constituée par tous les sophismata, impossibilia et insolubilia, à travers lesquels on s'éduquait à l'art de Ia dialectique tout en passant en revue
220 Chart. I, n. 201, p. 227 (Paris, 1252): "Item, det fidem quod per duos annos diligenter disputaciones magistrorum in studio so/empni frequentaverit et per idem tempus de sophismatibus in sco/is requisitus responderit. Item, per annum integrum a principio unius quadragesime
ad principium alterius det fidem, quod responderit de questione." 221 Chart. I, n. 202, p. 331: "ipsum saltem per biennium ante presentacionem suam de questione publice respondisse", Cf. aussi, n. 461, p. 531 (Statuts Fac. Arts, 1275): "Primo ergo statuimus ut nullus decetero, nisi prius in sco/is pub/ice magistro regenti actu de questione responderit ante Natale, 'ad examen determinantium admittatur". Ce dernier texte est intéressant: il montre c1airement que les activités que le candidat réalisait dans I'école de son maítre avaient une portée publique (in sco/is publice) d'abord parce qu'i1 répondait devant le maitre et d'autres candidats à Ia Iicence qui allaient juger sa perf rmanee, ensuite parce que cette activité était reconnue par Ia corporation comme ele rnenant à Ia maltri e.
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les problêmes soulevés par l'enseignement du trivium et du quadrivium 222. Ces disputes se distinguent des questions, qui sont toujours attachées à un texte. Le maitre y pose un problême indépendamment d'un texte, et il l'examine à partir de ses propres exigences doctrinales, avec Ia participation de ses étudiants. L'écho des disputes réelles est afIaibli dans les témoins que nous a conservés Ia tradition. Comme y est aussi réduit le rôle des étudiants 223. Ceux-ci manquaient de formation et d'expérience. Et si leur apport scientifique était moins considérable, les discussions étaient cependant si vives et si agitées qu'on a dü mettre des limites à l'enthousiasme des jeunes participants qui voulaient à tout prix se faire entendre. Une disposition du XIVe siêcle leur interdit d'argumenter comme s'ils étaient déjà maitres, leur ordonne de conserver l'ordre dans les séances afin qu'elles soient vraiment utiles et non pas simples occasions d'afIrontement dialectique, et enjoint même aux maitres de maintenir Ia discipline, afin de ne pas gêner l'enseignement de leur collêgue présidant Ia session: tout le monde doit demander, par signe et non verbalement, Ia permission d'intervenir 224.
222 G. WALLERAND, Les reuvres de Siger de Courtrai. Louvain, 1913, (Les philosophes belges, VIII), p. 22 et 24: "Or on s'initiait aux finesses de Ia dialectique par I'usage fréquent de Ia disputatio. Pris dans son sens prirnitif, ce mot doit se traduire par "colloque", et c'est bien ainsi qu'on I'entend au Moyen Age. Les coUoques qui, avec les leçons, formaient partie intégrante de I'enseignement scolaire, étaient obligatoires pour les élêves; on y revoyait les matiêres enseignées et le maitre résolvait les questions demeuré s douteuses. Cétait l'heure des exercices scolaires ... Plusieurs écrits sont issus de c H exercices scolaires, car il semble bien qu'i1 faille donner ce caractêre aux Insolubilia, IIUlt lmpossibilia, aux Sophismata. 11 n'est pas facile de préciser le sens de ce diver c.
compositions"
.
EUe semble se réduire à Ia formulation d'arguments pour ou contre une th qu'i1 y ait, à proprement parler, une solution préliminaire du respondens comm cas dans Ia dispute théologique. On peut encore apercevoir des traces de Ia di 11 réeUe dans les Sophismata de Siger de Courtrai (éd. W ALLERAND, p. 153, 155, 111 ) 22' Chart. 11,n. 1023, p. 485 (Stat. Fac. Art., 1339): "Insuper, cum nobis liqueat m \1111 I quod in disputationibus que fiunt in vico Strarninum talis abusus inolevit quod ba h 1\1111 et alii in disputationibus dictis existentes propria auctoritate arguere presumunt, 1111 11 li reverenter se habentes ad magistros qui disputant, tumultum faciendo adeo et in tantum quod haberi non potest conclusionis disputande veritas, nec dicte disputaciones in allqu sunt scolaribus audientibus fructuose: statuimus quod nuUus magister, bachellariu aut scolaris, sine permissu et licentia magistri disputaciones tenentis arguat, quam licentiam sibi non Iiceat petere verbaliter, sed tantummodo signative reverenter. Si quis autem bachellarius aut scolaris contra premissa a1iquid attemptaverit, penis in precedenti statuto positis modo et forma quibus supra omnino volumus subjacere. Si quis autem magister in disputationibus arguere presumat, nisi requisitus a magistro disputaciones tenente taceat, ipsum privatione trium lectionum decrevimus puniendum". a. n. 1185, p. 6 o Uuramenta, 1350, art. 16). llJ
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Si Ies acteurs de Ia dispute à Ia Faculté des Arts sont Ies mêmes qu'en ThéoIogie, Ies modalités de travail y sont légêrement différentes. II n'est pas sür qu'il y avait deux séances, l'une de discussion, l'autre de détermination magistrale. Le contraíre sembIe vrai. Le terme "determinatio" dans Ia Faculté des Arts, ne s'applique d'ailleurs pas à l'acte du maitre. II désigne un exercice scoIaíre réalisé, sous Ia forme de disputes, par Ies bacheliers 225. La méthode des disputes magistrales sembIe avoir été adoptée par Ia Faculté des Arts dês Ie début du XlIle siêcle. En 1284, dans Ia Iettre que Ie procureur J ean de Malignes adressa au Pape en réponse aux accusations portées contre Ia facuIté par Ie chancelier, il est dit qu'elIe est une habitude si vieille qu'on ne garde pIus mémoire de son origine 226. Des jours étaient expressément prévus pour elIe: elIe se pratiquait une fois par semaine en rêgle générale. C'est ce qu'on peut conclure des dispositions de 1275 concemant Ia réunion de Ia congrégation des maitres 227. On observe à ce propos que Ies disputes soIennelIes entre Ies maitres se tenaient Ie même jour que ces réunions. N'avaient-elIes donc pas grande importance? Le fait est que ceux qui vouIaient disputer avaient besoin d'une autorisation spéciale pour Ie faíre et s'absenter ainsi des assemblées des maitres. Comme Ia FacuIté comptait vers 1283 queIque 120 maitres, ceux-ci n'avaient pas beaucoup d'occasions de disputer, même s'ils s'associaient pour organiser une dispute publique. Ce fait et celui que Ies maitres es-arts n'étaient pas encore maitres au sens Ie pIus éIevé du uiot et pouvaient être considérés aussi comme des étudiants (des facultés supérieures), explique que toute l'année académique ait été ouverte pour les disputes (les maitres des facuItés supérieures avaient Ie droit d'interrompre Ieur enseignement pendant Ies vacances.) C'est ce qui ressort de l'analyse des statuts de 1245 ou figure aussi une mesure
m Cf. plus loin, n. 245 et suiv. 216 Chart. I, n. 515, p. 608 (Paris, 1283-1284): "Ad secundum articulum, cum dicit idem cancellarius quod magistri nichil disputant, dico, pater sancte, quod magistri predicte facultatis disputant in diebus disputabilibus, reputatis disputabilibus, secundum ordinationem facultatis factam a tempore a quo non extat memoria, per eosdem in aliquo non mutatam". 221 Chart. I, n. 461, p. 532 (Ordinatio facultatis artium, Paris 1275): "Secundo statuimus quod decetero non fiat in una septimana nisi una congregatio nostre facultatis ... Et fiat congregatio die disputabili, ita tamen quod disputaciones non propter hoc impediantur, sed qui voluerint disputare, de licentia rectoris et sui procuratoris de congregatione recedant. Si vero in septimana non fuerit dies disputabilis, quod raro accidit, die sabbati post missas nacionum fiat congregatio ...",
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appliquée à Ia Faculté de ThéoIogie: l'interruption des cours Iorsque les maitres tiennent dispute 228. Mais Ies disputes soutenues pendant Ie grand ordinaíre sembIent avoir été plus importantes; c'est à elIes que sont tenus d'assister Ies bacheliers et c'est en elIes que Ies candidats à Ia licence doivent s'acquitter de Ieur obligation de répondre sous un maítre 229. Les disputes publiques suspendaient les cours, mais elIes n'avaient lieu qu'une fois par semaine. La Faculté des Arts nous parait avoir suivi au XIIle siêcle une politique de protection des "dies legibiles" et Ies disputes publiques n'y avaient pas, ce nous semble, l'importance que revêtaient, en théoIogie, Ies disputes ordinaíres. Plusieurs indices fondent cette impressiono D'abord des dispositions statutaíres limitent les journées de dispute et protêgent Ies "dies legibiles" 230. Ensuite les jours de dispute coíncidaient avec Ia congrégation générale des maitres de Ia faculté, et Ie nombre de maitres dépassait largement le nombre des journées disponibIes, d'oü se déduit que leur participation à ces joutes était plutôt exceptionnelIe. Enfio, Ia tradition n'a pas transmis l'écho de ces dispute publiques, ce qui porte à croire qu'elIes étaient plutôt des exercices que de véritabIes rencontres scientifiques comme c'était Ie cas des dispute ordinaíres en théologie. Malheureusement les statuts ne donnent pas de détails sur le déroulement des séances, Ie choix des sujets, Ia durée de Ia dispute. Tout au plus Iivrent-ils quelques indications purement acci-
22' Chart. I, n. 137,p. 178(statut de 1245): "...a festo beati Remigii usque ad quadra 1111 1111 nullus magister sive actu regens, sive non actu regens, sive bachellarius vel qUI 'UIIIIIIII alius aliquo die disputabili aliqua hora diei lectionem cursoriam nec in coli 11" 111 dllllll. propria vel aliena legere presumat ...A quadragesima vero, postquam bach 1111111d Irlllll".1I inceperint, die quo magistri disputant usque ad Pascha lectionem cur un 111\ 11 11111 1''' I completam Completorii pulsationem nullus legere presumat ... P st pr 11111111111 VI '" I bachellarii disputant, non legant cursorie ... A Pascha vero usquc d ~'HIUIII 1111 I1 t( 1111 11 in vindemiis die disputabili usque post completam none Beate Mari pul 111\1111111 111111 presumatur legi vel inchoari lectio cursoria ab aliquo". 229 Chart. 111,n. 1319, p. 145 (Stat. Univ., Paris, 1366): "Item qu d nullu 111 111« 11111111 in aliquo examine dicte facultatis (artium) admittatur, nisi frequentuveut di pllllll<1I1 magistrorum ejusdem facultatis per annum vel per majorem partem uniu. 1111111 I IIlp\1l Ordinarii magni, et saltem responderit in duabus disputationibus, presentibu nhqtubu magistris, de quibus per cedulas disputantium magistrorum tenebitur illum cuncclluuum informare, in cujus examine licentiam voluerit obtinere", 230 Chart. li, n. 1188, p. 696 (Stat. Univ., Paris, 1366): "Primo sciendum est qu d in predicta facultate artium liberalium, observatur quod in quocumque festo, in quo 11011 legitur in vigilia, non disputatur in vico Straminis ... Item, nota quod totiens quoticm legitur cursorie in vico Straminis, non disputatur in alio vico ... Item, nota qu d qunndo legitur cursorie in vico Straminis, tunc non sunt disputationes, nec possunt ibi fieri ma i tri, nec etiam bachalarii .,".
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dentelles, comme celle sur le costume que le maitre doit porter lors des disputes solennelles 231. La Faculté des Arts a donc connu deux types de disputes magistrales: celles qui se déroulaient entre plusieurs maitres une fois par semaine, et qui entrainaient l'interruption des cours; celles qui avaient lieu dans l'école du maitre, sous sa direction et sous sa responsabilité, sans suspension des cours acadérniques. A ce demier groupe appartiennent les Saphismata, lnsolubilia et lmpossibilia, que des maitres ês arts ont pris soin d'éditer comme fruits importants de leur enseignement régulier. C) La "quaestio disputata' à Ia Faculté de Droit et à Ia Faculté de Médecine La méthode des questions disputées était utilisée en droit comme en médecine. Mais les statuts ne permettent pas de se faire une idée exacte de modalités qu'elle revêtait dans ces facultés: et il faut les compléter par l'examen de textes, comme nous l'avons fait pour Ia théologie. La . troisiême et Ia quatriême partie du présent volume étant consacrées à ces facultés, nous nous en tiendrons ici à quelques indications sommaires. 1°) A Ia Faculté de Médecine, les disputes étaient des actes propres du maitre. Celui-ci en soutenait de deux types: les unes dans son école et comme partie de son enseignement régulier, les autres, solennelles, faisant plutôt l'objet d'une séance exceptionnelle. Il semble qu'il y avait des disputes générales, probablement semblables aux quodlibets des théologiens. Nous inférons l'existence de ces trois types de disputes à partir d'un statut de 1270-1274 concemant les obligations d'un bachelier en médecine 232. Les disputes solennelles et publiques sont probablement l'équivalent des quaestiones ordinariae des théologiens. Si on s'en tient aux renseignements fournis par les statuts d'Oxford, elles avaient lieu une fois par semaine ou, si le nombre de maitres n'était pas suffisant, une fois tous les quinze jours 233. Sous Ia présidence d'un maitre, elles rassemblaient des bacheliers et des étudiants, mais d'autres maitres 2lI Chart. lI, n. 1024, p. 486 (Stat. Fac. Art., 1339): " ... statuimus quod decetero magistri ad disputationes seu congregationes accedant in habitu decenti, videlicet capa, epitogio longo vel brevi forrato. Et si in alio habitu accesserint, voces eorum in dictis congregationibus pro nullis habeantur". 2J2 Chart. I, n. 452, p. 516 (Capitulum Fac. Med., Paris, 1270-1274): "Sciendum quod bachalarii in facultare medicine de novo cursum incipere volentes tenentur per fidem ad omnia quae sequuntur ... Item fidem dabunt quod bis responderint de questione in scolis duorum magistrorum, sic intelligendo, in disputatione sollempni et non in lectione, vel altem emel in disputatione generali". m f. upra n. 163.
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pouvaient y intervenir. Nous y retrouvons le respondens, chargé d'élaborer Ia solution. Généralement ce rôle était rempli par des candidats à Ia licence, qui avaient l'obligation de "répondre" sous un maitre au moins deux fois. Quant aux arguments pour ou contre Ia thêse, ils étaient élaborés par les participants, lesquels ne sont autorisés à intervenir qu'une seule fois par question, sauf perrnission spéciale du maitre qui préside. Des mesures disciplinaires strictes assurent Ia bonne marche de ces discussions, qui risquaient d'être trop vives, pour sauvegarder l'ordre hiérarchique des interventions et pour que le droit à Ia parole soit respecté par tous 234. Nous ignorons si une séance spéciale de détermination suivait celle de Ia discussion, comme c'était l'habitude en théologie. 20) A Ia Faculté de Droit, on pratique aussi Ia méthode des questions disputées et on déclare suivre les modalités du travail et les rêgles en vigueur à Ia Faculté de Théologie, surtout en ce qui conceme l'ordre de préséance lors de séances publiques 235. La participation à ces disputes en qualité de répondants est aussi obligatoire pour les candidats à Ia licence. Ceux-ci peuvent demander à Ia faculté de leur assigner un maitre sous lequel ils pourront proposer leurs réponses 236. Ils doivent répondre 234 Chart. lI, n. 1029, p. 492 (Statutum Fac. Med. de disputationibus, Paris, 1339): " ... ut veritas quaesiti in disputationibus melius inquiratur, ordinavit et statuit quod quilibet bach~larius arguat unum argumentum incipiendo ab uno fine, et sic consequenter more solito usque ad alium finem ita quod nullus sit ausus plus arguere ve\ alio quoquomodo nisi prius habita licentia et obtenta a magistro disputante, sed quilibet taceat ut responden: audiatur, Et ut melius veritas argumentorum secundum ejus intentionem habeatur voluit etiam quod ad hoc omnes bachalarii per .suum jurarnentum tarn presentes quarn futuri astringantur. Si quis autem bachalarius inventus fuerit rebellis contra predictu~ statutum, voluit et statuit quod in anno jubileo sequenti primo ad licentiarn non admittatur, sed potius totaliter per totarn facultatem pro inhabili ad concurrendum in disputationibus cum aliis et ad dictarn licentiam pro anno, ut superius est expressum, reputetur. Statuit etiarn et ordinavit quod magistri exeuntes in predictis disputationibus, factis suis prirnis argumentis, ut moris est, incipiendo ab antiquiori nullus sit ausus. ar~ere per suu~ jurarnentum et sub pena amissionis quinque lectionum primarum ordinanarum 10 replicationibus, nisi petita et habita licentia prirnitus a magistro disputante. ?rdinaverunt etiam quod uno arguente, tam bachalario quarn magistro, alter ipsum non impediat sub
penis impositis". " ., ., 235 Chart. lI, n. 1040, p. 504 (Statuta Fac. Decr., Paris, 1340): Item, 10 dlsputaclOmbus, repeticionibus, lecturis solempnium decretalium, propositis, har.engis, e~ ~esti~ d~ctorum, deferre tenebuntur graduatis antiquioribus et majoribus in sedibus recipiendis, ita quo.d decetero primarn et secundam banchas pro hujusmodi graduatis et aliis supra expressl~ dimittent scolares in talibus actibus vacuas, prout etiam est in theologica facultate fien Cf. Chart. III, n. 1697 (13), p. 642. Chart. III, n. 1697 (20), p. 642 (Statuta Fac. Decr., Paris, 1340-1390):
consueturn". ,:16
haccalarii
respondere
de doctore".
volentes sua
conclusiones
"Item omnes afTerant facultati, et facultas eis providebit
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CHAPITRE
LES ESPECES DU GENRE
III
aux objections formulées par les maítres, et aussi se soumettre à des questions connues sous le nom de "quare" 237. La solennité des disputes est manifestée par les costumes dont les statuts imposent le port 238. Nous ignorons les détails de Ia séance de dispute et si elle était suivie d'une autre séance de détermination. Nous n'avons trouvé ni dans les tatuts de Ia Faculté de Médecine ni dans ceux de Ia Faculté de Droit, des mesures concemant 1'interruption des cours lorsqu'un maitre tient dispute. Les statuts de 1366 (Chart. 11,n. 188) établissent que les cours sont suspendus lors des disputes de graduation (donc 1'équivalent des vesperies et de l'aulique), mais ils ne disent rien sur les disputes des maítres à Ia Faculté de Droit. Les statuts postérieurs (nous avons parcouru ceux transcrits par Denifie dans le Chart. 111,nn. 1697-1712), n'en disent pas plus. Nous avons 1'impression que les décrétistes, tout en reconnaissant l'importance théorique et pratique des disputes, ne leur accordaient pas Ia même valeur que les théologiens et les artiens. La preuve en est que même l'obligation de répondre sous un maitre, imposée aux candidats à Ia licence, pouvait être suspendue, dans des cas particuliers, pour des raisons estimées "justes" aux yeux de Ia faculté 239. Aprês avoir exposé les différents aspects de Ia question disputée comme acte d'enseignement régulier du maítre, passons à 1'examen des disputes qui, avec des caractéristiques souvent três semblables, étaient soutenues par les étudiants et par les candidats au grade de maitre. 2. LA DISPUTE,
EXERCICE
SCOLAIRE
ET ÉPREUVE
DE COMPÉTENCE
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A) Les disputes à Ia Faculté des Arts
Le premier grade académique était celui de maitre ês arts. Pour 1'obtenir, il fallait être âgé d'au moins 21 ans et avoir suivi six ans des cours à Ia faculté. Cette disposition, prise par le légat Robert de Courçon en 1215, ne fut pas modifiée dans les années suivantes 240. Pendant cette période 1'étudiant assistait à des "leçons", mais participait aussi d'emblée à des "disputes". Nous n'avons pas de témoignages de celles-ci, parce qu'elles n'ont pas été éditées, mais nous en savons, par les statuts et les serments, 1'existence et les modalités. 1°) Les disputes des écoliers Le but principal de Ia Faculté des Arts étant l'apprentissage des disciplines instrumentales, et celles-ci étant des arts aussi bien que des sciences, il est naturel que leur enseignement comporte une dimension pratique considérable. Il semble bien que les écoliers, aprês avoir entendu des leçons sur Ia logique ou sur Ia grammaire, devaient s'exercer à Ia maitrise des instruments par le moyen des disputes. Celles-ci étaient soutenues entre étudiants mais le maitre devait être présent afin d'orienter Ia discussion et de résoudre les doutes. C'est ce que dit une disposition de Ia Faculté des Arts de Perpignan 241. Non seulement 1'enseignement théorique était suivi de ces exercices, mais, dans les leçons elles-mêmes, on mettait en relief l'utilité dialectique des thêmes, Et le souci d'exceller dans les disputes constituait une des principales motivations qu'éveillaient les maitres lorsqu'ils enseignaient 242. Outre ces exercices suivant des
PROFESSIONNELLE
La meilleure façon de présenter ces disputes auxquelles participaient les étudiants est de les ordonner suivant les étapes que ceux-ci parcouraient depuis leur entrée à l'Université jusqu'à 1'obtention de Ia maítrise dans les facultés supérieures. 2J7 Chart. III, n. 1704 (3), p. 650 (Juramenta Fac. Decr., 1340-1390): "Item quod non solum baccalarii habent argumentis doctorum respondere, sed etiam si que questiones vel quare fiant eisdem per doctores debent respondere". m Chart.III, no. 1698 (13), p. 643 (Juramenta): "Item jurabitis interesse in disputationibus et repetitionibus doctorum et vesperiis doctorizandorum cum libris et capa etiam ab initio ingressus scolarum induta". Cf. no. ·1704(I), p. 650. 239 Chart. III, n. 1698 (25), p. 644: "Item quia omnis ars et doctrina per exercitium u cipit incrementum,jurabitis non accedere ad examen licentie, nisi primitus in disputatione publica et solemni Parisius sub doctore Parisius regente responderitis. Super quo tamen p terit vobiscum justa subsistente causa dispensari per facultatem",
lAO Chart. I, n. 20, p. 78 (Statuts de Robert de Courçon, 1215): "Nullus legat Pari iu de artibus citra vicesimum primum etatis sue annum, et quod sex annis audierit de artib~ ad minus, antequam ad legendum accedat, et quod protestetur se lecturum duobus anru ad minus, nisi rationabilis causa intervenerit ...~ . "" "Item statuimus insuper quod scholares audientes tam logicam quam gr~matIc~ habeant ad minus ter vel bis in septimana disputare, magistro presente. Et SI in matena disputata aliquod fuerit dubium, illud magister habeat declarare" (Ch. FOURNIER, ~es statuts et privilêges des universités lI, p. 678; cito par G. W ALLERAND, Les oeuvres de Siger de Courtrai ... (1913), p. 22, no. 5). "'2 Si nous prenons, par exemple, I'Ars Priorum de Siger de Courtrai, nous constatons qu'il ne manque pas de signaler à ses jeunes étudiants l'importan.ce pratique en vu.e des disputes, de tel ou tel aspect de Ia logique qu'il est en train d'enseigner : "Iste syllogismus est utilis dialectico potissime ad obviationem et exercitationem, et d.emons~r~ton con~~a cavi1latorem" (éd. WALLERAND, p. 68); "iste autem syllogismus per IDlpo~slbllees.t.utlhs demonstratori contra cavillatorem di putanti" (p. 69); "iste autem syllogismus utilis est dialectico quando obviative di pUI l um pr tervo, tunc habet ex dictis vel datis reducere
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CHAPITRE
III
leçons, existait aussi des "oppositiones", disputes un peu plus exceptionnelles, ou Ies jeunes, des enfants même, manifestaient Ieur habilité dialectique. Ces oppositiones avaient tendance (comme toutes Ies disputes dans I'université médiévale) à devenir des événements sociaux. D'oú Ies mesures de Robert de Courçon, interdisant déjà en 1215 de donner à ces oppositiones une toumure "mondaine" exagérée 243.
2°) Les "determinationes"
des bacheliers
La Faculté des Arts connait trois catégories d'étudiants : Ies candidats au degré de "determinator", à Ia licence et à Ia maitrise (incepturi) 244.La premiêre reconnaissance de compétence professionnelle était l'autorisation de soutenir des disputes appe1ées determinationes. Pour l'obtenir, au moins au XIIIe siêcle, on devait avoir vingt ans, avoir suivi des cours de Iogique pendant cinq ans, ou quatre ans sans interruption, et avoir l'appui d'un maitre qui offrait son "école" pour Ies "déterminations" 245. On devait aussi garantir qu' on possédait une préparation technique suffisante, acquise par Ia fréquentation assidue des disputes soIennelles des maitres, par Ia participation active aux exercices sophistiques pratiqués dans Ies écoles et par I'intervention comme répondant dans des questions disputées 246. Plus tard, au XIVe siêcle, l'âge minimum requis fut considérablement
respondentem ad rationem in consequens, ut per hoc redeat respondens ad statum di putandi. Similiter utilis est demonstratori contra cavillatorem, ut removeat ignorantiam cavillatoris" (p. 71). Le terme "cavillator" équivaut à l'opponens. Siger fait allusion aussi à un Ars obligatoria, traité qui était supposé fournir les éléments théoriques indispensables pour celui qui se prépare à disputer (cf. p. 84). :M' Chart. I, no. 20, p. 78 (Stat. R. Courçon, 1215): "In principiis et eonventibus magistrorum, et in responsionibus vel oppositionibus puerorurn vel juvenum nulla fiant convivia. Possunt tamen voeare aliquos familiares vel socios, set paucos ..." ,... Chart. Il, n. 913, p. 345 (Statutum nato Picardorum, 1331): "Omnes et singuli scolares diete diocesis, determinaturi, licenciaturi vel incepturi ... quilibet scolaris dicte diocesis Ambianensis deeetero determinaturus vel licenciaturus, vel incepturus in faeultate artium predicta ...". W Chart. I, no. 201, p. 228 (Statuta artistarum nato angl., Paris, 1252): "Bachellarius autem licentiandus ad determinandum in artibus Parisius sit viginti annorum, vel ad minus vicessimum annum sit ingressus, honeste vite sit et conversacionis laudabilis ... Item antequam ad examinationem recipiatur, fidem faeiet corporalem quod habet scolas proprias magistri debentis regere in iIIis actu per totam quadragesimam et magistrum proprium ... Item quod audierit in artibus per quinque annos vel quatuor ad minus Parisius vel a1ibi, ubi studiurn viget universale de artibus". Suit le plan d'études qu'iJ s'engage à respecter. A ee ujet, ef. F. VAN STEENBERGHEN, La philosophie au X/IIe siêcle. Louvain, 1966, p. 57- 60. ,•• lbld., p. 228; cf. supra, n. 220.
LES ESPECES
DU GENRE
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réduit, comme Ie furent Ies années d'études exigées du candidat 247.Déjà à Ia fin du XlIIe, Ia faculté avait été accusée par Ie chancelier d'accorder Ia latitude de déterminer à des étudiants trop jeunes, sans formation suffisante, ce qui avait provoqué une réplique passionnée du procureur Jean de Malignes 248. Quoi qu'il en soit de l'âge, Ies étudiants devaient passer une série d'épreuves avant d'être admis comme "determinatores". TIsétaient interrogés par trois maitres, ou du moins par trois bacheliers ayant reçu Ia licence de déterminer, sur Ies eeuvres de Iogique, de phi1osophie et de grammaire qu'ils avaient entendues 249.Et ils devaient prouver qu'ils avaient pris une part active aux disputes des maitres 250et joué Ie rôle de répondant dans une dispute publique spéciale qui avait lieu avant NoeJ251. Cette dispute portait sur un sujet de morale, et Ie candidat soutenait son argumentation contre un maitre régent, en présence des écoliers 252. Ceux qui réussissaient l'examen commençaient Ieurs déterminances immédiatement aprês Ie dimanche qui précêde Ie Carême et devaient continuer sans interruption jusqu'à Ia moitié de celui-ci 253. En 1275, l'obligation fut alourdie: Ie "determinator" devait disputer pendant tout Ie Carême, mais on lui accordait l'aide d'un nouveau personnage: Ie 2<7 Chart. Il, n. 1185 (4), p. 673 (Juramenta Fac. Artium, milieu XIVe siêcle): "Primo vos jurabitis quod vos estis 14 annorum ... quod audivistis ad minus per duos annos libros loyeales Parisius vel alibi, ubi est studium generale sex magistrorum ad minus, et quod estis in tercio anno audiendi predietos libros ... quod audivistis librum Porphyrii, Predieamentorum, Periarmeneias et Priseiani minoris, semel ordinarie et bis cursorie ad minus, et parvos libros loyeales ... etc." Suit le plan d'études. La comparaison entre ce plan et celui de 1252 (ou celui de 1255) est extrêmement intéressant, mais iJ n'y a pas lieu de I'entreprendre iei. ".. Chart. I, n. 515, p. 610 (Responsiones magistri Johannis de Malignes, 1283-1284): "magistri nostri nichil faeiunt circa hoc ad extorquendum pecuniam a determinatoribus; nee ignorantibus pueris eonferunt licentiam determinandi". :M' Pour I'examen, Ia séleetion des examinateurs, Ia liste des ouvrages sur lesque!s le eandidat devait être examiné, cf. Chart. I, n. 201; Il, n. 1185, pp. 672-673 et note 2 de Denifie; 111, n. 1319. Les dispositions ont un trait intéressant: elles veillent à ce que I'irnpartialité de l'examen et sa rigueur, soient assurées. 2'" Cf. supra, n. 229 et n. 246. m Chart. I, n. 461, p. 531 (Ordinatio Fac. Artium, 1275): "Primo ergo statuimus ut nuIlus decetero, nisi prius in seolis publice magistro regenti actu de questione responderit ante Natale, ad examen determinantium admittatur", m Ch. THUROT, De l'organisation de l'enseignement ... 1850, p. 44. 2SJ Chart. I, n. 201, p. 227 (Paris, 1252): "Item bacheIlarius licentiatus ad determinandum ad longius proxirna die post brandones determinare incipiat. Qui si ex tunc determinare non inceperit, postmodum sibi determinare per quadragesimam non Iicebit. Et ex predicta die lune usque ad mediam quadrage imam continue determinet, nisi habeat causam legitimam ipsum exeu ant rn",
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CHAPITRE
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"subdeterminator", qui pouvait Ie rempIacer pendant Ia seconde moitié du Carême 254. Cette pratique est toujours en vigueur au XIVe siêcle 255. Puisque tous Ies candidats devaient avoir inauguré Ies déterminances avant Ie mardi "post brandones", une sorte d'''embouteillage'' académique risquait de se produire pendant Ia premiêre semaine de Carême. Pour l'éviter, on Ies autorisait à soutenir Ieurs actes depuis Ie matin jusqu'à l'aprês-midi 256. Pendant Ie reste du Carême, Ies déterminances étaient soutenues seulement "post prandium", elles se succédaient tous Ies jours sauf cas exceptionnels et pendant qu'elles se déroulaient, aucune Ieçon n'était faite 257. Le début de ses déterminances était un grand événement pour l'étudiant. II était entouré de soIennité et, comme Ie dit Jean de Malignes, se passait "in honorabili societate". Afin d'assurer Ia présence de maitres et de gens honorables, le candidat faisait, avec l'autorisation préalabIe du procureur, le tour des écoles et de Ia ville accompagné du bedeau de sa nation. II était aussi tenu à des contributions économiques envers Ia faculté 258. Jean de Malignes note que ces disputes ne sont pas seuIement profitabIes pour Ia formation intellectuelle, morale, dialectique et rhétorique du candidat, mais lui offrent aussi une occasion de se faire remarquer de
214 Chart. I, n. 461, p. 531 (Ordinatio Fac. Artium, 1275): " ... Sexto statuimus ut omnes determinare inchoent infra octavas cinerum et deinceps per totam determinent Quadragesimam, nisi subdeterminatorem habeant, quem qui habuerint usque ad mediam Quadragesimam determinent, subdeterminatores vero determinare per residuum temporis teneantur. Istos autem articulos ... jurent bachellarii fide prestita corporali se firmiter et fideliter servaturos, antequam ipsis determinandi licentia conferatur". m Cf. Chart. lI, n. 1185, p. 674 (Juramenta (4) et (5), c. 1350). 256 Chart. I, n. 515, p. 611 (Paris, 1283-84): "Ad illud quod dixit postea cancellarius, quod 'quidam determinant hora prima, quidam in meridie, etc.', dico quod verum est; sed hoc faciunt determinatores in inceptionibus suarum determinationum ; quod permittitur eis, quia in antiqua forma quam jurant determinatores continetur quod quilibet debet incipere determinare infra diem martis post brandones; et quia omnes non poterant incipere infra illud tempus in honorabili societate, que est eis necessaria in inceptionibus sue determinationis, iIIud Juramentum commode servare non poterant; et ideo ne periculum anime incurrerent circa illud Juramentum, permissum est eis ex dispensatione facultatis, quod ipsi in inceptionibus sue determinationis teneant horas jam dictas; in residuo autem Quadragesime, determinatur post prandium". m Chart. I, n. 137, p. 178 (Paris, 1245): "A quadragesima vero, postquam bachellarii determinare inceperint ... Post prandium vero si bachellarii disputant, non legant cursorie vel lectionem cursoriam inchoent usque post completam Completorii pulsationem ... Si bachellarii non disputant post prandium, quod contingit /icet raro, liceat cursoribus similiter post prandium quacumque hora voluerint lectiones cursorias inchoare". ». Pour ces aspects, cf. les Sennents du determinator dans Chart. lI, n. 1185, p. 673674.
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OU GENRE
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ceux qui pourraient Iui donner des bourses ou des bénéfices ecclésiastiques assurant Ia bonne continuation des études. Tout cela avait décidé Ia corporation des maitres à faire de Ia "déterminance" un préalabIe à l'obtention de Ia licence 259. 3°) Les épreuves pour Ia licence Le temps du Carême fut réservé aux" determinationes" jusqu'au milieu du XVe siêcle. A ce moment, elles avaient dégénéré en véritabIes batailles. Les maitres s'en étaient désintéressés et les bacheliers, laissés seuls sans surveillance, s'étaient livrés à toutes sortes d'excês à un point tel que Ia faculté finit par interdire ces déterminances en 1472 260. Mais pendant plus de deux siêcles, elles avaient été obligatoires pour Ies candidats à Ia licence. En tant que bacheliers, ceux-ci devaient non seulement soutenir Ieurs déterminances, mais participer à celles de Ieurs collêgues. Rien ne montre mieux l'importance qu'on accordait aux déterminances que leur mise sur le même plan que les disputes magistrales lorsqu'on établit Ies exercices pratiques dont on devait s'acquitter avant de se présenter à l'examen de licence 261. Puisque Ia licence était octroyée par Ie chancelier,illui revenait d'organiser les examens. A Paris, Ie chancelier de Notre-Dame ou celui de SainteGeneviêve désignait Ies commissions de maitres chargés d'interroger Ies candidats et veillait à ce que tous les "prérequis" aient été satisfaits 262.
»9 Chart. I, n. 515, p. 611: "Utilitas autem eorum (scolarium) est quod ipsi determin nt, propter multa: quoniam ipsi, artati ad studium propter determinationes suas, evi.1 nt . \I I, acuunt ingenia; et cum ad eorum determinationes veniant viri valentes et di r \I ti singulis facultatibus, magnates, puta, aliquando archidiaconi, cantores, et prepo itl "1 siarum cathedralium, et alii multi, coram illis loquendo acquirunt loquendi aud i !li qu necessaria est artiste, magnatum notitiam per quam solebant ad beneficia e cl RI I. \I( \ promoveri. Iterum veniunt ad hoc quod sciunt per hoc sophismata diversa proba r , I .111 probatione respondere communi responsione ad eadem, ad veritates eorund m t di tinctiones arguere ... Magistri regentes in facultate considerantes quod tanto d fc IUI bacellariorum non poterat adhiberi medeia nisi per determinationem, statuerunt quod nullus reciperetur ad incipiendum nisi determinasset Parisius vel alibi in studio, ubi e ent
duodecim regentes in actu", 260 Ch. THUROT, op.cit., p. 48. . 26' Chart. I, n. 202, p. 232 (Stal. nato angl., Paris, 1252): "Ad hunc articulum predictum, videlicet quod per biennium ante presentacionem publice responderit presentatus, sic inteJligendum esse ab omnibus decreverunt, videlicet quod presentandus in disputationibus magistrorum vel determinatorum in scolis bachellarii exercuerit officium opponendo et respondendo per duos annos, antequam ad petendum regendi licentiam presentetur". 262 Pour les examens de li cn f h. IIUR T, op.cit., p. 50-58 et Chart., lI, n. 118S, p.676-679.
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Lors de Ia cérémonie d'inceptio, tenue sous Ia présidence du "subcancellarius", ou I'on accordait Ia licence, une courte dispute avait lieu. Le candidat commençait à "lire" un texte qui Iui était assigné et à I'occasion d'un problême théorique important touché dans ce commentaire, Ie président pouvait poser une questiono n proposait des arguments pour ou contre, et Ie candidat devait répondre comme s'il s'agissait d'une dispute magistrale ou d'une déterminance 263. Cette dispute, même si elle n'est imposée qu'aux candidats dont Ia compétence dialectique pouvait rehausser Ia cérémonie, est un antécédent important des disputes que I'étudiant devrait soutenir pIus tard pour Ia licence en théoIogie. Avec Ia collation de Ia licence, Ie candidat recevait l'autorisation de "lire" et assumait aussi I'obligation de disputer sans interruption, sous Ia présidence du maitre qui I'avait présenté au grade, pendant Ies quarante jours qui suivaient. Cette disposition, qui figure dans Ies statuts de Ia nation anglaise en 1252 264, fut adoptée par Ies facultés supérieures. Dans Ie dernier quart du XlIle siêcle, aprês que Ia Faculté des Arts ait été secouée par Ies conflits doctrinaux provoqués par l'aristotélisme hétérodoxe, Ies nouveaux licenciés durent encore s'engager par serment à ne pas soulever dans Ieurs disputes des questions théoIogiques, et, si jamais ils en touchaient, ils devaient s'engager à Ies résoudre en faveur de Ia foi 265.
,.3
Chart. 11, n. 1185 (14), p. 679 (Juramenta,
c. 1350): "Postquam autem illa audicio venerit, subcancellarius habet, sequendo modum solitum, dicere illis bachalariis licenciandis secundum ordinem suum, quod ipsi incipiant legere suas lectiones, et sufficit quod de qualibet nacione unus legat, scilicet ille quem subcancellarius credet habiliorem esse. Et quando subcancellarius videbit quod bachalarius tanget materiam questionis movende bachalario per subcancellarium, tunc subcancellarius habet movere questionem et breviter arguere ad utramque partem, et consequenter bachalarius eam resumere, sicut quando fiunt determinantes vel magistri". ,.. Chart. I, n. 202, p. 230 (Stat. nato angl., Paris, 1252): "Bachellarius in artibus inceptus ... leget lectiones ordinarias in capa rotunda et in palleo. Disputabit hora determinata, et questiones suas determinabit per quadraginta dies continue post inceptionem". ,., Dans ce serment, le nouveau licencié devait assurer qu'il avait au moins 21 ans, qu'il avait suivi des cours pendant six ans, qu'il avait soutenu ses déterminances conformément à I'habitude établie, et il promettait de se consacrer deux ans à I'enseignement. Au terme de ceux-ci, il pouvait se consacrer entiêrement aux études supérieures ou de nouvelles disputes I'attendaient. Chart. I, n. SOl, p. 586-587 (Juramenta incipientium in artibus, 1280): "Isti sunt articuli quos tenentur jurare bachellarii incepturi, quando veniunt ad rectorem, fide prestita corporali. Primo debet eis dici: Vos legetis lectiones ordinarias in capa rotunda, vel in pallio. Disputabitis hora determinata, et questiones vestras determinabilis continue per xl dies postquam inceperitis ... Dabitis fidem quod sub magistro suo sub quo licenciatus fuistis incipietis, vel per consensum suum sub alio ... Item servabitis ordinem sive ordinationem de modo legendi lectiones ordinarias et disputandi Item nullam questionem pure theologicam disputabitis quamdiu rexeritis in artibus Item si contingat vos
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B) Les disputes à Ia FacuIté de ThéoIogie
La maitrise en théoIogie était Ie résultat d'un Iong chemin que nou ne pouvons décrire en détail 266. Qu'il suffise de rappeIer que, pour I'obtenir, il fallait être âgé de 35 ans et avoir passé au moins douze années à Ia faculté. Cette Iongue période comptait pIusieurs étapes. Aprê une période d'audition qui pouvait durer entre cinq et sept année , I'étudiant, s'il avait au moins vingt-cinq ans, devenait bachelier biblique, chargé de cours ou "cursor". Pendant deux ans, il "lisait" alors Ia Bibl , un livre par année de I'Ancien et du Nouveau Testament, alternativem nt. II devenait ensuite bachelier sententiaire, s'il avait étudié neuf an lu théoIogie. II était autorisé à "lire" Ies Sentences de Pierre Lornbard pendant deux années. Puis il devenait bachelier formé et participait, pendant trois ou quatre années, à Ia vie académique et à Ia formation des étudiants. Finalement, il pouvait recevoir Ia licence, octroyée par I chancelier, et Ia maitrise, accordée par Ia corporation des maitre . A chacune de ces étapes, et surtout à I'occasion de Ia licence et de Ia maitrise, il prenait part à des disputes qu'il faut comprendre dans Ieur spécificité d'exercices scoIaires ou d'épreuves de compétence professionnelle (ou examens). 1°) Le bachelier biblique: Ia quaestio temptativa Aprês pIusieurs années d'audition ou I'étudiant avait assisté à de "lectiones" et aux disputes ordinaires des maitres, il devenait bachelicr biblique. A Ia différence de Ia Faculté des Arts, qui organise divcr exercices dialectiques à I'intention des étudiants, celle de théologi n connaissait ni n'organisait rien de teI, sauf à I'initiative privée d'un maítr . Bientôt Ie besoin se fait sentir d'organiser des séances de di eu.. ion entre Ies étudiants, afio de Ieur permettre de revoir Ies matiêres examin dans les cours et de continuer Ieur formation dialectique, si néce air pour Ies tâches qui Ies attendaient dans Ies disputes. Ainsi naquirent I collationes, "échanges de vues, diseussions amicales entre étudiant, ur
determinare aliquam questionem, que tangat fidem et philosophiam, eam pro fidc determinabitis ... Item jurabitis quod vos determinavistis in artibus Parisius secundum consuetudinem hactenus observatam Item vos jurabitis quod vos non incipietis quamdiu videbitis alium bachellarium incipere Item jurabitis quod vos non estis citra vicesimum primum annum vestre etatis. Item jurabitis quod audivistis per sex annos de artibus. Item jurabitis quod legetis per du ann continue nisi rationabilis causa intervenerit". f. Chart. 11, n. 1185 (6). p. 67 (JI/r/lmento •. 1350). 266 f. à cc uj r, P .1 Oltll \1 • I' 11I1'1 1/('11I"1/1 •.• (1968). p. 94-100.
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un sujet d'étude proposé à l'avance, le tout mené par un des leurs" 267. Elles furent créées par les ordres religieux, pour les étudiants qui résidaient dans les couvents. Déjà en 1228, les dominicains organisaient, sous Ia présidence du magister studentium, des disputes entre étudiants qui avaient déjà des rôles de respondens ou opponens 268. En 1259, les statuts (rédigés entre autres par Albert le Grand et Thomas d'Aquin) établirent que ces exercices de répétition et ces collationes se tiendraient au moins une fois par semaine 269. L'exemple fut suivi par d'autres ordres 270. Bien que les collations, organisées en marge des écoles et des maitres, aient été des discussions libres plutôt que des disputes, elles constituêrent un antécédent fondamental à une des plus importantes disputes entre écoliers qu'ait connu Ia Faculté de Théologie, à savoir Ia Sorbonique. Nous y reviendrons. Le bachelier biblique était autorisé à "lire" Ia Bible. Sa leçon inaugurale ou inceptio était une véritable cérémonie ou il faisait un éloge de l'Écriture et situait le livre, qu'il avait choisi comme thême du cours, dans l'ensemble des livres saints. Mais elle ne comportait pas de dispute 271. Le bachelier biblique devait aussi participer activement aux disputes des maitres afin que ceux-ci puissent faire à Ia faculté un rapport sur sa compétence doctrinale et dialectique 272. Sa performance comme répondant ou opposant était également jugée par ses collêgues étudiants, les bacheliers
267Ibid., p. 121. Cf. aussi F. PELSTER,Oxford Theology ... , p. 54-56. Pelster range les Collationes Oxonienses et les Collationes Parisienses de J. Duns Scotus dans cette catégorie
d'exercices. 268 Chart. I, n. 57, p. 113 (Constitutio Ord. Praed., Paris 1228): "Circa eos qui student taliter dispensetur a prelato, ne propter officium vel aliud de facili a studio retrahantur vel impediantur. Et secundum quod magistro studencium videbitur, locus proprius statuatur, in quo post disputationes vel vesperas vel alio etiam tempore si vacaverint ad dubitationes vel questiones proponendas ipso presente conveniant, et uno querente vel proponente alii taceant, ne loquentem impediant. Et si aliquis inhoneste vel confuse vel clamo se vel proterve querens vel opponens vel respondens offenderit, statim ab illo, qui tunc inter eos preest, corripiatur". 269 Chart. I, n. 335, p. 385 (Statuta de studiis in Ord. Praed., 1259): "Item, quod fiant repetitiones de quaestionibus et collationes de questionibus semel in septimana, ubi hoc commode poterit observari". Cf. aussi le ~tatut de l'abbé Théobald de Saint-Victor, vers 1264-71 (cité par P. GLORIEUX,op.cit. ri. 121). 270 Cf. Chart. 11, n. 1187, p. 688~689, Statuta Collegii Cluniacensium, Paris 1309-1319. Cf. aussi EHRLE, op.cit., p. XC-CIII. 17I Statuta fac. theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 21): "Biblici autem incipiunt immediate post omnes bachalarios, et principium eorum non continet questionem, sed scripture sacre commendationem et partitionem". 272 Cf. supra, n. 94 et 95.
formés
273.
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Pour devenir sententiaire et être admis à Ia lecture de
Sentences, le bachelier biblique doit passer une épreuve de compétence professionnelle: Ia quaestio temptativa. La quaestio temptativa est une question ordinaire soutenue par un
maítre, mais qu'on privilégie comme constituant une épreuve pour le candidat bachelier sententiaire. Celui-ci y prenait part comme répondant 274. TI en choisissait le thême 275. Les statuts de Paris, en 1385, le premiers à traiter de cette épreuve, établissent que le candidat doit répondre au moins une fois dans une "question tentative" sous son maitre, ou bien à une sorbonique sous Ia direction d'un maitre d'un autre nation. Les religieux devaient eux, répondre à deux quaestiones temptativae 276. Nous n'avons pas trouvé de traces de ces question au XllIe siêcle ; mais au XIVe, elles ont pris une si grande importanc qu'elles pouvaient même remplacer Ia lecture de Ia Bible comme exigence préalable à l'obtention du grade de bachelier sententiaire 277. Les statut 17J Chart. 111, n. 1534, p. 441-442 (Statuta fac. theol. Paris. de admittendis ad lecturam Sententiarum et de quaestionibus faciendum. Junii 4. 1387): "Item quod quilibet magister
questionem quam disputare voluerit tradat bacallario, et non bacallarius magistro. Item ad hoc ut recta fiat de responsionibus bacallariorum in facuItate relatio, statutum est quod, finita disputatione, statim in eodem loco magister se ad partem retrahat, et vota bacallariorum formatorum presentium diligenter inquirat, quibus auditis in proxima congregatione facultatis magister per suum Juramentum fideliter referat numerum bacallariorum arguentium nec non opinionem majoris et sanioris partis eorum super sufficientia responsionis, et demum suam habeat reserare, antequam bacallarius ad gradum ulteriorcm admittatur. Item imponitur magistris per Juramentum ipsorum ut depositiones singular s bacallariorum nemini habeant revelare, nec etiam bacallarü suas revelabunt". 214 Cf. A. PELSTER,Oxford Theology ... , p. 43, n. 5. l7S DENIFLE-CHATELAIN, Chart. 11, n. 24 (In statut. facultat. theolog. Perpinian. ali. 14 \I explicatur terminus): "Nemo censeatur dignus ad cursandum legendo Sententia pro r du licentie magisterüque theologalis obtinendo, nisi prius responderit publice de ahqu I temptatoria questione de materia theologica per ipsum eligenda sub regente Kath dr 11I1 theologie, ad quem actum decanus ceterique magistri penitus invitentur. Qua disput uion finita decanus simul cum ceteris theolog. magistris ... dijudicent, an ... ad dictum gr dum (baccalareatus seu ad legendas Sententias) cursare promereatur" (Ms. Univ. Perpiniun in Bibl. publ. Perpin., n. 51). "Parisiis tentativa ad responsiones ordinarias pertinebat qU!I magistri deputandi per facultatem tenere debebant (v. Statutum ano 1387. Jun. 4)". 27' Chart. 11,n. 1189 (29), p. 699 (Statuta, 1385): "Item, quod quilibet cursor in theologia inter primum cursum et Sententias tenebitur respondere in theologia ad minus sem I de disputatione temptativa sub magistro, aut in Sorbona loco temptative et sub magi tri alterius nationis, et religiosus sub alio quam sui conventus. Vultque facultas quod religi si gratiosi, qui bina vice de temptativa respondere tenentur, respondeant bina vice ante primum principium sententiarum, alias ad lecturam pro illo anno non recipientur seu admittentur". 271 Chart. 11, n. 1189 (28), p. 699 (Statuta, 1385): "Primo, quod quilibet bacalariu antequam Sententias legat, tenebitur legere duos cursos de veteri aut de novo Testamento. nec cum aliquo super hoc di pcnsabitur, vel i placeret dispensare quod Bibliam non
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CHAPITRE
III
stipulent que Ie maítre préside Ia dispute "temptativa" de Ia même façon que ses questions ordinaires. Cela implique qu'il procede à Ia determina tio magistralis. Les bacheliers formés présents à Ia dispute émettent, de façon secrête, une opinion sur Ia performance du candidat, opinion que Ie maitre transmet au consortium magistrorum 278. La quaestio temptativa (et Ia Sorbonique, son analogue sur Iaquelle nous reviendrons) constitue Ia premiêre dispute que 1'0n puisse considérer, à Ia Faculté de ThéoIogie, comme épreuve de compétence professionnelle, car elle ouvre Ies portes à l'obtention d'un grade. Une épreuve sembIabIe était aussi imposée à BoIogne aux candidats au grade de bachelier sententiaire 279. 2°) Le bachelier sententiaire et Ia quaestio col/ativa Le bachelier sententiaire avait pour obligation principale de commenter Ies Sentences de Pierre Lombard. li devait, en outre, comme Ie bachelier biblique, assister et participer aux disputes publiques de Ia faculté 280, notamment comme respondens ou opponens. Toujours il agissait sous Ia direction d'un maítre. Cependant, l'obtention du rang de bachelier sententiaire Iui foumissait Ia premiêre occasion de présider à une dispute, Iors de sa séance inaugurale de inceptio ou principium. Elle se tenait entre Ia fête de I'Exaltation et Ia Saint-Denys (du 14 legeret, aut cursus, loco eorum bis de temptativa, vel Sorbonica loco temptative, vel semel de temptatoria et semel de Sorbonica, salvis juribus magistrorum et facultatis". Ce texte est un signe évident de Ia décadence des études bibliques au XIVe siêcle. 271 Ibid. (63). p. 702: "Item. quod, quomodo magistri president in disputationibus ordinariis, sic presideant in temptativis. Qui dum primo admittentur post magisterium ad congregationem facultatis, jurabunt in ea fideliter referre vota bacalariorum formatorum de sufficientia vel insufficientia baccalarii respondentis. Et ut hoc fiant commodius, volumus quod finita disputatione magister presidens vota bacalariorum formatorum, qui interfuerant predicte disputationi temptative, secrete et sigillatim super hoc audiat, qui numerum bacalariorum in facultate referet et judicium de sufficientia vel insufficientia respondentis, secundum majorem et saniorem partem eorum, priusquam ille ad lecturam admittatur. Si autem responsio fiat in Sorbona ante lecturam Sententiarum, que solo pro temptativa habebitur, prior Sorbone vota baccalariorum formatorum inquiret modo prius expresso. et referet duobus magistris per facultatem deputatis ...", 279 Statuta fac. theol. Bon. (éd. EHRLE. p. 18): "... presenti constitutione sancimus, ut quilibet in nostro Bononiensi studio lecturus Sententias per sex menses ad minus perseveret Bononiae, postquam annotatus fuerit et incorporatus et iuratus, ut in precedenti capitulo continetur; et ante Kalendas octobris illud sex mensium tempus totaliter sit ellapsum, quod tempus preparationis ad inferiorem cathedram nuncupatur. Quo tempore tenetur omnibus publicis disputationibus interesse et semel sub magistro suo et adminus sub alio magistro publice respondere. Lectura vero Sententiarum novem mensibus duret", 210 a. plus haut, n. 97-98-99. Le bachelier sententiaire avait derriêre lui neuf ans d'études théologiques.
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septembre au 9 octobre); une seule séance se déroulait par jour; le cours étaient suspendus pendant toute cette période 281. Ces principia e succédaient selon un ordre établi par Ies statuts: Ie premier était confié à un Carme, Ie demier à un Prêcheur; Ies autres séculiers se suivaient d'aprês l'inscription ou l'âge 282. Des dispositions sembIabIes étaient en vigueur à Ia FacuIté de ThéoIogie de BoIogne, dont Ies statuts renseignent sur Ia structure de ces principia. D'abord, un court sermon appeIé collatio, ou Ie bachelier cite un texte qui Iui permet de faire l'éIoge et Ia présentati n de chacun des quatre livres des Sentences et de donner un ap r u sommaire de Ieur contenu; ensuite une "protestatio", déclaration d'u I hésion à Ia foi catholique; finalement une "quaestio" 283. Mgr I ri LI l'a baptisée col/ativa parce qu'elle suivait Ia col/atio inaugurale. t ,I I'a analysée sur Ia base des questions de Jean de Falisca 284. Le bach 11 , en a choisi Ie thême et il en assure Ia soutenance. "li commence par situer Ie problême et exposer Ie pour et Ie contre; non par des argurnents de sa propre invention, mais d'aprês ceux qu'ont échangés déjà le bacheliers, ses confrêres ... avant de prendre position, il renouvelle e protestations d'orthodoxie ... puis énonce Ies deux propositions qu'il entend démontrer ... Ia discussion s'engage alors avec l'un de ceux qui l'ont contredit ... vient alors toute Ia série de conclusions dans Iaquelle il condense sa pensée 285". Cette procédure était possibIe car, avant Ia séance, Ies bacheliers se communiquaient Ieurs conclusions et leur
m Cf. Chart. 11.n. 1188 (9). p. 692 (Statuts 1366). a. aussi, Ch. THUROT.De I'organls«:
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de l'enseignement ...• p. 143-144. m Cf. Chart. 11. n. 1189 (38). p. 200 (Statuts, 1385). Cf. aussi P. GLORIEUX.L'ens lI/li ment ...• p. 139. m Statuta fac. theol. Bon. (éd. EHRLE. p. 21-22): "Ideo presenti ordinationc SI uuunu •
ut, sicut tactum est in capitulo primo. a prima die legibili in exordio octobris 10 '11'1 1111 lecturi bachalarii ordine ibidem dato. ita quod unus solus principiet una die et e undu sequenti et sic per ordinem; et nichil aliud scolasticum fít ista die. Et omn mceptun omnesque graduati usque ad licenciatos non vesperiatos, magistros ac tota multitudo 10 theologia studentium intersint singulis predictorum principiis. In quo premittitur brevis collatio pro commendatione sacre doctrine vel librorum Sententiarum. Secund fit protestatio expressa in capitulo 11°. Tertio proponit questionem utilem et illam studio pertractat ... Quilibet bachalarius continue tenetur legere omnes quattuor librorum Sententiarum distinctiones complete. et facere tria principia super tribus libris, completo libro primo. Et in quolibet trium principiorum facit, sicut in primo principio. similem collationem, protestationem et quaestionem". 2'" P. GLORIEUX.Jean de Falisca. La [ormation d'un maitre en théologie au XIVe siécle, dans AHDLMA. 33 (196 ). p. 74- O. ,., Ibid .• p. 85-86. f L'en« '/lI/r".t'lIl • p 141.
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arguments 286. Les principia donnaient aux bacheliers sententiaires l'occasion d'entamer un véritable débat qui se prolongeait durant toute l'année académique, car "dans le second, le troisiême et le quatriême principium, le bachelier reprenait et discutait les objections que les autres sententiarii lui avaient posées dans leur principia, et les réponses qu'i1s avaient faites à ses attaques" 287. Dans ces conditions, il est malaisé de dire si Ia discussion opposait des interlocuteurs rée1s, ou si le bachelier répondait à des arguments énoncés précédemment par écrit par d'autres collêgues. Peut-être les deux possibilités se mêlaient-elles : puisque un seul bachelier était autorisé à avoir son principium dans Ia même journée, les autres bacheliers, qui lui avaient fait parvenir des objections par écrit, pouvaient-ils être présents et appuyer de vive voix leurs arguments 288. Faut-il voir dans Ia quaestio col/ativa une espêce de disputatia ou de quaestio? Puisqu'elle est liée à Ia séance inaugurale portant sur un texte, on serait porté à Ia rattacher à Ia quaestio, ce que semble faire Pe1ster289. Mgr Glorieux, par contre, Ia considere comme une véritable question disputée 290. TInous semble que Ia vérité se trouve au milieu. S'il est vrai que le thême initial de Ia quaestio col/ativa a pu être suggéré par le texte des Sentences (ou par un texte de Ia Bible), il est évident que Ia discussion, prolongée toute l'année, devient autonome et s'a1imente d'arguments théoriques proposés par les bacheliers et par d'autres participants (y compris des maitres). La quaestio col/ativa tient de Ia quaestio le lien initial avec un texte, et de Ia disputatio, Ia structure formelle et Ia tendance à l'autonomie. Les bacheliers sententiaires se sont vite laissé entrainer par un engouement pour Ia dispute. Déjà Roger Bacon critiquait les privilêges dont ils jouissaient par rapport aux bacheliers bibliques et surtout leur propension à se prendre déjà pour des maitres puisqu'ils étaient autorisés 2t6 Cf. Ch. THUROT. op.cit. p. 145 et le texte de Dionysius Cisterciensis qu'il cite à Ia n. 2: "Oppositum posuit reverendus bacalarius ... sed qualiter probaverit ignoro. quia propositiones in scriptis non recepi ab eo". 281 Cf. THUROT. op.cit .• p. 144. N'oublions pas que les principia avaient lieu au début de I'année et au début du deuxiême semestre. mais que lorsque les quatre livres durent être lus en une seule année, ces principia furent situés au début de I'année académique, au début de janvier, au début de mars et au début de maio Cf. supra. n. 179. 21. Voir le texte des questiones collativae de Jean de Faiísca donné par Glorieux, op.cit .• p. 87. ou I'usage du présent fait penser à une discussion réelle. 219 F. PELSTER.Oxford Theology ...• p. 54. 290 P. GLORIEUX.L'enseignement ...• p. 81.
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à disputer 291. Plaintes vaines: de plus en plus, les bacheliers prirent Ia place des maitres et, vers Ia fin du XIVe siêcle, leurs principia avec leurs quaestiones col/ativae accaparêrent l'intérêt que Ia communauté universitaire portait jadis aux questions disputées ordinaires des maítres 292. 3°) Le bachelier formé et Ia sorbonique La lecture des Sentences terminée, et les autres tâches des sententiarii remplies, l'étudiant devenait bachelier formé. TI devait rester encore à l'Université quatre ans (ou, comme le disent les statuts, cinq y compris l'année consacrée à Ia lecture des Sentences) et continuer à participer aux "lectionibus, vesperiis, aulis, disputationibus ordinariis et aliis quibuscumque disputationibus publicis magistralibus, et disputationibus in Sorbona" 293. Nous avons déjà fait allusion à ces obligations du bachelier formé et il est superflu d'y revenir 294. Nous savons en quoi consistaient les disputes ordinaires. Nous analyserons plus loin les vesperies et l'aulique. Reste à examiner ici Ia sorbonique. Elle ne nous est pas inconnue: nous avons déjà vu que les "cursores" étaient aussi obligés d'y participer 295, et nous croyons que les sententiaires devaient également y prendre parto La sorbonique n'est donc pas imposée aux seuls bacheliers formés. Nous l'avons inclue dans ce paragraphe pour des raisons d'organisation du matériel. L'histoire de Ia sorbonique a été écrite 296. Ses origines sont liées à l'esprit même qui inspira à Robert de Sorbon de fonder un collêge pour les étudiants pauvres de Paris: offrir à de jeunes théologiens une solution cohérente et complete à leurs besoins matériels, universitaires et spirituel . Les ordres mendiants, avec leurs couvents, qui étaient en même temp 29. Chart. I. n. 419. p. 473 (c. 1267): "Ille qui legit Sententias, habet principalem h rum legendi secundum suam voluntatem, habet et socium et cameram apud religiosos. S d qui legit Bibliam caret his et mendicat horam legendi, secundum quod placet lecton Sententiarurn. Et ille qui legit Sententias, disputat et pro magistro habetur; reliquu qUI textum legit non potest disputare. sicut fuit hoc anno Bononie et in multis a1iis loci , quod est absurdum", 292 P. GLORIEUX.op.cit .• p. 141: "Il semblerait que I'importance croissante accordée à cet exercice compense le discrédit dans lequel tombe vers ces mêmes dates Ia dispute ordinaire". 29l Chart. 11. n. 1189 (41). p. 700. 294 Cf. supra. n. 100. 101. 102. 103, 104. 105. 106. 29' Cf. supra. n. 276. 206 Cf. P. GLORIEUX.Aux origines de Ia Sorbonne. I. Robert de Sorbon, Paris. 1966. p. 131 svv. et 142 svv.; Jean de Faiísca ...• (1966). p. 50 sVV.• 70 svv.; L'enseignement ... (/968). p. 134-136.
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des studia generalia, constituaient ici un modele. Dês qu'ils avaientobtenu des chaires, ils les avaient installées dans leurs couvents, offrant ainsi à leurs étudiants un logement adéquat et un style de vie ordonnée qui favorisait le développement intellectuel et spirituel. li y avait aussi I'exemple des "collêges", institutions privées qui, en général, se lirnitaient à résoudre les problêmes matériels. Robert de Sorbon conçut le projet d'une institution qui combinerait les avantages des deux modeles: un collêge qui soit une résidence pour les étudiants séculiers et aussi un lieu de travail universitaire et de vie spirituelle. Pour réaliser un tel projet, il avait besoin de trois éléments : ressources matérielles (maisons, bourses), reconnaissance des études faites dans l'institution, normes de vie communautaire. 11les réunit et son collêge de Sorbonne, fondé aux débuts de Ia seconde moitié du XIlIe siêcle, allait connaítre une longue et brillante histoire. li s'était inspiré des studia generalia. Or, les couvents organisaient, à l'intention des étudiants en théologie, des exercices de discussion qui leur permettaient de revoir les matiêres exarninées dans les cours et de pratiquer Ia dialectique 297. Ces col/ationes hebdomadaires ont dü porter de bons fruits. Et à cet exemple, le Collêge de Sorbonne réalisa des exercices pour ses étudiants 298. Probablement ces disputes ont-elles été organisées du vivant de Robert de Sorbon. Les prerniers documents qu'on en a datent de 1312mais ils les présentent comme une activité offi.ciellementreconnue par Ia faculté, ce qui témoigne d'une longue tradition. Elles ont commencé commedes exercices privés, rnis sur pied pour Ia période d'été, soutenu par les bacheliers sous Ia présidence du prieur de Ia Sorbonne (qui était luiaussi un étudiant). Lorsque Ia faculté les reconnut comme partie du curriculum d'études de tous les bacheliers, elles prirent deux formes. Elle ont continué d'être des exercices privés destinés aux socii de Ia Sorbonne (dans ce cas, elles avaient lieu in capeI/a), mais elles furent aussi parfoi olennelles et publiques, ouvertes à tous les étudiants (dans ce cas, elle e tenaient dans Ia grande salle du collêge) 299. Les documents qui révêlent les modalités et Ia technique de ce disputes datent de Ia fio du XIVe siêcle. Et ils sont de deux type ; de recueils ,., Cf. supra. n. 268. 269. 270',.. F. PELSTER. Oxford Theology ...• p. 56: "The orbonic ... i n thm '1 than an exerci se modelled on lhe collatio of lhe religiou hou es, o that it i p rrm: ible 10deduce lhe procedure of lhe cal/alio from lhe taiute f lhe rb nic ", 299 P. GLORI ux, Jean de Fa/is a ...• p. 7 .
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de disputes (Prosper de Reggio, Pierre Plaoust, Jean de Falisca, Pierre d'Ailly) et le Statutum de disputationibus in col/egio Sorbonae habendis, publié par Denifie dans le Chartulaire de l'Université de Paris 300. Ce dernier (14 novembre 1344) est Ia principale source de renseignement sur Ia sorbonique. li nous apprend que Ia sorbonique avait été organisée d'abord pour Ia période d'été et qu'elle se tenait tous les vendredis afio que les étudiants soient occupés pendant cette période de serni-vacances. En 1344, on étendit Ia pratique à toute l'année acadérnique, et les samedis devinrent des jours de dispute. Plusieurs condensés des dispositions des statuts de 1344 ont été donnés. Nous reprenons celui de Thurot, pour son exactitude et sa valeur historique, qui en font un des meilleurs apports à Ia connaissance de Ia vie universitaire médiévale et parce que l'accês à cette ceuvre, déjà épuisée, est diffi.cile. "Les disputes de Ia Sorbonne acquirent beaucoup d'importance au XIVe siêcle, et demandent quelques détails. Elles peuvent, du reste, donner une idée de cet exercice dans les autres communautés. 11y avait dispute toutes les semaines, même pendant les vacances. Le prieur présidait les disputes de Ia Saint-Pierre et de Ia Saint-Paul (27 juin) jusqu'à Ia Nativité de Ia Vierge (8 septembre); un maítre des étudiants (Magister studentium), élu par les boursiers le 29 juin, les présidait depuis Ia Nativité de Ia Vierge (8 septembre) jusqu'au 29 juin. Les disputes présidées par le maitre des étudiants furent instituées et réglées, en 1344, par des dispositions sans doute analogues aux rêglements déjà observés pour les disputes du prieur. Le maitre des étudiants devait rassembler pendant les vacances, pour toute l'année, des questions relatives à tous les chapitres du Livre des Sentences et différentes de celles qui avaient été disputées I'année précédente. li assignait, 15 jours à l'avance, une question au répondant et à l'opposant. Sa négligence était punie par une amende de deux quartauts de vin; le refus du répondant, par une amende d'une bourse. La dispute avait lieu tous les samedis. Le boursier le moins ancien devait commencer. Le répondant d'un samedi était I'opposant du samedi suivant. Le maitre des étudiants présidait Ia dispute, dissipait les malentendus qui pouvaient se glisser entre les deux adversaires; si l'un d'eux argumentait de mauvaise foi, le maítre devait l'avertir jusqu'à deux fois, et, s'il persistait, lui dire: Je vous impose silence. Une opiniâtreté persistante aprês ces trois avertissements, était punie par une amende de deux quartauts de vin. 300
hart. 11. n. 10 6. p.
