MARCEL DUGAS, Droits réservés,
selon
1916. l'Acte
du
Parlement du Canada, concernant la propriété littéraire et artistique.
/
Jl des mirages encore figures de moi, et
ma
que
jeunesse
aux
ramenées devant
j'ai rebues,
dans la nuit de la
flottants,
réalité
paupières closes,
apparue.
MARCEL DUGAS.
3
DU MEME AUTEUR
LE THEATRE A MONTRÉAL (falque, paris)
FEUX DE BENGALE A VERLAINE GLORIEUX (marchand, MONTRÉAL)
EN PRÉPARATION
:
CEUX QUI CHANTENT
MARCEL DUGAS
PSYCHE AU
CIMA
Montréal Paradis-Vincent, 320,
Editeurs
Rue Beaudry, 1916
320
mi
DOUCHES TIEDES
(1)
UN HOMME D'ORDRE A
deux humoristes
Entré, jeudi, vers dix heures, dans
une bibliothèque de Montréal, Jacques-Marie-François-Alphonse-Charles-Nicolas
Le Tristan, une mèche de
cheveux penchante, secoue sière
pous-
de ses vêtements et s'appuie,
tel
pélican blessé, au rayon des Dic-
un
tionnaires innombrables. te
la
Il est tris-
d'une tristesse infinie d'être devenu
un homme
d'ordre.
se dépouillerait-il
si
des derniers mois?
même (1)
de
souffrir,
Aussi
comment
vite de
l'homme
On aime tout, même la misère
Pour un cinéma voluptueux
ironique, fleuri de
légers
et
sarcasmes,
voltigeant à Ventour de vierges mobiles,
caressantes, fluides lac
ou des miroirs.
comme Veau d'un
quand
épousée avec des révol-
elle est
tes et des envolées vers le désir et l'insaisissable.
Il
sent cela, baigné par
les
souvenirs d'hier et les visions que
lui
proposent
te
les jours évanouis.
Cet-
atmosphère neuve le fait frissonner:
l'illusion
de
la liberté, quelle
âme amère,
chose, et dans une
Les
que détachée!
grande pres-
livres! C'est en-
core de la littérature, de la poussière,
une vie le
artificielle
ou sublime.
printemps qui n'a pas abouti et
tout de suite,
ton
si
cri; oui, la
Et fut,
vieux! Faust, étouffe
réahté que tu croyais
fuir te réenveloppe, elle te choisit en-
core victime. et,
peut-être
Que de
sert de t'étonner
paraître
surpris?
Crois-tu donc que ton destin soit différent des autres et la vie n'est-elle
pas une longue soumission forcée à
laquelle
personne n'échappe?
ReDevi-
garde tes frères qui souffrent.
ne leurs chagrins, leurs soucis, des tracas dont tu n'as pas d'idée.
Sois
heureux plutôt de vider en un moment L'imporle fond de tous les graals. tant, c'est de n'être pas dupe, quel-
ques délices qu'on éprouve à croire
au parfum des roses, à la d'un touchement de mains.
sincérité
Epuise
de cette nou-
la leçon qui
va
velle geôle
avant qu'elle n'ait tout
te venir
découvert; imagine-là, construis avec
ton esprit, ta sensibiUté et ton amer-
tume une
existence que tu connais à
peine, et,
si elle
est trop gaie
drôle, tu la coucheras sur
ou trop
du papier
avec au cœur, toute transpercée, des mots pareils à des poignards. Crois bien que la pire des réalités qui te
pourraient accabler, serait celle d'être heureux.
Et
s'il
existait
une per-
sonne entre toutes que tu voudrais tenir
dans tes bras en l'adorant, éter-
nise le
mer
mensonge
crucial de les refer-
Sculpte en te
sur son ombre.
détruisant; va te chercher au sein des
nuances qui furent tes inlassables
Macère
persécutrices.
tes
désirs
avec des regrets et des larmes, mêleles si
bien ensemble qu'ils te
paraî-
tront de petits dieux perpétuant ton
âme
— ceux
fixés à la
que
l'on
porte en
trame de notre
soi,
être, et qui,
à de certaines heures, se mettent tous à gémir. destins
si
Peut-être,
le
que
les
chèrement cruels consenti-
ront à éteindre
Ne
alors,
le
feu qui te brûle.
souhaite pas
cependant,
car
alors tu renierais le jour et toi-même,
10
de
te
sentir
autres.
terrassé et
Déchire sans
pitié
bleaux qui ne porteraient pas
de ta nature intime. se,
aux
pareil
ta-
les
le reflet
De ta détres-
compose un chant
qui te
isolé
grandira dans la chimère.
Ris à songer que tu rencontreras, rue Fullum, une petite jolie
comme une
sa toilette.
dame
frisée,
médaille, et ordonne
Oui, qu'elle soit tout en
cheveux, qu'ils l'enveloppent et la fassent très jeune en sa robe de velours ornée de glaïeuls.
brasseras sur la
vres à peine
carême!
Il
Et tu l'em-
nuque avec des
appuyées.
Plaisir
lè-
de
faut toujours que nos
passions s'accordent avec l'abstinence.
Laisse aux étudiants vicieux et
aux jeunes médecins démontés des caresses tumultueuses.
11
le
soin
Retiens
tes sens ainsi failli
que
anges qui ont
les
tomber à l'heure de
la
grande
Garde-les plongés dans
tentation. le désir.
Puis tu conduiras cette fée dérisoi-
au jardin,
re
celui
que possède tout
rêveur depuis Epicure et Montaigne. les bêtes;
Approche-la de toutes
mets
ses doigts sur le dos
marbré de ce
chat qui vous regarde,
les
de maUce, et sur ses ge-
tés d'or et
noux dépose en ge de ton la
yeux poin-
criant
un
lapin
—ima-
âme et de l'univers. Couvre-
de tulipes, de dahlias, de lys et de
renoncules, et dans l'allée déserte, en
présence du
ciel et
se-lui les félicités
Et tu regarderas tremble, ses
si
ses
de la
de
si le
genoux
terre,
impo-
la flagellation.
bout de son nez fléchissent et
si
mains implorent un autre genre
12
de
Après quoi, tu
plaisir.
lui
décou-
vriras r intelligence des bêtes, mal-
heureusement inconnue du vulgaire.. Cette
oie!
Comme
bien dire quelque chose!
"La France
Tu
est
c'est
d'esprit
un
immorale," ou
quelque chose d'approchant. tu,
ne dois
lui faire crier
pas désespérer de jour:
voudrait
elle
Vois-
par aberration ou paresse
que nous croyons
incapables
des
d'énoncer
viendra un jour où
les
animaux mots:
parleront et
ils
il
il
faut espérer que ce sera, d'abord, les plus
bornés.
Alors
on s'amusera!
Travaille donc à ce progrès dans l'hu-
manité. Si la petite
tes
tu
dame
allait se lasser
manèges, jette sur l'as
couverte
les fleurs
les abeilles
13
de
dont
de ta pen-
sée et qu'au delà
pe tentante
du cœur de
elles aillent
la tulip-
piquer sa poi-
trine.
Ouvre
à surprises de tes
la boîte
caprices: chante, crie, danse sur tes
pieds et ton intelligence.
Sois inco-
hérent avec patience et ténuité
;
c'est
ta nature, et peut-être, ta façon de régner.
Triomphe donc avec pétu-
lance et candeur! Fuis la perfection
trop grande, car qui dre lyrique ne
sait, si le
cache
désor-
pas quelques
pépites d'or, inaperçus des maîtres
gourmés, secs et rigides? Et
cela,
sans doute, intéresse et captive oiseaux — lées qui,
l'oiseau
devant
aux plumes ondu-
toi, se tient arrêté,
muet, te regarde et s'étonne. lui le
rythme de
les
Dis-
l'aurore, et arpège,
à petits bruits, presque en
14
silence, sur
le clavier
somptueux du
qu'avant
elle et toi,
ri
Dis-lui
Soir.
des yeux ont sou-
et ont retenu sous la souffrance, des
larmes qui, prêtes à
jaillir,
les ren-
daient plus beaux par l'angoisse, la
poème
du
Parle-lui
convoitise ou le regret.
humain, universel, fait de tant
d'âmes écrasées, de désirs
beau crime des
êtres qui se
ou
de
se refusent,
du
éteints,
donnent
la versatilité
des
âmes, ou encore des illusions passagères.
Et Rapprochant de son âme
plus que de son oreille, enferme en elle le cri plaintif
et
que ce
mais
cri
ne
de ton cœur ravagé,
soit
pas
le tien seul,
le cri ordinaire, familier,
total,
de ceux qui vivent et meurent de
l'in-
saisissant
ses
dicible
mains
baiser.
Puis,
pâles, tu la regarderas
dans
les
yeux, sans une parole, en laissant bat-
15
tre le flot des choses qui roulent
en
de ton front,
et,
toi-même,
les artères
tu accepteras, en présence de
triste,
cette chair aussi périssable et décevante
que
les autres, les
musiques blasées
qui te viendront du souvenir.
Tu
referas, sans doute, à son profit
l'histoire
de ton voyage à travers
le
monde: musées de Naples où tu laissais couler les heures mer céruléenne ;
où toutes
tes pensées allaient courir
en s'égrenant, chapelets affolés
jaillis
d'un cerveau qui se brûlait de
soleil,
d'azur; Pompéï, la ville était
si
damnée qui
délicieuse à refaire, complète,
royale à travers son squelette debout, grésillant encore d'une volupté dernière.
De Rome,
tu évoquerais les
colonnades du Bernin, qui semblent s'ouvrir sur le
ciel, le
16
pape qui
t'a
béni
que tu aimais beaucoup parce qu'il paraissait si bon avec sa couronne de
et
Et de Venise, tu dipromenade en gondole,
cheveux blancs. ras tout: cette
couché sur un Ut de
cependant
fleurs,
que des touristes américains, tassés pont des Soupirs, poussaient des rires secs, idiots complètement.
sur
le
Quelle insulte à
lagunes que
le
un jeune amant des
sarcasme
des mufles
de Chicago et des chimpanzés newyorkais! Quels coups portés à sa sincérité!
Very shocking.
Et puis Florence, le rêve ébloui. Faire son petit Dante avec une Béatrice
éphémère.
Florence, le rêve de
de Lorenzaccio qui se promène dans les rues, avec le fantôme
Don Juan,
de lui-même.
Tu
essaieras sans
réussir à faire entrer
17
dans
y
les oreilles
de la
femme à
velours noir
le cri terri-
ble que tu poussas en apercevant les Uffizi,
David, Persée, et toutes les
déesses immobiles, prêtes à quelque
sabbat sans
une
Et
fin.
échelle de soie,
la descente sur
Roméo
étrange,
balancé sur l'Arno.