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Le répondant ne pouvait poser que trois thêses ou conclusions appuyée chacune sur une citation et un argument, et sans corollaires. Pour laisser d'autres le temps d'argumenter, l'opposant ne devait poser que 8 objections et chacun des autres argumentants, 3. Immédiatement aprês le principal opposant, argumentaient successivement le maitre des étudiants, le prieur, les maitres en théologie, s'illeur plaisait, les sententiarii, les cursores, en commençant par ceux qui avaient lu leurs deux cours, et enfin les boursiers de Ia maison, suivant leur rang d'ancienneté. Le maitre des étudiants était libre d'admettre des étrangers ces exercices, pourvu qu'ils ne fussent pas en assez grand nombre pour gêner les boursiers. On attachait tant d'importance ces disputes qu'on ne voulait pas qu'elles fussent absorbées par des congés. Si un samedi était férié, Ia dispute devait être avancée ou réservée" 301. Du point de vue de notre enquête sur les espêces de disputatio, trois remarques s'imposent. La premiêre concerne les acteurs de Ia sorbonique. Le président de Ia séance, le respondens ou I'opponens sont des bacheliers 302, tandis que Ia question disputée ordinaire est dirigée par un maitre. Ce n'est pas que les maitres soient exclus. Au contraire, l'importance croissante de Ia sorbonique au XIVe siêcle attira ceux-ci, ce qui explique des dispositions des statuts concernant Ia place qu'on doit leur réserver 303. Mais leurs interventions étaient volontaires et ne constituaient pas pour eux un devoir. La deuxiême différence concerne Ia structure de Ia dispute. On n'a pas de preuves qu'elle s'articulait en deux séances, comme Ia question disputée. Discussion et solution se déroulaient en une même séance. La troisiême opposition intéresse le thême et Ia matiêre. Étant donné qu'il s'agit d'un exercice destiné aux bacheliers - dont Ia tâche Ia plus importante est de !ire le livre des Sentences - il est naturel qu'un lien étroit existe entre Ia sorbonique et l'eeuvre de Pierre Lombard. Les statuts sont clairs ce sujet: "quod questiones magnas, theologicas et utiles juxta textum libri Sententiarum, de una distinctione unam, et alia aliam, â
â
sic totum librum sine interpolatione distinctionum decurrendo, eligat (le magister studentium) diligenter, sic quod unius anni questiones non sint eedem cum questionibus subsequentis vel etiam precedentis" 304. Malgré le lien avec un texte, Ia sorbonique peut être considérée comme une espêce de disputatio pour deux raisons. Le Livre des Sentences était déjâ luimême un effort de synthêse doctrinale qui invitait l'étudiant une exégêse également synthétique plutôt que textuelle. Les questions posées, bien qu'inspirées par le texte des Sentences, étaient examinées de façon autonome et dans une perspective purement théorique propre Ia théologie spéculative. â
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4°) L'examen de licence Aprês un stage de quatre ans, le bachelier pouvait obtenir Ia licence. Celle-ci était l'autorisation de prêcher, enseigner et disputer publiquement dans toute Ia Chrétienté. En ce sens, elle équivalait une mission universelle 305 qui ne pouvait être conférée que par le Pape. Mais celuici déléguait ce pouvoir au chancelier, leque! devait examiner Ia compétence professionnelle, Ia moralité et les perspectives d'avenir du candidato Un décret de Grégoire IX, du 13 avril 1231, mandate le chancelier pour se renseigner auprês des maitres et des hommes honorables de Ia ville sur les qualités des récipiendaires, et accorder ou refuser Ia licence suivant sa conscience 306. En fait, au fur et mesure que Ia corporation des maitres affirma sa prééminence, il devint impossible pour le chancelier de refuser un candidat appuyé par les maitres. La licence en théologie s'accordait tous les deux ans, lors de I'année jubilaire, ou jubilé, vraisemblablement aux millésimes impairs 307. Le bachelier formé était présenté par son maitre. Des cédules, dont celuiâ
â
304
Ibid, p. 554.
F. Ehrle a signalé que c'est précisément eette portée universeUe des grades académiques qui constitue I'essence de 1'"Université": "La corporazione ed i privilegi sono un presupposto o una consequenza naturale deU' università, ma non I'essenza; I'essenza é Ia facoltà di dari gradi universalmente riconosciuti in a1meno una deUe seienze superiori" (I piú antichi 30S
Statuti ... , p. LX). 306 Chart. I, n. 79, p. 137 (Décret de Grégoire IX, 13 avril 1231): "Ante vero quam 301 Ch. THUROT, op.cit., p. 131-132: ef. aussi P. GLORIEUX, Aux origines de Ia Sorbonne ... , p. 142-143; L'enseignement ... , p. 136. 302 Le terme magister studentium ne doit pas nous induire en erreur; comme le précisent les statuts, iI s'agit d'unus sociorum, élu par ses collêgues. Cf. Chart. 11, n. 1096. p. 554. 303 "Item, voluerunt quod immediate post principalem opponentem arguat magister studentium, denique prior domus, deinde magistri in theologia, si eis placeat arguere" (Chart. 11, p. 555).
quemquam licentiet, infra tres menses a tempore petite licentie tam ab omnibus magistris theologie in civitate presentibus quam a1iis viris honestis et litteratis, per quos veritas sciri possit, de vita, scientia et facundia necnon proposito et spe proficiendi ac a1iis, que sunt in talibus requirenda, diligente r inquirat, et inquisitione sic facta quid deceat et quid expediat bona fide det vel neget secundum eonscientiam suam petenti licentiam postulatarn". a. Décret d'Alexandre IV du 14 avril 1255, Chart., n. 247, p. 283. 307 Cest ce qui ressort des latut d li ul u.• cit par Ch. THUROT,op.ciJ., p. 152, n. 2.
110
CHAPITRE
11I
ci se portait garant, prouvaient que le candidat satisfaisait aux conditions 308. Le chancelier procédait à l'examen du candidat en deux étapes: examen proprement dit et depositio magistrorum. L'examen est déjà prévu en 1255, dans un décret d'Alexandre IV. Ce texte se bome à signaler qu'il devait porter sur des livres de théologie 309. Nous savons aussi que l'examen n'était pas public et que seuls le chancelier et les maitres y assistaient 310. Semblable coutume existait aussi à Oxford 311 et à Bologne. Les dispositions de cette derniêre université montrent clairement que l'examen comportait une forme de question disputée. En effet, trois jours avant, le chancelier remettait au bachelier deux questions théologiques douteuses, avec des arguments pour et contre. Le bachelier répondait par écrit et son texte, contenant quatre ou cinq conclusions pour chacune des questions posées, devait parvenir aux maitres et au chancelier un jour plein avant l'examen. Pendant l'examen, les maitres argumentaient contre les thêses proposées par le bachelier. Il ne semble pas que celui-ci avait le droit de répliquer 312.
JOI Chart. lI, n. 1189 (60), p. 702 (Statuta, 1385): "Statuimus primo quod nullus magister deponat pro aliquo bacalario licentiando, nisi ipse bacalarius manserit in studio Parisius et frequentaverit actus facultatis per tempus quinque annorum, annis lecture et licentie computatis, et nisi ipse responderit post lecturam Sententiarum et ante licentiam de tribus questionibus, scilicet aula, ordinaria, et Sorbonica, jurabitque quilibet magister, dum prima vice ad congregationem facultatis veniet, de nulla harum in posterum dispensare, nisi tamen alteram in alteram ex causa legitima commutet ..." Cf. n. 1190 (33), p. 706 (juramenta): "... pro nullo bacalario formato deponetis in licencia, nisi ille responderit de tribus principalibus questionibus, scilicet de ordinaria, in Sorbona post lecturam Sententiarum, et in aula". Cf. aussi (34) (36) (39). 309 Chart. I, n. 247, p. 281 (Decret d'Alexandre IV, avril 1255): " ... ne quoque bacellarius in theologica facultate promoveatur ad cathedram, nisi prius examinaverit semetipsum, saltem aliquos libros theologie glosatos et sententias in scolis alicujus magistri actu regentis diligenter legendo". En réalité c'est Ia confinnation d'une disposition prise par l'Université en 1252. Cf. Chart. I. n. 200. p. 226. 310 Cf. Ch. THUROT, op.cit .• p. 153. ru F. PELSTER,op.cit .• p. 43. 312 Statutafac. theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 34-35): "Nam de mandato domini nostri cancellarii ipse magistrorum decanus, triduo ante horam examinis, ipsi examinando assignat puncta, idest duas libris Sententiarum distinctiones, circa quas decanus duas theologicas omnino dubitabiles formans questiones arguens pro et contra, tradit in scriptis ipsi examinando, qui ad utraque responsurus, positiones suas solidas sub 4'" vel sub quinque conclusionibus pro utralibet questione distinctim cuiJibet·magistrorum dat in scriptis per diem integram ante examinis horam. Et die sequenti hora XVIII' congregantur magistri, quorum scole sunt universitati nostre incorporate, coram domini Cancellario in conclavi. Et primo decanus et consequenter singulimagistri iuxta ordinem sue antiquitatis arguant contra positionem ad primam questionem per quatuor vel tres rationes, ipsi examinando bachalario penitus inprecognitas,
LES ESPECES DU GENRE
1J I
L'examen terminé, le candidat se retirait et le chancelier interrogeait les maitres sur Ia compétence scientifique, Ia moralité et les chance d'avenir du bachelier. Cette depositio magistrorum est prévue, nous l'avons vu, dans les décrets des Papes pour Paris. Elle semble s'être impo ée partout. On Ia trouve à Oxford 313, à Bologne 31\ à Vienne 315. Cela porte à penser qu'elle était partout l'élément essentiel de l'examen. De fait, le chancelier ne pouvait s'opposer à l'avis des maitres, à moins de s'embarquer dans un conflit fâcheux avec l'Université. Les étudiants qui avaient réus si recevaient, vers Noêl, un billet du chancelier ou on leur indiquait le jour et le lieu ou se tiendrait Ia cérémonie de leur licence. Celle-ci était un événement solennel qui réunissait tou les membres de Ia faculté. Aprês avoir prononcé une harengue et proclamé les noms des nouveaux licenciés, le chancelier les appellait un par un afio qu'ils prêtassent les serments de rigueur, puis il leur conférait Ia licence 316. La dispute est donc présente dans I'obtention de Ia licence. D'abord, elle fait partie de l'examen. Sans doute a-t-elle surtout lieu par écrit et le bachelier ne semble-t-il pas avoir droit à une determinatio 317. On dirait qu'elle est presque symbolique, ultime occasion de mettre en évidence Ia compétence professionnelle du candidat, voire formalité, car Ia depositio magistrorum compte davantage. Mais Ia dispute existe aussi, et cette fois de maniêre centrale dans Ia formule même de Ia collation de Ia licence: et per tres replicationes et per duas ad rationem secundam impugnant rationes eiusdem. Et similiter faciunt contra secunde questionis positionem", 3IJ Statuta Antiqua, p. 28; cité par F. PELSTER, Oxford Theology ... p. 43, n. 2: "De licentia et repulsa presentati cuiuscumque facultatis. De bachelariis licenciandis et incepturis in quacunque facultate, innovando prius statutum et optentum ita per universitatem est provisum et ordinatum quod Cancellarius, qui pro tempore fuerit, nullum licenciet in aliqua facultate nisi auditis depositionibus magistrorum ipsius facultatis in presencia procuratorum universitatis, tam in sciencia quam in vita, et coram eisdem procedat ad licenciam vel repulsam, et procuratores una cum Cancellario magistrorum deponencium scribant deposiciones". 314 Statuta fac. theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 35): "Hiis rite completis, emisso examinato dominus cancellarius scorsum vocat singulum magistrorum et per iuramentum prestitum exigit in secreto veritatem, tam de laudabili vita examinati quam de grandi sufficientia, iusta strictum conscientie pure iudicium". ns Statuta Fac. Theol. Wienn. (éd. KOLLAR, p. 155), cité par Ch. THUROT,op.cit., p. 153. 316 Chart. 11,n. 1185, p. 683; Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 36-40). On trouvera dans ces textes des détails sur Ia cérémonie de licence et sur les serments des candidats. 317 F. Ehrle pense, au contraire, que I'examen avait Ia forme d'une véritable dispute et que le candidat pouvait répliquer aux objections des maítres : "si impegnava una di puta in regola contro il candidato il quale cercava di difendere le sue conclusioni contro i maestri" (I piú antichi statuti ...• p. IJI).
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HAPITRE 1II
"(Cancellarius dat eis licentiam disputandi, Iegendi et praedicandi et ?mnes ~ctus exercendi in theologica facultate qui ad magistrum pertinent, fi nomme Patris, et Filii et Spiritus Sancti." 5°) La maitrise: vespéries, aulique, resumpta Avec l'obtention de Ia licence finissaient, pour ainsi dire, Ies épreuves de compétence. Restait un pas à franchir: Ia promotion à Ia maitrise qui était, simultanément, l'entrée dans Ia corporation des maitres. Trois actes, Ies plus soIennels de Ia vie universitaíre, marquaient cette ultime étape: Ies vespéries, Ia dispute in aula et Ia resumpta. C'étaient, strictement, des questions disputées mais qui introduisaient à l'exercice régulier du métier de maitre, des actus magisteriandi comme Ies appelle Denifle (Chart. lI, p. 685). C'est par lâ qu'elles se distinguent des autres questions disputées qui sont soutenues par des maítres déjà consacrés comme teIs par Ia corporation. a) Les vespéries Dês Ie début du XlIle siêcle, on fait à Paris une distinction nette entre l'acte de Ia licence et I'acte de Ia maitrise. Les statuts de Robert de Courçon (1215) prescrivent de ne pas faire de grandes célébrations à l'occasion des principia magistrorum 318. Ces principia sont liés à l'incorporation au consortium magistrorum, et ils sont par conséquent subordonnés à l'adhésion du licencié aux statuts de Ia corporation. Celle-ci semble se réserver Ie droit d'accepter ou de refuser Ie candidato Dans Ies statuts de 1252, Ia Faculté de Théologie stipule que si un licencié ne se soumet pas aux rêgles de Ia corporation, on lui refusera l'incorporation au consortium, ce qui se concrétisera par Ia non-assistance des maitres aux principia du licencié 319. De même, selon Ies statuts d'Oxford, Iorsque Ie chancelier accorde Ia licence d'exercer les actes propres au rang de maitre, il Ia subordonne à I'accomplissement des séances publiques qui consacrent Ia maitrise 320.
.
Chart. I. n. 20. p. 79: "In principiis ... magistrorum ... nulIa fiant convivia" I . . art .• n. ~OO'.p. 227 (Statutum Fac. Theol. 1252): "Et de cetero quicumque bachelIarius
318 319Ch
hce~tIatus fuerit ", SI requisitus huic ordinationi assensum prestare noluerit, a consortio magistrorurn perutus excludetur et eidem tam in principiis, quam alibi magistralem societatem denegabunt". 320 " ••• do tibi licenciam incipiendi in tali facultate, legendi et disputandi, et omnia faciendi que .ad statum m~gistri in eadem facuItate pertinent, cum ea compleveris, que ad talem pertínent solempmtatem" (Statuta Antiqua, p. 28-30. cit. par F. PELSTER.Oxford Theology ...• p. 44. n. 3).
LES ESPE ES OU GENR
1I
Jusqu'ici il est question de principia. Plus tard, ces actes de maítri prennent Ia forme de disputes connues sous Ie nom de vespéries, auliqu et resumpta. A quelle date? Dans Ie premier tome du Chartulaire de I'Université de Paris, Ie mot "vespéries" n'est utilisé qu'une fois, à pr p des questions théologiques de Nicholaus de Pressorio, maitre en théologi vers 1273 321. Denifle croit cependant que ces disputes soIennelle e tenaient plus tôt déjà, tant à Paris (ou elles sont nées) qu'à Oxford 12l. Pour Oxford, des éléments permettent d'affirmer que Ies vespéries avai nt déjà lieu au temps de Robert Grosseteste 323. Au XIVe siêcle en tout Ies vespéries et Ies autres actes de maitrise sont parfaitement in tall dans Ies habitudes de Ia corporation. A défaut des statuts de Pari. 11 de Bologne renseignent. Voyons comment Ies vespéries se déroulai '111 dans l'université italienne. Aprês Iui avoir conféré Ia licence, Ie chancelier fixe au nouveau lic nei un jour pour soutenir ses actes de maitrise 324. "Quinze jours avant s , vespéries, Ie licencié, revêtu de sa robe, allait chez tous Ies maitre et Ies bacheliers formés pour Ieur porter Ies titres de quatre questions dont deux devaient être disputées dans Ies vespéries et deux dans l'aulique" m. C'est donc Iui qui choisit et propose Ies questions. Il s'assure aussi du concours des maitres et des bacheliers qui prendront part à ces dispute comme respondens ou opponens. Le jour des vespéries, qui devait être un dies legibilis et disputabilis, Ia
Chart. I. p. 596. n. 7. m Cf. DENIFLE. Chart. 11. p. 693. n. 5. l2J F. PELSTER.Oxford Theology ...• p. 45: "Thanks to the researches of A.G. Littlc w know that the custom of vesperies and inception was introduced quite early into Oxford According to Little a treatise of Robert Grosseteste now lost bore the title: In vespert! Ade. This is probably Adam Marsh, the first Franciscan master". 3,. "Post licentiam quando licentiatus vult magistrari, magistrandus debet facere vesperia. , et assignari sibi dies per cancelIarium et magistrum suum secundum ordinem licenti • (Archiv. Vat. ColIect. Aven.• n. 440; cité par DENIFLE. Chart., 11. n. 1185. p. 684, not. 9). Cf. Chart. 111.n. 1513. p. 376. li s'agit du témoignage du maitre Johannes Kaerloret dan un procês contre le Chancelier accusé, précisément, de ne pas fixer les jours des vespéries comme il le doit. m Ch. THUROT. op.cit .• p. 155. qui s'appuye sur une disposition des statuts de Vienne (Stat. Fac. Theol. Univ. Wienn .• éd. KOLLAR. p. 157). A Oxford les habitudes sont différentes: il semble bien que les questions étaient choisies par le maitre qui présidait les vespéries et non pas par le vesperiandus, et que c'est le maitre qui les communique à ses collêgues, Cf. Statuta antiqua, p. 37: "Regentes eciam tenentes vesperias, ante diem vesperiarum omnibus regentibus in illa facultate debent dicere suas questiones in aliqua congregacione, hora prima vel alias ..." (Cit. par PELSTER.Oxford Theology ...• p. 49. n. 321
2).
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CHAPITRE
III
faculté suspendait les cours; un seul maitre était autorisé à enseigner, tôt le matin, probablement celui qui allait présenter le licencié 326. Tous les bacheliers et les maitres étaient tenus d'assister à Ia séance 327, et Ie doyen de Ia faculté veillait à ce que cette participation füt effective 328. Le bedeau plaçait les assistants selon un ordre hiérarchique 329. La séance commençait assez tard dans l'aprês-midi, d'oú le nom de vespéries. On disputait d'abord sur Ia premiêre des questions. C'était l'expectativa magistrorum (ou expectantia). Elle était normalement présidée par le maitre du licencié. Le rôle de respondens était assumé par un bachelier. Aprês que celui-ci avait proposé une solution, Ie maitre qui présidait soulevait des objections. Puis des bacheliers en présentaient d'autres. Le répondant répliquait seuIement aux arguments du maitre. Ainsi se concluait l'expectantia magistrorum. Elle était, en somme, une dispute assez breve. Le plus ancien maitre abordait alors Ia deuxiême question et énonçait des arguments pour et contre. Le vesperiandus résumait encore une fois Ia question et présentait respectueusement sa position, laquelle devait être nette, subtile, utile, jusqu'à un certain point prolixe, et strictement théologique. Suivait Ia dispute proprement dite. Le maitre qui avait proposé Ia question contestait Ia position du vesperiandus par trois ou quatre arguments. Celui-ci n'était tenu de répliquer qu'aux trois premiers. Un deuxiême maitre proposait ensuite deux ou trois arguments contre ce qui avait été dit par son collêgue ou par le vesperiandus. Celui-ci avait le droit de répliquer. Le maitre pouvait intervenir encore une fois, et Ia dispute se terminait avec une ultime réplique du vesperiandus. Le président faisait l'éloge de l'Écriture et du récipiendaire, et il annonçait le jour et
,,. Chart. Il, n. 1188 (7) p. 692: "Item, quando unus bachalarius in theologia habet vesperias suas, tunc unus solus magister legit in primis, et illa die non legitur in Sententiis nec in Biblia". (A noter I'hésitation du langage: le licencié est toujours considéré bachelier). m Obligation des bacheliers bibliques: Chart. 11, n. 1189 (17). Obligation des sententiaires: 11, n. 1189 (25). Obligation des bacheliers formés: 11, n. 1189 (41) (42) (49) (60). Obligation des maitres: 11, n. 1189 (67). JlI Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 16): "Imperet etiam (decanus) reverendis magistris, si necesse fuerit, ut actus sibi incumbentes perficiant, maxime in secunda questione vesperiarum et in quarta magistrorum questione in aula". Jl9 Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 63): "Item debet bideUus generalis ... in licentia, in vesperiis, in aula, in prima lectione novi magistri et in similibus esse ab exordio usque in finem. Item habet in scolis et in aula locare graduatos iuxta ordinem antiquitati et graduationis sue ..."
LES ESPECES OU GENRE
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te lieu ou allait se tenir l'aulique, ainsi que le livre sur lequeI porteraient tes leçons du nouveau maitre 330. C'est donc Ia deuxiême question des vespenes qui revêtait Ia pIus grande importance pour le récipiendaire et qui répondait Ie mieux à Ia dynamique de Ia question disputée. La tradition manuscrite a conservé plusieurs vespéries, ce qui permet d'enrichir les données fournies par Ies statuts 331. Nous nous bomerons à examiner dans ce but deux questions
no Le texte des statuts de Bologne a été publié par F. EHRLE (1 piú antichi statuti, p. 40 ss). Nous préférons cependant transcrire le texte édité préalablement dans le Chartularium (t. 11, p. 693) car Oenifie a eu Ia bonne idée d'intercaler dans ce texte des détails et des précisions provenant d'autres universités médiévales: "De tempore et modo Vesperiarum (Rubr. XII). Vesperie dicte sunt propter horam quasi vesperiarum, sci!. decimam nonam, in qua fiunt, excepto quod in Quadragesima magna fiunt ante prandium. Pro quibus ordinamus, quod qui1ibet licentiatus vesperiandus (Parisiis: indutus cappa; ms. Vindob. 4929) saltem per dies octo (Parisiis: per quindecim dies; ms. Vindob. 4929) ante diem suarum vesperiarum portet cedulas suarum questionum, precedente bideUo, duobus magistris antiquioribus qui habent opponere (Parisiis: per domos omnium magistrorum et baccalareorum formatorum), in quibus tituli quattuor questionum sint scripti, scilicet duarum que disputantur in vesperis, et duarum que disputantur in aula ipsius ... Excepto igitur tempore majorum vacationum qualibet die legibili lectionibus obmissis et qualibet die disputabili omni alia disputatione exclusa poterunt teneri vesperie, ad quas omnes de nostra facultate convenire debent". "Earum modus est iste. Primo disputatur breviter una questio sub reverendo magistro tenente vesperias, que dicitur expectativa (sic et Coloniae) magistrorum, cujus est responsalis aliquis graduatus (Vindob. et de jure actu legens Sententias). Hec autem questio est prima de quattuor questionibus quas vesperiandus sibi pro voto elegerit. Et ad hanc questionem post magistrum arguant bachalarii omnes, unus post alium, sine responsione. Postquam vero omnes arguerint, responsalis reassumat solum primi arguentis rationem eam solvens, et est finis hujus questionis. Quo facto unus senior magistrorum nostrorum sedens proponit questionem secundam de predictis quattuor ipsi vesperiando sedenti, arguens pro et contra. Qui vesperiandus reassumens propositam questionem reverenter format positionem suam pulchram, subtilem, utilem, aliqualiter prolixam, sed mere theologicam, contra cujus dieta opponit sedens magister (qui proposuit) per tria aut quattuor (Vindob. per quatuor aut quinque) media ad plus, et vesperiandus respondet reverenter (Vindob. ad duo media) usque ad tertiam replicationem (Vindob. pro quolibet duorum mediorum). Et statim post alius magister de senioribus opponit duobus vel tribus (Vindob. quatuor) med.iis contra dieta vel contra positionem vesperiandi, et bis replicare potest (i.e., et facit pro primo medio duas vel tres replicationes) ... His peractis magister qui tenet cathedram facit coUationem commendativam sacre Scripture nec non doctrine ac morum vesperiandi si sibi placuerit, dummodo nullum indecens vel inhonestum proferat, quod vertatur in dedecus vesperiandi aut religionis, de qua dictus vesperiandus est professus. Et in fine pronunciat diem sui vesperiati aule, librum quem leget et in quibus scolis leget, et sic est finis vesperiarum ...", Cf. aussi F. PELSTER,op.cit., p. 46 et 49; P. GLORIEUX,L'enseignement ... , p. 144-145; J. WEISHEIPL,Friar Thomas ... , p. 98-99. JJI On trouvera dans P. GLORIEUX,L'enseignement..», p. 142-143, une liste des documents contenant des disputes soutenues à I'occa ion de ve périe de plusieurs maitres.
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CHAPITRE
III
éditées par Little et Pelster 332. La disputatio in vesperiis de lohn de Alderford répond à Ia description des statuts de Bologne. La seule précision qu'elle apporte est Ia suivante: aprês que le maitre est intervenu Ia premiêre fois pour poser Ia question et donner les arguments pour et contre, le répondant ne se limite pas à énoncer une solution globale, il réplique aussi aux objections qui viennent d'être formulées. Puisque le répondant n'est pas le récipiendaíre, on se trouve devant une expectantia magistrorum 333. Le texte publié par Little est un exemple des difticultés de Ia tradition manuscrite. 11ne dit pas qui était le vesperiandus, ni le maitre qui présidait. 11ne précise pas s'il s'agit de Ia premiêre ou de Ia deuxiême questiono La structure pourtant laisse penser que nous avons là aussi un cas d'expectantia (premiêre question). Certes, des objections énoncées finalement par des participants (dont les noms sont indiqués en marge du manuscrit), probablement des bacheliers (dans Ia deuxiême question, deux maitres seuls interviennent) n'y trouvent pas de réponse comme ill'aurait falIu dans une expectantia. Mais les derniêres lignes du manuscrit sont restées en blanc; probablement le scribe n'a-t-il pas eu le temps de transcrire Ia réplique du répondant. Les textes édités par Pelster et Little sont des reportationes des séances. Mais il semble que parfois les jeunes maitres retravaillaient le matériel des disputes afin d'en faíre une édition 334. 332 II s'agit d'une question disputée aux vespéries de John Alderford (ms. Assisi 158. q. 199. f. 336) et d'une autre question soutenue dans les vespéries d'un maítre inconnu (ms. Worcester, Q. 99. VI. 39. f. 69). publiées par F. PELSTER et A. LITTLE. Oxford Theology ...• p. 133-137 et 348-351.
m La distinction des personnages est c1airement indiquée au début de Ia question: "Questio in vesperiis. M. Gilbertus de Strattune (maítre président). quando incepturus fuit Ma. Iohannes de Alderford Cancellarius Lincolne. (récipiendaire). Respondit Le. (répondant: un bachelier)". Mais cette distinction de rôles n'est pas toujours aussi c1aire dans les manuscrits. Puisque les vespéries étaient soutenues sous Ia présidence d'un maítre, les manuscrits peuvent dire, par exemple, "quaestio Sneyt in vesperiis Roberti de Bromgord; respondit Thomas de Malmesbyri predicator". II ne faut pas penser que Robert est le vesperiandus et que Sneyt est le maitre qui préside, comme le croient Pelster (op.cit .• p. 122) et Little (op.cit .• p. 275). En réalité Robert est le maítre qui préside les vespéries, raison pour laquelle on peut parler de "vesperies Roberti". Et Sneyt est le vesperiandus. La preuve en est que le manuscrit en question (Assisi 158) contient aussi Ia deuxiême question des vespéries et on y lit: "Questio Sneyt ... Sneyt disputavit in vesperiis Roberti de Bromgord ultimam". II est évident que dans cette deuxiême question (ultimam). c'est Sneyt qui a discuté (disputavit). Oro nous savons que le maitre qui préside ne prend pas part à Ia dispute; l'expression "in vesperiis Roberti" désigne donc le maítre et non pas le récipiendaire. Chaque cas doit être étudié séparément. 3>4 Le Pêre Weisheipl considere que les q. 6 et 7 du Quodlibet VII de Saint Thomas sont en réalité deux des quatre questions que Thomas a proposées pour son inceptio, La q. 6 serait Ia deuxiême question des vespéries, et Ia q. 7 serait Ia troisiêrne question,
LES ESPECES
DU GENRE
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b) L'aulique (ou aula) Cette cérémonie était Ia séance inaugurale du nouveau maitre, car il y présidait les discussions aprês avoir reçu le birretum, symbole de Ia maitrise. Son nom provient du local ou cette séance avait lieu: "Aula sic vocatur quia actus ejus fiunt Parisius in aula domini episcopi", expliquent les statuts de Bologne (éd. Ehrle, p. 42). Mais le terme "aula" désigne, en général, un local consacré à l'enseignement. Chaque maitre pouvait en avoir une, si ses moyens ou ceux de sa faculté le lui permettaient. Dans ce cas, on parle d'une "aula própria" ou d'une "aula magistri x ...". Les collêges avaient aussi des locaux consacrés à l'enseignement, et dans ce cas on parle, par exemple, d"'aula Sorbone". Tous ces cas doivent être distingués soigneusement de l' aula comme séance inaugurale ou le jeune maitre commençait les actes propres à son magistêre. Les textes disent alors "in die aula sue", ou aussi "in aula episcopi" 335. A Ia suite de Paris, toutes les universités ont désigné un local important pour les séances inaugurales. Même à Ia curie, on réservait un local au palais du Pape pour ces cérémonies solennelles 336. Les Ordres mendiants se réservaient le droit de tenir celles de leurs licenciés dans des locaux propres (Thomas d'Aquin eut son inceptio au couvent de Saint-lacques), mais il semble qu'au moins à Oxford ils ont fini par utiliser le local prévu par l'université 337. A Oxford aussi le terme inceptio est utilisé à Ia place d'aulique. Celle-ci se tient généralement le lendemain des vespéries 338. Les statuts spécifient qu'elle se déroule dans un "dies legibilis et disputabilis" (ce qui exclut Ia période des grandes vacances), et que Ia séance commençait
c'est-à-dire celle qui était disputée en premier lieu à l'aulique. Cf. Friar Thomas ...• p. 105. Matthieu d'Aquasparta semble avoir retravaillé aussi ses questions "in vesperiis" et "in aula" en vue d'une édition; cf. V. DOUCET. Q. Disp, de Gratia ...• p. cxv. Voir dans P. GLORIEUX (supra n. 342) Ia liste des maitres dont on conserve les actes de maitrise. 33S DENIFLE. Chart .• p. 344. not. 1: "Dies aulae suae designabat diem qua licenciatus in aula episcopi insignia magisterii recepit, ibique collationem disputationemque tenere et sustinere debuit". "6 Chart. 11. n. 640. p. 106: "Tuque postmodum de mandato nostro sub venerabili fratre nostro Egidio ... in aula nostri palatii Lateranensis in facultate predicta solenniter incepisti prestitis a te in manibus dilecti filii nostri fratris G ... pro nobis et ecclesia Romana recipientis corporaliter juramentis que in Universitate Parisiensi solenniter incipientes in facultate predicta soliti sunt prestare". 337 F. PELSTER. Oxford Theology ...• p. 48. 338 P. GLORIEUX. L'enseignement ...• p. 145.
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CHAPITRE
III
vers neuf heures du matin 339. Ce jour là, il n'y avait pas de cours à Ia Faculté de Théologie 340. Tous les maitres et bacheliers devaient y assister 341. Au milieu de Ia salle s'asseyait le "magister aulandus", ayant à sa droite le chancelier de I'université et à sa gauche le "magister aulator", c'est-à-dire son maítre 342. La cérémonie commençait lorsque le chancelier recevait le serment de fidélité du récipiendaire. Puis lui et le "magister aulator", aprês avoir coiffé Ia barette magistrale, en plaçaient une sur Ia tête du candidat en prononçant Ia formule suivante: "Impono tibi birretum magistrale in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti Amen". Tous les maitres mettaient alors leur barette. Le nouveau maitre prononçait un éloge de Ia Sainte Écriture: Ia "Recommendatio Scripturae Sacrae". Immédiatement aprês commençaient les disputes sur les deux demiêres des quatre questions proposées. Un étudiant posait Ia troisiême questiono Un responsalis, bachelier formé, préalablement désigné, formulait une solution (positio) scientifique et théologique sous Ia forme de trois conclusions suivies de trois corollaires 343. Contre cette position argumentait d'abord le nouveau maitre 344, qui apportait trois ou quatre objections. Le répondant pouvait répliquer deux fois. Puis le "magister aulator", opposait trois objections à Ia thêse du "responsalis", qui avait le droit de répliquer à deux d'entre elles. En troisiême lieu, le chancelier (ou son représentant) soulevait deux objections auxquelles le "responsalis" pouvait répondre par une seule réplique 345. Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE,p. 42). Chart. 11, n. 1188 (6), p. 692: "Item, nota, quod quando unus magister in theologia habet aulam suam, iIIa die non legitur in sententiis, nec in Bíblia". Cf. aussi Statuta de Bologne: "nulla alibi lectio vel disputatio erit in illa die" (éd. EHRLE, p. 42). 34' Cf. supra, n. 327-328. 342 Pour tous ces détails, cf. Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 42). 34' "This custom of replying to a question in the form of a thesis with three or four formulated conclusiones became, according to the very plentiful evidence of the MSS., a1so in England more general at the beginning of the fourteenth century" (F. PELSTER, op. cit., p. 46, n. I). l44 Nous soulignons cette intervention du nouveau maitre car elle semble avoir été négligée par Glorieux, op.cit., p. 145: "le nouveau maitre y a un rôle plus spectaculaire qu'actif". 34' Nous avons suivi Ia description fournie par les Statuts de Bologne (éd. EHRLE, p. 43). Encore une fois nous donnons le texte de Denifíe (Chart. 11,p. 694), car il a introduit, aux endroits appropriés, les variantes du manuscrit de Vienne: "Quo celeriter terminato per unum studentem statim proponitur tertia questio de quattuor questionibus sub reverendo magistro novo disputanda, quam responsalis preordinatus, qui debet esse bachalarius formatus si haberi poterit, absque nova impositione reassumat reverente r et format responsivam positionem scientificam atque penitus theologicam sub tribus conclu339 >40
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La dispute sur Ia quatriême question était réservée aux maítres (quaestio magistrorum). Quatre d'entre eux disputaient par paire. Un des plus anciens posait Ia question avec des arguments pour et contre. Un jeune, qui restait debout, présentait une solution et répondait aux objections. L'ainé se levait de nouveau et argumentait contre Ia solution proposée; le jeune répondait une deuxiême fois. La même procédure se répétait une troisiême fois. L'autre paire reprenait Ia questiono Un des anciens oulevait des objections, différentes de celles déjà discutées. Un jeune répliquait avec des arguments également nouveaux. Le même affrontement dialectique recommençait ensuite mais une fois seulement. De cette façon se terminait Ia discussion de Ia quatriême question, sans qu'une solution définitive ait été apportée 346. Dans Ia derniêre étape de Ia séance, Ie "magister aulandus" reprenait Ia troisiême question et Ia "déterminait" de façon breve avec une ou deux conclusions qu'il ne devait pas prouver. C'est qu'il aurait l'occasion de procéder à une "détermination" détaillée dans sa resumpta. Ainsi s'achevait l'aulique et les participants se rendaient en cortêge à Ia maison ou au couvent de l'aulatus, ou avaient lieu des festivités 347. sionibus docte probatis cum tribus correlariis. Primo contra dieta responsalis opponit magister novus per tria (Vindob. quatuor) media et replicat duabus vicibus (Vind. tribus vicibus pro primo argumento et bis pro secundo). Secundo contra eundem responsalem opponit magister aulator tribus mediis bis replicando (Vind. ad primum medium, et semel pro secundo). Tertio opponit contra eundum responsalem dominus cancellarius vel ejus vicem gerens, si voluerit, duobus mediis semel replicando (Vind. cum bina replicacione)". l46 Cf. Statuta Fac. Theol. Bon. (éd. EHRLE, p. 43). Texte de Denifíe (Chart. 11, p. 694): "Hac questione completa surgunt duo ex magistris, unus senior, a1terjunior (inter juniores), et senior stans proponit quartam cum argumentis pro et contra ipsi juniori stanti, et statim sedet. Junior vero nunquam sedet usque in finem disputationis eorum duorum, sed stans resumit questionem, et magistraliter respondet succinta positione. Tunc surgit senior et opponit contra dieta ejus duobus vel tribus mediis et sedet; junior resumit dieta (i.e. objecta) et solvit. Senior iterum surgens replicat; et junior iterum solvit; (Vind. Et senior tercio opponit surgens et sedet, junior solvit) et postea sedet. Tunc surgent duo alii magistri, unus minus senex, a1ius minus juvenis quam priores, et senex proponit eandem questionem sub aliis argumentis (seu mediis) pro et contra (arguendo) et sedet; magister autem juvenis stando respondet ad questionem omnino aliter quam precedens (junior), et positione ejus completa sedet. (Vind. Et magistrali ejus positioni opponit senior stans, et juvenis continuo stans objecta resumit et solvit. Et hoc faciunt bina vice modo, quo priores ter fecerunt)". 34' "Et tunc novus magister deterrninat brevissime sub una conclusione questionem tertiam sub ipso disputatam (sub una vel duabus conclusionibus) iIlam non probando, quoniam iIlam questionem tertiam debet tempore statuto resumere, id est disputare breviter et terminare magistraliter. His completis omnes magistri qui sunt ejusdem patrie vel Ordinis vel collegii cum novo magistro sociantur eum ad altare majus precedentibus cunctis bidellis. Et facta reverentia debita reducitur magi ter novus cum sua comitiva ad
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CHAPITRE
III
Les documents confirment partiellement ces dispositions des statuts. L'inceptio de Robert de Winchelsea (ms. Assisi 158, q. 117, art. 3, fo 94r) publiée par F. Pelster (Oxford Theology ... p. 139-142) offre un bon exemple de Ia "quaestio tertia". Le schéma de discussion suit celui que prescrivent les statuts; les seules différences sont qu'aprês Ia solution
du bachelier, deux participants seulement soulêvent des objections (au lieu des trois interventions prévues par les statuts), et que le nombre d'objections est plus élevé (jusqu'à cinq, au lieu d'un maximum de quatre). Ce cas est intéressant, car il semble qu'on a le texte de Ia resumpta correspondante. Nous y reviendrons. Dans 1'"inceptio Baldeswulle", analysée plus haut 348, on retrouve mal le schéma des statuts; objections et réponses se succêdent de façon três vivante, les participants ne s'accordent pas de répit et s'assaillent avec des arguments de plus en plus sophistiqués. Peut-être est-ce là un bon exemple de Ia tendance au maniérisme que F. Ehrle dénonce comme un des signes de Ia décadence de Ia scolastique 349. c) La resumpta e séances inaugurales finies, deux tâches immédiates attendent le n uveau maitre. Il doit prêter serment de fidélité à Ia corporation de ses c 11gue . Ce serment, différent de celui prêté au chancelier à 1'occasion de Ia licence 350, est formulé "in prima congregatione facultatis post eorum mugi terium". 11oblige à s'acquitter de tous les devoirs de Ia profession, particuliêrement pour Ia formation des étudiants et le contrôle de leur participation aux disputes 351. Mais le devoir numéro un est de commencer ses leçons. La premiêre doit se faire le premier jour lisible aprês 1'inceptio. Cette leçon est aussi un événement solennel, et 1'occasion pour le nouveau maitre de reprendre - d'oú le nom de resumpta - les questions proposées dans ses vespéries suum conventum vel collegium sive dom um, non recessurus de Bononia nisi post primam suam lectionem et post determinationem sue tertie questionis, que fuerat prima in aula ..." (Chart. 11, p. 694). ,.. Cf. supra, n. 134. ,.. F. EHRLE, I piú antiehi Statuti ... , p. cxcvii: "Dei resto tutte queste dispute, come anche altri esercizi accademici, presero alia fine dei secolo 14° ed agli inizi dei 15°, una certa tendenza ai manierato, a ciõ che sembrava atto per attirare, con interruzioni arbitrarie o con Ia ripresa inatessa, o con 10 splendore dei locali prescelti, I'attenzione e I'ammirazione; dunque una tendenza che si dice propria dei Nominalismo, nell'epoca quale siamo con questa data". '50 Le serment que le licencié prête au chancelier peut être lu dans Chart. 11, n. 1185 (25), p. 684. )I
f. Chart. li, n. 1190, (33)-(42), p. 706-707.
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et dans 1'aulique. L'organisation des séances était telle que, sans dou te, il n'avait pu explorer à fond les thêmes débattus. Dans Ia deuxiême question, il n'a pu répondre à toutes les objections. Dans Ia troisiême, c'est un bachelier responsalis qui a donné Ia solution. Il avait ici l'occasion d'exposer sa pensée personnelle et de répondre aux derniers doutes. Les statuts prévoient cette possibilité et Ia consacrent comme une habitude. Suivant ceux de Bologne, les plus explicites, le nouveau maitre doit d'abord compléter 1'éloge de 1'Écriture (principium), condensé dans son aulique; il peut ensuite revenir sur Ia seconde question des vespéries pour y apporter des précisions ; enfin il est obligé de reprendre Ia troisiême question disputée in aula. Pour celle-ci, il doit disputer de façon breve avec un nouveau répondant afin de rappeler les données essentielles du problême, et il doit "déterminer" de façon complete 352. Cette resumpta constitue ainsi, dans ses traits fondamentaux, Ia premiêre forme que prend Ia determinatio magistralis, c'est-à-dire, Ia deuxiême séance de Ia dispute ordinaire de laquelle nous avons parlé 353. On y trouve les éléments de Ia determinatio : une reprise des données essentielles de Ia séance de discussion, et Ia solution du maitre. Si 1'on réunit Ia troisiême question in aula et Ia résompte, on obtient en somme Ia premiêre question disputée ordinaire du maitre. En effet, les deux autres conditions requises en l'espêce sont satisfaites: être partie de 1'enseignement régulier du maitre (l'aulandus a déjà reçu le birretum lorsqu'il tient Ia dispute in aula) et être un acte public et solennel de Ia faculté. Aprês sa resumpta le maitre est tenu de disputer souvent ("pluries disputare"). Signalons pour tinir un autre sens que peut revêtir le mot resumptio. 11a été mis en relief par F. Pelster et il semble réservé aux Universités d'Oxford et de Cambridge. Lorsqu'un maitre régent avait interrompu ses fonctions pendant un certain temps et voulait les reprendre, il devait soutenir une nouvelle inceptio, c'est-à-dire une dispute solennelle en présence des autres maitres régents. Préalablement, il avait dü participer aux disputes ordinaires de ces maitres en tant que répondant. Les m Statuta Fae. Theo/. Bon. (éd. EHRLE, p. 45): "De aetibus quos faeere debet au/atus magister. Rubrica. Capitulum XIII. Ad primam lectionem, quam prima die legibili post aulam habere potest, tenetur novus magister; in qua lectione perficiat suum in aula incompletum principium et tractare poterit residuum secunde questionis vesperiarum suarum. Item tenetur resumere suam tertiam questionem propositam sub eo in aula, disputando breviter, sumpto alio responsali et determinando eam complete". (suit l'énumération des tâches rêguliêres qu'il devra accomplir en tant que maitre régent). Cf. DENIFLE, Chart. 11, p. 704, n. 20. m Cf. supra, n. 141 et suivantes.
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CHAPITRE III
nouveaux maitres "solempniter resumentes" et les anciens "de novo incipientes" passaient aussi par une inceptio de nature três sembIabIe. Les mêmes exigences - et même pIus dures - étaient imposées à Oxford à ceux qui avaient obtenu Ieur licence dans une autre université. On Ieur demandait non seulement une resompte, mais aussi un examen. Cette pratique avait déjà souIevé vers Ia fin du XIIle siêcle des protestations de l'Université de Paris qui y voyait une restriction inacceptabIe de l'universalité des grades qu'elle accordait 354.
CHAPITRE IV
REGLES DE CRITIQUE PROPRES AU GENRE II ne s'agit dans ce chapitre que de proposer quelques rêgles de critique qui découlent de notre exposé sur l'évolution et sur Ies espêces de Ia quaestio disputata. Les renvois seront donc fréquents aux chapitres précédents. 1. L'AUTEUR
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Cf. F. PELSTER,
Oxford Theology ... , p. 52-53. Cf. aussi supra, n. 305.
1.1. La rêgle générale pour Ies questions disputées, privées (in scho/is) ou ordinaires (ordinariae), est que Ie maitre qui a présidé à Ia dispute doit être considéré comme son auteur. En etfet, queIque importance qu'on accorde à l'intervention des bacheliers (qui assumaient IerôIe de respondens ou d'opponens), Ie maitre reste responsabIe de Ia fréquence des disputes, du choix du sujet, de Ia sélection des bacheliers qui allaient intervenir dans Ia discussion, de Ia réélaboration et de Ia synthêse des idées proposées dans Ia séance de discussion, de Ia détermination de Ia question et de Ia réfutation finale des objections soulevées contre sa thêse. II garde toujours son indépendance, même vis-à-vis de son respondens, qu'il critique, s'il estime Ia chose nécessaire, et dont Ia participation s'etface au fur et à mesure que lui reprend les matériaux de Ia dispute. II est, finalement, le responsable de Ia version ultime écrite de Ia quaestio disputata, c'est-à-dire de l'édition (pour cet aspect, cf. p. 51). 1.2. Le príncipe général, selon lequel Ia quaestio disputata doit être considérée comme un acte du maitre qui préside Ia séance, doit être cependant nuancé. D'abord dans le sens que le maitre qui préside n'est pas nécessairement un maitre régent (cf. p. 51, n. 83 et p. 52, n. 86). Ensuite dans le sens que Ia période de régence d'un maitre pouvait souffrir des interruptions (à Bologne, Ia régence était accordée pour une période de deux ans). II ne faudrait donc pas concIure du fait qu'un maitre a soutenu des disputes à des dates três éloignées, que sa régence a couvert toute Ia période entre ces deux dates (cf. p. 51 et 121-122).Enfin, dans le sens que Ie maitre régent qui présidait Ia di pute pouvait inviter un de ses collêgues non-régents à déterminer Ia que ti n (cf. p. ,o. 148). Dans ce dernier cas, Ia question disputé a d u \' nut ur : I'un r p n able du choix du
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sujet et de l'organisation académique de Ia dispute, l'autre responsable de Ia détermination doctrinale de Ia questiono 1.3. Pour les auteurs des objections et des réponses qui fournissent le cadre dialectique ou le problême est discuté, et en même temps, mis en valeur quant à ses sources, sa portée et ses dérivations, en rêgle générale il s'agit de bacheliers. Dans le cas de questions disputées privées, ils sont attachés à l'école du maítre qui préside. Dans le cas de disputes ordinaires (solennelles ou publiques), ils peuvent provenir d'autres écoles (cf. p. 53 et p. 56). Par conséquent, si dans une question disputée interviennent, par exemple, des bacheliers d'ordres religieux différents, on a lâ un indice du caractêre public de Ia dispute (et il faudra donc Ia classer comme une questio disputata ordinaria). En plus, l'identification d'un personnage comme respondens ou opponens dans une question disputée donne à penser qu'à ce moment il était encore bachelier. Mais ce principe doit être appliqué avec prudence: à lui seul il ne constitue pas une évidence suffisante car parfois certains maitres prenaient part aux disputes publiques de leurs collêgues, et en d'autres cas on n'exigeait pa le rang de bachelier (cf. p. 54: à Oxford on n'exigeait qu'un nombre imp rtant d'années d'études théologiques), 1.4. Les trois principes énoncés ci-dessus me semblent applicables aux que tions disputées des Facultés de Droit et de Médecine. 1.5. Pour Ia Faculté des Arts, le maítre joue un rôle encore plus grand car il ne semble pas compter sur Ia collaboration bien définie des b cheliers. De ce point de vue, il mérite de plein droit le titre d'auteur de Ia questiono Dans les disputes solennelles, il semble que seuls les maítres étaient autorisés à participer à Ia discussion. Dans les disputes privées, les bacheliers intervenaient de maniêre plus active comme répondants, mais c'est toujours au maitre qu'il revient Ia responsabilité de ces sophismata, impossibilia et insolubilia qui constituent le fruit de ces disputes (cf. p. 86-87). Si nous quittons maintenant le terrain de Ia dispute qui est un acte propre du maítre (Ia quaestio disputata) pour celui des exercices scolaires et des épreuves de compétence professionnelle, d'autres rêgles s'ajoutent ur ce point. 1.6. Dans Ia quaestio temptativa (cf. p. 101), il y a deux auteurs. Comme il 'agi sait pour le répondant d'une véritable épreuve de candidature (au grade de bachelier sententiaire), on lui accordait le privilêge de choisir le ujet de dispute, et três probablement sa participation dans Ia séance de di eu ion était-elle plus active que d'habitude afio de permettre aux
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autres bacheliers présents de se former une opinion fondée sur ses talent dialectiques et sa formation doctrinale. Mais le maitre devait toujours donner Ia determinatio et les réponses finales aux objections. Dans ce sens, il continue d'être l'auteur principal (même si Ia collaboration du bachelier biblique a dü être particulierement intense dans Ia préparation des matériaux de Ia dispute). Au moment de faire l' édition de Ia question disputée, il récupêre entiêrement son rôle d'auteur. 1.7. Dans Ia quaestio collativa, (cf. p. 103) l'auteur est le bachelier sententiaire, car c'est lui qui a choisi le sujet et assure Ia soutenance. Ce privilêge n'allait pas sans certains dangers, et il a donné lieu à des abus qui n'ont pas échappé à Ia critique des contemporains (cf. p. 104105 et n. 291). 1.8. La sorbonica est toujours l'ceuvre de bacheliers, même .si des maitres pouvaient intervenir - et leur participation se fit de plus en plus réguliêre au fur et à mesure que Ia sorbonica gagnait du prestige. Tant le prieur du Collêge de Sorbonne que le magister studentium, qui présidaient les séances selon les différentes époques de l'année, étaient des bacheliers (cf. p. 108). Quant aux choix des thêmes, on a vu aussi qu'il revenait au magister studentium. 1.9. Pour ce qui conceme les épreuves ou examens de candidature à Ia maitrise (vespéries et aula) il n'est pas facile de déterminer l'auteur. Voici cependant les principes qui découlent de notre recherche: a) Le choix des quatre questions qui composent ces deux événements revient au candidat à Ia maitrise qui est déjà licencié (cf. p. 113, n. 325). b) Si le récipiendaire agit comme candidat à Ia maitrise pendant les deux disputes des vespéries, il doit être considéré comme un véritable maitre lorsque les deux autres disputes constituant l'aulique ont lieu, car il reçoit le birretum magistral au début de Ia cérémonie (cf. p. 118). c) La premiêre question disputée des vespéries (Ia expectativa magistrorum) est présidée par le maítre responsable du candidat, à qui revient aussi Ia responsabilité de fournir les premiêres objections. D'autres objections sont formulées par des bacheliers. Le répondant était aussi un bachelier qui proposait une solution et répliquait seulement aux arguments du maitre. Il n'y avait pas de détermination. La notion d'"auteur" semble s'etfacer dans cet exercice plutôt communautaire. d) La deuxiême question des vespéries est certainement l'reuvre du candidat; non seulement il a choisi le sujet, mais il assume presque entiêrement Ia responsabilité de Ia solution doctrinale, bien qu'à l'intérieur d'un cadre un peu rigide qui ne lui laisse pas Ia possibilité de s'étendre
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ur Ia que tion c mme il p urrait le v uloir (cf. p. 114). Cet inconvénient e t atténué par Ia po ibilité que le candidat aura de revenir sur le sujet dan a re umpta. e) Dan Ia troisiême question (premiêre de l'aulique), exercice diaIectique c mmunautaire, Ia notion d'''auteur'' s'efface car Ia responsabilité du d roulement est distribuée entre plusieurs acteurs, dont aucun ne parvient une véritable détermination (cf. p. 118). Ce n'est qu'à Ia fin de Ia c rérnonie que le magister aulandus reprendra cette question et ébauchera un príncipe de détermination (cf. p. 119). n aura l'occasion de préciser a olution dans Ia resumpta. f) La quatriême question (deuxiême de I'aulique, ou quaestio magistrorum) e t encore un autre exercice diaIectique communautaire mené par quatre maitres qui disputent par paire sans qu'une solution définitive soit apportée. n ne aurait pas parler d'''auteur'' en ces conditions (cf. p. 119). ) La resumpta marque le début de l'enseignement régulier du nouveau maltr , et relie le cycIe des épreuves à celui des actes magistraux. Elle t un véritable determinatio, et le rang d'''auteur'' lui appartient de plein dnut. 'cst n elle que les problêmes concemant l'auteur des vespéries ·1 ti I' ruliqu trouvent leur réponse. En effet, discussions communautaires (nu, 011 ti vrait dire, corporatives), les quatre questions disputées pendant I rem ini d'inception n'ont vraiment pas d'auteur. Seules Ia deuxiême ·1 1I Iro,si 111 en auront un lorsqu'elles seront assumées par le nouveau • 11 111. lun: I' xercice régulier de ses fonctions (cf. p. 120-121).
2. LA NATURE DU TEXTE
N rmaIement ce paragraphe aurait dü précéder celui qui vient de 'achever. Ille suit parce que nous avons fait du problême de l'''auteur'' un élément décisif pour déterminer l'espêce de dispute dont il s'agit. 2.1. Pour être rangé dans l'espêce "question disputée", un texte doit être l'oeuvre d'un maitre. Les similitudes formelles que d'autres espêces de di putes peuvent avoir avec Ia question disputée ne suffisent pas pour c mpenser I'absence de ce trait fondamentaI. Ceci est particuliêrement important pour distinguer une question disputée des autres formes de di putes outenues par les bacheliers, lesquelles peuvent offrir une structure ernblable à celle de Ia dispute magistrale. Parfois ce sont seulement des d nnée provenant de Ia critique exteme qui feront décider de Ia nature d'un texte; par exemple, si on a Ia preuve que celui qui présidait une
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di pute n'avait pas, à cette date, l'âge requis pour Ia maitrise, on peut d uter qu'il s'agisse d'une question disputée. 2.2. Pour distinguer une question disputée d'une dispute quodlibetale, le meilleur critêre reste Ia variété des sujets soumis à discussion (de quolibet) et, si on peut en décider par les allusions des manuscrits, Ia diversité de participants, (a quolibet) surtout s'il s'agit de maitres (et non pas seulement des bacheliers) qui interviennent dans l'élaboration du cadre de Ia dispute. Ce n'est pas là pour nous le trait fondamentaI qui distingue les deux espêces, mais le plus pratique. (La distinction fondamentaIe est celle qui oppose un acte d'enseignement régulier à un acte plutôt exceptionnel.) 2.3. Pour distinguer une question disputée privée (in scholis) d'une question disputée ordinaire, on peut faire appel à deux critêres : a) Dans les questions privées, le respondens et l'opponens sont des bacheliers attachés au maitre qui préside; dans les questions ordinaires, ils peuvent venir d'autres écoles (cf. p. 53 et 56-57). Parfois les manuscrits donnent le nom de ces auxiliaires. Si on parvient à établir, par exemple, que le répondant d'un maitre dominicain est un bachelier d'un autre ordre, on pourra y voir un indice qu'on se trouve devant une question ordinaire. b) Un autre élément réside dans l'extension d'une question disputée. Nous croyons avoir montré (cf. p. 76 svv.) que les 21 articIes de Ia quaestio de anima de Saint Thomas n'ont pu être disputés dans une même session, et qu'ils ont dü faire l'objet de plusieurs disputes privées . Pour une question ordinaire, le contenu doit s'enfermer dans une session de trois ou quatre heures. 2.4. Étant donné que l'édition des questions disputées permet au maitre de prendre de Ia distance vis-à-vis des discussions réelles, et qu'il trouve lâ le moyen de mettre en vaIeur et de ramas ser plusieurs de ses efforts pédagogiques, il n'est pas surprenant qu'une édition soit le résultat de Ia refonte et de Ia synthêse de matériaux provenant soit de questions privées, soit de questions ordinaires, lesquelles ont été organisées dans une suite plus ou moins unifiée. 2.5. L'identification d'une quaestio temptativa est três difficile. Elle pourrait se fonder sur une participation spéciaIement active du respondens (cf. rêgle 1.6). Or cela n'est perceptible que si on dispo se de Ia reportatio de Ia séance de discussion. Déjà dans Ia séance de détermination, le maitre réorganise les matériaux de Ia dispute et le rôle du répondant s'efface devant son intervention. Cette tendance s'accentue lorsqu'on passe aux questions éditées. Ici le maitre récupêre son rôle d'auteur et
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CHAPITRE
IV
il devient presque impossible de savoir si à l'origine d'une question ordinaire se trouvait une quaestio temptativa. 2.6. Pour décider qu'une dispute est une quaestio col/ativa, on possêde plusieurs indices (cf. p. 102-105). a) Rapport au Livre des Sentences. Les quaestiones col/ativae étaient soulevées à l'occasion des principia des bacheliers sententiaires, qui prenaient comme point de départ un problême théorique posé par l'eeuvre de Pierre Lombard. b) Lorsqu'il fut décidé que Ia lecture des quatre livres se ferait au cours d'une année, il fut établi quatre périodes pour que les bacheliers passent leur principia. Le résultat en est que les recueils de questiones col/ativae peuvent présenter aussi une structure quatripartite. c) Le bachelier qui préside fait allusion à des objections ou à des arguments élaborés par d'autres bacheliers à l'occasion de leurs principia. 11est pourtant diflicile de décider si ceux-ci étaient présents à Ia dispute ou si le bachelier reprend des problêmes exposés par ses collêgues en sessions indépendantes de Ia sienne. Le cas des bacheliers appartenant à l'ordre des Frêres Prêcheurs est privilégié: puisqu'ils étaient les derniers à soutenir leur principia, ils pouvaient répondre à tous leurs prédécesseurs des autres ordres ou du clergé séculier (cf. p. 103) Mgr Glorieux a publié des quaestiones col/ativae de Jean de Falisca, et ce matériel peut servir de guide dans l'identifícation d'autres textes de même nature (cf. p. 103, n. 284). L'ordre de préséance des bacheliers livre un critêre supplémentaire: il serait diflicile de proposer un carme comme auteur d'une série de quaestiones col/ativae dont Ia premiêre contient déjà des allusions à des arguments proposés par d'autres bacheliers, car les carmes étaient les premiers à avoir leur principia. d) 11se peut que Ia quaestio col/ativa soit précédée d'un sermon, qui fait l'éloge du Livre des Sentences et explique son contenu, et d'une "protestatio fidei". L'absence de ces éléments n'est pas un argument contre Ia nature du texte: le reportateur ne voyait peut-être pas d'intérêt à conserver cette premiêre partie du principium. 2.7. La sorbonica s'identifie aussi par son rapport au Livre des Sentences, par les limites imposées à Ia participation du répondant (cf. p. 107) et par l'absence de séance de détermination (p. 108). 2.8. Les disputes soutenues lors de l'agrégation d'un nouveau maitre (vespéries, aulique) sont reconnaissables à plusieurs traits: a) Possibilité d'une structure quadripartite (si le reporteur a conservé l'écho des quatre questions soumises à discussion).
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b) Courte étendue et structure simple de I'expectantia magistrorum (cf. p. 114). Celui qui répond n'est ni le maitre qui préside, ni le licencié qui attend son incorporation à Ia corporation (vesperiandus). c) La deuxiême question des vespéries fait normalement allusion au vesperiandus, car c'est lui qui assume le rôle de répondant. La structure n'est pas simple, et elle peut présenter des schémas variés en dépit des dispositions des statuts (p. 115). 11est possible aussi que Ia reportatio ait transmis des fragments de l'éloge de l'Êcriture et du récipiendaire que le maitre président faisait à Ia fin des vespéries, avant d'annoncer Ia date de l'aulique. d) L'aulique peut comporter des allusions à Ia présence du chancelier, à l'imposition du birretum, à l'aula episcopi ou à un autre local important de l'université ou a eu lieu Ia dispute, à Ia "recommendatio sacrae scripturae" que devait faire le nouveau maitre (p. 118). e) La troisiême question (lere de l'aulique) se singularise par le fait que le magister au/andus et le magister au/ator n'interviennent que pour formuler des objections contre le bachelier répondant (p. 118). f) La derniêre question (2e de l'aulique) a une structure typique: quatre maitres y disputent par paire (cf. p. 119). g) Ultime indice important: une terminologie propre aux cérémonies d'agrégation: "vespéries", "expectativa", "quaestio magistrorum", "aula", "inceptio", et ses dérivés. 2.9. La resumpta risque d'être confondue avec Ia determina tio d'une question disputée. En effet, les deux reprennent des éléments d'une discussion antérieure, et dans I'une et l'autre, le président est un maitre dans l'exercice de ses fonctions (cf. p. 121). Certains éléments pourraient cependant aider à identifier Ia resumpta: des allusions aux cérémonies d'agrégation (vespéries ou aulique) et à l'éloge de l'Êcriture Sainte par . lequel le maítre inaugurait sa régence.
3. L'ÉTAT DES TEXTES
La tradition manuscrite peut se présenter sous plusieurs formes qui correspondent à différents moments des questions disputées et à différentes étapes du processus d'élaboration du matériel discuté. Une question disputée offre deux étapes: discussion et détermination magistrale. De ces séances on peut avoir deux types de témoins: des reportationes prises par des assistants, des reportationes faites par le socius
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ou secrétaire du maitre. En outre celui-ci, une fois finie Ia dispute, pouvait reprendre tout le matériel reporté afio de le revoir, le mettre au point et en faire une édition. L'édition, à son tour, pouvait présenter des formes différentes selon le degré de travail que le maitre y apportait. Voyons plus en détail ces formes de Ia tradition manuscrite. De Ia séance de discussion on peut avoir, en premier lieu, une reporta tio faite par un des assistants. Les bacheliers étaient obligés d'assister aux disputes et d'y participer comme opponens ou comme respondens. F. Pelster a mis en relief l'importance que revêtait pour un bachelier l'acte de recueillir les discussions auxquelles il assistait afio de se préparer pour ses éventuelles participations dans les disputes. Les jeunes candidats faisaient le "tour des écoles" et prenaient note des principaux arguments discutés et des réponses qu'ils suscitaient. Des manuscrits contiennent ainsi de véritables trésors: ils apportent l'écho des disputes soutenues par différents maitres pendant Ia période ou le bachelier faisait son stage 355. De Ia premiêre séance de discussion on peut avoir aussi des reportationes faites par le "socius" du maitre 356. Ce dernier avait besoin d'un bon compte rendu, afio de préparer sa détermination et ses réponses aux arguments débattus. Il comptait pour cela sur son assistant, un de ses bacheliers probablement, ou encore un de ses frêres d'Ordre, qui prenait note des objections et des réponses du responsalis. C'est sur Ia base de ce texte que le maitre organisait Ia deuxiême séance de Ia dispute. Évidemment, si on se trouve devant des reportationes isolées faites par un étudiant ou par un socius, on ne saurait les distinguer. Les deux présentent les mêmes traits externes; elles reproduisent les alternatives de Ia discussion dans l'ordre ou elles se sont présentées; elles sont marquées par ce désordre relatif propre à une discussion vivante, parfois acharnée 3S7. On peut cependant identifier une reportatio d'étudiant par Ia m Les cas des manuscrits Assisi 158 et Worcester Q. 99 sont typiques dans ce senso Cf. LITTLE-PELSTER, Oxford Theology ..., p. 7-8: "These reports, it is true, were not written down at the actual moment ofthe disputations, but are based on such immediate reports". Cf. aussi, P. GLORIEUX, Jean de Saint-Germain, maitre de Paris et copiste de Worcester, dans Mélanges A. PELZER. Louvain, 1947, p. 521-522, et supra, n. 130. Un autre cas est celui du Ms. Douai 434 (cf. P. GLORIEUX, Les 572 questions du ms. de Douai 434, dans KTAM, 10 (1938), p. 123-267. JS6 Cf. supra, n. 48. '" P. MANDONNET, S. Thomae Aq. Q. disputatae ... , p. 10: "Les objections proposées et résolues, au cours de Ia Dispute, sans ordre préétabli, présentaient finalement une matiêre doctrinale assez désordonnée, moins semblable cependant aux débris d'un champ de bataille qu'aux matériaux demi-ceuvrés d'un chantier de construction".
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n ture du recuei! ou elle se trouve. Le cas du manuscrit ASSISI 158 est pre que un modele du genre. Il s'agit d'un cahier d'étudiant ou celui-ci n recuei1li plusieurs séances de disputes, soutenues par des maitres lifférents. Cela seul suffirait pour éviter de premire ces reportationes c mme l'eeuvre du socius. Mais un autre détail peut révéler I'origine du tcxte lorsque le nom des maitres n'est pas indiqué. Entre Ia séance de di cussion et celle de détermination, un certain temps pouvait s'écouler. Pcndant cet intervalle, le bachelier pouvait assister à d'autres disputes, desquelles il faisait aussi des comptes rendus. Puis il assistait à Ia séance de détermination d'une question antérieure à laquelle il avait participé 358. e résultat est un recueil ou Ia reportatio de Ia discussion est séparée de celle de Ia détermination par une série de comptes rendus d'autres séances de dispute. C'est là un signe sür que Ia reportatio est un document privé d'un étudiant 359. Nous n'avons pas pu identifier des reportationes comme étant des notes prises à l'intention du professeur. Mais notre hypothêse n'est pas seulement exigée par le sens commun (Ie maitre avait besoin d'une copie personnelle de Ia séance de discussion), elle peut aussi être vérifiée indirectement par le biais de Ia deuxiême séance de Ia dispute, à savoir Ia determinatio. Prenons par exemple la reportatio des déterminations des questions disputées De caritate, soutenues par saint Bonaventure 360, et eomparons le texte de eertaines bjeetions et les réponses de Bonaventure: uaestio V, obj. 14: Item, peeeatum attenditur penes aversionem a summo bono. Aversio illa nihil est. Igitur si Deus punit pro illa, ergo puniet pro nihilo; quod est ineonveniens, quod aliquis puniantur pro nihilo aeternum.
Q. V ad 14 m: Ad illud: Deus non
punit pro nihilo, ete.; dieendum quod Deus punit voluntatem pro peeeato quod est nihil. Sed quamvis peeeatum sit nihil, tamen eo quod peeeatum sit privatio boni debiti esse, ipsa voluntas iuste punitur. Unde ipsa privatio boni
m Probablement à Ia séance de détermination de son maitre, si l'on adopte l'hypothêse de Glorieux selon laquelle les séances de discussion étaient publiques, mais celles de détermination étaient réservées seulement aux étudiants du maítre qui présidait Ia dispute. m Cf. LITTLE-PELSTER, Oxford Theology ..., p. 229 et les cas des déterminations de utton et de Segrave analysés par A. Little. ,.. Éditées par P. GLORIEUX, Saint Bonaventure, novissimis. Paris,
1950.
Questions
disputées
De caritate, De
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IIAPITRI:
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dcbiti e t cau a uffieien puniti nis, Vel quamvi peeeatum in se ab traetum nihil sit, tamen ratione aetu abstraeti a1iquid est, ne sit privatio ratione aetu sed ratione inordinationis eirea aetum. Ad illud quod ipsi corrumpuntur in poenis, ete.; dieendum quod eorruptio
Q. VI, obj. 19: Item, effeetus operis tlcnditur eeundum effieaeiam virtuti .ut P tct in visu; quanto virtus visiva t f rtior, tantum videt magis remoturn ; unde infinite distans non potest vid ri finita virtute. Essentia divina 11I/ Illt li. tat ab intelleetu ereato; ergo,
aeeipitur ibi large pro afflietione et dehabilitatione abono gloriae; ipse autem arguebat ac si proprie, quando sciJieet aliquid abieiatur a substantia. Q. VI, ad 19 m: Ad illud: Deus curo infinite distet non potest cognosci, etc.; dieendum quod non potest eognosci infinitate sua, sed modo finito cognoscitur. Ad illud Damasceni : quod non potest cogitari, non potest cognosci ; Deus est huiusmodi, quia est super omnem
cognitionem ; dicendum quod non potest eogitari in plenitudine suae sapientiae, potentiae et bonitatis naturae in via; potest tamen apprehendi. Ad illud de libero arbitrio : quidquid scimus comprehensum tenemus, dicen-
dum quod verum est de eo quod seitur apprehendendo solum. La différenee entre I'énoncé de I'objeetion telIe qu'elle est reportée par le ribe au début de Ia question et telle qu'elIe apparait dans Ia réponse du maitre t frappante. ElIe ne s'explique que si le maitre avait sous ses yeux une reponatio pr pre de Ia séanee de diseussion, ou I'objeetion était transmise de façon complete, et qu'il utilisait pour élaborer sa réponse 361. Cette reportatio était un
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li ~matériaux que le maitres utilisaient pour mettre au point l'édition de leurs 1)\1
ti n di putées. Nous y reviendrons.