A
Milan,
la
galopade effrénée par
une nuit de lune, sur un cheval fougueux qui vingt
fois faillit te piétiner
pendu aux
et t'aurait traîné,
dans
la
boue
et le sang,
si
fous, cavaliers impeccables
muscat cent
fois rebu,
délivré de la mort. res,
Aux
étriers,
de jeunes
malgré
le
ne t'avaient petites heu-
devant l'aube émerveillée, l'hom-
mage à Léonard, le créateur de la Joconde et du Bacchus. Un discours péladanesque et des lauriers arrachés
aux jardins publics quand
18
les petites
bonnes
italiennes, les
pieds engour-
dis de sommeil, allaient se réveiller
à
la fontaine.
Plus tard, sur sentant peser sur
le lac
toi
austère, tu savais
du
lacet
si
du Bourget,
une surveillance bien t'échapper
emprisonneur par des sautes
d'imagination d'autant plus énervantes
que tu
Ah!
pieds. ses,
Ils
étais guetté
de
la tête
aux
révolté toujours en cri-
tu les transfigurais, tes cachots!
devenaient des Thabors de fièvre
et tu t'élançais,
vaincu à demi, de
ailes dressées vers l'espoir
les
la déli-
vrance.
Et
ce Paris adoré plus
encore!
Une année
sur laquelle tu
feras silence.
Tu
lons pas, chère
dame en
parlons pas, car
que tu
diras:
elle te
es désespérée."
19
que tout
"N'en par-
velours, n'en
ressemble lors-
Mont-
Tairas-tu les souvenirs de
martre, capitale du péché, nombril
—
étonnant de
la joie ?
faire rire, ta
poupée de son, de sang
d'eau, teras
il
il
faut la et
rire,
—tu racon-
les petites
femmes de
faut la faire
comment
Tiens
Clichy, montées sur des chevaux de
Guignol,
si
prodigeusement affreuses
avec des lèvres rouges,
pour
l'antithèse, à de
de chasteté,
—pour
dans
où
tel café
les
si
t'inclinaient
violents désirs
l'antithèse.
Et
bourgeois déguisés
vont en tapinois vers minuit avec
les
grands ducs de Russie et
les
d'Allemagne, dresse-lui
cadre de la
salle oii paraissaient
billées
le
princes
des dames ha-
en ciseaux et des messieurs qui
s'achevaient en salade russe.
Applique-toi à scandaliser cette petite
déesse
du hasard
20
et
de
la fantai-
—
sie
en chantant du Mayol, du Fragson
jusqu'à ce que sa chevelure devienne
en
après, demande-lui
Et puis
feu.
les prières
de réciter
de saint Ignace
toujours pour l'antithèse. Sois
sois incohérent!
incohérent,
Et pour taquiner
la nature, offre-toi,
en imagination, la comédie de la perversité intégrale. .
.
.
son monologue inté-
Rompant
Jacques-Marie-François- Al-
rieur,
phonse-Charles Le Tristan a regardé avec envie
Montréal
le
beau
soleil
épandu sur
et toute la liberté
sauvage
des choses qui dansaient dans la lumière des vers de son poète favori sont ve;
nus à ses lèvres. lui-même,
le
a fermé les yeux sur
Il
passé.
vrant à nouveau,
royaume des
il
livres.
21
Puis,
les
ou-
a contemplé
Et
il
le
a souri
ainsi
qu'on
le fait
à des ombres, à des
désirs irréalisables, à l'étreinte d'un front,
à
des
jouets
trompent, mais dans et des mots.
le
sublimes
qui
rêve des idées
Souffrant toujours de
quelque blessure qui monte le long de ses nerfs, il adore se sentir délicieusement malade au sein de l'ordre trouvé qu'il
va connaître
troubler.
22
et,
peut-être...,
DOUCHES FRIVOLES
(1)
SUR LES PETITS
CHAPEAUX Ah!
les petits
chapeaux que
voici,
ah! les petits chapeaux que voilà! dirait
vraiment
qu'ils se sont
On
donné
mot de rencontre rue Sainte-Catherine. Non pas qu'ils manquent
le
aux regards rue Saint-Laurent ou rue
Notre-Dame.
Mais
rine les exhibe avec
deur
qu'ils
distraits,
frappent
les
Sainte-Cathe-
une les
telle
yeux
impu-
les
plus étrangers à cette
vision-là, les plus lourds
de larmes sus-
pendues à des images lointaines. nous crèvent avec leurs aigrettes lées,
plus
Ils effi-
nous blessent de leurs plumes-
couteaux, et
nous
assomment
de
Pour un cinéma de pacotille (1) où Von nous représenterait les hommes battant la majorité des les
rendre délicieuses.
23
femmes
afin de
leurs crosses arrondies.
en vérité,
nous
ils
En
vérité,
nous veulent du mal et
allons
haïr,
les
car
je les
soupçonne de vouloir nous empêcher d'être heureux:
ils
ont
assassins.
Oh!
les
monstres.
une armée
visible et
tâche de prendre
de
les
l'air
de secrets Ils
sont
menaçante qui
femmes au
filet
la vanité.
Quand
elles
arboraient des cha-
peaux follement larges profusion
quaient
des
l'idée
fleurs
et qui, par la
jetées là, évo-
de jardins suspendus,
elles
nous étonnaient, nos femmes,
elles
nous faisaient
Nous voyions dans perversion
presque
peur.
cet édifice
suprême dont
elles
une ai-
maient à nous accabler en s'accablant elles-mêmes.
S'il "faut
24
que, mainte-
nant, elles s'ingénient à façonner des
bonnets
lilliputiens,
on va
les
pren-
dre pour nos égales. irons au théâtre tout seuls;
Et nous
nous oserons esquisser un pas dans
la
rue sans nous entendre dire: ''Eh!
attends un peu, je m'habille et je sors
avec toi."
Nous n'aurons
ressemblance avec
les
plus de
esclaves qui
un boulet à leurs jambes: ça toute une révolution, l'éman-
traînent
va
être
cipation
des
hommes
tant
désirée
depuis des siècles!
Tout de même
sont-ils assez petits,
chapeaux femelles ?
C'est à n'en
pas revenir de surprise.
Celui-ci par-
les
le:
''Ramassez-moi donc,
je
naquis
pour ressembler à un monsieur cha-
peau qu'on et
cueille"; celui-là bafouille
nous bave un chou crème; cet au-
25
tre, noir, très noir, si
tus
artificiels,
noir orné de cac-
eût fait
les délices
de
M. des Esseintes: il est morbide! Non pareil, capricieux, ployé, j'en vois
un qui simule
tient des narcisses le
l'oiseau
dans son bec:
chef-d'œuvre du genre et
que
espérons-le, ainsi
Flambeau, au musée. rouge,
semé de
ne de musette.
le
il
et
c'est
finira,
bicorne de
Regardez ce
violettes,
Son destin sera de
mort
il
se poser sur
crâne.
un
crâ-
Crâne donc, crâneux
qui crânera! Allô,
violet
mystérieux avec des
marguerites noires, chapeau sombre
comme mon âme. Tu dis ? Chut! tu vas me trahir. Ne me parlez pas de ces chapeaux qui semblent des
îles
escarpées et
sans bords: la vertu n'a pas d'histoire
26
et ceux-ci sont des
J'ai
saints.
des saints et voudrais vous
quer
mon
est-il
communi-
frisson, le frisson qu'ils
Caché au milieu de
donnent.
peur
agaçant, celui-là,
me
tous,
jaune-bleu,
le
pourri de coquelicots, fleurs de péché Il
ne se rend pas et
''c'est
bien la pire
peine que ce chapeau, "sans sans haine", ce chapeau!
tant
coûte
de si
ce
peine,
?
amour et
me
fasse
chapeau!
cher et ne se rend pas.
Il
Dam-
né chapeau que j'aime! Plusieurs se fondent en niaiseries
de fleurs et de rubans; vous en distinguez qui sont des défis de plumes d'autruche.
Tel s'élance en oiseau
de paradis;
tel
gaillarde,
s'achève
en
ruche
pleine d'épanouissements.
Je fais signe à l'un qui m'évoque les hihescos
du Boulevard Saint-Germain,
27
si
exquisement mangeables.
démence d'en
Quelle
arriver à produire des
coiffures qui singent les tartes!
veut donc Il
me
faire
On
mourir!
en est qui affectent des conques
bizarres, férues de lichens et de ses.
Mon
broyer
celui-ci
est beige;
il
que
Dieu,
dans
voudrais
je
ma
mous-
main, car
est terriblement
il
mode à
toutes et pour toutes. Qui n'a pas son
beige de chapeau
On
?
tout; c'est une fureur,
voit beige.
On
un
délire;
on
veut donc niveler
les
têtes de nos femelles
exemple.
en a mis par-
?
Oh! non, par
Ecrasons cet infâme!
y a la série des petits chapeaux qui donnent dans la grivoisePuis,
rie, les
il
bonnets Sodome et Gomorrhe.
Qui nous délivrera de l'immoralité des petits chapeaux
28
?
C'est
un grand
Que fait M. Bérenger, l'illustre pornomane ? Peutscandale, vous savez!
être qu'à son défaut nous pourrions
nous adresser à cet avocat de chez nous
avec des jeunes gens bien
qui,
de
vient
intentionnés,
châtrer
Faust de BerUoz, afin de
le
le
rendre,
sans doute, un peu moins allemand, et ''potable" à
chœur. ble,
un pubHc d'enfants de
Procédé d'ailleurs admira-
réclame décisive à un héros qui,
goûté dans toutes naît, à notre
les langues,
con-
époque de renaissance
religieuse et de vertus morales, le supplice
du moyen-âge!
Je rêve une
épuration des petits chapeaux par de tels châtreurs.
Oh!
les petits
chapeaux,
chapeaux!
comme
il
les petits
y en a rue Sainte-
Catherine, rue Sainte-Catherine!
29
Tout
le
mange de
printemps rayons.
Ils
magasins, escalader nes
les soulève, les
le
vont
front des jeu-
filles.
Mon
corps, tu défailles!
30
sortir des
\
DOUCHES RAPIDES
(1)
C'ÉTAIT
UN
P'TIT
GARÇON...
A
un "chasseur
d' images'
Je blâme égaleynent et ceux qui prennent parti de louer Vhomme, et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le prennent de se divertir; et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant. PASCAL.
C'était
un
pHit garçon
du vinaigre Qui p. Qui jouait du violon Sur la queue d'un cochon. .
.
(chanson populaire)
Il
ne,
s'appelait il
s'était
Mathurin
engagé dans
chettes de blé-d'inde
neux.
Il
et,
tout jeules éplu-
comme violon-
jouait, jouait, jouait.
derrière lui, traîné par
Et
une corde, son
{l)Pour un cinéma mystérieux terrifiant qui s'ouvrirait sur la mer, ciel et des inconnus impénétrables. 31
et le
cochon
petit
le suivait.
ne pou-
Il
vait guère s'en passer: c'était son alter ego, son indispensable condition d'existence.