Pour Ia détermination du maitre, on possêde aussi des reportationes dirc te (ou des copies des reportationes). On a signalé déjà Ia différence principale qui existe entre celles-ci et les comptes rendus de Ia premiêre s ance : un ordre plus grand, un certain degré de systématisation, fruit lu travail du maítre qui a repris les matériaux de Ia discussion pour les mettre au point et pour leur donner une meilleure cohérence 362. Ce rcmaniement conceme évidemment les objections et les interventions du r pondant. Probablement celui-ci collaborait-il au remodelage du matériel t en profítait-il pour donner plus de rigueur à sa réponse. Mais c'est s n intervention qui, en général, était soumise à des coupures, le maitre n'étant intéressé qu'â rappeler, de façon synthétique, Ia réponse donnée par son bachelier afin de pouvoir mettre en relief sa propre solution 363. Dans Ia séance de détermination, le plus grand intérêt était porté à Ia réponse du maitre, Pour les objections, les scribes se permettaient parfois de les synthétiser, et ils n'hésitent pas à le reconnaítre : "Multa auctoritates fuerunt adductae; sed propter brevitatem dimisi scribere" (S. Bonaventure, Q. de caritate, q. VIII, p. 72). Ainsi donc Ia reportatio e t déjâ une version modifiée de Ia discussion originelle: en raison du remaniement des matériaux opéré par le maitre, par l'intervention d'un cribe qui opere comme un autre filtre sélectif. Probablement l'assistant qui avait préparé pour son maitre une reportatio de Ia premiêre session remplissait-il les mêmes fonctions dans Ia determinatio. Mais cette fois son rôle était plutôt supplétif. Le maitre allait à cette deuxiême séance muni de notes, peut-être assez élaborées, qui lui permettaient de donner une réponse organique et bien structurée au problême discuté. Les nouveaux maitres étaient même autorisés à préparer leurs réponses par écrit à l'occasion des séances inaugurales et particuliêrement de leur resumptio, comme nous l'apprend Pierre d'Ailly dans Cf. P. GLOR1EUX. L'enseignement ...• p. 176. LITTLE-PELSTER, Oxford Theology ...• p. 139: "Further, one recognizes everywhere in the second version the careful emendations and additions which betray the hand of the ultimate author. The reportatio was in the first place an aid to the memory for the hearer; with its help he could to some extend recall to mind the course of the discussion. The determinatio in its literary form was especially intended for persons who were not present; it had therefore to be much more accurate and detailed. Only in one point could it often abbreviate. The chief stress was laid on the solution which the master himself gave and on his answers to the difficulties. He could therefore give a summarized version of the replies of the respondent. In fact this is the case in most edited questions". 162
es exemples donnés ne sont pas les seuls. On pourra en trouver plusieurs autres n parcourant le questions De caritate. La distinction entre reportatio d'étudiant et reportatio farte par I'assistant du maitre est visible dans le conflit qui opposa Nicolas Trivet au hancelier d'Oxford. Nicolas avait pris connaissance des thêses soutenues par le Chancelier u moyen des reportationes d'étudiants: " ... recitabo rationes ut concipere potui ex dictis larium qui eas michi detulerunt ...". li connait les limites de ce type de versions et il plaint à son tour que sa pensée ait été mal saisie par son propre assistant: " ... et dico in primis quod reportator meus non bene concepit. Non enim dixi ..." (cités par P. GLORIEUX, I a littérature quodlibétique ...• p. 52). )4,
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CHAPITRE
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une lettre de 1388 à Ia Curie Romaine. Il s'agit d'un rapport sur les thêses hétérodoxes soutenues par Jean de Montesono O.P. dans ses vespéries et sa resumpta, que Pierre a eu I'occasion de tire "ex quatemo suo propria manu scripto" 364. Ce besoin d'avoir par écrit les lignes principales de Ia détermination était plus grand pour les questions de quolibet, étant donné que les matériaux provenant de Ia discussion devaient être plus considérables 365. Le trait saillant qui distingue les reportationes de Ia premiêre et de Ia deuxiême séance d'une dispute est donc /'ordre progresslf et /'organisation croissante des éléments. Mais le processus de systématisation ne s'arrêtait pas lâ. Une fois que le maitre avait fini sa determinatio, il devait revoir le compte rendu de Ia séance, procéder à une mise au point du texte, et faire finalement deux copies: une pour le bedeau général de I'université (qui Ia transmettait probablement aux stationarii) et une qu'il gardait. Telles étaient, au moins, les dispositions de Ia Faculté de Droit à Paris 366. Les théologiens, pour leur part, au moins pendant le Xlfle siêcle et Ia premiêre moitié du XIVe, préparaient avec beaucoup de soin une édition de leurs questions disputées. Ils rassemblaient les matériaux de plusieurs disputes, à travers lesquelles ils avaient examiné différents aspects d'un grand problême, et rédigeaient ainsi un véritable traité sur le sujet. Parfois I'effort de rédaction n'atteignait pas du premier coup à
'64
Cf. Chart. III, n. 1564, p. 502,
'6' Cf P, GLORIEUX. '66 DENIFLE-EHRLE,
La Iittérature quodlibétique '''o p. 45-46. Archiv for Lit. u. Kirchengesch .• 3 (1887). p. 322. rubrica 46; MALAGOLA. Statuti dell' Univ. dello Studio Bolognese, 1888. p. 409 (cit. par EHRLE. I piú antichi statuti ...• p. cxcl, n. 3): "Expedit quod disputatarum questionum et repetitionum copia possit haberi. Quare statuimus, quod doctor disputans vel repetens per se vel per alium questionem vel argumenta et solutionem suam. prout melius poterit, recolligat et in grossa littera in pergameno conscribat, vel eo dictante per alium conscribantur, nec alii istud officium dictandi commitat sub debito iuramenti. Decernentes quod ipse doctor questionem sic disputatam vel repetitionem correctam et examinatam per eum, ut supra dictum, vel repetitionis facte, in virtute prestiti iuramenti bidelIo tradere debeat generali; quod si facere distulerit, penam decem ducatorum auri ipso iure incurrant de eorum salario persolvendam, quam nostre universitati volumus applicari. Et sub eadem pena teneatur et debeat idem doctor in disputatione, quam in statione posuerit, respondere per ordinem iuribus in contrarium alIegatis. Volumus etiam quod copiam questionis disputate, quam tradunt, apud se retineant doctores sub debito iuramenti. Et si hoc observari non facerent Rectores, penam decem librarum Bonon. incurrant pro qualibet disputatione".
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DE CRITIQUE
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Ia perfection visée par I'auteur. "On possêde ainsi parfois deux, ou même trois essais, avant le texte définitif. Exemple dans Jean de Falisca" 67. Un autre exemple de rédaction successive, accompagnée d'un approfondi sement progressif des exigences théoriques de Ia question disputée, se rencontre chez Richard de Mediavilla. "Au point de vue doctrinal, Ia Quaestio de unitate formae représente, à notre avis, Ia premiêre rédaction, écrite sous Ia dictée du maitre, d'un ouvrage non encore élaboré. Cet ouvrage se retrouve mieux compos et plus développé dans Ia Quaest. dispo 39 et arrive à son élaboration ultime dans le De gradu formarum" 368. Parfois I'état relativement imparfait de certaines questions donne à
penser que le maitre, malgré ses efforts, n'est pas parvenu à une roi c au point définitive. Te! semble le cas des Quaestiones de anima separata de Bemard de Trilia 369. Le travail de correction rédactionnelle des matériaux provenant de Ia dispute réelle était en effet long et lourd. Il demandait au maitre un grand effort qui se superposait à ses tãches réguliêres. Un manuscrit a transmis le texte original d'une question disputée préparé pour I'édition et permet de saisir cet effort sur le vif: il s'agit du Vat. lat. 781 qui contient les questions disputées De veritate de saint Thomas. Le Pêre A. Dondaine l'a analysé et il a foumi de bons exemples du travail, de I'effort d'invention et de formulation nouvelle de Ia pensée, accompli par l'auteur 370. L'édition est donc l'état final d'une dispute. "Il faut chercher Ia pen é définitive de I'auteur plutôt que Ia physionomie des séances ou cell 'i fut exposée" 371. Et ce serait une erreur méthodologique grave de refuir sur cette seule base le tableau de Ia dispute réelle. Cependant des fra m '111 de Ia dispute réelle se glissent dans les éditions et on peut, à p li til, d'elles, se faire une idée approximative de cette activité académiqu qUI occupa le centre de Ia vie universitaire au Xlfle et au XIVe i '1 1/ Signalons qu'un maitre soutenait parfois deux séries de questions disput .•. sur un même sujet. Dans ce cas, on se trouvera en présence de d ·ux éditions dont les discordances ne tiennent pas à un degré différont d'élaboration du matériel. L'exemple des Quaestiones de anima VI ct de' P. GLORIEUX. L'enseignement ....• p. 178. ZA V ALLONI. Richard de Mediavilla ....• p. 173. '69 Cf. S. MARTIN. Bernardi Triliae Q. de cognitione animae separatae a corpore. Toronto. 1965. p. 14, Apparemment Bernard est mort avant de donner à son texte le "final touch". ,70 Cf. A. DONDAINE. Secrétaires de saint Thomas. Roma. 1956. p. 100-108. 371 P. GLORIEUX. L'enseignement ".• p. 177. m f. J.P. TORRELL. La théorie de Ia prophétte ".• p. 113 et supra. n. 156-158. '67
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Quaestiones de anima XIII de Mathieu d'Aquasparta illustrent bien ce cas 373. Três souvent les maitres soumettaient à dispute les thêmes sur lesquels ils travaillaient dans leurs ouvrages indépendants de l'enseignement. Ils disposaient là d'un véritable chantier de travail ou ils mettaient à l'épreuve leurs thêses. Dans ce sens, on a pu voir dans les questions disputées l'antécédent des Sommes et des Traités. Les éditions de disputes, parfois hautement élaborées comme celles de Thomas d'Aquin, d'Henri de Gand, de Jean Duns Scotus ou de Thomas Wilton, pour ne citer que quelques exemples, s'inscrivent ainsi au coeur du processus d'élaboration de Ia synthêse théologique de Ia scolastique.
4. LA DATE D'UNE QUESTION DISPUTÉE
4.1. Puisque le droit de soutenir des questions disputées était réservé aux maitres, il faut tenir pour rêgle qu'une question disputée d'un auteur est toujours postérieure à sa promotion à Ia maitrise. Inversement, si cette date de promotion n'est pas connue, celle de Ia question disputée - établie par Ia critique interne et externe - apprendra à quelle époque l'auteur a été reçu dans Ia corporation des maitres. 4.2. Cette rêgle générale doit être appliquée avec certaines nuances, particuliêrement pour les auteurs des ordres mendiants pendant Ia premiêre moitié du XIIle siêcle : on a vu que Thomas d' Aquin avait commencé ses Questions disputées De veritate avant d'être accepté dans Ia corporation (cf. p. 79). 4.3. Comme corollaire de cette rêgle, il ne faut pas s'efforcer de situer toutes les questions disputées d'un auteur pendant sa régence : des maitres non régents pouvaient aussi soutenir des disputes ordinaires (p. 52). Inversement, si Ia critique interne et externe oblige à étaler des questions disputées d'un auteur pendant une longue période, il ne faut pas en conclure que sa régence a duré toute cette période. L'élément décisif pour établir les années de régence d'un maitre consiste en Ia date de ses questions disputées privées (in scholis). Inversement, les questions privées doivent être placées pendant Ia période de régence d'un maitre. 4.4. Cette période de régence ne commence pas nécessairement avec Ia licence, mais avec les cérémonies d' agrégation (vespéries et aulique). m Elles ont été publiées par AJ. GoNDRAS dans AHDLMA, 24 (1957) et dans Ia collection "Êtudes de Philosophie Médiévale", L (Paris, 1961).
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Au i faut-il tenir compte, pour établir Ia date de ces disputes et de Ia resumpta qui est leur suite, que les années jubilaires étaient généralement le années impaires (cf. p. 109). 4.5. Plus les cérémonies d'agrégation sont solennelles, plus elles ont une date tardive (cf. p. 113). 4.6. Lorsque Ia critique établit que de nombreuses questions disputées d'un maitre constituent une série suivie, c'est là un indice qu'elles ont été soutenues pendant Ia premiêre année postérieure à son inceptio, période pendant laquelle il était censé disputer três souvent (cf. p. 71). Cette rêgle exige cependant beaucoup de prudence, car les statuts laissent une grande liberté au maitre et Ia vie universitaire semble régie plutôt par le zêle professionnel que par Ia lettre des rêglements. 4.7. Lorsqu'on a affaire à des questions disputées ordinaires, c'est-âdire solennelles, il faut éviter d'outrepasser les possibilités temporelles d'une année académique. Ainsi, avant de placer dans une même année un grand nombre de questions disputées ordinaires d'un maitre il faut se rappeler: a) qu'elles interrompaient l'enseignement des collêgues ; b) que certaines universités n'acceptaient pas plus d'un acte solennel par semaine (cf. p. 71, cas de Paris), et que, si d'autres demandaient qu'on organise au moins une dispute ordinaire par semaine, cela se faisait suivant un systême rotatif, ce qui empêchait qu'un seul maitre accaparât toutes les possibilités (cas d'Oxford, ibidem); c) que le nombre de semaines disponibles se calcule pendant Ia période qui va du 10 octobre au 29 juin, ou peut-être du 10 octobre jusqu'à Pâques (cf. p. 74-75); d) que ce nombre doit être confronté avec celui des maitres régents d'une université, pour juger des possibilités offertes à chaque maitre; e) que même si un maitre pouvait disputer plus souvent en raison du manque d'intérêt de certains de ses collêgues pour ces exercices, il n'est pas probable qu'il ait pu de beaucoup excéder Ia moyenne; f) qu'au XIVe siêcle, le nombre de semaines disponibles s'est rétréci davantage encore en raison de l'augmentation des périodes assignées aux principia des bacheliers sententiaires (cf. p. 73-74). L'historien qui est tenté de situer dans une même année un grand nombre de questions disputées ordinaires d'un maitre, doit donc tenir compte de toutes les autres questions ordinaires soutenues par d'autres maitres pendant cette même année, afio de vérifier si le total est compatible avec les possibilités temporelles. Si Ia critique interne et externe continue de suggérer à l'historien une même année pour ces questions, il devra conclure qu'au moins certaines d'entre elles sont des disputes privées ou qu'elles sont simplement fruit d'une rédaction.
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4.8. tant d nné le délai entre Ia di pute réelle et Yédition, n d 'VI I 11111 j ur rctenir l'éventualité qu'un maitre ait profité de ceue p ri • J)
4.14. La sorbonica était, au XIUe siêcle, soutenue pendaot les va anc d' té. Au XIVe (apré 1344) elle put l'être pendant l'année acad miqu ( f. p. 107). Ue avait lieu le amedi et se limitait à une euJe ane. 4.15. Ve périe et aulique e placeot dan de année impairc (jubilair ) ( f. r g1e 4.4).
R~GLES DE CRITIQUE
PROPRES AU GENRE
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Les questions disputées fournissent aussi d'autres éléments d'intérêt pour les études chronologiques. Les voici: 4.16. Le fait que le rôle d'opponens et de respondens était rempli par des bacheliers (cf. p. 54) aide à établir I'âge de ces personnages: il fallait au moins 25 aos pour être bachelier biblique. 4.17. L'auteur d'une quaestio collativa avait au moins 27 aos; on ne pouvait en effet devenir bachelier seotentiaire qu'aprês avoir "lu" Ia bible au moins 2 aos. 4.18. Le bache1ier qui intervient daos une question disputée avait alors au moins 29 aos: il ne pouvait en effet devenir "formé" qu'aprês avoir "lu" le Livre des Sentences au moins 2 aos. 4.19. La date des vespéries et de l'aulique (aussi bien que de Ia resumpta qui leur fait suite) indique qu'à ce moment le récipiendaire avait au moins 35 aos. 11 y eut pourtaot des exceptioos à cette rêgle ; ce fut le cas de Thomas d'Aquin, reçu maitre avaot I'âge réglementaire. 4.20. Pour Ia Faculté des Arts, l'âge requis pour les determinationes était de 20 aos et, pour Ia maitrise, de 21.
5.
LA LANGUE
5.1. Certaines formules daos une question disputée aident à discemer s'il s'agit d'une reporta tio de session de discussion ou d'un autre état du texte. Daos Ia détermination, normalement les allusions à Ia séaoce de discussion et à l'interveotion du répondaot sont à l'imparfait ou au passé simple. Cela est encore plus marqué pour l'édition, ou l'intervention du répondaot est réduite à une réponse aoticipée, suivie d'une oouvelle objection de I'opponens: "sed dicebat ... contra ... " (cf. p. 67). En d'autres cas, le maitre reprend Ia réponse de son bacheliér et Ia résume pour Ia critiquer: "dixit respondeos ... sed contra istam responsionem" (cas de Gauthier de Bruges). 5.2. Les argumeots avaocés autour d'un même problême offrent parfois une similitude frappaote daos le laogage. Le fait s'explique non seulement par Ia communication et le dialogue que les questions disputées établissaient au seio d'une université, mais aussi par certaines pratiques corporatives. Les bacheliers devaient assumer le rôle d' opponens et de respondens sous différents maitres afin de s'acquitter de leurs obligations. Pour mieux y réussir, ils faisaient le "tour des écoles" et ramassaient les objections soulevées à propos des questions disputées en vogue. Ainsi se coostituait
141
CHAPITRE IV
REGLES DE CRITIQUE PROPRES AU GENRE
un répertoire stéréotypé d'objections que reliaient les questions de maitres différents (cf. p. 61, n. 121). Les bacheliers contribuaient de Ia sorte au dialogue intellectuel entre les maitres, et provoquaient parfois des malentendus entre eux, spécialement s'ils ne "reportaient" pas fídêlement à leur maitre l'opinion d'un de ses collêgues, 5.3. Dialogue et communication d'arguments et de formules établissaient dans un groupe universitaire une certaine communauté de style entre les maitres. L'historien doit donc être prudent quand il veut résoudre le problême d'authenticité d'un texte anonyme par l'appel aux similitudes de style entre ce texte et d'autres d'un maitre connu. 5.4. Des manuscrits indiquent clairement Ia nature du texte qu'ils transmettent. L'expression "q. disputate reportatae a magistro ... " signifie que le texte est l'écho tout au plus de Ia séance de détermination. Celle "q. editae a magistro ... " montre qu'il est le résultat d'un remaniement important par l'auteur. 5.5. L'expression "determinatio" prend un sens différent selon que le t 'xt provient de Ia Faculté des Arts ou de Ia Faculté de Théologie. I to Ia premiêre, il désigne un exercice soutenu par des bacheliers (cf. p. !!!!); dans le deuxiême, il s'applique à Ia deuxiême séance d'une question til I ut ,celle précisément ou le maítre donnait sa position ou solution 111' istrale . . . Le cérémonies d'agrégation à Ia maitrise, qui dans Ia plupart des univer ité ont connues sous le nom de vespéries et aulique (terminologie pari. icnnc), reçoivent à Oxford le nom général d'''inceptio'' (cf. p. 117). in i uillaume d'Ockham n'est qu'inceptor en 1325, lorsqu'il est cité cn cour d'Avignon à Ia suite d'une dénonciation de ses doctrines. 5.7. Le mot "aula" prête à équivoques. Il ne désigne les disputes des cérémonies d'agrégation, que lorsque le texte précise "in aula episcopi" (ou un autre local consacré spécialement par l'université pour ces actes olennels). L'expression "in aula magistri ... " s'applique, elle, plutôt aux que tions disputées privées ou même ordinaires (cf. p. 117). 5.8. Le mot "resumpta" n'indique pas seulement Ia premiêre dispute du nouveau maitre, mais aussi les disputes qu'un ancien maitre soutenait lor qu'il recommençait une période de régence aprês avoir interrompu n enseignement pendant un certain temps (cf. p. 121). 5.9. Le mot "disputatio" est le terme le plus adéquat pour signifier un genre littéraire extrêmement riche, articulé en plusieurs espêces dont n a expo é I'évolution et les caractéristiques. En tant que genre, Ia disputatio 'oppo e, d'un côté, à Ia lectio (subdivisée à son tour en deux
espêces : le commentaire littéral et le commentaire sous forme de "quaestiones super librum ... "), et, d'un autre côté, au sermon. Ces trois genres définissent Ia triple fonction magistrale: "legere, disputare,
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praedicare" .
6.
LA LIBERTÉ DE L' AUTEUR
Les intellectuels médiévaux, ces maitres qui soutenaient des disputes, ont été soumis à plusieurs formes de pression qui pesaient sur leur liberté académique. Pour Ia période qui nous conceme, celle qui a vu l'essor de Ia question disputée (XllIe et XIVe siêcles), il suffit de mentionner, comme échantillon et preuve de cette situation, les interdictions de 1210 et 1215, le projet utopique du Pape qui, en 1231, voulait "corriger" Aristote, les célebres condamnations de 1270 et 1277 (pour cette derniêre année à Paris et à Oxford), les interventions de 1'Inquisiteur de France, les condamnations de l'ockhamisme, etc. etc. S'il est légitime de déplorer cet état de choses dans l'université médiévale, il ne me semble pas juste de considérer cette mentalité restrictive comme un patrimoine exclusif du Moyen Age. Même aujourd'hui, à l'Est comme à l'Ouest, les "dissidents" payent cher, três cher, de leurs vies même, l'hardiesse d'exposer ouvertement leurs idées ... La question disputée est née avec Ia maturité de l'esprit scientifique dans l'Occident latin. Elle est le résultat de Ia confluence de facteurs historiques, méthodologiques et culturels déjà signalés (cf. p. 31-32 svv.). Nous voulons insister ici sur un facteur décisif: Ia conscience qu'ont les maitres de leur autorité doctrinale. Ils n'ont pu créer Ia question disputée comme genre littéraire défini que dans Ia mesure ou ils jouissaient d'une grande liberté intellectuelle, qu'ils exerçaient précisément comme "mi e en question" de Ia tradition. La question disputée est un des instrument les plus importants qu'ils se sont donnés pour affirmer cette liberté et cette conscience de soi, et pour chercher leur lieu propre dans l'histoire des idées. Elle a été aussi le moyen par lequel ces intellectuels ont contribué à consolider l'identité culturelle de l'Europe médiévale, désireuse d'avoir une vision synthétique, unifiée, de tous les éléments de son énorme (et parfois três hétérogêne) héritage culturel. La méthode de Ia dispute, de Ia "mise en question", s'est révélée Ia plus adéquate pour parvenir à ce but. Et en Ia pratiquant, les maitres ont confírmé leur propre fonction magistrale
et leur liberté.
142
CHAPITRE
IV
, Dans Ie cadre des questions disputées, toutes Ies autorités - Pêres de I'Eglise et philosophes grecs, auteurs ecclésiastiques et penseurs arabes ou juifs - sont confrontées, sous I'reil attentif d'un maitre qui doit résoudre Ieurs divergences, voire Ieurs oppositions, par une "détermination" qui constitue un véritable acte de liberté de sa raison (scientifique ou théologique). Les jeunes intellectuels apprennent par Ia pratique cet exercice d'une raison autonome. Cette liberté ne s'affirme pas par une rupture avec Ia tradition, mais par une assomption de cette tradition dans une synthêse propre, réalisée justement par Ie moyen de Ia "mise en question", Cette "Aufhebung" de I'héritage intellectueI constitue une des clés de Ia grandeur de Ia scolastique. Cette liberté avait des limites qui provenaient, pour I'essentiel, du projet même qui I'avait suscitée: trouver un profil propre, sur Ie plan culturel, scientifique et théologique, pour Ia Chrétienté Iatine. II était inspiré par Ia "fides quaerens intellectum". Dans ce sens, Ia foi ne pouvait pas être "mise en question". D'oü Ies dispositions des statuts, qui établissent clairement qu'en cas de conflit entre Ia raison et Ia foi, Ie maitre qui tenait dispute devait toujours trancher en faveur de Ia foi (cf. p. 98). Ces dispositions prêtaient à des abus de Ia part de ceux qui ne distinguaient pas entre Ia foi et I'enseignement théologique à une époque donnée. Les études de MM. F. Van Steenberghen et R. Hissette I'ont bien montré dans Ie cas des condamnations de 1277. Ces interventions ecclésiastiques limitaient Ia liberté des auteurs, arrêtaient I'analyse de certaines questions pressantes dans Ies milieux intellectueIs, et retardaient Ie progrês du projet culturel >". Les questions disputées, ces ateliers ou I'on soulevait Ies problêmes théoriques Ies plus controversés, étaient particuliêrement exposées aux prohibitions ecclésiastiques: dês qu'une thêse était condamnée, elle cessait d'être soulevée dans Ies disputes avec entiêre liberté; si elle I'était encore, elle recevait une détermination entiêrement conforme à Ia doctrine jugée orthodoxe. Cependant un autre élément contribuait à défendre Ia liberté de I'auteur: Ia dispute était une pratique sanctionnée par Ia corporation des maitres. Celle-ci -Yuniversitas - s'est affirmée avant tout face au chancelier et progressivement a réclamé et obtenu de véritables garanties pour I~ liberté académique de ses membres. C'est ainsi que, face au pouvoir de 174 ~f. F. VAN STEENBERGHEN, Le philosophe au XI/le siêcle. Louvain, 1966 (Philosophes médiévaux, IX), p. 486-488. R. HISSETTE, Enquête sur les 2/9 articles condamnés à Paris le 7 mars 1277. Louvain, 1977 (Philosophes médiévaux, XXII).
REGLES DE CRITIQU
PR PR
AU GENRE
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concéder Ia licence (pouvoir que Ie chancelier n'a jamais résigné), elle a développé Ies cérémonies d'agrégation à Ia maitrise, c'est-â-dire, Ies actes officiels par Iesquels elle intégrait un nouveau membre. Et même pour Ia licence, nous avons signalé qu'il est devenu presque impossible pour Ie chancelier de rejeter un candidat appuyé par Ia corporation (cf. p. 109). Déjà, au milieu du XIIIe siêcle, celle-ci était suffisamment forte et libre pour résister à I'incorporation des maitres appartenant aux ordres mendiants, en dépit des pressions exercées par Ie chancelier et par Ie Pape Iui-même. Plus tard, Iorsqu'un de ses membres - Guillaume de Saint-Amour - fut condamné par I'autorité ecclésiastique, elle ne cessa de Ie défendre. Nous avons eu aussi I'occasion de voir Ie procureur de Ia Faculté des Arts de Paris défendre Ia corporation devant Ie Pape face aux accusations du chancelier. NuI maitre n'était donc seul dans Ia défense de ses droits et prérogatives académiques. II tenait dispute à I'intérieur d'un cadre rassurant, qui protégeait sa fonction. Ce même cadre qui assurait des libertés académiques en déterminait aussi Ies limites. Et d'abord par voie de conventions de nature administrative ou pédagogique. Le caractêre soIenneI des questions disputées ordinaires faisait dépendre Ie maitre de I'autorisation de Ia faculté. Celleci distribuait Ies jours de dispute entre ceux qui Ies avaient demandés. L'université réglementait aussi plusieurs formalités de ces disputes, en particulier Ia participation des bacheliers, Ies modalités de Ia discussion, Ie calendrier, I'ordre de préséance dans Ies interventions des participants, etc. Au fur et à mesure qu'on s'avance dans Ie XIVe siêcle, Ies rêglements des actes soIennels détaillent de plus en plus Ies formalités extemes. IIs continuent toutefois d'être três souples quant aux modalités internes, d'oú Ies difficultés des historiens qui veulent connaitre Ie fonctionnement concret de Ia méthode à partir des rêglements. C'est un signe de Ia liberté dont jouissait Ie maitre, et de cette priorité de Ia vie sur Ie rêglement dont a parlé Mgr Glorieux. Si I'université obligeait Ies bacheliers à participer aux disputes de maitre, c'était lui qui acceptait Ies candidats aux rôles d' opponens et de respondens; lui qui choisissait Ies sujets des disputes (sauf s'il s'agissait d'une quaestio temptativa), Iui qui avait Ie mot final en matiêre doctrinale. Les rêglements sont três respectueux quant au contenu doctrinal des disputes et, sauf Ie serment qui obligeait Ies maitres ês Arts à "déterminer" Ieurs disputes dans Ie sens de Ia foi, nous n'avons pas trouvé, dans Ies rêglements de Ia corporation, de mesures destinées à limiter Ia liberté académique de maitre. Cela ne veut pas dire qu'à l'intérieur de Ia rp rati n il n'existait pas
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IIAPITR
IV
de tcnsions idéologiques. li y en avait, et elles se traduisaient par différentes formes de pressiono La Faculté de ThéoIogie avait, sous cet angle, une p ition privilégiée : non seuIement elle devait maintenir I'orthodoxie, mai elle avait toujours un ceil attentif sur ce qui s'enseignait dans Ies autres facultés, particuliêrement à Ia Faculté des Arts. Une alliance entre I'évêque de Paris et un groupe de maitres en théologie donna Ia pIus célebre condamnation du XIIle siêcle (celle de 1277), qui frappa non eulement l'aristotélisme hétérodoxe, mais aussi Ia philosophie de Thomas d'Aquin. La liberté de "mettre en question" n'étaít donc pas absoIue, et parfois même Ies positions Ies pIus orthodoxes n'étaient pas à l'abri des pressions et des attaques. Dans un cadre corporatif, Ies limites Ies pIus grandes à Ia liberté des membres sont parfois celles qui proviennent de I'intérieur même de Ia corporation. Tout compte fait, Ia méthode des questions disputées est l'expression d'un três haut degré de liberté. On pourrait même dire qu'elle est Ia n cience de Ia liberté intellectuelle de I'homme médiéval, qui s'est 00; ectiv c en méthode de recherche et d'enseignement. Comme telle, elle I UIl d grands monuments de Ia cuIture du Moyen Age.
CHAPITRE
V
.. RAYONNEMENT DE LA "QUAESTIO DISPUTATA" Ce chapitre sera forcément bref, car iI n'a d'autre objectif que de présenter de façon synthétique des données déjâ exposées dans Ies chapitres consacrés à Ia définition et à l'évoIution du genre. La quaestio disputata sembIe avoir atteint sa forme propre dans Ies milieux théoIogiques de Paris au début du XlIIe siêcle et elle s'est épanouie et diversifiée en pIusieurs espêces au sein de Ia corporation universitaire qui l'a vite sanctionnée comme une des trois fonctions principales du maitre. Dês 1230, elle présente toutes Ies caractéristiques formelles qui Ia définissent. A partir de son foyer originaire, elle rayonne en deux sens principaux: d'abord elle devient une pratique courante dans toutes Ies facultés de I'Université de Paris (Arts, ThéoIogie, Droit, Médecine), ensuite, elle est adoptée dans Ies principaux centres intellectuels (universitaires et religieux) 'de I'Europe médiévale. Ce doubIe rayonnement s'est produit três vite, ce qui souligne l'importance culturelle de Ia nouvelle méthode. Pour Ie rayonnement vers les autres Facultés (cf. p. 85), s'iI sembIe exact de voir dans certaines pratiques des canonistes une des origines de Ia quaestio disputata, le fait est que ce sont les théologiens qui ont développé celle-ci et ont fini par I'imposer comme modêle à Ia FacuIté de Droit (cf. p. 91). II faut signaler aussi que I'adoption de cette méthode, principalement déductive, par Ia Faculté de Médecine a pesé sur Ie développement de cette discipline, fait qui retiendra l'attention des historiens des sciences (cf. p. 90 svv.). Pour Ia Faculté des Arts, nous croyons avoir montré que l'abondante production de Sophismata, Impossibilia et Insolubilia mérite d'être classée ous le genre quaestio disputata, bien que certaines différences subsistent, dues principalement à Ia jeunesse des participants (pour remplir le rôle d'opponens et de respondens, le maitre ne comptait pas sur l'aide de bacheliers aussi bien préparés que ceux des facultés supérieures, ce qui faisait porter sur lui le poids de bâtir le cadre dialectique de Ia discussion). Le but principal de Ia Faculté des Arts (Ia formation du candidat dans le disciplines auxiliaires) limitait aussi Ia portée théorique de ces disputes entre les artiens (cf. p. 85 sv.).
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CHAPITRE
V
Le rayonnement géographique du genre mérite aussi I'attention. La méthode est adoptée dans les différentes universités européennes, qui n'hésitent pas à déclarer dans leurs statuts suivre "I'usage de Paris" en ce qui concerne l'organisation et les modalités des disputes. C'est ce mouvement culturel, fondé sur un modele adopté au sein de cadres corporatifs semblables, qui rend légitime d'utiliser, par exemple, les statuts de Bologne ou d'Oxford ou de Vienne, pour comprendre ce qui se faisait à Paris (cf. p. 50). La quaestio disputata a rayonné également au-delà des universités. Elle était déjà pratiquée au XIIIe siêcle dans les principaux centres d'études des ordres religieux, et même à Ia cour pontificale (cf. n. 79, 158). Les statuts des dominicains et des franciscains veillent à ce qu'on dispute réguliêrement dans leurs studia generalia, et les visiteurs de ces centres, chargés par leurs supérieurs d'assurer le respect des normes, devaient être particuliêrement attentifs en ce qui concerne ces exercices (cf. p. 58). La quaestio disputata devint ainsi un instrument de travail et de recherche d'usage généralisé dans l'Europe intellectuelle médiévale. Elle gardera cette situation privilégiée jusqu'au milieu du XIVe siêcle, Aprês cette date, i elle continue d'être pratiquée comme exercice oral, elle ne produit plu de documents écrits de haute signification. Les maitres ne semblent plu e oucier de préparer des éditions, ce qui provoque sa disparition progre ive comme genre littéraire. Mais il y a un autre rayonnement três important de Ia quaestio disputata sur leque! il faut revenir. Née comme méthode de recherche et d'enseignement pour le maitre, elle ne tarda pas à susciter des exercices formellement semblables destinés à servir d'épreuves de compétence professionnelle pour les aspirants à Ia maitrise. La participation aux disputes présidées par les maitres s'avéra insuffisante comme entrainement des bacheliers, et Ia corporation conçut alors toutes les formes d'exercices scolaires passés en revue plus haut, ainsi que des épreuves destinées à constater Ia compétence des candidats aux grades universitaires dans I'accomplissement d'une des fonctions les plus importantes de Ia maítrise. Ces disputes scolaires présentent un nombre tel de caractéristiques semblables aux disputes des maítres que nous nous sommes permis de les classer comme étant des sous-espêces de Ia quaestio disputata. Elles ont connu, au XIVe siêcle, Ia même diffusion géographique que le disputes magistrales, et elles ont grandi en importance et en solennité particuliêrement les épreuves de candidature à Ia maitrise - au p int
RAYO
EMENT DE LA "QUAESTIO
DISPUTA TA"
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d' absorber presque entiêrement l'attention des communautés universitaires. Concluons ce chapitre en soulignant que les questions disputées, véritables ateliers de travail et de discussion de Ia scolastique, ont donné à I'université médiévale ce haut degré de dialogue qui Ia caractérise, car elles favorisaient l'échange vivant de points de vue, d'arguments et de doctrines. Ce rayonnement interne constitue une des réussites les plus remarquables du genre. La méthode a rayonné aussi vers d'autres genres littéraires. Déjà au XIIle siêcle, des "sommes" sont écrites comme si eUesétaient des questions disputées. Et, à Ia fio de ce siêcle, les questions disputées elles-mêmes, soigneusement revues et corrigées en vue de I'édition, sont publiées sous le titre de "sommes" (cf. p. 43 et 47). Ce rapprochement forme! des genres littéraires n'est pas resté sans conséquences: il est, peut-être, une des causes de Ia disparition des "éditions" de questions disputées, I'effort de remaniement ayant été absorbé par I'édition du matériel sous forme de traités. La quaestio disputata aurait été ainsi Ia victime de son propre succês,
DOMAINES DE L'HISTOIRE
CHAPITRE VI
DOMAINES DE L'HISTOIRE QUE LE GENRE AIDE À CONNAlTRE 1) Les questions disputées sont essentielles pour l'étude des idées philosophiques et théologiques du XllIe et du XIVe siêcle, Elles montrent ur le vif les principaux intérêts intellectuels d'une université déterminée à un moment donné de l'histoire. 2) Étant donné l'échange d'arguments que Ia méthode favorisait et le rayonnement géographique de celle-ci, les questions disputées permettent I'historien de Ia culture de mieux saisir le mouvement de diffusion des idées en Europe médiévale. ) omme Ia méthode était pratiquée aussi dans les Facultés de Droit ·l d Médecine, l'historien de ces deux disciplines pourra tirer des li n di putées des matériaux précieux. L'hi t rien des méthodes scientifiques, surtout de Ia logique, sera I li par les modalités des questions disputées, car ce sont elles qui ClIII I' ri ine de l'importance accordée, dans les traités de logique, à l' I 11 • ui n de certains types d'arguments et à Ia réfutation de sophismes (VOII par cx mple nos remarques à Ia p. 93). ) N tre genre aide à écrire aussi l'histoire de l'éducation. Les questions disputée ont non seulement une méthode de recherche, mais aussi une m th de d'enseignement. De fait, Ia pédagogie universitaire médiévale a réus i à faire coíncider dans un même acte Ia recherche et l'enseignement, et cela constitue un antécédent important des tendances actuelles de Ia pédagogie. Que Ia quaestio disputata ait engendré des exercices scolaires et des épreuves formellement semblables aux actes magistraux accroit leur intérêt pour l'historien de I'éducation. 6) Le genre éclaire l'histoire de l'institution universitaire et les pratiques corporatives qui présidaient à son fonctionnement. Par analogie, il est aussi d'un grand intérêt pour l'historien des corporations médiévales. En cffet, les questions disputées semblent avoir été privilégiées par Ia corporation universitaire comme un des meilleurs moyens d'apprendre le métier d'intellectuel. Les différentes mesures réglementaires concemant I'activité des maitres et des bacheliers sont à mettre en rapport avec les pratique existantes dans d'autres corporations de métier.
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7) L'historien de l'Église et des Ordres religieux trouvera dans les questions disputées des données sur l'évolution des doctrines, sur l'élaboration de Ia théologie spéculative, sur les pratiques conventuelles, sur les réactions de l'intelligentsia médiévale aux interdictions ecclésiastiques, et sur le processus général de définition de l'identité culturelle de Ia Chrétienté latine. En effet, les questions disputées étaient le chantier ou les problêmes intellectuels les plus pressants d'une époque étaient soulevés et discutés. TI n'y a pas d'autre genre littéraire (et nous y incluons les Quodlibeta) qui traduise de façon plus vivante les intérêts intellectuels d'une époque. 8) Les philologues et les historiens de Ia langue latine pourront examiner, à travers les questions disputées, I'élaboration d'une terminologie technique (métalangage) et Ia fixation d'un style, propres aux différentes disciplines qui ont utilisé Ia méthode. Ce processus s'est opéré grâce au dialogue que les questions disputées favorisaient à I'intérieur d'une communauté linguistique bien délimitée par ses intérêts.
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BIBLIOGRAPHY No attempt will be made here to list all sources which may prove to be of value in examining the Quodlibetal Question as a distinctive literary genre. As in much of the study which follows, the present Bibliography will concentrate heavily on the Quodlibetal Question as it was developed in theology faculties in certain medieval Universities, and fírst and foremost at the University of Paris. Quodlibets originating from other faculties at Paris and elsewhere will not be excluded entirely, and will receive special consideration in Chapter IV. But since it was especially in theology faculties in the thirteenth and earlier fourteenth century that the Quodlibet reached its peak and particularly so at Paris, it is upon this that the following Bibliography will concentrate. Included in these bibliographical indications are some of a more general nature, listed in order to provide appropriate background for a proper appreciation of the place of the Quodlibet within a broader University context ; others which are specifically devoted to the Quodlibetal Question as a distinctive literary genre; and others which treat of particular Quodlibets or of particular Quodlibetal Masters. Some studies of the last-mentioned kind will be included not merely for what they can tell us about particular Quodlibetal Masters, but especially because of their contribution to our knowledge of the Quodlibet as such. BOYLE, L.E., The Quodlibets of St. Thomas and Pastoral Care, in The Thomist, 38 (1974), pp. 232-256. A helpful introduction to current research on the Quodlibet in general and in Thomas Aquinas in particular, and a fine illustration of the many kinds of questions of a more practical nature which might be discussed in Quodlibetal disputations. DENIFLE,H. and CHATELAIN,A., Chartularium Universitatis Parisiensis. Paris, 1889-1897,4 vols. EHRLE, F., I piu antichi Statuti de/la Facoltà Teologica del/'Università di Bologna pubblicati per Ia prima volta. Bologna, 1932 (Universitatis Bononiensis Monumenta, 1). Of value not only for information concerning The Faculty of Theology at Bologna, but also because these statutes are thought to have been modelled on older statutes taken from the Theology Faculty at Paris. This is important because, in studying the The I a ulty at Pari for the final part of the
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BIBLIOGRAPHY
thirteenth and the first part of the fourteenth centuries, one must, as it were, read back from the Paris statutes for 1335-1366 and 1366-1389. For these see Chartularium, Vol. 2, pp. 691-707. GIBSON, S., Statuta Antiqua Universitatis Oxoniensis. Oxford, 1931. GLORIEUX, P., La littérature quodlibétique de 1260 à 1320. Vol. I, Le Saulchoir, Kain, 1925. See pp. 11-95 for a groundbreaking and still indispensable Introduction to the Quodlibetal Question in terms of its origin in a first oral disputation, its determina tio in a second oral session, preparation of its written version, evolution of its literary genre, and its overaIl doctrinal and historical value. In the second part of this volume there is an alphabetical listing of 31 Masters together with their respective Quodlibets (numbering 147), and the titles of the questions of each of these insofar as they were then known to Glorieux, followed by nine other "Anonymous Quodlibets." GLORIEUX, P., La littérature quodlibétique. Vol. 2, Paris, 1935. This volume contains a fuller development of a number of themes examined in the Introduction to Vol. 1, and takes into account various criticisms and suggestions by other scholars reacting to Vol. 1. This is followed by a much broader listing in terms of time and place of Quodlibetal Masters (117 authors are now listed instead of the original 31) and of Quodlibetal Questions (348 instead of the original 147). Also indispensable. GLORIEUX, P., Aux origines du Quodlibet, in Divus Thomas (Piacenza), 38 (1935), pp. 502-522. Good for the chronological origins of the Quodlibet. GLORIEUX, P., Le Quodlibet de Pierre de Tarentaise, in Recherches de Théologie ancienne et médiévale, 9 (1937), pp. 237-280. GLORIEUX, P., Le Quodlibet et ses procédés rédactionnels, in Divus Thomas (Piacenza), 42 (1939), pp. 61-93. Important study of the principles employed by Quodlibetal Masters to organize the various questions in their Quodlibetal disputations before the second oral session and the definitive written version. GLORIEUX, P., Ou en est Ia question du Quodlibet?, in Revue du Moyen Age Latin, 2 (1946), pp. 405-414. A helpful mise au point of more recent findings (until -1946) conceming the inventory of Quodlibetal Questions and their authorship, on the one hand, and more recent progress in our understanding of their literary genre, on the other. GLORIEUX, P., L'Enseignement au Moyen Age. Techniques et Méthodes en usage à Ia Faculté de Théologie de Paris, au XlIle siêcle, in Archives
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CHAPTER I DEFINITION
OF THE QUODLIBETAL
QUESTION
The Quodlibetal Question is a specific kind of Disputed Question that carne to the fore in the Theology Faculty at the University of Paris some time during the first half of the thirteenth century 1. This is not to deny that the Quodlibet was also used in other Faculties of the University of Paris, or that it quickly spread beyond Paris to other Universities and even to non-University centers of leaming as well '. But given the great I In addition to the valuable Introductions found in P. GLORIEUX, La Iittérature quodlibéüque, vol. I, p. 11-95; and vol. 2, p. 9-50, see his Aux origines du Quodlibet, p. 502-522 (where he traces the chronological origins of the Quodlibet as a distinct genre back until the 1230s). In the last-mentioned study Glorieux differs with P. MANDONNET,Saint Thomas d'Aquin créateur de Ia dispute quodlibétique. There Mandonnet had mistakenly credited Thomas Aquinas with having created the Quodlibet as a distinctive genre. In this he seems to have been followed by M.D. CHENU,Maitres et bacheliers de l'Université de Paris vers 1240, in Êtudes d'histoire littéraire et doctrinale du XIII' siêcle (Publications de l'Institut d'Études Médiévales d'Ottawa), vol. I, p. 28ff. For the Quodlibet's origins at Paris in the Mendicant schools roughly at the time of the great University strike of 1229-1231, also see GLORIEUX,L'Enseignement au Moyen Age, p. 132. A1so see the helpful introductory remarks in R. JANSSEN,Die Quodlibets des hei/o Thomas von Aquin. Ein Beitrag zu ihrer Würdigung und eine Beurteilung ihrer Ausgaben. Bonn, 1912, p. 6-12. See p. 10, n. 2, for his c1aim that the Quaestiones de quolibet of Simon of Toumai from the beginning of th thirteenth century form the "ersten ausgeprãgten Typus dieser Literaturgattung." He ai comments: "Ein Ansatz zu den spãteren Quodlibeten ist schon in den Quaestione d divina pagina des Robert von Melun (t 1167) nicht zu verkennen." In each of th c1aims Janssen is following M. GRABMANN,Die Geschichte der scholastischen Methode. Vol 2, Freiburg im Breisgau, 1911 (repr. Basel/Stuttgart, 1961), p. 543ff. Unfortunately, b Ih Janssen and Grabmann have mistaken Simon's Disputed Questions for Quodlib I11 Questions. See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 41, notes 2 and 3, wher he cites Simon's editor, J. WARICHEZ,Les Disputationes de Simon de Toumai. Louvain, 1932 (Spicilegium Sacrum Lovaniense, 12), p. xlliiff. A1so see GLORIEUX,p. 323, wher he notes that Grabmann made the same mistake concerning the Quaestiones de divina pagina of Robert of Melun. Also, cf. GLORIEUX, Aux origines du Quodlibet, p. 508; MANDONNET,Saint Thomas créateur de Ia dispute quodlibétique, p. 6; G. PARÉ,A. BRUNET, P. TREMBLA Y, La renaissance du XII' siêcle. Les écoles et J'enseignement. Paris and Ottawa, 1933, p. 130-131. 2 For additional remarks and references concerning the spread of the Quodlibet beyond the Theology Faculty at Paris, and then to other Universities as well, see GLORIEUX,La liuérature quodlibétique, vol. 2, p. 19-22; p. 28, n. I. For its presence in other Faculties ai Paris see Ch. THUROT,De J'organisation de l'enseignement dans J'Université de Paris, p. 87, 197-198. For the Quodlibet outside University circles see GLORIEUX,op. cit., p. 22-28; L. MEIER, Les disputes quodlibétiques, p. 401-442. Also see Cc. 11 and IV below.
158
CHAPTER
I
DUHNITI N
importance it assumed in the Theology Faculty at Paris, the main thrust of the following remarks will be directed to the Quodlibet as it developed there. Quodlibets as well as statutes pertaining to the same from other Faculties and other Universities will be cited as the occasion demands. It should be noted at the outset that while the Theology Faculty, especially at Paris, is the most important single source for the most significant contributions to quodlibetal literature, Quodlibets are at least as helpful today for researchers in medieval philosophy as in medieval theology. This is so because the Quodlibetal Disputations of the great medieval Masters in Theology are simply filled with philosophical content. On many occasions the questions explicitly considered in them are strictly philosophical. On many other occasions, the Masters in question find it necessary to introduce important philosophical issues in order to respond to questions which are, if taken at face value, theological in nature 3. This situation will not be surprising if one recalls that the great medieval ~ast.ers in Theology had already undergone highly specialized training fi philosophy, and that their distinctive positions in speculative and moral theology usually rested upon and presupposed their views in speculative and moral philosophy.
15
coming after the first by one or more days. While this point has been questioned, especially as regards the Quodlibet, weighty evidence can be offered in its support. Thirdly, the usual scholastic format of question, arguments for one side and then for the other, response, and replies to objections, is also found in written versions of Quodlibets. Finally, there was a formal role for the Master who conducted the Quodlibet, 00 the one hand, and for one or perhaps more than one Bachelor who would serve as respondens or respondentes, on the other. Each of the common features just mentioned calls for some cornment. As regards the first - that Quodlibets were originally presented as oral exercises - there can be little doubt, at least with respect to those thot originated in University contexts. This is clear enough from vari us University statutes, for instance, for Paris, Oxford, and Bologna 4. Again, introductory formulae and transition expressions in surviving written versions of Quodlibets often point to their oral origins. Thus a Master will frequently refer to questions raised in the original Quodlibetal dispute, or to what was "said" there. Moreover, written records of some of these oral disputations were taken down by others (reportationes) and thereby attest to the oral origins of the Quodlibets themselves 5. Granted, then,
. I~ order better to appreciate the nature of the Quodlibetal Question, it will be helpful for us to begin by recalling that which it has in common
with other Disputed Questions, and then to turn to those features which distinguish it from other Disputed Questions. 1.
THAT
WHICH WITH
THE
QUODLIBET
OTHER
DISPUTED
HAS
IN COMMON
QUESTIONS
First of all, like other formal University Disputed Questions of its tim~, the Quodlibet was originally presented as an oral exercise. Secondly, as lS also true of Ordinary Disputed Questions, the oral presentation of a Quodlibet normally involved two distinct sessions, with the second
3 Confirmation of the explicitly philosophical nature of many Quodlibetal Questions is ~eadily evident from an e~amination of the titles of such questions as listed by Glorieux in the two volumes of hís La littérature quodlibétique. Confirmation of the presence of much philosophical content in questions that are, when taken at face value, theological may be had by con~ulting anyexposition ofthe philosophy of one or other great Quodlibetal Master. See, for mstance, J. PAULUS, Henri de Gand. Essai sur les tendances de sa métap.hysique. Paris,. 1938; or, more recently, my The Metaphysical Thought of Godfrey of Fontaines. A Study tn Late Thirteenth-Century Philosophy. Washington, D.C., 1981.
• See, from the statutes for the Theology Faculty at Paris from 1335- 1366, art. 18, .and from those of 1366-1389, artic1es 34, 43, 49, 52, 53, 62, as well as 28 and 29, in DENIFLECHATELAIN, Chartularium, vol. 2, p. 691-704; also cited by GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 1, p. 12-13. While these particular statutes are especially concerncd with the obligation of Bachelors to "respond" (to serve as respondentes) before being promoted, they leave no doubt that Quodlibets were oral exercises. AIso, see the remnrk in a letter of February, 1287, from the Bishop of Amiens, William of Mâcon, to th Archbishop of Rheims, Pierre Barbette, concerning Martin IV's Bull "Ad fru tus úberes": "Verumtamen, omnes doctores qui hoc anno disputaverunt de Quolibet, quibus facta est ista quaestio, videlicet magister Henricus de Gandavo, magister Godefridus d . Leodio, magister Gervasius, canonicus montis Sancti Eligii, et magister Nicholaus d Pressorio pro nobis determinaverunt". See Chartularium, vol. 2, p. 13ff.; also cited y GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 1, p. I4ff. , along with other contemporary documents which make the same point quite c1early. , See, for instance the opening remark in Henry of Ghent's Quodlibet I: "Quaerebantur in nostra generali disputatione quasi 42 quaestiones", in Henrici de Gandavo Quodlibet J. R. MACKEN, ed., Leuven and Leiden, 1979, p. 3. AIso, see the opening remark in Jarncs of Viterbo's Quodlibet 111: "In tertia disputatione de quolibet praehabita", in Jacobi de Viterbio O.E.S.A. Disputatio tertia de quolibet. E. YPMA, ed., Würzburg, 1973, p. 1. For similar indications from other Quodlibets see GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol, 2, p. 37-38. As illustrations of reportationes of Quodlibetal disputes, see Godfrey of Fontaines' first four Quodlibets, in M. DE WULF and A. PELZER, Les quatre premiers quodlibets de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1904. For the fact that they are reponationes ee p. XV-XVI. AIso see Quodlibet 11, qu. I (p. 46), for a reference by Godfrey (or hi reportator) to the respondens (presumably his responding Bachelor): "ut dicebat respondens".
160
CHAPTER
I
DEFINITION
that all evidence points to the oral origins of University Quodlibets, some question has been raised about certain ones that originated outside University circles. Doubt has been expressed, for instance, concerning the oral origins of Ockham's Quodlibets. Even here, however, the norm evidently was that for a Quodlibet to be a real Quodlibet, it must first have been disputed orally. Thus a strong case has been made for the oral origins of Ockham's Quodlibets by their recent editor, J. Wey 6. Glorieux has strongly stressed the second point - that the Quodlibet resulted from two distinct oral sessions. This claim was originally challenged by some other leading authorities, especially by F. Pelster and A. Pelzer 7. It is true that some of the evidence originally offered by Glorieux for two distinct sessions (often referred to respectively as disputatio and determinatio) can be contested. For instance, the set of questions originally edited by Glorieux in VoI.1ofhis La littérature quodlibétique as Anonymous Quodlibet IX and which seemingly pointed to two sessions has been more exactly identified as a series of Disputed Questions 8. Again, simple reference in a Master's written version of a Quodlibet to questions he "was disputing" or "had disputed" is not of itself sufficient to prove that he here has in mind a first oral session as distinguished from a second one. Nonetheless, other remarks in a written version of a Quodlibet by • See J. WEY, ed., Venerabilis Inceptoris Bonaventure, N.Y., 1980, p. 30*-31*.
Guillelmi de Ockham
Quodlibeta
Septem.
St.
7 For PELSTER'S original doubts about two oral sessions see Scholastik, I (1926), p. 281284 (reviewing GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. I), especially p. 284; Literargeschichtliches zur Pariser theologischen Schule aus den Jahren 1230 bis 1256 in Scholastik 5 (1930), p. 61-64. But compare with his later remarks in Scholastik, 15 (J940), p. 428: For similar earlier doubts see A. PELZER, in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 23 (1927), p. 103-104. For some who defend two oral sessions see E. VANSTEENBERGHE, in Revue des Sciences Religieuses, 7 (1927), p. 135; A.G. LITTLE, in The English Historical Review, 41 (1926), p. 120-121; and apparently the later PELZER, in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 32 (1936), p. 980-981. Also see A. TEETAERT, La littérature quodlibétique, in Ephemerides Theologicae Lovanienses, 14 (1937), p. 79-83. There he argues that two oral sessions were common!y involved in Disputed Questions, not merely in Quodlibets. For a good description of the two sessions in Ordinary Disputed Questions see A. DONDAINE, Secrétaires de Saint Thomas. Rome, 1956, p. 132-133. For his application ofthe two sessions to Quodlibetal Disputes, see p. 212. AIso see L. BOYLE, The Quodlibets 01 St. Thomas and Pastoral Care, p. 233-235, who sharply distinguishes between the two sessions as' Disputation and Determination respectively.
• For this see PELSTER, in 'Scholastik, I (1926), p. 283; PELZER, in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 23 (1927), p. 104. For GLORIEUX'S original usage of this text to argue for two distinct sessions see La littérature quodlibétique, vol. I, p. 35-38. For his later agreemcnt that "Quodlibet IX" is not really a Quodlibet, see vol. 2, p. 42-43, n. 5; p. 287; and Aux origines du Quodlibet, p. 510.
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a Master to what he had stated on the "previous day" idisputattone hestema, pridie), while he was preparing his final redaction some months later, are more difficult to discount 9. Additional evidence may also be offered for two distinct oral sessions. First of all, Glorieux himself has edited at least in part two distinct versions of one and the same Quodlibet by Peter of Tarentaise. Since only one of these reflects a coherent organizing plan, it alone can be based on a final oral session. Since the other version, which Glorieux has fully edited, lacks any such logical plan of organization and can, therefore, only be a reportatio, it must reflect a first oral session and not the final one 10. Secondly, if it is the case that Thomas Aquinas's Quodlibet XII is indeed a reportatio, since it does incorporate an organizing plan, it can hardly be a reportatio ofthe first day's oral session. Such organization could not have been present in the original Quodlibetal disputation 11. (For clear evidence that such organization was not present in the original oral disputation where various questions were raised in haphazard fashion,
• For GLORIEUX'S original argumentation see La littérature quodlibétique, vol. I, p. 1819. For PELZER'S critique of this see Revue d'Histoire Ecclésiastique, 23 (1927), p. 104. For the second line of argumentation supported in my text see GLORlEUX, La liuérature quodlibétique, Vol. 2, p. 45-46. For references to "nostra generali disputatione hesterna" and "Pridie in nostra disputatione generali" see, for instance, Henry of Ghent, Quodlibet lI, in Quodlibeta Magistri Henrici Goethals a Gandavo. Paris, 1518, foI. 28v; QuodJibet VI, foI. 214v. 10 For this see GLORIEUX, Le Quodlibet de Pierre de Tarentaise, p. 237-280. For Gloricux's edition of what appears to be the first version, based on the first day's session, see p. 242-275. For his edition of the various introductory and transition formulae found in the second version (which is incomplete since it contains only thirteen questions of the ori 111 11 thirty six), see p. 277-278. For further study of these two versions see GLORIEUX, I Quodlibet et ses procédés rédactionnels, p. 73-75. For agreement with Glorieux in lu interpretation of these two versions of Peter's Quodlibet, see O. LOTTlN, in Bulletln d/· Théologie ancienne et médiévale, 3 (1937-1940), p. 532*, number 1185. \I Various explanations have been offered for the obviously unfinished charactcr r Thomas's Quodlibet XII. Perhaps, it has been suggested, it is not a reportatio but n abbreviatio prepared by Thomas himself for his own use rather than for publication [cf P. SYNAVE, in Bulletin Thomiste, I (1924), p. (38)]. a. M. GRABMANN, Die Werke des hl. Thomas von Aquin. Münster in w., 1931, p. 283; R. SPIAZZI, in Quaestiones Quodlibetales. Turin, 1956, p. viii, n. 5. More recently, L. BOYLE has suggested that it may contain in the main the text ofThomas's determinatio as originally given orally, but without its having been finally prepared for publication. See his The Quodlibets 01 St. Thomas, p. 236, and lhe references in n. lI. But whether Quodlibet XII be taken as a reportatio, or as Thoma ' per onal abbreviatio, or as the original determinatio, it refíects the organization of lhe second oral session, not the haphazard lack of order of the first. Also see GL RIEUX, La ltttérature quodlibétique, vol. 2, p. 48. Hc takes it as a reportatio, and this 11 th auth rity of Nicholas of trasbour
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HAPTER I
one need only turn to J ames of Viterbo's opening remark in his Quodlibet Ill : "In tertia disputatione de quolibet praehabita quaesita sunt in universo viginti sex quae ut prosequamur, non ut proposita sunt, sed secundum ordinem quemdam convenientem") 12. Thirdly, it is general1y conceded that the long version of Godfrey of Fontaines' first four Quodlibets as they survive today are on1y reportationes. Since they do clearly incorporate a detailed organizing plan, and since such could not have been imposed at the original oral disputation, they must rather be based on a second day's oral disputation 13. Some lapse of time would sure1y have been required between the original raising of the questions during the first day's disputation, and the Master's development and imposition of such a detailed plan of organization. Further evidence for two oral sessions may be drawn from an interesting legend about Albert the Great. According to this well known story, while Albert was conducting a Quodlibetal debate and the dispute was drawing to a close, he suddenly found himself unable to answer three objections put to him by a late arrival, the devil in the guise of a young mano Only after a sleepless night were the true nature of his questioner as well as the appropriate reply made known to Albert. Then, according to the legend, al1 returned on the following day to hear him present his reply to the objections. This legend, dating from the fourteenth century, assumes that in this case, at least, two distinct sessions were involved in a Quodlibetal disputation 14. Final1y, an interesting colophon in a manuscript containing a Quodlibet with 22 questions and attributing it to Nicholas de Vaux-Cernay explicitly states that these questions were proposed on Monday of the third week of Advent to Master Nicholas in the College of St. Bernard at Paris, on which day he was "disputing de quolibet". We are then informed that he "determined" these same questions on the following Saturday. This reference indicates at least that in this particular case there were two distinct oral sessions 15. See Jacobi de Viterbio O.E.S.A. Disputatio Tertia de Quolibet, p. I. " Cited in n. 5 above. •• See JAMESOF AQUI, Chronicon imaginis mundi, cited by MANOONNET,in Thomas d'Aquin, créateur de Ia dispute quodlibétique, p. 9, n. I, and by GLORiEUX,La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 49. rs See E. AXTERS,Le Maitre Cistercien Nicolas de Vaux-Cernay et son Quodlibet, in The New Scholasticism, 12 (1938), p. 242-253. For the text see p. 244-245: "Hec questiones proposite fuerunt die lune tercie septimane adventus Domini coram Magistro Nicholao in scolis Sancti Bernardi Parisius, quo die dictus Magister de quolibet disputavit et dieta 12
DEFINITION
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/\ regards the third feature which the Quodlibet has in common with othcr Disputed Questions, there appears to be little difticulty. In Quodlibet rs in other Disputed Questions one fi.nds the general scholastic format of question, opening arguments for one side and then one or more Ir zuments for the other, a defi.nitive response, and fi.nal1yindividual replie to the original opposing arguments. In the main, it may be said that the number of opening objections or arguments for one side and then for t h other often tends to be considerably greater in Ordinary Disputed uc tions than in Quodlibets 16. Sometimes also in Quodlibets such tiones prout in isto libello recitantur determinavit die Sabbati. In sequenti sunt omne numero XXII"." (Italics mine). A distinction in time between "disputing" and "determining" I clearly indicated by this text. As A. TEETAERThas shown (La Iittérature quodlibétique, p. 82-83), there is evidence from the statutes for the Universities of Bologna, Oxford, md Paris to indicate that it was customary to distinguish between disputatic and determina tio. 1h texts he cites clearly apply at least to Ordinary Disputed Questions, and in the ca e 11 Bologna, where the statutes for the Theology Faculty are modelled on those for 1h logy at Paris, to Quodlibets as well. For these see F. EHRLE, I piu antichi statuti, p. -46; S. GIBSO ,Statuta antiqua universitatis Oxoniensis, p. 118, dating from April, 1314, md referring to the interrelationship between the University and the Friars Preachers; t)BNIFLE-CHATELAIN,Chartularium, vol. I, p. 386 (number 335), for Statutes regulating 1 minican studies but refiecting University practice. F. PELSTERuses the statutes cited Ir m Bologna to show that there could be, in the case of Disputed Questions, a disputatio without a determinatio. See A.G. LITTLE and F. PELSTER, Oxford Theology and the theologians. Oxford, 1934, p. 41. See p. 42 on the temporal distance between disputatio IOd determinatio. In Revue d'Histoire Ecclêsiastique, 32 (1936), p. 980-981, PELZER has offered some additional evidence for two sessions, taken from a medieval commentary ()11 Dante's Divine Comedy, Paradiso, canto 24, vv. 46-48: "Ille enim appellatur magister qUI tenet cathedram, et proponit quaestionem publice coram doctoribus et scholaribus, t non determinat illam in illa disputatione, sed postea alia vice; ideo dicit, per approvarla, 11 n per terminaria." Interesting though this text is, it seems to refer to another kind f Disputed Question rather than to a Quod1ibet (at least in Theology) since the Master i. de cribed as the one who proposes the question to be disputed. 16 This statement admits of exceptions, some of which are cited by GLORIEUX,LII littérature quodlibétique, vol. I, p. 25 (see Henry of Ghent, Quodlibet VII, qu. 24, with 17 rguments; Quod1ibet 12, qu. 31, with even more, concerning which see note 16a below). Nonetheless, such high numbers of opening arguments in Quodlibets are clearly exceptional. 111 support of my claim one may compare Thomas Aquinas's usual practice in hi uodlibets with the many arguments offered against his positions as a general rule in Di puted Questions such as De veritate, De potentia, De maio, or De anima. Or one may c mpare the many opening arguments found in Roger Marston's Quaestiones Disputatae, a edited at Quaracchi, 1932 (Bibliotheca Franciscana Scholastica Medii Aevi, 7) with lhe few opening arguments of his four Quod1ibets, as edited by G. ETZKORN and I. BRADY,Quaracchi, 1968 (in the same series, 26). Or again, one may compare Godfrey f ontaines' usual practice in his 15 Quodlibets with the many more arguments and ounterarguments included in his three Ordinary Disputed Questions. It is also interesting I note that Godfrey's three Ordinary Disputed Questions are much shorter in length, iaken individually, than any ofhis Quodlibets. (For his Ordinary Questions see O. LaTTI ,
I(U
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CHAPTER I
opening objections or argumentation may be completely missing from a particular question 16,. There are a number of exarnples of this, for instance, in Henry of Ghent's Quodlibets. In these cases it is clear that no such opening argumentation was originaliy presented 17. Thomas Aquinas's Quodlibet XII is a more extreme illustration of this, but this may be due to the unusual written form in which it has survived. As regards the fourth feature that is common to Quodlibets and to Ordinary Disputed Questions, it seems clear that a formal role was set aside both for the Master who conducted the Quodlibet, on the one hand, and for one or more Bachelors who would serve under him as respondens or respondentes, on the other. What is not so clear, however, is the precise role assigned to Master and Bachelor respectively in
xv et trois Questions ordinaires de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1937, p. 77-138). On the other hand, in many though not in ali of Godfrey's Disputed and Abbreviated Questions there are few opening arguments. This may be due to the fact that, as they now survive in manuscript, they are abbreviationes. But one also wonders whether they were ali originally presented as Ordinary, and therefore as solemn Disputed Questions, or perhaps some only as private Disputed Questions. On these, see WIPPEL, The Metaphysical Thought of Godfrey of Fontaines, p. xxx-xxxiii. For a distinction between Ordinary Disputed Questions (which would be solemn) and the disputatio privata which a Master would conduct in his own school and only for his own students, see PELSTER, Oxford Theology and the Theologians, p. 36-37. '6. As R. MACKENhas pointed out, this is the situation with Henry of Ghent's Quodlibet XII, qu. 31. See his Ein wichtiges Ineditum zum Kampf über das Beichtprivileg der Bettelorden: der "Tractatus super facto praelatorum et fratrum" des Heinrich von Gent, in Franziskanische Studien, 60 (1978), p. 301-310. In fact, a comment by Henry seems to suggest that it was because this particular question was disputed separately that it contains so many opening arguments: "Circa nonum, quod est tricesimum primum et uItimum, arguitur multipliciter pro et contra, quia quaestio illa erat per se disputata seorsum" (Paris, 1518, foI. 518r). 17 See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, Vol. I, p. 24, for citations from Henry's Quodlibet I, qq. 23, 24, 36; Quodlibet VII, qu. 11; and Quodlibet VIII, beginning, and qu. 17. As Henry makes clear in each ofthese cases, questions were raised sine argumento. On the other hand, one sometimes finds replies to arguments in Quodlibets without the arguments themselves being included in the surviving manuscript or manuscripts. See J. WEY, ed., Guillelmi de Ockham. Quodlibeta Septem. St. Bonaventure, N.Y., 1980, p. 30*31*. As he notes there, in Ockham's Quodlibet I, qq. 1-3,9, 14, and 15, and Quodlibet lI, qq. 3 and 4, one finds a series of responses to arguments without the arguments themselves. This need not be taken to imply that, in Ockham's case, the initial argumentation was lacking from the original oral disputation. For another example see Henry of Ghent, Quodlibet IX, qu. 30. There (ed. cit., foI. 393r) Henry replies "Ad duo decreta in oppositum ..."; but these two decrees seem to have been omitted from the written version of Henry's text. On this see R. MACKEN,in his forthcoming critical edition of Henry's Quodlibet IX. Le Quodlibet
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DEFINITION
Quodlibetal disputations 18. Rather than attempt here to determine their respective roles more precisely, we shall defer fuller discussion of this to a later part of this study. It will suffice for the present for us to note that there is now widespread agreement that one need not accept Glorieux's original view that the Master's role in Quodlibets declined so much that by the mid- to late-fourteenth century they carne to be assigned to Bachelors rather than to Masters even in University circles at Paris 19. 2. THAT WHICH DISTINGUISHES FROM OTHER
DISPUTED
THE QUODLIBET QUESTIONS
First of ali, as is indicated by its very title, appropriate questions could be raised by anyone (a quolibet) who happened to be present at a University Quodlibetal dispute. This might include other Masters, Bachelors, students, and apparently, even members of the learned but nonUniversity publicoIn contrast with Ordinary Disputed Questions, therefore, the actual raising of the initial questions to be disputed was not left to the Master who conducted the Quodlibet nor to any appointed Bachelor (respondens)
20.