Et avec
ça,
ne
mais
triste!
ment
d'être triste.
il
il
était triste,
finissait
En
pas vrai-
lui se
débat-
taient tous les petits diables souffre-
teux qui avaient passé sur terre, toutes les petites filles qui n'avaient fait
que pleurer et
qui,
devenues grandes,
continuaient à être des petites pleurer,
bon
pleurantes.
petit cœur, le
— Et
filles
puis,
à
un
cœur un peu bête
des cœurs bons, celui dont on dit en riant:
"Vous savez,
"nous
le
c'est
un
enfant,
briserons à l'heure venue, et
"après qu'il se sera vidé de toutes ses "rages et de toutes ses larmes, on
le
"roulera vers la mort, dans des langes
"d'enfant semés de petites croix, ce
32
une façon
''qui est
bles les enfants,
définitive de rou-
quand
ils
sont rede-
" venus, parfois, des enfants enfants." avait une
Il
âme de
Petit Chose,
de Jack et de Poil de Carotte, et toutes ces âmes mises à l'épreuve en
même
temps,
sœurs, quand
vrir et tomber,
malade.
homme Le
là,
lui volerait
qu'on
côté,
que sa poitrine
paraissait
dans
même
Pauvre
quoique^
mettaient à
elles se
chacune de leur
battre,
ne
différentes
allait s'ou-
la
rue,
et
ça, sa poitri-
petit
jeune
!
jour,
vêtu d'inconscience et de
désirs morbides, à la saison d'été
mariait à la nature et entière en son âme.
suivre
lui
il
le
lui faisait Il
il
se
place
s'amusait à
vol des papillons qui le gri-
saient de couleurs et volontiers
33
il s'i-
mourir
maginait un pareil destin:
d'une mort vaine, étouffé dans un calice
de roses, ou à la première heu-
re automnale, lorsque le froid assas-
transperce
sin
d'agonie
choses
les
d'azur, les insectes trompés par les
fausses promesses d'un été sans Umi-
Et
tes!
niait
l'hiver, si
son chagrin s'ingé-
en tortures,
se couchait
il
fond du jardin glacé
et,
au
laissant pleu-
voir les étoiles hliales, se sentait mort,
statue de neige.
Pauvre
petit jeune
homme! Il
dormait mal,
réveillé
la nuit,
toujours
par des cauchemars et
tement de
ses artères.
Il
le
bat-
rêvait à des
choses indicibles et la volupté
le
con-
duisait jusque sur les tours de Notre-
Dame. la
Là,
il
rayonnait, taquinait
lune et les astres, parlait à ses
34
anges gardiens, à des compagnons
morts et à une petite éteinte,
son
un
gilet.
fille
qui s'était
jour, d'avoir pleuré sur
Pauvre
petit jeune
hom-
me! Longtemps, connut des
erra sur les routes;
il
joies traversées d'orages
que l'on
et ce
il
est
convenu d'appeler
l'humaine misère. Hre,
Ayant appris à M. RaM. Forain, Caran d'Ache, et les
il
bier,
autres.
passait ses jours dans
C'est vers eux qu'il allait
instinctivement—les caricaturistes et les
dessinateurs gais.
pérament fantasque
Et son tems'y
alimentait
d'une tristesse immense.
C'est pour-
quoi, de préférence à tout,
il
Son visage
s'éclairait
à
les lisait.
la
lecture
d'Achille fourre son nez partout.
35
Un
moment,
—
éclair
exultait
il
—
la
durée d'un
et la nuit se remettait à des-
cendre.
Un
jour,
il
au bord des che-
s'assit
mins qui étaient croches,
il
s'assit et
demeura longtemps à regarder le
verdure, les arbres
mer roulant en sourd.
et,
bruit
le ciel,
là-bas, la
profond
leva ses mains dans la lu-
Il
mière, les
fit
danser et
ployée de voir que
les
rit
à gorge dé-
rayons
les per-
çaient ainsi que de petites flèches. respira à long traits et, portant
main à son cœur, en
allé,
part,
une
sentit qu'il s'était
qu'il était
partout et nulle
il
fort qu'il le
Il
il
dans
Alors,
et
le
passé ou l'avenir.
éclata de rire, et
mourut dans son
murmure
si fort, si
rire
avec
des feuilles agitées et d'un
roseau pleurant.
36
Cétait
Qui p.
un .
.
p'tit
du
Qui jouait du Sur
la
garçon
vinaigre,
violon
queue d'un cochon.
37
DOUCHES BRULANTES
(1)
PHÈDRE "Mes yeux
du jour que
sont éblouis
je
revoi
"Et mes genoux tremblants
se dérobent
sous moi.
(RACINE.) Ainsi chaque jour, elle se fait conduire par ses esclaves sur la terrasse et
devant
là,
offre
le
beau matin pourpré,
elle
à la nature entière l'hommage
de son incoercible
désir.
Magnifique
proie! Divinité effrayante de nos ar-
deurs jamais éteintes! Symbole adorable de la passion qui est la jeunesse
sacrée des choses et des êtres ou bien
renaissance douloureuse qui
reprennent
se
à
des la
cœurs
chimère
d'aimer! (1)
Pour un cinéma d'amour.
38
Jamais
le
destin ne s'était préparé
une victime plus
parfaite, plus expia-
Jamais
toire des péchés terrestres.
pâte humaine n'allait devenir, par la douleur, un joyau plus finement ciselé.
C'est en esprit et en
faut
vénérer.
qu'un Racine
ne
Il l'ait
âme
qu'il la
suffirait
pas
chantée, nous en
dans un drame immortel, raconté Cette Reine prodigieuse histoire.
ait,
la
peut satisfaire à la
cœur:
car,
fois l'esprit et le
imaginée de toutes pièces,
œuvre de raison
pure, elle soUiciterait
l'adhésion de l'inteUigence à l'égal de la
Joconde du Vinci.
de sérénité indicible,
railleuse,
Si elle
manque
de cette
félinité
Dame
de Flo-
apanage delà
rence, c'est qu'elle
est
jetée
dans
le
courant humain et devient l'âme es-
39
sentielle
d'un drame.
Sans voix,sans
manifestation verbale de son émotivi-
dans
té, elle rentrerait
catégorie
la
des types purs, dépouillés de matière.
Heureusement
elle
parle et s'ex-
prime entièrement: son secret nous est livré par ses paroles, et contraire-
ment à le
l'élue
du
peintre, la
bouche
et
regard ne se fleurissent pas seuls de
Phèdre éclate en aveux
confessions.
et c'est à l'âme et
aux sens
qu'ils
vont
frapper. Elle brûle, en rêvant, de toute l'â-
preté et de tout l'exclusivisme de la sensation.
l'homme
Maîtresse absolue de
qu'elle désire, elle
ne
le
pos-
séderait pas davantage: elle le tient
prisonnier dans les mailles de son être;
elle
le
couve de sa passion.
Vienne l'heure de l'union complète.
40
les
verbes adorateurs se marieraient
aux effervescences de
convoitise
la
avec une égale intensité! Si elle rêve, c'est qu'alors elle subtilise
l'image du héros.
en meurt.
Elle en vit et
Les éléments,
jour servent
la nuit, le
appétits
ses
d'aimer.
L'air respiré lui semble
un breuvage
composé du sang de
homme,
soleil
qui,
cet
un globe de chaleur lumineuse lui
rappelant son origine, fait
un feu
courir en ses veines guible.
Troublée,
inextin-
visionnaire,
écarte les êtres qui l'entourent
me
pour
pas,
et le
et,
accueillir le dieu qui
elle
com-
ne vient
à son défaut, l'apparition
souhaitée, plus encore, et jusqu'à la
forme de cette épée dont
elle
aurait
voulu mourir parce qu'elle appartenait au maître adoré.
41
Tendue, ramassée en un spasme, devient violette
de
volupté,
volupté qui parvient à se
taire,
elle
d'une gron-
de et s'écoule en nappes intérieures.
Sous des
voiles,
s'abîme.
son corps fléchit et
Elle frissonne d'un baiser
que son imagination délirante a créé un instant, mais que la réalité lui arrache ainsi qu'un ombre
folle, dissi-
pée par une raison qui se repossède.
Quel mariage que ces sens tumultueux avec
l'intelligence
ironique,
quelle puissance de s'accabler!
heures où
les
et
Aux
préjugés s'effacent et
tombent, quelle ivresse de s'abandonner aux divines emprises du senti-
ment
!
Et dans
la
clameur qui
lui arrive
des lointains horizons chargés de lumière, des arômes de tous les mondes,
42
de
de vagues pieuse-
cris d'oiseaux,
ment murmurantes,
elle
boit le visa-
ge d'Hippolyte qui fuit et se dérobe
à ses embrassements. Sainte Phèdre
!
!
43
1
DOUCHES ITALIENNES
(1)
MADEMOISELLE ITALIE Elle se tient droite et figée près de l'orgue de Barbarie et elle a l'air de
reposer tant ses beaux yeux bruns
sont calmes, fixes
et,
on
mis, quoique ouverts.
min elle
dirait,
endor-
Sur ce che-
déclive de la rue Saint-Laurent,
apparaît semblable à une
madone
effleurée de rêves malsains, triste
de
tant d'infinis et revenue des chemins qu'elle a sillonnés de ses pas livrés
au
hasard.
Lasse et reposée de la nuit,
le
ma-
tin la saisit sur ses duperies oranges,
l'enveloppe des sortilèges naturels: (1)
Pour un cinéma napolitain où
Poulhot consentirait à faire danser sur des cordes invisibles de petites Italien-
nes en papier mâché.
44
buée matinale, ques du
capricieuses arabes-
soleil et train-train
grotesque
des gens affairés, courant à la fortu-
ne ou aux
plaisirs.
Elle contemple les maisons grisâ-
boutiques sordides
tres, les
loin,
en apothéose,
le ciel
plus
et,
lavé qui se
dresse, tel
un grand
pas
Elle est encadrée de tout
faibli.
cela; elle
en
jaillit
espoir qui n'a
comme une
fleur
étrange dont on aimerait respirer
parfum.
Est-elle sortie
enchantement ainsi,
et
pour
du
lui
sol
le
par
composer
avec des allures de fée muette,
crispée, je
charme
ne
fait
sais quelle noblesse,
de misère et de gibier
humain qui exprime
la fierté
geuse des détresses matées? vient-elle?
un
ombra-
D'où
Quel est son nom, son
passé, le rêve qu'elle a chéri et qui,
45
devenu
avec
elle
confond chez
subtil mirage, se le
souvenir de ces brouil-
lards pourprés voltigeant au-dessus
des
lacs
d'azur?
Vers quelle im-
passe se dirige- t-elle où, connaissant les
déchéances de l'abjection et non
pas l'amour unique,
elle
fermera pour
mourir ses bras sur des ombres qui l'auront délaissée ? Elle a souffert, elle souffre.
Car
son front est traversé de rides et sa
bouche
se tord
en des commissures
amères. Il
y a dans son maintien une
atti-
tude de méfiance et de soupçonneuse inquiétude.
C'est
vers
de
tels ex-
emplaires d'humanité que nos élans les
plus sûrs doivent s'acheminer, et
parce qu'ils existent oublions capables d'être heureux.