A second distinguishing feature of the Quodlibet is also brought out by its title, in that questions could be raised by those present about any " See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. I, p. 30-35; Vol. 2, p. 31-35. On the gradually developing role of a respondens who in the course of time carne to be distinguished from the presiding Master in the case of other Disputed Questions, see PELSTER,in LITTLE-PELSTER,Oxford Theology and the Theologians, p. 31-36. It is clear that at Paris the respondens both in Ordinary Disputed Questions and in Quodlibets was a Bachelor (cf. DENIFLE-CHATELAIN,Chartularium, vol. 2, no. 1188 (18), also cited by Pelster, p. 33). Cf. the following remark from the statutes for the Theology FacuIty at Bologna: "Item (Magister) debet tenere quodlibetum, in quo responsalis est bachalarius actu legens, ct saltem semel in anno determinare" (EHRLE, I piu antichi statuti, p. 46). '9 For Glorieux's earlier defense of this view, see La littérature quodlibétique, vol. I, p. 12-13,58. There he cited statutes for Paris for 1335-1366 and 1366-1389 (Chartularium, vol. 2, p. 691-704). But as has been pointed out by others and as Glorieux himself cventually acknowledged, none of the statutes in question assigns the determinatio of a Quodlibet to Bachelors. Rather they are required to "respond" de Quodlibetis before receiving their license. "Respond" as used here merely refers to the Bachelor's role as respondens under his respective Master during the first day's oral disputation. Cf. GLORIEUX, La Iittérature quodlibétique, vol. 2, p. 35-36. 20 See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. I, p. 21-23; vol. 2, p. 10ff., 37-40. Presumably, the party raising the initial question would usually fortify his position by Ifering one or more arguments and, if he defended a position opposed to that of the Ma ter, would thereby also serve as an opponens. As already mentioned above (see note 17), someone might raise a que ti n without olfering supporting argumentation.
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CHAPTER I
DEFINITI N
appropriate topic (de quolibet). In other words, selection of the particular questions or even of a general theme was not left to the Master. (This is not to deny that on certain occasions a given Master might himself raise one or other question he wished to dispute, or that he might have planned in advance to have a certain point raised by someone else. But such seems to have been the exception. In the main, selection of the questions to be disputed was not subject to the Master's control, except insofar as he might decline to discuss a given question if he judged it to be inappropriate.) This accounts for the fact that a typical Quodlibet ranges so widely over many unrelated topics and that norroally no single theme will be developed throughout the sarne Quodlibet 21. This rather free-wheeling nature of a Quodlibetal dispute also accounts for a third distinguishing feature. Between the fírst day's session and the second oral session, where the Master would offer his definitive response or his determinatio, he would be expected to develop a reasonably coherent plan of organization. Development of such plans seems to have become more and more complicated during the latter quarter of the thirteenth century, and various principles of organization carne into play. But almost fr0JJ?-the beginning of the Quodlibet's emergence in the Theology Faculty at Paris, the need for some such organizing plan was recognized. This, of course, would offer one more challenge for the Quodlibetal Master to impose some order upon the many and varied questions raised by others at the first oral disputation. While the Master enjoyed considerable freedom in selecting his organizing principle for any given Quodlibet, the very nature of the questions raised would impose some constraints upon his choice. His plan should be coherent, perhaps even logical, and it should ultimately cover all of the questions raised, often after a series of divisions and subdivisions 22. Certain very general principles of elas-
sification frequently reappear, sueh as an initial bipartite division in terms of questions treating in some way of God and questions treating of ereatures, or a tripartite division aeeording to which questions would be divided insofar as they dealt with something proper to God, something c mmon to God and creatures, and something proper to creatures. On lhe other hand, it sometimes happened that no question pertaining xclusively to God was raised at a given Quodlibet. Then the Master rnight note this and proceed with a division of questions relating to reatures, as does Thomas of Bailly in his Quodlibet I, or Godfrey of ntaines in his Quodlibet 111 23. And since the number of questions disputed in a given Quodlibet could easily run from twenty to thirty or more, the organizing plan with its divisions and subdivisions would often have to become rather detailed in order to incorporate all of these questions. In a study specifically devoted to this issue, Glorieux has identified ive distinctive organizing plans which were eventually developed during lhe thirteenth and fourteenth centuries, resulting in the following kinds f Quodlibets: (1) the Quodlibet ordinaire; (2) the Quodlibet ex abrupto; (3) the Quodlibet with an Introduction; (4) the Quodlibet with a Summary; (5) the Quodlibet with a Prologue. As Glorieux himself recognizes, these divisions should not be regarded as absolutely rigid and, as we shall see, there can easily be some overlap between one or ther of them 24. First, then, in the Quodlibet ordinaire, the Master simply indicates without any theoretical justification the general headings or categories under which the questions originally posed are now to be placed. As ne might expect, this was the most widespread forro of classification adopted, and especially during the period from 1230 until 1270. Such, for instance, is the plan followed by Thomas Aquinas in most of his Quodlibets 25.
2\ This implies that the Quodlibetal Master would normally not have advance knowledge of the questions to be raised. For confirmation see the text from Godfrey of Fontaines' Quodlibet IV, qu. 13, cited below in note 109. Consultation of any typical Quodlibet will bring out this wide variety of topics very clearly. Cf. GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 1, p. 23, 27-28; vol. 2, p. 11-15,41-43. For an example of a Master who notes that in addition to ten questions which were posed for him by his socii, he had raised two himself, see Robert Holcot, as cited by GLORIEUX(vol. 2, p. 13 and 259). As BOYLE points out, the general kind of questions raised - whether more speculative or more practical - seems to reflect the particular interest and specialty of the presiding Master. See his The Quod/ibets 01 St. Thomas, p. 240. 22 See GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 1, p. 44-45; vol. 2, p. 44ff.; and especially, Le Quodlibet et ses procédés rédactionnels, in Divus Thomas (Piacenza), 42 (1939), p. 65-68.
Thus, in his first Quodlibet he begins by noting that questions were raised concerning God both with respect to his divine nature and his assumed human nature. Then specific questions are presented with respect to each of these (qu. I; qu. 2, aa. 1 and 2). Next, continues Thomas, two questions were raised concerning angels (qu. 3, aa. 1 and 2). Then, he notes, questions were posed concerning man - first with respect to the good of nature (qu. 4, aa. 1, 2, 3); 2) 24 21
On this see GLORIEUX,Le Quodlibet et ses procédés rédactionne/s, p. 68. See GLORIEUX,op. cit., p. 77-81. See GLORIEUX,op. cit., p. 77.
168
CHAPTER I
then with respect to the good of grace, a series of questions treating of contrition (qu. 5), confession (qu. 6, aa. 1-3), cIerics (qu. 7, aa. 1-2), religion (qu. 8, aa. 1-2), and that which is opposed to the good of grace, viz., sin (qu. 9, aa. 1-4). Finally, concIudes Thomas, questions were raised concerning the good of glory (qu. 10, aa. 1-2) 26. Or in Quodlibet 11, by using the same technique, Thomas ultimately incorporates seven general questions (several of which are once more subdivided into articIes in the modern edition) under three general headings questions concerning Christ, questions concerning angels, and questions concerning mano Or, for a slightly later illustration of the same, Giles of Rome introduces his Quodlibet 11 by commenting: Ut quaestiones in nostro secundo quodlibet propositae ad debitum ordinem reducantur, dicendum quod in eo primo quaerebatur de pertinentibus ad totum ens in generali, et secundo de pertinentibus ad ens in speciali 21. By following this same procedure and by appropriate subdivisions Giles eventually incorporates thirty questions into this Quodlibet. In the Quodlibet ex abrupto, even this simple listing of appropriate
general headings and the subsequent subdivisions are missing. The Master simply begins his ordered presentation of the various questions without explicitly mentioning the general headings into which he has divided them. In other words, even though he has imposed an organizing plan, he leaves it to the reader to divine this for himself. The presence of the plan is enough to show that one is not dealing with a mere reportatio of a first oral session, from which any such plan would be lacking. But the absence of explicit reference by the Master to his principles of division and subdivision distinguishes this kind of Quodlibet from the other types singled out by Glorieux. As Glorieux observes, most of those who followed this procedure belonged to religious orders. See, for instance, Jacques de Thérines, Cist.; Rémi de Florence, O.P.; Raymond Rigauld, O.F.M.; Sibert de Beek, Carm.; William of Alnwick, O.F.M.; John Baconthorp, Carm. ; Peter Swanington, Carm. ; Gui Terrêna, Carm. ; and to cite a non-Master who conducted Quodlibets, William of Ockham, O.F.M.28. Also, it is interesting to note that in Thomas of Sutton's Quodlibet I, we seem to have a combination of the Quodlibet ordinaire
2. Here we have followed R. SPIAZZI'Sedition, in which he has divided many of the individual questions within Thomas's Quodlibets into articles. See S. Thomae Aquinatis Doctoris Ange/ici Quaestiones Quodlibetales. Turin and Rome, 1956. By following instead a continuous numeration of each of the individual questions, one ends with 22 questions in this Quod1ibet. 27 For GILES, see his Quodlibeta. Louvain, 1646; repr. Frankfurt Main, 1966, p. 4 a. 28 See GLORIEUX,Le Quod/ibel et ses procédés rédactionnels, p. 77-78.
DEFINITION
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and the Quodlibet ex abrupto. Thus Thomas begins by noting that questions were raised conceming God the creator and creatures. A regards God, he then notes that questions were raised conceming hi truth, the origin of the divine persons, and his power both ad intra and ad extra. But then the reader is left to fend for himself in determining how these general divisions are worked out in particular, especially for questions 8 through 21 29. In the Quodlibet with an Introduction the Master is not content merely to indicate the general headings for his various divisions and subdivision , but also offers some kind of justification for these. As examples Glorieux cites, among others, Giles of Rome, Quodlibet 111; Peter de Trabibu , Quodlibet 11; Peter de Palude, Quodlibet I; Godfrey of Fontaine , Quodlibets IV, V, VI, and IX; Henry of Ghent, Quodlibets VII, VIll, and almost all of his others; Thomas de Bai1ly, Quodlibets I and IV. As Glorieux himself recognizes, it is very difficult to draw a sharp division between Quodlibets of this type and those in his first category, Quodlibet ordinaires. In the present class, Glorieux finds a somewhat greater effort on the part of the Master to legitimize his divisions and subdivisions. The distinction between the two is so slight, however, in our opinion, that one would be well advised to collapse them into one category. For instance, there seems to be little reason not to include Godfrey of Fontaines' Quodlibets I, 111, and perhaps even VII and VIII under Glorieux's Class 111.And one might easily regard as Quodlibets with ao Introduction Giles of Rome's Quodlibets I, 11, IV, V, and VI, as well a his Quodlibet m 30. What Glorieux calls Quodlibets with a Summary are much easier t distinguish from all other types. Here the Master begins by pre entin not only the main general headings which he will eventually subdivid so as to include the various particular questions (as in Classes I and 111); he also develops the complete set of divisions and subdivision it the very beginning of his written determinatio so as to incorporate ali th . questions. One finds excellent illustrations of this in J ames of Viterb '. Quodlibets I, 11, and m, although such is absent from his Quodlibct
19 ee Thomas von Sutton Quodlibeta, ed. by M. SCHMAUSwith M. GONZALEZ-HABA. MUnchen, 1969, p. 3, for Thomas's brief introductory remarks. 30 ec GLORIEUX,Le Quodlibet et ses procédés rédactionnels, p. 78-79.
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CHAPTER I
IV 31. In fact, what one has is a kind of introductory essay for the Quodlibet which lists and in some way justifies ali of the divisions and subdivisions 32. Preparation of such introductions evidently required a considerable amount of thought on the part of the Master and confirms once more that the order of the questions found in the Master's determination is anything but haphazard and could not, therefore, have been present in the initial disputation at the first oral session. As Glorieux has noted, the presence of such detailed introductions can be of considerable critical value to the modero reader in recognizing, for instance, that one or more questions are lacking from a given Quodlibet 33. In the fifth and final kind of Quodlibet singled out by Glorieux, the Quodlibet with a Prologue, the Master introduces it with a kind of literary flourish, often by citing a text from Scripture or from the Fathers, in order to develop quickly a learned or perhaps a pious thought, and then moves from this to his division of the particular questions. As examples Glorieux cites John Peckham, Quodlibet 111; Roger Marston (see Quodlibets I, 11, and IV, Quodlibet 111 being rather a Quodlibet ex abrupto) 34; Raymond Rigauld, Quodlibet VIII; Vital du Four; John Duns Scotus; James of Ascoli; Nicholas Trivet, Quodlibet I; Peter Aureoli; Francis of Meyronnes; and Petrus Thomae. As Glorieux notes, all but Nicholas were Franciscans 35.
DEFINITION
171
distinguishing between Categories I and 111),recognition of the particular plan employed in a given Quodlibet can sometimes yield important results for the modero researcher 36. Not only may this enable him to recognize that a given Quodlibet is incomplete; it may help him resolve textual problems of other kinds, especially those having to do with authenticity. More will be said about this below in Chapter 11137. As a fourth distinguishing feature of the University Quodlibet in the Theology Faculty at Paris, for instance, these disputations were solemn in a very special sense. Ordinary Disputed Questions (as distinguished from those that were private) were also solemn in that other lectures and disputes in the faculty would be suspended while they were being conducted (at least for their first oral session) 38; but Quodlibets were distinguished even from these in that they could be held only at two determined and relatively brief periods during the acadernic year. A few days were set aside for Quodlibets during Advent and again for a brief time during Lent. This resulted in the custom of their being referred to as Christmas (in Natali, de Nata/i) or as Easter (in pascha, de paschate) Quodlibets respectively 39. Finally, it should bc noted that Masters in the Theology Faculty, at least at Paris, were not required to conduct Quodlibetal disputes, and
While these five different organizing plans need not be regarded as mutually exclusive (see, for instance, our reservations about sharply For a number of ilIustrations of this, see GLORIEUX,op. cit., p. 83-93. See below, p. 191-192. 31 See the following from the statutes for the Theology Faculty at Bologna: "Et si ad ipsum annualis regentia cathedre libere de iure transierit, tenetur pluries disputare et semel de quolibet semelque magistraliter determinare. Detenninationis autem actus incipit bene de mane, cum sit prolixus, et toto mane nulla sit lectio, ut bachalarii omnes, et formati et legentes et lecturi, quia omnes tenentur, detenninationi valeant interesse" (EHRLE, I piu antichi statuti, p. 45). One wonders whether the act of determining as it is used here applies only to Quodlibets or to Ordinary Disputed Questions as well. In any event, as it is used here, it implies a suspension of morning classes. There seems to be orne disagreement on the part of modero scholars as to just how solemn Ordinary Disputed Questions really were. Compare, for instance, GLORIEUX,L'Enseignement au Moyen Age, p. 124,128-131; DONDAINE,Secrétaires de Saint Thomas, p. 131ff., 211-212; LITTLEand PELSTER,Oxford Theology and Theologians, p. 36-37. What is needed, in our opinion, as already suggested above in note 16, is a c1ear distinction between Ordinary Disputed Questions, which were solemo, and private Disputed Questions, which were noto For this see LITTLE and PELSTER,loc. cito For more 00 this and for the Disputed Question in general see the section in this volume by B. BAZÁN. J9 See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. I, p. 83-87, who places them near the beginning of Advent, perhaps in lhe econd week, and in the middle of Lent, between the third Sunday and Palm undny. Ais see v I. 2, p. 9. 36
For editions of these Introductions, see Jacobi de Viterbio O.E.S.A., Dlsputatio Prima de Quolibet. Würzburg, 1968, p. 1-4; Disputatio Secunda de Quolibet. Würzburg, 1969, p. 1-4; Disputatio Tertia dJ Quolibet. Würzburg, 1973, p. 1-6. All edited by E. YPMA. 32 As other examples Glorieux cites Prosper de Reggio Emilia, Beroard de Saint-Denys, Beroard of Trilia, Henry of Lübeck, Henry of Germany, Gérard of Sienna, and an Anonymous Quodlibet. As he notes, four of these were Augustinians, that is, James of Viterbo, Henry ofGennany, Prosper, and Gérard. Op. cit., p. 80-81. One should distinguish this kind of Quodlibet from those where one has at the very beginning a simple listing of the maio kinds of questions and of each particular question to be considered, but without any attempt at theoretical justification for the divisions and subdivisions. For good ilIustrations of these, see the Introductions to some of the Quodlibets of Gerard of Abbeville contaioed in Godfrey of Fontaines' Student Notebook, Paris, Bibl. Nat. lat. 16.297, especially foI. 147 (Quodlibet XI according to Glorieux's enumeration in La littérature quodlibétique, vol. I, p. 120-121); and foI. 152va-b (Quodlibet XVIII). 33 As an example GLORIEUXcites the case of Prosper de Reggio Emilia, much of whose Quodlibet is missing. Op. cit., p. '80. 34 This is my view, in any event, based on the recent critical edition by G. ETZKORN and 1. BRADY,Fr. Rogeri Marston O.F.M. Quodlibeta Quatuor. Quaracchi, 1968. Glorieux did not indicare which of Marston's Quodlibets he had in mind. See op. cit., p. 81. GLORI UX, op. cit., p. 81. JI
)S
31
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CHAPTER I
DEFINITION
that not ali did 40. Given their taxing nature, one can readily understand why this was so. At the same time, for other great Masters they became a major - even the major - vehicle for dissemination of their views to the learned publico Examples such as Henry of Ghent, Godfrey of Fontaines, J ames of Viterbo, and J ohn Duns Scotus come to mind. In addition to the great sense of actualité they often convey by reason of their nature and their origins (de quolibet and a quolibet), Quodlibetal Disputations are evidently of considerable importance today for scholars who would know more of the mature thought of those Masters who relied on them either heavily or even almost exclusively. As will be recalied, in University circles conducting Quodlibetal Disputations was a privilege reserved for Masters. And in order to become a Master in Theology, one must have at least reached the age of 35 41. 3.
PRACTICAL
DISTINGUISHING FROM OTHER
RULES FOR
SURVIVING
SURVIVING
QUODLIBETS
DISPUTED
QUESTIONS
Given the above points of similarity and difference between Quodlibetal Questions and other Disputed Questions, what is one to do today when confronted with a set of questions one wishes to identify in terms of its precise literary genre? That this is not an idle question is best illustrated by examples of misidentification made by some of the finest specialists of the twentieth century. Reference has already been made to instances where early examples of Disputed Questions were misconstrued as Quodlibets 42. And the series of Questions originally edited by Glorieux in vol. 1 of his La littérature quodlibétique and identified there as Anonymous Quodlibet IX have subsequently been recognized to be not a Quodlibet but reportationes ofvarious Disputed Questions. Again, the Questions identified by Glorieux in the same context as Anonymous
•• At least, this seems to have been true at Paris, if one judges from the surviving Iists of Quodlibets and compares them with the known Masters of the período See GLORIEUX, L'Enseignement au Moyen Age, p. 129-130. As the statutes cited by him there show, Bachelors were required to respond at Quodlibetal disputations. On the other hand, a statute for the Theology Faculty at Bologna (for 1364) might be taken to imply that Regent Masters there were required to conduct a Quodlibet and to determine at least once a year during their active regency. See the texts cited above in notes 38 and 18. 41 For this see DENIFLE and CHATELAIN,Chartularium, voi. I, p. 78-79 (Statutes for Theology of 1215, by Robert Courçon). 42 See note I above, and the references to Janssen and Grabmann.
173
Quodlibet VII have also subsequently been recognized to be not a singlc Quodlibet, but a collection of Disputed Questions and, apparently, of individual extracts from different Quodlibets 43.
On many occasions, of course, there will be clear indications within the manuscript tradition to show that one is dealing with a Quodlibet, or else that one is noto This may be evident from the title or the explicit or from other notations. Or it may be indicated by a table of content for a particular manuscript. But since such indications are often not present in a manuscript which contains a given set of Questions, and since one might also wish to have additional corroboration even when such evidence is at hand 44, Glorieux has proposed three practical criteria which may be of assistance in such cases. He also suggests that ali three should be present if one is to be certain that one is indeed dealing with a Quodlibet. (1) A Quodlibet wi\l be distinguished from other Disputed Questions by the considerable variety of topics treated within a work which nonetheless gives evidence of being one continuous disputation. (2) Particular questions within a given Quodlibet will be relatively brief when compared with particular questions contained in Ordinary Disputed Questions, at least when both date from roughly the same period. (3) In spite of their variety in terms of content, the various questions contained within a given Quodlibet will have been reorganized by the Master according to a principie such as one or other of those already discussed above 45. While appeal to these criteria can be very helpful in enabling one to decide whether or not a given set of questions is indeed a Quodlibet, some comments are in order. First of ali, it might be that a given set f questions contains as many different topics as one would expect to find in a Quodlibet, but that this is due to the fact that it records a number of different Disputed Questions. As Glorieux has noted, this is especially likely if one is dealing with abbreviated Disputed Questions or 46, wc would add, if one is dealing with a series of private Disputed Question rather than Ordinary Disputed Questions . ., For Glorieux's acknowledgment of both of these points, see La littérature quodlibétique, voi. 2, p. 287, and his crediting J. Koch with the correct identification of "Quodlibet VII" and Pelster with that of "Quodlibet IX". A1so see GLORIEUX,Aux origines du Quodlibet, p. 510-511. •• As Glorieux points out; even such notations by a copyist or by a later owner are not a1ways above suspicion. See Aux origines du Quodlibet, p. 507-508. 4lAux origines du Quodlibet, p. 511-514. Loc. cit., p. 513. <16
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CHAPTER I
DEFINITION
Secondly, as regards the relative length of Quodlibets and other Disputed Questions, some caution is required. Quodlibets themselves tended to become increasingly longer during the final quarter of the thirteenth and the earlier part of the fourteenth centuries, at least in their written formo Again, even regarding Aquinas's time, there is need for caution. There is disagreement today concerning whether the various questions found, for instance, in his Disputed Questions De veritate, each represent individual oral disputations, or whether each article in each question resulted from a distinct oral session. If one agrees with Dondaine in defending the first position, then, given the relative equivalence in overall length of a given question within a Thomistic Disputed Question and a given Quodlibet 47, it will follow that individual articles within such questions do tend to be longer than the individual questions (or articles) within Thomas's Quodlibets 48. This would not follow, however, if one defended the other position just mentioned. ln any event, as we have just indicated, when one turns to later thinkers such as Henry of Ghent or Godfrey of Fontaines, and even more so, to Duns Scotus, one finds that their Quodlibets have increased considerably in overall length. Not surprisingly, therefore, so has the length of the individual questions within each given Quodlibet. Given this situation, one should not automatically assume that when the individual questions within a continuous set are fairly long, one is therefore dealing with an Ordinary Disputed Question rather than with a Quodlibet. One would thereby eliminate many known Quodlibets from one's répertoire 49. At the same time, we have already suggested that Ordinary Disputed Questions often begin with a greater number of opening arguments both pro and con than do Quodlibets. ln the presence of many such arguments, perhaps ten or more, one may at least suspect that one is not dealing with a Quodlibet but with an Ordinary Disputed Question. Still, since
there are exceptions to this, one must not regard this as a hard and fast rule 50.
., For a good discussion of this, see DONDAINE,Secrétaires de Saint Thomas, "Appendix I", p. 209-216. •• This follows because of the relatively greater nurnber of questions disputed in a given Quodlibet, on the one hand, and the smaller number of articles contained in a typical question of a Disputed Question, on the other. •• For instance, Godfrey of Fontaines' Quodlibet VI, qu. 7 nurnbers 25pp. and his Quodlibet VII, qu. 5 fills 38pp. in the printed edition, while Ordinary Questions I, lI, and 11I as edited in that same series number 17, 25, and 20 pages respectively. It must be acknowledged that qu. 7 of Quodlibet VI and qu. 5 of Quodlibet VII are atypically long within their respective Quodlibets.
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As regards the third criterion proposed by Glorieux - the presence or absence of an organizing plan in a Quodlibet - this will not apply, of course, in those rarest of cases where one has a reportatio of the first day's oral disputation. Hence, the absence of such an organizing plan would not of itself preclude the possibility that one is dealing with a Quodlibet, if what one has is indeed a reportatio. Nor does the presence of some kind of common theme in a given set of questions make it absolutely impossible that it is a Quodlibet, although such a situation would be most unusual. Godfrey of Fontaines' Quodlibet XIV appears to be one such exception, if one concedes that it is a Quodlibet 51. ln sum, then, subject to the caveats just mentioned, Glorieux' s proposed criteria can be of great help in enabling one to identify a given set of questions as a Quodlibet or else as another kind of Disputed Question. One would normally expect to find much greater variety of topics in a Quodlibet than in other Disputed Questions. And one would also expect to find these many and disparate questions organized according to some kind of plano Appeal to length alone, however, can be very risky, and should, it would seem, be controlled by the presence or absence of the other two criteria.
se See note 16 of our text above . " On Godfrey's Quodlibet XIV as an exception see GLORIEUX,Aux origines du Quodlibet, p. 511. As another exception he cites Robert Holcot's Quodlibet I. For more on the nature of Godfrey's Quodlibet XIV, e WIPPEL, The Metaphysical Thought of Godfrey of Fontaine , p. xxix-xxx.
EV
CHAPTER
11
EVOLUTION OF THE QUODLIBETAL QUESTION IN THEOLOGY FACULTIES In Chapter I the Quodlibetal Question has been described and defined in the main as it existed in the second half of the thirteenth century and in the opening decades of the fourteenth century in Theology Faculties, and especially at Paris. Relatively little is known about its origins prior to 1230. It has been suggested by some that this teaching technique may have already existed in and hence possibly been borrowed from law schools of the late twelfth century 52. Here again, however, the evidence available is so limited that it is doubtful that Quodlibets, as distinguished from other Disputed Questions, had already come into existence by that time. For that matter, relatively little is known of the Quodlibet's precise literary form even as it appears in the 1230's in the Theology Faculty at Paris 53. Presumably, even then for it to be recognized as a Quodlibet and hence as distinct from other Disputed Questions, it would have allowed for questions to be posed by anyone present (a quolibet) and about any topic (de quolibet). But one may wonder whether detailed
" See J. DE GHELLINCK,Le Mouvement Théologique du XII' Siêcle. 2nd. ed., Brussels and Paris, 1948, p. 208, and the references given there in n. I. Cf. BOYLE,The Quodlibets of St. Thomas, p. 245 (the casus-type question was a common teaching method in the law schools of the late twelfth century "from which, in fact, the schools of theology borrowed the technique of both the Disputed Question and the Quodlibet"). AIso see H. KANTOROWICZand W.W. BUCKLAND, Studies in the Glossators of the Roman Law. Cambridge, 1938, p. 82ff. Bulgarus of the School of Bologna would have introduced the Disputed Question in the mid-twelfth century. This type of university instruction would have passed from Schools of Roman Law to Canon Law and Theology, and not vice versa. However, we find no evidence given there ofthe existence ofQuodlibetal Questions. Rather, it was the Master who formulated the original casus or quaestio. For more precisions on this see KANTOROWICZ,The Quaestiones Disputatae ofthe Glossators, in Revue d'Histoire du DroitjTijdschriji voor Rechtsgeschiedenis, 16 (1939), p. 1-67, especially p. 22 and 46. On p. 46, see note 128: "Glorieux's assertion (op. cito [La liuérature quodlibétique) lI, Paris 1935, 21) that there were improvised disputations on whatsoever problems in canon law too (qu. quodlibeticae) is groundless". See also Part 111of this volume. S) See GLORIEUX, Ou en est Ia question du Quodlibet?, in Revue du Moyen Age Latin, 2 (1946), p. 411. There he notes that surviving documents do not authorize apodictic conclusions about the origins of the Quodlibet, but continues to defend 1230-1235 a lhe most likely date in light of the available evidence.
L
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organizing plans were already developed by Quodlibetal Masters at that time, and whether the Quodlibet had therefore already taken on its distinctive literary form - a multitude of disparate questions giving every indication of resulting from a single disputation, and organized according to some logical or coherent plano Among these earliest Parisian Quodlibets, Glorieux has included two anonymous ones (X and XI) from 1230-1233 and 1231-1248, along with Quodlibets I and 11 of Alexander of Hales (1231-1238), Quodlibets 1VII of Guéric of Saint-Quentin (1233-1242), and Quodlibet I of Eudes of Châteauroux (1238-1240) 54. In addition to these, some other Quodlibets contained in a Stockholm manuscript have been more recently identified and partially transcribed by F. Stegmüller. These seem to date from the 1230's and 1240's and in some cases, at least, may serve to cast further light on the literary form of the Quodlibet of that time 55. First, then, as regards the presence or absence of organizing plans, such are clearly present in the two Quodlibets assigned by Glorieux to Alexander of Hales. In each case, the incipit clearly indicates the presence of such general plans of organization. Thus in Quodlibet I we are informed that questions were raised, first concerning God, and secondly concerning creatures. Then appropriate subdivisions are also introduced. In Quodlibet 11the incipit notes that questions were raised pertaining to man, and others pertaining to angels. As regards man, certain ones were posed pertaining to his soul, etc.56• Again, to take but the first Quodlibet assigned to Guéric of Saint-Quentin, the incipit notes that six questions were raised de quolibet: first, certain ones concerning charity, and econdly, whether there is only one truth. The presence of some kind of dividing plan is also in evidence in the other Quodlibets attributed to him by Glorieux, and apparently also in the one assigned by Glorieux to Eudes of Châteauroux 57. When one turns to the Stockholm manuscript, to judge from the portions of the text reproduced by Stegmüller, in some cases it would be difficult on purely formal grounds to identify some ofthe Questions contained therein as Quodlibets rather than as other Disputed Questions. In fact, the procedure employed in
,. See loc. cit., p. 411; also, La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 374. " See his Quodlibeta Holmensia, in Divus Thomas (Freiburg in der Schweiz), 27 (1949), p. 201-222. On the dating of the various Quodlibets contained in this manuscript, see p. 202. 56 For these see GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 57-59. Note in particular his transcription of the incipits for each of these (p. 58, 59). "See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 107-111. For Eudes see op. cit., p. 75-76.
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CHAPTER II
some of the first Questions is fairly primitive, and reminds one of that used by Simon of Tournai in his considerably earlier Disputed Questions 58. Some of them, however, are explicitly introduced as Quodlibets. Thus Question IV is said to be de Quolibet. This is followed by only one question: "Utrum sit eadem visio viae et patriae". One would expect this to be followed by other questions, but such are lacking. Perhaps this is due to the incomplete state of the texto Question V is also explicitly introduced as de Quolibet. This is immediately followed by a simpie enumeration of four general headings under which the following questions will fali: first, a moral question; secondly, a question of faith; thirdly, one concerning the sacraments; and fourthly, whether there will be vocal speaking in heaven (patria). One of these classes, that concerning faith, is subdivided into four other questions. Question VI is again identified as de Quolibet, and includes a simple listing of various questions that seem to have been raised. But solutions are not provided in the manuscript 59. Question VIII of the Stockholm manuscript is the most interesting for our purposes. It is explicitly identified: "Quaestio est de quolibet fratris Gaufridi". Stegmüller has identified this Frater as Gaufridus de Blenello, O.P., who was Regent Master at St. Jacques in Paris from 1235-124260• This Quodlibet contains fifteen distinct questions and, while the manuscript does not explicitly indicate the precise organizing plan used by Gaufridus, some such principie seems to be present. The Quodlibet reminds one of what Glorieux has identified as a Quodlibet ex abrupto. It meets the other defining characteristics of a Quodlibet as proposed by Glorieux, in that it examines a wide variety of questions while evidently resulting from one disputation, and the individual questions contained therein are quite briefly treated 6'.
5.
See, for instance, under Quodlibet I, where one has but two questions, each concerning the resurrection; or Quodlibet li, where three questions are raised concerning the sacraments. See STEGMOLLER,op. cit., p. 203-205. Compare with Simon of Tournai's general procedure where under each general heading (Disputatio) one or more specifíc and often related more particular questions wi\l be raised. See, for instance, Disputationes LXVI-LXX where under the general headings the particular questions disputed range from three to tive. Disputatio LXXI begins with the announcement: "Hac disputatione multa quesita sunt", and very briefly considers eight questions, ali of which are related to Christ and the Eucharist. Ed. cit., p. 183-203. 5. STEGMOLLER, p. 204-210. •• Op. cit., p. 211, 202. •, Op. cit., p. 211-217. As regards the plan employed by Gaufridus, Questions I (on God as eternal truth), 2 (on the procession of the Holy Spirit), and perhaps 3 (on the vision of God) ali seem to treat of God. Questions 4, 5, and 5a treat in some way of the sacraments. Question 6 treats of a penalty (excommunication), 7 of usury and simony, and 8 of original sinoHence ali seem to be related to sin in some way. Qu. 9 asks whether a text from Augustine's De natura boni applies to light, and is more difficult to tit into the organizing scheme. Qu. 10 examines the relative priorities of lhe active and lhe contemplative life, while qu. 11 asks whom Christ loved more, Peter or John. Thcse tw could easily be connected. Questions 12 through 15 treat of more practical moral m tters,
EVOLUTION
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Subject to correction in light offurther manuscript discoveries concerning this early period (1230-1250) in Theology at Paris, therefore, it seems first, that the Quodlibet had clearly already emerged as a distinctive type of exercise with its resulting literary forro, and secondly, that even during this early period Quodlibetal Masters were searching for and employing ome kind of organizing plano Such plans do not seem, in the main, yet to have evolved as fully as they would during the latter part of the thirteenth century. And some ofthese earliest Quodlibets contain relatively few individual questions, while others have almost as many as one might expect later in the century. ln any event, by the 1250's and 1260's the Quodlibet had taken on its distinguishing characteristics as already indicated above in Chapter I. Undoubtedly, there was continued development in certain respects, especially as regards the ever more complicated organizing plans devised by late thirteenth- and early fourteenth-century Masters. Moreover, as we have noted above, surviving written versions of Quodlibets tended to become considerably longer during the latter part of the thirteenth century and, as regards sheer length, reached their peak in the first decade of the fourteenth century with John Duns Scotus. Quodlibets eventually were employed in other University Theology Faculties, especially at Oxford. These, too, are valuable sources for our knowledge of medieval philosophy and theology and do, in the main, preserve the defining literary characteristics mentioned in the previous Chapter. To mention but a few, the Franciscan Roger Marston's four Quodlibets were probably ali disputed at Oxford from 1282 until 1284 where, it is reported, some time before John Peckham had introduced the Quodlibetal Disputation 62. Richard Knapwell's Quodlibet I seems to date from 1284-1285, the time of his Oxford regency 63. Somewhat later, ca. 1306-1310, another English Master, the Franciscan Richard Conington, conducted some Oxford Quodlibets 64. Though more difficult uch as fraternal correction (12), a priest who while celebrating remembers that he is in grave sin (13), how long the sacrament of penance can be deferred (14), and the fate of a Jew who dies with only venial and original sin (15). For more on Gaufridus see GLORIEUX,Répertoire des Maitres en Théologie de Paris au XIII' Siêcle. Paris, 1933, vol. I, p. 59-61 ("Godefroid de Bléneau"), .2 See Fr. Rogeri Marston O.F.M. Quodlibeta Quatuor, G. ETZKORNand I. BRADY,editors. Quaracchi, Florence, 1968, p. 30·, 44·, 68·-69·. 6l See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 255. 64 See V. DOUCET, L'oeuvre scolaslique de Richard de Conington O.F.M., in Archivum franciscanum historicum, 29 (1937), p. 6-442, especially p. 428-430. Also see GLORIEUX, O,l en est Ia question du quodlibet l, p, 407.
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·V
HAPT R 1\
to date precisely, Thomas ofSutton's four Quodlibet are imp rtant representatives of the Oxford Dominican School of the late thirteenth and early fourteenth centuries 6S.
It should also be noted that Quodlibets in Theology eventual1y spread beyond University faculties. By 1280 or thereabouts Quodlibets were already being held in various Houses of Study of Religious Orders. In the absence of any Master of Theology in such Houses, Bachelors could and did conduct Quodlibets. As better known examples, one may cite Peter Olivi in the latter part of the thirteenth century, and William of Ockham in the fourteenth century 66. Again, Giles of Rome is reported to have conducted a Quodlibet at a General Chapter of the Augustinian Order at Sienna in May, 129561• Quodlibets were also conducted at the Roman Curia. John Peckham's Quodlibetum Romanum is one well-known example of this. Others were held at Avignon during the Popes' stay there, such as, for instance, the three Avignon Quodlibets of Durandus of Saint-Pourçain 68.
One need not assume that in these extra-University contexts the times for holding Quodlibets were restricted to Advent and Lent, as they were in Theology at Paris. Nor need one assume that they would then necessarily be surrounded with the same solemnity they enjoyed when they were conducted as official University exercises, at least as regards those held in Houses of Study of Religious Orders. Thus it is not as
65 There is some difficulty both in establishing the date of Sutton's promotion as Master and the dates of his Quodlibets. If one proposes a fairly late date for his becoming a Master (Iate 1290's) and an early date for his first two Quodlibets, 1280's or mid-1290's, one would conclude that he conducted these before becoming a Master. But both the date of his promotion and the dates of his Quodlibets remain uncertain. At best it seems that the first two date from the late thirteenth century and the final two from the early fourteenth century. See Thomas von Sutton. Quodlibeta, M. SCHMAUS, ed. with M. GONZALEZHABA. München, 1969, p. XI-XII, XVI-XXII. 66 See GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 22-28. On Olivi's Quodlibets see E. BETTONI, Le dottrine filosofiehe di Pier di Giovanni Olivi. MiJan, 1959, p. 31-32 (for additional references see p. 31, notes 2 and 3); GLORIEUX, op. cit., p. 205ff; (but see p. 36 for some doubt as to whether the "Quodlibets" edited under Olivi's name are really Quodlibets). On Ockham's Quodlibets see J.c. WEY, ed., Venerabilis ineeptoris Guillelmi de Ockham Quodlibeta Septem. St. Bonaventure, N.Y., 1980, p. 31*-32*. WEY argues both that Ockham's Quodlibets were the results of oral disputations, and that they were held outside the University, in the Franciscan House. 61 See DENIFLE-CHATELAIN, Chartularium, vol. 2, p. 64n. •• For editions see Ioannis De Peeham, Quodlibet Romanum, E-M. DELORME, ed. Rome, 1938; D. Durandi A Saneto Poreiano Quolibeta Avenionensia Tria, P. STELLA, ed. Zürich, 1965.
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likcly that they would be attended by such distinguished audiences as w uld University Quodlibets conducted by the greater Masters 69. inal1y,as will become more evident in the following Chapter, relatively liule is known about the precise interaction between a Master and his Ic ponding Bachelor at Quodlibetal Disputations. During their "Golden ge" (ca. 1250 until the 1320's) in University Theology Faculties, dctermination of Quodlibets was a privilege reserved for Masters. At the same time, it may be that the role of the responding Bachelor tended to bccome more pronounced in some Quodlibets of the late thirteenth and arly fourteenth centuries. As already noted above, this should not be tnken to mean that it was no longer the Master who "determined" at uodlibets, or that it was no longer the Master's Quodlibet. Still, it has b en suggested that a Bachelor's role as responsalis might be sufficiently reat in a given Quodlibet for it also to be attributed to him 70. This has been proposed by L. Hõdl as a way of reconciling the fact that so many Quodlibets have been assigned to Hervé of Nédellec with his reiatively h rt career as Regent Master. He would have determined the first three of his Quodlibeta maiora as Regent Master. But as regards those known as Quodlibeta minora, in at least two cases he would have played an important rale in the original disputations not as Master but as responding Bachelor, under Arnold of Liêge in the case of Quodlibet IX, and under John of Paris in the case of Quodlibet VIII. Because of this, both of these Quodlibets would have been nssigned to Hervé himself ", This is an interesting proposal, and merits fuller mvestigation, If correct, it would mark an important step in the evolution of
See GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 27. See GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 2, p. 35-36. In fact, suggests Glorieux, it could be that the same Quodlibet might be correctly assigned to two persons, the determining Master, on the one hand, and the responding Bachelor, on the other. He ha , however, found no example of this. 11 See HOOL, Die Quodlibeta Minora des Herveus Natalis O.P. (t 1323), in Münehener Theologisehe Zeitschriji, 6 (1955), p. 215-229. In this article Hõdl defends the authenticity f the Quodlibeta minora against doubts raised by Glorieux (with the exception of "Quodlibct XI" which Hõdl too recognizes to be taken from the shorter versions of Godfrey of Fontaines' Quodlibets 111 and IV). He refers to a solution proposed by A. de Guimarães according to which Hervé would have disputed most of the Quodlibeta minora as a Bachelor outside Paris, but rejects this as inadequate in that it fails to account sufficiently f, r the literary peculiarities of some of these and fails to vindicate their authenticity (p. 216). His own solution would help account for unusual manuscript indications such as ne from a Florence manuscript identifying Quodlibet IX as "quodlibet Amulphi determinatum per magistrum fratrem Herveum" (p. 216), or the fact that Quodlibet VIII is u cribed to John Quidort by a Klosterneuburg ms. (p. 217). 69
10
182
CHAPTER II
the Quodlibet in the early fourteenth century 72. One wonders, however, whether another and simpler solution might not be proposed for at least some of Hervé's Quodlibeta minora. Perhaps some ofthese did not result from his official University functions either as Master or as Bachelor, but from private disputations carried out by him only for his Dominican colleagues, either before or after his career as Regent Master 73.
CHAPTER III
RULES OF CRITICISM FOR QUODLIBETAL QUESTION In this Chapter we shall examine questions relating first t th "authorship" of Quodlibets; secondly, surviving written ver i o 01 Quodlibets; thirdly, the dating of Quodlibets; fourthly, the langua of Quodlibets; and finally, the author's freedom both in the ri inul Quodlibetal Disputation and in preparing bis final written ver i o o th ame. 1. AUTHORSHIP
72 In developing his solution for Quodlibet IX, Hõdl makes much of the fact that there are references there in q. 5, 6, and 8 to the respondens (p. 224-225). This is not all that unusual in quodlibetal literature and would not of itself, in our opinion, justify the conclusion that the Quodlibet could therefore be assigned to Hervé simply because of his important role as respondens. But the Florence ms. attribution of it to Arnulph and to Hervé does pose a special problem. For another solution for this problem see PELSTER,
Eine Münchener Handschrift des beginnenden vierzehnten Jahrhunderts mit einem Verzeichnis von Quaestionen des Duns Scotus und Herveus Natalis, in Franziskanische Studien, 17 (1930), p. 269-270. Hervé's colleague, in the Dominican chair for foreigners, Arnold of Liêge,
would have disputed or at least announced his intention to dispute a Quodlibet, but would have been prevented from holding the determinatio because of illness or for some other reason. Hervé, recently having been licensed, would have taken his place. (It will be recalled that the text cited in n. 71 does refer to Hervé as Master.) ln fact, suggests Pelster, this would have been Hervé's first Quodlibetal determination and would account for its being described as primum quolibet parvorum (that is, the first of his quodlibeta minora) in a Madrid ms. (Bibl. Nationale, 226). This solution is accepted by A. TEETAERT, La littérature quodlibétique, p. 84-85. As regards Quodlibet VIII, Hõdl notes that the reply to qu. I begins with this remark: "Respondeo respondendo ad istam quaestionem" (see p. 227-228). But neither this formula nor the development of qu. 2 necessarily demonstrates, in our opinion, that the solutions proposed must be assigned to a responding Bachelor (Hervé, according to the hypothesis) rather than to the determining Master (Hervé?). 73 Perhaps some such explanation would help one account for the unusual literary characteristics of Quodlibet V, already recognized by Hõdl (p. 228). Thus it lacks the usual introductory formula and more importantly, concludes as if it were written in the form of a letter. Still, Hõdl rightly maintains that it originated from a disputation, but also insists that Hervé determined it as a Master. One still wonders when and where.
As we have already indicated, at least during their "Golden A in Theology Faculties at Paris and other Universities, Quodlibet w r clearly regarded as the works of Masters. Nonetheless, it is also cl ar that some role was reserved for one, possibly for more Bachelors, durin these formal exercises. Thus, to have served as a respondens at a Ma ter' Quodlibet was laid down as one ofthe conditions required for a Bachelor' promotion 74. Even so, there has been some difference in emphasis on the part f contemporary scholars concerningthe reIative degree to which Bachei r and Master actively participated in the first day's session in Quodlibetal ,. Although reference has already been made to these above in note 19, it may be h lpful here for us to quote the following statutes for the Theology Faculty at Paris. from the Statutes of 1335-1366, art. 18: "Item, nota quod bachalarii in theologia ten 'nl'" respondere de questione in locis publicis aliis bachalarüs quinquies ad minus, ant qu '11I licentientur, scilicet in aula episcopi Parisiensis, quando fit ibi aliquis novus magi I 'r li' theologia.... Item semel de Quolibeto in Adventu vel circiter; item semel in disput ti nibu generalibus antequam pennittatur sibi legere Sententias". AIso see from the Statutcs for 1366-1389, art. 43: "Item, quod legentes Sententias de domibus Mendicantium et anel, Bernardi respondeant de Quolibetis ante quartum principium, omni dispensation seclusa; alioquin ipsis interdicitur quartum principium et ulterior lectura Sententiarum. eculares autem et alii religiosi respondeant de Quolibetis ante licentiam ..."; art, 4 : "Item, quod quilibet bacalarius formatus faciat quolibet anno duos de actibus suis, vel ad minus unum, quousque omnes actus suos compleverit, ne sint duo actus solemnc facultatis in eadem hebdomada .... Actus autem ad quos tenentur sunt: Responsionses de Quolibetis, Sorbonica, ordinaria, at aula ..." (italics mine). For these and other sce DENIFLE-CHATELAIN,Chartularium ...• vol. 2. p. 691-704, and GLORIEUX,La liuérature quodllbétique, vol. I, p. 12-1 .
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HAPTER 11I
debates. (Here we do not have in mind the clearly exceptional situation where a University Quod1ibet might perhaps have also been assigned to a responding Bachelor because of bis unusually predominant role in the original disputation 75.) According to one view, perhaps best represented by Glorieux, the Master would not on1y have presided over the initial day's disputation, but after bis Bachelor had attempted more or less successfully to meet the various objections raised about any given point by others and perhaps had even proposed a response to each major question, it would remain for the Master himself to offer bis preliminary responses to each of these questions. The degree to which the Master actively participated in this fírst session would undoubtedly vary. If the responding Bachelor had been unusually effective in treating a particular question, the Master might pay him high honor by simply stating as much and letting bis resolution of that question stand. In any event, it would on1y be in a subsequent oral session that the Master would be expected to offer bis definitive solution, or his determinatio, for each of the questions raised 76. According to another view, the Master's active role during the fírst day's disputation would normally be less. He would certainly preside, and this of itself would be enough for this disputation to be regarded as bis Quod1ibet, not as that of bis Bachelor. Nonetheless, the Bachelor would be given considerable freedom and responsibility in bis attempt to meet the various objections and even, it would seem, to offer bis own solutions to the major questions raised by those present in the audience. The Master's personal response to each of the particular questions would normally not be presented during this fírst day's disputation, not even in preliminary fashion, but would be reserved for the second oral session, the determinatio 77. 7>
RULES OF
R1TICISM
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A f thi writing I myself have been unable to find sufficient evidence 10 decide this issue definitively either way. Some evidence offered by orne to support a more active role for the Bachelor in the first day's s i n seems, in my opinion, to apply to other Disputed Questions, but not necessarily to Quodlibets and not necessarily at Paris 78. Again, the Iw versions of Peter of Tarentaise's single Quodlibet appear to point to I stronger role for the Master even in the fírst day's disputation. For if, IS eems to be the case, we there have a reportatio of the fírst oral ion, the solutions and even the replies to objections all are apparently ,. igned to Peter himself, not to bis Bachelor 79. One might, of course, ICC unt for this by suggesting that it is nothing but an accepted literary .onvention for Quodlibets. But, in the absence of evidence to the contrary, II would seem that one should take this text at face value. While admitting Ih t the respective roles of Master and Bachelor during the fírst day's s ion probably varied considerably, it seems likely to me that on many o oca ions, at least, the Master did play a fairly active role during that c ion, so much so that he would have even then offered bis preliminary olutions to the various questions raised. In any event, this disagreement unong contemporary interpreters is largely one of emphasis. Today there erns to be general consensus, fírst, that Quodlibets involved two oral ions; secondly, that the Master would offer bis definitive solutions r determinations at the second oral session; and thirdly, that the entire Quodlibetal debate including both sessions would be formally and officially utributed to the Master. orne time after the oral disputation and determination had taken place, a Quodlibetal Master would prepare for release to the public a dcfinitive written version of bis determinatio. Certain statutes requiring that a Master submit bis written version within ten days seem to refer 00
See our discussion of Hõdl's suggestions concerning some of Hervé of Nedellec's "
ee, for instance, the various questions edited in LITTLEand PELSTERcited by BOYLE
Quodlibeta minora in the preceding chapter. 7' See GLORIEUX.La littérature quodlibétique, vol. 1. p. 31-35; vol. 2. p. 33-35 (where
(The Quodlibe/s. p. 233. n. 4) to illustrate the names of those who were Bachelors or who
he aclcnowledges that the Master's degree of participation in the first day's session undoubtedly varied considerably); L'Enseignement ...• p. 131-133.As Glorieux has frequently noted, it is possible that more than one Bachelor might serve as respondens under a given Master for one and the sarne Quodlibetal disputation. As he a1so observes. in the second oral session, the official deterrnination, it would be the Master alone who would speak (see L'Enseignement ..., p. 131).. 77 See DONDAINE. Secrétaires de Sain/ Thomas, p. 131-133. While he is here most concerned with describing the procedure in Ordinary Disputed Questions, he eem to regard that for Quodlibets as fundamentally the same in this respect. a. BOYL • The Quodlibets 01 S/. Thomas, p. 233-234.
ubmitted objections at Oxford Quodlibets and thus to show that in the first session the "ma ter's role was hard.ly more than that of referee, immediate answers to questions from th f100r being left to the Responsalis", These questions seem in the main not to be u dlibets at ali. Moreover, in the text cited above in n. 15. concerning Nicholas de Vaux- ernay, it is stated that he (the Master) "disputed" on one day and "deterrnined" on another, ,. ee GLORIEUX.Le Quodlibet de Pierre de Tarentaise, p. 242-275. Throughout Peter , iume full re ponsibility for his replie including the replie to objections: "Respondeo". r lu repor/afio gives no indicati n f ny imp rtant r le r. r re ponding Bachelor, even th u h it i a reportatio of lhe flr I ti, ° • IC n
186
CHAPTER III
not to Quodlibets but to other kinds of Disputed Questions 80. As time went on, Quodlibetal Questions tended to become considerably longer in their final written versions, and a fair amount of time would have been required for a Master to prepare them for publication. It seems likely that this final version would normally be completed during the following academic year. But there is reason to believe that a Master might release two succeeding Quodlibets for publication at the same time, as Godfrey of Fontaines may have done on two different occasions 81. In such cases even more time would have elapsed between the oral presentation of the first Quodlibet and its eventual publication. Given this possibility and given the increasing length of late thirteenth-century and early fourteenth-century Quodlibets, especially that of John Duns Scotus, it seems likely that in certain cases the final written version of a Quodlibet was considerably expanded when compared with the oral determination of the same 82. ao See the Statutes of 1331 for the University of Padua for the Faculty of Law as edited by H. DENIFLE,Archiv for Literatur- und Kirchengeschichte. Vol. 6 (1892), p. 477-478. Since these apply to Disputed Questions, to the University of Padua, and to the Law Faculty, there is no need to extend the ten day requirement to Quodlibets in Theology at Paris. 81 See GLORIEUX,La littérature quodlibétique, vol. 1, p. 53-54; A. PELZER, Godefroid de Fontaines et ses manuscrits, in Revue Néo-scolastique, 20 (1913), p. 507-510; Êtude sur les manuscrits des Quodlibets de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1937 (Les Philosophes Belges, 14), p. 240-244. Pelzer notes that Godfrey's Quodlibets V-VI were probably released together for publication. He says the same of Godfrey's Quodlibets XI-XII. He argues from the fact that only in these two cases is there a continuous numbering of peciae for succeeding Quodlibets in the manuscripts (Vatican) he is there describing. For Godfrey's other Quodlibets (V-XIV) the numbering of the peciae begins anew with each Quodlibet. On the other hand, in a personal communication and in his Les Quodlibets d'Henri de Gand et leur "exemplar" parisien, in Recherches de Théologie ancienne et médiévale, 37 (1970), p. 82, R. MACKENnotes that the same situation obtains in the case of Henry of Ghent's Quodlibets 11 and 111.Macken doubts that one must conclude that simply because two Quodlibets appear in a manuscript deriving from a University exemplar with continuous numbering of peciae, they were therefore edited and released for publication together. .2 For example, as a very !imited and unscientific experiment, I have read aloud and timed a sampling of pages from modem editions of Henry of Ghent's Quodlibet I, Godfrey of Fontaines' Quodlibet XIII, and Thomas of BailIy's Quodlibet IV. My very rough calculations suggest that at least 460 rninutes, 520 minutes, and 440 minutes would have been required for a rapid oral presentation of each of them in their present versions. Granted that the determination of a Quodlibetal debate was a long and taxing exercise, one suspects that there may have been significant additions and embellishments in some of these cases and in others, especially in that of Duns Scotus. In the case of Henry of Ghent, reference has already been made above (see note 16a) to his Quodlibet XII, qu. 31, where an independently disputed question was incorporated into the written version of his Quodlibet. Again, in his Quodlibet XI, qu. 6 Henry seems to have introduced into the corpus of the written version of this question the text of a small contemporary treati c
RULES OF CRITICISM
2. WRITTEN
187
VERSIONS
It follows from the above that written versions of Quodlibets as they urvive in manuscript may reflect any one of three different stages. (J) M t rarely, but apparently in a few cases, we have a written record of lhe first day's disputation. Here, while the Master would have conducted Ihi original session at least in the weaker sense already mentioned in th preceding section ofthis Chapter, and would, therefore, be its "author" in an extended sense of that term, the surviving written record would huve been taken down by someone else, a reportator 83. (2) On other occasions we have written versions which are reportationes of the second íuy's proceedings. These, of course, record the Master's determination md are therefore "authored" by him in that sense, even though they, 10 , would still have been set down in writing by someone else, a reportator 84. (3) Most frequently, surviving manuscripts contain not merc r('p rtationes either of the first or the second oral session, but the Master' final written determination. These have been "authored" by the Master 11\ the strictest sense of that term and, therefore, enjoy the greatest critical vulue as records of his thought. In addition to the above, an added complication is posed by the fact that abbreviationes of some Quodlibets survive. Insofar as I have been ible to discover, these are rarely if ever records ofthe first day's debate. 'l hus they usually reflect the presence of an organizing plano But other po sible explanations of their origins remain: (1) Are they direct record ind summaries ofthe second day's proceedings, in other words, abbreviated rcportationes'l (2) Or are they perhaps rather summaries drafted at som later point in time on the basis of reportationes of the second day's se sion? (3) Or perhaps are they rather summaries based on the Ma ter' itractatus parvus) in order to refute this same treatise in detail. For this and even f( r , r onstruction of this treatise see MACKEN, Heinrich von Gent im Gespriich mil e/li li / eitgenossen über die menschliche Freiheit, in Franziskanische Studien, 59 (1977), p. 161-
167. On the other hand, passing references, even passing verbatim references, in th surviving version of a Quodlibet need not always be taken to imply that such reference were added by the Master after he had presented his oral determination. For instance, in his Quodlibet 11, qu. 3 Godfrey of Fontaines incorporates a number of unrnistakable r fcrences to Thomas Aquinas's De aeternitate mundi. (For these see WIPPEL, The Metaphysical Thought 01 Godfrey 01 Fontaines, p. 160-164, and notes.) In this case we have only a reportatio, not Godfrey's final written determination. 11 ee the case of Peter of Tarentaise already mentioned above. •• CC, for instance, Godfrey f ontaines' Quodlibets I-IV; and perhaps, Thomas quinas' Quodlibet XII.
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CHAPTER
RULES DF CRITICISM
III
final written determination, but themselves drawn up by someone else? (4) Or finally, are they records ofthe Master's own notes, perhaps drafted by him in preparation for the second oral session, or perhaps his personal résumé or recollection of that same session? It is difficult to eliminate any of these possible explanations on a priori grounds. Given this situation, one is not surprised to discover that modem scholars sometimes differ in accounting for the literary origins of a given set of abbreviationes. For instance, abbreviationes of Godfrey of Fontaines' Quodlibets 111and IV survive and have been edited along with the longer versions of these same Quodlibets; and abbreviationes of his Quodlibets V through XIII still exist in manuscript. Some have argued that all of these were drawn up in their present form by Hervé of Nédellec. But Dom Lottin held that Quodlibets 111and IV owe their present abbreviated form to Godfrey himself ". If Lottin's suggestion should prove to be correct, then the abbreviationes would enjoy greater critical value as records of Godfrey's thought than if they were only drawn up by Hervé. In my opinion, this question remains unresolved. It sometimes happens that such abbreviationes are found together with a detailed critique of the views of a given Quodlibetal Master. The Impugnationes of Bemard of Auvergne against the Quodlibets of Godfrey of Fontaines, Henry of Ghent, and James of Viterbo are important examples 86. Once more, one may wonder about the identity of the party
" See DE WULF,Les quatre premiers quodlibets, p. XIV-XVI, who regarded the abbreviationes of Quodlibets 111and IV as reportationes; LOTTIN, Une question quodlibétique inconnue de Godefroid de Fontaines, in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 30 (1934), p. 857 and n. 1 (Godfrey himself authored the original versions of the abbreviationes of Quodlibets 111and IV); J. HOFFMANS,Êtude sur les manuserits des Quodlibets. Louvain, 1937 (Les Philosophes Belges, 14), p. 305 (who agreed with Lottin and would extend this judgment to the abridged versions of Godfrey's other Quodlibets, that is, V-XIII); P. STELLA, Teologi e teologia nelle "reprobationes" di Bernardo d'Auvergne ai Quodlibeti di Goffredo di Fontaines, in Salesianum, 19 (1957), p. 185-186 (who regards Hervé ofNédellec as the party responsible for all of these abbreviationes). For apparent agreement with this see A. PATTIN, La structure de l'être fini selon Bemard d'Auvergne, D.P., in Tijdsehrift voor Filosofie, 24 (1962), p. 672-674. Henry the German is credited with having rnade an abbreviation of Godfrey's Quodlibet XIV (see A. PELZER, Étude sur les manuscrits des Quodlibets. Louvain, 1937 [Les Philosophes Belges, 14 ]; p. 214-215; T. GRAF, De subieao psyehieo gratiae et virtutum secundum doetrinam seholastieorum usque ad medium saeculum XIV, Pars prima: De subiecto virtutum cardinalium [Studia Anselrniana, 3-4]. Rorne, 1935, p. 17*). •• See PATTIN,La structure ..., p. 668-737; STELLA,Teologi e teologia ..., p. 171-214. For a listing of various abbreviationes of Henry of Ghent's Quodlibets and for orne other impugnationes as well see R. MACKEN,Bibliotheea Manuscripta Henrici de Gandavo. Lcuven and Leiden, 1979, vol. 11, p. 1302-1304 ("Table des rnatiêres"). For the rcfutati n of
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originally responsible for drawing up each of these sets of abbreviationes. One should not necessarily assume that the critic, in this case Bemard, is also the person responsible for the abbreviationes themselves. One iunnot resolve such questions on purely a priori grounds and should, it w uld seem, remain open to each of the possibilities mentioned above until evidence to the contrary is found. Granted the different possible literary origins for Quodlibets as they survive in manuscript today, one may propose certain practical principles t assist one in identifying a given Quodlibet as one or other of the ubove. These principles are not to be regarded either as exhaustive or IIS infiexible, but only as working guides. First of all, a written reportatio of the first day's oral session will lack lhe order or organizing plan found both in reportationes of the second day's session and in a Master's final written determination. As already indicated, surviving reportationes of the first day's session are very rare 8'
Second/y, granted that reportationes of the second session as well as a Master's final written determination will incorporate some such organizing plan, there are often clear textual indications which show that one is dcaling only with a reportatio. For instance, there may be references to lhe Master in the third person, which one would not expect to find in a Master's final written version of his own Quodlibet. Or there may be introductory remarks or marginal notations in the manuscript tradition t indicate that one is dealing only with a reportatio 88. Third/y, there are often equally clear indications that the text contain lhe author's final written determination. For example, in Quodlibets II and X Henry of Ghent refers to what he had "written" in Quodlibet 1 rather than to what he had "said". Or in his Quodlibet 111,qu. 15, Henry writes: "Hic adverte /ector". Or in his Quodlibet 11,qu. 7, Giles of Rom refers to his effort to stimulate the minds of his "readers" rather than
Duns Scotus's Quodlibet attributed to Thornas of Sutton see J.A. SCHNEIDER,ed., Contra Quodlibet Johannis Duns Scoti. München, 1978. ., See GLORIEUX'Sedition ofthe reportatio ofthe first day's session for Peter ofTarentaise's uodlibet as cited above in n. 10. li or exarnple, DE WULF has cited both types of indications to show that Godfrey of 'ontaines' first four Quodlibets as they survive today are only reportationes. See his r marks in Les quatre premiers quodllbets, p. XV and XVI. As regards the first type, 00 number of occasions in Qu dlib ts 11 and 111 dfrcy's text refers to: "Responsio in libro ma i tri" or the equival
nt.
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CHAPTER III
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his "listeners" 89. In addition, indications in even some manuscripts that the text of a given Quodlibet has been divided into peciae may serve as another likely sigo that one is dealing with a Master's final written version of that Quodlibet. Such divisions are the earmark of copies of the University exemplar which was available at the University stationer and officialIy approved for reproduction. While division into peciae is by no means restricted to Quodlibets, such division of a Quodlibet into peciae would make it likely that the Master himself had prepared or at least approved the copy which was to serve as the University exemplar. Hence this may be taken as an added probable indication that the text in question represents the Master's final written determination rather than a mere reporta tio 89•• Fourthly, there is often a better sense of organization, a tighter structure, within the particular questions contained in a given Quodlibet when it is the Master's definitive written version rather than a mere reportatio. Or to put this another way, there is sometimes a sense of being unfínished, a certain lack of tidiness, in mere reportationes. For example, one may find replies to objections without the objections themselves appearing where they should, or perhaps, even without their being present in the Quodlibetal question at alI as it now survives 90. Application of this
criterion is, of course, somewhat subjective, and not necessarily conclusive, it would seem, unless supported by other indications such as one or more of those already mentioned. For instance, it could be that one is dealing with the Master's final written redaction of his Quodlibet, but one which circumstances did not permit him to polish completely before his death. Finally, there will sometimes be clear manuscript indications that one is dealing with an abbreviatio of a particular Quodlibet. When a longer version of the same Quodlibet survives such indications can be confirmed simply by comparing the two texts. In other cases, the very nature of the text itself and its extreme brevity will show that one has an abbreviatio rather than the fuller text 91. If one could prove that a given abbreviatio had indeed been prepared by the Master himself, it would enjoy greater critical value than any mere reportatio of the same Quodlibet. But such has proven to be very difficult to establish 92. In Chapter 1:2 considerable stress was placed upon the importance of recogoizing the organizing plan imposed by a Quodlibetal Master on his Quodlibet in enabling u today to distinguish this from other kinds of Disputed Questions. As already suggested there, examination of the particular plan employed by a given Master can also enable the modern researcher to resolve certain problems having to do with the status of a survivingtext or its authenticity. Thus this may enable one to recognize that a surviving manuscript of a Quodlibet, whether a final written version or a reportatio or an abbreviatio,
89 For Henry see Quodlibet lI, qu. 2, f. 29v; Quodlibet X, qu. 10, f. 432v; Quodlibet 11I, qu. 15, f. 74r. Cf. MACKEN,Henrici de Gandavo Quodlibet I, p. XLIII-XLIV. For Giles see Quodlibet 11, qu. 7, in his Quodlibeta. Louvain, 1646 (repr. Frankfurt/Main, 1966), p. 69a: "modum tamen datum magis posuimus ad exercitandum legentium mentes quam ad id, quod dictum est, pertinaciter asserendum", 89. For some interesting comments on the gradual discovery and increasing awareness of the importance of peciae in establishing critical editions of medieval philosophical and theological texts, including Quodlibets, see A. PELZER,Les Manuscrits des Quodlibets de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1937 (Les Philosophes Belges, 14), p. 239-244. Note his references there to the important contributions by J. DESTREZ: La "pecia" dans les manuscrits du moyen âge, in Revue des sciences philosophiques et théologiques, 13 (1924), p. 182-197; Êtudes critiques sur les oeuvres de saint Thomas d'Aquin d'aprês Ia tradition manuscrite, (Bibliothêque Thomiste 18, Section historique 15). Paris, 1933; La Pecia dans les manuscrits universitaires du XIlIe et du XIVe siec/e. Paris, 1935. For special application to the Quodlibets of Henry of Ghent see R. MACKEN,Die Editionstechnik der "Opera Omnia" des Heinrich von Gent, in Franziskanische Studien, 63 (1981), p. 231-235, and his references there to his earlier discussions of this. In addition see his Henrict de Gandavo Quodlibet X, p. XXXVI-XLVI. 90 See, for instance, Thomas Aquinas's Quodlibet XII and our remarks about it in note 11. Also, see Godfrey of Fontaines' Quodlibet lI, qu. 3 where, in discussing the eternity of the world, one finds an objection answered without its having been raised in the text (Les quatre premiers quodlibets, p. 77-78). Cf. WIPPEL, The Metaphysical Thought 01 Godfrey 01 Fontaines. A Study in Late Thirteenth-Century Philosophy, p. 164, n. 1 I. In Godfr y' Quodlibet 111, qu. I, there is a certain lack of organization in the longer versi n (its Ir
still a reportatio) which is considerably improved in the shorter version. f. WII'I'II , JI 46-63. " Ali of these indications are present, for instance, regarding the shorter v r 1011 "I odfrey of Fontaines' Quodlibets III and IV which have been published in v I 111 I ri Philosophes Belges and, for that matter, for the largely unpublished abbrevtatton \ 01 111 uodlibets V-XIV. See the references given above in note 85, especially to St 111 uul Pattin, U To cite a fascinating case, Godfrey of Fontaines' Quodlibet XV has survivcd in only ( I1C known manuscript, which itself was destroyed during World War 11 at Louvain. Af\ r h, ving identified it as an abbreviatio of a Quodlibet by Godfrey (see Une question quodltbéttou« lnconnue de Godefroid de Fontaines, in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 30 (1934), p. 852K 9) and having edited it, O. Lottin concluded that it was in fact an autograph as wcll (e Le Quodlibet XV et trois Questions ordinaires de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1937 11 s Philosophes Belges, 14), p. 76. "Addendum"), Due to the good offices of Dom 11. n . cour, R. Macken and Th.-A. Druart, a copy of a surviving microfilm of this importam 111 muscript (Louvain G 30) has been made available to me. Unfortunately, in light ra ompari n of the text r Quodlibel XV with other generally recognized in lance ( (drr y' hand a citcd by Louin, I n w think it unlikely that lhe text of Qu dlibet XV 111 , 30 i. odrr y\ ut r ph.
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is incomplete. Examination of the particular plan employed in a Quodlibet may also assist one in resolving certain questions relating to the authenticity of that Quodlibet. This, too, may apply equally to abbreviationes, reportationes, or to the final written versions of Quodlibets. To cite but one case which is of particular interest to students of Godfrey of Fontaines and Hervé of Nédellec, it has long been recognized that Hervé's alleged Quodlibet XI is, in fact, a compilation of a number of abbreviated questions taken from Godfrey's Quodlibets Hl and IV. But even iftoday's reader were unaware of this, careful examination of the organizing plan in Hervé's alleged Quodlibet would quick1y reveal that it is not a single Quodlibet. The first eight questions as they appear in the Venice edition have obviously been organized according to one plan ; but suddenly, with question 9, a new plan begins, commencing with questions treating of God and then of creatures, etc. What has happened is that the party responsible for this compilation has also reproduced part of the plan followed by Godfrey in his Quodlibet Hl, and then continued with the plan employed by Godfrey in Quodlibet IV, all the while presenting the whole as a single Quodlibet 92. ! 3.