46
les êtres
Cependant,
si
on
arracher
allait
cette vierge à la rue et la placer dans
un cadre où sa misère elle serait si
qu'elle
joie
crierait
moins,
incapable de goûter la irait
regarder cette rue
elle-même afin d'en souffrir encore. Puis avec,
elle
reprendrait son chemin doré
dans
oreilles
les
et l'âme,
gémissement des choses,
la
le
plainte
chantante des souffrances de sa race morale.
Touchante
fille,
d'une mé-
lancolie qui a ses titres de naissance, ses maîtres,
ses
et son culte!
sée
prêtres,
ses fidèles
Vestale profane, bles-
au front découvert, qui s'appa-
rente
aux femmes de Dieu par
le
voile criard, en éventail, qui, soulevé
sous la brise, aère la fièvre de ses tem-
pes
pâlies!
taire qui
Musicienne
suscite d'autres
en profondeur!
47
rudimen-
musiques
m'a
Tiens, elle
souri; je l'ai regar-
dée avec un
air si drôle et elle vient
de sourire.
C'est navrant.
ris
pas!
Demeure fermée
seul lisible ne ;
remue
Ne
et
pour moi
ni bras ni
du
bes: sois la déesse vivante
sou-
jamsol et
garde, maîtrisés, les rires qui vou-
draient
s'échapper.
Pleure en de-
dans tous tes désirs et
ment appliqué à
ta peau,
qui dérobe la vérité
A
être.
si
le
masque
simple de ton
ce jeu, la foule
satisfaite et obligée
crets
tiens, solide-
va
te croire
par de justes dé-
à tourner perpétuellement une
manivelle
gémissante.
C'est
quel-
quefois une âpre satisfaction, au sein
de les fier
l'égoisme
hommes de faux
comédie
de
général,
de
tromper
sur soi-même, de les dérires,
de leur jouer la
l'orgueil
48
lorsque
le
cœur
est
en lambeaux, d'être un mas-
que impénétrable.
Non, ne m'écoute
pas, je suis tel-
lement capricieux que rais
je te
dresse-
à un rôle de fauve dans la cage de
la vie,
ou bien, sur des tréteaux san-
glants, j'ordonnerais
que tu danses
jusqu'à ce que la mort désarticule tes pieds
Voici
déchirés.
prends-les,
sous;
des
va t'abreuver, au plus
proche Grec, de quelque ginger aie tes lèvres
comme
une ambroisie rafraîchissante
et insi-
ou béer qui sera à pide à la
fois.
Va, va boire, car tes
lèvres brûlent. Si, je te
connais!
vers ton image,
Je revois, à tra-
toutes celles,
yeux de mer glauque, rives de Sorrente,
qui,
aux
sur les
me remplirent d'ar-
dente mélancolie.
49
J'écoute encore en imagination, les syllabes
chantantes qui vivaient sur
un sens pas-
leurs lèvres, revêtaient
Je m'abreuve de
sionnel et musical. leurs rires et je
deur qui
mêle
ma
les soulevait
fièvre à l'ar-
dans un beau
rythme chaleureux. Ah!
finir
à
la
manière de ce pâtre
italien, qui, reposé,
auprès de ses chè-
vres mortes de la fatigue des routes, s'endort en rêvant à la petite qu'il
confond avec
ment
frissonnantes, entrevues sur la
pelouse des jardins princiers!
me
femme
les statues, idéale-
Com-
ce serait paisible, simple et, pour
tout dire, édifiant. d'être
un homme, de
Le
difficile, c'est
respirer,
de chanter, de manger et
de
lire,
d'écrire.
Chère joueuse de musique barbare,
il
est certain
que tu es pour moi
50
une connaissance déjà ancienne; nul mystère abscons n'est
âme
Je sais ton
par
offert
toi.
limpide, rieuse, fo-
rayons de tes yeux, je
lâtre, et, les
n'ignore pas qu'ils font des blessures
en forme de
quand
comme
Et
croix.
elles caressent,
tes
mains,
sont chaudes
des équateurs, et tes
rires,
pareils à des ironies amères, glaciales.
La nature de
se plut
à mettre en
tels contrastes, et ainsi,
nous pouvons
par
toi toi,
réfléchir sur la vanité
des jouissances terrestres et nous fa-
çonner des âmes de Loyolas.
Louons
cette nature qui varie ses
effets et ses
dons et
se complaît à dé-
router dans chaque individu les calculs
mesquins de
la routine et
bonheurs classiques.
51
des
Et bénie
sois-tu, petite étrangère
des pays merveilleux, bénie sois-tu
d'amener, sur
le plat
décor de la vie
canadienne, des visions grisantes de soleil et
de déclancher en moi tout
un chœur de musiques endormies! Sœur de Graziella, tu me ressuscites ces terrasses
rente où
Beau
il
du
était
Pausilippe, de Sorsi
calmant de vivre.
fruit exotique!
rement ramenée!
Vision chè-
Vision qui
s'éloi-
gne, saute, crie, parle, revient, repart
sur les
fils
de
mon
cinéma,
compose néanmoins, toute
je te re-
entière,
avec la poésie de tes pieds nus, bai-
gant dans une mer d'émeraude.
52
Douches Anti-Militaristes
(1)
TEDDY BEARS EN
LES
KHAKI. La
Fable, féconde en surprises, ne
m'avait pas ménagé, à l'aube de la vie écolière,
que
celui
je
un étonnement veux
cesse accrus, à lait
l'histoire
rale des le
narrer.
Pour-
d'éblouissements
que
tant,
ici
pareil à
mesure que
se dérou-
psychologique et moAujourd'hui, mil-
animaux!
souvenirs,
sans
parfois,
s'éveillent
de
mon
émotivité première et se met-
tent
à
chanter.
Il
me
vient
une
arrière fraîcheur des alouettes bâtis(1)
Pour un cinéma de 1915
oit les
hommes de toute race, ramenés à des proportions réelles après avoir été dépouillés des oripeaux de la vanité et du pouvoir, apercevant soudain la démence de leur fatuité, mangeraient, en signe d'humilité hélas! tardive, une mébonne enfant, sindaille de chocolat cère, inoffensive au foie et à V estomac,
—
à
la tête et
au
coeur. 53
sant leur nid sous les blés, le
Chien, je revois
mon
et,
dans
Poppé, avec
sa tête frisée, ses grands yeux adorables de bonté, et qui
que
je l'aimai.
Il
m'aima autant
me souvient même
d'un rat qui, enfermé dans son fro-
mage, m'inspirait lancolie,
la plus vive
et d'une génisse,
mé-
accablée
par des animaux méchants, pour
la-
quelle je crois avoir versé quelques pleurs.
Mon
jeune
et
sensible!
affection s'étendait jusqu'aux
bêtes.
taient lion
J'étais
Les
malheureuses
plus
mes amies
et le loup
depuis, chez des
et
que
é-
j'abhorrais le j'ai
retrouvés,
animaux prétendus
supérieurs, lesquels se sont faits re-
connaître facilement, par une avidité aussi brutale et aussi
sommaire que
ce qui leur tient lieu de raison.
54
J'avais des prédilections folles pour
qui
êtres
les
se
déchaînaient en
colères intermittentes, puis, le
mal
ment
universel, semblaient finale-
sourire avec ironie.
alouettes!
mouton
La
Ah
!
ma
biche!
Ah! mes Ah! mon
!
poésie couvrait tout cela; et
l'agneau, expiatoire (2),
devant
du crime de tous
suscitait déjà en
nous
la
reli-
gion de la souffrance terrestre. Entre
des milUers, vaniteux,
doigt à
le
verve: je
le
pointais
rires:
(2) tites
du
mes camarades surpris de mon
insistance peu sympathique,
mes
baudet
chargé de médailles, ex-
ma
citait
cependant,
et
de
quelque obscur pressenti-
Bien semblable aux pauvres pe-
gens qui là-bas, en Europe, sont la férocité des monstres
immolées à
militaristes.
55
ment me disait que je le rencontrerais un jour, sur les routes de la vie, Ca et à de nombreux exemplaires. n'a pas manqué.
Quelle initiation à l'existence que
l'incomparable
jardin
animalesque
de Lafontaine! Quelle sélection complète de tous les gestes humains, de-
puis les plus odieux jusqu'aux meilleurs! Quelle source d'enseignements
pour
les chefs d'état et les
Mais
la
évêques!
Fable n'avait pas imagi-
né, à l'effet de corriger les
de soumettre nos frères
hommes,
les ours,
à la
torture inconcevable que je veux dé-
Non,
noncer.
ment!
j'en fais
un bon
Elle ne recelait pas
vention plus réjouissante.
les
teddy bears.
56
in-
Ecoutez!
Mesdames, Messieurs, on a de khaki
une
ser-
habillé
C'est in-
croyable
pouvez
si
vrai!
Vous
un peu partout, à
voir,
marchands pieux
lage des
le
l'éta-
et aussi
de
Je n'invente rien: c'est
papeterie. réalité
c'est
et
visuelle
et vécue!
Les ours,
par la grâce de ce temps ont été mobilisés, les
ours ont revêtu l'uniforme
militaire.
J'en
ai
éprouvé un
Je cherchais une ima-
pleine gaieté. ge,
moment de
une forme, une espèce animale,
fortement animale, qui voulût bien incarner, ne fut-ce qu'un instant, la
notre époque, et
suprême bêtise de voilà
que
l'ours en
à mes regards.
khaki
s'est dévoilé
Je ne croyais pas,
vraiment, que l'ingéniosité commerciale
d'un fabricant d'ours,
me
don-
nerait l'occasion de regarder l'humanité avec des
à la
fois,
yeux aussi amusés
aussi honteux.
57
et^
Si,
de par
MM.
nos gouvernants et
quelques stratèges en chambre, protégés des balles de toute manière,
il
nous est donné de mourir cette année pour
pa-
le droit et la civilisation, et
tati et patata,
nous aurons pu, du
moins, encore maîtres d'une liberté relative,
mesurer
nomie de nos
la véritable
physio-
pohticiens, sans en ex-
cepter un seul, en la ramenant à quel-
que forme grotesque
et familière des
êtres organisés. Je les ai vus ces politiciens,
de mes yeux vus, en des ours.
Et mes regards furent
pleins de con-
fusion et de joie.
Parbleu! se
les
marchands quand
mettent en train d'être forts ne
sont pas à moitié: volontiers
le
exportatif,
commerce,
comme
ils
le si
l'ar-
mée, deviendrait-il un objet d'ironie corrosive ?
68
Je il
une machination infâme:
flaire
y avoir là-dessous un truc
doit
Moi,
lemand.
Qui
peur.
sait si
mystérieux,
ment
doute;
je
moi,
alj'ai
ces ours attichés,
en somme,
ne renfer-
pas, à quantité infinitésimale,
des gazs asphyxiants pour la destruction de nos bébés ? Qui le dira ? Quel
patriote tentera de nous le faire croire ?