DATING
As is true of other genres of medieval philosophical and theological texts, specific chronological indications are sometimes given with the manuscripts in which Quodlibets are preserved. But unlike other genres, when such precise chronological indications are lacking, Quodlibets are more likely to contain either implicit or explicit references to contemporary historical events. This, of course, derives from their nature as Quodlibets (de quolibet), and, therefore, from their greater sense of actua/ité. One can easily understand why a recent historical event could lead any 92. Discovery of the true nature of Hervé's alIeged Quodlibet XI is attributed to Pelzer by the Introduction to the Les Quatre Premiers Quodlibets de Godefroid de Fontaines, ed. by M. DE WULF and A. PELZER. Louvain and Paris, 1904, p. X. Cf. GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 1, p. 208; L. HODL, Die Quodlibeta Minora des Herveus Natalis O.P. tt 1323), in Münchener Theologische Zeitschrift, 6 (1955), p. 216. See Quolibeta Hervei. Venice, 1513, fol, 179rb (for the introductory division for "Quodlibet XI"). Further divisions and subdivisions continue in their appropriate places as one would expect until "question 9" when a question is raised concerning God (see fol. 182ra). Here the text has simply incorporated the abbreviated version of Godfrey's introduction to Quodlibet IV, qu. I. For the corresponding edition of Godfrey's Quodlibets III and IV (shorter version), see ed. cit., p. 301, 320.
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authorized participant in such a disputation to pose for the Master a moral or legal or theological or philosophical question relating to the same, and why this in tum would establish the terminus a quo for dating all the questions within a given Quodlibet. Examples of such references abound. One need only recall an interesting discussion in Henry of Ghent's Quodlibet XV occasioned by the fall of Acre in 1291; or different Quodlibetal questions about the legitimacy of separating a King's heart and entrails from the rest of his body, occasioned by the death and burial of Philip Ill of France in October, 1285; or questions arising from the abdication of Pope Celestine V in December, 129493. In each of these cases a recent historical event served as the occasion for someone to direct a related question to a Master in a Quodlibetal disputation.
References to recent historical events were also often incorporated by Masters in their replies to other particular questions 94. For purposes of establishing the chronological terminus a quo for a given Quodlibet, such references are also evidently of great value. Glorieux has offered some interesting "rules" for interpreting such references to contemporary events when one is attempting to date a given Quodlibet. First of all, he maintains that reference to a particular historical event justifies one in concluding that the Quodlibet containing any such reference is posterior to that event. Secondly, he argues that uny such reference permits one to assume that the Quodlibet containin
I'
•• For Henry, see Quodlibet XV, qu. 16, ff. 594r-594v. For Quodlibetal que, tioll ,( I (1111 10 the burial of a king see Godfrey of Fontaines' Quodlibet I, qu. 11 «('d. ('/1, P I lI, Ihough he does not explicitly name the King; Henry of Ghent, Quodlib 'I I ,1\11 I (I 177r), who does explicitly refer to the case of the King. AIso cf. GL RlIIlJ ,11/ 111I""'11I, uuodlibétique, vol. I, p. 91, 80, 149-150; E. BROWN, Death and lhe llunum IIlIlh' 1/1 111 t.ater Middle Ages: The Legislation of Boniface VIIIon the Division of lhe' ('11I/111', 1\ , """,, 12 (1981), p. 235-246 (who also discusses Quodlibetal disputati n CClII 1111111111 It (, rvais of Mt.-St.-Elias, and a few years later, by Oliver ofTréguier and U 1111h 11,,111Y 111his QuodJibet VIII, qu. 9). For a study of various theological discu slon (1'( \ III1Itli hy the resignation of Pope Celestine, see J. LECLERCQ, La renonciatlon dr 11'11//1 1'1 t'optnton théologique en France du vivant de Boniface VIII, in Revue d'Histoire de 1/1' cI Fronce, 25 (1939), p. 183-192 (Godfrey of Fontaines, QuodJibet XII, qu. 4; P L'I (lI uvcrgne, Quodlibet I, qu. 15; and non-QuodlibetaJ sources taken from Peter livi, iI's of R me, and John of Paris) . •• • cc, for instance, the absence of any reference to John Peckham's condcmnati n f 11111 .ity of substantial form (April 30, 1286) in Godfrey of Fontaines' Quodlibct 11, qu. 7, IlItI his lengthy rcference to this in his Quodlibet III, qu. 5 (ed. cit., p. 205-208); r th 110 I of r ferences to Stephen Tempier's Condcmnation of 219 propositions of March 7, I 17, in Lhe Qu dlibetal litcrature of the ubsequent decades of the late thirtccruh and I 111 fourL enth ccnturics.
rt:
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it was the first to be conducted by this Quodlibetal Master after that event had taken place 95. Each of these "rules" calls for some comment. As regards the first, it is not inconceivable that a given historical event might have occurred after the oral presentation of a Quodlibet, but before its final written redaction. In such a case, it would not be impossible for the Master to have introduced some reference to that event while preparing his final written answer to another question, especially if the event in question was the publication of a pertinent civil or ecclesiastical documento This qualification will not apply, however, in cases where the very question being considered by the Master was itself occasioned by a given historical evento Glorieux's second rule requires more serious qualification. It assumes that we now have all of the Master's Quodlibets. Moreover, it may be that no one present at a Master's first Quodlibetal disputation after the occurrence of some significant historical event elected to raise a question relating in any way to that evento There is no reason for us to assume that every important contemporary historical event would immediately be reflected by one or other question raised at every Master's next Quodlibetal disputation. At the same time, it could easily happen that this same event might give rise to a particular question at some subsequent Quodlibetal disputation, perhaps a year or even several years thereafter 96. Finally, although this caveat itself should be applied only sparingly, one cannot completely eliminate the possibility that a Master may have "retouched" one or more of his Quodlibets at a considerably later date, and perhaps added a reference to a subsequent event or decree in order to strengthen or complete his argument 97. Other "rules" for dating Quodlibets have also been singled out by Glorieux and retain their value. For instance, since in the thirteenth and fourteenth centuries at Paris in the Theology Faculty only Masters could conduct Quodlibetal disputations, one may assume that any such author's Quodlibet(s) must be dated after bis promotion as Master 98. (As already
noted, outside University circles Bachelors are known to have conducted Qu dlibets.) econdly, as seems clear from much of Glorieux's research, the practice eventually developed according to which any given Master would onduct only one Quodlibetal disputation per academic year. Thomas quinas, Gerard of Abbeville, and during bis first academic year as Magi ter regens, Godfrey of Fontaines, are known to have been . eptions 99. But in other cases, at least at Paris, if we find that one ( \I dlibet by a given Master clearly comes after and presupposes another 1)1 hi , we can be fairly certain that they are not to be assigned to the une academic year. Thirdly, special reference should be made to the fact that Quodlibetal M usters often cite, and sometimes quite literally, from the Quodlibets of uth 'r Masters. The point should be stressed that mere reference to the cio .trine of another Master is not of itself sufficient to establish direct I! tu I interdependency. But in many other cases the citations and, \ 11'1 f re, the fact of some kind of direct interdependency are unmi tak,hl . ln such instances, even though a living Quodlibetal Master is rarcly ph it1y named by another, one may normally assume that the citin t.rstcr's Quodlibet must come after that of the Master whom he qu t .. 1\ could be, of course, that they both date from the same Qu dlib tul 11C'llod within a given year, or at least from the same academic year. Bu! II on has already established the date of the Quodlibet that is h 'jll lI! d, ne may normally conclude that the Quodlibet that cit . it dm 110\ mtcdate it 100.
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., La littérature quodlibétique, vol. I, p. 80-8l. •• For more on this see WIPPEL, The Dating of James of Viterbo's Quod/ihet I and Godfrey of Fontaines' Quodlibet VIII, in Augustiniana, 24 (1974), p. 376-378. '7 See WIPPEL, The Dating, p. 384-386. Such an explanation seems to be necessary to account for explicit reference to the considerably later buli of Boniface VIII (Detestandae) at the end of Godfrey of Fontaines' Quodlibet I, qu. li of 1285 (see ed. cit., p. 30) . •• See GLORIEUX,La littérature quod/ibétique, vol. I, p. 77-78.
4. LINGUISTIC FORMULAE I eference has already been made to the possibility th 1I P 11111 111" I,,.mula in a surviving Quodlibet may be of assistanc in n Ihhl\ nn \ •• li ,\ rrnine whether it is a mere reportatio or rather a Mastcr' 1111 ti III I '1\ version. Considerable stress has also been placed n th rol
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and importance of organizing plans both in reportationes and in a Master's final written determination. The mere presence of such a plan in a given Quodlibet will show, at least, that it is not a reportatio of the first day's session although it might still be either a reporta tio of the second session or the Master's definitive written version. Moreover, reference by a Master in a later Quodlibet to what he had said or to what he had written in a previous one can be helpful in establishing the literary origins of a surviving version of that earlier Quodlibet, ln addition to such linguistic clues which may be of assistance to one in identifying the literary form of given Quodlibets, other characteristic formulae can be of great value in properly interpreting them, First of all, at times there may be references by a Master to what his responding Bachelor has already said, presumably at the first oral session (quia dixerat respondens, or some equivalent). ln such cases, one should distinguish between the statement attributed to the respondens and that defended by the Master himself It will often happen, of course, that the Master will accept and support his Bachelor's statement; but it may be necessary for him to correct it or to render it more precise in some way 101 Again, the opening argumentation may sometimes support the position defended by the Master, and sometimes be opposed to it. ln the later case, the Master, after presenting his personal solution, may judge it necessary to reply explicitly to such argumentation. This will usually take place at the end of the question as it appears in written form, and may be introduced by formulae such as: ad argumentum or ad argumenta; ad rationem or ad rationes, or some equivalent. On other occasions a Master may judge that he has already sufficiently replied to all opening arguments in developing his own solution, and may briefiy indicate as much by a remark such as: "Per dieta patent argumenta utriusque partis" (Henry of Ghent, Quodlibet I, qu. 20) 102 ln other cases the opening arguments may in fact support the position defended by the Master himself, ln such an eventuallty, rather than reply to these, he will probably find it necessary to refute the opening argument for the opposed position, and 0
0
See Godfrey of Fontaines, Quodlibet XIV, qu, 4, J. HOFFMANS, ed., Les Quodlibets onze-quatorze de Godefroid de Fontaines. Louvain, 1932 (Les Philosophes Belges, 5), p. 360: "Ad aliud cum arguebatur contra respondentem qui dicebat quod caritas est virtus generalis respectu aliarum 000quod hoc non sufficiebat". For this and other examples also see GLORIEUX, La littérature quodlibétique, vol. 1, p. 31-320 102 See Quodlibet I, R. MA KEN, ed., p. 1700 101
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may indicate that he is doing so by some remark such as: "Per hoc patet ad argumentum primum in contrarium" (Henry of Ghent, Quodlibet I, qqo 7-8) 103 Most important in each of the questions contained in any typical Quodlibet is, of course, the corpus of the text, containing the Master's resolution ofthe principal question under examination. In many Quodlibets it is quite clear at what precise point the Master is introducing his own resolution or determination of a given questionoFormulae such as Respondeo dicendum or Responsio dicendum are favored by many Masters such as Thomas Aquinas, Godfrey of Fontaines, Giles of Rome, Thomas of utton (who frequently settles for a simple Respondeo), Durandus of aint-Pourçain (Avignon Quodlibets, where he prefers a simple Responsio) and Roger Marston (who usually uses a simple Respondeo), to mention but a few, Other Masters may choose not to be quite so explicit in introducing their resolutions as, for instance, is often true of longer questions in Henry of Ghent's Quodlibets, Some prefer a more complicated introduction of their solution, for instance, by dividing the question into a number of parts and then by proceeding methodically to determine 'acho J ames of Viterbo is a good illustration of this procedure, although, in determining briefer questions, he often uses Respondeo dicendum, and s metimes introduces his division of a longer question into its vari u parts with this same formula, Thomas of Bailly and John Duns c tus .1 tend to introduce their resolutions by dividing the particular que ti ns int parts. Ockham often begins his resolutions by making appr pruu 11 tinctions or else by establishing the state of the question in me ith 'I way; then he will quite explicitly reply to the particular question, frequ '1111 mdicating this by stating: "circa primum (or circa secundum) di o". P '11l! I h mae usually introduces his division of a given question int it I 11I with a simple opening Respondeo 104 These few examples should suffice to show that there is c n 'id irubl v iriety in the ways in which Masters introduce their solutions. And the une Master may vary his own procedure, For instance, before ao werin 0
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"" Ed. it., p. 46. ,,~ For modern editions ofmany ofthese Quodlibets see below, Chapter V. The distincti n hvtwc n re pondeo dicendum and responsio dicendum as it appears in these editions may li. "11 in large mea ure to the modern editors them elves, As Professor Van teenberghen li I mdic t d t me, in hi view the exa t reading hould rather be Responsio. Dlcendum 1/111I11 ( or R". DI endum quod). Ile I note th 1 ne find olutlo. Di endum (r, r '0 11/. "du",)
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the particular question which has been raised, the Master might broaden the discussion in order to treat of another and related issue. Henry of Ghent does this in bis Quodlibet XI, qu. 3, and indicates as much by observing "ideo quaestionem altius extollendo" 1040. In any event, it is evidently of great importance for a modero reader to be aware of the precise point at which a particular Master is speaking in bis own name and offering bis own view, rather than merely recounting the opinions of others. Otherwise, today's reader might assign to a Quodlibetal Master a position he has set forth only to reject! Equally important in interpreting Quodlibetal Questions are certain formulae which indicate that the Master either is or is not presenting his proposed resolution as definitive. In many instances, of course, he is. But often enough he will make it clear that he is simply presenting what seems to him to be the more likely or the more probable position, or perhaps that he is merely listing different opinions, without committing himself to any of these. For instance, he may explicitly state: "Sed nihil circa hoc determinando sed probabiliter coniecturando" (Godfrey of Fontaines, Quodlibet IV, qu. 3); or "non asserendo ... sed recitando" (Godfrey, Quodlibet 7, qu. 12); or "non asserendo sed quasi conferendo" (Petrus Thomae, Quodlibet I) 105. That such precisions were taken seriously by Quodlibetal Masters themselves is evident, for instance, from certain remarks made by Henry of Ghent in bis Quodlibet 11, qu. 2, where he refers back to bis Quodlibet I, qu. 4 : "utrumque horum modorum exposui, sed neutrum sustentavi" 106. ./ Finally, sirnilarity in literary style, for instance, in using a given way of introducing the resolutions of questions, or in imposing organizing plans, may be ofhelp in deciding questions of authenticity 107. Nonetheless, 104. For Henry see Quodlibet XI, qu. 3 (Paris, 1518), f. 440v. For discussion of this text see R. MACKEN, Les diverses applications de Ia distinction intentionnelle chez Henri de Gand, in Sprache und Erkenntnis im Mittelalter, Miscellanea Mediaevalia, 13/2 (1981), p. 771-772. Macken has read "extollendo" instead of the "attollendo" of the 1518 edition (n. 14). 10S For Godfrey see Les quatre premiers Quodlibets, p. 243; Les Quodlibets cinq, six et sept de Godefroid de Fontaines, M. DE WULF and J. HOFFMANS, eds., Louvain, 1914 (Les Philosophes Belges, 3), p. 389. For Petrus Thomae see Petrus Thomae O.F.M. Quodlibet, M. HOOPER and E. BUYTAERT, editors. St. Bonaventure, N.Y., 1957, Pars Tertia, qu. 16", p. 205. 106 See his Quodlibeta. Paris, 1518, foI. 29v. 107 For two successful applications of this method in identifying anonymous Quodlibets, one by Gerard of Abbeville and the other by Alexander of Sant'Elpidio, see GLORIEUX, Le Quodlibet et ses procédés rédactionne/s, p. 83-84, and regarding the second, his reference there to the research of V. Doucet. On the Paris Ms. Bibl. Nat. Lat. 16.297, in which
RULES
OF CRITICISM
199
given the standard character of much scholastic terminology and given the possibility of considerable variation in such literary formulae on the part of the same author within different Quodlibets or, for that matter, within different questions of the same Quodlibet, it is risky to rely on this criterion alone when one is attempting to determine whether different Quodlibets are or are not by the same Master. A number of such sirnilarities between two different Quodlibets will, as an argument from converging probabilities, make it much more likelythat two such Quodlibets are due to the same Master. 5.
THE
AUTHOR'S
FREEDOM
Here we shall take the term "author" broadly so as to refer to the Master whether we are dealing with a reportatio ofthe first and unorganized oral session, a reportatio of the second and organized determination, r the Master's final written determination. As already indicated, Quodlibetal questions could be raised by anyone about any appropriate topic. Nonetheless, as extant historical sources indicate, a Master could refu c ( accept certain questions which he deemed inappropriate. For instance, during the stormy period at Paris in December, 1286, concernin lhe much disputed Mendicant Privileges and Martin IV's bull Adfructus uberes, we have it on good authority that the Mendicant Masters refused to nteruun qucstions treating of this topic in their Quodlibets of that time. On th olh 'I hund, the secular Masters who held Quodlibets during that same I' 'I iod \I I 'I' rted to have ali sided with the French Bishops against the Mcndic 1111 ''''
rh Quodlibet
by Gerard is contained, and which is Godfrey of ont 1111' ' W 11~ 1111 11 Sluoent Notebook, see GLORIEUX, Un recueil scolaire de Godefrold di' NII/IIIII/ \ (/',"1 NIII. Lat. 16297), in Recherches de Théologie ancienne et médiévale, (19 I), I \I I, ,,"1 dditiona! precisions, J.J. DUIN, La doctrine de Ia providence dons I~.\ rrtt» d ,\1" d" Brabant. Louvain, 1954, p. 130-135. li" S e the letter from William of Mâcon, Bishop of Amiens, to Pierre Burb 'li " 111h(tl' 111 Rhcims, of February, 1287, especially as cited above in note 4 ( hartulartum Unl» 1',"/1'., vol, 2, p. 13ff.). As regards the refusa! of Mendicant Quodlibetal Ma: t 'r tu 111 rtain such questions at this same Quodlibeta! session (Christmas, 1286), e th IIIIIIII111ntion in the same letter : "Fratres Praedicatores et Minores istam quac ti n 111, 1I 11 i fucta fuerit, recipere noluerunt" (p. 13). Since the letter refers to Master who I I di puting De quolibet at that time, it clearly indicates that while Secular Ma ters "I II 'o thi question, the Mendicant Masters refused to do so. For another conternp rury '"11\ t the e controversies see a letter attributed to Godfrey of Fontaine ,as ditcd 111 thurtulurium, v I. 2, p. 10. r m re n ali of this see . H EDI'Z, Richard li ".1,//,'11/11. Louvnin and Paris, 1925, p. 44-45; L RIIl x, La littérature quodllbétique, vol I, fi 11\ I ,
"I
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201
CHAPTER III
RULES OF CRITICISM
This, in turn, may account for the fact that in Henry of Ghent's Quodlibet X (Christmas, 1286), Godfrey of Fontaines' Quodlibet IV (1287), and Richard of Middleton's Quodlibet 111 (Easter, 1287), questions were disputed concerning the right of Masters to refuse to entertain legitimate but troublesome questions 109. It is evident from these discussions that frequent refusal to treat of such questions would not be regarded favorably.
"Utrum homo in statu viae indiget alimento ad conservationem vitae". There the opponens supported the negative position by a patently specious argument drawn frorn the situation of the Friars Minor who were said to be nothing but instruments of the Pope who would simply move them to eat. While Godfrey dispatches this question very quickly, he does so with good grace "0. But in his Quodlibet XII, qu. 2, this same Godfrey had declined to treat two of the three questions he had just recalled in his intraductory summarizing remarks because he intended to deal with them in his Ordinary Disputed Questions 111.
00 the other hand, and without being seriously faulted, a Master might decline to discuss questions which he judged to be frivolous, or which he either had already treated elsewhere or else intended to take up in another context, for instance, in one of bis Ordinary Disputed Questions. At the saroe time, a Master's desire to be open to alllegitimate questions may account for his wi1lingnessto entertain an occasional ooe that was surely recognized as frivolous, or at least as humorous. Thus in his Quodlibet XV, qu. 13 Godfrey faced the following question:
,o. In Quodlibet X, qu. 16, Henry entertained the folIowing question: "Utrum scilicet doctor sive magister determinans quaestiones sive exponens Scripturas publice peccet mortaliter non explicando veritatem quam novit" (Paris, 1518, fols. 437r-v). Note that according to J. GOMEZ-CAFFARENA, Henry's Quodlibet X dates from Easter, 1287. See his Cronologia de Ia "Suma" de Enrique de Gante por relacibn a sus "Quodlibeta", in Gregorianum, 38 (1957), p. 116-133. In Quodlibet IV, qu. 13, Godfrey replied to this question: "Utrum magister theologiae quaestionem cuius veritatem scire est necessarium ad salutem, debeat reputare esse litigiosam et ob hoc eam repelIere et nolIe determinare" (ed. cit., p. 274-277). His final remark tells us something about the working dynamics of a quodlibetal disputation: "Cum ergo proponitur aliqua quaestio alicui magistro existenti in statu quaestiones communiter et de quolibet recipiendi, si proponatur ei quaestio talis cuius veritas est sufficienter manifestata, et illud quod ipse circa hoc diceret modicum proficeret, et vult circa alia magis proficua intendere, licet eam non recipere. Si autem est dubia veritas et expedit quod amplius declaretur, aut quantumcumque sit certa communiter intelligentibus, si tamen ob malitiam a1iqui resistunt et contradicunt ipsi, debet eam recipere et prout poterit declarare, et ut testimonio plurium veritas roboretur, illam partem quam viderit veriorem firmiter asserere, nec propter scandalum sic debet omittere, nisi modo praedicto" (p. 276-277). Cf. p. 340-341 for an abbreviated version of the same. Tbis text confirms much of what has been said above about thirteenth- and fourteenth-century Quodlibets in Theology being de quolibet and, by implication a quolibet rather than prepared in advance in any way, and about a Master's de facto freedom to accept or reject questions. The same is implied by the following questions: Quodlibet VII, qu. 18: "Utrum magister in theologia debet dicere contra articulum episcopi si credat oppositum esse verum" (Les Quodlibet cinq, six et sept de Godefroid de Fontaines, M. DE WULF and J. HOFFMANS,editors. Louvain, 1914, p. 402-405); Quodlibet XII, qu. 6: "Utrum liceat doctori praecipue theologico recusare quaestionem sibi positam cuius veritas manifestata per determinationem doctoris offenderet aliquos divites et potentes" (Les Quodlibets onze-quatorze ..., p. 105-107); for Richard, see his Quodlibet IH, qu. 22: "Utrum magister teneatur recipere quaestionem pro qua incurret malevolentiam, quam quaestionem utile est scire" (Brescia, 1591, p. 119). For some interesting remarks relating to this and for some other texts see J. LECLERCQ,L'idéal du théologien au moyen ãge, in Revue des sciences religieuses, 21 (1947), especially p. 128-136.
While questions at Quodlibets were oormally raised not by the Master but by others in attendance, it should be recalled here that there is no reason to deny that on occasion a Master might arrange to have a particular question posed which he wished to dispute, or that he might even raise one or other such question himself 112. It goes without saying, however, that excessive use of any such procedure would have undercut the very nature of the Quodlibet and would have robbed it of one of it most attractive features, its spontaneity. Finally, reference has already been made to a Master's freedom t develop and apply an organizing plan as he might see fit both for the econd oral session and the final written version of bis Quodlibet. Even though Glorieux has singied out the typical plans discussed above which Irequently reappear, he would be the first to admit that Masters eojoyed c nsiderable latitude both in formulating and in applying their own plan as the occasion demanded 113. In other words, the fact that Mast rs li ually employed one or other of the organizing plans discussed ab rv nced not be regarded as imposing any serious constraint upon a Mast I' rr edom to dispute or not to dispute a given question and th r ~ I 111 111 lude or not include it in bis final written version.
I Quodlibet xv ....p. 63-64. cit , p. 3. n t 21 nb ve f, r th rcfcrenc ,IOIW'lJ
,LI'
t R bcrt Ilolc l. '/(Idlihl'l et ,1'" procéd réda 1/01/1' ls, p.
1,8'8
CIRCULATION
CHAPTER IV
CIRCULATION AND DEVELOPMENT OF THE QUODLIBET IN NONTHEOLOGY FACULTIES Until this point we have concentrated on the Quodlibet as it carne into being and deveIoped in the Theology Faculty at Paris and, to a considerably lesser extent, in other theology faculties as well !". This should not be surprising since it was in these faculties that Quodlibetal disputations resulted in truly significant literary production in the high middle ages. But shortly after 1330, significant production of written Quodlibets from these theology faculties virtually disappears 115. It is true that the Paris Statutes for 1366-1389 for the Theology Faculty still suggest that Quodlibets were being conducted there at that time, and lay down certain appropriate regulations. But if we are to judge them by their fruits, Quodlibetal disputations in Theology at Paris had already ceased to be an instrument for the production and publication of noteworthy writings 116 •. In addition to the absence of important surviving written Quodlibets after the 1330's there is an earlier indication that a period of decline was under way. A letter from Pope John XXII from Avignon of May, 1317 indicates that by that time Paris Masters were becoming remiss in conducting solemo Disputations and Determinations with their "4 In
other words, we have concentrated on the Quodlibet in its most fully developed form in developing its definition, its distinguishing characteristics, and its appropriate "rules of criticism", We are here using the expression "Theology Faculties" in a broad sense so as to apply to faculties in Religious Houses of Study and even to disputations conducted at the Papal Curia. To put the point negatively, until now we have not specificaIJy considered the Quodlibet insofar as it was disputed in other university faculties such as Arts or Medicine. us See GLORIEUX,La Iittérature quod/ibétique, "Liste de Disputes Quodlibétiques" in vol. 1, p. 97-296; and in vol. 2, p. 51-285, and the helpful chronologicaI table found there, p. 374-377. For discussion of the Quodlibet's decline in the Theology Faculty at Paris see vol. 1, p. 56-58. us For these see DENIFLE-CHATELAIN,Chartularium, vol. 2, p. 697-704, especiaIly n. 34, 43, 49, 52, and 62. Granted that most of these are concemed with the obligation of Bachelors to serve as respondentes at Quodlibets, and granted that they undoubtedly reflect a practice that had long existed, they aIso strongly suggest that it was the will of the Faculty that QuodlibetaI Disputations continue to be exercised in the Theology Faculty at this time. It may be, of course, that these Statutes themselves are an expression of a reaction, on the part of the University, to a negligence of the Quodlibet that had already begun. a. GLORIEUX,La littérature quodltbéttque, vol. I, p. 57ff.
AND DEVELOPMENT
203
former frequency. While the Quodlibet as such is not singled out for special treatment in this letter, it is more than likely included in the Pontiff's reference to solemo Disputations. This neglect is mentioned as one arnong a series of signs pointing to a general decline in the leveI of scholarship at Paris at that time 117. In the present Chapter we shall tum to the Quodlibet as it deveIoped in nontheological faculties both at Paris and at other universities. Here our sources of information conceming Quodlibets in such nontheological faculties are very meager indeed, especially for the high middle ages. This is not unexpected when one bears in mind the reIative paucity of urviving Quodlibets which resulted from Quodlibetal disputations in these faculties. Of greatest interest to us here are Quodlibetal disputations in various Faculties of Arts, since these are most likely to be of value a sources for the philosophical and theological thought of that time. During the "Golden Age" of the Quodlibet in the Theology Faculty at Paris, other kinds of disputations were being held there in the Arts aculty. Thus lmpossibi/ia, lnso/ubilia and Sophismata differ in literary , ore from the Quodlibetal Question. The presence of these, along with other disputations, may have eliminated any great need for Quodlibetal di putations in that Faculty. And this, when joined with the relative youth of Masters in Arts during that time, may account for the fact that uodlibets from the Faculty of Arts at Paris are practically unknown for the thirteenth century 118. li. ce Chartu/arium, vol. 2, p. 200. See in particular: ••...aIii quoque [magistri) solernnium d, putationum et determinationum frequentiam consuetam ab olim in Parisien i tUUUI 111retermittunt". That the Pope aIso has in mind Masters in Theology is indicated by til lullowing: "quidam etiam theologi, postpositis vel neglectis canonicis, necessariis, uuhbu I I dificativis doctrinis, curiosis, inutilibus et supervacuis philosophiae quaesti rubu I ubulitatibus se immiscent" (p. 200-201). It is aIways possible, of course, that addlluIlIl1 111uiuscripts migbt be discovered containing Quodlibets in Theology from Pari or jUl11 111h date from after the 1330's. But it is most unlikely, in my judgment, that su 11WIII 11 111. c vered in either sufficient numbers or quality to revise the view that fi. r til I1 11111 u dlibets in Theology at Paris ceased to be significant vehicles for truly importuut I'lullI ophical and theologicaI writings in any large number. "' r-or ncgativc evidence of this one may consult GLORIEUX,La Facu/té des Arts et e (1IIIn'\ lIU XIII' Siêcle. Paris, 1971, p. 61-386. With rarest exceptions, Quodlibets in Art •• unspi uously absent, not only at Paris but elsewhere. It should be noted that even , 111111111 r f the Quodlibets listed by Glorieux in this Répertoire were held not in Arts hlll 111I h logy faculties. See, for instance, Francis of Meyronnes, Quodlibet I, Pari , ,1,1 d ))2 , and Quodlibet II (p. 135-136); Henry of Harclay, Quodlibets I-lI, 1314, .1111111 wtuch time he was regent Ma ter in Th I (nd hancellor) at Oxford (p. 183I ). luhn Bac nth rp, u dlib I I 111, I 1 112, nductcd during his regency in 111"I" It Pari (p. 197); NI'I10II IIIV I, )IIU IlIh'\ I V, 110 I 07, nd Qu dli t
204
CHAPTER
IV
Still, there are some indications of Quodlibetal disputations in the Arts Faculty at Paris beginning shortly after 1300. Thus a Paris codex (BibL Nat. Lat. 16089) dating from approximately that time contains a number of series of questions. At least two of these sets of questions, one series disputed by Henry of Brussels and Henry the German, and another anonymous set of 76 questions, are identified by the manuscript as being de quolibet 119. Nicole of Oresme is also credited with a Quodlibet, although the 1370 date indicated by certain manuscripts would place it after his active regency in Arts at Paris. Again, another series of questions contained in codex BibL Nat. Lat. 2831 are thought to be quodlibetal, and while the manuscript containing them was itself copied in 1396, the questions themselves may have been disputed before that date 120. There is also limited evidence from later Statutes for the Arts Faculty to sh?w that Quodlibets were being disputed there in the fourteenth century, and that this custom had been abandoned by the mid-fifteenth century. Thus in 1445 the Faculty of Arts determined that the Quodlibetal disputation should be reinstated. According to one surviving source, the respective Nations of the Faculty selected Masters to take part therein (Quodlibetarii), with only the German Nation demurring until it might be given further information about the appropriate procedure for choosing its Quodlibetarius. Be that as it may, this effort to revive the Quodlibetal disputation in Arts at Paris ultimately failed, and seems to mark the end of quodlibets in Arts there. 121 For fuller discussion on these points see the Section by Danielle Jacquart. XI, 1314, ali at Oxford when he was regent there in Theology (p. 263-265); Thomas of Sutton, Quodlibets l-IV, apparently alI as a member of the Theology Faculty at Oxford (for which see note 65 above); William of Ockham, seven Quodlibets, but presumably disputed by him as a theologian (though not as Regent Master). 119 For this see B. LAWN, The Salernitan Questions. An Introduction to the History of Medieval and Renaissance Problem Literature. Oxford, 1963, p. 88-90,95. He suggests that a third series of questions by Jean Vate and a fourth by Magister Ulricus also seem to be Quodlibets (p. 90). Unfortunately, we ourselves have not had an opportunity to examine this manuscript. For more on it see B. HAUREAU, Notice sur le numéro 16089 des manuscrits latins de Ia Bibliothêque Nationale, in Notices et extraits des manuscrits de Ia Bibl. Nat. et des autres bibliothêques, 35, 1 (1896), p. 209-239; P. DUHEM, Le Systême du Monde. Paris, vol. 6 (1954), p. 536-542. As Haureau explains, the questions by Henri de BruxelIes and Henri I'AlIemand seem to have been joined together by a copyist, so much so that it is impossible to distinguish which determinations are proper to one and which to the other. Moreover, it seems likely that these determinations have not been preserved in their original form (p. 214). 120 For alI ofthis see LAWN;Op. cit., p. 91. Granted that manuscripts containing Oresme's Quodlibeta are dated 1370, the work itself may be earlier. See M. CLAGETT, Oresme, in Dictionary of Scientific Biography; Vol. 10 (1974), p. 229. See THUROT, De /'organisation de /'enseignement dans /'Université de Paris, p. 87. But also see DENIFLE-CHATELAIN, Auctarium Chartularii Universitatis Parisiensis. Vol. 2 (Paris, 1897), cols. 631-632. "Anno quo supra Hll-díe mensis Decembris celebrata fuit congregatio facultatis artiurn apud Sancturn Julianum Pauperum super duobus articulis. Primum
.2.
CIRCULA
TION
AND
DEVELOPMENT
205
It seems that Quodlibets were still being conducted in the Faculty of Medicine at Paris during the fifteenth century. In fact, according to hurot, during this period Masters in that Faculty were considerably more scrupulous than those in Theology about carrying out the various duties and obligations prescribed by their statutes and oaths. The same apparently applies to their continuation of the Quodlibetal disputation until that time 122. As regards earlier Quodlibets from the Faculty of Medicine, sets of questions regarded by some as de quolibet survive from Peter of Abano, and are contained in bis important Conciliator. Although c mpleted at Padua ca. 1310, this work was begun at Paris and seems t reflect at least in part the results of Peter's presence there in the aculty of Medicine from the 1290's until ca. 1305. It has been suggested that it records 210 disputations held at Paris 123. However, in my opinion, while the Conciliator may indeed be based at least in part upon Peter's r collection of disputations held at Paris, it has been carefully prepared und structured for publication. I myself have been unable to find any c mpelling evidence that it is quodlibetal in origin 124. One should not assume that the structure of Quodlibets in nontheology Iaculties was identical with or even modelled upon that ofthose conducted m theology faculties at Paris and elsewhere. In fact, I have been unable hlll super resumptione Quotlebetorum .... Quantum [ad primum] conc1usit veneranda f I .ultas quod placebat ei resumptio Quotlebetorum, eo quod est actus solemnis facultatis, 1'\ quaelibet natio dabat suum quotlebetarium, excepta veneranda natione nostra [German Nnti n], quae requisivit dominum rectorem, quod congregaret notabiles deputatos, qui n uionem de modo deputandi Quotlibeta informaret, et informatione facta et natione plcniu (sicut illo tunc non erat) congregata, etiam libenti animo suum deputarei quotlibetarium". I I ee THUROT, p. 197-199; folIowed by GLORIEUX, La liJtérature Quodlibétique, vol. 2, I 2122. '" ee LAWN, p. 90, who refers to the Conciliator as "perhaps the best example r 11111 .pcndent disputations, de quolibet, in medicine that has survived from that period", I o see CH. TALBOT, Medicine, in Science in the Middle Ages, D. LINOBERG, ed., Chicag , III7K, p. 404 (they are a record of 210 disputations held at Paris); N. SIRAISI, Arts and "'!'II'II es at Padua. The Studium of Padua before 1350. Toronto, 1973, p. 159, n. 86 (wherc li notes that physicians debated difficult points in the form of questions or quodlibets, 111\1thnt "both the Conciliator and the Expositio Problematum Aristotelis might be regarded I fulling into this category"). onciliator di.fferentiarum Philosophorum et Praecipue Medicorum Clarissimi viri Petri ,/ 1111110 Patavani. Venice, 1483. Note Peter' comment in Di.fferentia 64 (foI. 101v, ucordm to foliation in erted by a m r r nt h nd in lhe copy in the National Library ••I M di inc, Bethesda, Md.): ~Ar um nt hOI1 quoqu umpt ex libris geometricorum \ p., pc tivorum ... ta qUIII plur um 11111111 IIlllhll srrtbttur n n familiare exi tunt 1111111 1I10di" (itali min).
206
CHAPTER IV
to uncover solid evidence indicating what the precise structure was for Quodlibetal disputations either in Arts or in Medicine during the fourteenth century at Paris. But as the Quodlibetal disputation spread to other Universities in the later middle ages, in many cases it seems to have become the prerogative of faculties of Arts far more so than of Theology. For instance, at Erfurt, Prague, and Vienna, no provision was originally made in the statutes for Quodlibets in faculties other than Arts; but in Vienna in 1449 the Theology Faculty determined to conduct such disputations as well '>. Fortunately, we have more detailed information about the structure of these later Quodlibets in Arts for some of these Universities. For instance, at Erfurt Quodlibets were carefully regulated by the Statutes of 1412 for the Faculty of Arts. Quodlibetal disputations were to be held every year, beginning on the first ferial after the feast of St. Bartholomew (August 24). Since vacations there lasted until August 24, this meant that the school year would commence with a solemn Quodlibetal disputation. Such disputations might last for as long as two weeks. Considerable time was required because of the great number of Masters who participated. For instance, some 64 Masters took part in the Quodlibet of 1489126• The structure of these Quodlibetal disputations in Arts at Erfurt was quite different from that which we have examined above in Theology at Paris. A presiding Master (Quodlibetarius) would be selected far in advance (on January 2, at Erfurt), and it would be his task to propose a well-worked out quaestio principalis, taken from metaphysics, or natural philosophy, or moral philosophy. A Bachelor would initially reply to this principal question in the role of respondens. Other Masters from the Faculty of Arts and invited doctors from the higher faculties (and even prelates) could enter into the discussion of the Quodlibetal Master's quaestio principalis. Ultimate responsibility for the resolution of that question lay with that Master himself, the Quodlibetarius. ln addition to this, the Quodlibetarius was obliged to formulate for every Master in the Faculty of Arts a particular question for disputation. These questions would be conveyed to the individual Masters some two or three weeks in advance. lnvited doctors from the higher faculties would also receive appropriate questions from the Quodlibetarius, and would be expected to dispute these during the quodlibetal session. The presiding Master, therefore, would not only be responsible for his '" For this see E. KLEINEIDAM,Universitas Studii Erffordensis. Überblick Über die Geschichte der Universitãt Erfurt im Mittelalter 1392-1521. Teil /: 1392-1460. Leipzig, 1964, p. 238. 126 KLEINEIDAM,op. cit., p. 238-239. For this and much of what comes after he is following Acta decanorum facultatis artium, in the Domarchiv Erfurt Marienstift, and Akien der Erfurter Universitãt, J. WEIS ENOORN,ed. (Ge ehichtsquellen der Provinz Saehsen und angrcnzender
ebiete), lI. Teil (1884).
CIRCULATION
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207
own quaestio principalis, but would have to preside over the subsequent disputation of each of the particular questions proposed for each participating Master 127. For instance, according to a contemporary record of the Quodlibet for 1455, after the Quodlibetarius had disputed his quaestio principalis, the Dean of the Faculty of Arts then disputed his questiono After him invited doctors, one from Theology and one from Law, did the same. Following upon this, the individual Masters from the Faculty of Arts disputed their assigned questions in turn, beginning with those enjoying greater seniority as Masters in that Faculty 128.
Analogous procedures seem to have been followed during Quodlibetal disputations in Arts Faculties of other universities during this same period, granted that there were differences in details. For instance, at a solemn Quodlibetal disputation held in Prague in 1411, John Huss served as Quodlibetarius. Basically the same procedure was followed. After Huss (and his responding Bachelor) had presented and disputed the quaestio principalis, the Rector, the Dean of the faculty, and then 64 other members of the faculty defended their assigned questions. Huss, as presiding Master, introduced each of them in turn 129. Considerably later statutes from lhe University of Louvain suggest that a somewhat similar procedure was observed there 130. That these statutes reflect earlier usage is evident from an
KLEINEIDAM,op. cit., p. 239-240. KLEINEIDAM,p. 240-242, following Leipzig Manuseript UB Cod. 1348, foI. 187r-190v. n this also see L. MEIER, Die Rolle der Theologie im Erfurter Quodlibet, in Recherches de Théologie ancienne et médiévale, 17 (1950), p. 291-293. 119 See Magistri Johannis Hus Quodlibet. Disputationis de Quolibet Pragae in Facultate Artium Mense Ianuario Anni 1411 Habitae Enchiridion, B. RVBA, ed. Prague, 1948. For Huss's quaestio principalis see p. 3-4; for the responding Baehelor's diseussion, see p. 4-30; for Iluss's introduetion of the Reetor and the latter's question, see p. 31-34; for the Dean, see p. 34ff; for the others, see the same text, passim. As the editor remarks, what one has in this text are not the acts of the disputation itself, but John Huss's own enchiridion. Ilcnce one does not find the personal positions of the various Masters in this text, ilthough one does have the Baehelor's position and the various introductions and questions proposed by Huss for the Masters. Somewhat unusual is the fact that Huss conneets the various Masters he is introducing with great figures from the history of philosophy and I uers, thus presenting for instance, the Reetor as Soerates, the Dean as Plato, ete. 110 See Codex Veterum Statutorum Academiae Lovaniensis, P. DE RAM,ed., Brussels, 1861. S e p. 210-211 (from the Statutes for the Faculty of Arts of 1639, eap. xviii. De quodlubeticis dtsputationibus seu quaestionibusi. Note that here Quodlibets were to be held in the Arts l-aculty in December, and were to last for six days; the presiding Master would be named til Scptember; he would propose for the Rector, certain Prelates, the Dean, Doctors from lugher faculties, and others who were aeeustomed to attend these disputations one question wnh arguments and two other questions without arguments, and would ask them to f spond when they might see fil. h n, on lhe first day of the actual disputations the pt iding Master would bc in in th IIlIUnm hy di. us ing eloquently a topic of his own I hoosin . Aftcr this he would plOpO ! lIu!! ti 111 tloll • on with arguments, two without 127 128
208
CHAPTER
IV
examination of Quodlibets conducted at Louvain by Adrian Florensz (the later Pope Adrian VI) in the late 1480's, 1490's and the first decade of the sixteenth century. While Adrian disputed these Quodlibets before the Faculty of Arts, he apparently did so in most instances while teaching in the Theology Faculty 131. Somewhat similar procedures also seem to have been followed in Quodlibetal
arguments, to a speaker whom he had selected. In the afternoon this speaker would reply to these questions orally, and to an objection formulated by the presiding Master. Quodlibetal disputations (disputationes quod/ubeticae) would take place in the afternoon, until the fourth hour. After alI of this was completed, the presiding Master would then propose for the speaker for the next day the quodlibetal questions selected by that speaker, and would ask that he respond to these on that following day. Though additional details about this procedure are lacking from the Statutes, we assume that this procedure would be more or less repeated until the various participating speakers (and objectors) would ali have had their turno There is also reference to a Bachelor "qui agit parvum quodlubetarium", and who could interject some humorous question, but always under the watchful eye of the praeses. 131 See D. Hadriani F/orentii de Traiecto ... Quaestiones Quot/ibeticae. Louvain, 1518. See, for instance, in Quodlibet I: "Ne tamen piissimae matris meae facultatis artium onus semper recusare videar ... quantum potero quaesitum decidere conabor" (fol. 2rb); after completing his presentation of the Quaestio principalis, he refers to the presiding Master ("venerande domine quotlibetarie") and respectfully awaits his objections (fol, llrb); after replying to this he then presents his prima quaestio sine argumentis and his second one; the first Quodlibet concludes with this explicit: "Dieta anno Domini 1488, sub Magistro Joanne Bryart de Ath" (fol. 12vb). Quodlibet 11 begins with this announcement: "Quodlibetica quaestio secunda eiusdem reverendissimi ... ac Magistri nostri Hadriani Florentii de Traiecto sacrae Theologiae professoris ... anno a salute humana 1491 in scholis artium eiusdem studü ab ipso disputata" (fol. 13ra; but missing from the edition ofVenice, 1522/ repr. by Gregg, 1964); then there is reference to the three questions which the Quodlibetal Master had sent to him " ... sunt mihi nuper tres quaestiones propositae, una cum argumentis, reliquae sine argumentis"; at the beginning of Quodlibet 111 see fol. 24va: "in Schola Artium eiusdem studii ab ipso disputata" (fol, 24va); this is again followed by a reference to the three questions sent to him by the Quodlibetal Master, etc. See at the beginning ofQuodlibet IV for the same (fol. 32vab); Quodlibet VIII begins: "Quotlibetica quaestio viii eiusdem ... anno a salute humana 1499 in scholis artium eiusdem studü ab ipso disputata"; also note: "Per venerabilem virum dominum quotlibetarium nunc cathedrantem fuit mihi quaestio theologica proposita haec" (fol. 61ra). Already a Master of Arts in 1478, Adrian received his Licentiate in Theology in August, 1490, and was promoted to the Doctorate in Theology in June, 1491. During the intervening period (1478-1490) he seems to have taught in the Arts Faculty and to have pursued his theological studies. His twelve printed Quodlibets run from 1488 until 1507 and were prepared for publication by his former student, Martin Dorp. If he began lecturing in Theology ca. 1490, his 6.rst printed Quodlibet and one that remains unprinted would be the only ones he disputed before beginning his lecturing duties in Theology. See E.H. REUSENS, Syntagma Doctrinae Theologicae Adriani Sexti, Ponto Max. Louvain, 1862, p. xxii-xxvi; R. POST, Adrien VI. Notice biographique, in Herdenkingstentoonstelling Paus Adrianus VI, Gedenkboek Catalogus. Louvain, 1959, p. 42-43 (also see p. 113); also see in Ephemerides Theologicae Lovanienses, 35 (1959), p. 555-561; K.-H.·DuCKE, Hande/n Zum Hei/. Eine Untersuchung zur Morallehre Hadrians VI. Leipzig, 1976, p. 5-18, 51-53.
CIRCULATION
AND
DEVELOPMENT
209
disputations held in the Arts Faculty at the University of Cologne in the fourteenth and fifteenth centuries 132.
To preside over one of these Quodlibetal disputations in Arts was evidently regarded as a burdensome task in these universities. In fact, one sign of the decline of Quodlibets in Arts Faculties is the increasing reluctance of Masters to undertake this demanding duty. Another reason may be that these lengthy disputations were singled out by the rising Humanism as the epitome of a decadent Scholasticism 133. Be that as it may, in the year 1490 at Erfurt it was only after seven Masters had refused to accept this task that one could be found to function as Quodlibetarius for that year 134. Already in his Quodlibet of 1411 at Prague, John Huss began by noting that he had accepted this responsibility (to serve as Quodlibetarius) only because two senior Masters had judged it necessary to decline for that year m.
While fully recognizing that the above description of these later Quodlibets in Arts is based on a limited number of sources and that further research concerning Quodlibets and other Disputed Questions in the later middle ages is still needed, it may be helpful for us to single out certain points of difference between these later Quodlibets in Arts and the earlier Quodlibets from Theology Faculties at Paris and Oxford. First of alI, a certain element of spontaneity is missing from these later Quodlibets, at least as regards the selection of the major questions to be disputed. According to the later procedure in these Faculties of Arts, it would be the presiding Master himself who would have selected his own quaestio principalis as well as the particular questions he would propose for disputation by each of the participating Masters. Hencc, while such Quodlibets would still be de quolibet in that they would ran widely over the various fields of expertise of the participating Ma t rs, they would no longer be a quolibet. In other words, the definition f \I Quodlibet in Theology as being both de quolibet and a quolibet will nly apply in part to these later Quodlibets in Arts Faculties.
\l2 LIESSEM, Die quod/ibetischen Dlsputationen an der Universitãt Kõln, in Programm de Kaiser Wilhelm-Gymnasiums zu Ko/n, XVIII. Schuljahr, Kõln, 1886, p. 58-70. 133 See KLEINEIDAM, op. cit., p. 239; THUROT, p. 89-90 (on hostility to Scholastic disputations as such, not merely to Quodlibets). ,>4 See KLEINEIDAM, p. 243; also see Teil 11 (Leipzig, 1969), p. 79-80. In 1499 the situation became even more desperate. Only after a second faculty meeting could anyone be found to serve as Quod/ibetarius, the humanist Jakob Scholl of Strasburg. On the other hand, even in this later period there seems at times to have been competition for thi great honor at Cologne (see LIESSEM, p. 63 and note 6). '" See Magistri Iohannis Hus Quod/ibet, p. 2.
210
CHAPTER IV
Secondly, the presiding Master himself, along with his responding Bachelor, we may assume, would have had sufficient time to prepare the major part ofhis presentation and determination ofthe quaestio principalis, even though the fioor would then be opened to objections from other Masters and from invited doctors from the higher faculties. And if we may judge, for instance, from Erfurt and from Louvain, the other participating faculty members both from Arts and from the higher faculties would also have had some time in advance to work out their disputations of their particular questions 136. Thirdly, a very large number of Masters could actually dispute in such Quodlibets, and often did so. As noted above, these might include not only Masters from Arts, but some members from higher faculties. This raises an interesting point about the party or parties to whom such a Quodlibetal disputation should be assigned, and about the authorship of written versions of such Quodlibets. In the case of John Huss, for instance, the Quodlibetal disputation is assigned to him as presiding Master or as Quodlibetarius. This does not mean, however, that he himself determined the individual questions which he had proposed for the other participating disputing Masters. In the case of Adrian Florensz, on the other hand, the individual questions disputed by him in different years under different presiding Masters have been published under his name as his Quodlibets. This, too, is quite proper, since he did indeed dispute and determine the individual questions assigned to him by these presiding Masters (Quodlibetarii) in different years. Still, one might also, presumably, refer to the entire quodlibetal session for a given year as being that of the Quodlibetarius for that year, but in a different sense, as in the case of John Huss. It will be evident to the reader how greatly this procedure differs from that followed for the great thirteenth- and fourteenth-century Quodlibets in Theology which were disputed and determined by a single Master. From all of this it follows that the criteria offered above in Chapter I to distinguish Quodlibets from Ordinary Disputed Questions must be adjusted when one turns to these later Quodlibets from various Arts faculties. There will still be a considerable variety of topics, to be sure, as great if not greater than before, since questions may now range over the classical four faculties: Arts, Law, Medicine, and Theology. But the disputation and determination of these many and varied questions within 136 See KLEINEIDAM, op. cit., Teil J, p. 240; for Louvain ee lhe reference given above in notes 130 and 131.
CIRCULA TION AND DEVELOPMENT
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a single Quodlibetal disputation will no longer be the work of any one Master. Again, if length is to enter in at all as a distinguishing criterion, one will expect later Quodlibetal disputations by individual Masters in Arts to be considerably briefer than individual Quodlibets in Theology from the late thirteenth and early fourteenth centuries. Far less time was assigned to these later disputing Masters for their individual contributions than was customary in the earlier period for individual Quodlibetal Masters in Theology 137. Finally, there seems to be no need for the detailed organizing plans devised by thirteenth- and fourteenth-century Quodlibetal Masters in Theology in these later Quodlibetal disputations in Arts. Hence, the absence of such plans will no longer necessarily indicate that one is not dealing with a Quodlibet during the later period. In the absence of explicit indications in the text or in the manuscript tradition, it may be diffi.cult today for us to identify surviving isolated questions from these later Quodlibets as truly Quodlibetal rather than as some other kind of Disputed Question. On the other hand, readily recognizable indications are often at hand. For instance, there may be direct references by the disputing Master to the presiding Master a the Quodlibetarius. Or the disputing Master may explicitlyrefer to the que ti n, which the Quodlibetarius has forwarded to him or proposed for him. And m some cases, at least, university statutes carefully prescribe th f( IIlI m which these questions were to be submitted by the Quodlib tanus, fOI 111 stance, that there should be three questions, including one cum ar '11I/11'1111\ und two sine argumentis. If we may judge from certain rather limited indication in th I () Statutes of the University of Bologna for Arts and for M di '111, 1111 other kinds of Quodlibets seem to have been in vogue there. As re 11<1 Mcdicine, Quodlibetal disputations were to be held only twi u y li, md only by professors (doctores) who were then actually "rcadin .• in ". ne can easily reach this conclusion by dividing the Quodlibetal period - six day , tIl' m. lance, at Louvain, and perhaps as much as two weeks at Erfurt - by lhe many M I t r who would dispute individual questions at a given Quodlibetal session. Or 011 IIlly imply compare the length of the 12 printed Quodlibets of an Adrian Florensz, for 'li t 111 ,with those of Henry of Ghent. An interesting note added to Adrian Floren z's ( li" lhb t IX indicate that the reply to the 10th objection as well as the quaestiuncula 111h wer customary at L uv in r mi in from ali available exemplaria. The n te 11 I that thi wa b u dn 111' di pUI w. I o I ng and with these would h v ,"11, th n flll d th 1I0ll I thr IInll' (r th 1ClIIVIlI1dili n, 1518, f I. 98rb).
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CHAPTER IV
medicine. This would happen according to an order based on seniority, beginning with the senior professor (antiquior). ln each Quodlibetal disputation ten questions were to be proposed, six by the doetores themse1ves and four by students. One passage seems to imply that a doetor could give a quodlibetal question to a student in advance, though not too far in advance, and hence that both would know what question was to be disputed 138. One wonders whether this also means that the six questions to be proposed by the various doetores had also been decided upon in advance, and if so, by whom - by the doetor who was conducting the Quodlibet, or by the others? Unfortunately, the Bologna statute does not clarify this. One also wonders whether it was the Quodlibetal professor's task to determine all the questions which had been proposed by the others. One suspects so because of a subsequent remark indicating that all the questions were to be determined and to be deposited in written form·with the stationer within two weeks of the date of the determination 139. But this point, too, is not clearly indicated. ln a separate rubric regulations are laid down for disputations and 138 See C. MALAGOLA, Statuti delle Università e dei Collegi dello Studio Bolognese. Bologna, 1888, p. 262-263. Note in particular: "Et in quolibet ipsorum quolibet proponantur decem quaestiones, seu sex per doctores et quatuor per scolares; et quod arguens possit unam rationem proponere et una alia confirmare ad principalem quaestionem, hoc addito, quod nullus doctor alicui scolari suum quodlibet ante mensem dare possit" (p. 263). Ifno doetor was permitted to give his Quodlibet (which I take to mean his quodlibetal question) to a student ante mensem, presumably he could give such to a student less than a month in advance. In the preceding rubric (Iv): "De modo arguendi ad quamlibet quaestionem", a distinction is drawn between the function of serving as arguens, on the one hand, and as respondens, on the other. No student could serve as arguens with respect to a given question unless he had followed lectures in that subject either at Bologna or elsewhere for at least one year. A student could not serve as respondens at a general disputation, nor at any Quodlibet "sub a1iquo doctore legente" unless the student had followed lectures in that subject for at least two years. Normally four students - one from each of the four nations - would "argue" (serve as arguentes) at disputations. Then other doetores aetu legentes would a1so do so in turn, beginning with the younger in seniority. It would seem that arguens as it is used here is the same as opponens; but if so, according to rubric Iv (which is speaking of disputed questions in general) each opponens could propose "duas rationes et eas duabus aliis confirmare et non ultra". According to rubric lvi, which explicitly treats of Quodlibets, an arguens could propose unam rationem and confirm this with one other with respect to 'the quaestio principalis (as quoted above). See p. 261-263. ll9 "Quae quaestiones debeant determinari, et in scriptis ad stationem generalium bidellorum poni et dari infra quindecim dies adie determinationis factae ..." (rubric Ivi, p. 263). Note that here it is stated that no student could serve as respondens at a Quodlibet (in Medicine) unless he had followed courses in medicine either at Bologna or elsewhere for at least three years; but if he was the bearer of the licentiate in arts, then it would be enough for him to have follow d cour cs in medicine fi r two year (ibid.).
CIRCULATION
AND DEVELOPMENT
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uodlibets in Arts. Any professor (doetor) "reading" in Arts was to di pute two questions per year. Those reading in logic were to dispute Iwo questions in logic and, it is added, to dispute de quolibet when the occasion demanded. Those reading in grammar were to dispute two questions in grammar and to dispute de quolibet when their turn carne. S too for those reading in philosophy ; they were to dispute two questions in philosophy and also to dispute de quolibet as the occasion demanded 140. No professor was to accept money or anything e1se from l tudent on the occasion of his giving a question to a student 141. Again this seems to imply that the professor would have decided in advance what question was to be disputed, and would let the student know this m advance - perhaps a student who was to serve as responding Bachelor. There was to be only one Quodlibet per year in each ofthe aforementioned üelds within Arts, that is, logic, grammar, and phi1osophy. Again an order ba ed on seniority was to be followed, in the case of Quodlibets beginning with the senior professor in each of these fie1ds.Professors in Arts were obliged to determine their Quodlibets within a week of the original li putation, and to provide a written copy for the University stationer within two weeks of that determination 142. Some regulations were also iven for Quodlibets to be disputed and determined by the professor of astrologia, and by Masters and Lectors in Religious Houses of Study in lhe area who were teaching in those houses 143. "" ee p. 263, rubric Ivii. '" "Item quod nullus doctor, occasione a1icuius quaestionis datae vel danduo 1111 c 11I colari, audeat recipere ab a1iquo scolari a1iquam quantitatem pecuniae, vel aliquod 11111(1 "11 • te vel indirecte ..." (ibid.). "I ee p. 263-264, rubric lvii. Note in particular: "Quod quodlibet teneantur d Ir 1(1 uui nem infra quindecim dies adie determinationis, et infra octo dies debeant dei rnun 11 I die disputationis ...". As regards both Medicine and Arts, one wonders whcther 1111 upulation applies to giving a written version of the questiones) which had been di pUI 11 1I th Quodlibetal Disputation, or a1so of the determination(s). Perhaps the rc uIUl'(UI Ipplics to both, since it allows for two weeks to have passed after the deterrninatlon. 11 u, thi would not have permitted the extensive kind of elaboration and reworking pointcd lu rb vc in the case of some of the thirteenth- and fourteenth-century Quodlibet in 111 01 gy faculties. For more on the Quodlibetal Question in the Faculty of Medicine at lIul() na, see D. Jacquart's contribution in this same volume. '41 Sce rubric Ix (concerning the doctor "electus ad salarium in astrologia"), p. 262; ,(lhll' lxi (conceming Masters or Lectors of the fratres of any order), p. 265-266. This I "lu,' makes it c1ear that not only the questions but their determinations were to be I ']ll'd und presented to the Stationcr: "et dietas quaestiones (de quolibet) determinare, I uet rminatas ad tationcrn gcneraliurn bid 11 rum ponere in bonis cartis et de bona 1111 , \ .," (p, 265). Perhaps, th r for • \l11 111' usume that the same applies to Quodlibct ,li puted ond d terrnin d ln Il 11111 M (11 '111 ( 11 I 142 above).
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CHAPTER IV
In the rubrics referring to Quodlibets in Arts, in astrologia, and in the Religious Houses, there is no indication that questions would be proposed by a number of different professors and students, as in Quodlibets in the Faculty of Medicine. In addition to some of the uncertainties already mentioned, another thing remains unclear from the above conceming these Quodlibets in Arts and in Medicine. One wonders if and to what extent written versions of such Quodlibets may have differed from written versions of other general University disputations. Further research conceming this would be welcomed, and would have to be based on an .analysis of surviving copies of the written products of such disputations, to the extent that such are available. This cannot be attempted here. Rather than offer any kind of definitive survey of the Quodlibet in nontheological faculties in the later middle ages, I have simply drawn upon these few examples in order to show how greatly these Quodlibets differed from Quodlibets in Theology at Paris and Oxford of the thirteenth and earlier fourteenth centuries. The reader can easily see how careful one must be about applying the definition and many of the rules of criticism proposed above for Quodlibets in Theology of the thirteenth and fourteenth centuries to these later nontheological Quodlibets. For that matter, one must also be careful about generalizing too quickly from the situation in various faculties of Arts in Universities such as Erfurt, Louvain, or Prague, for instance, to all faculties of the same chronological period. But it is my impression, based on this admittedly limited sampling, that these later Quodlibets in various faculties of Arts (and Medicine) resulted in far less significant written contributions to medieval philosophical and theological literature than did the great thirteenth- and fourteenth-century Quodlibets in Theology 144. 144 At the same time, surviving Quodlibets from the later fifteenth eentury and thereafter ean be of great value to our knowledge of Renaissanee philosophy and the presenee of medieval elements therein. See, for instanee, the first work published by Alessandro Aehillini, dating from 1494, and entitled Quolibeta de Intelligentiis. This work is divided into five major parts, eaeh of whieh is described as a "quodlibet" by Achillini. Yet eaeh part treats of one aspect of the same theme, intelligenees. Note its explieit: "Expliciunt quolibeta de intelligentiis ab ... Alexandro de Achillinis ... Anno domini 1494 Kalendis Iuniis in capitulo generali minorum edita". Bologna, 1494, f. 34. This work was evidently very carefully structured and prepared for publication, even though the term "edita" might be taken to mean that it was presented orally in some fashion at a General Chapter of the Friars Minor. See H. MATSEN,Alessandro Achillini (1463-1512) and His Doctrine 01 "Universais" and "Transcendentals", A Study in Renaissance Ockhamism. Lewisburg, Pa., 1974, p. 22, 26. For ana1ysi of the content of the work see B. NARDI, Sigieri di Brabante e Alessandro Achillint, in Gi rnale critico delta filosofia Italiana, 24 (1943), p. 103-145; reprint d in igieri di Brabant n I pens! ro dei R/nas imento Itattano. R m , 1945, p. 45-90.
CHAPTER V
EDITIONS OF QUODLIBETS Many Quodlibetal Questions from the medieval period have not yet been edited. Many others which were edited during the earlier days of printing are still awaiting critical editions. The most complete lists of Quodlibets from the thirteenth and fourteenth centuries are to be found in the two volumes of Glorieux's La Iittérature quodlibétique. A few additions were made to these lists by Glorieux in his Ou en est Ia question du Quodlibet? 145 Since that time, other Quodlibets have been edited, cither in whole or in part. And earlier editions of Quodlibets from the later medieval period were not mentioned by Glorieux. Here we shall supplement Glorieux's earlier lists as found in the two volumes of La Iittérature quodlibétique by adding other editions of complete Quodlibets that have come to our attention from both the earlier (thirteenth and fourteenth centuries) and the later medieval periods. We make no claim that this list is exhaustive, but trust that it will be of some service t the reader. As regards isolated editions of individual questions from Quodlibets, these continue to appear in ever increasing number in many different kinds of publications, sometimes as or at least as included in urticles, and on many other occasions simply as incorporated into b k ' treating of particular individuals or themes from the medieval peri d. The reader should be wamed that very frequently the titles of such tudi ive no indication that editions of particular questions from Qu dlih t. are included therein. And the reader should also note that n oth 'I o casions the titles of articles which announce the edition of a iV'1I uodlibet may be misleading, in that frequently they contain only )1\ or other particular question from a given Quodlibet but not thc cntir uodlibet. Here, rather than prolong unduly the present Chaptcr, wc shall not attempt to list such partial editions. AI RIAN FLORENSZ (POPE ADRIAN VI). Questiones quotlibetiee exeellentissimi viri, artium et saere theologie professoris longe eeleberrimi M. Hadriani Florentii de Traieeto, propositi insignis eec/esie Sane ti Salva toris Traiectensis atque preclarissime Academie Lovaniensis Cancellarii. LouI"
Se
lhe
BIOLI
RAI'IIY
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CHAPTER V
EDITIONS
vain, 1515; Louvain, 1516; Louvain, 1517; Louvain, 1518; Venice 1522 (reprinted 1964); Paris, 1522; Paris, 1527; Paris, 1531; Lyons, 1546; Lyons, 1547. For a listing of these various editions see L. BURlE, Proeve tot inventarisatie van de in handschrift ofin druk bewaarde werken van de Leuvense theologieprofessoren uit de XVe eeuw, in Facultas S. Theologiae Lovaniensis 1432-1797. Leuven, 1977, p. 269-270. Note that BURlE regards this list as only provisional (see p. 216-217). ALESSANDRO ACHILLINI. Quolibeta de Intelligentiis. Bologna, 1494; Bologna, 1506; also see his Opera omnia. Venice, 1545. DURANDUS OF SAINT-POURÇAIN. Quolibeta Avenionsia Tria. Additis Correctionibus Hervei Natalis Supra Dieta Durandi in Primo Quolibet. P.T. STELLA, ed., ZOrich, 1965. GERARD OF ABBEVILLE. Le Quodlibet XIV de Gérard d'Abbeville, PH. GRM~D, ed., in Archives d'Histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, 31 (1964), p. 207-269. GILES OF ROME. Quaestiones I-XX a fratre Aegidio Romano Paduae disputatae, G. BRUNI, ed., in Analecta Augustiniana, 17 (1939-1940), p. 125-157. Edition of a Quod1ibet of Giles of Rome held, perhaps, at the General Chapter of the Augustinian Order at Padua in 1281. GODFREY OF FONT AINES. Le Quodlibet XV et trois Questions ordinaires de Godefroid de Fontaines. O. LOTTIN, ed., Louvain, 1937 (Les Philosophes Belges, 14). GONSALVUS OF SPAIN. Fr. Gonsalvi Hispani O.F.M. Quaestiones Disputatae et de Quodlibet. L. AMOROS, ed., Quaracchi, 1935. Also contains qu. 7 of John Lesage's Quodlibet (p. 437-450). For a full edition of John's Quodlibet, see below. HENRY OF GHENT. The noncritical editions ofHenry's Quodlibets (Paris, 1518; Venice, 1608; Venice, 1613) are gradualiy being replaced by the ongoing critical edition. So far, Quodlibets I and X have appeared in this new edition: Henrici de Gandavo Quodlibet I. R. MACKEN, ed. (Henrici de Gandavo Opera Omnia, 5), Leuven and Leiden, 1979; Henrici de Gandavo Quodlibet X. R. MACKEN, ed. (Henrici de Gandavo Opera Omnia, 14), Leuven and Leiden, 1981. JAMES OF THERINES. Jacques de Thérines Quodlibets I et lI. Jean Lesage Quodlibet I. P. GLORIEUX, ed., Paris, 1958. JAMES OF VITERBO. Jacobi de Viterbio O.E.S.A. Disputatio Prima de Quolibet. E. YPMA, ed., Würzburg, 1968. Jacobi de Viterbio O.E.S.A. Disputatio Secunda de Quolibet. E. YPMA, ed., Würzburg, 1969. Jacobi de Viterbio O.E.S.A. Disputatio Tertia de Quolibet. E. YPMA, ed.,
Würzburg, 1973. Jacobi de Viterbio O.E.S.A. Disputatio Quarta de Quolibet. E. YPMA, ed., Würzburg, 1975. IAN VARENACKER. Quodlibetum. Tractatulus de indulgentiis. Nederlanden, but without further indication of place or of date (but before end of fifteenth century). Also: Quodlibeta lI. Utrum c/erici et ecc/esiarum praelati mortaliter peccent si, quod eis de praebendis superest, in eleemosynam non elargiantur. Utrum ab homine possit dispensari in praeceptis iuris naturalis an divini. Louvain, 1512; Paris, 1544. On ali of these see BURlE, Proeve tot, p. 241. JoIlANNES DORSTEN. Quodlibet disputed and determined at Erfurt in 1465 (or 1466), edited (with notes) by J.B. TRAPP in Journa/ of III Warburg and Courtauld Institutes, 18 (1955), p. 267-282. The cditi n has been somewhat shortened. See p. 282 for the explicit (ac ordin to Codex Trier 2064): "Explicit disputatio et deterrninutio xinui doctoris sacre theologie professoris J ohannes de D rst 'n (li duu heremitarum sancti Augustini in disputatione de qu lib 1 ulm \11\1 versitatis Erffordensis anno domini 1465 contra crr r ,hh 1I1
216
J oachimi de tertio statu mundi, etc.". viri, artium et sa rol' 111/'(//(/' 11I professoris eruditissimi, M. Ioannis Briardi Athensis, eiusdem AC(ldl""/" vicecancellarii quaestiones quotlibeticae, cum aliis nonnullls 1"'11'I[,'/1' Louvain, 1518. Published with the Louvain, 1518 cdition 01 111 Quodlibets of Adrian Florensz. Note that some of the c umllih I • if not ali, date shortly after 1500. According to H. DI! JONC;II, 111 were reprinted at Paris in 1527 and at Lyons in I 47 (t· 111 L'ancienne Faculté de Théologie de Louvain au premi r s/( di' Ih' \"" existence (1432-1540). Louvain, 1911, p. 151-152, n. ). J HN DUNS SCOTUS. Obras dei Doctor Sutil Juan Duns Escot« 1M /tII' Bilingüe. Cuestiones Cuodlibetales, F. ALLUNTIS, tran lati n un 1 1111111(1 Madrid, 1968. The Latin text is a considerably impr v d ver 11 11 of that found in the earlier W ADDING edition (Lyons, 1 39) whi 'h was reproduced by L. VIVES in Ioannis Duns Scoti opera omnia, v I . 25-26 (Paris, 1895). For more on the status of the Latin text, see John Duns Scotus, God and Creatures. The Quodlibetal Questions. F. ALLUNTIS and A. WOLTER, transl. and Introd. Princeton, 1975, p. xxxi-xxxiü. J IIN Huss. Magistri Johannis Hus Quodlibet. Disputationis de Quolibet Pragae in Facultate Artium Mense Ianuario Anni 1411 Habitae Enchiridion. B. RYBA, cd., Prague, 1948. On the contents of this text
J HN BRIARD OF ATH. Excellentissimi
ee above, n t
12.
218
EDITIONS
CHAPTER V
219
1AMES OF
SIIAPIRO and CH. SHAPIRO, "De Primo et Ultimo Instanti" des Walter Burley, in Archiv für Geschichte der Philosophie, 47 (1965), p. 157-
10HN PECKHAM. Joannis de Pecham Quodlibet Romanum. F. -M. DELORME, ed., Rome, 1938.
173. WII.LIAM OF ALNWICK. Fr. Guillelmi Alnwick O.F.M. Quaestiones disputatae de esse intelligibili et de Quodlibet. A. LEDOUX, ed., Quaracchi,
10HN LESAGE. Quodlibet l. For THERINES.
this
see above
under
10HN QUIDORT (OF PARIS). The First Quodlibet of Jean Quidort, A. HEIMAN, ed., in 1.R. O'DONNELL, Nine Mediaeval Thinkers. Toronto, 1955, p. 271-291. This Quodlibet is relatively brief for its time (ca. l304/l305) both in terms of the number of questions - only ten and the length of each. PETRUS DE RIVO. Quaestio quodlibetica disputata anno LXV· Lovanii per Petrum de Rivo, L. BAUDRY, ed., in La querelle des futurs contingents (Louvain 1465-1475). Paris, 1950, p. 70-78. PETRUS SUTTON (?). Petrus Sutton (?) O.F.M., Quodlibeta, F. ETZKORN, ed., in Franciscan Studies, 23 (1963), p. 68-l39. PETER OF T ARENTAISE.Le Quodlibet de Pierre de Tarentaise, P. GLORIEUX, ed., in Recherches de Théologie ancienne et médiévale, 9 (1957), p. 242-275 (edition of a reportatio of the first day's disputation); p. 277278 (edition of introductory and transition formulae found in the second and incomplete version). PETRUS THOMAE. Petrus Thomae O.F.M. Quodlibet. M.R. HOOPER and E.M. BUYTAERT, editors, St. Bonaventure, N.Y., 1957. ROGER MARSTON. Fr. Rogeri Marston O.FM. Quodlibeta Quatuor. G. ETZKORN and I. BRADY, editors, Quaracchi-Florence, 1968. THOMAS OF BAILLY. Thomas de Bailly. Quodlibets. P. GLORIEUX, ed., Paris, 1960. (Contains his six Quodlibets). THOMAS OF SUTTON. Thomas von Sutton Quodlibeta. M. SCHMAUS, ed., with M. GONZALEZ-HABA, Munich, 1969. (Contains his four Quodlibets).
1935. WILLIAM OCKHAM. Venerabilis Inceptoris Guillelmo de Ockham Quodlibeta eptem. 1. WEY, ed., St. Bonaventure, N.Y., 1980. This replace the earlier noncritical editions: Paris, 1487/8; an edition by C. O DE DIJK, without indication of the date or place of publication ; and trasbourg, 1491 (reprinted at Louvain, 1962). NYMOUS(ERFURT) QUODLlBET. Disputed at Erfurt in 14 . Print xl at least twice in 1486, at Erfurt and at Memmlingen. See 1.B. TI~AI'I'. op. cit., p. 292, note 162. Also see L. MEIER, Die Rolle der 111/'(110 ,( im Erfurter Quodlibet, in Recherches de Théologie ancienne ,( '" 'ti/( val, •
WALTER BURLEIGH. A Quodlibet, disputed by him at Toulouse, has been identified with his Quaestio disputata de primo et ultimo instanti. This work itself was incorporated into the version of his Commentary on the Physics published, for instance, at Venice, 1501. See In Physicam Aristotelis Expositio et Quaestiones. Venice, 1501/repr. HildesheimNew York, 1972, ff. 252va-254vb 146. For a modem edition see H.
17 (1950), p. 298-299. Not al1 of the editions mentioned here are equal1y rcliabl • 11111 111 urne holds for those listed by Glorieux in his La littératur C/llmll", /1'1 " already mentioned, many date from the earlier day f pnntm 11111 Ire noncritical. The quality of twentieth-century editi ns 11 li V 111 S me, while offering a satisfactory working text for practi 'ai PIII!,II were issued before some of the latest techniques for criti aI . 11111I11, 11 "I been developed and would hardly be regarded as critical '(\llu111 h t day's standards. Others are based on only one manu icript, Jl I li 11 because only one has survived. The reader will want t I 111 rtu 111 mind, as well as the fact that the quality of the edition h I 11 111 li' d pend upon the quality of that manuscript. Some evt luuuon 111 tI. 11 manuscript will more than likely be made by the editor in hi Introdu 111111. Still others have been based only on a few manuscript impl I they were intended to be provisional editions rather than definitiv. IIn, thi will undoubtedly be made clear to the reader by the edit r in the Introduction. In other cases, however, truly defi.nitive critical editi n have appeared and others are now in the process of being prepared. ne can only applaud the efforts of such specialists, and hope that more f the hitherto unedited Quodlibets will eventual1y see publication, and that more of those which have appeared in defective earlier editions will
'46 On this see A. UNA JUAREZ, La Filosofia dei Siglo XIV, Contexto Cultural de Walter Burley. Madrid, 1978, p. 25, 71, 77.
bc critical1y edited. In any critical editi n f. medieval Quodlibet one would expect to hnd a thorough Intr du tion plainin the tatus of the manu cript
VITAL DE FURNO. Vitalis de Fumo Quodlibeta Tria. F.M. DELORME, ed., Rome, 1947.
220
CHAPTER V
tradition and the techniques employed in preparing the edition. This should also include, especially if one is dealing with a relatively unknown figure, appropriate biographical and historical information concerning the medieval author and his work. In the case of relatively unknown authors especially, some overview of the doctrinal content of the Quodlibet can be of great service to today's readers. In addition, such editions should include a subject index, an index of persons, places, and historical institutions, and an index of authorities cited. Insofar as possible both classical authorities and contemporary sources cited by the medieval Quodlibetal author should be listed in this index and in the notes accompanying the text. Perhaps the most difficult kind of source to identify in medieval quodlibetal literature is the contemporary who is so ofteo cited anonymously, especially when he was still living at the time the Quodlibet was delivered. One can hardly expect today's editor to be c?mplet~ly success:ul in identifying accurately all of these refereoces by his medieval quodlibetal author to medieval cootemporaries. 10 fact, in many cases such will oot be possible until editioos have appeared of all the major works, above all, of all the Quodlibets, authored by the medieval Master's cootemporaries, or else uotil the modero editor himself has had occasion to examine manuscripts cootaining such works which are still . unedited. Granted all of this, those modero editors who have attempted to make such ideotificatioos are to be commended. Their editions will be more useful to today's reader than others in which no such attempt was even made. At the same time, both today's editor and today's reader should be w~ about. assuming too quickly that mere similarity in doctrine always pomts to direct knowledge of one medieval author's text by another. On too m~y occasions such refereoces can be accounted for by appealing to a third and common source, or perhaps eveo to a living oral tradition in a giveo Uoiversity cootext. And it is also sometimes difficult to determine which author is following which even wheo there is unmistakable evideoce of some kind of textual interdependeocy between two medieval authors.
CHAPTER VI
HISTORICAL VALUE As is evident from much that has been said above, surviving Quodlibetal uestions from the great theology faculties ofthe thirteenth and fourteenth eoturies are extremely valuable sources for today's student of the philosophical and theological thought of that time. Because of their wideranging character, and because they refiect the mature thought of the Masters who determined them, they are excellent indications of the underlying positions adopted by these Masters in metaphysics, theory of knowledge, natural philosophy, moral philosophy, and in speculative and practical theology. In many instances they are also of interest to today's tudent of medieval Canoo Law, since fairly frequeot reference to canonical i sues appears in them 147. Because many individual questions treated within these Quodlibets were of practical and pastoral value, consultation of the same is equally indispensable for ooe who would know more of lhe pastoral practice of that time. That this final point was recognized loog ago is attested to by the fact that a number of questions taken from Thomas Aquinas's Quodlibets I through VI became major sources for manuals for confessors during the later medieval period itself 148. Reference has already been made above to another hotly cootested issue in the thirteeoth ceotury which touches 00 both pastoral practice and appropriate interpretatioo of the Church's Law - the controversy concerning Mendicant privileges and the hearing of confessions 149. Because of their frequent reference to contemporary historical events, ,., Often, as one might expect, questions were disputed which combine canonical and pastoral concerns with those pertaining to what we today would call moral theology. For s me iIIustrations taken from Thomas Aquinas's Quodlibets I-VI see BOYLE, The Quodlibets SI. Thomas and Pastoral Care, especially p. 248-251. One wilI find many more simply h. paging through the many questions listed in the two volumes of GLORIEUX'S Lalittérature quodlibétique. In the determined versions of these thirteenth- and fourteenthccntury Quodlibets such more practical questions usually appear nearer the end rather than at the beginning. This teUs us nothing, however, about the order in which the qucstions were originally raised at lhe first day's oral disputation. ,., See BOYLE, The Quodlibets of St. Thomas and Pastoral Care, p. 252-256. ,•• See above, p. 199 and n. 108. For more references see BOYLE, The Quodlibets of St. Thomas, p. 244, note 39; WIPPIlL, Th Metaphysical Thought of Godfrey of Fomaines, p. xixx.
ar
222
CHAPTER
VI
consultation ofthe many questions raised and disputed in these Quodlibets can be of considerable value to students of medieval history, both secular and ecclesiastical. Various examples of questions occasioned in Quodlibets by contemporary historical events have been ofIered, and th~ could be greatly multiplied. It would be possible, of course, for a Master to raise a question occasioned by a contemporary historical event at another kind of disputed question; but the statisticallikelihood of this happening at a Quodlibetal disputation is increased by the fact that questions could come from so many difIerent members of the audience, and by the fact that the questions were not prepared in advance by the Quodlibetal Master himself. 150 Given their close association with major medieval Universities in the majority of cases, Quodlibets are evidently a rich resource for students of the history of the University. Not only are they filled with information conceming the buming issues debated within Universities of that time, but they are a living witness to many of the academic practices and structures of their day. And they are a fine illustration of the highly unique role played by a medieval Master, especially a Master in Theology, in the life of the medieval University. Surviving quodlibets from the Arts faculties of the great medieval Universities of the thirteenth and fourteenth centuries are relatively rare, as we have seen. The few that do survive are of interest especially to students of natural philosophy and the natural sciences. As regards later Quodlibets from various faculties of Arts, more have survived in one form or another. Granted their great difIerence from the earlier Quodlibets from Theology Faculties, they are of considerable value today to students of the philosophical, theological and canonical thought of the fifteenth and sixteenth centuries. As will be recalled from Chapter IV above, while they were conducted in faculties of Arts, in most of the cases we have examined these later Quodlibets allowed for members of higher facultie to participate and to dispute appropriate questions. And they, too, are interesting refl.ectionsof the academic procedures and methods of their day, thereby ofIering important information to the historian of the University 151. 1>. As L. BOYLE makes the point: "For even in its final, polished state at some distanc removed from the excitement of the original General Disputation, a Quodlibet reflect. the interests of the audience that attended the General Disputation and not those of th master" (The Quodlibets 01 St. Thomas, p. 240). 1>, KLEINEIDAM a1so stresses their importance for students of modern philosophy anil theology, at least as regards those held at Erfurt. See his Universiias Studii Erffordensi: , Teil I, p. 157: "Die Quodlibeta Erfurts galten damals viel, und wcr ich in modcrner Theologie und Philosophie orientieren wollte, musste sich die rfurtcr Quodlibcta bc r ·n
TROISIEME PARTIE
LES QUESTIONS DISPUTÉES DANS LES FACULTÉS DE DROIT PAR
G. FRANSEN
BIBLIOGRAPHIE , Igles et abréviations: BIMAE = Bibliotheca Iuridica Medii Aevi, Scripta anecdota antiquissimorum
lossatorum. Bologne. = Bulletin of Medieval Canon Law, New Series, Berkeley, California, 1971 ss. ZSSKan (Rom) = Zeitschrift der Savigny Stiftung für Rechtsgeschichte, Kanonistische (Romanistische) Abteilung, Weimar. BMCL
A. TRAVAUX 1. Civilistes KANTOROWICZ, H., The Quaestiones disputatae of the Glossator. , dam Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 16 (1938-39), p. 1-67, reproduit dans KANTOROWICZ, H., Rechtshistorische Schriften. Ed. COIN ,H. et IMMEL, G. Karlsruhe, 1970 (Freiburger Rechts- und Staatswi senschaftliche AbhandIungen 30), p. 137-185. Ouvrage fondamental pour Ia période envisagée (jusqu'au milieu du XIIIe siêcle), basé sur Ies textes et non rempIacé jusqu'ici. Devra être revu pour Ia fin du XIIe siêcle, vu Ies nombreux manuscrits récemment découverts. A compIéter par: KANTOROWICZ, H. et BUCKLAND, W., Studies in the Glossators of th« Roman Law. Cambridge, 1938, reprint avec addenda par WmMA~. P. Aalen, 1969. Cf. p. 81-85 et 246-253 (éd. de 5 question ). OING, H., Handbuch der Quellen und Literatur der neueren europâischrn Privatrechtsgeschichte, t. I: Mittelalter. Munich, 1973, contcnant : WEIMAR, P., Die Legistische Literatur der Glossatorenzeit, p. 128- 60 surtout p. 140-146, 222-226, 245-249 avec littérature. HORN, N., Die legistische Literatur der Kommentatorenzeit, p. 2 1364 surtout p. 333-336. NÓRR, K.W., Die kanonistische Literatur, p. 365-382. B LLOMO, M., Aspetti dell'insegnamento giuridico nelle Università medievali. I. Le" Quaestiones disputatae", Reggio Calabria, 1974 (Cultura Giuridica dell'Eta medievale e Moderna I). 2.
anonistes TTN
R,
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anontstik (Pr dr mu Corporis Glo sarum
226
BIBLIOGRAPHIE
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B. ÉDITIONS Habituellement, les éditions sont précédées d'une Introduction qui examine des problêmes plus généraux concemant les questions disputées. Ces Introductions auraient eu leur place dans Ia Bibliographie. Nous avons joint une liste des "analyses": celles-ci reproduisent les thêmes et les solutions.
227
ivilistes
I.
BULGARUS (Stemma Bulgaricum) Quaestiones in schola Bulgari disputate, ed. F. PATETTA, dans BIMAE, t. 2 (1892), p. 195-209; cf. H. KANTOROWICZ, Studies ... , p. 246253 (essai d'éd. de 5 q.H67 q.). Tuaestiones Dominorum Bononiensium Col/ectio Parisiensis, ed. J.B. PALMIERI, dans BIMAE, t. 1, 2e éd. (1914), p. 235-266 (162 q.). Col/. Gratianopolitana, ed. J.B. PALMIERI, dans BIMAE, t. 1, 2e éd. Addit. (1914), p. 209-242 (132 q.). Casus et argumenta, ed. U. NICOLINI, Una sconosciuta raccolta di "Quaestiones dominorum", dans Studi di storia e diritto in onore di Enrico BESTA 11. Milan, 1939, p. 37-66 (reproduit: Seritti di storia dei diritto italiano. Milan, 1983, p. 256-283) (48 q.). Col/. Aschaffenburgensis, analyse H. VAN DE WOUW, Notes on the Aschaffenburg manuscript Perg. 28, dans BMCL, 3 (1973), p. 98-107 (49 q.). J )ANNES BASSIANUS Analyse: E. SECKEL, Die Quaestiones Vindobonenses des Joannes Bassianus, dans ZSSRom, 55 (1935), p. 338-344 (8 q., 15 casus). J ILLIUS Celeberrimijure consulti ... Pilei Modicensis quaestiones aureae. Rome, 1560 (reprint Turin, 1967) (142 q.). U. NICOLINI, Pilii Medicinensis quaestiones sabbatinae. Modêne, 19 (8 q.). A. BELLONI, Le col/ezioni delle "Quaestiones" di Pillio da AI< dinio. Storia dei testo e tradizione manoscritta con l'ausilio dei computer, dun Ius commune, 9 (1980) (7 q. ed.). Z
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disputatarum"
e le
"quaestiones" di Riccardo da Saliceto, dans Studi Senesi, ser. 3, 18 (1969), p. 256-291. Voir aussi les indications de N. HORN, Die legistische Literatur der Kommentatorenzeit, dans H. Corxo, Handbuch ... , t. I, p. 333-336. 2. Canonistes
a) Éditions Quaestiones Stuttgardienses, ed. F. THANER, Die Summa Magistri Rolandi. Innsbruck, 1874 (reprint 1962), Appeodice p. 237-303 (36 q.).
229
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n
230
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CHAPITRE I DÉFINITION
DU GENRE
1. LES TRAITS ORIGINAUX DES "DISPUTES" DES JURISTES Plu ieurs traits sont propres aux questions disputées des juristes, au III'u celles des canonistes que celles des civilistes '. I) Pour eux ces joutes ont une importance toute particuliêre par 1',' 'lIe préparent directement l'étudiant à Ia pratique du droit. lIe 11\1 nt dans le programme académique, mais en dehors de l'enseignem nt 111 I i tral. La question disputée prend Ia forme d'un véritable procês, au t li me souvent concret; il ne s'agit pas de résoudre les contradicti ns '1" I'on découvre entre deux ou plusieurs textes, mais de montrer, par li arguments tirés de l'arsenal juridique et adaptés au cas par le I 11. nnement, qu'une des deux branches de l'alternative proposée a lc rlroit pour elle. La dispute, pour les juristes, est l'écolage du barreau. h) De toutes les "questions" connues, celles des civilistes sont les plu .111 'i nnes: elles datent du second quart du XIIe siêcle. Celles de 111 ni tes leur sont postérieures d'une vingtaine d'années. Les question li .ette époque sont des questions "privées", disputées in scholis. Quant 111 disputes académiques, Ia premiêre trace certaine que nous en ay n, Ir uve dans les statuts bolonais de 1252, qui en traitent comme d'un 111 titution établie et disposent simplement que "tout docteur en d ( it 11\ n ou en droit civil doit 'disputer' au jour qui lui est assigné par I t ur 2." J e ne me souviens pas d' avoir rencontré chez les civili t OU 11' canonistes des "quaestiones quod1ibetales". A vrai dire, les re li 'il li questions, à quelques exceptions prês, alignent sans ordre les uj 1 I plus variés pour ne pas dire les plus disparates. es arguments des juristes sont assez souvent, surtout au début, 1" s mtés sous Ia forme de références chiffrées, c'est-à-dire de renvoi 111 textes de droit, sans plus. Ces renvois se lisent parfois en "texte I I 10 sateurs et commentateurs du droit romain sont appelés soit romanistes soit Ivlll t . Dans ce fascicule nous employons uniquement le second terme, '11uui de Bologne, 1252, art. 3, éd. D. MAFFEI, Un trattato di Bonaccorso degli E/isei I plli anttchi statuti dello tudio di 80/01(/10 nel manuscritto 22 della Robbins Collection, 1111 IJM L, 5 (1975), p. 94.
232
DÉFINITI
CHAPITRE I
suivi", mais, le plus souvent, ils sont groupés en deux colonnes de part et d'autre du thême. Ces deux colonnes sont souvent surmontées l'une par "actor", l'autre par "reus", allusion évidente au monde du procês, tout comme l'est le nom de "sententia" donné parfois à Ia solution. d) Pour les canonistes, à partir surtout de 1180, il faut noter l'infl.uence de Ia production et de Ia diffusion des décrétales pontificales. Celles-ci réglaient des points controversés: ceux qui, précisément parce que "dubttabiles", pouvaient faire 1'objet d'une disputatio. Certaines de ces décrétales résolvaient des questions jadis disputées ; d'autres fournissaient aux jouteurs de nouveaux arguments, provoquant ainsi le remaniement de questions traitées précédemment. Les décrétales fournissent ainsi à 1'historien des repêres chronologiques três précieux. Peut-on en dire autant, pour les romanistes, des positions fermement établies et acceptées unanimement par Ia doctrine? Je le penserais volontiers sans pouvoir le prouver. e) Enfio, mais ceei conceme Ia recherche et non les disputes ellesmêmes, 1'attention des érudits s'est concentrée sur les débuts de 1'École: le XIIe siêcle et Ia premiêre motié du XIIle. Plus récemment les études se sont étendues aux questions académiques et aux autres questions du milieu du XlIIe siêcle. Les recueils de cette époque, publiés sous le nom d'un maitre, et qui sont mentionnés dans les listes des stationarii semblent bien reprendre, le plus souvent, des questions scolaires publiées antérieurement (ainsi Pillius, Barthélemy de Brescia). Quant aux recueils postérieurs en date, publiés sous le nom de 1'un ou 1'autre maitre (souvent dans ses eeuvres completes) et dont nous possédons des listes établies par les érudits, ils n'ont fait, jusqu'à présent, l'objet d'aucune étude d'ensemble. 2. DÉFINITION
La question disputée, que certains préfêrent appeler disputatio, ressortit à un genre plus vaste, celui du queritur, des questions que le juriste (dans notre cas) se pose à lui-même ou pose -à ses étudiants. Ce qui Ia caractérise, c'est son but plutôt que sa structure (pro - contra - solutio) et surtout le fait qu'elle est 1'objet d'une dispute. Elle veut initier les juristes à leur tâche d'avocats ou de juges et se situe nettement endehors de 1'enseignement magistral, lequel consiste dans Ia lecture et l'exégêse des textes normatifs. A partir d'un thême, le plus souvent concret (réel ou fictif), parfois
N
233
rb trait, communiqué plusieurs jours à 1'avance, le maitre propose à ses
tudiants un ou plusieurs problêmes ou "questions". es questions doivent être "disputables", c'est-à-dire que leur solution n • peut consister dans un simple renvoi à un texte normatif, mais qu'elle .xige tout d'abord Ia recherche des textes réglant des cas plus ou moins scmblables ou encore fournissant un príncipe acceptable de solution ratio), et ensuite Ia mise en reuvre de Ia logique, du raisonnement, pour Ir uver, justifier et défendre contre les objections, soit par déduction, s it par élimination, Ia solution juste du problême posé. Il s'agit, au fond, d'un procês fictif. Ce qu'il faut prouver, ce qui fait I' bjet de Ia décision du maitre, c'est qui a raison, le demandeur ou le défendeur. Ou plutôt, il faut découvrir les arguments valables (qui sont iurtout mais non exclusivement des textes de droit) à partir desquels et moyennant un raisonnement plus ou moins compliqué ou spécieux, on peut donner raison à 1'une des parties. Les arguments doivent, en príncipe, être trouvés par les étudiants. ans un stade ultérieur, je pense qu'ils leur sont foumis par le maitre vec 1'énoncé de Ia dispute. La partie adverse répond assez souvent aux arguments proposés, piíis présente les siens. Enfio le maitre tranche le débat en indiquant Ia partie victorieuse et, parfois, motive sa solution (ou sentence). II arrive aussi qu'il réponde aux objections. 3. STRUCTURE DE LA QUESTION DISPUTÉE
Une rubrique, absente dans les collections anciennes, permet de classer Ia question et en indique le sujet. Suit un préambule assez bref et sans beaucoup de signification, qui di paraitra rapidement. Vient ensuite le thême, petit récit bref ou prolixe, réel ou factice, qui d nne l'occasion au maitre de situer ou d'introduire les questions (Kant rowicz préfêre parler de "problêmes") qu'il veut voir traiter. Celles-ci, t ujours abstraites, introduites par "queritur", sont parfois multiples, du m ins au début de 1'École. Três souvent chez les civilistes, três rarement chez les canonistes suit Ia "propositio aetionis", 1'indication du moyen de droit que 1'on invoque. cci pour orienter les débats. e raisonnement ou argumentation n nce le arguments d'une des pnrtie (pro) puis, habitu 11m 0"1. 0\1 de I' iutr (contra). li se peut qu'on o
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eHAPITRE I
DÉFINITION
réponde aux arguments opposés, soit par avance, soit ensuite. Cette partie est três variée et pourrait, à elle seule, permettre un classement typologique.
étudiant veut "disputer" sous lui 5. Il faudra examiner si c'est de ce "dépôt légal" avant Ia lettre que sont issus les "libri magni questionum" du XIVe iêcle 6. Nous savons par ailleurs que les docteurs eux-mêmes (entre autres J ean d' André) analysaient dans leurs propres écoles et discutaient les questions disputées solennellement mais aussi d'autres questions publiées par leurs collêgues. Ces disputes "secondes" ou 1'0n critiquait d'autres disputes, parfois aprês les avoir reproduites in extenso, étaient des disputes privées, in scholis, dont le résultat est parfois conservé par écrit 7. Nous pensons que Ia plupart des questions anciennes qui sont conservées, même celles qui seront ensuite publiées par un maitre (Pillius, Roffredus, Damase, Barthélemy de Brescia), ne sont pas des questions "académiques" mais des mises au net de questions disputées par les étudiants dans les écoles. C'est d'ailleurs ce qui explique leur três grande variété et qui rend leur étude si attrayante. Sur le rôle du respondens dans une question académique, outre le passage cité plus haut, voici un témoignage tardif, celui d'une question bolonaise de 14058: "disputata per me Florianum de Sancto Petro utriusque iuris doctore sedem regentem ordinariam infortiati ... de qua questione et omnibus precedentibus dubiis sub me solempnissime et suflicientissime respondit vir multe scientie dominus Anthonius de Gisebaldo de Sicilia". Je ne pense pas qu'on puisse verser au dossier l'énoncé d'une question canonique (peu aprês 1215) 9: "Magister cuidam discipulorum questionem iniunxit ut allegaret. III pretendit ignorantiam et paruitatem. Queritur utrum peccauerit?" Étant donné le style de toute Ia collection, il doit s'agir non d'une question solennelle, mais d'une question privée, in scholis. 11 est cependant d'autres textes ou le maítre semble donner des
Enfio le maítre résout le problême posé. Cette solution, à laquelle on donne plusieurs noms, est breve ou longue, justifiée ou non, pourvue ou non d'un sigle. Elle répond parfois aux arguments invoqués. Tels sont les éléments à travers lesquels le lecteur des notes transcrites ou rédigées devra reconstituer l'exercice scolaíre ou académique qu'elles veulent relater. Un ou plusieurs de ces éléments peut manquer et il n'est pas toujours aisé de savoir si ces "omissions" sont dues au scribe et proviennent des vicissitudes de Ia transmission du texte ou bien si elles sont intentionnelles et proviennent d'un parti pris de celui qui a commandé le manuscrit, ou encore d'une lacune dans Ia documentation initiale. Il peut en effet se faire que le reportator n'ait pas entendu, qu'il n'ait pas eu le temps matériel de mettre par écrit ce qu'il entendait, ou même qu'il ait été empêché d'assister à Ia dispute.
4. ESPEeES DU GENRE
A) Quaestiones disputatae in scholis et quaestiones so/emnes seu pub/icae Les statuts de Bologne prévoient que les docteurs en droit canon et en droit civil doivent disputer publiquement. Selon les statuts de 1252, au jour qui leur est fixé par le recteur; selon les statuts postérieurs, entre le Carême et Ia Pentecôte. Ils sont ensuite tenus de mettre au net leur dispute avec réponse à tous les arguments et de Ia déposer chez le bedeau, afio qu'on puisse en prendre copie, le tout sous peine d'amende 3. Certains docteurs étaient dispensés de l'obligation de disputer. Jean d'André se demande si un docteur "privilegiatus qui non tenetur disputare disputavit ... Hanc questionem per se disputatam stationario non tradidit. Queritur ... secundo an doctor inciderit in statutum" 4. Cependant un docteur, même dispensé, est tenu de "disputer" si un , H. KANTOROWICZ, The Quaestiones ..., p. 44, transcrit le texte du statut qu'a édité C. MALAGOLA, Statuti della Università e dei Collegi dello Studio Bolognese. Bologne, 1888, rubr. xlv, p. 107-108. • Question disputée Padoue le 16 déc. 1307, dans C. MESSINI, De codice iuridico n. 3 PL II I. S. (Iege P1ut. 2 lat. sino n. 3) bibliothecae Malatestianae (Cesenae), dans Antonianum, 26 (1951), p. 293-294. ette question e t reprise dans le Mercuriales de Jean d'André s.r. â
Accessorium.
235
> e.. MALAGOLA, Statuti ..., rubr. cxiiij, p. 148. Cf e. MESSINI, Questioni disputate in diritto canonico nel/o studio Bolognese nel seco XIII. dai cod. Y.Z.I + Appendice Campori 1242 della Bibl. Estense di Modena, dans Appolinaris, 50 (1977), p. 484-485 note. 6 Sur ces "Libri magni", cf. M. BELLOMO, Due "Libri magni quaestionum disputatarum" ..., dans Studi Senesi, S. 3, 18 (1969), p. 256-291. 1 e. ROSEN, Notes on an earlier version 01 the "Quaestiones mercuriales", dans BMCL, 5 (1975), p. 113. • Bruxelles, Bibl. Ro \1 , '" 11\11 rll /I IS92, ~ 1. 94v. • KI terneubur, SII" I Ihl 1M,'! II , 1111 H/Ir \0 - i n, Bibl. apit. 83 q. 125, p. 525.
236
CHAPITRE I
instructions à son champion, et qui se rapportent, eux aussi, à des questions privées 10: "Pro priore (questione) quoque sic potest allegari ... scilicet quod decretum quod ex pietate questio determinari potest ... et hic latet determinatio ... quod decretum a parte aduersa per sequentem paragraphum (le §est un "dictum" de Gratien) determinabitur. Item ... (citation d'un texte) cuius finem scilicet 'absoluendo' fauet huic parti, principium uero alteri parti. Item habes ... (autre citation) quod hic adapta." "Aduersarii praedictis capitulis pro posse determinando respondeant, partem suam postea fouere studeant." "Aduocati aduersae partis obiectis respondeant et postea sua inducant capitula quibus partem aduersariorum infringant et suam corroborare ualeant." Ces textes sont anciens. On y trouve les termes determinare, que 1'0n re~contre plus tard chez les théologiens (ici vers 1155) et que 1'0n ne V?It plus guêre dans Ia suite chez les juristes, et adaptare, qui reste d usage plus fréquent. II ser~t logique de penser que les rêgles, du moins certaines des rêgles, de Ia dispute académique sont issues des usages scolaires. Mais ceei n'est qu'une hypothêse plausible. UnAdemi~r ~~int: Jean d'André, au début du XIVe siêcle, exige que le maítre qui dirige une dispute soit "actu regens". Cela vaut pour toutes les disputes 11.
DÉFINITION
237
C) Quaestiones quaternales Ce sont des questions disputées déjà par un maitre ou dans ses écoles, et qui circulent dans des "quatemi". Jean de Dieu avertit, non sans fierté, ses lecteurs que, dans ses questions, i! n'en est pas de quaternales 12. Nous renvoyons à plus tard Ia distinction entre questions disputées plusieurs fois, simples copies d'une même question, ou adaptations d'une question avec utilisation de nouveaux arguments. Qu'il suffise de noter ici que les mêmes questions, munies des mêmes allégations passent d'une École à l'autre, non sans qu'on ait modifié les noms de lieux. Ainsi Ia question du manuscrit de Stuttgart n. 35 (ed. Thaner, p. 300-303) est reprise dans Bamberg, Staatsbibl. Cano 19, foI. 171v, mais avec Cologne, Metz et Toul au lieu de Milan, Parme et Reggio 13. D) Quaestiones dominicales, sabbatinae, etc. L'épithête indique habituellement le jour de Ia semaine ou les questions contenues dans le recuei! ont été disputées. II y a au moins une exception : certaines des questions contenues dans les mercuriales de Jean d'André, et dont nous connaissons Ia date par ailleurs, n'ont certainement pas été disputées le mercredi. Le P. Rosen estime que Jean d' André critiquait le mercredi, devant ses élêves, les questions disputées auparavant et dont i! avait connaissance, soit grâce à une publication (chez le stationnaires ou autrement) soit par ses notes personnelles prises lor de Ia dispute 14.
B) Quaestiones reportatae et quaestiones redactae 5. GENRES VOISINS
Certain~s qu~stions, même scolaires, sont manifestement rédigées à tete reposee. D autres sont des notes transcrites. II est parfois diífícil de faire le. dép~ ~ntre les deux types. Qu'i! suffise ici d'avoir, aprês H~ Kantorowicz, attiré l'attention sur ce point sur lequel on reviendra. A
. d premier e ces textes est dans Bamberg, Staatsbibl. Cano 17. foI. 163v (bas); les deux autres dans Incem auctoris 'quaestiones (Stuttgardienses) ed. F THANER S • Magistri Rolandi. Innsbruck, 1974. p. 269-270 (q. 24). • . • umma 10
Le
" C. ROSEN. Notes ...• dans BMCL. 5 (1975). p. 106 note 17 citant S. KUTTNER Bernardus Compostellanus antiquus, dans Tradtuo, 1 (1943). p. 325. On peut y ajouter I~ texte ude .Ia préface des ~ercuriales tran crit par Ro en p. 106 ou Jean d'André annonce que ~horum euarn qui non sunt plu actu legente nec habite ad legendum hic (quae li ne ) multa ub r uli quibus nuenient c 11 bo."
A) Quaestiones legitimae, decretales D'autres questions ont, elles aussi, Ia forme pro, contra, soluüo, (111 également appel à Ia dialectique et portent sur des points de droit. Comment les distinguer des questions disputées? D'abord, par Ic fuit qu'elles n'ont pas été, généralement du moins, I'objet de dispute: cllc ne sont pas des exercices mais sont intégrées à l'enseignement magi tr I comme moyens d'exposer ou d'approfondir le texte commenté. Ensuitc, par leur objectif: elles doivent le plus souvent montrer qu'il n'y a pa Cité par S. KUTTNER. op. cit., p. 322 note 9 et repris par C. ROSEN. op. cit.• p. 108. G. FRANSEN. La structure d« "quae tlones disputatae" et leur classement, dan Tradltto, 23 (1967). p. 523. ".R RN,Nol ,11111//((1, (l'I1'),p.112-11. 12 IJ
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CHAPITRE
DÉFINITION
I
contradiction entre deux textes ou deux groupes de textes, ou bien résoudre un problême abstrait qui se pose à propos de Ia matiêre traitée ou encore approfondir une notion, en montrer les différents aspects. Selon leur matiêre, on les appellera legitimae (chez les légistes) ou decretales (chez les canonistes) 15. Ces questions, quae fiunt causa docendi, ne font pas l'objet d'une dispute même si J ean Bassien, dans Ia préface d'une Somme sur le Digeste qui circula avec celle d' Azon sur le Code, indique qu'il ré serve les questions plus difficiles à une discussion plus détaillée, dans l'aprês-midi 16. Ce sont elles que 1'0n trouve dans l'enseignement du maitre, soit dans les gloses, soit dans les lecturae ou commentaires, aprês l'exégêse du texte lui-même. Rappelons que cet enseignement devait suivre l'ordre des livres de droit, selon un calendrier fixé d'avance et ce sous peine d'amende. Nous avons conservé une Iiste ancienne (1252) des "puncta" tant en droit civil qu'en droit canon 17. Or les recueils de questions disputées, ceux des romanistes comme ceux des canonistes, présentent les questions sans aucun ordre (c'est ce qui rend leur étude et leur consultation difficiles), alors que les collections de casus, de notabilia, de distinctiones, de generalia, genres Iittéraires issus de Ia glose, suivent, comme elle et sauf accident, l'ordre des livres de droit. Ce n'est qu'exceptionnellement que 1'0n trouve des questions disputées classées sous des rubriques. Ainsi les Neapolitanae, celles de Damase, et Ia premiêre version des mercuriales de'Jean d'André. Les Cusanae, elles, ne traitent que du mariage. Mais, dans tous ces cas,
"S. KUTTNER et E. RATHBONE, Anglo-Norman canonists 01 the twelfth century ; dans Traditio,7 (1949-51), p. 312-313; S. KUTTNER, Bemardus Compostellanus antiquus, dans Traditio, I (1943), p. 320-322 (Ies deux articles reproduits avec Retractationes de S. Kuttner dan Gratian and the Schools 01 Law, 1/40-1234. Variorum Reprints, Londres, 1983); S. KUTTNER, Zur neuesten Glossatorenforschung, dans Studia et Documenta Historiae et Iuris, 6 (1940), p. 302-308. ertaines questions cependant semblent rebelles à toute tentative de c1assement. Cf. A. PADOA S HIOPPA, Le "Quaestiones super Codice" di Pillio da Medicina, dans Studia et Documenta Historiae et Iuris, 39 (1973), p. 256-259. 16 J ANNES BAssIANUS, Materia ad'Pandectam (Principium omnium rerum) post AZO, umma, Pavie, 1506 (reprint Turin, 1966, p. 384): "Ad ultimum questiones mouere et di cutere c nsulimus uel statim in lectione uel in uesperis pro ua difficultate prolixiori disput ti ni re eruando, differenda." f. P. WEIMAR, Die legisttsche Literatur ..., (CiL note 24) p. 212. " . MAHfll, Un trattútn ..., d n (I 7 ). p. 4-101 et P. RLlA , ur un menus rit du õécre: ti ratten, d m rattana, 2 (I 7 ). p, 26 2 8.
239
il s'agit manifestement d'un regroupement ou d'un début de classement, non de l'état primitif de ces questions 18, Il reste vrai cependant que, tôt ou tard, les maitres reprendront, dans leur enseignement systématique, des questions auparavant disputées 19. On n'a pas suflisamment étudié ces "retombées"; encore fallait-il d'abord connaitre les questions elles-mêmes. B) Allegationes Il s'agit de Ia présentation par les avocats, lors d'un procês, des arguments qui doivent faire triompher une cause. Nous en avons conservé quelques-unes 20. Elles sont três voisines des questions disputées, mais elles se rapportent à un procês réel, non à un procês fictif comme les
quaestiones. C) Consilia Il faut en dire autant des consilia. Ce sont des avis donnés par des jurisprudents à propos d'un cas réel, déjà introduit ou que 1'0n voudrait introduire en justice. Ils s'adressent soit aux parties, soit au juge. Certains sont três concrets, au point que l'on peut, grâce à eux, reconstituer des procês. D'autres sont Iibellés de maniêre plus abstraite, retenant seulement les points de droit en cause 21. S'agit-il dans ce cas de consilia ou de questions? La méthode d'argumentation est tout à fait semblable. Bien plus, on peut penser que certains consilia ont été, par Ia suite, transformés en quaestiones par le jurisconsulte qui les avait recueillis: il suflisait pour cela de supprimer, ou plutôt de rendre anonymes, les références à des
18 Quaest. Neapolitanae: G. FRANSEN dans BMCL, 6 (1976), p. 30; Damase: S. KUTTNER, Repertorium der Kanonistik. Cittâ deI Vaticano, 1937 (Studi e Testi 71), p. 427; Quaest. Cusanae: G. FRANSEN dans Convivium utriusque iuris (Festschrift for Alexander DORDETT). Vienne, 1976, p. 209-222; Jean d'André, Mercuriales : C. ROSEN dans BMCL, 5 (1975), p. 104-105. '9 C. ROSEN, Notes ..., dans BMCL, 5 (1975), p. 107-112; M. BELLOMO, Aspetti del/'insegnamento giuridico nelle Università medievali. I. Le "Quaestiones disputatae,' Reggio Cal abria, 1974, p. 61-69. '" Allegationes Phalempinianae, dans Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 49 (1981), p. 251285. Cf. G. FRANSEN, Colligite Fragmenta, dans Studia Gratiana, 13 (1967), p. 83-85 (Valenciennes, B.M. 274, fol. Ir). 21 M. ASCHERI, I consilia dei giurisü medievali. Per un repertorio-incipitario computerizzato. ienne, 1982, 61 p.
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CHAPITRE
I
DÉFINITION
241
données concrêtes 22. Cependant, alors que, dans Ia quaestio, les deux adversaires ont successivement Ia parole, le consilium, même s'il réfute les arguments de l'adversaire, se tient d'un seul côté.
quaestiones disputatae 26. En droit romain, ce sont divers traités, surtout ceux qui concement les statuts, qui recueilleront Ia matiêre déjà discutée et les points établis dans les quaestiones 27.
D) Casus
F) Quaestiones iuris - Quaestiones facti
Le mot signifie "problême", On s'explique donc qu'il soit appliqué à un recueil de questions dépourvues d'allégations et de solutions 23. Mais casus avec un déterminant, exprimé ou sous-entendu, casus legis ou casus capituli ou decretalis, désigne Ia formulation abstraite du contenu du texte normatif: le résumé de Ia portée juridique du texte 24. Ou encore les circonstances concrêtes qui ont provoqué Ia décision. Si 1'on se souvient que Ia question doit être "disputable" "dubitabilis", on comprend que 1'affirmation, par 1'un des jouteurs: "casus est talis legis (ou capituli, ou decretalis)" est péremptoire, car elle indique et prouve que Ia question n'est pas disputable puisqu'elle est déjà résolue par un texte. L'adversaire pourra toutefois contester Ia véracité de 1'assertion et prouver que le casus invoqué ne correspond pas à Ia question posée 25. Plus tard, Ia routine aidant, 1'invocation d'un casus cessera d'être un argument décisif.
La question disputée est toujours une quaestio iuris. A Ia fio du XIIe siêcle et au début du XIIle chez les canonistes, mais déjà dês les débuts chez les civilistes, elle se réduit souvent à un "queritur quid iuris sit". Ce qui est en "question", c'est Ia solution juridique qu'il faut apporter à un problême, Ce problême toutefois peut être présenté de maniêre abstraite ou contenu dans un cas concreto Roffredus se plaignait que les questions de Pillius n'apportaient rien aux étudiants, parce que trop théoriques. 11 leur fit donc traiter des "quaestiones de facto emergentes", c'est-à-dire des cas, réels ou fictifs, à propos desquels se pose une question de droit 28. Une quaestio facti au sens strict n'est pas objet de discussion mais seulement de preuve: il s'agit d'un fait dont on se demande (quaestio) s'il existe. TI faudra donc en établir 1'existence par des témoignages, des documents (instrumenta) et non par des textes légaux. Mais dans une quaestio [iuris] ex [ou de] facto emergens, il s'agit non pas de prouver l'existence d'un fait, mais de découvrir quels sont les textes ou les raisons qui permettent d'établir Ia solution juste que demande le problême concret ainsi posé. La question de droit ne se présente pas d'une maniêre abstraite, comme elle le pourrait dans une discussion théorique, mais comme conséquence d'une situation de fait au sujet de laquelle on se demande quel est le droit 29. 11 faut noter en terminant que ce que beaucoup d'auteurs appellent des quaestiones facti sont des quaestiones ex facto emergentes.
E) Summa quaestionum C'est une exposition synthétique qui étoffe 1'explication abstraite (in summa) d'une réalité juridique (simonie, prescription, élection, excommunication) par une série de cas concrets (quaestiones) illustrant et précisant 1'explication proposée. Ces Summae, dont Ia méthode est semblable à celle de s. Thomas dans Ia Somme théologique, se situent "en aval" des quaestiones decretales et aussi, je le pense du moins, des
G) Quaestio - Disputatio 21 Remarques sur l'édition, par E.M. MEIJERS. des Quaestiones Doctorum Tholosanorum (Haarlem, 1938): H. ICANTOROWICZ dans English Historical Review, (1939). p. 713-718. propose de les appeler "Questiones Tholose sigillatae"; ef. S. KUTTNER dans Studia et Documenta Historiae et Iuris, 6 (1940). p. 429-430. Sur ees problêrnes, ef. M. BELLOMO. Le "Quaestiones ...• p. 78-81. 23 E. SECKEL. Die Casus Bambergenses dans E. GENZMER. Seckel und Ugo Nicolini über die Quaestionen des Pillius, dans ZSSRom. 55 (1935). p. 336. 382; M. BELLOMO. op. cit.• p.23. 24 P. WEIMAR. Die legistische Literatur der Glossatorenzeit, dans H. COING. Handbuch der Quellen und Literatur der neueren europãischen Privatrechtsgescnichte, t. I: Mittelalter. Munich, 1973. p. 213-222.
2> Cynus de Pistola, eité par H. KANT R WI Z. The Quaestiones ...• p. 21 ; M. BELLOM • Le "Quaestiones ...• p. 24-30. qui n' pa étudié Ia périod antéri uro nu .
Peter Weimar voudrait que 1'on ré serve le terme disputatio à Ia dispute elle-même, à 1'exercice, et que 1'on appelle quaestio disputata Ia trace manuscrite qui en est parvenue 30. Je fais observer, aprês S. Kuttner, que
26 S. KUTTNER et E. RATHBONE.Anglo-Norman canonists ...• p. 314. 334-337; S. KUTTNER. Bernardus Compostellanus ...• p. 321 note 4 (ef. supra note 3). 27 M. BELLOMO. Le "Quaestiones ...• p. 61-65. 21 Voir le texte de Ia Préfaee de Roffredus plus loin p. 264. 29 M. BELLOMO. Le "Quaesüones ...• p. 16-24; P. WEIMAR. Die legistische Literatur ...• p. 144-145. ]O P. WElMAR. op. cit., p I 4 not I
242
CHAPITRE I
disputatio, dans un manuscrit de Barcelone, d'une maio plus récente que le texte il est vrai, désigne non pas des quaestiones disputatae mais des quaestiones decretales discutées au cours de Ia leçon 31. Et aussi que l'expression "hodie non est quaestio", indiquant que Ia quaestio n'est plus disputabilis, ne vise pas un écrit, mais l'ensemble de l'exercice 32. Ajoutons que Pillius, se référant à ses propres questions disputées, les appelie
CHAPITRE 11
ÉVOLUTION DU GENRE
brocarda nostra.
Seules les questions antérieures à 1250 ont fait l'objet de recherches systématiques. L'article de H. Kantorowicz, vieux de presque cinquante ans, reste fondamental. TI devra être complété par les travaux de Mlie A. Belioni qui a repris l'édition des quaestiones de Pillius laissée inachevée par U. Nicolini. Pour le XIVe siêcle, l'entreprise, plus ou moins en veilleuse, de Manlio Beliomo autorise déjà quelques conclusions. Tel est le bilan] pour les civilistes. Pour les canonistes, les données réunies par Stephan Kuttner en 1937 et complétées en 1943 ont pu être étoffées largement par de nouvelies découvertes que j'ai tâché d'utiliser. J'ai publié de nombreux dépouillements (thêmes et, parfois, solution) et quelques questions in extenso. Cela pour Ia période jusqu'à 1234. Martin Bertram commence à étudier Ia période suivante et le P. C. Rosen a publié un excelient article sur les mercuriales de Jean d'André 33.
1. CIVILISTES
Les premiêres questions disputées datent du second quart du XIIe siêcle et proviennent, non de l'école d'Irnerius mais de celie de Bulgarus. Leurs modêles ne sont pas à rechercher chez les théologiens ni chez le rhéteurs romaios, mais bien dans les "quaestiones, disputationes, responsa" des juristes classiques, surtout de Scaevola, conservées partieliement dans le Digeste. Kantorowicz distingue trois périodes. De Ia premiêre, nous possédon des quaestiones reportatae de l'école de Bulgarus (Ia collection date des environs de 1150) et des quaestiones Dominorum (vers 1170), disputes privées, mettant aux prises des personnes plutôt que des arguments. Les
S. KUTTNER et E. RATHBONE, Anglo-Norman canonists ... Retractatto, p. 32. Bamberg, Staatsbibl. Cano 45 et Klo terneuburg, Stif], bibl. 656, q. 63. Cf. Traditio, 19 (1963), p. 523. li
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244
CHAPITRE
ÉVOLUTION
11
raisonnements sont ou schématiques ou en style "mosaIque" 34, c'est-àdire qu'ils réunissent en centons des fragments empruntés aux sources juridiques elle-mêmes. La solution, généralement breve, est précédée du sigle du maitre. Dans Ia seconde période, celle de Jean Bassien et d'Azon (XlIle s.), les questions sont plus longues et leur développement moins personnel, plus abstrait. On peut y trouver des solutions ou le maitre répond aux arguments proposés par Ia partie perdante. S'y mêlent des questions reportatae et des redactae. Les découvertes de ces demiêres années ont largement accru le nombre de questions connues et exigent une reconsidération des conclusions de Kantorowicz. La troisiême période est celle des recueils édités sous le nom d'un maitre: Pillius (aprês 1186), Roffredus (1215) et Hugolin (peu aprês). IIs groupent des questions rédigées par l'''auteur'' de Ia collection, mais qui reprennent souvent des questions disputées antérieurement, par eux ou par d'autres, comme l'a montré Mlle A. Belloni 35. C'est ainsi que Ia tradition des questions de Pillius est double: d'une part celle qui est antérieure à Ia composition du recueil, d'autre part, celle du recueil officiel, diffusé par les stationarii 36. Aprês 1250, nous l'avons dit, nos renseignements sont plus ténus. Les questions "académiques" devaient être remises au bedeau. Les "/ibri magni quaestionum" qu'a commencé de dépouiller M. Bellomo avec son équipe, sont-íls issus exclusivement des copies "officielles" ou bien contiennentils également des disputes privées? Quoi qu'il en soit, les publications n'en sont qu'à leur début et les "libri magni" attendent, sinon une analyse, du moins leur publication. Quant aux questions du XIVe siêcle publiées dans les reuvres completes des grands commentateurs ou dans quelque rare recueil, elles suivent les rêgles des questions académiques, même lorsqu'elles sont disputées in scholis. Certains, constatant que Cinus et Bartole, dans leurs questions, ont souci de répondre à tous les arguments évoqués veulent voir dans
" Ce style "mosarque"
est celui de Ia plupart
des premiers
glossateurs
du droit romain.
11faut y voir une volonté de fidélité au vocabulaire des sources. Cf. H. KANTOROWICZ et W. BUCKLAND. Studies in the Glossators of the Roman Law. Cambridge, 1938. p. 74; récemment G. DOLEZALEK et R. WEIGAND. Das Geheimnis der roten Zeichen dans ZSSKan. 69 (1983). p. 199. • " Dans un article à paraítre, dont I·A. m'a aimablement communiqué le contenu. )6 Sur ce point précis: A. BELLONI. Le collezioni delle "Quaestiones" di Pi/lio da Medicina. dans Jus commune, 9 (1980). p. 35-45.
245
ce fait un parallêle avec les disputes théologiques 37. C'est oublier que, dês le début du XllIe siêcle, certains canonistes, dans des questions scolaires, répondent, eux aussi, à tous les arguments. II est plus aisé d'admettre une influence des canonistes sur les civilistes, leurs voisins, que d'en appeler aux théologiens, membres d'une autre faculté.
2. CANONISTES Les premiêres questions des canonistes - on peut les dater des années 1150 - ont-elles subi l'influence de celles des théologiens ou bien dépendentelles de celles des civilistes? II ne sera possible de répondre qu'aprês une étude de détail, guidée par des repêres chronologiques et géographiques sürs. Je pense que les canonistes s'inspirent de Gratien, au début tout au moins, dans Ia formulation de leurs questions et qu'ils ont une hiérarchie des preuves qui leur est propre. Plus tard, disons vers Ia fin du XlIe s., leurs questions se rapprocheront de celles des civilistes. Auparavant toutefois, et dês le début, on rencontre chez eux le terme "determinare" (nous l'avons signalé) avec le sens qu'il a aussi bien en droit qu'en théologie. Redisons-le, les questions antérieures à 1234 - celles que nous avons étudiées et transcrites - sont des questions scolaires et non académiques, quoique les statuts de 1252 présentent déjà Ia dispute académique comme un exercice habitueI. Dans une premiêre période (1150-1190) une grande variété caractérise les questions des canonistes; les thêmes sont souvent prolixes, le questions nombreuses, les solutions breves ou três longues. Nous avon conservé des questions redactae comme des reportatae et le raisonnement est três varié. A Ia fin du XlIe siêcle, le style change: le thême est plus ramas sé l contient, en fait, Ia question, qui se réduit à un "queritur quid iuris it." Les arguments se succêdent sans ordre apparent. Souvent ils début nt par un principe abstrait étayé par des renvois aux textes aussi bien du droit civil que du droit canon. La solution est souvent breve mais s'attarde parfois à répondre aux arguments proposés. Au XllIe siêcle apparaissent des recueils portant le nom d'un auteur: Jean le Teutonique, Damase, Barthélemy de Brescia, plus tard
" N. 1I0RN. Die legistts h 111 nuur drr 1\0111111 ntotorenzeit, ti r Quellen ...• L 1 (cit. 11m 4) Jl \4 I 1I\l1 7
dans H. COING. Handbuch
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CHAPITRE II
ÉVOLUTION
J ean de Dieu. lls reprennent parfois, comme ceux des civilistes, des questions précédemment disputées en les modifiant ou nono Pour Ia fin du siêcle, quatre manuscrits contiennent des questions académiques (mais le sont-elles toutes?) dont plusieurs ont été éditées. D'autres questions sont connues par des eeuvres qui les ont reprises en tout ou en partie, ainsi les mercuriales de Jean d'André. Restent les recueils, imprimés ou manuscrits, de questions d'un seul ou de plusieurs maitres. Ici, on peut tout au plus renvoyer à des listes compilées par les auteurs d'ouvrages généraux 38. Tout le reste: fixation du texte, vérification des attributions, analyse et description de l'évolution du genre, attend les bonnes volontés.
les réponses de l'autorité que sont les Décrétales. Par ailleurs les questions ont permis aux civilistes de "penser" et de synthétiser les textes innombrables et parfois opposés que leur offraient le Digeste et les autres livres du droit romain afin de les utiliser comme arguments dans Ia pratique. Plus tard, à en croire M. Bellomo, c'est le problême du droit statutaire et sa valeur face au droit romain qui les retint particuliêrement.
3. SYNTHESE
On constate que le nombre des questions diminue au cours du temps et que leur style se banalise. On est loin de Ia variété et de Ia spontanéité des débuts. A Ia limite, il semblerait que les questions académiques, avec leurs rêgles strictes, ont fi.géet stérilisé un genre littéraire vraiment prometteur. Mais peut-être, à Ia réflexion, faut-il voir les choses autrement et se demander pourquoi on copie les questions, pourquoi on veut en garder mémoire. Car enfin aujourd'hui encore les étudiants rédigent des exercices de plaidoirie et les maitres corrigent leurs travaux. Mais on ne pense pas à les éditer ni même à les conserver. II me semble qu'au début de l'École, on a vu dans les questions des modeles de discussion, quel que soit le sujet traité. On comprend dês lors qu'on en ait copié un bon nombre. Dans un second temps, ce qui intéresse le lecteur et par conséquent l'auteur d'une collection, c'est Ia solution du problême posé et sa justifi.cation: d'oú les démarches de Jean d'André qui ne retient dans son recueil que les questions non decisae, et Ia rêgle académique qui prescrit au disputant de répondre à tous les arguments invoqués. La question, sans cesser d'être un exercice, est devenue un instrument de recherche. Bien plus, pour le droit canonique, on peut penser que les solutions données par les maitres aux questions qu'ils faisaient disputer dans leurs écoles auront, comme leur enseignement ex cathedra, influencé
J8 A. VAN HOVE, Prolegomena ad Codicem Iuris canonici. Malines ct Romc, 1945, p. 489490; CH. LEFEBVRE, Quaestiones, dans Dia. de droit canonique (dir. R. NAZ), l. 7 (1965), col. 412-413 (civilistes) et 416-418 (canoniste ).
REGLES DE CRITIQUE
CHAPITRE III
REGLES
DE CRITIQUE
11 convient d'examiner d'abord les problêmes critiques concernant Ia question elle-même et chacun de ses éléments, puis ceux qui sont propres aux collections en tant que telles. Les questions dont le texte est presque semblable nous retiendront ensuite: sont-elles des remaniements ou des reIectures? On posera alors les problêmes que soulêvent tous nos textes: quel est 1'auteur de Ia question et comment Ia dater? Dans quelle mesure les textes conservés permettent-ils de remonter aux disputes ellesmêmes, et enfin, ce qui me parait Ia question fondamentale, pourquoi at-on copié les quaestiones et en a-t-on fait des recueils? Dans tout cet exposé on sera particuliêrement attentif à I'évolution de chacun des éléments : c'est elle en effet qui aide à situer les questions et les collections dans Ie temps et dans 1'espace.
1. LA QUESTION 1°) Rubrique Dans les collections anciennes, elle est le plus souvent l'eeuvre du rédacteur de Ia collection, voire même des copistes, ce qui explique ses variations. Elle indique le contenu de Ia questiono Plus tard, dans Ies collections publiées par un auteur (Pillius), elle doit être attribuée à celuicio A ma connaissance, Ies questions académiques n'ont pas de rubriques. 2°) Préambule Généralement três court, il n'a pas de signification. Par exemple: "Questio talis fuit proposita". On Ie rencontre presque uniquement dans les anciennes questions des civilistes.
249
récit assez compliqué, dans Ie style des Causae du Décret de Gratien, encombré de détails superfl.us (dont Ie maítre avertira parfois qu'il ne faut pas tenir compte); Ies questions qui se posent à son sujet s'y raccrochent plus ou moins habilement, à teI point qu'on Ies copie parfois sans reproduire Ie thême ! PIus tard, Ies canonistes imiteront Ies civilistes : Ieurs thêmes seront plus brefs et plus prégnants et Ies questions se réduiront à "queritur quid iuris". Si, au début, on peut, à Ia rigueur, se passer du thême (et certains 1'ont fait), au XIIle siêcle, c'est Ia question que I'on peut sous-entendre puisqu'elle est presque toujours Ia même. 4°) Question (ou Problêmey C'est Ie problême juridique abstrait, disputabilis c'est-â-dire non ré lu par un texte normatif, et que I'étudiant doit s'efforcer de résoudre, prenant parti pour une des branches de 1'alternative et justifiant son option. 11 est introduit par "queritur", "uertitur in questione", "quesitum est", "est in questione". Pour éviter Ia confusion avec 1'ensemble de 1'exercice, Kantorowicz préfêre 1'appeler "problême". Au début, chez Ies canoniste surtout, Ies questions se multiplient. 11n'en est pas ainsi chez Ies civilistes ni chez Ies canonistes Iesplus récents (aprês 1180). Rappelons qu'il existe, en droit canonique, des recueils de questions sans thême. En fait, celui-ci était tellement peu lié aux questions qu'il était censé introduire que son omission n'entravait en rien Ia compréhension de 1'ensembIe. li est parfois possible de retrouver Ie thême omis dans d'autres collection . C'est ce que j'ai appelé: "questions en quête de thême 1." 11peut se fair également qu'en cours de raisonnement une question accessoire émcr de Ia discussion. Parfois Ie copiste I'a prise pour une question distin t et traitée comme telle. Le cas n'est pas rare dans Ies premiêres questi n des civilistes. Le même thême, qui, au fond, n'est qu'une historiette, a pu servir de utien, d'introduction ou de prétexte à des questions différentes. Vice versa Ia même question a pu être formulée en dépendance de thêmes variés. 5°) Indication de l'action
3°) Thême 11est appelé casus, negotium, materia chez les civilistes, thema et parfois, au début, causa chez Ies canonistes. Rarement abstrait, il est réel ou fictif. Au début, chez Ies civilistes, il est bref et três précis, lié à Ia question qu'il introduit; chez Ie canoni tes, il prcnd souvent l'allure d'un
A sez tôt chez Ies civilistes, et ensuite três généralement, rarement au c ntraíre chez Ies canoni te , le maitre, afio d'orienter Ies étudiants,
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de dépoulllement
et de classement
250
CHAPITRE III
REGLES DE CRITIQUE
adjoint à Ia question une propositio actionis. Il indique ainsi le moyen de droit qui peut être invoqué (actio doli, officium iudicis etc.) et circonscrit Ia discussion. On se souviendra que le droit canonique n'exigeait pas Ia mention de l'action dans le libelle introductoire d'instance.
b) Mode de citation des textes juridiques 1. Il faut examiner d'abord quels textes sont cités (ou ne sont pas cités). Cela vaut surtout pour les canonistes et constitue un élément précieux de datation. Ainsi, des citations se référant uniquement au Décret de Gratien (ou à celui de Burchard de Worms) sans renvoi à des décrétales ou au droit romain indiquent une période ancienne. Ce n'est qu'à 1'extrême fio du XlIe siêcle que les arguments tirés du droit romain se mêlent à ceux qui proviennent du droit canon. Jusque là ils étaient groupés: secundum canones ... secundum leges. Quant aux décrétales, certaines se présentent sans indication de titre et munies (ou non) du nom d'un pape: elles ne sont pas (ou pas encore) intégrées dans une collection; d'autres voient leur incipit précédé d'un titre: grâce à des tables récemment parues 3, on peut dans ce cas identifier et localiser Ia collection d'oü est extraite Ia décrétale, ce qui fournit un terminus post quem à Ia questiono Si Ia citation est précédée de extra titulos, c'est que Ia décrétale est dans un appendice ou hors collection. D'autres citations sont précieuses, ainsi celles des conciles, surtout les 3e et 4e Latran et celui de Tours. Leur citation indique une époque ou ces textes conciliaires n'avaient pas encore été intégrés dans les collections. Il faudra évidemment se demander si le copiste (ou un utilisateur du manuscrit) n'a pas "mis à jour" des citations anciennes en les corrigeant, éventuellement sur grattage. 2. La maniêre de citer les textes peut être, elle aussi, révélatrice. Nous avons mentionné plus haut 4 ce que 1'on a appelé le "style mosarque": un texte suivi est composé de fragments empruntés littéralement aux ources. Désireux de conserver une fidélité absolue aux textes, les civilistes en composent un centon. Les premiêres questions des civilistes (comme leurs exposés magistraux) en offrent beaucoup d'exemples. Chez les canonistes, les citations littérales et assez longues des sources canoniques , nt de mise jusqu'en 1170; pour le droit romain, on se contente d'en paraphraser le contenu, sans référence. Mais cette pratique ne dure pas. 'habitude se prend bientôt d'indiquer toujours Ia référence aux textes tant de droit civil que de droit canon. Parfois Ia phrase abstraite que les citations viennent étayer est extraite textuellement, en tout ou en partie, <.I I'une d'elles.
6°) Argumentation C'est Ia partie principale de Ia dispute, celle qui est sa raison d'être. Dans quelle mesure permet-elle un classement des questions? Nous examinerons successivement Ia présentation, le mode de citation des textes, Ia nature des arguments, 1'ordre dans lequel ils sont invoqués, et Ia réponse aux objections de 1'adversaire. Enfin, ce qui est propre au "sed contra". a) Présentation L'argumentation se présente sous Ia forme d'un texte suivi ou bien, surtout au début et dans les questions reportatae, en schéma. - Dans Ia présentation schématique, les arguments, sous forme de références chiffrées, sont transcrits, en deux colonnes, de part et d'autre du texte (thême et questions) proposé, lequel est souvent suivi de Ia solution (celle-ci parfois écrite d'une autre main). Au lieu d'être disposées en colonnes, il arrive que ces références soient copiées à Ia suite. Cette présentation schématique est ancienne. Il se peut qu'à Ia fio d'un raisonnement, d'une argumentation rédigée en bonne et due forme, on découvre un groupe de références. Est-il témoin d'un ajout ou bien faítil partie du texte original? Il ne faut pas conclure trop vite, car on constate le fait dans les questions les plus anciennes, celles de Bulgarus. - Le plus souvent, 1'argumentation se présente comme un raisonnement suivi, articulé autour de certains mots (Item, Praeterea). La discussion est relatée dans le détail (mais pas toujours complêtement) par le scribe, qu'il s'agisse de reportationes (ainsi les premiêres questions des civilistes) ou de quaestiones redactae. - Rappelons pour mémoire les "questions" dont nous avons parlé plus haut et qui apparaissent moins comme des compte rendus d'exercices que comme des instructions données aux étudiants auxquels le maitre apprend à discuter. Ainsi. certaines des questions de Roland éditées par Thaner 2.
2
Cf. plu
haut p. 236 et n te 10.
251
I Index titu/orum decretalium ex collecüonlbus tam privatis quam publicis conscriptus moderante S K TTN R. Milan, 1977 (lu R monum M dii Aevi. ubsidia lI). • 'f p. 244 note 34.
252
CHAPITRE
III
c) N ature des arguments invoqués Dans les questions les plus anciennes, on annonce souvent Ia nature des arguments que 1'0n va invoquer: "auctoritate ... ratione; auctoritatibus ... exemplis; rationibus ... auctoritatibus; secundum leges ... secundum canones". Une étude de ces formules reste à faire. Plus tard les arguments sont présentés sans ordre apparent: ce sont le plus souvent des arguments de texte auxquels se mêlent des arguments de raison. d) Ordre suivi dans l'argumentation Parfois les arguments sont présentés dans l'ordre annoncé et classés selon leur nature; d'autres fois on peut se demander s'il existe un cheminement ou si les éléments disparates du raisonnement se suivent selon Ia fantaisie (ou bien Ia mémoire ou encore l'invention) du disputant. Três souvent, à Ia fin du XIIe siêcle, c'est une affirmation abstraite et générale qui est appuyée par un groupe de références, plus ou moins explicitées. Puis on passe à Ia suivante, introduite par Item ou Praeterea. Parfois encore l'affirmation abstraite est prouvée par une véritable chaine de raisonnements imbriqués les uns dans les autres et qui prennent comme point de départ, - et souvent aussi de relais -, un texte normatif. On perçoit sur le vif l'influence de Ia dialectique. Dans certains cas enfin, mais surtout au début de I'École, c'est par le moyen de distinctions successives que le maítre isole le príncipe de droit qui permet de résoudre le problême posé. Rappelons que Ia distinction énumêre les différentes acceptions juridiques d'un terme donné, par exemple : "Causa alia canonica, alia ciuilis ; ciuilis alia pecuniaria, alia crirninalis ... " C'est par exclusions successives que 1'0n arrive à Ia solution. En tout état de cause, il sera judicieux, comme le fait Manlio Bellomo dans les analyses qu'il a publiées, de noter les "mots-clefs" et les transitions, ainsi que le genre du raisonnement. Démarche indispensable si l'on veut espérer décrire l'évolution interne du genre et l'introduction progressive - ou l'abandon - de modes de discussion ou d'exposition. Certains auteurs, au lieu de classer selon leur nature (auctoritate ... ratione) les arguments qu'ils proposent, les ordonnent selon des chefs d'argumentation qu'ils prouvent l'un aprês l'autre: "allegatur consuetudinis auctoritas, silencií taciturnitas, iuris abrenunciatio et I ngi temp ri pre criptio." Ug Nic lini a fait bserver l'empl i de cuc méth de d'exposition par
253
REGLES DE CRITIQUE
Pillius.