Un
Presse,
journaliste
du Star ou de
la
ou encore un monsieur de
V Action Catholique ou de
la Patriel
J'entends un sceptique qui se refuse
à croire à cette dernière atrocité
mande.
EjTtbien, alors,
en présence de
la
anti-militariste
qui
la
censure,
chands de
alle-
nous sommes
machine soit.
Si
la
plus
j'étais
j'ordonnerais aux marlibrairie
de cesser un
commerce, capable de nuire à
59
tel
celui
des munitions et des engins de meurtre,
en offrant aux hommes, l'occa-
sion de se comparer
aux
il
arrive parfois, n'est-ce
sein des
me
adéquatement
bêtes.
Ahî au
si
pas?
époques de ténèbres com-
celles qui
pèsent sur les années
1914-1915, que la vérité et sens, cachés sous des
le
bon
formes inatten-
dues, arrachent à la nuit, au mensonge, des
Et
revanches inespérées.
l'erreur, la sottise des
hommes
n'en apparaissent que plus certaines, plus décisives.
En
voilà
une revan-
che! et je salue profondément ces
ours qui nous appellent à l'examen de conscience, à une souriante modestie.
Saint Ignace de Loyola nous avait
déjà fourni des méthodes infaillibles
de sainteté, voire laïque, purement
60
Maintenant,
laïque.
le
pessimisme
intégral qui reçoit, grâce
aux ours,
une forme nouvelle d'actualisation, ira rejoindre
dans l'absolu,
la religion
Les ours-khaki s'annon-
éternelle.
cent des maîtres incomparables en ironie chrétienne; je
veux
contribueraient,
plus sûrement que
le croire,
les articles
ils
de Maurras et de Barrés,
à une renaissance du christianisme occidental,
si
nous daignions dans un
beau mouvement nal, les expédier
collectif et natio-
à nos frères
les euro-
péens qui atteignent, à n'en pas douter, le Ils
comble de
pourraient
la
démence païenne.
— car
ils
ont de l'ima-
gination et de l'esprit, ces
d'Europe tits
—
se refléter
ours militarisés,
hommes
dans ces pe-
comme
en des
miroirs à peu de chose près, identi-
61
Et
ques à eux-mêmes. soiffés
de sang qu'on
les
peut supposer
le
croyons, sans
mourraient, nous
ils
alors, si as-
vanité, convertis à quelque honte sou-
Mieux que
daine mais réparatrice.
nombreuses levées
de
de
soldats,
cette expédition oursonne avancerait la paix. Ils
ces
Nous
croyons!
le
sont tout de
même
étonnants
teddy bears galonnés, tant
l'histoire actuelle
composent devant de nos naires
mœurs et du monde
ils
les réalités sangui-
européen, un jou-
Ne
jou symbolique!
leur ayant pas
faire connaître la
demandé de nous
véritable nature humaine, voilà que,
sans penser à mal, la misère
ils
nous découvrent
de l'homme.
robent pas
comme
Ils
ne
la dé-
tant d'individus
sous des vernis factices, et l'habit
62
militaire n'ajoute pas sensiblement à
leur barbarie:
ils
comme
sont ours
avant, sur les coutures, dans le nez,
les
yeux
le
dos,
et les oreilles.
Et
c'est un peu à cause de cela, qu'au-
près des esprits superficiels,
insouci-
eux des raisons profondes qui dor-
ment au fond des choses, ils passent pour plus animaux qu'ils ne le sont.
En
réalité,
beaucoup plus raisonna-
bles et plus civilisés ils
que nous tous,
subissent les oripeaux de la barba-
rie,
grâce à l'industrie scandaleuse de
commerçants,
lesquels, jusqu'à
vel ordre, seront considérés
faisant
partie
hommes. c'est
nou-
comme
de l'espèce dite des
Nous osons
un bon point en
croire
que
leur faveur et,
en signe d'attendrissement respectueux, je voudrais proposer qu'on les
appelât: "les Barbares malgré eux."
63
n'en est pas ainsi de ces autres
Il
dits raisonnables qui sont
animaux
maîtres de la terre, et pour
les
davantage
trer rai
devant
les
ma
pensée, j'affirme-
que nos impé-
dieux
rialistes qui disposent,
pour leur com-
merce de chair à canon, de tout rien,
et
de
de l'Evangile et des livres saints,
constituent, en regard d'eux,
pèce animale excessivement eure.
illus-
A
une
es-
inféri-
bafouer en eux et chez
les
autres l'image divine de l'être pensant,
ils
ont abdiqué
les
prérogatives
de l'inteUigence, de la sensibiUté et de
la pitié terrestres.
Les ours, eux, taire, seront
même
en habit mili-
toujours empêchés d'at-
teindre à une telle malf aisance: et c'est
pourquoi nous leur devons de
l'estime.
Et pour une autre raison éga-
64
lement, c'est que, en apparence aussi sauvages que la plupart d'entre nous, êtres assez doux,
demeurent des
ils
presque inoffensifs. Chers ours, chers
teddy bears
en
khaki,
il
faudrait
vous élever un monument!
Comme
symbole,
ils
réalisent, soy-
ons-en sûrs, une vision extraordinaire et vengeresse de l'humanité présente;
en
fait, les
vrais humains, ce sont eux,
pas d'autres, à moins que ce ne soient les
colombes,
les rossignols, les gri-
ves qui ont parfait
le
miracle de la
ci-
viUsation amoureuse, étrangère à la haine.
Qui ne veut pas avoir son petit teddy bear? je
vous
prie,
Ne ma
faites
pas
la
hppe,
chère Gertrude!
Qui n'a pas son petit teddy bear ?
Et quel
politicien surtout, et quel a-
65
vocat ne voudrait dans un élan d'a-
mour pour
avec un diable
la vérité,
de petit statut impérialo-moral sus-
pendu à son manteau,
traîner
au bout
d'une corde d'or, au Palais de la Justice,
un teddy
elle
bear, symbole de l'actu-
humanité?
ORAISON
O
petit
teddy bear, j'aurais voulu
parler de toi avec la plus douce des simplicités, et,
tièrement, être tin
camarades qui désordre de
content de
te célébrer en-
un pur
latin.
Un
la-
Fournier et mes autres
comme
un barbare
pour
me
reprochent certain
l'esprit.
et,
Hélas! je suis
malheureusement
l'être,
fort
puisque cela m'a-
mène à goûter dans
l'univers l'esprit
d'un Chinois ou d'un Allemand et à
66
rire
toujours
des sottises
d'un Français,
possibles
d'un Anglais,
d'un
Canadien.
En
la circonstance,
vraiment,
mon
éclectisme ne m'aura point servi: classique, c'est
chanté la
pour toujours que j'eusse grâce de ton symbolisme
qui, dorénavant, ours immortel,
durer quand
même
et
va
malgré tout.
Cela eût valu la peine des mots, l'ordonnance des phrases et du fond.
un chagrin véritable qui ne s'éteindra pas. Car je te dois une
J'en conçois
heure de réjouissance indicible et une leçon qui, je l'espère, me rendra meilleur.
Par
toi, je
viens de réfléchir à
méchanceté, la sottise
nouveau sur
la
et la vanité
humaines.
Bête précieuse, débordante d'enseignements! Tu es pour nous une
67
présence salutaire et protectrice du
mal de tuer avec
orgueil
seignes l'humilité!
Non,
:
tu nous enje
ne veux
plus que l'on t'envoie en Europe au profit des occidentaux qui,
en ce mo-
ment, ne sauraient pas te comprendre.
Nous sommes, lades qu'eux
et,
ma-
peut-être, plus
sans aucun doute,
plus sots et capables de moins d'hu-
manité.
Nous
avons, par bêtise
cri-
minelle, épousé gaiement les fautes
que tant de braves et pauvres
peti-
tes gens cherchent là-bas à détruire.
Reste au milieu de nous, ours divin,
symbole apparent meilleur!
— de
— mais
l'actuelle
combien
humanité
et
de quelques-uns de nos contemporsins qui n'ont rien à envier à la plus
infâme et à
la plus stupide des bar-
baries.
68
DOUCHES CRISPEES.
(1)
LA DÉFAITE DU PRINTEMPS
A M.
de Paillasse,
Moi
—
et
autres
clowns.
Sur des terres d'où joie
s'est enfuie la
d'aimer et de vivre,
mène tout
le soleil
d'insolents rayons:
le jour,
marche
il
environné de sa gloire et
de prismes aveuglants; cruel qui se plait
il
est
ter-
mort
s'a-
la
vive, se repaît de mille têtes, cine,
éternel
sais quel
un dieu
aux sarcasmes
Cependant que
restres.
pro-
Narcisse,
il
dans
fantasmagorie de
de miracles verdoyants.
Il
se fas-
ne
je
rires
et
est la vie
qui coopère à la dévastation, aux forces brutales,
au
destin.
De
sa bou-
che indécise, rayée de feu, quel hym(1)
Pour un ciména de 1915 où
des apercevrait travers
lanternes
sanglantes,
une mer de jeunes
coupées.
69
à,
on tètes
Ne dirait-on pas
ne guttural s'élance!
une mappemonde en
délire,
un sym-
bole précis de l'anarchique cosmos, je
ne
sais quel dieu barbare, roi diur-
nal d'un temps meurtrier, qui s'ac-
hommes
corde à la sauvagerie des leur
répond à sa manière ? Et
maines
pas mentir,
elles,
tue de mystères toutes l'exil
tristes;
du
soleil
ne
qui
étoiles,
et
elles
lit
savent
halos,-
sont
frissonnent
de
dans une conception
de fureur sanguinaire qui la force.
hu-
lune vê-
la
et de
les
et
Le crime de
jusqu'aux comètes;
s'intitule
la terre rejailles
correspon-
dances s'établissent de toutes choses.
Pour que l'iniquité ne soit pas à jamais consacrée, voilà que la faiblesse se fait
amour
s'égare.
afin
Les
de sauver
la force qui
étoiles frémissent, pro-
70
mis son voile
testent; la lune a
mélancolie
dicible
transparente,
il
et,
sur
d'in-
robe
sa
semble qu'elle traîne
tous les soupirs des âmes écrasées.
Le printemps cache une multiple défaite!
En
vain
les
tent dans la joie de vivre!
En
chœur aérien des harmonies nières chante en la sérénité
Mai nous
comme une
est grosse
le
printa-
du
soir!
si
douce,
caresse de mère,
de sanglots.
Pourtant, malgré re,
vain
arrive sur des vagues de
sang: la brise du matin
douce
écla-
feuilles
le deuil
de la
ter-
quelle fête de surface s'est prépa-
rée, qui assure le
sur la
mort
!
triomphe de
La voûte
au-dessus des
toits,
la vie
céleste s^ouvre
des flèches d'égli-
ses et de la foule courant à ses plaisirs,
et laisse
tomber sur
71
les
choses
une poussière dorée, un rayonnement qui pique de la flamme aux brins
Des battements
d'herbe.
d'ailes qui
bruissent, se soulèvent, retombent, se
frappent, font taches sombres à l'horizon vermeil.