On Ia trouve
(N eapolitanae,
également,
Claustroneoburgenses)
mais rarement,
chez les canonistes
5.
e) Réponses aux objections 11 arrive - mais cela ne serait-il pas un indice de quaestio redacta? qu'il soit répondu par avance aux arguments de l'adversaire. Cette réponse est introduite par "Si dicis", "nec obstat" ou simplement par "ad" suivi de Ia référence. 11 se peut évidemment qu'un jouteur prévoie les objections que 1'0n opposerait à son argumentation et anticipe sa réponse. f) lntroduction du "Contra" 11 faut relever, comme l'éditeur, une phrase qui revient sous des formes diverses, entre autres dans les questions de Roland, et que nous avons déjà citée 6: "Adversarii predictis capitulis pro posse determinando respondeant, partem suam poste a fovere studeant." C'est exactement l'ordre suivi par Ia premiêre question des Neapolitanae : le contra débute par Ia réponse aux arguments pro et ensuite seulement l'adversaire construit sa propre argumentation 7. Dans d'autres cas, rares à Ia vérité, le contra (plus rarement le pro) débute par une série d'invectives parfois assez vives, frisant l'injure. Mais le plus souvent, Ia seconde partie de Ia dispute commence ex abrupto: contra ou e contra. Parfois ce "contra" a échappé au scribe et le lecteur attentif devra le suppléer. g) "Contra" Habituellement Ia structure du contra est semblable à celle du pro. Le répondant tente d'abord de prouver l'opposé de ce que voulait démontrer I'adversaire; ensuite, mais pas toujours, il répond aux arguments de celuicio Originairement, l'ordre, on l'a vu, était inverse. Dans certaines questions, on a l'impression d'assister à un dialogue de sourds: les adversaires ne se rencontrent pas, chacun construit son argumentation sans tenir compte des arguments avancés. Ailleurs c'est le style des deux antagonistes qui est três différent. Dans les deux cas il est permis de penser à une reportatio. En effet, si Ia question avait été
Le collezioni ... (supra 34), p. 109, 121 et Ia q. I des Quaestiones Neapolitanae dans BMCL, 6 (1976), p. 1240. • f. p. 236 et note 10. I • FRANSBN, Les Quo ttones Neapolitanae, dans BMCL, 6 (1976). p. 30, 32-40. I
'10l
f. les questions 10 et 24 de Pillius éditées par A. BELLONI,
255
CHAPITRE III
REGLES DE CRITIQUE
rédigée, le rédacteur aurait três vraisemblablement uniformisé ces données brutes.
les différents éléments du raisonnement et Ia solution est três variable 8. On peut en dire autant pour les canonistes. Ou bien les questions sont traitées successivement, chacune suivie de sa solution; ou toutes les olutions sont renvoyées à Ia fin; ou encore on groupe tous les pro puis tous les contra et enfin les solutions. Cela a-t-i! une signification quelconque ou bien s'agit-il de fantaisie (du maitre ou des copistes ou encore du
254
7°) Solution
a) En général Solutio prévaut chez les canonistes, bien qu'aux ongmes on trouve determinatio dans le sens de solution. Chez les civilistes : decisio, definitio, determinatio, iudicium, sententia, responsum. Parfois rien du tout, mais le nom du maitre suivi de "ait", par exemple: "Bulgarus ait posse". Ce demier type de solution se retrouve chez les canonistes, bien que rarement, jusqu'au milieu du XIIle siêcle. Parfois le maitre motive três briêvement sa sentence "propter iura ultimo allegata"; dans d'autres cas, i! justifie plus largement sa décision et prend même le soin de répondre aux arguments invoqués par Ia partie perdante. Enfin, Ia décision peut être une vraie distinction qui, par exclusions successives, dégage Ia solution. Signalons encore le cas ou des sous-questions sont introduites sous forme d'exceptions à Ia solution proposée. Bref, Ia solution va d'un seul mot à une petite dissertation. b) Degré de certitude A côté d'affinnations péremptoires: "dica", "potest", on rencontre des "credo" ou "mihi uidetur" ou plus simplement "uidetur". Parfois aussi le maitre rapporte les solutions proposées par d'autres juristes, solutions auxquelles i! se rallie ou qu'il critique. c) Sigles La présence d'un sigle n'indique pas nécessairement que Ia question a été disputée dans l'école du maitre dont elle porte le sigle: celui-ci a pu Ia prendre, sans Ia modifier, dans une autre collection et l'inclure dans son recuei!. Si le sigle est précédé de "secundum", est-on en présence d'une quaestio reportata? Ce n'est pas évident. Que penser enfin d'une solution siglée, puis contredite, par exemple par "quod mihi non placet", Réflexion du scribe ou bien d'un autre maitre qui a "relu" ou fait "relire" Ia question? Ces problêmes seront examinés plus loin.
reporta tor) ? 9°) Textes incomplets
On fera bien de se demander si le texte que l'on a devant Ies ycux est complet ou si le scribe (est-ce bien lui?) en a omis quelque partic. Parfois, c'est le thême qui manque (questions en quête de thême); aillcur l'argumentation ou une partie de celle-ci fait défaut; plus souvent, Ia olution est absente. 11est même des cas ou seull'énoncé des questions t conservé. Une bonne fortune (lisez: un manuscrit complet) permet parfois de ombIer certaines de ces Iacunes 9. Mais Ia question posée reste cntiêre : qui ou quoi est responsable de celles-ci? La négligence ou Ia nonchalance du scribe, l'absence du reportator à Ia disputatio, un trou dans ses notes ou Ia volonté de celui qui a commandé le manuscrit? 2. LES COLLECTIONS
La plupart des questions que nous connaissons ne nous sont pas parvenues à l'état isolé, mais groupées en collections. Celles-ci sont de ti ux espêces : celles qui se réclament d'un auteur ou dont toutes ou prcsque toutes les solutions portent le même sigle; celles ensuite qui sont t 1\ tices, certaines au point de copier deux fois les mêmes questions. ans le premier cas, i! importe de vérifier si Ia patemité de l'auteur JlI tendu est réelle ou bien si i! a simplement remanié ou publié telles uu lIcs des questions disputées par d'autres et déjà publiées. Dans le t" nd cas i! est souhaitabIe de retrouver les composantes de Ia collection. •i celles-ci ont une vie indépendante on pourra, grâce aux séries de
8°) Organisation des éléments de Ia question
Pour les questions les plus anciennes des civilistes, comme l'a fait observer H. Kantorowicz, et lorsqu'on est en présence de plusieurs questions posées à propos d'un thême, l'ordre dans lequel se présentent
I
11 KANT ROWI Z, The Quaestloll ....• p, I. FRANS N, Les "Questiones" (I). li 111 'J'rotlltlo. 12 (19
(j
'11
(I
114.
). q. 12 p. 583, q. 18 et q.
256
257
CHAPITRE III
REGLES DE CRITIQUE
textes parallêles et grâce aussi à l'analyse interne des questions reconstituer les séries primitives 10. D'autre part, Ia collection, même factice, doit être envisagée dans son unité. Celle-ci est avant tout une donnée de fait: telles questions à tel moment ont été copiées ensemble. 11 est três possible que les mêmes questions se présentent dans le même ordre, mais remaniées, dans une autre collection. L'analyse ne peut donc pas se contenter de constater l'identité des thêmes : Ia comparaison doit s'étendre aux détails et il faut distinguer les simples copies des "relectures" ou des "remaniements". De plus, ce qui vaut de Ia collection dans son ensemble ne s'applique pas nécessairement à chacune des questions qui y est contenue. Cela parait évident, mais on l'oublie souvent. Si Ia date d'une collection est déterminée par celle de Ia question Ia plus récente, il ne s'en suit pas que des questions beaucoup plus anciennes, remaniées ou non, n'y soient contenues.
nales". L'énoncé est emprunté à un fonds commun mais Ia dispute est
3. REMANIEMENTS OU RELECTURES?
11 faut distinguer avec soin, - et ce n'est pas toujours facile, - les variantes accidentelles, dues aux copistes, des variantes intentionnelles. On peut, pensons-nous, diviser celles-ci en deux catégories selon qu'elles proviennent d'une nouvelle dispute, - d'une "relecture", - ou bien de l'activité du collecteur ou d'un correcteur, - d'un "remaniement". Disons tout de suite qu'il n'est pas aisé de faire le départ entre ces deux types. Comme Ia tradition manuscrite est pauvre et les scribes de métier souvent négligents, les vicissitudes de Ia transmission du texte nous gratifient de nombreux bourdons, de fautes de référence et d'autres bévues involontaires: inversions, omissions de mots brefs, etc. Mais il est d'autres "variantes" plus importantes: ajouts de références chiffrées en fio de raisonnement, phrase ajoutée à Ia solution, changement du sigle de celle-ci, complément ou remaniement total du pro ou du contra. Comment les interpréter? a) Le même thême sert de base à des questions différentes; Ia même quaestio est résolue par des arguments tout à fait nouveaux (ici coutume, là prescription). 11s'agit de questions différentes, de "quaestiones quater-
10 G. FRANSEN, Les Questions des canonistes (III), dans Traditio, 19 (1963), p. 517-518 et 530-531 (tables); La structure des "Quaestiones disputatae" et leur classement, dans Tradit/o, 23 (1967), p. 516-534.
tout autre. b) Dans d'autres cas, thême et questions étant identiques, on a trouvé que Ia question primitive était trop prolixe. On l'abrêge, on déplace les arguments, on en introduit de nouveaux et, souvent, on ajoute des références chiffrées 11. L'état le plus ancien d'une dispute comprenant deux "queritur" se lit dans un manuscrit de Barcelone. Un scribe d'Oxford copie, en marge d'autres questions, le second queritur seul. Un abrégé três écourté de ce texte long se lit dans un manuscrit de Limoges. Un autre, notablement plus long, remanié et augmenté, se trouve dans deux manuscrits, un à Bamberg, l'autre à Leipzig, copiés l'un sur l'autre. Enfin, dans le coin d'un autre manuscrit conservé à Aschaffenburg, le copiste n'a transcrit que le thêrne et les allégations d'un seul queritur. Comme les formes 3 et 4 ajoutent plusieurs allégations aux listes primitives, elles doivent être plus récentes que les autres. L'histoire du texte se reconstitue comme suit: à partir d'une longue solution, amphigourique et redondante, certainement redacta (Barcelone et, partim, Oxford), une réduction énergique a été opérée (Limoges), qui retient manifestement des termes provenant de Ia premiêre rédaction. 11se pourrait que le "collecteur" du recueillimousin soit responsable de cet abrégé, mais l'hypothêse demande à être vérifiée. (11 semble en effet que toutes les questions de ce recueil sont des résumés.) Enfin, une rédaction nouvelle (Bamberg-Leipzig) récrit certains passages et en supprime d'autres alors qu'un dernier manuscrit (Aschaffenburg) ne garde que le thême et les allégations (complétées comme dans Bamberg-Leipzig) d'un seul problême, Comment interpréter ces données? Barcelone offre une quaestio redacta, que le scribe d'Oxford a trouvée intéressante et a copiée en partie, sans qu'il y ait eu de nouvelle dispute. Le rédacteur de Ia collection de Limoges aura voulu offrir à ses lecteurs un abrégé. Nouvelle dispute ou travail de "rassembleur"? Qui le dira? La recension Bamberg- Leipzig, elle, est le témoin d'une relecture, d'une nouvelle dispute: les nouveaux arguments invoqués, le changement de style autorisent cette conclusion. Aschaffenburg nfin a voulu simplement proposer une question disputable et ses arguments . .) D'autres "variables" se décêlent três aisément. Ainsi: Ia premiêre li 11 li du raisonnement est identique, mais le sed contra est entiêrement IIlIt rcnt. Ou encore, plusieurs phrases ou plusieurs arguments sont qout aux deux parties. Dan ccs cas, urt ut i les données modifiées
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Kan, 68 (1982),
258
CHAPITRE III
ou ajoutées s'appuyent sur des décrétales récentes, on peut parler de relecture. La mise à jour du texte autorise à conclure à une nouvelle dispute qui utilise les éléments encore valables de 1'ancienne. d) Mais comment juger un supplément fait uniquement de références chiffrées, que celles-ci soient groupées en finale du raisonnement ou ajoutées et là sans qu'elles renvoient à des textes nouveaux, récents? Relecture ou bien activité du scribe, donc remaniement? l'inclinerais plutôt pour Ia relecture car je pense que le maitre, du moins dês le début du XIIle siêcle, mettait dans les mains de ses étudiants non seulement l'énoncé de Ia question mais encore les références aux textes normatifs qui soutenaient le raisonnement. L'exercice consistait à vérifier le bien fondé des arguments proposés et à en ajouter d'autres. Comment, sinon, expliquer Ia permanence des mêmes références, souvent dans le même ordre, dans plusieurs "états" de Ia même questiono N'est-ce pas également ce qui ressort de Ia préface de Roffredus que nous citerons bientôt 12? Pourquoi, finalement, copier des questions? Et les éditer? e) Je ne pense pas que 1'on puisse affirmer, avec H. Kantorowicz que, lorsqu'une solution est discutée ou refusée ou précisée, ce supplément provient du scribe ou du reportator et non d'une relecture 13.Chaque cas doit être envisagé en particulier. çà
4. AUTEUR
a) C'est le maitre qui propose Ia question et qui Ia résout. Ces deux parties doivent lui être attribuées. Mais non pas sans nuances. Si Ia question est "quatemalis", reprise d'un recueil, le choix seul et non le texte est attribuable au maitre. Et s'il reprend simplement Ia solution d'autrui, quelle est sa part? Or le même texte (thême, questions, raisonnement, solution) se présente parfois sans sigle, avec un sigle, avec un autre sigle. Erreur du scribe? Relecture "totale" acceptant tout ce qui a été déjà dit ? N'y a-t-il pas une autre explication ? Récemment Mlle A. Belloni a observé que Pillius, dans son recueil officiel (celui qui est diffusé par les stationnaires), a repris non seulement ses propres questions mais également des questions, déjà publiées, d'autres maitres 14.11n'en est certes pas ainsi pour Roffredus Cf. p. 264. " H. KANTOROWI z, The Quaestiolles ..., p. 32-40. " Cf. p. 244 note 35.
259
REGLES DE CRITIQUE
ni, semble-t-il pour Damase, qui ont rédigé eux-mêmes les questions qu'ils diffusent sous leur nom. Les questions de Jean le Teutonique pourraient, à mon avis, n'être qu'un ensemble de questions approuvées et choisies par lui, sans qu'elles soient vraiment de lui, ce qui expliquerait qu'on les trouve ailleurs sans sigle ou avec celui de Tancrêde, b) On ne peut s'empêcher d'attribuer au maitre 1'ensemble des questions ou il donne, pour ainsi dire, des instructions aux débutants. 11en est d'autres, par exemple celle ou Bazianus dispute avec ses étudiants 15, dans lesquelles Ia part du maitre ne se réduit pas au choix de l'énoncé et à Ia solution. c) C'est vrai également pour les disputes académiques, puisque les rêglements universitaires exigent que le maitre lui-même rédige le texte définitif et ce sous peine d'amende. On se gardera d'étendre, sans plus, cette conclusion à toutes les questions redactae. Certes, il est possible que Ia rédaction ultime soit due au maitre, mais ne pourrait-elle pas être l'oeuvre d'un autre? Les rédacteurs des statuts universitaires 1'ont pensé, qui exigent que le maitre lui-même rédige Ia "bonne copie". d) Devons-nous renoncer à entendre Ia voix des étudiants? Non pas. 11y a des disputes ou le pro et le contra sont d'un style tellement différent que l'on peut à bon droit estimer que Ia reconstitution est fídêle. De même lorsque les deux interlocuteurs construisent chacun leur propre édifice, sans s'occuper des raisons invoquées par 1'autre. Enfin, si ce que nous avons avancé plus haut à propos des relectures est vrai, Ia partie originale de celles-ci devrait, elle aussi, provenir des disputants. Pourquoi ne pas leur attribuer toute 1'argumentation? Si on n'est pas oucieux de précision, pourquoi pas, puisqu'ils 1'acceptent, au moin implicitement. Mais qui dira avec exactitude, surtout pour les quaestione redactae, Ia part du maitre, celle des étudiants et celle du rédacteur? e) Questions reportatae ou redactae? Chaque cas doit être examiné pour lui-même, Mais s'il s'agit de ollections, ou du moins de séries homogênes dans les collections, on p urra généraliser. Le style, Ia maniêre d'argumenter, Ia présentation, les citations d'auteurs classiques sont autant d'indices. Notons cependant qu'une argumentation "chiffrée" n'indique pas nécessairement une r -portatio : les questions de Barcelone mentionnées plus haut 16ont une
I2
I
" J'ai publié ces questi I -316.
"
f, p. 257
t 11 t
II
n, dnn
MIl/li
/'" /llJrrl.f tl Jean DAUVILLIBR.
Toulouse,
1979,
260
REGLES DE CRITIQUE
CHAPITRE III
argumentation chifIrée et sont redactae. Certains indices semblent décisifs: Ia mention du maítre à Ia troisiême personne, des citations incomplêtes qui se répêtent, un certain illogisme dans Ia présentation des arguments, un aspect inachevé de l'ensemble. On n'oubliera pas que nos questions ne sont que des copies et que le texte a pu se corrompre en cours de transmission. Les questions contenues dans les recueils édités sous le nom d'un maitre, ainsi que les questions académiques sont, évidemment, redactae.
261
toirement se faire selon les Décrétales de Grégoire IX et non selon les Compilaüones aprês le 2 mai 1226, date de Ia publication de Ia Compilatio quinta.
antiquae;
Mais cela n'exclut pas que des questions plus anciennes puis ent y être contenues. On s'en souviendra lorsqu'il faudra éditer une questiono Des collecti o' plus récentes pourront, pour des questions qui n'ont pas été remani e', fournir un texte meilleur que celui de collections anciennes. 6. RApPORT ENTRE TEXTES ET DISPUTES
5. DATE
a) La date des manuscrits canoniques peut être établie avec une certaine précision grâce aux citations de décrétales et surtout à leur style. On n'oubliera pas l'argument ex silentio: si une décrétale se rapporte au sujet traité, il est à peine pensable qu'on ne s'y réfêre pas. b) La question doit être "disputabilis": si le cas qu'elle veut soumettre à discussion a été tranché d'autorité, il n'y a plus de questiono "Innocentius soluit ... Solutio inuenitur in decretalibus Innocentii IH." note en marge l'usager d'un recueil de quaestiones, offrant ainsi un repêre chronologique, puisque Ia question était discutable au moment de Ia copie de Ia collection 17. c) Les questions académiques portent une date précise. li est des cas ou le scribe s'est trompé en copiant le millésime 18. d) Les sigles peuvent être de bons indices, de même que le style et Ia maniêre d'argumenter. e) Date de Ia collection et date d'une questiono Une collection peut réunir des questions d'époques différentes. De même, dans un recueil, certaines questions ont pu être remaniées, à cause de décisions récentes, alors que les autres restaient inchangées. li faudra donc distinguer l'âge d'une question et l'âge de Ia collection qui Ia contient. L'âge de Ia collection est déterminé par Ia citation Ia plus récente. Ainsi les quaestiones Berolinenses et les Andegavenses, qui citent Ia Compilatio sont à situer avant septembre 1234 et aprês le 2 mai 1226. Avant septembre 1234 parce que, à partir de cette date, les citations doivent obligaquinta,
Fulda, Landesbibl. D 7 q. 111, foI. 89r; q. 195, foI. 1I9v; ef. p. 265 note 26. "G. BRIACCA, Le "quaestiones disputatae" di Uguccione Borromei, dans BMCL, 7 (1977), p.69.
Les questions disputées des canonistes et des civilistes, tout comm celle des tenants des autres disciplines, ne s'atteignent qu'à travcr I's textes qui en ont conservé le compte rendu plus ou moins fidêlc, qu'il s'agisse de quaestiones reportatae ou de redactae. Les mentions de di put •. dans les statuts universitaires aident à fixer les étapes de leur év luti n, à condition de ne pas extrapoler de faculté à faculté ni d'univer it université. Y concourrent aussi des indications à glaner dans le tcxtc eux-mêmes et dans les citations de ces textes par des auteurs ultérieur , qui les ont critiqués ou utilisés. Dans quelle mesure les "quaestiones", c'est-à-dire les textes que 1'on a conservés, permettent-ils de remonter aux "disputationes", aux exercice eux-mêmes? 1°) Établissement
du texte
De nombreux bourdons défigurent le texte de nos manuscrit. n r '111 les corriger, soit grâce à un autre manuscrit, soit grâce à un 1\111 "version" (relecture ou remaniement) du même texte. Dans Ia présentation schématique, avec références en col no " 11 fait parfois que les références n'ont pas été copiées exactemeot n 111 11 de Ia question à laquelle elles appartiennent. Lorsque le réf r 'li hiffrées sont en marge et appelées par des signes conventiono 1., p 11 xemple dans les questions de Pillius, on constate de nombreuse crr un dans les renvois 19. rreurs dans les références. Elles sont relativement fréquentes, rnai I ez aisées à corriger. On doit parfois tire "Code" pour "Digeste" et vi e versa; les titres (des collections de Décrétales ou des collections du dr it romain) sont parfois três mal reproduits et il faut de 1'imaginati o
17
" A. Bm.!. NI, Le coll« /0/1/ •.
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I -h
,nOI
), p. 102-103 et 105-137 (éd.).
CHAPITRE III
REGLES DE CRITIQUE
pour les restituer exactement 2° On notera que, dans les manuscrits les plus anciens, "ff" désigne aussi bien une référence aux distinctions (du Décret de Gratien) qu'au Digeste. Quant aux variantes dans les chiffres, puisque l'incipit du texte cité est toujours mentionné (sauf s'il s'agit des cho io,ii., mo,ult., ou penult.) il sera souvent possible, étant donné l'incipit et Ia matiêre traitée, de corriger le chiffre fautif, li n'est pas toujours aisé, surtout si le scribe ne l'a pas noté, de savoir ou commence le sed contra o Et je connais au moins un cas ou le début de Ia solution était masqué par un homoioteteuton.
lorsqu'un remaniement important est apporté à une argumentation, 00 se demandera si ce remaniement est dü à Ia nécessité de mettre à jour le "modele" utilisé (relecture) ou bien à une réaction des lecteurs du modele (remaniement). Nous savons, en effet, par Ia préface de Roffredus 22, que Ia "recitatio" des questions écrites de Pillius n'avait pas beaucoup d'utílité. - Ce qui est vrai des questions de Pillius est encore plus vrai pour Barthélemy de Brescia, Tout d'abord, Barthélemy a-t-il été maitre, et a-t-il pu diriger des disputes 23? Quoi qu'il en soit, il se présente, selon les manuscrits, non comme docteur, mais comme "inter pontificii iuris interpretes" ou même "inter scolares" "minimus", li caractérise son recueil comme "summula 000 quam composui", Selon son habitude, il a pris son bien là ou ille trouvait et, comme je l'ai montré, il a défiguré les questions qu'il transcrivait 24 Les questions qu'il reproduit proviennent sans doute d'ailleurs, néanmoin a part, comme dans ses autres ceuvres, n'est pas négligeable. - Quant aux questions académiques, elles sont relatées officiellement dans des recueils ad hoc, dont c'était Ia raison d'être, avec auteur et date, mais leur texte doit être statutairement rédigé aprês coup et mis définitivement en ordre, Comment ne pas songer à ce qu'écrit Salluste à propos de Ia premiêre Catilinaire? "optumus consul orationem luculentam habuit quam postea scriptam edidit", li s'agit donc d'une vérité •• tticielle" ayant certes un fondement solide, mais dont les détails sont I in d'être garantis.
262
0
2°) Du texte à Ia dispute - S'il s'agit de questions reportatae, seule Ia fidélité du reportator et sa capacité à être complet ainsi que les problêmes de transmission du texte doivent être considérés. - S'il s'agit de questions redactae, on peut postuler que, à un niveau à définir et compte tenu de l'activité du "rédacteur", elles sont témoins d'une disputatio, même lorsque Ia collection qui les contient est une collection "fermée" comme celle de Roffredus (Ia premiêre lettre de chaque question formant un anagramme) ou celle de Pillius. En effet, Roffredus dit que les questions qu'il rédige ont été disputées par ses élêves: "quas questiones periti et sapientes mei socii in uariis sabbatibus tractauerunt" ; et nous savons que, si les questions de Pillius ont subi, de sa part sans doute, des remaniements plus ou moins profonds avant de trouver Ia forme selon laquelle elles ont été diffusées par les stationarii, elles existent dans d'autres manuscrits sous leur forme primitive. On notera que, dans le cas de Pillius, ces remaniements ne se limitent pas au texte; ils concement aussi l'ordre des questions dans les différentes séries 21 - La réponse est plus malaisée lorsqu'il s'agit, dans une collection plus récente, de Ia reprise textuelle d'une question plus ancienne. Même si elle parait "légêrement augmentée", je ne pense pas qu'on puisse en déduire l'existence d'une nouvelle "dispute" (relecture), mais bien Ia récurrence d'un modele (remaniement dü au scribe), Néanmoins, lorsque dans des séries répétées ou connues par ailleurs apparaissent de nouvelles questions, on peut penser qu'elles refíêtent une vraie disputatio. De même 0
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0
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POURQUOI COPIE-T-ON LES QUESTIONS?
Les spécialistes n'ont pas, jusqu'ici, réfléchi suffisamment à Ia questi n ndamentale : pourquoi a-t-on copié les quaestiones et pourquoi en i-t-on fait des recueils? Pour conserver le souvenir de dispute III morables? Ou communes? Pour retenir les solutions proposées par lcs maitres à des problêmes non résolus? Pour servir de modele (tels Ics actuels "cahiers de laboratoire") aux disputes réelles, dont Ia portée
• f p. 2640 Si I'on connait I'incipit de Ia décrétale 00 pourra l'énoncé déficieot du titre. " A. BELLONI, Le collezloni 00" p. 40-430 20
souveot, grâce aux tables, recoo titucr
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265
CHAPITRE III
REGLES DE CRITIQUE
et l'importance particuliêre dans les écoles de droit, et surtout de droit canon, ne peut être négligée? Je pense que l'on communiquait aux disputantes, avec Ia question à débattre, les arguments habituellement invoqués (ce qui serait aussi le sens de l'expression rencontrée plusieurs fois: "quaere concordantias in scedulis") et que leur part dans Ia dispute consistait à vérifier, à critiquer ces arguments et à en trouver d'autres, ou bien encore à trouver des raisons de modifier Ia solution "classique". Pour vérifier cette hypothêse, il faudrait examiner les relations que l'on peut soupçonner (le problême n'a pas été examiné jusqu'ici) entre les argumentations "chiffrées" et les "gloses à parallêles", Sans doute ne faut-il pas opposer outre mesure l'aspect formel ou didactique (modele de discussion) et l'aspect matériel ou scientifique pur (solution et ses arguments). Sans doute aussi ces deux aspects sont-ils souvent tous deux présents, mais, à l'origine, le premier paraít avoir primé. Ainsi en témoigne Ia préface des Quaestiones sabbatinae de Roffredus de Bénévent (Arezzo, 1215) 25:
(une décrétale ayant tranché le problême), annoncent cependant qu'il transcriront néanmoins l'argumentation et Ia solution 26. Mais il est une autre raison de transcrire ces questions. Elles représentent souvent un aspect vivant de Ia recherche, elles élucident des problêmes non encore résolus de maniêre définitive (adhuc disputabiles), et justifient en raison les solutions proposées. N'est-ce pas pour ce motif que les disputes académiques doivent être mises au net par le maítre lui-même, et non par un autre, et transcrites dans les registres avec Ia réponse à tous les arguments opposés? Mais cette motivation atteint aussi les disputes scolaires puisque Barthélemy de Brescia, qui compose son recueil de questions canoniques peu avant 1234, demande à son lecteur de l'excuser "si quid inepte, perperam aut minus bene decisum inuenerit". Ce qui intéresse Barthélemy (et ses lecteurs), c'est Ia solution et le arguments qui l'appuyent. Au début du XIVe siêcle, Jean d'André, lorsqu'il compose Ia seconde édition (mais cela vaut également pour Ia premiêre) de ses quaestiones mercuriales, critique et corrige le raisonnement de questions, tant académiques que privées, qu'il cite, tout en s'employant à éliminer les questions ou les parties de questions qui sont déjà decisae, c'est-à-dire qu'une décrétale a résolues depuis Ia tenue de Ia dispute 27. Ce qui intéresse le lecteur, c'est Ia solution et les éléments qui l'étayent. 11 ne s'agit plus d'une initiation à l'emploi de Ia dialectique, de modeles de dispute, de recherche, mais des résultats de cette recherche. On copie les questions avant tout pour Ia solution qui leur est donnée et pour le arguments qui Ia justifient. Faut-il s'étonner si seules les questions de grands maitres seront dorénavant conservées?
"Cum essem Aretii ... et cogitarem quid utile et fructuosum possem sociis de legum scientia demonstrare, considerans quod in scolis dominorum Bononiensium sabbatine questiones domini Pylei tractarentur, et quia erat utilius questiones de facto emergentes tractare in sabbatis quam illas scriptas domini Pylei recitare, in quibus recitando nulla utilitas nisi quoad astutiam inuenitur, ideo questiones de facto emergentes utiles ac fructuosas et copiose tractatas ad rogatum meorum sociorurn in scriptis redegi, quas questiones periti et sapientes mei socii in singulis sabbatis tractauerunt." Ce qui est premier, c'est l'exercice: "tractare questiones". Relire les questions de Pillius, "recitare", est moins utile que disputer. Cependant
Roffredus met par écrit les questions que ses élêves ont traitées chaque samedi. C'est qu'il pense que Ia lecture de ces exercices aura pour d'autres quelque utilité. Sans doute les "socii" (lisez les étudiants) pourront-ils y trouver des exemples plus ou moins évolués de l'application du raisonnement à l'art de débrouiller un problême concret. L'exercice est premier, mais sa consignation par écrit afin qu'on puisse le relire trahit Ia préoccupation didactique. Elle explique pourquoi les questions de Roffredus comme celles de Pillius seront mentionnées comme livres usuels dans les listes des stationnaires. Une confirmation du rôle didactique joué par les copies: des scribes, aprês avoir constaté "hodie non est quaestio"
•• Klo terneuburg, Stiftsbibl. 656 et Bamberg, Staatsbibl. Cano 45 copient (q. 63) Ia qu tion Zwettl 25 en n tant "h di non st questio ut legitur in ex. extra t(itulos) Non I in potestate. (J L 176) '/ rudltin, 19 (1963). p. 523. " . R SBN. Note ...• dnn /lM('I. (I'I'~), Jl IOI!, n
2>
J'utilise l'édition de Rouen, 1511, chez Picrrc Rcgnault.
LE RÉPERTOIRE DES COLLECTIONS ET DES QUESTIONS
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2) d'éviter le trop grand nombre de références dans Ia tabte d matiêres ; CHAPITRE IV
3) de signaler les relectures et les remaniements.
LE RÉPERTOIRE DES COLLECTIONS ET DES QUESTIONS 3. 1.
NÉCESSITÉ DU RÉPERTOIRE
Si les questions étaient rangées selon un ordre logique, comme Ia plupart des textes juridiques, qui suivent l'ordre des livres de droit, un répertoire ne serait pas nécessaire. Mais les quelque deux mille textes que recense le canoniste n'offrent aucun ordre. II faut donc, pour les rendre accessibles, élaborer une table analytique. Cette table ne pouvait être simplement une liste alphabétique des incipit: le "queritur" aurait occupé une place disproportionnée par rapport aux autres mots initiaux. Un examen des premiêres questions a convaincu rapidement qu'il ne suffisait pas de dresser une table des thêmes, mais qu'il fallait faire place dans Ia table à chaque question posée à propos du thême. D'autre part, aprês les années 1180 seuls les thêmes entrent en ligne de compte puisque les "questions" deviennent presque toutes "queritur quid iuris sit". D'oú Ia nécessité d'une table méthodique par sujet traité.
2. DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
La base du répertoire doit être l'analyse, le dépouillement de chaque collection, c'est-à-dire Ia publication, dans l'ordre, des thêmes de chaque collection. Et comme les textes sont le plus souvent inédits, il faut indiquer, pour chaque question, le folio du manuscrito Si les collections sont des copies l'une de l'autre, il suffit de les grouper ; mais si l'ordre des questions est différent dans plusieurs collections parallêles, il faut décrire chaque manuscrit et renvoyer aux autres. Cependant si Ia table par matiêres devait renvoyer à chacun des manuscrits, sa consultation deviendrait fastidieuse et Ia liste des sigles à lire (et à consulter), inutilement longue. Le problême se corse encore lorsqu'il s'agit de relectures ou de remaniements. II faut donc trouver un moyen qui permette à Ia fois: 1) de décrire chaque manuscrit et I'ordre des que tion dan cetui-ci;
PLAN DU RÉPERTOIRE
1 Partie descriptive 0)
Chaque collection sera décrite pour elle-même, d'aprês le ou te manuscrits. Chaque thême sera muni d'un sigle (celui de Ia collection) et d'un numéro d'ordre (celui du thême dans Ia collection); si le thême donne lieu à plusieurs questions, celles-ci seront indiquées par des lettres. ex.: Stuttgardienses thême 1 q. 2 devient St 1 b. Au cas ou Ia même question se lit plusieurs fois dans des collection différentes : a) Si le texte est identique, seule Ia premiêre mention donnera lieu à un renvoi à Ia table "matiêres". C'est aussi à cette premiêre mention qu 1'0n donnera le relevé de toutes les occurrences, avec leur locali ati n dans les manuscrits; Ia seconde mention et les mentions ultérieures seront en petits caractêre , avec renvoi à Ia premiêre. b) Si le texte a été modifié (relecture ou remaniement), ce sera ignal à sa place dans le dépouillement. Un renvoi muni d'un astéri que rn inséré à Ia premiêre mention. Rien dans Ia table. c) Si le texte est différent, bien que thême et question() i nt 11 mêmes, il sera traité comme un texte indépendant avec son i I Ia similitude de thême étant sans effet sur Ia table et le jeu d se faisant selon les matiêres. On indiquera, pour chaque "question", l'ordre des différent parti', thême, pro, contra, solution, et l'absence de telle ou telle. Pour chaque collection, une notice breve préalable devrait contenir: - l'environnement contextuel et son origine (piêces voisines, recueil factic ou non) - une estimation de son âge et de sa localisation les citations caractéristiques de droit romain ou de décrétales les noms propres et te citati n d'auteurs le sigles ventuellement un t 11\ d un '01 J in av te coUecti n v i in
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CHAPITRE IV
LE RÉPERTOIRE DES COLLECTIONS ET DES QUESTIONS
- une bibliographie: découverte, analyse publiée, questions éditées. Ne serait-il pas utile, voire nécessaire, de publier non seulement le thême et les questions mais également Ia solution? Si celle-ci est breve, on peut le faire, mais si elle est longue, il faudra se contenter de Ia résumer (en une ligne au plus): le répertoire doit être maniable.
"questions" sont plus anciennes que celles des canonistes, mais elles n'offrent pas le même intérêt, les civilistes n'ayant pas été, comme leurs collêgues canonistes, confrontés à une évolution des textes normatifs. Un répertoire est moins urgent mais serait souhaitable. Peut-être les études qui doivent conduíre à l'édition des questions de Pillius permettrontelles sa réalisation. Il pourrait, ce me semble, être alphabétique.
2°) Table par matiêres
Il parait convenable d'abandonner un plan purement alphabétique et de grouper les sujets par institution. Par exemple, c'est sous "mariage" qu'il faudra chercher: empêchements, consentement, divorce; sous "élection": capacité, maior pars, bénéfice, prébende. Chacun des mots regroupés garde cependant une mention à sa place dans Ia table alphabétique: Ie lecteur est ainsi renvoyé à l'endroit ou se trouvent les indications qu'il cherche. La même question pourra faire l'objet de deux ou trois mentions dans Ia table, - Une table distincte reprendra les noms propres, les citations d'auteurs et les sigles. - Une liste de termes, techniques ou non, comme miles,potestas (podestat), canonia pourrait s'intégrer à Ia table par matiêres ou faire l'objet d'une table spéciale. Elle ne devrait pas contenir trop de mots. Je crains seulement qu'elle ne retarde l'entreprise, déjà três lourde. - Je me permets de renvoyer au projet formulé en 1958 et à un inventaire des difficultés publié en 197928• Le travail est en bonne voie pour Ia période antérieure à 1234: toutes les questions accessibles ont été transcrites et Ia moitié est déjà répertoriée.
*
** La rédaction d'un tel répertoire s'impose-t-il pour les collections de questions civiles? Je ne le pense pas, parce que Ia premiêre tâche est ici d'éditer le Stemma Bulgaricum. D'autre part, aucun chercheur n'a procédé encore à un examen méthodique des manuscrits. Certes, ce
" G. FRANSEN, Les "Quesliones" de canonlstes. Bilan provtsotre et plan de travail, ( ongr de Droit canonique médiéval, uvnln-Bruxelles, 22-26 juillet 1958), Louvain, 1959 (Bibl de Ia R v. d'lIi toire c lé iastiqu ) p. 12 -I 4; Mtlanges offens à Jean DÂUVIIIII
269
RÉGLES POUR L'ÉDITION
CHAPITRE V
REGLES POUR L'ÉDITION Avant d'aborder ce sujet, nous voudrions formuler quelques conseils concernant l'heuristique. Ils ne sont pas sans rapport avec l'édition car je suis persuadé qu'il est extrêmement hasardeux de vouloir éditer une question d'aprês un seul manuscrit. Les rédacteurs de catalogues, qui ne sont pas forcément des juristes, ne se rendent pas toujours compte de Ia nature exacte de l'ceuvre qu'ils décrivent. On risquera donc de trouver des collections de questions (auxquelles sont souvent entremêlés d'autres textes) sous les rubriques "varia iuridica", "casus", "notae iuridicae". li est à Ia fois étonnant de constater que plusieurs collections importantes avaient échappé aux catalographes et aux chercheurs, et satisfaisant de voir des recherches fructueuses se poursuivre. Beaucoup reste à faire en ce domaine malgré les progrês récents et Ia collaboration assurée au niveau international >, S'il est relativement aisé d'identifier une collection de questions, il est beaucoup plus malaisé de repérer les questions isolées, copiées sur un feuillet laissé libre, sur une page de garde, dans les marges d'autres ouvrages. Que dire alors des questions qui ont été transcrites à Ia pointe sêche, et qui sont, par surcroít, d'une lecture vraiment difficile? Pour les questions du XlIIe siêcle finissant, du XIVe et du XVe siêcle, outre le dépouillement des grands recueils qui est à peine commencé, on étendra Ia recherche aux eeuvres qui citent des questions disputées, ce que j'appellerais volontiers les eeuvres "en aval" des questions: leçons magistrales et traités spéciaux. Les travaux de M. Bellomo et de son équipe pourront servir d'exemple 30.
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ou choisies comme exemple. Pour les civilistes, trois grandes collections et deux plus petites et des questions isolées. Depuis prês de trente ans, j'ai édité les thêmes (et les "problêmes") de plusieurs collections et dressé des tables de concordance. Ce sont les matériaux du Répertoire projeté. Faut-il éditer des collections entiêres ? Ne faudrait-il pas, par exemple, se consacrer aux questions d'un même auteur? Ou bien, comme je I'ai fait récemment, examiner le cheminement d'un même thême à traver différentes collections? - Lorsque les collections sont "uniques", surtout lorsqu'elles sont ancienne ou émanent d'un seul auteur, elles peuvent être éditées dês maintenant: ainsi les questions de Maitre S. (Barcinonenses), les Londinenses, le questions de Bernard de Compostelle I'Ancien. J'ai édité les Vaticanae, les Urgellenses et les Lemovicenses I. Pour les autres, on serait plus réticent pour des motifs de critique interne et aussi parce que d'autre tâches sont plus urgentes. li parait plus justifié de suivre un thême, u plutôt une question bien détermioée (par exemple: rupture du mariage non consommé ou exigence de Ia bonne foi dans Ia prescription ou encore certains problêmes concernant le droit de patronage) à traver les collections, en tenant compte des diverses écoles et de Ia date probabl de chaque dispute. Cela permettrait de suivre, au cours de plus d'un demi-siêcle, I'évolution de Ia solution donnée à un problême "disputabl " et surtout de l'argumentation qui Ia justifie. - L'édition d'une question isolée, c'est-à-dire qui ne se trouve pa d n une collection, se justifie plus aisément: sans cela elle risque d'être p rdu de vue. Il est indiqué d'autre part de publier dês à présent les qu ,ti)1I qui se rapportent à Ia vie universitaire, qui font allusion à des évén 111 111 historiques ou qui mentionnent des canonistes peu ou mal connu , m 111 si elles se trouvent dans de grandes collections.
1. QUE FAUT-IL ÉDITER?
2. RÉGLES CRITIQUES
présent, les éditions sont rares. Pour les canonistes, quatre éditions de collections completes et une trentaine de questions isolées
Dire que les scribes de métier sont négligents est énoncer un truisme. omme nos questions sont généralement copiées par des scribes de métier et que les manuscrits sont rares (souvent un seul, parfois deux u trois, rarement davantage), leur édition pose quelques problême . 1. Les homoiotelcut o u h ur I o. . nt fréquents. Parfois il pourr nt tre décelé et c moi n, '0111 Inl t un autre manu crit, ou, o
Jusqu'â
29
Grâce, entre autres, à Ylnstitute of Medieval Canon Law (Berkeley) et à ses congrês,
]O
M. BELLOMO.
Le "Quaestiones
...• p. 63-64.
273
CHAPITRE V
REGLES POUR L'ÉDITION
défaut, à "une autre forme" (relecture) de Ia même questiono Cependant il faut parfois se résigner à déclarer le texte corrompu. 2. Il est possible que le texte de Ia source à laquelle il est fait référence soit repris littéralement dans l'argumentation. Les bévues du scribe pourront, dans ce cas, être redressées. 3. Il n'est pas exclu de rectifier des citations manifestement erronées en cherchant, à partir des citations exactes, voisines de celles qui sont fausses, des "concordances" fournies par exemple par Ia Glose ordinaire. 4. Il est fréquent qu'un usager, voulant améliorer un texte corrompu (ou qu'il juge tel), en change complêtement le senso On peut le constater dans Fulda D 7 en comparant les corrections sur grattage (qui devront trouver place dans l'apparat) avec le texte exact de Ia question, connu par un autre manuscrit. 5. Des citations ou des phrases sont incomplêtes. Peut-être faut-il y voir Ia marque d'une question reportata: le reportator n'aura pas eu le temps de noter complêtement ce qu'il entendait. Mais dans d'autres cas l'omission est due à Ia pares se ou à l'incurie d'un scribe. 6. Les problêmes que posent les peciae vaudront pour les questions "éditées", comme celles de Pillius, de Roffredus et de Barthélemy de Brescia, qui ont été diffusées par les stationnaires. 7. Les textes "ajoutés" à une question connue par ailleurs exigent une attention particuliêre. Il sera souvent difficile de décider s'ils émanent d'un scribe (remaniement) ou s'ils sont les témoins d'une relecture.
lapsus calami, les inversions, sauf si elles permettent de déceler des familles de manuscrits. De même les variantes orthographiques, sauf pour les
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3. PRÉSENTATION DU TEXTE
Il ne faut pas qu'un apparat critique complet surcharge inutilement l'édition. Il s'agit, en effet, d'exercices et non de textes normatifs. Le petit nombre de manuscrits, Ia possibilité de les classer grâce aux homoioteleuton, l'importance moindre, dans ce domaine, de Ia filiation des manuscrits expliquent ce que certains jugeront être un certain "laxisme" dans les exigences de l'apparat critique. Ces rêgles sont formulées en accord avec l'Institute of Medieval Canon Law de Berkeley. Au cas ou 1'0n découvrirait de nouveaux manuscrits, on pourrait toujours, en cas de doute sur leur place dans le stemma, recourir à l'exemplaire de travail, mentionnant toutes les variantes, et conservé à l'Institute. 1. L'apparat critique sera, en principe, négatif, sauf lorsqu'il s'agit d'une correction de l'éditeur: dans ce cas il sera positif. 2. Réduire au minimum Ia mention des variante : lais er de côté lcs
noms propres. 3. Pour ce qui est des citations, il est des cas ou le scribe s'est manifestement trompé: il a lu xxii. au lieu de xvii., c(ap).i. au lieu de ci., ff (Digeste) au lieu de C. (Code). Parfois Ia référence est incomplête : a) si un manuscrit a Ia leçon exacte et si Ia faute est évidente, on n'indiquera pas les variantes des autres manuscrits; b) si tous les manuscrits ont une leçon fautive, on rectifiera dans le texte et on mentionnera en apparat les leçons des manuscrits; c) en cas de doute ou de conjecture, Ia leçon préconisée figurera dans le texte, celles des manuscrits dans l'apparat. Il sera bon de s'expliquer à ce sujet dans l'introduction à l'édition. d) S'il s'agit d'une citation de décrétale, il faut noter les variantes dans les incipit, mais aussi et surtout dans le libellé du titre. Ces derniêres variantes peuvent avoir leur importance lorsqu'il s'agit d'identifier, grâce précisément à ce libellé, Ia collection de décrétales dont s'est servi l'auteur de Ia question, et, en conséquence, de situer celle-ci dans le temps et dans l'espace. 4. S'il n'y a qu'un manuscrit, on peut alléger l'apparat en mettant entre parenthêses ce qui est à rejeter et entre soufilets les corrections. 5. On peut conserver l'orthographe d'un manuscrit choisi; on peut aussi normaliser l'orthographe. 6. La comparaison entre divers "états" d'un texte peut se faire, it en utilisant des signes diacritiques (uncini, crochets) soit par une éditi n en deux colonnes ou par deux éditions à Ia suite. Un apparat spé i I, positif, distinct de l'apparat critique proprement dit, permettra au lectcur de distinguer ce qui appartient à chaque "forme" du texte édité 31. Bref, on veillera à Ia lisibilité de l'apparat critique (sinon, il ri qu d'être inutile parce que trop touffu) et d'autre part, on n'omettra aucun variante significative. Comme les autres eeuvres juridiques, chaque c 1lection de questions pose des problêmes qui lui sont propres et au sujet desquels il faudra s'expliquer dans l'introduction.
I
G. FRANSBN,
152.
Êtats différellls d'unr
II
SIlo" dlsputée, dans ZSSKan,
68 (1982), p. 136-
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CHAPITRE V
4. PRÉSENT ATION DES ALLÉGATIONS CHIFFRÉES
- Lorsque celles-ci se présentent dans le texte, on les identifiera selon les rêgles établies par l'Institute of Medieval Canon Law. Les renvois, comme les autres renvois à l'apparatus fontium se feront à l'aide de chiffres, non de lettres. - Mais lorsqu'elles sont en colonnes et que, en sus, elles sont plus ou moins abondantes selon les manuscrits, on pourra 1. conserver Ia disposition en colonnes; 2. indiquer, par un retrait, les ajouts et par un astérisque auprês du sigle du manuscrit (voir 3) les déplacements de citations; 3. indiquer, par des sigles d'une lettre, les manuscrits contenant Ia citation; 4. placer l'identification de Ia citation en fin de ligne (et non en apparat). ex.: C.i.q.i.c.Gratian C BL MA C.l q.l c.15 C.x.q.iii.Unio BL A C. 10 q.3 c.3 00 se souviendra que dans ces "listes" il n'est pas rare de rencontrer de bourdons. Voir à ce propos mon article: États différents d'une même uestion disputée, dans ZSSKan., 68 (1982), p. 136-152. 5. "ApPARATUS FONTIUM"
utre les identifications d'allégations, l'apparat dit "savant" devra ignaler les citations d'reuvres littéraires ou juridiques, les parallêles avec d'autres questions, identifier les canonistes ou les civilistes désignés par un sigle, que 1'on ne se hâtera pas de résoudre. C'est ainsi que, là ou le manuscrit portait "M.J.dic.", un éditeur pressé a transcrit, sans indiquer qu'il s'agissait d'une conjecture "Martinus, Joannes dicunt", alors qu'il fallait lire "Magister Joannes dicit" 32.
12 Quaestiones Dominorum Bononiensium (Collectio Gratianopotitanai, ed. J.B. P ALMIERJ dan BfMAE, I Appendix, Bologne, 1914, p. 236. q, 137. L'éditeur ne s'est pas rendu mpte qu'il 'agissait, à partir de Ia q. 133, de questions canoniques; il n'a pas su lire l'nbréviation B(lIrchardus); il rcnvoie, uns m tif, dans l'apparut, de citations qui 11Ii pur i. I1t ob rrunt s por c qu'il 11'0 pus SlI I interpréter,
CHAPITRE VI
DOMAINES DE L'HISTOIRE QUE LE GENRE PEUT AIDER À CONNAtTRE La question intéresse principalement, certes, l'historien du droit, mais elle apporte également des données concrêtes aux autres historiens. 1.
ApPORTS À L'HISTOIRE DU DROIT
Pour Ia premiêre fois, l'historien du droit peut suivre un genre littéraire déterminé pendant le premier demi-siêcle de son existence. L'étude des questions, surtout chez les canonistes, ou l'inventair~ est aussi. com~le~ que possible et ou toutes les questions ont été transcntes, constitue aIOSl une "premiêre", Chez les civilistes, les recherches ont fait de três larges progrês ces derniers temps et on peut espérer être bientôt à pied d'reuvre pour écrire une histoire comparée du genre. Or c'est à l'époque spécialement étudiée (fin du XIIe siêcle et début du XIIle siêcle) que se forge Ia méthode d'argumentation, que s'introduit Ia nouvelle logique, que le droit canonique emprunte au droit romain technique et langage. Les données fournies par le monde des questions sont três précieuses parce que le plus souvent non élaborées, brutes pour ainsi dire, et par conséquent difficilement récusables. Et aussi pa:ce qu'elles font partie d'un processus de préparation professionnelle lIDmédiate, sans prétentions scientifiques. . En plus de ce point de vue formel, les matériaux réunis permettraíent, et cela en rend l'étude particuliêrement attachante, de rédiger une étude de l'évolution du droit parallêle à celle qu'on tire de l'enseignement magistral. Souvent elle serait plus concrête et plus détaillée que celle-ci. Elle porterait sur les points "disputables", qui font Ia matiêre obligée des questions, et montrerait dans quelle mesure l'École et ses disc.ussions, privées ou publiques, ont préparé les interventions jurisprudentIelles ou législatives. Les questions, de surcroit, permettent de connaitre mie~ Ia pensée de Maitres dont on ne connait que peu ou pas d'écrits. Ainsi Melendus, Bazianus ou Bernard de Compostelle l'ancien ou encore les maitres ao nymes de l'école de Vi o nt mieux connus grâce aux questions,
277
CHAPITRE VI
DOMAINES DE L'HlSTOIRE
sans parler de ceux dont seules les questions mentionnent le sigle ou le nom. Enfio, je ne me souviens pas d'avoir rencontré ailleurs, pour désigner les Compilationes antiquae, Ia notation "liber i., liber ii., liber iii." au lieu de "extra i., extra ii., extra iii." Ce n'est cependant pas sans un certain désenchantement que 1'on réfléchit à 1'ensemble du dossier. A une vitalité et une variété qui étonnent et réjouissent (c'est vrai surtout chez les canonistes) succêde, au fi! des années, un formalisme, une sclérose dont 1'académisme est sans doute responsable, tout au moins partiellement. Le nombre des questions aussi, aprês avoir crü jusqu'aux environs de 1225, diminue ensuite três largement. Sans doute faudra-t-il corriger ces données grâce aux résultats espérés des enquêtes en cours, mais on a l'impression, là aussi, d'un ralentissement notable, d'un essoufilement. Peut-on dire qu'on se soucie moins de conserver par écrit les disputes scolaires, qui restent nombreuses, et qu'on ne garde dorénavant que les questions académiques ou celles de Maitres en renom? Sans doute et je pense que cela est dü au changement de perspective signalé plus haut 33. Le passage de Ia dispute à sa mise par écrit et, dans cette derniêre, 1'attention apportée tout d'abord à l'aspect didactique, ensuite au progrês de Ia science et à Ia valeur intrinsêque de 1'argumentation seraient ainsi une des clefs de 1'étude et de 1'interprétation des questions. Et si les questions "académiques" sont représentatives de Ia derniêre tendance et les questions scolaires de Ia premiêre, le rôle de celles-ci dans Ia formation et 1'évolution de Ia doctrine ne peut être négligé. Mais il s'estompe peu à peu. Et si 1'on continue de disputer "in scholis", nous avons de moins en moins de traces de ces disputes.
obtient ainsi une vue "latérale" sur des événements réels. C'est tout un monde qui vit, - et dont les détails de 1'existence émergent parfois sans coup férir, - et qui évolue devant nous. Et sans que 1'auteur du texte ait eu 1'intention de souligner quoi que ce soit. - Allusions à des événements historiques, à des traits de meeurs, thêmes extraits de textes littéraires (retour de Ia croisade, médecin exigeant, épouse se substituant à Ia servante à laquelle le mari a donné rendezvous) ou illustrant certaines attitudes (entre autres celles des moines blancs à l'égard des moines noirs). Miroir de Ia société? Oui, à condition de se souvenir que Ia répétition de certains thêmes provient peut-être de Ia nécessité de proposer une question qui soit disputabilis et non de leur fréquence réelle. - Citations d'auteurs classiques. - Il faudrait ajouter que les textes rédigés, leur vocabulaire et leur forme littéraire méritent mieux qu'une mention. C'est dans 1'espoir de rendre accessibles aux historiens ces données de fait que Ia table du Répertoire des Collections et des questions a été élargie. Mais on pense que Ia lecture des thêmes pourrait permettre à 1'historien d'interroger le juriste et de lui faire découvrir des aspects qu'il risque de négliger. Tant il est vrai que 1'histoire ne s'écrit qu'à partir d'une enquête pluridisciplinaire.
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2. ApPORTS
À L'HISTOIRE DE LA CIVILISATION
L'énoncé des problêmes soumis à dispute peut instruire l'historien. - Évocation de pratiques universitaires mal attestées, surtout à Ia date de Ia question; allusions et descriptions de situations concrêtes vécues par les étudiants: copie et prêt de manuscrits, locations de matelas, relations avec les prêteurs sur gages, rémunération des maitres. Une enquête à ce sujet serait três instructive. - Allusions à des problêmes réels (ou fictifs) rencontrés par des entités ecclésiastiques ou civiles, ou bien encore exposé de ces problêmes. On 3J
Cf. p. 263-265.
QUATRIEME PARTIE
LA QUESTION DISPUTÉE DANS LES FACULTÉS DE MÉDECINE PAR
Danielle JACQUART
BIBLIOGRAPHIE
L'histoire de Ia médecine fut pendant longtemps dépendante de l'évolution de Ia science dont elle rendait compte; Ia généralisation de Ia méthode expérimentale fit que Ia recherche tenta de discerner dans les textes médiévaux ce qu'ils pouvaient offrir pour l'histoire de celle-ci. L'aspect scolastique fut donc méprisé jusqu'à ce que Ia médecine tombât dans le champ de l'historien proprement dito Parallêlement, les travaux consacrés au développement de l'enseignement universitaire, et plus spécialement à Ia dispute scolastique, faisaient peu de cas des Facultés de médecine considérées soit comme calquées sur les autres, soit comme trop différentes. Une phrase de Charles Thurot, dont l'ouvrage De l'organisation de l'enseignement dans I'Université de Paris au Moyen Age,
se trouve souvent cité dans ce volume, est révélatrice: "Je ne parlerai pas des médecins que leur profession devait isoler de tous les autres maitres, par cela seul qu'elle n'avait pas l'enseignement pour objet principal". Pourtant, les médecins acquéraient au sein des universités, comme les théologiens, Ia licentia legendi et disputandi, Ia seule différence étant que l'obligation de practicare remplaçait celle de praedicare. Malgré le renouveau de l'histoire de Ia médecine ces derniêres années, nos connaissances sur l'état des sources qui touchent à Ia question disputée sont encore fragmentaires. Devant l'absence de travaux qui traitent directement de Ia dispute médicale, il faut se reporter aux instruments de travail généraux sur l'histoire de Ia médecine ou à des monographies qui abordent incidemment le problême. Nous ne pourrons donc indiquer ici que les orientations qui nous paraissent essentielles, ans reprendre les titres évoqués dans les notes sur des points particuliers. A. LES RÉPERTOIRES DE SOURCES
BEAUJOUAN,G., M anuscrits médicaux du Moyen Age conservés en Espagne, dans Mélanges de Ia Casa de Velazquez, 8 (1972), p. 161-221. CARIA,A., I codici di medicina dei periodo presalernitano. Rome, 1956. B RTOLASSO,B., Manoscritti di medicina esistenti nella Biblioteca dei Seminario Vescovile di Padova. Padoue, 1961. MI BELO I, P., La medicina nei primi tremila codici dei Fondo Vaticano. Rome, 1950.
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BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
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CHAPITRE I
LA DOUBLE
ÉVOLUTION DU GENRE: TRADITION DE LA "QUESTION"
MÉDICALE
Si l'organisation des disputes au sein des facultés de médecine suivit, dans son ensemble, une évolution parallêle à celle notée en théologie, Ia quaestio médicale fut elle-même l'héritiêre d'une double tradition. Liée en partie à Ia lectio et aux interrogations suscitées par l'interprétation des autorités, elle répond aussi à l'ancien genre des Problêmes ou Questions naturelles qui, né dans l'Antiquité, s'est trouvé particuliêrement renouvelé et enrichi par les maitres de l'École de Saleme. Des traces de cette origine spécifique se révélêrent encore aprês que Ia méthode scolastique se füt généralisée et que l'organisation de disputes eüt fait partie de l'enseignement régulier. Un exemple peut en être fourni dês maintenant: dans un manuserit du XIVe siêcle, sous l'intitulé Quare scamonea in oppiatis non apponimus? 1 est présenté un quodlibet parisien qui eorrespond en réaJité à Ia question, de type salernitain, Queritur de scamonea quare non apponitur in opiatis? 2. 11 serait done erroné d'analyser ee quodlibet dans le eontexte excJusif de l'enseignement universitaire parisien; sa dépendanee envers Ia tradition saJemitaine doit être soulignée. Comme le rappelle M. Bemardo Bazán dans ce même volume, "Ia scolastique ne remplace pas les méthodes, elle les superpose"; aussi ne convient-il pas d'établir une solution de continuité entre deux types de technique qui répondent aux mêmes exigences pédagogiques et qui véhiculent un savoir de même lignée. En médecine, comme dans les autres disciplines touchant à Ia phi1osophie naturelle, Ia quaestio en tant qu'exercice autonome semble avoir précédé Ia quaestio attachée au commentaire d'un texte. La disputatio médicale témoignera de l'imbrication de ces deux techniques.
1 Ms. Vienne, Nat. Bibl., 2306, XIVe S., f. 78r-79rb; cf. L. THORNDIKEet P. KIBRE, A catalogue of incipits of medieval scientific writings in latin. Londres, 1963, 1178. 2 ette question est éditée dan )'ouvrage suivant: B. LAWN, The Prose Salernitan Ques/ions. editedfrom a Bodletan manus r/p/ [Auct, F.3./0). Londres, 1979 (Auctores Britannici Med/l Aevi V), B 48.
286
CHAPITRE
1. DANS
LA FORME
LA LITTÉRATURE
I
ÉVOLUTION
QUESTIONS-RÉPONSES MÉDICALE
PRÉ-SALERNITAINE
Le docteur Brian Lawn 3 a retracé en détail Ia tradition des questions naturelles avant Ia pénétration des sources arabes, c'est-à-dire avant le Xle siêcle. Nous nous contenterons de rappeler les príncipaux jalons que son ouvrage indique, en nous limitant à Ia médecine. L'influence des Problemata pseudo-aristotéliciens et de leurs dérivés fut primordiale. Une version latine complete n'en sera connue qu'au XIII e siêcle, grâce à Ia traduction de Barthélemy de Messine, mais il est attesté que des fragments circulêrent, entre le IXe et le Xllle siêcle, par l'intermédiaire de ce qu'il est convenu d'appeler Ia vetustissima translatio 4. Dans le poême qu'il adresse à Ia comtesse Adêle, fille de Guillaume le Conquérant, Baudry de Bourgueil, en livrant quelques intitulés de questions, témoigne de l'utilisation de ces Problêmes dans les écoles du Nord de Ia France, à Ia fin du Xle siêcle : Cur homo sit calvus, eur non sit femina calva, Cur homo barbatus, imberbis femina eur sit, Cur non gignat homo, femina eoneipiat, Quid potius plaeet matriees, quidve molestat, ur mulier, neque vir voee sonet gracili. Quam reliquus corpus eur cor prius effigiatur, ur homo fervidior, femina frigidior. 5
Les ources médicales transcrites au cours du Haut Moyen Age offrent fréquemment Ia forme questions-réponses. Signalons en premier lieu les adaptations latines de deux ceuvres du représentant de l'École méthodiste Soranus d'Êphêse (ler-li e s.): Ia Gynaecia et ses deux versions 6, les
3 B. LAWN, The Salemitan Questions, An introduction to the history of medieval and Renaissance problem literature. Oxford, 1963. li existe une traduction italienne de cet ouvrage accompagnée de quelques mises jour : I quesiti Salemitani, trad. A. SPAGNUOLO, SaIerne, â
1969 . • Éditée par V. ROSE, dans Aristoteles Pseudepigraphus. Leipzig, 1863, p. 654-676. Liste des manuscrits et specimina dans: Aristotes Latinus, Codices descripsit G. LACOMBE, Pars prior. Rome, 1939 (Union académique intemationale, Corpus philosophorum Medii Aevi), p. 86, 180-182. 5 P. ABRAHAMS, Les reuvres poétiques de Baudri de Bourgueil (1046-]]30). Paris, 1926, p. 299, v. 1286-1293. Le poême dédié à Ia comtesse Adêle semble avoir été écrit entre 1099 et 1102 . • La Gynaecia de Caelius Aurélien, de même que celle de Moschion reprennent l'ceuvre de Soranus; CAELJUS AURELIEN, Gynaecia, éd. M.F. et I.E. DRABKIN. BaItimore, 1951; V. ROSE, Sorani "Gynaeciorum" vetus translatio latina. Leipzig, 1882; R. RADI 11I, La "Gynaecia" di Muscione : manuale per le ostetrtche e le mamme dei VI sec.d. C. Pise, 1970.
287
DU GENRE
7 de Caelius Aurélien. Ces derniêres avaient un but didactique avoué: enseigner Ia médecine sous une forme aisément assimilable, selon les príncipes de l'École méthodiste. L'Ysagoge pseudosoranique, appelée aussi Questiones medicinales 8, répond à une ambition encore plus précise; en même temps qu'elle exhorte à ouvrir le champ de Ia médecine vers Ia philosophie naturelle, elle releve l'utilité que présente l'exposé de questions pour former le jugement des jeunes : quem
Medicinales responsiones
ad modum autem doctrinam percepimus dicendum existimo, et quoniam utilior videtur eis qui ad medicinam introducuntur interrogationum et responsionum modus, quoniam format quodammodo sensus iuvenum, brevi in controversia isagoga tradenda est illis 9.
2.
LES
QUESTIONS
SALERNIT
AINES
Alors que les Questiones naturales d'Adélard de Bath 10 et le Dragmaticon philosophiae de Guillaume de Conches Ii s'inspirent aussi de Ia forme du dialogue, les recueils de questions éditées par Brian Lawn 12 s'inscrivent directement dans Ia lignée des Problemata, dont ils reprennent d'ailleurs une partie du contenu. 11 est inutile de rappeler combien l'École de Saleme contribua au renouveau de Ia médecine du XIIe siêcle 13, par l'interprétation des traductions constantiniennes, par Ia premiêre utilisation d'Aristote, par l'observation anatomique. On connait malles conditions d'élaboration des questions que conservent plusieurs recueils: les maitres 7 Ce texte n'est conservé que dans des fragments: De salutaribus praeceptis et De significatione diaeticarum passionum (éd. V. ROSE, dans Anecdota Graeca et Graecolatina, vol. 2. Berlin, 1870, p. 183-240, et ms. Vendôme, Bibl. muno 109, XIe s., f. 87v-88); Liber interrogationis Yppocratis mediei (ms. Paris, Bibl. nat., lat. 11219, IXe S., f. 26-32v). Cf. B. LAWN, The Salemitan Questions, op.cit., p. 8-9 et E. WICKERSHEIMER, Manuscrits latins de médecine du Haut Moyen Age dans les bibliothêques de France. Paris, 1966, p. 178 et 116. • Édition: V. ROSE,Anecdota, op.cit., vol. 2, p. 243-274; d'autres manuscrits complêtent Ia version éditée, cf. B. LAWN, The Salemitan Questions, op.cit., p. 9-12 et E. WICKERSHEIMER, Manuscrits, op.cit., p. 114. 9 V. ROSE, Anecdota, op. cit., vol. 2, p. 247. 10 Éd. M. MOLLER, dans Beitrãge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mlttelalters, 31.2 (1934). " lmprimé à Strasbourg en 1567 sous 1e titre Dialogus de substantiis physicis et attribué Wuilhelmus Aneponymus. 12 The Prose Salernitan Questions, op.cit. 11 Nous renvoyon à Ia dcmiêr mise au p int sur Ia que tion: P.O. KRISTELLER, La Scuola Medi a di alemo se ondo rtcerch« e scoperte recentl, duns Q/lodeml dei entro studi t' documentazione delta ,Cl/OIII Ml'tllC'II Solrrnttnn«, (19HO), p. -16.
288
CHAPITRE I
salemitains n'ont pas laissé de renseignements précis sur l'organisation de leur enseignement. Il est probable que le noyau primitif, auquel se sont, au cours des siêcles, agrégés des éléments exogênes, se constitua à partir de l'enseignement de maitres tels que Maurus de Saleme ou Urso de Calabre; de ce demier, à Ia pensée si originale, son disciple Gilles de Corbeil déclare, au début du XllIe siêcle, qu'il excellait dans Ia résolution des questions les plus difficiles: "Strenuus ambiguos causarum solvere nodos, Cuius ab ingenio nul/a indecisa recedit Quaestio" 14. La plus ancienne et principale collection de questions salemitaines fut copiée vers 1200 par un scribe anglais non professionnel qui semble avoir fréquenté le célebre centre de Hereford 15. Bien que, suivant Ia tradition des Problemata, les réponses offrent seulement Ia soIution du maitre, il arrive souvent que des objections soient proposées et levées. On en trouve un exemple dans Ia question Queritur quare pueri statim post nativitatem non habeant complementum actionum, ut ambulandi, loquendi, standi, sedendi, seipsos conservandi, et similium, cum bruta animalia hec habeant et non tamen sunt ita temperate complexionis sicut sunt humana corpora: R. H oc contingit quoniam menstruali sanguine nutriuntur, qui non potest adeo cito purgari ut decens ... Obicitur. Nonne potest oriri aliquis puer temperatissime complexionis et equalis? Solutio. Licet talis puer ex temperatissimo oriatur spermate et nutriatur ex temperatissimo nutrimento, ex loco tamen conceptionis menstrualibus superfluitatibus ipsum contingentibus, aliquid non ex natura sed ex accidenti debilitatis contrahit ... 10
Le lien le plus manifeste que les questions salemitaines entretiennent avec les questions scolastiques réside dans Ie fait que, souvent conservées dans les mêmes recueils, elles sont parfois considérées par les scribes comme des comptes rendus de dispute. Elles sont associées à des disputationes et quaestiones medicales dans le manuscrit du Vatican, Borg. 86 et dans le manuscrit de Venise, Marc. f. a. 534; à des quaestiones et quodlibeta théologiques ou philosophiques dans le manuscrit de Klosterneuburg, St Aug. 274 17. Un autre recuei! donne à 230 questions, en grande partie d'origine salernitaine, le titre de Questiones sollempnes
14 De laudibus et virtutibus compositorum medicaminum, éd. L. CHOULANT, dans Aegidius Corboliensis Carmina medica. Leipzig, 1826, I, 122; vers eités par Brian Lawn (Thl' Salemitan Questions, op.cit., p. 34 n. 3). v Ibid. p. 35-36 et The Prose Salernitan Questions, op.cit., p. IX-X. «tu« B 228, p. 115-116. 11 Ibid. p. XII-XIII.
ÉVOLUTION DU GENRE
289
18. li est évident que cette appellation rend davantage compte du contexte universitaire de Ia fin du XIIle siêcle, ou le manuscrit (Cambridge, Peterhouse College 178) fut transcrit, que de Ia forme que prit l'enseignement salernitain.
salernitane
L'assignation de ce caractêre anachronique symbolise, comme le souligne Brian Lawn, l'utilisation que fit Ia médecine scolastique de ces questions: "La dénomination de sol/empnes signifie probablement que, à l'époque ou le manuscrit fut copié, les questions étaient utilisées, selon les diverses appellations, pour une disputatio ordinaria, publica ou solemnis, tenue dans une faculté de médecine. Mais elles ne sont en aucune maniêre des reportationes d'une telle dispute; les réponses, souvent identiques à celles du manuscrit antérieur de Ia Bodleienne, ont entiêrement Ia forme didactique traditionnelle des quaestiones et responsiones. De telles collections pouvaient alors servir soit comme aides pour un étudiant dans Ia préparation d'une dispute, soit comme base à Ia determinatio d'un maitre sur un sujet ayant un rapport avec de telles questions" 19. Alors qu'un manuscrit témoigne de Ia pénétration des Questions salernitaines à Paris vers 12302°, celles-ci constitueront un substrat souvent perceptible non seulement dans les disputes des artiens et des médecins, mais aussi au hasard de quelque quodlibet théologique. Ainsi, parmi les sujets jadis édités par Mgr. Glorieux, nous relevons dans le Quodlibet IV attribué à J acques de Viterbe Ia question traditionnelle Utrum pater sapiens ut plurimum generet stultos filios 21, d'ailleurs traitée également par Albert le Grand dans ses Questiones de animalibus 22; de même, le Quodlibet anonyme XXX offre l'une des questions, issues des Problemata, que signalait déjà Baudry de Bourgueil: Quare homines sint calvi et habeant barbam et non mulieres 23.
Outre ces résurgences d'un ancien fonds intégré dans une nouvelle Ibid. p. XI. B. LAWN, The Salernitan Questions, op.cit., p. 36 n. 2. La traduetion française est de notre fait. 20 Le manuserit de Paris, Bibl. nat. 18081, eontient 141 de ees questions; il fut éerit vers 1230-1240, ef. B. LAWN, The Salernitan Questions, op.cit., p. 37, 72 et The Prose ..., p. XI-XII, 274-324. 21 P. GLORIEUX, La littérature quodlibétique, t. 2. Paris, 1935 (Bibliothêque thomiste, XXI) p. 147; eette question eorrespond à un aneien problême du pseudo-Alexandre d'Aphrodise, ef. Quare sapientes generant stultos?, éd. B. LAWN, The Prose Salernitan Questions, R 33, p. 350. Sur le Quodlibet IV de Jaeques de Viterbe, ef. Ia eontribution du pêre Wippel dans ee volume. 22 Utrum sapientes et philosophi ut plurimum generant filios fatuos: Quaestiones super de animalibus, éd. E. FILTHAUT, dans Alberti Magni Opera Omnia, XII. Münster, 1955, I. XVIII, Q. 4. 23 P. GLORIEUX, La littérature quodlibétique, t. 2, p. 306. 18 19
290
CHAPITRE
I
forme et confronté à de nouvelles sources, une autre illustration de Ia tradition des "Questions naturelles" est fournie par les Quaestiones Nicolai peripatetici qu'Albert le Grand attribuait, faussement semble-t-il, à Michel Scot ; liées à Ia premiêre diffusion des traductions d' Averroês, ces questions circulêrent probablement avant 1240. Mlle Marie-Thérêse d'Alverny, dans son étude de Ia tradition manuscrite 24, définit parfaitement le genre de collections auquel appartient dans son ensemble ce type de questions naturelles: "Ce genre de compilation hétéroclite fait plutôt soupçonner à Ia source le livre de poche du naturaliste voyageur qui transcrit un choix de textes et 1'apporte dans un centre ou maitres et étudiants exploitent le trésor et contribuent à sa diffusion en tout ou partie. Qu'il nous soit permis de terminer [...] par une hypothêse imaginative qui permettrait de nous représenter les pérégrinations des Questions dans les bagages d'un savant médecin". Un nouvel infléchissement de cette tradition allait être rendu possible grâce à Barthélemy de Messine, traducteur de l'entourage du roi Manfred de Sicile, qui, au milieu du XIIIe siêcle, mit à Ia disposition de l'Occident une nouvelle version latine, plus complete, des Problema ta pseudoaristotéliciens 25. Diffusée à un moment ou Ia méthode scolastique était à on apogée, elle allait circuler accompagnée du commentaire de Pierre d' Abano, dont le Conciliator réalise par ailleurs (comme nous l'exposerons ci-dessous) Ia synthêse entre Ia technique des problêmes et celle de Ia dispute universitaire.
ÉVOLUTION
DU GENRE
291
traductions constantiniennes à Ia base de Ia collection dite Articella 26. Ensuite, par Ia technique et le plan qu'ils adoptêrent et dont 1'une des sources principales semble être le commentaire au De sectis de Galien qui, attribué à un certain Jean d' Alexandrie (VIIe siêcle ") fut vraisemblablement adapté du grec en latin à Ravenne 27. Dês le milieu du XIIe siêcle, Barthélemy de Salerne introduit des dubia pour aider à 1'interprétation des textes; par exemple, dans Ia G/ossa in artem Galeni, il pose: Utrum autem medicina sit species phisice ambigitur vel pars integralis 28 ••• Les maitres salernitains inaugurêrent aussi Ia pratique des digressions destinées à ouvrir une discussion au sein du commentaire médical; cette pratique est suivie dans Ia premiêre moitié du XIIle siêcle par le premier témoin de l'enseignement. médical montpelliérain, le chancelier Henri de Winchester (ou de Guintonia), qui, dans son commentaire à 1'Ysagoge de Johannitius, reprend notamment Ia digression sur les degrés des médicaments 29. L'impulsion décisive pour 1'attachement systématique de questions à 1'interprétation des textes de 1'Articella, puis des nouvelles sources traduites par Gérard de Crémone, fut donnée à Paris et dans 1'Italie du Nord. Une importance particuliêre doit être accordée à Petrus Hispanus, le futur pape Jean XXI, qui semble avoir étudié à Paris dans les quatre facultés avant d'enseigner à l'Université de Sienne vers 1247-1252. Le fait qu'il soit également 1'auteur d'un texte fondamental de logique, les
3. LES QUESTIONS DANS LES COMMENTAIRES
De même qu'ils continuêrent et enrichirent Ia tradition des Problemata, les maitres salernitains tels que Barthélemy, Petrus Musandinus ou Maurus infíuencêrent considérablement Ia technique du commentaire médical. En premier lieu, par le choix des textes qu'ils interprétêrent, c'est-à-dire les
:IA La tradition manuscrite des "Quaestiones Nicolai peripatetici", dans Medieval learning and literature: essays presented to R. W. HUNT. Oxford, 1976, p. 200-219. Édition de ces questions: St. WIELGUS, Quaestiones Nicolai peripatetici, dans Mediaevalia philosophia Polonorum, 17 (1974), p. 57-155.
" La version de Barthélemy de Messine fut adaptéc en français par le médecin Evrard de Conty (t 1405), cf. P.M. GATIIER LB,Medieval science: Evrart de onty, dans Roman Notes,6 (1964-5), p. 175-181.
2. P.O. KRISTELLER,Bartholomaeus. Musandinus and Maurus of Salemo and other early commentators of the "Articella" with a tentative list of texts and manuscripts, dans Italia Medioevale e Umanistica, 19 (1976), p. 57-87. Édition du commentaire de Maurus sur les Aphorismes d'Hippocrate par M.H. SAFFRON,dans Transactions ofthe American Philosophical Society, 62, 1 (1972). VArticel/a fut constituée à l'origine des cinq textes suivants: Iohannitius, Ysagoge; Hippocrate, Aphorismes, Pronostics; Théophi1e, De urinis ; Philarct, De pu/sibus (cf. P.O. KRISTELLER,op.cit., p. 66). S'y agrégêrent ensuite, suivant les cas: Hippocrate, De regimine acutorum morborum; Isaac Israeli, De dietis, De febribus, De urinis ; Antidotarium Ntcolat; Galien, Tegni. 27 Le commentaire au De sectis prévoit de déterminer à propos du texte: intentio, utilitas, si verus est liber Galeni, causa suprascriptionis, ordo legendi, habitus doctrine, particularis divisio, modus expositionis. Cf. A. BECCARIA, Sulle trace di un antico canone latino di Ippocrate e di Galeno lII, dans /talia Medioevale e Umanistica, 14 (1971), p. 13-16. Édition de Ia traduction postérieure de Burgundio de Pise (1185): C.D. PRITCHET, Iohannis Alexandrini Commentaria in librum De sectis Galeni. Leyde, 1982. " P.O. KRISTELLER,op.cit., p. 86. 29 M.R.Mc VAUGH, An early dts usston on medicinal degrees at Montpel/ier by Henri of Winchester, dans Bulletln (lf th» h/I/IIIV o( 11I dtctn , 49 (1975), p. 57-71.
292
CHAPITRE
n'est sans doute pas sans incidence sur I'application systématique de Ia méthode scolastique qui se manifeste dans son ceuvre médicale. Ses commentaires sur les textes de I'Articella sont essentiellement constitués de séries de questions, dont le manuscrit de Madrid, Bibl. naco 1877 31 réunit Ies intituIés en une Iongue tabIe initiale. Les Notu/e super [YsagogeJ Johannitii sont ainsi formées de trecenta prob/emata disputata, dont certains sont dictés directement par le texte de Johannitius, mais dont d'autres constituent Ies questions "classiques" de Ia scoIastique médicale, comme Utrum so/us sanguis nutriat, Utrum cor et cerebrum sentiant, Utrum mu/ieres spermatiçent etc. L'introduction de questions dans Ies commentaires médicaux se généralise à partir de Ia seconde moitié du XllIe siêcle : on Ia note chez Jean-de-Saint-Amand 32, médecin probabIement lié au milieu parisien, et surtout chez Taddeo Alderotti, qui va inaugurer Ia tradition du commentaire boIonais. Ce demier s'appliquera principalement aux textes de I'Articella sans doute introduits dans I'Italie du Nord par Petrus Hispanus, et au Canon d'Avicenne. L'imposante liste d'intitulés édités par Nancy Siraisi suffit à montrer Ia prolifération des questions au sein des commentaires bolonais 33, depuis I'époque de Taddeo Alderotti. En ce même XllIe siêcle, le mélange des deux types de questions que nous avons évoqués, celui issu des Prob/emata et celui issu des dubia Summu/e /ogica/es
ÉVOLUTION
I
30,
,. L.M. DE RIJK, Peter of Spain (Petrus Hispanus Portugalensis), Tractatus called afterwards "Summule logicales", First critical edition from the manuscripts with an introduction. Assen, 1972 (Philosophical texts and studies, 22). )I Sur ce manuscrit, cf. H. SCHIPPERGES, Eine noch nicht verõffentlichte "Summa medicinae" des Petrus Hispanus in der Biblioteca Nacional zu Madrid, dans Sudhoffs Archiv, 51 (1967), p. 187-198. On trouvera le texte de trois questions, tirées du commentaire au De dietis universalibus; d'Isaac Israeli, d'aprês l'édition des Opera Ysaac, Lyon, 1515, dans: M.R.Mc VAUGH, Amaldi de Villanova Aphorismi de Gradibus. Grenade-Barcelone, 1975 (A maldi de Villanova opera medica omnia lI). Intitulés des trois questions: Queritur cum eadem res vel medicina habeat diversas virtutes et operationes, utrum in eadem substantia vel in diversis habeant esse (p. 34 n. 5); Queritur primo utrum diffinisio gradus valeat que talis est: gradus est excessus qualitatis sensui perceptibilis (p. 54-55, n. 3); Consequenter queritur utrum quilibet gradus posset esse in quolibet gradu (p. 100-101, n. 27). l2 Cf. E. WICKERSHEIMER, Dictionnaire biographique des médecins en France au Moyen Age. Genêve, 1979 (réimpr. de I'éd. de 1936), p. 476-478; D. JACQUART, Supplément, Genêve, 1979, p. 179-180. On trouvera le texte de deu x questions tirées des Glosule super Antidotarium Nicolai dans M.R.Mc VAUGH, Arnaldi de Villanova Aphorismi de gradibus, p. 48-51, n. 35. Intitu1és: Secundo queritur, et est questio famosa, utrum medicina composita ut tyriaca operetur per formam medicinarum quas recipit, aut per formam totius resultantem I! mutua actione et passione per quod fit earum excellentiarum confractlo; tertio queritur utrum ista forma communis fiat a natura vel ab arte. )) N.G. SIRAlSl, Taddeo Alderout and his pupils, Two generatlons of Italian medi ai leaming. Princet n, 1981, p. 08-410.
293
DU GENRE
liés à I'interprétation d'un texte, trouve une illustration dans les commentaires au De animalibus. L'ensemble des traités zoologiques d'Aristote, au programme non seulement des artiens, mais des médecins, fut commenté successivement par Petrus Hispanus, en deux versions sous forme de questions, par Albert le Grand, et par Gérard Du Breuil qui innova en utilisant Ia traduction de GuilIaume de Moerbeke 34. On retrouve dans les questions présentées par ces auteurs l'intitulé et les éléments de réponses de certaines questions salernitaines ". La reportatio due Conrad d'Autriche de Ia lecture que fit Albert le Grand,du De animalibus, au studium de Cologne en 1258, est caractérisée par Ia variété des sujets qui, comme chez Petrus Hispanus, jouissent d'une grande autonomie par rapport au texte d'Aristote. Une question sujet médical inviterait deviner Iapersonnalité d'un opponens: â
â
â
Queritur ulterius de urina, utrum sit corpus simplex vel mixtum. Et quod sit mixtum videtur. Quia quaelibet pars mixti est mixta ... Ad oppositum Omne mixtum potest nutrire, sed urina non potest nutrire secundum medicos . Ad istum dicendum, quod in urina duo contingit considerare: unum quod est humidum et a membris resudat, et aliud quod a partibus cibi est resolutum et cum urina commixtum. Modo dico, quod ratione primi potest esse corpus simplex, sed ratione secundi corpus mixtum est. Et per istam distinctionem quendam medicum Colonae confudi, qui dicebat urinam esse simpliciter corpus simplex. Et per hoc tunc ad rationes : Ad primam dicendum ... Ad secundam ... 36 Les conditions de Ia reportatio ne permettent pas de discerner si Ia distinctio par
laquelle Albert le Grand réussit "confondre" le médecin de Cologne est intervenue lors de Ia lectio ou lors d'une disputatio médicale indépendante de Ia lecture du De animalibus, voire au cours d'une conversation privée. à
L'exemple presque caricatural que nous venons de citer résume les difticultés que I'historien de Ia médecine rencontre pour caractériser le questions qu'il doit analyser; excepté les quelques cas qui foumissent avec vraisemblance le contenu d'une véritable disputatio, I'on se trouve Ia plupart du temps confronté à des genres indéterminés ou mixtes. 4.
LES
DISPUTES
DANS
LES FACULTÉS
DE MÉDECINE
Comme dans les autres disciplines, Ia disputatio constitue pour les médecins un acte magistral, mais aussi un exercice scolaire permettant ,. Cf. T. GOLDSTEIN, Gérard Du Breuil et Ia zoologie aristotélicienne au XIlIe siêcle, dans École nationale des Chartes, Positions des thêses, Paris, 1969, p. 61-68; T. GOLDSTEINPRllAUD, Albert le Grand et les Questions du XlIJe siêcle sur le "De animalibus" d'Aristote, dans History and Philosophy of the lífe s ien es, (1981), p. 61-71. l> Ibid. et B. LAWN, The ai mlttm 1/ II(m, p. 5-86. •• Livre VI, Q. 23. d, l' 1'11 1l1A\lI, ,1 '(I!i 111'1
294
CHAPITRE
I
ÉVOLUTION
l'obtention des divers grades. Alors que Ia prolifération des dubia au sein des commentaires et leur fréquente indépendance par rapport au texte commenté suggêrent une pratique courante de Ia dispute magistrale dês le début du XIIle siêcle, ce n'est qu'â Ia fin de ce siêcle, et surtout dans les premiêres années du XIVe, qu'elle fait l'objet de rédactions indépendantes, de Ia part des maítres ou de leurs élêves. Ce genre ne remporta cependant pas un succês identique dans tous les milieux savants. L'état des textes conservés et l'examen des statuts universitaires laissent entrevoir de nombreuses nuances. Bien que pratiquée partout, Ia dispute médicale ne semble pas avoir évolué de façon parallêle, ni répondu aux mêmes objectifs Paris, Montpellier ou dans l'Italie du Nord. â
â
A) Paris
Aucune rédaction connue jusqu'à ce jour ne rend fidêlement compte du déroulement des disputes médicales Ia Faculté parisienne. Les commentaires et le Conciliator de Pierre d' Abano renseignent uniquement sur les sujets abordés et le contenu des argumentations. Les sources universitaires, statuts ou registres de Ia Faculté, font apparaitre que tant les disputes magistrales que les disputes sanctionnant Ia compétence professionnelle étaient en grande partie calquées sur les institutions de Ia Faculté de théologie. â
Les statuts de 1270-127437 précisent que les bacheliers doivent "répondre" soit à deux questions in scolis, lors d'une disputatio sollempnis et non lors d'une leçon, sous des maitres différents, soit à une seule question lors d'une disputatio generalis. On retrouve ici Ia distinction, notée à Ia Faculté de théologie, entre disputes privées et ordinaires. Les mêmes statuts prévoient l'interruption des leçons les jours de dispute. Quant au rêglement de 1339 38, pris sous le décanat d'Hugues Sapientis, il laisse supposer que les disputes toumaient souvent au désordre et au tumulte. II est en effet rappelé qu'il convient que les bacheliers présentent un seul argument à Ia fois et que le silence accompagne l'audition du respondens. De même, les maitres qui ont exposé leurs premiers arguments, en respectant l'ordre hiérarchique, ne peuvent répliquer qu'avec Ia permission du président. Nous ne disposons plus d'autre document statutaire jusqu'à Ia réforme du cardinal d'Estouteville qui, en 1452, instaure, comme dans les autres facultés, l'obligation pour les bacheliers de "répondre" à une question
17 H. OENIFLE et E. CHATELAIN, Chartularium p. 516-518. " Chartularium, t. li, p. 492.
Universitatts Parisiensis,
t. I. Paris,
1889,
OU GENRE
295
supplémentaire; sumommée par Ia suite "cardinale", celle-ci aura lieu entre le début du Carême et Ia Toussaint 39. Les registres tenus réguliêrement par les doyens depuis 1395 informent de façon ponctuelle sur I'accession à Ia maitrise et sur les disputes ordinaires. Comme à Ia Faculté de théologie, le licencié promouvable doit satisfaire à deux séances de disputes, les vesperies et l'inceptio 40. Les modalités précises ne nous en sont pas connues; à Ia fin du XVe siêcle, il semble que l'inceptio donnait lieu à deux questions, mais un document de 1364 n'en mentionne qu'une 4'. Devant Ia précipitation que manifestaient certains licenciés à devenir maitres il fut décidé en 1408 qu'il ne pourrait se tenir plus d'une séance de vesperies e; d'inceptio (ou principium) par semaine 42. Quant aux nouveaux maitres, ils sont tenus de présider leur premiêre dispute, appelée pastillaria, dans les trois mois, s'ils se trouvent à Paris 43. Les registres font état de nombreuses réticences à ce sujet. II semble qu'au tout début du XVle siêcle, deux questions étaient d'usage lors de Ia soutenance de Ia "pastillaire", mais rien n'indique qu'il en était de même auparavant 44. Aprês une interruption de régence, tout maitre était tenu de présider une resumpta 45. Cette obligation était spécialement impérative lorsqu'il n'avait pas disputé ses quodlibeta, à son touro Sous Ia pression des troubles politiques et des épidémies de peste, un assouplissement intervint et l'habitude de disputer par l'intermédiaire d'un procureur s'installa au début du XVe siêcle 46.
II semble donc que les disputes devinrent dês le XIVe siêcle de simples formalités auxquelles les maítres tentaient de se soustraire. Ceci explique sans doute qu'il n'ait pas été jugé utile d'en rendre compte par écrit; des bribes ont pu néanmoins passer dans les dubia des commentateurs.
39
Chartularium,
t. IV, p. 723.
•• E. WICKERSHElMER, Commentaires de Ia Faculté de médecine de l'Université de Paris (/395-1516). Paris, 1915 (Documents inédits sur l'histoire de Franee), p. XXXI. 4' En 1364, le cas des licenciés en médecine prêtres est envisagé et il est rappelé: eum secundum statuta e/ consuetudines dicte facultatis medicine in inceptione magistrorum ejusdem oportea/ legere unam lectionem et disputare unam questionem in capa nova ... (Chartularium, IH, p. 109). Pourtant en 1472, par exemple, à l'incep/io de Baudouin Mancel, il est précisé que le maitre Regnault Regis "termina" Ia premiêre question et Charles de Mauregard Ia seconde (Commentaires, p. 262). 42 lbid., p. 49. 43 lbid., p. XXXI, 17,49, 66-67, 114, 228. Rappelons que Ia "pastillaire" tire son nom de I'obligation de repas qui y était attachée (pastillaria = pâtisserie) . •• On lit au 21 novembre 1500: disputavit de pastillaria sua m. Petrus Perrot, in que honorandus magister noster Du Saussay proposuit secundam questionem, loco magistri nos/ri Rosselli honorando magistro nostro Bertoul (Commentaires, p. 420). Notons que le même Pierre Perrot disputa de quodlibetaria Ia semaine suivante, mais non in ordine suo (ibid). •• lbid., p. XXXII-XXXIII.
••
ette di positi
n
t
pplrqu
p ur 11 premi re fois le 2 janvier
1419 (Ibid., p. 111).
296
CHAPITRE I
B) Montpellier
Dês les statuts de 1220, Ia dispute fait partie des obligations magistrales à l'université de Montpellier 47. Les statuts ultérieurs, principalement ceux de 1340, abordent en détail le processus d'obtention des grades 48. A travers ces rêglements se confirme l'impression que livrent de nombreux textes conservés: le lien entre Ia Iectio et Ia quaestio demeura três étroit à Montpellier. L'une des épreuves principales qui mênent à Ia maitrise consiste en I'examen dit des "points rigoureux" 49. La nature de ces puncta sur lesquels le candidat doit disputer est clairement discernable dans l'eeuvre encyclopédique du chancelier Jacques Angeli (t 1455), les Puncta medicine 50. Une multitude de questions y sont classées par ordre alphabétique des mots typiques. Les intitulés sont en grande majorité des canons, des membres de phrases tirées des textes mis au programme de l'université, par exemple: Mamil/a ex sanguine facit lac, sicud epar ex chilo facit sanguinem, dicit Constantinus in Practica 51. Outre ce lien que conserva Ia quaestio avec Ia lectio, une autre aractéri tique montpelliéraine peut être notée: les maitres, particuliêr m nt depuis le XIVe siêcle, furent soucieux de pédagogie. Antérieurement iux PUIl ta medicine de Jacques Angeli, d'autres témoignages peuvent Ir inv qués, comme l'ceuvre de Gérard de Solo. Les Determinationes ti " maitre manifestent davantage le désir d'inculquer une méthode que I r udre un problême doctrinal. Le raisonnement scolastique y est f rl I urd et le recours aux catégories aristotéliciennes constant. La di pute rencontra donc à Montpellier un particulier développement en tant qu'exercice scolaire. Prenons I'exemple d'une Determinatio
de Gérard de Solo 52: Querebatur ...
., Cartulaire de l'Université de Montpellier, t. I (1181-1400). Montpellier, 1890, p. 180. Rappelons que depuis Ia bulle de Nicolas V du 26 octobre 1289, Ia médecine forme à elle seule une université; le nom d' "université de médecine" sera usité jusqu'â Ia Révolution (ef. S. GUENÉE, Bibliographie de l'histoire des Universités françaises des origines à Ia Révolution, t. 2. Paris, 1978, p. 199). •• Cartulaire, p. 348-363 . •• Ibid., p. 356. >4 B. OELMAS, Le chancelier Jacques Angeli et Ia médecine à Montpellier au milieu du XVe stêcle, dans École nationale des Chartes, Positions des thêses, Paris, p. 23-28. "Ms. éville, 5.7.17, f. I 29r". Sl A cette détermination e t jointe une autre: cuius membri hic amor hereos sit passio (ms rfurt, Ampl. F 270, f. 7611"-7811"). f. A.S. Gu N UN, Gêrard de Solo. maltre de l'univer. II de Montpelller et praticien du XIVe stêcle, dan École nattona!e des hartes, Posttton der tnêses. Pari , I 82, p. 7 -82. N u o u f nd o sur I'éditi n livréc par Anne- ylvl u noun dan u th do tyl rnphl .
ÉVOLUTION OU GENRE
297
utrum spiritus sint in arteriis, venis et nervis substantialiter, vel sint solum in venis et nervis virtualiter. L'imparfait utilisé dans I'intitulé laisse supposer que cette question
fut réellement disputée, sans que les modalités exactes de Ia séance en soient discemables. Le problême posé comprenant plusieurs termes, les arguments pro et contra sont répartis en trois questions: Et primo videtur quod non sint in arteriis substantialiter ... Secundo principaliter propter quod spiritus sint in nervis substantialiter ... Tertio principaliter propter quod spiritus sint substantialiter principaliter in venis ... Le maitre fait précéder sa solution de sept propositions per evidentiam questionis dont Ia premiêre est consacrée aux différents sens du mot spiritus et Ia deuxiême à ses causes, selon Ia stricte répartition aristotélicienne; suivent deux distinctiones et quatre notae. La solution comporte elle-mêrne deux termes, le premier soulevant une dubitatio
à propos des nerfs optiques: Primo quod spiritus non sint in nervis et venis substantialiter preter in duobus nervis opticis, sed solum in arteriis ... Secundo dico quod sunt in eis virtualiter ...
La résolution finale des arguments reprend Ia subdivision initiale de Ia question en trois termes.
C) Bologne C'est dans les universités de I'Italie du Nord que Ia question s'affirme comme genre autonome. La dispute magistrale y remplit parfaitement son office : débattre des problêmes doctrinaux faisant difficultéet confronter les opinions divergentes. Que Ia majorité des rédactions conservées soient d'origine italienne ne peut être considéré comme un hasard. Les statuts bolonais de 1405, qui entérinent sans doute des pratiques antérieures d'un siêcle, portent une particuliêre attention au déroulement des disputes magistrales. Leur examen est nécessaire pour caractériser les nombreuses questions qui nous sont parvenues. Contrairement à ceux de Montpellier et de Paris, qui renseignaient plutôt sur l'obtention des grades, les statuts bolonais déterminent principalement l'organisation des disputes inscrites dans l'enseignement régulier des maitres. Chaque semaine une question doit être disputée generaliter 53. Les docteurs actu Zegentes président à tour de rôle, en commençant par les plus jeunes; une disposition prévoit l'alternance des sujets: celui qui aura disputé d'abord in theorica devra Ia fois suivante disputer in practica. Tous les maitres sont tenus d'assister à
" C. MALAGOLA, p. 260-261.
tatutl delle Unlversita e dei collegi dello studio Bolognese. Bologne,
1888,
298
299
CHAPITRE I
ÉVOLUTION OU GENRE
chaque séance du début à Ia fin et d'y argumenter. L'intervention des nonmaítres est également réglementée S4: l'argumentation, ouverte par quatre scolares de nations différentes si possible, est poursuivie par un Lombard. Pour argumenter, il faut avoir étudié au moins pendant un an, et pour répondre, pendant deux ans. li est interdit aux étudiants d'intervenir à deux questions de suite, et de tenir le rôle de respondens à plus de deux questiones generales et à plus d'un quodlibet par ano Aprês l'argumentation des étudiants vient celles des doctores actu legentes, en commençant par le plus jeune. Chaque opponens propose seulement deux rationes qu'il a Ia possibilité de confirmer par deux autres. Les disputes de quolibet ont lieu deux fois par an, sous Ia présidence des doctores medicine actu legentes "~oLe roulement commence, à l'inverse des disputes générales, par le plus ancien et se poursuit ainsi d'année en année jusqu'à ce que tous les maitres aient disputé. Achaque quodlibet sont proposées dix questions: six par les docteurs et quatre par les étudiants. Les statuts prévoient une limitation encore plus stricte des interventions que pour les disputes générales: un seul argument, confirmé par un autre, peut être avancé à Ia question principale. Pour "répondre", il faut avoir suivi des cours de médecine à Bologne ou ailleurs pendant au moins trois ans, le délai étant ramené à deux n i l'étudiant est licencié ês arts. L'une des dispositions les plus importantes concernent Ia détermination et sa r da ti n >6. Les maítres sont tenus, sous peine de sanctions, de déterrniner à l'h ur de none Ia question qu'ils ont disputée Ia semaine précédente de mane. li d ivent remettre le texte de leur détermination au stationnaire général de l'univer ité, chaque question occupant un folio. li leur est interdit de délivrer une copie à quiconque avant d'avoir remis officiellement leur texte. Afin d'assurer le respect de cette rêgle, le recteur ne fixe Ia date et le lieu de dispute à un maítre qu'aprês avoir reçu de celui-ci un gage destiné à garantir que Ia dispute sera suivie d'une déterrnination et qu'une copie en sera délivrée. Les mêmes rêgles s'appliquent aux questions quodlibétiques. Ces dispositions sont originales dans le contexte de l'enseignement médical médiéval; nous ne les avons trouvées ni à Montpellier, ni à Paris. Elles expliquent sans doute que Ia plupart des questions conservées avec mention d'auteur, de date et de lieu, émanent de maítres bolonais. Cet état de fait ne sera donc pas à imputer seulement au hasard de Ia conservation des manuscrits ou àun intérêt privilégié des érudits. Cependant, Ia prévision de sanctions, qui intervient de façon répétée et insistante dans les statuts, suggêre qu'au début du XVe siêcle les maitres bolonais
manifestaient une certaine réticence à déterrniner et à délivrer le texte de leurs questions. On peut ajouter que Ia mêrne réglementation s'applique aux doctores legentes in cirurgia. Les disputes qui leur sont réservées doivent traiter des sujets strictement chirurgicaux, mais les docteurs en médecine sont tenus d'y assister et d'y argumenter ".
I bid., p. 261-262. " lbid., p. 262-263. «tu«, p. 261, 26 ,284. 54
" Ibid., p. 248.
REGLES DE CRITIQUE
CHAPITRE
II
REGLES DE CRITIQUE SUIVANT LE TYPE DE RÉDACTION Les questions disputées en médecine ont fait l'objet de rédactions dont Ia forme n'est pas strictement fixée. Mises à part les authentiques reportationes ou determinationes qui peuvent être attribuées à un auteur et situées dans un cadre universitaire précis, il faut tenir compte de textes aux contours plus tlous. Les maítres se sont en effet servis de leurs propres disputes ou de celles auxquelles ils ont assisté pour en incorporer une partie de l'argumentation dans des questions rédigées qui, si elles constituent un genre spécifique, ne peuvent être considérées comme issues d'une séance particuliêre. Les rêgles de critique doivent donc être adaptées au type de rédaction. 1.
LES QUESTIONS PORTANT MENTION D'AUTEUR, DE LIEU ET/OU DE DATE DE DISPUTE
Contrairement à ce que l'on peut noter pour d'autres disciplines, les éditions de questions médicales sont en nombre infime et il n'existe pas d'étude ou de répertoire qui fasse le point sur Ia documentation conservée. Souvent transcrites d'une minuscule écriture ou d'une cursive difficilement déchiffrable, ces questions appartiennent à Ia catégorie des textes les plus négligés par les auteurs de catalogues de manuscrits: elles apparaissent le plus souvent sous le titre vague de quaestio medicinalis sans qu'il soit possible de distinguer s'il s'agit d'un compte rendu de dispute ou d'un dubium extrait d'une ceuvre plus vaste. Le catalogue d'incipits de Lynn Thomdike et Pearl Kibre foumit une premiêre approche 58; bien que non exhaustif et datant d'une vingtaine d'années, il permet une évaluation de l'ampleur des documents susceptibles d'être utilisés. Le dépouillement des incipits contenus dans ce catalogue laisse entrevoir en premier lieu que, par rapport à Ia fréquence imaginable des disputes médicales, le nombre des comptes rendus disponibles est faible. De plus, l'immense majorité conceme des questions disputées " L. Til
ndres, I
RNOIKIl
ct P. KIORIJ, A catalogue of in iplts of medieval s lentlfic writings in latln. pe ulum, 40 (I ), p. 11 -122 et 4 (I 8), p. 78-114.
. Add ndo don
301
dans les universités du Nord de l'Italie, même si les manuscrits qui les conservent sont d'autre origine 59; parmi les questions non italiennes, on doit signaler celles qui, de Ia main d'Erhard Knab, rendent compte de l'activité de Ia Faculté de médecine de Heidelberg dans Ia seconde moitié du XVe siêcle 60. Ces questions offrent différents états de textes: d'une part des brouillons constituant une reportatio des questions entendues et livrant les arguments avancés par les différents participants et d'autre part des rédactions opérées a posteriori par Erhard Knab lui-même, dont l'une se réfêre à treize questions de quolibet 61. Le modele italien n'est cependant pas oublié: au nombre des manuscrits achetés par le médecin allemand se trouvent des questions attribuées au célebre maítre du XIVe siêcle Gentile da Foligno 62. Dans le cas d'Erhard Knab, il n'y a pas de doute possible sur l'authenticité des documents, c'est-à-dire sur Ia réalité historique des disputes dont il est rendu compte. En revanche, pour les questions attribuées à des maítres réputés, le fait qu'elles soient conservées isolément dans les manuscrits et reliées à une dispute datée ne garantit pas l'authenticité du genre. Ainsi, des questions attribuées à Ugo Benzi de Sienne (XVe siêcle), il est particuliêrement difficile de déterminer celles qui furent isolées a posteriori d'un commentaire; en outre, même dans le cas ou elles peuvent être considérées comme indépendantes, il est rarement possible de discemer si Ia question rend compte d'une seule
ss Sur 33 auteurs de questions isolées, 26 sont italiens. Cette sur-représentation italienne dans I'état actuel de Ia recherche est amplifiée par l'importance des travaux de Nancy Siraisi sur Padoue et Bologne: Arts and Sciences at Padua: The Studium of Padua before 1350. Toronto, 1973 (un important recueil de questions, copié par un certain Augustin en 1361 y est notamment mentionné p. 159); Taddeo Alderotti and his pupils, op.cit., (Iistc des questions indépendantes ou non, réellement disputées ou non, p. 308-410). 11 faut néanmoins constater que l'histoire d'autres universités, telles que Montpellier ou Pari , bien que particuliêrement illustrée dans Ia recherche actuelle, n'a pas mis à jour de nouveaux comptes rendus de disputes. La sur-représentation italienne ne semble donc pas uniquement due au hasard. 60 C. JEUDY et L. SCHUBA, Erhard Knab und die Heidelberger Universitiit im Spiegel von Handschriften und Akteneintrãgen, dans Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bibliotheken, 61 (1981), p. 60-108. " A propos de ces quodlibeta, nous retrouvons le principal obstacle à une identification correcte dans les catalogues: "Die Quaestiones disputatae de quolibet medizinischen Inhalts sind in den Handschriften E. Knab eine manchmal schwierige Lektüre, weil die EntwUrfe nicht selten in Eile niedergeschrieben sind" (ibid., p. 81). .2 lbid., p. 96.
302
CHAPITRE 11
dispute ou mêle des arguments proposés lors de plusieurs séances tenues à des dates et lieux différents sur un sujet identique. Pour en revenir aux conclusions que permet le dépouillement du catalogue d'incipits de Lynn Thorndike et Pearl Kibre, il apparait que de l'ensemble des textes répertoriés dans cette publication, un noyau particuliêrement homogêne peut être isolé. TI s'agit de plusieurs séries de questions attribuées à des maítres bolonais de Ia premiêre moitié du Xrye siêcle. Malgré les injonctions des statuts de 1405 qui obligeaient les maítres à livrer le texte de leur détermination, un moins grand nombre de' questions nous sont connues comme disputées au XVe siêcle dans Ia grande université italienne. Ce même noyau, issu de disputes du début du XIVe siêcle, se révêle à Ia lecture du précieux index de Guy Beaujouan sur les manuscrits médicaux conservés en Espagne 64: on y retrouve les maítres Albertus de Zanchariis, Dino del Garbo, J acques de Plaisance, Mondino, Julien de Bologne etc. Les questions sont le plus souvent présentées comme disputatae, plus rarement determinatae, voire disputatae et determinatae; néanmoins, il s'agit sans aucun doute de déterminations. L'intitulé des questions porte Ia marque du passé; on y trouve parfois l'adverbe pridie, peut-être simple clause de style. 11est impossible de discerner si c'est Ia dispute qui a eu lieu Ia veille, ou Ia détermination. Dans le premier cas, il faudrait supposer que Ia détermination se tenait, au début du XIVe siêcle, le lendemain de Ia dispute, et non Ia semaine suivante comme le préconisent les statuts de 1405. L'ordonnancement des arguments, Ia disparition de Ia personnalité des intervenants invitent à définir ces textes non seulement comme des déterminations, mais comme des versions rédigées plutôt que des reportationes. Les manuscrits qui les conservent étant de type universitaire, il n'est pas exclu qu'ils reproduisent des rédactions établies par les maitres eux-mêmes et déposées auprês du stationnaire de l'université, selon une formule qui sera institutionnalisée par les statuts de 1405. On remarque d'ailleurs que, dans Ia plupart des cas, chaque question occupe un folio, ainsi qu'il sera prescrit dans ces mêmes statuts.
REGLES DE CRITIQUE
président était un maitre, sans doute actu legens. Si les interventions du respondens sont souvent signalées en tant que telles, Ia présence d'un opponens se dissout dans Ia liste sêche des arguments. La rédaction fait généralement abstraction de Ia nomenclature universitaire au profit de formules vagues du type: Ad questionem autem istam aliqui dicunt duo ... Sed isti in hac responsione dicunt impossibilia multa ... , ou bien Sed tenentes positiones contrariam ad hanc rationem respondere nituntur ... Sous cette forme, le compte rendu d'une dispute ne se distingue guêre d'une autre question éditée par un auteur et insérée dans un opuscule consacré à un sujet particulier ou dans un ouvrage plus vaste, tel qu'un commentaire. Les types de recueils que nous venons de mentionner renferment aussi des quodlibeta bolonais. Dans chacun d'entre eux, le nombre des questions s'élêve généralement à dix. 11est impossible de discerner si, ainsi que le prévoieront les statuts de 1405, six questions furent proposées par des maitres et quatre par des scolares. Les réponses transcrites n'ont pas l'ampleur des déterminations des autres questions: elles consistent en de courtes solutions réorganisées sous Ia responsabilité de l'auteur. C'est l'ensemble des dix questions quodlibétiques qui couvrent un folio de manuscrit et non chacune d'entre elles. Prenons l'exemple du quodlibet attribué à Jacques de Plaisance dans un manuscrit de l'Escurial ". li comporte un préambule et présente un essai de répartition des questions par thême: Quoniam nemo laudabilis est nisi qui dicit solum quod necessarium est, ut scribit Galenus ]0 de crisi 8° capitulo, idcirco questiones propositas in nostro quodlibet inordinate [. ..J velut contingere consuevit ... quedam pertinent ad theoricam medicine, quedam vero ad practicam. Sed pertinentium ad partem theorice quedam sunt de re naturali, quedam de re non naturali, quedam de re contra naturam ... De re ergo naturali tres sunt proposite questiones: Questio ergo prima fuit utrum virtus nutritiva sit idem essentialiter cum crescitiva vel differant ... Secunda questio fuit utrum sit dare spiritum radicalem seu membris complicatum (?) ultra complexionalem calorem et spiritum influentes ... Tertia questio fuit utrum res existens intra oculum possit videri ... De aliis rebus naturalibus ... fuerunt proposite due questiones ... reducibiles ad rem non naturalem ... Quarta questio est utrum aer possit contemperare calorem nostri corporis ...
Comme nous l'avons dit, les rédactions ne rendent pas compte de Ia personnalité, ni du gradedes intervenants. 11 apparaít seulement que le
., D.P. LocKWOOD, Ugo Benzi medieval philosopher and physician, /376-/439. Chicago, 1951, p. 228-237. •• G. BEAUJOUAN, Manuscrits médi aux du Moyen Age conservés en Espagne, dans Mélanges de Ia Casa de Velazquez; 8 (1972), p. 173, 180, 189-191, 19 -I ,198.
303
6>
Ms. Escurial, fI 4, f. 9va-IOvb.
304
CHAPITRE
Quinta questio fuit utrum corpora celestia possint esse causa crisis in hiis inferioribus ... Post istas proponebantur questiones de re preter naturam ... Et fuit prima questio utrum natus cum magna solutione continuitatis in pede debeat dici eger nunc vel eger simpliciter ... Alia questio fuit utrum febris sextana sit possibilis ... Questio octava est utrum siccitas epatis difficilius removeatur ab epate quam sua humiditas ... Questio nona fuit utrum quelibet dies sit cretica ... Ultimo fuit proposita una questio practica pertinens ad actum curativum ... Questio decima est utrum in principio apostematis de sanguine debeat fieri flebotomia ...
L'organisation de ces questions en un plan logique suit Ia répartition entre théorie et pratique, et, au sein de Ia théorie, entre "choses naturelles, non naturelles et contre nature", selon Ia doctrine de 1'Ysagoge Iohannitii, texte fondamental de 1'enseignement médical médiéval ", Il est impossible de déterminer s'il s'agit d'une réorganisation a posteriori ou si Jacques de Plaisance a imposé cet ordre lors de Ia séance. Un quodlibet attribué à Julien de Bologne témoigne d'un souci analogue. Il s'ouvre par une courte introduction destinée à proposer un ordre, un classement: Quoniam ordo in rebus scibi/ibus est causa facilioris apprehensionis ... 67. La spontanéité des questions se trouve ainsi contenue dans un cadre doctrinal, du moins au niveau de Ia rédaction. En résumé, sauf pour les cas três rares ou Ia nature du texte est définie dans le manuscrit (reportatio effectuée par un étudiant, determinatio rédigée par un maitre), une question médicale soulêve différents problêmes de critique. Le nom du maitre n'est pas assuré: les mêmes questions peuvent être attribuées dans divers manuscrits à des auteurs différents. Lorsque des critêres internes, tels que Ia comparaison avec d'autres ceuvres des maitres présumés, ne permettent pas de trancher, il faut considérer que Ia question représente plutôt les préoccupations d'un milieu, d'une université à une époque déterminée, que 1'expression de Ia pensée d'un auteur particulier. Afin de caractériser 1'étape à laquelle correspond Ia rédaction, les mêmes rêgles de critique doivent être appliquées que pour
•• Ed.: G. MAURACH,Johannicius, Isagoge ad Techne Galieni, dans Sudhoffs Archiv, 62 (1978), p. 148-174. 67 Ms. Vatican, Vat. lat. 4452, f. 146ra; cf. L. THORNDIKE, Some medieval medical manuscripts at the Vatican, dans Journal 01 the history 01 medicine, 8 (1953), p. 269.
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REGLES DE CRITIQUE
11
les autres disciplines; Ia forme Ia plus couramment rencontrée est celle d'une determinatio, rédigée sous Ia responsabilité du maitre. 2. LE "CONCILIATOR"
DE PIERRE D'ABANO
ET SON INFLUENCE
Il a été beaucoup écrit sur cette ceuvre qui constitua dês sa parution une mine inépuisable pour les médecins désireux de nourrir les questions dont ils avaient à débattre. Suivant qu'ils sont eux-mêmes spécialistes de Ia médecine italienne ou de Ia médecine parisienne, les historiens accentuent I'appartenance de Pierre d'Abano au milieu padouan ou parisien 68. Il est avéré que le célebre maitre italien commença à rédiger le Conci/iator pendant son séjour à Paris et qu'il le termina en 1310, alors qu'il était de retour à Padoue, ville ou il avait également entrepris ses études 69. La question principale que soulêve le Conciliator, auprês des érudits, est Ia suivante: dans quelle mesure reflete-t-il 1'enseignement qui avait cours à Ia Faculté de médecine de Paris dans les toutes premiêres années du XIVe siêcle ? Certains auteurs vont jusqu'à définir 1'ceuvrecomme un recueil de 210 quodlibeta parisiens 70. Dans son prologue, Pierre d'Abano déclare s'être décidé à rassembler ces "problêmes", aprês dix ans de recherches menées una cum sociorum intellectu 71. Il parait donc légitime d'imaginer que, dans Ia quête de Pierre d'Abano et de ses associés, les questions disputées à Ia Faculté de médecine de Paris tinrent une place importante. Lynn Thorndike a jadis noté Ia correspondance de certains intitulés du Conci/iator avec des dubia présentés au XllIe siêcle par Petrus Hispanus (lui aussi lié au milieu médical parisien) dans le commentaire au De Dietis universalibus d'Isaac 72. S'il n' est pas douteux que le Conciliator reflete certaines des questions traitées à Paris, il ne constitue en aucun cas une sorte de reportatio de ces disputes. Construit selon un plan rigoureux, calqué sur l' Ysagoge
•• Cf. N. SIRAISI,Arts and sciences at Padua ..., p. I59sv. E. SEIDLER,Die Heilkunde des Mittelalters in Paris. Wiesbaden, 1967 (SudhofJs Archiv, Beiheft), p. 92-93. 6. Mise au point bio-bibliographique sur Pierre d'Abano dans Dictionary 01 scientific biography ; t. I, New York, 1970, p. 4-5. 7. B. LAWN, The Salemitan Questions ..., p. 90; e. TALBOT,Medicine, dans D.e. LINDBERG, Science in the Middle Ages. Chicago, 1978, p. 404. Conciliator differentiarum philosophorum et precipue medicorum. Mantoue, 1472 (editio
ausgeheiden
71
princeps). 72 L. THORNDIKE,A history of magic and experimental science, vol. 11.New York-Londres, 1923, p. SOI-507, 886-887.
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73, il offre une cohérence de rédaction, ménageant des renvois d'une question à une autre; ainsi, dans Ia solution du problême Quod febris non sit calor, on peut lire d'aprês l'editio princeps de 1472: quid
/ohannitii
autem sit calor, quomodo distinguatur, qualiter etiam se habeat ad spiritum ostensum differentia L/X 74. En outre, si Ia présentation des arguments ne
diffêre guêre de celle d'une question disputée, les intervenants ne sont que des "autorités" médicales et philosophiques qu'il faut concilier. Tout en utilisant le procédé scolastique de Ia dispute, le Conciliator reste en partie l'héritier de Ia tradition des questions salemitaines et des "Problêmes", tradition à laquelle son auteur était particuliêrement attaché. Responsable d'une nouvelle traduction des Problemata pseudo-aristotéliciens aujourd'hui perdue, mais dont Jean de Jandun fut l'un des premiers bénéficiaires, Pierre d' Abano commenta cette même ceuvre et traduisit également les "Problêmes" du pseudo-Alexandre d'Aphrodise 75. Le lien entre les deux traditions est rappelé dans le prologue de l'Expositio Probleumatum : problema quidem est grecum latine probationem importans, est etenim questio difficilis aliquid continens quod disputationem solvendum 76. Le rattachement du Conciliator par certains auteurs au genre spécifique des quodlibeta se fonde sur Ia seule variété des sujets abordés. Cet
argument ne peut être retenu pour une ceuvre dont l'unité ne réside pas dans une séance de dispute, mais dont l'ambition consiste à aborder le plus grand nombre de thêmes possible. L'immense influence du Conciliator s'exerça non seulement sur les sujets de quodlibeta, mais sur ceux des questions "ordinaires". 11 est possible cependant que Ia réminiscence des problêmes soutenus par Pierre d'Abano ait alimenté de préférence Ia "spontanéité" des séances de quolibet; des titres comme An complexio temperata sit aliis longioris vite ou An puer sit iuvene temperatior seu e contra étaient présents à l'esprit des participants. La structure des solutions proposées par le Conciliator exerça également une influence. Le prologue annonce pour chaque differentia un plan
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DE CRITIQUE
quadripartite qui sera généralement adopté dans les déterminations bolonaises de quelques années postérieures: In unaquaque similiter differentiarum semper quatuor inquirentur preter utriusque partis arguta ... Hec autem sunt : Terminorum dubitati primitus [sic] expositio. Secundo quidem quod de ipso fuerit ab aliis presentitum [sic] Tertio veritatis cum eius motivis ostensio Ac tandem quarto argumentorum solutio 77._ Sans doute reflet de disputes réelles, le Conciliator doit être surtout
considéré comme le modele privilégié que suivront les médecins jusqu'à Ia fin du Moyen Age. 11 est donc nécessaire, pour juger de l'originalité d'un auteur postérieur à 1310, de comparer le contenu de ses eeuvres aux questions homologues du Conciliator. 3.
LES
RECUEILS
DE QUESTIONS
À UN THEME
CONSACRÉES
PARTICULIER
Lorsque les questions ne sont pas conservées isolément, mais groupées sous le nom d'un auteur autour d'un thême particulier, leur critique s'avêre délicate. C'est le cas, par exemple, des Questiones de tiriaca de Guillaume de Brescia 78, dont il est difficile de déterminer si leur édition fait suite à l'organisation de disputes publiques. En aucune maniêre, ce type de questions ne reflete l'exact déroulement d'une séance; elles sont issues d'un remaniement du débat oral, d'une rédaction dans laquelle l'auteur privilégie ses propres opinions. Certaines de ces questions, rassemblées en un recueil consacré à un thême particulier, se présentent comme disputées et rendent compte de responsiones qui ne sont pas toutes extraites de sources livresques. Ainsi les Questiones de febribus attribuées à Gentile da Foligno (t 1348) gardent le souvenir de séances de dispute 79. On y note Ia participation de non-maitres. L'intervention des étudiants suivant leur nation d'appartenance, en vigueur à Ia Faculté de médecine de Bologne, se trouve illustrée dans l'une des questions: Respondent quidam Neapolitani ... Ad secundam questionem respondent quod
73 Aprês dix questions traitant de Ia seienee médieale en général, au nombre desqueIles se trouve posé An opus sit medico logicum esse, les differentiae sont réparties entre Ia théorie et Ia pratique; les questions sur Ia théorie sont eIles-mêmes réparties, suivant leur sujet, entre res naturales, non naturales, preter naturam. Sur I'Ysagoge, ef. supra n. 66. 7. Éd. Mantoue, 1472, Diff. LXXXVII. 7S Cf. B. LAWN, The Salernitan Questions ..., p. 92-93. 76 Expositio Probleumatum. Mantoue, 1475 (editio princeps).
77 Éd. Mantoue, 1472 (prologue). Une liste des questions eontenues dans se trouve publiée dans M. NEUBURGER, Geschichte der Medizin. Stuttgart, 410. 71 M.Mc VAUGH, Theriac at Montpellier 1285-/325, dans Sudhoffs Archiv, 113-144 (édition des Questiones de Tiriaca p. 130-143). 79 Éd. Vcni c, 1520; L. THORNDlKE et P. KIBRE, Catalogue ..., 539, 1299,
le Conciliator 1911, p. 40656 (1972), p. 1648, 1652.
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... Licet isti viri teneant quod sustinebitur, tantum pro parte sua, habent falsa principia ... Contradictum ad secundum questionem ... Ignoravit ergo iste vir ... 80. La qualification du respondens par le mot vir indique qu'il
s'agit tout au plus d'un bachelier. Dans les autres questions, les réponses sont généralement apportées par des maitres connus pour avoir enseigné à Bologne dans les premiêres années du XIVe siêcle: Albert de Zanchariis, Pancius de Luca, Antoine de Parme 81. Plusieurs indices prouvent que, si Ia référence à un débat oral est incontestable, l'édition de Gentile amalgame, sous une unité fictive,le contenu de plusieurs séances consacrées dans des temps différents à un même sujet. La rédaction témoigne de disputes auxquelles Gentile a assisté mais aussi de débats dont il a eu l'écho, comme le suggêrent des formules du type: Quarta est opinio Alberti ut mihi fuit narratum ...
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l'importance de Ia question (Utrum seminaria intrent materialiter constitutionem fetus) par laquelle Bemard de Gordon ouvre son Tractatus de marasmo secundum intentionem Galeni; à premiêre lecture sans rapport avec le sujet traité, elle s'inscrit en réalité dans le contexte des discussions montpelliéraines sur l'humidum radicale 83. Bien que des questions de ce type puissent être raisonnablement rattachées à l'organisation de disputes, on doit davantage les considérer comme l'eeuvre originale d'un maitre que comme un témoignage sur l'activité universitaire contemporaine.
82.
Afin d'établir une comparaison sans quitter le domaine médical, on pourrait dire que ces questions sont à l'image des récits de cas foumis par les Épidémies hippocratiques, dans lesquelles une unité pathologique renferme en réalité les signes des diverses maladies qui sévirent en un même temps et en un même lieu. Le genre auquel appartiennent les questions de Gentile da Foligno offre un intérêt et des limites comparables: construites sur le modele du déroulement d'une dispute, elles peuvent rassembler des arguments avancés au cours de plusieurs séances. Bien qu'elles ne constituent pas toujours un témoignage authentique, elles renseignent à Ia fois sur Ia forme des disputes usitée dans le Nord de l'Italie au début du XIVe siêcle et sur le type d'interventions le plus courant ou le plus remarquable. Dans ces cas, il n'est pas certain que l'auteur de Ia rédaction doive être identifié avec le maitre qui a présidé Ia dispute. De même, Ia forme définitive a pu intervenir à une date postérieure de plusieurs années. On rencontre des problêmes de critique analogues au sujet de certains dubia contenus dans des traités ou des commentaires. 11arrive qu'ils apparaissent, par leur longueur ou leur thême, comme des "corps étrangers" au sein de l'ouvrage qui les renferme. Ainsi, Michael Mc Vaugh a montré
8.
Éd. Venise, 1520, f. 5-6 •.•: Septima, octava et nona questio simul moveantur, utrum tres differentie febrium dicte a Galeno sint essentiales. Et utrum differentie sumpte a materia sint essentiales. Et utrum sint priores aliis. 81. La plupart de ces maitres furent des disciples de Taddeo Alderotti, ou des élêves de ceux-ci; Gentile da Foligno eut lui-rnême sans doute pour maitre Dino dei Garbo. Cf. N. SIRAISI, Taddeo Alderotti ..., p. XIX, XXI. 12 Éd. Venise, 1520, f. 108V"-113V": Utrum calor in iuvene e/ puero stt equalis In radi e.
13 M.M VAUGH,The "Humidum O (I 74), p. 274-279.
Radica/e" in the thirteenth-century
medicine, dans Traditio,
DOMAINES DE L'HlSTOIRE
CHAPITRE III
DOMAINES DE L'HISTOIRE QUE LE GENRE PEUT AIDER À CONNAtTRE En dehors de sa contribution essentielle à I'histoire des idées médicales, Ia question en médecine apporte les mêmes informations que son homologue théologique ou juridique sur les méthodes d'enseignement et sur I'application de Ia logique 84. Il est sans doute inutile d'insister sur ces apports. Parmi les genres qu'ont utilisés les auteurs médecins, Ia question tient une place privilégiée pour I'énoncé des problêmes les plus fondamentaux ou les plus controversés de Ia science. De ce fait, elle se trouve souvent à Ia frontiêre de diverses disciplines et témoigne des préoccupations principales auxquelles s'est consacrée Ia pensée médiévale en un temps et un lieu donnés.
1. CENTRES D'INTÉRÊT INTELLECTUEL Comme il existe une certaine liberté, de Ia part des maitres, dans le choix des sujets de dispute, ceux-ci renseignent sur les préoccupations propres à un milieu et à une époque. De ce point de vue, on ne peut dissocier les questions conservées isolément et les dubia contenus dans un commentaire. Un même texte ne suscite pas les mêmes interrogations dans des universités et à des époques diverses. Michael Mc Vaugh 85 a montré I'importance des débats qui se sont tenus à Montpellier, au tournant du Xllle et du XIV e siêcle, d'une part sur le mode d'action des médicaments, sur Ia détermination des degrés et d'autre part sur le processus dit de "marasme", de consomption des forces vitales par Ia perte de l'''humide radical". Dans une perspective diachronique, on peut noter, au sein de cette même université, Ia permanence
•• L'application de Ia logique en médecine est abordée dans une question du Conciliator (DifJ. 11: Quod non si/ opus medico logicum esse videtur quia quod est vanum sibi non suppetit ...). Raymond Lulle consacra un opuscule à ce thême, cf. L.E. DEMAtTRE, Theory and praaice in medical education a/ lhe university of Montpe/lier in lhe thirteenth and fourteenth centurles, dans Joumal of lhe history of medicine, 30 (1975), p. 107-108. os utre I rticles cité supra, cf. A maldi de Villanova Opera medica omnia, 11. Aphorisml de radtbus. renade-Barcel ne, 1975.
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de certaines préoccupations intellectuelles. Ainsi, Ia question de I'amour héroíque (trouble physico-mental dü à une passion contrariée) fait l'objet, à un siêcle d'intervalle, d'une Determinatio de Gérard de Solo et de trois puncta dans l'eeuvre de J acques Angeli. Abordé dans un traité spécial d' Arnaud de Villeneuve, ce thême, qui apparait dans plusieurs autres textes montpelliérains, ne parait pas avoir suscité ailleurs de sujets de questions. On peut remarquer qu'il constituait pour les maitres montpelliérains, soucieux de pédagogie, l'occasion d'expliquer, sous une forme simple, le rôle des esprits et, par là même, les rapports entre I'âme et le corps. Le relevé des intitulés de questions permet de discemer rapidement le déplacement des centres d'intérêt au fi} des années. Ainsi, le Xllle siêcle est marqué par une prolifération des questions liées à Ia génération; on peut y reconnaitre l'impact suscité par les deux traductions du De animalibus aristotélicien. Des déplacements d'intérêt sont aussi perceptibles autour d'un même thême, Nous en donnerons un exemple: si I'on compare à propos de Ia mélancolie les sujets de questions édités par N ancy Siraisi 86 à Ia liste des dubia contenus dans le commentaire au Canon d' Avicenne du maitre parisien J acques Despars (XVe siêcle), des problêmes non soulevés par les médecins bolonais apparaissent, tels que Melancolia adusta non sit humor ou Utrum cum ex colera rubea.fit melancolia adusta. necessario fiat transitus per coleras virides 87. Cet intérêt pour Ia mélaneolie aduste est un signe des temps.
2. LIENS AVEC LA PHILOSOPHlE ET LES AUTRES SCIENCES Les fondements de Ia physiologie médiévale s'inserivent dans une eonception du monde. Nombre de questions relatives aux eonstituants physiques du eorps touchent done à Ia philosophie naturelle. La médecine salemitaine est marquée, notamment, par un important débat sur Ia matiêre premiêre (hyle). Le lien avec Ia psychologie est tout aussi évident: I'influenee des aeeidents de l'âme (les passions) sur le eorps et leur origine hybride, les opérations des facultés mentales sont autant du domaine de Ia philosophie que de Ia médecine. Ces thêmes eonstituent souvent des sujets de questions. Les disputes offrent non seulement un cadre privilégié pour que s'exercent •• Taddeo Alderotti ...• p. 326-327. 17 Éd. Lyon, 1498, I. I. fen 1, d. 4. c. 1.
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DOMAlNES DE L'HISTOIRE
les infiuences, mais aussi pour qu'apparaissent les points de rupture entre philosophes et médecins. L'un des exemples les plus spectaculaires fut sans doute Ia controverse, née au XllIe siêcle, sur l'existence et le rôle de Ia semence féminine. Au delà de Ia reconnaissance d'un processus physiologique, Ia place attribuée à Ia femme d'un point de vue philosophique et social était en cause. D'oú l'âpreté du débat qui opposa les partisans d'Aristote à ceux de Galien et permit aux médecins de s'affranchir plus ou moins selon leur personnalité - de Ia tutelle philosophique. La réflexion sur le mode d'action des médicaments, au centre des débats dans Ia plupart des universités, offre, en dépit d'approches parfois différentes, une occasion de rencontre entre diverses disciplines. Précisons, en simplifiant à l'extrême, les données du problême. Selon Ia représentation de Ia pathologie médiévale, le médicament doit agir sur une humeur ou sur une complexion, c'est-à-díre sur un corps ou un état caractérisés par l'association de deux qualités (froide ou chaude, humide ou sêche). Comme toute substance du monde physique, le médicament est aussi affecté de deux qualités. La détermination de son action devient particuliêrement délicate, lorsqu'il est lui-même constitué de plusieurs substances aux qualités, soit contraires, soit d'intensité (ou degré) différente. L'application du juste remêde dépend donc de l'instauration d'une adéquation entre deux mélanges: celui qu'il faut modifier, celui qui doit agir. Les questions sur le mode d'action des médicaments, ainsi que le démontrent pIusieurs études récentes 88, sont donc étroitement liées à des considérations mathématiques (sur les proportions, par exemple) et à une problématique physico-philosophique (statut des éléments contenus dans un corps mixte, latitude des formes etc.) D'un point de vue général, les implications philosophiques des questions médicales se trouvent le plus largement illustrées dans les textes d'origine italienne. Le fait que Ies arts et Ia médecine y furent, jusqu'à une date tardive, enseignés dans une même Faculté 89, facilita sans doute les passages d'une discipline à l'autre. 11 est même parfois difficile de déterminer si certains sujets furent disputés dans le cadre de l'enseignement des arts ou de Ia médecine; c'est le cas, notamment, de questions attribuées à des maitres, connus par ailleurs pour leurs positions averroístes.
Nous renvoyons sur ce point aux travaux fondamentaux d'Anneliese Maier 90. Les questions disputées peuvent aussi renseigner, de façon privilégiée, sur Ies rapports entre astrologie et médecine. Les principaux thêmes sont offerts par l'action des astres sur Ia cause de Ia crise et, par voie de conséquence, sur Ia prescription de Ia purgation ou de Ia saignée. Le choix du moment favorabIe à cette derniêre forme l'un des points favoris de divergence entre les praticiens; un curieux exempIe est fourni par Ia controverse qui opposa au XVe siêcle Roland l'Escripvain et Laurent Musche, et qui nécessita l'arbitrage d'un maitre en théoIogie et d'un astrologue, sous l'autorité du recteur de l'Université de Paris. Le texte de Ia controverse constitue un étonnant mélange entre Ia technique de Ia dispute et celle d'un arbitrage de type judiciaire 91.
Outre les travaux de Michael Mc Vaugh que nous avons cités, cf. G. FEDER I I oo VES OVI I, ooArti e filosofia nel seeolo XIV. Florence, 1983. •• Les statuts bolonai de 1405 témoignent encore de ce lien; ils sont intitulés: tatuta nova Univer. itatis scolarlum scientte medi ine el artium generatis studii civuatls Bononie. li
3. THÉORIE ET PRATIQUE
Les questions disputées appartiennent, par leur nature même, au domaine de Ia spéculation, du raisonnement. Les définitions médiévales subdivisent unanimement Ia médecine en théorie et pratique. L'une et l'autre de ces branches du savoir médical font l'objet de disputes. Les questions consacrées à Ia "pratique" ont une forme tout aussi "théorique" que les autres. La seule différence releve du sujet traité: sont considérées comme du domaine de Ia pratique Ia sémiologie et.les rêgles thérapeutiques. Citons l'intitulé d'une question bolonaise du XIVe siêcle, in practica: Utrum evacuatio facta a farmaco facilius proprii humoris fiat a virtute propria illius farmaci aut a virtute naturali expu/siva corporis vel membrorum 92. 11 ne s'agit aucunement de discuter du bien-fondé d'un procédé, mais de réfléchir sur le processus général de l'évacuation. L'un des domaines de Ia science médicale qui semble avoir le moins suscité de disputes concerne Ia description anatomique. Excepté les questions classiques sur l'origine des veines ou des nerfs, sur Ia continuité de Ia moelle épiniêre et du cerveau, il y a peu de place pour une argumentation logique en anatomie. Les faits d'observation, que Ia dissection médiévale ne commence que maladroitement à révéler, imposent •• A. MAIER, An der Grenze von Scholastik und Naturwissenschaft. Rome, 1952, p. 81, 103104. 91 T. CHARMASSO .L'établissemem d'un almanaeh médieal pour l'année 1437, dans Comptes rendus du 99< Congrês national des Soeiétés savantes, fase, V. Paris, 1976, p. 217-234. 91 M . ~scurial, f. I 4, f. 6rb-7ra.
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CHAPITRE
III
lâ ses limites au raisonnement
scolastique. Ces limites ne manquêrent pas d'être perçues par Ies maítres-mêmes qui recoururent à Ia pratique de I'argumentation Iogique et qui en usêrent à outrance. Dans son prologue à Ia Practica de febribus, formée en grande partie de questions, Taddeo Alderotti blâme I'apparentia sophistica des discussions médicales, tout en privilégiant Ie recours à Ia disputatio pour Ia recherche de Ia vérité 93. En formulant cette opinion ambiguê, il tente d'élargir Ia place tenue, dans Ie cadre même de Ia dispute, par une argumentation fondée sur Ies faits de Ia pratique. En effet, bien que dans une moindre mesure que d'autres genres médicaux, Ies questions disputées peuvent offrir, parmi Ies arguments, quelque description concrête d'une maladie ou Ia référence à des coutumes alimentaires, à des croyances ou superstitions, à des traitements usités par un confrêre savant ou un empirique qui sont susceptibles de fournir des sources de premiêre maio à I'historien 94. Mais, si l'on pose Je problême des liens entre Ia théorie et Ia pratique 95, il s'avêre que ces faits d'expérience, invoqués au sein d'un genre fondé sur Ie raisonnement, Ia Iogique et sur Ia Iecture des autorités, ne peuvent être décisifs pour I'adoption d'une soIution. Les questions chirurgicales qui nous sont conservées traitent davantage des causes que du déroulement d'une intervention. Ce n'est pas Ie lieu de reprendre Ie thême des rapports entre raison et expérience au Moyen Age, mais on peut souligner combien Ia question disputée illustre ce qui sous-tend I'ensemble de Ia recherche médiévale, à quelques exceptions prês : Ies faits d' expérience et I'observation sont représentés, mais ils ne servent pas à détruire une théorie préétablie, peut-être en raison même du raffinement de I'argumentation scolastique. Si cette derniêre permet de surmonter certaioes contradictions, de proposer des distinctions fécondes et de cemer Ies différentes implications d'un problême complexe, elIe aide aussi, grâce à quelque tour de force Iogique, à intégrer toute observation aberrante au sein d'un systême cohérent. L'appel Iancé par Roger Bacon, vers 1260-1270, pour mettre en garde contre cet étouffement de I'expérience par un raisonnement qui entraine 93 N. SIRAISI, Taddeo Alderotti ..., p. 245 . •.• D. JACQUART, Les IZUvres médicales du Moyen Age comme sources de l'histoire, dans L'histoire des sciences et des techniques doit-elle intéresser les historiens? (Colloque organisé par Ia Société française d'histoire des sciences et des techniques, en mai 1981). Paris, 1982, p. 147-158 . •s Sur ce point nous renvoyons à l'articJe fondamentaJ de Guy BEAUJOUAN, Réflexions sur les rapports entre théorie et pratique au Moyen Age, dans The cultural context of medieval learning. Dordrecht-Boston, 1975 (Boston studies in the philosophy of science, vol. XXVI), p. 437-484.
DOMAINES
DE L'HISTOIRE
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Ies médecins "à chercher toujours mais à ne jamais trouver Ia vérité", ne fut guêre entendu: Tertius defectus est quod vulgus medicorum dat se disputationibus questionum infinitarum et argumentorum inutilium, et non vacat experientie ut oportet. Ante triginta annos non vacabant nisi experientie, que sola certificat; sed nunc per artem topicorum et elencorum multiplicant questiones accidentales infinitas, et argumenta dialectica et sophisti a infinitiora, in quibus absorbentur ut semper querant et nunquam inveniant veritatem. lnventio enim est per viam sensus memorie et experientie, et maxime in practicis scientiis, quarum una est medicina 96. La façon dont Ies maitres traitent de Ia pratique dans Ieur dispute laisse peu de place à I'expression d'une technique, d'un savoir-faire, 11 serait cependant dangereux d'étendre cette constatation aux autres sources médicales ou chirurgicales: bien des nuances se révêlent à I'analyse. Lc genre de Ia dispute constitue de ce point de vue Ia limite extrême du développement doctrinal: s'il peut montrer comment Ia représentation théorique induit I'intervention pratique, il fait en grande partie,obstac1e au cheminement inverse.
•• A.G. LITTLE et E. WITHINGTON, Opera hactenus medita Rogeri Baconi, vol. XIV. Oxford, 1928, p. 154. Passage cité et commenté par M.Mc VAUGH, Aphorisml de gradtbus ..., p. 31-32.
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37: M. Sot, "Gesta episcoporum, gesta abbatum" / 1981 / 60 p. + 3 p. mise à jour 2-503- 36037-8 38: J. Richard, Les récits de voyages e/ de pélerinages / 1981 / 88 p. + 6 p. mise à jour 2-503- 36038-6 39: E. Poulle, Les sources astronomiques : textes, tables, instruments / 1981 / 88 p. 2-503-36039-4 40: C. Bremond, J. Le Golf, J.-c. Schmitt, L' "exemplum" / 1982 / 168 p. 2-503- 36040-8 41: J. Gilissen, La coUlume / 1982 / 122 p. 2-503-36041-6 42: M. Pastoureau, Jetons, méreaux e/ médailles / 1985 / 48 p. 2-503-36042-4 43: P. Brommer, "Capitula episcoporum", Die btschôfiichen Kapitularien des 9. und 10. Jahrhunderts / 1985 / 71 p. 2-503-36043-2 44-45: B.C. Bazàn, J.W. Wippel, G. Fransen et D. Jacquart, Les questions disputées et les questions quodlibétiques dans les facultés de Théologie, Médecine / 1985 / 318 p. 2-503-36044-0
de Droit e/ de
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TYPOWGIE DES SOURCES
DU MOYEN ÂGE OCCIDENTAL
A-III,l*; (L'astérisque
A-V, C,6* et D,2*
signifie que d'autres notices relêvent
également du sous-groupe
indiqué)
EXTRAIT DE LA CLASSIFICATION
GÉNÉRALE
A. Sources écrites III. SOURCES
JURIDlQUES
1. Normatives (...) V. SOURCES
C.
DE L'HlSTOIRE
SOURCES PHlLOSOPHlQUES
DE LA PENSÉE ET THÉOLOGIQUES
(...) 6. Disputes sco/aires
(...)
D. SOURCES SCIENTIFIQUES (AU SENS RESTREINT) (...) 2. Productions de /'activité sco/aire et universitaire
(...)