On
ne voit plus
les
arbres tendre au firmament des bran-
ches laides et dépouillées; une dentelle
verte a dérobé
bras nus.
De
le
cynisme de leurs
légers
nuages bordés
de lumière, qui passent lentement sur l'azur,
forment des
îles
diaphanes,
nous donnent à songer à des gondoles immaculées.
Vers pousse.
les lointains infinis, le
Premier baiser de
restre, c'est toi qu'il plis
vent
la vie ter-
emporte dans
de ses ondes avec
le
les
parfum
les
et le
tressaillement des choses, tandis que le
dieu Printemps, secouant dans
72
l'es-
pace éclairé sa tunique pourpre, ça et
là,
jette,
en pluie mystérieuse,
les
germes qui, demain, feront éclater sur le sol des milliards d'existences.
De
toutes parts, la résurrection
mence à sourdre du jacinthes
sol:
s'épanouissent
haute allure sur de
com-
tulipes et
avec
frêles
leur
tiges.
L'herbe a des senteurs exquises, et de la terre qui s'abreuve
rosée des aurores,
de la fraîche
montent des arô-
mes mêlés de jubilations sourdes, Dans l'atmosphère, on inarrêtées. croirait voir flotter des lueurs
pées de l'éternel Eden,
et,
échap-
au cœur de
tous les objets de la création, gît com-
me une rée.
parcelle de la splendeur éthé-
Dominateur, immuable géant
qui écrase la vanité des choses et des
73
hommes, dans
le
Mont-Royal
la lumière, riche
se précipite
de ses promes-
ses toujours accomplies.
Enveloppés par ce décor trépidant de renouveau, par cette levée universelle,
de verdures, d'arbres et
de roses, des vols d'oiseaux se
nent sur céleste,
folle,
les fils invisibles
traî-
de l'empire
cependant que, dans
l'irradia-
tion solaire des essaims d'abeilles pé-
tulantes se poursuivent, se taquinent
à n'en vouloir plus
finir.
Les buis-
sons creux s'ornent de feuilles nouvelles,
commencent à
taliers
aux oiseaux en amour.
se faire hospi-
Du
du blanc Est-ce un mirage des yeux ? Que non pas! !
frais cerisiers,
bouquets de pruniers et de vous êtes commes
les
cou-
ronnes des blanches épousées. Ainsi qu'elles,
vous ne vivez qu'un matin.
74
On
dirait
que
la terre pourrait être
heureuse, qu'elle se pare en cet espoir-là: et le
temps, par un miracle
magique, ne connaîtra plus
En
mort.
la
puissance, rêves, illusions, beauté,
fleurissent
humaine.
l'âme
Est-ce
que de neuves espérances ne vont pas s'ouvrir et la douleur s'arrêter? Ah! si
elle
allait s'éteindre
une
qui
fois
serait la dernière! Si elle consentait
à n'être plus l'hôte importun, accapermettre que la
blant de la terre et vie fût, désormais,
un long chant
d'a-
doration, d'enivrantes réaUtés!
Leurre, leurre immense!
temps versés,
éclaire des
des
Ce
prin-
cœurs vides, boule-
âmes aux
espoirs arra-
chés; et, sur des plaines labourées de
sang, piétinées par les chevaux, une
moisson de jeunes hommes, mes
75
frè-
res,
avides de clartés, et n'ayant pas
choisi la mort,
vont s'anéantir.
Alcibiade se meurt, Alcibiade va
mourir
!
C'est la mort
du printemps. Quelle
moisson dans nos pauvres leurs
têtes
yeux
filets
sanglants de
de
coupées! Jamais,
éblouis, elles ne verront
désormais, la beauté des matins ou la
magnificence des
soirs! Elles
ne
les
ouvriront plus sur les résurrections terrestres, la
mousse
les
près de velours vert,
fleurie qui lèche le tranc
des
arbres feuillus, les frondaisons d'or,
ou devant
le
rire
de
l'aube
qui,
s'achève en une
la journée révolue,
quotidienne apothéose de lumières fulgurantes, de labeurs finis et de cités
complètes.
Jamais plus
féli-
elles
n'entendront, dans la poésie des heu-
76
res qui agonisent, les oiseaux chanter
à travers
les cloches
du solennel
milieu
de
jamais plus
ront, en
voyant
ment
elles
du
ne pleure-
la lune glisser sur le
tombes aimées.
pâles
au
silence des nuits
sereines,
talus des
l'église, et,
Eternelle-
baiser mortel, elles ne
frémiront plus, ardentes d'orgueil trahi,
sous la caresse de l'amour et des
lèvres pâmées.
Elles
ne frémiront
plus!
.Non.
Mais
d'autres
rêve
poursuivront
leur
iront jusqu'au
bout de
la
êtres
intérieur,
la chimère;
ils
connaîtront sous toutes ses faces
en tâchant de se connaître à travers elle; ils
chanteront, dans
le
jour et la
nuit, le rêve entrevu, et s'efforceront
de faire oublier
les chefs
77
d'œuvre
é-
par
touffes
crime
le
européen,
le
chant inconnu qui aurait immortalisé
une âme
C'est
Néron
un nom.
et
défaite
la
du printemps!
lettes;
dit adieu à l'amour, il
Déjà,
s'en
a
il
va vers
aux vio-
la férocité.
commandé que Ton
des esclaves; déjà,
il
meurtre ses mains consacrer à l'amour.
tue
trempe dans qu'il
aurait
le
pu
Ironique, cris-
pé, Pétrone avec mélancolie déchire
son cantique qu'il dédiait au
Tous
plaisir.
Nérons, tous
les Alcibia-
des, d'ailleurs, s'élancent
au carnage,
les
au sac des
villes et
destruction vierges se
des
des hameaux, à la cathédrales.
Les
meurent de leur départ,
s'arrachent de leurs bras avec angoisse,
ploient
comme
jamais brisées.
78
des tiges à
.
Le printemps ironie
de
voit cette extrême
de la jeunesse, se
la terre,
levant tout armée pour l'œuvre de la
mort,
devant un
commandait
soleil
printemps est défait!
vers
le ciel la
que
le
ils
Le
Famour.
la vie et
tellement fort;
hier,
qui,
ont crié
Ils
ont tellement lancé
clameur de destruction
printemps aussi semble
gué, qu'il s'affaisse s'évanouir.
Ce
comme
s'il
fatiallait
donne
printemps
l'impression d'une chose brûlante qui
ne sera pas apaisée, ou, selon res,
de mourir avec
les
heu-
les êtres et les
choses.
Et qui ne porte en indicible dont, pris par
une
soi
chaque
un printemps
jour,
il
est dé-
fin crucifiante ?
Printemps sacré dont la renaissance me fut une mort si difficile! .
79
.
Printemps dionysiaque où, pour aimer, dans une nuit qui s'est éteinte,
des lèvres s'étaient mises à rougir!
Printemps ge,
quel que fût ton visa-
fini,
d'amour ou d'angoisse,
serré à
je te
garde
moi-même, comme une image
plus éloquente des heures qui se déro-
bent, une cicatrice où
sang de
j'irai
boire le
la vie.
Printemps qui s'émerveille de
même, printemps
lui-
vierge et musqué,
ironique et trompeur, oh! cher prin-
temps
libertin,
dont tous
quets secouent
les effluves
de
la tendresse et
vieilli!
Mais
je
de
bou-
les
du
désir,
l'espoir, tu
suis
si
jeune!
m'as Je
m'élancerai, invaincu, sur la route de l'espérance, acceptant toutes les
mu-
siques, et, aussi, toutes les fatalités.
Je souffrirai; je désirerai
80
mourir; et
puis,
je
me
relèverai
ments éphémères pour
des terrassedéfier le jour
et ses injures.
Je serai
le
poète déchiré par
pir de la nuit, les clameurs
du
le
sou-
réveil,
jusqu'à ce que, mille fois abattu, je redresse
mon
une dernière
front pour m'abreuver, fois,
des étoiles finales.
81
DOUCHES MOURANTES
(1)
NOCTURNE Des
fois,
on voulait, on aurait vou-
lu parler et
on ne pouvait pas de peur
que
rêve s'envolât
le
littérature
:
il
y avait de
du
étalée,
silence,
la
des
gestes las, retombants, des regards avides,
un ou deux cœurs contractés
dans Tamour, l'angoisse, te,
ou
je
ne
sais quel
la contrain-
mystère; jamais
vérité toute nue!
D'autres ple,
fois,
— ce
— on aurait parlé
soir,
afin
par exem-
que toute
la réalité se dessinât, prît les
propor-
tions d'une statue, de ce qui a été et
de ce qui
est: et
pour en
finir.
Et
Pour un cinéma où devant un
(1)
auditoire choisi qui comprendrait, plusieurs Poil de Carotte, sur une scène à demi dépouillée, seulement ornée d^une frise vivante d'Ernestine et de Félix, se diraient, en se saluant, à tour
de
presque sans voix, mais dis"Coco! Pauvre CocoP^
rôle,
tincts:
82
ensuite,
on
se serait
tû, peut-être,
à
jamais.
On aurait
clamé
afin
de se soustrai-
re à l'obsession, à l'idée fixe, folie et .qui sait ?
Le
un
fois,
on ne le ratera pas, quand on
aura trop souffert.
On
ne
le
ratera
C'est presque sûr; à moins
point!
que
la
suicide.
Evité plusieurs
suicide!
jour,
au
à
l'on puisse parler, et après, re-
prendre son bâton et s'avancer péni-
blement sur
la
route (ou cynique-
ment) avec au cœur des ,
tes,
des mots bus,
fallait
ment
étoiles étein-
des paroles qu'il
prononcer, et dont restera collé à ce
vérités mortes,
le
bruisse-
cœur
plein de
d'astres
éteints,
de
mots bus.
Et elle,
si
on écartait
le suicide, la folie,
pourrait nous prendre, la nuit,
83
quand
les
yeux sont
fixes, si fixes
qu'-
font mal, ou bien, le jour, devant
ils
une touffe de muguets ironiques, ou bien, le jour.
.
.
Oh! qui voudra
être assez
bon pour
permettre de parler, de parler?
On
a tant souffert,
petit,
jadis,
avant-hier, hier, les années passées et
depuis décembre, et depuis toujours.
On
On
a tant souffert!
a tant pleuré!
Qui nous donnera de
le
dire et,
ce que l'on
après l'avoir
dit,
être
voudra qu'on
soit,
tout simplement
?
Avec magnificence, avec détachement, avec noblesse ou
faiblesse,
avec
brisure et roses sur cette brisure,
—
tout simplement.
Mais, parce que l'on a beaucoup souffert et avec le,
une puissance spécia-
inconnue de Monsieur-Tout-le-
84
Monde, qui voudra
être assez
bon
pour nous permettre de parler une toute dernière fois? Si on voulait!
Et
cela
pour n'être pas fou, pour
ne pas mourir dans
un
fleuve
le
pistolet; et cela afin
ne pleure pas,
donna au monde
maman maman qui
que
pauvre
la
ou sous
plus enfant des
le
enfants. Parler!
On
Où
est
On
a tant souffert!
et plus rire,
mal? Voyons!
le
a tant pleuré!
que quiconque de
de la
joie,
la faim,
du
de la peur, des mots,
et de tant de choses.
Parler!
On
est
le
mal? Voyons!
On
a tant souffert!
et plus
a tant pleuré!
que quiconque de
toutes les et
Où
soifs, et
la soif,
de
de tant de choses,
du vide de toutes
85
les choses!
Parler! Accorder cette petite chose et après avoir tout dit, se regarder
dans
les
yeux
et puis s'en aller,
—qui
vers l'inconnu, qui vers la paix qui n'est pas la paix.
Oh! parler pour ne pas
parcequ'on se sent enveloppé de
et la
s'éteindre,
mort de son âme, du
cri
de sa chair,
de son front qui croule et se creuse
dans l'angoisse de l'amour.
Oh! vant
parler.
.
Et
après, rester de-
la nuit mystérieuse, les
jointes, haletant, détruit,
mains
opposer à
sa grandeur criblée de blessures d'or,
un cœur, volontaire comme et
où vibrent
res
du
Oh!
les
flèches
désir empoisonné. parler.
.
86
l'instinct,
meurtriè-
—
PAROLES A LA MORTE Nous avions les
fermé, les portes sur
des années qui vien-
fantômes
Et, afin que tou-
nent de s'éteindre.
dont est composée
tes les choses
la
vie d'hier adoptent l'attitude glacée
de ce qui n'est plus, nous élevions des
monuments de
sombre sur
granit
dans
routes parcourues et tière
le
les
cime-
de nos pensées. Semblables à
des saules pleureurs,
de notre
âme
les palpitations
allaient se mêler et se
fondre en un bouquet éploré dont
les
larmes se répandaient autour des fosses muettes.
Puis, voulant abolir tout le passé,
nous
avions
mort en un
promené
défi lancé
ces possibles.
Et
le
87
le
feu et la
aux renaissan-
jeune
homme,
celui qui
meurt chaque jour en nous,
—nous l'avions dévoué, avant l'heuau sommeil des défunts.
re,
Il
dor-
mait enroulé dans un manteau
d'i-
gnominie, tissé de nos mains tremblantes.
Percée de mille flèches, pau-
vre colombe éloquente, la sensibilité
On
traînait ses ailes dénudées.
eut
dit qu'elle se voulait repaître des souffles
glacés flottant sur une
meurtrie
A
de
silence
demie morte,
core;
elle se
bouche
de
et
néant.
soulevait en-
une plainte sourde tourmenElle ne consentait pas
tait l'espace.
à mourir;
elle se forgeait
une revan-
che sur la raison, l'indifférence,
les
nerfs domptés.
Et
voilà
mourant
que,
tressaille
raît à la lumière.
soudain, ,
le
jeune
s'éveille et repa-
Vainqueur de
la
mort, que vient-il accuser l'existence ? Si,
du moins,
kespeare,
pareil
au héros de Sha-
allait parler
il
Mais
d'un dieu.
la façon
des choses à
tion des grands mystères ne
la révélajaillit
pas
de ses paroles. Il
triomphe à peine de son tom-
beau.
La chevauchée
encore au front: ce vivant
l'effleure
reste enchaîné
Son cœur passé.
Ombres
des
Il
aux
rives élyséennes!
est plein des cloches
du
s'enivre à les écouter; ja-
mais leurs accents ne l'ont repris avec autant d'oppression, et dans qui coule ses
la nuit
mystères autour des
demeures, et que, seules, troublent des plaintes d'airain,
il
devient un ins-
trument qui éclate sous souvenir.
89
les
coups du
Le
avec lenteur, et
soir se déplie
comme
voulaient s'imprimer sur
s'ils
ses veines, les astres
dardent leur
muets
et cruels
jet glacial et meurtrier.
Malgré leur
ironie
lointaine,
mais
réelle, ils offrent
un aliment à son
mysticisme car
voit en eux une des
;
formes de
veilles
plus hautes de
les
fois,
il
il
les
l'infini.
Que
retrouve au bord de ses
— témoins
narquois,
silenci-
eux, qui contemplent les fièvres de et
l'œuvre
charnelles.
Que de
l'esprit
de destructions fois, les
sachant
toujours jeunes en présence des vres de l'analyse et la
douleur,
il
les
fiè-
du spectacle de
accuse d'être des
énigmes orgueilleuses de leur impassibilité.'
J'accueille
avec
le désir
les
de
leçons
me
90
de la nuit
pénétrer de leur
sagesse ou de la mélancolie majestu-
euse dont s'enveloppent les arbres,
firmament
d'apparitions table.
Un
et la terre.
Elles
errent
me
groupe
autour de
prennent
les
le
ma
mains,
me rendent les étreintes finales que je leur donnais jadis, quand, logées dans
un corps humain, la vie sans le
elles
savoir.
abandonnaient
Au
milieu de
toutes, j'aperçois l'image sacrée d'une
femme, recouverte d'un
voile léger
que percent deuxregardsremplis d'angoisse;
pudique et discrète dans
mort comme
ici-bas,
elle
dérober ses blessures.
la
cherche à
Cette exilée
garde ses traits terrestres.
Dans son
séjour édénien, elle n'a pas revêtu,
pour l'hallucination qui de grâce idéales.
communiante,
me les
pénètre
formes
Je la sens en chair et en
91
os.
Et je l'aime
ainsi, car
elle
m'est plus
ressemblante, plus humaine: je peux la croire encore vivante.
Ses pâleurs et ses désespoirs, créant le désarroi
variable
tragique d'une souffrance,
selon les heures, lui
saient jadis
compo-
un fantôme de beauté.
Moderne Cléopâtre qui dédiait au temps le fruit amer de sa mélancolie!
Que j'eusse voulu transformer
larmes en diamants, les
pour
et,
injures de demain, couler
tes
défier
en une
forme matérielle, l'apparence de ton
âme, l'ombre de
tes cils,
voluptueuse détresse.
chauds de
Je ne
peux
pas t'oubher, créature immobile, tou-
mon désir, que la mort me vola.
jours collée à se
ô chère déesHélas! nous
nous retrouvons désormais dans ternité souffrante de nos
92
l'é-
deux âmes.
Non! Non! Non! J'ordonne aux ténèbres d'être un cauchemar dissipé. Les jours propices à notre roman
me
redeviennent réalité triomphante. Je
mêle
te parle; je
lèvres
aux
la respiration
tiennes.
s'exalte le poète des
En moi
ment de
la nuit qui
l'amour!
le
es,
que à
souffle
de ton haleine et
tes doigts pâles sur le désor-
mon
Mais tu cher.
Je te con-
insomnie: prends-la; brûle
mon cœur du dre de
cerveau.
t'avances, tu vas
Je te supplie de rester
dans
mon
gémisse-
Ecoute tous nos baisers
mon
promène
veil-
nous rappelle à
qui rechantent! Suis-moi. sacre
habite et
amoureuses
Je te parle! Ecoute
lées!
de mes
le
décor
caprice
composer.
des
là
tou-
où tu rêves
funèbre se plut
Balance-toi
93
me
devant
mes yeux couverts de saisissable
comme ton existence et
ces
chimères d'or qui s'appuy-
petites
un
aient
pleurs, sois in-
instant, le soir, sur tes poi-
gnets veinés de bleu, et s'en allaient se perdre à travers les gouffres de la
Ainsi, tu es toujours le sphin-
nuit.
ge immobile, à la poitrine défoncée,
ne livrant qu'à demi son
compte
tes rides et,
secret.
Je
pour t'aimer sans
mesure d'être morte de ta souffrance, je t'analyse et
recompose
poème de
le
tes jours.
Tu murmures, Non,
tu
sois silencieuse.
veux parler?
Que
lèvres fondues d'exprimer
che contre
le
destin? Si
sert à tes
un repro-
le
temps a
battu en ton âme, semblable à une
machine pas,
il
nerveuse qui
ne
s'arrête
a atteint son expression suprê-
94
me, car
il
a été dévorant.
N'aper-
çois-tu pas, autour de toi, des formes
qui n'ont pas su vivre et qui sont la
Que
honte du royaume des morts?
tu es belle ainsi, consumée par toi-
même,
fixée
dans
mort, et souve-
la
raine sous tes sensibilités innombrables!
Je ne te prête pas une taisie,
A
âme de
fan-
créée par la fièvre et les regrets.
mon esprit et la chaleur passionnée de mon âme, tu n'emrevivre dans
une
pruntes pas lancolie,
me
des
de
mé-
femme
subli-
vertu
airs
de
et résignée; tel qu'il est, ton
que s'approche. tristes ainsi
vois cette
mas-
Je vois ces yeux
que des eaux pâles;
bouche qui
disait le
je
dégoût
et l'amour; je ressens l'angoissante
95
vérité de ton être, et ce geste de malédiction,
venu de
le et l'orne
tes mains, jeracceuil-
de baisers.
Je suis sourd à tes désirs germes
dans un autre monde.
Aie
la
gran-
deur du silence au milieu de la raison de tes martyres!
mon
flo-
Pardonne à
égoïsme, qui te veut déchirée
toute par la roue de la destinée et dé-
daignant de te plaindre.
Mais tu ne veux
rien entendre, et
tu évolues au milieu
de tes grâces,
reconquérant en une minute, tous
les
caractères d'autrefois; et ces charmes, sortilèges, et
comme l'ombre
de ce
tis-
su corporel, trésor inoublié qui se compliquait de nos ardeurs confondues.
Ah! Ah! tu
tourbillonnes en
tu te maries à
ma
moi;
chair, insatisfaite
des voluptés que tu goûtais jadis, et
96
humaine au-delà des humaines, tu redescends. Ah! Ah!
vers lesquelles,
je ris,
mais de ce que tu
me fais gémir Je suis
sous ta caresse désordonnée. ivre de
bonheur
victoire est-ce
me
et
de regret! Quelle
donc que
la tienne,
de
soumettre ainsi à ton empire et à
ta déraison, ô
Vénus défunte,
et qui
m'est plus vivante que toutes celles qui pervertissent la nuit ou aspirent le
jour véritable!
Je maudissais
même:
hommes
et
moi-
ta vision fut la douceur qui
sauve.
Mon
renaître et de vers
les
toi.
cœur
stérile
vibrer
vient de
en s'élançant
Je te salue, libératrice de
la sécheresse!
De
vaines pensées et
des soucis vulgaires se déprennent de moi, tombent
comme
des liens brisés.
La tunique du sarcasme
97
et
de
l'or-
gueil taciturne glisse de
Je
me
âme
mes
épaules.
dresse dans la nudité de
mon
première et je lance des hymnes
à la gloire de la nuit, des forces et des douleurs humaines.
Ma
vérité est revenue danser de-
vant moi, et m'a rendu
nous ressuscite à
ressort vital qui
vraie vie et à l'espoir. ais sentir
mes de
dans l'être,
Fillusion, seul
Hier, je croy-
les fibres les
que
la
la
plus inti-
vérité
était
morte, qu'elle gisait sous une terre sans figure, identique à la cendre de l'oubli,
jamais,
que si
l'on
ne
la reverrait
ce n'est en rêve et gâtée par
l'horreur et le crime de la nature. je disais,
Et
m'abandonnant au déses-
me
ma
que
tes
regarderont plus en
me
poir: "C'est vrai,
''yeux ne
de
vérité,
''courbant d'amour ou de chagrin;
98
''c'est
que
vrai
''que
dans
"que
tes
ne te sentirai plus
je
vent qui passe;
le
mains sont
"front, déjà détruit,
"les
mémoires
Tout
"vrai!
Mais,
tense.
"Lumière
imagina-
âme, refuges de vie
in-
chemins de l'expérience,
ce n'est l'illusion ?
L'homme
crucifié
et sa chair, ce corps à
où
mon
qu'est-ce qui existe, d'ail-
leurs, sur les si
cruelle!"
vérité est revenue exécuter
mon Et
un vain
s'effacer!"
une pavane devant tion et
cette
s'abolissent
cela n'est pas
je clamais:
ma
un peu de
et les pensées; c'est
mensonge qui va
Et
glacées, et ton
commune où
"poussière
c'est vrai
la
dans son esprit
demi automate
pensée se traînait, exsangue,
privée de cette sève qui
monte des ra-
cines, vivifie le sourire, les
99
mots, l'en-
semble des actes humains, fut donc
un
rêve
mauvais
qui
Aimons que de la mort
dissipe.
se
sorte l'éblouis-
Désor-
sement des résurrections! mais,
vant
je
ne blasphémerai plus de-
la réalité, je verrai
en
elle
non
une ennemie, mais une faiseuse de beau, celle qui suscite
le divin!
l'accable de mépris souvent,
On
on vou-
drait lui faire porter tout le poids de
nos petites misères, on la maudit tout court d'être ce
qu'elle
Nous
est.
devrions la bénir; elle nous révèle à
nous-même,
elle
nous apprend ce que
nous sommes et ce que nous ne serons jamais.
Que
je serais injuste
de ne
pas la chanter, de ne pas reconnaître
en
elle la
génératrice des plus solides
pensées et des
mouvements
certains de notre être affectif.
100
les
plus
Abais-
le
caprice de nos fan-
taisies; brisons là,
en signe d'homma-
sons à ses pieds
du cynisme
ge, cette fête
traversée de gaîté
folle,
et
du doute,
exagérée, et
qui nous vouait à la banalité. re
une
fois,
Enco-
louons-la pour cette vertu
qui peut surgir de ce qu'elle a de
méprisable. Il
a
suffi
.
.
à la sylphide de retomber
dans l'imagination, et
homme
que
j'ai
cher vieil
le
tant aimé ressuscita.
Dire que j'avais croisé
les
deux mains
sur ces restes imaginaires! n'était pas
néant. il
Je
mes
il
couché à jamais, frappé de l'ai
habitait à
tête,
Non,
senti se glisser
en moi,
nouveau mon cœur,
sens.
J'ai
voix qui passait sur
ma
ma
réentendu sa langue et
parlé, gémi, crié avec lui.
Il
j'ai
n'est
pas jusqu'aux larmes versées qui n'é-
101
taient
parentes de celles de jadis,
quand
il
me
sentier et glant,
il
conduisait au bout
que
vécu en
être, si
donner
dépouillé, nu, san-
m'arrachait des plaintes sous
ses lanières. j'ai
là,
du
Il
a revécu en moi, et
Cher
lui.
être de
mon
prodigieusement capable de la souffrance et
de la donner
à ce point qu'elle se change en une Je ne cherche pas
sorte de bonheur!
en ce
moment
si
tu es vilain, condam-
nable; je te subis avec amour.
ou
ce toi qu'il faut célébrer,
qui t'a fait sortir de la tombe. :
.
.Petite reine des
Est-
le
rêve
?
Ombres, élue entre
mon moi, je te bénis de me ressaisir en me dominant. toutes à la garde de
Aujourd'hui, tu rénoves, à l'Univers;
il
mes yeux,
prend un autre sens de
se charger d'une poésie
102
que
j'igno-
Je ne suis plus un mutilé banal,
rais.
dans
errant, sans gloire,
le
cimetière
de mes souvenirs: chacune de mes blessures adopte une signification et
me
crée
un
ordre, plus
que
harmonies gémissantes quand courbe sur
je
me
Et, revenu de ces
elles.
visitations intimes, je suis
des
cela,
narguant
le sort,
quelqu'un qui chante sous
rafale dévastatrice
la
du temps! Le can-
tique de la beauté universelle s'avive
sur
mes
lèvres,
cette
et
musique
s'accorde avec les thèmes douloureux
mon âme, lacérée
de
par
Félicité double et qui
les
rythmes.
commande
àla
vibration des sentiments amoureux!
Je voudrais qu'un
cri
d'amour fût
digne de ta splendeur, glorieuse malgré les ler
le
pleurs
miroir
qui
de
103
tes
veulent souilyeux.
Mais
les
mots, hélas! peuvent-ils renfermer
l'adoration
du cœur ? Pour
me
encore, je j'étends les
te garder
précipite sur tes pas,
mains vers ton corps fuy-
ant et dépouillé, et veux m'enivrer à
sang imaginaire qui y est res-
boire
le
té.
Attarde-toi!
nouveau,
dans
tes
comme semble
Sur
si
Ne meurs pas à ou bien prends mon front mains, et regardons-nous
nous
allions
mourir en-
!
les coulées
de l'heure,
sois,
du
moins, une gloire de la mort en per-
dans cette humanité que j e
sistant refaite
!
Et que ton
sourire relève
volontés défaillantes,
mes
un cœur esclave
de l'espérance et du regret.
104
t'ai
DOUCHES GÉMISSANTES
(1)
PETITES PLAINTES SUR PASSÉ REVENU
A
LE
Psyché, irraisonnahle.
y a des mots qu'on voudrait
Il
avoir dits et qui ne seront jamais
prononcés. Il
y a des larmes de bonheur dont
on ne boira pas l'enivrante ambroisie. Il
y a des inconnus qui ne seront
pas pénétrés, et des flammes entières qui ne consumeront pas notre être.
Dans
le possible,
dorment des
cris
d'amour qui ne seront pas entendus de
toi,
(1)
pauvre Psyché!
Pour un
cinéîïia
où chaque
chose semblerait fané, plein de cendres, sous des vols de feuilles mortes.
105
y eut des
Il
où tu
soirs
criais ta
passion et tes angoisses devant implacable.
ciel
y a des
Il
sur
un
le
plaintes
que tu as
chemin, plaintes
comme
jetées
jamais
personne n'en pourra entendre et qui auraient réjoui des cœurs féroces.
Et tu les as laissées, ces plaintes, au murmure de la nuit, tu ne les pas reprises:
gerbes éparpillées
connaîtront pas
mot
le
un
survit.
dans Il
ne
qui enserre,
le
mot semblable à
mot
qui enchâsse et
qui scelle,
fermoir, le
le lien
qui
sont toutes perdues,
Elles
la nuit; toutes, celles-là.
y a des mains connues de
Psyché, qui taires,
toi,
se sont étreintes, soli-
dans un
délire
lOU
si
beau que tu
croyais
devenir mortes
sentir
les
d'avoir tant frémi pour l'espoir. Il
y a un
Psyché,— (je
être,
tra-
duis tes plaintes et tu m'agaces assez, éternelle plaigneuse,
qui
me
force à
l'impudeur), qui, replié sur lui-même, se purifiait
au feu de
ses artères.
y a l'impossible, qui serait devenu une réalité matérielle et divine, si la marche du destin voulait s'interIl
rompre pour
le délire
des fronts, des
lèvres et des corps. Il
y a toi,
enfin,
ô Psyché malade,
qui ne chanteraSplus ou
à^s
si
mal
et qui,
heures, veutCtellement mourir.
107
ADIEU PSYCHE Adieu, Psyché!
Je romps avec
toi:
tu
presque une étrangère,
et,
une morte
Je
te
deviens
à coup sûr,
comme
vivante; tu seras
tu n'existais plus.
mais
me
ferai désor-
la vie dure. et rares les heures
f écouterai moment
tes reproches, les désirs
retours vers
et tes
si
le
où
du
passé.
Je nais à une autre forme de
vivre.
Déjà, je f avais infligé une humiliation
profonde en J'aurais
pu
te te
condamnant au cinéma. laisser
où tu savais trop bien de
tes
j'ai
ruses
et
de
choisi de
infâmes profanes.
où,
dans te
parer
et
te
conduire à ces
t'ai détruite
lant!
108
jouir
Mais,
tes désespoirs.
se précipite la
Je
la solitude
lieux
cohue des
en
te
révé-
Adieu, Psyché! J'ai ramassé en faisceau^avec quel-
ques instruments de ton supplice, des roses fanées, des sensations refroidies, toute
une moisson de
de voeux inassouvis.
désirs crucifiés,
Emporte-les.
Dans un moment, ô Psyché, le propriétaire du cinéma viendra annoncer que tu
amer que
ma
c'est ta ciguë!
tant
Bois ce breuvage
morte.
es
geindre
cruauté a su
distiller:
Et sache mourir en écouune
fois
dernière
tes
blessures.
Meurs, 6 Psyché, parceque tu fus Je juste et que tu as chéri ta vérité. garderai
le
souvenir de
ques où semblait
tes
yeux glau-
s'être arrêtée
une mer.
Je ricanerai éternellement de qui montait de
tes
109
veines,
et
la fièvre
de ces
hiens qui,
en
toi,
se
changaient en
angoisses.
Mais avant
qu'il
ne subsiste de
qu'un souvenir indécis, je
ma
poitrine
dilatée,
te
chère
ta vertu
presse en
pauvresse
éblouie, si morte d'avoir vécue, et pour-
tant encore frémissante d'être rivée à la loi
commune du
Adieu,
ma
sacrifice et de la mort.
tragique Psyché!
110
TABLE Pages
Un Homme d'Ordre
7
Sur les Petits Chapeaux
23
Garçon
31
C'ÉTAIT UN P'tit
Phèdre
38
Mademoiselle Italie
44
Les Teddy Bears en Khaki
53
La Défaite du Printemps
69
Nocturne
82
Paroles à la Morte
87
Petites
Plaintes
sur
le Passé
Revenu
105
Adieu Psyché
Imp. Paradis-Vincent
108
&
Oie,
Rue Beaudry,
'Y
320.
Montréal.
.
D£PT. APR.1S1S5S ^^'^-^rC v#,-
PN 1997
Dugas, Marcel Henri Psyché au cinéma
D9
PLEASE
CARDS OR
DO NOT REMOVE
SLIPS
UNIVERSITY
FROM
POCKET
THIS
OF TORONTO
LIBRARY